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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 30 mai 1995 - Vol. 34 N° 4

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 90 - Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre (titre modifié)


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Joseph Facal, président
M. Gérald Tremblay, président suppléant
Mme Louise Harel
M. Yvon Charbonneau
M. Henri-François Gautrin
M. Matthias Rioux
Mme Solange Charest
Mme Jocelyne Caron
M. Michel Côté
M. Michel Bourdon
* Mme Lorraine Pagé, CEQ
* M. Christian Payeur, idem
* M. Jean Perron, CNCQ
* M. Robert Savard, idem
* M. Marcel Tremblay, idem
* Mme Nycol Pageau Goyette, CCQ
* M. Michel Audet, idem
* Mme Isabelle Quenneville, CJD
* M. Christian Genest, idem
* M. Claude Breton, idem
* M. Sébastien Demers, idem
* M. Jean-Marie Meunier, APCHQ
* Mme Maureen Flynn, idem
* M. Serge Crochetière, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Facal): J'invite tous les parlementaires à bien vouloir prendre place. Alors, comme nous avons le quorum, je déclare ouverte cette séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle, dont le mandat est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

(10 h 10)

Nous accueillons, ce matin, les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec, à qui nous souhaitons la bienvenue. Avant de leur passer la parole, je voudrais rappeler à nos invités que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme est de 20 minutes et que s'ensuivra un échange de 40 minutes avec les membres de la commission, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition. Je constate que, ce matin, nous débutons avec neuf minutes de retard, ce qui est une amélioration sensible par rapport à la semaine dernière. J'ose espérer que nous irons en progressant. Alors, Mme Pagé.


Auditions


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Pagé (Lorraine): Bonjour, M. le Président. Je vais d'abord présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, M. Marc-André Gagnon, qui est vice-président au conseil exécutif de la CEQ; et, à ma gauche, M. Christian Payeur, qui est notre ressource affectée au dossier de la formation professionnelle et technique.

Alors, souvent, quand on reçoit des mémoires de la CEQ, on est impressionné par leur longueur. Cette fois-ci, nous avons voulu un peu vous déconcerter et nous avons donc un mémoire qui est fort concis, mais ça n'enlève rien à sa substance, soyez bien rassurés.

Donc, ça nous fait plaisir de venir vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi 90. Je ne présenterai pas la CEQ, je pense que vous la connaissez. Il y a des personnes, à cette table comme à l'autre table, qui pourraient vous en parler encore plus abondamment. Donc, je ne m'attarde pas à vous présenter les différentes catégories de personnels que nous représentons. Je voudrais simplement attirer votre attention... que, bien sûr, la vaste majorité de nos adhérentes et de nos adhérents travaillent en éducation, qu'il y en a une bonne fraction d'entre elles et d'entre eux qui oeuvrent en formation professionnelle et technique, que ce soit dans les écoles secondaires, dans les écoles, dans les collèges ou à l'éducation des adultes, et, à ce titre, soit comme personnes-ressources pour concevoir et élaborer les programmes ou encore comme dispensateurs de ces programmes, ils ont développé une expertise qui, à notre avis, doit être considérée à sa juste valeur quand on parle de formation professionnelle à développer.

Ça fait longtemps, au Québec, qu'on parle de formation professionnelle. Je pense qu'il faut saluer la détermination du gouvernement de vouloir mettre de l'avant des mesures concrètes pour assurer une meilleure formation des travailleuses et des travailleurs. Donc, nous soulignons cette volonté qu'a le gouvernement d'obliger les entreprises à contribuer l'équivalent de 1 % de leur masse salariale à la formation professionnelle. Bien sûr, certains nous diront – et je sais que des représentants du milieu des affaires et du patronat sont venus le dire ici: Les approches incitatives, s'il vous plaît. Les approches incitatives existent depuis fort longtemps, d'aucuns pourraient même dire depuis trop longtemps quand on voit les résultats. Il faut se rappeler qu'à peine 2 % des entreprises québécoises ont eu recours, l'année dernière, aux différentes mesures incitatives prévues pour soutenir la formation de la main-d'oeuvre. Alors, nous croyons que, en maintenant une approche strictement incitative, le Québec aurait accru son déficit dans son effort de formation, et ça aurait nécessairement amené, là aussi, un affaiblissement de la qualification de notre main-d'oeuvre, qui est un élément central quand on parle de la compétitivité ou de la concurrence entre les entreprises.

Nous croyons que l'investissement dans la formation professionnelle doit s'accroître. Elle est déjà insuffisante, et, en garantissant cette contribution de 1 %, on peut raisonnablement croire que cela amènera un accroissement des sommes consacrées à la formation de la main-d'oeuvre. C'est pourquoi nous appuyons l'article 1 du projet de loi 90 et que nous souscrivons à l'article 2, qui indique que l'employeur du secteur public, c'est-à-dire le gouvernement, sera assujetti à cette loi comme les autres employeurs du Québec. Je dois d'ailleurs vous dire que, dans le passé, quand nous étions venus en commission parlementaire rencontrer le ministre d'alors, M. Bourbeau, au moment de la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, c'était un des éléments que nous avions mis en évidence, l'obligation pour le gouvernement employeur de s'appliquer les mêmes règles que l'on voulait voir appliquées à d'autres employeurs.

Par ailleurs, il y a un bémol que nous voulons mettre. Il nous apparaît malheureux que le gouvernement ait réduit la portée de son projet de loi, probablement pour atténuer la réaction des entreprises. Mais je pense que l'effort n'a pas été couronné de succès, puisque ces dirigeants d'entreprise continuent encore à mener une bataille d'arrière-garde, à notre avis, pour s'opposer à une action qui est rendue nécessaire en plus d'être hautement légitime. D'ailleurs, il faut se rappeler que les besoins en formation n'ont pas diminué, ils se sont accrus depuis les dernières années et, au moment de la commission Jean, le rapport commandait une contribution de 1,5 % de la masse salariale. Après avoir connu 10 ans de mesures incitatives, avoir une obligation de contribution de 1 % – alors qu'il y a 10 ans on avait fixé ce seuil à 1,5 % – vous comprendrez que ça ne nous émeut pas beaucoup quand on entend dire que c'est trop et que c'est trop vite.

D'ailleurs, même si je mets ce petit bémol, il faut quand même constater que les nouvelles dispositions de la loi 90 vont nous permettre d'enregistrer des progrès certains. Il faut constater que, dès la première année, le nombre d'entreprises touchées par la mesure va être supérieur de 70 % à celui des entreprises qui ont eu recours au crédit d'impôt l'an dernier, et, après trois ans, avec la mise en place progressive qui est préconisée, le nombre d'entreprises participantes va être multiplié par quatre comparativement à l'an un de la mesure. Donc, il faut voir ce projet de loi comme une mesure nous permettant d'enregistrer des progrès significatifs.

Je pense qu'il faut aussi constater que la formation de la main-d'oeuvre, c'est un des vecteurs très importants quand on parle de politique de plein-emploi, et on sait à quel point la question de l'emploi est au coeur des préoccupations des Québécoises et des Québécois. On ne peut pas parler d'emploi sans parler de la formation de la main-d'oeuvre et on ne peut pas, pensons-nous, parler de formation de la main-d'oeuvre sans réunir les conditions pour améliorer celle-ci et, surtout, la faire progresser.

Je voudrais attirer votre attention sur un élément qui nous préoccupe au plus haut point, c'est le type de formation. Le projet de loi, par le troisième alinéa de l'article 6, ouvre sur la possibilité de reconnaître ce qu'on appelle la formation maison. Dans le langage oral, on a parlé de formation sur le tas, mais pour mieux rendre compte de ce que nous pensons que ça doit être, nous utiliserons le terme «formation maison», ce qui est celle acquise dans l'exercice d'un travail et qui est généralement non reconnue. Il nous semble que le projet de loi 90 n'incite pas, dans les dispositions actuelles, à dépasser l'état des pratiques actuelles. Qu'est-ce que nous voulons dire par cela? Simplement la chose suivante: nous croyons qu'il faut s'assurer que la formation même, et surtout quand elle est une formation maison, soit qualifiante.

Qu'est-ce que c'est, maintenant, une formation qualifiante? C'est une formation qui peut garantir une mobilité professionnelle et une reconnaissance des compétences acquises. Donc, une formation qualifiante doit être assurée même dans le cas d'une formation maison. Et, comme on veut reconnaître cette formation maison comme admissible aux dépenses de formation, elle doit donc être un apport utile aux travailleuses et aux travailleurs et non pas une évasion ou une échappatoire pour l'entreprise qui en dispense.

Le projet de loi vient encadrer un peu cette notion de formation maison en obligeant les entreprises à établir un plan de formation après consultation d'un comité créé au sein de l'entreprise. La responsabilité d'établir la composition de tels comités est confiée à la SQDM. On peut croire qu'il s'agirait de comités paritaires, mais, à l'instar de la FTQ, nous croyons que le projet de loi devrait préciser qu'il s'agira bien de comités paritaires. On pourra nous dire que cela va sans qu'on le dise, mais ça irait mieux en le disant. Donc, en précisant que c'est par des comités paritaires qu'on établira les programmes de formation, je crois qu'on se donne là une garantie additionnelle.

(10 h 20)

Autre élément, c'est que nous recommandons au gouvernement de demander aux institutions d'enseignement, particulièrement celles qui ont ce qu'on appelle un service aux entreprises, d'agir comme mandataires de la SQDM pour reconnaître les plans de formation des entreprises. L'objectif que nous poursuivons, il est multiple. D'abord, cela permettrait de réduire un engorgement des demandes à la SQDM, permettrait donc de répondre avec célérité aux demandes. Troisièmement, il y a eu certaines inquiétudes qui ont été soulevées quant à la mise sur pied d'une bureaucratie importante. Si on demande aux institutions d'enseignement d'agir comme mandataires, on se met à l'abri de la mise sur pied d'une telle bureaucratie. Enfin, et c'est peut-être l'objectif le plus important pour nous, c'est que cela favoriserait le développement d'une synergie nouvelle entre le monde du travail et les institutions d'enseignement. Je crois que ce qui est central dans ce projet de loi, c'est justement de créer les conditions de cette synergie entre les institutions d'enseignement et le milieu des affaires, le monde du travail. On a trop dénoncé, tout le monde, ou déploré, tout le monde, les cloisons très étanches qui se sont établies au fil des ans entre ces deux secteurs d'activité. Il faut que les dispositions du projet de loi viennent favoriser cette synergie entre les deux mondes. Et, en demandant que les institutions d'enseignement reconnaissent la formation maison en s'assurant de son caractère qualifiant, je crois qu'on mettrait en place un dispositif qui viendrait renforcer cette synergie.

Nous nous réjouissons que les dépenses de formation admissibles puissent comprendre le congé de formation, tel que c'est prévu à l'article 5. Il y a longtemps qu'on parle de congés-éducation au Québec. Là aussi, c'est une avancée dans le bon sens.

En conclusion, nous croyons que l'article 6 du projet de loi devrait être modifié pour prévoir formellement les besoins de formation préalable des travailleuses et des travailleurs. On sait qu'il y a de plus en plus d'expériences, qui se vivent dans les milieux de travail, qui visent carrément l'alphabétisation. On a engagé des travailleurs et des travailleuses qui sont, bien souvent, des analphabètes fonctionnels et, quand vient le temps de progresser dans leur formation continue en cours d'emploi, les besoins d'alphabétisation se font sentir. Et on pense, parfois, que ça se produit seulement dans le secteur privé. Je peux ici témoigner d'une expérience qui s'est vécue à l'hôpital Saint-Luc, où notre syndicat représentant les employés généraux de l'hôpital Saint-Luc a mis sur pied, en collaboration avec l'employeur, un programme d'alphabétisation à l'intention de ses membres parce qu'il constatait que certains avaient de telles lacunes qu'ils ne pouvaient pas se prévaloir de certains autres programmes de formation et, parfois même, se voyaient privés de possibilités de promotion à l'intérieur de l'hôpital.

Donc, il y a des besoins en alphabétisation, et la formation de la main-d'oeuvre devrait reconnaître ces besoins d'alphabétisation quand ils se présentent. Comme on précise que la formation maison devrait être établie par un comité paritaire, je pense que les représentants des travailleurs et des travailleuses pourront faire valoir facilement les besoins de formation de leurs membres ou, quand on ne parle pas d'organisations, d'entreprises où il y a des travailleurs syndiqués, faire valoir le point de vue des travailleurs et des travailleuses. À notre avis, donc, l'article 6 du projet de loi devrait être modifié pour reconnaître ces besoins d'alphabétisation.

Alors, comme vous le voyez, nous souscrivons, dans sa portée générale, au projet de loi. Les quelques modifications que nous apportons consistent à la reconnaissance de la formation qualifiante pour la formation maison; une modification visant à ce qu'il y ait des comités paritaires pour établir cette formation maison; troisièmement, que la SQDM demande aux institutions d'enseignement d'agir comme mandataires dans la reconnaissance de la formation maison et, enfin, que les besoins de formation préalable puissent être reconnus à l'intérieur du projet de loi.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Pagé. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme Pagé, et bienvenue à vous et à l'équipe de porte-parole qui vous accompagne. Vous allez me permettre, d'abord, de vous remercier pour le mémoire que vous nous présentez; bien que court, comme vous l'avez indiqué, il est quand même précis. Il y a donc des enjeux importants dans ce que vous soulevez, puis c'est là-dessus que j'aimerais que nous puissions échanger.

D'une part, vous avez raison, je pense, de signaler que l'ère des mesures incitatives n'a pas donné les fruits escomptés. J'ai ici, moi, une étude récente réalisée par un universitaire, le professeur Pierre Doray, du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal, qui fait l'analyse du projet de loi 90 et qui l'a faite dans la perspective des 25 dernières années et dans la perspective du milliard, ou presque, annuel auquel les deux gouvernements contribuent pour la formation de la main-d'oeuvre par la voie de toutes les mesures mises en place, là, dans les différents programmes relevant tant de la caisse d'assurance-chômage, que du département de ressources humaines Canada, que de l'initiative québécoise. Et sa conclusion est la suivante: Forcé de reconnaître que cette mobilisation des ressources financières et humaines n'est pas couronnée de succès...

Et vous posez bien, je pense, le problème, à la page 3 de votre mémoire, de la formation qualifiante sous le titre «Franchir un pas vers la formation qualifiante». Vous la décrivez, d'ailleurs, à la toute fin de la page 3, à savoir: «...une formation visant l'acquisition d'une compétence spécifique mais transférable.» Bon, c'est l'objectif. Comment y arriver? Je pense bien que c'est là, la grande question. Cependant, on ne pense pas, de notre côté, que ce soit en confiant le monopole exclusif au système d'éducation national. Je voudrais avoir votre point de vue là-dessus. Et vous savez que, dans le projet de loi, ce qui est prévu, dans le fond, c'est que l'entreprise ait l'obligation de le dépenser, mais le comment est beaucoup laissé à son initiative.

Le comment, ça, elle peut le faire soit directement avec une institution d'enseignement d'intérêt public ou privé, auquel cas, là, elle n'a pas à se bâdrer de personne d'autre pour s'occuper de ce qu'elle fait. Ensuite, elle peut le faire par une firme agréée, donc, répertoriée par la SQDM. Elle pourra le faire aussi, comme vous le signalez, là, peut-être plus élégamment, par la formation maison, auquel cas vous nous rappelez également qu'il serait souhaitable que ce soit plus dans le cadre de comités paritaires, que ce soit plus resserré quant au libellé.

La plupart de ceux et celles – plus rares, là, mais enfin – qui se sont succédé au siège que vous occupez, qu'ils soient pour ou contre, nous ont demandé de mieux rédiger ce paragraphe 3° de l'article 6, qui porte sur la formation maison ou sur le tas. Que penseriez-vous de, peut-être, ce scénario qui consisterait à, justement, indiquer que, s'il y a comité paritaire, il n'y a pas besoin, non plus, de se référer à aucun autre tiers, mais qu'à défaut d'avoir un comité paritaire il faudrait faire valider le plan de formation? Parce qu'il faut comprendre que ce qu'on recherche, c'est de l'autorégulation. On cherche à ce que personne ne vienne se mêler des affaires de l'entreprise, mais qu'il n'y ait pas, non plus, d'évasion. Donc, si c'est avec l'institution d'enseignement, il y a un contrat, une facture, le vérificateur externe ouvre un poste budgétaire, ça va; avec la firme agréée également. C'est avec la formation maison que, là, il y a, si vous voulez, un arrimage à trouver. Est-ce que, cet arrimage, c'est en resserrant le fait que, dès qu'il y a comité paritaire, ça satisfait l'obligation, mais, à défaut de comité paritaire, il y ait au moins validation? Et, là, ce que vous nous suggérez, c'est que cette validation, ce ne soit pas simplement la SQDM, mais qu'elle puisse aussi se faire – et je pense que c'est vraiment une bonne suggestion – par les comités mis en place – comment les appelle-t-on, en fait – les services aux entreprises dans les cégeps ou dans les commissions scolaires.

Donc, sur la question de la formation qualifiante, d'abord, j'aimerais vous entendre et peut-être vous entendre sur la question de savoir qui peut la dispenser. Parce qu'on ne peut pas penser qu'il y aurait seulement l'enseignement national qui pourrait la dispenser. Donc, on s'ouvre à d'autres. Pensez à l'alphabétisation, c'est ouvert à d'autres. Il y a des groupes communautaires dans l'alphabétisation. Et on pense sérieusement pouvoir peut-être même modifier le paragraphe 2° de l'article 6 pour que ce ne soit pas juste ouvert aux firmes agréées, mais aussi aux organismes sans but lucratif qui dispensent de la formation, comme c'est le cas, même, depuis 10 ans, maintenant. Alors, qui peut la dispenser, cette formation qualifiante? Ou, à l'inverse, comment la faire qualifier, la formation spécifique pour l'acquisition de compétences?

(10 h 30)

Mme Pagé (Lorraine): Alors, il y avait des choses dites dans notre mémoire, il y en a qui ne sont pas dites. Nous n'avons pas présenté un mémoire dans lequel nous revendiquions le monopole du système public d'éducation sur la formation professionnelle. Et nous ne l'avons pas dit, parce que c'est ce nous pensons. Donc, oui, les institutions d'enseignement, bien sûr, à cause de leur situation à travers le territoire, à cause de la main-d'oeuvre très qualifiée qui dispense de la formation professionnelle, seront, nous en sommes convaincus, très souvent sollicitées pour assumer cette formation. Mais il y a des institutions privées qui détiennent des permis pour en dispenser; il y a certaines firmes qui ont aussi des reconnaissances pour ce faire. L'idée des groupes communautaires est aussi intéressante. Il ne faudrait pas amener une définition qui permette n'importe quoi. Mais la CEQ elle-même a des collaborations très étroites avec les groupes communautaires, par exemple en alphabétisation, et nous pouvons même, souvent, constater qu'il y a là des approches qui sont garantes de succès certains; et nous avons toujours entretenu des rapports de collaboration avec ces organismes-là.

Donc, pour nous, il n'y a pas de monopole ou de chasse gardée des institutions publiques d'enseignement dans la formation professionnelle. Nous ferons toujours valoir que ça devrait, dans la plupart des cas, être le premier choix puisque le bassin de la main-d'oeuvre est là et compétent, mais aussi pour la raison centrale que je disais tout à l'heure: il faut créer une synergie entre le monde du travail et les institutions d'enseignement, et il faut profiter du projet de loi pour faciliter cette synergie. Il n'y a pas de sociétés qui ont véritablement réussi à ce chapitre-là sans que cette dynamique productive existe entre le monde du travail et les institutions publiques d'enseignement. Alors, il ne faut pas s'imaginer que le Québec pourrait concevoir un modèle porteur de toutes les chances de réussite et de succès si on ne relève pas d'abord ce défi de nouveaux rapports entre le monde du travail et les institutions d'enseignement. Alors, voilà pour qui peut dispenser la formation.

Maintenant, pour la formation qualifiante, je pense que la définition que nous donnons est assez précise tout en étant assez souple pour venir dire ce qu'on entend par une formation qualifiante. Nous ne sommes pas entrés dans le détail, mais en disant qu'une formation qualifiante c'est celle qui permet d'acquérir une compétence spécifique et qui est transférable, je pense qu'on ouvre la porte à beaucoup de choses, mais on n'ouvre pas la porte à n'importe quoi non plus. Et d'ailleurs, vous avez eu des suggestions cette semaine pour reconnaître des acquis, établir un petit carnet, bon, toutes sortes de formules qui ont été proposées. Je crois que, si on avait cette définition de la formation qualifiante et si on mettait en oeuvre un mécanisme de reconnaissance, comme ça, des acquis et des compétences, on se donnerait des outils pour, justement, progresser dans la formation qualifiante, pour éviter que tout devienne de la formation, parce qu'il faut faire attention.

Vous avez parlé d'autorégulation. Nous, nous y souscrivons, mais, en même temps, il faut comprendre que, dans beaucoup d'entreprises, le taux de syndicalisation est très faible dans certains secteurs, dans certains milieux d'activité au Québec, et, dans ce cas-là, le concept de comité paritaire est toujours un peu plus fragile.

Deuxièmement, ce qui est intéressant aussi, c'est de pouvoir compter sur des réseaux dont on sait qu'ils existent, ce qui nous amenait à dire que, au lieu de confier à la SQDM le soin de valider les choses, ce soient les institutions d'enseignement qui puissent porter un jugement sur la valeur qualifiante de la formation dispensée; ça nous met là aussi en situation de créer cette synergie.

Et, dans une période où on met en place un nouveau système, tout en permettant de la flexibilité, de la marge de manoeuvre, de l'autorégulation, pour utiliser le terme que vous avez employé, il faut en même temps s'assurer que les choses partent sur le bon pied, parce que, quand les choses seront mal parties, quand il y aura eu des coches mal taillées, ça sera bien difficile de revenir en arrière. Alors, je pense que, dans une phase d'implantation, il faut aussi faire très attention. Surtout dans une phase d'implantation où on entend les entreprises décrier la mesure, bien, il faut s'assurer qu'on n'assistera pas à n'importe quoi. Ce qui fait que, même si on est, donc, ouvert en disant qu'il y a plusieurs intervenants qui peuvent dispenser la formation, il faut quand même s'assurer que la formation maison est qualifiante et il faut s'assurer d'un modèle de reconnaissance de cette formation, sans mettre en place une bureaucratie, par ailleurs.

Mme Harel: Je comprends que, dans cette recherche de formation qualifiante, il y a différents scénarios possibles, dont un qui nous a été présenté ici même, en commission parlementaire, qui s'appelle la reconnaissance d'unités d'éducation continue, les UEC. Et ces unités d'éducation continue conviennent, en tout cas, je crois, à la définition que vous donnez d'une formation qualifiante, parce que, pour les obtenir, il faut justement viser l'acquisition d'une compétence spécifique. C'est donc dire que ça pourrait être ou la SQDM, si c'est une firme agréée – parce que les firmes trouveraient bien difficile d'être laissées seulement à la merci des services aux entreprises, des commissions scolaires ou des cégeps – mais ça pourrait être aussi l'équivalent des UEC, qui sont reconnues dans un scénario, si vous voulez, qui ouvrent l'éventail des possibilités, mais toujours dans la perspective de favoriser la formation, l'acquisition de compétences spécifiques.

En fait, c'est peut-être une variété de choix, dans le cadre, toujours, par ailleurs, d'acquisitions de compétences spécifiques que l'on peut accumuler pour se les voir reconnaître, puisque, selon les études les plus récentes que citait hier le président du comité d'adaptation de la main-d'oeuvre en aérospatiale, à l'occasion de l'Assemblée générale annuelle à laquelle je participais, il semble qu'un travailleur ou une travailleuse doit se préparer à changer six fois d'emploi, maintenant, dans sa vie active... Et je dois vous dire que, contrairement à l'image qu'on en a à cause des porte-parole des grandes associations patronales... Hier, par exemple, les employeurs qui étaient là n'étaient manifestement pas du tout inquiétés par la mesure contenue dans le projet de loi 90. Ils considéraient de toute façon, dans l'aérospatiale, qu'ils n'auraient pas pu survivre s'ils n'en avaient pas fait beaucoup plus. Et, finalement, ce qu'ils demandent, eux, c'est du décloisonnement entre l'école et l'entreprise. C'était ça, finalement, leur principale revendication, un décloisonnement qui leur permettrait d'aller au-delà des cartes d'enseignement et des programmes et leur permettrait de faire l'école en dehors de l'école, et de faire reconnaître qu'il y a de l'école en dehors de l'école. Qu'est-ce que, vous, vous en pensez?

Mme Pagé (Lorraine): D'abord, Christian, pour un bout de réponse à certains éléments de votre question, et, si nécessaire, je reviendrai, mais peut-être que ce ne sera pas nécessaire non plus.

Mme Harel: Alors, M. Payeur, qui est un grand spécialiste québécois de...

Mme Pagé (Lorraine): C'est notre gourou. Ha, ha, ha!

M. Payeur (Christian): Je ne sais pas si je vais pouvoir parler après tous ces compliments. Moi, je pense que l'idée, le défi qu'on accepte de ce marché ouvert que crée, finalement, le 1 % ne doit pas nous faire oublier que nous avons un modèle québécois de formation professionnelle. Il existe déjà et, son épine dorsale, c'est le réseau des institutions publiques d'enseignement qu'on s'est donné avec la réforme. Il n'est pas suffisant, il ne peut pas répondre à des besoins, souvent, auxquels les groupes, par exemple d'alphabétisation, vont répondre en raison du caractère spécifique de leur pratique et d'autres formes d'intervenants... Mais, si on passe toujours autour de ce réseau-là, qu'on ne lui reconnaît pas un rôle particulier et le fait qu'il peut servir, justement, et continuer de servir en l'interpellant différemment qu'on l'a fait historiquement, je pense qu'on oublie quelque chose d'important. Et c'est dans ce sens-là qu'on est prêt à relever le défi. Mais, en même temps, je veux dire, il faut reconnaître que ce réseau est là et qu'il est important pour l'avenir du Québec et de la formation de la main-d'oeuvre de développer des nouvelles synergies, et c'est dans ce sens-là, je pense, que les recommandations de la Centrale vont.

Je pense que, pour faire de la reconnaissance d'acquis, il y a un préalable auquel on souscrit, c'est celui que la formation soit qualifiante. Dès lors qu'elle est qualifiante, l'instauration d'un régime de reconnaissance d'acquis va très bien, et c'est ce souci-là, premier, qu'on a. En essayant de faire jouer aux institutions d'enseignement un rôle de mandataire de la SQDM – ce qui n'enlève rien à la SQDM mais multiplie les points de service, en quelque sorte – il n'est pas nécessaire que ce soit sous une forme de contrainte impérative. Mais je pense que, si ce n'était que d'obliger le dépôt d'un plan et la possibilité d'un échange avec un tiers, je pense qu'il y a déjà là quelque chose d'intéressant à envisager et qui permettrait des synergies nouvelles. Je pense que, d'une part, c'est le premier élément.

Deuxième élément, je pense que, en ce qui concerne le fait qu'on puisse faire servir le milieu de travail comme lieu de formation, on y souscrit d'emblée, notamment par le développement de la formation en alternance, notamment aussi par un rôle de désinstitutionnalisation dans un futur ou dans un régime d'apprentissage qui est en train de se développer. Et, à ce moment-là, effectivement, ça a comme vertu de faire éclater la carte des enseignements, qui est pour nous, actuellement, une contrainte majeure d'accessibilité à la formation professionnelle, en particulier à la formation professionnelle pour les jeunes. Encore faut-il que les conditions de la formation en entreprise assurent vraiment, encore là, qu'elle soit qualifiante, qu'elle soit transférable, et c'est ce souci de qualité qu'on a, à mon avis, qui est important.

(10 h 40)

Pour revenir à la question du plan de formation, je pense qu'il est important, dans la phase de transition et d'implantation de la mesure, qu'il y ait transparence à cet égard-là et qu'il y ait, donc, à ce moment-là, dépôt public à une instance à déterminer d'un plan de formation. Ça ajoute beaucoup à la transparence mais aussi aux synergies qu'on serait en mesure de développer sans ajouter des contraintes trop lourdes qui feraient en sorte que le processus serait alourdi et qu'on aurait des échéances qui empêcheraient des gens de bouger. Ce n'est pas ça, le sens. Au contraire, c'est de mettre les gens en mouvement qui est important, à tous égards.

Mme Harel: Alors, je comprends bien que la reconnaissance d'acquis, dans votre perspective, là, vient finalement reconnaître la formation qualifiante. La formation qualifiante, l'éventail est très ouvert. C'est comme un marché ouvert, mais la reconnaissance d'acquis doit passer par l'enseignement national, parce que c'est le passeport qui permet de traverser, finalement, tous les métiers. Alors, donc, la formation qualifiante peut être dispensée par d'autres, mais la reconnaissance d'acquis est celle qui est encore en monopole, si je peux me permettre cela.

On a entendu souvent, de la part des intervenants patronaux, ici, dans cette commission, l'idée qu'il ne fallait pas passer la loi 90, qu'il ne fallait pas le faire maintenant, qu'il fallait attendre les états généraux et que, le problème, c'était l'éducation, qu'on dépensait beaucoup d'argent, qu'on en dépensait plus, d'ailleurs, que l'ensemble des autres pays de l'OCDE – on arrive en deuxième position, je pense, le Canada tout au moins, je ne sais pas si ça vaut pour le Québec, mais sûrement – pour ce qui est des dépenses en matière d'éducation, puis on n'a pas l'impression qu'on en a pour notre argent. Donc, il vaut mieux attendre les états généraux avant de bouger.

Ce qu'on entend aussi très souvent, c'est qu'il faut une définition de la formation professionnelle. Ça va encore nous être demandé cet après-midi, d'ailleurs, par les chambres de commerce. Et cette définition est toujours restrictive. Vous, vous nous dites au contraire qu'il faudrait y inclure également la formation préalable, notamment, même, dans les milieux de travail, à l'occasion, ce qui a à voir avec l'alphabétisation. Alors, dans le projet de loi, il nous semblait que, justement, le choix du gouvernement, c'était de ne pas choisir à la place de l'entreprise, d'offrir justement à l'entreprise de le faire, ce choix, en lui donnant vraiment un très large éventail dans la définition de la formation telle quelle. Pour nous, ça comprend ce que l'entreprise va décider d'y mettre, y compris la formation préalable quand l'entreprise juge que c'est nécessaire, comme chez Weston, comme à Saint-Luc ou comme au port de Montréal. Donc, c'est surprenant que ce soit le milieu patronal qui nous dise maintenant de restreindre dans la loi. Parce que, une loi, c'est lourd, ça, ça ne se change pas à toutes les sessions parlementaires.

Et ce qui est surprenant aussi, c'est au niveau de la réglementation, qu'on voulait la plus «partenariale» possible et que le côté patronal nous demande la plus gouvernementale possible. Il nous dit: Donnez-nous la réglementation avant, quand on voulait, nous, que la réglementation soit ajustée au fur et à mesure, à l'initiative de ceux qui siègent à la SQDM. Vous-même qui y siégez, Mme Pagé, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Pagé (Lorraine): Vous voyez que les modifications que nous faisons au projet de loi sont, somme toute, limitées; je ne dirais pas mineures, parce qu'elles sont importantes, mais il n'y en a pas beaucoup et on n'a pas demandé le développement d'une réglementation gouvernementale. Nous croyons que, tout d'abord, il faut donner à la SQDM tout son sens. Je crois que la nouvelle composition du conseil d'administration qui assure que les porte-parole des grands organismes se retrouvent autour de cette table milite en faveur de laisser jouer cette concertation ou ce partenariat.

Deuxièmement, si on prévoit dans la loi que l'entreprise a droit à différents services de formation, y compris à la formation maison, en précisant qu'elle doit être qualifiante, par ailleurs, et qu'elle doit s'établir, dans ce cas-là, au sein d'un comité paritaire, on reconnaît aussi la capacité pour les entreprises de tenir compte de leurs besoins, des besoins de formation de la main-d'oeuvre; on reconnaît que les premiers acteurs d'apprentissage, ce sont les travailleurs et les travailleuses elles-mêmes. On dit ça de nos élèves qui nous sont confiés: Le premier qui apprend, c'est l'élève lui-même; il est l'acteur principal dans un processus d'apprentissage. C'est vrai également pour la main-d'oeuvre. Et je pense que, si on a ces éléments-là, il y en a suffisamment pour que les choses avancent. Donc, nous n'avons pas voulu mettre des contraintes trop serrées, trop fermées. Nous n'avons donc pas exigé de la réglementation additionnelle, mais certaines garanties qui viennent quand même nous donner des encadrements, surtout qu'on commence un nouveau système, une nouvelle approche. Alors, je crois qu'il y a suffisamment, dans le projet de loi, avec les modifications que nous suggérons, d'éléments qui seraient garants de succès.

Quant à la nécessité d'attendre les états généraux, je vais plutôt vous dire que ça me semble un prétexte plus qu'autre chose. C'est vraiment: Loin de nous ce calice! Donc, ces mesures incitatives, quand on leur dit que ça fait assez longtemps qu'ils en ont, bien, là, ils disent: Les états généraux. La dernière fois qu'on a tenu des audiences sur l'éducation, c'est lors des commissions parlementaires présidées par Mme Robillard, sur la formation collégiale. On a parlé de formation professionnelle et technique, et les représentants du patronat, à l'époque, y sont allés de recommandations, dans certains cas très sensées, par ailleurs, sur la formation technique qui se dispensait dans les collèges et ils n'ont pas réclamé d'avoir un temps d'arrêt pour pouvoir parler de la formation technique. Je pense qu'on a en place un certain nombre de choses et on ne mettra pas fin à la formation professionnelle et technique après les états généraux. Je pense qu'on est capable de procéder à un certain nombre de choses. Et je voudrais faire une invitation pour...

Le Président (M. Facal): Mme Pagé, en concluant, s'il vous plaît.

Mme Pagé (Lorraine): Oui. Je voudrais faire une invitation pour que vous ne partiez pas avec l'idée que le secteur public d'éducation nationale en formation professionnelle et technique n'est pas capable de prendre le virage auquel le convie le projet de loi 90. C'est aussi pour ça que nous avons des propositions qui viennent permettre l'instauration d'une synergie entre le monde de l'éducation et le monde du travail. Ce serait rater une chance très importante que de ne pas parier sur la capacité de notre système public d'éducation de relever ce nouveau défi de la formation de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme Pagé. Ceci met fin au temps dont disposait le groupe ministériel. Alors, nous allons passer à l'opposition. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. C'est à mon tour de souhaiter la bienvenue à la CEQ, sa présidente, sa délégation, et de vous remercier de votre contribution à ce débat qui se fait avant l'adoption du principe de la loi, grâce au consentement que la ministre a apporté à notre demande. Ça nous permet de le faire d'une manière, je dirais, plus libre et plus large dans nos échanges, aussi, qu'une fois que les orientations du principe sont établies par un vote.

Alors, c'est à ce stade-là que nous en sommes. Nous allons rencontrer, durant ces deux semaines et une journée, probablement plus d'une quarantaine d'organismes représentant les employeurs et les salariés du secteur de l'éducation et nous allons pouvoir vérifier, en tout cas, en ce qui nous concerne, nous, de notre côté, essentiellement trois points, c'est-à-dire essayer, avec nos interlocuteurs, de faire un bilan plus serré qu'on a coutume de le faire, de ce qui se fait, des activités en cours en matière de formation. À cet égard, il appert que la seule référence au crédit d'impôt remboursable, au nombre d'entreprises ayant utilisé le crédit d'impôt remboursable, c'est une référence qui est très partielle, parce que – les entreprises l'ont dit et nous le savons également par l'observation – elles font souvent de la formation sans la comptabiliser et aussi sans recourir au crédit d'impôt. Alors, c'est un bilan qu'il est difficile de chiffrer de manière définitive. Une chose certaine, c'est qu'il s'en fait plus qu'il n'apparaît au bilan du CIRF, du crédit d'impôt.

(10 h 50)

Notre deuxième préoccupation, c'est de mesurer avec nos interlocuteurs l'impact, la portée de ce projet de loi. Et, forcément, en toute responsabilité, le législateur doit aussi s'intéresser au projet de règlement qui donnera son sens à la loi, cette loi que la ministre présente comme une loi-cadre. Donc, la vie de cette loi, sa portée réelle, c'est essentiellement par sa réglementation, laquelle est référée à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Donc, nous devons essayer de voir tout cela dans un ensemble. D'ailleurs, c'est généralement une préoccupation qu'ont les organismes qui se présentent devant une commission parlementaire et discutent d'un projet de loi, c'est de voir quelle direction ça va prendre pour de vrai. Une fois que le cadre sera posé, par qui cette maison sera habitée? Parce que c'est une maison vide, que de poser un cadre; c'est la vie qu'on y mènera dans cette maison, dans ce cadre, qui sera intéressante ou moins intéressante. Alors, nous avons cette préoccupation de mesurer l'impact, la portée.

Troisième préoccupation. Évidemment, il s'agit de formation, ici. Ce n'est pas la répression du crime qui est en cause, là, c'est la formation. Donc, c'est une activité qui repose sur la collaboration et la complicité la plus intime des parties en présence. On ne peut pas forcer un formateur à faire de la formation puis on ne peut pas forcer un utilisateur à recevoir de la formation. Il faut une rencontre heureuse et bienheureuse des deux côtés, et nous devons donc mesurer le degré de consensus qui existe ou non à l'appui de ce projet de loi.

Donc, je vous ai rappelé là les principales préoccupations. Nous entreprenons notre deuxième semaine de travail. Il me semblait que je devais rappeler à quiconque est intéressé au débat, dans cette salle ou à l'extérieur, les grands axes de nos préoccupations.

On s'aperçoit que, dans votre mémoire, vous avez des idées claires sur les six premiers articles du projet de loi. Le projet en compte 64. C'est sûr qu'il n'y a personne ici qui vient discuter des 64 articles non plus, mais il y a des aspects importants, au-delà des six premiers articles, sur lesquels on pourra revenir éventuellement.

Pour ce qui est des articles que vous abordez, vous parlez du comité paritaire. En fait, c'est dans une ébauche de document, pour fins de discussion, qui a circulé dans certains milieux. On a vu que la ministre pensait à une forme de comité paritaire et non pas simplement à un comité créé au sein de l'entreprise, comme le dit 6.3°. Vous dites que vous aimeriez que ce soit dit, ça irait mieux en le disant. Quand vous dites «comité paritaire», tout de même, quel serait le mandat de ce comité? Il peut être paritaire et n'être là que pour des fins de consultation; il peut être paritaire pour des fins de décision; il peut être paritaire pour des fins de cogestion du Fonds. Qu'est-ce que vous verriez comme utile d'être précisé dans la loi, en passant, à 6.3°?

Mme Pagé (Lorraine): Vous voulez que je réponde tout de suite?

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, bien, c'est une première question.

Mme Pagé (Lorraine): Alors, certainement pas simplement consultatif. Il doit être décisionnel, à tout le moins sur les besoins de formation, le contenu de la formation. Il pourrait même être cogestionnaire, là... un mécanisme de cogestion de l'utilisation des sommes et des fonds. D'ailleurs, dans le secteur public, quand cela est possible, les modèles qui fonctionnent selon ces prémisses, d'être axés sur la décision et la cogestion, c'est les comités qui sont vraiment les plus intéressants, qui donnent les meilleurs résultats et qui soulèvent le plus de mobilisation et d'intérêt.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, ce serait souhaitable, d'après vous, que ce soit dans la loi, cette précision?

Mme Pagé (Lorraine): Oui, ça pourrait être dans la loi.

M. Charbonneau (Bourassa): Autre question, c'est relativement à la définition de l'objet même. On parle de formation. Et, actuellement, on s'est rendu compte en recevant nos interlocuteurs que le projet est formulé d'une telle manière que chacun espère y retrouver sa vision de la formation, mais, en réalité, on sent que le débat est plutôt référé au C.A. de la SQDM. Est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait plus de précisions? Il y a des gens ici qui disent: Mme la ministre, vous nous avez compris. Vous avez mis 6.3°, ça va nous permettre de faire de la formation de telle ou telle manière, pourvu qu'on s'entende, notre comité en entreprise, avec un plan. Vous avez ouvert la porte puis on vous remercie beaucoup. D'autres disent: Un instant, c'est plein d'imprécisions. Est-ce que c'est pour les jeunes et pour les adultes? Est-ce que ça comprend de la formation générale – ou... vous avez employé un mot intéressant tout à l'heure, la formation «préalable» – et de la formation professionnelle? Est-ce que vous souhaiteriez, en somme, là, au net, une définition dans la loi pour qu'on arrête de se faire des illusions ou d'avoir des images différentes? Parce que c'est l'objet, c'est l'enjeu. Si c'est référé au C.A. de la SQDM, ça va être encore des discussions assez laborieuses. Qu'est-ce que vous souhaitez là-dessus?

Mme Pagé (Lorraine): Le sens de nos amendements, c'est d'apporter certaines précisions à la loi. D'abord, la précision que la formation maison doit être une formation qualifiante. Il y a une définition de la formation qualifiante. De la même façon, la précision à l'effet que la formation préalable peut faire partie de la formation reconnue pour fins de contribution du 1 %. De la même façon, précision quant au fait que c'est un comité paritaire qui doit statuer sur la formation maison. Donc, tout en souscrivant à l'idée d'une loi-cadre qui laisse place à de la réglementation à la SQDM et qui repose sur la synergie qui va se créer dans les milieux de travail mais aussi entre le monde du travail et le monde de l'éducation, il reste qu'une loi-cadre ça ne veut pas dire une loi fourre-tout. Donc, il y a certaines précisions qu'il faut apporter, et c'est le sens des propositions que nous avons amenées ce matin.

M. Charbonneau (Bourassa): Très bien. Le projet de loi prévoit de gros travaux, de grands travaux pour la SQDM dans les mois qui suivront son adoption: l'adoption de plusieurs règlements très structurants. On n'a qu'à regarder ce qu'impliquent 6, 8 et quand on va aux articles 19, 20: il y a de grands travaux de ce côté-là. Je trouve ça intéressant que la ministre accorde beaucoup d'importance, dans le futur, à la SQDM, mais je n'aurais pas eu d'objection, en ce qui me concerne, à ce qu'elle associe la SQDM à la préparation du projet de loi, alors qu'elle a préféré y associer la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre ou un certain nombre d'interlocuteurs privilégiés. Je crois que ça aurait pu nous donner une indication de la capacité du C.A. de la SQDM de faire, de réaliser ces grands travaux là.

Parce que je ne pense pas exagérer en disant «grands travaux». Quand on regarde, là, les règlements qu'il y a derrière ça, toute la question de l'agrément, par exemple, c'est un immense débat; plus la question de la définition, si, par malheur, ça lui était référé. C'est des débats très, très importants, et il y aura du monde qui va attendre autour de ça. C'est donc à y réfléchir beaucoup, là, que cette référence à la SQDM. Je pense que c'est normal qu'il y en ait une bonne partie de référé, mais il y a des choses, comme vous l'avez dit si bien, qui devraient être précisées dans la loi si on ne veut pas perdre trop de temps à la suite de son adoption.

Je voudrais exprimer une préoccupation que nous avons de ce côté-ci – je pense que Mme la ministre n'est pas indifférente à ça aussi: la discussion au Québec sur la formation professionnelle et technique, elle se fait de manière morcelée. Nous pouvons en faire une partie avec la ministre de l'Emploi, nous pouvons en faire une partie avec le ministre de l'Éducation lorsque nous discutons des crédits. Mais, en réalité, on s'aperçoit qu'il y a de plus en plus d'adultes qui sont en formation professionnelle au secondaire. On s'aperçoit qu'il y a de plus en plus d'ouverture à l'organisation de stages ou de formation en alternance, donc de jeunes qui s'en vont passer quelques moments en entreprise. Donc, la réalité nous rattrape. Et, d'ailleurs, le projet de loi fait la place ici au financement des stagiaires et des apprentis. C'est ça qui amène certaines personnes, dont nous sommes à l'occasion, à dire: Il faudrait, à un moment donné, trouver un lieu où on discute de formation professionnelle et technique, formation préparatoire à l'emploi pour jeunes et adultes, et mettre à contribution les institutions qui sont parfois des institutions d'ordre public ou parfois d'autres institutions. Et, là, avec le milieu de l'entreprise, on regarderait le continuum de l'affaire. Actuellement, on est toujours pris à discuter d'une partie de la question. Mais, la réalité, déjà, fait que ces dimensions se recouvrent. Alors, c'est pour vous exprimer cette préoccupation, et, si parfois ça pouvait générer une relance du débat, nous en serions heureux parce que, franchement, nous nous sentons un peu pris à l'étroit, qui que ce soit, je crois, ici, quand on regarde la réalité.

Il y a toute cette question sur le Fonds, la discussion du Fonds. Nous sommes ici devant une loi qui institue un fonds. Votre mémoire, évidemment, s'arrête à l'article 6, et le Fonds, espérez-vous finalement qu'il y aura de l'argent là-dedans et qu'il y aura des initiatives qui pourront être prises suite à la mise en oeuvre de ce Fonds?

Mme Pagé (Lorraine): Probablement qu'il y aura de l'argent dans ce Fonds-là, parce que certaines entreprises, pour des raisons qui leur appartiennent, décideront de ne pas mettre en place des programmes de formation. Mais je pense que notre objectif, à ce moment-ci, même si, à l'époque, nous avons déjà préconisé une taxe vraiment à la formation professionnelle, à la suite de différents travaux que nous avons faits, à la suite d'échanges avec différents partenaires, nous avons finalement souscrit à l'idée d'une contribution de l'entreprise et d'un fonds national de l'emploi qui reçoit la contribution dans le cas où les entreprises n'ont pas fait de formation. On verra bien comment les choses évolueront, mais nous avons, pour le moment, mis de côté notre idée d'une taxe à la formation professionnelle.

(11 heures)

Par ailleurs, nous sommes un peu du même avis que vous quand vous dites: Il y a nécessité de mettre en interaction l'emploi et l'éducation, quand on parle de formation professionnelle et technique. Et je vais vous dire que la guerre de chapelles entre le ministère de l'Emploi ou du travail et le ministère de l'Éducation, c'est quelque chose qui remonte à assez loin. C'est, d'ailleurs, la première fois, cette année, que la CEQ réussissait, à un colloque sur la formation professionnelle et technique, à avoir les deux ministres en même temps. On n'avait jamais réussi à le faire dans le passé, c'est la première fois qu'on réussissait à le faire. Et, à ce colloque-là, nous avons vraiment senti le besoin d'avoir des gens qui oeuvrent en formation professionnelle auprès des jeunes, en formation technique dans les cégeps, en formation auprès de la main-d'oeuvre, d'avoir les ministres responsables, des représentants des ministères, des gens des collèges, des universités et des commissions scolaires, parce qu'il y a un besoin de mettre en commun ces analyses et cette appréciation de la réalité.

Et je pense qu'une initiative qui pourrait être prise – sous réserve de la formule que cela prendrait – qui permettrait de mettre ensemble les différents acteurs, sans avoir l'épée de Damoclès de l'organisation ministérielle, je pense que ça contribuerait certainement à enrichir le débat et, donc, à faire avancer davantage le dossier de la formation professionnelle et technique, de la formation de la main-d'oeuvre au sein de la société québécoise. Et, toute initiative en ce sens, soyez assurés que nous accepterions d'y participer de façon très active et, je pense, je peux l'annoncer, de façon très contributive également.

Vous avez raison de souligner l'aspect de la reconnaissance des dépenses effectuées pour les apprentis et les stagiaires. C'est un élément intéressant dans le projet de loi. Ça permet aussi... Même autour de l'équipement et du matériel, là aussi, ça peut être quelque chose d'intéressant, en autant que ce n'est pas le vieux matériel vétuste qui nous est envoyé, mais que ça sert, au contraire, à mettre à la disposition des apprentis et des personnes qui sont en formation de l'équipement adapté à la nouvelle réalité. Et, là aussi, c'est l'illustration d'une passerelle intéressante.

Je vous dirais que nous reconnaissons que l'entreprise peut être un lieu de formation. La meilleure preuve de ça, c'est que ça fait longtemps que nous réclamons que les formateurs puissent avoir enfin accès à des stages en entreprise dans leur propre formation continue, pour être capables de dispenser une formation de haut niveau aux personnes qui leur sont confiées, à l'intérieur des plans de formation.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Verdun, qui sera suivi par le député d'Outremont.

M. Gautrin: J'aurais deux questions à vous poser, Mme Pagé. Vous représentez les enseignants, vous êtes le porte-parole principal pour les enseignants, tant au niveau secondaire que collégial et, en partie, universitaire. La loi 90, pour les enseignants considérés comme employés – c'est-à-dire susceptibles de recevoir de la formation professionnelle – et non pas comme formateurs, est-ce que ça va changer quelque chose? Autrement dit, ma question est la suivante: Qu'est-ce qui se fait, en termes de formation professionnelle, pour les enseignants, tant au niveau des commissions scolaires que des cégeps ou des universités, selon votre point de vue? C'est ma première question.

Et j'en aurais une deuxième, beaucoup plus brève. Voulez-vous que je pose les deux questions en même temps?

Mme Pagé (Lorraine): Oui.

M. Gautrin: Ma deuxième question est dans un champ totalement différent. Vous avez insisté sur l'importance de la formation préalable. Dans votre deuxième intervention, vous venez aussi de dire que vous êtes en faveur que les formateurs puissent avoir accès à des stages en entreprise. Vous avez insisté aussi sur le fait que l'entreprise puisse être un lieu de formation. Est-ce que, à votre point de vue, le 1 % pourrait être utilisé pour les stages d'étudiants qui ne sont pas encore sur le marché du travail? Vous savez qu'on essaie de développer... le ministre de l'Éducation essaie de développer les liens, disons, entre la formation en stage ou en apprentissage et en école. Est-ce que le 1 % pourrait servir à ça, selon votre point de vue, compte tenu que vous avez insisté sur la formation préalable?

Mme Pagé (Lorraine): Alors, à la deuxième question, la réponse, c'est oui. Et c'est ce qui permettrait, entre autres, de pouvoir donner une formation qualifiante à des jeunes. Parce que une entreprise qui reçoit un jeune qui n'est pas formé, ou suffisamment formé, ou bien formé voit s'accroître son obligation de formation à sa main-d'oeuvre. Donc, il y a un avantage à ce que l'accueil de stagiaires ou de jeunes qui sont en formation professionnelle puisse être reconnu pour des fins de formation. Nous souscrivons tout à fait à cette approche, tout comme à l'accueil de stagiaires et d'apprentis.

Sur votre première question, la formation continue des personnes qui sont en formation professionnelle – les formateurs – connaît des lacunes certaines. Les raisons pour lesquelles ça connaît des lacunes certaines, c'est que les fonds de formation sont établis sur la base des enseignants réguliers. Or, on sait que, quand on touche à la formation à l'éducation des adultes, qui est le plus gros bassin en formation professionnelle, on parle de personnes qui sont à 97 % dans la précarité d'emploi. Comme ils sont maintenus dans la précarité d'emploi, les employeurs, que ce soient les commissions scolaires ou les cégeps, ne les considèrent pas au même titre que le reste de leur main-d'oeuvre pour leur donner accès à une formation en cours d'emploi.

Et c'est d'ailleurs pour cela que nous dénonçons avec force le régime de précarité d'emploi qui prévaut dans la formation professionnelle, parce que cela a comme conséquence directe que les formateurs et les formatrices sont exclus d'une formation en cours d'emploi. Et je pense qu'il y a vraiment un double coup de barre: le gouvernement, comme employeur, devra s'attaquer à ce phénomène de la précarité en formation professionnelle et technique et, deuxièmement, il faudra s'assurer que cette masse de formateurs et de formatrices auront accès à une formation qualifiante, qui doit passer, dans bien des cas, par des stages en entreprise. C'est ce qui leur permet la mise à jour la plus qualifiante et la mieux adaptée à leurs besoins et aux besoins de la clientèle qu'ils reçoivent dans leurs cours.

M. Gautrin: Est-ce que vous verriez...

Mme Pagé (Lorraine): Peut-être que Christian voudrait ajouter quelque chose sur cet élément-là.

M. Payeur (Christian): Rien qu'un petit ajout. C'est que la loi 90 vient ajouter – peut-être pas en termes quantitatifs – des choses pour les gens du milieu de l'enseignement, mais, au plan qualitatif, le fait qu'on aurait un comité paritaire pour se prononcer sur l'ensemble des activités de formation serait pour nous un plus.

Actuellement, les conventions collectives nous permettent de nous prononcer sur ce qui est nommément prévu, par exemple le 0,3 %, mais ça ne couvre pas beaucoup de choses. Par exemple, on revendique depuis des années d'avoir à dire notre mot sur le type de formation qui nous est donnée, disons les journées pédagogiques, entre autres. Si un comité paritaire était constitué et que ça valait aussi pour le secteur de l'enseignement, ça ajoute, au plan des conditions de travail, quelque chose qui nous semble fondamental.

M. Gautrin: Je vais laisser le temps pour le collègue d'Outremont, mais sur une autre question.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Je remercie beaucoup mon collègue, le député de Verdun. Je dois vous dire, Mme Pagé et les membres de votre équipe, que vos propos sont rafraîchissants et que je suis d'accord que plusieurs des mesures que vous souhaitez doivent se réaliser le plus rapidement possible. J'irais même jusqu'à dire que la ministre de l'Emploi, ministre d'État à la Concertation, vous entend très bien; je ne suis pas convaincu, par contre, que le gouvernement vous entende très bien.

Vous dites dans votre mémoire, à la page 2: «Mais plus fondamentalement, c'est l'avenir du Québec qui le demande: l'investissement dans la formation professionnelle doit s'accroître.» Ce n'est pas d'hier qu'on dit ça, là, ça fait des décennies qu'on dit ça. Notamment, les centrales syndicales l'ont répété à plusieurs reprises. Par contre, vous employez un mot qui est important, le mot «synergie» – et vous savez comment j'ai ce mot à coeur – et vous allez même, dans votre texte, dire, à la page 2, que ce mot-là se «situe au coeur d'un modèle québécois de formation professionnelle à construire». On ne peut pas construire un modèle québécois de formation professionnelle sans qu'on ait un autre modèle, une stratégie industrielle. Les deux sont indissociables.

Donc, avec tous les efforts de la ministre de l'Emploi, je ne suis pas convaincu, je n'ai pas entendu qu'il y avait une volonté gouvernementale de mettre en place une stratégie industrielle. Je sais que la ministre s'en inspire, mais je n'ai pas vu, moi, ici, un représentant du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Je ne suis pas convaincu qu'il y a une synergie, comme vous l'employez, entre la ministre et le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Je ne suis pas convaincu qu'il y a une synergie entre la ministre de l'Emploi et le ministre de l'Éducation, qui, en parallèle, fait des états généraux, alors que, nous autres, on est ici avec la chose que je considère une des plus fondamentales au Québec pour assurer l'avenir du Québec. Je ne suis pas convaincu qu'il y a une synergie entre la ministre de l'Emploi et le Conseil exécutif, qui veut éliminer toute la bureaucratie.

(11 h 10)

Et vous êtes la première à le dire, également. Vous dites dans votre mémoire, à la page 4, qu'il ne faut pas que ça devienne «un lourd appareil bureaucratique». Je ne suis pas convaincu qu'il y a de la synergie entre la ministre de l'Emploi et le ministre des Finances, le ministre des Finances, qui dit: Il faut éliminer le déficit, il faut assainir les finances publiques, alors qu'on s'apprête à créer un fonds sans fonds, qui va être financé à même des emprunts publics. Pourquoi? On ne le sait pas. Et je ne suis pas convaincu qu'il y a de la concertation, par la ministre de la Concertation, entre la partie patronale et la partie syndicale. Par contre, je suis convaincu que, sur l'objectif national, qui est voulu par tous les intervenants, de 1 % au niveau de la formation professionnelle, tout le monde est d'accord avec ça.

Alors, moi, je vous entends très bien, je dois vous dire que je vous entends très bien. Mais je veux juste vous faire une petite citation du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Mme Micheline Simard, la présidente du CIAFT, est venue ici; elle nous a dit... puis je l'ai citée, en fait j'ai pris des petits bouts de phrases puis j'en ai fait une belle phrase: Les femmes – non, non, mais elle est d'accord avec ça!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): ...sont absentes et exclues des emplois ciblés par les entreprises visées par le projet de loi 90. Ça veut dire qu'il y a des femmes, il y a des jeunes qui sont exclus, qui n'ont pas accès au marché du travail, qui veulent intégrer le marché du travail et qui se servent... Ils l'ont citée, là, puis, ça, c'est mot à mot: Les femmes doivent prendre le virage technologique pour intégrer le marché de l'emploi.

Alors, on ne peut pas faire autrement qu'être d'accord avec les souhaits que vous exprimez dans ce projet de loi, sauf que j'aimerais ça qu'on vous entende publiquement, que vous disiez, sur la place publique, de façon très claire, au gouvernement... Si la volonté de la ministre, elle est claire, j'ai le pressentiment... puis, je vais renverser les rôles. Autant, lorsque j'étais au gouvernement – il y avait une volonté très claire qu'il y en ait une, stratégie industrielle – j'avais de la misère à convaincre mes collègues de la formation professionnelle et d'autres collègues de favoriser cette synergie; j'ai l'impression que la ministre, autant elle est d'accord, aujourd'hui, avec la formation professionnelle, a de la misère à convaincre son ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et ses autres ministres au Conseil des ministres que c'est bon. La preuve, c'est qu'elle est totalement isolée. Et c'est là que vous avez un rôle à jouer.

Dites-le haut et fort en sortant d'ici. Il y a des médias, là, les médias... Non, mais c'est ça qu'il faut faire. Sans ça, on... Moi, je ne discute pas des modalités, là, je parle du principe, de l'objectif national de la formation professionnelle. Et, de plus en plus, on voit des intervenants qui viennent ici... Les médias: La formation professionnelle, ce n'est pas plus grave que ça. Ils n'en parlent pas plus qu'il ne faut. La ministre fait son possible pour émettre ses communiqués de presse, mais, le problème de fond, on ne le regarde pas.

Tout le monde veut protéger un peu ses petits acquis. Parce que, lorsque vous dites... vous êtes en contradiction avec les autres centrales syndicales, lorsque vous venez nous dire, ici, que la formation initiale, la formation préalable, vous n'auriez pas d'objection à ce que le 1 % serve pour ça. Si vous entendiez la CEQ, la FTQ...

M. Gautrin: Non, pas la CEQ.

M. Tremblay (Outremont): ...excusez – la CSD qui est venue la dernière...

Des voix: ...

M. Tremblay (Outremont): ...la FTQ et la CSN: ils veulent ça prioritaire à leurs travailleurs, «leurs» inclut les personnes qu'ils représentent et non pas les exclus, alors qu'on a un problème de pauvreté. D'ailleurs, les femmes arrivent, elles vont arriver: elles vont le dire encore d'une façon très claire.

Alors, moi, ce que je souhaiterais, c'est que... Je ne vous dis pas qu'il faut être d'accord avec tout ce que je viens de vous dire, mais dites-le haut et fort, parce que vous l'avez dit dans votre mémoire, la synergie, vous l'avez dit: Vous ne pouvez pas réaliser votre souhait, au niveau de l'éducation, parce que, là, vous êtes en train de former des personnes qui, après avoir reçu une bonne éducation, sont obligées de faire des maîtrises, sont obligées de faire des doctorats puis, des fois, un deuxième doctorat, puis, après ça, elles ne sont même pas capables d'intégrer le marché du travail parce qu'on n'a pas réussi à favoriser la synergie entre le milieu de l'éducation puis le milieu du travail. On forme des personnes compétentes qui n'ont pas accès à des emplois permanents de qualité parce qu'il n'y a pas d'arrimage ou d'adéquation dynamique – pour employer un autre terme – entre ce que vous faites et ce que le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie devrait faire.

Je m'excuse si j'ai été long. Je n'ai pas d'autre question, mais j'aimerais ça vous entendre. Et j'espère surtout vous entendre, à la sortie de cette commission parlementaire, avec d'autres intervenants, pour qu'on le mette sur la place publique, une fois pour toutes puis qu'on accélère le développement économique, social, éducatif et culturel du Québec. Et, notamment, ce que vous dites, c'est essentiel pour l'avenir du Québec, qui demande un investissement important dans la formation professionnelle.

Le Président (M. Facal): Mme Pagé.

Mme Pagé (Lorraine): Est-ce que je résume bien en disant que ce n'était pas une question, mais une invitation?

Le Président (M. Facal): Oui, vous résumez très, très bien. J'ajoute également que ceci met fin – je pense que c'est assez évident – au temps dont disposait l'opposition. Si nous ne voulons pas traîner notre retard tout au long de la journée, je vous inviterais, Mme Pagé, à réagir à ce que le député d'Outremont vient de dire, mais, évidemment, beaucoup plus brièvement que lui.

Mme Pagé (Lorraine): Oui, parce que, dans l'intervention de M. le député d'Outremont, il y avait plusieurs éléments sur lesquels j'aurais aimé revenir, entre autres toute la situation des femmes qui a été portée à votre attention par le CIAFT.

Écoutez, c'est clair: les secteurs, présentement, où il y a du développement de la main-d'oeuvre, ce sont des secteurs où les femmes sont encore sous-représentées. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'il faut créer une synergie entre le monde du travail et le monde de l'éducation. Parce que, Mme la ministre, vous le savez, s'il n'y avait pas eu notre système d'éducation publique au Québec, les femmes ne seraient pas seulement dans l'antichambre, elles seraient encore sur le trottoir. Alors, au moment où on veut prendre un nouveau défi en formation de la main-d'oeuvre, c'est essentiel de s'appuyer sur le partenaire obligé de nos institutions d'enseignement pour créer cette synergie, pour avantager les femmes. C'était un des éléments sur lesquels j'aurais pu parler encore bien longtemps. Enfin...

Et, oui, la formation professionnelle, c'est à l'intérieur d'une perspective d'emploi; j'en ai parlé rapidement, au début, dans mon mémoire. Je voudrais tout simplement dire que l'appui que nous donnons à la ministre, aujourd'hui, sur ce projet de loi, ne nous empêchera pas de parler haut et fort quand il le faut, quand nous jugeons que l'action gouvernementale n'est pas à la hauteur. Nous l'avons fait la semaine dernière, on pourrait bien le refaire si la situation se reproduisait.

Il y a un grand défi qui nous attend, qui est le défi de l'emploi. Et, cela, ça repose sur plusieurs éléments: une stratégie industrielle, c'est un fait; d'autres questions, comme la redistribution du travail entre les travailleuses et les travailleurs – les trois centrales ont tenu un événement, le 1er mai, sur cette question; la formation professionnelle; le développement et la recherche. Il faut que tous ces éléments-là soient noués ensemble pour créer vraiment une situation favorable d'emploi, parce que c'est le grand défi auquel est conviée la société québécoise.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme Pagé.

M. Tremblay (Outremont): ...consentement. Juste une petite phrase.

Le Président (M. Facal): Oui, mais c'est parce que vous présumez qu'il y a consentement. Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Non, mais s'ils veulent; s'ils ne veulent pas, je ne la dirai pas, c'est évident, là. Non, je demande le consentement, s'ils veulent, là.

Mme Harel: Ce que je propose, c'est que vous puissiez peut-être conclure pour votre formation politique.

Le Président (M. Facal): Bien, c'est ça. Depuis une semaine, on s'est donné comme tradition que je repassais la parole pour quelques secondes, à la fin, pour, en même temps, remercier nos invités. On pourrait peut-être faire du deux dans un, là.

M. Charbonneau (Bourassa): Je vais demander à mon collègue d'Outremont de conclure.

Le Président (M. Facal): De conclure, M. le député d'Outremont, de conclure.

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. Je remercie beaucoup le député de Bourassa. Et ma conclusion est la suivante: On peut souhaiter toutes les bonnes choses qu'on veut – puis je vous remercie beaucoup d'être venus nous informer – mais il y a une réalité brutale dans le dernier budget: en 1998, le taux de chômage, au Québec, va être de 11,7 %, dans une conjoncture économique favorable. Alors, quand vous parlez des femmes puis des jeunes, préparez-vous, parce que, dans une conjoncture économique défavorable – parce que c'est cyclique – qu'est-ce que ça va être, si, après avoir fait des efforts importants, on a un taux de chômage, en 1998, de 11,7 %? C'est ça, la réalité. Alors, on peut mettre en place des structures, parler d'emploi, mais, s'il n'y a pas d'adéquation dynamique, le mot «synergie» que vous mentionnez, là... Puis, dites-le au ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Où est-elle, sa stratégie industrielle pour donner suite à vos attentes légitimes? Merci beaucoup, au nom de mes collègues, d'être venus nous faire part de vos commentaires.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député d'Outremont. Mme la ministre, pour conclure.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Alors, j'étais bien contente, Mme Pagé, que vous parliez de la problématique de la main-d'oeuvre féminine. Il faut peut-être rappeler que les femmes étaient tout autant exclues des emplois misés dans les grappes industrielles. Parce que, le problème de fond, c'est celui des ghettos d'emplois. Alors, ces ghettos d'emplois se retrouvaient dans les grappes industrielles. Et, pour avoir réfléchi sur cela, sachant très bien que les 30 000 entreprises visées dans le cadre du 1 % étaient des entreprises à main-d'oeuvre masculine, principalement, il y a donc une nouvelle mesure qui a été ajoutée, qui est celle du crédit d'impôt, qui va être maintenue – qui est un cadeau, parce que c'est remboursable même si l'entreprise ne paie pas d'impôts – et ce crédit d'impôt va être maintenu pour toutes les entreprises non assujetties et qui sont celles qui, dans le fond, vont chercher la clientèle des jeunes et des femmes, principalement.

D'autre part, je termine en vous disant merci pour votre appui; ce n'est pas un appui «mais», ce n'est pas un appui critique, c'est un vrai appui. Et j'en suis contente d'autant plus que ça s'intègre à une stratégie de mise en oeuvre d'une politique de l'emploi, que nous discutons d'ailleurs encore, cet après-midi, au Comité des priorités, et qui, je crois, va venir vraiment éblouir le député d'Outremont tant elle va permettre d'intégrer ce qui était tout éparpillé au cours des 10 dernières années. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme la ministre. Merci beaucoup à nos invités.

(11 h 20)

Si vous voulez bien prendre place pour que nous puissions reprendre tout de suite. S'il vous plaît! Est-ce que les parlementaires pourraient prendre place?

M. Gautrin: ...trouvé une place.

Le Président (M. Facal): Mais oui, mais oui, vous avez une place. M. le député de Matane. Merci.

Alors, nous souhaitons maintenant la bienvenue à la Confédération nationale des cadres du Québec. Étant donné que vous avez assisté à la présentation qui a précédé, je ne vous rappellerai pas longuement les règles. Vous disposez d'abord de 20 minutes, puis de 40 minutes divisées en blocs de deux, pour échanger avec le groupe ministériel et l'opposition. Alors, je vous inviterais d'abord à vous présenter et, ensuite, à entreprendre la présentation de votre mémoire.


Confédération nationale des cadres du Québec (CNCQ)

M. Perron (Jean): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, membres de cette commission, je voudrais tout d'abord vous présenter mes collègues, ceux qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, M. Robert Savard, qui est le président sortant de la Confédération, et, à ma gauche, M. Marcel Tremblay, qui est le deuxième vice-président.

C'est pour moi... Je pense que vous venez tout juste de recevoir notre mémoire. Alors, écoutez, je vais en faire un bref résumé, et puis, évidemment, on pourra y référer au cours de mon exposé. Alors, c'est pour moi un honneur... Pardon?

Le Président (M. Facal): Excusez-moi. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce qu'on pourrait demander aussi à nos invités de présenter l'organisme qu'ils représentent?

M. Perron (Jean): Oui, j'y arrive, M. Gautrin.

Le Président (M. Facal): Oui, oui. Est-ce que les gens qui sont en arrière font partie de votre délégation?

M. Perron (Jean): Malheureusement, non. Mais, ici, à droite. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): À droite, O.K. Ha, ha, ha! Alors, vous voyez l'importance de présenter l'organisme.

M. Perron (Jean): Ça, c'est des jeunes cadres, sûrement.

Le Président (M. Facal): Des jeunes cadres. Bon.

M. Perron (Jean): Alors, permettez-moi tout d'abord de vous présenter sommairement notre Confédération. Alors, la Confédération nationale des cadres du Québec est de formation récente – en fait, sa création officielle remonte à peine à la fin de 1992 – pourtant, elle répond à un besoin de plus en plus pressant des cadres d'unir leurs intérêts et leurs préoccupations dans le but d'avoir une voix au chapitre des grands courants de pensée qui modèlent notre société.

C'est ainsi que notre Confédération regroupe déjà près de 15 000 cadres qui proviennent de tous les secteurs: parapublic, péripublic et privé. Elle se veut le porte-parole de l'ensemble des cadres du Québec et cherche à promouvoir et à développer les intérêts sociaux et économiques de ses membres. Enfin, la CNCQ, comme on l'appelle couramment, est affiliée à la Confédération internationale des cadres. La liste des associations professionnelles qui font partie de la CNCQ se retrouve à la page de présentation de notre mémoire.

Ce mémoire, je vous le précise d'entrée de jeu, ne constitue qu'un survol du projet de loi soumis à notre attention, le temps nécessaire à une analyse plus poussée nous ayant fait défaut. Néanmoins, il nous apparaissait essentiel de faire connaître la position de l'ensemble des cadres que nous représentons. Et cette position est très claire: nous appuyons sans réserve l'ensemble du projet de loi dans ses principes fondamentaux. Toutefois, certaines modalités importantes d'application nous ont semblé discutables.

Dire que la formation professionnelle est importante dans le contexte de cette fin de siècle, c'est peu dire: elle est la clé de voûte de l'intégration de notre société québécoise aux grands marchés mondiaux. Tout le monde parle de globalisation des marchés. Dans un tel contexte, les employeurs puisent dans un bassin illimité les compétences dont ils ont besoin pour assurer la croissance de leur entreprise. On cherche donc une main-d'oeuvre compétente et à bon marché, accessible rapidement et, pour ce faire, on utilise les ressources disponibles partout dans le monde.

Dans un tel environnement, il devient impératif que la main-d'oeuvre québécoise, souvent plus chère que la main-d'oeuvre des pays en voie de développement, puisse faire montre d'une compétence enviable et recherchée tant par notre propre marché que par le marché international. Or, les faits sont là: malgré des mesures incitatives intéressantes pour les entreprises, les chiffres parlent et nous apprennent, entre autres, que les entreprises québécoises ne consacrent que des ressources extrêmement réduites à la formation de leur personnel. On parle d'environ 0,6 % de la masse salariale qui serait consacré à la formation en entreprise.

Nous avons également consulté une étude réalisée par Développement des ressources humaines Canada, qui date cependant de 1991, mais qui démontre que 36 % seulement des employés au Canada ont reçu une formation structurée en entreprise, en moyenne de deux jours, dont le tiers était consacré à l'orientation en milieu de travail et le reste en santé et sécurité. Évidemment, il y a d'autres études qui font référence aussi au même sujet. Cependant, ces mêmes entreprises s'avouent tout à fait conscientes de l'importance de bien former le personnel, mais elles ne veulent pas, pour autant, que cela coûte des sous. Pourtant, tout programme de formation, si élémentaire soit-il, nécessite l'injection de sommes importantes pour sa réalisation. Alors, qui doit payer? L'État? Les contribuables?

Pour notre Confédération, cela est inacceptable. Les premières bénéficiaires de l'augmentation des compétences de la main-d'oeuvre québécoise, toutes catégories confondues, ce sont les entreprises. Il est donc logique que les entreprises, quelles qu'elles soient, participent directement au financement des programmes de formation professionnelle. Pour cette raison, nous n'avons pas hésité à recommander que toutes les entreprises dont la masse salariale est supérieure à 250 000 $ soient touchées par cette loi dès son entrée en vigueur. En outre, et considérant ce qui se fait à l'étranger, notamment en Allemagne et en France, nous estimons que le 1 % de la masse salariale, c'est insuffisant, et qu'il faut d'ores et déjà penser à une contribution d'au moins 2 %, comme c'est d'ailleurs le cas en France et en Allemagne.

Certes, les représentants du patronat, qui s'objectent à ce projet de loi, ont affirmé que, en France, l'application de cette taxe n'a nullement donné les résultats que l'on attendait. Le Conseil du patronat, notamment, cite un rapport d'une commission d'enquête française dans laquelle on conclut que cette législation ne donne pas les résultats escomptés. Pourtant, il faut bien l'admettre, la France et l'Allemagne constituent des modèles au regard du développement d'une main-d'oeuvre compétente et compétitive. Si l'on me passe l'expression: que les résultats ne soient pas, en tous points, conformes au modèle théorique, passe encore; mais qu'ils soient un échec douloureux, que l'on nous permette d'en douter.

(11 h 30)

D'autre part, des chiffres fournis par Statistique Canada nous apprennent que les rapports entre les dépenses reliées à de la formation et les dépenses d'investissement représentaient, en moyenne, à peu près la moitié de ce qui est dépensé pour la commercialisation et presque l'équivalent des sommes dépensées pour la recherche et le développement. Il est donc évident que la formation professionnelle, que tous s'entendent pour juger indispensable, n'est pas encore assimilée à un investissement pour l'entreprise, d'où, évidemment, les réticences et le sentiment que la plupart des employeurs ont de se faire refiler une nouvelle taxe. Pourtant, cette contribution est tout sauf une taxe. C'est pour cette raison que nous n'avons pas hésité à recommander que l'on intensifie les campagnes de sensibilisation portant sur l'importance de la formation professionnelle en entreprise comme moyen d'assurer la croissance économique de l'entreprise.

C'est donc un fait incontestable: notre société ne peut décemment se permettre de chipoter sur la nécessité de relever le degré de compétence de nos travailleurs et de nos travailleuses. Et la contribution des employeurs ne fait que corroborer ce que nous savons tous: l'État providence, c'est terminé. On ne peut plus demander au gouvernement de financer tous les coûts reliés à la formation de ses citoyens et de ses citoyennes; qu'il ait la charge de mettre en place une structure éducative adaptée au contexte économique et social est déjà beaucoup.

Il faut préciser ici que l'apparition, dans l'entreprise, de nouvelles technologies impose d'effectuer, à tout le moins, une mise à niveau des façons de faire traditionnelles. Alors, il apparaît que certaines de ces mises à niveau ne s'effectuent pas sans difficultés, nombre de travailleurs et de travailleuses se révélant des analphabètes fonctionnels, et il semble que seule la pointe de l'iceberg soit visible. La situation est alarmante et rien ne laissait supposer un tel degré d'ignorance et d'analphabétisme. Gageons que des parties importantes du Fonds national de formation professionnelle devront être réorientées vers la formation fondamentale. Quoi qu'il en soit, le fait demeure: les entreprises sont aux prises avec des problèmes de formation et leur responsabilité doit être de contribuer à cette formation, sinon en organisant la formation – ce qui, après tout, n'est souvent pas dans leurs cordes – du moins en participant à son financement.

Cela dit, le fait de lancer un projet de loi sensé ne minimise en rien la difficulté de le gérer adéquatement. Or, s'il est une crainte que nous partageons avec les opposants du projet de loi, c'est bien de voir cette mesure ambitieuse et nécessaire se perdre dans les méandres d'une administration embrouillée. On avance que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, chargée de l'administration de cette loi, devra compiler des dossiers sur plus de 222 000 entreprises. Et, comme nous l'avons souligné dans notre mémoire, les pouvoirs de la SQDM s'en trouvent considérablement accrus. À toutes fins utiles, la Société s'occupe de tout et n'a que très peu de comptes à rendre. Entre autres, le fait qu'elle aura à établir des règles d'admissibilité des dépenses de formation n'est pas sans soulever une inquiétude tout à fait compréhensible dans le contexte actuel. En effet, considérant la composition plutôt hétérogène de la Société, avec ses représentants qui proviennent de secteurs très diversifiés, on risque de se retrouver vite devant le syndrome de la tour de Babel. Or, une gestion lourde et complexe confirmera les appréhensions des entreprises et ne pourra qu'engendrer le mécontentement, avec pour effet que les entreprises se désintéresseront complètement des tenants et des aboutissements de cette loi, assimilée dès lors à une mesure pour imposer les entreprises. En fait, la mise en garde qu'il nous faut faire ici, c'est d'être attentif à ne pas brûler le projet avant même que les entreprises et notre société aient pu en sentir les effets bénéfiques.

Autre point sur lequel nous aimerions attirer l'attention de cette commission, c'est le rôle des établissements d'enseignement tant publics que privés. C'est un fait notoire que les établissements d'enseignement, commissions scolaires, cégeps et formateurs privés reconnus possèdent une tradition en matière de formation professionnelle et en matière de formation technique. Certes, les rapports entre l'entreprise et les établissements d'enseignement ne sont pas toujours aisés, mais l'arrimage est une question de gros bon sens. La relation client-fournisseur de services permet à l'entreprise de préciser ses besoins, tandis que l'établissement d'enseignement, disposant du matériel didactique et des ressources humaines spécialisées, peut mettre au point des programmes solides, structurés et adaptés aux besoins de l'entreprise. Évidemment, il y a, à cet égard-là, de nombreux exemples qui ont déjà été cités, celui de General Motors entre autres.

Or, le projet de loi, bien qu'il reconnaisse la formation professionnelle donnée par les établissements d'enseignement, ne favorise pas le développement d'un véritable partenariat entre l'entreprise et les établissements d'enseignement. Cela nous paraît une lacune importante du projet de loi. Nous n'hésitons pas à recommander que la formation professionnelle relève d'abord de la responsabilité des établissements d'enseignement tant publics que privés et que les liens de partenariat soient vivement encouragés par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ne dit-on pas: À chacun son métier? Et l'expertise des établissements d'enseignement en matière de formation professionnelle n'est plus à démontrer. Que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre se charge d'administrer la Loi favorisant le développement de la formation professionnelle nous apparaît tout à fait acceptable, mais le soin de préciser les besoins de formation et les façons d'organiser cette formation doivent impérativement relever des entreprises et des établissements d'enseignement publics ou privés.

Enfin, j'aimerais terminer cette présentation en rappelant que les cadres que nous représentons sont également des salariés, c'est-à-dire des employés, des salariés quelque peu différents, soit, mais tout de même des salariés. À ce titre, les cadres doivent pouvoir bénéficier de programmes de formation professionnelle. De par leur statut même, les cadres connaissent bien les mérites et la nécessité de la formation professionnelle. En fait, les données de Statistique Canada tirées de l'enquête de 1992 sur l'éducation et la formation des adultes nous apprennent que, parmi les Canadiens titulaires d'un diplôme universitaire, 51 % prennent part, chaque année, à une forme quelconque d'éducation des adultes, alors que seulement 16 % de ceux qui n'ont pas terminé leurs études secondaires font de même. Or, la grande majorité des cadres détiennent un diplôme universitaire ou collégial, ce qui en fait une clientèle particulièrement sensible et intéressée à la formation professionnelle continue. Il nous apparaît donc essentiel que les cadres puissent disposer de programmes de formation professionnelle adaptés à leurs besoins, que la société doit entériner publiquement. De cette manière, on évitera de faire des cadres des boucs émissaires pour la presse à sensation et de dénaturer leur recherche honnête de sources de perfectionnement.

En somme, le projet de loi 90 est un projet de loi sensé, essentiel au développement de notre société et générateur d'espoir pour toute la collectivité québécoise. À titre de regroupement de cadres de tous secteurs, la CNCQ se fera un devoir d'épauler les instances gouvernementales chargées de l'application de cette législation. Quant à ceux qui s'objectent au projet de loi, nous les invitons simplement à élargir leur horizon et à prendre conscience que les entreprises seront les premières à bénéficier des effets de cette loi.

Vous avez, en terminant, l'ensemble des recommandations, la synthèse des recommandations, qui apparaît à la page 13 du mémoire. Alors, je vais terminer en faisant une lecture rapide de l'ensemble de ces recommandations: intensifier les campagnes de sensibilisation portant sur l'importance de la formation professionnelle continue et de la formation technique comme moyens d'assurer la viabilité et la croissance de l'entreprise; inclure, dans son projet de loi 90, toutes les entreprises dont la masse salariale est supérieure à 250 000 $, sans égard à la nature ou au statut de l'entreprise, et ce, dès son entrée en vigueur; dépasser la contribution minimum de l'employeur fixée à 1 % pour la hausser à 2 % de la masse salariale, selon les mêmes pratiques qui ont cours en France; conférer certains pouvoirs à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, mais mettre en place une véritable politique de décentralisation des pouvoirs au profit des sociétés régionales et des régions; inciter les entreprises à se doter de comités de formation professionnelle, autant pour les employés syndiqués que pour les cadres, les non-syndicables et les non-syndiqués aussi; établir le partage des responsabilités en matière de gestion du Fonds national de formation professionnelle, de manière à rendre la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre imputable de ses décisions envers la population; et, finalement, inciter les entreprises à établir en priorité des liens de partenariat avec les établissements d'enseignement reconnus et à leur confier la responsabilité de mettre sur pied une formation structurée adaptée à leurs besoins.

Je vous remercie de votre attention et, évidemment, mes collègues et moi sommes disponibles pour échanger avec vous.

(11 h 40)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. Perron, et, les personnes qui vous accompagnent, merci de votre présence et de votre appui. J'aimerais peut-être relever ce que vous dites, dans votre mémoire, à la page 2, à savoir que nous sommes passés d'une économie basée traditionnellement sur les ressources naturelles à une économie du savoir et que cette nouvelle réalité nous oblige à composer autrement qu'on l'a fait jusqu'à maintenant en confiant seulement à l'éducation – l'éducation au sens du système d'enseignement national – le soin de former des gens. De plus en plus, en fait, ce que l'on constate, c'est que, du côté des états généraux de l'éducation, il y a une réflexion qui se poursuit sur les dépenses publiques qui se font en matière d'éducation et que, du côté de la main-d'oeuvre, dans le cadre de l'examen du projet de loi 90, nous procédons à un examen des dépenses privées qui doivent se faire en matière de formation professionnelle. Et c'est la conjugaison des deux qui va nous donner, finalement, une combinaison gagnante.

J'aimerais revenir sur les aspects précis que vous soulevez dans votre projet de mémoire, le premier étant la question de la priorité qui, selon vous, devrait être donnée aux établissements d'enseignement reconnus. Si vous me permettez, je vais reprendre le dispositif du projet de loi; il n'apparaît pas toujours évident avec le langage juridique et il vaut mieux le reprendre, parce que c'est de ça qu'il s'agit. Dans l'intention du gouvernement, c'est, finalement, d'obliger une contribution d'au moins 1 % mais de laisser à l'entreprise le comment, c'est-à-dire le choix dans l'éventail des moyens à sa disposition. Tantôt, la CEQ, qui vous a précédés, parlait d'un marché ouvert, se disait favorable à ce marché ouvert et ajoutait que ça peut se faire, ce marché ouvert, même dans le cadre d'une définition de formation qualifiante, la formation qualifiante étant celle permettant l'acquisition d'une compétence spécifique et pouvant ne pas être dispensée uniquement dans le cadre du monopole de l'enseignement public.

Donc, le dispositif est le suivant: oui à l'obligation de dépenser 1 %, mais le choix à l'entreprise de le faire directement avec l'institution reconnue, directement avec la firme agréée, directement par son association sectorielle, un comité paritaire ou tout autre organisme qui aura un plan de formation validé. Ça, c'est son choix, elle le fait directement, elle obtient des reçus, ça fait partie du poste budgétaire dans ses états financiers, et c'est terminé. Ou elle le fait par la formation maison ou sur le tas, selon ce qu'on préfère comme appellation. Là, vous nous dites que c'est important, cette formation maison. Vous nous citez des chiffres, d'ailleurs, bien intéressants dans votre mémoire. C'est juste que, si elle le fait dans le cadre de la formation maison, là, il faut qu'elle le fasse de façon plus formalisée, parce qu'autrement il n'y aura aucune façon de suivre à la trace, si vous voulez, ce qui s'est fait, et c'est là où ça doit se faire dans le cadre d'un comité paritaire. Alors, nous en sommes là. C'est ça, le projet de loi.

Peut-être que le pas de plus que d'aucuns nous invitent à franchir, ce serait celui qui consisterait à dire: Formation maison, comité paritaire ou bien, si vous préférez, plan local de formation que vous faites valider par une institution d'enseignement reconnue ou par la SQDM, encore une fois, au choix. Alors, c'est là, le dispositif. Vous, vous nous dites: Bien, on préférerait que le gouvernement incite les entreprises à établir en priorité des liens de partenaires avec les établissements d'enseignement reconnus. Alors, j'aimerais savoir comment. Est-ce que, vous, vous envisagez que ça doit se faire dans une loi ou dans un règlement? Je peux vous dire que ce n'est pas de notre intention de vous suivre sur ce terrain-là, en tout cas; le terrain étant celui de dire à l'entreprise: Vous investissez. Ce n'est pas une taxe, c'est un investissement, mais, cet investissement, vous le faites en conformité avec ce que vous considérez comme important pour votre prospérité.

M. Perron (Jean): Bon, écoutez, je l'ai mentionné au départ, on n'a pas poussé l'analyse en profondeur de tout le projet de loi. Cependant, ce que je peux vous dire là-dessus, et mes collègues pourront compléter, là... Évidemment, je pense qu'il est important de reconnaître ce qui existe déjà. Je pense qu'il y a déjà un bon partenariat, dans l'ensemble des régions du Québec, avec les maisons d'enseignement, je dirais publiques mais aussi privées, c'est-à-dire les formateurs reconnus. Ce qui est important, et je pense que l'ensemble des intervenants qui nous ont précédés en ont fait part, c'est que cette formation sur le tas ou cette formation que vous appelez formation maison puisse être reconnue et validée, mais puisse éventuellement aussi déboucher sur peut-être pas nécessairement un diplôme mais, enfin, une compétence reconnue auprès de l'ensemble des employeurs. Donc, c'est certain que, si on réussit à hausser le taux de diplomation par la formation continue, formation maison ou formation sur le tas, je pense que l'ensemble de la collectivité québécoise va en sortir meilleure.

Ce qu'on dit, quant au partenariat, c'est qu'il ne faudrait pas, je pense, empêcher le milieu de collaborer ou de développer ce partenariat, qui est, à mon avis, essentiel, entre les maisons d'enseignement, qui ont déjà un certain nombre d'infrastructures adéquates, et aussi les formateurs agréés, reconnus ou accrédités par les sociétés. Il ne faudrait pas qu'on aille dans une trop grande centralisation, qui empêche ce partenariat-là de se développer au profit d'une grande centralisation au niveau national. Il faudrait que, dès l'instant où une entreprise, par ses mécanismes internes, soit un comité, je dirais, employés-employeur, s'est entendue sur certains besoins ou certains types de formation, qui en a référé à un conseiller, soit la commission scolaire, le collège, l'université ou le formateur accrédité, eh bien, il n'y ait pas trop, je dirais, d'exigences quant à la validation de ce programme sur lequel l'ensemble des parties se sont entendues. En d'autres mots, il ne faudrait pas que la centralisation ou les exigences de la Société sur le plan national deviennent un empêchement à cet épanouissement régional. Alors, je ne sais pas si mes collègues ont peut-être des choses à ajouter. Non? Ah bon.

Mme Harel: Mais, M. Perron, je pense que votre objectif est le nôtre. Non seulement il ne s'agit pas de décentralisation, mais, dès que l'entreprise contracte avec une institution, une polyvalente ou un cégep, là, elle satisfait absolument tout en regard du projet de loi, c'est-à-dire qu'elle garde les reçus, elle ouvre un poste budgétaire et c'est tout. Alors, donc, elle ne se fait pas chaperonner par personne d'autre. Et ça vaut aussi pour la formation maison. Dès qu'elle a un comité paritaire, il n'y a pas non plus de tiers, là. Elle ne se fera pas chaperonner là non plus.

Alors, ça m'apparaît important. Là, il y a un pas, peut-être, autre, si je comprends vos propos, que vous nous invitez à franchir, qui est celui que la CEQ elle-même n'a pas franchi, qui est de dire qu'il faut que ce soit diplômé. Parce que, dans notre société, le monopole de la diplomation, il appartient à l'enseignement, à l'éducation. Alors, on distingue entre la formation qualifiante, qui peut venir d'unités d'éducation continue et de toute autre forme. Puis il y a un pas de plus qui est le diplômé, c'est-à-dire une reconnaissance d'acquis, reconnaître que ça peut être fait en entreprise, la formation, pas juste dans le cadre de l'Alternance travail-études, à statut scolaire, dans le cadre de ce qui s'y travaille et de ce qui s'y apprend.

(11 h 50)

Alors, je ne sais pas si vous partagez cette façon de voir, en distinguant formation qualifiante et diplomation, en recherchant une formation qualifiante et en souhaitant que le milieu de l'enseignement s'ouvre à diplômer la formation qualifiante, mais en ne livrant pas l'entreprise au seul desiderata du milieu de l'enseignement.

Et je termine, peut-être pour – je sais que mes collègues, le député de Matane et la députée de Rimouski veulent intervenir – simplement vous rappeler... Parce que vous le dites et vous avez raison et ça a été notre souci constant, ne pas alourdir d'aucune façon un dispositif bureaucratique. Mais c'est évident que, pour le calendrier d'implantation, vous, vous nous dites: Tout de suite. C'est donc 30 000 entreprises, 250 000 $ de masse salariale. C'est justement ça qui ferait un dispositif extrêmement lourd en partant et c'est pour ça que le calendrier d'implantation commence en 1996, avec 7 500 entreprises; 1997, on double avec 15 000, 500 000 $ de masse salariale; et, 1998, on termine avec 30 000 entreprises, donc 250 000 $ de masse salariale. Donc, on se trouve à prendre les bouchées, là, au fur et à mesure pendant trois ans. Ça aide, ça, beaucoup, justement, à ne pas alourdir le processus et ça aide à donner des services aux entreprises au fur et à mesure qu'elles ont à s'acquitter de leurs obligations.

Peut-être, aussi, un autre aspect important, vous nous dites craindre la gestion lourde et complexe. Mais, justement, une réglementation gouvernementale a beaucoup plus de chances d'être lourde et complexe que si elle est laissée à l'initiative des partenaires. Pensez que la réglementation du crédit d'impôt, il n'y a rien dont j'ai plus entendu parler contre. Par exemple, le fait que les entreprises incorporées seulement étaient admissibles. Et, ça, ça a duré des années avant que la réglementation soit changée, parce que c'était un processus qui était lourd, la réglementation gouvernementale. Ensuite, les stages de huit semaines, ce n'était admissible à presque aucun étudiant, étant donné que pas un cégep en fait de plus de six semaines.

Alors, vous voyez toutes sortes de règlements comme ça qui venaient du fait que l'appareil gouvernemental, malgré toute sa prescience, est parfois déconnecté des réalités du terrain. Il me semble qu'il y a bien plus d'avantages à laisser l'initiative de la réglementation à des partenaires qui vont l'ajuster au fur et à mesure. Pensez, par exemple, à celle des dépenses admissibles. Si on commence en disant peut-être non aux congrès et aux colloques, il faudra voir après s'il n'y aurait pas lieu de modifier ça. Ça vaut aussi, par exemple, pour le report des dépenses sur une année ou deux ou trois, est-ce qu'il y aurait lieu de modifier ça? En période de récession, il peut être utile de le faire si l'entreprise a moins de liquidités et qu'elle a beaucoup dépensé auparavant.

En fait, c'est quoi, l'idée? C'est formidable! Avant, on nous disait: Pas de réglementation gouvernementale, laissez-nous ça, les parties. Maintenant que c'est prévu de le laisser aux partenaires, on nous dit: Non, vous, le gouvernement, réglementez.

M. Perron (Jean): Bon, écoutez, à cet égard-là, vous avez remarqué qu'un certain nombre de nos recommandations sont plutôt un effort de sensibilisation, justement, pour éviter ce genre de problématique. Ce qu'on ne veut pas – et je pense que là-dessus on rejoint évidemment nos employeurs, l'ensemble de nos employeurs – c'est se retrouver devant une société, entre guillemets, une société d'État lourdement bureaucratisée. Tant mieux si, évidemment, vous êtes extrêmement sensibles à cette problématique-là et que vous voulez éviter que l'on plonge dans ces méandres de la bureaucratie qui vont évidemment tout annihiler les efforts qui seront faits par la loi. Cependant, je pense qu'il était de notre devoir de vous aviser de faire attention à cet aspect fondamental de votre projet de loi. Tant mieux si, effectivement, vous estimez que la réglementation permettra plus de souplesse, mais il est évident que, nous, ce qu'on veut éviter, c'est cette bureaucratie-là trop lourde, qui empêche la souplesse, l'épanouissement local, régional.

Puis, écoutez, notre empressement quant à la formation... Je comprends très bien la problématique que vous soulevez quant à la mise en application de ces mesures-là, mais c'est qu'on est fondamentalement convaincus, à l'instar, d'ailleurs, du député d'Outremont, M. Tremblay, que la formation, c'est plus qu'impératif, c'est une nécessité absolue. Et, pour ces raisons-là, l'urgence est de procéder dans les plus brefs délais. Évidemment, pour nous, on fait abstraction des obstacles, en tout cas, encore une fois, bureaucratiques qui viendraient alourdir ou retarder la mise en application d'un tel projet de loi.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Perron. M. le député de Matane, qui sera suivi par la députée de Rimouski. Il reste cinq minutes au groupe ministériel.

M. Tremblay (Outremont): Il y a consentement pour permettre d'être moins stressés, pour les deux députés. Alors, on consent qu'ils puissent prendre un petit peu plus de temps, si vous êtes d'accord, M. le Président, et si la députation ministérielle est d'accord. Cinq minutes, ce n'est pas long, je peux vous dire ça.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Matane.

M. Rioux: Je remercie le député d'Outremont pour son élégance légendaire. Ce que j'aime dans votre mémoire, c'est que vous nous faites bien saisir la distance qu'il reste à parcourir avant d'en arriver à un système valable de formation professionnelle au Québec, même si les bonnes volontés sont exprimées de toutes parts: patronale, syndicale, des organisations comme la vôtre, etc. Mais, dans la mesure où on postule qu'une partie de la formation va se faire sur le plancher des usines et que l'employeur et le travailleur vont se sentir très concernés par leur avenir comme travailleur et leur avenir économique, comme entreprise, est-ce que, dans votre esprit – si on ne veut pas que la SQDM monopolise tous les plans de formation – les plans de formation devraient se fabriquer, se concocter, entre employeur et employés? Parce que vous semblez vouloir nous dire – le message est assez clair: Évitez la bureaucratisation excessive, etc. Est-ce que, dans votre esprit, c'est au niveau de l'entreprise, entre l'employeur – dont certains sont venus nous dire: On aimerait bien être impliqués et décider de ce qu'on a à faire en formation dans notre boutique – et les employés, qui aimeraient bien, aussi, avoir leur mot à dire parce que ça les concerne directement... Est-ce que vous voyez que c'est là que ça devrait se prendre, la décision, et que ça devrait être entériné, après ça, par les organismes?

Et, deuxièmement, quant à la sanction d'une reconnaissance d'une formation qui a été donnée en entreprise, voyez-vous, là encore, un partenariat État-employeurs pour décerner, je ne dirai pas ce diplôme, mais cette reconnaissance officielle qu'un employé a travaillé à sa formation, même si ça se donne carrément en entreprise ou qu'une partie peut être prise à l'école? Parce que, je pense qu'on a à réveiller le monde de l'éducation vis-à-vis cette réalité-là, mais aussi, il y a les employeurs à qui on va devoir parler.

En dernier, j'aimerais vous souligner que je suis très heureux que vous vous préoccupiez de la formation des cadres. Je sais que le réseau de l'éducation et le réseau de la santé ont été pitoyables, depuis un certain nombre d'années, dans la formation de leurs cadres intermédiaires, notamment. Et, ça, je ne peux que vous remercier de nous avoir mis ça un peu dans l'oreille. Mais j'attends des réponses à mes deux questions.

M. Perron (Jean): O.K. Quant à la première question, écoutez, je pense qu'effectivement les entreprises, en tout cas, j'entends employeurs-employés, sont sans doute les mieux placées pour identifier les besoins de formation. Encore faut-il ajouter qu'elles ont besoin d'un support ou d'une aide professionnelle qui peut être, encore une fois, apportée par l'intermédiaire d'un formateur agréé ou encore d'une institution publique d'enseignement, pour toutes sortes de raisons, que ce soit en raison des infrastructures... Évidemment, quand on a à réaliser un plan de développement des ressources humaines dans une entreprise, il faut une expertise, souventes fois, de l'extérieur, mais encore faut-il ajouter, à cet égard-là, que tant les établissements publics, cégeps, commissions scolaires, universités que, encore une fois, les formateurs agréés disposent de cette expertise-là. Les établissements publics d'enseignement, eux, disposent aussi non seulement de formateurs spécialisés, mais aussi de toutes les infrastructures nécessaires pour aider l'entreprise à évoluer.

(12 heures)

C'est donc dire que, lorsqu'on parle, nous, de partenariat, en réalité, c'est ce partenariat-là qui est, à toutes fins pratiques, complémentaire. Mais il reste que l'entreprise elle-même doit, évidemment, faire l'effort d'identifier ses besoins. Cependant, ce qu'il faut éviter, c'est que les besoins soient toujours reliés, par exemple, je ne sais pas, à du recyclage ou du perfectionnement, ce qui conduirait uniquement à une vue à court terme, c'est-à-dire l'accroissement de la productivité dans l'entreprise. Je pense qu'il faut avoir une vue un peu plus à long terme sur le développement professionnel ou encore le développement technique. Et c'est pour ça qu'on dit: Il faudrait qu'éventuellement ça puisse non seulement être reconnu, mais déboucher sur une diplomation quelconque, ce qui ferait que l'employé licencié dans une entreprise pourrait facilement disposer, si vous voulez, d'une certaine manière, d'un passeport pour qu'une autre entreprise analogue ou semblable puisse requérir ses services. C'est pour lui une garantie, mais c'est aussi une garantie pour les entreprises de disposer d'une main-d'oeuvre qualifiée, c'est-à-dire que celle qui aura été formée chez le concurrent pourra être utilisée par un autre.

Le Président (M. Facal): Je vous inviterais à conclure votre réponse afin que nous puissions avoir encore assez de temps pour une dernière question.

M. Perron (Jean): D'accord. Alors, je pense bien que j'ai répondu par le fait même à votre deuxième question. Enfin, je pense avoir répondu. Est-ce que c'est suffisamment clair?

M. Rioux: J'aimerais que votre voisin de droite nous parle un petit peu de la formation des cadres, qui a été un peu sa hache...

M. Perron (Jean): Absolument. Absolument. Oui.

M. Rioux: ...pendant de nombreuses années; il a lutté férocement pour ouvrir les oreilles des gouvernements.

Le Président (M. Facal): Très brièvement, pour que la députée de Rimouski puisse également poser sa question après.

M. Savard (Robert): «Lapidairement», M. le Président. Peut-être qu'un des arguments que les gens du côté gouvernemental qui sont en faveur du projet de loi pourraient utiliser, c'est que ce projet de loi va aussi lier le gouvernement. Et, dans le secteur que je connais bien, par exemple celui de la santé et des services sociaux, les employeurs ne respectent pas actuellement les dispositions de la loi, parce qu'il se fait moins de 1 % d'investissements pour le développement des cadres. Voilà un argument pour.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Tremblay (Outremont): La députée de Rimouski avait une question. On était d'accord. Une brève question.

Le Président (M. Facal): Oui. Bon, normalement, on procéderait par alternance, mais, vu que c'est la toute dernière du groupe ministériel...

M. Tremblay (Outremont): ...20 minutes, alors, même si la partie ministérielle a fait plus que 20 minutes, on fait ça pour accommoder la députée de Rimouski.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Tremblay (Outremont): Ça me fait plaisir.

Mme Charest: Bonjour, messieurs. Je vous remercie de l'appui que vous apportez au projet de loi 90. Je vois que vous seriez un peu plus exigeants que l'actuel projet de loi et je serais tentée de vous dire que vous avez tout à fait raison. Malheureusement, notre projet de loi est quand même très doux. Il pourrait être beaucoup plus méchant, si on veut utiliser des termes comme celui-là. Mais, quand même, c'est un pas dans la bonne direction, et je pense que la ministre travaille très fort pour que ça devienne une priorité et qu'on reconnaisse le besoin parmi tous les partenaires comme tels.

Moi, je veux en venir à votre recommandation où, après avoir parlé du partenariat entre les entreprises et les établissements d'enseignement, vous en venez à recommander au gouvernement du Québec d'inciter les entreprises à établir en priorité des liens de partenaires avec les établissements d'enseignement. Moi, ça me soulève quand même des interrogations, et j'aimerais vous entendre. Comment je dois interpréter votre recommandation? Je sais que vous dites «en priorité», vous ne dites pas «en exclusivité», ce qui sont deux choses. Mais comment je devrais interpréter votre recommandation si je pense à la reconnaissance de la formation sur le tas, dans le contexte de la loi 90?

M. Perron (Jean): En fait, tout est basé sur ce que j'explique depuis le début, c'est-à-dire que ce partenariat-là existe déjà. Je pense que la société, ou, en tout cas, le projet de loi, doit faire des efforts pour favoriser davantage le développement de ce partenariat-là. Pourquoi les institutions publiques? Pourquoi certaines institutions privées reconnues ou agréées par les sociétés de main-d'oeuvre? Parce que, je l'ai dit tout à l'heure pour résumer: chacun son métier. Je pense bien que, malgré les faiblesses que notre système d'éducation a, il reste que c'est encore ces organismes-là qui sont, à mon avis, les plus compétents, les plus aptes à rendre des services importants aux entreprises.

Écoutez, je pourrais vous donner de nombreux exemples de partenariat. Par exemple, au niveau des commissions scolaires, il y en a eu plusieurs, mais au niveau des cégeps, tous les centres de transfert de technologies sont des exemples concrets de ce partenariat entreprises-établissements d'enseignement, etc. Il y en a du côté des universités. Moi, je pense que le projet de loi doit chercher à favoriser encore plus ce partenariat-là, c'est-à-dire que je ne dis pas qu'il faut l'obliger nécessairement, je pense qu'il faut laisser la libre concurrence s'exprimer, mais il faut, je pense, favoriser ce partenariat-là.

Mme Charest: Monsieur, j'avais tout compris ça. Je pense que je vais poser ma question plus directement. Dans le fond, ce que je veux savoir: Est-ce que vous êtes pour ou contre le fait qu'on reconnaisse la formation sur le tas dans le cadre de la loi comme telle?

M. Perron (Jean): Je pense bien qu'il faut reconnaître la formation sur le tas. Il faut pouvoir l'évaluer. Évidemment, il faut que cette formation puisse être exportable d'un employeur à un autre. Il faut évidemment que ça débouche sur une certaine mobilité, sur une espèce de passeport pour l'employé, mais aussi pour l'employeur quant à la garantie d'avoir un employé qualifié et compétent. Comment on va le reconnaître? Ça, je suis obligé de dire qu'on n'a pas eu le temps de se pencher sur ces aspects-là.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Savard (Robert): Un mot, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Oui.

M. Savard (Robert): Sur ce sujet-là, Mme la députée, je pense que ce qu'il faut bien retenir de notre proposition, c'est qu'il faut bien sûr avoir de la souplesse dans les moyens, mais en ce qui regarde les cadres, par exemple, la formation est au moins aussi stratégique, sinon plus, pour les cadres que pour les autres catégories d'employés. Et le président parlait tout à l'heure d'un passeport. Ça réfère à la mobilité d'une entreprise à l'autre, et il faut pouvoir fonctionner dans des scénarios sérieux, transposables, mais avec grande souplesse. Bien sûr, c'est à l'expérience qu'on verra si on a réussi cette fois-ci, mais cette direction, cette orientation doit être à tout prix retenue.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Je voudrais dire à nos invités que nous accueillons avec grand intérêt le mémoire que la Confédération nationale des cadres du Québec nous soumet aujourd'hui. La Confédération des cadres est une nouvelle organisation. Alors, nous savons l'effort que peut avoir requis la préparation d'un mémoire sur une question aussi importante, quand il s'agit de concilier le point de vue de 17 organisations dans le cadre d'une nouvelle et jeune organisation.

On note toutefois que, dans les 17 organisations que vous représentez, il y en a 10 qui viennent du secteur de l'enseignement, deux du secteur de la santé, trois ou quatre autres de sociétés publiques et une qui s'appelle l'Association des cadres des industries du Québec. Combien il y a de membres dans cette dernière Association des cadres des industries du Québec?

M. Perron (Jean): Environ 300.

M. Charbonneau (Bourassa): Trois cents. Donc, votre organisation se situe globalement dans le secteur public et parapublic.

M. Perron (Jean): Pas dans le secteur public. Dans le secteur parapublic et privé, péripublic aussi.

M. Charbonneau (Bourassa): Péripublic et public.

M. Perron (Jean): Mais on n'a aucune association de membres de la fonction publique.

M. Charbonneau (Bourassa): D'accord. On se comprend, là, financée par les fonds publics plutôt que du privé, au sens...

M. Savard (Robert): Il n'y a aucun financement public.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous allez avoir un rôle très, très stratégique, comme cadres, à jouer dans la mise en oeuvre d'une politique de formation professionnelle. Vous êtes, par vos fonctions, au point de rencontre des intérêts des employeurs dont vous êtes les représentants par vos fonctions... mais vous avez aussi à écouter le point de vue des employés, des salariés, et à essayer de conseiller vos patrons quant aux stratégies à mettre en place, quant aux programmes, quant aux plans qui conviennent. Vous avez un rôle d'intermédiaire dans tout ça, qui va être exigeant. On sait que, dans le secteur des commissions scolaires et dans le secteur des établissements de santé, qui regroupent 12 de vos 17 associations, les contraintes budgétaires qui ont été annoncées... En même temps, il y aura l'obligation de maintenir ce 1 % qui est prévu dans la loi. Est-ce que vous croyez que ça va prendre un effort additionnel à ce qu'on connaît maintenant de la part de ces réseaux de la santé et de l'éducation ou si ces réseaux ont atteint un rythme de croisière convenable au regard du 1 %?

M. Perron (Jean): Écoutez, je vais d'abord répondre à votre question. La deuxième question, M. Savard pourra répondre, peut-être Marcel aussi. Quant à votre première question, effectivement, l'ensemble de nos affiliés sont du parapublic, péripublic et privé. Cependant, je pense que ce qu'il est important de considérer, c'est que nous sommes, évidemment, des représentants des employeurs, mais nous ne sommes pas les institutions, nous ne sommes pas les employeurs proprement dits. À ce que je sache... Je n'ai pas vu la position, entre autres, de la Fédération des commissions scolaires, mais je ne sais pas si elle est pour ou contre le projet...

M. Charbonneau (Bourassa): Nous non plus.

(12 h 10)

M. Perron (Jean): ...la même chose pour les hôpitaux. Mais, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un point de vue, si vous voulez, d'institution qu'il faut considérer aujourd'hui, c'est le point de vue des gestionnaires, de l'ensemble de ces affiliés.

Quand à votre deuxième question, je vais demander à Robert d'y répondre.

M. Savard (Robert): Toujours, M. le Président, sur la nature de nos associations, bien que nous représentions des cadres qui viennent essentiellement, comme l'a dit le président Perron, du secteur parapublic et du secteur privé, nos associations sont essentiellement des organisations privées, qui ne sont d'aucune façon subventionnées à même les fonds publics. Nos associations sont essentiellement financées soit par l'organisation d'activités qui s'autofinancent, soit – et principalement – par les cotisations payées par les membres, comme dans n'importe quel syndicat.

Sur la question de ce que représentera l'adoption de la loi pour le réseau d'où je viens, soit celui de la santé, je ne connais pas les données précises en ce qui regarde le personnel syndiqué. Par contre, en ce qui regarde le secteur des cadres, qui, même malgré la loi 198, ils sont très diminués, mais il en reste encore quelques-uns, il y a jusqu'à quatre ans, les investissements des employeurs étaient de l'ordre de 27 $ per capita. Alors, dire qu'on est à des années-lumière du 1 %, c'est un euphémisme, 27 $ per capita, par cadre. Bien sûr, il y a eu du rattrapage qui a été fait dans les trois dernières années, mais, actuellement, la moyenne d'investissement par cadre est de 150 $. On est, encore là, loin du 1 %. Si la loi est adoptée par l'Assemblée nationale comme elle est présentée, je comprends que les employeurs des réseaux publics vont être liés par cette obligation et, bien sûr, dans certains cas, ça va représenter des investissements additionnels.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Verdun. Ah! allez-y, oui.

M. Tremblay (Marcel): Si vous me permettez, en ce qui a trait à l'éducation...

Le Président (M. Facal): Ah oui! vous voulez rajouter une précision, oui.

M. Tremblay (Marcel): Je voudrais apporter une précision. En ce qui concerne le secteur de l'éducation, il est certain que ce qui attend le secteur de l'éducation en matière de développement face aux technologies de l'information en éducation, il y a des efforts à effectuer. Il est certain que les sommes qui sont disponibles présentement pour toutes les catégories de personnel qui y travaillent sont insuffisantes, et le projet de loi pourra ajouter à ces mesures qui sont déjà prévues dans les conventions collectives.

M. Charbonneau (Bourassa): Dans un contexte d'enveloppes fermées, vous exprimez un besoin accru au chapitre de la formation. Donc, il y aura des calculs à faire pour voir comment ça pourra se réaliser tout en maintenant le même nombre de cadres. En tout cas, il y en a certainement qui vont vous préparer des scénarios avec ça.

Nous, nous avons pris bonne note de vos références à la situation en France, à la situation en Allemagne. Il faut voir que les commissions qui ont étudié le système en France ont des commentaires assez sévères sur son fonctionnement. Quant à l'Allemagne, vous savez qu'il n'y a aucune obligation et qu'il y a un haut niveau d'investissement en formation. Donc, je ne sais pas exactement quelles conclusions on peut tirer de ces références à la France et à l'Allemagne; le chômage, en France, est à 12 % et plus.

Je voulais vous demander, à propos de l'article 17, votre pensée là-dessus. L'article 17 dit: Les employeurs qui ne dépenseront pas le 1 % en formation, ils versent au Fonds le 1 % ou la différence entre ce qu'ils ont réellement dépensé et le 1 % et ils sont libérés de leur obligation. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Perron (Jean): Écoutez, à brûle-pourpoint, ce qu'on dit, c'est qu'il y a un ensemble de mesures favorables pour les employeurs de disposer soit de leur équipement, d'avancer le principe de l'alternance travail-études, de stagiaires, etc. On pense que ceux qui, effectivement, ne font rien, bien, ils doivent contribuer. S'ils ramassent les fruits, ils doivent effectivement contribuer à la cueillette des fruits, parce que, si la main-d'oeuvre, dans l'ensemble, hausse sa qualification, il faudra que, quelque part, il y ait un prix. Et, pour les entreprises qui ne contribuent pas, évidemment, financièrement elles devront contribuer. Je pense que, dans n'importe quelle organisation, c'est un peu comme ça.

M. Charbonneau (Bourassa): À votre connaissance, est-ce que vous pensez qu'il va finir par s'accumuler des montants importants au Fonds?

M. Perron (Jean): J'espère que non, pour répondre à votre question. J'espère que la formation, et j'exprime... Évidemment, c'est une demande que nous faisons, c'est qu'il y ait de la formation. S'il fallait que des montants astronomiques soient recueillis, ça voudrait dire qu'il ne se fait pas de formation. Et, là, évidemment, je pense que le projet de loi passerait à côté de son but ultime.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, si j'ai bien compris, la majeure partie des gens que vous représentez sont des cadres du secteur public, ou parapublic, ou péripublic, suivant les termes qu'on emploie. Il y a un point, et c'est à la page 8 de votre mémoire, où vous semblez rappeler que vous représentez aussi des cadres qui sont importants dans la structure – ce n'est pas mineur – et que vous avez besoin, vous aussi, de formation. Et vous rappelez donc que le 1 % devrait aussi s'appliquer à vos membres à l'intérieur des structures gouvernementales. Je pense que c'est la recommandation que vous faites.

Juste avant vous, vous avez peut-être entendu Mme Pagé, qui représentait la CEQ, qui a soulevé la question des employés précaires et qui a soulevé la crainte que, peut-être, dans vos organisations – puisque vous êtes les cadres un peu là-dedans – la formation soit destinée principalement aux employés dits réguliers et qu'on exclue implicitement les employés précaires.

Alors, ma question est la suivante – alors, je fais le lien, donc, entre votre position, qui dit: Nous aussi, on veut avoir un peu de formation, et celle de Mme Pagé, de la CEQ, qui dit: Il faudrait que les employés précaires aient aussi droit à la formation. Est-ce que la loi ne devrait pas préciser qu'à l'intérieur d'une même entreprise, particulièrement dans le secteur gouvernemental ou paragouvernemental, chacune des grandes classes d'employés – et je vous considère, à ce moment-là, comme des employés – a le droit à 1 % de la masse salariale en formation?

C'est parce que, votre position, elle est: Il faudrait inciter les comités de formation... La crainte qu'on peut avoir, Mme la ministre, c'est qu'à ce moment-là toute la formation soit concentrée vers un certain secteur des employés et qu'une partie des employés n'en bénéficie pas, que ce soit les cadres, au-dessus, ou les employés précaires dans vos organismes. Alors, comment vous réagissez aux deux positions?

M. Perron (Jean): Bien, écoutez, encore une fois, on n'a pas fait l'analyse exhaustive du projet de loi. Cependant, lorsqu'on se réfère à la définition d'«employé», pour nous, ça devrait évidemment couvrir l'ensemble des salariés de l'entreprise, à quelque type que...

M. Gautrin: Ah! je crois que ça le couvre actuellement. Ça, c'est clair.

M. Perron (Jean): Bon, alors, écoutez... Oui?

M. Gautrin: La question qui, implicitement... Si vous permettez, je précise ma question.

M. Perron (Jean): Oui, allez y.

M. Gautrin: Je crois que ça couvre l'ensemble des employés. La crainte que vous pourriez avoir, c'est que les programmes de formation soient concentrés vers les employés réguliers non cadres et non à statut précaire. Autrement dit, si vous me permettez, vous êtes dans le secteur de l'enseignement, vous dans le secteur des hôpitaux. Donc, disons que vous ne touchez pas, dans le secteur de l'enseignement, les chargés de cours ou les gens qui sont payés à vacation et que vous excluez les cadres, vous prenez seulement les employés dits, entre guillemets, réguliers; même chose dans les hôpitaux. Je ne sais pas dans quel secteur vous êtes, M. Perron...

M. Perron (Jean): Dans l'éducation.

M. Gautrin: Dans l'éducation aussi, oui. Tandis que, vous, j'ai l'impression que vous plaidez pour que chaque sous-groupe, sous-classe, puisse avoir accès à une formation professionnelle. Est-ce que ça devrait être précisé dans la loi ou pas?

(12 h 20)

M. Perron (Jean): Écoutez, je ne sais pas ce que mes collègues vont répondre, mais, moi, personnellement, je n'ai pas fouillé ces aspects de la question. Maintenant, je trouve intéressant quand même que vous souleviez cette question-là. Quant à nous, je pense que la formation... Écoutez, puis je ne veux pas engager l'ensemble de nos affiliés là-dessus, parce qu'on n'a pas poussé en profondeur, mais je pense bien que, dans notre recherche de l'équité ou du sens commun, l'ensemble des salariés, les précaires, les femmes, les employés réguliers doivent bénéficier d'une formation. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que je pense bien que notre intention était, en poussant la recommandation des comités de formation professionnelle en entreprise, qu'ils doivent couvrir ces aspects, traiter de ces questions avec les employés et les employeurs. Oui, Robert.

M. Savard (Robert): Bien, M. le Président, ce que je peux peut-être dire, c'est qu'on n'a pas beaucoup l'expérience, dans les organisations dans lesquelles nous avons des membres, de comités paritaires regroupant toutes les catégories d'employés, mais, moi, à première vue, spontanément, si je me fie aux observations que je peux faire et que peuvent me faire mes membres, je ne vois pas pourquoi, sur une question qui n'est, à première vue, pas contentieuse, une question qui sort du domaine classique des relations de travail, on ne pourrait pas envisager qu'il y ait une espèce de comité d'entreprise du développement, dans lequel siégeraient...

M. Gautrin: Un peu comme le comité de fonds de pension que vous pouvez avoir, où siègent tous les employés?

M. Savard (Robert): Bien, pour le fonds de pension, ça, il n'y a pas de représentant des cadres au comité de retraite. Il y a un représentant sur 14, mais ce n'est pas le représentant des cadres. Mais, à l'intérieur des organisations et des établissements, on peut envisager qu'il y ait, sur une question pour laquelle les accords sont peut-être plus spontanément faciles, un comité d'entreprise de développement ou de formation où chacune des catégories d'employés pourrait avoir sa représentation, faire valoir son point de vue et avoir voix au chapitre.

Bien sûr, je le dis tout de suite comme information à la commission, ce n'est pas le modèle qui existe, parce que, actuellement, il y a des enveloppes spécifiques pour tel groupe, des enveloppes spécifiques selon les groupes pour le développement, et elles varient d'ailleurs en fonction des ententes ou des décrets qui régissent ça. Mais, moi, je n'aurais pas du tout, personnellement, de réticences à faire une expérimentation. De toute façon, le législateur est toujours là. S'il y a des abus, peut-être qu'il peut les réprimer après plutôt que de les...

M. Gautrin: Vous savez qu'il bouge lentement, le législateur.

M. Savard (Robert): ...réprimer par anticipation.

M. Tremblay (Marcel): Alors, ce que j'aimerais ajouter, c'est que, sur la précarité, je pense que, en 1995, la précarité est le lot de beaucoup d'employés dans des entreprises et que les plans de formation devraient toucher l'ensemble des employés, sans distinction. C'est la même chose aussi pour le personnel d'encadrement, qui a besoin de se ressourcer pour avoir des idées novatrices, pour être en mesure de faire progresser l'entreprise. Alors, on ne voit pas de limites. Et, si la définition de la loi est aussi large que celle-là, il faudrait que, dans l'application, on soit aussi large.

Le Président (M. Facal): Merci.

M. Gautrin: Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Il reste trois minutes à l'opposition.

M. Tremblay (Outremont): Rapidement. Lorsque vous dites que les dépenses ou les investissements – et je vous félicite d'avoir employé le terme «investissements» – en formation professionnelle sont passés de 27 $ à 150 $, est-ce que vous incluez les congrès, les colloques, les séminaires pour les cadres?

M. Savard (Robert): C'est la totalité des investissements qui sont faits.

M. Tremblay (Outremont): Donc, ça inclut congrès, colloques et séminaires?

M. Savard (Robert): Qui sont de moins en moins nombreux, d'ailleurs.

M. Tremblay (Outremont): Je comprends. Mais, lorsque c'est passé de 27 $ à 150 $, ça incluait ces montants-là. Lorsque, dans la loi, aux articles 5 et 6, on parle, par exemple, de personnel: «Ces dépenses sont faites par l'employeur au bénéfice de son personnel», est-ce que vous vous considérez du personnel au sens de la loi? Est-ce que vous pensez que les cadres sont du personnel au sens de la loi? Est-ce que c'est clair, pour vous, ou est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt à définir ce que c'est, du personnel, au sens de la loi?

M. Savard (Robert): Bien, j'imagine que le législateur a employé un terme très, très général dans le texte et, comme il n'y a pas d'exclusion, bien sûr que nous pensons que les cadres sont du personnel. Il y a une autre expression qui est utilisée dans l'annexe, dans la définition d'«employé». Et, ça, c'est une justice qui rejoint tout le monde. Pour les fins de la loi de l'impôt, nous sommes des employés.

M. Tremblay (Outremont): Et, dernière petite question. Dans les dépenses admissibles, si je comprends bien votre réponse à la première question que j'ai posée, vous souhaitez toujours que, dans les dépenses admissibles, notamment pour les cadres, ce soit inclus, les sessions, si vous voulez, de formation au niveau des congrès, des colloques et des séminaires?

M. Savard (Robert): Bien sûr, tout ce qui est pertinent pour donner de la formation.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, M. le député de Bourassa, peut-être, pour le mot de remerciement.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Ce qu'il nous faut souligner au terme de cette discussion, c'est l'occasion que nous avons eue d'aborder ce débat, d'aborder ce projet de loi sous un angle complémentaire à tout ce qu'on a vu jusqu'à maintenant. On avait vu le rôle des institutions de l'éducation, le rôle des employeurs privés, le rôle des employés et de leurs organisations. En abordant la discussion avec vous, vous nous sensibilisez à cette zone qui est celle de votre travail, qui est celle de vos mandats, et nous voyons que nous aurons probablement quelques discussions complémentaires à avoir avec la ministre aux prochaines étapes de l'étude de ce projet de loi, à la suite de cette rencontre, de ces renseignements, de cet éclairage que vous nous avez apporté. Merci de votre contribution.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois remercier les porte-parole de l'association des cadres. Ça a été extrêmement important, cette contribution que vous avez faite aujourd'hui. Nous avons certaines données, par exemple dans le réseau de la santé et des services sociaux, qui nous indiquent qu'il y aurait 776 organismes qui, dès janvier 1996, seraient assujettis aux 1 000 000 $ de masse salariale. Et la tendance qui nous est indiquée dans les chiffres que nous avons obtenus, qui datent de 1993-1994, à partir des systèmes d'information financière est à l'effet qu'il y a plus d'argent pour les cadres du secteur de la santé et des services sociaux qui est investi, 1,3 %, que pour les syndiqués. Et, ça, c'est une tendance lourde. Vous savez que, dans tous les États, les pays, les sociétés qui ont mis en place l'obligation d'investir pour les entreprises, la tendance lourde a toujours été que cet investissement se fasse auprès des cadres supérieurs, cadres intermédiaires et non pas auprès des employés de production, si vous voulez, au point où, en France, ils ont cru nécessaire d'obliger à un pourcentage de 1 % comme investissement dans les secteurs de production. Alors, la tendance lourde est plus en faveur des cadres qu'autrement. Je ne sais pas... Vous avez l'air de penser qu'il pourrait en être autrement ici, mais, quoi qu'il en soit, l'important, c'est de vous assurer que c'est une loi qui est faite pour vous aussi. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, nous remercions nos invités et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

(Reprise à 15 h 29)

Le Président (M. Facal): J'invite tous les parlementaires à prendre place afin que nous puissions commencer. Il est 15 h 29, nous avons le quorum, alors nous ouvrons de nouveau cette séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle, qui a pour mandat de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

Nous accueillons maintenant les représentants de la Chambre de commerce du Québec, à qui nous souhaitons la bienvenue. Je leur rappelle qu'ils ont d'abord droit à un exposé de leur mémoire d'une durée maximale de 20 minutes, qui sera suivi par un échange avec les membres de la commission d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition.

(15 h 30)

Alors, si nos invités veulent bien avoir l'amabilité de se présenter, même si nous les connaissons, et ensuite d'entreprendre la présentation de leur mémoire.


Chambre de commerce du Québec (CCQ)

Mme Pageau Goyette (Nycol): M. le Président, merci de nous accueillir. Et, malgré ces quelques petites minutes de retard, nous étions heureux de vous voir tous à l'Assemblée nationale tout à l'heure. Je suis Nycol Pageau Goyette, je suis présidente du conseil de la Chambre de commerce du Québec. J'ai avec moi Michel Audet, qui est le président de la Chambre de commerce du Québec.

Bonjour, tout le monde. Vous avez reçu notre mémoire. Je vais présumer que vous l'avez lu ou que vous le lirez. Pour l'heure, j'ai plutôt envie de vous parler en tant que chef d'entreprise. Vous ne vous attendez pas, bien sûr, à ce que des représentants de l'industrie viennent vous dire qu'ils sont contents que vous ajoutiez une taxe au fardeau que les entreprises doivent déjà supporter; vous ne vous attendez pas non plus à ce que nous venions vous dire que nous sommes très heureux des modalités d'application de ce projet de loi: vous ne serez pas déçus.

Établissons tout de suite que, non, nous ne sommes pas contents, malgré les importantes modifications apportées par la ministre suite aux consultations préalables, ce dont je lui suis personnellement très reconnaissante, car, oui, imaginez, c'était pire que c'est. Et, encore une fois, d'entrée de jeu, nous tenons à répéter, comme nous le faisons depuis six ou sept ans et peut-être même davantage, que la formation est essentielle à la compétitivité des entreprises et que, hors de la formation, point de salut international. Je vous rappelle que ce sont les entreprises ancrées dans la vraie vie qui ont à faire face quotidiennement aux compétiteurs. Ce sont les entreprises, donc, bien avant les syndicats et le gouvernement, qui ont entrepris de dénoncer les carences du système d'éducation, la disparition des écoles techniques, l'inadéquation des besoins du marché du travail et de cette formation concoctée dans les officines gouvernementales.

Que vous ayez décidé de nous prendre au mot, d'enfourcher le cheval de nos récriminations, de prendre conscience de la nécessité de brasser la cage, nous ne pouvons qu'en être satisfaits. Là où nous décrochons, c'est que vous aurez à nouveau réussi à tant compliquer que les objectifs risquent de ne jamais être atteints.

Pourquoi ces insoutenables bureaucraties? Pourquoi cette charge sur les salaires? Nous serons à 5,26 % en janvier 1996 – y avez-vous pensé? – 5,26 %, sans compter la CSST et l'assurance-chômage. Les taxes sur les entreprises pour une entreprise manufacturière type, c'est un fardeau 25 % plus élevé au Québec qu'en Ontario et ça risque de grimper à 40 % avec ce 1 %. Avons-nous les moyens de nos ambitions? Et d'où vient ce zèle, tout à coup?

Le ministère de l'Éducation tient en parallèle une vaste consultation publique sur la réforme de l'enseignement, justement là où se trouve la cause de bien de nos maux. Pourquoi ne pas avoir procédé par une révision majeure du système et ajouté un peu de cohérence entre les politiques d'éducation et de main-d'oeuvre? Nous sommes la société qui dépense le plus au monde pour l'éducation. En avons-nous pour notre argent? Sinon, pourquoi faut-il en remettre? Il faut cesser de clamer que les entreprises ne font pas leur part en matière de formation professionnelle; elles sont les seules à en faire, ne serait-ce que par le biais des cotisations à l'assurance-chômage, qui servent notamment à financer des mesures actives favorisant l'employabilité.

Vous savez, au fur et à mesure qu'elles abandonnent le cocon du marché local, les entreprises réalisent parfaitement que leurs chances de survivre sont directement liées à la qualité de leur main-d'oeuvre. Si elles avaient comptabilisé de façon appropriée leurs dépenses en formation, vous n'auriez probablement jamais pu prétendre que les entreprises ne foutaient rien. À cet égard, tiens, j'aimerais bien voir combien le gouvernement, cet employeur au-dessus de tout soupçon, dépense, lui, chaque année en formation, lui qui n'a pas de compétiteur.

Il n'est pas toujours facile non plus de convaincre nos employés de se former, et votre 1 % ne résoudra rien à ce chapitre. On aura beau offrir les plus beaux cours, comme pour le cheval du dicton, on ne pourra jamais forcer personne à boire. Et, en passant, dites-moi, qui sont les travailleurs qui sont visés par l'article 1? Les cadres, les chefs d'entreprise comme moi, est-ce que ça compte? Les 90 heures que je mets chaque semaine dans mon entreprise, est-ce que cela fait de moi un travailleur? Est-ce que je fais partie du personnel de mon entreprise? Sinon, mon salaire, celui de mes cadres, des personnes qui seront exclues, ces salaires-là seront-ils exclus également de la masse salariale?

À la demande de Mme Harel, j'ai accepté de participer au conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour contribuer avec les autres collègues à atteindre les objectifs de rationalisation des programmes et de développement harmonieux que nous a fixés la ministre. Or, je suis absolument horrifiée à la pensée que tous les efforts déployés au cours des derniers mois risquent d'être anéantis par cette monstruosité bureaucratique que le projet de loi veut nous faire avaler. Nous sommes bien loin du discours inaugural de M. Parizeau, ces véritables plaidoyers en faveur de l'allégement de la réglementation.

Qu'a-t-on besoin de la SQDM dans ce dossier? Pourquoi, pour une fois, ne pas faire simple? Il suffirait d'habiliter les vérificateurs externes à compiler et à certifier dans le rapport annuel la conformité des dépenses de formation. Simple, facile d'emploi, pas trop générateur de paperasse. Bien sûr, il faudrait d'abord savoir ce qu'est une dépense admissible, et il faut le savoir plutôt tôt que tard.

Je souligne, dans une entreprise française de fabrication d'outils – je dis bien une entreprise de France – cette référence suprême: on offre aux employés une formation en crêpes bretonnes; comment fabriquer des crêpes bretonnes. Sympathique. C'est une dépense admissible. Or, j'ai vu de mes yeux un document préliminaire de nos chargés de projet qui veulent exclure des dépenses admissibles les colloques et les congrès, comme si nous allions dans ces lieux uniquement pour nous amuser et festoyer. Entre les cours de macramé de l'incontournable Gérald Larose et la formation en crêpes bretonnes, y a-t-il moyen que vous ne perdiez pas de vue l'essentiel? Et, tant qu'à y être, qu'en sera-t-il de la formation sur le tas, celle qui se transmet d'un à l'autre, d'artisan à artisan, mais par CD-ROM aussi ou par cassette? Et n'allez pas me dire que la formation sur le tas sera admissible en autant qu'elle se trouve dans un plan qu'il faudra élaborer et soumettre pour approbation, agrément ou embêtement par la SQDM, ce n'est pas sérieux.

Comme le disait récemment un éditorialiste, libérez les entrepreneurs, Mme la ministre, libérez-les de ces fardeaux qui réduisent leur compétitivité, qui les empêchent de faire des profits, de se développer et de créer de l'emploi, libérez-les de tous ces emmerdements. Donnez-leur de l'oxygène dans cette loi comme dans d'autres. Rendez-les imputables du mieux-être de notre société, mais sans la bureaucratie, qui n'est en fait que le refus d'écouter et d'entendre. Ne leur fournissez pas des raisons de ne pas faire ce qu'ils doivent faire, car, croyez-moi, mon cas en est tout à fait illustratif: il sera bien plus facile de payer ce foutu 1 % que de s'enfarger dans la SQDM; bien plus facile d'augmenter ses prix, quitte à perdre des parts de marché, que de modifier des pratiques administratives; bien plus facile de déménager et d'investir là où personne ne vient les embêter, et ne croyez pas que j'exagère.

Je vous laisse avec cinq points. Le projet de loi 90 est une loi-cadre à réglementation multiple. Il est inacceptable de soumettre un tel projet à la consultation publique sans avoir accès en même temps à cette réglementation. D'ailleurs, cette loi donnerait à la SQDM des pouvoirs tellement vastes que cette dernière ne serait pas en mesure, à mon avis, de faire face à la musique, à moins qu'on ne veuille, à l'image de la CSST, créer un nouveau monstre administratif. Le projet de loi 90 n'offre pas de définition de ce qu'on entend par formation professionnelle ni de ce que constituera une dépense admissible. Comment la formation sur le tas, si cruciale pour l'entreprise privée, sera-t-elle traitée? Il ne saurait être question de signer un chèque en blanc à la SQDM en lui laissant le soin de concocter cette réglementation. Il faut que le gouvernement lui-même soit imputable de la réglementation qu'il autorise.

En vertu de la section II du projet de loi, le ministère du Revenu sera chargé de la perception de la taxe auprès des entreprises et devra donc, en conséquence, appliquer les règlements d'un autre organisme, ceux de la SQDM. Dans le cas d'un litige, il en résultera assurément d'innombrables parties de ping-pong où chacun des deux organismes se renverra la balle. A-t-on idée de la paperasserie et des délais qui seront générés lorsque des dizaines de milliers d'entreprises voudront obtenir en même temps des clarifications et des autorisations de la SQDM et du ministère du Revenu?

Mon quatrième point. D'importantes questions d'éthique doivent être soulevées quant à la confidentialité de certaines informations qu'auront à fournir les entreprises aux fins de l'application de la loi tant dans la section gérée par le ministre du Revenu que celle gérée par la SQDM. Par exemple, il est prévu que la ministre de l'Emploi déposera à l'Assemblée nationale un rapport annuel préparé par la SQDM sur la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle pour l'année précédente. Quels seront les renseignements colligés? Le ministère du Revenu dévoilera-t-il les renseignements qu'il détient sans le consentement des entreprises? Question importante pour nous.

Mon cinquième point, le dernier. Le projet de loi 90 crée le Fonds national de formation professionnelle, constitué des remises effectuées par le ministère du Revenu. À plusieurs reprises, la ministre a exprimé la volonté de voir ce Fonds demeurer au niveau zéro. Si son voeu se réalise, et je le souhaite, qui financera l'administration de la SQDM et les nombreux projets qu'on prévoit payer à même ces remises? Bien sûr, le projet de loi confère un pouvoir d'emprunt à la SQDM, mais comment peut-on, à l'heure où plusieurs États votent des lois pour contrôler les déficits, permettre à un organisme public de financer ses dépenses courantes par emprunt?

(15 h 40)

Pour ces raisons, la Chambre de commerce du Québec considère que, dans son état actuel, le projet de loi 90 est totalement inacceptable et doit être entièrement revu. Tous les pays industrialisés, à l'ouest comme à l'est, comptent sur l'initiative privée pour créer des emplois. Plutôt que de faire payer à l'entreprise l'échec des politiques gouvernementales de formation professionnelle, il faut plutôt bâtir des partenariats pour promouvoir son importance et faire face à la concurrence internationale. La Chambre favorise cet engagement accru de ses membres en regard de la formation professionnelle, mais en fonction de leurs besoins, de leur milieu respectif et sans imposer un carcan administratif supplémentaire aux PME en particulier.

Mme la ministre, j'aurais tellement souhaité vous appuyer dans cette démarche, j'aurais tellement souhaité que nous parvenions, vous et moi, à démontrer au monde entier que nous partagions les mêmes objectifs dans un partenariat donnant, donnant, comme dirait Juppé, qui serait concrétisé par un allégement des charges des entreprises en contrepartie d'un engagement de création d'emplois. Merci beaucoup.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Pageau Goyette. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. Merci, M. le Président. J'ai lu, hier, le mémoire que vous nous présentez cet après-midi et j'ai eu la même réaction hier, en fait: Restons calmes, parce que, à lire votre mémoire, je n'avais pas l'impression qu'on avait pris connaissance du même projet de loi. Bon.

Ceci dit, l'allégement des charges des entreprises – je commence par la fin, là – je le souhaite tout autant que vous et j'ai à maintes reprises répété à quel point il y a un paradoxe de constater que 7,2 % de taxe sur la masse salariale est perçue à même les cotisations des employeurs et des travailleurs, travailleuses pour financer la caisse d'assurance-chômage et que, dans cette caisse d'assurance-chômage, plus de 1 % de ce que les employeurs et travailleurs paient s'en va dans des programmes d'employabilité sur lesquels l'entreprise n'a pas un mot à dire, qui ne l'aident même pas à traverser la compétitivité, et la concurrence, et la mondialisation, et la tertiarisation parce que ça sert uniquement pour ceux des travailleurs qui sont en chômage une fois que les entreprises ont fermé. Alors, là-dessus, j'imagine qu'on s'entend toujours puis que notre consensus demeure sur le nécessaire rapatriement pour l'harmonisation de tout cela.

Mme Pageau Goyette (Nycol): ...pas.

Mme Harel: Bon. Alors, première... Ha, ha, ha! Première chose étant dite, par ailleurs, je voudrais simplement porter à votre connaissance des études qui ont été réalisées dernièrement. J'en ai parlé à mes collègues ici, membres de cette commission, je leur ai fait parvenir une analyse réalisée par un économiste de la SQDM sur ces trois études. En fait, il s'agit d'une première étude réalisée par la firme Price Waterhouse et qui porte sur la fiscalité des entreprises au Québec, une comparaison de la compétitivité fiscale entre le Québec, l'Ontario et certains États américains. Alors, je vais les déposer au secrétariat de la commission pour le bénéfice des membres de la commission qui aimeraient en avoir copie. Également, cette étude a été réalisée en mai 1994 à la demande du ministère des Finances. Je pense que c'était Mme la députée de Saint-François qui était ministre des Finances à ce moment-là. Il y a également deux autres études au même effet, l'une venant de l'État de New York et de la firme KPMG. Alors, je les dépose pour le bénéfice de l'examen que nous pouvons en faire.

Peut-être juste une seconde. Celle qui est réalisée par le ministère des Finances... Simplement pour vous dire qu'elles sont toutes au même effet, et leur conclusion, rapidement, est la suivante: Cette étude a pour objectif de comparer la compétitivité de la structure fiscale applicable aux entreprises. Elle inclut l'ensemble des régimes fiscaux, parafiscaux des paliers de gouvernement fédéral, provincial, de l'État et local applicables aux entreprises. Elle incorpore également les contributions volontaires des employeurs américains à des régimes privés d'assurance-santé de leurs employés. Et on y ajoute que la prise en considération de ce dernier élément est un trait caractéristique, parce que ça se justifie du fait que les employeurs assument, aux États-Unis, une partie importante des coûts que nécessite la couverture individuelle ou familiale de leurs employés par un régime d'assurance-santé.

Je le dis parce que je regardais encore l'article publié par M. Picher dans La Presse , la semaine passée, et je constatais que, là encore, ça péchait par omission. Il n'y avait pas le portrait complet, y compris celui qui doit absolument être additionné pour pouvoir vraiment avoir un juste bilan de la situation et qui est un très, très, très faible pourcentage que les entreprises paient ici, au Québec, sur l'impôt sur les profits. C'est un choix qui a été fait au début des années quatre-vingt, ai-je bien compris, ce choix étant de soutenir les entreprises les plus performantes. Et, en contrepartie de l'augmentation de la taxe sur la masse salariale, il y a eu l'équivalent de réductions quant à l'impôt sur les profits.

Quoi qu'il en soit, je pense que ça peut être utile, tout ça, parce qu'on se lance des études à la tête et des chiffres comme si l'entreprise québécoise était égorgée comme aucune autre dans son environnement, et ça ne semble pas être évident. Ça, c'est le premier élément. Oui.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Excusez-moi. Vous comprenez, Mme la ministre, qu'il y a une différence entre la taxe sur le capital – la taxe sur les profits, comme vous l'appelez – et la taxe sur les salaires. Tant que je fais des profits, ça va me faire plaisir de vous en donner. Mais, le jour où je n'en fais pas puis qu'il faut que je paie le 1 %, croyez-moi, ça, ça peut faire fermer mon entreprise. Et c'est ça, la différence entre les deux.

Mme Harel: Bon. Alors, revenons donc... Et j'aimerais peut-être simplement ici faire distribuer... Parce que vous avez abordé deux questions intéressantes, la première étant celle des taxes, dans votre mémoire, la seconde étant celle de l'effort consenti par le secteur public en matière de dépenses de formation. Alors, je voudrais vous faire distribuer, ainsi qu'aux membres de la commission, ce qui a été préparé par les Services gouvernementaux du Trésor concernant l'effort consenti dans 25 organismes et ministères du gouvernement en proportion de la masse salariale, ainsi que le formulaire, le fameux formulaire, la...

Mme Pageau Goyette (Nycol): À quoi ça arrive?

Mme Harel: Ça arrive à 1,4 %.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ce n'est pas mal. Avez-vous compris les dépenses de voyagement?

Mme Harel: Non. Ha, ha, ha! Pas de colloques non plus ni de congrès.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ah! Tiens donc!

Mme Harel: Mais ce 1,4 % comprend les salaires pour les heures qui sont utilisées à la formation, et on y reviendra, mais c'est un effort intéressant par réseau. Je pense qu'il faut qu'il devienne plus transparent, plus visible et plus concrètement discuté avec les employés concernés. Comme vous le savez, dans le projet de loi, ce n'est pas par réseau, c'est par employeur. Ça veut donc dire que l'hôpital de Gaspé est responsable du 1 % et non plus le réseau seulement.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Si la même comptabilité s'appliquait aux entreprises, est-ce que vous ne croyez pas qu'on arriverait à plus que 1,4 %?

Mme Harel: Si... Pardon?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Si on appliquait la même logique, la même façon de calculer pour les entreprises, est-ce qu'on ne dépasserait pas le 1 % de bien loin?

Mme Harel: Mais on va l'appliquer. C'est la même logique qui va s'appliquer. Les dépenses admissibles seront les mêmes.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Mais il y a toute la bureaucratie qui va aller autour.

Mme Harel: Bon! On va arriver à la bureaucratie. Voilà!

Mme Pageau Goyette (Nycol): Good!

Mme Harel: Je me garde une page...

Mme Pageau Goyette (Nycol): J'ai hâte!

Mme Harel: Alors, ça, c'est la page, la page fatidique, celle sur laquelle il y aura rapport qui devra se faire. Ça comprend déjà quatre items, à savoir le Régime des rentes, l'impôt du Québec retenu selon les relevés, le régime d'assurance-maladie et la taxe compensatoire – ça, c'est juste pour les institutions financières désignées puis la Commission des normes – qui, dorénavant, comme vous le savez, est perçue par le ministère du Revenu. C'est ça, le sommaire des retenues et des cotisations de l'employeur, c'est de ça qu'on parle quand on parle, finalement, de la bureaucratie, parce que, pour le reste, je vous le dis, c'est ce que vous voulez.

Prenons le dispositif en place. Lequel est-il? Il est le suivant: l'entreprise a l'obligation d'investir 1 %, c'est vrai, mais le comment, c'est vraiment laissé à son choix entièrement. Comment? C'est soit directement par une polyvalente, ou par un cégep, ou par une firme agréée, c'est vrai, mais la firme agréée, c'est le minimum qu'on puisse se donner comme société pour ne pas que ça revire en folie non plus. Je vous rappelle que personne n'est à l'abri du Temple solaire, pas plus les entreprises que les gouvernements. Ha, ha, ha!

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ils étaient agréés aussi.

Mme Harel: L'étaient-ils? J'ai vérifié, puis ils ne l'étaient pas, je crois. Non.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ah oui! C'était dans les normes, là, c'était...

Mme Harel: Hum! Non. Non, non, non, non. Non, non. On n'en était pas là, fort heureusement. Ç'aurait pu, mais personne non plus n'est à l'abri.

Mme Pageau Goyette (Nycol): C'est vrai. Ça, c'est vrai.

(15 h 50)

Mme Harel: Mais, ceci dit, non, elles ne l'étaient pas, heureusement. Mais on a déjà vu pire, on a déjà vu des programmes de création d'emplois qui avaient bénéficié à des danseuses «topless». Alors, comment ne pas arriver à des contrôles excessifs puis laisser de l'initiative? C'est ça, finalement, la grande question. Alors, le dispositif, il est simple: c'est le vérificateur externe, comme vous le dites, qui va certifier la conformité des dépenses de formation.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Où c'est écrit, ça?

Mme Harel: Ce que vous dites... C'est ça, l'économie générale de la loi, à l'article 6. C'est exactement ça. Si on le lit ensemble...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ah bien, j'aimerais ça!

Mme Harel: ...l'article 6...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Si c'est ça, je peux partir.

Mme Harel: Parce que, dans l'article 6... Bien, je suis contente, parce que je pense qu'on va pouvoir se comprendre. C'est en se parlant, n'est-ce pas, qu'on se comprend. L'article 6 dit ceci: «Les dépenses au bénéfice du personnel peuvent notamment concerner...» Alors, c'est là, finalement, la définition de la formation admissible.

Mme Pageau Goyette (Nycol): ...vérificateur externe?

Mme Harel: Attendez, on y arrive.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ah! excusez! Pardon!

Mme Harel: «1° La formation dispensée par un établissement d'enseignement reconnu.»

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je suis pressée.

Mme Harel: Alors, ça, ça veut dire que, avec tout simplement une entente entre les entreprises que vous avez et la polyvalente ou le cégep, vous avez, à ce moment-là, des reçus, vraisemblablement, et puis c'est un poste budgétaire dans les états financiers, et c'est certifié par les vérificateurs externes, et voilà. Vous gardez les factures comme si c'était de la dépense d'outillage ou de rénovation de bâtiment, au cas où vous seriez heureux bénéficiaire de l'échantillonnage du Revenu. Mais ça vaut pour n'importe quelle autre dépense.

«2° La formation dispensée par un organisme formateur ou un formateur agréés par la Société et qui fait l'objet de l'agrément...» Ça, ça veut dire concrètement la firme privée agréée, comme c'est le cas présentement, et qui l'est parce qu'elle dit: Moi, je fais de l'informatique ou qu'elle dit: Moi, c'est dans la soudure. C'est ça, «et qui fait l'objet de l'agrément»; en termes juridiques, ça veut dire concrètement la formation qu'elle dit pouvoir dispenser. Alors, vous avez une firme avec laquelle vous contractez, elle vous donne un reçu, cette firme-là est agréée, et puis c'est encore une fois votre vérificateur externe qui certifie tout ça. Ça va?

Vous pouvez aussi ajouter, à l'article 8, «admises à titre de dépenses au bénéfice du personnel», ce que vous effectuerez comme versement pour une association sectorielle, ou pour une association régionale, ou pour un comité paritaire. Quand on dit «dans les conditions fixées par règlement de la Société», ça veut dire essentiellement que la Chambre de commerce pourra, à Percé, faire un plan de formation, par exemple pour donner des cours de restauration ou d'accueil touristique à une main-d'oeuvre qui est mise à pied dans d'autres secteurs, y compris dans les pêches, et qui n'est pas préparée, ce qui amène souvent cette région à devoir importer, l'été, de la main-d'oeuvre. Alors, ils ont un plan de formation validé par la SQDM et, à partir de là, les établissements peuvent, à leur choix – et toujours, évidemment, c'est à leur choix – procéder en versant directement une partie ou la totalité de leur 1 %. Ça vaut pour tout autre organisme reconnu par la Société.

Ce qui aurait été absurde, c'est de les mettre dans la loi, parce qu'une loi ça veut dire que, après, ça ne peut presque plus se changer, à moins de la changer elle-même, ce qui est pas mal plus compliqué que de changer un règlement, qui peut s'ajuster, lui, au fur et à mesure de l'évolution des choses.

Donc, ça, c'est toujours au choix de l'entreprise. Tout ce que je viens de vous décrire, la polyvalente, le cégep, la firme agréée, l'association sectorielle, l'association régionale, la chambre de commerce, c'est toujours au choix de l'entreprise, et, ça, c'est toujours simplement sur réception de factures, certifiées s'il y a vérificateur externe, et tout simplement, donc, certifiées conformes aux dépenses effectuées.

Là où il y a autre chose, c'est au paragraphe 3°, où on retrouve la formation maison – ou la formation sur le tas, c'est au choix. Et là ce qu'on dit, c'est: Comme on ne veut pas d'une brigade de fonctionnaires pour aller vérifier et comme il n'y a rien d'autre à imaginer que de l'autorégulation, si c'est de la formation sur le tas, que ça ne passe ni par une firme, ni par une maison d'enseignement, ni par un comité sectoriel, ni par un comité paritaire, ni par personne, il faut, au plan local, une entente avec les employés. C'est eux qui vont autorégulariser. Dans le fond, il n'y aura pas de vérification externe, il n'y aura pas de factures, mais c'est eux qui vont certifier la conformité des dépenses, parce qu'ils vont y avoir participé. C'est ça, disons, l'économie du projet de loi.

À part ça, le reste, c'est vrai que, si ce n'est pas acquitter l'obligation de verser le 1 %, l'année d'après, ça devient une obligation de le verser au Fonds et, là, c'est le ministère du Revenu qui commence à s'en mêler. Puis, quand le ministère du Revenu commence à s'en mêler, c'est vrai que ça devient un petit peu plus compliqué. Donc, il y a une incitation à le faire avant que le ministère du Revenu s'en mêle. C'est ça, le projet de loi.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Mais où c'est écrit que c'est le vérificateur externe qui va... Où c'est écrit? Je l'ai lu trois fois, le projet de loi, au minimum, je ne l'ai pas vu.

Mme Harel: On va vous l'écrire si vous le voulez.

Mme Pageau Goyette (Nycol): J'aimerais ça.

Mme Harel: Parce qu'on m'a dit que – comment on dit ça – ça s'imposait. C'est implicite. Ça se concluait de par le dispositif mis en place. Mais, si vous préférez qu'on l'écrive, on va l'écrire, parce qu'on fait vérifier l'audit. Vous voyez, comme pour ISO 9000, il y a un audit, etc., mais l'audit est beaucoup plus compliqué.

Mme Pageau Goyette (Nycol): C'est écrit. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Beaucoup plus compliqué. Je vais vous faire déposer ici à la commission, et je pourrai vous le faire parvenir, la comparaison entre un audit pour ISO 9000 et le projet de loi 90.

Mme Pageau Goyette (Nycol): C'est ça.

Mme Harel: Entre les deux, je vous assure que les entreprises vont choisir le projet de loi 90. L'audit est pas mal plus compliqué puis pas mal plus lourd. Mais, si vous pensez qu'il faut l'écrire pour la vérification externe, on va l'écrire.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Moi, je pense que ça va être plus clair.

Mme Harel: Voilà. Alors, moi, j'en suis là pour tout de suite, mais je pense que, si c'est le cas, il faudra le faire...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Est-ce qu'on va avoir...

Mme Harel: ...il faut le faire, parce que l'idée, ce n'est pas du tout d'enfarger l'entreprise puis de lui mettre, si vous voulez, toutes sortes d'obstacles pour qu'au bout de la ligne elle n'ait pas réussi à le dépenser puis qu'elle soit obligée de le verser. Ce n'est pas ça, l'idée.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Mon inquiétude, à ce moment-ci, puis je ne veux pas avoir l'air dramatique, c'est que, quand on est proche des entrepreneurs comme je le suis à ce moment-ci... puis regardez ce qui se passe, il se présente trois choses: les entreprises vendent aux États-Unis, vendent à l'extérieur, vendent en Europe, vendent leurs entreprises, l'argent ne reste pas ici. Le deuxième choix qui s'offre à elles, c'est de réinvestir ici, de faire de l'expansion. Elles ne le font pas, elles font souvent ce qu'elles appellent le «staying power», elles font les dépenses qu'il faut pour maintenir leur opération ici et font leur expansion ailleurs.

Le troisième choix, celui qu'on souhaite tous, c'est que les entreprises, peut-être par solidarité, décident de rester ici puis d'investir ici pour leur développement. Or, avec ce troisième choix, si on continue à les emmerder avec de la paperasse, avec des taxes, avec des difficultés, vous comprendrez qu'on aura beau, nous, la Chambre, les solliciter et leur demander d'être solidaires de leur communauté d'affaires, de leur communauté sociale, on ne parviendra jamais à ça. C'est tellement plus tentant, tellement plus simple de vendre en dollars US sa compagnie puis de s'en aller dans un condo en Floride, c'est tellement, tellement plus simple.

Alors, notre but, c'est ça. Simplifiez le plus possible tout ce que vous pouvez simplifier. Faites simple, comme ils disent, les...

Mme Harel: Ha, ha, ha! Vous avez tout à fait raison, puis, pour être sûre qu'on fait simple, moi, personnellement, je pense que c'est encore mieux que la réglementation ne vienne pas du gouvernement, mais vienne du conseil d'administration de la SQDM.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je ne suis pas certaine.

Mme Harel: Vous êtes là, vous.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je ne suis pas certaine.

Mme Harel: La garantie de faire simple, il me semble qu'elle est bien plus grande avec les gens concernés, parce que...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je ne suis pas convaincue de ça.

Mme Harel: ...c'est un paradoxe. Jusqu'à maintenant, on en veut beaucoup au gouvernement de la réglementation du crédit d'impôt. C'était trop lourd, trop compliqué, seulement les entreprises qui étaient incorporées y avaient droit, etc., puis ça n'a pas été changé même si c'était dit, puis... C'est plus une dynamique, je dirais, d'une incantation. Les entreprises se plaignent. Là, on vous offre l'occasion non pas de vous plaindre que le gouvernement n'a pas fait ça, n'a pas choisi ça, mais on vous offre d'y participer, et ce qui m'étonne, c'est que vous nous dites: Non, finalement, tout bien pensé, faites-la donc, la réglementation.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Mme Harel, je ne suis pas allée à la SQDM pour faire de la réglementation, je suis à la SQDM pour réduire les 77 programmes, 76 programmes à quelque chose qui est plus malléable pour les entreprises. C'est pour ça que je suis allée là. Je suis allée là en espérant qu'on soit capable de faire ce que les Anglais appellent du «streamlining», de faire en sorte que ce soit plus efficace, plus stratégique pour le développement des entreprises et plus collé aux besoins. C'est pour ça que j'ai accepté votre proposition d'aller au conseil d'administration, pas pour me prendre pour le gouvernement ni l'État. Ce n'est pas à moi de faire de la réglementation puis à faire des arbitrages comme ceux-là. Je suis mal à l'aise là-dedans, je suis très mal à l'aise là-dedans et, je ne le sais pas, il me semble que ce n'est pas mon rôle. Mon rôle, c'est d'aller aider l'entreprise, c'est d'aller faire en sorte que cet organisme-là fonctionne mieux, fonctionne bien, ne devienne pas un monstre bureaucratique, ne devienne pas une nouvelle CSST. C'est ça, l'ambition qu'on a.

Mme Harel: Écoutez, en tout cas, moi, je le reçois, votre message, parce que, vraiment, mon souci, c'est que ça marche. Alors, déjà, vous savez, dans le projet de loi... bien, dans la proposition initiale qui avait circulé, il n'y avait pas la définition de l'article 6 ni de l'article 8; il n'y avait pas la définition de la formation admissible. Là, on la retrouve à l'article 6 et à l'article 8. Là, ce que vous nous dites, c'est d'aller plus loin, d'y introduire la définition des dépenses admissibles dans la formation admissible.

Des voix: C'est ça.

Mme Harel: Mais je pense que c'est mieux que ça reste par règlement et pas dans la loi, parce que c'est possible que ça change. Vous voyez, peut-être que les colloques puis les congrès, il faudrait les mettre, mais, si tant est qu'on voie...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je ne vous dis pas un tournoi de golf, là, ce n'est pas ça que je veux dire.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Pageau Goyette (Nycol): Pas un tournoi de golf, ce n'est pas mon propos. Mais, si on va... Prenez le Groupe Innovation, de Québec, qui fait des choses très intéressantes. Ce sont des colloques extrêmement formateurs pour un chef d'entreprise. C'est là qu'on apprend les grandes méthodes de gestion, qu'on voit ce qui se passe ailleurs.

Moi, je veux que ma dépense à moi... J'ai une petite entreprise. Comprenez que, si je paie 995 $ pour un colloque de cette nature-là, que je perds mes deux journées ou mes trois journées au bureau, puis là je vous parle de ma petite boîte à moi, et j'ai 100 employés, ce n'est pas la fin du monde...

(16 heures)

Mme Harel: Cent?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Oui.

Mme Harel: C'est beaucoup.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ah! bien, c'est petit. Mais, je veux dire, les deux jours que, moi, je vais passer là, ce n'est pas pour rien que je le fais. Je ne le fais pas...

Mme Harel: Oui. Vous avez tout à fait raison, vraiment raison.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Puis je ne joue pas au golf, ça fait que...

Mme Harel: Mais il ne faut pas non plus que ce soit un colloque qui ait lieu dans la loge des Expos ou dans la loge du Canadien.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Bien sûr. Mais, de la même façon, ça n'a pas de bon sens de payer pour apprendre à faire des crêpes bretonnes dans une entreprise qui fait de la «manufacturation» d'outils, de la même façon des tournois de golf...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pageau Goyette (Nycol): ...ou les loges des Expos, je n'accepterai pas, Mme Harel, que ce soit une dépense admissible. Ça n'a pas de bon sens. Mais, entre les deux, y a-t-il moyen de ne pas perdre l'essentiel de vue?

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. Audet...

M. Audet (Michel): Peut-être un court commentaire...

Le Président (M. Facal): Un court commentaire, oui.

M. Audet (Michel): ...justement, sur ce plan-là, en regard de 6.3° et de la formation sur le tas. On dit que c'est important d'avoir des définitions parce que, précisément, dans le projet de règlement qui a circulé, on parle, évidemment, d'exclure notamment les activités visant l'accueil et l'information relative à l'intégration d'un employé à l'emploi. On favorise que les entreprises embauchent, déjà. C'est une activité importante. Je peux vous dire, par exemple, que le secteur de la restauration à Montréal, une bonne partie des dépenses se font là. Alors, si c'est exclu, ces gens-là, ils se demandent où ils vont dépenser.

L'autre point, l'intégration, les actions à l'égard du nouveau matériel, de nouveaux produits. À l'ère des technologies de l'information, les entreprises sont toutes virées de bord. C'est une des parties importantes des dépenses qui se font actuellement, de formation dans l'entreprise, ça, la formation sur le tas. Et, l'autre point, c'est que, conférences, colloques, le projet qui était là exclut des choses qui, à notre avis, sont fondamentales dans la formation sur le tas. Alors, c'est pourquoi on veut à tout prix qu'on précise ce qu'on entend par «dépenses admissibles» et que ces dépenses admissibles puissent être certifiées par un vérificateur externe qui serait... et que l'exercice ne recommence pas au moment où le vérificateur d'impôt va revenir, parce qu'on accepte cette validation, parce que, ça, ça va être... C'est là que va arriver le jeu de yo-yo. Vous comprenez?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Oui, je pense qu'on comprend.

Mme Harel: Oui, parce que c'est... Vraiment, je dois vous dire que, moi, j'ignorais tout de l'existence de cette consultation sur un document de travail et de ce qu'il contenait. Mais je pense – peut-être que c'est juste là-dessus que j'aimerais que vous réagissiez, étant donné qu'on n'aura peut-être pas d'autre occasion d'échanger, peut-être très rapidement – peut-être que, pour justement contourner la difficulté qui est celle de définir, que ce soit par le gouvernement ou que ce soit par la SQDM, les dépenses admissibles, en disant: Voilà ce qui le sera, voilà ce qui ne le sera pas... Et si on s'entendait pour que tout soit admissible en autant que ce soit pour l'acquisition d'une compétence spécifique; en d'autres termes – et je ne dis pas du tout, là, introduire la diplomation – que ce soit qualifiant? Ça peut être par des unités d'éducation continue, les UEC. Ça peut être de toutes sortes de façons. Ça peut être par une firme comme par une institution, ça peut être sur le tas également, mais que ce soit pour de l'acquisition de compétences spécifiques. Que ça ne soit pas simplement pour assister à quelque chose, disons à un colloque ou à une conférence, mais qu'il y ait là-dedans de l'acquisition de compétences spécifiques.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, en s'entendant sur une définition comme celle-là, en disant: Voilà, il faut qu'il y ait une sorte de formation qualifiante? Point.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Il faudrait que j'y songe. C'est sûr que... Bien, il faudrait y songer parce que c'est sûr que... Je reprends le truc du Groupe Innovation parce que c'est peut-être... où Gil Rémillard est en train de produire, la semaine prochaine, qui est quand même assez phénoménal. Moi, comme chef d'entreprise, je vais vous dire, c'est très inspirant, c'est très stimulant, ça ouvre des horizons. Si je veux entendre une conférence aux États-Unis par Tom Peters ou peu importe qui c'est, est-ce que j'acquiers une compétence? Ce n'est pas clair dans ma tête, sauf que, oui, ça m'ouvre à quelque chose d'autre, ça fait réfléchir, ça permet de revenir chez toi le week-end, puis dire: Bon, si je changeais ceci dans mon entreprise, voilà, j'avancerais, ça me permettrait de créer trois autres emplois ou... C'est comme ça que ça pense, un chef d'entreprise. Ces moments-là sont des moments précieux parce qu'on a rarement le temps de penser. Puis je parle de moi, je suis sûre que je parle des directeurs de service, je suis sûre que je parle des vice-présidents, c'est pareil, c'est des moments précieux pour réfléchir, des moments précieux pour s'ouvrir à autre chose. Est-ce qu'on acquiert une compétence? Je pense qu'on s'améliore, mais... Si je devais répondre à un examen après, je ne sais pas ce que ça donnerait.

Le Président (M. Facal): Merci.

Mme Harel: C'est peut-être qu'il faut quitter la voie de la reconnaissance de connaissances puis ne pas avoir à passer d'examen, mais simplement faire reconnaître des compétences.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Il faudrait y songer, je pense.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Facal): Merci.

Mme Pageau Goyette (Nycol): On vous reviendra là-dessus.

Le Président (M. Facal): Alors, nous allons passer à l'opposition, qui aura droit à 25 minutes.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, accueillir la contribution de la Chambre de commerce du Québec, le mémoire, le témoignage de sa présidente et les observations de son P.D.G. aussi. Votre organisme représente des milliers ou... de très nombreuses organisations, ou commerces, ou entreprises qui sont en contact avec la réalité chaque jour. Pour avoir, pendant quelques années, traversé ce secteur d'activité et vu quelle est la réalité des entreprises, les petites, les moyennes comme les grandes, je pense qu'il y a beaucoup... Je dois dire qu'il y a beaucoup de sincérité dans ce que vous dites et que ce que vous dites ici correspond à ce qu'on entend comme description de la réalité que vivent ces gens-là à coeur de journée. Il n'y a aucune fabulation là-dedans, il n'y a aucune exagération. C'est dit clairement et c'est exactement ce qui se dit dans le milieu.

Maintenant, c'est à nous tous de faire la part des choses. J'admire toujours la facilité avec laquelle la ministre calme les uns et les autres: ceux qui viennent ici et qui font une sortie contre le projet de loi, elle essaie de leur expliquer qu'ils n'ont pas bien compris et que, s'ils comprenaient mieux ce qui est là, au fond, ils trouveraient là-dedans ce qu'ils veulent, moyennant deux ou trois petits aménagements; ceux qui voudraient une loi plus serrée et plus ferme, et avec une meilleure dentition, elle trouve le moyen de leur dire qu'ils pourront s'arranger avec ça puis qu'à un moment donné ils vont trouver leurs bienfaits là-dedans. Elle console les uns et les autres et elle renvoie tout ça, tous les problèmes à la SQDM. C'est fait avec grand art. Mais, moi, ce que je prédis, c'est qu'il va y avoir des problèmes importants tout à l'heure au C.A. de la SQDM. Il me semble qu'on devrait porter attention à cela quand les gens viennent ici. Ces gens-là se retournent et, dans quelques semaines, ils vont devoir siéger à la SQDM avec des visions assez opposées, assez différentes des questions d'aspect essentiel de ce projet de loi.

(16 h 10)

Définition de la formation. Il y en a qui sont satisfaits de ne pas en trouver dans la loi ou de trouver des bribes qu'on peut voir à 5 et 6; d'autres voudraient l'inscrire, inscrire une définition et même nous proposent une définition. Mais, dès qu'on sonde un peu ce qu'il y aurait dans cette définition, bien, là, ça devient tellement compliqué... Que la SQDM se débrouille avec ça un peu plus tard. On parle abondamment de 5 et 6, de temps en temps on regarde du côté de l'article 8, de temps en temps de l'article 9. On se rend rarement à 19 et 20, qui, pourtant, contiennent un programme de vie pour plusieurs mois, sinon années pour ce qui est de la SQDM à réglementer. Les mêmes gens qui viennent ici, M. le Président, Mme la ministre, devront demain se débrouiller avec ce tissu de règlements à faire. On dit: Il n'y a rien là, vous êtes des bonnes gens, de bonne volonté, vous allez régler ça; nous autres, on ne peut pas le régler, faites ça pour le plus simple, etc.

Les mêmes gens seront là avec les mêmes divergences d'intérêts et de vues et d'analyse de la loi. On leur refile le problème. Il me semble que, entre tout mettre dans la loi et fabriquer une loi aussi vague, finalement, encadrante mais vague quant au contenu précis, il y a un milieu. Il y a eu plusieurs suggestions de faites, de la part de nos interlocuteurs, d'ajouter un certain nombre de précisions sur des questions essentielles et, à partir de là, ils nous disent: Si cela était clarifié, on pourrait peut-être travailler en faisant le reste. Il me semble que ce sont des choses qu'on devrait regarder de près si on veut avancer sur ce projet de loi.

Pour ce qui est de mes questions, Mme la présidente de la Chambre de commerce, je vais vérifier deux ou trois choses. Vous avez fait référence à des documents qui ont circulé, qui contenaient des ébauches d'embryon de règlements, etc. Est-ce que vous avez vu ces règlements-là en votre qualité de membre du C.A. de la SQDM, ou en une qualité de membre de la Conférence permanente, ou à titre d'interlocuteur?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je ne les aurais jamais apportés ici si ça avait été en tant que membre du conseil d'administration de la SQDM. J'espère que vous ne m'accusez pas, là.

M. Charbonneau (Bourassa): Absolument pas.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Non?

M. Charbonneau (Bourassa): Cette réponse était prévisible. Donc, ce que je note à travers ça – et nous avons fait les mêmes échanges avec d'autres, soyez bien à l'aise là-dessus – ce qu'on note, c'est que le C.A. de la SQDM, comme tel, n'a pas été associé à la conception, à l'élaboration de ce projet de loi. Des membres, des personnes, des organismes qui se retrouvent au C.A. de la SQDM ont pu y être associés, à cette démarche, en d'autres qualités, de membres de la Conférence permanente ou à titre d'interlocuteurs privilégiés du ministre, etc., mais le C.A. de la SQDM n'a pas été convoqué sur ces questions. Je ne me trompe pas?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Jamais. En tout cas, pas encore, pas encore.

M. Charbonneau (Bourassa): Et là, maintenant, on leur dit: Écoutez, on veut augmenter des responsabilités, le statut de la SQDM, le C.A. On invite au C.A. des personnalités qui sont des dirigeants de très grands circuits, patronaux, syndicaux. On rehausse le statut du C.A., mais, là, maintenant, on va les mettre au travail, en aval de la loi. En amont, ils n'étaient pas là; en aval, on va les mettre au travail.

Si c'est un choix que la ministre propose, quelle est votre appréciation de la possibilité concrète, pour ce qui est du C.A. de la SQDM, d'accoucher dans des délais pratiques des règlements qui sont là?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Ça peut donner lieu à des débats intéressants, pour le moins. J'ai la grande chance, en plus d'être à la SQDM, d'être au Fonds de solidarité. Je vous le dis en toute sincérité, c'est une grande chance; j'ai beaucoup appris au cours des années. Le Fonds de solidarité fait de la formation en entreprise, fait de la formation économique en entreprise. Pour cette formation, les employeurs paient 40 $, je crois... c'est ça, 40 $ par employé, je pense, que les employeurs doivent verser pour cette formation-là. Je serais très surprise de voir Henri Massé heureux que cette formation devienne admissible, par exemple, dans ce programme-là. Mais c'est un débat que nous allons devoir avoir parce que c'est de la formation économique et c'est de la formation importante pour les travailleurs. Alors, nous allons certainement avoir des débats qui, en tout cas à mon avis, vont durer longtemps.

C'est un peu l'objet de ma frustration parce que j'allais à la SQDM, moi qui me suis tant opposée à la création de cet organisme-là, en me disant: Maintenant que tu as chialé, Nycol, essaie de changer quelque chose. Vaut mieux que tu sois à l'intérieur que de chialer à l'extérieur. C'était ça, l'objectif. Alors, j'y allais en me disant: On va arriver à faire une réduction des programmes, à aménager le fonctionnement pour que ce soit plus efficace – plus efficient, diraient les économistes – et, là, je me retrouve à faire des règlements. Je suis un peu mêlée, là. Je ne sais pas trop comment je vais prendre ça le prochain mois. Mais c'est clair que... Imaginez les débats, ça va être somptueux. On va vous battre, à l'Assemblée nationale. C'est sûr qu'on va être meilleurs que vous autres. Ca va être très drôle.

M. Charbonneau (Bourassa): Une dernière petite question. Avez-vous reçu une réponse complète à votre question initiale? Dans les tout débuts de vos propos, vous avez dit: Est-ce qu'une dirigeante d'entreprise...

Mme Pageau Goyette (Nycol): Un chef d'entreprise.

M. Charbonneau (Bourassa): ...un chef d'entreprise, etc., qui suit des stages ou qui prend de la formation, est-ce que ça compte là-dedans? La notion de personnel, quand on dit pour le personnel, est-ce que je suis considérée comme membre du personnel, à ce moment-là? Avez-vous reçu une réponse là-dessus?

Mme Pageau Goyette (Nycol): Non, pas encore. Mais ça va venir, j'imagine.

M. Charbonneau (Bourassa): Pas encore. Correct.

M. Audet (Michel): Si vous permettez un complément d'information, peut-être, sur la première question qui était posée en regard du rôle de la SQDM et de la réglementation, parce que Mme la ministre invoquait ça tantôt. Je vais vous dire, moi, je peux parler un petit peu à la fois de la fonction de la Chambre de commerce puis également un peu de l'exercice antérieur dans d'autres fonctions. Moi, je pense que c'est très important que l'imputabilité soit clairement exprimée. Qui est imputable de la réglementation? Et, au fond, si on dit que c'est la SQDM, est-ce que la SQDM va être à l'Assemblée nationale pour répondre aux questions de l'opposition, pour être bien concret, par exemple? Moi, je pense qu'il faut que le règlement soit approuvé par le gouvernement. Une des dispositions que j'ai notées tout à l'heure et qu'on a dans notre mémoire... Par exemple, dans les notes explicatives, on indique qu'il y a à la fois des dispositions qui vont être approuvées, notamment celles qui sont prévues à l'article 19, on les prévoit à l'article 21, on dit que les règlements couverts à l'article 19 vont être approuvés par le gouvernement. Par contre, dans les notes explicatives – et on réfère à une vingtaine de reprises à des règlements, dans le mémoire – on dit également que, de plus, on donne, on confère à la SQDM un pouvoir réglementaire.

Donc, c'est très important de savoir. Si c'est un pouvoir de faire des règlements internes pour les fins de la gestion de la SQDM, c'est une chose, mais des pouvoirs réglementaires pour réglementer la vie privée de l'entreprise, c'est une autre chose. Donc, c'est très important que la loi clarifie ce qu'on entend par, justement, ces règlements. Les règlements qui touchent justement, par exemple, des choses aussi fondamentales que la formation professionnelle, les dépenses admissibles, je pense que c'est normal qu'on les prévoie par règlement, Mme la ministre. Moi, je ne pense pas que c'est dans une loi qu'on fait ça. Mais, si c'est par règlement, il faut que le règlement soit disponible pour qu'on puisse savoir de quoi on parle, parce que c'est fondamental, c'est le coeur même de la loi. Alors, c'est le sens de notre intervention. Ce n'est pas de dire qu'il ne devrait pas y avoir de règlement pour définir éventuellement les dépenses admissibles. Je pense que c'est évident que, dans une loi, on peut comprendre que ce soit fait par règlement, c'est même normal. Mais il faudra, à ce moment-là, avoir accès à ces règlements. Et ceux auxquels on a eu accès à date nous inquiètent beaucoup parce que, précisément, on exclut notamment la formation sur le tas, ce qui est le coeur même des besoins de l'entreprise. Donc, il va y avoir un grand débat, j'imagine, à la SQDM. Et il faut savoir qu'au conseil de la SQDM le patronat est très minoritaire, c'est le tiers, en fait, des membres. Donc, en définitive, ça va être tranché, mais ça ne sera pas nécessairement à l'avantage du milieu patronal. Ce n'est pas à l'avantage non plus nécessairement du fonctionnement de la SQDM. Alors, je pense que c'est des questions qu'il faut poser dès maintenant à la fois en préoccupation du député de l'opposition et de ce qu'a dit Mme la ministre.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Merci, M. le Président. Vous avez mentionné, Mme la présidente du conseil d'administration, tout à l'heure que le nouveau premier ministre français, M. Juppé, avait dit: Est-ce que ça favorise l'emploi? Alors, est-ce que vous pensez qu'avec un taux de chômage de 12,2 % en France – c'est le taux de chômage en France, là – le tandem Chirac-Juppé, qui hérite d'une situation donc assez alarmante au niveau de l'emploi, se pose une seule question: Est-ce que ça favorise l'emploi? Est-ce que la taxe de 1 % sur la masse salariale, d'après vous, favorise l'emploi?

Mme Pageau Goyette (Nycol): C'est clair que, venant du patronat, on ne va pas vous dire que l'imposition de taxes va nous aider à créer de l'emploi. Ce n'est pas... Vous savez, on commence... Puis, encore une fois, je prends mon exemple, c'est le plus simple. Une petite entreprise, c'est toujours plus facile. Mais, quand je songe à engager une personne supplémentaire, je commence avec 13 % de son salaire qui sont des charges et puis... et ça s'ajoute. En plus de ça, il faut que je lui ajoute du pied carré, il faut que je loue de l'équipement ou que j'achète de l'équipement, il faut que je forme cette personne-là, il faut qu'elle apprenne les habitudes de l'entreprise, la culture de l'entreprise. Très souvent, plutôt que de te donner tout ce mal-là, bien, tu dis: Peux-tu en faire un peu plus? Je vais te donner deux heures de plus ou trois heures de plus ou dix heures de plus. Et ce n'est pas correct parce qu'on finit par avoir des employés qui sont surchargés, qui ont des charges épouvantables. Alors, non, ce n'est pas créateur d'emplois parce que, avant de créer un emploi, malgré le besoin, il faut que je considère ces coûts-là, je n'ai pas le choix, malgré toute ma bonne volonté. La plus grande stimulation d'un entrepreneur, je vous le répète, c'est de créer des emplois. Quand on se couche le soir, on est fier quand on a créé des emplois, pas quand on a fermé les portes.

(16 h 20)

M. Tremblay (Outremont): Si, au lieu de parler d'une taxe sur la masse salariale... Et on pourrait également écouter vos explications avec l'item 3, «Une loi fiscale», à la page 5 de votre mémoire. Au lieu d'une taxe sur la masse salariale, si c'était – puis vous l'avez mentionné tout à l'heure – une taxe sur les bénéfices des sociétés, est-ce que ce serait plus acceptable? Et est-ce que ça contournerait la loi fiscale?

Mme Pageau Goyette (Nycol): S'il faut choisir comment on va souffrir, peut-être que c'est mieux ça qu'une autre façon. Mais ce que je proposais ou ce que j'aurais aimé proposer, et on l'a fait en consultation préalable avec Mme Harel... Moi, j'espérais qu'on puisse convaincre les entreprises de faire un grand test, disons, sur trois ans. Entendons-nous sur la façon de comptabiliser les dépenses propres à la formation et faisons le test. Est-ce que, oui ou non, on le fait, le 1 %, ou si on ne le fait pas? Et, si c'est plus que ça, eh bien, tapons-nous dans les mains et passons à autre chose. De sorte qu'il n'y aurait pas eu toute cette paperasse-là, il n'y aurait pas eu tout ce débat, mais on aurait atteint les objectifs. Maintenant, est-ce que je veux des taxes supplémentaires, que ce soit sur le capital ou sur les bénéfices d'entreprises? C'est sûr qu'encore une fois je vous réponds: Si j'ai à choisir entre deux maux, je vais peut-être prendre celui qui me fait le moins mal. Et celui qui me fait le moins mal, bien, si je fais de l'argent, ça fait moins mal de le partager que si je n'en fais pas et que je suis obligée une année, par exemple, pour payer mon 1 %, de me priver, disons, d'acheter de l'équipement. Parce que c'est ça, les choix qu'on va avoir à faire. Est-ce que j'achète de l'équipement cette année ou si je suis obligée de payer ce 1 %? C'est des choix bêtes. Chez nous, c'est très collégial, alors on va le faire avec les employés. Mais je vous assure que, cette année, les employés ont choisi chez nous de renouveler tous les appareils informatiques plutôt que d'aller en formation. C'est leur choix. Mais c'est un peu ça qui m'agace dans toute cette affaire-là.

M. Tremblay (Outremont): Une des suggestions qui a été faite par certains intervenants, notamment le Conseil du patronat, c'est la possibilité... Si jamais, dans une conjoncture plus favorable, une entreprise investissait des sommes considérables dans une année, elle pourrait reporter ses investissements dans les années subséquentes et possiblement dans une année précédente. Dites-moi, parce que c'est toujours une question de crédibilité... Je pense que le point de vue de la ministre, c'est de dire: Écoutez, ça fait des années qu'on attend, puis on n'a pas les résultats escomptés des efforts qu'on a faits. Si on prenait l'exemple de la qualité totale. La qualité totale, ce n'était pas particulier au Québec. C'était la même chose en Amérique du Nord. Deming a dû s'expatrier au Japon pour l'implanter. Sauf que le jour où la chambre de commerce, avec les vérificateurs, avec les partenaires économiques, dont les entreprises, ont décidé de prendre le leadership de la qualité totale... Aujourd'hui, on s'aperçoit que, par des mesures incitatives dans certaines entreprises, dans de nombreuses entreprises, il y a des comités paritaires employeurs et employés et ces personnes maintenant se rencontrent sur une base régulière. Je me rappelle, à la première rencontre il y avait 300 personnes; à la deuxième rencontre, 1 400 personnes. Par la suite, ils ont greffé à ce salon des exemples de réussites où les syndicats ont commencé à avoir des kiosques d'information, les employeurs ont commencé à avoir des kiosques d'information. La dernière rencontre a eu lieu au Forum parce qu'ils ont de la misère à trouver un endroit assez grand pour contenir toutes les personnes. Il y a des représentants de l'association de la qualité totale dans toutes les régions du Québec. Alors, est-ce qu'on pourrait dire que c'est vrai qu'on fait appel à un changement de mentalité, d'attitude et de comportement, mais qu'un geste comme celui-là – pour revenir à la suggestion que vous faites – est totalement prématuré, négatif face aux entreprises et qu'on devrait, au cours des deux ou trois prochaines années, évaluer les efforts concrets qui ont été faits par les entreprises? La qualité totale, c'est un bel exemple, mais également la formation professionnelle parce que je suis convaincu qu'il se fait beaucoup plus de formation professionnelle que la formation déclarée.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je suis certaine aussi qu'il se fait beaucoup plus de formation qu'on ne le dit, mais on ne l'a jamais comptabilisée. On ne l'a jamais comptée comme on devrait le faire. On a commencé à se réveiller quand les journaux nous ont dit qu'au Japon il se dégageait tant de jours par année en formation professionnelle. Et, là, on s'est dit: Bien, on n'est pas si gnochons que ça, là. Il y a certainement des choses qu'on fait qui devraient être comptabilisées, qui devraient être comptées. Ce n'est qu'à ce moment-là puis avec beaucoup de discours puis beaucoup de secouage de cage, là, qu'on a commencé à dire: La formation professionnelle, c'est ça qui va nous permettre de passer à travers. Il y a eu la récession, puis on a tous tellement souffert. Et, moi, c'est pour ça – et j'en ai beaucoup parlé avec Mme Harel – je pense encore qu'on aurait pu faire un projet mobilisateur de tout le Québec à l'égard de la formation professionnelle, qui n'aurait pas été entaché par cette épée de Damoclès qui est toujours: Tu vas la payer, ta taxe. C'est une épée au-dessus de la tête des entreprises. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Le projet de loi est là, on essaie d'atténuer ses effets, enfin ses impacts négatifs. C'est sûr que, l'objectif, on ne le partage pas à 100 %. Comme diraient les joueurs de hockey: J'ai donné mon 110 %. C'est ça qu'on veut partager avec le gouvernement.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que je pourrais faire appel à l'expérience très pratique de la personne qui vous accompagne, l'ancien sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie...

Mme Pageau Goyette (Nycol): On les recycle bien.

M. Tremblay (Outremont): ...également une personne qui a vécu, au niveau gouvernemental, à peu près tous les rouages? Juste me dire si, dans mon esprit à moi... Est-ce qu'il y a des contradictions, dans le projet de loi, entre le discours inaugural, si on veut, du premier ministre du Québec et ses volontés clairement exprimées lors de l'assermentation des ministres et le projet de loi que la ministre dépose?

Premièrement, le Conseil exécutif dit, de façon très claire: Il faut réduire la bureaucratie, éliminer les délais et la paperasserie. Est-ce que le projet de loi, tel qu'on le lit ou qu'on le comprend, c'est un monstre bureaucratique, comme plusieurs l'ont mentionné? M. Audet.

M. Audet (Michel): Écoutez, je vous remercie de me donner cette chance, mais vous me permettrez d'éviter de faire, effectivement, des jugements qui pourraient être politiques, puisque ce n'est pas le but de cette intervention.

Cependant, ce qu'on a noté, dans le mémoire – et on l'a noté en regard, justement, des déclarations faites à l'égard du discours inaugural et du dernier discours sur le budget – c'est que les entreprises, le prix qu'elles paient pour les taxes, c'est une chose... Et on y reviendra tantôt; c'est très important, ce qui a trait à la taxe sur la masse salariale. Le prix qu'elles paient, de plus en plus, pour gérer ça, c'est énorme, notamment. Plus elles sont petites et plus ce prix-là est élevé parce qu'elles doivent souvent engager des gens qu'elles n'ont pas pour faire ça. Je pense que c'est un des aspects qui sont un peu difficiles, là-dedans. C'est que c'est conçu en fonction d'entreprises qui sont structurées, d'entreprises qui sont grandes, qui ont des capacités de gérer des programmes, de bâtir des programmes de formation structurés, même des formations sur le tas, de les envoyer à la SQDM pour avoir l'accord puis d'en discuter.

(16 h 30)

Notre crainte, c'est que la PME, la moyenne entreprise, ne soit pas structurée pour faire ça. Un président-directeur général qui est responsable de toutes les opérations d'une entreprise – puis vous irez sur le plancher, vous allez voir – il n'a même pas, souvent, de petit bureau pour s'installer. Il est installé dans un petit coin, sur une table. Alors, évidemment, vous lui demandez de participer à une opération semblable, il va dire: Ça coûte combien pour me débarrasser de ça? Il va payer le 1 % et, effectivement, quand il va avoir la visite du gars de la SQDM, il va dire: Écoute, j'ai payé. Ça va devenir, pour lui, une sorte d'exutoire. Il va dire: J'ai expié. Vous vouliez avoir mon 1 %? Vous l'avez. Maintenant, laissez-moi travailler. Et, ça, on trouve que c'est très mauvais parce que, justement, ça va avoir l'effet inverse. Au fond, au lieu de travailler à mener cette entreprise-là à s'impliquer dans l'entreprise, à la convaincre de... Et puis, on est prêt à le faire conjointement.

Écoutez, c'est une tradition qui est nouvelle. L'importance de la formation professionnelle est là depuis longtemps, mais, comme on dit dans notre mémoire, les entreprises ont été évacuées de ça en grande partie. Maintenant, on veut les impliquer. Et je dois reconnaître que ça fait à peine quelques mois, maintenant. On participe à un comité, le comité Lanoux, qui participe justement à la révision des programmes, même, du ministère de l'Éducation pour faire en sorte, pour tenter qu'ils collent mieux aux préoccupations, justement, des entreprises. C'est une initiative qui est extrêmement heureuse, à laquelle on collabore. Et d'autres associations y collaborent, patronales et syndicales. Je pense que c'est en ces termes-là qu'il faut travailler. C'est que ce n'est pas juste les employés qui sont actuellement là, c'est surtout ceux qu'on prépare actuellement et qui vont être dans l'entreprise demain. C'est pourquoi on dit qu'il y a un lien très important à faire avec, également, la consultation qui se mène sur la formation professionnelle actuellement et les états généraux sur l'éducation. Notre crainte, c'est qu'on fait un peu des compartimentages. Et, en fait, c'est la même réalité, c'est le même employé. L'étudiant qui finit aujourd'hui au secondaire, en formation professionnelle, c'est lui qui va être dans l'entreprise demain. S'il n'est pas formé, il ne faut pas dire à l'entreprise: Écoute, maintenant il faut que, toi, tu investisses pour le former à la place du réseau de l'éducation. Donc, c'est pour ça que ça doit être intégré. Si vous appelez ça des contradictions... On vous laisse le choix des mots. Donc, je dirais plutôt: Il faut vraiment travailler avec une meilleure cohérence entre à la fois éducation et emploi, entre la volonté de déréglementer qui est exprimée et, en quelque sorte, je dirais, cet outil de réglementation énorme, qui est celui de cette loi. Est-ce qu'au moins on l'utilisera? On ne le sait pas. C'est pourquoi, nous, on veut les connaître, les règlements, pour savoir à quoi s'attendre. C'est pour ça qu'on insiste pour les connaître, justement parce qu'on dit: Si on sait – peut-être qu'on s'énerve pour rien... C'est pour ça qu'on voulait qu'ils soient déposés et qu'on les ait même avec la loi, pour connaître l'ampleur de ce qu'on va demander à l'entreprise.

M. Tremblay (Outremont): J'emploie le terme «contradiction», puis vous avez mentionné, là... Je ne vous demande certainement pas, M. Audet, de faire de la politique. Par contre, tout ce que j'ai fait, j'ai pris la page 5 de votre mémoire et j'ai comparé ça avec la déclaration gouvernementale, à l'effet qu'il faut réduire la bureaucratie, et la déclaration de la présidente du conseil d'administration, qui dit qu'il y a 75 programmes, qu'il faudrait faire le ménage dans ces programmes-là.

À la fin de votre paragraphe 3, vous posez la question: «A-t-on idée de la paperasserie et des délais qui seront générés lorsque des dizaines de milliers d'entreprises voudront obtenir en même temps des clarifications et des autorisations de la SQDM et du ministère du Revenu?»

M. Audet (Michel): Oui.

M. Tremblay (Outremont): Alors, moi, j'ai tiré la conclusion...

M. Audet (Michel): Voilà.

M. Tremblay (Outremont): ...que, ça, c'était une contradiction évidente, dans la question que vous posez, avec les déclarations du premier ministre et du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie à l'effet qu'il y a un mandat très clair de réduire la bureaucratie et la réglementation.

Vous dites également, à la page 6 de votre mémoire, et je vous cite encore, là, que le «Fonds sans fonds», c'est vos termes, «c'est tout à fait inadmissible d'autoriser cet organisme à faire des déficits dès le départ». Vous êtes les premiers à toujours dire sur la place publique, les gens d'affaires, qu'il ne faut pas que le gouvernement fasse des déficits; il faut qu'il élimine les déficits, réduire l'endettement. Alors, c'est certainement encore une contradiction avec une volonté affirmée du gouvernement du Québec, qui veut éliminer le déficit des opérations courantes sur deux ans, de permettre à un organisme de créer des déficits au départ.

Alors, tu sais, ce n'est pas moi qui invente les contradictions, je fais juste lire votre mémoire.

M. Audet (Michel): Monsieur...

M. Tremblay (Outremont): J'ai lu attentivement votre mémoire...

M. Audet (Michel): Oui, oui, c'est ça...

M. Tremblay (Outremont): ...je l'ai souligné, je l'ai presque appris par coeur, et je vois la dernière contradiction, vous l'avez mentionnée tout à l'heure, il y a deux univers totalement séparés. Le ministre de l'Éducation...

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont...

M. Tremblay (Outremont): ...qui fait des déclarations et qui s'en va, là, pour l'éducation, et la présidente de la CEQ s'en vient ici nous dire, de façon très claire, qu'il n'y a pas de synergie, qu'il n'y a pas d'adéquation dynamique entre le milieu de l'éducation et la ministre de l'Emploi.

Alors, moi, je vous dis que les représentations que je fais, c'est pour aider, dans le fond, la ministre de l'Emploi. Mais je pense que le discours qu'elle tient est totalement contradictoire avec ce que le gouvernement a annoncé pour aider les entreprises.

M. Audet (Michel): Si vous me permettez...

Le Président (M. Facal): M. Audet...

M. Audet (Michel): ...oui, très rapidement, c'est que...

Le Président (M. Facal): Un instant. Un instant.

M. Audet (Michel) : Oui.

Le Président (M. Facal): Simplement pour vous dire que votre intervention va épuiser le temps qu'il reste à l'opposition. Alors, je vous inviterais, si vous avez quelques dernières idées à prendre en compte, que c'est la dernière fois que vous aurez l'occasion de les énoncer.

M. Audet (Michel): Je voudrais juste noter que, effectivement, je pense que M. le député d'Outremont a bien lu le mémoire et, effectivement, on a relevé ces points-là qui sont, à notre avis, des points fondamentaux. On ne s'est pas attaché... Il y a également en annexe une série de questions qui sont posées sur les articles de loi. C'est assez fondamental de répondre à ces questions-là. Effectivement, c'est très important.

Le point que je voulais mentionner tantôt, quand on parle du yo-yo administratif, je vais vous donner un exemple très concret. On parle, la première année, de 1 000 000 $ de masse salariale. L'entreprise qui a moins de 1 000 000 $, vous savez que, au début de l'année... Est-ce que tu vas prévoir un plan? Est-ce que tu vas envoyer tes propositions à la SQDM au cas où, pour éviter le 1 %? À la fin de l'année, tu as eu une augmentation de salaire, tu as eu une augmentation d'employés, tu as peut-être eu un développement imprévu; tout à coup arrive le cotiseur d'impôt qui dit: Tu as payé 1 100 000 $; tu étais assujetti. Tes 11 000 $, il faut que tu les envoies à la SQDM. Le gars dit: Écoute, je ne l'étais pas, moi, dans mon plan. Je n'avais pas dépensé ça l'année d'avant, mais je vais avoir dépensé plus. Qui va définir si l'entreprise doit payer la taxe ou ne doit pas payer la taxe? Quand on dit, là, le jeu de yo-yo, voyez-vous, ce sont des règlements, des choses qui doivent être clarifiées à l'avance. L'entreprise va appeler et ils vont dire à la SQDM: Est-ce que j'ai été assujetti? Le ministère du Revenu, lui, il ne se posera pas de question, il va prendre le règlement comme il est et va dire: Écoute, tu paies. C'est ça, le...

C'est pourquoi on disait tantôt, il faut... J'ai déjà eu l'occasion, dans une consultation, de le dire à Mme la ministre: J'ai beaucoup de respect pour les gens du ministère du Revenu, mais, quand on leur demande de cotiser une taxe... Je sais qu'ils la cotisent. Donc, leur dire: Vous allez la cotiser, mais vous allez être humains. Je pense que c'est deux choses, ça aussi, qui sont parfois un peu contradictoires; ils appliquent la loi.

Donc, moi, je pense...

Le Président (M. Facal): M. Audet...

M. Audet (Michel): ...qu'il faut que ce soient des vérificateurs externes qui certifient que la dépense est conforme, et que le ministère du Revenu soit sorti du portrait.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, ceci met fin au temps consacré aux échanges. M. le député de Bourassa, si vous voulez intervenir pour des remerciements.

M. Charbonneau (Bourassa): Moi, ma conclusion, M. le Président, je voudrais de nouveau souligner que nos interlocuteurs nous ont apporté plusieurs suggestions, nous ont apporté leur analyse crue et ancrée dans leur réalité de ce projet de loi et, également, ils nous ont apporté leur expérience. Ils nous ont rappelé essentiellement que les entreprises qui ne sont pas à la pointe, que ce soit dans le domaine de la formation, de la gestion ou quoi que ce soit, périssent et que les premiers intéressés à ce qu'il n'y ait pas de failles, y compris au chapitre de la formation, c'est bien les dirigeants de ces entreprises-là. Cependant, ces dirigeants, ces chefs d'entreprises veulent être considérés dans la stratégie de formation qui sera possible sous l'empire de 90, et ils nous ont fait des suggestions qu'on devrait regarder droit dans les yeux.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux vraiment vous remercier et vous dire, d'une part, que l'exemple que vous donniez du problème que vous posiez à la toute fin de votre intervention est, dans le fond, résolu du fait que ça pourra être reporté. Il pourra y avoir report des investissements faits, et ce report pourra être, si vous voulez, sur une durée qui permettra, à ce moment-là, de pallier au problème que vous mentionniez, même sur le tas, là. La formation convenue avec les employés n'aura pas besoin d'être validée, l'entreprise n'aura pas besoin de faire parvenir son plan. Mais je vous dis une chose: En sortant d'ici, soyez sûrs qu'il y aura un autre article au projet de loi, qui en contient 64. Le 65e article, qui sera introduit avant évidemment, sera à l'effet qu'un vérificateur externe pourra certifier la conformité des dépenses de formation effectuées. Ça, je pense que je peux vous le dire, parce que c'est l'esprit même de cette loi. Alors, pour que ça soit plus clair, là, on va l'écrire. Ça, soyez-en absolument certains.

Et puis soyez aussi certains que le règlement doit être approuvé par le gouvernement – ça, c'est à l'article 21; il n'y a pas d'autres règlements faits que ceux qui, dans le cadre du 1 %, seront aussi approuvés par le gouvernement. Faut-il que les dépenses admissibles le soient par le gouvernement d'abord? Peut-être. Avec les explications que vous donniez, comme il faut que ça marche, bien, peut-être faudra-t-il que les premiers règlements le soient, quitte, par la suite, à les confier, pour les ajustements ou les modifications, aux partenaires du marché du travail.

Je veux vous dire, en tout cas, qu'il n'y a aucune adéquation, aucune, entre le pourcentage de contribution sociale sur la masse salariale et le taux de chômage. Je regarde l'Allemagne, là – ça, c'est les chiffres les plus récents de l'OCDE dans l'étude qui vient d'être publiée – 15,3 % de taxes sur la masse salariale; taux de chômage: 5,9 %. En Suède, 18,8 % de taxes sur la masse salariale; taux de chômage: 5,3 %. Et, à l'inverse, quand on prend au Canada, 5,7 % de taxes sur la masse salariale, par rapport au PIB, et le taux de chômage: 11,3 %. Alors, ça, c'est pour l'année 1991: comparaison internationale dans «Statistiques des recettes publiques des pays membres de l'OCDE», publié en 1993.

Alors, il reste que ça a besoin d'être actualisé, mais c'est des ordres de grandeur qui nous font bien voir que le chômage est inversement, souvent, proportionnel à l'effort qu'on consent. Un effort qui est un investissement dans les ressources humaines; c'est payant autant pour la société que pour l'entreprise. Et je crois que c'est un projet de loi ambitieux et que, dans quelques années à peine, les entreprises ne pourront plus s'en passer. C'est comme la Régie de l'assurance-maladie, avec les médecins. Vous voyez, c'était compliqué de leur faire accepter ça, il y a 30 ans. Mais qui voudrait maintenant revenir comme avant, quand ils facturaient eux-mêmes? Moi, je le souhaite et j'ai le sentiment que, dans quelques années, on voudrait la retirer, et c'est les entreprises qui réclameraient de la maintenir. Je le souhaite, en tout cas.

Mme Pageau Goyette (Nycol): Pourvu que ça soit comme vous le pensez...

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup à nos invités.

Mme Pageau Goyette (Nycol): ...pour le mieux-être du Québec.

Le Président (M. Facal): Nous suspendons jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Facal): Bonsoir! Bienvenue à nos invités. Nous ouvrons cette séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle, qui a pour mandat de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

Nous souhaitons la bienvenue au Centre des jeunes dirigeants, qui ont déjà pris place. Je leur rappelle que la durée maximale de leur exposé sera de 20 minutes et que cet exposé sera suivi d'une période d'échange de 40 minutes partagées également en deux blocs de 20 minutes, entre le groupe ministériel et l'opposition.

Vous pourriez sans doute commencer par identifier les membres de votre délégation et ensuite entreprendre la présentation de votre mémoire.


Centre des jeunes dirigeants (CJD)

Mme Quenneville (Isabelle): D'accord. Bonsoir. Les membres du Centre des jeunes dirigeants sont composés de M. Claude Breton, économiste; M. Christian Genest, avocat; M. Sébastien Demers, propriétaire d'entreprise; et moi, Isabelle Quenneville, la présidente du Centre des jeunes dirigeants. Je travaille pour la Banque Nationale.

M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, nous sommes ici ce soir, en tant qu'organisme jeune, pour appuyer le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Le Centre des jeunes dirigeants est une association qui, depuis cinq ans, regroupe des jeunes dirigeants d'entreprise, cadres, propriétaires et étudiants. Le mouvement tient sa source en Europe, où il regroupe près de 3 000 membres et existe depuis un peu plus de 50 ans.

Le Centre des jeunes dirigeants est un mouvement qui ne cherche pas à défendre les intérêts d'une catégorie de gens, mais à promouvoir des idées nouvelles et à accompagner dans ses missions tout dirigeant conscient de ses responsabilités envers l'entreprise, les individus qui la composent et la société dans laquelle elle s'inscrit. Les membres du Centre des jeunes dirigeants forment un réseau où la réflexion, la formation, l'innovation, l'expérimentation et l'ouverture aux milieux d'enseignement sont autant d'outils pour un même engagement: construire l'entreprise par et pour les femmes et les hommes.

Le Centre des jeunes dirigeants est une association qui partage une nouvelle vision de l'entreprise et de son rôle. Il met en commun l'intelligence, le savoir-faire et la volonté des membres qui acceptent de travailler ensemble à mettre en oeuvre des nouvelles pratiques d'entreprise. Parce que le métier de dirigeant ne s'apprend pas dans aucune école, au Centre des jeunes dirigeants la formation est un objectif et une réalité permanente. Pour le mouvement, l'entreprise compétitive est celle qui apprend plus vite que les autres. Ainsi, fort de la Charte du bien-entreprendre dont il s'est doté et qui stipule, à l'article 3: «Consacrer un minimum de 1 % de la masse salariale à la formation de la main-d'oeuvre», le Centre des jeunes dirigeants se réjouit que le gouvernement invite les entreprises à investir dans la formation de leur personnel.

Par conséquent, en tant que représentants du Centre des jeunes dirigeants, nous sommes ici ce soir pour manifester notre appui à cette initiative qu'est le projet de loi. Mais qui dit appui ne dit pas appui aveugle et inconditionnel. Nous vous proposons donc, bien humblement, certains éléments de réflexion. Mais, tout d'abord, posons les balises qui ont mené à notre réflexion.

M. Genest (Christian): Ce qu'on a constaté, M. le Président, c'est que l'économie dans laquelle on vit présentement, au risque de reprendre un vieux cliché, bien, elle est en pleine évolution. Ce à quoi on assiste à l'heure actuelle, c'est à une mondialisation des marchés qui a eu comme conséquence de multiplier le nombre de compétiteurs au détriment, peut-être, de nos entreprises locales. Si on ajoute à ça, bien entendu, la restructuration industrielle à laquelle on fait face, ça rend la situation de nos entreprises québécoises beaucoup plus complexe.

Alors, face à ce constat, pour s'en sortir on fait quoi? Bien, on n'a pas le choix. Ce qu'il faut faire pour s'en sortir, c'est de devenir plus compétitifs en améliorant, entre autres, notre productivité. Et, améliorer notre productivité, ça, il faut bien l'admettre, on ne pourra pas le faire si, à la base, nos entreprises ne disposent pas d'une main-d'oeuvre qualifiée.

De penser que le système d'éducation peut prendre à lui seul cette charge-là, de former la totalité de notre main-d'oeuvre au plan, bien entendu, de la formation professionnelle, ça nous apparaît, dans un premier temps, un peu utopique. Le système scolaire au système éducatif, lui, peut transmettre sa base même, une série de dénominateurs communs, mais il ne peut pas transmettre cette culture d'entreprise qui est unique à chacune d'entre elles ou, encore, bien entendu, individualiser l'apprentissage pour chaque secteur d'activité.

Donc, dans ce contexte-là, M. le Président, on n'a pas le choix. Pour rattraper ce retard-là en matière de formation professionnelle, on n'aura pas le choix, en bout de ligne, que de modifier nos mentalités en développant, bien entendu, une culture de société qui serait basée sur la formation continue. Sauf que les dirigeants sont confrontés à l'heure actuelle à un problème ou du moins à la pression qu'ils ont dans le milieu économique de produire, bien entendu, des résultats rapidement, donc, de gérer, par voie de conséquence, un peu, peut-être, ou encore d'adopter des comportements qui, à court terme, sont «dysfonctionnels» par rapport aux besoins de l'entreprise, en négligeant d'investir dans la compétitivité de leur propre entreprise.

Nous, de notre côté, ce que nous disons, c'est qu'on ne peut pas se payer le luxe de ne pas former adéquatement notre main-d'oeuvre. Parce que les techniques et les équipements, ça, ce sont des choses qui changent, mais, en bout de ligne, c'est toujours avec les mêmes individus ou toujours avec la même main-d'oeuvre avec laquelle il faut composer.

Contrairement peut-être à ce qui a été prétendu par certains journaux ou périodiques spécialisés, le milieu des entreprises, par voie de conséquence, ne fait pas un bloc monolithique par rapport au projet de loi 90. Je me permets d'ouvrir une très brève parenthèse. Par exemple, vous avez, dans le milieu de la construction, des entreprises qui contribuent déjà à l'heure actuelle à un fonds de formation, à raison de 0,20 $ par heure déclarée, dans le but avoué de parfaire la compétence de leur main-d'oeuvre. Et le projet de loi 90 reconnaît d'ailleurs, à ma connaissance, cette cotisation-là comme étant des dépenses qui sont admissibles au fonds de formation professionnelle. Donc, dans le milieu de la construction, depuis le 25 avril 1993, c'est quelque chose de fait; c'est parti, comme on dit.

Bien entendu, vous avez également certaines entreprises qui ont adopté notre Charte du bien-entreprendre. Et, dans l'optique, évidemment, où la main-d'oeuvre constitue, à notre sens à nous, le principal capital dans l'entreprise, nous, ce qu'on dit, c'est qu'investir dans sa main-d'oeuvre c'est un peu comme investir dans nous-mêmes, c'est-à-dire qu'on investit dans notre propre compétitivité. Donc, dans ce contexte-là, bien entendu, notre main-d'oeuvre constitue, selon nous, notre principal capital. Vous comprendrez qu'une dépense au bénéfice de notre main-d'oeuvre, pour nous, ne peut pas être considérée comme une taxe.

M. Breton (Claude): Contrairement, à ce qu'on pourrait croire, comme le disait Christian, à la lecture des quotidiens, ce ne sont pas tous les gens d'affaires qui sont contre le projet de loi. Nous, on a consulté, de part et d'autre, des entrepreneurs de tout acabit, qui ont tous appuyé, qui appuient tous l'initiative. Les entrepreneurs, ils ont peur d'un «Léviathan» mais pas d'un gouvernement responsable qui pose les jalons nécessaires à l'épanouissement d'une société, plus spécifiquement à la croissance des affaires au Québec.

Les députés ont vu défiler des groupes de pression patronaux qui semblent tous aller dans la même direction. Nos élus doivent rester prudents face à ces groupes d'intérêts qui viennent confirmer chaque jour la théorie de Mancur Olson, sur l'action collective. On a intérêt à être petit et organisé pour prendre un maximum de place dans le débat public. Et c'est ce qu'il y en a qui font.

Dans le mémoire que nous soumettons, en page 9 vous trouvez l'exemple d'un propriétaire de PME de Montréal. Il y dit: «Le problème dans les PME, ce n'est pas l'argent qu'on devra mettre en vertu de la règle du 1 % car, comme entrepreneur, j'ai la certitude que c'est un investissement à long terme. Le problème est plus une contrainte de temps: avec peu d'employés, en perdre un pour quelques jours de formation, cela relève parfois de l'impossible!»

(20 h 10)

Il y a deux aspects qui ressortent tout de suite de ça. Premièrement, la solution facile pour notre entrepreneur ici serait de faire suivre des cours très dispendieux à ses employés, question de les perdre le moins longtemps possible, perdre entre guillemets, pas par manque de volonté mais par manque de temps et de disponibilité de ses employés. Devra-t-il les envoyer en formation la fin de semaine – c'est la question qu'on pose – au détriment de leur temps de loisir? Deuxièmement, il devient clair qu'il y a un seuil en dessous duquel il devient difficile de descendre. On pense ici à la barre des 250 000 $ de masse salariale qui est avancée. Quoique ce montant fasse encore... Somme toute, c'est un beau chiffre rond, mais on ne sait pas exactement, nous de notre côté, si c'est le bon chiffre. Est-ce que ça devrait être 200 000 $, 300 000 $? On n'a pas les ressources nécessaires pour le vérifier. Pour les très petites entreprises, on devrait simplement maintenir le crédit d'impôt pour la formation professionnelle, surtout au Québec, où la structure économique s'appuie fortement sur l'effort des PME puis des TTE, communément appelées «'tites, 'tites entreprises».

Dans une autre veine, disons que, à notre sens, ce projet de loi 90 pourrait également amener, dans certains cas spécifiques, une plus grande instabilité au niveau de l'emploi. Nous sommes en accord avec l'idée que la formation professionnelle accroît les compétences des employés et leur apporte productivité et mobilité – c'est simple, une main-d'oeuvre bien formée, ça bénéficie à tous – mais, quand nous parlons de certains cas spécifiques, le CJD pense notamment aux travailleurs autonomes... Il n'est pas besoin de rappeler, là, qu'il y a une clientèle spécifique de jeunes qui se ramassent comme travailleurs autonomes. C'est un phénomène qui concerne beaucoup de monde, mais, entre autres, votre interlocuteur présent, qui vit cette situation quotidiennement. Ma question est la suivante: Un employeur ayant pour seuls employés des travailleurs autonomes échappera-t-il à la définition d'une entreprise assujettie au 1 %? C'est une question fondamentale à laquelle il faudrait répondre. Un employeur ne serait-il pas tenté de faire appel à un nombre plus élevé de travailleurs autonomes et d'augmenter par le fait même la précarité d'emploi? C'est la question qu'on se pose. Comme jeunes, on est concernés, puis spécialement, je suis concerné.

Aussi au niveau du report de l'embauche. Les 250 000 $ qui sont avancés, est-ce qu'une entreprise qui serait à la frontière des 250 000 $ hésiterait à passer cette barre-là et s'arrangerait pour rester en deçà de cette barre en reportant certaines embauches? Ça, ça nous inquiète un peu, encore une fois, spécialement comme jeunes. On sort de l'université et ce n'est pas facile. Alors, pour nous, c'est une question qui est très importante.

Il y a aussi au niveau des étapes. Le projet de loi, ce qui a été avancé par la ministre, c'est qu'on voudrait procéder par étapes. Bon, le 1er janvier 1996, entrée en vigueur de la loi; en 1997, assujettissement des entreprises avec une masse salariale de 500 000 $ et plus et, en 1998, des entreprises ayant une masse de 250 000 $ et plus. Là il y a un adage populaire qui dit qu'il ne faut pas avoir peur de l'onguent. Alors, pourquoi hésiter? On se propose de commencer à appliquer la mesure avec les plus grandes entreprises ensuite avec les moyennes et, enfin, avec les petites. On donne une période d'ajustement aux entreprises et une masse salariale inférieure à 1 000 000 $ de façon à ménager leur susceptibilité, nous semble-t-il. C'est, à notre sens, un bien faible signal envoyé à la population et aux propriétaires d'entreprises. Est-ce encore croire en ce que l'on fait que d'agir ainsi?

M. Demers (Sébastien): Dans la lignée de ce que mentionne Claude, en fait, il y a également un parallèle qu'on pourrait faire entre la formation professionnelle et le recyclage. Le recyclage, il est bon, il est nécessaire et il est également d'avenir. Si on nous avait dit: Le recyclage, on va commencer par implanter ça dans les grandes villes, ensuite de ça dans les banlieues et, finalement, dans les régions périphériques, on aurait pu se poser des questions à savoir: Ils nous disent que c'est bon, ils nous disent que c'est nécessaire, que c'est d'avenir, mais il semble y avoir une certaine réticence, ici, à l'imposer ou à lancer ça à grande échelle. C'est quoi? Donc, dans cette lignée-là, nous, ici, on se pose la question, si c'est bon, c'est nécessaire et c'est d'avenir. C'est quoi, le principe de l'étape, là? Donc, c'est ça qu'on soulève.

Un autre point de réflexion également du Centre des jeunes dirigeants, je reviens également un peu à ce que Christian mentionnait. Le système d'éducation actuel, il est très solide, il est bien implanté, et ainsi de suite. Sauf que, néanmoins, les jeunes sortent de l'école; bon, on le sait, ils ont peut-être 15, 16, 17 ans, certains pousseront jusqu'à l'université, 19, 20, 21 ans. Néanmoins, je ne veux pas faire référence, là, au décrochage scolaire qui est de plus en plus élevé. Au-delà de tout ça, le système d'éducation actuel ne prépare définitivement pas à la réalité des entreprises. C'est-à-dire qu'il peut préparer dans une vision de court terme, c'est-à-dire que vous arrivez et vous savez, là, comment vous débrouiller, vous avez une ouverture d'esprit, vous avez une formation, et ainsi de suite, vous êtes davantage apte à apprendre. C'est aussi le rôle du système éducationnel, comme il est en place actuellement. Sauf que, la culture d'entreprise, elle ne se transmet pas via le système éducationnel actuel. Pour ça, pour rester, je vous dirais, au courant de ce qui se passe puis néanmoins garder un pied, finalement, à jour avec le système éducationnel, il n'y a rien de mieux que de se ressourcer. Et puis, dans cette lignée-là, justement, le projet de loi, c'est ce qu'il avance. Il avance une piste là-dessus, et c'est très positif.

Il y a certaines professions qui ont actuellement, en fait, un système, je dirais, de formation continue. Si on pense aux avocats, via le Barreau, ou également aux comptables, via l'Ordre des comptables, ils ont des heures de formation obligatoire. Donc, pourquoi, dans d'autres professions, ça a été exclu? Pourquoi des gens, qui sont manutentionnaires ou quoi que ce soit, n'ont pas, finalement, accès à ces choses-là ou, finalement, on le sait, en fait, des fois, la réticence... Donc, le geste, ici, qui est posé ouvre la porte définitivement à ce que tous aient cette chance-là, cette opportunité-là, par la suite, de gravir des échelons.

Un autre point également que le Centre des jeunes dirigeants voulait vous amener, c'est au niveau de l'article 20, alinéa 2. On fait référence, en fait, au pouvoir de la SQDM. Il est indiqué que la Société peut, par règlement «indiquer les principes, critères ou facteurs dont la société tient compte pour accorder un agrément ou une reconnaissance ou les conditions à remplir à cette fin...» Nous, ici, la question... Chose certaine, c'est que c'est un pouvoir qui est immense. Il est extrêmement vaste, ce pouvoir-là. Et ça nous a fait peur. Il ne faut pas que je vous le cache, ici, on en a discuté, c'est épeurant. Peut-être pas au sens premier du terme mais au sens second. C'est extrêmement épeurant parce que, justement, ils ont, à la limite, une liberté proche de l'absolu. S'ils ont le pouvoir d'agrémenter et de reconnaître qui est apte à donner un certain niveau de formation au-delà, finalement, des organismes déjà reconnus, ça ouvre la porte, en fait, à un certain niveau de favoritisme.

Je m'explique. Actuellement, il y a des entreprises qui ont des commerces légaux, qui sont porteurs d'emplois et créateurs de richesses et qui fonctionnent très bien. Elles ont pignon sur rue et ça fonctionne à merveille. Pour des raisons x, y, z, suite à une accréditation qui pourrait retarder, une reconnaissance qui pourrait retarder ou des problèmes x, y, z, ces entreprises-là pourraient ne pas être reconnues pour des raisons de formation.

J'ai un exemple patent à vous mentionner, ce n'est vraiment pas exhaustif. Si on pense à l'Académie du savoir, c'est un nouveau type de franchise qui débute. Certains ont été reconnus par la SQDM, d'autres ne l'ont pas encore été pour des raisons, encore là, qui relèvent de la SQDM. Mais, néanmoins, l'Académie du savoir et ses franchises, actuellement, fonctionnent très bien. Ils ont pignon sur rue, ils fonctionnent à merveille, ça va très bien et les inscriptions créent des emplois. C'est fantastique. C'est merveilleux. Sauf que, s'ils ne sont pas reconnus par la Société, ce qui va arriver, c'est que, dans le journal Les Affaires , on le sait, on va tourner les pages et puis, là, ça va être le slogan qui va dire: Reconnu pour le 1 % de la ministre, et ainsi de suite; on sait comment ça se passe. Malheureusement, l'Académie du savoir n'aura pas le droit, dans l'exemple que je vous donne, de faire ça. Je vous ai nommé l'Académie du savoir, je pourrais vous en nommer d'autres. Néanmoins, c'est évident que... Donc, c'est un problème. C'est à savoir où la barre devra être tirée. C'est une question qu'on soulevait.

Avant de conclure, il y a un autre point également. Au Centre des jeunes dirigeants, évidemment, on reçoit beaucoup de documentation gouvernementale. Je suis certain que vous le savez aussi bien que moi. On se doit de soulever le point de notre peur, encore là, une certaine peur de la façon dont ça va être implanté et de la façon dont ça va être géré. À l'article 14, on fait référence au formulaire, et on a poussé certaines pointes d'ironie. On s'est posé la question: Le petit formulaire, exactement, ce sera quoi, son standard? Qu'est-ce qui va obliger l'entrepreneur... À quoi il va obliger l'entrepreneur? En ce sens, est-ce qu'il va être fastidieux? On le sait, il a l'intention d'être simple, ce formulaire, il a l'intention d'être transparent. Sauf que, en tant que jeunes dirigeants, il faut qu'on le soulève, ça nous fait peur un peu. Nous, notre recommandation tient évidemment sur le 8 1/2 x 11 recto – sans blague – et puis on se dit, si c'est possible, sans manuel d'accompagnement parce que c'est tellement explicite qu'on le lit, on le sait. C'est vraiment aussi simple que ça. Et, si ça se joint, à ce moment-là, à un rapport d'impôt d'entreprise ou quoi que ce soit, il y a beaucoup d'information qui a à éviter d'être dédoublée. Donc, une transparence. Et prenez-le presque comme un cri du coeur, ici.

Dans cette lignée-là, il y a également certains groupes d'intérêt pour lesquels c'est définitivement leur leitmotiv principal. Et puis si vous êtes capables ou si Mme la ministre est capable de convaincre et de mettre l'emphase sur cette simplicité-là, je sais qu'il y aura un ralliement au Québec face à ça.

Donc, pour conclure, le Centre des jeunes dirigeants, fort de ces deux forces que sont la jeunesse et le privilège d'être dans des positions de cadres et de jeunes dirigeants, nous sommes définitivement en faveur de l'implantation et de l'entrée en vigueur d'un tel projet de loi. Et, dans cette lignée-là, nous le voulons, en fait, le projet de loi parce que nous souhaitons et nous croyons à un système de formation professionnelle adéquat, efficace et simple. Je vous remercie beaucoup. Nous sommes ouverts, évidemment, à vos questions, s'il y a quoi que ce soit.

(20 h 20)

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter nos échanges avec le parti ministériel. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Vous nous présentez un excellent mémoire. Vous êtes, en plus de cela, les premiers, je dirais, si vous me permettez, jeunes qui se présentent à la commission, et ça doit faire pourtant, au moins, une dizaine de mémoires que nous entendons.

J'ai eu l'occasion de parler un peu avec vous à l'entrée du parlement tantôt et je vous demandais si vous représentiez principalement, au Centre des jeunes dirigeants, le secteur public et privé. J'anticipais un peu la réponse. En fait, vous m'avez bien indiqué que vous étiez principalement dans le secteur privé, et ce n'est pas surprenant parce que je ne crois pas qu'il y ait de jeunes dirigeants dans le secteur public ou parapublic. En tout cas, dans ma vie, moi, je n'en ai jamais rencontré encore. Les deux seuls que je peux concevoir comme faisant partie de cette catégorie-là, eh bien, c'est la toute nouvelle secrétaire à l'action communautaire, Mme Morrissette, qui vient d'être nommée...

Une voix: À la jeunesse.

Mme Harel: À la jeunesse, me dit-on, puis je suis même... Oui, évidemment, bien sûr, M. Philibert, absolument. Mais, pour vous dire la vérité, je ne l'associe pas encore au gouvernement puis je pense qu'il en est content. Ha, ha, ha! Ça lui donne la marge de manoeuvre qu'il souhaite, avec raison, garder.

C'est intéressant, c'est rafraîchissant aussi, votre point de vue. Ce qui est vraiment intéressant, comme vous nous le dites dans votre mémoire, c'est que votre organisme représente à la fois les jeunes et le milieu des affaires. C'est cette combinaison-là, finalement, qui est intéressante. Et, moi, vraiment, ce que je trouve aussi vraiment passionnant, c'est que vous avez comme présidente une femme dirigeante. Alors, est-ce qu'il y en a d'autres que vous?

Mme Quenneville (Isabelle): Oui, il y a d'autres membres au sein du Centre des jeunes dirigeants qui sont des femmes, effectivement. Il y a un peu plus d'hommes, les hommes sont toujours un petit peu en majorité, mais on retrouve également des femmes qui sont très impliquées.

Mme Harel: Vous nous dites, dans votre mémoire, être inquiets, notamment, de l'agrément. C'est à la page 9 du mémoire. Alors, pour les fins de notre échange, j'ai demandé que l'on me transmette les formulaires, en fait, ça tient à un formulaire, la fiche d'enregistrement. C'est un formulaire que le député de Bourassa connaît bien parce qu'il était vice-président à la SQDM avant. C'est le même formulaire qui existait l'an dernier qui existe cette année, et qui devrait continuer d'exister, parce qu'aux fins, si vous voulez, de la réglementation il s'agit simplement d'élargir au 1 % ce qui existait déjà. Alors, ce n'est rien d'autre que ça. Des fois, les mots juridiques dans lesquels c'est écrit, tout ça a l'air très, très compliqué, mais il s'agit, dans le fond, d'une fiche d'enregistrement et puis d'une feuille qui s'intitule «Renseignements pour l'enregistrement des formateurs au répertoire» et avec laquelle la société de formation privée doit inclure le certificat d'incorporation. Elle doit avoir une place d'affaires au Québec et avoir un profil d'expérience suivant: deux ans d'expérience dans chacun des champs professionnels pour lesquels elle désire offrir de la formation – et joindre les curriculum vitae des formateurs – ou bien trois ans si c'est une personne; la justification pour ses formateurs d'une moyenne d'expérience pertinente d'au moins trois ans dans chacun des champs professionnels pour lesquels elle désire offrir de la formation. Et elle doit présenter une description de la formation qu'elle a réalisée telle que syllabus sommaire du cours dispensé, durée de l'activité de formation faite, le nom de ou des entreprises où elle a déjà dispensé la formation. Alors, c'est essentiellement ce dont il s'agit.

Alors, dit comme ceci, là: Principes, critères ou facteurs, finalement, dans l'esprit du législateur, il s'agit de faire en sorte que l'agrément de la société, qu'on appelle la firme privée, soit celui qui est déjà en vigueur.

Vous me dites – et là je comprends avec un exemple précis, l'Académie du savoir, dont j'ignore complètement l'existence – qu'il y a un problème. Pouvez-vous me décrire la nature, par exemple, de cet organisme-là? L'Académie du savoir, de quoi s'agit-il? Que font-ils? Et pourquoi ont-ils eu des problèmes?

M. Demers (Sébastien): De nos recherches, en fait, au niveau de l'Académie du savoir – encore là, c'est un exemple bien précis, si vous me le soulevez, l'Académie du savoir est une entreprise, en fait, qui vend des franchises depuis quelques années à peine au Québec, peut-être deux ans au maximum. Les franchises, évidemment, sont achetées, comme n'importe quelle franchise, et, par la suite... En fait, c'est une entreprise qui offre des services de formation sur mesure liée au domaine de l'informatique. Donc, ce sont ça, les balises. Donc, on parle de cours, par exemple, de DOS, Windows, WordPerfect, Word, et ainsi de suite, Excel, nommez-les. Tous les logiciels, finalement, qui sont répandus dans les entreprises, tous les logiciels qui sont quotidiennement utilisés par les entrepreneurs, petites, moyennes et grandes entreprises. Et ils offrent des cours de formation où c'est principalement axé sur l'apprentissage par soi-même, avec un coach ou un tuteur qui assiste selon le cas. Néanmoins, on me rapportait, en fait, en discutant avec des gens, les cas où, au lieu de reconnaître le principe ou le franchiseur de l'Académie du savoir selon certaines règles en vigueur, on reconnaît de façon ponctuelle, c'est-à-dire chacune des franchises. Et, dans cette lignée-là, j'ai eu écho, malheureusement, de certaines franchises qui, pour des raisons x, y, z, n'avaient pas été reconnues par la SQDM. Donc, dans cette lignée-là, ça nous a ouvert la porte à des situations comme celles-là.

J'avais également parlé avec un autre individu qui faisait de la publicité dans le journal Les Affaires , que je mentionnais justement tout à l'heure, qui lui n'est malheureusement pas également reconnu au niveau de la SQDM ni par le ministère de l'Éducation et qui, néanmoins, donne des cours de formation et de vente, et ainsi de suite – qui sont bien connus au Québec – à raison d'une fois ou deux fois, deux séminaires d'une journée par semaine. Donc, on parle quand même d'un service qui roule bien. Deux cours de formation dans des grands hôtels à Montréal ou à Québec ou en région. Et puis, malheureusement, il n'est pas reconnu. Donc, on s'est questionné. Qu'est-ce qui peut arriver? Donc, si l'Académie du savoir, avec ses franchises, c'est du cas à cas, ils peuvent être exclus, on pense également à cet individu-là au niveau de la formation, on s'est dit: Est-ce qu'il y aurait d'autres cas, évidemment? Si ça ouvrait la porte à ça, on ne voudrait pas, justement, que ça brime un peu un certain niveau de libre entreprise.

Mme Harel: Ça serait peut-être intéressant que vous creusiez un peu plus les motifs. Est-ce que c'est parce que les franchises n'offrent pas toute la même qualité de formation? Est-ce qu'il y a des problèmes? On ne peut pas, à ce niveau-ci, en discuter. Mais, moi, je vous inviterais notamment à porter cela à la connaissance de la SQDM, pour demander des explications. Je crois que, si vous m'envoyez copie conforme, je pourrais moi aussi demander des explications; il faut qu'il en ait des raisonnables qui nous soient données. Et je trouverais ça utile qu'on puisse poursuivre par la suite, suite à la commission, pour voir, en fait, comment tout ça a donné ce résultat que vous nous décrivez.

(20 h 30)

Mme Quenneville, dans le mémoire, vous êtes, avec ferveur, en faveur de la mesure et vous nous dites: «Notre position est claire – à la page 11, là – nous sommes contre une procédure par étapes. Ce projet doit être appliqué rapidement.» Et vous ajoutez: «Les petites entreprises n'ont pas besoin d'une période d'ajustement plus longue que les grandes en autant qu'une assistance leur soit fournie...» Je pense que vous avez bien identifié ce dont il s'agit. Le calendrier d'implantation sur trois ans, c'est pour permettre de fournir une assistance aux 30 000 entreprises qui, au bout du compte, vont être assujetties à raison de 7 500 la première année. On peut croire raisonnable qu'il y en a déjà la moitié, qui, dans le cadre du crédit d'impôt, se sont donné un plan de formation ou un plan de développement de ressources humaines. Alors, il s'agira, en un an, de doubler ce qui s'est fait en cinq ans, parce que ça a été, finalement, une sorte de rythme de croisière de cinq ans pour en arriver à 4 500 entreprises qui déclarent de la formation au sens du crédit d'impôt. Alors, la première année, 7 500; la deuxième, on double à 15 000; la troisième, on double à 30 000. Et, l'assistance fournie, bien, elle prend un peu pour pivot le crédit d'impôt, puisque, la première année, les 7 500 qui n'y sont pas assujetties pourront... C'est-à-dire que celles qui ont 500 000 $ de masse salariale se feront offrir de profiter du crédit d'impôt remboursable pour se donner un plan de développement de ressources humaines, puisque ça pourrait être la dernière année où elles peuvent en profiter, et se feront fournir l'assistance pour se le donner. Et, la troisième année, aller quérir celles qui n'ont pas encore de plan de développement de ressources humaines et qui pourront se le donner, dans le cadre du crédit d'impôt, avant 1998. Alors, c'est finalement le calendrier d'implantation qui opérationalise l'assistance à l'entreprise de manière à ce que, du jour au lendemain, comme on n'a pas de baguette magique... Si tant est qu'on disait que, ces 30 000 entreprises, il ne serait pas évident qu'au mois de janvier prochain on pourrait leur fournir cette assistance. Alors, ça, c'est vu d'un point de vue, disons, de ce qui est réalisable. Il y a toujours ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable, et ce qui est réalisable nous apparaissait utile d'être opérationalisé.

Je ne sais pas si vous avez un commentaire là-dessus, mais je sais que ma collègue, la députée de Terrebonne, avait également des questions à vous poser.

Mme Quenneville (Isabelle): Peut-être que Claude aurait un commentaire à apporter.

M. Breton (Claude): Oui. Je suis bien d'accord. Si je peux prendre...

Le Président (M. Facal): Allez-y.

M. Breton (Claude): Merci. En fait, ce que vous soulevez par ça, c'est que... Nous, on vit la réalité des petites entreprises à tous les jours. Ce qu'on voit aussi, c'est que les petites entreprises, elles n'ont pas besoin d'une période d'attente. Ce dont elles ont besoin, c'est de l'information adéquate pour comprendre toutes les implications de cela. Avec une bonne information, je pense qu'on peut aller loin, vite et bien. Nous, ce qu'on avait comme impression, c'est qu'on dirait qu'on veut appliquer ça aux grandes entreprises pour ménager un peu les petites entreprises, ce dont elles n'ont pas besoin. La population se dit: Ah! c'est appliqué aux grandes entreprises, donc elles ont les moyens de supporter ça, il n'y a pas de problème. C'est vrai que les petites, on devrait attendre. Ça passe mieux dans l'opinion publique. Mais, nous, on pense foncièrement que ça peut être adapté dès le mois de janvier et opérationnel, efficace, rapide et simple. C'est notre point.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, à mon tour de remercier le Centre des jeunes dirigeants de nous avoir fait connaître son point de vue.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, un instant. Après? Très bien.

M. Charbonneau (Bourassa): Nous voyons, à la page 2, une introduction qui a le mérite d'être claire, où il y a des remerciements à l'endroit de la ministre de vous avoir invités à témoigner de votre appui à l'égard du projet de loi 90. J'ai remarqué aussi que cet appui s'exprime aux pages 8 et 13, à deux reprises. Par contre, entre les pages que je viens de mentionner, il y a un certain nombre de réserves qui s'expriment à l'égard de l'entrée progressive, de la mise en place progressive des mesures sur l'agrément. Votre réserve ou votre question sur l'agrément rejoint très bien la réserve exprimée par l'association de l'entreprise privée en formation qui est venue nous rencontrer la semaine dernière et qui était un peu troublée aussi par cette procédure d'agrément. Non pas qu'elle en ait contre la nécessité d'un agrément, mais elle avait des questions à soulever quant à l'incertitude qui flotte autour de l'obtention et, donc, le retrait possible d'un agrément. Alors, votre inquiétude est partagée par d'autres aussi. Je voulais vous demander si, d'après vous, la formation professionnelle et technique ou la formation relative à l'emploi dont il est question dans le projet de loi... Est-ce qu'elle devrait être définie dans le projet de loi comme tel? Et est-ce qu'elle devrait s'adresser aux jeunes ainsi qu'aux adultes ou aux adultes seulement ou, en tout cas, aux gens ayant déjà un emploi? Est-ce que vous avez quelque idée quant à la définition de la formation dont on parle dans ce projet de loi? Est-ce que vous verriez que ce soit inscrit dans le projet de loi comme tel ou laissé dans les termes où ça se présente maintenant?

M. Genest (Christian): Disons que ce qui sous-tendait un peu... ou l'idée maîtresse de notre mémoire, c'est qu'on se doit, du moins, d'adapter la formation professionnelle à la culture de chaque entreprise. Nous, ce qu'on disait, dans le contexte, évidemment, où les cultures d'entreprise peuvent tellement varier d'une entreprise à l'autre, à ce moment-là, peut-être que de fixer par des barèmes assez rigides dans un projet de loi, ça pourrait être aussi dangereux que pas de barème du tout.

Dans le contexte où vous posez votre question par rapport à des jeunes, il est très clair que, pour nous, l'investissement de notre main-d'oeuvre, comme ça doit être fait dans le contexte où on doit rendre nos entreprises plus compétitives dans un marché mondial, que ce soit fait envers des jeunes ou des moins jeunes, je pense que, peu importe, à ce stade-ci. Les problèmes des jeunes sont reliés à d'autres problèmes dont on pourrait discuter amplement dans une autre commission. Mais, à ce stade-ci, il n'y a pas lieu, à mon avis, de faire un âgisme, entre guillemets, au niveau de l'application des mesures.

M. Charbonneau (Bourassa): Parce qu'il faudra tout de même, à un moment donné, préciser les attentes des uns et des autres à l'égard de ce dispositif que nous présente la ministre. Le projet de loi 90 favorisant le développement de la formation professionnelle de qui? Des gens qui sont en emploi ou des jeunes qui se préparent à obtenir un emploi? On a entendu, ici, les groupes qui pensent une chose ou l'autre et ils ont des visions différentes, des attentes de niveaux différents. Il y en a qui nous disent: On devrait faire une très large place à la formation sur le tas. D'autres tiennent à ce que ce soit davantage centré sur une formation qualifiante, structurante, transférable, reconnue. Je ne vois pas, dans vos propos, d'énoncé nous permettant de connaître votre pensée à ce propos. Est-ce que vous pouvez préciser?

M. Demers (Sébastien): M. le Président... Non. Moi... Je ne sais pas si ça va vous donner une piste de ce que nous avançons, en fait. Chose certaine, c'est qu'avec le système éducationnel comme il est en place actuellement, il y a un manque au niveau des gens qui sont en emploi dans les entreprises. Donc, prenez un individu qui aurait entre 22 et 30 ans, qui entre dans une entreprise, il peut se retrouver facilement âgé entre 38 et 50 ans et n'avoir eu aucune formation, sous quelque forme que ce soit, depuis qu'il est entré à l'emploi de cette entreprise-là. Et ce n'est pas normal, selon nous. Donc, dans cette lignée-là, nous croyons que... C'est notre perception du projet de loi, c'est la façon dont nous l'avons interprété. De cette façon-là, les individus qui sont en emploi dans une entreprise x se doivent de se garder, en fait, pour eux-mêmes autant que pour l'entreprise qui les emploie, au courant, à jour, bien performants et adéquats au niveau de leur travail, de leur tâche, de leur description de fonction.

Donc, dans cette lignée-là, le système éducationnel répond, jusque dans une certaine mesure, au niveau de l'apprentissage et au niveau d'une certaine formation, d'un encadrement, que ce soit les cégeps, les centres de formation technique et avec le régime coopératif également, si on pense aux universités. Déjà, vous avez une alternance entre le marché du travail et les études, où les deux s'imbriquent, et puis vous vous retrouvez – si on pense aux ingénieurs ou des formations comme ça – à 22, 23, 24 ans, même des fois 25 ans, même si vous avez fait le processus assez rapidement, et vous sortez de l'université; vous avez une certaine formation.

Donc, l'offrir aux jeunes, oui, absolument, mais l'offrir aux étudiants comme tels? Les étudiants ont déjà à leur disposition des outils, des leviers, des tribunes qui peuvent leur permettre d'aller se chercher une formation. On le sait. Il y a plein de programmes, il y a SPRINT, il y a plein de choses comme ça qui sont offertes déjà. Les étudiants ont leur tribune. Ça, ici, nous, on l'a définitivement perçu comme une tribune pour les individus qui sont en emploi et qui... on les a laissés un peu pour acquis dans l'entreprise.

M. Charbonneau (Bourassa): Et vos entreprises seraient accueillantes, j'imagine, à recevoir des stagiaires ou à favoriser l'alternance entre...

M. Demers (Sébastien): Définitivement. Nous, dans notre Charte du CJD, de toute façon, c'est un des points que nous avançons.

M. Charbonneau (Bourassa): L'article à la...

M. Demers (Sébastien): La Charte que vous avez en annexe de notre mémoire. Nos entreprises sont définitivement ouvertes. Je ne voudrais vraiment pas nous brûler et vous donner l'impression d'avancer des choses fausses, mais, dans le Centre des jeunes dirigeants, la proportion de gens qui sont spécialement ouverts et qui concrètement font des choses extrêmement intéressantes au point de vue social et au point de vue ouverture, combinaison étudiants-marché du travail, et ouverture d'esprit, toutes ces choses-là, c'est extrêmement impressionnant de voir ce qui se fait chez nous.

(20 h 40)

M. Charbonneau (Bourassa): Une dernière question, en ce qui me concerne. À la page 5, troisième paragraphe, il est écrit que votre organisation est un mouvement qui tient sa source en Europe, où il regroupe près de 3 000 membres. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques mots d'historique complémentaires, à quels pays d'Europe, et nous faire voir un peu quelle est la base de référence, peut-être, de votre organisation internationale?

Mme Quenneville (Isabelle): En fait, le mouvement qu'on a créé il y a cinq ans tient sa source en Europe, plus précisément en France. C'est suite à un voyage d'études avec l'Université du Québec. Nous sommes allés, six étudiants, étudier à Montpellier, dans le sud de la France, suivre deux cours de gestion et on a eu l'occasion de travailler en entreprise, une entreprise qui était membre du Centre des jeunes dirigeants là-bas – ça porte le même nom qu'ici. On a eu l'idée, en revenant au Québec, de partir le même mouvement. On trouvait que le mouvement avait une philosophie nouvelle, qui mettait l'emphase surtout sur les femmes et les hommes qui composent l'entreprise et misait principalement sur les individus comme capital de l'entreprise. C'est ce qu'on trouvait intéressant. Et, compte tenu de l'ouverture des marchés et tout ça, on n'a pas d'autre choix que d'être de plus en plus compétitif. C'est pour ça qu'on... À notre connaissance, ici, au Québec, il n'y avait pas ce genre de mouvement. On retrouve les jeunes chambres de commerce, mais elles ne partagent pas notre philosophie. Donc, on s'est dit: Pourquoi ne pas démarrer... Et puis, on est peu nombreux, on est environ une centaine de personnes, sauf que de plus en plus de gens nous connaissent. On est de plus en plus visibles, et les gens viennent nous voir, viennent participer à nos activités. On a des tables rondes mensuelles qui abordent les problématiques que les entrepreneurs rencontrent dans leur entreprise. On s'assoit avec eux autres et on essaie de trouver des solutions qu'ils peuvent, le lendemain, appliquer dans leur entreprise. C'est très, très, très intéressant. En fait, c'est un changement de mentalité et c'est très, très motivant. Donc, on existe maintenant depuis cinq ans.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci.

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse qu'on vous accueille ce soir. Je suis très impressionnée par le mémoire que vous présentez, mais surtout par tout ce que ça sous-tend. Oui, c'est une autre philosophie, et je pense que ça nous donne beaucoup d'espoir, en tout cas, pour l'avenir, particulièrement votre Charte. Vous dites que notre projet de loi peut être un projet de société, mais votre Charte du bien-entreprendre est, à elle seule, aussi un projet de société, je pense, qu'on pourrait étendre à bien des domaines. Et vous avez vraiment mis le doigt, je pense, sur ce qui fait problème chez la plupart des mouvements d'entreprises qui s'opposent au projet de loi. C'est en page 11 qu'on le retrouve, quand vous dites: «L'absence de culture vouée à la formation continue rend souhaitable une intervention de l'Assemblée nationale.» J'ai écouté beaucoup de mémoires, et ceux qui s'opposent, finalement, c'était ça, c'est deux visions. C'est qu'ils ont une vision que, la formation, elle doit être ponctuelle: J'ai besoin de formation pour un problème bien spécifique, je donne cette formation-là et je n'ai pas besoin de formation continue. Alors qu'effectivement, oui, il y a une formation continue. C'est une autre philosophie et c'est vers ça qu'il faut se diriger. Alors, je pense que c'est ça qui fait toute la différence entre le fait qu'on donne un appui à ce projet-là ou non.

Dans votre Charte du bien-entreprendre, vous l'avez donc au point 7, ce processus de formation continue qui est nécessaire, et qui est nécessaire autant au niveau de la société – je pense aux professionnels aussi, il y a une nécessité à ce niveau-là. Vous nous parlez aussi, au point 6, de l'importance de faire prendre les décisions au niveau le plus bas et pratiquer ainsi la délégation montante. Donc, je suppose que, si, dans une entreprise, on parle de formation maison – j'aimerais mieux l'expression «maison» que «sur le tas», qu'on utilise d'habitude – vous seriez donc, à ce moment-là, d'accord que le plan de formation soit préparé avec les employés. J'aimerais savoir si... Dans la plupart de vos entreprises, est-ce que vous retrouvez surtout de la formation maison, ou de la formation qui est reconnue par une institution, ou si c'est plus votre association qui pourrait donner de la formation? J'aimerais vous entendre sur le partage du type de formation qu'on retrouve chez vous et, si possible, aussi sur la question fondamentale que vous posez aussi, en page 12, sur les travailleurs autonomes. Effectivement, il faut se poser la question par rapport au projet de loi.

Mme Quenneville (Isabelle): Je vais prendre la première question sur la formation. Effectivement, au sein du Centre des jeunes dirigeants, les membres viennent et peuvent se former à travers les activités qu'on offre. Également, à l'intérieur de leur entreprise, c'est souvent de la formation maison, comme vous l'appelez, mais ça peut être aussi de la formation externe. On promeut plus la formation adaptée, mais qu'ils peuvent venir chercher soit chez nous, soit à l'intérieur de leur propre entreprise.

M. Breton (Claude): Pour la question des travailleurs autonomes, je vais être obligé de faire un point personnel là-dessus parce que je suis un travailleur autonome et j'ai consulté mon patron avant de venir ici. En fait, c'est que ses dépenses de salaire, ce qu'il me verse à moi comme salaire et à tous les employés de l'entreprise, ça va dans ses dépenses générales, ça, au même titre que la papeterie. Alors, pour lui, ça échappe à une définition de masse salariale. Effectivement, quand je lui ai soumis cette question-là, il a fait: Tu as raison – en fait, c'est le Serge Therrien que je cite au début du mémoire, qui est en faveur de cette loi-là. Lui, il échappe à ça. Alors, c'est un peu de lui que je tire cette question-là: Qu'est-ce qu'il advient des entreprises qui ont des travailleurs autonomes? Moi, je suis journaliste; je suis autonome, pigiste, ça dépend de ce que le patron décide d'engager. Alors, lui échappe à la loi. Alors, c'est une question que je soulève. S'il y a une réponse, tant mieux, j'aimerais l'avoir.

M. Genest (Christian): Peut-être en complément de réponse à la première question que vous avez posée. Le paragraphe en question auquel vous faisiez référence, dans le mémoire, dans le sens qu'une intervention de l'Assemblée nationale était souhaitable, le constat que, nous, on faisait, c'est que, dans nos milieux respectifs, on constatait que tout le monde était en faveur de ça, la formation professionnelle. D'ailleurs, il y a un discours dominant dans la société à l'effet qu'on se doit d'investir dans notre main-d'oeuvre. D'un autre côté, on regardait, par exemple, la proposition des entreprises qui utilisaient les crédits d'impôt à cet effet puis on était un peu surpris à l'effet que si peu d'entreprises le faisaient. Du moins, c'est ce qui est ressorti de nos discussions à huis clos. Donc, à ce moment-là, nous, ce qu'on se disait, c'est que, si quelque chose est à ce point souhaitable, mais que personne ne le fait, à un moment donné, ça en prend un qui part le bal quelque part. Et, là, ça se trouve à être l'Assemblée nationale et, à ça, on dit bravo.

Mme Caron: L'an dernier, j'avais fait un sondage dans les différentes entreprises de mon comté sur ce qu'il fallait changer au niveau économique, et tout ça, puis j'avais une question sur la formation, si effectivement ils pensaient que c'était important, d'investir dans la formation professionnelle. Et, unanimement, tout le monde me répondait: Oui, c'est important d'investir dans la formation professionnelle. Quand j'arrivais à l'autre question: Est-ce que vous avez besoin de formation professionnelle dans votre entreprise? eh bien là, à 90 % on me disait: Non. Chez moi, on n'en a pas besoin, par exemple. Puis, si jamais j'en ai besoin pour un problème bien précis, je le ferai à ce moment-là. Et je pense que, quand je lisais votre mémoire et quand j'écoutais les autres intervenants aussi qui s'opposaient au projet de loi, c'est ça qui ressortait. C'est que, finalement, on dit: Oui, oui, c'est bien, mais pour un petit moment bien précis quand je vais penser que ça peut être rentable à ce moment-là. C'est pour ça que je trouvais que vous touchiez vraiment au coeur du problème. Alors, je vais laisser la chance à mon collègue de pouvoir poser une autre question.

Le Président (M. Facal): Oui, mais après le député d'Outremont parce que nous alternons. Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le député d'Outremont.

Mme Caron: Parfait.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. le Président. Je dois vous dire que j'ai pris connaissance du mémoire et de votre exposé avec beaucoup d'intérêt, et surtout des objectifs de votre mouvement. J'aurais peut-être quelques petites questions à vous poser. Lorsque vous dites que vous représentez une centaine de gens d'affaires, est-ce que vous pouvez me dire dans combien d'entreprises ces gens d'affaires travaillent? Est-ce que c'est dans une centaine d'entreprises ou moins d'entreprises? Et combien de ces entreprises ont une masse salariale supérieure à 250 000 $?

Mme Quenneville (Isabelle): En fait, la majorité de nos membres, à l'heure actuelle, il y a eu... Il faut dire que, depuis cinq ans, on a vécu des hauts et des bas; il y a des membres qui nous ont quittés, mais il y a des membres qui sont revenus et on a des nouveaux membres jusqu'à tout récemment. La majorité de nos membres, on les retrouve dans la grande entreprise, à l'heure actuelle. Par contre, on voit que, dernièrement, il y a eu une tendance à aller chercher des gens qui proviennent de la petite et moyenne entreprise. La masse salariale serait... Bien, c'est sûr que la masse salariale, étant donné qu'on la retrouve dans la norme de l'entreprise, ça dépasse les 250 000 $.

(20 h 50)

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'il y a plusieurs de vos membres qui travaillent dans la même entreprise? Est-ce que j'ai raison de dire que, si vous représentez une centaine de gens d'affaires, dont 75 % de jeunes dirigeants, donc on parle de 75 entreprises ou moins d'entreprises?

Mme Quenneville (Isabelle): Un peu moins d'entreprises.

M. Tremblay (Outremont): Un peu moins.

Mme Quenneville (Isabelle): Pas beaucoup moins, par contre, parce qu'on a des gens qui proviennent d'à peu près toutes les grandes boîtes de la région métropolitaine.

M. Demers (Sébastien): M. Tremblay, ce que je pourrais vous mentionner, c'est que, à ma connaissance, on en a peut-être trois du Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins, avec ses 45 000 employés, est un des grands employeurs... le plus grand employeur privé au Québec, puis on a peut-être deux ou trois, peut-être deux «partners», finalement, qui sont tous les deux là-dedans. Donc, à ce moment-là... Vous avez néanmoins un bon échantillon d'entreprises, ici, qui est représenté avec la CJD, définitivement.

M. Tremblay (Outremont): Vous mentionnez également que, sur la centaine de gens d'affaires, il y a 25 % d'étudiants en sciences de la gestion ou une discipline connexe. Alors, je trouve que c'est une excellente initiative, qui convient très bien avec les objectifs de votre mouvement. Est-ce que ces jeunes étudiants en sciences de la gestion ou d'une discipline connexe sont inquiets face à l'avenir, face aux possibilités d'emplois qui existent présentement?

M. Demers (Sébastien): Si je peux... Oui. Moi, je vous dirais définitivement oui. Ceux qu'on côtoie sont... Il y a un certain scepticisme, il y a une certaine inquiétude, c'est vraiment le terme, il y a une certaine inquiétude, à savoir: Bon, est-ce que je vais me placer? ou quoi que ce soit. Néanmoins, les gens qu'on côtoie, les étudiants qu'on côtoie dans le Centre des jeunes dirigeants sont peut-être animés d'une certaine fougue ou d'un certain désir de vaincre qui est peut-être non représentatif d'une moyenne, je dirais, au Québec. Ces gens-là sont conscients que l'employeur n'est jamais obligé d'engager qui que ce soit, à la limite, en ce sens que, si vous voulez être embauché par un employeur, c'est quelque chose qu'il faut comprendre, c'est: Pourquoi moi? Qu'est-ce que, moi, je peux apporter dans cette entreprise que, si je ne suis pas là, l'entrepreneur n'aura pas ou l'employeur n'aura pas? Les gens qui côtoient le Centre des jeunes dirigeants sont bien conscients de ça. Donc, ils donnent une valeur ajoutée, finalement, à leur personnalité. Le Centre des jeunes dirigeants leur offre un peu cette tribune-là.

Ce qu'Isabelle mentionnait tout à l'heure: De la formation dans le Centre des jeunes dirigeants, il y en a, il y en a hebdomadairement. Pourquoi? Bien, parce qu'on est un groupe relativement restreint, on se rencontre par petits groupes et on discute de ce qu'on vit quotidiennement. Donc, on apprend les uns avec les autres et on parle, là, vraiment de: J'ai offert tel niveau de pouvoir à mes employés. À partir de maintenant, c'est eux qui décident un peu des lignes d'affaires, ce qu'on pousse, ce qu'on ne pousse pas, la manière que je gère et ces choses-là. Donc, c'est définitivement de la formation. Et on se donne des trucs, ensemble, que ce soit de l'aide concrète au niveau de l'informatique, pour revenir sur cet exemple-là.

Pour revenir à votre question sur les étudiants, ces étudiants-là bénéficient de ça. Néanmoins, c'est vrai qu'il y a une certaine inquiétude. Qu'est-ce que le marché du travail... Finalement, quelle est la réaction du marché du travail qui m'attend? Oui, il y a une peur, là... On est 12, puis il me semble qu'il y a trois emplois, là. C'est toi ou moi, là. C'est vraiment ça.

M. Tremblay (Outremont): Certaines évaluations des connaissances requises pour intégrer le marché du travail au cours des prochaines années explicitent, de façon très claire, que 66 % des emplois vont nécessiter au moins un secondaire, que 50 % des emplois vont nécessiter au moins 17 années de formation. Combien de vos membres, gens d'affaires, là – je ne parle pas nécessairement des étudiants – ont 17 années de formation?

Mme Quenneville (Isabelle): Je dirais que c'est la majorité des membres qui a jusqu'à un baccalauréat en quelque chose et même, d'ailleurs... plutôt un faible pourcentage au niveau de la maîtrise, mais la majorité a un baccalauréat.

M. Tremblay (Outremont): À la page 8 de votre mémoire, lorsque vous parlez avec beaucoup de pertinence de la mondialisation des marchés, vous dites que la multiplication des compétiteurs, ça va conduire le monde occidental à une restructuration industrielle fondamentale. La députée de Terrebonne mentionnait tout à l'heure... et elle vous citait, à la page 11 de votre mémoire où vous dites: «L'absence de culture vouée à la formation continue rend souhaitable une intervention de l'Assemblée nationale.» Je dirais que la quasi-totalité des personnes qui ont présenté des mémoires est d'accord avec cet énoncé-là. Elles ne sont peut-être pas d'accord avec les modalités, mais elles sont d'accord avec l'objectif de la formation continue et d'une intervention de l'Assemblée nationale pour accélérer le processus de formation.

Par contre, d'autres intervenants, tant du côté patronal que du côté syndical, ont fait allusion – et j'aimerais vous entendre sur ces deux points spécifiques – au manque d'adéquation dynamique entre le milieu de l'enseignement et celui des entreprises. En d'autres mots, pour employer le terme de la présidente de la Centrale des enseignants du Québec, «synergie», il n'y a pas de synergie ou il y a un manque de synergie. Et on voudrait davantage que le milieu de l'entreprise devienne beaucoup plus présent dans le milieu de l'enseignement. Alors, premier point.

Deuxième point. Comment vous pensez que la ministre, avec toute sa bonne volonté, peut donner suite à son désir, à son ardent désir de favoriser l'emploi, alors que son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, quand on parle de restructuration industrielle, on devrait avoir au moins une stratégie industrielle... Est-ce que ça ne serait pas souhaitable que le gouvernement, en parallèle aux efforts qui vont être faits par la ministre pour favoriser la formation professionnelle, vous identifie de façon très claire les secteurs industriels où, à certaines conditions, vous allez pouvoir avoir accès éventuellement à un emploi permanent de qualité, donc une stratégie industrielle?

M. Genest (Christian): Peut-être que, par voie de conséquence, votre question a plusieurs volets. Je vais en couvrir quelques-uns et vous pourrez venir en additionnelle si j'en ai manqué. Dans un premier temps, au niveau de la synergie qu'il y a entre le milieu de l'enseignement et celui des entreprises, il faut croire que chaque secteur a une dynamique et une spécificité qui lui sont tellement propres que la seule chose que, à mon avis – mes collègues sont là-dessus – le milieu de l'enseignement peut faire, c'est de donner à chacun les éléments qu'il produit: une aptitude, premièrement, d'acquérir des connaissances; deuxièmement, de pouvoir se débrouiller quand il va rencontrer certaines situations, soit, bref, de donner des dénominateurs communs un peu à tout le monde.

Mais il est bien évident que l'université ou le système éducatif, premièrement, ne pourra jamais être à la remorque des entreprises, dans un premier temps, pour une raison très claire: il n'y a absolument rien que le système peut faire à l'heure actuelle pour fournir à l'individu ce que la culture de l'entreprise peut lui donner, par rapport à son milieu. Disons que – peut-être un peu pour ramener le tout, encore une fois, dans son contexte – il faut comprendre que, pour nous, dans le contexte où, nous, ce que nous disons, c'est que la main-d'oeuvre constitue toujours le principal actif de l'entreprise ou son principal capital... La raison pour laquelle on le fait, c'est qu'en bout de ligne, oui, l'individu comme tel va peut-être avoir accès à un emploi de qualité à long terme, d'accord, mais principalement en obligeant l'entreprise, de par sa propre culture, avec les valeurs qui lui sont propres, à investir dans sa main-d'oeuvre. Tôt ou tard, au niveau de la compétitivité, on va y gagner.

M. Tremblay (Outremont): Mais expliquez-moi, d'après vous, pourquoi il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Québec, 83 000 emplois. Ça veut dire qu'il y aurait une possibilité demain de créer 83 000 emplois s'il y avait des ressources humaines formées pour ces emplois-là. C'est à qui la responsabilité? L'entreprise, elle va former ses travailleurs. Mais, s'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, ce n'est pas parce qu'il y a une inadéquation entre le milieu de l'enseignement pour dire justement aux jeunes: Si vous voulez un emploi permanent de qualité, voici les secteurs où, à certaines conditions, on peut créer ces emplois-là.

(21 heures)

M. Genest (Christian): Alors, vous voyez, à l'heure actuelle, l'importance qu'il y a pour une entreprise qui a besoin de cette main-d'oeuvre, évidemment, d'investir pour se faire elle-même sa main-d'oeuvre. Je peux vous donner un exemple. Un des métiers qui correspondent à 100 % à l'exemple que vous mentionnez, c'est dans les compagnies pharmaceutiques, qui, à l'heure actuelle, ne sont pas capables de trouver de mécaniciens pour leurs lignes de montage. C'est un des exemples, entre autres. À l'heure actuelle, les entreprises sont obligées de former à même leurs fonds des mécaniciens pour leurs lignes de montage. Mais, entre vous et moi, une fois que vous avez un mécanicien pour votre ligne de montage, si vous l'engagez, par exemple, à 30 ans, si l'individu se rend jusqu'à 65 ans et que vous avez huit lignes de montage dans votre entreprise, ce n'est pas évident que vous allez pouvoir convaincre une entité de formation professionnelle de vous fournir à ce point autant de mécaniciens. Il y a un certain moment donné où... Même, d'ailleurs, cette machinerie-là, par exemple, étant désuète après un certain temps, nécessitant à l'entreprise de réinvestir dans sa main-d'oeuvre encore une fois pour faire face à des nouvelles réalités, pour faire face à de la nouvelle machinerie, c'est qu'à ce moment-là vous allez vous ramasser avec un milieu de l'enseignement qui va constamment être à la remorque de la réalité, qui va faire une course pour rattraper la réalité, alors que, fondamentalement, pour pallier à ces besoins-là, on doit demander à l'entreprise d'investir, à tout le moins dans sa main-d'oeuvre, pour former à court terme au moins la main-d'oeuvre dont elle a cruellement besoin.

M. Tremblay (Outremont): Sur le deuxième point, qui est complémentaire à celui-là, si le gouvernement a une stratégie industrielle et qu'on identifie les créneaux, ça change certains des propos que vous venez de mentionner, là. C'est pour ça qu'on ne peut pas, d'après moi, à mon humble avis, dissocier la formation professionnelle de l'éducation et d'une stratégie industrielle.

Le Président (M. Facal): Ce sera la dernière question de l'opposition, mais, si vous voulez réagir, je vous en prie.

M. Breton (Claude): Merci. Je répondrais aux deux questions, au manque d'adéquation et à la stratégie industrielle. Manque d'adéquation, oui, effectivement. Ça ne veut pas dire que ce projet de loi là est une condition nécessaire et suffisante à l'épanouissement du Québec et à la création d'emplois. Il va falloir faire quelque chose en éducation. Je pense que c'est clair, tout le monde s'entend au Québec: on a un gros problème en éducation. Donc, on a un projet de loi en formation professionnelle, mais il va falloir faire quelque chose en éducation également.

Stratégie industrielle. Nous, ce qu'on veut, là, c'est un projet de loi qui marche. Stratégie industrielle, ce qu'on a entendu dire, c'est qu'il y avait un des conseils de grappe qui s'incorporait parce que ça ne fonctionnait pas comme il faut. Stratégie industrielle, peut-être, mais le passé ne nous a pas démontré que ça a fonctionné. On n'est pas pour un État nécessairement interventionniste, on est pour un État qui prend des actions effectives qui fonctionnent demain matin. La stratégie des grappes industrielles, vous mentionniez 80 000 emplois qu'on pourrait créer. Ces emplois-là n'ont pas été créés durant les cinq dernières années. On a fait face à une récession d'ordre mondial; il faut suivre, il faut s'adapter. Alors, c'est ça. Stratégie industrielle, peut-être, mais pas ce qu'on a connu jusqu'à date.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, il reste une minute au groupe ministériel. M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, je vous félicite également pour l'excellent mémoire et la clarté, je pense, de votre mémoire. C'est très encourageant de voir des jeunes dirigeants exprimer un appui aussi clair et, même, vous auriez peut-être eu le goût d'aller plus loin dans le projet de loi comme tel.

Dans les mémoires qui ont été présentés, on parle souvent du rôle de l'entreprise, du rôle de la SQDM et aussi des responsabilités des intervenants qu'il peut y avoir, et surtout dans le comment on va donner la formation. Et un aspect aussi que vous n'avez pas touché dans votre mémoire, c'est l'aspect de la qualification. Et cet aspect-là, moi, je le trouve important. Alors, l'après. C'est bien beau de donner de la formation, mais, est-ce que ça correspond à des objectifs? Est-ce que ça a donné les résultats attendus? Je ne sais pas si vous vous êtes penchés un peu sur cet élément-là. Est-ce que vous pourriez nous donner, peut-être, quelques pistes qui pourraient être applicables relatives à l'évaluation après avoir donné la formation et aussi au suivi et aux résultats? Et puis à qui appartiendrait cette responsabilité-là, d'après vous?

M. Demers (Sébastien): Selon nous, la qualification... C'est évident qu'avec 1 % de la masse salariale, néanmoins, ça demeure un objectif très de base, en ce sens qu'il faut être conscient, malheureusement, qu'avec un tel projet de loi, s'il entre en vigueur, tous les employés n'auront pas le privilège de pouvoir bénéficier d'une formation dans la première année, la deuxième année ou même dans la troisième année. Il y a des employés, malheureusement, qui n'y auront pas accès. Ce qu'il y a d'intéressant, cependant, c'est que davantage d'employés y auront accès dans un premier temps. Et, encore là, de deux choses l'une: soit que l'employeur, pour des raisons, parce qu'il ignorait l'existence des crédits d'impôt, soit parce qu'il n'y croyait pas ou quelque raison que ce soit... Maintenant qu'il est encouragé à le faire, à ce moment-là, il ira de l'avant, donc il fera des recommandations.

La deuxième possibilité, c'est que des employés, qui, pour une raison x, n'étaient pas motivés, avaient peur d'être mal perçus auprès de leur employeur, d'encourager des coûts, des frais, des dépenses, vont aller dire: Écoute, j'ai eu écho que ça existe maintenant, qu'il faut que tu investisses dans la formation. Moi, je suis motivé, j'aimerais ça. Je l'aime, ma job, mais j'ai l'impression que, si je suis capable de faire ça, ça et ça, je vais être meilleur chez nous. Là, je vous donne un exemple très micro.

Si on le voit de façon macro, et ça répond également un peu à la question de M. Tremblay tout à l'heure, à ce moment-là, c'est que, si tout le monde devient un peu meilleur à moyen terme, on peut facilement anticiper qu'un individu qui, pour une raison x, est licencié d'une entreprise et se retrouve, à ce moment-là, sur le marché du travail, son c.v., il est plus épais, il est un individu plus compétent, il est capable de faire plus de choses. Donc, à ce moment-là, il devient plus intéressant pour une entreprise Y. Et, également, dans la même lignée, quand il est embauché parce qu'il est plus compétent, plus apte, plus adéquat à répondre aux attentes de cette entreprise-là, ce qui va arriver, c'est que, au lieu de prendre deux jours pour se former ou apprendre, en 30 secondes ou en un avant-midi, il devient performant, donc, d'où la productivité. On passe d'un exemple de micro à macro, on parle d'un Québec plus productif, un Québec, finalement, qui roule mieux. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au temps dont nous disposions. Alors, peut-être pour un mot de remerciement final de part et d'autre. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Merci de nous avoir présenté votre point de vue. Avec le mémoire que vous nous avez présenté, on peut vous considérer d'une manière définitive comme un groupe qui fait partie de l'ensemble des partenaires qui veulent, au Québec, un meilleur investissement du côté de la formation professionnelle, à n'en pas douter, comme tous les organismes qui sont venus devant nous. Il reste à s'entendre sur les moyens de faire avancer cet objectif et de dissiper un certain nombre d'ambiguïtés. On peut se déclarer, d'une manière, non interventionniste, c'est ce que j'ai entendu, on voudrait que l'État le soit le moins possible, mais, en même temps, on nous dit qu'on est pour le projet de loi 90 qui, lui, est une intervention très claire de la part du gouvernement dans le domaine. En tout cas, nous allons réfléchir à ce message-là et on va essayer d'en profiter pour les prochaines étapes.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je veux remercier le Centre des jeunes dirigeants. Je comprends que la philosophie qui vous inspire est celle en faveur d'une intervention de l'État, mais en défaveur d'une gestion par l'État. Alors, vous distinguez, je pense, très nettement l'intervention de la gestion et vous cessez de confondre les deux comme ce fut le cas dans la génération qui vous a précédés, et je crois qu'il y a là vraiment une façon nouvelle de voir l'État. Alors, il ne s'agit pas – comme on a entendu, là où vous êtes placés, des gens venir nous dire – que tout ce qui venait de l'État était mauvais, tout ce qui venait du privé était bon. Je n'avais pas entendu ça depuis 30 ans, ce discours-là, mais on dirait qu'il revient à la surface.

(21 h 10)

À l'inverse, il n'y a plus personne qui prétend que tout ce qui vient de l'État est bon puis tout ce qui vient du privé est mauvais. C'étaient, finalement, les discours manichéens d'il y a longtemps. Et, vous, je pense, vous allez être la génération qui va être capable de – comment pourrais-je dire, donc – renouer avec une nouvelle conception de l'État et qui va à la fois faire reconnaître le rôle qu'il peut jouer, sans, par exemple, lui donner tout le rôle. Alors, je vous en remercie.

Le Président (M. Facal): Alors, merci beaucoup à nos invités.

J'inviterais les parlementaires à reprendre leur place afin que nous puissions procéder avec le groupe suivant. J'inviterais les représentants de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec à bien vouloir prendre place. Alors, comme les représentants de l'APCHQ n'en sont certainement pas à leur première commission parlementaire, je ne rappellerai pas longuement les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivie d'un échange de 40 minutes divisées en deux tranches égales de 20 minutes avec, d'une part, le groupe parlementaire formant le gouvernement et, d'autre part, l'opposition. Alors, si nos invités veulent bien commencer par présenter la composition de leur délégation et, ensuite, entreprendre la présentation de leur mémoire.


Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ)

M. Meunier (Jean-Marie): M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, députés et membres de cette commission, bonsoir. Mon nom est Jean-Marie Meunier, je suis président de l'APCHQ. Permettez-moi d'abord de vous présenter Mme Maureen Flynn, qui est la porte-parole de l'APCHQ à la table des négociations résidentielles. Je vous présente également nos experts: M. Michel Lessard, directeur des relations de travail, ainsi que M. Serge Crochetière, conseiller juridique auprès de l'APCHQ.

Mesdames, messieurs, merci, d'abord, dans un premier temps, de nous recevoir et de nous permettre de nous faire entendre. Vous allez nous permettre d'aller directement au but, pas par quatre chemins, pour vous donner ce qui nous fatigue, ce qu'on voudrait voir corrigé dans le projet de loi 90, je vous le dis d'emblée, même si l'APCHQ souscrit à l'idée d'augmenter la formation en entreprise au Québec.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi 90 est inacceptable pour les constructeurs et rénovateurs d'habitations. Un seul mot vous permettra de comprendre pourquoi il est inacceptable, c'est le mot «secteur». Il est en effet bien connu que l'APCHQ a toujours fait valoir la spécialité du secteur résidentiel si on le compare aux quatre autres secteurs de la construction. Or, les efforts de l'APCHQ ont commencé à porter fruit depuis deux ans. Tant la loi 142 que la loi 46 ont reconnu que la construction et la rénovation d'habitations avaient des activités suffisamment différentes des autres secteurs d'activité de la construction pour leur permettre d'évoluer dans un régime de relations du travail qui permettrait de tenir compte de ces différences. La loi 46, qui est venue remplacer la loi 142, mise sur la responsabilisation des parties. Dans ce nouveau contexte, l'APCHQ souhaite que la formation des travailleurs demeure une matière de négociation sectorielle, comme la Loi sur les relations du travail en fait mention. Par ailleurs, le secteur résidentiel se distingue des autres secteurs de la construction par le fait que ses entreprises sont de petite taille. De fait, si les entreprises que nous représentons n'évoluaient pas dans la construction, elles ne seraient pas, pour la plupart, touchées par le projet de loi 90.

À notre humble avis, donc, Mme la ministre, la reconnaissance politique d'une réalité économique et technologique doit se poursuivre et s'appliquer à la formation des salariés, comme la Loi sur les relations du travail le prévoit expressément. La formation, que ce soit celle des salariés ou celle des entrepreneurs, doit se faire dans le respect de la nature des entreprises et, donc, en fonction des besoins des secteurs.

Par ailleurs, selon notre compréhension, le projet de loi 46 laisse à la CCQ la possibilité de créer un deuxième fonds de formation. C'est hors de question. Les employeurs de la construction souscrivent déjà à un fonds de formation. Cela leur coûte 0,01 $ l'heure, même si ce sont, la plupart du temps, de très, très petites entreprises, ce qui équivaut à plus ou moins 1 % de leur masse salariale. Mais, parce que ce fonds ne reconnaît pas la spécificité sectorielle du résidentiel et parce qu'il a été mis en place sans l'objet d'une entente entre les salariés et les employeurs, l'APCHQ a demandé et obtenu des tribunaux que les sommes recueillies soient gelées.

Je vous prie de me croire, l'APCHQ et ses membres n'ont jamais voulu dire qu'il n'y avait pas de place pour la formation dans notre industrie, bien au contraire. Nous sommes prêts à nous entendre avec la partie syndicale pour que des sommes soient investies dans la formation des travailleurs du résidentiel, à condition que la formation soit bénéfique non seulement pour les travailleurs, mais également pour les entreprises, et ce, même si les autres petites entreprises du Québec n'ont pas à le faire en vertu de votre projet de loi. Mais, de là à accepter que la CCQ, comme le laisse croire votre projet de loi, ait le pouvoir de créer un deuxième fonds de formation, il y a une marge, Mme la ministre. À nos yeux, la CCQ peut administrer ce qui résulterait d'une entente avec nos vis-à-vis syndicaux sur la question de la formation, mais elle ne peut pas et ne doit pas nous imposer les modalités de la formation.

Mme la ministre, les salaires sont déjà surtaxés dans la construction. Il faut ajouter en effet 45 % au taux horaire de base pour obtenir le coût réel des salaires, 45 %, Mme la ministre, alors que la majorité des travailleurs du Québec ont des avantages sociaux qui coûtent moins de 20 % du salaire de base. Je vais vous faire une petite équation, sans même avoir besoin d'une calculatrice. Si on ajoute 45 % à un taux horaire de 22,60 $, savez-vous ce que ça donne? Ça donne beaucoup de travail au gris et beaucoup de travail au noir, tout simplement. Quand votre projet de loi sera révisé, Mme la ministre, l'APCHQ souhaite ardemment que la formation de tous ceux qui ont une carte de compétence et qui oeuvrent dans le résidentiel soit le fruit d'une entente patronale-syndicale du résidentiel. La CCQ pourrait être chargée de ce qui résultera d'une telle entente du résidentiel, nous en convenons, mais, de grâce, ne laissez à personne le pouvoir d'ajouter quoi que ce soit aux charges sociales que nous avons déjà à supporter.

Si nous pouvons convenir, vous et moi, Mme la ministre, que le résidentiel a besoin de formation, nous pouvons aussi convenir que le Québec n'a pas besoin de mesures qui favoriseront le travail au gris et le travail au noir. Mme la ministre, respectez l'esprit de la Loi sur les relations du travail, faites en sorte que la formation soit le fruit d'une entente sectorielle et qu'elle n'inflige pas de coûts supplémentaires à notre industrie.

J'aimerais demander, maintenant, à Mme Flynn d'ajouter des détails à notre présentation.

Mme Flynn (Maureen): Bonsoir. L'APCHQ souhaite vous démontrer que, si le projet de loi 90 est adopté tel quel, les entrepreneurs du secteur résidentiel ne pourront assumer la facture proposée et la transférer aux consommateurs. Les objectifs du projet de loi 90 ne pourront être atteints dans le secteur résidentiel, puisque l'adoption de mesures pour favoriser la formation professionnelle des nouveaux travailleurs et des travailleurs actuels serait définie dans un cadre global éloigné de la réalité du secteur résidentiel, éloigné de l'entrepreneur et du travailleur qui oeuvrent dans le secteur de l'habitation. Pour réussir, pour atteindre les nouveaux objectifs proposés dans le projet de loi 90, nous vous proposons de maintenir l'approche sectorielle retenue au projet de loi 46. Nous vous proposons de laisser aux représentants syndicaux et patronaux du secteur la responsabilité d'identifier leurs besoins, de les prioriser et d'adopter des mesures efficaces qui favoriseront réellement l'emploi, le réemploi, l'adaptation et la mobilité de leur main-d'oeuvre.

(21 h 20)

Nous entamons la négociation d'une première convention collective pour le secteur de l'habitation. Pour l'APCHQ, la formation professionnelle des travailleurs en milieu de travail est un élément important à promouvoir. La formation professionnelle est une solution pour améliorer l'emploi, le réemploi, l'adaptation de notre main-d'oeuvre. Dans un contexte où le marché de l'emploi dans le secteur résidentiel s'est passablement transformé au cours des dernières décennies, le nombre d'unités à bâtir a effectivement diminué de façon drastique, passant en moyenne de 50 000, annuellement, dans les années soixante-dix à maintenant 30 000, en moyenne, pour la décennie quatre-vingt-dix. La baisse d'unités à bâtir conjuguée à la progression de la préfabrication et à la diminution de la capacité de payer du consommateur a transformé les perspectives d'emplois et les façons de bâtir dans le secteur résidentiel. Le secteur résidentiel a ses propres besoins, et une politique de formation professionnelle efficace doit répondre à ces besoins et doit être adaptée aux types de chantiers, au profil des entreprises et à l'organisation du travail qui caractérisent le secteur résidentiel.

Examinons maintenant d'un peu plus près ce qui distingue le secteur résidentiel des autres secteurs dans l'industrie de la construction. Au niveau du profil des employeurs, 60 % des entreprises ont une masse salariale inférieure à 25 000 $ annuellement; 95 % ont une masse salariale inférieure à 250 000 $ dans le secteur résidentiel. L'implantation de toute mesure pour financer la formation professionnelle dans le secteur résidentiel doit se faire en tenant compte de la masse salariale de nos entreprises, et ce, au même titre que les entreprises qui oeuvrent dans d'autres industries que la nôtre. Alors que le projet de loi 90 reconnaît une distinction en fonction de la taille des entreprises, ce même projet de loi, selon notre lecture, pourrait entraîner, pour les employeurs du secteur résidentiel, le versement de deux contributions aux fins de la formation professionnelle: d'une part, une contribution à la CCQ, et une autre en vertu de la convention collective. De plus, la Commission, la CCQ, pourrait imposer une contribution sans limite et sans distinction quant à la taille des entreprises, aux besoins financiers de chaque secteur et à la capacité de transférer ces coûts additionnels aux consommateurs, capacité, évidemment, qui diffère grandement d'Hydro-Québec, des gouvernements et des grands donneurs d'ouvrage des autres secteurs.

Le lien d'emploi également doit être examiné dans le secteur résidentiel lorsque l'on parle de formation professionnelle. Il se distingue par sa permanence, par un lien d'emploi plus stable. En effet, selon des données recueillies, en mars 1995, auprès de 934 employeurs, les travailleurs comptaient en moyenne près de sept années de service continu au sein de l'entreprise, étant employeurs en moyenne depuis 12 ans, alors que, dans d'autres secteurs, tel que le secteur industriel, on sait très bien que les entreprises se promènent d'un coin à un autre dans la province et, donc, changent régulièrement leur main-d'oeuvre, et la stabilité est beaucoup moins évidente. Et 92 % des employeurs consultés en mars dernier ont déclaré oeuvrer d'une année à l'autre avec le ou les mêmes salariés. Cette continuité dans l'emploi dans le secteur résidentiel au niveau d'une entreprise est un élément qui peut jouer favorablement dans l'implantation d'une politique de formation sectorielle en milieu de travail, particulièrement pour relancer le compagnonnage dans notre secteur, compagnonnage qui s'exécute actuellement sur les chantiers de construction, mais dont l'encadrement ne colle pas à la réalité des tâches exécutées. Tous le dénoncent depuis des décennies: le système d'apprentissage est déficient, le système de qualification est déficient, il faut réajuster tout le cadre de l'apprentissage.

Le type de métier aussi n'est pas le même d'un secteur à un autre. Dans la construction résidentielle, on retrouve prioritairement des charpentiers menuisiers, des électriciens, des tuyauteurs, certains manoeuvres, des briqueteurs et des peintres. Le type de métier et le type de tâches qu'ils exécutent dans le secteur doivent être pris en compte pour définir une politique qui répondra réellement aux besoins de perfectionnement et de recyclage du secteur. L'identification et la priorisation de ces besoins ne doivent pas être retardées ou noyées en faveur d'un autre secteur, tel que proposé dans votre projet de loi. Certains métiers ne viennent jamais travailler dans le secteur résidentiel, tel le chaudronnier, qui oeuvre essentiellement dans le secteur industriel. Plusieurs y participent rarement, et, ce qui est très important à retenir, il y a d'autres métiers qui oeuvrent essentiellement dans d'autres secteurs, et le coût de leur formation professionnelle est nettement supérieur à celui de la plupart des métiers qui oeuvrent dans notre industrie.

Et, quand on parle de priorisation des besoins, ne serait-ce qu'un électricien... Mais, quand on regarde un électricien dans le secteur résidentiel, on pense domotique; quand on parle d'un électricien dans le secteur industriel, on pense robotique. Chaque secteur a des besoins distincts. Laissez-nous, au niveau de chacun de nos secteurs, identifier nos besoins, les prioriser, et ce, avec la partie syndicale.

Alors, ce qu'on vous propose... Évidemment, il nous reste cinq minutes... Également, je veux souligner la préfabrication, elle augmente, elle grandit. Évidemment, pour diminuer les coûts, que ce soit l'unité de maison complète ou des composantes qui entrent dans l'industrie... Ça a entraîné une multitude de spécialités, de spécialisés qui participent à la construction. Toute la réglementation dans l'industrie n'a pas été ajustée en fonction de ça. Alors, il faut que l'on regarde au niveau du secteur. On n'a pas le même profil de l'emploi, on n'a pas la même organisation du travail que dans le secteur industriel ou le secteur génie civil. Alors, essentiellement, ce qu'on vous propose pour que la formation professionnelle soit vraiment une réussite, c'est de laisser aux parties qui représentent le secteur résidentiel, qui sont près de leur réalité, la possibilité de définir des mesures et des programmes, et ce, dans un cadre global, c'est-à-dire dans le cadre de leur convention collective, et que la CCQ puisse les administrer selon les paramètres fixés par les parties.

À titre d'exemple, pour terminer, il y a peu de temps, des parties se sont entendues pour créer un fonds de soudure dans leur convention collective. Elles ont déterminé les besoins, les besoins financiers, les modalités et ont mandaté la CCQ de l'administrer. C'est une réussite parce que ça vient des parties. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Flynn. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Meunier. Il est président, je pense, depuis le mois de janvier ou février, ou décembre dernier...

M. Meunier (Jean-Marie): Novembre.

Mme Harel: Novembre, lors du dernier congrès. Mais je comprends, M. Meunier, que c'est votre première commission parlementaire à titre de président.

M. Meunier (Jean-Marie): Oui.

Mme Harel: C'est bien le cas, hein? Et je comprends, Mme Flynn, que vous êtes négociatrice en chef...

Mme Flynn (Maureen): Oui.

Mme Harel: ...du secteur résidentiel dans le cadre des négociations qui se poursuivent présentement.

Mme Flynn (Maureen): Actuellement, oui.

Mme Harel: Je vous en félicite. Vous ne devez pas être très nombreuses?

Mme Flynn (Maureen): Non. Pas tellement, non.

Mme Harel: Et M. Bernier et M. Lessard. Alors, écoutez, nous entendrons cette semaine les porte-parole de l'AECQ, qui ont demandé à être entendus, et, s'il y a un désistement au cours de la semaine, nous entendrons également ceux de l'ACQ, l'Association de la construction du Québec. Vraiment, ce n'est pas simple, d'une certaine façon, là, tout ce qui entoure la construction. Parce qu'à la lecture de votre mémoire il m'apparaissait qu'il vous semblait de façon très évidente que la loi 46 avait attribué de façon quasi exclusive la question de la formation professionnelle aux associations sectorielles. Et puis, finalement, une relecture des dispositions actuellement en vigueur m'amène à comprendre que, d'une part, dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, l'article 85.3 de la loi R-20 confie à la Commission de la construction du Québec la responsabilité d'élaborer des programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre de l'industrie, après consultation du Comité sur la formation professionnelle de l'industrie de la construction, communément appelé le CFPIC.

(21 h 30)

Et, d'autre part, toujours en vertu de la loi R-20, à l'article 4, paragraphe 5°, la loi précise que la Commission de la construction du Québec a notamment pour fonction de veiller à l'application des mesures et programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre de l'industrie. Donc, je comprends qu'en vertu de la loi proprement dite c'est à la Commission de la construction du Québec que la loi de portée générale confie la responsabilité d'élaborer des programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre dans l'industrie et que cette responsabilité lui est confiée après consultation d'un comité de formation professionnelle qui est paritaire.

Nous avons eu une représentation, ici, la semaine passée à l'effet de modifier l'article 10 du projet de loi, qui porte sur le secteur de la construction, pour confier à la commission de la formation professionnelle, le CFPIC, plutôt qu'à la CCQ la responsabilité en matière de formation professionnelle. J'aimerais vous entendre là-dessus, si vous avez un point de vue. À choisir, est-ce que ce serait plus la Commission de la construction du Québec, qui est devenue tripartite, ou le CFPIC, qui est resté paritaire?

Vous, ce que vous nous dites, c'est rien de ça. Vous nous dites, dans le fond, que ce que vous voulez, c'est qu'il y ait obligation. Vous n'êtes pas contre l'obligation. Je vous rappelle que vous en faites beaucoup plus que le 1 %. Présentement, en vertu d'une annexe ajoutée dans le décret au début de l'année 1993 par le précédent gouvernement, ce sont tous les employeurs de tous les secteurs qui sont tenus de verser pour tous leurs salariés l'équivalent de 0,20 $ l'heure. C'est bien plus que le 1 %, ça, hein? C'est beaucoup plus que le 1 %. Mais ça c'est ramassé dans un fonds qui est l'objet d'une contestation judiciaire, pour une injonction que votre association a levée, et c'est un héritage qu'on a à gérer, ça. C'est l'objet, si vous voulez... Ça nous est venu d'avant, ça, mais il reste que quelle qu'en soit la conclusion, que ce soit par la voie judiciaire ou que ce soit par une entente hors cour, quoi qu'il en soit, nous, on n'a pas touché à ça dans le projet de loi.

Nous, dans le projet de loi, à l'article 10, on a dit ceci, et je le lis: «Les contributions payées par un employeur de l'industrie de la construction à un fonds de formation professionnelle administré par la Commission de la construction du Québec en application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction sont prises en compte dans le calcul de sa participation au développement de la formation professionnelle.»

Ça veut donc dire qu'on part du 1 %, c'est une obligation qui est faite d'investir 1 %. Le comment, c'est laissé à l'entreprise, ça. Alors, cette obligation-là, on se dit: Oui, mais, dans la construction, ils en font déjà plus que ça. Oui, ils en font plus que ça, sauf que c'était dans une annexe de décret. Le décret est échu. Maintenant, ça va être négocié et on n'en sait pas le sort, finalement. Alors, ce que l'on dit, c'est simplement ceci. Les contributions qui seront payées à la CCQ, peut-être seront-elles plus que le 1 %; déjà, vous en faites plus à 0,20 $ l'heure. D'autant plus, comme vous le mentionnez – et je suis très contente du portrait que vous nous en tracez – bon nombre de vos entreprises ne seraient pas assujetties au 1 %. Alors, l'article 10 ne s'applique qu'à celles qui le sont. Parce que ce que le 10 dit: «...sont prises en compte dans le calcul de sa participation au développement de la formation professionnelle. Elles sont, à cette fin, assimilées à des dépenses de formation professionnelle admissibles.»

Alors, ça dit ceci: La CCQ, en vertu de la loi R-20, a la responsabilité d'élaborer des programmes, donc on lui confie le fait que, s'il y a des contributions qui sont payées, ça va être considéré comme l'équivalent pour celles des entreprises qui, autrement, auraient été assujetties, l'idée n'étant pas de faire deux fonds, justement, l'idée étant de dire: Ce que vous payez, à ce moment-là, vous avez simplement, pour les fins du 1 %, à considérer que c'est payé pour les fins du 1 %. On n'ajoute rien du tout aux charges sociales que vous avez déjà à supporter, on en prend compte; on le prend en considération, justement. On dit: Parce qu'ils le paient, on ne leur chargera pas en double. C'est ça que ça dit, l'article 10.

M. Meunier (Jean-Marie): J'aurais seulement un point. Je pense que ce n'est pas ça notre inquiétude, là. Notre inquiétude, ce n'est pas tellement à savoir quel montant, à qui on va payer. C'est pas non plus de vouloir se débarrasser en pensant qu'on va payer à la Commission de la construction ou qu'on va payer à une autre formation. Ce qu'on veut, c'est le choix que l'entreprise avec les syndicats vont décider de faire pour appliquer la loi du 1 % qu'on respecte, même si nos entreprises sont plus petites. Le choix qu'on va décider de faire, on veut que ce soit l'industrie qui décide des programmes de formation et non de donner l'argent à quelqu'un d'autre qui va nous dire quels programmes de formation on va devoir appliquer. L'industrie du résidentiel, depuis trop longtemps...

Mme Harel: M. Meunier, excusez, c'est vrai, mais ce quelqu'un d'autre là, c'est un peu vous aussi. Par exemple, vous siégez à la fois à la Commission de la construction puis au CFPIC.

M. Meunier (Jean-Marie): Mme Harel, depuis le début, depuis longtemps, on siège à la Commission de la construction dans un groupe d'entrepreneurs qui regroupe quatre secteurs. On a toujours été minoritaires, ce qui a fait que la loi 142 a dû être appliquée avec des pressions. La guerre de notre secteur qui se bat pour avoir sa propre identité depuis plusieurs années, ça continue. Quand vous nous dites: Vous allez être délégués, on est délégués sans pouvoir de majorité, sans pouvoir de décision puis, comme dans les anciens décrets ou les anciennes conventions, on va se faire imposer des normes, on craint de se faire imposer des normes de formation qui ne sont pas du tout adaptées au secteur résidentiel. Même si on a été consultés, être consulté, Mme Harel, dans l'industrie du résidentiel, dans le milieu de la construction, depuis 10 ans, là, puis être écouté, on sait, nous autres, que ça fait deux choses. Ça fait que c'est ça, notre inquiétude, ce soir.

Mme Harel: Oui. Au départ, on se dit une chose: ce n'est pas l'obligation du 1 % qui vous inquiète, vous en faites plus que ça. Aussi, il faut reconnaître que, en vertu de la R-20, c'est la CCQ qui a cette responsabilité-là.

M. Meunier (Jean-Marie): On veut, si on a décidé avec les syndicats qu'on mettait 1 % puis qu'on a décidé avec les syndicats quel genre de formation on faisait... On est bien prêts à admettre que le mandat de surveillance et d'application de ce qu'on veut qui se fasse de formation et du paiement soit géré, contrôlé par la CCQ, parce que ça prend quand même un organisme total qui va gérer ça, mais ce qu'on ne veut pas, c'est que la CCQ nous dise où on va dépenser les sommes d'argent puis quels programmes de formation on va mettre en place. Je ne sais pas si tu as de quoi à ajouter, Serge.

M. Crochetière (Serge): Si vous permettez juste qu'on vous fasse part de notre lecture de la loi et de notre compréhension, ça pourrait peut-être chasser certaines ambiguïtés. Actuellement, vous l'avez mentionné tantôt, il y a déjà un fonds de 0,20 $ l'heure qui est imposé à l'ensemble de l'industrie, indépendamment du secteur. Or, déjà, ce 0,20 $ nous assujettit à une contrainte plus grande que les autres employeurs des autres secteurs, puisque jamais on ne va atteindre les 250 000 $ de masse salariale pour l'ensemble. Mais on a ça. On dit: D'accord – M. Meunier le disait tantôt – notre objectif, en gelant ce fonds-là, n'est pas de nier un besoin de formation, mais de nier que ces fonds-là soient affectés à d'autres priorités que celles qui sont les nôtres.

En plus de ça, si on prend le projet de loi tel qu'il est présenté, l'article 52, qui modifie l'article 123.1 de la loi, vient donner à la CCQ – du moins, c'est notre lecture – le pouvoir de créer une autre taxation pour la masse salariale et de déterminer l'utilisation de ces fonds-là. Or, on dit: On a déjà une entente négociée qui ne nous reconnaît pas comme secteur, qui nous charge 0,20 $, donc, qui nous taxe plus que tous les autres secteurs industriels du Québec et, en plus, la CCQ pourrait, elle, imposer une deuxième taxation ou un second fonds qui viendrait s'ajouter sans que, encore une fois, nos priorités soient respectées.

Lorsque vous dites, Mme la ministre, que l'article 10 de la loi reconnaît que les entreprises taxées pourraient le déduire du 1 %, c'est vrai pour celles qui, autrement, l'auraient payé de toute façon, mais, pour celles qui ne l'auraient pas payé, c'est une surtaxe.

Alors, toute notre présentation, à partir de cette lecture-là de la loi, c'est de dire: Il est inconvenant pour nous qu'on soit taxés plus que les autres et qu'on n'ait pas notre mot à dire sur nos besoins et nos priorités. À partir de là, notre demande qu'on vous formule, c'est de dire: Écoutez, on est prêts à le négocier avec nos vis-à-vis à la table sectorielle; on va déterminer ensemble des fonds, ils seront gérés par la CCQ s'il le faut, et ça ne vient pas non plus modifier les pouvoirs du CFPIC de déterminer l'encadrement global d'un métier, mais il y a une différence entre l'encadrement global d'un métier et les besoins spécifiques d'un secteur.

(21 h 40)

Tantôt, Mme Flynn vous faisait remarquer, juste au niveau des électriciens, la différence entre l'apprentissage de la robotique ou de la domotique pour le même électricien. La même chose pour les charpentiers-menuisiers; si vous prenez le métier de charpentier-menuisier chez nous, ce n'est pas le même que dans l'industriel ou le commercial. Le gars qui est charpentier-menuisier dans le coffrage d'un douzième étage ne fait pas la même chose que le gars qui coule du coffrage de béton pour une fondation ou qui fait le «rough» d'un bungalow, d'accord?

Ces besoins-là et cette formation-là, tenant de la préfabrication qui est de plus en plus répandue, vont nécessiter un apprentissage particularisé pour le secteur de l'habitation. Et la crainte que M. Meunier disait: On a toujours été noyés par les autres secteurs... Alors, si on ne peut pas négocier et déterminer nous-mêmes les besoins prioritaires, c'est peine perdue de nous taxer.

Mme Harel: Donc, je comprends qu'il y a deux aspects: celui du fonds et celui, ensuite, du plan de formation. Celui du fonds, dégageons-le d'abord avant de revenir au plan de formation qui pourrait être distinct par secteur. C'est ce que je comprends que vous souhaitez. Parce que le fonds comme tel, je comprends qu'il puisse y avoir peut-être une difficulté d'interprétation, mais le fonds, il ne s'agit pas d'en avoir un deuxième. Il s'agit de considérer ce qui est décidé par l'industrie aux fins de la formation comme équivalant au 1 %. Parce que, ce que vous décidez, vous l'avez déjà décidé pour beaucoup plus que ce que, nous, on va imposer.

Alors, l'idée, c'est de dire que le 1 % qui est appliqué l'est à travers le Québec tout entier, l'est de la même façon, mais, vous, dans l'industrie de la construction, vous vous êtes imposés plus encore. Et c'est de ne pas vous empêcher d'en faire plus parce que c'est au moins 1 %; si vous voulez en faire plus, c'est vous qui le décidez. Ce n'est plus le gouvernement qui le décide parce que ça va être, donc, dans vos dispositions négociées.

Ceci dit, ce 1 %, il est versé à la CCQ, dans le projet de loi, en vertu de l'article 10. Vous, ce que vous nous dites, c'est: Il faudrait des plans de formation différents parce que le marché du travail n'est pas le même. C'est ça que je comprends. En d'autres termes, ce n'est pas l'idée de verser le 0,20 $ l'heure que vous remettez en question.

Mme Flynn (Maureen): Il y a deux éléments. Et, ne serait-ce que pour reclarifier encore l'application de la loi... Parce que, quand même aussi, à l'article 47 de votre projet de loi, vous amendez l'article 4.9 de la loi actuelle dans l'industrie de la construction, qui donne déjà un pouvoir à la Commission d'administrer tout fonds que les parties jugent utile aux fins de formation. D'ailleurs, ce pouvoir-là a été ajouté à la Commission pour pouvoir administrer les fonds de soudure et le fonds de formation actuel dans la convention collective.

En plus, on précise, dans votre projet, qu'elle aurait en plus le pouvoir d'administrer tout fonds de formation institué par un règlement pris en application du paragraphe 12.1. Alors, pour nous, vraiment, vous donnez un pouvoir réglementaire à la Commission d'imposer à l'industrie un fonds de formation distinct de tout fonds que les parties pourraient impliquer entre elles.

On comprend très bien que l'article 10 actuel de votre loi permet de prendre en compte les contributions versées par les employeurs – dans le secteur ça touche à peu près 5 %, dans d'autres secteurs ça touchera plus d'employeurs – et de rendre ces contributions-là admissibles. On est tout à fait d'accord avec ça, on comprend bien. Mais notre lecture actuelle... D'autant plus que vous prévoyez deux types de fonds distincts, dans les pouvoirs de la Commission: un qui est vraiment des fonds que les parties jugent nécessaires et, comme je vous le disais tantôt, c'était issu d'une négociation, ça avait été convenu entre la partie syndicale et la partie patronale; et, en plus, il y a un fonds réglementaire. Alors, pour nous, c'est notre lecture à l'heure actuelle. On est heureux d'entendre, évidemment, de votre part, que votre volonté n'est pas d'implanter deux fonds.

J'aimerais ajouter un autre élément. Le CFPIC est un comité aviseur, il n'est pas un comité décideur en matière de formation professionnelle. La Commission de la construction a effectivement des pouvoirs et des mandats en formation professionnelle depuis 1986. Elle a été très active dans le développement de la formation en milieu scolaire, dans la révision des devis de formation pour chacun des métiers, pour permettre l'entrée des travailleurs, qu'ils aient un bon programme de formation avant d'entrer sur le marché du travail.

Ce qu'on vous propose, c'est, une fois que les gens sont rentrés sur le marché du travail, de laisser les secteurs prioriser leurs besoins. La qualification resterait à la CCQ. Les parties se sont déjà prises en main. Le secteur résidentiel a effectivement contesté le Fonds parce qu'il n'avait pas été consulté et qu'il faisait fi de ses besoins. Quand vous êtes quatre secteurs représentés à une table et, en plus, vous n'êtes pas décideur, de toute évidence, les particularités de chacun des secteurs sont laissées pour compte. On globalise.

Et on va plus loin. On négocie une première convention collective dans le secteur résidentiel. Il y a des changements, évidemment, majeurs qui sont attendus. On veut trouver des solutions innovatrices pour stimuler l'emploi, maintenir une concurrence loyale pour nos entreprises, trouver une convention collective qui va être respectable pour les entrepreneurs et les travailleurs du secteur. On pense que la formation professionnelle est une avenue qu'on aimerait examiner. Et on ne veut pas non plus être limités à une seule source de financement qui serait l'imposition d'une contribution et d'un fonds.

Mme Harel: Je pense qu'il y a un malentendu, dans la mesure, justement, où l'article 10 de la loi dit clairement que toute contribution qui est versée peut équivaloir à ce qui est imposé – ça, c'est l'article 10, en fait – le principe étant qu'il n'y a pas une double taxation ou une double charge, étant donné que l'un peut équivaloir à l'autre. Dans le pouvoir réglementaire, ce que j'en ai compris, c'est que, comme les 0,20 $ l'heure... si vous allez au libre consentement des parties, c'est négocié ça. Ça le sera dorénavant. Avant, c'était décrété, mais, là, maintenant, ce sera négocié.

On ne peut pas ne pas prévoir possible que les parties décident que ce n'est pas leur priorité une année. Si ça l'est lors d'une négociation, ça pourrait ne plus l'être la fois d'après, etc., ce qui fait qu'on doit quand même prévoir nécessaire, si tant est que cela le devienne, qu'il y ait le prélèvement du 1 % ou l'obligation de l'investir autrement, à défaut de quoi, vous savez ce qui arrive. Notre objectif, ce n'est pas, d'aucune façon, de constituer des fonds, notre objectif, c'est de faire investir de l'argent dans la formation. À défaut de quoi, si ce n'était pas là, c'est dans le fonds général de la SQDM que ça se serait retrouvé. Et, moi, dans le fond, c'était pour, d'une certaine façon, mettre à l'abri, si vous voulez, l'industrie de la construction que ce pouvoir réglementaire se retrouve, sinon, pour les entreprises qui ne le verseraient pas, si ce n'était pas l'objet d'un dispositif de la convention, après que les négociations soient terminées et la convention signée... Eh bien, l'entreprise serait obligée de s'en acquitter, si elle ne l'avait pas dépensé, en l'envoyant dans le fonds général. Alors, c'est pour ça que le pouvoir réglementaire est là. Mais on peut regarder ça.

Puis ce que je vais demander, puisque les avocats qui ont travaillé à la rédaction du projet de loi, qui venaient de la SQDM, ont travaillé avec ceux de la Commission de la construction du Québec, je vais leur demander de prendre contact avec vous pour bien clarifier ça.

Moi, ce que je retiens – je termine là-dessus parce que le temps est terminé, m'a-t-on bien indiqué – ce que je conclus, c'est que ce n'est pas sur le fait d'investir, au contraire. Vous l'avez dit, toute l'industrie a été très active en matière d'apprentissage et de devis de formation pour les apprentis. Là, vous voulez l'être pour le recyclage et le perfectionnement. Et ce que vous souhaitez, c'est de le faire dans le cadre de plans de formation différents par association sectorielle. C'est ça que je retiens, moi.

M. Meunier (Jean-Marie): Disons que votre souci de mettre à l'abri à la CCQ l'argent de la construction, c'est très bien, mais, nous autres, on vous demande: En plus, mettez-le à l'abri dans quatre compartiments.

Le Président (M. Tremblay): Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, je vais remercier les représentants de l'APCHQ d'avoir soulevé des questions particulières à leur industrie. En effet, nous avions déjà pris connaissance de cet article 10 et puis de certains autres articles qu'on a mentionnés tout à l'heure, 47, 52, et nous avions bien hâte de voir ce qu'en pensaient les gens qui vivent ces réalités, ces réalités qui sont complexes à moins d'être né avocat ou né dans la construction et en bonne position dans les structures représentatives, parce que c'est assez difficile à suivre.

Néanmoins, je ne sais pas si j'ai compris, vous souhaiteriez, finalement, être exclus de ce projet de loi là. Est-ce que ça pourrait résumer votre pensée?

Une voix: Non.

(21 h 50)

M. Charbonneau (Bourassa): Non? Alors, j'ai mal compris. Expliquez-moi ça, ce que vous voulez par rapport au projet de loi 90.

M. Meunier (Jean-Marie): On pense que le projet de loi dans son ensemble, dans l'intention de forcer les entreprises ou d'inciter les entreprises à investir 1 % de masse salariale dans la formation, dans le recyclage, ça atteint un des buts dans notre industrie de la construction résidentielle...

M. Charbonneau (Bourassa): J'ai compris.

M. Meunier (Jean-Marie): ...parce qu'on a de la formation à faire, on est dans une mutation, actuellement, de la construction neuve à la rénovation, etc., ce qui fait qu'on pense que ce voeu-là est pieux. La seule chose qu'on ne veut pas, c'est que notre 1 % se ramasse dans un baril où tout le monde pige dedans, c'est ça qu'on ne veut pas.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais la question que vous nous posez, est-ce que ça a rapport avec le projet de loi 90 ou ça a rapport avec la loi de la construction, finalement?

M. Crochetière (Serge): C'est par le biais de la loi 90 qu'on vient modifier la Loi sur les relations de travail pour donner à la CCQ un pouvoir accru.

M. Charbonneau (Bourassa): Si la ministre...

M. Crochetière (Serge): C'est à ça surtout qu'on...

M. Charbonneau (Bourassa): O.K. Ma question: Si la loi faisait en sorte que vous étiez complètement exclus du projet de loi 90, de la loi 90, vous auriez votre système tel qu'actuellement, un fonds, quatre fonds, 18 000 000 $ gelés en attendant que ça se dégèle, et puis, à un moment donné... Tout est syndiqué dans votre secteur. Le 0,20 $ l'heure, il est prévu, sauf que la répartition a l'air de faire problème.

M. Meunier (Jean-Marie): C'est négociable.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est négocié, c'est convenu, c'est réglé.

M. Meunier (Jean-Marie): Bien...

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, vous n'êtes pas contre, c'est entendu. Déjà, 0,20 $ l'heure sur 20 $ l'heure, ça fait au moins 1 %.

M. Meunier (Jean-Marie): C'est plus que nous autres.

M. Crochetière (Serge): Et l'article 10 viendrait nous permettre, pour ceux à qui ça s'applique, de pouvoir le déduire, effectivement...

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ça.

M. Crochetière (Serge): ...par rapport à la loi 90.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, si vous étiez exclus de la loi 90, ça changerait quoi dans votre vie, ça?

M. Crochetière (Serge): Ce qu'on craint, M. Charbonneau, c'est le pouvoir donné à la CCQ d'imposer les conditions sans qu'on ait à les négocier avec nos vis-à-vis par rapport à nos besoins particuliers, par rapport au montant qu'on serait prêt à payer dans notre secteur.

M. Meunier (Jean-Marie): Je pourrais ajouter à votre question: Si on est exclus, ça ne changera absolument rien, parce que le secteur de la construction, à mon avis, a, depuis toujours, et continue, investi à date beaucoup plus que 1 % dans la formation des ouvriers. Que vous l'excluiez ou non, ça ne changera pas. Là-dedans, c'est qu'on ne veut pas se faire imposer une direction de la formation par d'autres. Pour nous autres, le minimum de 1 % dans l'industrie, là, résidentiel ou secteur, on le dépense, on l'utilise, et le sens du projet de loi définit la formation, laisse la définition de la formation très large. Elle nous accommode, on peut définir, avec les syndicats, c'est quoi, la formation. Je pense que, avec ça, on est à l'aise. La seule chose qu'on ne veut pas, c'est que, par le projet de loi 90, on vienne modifier la loi 46, qui dit qu'on peut le négocier. Je ne sais pas si je peux ajouter...

M. Charbonneau (Bourassa): Je vais essayer de reformuler ma question. On part de tellement loin en termes de compréhension, en tout cas en ce qui me concerne, que j'ai même de la difficulté à poser une question pertinente, alors ce n'est pas rien, là. J'ai déjà vu une couple d'affaires complexes dans le domaine des relations de travail, et puis j'ai de la difficulté à poser une question. Je vais me reprendre. Je ne veux pas vous faire dire... Quand je vous dis: Est-ce que vous souhaiteriez, à la limite, être exclus de 90, je ne veux pas vous faire dire que vous êtes contre le 1 %. Je ne cherche pas ça, je comprends que, déjà, dans votre industrie, c'est peut-être plus que vous avez accepté de verser. Donc, éliminons ça, il n'y a pas de piège, je n'essaie pas de vous faire dire que vous êtes contre l'idée de verser 1 % et plus en formation.

Puisque vous avez déjà un secteur qui est conventionné, qui réfère à des lois et que vous avez déjà votre circuit de financement de la formation, quoiqu'il semble y avoir un blocage, là, en ce qui a trait aux 18 000 000 $ en tout cas, il y a de l'argent qui s'en va là, qui continue de s'empiler, tout est sous circuit. À ce moment-là, la loi 90, qu'est-ce que ça vient faire dans votre vie? Je veux dire, vous avez déjà accepté de le verser. C'est rien que ça que j'essaie de voir.

Si on séparait ça, et que la loi de la construction disait, que la loi 90 disait: Le secteur de la construction est exclu – le raisonnement, c'est parce qu'il est inclus ailleurs – ça serait quoi, le mal, là-dedans, là, le problème?

Mme Flynn (Maureen): Effectivement, si on était exclus, le secteur résidentiel, ce serait un statu quo par rapport à la situation actuelle. Ce qu'on craint, dans votre projet de loi, c'est que vous donniez des nouveaux mandats en matière de formation professionnelle à la CCQ en plus d'un pouvoir réglementaire qui – c'est loin d'être clair – est aussi limité et encadré que votre projet de loi à l'égard des entreprises qu'il y a dans les autres secteurs, alors que, dans l'industrie, on a déjà assumé la formation professionnelle, les entrepreneurs veulent investir. Je veux quand même préciser que, pour le secteur résidentiel, on veut regarder différentes formes d'investissement dans la formation professionnelle.

On ne veut pas aussi être limité à un fonds seulement comme source d'investissement dans la formation professionnelle. On n'a pas tout défini, on n'a pas tout arrêté, on commence, mais on peut regarder différentes formes d'investissement dans notre formation. Alors, on ne veut pas être encadré, on veut que vous mainteniez la possibilité aux parties, comme ça existe à l'heure actuelle, de s'entendre au niveau de leurs conventions collectives sectorielles, lorsqu'on parle de la formation professionnelle en milieu de travail.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Bon. Je vais essayer de comprendre ce que vous me dites là-dedans. Là, vous avez un problème avec la CCQ puis vous avez un problème au niveau des négociations; c'est deux choses différentes, d'après moi. Imaginons que vous êtes contraints à verser l'équivalent de 0,20 $ l'heure ou de 1 % à un fonds qui n'est pas le fonds SQDM, mais qui est un fonds CCQ. Ça va? Donc, ça, je comprends qu'on mette de côté la négociation. Là, vous nous dites, si j'ai bien compris ce que vous nous dites: Qu'on mette dans le même fonds CCQ ce qui vient de l'APCHQ – autrement dit de l'habitation – ce qui vient des grands travaux, ce qui vient des quatre autres secteurs, on va faire un grand ménage et, à ce moment-là, ça n'aura pas de bon sens au niveau formation. Est-ce que c'est ça que vous nous dites?

Bon. Si j'ai bien compris que vous me dites oui, à ce moment-là, la solution, elle est très simple, c'est d'avoir un grand fonds compartimenté en quatre caissons étanches: ce qui vient de chez vous va rester à la formation chez vous. À ce moment-là, vous seriez plus d'accord?

M. Meunier (Jean-Marie): C'est ça qu'on demande.

M. Gautrin: Autrement dit, si le fonds de la CCQ était fait en quatre morceaux et que ce qui venait de la construction domiciliaire restait en formation domiciliaire, que ce qui venait de la formation des grands travaux restait pour la formation des grands travaux, que ce qui venait pour le commercial restait dans le commercial, dans le fond, ce serait le même fonds coupé en quatre morceaux étanches. Ça, vous seriez capables de vivre avec ça?

M. Meunier (Jean-Marie): C'est ça qu'est notre demande, notre suggestion.

M. Gautrin: C'est ça que vous demandez?

M. Meunier (Jean-Marie): Oui.

M. Gautrin: Parfait. Alors, j'ai compris.

Une voix: Sauf que ça n'a rien à voir avec le 90.

M. Gautrin: Je peux continuer à vous poser des questions pour prendre le temps, mais, une fois que vous m'avez expliqué ce que vous voulez – je pense qu'on l'a compris – on s'est compris.

M. Crochetière (Serge): On s'est bien compris.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Bourassa.

M. Gautrin: Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Tremblay): Oui, c'est clair.

M. Charbonneau (Bourassa): Ceci étant compris, en quoi sommes-nous en train de discuter du projet de loi 90, même si on a compris ça? Moi aussi, j'ai compris ça, mais en quoi ça a un rapport avec 90?

M. Crochetière (Serge): Parce qu'à l'intérieur du projet de loi 90 il y a l'article 52. D'accord?

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais si on vous exclut? D'accord.

M. Crochetière (Serge): Mme Harel, tantôt, disait que le pouvoir de la CCQ était, si je peux m'exprimer ainsi, un «au cas où», c'est-à-dire dans l'hypothèse où les parties ne conviendraient pas d'un fonds négocié. Même dans cette hypothèse-là, Mme Harel, notre crainte, c'est que la CCQ ne soit pas, elle, restreinte aux mêmes pouvoirs que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, parce qu'elle est restreinte à 1 % pour les entreprises qui ont 1 500 000 $ et 250 000 $, et ces limites-là ne sont pas incluses dans le pouvoir donné à la CCQ. Ce qui voudrait dire, par exemple, que, si, d'une façon arrêtée, un secteur disait: Notre fonds, tel qu'il est constitué, est suffisant, on n'a pas à mettre de nouvel argent dedans, la CCQ pourrait venir nous imposer 1 %, même à des entreprises qui ont une masse salariale de 12 000 $ par année, et c'est ça qu'on ne veut pas.

M. Charbonneau (Bourassa): Par conséquent, permettez-moi de revenir avec mon hypothèse. Si vous étiez exclus de 90, qu'est-ce qui vous reste comme problème? Les problèmes que vous avez: quatre compartiments, un grand fonds, problème relié au projet de loi 46.

M. Crochetière (Serge): Si 52 n'existe pas mais qu'on conserve le 10, qu'on n'ajoute pas la nouvelle modification à 4.9, on va vivre avec ça, on va être heureux, effectivement.

M. Charbonneau (Bourassa): Bon. C'est ça, la solution. Il nous resterait donc, quant à nous, à se faire convaincre par la ministre que c'est indispensable d'écrire d'autres articles qu'un article d'exemption. S'il y a un circuit qui marche puis qu'il reste juste à l'administrer...

Mme Harel: Si vous voulez, peut-être simplement un point de vue pour le bénéfice du député de Bourassa: le 0,20 $ l'heure est actuellement prélevé à même un fonds qui est un deuxième fonds, en fait, qui n'est ni la CCQ, ni le CFPIC, mais un autre...

M. Crochetière (Serge): Le décret. C'est le décret.

Mme Harel: C'est ça.

(22 heures)

M. Crochetière (Serge): Ça a été ajouté, c'est le décret qui a été modifié.

Mme Harel: Et, du jour au lendemain, il pourrait ne plus y avoir de prélèvements; il pourrait ne plus y avoir d'obligation de formation. Donc, dépendamment des secteurs, un des secteurs pourrait signer en faveur et l'autre pas. Bon, ça, c'est un premier niveau, si vous voulez, de réflexion, le second étant que la CCQ conserve, malgré tout, dans la loi, son pouvoir et sa responsabilité. Donc, à ce titre-là, elle pourrait contester qu'un prélèvement se fasse en dehors de la CCQ.

Il y a, indépendamment de la 90, du nettoyage à faire, si vous me permettez, sur la question de la formation. Et, comme on ne l'a pas fait dans la 46 – parce que, contrairement, peut-être, à l'opinion qui est répandue dans votre mémoire, on n'en a pas parlé – on a dit: Ça reviendra. C'est ce qu'on avait dit, ici, en commission: Sur la formation, on reviendra. Alors, la façon d'y revenir, je comprends que vous nous suggérez de la revoir. Je comprends que, cependant, c'est possible de trouver un point d'accommodement, parce que vous voulez en faire, c'est ça qui compte.

Le Président (M. Tremblay): Avec la permission de l'opposition, le député de La Peltrie... Alors, il reste quelques minutes à l'opposition, je suis prêt à reconnaître le député de La Peltrie pour une brève intervention.

M. Côté: Merci, M. le Président. M. Meunier, il me fait plaisir de vous recevoir ce soir, d'autant plus que vous êtes un résident de mon comté...

Une voix: C'est vrai!

M. Côté: ...ainsi que les membres de votre équipe. À votre recommandation 5, vous dites que «les conventions collectives doivent devenir les pierres angulaires [...] en matière de formation professionnelle» et vous avez dit également, en cours de présentation, que les conventions collectives, ça va se négocier entre les deux parties; les besoins, ils vont être identifiés en matière de formation. Ce qui va se donner en matière de formation et tout ce qui entoure la formation, j'imagine que ça va être identifié dans la convention collective, ça va faire partie de la convention collective? Comment pouvez-vous identifier les besoins en formation si vous signez une convention collective pour une durée, par exemple, de trois ans? Comment vous allez pouvoir prévoir? Est-ce que c'est seulement les montants d'argent ou encore le contenu de la formation qui va faire partie de la convention collective?

Mme Flynn (Maureen): L'important, c'est qu'à l'intérieur de la convention collective on peut prévoir un comité paritaire qui, premièrement, va évaluer les besoins, ensemble, patronal-syndical; après ça, on met des mesures pour répondre à ces besoins-là. Ça, c'est une approche continue. Ce n'est pas une approche une fois aux trois ans: Voici, on identifie quelques besoins et, là, on met sur pied soit des cours ou certains programmes, c'est vraiment une mesure permanente mais sectorielle.

M. Côté: Mais, quand même, il n'y a pas un danger à ça, à ce que la formation devienne une monnaie de marchandage lors des négociations?

Mme Flynn (Maureen): C'est-à-dire...

M. Côté: Vous ne trouvez pas qu'il peut y avoir un danger, éventuellement, qu'on se serve de la formation pour négocier autre chose?

Mme Flynn (Maureen): La formation, dans le cadre d'une convention collective, effectivement, peut être un élément d'échange. Ça peut être un élément qu'on peut regarder, mais il faut quand même regarder que, dans l'industrie de la construction, la formation professionnelle est intimement liée aux relations de travail. Tout le régime d'apprentissage, tout le régime de rémunération des apprentis, quand on parle de ratio, on ne parle pas de formation, on parle de sécurité d'emploi, on parle de relations de travail.

Alors, sur cette base-là, on vous dit: Non seulement retirez ça dans un milieu tripartite, laissez-nous la responsabilité. On va avoir le poids, on va avoir l'obligation pour s'entendre sur cette question-là. C'est un outil innovateur, nouveau, qui va nous permettre de trouver des mesures pour améliorer l'emploi dans le secteur, améliorer la qualité des entreprises, la qualité des services qui sont offerts; il y a plusieurs éléments qu'on peut regarder. Alors, oui, mais, d'un autre côté, dans un cadre de responsabilisation, je pense qu'il a plus de chances d'être efficace.

M. Côté: Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Facal): Est-ce qu'il y aurait consentement du côté de l'opposition pour que les députés de Matane et de Pointe-aux-Trembles puissent poser quelques questions malgré que le temps du groupe ministériel soit expiré?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup.

M. Gautrin: C'est toujours avec plaisir qu'on écoute le député de Matane.

Le Président (M. Facal): Merci. Là, vous en aurez deux: Matane et Pointe-aux-Trembles. M. le député de Matane.

M. Rioux: Oui. Moi, je suis impressionné par quelques-uns qui viennent nous demander de leur laisser la bride sur le cou pour faire mieux que les conventions collectives. C'est un peu ce que je comprends, ce que je décode dans le langage des gens qui sont devant nous, parce qu'ils ont une longue pratique, depuis des années, et c'est des gens, au fond, qui ont une conduite, du côté de la formation de la main-d'oeuvre, qui est assez extraordinaire.

Mais le vieux principe qui dit qu'on peut toujours faire mieux qu'une convention collective, c'est un peu à ça que convie le législateur. C'est-à-dire, au cas où... Compte tenu que la formation pourrait être objet de négociation, comme n'importe quel autre chapitre de la convention collective, est-ce qu'on a le droit de laisser la bride sur le cou au monde pour faire ce qu'il veut, décidant, pour la durée d'une convention, une durée de trois ans: On n'en fait pas ou on en fait moins qu'avant, et que le 1 % ne serait pas respecté? Je pense qu'il y a une responsabilité de l'État.

Cependant, ce que je comprends très bien aussi, c'est qu'ils se disent: Ne faites pas de la CCQ une créature qui va venir nous gêner dans notre liberté de manoeuvre ou qui va nous empêcher de faire de la formation adaptée à notre industrie et particulièrement à notre secteur. Je pense que le message est assez clair. Moi, je le reçois comme tel, et je vais dormir là-dessus.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: D'abord, je vais saluer les gens de l'APCHQ et leur dire que je redécouvre ce soir que la construction est une industrie très ancienne qui, à toutes fins utiles, au Québec, a inventé la formation professionnelle. Et, à cet égard, j'ai lu votre mémoire et j'ai lu la loi: c'est bien certain que vous vous acquittez d'une obligation qui est déjà supérieure à ce que prévoit la loi.

Maintenant, «sectoriel», vous voulez l'entendre par «habitation». Il y a le génie civil, il y a l'industriel, et, dans le fond, vous nous dites: Notre secteur, c'est notre secteur dans une grande industrie de la construction. Et, moi, je vous remercie, je suis en entier accord avec ce que vous dites et j'aimerais beaucoup que, dans le milieu patronal, vous en convainquiez d'autres.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, peut-être pour le mot de la fin, de part et d'autre. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, j'apprécie l'échange que nous avons eu et je vais relire ces notes-là, essayer de comprendre ce qui en est.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Moi, je peux juste vous dire qu'on a suivi un cours accéléré pendant, quoi, cinq, six semaines de commission parlementaire sur le projet de loi 46. Alors, ce cours-là nous sert ce soir, j'en conviens. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci à nos invités. Alors, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 8)


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