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Commission spéciale sur le problème de
la liberté de presse
Vente du Soleil
Séance du mardi 29 janvier 1974
(Quinze heures douze minutes)
M. SEGUIN (président de la commission spéciale sur le
problème de la liberté de presse): A l'ordre, messieurs!
Voici, pour les besoins de la séance, les membres de la
commission, c'est-à-dire les membres attitrés, advenant le cas
d'un vote: MM. Bacon (Trois-Rivières), Bonnier (Taschereau), Bourassa
(Mercier), Carpentier (Laviolette), Giasson (Montmagny-L'Islet), Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Leduc (Taillon), Lachance (Mille-Isles), Veilleux
(Saint-Jean), Charron (Saint-Jacques), Burns (Maisonneuve), Bédard
(Chicoutimi), Lessard (Saguenay)... Est-ce que je pourrais obtenir le nom du
représentant du Parti créditiste?
M. BOURASSA: Le défenseur de l'entreprise privée.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est M. Samson? Parce que j'ai M. Roy,
je ne l'ai pas mentionné. Alors, c'est M. Samson.
M. BOURASSA: Les frères siamois.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous comprendrez, si l'on veut
épuiser les ressources parlementaires de votre parti, vous avez droit
à deux représentants. Il y en a un, mais vous avez droit à
deux. Ce sera deux.
M. SAMSON: J'en ai un pour le moment, l'autre viendra
peut-être.
M. BOURASSA: Pour les $50.
M.SAMSON: M. Bourassa, les $50, vous allez en avoir besoin plus que
nous.
M. BOURASSA: Le défenseur de l'entreprise privée.
M. SAMSON: C'est ce qu'on va voir, aujourd'hui, où ils sont.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je voulais aussi, si possible, obtenir
le consentement de la commission pour que tout député ici
présent ou qui pourrait venir par la suite ait un droit de parole. Je ne
parle pas du droit de vote mais qu'il ait le droit de parole.
Autrement dit, si quelqu'un a une question à poser, le fait qu'il
soit député de l'Assemblée nationale, si vous êtes
consentants, on accepterait que tous et chacun aient le même droit.
M. BURNS: M. le Président, nous sommes entièrement
d'accord sur cette suggestion. Nous aimerions que vous la gardiez longtemps
parce qu'à plusieurs reprises nous l'avons faite cette suggestion. Quand
ça fait l'affaire du gouvernement, vous l'acceptez pas vous, M.
le Président, je parle au premier ministre vous le
suggérez même, mais quand cela ne fait pas votre affaire, vous
l'empêchez. Je vous rappelle tout simplement la loi que nous avons
adoptée il y a quelque temps, pour augmenter le salaire des juges... M.
le Président, tout cela pour vous dire que nous sommes
entièrement d'accord, nous le serons toujours, que quelque
député que ce soit ait le droit de parole, membre ou pas membre
de cette commission. Qu'il n'ait pas le droit de vote, c'est bien normal.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous comprendrez, messieurs, que chaque
fois que j'ai l'honneur de présider une commission parlementaire, je me
suis toujours fait un devoir, dès le début, d'essayer d'obtenir
ce consentement, qui n'a pas toujours été donné par
chacun, pour permettre cela. Je pense que c'est normal. Passons...
M. BURNS : On vous citera, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est cela. C'est déjà
enregistré d'ailleurs. Je demanderais tout de suite, avant de
démarrer, que le premier ministre; s'il a des commentaires à
faire, puisse s'exprimer.
Remarques préliminaires
M. BOURASSA: M. le Président, simplement pour vous situer la
convocation de cette commission, la transaction a eu lieu, je crois, il y a une
quinzaine de jours. A cause de la conférence
fédérale-provinciale, je n'ai pas pu convoquer la commission
avant. Je n'ai pas à mettre en relief les résultats de la
conférence fédérale-provinciale. Ils sont connus de la
population et de nos collègues. Est-ce qu'on veut que je parle sur les
résultats de la conférence
fédérale-provinciale?
M. BURNS: Oui.
M. SAMSON: M. le Président, sur un point de règlement, on
serait d'accord.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!
M. BOURASSA: On aura l'occasion d'en discuter. La vente du Soleil fait
l'objet de la réunion de cette commission parlementaire. Lorsque cette
possibilité de vente a été évoquée au
début de septembre, je crois, ou à la mi-septembre, nous nous
sommes entendus,
entre les parties, pour établir un moratoire de trois mois afin
de trouver une solution de rechange à la vente du Soleil à Power
Corporation, qui aurait accéléré les
phénomènes de concentration de la presse au Québec.
Même s'il faut admettre qu'en pratique il y a une liberté de
presse, au Québec, qui est illimitée et qui probablement existe
ici plus que partout ailleurs dans le monde, il reste qu'en théorie, et
avec les risques que cela pouvait comporter à moyen terme ou à
long terme, il était légitime que le gouvernement
s'intéresse à cette transaction de manière à ne pas
accélérer cette concentration de la presse dont je parlais
tantôt.
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux interrompre le
premier ministre immédiatement, avant qu'il aille plus loin? Je pense
que déjà dans ce qu'il a énoncé il y a
matière à discussion ou tout du moins, de sa part, matière
à précision. Je ne voudrais pas qu'il aille plus loin dans
l'historique de la participation ou de la non-participation du gouvernement
dans ce débat sans que, immédiatement, il nous précise
parce que c'est sa décision à lui, la convocation de cette
commission le mandat que nous avons, cet après-midi, et pour les
séances qui vont suivre. Il a dit, dans ses premières paroles: La
vente a eu lieu il y a maintenant deux semaines. Je veux savoir si la vente a
eu lieu, selon l'avis du premier ministre? Si la vente a eu lieu, quel est donc
le rôle exact que nous avons cet après-midi? Est-ce que le
gouvernement a ratifié cette vente et n'a convoqué la commission
parlementaire que pour nous en informer? Ou, par contre, est-ce à la
suite des séances et des lumières que nous espérons
obtenir de la commission parlementaire que le gouvernement aura à se
prononcer et à prendre une décision quant au projet de vente,
à notre avis, du quotidien Le Soleil à UniMédia?
M. BOURASSA: Le député devrait savoir que si le
gouvernement ou la commission parlementaire décide que la vente n'est
pas légale ou que la vente ne répond pas à une situation
désirable, le gouvernement a toujours le loisir de faire adopter les
lois nécessaires. Je pense que, de ce côté, la question est
plus ou moins pertinente au débat. C'est évidemment plus
compliqué si la vente a été complétée, mais
il reste que le gouvernement a toujours le pouvoir d'agir.
M. CHARRON: J'attends une réponse encore plus claire que
celle-là. Si la commission parlementaire faisait la lumière au
point que nous soyons d'avis, à la fin des travaux de la commission,
qu'il n'est pas d'intérêt public que cette vente du Soleil se
fasse à UniMédia, le gouvernement ne se trouve lié
d'aucune façon, n'a donné son appui ou son accord d'aucune
façon et, à ce moment, il pourrait donc intervenir pour inviter
les parties à détruire le contrat de vente, d'une certaine
façon, par les pouvoirs qu'il a.
M. BOURASSA: Je réfère le député au
communiqué que j'ai émis, je crois, à la fin de septembre
où j'avais dit que, s'il y avait des transactions, le gouvernement se
réserve toujours le droit d'intervenir. Je ne sais pas qui a
préparé le dossier du député, mais je peux lui
envoyer une copie du communiqué que j'ai émis à ce moment.
"Le premier ministre a indiqué qu'il n'hésiterait pas à
procéder à une intervention législative si cette
suspension n'était pas respectée."
M. CHARRON: Ce que je vous demande, M. le premier ministre,
immédiatement, est ceci: En sachant que vous n'hésiteriez pas
à intervenir si vous pensiez qu'il n'est pas d'intérêt
public que cette transaction ait lieu, votre opinion est-elle formée ou
ne le sera-t-elle qu'à la fin des travaux de la commission?
M. BOURASSA: Poser la question, c'est y répondre. On va entendre
les parties, elles vont soumettre des documents ou des renseignements aux
membres de la commission parlementaire.
M. CHARRON: Avez-vous approuvé, entériné le contrat
de vente que vous avez rappelé, déjà signé il y a
quelques semaines?
M. BOURASSA: Je ne veux pas dire que le député pose des
questions ridicules, mais il y a quand même une liberté de
commerce qui existe au Québec. On ne m'a pas soumis les documents en
question. Je n'ai pas fait l'analyse juridique des documents en question. C'est
précisément pour connaître les faits que nous sommes ici
cet après-midi.
M. CHARRON: Est-ce que la commission est assurée au début
de ses travaux qu'elle ne siège pas simplement pour estampiller une
chose qui s'est déjà produite à l'extérieur des
murs de l'Assemblée nationale et qui, de toute façon, n'est qu'un
dépôt public, d'une manière qu'on verra au cours des
travaux de la commission, d'une transaction déjà acquise?
Est-ce que c'est plutôt le gouvernement, comme le premier ministre
l'a répété lui-même le soir de l'élection,
qui a augmenté dans son esprit l'intérêt et le respect
qu'il a pour les commissions parlementaires et qu'il attend l'avis de la
commission parlementaire avant de reconduire ou non la transaction qui a eu
lieu? Cette question, je pourrais la poser d'une autre façon: Est-ce que
le moratoire interdisant la transaction du Soleil à qui que ce soit est
encore en vigueur au moment où les travaux de la commission
parlementaire commencent?
M. BOURASSA: M. le Président, il faudrait
être très clair. D'abord, il n'y a rien d'illégal,
même si le Soleil avait été vendu à Power
Corporation, il n'y aurait pas eu de crime. Il faut quand même être
très clair. Je veux dire, on peut...
M. BURNS: Un crime social, peut-être.
M. BOURASSA: Crime social, la liberté de presse, cela existe. Je
peux référer le député de Maisonneuve aux articles
parus dans les journaux de Power Corporation. Je comprends que son ami de la
CSN se rapproche de Power Corporation sur la question de l'indexation.
M. BURNS: Vous connaissez la loi fédérale sur les
coalitions.
M. BOURASSA: Oui.
M. BURNS: Vous avez entendu parler de cela?
M. BOURASSA: Oui, j'ai entendu parler de cela. Est-ce qu'il y a eu
jugement dans le cas de Power Corporation?
M. BURNS: Non, mais cette loi existe.
M. BOURASSA: II ne s'agit pas de condamner. Nous ne condamnons pas,
nous, avant qu'il y ait des accusations qui soient portées.
M. BURNS: II n'est pas question de condamner qui que ce soit. Il est
question de tenter...
M. BOURASSA: Alors, nous allons entendre les parties et nous verrons par
la suite s'il y a lieu de poser des gestes.
M. BURNS: Si le député de Saint-Jacques me le permet, ce
qu'on aimerait savoir, M. le premier ministre, c'est quelque chose de bien
simple. Il ne faudrait pas que le premier ministre s'énerve. Il n'est
pas question de "Fantagoniser", il n'est pas question de le faire grimper dans
les rideaux, cela viendra éventuellement peut-être à
d'autres choses, mais pour le moment, il n'en est pas question. Pour nous, ce
qu'il est important de savoir, à ce stade-ci je le demande avec
toute la déférence, si je dois utiliser ce mot auprès du
premier ministre pour obtenir une réponse de sa part est si le
gouvernement, d'une façon ou d'une autre, s'est engagé dans cette
vente à laquelle le premier ministre s'est référé
il y a quelques minutes. Est-ce qu'il a endossé cette vente, dans le
fond? Ce n'est que cela qu'on demande. C'est pour cela que je vous dis de ne
pas vous énerver, M. le premier ministre...
M. BOURASSA: On ne s'énerve pas. Ce n'est pas moi qui ai
interrompu, c'est le député de Saint-Jacques.
M. BURNS: Oui, mais il avait parfaitement raison, il faut savoir...
M. BOURASSA: J'avais parlé une minute et demie.
M. BURNS: ... dès le départ où l'on s'en va dans
cette histoire, c'est cela.
M. CHARRON: Que le premier ministre se rassure, ce n'est pas parce que
nous ne sommes pas intéressés à avoir l'historique des
événements depuis que le propriétaire actuel du Soleil a
fait connaître son intention de le mettre en vente, de l'action ou de la
non-action du gouvernement. Au contraire, le premier ministre aura l'occasion,
au cours des travaux de la commission, de s'apercevoir que l'Opposition
officielle est particulièrement intéressée à
connaître les moindres détails de ce qui s'est passé
là-dessus.
Le premier ministre l'a déjà dit lui-même en
annonçant la convocation de la commission, elle durera aussi longtemps
que c'est nécessaire, et il s'apercevra aussi...
M. BOURASSA: Je n'étais pas obligé de la convoquer.
M. CHARRON: Je sais que vous n'étiez pas obligé de la
convoquer légalement, mais si politiquement et socialement vous aviez
laissé aller une transaction de cette allure-là, vous en auriez
porté le blâme. Je sais que le premier ministre est
particulièrement soucieux de l'opinion publique à son
égard, c'est son droit et...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!
J'avais d'abord accordé la parole au premier ministre. Il s'est
exprimé pendant une ou deux minutes et on a posé une question que
je reconnais. Ne serait-il pas préférable, messieurs, que nous
entendions le premier ministre dans tout ce qu'il a à dire et vous
auriez ensuite l'occasion de faire vos commentaires? Maintenant, je vais
veiller à ce qu'il n'y ait pas de répétition de ce qui a
déjà été demandé.
M. BURNS: M. le Président, vous avez parfaitement raison, comme
toujours. Comme toujours, vous menez les débats de cette commission de
façon merveilleuse et vous comprenez que notre règlement nous
permet de poser à l'opinant une question, et c'est ce que nous faisons
à l'endroit du premier ministre. Nous lui demandons s'il c'est
cela la question pourrait répondre à cette question que je
lui pose, que le député de Saint-Jacques lui a posée.
Est-ce que son gouvernement a endossé cette vente-là
jusqu'à maintenant ou est-ce que son gouvernement n'est pas lié
par la vente? C'est seulement cela la question qu'on lui pose.
M. BOURASSA: M. le Président, comment
le député peut-il soumettre que le gouvernement pourrait
être lié par la vente? Nous avons essayé, dans
l'objectif...
M. BURNS: Est-ce que vous avez accepté, endossé, est-ce
que vous avez entériné cette vente-là? C'est ce qu'on veut
savoir.
M. BOURASSA: II n'y a pas eu d'endossement dans la mesure où la
vente n'est pas faite à Power Corporation. C'est cela qui était
le sujet du débat. Si la vente n'est pas faite à Power
Corporation, évidemment, cela règle le problème. Il n'y a
pas de concentration de la presse. Si cet après-midi il est
démontré que c'est Power Corporation qui a acheté le
Soleil, le gouvernement n'a certainement pas endossé cette vente. S'il
est démontré que ce n'est pas Power Corporation qui a
acheté le Soleil, évidemment, là c'est la liberté
de commerce qu'on respecte. C'est aussi simple que cela.
M. BURNS: M. le premier ministre, vous êtes pas mal plus
intelligent que cela, vous comprenez ma question. Vous avez un ministre d'Etat
que vous avez affecté à ce problème-là, M. Lalonde,
qui va s'exprimer sans aucun doute et on l'écoutera avec
intérêt.
M. BOURASSA: Si vous nous en donnez la chance.
M. BURNS: Oui, sans aucun doute, il n'y a pas de problème. Vous
avez parlé d'une vente qui était intervenue. Est-ce que votre
gouvernement, par l'entremise de son ministre qui surveillait toute cette
transaction-là, a dit oui à cette vente?
Je sais bien qu'il n'était pas obligé, légalement,
techniquement, de le faire. Mais tout le monde sait, d'autre part,
vous-même l'avez déclaré à plusieurs reprises, que
vous avez suivi ces transactions. Donc, on aimerait savoir, au tout
début des travaux de la commission, si votre gouvernement a dit bravo
à cette vente ou bien s'il a dit: Je ne m'en mêle pas, on verra,
la commission décidera si c'est une vente sur laquelle on doit revenir
ou non.
M. BOURASSA: Si vous m'aviez laissé terminer, vous auriez eu une
réponse à cette question.
M. BURNS: Pouvez-vous donner une réponse à
celle-là, tout de suite? Ça va orienter...
M. BOURASSA: Je vais terminer là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
premier ministre, député de Mercier. Point de règlement,
oui.
M. SAMSON: M. le Président, je suggère à ce
stade-ci que le premier ministre continue sa déclaration afin qu'on
connaisse tout ce qu'il a à dire. Je serais aussi
intéressé à connaître les déclarations que
voudra faire le Parti québécois. Pour ma part, je ne voudrais pas
m'acharner sur une seule question, j'aimerais bien connaître tout ce
qu'on a à dire et ça nous permettrait alors peut-être de
faire des suggestions.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le point de règlement serait de
pouvoir...
M. SAMSON: Que le premier ministre continue sa déclaration
jusqu'au bout. Ensuite, que les autres partis puissent en faire autant quitte
à interroger le premier ministre sur ce qu'il aura dit ou sur ce qu'il
n'aura pas dit.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Avec la collaboration des membres, nous
allons certainement procéder dans ce sens.
M. BURNS: M. le Président, ce n'est pas un point de
règlement, c'est là le problème.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je passe immédiatement sur la
question.
M. BURNS: Non, c'est une suggestion que fait le député de
Rouyn-Noranda, qu'il a parfaitement le droit de faire sur la
façon...
M. SAMSON: ... va considérer que même si ce n'est pas un
point d'ordre, ça ramènerait...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
Le député de Mercier, premier ministre de la province, a
la parole pour le moment. S'il vous plaît, messieurs, nous allons
l'entendre.
M. BURNS: Il a accepté qu'on lui pose une question, il avait le
droit de nous dire qu'il n'acceptait pas qu'on lui pose une question.
Là, on lui demande de répondre à cette question. Il sait
maintenant quelle est notre question.
M. BOURASSA: Je vais répondre, M. le Président, si on me
donne le temps de répondre.
M. BURNS: D'accord, on vous écoute.
M. BOURASSA: A la suite du moratoire qui a été
établi par le gouvernement, il y a eu des efforts pour trouver une
solution de rechange. J'ai communiqué, pour ma part, avec la Caisse de
dépôt, j'ai communiqué avec le président des caisses
Desjardins, M. Rouleau, qui avait manifesté publiquement la
possibilité pour les caisses populaires d'acheter ou d'être
actionnaires minoritaires.
M. Lalonde a également communiqué avec d'autres
fonctionnaires qui auraient pu être intéressés à
faire partie d'un groupe de Québec. C'est-à-dire que la solution
qui nous apparaissait préférable tout cela a
été dit à l'Assemblée nationale était
qu'un groupe de Québec, de la région de Québec, puisse
être formé pour acheter le Soleil.
Comme cette solution n'a pu se réaliser on pourra en
discuter les caisses populaires avaient leurs responsabilités
vis-à-vis de leurs épargnants. Si j'ai communiqué avec
elles, c'est à la suite de déclarations de M. Rouleau. Elles ont
décidé, au moins, de manifester beaucoup de réticences
à l'idée d'investir une somme d'un million et demi dans une
entreprise comme celle du Soleil. Alors, comme les pourparlers traînaient
en longueur, comme les frères Gilbert étaient désireux de
vendre... Us pourront s'expliquer, donner toutes les raisons pour lesquelles
ils voulaient se départir du Soleil. Probablement qu'il y a beaucoup de
raisons personnelles ou familiales, des raisons de succession, mais ce n'est
pas à moi de donner les détails des raisons qui pouvaient
justifier les frères Gilbert à se départir du Soleil.
Donc, essayant d'éviter que le journal ne devienne membre du groupe
Power Corporation, voyant que les négociations ne risquaient pas
tellement d'aboutir dans le cas d'un autre groupe, il y a eu d'autres acheteurs
qui se sont manifestés. Les noms ont été rendus publics,
soit MM. Péladeau et Francoeur.
Dans le cas de M. Francoeur je réponds à la
question du député de Maisonneuve et du député de
Saint-Jacques il en a lui-même fait part dans sa
déclaration lorsqu'il a rendu la vente publique. Je lui ai parlé
une fois, la journée ou la veille de la vente, et je lui ai dit qu'il
devait être disponible à la commission parlementaire pour
démontrer que c'était sa compagnie qui achetait le journal et
que, comme il l'a dit lui-même, il n'était pas le prête-nom
de qui que ce soit. Je lui ai dit que, s'il était en mesure de
démontrer que c'était lui qui achetait le journal, sans
être le prête-nom de qui que ce soit, évidemment la vente
était légale, que c'était une question de liberté
de commerce au Québec. C'est pourquoi j'ai convoqué la commission
parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le premier ministre.
Est-ce qu'il y a une réplique sur ces commentaires, de la part de
l'Opposition?
M. CHARRON: Oui, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: D'abord, M. le Président, si j'ai interrompu le
premier ministre au moment où il parlait, c'était parce que je
savais qu'il allait être très laconique et que je ne voulais pas
allonger inutilement le débat. Je ne voulais pas être
obligé de terminer ma réplique par une série de questions
qu'il aura soigneusement évitées dans son exposé
d'ouverture. Je ferai donc un très court exposé moi-même
avant de terminer par des questions.
La première remarque que j'ai à faire est sur le but de la
rencontre et de la convocation de la commission parlementaire. C'est
très important pour nous de savoir ce que nous sommes en train de faire
ici, cet après-midi.
Le premier ministre me rappelait tout à l'heure qu'il
n'était pas obligé de convoquer la commission parlementaire.
C'est vrai et, à sa place, je dirais que c'est à sa courte honte
qu'il devrait le dire.
Nous sommes une société, M. le Président, où
des transactions de cette importance des media d'information ne sont aucunement
obligés de venir figurer sur une table où les élus de la
population ont tout le loisir de les examiner.
Il n'y a plus de société civilisée qui se permette
qu'une chafne, elle-même ou par ses tentacules, mette la main sur
l'ensemble des moyens d'information dans une langue donnée qui est la
langue de la majorité de cette société. Il n'y a donc pas
de société civilisée qui puisse permettre un tel
comportement aussi longtemps.
La plupart des sociétés sur lesquelles le Québec,
à raison, s'est modelé à plusieurs reprises ont
déjà dans leur sein, soit des conseils de presse, soit des
agences de presse qui ont comme mission première l'examen de la moindre
transaction dans ce domaine, tellement ces sociétés, et je
devrais dire les gouvernements de ces sociétés, ont beaucoup plus
à coeur la liberté d'information que ne le semblent avoir les
gouvernements successifs du Québec.
Le premier ministre a raison. Il n'était pas obligé de la
convoquer légalement. Cela devrait être une obligation à
laquelle un gouvernement, celui-ci ou un autre qui suivra, devra en tout
premier lieu faire face. Mais, j'ai rappelé au premier ministre, en
l'interrompant, que politiquement il devait le faire, car les lecteurs du
Soleil sont aussi les électeurs du premier ministre. Et je crois que le
rapport se fait très facilement dans sa tête, tout le monde qui le
connaît un peu en conviendra avec moi. C'est donc parce qu'il sentait, M.
le Président...
M. BOURASSA: On est tellement bien servi par le journal, on est
calomnié à tous les jours.
M. CHARRON: C'est donc, M. le Président, parce que le premier
ministre a senti qu'il se trouve chez les Québécois un
intérêt marqué pour les transactions de ce genre qu'il
s'est prêté à la demande, je devrais le dire, du Parti
québécois qui date du 28 août 1973. D'autres groupes,
également, ont demandé la convocation de cette commission
spéciale sur la liberté de presse pour examiner les projets de
transaction entre la famille Gilbert et quelque acheteur éventuel que ce
soit.
M. le Président, je ne répéterai pas, puisque nous
avons eu plusieurs raisons de le faire, l'intérêt que le Parti
québécois manifeste sur cette question. Toutes les séances
antérieures de la commission, qui n'ont abouti à rien, comme si
cela avait été savamment calculé, ont donné
l'occasion quand même, à plusieurs reprises, à
mes collègues et à moi-même de donner notre opinion
là-dessus.
Je veux quand même indiquer, dans cette première
intervention, la façon dont nous entendons travailler. M. le premier
ministre nous a rappelé tout à l'heure que c'est à la
famille Gilbert qu'il appartiendra de nous informer, et nous avons bien
l'intention de l'entendre, sur ses intentions et les motifs qui militent en
faveur de l'abandon de cette propriété familiale qu'est le
journal Le Soleil. Il appartiendra, bien sûr, à l'acheteur
éventuel, M. Francoeur, de nous informer sur ses intentions et sur la
nature du groupe qu'il dirige. Il appartiendra à d'autres qui se sont
vus écartés, à un moment ou à un autre, par toutes
sortes de raisons de nous expliquer pourquoi leur désir de se porter
acquéreurs de ce journal n'a pas connu le succès qu'ils avaient
anticipé au moment où ils avaient fait leurs offres.
Il appartiendra finalement à d'autres groupes, nous
l'espérons, intéressés, comme ils l'ont manifesté
depuis le début de l'apparition de ce projet de vente dans l'opinion
publique, à venir nous faire connaître leur opinion sur la vente
que le premier ministre s'engage à ratifier s'il n'y a pas de preuve du
contraire.
Avant de passer à l'interview de ces différentes
personnalités du monde des affaires, je crois que le rôle de
l'Opposition, vous en conviendrez avec moi, est d'abord nous avons
été élus d'abord pour le faire de surveiller le
rôle du gouvernement dans ce genre de transaction et dans ce domaine
très particulier d'une liberté de presse menacée par les
concentrations financières que connaît le Québec depuis six
ou sept ans, dans ce domaine particulier. Vous ne serez donc pas
étonné, M. le Président, de voir que je termine
immédiatement en disant que mon principal souci sera d'entendre avant
qui que ce soit, quelle que soit la qualité, je dois dire, de ceux qui
doivent venir témoigner à cette table, le rapport de celui
à qui le premier ministre avait demandé de devenir responsable de
ce dossier, qui, à toutes fins pratiques, on en conviendra des deux
côtés de la table, était une patate chaude pour qui que ce
soit au lendemain de l'élection du 29 octobre dernier. Mais avant
d'entendre le ministre responsable du dossier, puisque, effectivement, il n'est
entré en fonction et n'a pris charge du dossier qu'au lendemain du 29
octobre, à la demande personnelle du premier ministre, et sachant
d'avance d'ailleurs que le ministre n'aura aucune objection à
répondre à nos questions, parce qu'il a lui-même
affirmé et c'était rapporté dans les journaux
qu'il considère cette convocation de la commission parlementaire
comme une occasion de rendre compte de son mandat, tel qu'il lui a
été confié par le premier ministre, je dois d'abord
diriger mes premières questions au premier ministre lui-même,
puisque, avant l'entrée en politique du ministre responsable du dossier,
le bruit, la rumeur de l'offre de vente du Soleil circulait déjà
au point que le premier ministre en avait été saisi.
Je demanderai d'abord au premier ministre quelle est la nature du mandat
qu'il a confié au député de Marguerite-Bourgeoys le jour
où, après la formation du cabinet, il apprenait aux
Québécois que c'était désormais le
député de Marguerite-Bourgeoys qui allait être responsable
du dossier.
M. BOURASSA: J'ai répondu en Chambre à cela. Je peux bien
répéter ce que j'ai dit en Chambre, il s'agit d'essayer de
trouver une solution de rechange.
M. CHARRON: Une solution de rechange à quoi?
M. BOURASSA: A la vente du Soleil à Power Corporation.
M. CHARRON: Est-ce que le mandat du député de
Marguerite-Bourgeoys se limitait exclusivement à la transaction du
quotidien Le Soleil?
M. BOURASSA: Oui. Dans une première étape, oui. Des
suggestions intéressantes ont été faites, par exemple de
créer un comité de surveillance pour les transferts de
propriété dans les journaux. La Fédération des
journalistes a fait une suggestion dans ce sens et, après avoir
discuté cette question, je suis prêt à discuter des
modalités de l'application de cette suggestion. Mais le mandat visait
essentiellement à essayer de former un groupe pour acheter le
Soleil.
M. CHARRON: Dans le mandat que vous lui avez confié, est-ce qu'il
n'était pas question aussi, puisque moi, je me souviens d'avoir
posé des questions au député de Marguerite-Bourgeoys
à l'Assemblée nationale... Son mandat lui apparaissait, en fait,
dans son entendement à lui, beaucoup plus large que ne semble le dire le
ministre.
Au moment où le moratoire du 15 septembre durait encore, j'ai
posé des questions au député de Marguerite-Bourgeoys,
à savoir si l'actuel dossier du Soleil, particulièrement, ne
l'amenait pas à étendre lui-même son mandat et à
s'apercevoir qu'on aurait besoin d'une législation, en
général.
M. BOURASSA: On peut prolonger le débat indéfiniment. Je
n'ai pas d'objection mais j'ai d'autres fonctions. Il y a des agriculteurs qui
voulaient me rencontrer.
M. CHARRON: Je sais cela. Votre carnet mondain...
M. BOURASSA: Je pourrais parler du carnet mondain du
député de Saint-Jacques. On pourrait comparer le sien et le mien.
En ce qui a trait à la question du député de
Saint-Jacques, j'ai dit que, dans une première étape, nous
voulions essayer de trouver une solution de rechange pour la vente du
Soleil et que, forcément, comme il l'a lui-même
suggéré, cela nous mettait en relation avec tout le
problème de la concentration de la presse. C'est pourquoi je lui ai dit
tantôt, en réponse à sa question, qu'il y avait eu dans ce
débat des suggestions très intéressantes et très
valables, comme la formation d'un comité de surveillance sur le
transfert de propriété dans les entreprises de presse. Et j'en ai
parlé avec M. Mailhot, avec M. Gariépy, qui a une très
grande expérience dans ce secteur, et j'ai dit tantôt que
j'étais prêt à considérer cela et à examiner
les modalités pour éviter tout ce qu'il a fallu faire depuis
quelques mois concernant cette question.
M. CHARRON: Je comprends la réponse du premier ministre qui
essaie toujours d'en mettre plus qu'on lui en demande pour justement ne pas
répondre à ce qu'on lui demande. Je comprends, par la
réponse du premier ministre, que le mandat du député de
Marguerite-Bourgeoys était exclusivement limité à la vente
du Soleil. Mais ce n'est pas encore suffisamment précis.
M. BOURASSA: J'ai dit que, dans une première étape,
oui.
M. CHARRON: Quelle était la deuxième étape?
M. BOURASSA: La deuxième étape, c'est qu'à la
lumière je suis prêt à faire preuve d'une patience
orientale avec le député de Saint-Jacques, à
répéter à chaque fois de l'expérience du
Soleil, on devait envisager des formules comme celles qui ont été
proposées de manière à éviter ce qui est
arrivé dans le cas du Soleil.
M. CHARRON: Très bien.
M. BOURASSA: Mais ce qui était urgent, étant donné
que le moratoire se terminait le 15 décembre et que les frères
Gilbert invoquaient toutes sortes de raisons, comme la perte de $250,000 en
intérêts c'est quand même leur bien...
M. CHARRON: On verra cela.
M. BOURASSA: On verra certainement. Ils invoquaient toutes sortes de
raisons qui paraissaient légitimes. Il fallait, de toute urgence,
trouver une solution de rechange à la vente du Soleil à Power
Corporation.
M. SAMSON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: II est bien entendu qu'on peut se poser plusieurs questions,
à l'ouverture de cette commission parlementaire. Je pense que parmi les
questions posées par les représentants du Parti
québécois, il y en a une que nous pouvons retenir. Nous avons eu,
à une autre commission parlementaire, à déplorer le fait
que nous avions été convoqués en quelque sorte pour tout
simplement considérer ce que le gouvernement avait fait, sans aucune
espèce de recours pour y changer quoi que ce soit.
Aujourd'hui, nous retenons cette question comme valable. On verra, au
fur et à mesure que les travaux se dérouleront, si nous avons
raison de craindre. J'espère que non. J'espère que le
gouvernement ne nous a pas convoqués uniquement pour nous placer devant
un état de fait sans que nous puissions y changer quoi que ce soit.
Quant à nous, nous considérons que la question qui est
devant la commission présentement doit nous amener à
considérer cela avec une certaine prudence quand même.
C'est un principe ou peut-être plusieurs principes qui sont en
cause. Pour nous, en tout cas, ce n'est pas uniquement la question de la vente
d'un journal à un groupe d'hommes d'affaires. Nous devons en profiter
pour considérer la grande question de principe qui est la suivante, et
cela m'amène à poser une question. Qui y répondrait?
Est-ce que le premier ministre y répondrait ou peut-être quelqu'un
d'autre, un autre membre de la commission? Je pense qu'on peut
sérieusement se poser cette question : Est-ce qu'il y a quelque chose de
légitimement fondé qui peut empêcher quelqu'un, dans notre
société actuelle, qui possède quelque chose de vouloir
s'en départir, de vouloir le vendre? Est-ce que légitimement on
peut empêcher celui qui a quelque chose à vendre de le vendre
à celui qui a la meilleure offre à lui faire? C'est une question
de principe. On se considère, en tout cas, dans une
société où la libre entreprise est respectée quel
que soit le groupe. Il est question, pour le moment, du journal Le Soleil,
vendu à quelqu'un d'autre. On pourrait, à un moment donné,
convoquer si on considère la philosophie du gouvernement
une autre conférence de presse pour considérer une autre
transaction dans le même domaine. Peut-être qu'une autre
transaction dans le même domaine serait vue différemment par les
personnes autour de cette table.
Si j'ai fait remarquer qu'il serait peut-être bon de
considérer cela avec un peu de prudence, c'est que, s'il est
légitime pour quelqu'un qui possède et qui a droit de
posséder je pense que notre société le permet
de pouvoir se départir de ses avoirs au meilleur offrant, je me
demande, à ce moment-ci, si on n'est pas un peu, volontairement ou
involontairement, en train de pousser le gouvernement à s'introduire
davantage dans l'entreprise privée. Aujourd'hui, il a été
question de la vente d'un journal, mais, si on fait une projection, on peut se
demander quel sera le prochain secteur. En effet, si on est
amené à considérer cela de cette façon, quel
sera le prochain secteur?
Je pense que cette question mérite, sinon une réponse
aussi immédiate que possible, au moins d'être
étudiée à son mérite. Evidemment, on invoquera le
phénomène de la concentration des entreprises de presse. Il
demeure un fait, dans notre société de libre entreprise, c'est
évidemment la concurrence qui établit le régulateur. Je ne
crois pas, en tout cas, qu'on ait, à ma satisfaction, prouvé
qu'il y avait un danger de manque de concurrence présentement. Quand il
s'agit de la presse, c'est un peu différent. Si on a peur d'un monopole
de presse, de ce qu'on a appelé des monopoles dans d'autres domaines,
par exemple, où on se rencontre pour fixer des prix et, par le monopole,
on en arrive à un prix exorbitant, dans ce domaine, je pense que ce
n'est pas cela le problème que nous avons devant nous. Les journaux se
vendent le même prix et les annonces sont concurrentielles. H s'agit de
l'information. L'information, quand il y a de la concurrence, elle est
susceptible d'être saine.
Evidemment, comme tout le monde, on aurait un peu peur, s'il y avait un
danger réel de concentration, que l'information tombe dans les mains
d'un seul groupement. Dans d'autres pays, qui sont particulièrement
choyés par certains membres de cette Assemblée nationale, il y a
concentration de la presse. Elle n'est pas dans les mains de l'entreprise
privée; elle est dans les mains d'entreprises d'Etat.
Que ce soit l'extrême occasionné par des monopoles de
l'entreprise privée ou l'extrême qui existe ailleurs par
l'entreprise d'Etat, ce sont deux extrêmes qu'il faut éviter.
M. le Président, je pense qu'il est un peu dangereux, pour un
gouvernement, d'être appelé à agir comme modérateur
dans ces transactions. En fait, c'est même dangereux car, quel que soit
le gouvernement, il n'y a aucun gouvernement qui n'espère pas obtenir,
s'il ne l'obtient pas, la faveur de la presse. Si à l'occasion d'une
transaction annoncée, sous prétexte de maintenir la
liberté de la presse, on oblige les hommes d'affaires de l'entreprise
privée à parader devant le gouvernement, je pense qu'il y a un
certain risque que nous devons considérer, qui est le suivant. Je
n'accuse pas le gouvernement à ce moment-ci, M. le Président; je
n'ai pas d'indication que le gouvernement est de mauvaise foi dans ce domaine,
du moins en ce qui concerne le présent débat. Mais il se
pourrait, si on veut faire un peu de projection, qu'à un moment
donné le gouvernement, par ce moyen, en vienne à forcer
l'entreprise privée à faire des transactions susceptibles de
favoriser la bonne presse du gouvernement.
Vous voyez, M. le Président, qu'il y a des conséquences
à ce que le gouvernement fasse intrusion dans le secteur, sans vouloir
dire que le gouvernement a cette intention-là. Si jamais un gouvernement
avait ce genre d'intention, il serait donné à n'importe qui de
penser que c'est dangereux, alors que dans le cas présent on a un
exemple. Nous avons la vente d'un quotidien à des gens de l'entreprise
privée. Il y a eu certaines offres, à ce qu'on sache, et je
m'imagine bien que les vendeurs ont tenté de vendre au plus offrant. Si
on me dit, par les témoignages que nous aurons cet après-midi,
que les vendeurs se sont efforcés de vendre à celui-là qui
offrait le moins, à ce moment-là je me poserai un autre genre de
question. C'est normal et c'est légitime que lorsqu'on possède
quelque chose on essaie, si on veut le vendre, de le vendre au plus offrant,
c'est-à-dire pour faire des profits. C'est le système de
l'entreprise libre, M. le Président.
Or, nous avons devant nous aujourd'hui la vente d'un quotidien.
Pourquoi? Ce quotidien aurait pu se vendre à d'autres personnes,
à d'autres groupements. Est-ce qu'on n'a pas offert moins ailleurs et
est-ce que ce n'est pas pour cela dans le fond? Il y a des questions qui n'ont
pas obtenu de réponse à ce moment-ci. Mais, le prétexte du
maintien de la liberté de la presse alors que je pense que la
vente du quotidien Le Soleil ne changera pas grand-chose en ce qui concerne le
danger de détruire la liberté de presse au Québec
est-ce qu'on ne se sert pas de ce prétexte-là et est-ce que dans
le fond on n'oblige pas des gens ou on n'a pas obligé des gens, à
un certain moment donné, à offrir ce qu'ils possèdent
à moins cher ou à meilleur marché? Cela, M. le
Président, peut nous revenir un autre jour. Quiconque, selon moi et
selon la philosophie que je défends depuis longtemps, devrait avoir le
droit de posséder quelque chose et, quand il possède des
capitaux, le droit d'acheter avec ces capitaux ce qu'il voudrait acheter,
autrement dit le droit à l'investissement dans le domaine de la presse.
Aujourd'hui, nous avons quelqu'un devant nous, mais peut-être demain, M.
le Président, aurons-nous quelqu'un d'autre. C'est légitime et
c'est normal. Nous avons un nouveau quotidien qui verra le jour bientôt
et il serait malheureux, si nous prenions l'exemple d'aujourd'hui, de demander
aux gens qui veulent investir dans un nouveau quotidien de parader devant une
commission parlementaire et leur demander des comptes. Tout le monde sait, cela
a été publié dans le journal, que le Parti
québécois a investi un certain montant dans un journal. M. le
Président, je verrais très mal...
M. BOURASSA: Ce n'est pas une mauvaise idée.
M. BURNS: Vous n'avez rien compris.
LE PRESIDENT (M. Séguin): S'il vous plaît, M. le
député, je vous demanderais de vous en tenir strictement...
M. SAMSON: Au sujet.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Au sujet. On est déjà
rendu dans le...
M. BOURASSA: M. Michaud ferait un bon spectacle.
M. SAMSON: Avant que j'aie fini de parler, peut-être que ça
va en chatouiller quelques-uns, mais au risque d'en chatouiller quelques-uns,
M. le Président, je ne voudrais pas que le premier ministre, parce qu'il
y a une commission parlementaire, oblige les gens du Parti
québécois ou les membres du Parti québécois
à venir devant la commission parlementaire pour rendre des comptes parce
qu'ils veulent acheter un journal. Non, M. le Président, je n'accepterai
pas ça.
M. BURNS: Pourquoi pas?
M. SAMSON: Parce que la liberté de presse est pour ceux du Parti
québécois comme pour les autres qu'il y a là, en avant de
nous. M. le Président, on a été convoqué ici,
à une commission parlementaire de la liberté de presse et...
M. BURNS: Si vous voulez qu'on revienne sur le problème de la
concentration de la presse, on est bien prêt à y venir.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. SAMSON: Je n'ai pas fini mes commentaires.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. Michaud est prêt.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y mais restez-en, s'il vous
plaît...
M. SAMSON: M. le Président, c'est l'exemple que je peux donner.
Si on poursuit cette projection, à un autre moment, il n'y a rien qui
nous dit et ça, ça fait partie de la liberté des
individus qu'un journal verra peut-être le jour et qui ne voudra
pas se fusionner ou acheter un autre journal qui est déjà
existant et qui partage les mêmes opinions, qui s'appelle
Québec-Presse, par exemple. Il n'y a rien qui nous dit qu'ils ne
voudront pas se fusionner. Est-ce qu'à ce moment-là on ne
trouvera pas quelqu'un d'autre pour crier: II y a un danger? Est-ce qu'on ne
trouvera pas qu'il y a un danger de concentration parce qu'il y a des gens
possédant des journaux différents qui se fusionnent ou qui
fusionnent leurs intérêts?
Ecoutez, M. le Président, c'est tout ça que nous avons
à discuter et c'est en fonction de ça et en fonction de ce qui
pourrait arriver qu'en tant que responsable devant l'opinion publique, je suis
à l'aise pour en parler, on n'a pas acheté de journaux et on n'a
pas l'intention d'en acheter. Mais devant l'opinion publique, nous
devons...
M. BEDARD (Chicoutimi): Vers Demain.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Messieurs, à l'ordre!
M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse auprès de vous et
je m'excuse auprès de mes amis du Parti québécois, il
semble qu'en voulant les protéger, je les ai offusqués.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Il devient de plus en plus
difficile pour les gens à la console de distinguer les voix et de faire
l'enregistrement très exact de ce qui va se dire. Je demanderais que
chacun parle à son tour. Le député de Rouyn-Noranda a la
parole.
M. SAMSON : M. le Président, je sais qu'il y a des gens qui
aimeraient que je termine immédiatement mais il faut que quelqu'un le
dise. Si, du côté du gouvernement, on n'a pas le courage de le
faire, il faut que quelqu'un le dise.
LE PRESIDENT (M. Séguin): On pourra déterminer ça
à une autre commission. Mais pour le moment...
M. SAMSON: M. le Président, je n'ai pas le droit de défier
le premier ministre, mais j'ai le droit de défier le gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y.
M. SAMSON: Cela nous amène à dire ceci: ou bien on accepte
d'être dans une société de libre entreprise, ou bien on est
dans une autre sorte de société. Et pour le moment, la
population, que tous ici veulent respecter, a voté et opté pour
le système de la libre entreprise. On n'est pas dans un autre
système. Bien entendu, il y a des gens qui voudraient en faire leur
propagande, c'est leur droit. Mais tant et aussi longtemps que la population
acceptera de demeurer dans un système de libre entreprise, il faut
demeurer dans un système de libre entreprise et le respecter. C'est pour
ça que si, réellement là, je pose une question au
gouvernement, il y a des gens qui ont fait des enquêtes là-dessus
on va respecter les études qui ont été faites vous
croyez qu'il y a un danger de concentration des entreprises de presse au
Québec, si c'est dangereux pour l'information, il y a d'autres moyens
que de contraindre des gens qui possèdent quelque chose. Parce que
là, c'est dans le domaine de la presse, mais il y en a d'autres qui
possèdent autre chose et ils n'aimeraient pas se voir obligés par
le gouvernement à vendre à un tel prix, à telle personne
plutôt qu'à telle autre.
M. le Président, on peut penser à en créer
d'autres...
M. CHARRON: C'est important, les biscuits.
M. SAMSON: M. le Président, vous pourriez demander au
député de Saint-Jacques d'être moins nerveux. Parce que
là, on le comprend...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, M. le
député.
M. SAMSON: Mais on peut penser à d'autres moyens et je pense que
les suggestions positives devraient être bienvenues à cette
commission.
Il y a d'autres moyens. Que l'on permette, que l'on favorise ou que l'on
facilite, si vous le voulez, la création d'entreprises concurrentielles.
S'il n'y avait aucune concurrence au Québec, si tout était entre
les mains du même groupe, ce serait extrêmement mauvais, comme
c'est extrêmement mauvais ailleurs, quand c'est dans les mains du
gouvernement et qu'il n'y a pas d'autres groupes pour transmettre
l'information. On n'est pas rendu à ce point-là. Bien entendu, il
y a des gens qui prétendent que c'est dangereux que l'on en arrive
à cela. Il n'y a personne encore, je pense, qui a été
empêché de lancer sur le marché d'autres journaux, d'autres
moyens d'information. C'est là la libre entreprise, on peut le faire. La
preuve qu'on peut le faire, c'est qu'il y en a un qui va probablement voir le
jour, un journal nouveau. C'est la preuve qu'on peut le faire encore.
M. le Président, c'est permis. Oui, M. le Président, je
comprends votre anxiété.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai hâte d'entendre la raison
d'être, ici...
M. SAMSON: Je voudrais terminer là-dessus. Cela vous fait plaisir
que je termine, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, mais je voudrais, moi,...
M. SAMSON: Je vais terminer là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... revenir au déluge et on va
procéder après cela.
M. SAMSON: C'est permis à tous d'aller dans ce domaine de
l'information et je pense qu'il faut être extrêmement prudent. Je
ne veux pas dire que l'on ne doit pas écouter tout ce que ces gens
auront à dire. Au contraire, je suis persuadé que l'on apprendra
des choses extrêmement intéressantes, mais la commission
parlementaire ne doit pas être uniquement, et c'est cela que j'aimerais
entendre dire par le premier ministre, une occasion de considérer un
seul point de vue, un seul sujet. Je pense que l'on doit considérer les
principes qui sont en cause et regarder vers l'avenir parce que, un autre jour,
ce sera peut-être d'autres gens qui viendront nous rencontrer et ils
auront peut-être, pour des raisons complètement
différentes, à nous demander le contraire. Merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Mercier.
M. BOURASSA: Juste un mot, peut-être, pour répondre, M. le
Président, parce que le député de Rouyn-Noranda me
prête des arrière-pensées. Il dit que si j'ai
convoqué cette commission parlementaire pour la question du Soleil,
c'est parce que j'ai l'intention de la convoquer pour le journal
séparatiste ou Québec-Presse. Mais je tiens à rectifier,
M. le Président, que ce n'était pas du tout la raison qui m'a
incité à convoquer cette commission parlementaire, ce n'est pas
pour pouvoir enquêter éventuellement sur le journal
séparatiste ou sur Québec-Presse. C'est parce qu'il était
entendu au début, je pense qu'il était demandé par des
gens très sérieux de l'opinion publique... Pourquoi rit-on, M. le
Président?
M. CHARRON: Parce que je connais le premier ministre.
M. BOURASSA: II était demandé par des gens très
sérieux de l'opinion publique que cette question soit
étudiée. Et je comprends le point de vue du député
de Rouyn-Noranda qui met en conflit l'intérêt public et
l'intérêt privé.
M. BURNS: II a peur de... dans son garage.
M. BOURASSA: Avec l'expérience que l'on a actuellement dans les
différents journaux, je pense que la liberté de la presse est
à peu près absolue, et c'est bon qu'il en soit ainsi. Donc, je
pense bien qu'à court terme et en pratique, il n'y avait pas de danger
immédiat pour la concentration de la presse, mais ce qui a
inquiété l'opinion publique, une partie de l'opinion publique
à tout le moins, c'est la possibilité que cette concentration de
la presse puisse affecter éventuellement la liberté de la presse.
Alors, il y avait conflit entre l'intérêt privé et
l'intérêt public et il est normal, quand il y a conflit entre les
deux, que ce soit l'intérêt public qui prime.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le premier ministre.
Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, de l'exposé
succinct du premier ministre tout à l'heure, j'ai cru comprendre d'une
façon très claire que, premièrement, le gouvernement avait
été informé que la vente du Soleil était
complétée aux intérêts Francoeur.
Deuxièmement,...
M. BOURASSA: Non, j'en ai été informé la veille du
jour où elle a été complétée.
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.
M. BOURASSA: J'ai prévenu M. Francoeur à ce
moment-là.
M. BEDARD (Chicoutimi): Mais à l'heure actuelle, au moment
où nous siégeons, vous avez été informé, le
gouvernement...
M. BOURASSA: Je veux dire que tout le monde en a été
informé. Il y a eu des...
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, j'ai bien dit, j'ai bien employé les
mots "que la vente était complétée". Ce ne sont pas
seulement des rumeurs, elle est complétée.
M. BOURASSA: Personnellement, je n'ai pas été
informé que la vente avait été complétée, '
mais j'ai dit à M. Francoeur, la veille de la vente, qu'il devait
être disponible pour comparaître à la commission
parlementaire pour justifier que ce n'était pas Power Corporation qui
achetait le Soleil. Par le fait même, c'était une condition de la
validité de la vente avec les pouvoirs de législation que
possède le gouvernement pour invalider la transaction s'il n'est pas
satisfait.
M. BEDARD (Chicoutimi): J'ai également cru comprendre que,
effectivement, le gouvernement était prêt à accepter cette
vente aux intérêts Francoeur, pour employer les termes de
l'honorable premier ministre, tout à l'heure, à la condition que
cette vente n'équivaille pas à une vente indirecte à Power
Corporation, n'est-ce-pas?
Autrement dit, que la commission est ici convoquée pour
être mise devant un fait accompli, à savoir que la vente est
complétée. Il y a un mandat qui a été
donné...
M. BOURASSA: J'ai dit que la transaction pouvait être
invalidée, si cela n'était pas le cas.
M. BEDARD: Invalidée, à partir du moment où on dit
qu'elle peut être invalidée, c'est qu'à l'heure actuelle
elle est valide.
M. BOURASSA: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si elle est valide, c'est que la vente est
complétée.
M. BOURASSA: La vente est légale actuellement.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si la vente est légale, c'est qu'elle
existe; parce qu'il n'y a pas de vente légale s'il n'y a pas de vente
qui existe.
M. BOURASSA: Sauf si le Parlement en décide autrement.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est exactement...
M. BOURASSA le Président, si les frères Gilbert avaient
vendu à Power Corporation indépendamment de l'avertissement qui
avait été donné par le gouvernement, la vente aurait
été légale, mais elle aurait pu, par la suite, être
annulée.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui. M. BURNS: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne comprends pas pourquoi l'honorable premier
ministre m'interrompt, parce qu'en fait son interruption est simplement dans le
sens de confirmer qu'effectivement, comme il l'a dit...
M. BOURASSA: Mais la vente est légale.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... elle est complétée.
M. BOURASSA: Ils vont le dire tantôt si elle est
complétée.
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord, alors pourquoi m'interrompre? Ce que
j'ai à dire n'est pas très long en fait.
M. BOURASSA: Alors, qu'est-ce qui ne va pas?
M. BEDARD (Chicoutimi): La vente étant complétée,
la commission étant devant un fait accompli, il y avait un mandat qui
avait été donné comme l'a dit l'honorable premier
ministre tout à l'heure, et tel qu'il en a informé la Chambre en
temps et lieu au député de Marguerite-Bourgeoys, à
l'effet de trouver une formule de rechange lorsqu'il a été
question de la vente du Soleil à Power Corporation. Je voudrais savoir
si effectivement, dans l'esprit du gouvernement, cette nouvelle vente
représente en fait la formule de rechange que le député de
Marguerite-Bourgeoys était chargé de trouver, si c'est lui qui
l'a trouvée et, effectivement, savoir aussi si le député
de Marguerite-Bourgeoys, dans l'exécution de son mandat, a pris la
précaution d'étudier tous les contrats de la vente du Soleil aux
intérêts Francoeur, de manière à être
convaincu et à convaincre le gouvernement, par voie de
conséquence, que cette vente n'était pas une vente indirecte
faite à Power Corporation.
M. BOURASSA: On pose la question au gouvernement, M. le
Président. Notre premier souci, je répète ce que j'ai dit,
c'était de former un groupe de Québec avec les frères
Gilbert.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, vous l'avez mentionné.
M. BOURASSA: Comme les frères Gilbert constataient que cela se
faisait avec beaucoup de lenteur ils pourront le dire eux-mêmes
ou ils ont été approchés, ou ils ont
approché
d'autres acheteurs. Le gouvernement n'est intervenu d'aucune
façon pour trouver un autre acheteur, sauf de chercher le groupe en
question. Pour les frères Gilbert, pour limiter leur perte
pécuniaire, il s'agissait tout simplement de trouver un autre acheteur
qui n'était pas Power Corporation.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous dites que le gouvernement lui-même
n'a pas fait de démarche. Est-ce que c'est vous-même ou le
gouvernement qui en a fait concernant les caisses populaires?
M. BOURASSA: J'ai communiqué avec les caisses populaires et on
m'a même accusé de les bousculer. Je pense que cette affirmation
démontre que le gouvernement était sérieux pour la
recherche d'une solution de rechange d'un groupe de Québec. Je ne me
souviens pas de son nom, M. Ouellet, je pense, a accusé le gouvernement,
dans une déclaration publique, ou m'a accusé de vouloir le
bousculer pour ce qui a trait à la question du Soleil. J'ai
communiqué avec M. Cazavan et je dois dire que la Caisse de
dépôt n'était pas tellement enthousiaste non plus pour
investir un million et demi dans une entreprise qui comporte des risques. Je
lui ai fait part que j'apprécierais qu'il regarde cela d'une
façon sérieuse.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'était le temps.
M. BOURASSA: M. Cazavan a accepté. Les caisses populaires, je ne
pouvais pas aller au-delà d'un certain point parce qu'on m'aurait
blâmé dans six mois ou dans huit mois, admettons qu'il y ait une
grève de trois mois et que la mise de fonds ait complètement...
Le député de Rouyn-Noranda aurait été le premier
à crier au viol si j'avais forcé les caisses populaires à
investir un million et demi dans le Soleil. Alors, j'ai fait part de
l'intention du gouvernement à la suite des déclarations de M.
Rouleau et disons qu'au niveau intermédiaire, on n'était pas trop
enthousiaste pour investir cette somme. Les frères Gilbert, voyant que
c'était très lent, et voyant qu'ils subissaient des pertes
financières, à chaque semaine, importantes à leur point de
vue, et je comprends leur inquiétude, ont décidé
d'accélérer les négociations avec d'autres acheteurs que
Power Corporation, parce qu'ils savaient que dans le cas de Power Corporation
le gouvernement ne l'accepterait pas.
M. BEDARD (Chicoutimi): Dans l'exécution de son mandat,
concernant le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que celui-ci
avait le devoir ou la mission de contacter personnellement des personnes qui
pourraient être intéressées à l'achat?
M. BOURASSA: II en a contacté plusieurs. Je ne sais pas si c'est
dans l'intérêt public de donner tous les noms qui ont
été contactés.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que je pourrais savoir de l'honorable
premier ministre, toujours concernant le mandat de M. Lalonde, quel a
été le rôle de M. Lalonde au moment de la...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je pense que la pratique veut...
UNE VOIX: Oui, M. le Président.
UNE VOIX: Le député de Marguerite-Bourgeoys.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... qu'on nomme le député
par son comté et non par son nom. Ce sont les us et coutumes, si vous le
voulez, du parlementarisme. Je ne voudrais vous...
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.
M. BOURASSA: Ce n'est pas la pire incartade du parti de l'Opposition
officielle.
M. BURNS: Bon, franchement, vous savez que si on se mettait à
discuter des manques...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Chicoutimi,
s'il vous plaît!
M. BURNS: ... on est bien capable d'en parler pendant bien
longtemps.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Chicoutimi.
M. BURNS: Au député de Taillon aussi, on pourrait lui en
parler longtemps.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce qu'il est à la connaissance du
premier ministre que l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys
ait étudié certains contrats concernant une vente
complétée ou non aux intérêts Francoeur et qu'il en
ait informé le gouvernement?
M. BOURASSA: Je vous ai dit ce que j'avais dit à M. Francoeur,
que la transaction était, à notre point de vue, au point de vue
du gouvernement, complète dans la mesure où c'était
démontré que ce n'était pas Power Corporation qui
achetait. Cela était la condition imposée par le gouvernement. Le
reste...
M. BEDARD (Chicoutimi): Si je comprends bien, il a été
démontré, que ce soit par le député de
Marguerite-Bourgeoys ou par quelque autre personne interposée, à
la satisfaction du gouvernement, que la vente aux intérêts
Francoeur n'était pas une vente indirecte à Power
Corporation.
M. BOURASSA: M. Lalonde, le député de
Marguerite-Bourgeoys, pourrait compléter ma
réponse tantôt. Je n'ai pas examiné les documents
moi-même; je n'ai pas examiné les documents moi-même parce
que ce n'était pas la seule chose que j'avais à faire.
Deuxièmement, j'ai pris la parole de M. Francoeur. J'avais raison de
prendre sa parole puisqu'il est ici, aujourd'hui, pour appuyer ce qu'il m'a
dit.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-il à votre connaissance que le
député de Marguerite-Bourgeoys les a examinés ces
contrats?
M. BOURASSA: Je ne crois pas qu'il ait eu les documents en main, sauf
information, mais je crois qu'il a discuté avec les
intéressés.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je voudrais m'abstenir d'interrompre,
mais je n'aime pas qu'on procède à un système de
contre-interrogatoire. Je voudrais qu'on s'en tienne à une question et
qu'on obtienne une réponse. Nous pourrions procéder le plus
rapidement possible, entendre ceux qui peuvent peut-être éclairer
notre lampe et, en même temps, nous aider, nous permettre d'arriver
à une décision. Il me semble que dans le moment nous sommes en
train soit de condamner ou de poser toutes sortes de questions sans avoir
entendu les témoins. Ce serait normal, il me semble d'entendre les
témoins aussi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez une mauvaise perception aussi...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non. Passez, le député de
Chicoutimi.
M. BURNS: M. le Président, sur votre question, je veux tout
simplement vous dire ceci, au nom de mon parti. Il est évident que
tôt ou tard nous voulons discuter avec M. Francoeur et avec toute autre
personne qui puisse être intéressée à cette
transaction. Il est cependant veuillez le prendre comme venant de
l'Opposition très important pour nous d'avoir des réponses
à des questions préliminaires. Or, les deux personnes qui peuvent
principalement nous donner des réponses à ces questions
préliminaires sont le député de Mercier et le
député de Marguerite-Bourgeoys. C'est à ce stade qu'on en
est.
On n'a pas du tout l'intention de faire perdre le temps de la commission
mais, d'autre part, sachez bien qu'on a l'intention d'avoir les réponses
aux questions préliminaires avant de s'adresser aux personnes
mêlées à la transaction.
M. CHARRON: M. le Président, les questions du
député de Chicoutimi ou l'intervention du député de
Maisonneuve nous ramènent aux premières questions que nous
étions en train de poser.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît, je
ne veux pas vous interrompre. Est-ce que le député de Chicoutimi
a terminé?
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je sais que, si le premier ministre
me donne des réponses précises, rapides, on va pouvoir
libérer le premier ministre de la commission très rapidement et
libérer la commission du premier ministre en même temps. Ce qui
fait que je vais lui demander très rapidement ceci. Nous en sommes
toujours au mandat qu'il avait confié au député de
Marguerite-Bourgeoys. Si j'ai bien compris votre réponse, vous me
répondez comme vous le voulez. Il s'agissait, dans une première
étape, de trouver un acheteur autre que Power Corporation.
M. BOURASSA: Et préférablement un groupe de
Québec.
M. CHARRON: Et préférablement un groupe de Québec,
mais vous n'écartiez pas, dans votre choix, le fait que ce soit un autre
acheteur unique, genre UniMédia, par exemple.
M. BOURASSA: En deuxième choix; cela aurait pu être M.
Péladeau. Il n'y avait aucune priorité de choix, aucune
préférence pour le gouvernement entre l'un et l'autre.
M. CHARRON: II y avait, comme première étape,
d'écarter Power Corporation. On s'entend?
M. BOURASSA: Oui, mais... Oui, d'accord.
M. CHARRON: Et comme deuxième étape de former un
groupe...
M. BOURASSA: De Québec.
M. CHARRON: ... qui remplacerait Power Corporation.
M. BOURASSA: De Québec.
M. CHARRON: Est-ce qu'aujourd'hui, au mandat que vous lui aviez
confié, vous êtes prêt à dire mission accomplie?
M. BOURASSA: Dans la mesure où Power Corporation n'a pas
acheté le journal, la mission est accomplie.
M. CHARRON: La première étape.
M. BOURASSA: Dans la mesure où ce n'est pas un groupe de
Québec, je ne vois pas pourquoi on peut blâmer le gouvernement de
quelque façon que ce soit.
M. CHARRON: Attendez un peu.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on pouvait aller plus loin...
M. CHARRON: Vous voyez des blâmes partout. Vous êtes
trop...
M. BURNS: ... nerveux.
M. CHARRON: Répondez...
M. BOURASSA: Je n'arrive pas de...
M. BURNS: Voulez-vous mon carnet mondain?
M. CHARRON: Est-ce que j'entends bien que, du fait que le mandat
était double, on n'a réussi que d'un seul côté, en
théorie...
M. BOURASSA: On a réussi...
M. CHARRON: ... jusqu'à démonstration du contraire?
M. BOURASSA: ... dans l'objectif principal.
M. CHARRON: Qui était d'écarter Power Corporation.
D'accord. Je vais demander au premier ministre, avant de me diriger au ministre
responsable, quand il a entendu parler pour la première fois que le
journal Le Soleil allait être mis en vente?
M. BOURASSA: On en parle depuis plusieurs années.
M. CHARRON: Au cours de la dernière année,
précisément.
M. BOURASSA: Je ne peux pas...
M. CHARRON: Est-ce que le premier ministre je vais poser ma
question de façon différente savait, avant que les
frères Gilbert ne le publient en première page d'une
édition du mois d'août 1973, du même journal, que les
frères Gilbert en question avaient déjà fait des
démarches, quelques mois auparavant, à la recherche d'acheteurs
éventuels?
M. BOURASSA: Non.
M. CHARRON: Quand, en mai 1973, les frères Gilbert, via Marcel
Bélanger du Soleil, ont communiqué avec Québécor
pour offrir le journal en vente aux intérêts Péladeau,
est-ce que, d'une façon ou d'une autre, le premier ministre avait
été mis au courant du fait que le Soleil s'était offert en
vente aux intérêts de Québécor?
M. BOURASSA: La démarche de mai 1973, par M. Bélanger?
Non.
M. CHARRON: Quand M. Péladeau dit que, lors de l'étude au
sein du conseil d'administration de Québécor, d'un projet
éventuel et d'un chiffre qu'il avait lancé aux frères
Gilbert... M. Péladeau dit également qu'à cette
époque il avait rencontré une haute personnalité qui, dans
l'hypothèse où la transaction se serait conclue c'est en
mai ou juin 1973 aurait accepté de devenir l'administrateur du
journal Le Soleil. M. Péladeau affirme même que cette perle rare
comme administrateur, cette personne hautement qualifiée, il avait
obtenu du gouvernement qu'elle soit libérée de ses fonctions
actuelles pour passer, dans l'hypothèse où les frères
Gilbert accepteraient le montant que déposait Québécor sur
la table, à l'emploi de Québécor et administrer le journal
Le Soleil qui serait devenu la propriété de Péladeau.
Quand M. Péladeau dit cela...
M. BOURASSA: A quelle perle rare vous référez-vous? J'ai
deux noms à l'esprit.
M. CHARRON: Vous en avez deux, c'est une de plus qu'il ne m'en fallait.
Je voulais simplement savoir... M. Péladeau affirme avoir
contacté le gouvernement, entre guillemets, pour obtenir la
libération, entre guillemets, de cette personne qui était
à l'emploi du gouvernement. C'est donc dire que, si je crois M.
Péladeau, il vous en avait parlé à vous, parce que
j'imagine que, lorsqu'on dit le gouvernement, on doit parler de celui qui lui
sert de chef. A ce moment, il s'agissait d'obtenir de vous un consentement pour
que ladite personne ait l'autorisation de quitter l'emploi du gouvernement pour
s'en aller. Et cela, c'est avant août 1973.
M. BOURASSA: On parlait d'un nom pour diriger le Soleil, mais d'une
personne qui est à l'extérieur du gouvernement. Maintenant, vous
me parlez d'une personne au gouvernement.
M. CHARRON: Oui, parce que M. Péladeau affirme qu'il avait obtenu
de vous ou du gouvernement je dois dire, pour le citer textuellement
que cette personne soit libérée pour accomplir la nouvelle
tâche parce que je peux même donner plus d'information, si
le premier ministre le veut M. Péladeau hésitait à
prendre la direction ou la propriété du Soleil avec les
administrateurs actuels. Sachant qu'il s'en allait dans une période,
entre autres, de négociations syndicales et que, d'autre part, il avait
l'intention de refaire un peu la figure du journal Le Soleil, il voulait
absolument que cette transaction financière soit accompagnée de
l'acquisition d'un homme de valeur à qui il confierait le nouveau
bébé de Québécor en toute quiétude. Cette
personne, dit-il lui-même, il l'avait trouvée au sein du
gouvernement et avait obtenu du gouvernement qu'elle soit
libérée.
Est-ce que M. Péladeau a raison?
M. BOURASSA: Je me demande si c'est pertinent au débat. J'ai
entendu dire que M. Després avait été
intéressé, pressenti pour cette situation. C'est à lui que
vous vous référez?
M. CHARRON: Vous avez entendu dire quand, M. le premier ministre?
M. BOURASSA: Je ne m'en souviens pas. J'ai parlé avec M.
Péladeau lorsqu'il y a eu des problèmes pour son
approvisionnement, mais je ne me souviens pas qu'il m'ait parlé
c'est possible, parce que cela remonte à un an de la
possibilité d'engager M. Després à l'été ou
au printemps dernier, au printemps 1973. D'ailleurs, M. Després a
été nommé à l'Université du Québec en
juillet, je pense.
M. CHARRON: Juillet, c'est cela, à la fin de la session. M.
Péladeau est dans l'erreur. De toute façon, nous aurons
l'occasion de...
M. BOURASSA: Je ne me souviens pas que M. Péladeau m'ait
parlé d'une façon spécifique d'engager M. Després
pour le Soleil.
M. CHARRON: Quand M. Péladeau viendra à la table de la
commission, nous aurons l'occasion d'éclaircir cela, parce que c'est une
déclaration qu'il a faite. Vers le 10 août, très
près du 10 août, en même temps d'ailleurs ce n'est
pas inutile de le rappeler que se faisait la fameuse transaction entre
Power Corporation et Trans-Canada, hebdos contre quotidiens,
Montréal-Matin, dans le tas, en même temps ici, à
Québec, le Soleil publiait en première page, à quelques
jours près, la décision des frères Gilbert,
décision qu'ils ont parfaitement le droit d'avoir, je le reconnais au
député de Rouyn-Noranda, de mettre en vente le quotidien de
propriété familiale. Est-ce à ce moment-là que le
premier ministre, M. le Président, je le lui demande
immédiatement, a décidé d'intervenir ou si c'est à
la demande de groupes extérieurs au gouvernement?
M. BOURASSA: M. le Président, je ne vois pas quelles ont
été les raisons qui m'ont fait intervenir, qui ont fait
intervenir le gouvernement. Je les ai dites lorsque je l'ai fait. Je
réfère le député aux déclarations que j'ai
faites à ce moment-là.
M. CHARRON: Vous avez d'abord obtenu de M. Gilbert, vers la fin du mois
d'août, l'assurance qu'aucune transaction ne serait
complétée avant le 15 septembre. C'est exact?
M. BOURASSA: Je ne m'en souviens pas. Je ne peux pas vous dire. A ce
moment-là, il y avait...
M. CHARRON: Vous étiez préoccupé par d'autres
choses, à ce moment-là, si je me souviens bien.
M. BOURASSA: C'était un mois...
M. BURNS: D répond comme un témoin à
l'enquête sur le crime organisé.
M. BOURASSA: C'est très facile à faire, cette
farce-là. Elle est bonne quand même.
M. CHARRON: Quand avez-vous décidé de demander le
moratoire aux parties concernées?
M. BOURASSA: Tout cela est public.
M. CHARRON: C'est public, je ne veux pas remonter aux coupures de
journaux. Je puise mes questions à partir des coupures de journaux, mais
il me semble que le chef de gouvernement pourrait...
M. BOURASSA: Probablement la veille de ma déclaration.
M. CHARRON : Vous avez fait la déclaration le 30 septembre.
M. BOURASSA: Je n'ai pas mon calendrier devant moi, mais c'est la
veille... La déclaration a été faite le 12 septembre.
M. CHARRON: D'accord. Le 30 septembre, vous avez annoncé qu'il
était prolongé jusqu'au 15 décembre.
M. BOURASSA: Qui a préparé votre dossier?
M. CHARRON: Moi-même. M. BOURASSA: Cela paraît.
M. CHARRON: Vous allez me dire maintenant, si vous le permettez,
toujours, pour l'information de la commission parlementaire, comment s'est
échafaudé le moratoire? Avez-vous contacté d'abord les
frères Gilbert et ensuite M. Desmarais, que vous saviez très
intéressé à prendre possession du Soleil?
M. BOURASSA: Je ne me souviens pas à qui j'ai parlé en
premier, mais j'ai parlé aux deux. Je ne vois pas...
M. CHARRON: L'avez-vous convoqué ou lui avez-vous simplement
parlé au téléphone?
M. BOURASSA: J'avais convoqué M. Desmarais, je puis
répondre, il n'y a rien à cacher. Le gouvernement a fait le
maximum de ce qu'il pouvait faire là-dedans, je pourrais envoyer
paître le député, mais je suis bien disposé à
répondre à ses questions.
M. CHARRON: Envoyez-moi paître en répondant à mes
questions.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai convoqué M. Desmarais
et j'ai communiqué par téléphone avec les frères
Gilbert.
M. CHARRON: Vous avez convoqué M. Desmarais. Au moment où
vous avez rencontré M. Desmarais c'est en septembre, à son
retour de voyage est-ce que M. Desmarais vous verrez M. le
Président, que je n'étais pas hors d'ordre, parce que je vais
toucher un point important dans la transaction vous a informé
lui, d'abord, d'une quelconque entente à laquelle il serait parvenu avec
M. Gilbert, avant d'accepter le moratoire?
M. BOURASSA: II m'a informé qu'il voulait acheter le Soleil.
M. CHARRON: Avait-il un contrat de vente dûment signé? Vous
a-t-il informé s'il avait un contrat de vente dûment signé,
une promesse de vente dûment signée par M. Gilbert et par M.
Desmarais, de Power Corporation, pour mettre la main sur le journal Le
Soleil?
M. BOURASSA: Je ne sais pas si l'expression "promesse de vente" a
été utilisée, mais il y avait une entente ou la
transaction qui restait devait être complétée par ce qu'on
appelle une fermeture, ou "closing" dans le langage technique. Ce que je
voulais dire dans ma déclaration c'est que si la transaction
était complétée, le gouvernement interviendrait. Donc, il
n'y a pas eu de...
M. CHARRON: Ce billet en fait, appelons-le comme cela
est-ce que le premier ministre en a pris connaissance? M. Desmarais ou M.
Gilbert plus tard lui a remis cette entente, ou si M. Desmarais vous a
simplement signalé qu'il était parvenu à une entente comme
quoi il se réservait le premier droit, à l'expiration du
moratoire?
M. BOURASSA: A la rencontre, à la fin de septembre, on m'a
simplement mentionné qu'il y avait une entente de principe mais que
l'entente n'était pas complétée.
M. CHARRON: Une entente de principe sur quoi et qui comportait quoi?
M. BOURASSA: Probablement que c'était une promesse de vente,
à ce moment-là.
M. CHARRON: Est-ce que c'était écrit et signé par
les deux?
M. BOURASSA: A ce moment-là, je n'ai pas eu la copie de la
promesse de vente. Elle m'a été remise vers le 20 décembre
et je l'ai remise à mon conseiller juridique.
M. CHARRON: D'accord, très bien. Donc, ce n'est que plus tard que
vous en avez pris connaissance, mais vous l'aviez déjà lue cette
promesse de vente puisqu'elle vous a été remise le 20
décembre.
M. BOURASSA: C'est-à-dire que je l'ai fait lire par mon
conseiller juridique qui m'a dit que c'était une promesse de vente et
que c'était...
M. CHARRON: Est-ce que votre conseiller juridique, qui a lu à
votre place le contrat de vente qui vous intéressait, qui
intéressait le gouvernement, vous a signalé qu'il existait,
écrit sur le contrat en question, une manière de clause
spéciale selon laquelle Power Corporation, à l'expiration du
moratoire, demeurait toujours le premier client éventuel à la
suite de l'entente survenue en août 1973, et qu'en fin de compte on
n'acceptait j'interprète là le moratoire
qu'à la condition que ce droit, que Power Corporation voulait se
réserver, d'être le premier acheteur au moment de l'expiration du
moratoire était bel et bien écrit dans le contrat de vente?
M. BOURASSA: Tout ce que j'ai demandé à mon conseiller
juridique c'est de me dire si la transaction devait être
complétée ou si la transaction était
complétée. Or l'avis que j'ai reçu c'est que la
transaction n'était pas complétée; donc, le gouvernement
avait les mains libres pour continuer à chercher un autre groupe. A ce
moment-là, on avait déjà commencé à chercher
un autre groupe.
M. CHARRON: Y avait-il, dans le contrat de vente, dans cette entente,
une claude de désengagement par laquelle Power Corporation pouvait se
retirer?
M. BOURASSA: Je n'ai pas pris connaissance du document, M. le
Président. Je l'ai remis à mon conseiller juridique en lui posant
une question : Est-ce que oui ou non la transaction est
complétée? La réponse a été non.
M. CHARRON: La réponse a été non, bien sûr,
mais est-ce que le ministre responsable du dossier a pris connaissance de ce
texte signé au mois d'août 1973 avant l'entrée en
scène du gouvernement?
M. LALONDE: Non. Je n'ai pas pris connaissance de ce
document-là... si vous voulez je vais terminer la réponse
... parce que la décision du gouvernement de ne pas donner suite
à quelque vente que ce soit au groupe Desmarais éliminait,
à toutes fins pratiques, l'existence de ce document ou son importance en
ce qui concernait les démarches que nous avions à faire. Pour
nous, cela était, ni plus ni moins, non pertinent, c'était un
document qui n'existait pas ou qu'on pourrait invalider si jamais les parties
voulaient y donner suite.
M. CHARRON: D'accord. Mais, si Power Corporation, qui n'est pas
née de la dernière pluie, avait senti, dans l'entrée en
jeu du gouvernement, que, de façon définitive, comme telle, elle
se trouvait écartée de la vente et que, dans la
possibilité de vente et dans le billet avec les frères Gilbert
elle s'était quand même réservée le droit de choisir
celui qui la remplaçait, vous ne trouvez pas que cela compromettait
déjà beaucoup l'action du gouvernement là-dedans?
M. LALONDE: Dans les conversations que j'ai eues avec les frères
Gilbert, en aucune manière il ne nous a été indiqué
que Power Corporation ou M. Desmarais avait le choix de l'acheteur si lui
n'acquérait pas.
M. BOURASSA: D'ailleurs, le fait que les frères Gilbert aient
fait des démarches auprès de M. Péladeau se trouve
à répondre à votre question.
M. CHARRON: Cela, M. le Président, non. Et le premier ministre
sait très bien pourquoi je dis non. On n'en est pas aux premières
actions de ce genre de groupe financier. Il se peut fort bien qu'une
série d'actions aient été simplement comme on dit
dans le milieu, et je ne surprendrai aucune oreille vierge un "frame-up"
tout simplement et qu'un bon nombre de transactions genre Gelco, Gesca et tout
cela...
M. BOURASSA: Attendons de voir les documents.
M. CHARRON: On connaît tout ça très bien. Vous savez
très bien, M. le Président, que, quand Gelco a cédé
la Presse à Gesca, c'était avec une débenture de 50 ans
qui, à toutes fins pratiques, lui permettait de mettre la main sur la
Presse quand même. Vous savez bien que c'est courant.
M. BOURASSA: Le député est présomptueux, comme on
dit.
M. CHARRON: Je pose simplement la question suivante. Je m'étonne
de voir que les deux responsables du dossier au sein du gouvernement n'aient
pas meilleure connaissance de ce document. Je vous rappelle son importance et
la raison pour laquelle je m'y intéresse. Il se peut qu'à partir
du moment où le premier ministre a téléphoné aux
frères Gilbert et a rencontré M. Desmarais pour leur demander un
moratoire de trois mois, de la nomination du ministre responsable, tous ces
efforts auprès de la Caisse de dépôt et placement et de
tous les autres groupes, que je veux bien croire honnêtes et avoir
été menés, tout cela ait été
complètement inutile parce qu'un petit billet, signé au mois
d'août, disait (Power Corporation disait): Je sens que je n'aurai pas le
droit de mettre la main sur le Soleil; je me réserve le droit de choisir
celui qui me remplacera, étant donné qu'on avait
déjà un contrat de vente signé ou, alors, que Power
Corporation, sans choisir celui qui allait la remplacer, choisissait d'avance
celui qui n'allait pas la remplacer et écartait, dans le contrat de
vente avec les frères Gilbert, un éventuel concurrent. Je n'ai
pas besoin de faire de dessin à personne.
M. LALONDE: Je pourrais peut-être référer le
député de Saint-Jacques à la déclaration de M. Guy
Gilbert, à l'émission Présent.
M. CHARRON: Nous entendrons M. Gilbert lui-même.
M. LALONDE: Je suggérerais au député de
Saint-Jacques d'attendre les déclarations de M. Gilbert. On peut faire
toutes sortes d'hypothèses là-dessus.
M. CHARRON: D'accord. Mais moi, j'interroge le gouvernement responsable.
Et les deux, celui qui s'est dit le défenseur de la liberté
d'information et qui allait écarter Power Corporation, et l'autre qui,
depuis le début de novembre, est responsable du dossier ne peuvent
m'informer du contenu de ce document qui risque d'avoir complètement
paralysé les efforts de l'un ou de l'autre.
M. BOURASSA: Attendez, on va interroger les témoins tantôt.
Le député tire ses conclusions avant même d'entendre les
porte-parole.
M. CHARRON: La conclusion que je tire pour le moment je n'en tire
pas d'autre; je vous ai dit celles que je pourrais tirer, dans
l'hypothèse celle que je tire immédiatement, c'est que le
premier ministre n'a pris connaissance de ce papier que le 20 décembre,
après avoir fait tous les "sparages" de moratoire que vous voudrez, et
que le ministre responsable ne se souvient pas lui-même des clauses qu'il
pouvait y avoir là-dedans. Pourtant, une personne qui a
été très liée à toute la transaction depuis
le début, et je nomme le directeur du Devoir, affirme dans un papier, au
moment où le Soleil passait aux mains de Jacques Fran-coeur, que l'offre
de M. Desmarais fut acceptée par les frères Gilbert qui
signèrent un document en bonne et due forme à cette fin, selon
lequel les frères Gilbert s'engageaient à ne pas céder le
journal à des intérêts que Power Corporation n'accepterait
pas de voir prendre le quotidien de la ville de Québec.
La seule conclusion que je tire, c'est que, du côté
gouvernemental je serai modéré dans mon expression
on est sérieusement négligent et qu'on a édifié,
après ça, un nombre considérable d'efforts, on a
dérangé un nombre considérable de personnes pour quelque
chose qui était peut-être inutile à partir d'août
1973, puisque celui qui allait décider, à toutes fins pratiques,
et qui peut-être éventuellement, à la
suite de son acheteur qu'il aurait lui-même choisi,
réussirait par toutes sortes de transactions financières, Gelco,
Gesca, ai-je besoin de vous le rappeler, à remettre la main sur le
quotidien qu'il était important d'écarter pour le moment...
M. BOURASSA: Si les caisses populaires avaient accepté, vous
pensez que l'opinion...
M. CHARRON: Nous aurons l'occasion, M. le premier ministre, de discuter
de la participation des caisses populaires. Nous les entendrons
elles-mêmes lorsqu'elles viendront à la commission et le ministre
responsable aussi.
M. LACROIX: Si René Lévesque avait de l'argent pour
l'acheter, parleriez-vous de la même façon? C'est un maudit
quêteux comme vous autres qui essaie d'imposer ses idées.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. CHARRON: Je vous pose simplement une question, M. le premier
ministre. Avant ce message du commanditaire, je voulais simplement vous
demander...
M. LACROIX: Tous les gens qui rient sont aussi innocents que vous parce
qu'ils sont comme vous, des gens qui ne connaissent rien et qui voudraient que
des personnes qui travaillent pour l'avancement du Québec, se permettent
de se limiter dans leurs actions. M. le Président, en passant, je
voudrais vous dire une chose. Quant à nous, du Parti libéral,
nous avons notre information, nous n'avons pas besoin des personnes qui sont
des fonctionnaires payés par le gouvernement qui sont là pour
donner des informations. Quant à M. Bernard que je respecte beaucoup et
à l'autre que je ne connais pas, ils n'ont pas d'affaire à
siéger là.
Qu'ils s'en aillent et, s'ils veulent témoigner, ils se
lèveront et parleront, mais que ces personnes se distancent un peu et
qu'elles essaient de dire que le député de Saint-Jacques exprime
ce qu'il pense et non ce que les autres pensent; M. Bernard a eu accès
à des dossiers auxquels je n'ai pas eu accès, mais M. Bernard n'a
pas plus d'affaire là que la chatte, en arrière, a besoin de deux
queues. M. Bernard et l'autre conseiller ont seulement à s'en aller et
tous les séparatistes devraient comprendre une chose, c'est qu'il y a 70
p.c. de la population, au moins, qui espère que le gouvernement sera
assez intelligent pour ne pas répondre je vais m'excuser, je ne
dirai pas le mot, parce que le député de Saint-Jacques le dirait,
aux idioties du député de Saint-Jacques qui ne connaît
absolument rien en chiffres, il ne sait pas qu'un et un font deux, à
part de recevoir son salaire de député et d'être professeur
en politique à l'Université...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaft! Le
député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît, je
veux exposer le même problème que j'ai exposé tout à
l'heure lorsque j'ai donné la parole au député de
Saint-Jacques. Avez-vous terminé?
M. CHARRON: Oui, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Chicoutimi.
M. BOURASSA: M. le Président, je vais répondre. Le
député de Saint-Jacques a tiré une conclusion qui
contredit formellement une déclaration du principal
intéressé ou l'un des principaux intéressés, M. Guy
Gilbert, qui a déclaré publiquement exactement le contraire de ce
que vient de conclure le député de Saint-Jacques. Je pense que
l'on peut tirer des conclusions à ce stade-ci de la commission
parlementaire, tout le monde peut en tirer, mais je tiens, étant
donné qu'il a tiré lui-même cette conclusion, à lui
dire que M. Guy Gilbert contredit formellement le député de
Saint-Jacques sur sa conclusion et sur le contenu du contrat.
M. CHARRON: Je m'excuse auprès de mon collègue, je vais
lui laisser la parole immédiatement. Je rappelle immédiatement
la...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je prierais la présidence de
laisser la parole à votre collègue.
M. CHARRON: La conclusion que je tire, celle que j'ai tirée
actuellement, il n'y en a pas d'autre, mais elle est déjà claire,
c'est la négligence et l'ignorance qu'entretenaient les deux principaux
intéressés, au nom du gouvernement dans le dossier, de ce contrat
de vente.
M. BOURASSA: Attendez à la fin quand même; à propos
des démarches que l'on a faites dans une transaction qui n'est quand
même pas illégale, le député de Rouyn-Noranda a
démontré les inconvénients de cette intervention et il a
droit à son point de vue, mais le gouvernement a quand même pris
des initiatives très concrètes auprès d'organismes
parapublics, initiatives où il aurait pu être vulnérable
à plusieurs points de vue, allant jusqu'où le chef du
gouvernement peut intervenir auprès d'un organisme parapublic pour
l'inciter plus ou moins à investir dans une entreprise privée et
nous l'avons fait pour éviter la concentration de la presse. Quand le
député nous accuse de négligence, je pense qu'il ne
respecte pas les faits.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adressait
à M. le premier ministre. Vous avez parlé tout à l'heure
d'un document qui avait été approuvé par les frères
Gilbert
d'une part et Power Corporation dans un premier temps et que vous aviez
confié à votre conseiller juridique, n'est-ce pas? Est-ce que le
premier ministre croit, premièrement, que ce document est suffisamment
important et a-t-il l'intention de le produire au niveau de cette
commission?
M. BOURASSA: Bien, on verra, M. le Président, si c'est pertinent
au débat, on verra si c'est d'intérêt public.
M. BEDARD (Chicoutimi): Bien, si c'est pertinent au débat!
M. BOURASSA: On va entendre les parties en cause et on verra.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce que je voudrais savoir, c'est d'abord, je
pense, si c'est pertinent au débat, on aura à en discuter...
M. BOURASSA: C'est un document entre des parties privées
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce que je voudrais savoir, c'est si, dans
l'esprit de l'honorable premier ministre, ce document pourrait être
important, je ne dis pas dans l'esprit de la commission, mais dans l'esprit de
l'honorable premier ministre,
M. BOURASSA: M. le Président, tout peut être important mais
je pense qu'il est encore plus important actuellement d'entendre les
parties.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le conseiller juridique dont vous avez fait
état, est-ce que nous pourrions savoir son nom et est-ce l'intention de
l'honorable premier ministre de le faire comparaître à cette
commission?
M. BOURASSA: Ecoutez,...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je vous pose tout simplement la question.
M. BOURASSA: Son nom est M. Chouinard. On n'est pas pour faire
comparaître tous les fonctionnaires dans une transaction qui n'a pas eu
lieu.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas votre intention?
Je comprends que l'honorable premier ministre ne peut pas dire si des
pénalités étaient incluses dans cette promesse de vente au
cas de non-excécution?
M. BOURASSA: J'ai posé une question, parce que le gouvernement ne
peut quand même pas examiner tous et chacun des... le chef du
gouvernement... J'ai dit: Est-ce que le contrat signifie que la vente est
complétée? On m'a dit: Non. C'est tout ce que je voulais savoir,
parce que cela évitait au gouvernement d'intervenir d'une façon
législative rétroactivement et c'est cela qui était
important.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ne croyez-vous pas que ceci serait
peut-être important pour enlever au niveau de la population, toute
arrière-pensée, concernant l'Opposition? Etant donné qu'on
fait état qu'il y aurait eu dans cette promesse de vente une certaine
clause à l'effet qu'on ne pouvait céder à d'autres que
ceux choisis par Power Corporation, ne croyez-vous pas qu'il serait dans
l'intérêt de la commission que ce document soit produit?
Peut-être qu'on constatera ainsi tout simplement que cette clause n'est
pas là, A ce moment-là, tout le monde sera satisfait. Mais savoir
qu'elle puisse y être et ne pas se permettre d'inventorier le
document...
M. BOURASSA: M. le Président, il y a la parole de M. Gilbert,
quand même. Il reste au gouvernement d'examiner les
précédents qu'il peut poser en rendant publics des documents
entre parties privées. Si cela paraît fondamental au débat,
évidemment on peut considérer de le déposer même si
on dépose un document entre parties privées, avec toutes les
conséquences que cela a comme précédent.
M. BEDARD (Chicoutimi): Merci, M. le Président.
M. BURNS: M. le Président, avec votre permission...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, allez-y.
M. BURNS: Je suis respectueux de votre ordre.
Ce qui m'étonne de la part du premier ministre c'est qu'il parle
de documents entre parties privées. Nous parlons d'une transaction entre
parties privées. Le député de Rouyn-Noranda nous a
tantôt entretenus pendant une quinzaine de minutes sur ce fait-là.
Je pense qu'il n'y a personne qui se pose des questions à savoir si ce
sont des transactions qui ont lieu entre parties privées; c'est bien
évident. Mais c'est un document qui, de l'aveu même du premier
ministre, est entre les mains du gouvernement et qui a été
jugé assez important pour être soumis au conseiller juridique du
premier ministre, Me Julien Chouinard.
M. BOURASSA: Pour vérifier un point.
M. BURNS: Le député de Saint-Jacques a soulevé un
certain nombre de questions relativement à ce document et le premier
ministre, en réponse à ça, droit que je ne lui nie pas, a
dit tout simplement: Je n'ai pas consulté ce document, je l'ai soumis
à mon conseiller juridique.
Et il nous renvoie à des affirmations d'un des messieurs
Gilbert.
Oui, d'accord. Je ne mets pas non plus en doute la parole de M. Gilbert
mais comme ce document est accessible, c'est-à-dire qu'il doit
être encore en la possession du gouvernement, je me demande pourquoi le
gouvernement ne le déposerait pas, entre autres, parmi les documents que
nous aurons à examiner pour vérifier toute cette succession de
tractations, pour en arriver à la conclusion que le premier ministre
lui-même nous incite à tirer ou à ne pas tirer
éventuellement, c'est-à-dire que Power Corporation est en dessous
de cette transaction ou n'y est pas. C'est un des éléments. Je
soumets bien respectueusement à la commission que ce document peut
être d'importance, si ce n'est, comme le disait le député
de Chicoutimi et le député de Saint-Jacques, que pour dissiper un
doute qui puisse exister dans notre esprit. Même si Power Corporation se
sentait écarté par les déclarations du premier ministre et
du député de Marguerite-Bourgeoys, cette corporation pouvait
quand même exercer, peut-être, une certaine influence étant
donné une clause dans cette entente, cette promesse de vente, non pas en
choisissant l'acheteur éventuel, mais en pouvant écarter par une
espèce de droit de veto, presque, les acheteurs éventuels.
Je pense que c'est drôlement important qu'on ait ce
document-là. Sans faire une proposition formelle, je demande au premier
ministre, qui semble bien intentionné et qui semble vouloir faire la
lumière sur toute l'affaire du moins c'est ce que j'ai compris
depuis le début s'il ne donnerait pas, aux députés
membres de la commission, une copie de ce document. Je lui demande surtout de
ne pas se référer au fait qu'il s'agisse de tractations entre
parties privées. Nous sommes dans ce domaine.
M.BOURASSA: J'ai dit, M. le Président, que j'étais pour
examiner les implications d'un tel dépôt et que je ne vois pas en
quoi cela ferait perdre le temps de la commission, durant ce temps, que les
témoins puissent se faire entendre, les premiers
intéressés.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. BONNIER: Comme membre de cette commission, il me semble que
l'objectif de la commission est d'examiner si la transaction entre le journal
Le Soleil et M. Francoeur, d'UniMédia, met en cause le
phénomène de concentration de l'information au Québec.
Personnellement, je suis très préoccupé du
phénomène de concentration de l'information, et c'est cela qu'on
doit examiner.
S'il arrive, en cours de route, que ce document soit essentiel, je pense
bien que là, le premier ministre jugera si c'est opportun de le
déposer, mais il me semble qu'actuellement il ne me parait pas essentiel
pour la discussion. Ce qui m'intéresse, en tant que
député, c'est d'examiner jusqu'à quel point cette vente
met en cause la concentration de l'information, non seulement au point de vue
financier mais également au niveau du contrôle même des
types d'information qui peuvent se faire au Québec, tenant pour acquis
que le phénomène actuellement au Québec est
différent de celui des Etats-Unis. D'un autre côté,
l'intervention de M. Samson m'a un peu fatigué je m'excuse, dans
le bon sens mais je pense que c'est le rôle de l'Etat de
préserver le bien commun et de voir à ce qu'il se réalise.
C'est le bien commun qui est la limite de la propriété
privée. Si cette transaction n'est pas à l'encontre du bien
commun, elle passe tout simplement, mais si elle l'était, je pense qu'il
y aurait lieu de se poser des questions.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai beaucoup de respect pour le
député de Taschereau et je vais, très succinctement, lui
dire pourquoi nous faisons cela: exactement pour les mêmes motifs que
vous venez d'apporter. Je trouve qu'il est important que la commission soit
mise au courant si comme je l'ai rappelé au premier ministre tout
à l'heure avant même l'entrée en jeu du premier
ministre, c'est-à-dire sa convocation de M. Desmarais à son
bureau pour demander un moratoire, etc., si les dés étaient
pipés d'avance. Vous avez raison de rappeler que la commission est ici
pour examiner si la transaction du Soleil aux mains de M. Francoeur accentue le
phénomène indéniable de concentration de presse que
connaît le Québec depuis six ou sept années. Or, je vous
dis moi, non pas que c'est vrai, je vous dis qu'il est possible et c'est
notre devoir comme responsables de cette question, nous avons été
élus pour cela qu'un papier... Le premier ministre me dit que je
mets en doute la parole de M. Gilbert; moi, je dis que lui met en doute la
parole du directeur du Devoir. C'est équivalent.
Le directeur du Devoir, lui, affirme et on reconnaîtra de
quelle façon il a été mêlé à cette
transaction depuis le début, comme conseiller, à des
réunions exploratoires M. Ryan affirme l'existence d'un pareil
billet. On est donc pour le même intérêt de la commission,
à savoir le même billet qui disait ceci: L'entrée en jeu du
gouvernement signifie nécessairement que je vais me trouver
écarté du dossier; il ne peut pas me le laisser, sinon il
accentue d'une façon très nette la concentration de presse. Power
Corporation est propriétaire de tout ce que vous savez. Si je me fais
enlever le droit d'acheter le Soleil, je voudrais au moins que ce ne soit pas
mon principal concurrent qui le possède. Je m'efforcerai de prouver que
c'est possible que cela ait été cela. Le directeur du Devoir
insiste pour que la commission spéciale sur la liberté de presse
soit vigilante. C'est pour cela que les
députés de Maisonneuve et de Chicoutimi se joignent
à moi pour demander le dépôt. Peut-être qu'il n'y a
rien dans cette affaire. Ce serait donc une "balloune désoufflée"
sur laquelle le directeur du Devoir a eu tort d'attirer notre attention.
Le député de Taschereau n'en voudra certainement pas
à l'Opposition de se montrer vigilante puisqu'une personne aussi bien
renseignée et aussi respectable que le directeur du Devoir affirme que
cela existe.
Ce n'est pas pour rien, non plus. On me parlait de la parole de M.
Gilbert. M. Gilbert a aussi affirmé, dès la mise en vente du
Soleil, qu'il préférait de loin le céder à Power
Corporation qui, disait-il, avait le même genre de vocation et le
même genre de journal, qui correspondait plus à ce que le Soleil
avait toujours été depuis ses 77 ans d'existence, plutôt
que de le remettre à Québécor qui se spécialise
dans un journal d'une moins bonne qualité, à son avis, visant
enfin aux mêmes types d'objectifs.
Il est bien possible que M. Gilbert ait été consentant,
puisqu'il avait lui-même exprimé sa préférence
à le laisser à Power Corporation, de vive voix, c'est dans les
journaux, autant que l'autre déclaration à laquelle le premier
ministre se référait tout à l'heure, et qu'on soit parvenu
à une manière de clause spéciale à
l'intérieur de cela. Pourquoi? Vous vous demandez encore pourquoi je me
trouverais soucieux? C'est que bien des gens se sont étonnés au
moment de la transaction. Là-dessus, nous ne faisons que notre devoir
qui est de surveiller l'action du gouvernement dans ce dossier et dans cette
transaction. Ils se sont étonnés de voir M. Francoeur arriver un
peu comme un champignon dans le dossier, alors que depuis le mois de mai le
Soleil était mis en vente...
On aura l'occasion d'entendre si vraiment sa préoccupation datait
d'avant cela, mais l'opinion que nous avons avant de les entendre, c'est qu'il
arrivait comme un poil sur la soupe, à peu près, dans le dossier.
Sans porter de jugement à l'avance, la moindre intelligence suspecte
alentour de cette table qui connaît le passé de M. Francoeur et
les intérêts financiers qu'il a déjà eus avec M.
Desmarais, peut se permettre d'avoir des doutes là-dessus et de poser
cette question. Ce n'est pas un secret. C'est le 10 août 1973 que ces
deux hommes se sont financièrement séparés. Je ne parle
pas des années trente. C'est il y a un an et ces deux hommes peuvent
avoir encore des intérêts. Nous aurons l'occasion de
vérifier ensemble s'ils ont des intérêts.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut entendre la version des
intéressés?
M. CHARRON: Nous l'entendrons, bien sûr, M. le premier ministre.
Je sais que vous avez hâte que je termine...
M. BOURASSA: Oh non!
M. CHARRON: ... mais je n'ai pas terminé. Je vais vous demander
autre chose. L'intervention du député de Taschereau m'a
donné l'occasion de revenir sur le phénomène
général de la concentration. Vous savez que, depuis 1967,
à peu près, sur le territoire québécois et
la commission Davey disait que c'est sur le territoire québécois
que ce phénomène est le pire...
M. BOURASSA: On m'a souvent donné d'autres informations.
M. CHARRON: ... on a assisté à une concentration de la
presse à une lutte très très dure entre les cartels
financiers à certains endroits pour s'approprier le moindre des journaux
dans la moindre des régions. Je pense que M. Francoeur lui-même
non seulement veut se porter acquéreur du Soleil, mais il n'y a pas
encore tellement longtemps, quelques semaines après la transaction des
intérêts de TransCanada, il s'est porté acquéreur de
la Parole de Drummondville. M. Francoeur manifeste beaucoup
d'intérêt et c'est à qui en aurait le plus. Ce
phénomène est observable par tout le monde.
Télémédia, branche de Power Corporation, est à la
recherche... Et c'est à qui en prendrait le plus, le plus rapidement
possible.
M. BOURASSA: On pourra entendre le député, dimanche, sur
Télémédia.
M. VEILLEUX: Québécor.
M. CHARRON: Québécor également.
M. VEILLEUX: II ne faut pas l'oublier.
M. CHARRON: Certainement. Je n'ai aucune intention de l'oublier.
Québécor est aussi dans la lutte. Ils ont fait des offres
jusqu'à la limite et, si l'occasion leur était offerte de mettre
la main sur le Soleil, je suis convaincu qu'ils le feraient. Si le
député de Saint-Jean pensait me poser une trappe, ce n'est pas
cela que j'essaie de nier. Mais, dans cette querelle de magnats, dans cette
guerre qu'on se livre, je m'étonne, comme bien des gens, de la version
que le premier ministre a donnée du moratoire. Quand le premier ministre
a annoncé ceci: On a accepté gentiment du côté de M.
Gilbert et gentiment du côté de M. Desmarais...
M. BOURASSA: Cela n'a pas été gentiment du
côté de M. Gilbert.
M. CHARRON: Très bien. Ecartons M. Gilbert qui, de toute
façon, de lui-même veut s'écarter du dossier, mais
monsieur...
M. BOURASSA: Cela n'était pas plus intéressant pour M.
Desmarais, non plus.
M. CHARRON: Bon. Cela n'était pas plus intéressant pour M.
Desmarais, non plus. Pen-
sez-vous que M. Desmarais qui, depuis des années, travaille
d'arrache-pied pour bâtir le domaine de l'information qu'il est en voie
de contrôler 62 p.c. des publications quotidiennes s'est
plié comme cela à la demande du premier ministre? Le premier
ministre a convoqué M. Desmarais non simplement pour l'informer d'un
moratoire, si je comprends bien, mais aussi pour lui dire qu'il n'avait pas
l'intention du tout qu'il se porte acquéreur du Soleil.
M. BOURASSA: Là-dessus, je dois interrompre le
député. Si on n'avait pas trouvé d'autres acheteurs, que
ce soit M. Péladeau, M. Francoeur, le gouvernement aurait eu à
prendre une décision. Est-ce qu'il force les frères Gilbert
à garder leur bien par une loi ou est-ce qu'il leur permet de vendre? Il
aurait fallu prendre une décision s'il n'y avait pas eu d'autres
acheteurs.
M. CHARRON: J'en conviens, mais au moment où vous avez
convoqué M. Desmarais à votre bureau pour lui demander de
surseoir à la vente et d'agréer l'existence d'un moratoire de
trois mois, l'avez-vous informé que vous aviez l'intention de mandater
un membre de votre cabinet pour travailler d'arrache-pied à trouver un
autre éventuel acheteur que lui?
M. BOURASSA: C'était à la mi-septembre?
M. CHARRON: L'avez-vous informé que le gouvernement aurait
à prendre une décision et que, dans l'hypothèse où
il ne trouverait pas d'autres acheteurs, que Power Corporation serait le seul
sur la liste, il se verrait peut-être obligé d'inventer une
nouvelle formule, mais d'interdire... Vous ne l'avez pas... C'est pour cela
qu'il a probablement accepté le moratoire.
M. BOURASSA: Le député fait son petit avocat. J'ai
informé M. Desmarais que le gouvernement imposait un moratoire de trois
mois.
M. CHARRON: Vous l'avez informé. Et M. Desmarais a-t-il
été informé, en même temps, que ce moratoire visait
à trouver un autre acheteur que lui, mais que l'intention du
gouvernement était d'en trouver un autre que Power Corporation?
M. BOURASSA: J'ai dit tantôt que le gouvernement avait à
prendre la décision au cas où il n'y aurait pas d'autres
acheteurs. C'est clair que si on imposait un moratoire, c'était pour
trouver un autre acheteur. Autrement quel aurait été le but du
moratoire?
M. CHARRON: Donc, lorsque M. Desmarais est sorti de votre bureau, il
savait parfaitement... Non seulement, il venait de...
M. BOURASSA: Vous questionnerez M. Desmarais.
M. CHARRON: C'est vous qui lui avez parlé. C'est cela qui est
important.
M. BOURASSA: Mais il va venir. Il savait parfaitement.
M. CHARRON: M. Desmarais nous dira ce qu'il a entendu; mais je veux
entendre ce que vous, vous lui avez dit.
M. BOURASSA: Je n'ai pas de bandes sonores.
M. CHARRON: Non, de toute façon, je vous connais assez pour
savoir que vous les effaceriez.
M. le Président, c'est très important. Est-ce qu'on me
permettra d'imager pour que ce soit bien clair ce que j'essaie d'obtenir comme
information à l'intention de la commission?
M. BOURASSA: Pas trop de blagues, par exemple.
M. CHARRON: Non, M. le Président. Il y a des gens qui ont dit...
Il y a une version courante qui a été rapportée par des
journaux.
M. BOURASSA: A quel endroit?
M. CHARRON: J'aimerais bien voir le premier ministre la nier et je lui
donnerai tout crédit. Elle dit ceci: On a convoqué M. Desmarais.
M. Desmarais a informé le premier ministre qu'il avait un contrat de
vente dûment signé avec M. Gilbert. Le premier ministre s'en
allait en élection générale et il a demandé
à M. Desmarais, se servant de son prestige de premier ministre,
ce qu'il a parfaitement le droit de faire de surseoir à cette
vente, mais que plus tard, il pourrait reprendre, mais de grâce pas
quelques semaines avant l'élection.
Cette rumeur a couru et elle court encore. Il y a même des gens
quand ils ont vu surseoir et arriver le nom de M. Francoeur qu'il savait
déjà lié d'amitié et d'intérêt avec M.
Desmarais, se sont dit que c'était ce qu'on avait trouvé comme
formule de sortie après l'expiration du moratoire. Il y a des mauvaises
langues qui ont dit cela. Il y a des mauvaises langues qui atteignent...
M. BOURASSA: S'il y a des mauvaises langues, pourquoi
interprétez-vous ce qu'elles disent?
M. CHARRON: Parce que je le présuppose à votre place.
M. BOURASSA: On n'est pas pour commencer à commenter les propos
des mauvaises langues. Il y a des gens qui attendent depuis deux heures.
M. CHARRON: Alors ne commentons pas
les propos des mauvaises langues. Je pose de nouveau une question qui
peut absolument tuer les mauvaises langues à cet égard, si le
premier ministre y répond convenablement. Vous avez
déclaré, m'avez-vous dit tout à l'heure, que
l'entrée en fonction d'un moratoire... Alors, vous n'avez pas
demandé son consentement, vous l'avez informé. Donc, c'est
contraire déjà à toute une version qu'on connaissait
à l'effet qu'on avait eu le consentement des deux.
M. BOURASSA: II aurait pu ne pas...
M. CHARRON: Vous avez dit que c'était non jusqu'au 15
décembre.
M. BOURASSA: Selon la déclaration qui a été rendue
publique le lendemain, si on ne se conformait pas au moratoire, on
interviendrait d'une façon législative.
M. CHARRON: D'accord. Avez-vous informé M. Desmarais que le
gouvernement ferait tout son possible pour écarter Power Corporation de
la propriété du Soleil?
M. BOURASSA: M. Desmarais était prévenu que le
gouvernement n'accepterait pas la vente du Soleil à Power Corporation.
Je ne sais pas si c'est à cette réunion ou auparavant, mais
c'était clair dans son esprit.
M. CHARRON: Autrement dit, le moratoire pour M. Desmarais était
l'information selon laquelle il ne mettrait jamais la main sur le Soleil et
qu'on connaîtrait le prochain acheteur à la fin du moratoire.
M. BOURASSA: II connaissait l'intention du gouvernement, mais j'ai dit
au député que le gouvernement aurait eu, par hypothèse,
à prendre la décision, s'il n'y avait eu aucun autre acheteur, de
forcer les frères Gilbert à garder le journal ou à
accepter la vente à...
M. CHARRON: Vous le lui avez-vous dit, à M. Desmarais?
M. BOURASSA: Je ne me souviens pas toutes les paroles, mais il
était à ce moment-là... J'ai convoqué M. Desmarais
pour lui dire qu'il y aurait un moratoire, que je n'acceptais pas que la
transaction soit complétée.
M. CHARRON: Vous n'acceptiez pas que la transaction soit
complétée. L'avez-vous informé que vous mandateriez
quelqu'un de votre cabinet pour trouver un autre acheteur que lui?
M. BOURASSA: A ce moment-là, c'était avant
l'élection.
M. CHARRON: C'était avant l'élection, mais vous aviez un
cabinet quand même, peu importe que ce soit le député de
Marguerite-
Bourgeoys. Vous avez un ministre des Communications qui devrait
être ici cet après-midi, il aurait fort bien pu... il semble
beaucoup plus soucieux que vous ne le croyez à part cela, c'est
peut-être pour cela qu'il n'est pas ici de la liberté de
presse.
M. BOURASSA: Vous auriez pu amener votre chef parlementaire de ce
côté-là. Il prépare son voyage aux
Champs-Elysées. Votre chef parlementaire, il s'en va à Paris, sa
place est ici dans les dossiers importants comme celui-là.
M. CHARRON: Vous ne trouvez pas que je m'occupe bien de ce qui se fait
cet après-midi? Vous ne trouvez pas que cela va assez bien comme
ça?
M. BOURASSA: Au contraire, les députés se trouvent
à mettre en relief les efforts que fait le gouvernement.
M. VEILLEUX: M. le Président, M. CHARRON: Bon, d'accord.
M. VEILLEUX: Si le ministre des Communications est absent, c'est parce
qu'il reçoit tout simplement une délégation de l'Ontario
qui était prévue depuis longtemps.
M. BURNS: Bravo!
M. CHARRON: Cela va très bien.
M. BURNS: Bienvenue aux Ontariens.
M. CHARRON: M. le Président, encore là, c'est
extrêmement important parce que, voyez-vous, ce qui est sorti un peu
comme un poil sur la soupe...
M. BOURASSA: Des mauvaises langues.
M. CHARRON: ... c'est qu'à un moment donné le premier
ministre se trouvait là avec une patate chaude. Le Soleil était
en vente, il y avait des pressions d'un peu partout, la
Fédération professionnelle des journalistes, un parti
d'Opposition, le Conseil de presse, un tas de gens, ceux qui sont
intéressés à ce genre de question, soucieux un peu de ce
qui allait arriver. Le premier ministre était vraiment aux prises avec
une patate chaude, comme on l'a vu quelquefois.
M. BOURASSA: Oui, ce n'était pas la première.
M. CHARRON : Ce n'était pas la première, et il n'est pas
sorti de la patate chaude, ce n'était pas la première fois qu'il
en sortait de la manière qu'il en est sorti, par une pirouette.
M. BOURASSA: De toute façon, j'en ai eu
pas mal de patates chaudes et le 29 octobre la population a
décidé.
M. CHARRON: La pirouette du 30 septembre, c'est de celle4à que je
vous parle. Tout à coup, le premier ministre sortait et dit: J'obtiens
un moratoire de trois mois. Permettez-nous, M. le Président, aujourd'hui
où nous sommes à étudier la transaction qui a suivi la fin
de ce moratoire, de questionner le premier ministre. Comment s'est-il pris pour
obtenir ce moratoire et qu'y avait-il dans le moratoire? Ce n'est pas
l'habitude du premier ministre, pour ceux qui le connaissent bien, de
téléphoner à M. Gilbert et dire: D y a un moratoire de
trois mois, et de convoquer M. Paul Desmarais, président de Power
Corporation, qui lui-même d'ailleurs l'avait déjà
invité à l'inauguration de son garage au coin de Berri et de
Maisonneuve, à Montréal. Le premier ministre de
répondre...
M. BOURASSA: Non. M. Desmarais n'est pas propriétaire d'un garage
au coin de Berri et Maisonneuve.
M. CHARRON: Oui. Vous êtes allé à l'inauguration en
même temps que M. Robichaud et M. Robarts.
UNE VOIX: Vous connaissez cela Voyageur?
M. BOURASSA: J'y allais pour demander des laissez-passer pour...
M. CHARRON: Très bien. Peu importe, M. le Président, pour
ceux qui connaissent le premier ministre et son habitude diplomatique de se
faufiler entre les crises lorsqu'il a une patate chaude, tout le monde a
été surpris, et encore aujourd'hui, de l'entendre de nouveau de
la bouche du premier ministre: J'ai téléphoné à
Gilbert, j'ai dit: C'est trois mois, pas de transaction. Je fais venir Ti-Paul
Desmarais, c'est trois mois, pas de transaction. Ce n'est pas le premier
ministre qu'on connaît, M. le Président. Ce que moi j'aimerais
savoir, c'est ce que M. Desmarais vous a dit, il aura l'occasion de nous le
répéter lorsqu'il viendra. Mais sans mettre en question la parole
du premier ministre, parce que je n'en ai pas le droit, je puis quand
même lui demander de me l'expliquer. Il dit: J'ai informé le
président de Power Corporation que je n'allais pas endosser la vente.
C'est exact? Que vous n'accepteriez pas la vente à Power Corporation. Il
le savait donc à partir du 12 septembre, je crois?
M. BOURASSA: J'ai dit qu'il y aurait un moratoire, je l'ai dit au
député, cela fait quatre fois que je le répète.
M. CHARRON: Qu'est-ce que cela voulait dire pour M. Desmarais? Je ne
vous demande pas ce que cela voulait dire pour le public. Vous l'avez
bien...
M. BOURASSA: Vous le lui demanderez.
M. CHARRON: Je vous demande ce que vous avez dit à... Qu'est-ce
que cela voulait dire, M. Desmarais? Est-ce que cela voulait dire...
M. BOURASSA: Ce que j'ai dit à M. Desmarais a été
résumé le lendemain dans un communiqué très concis
et très clair.
M. CHARRON: Je ne vous demande pas ce que Charles Denis a dit. Je vous
demande ce que le premier ministre, lui, a dit au président de Power
Corporation. Est-ce que M. Desmarais, lorsqu'il est sorti de là, avait
été officiellement avisé par le chef du gouvernement du
Québec que Power Corporation ne mettrait pas la main, contrairement
à ce qui avait été signé, sur le journal Le Soleil?
Le savait-il le 12 septembre?
M. BOURASSA: M. le Président, M. Desmarais était au
courant de la volonté du gouvernement de ne pas laisser le Soleil tomber
entre les mains de Power Corporation avec l'hypothèse, s'il n'y avait
aucun acheteur les questions que je me pose, que le député
se pose, que lui pouvait se poser de ce qui arriverait? Est-ce qu'on
laisserait agir Power Corporation? Quel principe aurait prévalu? La
liberté de commerce ou la concentration de la presse? C'est à ce
moment-là qu'il aurait fallu prendre la décision.
M. CHARRON: Et vous lui avez dit... Merci pour la réponse, mais
une dernière lumière, vous lui avez dit, à ce
moment-là, que si, à la fin du moratoire, il se trouvait
être le seul acheteur éventuel, alors... Ecoutez bien, je redis ce
que vous venez de me dire avant de vous poser une question. Vous lui avez dit
que s'il arrivait qu'il se trouve le dernier acheteur éventuel à
la fin du moratoire, vous auriez alors une décision à prendre
entre la liberté de commerce et la liberté de presse.
M. BOURASSA: Je ne me souviens pas de lui avoir dit cela, mais c'est une
question que n'importe quelle personne sensée peut se poser.
Alors, on passe aux témoins, M. le Président?
M. CHARRON: Non, non, non. Parce que le témoin le plus important,
nous sommes à l'entendre.
M. BOURASSA: Continuez.
M. CHARRON: En tout cas, si le premier ministre considère comme
clos le débat sur cette conversation, je ne le considère pas
ainsi. Elle est absolument importante. Je le dis à l'intention des
membres de la commission parlementaire. Les "faufilades" successives que vient
de donner le premier ministre aux questions...
M. BOURASSA: C'est de l'interprétation.
M. CHARRON: Ce sont des "faufilades". Je le dis à l'intention des
membres de la commission. Je considère les réponses du premier
ministre...
M. BOURASSA: J'invoque le règlement, le député n'a
pas le droit d'interpréter mes paroles.
M. BURNS: Voyons donc, on va vous donner un petit cours de
procédure!
M. BOURASSA: D'accord, je suis prêt à suivre un cours de
procédure du député de Maisonneuve.
M. BURNS: Je suis prêt à vous consacrer quelques
soirées à ça.
M. CHARRON: M. le Président, j'informe les membres de la
commission que l'Opposition considère que les réponses du premier
ministre actuel sur cet entretien qui a donné naissance au moratoire,
qui lui ont permis de faire les manchettes le lendemain matin, n'ont pas
éclairci les choses pour la commission et que le doute que certaines
personnes avaient à l'effet que le président de Power Corporation
soit sorti de cette rencontre avec le premier ministre du Québec sans
avoir été informé des intentions du gouvernement de
bloquer la transaction de Power Corporation persiste. La décision du
gouvernement de militer en vue de la création d'un consortium qui
remplacerait Power Corporation comme acheteur éventuel, rien de cela
n'avait été décidé et M. Desmarais, c'est bien
possible, n'avait pas été informé de cette intention. Ce
qui fait que la version qu'on qualifiait de fantaisiste, que le premier
ministre, l'eût-il voulu, aurait pu détruire en un coup de main,
qui dit qu'il s'agissait d'un "frame-up" et, qu'on a simplement dit à M.
Desmarais: Pour l'amour de Dieu, avant les élections, écarte la
transaction et retarde ça de trois mois, cette interprétation a
encore droit de subsister. Le premier ministre est le mieux placé de
tous pour écarter ce genre d'interprétation, mais il ne l'a pas
fait en réponse à mes questions.
M. BOURASSA: C'est faux.
M. CHARRON: J'abandonne maintenant ce sujet et nous le reprendrons avec
M. Desmarais, avec M. Gilbert, avec M. Francoeur, avec M. Péladeau.
M. BOURASSA: Avez-vous d'autres témoins?
M. CHARRON: M. le Président, oui, vous en aurez quelques-uns.
Vous l'avez dit vous-même, ça durera le temps que ça
prendra. Vous et moi sommes soucieux de la liberté de la presse et je
pense que nous avons tout intérêt à entendre le plus de
témoins possible. D'autant plus que s'ils nous répondent tous
comme vous répondez aujourd'hui, ça en prendra beaucoup pour
faire de la lumière sur le sujet. M. le Président, le moratoire
en question, dont le premier ministre avait informé les deux parties
contractantes, a-t-il été écrit ou s'agissait-il
simplement d'un "gentlemen agreement"?
M. BOURASSA: La décision du gouvernement a été
rendue publique. Je dois dire au député de Saint-Jacques que le
moratoire a été respecté. Toutes ses questions, comme ses
conclusions précédentes, sont complètement
impertinentes.
M. CHARRON: C'est votre opinion.
M. BOURASSA: La vente n'a pas été faite à Power
Corporation, le moratoire a été respecté, donc le
député peut tirer toutes sortes de conclusions.
M. CHARRON: Vous faites toutes sortes d'interprétations sur ce
que j'ai dit aussi, mais je n'interviendrai pas en vertu du règlement.
Est-ce que le moratoire équivalait à la suspension de
négociations? Est-ce que le moratoire interdisait aux
propriétaires actuels du Soleil, les frères Gilbert, pour la
durée du moratoire, de chercher d'autres acheteurs éventuels que
ceux qu'ils avaient déjà contactés, soit M.
Péladeau au mois de mai 1973, Power Corporation à
l'été, Pierre Dansereau de la Presse, qui avait fait une offre
également, et le projet de coopérative qui est né à
l'époque? Est-ce que ça interdisait aux frères Gilbert de
chercher d'autres acheteurs éventuels, ce moratoire?
M. BOURASSA: Non, M. le Président. Il est évident que si
l'objectif du moratoire était de trouver un autre acheteur, je ne vois
pas en quoi les frères Gilbert...
M. CHARRON: Mais c'étaient les frères Gilbert qui avaient
le droit de le chercher. En fin de compte...
M. BOURASSA: L'essentiel est là, il n'y avait pas de
défense aux frères Gilbert de trouver un autre acheteur. Est-ce
que le député veut dire avant les élections ou
après les élections?
M. CHARRON: Au moment de l'entrée en vigueur du moratoire.
M. BOURASSA: Disons que les élections ont été
déclenchées et que par la suite...
M. CHARRON: Le 25, 26...
M. BOURASSA: Dix jours par la suite. Disons que, à ma
connaissance, on n'en a pas
tellement parlé durant la campagne électorale. C'est
après l'élection que nous nous sommes attachés...
M. CHARRON: Oui, les frères Gilbert, M. le Président, dans
la campagne électorale, n'étaient pas sur les "hustings" de
quiconque. Us demeuraient les propriétaires du Soleil, ils
administraient le Soleil, peu importe qu'il y ait une campagne
électorale ou non. Cela, c'est autre chose. Les frères Gilbert,
pendant ces trois mois, avez-vous eu connaissance qu'ils ont cherché
d'autres acheteurs éventuels, pendant cette période de gel, si
vous voulez?
M. BOURASSA: Vous le leur demanderez.
M. CHARRON: Je vous demande si vous, vous avez eu connaissance qu'ils en
ont cherché?
M.BOURASSA: Quand M. Péladeau a-t-il été
approché? Vous donniez des dates.
M. CHARRON: Mai 1973. Cela remonte à loin.
M. BOURASSA: Alors, il faudrait le demander aux
intéressés. Je ne peux pas vous donner des précisions sur
les dates. A entendre parler le député, cela n'aurait
été que le seul problème que le chef du gouvernement
aurait eu à résoudre.
M. CHARRON: D'accord. Alors, moi, je crois, M. le Président, que
nous avons sorti ce que nous pouvions sortir du premier ministre.
M. BOURASSA: C'est la vérité.
M. CHARRON: Cela sera aux gens concernés...
M. BOURASSA: Qui est concerné?
M. CHARRON :... par cela de tirer les conclusions. Vous avez la
conclusion, vous avez dit la vérité. Je ne suis pas toujours
certain que vous êtes conscient de ce que vous affirmez. Je veux demander
ceci au premier ministre, c'est la dernière question que je lui pose:
Est-ce qu'au moment du moratoire, lorsque vous avez informé les
frères Gilbert, par téléphone, d'un gel de trois mois,
vous les avez informés, eux, que le gouvernement s'efforcerait, de son
côté, de créer un groupe qui remplacerait Power Corporation
comme acheteur éventuel et qui se mettrait sur la "ligne", disons,
pour... Est-ce qu'ils savaient que ce n'était pas simplement un gel,
mais que c'était le début, de la part du gouvernement, d'efforts
pour créer un nouveau groupe?
M. BOURASSA: Ce dont je me souviens, c'est que je les ai informés
du moratoire, M. le Président. Le député me demande, comme
cela, de me souvenir de toutes les conversations téléphoniques
qu'un chef de gouvernement peut avoir dans une journée.
M. CHARRON: Non, non, non.
M. BOURASSA: Je me souviens de les avoir informés du
moratoire.
M. CHARRON : Je ne vous demande pas les conversations
téléphoniques que vous avez dans une journée.
Celle-là, elle était importante au point que vous avez voulu que
cela fasse la première page le lendemain. Vous avez demandé
à votre attaché de presse d'émettre un communiqué.
C'est une décision importante que vous aviez prise.
M. BOURASSA: Cela n'a même pas fait la première page.
M. CHARRON: Un chef de gouvernement se rappelle les décisions
importantes qu'il prend.
M. BURNS: Vous en étiez déçu?
M. BOURASSA: L'impact électoral d'une telle transaction...
M. CHARRON: Je sais que cela vous préoccupe, mais...
M. BOURASSA: Je veux dire qu'à entendre parler le
député, j'ai fait tout cela en raison de l'impact
électoral...
M. CHARRON: Non.
M. BOURASSA: ... sur un plan strictement politique.
M. CHARRON: Non, pour que cela n'ait pas un impact électoral.
M. BOURASSA: Cela n'a aucun impact électoral.
M. BURNS: Evidemment pour que cela n'en ait pas d'impact
électoral.
M. CHARRON: C'est pour que cela n'ait pas d'impact électoral que
certaines gens nous ont...
M. BOURASSA: Cela en aurait eu tellement, oui?
M. CHARRON: Oui, mais au point que, à quinze jours des
élections, on ménage tous les esprits, vous le savez. Vous saviez
que les gens derrière la table, qui sont les journalistes, allaient
être drôlement importants au cours du mois qui allait suivre et
vous saviez en même temps que ces gens...
M. BOURASSA: Les commentateurs ont dit que...
M. CHARRON: ... sont drôlement intéressés à
la question de la liberté de presse parce qu'ils la vivent
quotidiennement dans les boites où ils travaillent et qu'il
n'était pas intéressant, deux semaines avant les
élections, de se les mettre à dos.
M. BOURASSA: Vous pensez que cela nous a valu la sympathie des
journalistes durant la campagne électorale?
M. CHARRON: Cela a fait que vous n'avez pas accru...
M. BOURASSA: Regardez donc la couverture que les journalistes nous ont
donnée durant la campagne électorale, avant de faire une telle
affirmation.
M. CHARRON : Cela a pu avoir l'effet que cela n'a pas accru leur
antipathie et, quinze jours avant l'élection, le premier ministre le
sait, on ménage le chou et la chèvre, même si on n'a pas
d'intérêt à le faire habituellement.
M. BOURASSA: Regardez donc, constatez la couverture que le gouvernement
a eue.
M. CHARRON: Peu importe.
M. BOURASSA: Peu importe, certainement, oui.
M. CHARRON: Alors, je crois, M. le Président, que nous en sommes
rendus au lendemain de l'élection, en considérant qu'il ne s'est
rien produit pendant la campagne électorale. Nous verrons ce que les
intéressés auront à nous raconter sur leurs actions
respectives pendant la campagne électorale, car ils n'étaient
pas, comme nous, en train de se battre sur les "hustings". J'arrive donc
à l'entrée en fonction du ministre responsable qui devait
soulager le premier ministre des efforts immenses qu'il avait faits dans le
dossier depuis le départ. Peut-être est-ce l'occasion de demander
au ministre responsable du dossier de nous faire rapport puisqu'il a
accepté lui-même c'est son devoir qu'il fasse rapport
fidèlement de dire qu'il considérait cette réunion
comme une occasion de faire rapport de son mandat.
M. BOURASSA: J'accepte de répondre patiemment à toutes les
questions.
M. CHARRON: Je le vois et je l'apprécie beaucoup.
M. BOURASSA: C'est la démocratie.
M. CHARRON: Et nous demandons, maintenant, si possible, au ministre de
faire rapport.
Intervention du gouvernement
M. LALONDE: M. le Président, il est possible que certaines des
démarches ou des détails des démarches ne soient pas
directement pertinents au débat, alors je vous laisse le soin de me
rappeler à l'ordre.
Le premier ministre a indiqué d'une façon très
claire l'objectif principal qu'il s'était fixé,
c'est-à-dire ne pas laisser le Soleil tomber entre les mains d'un groupe
qui avait déjà un nombre de quotidiens assez grand, de sorte que
cette acquisition aurait accéléré la concentration de la
presse quotidienne francophone écrite au Québec. Il restait
toutefois que la famille Gilbert avait un désir légitime de se
départir de ses actions dans cette entreprise et le premier ministre a
aussi indiqué que c'était une préoccupation qu'il avait.
Le gouvernement devait en tenir compte, vu surtout le petit nombre
d'acquéreurs éventuels d'une entreprise aussi importante. Le chef
du gouvernement, comme d'autres personnes, partageait aussi le désir que
la solution à ce problème-là fasse participer des
personnes, des citoyens ou des groupements de la région de
Québec.
Alors, c'est dans cette perspective que le premier ministre m'a
chargé d'encourager la formation d'un groupe représentatif des
aspirations régionales et financièrement responsable dans le but
d'acheter le Soleil. C'était à la fois, je crois, non seulement
prendre ses responsabilités, quant à la concentration de la
presse, mais même faire preuve d'audace, étant donné la
marge de manoeuvre assez mince que nous avions. On sait que le gouvernement
n'avait quand même pas le contrôle de ces actions-là, que
les actions de cette entreprise appartenaient de plein droit à leurs
propriétaires qui avaient le droit de s'en départir, compte tenu
des contraintes que le premier ministre vient de nous décrire.
Tout d'abord, il nous a fallu procéder à une
évaluation sérieuse, ce qui fut fait par la Caisse de
dépôt. Celle-ci, par la suite, décidait quelle serait
intéressée à acquérir 20 p.c. du capital-actions du
Soleil, ce qui était le maximum qui lui était permis à
cause des autres investissements qu'elle avait déjà dans des
entreprises de communication. Suivirent des déclarations
d'intérêt de la part d'institutions financières. Il y en a
eu plusieurs. On en a vu dans les journaux. Quelques-unes ont été
mentionnées, comme la Laurentienne, les Prévoyants du Canada.
J'apprenais aussi que M. Claude Pratte était intéressé
à acquérir 5 p.c. Cet aspect de la transaction proposée ne
présentait pas tellement de problèmes, c'est-à-dire
trouver des 5 p.c, ce qui pour les institutions financières constitue un
investissement relativement modeste. Mais au départ j'étais
convaincu de deux choses. Premièrement, le groupe devait contenir une
large part, large mais minoritaire, de capital de risque et de "management". Le
choix, là aussi, était assez minime, assez mince et
l'idéal aurait été que
ceux qui parmi les actionnaires actuels dirigeaient les
opérations du Soleil demeurent actionnaires et continuent d'en assurer
la direction. Les autres formules de participation au capital de risque et au
"management" présentaient de sérieuses difficultés,
surtout au point de vue fiscal.
Comme deuxième condition, nous considérions souhaitable
que, parmi les institutions devant former le groupe, une part importante devait
être laissée à des organismes à forte participation
communautaire de la région de Québec. La formule
coopérative était toute choisie mais, vu les contraintes de temps
et d'argent, seule une institution du moins c'est ce qui nous
apparaissait déjà en activité depuis un certain
temps pouvait sérieusement projeter de participer à la
transaction. C'est pourquoi nous avons demandé au mouvement Desjardins
d'examiner la possibilité de s'associer aux autres institutions
financières.
La première condition, soit la présence du capital de
risque et de "management", a été la principale difficulté
que nous avons rencontrée. Tout d'abord, la formule idéale,
c'est-à-dire la participation des Gilbert, a été
proposée et n'a pas reçu l'accueil que nous espérions.
Après coup, nous avons approché le groupe
Québécor et nous avons rencontré un certain nombre de
difficultés techniques, difficultés du point de vue financier que
je mentionnais tantôt et aussi, étant donné qu'il s'agit
d'une compagnie publique, la possibilité de se porter acquéreur
d'une minorité des actions seulement présentait des
problèmes que, de toute façon, le groupe Québécor
s'est efforcé d'examiner.
Après un certain temps nous sommes rendus vers la
mi-décembre nous apprenions que les frères Gilbert
n'étaient pas tellement intéressés à cette
proposition. En même temps, il y a eu la déclaration, la
publication plutôt d'une nouvelle à l'effet qu'ils étaient
intéressés à rester maintenant à 40 p.c. Nous avons
donc continué de travailler sur cette formule. A ce moment-là,
nous avions donc 40 p.c. pour les frères Gilbert; nous avions 20 p.c. de
la Caisse de dépôt, mais nous sommes toujours au niveau des
principes, 20 p.c. en principe; nous avions 20 p.c. formés
d'institutions ou d'individus et nous attendions la réponse de l'Union
régionale des caisses populaires du Québec. Cette réponse
a été assez longue à se faire attendre. Elle s'est fait
attendre, en fait, assez longuement. Sans vouloir accuser qui que ce soit de
s'être laissé tramer les pieds il demeure que plusieurs semaines
se sont écoulées sans qu'on puisse obtenir une réponse,
soit affirmative, soit négative de l'Union régionale.
Le processus décisionnel d'organismes semblables est assez long.
Il participe même de la nature de l'institution. H faut aussi comprendre
que les conditions, à ce moment-là, n'étaient pas
favorables. Nous étions en pleine période des fêtes. Les
gens étaient assez difficiles à rejoindre.
Je pense qu'il est bon de souligner ici que, d'une part, nous n'avions
pas le contrôle absolu sur l'étude de propriétés
pendant toute cette période. D'autre part, nos démarches à
l'égard d'institutions financières devaient tenir compte de leur
autonomie propre dans la décision d'investir les fonds de leurs
épargnants dans le quotidien Le Soleil. IL fallait que notre action,
tout en étant positive, ne devienne pas une ingérence indue. Le
premier ministre a souligné cet aspect, ce qui rendait notre manoeuvre
quand même assez mince.
Nous sommes rendus au début de janvier. Les institutions qui
avaient accepté étaient encore ouvertes, attendaient simplement
que nous ayons l'acceptation des caisses populaires. Dans la première
semaine complète de janvier, j'ai appris de la bouche même de M.
Guy Gilbert qu'il n'était plus intéressé. Il ne m'a pas
dit à quelle date exactement son intérêt avait disparu. Il
n'était plus intéressé à participer au groupe. Il
m'a donné des raisons, que lui-même pourrait expliquer ici,
à l'effet qu'il ne voulait pas demeurer minoritaire dans un groupe mais,
enfin, je ne veux pas discuter du bien-fondé de ses raisons. De toute
façon, nous n'avions pas encore obtenu la réponse de l'Union
régionale à ce moment-là. J'ai quand même
décidé de laisser le dossier, qui était à
l'étude à l'Union régionale, continuer son cours dans
l'espoir que, si on avait une réponse affirmative à la fin de
cette semaine celle qu'on attendait les frères Gilbert
pourraient peut-être se raviser devant la pression que cela aurait
constitué, étant donné que tout le monde, tous les autres
étaient prêts à marcher dans ce sens. Mais le 10 ou le 11
janvier, je crois, j'ai appris la vente à M. Francoeur. Il faut dire
que, durant cette période, non seulement M. Péladeau, mais M.
Francoeur m'avait approché en me disant que s'il nous manquait 10 p.c,
15. p.c. ou 20 p.c, il serait intéressé.
Là aussi, cela s'est révélé impossible au
point de vue financier à l'examen, et il m'a dit dans la semaine
précédant Noël, je crois, qu'il n'était plus
intéressé à participer pour ces raisons à notre
groupe, mais qu'il avait l'intention d'examiner lui-même la
possibilité de faire une offre.
Je l'ai mis en garde immédiatement lui disant qu'étant
donné son association récente avec M. Desmarais il serait suspect
dans le sens le plus général du mot et seulement relativement
à cette transaction et qu'il y aurait lieu sûrement, s'il
acquérait le Soleil, d'examiner cela, soit en commission parlementaire
ou autrement.
J'ai eu d'autres conversations téléphoniques, soit avec M.
Francoeur ou son adjoint, et j'ai appris éventuellement qu'il avait
acquis le Soleil. Je n'avais pas les pouvoirs, aucune loi ne me donnait les
pouvoirs d'examiner les contrats, la transaction ou les négociations
à mesure qu'elles se poursuivaient. J'avais toujours espoir que notre
groupe fonctionnerait malgré les difficultés innombrables que
nous rencontrions.
Je crois que ceci résume les démarches que nous avons
faites, et je crois que la conclusion principale que nous devons apporter
à ceci et qu'il faut retenir de ces démarches, c'est la
fermeté avec laquelle le gouvernement a empêché
l'accélération de la concentration de la presse quotidienne, la
fermeté avec laquelle nous avons empêché que cette
transaction augmente, accélère la concentration de la presse au
rythme qu'elle l'aurait fait si le Soleil s'était joint au groupe
Desmarais, et aussi l'inquiétude, les préoccupations et les
démarches qui ont été faites, non seulement en vue
d'atteindre le premier objectif, ce qui est fait, mais aussi d'encourager la
formule qui nous semblait idéale.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut entendre les témoins?
M. CHARRON : J'ai des questions à poser.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Certainement, je suis prêt. Il
faut que les députés consentent.
M. BOURASSA: Est-ce que le député en a pour longtemps?
Parce que quand même, on a...
M. CHARRON: Si vous êtes fatigué, vous pouvez partir.
M. BOURASSA: Ecoutez. M. le Président... M. CHARRON: Non.
Mais...
M. BOURASSA: II serait facile de mettre un terme rapide à cette
commission.
M. CHARRON: Faites-le donc !
M. BURNS: Faites donc cela pour voir.
M. BOURASSA: Je demanderais au moins au député
d'être poli.
M. BURNS: II n'est pas question d'être poli, il est question de
vous répondre tout simplement.
M. BOURASSA: Oui, mais je demande au député s'il en a pour
longtemps.
M. BURNS: Bien oui! On a des questions à poser au ministre.
M. CHARRON: Oui, M. le Président.
M. BOURASSA: Est-ce que le député insiste pour poser ses
questions avant d'entendre...
M. CHARRON: Oui, nécessairement.
M. BOURASSA: Pourquoi?
M. CHARRON: Parce que je veux d'abord connaître l'action du
gouvernement là-dedans avant d'avoir la version de la partie
privée.
M. BOURASSA: Cela fait deux heures et demie qu'on parle de l'action du
gouvernement.
M. CHARRON: Bien oui, et on va en parler encore un petit peu.
D'accord?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Dans le rapport que vient de faire le ministre responsable
du dossier de la presse à la commission, il a commencé par la
mention du fait qu'il avait demandé à la Caisse de
dépôt et placement du Québec de faire une
évaluation. Peut-il préciser ce qui écarterait
éventuellement des questions?
M. LALONDE: Préciser quoi?
M. CHARRON: Quelle est cette évaluation que la Caisse de
dépôt...
M. LALONDE: Nous entendions parler d'un prix de $8 millions.
Naturellement, avant que des institutions financières sérieuses
n'acceptent de participer à un groupe pour acquérir une
entreprise de $8 millions, encore faut-il qu'elles se rendent compte si cela
vaut $8 millions. C'est dans cette perspective que la Caisse de
dépôt et placement du Québec ayant toute l'expertise
financière qu'on lui connaît est allée sur place
évaluer, examiner les états financiers, les actifs et nous a
rapporté qu'en effet $8 millions, cela pourrait aller.
M. CHARRON: C'était le chiffre de l'évaluation par la
Caisse de dépôt et placement du Québec?
M. LALONDE: Oui. Je n'ai pas vu les chiffres, mais selon les rapports
que j'ai eus, c'est que cela pouvait aller.
M. CHARRON: Autrement dit, un acheteur éventuel, un offrant de $8
millions était raisonnable pour...
M. LALONDE: C'était un ordre de grandeur.
M. CHARRON: Un ordre de grandeur. Aux alentours de $8 millions...
M. LALONDE: Si on avait suggéré $12 millions, probablement
qu'ils auraient dit: Non, cela ne vaut pas $12 millions.
M. CHARRON: D'accord. Vous avez dit ensuite qu'au moment où la
Caisse de dépôt a fait cette évaluation c'est à ce
moment-là qu'elle vous a signalé qu'elle était prête
à en assumer 20 p.c.
M. LALONDE: C'était dans ces jours-là, oui.
M. CHARRON: 11 n'y a pas concordance de date, mais en tout cas on
reviendra.
M. LALONDE: II n'y a pas de date particulière, mais c'est
à peu près...
M. CHARRON: C'est en novembre?
M. LALONDE: Non, c'est soit début décembre ou fin
novembre. C'est certainement après qu'elle eut complété
son évaluation qu'elle a décidé de se porter
acquéreur, pas avant.
M. CHARRON: Oui, d'accord. A la fin de son évaluation, que vous
avez commandée dès que vous avez été nommé
responsable du dossier?
M. LALONDE: Oui, aussitôt que j'ai pu rencontrer un certain nombre
de personnes à ce sujet.
M. CHARRON: Dès ce moment-là, elle vous a manifesté
son intérêt à participer éventuellement à un
groupe. Vous dites que suivirent des déclarations d'intérêt
de la Laurentienne, des Prévoyants et de M. Pratte. Suivirent-elles
à votre incitation ou si c'est...
M. LALONDE: C'est au tout début. Je peux tout vous décrire
en détail mais, naturellement, je ne me souviens pas exactement de
toutes les dates et de la chronologie. Au début, j'avais causé de
cette question avec M. Poitras, de la Laurentienne, et je l'avais
rencontré. J'avais rencontré M. Rouleau à quelques
reprises, M. Alfred Rouleau, et d'autres personnes. J'ai reçu des appels
de personnes qui me disaient: Ecoutez, si vous êtes
intéressé, on aimerait participer à ce groupe-là,
soit directement ou indirectement. J'entrai en communication avec les
Prévoyants du Canada de cette façon, avec le groupe Prêt et
Revenu. Cela s'est fait de cette manière.
M. CHARRON: La plupart de ces gens, ce sont des gens qui vous appelaient
pour vous manifester leur intérêt et non vous qui les
sollicitiez?
M. LALONDE: Non, dans certains cas, ce sont des gens que je connaissais
et qui me suggéraient d'appeler un tel qu'ils avaient rencontré,
que peut-être il serait intéressé.
M. CHARRON: Vous en avez sollicité vous-même?
M. LALONDE: Oui, je leur demandais s'ils étaient prêts
à examiner la possibilité de se joindre au groupe. Je les
renvoyais, quant à l'évaluation, à la Caisse de
dépôt.
M. CHARRON: Le groupe qui, depuis le mois d'août, militait en
faveur de la coopéra- tive, est-ce que c'est de lui-même qu'il est
venu vous voir ou si c'est vous qui êtes allé le voir?
M. LALONDE: C'est de lui-même qu'il est venu me voir. M. Picard
m'a appelé, je l'ai reçu. Il m'a remis une lettre, à
laquelle j'ai répondu. Il me demandait, je crois, de surseoir à
six mois, quelque chose comme cela. A ce moment-là, le rapport qu'il ma
fait des activités de la coopérative ne m'indiquait pas que la
coopérative serait prête à participer d'une façon
immédiate et substantielle au groupe parce que l'ordre de grandeur des
chiffres était quand même considérable.
M. CHARRON: M. le ministre, avant que vous ayez à faire ces
démarches et coups de téléphone, lorsque vous avez pris en
main, à la demande du premier ministre, le dossier, est-ce que vous
étiez informé des différentes offres que les frères
Gilbert avaient déjà reçues?
M. LALONDE: J'ai rencontré, au tout début, M. Guy Gilbert,
qui m'a dit qu'en effet il y avait une entente avec M. Desmarais, que cette
entente était suspendue par le moratoire et qu'à la fin du
moratoire il avait l'intention d'y donner suite. Je l'ai informé qu'en
ce qui nous concernait il n'y aurait pas de transaction. C'était la
décision du gouvernement d'une certaine façon de poursuivre un
moratoire et, plus que cela, de ne pas laisser la vente à M. Desmarais,
du moins dans la mesure où cette vente à M. Desmarais augmentait
la concentration de la presse. C'était le seul objectif que nous avions
à la base.
M. CHARRON: A la base, vous étiez convaincu qu'une vente
éventuelle à M. Desmarais allait accentuer le
phénomène...
M. LALONDE: Tenant compte des actifs qu'il avait déjà dans
les journaux.
M. CHARRON: D'accord.
M. LALONDE: Si M. Desmarais s'était départi de tous ses
autres journaux pour acheter celui-là, par hypothèse, à ce
moment-là la concentration disparaissait.
M. CHARRON: D'accord.
M. LALONDE: La réaction n'a pas été tellement
positive de sa part mais, à compter de ce moment-là, j'ai fait
abstraction de cette entente qu'il avait car il avait d'ailleurs
été avisé publiquement le premier ministre l'avait
fait qu'il n'y aurait pas de suite à cette transaction là
de toute façon.
M. CHARRON: Avez-vous eu le sentiment que le choix de MM. Gilbert
était déjà fait et que, de toute façon, se
prévalant de...
M. BOURASSA: ... sur des faits et non pas sur des impressions.
M. CHARRON: ... leur droit à la liberté de commerce, ils
avaient... Vous ont-ils informé qu'ils avaient l'intention de donner
suite à l'entente, quels que soient les autres acheteurs? M. Gilbert
avait déjà exprimé depuis longtemps, depuis l'annonce
publique de la mise en vente du Soleil, sa préférence pour Power
Corporation et que ce n'était que sur l'ordre du premier ministre qu'il
avait accepté le moratoire mais que, dès que le moratoire serait
fini...
M. LALONDE: Je n'ai pas à interpréter les paroles de M.
Gilbert, mais il était, premièrement, très
décidé à vendre: il n'avait donc pas changé
d'idée là-dessus. Deuxièmement, il voulait donner suite
à l'entente qu'il avait avec M. Desmarais. C'est seulement parce que
nous avons fermement tenu notre position que cela n'a pas été
fait. C'est mon sentiment.
M. CHARRON: M. Gilbert vous a-t-il mis au courant, lors de cette
première rencontre, au moment où vous preniez en main le dossier,
du moment où il avait offert également le Soleil au groupe
Québécor?
M. LALONDE: II m'a raconté qu'il y avait eu des communications
avec Québécor mais que Québécor n'offrait pas assez
d'argent et il ne semblait pas tellement heureux des gros mots qui avaient
été échangés dans les journaux avec M.
Péladeau à la suite de ces premières approches. Je n'ai
pas lu ces rapports dans les journaux. C'était avant que j'arrive...
M. CHARRON: II semblait à votre avis très peu probable que
Québécor mette un jour la main sur le Soleil.
M. LALONDE: C'est assez difficile d'interpréter l'intention de
quelqu'un. Je ne veux pas lui prêter de motifs ni de... Cela ne me semble
pas une solution plausible.
M. CHARRON: D'accord. Vous a-t-il informé que c'était
depuis mai 1973 que Québécor avait reçu une offre? Vous
a-t-il informé avoir reçu une offre de Québécor
avec un montant?
M. LALONDE: Je ne pense pas qu'il m'ait mentionné une offre, mais
il m'a sûrement mentionné des échanges d'opinions. Cela
aurait pu être par téléphone, cela aurait pu être par
personne interposée, cela aurait pu être des conversations.
M. CHARRON: Avez-vous pris connaissance d'un papier qui, sans être
un contrat de vente, était une offre de la part de quelque groupe que ce
soit, outre Power Corporation?
M. LALONDE: Non. M. Gilbert m'a informé, lors de cette
première réunion, après la première rencontre,
c'était en novembre, qu'il n'avait reçu d'offre de personne
depuis l'offre de Power Corporation ou enfin de M. Desmarais.
M. CHARRON: A l'été, M. Gilbert avait reçu une
offre d'un groupe montréalais, l'ancien directeur de la Presse, M.
Dansereau. Vous a-t-il informé de cette offre?
M. LALONDE: Non. Je ne pense pas qu'il me l'ait mentionnée.
M. CHARRON: M. Jean-Louis Lévesque aussi avait manifesté
de l'intérêt pour l'achat du Soleil. Vous a-t-il informé de
cette offre-là?
M. LALONDE: Je ne pense pas.
M. CHARRON: Vous a-t-il informé s'il y avait des offres...
M. LALONDE: Non. J'ai déjà entendu dire qu'à un
moment donné M. Levesque aurait déclaré être
intéressé, mais je ne pense pas que ce soit M. Gilbert qu'il me
l'ait dit.
M. CHARRON: Autrement dit, je me permets de conclure cet échange
de questions en disant qu'à cette première rencontre avec M.
Gilbert, il vous a informé d'un seul acheteur éventuel en bonne
et due forme, il s'aigssait de Power Corporation, M. Desmarais, et en
même temps de son intention de donner suite à l'entente suspendue
comme vous avez dit.
M. LALONDE: A ce moment-là, oui.
M. CHARRON: II n'était pas question d'autres acheteurs.
M. LALONDE: A ce moment-là, le groupe n'était pas en
formation non plus.
M. CHARRON : Les autres, autrement dit, allaient venir de vous, de vos
efforts depuis que...
M. LALONDE: II était libre d'en trouver d'autres à ce
moment-là, sûrement.
M. CHARRON: A ce moment-là, il n'y avait que Power
Corporation?
M. LALONDE: A ce qu'il me disait, oui.
M. CHARRON: D'où est-ce venu? Vous avez dit que vous aviez fait
le souhait que des institutions à forte participation communautaire
soient impliquées dans le projet.
M. LALONDE: Cela a été dans nos premières
conversations avec M. Poitras, M. Rouleau.
Il est assez difficile d'identifier la personne qui aurait pu mentionner
ça. Mais ça m'appa-raissait totalement souhaitable.
M. CHARRON: Vous vous êtes donc mis à choisir... vous avez
donc choisi ce mode de propriété d'un journal à partir du
moment où vous avez été convaincu...
M. LALONDE: Comme je l'ai dit tantôt, il nous paraissait
souhaitable de faire participer substantiellement un groupe de participation
communautaire, du genre d'une union régionale, enfin, comme ç'a
été tenté.
M. CHARRON: Quand vous êtes devenu, en quelque sorte, convaincu de
ce genre de philosophie, c'était devenu la politique du gouvernement.
Vous aviez là-dessus l'appui du premier ministre, je crois.
M. LALONDE: Oui, sûrement.
M. CHARRON: Je sais que le premier ministre a déclaré
à une émission de Radiomutuel, à un moment où le
moratoire était encore en vigueur, que le gouvernement
préférait la propriété du Soleil aux mains d'un
consortium plutôt que d'un groupe unique.
M. BOURASSA: Je l'ai dit cet après-midi, je ne vois pas pourquoi
le député parle de Radio-mutuel, je sais qu'il était
à Radiomutuel la semaine dernière.
M. CHARRON: C'est parce que je veux rappeler vos
déclarations.
Est-ce que c'était véritablement devenu le choix du
gouvernement et que vous avez beaucoup plus travaillé à
créer ce consortium qu'à chercher un autre acheteur unique qui
aurait pu remplacer sur la ligne de feu Power Corporation qui était
offrant?
M. BOURASSA: M. le Président, si on veut me permettre, parce que
ça s'adresse au gouvernement, je veux signaler au député
que sa question me permet de mettre en relief un aspect que le gouvernement
pouvait aller jusqu'à un certain point. Quant aux démarches dont
a parlé tantôt le ministre auprès de la Prévoyante
et de la Laurentienne, c'était extrêmement délicat pour le
gouvernement d'agir. Il fallait agir parce que c'était notre politique,
notre premier choix, mais par ailleurs, si nous poussions trop fort et que la
situation financière du Soleil tourne mal, c'est clair que le
gouvernement aurait drôlement été exposé
vis-à-vis de l'opinion publique dans le cas de la Caisse de
dépôt ce sont quand même tous les travailleurs qui
fournissent les cotisations vis-à-vis des caisses populaires et
vis-à-vis de tous ces gens. C'est pourquoi nous faisions des efforts,
mais en étant bien conscients et c'est pour ça que lorsqu'on m'a
accusé publiquement de bousculer les caisses populaires, j'ai
cessé toute discussion avec elles par que c'était une situation
complètement nouvelle. On voulait cette solution mais pas au point de
faire prendre des risques non calculés à ceux à qui nous
suggérions d'en faire partie.
M. CHARRON: Mais je crois que dans ce que le ministre a dit auparavant,
il me semble que la pierre d'achoppement ait été ailleurs que sur
les risques que les entreprises ne voulaient pas prendre. Le ministre a
affirmé que dès le moment de l'évaluation, la Caisse de
dépôt se disait intéressée et, très
tôt, la Laurentienne, la Prévoyante, M. Pratte et d'autres se
sont... ces gens allaient d'eux-mêmes... Je crois plutôt que la
pierre d'achoppement était du côté des propriétaires
actuels.
M. BOURASSA: La principale, le ministre pourra compléter et le
député a raison... les frères Gilbert ont manifesté
une très grande réticence lorsque nous avons parlé de
cette solution. Ils l'ont acceptée initialement, mais j'ai l'impression
qu'ils n'étaient pas tellement désireux d'arriver à cette
solution, ils voulaient se départir d'avoirs... ils pourront expliquer
les raisons. Je peux les citer là-dessus, c'est connu: On n'a pas
d'entreprises de bateaux ou d'hôtels, la principale partie de nos biens
est concentrée dans une entreprise de presse; si ça tourne mal,
c'est toute notre famille qui perdra. Donc, ayant plus ou moins tous leurs
oeufs dans le même panier, ils trouvaient que le gouvernement
forçait pas mal, leur imposait pas mal de contraintes.
M. CHARRON: Et d'autant plus que vous saviez déjà qu'une
entente avec Power Corporation n'avait été que suspendue à
votre demande.
M.BOURASSA: Non, je veux dire que l'entente avec Power... Je pense que
l'on aurait pris les moyens jusqu'à l'extrême limite pour qu'elle
ne se réalise pas.
M. LALONDE: Dans cette perspective-là, excusez-moi, M. le Premier
ministre, c'est toujours dans cette perspective que, peu importe l'entente
qu'il ait pu y avoir entre M. Desmarais et les propriétaires du Soleil,
l'on n'y donnerait pas suite, parce que le gouvernement avait très
clairement indiqué son intention d'intervenir même
législativement.
M. CHARRON: Cela répond... à la question que j'essayais
tantôt... M. Desmarais savait très bien depuis le début du
moratoire qu'il n'aurait jamais le Soleil.
M. LALONDE: Je ne peux pas parler depuis le début du
moratoire.
M. BOURASSA: C'était public, sauf, M. le Président, que si
on avait été pris... Supposons que tout est
complété et que, dans six mois, par pure hypothèse, je ne
veux pas apeurer M. Francoeur, le Soleil est dans une position
financière intenable, est-ce que l'on ferme le
journal ou si on le laisse acheter par quelqu'un, par Power Corporation?
Il faut considérer cela parce qu'il y a différentes sortes de
valeurs en cause.
M. CHARRON: D'accord. Là-dessus, il n'y a personne qui va vous le
reprocher.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ma question s'adresserait à M. le
ministre. Dans le dossier qui vous a été remis, dans
l'exécution de votre mandat, est-ce que vous avez eu l'occasion d'y
retrouver un document qui aurait été une promesse d'achat ou de
vente entre Power Corporation et les frères Gilbert?
M. BOURASSA: J'ai déjà répondu que...
M. LALONDE: Cette entente, appelez-la promesse de vente ou billet comme
il y en a qui l'appellent. Pour moi, je devais agir sur la base que l'on n'y
donnait pas suite.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ma question n'est pas dans ce sens.
M. LALONDE: Je ne vois donc pas la pertinence d'en discuter.
M. BEDARD (Chicoutimi): La pertinence, on en a demandé la
production, alors cela commence à être pertinent. Ce que je veux
savoir, est-ce que c'était dans le dossier...
M. LALONDE: Je veux dire dans les démarches.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que c'était dans le dossier?
M. LALONDE: Dans mes démarches, je n'ai pas tenu compte du tout
de cette...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne vous demande pas dans vos
démarches.
M. LALONDE: C'est un bout de papier. M. BOURASSA: C'est un bout de
papier.
M. BEDARD (Chicoutimi): Bout de papier ou pas, ce que je demande, dans
le dossier qui vous a été confié et dans
l'exécution de votre mandat, est-ce qu'il avait un papier? Appelez-le
comme vous voudrez, ou un écrit...
M. LALONDE: Non, il n'y en avait pas. D'ailleurs...
M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui constituait une promesse de vente des
frères Gilbert à Power Corporation?
M. LALONDE: Non, je n'ai pas considéré non plus de le
voir, de l'examiner, parce que je savais que l'on n'y donnerait pas suite.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous dites que vous n'avez pas
considéré de l'examiner. Est-ce que je dois comprendre qu'il
était dans le dossier mais que vous n'avez pas cru bon de
l'examiner.
M. LALONDE: C'est-à-dire que je ne l'ai pas vu dans le
dossier.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous ne l'avez pas vu dans le dossier?
M. LALONDE : Je ne l'ai pas demandé.
M. BEDARD (Chicoutimi): Bon, d'accord.
M. LALONDE: Aussitôt que M. Gilbert m'a dit qu'il y avait une
entente et que je lui ai dit que l'on n'était pas pour donner suite
à cette entente, à ce moment-là, pour moi, l'entente ne
valait pas plus que le papier sur lequel c'était écrit.
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord, mais ce que je veux dire, dans le
dossier, si je prends bien votre réponse, il n'y avait aucune trace de
cette entente entre les frères Gilbert et Power Corporation?
M. LALONDE: Non, je ne l'ai pas vu, donc, je ne l'ai pas
demandé.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous ne l'avez pas vu. Vous ne pouvez pas dire
s'il n'y était pas?
M. LALONDE: Bien, écoutez, peut-être que dans un des
dossiers qu'il y a au Conseil exécutif, il se trouvait là, mais
je ne l'ai pas vu.
M. BEDARD (Chicoutimi): Elles ne sont pas malignes, ce sont des
questions normales. Est-ce que je pourrais savoir, étant informé,
comme vous aviez l'exécution de ce mandat, que vous étiez
naturellement au courant, j'imagine, de cette entente ou de cette promesse de
vente ou d'achat de Power Corporation vis-à-vis des frères
Gilbert, si vous avez cru bon, à un moment donné, de voir soit le
conseiller juridique, M. Chouinard, ou quelqu'un d'autre pour savoir quelle
était la teneur de ce document, de cette entente?
M. LALONDE: Non, le contenu de cette entente, je savais naturellement
qu'il s'agissait du transport des titres de propriété des
actionnaires actuels au groupe Desmarais, mais il n'était d'aucun
intérêt pour moi puisque je devais le remplacer.
M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, vous ne pouvez pas nous dire s'il y avait
des conditions dans cette promesse d'achat ou de vente.
M. BURNS: Juste pour clarifier une chose auprès du premier
ministre et du député de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez l'air de voir dans ce genre de questions
que le député de Chicoutimi vient .de vous adresser, une
espèce de reproche caché.
M. LALONDE: Non.
M. BURNS: Je vais vous dire ceci: Personnellement, je vous suis dans
votre raisonnement lorsque vous dites: Cette entente, si elle devait se
réaliser entre Power Corporation et les frères Gilbert. C'est
exactement le contraire qu'était mon mandat et je vous suis tout
à fait dans votre raisonnement. Ce que nous soulevons cependant, ce
n'est pas au niveau du blâme, ne vous mettez pas sur la défensive
ou quoi que ce soit, c'est uniquement ceci: Est-ce que les transactions
éventuelles c'est là-dessus qu'on dit que peut-être,
appelons-les promesses d'achat ou promesses de vente ou n'importe quoi
étant donné qu'il s'agit de parties privées, même si
le premier ministre dit: Si telle chose était arrivée, on serait
intervenu, le gouvernement n'était pas encore intervenu est-ce
que les transactions éventuelles n'auraient pas pu être et
c'est la question qu'on se pose même aujourd'hui, le 29 janvier à
6 heures moins dix ou n'ont pas été affectées par
cette entente? Ce n'est pas compliqué ce qu'on demande.
Je reviens à ce que vous disiez tantôt, M. le ministre,
c'est sûr que vous dans votre optique, ayant reçu mandat du
gouvernement de voir à ce que cela ne se réalise pas, cette
promesse d'achat, que la promesse d'achat en soi ne devait pas vous
intéresser, parce que vous vouliez faire effectuer, à la
réalité exactement le contraire. D'accord, je vous suis dans ce
raisonnement. Mais, est-ce que, c'est cela la question fondamentale pour nous
à ce stade-ci, cette entente et on vous demande de dissiper ce
doute qui existe chez nous ne peut pas avoir, n'a pas pu avoir des
conséquences sur les tractations qui ont pu avoir lieu entre messieurs
Gilbert et tout autre éventuel acheteur, ou par l'entremise de cette
entente, ou par l'entremise des droits conférés à Power
Corporation dans cette entente?
M. LALONDE: Comment?
M. BURNS: Est-ce que cela n'aurait pas pu être influencé
par cette entente?
M. LALONDE: C'est une opinion que vous me demandez et je vais vous dire
qu'étant donné que cette entente, dans mon esprit, ne devait pas
être suivie, elle devait être lettre morte.
M. BURNS: Je vous suis là-dessus.
M. LALONDE: Toute condition ou sous-clause appelez cela comme
vous le voudrez pour moi, était aussi lettre morte...
M. BURNS: Oui, mais...
M. LALONDE: ... et ne pouvait pas avoir d'influence sur le
résultat des démarches que je faisais.
M. BURNS: Vous vous placez dans la situation de deux équipes de
hockey qui font des échanges de joueurs entre elles et qui ont une
entente avec une troisième équipe qui intervient
là-dedans. Non, mais c'est cela.
M. LALONDE: Oui, mais vous parlez d'une entente qu'on considérait
comme nulle au départ, parce qu'elle aurait été
annulée si on lui avait donné suite.
M. BURNS: Oui.
M. LALONDE: II fallait donc, pour être logique, que je la
considère comme nulle entièrement.
M. BURNS: D'accord, mais elle n'est pas nulle, M. le ministre. Vous
allez admettre cela. Elle n'est pas nulle tant que le gouvernement n'intervient
pas, puisque, comme tout le monde le dit, il s'agit de tractations entre
parties privées.
M. BOURASSA: On était commis.
M. BURNS: Vous étiez commis, d'accord, mais, maintenant que vous
nous dites et que, semble-t-il, M. Francoeur, MM. Gilbert et toute autre partie
intéressée sont prêts à nous dire: Power Corporation
n'a rien à faire avec cela c'est cela, le but de la
réunion d'aujourd'hui maintenant qu'on se dit tout cela ensemble,
est-ce qu'il ne serait pas sage c'est cela la question qu'on vous pose
d'avoir l'éventail de la situation, l'ensemble du portrait? Pour
avoir l'ensemble du portrait, qu'on puisse enlever de notre esprit le doute que
Power Corporation ait pu, d'une façon ou de l'autre, par l'entremise
d'une clause paraissant dans cette promesse d'achat ou cette promesse de vente,
avoir eu une influence sur la vente éventuelle du Soleil, c'est cela,
dans le fond, la question. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
M. LALONDE: M. le Président, si le but de la commission
parlementaire est d'examiner la transaction qui a eu lieu dans l'optique de la
concentration de la presse, je doute de la pertinence de ce document,
même s'il devait contenir une clause par laquelle l'acheteur
éventuel aurait pu avoir un choix négatif quant à un autre
acheteur éventuel, puisque, sans tenir compte de toute clause, quelle
qu'elle soit, nous devons examiner si la transaction qu'on a devant nous
effectue une concentration de la presse écrite, quotidienne,
francophone, c'est-à-dire dans l'optique suivante: Est-ce que cela a
été vendu en fait à M. Desmarais ou à M.
Francoeur?
M. BURNS: Non. Regardez...
M. LALONDE: C'est pour cela que si...
M. BURNS: Vous êtes un avocat et un bon avocat et vous avez
l'expérience des institutions financières je pense que je
n'ai rien à vous montrer là-dedans mais vous savez fort
bien qu'une certaine clause, si elle existe dans ce document, peut créer
une très forte présomption relativement aux relations que
certaines parties à cette entente, directement ou indirectement ou
occultes même, peuvent exercer sur ces ententes. C'est pour cela qu'on
vous dit que cela serait drôlement, non seulement intéressant,
mais essentiel qu'éventuellement...
M. LALONDE: Cela pourrait être intéressant...
M. BURNS: ... cette entente soit mise à la disposition des
députés.
M. LALONDE: ... et cela pourrait naturellement satisfaire la
curiosité des membres de la commission ou du public, à savoir ce
qu'il y avait dans cette entente, mais si on s'en tient au mandat de la
commission, je pense qu'une clause, par exemple, dans l'entente, qui aurait
pour effet de dire: Si jamais je ne peux pas acheter, pour une raison ou pour
une autre, tu vas me vendre ton chalet à tel lac, cela a autant de
pertinence que si...
M. BURNS: Cela n'est pas tout à fait la même chose.
M. LALONDE: Laissez-moi terminer. ...pourvu que le résultat ne
soit pas une concentration augmentée.
M. BURNS: Je vais vous donner un autre exemple qui est pas mal loin de
votre exemple du chalet. Si je suis le signataire offrant dans une offre de
vente et que je me réserve un droit le jour où on n'exerce pas
cette offre, où on ne la concrétise pas, où on ne la
réalise pas, je m'exerce le droit de dire au futur vendeur: Si ce n'est
pas moi qui achète, ce n'est pas au moins un tel ou un tel. C'est
là que l'élément de présomption a une drôle
d'importance.
M. LALONDE: Je ne vous suis pas. Si l'entente revenons au chalet
est totalement annulée, à ce moment, le vendeur
éventuel n'a même pas besoin de lui vendre son chalet...
M. BURNS: Vous me parlez d'un autre objet de vente alors que moi, je
vous parle du même objet de vente, c'est-à-dire le journal Le
Soleil.
M. LALONDE: Même s'il y avait cette clause...
M. BURNS: Oui.
M. LALONDE: ... étant donné que l'entente ne devait pas
avoir de suite...
M. BURNS: Oui.
M. LALONDE: ... de quelle façon les vendeurs éventuels
pourraient-ils ou se sentiraient-ils liés par cette clause et la suivre
puisque c'était lettre morte?
M. BURNS: Je ne le sais pas. C'est le document qui va nous le dire.
M. BOURASSA: M. le Président, M. Gilbert va témoigner
et...
M. BURNS: M. le premier ministre, permettez-moi de vous arrêter
tout de suite. Vous avez fait votre cours de droit et vous le savez comme moi
qu'on a beau...
M. BOURASSA: Je ne m'en souviens pas.
M. BURNS: Je sais que vous ne vous en souvenez pas parfois. Passons.
Vous savez comme moi que la meilleure preuve, c'est un document lorsqu'il y en
a un. Je suis bien prêt à prendre la parole de M. Gilbert, de M.
Desmarais, de M. Francoeur et de tout le monde, mais s'il y a un document, je
trouve que c'est la meilleure preuve. Vous le savez, M. le premier
ministre.
M. BOURASSA: Je lui ai dit que j'étais pour... Je peux citer
l'article du code civil.
M. BURNS: Quel article?
M. BOURASSA: Article 1211.
M. BURNS: Vous n'êtes pas loin.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le premier ministre...
M. BOURASSA: J'ai dit que j'étais pour examiner les implications
du geste. Je comprends la question des députés et je vais
examiner les implications, comme précédent. On va voir et on va
continuer. On continue ce soir à 8 heures.
M. BURNS: D'accord. En somme, ce n'est pas une fin de non-recevoir
relativement à ce document. Vous allez y songer et, ce soir, vous allez
nous donner une réponse là-dessus, mais je pense que vous avez
compris l'importance qu'on attache à ce document. J'espère.
M. BEDARD (Chicoutimi): Parce que tout contrat, en fait,
d'inexécution d'achat ou de vente, entraîne nécessairement
des pénalités.
J'aurais seulement deux questions à poser. Vous dites qu'à
un moment donné vous avez su des intérêts Francoeur qu'ils
avaient acquis le journal le Soleil, n'est-ce pas?
M. LALONDE: Je l'ai appris.
M. BEDARD (Chicoutimi): Et que vous n'aviez pas examiné les
contrats? D'ailleurs vous ne pouviez pas les examiner et je comprends votre
situation parce que...
M. LALONDE: ... sauf au sujet de la commission parlementaire.
M. BEDARD (Chicoutimi): Etant donné qu'il y avait une commission
parlementaire qui pouvait siéger là-dessus, et que le
débat était quand même sur la place publique, je voudrais
savoir si dans l'exécution de votre mandat, vous avez cru bon de leur
demander de vous faire parvenir au moins une copie de ce contrat de vente?
M. LALONDE: J'ai pensé procéder de cette façon,
mais j'ai opté pour le dépôt de tout document pertinent
à la commission.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce qui veut dire qu'au moment où nous
parlons, vous n'avez, en aucune façon...
M. LALONDE: Je me suis tenu sur le même pied que tous les autres
membres de la commission.
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 8 h 15 ce soir.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance 20 h 26
M. CORNELLIER (président de la commission spéciale sur les
problèmes de la liberté de presse): A l'ordre, messieurs! La
commission reprend ses séances et, au tout début, j'aimerais
donner la parole au premier ministre qui a quelques commentaires à
fournir.
Dépôt de documents
M. BOURASSA: C'est pour le document dont on a parlé cet
après-midi. Comme il y avait des parties privées qui
étaient impliquées, j'ai prévenu que j'avais l'intention
de déposer le document. J'en distribue en ce moment. J'ai engagé
le député de Maisonneuve comme conseiller juridique pour quelque
temps pour voir...
M. BURNS: Vous avez de bons choix.
M. BOURASSA: ... s'il ne pourrait pas donner ses commentaires. A
première vue, il semble que c'est la loi générale qui
s'applique, le code civil sur les promesses de vente, avec les implications et
les engagements que cela comporte pour le débiteur et le
créancier. Je pense qu'on aura l'occasion de l'examiner plus à
fond pour voir si ce n'est pas le cas.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, il est évident qu'aussi
brillant que je puisse être, je ne peux pas faire de commentaires sur ce
document-là dès à présent. Comme j'en ai
avisé le premier ministre tantôt au nom de mon groupe
parlementaire, et sachant que, parmi les personnes disponibles à
rencontrer la commission, il y a M. Francoeur et ses conseillers juridiquess
et je crois comprendre également que M. Francoeur a des documents
à déposer auprès de la commission je suggère
à la commission qu'après que le député de
Saint-Jacques aura parlé il m'a informé tantôt qu'il
lui reste encore quelques questions à l'endroit soit du ministre d'Etat,
le député de Marguerite-Bourgeoys, soit à l'endroit du
premier ministre nous écoutions la présentation de M.
Francoeur ou de ses conseillers juridiques ou les deux et surtout que nous
recevions les documents qu'ils ont à déposer et que, par la
suite, la commission ajourne ses travaux à une date ultérieure,
le plus près possible, mais qui nous permettrait de prendre connaissance
des documents qu'on déposera.
Je dois dire également d'un même souffle, au nom de mon
parti, que nous aurions cru que M. Francoeur serait peut-être le dernier
chafnon à examiner dans toutes ces tractations relativement à la
vente du Soleil. Mais comme M. Francoeur est présent, comme M. Francoeur
est disponible, on n'est pas pour faire un chichi de
procédure ou quoi que ce soit et insister pour qu'il revienne
à une autre date. Cependant, je pense que M. Francoeur et ses
conseillers juridiques s'attendent à être rappelés
éventuellement devant la commission une fois que nous aurons eu
l'occasion de prendre connaissance des documents qu'il s'apprête à
déposer. Ce serait notre façon de voir le problème.
Je ne sais pas si le gouvernement voit ça de la même
façon, mais ça pourrait se faire sans que les travaux de la
commission soient, en ce sens, mis au rancart pour des semaines et des mois
à venir. En ce qui nous concerne, lors d'une prochaine séance, je
suis en mesure de dire immédiatement que nous aimerions bien entendre
l'un des frères Gilbert, celui qui semblera être le porte-parole
le plus complet ou disponible pour les deux. Il me semble que ce soit M. Guy
Gilbert qui ait fait les tractations; moi, je n'ai pas de
préférence, mais un des deux, peut-être les deux s'ils
pensent qu'ils doivent se compléter. Egalement, nous aimerions entendre
M. Paul Desmarais... C'est M. Guy Gilbert, je pense? Alors, M. Guy Gilbert.
Nous aimerions aussi entendre, lors d'une prochaine séance, M.
Péladeau et finalement, nous aimerions bien entendre M. Yves Ryan...
Claude, Claude Ryan.
M. BOURASSA: ... respectable dont parlait le député de
Saint-Jacques? C'est lui qui a été traité de traître
par votre chef?
M. BURNS: Ecoutez, c'est une autre affaire. C'est notre chef qui a dit
ça?
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une manière convenable de le
dire.
M. BURNS: M. Claude Ryan, tout le monde le reconnaît comme une
autorité en matière journalistique, alors il aura sans doute un
certain nombre de choses à nous dire. Pour le moment, ce seraient les
personnes que nous aimerions entendre et, si cette façon de
procéder est acceptable au gouvernement, on est entièrement
prêt, après que le député de Saint-Jacques aura
posé quelques questions au ministre, à écouter M.
Francoeur et recevoir les documents qu'il a à déposer.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je ne sais pas si on peut avoir une
réponse tout de suite quant à la façon de procéder
que vient de proposer le député de Maisonneuve.
M. BOURASSA: On va réfléchir quelques instants.
M. CHARRON: D'accord ! Je continuerai les quelques questions qui me
restent en direction du ministre responsable du dossier. Le ministre, cet
après-midi, à propos de ce docu- ment qui est maintenant devant
nous, pour une bonne partie en tout cas, nous mentionnait que, pour sa part,
dans l'entendement du mandat qu'il avait reçu du premier ministre, peu
lui importait le contenu de ce document puisqu'il se sentait doté du
pouvoir de l'annuler complètement parce que son intention était
ferme et arrêtée, M. Desmarais n'avait été
prévenu que Power Corporation ne deviendrait pas propriétaire du
journal Le Soleil.
Je le signale simplement à l'intention du ministre avant
d'abandonner cette partie de la discussion, c'est contraire aux affirmations
très catégoriques que l'éditorialiste et directeur du
Devoir, M. Claude Ryan, faisait dans un article publié le 12 janvier. Je
ne demande pas au ministre de le nier ou quoi que ce soit; M. Ryan vient
d'être invité par le parti de l'Opposition à nous
rencontrer, il aura donc l'occasion de nous expliquer pourquoi il avait
écrit ce texte. Mais je termine cette partie de la discussion, dis-je,
en citant exactement l'article de M. Ryan pour que le ministre comprenne bien
pourquoi nous avons posé ces questions.
Je cite M. Ryan: "Devant les pressions qui se multipliaient contre
l'acquisition du Soleil par Power Corporation, M. Desmarais avait consenti, en
novembre, à se désister de son droit d'option sur le Soleil en
faveur d'un groupe d'institutions comme celui que voulait susciter M. Robert
Bourassa. Il avait cependant conservé soigneusement le billet
signé par les frères Gilbert et confié à des
collaborateurs qui ne voulaient pas entendre parler d'un groupe où
Québécor ou M. Péladeau serait présent. M.
Desmarais considère M. Péladeau toujours selon M. Ryan
comme son plus dangereux concurrent dans le domaine de la presse et il
n'a pas caché le déplaisir que lui causerait la vente du Soleil
à son rival."
Devant des affirmations aussi catégoriques, claires et sans
aucune nuance de la part d'un homme aussi respectable que le directeur du
Devoir, qui, de toute façon, a été impliqué dans le
dossier, nous aurons l'occasion de le voir lorsque nous discuterons avec lui,
mais à la demande même, je crois, du ministre d'Etat, M. Ryan
avait participé à une, sinon à plusieurs séances
d'exploration quant à l'avenir du quotidien Le Soleil. Est-ce que j'ai
tort de dire que c'est à l'invitation du ministre lui-même ou du
premier ministre que M. Ryan s'est trouvé directement ou indirectement
mêlé à la transaction?
M. LALONDE: M. le Président, mêlé à la
transaction, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que le député
se réfère à la réunion à laquelle il aurait
participé?
M. CHARRON: A laquelle?
M. LALONDE: A la réunion à laquelle il aurait
participé?
M. CHARRON: Oui.
M. LALONDE: Alors il ne s'agit pas de transaction, il s'agit d'une
réunion.
M. CHARRON: Oui, d'accord, mais j'ai dit: La réunion portait sur
quoi? Elle portait sur la transaction éventuelle du Soleil.
M. LALONDE: En effet, M. Ryan avait été invité par
personne interposée à se joindre à un groupe de personnes
qui exploraient les avenues possibles en vue de former un groupe; en fait il a
assisté à une réunion à laquelle j'étais
présent; il y a peut-être eu d'autres réunions mais...
M. CHARRON: Y a-t-il eu d'autres occasions? Par téléphone
ou...
M. LALONDE: Je lui ai parlé une fois, après cela.
M. CHARRON: D'accord. De toute façon, ces renseignements nous
sont communiqués par le directeur du Devoir lui-même.
Maintenant, reprenons là où nous en étions,
c'est-à-dire à l'examen du projet de consortium que vous avez
essayé d'échafauder à une solution de rechange à la
mainmise que voulait faire Power Corporation sur le journal.
Vous aviez informé, m'aviez-vous dit, catégoriquement,
fermement, c'est le mot que vous avez employé tout à l'heure, M.
Desmarais que le gouvernement n'allait pas laisser Power Corporation le
prendre.
M. LALONDE: Excusez-moi, M. le Président, je ne pense pas avoir
dit que j'avais informé M. Desmarais.
M. CHARRON: Le premier ministre semble l'avoir fait.
M. BOURASSA: On peut s'amuser trois mois là-dessus. Mais j'ai dit
ce que j'avais dit à M. Desmarais et je n'ai rien à ajouter.
M. CHARRON: Vous avez dit à M. Desmarais que le gouvernement ne
laisserait pas Power Corporation prendre le contrôle.
M. BOURASSA: J'ai dit que la politique du gouvernement était de
ne pas favoriser la concentration de la presse par l'achat du Soleil. Je l'ai
dit publiquement et je l'ai dit privément.
M. CHARRON: Cela sous-entendait que si Power Corporation avait fait
l'entente, c'était favoriser la concentrationn.
M. BOURASSA: Les faits ont corroboré ce que j'avais dit.
M. CHARRON: J'en conviens. Pour l'étape actuelle de la
discussion, cela va. Moi, j'en suis encore à vous demander, et je
m'aperçois que le repos n'a pas éclairci la réponse que
vous me donnez à cette question depuis que je la pose: Est-ce que M.
Desmarais avait été formellement informé, comme semble en
avoir été formellement convaincu le ministre d'Etat lorsqu'il
disait: Moi je m'en fous de ce qu'il pouvait y avoir dans le papier. De toute
façon cela n'allait pas s'appliquer.
M. BOURASSA: Le député, s'il était en cour
là, il fait son avocat ne se rendrait pas au premier but avec ce
genre de questions. Evidemment, on est patient, tolérant.
M. BURNS: Evidemment, vous n'êtes pas juge.
M. BOURASSA: ... on est démocrate. On est extrêmement
démocrate dans toute cette question M. le Président, pour passer
des heures à répondre à des questions, plus ou moins
pertinentes, du député. Je lui ai répondu six fois, je
pourrais lui répondre une septième fois. J'ai dit, le soir de
l'élection, que j'étais prêt à faire siéger
des commissions parlementaires, à répondre à toutes les
questions avec le maximum d'ouverture d'esprit et de patience, et je ne vois
pas pourquoi le député insiste tellement quand les faits, les
déclarations publiques ont démontré clairement la
volonté du gouvernement. Si le député lit attentivement le
document que j'ai distribué tantôt, il va voir combien cela a
coûté aux frères Gilbert le fait que Power Corporation
n'ait pas acheté le Soleil.
M. CHARRON: Bien. Nous verrons cela avec les frères Gilbert, si
vous voulez. Je veux demander au ministre son projet de consortium. Plus il a
donné de réponses et plus nous fouillons ce domaine, plus on
s'aperçoit qu'on n'en est jamais venu de très près
à échafauder cette solution. Est-ce que j'ai tort?
M. LALONDE: Oui, vous avez tort. M. le Président, le
député a tort. Je ne pense pas qu'on puisse mesurer la
proximité à laquelle on s'est approché d'une solution. Je
pense qu'après avoir réuni 40 p.c. chez les frères
Gilbert, 20 p.c. à la Caisse de dépôt et encore 20 p.c.
formés d'investisseurs plus modestes, il ne nous restait qu'à
recevoir le consentement ou l'approbation de l'Union régionale.
C'est aussi près que cela que nous sommes arrivés à
la solution désirée.
M. CHARRON: Vous maintenez qu'il ne s'est agi, en fin de compte, que de
l'hésitation qui durait, je l'admets, de la part du mouvement Desjardins
pour que l'offre globale soit faite d'un consortium qui remplacerait Power
Corporation?
M. LALONDE: Si on situe le problème dans le temps, on peut parler
d'hésitation. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que nous sommes
arrivés si près de réussir qu'il nous manquait, en
fait, un accord de principe d'un des membres projetés du
consortium. Il ne faut quand même pas oublier que, durant cette
période, il nous est arrivé la nouvelle à l'effet que les
frères Gilbert avaient changé d'idée et ne
désiraient plus y participer. Je me refuse d'attacher la
responsabilité à l'institution financière qui n'avait pas
encore donné son accord, mais c'est un concours de circonstances que
j'ai décrit, je crois, assez clairement, cet après-midi.
M. CHARRON: Moi, je crois être en mesure de dire que je partage
une opinion qui dit que la pierre d'achoppement a plutôt
été du côté des actuels propriétaires du
Soleil.
M. LALONDE: C'est une question d'opinion. Vous avez droit à votre
opinion.
M. CHARRON: D'accord. Cette opinion, je la tire de deux affirmations qui
me semblent assez importantes et qui ont été lancées dans
tout le débat. La première vient encore de la même
citation, soit de M. Ryan, qui affirme, et je le cite à nouveau:
"L'appui des frères Gilbert au projet de M. Bourassa ne fut jamais
enthousiaste." Là-dessus, vous m'avez donné raison tout à
l'heure. Vous avez donné raison à M. Ryan, plutôt. Loin
d'être enthousiaste, ajoute le premier ministre. "Il aurait fait place
à l'hostilité pure et simple, à compter du jour où
des voix, comme celle de M. Jean-Marie Poitras, président de la
Laurentienne, demandèrent que les institutions invitées à
participer à l'achat du Soleil soient assurées de pouvoir compter
sur au moins 50 p.c. des actions. Cette condition modifiait sensiblement le
rôle d'arbitre qui aurait été dévolu, selon le
projet initial, à un homme comme M. Claude Pratte qui devait
détenir environ 10 p.c. des actions et dont les liens avec Power
Corporation et la Banque Royale du Canada sont connus du public."
Cette interprétation de M. Ryan, qui a participé de
près ou de loin à cette transaction, est-elle fondée,
à votre avis?
M. BOURASSA: M. Ryan n'est pas participant à cette
transaction.
UNE VOIX: M. Pratte l'a avoué dans une discussion.
M. BOURASSA: Quelles tractations?
M. LALONDE: C'est une hypothèse que l'auteur a faite. Je pense
qu'on devrait demander aux véritables auteurs de ces décisions si
c'est exact ou non.
M. CHFRRON: Vous avez été impliqué dans le
dossier.
M. BOURASSA: Quatre sur cinq questions du député sont des
questions d'opinion. On pourrait refuser de répondre à la plupart
de ses questions. On essaie d'y répondre mais, dans certains cas, on ne
peut quand même pas se substituer aux frères Gilbert. Même
si, sur quatre questions sur cinq, on pourrait refuser de répondre, on
essaie quand même de le faire, mais il y a des cas où on ne peut
pas se substituer aux frères Gilbert. C'est à eux de
répondre à de telles questions.
M. BURNS: Ce que le député vous demande, c'est votre
connaissance de la situation. Vous avez été présent tout
au long de cette affaire.
M. CHARRON: Je demande un fait. Je ne demande pas une impression. Je
demande au ministre responsable du dossier ceci: Est-ce que le fait que raconte
M. Ryan dans cet article, qu'il invoque comme étant la principale raison
qui fait choir le projet de consortium, est-ce que ce fait vous est connu ou
si...
M. LALONDE: Quel fait?
M. CHARRON: ... il n'y a que M. Ryan qui le savait? Le fait qu'à
compter du jour où M. Jean-Marie Poitras a demandé que les
institutions invitées à participer à l'achat du Soleil
soient assurées de pouvoir compter sur au moins 50 p.c. des actions.
Est-ce que cela est vrai qu'un jour M. Poitras, de la Laurentienne, a
demandé que les institutions aient un contrôle de 50 p.c? Vous
étiez responsable du dossier? Est-ce que vous vous rappelez cela?
M. LALONDE: M. Poitras ne m'a jamais dit qu'il avait changé
d'avis simplement parce que M. Pratte je crois que c'est le monsieur que
vous mentionnez dans l'article aurait un pourcentage.
M. CHARRON: Mais êtes-vous au courant que, entre le jour où
la Laurentienne s'est dite intéressée à participer au
consortium, son opinion ait changé et qu'un jour elle ait posé
cette condition?
M. LALONDE: Je n'ai pas l'article devant moi mais si vous vous
référez au fait que M. Pratte aurait 10 p.c, quoique à ma
connaissance, il n'y avait qu'un engagement à 5 p.c, je ne vois pas le
rôle d'arbitre que M. Pratte aurait eu si, comme nous l'avions
projeté, les frères Gilbert avaient eu 40 p.c, M. Pratte, 5 p.c.
rattaché ou non au groupe Power Corporation, et des institutions
financières ayant le solde des actions, c'est-à-dire 55 p.c.
C'est ce qui me fait dire que les 10 p.c. que je vous entends lire dans cet
article a), c'est une hypothèse que je ne connais pas.
M. CHARRON: C'est une autre hypothèse. C'est plus loin dans
l'article.
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Si
on veut discuter toutes les hypo-
thèses qui ont été envisagées, les 5 p.c.
les 10 p.c. les 20 p.c, le débat n'aura plus de fin.
M. CHARRON: M. le Président...
M. BOURASSA: Je ne sais pas où veut en venir le
député...
M. CHARRON: Non, M. le Président, vous allez voir où je
veux en venir. Je veux en venir à un seul point, soit de faire la
lumière, non seulement sur l'ensemble de la transaction et des
intérêts qui veulent maintenant être propriétaires de
ce quotidien, mais aussi de l'action du gouvernement à
l'intérieur de cela. Je pense que c'est d'intérêt public de
voir si tout cela a été tout simplement une figuration pour
personnages intéressés ou si fondamentalement il y avait des
choses sur lesquelles cela a achoppé, la cause de qui. Je pense que
c'est dans notre intérêt de savoir. Cela nous fait ensuite
comprendre qui est le nouveau propriétaire du Soleil. J'ai
demandé un fait, je n'ai pas demandé 10 p.c. ou 12 p.c, je ne
joue pas sur les pourcentages. J'ai demandé au premier ministre s'il se
souvenait qu'un jour la Laurentienne a posé une condition nouvelle
à son entrée dans le consortium. Si vous ne vous en rappelez pas,
dites: Non, je ne m'en rappelle pas. On demandera à M. Ryan s'il s'en
souvient.
M. LALONDE: Ce n'est pas une question, je ne m'en rappelle pas du tout.
Vous posez une hypothèse qui vous est transmise par un article d'un
journal.
M. CHARRON: Oui.
M. LALONDE: Je ne connais comme hypothèse sérieuse dans le
projet de formation d'un groupe qu'une participation de 5 p.c.
M. LESSARD: Si vous me permettez, ce que le député de
Saint-Jacques tente de souligner, ce n'est pas une hypothèse; on vous
demande si M. Poitras de la Laurentienne a exigé un jour ou l'autre de
contrôler 50 p.c. des actions.
M. LALONDE: Je vous ai dit cet après-midi
j'espérais que les quelques heures de dîner auraient porté
fruit que le projet de groupe dont nous avions rêvé,
comprenait une participation importante, mais minoritaire, d'un capital de
risque qui inclurait le "management". Idéalement, c'étaient les
frères Gilbert, parce qu'ils connaissent la boîte, et ils auraient
pu continuer à administrer le Soleil. L'ordre de grandeur de leur
participation a varié dans notre esprit, au cours de nos conversations,
de 25 p.c. à 40 p.c. Ce qui veut dire que nous considérions
toujours les institutions financières comme étant majoritaines.
C'est toujours dans cet esprit, à compter de la première
réunion à laquelle M. Ryan a assisté, que nous avons
posé des balises.
M. CHARRON: Si je comprends bien, vous construisiez sur du sable mouvant
parce que le principal...
M. LALONDE: C'est l'opinion du député. M. CHARRON: J'ai le
droit de l'exprimer. M. LESSARD: Je crois que...
M. LALONDE: On n'aurait pu rien faire aussi.
M. CHARRON: Cela peut permettre à des gens de penser que, en fin
de compte, vous saviez d'avance que la base n'était pas solide et
l'important c'était l'image de l'extérieur.
M. BOURASSA: C'est faux.
M. CHARRON: Cela permet à des gens de le penser. J'ai le droit de
donner cette opinion.
M. BOURASSA: Ils peuvent penser n'importe quoi, mais j'ai le
droit...
M. CHARRON: La base, les 40 p.c...
M. BOURASSA: ... d'invoquer le règlement et de rappeler les
gestes que j'ai posés comme gouvernant, gestes qui peuvent être
discutés par beaucoup de personnes.
M. CHARRON: ... comme gouvernement... M. BOURASSA: Exactement.
M. CHARRON: C'est exactement ce que nous sommes en train d'expliquer. Un
des gestes a été de monter devant le public l'image d'un
consortium qui serait en train de se faire.
Mais quand on examine vraiment comment il était en train de se
faire, on s'aperçoit qu'il se faisait beaucoup moins qu'on pensait.
M. BOURASSA: J'ai communiqué avec les caisses populaires, et
j'espère que le député de Rouyn-Noranda va comprendre,
j'espère que le député se rend compte des risques
politiques pour un chef de gouvernement en poste d'inviter des associations qui
ont leurs propres responsabilités vis-à-vis des épargnants
à investir des sommes dans une entreprise où il y a des risques
certains. J'espère que le député est conscient des risques
politiques qui ont été pris à cette fin-là et que
j'ai pris pour éviter la concentration de la presse.
M. CHARRON: Vous n'étiez pas le seul à les inviter
à ce moment-là.
M. BOURASSA: J'ai été celui qui était le plus
susceptible de les influencer.
M. CHARRON: C'est bien sûr, et c'est ce que des tas de gens vous
demandaient.
M. BOURASSA: Pas tous.
M. CHARRON: La question que j'étais en train de poser, c'est que
lorsqu'on regarde comme il faut ce projet de consortium, il y avait de tous et
de chacun une participation très hypothéquée, si on veut.
Chacun y mettait beaucoup de conditions, la Caisse de dépôt, par
exemple, qui s'est dite intéressée à participer dès
le moment où elle a été appelée à faire
l'évaluation. Le premier ministre, dans son intervention à
l'ouverture des travaux, nous a dit que c'était lui qui avait
communiqué auprès de la Caisse de dépôt et
placement. Ce n'est donc pas la Caisse de dépôt qui avait
signalé d'elle-même son intérêt à
participer.
M. BOURASSA: II n'y avait pas d'enthousiasme là non plus.
M. CHARRON: II n'y avait pas d'enthousiasme là non plus,
voilà donc. D'autre part, la Caisse de dépôt dit avoir dit
oui au consortium simplement le 10 janvier, soit...
M. BOURASSA: IL y a eu une déclaration publique du
président de la Caisse de dépôt...
M. CHARRON: Le 10 janvier.
M. BOURASSA: ... bien'avant cela. Je crois que, dans le Soleil du 17 ou
18 décembre, il y a eu une déclaration publique du
président de la caisse de dépôt confirmant l'engagement de
la caisse mais disant que les documents écrits seraient reportés
à plus tard.
M. CHARRON: Nous nous efforcerons de la retrouver mais, et on ne
croit pas en manquer dans tous les détails, la seule sortie
publique de la Caisse de dépôt disant oui au consortium date du 10
janvier, soit deux jours avant l'annonce de la transaction qui est
désormais sur la table. D'autre part, reprenons les autres participants.
La Laurentienne y allait à 5 p.c. mais on voit que c'est discutable
comme idée puisque M. Ryan, qui a participé à une
réunion, probablement que la Laurentienne y était, fait
état que la Laurentienne y avait mis des conditions, soit le
contrôle majoritaire. Donc, participation, encore une fois,
hypothétique. M. Ryan dit 10 p.c, je prends la parole du ministre, je
dis 5 p.c., on ne bâtit pas un consortium avec 5 p.c. comme participation
assurée.
M. BOURASSA: II y en avait 80 p.c. là, il y en avait 80 p.c. avec
les caisses populaires.
M. CHARRON: On n'a jamais eu de réponse des caisses populaires.
C'est le ministre qui vient de me le dire. On n'en a pas encore.
M. BOURASSA: Si les caisses avaient accepté, cela faisait 80
p.c.
M. CHARRON: Si les caisses avaient accepté, cela faisait 20 p.c.,
mais...
M. BOURASSA: Cela faisait 80 p.c. avec la Caisse de dépôt
et les frères Gilbert, mais là où vous avez raison...
M. CHARRON : Laissez-moi terminer.
M. BOURASSA: Laissez-moi vous donner raison sur un point.
M. CHARRON: M. le Président, il aura l'occasion de me
répondre complètement.
M. BOURASSA: Je veux lui donner raison et il ne veut pas.
M. CHARRON: Je trace le tableau à partir des informations que
vous m'avez données jusqu'ici. Quel était donc le projet de
consortium? Je reprends, ce qui permettra au premier ministre de reprendre lui
aussi. La Caisse de dépôt et placement s'est dite publiquement
intéressée en date du 10 janvier, c'est publié dans le
Soleil...
M. BOURASSA: Je regrette, c'est inexact. M. CHARRON: ... du 11
janvier.
M. BOURASSA: C'est inexact. Demandez donc à vos recherchistes de
regarder dans Le Soleil de la semaine du 18 au 24 décembre.
M. CHARRON: D'accord, on va le retrouver. La Laurentienne a posé
des conditions à un moment donné quant à sa participation.
Les Caisses populaires n'ont jamais donné de réponse positive ou
négative.
Une réunion où elles devaient se prononcer n'a pas eu lieu
à cause du mauvais temps. Mais jamais les 20 p.c. n'étaient
assurés. Quant à l'autre partie, la plus importante...
M. BOURASSA : Je suis obligé de rectifier le
député. Il y a eu deux réunions...
M. BURNS: Ecoutez, je ne veux pas invoquer le règlement, M. le
Président, mais le premier ministre intervient tout le temps. Il sait,
il devrait savoir que l'article 96 lui permet de rectifier des faits mais
uniquement après. Qu'il ne s'énerve pas...
M. BOURASSA: Est-ce que le député a fini ma consultation
juridique?
M. BURNS: Oui, je vais lui donner une opinion, ce ne sera pas long.
M. CHARRON: Quant à l'autre partie, la plus importante, elle n'a
jamais été acquise, soit les 40 p.c. des frères Gilbert.
Jamais. Ils étaient loin d'être enthousiastes. Quant on le
regarde
comme il faut, ce projet qui a failli être une entente et dont
s'excuse, à la toute dernière minute, le gouvernement, on voit
qu'il y avait loin de la coupe aux lèvres et que ça prendrait
beaucoup de temps avant de le réaliser. C'est le plus loin où
vous êtes allé, à mon avis. Des frères Gilbert, vous
avez eu, jusqu'à la mi-décembre, un consentement réticent
à conserver 40 p.c. Et puis, soudainement, me dit le ministre, dans la
première semaine complète de janvier, c'est ce qu'il a dit cet
après-midi, M. Gilbert m'informe qu'il avait changé
d'idée. Vlan!
M. LALONDE: Ce n'est pas jusqu'à la mi-décembre, à
ce moment-là, c'est jusqu'au début de janvier, à la
première semaine complète de janvier.
M. CHARRON: Jusqu'à la première semaine complète de
janvier, c'est ce que j'ai dit. Je vous cite, je l'ai pris en note, mot
à mot, cet après-midi. Il vous a informé qu'il avait
changé d'idée, vlan! il y a 40 p.c. qui viennent de s'en aller.
Les caisses populaires n'ont jamais répondu en deux réunions
convoquées une après l'autre. Vlan! Il y a 20 p.c. qui viennent
de s'en aller. La Laurentienne posait une condition de contrôle qu'il ne
semblait pas possible de satisfaire, soit le contrôle par les
institutions publiques. Vlan ! 5 p.c. qui viennent de dételer. J'ai beau
fouiller dans les documents, la seule affirmation publique...
M. BOURASSA: Comment épelez-vous vlan?
M. BURNS: Vlang.
M. BOURASSA: D'accord, c'est pour les gens de la transcription.
M. CHARRON: ... la seule participation publique annoncée par la
Caisse de dépôt et placement, je n'en ai pas une dans les coupures
de journaux qui remontent avant le 11 janvier. C'était ça, le
projet de consortium auquel le ministre avait été appelé
à travailler.
M. LALONDE: M. le Président, je ne sais pas si je devrais
répondre...
M. BOURASSA: On ne s'est jamais pété les bretelles avec le
consortium.
M. CHARRON: Oh! Je m'excuse. Oh! Je m'excuse.
M. LALONDE: Je ne sais pas si je devrais répondre à une
description aussi défaitiste que celle que le député de
Saint-Jacques vient de faire. Naturellement, si toutes les entreprises du
député de Saint-Jacques ou de son parti sont faites sur cette
base, il n'y a pas à être surpris des résultats des
dernières élections. Quand on essaie de former un groupe, il n'y
a rien d'acquis. On essaie d'intéresser les gens et, au lieu de
s'asseoir et de ne rien faire, ce qui aurait été la solution de
la facilité à laquelle on s'est refusé, on a fait des
démarches, des consultations et nous avons obtenu l'accord de principe
d'à peu près 80 p.c. L'accord de principe veut dire que, lorsque
nous aurons complété les 100 p.c, on réunit tous ces gens
autour d'une table et maintenant on parle de conditions, de clauses
spéciales, de contrôle, etc. Naturellement, il ne s'agissait pas
de se faire d'illusion.
Il faut quand même revenir, je crois, malgré les
écarts que l'Opposition s'est permis, M. le Président, avec votre
grande patience, le mandat du gouvernement il faut quand même le
dire sérieusement était premièrement
d'empêcher l'accélération de la concentration de la presse,
ce qui a été fait avec une fermeté qui ne s'est pas
démentie et, deuxièmement, de rechercher la formation d'un groupe
de la région de Québec, ce que, avec une certaine audace, on
s'est appliqué à faire. Les contraintes d'argent et de temps ne
nous ont pas permis de réussir assez tôt pour prévenir la
vente du Soleil à une autre personne. Je pense que le gouvernement n'a
pas à rougir de son action.
M. CHARRON: D'accord, c'est parfait. Ce n'est pas la conclusion,
j'espère que vous n'avez pas pensé conclure avec cela.
M. BOURASSA: Non.
M. LALONDE: Au contraire du député de Saint-Jacques,
j'attends à la fin pour conclure.
M. CHARRON: Très bien. Ce que je veux vous demander
maintenant...
M. BOURASSA: J'espère que votre stratégie politique est
mieux préparée que cela. Je comprends votre défaite du 29
octobre.
M. CHARRON: Je veux demander au ministre responsable: Quand a-t-il
entendu parler pour la première fois, au moment où il travaillait
sur ce solide projet de consortium de l'entrée en scène
d'UniMédia, propriété de M. Jacques Péladeau?
M. LALONDE: Je crois avoir dit, et je suis prêt à
répéter patiemment ce soir, que vers la mi-décembre, M.
Francoeur m'a appelé pour m'offrir à participer dans le groupe,
offre que j'ai accueillie avec un certain optimisme parce que, justement, nous
recherchions une participation minoritaire mais substantielle comme je
l'ai dit cet après-midi d'un groupe ou d'une entreprise qui
pouvait réunir et le capital de risque, c'est-à-dire quelque
chose comme plusieurs millions de dollars et le "management", la connaissance.
Alors j'ai reçu cette offre vers la mi-décembre, quelques jours
plus tard, probablement au cours de la semaine suivante, au
cours d'une conversation, M. Francoeur ou son adjoint a rectifié
cette offre en disant: Nous avons examiné les implications fiscales,
elles ne nous permettent pas d'acheter cela parce que...
M. BOURASSA: Ils ne peuvent pas déduire les
intérêts...
M. LALONDE: Ils n'auraient pas pu déduire les
intérêts d'un emprunt fait à cet effet, des revenus, de
sorte qu'au point de vue financier cela n'avait pas de sens.
M. BOURASSA: M. Péladeau a invoqué la même
raison.
M. LALONDE: C'est la même raison.
M. CHARRON: D'accord, c'est la raison financière dont vous avez
fait mention.
M. LALONDE: Au cours de cette conversation ou au cours d'une
conversation ultérieure, M. Francoeur ou son adjoint m'a dit qu'il avait
l'intention de faire une offre, qu'il était à rechercher les
appuis nécessaires à la banque et qu'il avait l'intention de
faire une offre, ce sur quoi je l'ai mis en garde et je me
répète, je m'excuse devant les membres de la commission et devant
tous ceux qui sont ici...
M. CHARRON: D'accord, vous n'avez pas besoin de répéter,
c'est la partie que je voulais avoir. C'est vers la fin de décembre que
vous avez donc été informé par M. Francoeur qu'il allait
faire une offre?
M. LALONDE: Non, je regrette, c'est, je pense, dans la semaine du 7
décembre. Je crois que c'est avant Noël.
M. CHARRON: Avant Noël. D'accord! Avez-vous été mis
au courant du moment où M. Gilbert a de nouveau contacté M.
Péladeau de Québécor pour reprendre les
négociations en vue d'une transaction qui était, à cause
de l'écart, tombée morte à l'été?
M. LALONDE: Non, les négociations ou les échanges entre
les actionnaires et Québécor ont été faits hors de
ma connaissance. J'ai eu l'intuition, à un moment donné, au
début de janvier, que Québécor faisait des approches, ou
l'inverse, pour le Soleil, mais je n'ai pas été tenu au courant
de cela.
M. CHARRON: N'étiez-vous pas au courant également que
l'offre de M. Péladeau, dans la première semaine complète
de janvier, était dotée d'une espèce de date limite
à laquelle M. Gilbert...
M. LALONDE: Je l'ai lu comme vous, dans le...
M. CHARRON: D'accord! Tout cela vous a échappé autrement
dit... La conclusion de la transaction vous a échappé.
M. LALONDE: Naturellement parce qu'il faut encore répéter,
peut-être pour le bénéfice de la commission et du
député de Saint-Jacques, que le gouvernement n'avait pas le
contrôle des actions, que les actions de cette compagnie sont
propriété privée et que les propriétaires avaient
le droit comme le député de Rouyn-Noranda le soulignait
fort justement de s'en départir et d'en disposer, suivant les
lois du pays.
Sauf au cas où une telle disposition aurait affecté
l'intérêt public, à l'égard duquel nous
étions assez vigilants.
M. CHARRON: D'accord. Est-ce qu'on peut tirer comme conclusion
que...
M. BOURASSA: Vous pourrez tirer les conclusions que vous voudrez!
M. CHARRON: Je vous demande, est-ce que je peux tirer comme
conclusion...
M. LALONDE: Si vous me demandez une permission, je ne sais pas...
M. BOURASSA: II fera sa conférence de presse après.
M. CHARRON: Est-ce que je peux tirer comme conclusion...
M. LALONDE: Ce n'est pas la première que vous tirez ce soir.
M. CHARRON: Non, j'en ai tiré quelque-unes cet après-midi,
en effet...
M. LALONDE: Oui et vos conclusions ne m'ont pas impressionné
jusqu'à maintenant.
M. CHARRON: Je vous demande si je suis dans la vérité
lorsque je tire comme conclusion que vous n'êtes à l'origine, ni
de la dernière offre Péladeau, ni de l'offre Francoeur quant
à l'achat global du Soleil.
M. LALONDE: A l'origine, vous voulez dire quoi? Est-ce que j'en ai eu
connaissance ou que je l'ai causée?
M. CHARRON: Vous l'avez incitée, suscitée. M. LALONDE:
Non, je ne l'ai pas suscitée.
M. CHARRON: Quand avez-vous été mis au courant de l'offre
de M. Péladeau? Par les journaux, m'avez-vous dit tout à
l'heure?
M. LALONDE: Par l'article de M. Ryan.
M. CHARRON: Et quand avez-vous été mis au courant de
l'offre de M. Francoeur?
M. LALONDE: Au cours de certaines conversations, j'avais eu connaissance
que M. Fran-coeur avait des intentions, à un point tel que, comme je
l'ai dit ce matin, vers la fin de décembre j'ai pris la liberté
d'appeler M. Ouellet, de l'union régionale, un homme qui, d'après
les journaux, s'était plaint qu'on avait fait trop de pressions sur lui.
Alors j'avais une certaine hésitation à l'appeler mais je pensais
qu'il était de mon devoir de le faire pour d'abord m'informer du
résultat d'une réunion qui, je croyais, avait eu lieu la veille,
mais elle n'avait pas eu lieu, c'était la deuxième qui avait
été remise. Je me suis permis de lui dire qu'on n'était
pas seul dans la course; s'il vous plaît, faire le plus vite possible.
Cela était, je crois, le 28 décembre.
M. CHARRON: D'accord.
M. LALONDE: Parce que je connaissais l'offre. M. Francoeur m'avait tenu
au courant qu'il avait l'intention de faire une offre. Maintenant, quand il a
fait une offre signée, je ne le sais pas.
M. CHARRON: D'accord.
M. LALONDE: Aucune loi ne le forçait à me soumettre
d'avance l'offre qu'il aurait faite.
M. CHARRON: Puisque vous étiez le parrain d'un consortium qui
allait donc, vous le savez maintenant, avoir un nouveau rival sur la ligne,
étiez-vous au courant du montant qu'offrait UniMédia pour,
justement, regrouper de votre côté un montant qui soit tout le
moins égal pour être...
M. LALONDE: Dans les détails, non; dans l'ordre de grandeur, je
crois qu'il m'a parlé de $8 millions, oui. Un ordre de grandeur.
M. CHARRON: D'accord. Et lorsque M. Francoeur vous a avisé qu'il
était sur le point de déposer une offre globale pour l'achat du
Soleil, nous avez-vous dit cet après-midi comme le premier ministre,
vous l'aviez prévenu qu'il aurait probablement à venir prouver
son indépendance par rapport à Power Corporation. Mais vous
n'avez pas demandé à M. Francoeur de vous le prouver à
vous sur-le-champ. Vous n'avez pas eu à examiner...
M. LALONDE: Sur cela, M. Francoeur m'a affirmé au moins une
fois...
M. BOURASSA: On a pris sa parole.
M. LALONDE: ... au téléphone qu'il était
prêt, n'importe quand, à venir devant la commission et à
affirmer qu'il agissait pour lui-même et non pas pour Desmarais.
M. CHARRON: La question que je pose n'est pas pour vous porter
préjudice du fait que vous avez pris la parole de M. Francoeur, c'est
une question d'information. Autrement dit, je veux savoir si, avant que nous
prenions connaissance des documents que vont nous déposer les
témoins tout à l'heure, vous en avez déjà eu une
connaissance ou si les documents sont tout à fait neufs aussi bien pour
vous que pour nous.
M. LALONDE: Je pense que, si vous avez bien écouté la
réponse à la dernière question de votre confrère,
le député de Chicoutimi, juste avant l'ajournement, j'ai dit que
j'avais pensé, à un moment donné, demander les documents,
mais j'ai cru qu'il vallait mieux, étant donné qu'il y avait eu
une décision du gouvernement de convoquer la commission, que tous les
membres de la commission prennent connaissance des documents en même
temps.
M. BOURASSA: II y avait des rumeurs qui circulaient depuis quelques
jours déjà sur...
M. CHARRON: Ce sera, M. le Président, ma dernière
question. J'en ai une toute dernière.
M. BOURASSA: Vous avez l'air d'aimer votre spectacle.
M. CHARRON: Quand vous avez avisé M. Francoeur qu'il aurait
à venir à la convocation de la commission parlementaire, lui
avez-vous demandé non seulement d'apporter les documents qui
éclaireraient la transaction du 12 janvier, soit l'achat du Soleil, mais
aussi d'autres auparavant, en particulier celle du 10 août 1973 où
doit dater dans l'histoire la division des intérêts de
Trans-Canada et de la Société générale de
publication?
M. LALONDE: Je lui ai demandé, lors de mes dernières
communications avec lui, d'apporter tous les documents pertinents pouvant
démontrer son indépendance ou sa dépendance de M.
Desmarais.
M. CHARRON: Bien, M. le Président, j'ai fini avec le ministre
responsable.
LE PRESIDENT (M. CorneUier): Maintenant que le député de
Saint-Jacques a terminé ses questions, nous pourrions demander à
M. Francoeur ou à ses représentants s'ils ont des commentaires
à faire ou des documents à présenter. Si vous voulez vous
identifier au moment de prendre la parole.
M. MICHAUD: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, j'aimerais tout d'abord comparaître comme procureur de M.
Jacques Francoeur. Nom nom est Pierre Mi-chaud. Je suis accompagné,
comme vous le savez déjà, de M. Francoeur dont je vous confirme
la disponibilité comme témoin et je suis également
accompagné de mon associé, Me Claude Ducharme.
Avant que ne débute le témoignage de M. Francoeur,
j'aimerais déposer pour les membres de cette commission, deux cahiers de
documents. Le premier cahier contient tous les documents concernant la
transaction intervenue entre UniMédia, d'une part et les frères
Gilbert, d'autre part, concernant l'acquisition du Soleil. Le deuxième
cahier contient tous les documents concernant la transaction intervenue avec
les journaux Trans-Canada, à laquelle a fait allusion tantôt le
député de Saint-Jacques.
Ce deuxième cahier, comme vous l'aurez constaté, est
plutôt volumineux. Avec le peu de temps qui a été mis
à notre disposition, il nous a été physiquement impossible
de préparer copie de ces documents pour chaque membre de la commission.
Nous aurions aimé le faire, mais cela nous a été
impossible.
Je dépose immédiatement les premier et deuxième
cahiers à cette commission. Je vous signale que le deuxième
cahier comprend les documents ayant trait à la transaction intervenue
avec les journaux Trans-Canada, transaction qui a été
complétée le 20 novembre 1973, mais qui faisait suite à
une entente annoncée le 10 août 1973.
Egalement, pour faciliter votre travail, comme il nous a
été impossible de vous donner copie de tous les documents, nous
avons pensé qu'il vous serait utile, comme document de travail, de vous
remettre un résumé de chaque document qui est produit devant
vous.
J'ai ici une copie de ce résumé à l'intention de
tous les membres de la commission. Il y a un résumé pour tous les
documents concernant le deuxième cahier et, également, pour le
premier.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Pour distribution immédiate, Me
Michaud, si je comprends bien, vous avez un résumé de chacun des
cahiers.
M. MICHAUD: Voilà.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Mais les cahiers comme tels, vous n'en
avez pas de copie.
M. MICHAUD: Je n'en ai qu'un seul exemplaire à remettre à
la commission, malheureusement. Comme je l'ai expliqué tantôt, on
croyait qu'on passerait à 3 heures, cet après-midi. Si on avait
su qu'on ne passerait qu'à 9 heures, ce soir, probablement qu'on aurait
été en mesure de vous remettre tous ces documents, mais,
malheureusement, nous ne le savions pas.
M. LALONDE: La majorité, non plus.
M. MICHAUD: Egalement, M. le Président, avec votre permission
et toujours pour faciliter votre tâche nous avons
préparé à votre intention trois organigrammes. J'ai, une
fois de plus, copie pour chaque membre de la commission de chaque organigramme,
qui pourrait être distribuée immédiatement, je
présume.
LE PRESIDENT (M. CorneUier): Certainement, oui.
M. MICHAUD: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais
résumer ce qu'indiquent ces trois organigrammes. Est-ce que vous croyez
préférable que j'attende que la distribution ait
été complétée avant de l'expliquer?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, si vous voulez attendre, Me Michaud.
Je crois que cela serait préférable pour les membres de la
commission.
M. MICHAUD: Vous comprendrez qu'après l'attente que nous avons eu
à subir, nous brûlons du désir de dire ce que nous avons
à dire.
M. VEILLEUX: De rétablir les faits.
M. CHARRON: Pendant que nous en sommes au dépôt du
document, nous serions intéressés, pour les besoins de la cause,
à avoir également je ne sais pas, je pose la question
avant de savoir ce qui est contenu là-dedans tous les documents
impliquant de quelque façon quelque compagnie que ce soit,
propriétaire d'UniMédia et propriétaire de Power
Corporation ou d'une de leurs filiales.
M. MICHAUD: Vous avez tout cela devant vous.
M. FRANCOEUR: Pour préciser, ce sont tous les documents me
concernant avec les journaux Trans-Canada au moment de la division. Je n'ai pas
inclus, parce que je ne les ai pas, des documents qui ne concernent pas des
transactions au moment de la séparation. Tout ce qui est disponible,
tout ce qui implique UniMédia dans ses relations avec Trans-Canada est
là.
M. CHARRON: Et avec d'autres compagnies, propriétés de
Power Corporation?
M. FRANCOEUR: II n'y a rien. M. CHARRON: II n'y a rien.
M. FRANCOEUR : II n'y a aucune transaction, il n'y a pas de
problème.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Et pour le bénéfice des
membres de la commission, le secrétaire des commissions verra à
faire faire des copies des deux cahiers qui ont été
déposés et ces cahiers seront adressés à chaque
membre de la commission dans le plus court délai.
Me Michaud, si vous voulez procéder à l'explication de vos
organigrammes.
M. MICHAUD: Le premier organigramme indique la situation juridique des
intérêts que la
famille Jacques Francoeur contrôlait à l'été
1973, soit avant la transaction intervenue avec les journaux Trans-Canada. Le
deuxième organigramme indique cette même situation mais
après la transaction intervenue avec les journaux Trans-Canada, et le
troisième indique la situation présente.
Si vous me permettez, j'aimerais vous référer...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Vous pouvez procéder, Me
Michaud.
M. MICHAUD: ... tout de suite à l'organigramme no 3 qui est celui
qui indique la situation présente. Pour dégager l'essentiel,
disons tout d'abord que M. Jacques Francoeur et d'autres membres de sa famille
détiennent la totalité du capital-actions de la compagnie Les
Placements JGF inc., qui à son tour détient la totalité du
capital-actions de la Société générale de
publication Inc., qui à son tour détient la totalité du
capital-actions de UniMédia Inc. Et c'est cette dernière qui a
effectué la transaction avec Le Soleil Ltée. L'organigramme vous
indique les autres corporations contrôlées par les
intérêts de la famille Francoeur.
Si vous regardez maintenant l'organigramme no 1... Vous n'avez pas
encore l'organigramme no 3; c'est celui que je viens d'expliquer.
UNE VOIX: On l'a.
M. MICHAUD: II y a peut-être eu un manque dans la distribution. Si
vous voulez, en attendant qu'on vous fasse parvenir votre copie,
vérifiez avec vos voisins. Nous allons épargner du temps. Si vous
regardez l'organigramme no 1, vous verrez qu'avant la transaction avec les
journaux Trans-Canada, la Société générale de
publication détenait, entre autres, 33 1/3 p.c. des actions des journaux
Trans-Canada Ltée. Le reste des actions de cette corporation
était détenu par la compagnie Gesca ltée. Vous avez la
liste des compagnies qui étaient détenues ou
contrôlées par les journaux Trans-Canada Ltée.
Je dois vous souligner tout de suite que l'organigramme n'indique pas
qu'en plus des corporations dont les noms sont là, il y avait
également le journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières et La
Tribune de Sherbrooke. Vous pourriez peut-être ajouter...
M. LALONDE: C'était dans les journaux Trans-Canada.
M. MICHAUD: C'est cela.
M. LALONDE: Le Nouvelliste et...
M. MICHAUD: La Tribune de Sherbrooke et le Nouvelliste de
Trois-Rivières.
M. LALONDE: La Voix de l'Est?
M. MICHAUD: La Voix de l'Est, de Granby.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Dans l'organigramme no 1, le Nouvelliste
de Trois-Rivières et la Voix de l'Est de Granby.
UNE VOIX: En avez-vous d'autres M. Mi-chaud?
M. MICHAUD: Non, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: C'est parce qu'ils ne sont pas importants, ceux-là?
M. MICHAUD: Non, je vais vous dire ce pourquoi on l'a pas
indiqué, c'est que justement, à l'organigramme no 2, qui situe
cet état de choses après la transaction avec les journaux
Trans-Canada, vous allez voir que le Nouvelliste et la Tribune n'ont pas fait
partie de la transaction. En d'autres mots, je vais vous résumer cette
transaction, si vous me permettez. La Société
générale de publication a vendu à Gesca tous ses
intérêts dans les journaux Trans-Canada. Cette transaction
apparaît dans le cahier no 2 et dans le résumé que je vous
ai donné, vous l'avez également. Je peux vous dire tout de suite
que cette vente a eu lieu pour $2,500,000. La Société
générale de publication a, par la suite, souscrit $2,500,000 dans
la compagnie UniMédia Inc., qui, à son tour, a acquis les actifs
des journaux Trans-Canada autres que Le Nouvelliste. La Tribune et La Voix de
l'Est. C'est pour cela que nous ne l'avions pas indiqué sur
l'organigramme.
Cette transaction dont vous avez une copie de la convention dans le
cahier no 2, je vous la résume, parce que vous avez vu
l'épaisseur du document, juste pour vous donner l'essentiel, cette
transaction, dis-je, s'est effectuée pour un prix de $6 millions dont
$2,500,000 furent payés comptant et le solde garanti par quatre
débentures, totalisant la somme de $3,500,000. Vous avez dans le cahier
no 2, que je vous ai remis, toutes les conventions à ce sujet. Si vous
me permettez, je vous réfère maintenant au cahier no 1, qui a
trait à la transaction impliquant Le Soleil ltée. Je vais vous
résumer cette transaction. Vous avez les contrats devant vous. D'abord,
la convention est intervenue le 14 janvier 1974 avec paiement le 16 janvier.
Vous avez les documents devant vous à ce sujet. Le prix de vente est de
$8,425,080. Les termes de paiement: $5 millions furent payés comptant.
Cette somme provient d'un emprunt auprès de la Banque canadienne
nationale, lequel est accompagné des garanties habituelles et cette
créance de la Banque canadienne nationale vient au premier rang. Les
vendeurs détiennent un solde de prix de vente pour une somme de $3
millions, laquelle est également garantie par le nantissement en faveur
des vendeurs d'une obligation prenant rang après la
créance de la Banque canadienne nationale et après la
créance des journaux Trans-Canada, sauf en ce qui concerne les actions
du Soleil.
En ce qui a trait aux actions du Soleil, la créance des vendeurs,
MM. Gabriel et Guy Gilbert, prend rang avant celle des journaux Trans-Canada.
Tous ces documents sont devant vous. Il reste un solde de $425,080, qui est
payable en 1976; ce solde n'est pas garanti et représente le coût
des actions privilégiées.
En définitive, c'est l'essentiel de ce que nous vous avons
présenté, et je vous confirme tout de suite que M. Francoeur est
à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez
bien lui poser.
M. CHARRON: M. le Président, le député de
Maisonneuve a déjà exprimé, dès l'ouverture de la
commission, que nous préférons attendre, mais
immédiatement je veux remercier M. Michaud, M. Francoeur et M. Ducharme
d'avoir déposé ces documents. Ils comprendront que malgré
l'exposé succinct que vient de faire M. Michaud, cela demande un examen
et que, pour notre part, nous serons prêts à procéder
à une réunion ultérieure de la commission comme,
d'ailleurs, je pense, M. Francoeur en a déjà convenu avec
vous.
M. LALONDE: M. le Président, nous n'avons aucune objection non
plus à prendre connaissance des documents avant de pouvoir
procéder plus tard à leur examen. Je dois remercier les personnes
qui se sont déplacées d'avoir accepté l'invitation de la
commission. Pour donner suite à la suggestion du député de
Saint-Jacques, est-ce qu'il y aurait lieu d'ajourner les travaux sine die
jusqu'à ce qu'on ait terminé...
M. CHARRON: Je n'ai aucune objection, mais il serait peut-être
mieux que nous nous entendions pour fixer une date parce qu'on a signalé
l'intention d'entendre d'autres témoins et de les aviser pour une date
bien précise. Je crois que si nous devons déplacer des hommes
aussi importants que MM. Ryan, Desmarais, Péladeau et Gilbert...
M. BURNS: Entre autres.
M. CHARRON: ... entre autres, oui, il serait bon que nous fixions une
date et que le secrétaire des commissions les avise que c'est
l'intention de la commission de les entendre.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: J'ai l'impression qu'à la prochaine réunion
de la commission parlementaire de la liberté de la presse, étant
donné le temps qui sera alloué pour cette première
réunion, les personnes qui se sont déplacées aujourd'hui
auront suffisamment de matière pour répondre aux questions
pendant une séance. J'abonde dans le sens du député de
Marguerite-Bourgeoys à l'effet que la commission ajourne ses travaux
sine die, compte tenu qu'on ne sait pas le temps que prendra le
secrétariat de la commission pour imprimer les documents, les briques
qui ont été déposées cet après-midi.
M. BOURASSA: M. le Président, je n'étais pas là.
Disons que j'aimerais qu'on puisse libérer M. Francoeur pour quelques
semaines. Je sais qu'il doit, comme tout le monde, prendre ses vacances dans
quelques jours et... Peut-être ne pas fixer une date tout de suite mais
si on pouvait dire à M. Francoeur...
M.,FRANCOEUR: M. le premier ministre, si vous me permettez, j'ai
compris, d'après certaines déclarations de certains
députés, qu'on préférait que je vienne après
tout le monde. Est-ce que c'est bien le consensus du comité? Moi, cela
m'est absolument égal. Ce soir, je peux peut-être répondre
à certaines questions qui vont faire du déblayage. Si vous
préférez attendre, c'est comme vous voulez.
M. BURNS: C'est peut-être une de mes remarques, M. Francoeur, qui
a provoqué cette compréhension. J'ai dit que pour nous,
logiquement, à notre point de vue, vous auriez été la
personne à entendre à la toute fin. Cependant, comme vous
étiez disponible, qu'on avait compris que vous vouliez déposer
des documents et que cela nous prendrait aussi un certain temps pour examiner
ces documents, on s'est dit: Pourquoi ne pas profiter de l'occasion, M.
Francoeur et ses procureurs étant présents? Mais je n'en faisais
pas une condition sine qua non. Nous, on trouvait que logiquement, vu que vous
êtes le dernier chaînon de cette série de tractations, vous
auriez été la dernière personne à être
interrogée. Je n'en fais pas une condition sine qua non.
M. FRANCOEUR: C'est le privilège de la commission.
M. BURNS: C'est une suggestion que je faisais beaucoup plus qu'autre
chose. Maintenant, c'est évident que la volumineuse documentation que
vous nous avez soumise, il faudra l'examiner. Quant à l'ajournement sine
die, M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que ce soit
fait sine die, mais j'aimerais bien, de la part du gouvernement, au moins un
engagement moral que la commission siège dans un délai assez
rapproché.
Tantôt, j'entendais des dates telles que la mi-février, ce
n'est quand même pas tellement éloigné. Si c'est ça,
j'ai l'impression...
M. BOURASSA: Le prochain qui pourrait venir donner des informations,
c'est M. Gilbert. Est-ce que ça veut dire que M. Francoeur est
libéré pour un bon bout de temps, au mini-
mum? On ne peut pas y aller plus qu'une journée par semaine.
M. BURNS: On peut peut-être y aller deux jours par semaine, ce
n'est pas un gros problème. C'est une suggestion qu'on vous fait, on est
même prêt à exiger plus souvent que ça.
M. LALONDE: II me semble que nous devrions vider la transaction avec M.
Francoeur et ses conseillers, et c'est seulement après avoir vu le
dessin, le tableau qui nous sera présenté qu'on pourra
décider quels autres témoins la commission a besoin d'entendre
pour se satisfaire complètement. Je suggérerais qu'on ajourne les
travaux sine die avec comme intention d'entendre M. Francoeur comme prochain
témoin, ce qui nous mène... d'après ce que je comprends,
M. Francoeur, vous êtes libre, à la fin de février.
M. FRANCOEUR: Fin de février, début de mars.
M. LALONDE: Le 26 février, est-ce que...
M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux poser une question?
J'ai mentionné tantôt déjà quatre personnes que nous
aimerions entendre. Quand je nomme ces quatre personnes, MM. Gilbert,
Desmarais, Péladeau et Ryan, ce n'est pas limitatif en ce qui nous
concerne mais pourquoi... Moi, je suis bien d'accord pour qu'on dise à
M. Francoeur: Vous avez autre chose à faire d'ici au mois de mars, alors
faites-le et bonne chance dans ce que vous allez entreprendre. Mais,
entre-temps, pourquoi ne pas demander à MM. Gilbert, Desmarais,
Péladeau et Ryan de venir nous voir?
M. BOURASSA: Pourquoi faire comparaître MM. Ryan et
Péladeau? On amène tout le monde comme si c'était
l'affaire du siècle alors que c'est une transaction d'un journal.
M. BURNS: Ce qu'on veut savoir, M. le Président, ce sont tous les
téléments de cette affaire qui se répartissent
déjà sur une période de six mois et plus.
M. LALONDE: J'ai de la difficulté à saisir...
M. BURNS: Vous allez admettre que M. Gilbert serait drôlement
intéressant dans cette optique.
M. LALONDE: Intéressant, naturellement, mais j'ai de la
difficulté à saisir la logique de continuer un travail
sérieux sans avoir terminé l'examen de M. Francoeur. Je vous dis
seulement après l'avoir vu...
M. BEDARD (Chicoutimi): Le témoin principal de M. Bourassa...
M. LALONDE: Je ne vois pas comment on peut...
M. BURNS: Je vous ai dit tantôt, M. le ministre...
M. LALONDE: Lorsque la commission a été convoquée
pour examiner la vente du Soleil à UniMédia, comment peut-on
logiquement examiner d'autres témoins que le premier témoin,
l'acheteur? L'examen de l'acheteur ne peut pas...
M. BURNS: Et le vendeur n'est pas intéressant?
M. LALONDE: Etant donné que toute la perspective dans laquelle
cet examen se fait c'est la concentration de la presse ce n'est
sûrement pas le vendeur, il n'y a plus de journaux.
M. BURNS: On est intéressé à savoir, M. le
ministre, voyons donc, ne soyez pas aussi obtus que ça...
M. LALONDE: J'appelle ça de la logique.
M. BURNS: Vous avez l'air d'être poigné dans un coin de 30
degrés de largeur. Ecoutez, s'il vous plaît !
M. BOURASSA: On se détend, M. le Président.
M. LALONDE: II ne faut pas être nerveux, le député
de Maisonneuve...
M. BOURASSA: Le député de Saint-Jacques nous a
donné un bon spectacle, on l'a laissé faire.
M. BURNS: Je suis bien moins nerveux que vous autres, je suis plus
reposé que vous autres, à part ça. J'ai ça de mon
côté.
M. BOURASSA: Vous avez eu un coup de soleil vous aussi.
M. BURNS: Je veux tout simplement vous dire ceci. C'est tout à
fait de mise. Je pense que ce serait normal et je l'ai indiqué
tantôt. C'est notre point de vue en tout cas que, entre-temps, si M.
Francoeur n'est pas disponible avant le mois de mars, on entende d'autres
personnes. Cela ne nous empêche pas, parallèlement, d'examiner la
documentation qui nous a été soumise ce soir. Il n'y a rien qui
nous empêche de faire ça. Cela fera avancer les choses.
Moi, je vous suggère, en tout cas, vers la mi-février, de
tenir une séance pour entendre au moins M. Gilbert.
M. BOURASSA: Disons que je pourrais communiquer avec le
député de Maisonneuve la semaine prochaine. On va prendre
connaissance des documents et on pourrait s'entendre sur la
procédure.
M. BURNS: D'accord, mais j'ai un engagement moral de la part du premier
ministre, qui ne...
M. BOURASSA: II doit y avoir une autre réunion.
M. BURNS: ... veut pas faire traîner cette affaire. Nous non plus
d'ailleurs.
M. BOURASSA: Non, je ne vous blâme pas. Evidemment le gouvernement
a d'autres chats à fouetter que cela actuellement.
M. BURNS : Oui, mais on ne peut pas dire que, actuellement, vos
commissions encombrent énormément nos agendas.
M. BOURASSA: C'est parce que nous avons voulu donner une chance aux
députés.
M. LALONDE: L'Opposition était en vacances.
M. BURNS: Vous savez, s'il n'y avait pas de commission, on ne pleurerait
pas non plus, mais quand il y a du travail à faire, on est prêt
à le faire.
M. BOURASSA: Là-dessus, je n'ai pas de reproche à faire au
député de Maisonneuve, d'ailleurs je lui ai confié,
moi-même, un travail tantôt dont j'attends le résultat.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je serai d'accord évidemment
avec les membres de l'Opposition ainsi que le gouvernement pour reporter les
travaux à un peu plus tard, si vous voulez, à une autre
séance de la commission. Personnellement, j'aimerais que l'on ne perde
pas de vue l'objectif, le pourquoi on est devant cette commission
parlementaire. Il s'agit de déterminer si la vente du quotidien Le
Soleil, en quelque sorte, constitue un danger de concentration des entreprises
de presse. Quant à moi, en tout cas pour le moment, sous toutes
réserves, ce qui m'intéresse est de savoir si la vente qui est
là constitue ce danger qui est vu par d'autres peut-être.
Alors, dans ce sens, M. le Président, je ne voudrais pas qu'on en
arrive à faire le procès de tous les autres aspirants acheteurs
parce qu'il y a une vente qui est faite et si cette vente ne constitue pas un
danger pour la concentration des entreprises de presse, pourquoi faire venir
tous les autres qui ont fait des offres d'achat pour leur demander: Comment
vous êtes-vous pris, vous, pour faire une telle offre d'achat, si vous
vous étiez pris de telle autre façon, peut-être que vous
auriez réussi à acheter plutôt que tel autre monsieur ou
que telle autre entreprise?
Ce qui nous intéresse, nous, en tout cas, c'est de prendre les
faits qui sont devant nous et de tenter, en étudiant ces faits, d'en
arriver à des conclusions et, si on arrive à la conclusion, en
ayant ces faits et les témoins qui sont disponibles, qu'il n'y a pas de
danger pour la concentration des entreprises de presse, je pense qu'on ne
serait pas justifié d'aller plus loin et de demander à d'autres
gens de venir devant la commission.
Je pense que notre rôle, M. le Président, n'est pas de
faire le procès des entrepreneurs ou des acheteurs qui auraient eu des
idées ou des intentions d'acheter tel journal ou tel autre journal
à un autre moment donné parce que, si on en arrive à cela,
ce sera extrêmement difficile pour les entreprises, pour les gens qui
veulent investir si, à l'avance, on leur laisse voir qu'à
l'avenir il ne pourrait plus rien se faire dans l'entreprise privée sans
que cela risque d'aboutir toujours à une commission parlementaire et que
des transactions privées deviennent, en fait, des choses publiques.
Je comprends qu'il y ait, M. le Président, cette exigence du fait
que le bien commun doit prôner. On comprend tout cela, mais si, à
notre satisfaction c'est sous toutes réserves que je le dis
on nous prouve que la présente transaction ne constitue pas un
danger, moi, je ne vois pas, en tout cas, pourquoi on irait plus loin et on
dérangerait d'autres personnes pour que la commission parlementaire, en
quelque sorte et cela, M. le Président, présente
peut-être une espèce de danger devienne une tribune pour
ceux qui n'ont pas réussi à faire tel achat, tel jour ou telle
semaine ou tel mois, que cela devienne une tribune pour que chacun vienne se
vider,
Je pense, M. le Président, que ce n'est pas notre rôle
à nous, en tant que membres d'une commission parlementaire, de permettre
ces choses. C'est pourquoi je considère que nous devrions demander
à M. Francoeur et à ses procureurs de revenir à un moment
où il aura été permis à tous les partis
d'Opposition et au gouvernement d'étudier les documents qu'on a
déposés. Lorsque nous aurons pu les étudier et que chacun
aura pu se faire une opinion, que ces gens reviennent devant nous pour que nous
les interrogions, s'il y a lieu.
A la suite de ces interrogatoires, il y aura peut-être lieu
c'est pourquoi j'ai mis une réserve au tout début de
demander d'autres personnes. Mais, pour le moment, moi, je ne suis pas
disposé à demander immédiatement d'autres personnes que
celles qui sont impliquées. Parce que c'est une vente, c'est un achat
que nous étudions. Pour ma part, je ne suis pas disposé à
étudier toutes les tractations ou les
discussions qui ont eu lieu, qui ne concernent pas ce contrat en
particulier.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, moi qui suis toujours prêt
à accommoder tout le monde et à essayer de trouver une solution
de compromis, je vous en suggère une. Je crois comprendre que le
ministre d'Etat, le député de Marguerite-Bourgeoys n'est pas
disponible, pour de bonnes raisons, dans les semaines qui viennent, mais je
crois comprendre aussi qu'il sera disponible vers la mi-février. C'est
pour cela que je suggérais la mi-février tantôt.
Si cela accommode tout le monde, et M. Francoeur et le ministre et les
membres de la commission, je n'ai pas d'objection à ce qu'on reprenne
vers la mi-février, avec M. Francoeur. C'est cela que je veux dire.
M. LALONDE: Je crois comprendre que M. Francoeur ne sera pas disponible
avant le 26 février.
M. BURNS: C'est pour cela que je faisais la suggestion de continuer au
moment où le ministre serait disponible, c'est-à-dire vers la
mi-février, qu'on recommence avec d'autres personnes. J'en ai
mentionné deux au moins ou quatre qu'on aimerait bien entendre. On
s'avancerait à ce moment-là.
M. BOURASSA: On peut. Avez-vous demandé aux personnes que vous
suggérez si vous êtes intéressés à les
convoquer?
M. BURNS: La commission peut les convoquer, il n'y a pas de
problème là-dessus.
M. BOURASSA: Je ne voudrais pas, M. le Président, que, simplement
par le fait de venir témoigner ici, on puisse interpréter le
témoignage de certaines personnes de toutes sortes de façons
défavorables pour elles.
M. BURNS: Je suis convaincu, entre autres, que M. Gilbert ne se posera
pas de problème. Il est au centre de toute cette affaire. Je vois mal M.
Desmarais refuser de venir nous expliquer sa situation dans tout cela. Je vois
difficilement M. Ryan qui a pris position publiquement, refuser de venir nous
éclairer davantage. Je vois également difficilement M.
Péladeau qui, à un moment ou à un autre, s'est
trouvé à un croisement de chemins de ces transactions...
Ce n'est pas une question...
M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais communiquer avec le
leader parlementaire d'ici à une dizaine de jours; on aura pris
connaissance des documents entre-temps. On s'entend pour faire la
réunion le plus tôt possible, en tenant compte de la situation
particulière de M.
Francoeur. Disons qu'on s'était entendu pour que...
Le plus tôt que vous pourriez revenir, M. Francoeur, c'est le 25
février?
M. FRANCOEUR: Pardon, M. le premier ministre?
M. BOURASSA: Le plus tôt que vous pourriez revenir, c'est le 25
février?
M. FRANCOEUR: Disons le 26; il peut y avoir un avion en retard.
M. BOURASSA: D'accord.
M. FRANCOEUR: Réunir une commission aussi nombreuse et
impressionnante et ne pas être ici, ce ne serait pas...
M. BOURASSA: Je communique avec le leader parlementaire. Le chef
parlementaire va être à Paris, comme le Devoir le disait, ce
matin, aux Champs-Elysées ou à la Place Pigalle?
M. BURNS: Voulez-vous que je demande à quelle place va être
le ministre dans les deux prochaines semaines, le ministre d'Etat?
M. BOURASSA: Non, mais...
M. BURNS: Est-ce que vous allez être à Paris, vous aussi,
M. le ministre?
M. BOURASSA: C'est parce que c'était dans le journal, ce
matin.
M. BURNS: Ah bon! C'est parce que...
M. BOURASSA: C'est pour cela que je me permets la question.
M. BURNS: J'ai été bien gentil tantôt. Remarquez,
j'ai parlé de la non-disponibilité du ministre.
M. BOURASSA: J'ai trouvé cela dans le Devoir, ce matin.
M. BURNS: Si vous voulez ne pas être gentil, je suis bien capable
de ne pas l'être, moi aussi, vous savez.
M. BOURASSA: Pardon, je pensais qu'il avait pris une résolution
au début de l'année qu'il se choquerait moins souvent.
M. BURNS: J'ai essayé, mais là, vous faites exprès
pour que je me choque.
M. LALONDE: Si personne n'est gentil, je peux rester disponible...
M. BOURASSA: Si j'insistais, c'est que c'était dans le journal Le
Devoir, ce matin. Je
ne l'aurais pas fait si ce n'était pas dit dans Le Devoir que le
chef parlementaire s'en allait en France.
On peut ajourner les travaux sine die et je communiquerai avec le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Dès la semaine prochaine.
M. BOURASSA: Dès la semaine prochaine, je communiquerai avec le
chef parlementaire...
M. BURNS: Non?
M. BOURASSA: Avec votre leader parlementaire. Ne me rappelez pas les
divisions...
M. CHARRON: Cette décision du premier ministre, sans doute,
devrait-elle être mise aux voix, rallierait l'ensemble de la commission,
en fait, du côté ministériel? Je voudrais quand même
qu'elle soit très claire au moment où on ajourne la
séance. Il va y avoir une réunion o\i M. Francoeur viendra mais,
malgré tout le respect que j'ai pour M. Francoeur et pour les vacances
qu'il mérite, ce n'est pas une raison pour que la commission
parlementaire, elle, soit en vacances. On ne m'a pas prouvé le
désavantage net ou le préjudice qui se trouverait à
être causé à une personne comme M. Francoeur du fait que,
avant que nous entendions son témoignage à la suite de ses
vacances, pendant cette intervalle, à cause de l'actualité de la
question d'importance, nous ayons l'occasion d'entendre d'autres
témoins. Je ne pense pas que M. Francoeur croie que ce serait lui porter
préjudice que son vendeur, par exemple, M. Gilbert, dont il vient
d'acheter le Soleil ou est en voie d'acheter le Soleil, vienne nous rencontrer
pendant cette période, à partir de la mi-février.
Le ministre disparaît de la circulation, c'est amplement son
droit, pour une dizaine de jours. Ce n'est pas une raison pour conduire la
commission parlementaire du 29 janvier au 26 ou au 27 février, ce qui
donne un mois. A partir du 13 ou du 14 février, les
députés de l'Opposition, comme le ministre et comme les
personnes, si on les convoque, cela leur donne un délai bien assez
grand. Ce sont toutes des personnes qui ont un programme fort chargé
mais, quand même, avec un délai aussi respectable...
M. BOURASSA: II faut penser à l'avenir. Il y a le comité
de surveillance proposé par la Fédération des
journalistes. Quand va-t-on en discuter? Quand on aura entendu tous les
témoins suggérés par l'Opposition officielle?
M. CHARRON: Non, mais on pourra discuter justement avec les
personnalités qui viendront.
M. BURNS: Vous avez peut-être trouvé cela long aujourd'hui,
M. le premier ministre, mais la raison pour laquelle on a tâché de
vider toutes les questions qu'on avait à vous adresser à vous et
qu'on tâchait d'adresser au ministre d'Etat était justement pour
ouvrir le chemin à des questions adressées à des
témoins directement pour qu'on n'ait pas constamment, entre deux
témoignages, à revenir à vous. Je ne vous dis pas qu'on ne
vous posera plus de questions, mais le gros des questions vous a
été adressé. Cette partie est libérée de
sorte que cela devrait aller assez rapidement. Je vous soulignais, parmi les
noms qu'il y a quand même M. Desmarais. Cela serait drôlement
important qu'il vienne ici, parce que...
M. BOURASSA: II est prêt à venir.
M. BURNS: ... ce sont les liens avec Power Corporation qu'on est en
train d'examiner.
M. BOURASSA: Si cela peut...
M. BURNS: Je ne pense pas qu'on retarde les travaux de la commission en
entendant durant cette période, durant les quinze prochains jours, M.
Desmarais, entre autres.
M. BOURASSA: J'ai prévenu M. Desmarais. Il est prêt
à venir.
M. BURNS: De toute façon, j'attends la communication du premier
ministre là-dessus, et cela me fera plaisir...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A la suite des remarques du premier
ministre et de celles du leader parlementaire de l'Opposition officielle, la
commission ajournera ses travaux sine die, en tenant compte que le premier
ministre devra communiquer, dans les prochains jours ou dans une prochaine
semaine, avec le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
La commission ajourne donc ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 21 h 43)