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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le vendredi 14 mai 2021 - Vol. 45 N° 1

Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Marie Montpetit

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Véronique Hivon

M. Guy Ouellette

La présidente, Mme Nancy Guillemette

Auditions

Mme Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure

Mme Mona Gupta

Commission sur les soins de fin de vie

Autres intervenants

M. François Jacques

Mme Marilyne Picard

Mme Geneviève Hébert

M. David Birnbaum

Mme Jennifer Maccarone

*          M. Michel A. Bureau, Commission sur les soins de fin de vie

*          M. David Lussier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Guillemette) : Mesdames messieurs, nous allons débuter la séance. Ayant constaté le quorum...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui. Parfait. Donc, merci, Me Filion et M. Maclure. Nous allons... Moi, je viens de tout perdre ici, là. Ah! c'est revenu. Donc, nous allons débuter les remarques préliminaires, et après nous vous inviterons, là, à faire votre présentation.

Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale...

(Interruption)

La Présidente (Mme Guillemette) : Il y a beaucoup de technique ce matin. On peut y aller? Merci.

Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale sur l'évolution des soins de vie ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

• (9 h 20) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Aussi, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour permettre au député de Chomedey de participer à la séance. Consentement accepté.

Donc, ce matin, nous débuterons avec les remarques préliminaires puis nous entendrons, par visio, les groupes suivants : M. Jocelyn Maclure et Mme Nicole Filion, coprésidente et coprésident du Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, la Dre Mona Gupta et la Commission sur les soins de fin de vie.

Remarques préliminaires

Donc, j'inviterais ma collègue la vice-présidente Mme Marie Montpetit, députée de Maurice-Richard, à nous présenter ses remarques préliminaires.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Oui. Bonjour. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bien, écoutez, très heureuse d'être là ce matin pour entamer ces travaux. Je sais qu'on n'a pas énormément de temps pour faire ces remarques préliminaires, mais simplement dire que je suis bien heureuse d'agir à titre de vice-présidente sur cette importante commission.

On le sait, Québec a toujours été... a été un leader, a été un précurseur dans la question de l'aide médicale à mourir, puis je pense qu'aujourd'hui on commence vraiment une... on entame une nouvelle étape qui est extrêmement importante sur des questions complexes, sur l'inclusion possible de gens qui sont inaptes à consentir, de personnes qui ont des troubles de santé mentale, des troubles mentaux graves. C'est des questions qui sont certainement complexes, qui sont certainement sensibles, toujours, quand il est question de mort, de souffrance, de dignité humaine, mais je trouve ça très important qu'on prenne, justement, le temps de le faire comme parlementaires.

Je vois qu'on a déjà les premiers experts qui sont arrivés aujourd'hui pour avoir un échange avec nous. On a fait une... On sera accompagnés dans ces travaux, justement, d'experts de très haut niveau qui ont fait des réflexions préalables sur ces questions-là et qui pourront certainement venir nous guider dans nos réflexions, parce que la question n'est pas simple, tant au niveau éthique, tant au niveau moral mais tant au niveau de son applicabilité non plus.

Donc, je suis certaine qu'on pourra le faire. Et je suis heureuse qu'on le refasse, encore cette fois-ci, de façon transpartisane et qu'on entame ce dialogue-là avec la société également, sur... puisque c'est elle aussi qui a demandé, au cours des dernières années, que ces questions-là soient abordées. Et donc très heureuse d'être ici avec vous. Je le fais avec beaucoup d'humilité, parce que c'est des questions qui viennent changer la place d'une société mais qui viennent également répondre à des enjeux qui sont souvent très déchirants dans la vie d'une personne ou dans la vie d'un proche aidant également. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : ...préliminaires. Pardon?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Guillemette) : O.K. J'inviterais le député de Gouin, maintenant, à faire ses remarques préliminaires.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Votre invitation initiale, je pense, avait été bloquée par des problèmes techniques. Ça va nous arriver. Ce n'est pas l'idéal, mais j'espère qu'on sera en mesure de mener nos travaux tout de même rondement.

Bonjour, tout le monde. Très content d'être ici. Et je ne m'étendrai pas très longtemps, juste vous dire que je trouve ça très important, l'exercice auquel on va se prêter dans les prochaines semaines et les prochains mois ici, à la commission. Je nous souhaite de suivre une belle tradition, je pense, québécoise qui a été inaugurée, il y a quelques années, sur cet enjeu-là, une tradition de prendre le temps de réfléchir à ces enjeux-là, prendre le temps d'y aller en profondeur, ne pas faire l'économie de ces discussions-là, même si elles sont difficiles, même si elles sont sensibles.

Puis, deuxièmement, je dirais aussi, il y a une tradition québécoise de procéder de manière transpartisane sur ces questions-là, de ne pas se laisser dévier dans nos réflexions par les objectifs partisans, par nos orientations politiques, celles de nos formations politiques, mais de vraiment tenter de mettre ça de côté pour, d'abord, écouter les experts, puis les gens qui vivent les situations également.

Je nous souhaite des réflexions fertiles. J'espère qu'on va avancer tout le monde ensemble là-dedans puis surtout j'espère qu'on va aboutir sur un consensus social et politique le plus large possible. Je nous souhaite d'aboutir à des recommandations qui vont unir la société québécoise autour de cette question-là. Je nous souhaite d'entendre le plus d'opinions possible, divergentes, parfois nuancées, parfois plus cassantes. C'est correct. Je nous souhaite vraiment d'entendre le plus de gens possible avec le plus de perspectives possible et de cheminer dans une réflexion collective vers des recommandations qui seront les plus consensuelles possible.

Ça fait que c'est mes souhaits, c'est mes attentes pour les travaux qu'on entame aujourd'hui. Je suis très content de faire partie de cette commission-là. Je nous souhaite des débats et un dialogue constructifs, productifs. Je pense que c'est ce que les gens qui nous ont élus s'attendent de nous. Alors, allons-y, chers amis, chers collègues. Je suis très content d'être parmi vous pour cet exercice-là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je passerais maintenant la parole à la députée de Joliette, Mme Hivon.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci. Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, chers collègues, je suis vraiment très heureuse, même émue un peu d'être parmi vous ce matin, d'amorcer, donc, cette nouvelle phase des travaux sur ces enjeux-là, très importants, de l'aide médicale à mourir en contexte de maladie, par exemple, neurodégénérative, d'inaptitude et aussi de troubles mentaux. Ce sont des questions extrêmement complexes mais extrêmement importantes.

Et on a un privilège incroyable, c'est celui d'être des élus de la population. Et je pense que la meilleure manière d'exercer notre rôle d'élu, c'est que, quand il y a de ces enjeux aussi sensibles qui habitent nos concitoyens, qui habitent les gens que nous avons le privilège de représenter... c'est de prendre nos responsabilités à bras-le-corps et de permettre que ces débats-là puissent se faire en toute ouverture, en toute transparence, en entendant tous les points de vue et pour pouvoir bâtir le plus grand consensus possible mais surtout d'évoluer tout le monde ensemble, experts, citoyens, élus, pour que la société sente qu'elle marche dans une direction et qu'on n'a pas peur d'affronter ces débats-là, qui touchent les gens dans ce qu'ils ont de plus profond, humainement, socialement, je vous dirais aussi médicalement, éthiquement. Donc, c'est un grand privilège, et je prends la pleine mesure de ça.

Je pense qu'effectivement on a fait un grand pas en étant des précurseurs au Québec. On a inspiré beaucoup, et je suis confiante qu'il va se produire la même chose avec les travaux qu'on amorce aujourd'hui parce qu'on les fait en étant guidés par les meilleures volontés et valeurs possible.

Et je veux juste dire, en terminant, que ça, c'est la première phase que nous amorçons, avec des experts de haut niveau, mais que, tous les gens qui nous suivent et qui s'intéressent à la question, sachez qu'il y aura une deuxième étape plus tard, à la fin de l'été, où nous allons entendre citoyens, groupes d'intérêts, organismes qui voudront venir nous présenter leurs points de vue pour avoir le débat le plus riche possible. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.

M. Guy Ouellette

M. Ouellette : Le député de Chomedey va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi aussi, on peut être très heureux de faire partie d'une commission transpartisane sur un enjeu aussi important que celui-là.

On aura aussi, au cours des prochaines semaines et avec les échéances qu'on a, de novembre, une responsabilité. C'est une responsabilité qui est grande. Et, MM. et Mme les experts qui nous écoutez, nous sommes tout ouïe et, en toute humilité, nous espérons que vous nous éclairerez pour que notre travail de législateur soit bénéfique pour l'ensemble des citoyens du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La présidente, Mme Nancy Guillemette

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, je tiens à remercier tout le personnel qui est ici ce matin et qui m'accompagne. Vous voyez, il y a une grosse technique, et, sans eux, on n'y arriverait pas. Et on a une équipe, au secrétariat, qui fait un travail extraordinaire avec efficacité et rapidité. Salutations également aux collègues. C'est un réel plaisir de travailler avec vous. C'est rare qu'on a... C'est vraiment, vraiment rare qu'on a la chance de travailler de façon transpartisane et c'est vraiment agréable de le faire. Et on a à apprendre, tout un chacun. Donc, merci d'être là et d'avoir accepté ce mandat. Merci particulier à tous ceux et celles qui viendront partager leur expertise et leur expérience. C'est grâce à vous qu'on pourra élever nos discussions.

Depuis 2014, vous savez, on a une loi sur l'aide médicale à mourir. On a été des précurseurs. Mais, depuis ce temps, il y a eu des nouveaux éléments qui se sont ajoutés, et maintenant la société nous demande de prendre compte de ces éléments-là. Donc, c'est un enjeu important. C'est un enjeu que nous devons traiter avec respect et diligence. C'est un sujet sensible et délicat, et ça vient confronter aussi nos valeurs mais également notre propre finitude. On ne s'interroge pas souvent sur notre propre finitude, et ça peut être confrontant d'en discuter.

• (9 h 30) •

Donc, nous entendrons des experts, mais nous voulons aussi vous entendre. C'est un débat de société important. Je vous invite à nous suivre sur le site de l'Assemblée nationale. Et bientôt vous aurez accès à une consultation publique en ligne. Je vous invite à partager avec vos collègues et vos amis et à en discuter pour qu'on puisse élever le débat de façon satisfaisante.

Auditions

Je cède maintenant la parole à nos deux premiers invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure, pour une période de 20 minutes.

Mme Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure

Mme Filion (Nicole) : Alors, bonjour, tout le monde. D'abord, peut-être vous parler de la méthodologie que nous avons employée dans le cadre des travaux du groupe d'experts, travaux du groupe d'experts qui se sont déroulés sur une période de 18 mois, soit entre décembre 2017 et juin 2019. Au total, il y a eu 17 réunions, à raison de huit heures par jour.

Nous avons eu le privilège de réunir des experts qui étaient issus de plusieurs domaines différents, soit les domaines de la médecine, de la pharmacie, des sciences infirmières, de la psychologie, du travail social, de la philosophie, du droit et aussi de la défense des droits des usagers. Ces experts-là, tous réunis ensemble, ont exprimé des opinions à titre individuel en tant qu'experts dans leurs domaines respectifs.

D'abord, les rencontres du groupe d'experts ont été, pour nous, l'occasion de se familiariser avec les différentes dimensions des enjeux qui étaient au coeur du mandat mais aussi de se familiariser sur les nombreux défis, là, qui étaient rencontrés sur le terrain par les professionnels de la santé. Donc, pour ce faire, nous avons eu l'occasion d'entendre aussi différentes personnes qui ont été invitées à nous partager soit leurs travaux scientifiques ou soit leur expérience pratique. Au total, nous avons invité 22 professionnels, chercheurs ou représentants d'organisme, qui sont venus enrichir la réflexion des membres du groupe d'experts.

Le rapport, intitulé L'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence, je pense que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance puisqu'il a été déposé pour les fins des travaux de la commission. Donc, ce rapport-là contient 14 recommandations. M. Maclure et moi, ce matin, allons nous... (panne de son) ...sur les recommandations que je pourrais qualifier de plus importantes pour les fins de vos travaux. Fait à signaler qui n'est pas banal, malgré des points de vue divergents, au départ, qui étaient partagés par différents experts, au terme des travaux, nous avons réussi à atteindre un consensus sur les 14 recommandations.

Je veux vous rappeler le mandat du groupe d'experts. Il est à la page 17 de notre rapport. Alors, je le résume brièvement. Nous avions «pour mandat général d'examiner la possibilité que des modifications soient apportées à la Loi concernant les soins de fin de vie, après avoir évalué les enjeux cliniques, éthiques et juridiques en cause.

«Plus précisément, le groupe d'experts avait pour mandat : d'étudier le concept d'inaptitude sous les angles juridiques, cliniques et éthiques; de déterminer les enjeux rencontrés ou anticipés en lien avec l'inaptitude dans le contexte de l'aide médicale à mourir; d'analyser les effets du caractère évolutif du spectre de l'aptitude et de l'inaptitude dans la perspective du principe de continuum du consentement; d'analyser les situations pour lesquelles l'accès à l'aide médicale à mourir serait souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant; d'évaluer les différents moyens et conditions qui permettraient à une personne d'exprimer sa volonté — et finalement — de rédiger un rapport faisant état de ses recommandations.»

J'aimerais souligner que les travaux du groupe d'experts ainsi que la rédaction du rapport ont eu lieu avant que ne soit rendu le jugement du 11 septembre 2019 dans l'affaire Gladu-Truchon, qui rendait notamment inopérant, là, le critère de fin de vie pour déterminer si une personne pouvait avoir recours à l'aide médicale à mourir.

Et je termine en précisant que le rapport a été déposé à l'Assemblée nationale le 29 novembre 2019 et qu'à nos yeux il constitue certainement une excellente base pour amorcer votre réflexion à plus grande échelle sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes. Alors, là-dessus, je cède la parole à M. Maclure. Merci.

M. Maclure (Jocelyn) : Merci. Merci, Mme la Présidente, MM., Mmes les députés. Merci, Nicole. Donc, c'est un plaisir pour moi aussi d'être avec vous aujourd'hui à discuter de cette question très importante dans un esprit aussi qui, me semble-t-il, honore la société québécoise et les députés de tous les partis en particulier.

Dans mon travail en philosophie, en particulier en éthique, là, depuis de nombreuses années, j'ai souvent eu la chance de discuter avec certains d'entre vous, là, sur d'autres enjeux très complexes, hein, la laïcité, les accommodements raisonnables, l'intelligence artificielle et plusieurs autres débats de société. La question d'est-ce qu'on devrait permettre, hein, aux personnes qui vont avoir une maladie neurodégénérative et perdre leur aptitude, hein, à demander... à prendre des décisions éclairées concernant leurs soins de santé, leurs soins de fin de vie, c'est une des questions éthiques les plus complexes et délicates à laquelle j'ai été confronté jusqu'ici dans mon parcours.

C'est une des questions les plus complexes, bon, parce que, comme c'est souvent le cas en éthique, hein, il y a un dilemme éthique très profond au coeur de cette question. Bon, il y a plusieurs valeurs éthiques, là, qui sont pertinentes à la réflexion, mais il y a une tension forte entre, d'un côté, le principe d'autonomie, hein, personnelle ou d'autonomie individuelle, en particulier eu égard aux choix que l'on souhaite faire concernant notre fin de vie et les soins qu'on souhaite recevoir dans cette... à ce moment crucial de notre vie, donc, d'un côté, l'autonomie personnelle, de l'autre côté, hein, la protection des... le principe de la protection des personnes vulnérables. C'est une tension forte.

D'un côté, bon, vous le savez, la légalisation de l'aide médicale à mourir au Québec, bon, était fondée, hein, sur une idée de... sur un idéal, hein, d'une fin de vie vécue dans la dignité, et la dignité implique, entre autres, hein, un accroissement du pouvoir d'autodétermination concernant nos choix en fin de vie, hein, donc, d'où l'idée d'ajouter à des soins... la possibilité d'avoir des soins palliatifs de qualité, d'ajouter aussi la possibilité de faire une demande d'aide médicale à mourir, hein, dans certaines circonstances. Donc, le principe d'autonomie a joué un rôle clé, hein, dans le processus de légalisation de l'aide médicale à mourir.

De l'autre côté, on sait que, bon, les personnes en fin de vie, les personnes qui sont aux prises avec une maladie, par exemple, incurable, et en particulier des personnes qui, donc, vivent une maladie neurodégénérative, hein, qui leur font perdre, hein, leur aptitude, hein, à comprendre leur état de santé, à comprendre quelles sont les différentes options devant eux, parfois, donc, des personnes qui n'arrivent plus, bon, à reconnaître leurs proches, qui ne se souviennent plus, hein, de quelles étaient leurs volontés lorsqu'ils avaient toutes leurs capacités cognitives, ce sont des personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité extrême, donc, et on devait réfléchir collectivement, donc, à qu'est-ce qui est la bonne chose à faire, hein, dans ce contexte. Est-ce qu'on devrait permettre, par exemple, aux personnes de formuler à l'avance, hein, de demander de façon anticipée l'aide médicale à mourir? Et, la réponse qu'on a donnée à cette question, donc, on a voulu qu'elle soit équilibrée, hein, comme Nicole l'a rappelé, et marquée au coin de la prudence.

Et on va passer en revue quelques-unes des recommandations, mais c'est une réponse équilibrée, en ce sens que l'on cherche, hein, à accroître le pouvoir d'autodétermination des personnes en permettant la rédaction de ce qu'on a appelé des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, une demande anticipée permet d'exercer, disons, à l'avance, hein, son autonomie concernant la fin de vie que l'on se souhaite.

Mais on a souhaité aussi baliser ce droit pour faire en sorte, hein... ou réduire les risques qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir soit appliquée de façon trop précoce, hein, de façon hâtive, parce qu'on ne peut pas exclure, par exemple, hein, la possibilité qu'une personne ait perdu, là, son aptitude, hein, à consentir à ses soins mais qu'elle ait quand même une certaine qualité de vie, hein, même si ses facultés cognitives sont fortement touchées.

Bon, il y a des cas de ce qu'on appelle parfois, là, il faut... de la démence heureuse ou... Bon, des maladies neurodégénératives comme l'alzheimer, pour certaines personnes, hein, peuvent évoluer quand même relativement lentement ou ça peut... Le déclin peut se faire, hein, d'année en année. Il peut y avoir des phases, hein, dans la maladie, où il y a une certaine qualité de vie, il y a certains plaisirs, il y a certaines émotions positives qui sont vécues, même si on ne parvient plus très bien à reconnaître ses proches ou on a clairement oublié ce qu'on souhaitait lorsqu'on était en pleine possession de nos capacités rationnelles. Donc, on a aussi proposé, hein, d'adopter aussi des mesures qui, bon, permettraient de réduire les risques, hein, que la demande soit exécutée de façon trop rapide, pendant que la personne a encore une certaine qualité de vie.

• (9 h 40) •

Donc, on pense que des demandes anticipées d'aide médicale à mourir devraient être acceptées, que la volonté des personnes devrait être reconnue, mais elle devrait être appliquée, hein, lorsqu'on constate, bon, que la personne n'a plus vraiment de qualité de vie, que ses souffrances, hein, semblent persistantes, que les... vraiment, aux yeux des proches et de l'équipe soignante, là, que, la personne, sa vie est faite davantage de souffrance et de détresse, hein, que de plaisir. Donc, c'est à ce moment-là, hein, qu'on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait être appliquée en pratique, et c'est de cette façon-là qu'on a tenté, là, de concilier, hein, autant que faire se peut, le principe d'autonomie, qui est crucial, là, lorsqu'il est question des questions de fin de vie, hein — une conception de ce qu'est une vie qui a un sens, de ce qu'est une vie bonne, hein, ça inclut une réflexion sur le type de fin de vie qu'on se souhaite — donc, d'équilibrer ce principe-là avec le principe de la protection des personnes vulnérables, dont les personnes qui sont en situation d'inaptitude.

Si je passe rapidement aux recommandations... Vous les avez probablement devant vous. Donc, on pourra revenir, hein, dans la discussion, sur toutes les 14 recommandations si vous le souhaitez. J'attire votre attention sur la recommandation n° 2, donc : «Que soit reconnue et rendue possible la formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de l'inaptitude à consentir à ce soin, sous les conditions», donc, énoncées dans le rapport.

Recommandation 3, donc, cette recommandation inclut, entre autres, l'idée que la rédaction de la demande anticipée doit se faire après l'obtention d'un diagnostic d'une maladie grave et incurable. Donc, ce n'est pas une demande qu'on voit comme étant... qui devrait ne pas pouvoir être rédigée, par exemple, en toute situation, avant même d'avoir obtenu un diagnostic d'une maladie comme l'Alzheimer, par exemple. Donc, ce n'est pas une demande qui pourrait être appliquée, par exemple, suite à un accident, un traumatisme qui causerait une inaptitude rapide. On encourage, hein, tous les citoyens du Québec à rédiger ce qu'on appelle les DMA, hein, leurs directives médicales anticipées, par exemple, pour demander quels types de soins ils souhaitent recevoir s'ils se retrouvent dans cette situation-là. Mais on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait être rédigée vraiment lorsqu'on est bien informé de la situation qui nous attend, hein, et donc après un diagnostic, après des discussions avec des professionnels de la santé, discussions, idéalement, avec les proches. Donc, on pourra y revenir si vous voulez.

On ajoute ensuite que, «bien qu'elle n'ait pas de caractère exécutoire, cette demande devra néanmoins être considérée et évaluée, au moment opportun, dans le respect des conditions précisées dans le rapport».

Et, recommandation 4, donc, on propose la création d'un formulaire, hein, spécifique pour les demandes anticipées d'AMM, un formulaire distinct du formulaire des demandes... des directives médicales anticipées. Et, bon, on veut que la personne, hein, parce que c'est vraiment ancré, hein, dans l'autonomie et dans le consentement individuel... donc, que la personne formule elle-même, de manière libre et éclairée, la demande d'AMM au moyen du formulaire prescrit. La personne signe son formulaire en présence d'un médecin, qui le signe également et qui confirme le diagnostic de la maladie grave et incurable, l'aptitude de la personne à consentir aux soins à ce moment-là et à faire sa demande anticipée d'AMM et le caractère libre et éclairé de la demande. Cette démarche est faite par la personne elle-même devant deux témoins ou devant notaire sous forme d'acte notarié. Là-dessus, je repasse la parole à Me Filion.

Mme Filion (Nicole) : Oui. Alors, de mon côté, j'attire votre attention sur la recommandation numéro 7, donc : «Que la personne qui signe une demande anticipée d'aide médicale à mourir puisse, au même moment, désigner, dans le formulaire, un tiers qui va être chargé de faire connaître sa demande et de demander, en son nom, le traitement de sa demande en temps jugé opportun.» Et cette charge du tiers devra être acceptée par écrit.

Alors, à titre de tiers, on peut certainement penser à des proches, hein, qui connaissent intimement la personne, le patient, qui connaissent ses préoccupations, son style de vie, ses préférences. Les proches sont souvent les mieux placés pour relayer les volontés du patient et pour interpréter le sens de ses gestes, de ses comportements et de ses manifestations.

Pour ce qui est de la recommandation n° 8, elle se décline comme suit : «Qu'il revienne au tiers désigné, le cas échéant, d'initier le traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir au moment jugé opportun, et qu'en l'absence d'un membre désigné, ou dans l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa part, la demande de traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir se fasse par une personne qui va démontrer un intérêt pour le patient ou, à défaut, par une autorité externe impartiale, dont le mandat serait de protéger la volonté du patient et d'agir dans son meilleur intérêt.»

Donc, j'aimerais préciser que le tiers désigné n'exercerait pas un consentement substitué, donc son jugement et sa décision ne se substituent pas à celui de son proche, et que le tiers désigné, aussi, ne doit pas être confondu comme représentant légal. Son seul et unique rôle, de ce tiers-là, se limite à rappeler au personnel soignant l'existence du formulaire de demande anticipée et de s'assurer que ce formulaire-là sera dûment considéré.

Bien entendu, il faut considérer également qu'il puisse y avoir des personnes qui sont totalement isolées, donc qui ne peuvent pas désigner un tiers, compte tenu de leur situation, ou, tout simplement, il y aura certainement des patients qui ne voudront pas désigner un proche pour les représenter comme tiers dans le cadre de leur démarche. Donc, le groupe d'experts, dans ces situations-là, était d'avis que l'absence d'un tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit à l'autodétermination de la personne qui a rédigé une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et le groupe d'experts recommandait qu'en l'absence d'un tiers... qu'il y ait une autorité neutre, qu'on n'a pas identifiée ou qui restera à déterminer, qui pourrait avoir à coeur l'intérêt et le respect des volontés de la personne, et que cette autorité neutre là puisse agir comme porte-voix, en quelque sorte, pour s'assurer que la demande anticipée sera consultée et considérée.

Maintenant, la recommandation n° 9 : «Que les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir applicables aux personnes devenues inaptes à consentir à l'aide médicale à mourir soient les suivants...»

Alors, les critères sont : une personne devra être assurée, au sens de la Loi sur l'assurance maladie; cette personne-là devra être majeure; elle devra être atteinte d'une maladie grave et incurable; sa situation médicale devrait se caractériser par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; compte tenu de ses circonstances médicales, elle est engagée dans une trajectoire de fin de vie pour laquelle le médecin peut raisonnablement prévoir sa mort, sans pour autant avoir à établir un délai précis quant à son espérance de vie. Ensuite, un autre critère : cette personne doit manifester des souffrances physiques, psychiques ou existentielles constantes, importantes et difficiles à soulager; ces souffrances devront être évaluées par le médecin et l'équipe soignante multidisciplinaire et devraient correspondre à ce qui est exprimé dans la demande anticipée d'aide médicale à mourir, et, dans ce cas, le médecin et l'équipe soignante sont encouragés à entrer en dialogue avec le tiers qui a été désigné, le cas échéant, dans le formulaire et les proches du patient; et, bien entendu, qu'elle ait rédigé une demande anticipée qui respecte les conditions que nous avons énoncées aux recommandations 3, 4 et 7.

Alors, pour ce qui est des souffrances, vous en apprendrez certainement davantage. Vous aurez l'occasion aujourd'hui d'entendre la Dre Mona Gupta, qui est psychiatre. Nous avons eu le privilège de l'entendre, et elle nous a beaucoup éclairés quant aux souffrances de nature psychologique et psychique, existentielle. Donc, vous aurez l'occasion de lui poser des questions en ce sens-là. Et là-dessus, bien, je cède la parole à Jocelyn pour la conclusion de notre présentation. Merci.

• (9 h 50) •

M. Maclure (Jocelyn) : Je pense voir que notre temps est écoulé. Donc, je pense qu'on peut y aller avec la période de questions. Puis, comme Nicole l'a dit, c'est des conclusions qui ont été atteintes, hein, avant l'arrêt Baudouin. Donc, on pourra discuter de l'impact de l'arrêt, du jugement, si vous le souhaitez, mais je laisse ça entre vos mains.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci à vous deux. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Bien, merci, Mme la Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette commission. Vous êtes les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour vous aussi. C'est un privilège pour moi d'intervenir le premier aussi. Je suis très heureux de faire partie de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie. C'est un domaine que j'ai traité longuement dans mon ancienne vie. Donc, je suis fébrile avec les discussions qui commencent ce matin.

Je veux revenir sur la demande anticipée. Bon, je vais vous expliquer un peu, là, ce que j'ai vécu un peu, dans ma vie, par rapport à ça. J'ai une grand-mère qui a de l'alzheimer, qui commence à avoir des symptômes à la maison. Mon grand-père décède. On se rend compte qu'elle a beaucoup, beaucoup de difficultés à fonctionner seule. Elle s'en va en RPA pour une courte durée, un an et demi. Suite à ça, elle s'en va en CHSLD pendant 13 ans.

Bon, on parle du bien-être de la personne, de la personne, de la façon qu'elle se sent. Ma grand-mère se sentait très bien. Elle chantait, elle était enjouée, elle jouait du piano encore, même si elle ne reconnaissait plus personne. Donc, elle était retournée dans ses 18, 20 ans, 22 ans. Elle parlait des gens qu'elle a côtoyés dans ce temps-là, puis tout ça. Par contre, ma grand-mère était une personne hyperfière, qui a été au public toute sa vie et qui n'aurait jamais accepté de se voir dépérir de cette façon-là.

Donc, de ce que je comprends de votre proposition, c'est qu'une personne pourrait avoir fait une demande anticipée au premier stade. Parce qu'on ne parle pas, là, dans les... d'un mandat d'inaptitude, de faire une demande anticipée de soins de fin de vie au cas où il m'arriverait telle, telle, telle chose. Donc, elle aurait pu faire une demande de... anticipée de soins de fin de vie. Par contre, elle n'aurait pas pu être exécutoire tant et aussi longtemps qu'elle aurait ressenti des problèmes, des malaises... ou que sa qualité de... non pas sa qualité de vie, mais sa qualité de personne ne puisse requérir à... qu'elle ne puisse plus fonctionner, dans le fond, ou qu'elle ait des douleurs non pas psychologiques mais plutôt physiques. Est-ce que c'est bien ça que je peux comprendre dans votre rapport?

M. Maclure (Jocelyn) : Oui. Merci beaucoup pour votre commentaire et question. C'est exactement ça. On sait, on a entendu que des patients... pas des patients, mais des citoyens qui vont devenir des patients et qui ont une certaine conception de ce qu'est une vie de... une fin de vie digne vont dire des choses comme : Lorsque je vais devoir être placé, c'est à ce moment-là que je voudrais que la demande soit exécutée, ou : Lorsque je vais dépendre, hein, des autres pour les soins les plus primaires, c'est à ce moment-là que je voudrais être placé, lorsque je ne reconnaîtrai plus mes proches. On a entendu ça.

On comprend très bien que ça fait partie d'une certaine conception de ce qu'est une vie digne, mais on n'a pas été jusque-là, parce que, comme, je pense comprendre, l'exemple de votre grand-mère peut le montrer, bon, une personne qui vit une maladie neurodégénérative, hein, subit une transformation identitaire majeure, hein, radicale, ses priorités, ses intérêts, ses préférences, hein, peuvent changer de façon radicale, et, bon, il est possible qu'à ce moment-là l'idée d'être complètement indépendant, donc, ce ne soit plus pertinent, là, dans sa vie maintenant et qu'il y ait d'autres plaisirs, qu'il y ait autre chose qui font quand même en sorte que ça vaut la peine de continuer cette vie-là encore un certain temps.

Et c'est pour, justement, éviter, hein, une application trop rapide, hein, d'une demande anticipée, parce que, là, il faut penser que, par exemple, hein, une personne qui est dans une situation de démence mais qui a une certaine qualité de vie... Est-ce qu'on veut vraiment demander à des professionnels de la santé, là, d'aller appliquer, d'aller pratiquer l'aide médicale à mourir dans ces conditions-là? Les professionnels de la santé nous ont dit : On s'imagine mal, là, faire ça, mais, lorsqu'on voit qu'il y a de la véritable souffrance physique ou psychologique et qu'il n'y a plus de qualité de vie, là, ça peut redevenir un soin, hein, l'aide médicale à mourir, et, dans ce contexte-là, ça nous semble plus éthiquement acceptable. Donc, ce serait pour une période, une étape ultérieure, hein, dans l'évolution de la maladie.

M. Jacques : O.K. Puis de quelle façon on va pouvoir, dans le fond, avoir un jugement concret pour chacune des personnes? Donc, de quelle façon on va établir une ligne pour que chacune des maladies ou des souffrances soit évaluée adéquatement sur l'ensemble des patients? Et où est-ce que la ligne va être, plus précisément, là?

Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait, une des conditions, c'est qu'effectivement... que la personne manifeste des souffrances soit physiques, soit psychiques, soit existentielles. Et on les a qualifiées également, hein? Il faut que ces souffrances-là soient constantes, très importantes et difficiles à soulager. Donc, il est clair, à nos yeux, que l'évaluation des souffrances devra être réalisée par l'équipe... le médecin, bien entendu, mais toute l'équipe soignante multidisciplinaire qui, souvent, entoure le patient, là. On pense aux travailleurs sociaux, ergothérapeutes, etc.

Et évidemment ça ne peut pas se faire non plus en silo. On encourageait l'équipe soignante et le médecin à entrer en dialogue, sûrement, avec le tiers qui a été désigné, parce que, s'il y a eu un tiers désigné, ça veut dire que le patient avait une totale confiance en cette personne-là. Il y a des fortes chances que le patient, aussi, l'a désigné parce que cette personne-là connaît son histoire, etc., ses valeurs, son historique, évidemment. Et donc on invitait le médecin et l'équipe soignante à entrer en dialogue avec le tiers désigné mais aussi, évidemment, avec les proches du patient.

Donc, c'est vraiment des souffrances qui sont qualifiées, en tout cas, pour les fins de nos recommandations, et qui sont évaluées par cette équipe-là, qui va entrer en communication avec le tiers désigné et les proches. Merci.

M. Jacques : Bien, finalement, là, pour le tiers désigné, votre recommandation 7, là, ne pourrait pas dire : La dignité de la personne, de mon proche ou de la personne à qui j'ai signé pour dire que je l'accompagnerais et j'exécuterais ses volontés à un moment opportun... ne pourrait pas dire que la dignité affectée à un tel point d'une personne pourrait donner ou susciter le consentement à faire un soin de fin de vie.

Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait, le tiers désigné est une personne parmi tant d'autres qui pourrait venir éclairer l'équipe soignante.

M. Jacques : Parfait.

Mme Filion (Nicole) : Alors, c'est pour ça que j'ai insisté, tout à l'heure, pour dire que ce n'est pas un consentement substitué, hein? Le tiers désigné, ce n'est pas lui qui va décider. Lui, son rôle, c'est de porter à la connaissance de l'équipe soignante la demande anticipée d'aide médicale à mourir et de dire à l'équipe soignante : Voici, mon proche a fait... — une dame, on l'a appelée «la dame» — et veuillez considérer cela, maintenant, je peux vous éclairer sur l'historique de... puis, bon, ma soeur, mon frère, etc., il y a d'autres personnes qui connaissent bien, pourraient vous donner des renseignements, pourraient être une mine d'informations, là, pour vous éclairer dans l'évaluation de la souffrance. Je ne sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.

M. Maclure (Jocelyn) : C'est parfait pour moi.

M. Jacques : Bon, bien, je vous remercie, Me Filion et M. Maclure. Je vais laisser la parole à d'autres collègues, là, qui avaient des questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je passerais la parole à la députée de Soulanges.

• (10 heures) •

Mme Picard : ...M. Maclure et Mme Filion. Je vais y aller quand même assez brièvement, parce que j'aimerais que vous élaboriez encore un petit peu plus sur le tiers désigné. Je trouve ça vraiment intéressant, votre proposition. Par contre, je sens que ça va être beaucoup le proche aidant qui va être le tiers désigné et j'ai peur pour une certaine pression, en fait, si le proche aidant... si ça le confronte à ses propres valeurs personnelles, la décision de la personne souffrante. Donc, si...

J'ai bien aimé votre idée, en fait, là, que ce serait peut-être un tiers qui serait plus neutre. J'y vois peut-être plus le curateur, dans certains cas, le Curateur public, mais... ou un notaire, ou peut-être une autre personne, mais j'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur qui vous voyez comme personne, un tiers désigné qui serait plus neutre, pour peut-être essayer de décharger ce poids-là, cette pression-là sur les proches aidants.

M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être que je peux commencer, puis, Nicole, tu pourrais suivre, là, avec la question du curateur, entre autres. J'ai la chance d'avoir pour compagne une professeure et chercheuse en travail social qui fait des recherches auprès des aidants, des proches aidants, et effectivement des conflits de valeurs entre la volonté de la personne malade et du proche, hein, ça peut survenir.

Dans l'optique philosophique, hein, qui a été la nôtre, là, c'est vraiment... La possibilité de rédiger une demande anticipée découle, hein, du principe d'autodétermination de la personne, hein? Donc, il faut que ce soit vraiment clair qu'il ne s'agit pas de transférer, hein, la capacité de consentir à un tiers. Le tiers, Nicole l'a dit, est plus un porte-voix, hein, pour la personne. Et donc c'est à la personne, au fond, malade de désigner, parmi ses proches, là, la personne en qui elle a confiance, hein, qui va vraiment porter sa voix et respecter sa volonté.

Et c'est possible, hein, qu'une personne, malheureusement, ne trouve pas un tel proche, hein, dans son entourage, et c'est pour ça qu'on a prévu aussi... On ne voulait pas que le pouvoir d'autodétermination des personnes, hein, dépende de ces facteurs plus contingents. Donc, s'il n'y a pas de tiers désigné, donc, il y a une autre procédure qui a été imaginée. Et peut-être que, Nicole, là, tu peux compléter.

Mme Filion (Nicole) : Bien, pour ce qui est... Oui, effectivement, Jocelyn, tu as raison, dans le fond, le tiers désigné, là, c'est vraiment une courroie de transmission, là, des volontés qui seront exprimées par la personne. C'est très clair à nos yeux que le tiers désigné ne choisit pas pour la personne. Il ne fait que rapporter sa volonté, là, aux professionnels qui sont chargés de prodiguer des traitements et des soins appropriés.

Maintenant, pour répondre à votre question sur l'autorité neutre, pour les fins des travaux du groupe d'experts, nous ne l'avons pas identifiée. Je vous rappelle également que, bien qu'à l'époque j'étais directrice générale des affaires juridiques au Curateur public, à l'époque des travaux et de la rédaction du rapport, c'est à titre personnel que nous nous sommes tous engagés dans les travaux que... et dans le mandat qu'on nous a confié à l'époque, et que chacun des experts n'engageait aucunement les organisations pour lesquelles il travaillait. Donc, je pense bien que vous aurez l'occasion d'entendre incessamment les représentants du Curateur public. Peut-être qu'ils auront une opinion.

Ce que je peux vous dire, c'est que le Curateur public consent à des soins pour des personnes qu'il représente à titre de tuteur ou curateur et il consent aussi à des soins pour des personnes qui sont totalement isolées, alors... et qui sont, évidemment, inaptes à consentir à leurs soins, il va de soi. Donc, voilà.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Saint-François pour quatre minutes.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci à mes collègues, qui ont apporté de très bonnes questions.

Je m'adresse soit à M. Maclure ou à Me Filion. Moi, j'ai une question par rapport... Advenant... Disons qu'on parle d'alzheimer. Advenant un moment de lucidité, parce qu'on sait qu'il y a différents stades, il y a comme sept stades, disons... Je prends l'alzheimer en particulier. Disons, il y a sept stades, puis, des fois, peut-être que la souffrance, parce que la personne se voit, elle est un peu plus consciente... Elle peut être peut-être plus au début, mais, à la fin, elle la perd, cette souffrance-là, puis elle pourrait devenir plus agréable ou...

Tu sais, moi aussi, j'ai ma grand-mère qui a vécu l'alzheimer, puis c'était... Elle n'était pas du tout désagréable. Elle avait quand même une joie de vivre jusqu'à la fin. Donc, dans cette situation-là, si la personne a pris la décision, comment que... Si la situation change, qu'on ne voit plus la souffrance ou quoi que ce soit, le tiers qui est désigné ou le curateur, comment qu'on peut évaluer qu'elle souffre encore? Je ne sais pas si vous comprenez un peu le sens de ma question.

M. Maclure (Jocelyn) : Tout à fait. Merci pour la question. D'abord, bon, il y a peut-être deux éléments dans la question. S'il s'agit vraiment de moments de lucidité, donc là, rien ne change par rapport à la situation actuelle, c'est-à-dire qu'une personne, par rapport à une demande d'aide médicale à mourir, peut changer d'idée jusqu'à la fin, hein? Tant qu'elle est capable d'exprimer ses volontés et de consentir ou de demander des soins, elle peut changer d'idée. Donc, ça, c'est possible, hein, jusqu'à tant que les aptitudes cognitives de la personne le permettent.

S'il n'y a pas de retour à l'aptitude, mais on sent une certaine variation dans la qualité de vie, l'esprit de nos recommandations, c'est d'attendre... ou qu'il y ait un déclin, là, irrémédiable et irréversible des capacités et de la qualité de vie. C'est vraiment pour soulager la souffrance, là, que l'on propose d'appliquer, donc, une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et donc je pense que, dans l'esprit des recommandations, ce serait d'attendre qu'on constate, hein, ce déclin qui semble irréversible.

Mme Hébert : Parfait. Puis, juste pour me rassurer, parce que ça a été évoqué dans la population, là, il y a des gens qui m'ont abordée sur cette question-là, puis je vois qu'on ne va vraiment pas dans ce sens-là, donc, il y a une exclusion de l'option de planifier d'avance une aide anticipée, une demande anticipée d'aide médicale à mourir dans le cas d'inaptitude, comme un mandat d'inaptitude. On ne pourrait pas d'avance, sans avoir une maladie, pouvoir la mettre dans notre mandat d'inaptitude, cette option-là, dire : Non, je ne le sais pas, moi, si jamais j'ai l'alzheimer, moi, je ne veux... à cause de ma dignité ou quoi que ce soit, j'aimerais avoir l'aide. On ne peut pas le faire. Ce n'est pas une recommandation que vous posez. C'est ça? Comprenez-vous?

Mme Filion (Nicole) : Oui. Effectivement, vous avez raison, il faut vraiment qu'il y ait obtention d'un diagnostic. Jocelyn en a parlé tout à l'heure, pour nous, il est important que ce soit une condition, là, sine qua non, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un diagnostic qui soit posé par le médecin. Ça va permettre à la personne de pouvoir se projeter dans le futur, dans le temps, de pouvoir connaître qu'est-ce qui s'en vient comme avancées médicales, est-ce qu'il y a des espoirs, quel est le pronostic, etc. Ça va aussi ouvrir un dialogue avec l'équipe soignante, ils vont pouvoir parler de cette maladie-là, etc., un échange qui est aussi extrêmement personnalisé.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Désolée, maître...

Mme Filion (Nicole) : Donc, pour nous, c'était vraiment... Ça prenait vraiment un diagnostic, effectivement. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Me Fillion. Désolée de vous interrompre.

Mme Filion (Nicole) : Ça va.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je céderais maintenant la parole au deuxième... à l'opposition officielle. Donc, je crois que... Est-ce que c'est la députée de Maurice-Richard?

Mme Montpetit : Oui.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, je cède la parole à Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Fillion. Bonjour, M. Maclure. De toute façon, Me Fillion, j'ai une question en lien avec ce que vous étiez en train d'aborder. Donc, je vous laisserai... Vous aurez l'occasion de compléter. Merci beaucoup d'être avec nous, tous les deux. Je sais que vous avez réfléchi énormément à ces questions-là au cours du passé. Donc, c'est très, très éclairant, et c'est un... c'est très pertinent pour nous d'avoir ces échanges-là avec vous.

J'aimerais revenir, moi, sur les types de situation, les types de cas d'inaptitude. Vous en avez identifié cinq lors de votre... lors de vos travaux. J'aimerais qu'on revienne un peu à la base, dans le fond, de c'est quoi, les types de situations dans lesquelles une personne peut se retrouver inapte à consentir, dans le fond, et que vous aviez aussi, justement, exclu certaines situations pour être éligible à l'aide médicale à mourir, vous en avez gardé d'autres. Donc, j'aimerais entendre votre réflexion, vraiment, là-dessus, sur qu'est-ce qui a déterminé votre décision, justement, à faire cette sélection-là.

• (10 h 10) •

M. Maclure (Jocelyn) : Merci pour la question. Et, pour poursuivre le propos de Nicole, l'idée est de favoriser la délibération la plus éclairée possible par rapport à ce que l'on souhaite pour notre fin de vie. Et, bon, là, présentement, pendant que je suis en santé, je peux avoir certaines idées sur, bon, qu'est-ce que je vais souhaiter, là, si, par exemple, hein, je suis atteint d'une telle... d'une maladie, là, neurodégénérative, mais, bon, je ne suis pas nécessairement dans cette situation-là, je n'ai pas toutes les informations. Il se peut que mes préconceptions soient... ne résistent pas, là, à l'analyse, là, si je me retrouve vraiment dans cette situation-là.

Et on veut aussi que la décision, que l'expression de la volonté soit quand même assez rapprochée, temporellement parlant, de la maladie elle-même, de ses manifestations. Donc là, si, par exemple, une personne, à 35 ans, exprime ses volontés mais a un diagnostic à 55 ans... Bon, on sait, on change, hein, à travers, donc, notre parcours de vie.

Donc, l'idée est de permettre, hein, la délibération la plus éclairée possible. Et donc c'est ce qui fait que, bon, c'est vraiment les maladies neurodégénératives, là, sur lesquelles on a vraiment focalisé notre attention, sur ces types de maladie là. On sait qu'on peut perdre l'aptitude, hein, suite à des accidents soudains et imprévus. Dans ce cas-là, on peut, on a déjà la possibilité d'exprimer des volontés, du moins en refusant certains soins qui nous maintiendraient en vie. Donc, on encourage plutôt, pour ce type de situation là, à rédiger, donc, des directives médicales anticipées, hein? C'est une possibilité que peu de citoyens québécois, bon, se prévalent présentement et c'est une façon assez efficace d'exprimer ses volontés pour ce type de situation là.

Mme Montpetit : Mais, dans le cas que vous nous présentez, par exemple, bon, dans les situations... Vous parlez, entre autres, de quelqu'un qui pourrait avoir un AVC, du jour au lendemain, qui deviendrait inapte. Est-ce que... Quand vous nous parlez, justement, éthiquement, de la question de l'autodétermination, est-ce que ce n'est pas... est-ce que ça ne fait pas partie de l'autodétermination, justement, de pouvoir prendre cette décision-là avant de devenir inapte?

Puis je comprends quand vous parler d'une maladie qui est neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui laisse le temps à la personne de passer d'une situation où elle est apte, apte à consentir, à une situation où elle est inapte, et donc qu'il y a un continuum de temps qui lui permet de prendre cette décision-là. Mais, dans des situations, justement, où ça, ça ne se produit pas, par exemple, justement, un AVC, un accident, est-ce que, justement, ça ne vient pas à l'encontre de la question de l'autodétermination d'empêcher la personne de prendre cette décision-là pendant qu'elle est apte?

Mme Filion (Nicole) : Je peux... Le groupe d'experts a longuement discuté, là, de la possibilité de permettre la demande anticipée en l'absence d'un diagnostic préalable pour permettre, effectivement, à des personnes qui ont un accident soudain ou imprévu de pouvoir se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Et je vous dirais que la très grande majorité des membres du groupe d'experts ont conclu qu'élargir l'admissibilité, l'aide médicale à mourir, dans ce contexte-là, était, à nos yeux, prématuré.

Pour nous, il était vraiment nécessaire qu'il y ait un diagnostic pour que la personne ne s'imagine pas affligée de toutes sortes de maladies, qu'elle se fasse des scénarios purement hypothétiques de ce qui pourrait lui arriver pour l'avenir. Le fait d'avoir un diagnostic va permettre... Pour elle, bien souvent, évidemment, quand elle reçoit un diagnostic, c'est qu'elle est généralement prise en charge par le milieu médical, mais ça va lui permettre d'être bien informée de sa maladie, de son pronostic de survie, des avancées médicales qui s'offrent, et elle n'aura pas trop à se projeter trop loin dans le temps. Et, pour nous, ça faisait pleinement du sens, à ce moment-là, que le diagnostic était un incontournable dès le départ et un critère permettant la demande anticipée.

M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être très brièvement, et vous pourrez le confirmer avec des professionnels de la santé, là, mais ce qu'on a compris, me semblait-il, de nos médecins, c'est que, si on refuse, par exemple, hein, la réanimation, la respiration artificielle et les deux autres, là, soins qu'on peut refuser, je pense qu'on ne va pas être maintenu en vie très longtemps dans ce type de situation là si on a rempli une DMApuis on a refusé ce genre de soin là. Donc, les DMA, c'est une façon de permettre une certaine autodétermination des personnes, là.

Mme Montpetit : Parfait. Merci beaucoup. Donc, oui, j'entends beaucoup ce que vous nous dites sur l'aspect de la décision éclairée, dans le fond, là, de la prendre quand on est dans une situation où on a toute l'information concernant notre état. Mais est-ce qu'à votre connaissance... Puis on aura d'autres experts, je pense, justement, médicaux qui vont pouvoir nous éclairer là-dessus, mais est-ce qu'il y a des situations de dégénérescence cognitive où le diagnostic est fait peut-être après, justement, cette phase-là de... d'aptitude ou de décision éclairée ou est-ce qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans des situations, justement, le fait de ne pas avoir permis à cette personne-là de le faire avant son diagnostic... La maladie a évolué trop rapidement, et donc on lui... elle se retrouve dans une situation où elle n'est plus apte à consentir, là.

M. Maclure (Jocelyn) : Je pense que c'est... Vous pourrez, effectivement, en discuter avec les spécialistes qui... avec qui vous allez discuter. Pour nous, c'est possible, hein, ce genre de scénario. Mais, comme ce qui donne la légitimité, d'un point de vue éthique, hein, c'est vraiment l'exercice de l'autonomie ou du droit à l'autodétermination, dans ces cas-là, on se retrouverait à donner un consentement substitué, à reconnaître le consentement substitué. Et les risques, hein, sont trop grands, de permettre le consentement substitué, où le proche, hein, exerce, hein, sur la base de ses propres valeurs et de ses propres intérêts parfois aussi, hein, prend des décisions importantes pour un proche. Et ça nous semble trop risqué, d'un point de vue éthique, ça.

Mme Montpetit : Non, je le posais dans la... à l'inverse, en fait, que, justement, en excluant la possibilité de le faire avant d'obtenir un diagnostic, ça peut exclure peut-être certaines personnes, effectivement. On creusera. On creusera cette question-là avec certains experts, peut-être, de la maladie d'Alzheimer, entre autres, et autres.

J'aurais une dernière question puis j'ai mon collègue David Birnbaum qui souhaite vous poser une question également. Vous avez abordé, vous avez fait mention des souffrances psychiques, physiques et existentielles. Un, je voulais savoir si vous les considériez comme mutuellement exclusives ou elles doivent être réunies. Puis je voulais vous entendre sur la notion de souffrance existentielle. Qu'est-ce que vous entendez en... par cet élément-là?

M. Maclure (Jocelyn) : Je vais être bref là-dessus, parce que Dre Gupta est vraiment la spécialiste, au Québec, sur ces questions-là. Mais, bon, c'est difficile de les couper au couteau, mais une souffrance existentielle concerne vraiment la question, vraiment, du sens de la vie, là. Est-ce que ma vie a encore un sens? Même si je n'ai pas, par exemple, un trouble de l'humeur ou un problème sur le plan de la personnalité, ma vie ne peut plus avoir de sens, et ça peut me plonger dans une certaine détresse. C'est dans ce sens-là. Mais les trois sont souvent imbriquées l'une dans l'autre, hein?

Mme Montpetit : Parfait. Merci beaucoup.

Je voulais dire «le collègue de D'Arcy-McGee», évidemment. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Allez-y, M. le collègue de D'Arcy-McGee, pour 2 min 30 s.

M. Birnbaum : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et merci, Mme Filion et M. Maclure, pour votre... vos délibérations, de toute évidence, très rigoureuses, rigoureuses durant ces 18 mois, ainsi que la rigueur de vos recommandations aussi.

Je veux poursuivre parce que... Je tiens à souligner la signification de vos recommandations, parce qu'elles touchent à comment circonscrire l'accès à la demande anticipée de l'aide médicale à mourir. Parce que je crois que ça se peut qu'il y ait un bon pourcentage de la population qui nous invite, en quelque part, de les inclure dans la discussion, les gens qui sont d'un certain âge mais pas devant un diagnostic. Alors, votre recommandation est très claire, mais c'est un sujet très, très important.

Pour poursuivre, en quelque part, là-dessus, sur le continuum, je vous invite de commenter sur un exemple que j'invente. Quelqu'un qui reçoit un diagnostic d'alzheimer assez léger, disons, dont ils auraient leurs pleines capacités à cet instant-là, ils ne seraient pas devant un diagnostic nécessairement très sombre, à ce moment-ci, de votre avis et selon vos recommandations 2 et 3, est-ce qu'ils seraient éligibles à... ils auraient l'accès à cette possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir?

Mme Filion (Nicole) : Oui, absolument. Quelqu'un qui est au début de la maladie, qui est totalement apte à consentir à ses soins, pourrait faire une demande d'aide médicale à mourir si, évidemment, il rencontre toutes les autres conditions que nous avons identifiées dans le rapport. Alors, il faut, effectivement, que le formulaire se signe selon nos recommandations, en présence du médecin, et le médecin confirme, par sa signature, que le patient était apte au moment où il a signé et qu'il a reçu un diagnostic, etc. Donc, dans l'hypothèse que vous soulevez, effectivement, cette personne-là pourrait se prévaloir d'une demande anticipée.

• (10 h 20) •

M. Birnbaum : Merci. Si je peux, dans une... toute une autre direction, juste d'aborder une question, très vite, qui est très complexe aussi. Je crois que nous tous, on situe l'aide médicale à mourir sur un continuum de soins disponibles aux gens, aux personnes du Québec. Il y a un autre endroit sur ce continuum, et c'est le soin palliatif. Est-ce que vous avez la moindre crainte que...

La Présidente (Mme Guillemette) : Je suis désolée, M. le député de D'Arcy-McGee, votre temps est écoulé. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette pour neuf minutes.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci encore pour l'excellent travail. J'ai relu votre rapport au complet et je le trouve toujours aussi profond et éclairant. J'aimerais qu'on fasse le cheminement ensemble d'une question qui est, selon moi, à la fois très philosophique et très pratique, c'est celle de la souffrance et donc de la réalité de la personne entre ce qu'elle avait anticipé et ce qu'elle vit. Mes deux collègues du parti ministériel l'ont amenée en parlant de cas, de leurs grands-mères.

Donc, on a ce cas, vous en parlez beaucoup, avec l'exemple de Margo, dans votre texte. Donc, on peut s'imaginer que, dans une situation x, on va être extrêmement malheureux, désorienté, souffrant, mais, quand on vit la situation x, on a une démence relativement heureuse. Moi, pour me sortir de cette espèce de dilemme là... Puis vous parlez de tous les éthiciens et philosophes, c'est vraiment intéressant comme discussion, qui se sont penchés là-dessus. Mais, en fait, quand on se ramène au critère de la souffrance, tel que prévu dans la loi actuelle et que vous maintenez, donc, on doit, pour donner l'aide médicale à mourir, être face à une souffrance qui va être intolérable, constante et inapaisable, dans des circonstances jugées acceptables pour la personne. Ça veut donc dire qu'une personne qui aurait la démence heureuse ne peut pas se voir attribuer, administrer l'aide médicale à mourir puisqu'elle ne serait pas dans une situation de souffrance constante et intolérable.

Et donc je veux juste que vous me confirmiez si vous êtes dans cette même réflexion là. Parce que c'est sûr, comme vous l'avez dit, M. Maclure, que les citoyens, souvent, vont nous dire : Moi, si je ne suis plus capable de reconnaître mes proches, si je ne peux plus m'occuper de mes soins moi-même, je voudrais avoir l'aide médicale à mourir. Mais, au moment où la personne le vit, ça se peut très bien qu'elle n'ait pas de souffrance liée à ça et qu'elle soit dans une démence heureuse. C'est plus une souffrance anticipée. Donc, je veux juste savoir si vous faites le même raisonnement que moi, que, vu que vous suggérez de garder, évidemment, intact le critère de la souffrance, tel que défini, ça fait en sorte qu'on évite ces cas de démence heureuse, puisque le critère ne serait pas rempli.

M. Maclure (Jocelyn) : Exactement. Bien, merci pour votre commentaire et votre contribution, évidemment, à l'évolution du débat québécois sur la question. C'est exactement ça. Donc, on est conscients que la reconnaissance, hein, du droit à l'autonomie devient plus circonscrite, hein, étant donné qu'on maintient, entre autres, le critère de la souffrance, mais c'est pour atteindre, hein, l'équilibre entre les deux principes, qui ne sont pas parfaitement réconciliables en l'espèce.

Et, en plus du cas de Margo, là — et je vous invite tous à en prendre connaissance, hein, c'est un cas extrêmement riche, là, philosophiquement parlant — on a été aussi très influencés par le cas néerlandais, là, qui est un cas, là, qui s'est vraiment passé, là, empiriquement parlant, où une femme qui avait plusieurs fois exprimé sa volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie, lorsque venait le temps de l'appliquer, disait : Ah... Lorsqu'elle vivait les effets de la maladie, elle disait : Ah! mais pas tout de suite, hein, je vais la vouloir mais toujours un peu plus tard. Et finalement, le moment où l'équipe a décidé de l'administrer, ça s'est plutôt mal passé.

Donc, c'est pour ça aussi, hein, pour éviter de plonger, hein, les professionnels de la santé dans ce genre de situation là, qu'on a dit : Bon, il faut constater, hein, qu'il y a une dégradation importante, tant des capacités que du bien-être, et une souffrance qui est là, permanente et indéniable. Donc, c'est pour se donner ces protections-là, là, qu'on a gardé ce critère-là, effectivement.

Mme Hivon : O.K. Merci beaucoup. Je pense qu'il y a beaucoup de pédagogie à faire aussi avec la population sur cet élément-là.

Donc, je continue sur la question de la souffrance. Dans la demande anticipée, concrètement, pour vous, la personne est au premier stade, par exemple, d'une démence, maladie d'Alzheimer, et... Quand elle fait sa demande, elle fait uniquement indiquer : Si je suis dans une situation de souffrance constante, intolérable, je veux, donc, obtenir l'aide médicale à mourir, ou elle décrit le type de souffrance, qui serait, par exemple : Si je souffre physiquement, si je souffre psychiquement, ou vous dites : Non, elle fait juste inscrire que, si elle souffre, elle veut avoir l'aide médicale à mourir, ou elle détaille?

Mme Filion (Nicole) : Bien, en fait, on s'est... Ce qu'on a dit, c'est que les souffrances devaient être exprimées dans la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et les souffrances, là, c'est... ça nécessite de la considération de beaucoup, beaucoup de composantes, et Dre Gupta vous en dira davantage, mais des composantes physiques, qu'on pense à la douleur, psychologiques, qu'on pense à l'anxiété, émotionnelles, on pense à la tristesse sociale, l'isolement social, la perte des amis proches, et existentielles, Jocelyn le disait tout à l'heure, là, la perte de sens. Alors, non, en principe, il faut que les souffrances soient exprimées dans la demande, et qu'elles soient évaluées par le médecin et l'équipe soignante, et qu'elles tiennent en considération l'ensemble des composantes que je viens de vous identifier.

Mme Hivon : Je comprends en théorie, mais je trouve que, dans l'application de ça... Quand je suis au premier stade de ma maladie, on va peut-être m'expliquer ce que je peux vivre, traverser, mais on ne le sait pas, comme on le dit, quel type de démence je vais avoir dans les derniers stades. Et donc est-ce que... Si on force une personne à décrire le type de souffrance en détail qu'elle devra traverser pour qu'on donne l'ouverture à l'aide médicale à mourir, est-ce qu'on ne restreint pas trop? Et est-ce qu'on ne devrait pas, justement, plutôt dire : Si je suis dans une situation de souffrance, telle qu'inscrite à l'article 26 de la loi en ce moment, là, intolérable, constante, je voudrais qu'on me donne l'aide médicale à mourir? Parce que j'ai juste peur que le fardeau et la projection qu'on doit faire, pour arriver pile sur le type de souffrance qu'on devrait traverser pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, soient trop contraignants.

Puis là, vu que je n'ai plus énormément de temps, je vais vous poser tout de suite mon autre question, vous pourrez répondre aux deux. Mon autre question, c'est que vous faites le choix, malgré que vous insistez beaucoup et que la base de tout ça, c'est l'autodétermination de la personne qui justifie la demande anticipée... Vous refusez d'y mettre un caractère exécutoire. Et il me semble qu'on dit un peu deux... une chose et son contraire quand on dit : Oui, le principe de l'autodétermination doit permettre ça, mais, en même temps, ça ne peut pas être exécutoire. Donc, ça... Jusqu'où ça va rassurer la personne si on lui dit : Peut-être qu'on va l'appliquer mais peut-être pas, selon les circonstances?

M. Maclure (Jocelyn) : O.K. Je vais prendre le premier élément, puis Nicole pourra compléter avec le deuxième.

Bien, vous avez tout à fait raison, hein, c'est une zone un peu d'ambiguïté, là, dans nos recommandations. Et je pense que... Moi, je vois... Disons, de spécifier le type de souffrance, ça donne des informations supplémentaires pour interpréter la demande, mais c'est à titre, disons, informatif et pour, disons, aider les décideurs. Mais c'est clair que ce qui est le plus important, c'est est-ce que les critères sont satisfaits ou pas. Et on ne peut dire : Ah! mais, voici, ma souffrance, ça veut dire telle et telle chose, et donc qu'on ne respecterait pas les autres critères. C'est si... En fait, ça devrait être optionnel, me semble-t-il, et pour guider ceux qui vont prendre la décision.

Mme Filion (Nicole) : Et, pour compléter, on l'a appelée, on l'a désignée une demande anticipée d'aide médicale à mourir et on a foncièrement décidé de ne pas l'identifier à titre de directive, justement, pour ne pas que ça ait le caractère exécutoire à tout prix. Je pense qu'on a eu beaucoup, beaucoup de... aussi de réflexions de la part de médecins, qui, eux... C'est eux qui appliquent l'aide médicale à mourir, hein? Les médecins souhaitaient aussi s'assurer que les critères sont rencontrés et que les critères puissent être discutés avec les proches, la famille.

On est dans une situation où la personne est inapte. Dans notre régime actuel, législatif, l'aide médicale à mourir est permise dans un contexte d'aptitude jusqu'à la fin, hein, de l'administration de l'aide médicale à mourir. Le contexte dans lequel on se retrouvait, dans le cadre du mandat, c'est dans une situation d'inaptitude au moment d'appliquer l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, je pense qu'il y avait des composantes qui devaient être vraiment prises en considération, et c'est la raison pour laquelle on a choisi que cette demande-là ne soit pas... qu'elle n'ait pas le caractère exécutoire.

• (10 h 30) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey pour deux minutes.

M. Ouellette : Deux minutes, c'est assez... c'est même très rapide. Bonjour à vous deux. Merci du travail exceptionnel que vous faites. Je pense que, M. Maclure, vous l'avez dit, c'est une question des plus complexes, et, pour nous, il faudra être assez humbles pour essayer de rejoindre le même consensus que vous avez eu dans vos 14 recommandations.

En quoi le jugement Gladu-Truchon a pu ou peut modifier certaines des recommandations que vous aviez faites dans votre rapport?

M. Maclure (Jocelyn) : Merci pour la question. Donc, bon, le critère, hein, de fin de vie ou celui, là, fédéral, de mort raisonnablement prévisible, donc, n'est plus opérant. Et nous, on garde, hein, l'idée que la personne se situe dans une trajectoire de fin de vie, hein? Donc, ça n'a pas besoin d'être dans la phase terminale, mais ça fait partie des garanties qu'on a imaginées pour être sûrs que la demande ne soit pas appliquée hâtivement.

Donc là, le jugement, hein, était basé sur des cas, évidemment, de types de maladie très différents des maladies neurodégénératives. Et, bon, il faudrait faire une analyse, là, pour voir comment... quels sont les impacts du jugement, ce qu'on n'a pas pu faire, mais, au moins, j'inviterais à la prudence, lorsqu'il est question de maladies neurodégénératives, pour s'assurer de ne pas affaiblir, hein, les garanties que l'on a, qu'elles soient appliquées lorsque la personne souffre vraiment. Et l'idée de la trajectoire de fin de vie, c'était une de ces garanties, une de ces mesures de protection.

Donc, il faudrait voir est-ce qu'un régime spécial pour les maladies neurodégénératives devrait être imaginé, tout en respectant le jugement Beaudoin, là.

M. Ouellette : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on avait. Donc, merci beaucoup à Mme Filion et M. Maclure. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission, c'est très enrichissant. On en aurait pris encore pour plusieurs, plusieurs minutes.

Donc, je suspends les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 40)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bonjour, tout le monde. Merci d'être ici pour cette deuxième présentation. Bienvenue à la Dre Mona Gupta. Et je vous remercie d'être ici ce matin pour partager avec nous votre expérience et vos connaissances, qui seront très importantes pour la suite de nos travaux.

Donc, je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, après quoi il y aura échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole pour votre présentation. Dre Gupta, à vous la parole.

Mme Mona Gupta

Mme Gupta (Mona) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis très reconnaissante à la commission pour l'opportunité de venir vous rencontrer et j'ai bien hâte pour l'échange après mon exposé.

Je vais me présenter d'abord. Je suis médecin psychiatre au CHUM, à Montréal, avec plus que 20 années d'expérience clinique. Je suis également professeure agrégée de clinique dans le Département de psychiatrie et d'addictologie, à l'Université de Montréal, et chercheuse en philosophie et éthique de la psychiatrie au CRCHUM. J'ai été la présidente du comité aviseur de l'AMPQ, l'Association des médecins psychiatres du Québec, sur le sujet de l'AMM pour les troubles mentaux. J'ai été aussi membre du groupe de travail du Conseil des académies canadiennes, le groupe qui a étudié cet enjeu à la demande du gouvernement fédéral.

Mais aujourd'hui je suis là dans mon rôle comme psychiatre et chercheuse. Je ne suis pas ici pour faire l'«advocacy» pour une certaine prise de position, mais plutôt de discuter avec vous les fruits de ma recherche et ma participation dans le débat au sujet de l'aide médicale à mourir pour des personnes atteintes de troubles mentaux, pour lesquelles le seul problème médical invoqué est un trouble mental. Alors, c'est long. Pour le reste de mon temps, je vais dire TM-SPMI. Pendant mon exposé, je vais discuter les enjeux cliniques principaux qui ont été soulevés sur cette question et qu'est-ce qu'on peut faire, si on peut faire quelque chose, pour aborder ces enjeux.

Mais, avant je me lance dans le sujet, j'aimerais donner quelques commentaires préalables. D'abord, ni la loi québécoise ni la loi canadienne incluent ou excluent les personnes d'avoir accès à l'AMM sur la base d'un diagnostic quelconque. L'accès à l'AMM est basé sur l'ensemble de leurs circonstances cliniques, qui sont résumées, à peu près, dans les critères d'admissibilité, dont vous êtes sûrement familiers.

Étant donné la prévalence des troubles mentaux dans la population, qui est à peu près 20 % dans une période de 12 mois, ça veut dire qu'un certain pourcentage des personnes qui ont eu l'accès à AMM sous les exigences actuelles avaient des troubles mentaux. Donc, des personnes atteintes de troubles mentaux qui ont aussi des maladies physiques ont l'accès actuellement, et ils ont eu accès même avant la nouvelle loi fédérale.

Alors, pourquoi est-ce qu'on réfléchit sur la question du diagnostic trouble mental en ce moment? En fait, je ne sais pas, mais je pense que c'est à cause du fait, probablement, que ces personnes ont rarement eu accès à cause du critère fin de vie. Alors, la question se pose quant aux personnes TM-SPMI : Est-ce qu'il y a des caractéristiques qui sont associées avec chaque personne qui est dans la catégorie TM-SPMI? Et est-ce que ces caractéristiques distinguent ces personnes de toute autre personne, tout autre citoyen qui ont accès actuellement? Autrement dit, est-ce qu'il y a une différence entre la personne qui a un trouble bipolaire et la personne qui a un trouble bipolaire et un cancer?

Avant je vais plus loin, je vais être claire sur, selon moi, qui sont les plus personnes qui ne devraient pas avoir l'accès à l'AMM. On parle des personnes qui vivent des crises aiguës, peu importe la raison, peu importe si c'est à cause du symptôme de leur maladie, si c'est à cause des circonstances sociales. On parle des personnes qui sont tôt dans la trajectoire de leur maladie et on parle des personnes qui n'ont pas d'accès adéquat aux soins appropriés pour leur problème. Là, je parle en mon propre nom, mais, j'imagine, la grande majorité des psychiatres et, en fait, la grande majorité des personnes seront d'accord avec ces propos.

Deux mises en garde par rapport au discours autour du débat de l'AMM-TM-SPMI. Je pense que le discours part souvent de cas paradigmatiques. Ce que je veux dire par ça, c'est que, même si on sait que les maladies physiques et les maladies mentales sont des catégories, même si on peut dire ça, très larges, on a, dans nos esprits, en arrière-plan, quand on parle de la maladie physique, une notion qu'on parle d'une affection avec une détérioration inévitable et une trajectoire prévisible. De l'autre côté, en arrière-plan, quand on parle de la maladie mentale, on a, en arrière-plan, l'affection, souvent causée par un mode de vie stressant, qui pourrait s'améliorer avec des soins de base ou même le passage du temps. C'est vrai dans certains cas, mais ils sont des généralisations qui ne s'appliquent pas à chaque trouble ni à chaque patient. On sait tout ça, mais je le dis juste parce que ce sont souvent ces cas paradigmatiques qui animent les arguments dans le débat.

Deuxièmement, quand on parle de personnes atteintes de troubles mentaux, on parle de troubles mentaux ici et les troubles physiques là-bas. On oublie qu'il y a de grands pourcentages de la population des patients qui sont atteints des deux. J'ai élaboré sur ce point dans mon mémoire et j'ai offert des exemples, des vrais cas, des vraies personnes qui ont eu accès à l'AMM, qui... vécu à la fois des pathologies physiques et mentales. Et les mêmes enjeux qui sont soulevés dans le débat ont été soulevés par ces cas. Et, maintenant qu'on est dans un contexte où l'AMM est accessible hors le contexte fin de vie, on peut attendre d'avoir plus de cette sorte de cas avec une concomitance psychiatrique et physique, étant donné la prévalence élevée des troubles mentaux dans la population des patients atteints de maladies physiques chroniques.

Alors, maintenant, je passe aux enjeux cliniques principaux dont je voulais parler. Il y a quatre enjeux principaux qui ont été identifiés par divers auteurs, chercheurs, groupes de travail sur la question de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il s'agit : l'aptitude à prendre une décision pour avoir l'AMM, la souffrance constante et insupportable, la suicidalité et la nature incurable de l'affection. Je vais discuter chacun ainsi que des pistes de réflexion sur comment on peut répondre adéquatement à ces enjeux.

D'abord, l'aptitude. Comme vous le savez, selon le Code civil, toute personne, 14 ans et plus, est présumée apte à prendre ses décisions par rapport au traitement et leurs soins, incluant les personnes atteintes des troubles mentaux. Et tous les jours, dans notre système de santé, les personnes, incluant les personnes atteintes de troubles mentaux, prennent des décisions avec des enjeux élevés par rapport à leurs soins : la décision d'avoir ou de ne pas avoir la chimiothérapie pour un cancer, la décision d'avoir, maintenir ou cesser la dialyse. Ces gens-là, quand il y a une question... un soupçon qu'il y a peut-être un enjeu d'aptitude, ils sont évalués, leur aptitude est évaluée selon les critères actuels, bien décrits dans le guide de pratique élaboré par le Collège des médecins du Québec. Il s'agit de la compréhension, appréciation, raisonnement et l'expression d'un choix.

L'AMM est un peu différente des soins généraux, parce qu'on n'est pas présumé apte pour avoir l'AMM. Il faut que chaque demandeur soit évalué pour son aptitude, et c'est là où on voit... on entre dans le débat. Il y a deux inquiétudes. Il y en a qui disent que l'évaluation de l'aptitude pour décider d'avoir l'AMM est particulièrement difficile chez les personnes atteintes de troubles mentaux. Je dirais que, oui, ça peut être difficile mais pas plus difficile que n'importe... autre situation où la personne doit prendre une décision de soins vie et mort. Et, dans un sens, ce problème est déjà couvert dans la loi actuelle, où, si deux médecins ne sont pas d'accord ou ils trouvent ça trop difficile de décider si la personne est apte, ils ne vont pas procéder à l'AMM. C'est le cas actuellement. Il faut statuer dans l'affirmative pour procéder.

• (10 h 50) •

La deuxième inquiétude dans ce débat par rapport à l'aptitude, c'est que les critères sont trop axés sur ces compétences cognitives et ne prennent pas en considération de façon spécifique que les troubles mentaux peuvent affecter la prise de décision. Donc, une personne peut être légalement apte, mais son jugement peut être très affecté quand même. En fait, je suis d'accord avec ça puis je pense que, justement, le débat sur l'AMM chez les personnes atteintes de troubles mentaux est une opportunité de réfléchir sur les critères qu'on a pour l'aptitude plus générale, pas juste pour l'AMM mais pour toutes les décisions de vie et de mort, par exemple, ou les décisions avec des enjeux élevés, et voir si on a besoin d'ajouter d'autres éléments.

À titre d'exemple, aux Pays-Bas, dans leur cas, c'est pour... dans le cas de l'euthanasie et suicide assisté, mais moi, je pense que ça peut être élargi pour d'autres soins... mais ils utilisent les mots «bien réfléchi», qui font référence à l'idée que ce n'est pas juste d'avoir les compétences de prendre une décision mais d'utiliser ces compétences, ce qui n'est pas le cas, en fait, avec nos critères actuels.

Maintenant, discutons la souffrance constante et insupportable, qui est un critère d'admissibilité pour avoir accès à l'AMM. Un trouble mental lui-même peut affecter son évaluation de sa propre souffrance, car il peut affecter ses cognitions, sentiments, perceptions et jugements.

Je vous donne un exemple. Des personnes qui ont vécu des traumatismes en enfance, très sévères, expérimentent souvent une dénigration de soi qui est totale et envahissante. Elles sont convaincues, effectivement, qu'elles ne valent rien. Alors, on peut imaginer facilement que ce type de croyance peut affecter sa perception de la possibilité d'amélioration. Donc, si on pense qu'on va être dans cet état où on ne vaut rien pour toujours, bien, on va souffrir dans une façon constante. Comment on fait en sorte que, malgré l'affirmation de sa souffrance insupportable... que ces éléments qui peuvent affecter sa perception de souffrance sont pris en considération dans une évaluation AMM? Je pense que, là, on voit la pertinence de l'implication de la psychiatrie dans les évaluations. Justement, l'évaluation de la souffrance psychique d'une personne est notre quotidien. C'est pour ça, on est formés cinq ans dans la spécialité.

Discutons maintenant la tendance suicidaire. Alors, l'inquiétude à ce sujet, c'est que la tendance suicidaire peut être un symptôme d'un trouble mental lui-même, et donc une demande d'AMM faite par une personne avec un trouble mental peut refléter sa tendance suicidaire et pas un désir authentique et réfléchi.

D'abord, il faut rappeler que ce n'est pas tous les troubles mentaux qui sont associés avec un risque élevé de suicide. Et, même parmi les troubles qui sont associés avec un risque élevé de suicide, ce n'est pas toutes les personnes atteintes de troubles qui vont expérimenter des idées suicidaires.

Mais on peut apprendre des situations, comme j'ai mentionné avant, dans lesquelles des personnes atteintes de troubles mentaux veulent prendre d'autres sortes de décisions de soins pour mettre fin à leur vie, comme je disais, une décision de cesser la dialyse, par exemple, ou de refuser une chimiothérapie pour un cancer qui va prolonger leur vie.

Dans ces circonstances, on pose parfois, en clinique, cette même question : Mais est-ce que c'est plutôt une idée suicidaire, qu'il veut refuser la dialyse ou refuser la chimio? Et, dans ces situations, cliniquement, on considère les questions de l'aptitude, bien sûr, mais aussi est-ce que la personne vit une crise, est-ce que c'est à cause de ça qu'il veut refuser ses soins, est-ce qu'il y a des circonstances modifiables qu'on peut traiter pour aider la personne d'être plus soulagée, est-ce qu'il y a une dynamique relationnelle nuisible qui est en jeu et qui fait en sorte que la personne refuse des soins. On considère tous ces éléments. Et, parfois, on va empêcher, même, les gens d'agir sur leur prise de décision, qui n'est pas banale, qui est une démarche légale. Il faut chercher une ordonnance de traitement, etc. Mais on ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est convaincu que la personne peut prendre ses propres décisions. Et malheureusement, même si ça veut dire qu'il y a des conséquences graves, la personne a le droit de le faire. Alors, dans le cas d'AMM, on devrait appliquer ces mêmes considérations.

Je vais aborder, maintenant, la nature incurable de l'affection quand on parle des troubles mentaux. C'est cet enjeu-là qui a provoqué le plus de débats pendant l'étude récente de la loi C-7, la loi fédérale sur l'AMM. Pourquoi? Je suppose que l'objectif du critère de la maladie grave et incurable qui se trouve dans la loi québécoise est d'éviter une situation dans laquelle quelqu'un reçoit l'AMM, mais, à un certain point, à l'avenir, sa condition aurait pu s'améliorer. Et, si on n'a pas quelque chose qui nous donne cette certitude, on court ce risque-là. C'est vrai, en fait. Une fois, on n'est plus dans un contexte fin de vie, on ne peut pas avoir une certitude à 100 % qu'à un point, à l'avenir, la condition d'une personne n'aurait pas pu s'améliorer. Ceci est la conséquence logique de la décision dans le jugement de Truchon-Gladu.

La question, je pense, pour la société, c'est combien de certitude est nécessaire. Si on a besoin de 100 % certitude, ou quelque chose semblable, près, il faut qu'on exclue beaucoup de gens de l'accès, parce qu'il y a beaucoup de circonstances cliniques, pas juste des troubles mentaux, où on n'a pas un haut degré de certitude. Si on est capables d'accepter qu'on ne peut pas avoir un degré de certitude à 100 % ou très élevé, on serait obligés de définir : Mais qu'est-ce qu'on veut dire par maladie grave et incurable? Et il faut faire ça pour les maladies physiques ainsi que les troubles mentaux. Ça pourrait prendre considération des éléments comme la sévérité des symptômes de la personne, son degré d'incapacité fonctionnelle, sa capacité d'adaptation, incluant son état de santé global, ses tentatives de traitement, bien sûr, et aussi la durée de sa maladie, et l'évolution de cette maladie dans le temps.

Mais heureusement nous n'avons pas à commencer de zéro. Par exemple, nos collègues, aux Pays-Bas, et l'association des psychiatres flamands ont déjà essayé de définir qu'est-ce que ça veut dire, une maladie incurable, dans leur contexte. On n'a pas exactement les mêmes critères, mais on peut en servir en modifiant ce qu'ils ont proposé pour le contexte québécois.

Je veux ajouter, maintenant, quatre recommandations supplémentaires qui vont avec les pistes de réflexion que j'avais proposées dans la section avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger au moins la participation d'un psychiatre dans le processus d'évaluation pour une personne qui est atteinte d'un trouble mental comme seul problème médical invoqué.

Quand on considère qu'il faut statuer sur la gamme des soins que la personne a eus, son aptitude décisionnelle dans des situations complexes, sa souffrance dans les contextes des troubles mentaux complexes, on parle des connaissances, et des habilités, et l'expérience au niveau de la spécialité. Un processus d'évaluation d'une telle demande exige du temps, et je pense que c'est quelque chose qui doit être communiqué au public. Je pense que, sur le terrain, il y a parfois la perception qu'on a besoin de répondre en urgence et je pense que, pour ce type de demande, c'est exactement le contraire. On ne veut pas agir en urgence, on veut traiter les urgences puis prendre le temps qu'il faut pour bien réfléchir tous les éléments.

Étant donné le potentiel pour un degré élevé de complexité ainsi que la menace de sanction criminelle pour les médecins qui prodiguent le soin, je pense qu'une surveillance prospective devrait être considérée, pas juste pour les troubles mentaux mais pour toutes sortes de cas complexes.

Et finalement ni la loi québécoise ni la loi canadienne n'ont un mécanisme qui empêche quelqu'un pour faire plusieurs requêtes et subir plusieurs évaluations, même suite à un refus. Donc, je pense que, minimalement, d'avoir un temps d'attente entre des demandes pourrait être bienvenu.

Avant je me termine, j'aimerais mentionner les deux manques souvent évoqués. Je parle ici de manque de ressources et manque de consensus. Il faut demander la question, quand on parle de manque de ressources, on parle de qui. Et, souvent, quand on parle de cette question, on confond deux groupes de patients différents. Il y a le problème de manque de ressources en première ligne pour la population générale, mais, si on se base sur les données internationales, ces personnes ne sont pas nos demandeurs de l'AMM pour des troubles mentaux. Donc, oui, on devrait améliorer l'offre de services en première ligne, mais je pense que, parmi les personnes qui vont demander l'AMM pour des troubles mentaux, on parle des personnes sévèrement atteintes, chroniquement.

Alors, si on regarde, parallèlement, dans d'autres sphères de la médecine, on voit des mécanismes formels, comme des corridors de services, les centres d'excellence avec les mandats spécifiques, les partenariats avec les organismes communautaires bien encadrés. Ce sont les mécanismes qu'on a besoin de développer en psychiatrie pour être sûrs que les patients les plus sévèrement atteints ont accès aux soins spécialisés. On le fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire. Ça dépend sur le clinicien individuel, quoique... Je pense qu'on a besoin de formaliser. Mais, manque de ressources, on parle vraiment d'avoir ce type de corridor, ce mécanisme pour les patients les plus sévèrement atteints.

Et j'aimerais conclure sur l'enjeu de manque de consensus. C'est vrai que les avis en psychiatrie et parmi des experts dans le domaine sont très partagés. Et c'est important. On doit le prendre en considération parce qu'il y a des implications pratiques. Par exemple, si les médecins sont tous en désaccord, personne ne va participer. Mais qu'est-ce que ça nous dit par rapport à c'est quoi, la bonne chose à faire? Ça ne dit rien, en fait. Ce que les psychiatres pensent entre eux, ça ne peut pas être une justification pour exclure quelqu'un de faire une demande. C'est tentant de croire qu'en excluant des personnes atteintes de troubles mentaux on va éviter les cas trop difficiles et on va juste conserver les cas où ça semble plus facile, mais, comme j'ai discuté tout le long de mon exposé, on traite déjà ces cas difficiles à cause du fait que les personnes atteintes de troubles psychiatriques et physiques en même temps ont déjà l'accès. Alors, je vais m'arrêter là puis j'ai bien hâte pour la discussion maintenant.

• (11 heures) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Gupta. Merci beaucoup pour votre présentation. Toujours aussi rigoureuse et claire.

Ça soulève plusieurs questions dans mon esprit sur l'applicabilité de cette question-là. J'aimerais ça, déjà, vous entendre, sur le départ, sur la question de... Parce que, bon, il y a des enjeux, je pense, aussi sur les définitions des troubles mentaux. Est-ce que c'est ce qui est reconnu, par exemple, par le DSM-V uniquement? Est-ce que, cliniquement, il est possible d'établir une liste des troubles mentaux qui pourraient être éligibles à l'aide médicale à mourir? Donc, j'aimerais ça vous entendre sur... Je sais que c'est un peu... Bon, c'est un peu la base, je crois, mais je pense que c'est important aussi de vous entendre sur cette question-là parce que c'est quand même ce qui va guider aussi, au niveau de l'applicabilité, nos réflexions, là.

Mme Gupta (Mona) : Oui. C'est une excellente question. Et, en fait, ça a été débattu lors de l'étude du projet de loi fédéral parce que... Ils ont évité l'utilisation de l'expression «trouble mental», qui est plutôt le terme... clinique, et ils ont décidé de mettre «maladie mentale», mais ils n'ont donné aucune définition de la maladie, et donc on ne savait pas trop, en fait, à quoi ils faisaient référence. La seule chose, ils disaient : C'est ce qui est traité en psychiatrie, qui... Vraiment, ça n'éclaircit pas la chose, parce qu'on peut imaginer... Je pense que, dans les esprits des gens, quelque chose comme la toxicomanie est comme un trouble mental, mais c'est rarement traité par la psychiatrie, en fait. Donc, c'est vraiment difficile.

Puis je pense qu'on voit, dans vos questions, dans cette discussion, exactement le problème d'essayer d'attacher ça avec un diagnostic, parce que, tout de suite, on rentre dans le... Mais qui est inclus, qui est exclu? Qu'est-ce qui compte et qu'est-ce qui ne compte pas? Et donc je pense que le terme clinique, c'est simple, dans le sens où, au moins, c'est le terme clinique. On sait exactement à quoi ça fait référence. Dresser une liste, je pense qu'on va avoir exactement le même problème.

Mme Montpetit : Et, quand vous dites «terme clinique»... Puis je vous pose la question parce que... Bon, moi, j'ai eu le grand bonheur d'étudier en psychologie à une époque. C'était le DSM-IV, ce n'était pas le DSM-V, mais c'était quand même le cadre sur lequel on s'appuyait pour définir la question de troubles mentaux. Je pense que ce n'était pas «troubles mentaux», effectivement, déjà, à l'époque, là. Mais c'était un débat, effectivement, je peux dire, qui m'a surprise mais qui, de toute évidence, a soulevé beaucoup d'enjeux sur la définition, de ce qu'on entend.

Quand vous dites là... Quand vous référez à «clinique», moi, c'est ça, je veux vraiment vous entendre là-dessus, sur comment on peut le préciser davantage, parce que ça semble être vraiment un débat qui est soulevé puis qui vient apporter... je ne sais pas si «confusion» est le bon mot, là, mais sur les directions qu'on doit prendre.

Mme Gupta (Mona) : Je ne suis pas certaine que je comprends bien la nuance que vous apportez, donc, s'il vous plaît, corrigez-moi si je vais dans le mauvais sens. Mais en fait je pense que je retournerais au critère d'admissibilité qui est une malade grave et incurable. Et je pense que je resterais là, parce que, je pense, essayer d'établir une définition de «trouble mental» pour voir si ça rentre dans maladie grave et incurable va nous amener dans le même débat : Mais est-ce que ça compte, est-ce que ça ne compte pas?

Il y a plein de choses dans le DSM-V, on ne dirait jamais que ça va être un motif pour demander l'AMM, comme bégaiement, mais il est là. Donc, je ne pense pas que... Et je pense que... Mais, cliniquement, personne ne va dire : Mais ça, c'est une maladie grave et incurable dans le sens de la loi sur l'AMM.

Donc, je pense que définir «trouble mental», ça va être une partie déjà perdue. Je pense que c'est mieux de faire la réflexion à l'inverse : Est-ce qu'il y a des troubles mentaux qui peuvent être considérés des maladies graves et incurables? Et là il faut dire : Mais qu'est-ce que c'est, une maladie incurable?, puis sans attacher ça à un diagnostic quelconque.

Mme Montpetit : Oui, absolument. Ça répond parfaitement à ma question, c'est ce que je voulais vous entendre... Puis, si je vous posais la question, justement : Est-ce qu'il y a des maladies, des troubles mentaux qui sont considérés comme graves et incurables?, est-ce que, pour vous, justement, c'est quelque chose qui fait une certaine forme de consensus ou, encore là, c'est matière à débat?

Mme Gupta (Mona) : Bien, je pense que, cliniquement, on va s'entendre. Et c'est vrai que, dans le domaine, on parle des maladies sévères et persistantes. Donc, clairement, il y a une idée que certaines sont sévères, puis ce sont eux qui reçoivent cette étiquette-là. Mais je pense que le collège puis aussi le législateur nous ont encouragés, toujours, de concevoir de... la situation d'une personne et dans l'ensemble de ses circonstances cliniques. Donc, encore une fois, je veux résister à la tendance d'attacher la sévérité à un diagnostic mais plus à ses circonstances vécues.

Mme Montpetit : O.K. Vous nous avez aussi, bon, je pense, sensibilisés au fait que les troubles mentaux, ça peut venir, justement, altérer, bon, les perceptions, les émotions, les cognitions, le jugement de la personne. Donc, ça peut venir affecter l'autoévaluation de la souffrance. Je trouvais très intéressant que vous abordiez cette question-là, en ce sens que... Bon, c'est sûr que j'aimerais vous entendre sur deux aspects, dans le fond, parce que vous suggérez, justement, qu'il y ait un psychiatre qui soit impliqué pour faire cette autoévaluation... bien, pour faire cette évaluation-là de la souffrance. Donc, deux choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre, sur comment on peut concilier le fait de ne pas... que l'autoévaluation de la souffrance, dans le fond, soit altérée, ce qui vient en opposition avec l'autodétermination de la personne à prendre une décision pour elle-même, et aussi comment cette souffrance-là va être évaluée dans le contexte clinique d'une relation avec un psychiatre.

Mme Gupta (Mona) : O.K. J'ai entendu deux questions, donc je vais prendre chacune après l'autre. Et je pense que, justement, cette question d'autoévaluation versus... ou autoévaluation potentiellement distortionnée contre autodétermination est toujours en jeu, en fait, en pratique clinique, au moins en psychiatrie. Ce n'est pas juste en AMM. Puis c'est ça, l'équilibre il faut chercher. On a le cadre légal qui nous guide, qui est... On est dans la présomption de l'aptitude pour tout le monde. AMM est un peu différent, comme j'ai dit, mais on ne dit pas d'emblée que la personne en trouble mental, il devrait être inapte ou pas capable de faire une bonne autoévaluation de sa souffrance. Mais la question se pose.

Et je pense qu'on essaie toujours de cibler cet équilibre entre aider les gens de réaliser ce qu'ils veulent et d'empêcher quelqu'un d'agir quand ce n'est pas dans ses intérêts définis par lui-même. Donc, justement, notre travail, en psychiatrie, c'est de dire : Mais, attends, vous dites que votre vie ne vaut rien, vous voulez mettre fin à vos jours, vous voulez vous suicider, mais ça se peut que vous allez réfléchir autrement si on vous aide, si vous avez accès à des soins, etc. Donc, je pense que c'est un équilibre, et il faut juste essayer de cibler cet équilibre chaque fois où on fait une évaluation.

Je pense que, comme... L'autre chose, c'est que, même si c'est un petit peu le contraire de ce que j'ai dit avant, oui, c'est important d'avoir quelque chose en place qui empêche des multiples demandes, une après l'autre. Mais un refus à un moment de temps x n'est pas un refus pour toujours. Ça se peut que ce n'est pas le bon moment maintenant, mais que, dans un... après une certaine période de temps, oui, c'est un soin approprié. Donc, il faut qu'on conçoive, je pense, tout le processus dans une manière longitudinale aussi et pas juste comme : C'est non, c'est non pour toujours, on ne respecte pas l'autodétermination. Ça, c'était la première.

La deuxième question, je crois, c'est : Comment est-ce qu'on fait en psychiatrie?

• (11 h 10) •

Mme Montpetit : Comment vous évaluez, justement, dans la relation avec un patient, comment vous évaluez sa propre souffrance quand lui a une incapacité à faire une autoévaluation adéquate?

Mme Gupta (Mona) : Oui, mais c'est plutôt qu'on essaie de voir s'il y a des indices que la personne ne fait pas une autoévaluation adéquate. Donc, on prend pour acquis, toujours, que les gens autoévaluent dans la bonne façon, mais parfois on entend des indices. Mettons, la famille nous dit : Je ne reconnais pas mon proche, il n'était jamais comme ça.

En fait, une collègue m'a parlé d'un cas exactement comme ça, d'un monsieur atteint d'un cancer, pas un trouble mental, mais qui demandait AMM, et c'était justement la famille qui a dit au psychiatre : Bien, il n'a jamais parlé de ça, il n'était pas comme ça, je ne reconnais pas mon mari, je ne pense pas que cette demande est authentique. Donc, c'était un indice d'aller plus loin, de voir : Mais est-ce que cette demande correspond réellement à ses désirs, ses croyances, comment il voulait vivre ses derniers jours ou est-ce qu'il y a quelque chose d'autre qui s'insère dans ce processus, voire trouble psychiatrique, trouble dépressif, changement cognitif à cause de la présence, justement, du cancer qu'il avait? Donc, c'est... Voilà, c'est un exemple où on cherche les indices qu'il y a peut-être quelque chose qui n'est pas authentique, si je peux utiliser ce mot.

Mme Montpetit : Merci beaucoup, Dre Gupta. Mme la Présidente, j'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui aurait une question également.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Allez-y, Mme la députée.

Mme Maccarone : Merci, Dre Gupta. Vous avez mentionné peut-être prendre une période de temps pour évaluer lorsque la personne s'exprime. Est-ce qu'on a une idée de combien de temps qu'on devrait se donner pour cette attente pour réévaluation?

Mme Gupta (Mona) : Pour l'évaluation de demande d'AMM chez une personne atteinte d'un trouble mental, c'est ça?

Mme Maccarone : Bien, après que... Vous avez dit... Mettons, il y a quelqu'un qui s'exprime, puis là vous avez dit : Bien, ça se peut qu'il y ait quelque chose qui peut changer dans leur vie, alors nous devrons passer une réévaluation. Alors, on devrait prévoir combien de temps, par exemple, pour cette réévaluation?

Mme Gupta (Mona) : Oui. J'ai le goût de vous redonner la question et dire que c'est un peu, comme, votre problème. Mais je dirais que c'est quelque part entre ne pas avoir tellement de temps que ça devient, effectivement, un obstacle, mais pas trop peu de temps qu'on ne peut pas prendre en considération tous les aspects puis...

Mais, dans le cas dont je viens de parler, si on juge que, réellement, la personne n'exprime pas ses vrais désirs, bien là, on devrait, comme, soit suspendre ou refuser la demande puis dire : Mais on peut essayer d'autre chose. Là, on va rencontrer un autre problème qui est le refus de traitement, qu'on peut en parler dans une minute, mais donc je pense que...

Je ne sais pas si vous avez déjà vu le document de l'AMPQ. Nous avons proposé un processus qui durait des mois. Donc, on peut discuter, trois mois, six mois, cinq mois, mais je pense qu'on parle des mois, pas des jours.

Mme Maccarone : Le refus de traitement, ça me préoccupe beaucoup parce que... Par exemple, je vais vous donner une mise en scène d'une personne trans qui est venue à mon bureau. Elle a 35 ans, hein, puis ça fait des années, depuis... qu'elle exprime sa volonté de vouloir faire... avoir accès à l'aide médicale à mourir. Elle a toutes ses facultés. Évidemment, c'est une personne trans féminine qui souffre d'une dépression, mais elle a aussi refusé des chirurgies d'affirmation de genre, qui peuvent être vues comme un soin. Alors, elle, elle tomberait dans quelle catégorie? D'abord, est-ce que ça veut dire, parce qu'elle a refusé un soin, mais elle a toutes ses facultés puis elle est apte, qu'on ne devrait pas l'inclure dans ce processus?

Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça, c'est excellent. Et ça, c'est le dilemme, en fait, qui embête nos collègues aux Pays-Bas, nos collègues en Belgique aussi. Et je pense que ce serait très bien si on peut s'entendre et élaborer sur une définition d'incurabilité qui prenne en considération cet élément, c'est-à-dire : Si quelqu'un refuse un soin qui a une haute probabilité d'améliorer la situation ou l'état de souffrance, peu importe, est-ce que ça rend automatiquement la personne incurable? Mon intuition, c'est non, pas nécessairement.

Donc, je ne veux jamais dire jamais, mais ce que je veux dire, c'est qu'intuitivement, cliniquement, si quelqu'un a une maladie, la notion d'incurabilité, ça attache, oui, à la décision prise par la personne mais aussi par la condition. Ce n'est pas qu'une évaluation de la personne. Donc, mettons que quelqu'un a un cancer du sein qui est curable et refuse des soins, bien, on va dire : Elle a un cancer curable, mais elle refuse des soins. On ne dit pas : Elle a refusé des soins, donc son cancer est devenu incurable. Donc, je pense que l'incurabilité attache aux décisions de la personne, oui, mais aussi à sa condition.

Je pense qu'aux Pays-Bas et en Belgique ils ont résolu le problème en parlant d'une haute probabilité de succès. Je pense que c'est bien de le formuler comme ça, mais, en même temps, est-ce qu'on est réellement capables de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par haute probabilité? Peut-être pas. Donc là, je pense qu'on est dans la zone grise de jugement clinique où... Si on pense que c'est un refus qui est... d'un soin qui esteffectif pour beaucoup de gens et que la personne refuse pour les raisons qui ne semblent pas vraiment raisonnables, mais ce n'est pas le bon moment de procéder, ça ne veut pas dire que ce n'est jamais approprié, mais, pour le moment, on va laisser le temps couler.

L'autre élément que j'aimerais ajouter à ça, c'est qu'il y a beaucoup de circonstances, en psychiatrie, où il faut laisser le temps pour la situation d'évoluer. Et parfois, dans le temps, la situation, pas à cause d'un traitement mais juste à cause des circonstances de vie, la personne va changer son idée ou va poursuivre d'autre chose. Et je pense que c'est important aussi qu'il y ait un temps approprié, même s'il y a un refus, pour que la personne vive autre chose. C'est pour ça, je dis : La durée de la maladie est vraiment importante, surtout quand on parle des gens qui sont plus jeunes, plus au début de leur parcours de maladie. C'est autre chose quand on parle de quelqu'un qui avait une maladie depuis 30 ans.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour, Dre Gupta. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, c'est des enjeux qui ne sont pas faciles. Je ne suis pas un expert, donc vous allez me pardonner toute la candeur de mes questions puis l'approximation dans le vocabulaire, là, parce que je ne maîtrise pas les enjeux aussi bien que vous. Je vais essayer de bien m'exprimer.

Sur la question de la souffrance, je pense qu'il y a, dans la population en général, qui ne sont pas des psychiatres, dont je fais partie, une difficulté à appréhender cette notion-là dans le cas des gens qui souffrent de troubles mentaux, c'est-à-dire... Il y a tout un débat sur qu'est-ce qui... un débat, une réflexion, je pense, qui arrive, qui naît spontanément chez les gens, à savoir : Quand vient le temps d'évaluer la souffrance de quelqu'un qui a des troubles mentaux, quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève, je vais le dire très simplement, de la société? Quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève de l'exclusion sociale dont font preuve les personnes qui ont un rapport au monde différent, qui ont un rapport à la rationalité qui n'est pas celui de la norme? Il y a, dans la souffrance, en matière de troubles mentaux, cette idée qu'il y a des gens qui ne correspondent pas à la norme de rationalité qui est généralement admise. Et donc la question, ce serait : Quelle est la part de souffrance qui relève de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat dans la société, d'avoir des difficultés à entrer en communication avec les autres, puis quelle est la part de la souffrance qui est vraiment une souffrance, je le dis comme je suis capable de le dire, là, mais, tu sais, vraiment interne, vraiment propre à la personne?

Et donc ça pose la question, puis c'est beaucoup des gens qui vont avoir un rapport critique à la psychiatrie comme pratique qui vont poser ces questions-là, en disant : Bien, c'est peut-être aussi la société qu'il faut changer, puis notre rapport à la rationalité, puis notre manière de vivre avec les gens qui ont des troubles de santé mentale. Puis les gens qui font cette réflexion-là se disent : Est-ce qu'il n'y a pas un danger d'ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir dans un contexte où il y a encore tous ces défis-là d'inclusion, tu sais? Puis est-ce qu'il n'y a pas des manières de diminuer la souffrance qui ne relèvent pas du psychiatre et de son patient mais de ce qu'on fait, comme société, avec ces gens-là, puis de la place qu'on leur donne, puis de comment on les considère?

Ça fait que je le dis vraiment de manière approximative, avec les mots qui sont les miens, mais comment vous, vous faites la part des choses là-dedans? Comment vous répondriez à des gens qui ont cette inquiétude-là, qu'on soit en train de faire l'économie d'un débat sur ces enjeux-là en ouvrant la porte à l'aide médicale à mourir pour les gens qui souffrent seulement de troubles mentaux?

• (11 h 20) •

Mme Gupta (Mona) : Merci beaucoup pour la question, M. le député. Puis il y a beaucoup de niveaux dans votre question. Donc, je vais essayer de passer une par une, mais, juste, rappelez-moi si j'ai oublié des choses.

Je pense que... Je reviens un peu à ce que j'ai dit par rapport au manque de ressources. Je pense que c'est vraiment important qu'on ne confonde pas des groupes de personnes. Alors, est-ce qu'il y a l'exclusion sociale? Oui. Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait faire, dans notre société, pour améliorer l'exclusion sociale vécue pas juste par les personnes qui ont des troubles mentaux mais toutes sortes de personnes? Oui.

Mais qui sont les demandeurs de l'AMM-SPMI? Là, il faut se baser sur les données internationales parce que... Évidemment, on ne les a pas ici parce qu'on ne le fait pas vraiment ici. Ils ne sont pas une population large des personnes marginales qui demandent, donc, pour... Parce que vous faites ce lien causal là entre l'exclusion et une souffrance qui va mener une personne à demander AMM. On parle d'un très petit groupe de personnes qui ont été malades longtemps, qui ont essayé beaucoup, beaucoup de traitements, qui ont eu accès, la plupart parmi eux, de beaucoup, beaucoup de services.

Et je pense qu'une raison qu'on se permet d'avoir cette discussion dans notre société, c'est parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui connaissent ces patients-là. Bon, justement, parce qu'ils sont tellement malades depuis tellement longtemps, ils ne voient pas beaucoup de gens. Ils sont connus aux équipes psychiatriques qui s'occupent des personnes malades chroniquement, mais, quand on pense... C'est pour ça, j'ai dit «mise en garde» au début. Quand on pense dans la maladie mentale, on pense de notre voisin qui a vécu une dépression après son divorce. On ne pense pas de la personne avec un TOC si sévère, il passe 20 heures sur 24 à se laver, jusqu'au point où ses mains sont couvertes en sang, il ne se nourrit plus, il ne dort plus, il doit laver sa toilette 400 fois par jour parce qu'il perçoit que c'est contaminé. On ne pense pas de ces personnes parce qu'on ne les connaît pas. Donc, je ne suis pas certaine que le lien fait entre l'exclusion sociale, et les problèmes sociétaux, et la demande d'AMM est un bon lien. Ce serait ma première réponse.

Le deuxième volet ou la deuxième piste de ma réponse, c'est la suivante. Je comprends tout à fait pourquoi le législateur a mis «physiques et psychiques» dans la loi, mais je le regrette aussi, parce que je pense que ça communique le message que la souffrance est quelque chose morcelé. On ne peut dire : Ce morceau de sa souffrance appartient de sa douleur, et ce morceau appartient de sa tristesse, et ce morceau appartient à l'exclusion sociale. La souffrance est l'expérience vécue d'une personne, et une personne est une intégrité. Il n'est pas isolé avec son expérience de maladie, il vit une expérience de maladie dans une société. Donc, tout ce qu'il vit est interrelié.

Alors, je reviens à l'AMM qu'on fait maintenant. Le demandeur qui dit : Je suis en fin de vie, je suis dépendant, j'ai besoin, le seul endroit où je peux aller, c'est le CHSLD, je ne veux pas y aller, je veux avoir l'AMM maintenant parce que ce n'est pas comme ça que j'ai envisagé ma fin de vie, on parle d'un problème social, on parle d'un contexte où l'hébergement qu'on peut offrir à quelqu'un dans cet état n'est pas, pour lui, adéquat, et ça amène de la souffrance, en fait. Donc, on ne peut... Il vit une maladie. C'est à cause de ça, il est dans cette situation, mais il vit sa maladie dans un contexte social. Donc, est-ce qu'on a besoin de travailler nos problèmes sociaux? Absolument. Mais on ne peut pas nier, en même temps, pour des problèmes... personnes avec des troubles mentaux mais pour n'importe... personne, incluant les demandeurs, actuellement, que leur souffrance est en interaction avec la société dans laquelle on vit. Puis on ne dit pas qu'à cause de ça vous ne pouvez pas avoir accès. Ce qu'on devrait faire, c'est de prendre ça en considération dans les évaluations qu'on fait des personnes et être sûrs qu'on fait tout ce qu'on peut, en tant que société, pour remédier des choses qui sont remédiables.

M. Nadeau-Dubois : De combien de temps est-ce que je dispose, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : 1 min 30 s.

M. Nadeau-Dubois : Vous parlez de votre réticence à ce qui... à attacher des diagnostics spécifiques dans le cas de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux. Je comprends cette réticence-là. Ma question pour vous : D'un point de vue d'acceptabilité sociale — parce que, comme législateurs, ça nous préoccupe, ça, tu sais, que nos intentions soient bien comprises puis que les gens adhèrent, puis, pour qu'ils adhèrent, il faut qu'ils saisissent de quoi il est question — est-ce qu'il n'y a pas un risque, considérant toute l'ambiguïté que vous nommez vous-même sur qu'est-ce qu'exactement les problèmes de santé mentale, que ce flou-là sur la question du diagnostic envoie un genre de message ou soit perçu comme un élargissement très, très, très libéral et que ça suscite une réaction — est-ce que vous voyez que je veux dire? — une réaction sociale à une perception que, mon Dieu, là, ça va être possible pour, je vais le dire comme je le... comme, pour n'importe qui, n'importe comment? Comment on fait pour lutter contre cette perception-là, selon vous?

Mme Gupta (Mona) : Bien, peut-être... J'offre ça, je ne sais pas si c'est suffisant, mais peut-être, dans la manière que j'ai amenée, de dire : Mais on n'attache pas ça à un diagnostic, on ne l'a jamais fait, on ne va pas commencer maintenant, mais c'est clair, qui n'est pas admissible. Donc, on identifie, justement, les gens. Parce que, souvent, j'entends ça : Mais est-ce que quelqu'un en crise peut aller à l'urgence puis demander AMM? Mais non, non. Donc, je... Mais je pense qu'il faut qu'on le dise, puis il faut que ce soit dit par soit vous, le législateur, ou, je ne sais pas exactement, que ce message soit communiqué pas juste au public mais aux cliniciens dans le réseau de santé : Non, on n'ouvre pas, on est toujours dans la maladie grave et incurable. On n'est pas dans jeune de 17 ans qui vient d'avoir une rupture avec sa blonde. Non. Donc, le fait que c'est...

Et je pense qu'en fait ce questionnement de la population, ça montre le cas... Ce que j'ai dit au début, la mise en garde, ça montre le cas paradigmatique de la maladie mentale qui est en arrière-plan. Parce que, quand on parle de l'AMM maladie physique, personne ne pense que tu casses ton bras à jouer au baseball, tu peux demander AMM, tu vas l'avoir. Personne ne pense ça. Donc, pourquoi est-ce qu'on pense que tu vis une crise, tu as cassé avec ta blonde, tu vas aller à l'urgence et avoir l'AMM? Parce qu'on croit que la maladie mentale ne peut pas ou n'est pas une maladie grave et incurable.

Donc, je pense que c'est vraiment de rester sur ces propos. On parle des maladies graves et incurables, pas des crises, pas les gens qui viennent d'être diagnostiqués, pas des jeunes marginaux, sur la rue, ou peu importe.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Chomedey pour deux minutes.

M. Ouellette : Deux petites minutes, Mme Gupta, ce n'est pas beaucoup.

Je veux juste vous ramener sur la quatrième recommandation que vous nous avez faite, recommandation complémentaire. Et je pense qu'il sera de la responsabilité de la commission de s'assurer, dans son rapport, de mettre des balises pour faire en sorte que les demandeurs... et je vais employer un mot qui est peut-être lourd, mais que... les demandeurs quérulents, là, bien, qu'on puisse suivre leur histoire et qu'il n'y en ait pas un qui passe dans les mailles du filet pour qu'à un moment donné on se ramasse en sanction criminelle ou qu'on ne fasse pas le bon travail. C'est que vous nous éveillez à obligatoirement mettre une disposition dans le rapport que nous allons devoir préparer.

Mme Gupta (Mona) : Est-ce que vous me demandez ce serait quoi, une balise?

M. Ouellette : Oui, c'était ça, ma question, là. Mais, définitivement, je me sens une responsabilité de mettre quelque chose dans le rapport.

Mme Gupta (Mona) : Bien, je pense que ce serait bienvenu, de mon point de vue, et je pense que... Merci pour avoir nommé. Malgré le fait que c'est difficile à dire, des demandeurs quérulents ou récurrents, ou peu importe... Mais je pense que ça peut exister et puis je pense que c'est important qu'il y ait quelque chose. Je suis contente que c'est, comme, plutôt votre problème que le mien.

Mais c'est clair que, dans le système actuel, quelqu'un peut ouvrir un dossier dans plusieurs endroits sans que l'établissement sait qu'est-ce qui se passe dans l'autre. Je pense que c'est un processus important qui exige le temps, mais ça peut rapidement devenir un processus sans fin qui consomme beaucoup de temps et ressources si ce n'est pas bien encadré.

Alors, oui, donc, comment on le fait? Ce qu'on a proposé à l'AMPQ, mais c'est une façon de faire, il y a d'autres façons de faire, c'est d'avoir une organisation centralisée. Mais je ne sais pas si ce serait possible, mais... Voilà.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député. Donc, moi, j'aurais une question avant de céder la parole à mes collègues. On sait qu'il y a des gens qui ont des pensées suicidaires récurrentes. Comment on peut évaluer cette idée de pensées suicidaires récurrentes versus l'aide médicale à mourir?

Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente, pour cette question. C'est, encore une fois, une autre question qui fait réfléchir beaucoup les gens sur la question. Je reviens un peu à mes exemples des patients atteints de troubles mentaux qui ont des maladies physiques chroniques, qui subissent des traitements qui prolongent leur vie, comme la dialyse, qui ont fait peut-être des tentatives de suicide par le passé, qui ont des idées suicidaires récurrentes et qui arrivent à un moment où ils veulent cesser leur dialyse, qui va inévitablement mener à leur mort. Alors, on applique une série de recommandations dans ces cas.

Donc, je dirais que ce n'est pas une question de distinguer entre les deux mais plutôt de dire : Mais est-ce que c'est un ensemble de circonstances où on pense que cette prise de décision est, comme disait Mme la députée, plus dans le sens d'une vraie autodétermination versus quelque chose qui est compromis par la maladie physique, ou psychique, ou d'autres circonstances sociorelationnelles, etc.? Donc, c'est ça, la réflexion qu'on fait maintenant dans ce genre de situation délicate. Et je pense que ce serait la même sorte de réflexion qu'on a besoin d'avoir chez quelqu'un qui a des antécédents, des idées et tentatives suicidaires récurrentes et chroniques.

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, Mme Gupta. J'ai une question qui, somme toute... Je crois qu'elle est toute simple, mais je vais vous la poser. Vous suggérez d'inclure un pédiatre dans l'équipe de la décision ou de l'acte de l'aide médicale à mourir. Est-ce que, selon vous, ça pourrait être une IPS, une infirmière praticienne spécialisée en santé mentale qui ferait cette évaluation-là ou ça nécessiterait vraiment juste un psychiatre?

Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça, c'est comme... Ça, c'est une question qui a un élément légal aussi, je crois, parce que, dans le cadre de la loi canadienne, il s'agit des IPS aussi, qui peuvent être des cliniciens qui prodiguent ce soin. Je pense que, je dirais, ça prend un psychiatre. Je pense que les IPS peuvent peut-être commencer de s'impliquer dans la pratique, mais je pense que l'implication d'au moins un psychiatre, dans l'évaluation de la demande, serait nécessaire. Je pense que la formation n'est pas la même. Donc, je pense que oui. Je ne vois pas pourquoi ça... Les IPS pratiquent déjà au Canada. Je pense que la pratique générale de l'AMM, c'est possible, mais, l'évaluation d'une demande trouble mental SPMI, je pense que ça prend au moins un psychiatre pour faire l'évaluation de la demande.

Mme Picard : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à Mme la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Gupta. Dans le contexte où... Probablement que ma question va se rapprocher des autres collègues qui ont posé les questions, mais je pense que j'ai encore besoin de l'entendre de votre part. Dans le contexte où les médecins doivent évaluer la... par rapport aux valeurs du patient puis sa vision sur... Parce qu'on s'entend, là, en maladie mentale, là, ça va être plus sur ce que lui considère comme une bonne vie ou qu'est-ce qu'il considère comme une vie acceptable.

Donc, à quel moment on peut considérer qu'il y a vraiment un déclin puis que c'est avancé, que la souffrance est intolérable et incurable? Parce qu'on s'entend, là, vous l'avez dit, c'est vraiment une catégorie de personnes qui est minime, là, quand même, quand on parle de santé mentale, qui vont demander l'aide médicale à mourir, là, avec tous les critères que vous avez envoyés, ça fait que... que vous avez donnés. Donc, à quel moment qu'on peut vraiment considérer qu'il y a un déclin comme étant avancé puis que la souffrance est vraiment intolérable et incurable?

Mme Gupta (Mona) : Je pense... Je veux juste clarifier un mot. Vous avez dit : La personne atteinte des troubles mentaux, c'est une catégorie qui est minime.

Mme Hébert : Bien, vous avez dit tantôt que c'était... il y avait... Les types de personnes, selon vous, qui allaient peut-être être admissibles à cette aide-là étaient quand même assez restreints en nombre parce qu'on en excluait beaucoup, là, avec les crises aiguës, la personne, c'est tôt dans la maladie, la personne qui n'a pas eu des soins adéquats, qu'on n'a pas tout tenté. Donc, étant donné que c'est une catégorie quand même qui est minime, moi, j'aimerais savoir, là, c'est où, là, qu'on considère qu'il y a vraiment un déclin puis que c'est avancé, assez pour que ce soit intolérable et incurable.

Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci. Merci pour la précision. Bien, écoute, je pense qu'il y a différentes manières qu'on peut définir ces expressions-là, «incurable», «déclin avancé» et «irréversible». Ça va prendre une définition quelconque, mais je pense que ça va tourner autour de la sévérité, dont le cas que j'ai mentionné, quelqu'un qui est complètement absorbé par ses symptômes 20 heures sur 24. On ne va pas le chiffrer dans la loi, évidemment, mais on parle d'un degré, d'être envahi, et une sévérité qu'il faut identifier. On parle aussi des tentatives de traitement. Donc, ici encore, je fais référence à nos collègues aux Pays-Bas, mais ils parlent des traitements biologiques, psychologiques, sociaux, avec une durée et une intensité appropriées, optimales.

Donc, je ne pense pas que c'est souhaitable d'essayer de dire : Mais tellement d'années ou x nombre de traitements, mais plus que ce soit cliniquement évaluable que c'est beaucoup, si je peux le dire comme ça. Donc, ça, c'est la partie incurable.

Je pense que la partie déclin fonctionnel, bien, ça va dépendre un peu de la personne, parce que nos fonctions n'ont pas... tous les mêmes, dans le sens où ce n'est pas tout le monde qui travaille, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir des relations intimes, etc. Mais, les êtres humains, on veut faire des choses dans la vie, puis, selon ce qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire, est-ce que la maladie impose des contraintes importantes sur ce fonctionnement, sur ce plan de vie, sur la personne?

Donc, ce sont les enjeux qu'il faut prendre en considération. Et c'est sûr qu'on a besoin d'attacher ça avec un degré de sévérité et une durée, une constance dans le temps. Donc, encore une fois, on ne parle pas de la deuxième année que quelqu'un souffre de quelque chose, mais on parle de quelqu'un qui est souffrant depuis des années, voire des décennies, qui ont essayé beaucoup de choses, d'aller mieux, et qui n'ont pas réussi.

Mme Hébert : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Bien, merci, Mme la Présidente. Dre Gupta, merci d'être là aujourd'hui. Je vais aller dans le même sens, là, que la députée de Maurice-Richard puis le député de Gouin, là, qui se sont attardés beaucoup, là, au cas... comment on pouvait cibler certaines maladies. Je comprends, là, dans le discours que vous faites depuis le début, là, qu'on ne peut pas cibler une maladie en tant que telle, la schizophrénie ou quoi que ce soit. Et, bon, vous me rassurez aussi que ça prend un élément important et de longueur de plusieurs années pour arriver à un déclin majeur pour que les gens, là, puissent recourir à l'aide médicale à mourir ou aux soins de fin de vie.

Puis mon interrogation, avant que vous parliez ou commenciez votre intervention, c'était au niveau de la famille, bon, les proches de ces personnes-là, bon, quelles influences qu'ils peuvent apporter à demander à une personne de requérir à l'aide médicale à mourir, dans un cas, qui pourraient mettre de la pression sur certaines personnes qui ont des problèmes mentaux, de un.

Et, de deux, de quelle façon ils pourraient être consultés aussi, dans les deux sens, autant pour ne pas qu'ils mettent de pression à ces personnes-là, mais, dans l'autre sens, qu'ils soient des accompagnateurs fidèles à ces personnes-là qui voudraient aller vers l'aide médicale à mourir, et de les consulter, à savoir vraiment est-ce que les gens puissent recourir ou non, puis qu'il y ait un deuxième avis. Oui, l'avis du psychiatre me rassure énormément, je pense que c'est... il faut que ce soit là, ça ne peut pas ne pas être là, mais, dans l'autre sens, la bulle familiale, les gens qui interviennent avec ces personnes-là... J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci beaucoup, M. le député, pour la question. Bien, j'aimerais... J'ai le goût de commencer avec l'idée qu'on n'a pas besoin de réinventer la roue. On le fait déjà. Nos médecins qui pratiquent l'AMM au Québec, ils interagissent avec les familles, ils parlent avec eux, ils essaient de voir c'est quoi, la relation entre eux et la personne. Je pense que, dans la grande, grande, grande majorité des cas, les familles sont des proches aidants et peuvent éclaircir qu'est-ce qui se passe pour cette personne, c'était quoi, sa vision de sa fin de vie, etc.

Donc... Et je pense que, généralement... — ça, c'est quelque chose que j'ai appris d'un projet de recherche que je mène actuellement sur l'évaluation des demandes, c'est... — quand la famille et la demande sont synchronisées, les demandeurs, c'est là où le médecin se sent le plus rassuré par rapport à la demande.

Donc, je pense qu'on le fait déjà. C'est sûr qu'il y a certaines familles qu'ils n'ont pas une bonne relation avec leurs proches, puis il faut qu'on fasse attention à ça. Et je reviens un peu à ma recommandation complémentaire sur la pertinence de la psychiatrie. Ça, c'est notre quotidien de faire attention à ces dynamiques intrafamiliales. Et c'est une autre raison, je pense, que notre expertise est souhaitable.

Mais une force aussi de la loi québécoise, si je peux partir du processus et revenir à la loi, c'est que c'est inclus, en fait, que les proches et la famille soient consultés dans le processus. Je pense que c'est approprié. Je pense qu'on devrait continuer de faire ça, à moins que la personne ait des raisons importantes, comme abus dans l'enfance ou quelque chose comme ça, où ce ne serait vraiment pas approprié d'inclure la famille.

• (11 h 40) •

M. Jacques : O.K. Juste pour compléter, là, bon, vous avez souligné, là, qu'il y a des familles que la relation est moins bonne avec ces gens-là et... Bien, c'est plus... Moi, mon inquiétude était vraiment là, ceux qui ont une mauvaise relation, les gens sont tannés de s'occuper de cette personne-là. Parce que, souvent, ça devient un fardeau pour toute la famille, pour l'ensemble de la famille. Donc, à ce moment-là, les familles ne seraient pas consultées. C'est ce que vous dites.

Mme Gupta (Mona) : Je pense que ça revient toujours au demandeur. Si le demandeur veut impliquer sa famille, qui est actuellement le cas dans la grande majorité des cas, on va l'impliquer. Donc, je pense que le principe de départ, c'est que l'entourage soit impliqué.

Mais, si on a des raisons de croire, au travers de notre travail avec la personne, que ce ne serait pas bien que la famille soit impliquée ou si la personne refuse carrément que la famille soit impliquée, bien, on ne peut pas l'imposer non plus. Mais c'est...

Je pense que, dans un premier temps, un patient qui refuse d'emblée d'impliquer sa famille, ça devrait être un indice de poursuivre, hein? On ne va pas juste dire : Oh! O.K. On va dire : Mais qu'est-ce qui se passe? D'explorer ça davantage, donc, ça va faire partie de l'évaluation.

Et c'est encore une raison où de telles évaluations doivent prendre du temps, parce que ce n'est pas quelque chose qu'on va comprendre dans un rendez-vous, bien, c'était quoi, l'interaction, la relation avec la famille, pourquoi est-ce qu'ils sont impliqués, pourquoi ils ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus est là. Donc, ce sont des enjeux, justement, à faire sortir pour impliquer ou pas la famille dans une manière appropriée.

M. Jacques : Donc, le rôle du psychiatre est hyperimportant dans ce dossier-là. Donc, c'est... 90 %, là, de toute l'analyse... ou 99 % de toute l'analyse relève du professionnel qui est le ou la psychiatre.

Mme Gupta (Mona) : Je pense que... Tous ces éléments complexes par rapport à la dynamique interpersonnelle, familiale ou avec l'équipe traitante, par exemple, je pense que ça relève de l'expertise de la psychiatrie, oui.

M. Jacques : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Et, pour faire suite à cette question, est-ce que c'est le psychiatre traitant ou vous prendriez un... vraiment un psychiatre externe?

Mme Gupta (Mona) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je pense que ça peut être fait dans plusieurs manières, et là on est un peu dans le détail du processus. Je pense que n'importe... médecin peut s'abstenir de participer. Donc, on ne peut pas dire qu'il faut absolument que ce soit le médecin traitant s'il ne veut pas participer.

Je pense qu'il y a aussi des bonnes raisons qu'un médecin traitant ne s'implique pas, c'est-à-dire que cette personne demeure neutre, accompagne la personne dans son processus sans être l'une qui va dire oui ou non et entrer dans cette dynamique, que cette partie soit regardée par une personne avec un regard de l'extérieur.

Dans d'autres cas, je peux imaginer que c'est plus une relation de confiance entre les deux, où la personne veut vraiment être accompagnée par son propre médecin traitant, qui la connaît depuis longtemps, puis le médecin traitant veut être impliqué. Donc, je ne mettrais pas les «il faut être ci» ou «il faut être ça». Je pense que ça va dépendre des cas.

Et je voulais aussi juste souligner qu'on parle beaucoup ici, maintenant, des psychiatres, mais, quand on parle de cette petite population des personnes sévèrement atteintes, elles sont souvent suivies par des équipes multidisciplinaires. Et je pense que, même si, dans la loi, ce sont des médecins qui prodiguent le soin et qui font les évaluations... Je pense qu'une bonne évaluation, ça aussi va prendre du temps, va impliquer ces soignants-là, ces cliniciens-là qui connaissent aussi le patient, d'autres angles. Donc, on met nos perspectives ensemble pour arriver aux bonnes... à la bonne décision.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dre Gupta. C'est tout le temps qu'on avait. C'est très enrichissant, et je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 45 )

(Reprise à 11 h 50)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, merci, tout le monde. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission sur les soins de fin de vie, donc le Dr Michel A. Bureau, le président, ainsi que le Dr David Lussier, commissaire à la commission. Donc, bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation.

Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé et qu'ensuite il y aura un échange de 40 minutes avec les membres de la commission. Donc, messieurs, je vous cède la parole.

Commission sur les soins de fin de vie

M. Bureau (Michel A.) : Merci, Mme la Présidente. Chers parlementaires, c'est avec plaisir qu'on participe aujourd'hui à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Je me présente, Michel Bureau. Je suis le président de la commission. J'ai été, dans ma vie, un intensiviste et un pédiatre. Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la médecine. Le Dr Lussier va se présenter.

M. Lussier (David) : Oui. Donc, David Lussier. Je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, avec une formation complémentaire puis une pratique qui est presque exclusivement sur la douleur chronique, donc, des patients âgés avec douleurs chroniques, puis aussi un intérêt pour l'aide médicale à mourir puis les soins palliatifs. J'ai fait une formation en soins palliatifs puis je pratique des aides médicales à mourir, là, probablement une quinzaine ou une vingtaine, là, depuis 2015.

M. Bureau (Michel A.) : Merci, David. Nous sommes très heureux de voir cette commission spéciale créée. Depuis la création de la loi en 2014, beaucoup de choses ont changé. Est arrivé le Code criminel, qui est venu compléter la loi québécoise, et après cela, plus récemment, le jugement Baudouin suivi de C-7, qui ont retiré le critère de fin de vie, qui était un critère de... une balise d'un secteur qui s'ouvre maintenant et qui inquiète beaucoup la commission en raison des implications que cela aura. Et on a compris ce matin, avec le débat sur les inaptes et sur les patients avec trouble mental ou maladie mentale, selon qu'on parle le langage du fédéral ou du Québec... nous amène dans des zones qui vont être relativement floues et des décisions difficiles à prendre pour les demandeurs de l'AMM autant que pour ceux qui vont devoir les évaluer.

Le deuxième cliché montre le rôle de la commission. Nous nous distinguons considérablement de ce que vous avez entendu avec les présentateurs de ce matin. Eux viennent vous donner les grands principes pour écrire les lois, mettre les balises qui sont nécessaires, et nous, nous sommes à l'autre bout, nous sommes dans l'application de la loi, qu'est-ce que la loi a convenu, comment elle suggère, sa signification.

Et la loi, créée en 2014, a décidé de créer une commission indépendante pour suivre l'évolution des soins de fin de vie et les soins de fin de vie globaux, autant les soins palliatifs que l'aide médicale à mourir, la sédation palliative continue. Et cette commission est une commission qui représente la société civile, des usagers, des avocats, des éthiciens, quatre médecins, des infirmières de soins palliatifs, etc., des travailleurs sociaux. C'est vraiment un reflet de la société civile.

Notre mandat est de regarder comment vont les soins de fin de vie dans leur globalité et faire des recommandations au ministre, le cas échéant. Et la loi a précisé que chaque cas d'aide médicale à mourir, en raison de son risque appréhendé en 2014, devait être vérifié par la commission, et c'est ce qui fut fait depuis.

On parle... Vous allez entendre parler beaucoup de coexistence de deux lois, pareil comme si c'était deux lois qui se confrontaient, et les médecins n'ont pas très bien compris, d'après moi, le sens de ces deux lois.

La loi du Québec, c'est une loi de soins. C'est des soins de fin de vie, palliatifs, soins d'AMM, déclaration médicale anticipée. Et cette loi interpelle les acteurs, les établissements, les médecins, le CMDP des hôpitaux, le Collège des médecins, et elle est vraiment dirigée sur l'acte médical, comment on donne les soins, aux gens, de fin de vie. La loi fédérale n'est pas comprise comme la loi qui est venue déclarer que l'acte médical n'est pas criminel et elle se... Son langage est juridique, et son approche est difficile à comprendre par les médecins, parce qu'ils ne parlent pas le langage habituel des cliniciens. Cependant, tous les deux s'adressent aux critères de fin de vie, et, quand il y a divergence entre les positions de la loi fédérale... les dispositions de la loi fédérale et québécoise, c'est la disposition la plus contraignante qui prévaut. Par exemple, la loi fédérale disait qu'il fallait attendre 10 jours pour donner l'AMM à quelqu'un qui rencontrait les critères, la loi québécoise ne disait pas ça, alors, le critère le plus contraignant fut utilisé.

Cependant, en ce qui concerne le handicap, la loi québécoise ne parle pas du handicap, et je crois qu'il faudrait l'ajouter. C'était le cas Truchon. M. Truchon avait un handicap grave et incurable, il n'était pas en fin de vie, et la loi québécoise ne lui permettait pas, même s'il avait été en fin de vie, de recevoir l'aide médicale à mourir. Alors, nous recommandons que la prochaine révision de la loi ajoute le handicap.

La loi fédérale accepte comme évaluateur l'infirmier praticien, et je crois que, dans l'évolution des pratiques infirmières, l'infirmier praticien devrait, dans le futur, être accepté comme prestataire de soins.

Le cliché suivant s'intitule Dialogue entre le médecin et le patient. C'est là que ça se passe. Vous avez entendu tout à l'heure Mme Gupta, et elle référait au vague de la définition fédérale d'une maladie grave et incurable. Nous ne sommes pas dans une science dure, nous sommes dans un domaine de pratique médicale. Et, quand un patient se fait dire qu'il a une maladie grave et incurable, il demande tout de suite à son médecin : Combien de temps il me reste à vivre?, est-ce que je vais souffrir?, ainsi de suite. Et le médecin lui répond : Je pense qu'il vous reste moins de 12 mois, on va vous accompagner, on va vous donner les soins qu'il faut dans le respect de votre volonté, mais c'est vous qui décidez, c'est vous qui allez prendre la décision. Et, s'il a besoin de l'aide médicale à mourir, bien, il le demande, il est évalué. S'il rencontre les critères, il aura l'aide médicale à mourir.

Regardez le cliché qui décrit le portrait de l'AMM au Québec. Vous voyez la courbe à 45 degrés de l'augmentation du taux d'AMM année après année. C'est une croissance de 30 % à 40 % par année. On peut se demander jusqu'où ira cette croissance de l'aide médicale à mourir. On a l'impression que c'est tout le monde qui va demander l'aide médicale à mourir. Et je veux corriger ça, ce n'est pas ça pantoute, là.

Il y a à peu près 3 % des décès, au Québec, qui, même à ce stade-ci, demandent l'aide médicale à mourir. Sur 70 000 décès, nous sommes 2 000, 2 500. Cette courbe va continuer de croître. Elle va croître pendant deux, trois ans encore. Et la Belgique et la Hollande ont atteint un niveau de 4 %, 5 % des décès, et ce sera sans doute la même chose ici.

La variable que nous ne connaissons pas : Qu'est-ce que le retrait du facteur de fin de vie va solliciter comme nouvelle clientèle?

Qui sont les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir? Il y en a 7 000, au Québec, qui, depuis le début, ont reçu l'aide médicale à mourir. On penserait qu'à chaque année c'est un nouveau groupe qui se joint au peloton des gens qui reçoivent l'aide médicale à mourir, mais ce n'est pas le cas. C'est toujours la même chose. C'est un groupe de moyenne d'âge de 70 ans. Ils ont tous, presque, 60 ans et plus. Les trois quarts ont le cancer.

Le groupe le plus fréquent qui suit, c'est les maladies neurodégénératives. Et je ne parle pas de l'alzheimer ici, je parle de la sclérose en plaques, du parkinson, ce type de maladie. 10 % ou 11 % sont des maladies cardiopulmonaires. Et, chose étonnante, les gens demandent l'aide médicale à mourir quand ils sont vraiment en fin de vie. Pronostic vital, pour 75 %, 74 % d'eux, sur les 7 000, est de moins de trois mois. Alors, ils attendent vraiment en fin de vie.

• (12 heures) •

L'aide médicale à mourir est administrée en centre hospitalier mais de plus en plus à domicile, aussi en CHSLD et les maisons de soins palliatifs, s'ils sont ouverts récemment.

Regardez le cliché suivant, il est impressionnant, sur le temps où les gens viennent demander l'aide médicale à mourir. C'est le pronostic vital qui est montré ici : 14 % de demandes alors qu'il reste moins de deux semaines à vivre — des fois, c'est trois jours, quatre jours — 74 %, je disais tout à l'heure, c'est à moins de trois mois, et tous le demandent en moins de 18 mois. Mais il faut se rappeler que nous étions dans la contrainte du facteur de fin de vie, et les gens étaient nécessairement à courte échéance, c'est-à-dire dans les 12 ou 18 derniers mois de la vie. Mais les gens attendent tardivement pour demander l'aide médicale à mourir.

Parmi ceux qui demandent l'aide médicale à mourir, il y a une proportion très importante qui ne le reçoit pas. À notre premier rapport, c'était ce chiffre, et, à nos analyses récentes, c'est la même chose, sur 100 personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, les deux tiers vont l'avoir, un tiers ne l'aura pas. Et, parmi les deux tiers qui l'ont, pour avoir l'aide médicale à mourir, il faut que ces... 25 % de ces patients-là qui demandent l'aide médicale à mourir doivent refuser de prendre leur médicament ou le prendre partiellement et accepter de souffrir plutôt que de prendre leur analgésique, parce qu'ils ont peur de perdre la capacité de décider au moment de recevoir l'aide médicale à mourir.

Rappelez-vous, la loi fédérale, comme la loi québécoise, dit qu'au moment de recevoir l'aide médicale à mourir il faut dire oui, il faut être capable de consentir. Et ici nous allons... La commission demande aux parlementaires, dans une action non partisane, de régler ce problème, et ça ne peut probablement pas attendre la révision de la loi.

Parmi ceux qui ne reçoivent pas l'aide médicale à mourir, il y en a six sur 100 qui ont retiré leur demande. Il faut donc laisser du temps aux gens pour retirer leur demande. Il y en a 11 % qui sont venus tellement tardivement demander l'aide médicale à mourir qu'ils sont morts avant de recevoir l'aide médicale à mourir ou de l'évaluer. Le 13 %, sur ces 34 % qu'il reste, la moitié n'était pas en fin de vie. Ils ne rencontraient pas le critère. Cela est réglé par la disparition du critère de la fin de vie. Mais l'autre portion, ce sont des gens qui satisfaisaient les critères, qui ont demandé l'aide médicale à mourir, par exemple, le lundi, pour le lundi suivant, et qui, le vendredi, ont perdu... commencé à perdre leurs aptitudes, et ils n'ont pas pu recevoir, le lundi suivant, l'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce qu'ils n'étaient pas capables de consentir.

Ici, il y avait deux obstacles : l'obstacle fédéral, où il y avait le 10 jours de délai plus l'obligation, comme au Québec, de consentir au moment final. Le fédéral a retiré ces deux obstacles. C'est maintenant au Québec de le faire, et la commission demande aux parlementaires de trouver une solution rapide, pour ces souffrances qui sont évitables, avec un petit changement législatif ponctuel.

Est-ce que le retrait du facteur de fin de vie va changer beaucoup l'aide médicale à mourir, la même chose que C-7? En théorie, le retrait du facteur de fin de vie ouvre grand la porte à une nouvelle clientèle de demandeurs d'AMM. En réalité, il n'y en aura pas tant que ça, parce que le critère de maladie grave et incurable demeure. Il faut que ces patients-là soient en déclin avancé de leur maladie et déclin irréversible de leurs capacités et que les souffrances soient persistantes et inapaisables.

On a vu tout à l'heure, sur l'autre cliché, que les personnes attendaient le dernier jour ou presque pour demander l'aide médicale à mourir. Ceux qui font le parkinson, la sclérose en plaques vont continuer d'attendre le délai final pour recevoir l'aide médicale à mourir. Certains vont le demander de façon plus précocement, mais nous croyons que ce ne sera pas un très grand nombre.

Le cliché suivant montre l'inquiétude de la commission. Le critère de fin de vie est retiré. Des gens de maladies neurodégénératives vont venir plus rapidement qu'avant, mais arriveront les gens avec des polypathologies, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une maladie grave et incurable inscrite au registre des maladies, mais ils ont des conditions dont l'ensemble en fait une maladie grave et incurable. C'est aussi vrai et inquiétant pour les personnes âgées qui ont toutes certaines... qui ont souvent plusieurs petites pathologies.

La population est très demandeuse. On entend souvent : Le refus de boire et de manger conduit à l'aide médicale à mourir, la fatigue de vivre, la grande fatigabilité, le grand âge. Et les médecins sont compatissants avec leurs patients et voient ces demandeurs. Et il y a une grande prudence qu'on doit avoir ici. Ce ne sont pas des critères qui sont des critères de maladie grave et incurable, et il y a un risque de glissement vers la mort sur demande, que personne ne veut. Alors, ici, la loi prochaine devra prévoir suffisamment de mesures de sauvegarde pour qu'il n'y ait pas ce glissement vers la mort sur demande.

L'inaptitude et l'AMM pour l'agonie, j'en ai parlé tout à l'heure, celui qui va perdre sa capacité de décider, alors que sa date est fixée pour l'aide médicale à mourir, devrait... jusqu'à la fin. Et d'ailleurs le rapport des experts sur l'inaptitude avait déjà fait cette recommandation en 2019.

Là où c'est compliqué, vous en avez entendu parler ce matin, c'est les maladies neurocognitives, l'alzheimer. Ce n'est pas le rôle de la commission de définir les critères qui doivent apparaître dans la loi. Et M. Maclure et Mme Filion ont très bien élaboré sur ce sujet. Et la commission a déjà entendu en présence, il y a un an et plus, ces experts, et la commission souscrit à l'ensemble de leurs recommandations, que nous saluons.

Pour les troubles mentaux, c'est aussi très compliqué. À la demande de Mme McCann, à l'époque, nous avons interrogé les groupes aidants, des gens atteints de problèmes mentaux. Et on a produit un rapport à la ministre à l'époque, et le message est à peu près le même : Une extrême prudence pour admettre à l'AMM les patients avec des troubles mentaux, avec des... prendre le temps qu'il faut et s'assurer qu'il s'agit bien de gens qui n'ont pas d'espoir de guérison et que leur décision est bien mûrie.

Cependant, le travail des psychiatres... Et ce que racontait tout à l'heure Dre Gupta rencontre l'orientation de la commission, qui souscrit à cette analyse qu'ils en font et attend de voir les mesures particulières d'évaluation et de sauvegarde qui vont être nécessaires pour qu'il n'y ait pas de dérapage dans ce groupe à risque.

Enfin, je ne peux pas, comme pédiatre, ne pas vous rappeler ceci : Un adolescent de 15 ans qui fait le cancer et qui a une situation incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas, lui aussi, accès à l'aide médicale à mourir si ses douleurs sont inapaisables? Nous recommandons que ce sujet soit mis à l'étude par votre commission. Et je sais déjà que les groupes pédiatriques des quatre réseaux universitaires se penchent déjà sur cette question pour faire ses recommandations à l'automne.

• (12 h 10) •

Enfin, trois recommandations en rafale. La loi de fin de vie est une loi excellente. Elle a fait son travail pour les 7 000 Québécois et Québécoises qui ont reçu l'aide médicale à mourir. Mais c'était la partie facile. C'étaient des gens qui n'allaient pas vivre longtemps, les douleurs étaient là, ils étaient encore aptes à décider, les décisions médicales... le décours de la maladie est connu. Et il n'y a pas eu de glissement, et ce fut... et la commission a joué son rôle d'aller vérifier les cas qui étaient borderlines pour s'assurer qu'il n'y avait pas de dérapage. Et, enfin, au bout de six, sept ans de cette loi, on peut dire qu'elle a accompli ce qu'elle devait faire.

Cependant, un tas de petites choses méritent d'être redressées dans cette loi. Et je sais qu'on viendra à une révision de cette loi en profondeur. Il reste quand même, ce que je vous disais tout à l'heure, un point qui, d'après moi, d'après la commission, devrait être réglé rapidement, c'est le renoncement au consentement terminal pour ceux qui vont mourir de façon imminente.

Enfin, il faut s'adresser au public, et c'est la recommandation que nous faisons, et vous le faites déjà, et je sais que ça fait partie du plan. Le public est prêt à entendre une campagne d'information sur la sensibilisation sur les soins de fin de vie, dont les déclarations médicales anticipées, dont parlait M. Maclure tout à l'heure, qui ont besoin d'être connues de la population et utilisées.

Pour les médecins, ça devient compliqué et... très compliqué. Quand il y aura les inaptes et les problèmes de maladie mentale, un service-conseil pour les professionnels, médecins et infirmiers, si c'est le cas, sera nécessaire.

Et enfin, pour la population qui veut ces services mais ne sait pas toujours comment s'y adresser, dans les centres hospitaliers, avoir une ligne contact pour la population serait très utile.

Je termine ici en vous remerciant. Et nous sommes à votre disposition pour commentaires et questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Bureau. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai peu de temps. J'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations, celle que vous jugez urgente. Vous nous avez même invités explicitement à ne pas attendre, si j'ai bien compris, là, la fin des travaux de la commission pour procéder avec cette question-là, c'est-à-dire le fait de permettre la renonciation au consentement pour les gens qui risquent de perdre leur aptitude à consentir avant la date prévue pour l'aide médicale à mourir. Pourquoi, selon vous, est-il urgent de faire une modification législative là-dessus? Pourquoi procéder aussi rapidement? Je ne suis pas pour, je ne suis pas contre, hein, je veux juste vous entendre défendre cette idée-là plus en profondeur, nous expliquer votre réflexion là-dessus.

La commission s'est donné quand même des contraintes de temps assez sérieuses. Pour ce type de commission là, là, habituellement, ça prend... ça peut être un an, un an et demi. Là, on s'est donné des délais beaucoup plus rapides. Le gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi suite à ça, à un rythme assez rapide également. Donc, pourquoi faudrait-il, selon vous, accélérer encore davantage sur cette question spécifique?

M. Bureau (Michel A.) : Dr Lussier.

M. Lussier (David) : Oui. Merci. C'est vraiment... C'est une excellente question, puis il y a plusieurs raisons pourquoi. En fait, la loi fédérale, qui a été changée, maintenant, permet ce qu'on appelle le renoncement au consentement final, donc, c'est-à-dire que la personne dont la mort est raisonnablement prévisible peut prendre une entente avec le médecin pour dire que, si je perds mon aptitude avant de recevoir l'AMM, je pourrai quand même la recevoir.

Là, il y a des débats de juristes, là, je ne voudrais pas interpréter des lois, là, il y a des... mais le consensus semble être que la loi provinciale actuelle ne le permet pas. Ça, ça a vraiment plusieurs conséquences néfastes pour les patients, deux principales, je dirais. La principale, c'est qu'on voit souvent, souvent, nous, dans les formulaires, on le voit, tous les professionnels qui sont impliqués avec des patients qui demandent l'AMM, que les gens refusent les médicaments parce qu'ils ont peur de devenir somnolents, ils ont peur de devenir confus, ils ont peur de perdre leur aptitude et de ne pas pouvoir recevoir l'AMM. Donc, le fait de ne pas avoir accès au renoncement au consentement final, ça fait que les gens souffrent plus en attendant de recevoir l'AMM.

L'autre, c'est que des gens qui pourraient vouloir recevoir l'AMM dans trois, quatre semaines, parce qu'ils voudraient passer plus de temps de qualité avec leurs proches, le demandent maintenant. Donc, ils devancent leur AMM parce qu'ils ont peur de devenir inaptes, de perdre leur aptitude parce que les médicaments ou la maladie va les rendre confus. Donc, ça enlève du temps de qualité avec leurs proches. Donc, ça, c'est vraiment une avancée importante qui a été introduite par la loi fédérale. Puis, maintenant, le Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la seule province où ce n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.

M. Bureau (Michel A.) : J'ajouterais un autre groupe. Il y a des gens qui perdent le droit de recevoir l'AMM et qui sont en grande souffrance. Alors, parce qu'ils ne peuvent pas dire oui, ils doivent donc attendre leur mort avec leur souffrance que l'AMM était là pour abréger.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Une minute, M. le député.

M. Nadeau-Dubois : Il me reste une minute. J'aurais eu envie d'approfondir, mais mes collègues le feront. Quatre ans après l'application de la loi au Québec, pourquoi il y a encore autant de variations régionales, selon vous? Notamment, pourquoi, à Montréal, est-ce qu'on est encore autant sous le niveau du reste du Québec?

M. Bureau (Michel A.) : Dr Lussier est au coeur de Montréal.

M. Lussier (David) : C'est très, très, très difficile. On sait qu'à Montréal il y a des variations d'un quartier à l'autre aussi. Il y a plusieurs hypothèses socioculturelles, entre autres. Il y a des communautés socioculturelles pour lesquelles c'est moins dans les valeurs de demander l'AMM. Il y a peut-être des endroits où il y a des soins palliatifs qui sont plus présents. Mais tout ce qu'on peut faire, malheureusement, c'est des hypothèses.

Je crois que les quatre ans nous ont montré qu'il n'y a pas de barrière à l'AMM. Au début, on pensait qu'il y avait peut-être des poches de résistance idéologique à l'AMM chez les professionnels, mais ça ne semble pas être le cas. Donc, il n'y a pas vraiment de... C'est une question très, très, très importante et intéressante, mais je n'ai pas de réponse à vous donner à part des hypothèses.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup à vous deux pour votre présentation et pour votre travail de manière générale. Sur le point sur lequel vous avez beaucoup insisté, la question du consentement final, je pense qu'effectivement il y aurait de très grands débats juridiques que nous pourrions tenir ensemble avec beaucoup de passion aujourd'hui, mais malheureusement ce n'est pas dans notre mandat. Et je pense que c'est important juste de vous le préciser, notre mandat n'est pas un mandat de modification de la loi sur toutes sortes d'enjeux mais vraiment... pas de mise à jour, mais vraiment d'évolution sur ces deux grands enjeux là, donc, des maladies neurodégénératives du cerveau et des troubles mentaux. Ça fait que je voulais juste... Je sais, vous avez passé votre message, c'est parfait, on est là pour tout recevoir, mais moi, je veux vous ramener sur ça, parce que je sais que vous vous y êtes penchés, même si vous n'êtes pas là pour nous faire des recommandations spécifiques à cause du mandat de Mme McCann.

Et vous nous dites que vous adhérez aux recommandations, donc, du groupe de Mme Filion et M. Maclure. Donc, là-dessus, j'avais deux questions pour vous. Ils nous disent de ne pas recommander que ce soit exécutoire, la demande anticipée d'aide médicale à mourir, et j'ai un peu de mal à réconcilier ça. Évidemment, il n'y a jamais... Ce n'est pas un droit, l'aide médicale à mourir, c'est clair dans la loi, il faut que les critères soient rencontrés puis qu'il y ait un médecin qui accepte de le faire. Mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction d'enlever complètement un caractère exécutoire avec le principe d'autodétermination à la base?

Et l'autre élément, c'est : Comment on évalue la souffrance physique ou psychique de personnes qui ne peuvent plus, donc, s'exprimer?

M. Bureau (Michel A.) : Pour la première question, quand la commission, les commissaires, 11 commissaires ont rencontré M. Maclure et Mme Filion, on leur a posé cette question : Est-ce que ce n'est pas laisser au médecin le choix de décider plutôt que de la rendre exécutoire? Et la réponse qu'on a eue à l'époque, c'était : Peut-être qu'on aurait dû l'écrire autrement. Je les ai entendus ce matin et j'ai bien compris que leur position de prudence n'avait pas changé. Mais la commission, là-dessus, probablement, pencherait plus du côté de la rendre contraignante. Je ne sais pas si ça doit être exécutoire, mais contraignant.

Quant à la deuxième question, évaluer la souffrance, le Collège des médecins a statué que c'est le patient lui-même qui évalue la souffrance. Quand il n'est pas capable de l'exprimer, nous avons une barrière, et il doit y avoir un interprète. Et peut-être que David peut mieux qualifier cela que moi, puisqu'il voit cette clientèle. David?

• (12 h 20) •

M. Lussier (David) : Oui. Bien, c'est, encore là, vraiment deux excellentes questions. Peut-être que je me permettrais de compléter sur la première, sur le caractère contraignant ou exécutoire. Je crois que ça va beaucoup avec le changement qui peut s'opérer, même chez une personne démente. M. Maclure en a parlé ce matin. C'est très bien explicité dans leur rapport.

On a, à travers la vie, des valeurs qui changent. Notre personnalité se modifie. Donc, quelqu'un qui a un trouble neurocognitif, une maladie neurodégénérative, qui fait sa demande anticipée et qui, après ça, perd son aptitude parce que la maladie évolue peut avoir... peut aussi devenir moins souffrant. Donc, ça vient rejoindre votre autre question par rapport à ça. La maladie d'Alzheimer, entre autres, qui est très souffrante dans les premières phases, quand on est conscient de nos déficits, ça devient souvent moins souffrant pour la personne elle-même dans les phases suivantes. Donc, la personne qui avait de la difficulté à penser qu'elle ne pourrait pas faire telle ou telle activité, ses besoins, ses valeurs changent, et elle est heureuse avec un univers beaucoup plus restreint.

Donc, le rendre exécutoire, c'est comme un peu empêcher cette personne-là qui devient inapte, et dont la maladie évolue, de pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller un peu contre, justement, l'autodétermination. Parce que pourquoi quelqu'un qui perd l'aptitude à prendre des décisions ne pourrait pas prendre la décision de continuer à vivre si ses valeurs et ses besoins ont changé? Donc, nier à des personnes qui ont une maladie neurodégénérative le droit de changer de valeurs ou de décision, ça peut aller contre l'autodétermination. Donc, je pense que ça, ça va un peu contre le caractère exécutoire ou contraignant.

Pour le reste, pour la souffrance, c'est vraiment une question très, très, très difficile, parce qu'il faut faire la différence entre l'hétéroévaluation de la souffrance et l'autoévaluation. On ne peut pas faire l'autoévaluation quand une personne est vraiment très avancée dans sa démence. Ça rejoint un peu la souffrance existentielle dont il a été question ce matin. On voit beaucoup, beaucoup, nous-mêmes, chez les patients en fin de vie de maladies cancéreuses, de souffrances existentielles. Donc, est-ce que, pour moi, la vie actuelle, ma qualité de vie ne vaut plus la peine d'être vécue? Donc, ça, pour une personne avec une démence, ça pourrait aussi être la même chose, de dire... Puis c'est là où c'est important de décrire qu'est-ce que la souffrance représenterait pour soi dans le futur, donc, puis ça va nous aider à évaluer la souffrance dans le futur, parce que, sinon, on va y aller beaucoup avec de l'agressivité, de l'agitation, des pleurs, mais il y a des personnes qui peuvent être très souffrantes sans qu'il y ait ça.

Donc, c'est très complexe, mais je crois que les gens qui sont habitués de travailler avec ces gens-là peuvent le faire, d'où l'importance de laisser la place au jugement clinique des soignants dans ces cas-là.

Mme Hivon : Merci. Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Non. Désolée, Mme la députée.

Mme Hivon : Bon, merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je céderais la parole au député de Chomedey.

M. Ouellette : Pour deux petites minutes. Merci d'être là. Bonjour à vous deux. Moi, c'est la question des mineurs qui m'interpelle. Est-ce que vous nous suggérez, dans nos travaux, d'en tenir compte ou, je vous dirais, d'attendre? Parce que c'est relativement nouveau, c'est une question qui est en suspens. Il y a déjà des groupes pédiatriques qui s'y penchent et qui vont faire rapport au ministre. En quoi, en partant du moment où vous en faites une recommandation, on devrait, dans le cadre des travaux de la commission, tenir compte de tout l'aspect des mineurs?

M. Bureau (Michel A.) : Les initiatives pédiatriques de résoudre ce problème, c'est parce que ces médecins le vivent, mais ils ne le vivent pas à la même fréquence que la médecine des adultes. Le cancer terminal avec plein de souffrances est plus rare chez les enfants, qui font plus des maladies hématologiques, dont les souffrances sont moins aiguës ou plus apaisables.

Mais, pour être spécifique à votre question, les groupes qui travaillent là-dessus disent : On a besoin de guides, on va proposer quelque chose. Mais à qui ils doivent le proposer? Il me semble que, puisque la commission spéciale est déjà là, elle pourrait reconnaître que c'est un besoin et proposer que des travaux se fassent.

M. Ouellette : Je pense que ça répond à mon interrogation, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, messieurs. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Votre expertise va assurément ajouter à nos travaux. J'y allais, moi aussi, avec la même... peut-être pas la même question que mon collègue Guy Ouellette, mais en fait... Oui, vous suggérez, à la recommandation 8, qu'il y ait un groupe d'experts pour l'aide médicale à mourir pour les mineurs. Mme Gupta, la précédente intervenante, nous a dit que, selon elle, il y a un 14 ans et plus pour consentir aux soins au Québec, donc on pourrait peut-être amalgamer ces deux idées pour qu'ils consentent peut-être à avoir l'aide médicale à mourir.

Je pourrais peut-être prendre l'occasion pour vous expliquer que j'ai une petite fille de neuf ans. Elle est suivie en soins palliatifs pédiatriques à Sainte-Justine. Et puis je le sais, que c'est une demande des groupes aussi, parce qu'il y a des enfants, souvent, ils ont des maladies rares, des maladies orphelines, et, bien sûr, on ne sait pas s'il va y avoir un traitement à long terme, là, des maladies rares et orphelines. Mais, pour l'avoir vu, là, j'ai vu une petite cocotte, là, qui avait tellement de souffrances, il n'y avait aucun traitement qui pouvait la soulager, puis c'est vraiment des situations qui nécessitent de s'y attarder.

Ma question pour vous serait : Est-ce que vous le voyez, vous, sur terrain? Est-ce que vous sentez qu'il y a une grande demande? Bien, vous l'avez dit, qu'il y a beaucoup moins d'enfants qui seraient touchés, mais est-ce que vous sentez cette volonté-là, là, du terrain pour changer?

M. Bureau (Michel A.) : Pour avoir pratiqué les soins intensifs des enfants dans ma vie et d'avoir vu nombre de nouveau-nés qui naissent avec des problèmes incompatibles avec la vie, l'aide médicale à mourir apparaît tout de suite comme étant... peut-être sous une forme différente, mais un besoin pour apaiser les souffrances de ces enfants. Et les pédiatres, de leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va devoir s'adresser à cette question. Le seul gouvernement qui l'a fait, ce sont les Pays-Bas, où il y a des dispositions pour s'adresser au très jeune âge.

Quant aux 14 à 17 ans, j'avais compris, de notre juriste de la commission, que ce n'est pas... Bien qu'ils ont le droit de refuser, ils ont certains droits concernant leur propre santé, ils ne seraient pas couverts, ai-je compris, par cette fenêtre de 14 à 17 ans. Mais je ne peux pas répondre à votre question.

Mme Picard : Merci. Et puis, par rapport peut-être aux maladies orphelines, on sait qu'il y en a beaucoup, là, qui... des maladies qui n'ont nécessairement pas de nom ou bien pas de diagnostic précis. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour nos travaux? Peut-être que vous avez aussi entendu, sur le terrain, des suggestions.

M. Bureau (Michel A.) : Avant que l'aide médicale à mourir arrive, il y a une décade, les médecins trouvaient des solutions de compassion pour aider leurs patients à franchir cette dernière étape de la vie. Les pédiatres en sont là, un peu coincés par la difficulté de la question et puis l'absence d'historique législatif. Partout dans le monde, c'est le même problème. Puis ces enfants-là sont en assez grand nombre, là, ceux dont vous décrivez.

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée de Soulanges. Je vais me permettre une question, Dr Bureau. Vous disiez tout à l'heure que la loi du Québec n'inclut pas les handicapés, et que vous suggériez peut-être de l'ajouter. Quels critères il faudrait ajouter pour des mécanismes de sécurité ou... si jamais on venait qu'à ajouter cette population-là?

• (12 h 30) •

M. Bureau (Michel A.) : Je suis content que vous posiez cette question parce que... Je croyais que le gouvernement fédéral, ayant permis aux personnes handicapées d'avoir l'aide médicale à mourir... qu'il y avait une vaste expérience canadienne sur le sujet. Alors, j'ai été voir le coroner de l'Ontario, la plus grande province en nombre, et il a dit : On n'a presque pas de demandes. Pourquoi? Parce qu'elles sont bloquées par le critère de fin de vie. Les gens qui ont de grands handicaps, comme M. Truchon, ne sont pas nécessairement en fin de vie. Et M. Truchon a dû passer par la cour pour obtenir l'aide médicale à mourir.

Et vous avez raison de soulever cette question. Et j'en parlais avec un sous-ministre récemment, où... de la Santé, où nous disions qu'il fallait à tout prix ne pas juste ajouter les handicapés à la maladie grave et incurable mais déjà travailler sur les critères où ce serait admissible. Et c'est presque aussi complexe que ce qui concerne les patients admissibles en santé mentale. Un quadriplégique de 19 ans, d'un accident de ski, le lendemain, il veut mourir, mais, cinq ans après, il a peut-être trouvé un sens à sa vie. Alors, c'est un sujet très complexe et qui ne peut pas être inclus sans une kyrielle de précautions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Et est-ce qu'il y a un laps de temps qu'on devrait prendre en compte à ce moment-là?

M. Bureau (Michel A.) : Sûrement. Mais j'ai projeté, tout à l'heure, un cliché, le médecin et son patient. Les médecins ne vont jamais répondre à une demande d'un quadriplégique post-traumatique dans les semaines qui vont suivre, ou dans les mois, ou même dans les premières années. Il y a, là, une richesse d'accompagnement, et les médecins sont conscients que le temps, ici, est absolument nécessaire. Et, si vous me demandiez un chiffre, j'aurais du mal à vous dire, mais il s'agit d'années, il ne s'agit pas de mois.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux, Dr Bureau et Dr Lussier. Je reviendrais sur, peut-être... dans la question de la députée de Joliette. Moi, j'aimerais savoir... Parce qu'on parle de douleur. C'est plus facile à évaluer, une douleur physique, mais, quand on parle de souffrance, parce que, là, c'est... La souffrance et la douleur, il y a une différence. Comment que c'est... Croyez-vous que c'est possible de mesurer objectivement la souffrance? Parce qu'on s'entend qu'on parle de l'aide médicale à mourir puis que, là, c'est... On ouvre différentes portes, soit à la santé mentale, par rapport... les gens qui ont des problèmes de santé mentale, les problèmes de handicap, d'inaptitude. Donc, j'aimerais ça, si c'est... si vous avez une opinion là-dessus...

M. Bureau (Michel A.) : Dr Lussier.

M. Lussier (David) : Oui. Je suis content que vous posiez la question. Merci. C'est vraiment une excellente question. Puis ça a fait beaucoup... Ça a créé des problèmes un peu au début de l'AMM, dans la première année, où les médecins refusaient d'administrer des AMM à des patients en disant : Vous n'êtes pas assez souffrant.

Ça a été clarifié assez rapidement, entre autres, par Dre Gupta, par le Collège des médecins, en disant que la souffrance est subjective. Donc, si le patient me dit qu'il est souffrant, il est souffrant. La souffrance est une autoévaluation. On ne peut pas évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, comme on ne peut pas non plus évaluer la douleur physique de quelqu'un d'autre. Donc, c'est vraiment le... une expérience subjective, la souffrance, encore plus que la douleur, d'où la difficulté. Quand on a affaire à des patients, à des personnes qui ont un trouble cognitif, qui ne peuvent pas décrire eux-mêmes leur propre souffrance, ça devient beaucoup, beaucoup plus difficile.

Donc, c'est pour ça qu'il faut se baser sur ce qui a été fait avant, sur la souffrance que ces gens-là auraient pu percevoir comme étant souffrante quand leur état se dégraderait. Parce qu'on ne peut pas évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre. Ça, c'est impossible. La souffrance, c'est une expérience subjective.

Mme Hébert : Parfait. Puis c'est vraiment... C'est vraiment quelque chose qui me... Tantôt, quand vous avez parlé de rester très prudents pour le dérapage, par rapport au dérapage, moi, j'ai beaucoup de... j'ai une sensibilité, les personnes qui sont vulnérables. Donc, quelles mesures qui devraient être mises en place pour protéger les personnes qui sont plus vulnérables? Parce que c'est là que je vois que peut-être qu'il y a un angle que... qu'il pourrait y avoir un certain dérapage. Donc, comme celles qui présentent des déficiences intellectuelles, est-ce que vous avez des mesures, vous avez déjà réfléchi à des mesures qui devraient être mises en place?

M. Bureau (Michel A.) : Encore là, c'est entre le médecin, sa déontologie, sa compréhension de la situation clinique et la prudence qu'il doit avoir. Vous dites sans le dire : Les médecins n'ont pas tous la même pensée, il y a un certain libéralisme pour certains, un conservatisme pour d'autres. Ceux qui ont créé la loi ont dit : Au départ, ça prend quelqu'un pour veiller à ça.

Et la commission a été créée, pas au plaisir des médecins, parce que, la commission, quand elle voit une déclaration d'aide médicale à mourir qui a une zone de flou, un des commissaires-médecins appelle le médecin, lui dit : Qu'est-ce que c'est, on ne comprend pas, pouvez-vous nous expliquer? Puis c'est un certain... une certaine balise, qui se fait de médecin à médecin ou de praticien à praticien, qui invite à la grande prudence. Alors, si vous demandez aux médecins s'ils sont contents de voir la commission regarder par-dessus leur épaule, vous allez avoir toutes sortes de réponses. Je ne vois pas d'autre mécanisme qu'une veille très importante, cas par cas.

Mme Hébert : Merci.

M. Lussier (David) : Si je peux me permettre d'ajouter rapidement, ce qui est important, c'est le délai, actuellement, pour s'assurer que la personne puisse avoir l'évaluation nécessaire puis qu'elle puisse recevoir les soins et services. Moi, j'ai été très marqué dans ma pratique par des patients qui m'ont dit : J'ai fait une demande d'aide médicale à mourir il y a trois, quatre ans, ça a été refusé parce que je n'étais pas en fin de vie, mais maintenant je suis très content que ça ait été refusé, parce que ma douleur a été mieux soulagée, ma dépression a été mieux soulagée, a été mieux traitée, et maintenant je suis heureux de vivre.

Donc, ce qu'il faut faire, c'est ça, c'est s'assurer que le patient ait eu accès aux meilleurs soins possible, et ça, c'est s'assurer qu'on ait une période d'évaluation, qu'on ait une période de traitement, pour s'assurer que c'est vraiment une demande constante et qui n'est pas le fait d'un découragement passager ou d'un non-accès, là, aux soins optimaux pour sa condition.

Mme Hébert : Parfait.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je vais me permettre, chers collègues, vous avez dit, en entrée de jeu, Dr Bureau, que le rôle de la commission, ce n'était pas de définir les critères. Vous verriez qui pour définir les critères? Qui pourrait être... s'adjoindre, là, pour nous aider à ce niveau-là?

M. Bureau (Michel A.) : Bien, vous avez entendu ce matin les experts, des experts, qui étaient le groupe Maclure-Filion. Ils ont travaillé avec les plus grands experts du Québec, qui ont scruté les connaissances internationales, et ils ont donné des avis que la commission a reçus avec admiration. Et c'était la justesse de leurs recommandations. C'est eux, les experts.

En santé mentale, les professionnels de santé mentale, dont Dre Gupta faisait état ce matin, vont donner des balises, et ça reste, à la fin, la décision entre le médecin et son patient, d'appliquer ces balises.

Et les médecins qui font ça ont développé un savoir-faire. Ils ont une expertise. Ils font un travail extraordinaire, je dois dire. Ils mettent à risque leur... Certains disent : On a peur de se faire poursuivre. Ils mettent à risque... Ils prennent certains risques, parce qu'ils opèrent dans une zone d'une confusion relative. Mais, en bout de piste, on est capables de dire que les systèmes marchent bien. Il a bien fonctionné pour les 7 000 AMM. C'est vrai que c'était dans une zone où la mort était prévisible. C'était plus facile. Nous entrons dans une zone de turbulences, je dois dire, mais j'ai bien confiance qu'on trouve, avec les guides que vous allez mettre dans la loi, qu'on... que son applicabilité soit juste. Ça va demander plus de veille, je crois. David?

M. Lussier (David) : Non, je n'ai rien à ajouter.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Peut-être une dernière question rapidement. Vous avez parlé d'une campagne d'information. Qu'est-ce qu'on pourrait mettre dans cette campagne d'information là si... pour la suite des choses?

M. Bureau (Michel A.) : Bien, vous avez demandé ce matin, à M. Maclure, pourquoi les gens qui ont une hémorragie cérébrale puis qui deviennent... qui perdent toutes leurs capacités de décider... pourquoi ils ne peuvent pas avoir l'aide médicale à mourir, et sa réponse, ça a été : Les dispositifs législatifs sont là, puis la population ne connaît pas.

Les dispositifs législatifs, c'est la déclaration médicale anticipée. Chaque fois qu'on me pose cette question-là... Je demande aux gens qui sont en ligne : Combien, de vous, l'avez remplie, votre déclaration médicale anticipée? Si vous devenez incapable de décider pour vous-même, voulez-vous qu'on vous garde à vie sur respirateur? Alors, ces déclarations médicales anticipées doivent être connues du public et doivent être utilisées. Ça, c'est une mesure qu'une campagne publique pourrait viser.

L'autre, c'est... Vous avez vu ce matin, je vous décrivais les gens qui attendent quasiment de mourir pour demander l'aide médicale à mourir. C'est probablement par méconnaissance et... méconnaissance du public mais aussi méconnaissance de nombreux professionnels de la santé. Alors, vous ne manqueriez pas de cibles dans une campagne publique.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Bureau.

M. Bureau (Michel A.) : Bonjour.

Mme Montpetit : Bonjour, Dr Lussier. Merci. Merci pour tout le travail que vous faites. Merci pour votre présentation aussi.

Moi, je vous le dis d'entrée de jeu, j'ai été assez bouleversée par le... Puis je comprends que vous le portiez à notre attention, là, sur l'élément, justement, qu'il y ait des gens qui anticipent, en fait, leur... bon, je ne sais pas si c'est «anticipent», mais font leur demande d'aide médicale à mourir plus tôt, justement, de peur de ne plus être aptes pour le faire, ou refusent la médication, ou, en tout cas, qu'il y ait une forme de souffrance qui est là, due à comment ça fonctionne. Moi, ça me bouleverse beaucoup d'apprendre ça, puis je vous remercie quand même de le porter à notre attention.

J'aurais aimé vous... J'aimerais vous donner l'occasion de nous parler, puis, je ne sais pas, peut-être, ça va s'adresser à Dr Lussier comme gériatre, mais de nous parler davantage des stades, en fait, des maladies neurocognitives. Tu sais, on parle beaucoup de l'alzheimer. Donc, déjà, j'aimerais ça que vous puissiez identifier à quels autres types de maladie on fait référence quand on parle de maladies neurocognitives, et qu'après ça... Est-ce que, dans le fond, c'est des... Je sais que c'est très complexe, toutes les questions de démence, mais est-ce que c'est des stades, justement, qui sont, somme toute, relativement uniformes? Est-ce que c'est très variable? Justement, de quoi on parle, en fait, et à quoi on doit faire... on doit s'attendre, justement, quand on aborde ces questions-là?

M. Lussier (David) : Oui. Merci pour la question. C'est... Vous allez avoir plus tard, je crois, Dr Serge Gauthier, qui est vraiment l'expert, le grand expert québécois, là, ou un des grands experts québécois en maladie d'Alzheimer.

On parle souvent des stades de Reisberg, qui est celui qui est le... qui fait le sept stades qui a été fait pour la maladie d'Alzheimer, mais qu'on utilise un peu pour tous les types de démence. Il faut savoir que nous, on est au stade 1 de l'échelle de Reisberg puis... parce que c'est la personne normale, puis après ça on va évoluer. La personne qui est au stade 5 commence à avoir des difficultés de fonctionnement, la personne qui est au stade 6 a plus de difficultés puis la personne qui est au stade 7 est grabataire puis dit quelques mots par jour seulement.

Donc, la difficulté, c'est de savoir qu'est-ce qui représente un déclin avancé et irréversible. Ça, c'est une question qui va se poser plus tard, quand on va avoir... si on a des demandes anticipées pour l'AMM. Elle se pose déjà, maintenant que le critère de fin de vie a été enlevé. Parce que quelqu'un qui a une démence, ce qu'on appelle un trouble neurocognitif majeur maintenant, qui est une maladie grave et incurable, peut faire sa demande maintenant. Il répond aux critères. Il n'a pas besoin d'être en fin de vie, donc, il est encore apte. Donc, on a déjà un nombre assez important, je vous dirais, de personnes dans ces conditions-là qui font des demandes.

Donc, maintenant, il faut définir qu'est-ce que c'est, le déclin avancé et irréversible des fonctions cognitives et de la capacité physique. Donc, on est dans... probablement dans les stades 5 ou 6, là, de Reisberg, sur l'échelle de sept. Le problème, c'est qu'on ne sait jamais comment les maladies vont évaluer... évoluer. La maladie d'Alzheimer évolue avec un déclin progressif, mais il y a des gens qui vont rester stables pendant des années et des années et qui vont se détériorer beaucoup suite à un événement aigu comme une fracture de hanche, alors que d'autres types de démence vont être très, très stables pendant encore plus longtemps et sans détérioration graduelle. Donc, c'est très, très, très difficile de prévoir comment une maladie va évoluer.

Mme Montpetit : Puis, je pense, c'est Dr BureauV, vous avez fait référence, tout à l'heure, à la... à l'importance aussi de faire... ou Dr Lussier, pardon, là, mais de faire... de porter attention, dans le fond, et de faire confiance au jugement du clinicien, justement, pour l'évaluation de la qualité de vie, pour l'évaluation de la souffrance. Comment, vous, justement, comme commission, ça vous permettrait... Là, là, je parle toujours de la question des maladies neurocognitives. Si cette évaluation-là de souffrance ou de qualité de vie, elle est faite, justement, par le clinicien, comment ça vous permet d'avoir un deuxième regard, comme commission, dans ces cas-là précis?

M. Bureau (Michel A.) : David?

M. Lussier (David) : Oui. Je ne suis pas certain de très bien comprendre votre question. Vous voulez dire que... Si on se fie au jugement clinique, comment nous, on peut aussi évaluer?

Mme Montpetit : Oui, oui, exactement.

M. Lussier (David) : Bien, encore là, c'est de voir est-ce que le jugement clinique du... qui a été fait par le médecin est conforme aux critères de la loi. Nous, c'est important de le dire, qu'on n'évalue pas du tout, du tout l'acte médical. On n'a pas la compétence pour évaluer l'acte médical, ce qui revient au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, les établissements et au Collège des médecins. Nous, on évalue la conformité à la loi. Donc, si le médecin nous dit que, selon son évaluation, le patient a un déclin avancé et irréversible, on va se fier à son évaluation clinique. Maintenant, on peut avoir aussi un jugement sur ce qu'est un déclin avancé et irréversible.

Nous, il faut dire aussi qu'on survient toujours après. Bon, je crois que c'est clair pour la plupart des gens, mais peut-être pas pour toute la population, qu'on ne donne pas une conformité avant l'AMM. On arrive après que ça a été fait.

Mme Montpetit : Puis, dans le cas, justement, d'avancé et irréversible, puis là, vraiment, je sais que je vais un petit peu plus loin que le rôle que vous jouez présentement, là, mais c'est un peu l'objectif aussi, de voir comment, sur les questions d'inaptitude, ça pourrait se mettre en place, dans le fond, est-ce que... Puis là je vous demandais, c'est ça, par rapport aux maladies neurocognitives, où vous m'aviez expliqué, bon, l'échelle pour l'alzheimer... Mais est-ce que, pour l'ensemble des maladies neurocognitives, c'est très clair cliniquement ou c'est assez clair cliniquement, quand on arrive à un stade avancé et irréversible? Est-ce que le jugement clinique, il est uniforme sur ces questions-là ou, justement, il y a un niveau de complexité aussi?

M. Lussier (David) : Non. Le jugement clinique est assez uniforme. On utilise les... à peu près les mêmes stades. Il y a d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé, mais, peu importe la cause de la démence ou du trouble cognitif, on a le... une évaluation qui est semblable, puis le jugement clinique est suffisant. La difficulté, c'est qu'on ne peut pas prédire ce qui va se produire. Mais, pour évaluer ce qui est là maintenant, c'est à peu près semblable pour tout. Il faut seulement s'entendre, comme société, probablement, sur... savoir qu'est-ce qui est un déclin avancé et irréversible de quelqu'un qui a une démence.

M. Bureau (Michel A.) : Mais, pour les personnes qui ont une maladie non pas neurocognitive, mais neurodégénérative, comme une personne qui fait la sclérose en plaques, il y a des étapes de déclin. Mais nous avions, récemment, une patiente qui... dont le médecin faisait la déclaration, quand elle a passé du stade où elle n'était plus ambulatoire et elle s'en allait en chaise roulante, c'était trop pour elle. Elle voulait l'aide médicale à mourir. Alors, il y a des étapes, il y a des déclins qui sont assez stéréotypés et que les médecins reconnaissent facilement, et les patients surtout.

Mme Montpetit : Parfait. Je vous remercie. Mme la Présidente, il y a mon collègue de D'Arcy-McGee qui a une question. Merci beaucoup à vous deux.

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui. Je vais avoir besoin du consentement pour... parce qu'on a commencé un petit peu en retard, là, donc, pour prolonger la séance d'environ trois minutes. Donc, est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Guillemette) : Consentement. Donc, député de D'Arcy-McGee, je vous cède la parole.

• (12 h 50) •

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Bureau et Dr Lussier, pour vos interventions tellement importantes et votre expertise continue qui va nous aider dans nos réflexions. Compte tenu de cette expertise, je veux vous inviter à offrir vos commentaires sur l'étendue de la demande anticipée d'aide médicale à mourir.

Le groupe d'experts, ce matin, nous a invités de circonscrire cette demande, et c'est fort... et il y a de bonnes raisons, peut-être, pour faire... aux gens devant un diagnostic. Nous avons un devoir de pédagogie aussi, de sensibilisation du public. Et il y a la possibilité qu'il y a un grand pourcentage du public qui aimerait avoir accès à cette demande, qui... on est... qui n'est pas censée d'être exécutoire, c'est-à-dire qu'il y aurait d'autres étapes. Est-ce que vous partagez les conseils qu'on aurait eus, de circonscrire nos travaux, notre travail et de limiter l'accès à cette demande uniquement aux gens qui sont devant un diagnostic sérieux tel que décrit?

M. Bureau (Michel A.) : David?

M. Lussier (David) : Oui. Moi... C'est très bien expliqué aussi, dans le rapport, que la perspective qu'on a face à une maladie, face à notre futur va changer au moment d'un diagnostic. C'est vrai pour les maladies neurocognitives, ce serait vrai pour d'autres maladies aussi. Là, on parle des maladies neurocognitives. Donc, c'est très difficile, pour quelqu'un qui s'imagine avoir un diagnostic de maladie neurocognitive, savoir comment il va réagir quand ça va arriver. Et notre évaluation... Les études ont montré que notre évaluation qu'on fait avant d'avoir le diagnostic va souvent changer après avoir eu le diagnostic. Donc, on va pouvoir être prêts, souvent, à accepter plus de pertes de fonctions, probablement, après avoir eu le diagnostic.

Donc, c'est pour ça que c'est important, et c'est très bien expliqué, encore là, par le rapport d'experts, d'attendre d'avoir le diagnostic pour être certains, finalement, de protéger. C'est une mesure de protection, finalement, pour ne pas que la personne prenne une décision qu'elle n'aurait pas prise sinon.

M. Birnbaum : Et, si je peux poursuivre, compte tenu que la recommandation, c'est que ce ne soit pas exécutoire et qu'évidemment les circonstances devraient être assez sérieuses et graves en termes de souffrance, et de qualité de vie, et attentes de vie, ça ne devrait pas, ces conditions-là, ces contraintes-là, nous inviter à aller un petit peu plus loin?

M. Bureau (Michel A.) : J'ai regardé, avant cette commission, quelles étaient les statistiques des Hollandais, qui permettent la déclaration médicale anticipée, et j'étais très étonné du très petit nombre de gens qui, finalement, sont admissibles. Et je me disais : Est-ce que leurs règles sont trop contraignantes dans l'admissibilité? Et ça se pose pour nous aussi.

M. Birnbaum : Mme la Présidente, il me reste...

La Présidente (Mme Guillemette) : 40 secondes, M. le député.

M. Birnbaum : 40 secondes. Juste bien vite. Vous nous avez offert un portrait très clair de ce qui se passe jusqu'à date. Êtes-vous satisfaits, advenant une demande plus importante fort possible, qu'en région, spécifiquement et particulièrement, l'accès au soin médical à mourir peut être au rendez-vous s'il y a une demande...

M. Bureau (Michel A.) : Je dirais que oui. Nous sommes aujourd'hui à un chiffre d'à peu près 1 000 médecins qui s'impliquent. Au début, il y en avait 50, 60, 100. Maintenant, les médecins voient là un exercice de la médecine d'un très haut niveau. Ce n'est plus un fardeau. C'est devenu quelque chose de très spécial de la médecine, et ce ne sont pas tous les médecins qui vont pouvoir faire ça. Ça prend du monde comme Dr Lussier.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup. Merci, Dr Bureau, Dr Lussier, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Donc, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux quelques instants et se réunira en séance de travail. Donc, ceci met fin à la séance pour aujourd'hui. Et je vous invite à raccrocher pour mettre fin à la visioconférence. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 12 h 54)

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