(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission spéciale sur la Loi électorale ouverte. Je demanderais bien sûr à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.
M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) sera remplacée par M. Blackburn (Roberval).
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(9 h 40)
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Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, nous entendrons, ce matin, l'Action démocratique du Québec, et M. André Blais comparaîtra devant nous par vidéoconférence. Les membres du comité citoyen de la commission spéciale seront invités par la suite à conclure nos consultations particulières en formulant des remarques de clôture, et bien sûr les formations politiques également.
Auditions (suite)
Donc, je vois que M. Sébastien Proulx a pris place à la table des témoins. Il est directeur général de l'Action démocratique du Québec. Alors, bienvenue, au nom de tous les parlementaires et des membres de la commission, à notre Assemblée nationale, et je vous cède la parole pour une période de 20 minutes, après quoi nous amorcerons une période d'échange avec vous.
Action démocratique du Québec (ADQ)
M. Proulx (Sébastien): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Merci de nous recevoir ce matin. M. le président le disait d'entrée de jeu, mon nom est Sébastien Proulx. Je suis le directeur général de l'Action démocratique du Québec. C'est peut-être un peu particulier de voir le directeur général d'un parti se présenter, ce matin, seul, et je vous explique un peu le contexte dans lequel je suis ici ? certains imbroglios ont fait qu'on a été avisés un peu tard, là, de notre période pour se présenter ici, les délais de préparation étaient assez courts. Alors, je me suis fait un devoir de me présenter ici parce que, bon, les sujets sont d'intérêt pour moi, sont d'intérêt pour l'ADQ, et, ayant participé de toute façon, dans le passé, à ces réflexions-là, j'étais, je pense, tout désigné pour venir m'entretenir avec vous ce matin et répondre aux questions que vous aurez par la suite. Bien entendu, si la commission nous le permet, dans un deuxième temps ? j'ai discuté de ça avec M. Breault, je pense que ce sera possible ? l'ADQ pourrait revenir éventuellement, vers la fin, représenter peut-être des documents actualisés sur les discussions qui auront été faites, et, à ce moment-là, des gens autres que moi seront présents, là, pour les présenter.
Alors, j'ai vu M. le ministre, que je n'ai pas eu la chance de saluer personnellement, tantôt, avec qui on siège sur le comité consultatif: mes salutations ce matin.
Alors, comme je vous le disais d'entrée de jeu, notre formation politique est fort heureuse de participer à la présente consultation de la Commission spéciale sur la Loi électorale. À cet effet, comme je l'ai fait tantôt, nous vous remercions ? je le fais en mon nom, je le fais au nom de l'ADQ, je le fais au nom de notre commission politique et de nos membres ? et je remercie les membres élus ? et je salue les membres citoyens ? de nous donner l'occasion de se présenter devant vous.
On vous a fait circuler un document qui a été déposé en 2002. C'est un document qui est assez complet, qui regroupe l'ensemble de nos propositions au programme en matière d'institutions démocratiques, qui ont été faites lors de l'autre consultation ? le groupe de M. Béland, entre autres, là ? qui avait été déposé, et je vous invite, là, à en prendre connaissance. Ce document-là donne les grandes lignes de nos orientations. Bien entendu, nos comités, notre commission politique travaillent à actualiser certaines propositions. Alors, si vous avez des questions par rapport à ça, je vous répondrai. Dans la mesure où notre commission politique n'a pas encore terminé son travail, j'aurai tout le loisir de vous en aviser, et on vous reviendra par la suite.
Comme nous le disions en introduction, dans un mémoire préparé pour les états généraux en 2002, ainsi, dès 1995 notre formation politique reprenait le thème de la réforme des institutions pour en donner une version adaptée aux réalités des grandes démocraties modernes. Depuis, notre réflexion n'a jamais cessé, et notre programme, reflet de cette réflexion, s'est enrichi d'idées tantôt généralement reçues, tantôt novatrices, mais toujours sous le signe du citoyen d'abord. Depuis 1995 donc, l'ADQ, qui a fêté ses 10 ans l'an dernier, s'est préoccupée de ces questions-là, toujours en pensant qu'on devait remettre la démocratie dans les mains des gens, et ce n'était pas aux politiques à fixer les façons de faire, mais c'était à la société à fixer et à déterminer aux politiques dans quelle mesure, dans quelle proposition, dans quel contexte on souhaitait voir nos élus travailler.
Notre démarche dans le cadre de la présente consultation sera faite en deux temps, comme je vous le disais, puisque nous reviendrons déposer des documents actualisés par la suite. Davantage qu'une réponse pointue à l'avant-projet de loi, ce matin, la présentation a pour but de rappeler les éléments de programme adéquiste et de sensibiliser les membres élus et citoyens de la commission. C'est donc un survol des 10 années, là, que je m'apprête à vous partager.
L'ADQ entend suivre avec intérêt les travaux de la commission, surveiller, presser et surtout talonner le gouvernement afin que ce travail ne demeure pas lettre morte. Je vous avoue, je suis moi-même un jeune politicien, si vous me prêtez l'expression, ça fait déjà quelques années que je milite au sein de l'ADQ, que je fais de la politique québécoise, et je suis toujours un peu désespéré de voir que ces travaux, entre autres des commissions comme celle-ci, ne finissent pas par accoucher, dans des délais raisonnables, de réformes intéressantes pour les citoyens. On mobilise beaucoup de gens, on mobilise beaucoup d'argent et on mobilise des idées, on crée des momentums, et bien souvent on les échappe, pour des raisons sur lesquelles je n'ai pas de contrôle, lesquelles les gouvernements se font malheureusement, là, un vilain plaisir à concocter.
Les Québécois ont le droit d'exiger des changements démocratiques qui leur permettront une meilleure représentation. Comme je vous l'ai dit d'entrée de jeu, l'État leur appartient, le système électoral leur appartient. Toutes ces modifications à la Loi électorale devront donc les servir et non servir la finalité des partis politiques. Je commencerais par le mode de scrutin et je ferai un bref survol des points qui me semblaient intéressants dans l'avant-projet de loi.
L'ADQ réitère son intérêt pour la mise en place d'une composante proportionnelle qui permettra une véritable représentativité à l'électorat. Nier qu'il y a eu, au cours des dernières années, éclatement du bipartisme, hein, cette espèce d'habitude qu'on avait de l'alternance presque quotidienne d'élection en élection, c'est nier le droit des Québécois à une réelle représentation de leur idéologie. Nous avons le devoir de s'assurer que la distribution des sièges à l'Assemblée soit le plus fidèlement possible similaire, représentative du suffrage qui sera donné par les citoyens.
La proposition adéquiste par contre diffère de la proposition de l'avant-projet de loi sur certains points. Je vous en donne quelques-uns, j'aurai l'occasion d'y revenir, si vous avez des questions. D'entrée de jeu, nous sommes en accord avec la répartition des 127 élus: 77 députés de circonscription, 50 de députés de région ou de district. Nous sommes par contre d'avis qu'il y a lieu de restreindre le nombre de régions proposé. De mémoire, l'avant-projet de loi en propose 26, ce qui nous semble très élevé. Alors, nous, ce qu'on propose, c'était également dans notre programme, c'est que ces régions-là soient ramenées aux régions administratives du Québec. Ces régions, qui de toute façon existent, sont connues et empêcheront une espèce de capharnaüm, là, dans la façon de gérer, dans la façon d'apprendre, pour un citoyen, de ces nouvelles réformes.
Nous sommes d'avis que, si on veut amoindrir la perception qu'il existe une différence de légitimité entre les candidats de circonscription et les candidats provenant d'une liste dans une région donnée, il importe de ramener les régions aux régions administratives actuelles. Un des défis, je pense, d'introduire une proportionnelle, c'est de faire en sorte que des élus qui proviendront d'une liste et des élus qui proviendront de circonscriptions soient traités sur le même pied d'égalité, aient droit aux mêmes égards lorsqu'ils auront à parler dans la société, lorsqu'ils auront à voter des lois, lorsqu'ils auront à proposer des changements importants dans notre société. Et, quant à nous, on pense que, si on associe ces gens-là, si on associe cette structure-là aux régions administratives, qui sont déjà connues, qui font je ne dirais pas l'unanimité, mais qui font de toute façon partie de notre paysage politique, alors, à ce moment-là, on donnera une légitimité à ces gens-là qui nous donneront davantage l'impression de parler au nom d'une région que de parler au nom d'un parti politique mis sur une liste, là, pour quelle et quelle raison de se retrouver sur la liste. Puis, cette façon de faire, comme je vous le disais, aurait comme bienfait de véritablement permettre à un électeur de voter pour un individu en qui il a confiance et dans sa circonscription et en fonction du vote qu'il fera pour la proportionnelle.
Je vais de l'avant et je reviens un peu en arrière. Dans l'optique de l'avant-projet de loi, il se faisait qu'un seul vote était exprimé. Pour l'ADQ, il en prendrait un deuxième, hein? Dans le cas où on instaurerait une proportionnelle, notre façon de voir les choses est fort simple: un vote pour un député de circonscription, un vote pour un parti politique dans une région. Alors, à ce moment-là, ce que ça fait pour l'électeur, si Sébastien Proulx se présente dans un bureau de vote, ce que ça fait, c'est qu'il va voter pour la personne qu'il considère la mieux placée pour le représenter dans sa circonscription. Peu importent les couleurs politiques, peu importent les programmes ou certaines des propositions qui sont faites, on aura à voter pour un homme ou une femme qui nous représente. Ce qui n'empêchera pas, dans un deuxième temps, de voter pour une formation politique qui répond à nos aspirations, qui répond à notre idéologie et qui répond à nos besoins de changement ou de continuité dans le Québec. Nous aurions ainsi, lors de la répartition des sièges dans une région donnée, des élus respectés parce que choisis pour leurs qualités humaines et des partis représentés en fonction des suffrages exprimés.
Je ne vous cache pas que, pour l'ADQ, il est frustrant de regarder les résultats électoraux de 2003. Dans certaines régions... Moi, je suis issu de la région de la Mauricie, j'ai fait campagne dans un comté tout près de Me Gabias, ici présent, et l'ADQ n'a pas gagné de siège en Mauricie, mais l'ADQ a eu 20 quelque... presque 25 % des voix exprimées, et, dans une région importante, dans un pôle média, dans une région dynamique comme la Mauricie, bien c'est difficile aujourd'hui d'avoir une voix pour l'Action démocratique du Québec, parce que le quart des citoyens de la Mauricie, si on prenait ça en votes absolus, a fait confiance à l'ADQ mais ne se retrouve pas ni à l'Assemblée nationale ni dans les décideurs régionaux. De ce fait, cette façon de faire, à notre avis, redonnerait de la crédibilité à l'élu de circonscription et consolide la perception positive de l'élu de région, qui en définitive serait un représentant du parti dans une région donnée, avec toute la légitimité qui soit.
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(9 h 50)
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En conséquence, l'ADQ s'oppose à ce qu'un individu puisse à la fois se retrouver candidat de circonscription et mis en disponibilité sur une liste en cas de défaite. Je ne suis pas en accord ? et je pense bien que mon parti partage ça, pour en avoir discuté ? avec l'idée qu'un candidat défait dans une élection de circonscription se retrouve par la suite dans une liste. Je pense que, si on fait le choix, comme individu, de se présenter dans une élection pour un poste de député de circonscription et qu'on se présente devant les électeurs avec un programme, des idées, qu'on met sa tête sur la bille, si vous me prêtez l'expression, et que, parce qu'on a été battu, on puisse se retrouver quand même à l'Assemblée nationale parce qu'on fait partie d'une liste, ça m'apparaît un peu incohérent. Je termine là-dessus pour le mode de scrutin, parce que ce sont les éléments, là, que je souhaitais porter à votre attention.
Il y a certaines choses qui m'apparaissent manquantes dans ce projet de loi là. Nous, on aurait aimé voir des élections à date fixe apparaître. C'est un sujet qui est à l'agenda de l'ADQ depuis longtemps. On pense que le premier ministre a un pouvoir beaucoup trop important de pouvoir jouer avec la date des élections quand il veut, selon les événements, selon les aléas de la vie politique. On pense que, si on donnait des dates fixes, si on donnait de la transparence à ce niveau-là, on permettrait, un, aux électeurs de voir venir les événements, on permettrait aux électeurs de participer aux événements et surtout on dépolitiserait, si vous me prêtez l'expression, toute l'administration de l'État. Sans être impliqué moi-même dans la gestion quotidienne des affaires, je suis assez intelligent pour me rendre compte que, dans la période qui précède le flottement d'un déclenchement, les affaires vont moins vite, les affaires vont moins bien et qu'on fait beaucoup moins d'administration et beaucoup plus de surf, si vous me prêtez l'expression.
Je ne comprends pas pourquoi qu'au municipal, dans des élections où des gens votent, je pense à la ville de Montréal où il y a tant de centaines de milliers d'électeurs qui se prononcent... alors, eux, on les oblige à faire des élections à date fixe, et personne ne s'en plaint, à ce que je sache. Et ces gens-là, bien, ont appris à travailler, à faire de la politique en fonction de ça et, aujourd'hui, bien, je veux dire, présentent des programmes politiques, font leurs agendas en fonction de ça. Et je pense que c'est le citoyen qui en sort gagnant.
Bien évidemment, et je passe du coq à l'âne, je vais vers les allocations, je suis d'avis... Pour être directeur général d'un parti politique, je suis intéressé par les questions du financement, bien entendu. C'est le nerf de la guerre, vous le savez tous. C'est clair qu'un député qui se retrouve avec un budget de fonctionnement pour un comté où il y a 48 000 ou 47 000 électeurs a besoin de certaines sommes, a besoin d'un certain soutien pour servir correctement sa population. Dans la mesure où on change la carte électorale, dans la mesure où on se copie sur des circonscriptions fédérales, j'ose espérer que le projet de loi, lorsqu'il sera mis de l'avant, lui, contiendra des réaménagements au niveau des allocations de façon à ce que les élus puissent continuer à faire leur travail mais dans un plus grand territoire, devant une plus grande population.
Une question fort intéressante, c'est la question de la représentation des femmes et des minorités, qui se retrouve dans l'avant-projet de loi. Pour l'intention, ça va. Je pense que c'est important qu'on puisse le plus possible ramener les seuils, là, de représentation vers le haut, autant pour les femmes que pour les minorités. Encore une fois, mon expérience, à titre de directeur général, de participer à de l'organisation électorale, c'est... Tous les élus ici le savent, c'est difficile de recruter des gens dans les minorités, c'est difficile de recruter des femmes en politique, peut-être vu l'horaire, peut-être vu un paquet d'affaires qui sont hors de mon contrôle, mais ce n'est pas facile. Lorsqu'on propose à une candidate de se présenter, peu importe la couleur politique, je pense que tout organisateur avisé a avantage à avoir un plan B. Parce qu'il y a un «pitch» de vente à faire, et ce n'est pas juste le vieil adage: Va en parler avec ta femme et reviens-moi. Là, c'est: Va consulter ta famille, prends une décision sérieuse, raisonnée et vois si tu es prêt à faire ce sacrifice-là.
Ce que je trouve dommage de l'avant-projet de loi, c'est qu'on cherche à bonifier ou à pénaliser les formations politiques qui n'auront pas atteint un certain statut ou un certain plafond. Une petite formation politique n'a pas les ressources ni humaines, ni matérielles, ni financières pour, vous me permettrez le mot, influencer des candidats, candidates, minorités ou non, à se présenter avec eux, et, dans l'optique où, par la simple persuasion honnête, par le simple fait de tenter d'éveiller l'engagement chez une candidate ou une personne issue d'une minorité, on ne serait pas capable d'atteindre ces plafonds-là, je ne pense pas que ça sert la démocratie de pénaliser un petit parti ou un parti qui ne remplirait pas ses objectifs ou de bonifier un grand parti qui, lui, je me permettrai de dire, peu importe la qualité, la quantité et le nombre, cherchera tout simplement à atteindre des quotas. Je pense qu'il ne faut pas gérer les élections, au Québec, en fonction de quotas, il faut y aller par l'engagement des gens. Trouver 125 personnes pour représenter un parti politique, ça se fait, au Québec; chercher à faire des quotas avec les gens, je ne pense pas que c'est une bonne idée. C'est à mon sens une des lacunes, là, à ce sujet-là, de l'avant-projet de loi.
Concernant les pratiques électorales, je ne me prononcerai pas ici là-dessus. Tout ce qui touchait, là, l'ouverture plus grande des bureaux de vote, la possibilité de voter par correspondance, ce qui est, pour moi, la poutine de l'exercice du droit de vote, qu'on peut faciliter, vous avez de toute façon devant vous un partisan de ces démarches-là. Je siège sur le comité consultatif du Directeur général des élections. Je suis moi-même quelqu'un qui cherche à démocratiser au plus grand point, toujours dans la mesure de la légalité, dans la mesure du bon sens, l'exercice du droit de vote. Et je n'ai pas de commentaires précis à faire sinon de vous dire que notre commission politique, de toute façon, est à revoir certaines de ces propositions-là, et j'imagine que, dans un deuxième temps, nous vous reviendrons avec des propositions plus pratiques ou plus pointues à ce sujet-là.
L'autre aspect qui me désole un peu, c'est de voir qu'on n'a pas tenté, dans une réforme de la Loi électorale ou des pratiques électorales, de contrer le faible taux de participation des citoyens du Québec. Je ne pense pas qu'en jouant avec la procédure, qu'en tentant d'ouvrir au maximum, 24 heures sur 24, des points de services partout pour permettre aux gens de voter, on va augmenter sensiblement le taux de participation. Les juristes comme je suis disent que la procédure est la servante du droit. Ce n'est pas elle qu'on doit mettre en avant, c'est le droit. Je pense que, dans la législation électorale, c'est un peu la même chose. Donnons au citoyen le goût d'aller voter, donnons au citoyen des motivations pour s'exprimer dans son droit de vote et les raisons valables pour le faire, et, en 2005, là, avec tous les moyens qu'on a aujourd'hui, avec toutes les nouvelles possibilités qui sont devant nous pour s'exprimer, pour voter, il y aura toujours, pour quelqu'un, un moment pour exprimer son droit de vote.
Je pense que la désaffiliation, si vous me prêtez l'expression, des citoyens du Québec n'est pas due à un mauvais... à des bureaux de vote trop serrés, à des listes d'attente pour aller voter, à des heures ou à des tempêtes de neige seulement. C'est aussi parce qu'il y a une désaffiliation de l'esprit. Il y a du cynisme qu'il nous faut renverser, et je pense que, si on faisait un projet de loi qui répondait à tous les critères, hein, qui remettait dans les mains du citoyen sa démocratie, qui faisait en sorte que des petits partis ou des partis avec des idées nouvelles pour le Québec mais qui sont reçues par les Québécois puissent se retrouver à l'Assemblée nationale, on diminuerait ce cynisme-là et on augmenterait la participation électorale.
Alors, voilà. J'ai fait la présentation que je souhaitais vous faire. Comme je vous disais, l'Action démocratique s'est toujours penchée sur ces questions-là. «Le citoyen d'abord» a toujours été la devise par rapport à l'ensemble de ces questions-là. On s'est rarement embourbés dans la technique. Je n'ai pas cherché à vous dire qu'on aurait favorisé ou défavorisé l'ADQ, à la dernière élection, en proposant tel type de vote, tel type de ci et de ça. J'ai pensé tout d'abord à l'électeur que je suis avant d'être un politicien. Alors, si vous avez des questions, elles sont les bienvenues.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci à vous, M. Proulx, pour cette présentation somme toute très dynamique. Je vais ouvrir maintenant la période d'échange en cédant la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. M. le ministre.
M. Pelletier: Merci, M. le Proulx. D'abord, je dois dire que j'apprécie beaucoup la contribution de l'ADQ au débat sur la réforme des institutions démocratiques. Et évidemment il y a toujours deux volets là-dedans, il ne faut pas l'oublier: il y a la réforme du mode de scrutin, d'une part, puis il y a l'exercice du droit de vote, les modalités d'exercice du droit de vote, d'autre part, et je pense que votre parti politique en tout cas contribue à l'évolution du débat. Ça, là-dessus, je n'en ai aucun doute.
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(10 heures)
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J'ai cru comprendre que votre parti était favorable à un mode mixte compensatoire. Si je me trompe, vous me corrigerez, mais je comprends que c'est ce qui actuellement fait consensus entre les partis politiques. Le Parti québécois nous a fait des représentations dans le même sens. Rien n'empêche que l'avant-projet de loi soit éventuellement modifié, amélioré, je l'ai dit publiquement, je le répète aujourd'hui. Mais prenons l'hypothèse où nous devions conserver l'avant-projet de loi avec un système mixte compensatoire. Je voulais savoir, dans un premier temps, si vous préférez cela au statu quo. L'avant-projet de loi tel quel vous semble-t-il préférable au statu quo? Première question. Deuxième question: Si vous aviez à y apporter des changements, là, sur la base de l'avant-projet de loi, quels sont les changements que vous jugez être les plus importants, les plus fondamentaux?
M. Proulx (Sébastien): Tout d'abord, je vous remercie de la question. Je vous répondrais... Premièrement, dans votre introduction, vous me disiez qu'il y avait deux choses: il y a l'exercice du droit de vote et il y a le mode de scrutin. Vous avez raison. Je pense que, dans un projet comme celui-là, dans l'ampleur d'un projet comme celui-là, nous aurions pu aller plus loin. C'est ce que je disais tout d'abord, là, d'entrée de jeu. Il y a des moments où des changements sont opportuns, il y a des contextes dans lesquels on peut faire des ouvertures pour des changements importants pour les Québécois, et ça aurait été une occasion, pour moi.
Je reviens à votre question. C'est clair que, dans l'optique de ce que je vois ? et je suis d'avis que mon parti, là-dessus, sera d'accord avec moi ? le statu quo actuel a ses limites, a ses ratés et nous a désavantagés. Alors, si je peux être honnête avec vous, c'est clair que, dans le cas où il y aurait eu une compensatoire, il y aurait eu des modalités proportionnelles, je suis d'avis que l'Assemblée nationale serait différente aujourd'hui. Dans cette optique-là, oui, je préfère voir l'avant-projet de loi évoluer que le statu quo actuel. Et ça, je vous en remercie, vous l'avez mis sur la table. Je souhaite juste que vous continuiez et que vous irez jusqu'au bout de ce document-là, avec des modifications.
Pour venir aux modifications importantes, comme je vous le disais d'entrée de jeu, je pense qu'il faut éviter de créer deux classes de députés et je ne crois pas que le projet de loi... que l'avant-projet de loi, pardon, enlève cette difficulté-là, ou en tout cas, selon moi, va créer ces deux classes-là, surtout si on permet à un candidat défait, par exemple, de se retrouver sur la liste, surtout si on crée des districts ou des régions encore plus grandes que ce qu'on possède aujourd'hui. Vous savez, le Québec est assez structuré et hiérarchisé, je pense qu'on pourrait utiliser ce qu'on a aujourd'hui. Je vous ai donné l'exemple des régions administratives, c'est à mon sens le meilleur exemple. C'est des forces économiques, c'est des forces géographiques, je dirais même qu'à quelque part il y a des régions administratives qui sont des forces politiques, et, dans ce cas-là, si on attachait nos listes à ces régions-là, on donnerait à ces gens-là une légitimité. Parce que c'est important, pour quelqu'un issu d'une région, de dire que ses élus parlent pour lui, parlent pour son comté, mais parlent pour sa région. Et le Trifluvien que je suis, là, vous dirait que, si des élus issus d'une liste parlent pour la région de la Mauricie, bien c'est toute la Mauricie qui en est gagnante, c'est le Québec qui en est gagnant, et, moi, j'aurais du respect pour des élus attachés à ma région.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci.
M. Pelletier: J'aurais une autre question. Je sais que votre parti, à un moment donné, était favorable aux élections à date fixe. J'ai quand même trouvé vos propos assez nuancés sur la question tout à l'heure. En tout cas, j'ai senti que vous étiez en réflexion par rapport à cette question-là. Hier, nous avons reçu... je crois que c'était Jean-Pierre Derriennic, qui nous a dit ceci... Oui, c'est lui. Il nous a dit: Attention avec les élections à date fixe, parce que présentement la possibilité qu'a le premier ministre de déclencher quand bon lui semble les élections, ça peut nous permettre de sortir de crises politiques, hein? C'est une façon de dans le fond dénouer des impasses politiques et de sortir de crises politiques. C'est vrai, ça aussi. Moi, ça m'a drôlement amené à réfléchir en tout cas sur la question des élections à date fixe, en me disant: Oui, c'est vrai que, bon, ce n'est peut-être pas une bonne avenue. Je voulais vous entendre là-dessus. Parce que n'oubliez pas que le premier ministre, là... À un moment donné, si on a un nouveau mode de scrutin, on peut avoir des crises politiques plus fréquentes parce qu'il va y avoir peut-être plus de gouvernements de coalition, peut-être plus de gouvernements minoritaires. Il faut être conscient de ça. Alors, dire qu'on prend le risque tout de suite de mettre, en plus, des élections à date fixe, moi, ça me semble être pas mal, pas mal risqué, en fait. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Proulx (Sébastien): Si j'ai été nuancé, je m'en excuse, parce que c'était au programme politique, et à ma connaissance ça l'était encore cinq minutes avant que je rentre ici. Les élections à date fixe font partie du programme politique de l'ADQ. Je comprends bien votre préoccupation, ce n'est pas la première fois qu'on l'entend. Respectueusement, je vous dirais que vous n'êtes sûrement pas... vous n'avez pas été surpris d'entendre ça hier. C'est un argument qui est utilisé par notre formation politique depuis longtemps, à l'effet que la crise... une crise certaine, une crise politique inconnue puisse nous amener à déclencher des élections en tout temps.
Je vous dirais que dans la vie il y a un vieux dicton qui dit qu'entre deux maux il faut choisir le moindre et qu'il faut faire des compromis. Est-ce qu'actuellement les élections, telles qu'elles sont déclenchées, là, avec le doigt sur le bouton rouge quotidiennement, est-ce que ça sert vraiment la démocratie du Québec? Je n'en suis pas certain. Est-ce qu'il serait préférable que vous poussiez en avant cette discussion-là? Peut-être. Mais, quant à nous, je veux dire, je pense qu'on peut réfléchir à des mécanismes au cas où il y aurait des crises majeures. Je pense que nos législations peuvent prévoir, dans le cas de gouvernements minoritaires, dans le cas de gouvernements de coalition... La confiance de la Chambre, c'est constitutionnalisé, c'est institutionnalisé, c'est un principe qui est encore plus important, je pense, que la date d'une élection, alors ce seront, d'après moi, tout le temps ces principes qui gouverneront le Québec.
Je faisais un peu de relecture de ce qui a été dit ici et j'entendais également des gens dire que, bon, possiblement qu'il y aurait des précampagnes encore plus longues. Il y aurait peut-être plus de dépenses reliées aux élections. Il y en a déjà trop de toute façon, des dépenses électorales, à mon sens. C'est un commentaire bien personnel. Je pense que nos législations, encore une fois, peuvent mettre un frein à ça, peuvent prévoir une période dans laquelle on travaillera et surtout éliminer l'espèce de flottement dont je parlais tantôt, parce que je pense que c'est lui qui est néfaste pour l'économie du Québec, pour les travaux du Québec, mais néfaste aussi dans la population. Les gens ne sont pas naïfs, les gens ne sont pas fous, les gens savent qu'il y a une période de cadeaux, savent qu'il y a une période de flottement et savent qu'il y a une période où il n'y a rien qui se fait. Alors, si on peut réduire ça par l'introduction d'une élection à date fixe, tout en ayant des mécanismes pour éviter qu'une crise politique chambarde, là... nous empêche de tenir une élection si besoin est, je pense qu'il y a avenue à creuser à ce sujet-là. Mais je vous réitère que, si j'ai semblé nuancer, c'est peut-être la fatigue, parce que je suis bien motivé de vous dire que c'était élection à date fixe.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le ministre. Je vais maintenant du côté de l'opposition officielle. Donc, M. le député de Masson.
M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Proulx, première question: Ce serait quoi, le seuil acceptable, dans ce que vous proposez comme étant un modèle de représentation mixte compensatoire?
M. Proulx (Sébastien): Vous me parlez du seuil acceptable. Si je comprends bien votre question, vous faites référence au nombre d'élus, par exemple?
M. Thériault: Je fais référence au seuil acceptable pour qu'effectivement une des raisons pour lesquelles on veut un changement de mode de scrutin, à savoir l'introduction à l'Assemblée nationale d'un pluralisme politique, d'une pluralité des voix idéologiques, là, puisse être dans les faits possible. Alors, vous, vous privilégiez quel seuil?
M. Proulx (Sébastien): Je ne suis pas certain de comprendre bien votre question, parce que, quant à ma présentation, ce que je vous disais, c'est que, dans la mesure où on se trouve dans une situation où les voix exprimées ne sont pas représentées ? je pense que l'ADQ en est un bon exemple, avec un si faible pourcentage de représentants et un taux quand même considérable de votes dans la population...
M. Thériault: Non, c'est parce que le projet de loi actuel, favorisant 26 districts, avec deux à trois représentants, deux à un représentants par certains districts, etc., ça fait en sorte que, pour avoir droit à l'Assemblée nationale, ça joue autour du 15 %. Des gens sont venus nous dire ici que changer un mode de scrutin puis aller vers la proportionnalité, ça impliquerait que le seuil soit plus bas. Des gens veulent une répartition nationale des sièges de liste et préconisent un 5 %, un 3 %, un 2 %. C'est ça, la question: Vous préconisez quel seuil?
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(10 h 10)
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M. Proulx (Sébastien): Moi, je ne me suis pas prononcé là-dessus puis ce n'était pas le but de mon intervention. Je vous dirais que le groupe qui reviendra pourrait vous répondre plus amplement, là, sur le pourcentage.
M. Thériault: O.K., c'est beau. Oui. Sur les élections à date fixe, vous avez parlé des élections municipales. Je me demande si les élections municipales sont l'exemple le plus intéressant pour essayer de déduire des vertus d'une élection à date fixe... lié au cynisme face à... et la désaffection du peuple quant à la participation politique, parce que le taux de participation est très bas.
D'autre part, il y a une difficulté, il me semble, particulière aussi au niveau municipal qu'on pourrait peut-être voir aussi au niveau québécois: les administrations municipales sont souvent en campagne électorale une période de temps d'un an, souvent, avant l'élection. On voit les annonces, on les voit un peu partout, pendant même la campagne électorale. Peut-être faudrait-il moduler ça. On a la couverture locale des deux partis ou des trois partis en présence, plus les présences et les annonces, etc., de l'administration municipale, de sorte qu'en termes d'équité, en termes d'argent, ça devient à mon avis inéquitable et un peu indécent de voir ça et puis ça conduit souvent à la proclamation ad vitam aeternam, là. Il y a beaucoup de proclamations... acclamations, on élit par acclamation. Il y a très peu d'alternance au niveau municipal, il y en a beaucoup moins si on regarde l'ensemble des élections. Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il n'y a rien de... On est dans l'évaluation qualitative, hein? Quand on est dans le qualitatif, là, il y a une question de perception.
Vous avez aussi... Peut-être que c'est vos lunettes de directeur général, mais, quand vous parlez de participation, tout ça, puis de cynisme, vous parlez beaucoup en termes d'argent. Mais il n'y a pas que l'argent, j'imagine. Il y a le programme qui détermine si des gens veulent adhérer à un parti puis il y a aussi les enjeux électoraux, bref... Allez-y, je vous écoute.
M. Proulx (Sébastien): Bien, d'entrée de jeu, mon exemple faisait simplement référence à la tenue d'élections à date fixe. Si vous souhaitez m'amener sur le terrain des comparaisons avec les élections municipales, je n'irai pas bien, bien loin, parce que, vous avez raison, le niveau municipal a des problèmes encore plus importants. Est-ce qu'ils sont reliés au fait qu'il y a des élections à date fixe? Je pense que non. Si c'est là la déduction que vous tentez de faire, je pense que non. Le fait qu'il y ait des campagnes plus longues, je vous dirais à la blague que c'est peut-être préférable d'avoir plusieurs partis en élection plus longtemps que le gouvernement en élection très longtemps et quelques minutes tout le monde à la fin en élection. Je veux dire, un gouvernement qui se prépare à tenir une élection dans quelques mois, qui n'en parle pas à personne, qui fait les annonces qu'il faut, qui met en place tous les instruments pour que son élection soit une réussite, qu'est-ce qu'il fait, dans ce cas-là, si ce n'est pas que de participer à sa propre réélection? On a des législations très serrées, on est capable de les contrôler davantage, on est capable d'empêcher que nos villes, que le Québec ait l'air d'une élection pendant un an de temps; il s'agit juste d'avoir les bons mécanismes pour que ça se fasse.
Au niveau de la participation comme telle et de l'alternance dont vous me parlez, moi, je pense que le nombre d'acclamations dont vous faites part, de réélections de maires et mairesses et d'équipes en place sans vraiment d'opposition, bien ce n'est pas relié au fait qu'il y ait des élections fixes, ce n'est pas relié au budget, quant à moi, non plus, c'est relié tout simplement au fait qu'il y a peu de gens qui veulent prendre leur place. On voit peut-être davantage un maire et une mairesse comme un administrateur et, si les gens s'en semblent satisfaits, ils vont peut-être, là, tacitement revoter pour l'administrateur du coin, hein, la personne qui s'occupe de mon administration locale. De toute façon, c'est le mandat que je lui donne. Mais, quand je vote pour des politiciens au Québec, je pense que je vote pour des acteurs de changement, je vote pour des gens qui vont m'amener ailleurs que la simple administration de mon bien d'autrui. Alors, à ce moment-là, je ne vois pas comment votre comparaison se tient. Peut-être pas plus que la mienne, si vous pensez que la mienne ne se tient pas.
M. Thériault: Non, effectivement, ce n'est pas le temps qui nous est imparti qui nous permettrait de pouvoir établir exhaustivement toutes ces comparaisons-là, mais je voulais quand même vous entendre sur les sujets, les thématiques, et on ne pourra pas polémiquer, ça, c'est sûr.
Vous avez parlé de votre maxime, qui était: Le citoyen d'abord. M. Derriennic, hier, qui était favorable au mode de scrutin qui est sur la table, disait que d'entrée de jeu, là, ça prenait un référendum ou un plébiscite, si on ne veut pas se perdre dans les détails de la Loi sur la consultation populaire. L'ADQ pense quoi de ça?
M. Proulx (Sébastien): Je vous dirais que je n'ai pas la réponse adéquiste à la question, parce que la commission politique n'a pas donné sa réponse par rapport à ça. Ma perception personnelle, à la lecture de ce que je vois, serait de consulter les gens. Je pense que c'est eux qui devront décider, en tout état de cause et en toute connaissance.
Le seul bémol que je mettrais à tout ça est fort simple. Je suis, je pense, comme bien des citoyens, un peu tanné de me faire commissionner, de venir représenter... de me faire entendre sur des sujets à répétition, tout le temps. Je pense que les gens ont de toute façon manifesté un intérêt pour un changement du mode de scrutin, et, s'il était bien expliqué, s'il était fait avec l'unanimité des autres formations politiques, s'il était fait en partenariat, si vous me prêtez l'expression, avec les autres membres de l'Assemblée nationale et des groupes dans la communauté, on pourrait, je pense, fonctionner par le législatif. Mais ça, c'est...
M. Thériault: Ça fait bien des «si», ça, par exemple.
M. Proulx (Sébastien): Ça fait bien des «si», parce que je ne suis pas celui qui décidera et je ne suis pas non plus l'élu de ma formation politique. Donc, vous me permettrez d'avoir ma vision personnelle et de laisser mon parti s'exprimer sur ça d'ici la fin de votre commission.
M. Thériault: Oui. Mais il faudrait... Au niveau d'une position de principe, puisque vous avez quand même pris des positions à titre personnel, ce matin, en principe, est-ce qu'un tel changement, qui implique la redéfinition des règles démocratiques d'une société, un parti qui s'appelle l'Action démocratique devrait être sensible à ça? Est-ce que vous ne pensez pas, à l'égard... Entre autres, quand on regarde la Nouvelle-Zélande, il y a eu deux référendums, le processus sérieux du changement a été entamé sur 10 ans, 1986 à 1996, ça s'était parlé un peu avant. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on passe à côté d'une belle occasion d'impliquer, de mettre le citoyen au coeur d'une réforme?
M. Proulx (Sébastien): ...d'entrée de jeu. J'ai commencé par vous dire qu'il faudrait que le citoyen, en tout état de cause, soit au fait de ces questions-là, et je pense, et je vous ai dit ça d'entrée de jeu, qu'il devrait être consulté.
M. Thériault: Alors, vous êtes sur la même longueur d'onde que moi.
Le Président (M. Ouimet): Ça va? Merci, M. le député de Masson. Je vais maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.
M. Picard: Merci, M. le Président. M. Proulx, vous avez indiqué que l'Action démocratique était en faveur de 127 ou 125 députés, là, 50-75 ou 50-77. Nous avons entendu, cette semaine, le Parti libéral du Québec qui, lui, nous indiquait que ce serait peut-être plus simple, dans la population, de comprendre un tiers, deux tiers. Donc, ça donnerait 42 députés de district, 83 de circonscription. Puis, en même temps je vais me faire le porte-parole de ma collègue de Duplessis qui, elle, a une grande circonscription. C'est certain que, si on augmente le nombre de circonscriptions, les comtés où il y a une grande superficie, eux autres, ils pourraient peut-être conserver déjà leurs délimitations actuelles. Donc, soit qu'on pourrait prendre cette méthode du Parti libéral du Québec ou on pourrait augmenter peut-être les cas d'exception pour certains. Parce que là, actuellement, il y a deux comtés d'exception. Peut-être que la solution, ce sera, pour certains autres grands comtés, de permettre de conserver les délimitations.
Donc, j'aimerais vous entendre sur, un: il semble que ce serait plus simple pour la population. Moi, en tout cas je mets des bémols là-dessus. La population est capable de comprendre, surtout, quant à moi, que les 75 circonscriptions seraient sous la même forme que la carte électorale fédérale. Pour moi, c'est une simplicité. Mais en tout cas j'aimerais vous entendre là-dessus, tout simplement.
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(10 h 20)
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M. Proulx (Sébastien): Bien, bien honnêtement ? puis je vous remercie de m'avoir donné les chiffres, là, du modèle du Parti libéral, n'ayant pas eu l'occasion puis la chance de les entendre hier ? moi, c'est certain que je me suis présenté ici en pensant que, 60-40, tous les citoyens du Québec étaient capables de comprendre ça, dans la mesure où c'était calqué, vous le disiez, sur la formule fédérale d'élection. C'est à mon sens ce qu'il y a de plus simple. Les gens ont dit souvent, et on aura, je pense... Certains intervenants un peu plus frileux diront durant cette commission qu'il faut faire attention au changement, il ne faut pas trop... il faut leur donner une bouchée à la fois, il ne faut pas mêler tous les citoyens du Québec dans un grand bol à mélanger, si vous me prêtez l'expression. Prendre le 60-40, prendre la représentation fédérale des comtés m'apparaît quelque chose de simple. Les gens s'expriment déjà dans cette formule-là, les gens connaissent les limites géographiques, ont déjà un sentiment d'appartenance par rapport à ça, je pense que c'est ce qu'il y a de plus simple. Je n'ai pas d'autre chose à dire, parce que, pour moi, c'est d'une simplicité assez déconcertante.
M. Picard: O.K. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Du côté des citoyens et citoyennes maintenant, M. Acharid.
M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Merci, M. Proulx. J'ai deux petites questions. Vous dites que vous êtes favorable à un mode de scrutin à deux votes. Pour les candidats de liste, comment vous voyez leur mise en candidature pour votre parti? Et aussi vous trouvez que le nombre de régions est trop élevé, que... ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi. D'après vous, c'est quoi, le nombre de régions équitable, pour diminuer la distorsion?
M. Proulx (Sébastien): Deux choses. La première, quant à l'apparition de quelqu'un sur une liste, je pense que c'est un travail qui doit appartenir aux partis politiques. Comme je vous le disais, pour la représentation de gens issus de minorités candidates des élections, je pense que cette responsabilité-là appartient aux partis politiques. Un parti politique sérieux qui veut se présenter devant la population a à faire ses devoirs et aura à décider, là, qui seront les gens qui seront appelés à le représenter, dans la mesure où la proportionnelle intervenait en sa faveur.
Dans votre autre question, effectivement je trouve que 24 régions ou districts, c'est beaucoup. Je n'ai pas, malheureusement, la science infuse, je ne sais pas pourquoi on est arrivés à 24, hormis, là, le découpage que j'ai pu voir. Ce que je vous disais, c'est que j'aurais préféré ramener ça aux régions administratives. Et ce n'est pas une question de distorsion, ce n'est pas une question de pourcentage, c'est une question d'appartenance, c'est une question de cohérence. Pour moi, une région administrative, c'est quelque chose qui existe dans l'esprit des gens, ça a une force, une force économique, ça a une force culturelle, une force géographique, je dirais même que ça peut avoir une force politique. Alors, ramener ça aux régions administratives permet aux gens de se sentir impliqués, permet aux gens d'être fiers de ces élus-là et permet ? comment je pourrais dire? ? de vraiment épier ou évaluer leur travail. Parce que, dans la mesure où j'aurai, dans ma région, un député de circonscription et j'aurai un ou des élus de région, bien c'est l'ensemble de l'oeuvre que, moi, je vais évaluer lorsque j'aurai à faire mon travail de citoyen, autant localement que régionalement qu'au niveau national.
Et là je vous dirais: Pour nous, les régions, c'est important. Il faut leur redonner des pouvoirs, il faut leur redonner des libertés puis des champs d'action. Et peut-être que, dans le cadre d'un projet comme ça, c'est là un prélude intéressant à une décentralisation, parce que ces élus-là pourraient jouer un rôle intéressant. Ce n'est pas tout que de combler les chaises à l'Assemblée nationale, il faut leur donner du travail.
Le Président (M. Ouimet): Bien. J'ai quatre autres citoyens, c'est pour ça que je vous interromps un peu.
M. Proulx (Sébastien): Pardon, je m'excuse.
Le Président (M. Ouimet): J'ai M. Boivin, maintenant.
M. Boivin (Guillaume): Bonjour. J'aimerais savoir, dans votre proposition d'élire le premier ministre au suffrage universel, dans votre perspective, comment est-ce que ce premier ministre là composerait son exécutif. Première question. Et, deuxième question, est-ce qu'il n'est pas absolument nécessaire que cette mesure-là soit adoptée de manière concomitante avec les élections à date fixe pour que ces dernières aient un sens? Dans le cadre actuel, il y a une limite de cinq ans. Habituellement, à partir de la quatrième année, ça se fait. Donc, ce sera la même chose en mode britannique. Dans le parlementarisme britannique, le premier ministre doit avoir le support de la Chambre. Donc, même si on met les élections à date fixe, s'il perd le support de la Chambre en deçà de ce seuil-là, en deçà de cette période-là, évidemment le gouvernement tombe. Et en même temps, à tort ou à raison, il peut considérer ne plus avoir le support de la Chambre et les déclencher. Donc, comment que la mécanique de ça pourrait être effective, si les deux mesures ne sont pas adoptées de manière concomitante?
M. Proulx (Sébastien): Je vous dirais qu'il y avait... c'était volontaire de ne pas vous en parler ce matin, parce que ça ne s'inscrivait pas très bien dans le cadre de l'avant-projet de loi. Effectivement, et je ne le nie pas, dans le programme de l'ADQ, il a été discuté de ces questions-là, des élections à date fixe, le vote du premier ministre au suffrage universel, il avait été discuté de limiter le nombre de mandats du premier ministre. Toutes ces questions-là devront revenir dans le cadre d'un discours actualisé de l'ADQ par rapport à ce vers quoi veut aller le gouvernement. C'est clair que, lorsqu'on a à développer notre propre programme, hein, on le voit dans un tout, on le voit dans notre façon de faire, on le voit comme si nous étions assis dans le siège du décideur, et, dans cette optique-là, il y aurait cohérence. Bien entendu, tous les éléments dont vous me faites part, là, se retrouveraient cohérents, et, si le premier ministre élu au suffrage universel perdait le contrôle de la Chambre, se sentait en perte de contrôle de cette Chambre-là, bien, je veux dire, les mécanismes existeraient. Dans ce cas-ci, je ne vous en parle pas et je n'irai pas plus loin là-dedans, parce que ce n'est pas applicable dans ce que je vous ai discuté. Vous faites référence à des éléments de programme, oui, mais qui ne sont pas discutés aujourd'hui.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je vais aller maintenant du côté de M. Morisset.
M. Morisset (Michel): Oui. Bonjour. Moi, je voudrais vous demander, à propos d'élections à date fixe: Ne croyez-vous pas que l'élection, en fin de compte, à date fixe, ça revienne au même? Dans le sens que, sachant toujours que les élections sont à date fixe, au point de vue économique, vous avez une rentabilité, mais, au point de vue, par exemple, de la gouvernance, bien le premier ministre ou l'équipe qui serait en place distribuerait, disons, on va dire, là, abondamment ? on appelle ça des cadeaux, mais ce n'est pas des cadeaux, là, mais, disons ? des nouveaux programmes, et puis on actualiserait des promesses, si vous voulez. Alors finalement ce serait peut-être... Vous ne pensez pas que finalement le citoyen, ce serait lui qui perdrait, là, dans cette affaire-là?
M. Proulx (Sébastien): Bien, si vous êtes capable de me faire la démonstration que ce que vous craignez n'arrive pas maintenant, je pourrais tenter de suivre dans le fond votre raisonnement par rapport à ça, parce que, pour moi, cette période-là de cadeaux dont vous faites référence et dont j'ai fait référence, là, je veux dire, elle est d'autant plus agréable lorsqu'elle est spontanée, à quelque moment, dans l'effervescence de on va-tu déclencher, pas déclencher... Et là elle est beaucoup plus subtile aussi, parce qu'on utilise toutes sortes d'aléas, dans la vie politique, dans la gouvernance justement, pour se dire: Bien, écoutez, je ne l'ai pas fait dans un but électoral, je l'ai fait dans un but purement économique. C'est certain que, si on arrive, que l'élection est le 4 novembre et qu'à partir du 12 octobre commence une ruée vers l'asphalte, bien, à ce moment-là, tout le monde, sans aucune lunette, là, va être capable de voir que c'est fait dans un but purement électoraliste, et là peut-être, je le souhaite, ils seront jugés en fonction de ça. Mais il n'y en a pas, de solution miracle, hein?
Le Président (M. Ouimet): Je vais vous interrompre. Désolé.
M. Proulx (Sébastien): Oui, ça va.
Le Président (M. Ouimet): Il me reste deux autres citoyens. J'ai M. Gaboury, puis par la suite Mme Lafontaine. Donc, M. Gaboury.
M. Gaboury (Charles): Oui. Bonjour. Alors, je vais faire rapidement. Vous faites une référence souvent avec la région administrative et la liste de candidats pour créer un genre de sentiment... Maintenant, si je ramène ça au niveau des circonscriptions, l'avant-projet de loi prend le découpage des circonscriptions fédérales. Est-ce que vous seriez... J'aimerais vous entendre par rapport à l'utilisation plutôt d'un découpage utilisé actuellement par le gouvernement au niveau administratif, soit les MRC.
M. Proulx (Sébastien): J'ai moi-même réfléchi à cette question-là puis, dans les discussions que j'en ai eu avec mes collègues, c'était ? et là ce n'est pas une idée finale, là, ce que je vous dis, c'est une réflexion, c'est ? que la MRC est souvent un territoire bien étendu, qu'il est plus difficile peut-être, dans certains coins, là, il est plus difficile à créer ce sentiment-là d'appartenance, à créer ce pouvoir-là, politique, géographique, culturel. Pour moi, la région administrative est un meilleur exemple, est un meilleur forum, là, d'entente parce qu'elle répond à ce que les gens connaissent. On est de l'Estrie, on est de la Mauricie, on vit en Montérégie. Ces régions-là sont, pour moi, vraiment ce qu'est la fibre, là, hein, chez le citoyen, alors que, l'autre, je nous mets au défi de sortir ensemble, tantôt, d'aller à Place Québec demander à quatre personnes dans quelle MRC ils sont. Il y en a peut-être deux qui vont nous le dire, peut-être deux qui vont se tromper. Mais tout le monde saura dans quelle région administrative il vit. Pour moi, c'est clair.
Le Président (M. Ouimet): Il me reste 1 min 15 s pour Mme Lafontaine. Excusez-moi. Mme Lafontaine.
Mme Lafontaine (Martine): L'ADQ est favorable pour le vote à 16 ans?
M. Proulx (Sébastien): Effectivement, c'est dans le programme également. Je ne vous en ai pas parlé aujourd'hui, mais c'est dans le programme.
Mme Lafontaine (Martine): Mais, comme tout le monde peut le constater, pas beaucoup de jeunes ne s'intéressent, aujourd'hui, à la politique. Et puis comment faire pour... Il faudrait trouver des moyens pour les éduquer et pour les motiver avant de...
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(10 h 30)
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M. Proulx (Sébastien): C'est une excellente question. Moi, je vous dirais, moi, j'ai 30 ans. Ça fait plusieurs années que je fais de la politique, ça fait plusieurs années que je vote. Depuis que j'ai le droit. Nous, on avait fait un corollaire fort simple, hein? Si quelqu'un peut travailler, payer des impôts, participer à la vie économique du Québec, on pense qu'il est apte à participer à la vie démocratique du Québec. De là, ça ne réglera pas la participation des jeunes. Il faut trouver autre chose, il faut les intéresser, et ils sont peut-être davantage intéressés à des projets de société qu'à des problèmes structurels ou économiques à court, court, court terme, et c'est malheureusement la façon de gouverner actuellement, hein? Si on avait peut-être un peu plus de long terme, peut-être qu'on aurait davantage de jeunes là-dedans. Ça, c'est un commentaire éditorial purement personnel, mais, pour faire des écoles, pour faire des universités avec des politiciens de mon parti, je constate que le problème n'est pas dans l'âge auquel ils votent, hein, il est dans l'offre politique.
Le Président (M. Ouimet): Je dois vous interrompre. Il restait 40 secondes à M. le député de Masson.
M. Thériault: Tour de force. Plusieurs experts sont venus nous dire que le projet de loi actuel et le statu quo, de par le fait qu'il ne favorise pas la pluralité des voix à l'Assemblée nationale... ne stimulera pas... et n'arrivera pas à contrer l'abstentionnisme, parce que les gens votent utile puis, des fois, ils perdent leur vote, etc. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Ouimet): En 10 secondes.
M. Proulx (Sébastien): Bien, pour moi, je veux dire, les considérations que je vous ai exprimées avant sont les bonnes, c'est pour cela qu'il faut aller en réforme.
Une voix: C'est-à-dire?
M. Proulx (Sébastien): C'est-à-dire de mieux représenter ceux qui s'expriment, à tout le moins, parce que ceux-là, ils sont actuellement victimes d'un système. Et tant mieux si on sera capables d'en réchapper d'autres, mais c'est là un travail que vous avez, comme élus, de les réintégrer. Et, moi, mon travail, c'était de présenter ceux qui votent actuellement.
Le Président (M. Ouimet): Merci. C'était l'art de prendre 40 secondes et d'en faire 60. M. le...
Une voix: ...d'avocat.
Le Président (M. Ouimet): Oui, c'est ça. Alors, je vais du côté ministériel maintenant. M. le député de Trois-Rivières, il reste 6 min 10 s.
M. Gabias: Merci, M. le Président. M. Proulx, merci de votre présentation. Et, tout comme le soulignait le ministre responsable de la Réforme électorale, je pense qu'il faut saluer la contribution de l'ADQ à ce débat. Maintenant, en même temps, je suis obligé de vous faire part de ma très grande déception de ne pas voir, ce matin, votre président vous accompagner. Je pense qu'il aurait été très utile pour la commission que M. Picotte soit là. Et vous allez comprendre par les deux sujets sur lesquels je voudrais avoir votre opinion, mais j'ose espérer qu'à la prochaine occasion, lorsque l'ADQ reviendra, M. Picotte sera là pour peut-être donner d'abord ses lumières, et vu sa très grande expérience, sur deux points particuliers.
D'abord, la représentation régionale. Hier, nous avons entendu l'UFP parler d'une liste de 50 candidats à la grandeur de la province de Québec. Le préprojet de loi parle de 26 régions, et, vous, vous nous parlez de 17 régions. Donc, vous calquez sur les régions administratives, qui n'ont, soit dit en passant, dans plusieurs régions, aucune appartenance pour les gens. O.K.? Et je suis un peu surpris de vous entendre parler de 17 régions administratives plutôt que de 26 qui, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure quand vous parliez des MRC... je pense que les MRC sont beaucoup plus représentatives qu'une région administrative.
Alors, dans ce contexte-là, ma première question: Comment vous voyez le rôle du député, autant du député de liste que du député de comté? Et en cela vous pourrez peut-être transmettre la question à M. Picotte, qui pourra venir nous le mentionner, parce qu'il a une très vaste expérience. Et, s'il y a un député qui a connu ce que c'était qu'un rôle de député de comté, c'est bien M. Picotte.
Puis je profite de l'occasion pour vous dire que, lorsque vous faisiez référence aux résultats de l'ADQ dans la Mauricie, vous disiez simplement que l'ADQ a eu 20 % de votes. Je vous signale qu'il y avait des candidats. C'est peut-être votre trop grande humilité, là, qui vous a fait dire que c'était l'ADQ, mais les candidats de l'ADQ ont obtenu... Parce qu'il y a des candidats qui ont fait campagne, c'est important de le dire.
Alors, ma première question est sur ce point-là, et ma deuxième sur les modalités d'exercice du droit de vote qui seront indiquées dans le préprojet de loi. Vous ne nous en avez pas parlé, je voudrais avoir votre opinion là-dessus. Et incidemment peut-être aussi que votre président serait éclairant là-dessus. Lorsqu'on parle de permettre à des gens qui ont des difficultés de mobilité de voter par courrier, je pense que c'est un élément important qui aurait... et ses réponses auraient éclairé, je pense, les membres de la commission dans son entier.
M. Proulx (Sébastien): Je vais commencer par votre deuxième question parce que c'est, pour moi, la plus évidente. Je me suis présenté dans le comté de Laviolette le 14 avril 2003. On n'était pas encore capables de se rendre à Parent par la Mauricie, il fallait passer par les Laurentides pour aller dans le haut du comté. Or, je suis bien au fait, pour l'avoir faite au moins une fois, toute cette route-là, de voir qu'il y a des difficultés, et on peut améliorer l'exercice du droit de vote. Je vous disais d'entrée de jeu que je ne voulais pas rentrer là-dedans, parce que, pour moi, là, les détails étaient techniques, et je souhaitais que mon parti vous revienne par rapport à ça, mais vous dire que je suis un partisan de ça. Je siège, avec votre collègue et ministre et M. le député de Masson, sur le comité consultatif du DGE à ces sujets-là, et l'ADQ a toujours participé et a toujours donné son aval à un meilleur exercice du droit de vote. Donc, d'entrée de jeu, là, je veux dire, je suis bien à l'aise à ce qui améliore l'exercice du droit de vote.
Pour votre première question, je peux vous dire que j'ai parlé avec M. Picotte, hier, de toutes ces questions-là. Je reconnais, moi aussi, son expérience. Vous dites qu'il a été un député de comté. C'est vrai qu'il a marqué son comté, mais ça a été aussi un ministre régional. Alors, ça a été quelqu'un qui a donné son empreinte. Moi, quand j'étais jeune, je me souviens qu'Yvon Picotte, quand on le voyait, on savait que localement il avait du leadership et des responsabilités.
J'ai parlé de régions administratives, je vous ai dit tantôt que les MRC, pour moi, étaient aussi une option mais que, bon, que toute l'espèce de situation géographique nous avait amenés à préférer les régions administratives. Peut-être qu'il y a là des réflexions à avoir. L'idée, c'était de trouver le meilleur sentiment d'appartenance, pour éviter de créer deux classes de députés.
Et là j'en viens à votre première question: Quel est le rôle qu'on devrait donner à des députés de comté, à des députés de liste? Je vous le dis, pour moi, il est régional. Et ça, c'est fondamental. À mon sens, le député de circonscription, comme vous l'êtes, a un rôle important à jouer ici, à Québec, et dans son comté, et le député de liste ? je n'aime pas ça, l'appeler comme ça, mais c'est comme ça qu'on l'appelle pour les fins de l'exercice; le député de liste ? lui, a à vous supporter localement et supporter sa région. Et, pour moi, je pense qu'il y a là à faire des aménagements. C'est ma façon de voir les choses, au-delà de la représentativité à l'Assemblée nationale, et c'est la raison pour laquelle la liste de 50, par exemple, donnée à l'UFP, pour moi, ce n'est pas approprié.
M. Gabias: Rapidement, si j'ai bien compris, les modalités d'exercice du droit de vote qui apparaissent au préprojet de loi, l'ADQ est en accord avec pour faciliter...
M. Proulx (Sébastien): Ce que je vous dis, c'est que mon parti devait revenir pour vous discuter de ça lors de sa prochaine comparution, si vous me prêtez l'expression, mais, dans l'ensemble, dans le principe, nous sommes pour une amélioration de l'exercice du droit de vote.
M. Gabias: Parfait. Et la question de 26 régions, 17 régions, vous allez revenir également là-dessus...
M. Proulx (Sébastien): Oui, effectivement.
M. Gabias: ...ou si c'est campé?
M. Proulx (Sébastien): Bien, écoutez, moi, je n'ai pas la prétention de vous camper ça aujourd'hui. Je me fais le porte-parole, alors je vous donne, pour que vous puissiez et pour que les citoyens puissent partir en consultation, je vous donne mon opinion et celle de l'ADQ à ce moment-ci.
M. Gabias: Merci.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, le temps imparti est écoulé. M. Proulx, je vous remercie infiniment de votre participation à nos travaux. Je veux juste vous dire, en toute amitié et en toute équité pour le travail fait par le secrétariat de la commission, c'est ce qu'on vérifiait, l'invitation, je pense, c'était parti le 11 octobre, et on avait reçu un courriel informatisé accusant réception...
M. Proulx (Sébastien): J'ai vérifié également. Et, pour avoir eu cette discussion-là, je pense, avec le bureau de M. Picard pour régler cette question-là, là, il n'y a aucune animosité par rapport à ça, je comprends comment ça a été fait et j'ai compris que nous étions dans un immense groupe, et nous n'étions pas seuls à avoir vu, là, une invitation se retrouver dans la mauvaise boîte, si vous me prêtez l'expression.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Mais là ça va être au mois de mars que nous allons vous réentendre.
M. Proulx (Sébastien): Pas de problème.
Le Président (M. Ouimet): Merci infiniment.
M. Proulx (Sébastien): J'ai tenté de participer dans les délais que vous m'aviez donné.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 39)
(Reprise à 10 h 40)
Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. J'inviterais tous les parlementaires à regagner leurs sièges et à porter une attention particulière à l'écran sur les côtés. Nous entendrons M. André Blais en direct de Montréal, et je vous avise également qu'il va y avoir un petit décalage d'environ deux semaines... deux jours...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ouimet): ...deux secondes, pardon. Donc, merci de m'interrompre, mais n'interrompez pas le témoin. Alors, M. Blais, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Donc, vous connaissez les règles, je pense: une présentation de 20 minutes, après quoi nous ouvrirons l'échange avec vous.
M. André Blais
M. Blais (André): Merci. Alors, je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui. Je suis un spécialiste des élections, du comportement électoral, des lois électorales, et la question qui est au centre de mes recherches touche précisément à l'impact des lois électorales sur le comportement des partis et des électeurs. Je suis donc avec beaucoup d'intérêt le débat sur la réforme électorale au Québec, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, en Colombie-Britannique, mais aussi aux Pays-Bas et en Italie.
Je voudrais d'abord rappeler ce que l'on reproche habituellement au scrutin pluralitaire, le mode de scrutin que nous avons présentement, et qui fait en sorte qu'on songe à le remplacer dans cinq des 10 provinces canadiennes. Le premier reproche, le plus fréquent et le plus fondamental, est que le mode de scrutin est injuste. Cet argument me semble inattaquable. Dans un mode de scrutin pluralitaire, les petits partis reçoivent nettement moins de sièges que de votes. Le cas de l'ADQ est probant: lors de la dernière élection, ce parti a obtenu 18 % des votes et 3 % des sièges. Au Québec, il y a une autre injustice, entre guillemets: à cause de la distribution géographique du vote, le Parti libéral doit gagner six à sept points de plus que le PQ au niveau des votes pour gagner l'élection. Cette injustice, entre guillemets, le fait qu'un parti qui a plus de votes mais perd l'élection, est ce qui a déclenché des projets de réforme électorale au Québec, et en Colombie-Britannique, et aussi, avant cela, en Nouvelle-Zélande.
Le mode de scrutin actuel n'a pas que des défauts, il a aussi des qualités. Je laisse de côté pour le moment la question de la représentation locale, sur laquelle je reviendrai tantôt. L'argument classique est que ce type de scrutin, parce qu'il produit des gouvernements majoritaires, garantit davantage de stabilité. Je dois dire que je ne trouve pas cet argument très convaincant. D'une part, le scrutin pluralitaire ne produit pas toujours des gouvernements majoritaires, comme on le voit présentement au fédéral et en Nouvelle-Écosse; d'autre part, les risques d'instabilité me semblent faibles, dans les scrutins proportionnels, pour autant que certaines précautions soient prises. Les gouvernements, en passant, durent en moyenne huit mois de moins en scrutin pluralitaire qu'en scrutin proportionnel. Il y a une différence, mais elle est petite. Donc, l'argument de la stabilité n'est pas faux, mais il ne me semble pas très fort.
J'ajouterais à ce propos que le scrutin pluralitaire fonctionne mieux lorsqu'il produit un système avec deux partis et que celui des deux partis qui a le plus de votes forme le gouvernement. Or, ce type de situation est de plus en plus rare avec la complexification de nos sociétés. Les électeurs ne se satisfont plus de n'avoir que deux options, ils veulent plus de partis, et en conséquence le nombre de partis tend à augmenter dans à peu près tous les pays, la principale exception étant, comme sur plusieurs autres points, les États-Unis.
La plus grande vertu du scrutin pluralitaire, de mon point de vue, c'est qu'il favorise une responsabilité gouvernementale plus claire. Dans un scrutin proportionnel, on a généralement des gouvernements de coalition composés de deux ou trois partis. Dans un scrutin pluralitaire, on a généralement un gouvernement composé d'un seul parti. Si on est insatisfait dans notre système, c'est facile de savoir qui blâmer, c'est le parti au pouvoir. Le gouvernement actuel en sait quelque chose. Avec un gouvernement de coalition, c'est un peu plus compliqué, qui doit être tenu responsable parmi les deux ou trois partis qui forment la coalition?
En somme, le choix d'un mode de scrutin relève d'un arbitrage entre deux valeurs: équité, d'une part, responsabilité, d'autre part. Comme citoyen, je pourrais vous dire à laquelle des deux valeurs j'attache personnellement plus d'importance. Comme je suis venu ici à titre d'expert, je ne parlerai pas de mes valeurs personnelles. Ce dont je peux vous parler cependant, c'est de l'attitude des membres de l'Assemblée des citoyens, en Colombie-Britannique, lorsqu'ils ont eu à proposer un mode de scrutin dans cette province. Notre équipe de recherche a fait une étude de cette assemblée, et les 160 membres ont répondu à une douzaine de questionnaires tout au long de l'année 2004. Trois tendances ressortent. Un, la plupart des membres disaient accorder beaucoup d'importance aux deux critères, on voulait tenter de les concilier autant que possible. Deux, en pratique, la considération qui explique le mieux l'évaluation qu'on faisait du système actuel est l'importance accordée à l'équité. Dans la décision des gens, l'équité a eu un plus grand poids que la responsabilité. Trois ? et c'est la conséquence du point précédent ? la plupart des membres ont jugé le scrutin pluralitaire comme étant moins valable que le scrutin proportionnel. Il semble que le gouvernement québécois, comme l'Assemblée des citoyens en Colombie-Britannique, est prêt à sacrifier un peu de responsabilité pour que le mode de scrutin soit plus équitable.
Ce qui me frappe dans les projets de réforme qui sont présentement discutés dans quatre provinces canadiennes, c'est que, dans chaque cas, on propose un système avec une dose modérée de proportionnelle et qui conserve un vote personnalisé.
Le vote personnel. Une des critiques les plus fréquentes du scrutin proportionnel classique à liste fermée est qu'il ne permet pas aux électeurs d'exprimer leur préférence pour les candidats à l'intérieur d'une liste. Cette critique me semble tout à fait valable, mais il est possible de permettre un vote personnalisé dans un scrutin proportionnel avec une liste ouverte où l'électeur indique non seulement quel parti il préfère, mais aussi quels candidats il préfère sur cette liste, comme cela se fait en Finlande. Ou encore, on peut avoir une proportionnelle personnalisée, entre guillemets, sans liste, le vote unique transférable, comme en Irlande et comme c'est proposé en Colombie-Britannique, ou encore un système mixte, comme c'est proposé par le gouvernement québécois, où la moitié, ou un peu plus, des candidats sont élus directement par les électeurs. En somme, tout projet de réforme me semble devoir conserver un vote personnalisé, et la proposition du gouvernement québécois respecte cette condition.
Le deuxième aspect est qu'on propose généralement une dose modérée de proportionnalité. Dans un scrutin proportionnel, on a plus de partis que dans un scrutin pluralitaire. En moyenne, on a quatre partis, dans les scrutins pluralitaires, et sept dans les scrutins proportionnels. Mais il faut distinguer les types de proportionnelle. Avec une proportionnelle intégrale, comme en Israël et aux Pays-Bas, on aura habituellement une dizaine de partis. Avec une proportionnelle très modérée, avec petits districts, on aura plutôt quatre ou cinq partis. Le danger d'une proportionnelle intégrale, c'est une très forte fragmentation des partis. On peut avoir 10 partis au Parlement, quatre ou cinq qui font partie du gouvernement. Ceci pose un risque d'instabilité et peut mener à des gouvernements dont la responsabilité est très diluée. La proportionnelle intégrale est donc, de mon point de vue, à éviter.
Pour éviter une trop forte fragmentation, deux solutions sont possibles. On peut imposer un seuil national, disons, de 5 %. Avec un tel seuil, on aura quatre, cinq ou six partis au maximum à l'Assemblée nationale. On peut créer des districts relativement petits, comme ce qui a été fait dans la proposition gouvernementale. Je comprends donc la volonté de contrer une trop grande fragmentation, mais je me demande si on ne pourrait pas avoir des districts un peu plus grands, surtout en milieu urbain. Tout au moins à Québec et à Montréal, la taille des districts ne pourrait-elle pas être de 10 plutôt que de cinq?
J'aimerais maintenant indiquer ce qu'on peut supposer qui changerait dans le fonctionnement de la politique québécoise si le projet de réforme est adopté. Il n'y a aucune certitude ici, mais certaines tendances sont probables. D'abord, il y aura plus de partis. Présentement, il y en a trois à l'Assemblée nationale. Le scénario le plus plausible, après une transition de deux ou trois élections, est qu'il y aurait quatre ou cinq partis, donc un peu plus de choix pour l'électeur. On aurait ensuite des résultats électoraux plus justes. Les grands partis seraient encore avantagés, les petits partis désavantagés, mais les biais seraient nettement réduits. Et on aurait des gouvernements qui seraient soit de coalition soit minoritaires. Il est plus probable que ce seraient des coalitions, et c'est ce que je vais supposer ici.
Tout un nouveau contexte qu'on ne connaît pas, les partis devront s'habituer. Ils n'aimeront pas cela au début, mais, comme ailleurs, ils vont s'adapter. Les coalitions auront parfois été annoncées à l'avance. Au moment de la campagne électorale, deux partis se sont entendus sur un programme commun, et la formation du gouvernement se fera alors en douce. Parfois, les coalitions n'auront pas été annoncées à l'avance, il y aura des négociations, parfois assez longues, qui pourront durer un mois ou deux, et une certaine instabilité ou peut-être une turbulence, une effervescence, diront certains, comme l'instabilité que nous avons présentement au fédéral.
Donc, un peu plus de choix, plus de points de vue représentés à l'Assemblée nationale, des résultats plus justes, un gouvernement de coalition qui prend parfois un peu de temps à se constituer et avec une responsabilité moins bien définie que présentement. Peut-être, qui sait, un gouvernement à la fois lucide et solidaire, qui sait.
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(10 h 50)
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Quelques mots pour terminer sur la réforme proposée. D'abord, j'avoue ne pas comprendre ceux qui semblent croire qu'il ne s'agit pas d'une véritable réforme. Les résultats seraient nettement moins injustes que présentement, et nous aurions à peu près toujours des gouvernements minoritaires ou de coalition plutôt que des gouvernements majoritaires. Ceci me semble un changement fondamental, qui va affecter substantiellement le fonctionnement de l'Assemblée nationale et du gouvernement.
Certains disent que ce qui est proposé, ce n'est pas vraiment un système proportionnel. C'est à la fois vrai et faux. La proposition en est une de système mixte avec une dose modérée de proportionnelle, comme ce qui est proposé à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Il est vrai qu'en Colombie-Britannique on a proposé un scrutin proportionnel sans liste, le vote unique transférable, mais il faut dire que tous les experts ne s'entendent pas pour classifier ce mode de scrutin comme étant un système proportionnel, et surtout la taille de ces circonscriptions proposée par l'Assemblée des citoyens en Colombie-Britannique, entre deux et huit députés par circonscription, est similaire à celle des districts dans la proposition québécoise. Ce qui nous est proposé est donc un système mixte avec une dose modérée de proportionnelle. On peut juger que la dose est trop modérée, et je suis porté à être d'accord avec ce jugement, il reste que la proposition actuelle implique un changement substantiel.
Le tout dernier point que je voudrais faire a trait au nombre de votes. Dans la très grande majorité des systèmes mixtes, les électeurs ont deux votes: un pour un candidat local dans leurs circonscriptions et un pour un parti au niveau régional ou national. C'est un grand avantage de ce mode de scrutin que de permettre aux électeurs d'exprimer leur préférence pour un parti, d'une part, et pour un candidat, d'autre part. Le système actuel ne permet pas cela. Un électeur vote pour un parti et un candidat en même temps, et il lui est impossible de dire qu'il préfère le Parti québécois mais le candidat adéquiste. Le système mixte avec deux votes donne à l'électeur la liberté d'exprimer ses préférences, de façon plus précise et plus nuancée.
Les électeurs aiment avoir deux votes. En Allemagne, c'est maintenant plus de 20 % des électeurs qui différencient leurs votes. En Nouvelle-Zélande, c'est près de 40 %. Alors, pourquoi ne pas donner aux électeurs la possibilité d'exprimer leur préférence de façon plus fine? Ce qui semble avoir motivé la proposition gouvernementale de n'avoir qu'un vote est le tour de passe italien de «scorporo». Je ne veux pas entrer dans les détails techniques ici, mais je dois dire que je ne suis pas convaincu par cet argument. Je pense qu'on pourrait empêcher un tel tour de passe par une réglementation appropriée. Je crois aussi que les électeurs puniraient un parti qui essaierait de contourner les règles électorales. J'invite donc la commission à réexaminer attentivement la question des deux votes.
En conclusion, je voudrais souligner que le choix d'un mode de scrutin est d'abord et avant tout un choix de valeurs et qu'il dépend en particulier de l'importance accordée au critère d'équité. Cela veut aussi dire qu'il faut reconnaître que tout mode de scrutin a ses désavantages. La réforme proposée donnera lieu à des gouvernements minoritaires ou de coalition, et cela veut dire que la responsabilité gouvernementale ne sera pas aussi claire qu'elle l'est présentement. Il ne faut pas exagérer ce désavantage, mais il ne faut pas le nier.
Pour ce qui est des modalités du système mixte proposé, j'inviterais la commission à examiner la possibilité de donner aux électeurs plus de liberté, et donc deux votes plutôt qu'un, et d'augmenter la dose de proportionnalité en créant des districts un peu plus grands, surtout en milieu urbain.
Enfin, je voudrais dire que je suivrai avec un intérêt tout particulier les suggestions ou recommandations des membres citoyens de la commission. Comme je l'ai indiqué, nous avons étudié les travaux de l'Assemblée des citoyens en Colombie-Britannique, et j'ai pu voir avec quel enthousiasme et sérieux les membres de cette assemblée se sont acquittés de leur tâche. Je suis donc très curieux de voir à quelles conclusions les membres citoyens arriveront. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Blais, pour cette présentation très solide. Je suis convaincu qu'autour de la table nous l'avons tous beaucoup appréciée, surtout les clins d'oeil à l'actualité politique que vous avez faits tantôt en faisant référence à «turbulence et effervescence» et «lucide et solidaire». Là-dessus, je vais céder la parole au ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. M. le ministre.
M. Pelletier: Oui. Merci, M. Blais. Merci de votre présentation très solide. On n'a jamais eu la chance de se rencontrer, et je vous vois et vous entends aujourd'hui pour la première fois, mais j'en suis fort heureux.
Un argument a été avancé hier, par Christian Dufour, voulant que l'avant-projet de loi mettrait fin à l'alternance politique au Québec et donc qu'en quelque sorte le Parti libéral du Québec serait au pouvoir éternellement, il n'y aurait plus d'alternance politique en soi. De la façon vous parlez, ça n'a pas l'air d'être le cas, vous parlez de gouvernements de coalition pas mal, vous parlez de gouvernements minoritaires. Qu'est-ce que vous pensez de ce point de vue là qui a été avancé par Christian Dufour et qu'il est le seul d'ailleurs à avoir avancé dans cette commission jusqu'à présent?
M. Blais (André): Comme je n'ai pas entendu la présentation, c'est un peu difficile de réagir. Moi, ce que je voudrais souligner, c'est que c'est très difficile à prévoir exactement que seront les conséquences du mode de scrutin. Ce qu'on peut dire, c'est qu'il y aura un peu plus de partis, que, si on se fie à l'expérience étrangère, normalement il devrait y avoir au moins un ou deux partis de plus et que, dans les scrutins à dose proportionnelle, c'est très rare d'avoir des partis majoritaires qui contrôlent le gouvernement. Donc, qu'est-ce qui se produira exactement? Honnêtement, je ne sais pas, ça va dépendre beaucoup de la dynamique sociale et politique. Est-ce qu'il y aura un parti vert qui sera suffisamment fort dans certaines parties du Québec? Quelle tendance voudra être représentée? C'est extrêmement difficile à prévoir, et donc je me méfie beaucoup de toutes les prédictions sur ce qui pourrait arriver exactement.
M. Pelletier: J'imagine que vous avez pris connaissance des dispositions de l'avant-projet de loi qui concernent les modalités d'exercice du droit de vote, parce qu'évidemment il y a la question du mode de scrutin, mais il y a l'autre question, de l'exercice du droit de vote. J'aimerais avoir vos commentaires sur ces dispositions concernant les modalités d'exercice du droit de vote.
M. Blais (André): J'avais regardé ces dispositions. Je dois dire que malheureusement je me suis concentré sur la question de la réforme du mode de scrutin. Ce que j'avais vu à l'époque me semblait tout à fait correct. En même temps, je dois souligner que je ne crois pas que ça aura un effet important sur le taux de participation. Ça va rendre le vote un peu plus facile, mais je crois que les raisons pour lesquelles le taux de participation est en déclin sont beaucoup plus profondes et que malheureusement, donc, l'effet sur le taux de participation sera probablement minime.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, M. le ministre. Je vais aller maintenant du côté de M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Alors, M. Blais, bonjour, via la technologie qui nous permet justement de pouvoir le faire ce matin. Écoutez, je n'ai pas nécessairement la même expertise que vous pouvez détenir en ce qui a trait à la réforme parlementaire. Il y a certains éléments dans votre allocution qui m'ont quand même porté un peu à raisonner d'une certaine façon. D'abord, sur le fait de fonctionner avec des gouvernements de coalition ou des gouvernements minoritaires, vous semblez, de ce que j'ai cru comprendre, prôner un peu la vertu de ce système de fonctionnement. Lorsque je regarde un peu de quelle façon ça fonctionne dans un parlement pas tellement loin d'ici, et souvent, je dirais, les freins en termes de capacité de gérance, c'est un peu difficile par rapport justement au fait qu'il y ait un gouvernement minoritaire.
Et d'autre part j'aimerais vous entendre sur la répartition régionale. Tout à l'heure, mon collègue de Chutes-de-la-Chaudière avec bien sûr le représentant qui vous précédait au niveau de l'ADQ ont eu l'occasion de parler un petit peu par rapport à la possibilité soit d'augmenter de façon importante la superficie des districts ou des comtés et, par le fait même, d'avoir deux catégories de députés, un de circonscription, un de liste. Quelle pourrait être la répartition de ceux de circonscription et de liste? On parle de deux tiers-un tiers, est-ce que vous êtes en faveur d'une telle proportion?
M. Blais (André): D'abord, la question des coalitions gouvernementales. Je vous ai peut-être donné l'impression que j'étais en faveur des coalitions gouvernementales, je voudrais préciser que, tout étant égal par ailleurs, je crois qu'un gouvernement avec un seul parti est préférable à un gouvernement de coalition. Tout étant égal, par ailleurs. Malheureusement, ce n'est pas possible d'avoir des gouvernements avec un seul parti, si on veut par ailleurs respecter l'autre critère qui est le critère d'équité et faire en sorte que les différents points de vue sont représentés. Donc, mon argument, c'est qu'il faut faire un choix, on ne peut pas avoir tout en même temps.
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(11 heures)
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En même temps, je pense, c'est important de voir qu'en Europe on a des gouvernements de coalition partout. Dans les scrutins proportionnels, qui sont la majorité des modes de scrutin qui existent présentement, la majorité du temps, presque toujours, on a des gouvernements de coalition ou minoritaires. Et, quand on est habitué à ce système-là, ça pose beaucoup moins de problèmes. Ici, les gouvernements minoritaires posent toutes sortes de problèmes parce qu'on n'y est pas habitué. Mais, si les partis sont habitués de fonctionner dans ce système-là, il y a des règles qui s'instaurent et qui font en sorte que les désavantages ? il reste des désavantages; les désavantages ? sont beaucoup moins importants.
Sur la question de la répartition régionale, je ne voudrais que souligner un point. Dans le système proposé, on aurait deux types de député: le député local et le député régional. C'est un avantage pour l'électeur. L'électeur aurait un député local. Le député, peut-être, représente une plus grande circonscription présentement. C'est un désavantage, mais en même temps, comme électeur, si je ne suis pas satisfait du travail de mon député local, je peux aller voir mon député régional. Il se fera une compétition saine entre ces deux types de député là, et au total je crois que l'électeur est gagnant.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je vais aller maintenant du côté de l'opposition officielle et je reviendrai du côté ministériel. M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui. M. Blais, l'opposition officielle n'a que 10 minutes pour un échange avec vous, alors j'apprécierais des réponses le plus courtes possible.
Vous avez dit qu'il y a des raisons profondes liées à l'abstentionnisme ou à la désaffection par rapport aux institutions politiques. Vous en avez sûrement identifié quelques-unes. Rapidement. Et j'aurais une question subséquente tout de suite après.
M. Blais (André): D'abord, si je peux faire publicité pour un livre, To vote or not to vote, complètement consacré à cette question.
Pour être très court, je dirais que ce qu'on sait, c'est que le taux de participation diminue chez les nouvelles générations. Les générations plus âgées votent autant qu'avant, et donc c'est vraiment concentré chez les jeunes. Contrairement à ce qu'on peut penser, ça ne semble pas être à cause de leur cynisme. Je dois admettre que les causes exactes sont toujours sujettes à discussion ou à débat. Un des facteurs qui semblent avoir joué, c'est l'extension du vote à 18 ans. Il semblerait qu'à 18 ans les jeunes sont moins portés à voter qu'à 21 ans. Quant à moi, je mets l'accent sur le fait que le sens du devoir est beaucoup moins fort présentement qu'avant. Avant, il y avait beaucoup d'électeurs, d'ailleurs plus âgés... qui ont toujours ce sentiment-là, qui ont l'impression que la politique, c'est terrible, mais qui croient qu'ils doivent aller voter parce que c'est un devoir. Les jeunes, je crois, raisonnent beaucoup moins de cette façon-là, et la conséquence, c'est qu'ils sont beaucoup moins portés à aller voter.
M. Thériault: Alors, vous ne pensez pas nécessairement que c'est lié au fait, cet abstentionnisme, que les gens ne peuvent voter... n'ont pas d'alternative pour voter et qu'ils doivent absolument voter utile. Peut-être que ça joue, mais ce n'est pas la raison majeure, puisque vous ciblez les jeunes et que vous semblez dire que c'est lié tout simplement à un désintérêt.
Mais la question subséquente que je voulais vous poser, c'est: Vous avez souvent écrit... et vous avez déjà témoigné des vertus pédagogiques d'un référendum et d'une consultation pour changer les règles. Est-ce que vous seriez ? vous avez suivi, là, nos travaux, j'imagine, alors je ne veux pas faire tout l'exposé, là, des valeurs liées à ça; est-ce que vous êtes ? partisan d'une démarche qui permettrait à la population de trancher le débat qui perdure depuis 40 ans?
M. Blais (André): Je ne suis partisan d'aucune démarche, évidemment. Mais ? et là c'est vraiment en tant que citoyen, parce qu'en tant qu'expert, dans certains pays, on a modifié les modes de scrutin sans référendum, dans d'autres, on l'a fait ? comme citoyen, je crois à une certaine forme de démocratie directe. Je crois que les électeurs sont capables de porter jugement sur des réformes. Je crois que c'est une réforme importante et donc, comme citoyen, je crois que ce serait une très bonne chose que d'avoir un référendum.
M. Thériault: Excellent. Vous avez basé votre exposé, tout à l'heure, sur une prémisse que vous jugiez, je crois, incontournable à l'effet que le statu quo favorisait le Parti québécois. Un de vos collègues universitaires, Jean-Herman Guay, prétendait le contraire, lorsqu'on examine les votes de 1970 à aujourd'hui. Et ce qu'il disait, c'est que, «dans la zone d'égalité des votes, le PQ gagne. Dans la défaite, [la] chute est cependant brusque. Les libéraux, eux, ont plus de mal dans un cas d'égalité, mais jamais ils ne se [retrouveront] qu'avec une poignée de sièges. Plus encore, dans les victoires fortes, ils procèdent à un balayage». Et là, il nous disait: «De 1970 à 2003, le Parti libéral a obtenu 14 600 418 votes, sur un total de neuf élections générales. Pendant la même période, le Parti québécois a obtenu 12 177 741 votes. Si l'hypothèse de l'avantage [du] PQ est vraie, on m'accordera qu'il [faudra] moins de votes au PQ pour récolter un siège. [...]Le PLQ a obtenu 604 sièges pendant la même période, le PQ en a récolté 414. Faites la [...] division: il a fallu 24 173 votes au PLQ [et] 29 415 pour les péquistes» pour avoir un siège. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Blais (André): Je n'ai pas vu cette présentation de ce texte-là, donc c'est très difficile de réagir.
M. Thériault: Mais...
M. Blais (André): Tout ce que je peux dire...
M. Thériault: Oui. Bien... Oui, allez-y.
M. Blais (André): Tout ce que je pourrais dire, c'est qu'on observe empiriquement que, dans trois élections... ou deux élections récentes, le Parti libéral a eu plus de votes et a eu moins de sièges, que les simulations que j'ai vues, qui étaient faites par M. Massicotte, me semblent tout à fait rigoureuses, et donc, malheureusement, je ne peux pas réagir à froid, là, à un texte que je n'ai pas lu.
M. Thériault: Parlant des simulations de M. Massicotte, avec les simulations de M. Massicotte, il y a une distorsion inquiétante dans le projet de loi actuel. D'ailleurs, vous êtes d'accord avec moi qu'il y a des distorsions dans chacun des modèles, il y a des avantages et des inconvénients. Et une des distorsions ? parce qu'il faut faire des simulations, lorsqu'on fait, par exemple, la répartition des districts, pour voir s'il y a une équité ou... ? c'est le principe d'équité que vous mettez en relief depuis tantôt et sur lequel vous basez votre argumentation. Êtes-vous au courant qu'en 1998 le Parti québécois, sur l'île de Laval, avait quatre gains sur cinq ? non, non, je parle juste des territoires, là, des circonscriptions ? et, seulement que la transposition de la carte électorale fédérale, alors, avec les mêmes chiffres, avec les mêmes votes dans les boîtes de scrutin, le PLQ va chercher trois circonscriptions sur quatre? Alors, il y a un renversement de la volonté populaire. Qu'est-ce que vous pensez de cette distorsion-là?
M. Blais (André): Qu'il y ait des distorsions dans certains cas, dans certaines des régions, ça m'apparaît incontournable, quel que soit le mode de scrutin. En passant, je m'intéresse aux simulations avec les résultats dans le système actuel et donc d'essayer de comprendre quelles sont les distorsions du système actuel. Je crois que les simulations sont intéressantes. Lorsqu'on commence à tenter d'imaginer ce que seraient les résultats, dans la réforme proposée, je suis plus sceptique, parce que je crois qu'il y aurait plus de partis et que les données seraient tout à fait différentes. Et donc, pour évaluer les résultats probables avec le mode de scrutin proposé, par exemple, moi, je m'inspire davantage de l'exemple de l'Irlande, qui a un mode de scrutin avec une dose de proportionnalité et avec des circonscriptions relativement petites, et c'est ce qui inspire, disons, les conséquences que j'anticipe par rapport à la réforme proposée.
M. Thériault: Avec les expériences qui ont été faites ailleurs, avec un seuil de 15 % pour permettre une voix à l'Assemblée nationale, ça prendrait et ça a pris combien de temps, dans certains autres pays, avant qu'effectivement s'exprime un minimum de pluralisme à l'Assemblée nationale? Parce que 15 %, là, quand on sait que tous les tiers partis présentement ne font à peine que... près de 3 % à peine, est-ce que vous croyez que... Combien ça prendrait d'élections avant que les électeurs puissent effectivement permettre ce pluralisme, puis qui est toujours relatif, là, selon la taille des districts?
M. Blais (André): C'est pour ça, en passant, que je crois que ce serait préférable de faire en sorte que les districts soient un peu plus grands, pour faire en sorte que ce 15 % là soit un peu plus petit. Ceci étant dit, le 15 % qu'on utilise présentement, il faut le comparer au 35 %, qui est le seuil généralement estimé dans le système actuel. Et donc ce que je dirais, c'est que le seuil est réduit de moitié.
M. Thériault: Un de vos collègues universitaires, M. Pelletier, disait qu'on ne pouvait pas concevoir...
Une voix: ...
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(11 h 10)
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M. Thériault: ... ? Réjean Pelletier, oui, Réjean; on ne pouvait pas concevoir ? le modèle britannique sous la lorgnette d'un seul district ou de l'addition du suffrage, parce qu'il y a au fond 125 circonscriptions, 125 élections à la fois, et qu'après ça donner une importance strictement au suffrage universel, ça fait en sorte qu'on se trouve à dévier un peu de l'objectif principal d'une élection, à savoir la détermination du pouvoir législatif, qui indirectement détermine le pouvoir exécutif. C'est-à-dire que le socle de la démocratie, c'est le pouvoir législatif, et les représentants du peuple se font élire dans 125 territoires, et, selon qu'il y a un nombre de soldats qui restent debout, cela détermine la gouvernance. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Blais (André): Sur le plan strictement technique, c'est juste, et il y a une partie, vraiment une partie de vérité dans cela. En même temps, je crois qu'il faut reconnaître que la grande majorité des électeurs votent d'abord pour un parti ou pour un chef de parti, et que le candidat local joue, mais qu'il ne joue qu'à la marge et pour une minorité des électeurs, et donc, en pratique, l'élection est d'abord et avant tout le choix d'un parti ou de partis qui vont former le gouvernement.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Masson. M. le député faisait référence tantôt à l'insuffisance de son enveloppe de temps, mais ça a été réparti à la proportionnelle des sièges à l'Assemblée nationale. Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard: Merci, M. le Président. M. Blais, merci pour votre présentation. Vous indiquez qu'il y a un trop grand nombre de districts. Le projet de réforme parle de 26 districts. On a entendu aussi M. Milner qui nous parle, selon lui, que 14 districts, ce serait plus acceptable. M. Lemieux, Vincent Lemieux, lui, nous a indiqué qu'on devrait calquer le modèle des régions administratives, c'est-à-dire 17 districts. J'aimerais, dans un premier temps, vous entendre sur: Est-ce que vous avez une proposition sur le nombre de districts?
Et aussi je vais en profiter parce que je suis limité dans le temps, je vais vous poser une deuxième question. Parce que les opposants à la réforme, eux autres, nous indiquent que le système d'alternance que l'on vit depuis plusieurs années au Québec fait qu'on n'a pas besoin de réforme. Donc, ma question est de savoir: Est-ce que le statu quo est acceptable au Québec?
M. Blais (André): Je vais commencer par la deuxième, qui est la plus facile, évidemment. Est-ce que le statu quo est acceptable? Je suppose que vous pouvez vous attendre à la réponse. Ça dépend de vos valeurs, ça dépend de l'importance relative que vous accordez à l'équité versus la responsabilité. Donc, je vous laisse le choix de répondre à cette question à partir de vos valeurs.
Pour ce qui est des districts, je dois dire que je n'ai pas de position très précise à ce sujet. J'ai, je pense, une connaissance beaucoup moins profonde de la société québécoise et des différentes régions que ne l'ont M. Milner et M. Lemieux. Le seul commentaire que je voudrais faire, c'est qu'il me semble a priori qu'on a opté pour des districts un peu trop petits et que, si on veut favoriser une plus grande équité, il serait possible de faire en sorte que les districts soient un peu plus grands. Mais je n'irai pas plus loin que cela.
M. Picard: Merci. C'est beau.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. le député. Donc, du côté des citoyennes et des citoyens, je commence avec M. Boivin.
M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Blais. J'ai entendu dire, et cela m'apparaît probablement juste, que la moyenne d'âge des sympathisants de partis tels que l'ADQ, l'UFP ou le Parti vert est significativement plus basse que pour le PLQ ou le PQ. Premièrement, est-ce que cette question-là a été étudiée en lien avec le fait que ces partis-là soient structurellement désavantagés de par le mode de scrutin actuel? Est-ce qu'on ne pourrait pas mettre ça en lien ? est-ce que ça a été fait? ? avec la désaffection des jeunes justement par rapport à la participation citoyenne et à la participation lors des scrutins?
M. Blais (André): Malheureusement, je vais vous répondre que je ne crois pas que c'est lié, parce qu'on observe un déclin du taux de participation dans à peu près tous les pays, y compris les pays avec un mode de scrutin proportionnel, y compris dans les pays où le scrutin est très proportionnel, comme aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves, et les tendances semblent être les mêmes, et donc je ne crois pas que ce soit directement relié.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Boivin. Mme Loucheur.
Mme Loucheur (Yohanna): Bonjour, M. Blais. Je voulais vous demander, pour revenir à la question de ce nécessaire arbitrage entre l'égalité et la responsabilité... Une des propositions qui ont été amenées a été de changer un peu le modèle qui est sur la table pour arriver à un système mixte non compensatoire en utilisant un système parallèle, donc deux votes, le deuxième vote allant évidemment pour le vote de parti mais sans compensation. Et on nous disait ? c'est M. Jean-Herman Guay qui nous disait ? surtout que ça permettrait probablement de préserver des majorités, en tout cas plus souvent que le système qui est proposé maintenant, tout en permettant probablement une meilleure représentation des petits partis. Et, en examinant les deux systèmes, j'ai l'impression que finalement ça imposerait un seuil, disons, un seuil réel plus bas que le système qui est proposé maintenant. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, en prenant pour acquis qu'on garde les districts comme ils sont maintenant, parce qu'évidemment, si on change le nombre de districts, on abaisse le seuil. Mais, disons, entre les deux systèmes, lequel vous paraîtrait le plus efficace?
M. Blais (André): Si c'est l'équité qui est le critère le plus important, il n'y a aucun doute que le mixte compensatoire est beaucoup mieux que le mixte parallèle. Dans le mixte parallèle, en fait ce serait encore plus difficile pour les petits partis de prendre des votes, puisqu'il n'y aura seulement que deux sièges qui seront... si on prend trois et deux, il y aura seulement deux sièges qui seront alloués, et ces deux sièges là iront aux deux partis qui ont le plus de votes, si on parle du statu quo avec un système mixte parallèle.
Mme Loucheur (Yohanna): Non. Je voudrais juste préciser que ce modèle-là est basé donc sur deux votes et sur des listes nationales pour le deuxième vote. Excusez-moi.
M. Blais (André): Ah bon! Donc, les districts tombent complètement.
Mme Loucheur (Yohanna): Oui, les districts tombent complètement.
M. Blais (André): O.K. Là, il faudrait... Si les districts tombent complètement... il n'y a seulement que 50 sièges compensatoires, et je suppose, par exemple, qu'on a un seuil de 5 % également, donc, en bas de 5 %, aucun... Un parti qui obtient 10 % des votes aura cinq sièges. Je serais porté à être d'accord sur ce point-là. Mais ça veut dire, en passant, qu'on est obligé d'instaurer des listes nationales, et mon impression, c'est qu'il y a une forte réticence à l'instauration de listes nationales, au Québec, et donc il y a encore équilibrage avec un autre critère.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Je retourne du côté ministériel. M. le ministre.
M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. Blais, vous avez discuté du phénomène du vote divisé, là, le phénomène en vertu duquel quelqu'un vote pour un candidat de circonscription et fait un autre vote pour la liste d'un parti politique. Il y a des pays où il y a un nombre très élevé de votes effectivement divisés. Ne croyez-vous pas que, dans le contexte où, nous, on a des petits districts finalement... Présentement, dans l'avant-projet de loi, on a d'assez petits districts, avec finalement deux sièges de compensation sur cinq. Ne croyez-vous pas que, dans ce contexte-là de petits districts où il y aurait un très grand nombre de votes divisés, que ça risquerait finalement de créer des distorsions ou d'engendrer des écarts, des distorsions importantes, plutôt que finalement de résoudre le problème des écarts et des distorsions?
M. Blais (André): Je ne crois pas. Si on suppose que, lorsqu'il y a un vote divisé, souvent ? pas toujours, mais souvent ? ça veut dire que j'ai une préférence pour le parti A, mais par contre j'aime bien le candidat qui est associé au parti B, je vais voter pour le candidat du parti B d'une part, puis ensuite pour le parti A, et c'est mon vote de parti qui va déterminer quels seront les partis qui auront droit aux sièges de compensation. Et, de ce point de vue là, mes préférences pourront être comptabilisées, alors que, si je n'avais qu'un vote, je vais être tiraillé et je devrai peut-être voter pour le candidat d'un parti que j'aime moins.
M. Pelletier: D'accord. Merci.
M. Blais (André): Donc, je ne vois pas vraiment le problème.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre. M. le député de Trois-Rivières, maintenant.
M. Gabias: M. Blais, merci de votre présentation. Ma question, c'est sur l'élément, je dirais, du type de député que ça provoque. Si on prend l'expérience néo-zélandaise, qui est un scrutin mixte compensatoire mais à deux votes, comme vous venez de l'expliquer, est-ce que vous croyez que le rôle du député, à la lumière de cette expérience-là, est différent par rapport au rôle qui serait conservé par la proposition que nous avons maintenant, à savoir, nous, un système de scrutin mixte compensatoire mais à un seul vote?
M. Blais (André): Est-ce que le fait d'avoir un vote modifierait les...
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(11 h 20)
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M. Gabias: Est-ce qu'on crée davantage deux classes de députés dans le système qu'on connaît en Nouvelle-Zélande par rapport à ce que pourrait provoquer ce système-là, par le fait que nous ne votions qu'une seule fois?
M. Blais (André): Une bonne question. Difficile question. Honnêtement, je n'ai pas la réponse très facilement. Mon impression première serait que je ne crois pas que ça affecte beaucoup les choses, mais je peux me tromper. Honnêtement, il faudrait que j'y réfléchisse un peu plus.
M. Gabias: Mais vous n'avez pas, sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande, vous n'avez pas d'élément qui vous porte à dire que ça a davantage créé deux classes de députés?
M. Blais (André): D'après ce que je peux comprendre, en Nouvelle-Zélande, le problème n'est pas trop important, en général. On n'a pas cette impression qu'il y a deux catégories de députés, en bonne partie parce que... n'oubliez pas qu'il y a la possibilité d'être candidat sur les deux listes, que la grande majorité des candidats le font, et que même un candidat qui est élu sur la liste de parti, son objectif, c'est qu'à l'élection subséquente... c'est d'être candidat comme candidat au niveau local, et donc la distinction est un petit peu factice.
M. Gabias: D'accord. Merci.
M. Blais (André): Mais on ne croit pas que ça joue beaucoup.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. le député de Trois-Rivières. Je retourne maintenant du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard: Merci, M. le Président. Il y a un sujet que vous n'avez pas traité et qui n'est pas traité non plus dans la réforme, c'est les élections à date fixe. J'aimerais avoir votre point de vue sur le fait qu'actuellement c'est le premier ministre qui décide, selon ses sondages, son humeur, à quel moment il va déclencher les élections, ce qui, selon moi, pénalise les partis dans l'opposition ou les tiers partis qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale. De par vos études dans les différents pays, c'est quoi qui est le meilleur système? Est-ce qu'on devrait avantager une élection à date fixe qui permet que tous les partis partent la même journée puis tout le monde le sait d'avance qu'on va partir à telle date pour la détermination du gouvernement?
M. Blais (André): Encore une fois, ça dépend de vos valeurs. Je veux dire...
M. Picard: L'équité.
M. Blais (André): Et, si vous pensez que c'est important que le parti au gouvernement n'ait pas un avantage aux dépens des partis d'opposition, je crois que vous avez raison.
M. Picard: C'est beau.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Excellent. Alors, je n'ai pas d'autre demande d'intervention. M. Blais, je vous remercie infiniment d'avoir participé aux travaux de cette commission. L'échange avec vous a été fort enrichissant, et je vous en remercie.
M. Blais (André): Ça m'a fait plaisir.
Mémoire déposé
Le Président (M. Ouimet): Bien. Donc, cette vidéoconférence conclut nos séances de consultations particulières. J'en profite donc pour déposer le mémoire de Me Guy Tremblay, qui n'a pas manifesté l'intention d'être entendu par la commission mais souhaitait quand même que son mémoire soit distribué. Et, sur ce, je vais suspendre les travaux de la commission quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 23)
(Reprise à 11 h 28)
Remarques finales
Le Président (M. Ouimet): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous amorçons maintenant la période des remarques finales. Donc, je vais aller du côté des membres du comité citoyen, et j'ai cru comprendre que c'est M. Acharid qui va prendre la parole au nom des citoyens. C'est ça? Alors, vous avez 10 minutes, M. Acharid.
M. Mustapha Acharid,
membre du comité citoyen
M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Les deux dernières semaines ont marqué, pour nous, le début d'une expérience s'annonçant très enrichissante. N'étant pas spécialistes de ces questions, les présentations et les questions soulevées pendant les consultations particulières ont permis une mise à niveau de nos connaissances sur les questions relatives au mode de scrutin. Nous avons ainsi commencé à identifier certains des grands enjeux soulevés par les propositions de réforme, que ce soit le mode de scrutin ou certaines des modalités d'exercice de vote.
Nous sommes encore très loin bien sûr de tirer des conclusions, mais ces travaux s'avèrent certainement une excellente préparation pour la prochaine étape, soit les consultations publiques qui se tiendront à travers le Québec à partir de janvier prochain. Nous sommes enthousiastes à la perspective d'entendre des gens de toutes les régions partager leurs points de vue avec la commission.
Enfin, nous tenons à remercier tous les membres de la commission ainsi que tout le personnel de soutien, orchestré par le secrétaire de la commission, Me Breault. Au plaisir donc de vous retrouver en janvier pour la poursuite de ces travaux qui ne peuvent qu'être bénéfiques pour l'avenir de la démocratie québécoise. Merci.
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(11 h 30)
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Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Acharid. Maintenant, du côté de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.
M. Marc Picard
M. Picard: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier tous les intervenants qui sont venus nous exposer leurs opinions lors de cette première partie de consultations particulières. Leurs interventions, parfois passionnées, nous démontrent la pertinence du débat initié par cette commission spéciale. De même, j'aimerais aussi souligner la contribution des citoyens qui participent aux travaux de la commission et qui nous accompagneront lors de la prochaine étape, soit la consultation générale, étape lors de laquelle nous aurons l'occasion de rencontrer des citoyens de différentes régions et, par le fait même, remettre le débat entre les mains des citoyens qui sont la base même de la démocratie. Cette participation des citoyens légitimise l'exercice non partisan nécessaire à la bonne marche de nos travaux. D'autre part, j'aimerais aussi souligner le travail du personnel de la commission, qui facilite notre travail lors des différentes étapes de cette consultation.
Nous avons entendu plusieurs intervenants qui sont venus tour à tour nous exposer des opinions et des points de vue différents. Cette diversité me permet d'affirmer que nous sommes face à une opportunité attendue depuis plus de 30 ans, opportunité de réfléchir sur notre modèle qui, oui, fonctionne depuis 200 ans, mais qui présente plusieurs imperfections telles que présentées par nos différents témoins.
En démocratie, on a le devoir, en tant que citoyens, de mettre les efforts nécessaires pour améliorer notre système, car, dans le cas contraire, le danger qui nous guette est celui d'une spirale qui nous amène dans une succession de reculs. En effet, la force des démocraties se trouve dans leur capacité à évoluer face aux difficultés. Or, il est clair qu'une large part des intervenants qui sont venus témoigner devant nous confirment la pertinence de revoir notre mode de scrutin.
Les intervenants ont tous reconnu l'existence d'une distorsion majeure du vote selon sa distribution sur la carte électorale. En d'autres mots, les votes ont un impact différent d'une circonscription à une autre. Cet impact négatif est selon deux axes: d'un côté, nous avons une augmentation du vote utile lors des élections et, de l'autre, une diminution du taux de participation lors de ces mêmes élections. Il va de soi que cet impact négatif diminue grandement la confiance des citoyens envers leurs politiciens et surtout leurs institutions.
La grande majorité des intervenants reconnaissent aussi que le système actuel désavantage notre formation politique. En effet, selon les résultats de l'élection de 2003, il a fallu 173 530 votes pour élire un député de l'Action démocratique, lorsqu'il suffisait de 23 103 votes pour un député du Parti libéral du Québec et de 28 204 votes pour un député du Parti québécois. Cette distorsion est le résultat d'une trop grande prime au gagnant.
Plusieurs experts qui sont venus témoigner devant la commission nous recommandent d'éviter le statu quo comme conclusion à nos travaux. Ils nous confirment que le système tel que proposé est une avancée sur certains aspects, mais ces avancées demeurent timides. Or, même si on a le désir de changer le système, notre devoir en tant que membres de cette commission est de valider cette démarche lors de l'étape des consultations générales, puisque la finalité du processus sera la pratique citoyenne de la démocratie. En effet, la sagesse est de mise, car tout changement a forcément un impact négatif sur la représentation du Parti québécois, puisque le mode de scrutin actuel les avantage grandement. Donc, il serait adéquat et souhaité de s'élever au-dessus du débat partisan et de se concentrer sur notre rôle en tant que parlementaires et citoyens.
Enfin, je tiens à souligner, en mon nom et au nom de l'Action démocratique du Québec, notre entière satisfaction face à la démarche en elle-même, et j'aborde avec hâte et optimisme le début de l'étape des consultations populaires. Cette étape permettra d'obtenir une appréciation citoyenne des constats effectués par l'ensemble des experts entendus depuis deux semaines.
En conclusion, je vais reprendre le texte de M. J.-Herman Guay, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke. Il concluait en disant: «La réforme du mode de scrutin constitue-t-elle une panacée? Non. J'y vois surtout une pierre, une pierre nécessaire dans cet effort de reconstruction de la dynamique politique. Cette pierre trouvera sa place en autant qu'elle sera bien taillée, taillée en fonction de notre géographie, de notre histoire et des défis que [l'avenir] nous impose.» Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député. Du côté maintenant de M. le député de Masson.
M. Luc Thériault
M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, au terme de ces travaux de la commission, des auditions particulières et des consultations particulières, je voudrais d'une part saluer le travail que vous avez fait, ainsi que mon collègue de Richelieu et vice-président, saluer le ministre pour ses propos, sa présence et ses questions éclairantes, les membres du PLQ et le représentant de l'ADQ.
Mais mon coup de coeur va au comité citoyen. L'importance de leur présence, évidemment, pour l'opposition officielle, était une vérité de La Palice, mais je dirai que nous avons bénéficié de leurs questions éclairantes. Et d'entrée de jeu et très rapidement je dirai qu'ils se sont manifestés et je dirai qu'ils forment un groupe d'initiés. À terme de nos travaux, j'ai comme l'impression que ce sera un groupe d'experts. Et, s'il y avait une troisième phase à nos travaux, sûrement que ces personnes pourraient devenir des émetteurs et des animateurs pour pouvoir effectivement impliquer la population autour de ce débat.
Toutefois, M. le Président, nonobstant le bon travail que vous avez fait, et loin de moi l'idée d'invalider le processus de consultation, mais vous avez dit tout à l'heure à la blague que c'était une répartition proportionnelle du temps, alors voilà une inéquité importante.
Le Président (M. Ouimet): Pour vos remarques finales, vous avez beaucoup plus de temps.
M. Thériault: D'accord. Je déplore ce temps, je déplore le temps accordé aux échanges avec les experts. Je souhaite que nous puissions corriger surtout lorsque... Une question étant posée à 3 min 30 s, mettons, pas à 30 secondes, là, mais à 3 min 30 s, et que la personne est en train vraiment de nous donner une réponse intéressante, je trouve qu'on devrait la laisser terminer sa réponse tout en lui indiquant que... parce qu'on a coupé des gens qui parfois étaient dans un raisonnement qui aurait pu éclairer davantage nos propos. Et, compte tenu du temps qu'on a pour faire les échanges... Alors, à l'avenir, j'aimerais ça qu'on puisse revoir un peu... pour permettre vraiment les échanges, parce qu'on a les mémoires des gens, on sait ce qu'ils vont nous dire, et c'est à partir du choc des idées que jaillit la lumière, disons-nous, selon le vieil adage.
Alors, ceci étant dit, au niveau de la forme, l'opposition officielle voulait camper un certain nombre de thématiques. Évidemment, la première, la nécessité d'un référendum. Au terme de ces consultations particulières, je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que tous les intervenants, sauf peut-être le Parti libéral et M. Guay ? l'ADQ s'en remet au choix des citoyens sur cette question ? ont affirmé que la tenue d'un référendum constituait un incontournable. Et, lorsque je campais cette nécessité-là, à aucun moment les gens n'ont remis en question les fondements... les principes au fondement de l'incontournable nécessité d'un référendum ou d'un plébiscite, soit le principe d'autodétermination et essayer de protéger ce qu'on appelle la règle du consentement libre et éclairé.
M. le Président, trop souvent dans une société, les élites éclairées veulent le bien ? et ça, tant mieux, si on veut le bien de l'ensemble des gens ? mais on prétend parfois, donc, être bienfaisants, donc on est bienveillants, ça, d'entrée de jeu, mais on prétend être bienfaisants, de faire le bien pour la majorité, mais en portant atteinte à leur autonomie puis à leur autodétermination. Alors, on ne peut pas être bienfaisants lorsqu'on ne permet pas à l'autodétermination de pouvoir s'exprimer, et c'est pourquoi nous tenons à réaffirmer la règle du consentement libre et éclairé, surtout en ces matières. L'opposition officielle pense que référendum, oui, bien sûr, mais il y a aussi la nécessité d'une consultation, d'un exercice pédagogique préalable. Il ne faudrait pas qu'on tombe dans le piège de la Colombie-Britannique en mettant un seuil inatteignable et en ne donnant pas tous les moyens nécessaires pour que ce choix éclairé puisse se faire.
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(11 h 40)
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Plusieurs intervenants ont souligné que le cynisme ne se corrige pas par une révision du mode de scrutin mais par d'autres moyens pour atteindre les citoyens. Alors, on pourrait dire: Si le mode de scrutin ne corrige pas à lui seul le cynisme, nous pensons et nous croyons que faire trancher le débat par la population devient quelque chose qui devrait en tout cas ne pas augmenter ce cynisme. Et à cet égard nous croyons que les exemples de la Nouvelle-Zélande, de la Colombie-Britannique, avec les réserves que j'ai émises, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick sont des exemples à actualiser. Et je m'arrêterai là.
Sur la question du modèle, et des discussions, et de ce que nous avons entendu, bien qu'une très large partie des intervenants sont favorables à une réforme des institutions démocratiques, ceux-ci ont fait état de nombreuses réserves quant au modèle proposé dans l'avant-projet de loi, sauf, là, quelques intervenants qui considèrent que le débat a assez duré et qu'il faut absolument se contenter, même si le modèle est imparfait, se contenter de ce qu'il y a sur la table. Si ce n'est pas reculer, donc c'est avancer. L'opposition officielle se distancie totalement de ce genre de raisonnement.
Tous les experts, sans exception, ont énoncé le fait qu'il n'y avait pas de mode de scrutin parfait, que chaque mode présentait des avantages et des inconvénients, lesquels doivent faire l'objet d'arbitrage afin de déterminer lequel est le mode le plus approprié à la réalité québécoise. Selon certains, il n'est pas opportun d'ouvrir le débat sur le type de proportionnelle qui doit être mis de l'avant. Or, avec respect, ça nous apparaît être une approche dénuée de rigueur. En effet, pour être libre et éclairée, une décision sur une question aussi fondamentale doit être précédée d'un exercice comparatif, d'un arbitrage des avantages et des inconvénients afin que, malgré la complexité des enjeux, la population participe aux choix et que la pérennité de la révision soit assurée. On a déjà déploré le fait que ça a pris deux ans et demi avant que cette analyse comparative puisse reprendre sa place dans l'espace public; maintenant qu'on y est, faisons les choses correctement.
Ainsi, les intervenants ont tous soulevé des préoccupations sur certains enjeux sur lesquels la commission devrait se pencher dans l'appréciation du projet de loi. Parmi ceux-ci, nous retenons notamment les suivants: le lien entre un élu et ses électeurs. À cet égard, l'opposition officielle met les membres de cette commission en garde contre le caractère arbitraire et théorique de l'exemple des députés fédéraux, invoqué par certains, quant à la possibilité pour les députés québécois de servir adéquatement la population dans des circonscriptions fédérales. C'est un énorme danger de considérer la réforme à travers le seul prisme théorique, sans tenir compte des spécificités de chaque juridiction et en l'occurrence du Québec.
Un député vit dans deux mondes: il a un rôle législatif, parlementaire, et un travail dans sa circonscription. Ne pas avoir une connaissance suffisante de la réalité du travail du député dans sa circonscription rend impossible la compréhension du lien existant entre un élu et ses électeurs. Ce lien n'est pas, d'abord et avant tout, psychoaffectif mais administratif. Il pourrait le devenir à la longue, quand tu es là pendant plusieurs années. Mais, sans vouloir faire une liste exhaustive de tous les services de proximité dont un bureau de circonscription est le carrefour, on n'a qu'à penser à tous les cas qui nous sont référés par des comtés fédéraux lorsque le problème ne concerne ni l'immigration, ni l'assurance-emploi, ni les services de Postes Canada.
À titre de députés provinciaux, nous répondons à tous les problèmes relatifs aux interactions municipales et à la vie scolaire, bien que ceux-ci ne soient pas de notre juridiction, ainsi qu'aux problèmes relatifs... et là je vais faire une liste qui n'est pas exhaustive et qui représente autant de cas de comté, dans notre jargon: transport ? transport scolaire, urbain, régional, développement du transport ? assurance auto, services de garde, hébergement, CLSC, CHSLD, logement social, centres d'hébergement privés, centres jeunesse, ressources intermédiaires, DPJ, pertes d'emploi, sauvegarde d'entreprises, formation de la main-d'oeuvre, CSST, aide sociale ? souvent dans l'impossibilité de correspondre à des critères de sécurité sociale à travers souvent des services gouvernementaux, il y a des gens qui tombent dans la craque, comme on dit, qui ne sont... ils ne peuvent pas correspondre à aucune des cases ? santé, ouverture, fermeture de cliniques CLSC, accompagnement des citoyens vers des ressources communautaires, attribution et répartition des effectifs sur le territoire, questions, dossiers environnementaux ? décontamination, sites d'enfouissement ? organismes de prévention violence, toxicomanie, accompagnement dans le système judiciaire, relations avec le fisc, paiement de factures, etc. Combien de députés ou bureaux de députés ont dû appeler parfois un organisme comme Hydro-Québec pour voir s'il n'y avait pas là parfois des démarches abusives en plein hiver. Et sans compter toute la question du développement économique et qui fait en sorte qu'il y a effectivement une loi sur le lobbyisme au Québec, mais qu'à quelque part le travail du député est aussi, dans ces matières, parfois un travail de lobby ou de représentation. Ce sont autant de thématiques qui génèrent ce qu'on appelle des cas de comté. Ce qui a évolué quant au rôle du député, ce sont les attentes et la complexité des problèmes à l'égard desquels on considère que le député a une obligation de résultat.
Sur la problématique de la révision de la carte électorale et de la représentation régionale, on croit qu'il est important de prendre en considération les réalités géographiques, le respect des spécificités des régions et toute la question de l'égalité relative des votes. La Loi électorale et la Commission de représentation électorale arbitrent depuis plusieurs années les différents paramètres pour permettre l'équité entre milieux ruraux et urbains, et il faudrait bien se garder de ne pas tomber, en ces matières, dans des rationalisations clientélistes.
Le nombre de votes. Les experts ont indiqué que presque tous les modes de scrutin mixte compensatoire utilisés dans le monde prévoient deux votes. Une telle possibilité est favorable à l'expression claire et complète de la volonté de l'électorat en maximisant ses choix... et que le poids accordé à l'élément de complexité, soulevé par les tenants de la formule à un vote, est démesuré.
Le statut des députés de district. Les questions des membres ont mis en relief l'inquiétude liée au statut respectif des députés de circonscription et de district, en effet, par l'effet conjugué de la double candidature et du modèle à un vote. Un candidat défait dans une circonscription peut se retrouver, à titre de député de district, avec un déficit de légitimité. Au surplus, les recherches de la Pre Manon Tremblay auprès des députés néo-zélandais sont indicatives de la réalité vécue sur le terrain par les députés de liste en ce qu'ils cherchent tous, selon ses recherches et dont elle a fait état, à obtenir un siège de député de circonscription.
Le modèle proposé aurait également pour effet d'écarter l'alternance politique du paysage politique québécois en consacrant, par l'effet du tripartisme, des gouvernements minoritaires qui devraient chercher leur stabilité par la coalition, coalition non pas faite avant mais après un scrutin. Et, si on a quelque chose à faire pour augmenter l'intérêt des gens quant à la chose politique, c'est de faire en sorte que les élections ne soient pas des campagnes d'image et de marketing, mais des campagnes de contenu. Et il est souhaitable effectivement que les gens puissent voter non pas à partir d'une image, mais à partir des programmes de partis. Or, à partir du moment où un candidat est élu à partir d'un programme de parti et qu'on obtient un vote en fonction d'une plateforme électorale, démocratiquement, et issu d'une dynamique politique et démocratique, il est un peu... En tout cas, cela relève d'une certaine forme de distorsions et d'inconvénients que de dire d'entrée de jeu comme ça: Veux-tu devenir ministre? Voici mon gouvernement de coalition. Et alors que fait-on des valeurs, que fait-on de la plateforme électorale? Pourquoi une élection de 33 jours? Pensons-nous que nous allons augmenter la capacité des électeurs, augmenter ce que Milner appelle la compétence civique nécessairement de cette manière? Question.
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(11 h 50)
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D'autre part, il faut faire attention à l'effet de la gouverne fédérale versus l'État québécois. Le ministre en a eu dernièrement l'expérience, son collègue de l'Environnement et du Développement durable aussi. Il y a toute une lutte, que l'on soit fédéraliste ou souverainiste, qui se fait entre un État centralisateur et dominateur, et à cet égard il faut mesurer ses effets.
Sur la représentation dite ethnoculturelle ou des communautés, le Directeur général des élections a soulevé les difficultés de mise en application. Cela nous questionne.
Sur la représentation des femmes, analyse éclairante de la Pre Manon Tremblay. Il serait dommage d'attendre un changement de structure avant de passer à l'action; c'était ça, son message, et la responsabilité incombe aux partis politiques.
Nous déplorons le caractère dichotomique de l'avant-projet de loi. Les dispositions à la Loi électorale sont aussi importantes que le débat sur le mode de scrutin, et, à la lumière des consultations particulières, on passe très, très vite sur cette question. Et nous espérons que la consultation générale puisse nous permettre de tabler sur ces deux éléments, puisque l'avant-projet de loi a 711 articles et qu'en quelque part le gouvernement a émis l'hypothèse que certaines dispositions liées à la Loi électorale pourraient être en vigueur pour la prochaine élection et d'autres pour 2011. Alors, il faut prendre le temps. Et nous déplorons cela.
Les consultations particulières ont permis de: démontrer l'inexactitude de la prémisse selon laquelle le modèle britannique favorise systématiquement le PQ ? Guay, Serré, le groupe des cinq et Tanguay: démontrer que le modèle britannique préserve l'équilibre quant au poids des milieux ruraux par rapport aux milieux urbains et que l'occupation du territoire est une donnée géopolitico-économique incontournable ? l'opposition officielle veut mettre cette commission en garde contre toute forme de rationalisation clientéliste; démontrer que l'application de l'avant-projet de loi entraînerait un impact favorable pour le PLQ; démontrer que le seuil effectif d'obtention de sièges du modèle proposé par le gouvernement consacre le tripartisme et ne contribue pas au pluralisme politique ? le modèle proposé ne répond pas aux attentes et ne corrige pas les éléments du mode actuel, qui sont qualifiés de lacunes par les tenants du changement.
Conséquemment, à la lumière des consultations particulières, il apparaît que le modèle proposé pervertit la notion de scrutin mixte compensatoire en faisant une révision cosmétique qui transpose les avantages du mode actuel au profit d'une coalition gouvernée particulièrement par le PLQ.
Quant à nous, les consultations particulières nous permettent d'affirmer que le modèle proposé n'est plus une option, qu'il ne doit désormais plus être considéré comme une véritable option. La somme des interventions met en lumière les alternatives suivantes: le statu quo amélioré, un véritable mode de scrutin mixte compensatoire et une troisième voie qui, à la lumière des consultations, pourrait être un système mixte parallèle. C'est ce que nous avons entendu durant ces consultations particulières.
Ceci étant dit, nous anticipons avec enthousiasme la phase des consultations générales, qui nous permettront de recueillir le plus largement et massivement, nous l'espérons, le pouls de la société civile. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député de Masson. Je vais maintenant du côté des ministériels. Je vais commencer avec M. le député de Trois-Rivières pour ses remarques finales.
M. André Gabias
M. Gabias: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de souligner peut-être un élément qui est tellement éclatant que nous ne l'avons peut-être pas perçu, à savoir qu'il y a une valeur partagée par tous les Québécois, c'est la démocratie, puis ce n'est pas tous les peuples qui peuvent se targuer d'être unanimes sur cette question-là, quant au mode de gouvernance que nous souhaitons pour notre État. Également, deuxième élément sur lequel il y a unanimité, c'est que le mode d'expression, dans cette démocratie-là, est le droit de vote.
Troisièmement, nous avons discuté des modalités, et là évidemment il n'y a pas d'unanimité. Et je pense que, lorsque nous parlons de modalités, on parle, entre autres, du système de représentation et de l'exercice du droit de vote, qui sont les deux éléments centraux qui ont retenu nos discussions. Nous avons entendu des expertises venant d'experts et des partis politiques, je crois, qui ont été extrêmement éclairantes quant à ces possibilités de systèmes de représentation et d'exercice du droit de vote. Certainement qu'à l'enseigne de ces propos nous sommes devenus, tous et toutes autour de la table, beaucoup plus objectifs et rigoureux, parce que c'est un exercice qui n'est certainement pas simple.
Je profite de l'occasion pour remercier d'abord le personnel de la commission, parce que, il faut le dire, notre commission, dès la première journée, a très bien fonctionné et a très bien fonctionné jusqu'à maintenant. Je remercie également mes collègues parlementaires pour la qualité des échanges, le comité citoyen également que je vois travailler. Et, je ferais une comparaison, il me semble être un jury tout à fait studieux et curieux, et je pense que c'est de bon augure pour la poursuite de nos travaux. Je remercie également le personnel de notre formation politique, qui nous ont alimentés pendant toute cette commission, nous, les députés de circonscription, qui devons, pendant cette commission, continuer de faire notre travail de député de circonscription.
Et je termine en disant que le plaidoyer que vient de livrer le député de Masson me semble, à mon point de vue, prématuré, et je veux bien m'en dissocier, en ce sens que je veux bien conserver toute ma neutralité et toute mon ouverture pour l'étape que nous entreprenons. Je pense qu'il est important d'entendre des citoyens sur ce qu'ils attendent du rôle d'un député et sur la façon qu'ils entendent élire leurs députés. Et je peux avoir des idées, mais je n'ai certainement pas d'idée arrêtée, et c'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'entreprendrai la deuxième phase de nos travaux en région pour entendre les citoyens nous dire ce qu'ils attendent du travail de leurs députés et de quelle façon ils entendent les élire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député de Trois-Rivières. M. le député de Roberval.
M. Karl Blackburn
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Je vais saisir l'opportunité qui m'est offerte, ce matin, de procéder à des remarques finales sur le travail qui a été complété jusqu'à maintenant.
D'abord, pour utiliser et continuer dans le langage de l'avant-projet de loi, je me sens un peu comme un député de liste sur cette commission parlementaire là, mais surtout aussi et avant tout un député de circonscription. Et, lorsqu'on a l'occasion de faire le travail tel qu'on l'a fait jusqu'à maintenant, dans le système qu'on connaît, c'est toujours avec beaucoup de fierté qu'on réussit, jour après jour, à tenter d'être de fiers représentants pour nos citoyens.
Le processus dans lequel nous sommes en train d'évoluer va certainement permettre, je pense, d'une part de marquer de façon importante l'histoire, je dirais, politique du Québec, qui va permettre bien sûr aux citoyens du Québec d'avoir une nouvelle façon de faire. Mais le fait que nous allions dans les régions du Québec aussi démontre une très grande importance qu'accorde notre gouvernement à ce que les gens pensent et disent sur leur territoire, et, de ce côté-là, je ne peux pas être plus fier de ce que nous sommes en train d'établir comme processus aujourd'hui.
Et j'inviterais les gens, qui vont avoir l'occasion via bien sûr les débats qui sont télévisés mais aussi via tout le processus de consultation, j'inviterais les gens à devenir des acteurs de ce changement et non seulement des spectateurs. Et je suis convaincu qu'à la fin de ce processus c'est l'ensemble de la démocratie qui va sortir gagnante de ça. Et je ne peux pas être plus fier qu'aujourd'hui de participer de façon active à cette démarche constructive pour l'avenir du Québec, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. le député de Roberval. Mme la députée de Chauveau.
Mme Sarah Perreault
Mme Perreault: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, je joins ma voix à mes collègues pour dire à quel point j'ai été intéressée par tous les spécialistes qu'on a entendus.
Je vous dirais que cette consultation-là doit être abordée sans partisanerie. Je pense que c'est ce qu'on fait, comme représentants de la population, pour placer à l'avant-plan d'abord la démocratie de notre Québec, au fond, qui doit primer dans toutes les réflexions qu'on doit faire.
Je vous dirais que la proposition qui a été mise sur la table par mon collègue qui est ministre a l'avantage d'avoir suscité beaucoup, beaucoup de discussions autour de cette proposition-là qui, sans être parfaite, à tout le moins a l'avantage de mettre la table pour des discussions qui ont été extrêmement intéressantes.
Je retiens aussi de cette première phase de consultation qu'il y a un large consensus sur le fait qu'on doit aller vers une proportionnelle qui améliorerait la représentation, au Québec, pour tous ceux et celles qui veulent avoir une voix au chapitre et pour qui leur vote doit compter, exception faite évidemment du groupe des cinq qui était représenté par M. Dufour.
Je veux aussi terminer en vous disant tout le plaisir que j'ai de partager cette consultation-là avec des citoyens qui, ma foi, posent des questions extrêmement intéressantes et nourrissent notre réflexion à nous tous, parlementaires. Alors, je veux les remercier pour cet apport qu'ils nous font aujourd'hui et les remercier pour la suite des choses, parce qu'on a encore d'autres phases à faire ensemble. Alors, merci beaucoup, M. le Président.
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(12 heures)
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Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, Mme la députée. M. le ministre, maintenant.
M. Benoît Pelletier
M. Pelletier: Merci, M. le Président. M. le Président, mes premiers mots seront pour vous remercier pour votre présidence et remercier également le vice-président, le député de Richelieu. Je remercie tous mes collègues, bien entendu, membres du parti ministériel, pour leur présence. Je remercie également les représentants de l'opposition officielle, en particulier le député de Masson, mon vis-à-vis, et je remercie également, bien entendu, le député des Chutes-de-la-Chaudière, représentant de l'ADQ, que nous appelons parfois l'autre opposition.
Je remercie, bien entendu, les citoyens. Je vous remercie pour votre sens du devoir, je vous remercie pour votre contribution au débat et je vous remercie pour votre générosité, parce que votre présence en quelque sorte témoigne d'une générosité en quelque sorte, et, cette générosité-là, vous la mettez au profit de l'ensemble de la société. Alors, je pense que vous devez être, en fin de compte, remerciés et félicités pour cela.
M. le Président, nous concluons aujourd'hui la première phase de consultation sur l'avant-projet de loi du gouvernement. Les présentations des partis politiques et de nombreux experts et commentateurs des modes de scrutin nous ont permis d'établir et de délimiter les bases du débat qui aura cours cet hiver. Il est très important de rappeler que tous les partis politiques qui sont venus témoigner... tous les partis politiques sont toujours en faveur d'un changement, et que la communauté d'esprit qui existait sur la question avant l'élection d'avril 2003 subsiste toujours. Comme plusieurs experts nous l'ont souligné, il est toujours plus facile de procéder à une réforme du mode de scrutin quand l'ensemble des forces politiques se positionnent clairement en faveur du changement.
Dans cette perspective, je me réjouis également de constater que les principes avancés dans l'avant-projet de loi, soit l'idée d'une proportionnelle mixte compensatoire à caractère régional, sont fort bien accueillis. Certes, nous avons entendu quelques personnes nous dire que la proposition gouvernementale n'allait pas assez loin, d'autres nous proposer des modalités légèrement différentes, mais nous pouvons désormais affirmer avec confiance que nous sommes sur la bonne voie. Certains observateurs qui ne sont pas chauds au changement sont venus défendre les avantages du système actuel. Leurs témoignages nous rappellent surtout l'importance de préserver certaines des propriétés les plus appréciées du scrutin actuel dans l'élaboration d'un nouveau mode de scrutin pour le Québec. Je pense notamment au lien électeur-élu et à la stabilité gouvernementale.
Sur la question du référendum, il me semble que le constat des experts n'était pas clair. Si plusieurs ont exprimé qu'un référendum pouvait être quelque chose d'appréciable, ils n'ont cependant pas été clairs sur la question de savoir si un tel référendum était nécessaire. Après tout, plusieurs réformes ont été adoptées, dans d'autres pays, par simple vote des députés, qui sont les représentants de la population. Or, plus d'un expert nous ont dit qu'un référendum était nécessaire quand la volonté des forces politiques n'y est pas, ce qui n'est évidemment pas le cas au Québec. Ici, la marche de la démocratie vers un système électoral plus représentatif de la diversité est amorcée depuis plus de 40 ans. Depuis quelques années, les travaux de la Commission des institutions, les états généraux, la proposition du gouvernement qui est contenue dans l'avant-projet de loi, la présente commission spéciale sont autant d'étapes importantes qui témoignent du consensus qui existe autour de la question, tant des forces politiques que sociales. Elles témoignent aussi de la nécessité d'aller de l'avant sans succomber à la tentation de multiplier les obstacles à l'amélioration de notre démocratie.
Plusieurs experts et représentants des partis politiques nous ont dit cependant à quel point il est important que la population soit consultée sur la réforme du mode de scrutin. M. Sébastien Proulx, de l'ADQ, nous le disait ce matin: Je crois que les citoyens doivent être consultés. Or, c'est justement ce que cette commission parlementaire nous permet et nous permettra de faire.
Parmi les modalités qui nous ont été proposées, je retiens notamment les suivantes: d'abord, la taille des districts, qui devra peut-être être repensée, et, par voie de conséquence, la magnitude et l'amplitude de la proportionnalité; deuxièmement, la possibilité d'utiliser deux votes et des listes ouvertes; troisièmement, l'idée d'une transition progressive de un vote à deux votes, par exemple.
D'autres points de vue intéressants, et dont il faudra nécessairement tenir compte, ont également été soulevés quant à certains aspects des modes de proportionnelle mixte. Je pense ici à la question des seuils, à la double candidature, au rôle des deux types de député et à la représentation plus égale des femmes et des minorités ethnoculturelles.
Sur la question des seuils précisément, permettez-moi de préciser, M. le Président, que ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi actuel, c'est un seuil de facto, un seuil effectif d'environ 15 %, mais à l'échelle d'un district, pas à l'échelle nationale. Ça veut dire que, dans un district, pour avoir droit à une représentation, un parti de facto devrait recueillir au moins 15 % des votes. Est-ce trop demander, M. le Président? À l'échelle nationale, ce 15 % représente 0,5 %. Nous avons cependant, évidemment, compris que certains intervenants ont proposé qu'il y ait un seuil légal explicite de 5 %, parfois même plus, pour qu'un parti politique soit considéré pour la compensation. Nous tiendrons compte, bien entendu, de ce point de vue.
Dans tout le débat sur le mode de scrutin, on ne peut pas oublier non plus que l'avant-projet de loi contient des modalités d'exercice du droit de vote. Je crois comprendre, à la lumière des témoignages que j'ai entendus, qu'il y a un consensus sur l'importance de faciliter l'exercice du droit de vote. Cependant, j'ai cru comprendre également que le débat sur les modalités d'exercice du droit de vote ne devrait pas être ralenti par la réflexion plus profonde sur le choix d'un nouveau mode de scrutin pour le Québec. J'en tiendrai compte.
Quelques experts y sont allés de propositions vraiment différentes et originales. Je pense notamment à la présentation de Jean-Herman Guay, qui est venu nous proposer un modèle mixte non compensatoire. Ce que le témoignage du Pr Guay nous rappelle, c'est que, maintenant que nous connaissons les effets de chacune des modalités sur la proportionnalité du résultat, sur la représentativité des régions et sur l'accessibilité de l'Assemblée nationale aux tiers partis, il nous importe de bien cerner les objectifs que nous cherchons à atteindre par la modification du mode de scrutin. Nous devons donc nous demander quel mode de scrutin servira le mieux les intérêts supérieurs d'un Québec au XXIe siècle, un Québec qui se veut résolument moderne et démocratique, tout en faisant abstraction évidemment des objectifs partisans.
Il ne fait aucun doute que les consultations que nous entamerons en janvier seront d'une grande importance à cet égard. La tournée commencera en janvier, ce sera une tournée d'un grand nombre de régions du Québec, plusieurs citoyens se feront entendre, bien entendu.
En ce qui me concerne, un certain nombre de valeurs et de grands principes sont à mon avis sous-jacents à la démocratie. Parmi ces valeurs, ces grands principes, nous retrouvons l'ouverture, l'ouverture du débat. Nous devons avoir un débat ouvert. Le droit d'être entendu pour chaque citoyen et d'exprimer des opinions divergentes, chaque citoyen qui se sent concerné et qui voudra bien faire des représentations devant cette commission. Le devoir d'écoute dans l'harmonie et le respect de chacun. Et, bien entendu, également tenir compte du principe même de la représentation des citoyens, c'est-à-dire de tenir compte de la diversité qui existe dans la population, une diversité d'opinions évidemment, mais également une diversité d'intérêts, des intérêts locaux, individuels, collectifs et idéologiques.
En terminant, M. le Président, j'aimerais offrir mes remerciements les plus sincères au personnel du secrétariat de la commission, qui nous accompagne donc dans cette démarche, depuis déjà deux semaines en quelque sorte, avec énormément de professionnalisme, avec doigté également, avec rigueur. Je peux vous dire que je suis très heureux de pouvoir compter, comme membre de cette commission, bien entendu, sur l'appui du secrétariat de la commission.
Et j'en profite également pour remercier tout le personnel du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, et à l'Accès à l'information. Des gens qui font un travail extraordinaire et, en fin de compte, qui m'appuient énormément dans l'exercice de mes fonctions et qui nous permettront, à nous, membres du parti ministériel, nous tous, parlementaires, de quelque parti que ce soit, vous également, citoyens, enfin qui permettront à l'ensemble de la société québécoise de faire évoluer ce débat. Merci.
Le président, M. François Ouimet
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le ministre, pour ces remarques finales. À mon tour, très brièvement, de saluer le travail colossal effectué par le secrétariat de la commission. Moi, j'en suis témoin à tous les jours, et ce, depuis la fin du mois de juin, lorsque nos travaux ont commencé; une équipe extraordinaire pilotée par le secrétaire de la commission, Me Louis Breault, qui est à ma gauche, alors je le remercie.
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(12 h 10)
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Je salue également le travail colossal effectué par les équipes de recherche. Si les parlementaires et les citoyens sont très bien préparés, c'est qu'il y a des gens qui travaillent extrêmement fort, dans l'ombre, pour faciliter notre travail. Donc, je les salue.
Je salue également le sérieux et la rigueur des membres du comité citoyen. Votre collaboration nous est extrêmement précieuse, elle est fort appréciée de la part de tous les membres de la commission.
Je salue aussi la qualité des échanges que nous avons autour de la table, la hauteur à laquelle ces échanges se situent et le climat vraiment exceptionnel qui règne et, moi comme président, que j'ai tout intérêt à préserver. Et je suis convaincu que ça va continuer.
J'ai pris bonne note des remarques de notre ami le député de Masson sur la gestion du temps. Je tiens juste à vous indiquer que le souci de la présidence est bien sûr de protéger l'enveloppe de temps de chaque groupe représenté au niveau de la table. Parce que, lorsqu'on permet à un groupe de déborder, ça empiète sur le temps d'un autre groupe. Et parfois j'ai cru comprendre que même vous, M. le député de Masson, à l'occasion, vous souhaitiez que j'intervienne pour interrompre des témoins qui des fois prenaient un peu plus de temps à votre goût. Mais j'en prends bonne note et, dans le cadre de l'organisation des travaux, j'en discuterai avec le vice-président de la commission, et nous vous reviendrons en séance de travail. D'ailleurs, il devrait y avoir une séance de travail la semaine prochaine, je pense que c'est jeudi. Vous recevrez une convocation.
Je prends bonne note aussi de vos commentaires, très constructifs, sur la dichotomie, je pense, au niveau de l'avant-projet de loi et comment l'organisation des travaux peut s'y ajuster en fonction du mode de scrutin, également des modalités de l'exercice du droit de vote, si j'ai bien compris votre pensée. Donc, on va tenter d'apporter des ajustements pour la suite des choses.
Alors, merci à tous et à toutes. Et, sur ça, la Commission spéciale sur la Loi électorale ayant accompli son mandat de consultations particulières, j'ajourne maintenant les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 13)