Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
vendredi 14 mai 2021
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Vol. 45 N° 1
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Montpetit, Marie
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Guillemette, Nancy
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Jacques, François
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Picard, Marilyne
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Picard, Marilyne
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
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Montpetit, Marie
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Birnbaum, David
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Ouellette, Guy
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Guillemette, Nancy
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Montpetit, Marie
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Maccarone, Jennifer
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Ouellette, Guy
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Hébert, Geneviève
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Jacques, François
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Guillemette, Nancy
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Picard, Marilyne
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
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Montpetit, Marie
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Birnbaum, David
9 h (version révisée)
(Neuf heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mesdames messieurs, nous allons débuter la séance. Ayant constaté le quorum…
Des voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Parfait. Donc, merci, Me Filion et M. Maclure. Nous allons… Moi,
je viens de tout perdre ici, là. Ah! c'est revenu. Donc, nous allons débuter
les remarques préliminaires, et après nous vous inviterons, là, à faire votre
présentation.
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la commission <spéciale…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
Ah! c'est revenu. Donc, nous allons débuter les remarques
préliminaires, et après nous vous inviterons, là, à faire votre présentation.
Donc, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la commission >spéciale...
(Interruption)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il y a beaucoup de technique ce matin. On peut y aller? Merci.
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la commission spéciale sur l'évolution des soins de vie ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Aussi, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour permettre au député
de Chomedey de participer à la séance. Consentement accepté.
Donc, ce matin, nous débuterons avec les
remarques préliminaires puis nous entendrons, par visio, les groupes suivants :
M. Jocelyn Maclure et Mme Nicole Filion, coprésidente
et coprésident du Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et de l'aide
médicale à mourir, la Dre Mona Gupta et la Commission sur les soins
de fin de vie.
Remarques préliminaires
Donc, j'inviterais ma collègue la
vice-présidente Mme Marie Montpetit, députée de Maurice-Richard,
à nous présenter ses remarques préliminaires.
Mme Marie Montpetit
Mme Montpetit : Oui. Bonjour.
Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bien, écoutez, très
heureuse d'être là ce matin pour entamer ces travaux. Je sais qu'on n'a pas
énormément de temps pour faire ces remarques préliminaires, mais simplement
dire que je suis bien heureuse d'agir à titre de vice-présidente sur cette
importante commission.
• (9 h 20) •
On le sait, Québec a toujours été... a été
un leader, a été un précurseur dans la question de l'aide médicale à mourir,
puis je pense qu'aujourd'hui on commence vraiment une... on entame une nouvelle
étape qui est extrêmement importante sur des questions complexes, sur
l'inclusion possible de gens qui sont inaptes à consentir, de personnes qui ont
des troubles de santé mentale, des troubles mentaux graves. C'est des questions
qui sont certainement complexes, qui sont certainement sensibles, toujours,
quand il est question de mort, de souffrance, de dignité humaine, mais je
trouve ça très important qu'on prenne, justement, le temps de le faire comme
parlementaires.
Je vois qu'on a déjà les premiers experts
qui sont arrivés aujourd'hui pour avoir un échange avec nous. On a fait une... On
sera accompagnés dans ces travaux, justement, d'experts de très haut niveau qui
ont fait des réflexions préalables sur ces questions-là et qui pourront
certainement venir nous guider dans nos réflexions, parce que la question n'est
pas simple, tant au niveau éthique, tant au niveau moral mais tant au niveau de
son applicabilité non plus.
Donc, je suis certaine qu'on pourra le
faire. Et je suis heureuse qu'on le refasse, <encore...
Mme Montpetit : …
sur
ces questions-là et qui pourront certainement venir nous guider dans nos
réflexions, parce que la question n'est pas simple, tant au niveau éthique,
tant au niveau moral, mais tant au niveau de son applicabilité non plus. Donc,
je suis certaine qu'on pourra le faire, et je suis heureuse qu'on le refasse
>encore cette fois-ci, de façon transpartisane et qu'on entame ce
dialogue-là avec la société également, sur… puisque c'est elle aussi qui a
demandé, au cours des dernières années, que ces questions-là soient abordées. Et
donc très heureuse d'être ici avec vous. Je le fais avec beaucoup d'humilité,
parce que c'est des questions qui viennent changer la place d'une société mais
qui viennent également répondre à des enjeux qui sont souvent très déchirants
dans la vie d'une personne ou dans la vie d'un proche aidant également. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...préliminaires. Pardon?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. J'inviterais le député de Gouin, maintenant, à faire ses remarques
préliminaires.
M. Gabriel Nadeau-Dubois
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Votre invitation initiale, je pense, avait
été bloquée par des problèmes techniques. Ça va nous arriver. Ce n'est pas
l'idéal, mais j'espère qu'on sera en mesure de mener nos travaux tout de même
rondement.
Bonjour, tout le monde. Très content
d'être ici. Et je ne m'étendrai pas très longtemps, juste vous dire que je
trouve ça très important, l'exercice auquel on va se prêter dans les prochaines
semaines et les prochains mois ici, à la commission. Je nous souhaite de suivre
une belle tradition, je pense, québécoise qui a été inaugurée, il y a quelques
années, sur cet enjeu-là, une tradition de prendre le temps de réfléchir à ces
enjeux-là, prendre le temps d'y aller en profondeur, ne pas faire l'économie de
ces discussions-là, même si elles sont difficiles, même si elles sont
sensibles.
Puis, deuxièmement, je dirais aussi, il y
a une tradition québécoise de procéder de manière transpartisane sur ces
questions-là, de ne pas se laisser dévier dans nos réflexions par les objectifs
partisans, par nos orientations politiques, celles de nos formations
politiques, mais de vraiment tenter de mettre ça de côté pour, d'abord, écouter
les experts, puis les gens qui vivent les situations également.
Je nous souhaite des réflexions fertiles.
J'espère qu'on va avancer tout le monde ensemble là-dedans puis surtout
j'espère qu'on va aboutir sur un consensus social et politique le plus large
possible. Je nous souhaite d'aboutir à des recommandations qui vont unir la
société québécoise autour de cette question-là. Je nous souhaite d'entendre le
plus d'opinions possible, divergentes, parfois nuancées, parfois plus cassantes.
C'est correct. Je nous souhaite vraiment d'entendre le plus de gens possible
avec le plus de perspectives possible et de cheminer dans une réflexion
collective vers des recommandations qui seront les plus consensuelles possible.
Ça fait que c'est mes souhaits, c'est mes
attentes <pour les…
M. Nadeau-Dubois : ...
parfois
nuancées, parfois plus cassantes, c'est correct, je nous souhaite vraiment
d'entendre le plus de gens possible, avec le plus de perspectives possible, et
de cheminer dans une réflexion collective vers des recommandations qui seront
les plus consensuelles possible.
Ça fait que c'est mes souhaits, c'est
mes attentes >pour les travaux qu'on entame aujourd'hui. Je suis très
content de faire partie de cette commission-là. Je nous souhaite des débats et
un dialogue constructifs, productifs. Je pense que c'est ce que les gens qui
nous ont élus s'attendent de nous. Alors, allons-y, chers amis, chers
collègues. Je suis très content d'être parmi vous pour cet exercice-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je passerais maintenant la parole à la députée de
Joliette, Mme Hivon.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour. Merci. Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, chers
collègues, je suis vraiment très heureuse, même émue un peu d'être parmi vous
ce matin, d'amorcer, donc, cette nouvelle phase des travaux sur ces enjeux-là,
très importants, de l'aide médicale à mourir en contexte de maladie, par
exemple, neurodégénérative, d'inaptitude et aussi de troubles mentaux. Ce sont
des questions extrêmement complexes mais extrêmement importantes.
Et on a un privilège incroyable, c'est
celui d'être des élus de la population. Et je pense que la meilleure manière
d'exercer notre rôle d'élu, c'est que, quand il y a de ces enjeux aussi
sensibles qui habitent nos concitoyens, qui habitent les gens que nous avons le
privilège de représenter... c'est de prendre nos responsabilités à bras-le-corps
et de permettre que ces débats-là puissent se faire en toute ouverture, en
toute transparence, en entendant tous les points de vue et pour pouvoir bâtir
le plus grand consensus possible mais surtout d'évoluer tout le monde ensemble,
experts, citoyens, élus, pour que la société sente qu'elle marche dans une
direction et qu'on n'a pas peur d'affronter ces débats-là, qui touchent les
gens dans ce qu'ils ont de plus profond, humainement, socialement, je vous
dirais aussi médicalement, éthiquement. Donc, c'est un grand privilège, et je
prends la pleine mesure de ça.
Je pense qu'effectivement on a fait un
grand pas en étant des précurseurs au Québec. On a inspiré beaucoup, et je suis
confiante qu'il va se produire la même chose avec les travaux qu'on amorce
aujourd'hui parce qu'on les fait en étant guidés par les meilleures volontés et
valeurs possible.
Et je veux juste dire, en terminant, que
ça, c'est la première phase que nous amorçons, avec des experts de haut niveau,
mais que, tous les gens qui nous suivent et qui s'intéressent à la question,
sachez qu'il y aura une deuxième étape plus tard, à la fin de l'été, où nous
allons entendre citoyens, groupes d'intérêts, organismes qui voudront venir
nous présenter leurs points de vue pour avoir le débat le plus riche possible. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Le député de
Chomedey va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi aussi, on peut
être très <heureux...
Mme
Hivon
: …
venir
nous présenter leur point de vue pour avoir le débat le plus riche possible.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette :
Le
député de Chomedey va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi
aussi, on peut être très >heureux de faire partie d'une commission transpartisane
sur un enjeu aussi important que celui-là.
On aura aussi, au cours des prochaines
semaines et avec les échéances qu'on a, de novembre, une responsabilité. C'est
une responsabilité qui est grande. Et, MM. et Mme les experts qui nous
écoutez, nous sommes tout ouïe et, en toute humilité, nous espérons que vous
nous éclairerez pour que notre travail de législateur soit bénéfique pour
l'ensemble des citoyens du Québec. Merci, Mme la Présidente.
La présidente, Mme
Nancy Guillemette
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je tiens à remercier tout le personnel qui est
ici ce matin et qui m'accompagne. Vous voyez, il y a une grosse technique, et,
sans eux, on n'y arriverait pas. Et on a une équipe, au secrétariat, qui fait
un travail extraordinaire avec efficacité et rapidité. Salutations également
aux collègues. C'est un réel plaisir de travailler avec vous. C'est rare qu'on
a… C'est vraiment, vraiment rare qu'on a la chance de travailler de façon
transpartisane et c'est vraiment agréable de le faire. Et on a à apprendre,
tout un chacun. Donc, merci d'être là et d'avoir accepté ce mandat. Merci
particulier à tous ceux et celles qui viendront partager leur expertise et leur
expérience. C'est grâce à vous qu'on pourra élever nos discussions.
Depuis 2014, vous savez, on a une loi sur
l'aide médicale à mourir. On a été des précurseurs. Mais, depuis ce temps, il y
a eu des nouveaux éléments qui se sont ajoutés, et maintenant la société nous
demande de prendre compte de ces éléments-là. Donc, c'est un enjeu important. C'est
un enjeu que nous devons traiter avec respect et diligence. C'est un sujet
sensible et délicat, et ça vient confronter aussi nos valeurs mais également
notre propre finitude. On ne s'interroge pas souvent sur notre propre finitude,
et ça peut être confrontant d'en discuter.
• (9 h 30) •
Donc, nous entendrons des experts, mais
nous voulons aussi vous entendre. C'est un débat de société important. Je vous
invite à nous suivre sur le site de l'Assemblée nationale. Et bientôt vous
aurez accès à une consultation publique en ligne. Je vous invite à partager
avec vos collègues et vos amis et à en discuter pour qu'on puisse élever le
débat de façon satisfaisante.
Auditions
Je cède maintenant la parole à nos deux
premiers invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure, pour une
période de 20 minutes.
Mme Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure
Mme Filion (Nicole) : Alors, <bonjour…
>
9 h 30 (version révisée)
<18247
La
Présidente (Mme Guillemette) :
…pour qu'on puisse élever le
débat de façon satisfaisante. Je cède
maintenant la parole à nos deux
premiers invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure, pour une
période de 20 minutes.
Mme Filion (Nicole) :
Alors, >bonjour, tout le monde. D'abord, peut-être vous parler de la
méthodologie que nous avons employée dans le cadre des travaux du groupe
d'experts, travaux du groupe d'experts qui se sont déroulés sur une période de
18 mois, soit entre décembre 2017 et juin 2019. Au total, il y a
eu 17 réunions, à raison de huit heures par jour.
Nous avons eu le privilège de réunir des
experts qui étaient issus de plusieurs domaines différents, soit les domaines
de la médecine, de la pharmacie, des sciences infirmières, de la psychologie,
du travail social, de la philosophie, du droit et aussi de la défense des
droits des usagers. Ces experts-là, tous réunis ensemble, ont exprimé des
opinions à titre individuel en tant qu'experts dans leurs domaines respectifs.
D'abord, les rencontres du groupe
d'experts ont été, pour nous, l'occasion de se familiariser avec les
différentes dimensions des enjeux qui étaient au coeur du mandat mais aussi de
se familiariser sur les nombreux défis, là, qui étaient rencontrés sur le
terrain par les professionnels de la santé. Donc, pour ce faire, nous avons eu
l'occasion d'entendre aussi différentes personnes qui ont été invitées à nous
partager soit leurs travaux scientifiques ou soit leur expérience pratique. Au
total, nous avons invité 22 professionnels, chercheurs ou représentants
d'organisme, qui sont venus enrichir la réflexion des membres du groupe
d'experts.
Le rapport, intitulé L'aide médicale à
mourir pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre
entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence, je
pense que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance puisqu'il a été
déposé pour les fins des travaux de la commission. Donc, ce rapport-là contient
14 recommandations. M. Maclure et moi, ce matin, allons nous… (panne
de son) …sur les recommandations que je pourrais qualifier de plus importantes
pour les fins de vos travaux. Fait à signaler qui n'est pas banal, malgré des
points de vue divergents, au départ, qui étaient partagés par différents
experts, au terme des travaux, nous avons réussi à atteindre un consensus sur
les 14 recommandations.
Je veux vous rappeler le mandat du groupe
d'experts. <Il est à la page 17 de notre…
Mme Filion (Nicole) :
…différents experts, au terme des travaux, nous avons réussi à atteindre un
consensus sur les 14 recommandations.
Je veux vous rappeler le mandat du
groupe d'experts. >Il est à la page 17 de notre rapport. Alors, je
le résume brièvement. Nous avions «pour mandat général d'examiner la
possibilité que des modifications soient apportées à la Loi concernant les
soins de fin de vie, après avoir évalué les enjeux cliniques, éthiques et
juridiques en cause.
«Plus précisément, le groupe d'experts
avait pour mandat : d'étudier le concept d'inaptitude sous les angles
juridiques, cliniques et éthiques; de déterminer les enjeux rencontrés ou
anticipés en lien avec l'inaptitude dans le contexte de l'aide médicale à
mourir; d'analyser les effets du caractère évolutif du spectre de l'aptitude et
de l'inaptitude dans la perspective du principe de continuum du consentement; d'analyser
les situations pour lesquelles l'accès à l'aide médicale à mourir serait
souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant; d'évaluer les différents
moyens et conditions qui permettraient à une personne d'exprimer sa volonté — et
finalement — de rédiger un rapport faisant état de ses
recommandations.»
J'aimerais souligner que les travaux du
groupe d'experts ainsi que la rédaction du rapport ont eu lieu avant que ne
soit rendu le jugement du 11 septembre 2019 dans l'affaire
Gladu-Truchon, qui rendait notamment inopérant, là, le critère de fin de vie
pour déterminer si une personne pouvait avoir recours à l'aide médicale à
mourir.
Et je termine en précisant que le rapport
a été déposé à l'Assemblée nationale le 29 novembre 2019 et qu'à nos
yeux il constitue certainement une excellente base pour amorcer votre réflexion
à plus grande échelle sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les
personnes inaptes. Alors, là-dessus, je cède la parole à M. Maclure.
Merci.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci.
Merci, Mme la Présidente, MM., Mmes les députés. Merci, Nicole. Donc, c'est un
plaisir pour moi aussi d'être avec vous aujourd'hui à discuter de cette
question très importante dans un esprit aussi qui, me semble-t-il, honore la
société québécoise et les députés de tous les partis en particulier.
Dans mon travail en philosophie, en
particulier en éthique, là, depuis de nombreuses années, j'ai souvent eu la
chance de discuter avec certains d'entre vous, là, sur d'autres enjeux très
complexes, hein, la laïcité, les accommodements raisonnables, l'intelligence
artificielle et plusieurs autres débats de société. La question d'est-ce qu'on
devrait permettre, hein, aux personnes qui vont avoir une maladie
neurodégénérative et perdre leur aptitude, hein, à demander… à prendre des
décisions éclairées concernant leurs soins de santé, leurs soins de fin de vie,
c'est une des questions éthiques les plus complexes et délicates à laquelle
j'ai été confronté jusqu'ici dans mon parcours.
C'est une des questions les plus
complexes, bon, parce que, comme c'est souvent le cas en <éthique, hein,
il y a un…
M. Maclure (Jocelyn) :
...
leur aptitude, hein, à demander… à prendre des décisions éclairées
concernant leurs soins de santé, leurs soins de fin de vie, c'est une des
questions éthiques les plus complexes et délicates à laquelle j'ai été
confronté jusqu'ici dans mon parcours.
C'est une des questions les plus
complexes, bon, parce que, comme c'est souvent le cas en >éthique, hein,
il y a un dilemme éthique très profond au coeur de cette question. Bon, il y a
plusieurs valeurs éthiques, là, qui sont pertinentes à la réflexion, mais il y
a une tension forte entre, d'un côté, le principe d'autonomie, hein,
personnelle ou d'autonomie individuelle, en particulier eu égard aux choix que
l'on souhaite faire concernant notre fin de vie et les soins qu'on souhaite
recevoir dans cette... à ce moment crucial de notre vie, donc, d'un côté,
l'autonomie personnelle, de l'autre côté, hein, la protection des... le
principe de la protection des personnes vulnérables. C'est une tension forte.
D'un côté, bon, vous le savez, la
légalisation de l'aide médicale à mourir au Québec, bon, était fondée, hein,
sur une idée de... sur un idéal, hein, d'une fin de vie vécue dans la dignité,
et la dignité implique, entre autres, hein, un accroissement du pouvoir
d'autodétermination concernant nos choix en fin de vie, hein, donc, d'où l'idée
d'ajouter à des soins... la possibilité d'avoir des soins palliatifs de qualité,
d'ajouter aussi la possibilité de faire une demande d'aide médicale à mourir,
hein, dans certaines circonstances. Donc, le principe d'autonomie a joué un
rôle clé, hein, dans le processus de légalisation de l'aide médicale à mourir.
De l'autre côté, on sait que, bon, les
personnes en fin de vie, les personnes qui sont aux prises avec une maladie,
par exemple, incurable, et en particulier des personnes qui, donc, vivent une
maladie neurodégénérative, hein, qui leur font perdre, hein, leur aptitude, hein,
à comprendre leur état de santé, à comprendre quelles sont les différentes
options devant eux, parfois, donc, des personnes qui n'arrivent plus, bon, à
reconnaître leurs proches, qui ne se souviennent plus, hein, de quelles étaient
leurs volontés lorsqu'ils avaient toutes leurs capacités cognitives, ce sont
des personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité extrême, donc, et on
devait réfléchir collectivement, donc, à qu'est-ce qui est la bonne chose à
faire, hein, dans ce contexte. Est-ce qu'on devrait permettre, par exemple, aux
personnes de formuler à l'avance, hein, de demander de façon anticipée l'aide
médicale à mourir? Et, la réponse qu'on a donnée à cette question, donc, on a
voulu qu'elle soit équilibrée, hein, comme Nicole l'a rappelé, et marquée au
coin de la prudence.
Et on va passer en revue quelques-unes des
recommandations, mais c'est une réponse équilibrée, en ce sens que l'on
cherche, hein, à accroître le pouvoir d'autodétermination des personnes en
permettant la rédaction de ce qu'on a appelé des demandes anticipées d'aide
médicale à mourir. Donc, une demande anticipée permet d'exercer, disons, à
l'avance, hein, son autonomie concernant la fin de vie que l'on se souhaite.
Mais on a <souhaité aussi...
M. Maclure (Jocelyn) :
...
d'autodétermination des personnes en permettant la rédaction de ce
qu'on a appelé des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, une
demande anticipée permet d'exercer, disons, à l'avance, hein, son autonomie
concernant la fin de vie que l'on se souhaite.
Mais on a >souhaité aussi
baliser ce droit pour faire en sorte, hein... ou réduire les risques qu'une
demande anticipée d'aide médicale à mourir soit appliquée de façon trop
précoce, hein, de façon hâtive, parce qu'on ne peut pas exclure, par exemple,
hein, la possibilité qu'une personne ait perdu, là, son aptitude, hein, à
consentir à ses soins mais qu'elle ait quand même une certaine qualité de vie,
hein, même si ses facultés cognitives sont fortement touchées.
Bon, il y a des cas de ce qu'on appelle
parfois, là, il faut... de la démence heureuse ou... Bon, des maladies
neurodégénératives comme l'alzheimer, pour certaines personnes, hein, peuvent
évoluer quand même relativement lentement ou ça peut... Le déclin peut se
faire, hein, d'année en année. Il peut y avoir des phases, hein, dans la
maladie, où il y a une certaine qualité de vie, il y a certains plaisirs, il y
a certaines émotions positives qui sont vécues, même si on ne parvient plus
très bien à reconnaître ses proches ou on a clairement oublié ce qu'on
souhaitait lorsqu'on était en pleine possession de nos capacités rationnelles.
Donc, on a aussi proposé, hein, d'adopter aussi des mesures qui, bon,
permettraient de réduire les risques, hein, que la demande soit exécutée de
façon trop rapide, pendant que la personne a encore une certaine qualité de
vie.
• (9 h 40) •
Donc, on pense que des demandes anticipées
d'aide médicale à mourir devraient être acceptées, que la volonté des personnes
devrait être reconnue, mais elle devrait être appliquée, hein, lorsqu'on
constate, bon, que la personne n'a plus vraiment de qualité de vie, que ses
souffrances, hein, semblent persistantes, que les... vraiment, aux yeux des
proches et de l'équipe soignante, là, que, la personne, sa vie est faite davantage
de souffrance et de détresse, hein, que de plaisir. Donc, c'est à ce moment-là,
hein, qu'on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait
être appliquée en pratique, et c'est de cette façon-là qu'on a tenté, là, de
concilier, hein, autant que faire se peut, le principe d'autonomie, qui est
crucial, là, lorsqu'il est question des questions de fin de vie, hein — une
conception de ce qu'est une vie qui a un sens, de ce qu'est une vie bonne,
hein, ça inclut une réflexion sur le type de fin de vie qu'on se souhaite — donc,
d'équilibrer ce principe-là avec le principe de la protection des personnes
vulnérables, dont les personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Si je passe rapidement aux recommandations...
Vous les avez probablement devant vous. Donc, on pourra revenir, hein, dans la
discussion, sur toutes les 14 recommandations si vous le souhaitez.
J'attire votre attention sur la recommandation n° 2,
donc : «Que soit reconnue et rendue possible la formulation d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de l'inaptitude à consentir à
ce soin, sous les conditions», donc, <énoncées dans le rapport...
M. Maclure (Jocelyn) :
...dans la discussion sur toutes les 14
recommandations, si vous le
souhaitez. J'attire votre attention sur la recommandation
numéro 2,
donc : «Que soit reconnue et rendue possible la formulation d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de l'inaptitude à consentir à
ce soin, sous les conditions», donc, >énoncées dans le rapport.
Recommandation 3, donc, cette
recommandation inclut, entre autres, l'idée que la rédaction de la demande
anticipée doit se faire après l'obtention d'un diagnostic d'une maladie grave
et incurable. Donc, ce n'est pas une demande qu'on voit comme étant... qui devrait
ne pas pouvoir être rédigée, par exemple, en toute situation, avant même
d'avoir obtenu un diagnostic d'une maladie comme l'Alzheimer, par exemple.
Donc, ce n'est pas une demande qui pourrait être appliquée, par exemple, suite
à un accident, un traumatisme qui causerait une inaptitude rapide. On
encourage, hein, tous les citoyens du Québec à rédiger ce qu'on appelle les
DMA, hein, leurs directives médicales anticipées, par exemple, pour demander
quels types de soins ils souhaitent recevoir s'ils se retrouvent dans cette situation-là.
Mais on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait être
rédigée vraiment lorsqu'on est bien informé de la situation qui nous attend,
hein, et donc après un diagnostic, après des discussions avec des
professionnels de la santé, discussions, idéalement, avec les proches. Donc, on
pourra y revenir si vous voulez.
On ajoute ensuite que, «bien qu'elle n'ait
pas de caractère exécutoire, cette demande devra néanmoins être considérée et
évaluée, au moment opportun, dans le respect des conditions précisées dans le
rapport».
Et, recommandation 4, donc, on
propose la création d'un formulaire, hein, spécifique pour les demandes
anticipées d'AMM, un formulaire distinct du formulaire des demandes… des
directives médicales anticipées. Et, bon, on veut que la personne, hein, parce
que c'est vraiment ancré, hein, dans l'autonomie et dans le consentement
individuel... donc, que la personne formule elle-même, de manière libre et
éclairée, la demande d'AMM au moyen du formulaire prescrit. La personne signe
son formulaire en présence d'un médecin, qui le signe également et qui confirme
le diagnostic de la maladie grave et incurable, l'aptitude de la personne à
consentir aux soins à ce moment-là et à faire sa demande anticipée d'AMM et le
caractère libre et éclairé de la demande. Cette démarche est faite par la
personne elle-même devant deux témoins ou devant notaire sous forme d'acte
notarié. Là-dessus, je repasse la parole à Me Filion.
Mme Filion (Nicole) : Oui. Alors,
de mon côté, j'attire votre attention sur la recommandation numéro 7,
donc : «Que la personne qui signe une demande anticipée d'aide médicale à
mourir puisse, au même moment, désigner, dans le formulaire, un tiers qui va
être chargé de faire connaître sa demande et de demander, en son nom, le
traitement de sa demande en temps jugé opportun.» Et cette charge du tiers
devra être acceptée par écrit.
Alors, à titre de tiers, <on peut
certainement…
Mme Filion (Nicole) :
…
un tiers qui va être chargé de faire connaître sa demande et de
demander, en son nom, le traitement de sa demande en temps jugé opportun. Et
cette charge du tiers devra être acceptée par écrit.»
Alors, à titre de tiers, >on
peut certainement penser à des proches, hein, qui connaissent intimement la
personne, le patient, qui connaissent ses préoccupations, son style de vie, ses
préférences. Les proches sont souvent les mieux placés pour relayer les
volontés du patient et pour interpréter le sens de ses gestes, de ses
comportements et de ses manifestations.
Pour ce qui est de la recommandation n° 8, elle se décline comme suit : «Qu'il revienne au tiers
désigné, le cas échéant, d'initier le traitement de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir au moment jugé opportun, et qu'en l'absence d'un membre
désigné, ou dans l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa
part, la demande de traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir
se fasse par une personne qui va démontrer un intérêt pour le patient ou, à
défaut, par une autorité externe impartiale, dont le mandat serait de protéger
la volonté du patient et d'agir dans son meilleur intérêt.»
Donc, j'aimerais préciser
que le tiers désigné n'exercerait pas un consentement substitué, donc son
jugement et sa décision ne se substituent pas à celui de son proche, et que le
tiers désigné, aussi, ne doit pas être confondu comme représentant légal. Son
seul et unique rôle, de ce tiers-là, se limite à rappeler au personnel soignant
l'existence du formulaire de demande anticipée et de s'assurer que ce
formulaire-là sera dûment considéré.
Bien entendu, il faut
considérer également qu'il puisse y avoir des personnes qui sont totalement
isolées, donc qui ne peuvent pas désigner un tiers, compte tenu de leur
situation, ou, tout simplement, il y aura certainement des patients qui ne
voudront pas désigner un proche pour les représenter comme tiers dans le cadre
de leur démarche. Donc, le groupe d'experts, dans ces situations-là, était
d'avis que l'absence d'un tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit
à l'autodétermination de la personne qui a rédigé une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Et le groupe d'experts recommandait qu'en l'absence d'un
tiers... qu'il y ait une autorité neutre, qu'on n'a pas identifiée ou qui
restera à déterminer, qui pourrait avoir à coeur l'intérêt et le respect des
volontés de la personne, et que cette autorité neutre là puisse agir comme
porte-voix, en quelque sorte, pour s'assurer que la demande anticipée sera
consultée et considérée.
Maintenant, <la
recommandation….
Mme Filion (Nicole) :
...
qui pourrait avoir à coeur l'intérêt et le respect des
volontés de la personne, et que cette autorité neutre là puisse agir comme
porte-voix, en quelque sorte, pour s'assurer que la demande anticipée sera
consultée et considérée.
Maintenant, >la recommandationn° 9 :
«Que les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir applicables aux
personnes devenues inaptes à consentir à l'aide médicale à mourir soient les
suivants...»
Alors, les critères sont : une
personne devra être assurée, au sens de la Loi sur l'assurance maladie; cette
personne-là devra être majeure; elle devra être atteinte d'une maladie grave et
incurable; sa situation médicale devrait se caractériser par un déclin avancé
et irréversible de ses capacités; compte tenu de ses circonstances médicales,
elle est engagée dans une trajectoire de fin de vie pour laquelle le médecin
peut raisonnablement prévoir sa mort, sans pour autant avoir à établir un délai
précis quant à son espérance de vie. Ensuite, un autre critère : cette personne
doit manifester des souffrances physiques, psychiques ou existentielles
constantes, importantes et difficiles à soulager; ces souffrances devront être
évaluées par le médecin et l'équipe soignante multidisciplinaire et devraient
correspondre à ce qui est exprimé dans la demande anticipée d'aide médicale à
mourir, et, dans ce cas, le médecin et l'équipe soignante sont encouragés à
entrer en dialogue avec le tiers qui a été désigné, le cas échéant, dans le
formulaire et les proches du patient; et, bien entendu, qu'elle ait rédigé une
demande anticipée qui respecte les conditions que nous avons énoncées aux
recommandations 3, 4 et 7.
Alors, pour ce qui est des souffrances,
vous en apprendrez certainement davantage. Vous aurez l'occasion aujourd'hui
d'entendre la Dre Mona Gupta, qui est psychiatre. Nous avons eu le
privilège de l'entendre, et elle nous a beaucoup éclairés quant aux souffrances
de nature psychologique et psychique, existentielle. Donc, vous aurez
l'occasion de lui poser des questions en ce sens-là. Et là-dessus, bien, je
cède la parole à Jocelyn pour la conclusion de notre présentation. Merci.
• (9 h 50) •
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense voir que notre temps est écoulé. Donc, je pense qu'on peut y aller avec
la période de questions. Puis, comme Nicole l'a dit, c'est des conclusions qui
ont été atteintes, hein, avant l'arrêt Baudouin. Donc, on pourra discuter de
l'impact de l'arrêt, du jugement, si vous le souhaitez, mais je laisse ça entre
vos mains.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci à vous deux. Donc, je céderais maintenant la parole au député de
Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette commission.
Vous êtes les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour vous aussi. C'est
un privilège pour moi d'intervenir le premier aussi. Je suis très heureux de
faire partie <de la Commission...
M. Jacques : …bien,
merci,
Mme la Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette
commission. Vous êtes les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour
vous aussi. C'est un privilège pour moi d'intervenir le premier aussi. Je suis
très heureux de faire partie >de la Commission spéciale sur les soins de
fin de vie. C'est un domaine que j'ai traité longuement dans mon ancienne vie.
Donc, je suis fébrile avec les discussions qui commencent ce matin.
Je veux revenir sur la demande anticipée.
Bon, je vais vous expliquer un peu, là, ce que j'ai vécu un peu, dans ma vie,
par rapport à ça. J'ai une grand-mère qui a de l'alzheimer, qui commence à
avoir des symptômes à la maison. Mon grand-père décède. On se rend compte
qu'elle a beaucoup, beaucoup de difficultés à fonctionner seule. Elle s'en va
en RPA pour une courte durée, un an et demi. Suite à ça, elle s'en va en CHSLD
pendant 13 ans.
Bon, on parle du bien-être de la personne,
de la personne, de la façon qu'elle se sent. Ma grand-mère se sentait très bien.
Elle chantait, elle était enjouée, elle jouait du piano encore, même si elle ne
reconnaissait plus personne. Donc, elle était retournée dans ses 18,
20 ans, 22 ans. Elle parlait des gens qu'elle a côtoyés dans ce
temps-là, puis tout ça. Par contre, ma grand-mère était une personne hyperfière,
qui a été au public toute sa vie et qui n'aurait jamais accepté de se voir
dépérir de cette façon-là.
Donc, de ce que je comprends de votre
proposition, c'est qu'une personne pourrait avoir fait une demande anticipée au
premier stade. Parce qu'on ne parle pas, là, dans les… d'un mandat
d'inaptitude, de faire une demande anticipée de soins de fin de vie au cas où
il m'arriverait telle, telle, telle chose. Donc, elle aurait pu faire une
demande de… anticipée de soins de fin de vie. Par contre, elle n'aurait pas pu
être exécutoire tant et aussi longtemps qu'elle aurait ressenti des problèmes,
des malaises... ou que sa qualité de… non pas sa qualité de vie, mais sa
qualité de personne ne puisse requérir à… qu'elle ne puisse plus fonctionner,
dans le fond, ou qu'elle ait des douleurs non pas psychologiques mais plutôt
physiques. Est-ce que c'est bien ça que je peux comprendre dans votre rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui. Merci
beaucoup pour votre commentaire et question. C'est exactement ça. On sait, on a
entendu que des patients… pas des patients, mais des citoyens qui vont devenir
des patients et qui ont une certaine conception de ce qu'est une vie de... une
fin de vie digne vont dire des choses comme : Lorsque je vais devoir être
placé, c'est à ce moment-là que je voudrais que la demande soit exécutée, ou :
Lorsque je vais dépendre, hein, des autres pour les soins les plus primaires,
c'est à ce moment-là que je voudrais être placé, lorsque je ne reconnaîtrai
plus mes proches. On a entendu ça.
On comprend très bien que ça fait partie
d'une certaine conception de ce qu'est une <vie digne, mais…
M. Maclure (Jocelyn) :
...
être placé, c'est à ce moment-là que je voudrais que la demande soit
exécutée, ou : Lorsque je vais dépendre, hein, des autres pour les soins
les plus primaires, c'est à ce moment-là que je voudrais être placé, lorsque je
ne reconnaîtrai plus mes proches. On a entendu ça.
On comprend très bien que ça fait
partie d'une certaine conception de ce qu'est une >vie digne, mais on n'a
pas été jusque-là, parce que, comme, je pense comprendre, l'exemple de votre
grand-mère peut le montrer, bon, une personne qui vit une maladie
neurodégénérative, hein, subit une transformation identitaire majeure, hein,
radicale, ses priorités, ses intérêts, ses préférences, hein, peuvent changer
de façon radicale, et, bon, il est possible qu'à ce moment-là l'idée d'être complètement
indépendant, donc, ce ne soit plus pertinent, là, dans sa vie maintenant et
qu'il y ait d'autres plaisirs, qu'il y ait autre chose qui font quand même en
sorte que ça vaut la peine de continuer cette vie-là encore un certain temps.
Et c'est pour, justement, éviter, hein,
une application trop rapide, hein, d'une demande anticipée, parce que, là, il
faut penser que, par exemple, hein, une personne qui est dans une situation de
démence mais qui a une certaine qualité de vie... Est-ce qu'on veut vraiment
demander à des professionnels de la santé, là, d'aller appliquer, d'aller
pratiquer l'aide médicale à mourir dans ces conditions-là? Les professionnels
de la santé nous ont dit : On s'imagine mal, là, faire ça, mais, lorsqu'on
voit qu'il y a de la véritable souffrance physique ou psychologique et qu'il
n'y a plus de qualité de vie, là, ça peut redevenir un soin, hein, l'aide
médicale à mourir, et, dans ce contexte-là, ça nous semble plus éthiquement
acceptable. Donc, ce serait pour une période, une étape ultérieure, hein, dans
l'évolution de la maladie.
M. Jacques : O.K. Puis de
quelle façon on va pouvoir, dans le fond, avoir un jugement concret pour
chacune des personnes? Donc, de quelle façon on va établir une ligne pour que
chacune des maladies ou des souffrances soit évaluée adéquatement sur
l'ensemble des patients? Et où est-ce que la ligne va être, plus précisément,
là?
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, une des conditions, c'est qu'effectivement... que la personne
manifeste des souffrances soit physiques, soit psychiques, soit existentielles.
Et on les a qualifiées également, hein? Il faut que ces souffrances-là soient
constantes, très importantes et difficiles à soulager. Donc, il est clair, à
nos yeux, que l'évaluation des souffrances devra être réalisée par l'équipe...
le médecin, bien entendu, mais toute l'équipe soignante multidisciplinaire qui,
souvent, entoure le patient, là. On pense aux travailleurs sociaux,
ergothérapeutes, etc.
Et évidemment ça ne peut pas se faire non
plus en silo. On encourageait l'équipe soignante et le médecin à entrer en
dialogue, sûrement, avec le tiers qui a été désigné, parce que, s'il y a eu un
tiers désigné, ça veut dire que le patient avait une totale confiance en <cette
personne-là…
Mme Filion (Nicole) :
…
ne peut pas se faire non plus en silo. On encourageait l'équipe
soignante et le médecin à entrer en dialogue, sûrement, avec le tiers qui a été
désigné, parce que, s'il y a eu un tiers désigné, ça veut dire que le patient
avait une totale confiance en >cette personne-là. Il y a des fortes
chances que le patient, aussi, l'a désigné parce que cette personne-là connaît
son histoire, etc., ses valeurs, son historique, évidemment. Et donc on
invitait le médecin et l'équipe soignante à entrer en dialogue avec le tiers
désigné mais aussi, évidemment, avec les proches du patient.
Donc, c'est vraiment des souffrances qui
sont qualifiées, en tout cas, pour les fins de nos recommandations, et qui sont
évaluées par cette équipe-là, qui va entrer en communication avec le tiers
désigné et les proches. Merci.
M. Jacques : Bien, finalement,
là, pour le tiers désigné, votre recommandation 7, là, ne pourrait pas
dire : La dignité de la personne, de mon proche ou de la personne à qui
j'ai signé pour dire que je l'accompagnerais et j'exécuterais ses volontés à un
moment opportun... ne pourrait pas dire que la dignité affectée à un tel point
d'une personne pourrait donner ou susciter le consentement à faire un soin de
fin de vie.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, le tiers désigné est une personne parmi tant d'autres qui pourrait
venir éclairer l'équipe soignante.
M. Jacques : Parfait.
Mme Filion (Nicole) : Alors,
c'est pour ça que j'ai insisté, tout à l'heure, pour dire que ce n'est pas un consentement
substitué, hein? Le tiers désigné, ce n'est pas lui qui va décider. Lui, son
rôle, c'est de porter à la connaissance de l'équipe soignante la demande
anticipée d'aide médicale à mourir et de dire à l'équipe soignante :
Voici, mon proche a fait... — une dame, on l'a appelée «la dame» — et
veuillez considérer cela, maintenant, je peux vous éclairer sur l'historique de...
puis, bon, ma soeur, mon frère, etc., il y a d'autres personnes qui connaissent
bien, pourraient vous donner des renseignements, pourraient être une mine
d'informations, là, pour vous éclairer dans l'évaluation de la souffrance. Je
ne sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.
M. Maclure (Jocelyn) : C'est
parfait pour moi.
M. Jacques : Bon, bien, je
vous remercie, Me Filion et M. Maclure. Je vais laisser la parole à
d'autres collègues, là, qui avaient des questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais la parole à la députée de Soulanges.
• (10 heures) •
Mme Picard : …M. Maclure
et Mme Filion. Je vais y aller quand même assez brièvement, parce que
j'aimerais que vous élaboriez encore un petit peu plus sur le tiers désigné. Je
trouve ça vraiment intéressant, votre proposition. Par contre, je sens que ça
va être beaucoup le proche aidant qui va être le tiers désigné et j'ai peur
pour une certaine <pression, en fait, si le proche aidant…
>
10 h (version révisée)
<17891
Mme
Picard : …que vous élaboriez encore un petit peu plus sur le tiers
désigné. Je trouve ça vraiment intéressant, votre proposition. Par contre, je
sens que ça va être beaucoup le proche aidant qui va être le tiers désigné et
j'ai peur pour une certaine >pression, en fait, si le proche aidant...
si ça le confronte à ses propres valeurs personnelles, la décision de la
personne souffrante. Donc, si…
J'ai bien aimé votre idée, en fait, là,
que ce serait peut-être un tiers qui serait plus neutre. J'y vois peut-être
plus le curateur, dans certains cas, le Curateur public, mais... ou un notaire,
ou peut-être une autre personne, mais j'aimerais que vous élaboriez un petit
peu sur qui vous voyez comme personne, un tiers désigné qui serait plus neutre,
pour peut-être essayer de décharger ce poids-là, cette pression-là sur les
proches aidants.
M. Maclure (Jocelyn) :
Peut-être que je peux commencer, puis, Nicole, tu pourrais suivre, là, avec la
question du curateur, entre autres. J'ai la chance d'avoir pour compagne une
professeure et chercheuse en travail social qui fait des recherches auprès des
aidants, des proches aidants, et effectivement des conflits de valeurs entre la
volonté de la personne malade et du proche, hein, ça peut survenir.
Dans l'optique philosophique, hein, qui a
été la nôtre, là, c'est vraiment... La possibilité de rédiger une demande
anticipée découle, hein, du principe d'autodétermination de la personne, hein?
Donc, il faut que ce soit vraiment clair qu'il ne s'agit pas de transférer,
hein, la capacité de consentir à un tiers. Le tiers, Nicole l'a dit, est plus
un porte-voix, hein, pour la personne. Et donc c'est à la personne, au fond,
malade de désigner, parmi ses proches, là, la personne en qui elle a confiance,
hein, qui va vraiment porter sa voix et respecter sa volonté.
Et c'est possible, hein, qu'une personne,
malheureusement, ne trouve pas un tel proche, hein, dans son entourage, et
c'est pour ça qu'on a prévu aussi... On ne voulait pas que le pouvoir
d'autodétermination des personnes, hein, dépende de ces facteurs plus
contingents. Donc, s'il n'y a pas de tiers désigné, donc, il y a une autre
procédure qui a été imaginée. Et peut-être que, Nicole, là, tu peux compléter.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
pour ce qui est… Oui, effectivement, Jocelyn, tu as raison, dans le fond, le
tiers désigné, là, c'est vraiment une courroie de transmission, là, des
volontés qui seront exprimées par la personne. C'est très clair à nos yeux que
le tiers désigné ne choisit pas pour la personne. Il ne fait que rapporter sa
volonté, là, aux professionnels qui sont chargés de prodiguer des traitements
et des soins appropriés.
Maintenant, pour répondre à votre question
sur l'autorité neutre, pour les fins des travaux du groupe d'experts, nous ne
l'avons pas identifiée. Je vous rappelle également que, bien qu'à l'époque
j'étais directrice générale des affaires juridiques au Curateur public, à
l'époque des travaux et de la rédaction du rapport, c'est à titre personnel que
nous nous sommes tous engagés dans les travaux que... et dans le mandat qu'on
nous a <confiés…
Mme Filion (Nicole) :
...
bien qu'à l'époque j'étais directrice générale des affaires
juridiques au Curateur public, à l'époque des travaux et de la rédaction du
rapport, c'est à titre personnel que nous nous sommes tous engagés dans les
travaux que... et dans le mandat qu'on nous a >confié à l'époque, et que
chacun des experts n'engageait aucunement les organisations pour lesquelles il
travaillait. Donc, je pense bien que vous aurez l'occasion d'entendre
incessamment les représentants du Curateur public. Peut-être qu'ils auront une
opinion.
Ce que je peux vous dire, c'est que le Curateur
public consent à des soins pour des personnes qu'il représente à titre de
tuteur ou curateur et il consent aussi à des soins pour des personnes qui sont totalement
isolées, alors... et qui sont, évidemment, inaptes à consentir à leurs soins,
il va de soi. Donc, voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Saint-François pour
quatre minutes.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci à mes collègues, qui ont apporté de très bonnes questions.
Je m'adresse soit à M. Maclure ou à
Me Filion. Moi, j'ai une question par rapport... Advenant... Disons qu'on
parle d'alzheimer. Advenant un moment de lucidité, parce qu'on sait qu'il y a
différents stades, il y a comme sept stades, disons... Je prends l'alzheimer en
particulier. Disons, il y a sept stades, puis, des fois, peut-être que la
souffrance, parce que la personne se voit, elle est un peu plus consciente... Elle
peut être peut-être plus au début, mais, à la fin, elle la perd, cette
souffrance-là, puis elle pourrait devenir plus agréable ou...
Tu sais, moi aussi, j'ai ma grand-mère qui
a vécu l'alzheimer, puis c'était... Elle n'était pas du tout désagréable. Elle
avait quand même une joie de vivre jusqu'à la fin. Donc, dans cette situation-là,
si la personne a pris la décision, comment que... Si la situation change, qu'on
ne voit plus la souffrance ou quoi que ce soit, le tiers qui est désigné ou le
curateur, comment qu'on peut évaluer qu'elle souffre encore? Je ne sais pas si
vous comprenez un peu le sens de ma question.
M. Maclure (Jocelyn) : Tout à
fait. Merci pour la question. D'abord, bon, il y a peut-être deux éléments dans
la question. S'il s'agit vraiment de moments de lucidité, donc là, rien ne
change par rapport à la situation actuelle, c'est-à-dire qu'une personne, par
rapport à une demande d'aide médicale à mourir, peut changer d'idée jusqu'à la
fin, hein? Tant qu'elle est capable d'exprimer ses volontés et de consentir ou
de demander des soins, elle peut changer d'idée. Donc, ça, c'est possible,
hein, jusqu'à tant que les aptitudes cognitives de la personne le permettent.
S'il n'y a pas de retour à l'aptitude,
mais on sent une certaine variation dans la qualité de vie, l'esprit de nos recommandations,
c'est d'attendre... ou qu'il y ait un déclin, là, irrémédiable et irréversible
des capacités et de la qualité de vie. C'est vraiment pour soulager la <souffrance,
là, que l'on...
M. Maclure (Jocelyn) :
...le permettent.
S'il n'y a pas de retour à
l'aptitude, mais on sent une certaine variation dans la qualité de vie,
l'esprit de nos
recommandations,
c'est d'attendre ou qu'
il
y ait un déclin, là, irrémédiable et irréversible des capacités et de la
qualité de vie.
C'est
vraiment pour soulager la >souffrance,
là, que l'on propose d'appliquer, donc, une demande anticipée d'aide médicale à
mourir. Et donc je pense que, dans l'esprit des recommandations, ce serait
d'attendre qu'on constate, hein, ce déclin qui semble irréversible.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis, juste pour me rassurer, parce que ça a été évoqué dans la
population, là, il y a des gens qui m'ont abordée sur cette question-là, puis
je vois qu'on ne va vraiment pas dans ce sens-là, donc, il y a une exclusion de
l'option de planifier d'avance une aide anticipée, une demande anticipée d'aide
médicale à mourir dans le cas d'inaptitude, comme un mandat d'inaptitude. On ne
pourrait pas d'avance, sans avoir une maladie, pouvoir la mettre dans notre
mandat d'inaptitude, cette option-là, dire : Non, je ne le sais pas, moi, si
jamais j'ai l'alzheimer, moi, je ne veux... à cause de ma dignité ou quoi que
ce soit, j'aimerais avoir l'aide. On ne peut pas le faire. Ce n'est pas une recommandation
que vous posez. C'est ça? Comprenez-vous?
Mme Filion (Nicole) : Oui.
Effectivement, vous avez raison, il faut vraiment qu'il y ait obtention d'un
diagnostic. Jocelyn en a parlé tout à l'heure, pour nous, il est important que ce
soit une condition, là, sine qua non, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un
diagnostic qui soit posé par le médecin. Ça va permettre à la personne de
pouvoir se projeter dans le futur, dans le temps, de pouvoir connaître
qu'est-ce qui s'en vient comme avancées médicales, est-ce qu'il y a des espoirs,
quel est le pronostic, etc. Ça va aussi ouvrir un dialogue avec l'équipe
soignante, ils vont pouvoir parler de cette maladie-là, etc., un échange qui
est aussi extrêmement personnalisé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Désolée, maître...
Mme Filion (Nicole) : Donc,
pour nous, c'était vraiment... Ça prenait vraiment un diagnostic,
effectivement. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Fillion. Désolée de vous interrompre.
Mme Filion (Nicole) : Ça va.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole au deuxième... à l'opposition officielle.
Donc, je crois que... Est-ce que c'est la députée de Maurice-Richard?
Mme Montpetit : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je cède la parole à Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Fillion. Bonjour, M. Maclure. De toute façon,
Me Fillion, j'ai une question en lien avec ce que vous étiez en train
d'aborder. Donc, je vous laisserai... Vous aurez l'occasion de compléter. Merci
beaucoup d'être avec nous, tous les deux. Je sais que vous avez réfléchi
énormément à ces questions-là au cours du passé. Donc, c'est très, très
éclairant, et c'est un... c'est très pertinent pour nous d'avoir ces
échanges-là avec vous.
J'aimerais revenir, moi, sur les types de
situation, les types de cas d'inaptitude. Vous en avez identifié cinq lors de
votre... lors de vos travaux. J'aimerais qu'on revienne un peu à la base, dans
le fond, de c'est quoi, les types de situations dans lesquelles une personne
peut se retrouver <inapte...
Mme Montpetit : …les types
de situation, les types de cas d'inaptitude. Vous en avez identifié cinq lors
de votre... lors de vos travaux. J'aimerais qu'on revienne un peu à la base,
dans
le fond, de c'est quoi, les types de situations dans lesquelles une personne
peut se retrouver >inapte à consentir, dans le fond, et que vous aviez
aussi, justement, exclu certaines situations pour être éligible à l'aide
médicale à mourir, vous en avez gardé d'autres. Donc, j'aimerais entendre votre
réflexion, vraiment, là-dessus, sur qu'est-ce qui a déterminé votre décision,
justement, à faire cette sélection-là.
• (10 h 10) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
pour la question. Et, pour poursuivre le propos de Nicole, l'idée est de
favoriser la délibération la plus éclairée possible par rapport à ce que l'on
souhaite pour notre fin de vie. Et, bon, là, présentement, pendant que je suis
en santé, je peux avoir certaines idées sur, bon, qu'est-ce que je vais
souhaiter, là, si, par exemple, hein, je suis atteint d'une telle… d'une
maladie, là, neurodégénérative, mais, bon, je ne suis pas nécessairement dans
cette situation-là, je n'ai pas toutes les informations. Il se peut que mes
préconceptions soient... ne résistent pas, là, à l'analyse, là, si je me
retrouve vraiment dans cette situation-là.
Et on veut aussi que la décision, que
l'expression de la volonté soit quand même assez rapprochée, temporellement parlant,
de la maladie elle-même, de ses manifestations. Donc là, si, par exemple, une
personne, à 35 ans, exprime ses volontés mais a un diagnostic à
55 ans... Bon, on sait, on change, hein, à travers, donc, notre parcours
de vie.
Donc, l'idée est de permettre, hein, la
délibération la plus éclairée possible. Et donc c'est ce qui fait que, bon, c'est
vraiment les maladies neurodégénératives, là, sur lesquelles on a vraiment
focalisé notre attention, sur ces types de maladie là. On sait qu'on peut
perdre l'aptitude, hein, suite à des accidents soudains et imprévus. Dans ce
cas-là, on peut, on a déjà la possibilité d'exprimer des volontés, du moins en
refusant certains soins qui nous maintiendraient en vie. Donc, on encourage
plutôt, pour ce type de situation là, à rédiger, donc, des directives médicales
anticipées, hein? C'est une possibilité que peu de citoyens québécois, bon, se
prévalent présentement et c'est une façon assez efficace d'exprimer ses
volontés pour ce type de situation là.
Mme Montpetit : Mais, dans le
cas que vous nous présentez, par exemple, bon, dans les situations... Vous
parlez, entre autres, de quelqu'un qui pourrait avoir un AVC, du jour au
lendemain, qui deviendrait inapte. Est-ce que... Quand vous nous parlez,
justement, éthiquement, de la question de l'autodétermination, est-ce que ce n'est
pas... est-ce que ça ne fait pas partie de l'autodétermination, justement, de
pouvoir prendre cette décision-là avant de devenir inapte?
Puis je comprends quand vous parler d'une
maladie qui est neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui laisse le
temps à la personne de passer d'une situation où elle est apte, apte à
consentir, à une situation où elle est inapte, et donc qu'il y a un continuum
de temps qui lui permet de prendre cette décision-là. Mais, dans des
situations, <justement, où, ça...
Mme Montpetit : …avant de
devenir inapte?
Puis je comprends quand vous parler
d'une maladie qui est neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui laisse
le temps à la personne de passer d'une situation où elle est apte... inapte à
consentir à une situation où elle est inapte, et donc qu'il y a un continuum de
temps qui lui permet de prendre cette décision-là. Mais, dans des situations,
>justement, où ça, ça ne se produit pas, par exemple, justement, un AVC,
un accident, est-ce que, justement, ça ne vient pas à l'encontre de la question
de l'autodétermination d'empêcher la personne de prendre cette décision-là
pendant qu'elle est apte?
Mme Filion (Nicole) : Je
peux... Le groupe d'experts a longuement discuté, là, de la possibilité de
permettre la demande anticipée en l'absence d'un diagnostic préalable pour
permettre, effectivement, à des personnes qui ont un accident soudain ou
imprévu de pouvoir se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Et je vous dirais
que la très grande majorité des membres du groupe d'experts ont conclu
qu'élargir l'admissibilité, l'aide médicale à mourir, dans ce contexte-là,
était, à nos yeux, prématuré.
Pour nous, il était vraiment nécessaire
qu'il y ait un diagnostic pour que la personne ne s'imagine pas affligée de
toutes sortes de maladies, qu'elle se fasse des scénarios purement
hypothétiques de ce qui pourrait lui arriver pour l'avenir. Le fait d'avoir un
diagnostic va permettre… Pour elle, bien souvent, évidemment, quand elle reçoit
un diagnostic, c'est qu'elle est généralement prise en charge par le milieu
médical, mais ça va lui permettre d'être bien informée de sa maladie, de son
pronostic de survie, des avancées médicales qui s'offrent, et elle n'aura pas
trop à se projeter trop loin dans le temps. Et, pour nous, ça faisait
pleinement du sens, à ce moment-là, que le diagnostic était un incontournable
dès le départ et un critère permettant la demande anticipée.
M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être
très brièvement, et vous pourrez le confirmer avec des professionnels de la
santé, là, mais ce qu'on a compris, me semblait-il, de nos médecins, c'est que,
si on refuse, par exemple, hein, la réanimation, la respiration artificielle et
les deux autres, là, soins qu'on peut refuser, je pense qu'on ne va pas être
maintenu en vie très longtemps dans ce type de situation là si on a rempli une
DMApuis on a refusé ce genre de soin là. Donc, les DMA, c'est une façon de
permettre une certaine autodétermination des personnes, là.
Mme Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup. Donc, oui, j'entends beaucoup ce que vous nous dites sur l'aspect de
la décision éclairée, dans le fond, là, de la prendre quand on est dans une
situation où on a toute l'information concernant notre état. Mais est-ce qu'à
votre connaissance... Puis on aura d'autres experts, je pense, justement,
médicaux qui vont pouvoir nous éclairer là-dessus, mais est-ce qu'il y a des
situations de dégénérescence cognitive où le diagnostic est fait peut-être
après, justement, cette <phase-là, de…
Mme Montpetit : …à votre
connaissance... puis on aura d'autres experts, je pense, justement, médicaux,
qui vont pouvoir nous éclairer là-dessus, mais est-ce qu'il y a des situations
de dégénérescence cognitive où le diagnostic est fait
peut-être après,
justement, cette >phase-là de... d'aptitude ou de décision éclairée ou est-ce
qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans des situations, justement,
le fait de ne pas avoir permis à cette personne-là de le faire avant son
diagnostic... La maladie a évolué trop rapidement, et donc on lui... elle se
retrouve dans une situation où elle n'est plus apte à consentir, là.
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense que c'est... Vous pourrez, effectivement, en discuter avec les
spécialistes qui... avec qui vous allez discuter. Pour nous, c'est possible,
hein, ce genre de scénario. Mais, comme ce qui donne la légitimité, d'un point
de vue éthique, hein, c'est vraiment l'exercice de l'autonomie ou du droit à
l'autodétermination, dans ces cas-là, on se retrouverait à donner un consentement
substitué, à reconnaître le consentement substitué. Et les risques, hein, sont
trop grands, de permettre le consentement substitué, où le proche, hein, exerce,
hein, sur la base de ses propres valeurs et de ses propres intérêts parfois
aussi, hein, prend des décisions importantes pour un proche. Et ça nous semble
trop risqué, d'un point de vue éthique, ça.
Mme Montpetit : Non, je le
posais dans la... à l'inverse, en fait, que, justement, en excluant la
possibilité de le faire avant d'obtenir un diagnostic, ça peut exclure peut-être
certaines personnes, effectivement. On creusera. On creusera cette question-là
avec certains experts, peut-être, de la maladie d'Alzheimer, entre autres, et
autres.
J'aurais une dernière question puis j'ai
mon collègue David Birnbaum qui souhaite vous poser une question également.
Vous avez abordé, vous avez fait mention des souffrances psychiques, physiques
et existentielles. Un, je voulais savoir si vous les considériez comme
mutuellement exclusives ou elles doivent être réunies. Puis je voulais vous
entendre sur la notion de souffrance existentielle. Qu'est-ce que vous entendez
en... par cet élément-là?
M. Maclure (Jocelyn) : Je
vais être bref là-dessus, parce que Dre Gupta est vraiment la spécialiste,
au Québec, sur ces questions-là. Mais, bon, c'est difficile de les couper au
couteau, mais une souffrance existentielle concerne vraiment la question,
vraiment, du sens de la vie, là. Est-ce que ma vie a encore un sens? Même si je
n'ai pas, par exemple, un trouble de l'humeur ou un problème sur le plan de la
personnalité, ma vie ne peut plus avoir de sens, et ça peut me plonger dans une
certaine détresse. C'est dans ce sens-là. Mais les trois sont souvent imbriquées
l'une dans l'autre, hein?
Mme Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup.
Je voulais dire «le collègue de
D'Arcy-McGee», évidemment. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Allez-y, M. le collègue de D'Arcy-McGee, pour 2 min 30 s.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et merci, Mme Filion et M. Maclure, pour
votre... vos délibérations, de toute évidence, très rigoureuses, rigoureuses durant
ces 18 mois, ainsi que la rigueur de vos recommandations aussi.
Je veux poursuivre parce que... Je tiens à
souligner la signification de vos <recommandations…
M. Birnbaum : …
Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et merci, Mme Filion et M. Maclure,
pour votre... vos délibérations de toute évidence très rigoureuses, rigoureuses
durant ces 18 mois, ainsi que la rigueur de vos recommandations aussi.
Je veux poursuivre parce que... Je
tiens à souligner la signification de vos >recommandations, parce qu'elles
touchent à comment circonscrire l'accès à la demande anticipée de l'aide
médicale à mourir. Parce que je crois que ça se peut qu'il y ait un bon pourcentage
de la population qui nous invite, en quelque part, de les inclure dans la discussion,
les gens qui sont d'un certain âge mais pas devant un diagnostic. Alors, votre
recommandation est très claire, mais c'est un sujet très, très important.
Pour poursuivre, en quelque part,
là-dessus, sur le continuum, je vous invite de commenter sur un exemple que
j'invente. Quelqu'un qui reçoit un diagnostic d'alzheimer assez léger, disons,
dont ils auraient leurs pleines capacités à cet instant-là, ils ne seraient pas
devant un diagnostic nécessairement très sombre, à ce moment-ci, de votre avis
et selon vos recommandations 2 et 3, est-ce qu'ils seraient éligibles à...
ils auraient l'accès à cette possibilité de faire une demande anticipée d'aide
médicale à mourir?
Mme Filion (Nicole) : Oui,
absolument. Quelqu'un qui est au début de la maladie, qui est totalement apte à
consentir à ses soins, pourrait faire une demande d'aide médicale à mourir si,
évidemment, il rencontre toutes les autres conditions que nous avons
identifiées dans le rapport. Alors, il faut, effectivement, que le formulaire
se signe selon nos recommandations, en présence du médecin, et le médecin
confirme, par sa signature, que le patient était apte au moment où il a signé
et qu'il a reçu un diagnostic, etc. Donc, dans l'hypothèse que vous soulevez,
effectivement, cette personne-là pourrait se prévaloir d'une demande anticipée.
• (10 h 20) •
M. Birnbaum : Merci. Si je
peux, dans une... toute une autre direction, juste d'aborder une question, très
vite, qui est très complexe aussi. Je crois que nous tous, on situe l'aide
médicale à mourir sur un continuum de soins disponibles aux gens, aux personnes
du Québec. Il y a un autre endroit sur ce continuum, et c'est le soin palliatif.
Est-ce que vous avez la moindre crainte que…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis désolée, M. le député de D'Arcy-McGee, votre temps est écoulé. Je
céderais maintenant la parole à la députée de Joliette pour neuf minutes.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci encore pour
l'excellent travail. J'ai relu votre rapport au complet et je le trouve
toujours aussi profond et éclairant. J'aimerais qu'on fasse le cheminement
ensemble d'une question qui est, selon moi, à la fois très philosophique et
très pratique, c'est celle de la <souffrance…
Mme
Hivon
:
...
votre rapport au complet et je le trouve toujours aussi profond et
éclairant. J'aimerais qu'on fasse le cheminement ensemble d'une question qui
est, selon moi, à la fois très philosophique et très pratique, c'est celle de
la >souffrance et donc de la réalité de la personne entre ce qu'elle
avait anticipé et ce qu'elle vit. Mes deux collègues du parti ministériel l'ont
amenée en parlant de cas, de leurs grands-mères.
Donc, on a ce cas, vous en parlez beaucoup,
avec l'exemple de Margo, dans votre texte. Donc, on peut s'imaginer que, dans
une situation x, on va être extrêmement malheureux, désorienté, souffrant,
mais, quand on vit la situation x, on a une démence relativement heureuse.
Moi, pour me sortir de cette espèce de dilemme là... Puis vous parlez de tous
les éthiciens et philosophes, c'est vraiment intéressant comme discussion, qui
se sont penchés là-dessus. Mais, en fait, quand on se ramène au critère de la
souffrance, tel que prévu dans la loi actuelle et que vous maintenez, donc, on
doit, pour donner l'aide médicale à mourir, être face à une souffrance qui va
être intolérable, constante et inapaisable, dans des circonstances jugées
acceptables pour la personne. Ça veut donc dire qu'une personne qui aurait la
démence heureuse ne peut pas se voir attribuer, administrer l'aide médicale à
mourir puisqu'elle ne serait pas dans une situation de souffrance constante et
intolérable.
Et donc je veux juste que vous me confirmiez
si vous êtes dans cette même réflexion là. Parce que c'est sûr, comme vous
l'avez dit, M. Maclure, que les citoyens, souvent, vont nous dire :
Moi, si je ne suis plus capable de reconnaître mes proches, si je ne peux plus
m'occuper de mes soins moi-même, je voudrais avoir l'aide médicale à mourir.
Mais, au moment où la personne le vit, ça se peut très bien qu'elle n'ait pas
de souffrance liée à ça et qu'elle soit dans une démence heureuse. C'est plus
une souffrance anticipée. Donc, je veux juste savoir si vous faites le même
raisonnement que moi, que, vu que vous suggérez de garder, évidemment, intact
le critère de la souffrance, tel que défini, ça fait en sorte qu'on évite ces
cas de démence heureuse, puisque le critère ne serait pas rempli.
M. Maclure (Jocelyn) :
Exactement. Bien, merci pour votre commentaire et votre contribution,
évidemment, à l'évolution du débat québécois sur la question. C'est exactement
ça. Donc, on est conscients que la reconnaissance, hein, du droit à l'autonomie
devient plus circonscrite, hein, étant donné qu'on maintient, entre autres, le
critère de la souffrance, mais c'est pour atteindre, hein, l'équilibre entre
les deux principes, qui ne sont pas parfaitement réconciliables en l'espèce.
Et, en plus du cas de Margo, là — et
je vous invite tous à en prendre connaissance, hein, c'est un cas extrêmement
riche, là, philosophiquement parlant — on a été aussi très influencés
par le cas néerlandais, là, qui est un cas, là, qui s'est vraiment passé, là,
empiriquement parlant, où une femme qui avait plusieurs fois exprimé sa
volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie, lorsque venait le temps de
l'appliquer, disait : Ah... Lorsqu'elle vivait les effets de la maladie,
elle disait : Ah! mais pas tout de suite, hein, je vais la vouloir mais
toujours un peu plus <tard...
M. Maclure (Jocelyn) :
…
qui s'est vraiment passé, là, empiriquement parlant, où une femme, qui
avait plusieurs fois exprimé sa volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie,
lorsque venait le temps de l'appliquer, disait : Ah!, lorsqu'elle vivait
les effets de la maladie, elle disait : Ah! mais pas tout de suite, hein,
je vais la vouloir, mais toujours un peu plus >tard. Et finalement, le
moment où l'équipe a décidé de l'administrer, ça s'est plutôt mal passé.
Donc, c'est pour ça aussi, hein, pour
éviter de plonger, hein, les professionnels de la santé dans ce genre de
situation là, qu'on a dit : Bon, il faut constater, hein, qu'il y a une
dégradation importante, tant des capacités que du bien-être, et une souffrance
qui est là, permanente et indéniable. Donc, c'est pour se donner ces
protections-là, là, qu'on a gardé ce critère-là, effectivement.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci beaucoup. Je pense qu'il y a beaucoup de pédagogie à faire aussi avec la
population sur cet élément-là.
Donc, je continue sur la question de la
souffrance. Dans la demande anticipée, concrètement, pour vous, la personne est
au premier stade, par exemple, d'une démence, maladie d'Alzheimer, et... Quand
elle fait sa demande, elle fait uniquement indiquer : Si je suis dans une
situation de souffrance constante, intolérable, je veux, donc, obtenir l'aide
médicale à mourir, ou elle décrit le type de souffrance, qui serait, par
exemple : Si je souffre physiquement, si je souffre psychiquement, ou vous
dites : Non, elle fait juste inscrire que, si elle souffre, elle veut
avoir l'aide médicale à mourir, ou elle détaille?
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, on s'est… Ce qu'on a dit, c'est que les souffrances devaient être
exprimées dans la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et les
souffrances, là, c'est... ça nécessite de la considération de beaucoup,
beaucoup de composantes, et Dre Gupta vous en dira davantage, mais des
composantes physiques, qu'on pense à la douleur, psychologiques, qu'on pense à
l'anxiété, émotionnelles, on pense à la tristesse sociale, l'isolement social,
la perte des amis proches, et existentielles, Jocelyn le disait tout à l'heure,
là, la perte de sens. Alors, non, en principe, il faut que les souffrances
soient exprimées dans la demande, et qu'elles soient évaluées par le médecin et
l'équipe soignante, et qu'elles tiennent en considération l'ensemble des
composantes que je viens de vous identifier.
Mme
Hivon
: Je
comprends en théorie, mais je trouve que, dans l'application de ça... Quand je
suis au premier stade de ma maladie, on va peut-être m'expliquer ce que je peux
vivre, traverser, mais on ne le sait pas, comme on le dit, quel type de démence
je vais avoir dans les derniers stades. Et donc est-ce que... Si on force une
personne à décrire le type de souffrance en détail qu'elle devra traverser pour
qu'on donne l'ouverture à l'aide médicale à mourir, est-ce qu'on ne restreint
pas trop? Et est-ce qu'on ne devrait pas, justement, plutôt dire : Si je
suis dans une situation de souffrance, telle qu'inscrite à l'article 26 de
la loi en ce moment, là, intolérable, constante, je voudrais qu'on me donne
l'aide médicale à mourir? Parce que j'ai juste peur que le fardeau et la
projection qu'on doit faire, pour arriver pile sur le type de souffrance qu'on <devrait…
Mme
Hivon
: …
pas,
justement, plutôt dire : Si je suis dans une situation de souffrance,
telle qu'inscrite à l'article 26 de la loi en ce moment, là, intolérable,
constante, je voudrais qu'on me donne l'aide médicale à mourir? Parce que j'ai
juste peur que le fardeau et la projection qu'on doit faire, pour arriver pile
sur le type de souffrance qu'on >devrait traverser pour avoir accès à
l'aide médicale à mourir, soient trop contraignants.
Puis là, vu que je n'ai plus énormément de
temps, je vais vous poser tout de suite mon autre question, vous pourrez
répondre aux deux. Mon autre question, c'est que vous faites le choix, malgré
que vous insistez beaucoup et que la base de tout ça, c'est l'autodétermination
de la personne qui justifie la demande anticipée... Vous refusez d'y mettre un
caractère exécutoire. Et il me semble qu'on dit un peu deux... une chose et son
contraire quand on dit : Oui, le principe de l'autodétermination doit
permettre ça, mais, en même temps, ça ne peut pas être exécutoire. Donc, ça... Jusqu'où
ça va rassurer la personne si on lui dit : Peut-être qu'on va l'appliquer
mais peut-être pas, selon les circonstances?
M. Maclure (Jocelyn) : O.K.
Je vais prendre le premier élément, puis Nicole pourra compléter avec le
deuxième.
Bien, vous avez tout à fait raison, hein,
c'est une zone un peu d'ambiguïté, là, dans nos recommandations. Et je pense
que... Moi, je vois... Disons, de spécifier le type de souffrance, ça donne des
informations supplémentaires pour interpréter la demande, mais c'est à titre,
disons, informatif et pour, disons, aider les décideurs. Mais c'est clair que
ce qui est le plus important, c'est est-ce que les critères sont satisfaits ou
pas. Et on ne peut dire : Ah! mais, voici, ma souffrance, ça veut dire
telle et telle chose, et donc qu'on ne respecterait pas les autres critères.
C'est si... En fait, ça devrait être optionnel, me semble-t-il, et pour guider
ceux qui vont prendre la décision.
Mme Filion (Nicole) : Et,
pour compléter, on l'a appelée, on l'a désignée une demande anticipée d'aide
médicale à mourir et on a foncièrement décidé de ne pas l'identifier à titre de
directive, justement, pour ne pas que ça ait le caractère exécutoire à tout
prix. Je pense qu'on a eu beaucoup, beaucoup de… aussi de réflexions de la part
de médecins, qui, eux... C'est eux qui appliquent l'aide médicale à mourir,
hein? Les médecins souhaitaient aussi s'assurer que les critères sont
rencontrés et que les critères puissent être discutés avec les proches, la
famille.
On est dans une situation où la personne
est inapte. Dans notre régime actuel, législatif, l'aide médicale à mourir est
permise dans un contexte d'aptitude jusqu'à la fin, hein, de l'administration
de l'aide médicale à mourir. Le contexte dans lequel on se retrouvait, dans le
cadre du mandat, c'est dans une situation d'inaptitude au moment d'appliquer
l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, je pense qu'il y avait des
composantes qui devaient être vraiment prises en considération, et c'est la
raison pour laquelle on a choisi que cette demande-là ne soit pas… qu'elle
n'ait pas le caractère exécutoire.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de <Chomedey
pour deux minutes...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Filion (Nicole) :
...
vraiment prise en considération, et c'est la raison pour laquelle on
a choisi que cette demande-là ne soit pas... qu'elle n'ait pas le caractère
exécutoire.
La Présidente (Mme
Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la
parole au député de >Chomedey pour deux minutes.
M. Ouellette : Deux minutes,
c'est assez... c'est même très rapide. Bonjour à vous deux. Merci du travail
exceptionnel que vous faites. Je pense que, M. Maclure, vous l'avez dit,
c'est une question des plus complexes, et, pour nous, il faudra être assez
humbles pour essayer de rejoindre le même consensus que vous avez eu dans vos
14 recommandations.
En quoi le jugement Gladu-Truchon a pu ou
peut modifier certaines des recommandations que vous aviez faites dans votre
rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
pour la question. Donc, bon, le critère, hein, de fin de vie ou celui, là,
fédéral, de mort raisonnablement prévisible, donc, n'est plus opérant. Et nous,
on garde, hein, l'idée que la personne se situe dans une trajectoire de fin de
vie, hein? Donc, ça n'a pas besoin d'être dans la phase terminale, mais ça fait
partie des garanties qu'on a imaginées pour être sûrs que la demande ne soit
pas appliquée hâtivement.
Donc là, le jugement, hein, était basé sur
des cas, évidemment, de types de maladie très différents des maladies
neurodégénératives. Et, bon, il faudrait faire une analyse, là, pour voir
comment... quels sont les impacts du jugement, ce qu'on n'a pas pu faire, mais,
au moins, j'inviterais à la prudence, lorsqu'il est question de maladies
neurodégénératives, pour s'assurer de ne pas affaiblir, hein, les garanties que
l'on a, qu'elles soient appliquées lorsque la personne souffre vraiment. Et
l'idée de la trajectoire de fin de vie, c'était une de ces garanties, une de
ces mesures de protection.
Donc, il faudrait voir est-ce qu'un régime
spécial pour les maladies neurodégénératives devrait être imaginé, tout en
respectant le jugement Beaudoin, là.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on avait. Donc,
merci beaucoup à Mme Filion et M. Maclure. Merci pour votre
contribution aux travaux de la commission, c'est très enrichissant. On en
aurait pris encore pour plusieurs, plusieurs minutes.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
(Reprise à 10 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde. Merci d'être ici pour cette deuxième
présentation. Bienvenue à la Dre Mona Gupta. Et je vous remercie d'être
ici ce matin pour partager avec nous votre expérience et vos connaissances, qui
seront très importantes pour la suite de nos travaux.
Donc, je vous rappelle que vous disposez
de 20 minutes pour votre exposé, après quoi il y aura échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole pour votre présentation.
Dre Gupta, à vous la parole.
Mme Mona Gupta
Mme Gupta (Mona) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je suis très reconnaissante à la commission pour
l'opportunité de venir vous rencontrer et j'ai bien hâte pour l'échange après
mon exposé.
Je vais me présenter d'abord. Je suis
médecin psychiatre au CHUM, à Montréal, avec plus que 20 années
d'expérience clinique. Je suis également professeure agrégée de clinique dans
le Département de psychiatrie et d'addictologie, à l'Université de Montréal, et
chercheuse en philosophie et éthique de la psychiatrie au CRCHUM. J'ai été la
présidente du comité aviseur de l'AMPQ, l'Association des médecins psychiatres
du Québec, sur le sujet de l'AMM pour les troubles mentaux. J'ai été aussi
membre du groupe de travail du Conseil des académies canadiennes, le groupe qui
a étudié cet enjeu à la demande du gouvernement fédéral.
Mais aujourd'hui je suis là dans mon rôle
comme psychiatre et chercheuse. Je ne suis pas ici pour faire l'«advocacy» pour
une certaine prise de position, mais plutôt de discuter avec vous les fruits de
ma recherche et ma participation dans le débat au sujet de l'aide médicale à
mourir pour des personnes atteintes de troubles mentaux, pour lesquelles le
seul problème médical invoqué est un trouble mental. Alors, c'est long. Pour le
reste de mon temps, je vais dire TM-SPMI. Pendant mon exposé, <je vais
discuter les…
Mme Gupta (Mona) : ...dans
le débat au sujet de l'aide médicale à mourir pour des personnes atteintes des
troubles mentaux pour lesquelles le seul problème médical invoqué est un
trouble mental. Alors, c'est long. Pour le reste de mon temps, je vais dire
TM-SPMI. Pendant mon exposé, >je vais discuter les enjeux cliniques
principaux qui ont été soulevés sur cette question et qu'est-ce qu'on peut
faire, si on peut faire quelque chose, pour aborder ces enjeux.
Mais, avant je me lance dans le sujet, j'aimerais
donner quelques commentaires préalables. D'abord, ni la loi québécoise ni la
loi canadienne incluent ou excluent les personnes d'avoir accès à l'AMM sur la
base d'un diagnostic quelconque. L'accès à l'AMM est basé sur l'ensemble de
leurs circonstances cliniques, qui sont résumées, à peu près, dans les critères
d'admissibilité, dont vous êtes sûrement familiers.
Étant donné la prévalence des troubles
mentaux dans la population, qui est à peu près 20 % dans une période de
12 mois, ça veut dire qu'un certain pourcentage des personnes qui ont eu
l'accès à AMM sous les exigences actuelles avaient des troubles mentaux. Donc,
des personnes atteintes de troubles mentaux qui ont aussi des maladies
physiques ont l'accès actuellement, et ils ont eu accès même avant la nouvelle
loi fédérale.
Alors, pourquoi est-ce qu'on réfléchit sur
la question du diagnostic trouble mental en ce moment? En fait, je ne sais pas,
mais je pense que c'est à cause du fait, probablement, que ces personnes ont
rarement eu accès à cause du critère fin de vie. Alors, la question se pose
quant aux personnes TM-SPMI : Est-ce qu'il y a des caractéristiques qui
sont associées avec chaque personne qui est dans la catégorie TM-SPMI? Et
est-ce que ces caractéristiques distinguent ces personnes de toute autre
personne, tout autre citoyen qui ont accès actuellement? Autrement dit, est-ce
qu'il y a une différence entre la personne qui a un trouble bipolaire et la
personne qui a un trouble bipolaire et un cancer?
Avant je vais plus loin, je vais être
claire sur, selon moi, qui sont les plus personnes qui ne devraient pas avoir
l'accès à l'AMM. On parle des personnes qui vivent des crises aiguës, peu
importe la raison, peu importe si c'est à cause du symptôme de leur maladie, si
c'est à cause des circonstances sociales. On parle des personnes qui sont tôt
dans la trajectoire de leur maladie et on parle des personnes qui n'ont pas
d'accès adéquat aux soins appropriés pour leur problème. Là, je parle en mon
propre nom, mais, j'imagine, la grande majorité des psychiatres et, en fait, la
grande majorité des personnes seront d'accord avec ces propos.
Deux mises en garde par rapport au
discours autour du débat de l'AMM-TM-SPMI. Je pense que le discours part
souvent de cas paradigmatiques. Ce que je veux dire par ça, c'est que, même si
on sait que les maladies physiques <et les maladies mentales...
Mme Gupta (Mona) : ...
ces
propos.
Deux mises en garde par rapport au
discours autour du débat de l'AMM-TM-SPMI. Je pense que le discours part
souvent de cas paradigmatiques. Ce que je veux dire par ça, c'est que, même si
on sait que les maladies physiques >et les maladies mentales sont des
catégories, même si on peut dire ça, très larges, on a, dans nos esprits, en
arrière-plan, quand on parle de la maladie physique, une notion qu'on parle
d'une affection avec une détérioration inévitable et une trajectoire
prévisible. De l'autre côté, en arrière-plan, quand on parle de la maladie
mentale, on a, en arrière-plan, l'affection, souvent causée par un mode de vie
stressant, qui pourrait s'améliorer avec des soins de base ou même le passage
du temps. C'est vrai dans certains cas, mais ils sont des généralisations qui
ne s'appliquent pas à chaque trouble ni à chaque patient. On sait tout ça, mais
je le dis juste parce que ce sont souvent ces cas paradigmatiques qui animent
les arguments dans le débat.
Deuxièmement, quand on parle de personnes
atteintes de troubles mentaux, on parle de troubles mentaux ici et les troubles
physiques là-bas. On oublie qu'il y a de grands pourcentages de la population
des patients qui sont atteints des deux. J'ai élaboré sur ce point dans mon
mémoire et j'ai offert des exemples, des vrais cas, des vraies personnes qui ont
eu accès à l'AMM, qui... vécu à la fois des pathologies physiques et mentales. Et
les mêmes enjeux qui sont soulevés dans le débat ont été soulevés par ces cas.
Et, maintenant qu'on est dans un contexte où l'AMM est accessible hors le
contexte fin de vie, on peut attendre d'avoir plus de cette sorte de cas avec
une concomitance psychiatrique et physique, étant donné la prévalence élevée
des troubles mentaux dans la population des patients atteints de maladies
physiques chroniques.
Alors, maintenant, je passe aux enjeux
cliniques principaux dont je voulais parler. Il y a quatre enjeux principaux
qui ont été identifiés par divers auteurs, chercheurs, groupes de travail sur
la question de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il s'agit :
l'aptitude à prendre une décision pour avoir l'AMM, la souffrance constante et
insupportable, la suicidalité et la nature incurable de l'affection. Je vais
discuter chacun ainsi que des pistes de réflexion sur comment on peut répondre
adéquatement à ces enjeux.
D'abord, l'aptitude. Comme vous le savez,
selon le Code civil, toute personne, 14 ans et plus, est présumée apte à
prendre ses décisions par rapport au traitement et leurs soins, incluant les
personnes atteintes des troubles mentaux. Et tous les jours, dans notre système
de santé, les personnes, incluant les personnes atteintes de troubles mentaux,
prennent des décisions avec des enjeux élevés par rapport à leurs soins :
la décision d'avoir ou de ne pas avoir la chimiothérapie pour un cancer, la décision
d'avoir, maintenir ou <cesser la dialyse...
Mme Gupta (Mona) : ...et
tous les jours, dans notre
système de santé, les personnes, incluant les
personnes atteintes de troubles mentaux, prennent des décisions avec des enjeux
élevés
par rapport à leurs soins : la décision d'avoir ou de ne pas
avoir la chimiothérapie pour un cancer, la décision d'avoir, maintenir ou >cesser
la dialyse. Ces gens-là, quand il y a une question... un soupçon qu'il y a peut-être
un enjeu d'aptitude, ils sont évalués, leur aptitude est évaluée selon les
critères actuels, bien décrits dans le guide de pratique élaboré par le Collège
des médecins du Québec. Il s'agit de la compréhension, appréciation,
raisonnement et l'expression d'un choix.
L'AMM est un peu différente des soins
généraux, parce qu'on n'est pas présumé apte pour avoir l'AMM. Il faut que
chaque demandeur soit évalué pour son aptitude, et c'est là où on voit... on
entre dans le débat. Il y a deux inquiétudes. Il y en a qui disent que
l'évaluation de l'aptitude pour décider d'avoir l'AMM est particulièrement
difficile chez les personnes atteintes de troubles mentaux. Je dirais que, oui,
ça peut être difficile mais pas plus difficile que n'importe... autre situation
où la personne doit prendre une décision de soins vie et mort. Et, dans un
sens, ce problème est déjà couvert dans la loi actuelle, où, si deux médecins
ne sont pas d'accord ou ils trouvent ça trop difficile de décider si la
personne est apte, ils ne vont pas procéder à l'AMM. C'est le cas actuellement.
Il faut statuer dans l'affirmative pour procéder.
• (10 h 50) •
La deuxième inquiétude dans ce débat par
rapport à l'aptitude, c'est que les critères sont trop axés sur ces compétences
cognitives et ne prennent pas en considération de façon spécifique que les
troubles mentaux peuvent affecter la prise de décision. Donc, une personne peut
être légalement apte, mais son jugement peut être très affecté quand même. En
fait, je suis d'accord avec ça puis je pense que, justement, le débat sur l'AMM
chez les personnes atteintes de troubles mentaux est une opportunité de
réfléchir sur les critères qu'on a pour l'aptitude plus générale, pas juste
pour l'AMM mais pour toutes les décisions de vie et de mort, par exemple, ou
les décisions avec des enjeux élevés, et voir si on a besoin d'ajouter d'autres
éléments.
À titre d'exemple, aux Pays-Bas, dans leur
cas, c'est pour... dans le cas de l'euthanasie et suicide assisté, mais moi, je
pense que ça peut être élargi pour d'autres soins... mais ils utilisent les
mots «bien réfléchi», qui font référence à l'idée que ce n'est pas juste
d'avoir les compétences de prendre une décision mais d'utiliser ces
compétences, ce qui n'est pas le cas, en fait, avec nos critères actuels.
Maintenant, discutons la souffrance
constante et insupportable, qui est un critère d'admissibilité pour avoir accès
à l'AMM. Un trouble mental lui-même peut affecter son évaluation de sa propre
souffrance, car il peut affecter ses cognitions, sentiments, perceptions et
jugements.
Je vous donne un exemple. Des personnes
qui ont vécu des traumatismes en enfance, très sévères, expérimentent souvent
une dénigration de soi <qui est totale...
Mme Gupta (Mona) : ...
lui-même
peut affecter son évaluation de sa propre souffrance car il peut affecter ses cognitions,
sentiments, perceptions et jugements.
Je vous donne un exemple. Des personnes
qui ont vécu des traumatismes en enfance très sévères expérimentent souvent une
dénigration de soi >qui est totale et envahissante. Elles sont
convaincues, effectivement, qu'elles ne valent rien. Alors, on peut imaginer
facilement que ce type de croyance peut affecter sa perception de la possibilité
d'amélioration. Donc, si on pense qu'on va être dans cet état où on ne vaut
rien pour toujours, bien, on va souffrir dans une façon constante. Comment on
fait en sorte que, malgré l'affirmation de sa souffrance insupportable... que
ces éléments qui peuvent affecter sa perception de souffrance sont pris en
considération dans une évaluation AMM? Je pense que, là, on voit la pertinence
de l'implication de la psychiatrie dans les évaluations. Justement,
l'évaluation de la souffrance psychique d'une personne est notre quotidien. C'est
pour ça, on est formés cinq ans dans la spécialité.
Discutons maintenant la tendance
suicidaire. Alors, l'inquiétude à ce sujet, c'est que la tendance suicidaire
peut être un symptôme d'un trouble mental lui-même, et donc une demande d'AMM
faite par une personne avec un trouble mental peut refléter sa tendance
suicidaire et pas un désir authentique et réfléchi.
D'abord, il faut rappeler que ce n'est pas
tous les troubles mentaux qui sont associés avec un risque élevé de suicide. Et,
même parmi les troubles qui sont associés avec un risque élevé de suicide, ce
n'est pas toutes les personnes atteintes de troubles qui vont expérimenter des
idées suicidaires.
Mais on peut apprendre des situations,
comme j'ai mentionné avant, dans lesquelles des personnes atteintes de troubles
mentaux veulent prendre d'autres sortes de décisions de soins pour mettre fin à
leur vie, comme je disais, une décision de cesser la dialyse, par exemple, ou
de refuser une chimiothérapie pour un cancer qui va prolonger leur vie.
Dans ces circonstances, on pose parfois,
en clinique, cette même question : Mais est-ce que c'est plutôt une idée
suicidaire, qu'il veut refuser la dialyse ou refuser la chimio? Et, dans ces
situations, cliniquement, on considère les questions de l'aptitude, bien sûr,
mais aussi est-ce que la personne vit une crise, est-ce que c'est à cause de ça
qu'il veut refuser ses soins, est-ce qu'il y a des circonstances modifiables
qu'on peut traiter pour aider la personne d'être plus soulagée, est-ce qu'il y
a une dynamique relationnelle nuisible qui est en jeu et qui fait en sorte que
la personne refuse des soins. On considère tous ces éléments. Et, parfois, on
va empêcher, même, les gens d'agir sur leur prise de décision, qui n'est pas
banale, qui est une démarche légale. Il faut chercher une ordonnance de
traitement, etc. Mais on ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est
convaincu que la personne peut prendre ses propres décisions. Et
malheureusement, même si ça veut dire qu'il y a des conséquences graves, la
personne a le droit de le faire. Alors, <dans le cas d'AMM...
Mme Gupta (Mona) : ...
qui
est une démarche légale, il faut chercher une ordonnance de traitement, etc.
Mais on ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est convaincu que la
personne peut prendre ses propres décisions. Et, malheureusement, même si ça
veut dire qu'il y a des conséquences graves, la personne a le droit de le
faire. Alors, >dans le cas d'AMM, on devrait appliquer ces mêmes
considérations.
Je vais aborder, maintenant, la nature
incurable de l'affection quand on parle des troubles mentaux. C'est cet
enjeu-là qui a provoqué le plus de débats pendant l'étude récente de la loi C-7,
la loi fédérale sur l'AMM. Pourquoi? Je suppose que l'objectif du critère de la
maladie grave et incurable qui se trouve dans la loi québécoise est d'éviter
une situation dans laquelle quelqu'un reçoit l'AMM, mais, à un certain point, à
l'avenir, sa condition aurait pu s'améliorer. Et, si on n'a pas quelque chose
qui nous donne cette certitude, on court ce risque-là. C'est vrai, en fait. Une
fois, on n'est plus dans un contexte fin de vie, on ne peut pas avoir une
certitude à 100 % qu'à un point, à l'avenir, la condition d'une personne
n'aurait pas pu s'améliorer. Ceci est la conséquence logique de la décision
dans le jugement de Truchon-Gladu.
La question, je pense, pour la société,
c'est combien de certitude est nécessaire. Si on a besoin de 100 %
certitude, ou quelque chose semblable, près, il faut qu'on exclue beaucoup de
gens de l'accès, parce qu'il y a beaucoup de circonstances cliniques, pas juste
des troubles mentaux, où on n'a pas un haut degré de certitude. Si on est
capables d'accepter qu'on ne peut pas avoir un degré de certitude à 100 %
ou très élevé, on serait obligés de définir : Mais qu'est-ce qu'on veut
dire par maladie grave et incurable? Et il faut faire ça pour les maladies
physiques ainsi que les troubles mentaux. Ça pourrait prendre considération des
éléments comme la sévérité des symptômes de la personne, son degré d'incapacité
fonctionnelle, sa capacité d'adaptation, incluant son état de santé global, ses
tentatives de traitement, bien sûr, et aussi la durée de sa maladie, et l'évolution
de cette maladie dans le temps.
Mais heureusement nous n'avons pas à
commencer de zéro. Par exemple, nos collègues, aux Pays-Bas, et l'association
des psychiatres flamands ont déjà essayé de définir qu'est-ce que ça veut dire,
une maladie incurable, dans leur contexte. On n'a pas exactement les mêmes
critères, mais on peut en servir en modifiant ce qu'ils ont proposé pour le
contexte québécois.
Je veux ajouter, maintenant, quatre
recommandations supplémentaires qui vont avec les pistes de réflexion que
j'avais proposées dans la section avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger au
moins la participation d'un psychiatre dans le processus d'évaluation pour une
personne <qui est atteinte d'un trouble...
Mme Gupta (Mona) : …
supplémentaires,
qui vont avec les pistes de réflexion que j'avais proposées dans la section
avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger au moins la participation d'un
psychiatre dans le processus d'évaluation pour une personne >qui est
atteinte d'un trouble mental comme seul problème médical invoqué.
Quand on considère qu'il faut statuer sur
la gamme des soins que la personne a eus, son aptitude décisionnelle dans des situations
complexes, sa souffrance dans les contextes des troubles mentaux complexes, on
parle des connaissances, et des habilités, et l'expérience au niveau de la spécialité.
Un processus d'évaluation d'une telle demande exige du temps, et je pense que
c'est quelque chose qui doit être communiqué au public. Je pense que, sur le
terrain, il y a parfois la perception qu'on a besoin de répondre en urgence et
je pense que, pour ce type de demande, c'est exactement le contraire. On ne
veut pas agir en urgence, on veut traiter les urgences puis prendre le temps qu'il
faut pour bien réfléchir tous les éléments.
Étant donné le potentiel pour un degré
élevé de complexité ainsi que la menace de sanction criminelle pour les
médecins qui prodiguent le soin, je pense qu'une surveillance prospective
devrait être considérée, pas juste pour les troubles mentaux mais pour toutes
sortes de cas complexes.
Et finalement ni la loi québécoise ni la
loi canadienne n'ont un mécanisme qui empêche quelqu'un pour faire plusieurs
requêtes et subir plusieurs évaluations, même suite à un refus. Donc, je pense
que, minimalement, d'avoir un temps d'attente entre des demandes pourrait être
bienvenu.
Avant je me termine, j'aimerais mentionner
les deux manques souvent évoqués. Je parle ici de manque de ressources et
manque de consensus. Il faut demander la question, quand on parle de manque de ressources,
on parle de qui. Et, souvent, quand on parle de cette question, on confond deux
groupes de patients différents. Il y a le problème de manque de ressources en
première ligne pour la population générale, mais, si on se base sur les données
internationales, ces personnes ne sont pas nos demandeurs de l'AMM pour des
troubles mentaux. Donc, oui, on devrait améliorer l'offre de services en
première ligne, mais je pense que, parmi les personnes qui vont demander l'AMM
pour des troubles mentaux, on parle des personnes sévèrement atteintes,
chroniquement.
Alors, si on regarde, parallèlement, dans
d'autres sphères de la médecine, on voit des mécanismes formels, comme des
corridors de services, les centres d'excellence avec les mandats spécifiques,
les partenariats avec les organismes communautaires bien encadrés. Ce sont les
mécanismes qu'on a besoin de développer en psychiatrie pour être sûrs que les
patients les plus sévèrement atteints ont accès aux soins spécialisés. On le
fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire. Ça dépend sur le clinicien
individuel, quoique... Je pense qu'on a besoin de formaliser. Mais, manque de
ressources, on parle vraiment d'avoir ce type de corridor, ce mécanisme pour
les patients les plus sévèrement atteints.
• (11 heures) •
Et j'aimerais <conclure sur…
>
11 h (version révisée)
< Mme Gupta (Mona) : …soins
spécialisés. On le fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire, ça
dépend sur le clinicien
individuel, Verbquoique je pense qu'on a besoin
de formaliser. Mais manque de ressources, on parle vraiment d'avoir ce type de
corridors, ces mécanismes pour les patients les plus sévèrement atteints.
Et j'aimerais >conclure sur l'enjeu
de manque de consensus. C'est vrai que les avis en psychiatrie et parmi des
experts dans le domaine sont très partagés. Et c'est important. On doit le
prendre en considération parce qu'il y a des implications pratiques. Par
exemple, si les médecins sont tous en désaccord, personne ne va participer. Mais
qu'est-ce que ça nous dit par rapport à c'est quoi, la bonne chose à faire? Ça
ne dit rien, en fait. Ce que les psychiatres pensent entre eux, ça ne peut pas être
une justification pour exclure quelqu'un de faire une demande. C'est tentant de
croire qu'en excluant des personnes atteintes de troubles mentaux on va éviter
les cas trop difficiles et on va juste conserver les cas où ça semble plus
facile, mais, comme j'ai discuté tout le long de mon exposé, on traite déjà ces
cas difficiles à cause du fait que les personnes atteintes de troubles
psychiatriques et physiques en même temps ont déjà l'accès. Alors, je vais m'arrêter
là puis j'ai bien hâte pour la discussion maintenant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Gupta. Merci beaucoup pour votre
présentation. Toujours aussi rigoureuse et claire.
Ça soulève plusieurs
questions dans mon esprit sur l'applicabilité de cette question-là. J'aimerais
ça, déjà, vous entendre, sur le départ, sur la question de… Parce que, bon, il
y a des enjeux, je pense, aussi sur les définitions des troubles mentaux.
Est-ce que c'est ce qui est reconnu, par exemple, par le DSM-V
uniquement? Est-ce que, cliniquement, il est possible d'établir une liste des
troubles mentaux qui pourraient être éligibles à l'aide médicale à mourir?
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur... Je sais que c'est un peu... Bon, c'est
un peu la base, je crois, mais je pense que c'est important aussi de vous
entendre sur cette question-là parce que c'est quand même ce qui va guider
aussi, au niveau de l'applicabilité, nos réflexions, là.
Mme Gupta (Mona) :
Oui. C'est une excellente question. Et, en fait, ça a été débattu lors
de l'étude du projet de loi fédéral parce que... Ils ont évité l'utilisation de
l'expression «trouble mental», qui est plutôt le terme… clinique, et ils ont
décidé de mettre «maladie mentale», mais ils n'ont donné aucune définition de
la maladie, et donc on ne savait pas trop, en fait, à quoi ils faisaient
référence. La seule chose, ils disaient : C'est ce qui est traité en
psychiatrie, qui... Vraiment, ça n'éclaircit pas la chose, parce qu'on peut
imaginer... Je pense que, dans les esprits des gens, quelque chose comme la
toxicomanie est comme un trouble mental, mais c'est rarement traité par la
psychiatrie, en fait. Donc, c'est vraiment difficile.
Puis je pense qu'on voit, dans vos
questions, dans cette discussion, exactement le problème d'essayer d'attacher
ça <avec un diagnostic…
Mme Gupta (Mona) : ...
qu'on
peut imaginer, je pense que, dans les esprits des gens, quelque chose comme la
toxicomanie est comme un trouble mental, mais c'est rarement traité par la
psychiatrie, en fait. Donc, c'est vraiment difficile.
Puis je pense qu'on voit, dans vos
questions, dans cette discussion, exactement le problème d'essayer d'attacher
ça >avec un diagnostic, parce que, tout de suite, on rentre dans le...
Mais qui est inclus, qui est exclu? Qu'est-ce qui compte et qu'est-ce qui ne
compte pas? Et donc je pense que le terme clinique, c'est simple, dans le sens
où, au moins, c'est le terme clinique. On sait exactement à quoi ça fait référence.
Dresser une liste, je pense qu'on va avoir exactement le même problème.
Mme Montpetit : Et, quand vous
dites «terme clinique»... Puis je vous pose la question parce que... Bon, moi,
j'ai eu le grand bonheur d'étudier en psychologie à une époque. C'était le DSM-IV,
ce n'était pas le DSM-V, mais c'était quand même le cadre sur lequel on
s'appuyait pour définir la question de troubles mentaux. Je pense que ce n'était
pas «troubles mentaux», effectivement, déjà, à l'époque, là. Mais c'était un
débat, effectivement, je peux dire, qui m'a surprise mais qui, de toute
évidence, a soulevé beaucoup d'enjeux sur la définition, de ce qu'on entend.
Quand vous dites là... Quand vous référez
à «clinique», moi, c'est ça, je veux vraiment vous entendre là-dessus, sur
comment on peut le préciser davantage, parce que ça semble être vraiment un
débat qui est soulevé puis qui vient apporter... je ne sais pas si «confusion»
est le bon mot, là, mais sur les directions qu'on doit prendre.
Mme Gupta (Mona) : Je ne suis
pas certaine que je comprends bien la nuance que vous apportez, donc, s'il vous
plaît, corrigez-moi si je vais dans le mauvais sens. Mais en fait je pense que
je retournerais au critère d'admissibilité qui est une malade grave et
incurable. Et je pense que je resterais là, parce que, je pense, essayer d'établir
une définition de «trouble mental» pour voir si ça rentre dans maladie grave et
incurable va nous amener dans le même débat : Mais est-ce que ça compte, est-ce
que ça ne compte pas?
Il y a plein de choses dans le DSM-V,
on ne dirait jamais que ça va être un motif pour demander l'AMM, comme
bégaiement, mais il est là. Donc, je ne pense pas que... Et je pense que... Mais,
cliniquement, personne ne va dire : Mais ça, c'est une maladie grave et
incurable dans le sens de la loi sur l'AMM.
Donc, je pense que définir «trouble mental»,
ça va être une partie déjà perdue. Je pense que c'est mieux de faire la
réflexion à l'inverse : Est-ce qu'il y a des troubles mentaux qui peuvent
être considérés des maladies graves et incurables? Et là il faut dire :
Mais qu'est-ce que c'est, une maladie incurable?, puis sans attacher ça à un
diagnostic quelconque.
Mme Montpetit : Oui,
absolument. Ça répond parfaitement à ma question, c'est ce que je voulais vous
entendre... Puis, si je vous posais la question, justement : Est-ce qu'il
y a des maladies, des troubles mentaux qui sont considérés comme graves et
incurables?, est-ce que, pour vous, justement, c'est quelque chose qui fait une
certaine forme de consensus ou, encore là, c'est matière à débat?
Mme Gupta (Mona) : Bien, je
pense que, cliniquement, on va s'entendre. Et c'est vrai que, dans le domaine,
on parle des maladies sévères et persistantes. Donc, clairement, il y a une
idée que certaines sont sévères, puis ce sont eux qui reçoivent cette
étiquette-là. Mais je pense que le <collège puis aussi le...
Mme Gupta (Mona) : …
cliniquement,
on va s'entendre. Et c'est vrai que, dans le domaine, on parle des maladies
sévères et persistantes, donc, clairement, il y a une idée que certaines sont
sévères, puis ce sont eux qui reçoivent cette étiquette-là. Mais je pense que
le >collège puis aussi le législateur nous ont encouragés, toujours, de
concevoir de... la situation d'une personne et dans l'ensemble de ses
circonstances cliniques. Donc, encore une fois, je veux résister à la tendance
d'attacher la sévérité à un diagnostic mais plus à ses circonstances vécues.
Mme Montpetit : O.K. Vous nous
avez aussi, bon, je pense, sensibilisés au fait que les troubles mentaux, ça
peut venir, justement, altérer, bon, les perceptions, les émotions, les
cognitions, le jugement de la personne. Donc, ça peut venir affecter l'autoévaluation
de la souffrance. Je trouvais très intéressant que vous abordiez cette
question-là, en ce sens que… Bon, c'est sûr que j'aimerais vous entendre sur
deux aspects, dans le fond, parce que vous suggérez, justement, qu'il y ait un
psychiatre qui soit impliqué pour faire cette autoévaluation… bien, pour faire
cette évaluation-là de la souffrance. Donc, deux choses sur lesquelles j'aimerais
vous entendre, sur comment on peut concilier le fait de ne pas… que l'autoévaluation
de la souffrance, dans le fond, soit altérée, ce qui vient en opposition avec l'autodétermination
de la personne à prendre une décision pour elle-même, et aussi comment cette
souffrance-là va être évaluée dans le contexte clinique d'une relation avec un
psychiatre.
Mme Gupta (Mona) : O.K. J'ai
entendu deux questions, donc je vais prendre chacune après l'autre. Et je pense
que, justement, cette question d'autoévaluation versus… ou autoévaluation
potentiellement distortionnée contre autodétermination est toujours en jeu, en
fait, en pratique clinique, au moins en psychiatrie. Ce n'est pas juste en AMM.
Puis c'est ça, l'équilibre il faut chercher. On a le cadre légal qui nous guide,
qui est… On est dans la présomption de l'aptitude pour tout le monde. AMM est
un peu différent, comme j'ai dit, mais on ne dit pas d'emblée que la personne
en trouble mental, il devrait être inapte ou pas capable de faire une bonne
autoévaluation de sa souffrance. Mais la question se pose.
Et je pense qu'on essaie toujours de
cibler cet équilibre entre aider les gens de réaliser ce qu'ils veulent et d'empêcher
quelqu'un d'agir quand ce n'est pas dans ses intérêts définis par lui-même.
Donc, justement, notre travail, en psychiatrie, c'est de dire : Mais,
attends, vous dites que votre vie ne vaut rien, vous voulez mettre fin à vos
jours, vous voulez vous suicider, mais ça se peut que vous allez réfléchir
autrement si on vous aide, si vous avez accès à des soins, etc. Donc, je pense
que c'est un équilibre, et il faut juste essayer de cibler cet équilibre <chaque
fois où on…
Mme Gupta (Mona) : …
de
dire : Mais, attends, vous dites que votre vie ne vaut rien, vous voulez
mettre fin à vos jours, vous voulez vous suicider, mais ça se peut que vous
allez réfléchir autrement si on vous aide, si vous avez accès à des soins, etc.
Donc, je pense que c'est un équilibre, et il faut juste essayer de cibler cet
équilibre >chaque fois où on fait une évaluation.
Je pense que, comme... L'autre chose, c'est
que, même si c'est un petit peu le contraire de ce que j'ai dit avant, oui, c'est
important d'avoir quelque chose en place qui empêche des multiples demandes,
une après l'autre. Mais un refus à un moment de temps x n'est pas un refus
pour toujours. Ça se peut que ce n'est pas le bon moment maintenant, mais que,
dans un… après une certaine période de temps, oui, c'est un soin approprié.
Donc, il faut qu'on conçoive, je pense, tout le processus dans une manière
longitudinale aussi et pas juste comme : C'est non, c'est non pour toujours,
on ne respecte pas l'autodétermination. Ça, c'était la première.
La deuxième question, je crois, c'est :
Comment est-ce qu'on fait en psychiatrie?
• (11 h 10) •
Mme Montpetit : Comment vous
évaluez, justement, dans la relation avec un patient, comment vous évaluez sa
propre souffrance quand lui a une incapacité à faire une autoévaluation
adéquate?
Mme Gupta (Mona) : Oui, mais c'est
plutôt qu'on essaie de voir s'il y a des indices que la personne ne fait pas
une autoévaluation adéquate. Donc, on prend pour acquis, toujours, que les gens
autoévaluent dans la bonne façon, mais parfois on entend des indices. Mettons,
la famille nous dit : Je ne reconnais pas mon proche, il n'était jamais
comme ça.
En fait, une collègue m'a parlé d'un cas
exactement comme ça, d'un monsieur atteint d'un cancer, pas un trouble mental,
mais qui demandait AMM, et c'était justement la famille qui a dit au
psychiatre : Bien, il n'a jamais parlé de ça, il n'était pas comme ça, je
ne reconnais pas mon mari, je ne pense pas que cette demande est authentique. Donc,
c'était un indice d'aller plus loin, de voir : Mais est-ce que cette
demande correspond réellement à ses désirs, ses croyances, comment il voulait
vivre ses derniers jours ou est-ce qu'il y a quelque chose d'autre qui s'insère
dans ce processus, voire trouble psychiatrique, trouble dépressif, changement
cognitif à cause de la présence, justement, du cancer qu'il avait? Donc, c'est…
Voilà, c'est un exemple où on cherche les indices qu'il y a peut-être quelque
chose qui n'est pas authentique, si je peux utiliser ce mot.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup, Dre Gupta. Mme la Présidente, j'ai ma collègue de
Westmount—Saint-Louis qui aurait une question également.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Allez-y, Mme la députée.
Mme Maccarone : Merci,
Dre Gupta. Vous avez mentionné peut-être prendre une période de temps pour
évaluer lorsque la personne s'exprime. Est-ce qu'on a une idée de combien de
temps qu'on devrait se donner pour cette attente pour réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Pour l'évaluation
de demande d'AMM chez une personne atteinte d'un trouble mental, c'est ça?
Mme Maccarone : Bien, après
que... Vous avez dit... Mettons, il y a quelqu'un qui s'exprime, puis là vous
avez dit : Bien, ça se peut qu'il y ait quelque chose qui peut changer
dans leur vie, alors nous devrons passer une réévaluation. Alors, on devrait
prévoir combien de temps, par exemple, pour cette réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Oui. J'ai
le goût de vous redonner la question et dire que c'est un peu, comme, votre
problème. Mais je dirais que c'est quelque part entre ne pas avoir tellement de
temps que ça devient, effectivement, un obstacle, mais pas trop peu de temps <qu'on
ne peut pas prendre en…
Mme Maccarone : …
devrait
prévoir combien de temps, par exemple, pour cette réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Oui, j'ai
le goût de vous redonner la question et dire que c'est un peu comme votre
problème. Mais je dirais que c'est quelque part entre ne pas avoir tellement de
temps que ça devient, effectivement, un obstacle, mais pas trop peu de temps
>qu'on ne peut pas prendre en considération tous les aspects puis…
Mais, dans le cas dont je viens de parler,
si on juge que, réellement, la personne n'exprime pas ses vrais désirs, bien là,
on devrait, comme, soit suspendre ou refuser la demande puis dire : Mais
on peut essayer d'autre chose. Là, on va rencontrer un autre problème qui est
le refus de traitement, qu'on peut en parler dans une minute, mais donc je
pense que...
Je ne sais pas si vous avez déjà vu le
document de l'AMPQ. Nous avons proposé un processus qui durait des mois. Donc,
on peut discuter, trois mois, six mois, cinq mois, mais je pense qu'on parle
des mois, pas des jours.
Mme Maccarone : Le refus de
traitement, ça me préoccupe beaucoup parce que... Par exemple, je vais vous
donner une mise en scène d'une personne trans qui est venue à mon bureau. Elle
a 35 ans, hein, puis ça fait des années, depuis... qu'elle exprime sa
volonté de vouloir faire… avoir accès à l'aide médicale à mourir. Elle a toutes
ses facultés. Évidemment, c'est une personne trans féminine qui souffre d'une
dépression, mais elle a aussi refusé des chirurgies d'affirmation de genre, qui
peuvent être vues comme un soin. Alors, elle, elle tomberait dans quelle
catégorie? D'abord, est-ce que ça veut dire, parce qu'elle a refusé un soin,
mais elle a toutes ses facultés puis elle est apte, qu'on ne devrait pas l'inclure
dans ce processus?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça, c'est
excellent. Et ça, c'est le dilemme, en fait, qui embête nos collègues aux
Pays-Bas, nos collègues en Belgique aussi. Et je pense que ce serait très bien
si on peut s'entendre et élaborer sur une définition d'incurabilité qui prenne
en considération cet élément, c'est-à-dire : Si quelqu'un refuse un soin
qui a une haute probabilité d'améliorer la situation ou l'état de souffrance,
peu importe, est-ce que ça rend automatiquement la personne incurable? Mon intuition,
c'est non, pas nécessairement.
Donc, je ne veux jamais dire jamais, mais
ce que je veux dire, c'est qu'intuitivement, cliniquement, si quelqu'un a une
maladie, la notion d'incurabilité, ça attache, oui, à la décision prise par la
personne mais aussi par la condition. Ce n'est pas qu'une évaluation de la
personne. Donc, mettons que quelqu'un a un cancer du sein qui est curable et
refuse des soins, bien, on va dire : Elle a un cancer curable, mais elle
refuse des soins. On ne dit pas : Elle a refusé des soins, donc son cancer
est devenu incurable. Donc, je pense que l'incurabilité attache aux décisions
de la personne, oui, mais aussi à sa condition.
Je pense qu'aux Pays-Bas et en Belgique
ils ont résolu le problème en parlant d'une haute probabilité de succès. Je
pense que c'est bien de le formuler comme ça, mais, en même temps, est-ce qu'on
est réellement capables de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par haute
probabilité? Peut-être pas. Donc là, je pense qu'on est dans la zone grise de
jugement clinique où... Si on pense que c'est un refus qui est… <d'un
soin qui est…
Mme Gupta (Mona) : …pense
que c'est bien de le formuler comme ça, mais en même temps, est-ce qu'on est,
réellement, capable de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par haute probabilité?
Peut-être pas. Donc, là, je pense qu'on est dans la zone grise de jugement
clinique, ou, si on pense que c'est un refus qui est… >d'un soin qui esteffectif
pour beaucoup de gens et que la personne refuse pour les raisons qui ne
semblent pas vraiment raisonnables, mais ce n'est pas le bon moment de procéder,
ça ne veut pas dire que ce n'est jamais approprié, mais, pour le moment, on va
laisser le temps couler.
L'autre élément que j'aimerais ajouter à
ça, c'est qu'il y a beaucoup de circonstances, en psychiatrie, où il faut
laisser le temps pour la situation d'évoluer. Et parfois, dans le temps, la
situation, pas à cause d'un traitement mais juste à cause des circonstances de
vie, la personne va changer son idée ou va poursuivre d'autre chose. Et je
pense que c'est important aussi qu'il y ait un temps approprié, même s'il y a
un refus, pour que la personne vive autre chose. C'est pour ça, je dis : La
durée de la maladie est vraiment importante, surtout quand on parle des gens
qui sont plus jeunes, plus au début de leur parcours de maladie. C'est autre
chose quand on parle de quelqu'un qui avait une maladie depuis 30 ans.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour,
Dre Gupta. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, c'est des enjeux
qui ne sont pas faciles. Je ne suis pas un expert, donc vous allez me pardonner
toute la candeur de mes questions puis l'approximation dans le vocabulaire, là,
parce que je ne maîtrise pas les enjeux aussi bien que vous. Je vais essayer de
bien m'exprimer.
Sur la question de la souffrance, je pense
qu'il y a, dans la population en général, qui ne sont pas des psychiatres, dont
je fais partie, une difficulté à appréhender cette notion-là dans le cas des
gens qui souffrent de troubles mentaux, c'est-à-dire... Il y a tout un débat
sur qu'est-ce qui… un débat, une réflexion, je pense, qui arrive, qui naît
spontanément chez les gens, à savoir : Quand vient le temps d'évaluer la
souffrance de quelqu'un qui a des troubles mentaux, quelle est la portion de
cette souffrance-là qui relève, je vais le dire très simplement, de la société?
Quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève de l'exclusion sociale
dont font preuve les personnes qui ont un rapport au monde différent, qui ont
un rapport à la rationalité qui n'est pas celui de la norme? Il y a, dans la
souffrance, en matière de troubles mentaux, cette idée qu'il y a des gens qui
ne correspondent pas à la norme de rationalité qui est généralement admise. Et
donc la question, ce serait : Quelle est la part de souffrance qui relève
de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat dans la société, d'avoir des
difficultés à entrer en communication avec les autres, puis quelle est la part
de la souffrance qui est vraiment une <souffrance, je le dis…
M. Nadeau-Dubois : …est la
part de souffrance qui relève de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat
dans la société, d'avoir des difficultés à entrer en communication avec les
autres, puis quelle est la part de la souffrance qui est vraiment une >souffrance,
je le dis comme je suis capable de le dire, là, mais, tu sais, vraiment
interne, vraiment propre à la personne?
Et donc ça pose la question, puis c'est
beaucoup des gens qui vont avoir un rapport critique à la psychiatrie comme
pratique qui vont poser ces questions-là, en disant : Bien, c'est peut-être
aussi la société qu'il faut changer, puis notre rapport à la rationalité, puis
notre manière de vivre avec les gens qui ont des troubles de santé mentale.
Puis les gens qui font cette réflexion-là se disent : Est-ce qu'il n'y a
pas un danger d'ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir dans un contexte où
il y a encore tous ces défis-là d'inclusion, tu sais? Puis est-ce qu'il n'y a
pas des manières de diminuer la souffrance qui ne relèvent pas du psychiatre et
de son patient mais de ce qu'on fait, comme société, avec ces gens-là, puis de
la place qu'on leur donne, puis de comment on les considère?
Ça fait que je le dis vraiment de manière
approximative, avec les mots qui sont les miens, mais comment vous, vous faites
la part des choses là-dedans? Comment vous répondriez à des gens qui ont cette
inquiétude-là, qu'on soit en train de faire l'économie d'un débat sur ces
enjeux-là en ouvrant la porte à l'aide médicale à mourir pour les gens qui
souffrent seulement de troubles mentaux?
• (11 h 20) •
Mme Gupta (Mona) : Merci
beaucoup pour la question, M. le député. Puis il y a beaucoup de niveaux dans
votre question. Donc, je vais essayer de passer une par une, mais, juste,
rappelez-moi si j'ai oublié des choses.
Je pense que… Je reviens un peu à ce que j'ai
dit par rapport au manque de ressources. Je pense que c'est vraiment important
qu'on ne confonde pas des groupes de personnes. Alors, est-ce qu'il y a l'exclusion
sociale? Oui. Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait faire, dans notre
société, pour améliorer l'exclusion sociale vécue pas juste par les personnes
qui ont des troubles mentaux mais toutes sortes de personnes? Oui.
Mais qui sont les demandeurs de l'AMM-SPMI?
Là, il faut se baser sur les données internationales parce que... Évidemment,
on ne les a pas ici parce qu'on ne le fait pas vraiment ici. Ils ne sont pas
une population large des personnes marginales qui demandent, donc, pour… Parce
que vous faites ce lien causal là entre l'exclusion et une souffrance qui va
mener une personne à demander AMM. On parle d'un très petit groupe de personnes
qui ont été malades longtemps, qui ont essayé beaucoup, beaucoup de
traitements, qui ont eu accès, la plupart parmi eux, de beaucoup, beaucoup de
services.
Et je pense qu'une raison qu'on se permet
d'avoir cette discussion dans notre société, c'est parce qu'il n'y a pas
beaucoup de gens qui connaissent ces patients-là. Bon, justement, parce qu'ils
sont tellement malades depuis tellement longtemps, ils ne voient pas beaucoup
de gens. Ils sont connus aux équipes psychiatriques qui s'occupent des personnes
malades chroniquement, mais, quand on pense... C'est pour ça, j'ai dit «mise en
garde» au début. Quand on pense dans la maladie mentale, <on pense de
notre voisin…
Mme Gupta (Mona) : ...justement,
parce qu'ils sont tellement malades, depuis tellement longtemps, ils ne voient
pas beaucoup de gens. Ils sont connus aux équipes psychiatriques qui s'occupent
des personnes malades chroniquement. Mais, quand on pense... C'est pour ça, j'ai
dit «mise en garde» au début. Quand on pense dans la maladie mentale, >on
pense de notre voisin qui a vécu une dépression après son divorce. On ne pense
pas de la personne avec un TOC si sévère, il passe 20 heures sur 24 à se
laver, jusqu'au point où ses mains sont couvertes en sang, il ne se nourrit
plus, il ne dort plus, il doit laver sa toilette 400 fois par jour parce
qu'il perçoit que c'est contaminé. On ne pense pas de ces personnes parce qu'on
ne les connaît pas. Donc, je ne suis pas certaine que le lien fait entre l'exclusion
sociale, et les problèmes sociétaux, et la demande d'AMM est un bon lien. Ce
serait ma première réponse.
Le deuxième volet ou la deuxième piste de
ma réponse, c'est la suivante. Je comprends tout à fait pourquoi le législateur
a mis «physiques et psychiques» dans la loi, mais je le regrette aussi, parce
que je pense que ça communique le message que la souffrance est quelque chose
morcelé. On ne peut dire : Ce morceau de sa souffrance appartient de sa
douleur, et ce morceau appartient de sa tristesse, et ce morceau appartient à l'exclusion
sociale. La souffrance est l'expérience vécue d'une personne, et une personne
est une intégrité. Il n'est pas isolé avec son expérience de maladie, il vit
une expérience de maladie dans une société. Donc, tout ce qu'il vit est interrelié.
Alors, je reviens à l'AMM qu'on fait
maintenant. Le demandeur qui dit : Je suis en fin de vie, je suis
dépendant, j'ai besoin, le seul endroit où je peux aller, c'est le CHSLD, je ne
veux pas y aller, je veux avoir l'AMM maintenant parce que ce n'est pas comme
ça que j'ai envisagé ma fin de vie, on parle d'un problème social, on parle d'un
contexte où l'hébergement qu'on peut offrir à quelqu'un dans cet état n'est
pas, pour lui, adéquat, et ça amène de la souffrance, en fait. Donc, on ne
peut... Il vit une maladie. C'est à cause de ça, il est dans cette situation,
mais il vit sa maladie dans un contexte social. Donc, est-ce qu'on a besoin de
travailler nos problèmes sociaux? Absolument. Mais on ne peut pas nier, en même
temps, pour des problèmes... personnes avec des troubles mentaux mais pour n'importe...
personne, incluant les demandeurs, actuellement, que leur souffrance est en
interaction avec la société dans laquelle on vit. Puis on ne dit pas qu'à cause
de ça vous ne pouvez pas avoir accès. Ce qu'on devrait faire, c'est de prendre
ça en considération dans les évaluations qu'on fait des personnes et être sûrs
qu'on fait tout ce qu'on peut, en tant que société, pour remédier des choses
qui sont remédiables.
M. Nadeau-Dubois : De combien
de temps est-ce que je dispose, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
M. Nadeau-Dubois : Vous parlez
de votre réticence à ce qui... <à attacher des diagnostics...
Mme Gupta (Mona) : ...
en
tant que société pour remédier des choses qui sont remédiables.
M. Nadeau-Dubois : De
combien de temps est-ce que je dispose, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Guillemette) :
1 min 30 s.
M. Nadeau-Dubois : Vous
parlez de votre réticence à ce qui... >à attacher des diagnostics
spécifiques dans le cas de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui
souffrent de troubles mentaux. Je comprends cette réticence-là. Ma question
pour vous : D'un point de vue d'acceptabilité sociale — parce
que, comme législateurs, ça nous préoccupe, ça, tu sais, que nos intentions
soient bien comprises puis que les gens adhèrent, puis, pour qu'ils adhèrent,
il faut qu'ils saisissent de quoi il est question — est-ce qu'il n'y
a pas un risque, considérant toute l'ambiguïté que vous nommez vous-même sur qu'est-ce
qu'exactement les problèmes de santé mentale, que ce flou-là sur la question du
diagnostic envoie un genre de message ou soit perçu comme un élargissement
très, très, très libéral et que ça suscite une réaction — est-ce que
vous voyez que je veux dire? — une réaction sociale à une perception
que, mon Dieu, là, ça va être possible pour, je vais le dire comme je le...
comme, pour n'importe qui, n'importe comment? Comment on fait pour lutter
contre cette perception-là, selon vous?
Mme Gupta (Mona) : Bien, peut-être...
J'offre ça, je ne sais pas si c'est suffisant, mais peut-être, dans la manière
que j'ai amenée, de dire : Mais on n'attache pas ça à un diagnostic, on ne
l'a jamais fait, on ne va pas commencer maintenant, mais c'est clair, qui n'est
pas admissible. Donc, on identifie, justement, les gens. Parce que, souvent, j'entends
ça : Mais est-ce que quelqu'un en crise peut aller à l'urgence puis
demander AMM? Mais non, non. Donc, je... Mais je pense qu'il faut qu'on le
dise, puis il faut que ce soit dit par soit vous, le législateur, ou, je ne
sais pas exactement, que ce message soit communiqué pas juste au public mais
aux cliniciens dans le réseau de santé : Non, on n'ouvre pas, on est toujours
dans la maladie grave et incurable. On n'est pas dans jeune de 17 ans
qui vient d'avoir une rupture avec sa blonde. Non. Donc, le fait que c'est...
Et je pense qu'en fait ce questionnement
de la population, ça montre le cas... Ce que j'ai dit au début, la mise en garde,
ça montre le cas paradigmatique de la maladie mentale qui est en arrière-plan.
Parce que, quand on parle de l'AMM maladie physique, personne ne pense que tu
casses ton bras à jouer au baseball, tu peux demander AMM, tu vas l'avoir.
Personne ne pense ça. Donc, pourquoi est-ce qu'on pense que tu vis une crise,
tu as cassé avec ta blonde, tu vas aller à l'urgence et avoir l'AMM? Parce qu'on
croit que la maladie mentale ne peut pas ou n'est pas une maladie grave et
incurable.
Donc, je pense que c'est vraiment de
rester sur ces propos. On parle des maladies graves et incurables, pas des
crises, pas les gens qui viennent d'être diagnostiqués, pas des jeunes
marginaux, sur la rue, ou peu importe.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député
de Chomedey pour deux minutes.
M. Ouellette : Deux petites
minutes, Mme Gupta, ce n'est pas beaucoup.
Je veux juste vous ramener sur la quatrième
recommandation que vous nous avez faite, recommandation complémentaire. Et je
pense qu'il sera de la responsabilité de la commission de s'assurer, dans son
rapport, de <mettre des balises...
M. Ouellette :
…je
veux juste vous ramener sur la quatrième recommandation que vous nous avez
faite, recommandation complémentaire. Et je pense qu'il sera de la
responsabilité de la commission de s'assurer, dans son rapport, de >mettre
des balises pour faire en sorte que les demandeurs... et je vais employer un
mot qui est peut-être lourd, mais que... les demandeurs quérulents, là, bien, qu'on
puisse suivre leur histoire et qu'il n'y en ait pas un qui passe dans les
mailles du filet pour qu'à un moment donné on se ramasse en sanction criminelle
ou qu'on ne fasse pas le bon travail. C'est que vous nous éveillez à
obligatoirement mettre une disposition dans le rapport que nous allons devoir
préparer.
Mme Gupta (Mona) : Est-ce que
vous me demandez ce serait quoi, une balise?
M. Ouellette : Oui, c'était
ça, ma question, là. Mais, définitivement, je me sens une responsabilité de
mettre quelque chose dans le rapport.
Mme Gupta (Mona) : Bien, je
pense que ce serait bienvenu, de mon point de vue, et je pense que… Merci pour
avoir nommé. Malgré le fait que c'est difficile à dire, des demandeurs
quérulents ou récurrents, ou peu importe... Mais je pense que ça peut exister et
puis je pense que c'est important qu'il y ait quelque chose. Je suis contente
que c'est, comme, plutôt votre problème que le mien.
Mais c'est clair que, dans le système
actuel, quelqu'un peut ouvrir un dossier dans plusieurs endroits sans que l'établissement
sait qu'est-ce qui se passe dans l'autre. Je pense que c'est un processus important
qui exige le temps, mais ça peut rapidement devenir un processus sans fin qui
consomme beaucoup de temps et ressources si ce n'est pas bien encadré.
Alors, oui, donc, comment on le fait? Ce
qu'on a proposé à l'AMPQ, mais c'est une façon de faire, il y a d'autres façons
de faire, c'est d'avoir une organisation centralisée. Mais je ne sais pas si ce
serait possible, mais... Voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, moi, j'aurais une question avant de céder la
parole à mes collègues. On sait qu'il y a des gens qui ont des pensées
suicidaires récurrentes. Comment on peut évaluer cette idée de pensées
suicidaires récurrentes versus l'aide médicale à mourir?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente, pour cette question. C'est, encore une fois, une
autre question qui fait réfléchir beaucoup les gens sur la question. Je reviens
un peu à mes exemples des patients atteints de troubles mentaux qui ont des
maladies physiques chroniques, qui subissent des traitements qui prolongent
leur vie, comme la dialyse, qui ont fait peut-être des tentatives de suicide
par le passé, qui ont des idées suicidaires récurrentes et qui arrivent à un
moment où ils veulent cesser leur dialyse, qui va inévitablement mener à leur
mort. Alors, on applique une série de recommandations dans ces cas.
• (11 h 30) •
Donc, je dirais que ce n'est pas une
question de distinguer entre les deux mais <plutôt de dire : Bien,
est-ce que c'est un ensemble…
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Gupta (Mona) :
...suicidaires récurrents et qui arrivent à un moment où ils veulent cesser
leur dialyse qui va inévitablement mener à leur mort. Alors, on applique une
série de considérations, dans ces cas.
Donc, je dirais que ce n'est pas une
question de distinguer entre les deux, mais >plutôt de dire : Mais
est-ce que c'est un ensemble de circonstances où on pense que cette prise de
décision est, comme disait Mme la députée, plus dans le sens d'une vraie
autodétermination versus quelque chose qui est compromis par la maladie
physique, ou psychique, ou d'autres circonstances sociorelationnelles, etc.?
Donc, c'est ça, la réflexion qu'on fait maintenant dans ce genre de situation
délicate. Et je pense que ce serait la même sorte de réflexion qu'on a besoin
d'avoir chez quelqu'un qui a des antécédents, des idées et tentatives
suicidaires récurrentes et chroniques.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Gupta. J'ai une question qui, somme toute... Je crois qu'elle est
toute simple, mais je vais vous la poser. Vous suggérez d'inclure un pédiatre
dans l'équipe de la décision ou de l'acte de l'aide médicale à mourir. Est-ce
que, selon vous, ça pourrait être une IPS, une infirmière praticienne
spécialisée en santé mentale qui ferait cette évaluation-là ou ça nécessiterait
vraiment juste un psychiatre?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça, c'est
comme... Ça, c'est une question qui a un élément légal aussi, je crois, parce
que, dans le cadre de la loi canadienne, il s'agit des IPS aussi, qui peuvent
être des cliniciens qui prodiguent ce soin. Je pense que, je dirais, ça prend
un psychiatre. Je pense que les IPS peuvent peut-être commencer de s'impliquer
dans la pratique, mais je pense que l'implication d'au moins un psychiatre,
dans l'évaluation de la demande, serait nécessaire. Je pense que la formation n'est
pas la même. Donc, je pense que oui. Je ne vois pas pourquoi ça... Les IPS
pratiquent déjà au Canada. Je pense que la pratique générale de l'AMM, c'est
possible, mais, l'évaluation d'une demande trouble mental SPMI, je pense que ça
prend au moins un psychiatre pour faire l'évaluation de la demande.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Oui.
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Gupta. Dans le contexte où... Probablement
que ma question va se rapprocher des autres collègues qui ont posé les
questions, mais je pense que j'ai encore besoin de l'entendre de votre part. Dans
le contexte où les médecins doivent évaluer la... par rapport aux valeurs du
patient puis sa vision sur... Parce qu'on s'entend, là, en maladie mentale, là,
ça va être plus sur ce que lui considère comme une bonne vie ou qu'est-ce qu'il
considère comme une vie acceptable.
Donc, à quel moment on peut considérer
qu'il y a <vraiment un...
Mme
Hébert
:
...doivent évaluer la... par rapport aux valeurs du patient puis sa vision
sur... Parce qu'on s'entend, là, en maladie mentale, là, ça va être plus sur ce
que lui considère comme une bonne vie ou qu'est-ce qu'il considère comme une
vie acceptable.
Donc, à quel moment on peut considérer
qu'il y a >vraiment un déclin puis que c'est avancé, que la souffrance
est intolérable et incurable? Parce qu'on s'entend, là, vous l'avez dit, c'est vraiment
une catégorie de personnes qui est minime, là, quand même, quand on parle de santé
mentale, qui vont demander l'aide médicale à mourir, là, avec tous les critères
que vous avez envoyés, ça fait que... que vous avez donnés. Donc, à quel moment
qu'on peut vraiment considérer qu'il y a un déclin comme étant avancé puis que
la souffrance est vraiment intolérable et incurable?
Mme Gupta (Mona) : Je pense...
Je veux juste clarifier un mot. Vous avez dit : La personne atteinte des
troubles mentaux, c'est une catégorie qui est minime.
Mme
Hébert
:
Bien, vous avez dit tantôt que c'était... il y avait... Les types de personnes,
selon vous, qui allaient peut-être être admissibles à cette aide-là étaient quand
même assez restreints en nombre parce qu'on en excluait beaucoup, là, avec les
crises aiguës, la personne, c'est tôt dans la maladie, la personne qui n'a pas
eu des soins adéquats, qu'on n'a pas tout tenté. Donc, étant donné que c'est
une catégorie quand même qui est minime, moi, j'aimerais savoir, là, c'est où,
là, qu'on considère qu'il y a vraiment un déclin puis que c'est avancé, assez
pour que ce soit intolérable et incurable.
Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci.
Merci pour la précision. Bien, écoute, je pense qu'il y a différentes manières
qu'on peut définir ces expressions-là, «incurable», «déclin avancé» et «irréversible».
Ça va prendre une définition quelconque, mais je pense que ça va tourner autour
de la sévérité, dont le cas que j'ai mentionné, quelqu'un qui est complètement
absorbé par ses symptômes 20 heures sur 24. On ne va pas le chiffrer dans
la loi, évidemment, mais on parle d'un degré, d'être envahi, et une sévérité
qu'il faut identifier. On parle aussi des tentatives de traitement. Donc, ici
encore, je fais référence à nos collègues aux Pays-Bas, mais ils parlent des
traitements biologiques, psychologiques, sociaux, avec une durée et une
intensité appropriées, optimales.
Donc, je ne pense pas que c'est
souhaitable d'essayer de dire : Mais tellement d'années ou x nombre
de traitements, mais plus que ce soit cliniquement évaluable que c'est beaucoup,
si je peux le dire comme ça. Donc, ça, c'est la partie incurable.
Je pense que la partie déclin fonctionnel,
bien, ça va dépendre un peu de la personne, parce que nos fonctions n'ont
pas... tous les mêmes, dans le sens où ce n'est pas tout le monde qui
travaille, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir des relations intimes,
etc. Mais, les êtres humains, on veut faire des choses dans la vie, puis, selon
ce qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire, est-ce que la maladie impose des
contraintes importantes sur ce fonctionnement, sur ce plan de vie, sur la <personne...
Mme Gupta (Mona) : …
tout
le monde qui travaille, ce n'est pas
tout le monde qui veut avoir des
relations intimes, etc. Mais les êtres humains, on veut faire des choses dans
la vie, puis, selon ce qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire,
est-ce
que la maladie impose des contraintes
importantes sur ce
fonctionnement,
sur ce plan de vie, sur la >personne?
Donc, ce sont les enjeux qu'il faut prendre
en considération. Et c'est sûr qu'on a besoin d'attacher ça avec un degré de
sévérité et une durée, une constance dans le temps. Donc, encore une fois, on
ne parle pas de la deuxième année que quelqu'un souffre de quelque chose, mais
on parle de quelqu'un qui est souffrant depuis des années, voire des décennies,
qui ont essayé beaucoup de choses, d'aller mieux, et qui n'ont pas réussi.
Mme
Hébert
:
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Dre Gupta, merci d'être là aujourd'hui. Je vais aller dans
le même sens, là, que la députée de Maurice-Richard puis le
député de Gouin, là, qui se sont attardés beaucoup, là, au cas... comment on
pouvait cibler certaines maladies. Je comprends, là, dans le discours que vous
faites depuis le début, là, qu'on ne peut pas cibler une maladie en tant que
telle, la schizophrénie ou quoi que ce soit. Et, bon, vous me rassurez aussi
que ça prend un élément important et de longueur de plusieurs années pour
arriver à un déclin majeur pour que les gens, là, puissent recourir à l'aide
médicale à mourir ou aux soins de fin de vie.
Puis mon interrogation, avant que vous
parliez ou commenciez votre intervention, c'était au niveau de la famille, bon,
les proches de ces personnes-là, bon, quelles influences qu'ils peuvent
apporter à demander à une personne de requérir à l'aide médicale à mourir, dans
un cas, qui pourraient mettre de la pression sur certaines personnes qui ont
des problèmes mentaux, de un.
Et, de deux, de quelle façon ils
pourraient être consultés aussi, dans les deux sens, autant pour ne pas qu'ils
mettent de pression à ces personnes-là, mais, dans l'autre sens, qu'ils soient
des accompagnateurs fidèles à ces personnes-là qui voudraient aller vers l'aide
médicale à mourir, et de les consulter, à savoir vraiment est-ce que les gens
puissent recourir ou non, puis qu'il y ait un deuxième avis. Oui, l'avis du
psychiatre me rassure énormément, je pense que c'est… il faut que ce soit là,
ça ne peut pas ne pas être là, mais, dans l'autre sens, la bulle familiale, les
gens qui interviennent avec ces personnes-là... J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci
beaucoup, M. le député, pour la question. Bien, j'aimerais… J'ai le goût de
commencer avec l'idée qu'on n'a pas besoin de réinventer la roue. On le fait
déjà. Nos médecins qui pratiquent l'AMM au Québec, ils interagissent avec les
familles, ils parlent avec eux, ils essaient de voir c'est quoi, la relation
entre eux et la personne. Je pense que, dans la grande, grande, grande majorité
des cas, les familles sont des proches aidants et peuvent éclaircir qu'est-ce
qui se passe pour cette personne, c'était quoi, sa vision de sa fin <de
vie…
Mme Gupta (Mona) : …
pratiquent
l'AMM au Québec, ils interagissent avec les familles, ils parlent avec eux, ils
essaient de voir c'est quoi, la relation entre eux et la personne. Je pense que
dans la grande, grande, grande majorité des cas, les familles sont des proches
aidants et peuvent éclaircir qu'est-ce qui se passe pour cette personne, c'était
quoi, sa vision de sa fin >de vie, etc.
Donc… Et je pense que, généralement... — ça,
c'est quelque chose que j'ai appris d'un projet de recherche que je mène
actuellement sur l'évaluation des demandes, c'est... — quand la
famille et la demande sont synchronisées, les demandeurs, c'est là où le
médecin se sent le plus rassuré par rapport à la demande.
Donc, je pense qu'on le fait déjà. C'est
sûr qu'il y a certaines familles qu'ils n'ont pas une bonne relation avec leurs
proches, puis il faut qu'on fasse attention à ça. Et je reviens un peu à ma
recommandation complémentaire sur la pertinence de la psychiatrie. Ça, c'est
notre quotidien de faire attention à ces dynamiques intrafamiliales. Et c'est
une autre raison, je pense, que notre expertise est souhaitable.
• (11 h 40) •
Mais une force aussi de la loi québécoise,
si je peux partir du processus et revenir à la loi, c'est que c'est inclus, en
fait, que les proches et la famille soient consultés dans le processus. Je
pense que c'est approprié. Je pense qu'on devrait continuer de faire ça, à
moins que la personne ait des raisons importantes, comme abus dans l'enfance ou
quelque chose comme ça, où ce ne serait vraiment pas approprié d'inclure la
famille.
M. Jacques : O.K. Juste pour
compléter, là, bon, vous avez souligné, là, qu'il y a des familles que la
relation est moins bonne avec ces gens-là et... Bien, c'est plus... Moi, mon
inquiétude était vraiment là, ceux qui ont une mauvaise relation, les gens sont
tannés de s'occuper de cette personne-là. Parce que, souvent, ça devient un
fardeau pour toute la famille, pour l'ensemble de la famille. Donc, à ce moment-là,
les familles ne seraient pas consultées. C'est ce que vous dites.
Mme Gupta (Mona) : Je pense
que ça revient toujours au demandeur. Si le demandeur veut impliquer sa
famille, qui est actuellement le cas dans la grande majorité des cas, on va
l'impliquer. Donc, je pense que le principe de départ, c'est que l'entourage
soit impliqué.
Mais, si on a des raisons de croire, au
travers de notre travail avec la personne, que ce ne serait pas bien que la
famille soit impliquée ou si la personne refuse carrément que la famille soit
impliquée, bien, on ne peut pas l'imposer non plus. Mais c'est…
Je pense que, dans un premier temps, un
patient qui refuse d'emblée d'impliquer sa famille, ça devrait être un indice
de poursuivre, hein? On ne va pas juste dire : Oh! O.K. On va dire : Mais
qu'est-ce qui se passe? D'explorer ça davantage, donc, ça va faire partie de
l'évaluation.
Et c'est encore une raison où de telles
évaluations doivent prendre du temps, parce que ce n'est pas quelque chose
qu'on va comprendre dans un rendez-vous, bien, c'était quoi, l'interaction, la
relation avec la famille, pourquoi est-ce qu'ils sont impliqués, pourquoi ils
ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus est là. Donc, ce sont des <enjeux…
Mme Gupta (Mona) : …Et c'est
encore une raison où de telles évaluations doivent prendre du temps parce que
ce n'est pas quelque chose qu'on va comprendre dans un rendez-vous : Mais
c'était quoi, l'interaction, la relation avec la famille, pourquoi est-ce
qu'ils sont impliqués, pourquoi ils ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus
est là. Donc, ce sont des >enjeux, justement, à faire sortir pour
impliquer ou pas la famille dans une manière appropriée.
M. Jacques : Donc, le rôle du
psychiatre est hyperimportant dans ce dossier-là. Donc, c'est... 90 %, là,
de toute l'analyse... ou 99 % de toute l'analyse relève du professionnel
qui est le ou la psychiatre.
Mme Gupta (Mona) : Je pense
que... Tous ces éléments complexes par rapport à la dynamique interpersonnelle,
familiale ou avec l'équipe traitante, par exemple, je pense que ça relève de
l'expertise de la psychiatrie, oui.
M. Jacques : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et, pour faire suite à cette question, est-ce que c'est le psychiatre
traitant ou vous prendriez un… vraiment un psychiatre externe?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Je pense que ça peut être fait dans plusieurs manières, et
là on est un peu dans le détail du processus. Je pense que n'importe... médecin
peut s'abstenir de participer. Donc, on ne peut pas dire qu'il faut absolument
que ce soit le médecin traitant s'il ne veut pas participer.
Je pense qu'il y a aussi des bonnes
raisons qu'un médecin traitant ne s'implique pas, c'est-à-dire que cette
personne demeure neutre, accompagne la personne dans son processus sans être
l'une qui va dire oui ou non et entrer dans cette dynamique, que cette partie
soit regardée par une personne avec un regard de l'extérieur.
Dans d'autres cas, je peux imaginer que
c'est plus une relation de confiance entre les deux, où la personne veut
vraiment être accompagnée par son propre médecin traitant, qui la connaît
depuis longtemps, puis le médecin traitant veut être impliqué. Donc, je ne
mettrais pas les «il faut être ci» ou «il faut être ça». Je pense que ça va
dépendre des cas.
Et je voulais aussi juste souligner qu'on
parle beaucoup ici, maintenant, des psychiatres, mais, quand on parle de cette
petite population des personnes sévèrement atteintes, elles sont souvent
suivies par des équipes multidisciplinaires. Et je pense que, même si, dans la
loi, ce sont des médecins qui prodiguent le soin et qui font les évaluations...
Je pense qu'une bonne évaluation, ça aussi va prendre du temps, va impliquer
ces soignants-là, ces cliniciens-là qui connaissent aussi le patient, d'autres
angles. Donc, on met nos perspectives ensemble pour arriver aux bonnes… à la
bonne décision.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. C'est tout le temps qu'on avait. C'est très
enrichissant, et je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants,
le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 45
)
(Reprise à 11 h 50)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, merci, tout le monde. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Commission sur les soins de fin de vie, donc le Dr Michel A. Bureau,
le président, ainsi que le Dr David Lussier, commissaire à la commission.
Donc, bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation.
Je vous rappelle que vous disposez de
20 minutes pour votre exposé et qu'ensuite il y aura un échange de
40 minutes avec les membres de la commission. Donc, messieurs, je vous
cède la parole.
Commission sur les soins de fin de vie
M. Bureau (Michel A.) :
Merci, Mme la Présidente. Chers parlementaires, c'est avec plaisir qu'on
participe aujourd'hui à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Je me présente, Michel Bureau. Je suis le
président de la commission. J'ai été, dans ma vie, un intensiviste et un
pédiatre. Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la médecine. Le
Dr Lussier va se présenter.
M. Lussier (David) : Oui. Donc,
David Lussier. Je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de
Montréal, <avec...
M. Bureau (Michel A.) :
...les soins de fin de vie. Je me présente, Michel Bureau, je suis le président
de la
commission. J'ai été, dans ma vie, un intensiviste et un pédiatre.
Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la médecine. Le Dr Lussier va
se présenter.
M. Lussier (David) : Oui,
donc, David Lussier, je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie
de Montréal >avec une formation complémentaire puis une pratique qui est
presque exclusivement sur la douleur chronique, donc, des patients âgés avec
douleurs chroniques, puis aussi un intérêt pour l'aide médicale à mourir puis
les soins palliatifs. J'ai fait une formation en soins palliatifs puis je
pratique des aides médicales à mourir, là, probablement une quinzaine ou une
vingtaine, là, depuis 2015.
M. Bureau (Michel A.) :
Merci, David. Nous sommes très heureux de voir cette commission spéciale créée.
Depuis la création de la loi en 2014, beaucoup de choses ont changé. Est arrivé
le Code criminel, qui est venu compléter la loi québécoise, et après cela, plus
récemment, le jugement Baudouin suivi de C-7, qui ont retiré le critère de fin
de vie, qui était un critère de... une balise d'un secteur qui s'ouvre maintenant
et qui inquiète beaucoup la commission en raison des implications que cela
aura. Et on a compris ce matin, avec le débat sur les inaptes et sur les
patients avec trouble mental ou maladie mentale, selon qu'on parle le langage
du fédéral ou du Québec... nous amène dans des zones qui vont être relativement
floues et des décisions difficiles à prendre pour les demandeurs de l'AMM
autant que pour ceux qui vont devoir les évaluer.
Le deuxième cliché montre le rôle de la
commission. Nous nous distinguons considérablement de ce que vous avez entendu
avec les présentateurs de ce matin. Eux viennent vous donner les grands
principes pour écrire les lois, mettre les balises qui sont nécessaires, et
nous, nous sommes à l'autre bout, nous sommes dans l'application de la loi,
qu'est-ce que la loi a convenu, comment elle suggère, sa signification.
Et la loi, créée en 2014, a décidé de
créer une commission indépendante pour suivre l'évolution des soins de fin de
vie et les soins de fin de vie globaux, autant les soins palliatifs que l'aide
médicale à mourir, la sédation palliative continue. Et cette commission est une
commission qui représente la société civile, des usagers, des avocats, des
éthiciens, quatre médecins, des infirmières de soins palliatifs, etc., des
travailleurs sociaux. C'est vraiment un reflet de la société civile.
Notre mandat est de regarder comment vont
les soins de fin de vie dans leur globalité et faire des recommandations au
ministre, le cas échéant. Et la loi a précisé que chaque cas d'aide médicale à
mourir, en raison de son risque <appréhendé en...
M. Bureau (Michel A.) :
…
la société civile.
Notre mandat est de regarder comment
vont les soins de fin de vie dans leur globalité et faire des recommandations
au ministre, le cas échéant. Et la loi a précisé que chaque cas d'aide médicale
à mourir, en raison de son risque >appréhendé en 2014, devait être
vérifié par la commission, et c'est ce qui fut fait depuis.
On parle… Vous allez entendre parler
beaucoup de coexistence de deux lois, pareil comme si c'était deux lois qui se
confrontaient, et les médecins n'ont pas très bien compris, d'après moi, le
sens de ces deux lois.
La loi du Québec, c'est une loi de soins.
C'est des soins de fin de vie, palliatifs, soins d'AMM, déclaration médicale
anticipée. Et cette loi interpelle les acteurs, les établissements, les
médecins, le CMDP des hôpitaux, le Collège des médecins, et elle est vraiment
dirigée sur l'acte médical, comment on donne les soins, aux gens, de fin de
vie. La loi fédérale n'est pas comprise comme la loi qui est venue déclarer que
l'acte médical n'est pas criminel et elle se… Son langage est juridique, et son
approche est difficile à comprendre par les médecins, parce qu'ils ne parlent
pas le langage habituel des cliniciens. Cependant, tous les deux s'adressent
aux critères de fin de vie, et, quand il y a divergence entre les positions de
la loi fédérale... les dispositions de la loi fédérale et québécoise, c'est la
disposition la plus contraignante qui prévaut. Par exemple, la loi fédérale
disait qu'il fallait attendre 10 jours pour donner l'AMM à quelqu'un qui
rencontrait les critères, la loi québécoise ne disait pas ça, alors, le critère
le plus contraignant fut utilisé.
Cependant, en ce qui concerne le handicap,
la loi québécoise ne parle pas du handicap, et je crois qu'il faudrait
l'ajouter. C'était le cas Truchon. M. Truchon avait un handicap grave et
incurable, il n'était pas en fin de vie, et la loi québécoise ne lui permettait
pas, même s'il avait été en fin de vie, de recevoir l'aide médicale à mourir.
Alors, nous recommandons que la prochaine révision de la loi ajoute le
handicap.
La loi fédérale accepte comme évaluateur
l'infirmier praticien, et je crois que, dans l'évolution des pratiques
infirmières, l'infirmier praticien devrait, dans le futur, être accepté comme
prestataire de soins.
Le cliché suivant s'intitule Dialogue
entre le médecin et le patient. C'est là que ça se passe. Vous avez entendu
tout à l'heure Mme Gupta, et elle référait au vague de la définition
fédérale d'une maladie grave et incurable. Nous ne sommes pas dans une science
dure, nous sommes dans un domaine de pratique médicale. <Et, quand…
M. Bureau (Michel A.) :
...entendu tout à l'heure Mme Gupta, et elle référait au vague de la
définition fédérale d'une maladie grave et incurable. Nous ne sommes pas dans
une science dure, nous sommes dans un domaine de pratique médicale. >Et,
quand un patient se fait dire qu'il a une maladie grave et incurable, il
demande tout de suite à son médecin : Combien de temps il me reste à
vivre?, est-ce que je vais souffrir?, ainsi de suite. Et le médecin lui répond :
Je pense qu'il vous reste moins de 12 mois, on va vous accompagner, on va
vous donner les soins qu'il faut dans le respect de votre volonté, mais c'est
vous qui décidez, c'est vous qui allez prendre la décision. Et, s'il a besoin
de l'aide médicale à mourir, bien, il le demande, il est évalué. S'il rencontre
les critères, il aura l'aide médicale à mourir.
Regardez le cliché qui décrit le portrait
de l'AMM au Québec. Vous voyez la courbe à 45 degrés de l'augmentation du
taux d'AMM année après année. C'est une croissance de 30 % à 40 % par
année. On peut se demander jusqu'où ira cette croissance de l'aide médicale à
mourir. On a l'impression que c'est tout le monde qui va demander l'aide
médicale à mourir. Et je veux corriger ça, ce n'est pas ça pantoute, là.
Il y a à peu près 3 % des décès, au Québec,
qui, même à ce stade-ci, demandent l'aide médicale à mourir. Sur 70 000 décès,
nous sommes 2 000, 2 500. Cette courbe va continuer de croître. Elle
va croître pendant deux, trois ans encore. Et la Belgique et la Hollande ont
atteint un niveau de 4 %, 5 % des décès, et ce sera sans doute la
même chose ici.
La variable que nous ne connaissons pas :
Qu'est-ce que le retrait du facteur de fin de vie va solliciter comme nouvelle
clientèle?
Qui sont les personnes qui demandent
l'aide médicale à mourir? Il y en a 7 000, au Québec, qui, depuis le
début, ont reçu l'aide médicale à mourir. On penserait qu'à chaque année c'est
un nouveau groupe qui se joint au peloton des gens qui reçoivent l'aide
médicale à mourir, mais ce n'est pas le cas. C'est toujours la même chose. C'est
un groupe de moyenne d'âge de 70 ans. Ils ont tous, presque, 60 ans
et plus. Les trois quarts ont le cancer.
Le groupe le plus fréquent qui suit, c'est
les maladies neurodégénératives. Et je ne parle pas de l'alzheimer ici, je parle
de la sclérose en plaques, du parkinson, ce type de maladie. 10 % ou
11 % sont des maladies cardiopulmonaires. Et, chose étonnante, les gens
demandent l'aide médicale à mourir quand ils sont vraiment en fin de vie.
Pronostic vital, pour 75 %, 74 % d'eux, sur les 7 000, est de
moins de trois mois. Alors, ils attendent vraiment en fin de vie.
• (12 heures) •
L'aide médicale à mourir est administrée
en centre hospitalier mais de plus en plus à domicile, aussi en CHSLD et les <maisons
de soins...
>
12 h (version révisée)
<
M. Bureau (Michel A.) :
…75 %, 74 % d'eux, sur les 7 000, est de moins de
trois mois, alors ils attendent vraiment en
fin de vie.
L'
aide médicale à mourir est
administrée en centre hospitalier, mais de
plus en plus à domicile,
aussi en CHSLD et les >maisons de soins palliatifs, s'ils sont ouverts
récemment.
Regardez le cliché suivant, il est
impressionnant, sur le temps où les gens viennent demander l'aide médicale à
mourir. C'est le pronostic vital qui est montré ici : 14 % de
demandes alors qu'il reste moins de deux semaines à vivre — des fois,
c'est trois jours, quatre jours — 74 %, je disais tout à
l'heure, c'est à moins de trois mois, et tous le demandent en moins de
18 mois. Mais il faut se rappeler que nous étions dans la contrainte du
facteur de fin de vie, et les gens étaient nécessairement à courte échéance,
c'est-à-dire dans les 12 ou 18 derniers mois de la vie. Mais les gens
attendent tardivement pour demander l'aide médicale à mourir.
Parmi ceux qui demandent l'aide médicale à
mourir, il y a une proportion très importante qui ne le reçoit pas. À notre
premier rapport, c'était ce chiffre, et, à nos analyses récentes, c'est la même
chose, sur 100 personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, les deux
tiers vont l'avoir, un tiers ne l'aura pas. Et, parmi les deux tiers qui l'ont,
pour avoir l'aide médicale à mourir, il faut que ces... 25 % de ces
patients-là qui demandent l'aide médicale à mourir doivent refuser de prendre
leur médicament ou le prendre partiellement et accepter de souffrir plutôt que
de prendre leur analgésique, parce qu'ils ont peur de perdre la capacité de
décider au moment de recevoir l'aide médicale à mourir.
Rappelez-vous, la loi fédérale, comme la
loi québécoise, dit qu'au moment de recevoir l'aide médicale à mourir il faut
dire oui, il faut être capable de consentir. Et ici nous allons… La commission
demande aux parlementaires, dans une action non partisane, de régler ce problème,
et ça ne peut probablement pas attendre la révision de la loi.
Parmi ceux qui ne reçoivent pas l'aide
médicale à mourir, il y en a six sur 100 qui ont retiré leur demande. Il faut
donc laisser du temps aux gens pour retirer leur demande. Il y en a 11 %
qui sont venus tellement tardivement demander l'aide médicale à mourir qu'ils
sont morts avant de recevoir l'aide médicale à mourir ou de l'évaluer. Le
13 %, sur ces 34 % qu'il reste, la moitié n'était pas en fin de vie.
Ils ne rencontraient pas le critère. Cela est réglé par la disparition du
critère de la fin de vie. Mais l'autre portion, ce sont des gens qui
satisfaisaient les critères, qui ont demandé l'aide médicale à mourir, par
exemple, <le lundi pour…
M. Bureau (Michel A.) :
...
la moitié n'était pas en fin de vie, ils ne rencontraient pas le
critère. Cela est réglé par la disparition du critère de la fin de vie. Mais
l'autre portion ce sont des gens qui satisfaisaient les critères, qui ont
demandé l'aide médicale à mourir, par exemple, >le lundi, pour le lundi
suivant, et qui, le vendredi, ont perdu... commencé à perdre leurs aptitudes,
et ils n'ont pas pu recevoir, le lundi suivant, l'aide médicale à mourir.
Pourquoi? Parce qu'ils n'étaient pas capables de consentir.
Ici, il y avait deux obstacles :
l'obstacle fédéral, où il y avait le 10 jours de délai plus l'obligation,
comme au Québec, de consentir au moment final. Le fédéral a retiré ces deux
obstacles. C'est maintenant au Québec de le faire, et la commission demande aux
parlementaires de trouver une solution rapide, pour ces souffrances qui sont
évitables, avec un petit changement législatif ponctuel.
Est-ce que le retrait du facteur de fin de
vie va changer beaucoup l'aide médicale à mourir, la même chose que C-7? En
théorie, le retrait du facteur de fin de vie ouvre grand la porte à une
nouvelle clientèle de demandeurs d'AMM. En réalité, il n'y en aura pas tant que
ça, parce que le critère de maladie grave et incurable demeure. Il faut que ces
patients-là soient en déclin avancé de leur maladie et déclin irréversible de
leurs capacités et que les souffrances soient persistantes et inapaisables.
On a vu tout à l'heure, sur l'autre
cliché, que les personnes attendaient le dernier jour ou presque pour demander
l'aide médicale à mourir. Ceux qui font le parkinson, la sclérose en plaques
vont continuer d'attendre le délai final pour recevoir l'aide médicale à mourir.
Certains vont le demander de façon plus précocement, mais nous croyons que ce ne
sera pas un très grand nombre.
Le cliché suivant montre l'inquiétude de
la commission. Le critère de fin de vie est retiré. Des gens de maladies
neurodégénératives vont venir plus rapidement qu'avant, mais arriveront les
gens avec des polypathologies, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une maladie grave
et incurable inscrite au registre des maladies, mais ils ont des conditions
dont l'ensemble en fait une maladie grave et incurable. C'est aussi vrai et inquiétant
pour les personnes âgées qui ont toutes certaines... qui ont souvent plusieurs
petites pathologies.
La population est très demandeuse. On
entend souvent : Le refus de boire et de manger conduit à l'aide médicale
à mourir, la fatigue de vivre, la grande fatigabilité, le grand âge. Et les
médecins sont compatissants avec leurs patients et voient ces demandeurs. Et il
y a une grande prudence qu'on doit avoir ici. Ce ne sont pas des critères qui
sont des critères de maladie grave et incurable, et il y a un risque de <glissement...
M. Bureau (Michel A.) :
…
Et les médecins sont compatissants avec leurs patients et voient ces
demandeurs. Et il y a une grande prudence qu'on doit avoir ici, ce ne sont pas
des critères qui sont des critères de maladie grave et incurable, et il y a un
risque de >glissement vers la mort sur demande, que personne ne veut.
Alors, ici, la loi prochaine devra prévoir suffisamment de mesures de
sauvegarde pour qu'il n'y ait pas ce glissement vers la mort sur demande.
L'inaptitude et l'AMM pour l'agonie, j'en
ai parlé tout à l'heure, celui qui va perdre sa capacité de décider, alors que
sa date est fixée pour l'aide médicale à mourir, devrait... jusqu'à la fin. Et d'ailleurs
le rapport des experts sur l'inaptitude avait déjà fait cette recommandation en
2019.
Là où c'est compliqué, vous en avez
entendu parler ce matin, c'est les maladies neurocognitives, l'alzheimer. Ce
n'est pas le rôle de la commission de définir les critères qui doivent
apparaître dans la loi. Et M. Maclure et Mme Filion ont très bien
élaboré sur ce sujet. Et la commission a déjà entendu en présence, il y a un an
et plus, ces experts, et la commission souscrit à l'ensemble de leurs recommandations,
que nous saluons.
Pour les troubles mentaux, c'est aussi
très compliqué. À la demande de Mme McCann, à l'époque, nous avons
interrogé les groupes aidants, des gens atteints de problèmes mentaux. Et on a
produit un rapport à la ministre à l'époque, et le message est à peu près le même :
Une extrême prudence pour admettre à l'AMM les patients avec des troubles
mentaux, avec des… prendre le temps qu'il faut et s'assurer qu'il s'agit bien
de gens qui n'ont pas d'espoir de guérison et que leur décision est bien mûrie.
Cependant, le travail des psychiatres... Et
ce que racontait tout à l'heure Dre Gupta rencontre l'orientation de la
commission, qui souscrit à cette analyse qu'ils en font et attend de voir les
mesures particulières d'évaluation et de sauvegarde qui vont être nécessaires
pour qu'il n'y ait pas de dérapage dans ce groupe à risque.
Enfin, je ne peux pas, comme pédiatre, ne
pas vous rappeler ceci : Un adolescent de 15 ans qui fait le cancer
et qui a une situation incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas, lui aussi,
accès à l'aide médicale à mourir si ses douleurs sont inapaisables? Nous <recommandons…
M. Bureau (Michel A.) :
…
rappeler ceci : un adolescent de 15 ans qui fait le cancer et
qui a une situation incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas, lui aussi, accès à
l'aide médicale à mourir si ses douleurs sont inapaisables? Nous >recommandons
que ce sujet soit mis à l'étude par votre commission. Et je sais déjà que les
groupes pédiatriques des quatre réseaux universitaires se penchent déjà sur
cette question pour faire ses recommandations à l'automne.
• (12 h 10) •
Enfin, trois recommandations en rafale. La
loi de fin de vie est une loi excellente. Elle a fait son travail pour les 7 000 Québécois
et Québécoises qui ont reçu l'aide médicale à mourir. Mais c'était la partie
facile. C'étaient des gens qui n'allaient pas vivre longtemps, les douleurs
étaient là, ils étaient encore aptes à décider, les décisions médicales… le
décours de la maladie est connu. Et il n'y a pas eu de glissement, et ce fut…
et la commission a joué son rôle d'aller vérifier les cas qui étaient
borderlines pour s'assurer qu'il n'y avait pas de dérapage. Et, enfin, au bout
de six, sept ans de cette loi, on peut dire qu'elle a accompli ce qu'elle
devait faire.
Cependant, un tas de petites choses
méritent d'être redressées dans cette loi. Et je sais qu'on viendra à une
révision de cette loi en profondeur. Il reste quand même, ce que je vous disais
tout à l'heure, un point qui, d'après moi, d'après la commission, devrait être
réglé rapidement, c'est le renoncement au consentement terminal pour ceux qui
vont mourir de façon imminente.
Enfin, il faut s'adresser au public, et
c'est la recommandation que nous faisons, et vous le faites déjà, et je sais
que ça fait partie du plan. Le public est prêt à entendre une campagne
d'information sur la sensibilisation sur les soins de fin de vie, dont les
déclarations médicales anticipées, dont parlait M. Maclure tout à l'heure,
qui ont besoin d'être connues de la population et utilisées.
Pour les médecins, ça devient compliqué et...
très compliqué. Quand il y aura les inaptes et les problèmes de maladie
mentale, un service-conseil pour les professionnels, médecins et infirmiers, si
c'est le cas, sera nécessaire.
Et enfin, pour la population qui veut ces
services mais ne sait pas toujours comment s'y adresser, dans les centres
hospitaliers, avoir une ligne contact pour la population serait très utile.
Je termine ici en vous remerciant. Et nous
sommes à votre disposition pour commentaires et questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Bureau. Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai peu
de temps. J'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations,
celle que vous jugez urgente. Vous nous avez <même…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai
peu de temps. J'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations,
celle que vous jugez urgente. Vous nous avez >même invités explicitement
à ne pas attendre, si j'ai bien compris, là, la fin des travaux de la commission
pour procéder avec cette question-là, c'est-à-dire le fait de permettre la
renonciation au consentement pour les gens qui risquent de perdre leur aptitude
à consentir avant la date prévue pour l'aide médicale à mourir. Pourquoi, selon
vous, est-il urgent de faire une modification législative là-dessus? Pourquoi
procéder aussi rapidement? Je ne suis pas pour, je ne suis pas contre, hein, je
veux juste vous entendre défendre cette idée-là plus en profondeur, nous
expliquer votre réflexion là-dessus.
La commission s'est donné quand même des
contraintes de temps assez sérieuses. Pour ce type de commission là, là, habituellement,
ça prend... ça peut être un an, un an et demi. Là, on s'est donné des délais beaucoup
plus rapides. Le gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi suite à
ça, à un rythme assez rapide également. Donc, pourquoi faudrait-il, selon vous,
accélérer encore davantage sur cette question spécifique?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui.
Merci. C'est vraiment... C'est une excellente question, puis il y a plusieurs
raisons pourquoi. En fait, la loi fédérale, qui a été changée, maintenant,
permet ce qu'on appelle le renoncement au consentement final, donc, c'est-à-dire
que la personne dont la mort est raisonnablement prévisible peut prendre une
entente avec le médecin pour dire que, si je perds mon aptitude avant de
recevoir l'AMM, je pourrai quand même la recevoir.
Là, il y a des débats de juristes, là, je
ne voudrais pas interpréter des lois, là, il y a des... mais le consensus
semble être que la loi provinciale actuelle ne le permet pas. Ça, ça a vraiment
plusieurs conséquences néfastes pour les patients, deux principales, je dirais.
La principale, c'est qu'on voit souvent, souvent, nous, dans les formulaires,
on le voit, tous les professionnels qui sont impliqués avec des patients qui
demandent l'AMM, que les gens refusent les médicaments parce qu'ils ont peur de
devenir somnolents, ils ont peur de devenir confus, ils ont peur de perdre leur
aptitude et de ne pas pouvoir recevoir l'AMM. Donc, le fait de ne pas avoir
accès au renoncement au consentement final, ça fait que les gens souffrent plus
en attendant de recevoir l'AMM.
L'autre, c'est que des gens qui pourraient
vouloir recevoir l'AMM dans trois, quatre semaines, parce qu'ils voudraient
passer plus de temps de qualité avec leurs proches, le demandent maintenant.
Donc, ils devancent leur AMM parce qu'ils ont peur de devenir inaptes, de
perdre leur aptitude parce que les médicaments ou la maladie va les rendre
confus. Donc, ça enlève du temps de qualité avec leurs proches. Donc, ça, c'est
vraiment une avancée importante qui a été introduite par la loi fédérale. Puis,
maintenant, le Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la seule
province où ce n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.
M. Bureau (Michel A.) :
J'ajouterais un autre groupe. Il y a des gens qui perdent le droit de recevoir <l'AMM...
M. Lussier (David) : …
vraiment
une avancée
importante qui a été introduite par la loi fédérale, puis
maintenant
le
Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la seule province
où ce n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.
M. Bureau (Michel A.) :
J'ajouterais un autre groupe.
Il y a des gens qui perdent le droit de
recevoir >l'AMM et qui sont en grande souffrance. Alors, parce qu'ils ne
peuvent pas dire oui, ils doivent donc attendre leur mort avec leur souffrance
que l'AMM était là pour abréger.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Une minute, M. le député.
M. Nadeau-Dubois : Il me reste
une minute. J'aurais eu envie d'approfondir, mais mes collègues le feront.
Quatre ans après l'application de la loi au Québec, pourquoi il y a encore
autant de variations régionales, selon vous? Notamment, pourquoi, à Montréal,
est-ce qu'on est encore autant sous le niveau du reste du Québec?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier est au coeur de Montréal.
M. Lussier (David) : C'est
très, très, très difficile. On sait qu'à Montréal il y a des variations d'un
quartier à l'autre aussi. Il y a plusieurs hypothèses socioculturelles, entre
autres. Il y a des communautés socioculturelles pour lesquelles c'est moins
dans les valeurs de demander l'AMM. Il y a peut-être des endroits où il y a des
soins palliatifs qui sont plus présents. Mais tout ce qu'on peut faire, malheureusement,
c'est des hypothèses.
Je crois que les quatre ans nous ont
montré qu'il n'y a pas de barrière à l'AMM. Au début, on pensait qu'il y avait peut-être
des poches de résistance idéologique à l'AMM chez les professionnels, mais ça
ne semble pas être le cas. Donc, il n'y a pas vraiment de… C'est une question
très, très, très importante et intéressante, mais je n'ai pas de réponse à vous
donner à part des hypothèses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup à vous deux pour votre présentation et pour votre travail de
manière générale. Sur le point sur lequel vous avez beaucoup insisté, la
question du consentement final, je pense qu'effectivement il y aurait de très
grands débats juridiques que nous pourrions tenir ensemble avec beaucoup de
passion aujourd'hui, mais malheureusement ce n'est pas dans notre mandat. Et je
pense que c'est important juste de vous le préciser, notre mandat n'est pas un
mandat de modification de la loi sur toutes sortes d'enjeux mais vraiment… pas
de mise à jour, mais vraiment d'évolution sur ces deux grands enjeux là, donc,
des maladies neurodégénératives du cerveau et des troubles mentaux. Ça fait que
je voulais juste… Je sais, vous avez passé votre message, c'est parfait, on est
là pour tout recevoir, mais moi, je veux vous ramener sur ça, parce que je sais
que vous vous y êtes penchés, même si vous n'êtes pas là pour nous faire des
recommandations spécifiques à cause du mandat de Mme McCann.
Et vous nous dites que vous adhérez aux
recommandations, donc, du groupe de Mme Filion et M. Maclure. Donc,
là-dessus, j'avais deux questions pour vous. Ils nous disent de ne pas
recommander que ce soit exécutoire, la demande anticipée d'aide médicale à
mourir, et j'ai un peu de mal à réconcilier ça. Évidemment, il n'y a jamais… Ce
n'est pas un droit, l'aide médicale à mourir, c'est clair dans la loi, il faut
que les critères soient rencontrés puis qu'il y ait un médecin qui accepte de
le <faire…
Mme
Hivon
:
...
ne pas recommander que ce soit exécutoire, la demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Et j'ai un peu de mal à réconcilier ça. Évidemment,
il n'y a jamais… Ce n'est pas un droit, l'aide médicale à mourir, c'est clair
dans la loi, il faut que les critères soient rencontrés puis qu'il y ait un
médecin qui accepte de le >faire. Mais est-ce qu'il n'y a pas une
contradiction d'enlever complètement un caractère exécutoire avec le principe
d'autodétermination à la base?
Et l'autre élément, c'est : Comment
on évalue la souffrance physique ou psychique de personnes qui ne peuvent plus,
donc, s'exprimer?
M. Bureau (Michel A.) :
Pour la première question, quand la commission, les commissaires, 11 commissaires
ont rencontré M. Maclure et Mme Filion, on leur a posé cette question :
Est-ce que ce n'est pas laisser au médecin le choix de décider plutôt que de la
rendre exécutoire? Et la réponse qu'on a eue à l'époque, c'était :
Peut-être qu'on aurait dû l'écrire autrement. Je les ai entendus ce matin et j'ai
bien compris que leur position de prudence n'avait pas changé. Mais la
commission, là-dessus, probablement, pencherait plus du côté de la rendre
contraignante. Je ne sais pas si ça doit être exécutoire, mais contraignant.
Quant à la deuxième question, évaluer la
souffrance, le Collège des médecins a statué que c'est le patient lui-même qui
évalue la souffrance. Quand il n'est pas capable de l'exprimer, nous avons une
barrière, et il doit y avoir un interprète. Et peut-être que David peut mieux
qualifier cela que moi, puisqu'il voit cette clientèle. David?
• (12 h 20) •
M. Lussier (David) : Oui. Bien,
c'est, encore là, vraiment deux excellentes questions. Peut-être que je me
permettrais de compléter sur la première, sur le caractère contraignant ou
exécutoire. Je crois que ça va beaucoup avec le changement qui peut s'opérer,
même chez une personne démente. M. Maclure en a parlé ce matin. C'est très
bien explicité dans leur rapport.
On a, à travers la vie, des valeurs qui
changent. Notre personnalité se modifie. Donc, quelqu'un qui a un trouble
neurocognitif, une maladie neurodégénérative, qui fait sa demande anticipée et
qui, après ça, perd son aptitude parce que la maladie évolue peut avoir... peut
aussi devenir moins souffrant. Donc, ça vient rejoindre votre autre question
par rapport à ça. La maladie d'Alzheimer, entre autres, qui est très souffrante
dans les premières phases, quand on est conscient de nos déficits, ça devient
souvent moins souffrant pour la personne elle-même dans les phases suivantes.
Donc, la personne qui avait de la difficulté à penser qu'elle ne pourrait pas
faire telle ou telle activité, ses besoins, ses valeurs changent, et elle est
heureuse avec un univers beaucoup plus restreint.
Donc, le rendre exécutoire, c'est comme un
peu empêcher cette personne-là qui devient inapte, et dont la maladie évolue,
de pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller un peu
contre, justement, l'autodétermination. Parce que pourquoi quelqu'un qui perd
l'aptitude à prendre des <décisions...
M. Lussier (David) : ...
beaucoup
plus restreint.
Donc, le rendre exécutoire, c'est comme
un peu empêcher cette personne-là qui devient inapte, et dont la maladie
évolue, de pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller
un peu contre, justement, l'autodétermination. Parce que pourquoi quelqu'un qui
perd l'aptitude à prendre des >décisions ne pourrait pas prendre la
décision de continuer à vivre si ses valeurs et ses besoins ont changé? Donc,
nier à des personnes qui ont une maladie neurodégénérative le droit de changer
de valeurs ou de décision, ça peut aller contre l'autodétermination. Donc, je
pense que ça, ça va un peu contre le caractère exécutoire ou contraignant.
Pour le reste, pour la souffrance, c'est
vraiment une question très, très, très difficile, parce qu'il faut faire la
différence entre l'hétéroévaluation de la souffrance et l'autoévaluation. On ne
peut pas faire l'autoévaluation quand une personne est vraiment très avancée
dans sa démence. Ça rejoint un peu la souffrance existentielle dont il a été question
ce matin. On voit beaucoup, beaucoup, nous-mêmes, chez les patients en fin de
vie de maladies cancéreuses, de souffrances existentielles. Donc, est-ce que,
pour moi, la vie actuelle, ma qualité de vie ne vaut plus la peine d'être
vécue? Donc, ça, pour une personne avec une démence, ça pourrait aussi être la
même chose, de dire... Puis c'est là où c'est important de décrire qu'est-ce
que la souffrance représenterait pour soi dans le futur, donc, puis ça va nous
aider à évaluer la souffrance dans le futur, parce que, sinon, on va y aller beaucoup
avec de l'agressivité, de l'agitation, des pleurs, mais il y a des personnes
qui peuvent être très souffrantes sans qu'il y ait ça.
Donc, c'est très complexe, mais je crois
que les gens qui sont habitués de travailler avec ces gens-là peuvent le faire,
d'où l'importance de laisser la place au jugement clinique des soignants dans
ces cas-là.
Mme
Hivon
:
Merci. Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non. Désolée, Mme la députée.
Mme
Hivon
: Bon,
merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Pour deux
petites minutes. Merci d'être là. Bonjour à vous deux. Moi, c'est la question
des mineurs qui m'interpelle. Est-ce que vous nous suggérez, dans nos travaux,
d'en tenir compte ou, je vous dirais, d'attendre? Parce que c'est relativement
nouveau, c'est une question qui est en suspens. Il y a déjà des groupes
pédiatriques qui s'y penchent et qui vont faire rapport au ministre. En quoi,
en partant du moment où vous en faites une recommandation, on devrait, dans le
cadre des travaux de la commission, tenir compte de tout l'aspect des mineurs?
M. Bureau (Michel A.) :
Les initiatives pédiatriques de résoudre ce problème, c'est parce que ces
médecins le vivent, mais ils ne le vivent pas à la même fréquence que la
médecine des adultes. Le cancer terminal avec plein de souffrances est plus
rare chez les enfants, qui font plus des maladies hématologiques, dont les
souffrances sont moins aiguës ou plus apaisables.
Mais, pour être spécifique à votre
question, les groupes qui travaillent là-dessus <disent...
M. Bureau (Michel A.) :
...Le cancer terminal avec plein de souffrances est plus rare chez les enfants
qui font plus des maladies hématologiques, dont les souffrances sont moins
aiguës ou plus apaisables.
Mais pour être spécifique à votre
question, les groupes qui travaillent là-dessus >disent : On a
besoin de guides, on va proposer quelque chose. Mais à qui ils doivent le
proposer? Il me semble que, puisque la commission spéciale est déjà là, elle
pourrait reconnaître que c'est un besoin et proposer que des travaux se
fassent.
M. Ouellette : Je pense que
ça répond à mon interrogation, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
messieurs. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Votre expertise va assurément
ajouter à nos travaux. J'y allais, moi aussi, avec la même... peut-être pas la
même question que mon collègue Guy Ouellette, mais en fait... Oui, vous
suggérez, à la recommandation 8, qu'il y ait un groupe d'experts pour l'aide
médicale à mourir pour les mineurs. Mme Gupta, la précédente intervenante,
nous a dit que, selon elle, il y a un 14 ans et plus pour consentir aux
soins au Québec, donc on pourrait peut-être amalgamer ces deux idées pour
qu'ils consentent peut-être à avoir l'aide médicale à mourir.
Je pourrais peut-être prendre l'occasion
pour vous expliquer que j'ai une petite fille de neuf ans. Elle est suivie en
soins palliatifs pédiatriques à Sainte-Justine. Et puis je le sais, que c'est
une demande des groupes aussi, parce qu'il y a des enfants, souvent, ils ont
des maladies rares, des maladies orphelines, et, bien sûr, on ne sait pas s'il
va y avoir un traitement à long terme, là, des maladies rares et orphelines.
Mais, pour l'avoir vu, là, j'ai vu une petite cocotte, là, qui avait tellement
de souffrances, il n'y avait aucun traitement qui pouvait la soulager, puis
c'est vraiment des situations qui nécessitent de s'y attarder.
Ma question pour vous serait : Est-ce
que vous le voyez, vous, sur terrain? Est-ce que vous sentez qu'il y a une
grande demande? Bien, vous l'avez dit, qu'il y a beaucoup moins d'enfants qui
seraient touchés, mais est-ce que vous sentez cette volonté-là, là, du terrain
pour changer?
M. Bureau (Michel A.) :
Pour avoir pratiqué les soins intensifs des enfants dans ma vie et d'avoir vu
nombre de nouveau-nés qui naissent avec des problèmes incompatibles avec la
vie, l'aide médicale à mourir apparaît tout de suite comme étant... peut-être
sous une forme différente, mais un besoin pour apaiser les souffrances de ces
enfants. Et les pédiatres, de leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va
devoir s'adresser à cette <question...
M. Bureau (Michel A.) :
…
à mourir apparaît tout de suite comme étant peut-être sous une forme
différente, mais un besoin pour apaiser les souffrances de ces enfants. Et les
pédiatres, de leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va devoir s'adresser
à cette >question. Le seul gouvernement qui l'a fait, ce sont les
Pays-Bas, où il y a des dispositions pour s'adresser au très jeune âge.
Quant aux 14 à 17 ans, j'avais
compris, de notre juriste de la commission, que ce n'est pas… Bien qu'ils ont
le droit de refuser, ils ont certains droits concernant leur propre santé, ils
ne seraient pas couverts, ai-je compris, par cette fenêtre de 14 à 17 ans.
Mais je ne peux pas répondre à votre question.
Mme Picard : Merci. Et puis,
par rapport peut-être aux maladies orphelines, on sait qu'il y en a beaucoup,
là, qui… des maladies qui n'ont nécessairement pas de nom ou bien pas de
diagnostic précis. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour nos
travaux? Peut-être que vous avez aussi entendu, sur le terrain, des suggestions.
M. Bureau (Michel A.) : Avant
que l'aide médicale à mourir arrive, il y a une décade, les médecins trouvaient
des solutions de compassion pour aider leurs patients à franchir cette dernière
étape de la vie. Les pédiatres en sont là, un peu coincés par la difficulté de
la question et puis l'absence d'historique législatif. Partout dans le monde,
c'est le même problème. Puis ces enfants-là sont en assez grand nombre, là,
ceux dont vous décrivez.
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée de Soulanges. Je vais me permettre une question,
Dr Bureau. Vous disiez tout à l'heure que la loi du Québec n'inclut pas
les handicapés, et que vous suggériez peut-être de l'ajouter. Quels critères il
faudrait ajouter pour des mécanismes de sécurité ou… si jamais on venait qu'à
ajouter cette population-là?
• (12 h 30) •
M. Bureau (Michel A.) :
Je suis content que vous posiez cette question parce que... Je croyais que le gouvernement
fédéral, ayant permis aux personnes handicapées d'avoir l'aide médicale à
mourir... qu'il y avait une vaste expérience canadienne sur le sujet. Alors,
j'ai été voir le coroner de l'Ontario, la plus grande province en nombre, et il
a dit : On n'a presque pas de demandes. Pourquoi? Parce qu'elles sont
bloquées par le critère de fin de vie. Les gens qui ont de grands handicaps,
comme M. Truchon, ne sont pas nécessairement en fin de vie. Et
M. Truchon a dû <passer par la cour pour…
>
12 h 30 (version révisée)
< M. Bureau (Michel A.) :
…grande province en nombre, et il a dit : On n'en a presque pas, de
demandes. Pourquoi? Parce qu'ils sont bloqués par le critère de fin de vie. Les
gens qui ont de grands handicaps, comme M. Truchon, ne sont pas
nécessairement en fin de vie. Et M. Truchon a dû >passer par la
cour pour obtenir l'aide médicale à mourir.
Et vous avez raison de soulever cette
question. Et j'en parlais avec un sous-ministre récemment, où... de la Santé,
où nous disions qu'il fallait à tout prix ne pas juste ajouter les handicapés à
la maladie grave et incurable mais déjà travailler sur les critères où ce
serait admissible. Et c'est presque aussi complexe que ce qui concerne les patients
admissibles en santé mentale. Un quadriplégique de 19 ans, d'un accident
de ski, le lendemain, il veut mourir, mais, cinq ans après, il a peut-être
trouvé un sens à sa vie. Alors, c'est un sujet très complexe et qui ne peut pas
être inclus sans une kyrielle de précautions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et est-ce qu'il y a un laps de temps qu'on devrait prendre en compte à ce
moment-là?
M. Bureau (Michel A.) :
Sûrement. Mais j'ai projeté, tout à l'heure, un cliché, le médecin et son patient.
Les médecins ne vont jamais répondre à une demande d'un quadriplégique
post-traumatique dans les semaines qui vont suivre, ou dans les mois, ou même
dans les premières années. Il y a, là, une richesse d'accompagnement, et les
médecins sont conscients que le temps, ici, est absolument nécessaire. Et, si
vous me demandiez un chiffre, j'aurais du mal à vous dire, mais il s'agit
d'années, il ne s'agit pas de mois.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux, Dr Bureau et
Dr Lussier. Je reviendrais sur, peut-être... dans la question de la
députée de Joliette. Moi, j'aimerais savoir... Parce qu'on parle de douleur. C'est
plus facile à évaluer, une douleur physique, mais, quand on parle de
souffrance, parce que, là, c'est… La souffrance et la douleur, il y a une
différence. Comment que c'est… Croyez-vous que c'est possible de mesurer
objectivement la souffrance? Parce qu'on s'entend qu'on parle de l'aide
médicale à mourir puis que, là, c'est… On ouvre différentes portes, soit à la
santé mentale, par rapport... les gens qui ont des problèmes de santé mentale, les
problèmes de handicap, d'inaptitude. Donc, j'aimerais ça, si c'est... si vous
avez une opinion là-dessus...
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui. Je
suis content que vous posiez la question. Merci. C'est vraiment une excellente
question. Puis ça a fait beaucoup... Ça a créé des problèmes un peu au début de
l'AMM, dans la première année, où les médecins <refusaient…
Mme
Hébert
: …si
vous avez une opinion là-dessus.
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui.
Je suis content que vous posiez la question, merci, c'est vraiment une
excellente question. Puis ça a fait beaucoup... ça a créé des problèmes, un
peu, au début de l'AMM, dans la première année, où les médecins >refusaient
d'administrer des AMM à des patients en disant : Vous n'êtes pas assez
souffrant.
Ça a été clarifié assez rapidement, entre
autres, par Dre Gupta, par le Collège des médecins, en disant que la
souffrance est subjective. Donc, si le patient me dit qu'il est souffrant, il
est souffrant. La souffrance est une autoévaluation. On ne peut pas évaluer la
souffrance de quelqu'un d'autre, comme on ne peut pas non plus évaluer la
douleur physique de quelqu'un d'autre. Donc, c'est vraiment le... une
expérience subjective, la souffrance, encore plus que la douleur, d'où la difficulté.
Quand on a affaire à des patients, à des personnes qui ont un trouble cognitif,
qui ne peuvent pas décrire eux-mêmes leur propre souffrance, ça devient beaucoup,
beaucoup plus difficile.
Donc, c'est pour ça qu'il faut se baser
sur ce qui a été fait avant, sur la souffrance que ces gens-là auraient pu
percevoir comme étant souffrante quand leur état se dégraderait. Parce qu'on ne
peut pas évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre. Ça, c'est impossible. La souffrance,
c'est une expérience subjective.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis c'est vraiment... C'est vraiment quelque chose qui me... Tantôt,
quand vous avez parlé de rester très prudents pour le dérapage, par rapport au
dérapage, moi, j'ai beaucoup de... j'ai une sensibilité, les personnes qui sont
vulnérables. Donc, quelles mesures qui devraient être mises en place pour
protéger les personnes qui sont plus vulnérables? Parce que c'est là que je
vois que peut-être qu'il y a un angle que... qu'il pourrait y avoir un certain
dérapage. Donc, comme celles qui présentent des déficiences intellectuelles, est-ce
que vous avez des mesures, vous avez déjà réfléchi à des mesures qui devraient
être mises en place?
M. Bureau (Michel A.) :
Encore là, c'est entre le médecin, sa déontologie, sa compréhension de la
situation clinique et la prudence qu'il doit avoir. Vous dites sans le dire :
Les médecins n'ont pas tous la même pensée, il y a un certain libéralisme pour
certains, un conservatisme pour d'autres. Ceux qui ont créé la loi ont dit :
Au départ, ça prend quelqu'un pour veiller à ça.
Et la commission a été créée, pas au
plaisir des médecins, parce que, la commission, quand elle voit une déclaration
d'aide médicale à mourir qui a une zone de flou, un des commissaires-médecins
appelle le médecin, lui dit : Qu'est-ce que c'est, on ne comprend pas, pouvez-vous
nous expliquer? Puis c'est un certain... une certaine balise, qui se fait de
médecin à médecin ou de praticien à praticien, qui invite à la grande prudence.
Alors, si vous demandez aux médecins s'ils sont contents de voir la commission
regarder par-dessus leur épaule, vous allez avoir toutes sortes de réponses. Je
ne vois pas d'autre <mécanisme qu'une…
M. Bureau (Michel A.) :
...
de médecin à médecin ou de praticien à praticien, qui invite à la
grande prudence. Alors, si vous demandez aux médecins s'ils sont contents de
voir la commission regarder par-dessus leur épaule, vous allez avoir toutes
sortes de réponses. Je ne vois pas d'autre >mécanisme qu'une veille très
importante, cas par cas.
Mme
Hébert
:
Merci.
M. Lussier (David) : Si je
peux me permettre d'ajouter rapidement, ce qui est important, c'est le délai, actuellement,
pour s'assurer que la personne puisse avoir l'évaluation nécessaire puis
qu'elle puisse recevoir les soins et services. Moi, j'ai été très marqué dans
ma pratique par des patients qui m'ont dit : J'ai fait une demande d'aide
médicale à mourir il y a trois, quatre ans, ça a été refusé parce que je
n'étais pas en fin de vie, mais maintenant je suis très content que ça ait été
refusé, parce que ma douleur a été mieux soulagée, ma dépression a été mieux
soulagée, a été mieux traitée, et maintenant je suis heureux de vivre.
Donc, ce qu'il faut faire, c'est ça, c'est
s'assurer que le patient ait eu accès aux meilleurs soins possible, et ça,
c'est s'assurer qu'on ait une période d'évaluation, qu'on ait une période de
traitement, pour s'assurer que c'est vraiment une demande constante et qui
n'est pas le fait d'un découragement passager ou d'un non-accès, là, aux soins
optimaux pour sa condition.
Mme
Hébert
: Parfait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais me permettre, chers collègues, vous avez dit, en entrée de jeu,
Dr Bureau, que le rôle de la commission, ce n'était pas de définir les
critères. Vous verriez qui pour définir les critères? Qui pourrait être...
s'adjoindre, là, pour nous aider à ce niveau-là?
M. Bureau (Michel A.) :
Bien, vous avez entendu ce matin les experts, des experts, qui étaient le
groupe Maclure-Filion. Ils ont travaillé avec les plus grands experts du Québec,
qui ont scruté les connaissances internationales, et ils ont donné des avis que
la commission a reçus avec admiration. Et c'était la justesse de leurs recommandations.
C'est eux, les experts.
En santé mentale, les professionnels de santé
mentale, dont Dre Gupta faisait état ce matin, vont donner des balises, et
ça reste, à la fin, la décision entre le médecin et son patient, d'appliquer
ces balises.
Et les médecins qui font ça ont développé
un savoir-faire. Ils ont une expertise. Ils font un travail extraordinaire, je
dois dire. Ils mettent à risque leur... Certains disent : On a peur de se
faire poursuivre. Ils mettent à risque... Ils prennent certains risques, parce
qu'ils opèrent dans une zone d'une confusion relative. Mais, en bout de piste,
on est capables de dire que les systèmes marchent bien. Il a bien fonctionné <pour
les...
M. Bureau (Michel A.) :
…Certains disent : On a peur de se faire poursuivre. Ils mettent à
risque... ils prennent certains risques parce qu'ils opèrent dans une zone
de... d'une confusion relative. Mais, en bout de piste, on est capables de dire
que les
systèmes marchent bien. Il a bien fonctionné >pour les 7 000 AMM.
C'est vrai que c'était dans une zone où la mort était prévisible. C'était plus
facile. Nous entrons dans une zone de turbulences, je dois dire, mais j'ai bien
confiance qu'on trouve, avec les guides que vous allez mettre dans la loi, qu'on...
que son applicabilité soit juste. Ça va demander plus de veille, je crois. David?
M. Lussier (David) : Non, je
n'ai rien à ajouter.
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Peut-être une dernière question rapidement. Vous avez parlé d'une campagne
d'information. Qu'est-ce qu'on pourrait mettre dans cette campagne
d'information là si… pour la suite des choses?
M. Bureau (Michel A.) :
Bien, vous avez demandé ce matin, à M. Maclure, pourquoi les gens qui ont
une hémorragie cérébrale puis qui deviennent… qui perdent toutes leurs
capacités de décider... pourquoi ils ne peuvent pas avoir l'aide médicale à
mourir, et sa réponse, ça a été : Les dispositifs législatifs sont là,
puis la population ne connaît pas.
Les dispositifs législatifs, c'est la
déclaration médicale anticipée. Chaque fois qu'on me pose cette question-là... Je
demande aux gens qui sont en ligne : Combien, de vous, l'avez remplie,
votre déclaration médicale anticipée? Si vous devenez incapable de décider pour
vous-même, voulez-vous qu'on vous garde à vie sur respirateur? Alors, ces
déclarations médicales anticipées doivent être connues du public et doivent
être utilisées. Ça, c'est une mesure qu'une campagne publique pourrait viser.
L'autre, c'est... Vous avez vu ce matin,
je vous décrivais les gens qui attendent quasiment de mourir pour demander
l'aide médicale à mourir. C'est probablement par méconnaissance et... méconnaissance
du public mais aussi méconnaissance de nombreux professionnels de la santé.
Alors, vous ne manqueriez pas de cibles dans une campagne publique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Bureau.
M. Bureau (Michel A.) :
Bonjour.
Mme Montpetit : Bonjour,
Dr Lussier. Merci. Merci pour tout le travail que vous faites. Merci pour
votre présentation aussi.
Moi, je vous le dis d'entrée de jeu, j'ai
été assez bouleversée par le… Puis je comprends que vous le portiez à notre
attention, là, sur l'élément, justement, qu'il y ait des gens qui anticipent,
en fait, leur… bon, je ne sais pas si c'est «anticipent», mais font leur
demande d'aide médicale à mourir plus tôt, justement, de peur de ne plus être
aptes pour le faire, ou refusent la médication, ou, en tout cas, qu'il y ait
une forme de souffrance <qui est là…
Mme Montpetit : ...qui
anticipent, en fait, leur… bon, je ne sais pas si c'est «anticipent», mais font
leur demande d'aide médicale à mourir plus tôt, justement, de peur de ne plus
être aptes pour le faire, ou refusent la médication, ou en tout cas qu'il y ait
une forme de souffrance >qui est là, due à comment ça fonctionne. Moi, ça
me bouleverse beaucoup d'apprendre ça, puis je vous remercie quand même de le
porter à notre attention.
J'aurais aimé vous... J'aimerais vous donner
l'occasion de nous parler, puis, je ne sais pas, peut-être, ça va s'adresser à
Dr Lussier comme gériatre, mais de nous parler davantage des stades, en
fait, des maladies neurocognitives. Tu sais, on parle beaucoup de l'alzheimer. Donc,
déjà, j'aimerais ça que vous puissiez identifier à quels autres types de
maladie on fait référence quand on parle de maladies neurocognitives, et
qu'après ça... Est-ce que, dans le fond, c'est des... Je sais que c'est très
complexe, toutes les questions de démence, mais est-ce que c'est des stades, justement,
qui sont, somme toute, relativement uniformes? Est-ce que c'est très variable? Justement,
de quoi on parle, en fait, et à quoi on doit faire... on doit s'attendre, justement,
quand on aborde ces questions-là?
M. Lussier (David) : Oui.
Merci pour la question. C'est... Vous allez avoir plus tard, je crois,
Dr Serge Gauthier, qui est vraiment l'expert, le grand expert québécois,
là, ou un des grands experts québécois en maladie d'Alzheimer.
On parle souvent des stades de Reisberg,
qui est celui qui est le... qui fait le sept stades qui a été fait pour la
maladie d'Alzheimer, mais qu'on utilise un peu pour tous les types de démence.
Il faut savoir que nous, on est au stade 1 de l'échelle de Reisberg puis...
parce que c'est la personne normale, puis après ça on va évoluer. La personne
qui est au stade 5 commence à avoir des difficultés de fonctionnement, la personne
qui est au stade 6 a plus de difficultés puis la personne qui est au stade 7
est grabataire puis dit quelques mots par jour seulement.
Donc, la difficulté, c'est de savoir qu'est-ce
qui représente un déclin avancé et irréversible. Ça, c'est une question qui va
se poser plus tard, quand on va avoir... si on a des demandes anticipées pour
l'AMM. Elle se pose déjà, maintenant que le critère de fin de vie a été enlevé.
Parce que quelqu'un qui a une démence, ce qu'on appelle un trouble
neurocognitif majeur maintenant, qui est une maladie grave et incurable, peut
faire sa demande maintenant. Il répond aux critères. Il n'a pas besoin d'être
en fin de vie, donc, il est encore apte. Donc, on a déjà un nombre assez
important, je vous dirais, de personnes dans ces conditions-là qui font des demandes.
Donc, maintenant, il faut définir
qu'est-ce que c'est, le déclin avancé et irréversible des fonctions cognitives
et de la capacité physique. Donc, on est dans... probablement dans les stades 5
ou 6, là, de Reisberg, sur l'échelle de sept. Le problème, c'est qu'on ne sait
jamais comment les maladies vont évaluer... évoluer. La maladie d'Alzheimer
évolue avec un déclin progressif, mais il y a des gens qui vont rester stables
pendant des années et des années et qui vont se détériorer beaucoup suite à un
événement aigu comme une fracture de hanche, alors que d'autres types de
démence vont être très, très stables pendant encore plus longtemps et <sans...
M. Lussier (David) : ...
évoluer.
La maladie d'Alzheimer évolue avec un déclin progressif, mais il y a des gens
qui vont rester stables pendant des années et des années et qui vont se
détériorer beaucoup suite à un événement aigu comme une fracture de hanche,
alors que d'autres types de démence vont être très, très stables pendant encore
plus longtemps et >sans détérioration graduelle. Donc, c'est très, très,
très difficile de prévoir comment une maladie va évoluer.
Mme Montpetit : Puis, je
pense, c'est Dr BureauV, vous avez fait référence, tout à l'heure, à la...
à l'importance aussi de faire... ou Dr Lussier, pardon, là, mais de
faire... de porter attention, dans le fond, et de faire confiance au jugement
du clinicien, justement, pour l'évaluation de la qualité de vie, pour
l'évaluation de la souffrance. Comment, vous, justement, comme commission, ça
vous permettrait... Là, là, je parle toujours de la question des maladies
neurocognitives. Si cette évaluation-là de souffrance ou de qualité de vie,
elle est faite, justement, par le clinicien, comment ça vous permet d'avoir un
deuxième regard, comme commission, dans ces cas-là précis?
M. Bureau (Michel A.) :
David?
M. Lussier (David) : Oui. Je
ne suis pas certain de très bien comprendre votre question. Vous voulez dire
que... Si on se fie au jugement clinique, comment nous, on peut aussi évaluer?
Mme Montpetit : Oui, oui, exactement.
M. Lussier (David) : Bien,
encore là, c'est de voir est-ce que le jugement clinique du... qui a été fait
par le médecin est conforme aux critères de la loi. Nous, c'est important de le
dire, qu'on n'évalue pas du tout, du tout l'acte médical. On n'a pas la
compétence pour évaluer l'acte médical, ce qui revient au conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens, les établissements et au Collège des médecins. Nous,
on évalue la conformité à la loi. Donc, si le médecin nous dit que, selon son
évaluation, le patient a un déclin avancé et irréversible, on va se fier à son
évaluation clinique. Maintenant, on peut avoir aussi un jugement sur ce qu'est
un déclin avancé et irréversible.
Nous, il faut dire aussi qu'on survient toujours
après. Bon, je crois que c'est clair pour la plupart des gens, mais peut-être
pas pour toute la population, qu'on ne donne pas une conformité avant l'AMM. On
arrive après que ça a été fait.
Mme Montpetit : Puis, dans le
cas, justement, d'avancé et irréversible, puis là, vraiment, je sais que je
vais un petit peu plus loin que le rôle que vous jouez présentement, là, mais c'est
un peu l'objectif aussi, de voir comment, sur les questions d'inaptitude, ça
pourrait se mettre en place, dans le fond, est-ce que... Puis là je vous
demandais, c'est ça, par rapport aux maladies neurocognitives, où vous m'aviez
expliqué, bon, l'échelle pour l'alzheimer... Mais est-ce que, pour l'ensemble
des maladies neurocognitives, c'est très clair cliniquement ou c'est assez
clair cliniquement, quand on arrive à un stade avancé et irréversible? Est-ce
que le jugement clinique, il est uniforme sur ces questions-là ou, justement,
il y a un niveau de complexité aussi?
M. Lussier (David) : Non. Le
jugement clinique est assez uniforme. On utilise les... à peu près les mêmes
stades. Il y a d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé, mais, peu
importe la cause de la démence ou du trouble cognitif, on a le... une
évaluation qui est semblable, puis le <jugement...
M. Lussier (David) : ...Non,
le jugement clinique est assez uniforme. On utilise les... à peu près les mêmes
stades. Il y a d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé, mais, peu
importe la cause de la démence ou du trouble cognitif, on a le... une
évaluation qui est semblable, puis le >jugement clinique est suffisant. La
difficulté, c'est qu'on ne peut pas prédire ce qui va se produire. Mais, pour
évaluer ce qui est là maintenant, c'est à peu près semblable pour tout. Il faut
seulement s'entendre, comme société, probablement, sur... savoir qu'est-ce qui
est un déclin avancé et irréversible de quelqu'un qui a une démence.
M. Bureau (Michel A.) :
Mais, pour les personnes qui ont une maladie non pas neurocognitive, mais
neurodégénérative, comme une personne qui fait la sclérose en plaques, il y a
des étapes de déclin. Mais nous avions, récemment, une patiente qui... dont le
médecin faisait la déclaration, quand elle a passé du stade où elle n'était
plus ambulatoire et elle s'en allait en chaise roulante, c'était trop pour elle.
Elle voulait l'aide médicale à mourir. Alors, il y a des étapes, il y a des
déclins qui sont assez stéréotypés et que les médecins reconnaissent
facilement, et les patients surtout.
Mme Montpetit : Parfait. Je
vous remercie. Mme la Présidente, il y a mon collègue de D'Arcy-McGee qui
a une question. Merci beaucoup à vous deux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Je vais avoir besoin du consentement pour... parce qu'on a commencé un
petit peu en retard, là, donc, pour prolonger la séance d'environ trois
minutes. Donc, est-ce qu'il y a consentement?
Des voix
:
Consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Consentement. Donc, député de D'Arcy-McGee, je vous cède la parole.
• (12 h 50) •
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Bureau et Dr Lussier, pour vos interventions
tellement importantes et votre expertise continue qui va nous aider dans nos
réflexions. Compte tenu de cette expertise, je veux vous inviter à offrir vos
commentaires sur l'étendue de la demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Le groupe d'experts, ce matin, nous a
invités de circonscrire cette demande, et c'est fort... et il y a de bonnes
raisons, peut-être, pour faire... aux gens devant un diagnostic. Nous avons un
devoir de pédagogie aussi, de sensibilisation du public. Et il y a la
possibilité qu'il y a un grand pourcentage du public qui aimerait avoir accès à
cette demande, qui... on est... qui n'est pas censée d'être exécutoire, c'est-à-dire
qu'il y aurait d'autres étapes. Est-ce que vous partagez les conseils qu'on
aurait eus, de circonscrire nos travaux, notre travail et de limiter l'accès à
cette demande uniquement aux gens qui sont devant un diagnostic sérieux tel que
décrit?
M. Bureau (Michel A.) :
David?
M. Lussier (David) : Oui.
Moi... C'est très bien expliqué aussi, dans le rapport, que la perspective
qu'on a face à une maladie, face à notre futur va changer au moment d'un
diagnostic. C'est vrai pour les maladies neurocognitives, ce serait vrai pour
d'autres maladies aussi. Là, on parle des maladies neurocognitives. Donc, c'est
très difficile, <pour...
M. Lussier (David) : …
aussi,
dans le rapport, que la perspective qu'on a face à une maladie, face à notre
futur, va changer au moment d'un diagnostic. C'est vrai pour les maladies
neurocognitives, ce serait vrai pour d'autres maladies aussi, là on parle des
maladies neurocognitives. Donc, c'est très difficile, >pour quelqu'un
qui s'imagine avoir un diagnostic de maladie neurocognitive, savoir comment il
va réagir quand ça va arriver. Et notre évaluation... Les études ont montré que
notre évaluation qu'on fait avant d'avoir le diagnostic va souvent changer
après avoir eu le diagnostic. Donc, on va pouvoir être prêts, souvent, à
accepter plus de pertes de fonctions, probablement, après avoir eu le
diagnostic.
Donc, c'est pour ça que c'est important, et
c'est très bien expliqué, encore là, par le rapport d'experts, d'attendre
d'avoir le diagnostic pour être certains, finalement, de protéger. C'est une
mesure de protection, finalement, pour ne pas que la personne prenne une
décision qu'elle n'aurait pas prise sinon.
M. Birnbaum : Et, si je peux
poursuivre, compte tenu que la recommandation, c'est que ce ne soit pas
exécutoire et qu'évidemment les circonstances devraient être assez sérieuses et
graves en termes de souffrance, et de qualité de vie, et attentes de vie, ça ne
devrait pas, ces conditions-là, ces contraintes-là, nous inviter à aller un
petit peu plus loin?
M. Bureau (Michel A.) :
J'ai regardé, avant cette commission, quelles étaient les statistiques des
Hollandais, qui permettent la déclaration médicale anticipée, et j'étais très
étonné du très petit nombre de gens qui, finalement, sont admissibles. Et je me
disais : Est-ce que leurs règles sont trop contraignantes dans
l'admissibilité? Et ça se pose pour nous aussi.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, il me reste…
La Présidente (Mme Guillemette) :
40 secondes, M. le député.
M. Birnbaum : 40 secondes.
Juste bien vite. Vous nous avez offert un portrait très clair de ce qui se
passe jusqu'à date. Êtes-vous satisfaits, advenant une demande plus importante
fort possible, qu'en région, spécifiquement et particulièrement, l'accès au
soin médical à mourir peut être au rendez-vous s'il y a une demande...
M. Bureau (Michel A.) :
Je dirais que oui. Nous sommes aujourd'hui à un chiffre d'à peu près 1 000 médecins
qui s'impliquent. Au début, il y en avait 50, 60, 100. Maintenant, les médecins
voient là un exercice de la médecine d'un très haut niveau. Ce n'est plus un
fardeau. C'est devenu quelque chose de très spécial de la médecine, et ce ne
sont pas tous les médecins qui vont pouvoir faire ça. Ça prend du monde comme
Dr Lussier.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Merci, Dr Bureau, Dr Lussier, pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux quelques instants et se réunira en séance de
travail. Donc, ceci met fin à la séance pour aujourd'hui. Et je vous <invite…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
Merci beaucoup. Merci, Dr Bureau, Dr Lussier, pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux quelques instants et se réunira en séance de
travail. Donc, ceci met fin à la séance pour aujourd'hui. Et je vous >invite
à raccrocher pour mettre fin à la visioconférence. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 12 h 54)