(Dix heures quinze minutes)
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, bon matin à tous. Et je déclare la séance de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ouverte.
Comme vous le savez, la commission est réunie ce matin afin de terminer cette consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gaudreault): Aucun remplacement. Avant de débuter, pour entendre nos premières personnes, je voudrais vous dire que nous avons été très touchés par ce qu'on a appris récemment, le décès du Dr François Desbiens, qui est décédé le 17 mars 2011, il y a quelques jours, dans un accident de voiture, et puis le Dr Desbiens était venu à plusieurs reprises nous voir pour nous présenter son regard. C'était un expert qui a été rencontré au début des travaux et c'était un homme qui avait une position très... très innovatrice et qui avait un regard très humain sur la question. Alors, on a été très touchés par le décès de M. Desbiens, alors on voulait le souligner aujourd'hui, puisqu'il a contribué à sa façon à l'avancement de notre société, si on peut dire. Alors, voilà comme première constatation que je voulais faire ce matin.
Je voulais aussi souligner l'anniversaire d'une des commissaires, Mme Charbonneau. C'est son anniversaire aujourd'hui, alors on lui fait un beau cadeau, on termine les auditions. Ça a été un cadeau, à mon avis, cette belle aventure qu'on a vécue depuis le début. Alors, voilà. Je voudrais aussi souhaiter un bon début de semaine à tous les commissaires.
Auditions
Et voilà. Maintenant, c'est à vous, Mme Chaput et M. Marsolais, de nous présenter votre mémoire. Vous avez 15 minutes pour partager votre opinion avec les commissaires, qui seront suivies par une période de questions de 30 minutes. Alors, voilà.
Mmes Thérèse Chaput, Denise Nadeau
et M. Robert Marsolais
M. Marsolais (Robert): Alors, merci. Une présentation en deux temps. Je vais débuter, et Mme Chaput va poursuivre par la suite. La vie est ainsi faite qu'on ne demande pas à venir au monde. On naît, et puis on apprend à vivre seconde par seconde, minute par minute, heure par heure, un jour à la fois. Chaque pas d'aujourd'hui vers demain se fait dans la joie ou la peine, la gaieté ou la tristesse, le partage ou l'égoïsme, la lumière ou la noirceur, la paix ou la discorde. La quête du bonheur est affaire de quotidien mais également de chances, d'occasions, d'opportunités, d'acharnement et de recommencements. La recherche de vraies valeurs pouvant guider nos vies est un continuel apprentissage, et les routes à suivre, plus ou moins sinueuses, aux paysages variés et aux directions souvent inconnues. Et, au coeur de ces valeurs inestimables, il y a la dignité, c'est-à-dire la forme la plus profonde du respect de soi.
Un soi-même qu'on met une vie à bâtir pierre par pierre, beau temps, mauvais temps, nuit et jour, en solitaire comme au milieu de la foule, un soi-même parfois de roc mais souvent fragile comme une petite feuille au vent. La dignité comme un phare dans la nuit. Et, quand, contre toute attente ou encore annoncé d'avance, le corps se fatigue, quand il répond à peine, quand l'usure a fait sa marque, quand le souffle devient trop court, quand la science ne répond plus, reste le respect de soi, au plus profond de l'être, au plus profond de soi. Le respect de soi jusqu'au dernier souffle de vie. Reste la dignité.
La vie nous apprend un tas de choses, dont la capacité de faire des compromis. Mais il peut venir un moment où celui-ci devient carrément impossible puisqu'il serait la négation du simple respect de soi. La vie est ainsi faite que demander à mourir dans la dignité, c'est d'abord se respecter mais également respecter la vie. Demander à mourir dans la dignité, c'est constater qu'il n'y a plus de compromis possible.
**(10 h 20)**Mme Chaput (Thérèse): Présentement, dans notre société, nous aidons jusqu'à la toute fin la personne qui lutte pour la vie. Nous lui fournissons les médicaments, les traitements, nous l'écoutons, nous la soutenons, nous l'encourageons, et ça, c'est très bien. Ne changeons rien à ça. Et, même, améliorons, si c'est possible. Mais que faisons-nous, par exemple, pour celle qui n'accepte plus ce qu'elle est devenue suite à une maladie dégénératrice? Que faisons-nous pour celle qui, à cause de la sclérose en plaques, par exemple, voit, à 52 ans, sa vie lui échapper à chaque jour sans pouvoir rien faire, et surtout qui ne l'accepte pas, qui se retrouve dans une chaise roulante à 54 ans, complètement incontinente, incapable de même se croiser la jambe sans aide et qui ne l'accepte pas?
Elle se fait dire à 55 ans que ses médicaments n'ont plus aucun effet pour stopper l'évolution de sa maladie. Elle sait donc que les crises seront de plus en plus fortes, qu'à chaque fois ces crises-là détruiront de plus en plus son corps. Et c'est ce qui est arrivé. Depuis qu'elle est en chaise roulante, elle répète à ses proches qu'elle n'accepte pas ce qui lui arrive, qu'elle n'acceptera jamais ce qu'elle est devenue et qu'elle veut mourir. Ses proches qui vont la visiter l'entendent à chaque fois redire en pleurant qu'elle voudrait mourir car ce n'est pas une vie pour elle. Que peuvent-ils faire? Des belles paroles, oui, l'encourager, mais rien qui la satisfasse, elle.
À 57 ans, après avoir perdu l'usage de ses yeux, elle a décidé qu'elle ne voulait plus manger. Ça, la loi le lui permettait. Ce qui fait qu'elle est décédée trois mois plus tard, mais en passant par d'énormes souffrances physiques et psychologiques, car, à la fin, elle s'imaginait que des étrangers entraient dans sa chambre, et elle avait peur. Est-ce cela, mourir dans la dignité? Nous ne le croyons pas. Nous pensons que toute personne a le droit de décider de vivre, oui, mais aussi celui de mourir si elle considère qu'il devient impossible de même placer le mot «qualité» à côté de celui de «vie» quand elle pense à la sienne. Décriminaliser l'euthanasie et le suicide assisté, ce n'est pas permettre n'importe quoi, c'est donner le message, et un message clair, à toute personne qui considère ses conditions de vie intolérables qu'elle peut en parler ouvertement, qu'elle sera écoutée, que son choix sera respecté s'il répond à des critères précis et reconnus, et connus aussi.
M. Marsolais (Robert): La maladie peut finir par avoir le dessus sur le corps, mais il reste toujours la dignité, c'est-à-dire le respect le plus profond de ce que nous sommes, et surtout dans nos demandes les plus fondamentales et les plus intimes, comme celle du droit de demander de mourir dans la dignité. Nous croyons fermement qu'il est du devoir du législateur de reconnaître ce droit et de statuer officiellement en ce domaine. Une société progressiste et éclairée mérite que les membres qui la composent aient une notion claire et précise de la dignité. La prise de décision quant au droit de mourir dans la dignité ne peut qu'en être grandement facilitée. Merci.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, merci beaucoup. Vous avez utilisé sept minutes, alors on pourra avoir de plus nombreuses questions de la part des commissaires. Alors, sans plus tarder, je vais donner la parole à M. le député d'Orford.
M. Reid: O.K. Merci, Mme la Présidente. Je dois dire que c'était court et pourtant extrêmement concentré, avec un contenu qui, à mon avis, résume tout un panorama de pensées qu'on a eu ici de la part de plusieurs personnes, mais qui le résume en des termes très, très simples, avec une concision assez extraordinaire, je dois dire. Je vais juste vérifier avec vous que je comprends bien. Mon impression, c'est que vous associez très, très étroitement la notion de dignité humaine à la notion de respect de la volonté de l'être humain sur son devenir. Est-ce que je comprends bien? Parce que j'essaie de résumer un petit peu qu'est-ce que je comprends et, avec cette interprétation-là, à ce moment-là je lis votre texte, et on dit: «La maladie finit par avoir le dessus sur le corps, mais reste toujours la dignité, c'est-à-dire le respect le plus profond de ce que nous sommes et surtout dans nos demandes les plus fondamentales», donc, autrement dit, sur la volonté que nous avons sur notre propre devenir personnel. Est-ce que je me trompe ou c'est un peu l'élément central de votre présentation, c'est-à-dire, la dignité de la personne humaine, vous l'associez très étroitement au respect de sa volonté quant à son devenir, quant à ce qui va lui arriver? Ça, ça existe à tous les âges, hein? C'est ce qu'on nous a dit beaucoup, là.
M. Marsolais (Robert): Quant à moi, vous ne vous trompez absolument pas, vous êtes absolument, j'oserais dire, au coeur de la réflexion qu'on a pu se faire à trois personnes, là. Il y a une troisième personne qui ne pouvait pas être ici ce matin pour cause de maladie. Mais l'élément central de relier à la fois le concept de dignité, en termes de valeur, et de l'associer au respect le plus profond de soi-même, c'est un lien qu'on a fait après un certain nombre de discussions, là. Alors, si vous retenez cet élément-là comme étant une espèce d'élément synthèse, rassembleur, des préoccupations et de la réflexion qu'on a eues là-dessus, je pense que vous ne faites pas fausse route, d'aucune façon.
M. Reid: En fait... Oui? Allez-y, madame.
Mme Chaput (Thérèse): Je voulais juste ajouter, oui, quelque chose. C'est que qu'est-ce qui... qu'est-ce qui fait moi, ou qu'est-ce qui fait une personne, c'est toutes mes qualités, c'est mes valeurs, c'est ce que je suis. Et je vous donne un exemple de ce que... la personne dont je vous parle, parce qu'elle a vécu puis... Elle disait: Ce n'est plus moi, là. Moi, je ne suis plus là, là. C'est comme si tu avais enlevé toute l'essence de ce qui est en moi. Et elle avait raison, parce qu'à ses funérailles, quand on a fait son éloge, on disait aux gens de ne pas se rappeler de la Pierrette qu'on a vue depuis quatre ans, ce n'était pas elle, mais c'était celle qui avait le goût de vivre, c'était celle qui avait le goût de se faire des défis, ce n'était pas celle qui pleurait tout le temps. Alors donc, je pense qu'à la minute où on n'a plus notre essence, à la minute où on ne peut plus dire que c'est... c'est la vie, c'est ce qui m'entoure, c'est les qualités que j'avais, quand je ne peux plus dire que c'est moi, là, bien je pense qu'on vient de dire que j'ai perdu ma dignité, j'ai perdu ce qui faisait mon essence. Et je pense qu'il faut avoir côtoyé quelqu'un... J'ai...
On a lu une phrase pendant qu'on écrivait, puis, je regrette, je ne sais pas de qui elle vient, mais elle disait: «La vie n'appartient pas à celui qui veille près du lit, mais elle appartient à celui qui est dans le lit puis qui souffre», puis c'est vrai. Je ne peux pas dire l'auteur, là, mais on l'a fait nôtre parce que c'était... je trouvais que c'était vrai.
M. Reid: Merci.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation, c'était fort intéressant. Vous faites la description, dans votre présentation, d'une personne qui était à la fin de sa vie, qui semble avoir vécu une expérience difficile pour elle et pour ses proches. Est-ce que c'était quelqu'un qui était très proche de vous, une expérience...
Mme Chaput (Thérèse): C'était ma belle-soeur.
M. Chevarie: C'était votre belle-soeur. Ma question est la suivante: Pensez-vous que... Si l'euthanasie ou le suicide assisté avaient été autorisés et accessibles, j'ai bien l'impression que la madame en question aurait fait la demande. Mais est-ce que vous croyez qu'elle aurait exécuté cette autorisation-là? Parce qu'il peut y avoir une grande, grande différence, une grande nuance entre faire une demande dans ce sens-là et, un jour, de décider de passer à l'acte et de demander l'assistance, ou encore procéder à mettre fin à sa vie à l'heure que la personne aura voulue.
**(10 h 30)**Mme Chaput (Thérèse): Je ne suis pas dans sa tête, O.K.? Mais je peux vous dire une chose: Au moins, si elle avait pu le dire ouvertement à son médecin, tout ça. Elle nous a demandé: Laissez-moi des pilules. Elle nous a demandé à plusieurs reprises: Laissez dans ma chambre des pilules, vous ne serez pas coupables... Tu sais, ça n'avait pas de bon sens, là. Il y a quelqu'un qui l'aurait su qu'on... Puis, à part ça, on disait: Tu ne sais pas, là, tu peux te rendre encore pire. Alors, elle, elle était décidée, elle aurait voulu en parler à son médecin, mais elle ne pouvait pas. Nous, on ne pouvait pas en parler à personne.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: On ne veut pas que ce soit facile. On ne veut pas que, du jour au lendemain... Bon, la personne, elle demande de mourir. Bon. Apportez-lui les pilules, puis tout va bien. Non. Mais, au moins, on n'aurait pas vécu pendant cinq ans à... devant une personne qui voudrait parler à son médecin, qui voudrait expliquer: Y a-tu moyen que je finisse ma vie différemment de ça? Mais rien n'était possible dans la loi au Québec.
Alors, ce que, dans le fond, on veut, c'est... peut-être qu'à la fin, quand vous aurez mis des conditions, je ne sais pas, rencontrer trois médecins, ses collègues, puis qu'à la fin elle veut encore, elle saura qu'elle a fait tout le processus, puis que, si, à la fin, elle dit encore à son médecin ou à deux médecins que c'est ça qu'elle veut, elle pourra le faire, et on ne mettra pas, d'abord, son entourage dans des difficultés épouvantables. Puis, si, à la fin, elle décide qu'elle veut vivre, bien, monsieur je serais très fière, parce qu'on aurait aimé ça qu'elle veuille manger. On aurait bien aimé ça qu'elle ne finisse pas sa vie... parce que je dois vous dire que... puis je ne veux pas ici être macabre, mais, voir quelqu'un qui ne mange pas, à la fin, sa gorge, là, sa bouche, tout ça, là, à la fin, une goutte d'eau n'entrait plus, là. Alors, c'est dur pour elle, c'est dur pour ceux qui vivent autour aussi, là. Alors... Puis c'est indigne, je trouve, c'est mourir d'une drôle de façon.
La Présidente (Mme Gaudreault): M. Marsolais.
M. Marsolais (Robert): Oui. Votre question, M. le député des Îles, et la réponse de ma collègue, ça me fait penser aussi qu'il ne faut pas considérer, je pense, l'âge comme étant un facteur, là. On parle on parle dans le texte, là, l'expérience de ma collègue, d'une personne d'une cinquantaine d'années, là, quand on parle d'assistance et mort, et tout ça, on peut avoir l'impression qu'on parle de gens qui ont 85 ans, 90 ans, etc.; dans notre esprit à nous, l'âge, ce n'est aucunement un facteur pour demander l'assistance. Alors, la question que vous avez formulée, M. le député, me permet d'apporter cette remarque-là. Dans le fond, l'âge n'a pas d'importance, là, c'est plutôt la condition dans laquelle, ou les conditions dans lesquelles on vit qui font en sorte qu'une demande d'aide, une demande d'assistance peut être formulée. Je voulais ajouter ça comme complément.
La Présidente (Mme Gaudreault): Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Je joins ma voix à celle de mes collègues qui dit: Le texte est court, parce qu'on a eu des mémoires de moult, moult pages, mais le texte est court, mais il dit ce qu'il a à dire. Donc, je vous remercie, parce que c'est les vraies affaires.
Définir la dignité, c'est quelque chose qui n'est vraiment pas simple. Chacun à sa perception. Un peu comme les enfants, avec l'estime de soi, hein, ce n'est jamais pareil, puis, comme parents, on réalise que, tu as beau en avoir trois, il n'y en a pas un, malgré les mêmes techniques, qui répond de la même façon.
Vous avez dit quelque chose d'important dans la phrase, tantôt, que, moi, je n'ai pas retrouvée, mais «celui qui veille». Beaucoup de gens qui sont venus nous sensibiliser en disant: Ceux qui restent, ceux qui veillent, eux malheureusement doivent vivre avec une décision qui, de par ce qu'on entend, ne leur appartiendrait pas. C'est un peu ce que vous nous dites: celui qui veille n'a pas droit. Mais les gens sont venus nous voir pour nous dire: C'est inacceptable. On vit dans une société, on est interreliés; si quelqu'un choisit de mourir, puis je ne suis pas d'accord, vous ne devriez pas donner ce droit-là. On a l'opportunité, puis, ce matin, c'est le cas, d'avoir des gens qui ont du vécu. Dites-moi, en tant que gens qui restent, comment vous percevez cette réflexion-là?
Mme Chaput (Thérèse): Écoutez, puis on n'est pas des experts...
Mme Charbonneau: Ce qui vous rend encore plus intéressants.
Mme Chaput (Thérèse): ...alors donc, je dois vous dire que, pendant cinq ans, j'ai dit à mon mari, moi, à chaque fois que je revenais de voir ma belle-soeur: Chéri, si jamais un jour ça m'arrive puis que le Québec ne s'est pas tenu debout, va en prison, mais fais de quoi. Parce que... et, ma belle-soeur, si j'avais eu la possibilité, je ne l'aurais pas fait mourir, là, mais j'aurais tout fait pour qu'elle puisse prendre sa décision. Et je dois dire que j'aurais été plus heureuse après qu'à chaque fois que je me rappelle la façon dont elle est morte, les trois derniers mois de sa vie.
Alors, je pense que, si on a côtoyé quelqu'un qui avait... il faut dire qu'elle avait aussi une force de... c'était une femme qui avait une force de caractère, c'était une femme qui aimait la vie, c'était une femme qui aimait les défis. Alors donc, on a vu la transition. Alors, on savait que, quand elle parlait que sa vie n'était pas acceptable, ce n'étaient pas des paroles en l'air. Alors, j'aurais vécu mieux sa décision que le fait qu'elle a été obligée de prendre une décision, elle, mais qui a fait souffrir elle et tout le monde autour.
Mme Charbonneau: Tout à fait. Je regardais de ce côté-là parce que des fois la présidente, elle nous dit qu'il faut laisser la parole aux autres, donc... Je prends la consigne, mais elle ne me regarde pas, ça fait qu'on va continuer ensemble.
On a aussi entendu cette chose-ci. Puis, moi, je vous la lance, puis je vous jure que je n'essaie pas d'être pas fine, là. Je vais le dire comme ça me vient puis vous me direz ce que vous en pensez.
Plusieurs personnes, des intervenants, des gens spécialisés, des gens qui avaient des remarques tout à fait précises nous ont dit que, vous savez, quand cette idée-là nous vient en tête, que ce n'est plus nous, que la perte de nos jambes, de notre vue ou d'une qualité de vie que, nous, on se reconnaît, ce n'est plus nous, puis que ça nous donne le goût de mourir, bien on devrait les aider à consulter, à trouver quelqu'un qui pourrait, dans la mesure de sa spécialité, hein, ça peut être de façon psychologique, de façon émotionnelle, ça peut même être de façon religieuse... Une relation, là, qui fait en sorte que je redécouvre un sens à ma vie, qui fait que je perds ce goût... cette volonté-là de mettre fin à ma vie. Est-ce que vous pensez -- puis, c'est vrai, vous aviez raison tantôt de nous rappeler que vous n'étiez pas dans la tête de Pierrette, mais je pense que vous connaissiez bien cette personne, suffisamment pour me dire qu'elle était déterminée -- est-ce que vous pensez que, si on avait encadré Pierrette avec des gens qui avaient des forces pour lui redonner un sens, est-ce qu'elle aurait maintenu le cap? Ou vous croyez qu'on aurait peut-être pu, à quelques égards, trouver une nouvelle façon de lui apprendre à reconnaître qu'elle avait une qualité de vie?
Mme Chaput (Thérèse): Avant de répondre à votre question, je voudrais juste ouvrir une parenthèse, ça va peut-être vous aider. Je joue aux quilles, et j'ai une personne qui a la sclérose en plaques, O.K.? Donc... On ne veut pas mettre... Ce n'est pas parce qu'on a la sclérose en plaques qu'on veut mourir, O.K.? Donc, elle, elle veut vivre, puis elle veut vivre très fort. Puis à ce moment-là on fait tout ce qu'on peut pour lui faciliter la vie, d'accord? Alors, ma belle-soeur, on a essayé un psychologue... Elle était dans un centre d'accueil où il y avait des personnes pour l'aider, où il y avait... Mais à chaque fois elle nous ramenait en disant: Viens t'asseoir à ma place, là, puis après tu pourras me dire qu'il y a encore des possibilités de ce côté-là, il y a encore... Alors donc, ça veut juste dire que les personnes qui vous ont dit qu'il faut donner un psychologue... Oui, faisons-le. On le fait, d'ailleurs. Puis c'est pour ça que, dans notre texte, on vous dit: Les personnes qui veulent vivre, donnons-leur, mais les personnes qu'on n'est pas sûrs, mettons, que c'est juste... ça peut être juste une dépression, donnons-leur tout ce qu'il faut, mais permettons à la personne... qu'on a tout fait ça, là, O.K., puis qu'elle vous dit encore, là: Bien, écoute bien, là, ce n'est pas ça, ma vie, là, c'est autre chose, bien je pense qu'il faut permettre. Ça n'empêche pas la...
La dame qui vous a parlé, peut-être qu'elle a tout à fait raison, qu'elle a rencontré quelqu'un qui a fait un processus avec un psychologue, avec un psychiatre, avec tout ce que vous voulez, là. Offrons leur tout ce que la médecine peut donner. Si ça fonctionne, tant mieux. Moi, si ma belle-soeur m'avait dit: Oui, elle m'a aidée à trouver un autre sens à ma vie, bien on aurait applaudi. Sauf qu'on a vu que tout ça ne fonctionnait pas. Donc, nous, ce qu'on veut, c'est que la loi permette à celui ou celle qui a suivi le processus du psychologue, de tout ce que vous voulez, mais qui continue à penser que ce n'est pas ça, son désir, parce qu'elle considère que sa vie n'est plus digne d'être vécue, bien, alors... Ça ne dit pas que l'autre a tort, mais elle n'a pas regardé l'autre côté de la médaille.
Mme Charbonneau: Je pense que le monsieur voulait compléter.
La Présidente (Mme Gaudreault): Brièvement, parce que je dois donner la parole...
**(10 h 40)**M. Marsolais (Robert): Oui, brièvement. Quand vous avez dit... Quand vous avez dit, madame: Si on avait encadré peut-être différemment ou un peu plus ou un peu mieux... Peut-être. On commence la phrase avec des si, d'ailleurs, hein, on ne peut pas avoir une réponse super affirmative, là. Mais je pense que, quand on pense à... quand on songe au terme «encadrement» et qu'on songe à l'élément autour de la personne, c'est une façon de voir. Mais il y a aussi dans ça une autre façon de voir. C'est que, dans l'encadrement en question, il y a aussi une partie écoute, et une partie écoute de la personne souffrante. Alors, qu'il y ait, en termes d'encadrement, une attention particulière pour déceler vraiment le désir de la personne qui souffre, la volonté de la personne qui souffre. Si l'amélioration de la qualité de l'encadrement va aussi dans ce sens-là, je trouve que vous aviez une bonne question.
La Présidente (Mme Gaudreault): Elle a toujours de bonnes questions, notre amie la députée de Mille-Îles! Mais il y a quelqu'un qui a très hâte de vous questionner, quelqu'un qui est très attaché à vous, et je vais tout de suite céder la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Alors, bonjour, chers concitoyens de Joliette. Écoutez, c'est un peu étrange parce que c'est deux personnes que je connais très bien. J'espère que vous allez quand même les écouter, parce que c'est des personnes qui sont membres de l'exécutif de Joliette. Et en fait ce sont deux personnes... J'ai pris mon bâton de pèlerin, moi, à Joliette, et j'ai interpellé les gens pour qu'ils déposent des mémoires, qu'ils se fassent entendre, qu'ils répondent au questionnaire, qu'ils fassent part de leurs points de vue, et il y a quelques personnes qui ont répondu à l'appel. On a entendu M. Caillé l'autre fois. Je sais qu'il y a plusieurs personnes qui ont répondu, et ces deux personnes-là ont répondu. Et ce qui est intéressant, c'est qu'évidemment c'est à leur titre personnel, et on n'a jamais discuté de la question. Et il y a des gens que je connais, qui sont aussi proches, à Joliette, qui ont une vision diamétralement opposée. Alors, je pourrais les mettre en contact, puis il y aurait des très beaux débats.
Bien, je suis heureuse que vous ayez donc pris la balle au bond puis participé à ces auditions, d'autant plus que vous avez un cas très précis. Je pense que c'est une personne que vous avez accompagnée qui fait que votre expérience est vraiment ancrée dans le réel. J'ai des questions, c'est certain, parce que, nous, ça fait des jours et des jours, c'est la dernière journée d'une longue série de journées, et ce que vous nous dites, c'est un point de vue qu'on a entendu. Mais on a entendu aussi des gens qui nous disent -- puis vous y avez répondu, je comprends le sens de vos convictions -- mais il y a des gens qui nous disent: On ne peut pas abdiquer.
Comme société, on ne peut pas baisser les bras face à la souffrance, parce que quel signal on envoie à la société en général si on dit: O.K. Toi, on va t'écouter, toi, tu trouves que ta vie n'a plus de sens, que tes souffrances n'ont plus de sens? Mais est-ce que ça a du bon sens, comme société, d'accepter ça? Est-ce que ça a du bon sens, quand on sait les efforts, par exemple, qu'on met pour la lutte pour la prévention du suicide, pour essayer de dire aux jeunes: Il y a un sens à la vie? Alors, comment on fait pour justifier ça? Comment on fait pour dire: C'est correct pour une personne, puis ça n'influencera pas la vision qu'on peut avoir en société de l'importance de la vie?
La Présidente (Mme Gaudreault): Mme Chaput.
Mme Chaput (Thérèse): Moi, je pense que permettre l'euthanasie ou le suicide assisté, ce n'est pas baisser les bras. On va continuer à faire des recherches, là, O.K.? On va continuer à faire des recherches, exemple, sur la sclérose en plaques. On va continuer à faire des recherches, et il faut qu'en même temps ce même gouvernement là, un gouvernement qui fait une loi sur ça, continue à donner des sous. On baisserait les bras si tout à coup le gouvernement disait: Bon, je ne donne plus pour la recherche, on vient de régler le problème. Je ne donne plus des sous pour les soins palliatifs parce qu'on vient de régler le problème.
Non, on ne baisse pas les bras, mais on vient de permettre une avenue différente. Je pense qu'il y a quelqu'un chez vous, là, quand on a écouté, qui a dit: Pour choisir, il faut une alternative, puis les malades n'en ont pas. O.K.? Donc, si je choisis la vie... Puis on continue à vanter la vie puis on va continuer à dire... Nous autres, pendant cinq ans, on a dit à ma belle-soeur comment la vie... qu'elle pouvait encore parler, vous savez, entre parenthèses, parce qu'au moins elle avait encore la parole, qu'elle pouvait encore penser, bon. Et, à ce moment-là, ce n'est pas baisser les bras, parce que c'est offrir une avenue. On va continuer à dire aux jeunes, qui n'ont pas de sclérose en plaques puis qui ont l'avenir devant eux autres... on va continuer, j'espère, à faire ces programmes-là.
Alors donc, si on baissait les bras, si on cessait, si c'était pour nous autres la seule et unique avenue, on vient de régler le problème: l'euthanasie, le suicide assisté. On ne fait plus... tous les autres programmes qui sont importants pour nous autres, on se balance.
Non, tous ces programmes-là, j'espère qu'ils vont continuer, puis très fort, à part ça. Mais je viens de donner une avenue à la personne qui n'en a plus, de possibilités, ou en tout cas qui n'en voit plus. Et j'espère que, dans ce qu'on dit, ça ne fait pas que tout à coup, les jeunes, on cesse de faire la lutte au suicide, et ainsi de suite, là, tu sais. Ce n'est pas un suicide «at large», là, qu'on demande, là. Je ne sais pas si, Robert, tu as quelque chose à ajouter?
M. Marsolais (Robert): Bien, s'il y a quelque chose, il me semble, dans la vie, dans la vie, là, dans la vie en santé, s'il y a quelque chose qui est relativement plate à vivre, c'est quand il n'y en a plus, d'issue. Quand on discute avec quelqu'un ou quelqu'une d'une problématique quelconque puis qu'on se rend compte que, le mur qui est là, là, il n'y en a pas, d'issue. Ça, c'est comme abdiquer, c'est comme baisser les bras, c'est comme l'échec, c'est comme...
Alors, si c'est vrai dans la vie, il me semble qu'au moment de la mort -- si j'ai bien compris votre question, madame -- il me semble qu'au moment... bon, en tout cas, d'une mort rapprochée, là, qui s'en vient, tant qu'il y a encore des issues, tant qu'il y a encore une issue, bien il me semble qu'en termes d'avoir, ce que ma collègue disait, d'avoir encore un minimum de choix, bien c'est aussi un minimum de respect, donc de dignité.
Mme Hivon: Beaucoup de personnes nous ont dit... Je sais que vous l'avez abordé, mais je veux l'aborder parce qu'on est vraiment au coeur du gros dilemme qui se pose à nous puis qui se pose par extension à la société, c'est la place de l'autonomie, du regard que la personne porte sur elle-même -- vous l'avez bien exprimé, dans votre conception à vous, c'est ce qui doit primer -- le regard que la personne porte sur elle-même, sur sa propre dignité, le sentiment qu'elle est toujours elle-même, versus l'importance qu'on doit accorder à la vie, je dirais, à la vie à tout prix, jusqu'au dernier souffle, en se disant, par exemple: Elle pourrait changer d'idée. Elle pourrait changer d'idée. Peut-être qu'il va arriver quelqu'un -- c'est des exemples qu'on nous donne, des cas qu'on nous donne -- il va lui arriver... arriver quelqu'un qu'elle n'a pas côtoyé depuis longtemps, qui va arriver, puis ça va lui mettre un baume d'espoir ou ça va lui permettre de vivre une belle journée.
Est-ce que ça ne valait pas la peine, par exemple, de poursuivre pour vivre cette journée-là? Est-ce que, par exemple, quand elle s'exprime, c'est davantage des cris du coeur? C'est de dire: Restez avec moi, je veux vous voir plus, je veux... Est-ce qu'on est certains que cette personne-là, par exemple, n'aurait pas changé d'avis? C'est des questions qui nous sont posées. Est-ce qu'on ne doit pas donc, dans un contexte comme ça, dire: Bien, la vie doit peut-être garder tous ses droits, et puis permettre que la vie se vive jusqu'au bout? C'est vraiment la tension qui existe entre l'autonomie d'une part puis, en quelque sorte, le caractère sacré de la vie. Qu'est-ce qu'on fait avec ça quand les gens nous invoquent ça comme argument?
**(10 h 50)**Mme Chaput (Thérèse): Je dirais encore: Il faut... Il faut... Tant qu'à avoir la lunette de celui puis de celle qui a souffert -- puis des fois ce n'est pas notre cas, là -- mais, moi, en plus de ma belle-soeur, j'ai connu une personne qui avait le cancer, O.K., qui a lutté deux, trois puis quatre cancers, et son médecin lui disait: Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Elle lui a répondu: C'est facile à dire, vous qui me regardez dans mon lit. O.K.? Oui, il y a de l'espoir, tant mieux. Elle disait: Tant mieux pour ceux et celles futurs qui vont avoir le cancer. Tant mieux, je vous souhaite de faire des recherches. Mais, moi, là, j'ai fait mon bout, O.K.? Elle avait dit la même chose que ma belle-soeur.
Moi, je dis que c'est sûr que les conditions que vous allez mettre en place, elles doivent avoir un certain cheminement, O.K.? Puis c'est peut-être... je dis ça, là, rien ne sera retenu contre moi, là. Ce n'est pas moi qui vais aller mettre les conditions, mais, tu sais, je donne un exemple qu'on se disait des fois. Tu sais, si j'ai... Mettons, je suis, là, celle qui veut mourir, O.K.? Vous avez décidé des conditions, puis je dois, à l'intérieur de ces conditions-là, pendant, je ne sais pas, moi, à l'intervalle, à tous les 15 jours, rencontrer... mon médecin doit me faire rencontrer un collègue, puis... bon! Je dois, pendant un certain laps de temps répéter, au cas où j'aurais changé d'idée, là, tu sais, là. Ce qui fait que, si j'ai mis des balises, ce n'est pas: tout à coup, un soir, je «file down» puis je veux mourir, c'est que j'ai suivi un processus, j'ai suivi des conditions qui sont peut-être réparties, qui sont peut-être étalées sur deux mois, trois mois, quatre mois. Je ne le sais pas, là, mais qu'il faut que la personne... Il y a des gens qui se rendent compte que, oui, elle a décidé, elle a vu le pour, le contre, elle a vu que c'est beau, la vie, mais que...
Et, à la fin, je pense que ça ne peut pas se décider comme ça que je veux mourir, en tout cas pas les personnes que j'ai rencontrées, pas la personne, là, pas l'autre qui faisait du cancer. Tu ne décides pas ça d'un coup. Alors, ce qui fait que, moi, je pense que les personnes qui vous disent: Elle pourrait changer d'idée, bien faisons un laps de temps, mais je trouve que c'est comme si je n'avais jamais été de l'autre côté, là, je n'avais jamais eu c'était quoi, souffrir, là. C'est plus facile dans ce temps-là, quand je n'ai pas vu personne souffrir, de dire: La vie, c'est beau.
La Présidente (Mme Gaudreault): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Chaput, M. Marsolais, merci de ce texte qui, comme mes collègues l'ont dit, cible énormément de questions. Moi, je vais... On se fait un peu l'avocat du diable, là. Il y a des gens qui sont venus ici témoigner en nous disant: Pourquoi on modifierait la loi pour une infime minorité? Vous soulevez la question dans votre texte, mais j'aimerais bien vous entendre là-dessus. Et d'autant plus que souvent ces mêmes personnes vont affirmer que des personnes qui, dans la cinquantaine ou encore dans un âge où l'espérance de vie peut être assez importante, mais quand même atteintes d'une maladie qui les amène d'une façon irrévocable à la mort, ces gens-là décident qu'ils ne veulent plus vivre, et, pour certains, on nous a dit: Bien, il y a sûrement là un peu de dépression. Ce n'est pas normal de vouloir mettre fin à ses jours, la vie a tous ses droits malgré toutes les situations pénibles qu'on peut vivre.
Et il y en a d'autres qui nous ont dit: Il faut avoir l'humilité d'accepter notre mort comme elle nous est présentée. Donc, pour certains, ça devenait une question d'orgueil que de ne pas vouloir vivre dans une -- tantôt vous avez utilisé le terme «macabre», là -- dans une maladie qui fait que nos... le regard que nous tournons vers nous n'est plus acceptable pour nous. Mais ces gens-là nous disent: Il faut avoir l'humilité d'accepter que la vie a tous ses droits malgré toutes les situations. Et vous parlez dans votre texte de critères précis et reconnus, alors, en parlant de tout ça, parlez-nous donc des critères.
Mme Chaput (Thérèse): D'abord, je... écoutez... puis je ne veux pas... j'ai toujours l'impression qu'on vous dit un peu ce qu'on pense, point, là. Écoutez, quand vous dites: Pourquoi changer la loi pour une minorité?, je vous dirais, c'est comme si on me disait... puis je vous donne un autre... Bon, il y a tellement peu de femmes qui sont harcelées; ce n'était pas une majorité, on n'aurait pas dû faire une loi contre le harcèlement. Comprenez-vous? Ou encore j'avais un, tu sais... parce que c'est vrai que ce n'est pas toutes les femmes du monde qui étaient harcelées, là, mais tout à coup on a décidé que, bon, une, c'était assez, O.K.? C'est la même chose... J'avais un médecin, moi, qui considérait que j'étais mieux de ne pas prendre de pilules contre le mal de coeur quand j'étais enceinte, parce qu'il fallait laisser la nature suivre son cours. Bien, pourquoi... Là, je lui répondrais... Il disait: Le Seigneur a permis que les femmes... Je dirais: Bien, si le seigneur n'avait pas voulu qu'on trouve des pilules contre le mal de coeur, bien il ne l'aurait pas permis non plus.
Alors, ce que je veux dire, c'est que suivre la nature, son cours, bien c'est comme si je niais la science. Puis, les minorités, pour moi, à la minute où une personne souffre, ça vaut la peine de s'en occuper, ça vaut la peine. C'est comme si vous disiez: Bien, tant que ce n'est pas une majorité, ce n'est pas important que le législateur s'en occupe. Bien, les minorités sont aussi importantes, là, quand elles vivent quelque chose de très dur, en plus, O.K.? Alors, ça, c'est un... Je vous donne la comparaison parce que... Quand on parle de conditions accessibles, quand on parle de conditions, nous, ce qu'on voudrait, c'est d'abord des conditions accessibles à toutes et tous. Exemple, on avait su que, par exemple, le collège des... les...
Une voix: ...
Mme Chaput (Thérèse): La Chambre des notaires disait que ça serait bien de faire un acte notarié. Nous, on dit: Oui, s'ils sont d'accord pour le faire gratuitement, parce que ce n'est pas tout le monde qui a les moyens d'aller chez le notaire pour faire un acte notarié. Alors, si vous voulez que ça ressemble à un acte notarié, bien exigez comme conditions qu'il y ait 15 témoins, que les 15 témoins signent, qu'il y a ait trois médecins, mais que... puis qu'on ne courre pas les médecins de famille, parce que les gens n'en ont pas, mais qu'un médecin qui se fait dire ça soit obligé, lui, selon la loi, de trouver trois ou quatre collègues, parce que, lui, il en a, des collègues. Alors, ce qu'on veut dire, c'est que, les conditions, si elles ne sont accessibles rien qu'à une minorité, on vient de manquer notre coup aussi. Alors, on pense que ces conditions-là, elles doivent être accessibles à tout le monde, mais qu'elles soient vraiment possibles puis qu'elles soient bien reconnues, puis, comme je vous dis, que ce ne soit pas toujours celui qui souffre qui soit obligé de faire le suivi, tu sais.
S'il doit aller voir un médecin puis que ce n'est pas son médecin de famille, ou que c'est... c'est le médecin... -- comme, moi, elle était dans une maison de repos, un centre d'accueil -- bien, que le médecin à qui elle en parle ait l'obligation de la loi. S'il faut qu'il y ait trois collègues qui écoutent la même personne pour être sûr que ce médecin-là ne veut pas la tuer, que... Bon. Alors donc, des possibilités, mais pas trop sur le dos des personnes qui pourraient... en fait de leur permettre que ce soit accessible.
La Présidente (Mme Gaudreault): M. Marsolais, je vais vous demander juste d'attendre une petite seconde pour... Peut-être, vous pourrez répondre à Mme la députée de Champlain, parce que votre temps est écoulé. Mais Mme la députée de Champlain voudrait vous poser une question. Vous pourrez enchaîner avec ce que vous aviez envie de partager avec nous.
Mme Champagne: Bonjour...
La Présidente (Mme Gaudreault): Mme la députée.
Mme Champagne: Une très courte question pour vous permettre de parler davantage. Je vois que vous dites dans votre mémoire que la dame, votre belle-soeur, est passée par des souffrances physiques et psychologiques. À la fin, ils s'imaginaient... Bon. Donc, elle souffrait beaucoup. On a eu des médecins qui sont venus dire qu'il n'y a pas de raisons qu'aujourd'hui, en 2011, les gens souffrent à la fin de leur vie, qu'il y a une médication suffisamment bien faite et importante qui évite ces souffrances-là. Alors, ça me questionne en me disant: Comment se fait-il qu'on l'a laissé souffrir autant alors qu'effectivement elle était à la fin de sa vie, qu'elle ne voulait plus vivre?
Mme Chaput (Thérèse): Malgré que peut-être que c'est... Comme on a voulu que ce soit très, très concis, c'est peut-être mal expliqué, dans le sens que... C'est-à-dire qu'au moment où elle demandait de mourir, elle ne souffrait pas plus que ça physiquement. Comprenez-vous? Psychologiquement, bien là elle attendait. Bon. Ce qui a fait que, quand elle a décidé de ne plus manger, O.K., même s'ils lui ont donné des solutés, tout ça, ça a fait que sa gorge est devenue plein de pus, puis de sang, puis de tout ce que vous voulez, là. O.K.? Alors, oui, ils lui ont donné des médicaments pour ne pas... Mais elle s'asséchait. Donc, on essayait de la faire boire, et une goutte d'eau, ça faisait... ça passait comme ça, là.
Alors, c'est dans ça qu'on dit que, parce qu'on n'a pas écouté ce qu'elle voulait avant, bien elle a fini sa vie comme elle ne voulait pas la finir, là, vous savez? Puis psychologique, parce que, bon, ils lui donnaient beaucoup de morphine parce que... Mais là, à ce moment-là, elle nous disait: Il rentre, il rentre. Il va... Il va... Bon. C'est dans ce sens-là, là. Oui, on lui a donné des médicaments à la fin, mais c'est une drôle de fin, là. En tout cas, «drôle» n'est pas le mot bon... n'est pas le bien mot... n'est pas le mot juste.
La Présidente (Mme Gaudreault): M. Marsolais, c'est vous, qui aurez le mot de la fin, là.
M. Marsolais (Robert): Quand ma collègue a dit, tantôt... a murmuré: «Tu pourras passer le petit bout», c'est qu'on s'était tout de même préparé un petit peu, disant: Bien, si on a tel genre de question, on...
Des voix: ...
**(11 heures)**M. Marsolais (Robert): Aussi bien... aussi bien mettre les choses au clair. On s'est dit: Quand le législateur va arrêter un certain nombre de lois, de règles, de règlements là-dessus, c'est bien. Ça va être sûrement très bien. Mais il faut que ça soit à notre... Dans notre esprit à nous, il faut que ce soit accompagné d'un plan de communication qui vient préciser de façon claire et précise les conditions dans lesquelles vous référez, Mme la députée. Alors, ça, c'était le plan de communication, là, que je viens de réussir à passer.
L'autre élément, c'était par rapport à... C'est plutôt une réflexion par rapport à une interrogation de la députée de Joliette et aussi de Mme Richard. Dans les lectures qu'on a faites, il y avait quelque chose qui nous avait frappés, en termes de certitude. Quand des personnes arrivent bien intentionnées, et tout ça, là, mais avec des grosses phrases affirmatives, avec des certitudes que... avec «je te garantis que», il faut se méfier des certitudes puis il faut se méfier d'imposer des certitudes. Alors, je me dis: Il faut faire attention, là. Quand, dans l'entourage, il arrive comme possiblement le ou la messie qui va dire: Bien, voyons donc, demain, il va faire beau puis le ciel va être rose, là, pour permettre à l'autre de s'accrocher à puis peut-être de changer d'idée par rapport à, méfions-nous, méfions-nous des certitudes.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, sur ces belles paroles, nous vous remercions de votre présentation. Je pense que votre députée est très, très fière de votre prestation de ce matin.
Et nous allons ajourner pour quelques moments, pour inviter... suspendre, pardon, pour inviter M. Michel Couture à venir devant nous.
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 5)
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, on va demander à tout le monde de prendre place, puisque nous poursuivons nos travaux. Et nous avons le plaisir d'accueillir deux membres d'une famille. Initialement, c'était M. Michel Couture qui avait fait une demande d'intervention; malheureusement, M. Couture n'a pas pu se déplacer pour venir nous voir ce matin, mais les deux membres de sa famille qui devaient l'accompagner sont ici, alors on va faire une exception pour permettre à ces gens de faire leur présentation. Alors, nous accueillons ce matin M. Antonio Couture et sa fille, Mme Linda Couture, qui vont nous faire une courte présentation, une demande d'intervention. Alors, la présentation, c'est de 15 minutes, qui sera suivie d'une période de questions de 15 minutes. Alors, la parole est à vous.
M. Michel Couture, représenté
par Mme Linda Couture
et M. Antonio Couture
Mme Couture (Linda): Oui. Bonjour. Merci d'avoir fait cette précision-là, parce que les demandes d'intervention, c'était au nom de la famille, mais c'était une personne qui l'avait faite, donc... Bien, je suis ici en fait pour parler au nom de mon père, je prends sa voix. Imaginez-vous que c'est lui qui parle, disons. Donc, on a décidé justement de présenter un cas vécu. Vous avez parlé... je pense, les gens avant ont fait une belle mise en place, préparé le terrain, parce que, le vécu, on l'a. Donc, à partir de notre expérience familiale, on va répondre à la question: Est-ce que notre système de santé serait capable de gérer la mort provoquée par euthanasie par un encadrement bien balisé, contrôlé, avec ces balises-là; et, dans un deuxième temps, ça va être la définition... selon notre définition, du vrai visage de la dignité humaine et de la compassion. Et, s'il reste du temps, des recommandations, j'en ai, mais on... c'est sur ces deux points-là.
Juste, tout à l'heure... comme la personne parlait tout à l'heure, c'est qu'on sait qu'en fin de vie on parle d'une personne, et la personne, c'est déjà complexe, c'est un système complexe avec des caractéristiques, des personnalités différentes, des perceptions, des préjugés et des expériences, tout ça, c'est déjà complexe en soi. Mais une personne vit en société, et, moi, j'ai étudié en communication et aussi en administration, et, quand on regarde au niveau de l'administration, on sait qu'à chaque fois qu'il y a un changement ça a un impact sur le reste de la société. Ça fait que vous voyez la personne, en bas, où est-ce que c'est... avec toutes ses aptitudes, ses préjugés et toutes ses valeurs, et, quand il y a un changement dans une loi, ça a un impact sur le milieu familial, les réseaux sociaux, au niveau du psychosocial aussi, toute une société au niveau... on parle de la prévention du suicide, et tout ça, donc c'est juste pour vous donner une image, parce qu'une image vaut mille mots, de la complexité des décisions que vous allez avoir à faire par rapport à la fin de vie, donc c'est l'individu dans un contexte social.
Donc, l'expérience québécoise d'une famille avec les soins de santé. Bien, en fait, ce qu'on a pensé de faire, c'est justement, avec toutes les problématiques que ma mère a dû vivre, elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle a 83 ans, mon père, ici, a 82, très en forme. Il pensait vraiment finir sa vie à la maison avec sa femme, et ce n'est pas vraiment le cas; vous savez, on n'a pas contrôlé ça. Le diagnostic de la maladie d'Alzheimer a eu lieu en 2006. Il y a eu des épisodes d'agressivité, de dépression, puis, à un moment donné, regarder votre mère essayer de fermer les lumières puis ne pas savoir comment le piton fonctionne, ça fait quelque chose, ça vous rentre dedans de voir la dégradation au fur et à mesure. Mais elle est toujours digne, même en ce jour.
Donc, elle a eu une chute à la maison. Elle s'est fêlé -- moi, j'appelle le mot «fêlé» -- une hanche, elle n'était pas cassée.
**(11 h 10)**Une voix: ...
Mme Couture (Linda): Pas à la maison. Elle a fêlé à la maison quand elle a tombée. Elle a été en réadaptation, et, quand elle attendait en réadaptation, elle est tombée trois fois, parce qu'il n'y avait pas de mesures de contention. On avait dit: Elle fait de l'alzheimer, elle va vouloir aller à la toilette, elle est autonome. Donc, elle s'est levée, puis, la troisième fois, elle a cassé sa hanche, quand elle était dans les soins de santé. Donc, on ne s'attendait pas à ça, dans les soins de santé. De là, c'est toute la saga: un mois à l'hôpital, transition dans un CHSLD. Le temps d'attente était de six mois à un an, à savoir quel choix, où est-ce qu'elle va aller? Est-ce qu'elle va aller dans le secteur où mon père vit? On lui disait: Tu vas attendre un an. Si tu ne prends pas celle-là, tu vas aller ailleurs. Quatre transferts avant d'aboutir à un CHSLD de son choix, et là il y a eu des petites choses, comme les pertes de vêtements, perte de dentier. À un moment donné, elle a été malade, ils ont perdu un dentier. Elle a été deux semaines sans dentier, à manger de la purée, parce que: Qui va payer pour le dentier? Finalement, j'ai dit à mon père: Regarde, on va le faire, parce que le système, ça ne fonctionnait pas, là. Un bain par semaine! C'est inconcevable qu'une personne puisse avoir un bain par semaine, et j'ai vu que, dans le temps des fêtes, il y en a qui ont un bain aux deux semaines.
Donc, le pire, un des pires moments, c'est qu'elle se retrouve, à un moment donné, en pyjama, en hiver, après plusieurs avertissements de la famille, que, sur cet étage-là, peut-être que ça ne fonctionne pas, elle va avoir de l'errance, et c'est ce qui est arrivé. Elle s'est retrouvée dehors en pyjama, la chaise est tombée à côté. Un autre incident, ça a été, à un moment donné, politique de transfert. Ça, ça nous a rentré dedans aussi. Mon père paie plein tarif pour une chambre, et tout à coup, avec la H1N1, on lui a dit: M. Couture, on va mettre un autre lit dans la chambre de votre femme, parce que, lui, il avait une chambre seule, plein prix. Il a dit: Non, ce n'est pas ça que je veux. Je paie pour une... tu sais, un temps plein, seul, et finalement ils ont dit: Bien, vous n'avez pas vraiment le choix. Bien oui, mais pourquoi moi? Ils ont dit: C'est parce que votre femme est souriante, elle n'est pas agressive. Bien, on dit: Cette personne-là qui va venir, comment est-elle? Ils ne pouvaient pas nous répondre. Ça fait que, là, mon père, il était déjà... il commençait déjà à s'adapter à son nouveau milieu. Ce qui est arrivé, il ne voulait pas puis il n'en dormait plus. On a fait une plainte, et voici la lettre en réponse du commissaire aux plaintes. Ça dit: Pour l'instant... c'est-à-dire: J'ai donc appris que vous allez sans doute... qu'elle n'aura pas à partager, parce que, mon père, il n'a pas menacé dans le vrai sens du mot, mais il a dit aux personnes... Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont rentré un lit, ils ont rentré une étagère le vendredi, avant que la dame rentre, puis il a dit: Si la dame, elle rentre lundi, je n'ai rien contre la dame, il dit, moi, je prends le lit puis je la sors avec. Mon père de 82 ans qui a pris les... qui s'est relevé les manches puis il a dit: Moi, je ne veux pas accepter ça, et là, ils ont dit: O.K., O.K., M. Couture, on ne fera pas ça. Donc, ce qui est arrivé, par exemple, regardez, ça dit: «Je tiens cependant à vous aviser qu'en vertu de la politique sur le transfert de chambre de l'établissement, c'est à celui-ci qu'appartient la décision finale en cas de désaccord avec l'usager à ce sujet.» Donc, la prochaine fois, si ça arrive, il n'aura pas le choix.
Ça, c'est un autre incident. C'est le corps contusionné de ma mère, O.K. C'est un incident qui est arrivé, et personne n'est capable de nous répondre, qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là.
Est-ce que je peux avoir un petit verre d'eau? J'ai les lèvres sèches. Est-ce que quelqu'un peut m'emmener un petit verre d'eau?
Une voix: ...
Mme Couture (Linda): Donc, c'est arrivé, elle était en transfert, elle était en transfert, et, tout à coup, je suis allée à la toilette avec elle et j'ai vu ses... J'ai dit...puis c'est jaune, hein? Ça, c'est la journée que c'est arrivé, et on ne l'avait pas su, que c'était arrivé, ça veut dire que c'est quelques jours, qu'on m'a dit, et là, on a pas été capable de répondre à la question: Qu'est-ce qui est arrivé? Est-ce que c'est de la violence d'un autre patient? Est-ce qu'elle est tombée? Ils ne l'ont pas retrouvée à terre. Donc, on n'était pas capable de répondre à ces questions-là. Pour en arriver... Donc, moi, je dis: C'est le corps contusionné, aussi, de notre système de santé, c'est la réalité concrète de l'état des soins prodigués par notre système de santé. Vous en avez entendu, des histoires d'horreur, je vous ai suivis tout au long. Donc, lors du ixième transfert, bien ils n'ont pas été capable de nous expliquer, comme je vous disais.
Je vous écoute et on s'écoute depuis un an. Je respecte le travail que vous faites. Le temps dédié et le dévouement à la tâche que vous menez est très difficile. Ce n'est pas facile de trancher. Vous avez parlé de l'abstraction des concepts de choix, l'autonomie, l'autodétermination, les droits individuels, en faisait abstraction souvent, pas vous nécessairement, en faisant abstraction du contexte social, même dans la majorité des cas. Voici le corps contusionné de notre système de santé, c'est la réalité concrète, et c'est ce besoin-là qu'on a besoin d'adresser en priorité. Si notre système n'est pas capable de fournir les soins de base de façon appropriée dans des lieux sécuritaires et gérer adéquatement le système de soins que nous avons, pensez-y bien, comment notre système sera-t-il capable de gérer la pratique de l'euthanasie et du suicide assisté dans toute sa complexité, d'imposer une bureaucratie additionnelle pour gérer la mort provoquée comme une pratique faisant partie de la panoplie des soins de santé? Parce que c'est là que le Barreau a ouvert la porte. Donc, c'est un pensez-y-bien.
La Présidente (Mme Gaudreault): Il vous reste une minute, Mme Couture.
Mme Couture (Linda): Oui. O.K. Là, j'ai d'autres images de ce que j'ai fait. J'ai dit: Une image vaut mille mots, donc vous avez des images qui ont été prises... j'ai fait un devoir de regarder dans les journaux, de prendre qu'est-ce qui se passe, pas juste un cas de ma mère. Vous avez ici d'autres constats: 2 millions de Québécois sans médecin de famille. Comment on va pouvoir donner deux avis de médecins dans le cas d'une personne qui est en fin de vie, quand aussi on sait que seulement 10 % à 15 % des gens en fin de vie ont accès aux soins palliatifs; 7 200 personnes sont actuellement en attente d'une place dans un CHSLD; il manque des psychologues, on a dit qu'il manquait des psychologues. Qui va faire l'évaluation des personnes en fin de vie? Donc, il faudrait peut-être ramancher, si on peut dire, ou on peut fixer le problème qu'on a déjà avant d'être capable de dire: On va être capables de soutenir, de donner la mort.
Et vous avez beaucoup entendu des personnes ici qui vous ont dit: Bien, ce n'est pas grave, c'est juste pour une minorité de personnes, mais il y a 2 millions de personnes... Moi, je n'ai pas de médecin de famille. Vous êtes en train de nous dire, à tous les 2 millions de personnes qui n'ont pas de médecin de famille, que vous allez être capables de fournir deux médecins, en fin de vie, à une personne qui demande à mourir, qui risque de changer d'idée puis qui souvent change d'idée, à 50 % du temps... Il faut faire attention, les messages que vous envoyez aux gens. Les médecins, est-ce qu'on va amener une pratique d'euthanasie, du tourisme de l'euthanasie comme il se fait en Suisse? Quand on sait qu'à un moment donné il y a eu des gens qui sont passés ici, au Québec, et qui ont... on n'est pas capables de récupérer les sommes pour les traiter quand ils étaient de passage. Ça, c'est tous des liens... je vais vous laisser... Regardez, ce n'est pas juste le cas de ma mère, c'est un cas qui vient d'arriver à Montréal, d'une dame de 90 ans qui est tombée. Donc, ce n'est pas pour dire que ça va mal partout, mais c'est pour dire que c'est pour une question de gérer une fin de vie... Mon Dieu! ça passe vite. Est-ce que je peux vous donner juste... il reste un petit deux minutes.
La Présidente (Mme Gaudreault): Non, il ne reste plus de temps...
Mme Couture (Linda): Il ne reste plus de temps.
La Présidente (Mme Gaudreault): ...malheureusement, Mme Couture, comme ça a été le cas tout le long de ces auditions, le temps passe très, très vite lorsqu'on parle de sujets aussi passionnants que la vie et la mort.
Alors, on va passer tout de suite à la période de questions, vous pourrez à ce moment-là apporter des compléments de réponse. Alors, je vais tout de suite donner la parole à Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Rebonjour.
Mme Couture (Linda): Bonjour.
Mme Charbonneau: C'est vrai que ça fait un an qu'on se fréquente.
Mme Couture (Linda): Oui, un an.
Mme Charbonneau: On est rendus tellement intimes qu'on peut dire: Bonjour, monsieur, parce que maintenant on a le droit d'avoir une rencontre avec votre père, et c'est fort amusant pour une dernière journée.
Mme Couture, l'expérience que vous avez vécue avec votre mère, ce n'est pas simple, ce n'est pas simple, puis vous faites bien de nous rappeler que le système est imparfait. J'en connais peu, de systèmes parfaits. Et les membres de la commission sont plus souvent qu'autrement... dans notre intimité, quand on est entre nous, on parle énormément des soins, des soins de vie, pas des soins de fin de vie, là, des soins de vie, parce que c'est en premier lieu ça, les soins de vie, et des soins pour traiter notre monde correctement puis adéquatement. Puis, malheureusement, vous nous le rappelez, dans les médias, un peu partout, on nous rappelle à l'ordre, que ce n'est pas tout à fait parfait partout. Par contre, on pourrait faire un diaporama d'histoires extraordinaires, aussi. Parce que...
Mme Couture (Linda): ...
Mme Charbonneau: Oui, c'est ça. Bien, j'avais pensé que vous aviez sûrement un autre côté à la médaille, parce qu'après un an de fréquentations vous avez entendu les mêmes histoires que nous. Quand vous n'étiez pas avec nous physiquement, vous étiez... vos oreilles étaient avec nous, puis je vous dirais même à la blague: Vos doigts, parce que certains d'entre nous ont reçu des courriels pour corriger le tir, pour nous dire qu'on était peut-être un peu dans le champ, mais c'était le privilège que vous aviez, comparé à plusieurs personnes, puis vous l'avez bien utilisé.
Quand vous dites qu'on n'a pas abordé beaucoup le côté social de la chose, je vous dirais que, là, vous bousculez un peu la personne que je suis. Parce que, moi aussi, depuis un an, je suis assise dans cette salle, et je trouve que l'aspect social, la répercussion, puis vous nous avez vus jouer aux petits diables, à l'avocat du diable, comme on se plaît à dire, pour justement relancer les gens puis dire aux gens: Écoutez, on a entendu ça, vous en pensez quoi? Et, quand les gens disaient: Bien, nous, on est pour, bien on lançait les convictions des contre. Et on est revenus souvent sur la responsabilité de la personne dans sa société, parce que ce sont... les gens qui sont venus nous parler de la pente glissante, et tout et tout. Donc, je vous ai entendue, puis ça m'a un peu heurtée, parce que je pense que, l'aspect social, on y a touché. Mais, sur cet aspect-là, je suis obligée de faire un peu d'histoire dans ma tête puis me dire que souvent le législateur, quand il a posé des gestes, il a pris et changé l'histoire. Puis, à vous, je me permets de le faire, je n'ai pas pratiqué ça souvent pendant cette année de commission, mais... mais l'avortement a eu un impact social, le cancer du sein et les traitements qu'on en fait, le dépistage a eu un impact social, l'itinérance et d'en prendre conscience, je vous dirais, les débats pour pouvoir permettre d'avoir des institutions qui portent un regard sur les piqueries. Je pense que c'est tous des aspects qui ont un... un regard social.
Quand vous dites qu'un individu a un impact sur un autre, on est d'accord avec vous. Mais, quand l'individu ne veut plus avoir d'impact, quand cet individu-là décide par choix, parce que les intervenants que vous avez entendus comme nous avant ont ce pouvoir-là de choisir d'arrêter de manger, ça ne doit pas être un choix facile, parce que c'est excessivement souffrant, mais ils ont la possibilité de faire ce choix-là. Donc, si l'individu n'a plus d'apport, si l'individu n'a plus d'impact de par ce qu'il a fait comme démarche, là, à part le fait que vous allez peut-être me rappeler qu'il n'y a pas de médecin puis que c'est difficile de trouver des gens pour acquiescer à ces demandes-là, donnez-moi une autre raison, ou plusieurs, pourquoi je ne pourrais pas répondre à un individu qui me dit: C'est fini, c'est fini parce que la maladie... c'est fini, j'ai fait le tour, c'est fini parce que... permettez-moi de mettre fin à mes jours en paix avec ma famille, en paix avec les autres, permettez-moi, puisqu'il n'y a plus de sens à ce que je vis et comment je le vis...
**(11 h 20)**Mme Couture (Linda): ...parce que, si vous acquiescez à toutes les demandes... On parle... Vous parlez du choix. Premièrement, on fait tous des choix dans la vie, puis, à un moment donné, en tant que mère ou en tant que... on a des familles, il y a des choix qui s'offrent à nous, mais on sait que ce n'est pas un bon choix, on sait que ça ne fait pas de sens, qu'on n'est pas capables de se permettre d'aller vers cette décision-là, entre autres. On a... on a... Aussi, c'était l'argument principal de l'industrie du tabac: le choix, le choix de fumer. Tu as le droit. Puis, même que l'industrie du tabac, comme vous connaissez, la question comment... les stratégies qu'ils utilisent, ils changent le vocabulaire. On avait des photos de dames sur des bateaux, ça donnait un air, ça te donnait un autre genre, c'était un style de vie. L'anorexie, la même chose. Il y a même une site... Il y a des sites d'anorexie, où est-ce qu'on sait que c'est une maladie qu'on doit prendre en compte, on ne laisse pas les gens mourir de faim, hein? C'est une maladie mentale, hein, dans le fond, et on ne les laisse pas aller dans ce sens-là. Pourquoi une personne en fin de vie... Je regarde mon père, qui est en pleine forme, je le compare avec un arbre, O.K.? Vous avez un arbre, et, quand un arbre se fait foudroyer, est-ce qu'après qu'il est foudroyé et qu'il est cassé en deux, qu'il manque des feuilles, qu'il est brûlé, est-ce qu'on dit que ce n'est plus un arbre? Non. Bien, la même chose... C'était l'objet de ma deuxième présentation, qui était de 2 min 30 s, si vous me le permettez dans le cadre de mes dernières 15 minutes, c'était ça, la dignité, c'est qu'on ne perd pas sa dignité.
Contrairement aux personnes qui ont passé avant nous, c'est que, justement, la dignité, on est... on est... La dignité humaine, c'est qu'on est humains, donc, peu importent les capacités, la performance qu'on a, quoi que ce soit... Ma mère est toujours digne, puis, voulez-vous, je vais vous dire aussi pourquoi. C'est qu'il y a des belles leçons de vie à apprendre quand on va dans ces CHSLD là. Ce que je vous ai montré, les histoires, là, des titres des journaux, c'est pour vous montrer que les balises ne seraient pas respectées.
Mais il y a des belles choses qui se passent dans les CHSLD, et, nous, on est ici en train de débattre plein de concepts puis des choses concrètes aussi. Et la plus belle leçon d'humilité et d'humanité que... Je sais que Mme Hivon disait que... il fallait trouver la solution humaine... La journée que je suis allée passer un après-midi au... pas dans la chambre de ma mère, mais avec sa nouvelle petite famille au CHSLD, écoutez, les membres du personnel, là-bas, il en manque. Mais savez-vous qui aide les autres? Ce sont les personnes atteintes de l'alzheimer, qui sont, entre guillemets, pas de tête, comme j'ai entendu par le protecteur aux malades, qui a dit: Quand on n'a pas toute notre tête, qu'on est en couche toute la journée et que ça sent le pipi... c'est comme si c'était leur faute, puis on sait que ce n'est pas leur faute. C'est les conditions dans lesquelles ils vivent qui sont indignes, pas la personne. Bien, ces personnes-là... Écoutez, j'ai vu une dame, à l'heure du dîner, qui fait de l'alzheimer, qui se demande souvent: Où je suis, là? bien, elle a pris la bavette puis elle a été la mettre à quelqu'un d'autre. Il y a quelqu'un d'autre que... Ma mère est tellement souriante tout le temps que c'est plaisant. Il y a une autre personne qui est atteinte d'alzheimer qui la promène en chaise roulante. Ça, c'est toute une question d'humanité et de l'humilité. Puis c'est pour ça que je suis ici, parce qu'il y a des médecins belges qui disent qu'il y a des personnes atteintes d'alzheimer... Il y a des familles, maintenant, en Belgique, qui demandent, parce qu'elles souffrent tellement, parce que... Ma mère ne souffre pas. Tout le monde dit que l'alzheimer, c'est effrayant, mais, pour l'instant, elle ne semble pas souffrir, elle sourit tout le temps. C'est mon père et nous qui souffrons. Est-ce qu'on demande de l'euthanasier pour ça, parce qu'on est tannés de souffrir? Non. C'est pour ça, la raison que... je... si ça répond à votre question...
La Présidente (Mme Gaudreault): Je vais céder la parole pour... Brièvement, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Brièvement?
La Présidente (Mme Gaudreault): Oui, allez-y. Deux minutes.
M. Chevarie: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous, merci pour votre contribution. Ça va être plutôt probablement un commentaire par rapport à la première partie de votre intervention, et j'ai beaucoup... où vous nous présentez votre expérience du système de santé, plutôt négative. Et j'ai beaucoup de respect pour votre propos, mais j'ai une grande nuance par rapport à ce que vous mentionnez, par rapport à l'évaluation que vous faites du système de santé.
J'ai été 32 ans dans le système de santé. J'ai travaillé avec des... premièrement, avec les jeunes en difficulté, des jeunes délinquants, dans le temps, et par après j'ai assumé des fonctions de directeur général pour à peu près tous les établissements et j'ai... Ce que je peux vous dire, c'est que le système de santé au Québec, et fort probablement partout au Canada, est un des meilleurs systèmes au monde, tant par la compétence, l'expertise, la recherche, l'accessibilité, la diversité des programmes qui sont offerts au Québec. On a un système qu'on peut qualifier de très bon.
Mais, par ailleurs, la qualité, c'est un processus continu d'amélioration. La qualité, dans les années cinquante et soixante, n'est pas celle des années 2000, et il faut continuer à travailler dans cette optique, dans cet objectif d'excellence. Et je pense que c'est pertinent, ce que vous nous présentez, et c'est pertinent aussi chaque fois qu'une personne dépose une plainte au commissaire dans l'établissement, ou régional, ou encore à la Protectrice du citoyen. C'est fort important parce que ça permet... c'est un processus d'amélioration.
Et ma question, je ne sais pas s'il me restera du temps? Non?
La Présidente (Mme Gaudreault): Il ne reste pas beaucoup de temps, mais peut-être que Mme Couture pourra intervenir.
M. Chevarie: Peut... Oui, O.K. Alors, je vous permets de réagir à ça. J'aurais eu une question un peu plus pointue sur l'euthanasie ou le suicide assisté, de le voir dans un système de continuum de soins bien encadré et rigoureux, au même titre qu'on a présentement, dans la loi santé et services sociaux, la possibilité de refus de traitement et la cessation de traitement, même si ça va provoquer la mort. Merci.
Mme Couture (Linda): Bien, je vais juste réagir par rapport à ce que le... Ce qui est dommage, c'est l'autre partie, c'est tellement... l'autre... l'envers de la médaille, que c'était une célébration en hommage à la dignité. Mais, pour le point, ce n'est pas de dire... Parce que je pense à mon père, quand il va là-bas, il est relativement à l'aise, je veux dire, il trouve ça difficile quand il retourne à la maison, hein, mais, quand il est là-bas, il apprécie, il voit qu'il y a des personnes qui sont... Il a ses préférences, il a ses petites favorites, là, c'est sûr, là-bas. Il est satisfait avec les soins. Mais mon point que j'essayais, puis peut-être que vous avez mal compris l'objet de mon intervention, c'est un... si on entre l'euthanasie, le suicide assisté dans les soins de santé et qu'on n'est pas capables de répondre à qu'est-ce qui est arrivé à ma mère, qui n'est pas morte, là, qu'est-ce qui est arrivé...
Et, à un moment donné, qu'est-ce qui nous prouve, quand on disait avec certitude qu'il y a des personnes... Comme vous savez, il y a des études qui ont démontré qu'il y a des gens qui sont euthanasiés sans leur consentement. Qu'est-ce qui va nous prouver que, dans des cas que... ma tante Ginette, qui était correcte voilà deux jours, que finalement elle est décédée, puis que la famille se demande... Il n'y aura aucun recours.
La loi est claire maintenant: c'est 100 % sans euthanasie. Et, si on prétend qu'il y en a, des euthanasies clandestines présentement, où est le Collège de médecins? Où sont les gens pour les poursuivre? Je veux dire, on n'est pas capables de... On met des balises claires: c'est non, c'est interdit. On n'est pas capables de le faire dans les cas de vie ou de mort. Ouvrir la porte, ou de franchir un seuil, ou transgresser la loi, comment, avec d'autres balises, on va être capables de les faire respecter, quand on n'est pas capables de les faire respecter à 100 % interdits?
Puis, si je peux me permettre, un de vos collègues, monsieur...
La Présidente (Mme Gaudreault): Sklavounos. On ne nomme pas les noms, par contre, on devrait dire M. le député de Laurier-Dorion. Voilà.
Mme Couture (Linda): M. le député de Dorion, O.K. Il n'a pas eu la réponse à cette question-là. On n'est pas capables de... de répondre à des balises 100 % claires, comment d'autres balises vont permettre de le faire?
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, Mme Couture, on va maintenant donner la parole à Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
**(11 h 30)**Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Couture, de votre contribution à cet échange. Je pense que vous savez autant que nous l'importance du débat actuel. Je vais revenir sur la notion de dignité.
Dans l'intervention qui a précédé la vôtre, des gens sont venus nous expliquer que la dignité, pour eux, c'est-à-dire, c'est la forme la plus profonde du respect de soi-même. Tantôt, vous faisiez mention, puis les comparaisons sont toujours difficiles, là, vous parliez de la cigarette, vous dites: On a fait des campagnes, on a essayé. Mais il reste que la décision appartient toujours à l'individu. Peu importe la campagne qu'on fasse pour amener les gens à considérer certains... on peut qualifier de fléau dans notre société, il reste que la décision appartient toujours à la personne. Donc, les comparaisons sont toujours boiteuses, mais, à partir du moment où on reconnaît aux gens la capacité de décider et qu'on a une définition de la dignité qui nous dit que c'est la forme la plus profonde du respect de soi-même, moi, je veux vous entendre là-dessus. Vous en étiez à votre présentation, alors je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais, sur ce thème-là de la dignité, j'aimerais bien vous entendre.
Mme Couture (Linda): Bien, c'est ça, bien, moi, je viens... rejoindre par rapport à votre... la question que c'est le respect de choix, et tout ça. Bien, c'est ça, le point, aussi. Il y a des limites, quand même, je veux dire. On a des choix qui sont devant nous. Si vous décidez de fumer ou de ne pas fumer, il va y avoir des conséquences. Mais la société, quand elle s'est rendue compte... il y a 50 ans, c'était une norme, c'était accepté, il y avait 50 % de la population qui fumait. Quand on a eu des preuves que la cigarette tue un sur deux et que ça cause une dépendance... Parce que j'ai travaillé, j'ai fait de la prévention contre le tabagisme, puis on a rencontré le ministre Couillard pour lui dire qu'on était contents de la loi contre, justement, le tabagisme dans les restaurants et les pubs. Bien, il y a une limite, et, quand on s'est rendu compte de ça... Là, on a des preuves que l'euthanasie, il y a des dérives ailleurs, il y a des dérives.
Donc, quand on a des preuves, la société... essayez de retourner en arrière, vous le savez, en cinq ans, ça a pris combien? Cinq ans pour diminuer un pourcentage de 35 % à 20 %. Il va toujours y avoir des fumeurs. Mais c'est tragique. Ça fait que c'est dans ce sens-là que, quand on a des preuves qu'il y a des dérives, ou que c'est pas bon pour la santé, ou que... à ce moment-là, la société dit non. On interdit aux jeunes... on est supposés d'interdire aux jeunes de ne pas fumer. On le sait, hein, que ça se fait encore dans les cours d'école. Il y a des lois, les lois sont encore transgressées. Et, moi, je peux vous dire que tous les cas exceptionnels qui sont passés devant vous pendant un an... arrêtez-vous comme il faut pour y penser: Tous les cas qui ont passé, ça va être eux qui vont repousser la prochaine balise. La première balise qui va être installée, probablement, que vous envisagez, que tout le monde semble, ou presque tout le monde semble: O.K., c'est les derniers six mois, bien balisés, ta, ta, ta; après ça, dans deux ans, trois ans, comme ça s'est fait en Belgique, il y aura quelqu'un qui va vous arriver, un cas exceptionnel, en chaise roulante, sclérose en plaques, un cas exceptionnel, comme en Belgique, après huit ans, où maintenant les familles commencent à demander l'euthanasie pour les familles qui ont un parent atteint d'alzheimer, et ça, c'est notre cas.
Et, moi, je pense que ce n'est pas quelque chose qu'on peut léguer à nos enfants. Et les décisions qui sont prises aujourd'hui, les législateurs ont le mandat, la responsabilité, le devoir de protéger la population. Les cas exceptionnels, on peut en parler, on va offrir des soutiens, mais, je vous le dis, si vous transgressez cette loi-là, vers où on s'en va? Et ensuite on sait que c'est au fédéral, ça fait qu'il va y avoir encore d'autres moyens sûrement de la passer... est-ce que... pourquoi la contourner en disant que c'est un soin de santé? Voyons, ce n'est pas un soin de santé. Dans le Code criminel, ça a été rejeté haut la main, 228 votes contre 59, au fédéral. Qu'est-ce qu'on fait au Québec?
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, c'est tout pour la période de questions. Alors, Mme Couture, nous vous remercions d'être venue nous présenter le point de vue de votre famille, vous et votre père. Alors, nous vous remercions, et nous allons... je crois que vous aviez demandé aussi le dépôt d'un document, Vivre dans la dignité? Alors, je vais le déposer. C'est une réflexion finale sur la question par l'organisme Vivre dans la dignité.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Gaudreault): ...non, on va le déposer officiellement ici, à la commission, il n'y a pas de problème.
Mme Couture (Linda): C'est parce que j'avais des personnes qui sont venues m'accompagner. Il y a une personne de Montréal...
La Présidente (Mme Gaudreault): Oui.
Mme Couture (Linda): ...une personne de la région de Saint-Georges de Beauce, Lévis, qui viennent justement pour témoigner, qui ont signé. Vous avez justement quelqu'un de Vive la vie, d'un groupe qui a présenté...
La Présidente (Mme Gaudreault): Oui, on les a... nous avons reconnu les membres.
Mme Couture (Linda): On les a... on les a rencontrés ici...
La Présidente (Mme Gaudreault): Oui.
Mme Couture (Linda): ...donc ils ont collaboré aussi parce qu'ils endossent notre, disons, notre... notre mémoire.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, le document a été déposé en bonne et due forme.
Nous vous remercions de votre présence et nous allons suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes, cet après-midi, soit vers 15 heures. Merci beaucoup à tout le monde.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 15 h 43)
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité reprend ses travaux, et nous en sommes aux dernières heures de nos auditions publiques, alors c'est avec beaucoup d'émotion que nous vous retrouvons cet après-midi. Je vous rappelle que nous sommes réunis pour poursuivre et terminer la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité. On va finir ça sur une note différente, puisque nous aurons deux visioconférences cet après-midi. Nous entendrons tout d'abord M. Alexandre Chouinard, qui est à Percé. Alors, M. Chouinard nous entend. Et par la suite, après une suspension de 15 minutes, puis c'est pour la technique, évidemment, nous allons nous rendre à Rouyn, en Abitibi, pour entendre M. René Théberge, qui avait souhaité participer à la consultation. Alors, je voudrais vous donner aussi... faire une petite précision, M. Chouinard. Lorsque les députés vont vous poser des questions, M. Chouinard, la caméra va demeurer sur vous, alors vous saurez que... peut-être que vous ne le verrez pas, mais vous serez surveillé par l'ensemble des personnes qui sont ici, à l'Assemblée nationale. Alors, juste pour que vous sachiez que notre regard sera toujours posé sur vous tout au long de cette présentation. Vous avez demandé à faire une intervention, ce qui veut dire que vous avez 15 minutes pour présenter votre point de vue, qui sera suivi d'une période de questions de 15 minutes, 7 min 30 s du côté ministériel et 7 min 30 s du côté de l'opposition officielle. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, M. Chouinard.
M. Alexandre Chouinard
(Visioconférence)
M. Chouinard (Alexandre): Bonjour, Mme Gaudreault. Je veux dire également bonjour à tous les membres de la commission. Est-ce qu'ils sont tous présents?
La Présidente (Mme Gaudreault): Presque.
M. Chouinard (Alexandre): Pardon?
La Présidente (Mme Gaudreault): Presque tous présents. Il y en a quelques-uns qui vont se joindre à nous un peu plus tard.
M. Chouinard (Alexandre): Ah bon! Alors, je voudrais leur dire bonjour aussi. Je voudrais remercier la commission d'avoir bien voulu m'entendre. C'est déjà beaucoup, surtout avec la distance; et je voudrais aussi remercier Mme Anik Laplante pour ses efforts afin de trouver un moyen de me faire entendre, et aussi pour sa disponibilité et son dévouement dont elle a fait preuve. Il faut dire que nous sommes en communication depuis le mois de septembre ou à peu près, là, parce que ça a été reporté, il y a eu beaucoup d'étapes.
Je ne représente personne, je me représente comme individu. J'ai pensé approcher des organismes ou organisations. Cependant, dès le départ, j'avais pensé, j'avais vu l'affaire à l'effet que je me présentais seul pour donner mon point de vue de façon indépendante. Et, mon point de vue, je vais le donner. Je ne discuterai peut-être pas tellement de choses locales, mais je vais le donner sur le mandat de la commission qui était de regarder mourir dans la dignité à l'échelle du Québec, dans l'ensemble.
Je voudrais... Mme la Présidente, aussi Mme la vice-présidente, Mmes, MM. les commissaires, peut-être, j'aimerais, au début, vous faire part rapidement de mon expérience des personnes âgées malades et des mourants et peut-être aussi vous dire que, durant... Vous m'entendez bien?
La Présidente (Mme Gaudreault): Nous vous entendons très bien.
M. Chouinard (Alexandre): Pardon?
La Présidente (Mme Gaudreault): Nous vous entendons très bien.
M. Chouinard (Alexandre): O.K. Alors, vous dire aussi que, pendant que j'ai été, durant trois ans, membre d'un conseil d'administration d'hôpital en région, et aussi, pendant trois autres années, membre du forum de la population de la Gaspésie qui a eu beaucoup de difficulté à fonctionner puis finalement s'est éteint. Et j'aimerais vous dire aussi que j'ai occupé différents postes publics: maire, président régional de la chambre de commerce, et le reste, et qu'aussi j'ai vécu avec mes parents, et j'ai vu mon grand-père mourir, j'ai vu mon papa mourir, j'ai vu ma mère mourir, et j'ai vu aussi une tante et un oncle dont j'ai suivi de très près le décès. Et c'est évident, vous savez, quand quelqu'un meurt, parfois les parents n'en parlent pas, d'autres en parlent, mais c'est évident aussi que c'est un sujet dont on s'est entretenu de temps à autre avec les connaissances, avec les amis et le reste. Alors, c'était rapidement mon expérience dans le domaine.
Je dois vous dire que, à mon point de vue, l'euthanasie et le suicide assisté sont des sujets fort complexes. L'inclusion de ces pratiques dans notre législation, ça implique un changement très radical pour les médecins particulièrement et aussi pour les personnes âgées et ceux qui y travaillent, parce que notre façon actuelle est basée sur des principes d'éthique où le respect de la vie est fondamental et où le patient est au centre des soins prodigués. Inclure l'euthanasie comme un acte thérapeutique risque fort de nuire à la relation médecin-patient. Le médecin, il est formé pour soulager, il est formé pour apporter du réconfort, il est formé pour être un peu le défenseur des malades, et particulièrement pour les personnes âgées, puis c'est peut-être ceux qui sont les plus affectés par mourir dans la dignité. Les statistiques enfin sont là, puis c'est la vie qui est comme ça.
**(15 h 50)** La personne âgée ferait face à une personne, le médecin, qui aurait un double rôle: prodiguer des soins et enlever la vie. Et nous avons... et je le sais par expérience que le médecin est considéré comme un conseiller, un défenseur du droit des personnes vulnérables face à la maladie et aussi face au système. Et le patient requiert des soins personnalisés et non un système où l'efficacité est toujours prioritaire. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'on a affaire à une personne âgée qui est souvent fragilisée et souffre de troubles cognitifs ou fonctionnels.
Pour moi, l'une des priorités de la commission, ça doit être de mettre en place des moyens pour revaloriser le rôle et l'apport des personnes âgées et malades et mieux encadrer le processus de vieillissement par le système de santé et les services sociaux, éviter que les personnes dont le décès n'est pas imminent mais qui vivent des situations difficiles pourront considérer la mort comme un moyen de mettre un terme à leurs souffrances, l'éviter enfin, prendre des moyens pour l'éviter.
Et, pour une grande partie de ces personnes, je crois que les réponses à ce débat se situent un peu en amont de la maladie. L'isolement, la maladie, la perte d'autonomie, la peur de la mort, le sentiment d'inutilité, de ne pas être écouté, la diminution de l'énergie, la volonté de vivre ne peuvent en aucun cas légitimer une demande de mourir. Il faut respecter le caractère sacré, inviolable de la vie humaine. Et décriminaliser l'euthanasie et le suicide assisté pourrait avoir comme effet collatéral de diminuer les efforts de prévention du suicide, même de le banaliser.
Je pense aussi que l'euthanasie peut avoir également un effet néfaste sur la qualité des soins et peut mettre en péril les soins palliatifs. Et, si je regarde... si je regarde dans les documents que j'ai lus, l'ancienne vice-première ministre des Pays-Bas, et c'est dans l'un des mémoires qui ont été présentés -- et je vais... j'en ajouterai un petit peu sur les mémoires lus après -- l'ancienne vice-première ministre des Pays-Bas, la Dre Borst, qui a guidé la loi d'autoriser l'euthanasie par le parlement néerlandais, a reconnu que ça met en péril les soins palliatifs. Et ceci s'explique fort bien en ce que l'humain a le réflexe de choisir la voie la plus facile lorsqu'il y a différentes voies qui s'offrent à lui.
Les soins palliatifs, à mon avis, c'est la vraie solution qu'il faut préconiser. Améliorer les soins palliatifs au Québec et surtout les rendre plus accessibles; bonifier la formation des professionnels de la santé; donner de l'information sur les différents types de soins palliatifs qui devraient être fournis à la population, et ce, dès la découverte de la maladie qui mènera la personne à l'invalidité, à la partie difficile ou au décès, ceci pour que les personnes puissent prendre des décisions éclairées et non guidées par la peine, l'angoisse et la peur.
Enfin, je dois vous dire que je suis contre une modification législative en ce qui concerne l'euthanasie et le suicide assisté dans la situation actuelle. Et, si jamais ces possibilités étaient envisagées au plan légal, il faudrait absolument s'assurer que ces pratiques ne se réalisent seulement lors des cas exceptionnels. Ce serait trop facile de faire mourir les personnes incapables de se défendre, de les faire mourir avant le temps. Comme le disait aussi un autre mémoire, tant que notre système de santé n'a pas les moyens d'encadrer strictement les processus relatifs à l'euthanasie et au suicide assisté, nous ne pouvons nous permettre un relâchement législatif à ce sujet. Évidemment, la douleur, particulièrement la douleur physique, doit être soulagée, même au risque d'abréger la vie.
C'était en gros l'opinion que je voulais vous présenter concernant le sujet «mourir dans la dignité». Je dois vous dire aussi que j'ai eu l'opportunité, parce que mon... mon... enfin, mes notes ont... ont... non pas sur le fond, mais sur la forme, ont changé depuis le mois de juillet dernier, parce qu'entre-temps j'ai eu l'opportunité de lire tous les mémoires présentés, et j'en ai retenu -- je voudrais vous les nommer -- j'en ai retenu particulièrement quelques-uns qui indiquent bien l'opinion que j'ai, tu sais, ça rentre dans mon opinion, ça: il y a celui des médecins de la division de gériatrie de l'Université McGill, que je trouve très bon, et j'ai cru inutile d'aller vous... même si ce serait sous d'autres mots, de vous répéter encore tout ça, là; il y a celui de la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or de l'ouest du Québec, qui est aussi très bon; il y a celui de la Conférence des évêques du Québec aussi; enfin, il y a aussi celui de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Alors, je trouve que ces mémoires-là qui vous ont déjà été présentés, et celui aussi du Dr Primeau, que ces mémoires-là représentent bien mon avis.
Je voudrais ajouter aussi que c'est un thème évidemment complexe, fort émotif, qui n'a peut-être pas eu toute la publicité dont il méritait. Il s'est trouvé en concurrence avec d'autres... Vous vous êtes trouvés en concurrence avec d'autres commissions qui ont eu une publicité télévisée beaucoup plus grande, mais je trouve que c'est un sujet très important et qui mérite beaucoup d'attention. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Gaudreault): Merci beaucoup, M. Chouinard, de votre présentation. Nous allons maintenant passer à la période de questions, et je dois vous aviser qu'à cause de la technologie je vais vous demander d'avoir un délai entre la question et la réponse pour faire en sorte qu'on entende vraiment tout ce que vous avez à dire. Alors, pour débuter, nous avons M. le député d'Orford qui venait vous poser la première question.
M. Reid: Oui, une courte question avant de laisser ma collègue poser sa question. Vous avez dit à un moment que c'est un rôle fondamental pour... Pour vous, là, c'est un rôle fondamental pour la commission de revaloriser le rôle des personnes âgées. Alors, je suppose que vous dites ça parce que la commission s'intéresse à l'euthanasie et le suicide assisté, vous dites ça parce que c'est une façon, je suppose, là, pour éviter que les personnes ne se sentent inutiles, qu'elles ne se sentent un fardeau. Donc, vous nous demandez en quelque sorte de nous pencher sur cette question de revaloriser le rôle des personnes âgées dans notre société comme étant un élément -- c'est ce que je crois comprendre -- comme étant un élément important pour éviter effectivement que des gens pensent à la mort parce qu'ils se sentent inutiles ou dépréciés. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?
**(16 heures)**M. Chouinard (Alexandre): C'est effectivement ça qu'il faut comprendre. En effet, les personnes âgées se sentent dévalorisées, et particulièrement les personnes malades ou en fin de vie se sentent... Souvent, ils vont se sentir un poids pour la société, pour leurs proches aussi, et ça les pousse, ça les pousse à prendre des décisions drastiques, dont celle, évidemment, de préférer la mort à la vie. Ceci, ce n'est pas naturel, et je crois effectivement... C'est pour ça que je vous ai parlé beaucoup des soins palliatifs, de façon résumée, mais par contre j'ai voulu me référer à des mémoires qui en parlent beaucoup et qui l'expliquent beaucoup.
M. Reid: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gaudreault): Maintenant, je vais passer la parole à... mais M. Chouinard parle encore.
M. Chouinard (Alexandre): ...que les demandes d'euthanasie diminueraient de beaucoup, de beaucoup. Je me demande même si ça serait un sujet qui aurait fait tant couler d'encre. Est-ce que ma réponse est claire?
M. Reid: Oui, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gaudreault): Merci. Je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Bonjour, M. Chouinard.
M. Chouinard (Alexandre): ...
Mme Charbonneau: ...bonjour M. Chouinard.
M. Chouinard (Alexandre): Oui.
Mme Charbonneau: Bonjour.
M. Chouinard (Alexandre): Bonjour.
Mme Charbonneau: C'est ça qu'on appelle un délai. Je voulais vous dire que je suis d'accord avec vous pour le principe de la complexité et de l'aspect émotif de ce dossier. Je pense que vous avez mis le doigt sur deux mots qui expliquent bien ce qu'est le dossier que nous avons en main. Par contre, où j'aimerais peut-être ne pas être d'accord avec vous, c'est sur le principe où vous dites que c'est la voie de la facilité. Les gens que nous avons rencontrés, qui sont venus nous voir puis qui sont venus nous parler de cette possibilité d'ouverture, de pouvoir permettre à des gens de choisir le moment où ils mettent fin à leur vie... Puis, ces gens-là n'étaient pas tous âgés, M. Chouinard. C'était, quelquefois même, une jeune femme de 32 ans, c'était même le père d'un enfant de 10 ans. Ça été des gens de tout acabit qui sont venus nous dire pourquoi ils croyaient que ce choix était raisonnable. Et personne d'entre eux ne nous a signifié que c'était la voie facile. D'ailleurs, la plupart d'entre eux nous ont dit que ce choix était excessivement difficile, puisqu'il faisait appel à un deuil très présent dans la famille, dans les discussion à faire avec les gens alentour d'eux, ce deuil-là, avec une conscience que cette volonté de mourir leur appartient, ce n'était pas un choix facile. Mais je peux comprendre, par contre, que ça peut être entendu comme ça si on ne cible qu'une seule clientèle en pensant que la seule qu'on cible, c'est les personnes âgées. Mais ce n'était pas le but de cette commission. C'était vraiment pour pouvoir regarder cet objectif-là ou ce dossier-là avec un regard sur l'ensemble de la communauté, pas juste sur une petite partie. Chacun a eu droit de dire le pour et le contre de sa réflexion.
Je voulais vous amener sur le fait que vous avez parlé de la formation des médecins et du fait qu'ils sont formés, de par leur serment puis de tout le trajet qu'ils font, pour soigner, pour s'occuper de la vie, pas s'occuper de la mort. Mais il y a des gens qui nous ont dit, dans un principe de soins palliatifs, dans un principe de cheminement personnel face à une maladie qui ronge le corps et l'esprit: Est-ce que le médecin ne pourrait pas avoir, dans sa formation, un regard différent sur le prolongement d'une vie quand ce n'est pas nécessaire? Puisque, vous le savez, M. Chouinard, si la personne demande une aide à mourir en ce moment, vous avez raison, ce n'est pas légal, on n'a pas le droit de faire ça. Donc, les gens sont venus nous dire: Nous on ne veut pas que ça soit permis à n'importe qui et n'importe comment, mais on veut savoir, si mon médecin me dit que je meurs dans deux mois et que je devrai passer des mois de souffrances, est-ce que je peux écourter ce temps d'attente là, puis est-ce que je suis obligé de passer les moments de grande souffrance pour y arriver.
Qu'est-ce que je réponds à ces gens qui, dans leur façon de voir la vie, trouvent qu'il y a là une justice plus grande que le seul choix que d'arrêter de manger pour pouvoir atteindre leur objectif?
M. Chouinard (Alexandre): Madame... votre nom, vous m'avez dit?
Mme Charbonneau: Je suis la députée de Mille-Îles. Alors, et, vous savez, ici, on n'a pas de nom, on a juste des endroits. Alors, je suis... je ne suis pas... je suis la fille pas de nom, mais je viens de Mille-Îles.
M. Chouinard (Alexandre): ...bien, en tout cas, je vais vous trouver votre nom. En tout cas...
Mme Charbonneau: Je vais vous aider M. Chouinard, mon nom est Francine Charbonneau, et je suis la députée de Mille-Îles.
M. Chouinard (Alexandre): O.K. Mme Charbonneau. J'aime bien parler à quelqu'un qui a un nom.
Mme Charbonneau: Oui.
M. Chouinard (Alexandre): Mme Charbonneau, je dois vous dire que vous... je vous ai dit que c'était un débat sur un sujet émotif et difficile, et ça devient difficile... je vous avoue que c'est difficile de faire des choix. Je comprends, je comprends votre point de vue et j'ai beaucoup de compassion pour les personnes qui se sentent presque... qui s'en vont vers la mort et qui souffrent et qui... tel que vous l'avez expliqué. Et c'est effectivement... ça peut... oui, oui, je suis d'accord avec vous, que ça arrive à de jeunes personnes. J'ai traité le cas de personnes âgées parce qu'on peut dire que c'est plus souvent des personnes âgées. Mais... et, si vous référez... je vous ai référé à d'autres mémoires aussi. Peut-être que j'aurais dû en parler plus longtemps, là, mais je vous ai référé à d'autres mémoires. Et c'est évident que c'est très difficile, et je comprends très bien leur anxiété et aussi, à un moment donné, une certaine volonté. Ça, je le comprends très bien.
Cependant, il faudrait tenir compte aussi de l'autre partie de la population, qui... enfin, on craint un dérapage dans l'affaire. C'est la crainte, c'est ça, c'est évidemment la crainte de dérapage. Et je dois vous dire aussi que je vous ai souligné que les maladies, que la douleur physique devraient être soulagées, là, hein, je vous l'ai dit. Cependant, il s'agit d'une législation qui s'applique à tout le monde, et, à un moment donné, après y avoir pensé, puis, je dois dire, j'ai eu du temps pour y penser, depuis le mois de juillet, puis j'ai hésité. J'ai hésité, je vous avoue que j'ai hésité. Ce n'est pas facile, j'ai hésité. Mais finalement j'ai dû trancher puis j'ai dû pencher vers l'opinion que je vous ai fournie, et c'est surtout par crainte du dérapage et ce qui est arrivé aussi peut-être dans certains pays.
Mme Charbonneau: Merci.
M. Chouinard (Alexandre): Est-ce que ça vous donne réponse à votre question?
Mme Charbonneau: Merci, M. Chouinard.
La Présidente (Mme Gaudreault): Maintenant, M. Chouinard, je vais passer la parole à Mme Véronique Hivon, députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Bonjour, M. Chouinard. Je suis très heureuse de vous parler. On aurait aimé aussi aller vous visiter à Percé, je vous le dis, mais malheureusement il n'y a pas eu un engouement aussi grand à Percé qu'ailleurs, donc je ne sais pas pourquoi. Mais on est bien heureux de vous avoir et que vous soyez parmi nous pour entendre au moins une voix de quelqu'un de Percé. Puis, quand vous dites que ça n'a pas été facile pour vous d'en arriver à votre position, je le conçois très bien, je pense que c'est le cas de plusieurs personnes. Mais je veux vous remercier, parce que, si on a mis en place cette commission-là, c'est expressément et précisément pour entendre des gens comme vous, des citoyens qui disent ne pas être des experts mais qui ont une opinion sur le sujet, une opinion de citoyen, et c'est ce qu'on recherchait. Donc, merci.
Vous avez fait un exposé très clair. Vous savez qu'on en est à notre dernière journée d'auditions, donc on peut voir ce qui s'oppose et ce qui revient beaucoup. Une de ces questions qui revient souvent, c'est la question des dérives. Donc, comme vous venez de le mentionner, vous, vous craignez qu'il puisse y avoir des dérives. Vous avez mentionné tantôt que nous n'avons pas moyen... nous n'aurions pas les moyens d'encadrer correctement... -- vous me reformulerez ça, là, si je n'ai pas bien compris -- mais j'ai noté que vous avez dit quelque chose comme «nous n'avons pas les moyens pour encadrer correctement l'euthanasie». Et j'aimerais savoir pourquoi vous posez ce jugement-là. Qu'est-ce qui vous fait dire que, selon vous, on n'a pas les moyens d'encadrer ça correctement?
M. Chouinard (Alexandre): Bien, je crois que, quand vous dites: On n'a pas les moyens d'encadrer cela, je crois qu'actuellement on ne les a pas. On en... on est vague dans les moyens. On vit de l'expérience de d'autres pays où il y a eu des... où l'encadrement, on peut dire, il y a eu des failles dans l'encadrement.
**(16 h 10)**Mme Hivon: Et... Bon, je...
M. Chouinard (Alexandre): Il me semble qu'on devrait travailler, j'y reviens, beaucoup plus sur les soins palliatifs. Et on pense... moi, j'en suis un qui pense que ça pourrait être une solution, peut-être la vraie solution à ce problème-là pour beaucoup de personnes. Je ne dis pas tout le monde, là, parce que je suis conscient qu'il y a des cas effectivement... Et d'ailleurs je l'ai expliqué à Mme Charbonneau tantôt, là, je pense que j'ai été clair, ce n'est pas quelque chose qui se tranche avec un couteau facilement, blanc et noir, là. Je pense qu'on devrait travailler sur les soins palliatifs, et, à mon avis, ça diminuerait de beaucoup, de beaucoup les cas problèmes. Il faut mettre ses énergies à quelque part.
Mme Hivon: Oui. Bien, j'apprécie votre précision, puis je vous dirais que la très, très, très grande majorité des gens qui sont venus ici, qu'ils aient la même position que vous sur l'euthanasie ou non, ont milité pour qu'on développe davantage et mieux les soins palliatifs. Donc, ça, je pense que, s'il y a un point d'entente entre les gens, malgré des divergences sur d'autres sujets, c'est celui-là.
Mais il y a certaines personnes qui nous ont dit que même... dont Dr Marcel Boisvert, si vous avez tout lu, vous l'avez sûrement lu, qui est coauteur d'un livre sur le sujet avec Dr Daneault, là, deux médecins qui nous ont beaucoup éclairé... Mais Dr Boisvert et certaines personnes qui sont venues aussi nous livrer des témoignages nous ont dit: Dans certains cas -- et vous le mentionnez vous-même, des cas exceptionnels -- même avec les meilleurs soins palliatifs, il reste de la souffrance, il reste des conditions de fin de vie très difficiles. Et il faudrait peut-être songer à avoir d'autres possibilités pour ces gens-là qui souffrent et qui, pour eux, cette souffrance-là n'a plus de sens, parce que la fin s'en vient puis ils estiment que ça n'a plus de sens pour eux de poursuivre un combat un peu voué à l'échec d'avance, compte tenu qu'il y a des souffrances comme celles-là.
Et, ce matin, on a eu un témoignage d'une proche de quelqu'un qui avait été atteint de sclérose en plaques et qui a arrêté de manger pendant trois mois, et c'est de cette manière-là qu'elle est décédée. Alors, c'est sûr que c'est peut-être des cas exceptionnels, mais il y a de ces cas-là. Et, moi, je veux vous entendre là-dessus, parce que tantôt, vous-même, vous l'avez dit: Effectivement, il reste des cas exceptionnels. Nous, vous comprenez que, de ces cas exceptionnels, on en a quand même entendu, parce qu'il y a des gens qui sont venus faire des témoignages ici assez bouleversants. Et il faut se dire: Si on fait le choix de ne pas ouvrir, de vraiment concentrer, comme vous le dites, sur les soins palliatifs et de dire: Il n'y a pas d'ouverture possible pour une aide médicale à mourir comme l'euthanasie, qu'est-ce qu'on fait avec ces cas exceptionnels là? Est-ce que ça veut dire qu'ultimement on se dit... on... ces personnes-là, bien c'est des gens pour qui on ne peut pas faire grand-chose; on va essayer d'améliorer les choses, mais il y a des valeurs qui font en sorte qu'on ne peut pas répondre à ces demandes-là de ces gens-là?
M. Chouinard (Alexandre): Mon Dieu! Vous posez une question difficile, mais je crois que, devant un choix, il faut penser que la douleur, ça fait partie de la condition humaine, malheureusement. Il faut penser aussi que la maladie, la mort, ça fait aussi partie de la condition humaine. Et on le sait, qu'il y a des cas pathétiques. Maintenant, la valeur de la vie, la valeur de la vie, là-dedans, selon moi, c'est quelque chose de presque intouchable. Lorsqu'on dit qu'il y a des cas exceptionnels, ça resterait à voir, les cas exceptionnels. Lorsque je vous parle de cas exceptionnels... On dit que, toute bonne règle, il y a toujours des exceptions. Mais ça devrait être des cas très rares et qui arrivent peu souvent.
Mme Hivon: Est-ce que... O.K. Je vais passer la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Gaudreault): Oui. Alors, on va passer la parole à Mme Noëlla Champagne, députée de Champlain.
Mme Champagne: Bonjour, M. Chouinard. M. Chouinard, j'ai une question qui va aller dans le sens ou dans la suite des choses de ce que Mme Hivon, ma collègue de Joliette, vient de mentionner. S'il était décidé, suite à une longue réflexion de la part des membres de la commission parlementaire, d'en arriver à certaines ouvertures, ça prendrait un encadrement. C'est bien ça que j'ai compris, que, quand vous parlez de cas d'exception, vous parlez de cas exceptionnels. Ils existent, des gens qui n'en peuvent plus, que c'est... même... même la médication a de la difficulté à donner des résultats. Les médecins mêmes l'ont admis à certains moments en commission parlementaire. Est-ce que vous seriez d'accord qu'il y ait, pour ces cas-là du moins, un encadrement, sans nécessairement ouvrir «at large», là? Est-ce que vous seriez d'accord, tout en étant conscient de l'importance qu'on donne à la vie, tout en étant conscient du rôle éthique des gens? Donc, je reprends. Est-ce que vous seriez d'accord d'aller vers des mesures d'encadrement sévère pour ces cas d'exception?
M. Chouinard (Alexandre): Bien, pour le moment, là, non. Dans la situation actuelle, non. Pour le moment, non, je ne pense pas qu'on est prêts à ça.
Mme Champagne: Merci.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, M. Chouinard, il ne nous reste qu'à vous remercier d'être venu, par la voie de la visioconférence, contribuer à notre commission. Et nous vous remercions et nous souhaitons que vous demeuriez intéressé par le sujet et que vous continuiez à suivre nos débats depuis la Gaspésie.
Alors, nous allons suspendre pour quelques minutes, histoire de nous rendre en Abitibi.
(Suspension de la séance à 16 h 17)
(Reprise à 16 h 36)
La Présidente (Mme Gaudreault): Nous allons reprendre nos travaux. C'est notre dernière présentation.
Document déposé
Mais, avant de donner la parole à M. Théberge, qui est à Rouyn en ce moment, je vais déposer le manifeste que Mme Couture nous a laissé ce matin. Alors, je le fais officiellement, je dépose le manifeste, qui contient des signatures, qui a été déposé par l'organisme Vivre dans la dignité. Alors, voilà, c'est fait.
J'ai aussi une dernière annonce à vous faire. S'il y a des personnes qui veulent participer à la période de micro ouvert, qu'on a mise en place tout au long de nos auditions pour permettre au plus grand nombre d'intervenir, alors, s'il y a des personnes, Mme Laplante va prendre vos noms, et nous vous donnerons la parole après la présentation de M. Théberge.
Alors, M. Théberge, nous vous souhaitons la bienvenue à notre commission. Et, pendant... Vous avez déposé un mémoire, alors votre présentation... Vous aurez 15 minutes pour partager votre point de vue, qui sera suivi de deux périodes de questions de 15 minutes de chaque côté. Et on demande à tout le monde de faire une pause entre la question et la réponse pour permettre d'entendre l'ensemble de l'intervention. Alors, sans plus tarder, M. Théberge, nous vous cédons la parole.
M. René Théberge
(Visioconférence)
M. Théberge (René): D'abord, j'apprécie beaucoup l'opportunité que je puisse avoir de vous présenter ce qu'on peut appeler un mémoire, mais l'état d'une réflexion plutôt. J'apprécie beaucoup.
D'abord, je suis à la retraite. Je suis quelqu'un qui a oeuvré dans les ressources humaines dans la région de Montréal. Je suis revenu là où je suis né, à La Sarre, et puis, pour situer pourquoi je vous ai acheminé ça, en octobre 2009, il est survenu un petit événement, et ça a été un élément déclencheur pour que je regarde la question de la mort à travers Élisabeth Kübler-Ross, et je vais y revenir. Et j'ai rédigé un texte, et finalement le texte s'est retrouvé à la commission, mais j'avais commencé deux mois avant la création de la commission. Je n'avais pas prévu ça du tout. Mais il semble que, quelque part dans la vie, ça m'amenait à vous présenter ce que je vous ai présenté.
**(16 h 40)** En somme, ce que je vous ai présenté touche deux aspects: le droit de mourir dans la dignité, l'état d'être. C'est quoi, être malade? C'est quoi, avoir dans son corps une cause de maladie? Je vais faire un petit arrêt, là. Je veux dire qu'en 2001, en juin 2001, j'ai eu un AVC, et je suis paralysé du côté droit. Donc, ça va faire 10 ans que j'ai eu un AVC, peut-être que j'y reviendrai à titre d'exemple, là, mais je suis venu très près de la mort à ce moment-là.
Je reviens au texte que je vous ai acheminé, et là je nous situe très bien: Au départ, une personne est en santé, c'est la normalité, et, à un moment donné, elle constate qu'il y a quelque chose dans son corps qui ne va pas, et puis elle voit le médecin, le médecin a ses diagnostics, après il lui dit: Il y a une cause, donc il y a maladie. Il la traite, ça va, pas de problème. Mais, au moment où il dit: La cause est dans ton corps, et je ne peux rien y faire maintenant, c'est un peu différent. Il n'est plus, pour le reste de sa vie, dans le même état qu'il était. Moi non plus, je ne le suis plus, je... Avec un AVC, ça m'a créé une autre condition de vie.
Maintenant, c'est le rôle du médecin d'intervenir sur la cause; c'est ça, la médecine. Par la suite, quand il ne peut plus intervenir sur la cause, on va parler, à ce moment-là, de soins palliatifs. Il va essayer de trouver... aider la personne de vivre avec sa cause et il va la supporter par une médication ou autrement, là. Et la personne, à ce moment-là, entre dans une autre phase, c'est-à-dire les cinq phases que j'ai décrites: le déni, il refuse que cette maladie-là soit en permanence dans son corps; il y a la fameuse phase, selon Elisabeth Kübler-Ross, la phase d'agressivité; la phase de marchandage. Si vous avez lu le texte, c'est écrit... il y a la phase marchandage; et puis la phase de dépression qui, elle, peut entraîner de refuser de continuer à vivre dans les nouvelles conditions qui lui sont créées. Et puis il y a la dernière phase, c'est l'acceptation.
C'est vraiment important d'accepter sa condition, parce qu'il y a une nouvelle vie à découvrir. J'ai eu à le faire, et ça doit être vécu. Parce que c'est différent, on ne voit pas la vie comme on la voyait. Et la vie est très belle. Elle s'offre à nous sous un autre angle, et c'est de l'accepter et de bien la vivre, et elle se vit quand même très bien parce qu'on est toujours à la découverte.
Maintenant, quand on se regarde comme être humain face à la mort, mes réflexions m'ont amené à me poser un ensemble de questions: Je suis quoi, je suis qui face à la possibilité de la mort? Et c'est là que je me suis posé deux questions: Est-ce que je suis un être humain qui est sur la planète Terre pour vivre des expériences spirituelles ou est-ce que je suis un être spirituel qui est venu sur la planète Terre pour vivre des expériences humaines? À partir du moment où on définit «spirituelle» une doctrine qui proclame la supériorité de l'esprit sur la matière, est-ce que la matière est supérieure à l'esprit ou l'esprit est supérieur à la matière?, et qu'on croit qu'il y a supériorité de l'esprit sur la matière, nous sommes des êtres spirituels, et chaque être l'est à sa façon quand il l'accepte. Mais de l'accepter, c'est de savoir que nous avons une raison d'être, une raison de vivre. Et, dans mes réflexions, j'ai compris que nous étions sur terre pour apprendre à aimer le prochain, acquérir la connaissance, d'assumer l'expérience humaine. Et c'est de grandir à travers la réalisation de notre raison d'être, et que, face aux aspects qui se présentent à nous, la mort a beaucoup moins d'importance.
Vivre différemment, oui, et les états qu'on peut avoir mentalement, on comprend rapidement qu'on a en nous le bonheur et, par contre, on a en nous la souffrance. Mais on dépasse la souffrance. Je peux préciser ici, deux sortes de souffrances existent: il y a la souffrance physique, on a mal en nous quand on a un mal physique dans notre corps, mais il y a la souffrance existentialiste. Ce n'est pas qu'il y a de la maladie, on est en pleine santé, mais... Je vais donner un exemple simple. Deux parents sont assis, sont heureux. Trois enfants, tout va bien. Le téléphone sonne: il y a eu un accident, un de tes enfants est décédé. Ça, c'est une souffrance existentialiste qui sera dans les deux êtres, le père, la mère, face à un décès, la perte d'un enfant. Ils ne sont pas malades, ils sont en parfaite santé, mais naît entre eux une souffrance existentialiste. On en a tous, des problèmes de ce coté-là, dans la vie.
Maintenant, quand on regarde la question et qu'on se situe, la vie est là pour nous faire vivre des expériences humaines. On côtoie des êtres humains, on échange avec eux et on vit des expériences. Mais on doit les assumer, ces expériences-là. La vie a toute son importance. On ne sait pas où elle va, mais elle nous fait vivre, dans des circonstances, des événements pour nous permettre de nous faire évoluer, nous faire grandir.
Maintenant, quand je regarde cette condition de vie là, pour certaines personnes qui disent, et on finit par parler... la commission en a beaucoup parlé, de l'euthanasie au terme de sa vie. J'ai regardé cette question-là, elle n'est pas dans le texte; c'est sûr qu'après un an je l'ai suivie un peu, la commission, mais j'en suis arrivé, suite à des lectures où on mentionne qu'il y a trois types d'euthanasie: il y a l'euthanasie passive, l'euthanasie indirecte, l'euthanasie active, et puis existe l'assistance à une mort choisie... L'euthanasie passive, le médecin décide de ne plus donner la médication. C'est passif de la part du médecin, mais ça entraînera la mort de son patient. L'euthanasie indirecte... qui décide de donner une médication beaucoup plus forte qui peut entraîner la mort, mais la vie peut continuer, peut-être pour une semaine, deux semaines. L'euthanasie active, il sait très bien qu'une injection, la mort y est. Et puis existe l'assistance à une mort choisie. Il faut que la personne qui est malade participe directement à ce qu'elle...
**(16 h 50)** J'ai regardé, à travers ça: Est-ce que des pays ont autorisé directement l'euthanasie active? Aucun pays ne l'a fait. On a parlé de la Belgique, on a parlé de la Hollande, et j'ai écrit ici ce qu'ils on écrit: en 2001, le gouvernement a établi la réglementation d'interdiction, principe côtoyant une possibilité de non condamnation. Mais, sur le principe, c'est non. La Belgique, en 2002, le droit belge, sous la forme d'une règle disant que, si l'euthanasie active continue à être interdite, il peut y avoir des cas où elle n'est pas condamnable. Donc, face à l'euthanasie active, aucun pays n'a voulu l'autoriser.
J'ai cherché un peu à savoir pourquoi ces pays-là avaient cherché, et on arrive à une conclusion. Le droit de finaliser une vie... Au Québec comme au Canada, les juges avaient le droit de finaliser la vie. Dans un cas, une personne est là, elle est reconnue coupable d'un meurtre, et c'est très clair, le juge avait le droit de finaliser sa vie en disant: À telle date, telle heure, tu es pendu. Maintenant, ça n'existe plus. Et, quand on parle de... Les citoyens n'ont pas le droit de se suicider, donc les citoyens n'ont pas le droit de finaliser leur propre vie. Est-ce que les citoyens peuvent, dans une déclaration, demander à quelqu'un d'autre, à un médecin: Fais à ma place ce que je ne peux pas faire, donc voudrais-tu me donner la mort? On appelle ça «euthanasie», là, ça va, mais la question est là: Est-ce qu'on a le droit de faire faire par un autre ce qu'on n'a pas le droit de faire soi-même? Je fais le tour de la question, là, et... parce que je... le texte est là, mais mes réflexions suite à l'envoi de ce document-là, c'est certain que...
Je mets aussi là-dedans les livres des personnes qui ont eu un impact sur ma réflexion, dont Elisabeth Kübler-Ross. Vous devez savoir qu'Elisabeth Kübler-Ross, c'est une médecin qui est devenu un psychiatre, aux États-Unis, et c'est elle qui a créé les soins palliatifs. C'est vraiment la personne de référence sur la planète, pas à un endroit spécifique. Et bien sûr qu'en lisant le texte que je donne là, oui, je suis d'accord avec les soins palliatifs. C'est une façon... c'est peut-être... Quand on pense dignité, je pense que les soins palliatifs, c'est une façon de mourir dans la dignité et d'être accompagné par des personnes qui s'y connaissent et qui sont capables d'échanger dans cette fin de vie. Je pense qu'on doit reconnaître que la meilleure place pour terminer sa vie, c'est un centre de soins palliatifs.
Ce que je voudrais ajouter. J'ai regardé... Oui?
La Présidente (Mme Gaudreault): M. Théberge, je veux juste vous informer que vous avez déjà dépassé votre temps. Alors, si vous voulez conclure, puis on va permettre aux commissaires de vous poser des questions. Allez-y.
M. Théberge (René): Bon. Tout ce que je veux dire, c'est qu'en Allemagne, à un moment donné, il y avait un groupe qui était pour l'euthanasie. Il y a eu un sondage de fait par ce groupe-là, et 85 % de la population disait: On est d'accord.
D'un autre côté, il y avait un autre groupe qui était contre l'euthanasie, et ils ont décidé de faire un sondage en expliquant clairement ce que c'était, l'euthanasie et les soins palliatifs. Et le résultat du sondage était: 35 % pour l'euthanasie; 56 % pour les centres de soins préventifs. Je termine là-dessus.
La Présidente (Mme Gaudreault): Merci beaucoup, M. Théberge. Alors, nous allons maintenant passer à la période de questions. Et je vais passer la parole à Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Bonjour, M. Théberge.
M. Théberge (René): Bonjour.
Mme Charbonneau: Je vais apparaître dans quelques minutes, là, vous en voyez une plus jolie; moi, je vais apparaître, l'image sera différente. Vous avez encore beaucoup de neige chez vous, M. Théberge?
M. Théberge (René): Non. Ça va bien, là.
Mme Charbonneau: Ça va bien, la neige?
M. Théberge (René): Il en a tombé. Oui, oui, ça va...
Mme Charbonneau: C'est bon. Alors là, j'apparais tranquillement, vous allez voir, la caméra va se rapprocher. Si ça fait trop peur, vous me direz, là, ils vont reculer la caméra!
J'ai apprécié votre présentation, M. Théberge, d'autant plus que, pour nous, vous êtes le dernier intervenant d'une année complexe, émotive, qui a pris du temps dans nos vies et avec qui les gens ont été très généreux. Je vous donne un exemple très contemporain. Vous n'étiez pas obligé de nous dire que vous étiez passé à travers un épisode en 2001, puisque, d'où, nous, on vous voit, il n'y a rien qui a l'air d'être paralysé de votre bord. Vous avez l'air... Ah! Ha! vous avez l'air très bien. Donc, le partage que les gens ont fait, comme vous l'avez fait avec beaucoup de générosité, ça a été vraiment un privilège pour nous. Et de pouvoir entendre les pour, les contre, c'est aussi un privilège. Je vous dirais que ça ne simplifie pas notre tâche, mais c'est un très beau privilège.
Vous avez découlé les cinq principes ou les cinq phases qui viennent avec l'annonce d'un message triste d'une maladie qui nous amène vers la mort. Et le dernier m'interpelle toujours, parce que, quand on dit «acceptation», on semble vouloir dire que la personne accepte de vivre comme on lui dit qu'elle va vivre sa fin. Mais souvent... en tout cas, les gens que, nous, on a vus ici, qui sont venus nous voir, qui sont épris d'une maladie, nous ont dit que l'acceptation, c'est aussi décider de ne pas être obligé de vivre ça. Ce n'était pas du déni, ce n'était pas de l'agressivité, ils n'essayaient pas de marchander avec nous, ils ne semblaient pas dépressifs. D'ailleurs, il y en a quelques-uns qui étaient quelque peu joyeux, mais la plupart nous ont dit: Quand j'ai décidé que j'acceptais la condition de cette fichue maladie qui ronge mon corps, qui me paralyse, qui m'amène peut-être vers une destinée et une façon de mourir dont je n'ai pas le goût, j'aimerais mieux faire le tour de mon monde, parler à mes gens, puis tomber endormi tranquillement dans ma chambre, entouré des miens, et partir comme ça.
Et je vous avoue à vous que je n'ai pas semblé... mon oreille ne frisait pas quand j'entendais ça, parce que je me disais: Dans le fond, le choix qu'ils ont le goût de faire, il n'est pas si défaitiste que ça. Par contre, plusieurs personnes sont aussi venues parler du dérapage, les possibilités, les craintes, les répercussions sociales. Mais je reste quand même, je vous l'avoue, avec cette oreille qui a entendu une jeune fille de 32, 34 ans nous dire qu'elle voulait avoir un choix. Elle ne savait pas si elle le prendrait, mais elle voulait l'avoir, ce choix, pour pouvoir peut-être enlever cette angoisse qui ferait qu'elle poserait peut-être un geste elle-même plutôt que de se faire aider, puis de le faire dans le calme et l'amour. Elle serait peut-être passée par un autre choix qui fait qu'elle pose un geste dur et difficile.
Je ne sais pas comment vous réagissez à ces propos, puisque j'ai très bien compris votre position.
**(17 heures)**M. Théberge (René): Pour répondre à ce que vous me demandez de répondre, je vais retourner en 2001, au mois d'octobre. Trois mois après, je devais me choisir un médecin, j'avais... j'ai quitté l'hôpital, et tout ça, et c'est un femme médecin que je rencontre, et elle remplit son dossier, et finalement elle dit: J'ai une question à vous poser, ça m'intrigue un peu. J'ai dit: Posez-la, votre question. Elle dit: Je suis obligée de la poser. Elle dit: Quand vous avez eu votre AVC, est-ce que vous avez pensé à vous suicider? Là, je lui ai dit: En d'autres termes, vous me demandez si je suis prêt à tuer l'acteur principal du film de ma vie. J'ai dit: Non, j'en ai encore trop à apprendre de lui. On ne peut pas penser terminer sa vie quand on sait que l'esprit qui est dans ce corps-là est capable de faire un bout de chemin et d'apprendre. Dans la conduite de la vie, les raisons d'être demeurent les mêmes. C'est ça.
Mme Charbonneau: J'ai le goût de vous taquiner puis vous demander si vous faites vos propres cascades dans votre film. Mais c'est pour vous faire sourire, M. Théberge.
M. Théberge (René): Oui, oui.
Mme Charbonneau: J'entends ce que vous dites puis en même temps je comprends qu'à l'intérieur de vous il y a cette flamme de vie là qui veut vivre, qui veut vivre intensément, puis, vous savez, M. Théberge, je suis de celles qui pensent que, quand cette flamme-là est allumée, il faut tout faire pour l'alimenter, il ne faut pas la laisser s'éteindre si on n'a pas le goût... Si la personne, elle a un goût de vivre, il faut la laisser vivre, et l'aider même à le faire intensément, quel que soit le défi qu'elle a à chaque jour quand elle se lève. Parce qu'on a chacun nos défis, hein?
Mais, à quelque part, le droit de mon film, mon droit d'auteur sur mon film à moi, si j'ai le goût qu'après un certain temps, après une longue bataille d'une maladie, si j'ai le goût que la médecine puisse me dire: Bon, bien, là, on va arrêter, on va arrêter de se battre puis on va passer à d'autre chose... Puis, vous le savez, que ce droit-là existe. Je peux arrêter les traitements si je veux, je peux choisir de ne pas avoir de traitements, si j'ai une maladie. J'en prends une au hasard comme ça, là, mais, si je ne fais pas ma dialyse, je peux mourir assez rapidement. C'est mon choix. Il m'appartient, et c'est un droit que j'ai. Si je n'ai pas le goût de faire la chimio, bien mon médecin, il ne peut pas me l'imposer, quel que soit mon âge et que soit l'état de maladie.
Mon seul choix, si j'ai une maladie qui ne prend pas en compte le fait que je reçois une médication ou quelque chose comme ça, c'est d'arrêter de manger. Moi, c'est le bout qui m'impressionne. Parce qu'il y a des choix qui sont plus durs que d'autres, et il y a des gens qui choisissent ça. Ils choisissent de ne plus manger, de s'arrêter, de ne faire que du temps, un moment d'attente, que le corps finisse par dire: O.K., j'ai compris, tu ne veux plus, on arrête la machine. Le film s'arrête. Le mot apparaît: Fin. Il n'y a pas une grande liste d'acteurs, mais il y a quand même une liste, qui est la famille, les gens alentour, les gens qui restent, et qui ont vu pendant quelques mois souffrir une personne qui a choisi d'arrêter de manger parce que c'était sa seule façon à elle d'arrêter sa vie.
Quand vous me parlez d'une société progressiste, d'une société qui doit considérer les gens, qui laisse la place aux gens, est-ce que vous pensez que c'est encore une bonne façon de pouvoir permettre à quelqu'un de prendre son choix?
M. Théberge (René): Écoutez. Ma réponse à ce niveau-là est un peu difficile. Parce que la vie est venue dans mon corps à la naissance, et je ne suis pas... je n'ai aucune autorité sur la vie. Et la vie, un jour, sortira de mon corps, mais c'est comme si je m'appropriais un droit qui appartient à la vie et qui ne m'appartient pas. Ça ne m'appartient pas. Et, si la vie a voulu, et, si la vie a voulu que je la comprenne à travers une maladie, un état d'être difficile à vivre, je vais quitter la souffrance puis je vais essayer de retourner du côté du bonheur. Et le bonheur, il existe tant que mon esprit est dans ce corps.
Mme Charbonneau: J'en ai une autre pour vous, parce que vous m'interpellez avec votre choix puis votre bonheur. Vous venez me chercher. À tous les jours, j'ai des choix à faire comme être humain, et ces choix-là ont un impact sur la vie. Vous savez, quand vous me dites... puis je vous entends bien, là, mais en même temps j'ai oublié de vous dire tantôt que ma job, là, aujourd'hui, c'est d'essayer de plus comprendre. Pour plus comprendre, je vais vous lancer des contradictions. Vous avez compris ça, hein? Je le vois, que vous l'avez compris.
M. Théberge (René): Oui.
Mme Charbonneau: Comme humain, j'ai quand même des choix sur ma vie. Je vais vous en donner quelques-uns. Je pourrais être alcoolique. Je ne serais pas assise ici. J'aurais peut-être plus de fun, mais ça ferait en sorte que je mettrais en péril ma vie. Je pourrais fumer, je vous annonce tout de suite que je ne le fais pas, mais je pourrais, ce qui pourrait aussi mettre ma condition physique en danger. Je pourrais dire tout ce que je pense, ce qui pourrait mettre ma vie en danger régulièrement...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: ...mais je choisis de ne pas le faire, parce que, hein, ma mère, elle m'a bien dit que, si je disais tout ce que je pense, ce n'était pas une bonne idée. Il fallait que je pense ce que je dis, aussi.
Alors, pourquoi ce dernier acte là: je n'ai pas de choix? Pourquoi je peux maganer mon corps? Pourquoi je peux me tatouer, percer, fumer, boire, faire la fête, ne pas dormir -- je n'aurais pas l'air de ça, mais ce n'est pas grave -- mais que je ne pourrais pas avoir ce choix-là de dire... parce que... Puis je reviens tout le temps à mon «parce que», parce que je ne veux pas que vous pensiez que quelqu'un qui a des idées suicidaires pourrait avoir accès à ça, mais, si je suis dans un contexte où le corps ne suit plus, où ma tête ne suit plus... Et là je vous dis: Dans ma condition que je vous donne, j'ai toute ma tête. Pourquoi tout d'un coup ce seul choix là... Parce que, vous savez, j'ai fait trois grossesses, et je les ai gardées, mais j'aurais pu faire le choix de ne pas les garder. J'ai eu un accident de voiture. Il a fallu que je fasse des choix devant un chirurgien pour cette condition-là que j'avais devant moi.
Pourquoi cette dernière phase là, où là on vient de m'annoncer que mon corps ne suivra plus, que les mois à venir vont être souffrance et que finalement la chimio que j'avais ne fera pas ce qu'elle devait faire et que je devrai juste attendre... Et, si je fais le ménage de ma vie puis je fais le tour de ma famille, puis je n'ai pas le goût d'attendre, comment je fais pour expliquer à quelqu'un qu'il n'a pas le choix d'attendre, que cette attente-là ne lui appartient pas à lui, elle appartient à la société, et qu'on va l'installer confortablement puis qu'il y a des soins palliatifs?
Puis, je vous le dis là, en aucun moment dans ma tête à moi, comme dans la tête de tous les gens qui sont venus, les soins palliatifs sont en danger. Chacun dit: Il faut que ça existe. Mais, moi, j'ai des gens que j'ai rencontrés qui me disent: Moi, là, je ne veux pas aller aux soins palliatifs, je n'ai pas le goût d'attendre ma mort. J'ai le goût de savoir qu'un coup qu'on m'a dit concrètement que la maladie va gagner, que je n'ai plus de combat à faire et que j'aurai fait le tour de mon monde, bien je n'ai pas le goût de me faire tripoter les mains puis me dire: Attends, ce ne sera pas long, ce ne sera pas long. J'ai le goût de passer à l'acte puis fermer mes yeux puis ne pas me réveiller. Pourquoi, ce choix-là, je ne l'ai pas, puis tous les autres choix que je vous ai nommés qui faisaient de moi une personne irresponsable et pas fine puis qui mettaient peut-être même la vie des autres en danger, je peux le faire?
**(17 h 10)**M. Théberge (René): Moi, là, vous me... vous donnez des situations et tous les choix possibles, mais, quand je regarde mes raisons d'être et je regarde la troisième, assumer l'expérience humaine, le matin, j'aime mieux me lever en me disant: Quelle expérience que je peux vivre aujourd'hui que je vais apprécier, que je vais échanger avec quelqu'un? Et, si j'étais dans les soins palliatifs, j'espérerais à chaque jour ajouter encore une expérience humaine de plus, même si la possibilité est limitée. Parce que c'est à travers ces expériences humaines que l'on apprend à vivre, on apprend à aimer, à acquérir des connaissances. Et, quand on se donne une raison d'être comme je me suis donnée, il y a des choses qui, mentalement, je ne peux pas... je ne peux pas y adhérer. Vous me comprenez aussi?
Mme Charbonneau: Oui.
M. Théberge (René): Donc, qu'on se... qu'on choisisse, qu'ils choisissent leur raison de vivre et qu'ils vivent en vertu de leur raison d'être plutôt que de ne pas avoir de raison d'être et de ne pas trouver de raison d'être. Quand on les a, la vie est belle.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, merci beaucoup, M. Théberge. Nous allons passer maintenant la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Bonjour M. Théberge. Juste avant de vous parler, moi aussi, je vais approcher tranquillement, vous allez avoir un contraste, on change de couleur de cheveux. Je veux juste souligner la présence de notre ex bien-aimé président, le nouveau ministre responsable des Affaires autochtones, qui nous fait l'honneur de se joindre à nous pour la toute fin de ces travaux. Parce que, si vous avez suivi les travaux, vous savez qu'il a été notre président pendant plus de 14 mois et qu'il a reçu une nomination extraordinaire, évidemment, en février. Donc, il est rendu au Conseil des ministres, ce qui fait qu'il ne peut plus être notre président, mais il a eu la gentillesse de venir nous soutenir en cette fin de travaux qui est une grande étape pour nous aujourd'hui. Alors, je voulais le saluer.
M. Théberge, merci beaucoup. On sent bien toute l'humanité qui vous habite et à quel point votre témoignage est senti. Et c'est réjouissant d'entendre des gens comme vous qui mordent dans la vie, qui ont eu des épreuves, qui ont passé par-dessus parce qu'ils voient la beauté de la vie. Et je vous dirais que c'est le cas, je pense, de la très, très grande majorité des gens, y compris des gens qui sont venus nous voir et nous ont dit qu'eux, ils estimaient que, dans certaines circonstances, ça pourrait être une bonne idée, par exemple, qu'on considère l'ouverture vers une aide à mourir, là, euthanasie ou suicide assisté, justement au nom de la vie, au nom de cette qualité de vie, au nom de cette vie qui doit être pleine de vie. Donc, les gens, c'est un peu intéressant de voir comment, en partant de mêmes idées, les gens arrivent à deux conclusions différentes. Pour vous, la vie, pour être... pour vivre la vie pleinement, ça veut dire la vivre jusqu'au bout, jusqu'au dernier souffle, parce qu'on ne peut pas rien contrôler. Alors que, pour d'autres, de vivre pleinement la vie, c'est d'avoir un certain contrôle, un mot à dire quand ça concerne sa propre vie. C'est là-dessus que je veux vous amener.
Vous parlez beaucoup de votre propre vie, de votre conception de la vie, pour vous, à quel point la vie est belle, malgré ce qui vous est arrivé, à quel point cet important puis, pour vous, c'est impensable. Il y a des gens qui nous disent: Bien, justement, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut respecter un peu toutes les conceptions de la vie. Il y a des gens, comme vous, nombreux, qui ont une conception de la vie x, puis il y a d'autres gens qui estiment qu'une personne devrait pouvoir avoir le choix quand elle est face à une maladie terminale, une mort imminente, et qu'il y a de la souffrance qui n'est pas bien tolérée ou tolérable, parce qu'on n'est pas capables d'en venir à bout, qu'elle devrait pouvoir avoir ce même choix là, cette même liberté de décider pour elle.
Et c'est un des noeuds, et je le dis depuis ce matin, mais avec lesquels, nous, on doit composer. La partie de l'autonomie de la personne, qui est très, très présente, présente dans notre Code civil, présente dans nos chartes, très présente... Comme ma collègue l'a dit, on peut faire toutes les folies qu'on veut pendant notre vie, des choses épouvantables au nom de cette autonomie-là, et, en fin de vie, on ne le peut pas. Et cette valeur-là s'oppose beaucoup à, un peu, votre conception des choses, de dire: il y a comme un bien supérieur. La vie, en soi, c'est un bien supérieur, et ça fait en sorte qu'il faut vivre la vie jusqu'au dernier souffle, même s'il y a de la souffrance, même s'il y a des réalités très, très difficiles.
Mais, moi, je vous demanderais comment on fait pour dire aux gens qui n'ont pas cette même conception là de la vie que vous que c'est cette conception-là qui doit primer, quand eux nous disent: Moi, si vous faites droit à ce que je demande, je ne nuis en rien aux personnes qui ont une conception différente de moi? Donc, comment on réconcilie ça? Est-ce que c'est réconciliable?
M. Théberge (René): Dans le contexte actuel au Québec, ça ne se réconcilie pas. Et je peux prendre trois, quatre minutes pour m'expliquer. Parce qu'au Québec il faut retourner... Alors, je l'exprime tel que je vois, là. Toute société vit sous une dominante sociale, et, à travers une dominante sociale, elle trouve sa stabilité, sa façon d'être et toute sa culture qui s'exprime. Au Québec, pendant 300 ou 400 ans, on a vécu une dominante religieuse. C'était la référence et, à cette époque-là, on n'entendait pas parler de ce que vous dites, parce que la référence était claire. On a commencé notre révolution. Une révolution, c'est lorsqu'on décide de changer la dominante sociale, et c'est ça que le Québec a voulu faire. Et cette révolution, tranquille, qu'on appelle, traîne en longueur.
Parce qu'on voudrait bien mettre une autre dominante à laquelle tous les citoyens référeraient, mais, de la dominante patrimoniale dont un groupe veut, l'autre groupe dit: Je veux une dominante économique. Et on est coincés entre les deux actuellement et on se cherche. Et on se cherche... on cherche des sorties, une façon... une nouvelle façon d'être, et on ne veut pas retourner à la dominante religieuse non plus. On ne veut pas retourner à la dominante... Donc, il nous reste quoi? On est dans une recherche. Dans une recherche du qui nous sommes ou qui pouvons-nous être.
Donc, il y a des choix que certains font et que d'autres font... et d'autres expriment que, dans le contexte actuel, si on leur donnait plus de possibilités d'aller vers l'euthanasie, ils seraient heureux.
Je regarde la Belgique, ils veulent se séparer, et ils ont accepté une forme d'euthanasie, et on prend le même courant que la Belgique, qui veut faire la même chose qu'on a pensée, qu'on veut faire ici. Vous comprenez bien ce que je vous dis? Il manque... il va falloir, un jour, retrouver une dominante sociale pour retrouver, comme peuple du Québec, une stabilité. Il va falloir le faire. Comment? Je n'ai pas les façons de faire, là. Aïe! puis dire: Comportez-vous comme ça sur le plan politique, ce n'est pas ça que je veux dire. J'ai exprimé ce que l'on vivait et les difficultés qu'on se crée en cherchant ailleurs.
Moi, il y a... Bien sûr que, la dominante religieuse, je l'ai assez abandonnée aussi. Mais il n'en reste pas moins que je me suis donné, comme individu, une raison d'être qui est la mienne, et de réussir à passer à travers en sachant bien que la dominante sociale actuelle, c'est une révolution tranquille qui traîne en longueur, selon moi.
**(17 h 20)**Mme Hivon: Bien, je vous remercie. C'est une réponse très profonde, avec beaucoup d'analyse, comme je les aime. Puis ça m'amène juste un commentaire, c'est que, voyez-vous, on a une tâche énorme. Il y en a certains, très gentils, qui se plaisent à nous le rappeler aussi, qui ne voudraient surtout pas être à notre place. Mais il y a un élément dans ça, c'est qu'on peut être d'accord ou non avec l'évolution de la société québécoise telle qu'elle s'est faite, mais le fait est qu'on en est où on est rendus là parce qu'il y a eu différents jalons, il y a eu différentes décisions de prises, de société, des décisions législatives, des choix qui ont été faits; il faut aussi être au diapason de notre société. Et puis c'est ça qui est pour nous, je vous dirais, quelque chose de fondamental, c'est que, nous, on est les élus de cette population-là, et c'est pour ça qu'on a fait une si grande tournée, c'est pour vraiment prendre le pouls et voir où se situe l'opinion des Québécois, parce qu'on veut les représenter le mieux possible. Ce n'est pas un comité d'experts ici, c'est un comité d'élus, de députés, parce que justement c'était une démarche qui se voulait davantage citoyenne qu'une démarche scientifique ou d'experts.
Puis, si je vous dis ça, c'est parce que, nous, on n'a pas le choix non plus, dans notre réflexion, de tenir compte de certaines choses, et une de ces choses-là, c'est de se dire à quel point l'autonomie a pris de la place, à quel point cette valeur-là, pour le... pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mais elle a pris énormément de place dans notre Code civil, elle a pris énormément de place dans les chartes. Ça fait en sorte, comme on le répète souvent, qu'une personne en pleine santé peut décider de refuser des traitements puis de mourir. Donc, je veux juste vous dire que, pour nous, ça, c'est un défi. Parce qu'on pourrait vouloir changer la société puis mettre en place certaines manières de faire plutôt que d'autres, mais en quelque sorte il faut aussi composer avec la société telle qu'elle est et les valeurs qui nous sont projetées par les gens qu'on a entendus.
Alors, je vais céder la parole à ma collègue, puis, si jamais vous voulez me répliquer quelque chose, vous pourrez me commenter. Mais je sais que ma collègue a une question, donc je vais lui céder la parole.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Bonjour, M. Théberge. Écoutez, c'est vrai que de vous entendre en tout dernier aujourd'hui, après possiblement une écoute et une lecture de plusieurs des mémoires qui ont été déposés depuis un an, ne nous amène pas à une réflexion finale, c'est un début de réflexion. Et je comprends à quel point la vie est importante pour vous puis à quel point, définitivement, jusqu'à la toute fin d'un souffle de vie chez vous, vous allez y goûter et l'apprécier, et ça, là, c'est réjouissant, en cette fin d'écoute en commission parlementaire.
Mais ce que ma collègue disait, je le partage également. C'est qu'on entend plein de réflexions également dans nos milieux, chacun et chacune d'entre nous, on a également des collègues qui échangent avec nous sur le sujet. Et je ne veux pas être rassurante, ce n'est pas mon rôle non plus, mais juste vous dire qu'on est peut-être tout aussi embêtés que vous, à savoir de quelle façon on va atterrir avec... peut-être pas une proposition, mais du moins un constat qu'on va faire. Et est-ce que la législation agira? Je ne le sais pas.
Mais, ma question, je vais la poser de la même façon que je l'ai posée au précédent interlocuteur tout à l'heure: Si la commission en arrivait ultimement -- je ne le sais pas, je ne le sais pas, on commence le travail sur le... tous les mémoires lus et entendus -- s'il y avait des cas d'exception où on pourrait permettre, toujours une permission, à des médecins de pouvoir en toute légalité agir afin de permettre à quelqu'un de mourir dans la dignité, non pas à quelqu'un de mourir indignement, de faire mourir quelqu'un qui ne veut pas mourir, d'accompagner quelqu'un dans une mort non voulue, non souhaitée, mais, si la commission en arrivait à faire une telle suggestion dans des cas d'exception, tout en considérant ce que vous avez dit tout à l'heure, comment vous sentiriez-vous dans ça, dans une telle... peut-être, décision ou direction?
M. Théberge (René): Bon. Écoutez, moi, je pense qu'on a choisi... Mourir dans la dignité, c'est... Mourir, c'est ce qui touche au plus profond de tout être et ça fait naître en lui des peurs énormes. Je lisais un livre il y a une quinzaine de jours, et on disait: La mort n'existe pas. Seule la peur de la mort existe, et c'est une peur atroce. Et je pense que la mort n'existe pas, mais la peur existe. Et, dans un état de peur, on peut dire n'importe quoi pour se sortir de la mort. Et, si les gens pensent qu'ils auront une fin plus heureuse parce qu'ils ont sur la mort un certain pouvoir qu'ils se donnent, où ils pourront faire, ou eux-mêmes, finaliser leur vie, c'est une façon d'être, une façon de faire qui n'ajoute rien à leur bonheur en soi.
Moi, je regarde... d'avoir choisi un sujet comme la mort pour que toute la population du Québec en parle, alors que, sous une dominante religieuse qu'on a quittée tranquillement, où il y avait des coutumes de faire, qui existent encore aujourd'hui pour certains, je pense que la commission, c'est vrai qu'elle peut passer de A, mais pas de A à Z. A à G, à H, elle va être obligée d'apporter une série de nuances. Mais là c'est comme quand... Des fois, je parle d'euthanasie à certaines personnes. C'est comme si le A... il y a A et il y a Z, mais ce n'est pas ça, la réalité. Vous me comprenez bien? Donc, on doit... on n'ira pas de A à C ou à D, il va falloir aller un peu plus loin, mais rendons-nous pas à Z, c'est de se tromper soi-même.
Mme Champagne: M. Théberge, le message est clair, il va falloir y aller avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de nuances, et nous nous préparons à un long... un long périple dans la discussion. Et, rassurez-vous, je ne pense pas qu'il y a aucun membre de la commission qui présentement serait capable d'écrire une fin à cela. N'est-ce pas? Merci, M. Théberge.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, sur ces paroles teintées de sagesse, nous vous remercions, M. Théberge, d'avoir pris part à cette importante commission. Vous êtes la dernière personne qui avez présenté un mémoire, alors vous marquez la fin de nos auditions publiques. Mais il y aura quand même une dernière période de micro ouvert pour permettre à deux personnes qui sont présentes ici, au Parlement, aujourd'hui, M. Théberge, à venir partager leurs positions avec nous.
Alors, encore une fois merci, et nous espérons que vous allez suivre nos travaux jusqu'au bout, jusqu'au rapport d'automne. Merci.
M. Théberge (René): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, on peut continuer, alors la magie de la technologie. Je voudrais céder maintenant la parole à nos deux dernières personnes qui ont demandé à s'exprimer dans le cadre de cette période de micro ouvert que les commissaires ont souhaité instaurer pour permettre au plus grand nombre de Québécois de s'exprimer. Plusieurs dizaines de personnes se sont présentées à nous dans toutes les villes que nous avons visitées.
Alors, nous allons débuter aujourd'hui avec M. Yves Fecteau. M. Fecteau, vous pouvez avancer ici, à la table, et vous avez... vous pouvez disposer de trois à cinq minutes pour partager avec les commissaires votre opinion sur le sujet. La parole est à vous.
M. Yves Fecteau
M. Fecteau (Yves): Merci. Merci de me donner cette opportunité. J'avoue que je n'avais pas pensé aujourd'hui me retrouver ici. C'est impressionnant et intimidant. Alors... bien, c'est ça. Je suis conscient que l'enjeu est crucial, j'oserais même dire vital. Mais je veux simplement vous présenter mon expérience -- c'est à titre personnel que je vais parler -- expérience personnelle vis-à-vis la mort de mes parents puis de l'accompagnement qu'on a fait, ma famille, moi. Et c'est ça.
Mon père est décédé des suites de la maladie d'Alzheimer. Il avait 88 ans. Plusieurs années avant, évidemment, il a commencé à souffrir de cette maladie-là; nous aussi, parce qu'on était touchés, évidemment, ma mère aussi, bien sûr; et donc peut-être cinq, six ans, je dirais, avant, à partir de 80, 82 ans, là.
**(17 h 30)** Alors, nous, c'est sûr qu'on a accompagné, on l'a accompagné. On a accompagné ma mère dans ça, mes frères et soeurs, parce que c'est sûr qu'on sentait la situation évoluer, hein, au fur et à mesure, se dégrader, évidemment, et, à un moment donné, on a dû faire des démarches pour le placer. Ma mère n'évoquait pas ça, hein? C'est nous, là, qui avons dû faire les premiers pas, parce que, pour elle, après 60 et quelques années de mariage, c'était comme impensable, là, tu sais, de dire: Bien là, je place mon mari, là. Nous, on a attendu aussi jusqu'à la limite, là, à l'extrême limite, là, parce que c'est sûr qu'on a vu notre mère assez affectée qu'à un moment donné on s'est dit: C'est elle qui va partir avant papa. Donc, on a fait des démarches pour le placer. Il a été placé en trois endroits différents. Puis finalement on a trouvé un très bon endroit, et c'est là que finalement il est décédé.
Donc, pour nous, c'est certain que ce qu'on voulait faire, c'était accompagner. Je dirais, cette idée-là d'accompagner a toujours été, c'est ça, l'attitude ou le principe premier, là, qui nous a toujours guidés, toute la famille.
Et par la suite ma mère, après deux ans, là, du décès de mon père, ma mère a développé un cancer. Donc... Puis ça s'est étiré quelques années, là, plusieurs années, là. Donc, mes frères et soeurs, c'est sûr que là... la même chose, je dirais, c'est l'accompagnement. On s'est dit: On va accompagner maman là-dedans, on va la suivre de près, ce qu'on a fait effectivement. C'est sûr qu'à la fin ça devenait difficile parce que, là, sa situation médicale s'était beaucoup dégradée. On avait pensé, à un moment donné -- puis elle nous l'avait dit, d'ailleurs -- de la placer dans un centre de soins palliatifs quand ce serait le temps. On avait discuté avec elle. Alors, on s'en est parlé, mes frères et soeurs, puis on s'est dit: Bien, maman, on va vous garder à la maison autant qu'on va être capables, aussi longtemps qu'on va être capables. Si on a de l'accompagnement, nous -- c'est sûr qu'on s'accompagnait, nous, mutuellement, les frères et soeurs, là-dedans -- mais, si on a de l'accompagnement... ce qu'on a eu effectivement: on a eu de l'accompagnement du CLSC, médecins, infirmières, qui nous ont expliqué comment faire, puis les soins, les médicaments.
Alors donc, on a dit à maman: On vous garde aussi longtemps qu'on va être capables de le faire. Puis c'est ça, c'est arrivé en fait à un moment donné où, là, c'est vraiment... on s'est réunis puis on s'est dit: Est-ce qu'on est encore capables de la garder? Et, avec l'assistance qu'on a eue du CLSC, l'assistance de son médecin, l'assistance d'une infirmière, d'une aide domestique, même, qui venait pour les soins de base, là, toilette, et tout ça, là, bien c'est ça, finalement on s'est aperçus qu'on pouvait garder maman à la maison puis s'en occuper.
Donc, là où ça a été le plus délicat, c'est sûr que c'est au niveau de la... de la souffrance, oui, je dirais, là, c'est ça, la souffrance, parce que c'est sûr qu'il y avait une partie de souffrance. Mais, avec... Moi, par expérience, je peux dire que... puis ils nous l'avaient dit, d'ailleurs, ils disaient: Dès que vous voyez arriver un certain degré de douleur, il faut tout de suite intervenir, pas attendre que ça arrive à un niveau X, là, puis là c'est moins contrôlable. Alors donc, on a toujours été sensibles à ça: dès qu'on voyait qu'il y avait un niveau de douleur, on donnait la médication appropriée et... Bon, en bref, là, on a fait ça jusqu'à la fin. Donc, ça nous a permis de garder maman à la maison, puis elle est partie... elle est partie, dans sa chambre, entourée de nous autres.
Bon, c'est pour ça que, par expérience personnelle, je dis: Dans la mesure où c'est... Le mot «accompagnement», comme je le disais tout à l'heure, pour moi, il est fondamental. Les personnes qui sont aux prises avec une maladie et qui sont adéquatement accompagnées, adéquatement soignées et vis-à-vis desquelles on met des ressources, hein... C'est sûr que ce n'est pas tout le monde qui ont autant de frères et soeurs que j'avais, là, mais, quand on met des ressources sur l'accompagnement et sur des soins médicaux appropriés jusqu'à la fin, jusqu'à la limite, c'est possible. C'est possible, parce que, nous, on était assez démunis là-dedans, mais on a été capables d'arriver à ça. Et, si la famille n'est pas capable, là c'est à la société à prendre le relais puis à mettre les ressources qu'il faut. Donc, en gros, c'est ce que je voulais dire.
La Présidente (Mme Gaudreault): O.K. C'est ça. M. Fecteau, c'est ça, je voulais vous dire qu'on est déjà rendus à sept minutes. C'est très difficile pour la présidence de vous contraindre dans vos témoignages, mais malheureusement c'est la nature de la période de micro ouvert, on doit limiter le temps. Alors, merci beaucoup de votre témoignage, M. Fecteau, aujourd'hui.
Maintenant, nous allons accueillir Mme Roxanne Laliberté, qui est notre vraie dernière intervenante de cette audition publique. Alors, la parole est à vous. La conclusion est presque à vous, alors...
Mme Roxanne Laliberté
Mme Laliberté (Roxanne): C'est encore plus intimidant. Alors, que dire que vous n'avez pas déjà entendu ou lu depuis le début de vos travaux à cette commission. C'est donc avec beaucoup d'humilité que je vous partage mes réflexions.
Premier constat de ce que j'ai entendu et lu en lien avec les témoignages reçus ici: Combien les personnes ont du mal à se mettre à la place des autres. Et j'ai du mal à comprendre pourquoi c'est si difficile. Je crois que personne ne veut souffrir, surtout pas lorsque la mort est la seule issue possible à cette souffrance. Quand la personne ne trouve plus aucun sens à sa vie, ni pour elle-même ni pour les personnes qu'elle aime, c'est une responsabilité morale de lui laisser la liberté de choisir de mourir. Et, si on peut l'aider à mourir dans la dignité, on peut se qualifier d'être un humain responsable.
Lorsque le Dr Serge Daneault dit qu'il veut vivre et mourir pour les autres, je comprends qu'il désire que sa mort, entre guillemets, naturelle puisse servir aux autres, tout comme il consacre sa vie aux autres. Toutefois, je crois qu'il oublie que, parmi les motifs invoqués par les personnes qui demandent une aide à mourir, il en est un qui va justement dans le sens de mourir pour les autres en le libérant d'une souffrance inutile, souffrance pour laquelle la personne ne trouve aucun sens. Alors, qui peut juger de la meilleure façon de mourir pour les autres?
Seule la personne elle-même est en mesure de sentir si elle est capable de tolérer sa souffrance physique et/ou psychologique. Lorsque la souffrance est intolérable et qu'il est impossible de la soulager, mourir devient le moindre mal à choisir. La décision de mourir appartient à la personne qui reste maître de sa propre vie. Sur quelle croyance s'appuie-t-on pour prétendre qu'une personne en fin de vie ne peut jamais prendre une décision libre et éclairée? Comment peut-on ne pas ressentir de sentiment dépressif lorsque la vie n'est qu'une attente de mourir?
On sous-estime souvent l'aptitude d'une personne qui continue de sentir les choses même si elle n'est plus capable d'exprimer son senti. C'est ici qu'entre en jeu le principe de la dignité de la personne, dont il a été question à plusieurs reprises au cours de cette commission. Augmenter les doses d'antidépresseur ou d'autres médicaments pour anesthésier la conscience ne fait qu'étouffer davantage le mal-être en rendant la personne prisonnière de son propre vécu de souffrance et complètement isolée intérieurement.
On lui enlève le droit à l'autodétermination. On l'empêche d'exercer sa liberté d'être ou de ne plus être, pour emprunter le titre des médecins. Est-ce que la confusion ou la démence pourraient alors devenir les seules défenses intérieures à cette souffrance psychologique insoutenable?
**(17 h 40)** Ceux qui se disent contre l'euthanasie défendent le principe d'une mort, entre guillemets, naturelle, mais quelle vie désirons-nous prolonger en attendant cette mort naturelle? Peut-on aujourd'hui parler de vie naturelle, compte tenu de toutes les interventions médicales réalisées pour pousser l'âge de la mort? L'espérance de vie a augmenté de plusieurs années depuis 1950, mais des recherches démontrent que l'espérance de vie en santé n'a pas bougé dans la même période. On vit donc plus vieux, c'est vrai, mais les années ajoutées le sont souvent dans la maladie. On a tellement peur de la mort qu'on préfère continuer de vivre malade. Ça peut aller quand la souffrance est supportable, mais, lorsqu'elle devient intolérable, comment peut-on continuer de défendre une mort naturelle?
Ce sont des êtres humains qui forment la société. Seuls des êtres humains responsables engendrent une société responsable. La légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté entraîne une responsabilité que peu d'individus semblent être prêts à assumer. Chacun se protège individuellement sans égard aux conséquences qu'implique le fait de continuer de vivre, pour les personnes dont la souffrance physique et/ou psychologique est intolérable et impossible à soulager. Les personnes en position de pouvoir médical et/ou législatif qui refusent d'ajouter l'euthanasie aux soins offerts en fin de vie ont-elles des motifs non dévoilés? Veulent-elles éviter les coûts financiers découlant d'éventuelles poursuites judiciaires?
Il importe que chaque individu se responsabilise face à ses choix pour la fin de vie, pour la fin de sa vie, et les exprime lorsqu'il est apte à le faire en rédigeant un mandat d'inaptitude et un testament de vie. Le législateur pourrait enregistrer ces documents dans un système légal officiel, comme le dossier médical, surtout sans que des coûts juridiques élevés et une lourdeur de procédure empêchent ou découragent un citoyen de produire un tel document.
En terminant, je désire remercier tous ceux qui ont travaillé à cette commission. Merci pour ce bel exercice de participation citoyenne qui a permis à de nombreuses personnes d'exprimer leur point de vue et leurs préoccupations face à la dernière étape de leur vie. Tous, nous souhaitons vivre cette fin de parcours dans les meilleures conditions possible, en cohérence avec les valeurs et les croyances qui ont fait de nous ce que nous sommes devenus. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gaudreault): Merci beaucoup, Mme Laliberté.
Mémoires déposés
Alors, avant de passer aux remarques finales, je dépose officiellement tous les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions, afin de les rendre publics.
C'est avec beaucoup d'émotion que je retrouve notre président, parce que, même si j'ai été nommée présidente le 3 février, pour moi, le président demeure toujours M. le député de Jacques-Cartier. Vous savez, c'est suite à une motion, une résolution à l'Assemblée nationale qui date de décembre 2009, qui avait été initiée par notre collègue de Joliette, et c'est à ce moment-là, dès le début, que M. le député de Jacques-Cartier a été nommé président de cette importante commission. Il a vraiment présidé les travaux avec un humanisme qu'on lui connaît, légendaire. Et ça, les travaux ont débuté dès le 7 septembre 2010, et il a mené les travaux avec brio, et il avait vraiment toute notre confiance, jusqu'au 3 février 2011, au moment où, comme il nous a dit, quand le patron appelle, il faut répondre «Présent». Alors, il a reçu un appel de notre premier ministre qui a bien voulu le nommer ministre responsable des Affaires autochtones.
Alors, je suis certaine que c'est avec beaucoup de... de déception qu'il a laissé son poste de président de cette commission. Je suis très contente qu'il soit là puis je suis très contente qu'il ait accepté de nous parler pour marquer la fin de ces audiences. Nous allons d'abord passer aux remarques finales et ensuite nous allons céder la parole à notre co-président, je dirais même, de la commission.
Remarques finales
Alors, sans plus tarder, nous allons terminer cette consultation, commencée le 7 septembre 2010, par les remarques finales des partis formant le Parlement. Le Parti libéral du Québec, le parti ministériel, a droit à 10 minutes; le parti de l'opposition officielle, 10 minutes aussi; et, malheureusement, les autres partis d'opposition ne pouvaient pas se libérer pour venir ici marquer la fin de ces auditions. Alors, sans plus tarder, pour parler au nom du parti ministériel, je cède la parole à Mme la députée Mille-Îles.
Mme Francine Charbonneau
Mme Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Et je ferai les remarques préliminaires... des remarques préliminaires que je vais faire pour vous rassurer en vous disant: Le texte est écrit. Donc, ayez confiance. Deuxièmement, on dit «les remarques finales du parti», mais c'est aussi, je crois, une ligne qui a été suivie tout le long de cette commission, c'est-à-dire qu'ici on a eu le privilège de travailler ensemble. Et la phrase s'arrête là.
Alors, chers collègues, et je me permets, Maryse, Véronique, Noëlla, normalement je dirais Monique, Benoit, Geoff, Pierre, Germain, je rajouterais Gerry, vous comprendrez que je me permets de les saluer par leur prénom car ça fait plus d'un an que nous sommes ensemble, au début, ici, à l'Assemblée nationale, lors des auditions des 32 experts, et ensuite un peu partout à travers la province lors des auditions publiques.
Nous arrivons aujourd'hui à une grande étape de notre mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale. Nous terminons définitivement la période des auditions publiques de cette importante consultation qu'a entreprise la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. C'est le 4 décembre 2009 que notre aventure a débuté, c'est-à-dire lorsque l'Assemblée nationale du Québec nous a à l'unanimité... demandé à ses membres... confié l'important mandat d'étudier la question du droit de mourir dans la dignité. En février et en mars 2010, nous avons entendu une trentaine d'experts qui sont venus nous informer sur les conditions et les soins de vie, sur les réflexions et modalités éventuelles du droit à l'euthanasie et au suicide assisté ainsi que sur les différentes définitions. Nous avons été littéralement éduqués sur les questions d'ordre légal, médical, moral, social et éthique qui entourent la fin de vie d'une personne. Grâce à tous ces experts, les membres de la commission ont reçu une formation accélérée sur les différents enjeux qui entourent notre précieux mandat.
Nous avons par la suite, à l'aide d'une équipe douée... Je le redis parce que c'est donc vrai, nous avons par la suite, à l'aide d'une équipe douée, travaillé à l'élaboration d'un document de consultation publique. Au fur et à mesure des séances qui avançaient, nous avons vite constaté que le sujet était plus que délicat et que tout... et que le tout méritait une attention particulière. En effet, malgré que nous allons toutes... Nous... Vous avez vu pourquoi que je ne les écrit jamais, hein? Parce que je m'enfarge comme ça. En effet, malgré que nous allons tous y faire face, le sujet de mourir reste quelque peu tabou.
En fait, nous avons élaboré un document de consultation qui avait trois objectifs: celui d'informer la population; celui de répondre le plus précisément aux questionnements de la population; et finalement celui de susciter la participation de la population. Nous sommes particulièrement fiers du troisième objectif, car, jusqu'à présent, et les chiffres restent toujours un peu approximatifs, la commission a reçu, mémoires et demandes d'intervention, 326, et 6 774 réponses au questionnaire en ligne. Nous pouvons déclarer, Mme la Présidente, mission accomplie.
Nous avons amorcé une phase de consultation publique, dès septembre 2010, dans huit villes québécoises: Montréal, Québec, Trois-Rivières, Saguenay, Rimouski, Sherbrooke, Gatineau, et la tempête de Saint-Jérôme, ce qui nous a permis d'aller à la rencontre des citoyens du Québec et leur permettre de prendre part en plus grand nombre au processus de réflexion des parlementaires. Lors de ces consultations, nous avons remarqué que les arguments en faveur étaient également utilisés par les tenants du contre, et l'inverse était tout aussi frais... tout aussi vrai. Chacun des côtés, on a argumenté qu'il n'était pas louable d'imposer à une personne ses propres valeurs, que le rôle du législateur est de protéger le choix et la sécurité de la personne.
**(17 h 50)** Nous avons été interpellés par le regard que l'on se doit de porter sur la dignité de la vie, sur le vieillissement de la population, sur ces maladies dégénératives qui nous ont quelquefois... qui nous sont quelquefois inconnues. Plusieurs recommandations se sont répétées, et les soins palliatifs ont été à l'honneur. Tous reconnaissent leur importance et la qualité des gens qui les pratiquent, du spécialiste au bénévole. Par contre, l'offre ne répond pas pour l'instant à la demande. Les régions nous ont longuement entretenus sur les difficultés d'offrir ces services à cause du manque de ressources financières disponibles, une meilleure reconnaissance du mandat d'inaptitude, un regard à porter sur les soins offerts dans nos centres de santé de longue durée, de la formation de l'actuel et du futur corps médical en regard aux soins à prodiguer en fin de vie.
Ainsi, dans chacune des villes que nous avons visitées, nous avons rencontré des citoyens extraordinaires qui ont pris le temps de se déplacer pour venir soit prendre la parole soit assister aux audiences. Alors, je profite de l'occasion pour remercier chaleureusement chacun d'eux d'être venus à notre rencontre. J'aimerais aussi souligner que tous les membres de la commission ont été vraiment impressionnés par la qualité des intervenants ainsi que la qualité des mémoires. Nous avons été aussi très touchés par la richesse de leurs propos, de leurs histoires, et nous les remercions d'avoir partagé avec nous leurs expériences et leur vécu.
Je voudrais également remercier tous les fidèles citoyens qui nous ont suivis via l'entremise d'Internet, merci de votre écoute. Merci également aux nombreuses personnes qui ont pris le temps de nous faire parvenir leurs commentaires et qui ont pris le temps de compléter notre questionnaire en version électronique et papier. À vous tous, nous disons merci.
Je tiens à mentionner que, dans chaque ville où nous avons été accueillis, nous avons écouté chaque intervenant de la même façon, c'est-à-dire avec ouverture et dans le plus grand respect de ses opinions. J'avoue que nous avons été quelquefois de très bons avocats du diable, comme on se plaisait à le dire. Nous avons tout mis en place pour mener un débat neutre sur la question et nous avons réussi à mettre nos considérations et opinions personnelles de côté afin d'être pleinement à l'écoute des gens, de leurs préoccupations, de leurs besoins. Nous avons été touchés, émus et honorés de la confiance des gens qui nous ont partagé des tranches de leur vie avec beaucoup de générosité.
Face à l'engouement que cette commission a suscité, nous nous réjouissons d'avoir lancé le débat, car il y avait, selon nous, la nécessité de le faire. En effet, nous avons constaté que les valeurs de dignité, de compassion, de respect, d'autonomie de la personne et du caractère sacré de la vie s'entrechoquent. Alors, chers collègues, nous avons peut-être terminé les audiences publiques, mais je tiens à vous rappeler, et en vous le disant je me le rappelle à moi aussi, que nous devons produire un rapport pour l'Assemblée nationale. Je tiens également à rappeler à notre auditoire qu'aucune décision n'a été prise, qu'aucune décision n'est déjà campée, que rien n'a encore été décidé. Toutefois, ce que je peux affirmer aujourd'hui, c'est que nous avons entendu les arguments des tenants du pour et du contre et que les inquiétudes de chacun des groupes seront considérées lors des délibérations en vue de la rédaction du rapport. Les attentes sont hautes, mais elles le sont de notre part aussi.
Dans le contexte actuel, il importe de rappeler que le concept de la dignité est très personnel et qu'il existe de multiples façons de concevoir sa vie et sa mort. C'est pourquoi, lors de la rédaction du rapport final, nous nous engageons à rendre justice à tous les témoignages entendus et à faire honneur à toutes les histoires de vie qui nous ont été généreusement partagées par les citoyens du Québec.
Nous terminons donc aujourd'hui cette deuxième grande étape, et je suis fière du travail que nous avons accompli jusqu'à présent. Je suis heureuse d'avoir eu la chance, avec mes collègues parlementaires, de participer activement à cette vaste consultation et, surtout, à ce débat unique et considérablement de société.
Si vous me permettez, Mme la Présidente, j'ajouterais quelques remerciements personnels. Ça me ressemble. Premièrement, à nos familles respectives, car il nous a fallu investir beaucoup de notre temps pour cette commission, et, chacun de nous le sait, ce sont les premiers à subir notre choix.
Deuxièmement, à notre collègue de Jacques-Cartier. Une belle surprise pour aujourd'hui, car, moi, je ne savais pas. M. Kelley, Geoff, affectueusement appelé M. le Président, fut le premier président, comme vous l'avez bien souligné, par contre maintenant est un allié de coeur pour cette commission jusqu'à la fin.
Merci et félicitations au personnel de l'Assemblée nationale qui a orchestré avec brio l'ensemble des consultations. Sans leur support, leur contribution et leur assiduité, cette commission n'aurait pas eu le succès et les répercussions qu'elle a aujourd'hui. Merci à vous tous, les recherchistes, les techniciens, les communications, la sécurité et, j'ose dire, ceux qui étaient là au début, qui nous ont quittés en chemin, parce qu'on en a, des gens qui nous ont suivis, qui sont passés à autre chose pour d'autres choix, et c'est tout à fait correct, mais qui ont travaillé avec un professionnalisme incroyable.
Finalement, j'ose le dire, la plus populaire de nous tous, avec raison, Anik, ou Mme Laplante, pour bien des gens, c'était... c'est elle qui a fait la différence entre être là ou pas.
Pour finir, et, cette fois-ci, je vous rassure, je vais dire comme la dame: C'est vraiment pour finir, je veux vous dire une citation qui a toujours reflété, je crois, ce que nous avons fait et qui reflète ce qu'on fait habituellement à tous les jours, c'est-à-dire... c'est-à-dire... J'essaie de me retrouver dans mes affaires, parce que, quand je lève mes yeux, je me perds un peu. Mais le travail d'équipe... Et là je prends 30 secondes pour vous dire que, vous savez, tous ces gens qui nous ont dit qu'ils étaient fort ordinaires, gardez-les en tête, parce que ces gens ordinaires font de nous... ils font que le travail d'équipe, c'est ce qui permet à des individus ordinaires d'atteindre des résultats extraordinaires. Je voudrais 30 secondes pour vous dire personnellement merci. Je n'aurais jamais pensé vivre ça de toute ma vie. Alors, à chacun d'entre vous, quel que soit le poste que vous occupez, collègues, gens qui nous ont accompagnés, ce fut une expérience, jusqu'ici...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: ...extraordinaire. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, vous avez dépassé votre temps, Mme la députée de Mille-Îles, mais c'était pour une bonne cause. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la vice-présidente, députée de Joliette, la très passionnée députée de Joliette. Alors, la parole est à vous pour vos remarques finales.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, vous imaginez sans doute que c'est aussi avec une grande émotion que je prononce ces remarques finales aujourd'hui. J'ai peine à croire que nous en sommes aux remarques finales, car il me semble que ça ne fait pas si longtemps qu'on a commencé cette vaste consultation, ce grand apprentissage personnel, parlementaire et, je dirais, de société. Et donc, aujourd'hui, en terminant cette étape, cette étape de consultation de 29 jours, où j'ai été présente pendant 28 jours et demi -- il y a une petite demi-journée à Saint-Jérôme, à cause de la tempête, qui m'a embêtée -- il y a beaucoup de sentiments, évidemment, qui m'habitent.
Le premier, c'est qu'en déposant cette fameuse motion, le 3 décembre 2009, visant à créer la commission spéciale, qui d'ailleurs, je crois, porte très bien son nom de Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, j'avais le sentiment qu'on prenait un pari, mais qu'on prenait le bon pari. Et j'en ai vite eu confirmation, parce que, d'abord, j'ai vu qu'il allait être relevé à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires, qui ont donné leur aval à ce travail non partisan. Et depuis on a pu constater cette unité, cet esprit de collaboration exceptionnel qui a permis à cette importante commission de voir le jour et de laisser place au débat. Ainsi, on a montré aux Québécois que nous ne nous mettions pas la tête dans le sable et que nous faisions face à nos responsabilités d'élus, c'est-à-dire de permettre au débat de se dérouler respectueusement avec tous ceux et celles qui avaient envie d'y participer, pour que ce ne soit pas un débat qui soit l'apanage d'experts, de médecins ou de ceux qui ont la chance d'avoir une tribune, mais bien un débat de société avec tous les citoyens.
**(18 heures)** En adoptant cette motion, je pense qu'on a fait confiance, et, quand on est guidés par la confiance, par la volonté d'écouter les gens, d'aller au fond des choses, de permettre au débat de se faire, on ne peut jamais être perdants. C'est le sens le plus noble de la démocratie, et je suis très heureuse qu'on ait relevé le défi. On a eu raison d'avoir confiance, parce que les Québécois sont des gens incroyablement ouverts et respectueux, et ils l'ont montré une fois de plus. Malgré la sensibilité des enjeux que nous avons étudiés, le tout s'est déroulé dans un climat très serein. Ça prouve d'ailleurs, je pense, notre grande maturité, et c'est toute la société qui est gagnante quand on réussit à aller au fond des choses d'une telle manière. On a avancé beaucoup, j'en suis convaincue.
Mais on constate aussi à quel point c'était le bon pari quand on voit l'intérêt que le débat a suscité -- ma collègue en a parlé -- et c'est ce qui explique d'ailleurs que nous en sommes au 22 mars et que nous n'avons toujours pas terminé, que nous ne terminons qu'aujourd'hui nos consultations, que nous pensions à l'origine avoir terminées bien avant Noël. Parce qu'après les experts c'est les citoyens qu'on voulait entendre, et c'est réussi, parce que les trois quarts des mémoires et des demandes d'intervention proviennent de citoyens. Je pense qu'on peut dire qu'on a entendu cette fameuse majorité silencieuse, ou du moins une partie de cette majorité silencieuse. Et on a beaucoup apprécié aussi entendre les acteurs du milieu de la santé, qui sont venus en grand nombre témoigner de leur réalité, qui sont venus nous parler, dans certains cas, très franchement des lacunes du système actuel, des différences entre l'idéal et la réalité, des pistes d'amélioration à explorer. Ils nous ont aussi parlé abondamment de leur vision, de la vision qu'ils avaient de leur rôle de médecins, d'infirmières, d'aidants. Et je remercie aussi tous les organismes -- je pense notamment à ceux qui représentent les aînés, qui sont venus en grand nombre -- parce qu'ils nous ont livré des réflexions de haut niveau. D'ailleurs, je veux remercier toutes les personnes, sans exception, qui sont venues témoigner, pour leur incroyable générosité, particulièrement ceux et celles qui nous ont relaté des histoires très personnelles et souvent très difficiles. Je veux les remercier de la qualité des présentations, des compléments d'information, des interactions si riches qu'ils nous ont permis d'avoir avec eux. Je suis très impressionnée par la profondeur des réflexions qu'on a entendues.
Et, pour tous ceux qui nous disaient que les gens ne sauraient pas s'y retrouver, que c'est excessivement complexe, que les définitions portaient à confusion, eh bien, j'ai des petites nouvelles. Je pense que l'exercice a montré à quel point les gens ont pris le temps, sont allés au fond des choses, et à quel point on a pu discuter sur des bases communes. Tous ont saisi, je pense, la complexité des enjeux. Plusieurs nous ont d'ailleurs rappelé, avec grandeur d'âme, l'ampleur du mandat qui nous attend maintenant, celui d'en arriver avec le meilleur rapport possible, les bons constats, les meilleures recommandations. Je les remercie, mais je veux leur dire qu'on en est bien conscients.
On a essayé de... de traverser cette aventure avec la plus grande diligence, et je pense que nous sommes allés à un rythme très important. Et je me souviens du Collège des médecins, qui n'en revenait pas quand il est venu comme expert, en février, qu'entre le moment où ils avaient déposé leur rapport, en octobre, et février on en était déjà à avoir mis en place une commission, et qu'on était en train de les entendre, parce que c'est eux, on le sait, qui sont un des premiers dans la nouvelle... je dirais, dans les deux dernières années, à avoir demandé que ce débat-là se fasse.
Et je peux dire que je suis convaincue qu'on va agir maintenant avec la même diligence. Mais c'est un travail très imposant qui nous attend, que nous ferons avec tout le sérieux requis, et nous tenterons de nous baser sur un fil conducteur qui est le respect de la personne dans toute la complexité de sa vie, de sa fin de vie et de sa mort, ce qui implique évidemment le respect de sa dignité et qui implique aussi le respect de principes qui nous apparaissent être le fondement de notre société, comme la solidarité, le soutien aux personnes malades et souffrantes, la compassion.
Les sujets sont vastes. Évidemment, je n'ai pas ici le temps de rappeler tous les enjeux, les sous-enjeux et les questions qui nous ont été soumises, je ne saurais certainement pas rendre justice à... à tout ça. Mais assurément on soulève des questions fondamentales, et on va devoir se poser des questions qui, je vous dirais, vont aller du très philosophique, comme on l'a vu dans nos débats sur la dignité et le sens à donner à la dignité, au très concret et pratico-pratique. Et c'est ce qui fait que cette commission a été si passionnante. Mais je pense qu'on peut affirmer qu'il y a trois grands sujets qui vont occuper assurément nos discussions.
Le premier concerne, bien sûr, les soins palliatifs et l'importance, convenue par tous, de les rendre plus accessibles. Mais aussi il faudra questionner sur la meilleure manière de poursuivre leur développement, en privilégiant une approche mixte, comme pour l'instant, c'est-à-dire hôpitaux, CHSLD, les maisons de soins palliatifs, à domicile ou en favorisant, par exemple, un lieu de dispensation plus qu'un autre. Que dire de la formation, dont on nous a tellement parlé? Que dire du moment où les soins palliatifs devraient entrer en jeu? Devraient-ils être intégrés plus tôt dans les soins fournis à la personne? Quelles avancées peut-on prévoir pour les personnes qui souffrent de maladie dégénérative? Nous devrons aussi nous arrêter aux conditions très matérielles de fin de vie: peut-on mourir dans l'intimité?, de la place, aussi, qui est faite à la sédation palliative et terminale, de la nécessité peut-être d'encadrer davantage ces pratiques avec des protocoles. Les questions d'équité, d'accessibilité et d'encadrement seront cruciales.
Le deuxième sujet, c'est évidemment celui qui est relatif au respect des volontés exprimées par la personne. Le Code civil, en 1994, a consacré le principe de l'autonomie, mais il se contente de dire que, lorsque la personne ne peut consentir, ses proches devront tenir compte, dans la mesure du possible, des volontés qu'elle a pu exprimer. Dans le cours de nos travaux, nous avons pu constater à quel point plusieurs souhaitent voir leurs volontés respectées, mais aussi comment il existe encore certains relents de paternalisme. Comment devrait se jouer cet équilibre, comment devrait-on faire l'équilibre? Devrait-on prévoir des mécanismes pour que les volontés soient automatiquement versées au dossier médical? Devrait-on y accoler une valeur légale contraignante pour la famille et l'équipe traitante? Peut-on simplifier la vie des gens qui souhaitent exprimer leurs volontés en fournissant des documents standardisés? Devrait-il même y exister un registre des directives? Autant de questions auxquelles nous devrons répondre.
Et finalement, bien entendu, la question de l'ouverture possible à une aide médicale à mourir, qu'il s'agisse d'euthanasie ou de suicide assisté, occupera une grande place dans nos discussions, car nous n'avons pas l'intention de fuir cet important débat. Les arguments sont nombreux, complexes, et je ne les reprendrai pas, rassurez-vous. Mais la tension qui s'est exprimée le plus vivement est sans doute celle qui s'exerce entre la valeur de l'autonomie de la personne et celle du caractère sacré de la vie ou de l'importance de préserver la vie à tout prix. On sait que la valeur de l'autonomie a été consacrée dans notre Code civil, dans nos chartes, en matière de refus de traitement et d'arrêt de traitement. Il faudra maintenant voir si cette valeur doit nous amener plus loin et permettre une aide médicale à mourir pour des personnes qui le demanderaient dans des circonscriptions exceptionnelles ou si on doit plutôt faire place aux craintes qui nous ont été exprimées quant à différentes dérives possibles, quant à l'impact sur le développement des soins palliatifs.
Et ultimement on doit se demander: Qu'est-ce qu'il faut offrir aux personnes qui se retrouvent dans des situations excessivement difficiles en fin de vie? Quelles réponses peut-on offrir à ces personnes? La dignité, c'est quoi? Mourir dans la dignité, c'est quoi? Et je pense qu'en tentant des réponses à ces questions, tous ensemble, nous allons évoluer vers des recommandations qui sans doute seront les bonnes.
Nous savons que les espoirs en nous sont grands, les attentes sont énormes, Mme la Présidente, et nous tenterons d'être à la hauteur. J'ai confiance que nous allons réussir parce que j'ai appris, comme ma collègue de Mille-Îles, à découvrir des collègues, des deux côtés, d'une grande humanité, d'une grande écoute et surtout qui ont toujours affiché une volonté de travailler pour le bien commun sans aucune partisanerie, sans aucun a priori. Et d'ailleurs je veux les remercier, car cette expérience a été marquante. Et, si elle a été si marquante, c'est grâce, selon moi, à ce climat qui a permis aux gens de s'exprimer si librement et de voir que les parlementaires étaient capables de mettre leurs opinions partisanes de côté quand le bien supérieur de la société le commande.
Et maintenant je sais que c'est dans ce même esprit que nous allons amorcer nos discussions, ce qui encore me donne une grande confiance malgré la fébrilité -- je ne sais pas pour vous -- mais qui m'habite et qui habite, je pense, beaucoup de gens quand on sent qu'on est en bas de la montagne et qu'on va devoir l'escalader, qu'on ne sait pas trop en combien de temps et dans quel état on va parvenir au sommet. Peut-être va-t-on être essoufflés, peut-être allons-nous avoir quelques petites douleurs ici et là, mais, j'en suis convaincue... je suis convaincue qu'on y arrivera, tous ensemble, avec le sentiment d'avoir relevé un grand défi, avec le sentiment du devoir accompli, car cette montagne, nous ne l'aurons pas montée seuls mais avec tous ces gens qui ont misé sur nous pour faire en sorte que la fin de vie soit une étape de la vie considérée avec toute l'importance qui doit lui revenir et avec tout le respect, la compassion et la solidarité que l'on doit aux personnes qui en sont à cette étape ultime de la vie.
**(18 h 10)** Alors, en terminant, Mme la Présidente, moi aussi, je veux remercier quelques personnes. Je veux d'abord remercier les collègues qui ont permis à cette commission d'aller autant au fond des choses, parce que ce n'était pas une opposition, c'était un relais. On retournait chaque pierre une après l'autre, on complétait les échanges avec ce que certains avaient couvert, d'autres moins. Nous avions chacun nos dadas, nos sujets de prédilection, nous l'avons vite remarqué.
Ça a été vraiment un plaisir, un plaisir de travailler avec toute l'équipe de l'Assemblée nationale: évidemment, au premier chef, avec Mme Laplante, qui a fait des miracles, qui a permis à tous de se sentir à l'aise. Et ça a peut-être l'air facile d'organiser une telle commission, mais je me souviens des premières rencontres avec notre président, qui était fort expérimenté, mais, moi, du haut de mon année d'expérience, j'avais parfois des sueurs à voir comment on allait faire en sorte que tout ça atterrisse convenablement. Et je pense qu'on peut dire que ça a été le cas, et c'est beaucoup grâce au travail de Mme Laplante, secondée merveilleusement par Claire, Claire Vigneault, qui a, elle aussi, fait des petits miracles.
Évidemment, l'équipe de recherche, qui est exceptionnelle, avec Robert Jolicoeur, avec Hélène Bergeron, avec David Boucher, qui ont été d'un précieux soutien et qui vont l'être encore, on le sait, parce que, sans eux, on serait bien peu de choses pour la suite des choses.
Nos équipes respectives, j'ai de la misère même à dire «nos équipes respectives», mais avec Marie-Élaine Dufour Bergeron, avec Catherine Guillemette, et, moi, de mon côté, il y a aussi eu Matthieu Leclerc, puis il y a aussi eu Guillaume Rousseau, parce que cette commission s'est étendue, et aux gens de la sécurité, aux gens des communications, Jean-Philippe Laprise, je veux vraiment dire un merci sincère. On a développé un peu un esprit de famille, parce qu'on s'est promenés partout au Québec, et c'est ce qui nous a, je pense, permis d'avancer autant et collectivement avec les gens qui sont venus nous éclairer.
Et, en terminant, bien sûr, je voudrais remercier l'ex-président, mais, dans notre coeur, il sera toujours le président, le député de Jacques-Cartier, parce que ça a été vraiment un bonheur, et je le dis tout à fait franchement, de pouvoir évoluer, de pouvoir apprendre à ses côtés aussi sur les aspects... tous les aspects des travaux de la commission. Il a dirigé les travaux de manière exceptionnelle.
Et ça a été un grand choc quand, le matin même d'une journée d'auditions à Montréal, j'ai appris que je devais présider parce qu'il était maintenant ministre et qu'il n'allait plus présider. Je m'en suis remise, je crois, mais ça a été très long, parce qu'on avait cette belle synergie, cette belle entente, et je savais à quel point il était précieux pour nos travaux. Mais je dois vous dire que j'ai découvert en la personne de notre nouvelle présidente quelqu'un de tout aussi dédié, de tout aussi passionné par ce mandat et qui a assisté à l'ensemble de nos travaux, ce qui est, je crois, bien rassurant pour la suite. Donc, merci à notre ancien président, merci à notre nouvelle présidente.
Et, en terminant, merci surtout à tous ceux qui nous ont aidés dans ce travail, parce que nous sommes des parlementaires, des élus, nous ne sommes pas des experts, et, sans les gens qui sont venus nous éclairer, nous serions aussi bien peu de chose. Alors, merci d'être embarqués avec nous dans cette aventure sans précédent, parce que je pense que, tous ensemble, on va arriver à bon port. Merci.
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, vous aussi, vous avez dépassé votre temps, Mme la vice-présidente, mais je pense que...
Mme Hivon: Je n'en doute pas. Je me suis payée la traite.
La Présidente (Mme Gaudreault): On a... Il faut faire les choses de belle façon, comme on l'a fait depuis le début. Et c'est pour ça, on a parlé de montagne, et tout ça, et je pense que c'est notre sherpa à tous qui nous a menés jusqu'ici, le député de Jacques-Cartier, Geoff. Alors, je suis très heureuse qu'il ait accepté de s'adresser à nous et à l'ensemble des personnes qui ont contribué à cette commission. Il demeure un membre honoraire de cette commission même s'il n'est plus officiellement membre, et il a certainement... il viendra prendre part à nos séances de travail quand il le pourra. Alors, Geoff, si tu veux bien partager tes sentiments avec nous aujourd'hui. Merci.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Merci beaucoup, parce que ça me donne une occasion finalement de publiquement exprimer qu'est-ce que j'ai dit privément à certaines des personnes, que le matin du 3 février était un matin extraordinaire pour moi, très spécial, parce que tout le monde qui me connaît connaît à quel point le défi de nos relations avec les premières nations du Québec, c'est quelque chose que j'ai toujours tenu à coeur. Alors, quand le premier ministre m'a demandé de reprendre ces fonctions, j'étais plein de joie, plein d'émotions, mais avec un sentiment de culpabilité aussi, parce que j'étais supposé d'être à la chaise à Montréal, à l'Hôtel Omni, à 9 h 30 le matin. Alors, j'ai envoyé un message un peu cryptique à Mme Laplante en disant que, peut-être, c'est mieux de commencer avec la vice-présidente ce matin parce que j'ai un certain empêchement, parce que tous ces genres de nouvelles sont sous embargo et grand secret de l'État. Alors...
Mais ça me permet aujourd'hui de témoigner encore une fois formellement à quel point, dans mes 16 ans de vie parlementaire, la commission spéciale était vraiment spéciale, et c'était vraiment une occasion privilégiée d'engager la population sur les questions les plus importantes, les plus fondamentales: le respect de la vie, la fin de la vie, la protection des personnes qui sont les plus vulnérables dans notre société sont des très grands enjeux. Et, moi, je me rappelle, on a fait notre séance avec nos experts et, après ça, confectionné un document de consultation, et c'est dans la... à côté, ici, nous avons lancé ça une journée, fin mai, de mémoire, 2010. Et c'est comme toutes les choses dans la vie où le produit est lancé, on a fait appel à la population. On ne sait pas ça va être quoi, la réponse, et on a trouvé que l'expérience avec l'expert était formidable.
Il y avait un très grand intérêt des médias, et je pense que ça, c'est très important aussi, parce que, si on veut engager la population, les médias ont toujours un rôle très important à jouer. Ils ont répondu à l'appel. Il y avait les panels, il y avait des discussions sur les ondes de la télévision, la radio, dans nos journaux, pour interpeller la population. Mais on ne sait jamais. Alors, on est en... fin juin, début du mois de juillet, j'appelais Mme Laplante tout le temps pour voir: Est-ce qu'on a reçu le mémoire? Est-ce qu'il y a une personne qui veut venir nous voir et témoigner? Et on savait qu'on était dans des questions très importantes, mais, avant que la réponse arrive, on est toujours un petit peu dans le doute.
Alors, c'est avec énormément d'humilité mais de fierté qu'on a vu la qualité de la réponse des mémoires à travers le Québec. Les chiffres ont été déjà évoqués, plus de 300 personnes et... La chose qui m'a frappée, c'est... les mémoires qui sont venus sont de deux ordres: Il y avait des idées... les mémoires basés sur les idées, les grands principes, et c'est très enrichissant. Les personnes qui ont mis beaucoup de pensées, beaucoup de temps pour développer les arguments pour alimenter le débat, alimenter les discussions. Alors, on a toute une gamme de réflexions personnelles, des organismes, Mme la députée de Joliette a évoqué les regroupements des aînés qui ont fait les... le colloque, qui ont fait les débats, pour et contre, ont élaboré une position.
Alors, au niveau d'un exercice démocratique, un exercice populaire, c'était vraiment formidable. Je vois les personnes ici qui ont assisté à plusieurs, sinon l'ensemble, de nos débats, merci beaucoup pour votre intérêt aussi, parce que, avant tout, c'est pour les citoyens. Nous autres, on est les véhicules comme des élus, mais ça, c'est vraiment un débat qui touche toute la population dans les moments les plus sensibles. Et, moi, quand j'ai présidé... Moi, mes deux parents ont décédé dans une maison de soins palliatifs, alors, chaque fois qu'on a évoqué ça, inévitablement, comme être humain, j'ai pensé à mon père, j'ai pensé à ma mère, j'ai pensé à ces moments difficiles mais enrichissants pour la famille Kelley, parce que c'est vraiment ces moments d'adieux avec nos proches... sont les moments qui sont inoubliables dans nos vies.
Et ça m'amène au deuxième type de mémoires que nous avons reçu: le témoignage des personnes qui ont parlé de ces moments forts, ces moments difficiles dans leur vie. Et d'avoir le courage, souvent très peu après le décès d'un proche, de venir témoigner dans le micro... Je salue encore une fois leur courage, parce que ce n'est pas facile de partager ces moments très intimes, très intenses dans nos familles. Mais ils ont fait ça, et c'est très enrichissant pour notre réflexion.
Quant à l'organisation des soins palliatifs, quant à la formation de nos médecins, les infirmières, des autres professionnels médicaux, on a appris beaucoup sur l'approche, des lacunes, des choses qui vont bien, et comment on peut les améliorer. Alors, ça va être un défi pour la rédaction du rapport, mais je suis très confiant que l'équipe qui est ici va répondre avec brio au défi.
**(18 h 20)** Alors, ces mémoires... le premier remerciement, c'est vraiment à la population dans son ensemble, parce que je suis très fier. Et, comme député, j'ai assisté dans beaucoup de commissions, mais c'était vraiment une occasion unique dans ma vie parlementaire de participer et de présider, de travailler avec vous autres, alors... Le deuxième remerciement, c'est vraiment aux collègues aussi, parce qu'on a fait nos «road trips» ensemble. Nous avons voyagé au Québec, en plus de nos devoirs comme députés, parce que chacun a un comté, chacun a des commettants qui aimeraient nous voir pour corriger une situation ou demander... ils ont un beau projet qu'ils aimeraient qu'on devienne leurs avocats ici, à Québec, alors, de trouver le temps additionnel quand le temps est déjà tout pris pour voyager de Gatineau à Rimouski, en passant par Saguenay, et Sherbrooke, et Québec, et Trois-Rivières, et Saint-Jérôme, pour vous autres, bravo, mais c'était vraiment... Moi, je pense qu'il faut, dans la mesure du possible, amener les parlementaires à la population, aller sur le terrain. Nous avons fait, quand j'ai présidé la Commission des affaires sociales, une commission itinérante sur le phénomène d'itinérance, et c'était très enrichissant aussi d'aller sur le terrain.
Alors, mes sentiments de culpabilité, le 3 février, étaient un petit peu moindres parce que je savais qu'il y a d'excellents collègues ici qui vont amener les travaux de la commission jusqu'à la fin. Je ne suis pas si loin, alors je suis toujours disponible au niveau du partage de mes expériences, mes commentaires, pour amener cette commission à une conclusion qui, je pense, va refléter la qualité des débats et la qualité des interventions.
Et finalement, comme j'ai toujours fait, oui, les députés, on fait notre travail, mais, pour nous, d'en arriver ici, ça prend des équipes de soutien qui sont formidables. Alors, mon ami Christian Croft, qui est toujours fidèle au niveau de l'enregistrement de nos débats, l'équipe de la sécurité, Robert et Hélène, et l'équipe de la bibliothèque, la recherche que vous avez faite. Et, quand les membres de la commission ont dit, quelques semaines plus tard: Je pense qu'il y avait une madame à Rimouski, ou peut-être que c'était à Saguenay, qui a dit, dans un commentaire, et Robert était toujours capable de trouver la citation, trouver l'exemple qui était cité pour retourner ça à nous autres. Alors, merci beaucoup pour votre travail.
Mme la Présidente, merci beaucoup d'avoir accepté de me remplacer. Je suis très confiant que vous allez présider les séances de travail subséquentes de manière très correcte, parce que vous êtes avant tout une femme d'une très grande passion sur ces questions. Nous avons partagé, avant même de commencer ces travaux, vos expériences dans le centre de soins palliatifs à Gatineau; nous avons déjà discuté ça ensemble. Alors, je suis très confiant, avec la vice-présidente, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir de travailler ensemble, et vraiment c'est à l'honneur de l'Assemblée nationale de créer un climat où on peut aborder ces questions importantes... Je pense qu'on reflète bien qu'est-ce qu'un député peut faire dans notre société. Alors, je suis très fier de ce travail.
Et, juste en terminant, j'ai eu l'occasion de travailler pendant quatre ans avec la secrétaire de cette commission et la Commission de la santé et des services sociaux, Mme Anik Plante, qui est... en anglais, on dit «miracle-worker», quelqu'un capable de faire des miracles. On peut arriver dans une ville, les mémoires arrivent, les témoins arrivent, tout est beau. On peut avoir une tempête de neige, on peut avoir mille et une autres choses, mais ça fonctionne, et c'est comme la main invisible qui dirige tout ça. Mais, Anik, honnêtement, nous avons travaillé ensemble quatre ans, vous avez fait honneur à l'Assemblée nationale parce que vous faites un travail extraordinaire. Alors, ça me donne une occasion, en terminant, de dire publiquement à Mme Laplante, encore une fois, c'est ma nomination pour l'employée de l'année.
Alors, sur ça, Mme la Présidente, merci beaucoup de me donner l'occasion de participer dans la séance finale de cette commission spéciale très importante.
La présidente, Mme Maryse Gaudreault
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et on reconnaît votre expérience, parce que vous avez couvert tous les volets qu'on devait... qu'on devait aborder pour souligner la fin de cette étape si importante.
Je voudrais à mon tour aussi remercier les personnes qui nous ont suivis tout au long de ces travaux. M. Bureau, vous avez été là presque toujours lorsque nous étions ici, à Québec; Mme Couture, vous avez aussi visité toutes les villes du Québec avec cette commission; Mme Bolduc, Mme Hudon, vous faites partie des personnes qui ont vraiment suivi nos travaux de très près.
Je veux remercier la population, moi aussi, à mon tour, parce que, vous savez, les travaux de cette commission ont suscité une participation et un intérêt inégalés dans l'histoire de ce Parlement. C'est vraiment... les témoignages personnels, l'ensemble de la population ont crié «présent» lorsqu'on a voulu, comme Mme la députée de Joliette a lancé... lorsque nous avons lancé ce pari.
Et aussi ce qui marque cette commission, c'est les témoignages personnels. Les gens sont venus partager une tranche de leur vie, un moment très important, la fin de la vie d'un proche, et ça, vraiment, pour nous, c'était... c'était exceptionnel de pouvoir compter sur la confiance de nos citoyens. Parce que c'est de ça dont il est question. Les experts, aussi, qui sont venus nous parler d'arguments religieux, juridiques, médicaux, éthiques, comme ma collègue de Mille-Îles a bien présenté tout à l'heure. Il y a eu aussi toutes les personnes qui ont déposé des mémoires, qui sont venues nous les présenter mais qui n'ont pas pu venir le faire, mais, quand même, ils seront pris en compte dans nos délibérations.
Les nombreuses demandes d'intervention, micro ouvert. Et le questionnaire. Vous savez, il y a près de 7 000 personnes qui ont pris le temps de compléter ce questionnaire. C'est une première dans l'histoire des commissions parlementaires. Et, ne vous inquiétez pas, les résultats de ce questionnaire feront partie de notre rapport final, et pour vraiment partager avec l'ensemble du Québec les positions des personnes qui ont complété le formulaire.
Merci, comme vous l'avez fait, M. le président, aux représentants des médias. Parce que, même si on travaillait ensemble très, très fort, le fait que les médias étaient constamment à l'écoute de nos travaux, ils ont vraiment permis à l'ensemble des Québécois de prendre le pouls de ce qui se faisait ici, à même cette commission. Nous avons fait oeuvre et pédagogique, à mon avis; on a pu susciter des discussions dans les chaumières du Québec. Et je pense que, juste à cet égard, c'est un grand succès, notre commission. Je veux remercier aussi les gens de La Maison de soins palliatifs de La Rivière-du-Nord, qui nous ont accueillis, on a visité la maison, qui ont partagé leur vécu, le vécu de leurs patients avec nous. Alors, ça, ça a été une invitation qu'on a vraiment acceptée avec enthousiasme. Alors, merci à ces gens-là. Merci à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à cette commission. Puis là je vais prendre le temps de les nommer.
Il y a des personnes qu'on n'a pas nommées, et c'est sûr qu'Anik Laplante, vous comprendrez que c'était très difficile pour notre ego, parce qu'on arrivait dans les villes, et les gens voulaient voir Anik Laplante.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Gaudreault): Alors, c'est... et nous comprenons maintenant vraiment pourquoi les gens étaient vraiment touchés par l'accueil d'Anik. Il y a des gens qui nous ont dit... qui nous ont confié que, si ça n'avait pas été d'elle, ils ne seraient pas venus. Ils n'auraient pas eu le courage de venir ici devant nous. Alors, vraiment, Anik, tu as été une personne déterminante dans le succès de cette commission.
Il y a Pierre Lessard-Blais, aussi, qui a été là pendant de nombreuses auditions, qui était aussi un homme charmant, très humain et que les gens appréciaient énormément, avec toujours un sourire et un accueil très chaleureux. Quand les gens arrivaient, ils sont toujours très nerveux, lorsqu'ils viennent faire des présentations devant des députés, mais là, vraiment, Pierre Lessard, peu importe où tu es, on te remercie.
Mme Vigneault, qui est toujours très présente, qui est une source d'information inépuisable. Hélène Bergeron, David Boucher, Robert Jolicoeur, vous, votre travail n'est pas terminé. Vous allez nous accompagner jusqu'à la fin. Et nous sommes très confiants que nous allons tous arriver à destination avec votre compagnie. Jean-Philippe Laprise, aussi, vous savez, les médias, on en a parlé, il y a eu un engouement de la part des représentants des médias, c'est Jean-Philippe qui a vraiment géré tout ça, avec nous, avec nos horaires qui ne sont pas toujours faciles à gérer.
Il y a aussi la Direction de la diffusion des débats. Si les citoyens pouvaient suivre nos travaux depuis le confort de leur résidence c'est, d'abord et avant tout, à cause de leur professionnalisme. Alors, Joël Guy, Christian Croft, Patrice Leblond et Jérôme Lapointe, ce sont toutes des personnes qui ont vraiment travaillé très fort pour assurer une bonne communication entre la commission et les citoyens.
Il y a la sécurité, parce que vous comprendrez que c'est beaucoup de gens à gérer, et puis... Il y avait Éric Bédard, Normand Messier, Norman Paradis, Joane Chevalier, Nadia Poudrier, qui nous ont accompagnés partout. Ils étaient un peu nos gardes du corps lorsqu'on se déplaçait dans les villes.
Il y a aussi des députés qui ne font pas partie de la commission mais qui ont contribué à leur façon, lorsqu'on visitait leur ville, leur comté. Alors, Mme St-Amand, à Trois-Rivières, Danielle St-Amand. Mme Champagne, en cours de route, est devenue un membre de la... elle a tellement aimé ça qu'elle est devenue membre de la commission, alors on vous.. on ne... on vous compte parmi nous maintenant, puis on est très heureux. Il y a M. Grondin, aussi, de Beauce-Nord, qui est venu faire une prestation. M. Gaudreault, à Jonquière, M. Bérubé, à Matane, M. Pelletier, à Rimouski, M. Prévost, à Saint-Jérôme, et tous ces collègues ont vraiment souligné l'apport de... c'est-à-dire qu'ils ont souligné vraiment le côté inestimable de cette commission puis de cette expérience qu'ils nous enviaient tous.
**(18 h 30)** Parce qu'au début ce n'est pas tout le monde qui avait un intérêt marqué, mais ils ont vraiment pu voir la grande qualité des interventions dans le cadre de cette commission. Alors, ces collègues députées ont tous contribué à leur façon. Les recherchistes, nous, on a souvent plusieurs questions à leur soumettre dans des délais très courts. Alors, merci à Catherine Guillemette de sa patience, Matthieu Leclerc, Guillaume Rousseau, Martin Plante, Josée Vanasse, Marie-Élaine Bergeron-Dufour.
Alors, vous voyez, c'est un effort collectif qui nous a menés jusqu'ici. Et, moi aussi, à mon tour j'aimerais remercier les commissaires, les collègues, qui sont maintenant, je pense, des amis aussi, parce qu'on a partagé des soupers, des dîners, des déjeuners. On a partagé des émotions, des opinions, on a ri, on a ri, surtout grâce à notre collègue de Mille-Îles, qu'on a découvert son humour au cours de ces présentations. Et, même la population, elle a réussi souvent à vraiment dénouer certaines tensions, justement dues au sujet qui était discuté.
Et vous comprendrez que, pour moi, lorsque M. le président, dans une séance de travail du tout début, il avait dit, il avait mentionné que ça allait être un défi de maintenir l'intérêt jusqu'à la fin parce qu'il y avait l'élément de redondance; vous savez, 400 présentations! Mais je peux vous confirmer qu'on s'est chicanés jusqu'à la fin pour pouvoir poser des questions, parce qu'on était tous très, très passionnés par chacune des présentations. Alors, vous comprendrez que je les remercie. Ils sont le fil conducteur qui va nous mener à la fin et au dépôt de notre rapport.
Ce rapport, nous allons maintenant nous retirer pour nous pencher, poursuivre notre réflexion. Soyez assurés que nous sommes très, très conscients de la grande responsabilité qui nous incombe. C'est avec beaucoup d'humilité que nous allons mener cette commission à destination. Alors, merci. C'est la fin, vraiment, de cette période d'auditions publiques.
Alors, la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, ayant accompli la première partie de son mandat, ajourne ses travaux au jeudi 24 mars 2011, à 13 heures, pour une séance de travail afin de discuter du rapport de la commission. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 32)