(Neuf heures trente et une minutes)
Le Président (M. Lafrenière) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle
des mineurs ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques de la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire : M. le
Président, il n'y a pas de remplacement.
Auditions (suite)
Le Président (M. Lafrenière) :
Parfait. Merci. Avant de passer à notre premier invité aujourd'hui, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tout le monde. Très heureux de vous retrouver en présentiel. Je l'ai dit tantôt,
en conférence de presse, c'est
un nouveau mot que j'ai appris à utiliser plus souvent, en présentiel. Alors,
très heureux de vous retrouver aujourd'hui. Bien qu'on ne s'est pas vus en
présentiel, on a travaillé très fort sur la commission. Alors, merci de votre compréhension. Merci à ceux et celles qui ont été
disponibles pendant l'été pour nous permettre d'avancer ces travaux, ce
qui nous amène aujourd'hui à notre dernière journée d'auditions.
Alors, ce
matin, nous allons entendre M. Dominic Monchamp de l'Équipe intégrée de
lutte contre le proxénétisme. Par la
suite, il y aura M. Paul Laurier, président de Vigiteck, ainsi que le
Centre d'intervention en délinquance sexuelle de Laval.
Alors, pour
notre premier invité, je souhaite la bienvenue à M. Dominic Monchamp,
lieutenant-détective de l'Équipe intégrée
de lutte au proxénétisme. Je tiens à souligner que M. Monchamp est ici à
titre personnel et j'aimerais rappeler à la commission que M. Monchamp est le seul témoin expert qu'on a en la
matière au Canada. M. Monchamp a travaillé beaucoup aussi avec le
projet Les Survivantes dont vous avez entendu parler à plusieurs reprises. Et
d'ailleurs, à l'Assemblée nationale, dans
les derniers mois, dans l'avant-COVID, on a souligné le 10e anniversaire
du travail des Survivantes, on avait salué le travail fait par l'équipe
de M. Monchamp.
M. Monchamp,
merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vous rappelle que vous allez disposer de
30 minutes pour nous faire votre
exposé, et, par la suite, il y aura une période d'échange de 60 minutes
avec les membres de la commission. Comme je le dis toujours à nos invités, vous allez voir que la façon de
procéder ici est un petit peu différente. Alors, les questions... les
gens vont lever la main pour les questions, ça va venir des deux côtés. On est
ici pour vous entendre, pour vous questionner dans le but de la rédaction de
notre rapport qui va commencer demain. Alors, c'est dans une belle ambiance
amicale. M. Monchamp, merci d'être avec nous.
M. Dominic
Monchamp
M. Monchamp (Dominic) : Merci. Merci,
M. le Président. Merci aux membres de la commission pour cette invitation. Je suis honoré d'être parmi vous aujourd'hui. Je n'ai pas présenté de mémoire puisque, dans le cadre de l'équipe intégrée du
service de police de Montréal, j'ai contribué aux deux mémoires, et l'ensemble
des recommandations, des constatations pour les organisations ont été
présentées dans ces mémoires-là.
Donc, aujourd'hui, je suis vraiment là pour partager avec vous à titre personnel
et de spécialiste, comme policier depuis
26 ans et 20 ans au niveau
des enquêtes en exploitation
sexuelle et vous fournir un portrait terrain. Donc, je n'ai pas l'intention de vous faire une présentation exhaustive longue. Je sais que je dispose de 30 minutes. J'ai
choisi de vous parler un petit peu de l'évolution de ce que j'ai constaté dans les
20 dernières années, le portrait du marché, comment il a évolué jusqu'à
aujourd'hui. Et ensuite, je vais répondre à vos questions.
D'entrée de jeu, je veux vous remercier pour le
travail que vous accomplissez ici. C'est extrêmement important puisque,
dans le fond, les constatations que j'ai faites dans les
20 dernières années, ce qui a été le plus dommageable pour
l'exploitation sexuelle et qui fait en sorte qu'on se retrouve tous ici aujourd'hui,
ça a été un peu le laisser-aller, ou la banalisation, ou la normalisation de ce
marché-là, qui fait en sorte qu'aujourd'hui la situation s'est dégradée d'année
en année.
Lorsque
j'ai commencé comme jeune enquêteur, dans les années 90, à Montréal,
la norme du marché était... le portrait était un marché du sexe d'une trentaine de bars de danseuses. Dans ces
bars-là, c'étaient des danses- spectacles, qu'on pouvait appeler, où les clients ne touchaient pas aux
danseuses. C'était la norme dans ces bars-là. Il y avait quelques salons de
massage érotique dans lesquels on pouvait
voir les travailleuses à ces endroits-là, et, dans la majorité
de ces établissements-là, un massage érotique se terminait par un
service sexuel qui se limitait, de façon générale, à une masturbation.
Au début des
années 2000, la norme a changé. Il
y a eu des contestations judiciaires au niveau des lois concernant la prostitution,
ce qui a entraîné un flottement dans les lois et dans l'application de celles-ci, nécessairement, dû au moratoire que ça entraînait dans
l'attente des décisions notamment de la Cour suprême.
La
Cour suprême a finalement rendu une décision qui était une décision, si je
vous la résume ainsi, qui visait à savoir
si une danse dans des isoloirs constituait un acte indécent ou non. La décision
qui a été rendue a été à l'effet que ce n'était pas un acte indécent. Et, de façon générale, les organisations
policières, la population générale ont interprété cette décision-là comme rendant ces danses-là comme
légales, ce qui n'était pas le cas puisque la Cour suprême ne s'était
pas prononcée sur si ces actes-là
constituaient de la prostitution ou non. Donc, conservant l'état du droit, c'est-à-dire qu'une danse contact
constituait un acte de prostitution et donc que toutes les lois s'appliquant
dans la matière auraient dû demeurer en vigueur et auraient dû être appliquées.
Ce que ça a
entraîné, c'est, encore une fois, une normalisation, la multiplication des
isoloirs dans tous les bars de danseuses.
La norme est devenue la danse contact, c'est-à-dire que le client, désormais, a pu commencer à
toucher la danseuse. Cette norme-là a fait en sorte que, nécessairement,
une femme qui se présentait dans ces établissements-là devait offrir ce genre
de service là.
Dans un
isoloir, nécessairement, on se retrouve face à une intimité extrême. C'est
deux individus qui sont face un à
l'autre comme dans une chambre d'hôtel, comme dans une chambre pour un salon de
massage. Donc, ce qui s'y passe est
de nature pratiquement anonyme. Il est extrêmement difficile pour une femme, ou un homme, ou peu
importe la personne qui va fournir le service sexuel d'établir des
limites et de s'assurer qu'elles soient respectées en toute sécurité puisque la
nature même de l'offre d'un service sexuel
fait en sorte qu'on s'offre, on devient extrêmement vulnérable. Donc,
on peut consentir à certains gestes,
mais il est extrêmement facile pour une personne mal intentionnée de
profiter de cette situation-là pour obtenir plus, faire plus et faire en
sorte qu'on se retrouve dans des situations où on est en situation d'agression
sexuelle. Au début des années 2000, c'est ce qui a commencé à proliférer.
À partir des
années 2010, l'influence grandissante d'Internet, l'accessibilité des
sites pornographiques, des réseaux sociaux,
l'apparition des sites d'annonces comme Backpage, LeoList, ont pris de plus en
plus de place et a fait en sorte que le
marché s'est diversifié, a fait en sorte que les gangs de rue ont été de plus
en plus présents dans ce marché-là et ont pris même la pôle qui était prise plutôt par le crime organisé traditionnel. Parce
que les gangs de rue, contrairement au crime organisé qui, eux, établissent, ou utilisent le marché, ou implantent le
marché, les gangs de rue le parasitent, c'est-à-dire que rarement ils vont implanter des infrastructures,
mais vont utiliser les infrastructures en place, comme les salons de massage, les
bars de danseuses ou tout ce qui est déjà existant, pour aller placer les
jeunes femmes qu'ils vont exploiter.
• (9 h 40) •
Et ils sont extrêmement habiles, comme les générations plus jeunes, dans la compréhension des
médias sociaux ou l'utilisation de
ceux-ci, et ça a fait en sorte que leur moyen de recrutement traditionnel, dans
les cours d'école, sur la rue, s'est
vu décuplé, et ont fait en sorte de pouvoir recruter dans chaque domicile à
partir de ces réseaux sociaux là, et ont pu... Ils utilisent ces médias sociaux là, à ce jour, dans
des moyens de recrutement à extrême grande échelle. Ça ne prend
pratiquement pas de temps. C'est extrêmement efficace. Et pour 100 personnes qu'ils vont atteindre, même s'il y
en a juste une qui répond, le temps qu'il leur est demandé
comparativement à lorsqu'ils avaient à se déplacer sur la rue, rencontrer la
personne, c'est infime.
Ce qui a fait
en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui dans un marché où les services offerts sont à
l'image un peu de la pornographie qui est disponible sur le Net. Et la
demande des clients est à cette image-là aussi, ce qui fait en sorte que dans
la province, dans les bars de danseuses, l'offre de services sexuels complets
est désormais la norme.
À Montréal, on a vu doucement l'offre de services
sexuels, même dans des isoloirs, même si ces bars-là étaient surveillés, on s'est fait rapporter ce genre
d'offre là due à la pression de l'exploitation sexuelle ou par besoin de
certaines travailleuses du sexe et par la pression extérieure venant des
membres de gangs de rue qui, eux, exploitent les victimes désormais dans les
hôtels, dans les plateformes de type Airbnb où des services sexuels complets
sont offerts.
Dans les bars... Dans les salons de massage, la
norme, désormais... érotiques, les salons de massages érotiques, désormais, la norme, c'est l'offre de services
sexuels complets. À partir de 2010, de plus en plus de cas d'agression
sexuelle nous sont rapportés dans les salons de massage pour les raisons que
j'ai exposées un peu plus tôt. La sécurité qui est prétendue par ces endroits-là est variable puisque leur objectif
est toujours de faire plus d'argent, et le souci des
personnes qui s'y trouvent... ou le souci de
la sécurité des personnes qui s'y trouvent est rarement leur premier objectif.
Même chose pour les agences d'escortes.
À partir de
2015, le phénomène prend de l'ampleur et de la gravité. Vous avez tous entendu
parler des liens avec les fugues et
le marché du sexe. De plus en plus, on se retrouve à avoir comme méthodes de
recrutement, ou de pression, ou de contrôle
la sextorsion, les viols filmés comme moyens pour contrôler, obliger des jeunes
filles à se prostituer ou à travailler pour le proxénète ou une
organisation. Aujourd'hui, ça fait partie intégrante de la preuve qu'on recueille.
Ça change énormément comme type de preuve à présenter, comme analyse à
présenter devant les tribunaux. Les tribunaux et les procureurs comptent
énormément sur cette preuve-là, qui est une preuve qui a une valeur énorme
lorsqu'on la présente, mais qui demande un temps incroyable d'analyse.
De plus en plus de proxénètes aussi utilisent
des plateformes comme YouTube comme moyens de recrutement avec une culture basée sur la musique ou des
valeurs qu'ils veulent véhiculer, et il n'est pas rare qu'on peut même y
apercevoir des victimes qui y figurent.
Dans ces
vidéos-là, on constate aussi un dénigrement de plus en plus de la femme et du
rôle ou de la façon dont elle est perçue dans ces vidéos-là, ce qui est
aussi utile pour les proxénètes dans la normalisation de la prostitution et la
désensibilisation lorsqu'il vient le temps de parler à une jeune fille de ces
vidéos-là comme outils de normalisation et de désensibilisation.
Ce qui est apparu
aussi comme phénomène qui n'existait pas ou qui existait dans une moindre
mesure dans les dernières années, c'est le
déplacement des victimes à travers tout le pays, en constance mouvance, et qui
a fait en sorte de complexifier nos
enquêtes par le changement de juridiction, le changement de connaissances et
d'expertise des différents corps policiers, des procureurs et des intervenants impliqués, le
travail de coordination qui doit être fait et qui vient directement de
cette nouvelle réalité là.
Dans la majorité des
cas ou des dossiers que nous avons à traiter maintenant, ça implique de
multiples juridictions au Québec
et ailleurs au Canada. Donc, une enquête qui, lorsque je suis rentré ou
j'ai commencé comme enquêteur, qui
prenait quelques semaines, prend quelques mois désormais, prend beaucoup plus
de temps, beaucoup plus d'exigences au niveau des tribunaux. Et ce sont
des dossiers qui sont contestés de façon pratiquement systématique, parce que
les sentences sont plus grandes que pour la
majorité des autres crimes, parce que les victimes sont vulnérables, leur
crédibilité est mise en cause. Et pour ces
raisons-là, dans la vaste majorité de nos dossiers, ils sont contestés, et on
fait face à de longues procédures judiciaires, tant au niveau des
trafiquants qu'au niveau des clients abuseurs.
Au
niveau des clients abuseurs, c'est une dynamique différente, c'est une
dynamique de personnes qui ont beaucoup à perdre. On a des gens de tous les milieux confondus qui sont arrêtés à
titre de clients, et les contestations ont cours, ce qui fait en sorte qu'une coordination est extrêmement
importante parce qu'une décision dans
un dossier de trafiquant ou de client abuseur
peut impacter le reste des opérations ou la suite de l'impact qu'on peut avoir
sur tout le marché, parce qu'à chaque fois
que les lois sont contestées et sont en flottement, on se retrouve dans une
situation comme on s'est retrouvés à la fin des années 90 et on ne
veut pas ce genre de situation là.
Alors,
c'est pour... Parfois, les gens ont une perception qu'il se fait peu de choses
ou ont l'impression qu'on pourrait faire plus, plus rapidement, mais ce
qu'il faut savoir, c'est qu'il y a un grand soin d'analyse lorsqu'on conduit ce
genre d'opérations là de coordination pour
s'assurer de mettre le plus de chances possible de notre côté pour que les lois
ne soient pas cassées suite à ce qu'on fait, parce que tout est
extrêmement contesté, contrairement à des homicides, des vols qualifiés. Vous n'entendrez jamais des dossiers en
matière d'homicide ou de vol qualifié où la loi va être cassée. Nous, ça
fait partie de notre réalité. On a toujours cette épée-là,
au-dessus de notre tête, ce qui fait en sorte qu'on doit être extrêmement
judicieux et faire un travail d'analyse pour
faire en sorte que ces lois-là ne soient pas cassées et qu'on puisse pouvoir
continuer d'aller de l'avant et de les appliquer.
C'est extrêmement
long, former un enquêteur en exploitation sexuelle. Ça prend au moins deux ans
avant qu'un enquêteur soit à l'aise et soit
autonome. Et, dans les organisations policières comme ailleurs, il y a
un roulement de personnel, et c'est
contraire... ça ne va pas ensemble. Même, à travers le pays, ailleurs, il y a
des organisations où il y a
des termes, au niveau des enquêtes, qui
varient de trois ans, des fois quatre ans, ce qui fait qu'on a un roulement de
personnel et l'expertise se perd
constamment. Dans ce genre d'unité là, c'est contre-productif. C'est un frein,
c'est extrêmement difficile, parce
que comprendre la psychologie, comprendre les réactions d'une victime, pour un
enquêteur, c'est long, c'est difficile. Pour M. et Mme Tout-le-monde, c'est
difficile.
Moi,
ça fait 20 ans que je fais ça et, quand je reçois des nouveaux enquêteurs,
c'est toujours la même chose. On les forme, on leur dit ce qui les attend, ils sont
motivés, ils veulent venir chez nous, mais quand ils sont confrontés à la
réalité des réactions d'une victime, à
l'ampleur des conséquences, la réaction est toujours la même : Je ne
m'attendais jamais à ça. Je ne pouvais
pas m'entendre... puis souvent, on leur dit : On procède de telle, telle,
telle façon pour telle, telle raison, mais avant de l'avoir vécu, c'est difficile de le comprendre et souvent, ça prend
son sens que seulement après deux ans, de voir pourquoi on a travaillé de telle façon, pourquoi on a agi
en coordination, en partenariat avec tel partenaire. Alors, c'est extrêmement
long, et c'est complexe, et ça demande des gens engagés, et ça demande beaucoup
de ressources.
C'est un peu le
portrait que je voulais vous fournir. Je ne sais pas si vous avez des
questions.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. Monchamp. On va maintenant passer à la période d'échange. Alors, MM.,
Mmes les députés, je vais vous
demander de signaler votre intention de poser une question,
et, encore une fois, on va garder nos questions les plus courtes
possible pour avoir le plus de temps possible avec M. Monchamp.
Avant
de passer à la première question, notre vice-présidente est absente aujourd'hui, Mme St-Pierre. Cependant, elle se porte bien. Pour des raisons familiales, elle nous suit à distance. Alors, je vais me faire
son porte-parole et poser la première question. Je pense que les gens du
comité directeur ne seront pas surpris avec ma question.
M. Monchamp,
qu'est-ce qui fait que les opérations clients... On a reçu les chiffres, on a
vu un petit peu comment ça se passait. Vous
avez mentionné tout à l'heure, là, le danger que la loi soit cassée, mais
qu'est-ce qui est un frein au nombre d'opérations clients? Parce qu'une
des choses qui nous a été mentionnée à plusieurs reprises en commission, c'est qu'il fallait mettre de la
pression sur l'offre, il fallait mettre de la pression aussi sur les clients
abuseurs. Qu'est-ce qui est un frein à ce nombre d'opérations clients là?
M. Monchamp
(Dominic) : Ce qu'il faut savoir, c'est que, pour réaliser une
opération client, ça demande énormément de
ressources. Je ne mentionnerai pas le nombre de policiers requis pour ne pas
indiquer un... ou parler de nos méthodes
d'enquête, mais c'est un nombre considérable de policiers pour plusieurs
raisons, des raisons de sécurité, des raisons de logistique, ce qui fait
en sorte que ce genre d'opération là, lorsqu'on les réalise, il y a la
planification de ces opérations-là qui
demande du temps, il y a la mobilisation de ce personnel-là pour les journées
qui vont être effectuées. Et la suite devant les tribunaux, comme je
vous l'ai expliqué, lorsqu'on arrête cinq, 10, huit clients lors d'une journée,
nécessairement, tous ces dossiers-là vont
être contestés. C'est autant de journées où tous les policiers impliqués dans
ces opérations-là vont être à la cour.
Ce
qu'il faut savoir, c'est que, dans le mandat de l'équipe intégrée ou dans le mandat
de toutes les équipes de lutte au
proxénétisme, on est tous d'accord, il faut absolument s'attaquer à la demande
si on veut toucher ce problème-là. Mais où nous, on doit composer avec
les ressources disponibles, notre personnel, les urgences, la nature même des
enquêtes d'exploitation sexuelle, c'est un crime contre la personne. Ça fait
que ce qu'il faut savoir, c'est que nous, on a des enquêteurs de garde 24 heures
sur 24, sept jours sur sept, et on est appelés 365 jours par année pour
des urgences. Alors, il faut combiner avec les ressources disponibles
des enquêteurs que nous avons.
La
réalité est cette priorité-là qui est de s'attaquer à la demande et la réponse
aux urgences et à la clientèle qui est centrale de nos enquêtes, c'est-à-dire
les victimes. Alors, lorsque les victimes nous contactent ou on a des enquêtes
où il y a des risques imminents pour la
sécurité, des dangers pour la vie, bien, bien évidemment, on va prioriser
ces dossiers-là, et ça arrive plusieurs
fois par année. Et comme je vous l'ai exposé, à chaque fois que ça arrive, ce
type d'enquête là, ça prend plusieurs semaines, sinon mois, pour les
réaliser. Alors, c'est pour cette raison-là qu'on n'en fait pas plus.
Ceci étant
dit, on pourrait en faire plus, mais il est faux de dire qu'on n'en fait pas.
Depuis 2017, il y a eu 97 personnes arrêtées dans la province. L'équipe intégrée a coordonné
11 opérations à travers la province. Ce qu'il faut savoir, c'est
qu'à chaque fois qu'on déploie cette opération-là, bien, on forme des policiers,
on forme des enquêteurs. C'est extrêmement compliqué, même si ça peut paraître
simple. Il suffirait pour vous de vous déplacer sur une opération pour voir la
complexité de ces opérations-là.
Donc, on a
97 personnes qui ont été arrêtées. On arrête des clients dans le cadre de
ces opérations-là, on arrête des clients
dans le cadre de nos enquêtes d'exploitation sexuelle. Les clients qui sont
arrêtés dans le cadre de ces opérations-là, c'est souvent pour des crimes crapuleux. C'est des clients dangereux,
c'est des clients pour lesquels il y a des éléments de dangerosité. On ne le fait pas tout le temps parce que ce qu'il faut comprendre, c'est qu'encore une
fois c'est un crime contre la
personne. Ça prend un témoin dans ces cas-là précis si on ne fait pas sous
opération policière, ce qui fait en sorte qu'une victime qui est exploitée sexuellement par un trafiquant va devoir
témoigner dans le procès de ce trafiquant-là. Mais si on accusait tous les clients pour lesquels elle a
fourni des services sexuels, ça serait autant de procès dans lesquels elle
devrait témoigner, ce qui n'est pas réaliste
et ce qui est extrêmement... serait nocif, vous pouvez le comprendre, pour ces
victimes-là.
Alors, c'est pour cette raison-là que, dans ces
cas-là précis, il y a vraiment une priorisation en fonction de la dangerosité puis vraiment un degré de gravité qui
est évalué, précisément dans le cadre de nos enquêtes de proxénétisme.
Et c'est pour ça que les opérations proactives que nous, on déploie sont
importantes, parce que ça n'implique pas les victimes et l'objectif fait en
sorte qu'on peut décourager ces individus-là.
Le
Président (M. Lafrenière) : Sur cette même lancée, je vais y aller avec ma question. Puis en
passant, on va tenter d'être brefs parce que
j'ai déjà huit questions d'enregistrées. Il y a beaucoup d'intérêt aujourd'hui, M. Monchamp. Merci.
Vous avez
parlé de la difficulté pour les ressources au niveau... les ressources
policières. On a rencontré le DPCP qui nous
a fait la même présentation, nous expliquant aussi que c'était des cas qui
étaient lourds et tout. Il y a certains de vos collègues qui nous ont parlé d'avoir la même approche qu'en matière
d'alcool au volant, c'est-à-dire de faire en sorte que ce geste-là soit répréhensible, que socialement on
soit contre ce geste-là. Mais je pense que, tout comme pour l'alcool au volant, il faut qu'il y ait un risque d'être
attrapé. Alors, si nos clients abuseurs, ils n'ont pas l'impression qu'ils vont
se faire prendre dans une opération, il y a comme un danger aussi de se
dire : Bien, écoutez, les risques que je me fasse arrêter sont assez
faibles.
Je vous amène
à ma question. Quand on regarde les alternatives judiciaires... Dans le monde
criminel, on pourrait regarder
d'autres accusations qui se terminent par un 810, mais là on va y aller avec
l'approche «john school» qu'on a étudiée
à cette commission. Vous en pensez quoi? Vous ne pensez pas que ce serait une
belle façon de mettre de la pression sur
ces clients-là en leur disant qu'il y
a un risque de se faire, un, arrêter
et, deuxièmement, pour les ressources policières et même que le DPCP, ce
serait moins exigeant d'y aller avec une alternative? À titre personnel, bien
entendu.
M. Monchamp
(Dominic) : Oui. À titre
personnel, je dois vous dire que j'ai une opinion partagée. Je ne sais
pas où je me situe. Par contre, je peux vous partager mes réflexions.
Définitivement,
oui, on pourrait avoir plus de volume, et le risque augmenterait, pour les
clients abuseurs, d'être attrapés via
cette façon de faire là. Il existe d'autres moyens pour y arriver. Déjà,
les clients risquent d'être pris puisqu'on multiplie les opérations,
même si elles sont en moindre nombre, à travers la province et à des moments
différents. La publicisation de ces
opérations-là a déjà un impact sur le terrain. Les filles qui sont
dans le marché du sexe nous en parlent en nous disant : Les clients agissent différemment, s'enquièrent du
fait de notre âge, s'enquièrent à savoir si on est, voyons,
indépendantes et non pas contrôlées.
Le «john
school» offrirait un volume, encore plus de chances d'être attrapé. Par contre,
mes réticences sont à l'effet que... Est-ce qu'on envoie... En envoyant
le message du risque d'être attrapé, oui, mais est-ce qu'on envoie un message d'impunité dans la mesure où ce sont des mesures
extrajudiciaires? Et, à ce sujet-là, il faudrait... l'apport du DPCP est
essentiel puisque les mesures extrajudiciaires font partie des mesures qui
doivent être prévues soit au Code criminel, soit dans l'application du code.
Donc, il faut nécessairement avoir l'implication du DPCP, si on veut aller dans
cette voie-là.
L'autre chose dans mes craintes, et ça, je suis
certain que tout le monde est d'accord là-dessus, il faut être extrêmement
prudent, si on utilisait cette façon de faire là, pour ne pas l'utiliser dans
toutes les situations, c'est-à-dire, évidemment, dans les gens qui se retrouveraient sur le
registre, on se retrouve à arrêter... Parce
que, dans les gens déjà qu'on arrête à travers les opérations qu'on mène
actuellement, il y a des gens qui se retrouvent sur le registre des délinquants
sexuels. On ne voudrait pas arrêter une personne
sur le registre des délinquants sexuels lors d'une opération «john
school» et puis qu'il y ait
une mesure extrajudiciaire. Ça ne ferait pas de sens. Les consommateurs de
victimes mineures ne devraient pas se retrouver dans cette
application-là. Alors, ce sont ces façons de faire là qui... Il faut être extrêmement
minutieux avant de s'engager dans cette voie-là. Ce seraient mes constatations.
Quant
aux résultats et à l'impact que ces écoles-là ont sur le marché ou la demande,
en toute candeur, je l'ignore. Je ne
le sais pas quels sont les résultats. Peut-être c'est une voie qui vaut la peine d'être essayée
et de voir ce que ça donnera. J'ai
tendance à croire que... puis je vais être bref, là, parce que je sais qu'il y a
d'autres questions, mais la publicité du type au niveau
de la Société d'assurance automobile
du Québec, des publicités qui vont faire en sorte que le grand public va
se mobiliser et vont rendre l'achat de
services sexuels inacceptable dans notre société, comme l'alcool au volant,
comme la violence
conjugale, auront des impacts encore plus grands. L'éducation de nos garçons
qui, eux, vont avoir un impact sur leurs
pairs en disant : Ça, c'est inacceptable, ce comportement-là, tu es en
train d'agir ou tu es en train de parler de t'acheter une fille; moi, je n'embarque pas là-dedans. Cette
contamination-là en plus bas âge, selon moi, est une voie pour laquelle
je suis extrêmement convaincu et dans laquelle on devrait s'engager.
• (10 heures) •
Le Président (M. Lafrenière) : À mon tour de vous rassurer, vous dire que, lors
des discussions qu'on a eues avec le DPCP, on parlait vraiment de
l'équivalent de 810. Donc, ce n'est pas une mesure de rechange pénale, c'était
vraiment dans un processus judiciaire.
Avant
de poursuivre, excusez-moi, mon erreur, je demande le consentement de la
commission afin de permettre aux députés
de Marie-Victorin et de Chomedey de participer à nos séances. Il y a
consentement? On est tellement heureux de travailler avec vous
aujourd'hui.
Alors, première
question, collègue de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Merci, M. Monchamp, d'être
avec nous aujourd'hui. C'est extrêmement apprécié de moi et de tous les
collègues.
Vous
avez quand même longuement parlé du fait que l'évolution des pratiques dans les
bars, contact, sans contact, avec contact et ensuite, maintenant, la
totale, là... Puis disons qu'on a aussi beaucoup entendu parler du nombre de
ces établissements-là, là, à Montréal, par
exemple, dans une ville comme Montréal, en comparaison avec Vancouver, que
c'est beaucoup, beaucoup mieux contrôlé. On
est à se pencher sur tout ce qui est la question du zonage municipal, les
permis octroyés, là, à des commerces
de ce genre-là. Mais, en même temps, on entend de certains... en tout cas, de
corps policiers, que c'est une façon aussi pour eux de savoir où se
situent ce genre de transactions là. On sait où ils sont, c'est comme un peu
contrôlé d'une certaine façon.
Est-ce que
vous faites partie de ceux qui pensent qu'en restreignant ces permis-là, on
irait seulement déplacer le problème, que ce serait plus difficile pour
les enquêteurs, par exemple, d'exercer leur travail? J'aimerais vous entendre
là-dessus parce que vous avez l'air d'être plus en faveur d'un contrôle dans
les bars, là.
M. Monchamp (Dominic) : Bien, en fait, c'est un phénomène qui est en
mouvance déjà. Il y a déjà des phénomènes de mouvement. C'est un marché
qui s'adapte extrêmement bien et qui réagit extrêmement bien aux contraintes ou
aux stratégies policières. Mon opinion
personnelle est que, définitivement, ça va déplacer le problème. Je ne crois
pas qu'on devrait se freiner à légiférer ou à complexifier la tâche des
trafiquants de peur d'un déplacement. On peut adapter au fur et à mesure et
complexifier leur tâche.
Par
exemple, si une municipalité légiférait pour interdire les salons de massage
érotique, nécessairement, j'anticipe que le marché se déplacerait vers les hôtels ou les plateformes de type
Airbnb, ce qui est déjà le cas. On peut déjà les suivre à travers les
annonces, on peut déjà les localiser. Par contre, ce genre de législation là
municipale permettrait d'être complémentaire
à nos outils criminels. C'est-à-dire, si on n'a pas de permis d'occupation, on n'a pas
de permis pour exploiter un commerce,
que ça soit dans un hôtel, que ça soit dans un appartement, on va pouvoir
appliquer cette législation municipale là et agir à plus grand volume
sur ces endroits-là comme sur les salons de massage, ce qui n'est pas possible
de le faire présentement parce que la
législation municipale est tellement différente d'un endroit à l'autre qu'on ne
peut pas appliquer de façon uniforme cette législation-là.
Mme Perry
Mélançon : C'est un atout de
plus, finalement, dans des processus, des procédures judiciaires pour...
M. Monchamp (Dominic) : ...et surtout sur la régulation du marché parce
que présentement... On l'a fait, nous, il y a quelques années dans un petit arrondissement à Montréal où, en deux
kilomètres carrés, il y avait huit salons de massage érotique. Avec le... Et au niveau criminel, ça
aurait pris des mois, si ce n'est des années, à tous les fermer
simultanément.
On
y a été sur la voie municipale puisque ça nous le permettait au niveau des
permis d'occupation, et simultanément, ils
ont tous été fermés par la voie municipale, c'est-à-dire d'exploiter un
commerce contrairement au permis d'exploitation puisque ce n'est pas
émis, des permis d'exploitation pour la prostitution, ça n'existe pas. Ils ont
tous été fermés. Donc, on a régulé, on a fermé ces endroits-là d'un coup.
Le
problème est... oui, il y a un déplacement, c'est que ce n'est pas uniforme. Si
c'était uniforme, bien là, on pourrait gérer
ce déplacement-là, et rendre ça plus complexe, et faire en sorte qu'on aurait
un meilleur contrôle de ce qui se passe à l'intérieur, et ça
complexifierait le travail des trafiquants.
Mme Perry
Mélançon : Donc, ça demeure une avenue intéressante.
M. Monchamp
(Dominic) : Pour moi, oui.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Prochaine question, députée de
Roberval. Et je vais juste rappeler pour
l'ensemble des collègues que nos micros sont tous à deux mètres un de l'autre.
Ça fait que ça nous aide à garder nos distances,
mais, en même temps, je vais vous demander pour les questions de vous installer
proche de votre micro, qu'on vous entende bien. Alors, députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
M. le Président. Merci,
M. Monchamp, d'être ici ce matin. Moi, je viens de la région du Lac-Saint-Jean.
On n'a pas d'EILP chez nous. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour outiller nos
services policiers, nos intervenants en région pour qu'ils soient plus en
mesure, là, d'intervenir?
M. Monchamp (Dominic) : J'ai le goût de vous corriger un petit peu en vous disant que vous n'avez pas l'EILP, mais on est là, c'est-à-dire que chaque
enquête de proxénétisme est coordonnée par l'équipe intégrée. C'est-à-dire que, dès qu'il y a une
enquête qui est amorcée en matière de proxénétisme ou qu'il y a des allégations
de proxénétisme, on en est informés,
et vos policiers du Saguenay vont communiquer avec nous. Ils vont avoir le
coaching, on va les supporter comme on
l'a fait dans plusieurs régions du Québec, et c'est comme ça qu'on déploie présentement l'expertise. Et, dépendamment de ce qui est impliqué comme
envergure d'enquête, on pourrait même déplacer des enquêteurs, comme on l'a
fait dans plusieurs juridictions du Québec, pour les épauler ou même prendre
charge de l'enquête.
Sans entrer dans les
détails, il y a une grille de cotation de complexité d'enquête, et, même si
vous êtes au Saguenay ou peu importe la
région administrative du Québec, si l'enquête rencontre un degré certain de
complexité, c'est l'équipe intégrée
qui va récupérer l'enquête et qui va la mener. Et, si on ne la récupère pas, on
est tout de même présents pour
coacher et on l'a fait quotidiennement dans toutes les régions du Québec.
Ceci étant dit... Et il y a des régions qui sont... toutes les régions du Québec
sont confrontées à cette problématique-là
présentement, sans exception. Maintenant, c'est la fréquence
à laquelle ces enquêteurs-là sont confrontés à ce genre de situation là
qui fait en sorte que ça devient plus complexe, puisque ce que je vous ai dit,
c'est deux ans à temps complet dans notre unité pour développer l'expertise.
Quand vous en avez une fois, deux fois par année, ça devient plus difficile.
Ça
fait que c'est la rétention, la transmission au sein de ces unités-là qui
devient importante, la coordination
entre les corps de police et le DPCP, parce que
c'est la même chose pour le DPCP dans les différentes régions, l'expertise
diffère d'un endroit à l'autre. Alors, c'est
important de se coordonner, de se parler et d'échanger énormément.
Et depuis l'avènement de l'équipe intégrée, je vous dirais qu'on est complètement
ailleurs à ce niveau-là. Je tiens à vous rassurer.
Et,
pour les opérations clients, on est présents. On va se déplacer dans ces
régions-là pour justement aller coacher les enquêteurs et leur donner, entre guillemets, notre
recette et faire en sorte qu'ils peuvent faire ce genre d'opération
là dans les règles de l'art par la suite de façon autonome.
Donc,
ce que ça fait, c'est que présentement il y a des opérations qui se font un peu
une à la fois, mais, de plus
en plus, les corps de police deviennent autonomes, mais, de façon indépendante,
ils en font de façon simultanée. Et plus cette expertise-là va être
répandue, plus vous allez en avoir de façon indépendante à toutes sortes de
moments et de façon, même, simultanée parfois.
• (10 h 10) •
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci,
M. Monchamp, d'abord pour votre présence ici, mais, après
20 ans, merci de ne pas avoir lâché prise. Malgré le constat que vous
faites du laisser-aller, je pense qu'il y a
quand même espoir puis j'espère que vous êtes de ceux... j'imagine que vous
êtes de ceux qui avez quand même de l'espoir à ce qu'on y arrive à
quelque chose.
Vous
avez mentionné... Vous avez parlé du rôle important des médias sociaux depuis
2010, si ma mémoire est bonne, dans
votre exposé. Qu'est-ce que... J'imagine que ça peut vous servir aussi, hein?
C'est un outil qui vous sert aussi, mais évidemment il y a la
contrepartie qui n'est pas bonne, évidemment.
Qu'est-ce que vous
auriez comme recommandation à faire pour légiférer, pour empêcher les géants du
Web de laisser aller ce qu'on voit, là?
M. Monchamp (Dominic) : En fait, déjà, dans les mémoires qui ont été
présentés par l'équipe intégrée puis le service de police de Montréal, on en parle. On parle de ce qui est
préconisé comme outils ou comme... ce qui est nécessaire pour... de
notre mission... l'accomplissement de notre mission, pardonnez-moi. Pour ce qui
est des géants, de ceux qui bénéficient, là,
les plateformes qui fournissent les annonces, ce qu'il faut savoir, c'est que
ces sites-là sont hébergés de façon différente,
là. Il y a très peu de ces sites-là qui sont hébergés au Québec. Donc, ça
demande une coordination encore plus complexe avec des lois différentes
dans différents pays.
Par
exemple, Backpage — ma mémoire me fait peut-être défaut — a pris naissance en 2010 ou en 2013, puis
a été fermé par le FBI en 2018, et ça a pris
plusieurs corps policiers qui ont contribué à cette enquête-là. Et c'est
l'organisation mère où est hébergé ce site-là qui doit prendre action, qui a la
responsabilité de ces enquêtes-là. Ça fait que ça rend ça extrêmement complexe.
Au niveau législatif,
ce qui serait extrêmement aidant, c'est de faire en sorte que les lois
concernant les lieux commencent à aborder le
Web comme étant un lieu... les lieux virtuels, commencent à aborder les lieux
virtuels, ce qui ferait en sorte
qu'on ne se retrouverait pas dans des débats de juridiction constamment. Alors,
si moi, j'ai des allégations qui ont
trait à ces endroits-là, j'ai automatiquement juridiction. Je ne sais pas si je
suis clair, si vous me suivez. Présentement, ce n'est pas le cas puisque je dois me référer au lieu physique de cette
compagnie-là qui est divers et qui, parfois, n'est même pas l'endroit où
les opérations ont cours puisque ce sont les données qui sont hébergées.
Alors,
ça, c'est extrêmement compliqué, de retracer, de faire en sorte de conduire nos
enquêtes, alors que si les lois prévoyaient
que le lieu virtuel où l'infraction a cours donne juridiction aux corps
policiers, ce serait un outil extrêmement puissant qui nous donnerait
plus de moyens pour agir.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Chomedey.
M. Ouellette :
Merci. M. Monchamp, merci. Merci d'être là. Beaucoup de questions, mais je
vais me limiter.
On
a un pouvoir comme législateur. Bon, on a un problème qui s'appelle le Code
criminel parce qu'il n'est pas appliqué
également. Il y a des articles dans le Code criminel, mais il y a des
directives justice qui disent : Bien, appliquez-les pas, ou
n'allons pas là, ou... Ça fait des zones d'ombre.
Législativement, au Québec, il y a des
choses qu'on peut faire. Au niveau municipal, il y a d'autres choses
qu'on peut faire. Je réalise que la
coordination... Vous faites un travail exceptionnel, mais on n'a pas encore
réussi à faire travailler tout ce monde-là, dans toutes les régions du Québec,
ensemble.
Vous
l'avez mentionné tantôt, tout le
monde va le challenger. Si vous êtes
trop durs sur le monde à Montréal, bien, ils
vont traverser le pont. Ils vont s'en venir à Laval, c'est plus «smooth»; ou
ils vont aller à Longueuil ou à Saint-Hubert, c'est encore plus «smooth»; puis, si c'est moins
«smooth», ils vont aller à Saint-Jean, ou ils vont aller au lac, ou ils vont
aller à Chicoutimi, ou ils pourraient même aller en Gaspésie, là. Tout le monde
est allé visiter la Gaspésie cet été.
Il y a-tu
des recommandations particulières? C'est la place, c'est le temps. Vous avez
une expertise unique, dans le sens
que vous avez une reconnaissance unique au Canada, présentement, d'être
le seul expert au Canada dans les différents corps de police. Donc, vous le voyez, ce qu'il
nous manque. Vous avez une opportunité extraordinaire, ce matin, de nous
le dire parce que...
Et
on a beaucoup parlé de législation, nous autres. Il va falloir
arrimer le municipal avec le provincial, puis, si le Code criminel ne suit pas pour toutes sortes de raisons politiques,
il y a peut-être des choses qu'on pourrait faire, de façon pénale,
au Québec, qui pourraient vous donner des outils pour
améliorer la situation. Parce
que vous avez beaucoup parlé des crimes contre la personne, mais, dès qu'on parle d'exploitation
sexuelle, là, on est dans les émotions. Et, contrairement à un meurtre, bon, il y a une victime, c'est
fini, alors que dès que vous enquêtez sur ce genre de crime là, là, c'est
l'après qui prend toutes les
ressources puis c'est l'après qui doit avoir tout un système pour prendre en
charge la victime : psychologue, travailleur social, etc.
Si
vous avez des suggestions à matin, je pense que c'est le bon temps. Vous en
avez sûrement à titre personnel, là, on l'a vu dans le mémoire, là,
mais, à titre personnel, de vos expériences de cour que vous avez vécues, c'est
en plein le bon temps, à matin, pour nous en parler.
M. Monchamp (Dominic) : Oui. Bien, effectivement, dans le
mémoire, on a pris soin... dans les deux mémoires, là, du service
de police de Montréal puis dans
l'équipe intégrée, c'est vraiment... on a pris beaucoup de temps, là, pour
formuler certaines recommandations et des besoins qui sont importants.
Les
ressources sont importantes, mais je pense que c'est important
de... Je suis heureux de vous entendre parler de législation municipale,
provinciale parce que je pense que la solution n'est pas que policière. On
parle beaucoup de décloisonnement aussi. Je
pense qu'il faut commencer à sortir de nos schèmes de pensée puis de travailler
ensemble de façon différente.
Nous, on a commencé à
le faire. On est une des seules unités ou des premières unités qui travaille à
la fois en prévention et en répression en
même temps. On a des coordonnatrices. On a un programme pour, justement, les
victimes qu'on ne peut pas atteindre ou qui
tomberaient entre les mailles du système, mais je pense qu'on pourrait aller
encore plus loin.
Est-ce que
qu'on ne pourrait pas avoir... ils sont dans notre bureau, on a des membres du
CAVAC également dans notre bureau. On
a des préventionnistes. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir... et
là je vous en fais part, je ne vous dis pas que c'est possible, que c'est la solution. Est-ce qu'on ne
pourrait pas avoir des membres du DPCP, un procureur qui travaille au sein même d'une équipe de bureau, qui ferait en
sorte peut-être de faciliter cette coordination-là, cette compréhension-là?
Est-ce que c'est applicable de le faire?
Mais moi, pour
travailler à l'équipe intégrée, je vois les bénéfices de travailler avec les
différentes organisations policières et de
partager sans compter et de tout donner. Quand on donne tout, on ne retient
rien. C'est comme ça qu'on arrive à des résultats exceptionnels.
Est-ce qu'au
niveau municipal on applique un peu les solutions que j'ai parlé, qui fait en
sorte qu'on peut réguler en même
temps le marché, les enquêtes criminelles, mais on met de la pression au niveau
du marché qui est présentement plus ou moins surveillé, qui a plus ou
moins de pression.
Et
qui envoie aussi un message de dire : On ne veut pas de ça chez nous, ce
n'est pas acceptable, on ne le tolérera pas. Et, sans juger d'autre façon de faire, on ne légitimera pas, à travers
une réglementation qui accepte que ça
se passe chez nous, ce genre d'établissement là, ce qui envoie un
message clair et qui est conséquent avec le message qu'on veut envoyer avec la
population.
Parce
que ce qu'on voit, c'est qu'on a parfois des messages contradictoires. On ne
veut pas d'exploitation sexuelle, mais
on va donner des permis à des établissements qui contribuent à l'achat de
services sexuels. Dans d'autres juridictions, je parle, pas ici. Alors, ça, c'est contradictoire. Ça fait que les gens
deviennent perdus dans le message qu'on veut envoyer. C'est inacceptable, ça fait des victimes. Alors,
c'est cette cohésion-là... il faut que ça soit... je cherche mon mot, je ne le trouve pas,
mais que ça soit... qu'il y ait une coordination, que ça soit conséquent.
• (10 h 20) •
Puis
on pourrait attribuer des ressources à ne plus en finir. Ça nous en prend plus,
définitivement. Si je compare à des
unités financées comme accès, comme les produits de la criminalité, nous, on
est en exploitation sexuelle, on doit gérer des êtres humains, on est des unités qui sont vraiment minimes, ça fait
que ça nous prend plus de ressources, mais ce n'est pas la solution de tout mettre les ressources au niveau
policier non plus. Ça nous prend des hébergements spécialisés, ce qui
n'existe pas au Québec présentement. Ça nous prend des professionnels.
Et
une coordination... un peu comme on l'a dit dans le mémoire, ce qui serait
aidant, c'est un guichet unique qui coordonne tous ces organismes-là et
qui éliminerait, entre guillemets, la compétition pour l'obtention de
subventions entre elles, pour les aider à
travailler ensemble plutôt qu'un contre l'autre puis pour dire : Moi, je
fais mieux ça que lui, je fais mieux
ça que l'autre, moi, j'ai ça... et qu'on travaille ensemble et de faire en
sorte qu'on met la victime au centre de nos préoccupations et non pas
l'obtention de la prochaine subvention.
Parce
qu'il y a des organismes, encore une fois, qui font un travail exceptionnel,
mais c'est très inégal. Les compétences,
l'expertise est très inégale un peu partout, et d'uniformiser, de rendre un peu
plus équilibrée cette expertise-là va
faire en sorte qu'on va avoir de meilleurs résultats sur le terrain et que les
victimes vont avoir un message conséquent aussi.
Mais je tiens à dire qu'on est complètement
ailleurs comparativement à 20 ans. Oui, la problématique est extrêmement présente, mais on a fait... par
rapport à quand j'ai commencé comme enquêteur, on a fait un bond de
géant dans la compréhension, dans la façon
que les victimes sont traitées, dans... Je veux dire, je ne suis pas découragé,
je suis loin d'être découragé. Si je
suis toujours là, c'est parce qu'il y a... je sens... on avance, là. Réellement, on avance, et ça va de mieux
en mieux, à tout le moins, dans ce qu'on fait.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Monchamp. Deux petites questions.
Le mandat de
cette commission était vraiment de se concentrer sur les mineurs, mais
évidemment pas mal tout le monde
qui est passé devant nous alternait entre les mineurs et les majeurs dans leurs
explications, puis on comprend que c'est le même univers, probablement
les mêmes proxénètes puis, bon, probablement les mêmes clients aussi.
Cela dit,
j'avais eu la compréhension... je retenais la compréhension des différents
témoignages qu'en ce qui a trait aux
salons de massage et aux bars de danseuses, on y retrouvait probablement beaucoup
moins de mineures qu'on pourrait le croire
par une espèce de crainte des propriétaires de ces établissements-là d'avoir,
en effet, la police qui pourrait débarquer.
Est-ce que vous pourriez me préciser, en effet,
si c'était, de votre expérience, le cas?
M. Monchamp
(Dominic) : Oui, c'est le
cas et... En fait, c'est une bonne opportunité pour moi de renchérir sur
les moyens législatifs et le contrôle, la
régulation du marché. Il y a une bonne raison pour laquelle on en retrouve
moins ou presque plus, c'est à cause de la
régulation du marché par l'application d'une loi provinciale, qui est la régie des
alcools et des jeux, qui fait en sorte que, si ces établissements-là se
retrouvent avec des mineurs dans leur établissement, ils vont perdre leur
permis.
C'est une pression, et vous voyez un impact
direct sur la régulation et le contrôle qu'on peut avoir dans ces établissements-là sans qu'il y ait une enquête criminelle et une autorégulation
pour s'autosurveiller pour que ça ne leur arrive pas. Ça fait que c'est un des impacts. Vous avez le volet
municipal, mais la RACJ a un impact et peut avoir un impact non
négligeable au niveau provincial.
Donc, oui,
c'est vrai et c'est encore plus vrai depuis que les plateformes d'Internet
existent. Ça permet aux trafiquants, aux proxénètes d'annoncer leurs victimes sans dire
qu'elles sont mineures. Il y a des codes qui font en sorte que quelqu'un qui se cherche une mineure va comprendre ces
codes-là, va en trouver de façon totalement anonyme dans des plateformes comme Airbnb, dans des appartements ou ailleurs,
et de faire en sorte qu'il y a de
moins en moins de ces mineures-là
dans des endroits où elles pourraient être
plus facilement détectées ou dépistées par les policiers ou
retrouvées par les policiers.
M. Leduc : Donc, la régie de l'alcool et des jeux, ça, je
comprends que ça s'applique pour les bars de danseuses, mais ça
s'applique aussi pour les salons de massage?
M. Monchamp (Dominic) : Aux
massages, c'est différent. Ça pourrait être au niveau municipal, mais cette législation-là
n'existe pas. Cette réglementation-là, je ne pense pas qu'elle existe. Mais effectivement, il y en a moins, pas pour les mêmes raisons, plutôt pour les raisons que je vous ai informé.
C'est qu'il y a de plus grands risques, en étant un lieu
physique, un pignon sur rue, pour eux, d'avoir des mineurs localisés.
M. Leduc : ...vous avez mentionné l'aspect difficile pour
une victime, bien sûr, de témoigner dans un procès de client et que ça peut être encore plus difficile s'il y a
plusieurs procès de plusieurs clients. Est-ce que
ça arrive souvent? Et comment on pourrait éviter ce genre de répétition
là?
M. Monchamp (Dominic) : Dans le
système actuel, ce n'est pas possible.
M. Leduc : Mais
est-ce que ça arrive souvent que la même victime, la même femme... pour
plusieurs clients distincts?
M. Monchamp
(Dominic) : En fait,
lorsqu'on fait affaire, par exemple, dans une organisation ou en matière
de gangs de rue, il n'est pas rare qu'on
peut avoir deux, trois accusés. Ça peut être un procès lorsqu'ils sont
coaccusés, mais ce que vous devez comprendre, c'est que deux, trois
accusés, c'est deux, trois avocats de la défense qui contre-interrogent cette victime-là. C'est déjà difficile pour un avocat, là, vous en avez deux, trois. Passer au
travers ce processus-là est extrêmement pénible. Ceci étant dit, toutes les victimes qui passent au travers
ressentent un «empowerment» et une satisfaction. Et il y a
des études d'ailleurs
là-dessus... disent que c'est ce qui a le plus contribué à faire en sorte de
tourner la page sur leur victimisation.
Alors, c'est
difficile une fois, mais de le multiplier... je ne crois pas que le bienfait de
se sortir de cette victimisation-là,
de témoigner dans plusieurs autres procès apporterait quelque chose. Je pense que, là, on tombe dans quelque chose de plus négatif,
mais ce n'est pas évitable, de par le système qu'on a présentement, où un témoin ou une victime doit témoigner
dans le procès de son accusé.
M. Leduc : Dernière rapide, rapide. Ce qu'on appelle la
prostitution de rue ou la prostitution de fin de mois, est-ce qu'on
retrouve beaucoup de mineurs là aussi ou c'est encore une fois plutôt des
majeurs?
M. Monchamp (Dominic) : Il y a beaucoup
moins de mineurs qu'il y a 20 ans sur la rue parce que la rue
procure moins un anonymat que les différentes plateformes.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Merci pour votre présentation. On aimerait beaucoup
vous avoir toute la journée et encore plus. On a tous travaillé très
fort à faire des recommandations.
Pour revenir sur les
salons de massage, cette idée, je pense que c'est vraiment une solution pour
s'attaquer à l'exploitation sexuelle des
mineurs, évidemment. Mais vous vous promenez au centre-ville de Montréal
et vous les voyez, les salons de
massage, puis on garantit la confidentialité, hein, c'est annoncé. Puis on se
promène avec ses enfants, quel que soit l'âge, puis j'ai toujours eu des
questions : Qu'est-ce que c'est, maman?
Et
donc on peut... Et notre mandat, c'est les mineurs. Mais plus globalement, vous
avez parlé de l'évolution de ce marché-là
dans les années 20 ou même l'achat de services sexuels, et c'est ça qui se
fait dans ces salons. Elle a peut-être 18 ans, elle a peut-être
19 ans. Donc, il va falloir quand même que le gros message soit toujours
ça.
Alors,
quand on arrive sur les salons de massage puis les possibilités qu'on peut
avoir pour contrôler par l'émission de
permis ou le retrait de permis, c'est pour les mineurs, mais le grand problème
demeure, est-ce que vous êtes d'accord, c'est-à-dire l'achat de services sexuels. Et j'imagine que la police
n'en fera pas une priorité parce qu'ils ont d'autres priorités... en fera une priorité. C'est ce qu'on a compris en
jasant un peu avec tout le monde. Et, quand on regarde les pratiques
ailleurs au Canada, on dirait qu'ils s'en
vont plus vers ça, c'est-à-dire contrôler le mieux possible, mais ils ne
pourront pas appliquer la loi telle
qu'elle est écrite dans le Code criminel parce qu'ils n'ont pas les ressources pour faire ça, et puis que ça
pourrait l'amener underground, puis... Et
c'est un peu ça la réflexion. Je voulais juste valider, parce qu'on n'est pas
policier, mais on s'imaginait que, bon, à choisir, ce serait pire qu'on
l'envoie underground, comme on dit.
• (10 h 30) •
M. Monchamp (Dominic) :
Bien, en fait, ce n'est pas une question de volonté, c'est une question de
capacité. Comme je vous exposais, là, les
priorités en fonction des ressources et de la gravité à laquelle on est
confrontés, on doit faire des choix.
Si je parle du territoire de Montréal, il y a plusieurs années, on était à
300 salons de massage érotique. Fermer, au niveau criminel, 300 salons de massage érotique, ça représente
des années, et des années, et des années de travail. C'est pour ça que je crois qu'une multiplication des
moyens et des intervenants pour arriver à cet objectif-là est peut-être
une meilleure solution.
Il y a des
municipalités qui légifèrent et qui n'acceptent pas d'avoir de bar sur leur
territoire. Pourquoi les municipalités ne
pourraient pas légiférer et ne pas avoir de salon de massage érotique sur leur
territoire? Et je comprends ceux qui
peuvent dire que c'est une façon de reconnaître, de savoir où se retrouvent ces
victimes-là et de les localiser, mais c'est comme un... pour moi, c'est
comme parler des deux côtés de la bouche, on le tolère, on l'accepte, mais on
va envoyer le message que ce n'est pas acceptable. Il faut se peinturer d'un
côté.
Et,
si on ne le tolère pas, oui, il va y avoir un déplacement, mais c'est au
travail de la police de les trouver et de travailler avec les différents intervenants, parce que, s'ils se
déplacent dans des appartements, s'ils se déplacent dans des hôtels, ça ne nous empêchera pas d'appliquer la
réglementation municipale, par exemple, et d'aller les chercher, si ce n'est
pas au criminel, de par les différents
outils qui pourraient être à la disposition. Et la nature même de ces
services-là doit être annoncée. Donc,
s'ils ne sont pas annoncés, les clients ne peuvent pas trouver leur clientèle.
C'est une marchandise qu'on vend. Alors, de dire qu'on ne les trouvera
pas...
Mme Weil :
J'ai une petite question. Sur le terrain, les différents corps policiers et la
GRC qui est aussi beaucoup dans la
traite des personnes, donc la traite des mineurs, comment vous travaillez, si
vous êtes capable de m'en parler, mais avec
les différents corps policiers, mais particulièrement avec la GRC? Et j'imagine
que, dans beaucoup de vos cas, ce qui est
exploitation sexuelle des mineurs et qui touche la traite, souvent, ça peut être
ça, hein, ces filles qui sont transportées un peu à travers le Canada. Juste m'expliquer un peu comment ça fonctionne, la collaboration ou les terrains que vous pouvez, comment dire, couvrir en même
temps, parce que... à cause de la nature de ce crime.
M. Monchamp (Dominic) : En fait, c'est un crime qui est sans frontières.
Nous collaborons sur une base quotidienne avec tous les corps policiers du pays. Dans pratiquement chaque
juridiction du pays, il y a des unités qui se concentrent sur la traite
de personnes, sur l'exploitation sexuelle. Donc, on n'a pas le choix parce que
c'est sans frontières, alors, une collaboration
pour déterminer qui va porter des accusations. On collabore encore cette année.
On a fait une enquête conjointe avec
la police de York en Ontario, et on a arrêté plusieurs individus sur notre
territoire, et les accusations ont été portées en Ontario.
L'inverse
est aussi vrai. Nos enquêteurs ont à voyager à travers le pays pour rapatrier
des accusés qui sont arrêtés à travers
le pays. Au sein de l'équipe intégrée, vous avez des policiers de Laval,
Longueuil, de la Sûreté du Québec, de la GRC de Montréal. Donc, ce sont tous des individus qui ont des racines
dans des organisations policières différentes et qui font en sorte qu'on
a des ressources partout à travers ces services de police là. C'est extrêmement
facilitant.
Nous
aimerions avoir un peu l'équivalent au niveau du DPCP, un procureur
coordonnateur qui pourrait faire le même travail au niveau des
procureurs et puis faire ce travail-là au niveau des juridictions, ce qui
devient un peu plus complexe de notre côté
lorsqu'on a affaire à des juridictions... ou au dépôt d'accusations dans des
juridictions différentes, où l'expertise
ou les connaissances sont différentes. Et là ça devient un peu plus difficile
pour nous, comme policiers, d'avoir ce rôle-là de coordination au niveau
des procureurs.
Mme Weil :
Merci beaucoup, M. Monchamp. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Bonjour. Merci
beaucoup pour votre exposé. En fait, j'ai deux questions.
Vous avez
touché sur quelque chose qui va être important, je pense, pour nous, dans la
sensibilisation. Vous avez dit que,
suite aux nombreuses opérations clients qui a déjà eu lieu, que les clients
demandent d'emblée si elles sont indépendantes puis demandent l'âge. J'y vois ainsi, si on... J'y vois un peu d'espoir,
là, si les clients sont rendus à poser cette question-là. Puis là il faut faire attention parce que, d'un
bord, on veut justement dire que ce n'est pas acceptable. D'un autre côté,
s'il va y en avoir, on préfère que ça soit comme ça.
Donc, j'aimerais ça peut-être que vous continuez
à m'expliquer un petit peu comment vous voyez ça, ce phénomène-là. Est-ce que c'est répandu? Est-ce qu'il y a quelque chose à
faire pour encourager ce genre de
comportement là sans banaliser? Je comprends qu'on ne veut pas aller là, mais
ça m'a tiqué un petit peu, je serais curieux de vous entendre davantage
là-dessus.
M. Monchamp
(Dominic) : Je pense que ce phénomène-là n'est pas différent de ce à quoi la police est
confrontée à tous les jours. Même si socialement, aujourd'hui, l'alcool au volant n'est pas accepté, on ne l'a
pas enrayé. Mais c'est devenu socialement inacceptable, ce qui fait en
sorte que les gens, lorsqu'ils voient une personne en état d'ébriété, vont communiquer avec la police, ils vont appeler, ils
vont se mobiliser, ils vont dire que c'est inacceptable, ils vont dire
dans un party : Non, tu ne prends pas le volant, tu me donnes tes clés. Je
pense que c'est vers là qu'on doit tendre.
Ce que je disais... je ne pense pas qu'on va
enrayer l'exploitation sexuelle, je ne pense pas qu'on va enrayer la prostitution. Si la solution existait, au niveau
mondial, il y aurait un pays qui l'aurait mis en application, et ce n'est pas
le cas. On doit travailler à faire en sorte
que celles qui choisissent de faire ça puissent le faire de la façon la plus
sécuritaire possible, ceux qui
choisissent ou qui n'ont pas le choix de le faire par besoin puissent le faire
de la façon la plus sécurité possible. C'est ce vers quoi je crois qu'on doit tendre. Et on doit, le plus possible,
tendre à l'élimination de l'exploitation sexuelle, de faciliter le
recrutement en contrebalançant la désensibilisation puis la normalisation de la
prostitution.
Et ça, ça va
se faire à travers, je crois, l'éducation, la sensibilisation, un peu
comme on l'a fait en matière d'alcool au
volant et de violence conjugale qui était, il y a plusieurs années, considérée
comme des situations privées. Aujourd'hui, c'est totalement
inacceptable. Mais, si on recule, là, à pas si longtemps, les policiers, dans
un conflit conjugal, ne s'immisçaient même
pas parce que c'était considéré comme un conflit privé. Aujourd'hui, c'est impensable de penser de cette façon-là. J'espère qu'on peut agir pour que ça devienne impensable pour quelqu'un
d'acheter un service sexuel. Puis pour arriver
à ça, il faut que le message communautaire de notre société
tende vers ça. C'est ce que je pense qui va faire en sorte qu'on va minimiser de plus en plus ou atténuer ce
phénomène-là. Ce qui n'est pas nécessairement le cas présentement
à cause un peu des messages contradictoires qui sont envoyés.
• (10 h 40) •
M. Skeete : Je retiens votre... Je pense
qu'on a une obligation, à tous les paliers, d'arrêter de parler des deux
côtés de la bouche. Je le retiens et je vais m'en souvenir.
Dernière question pour moi. Vous avez parlé du
fait que tout le monde est conscient que le niveau de formation requis pour aider les victimes, pour traiter les
dossiers, pour connaître la matière de fond en comble puis là, après ça,
les gens, ils quittent après. Dès qu'ils
deviennent fonctionnels, vous perdez ces ressources. J'aimerais comprendre davantage pourquoi les gens quittent. C'est-u le niveau de difficulté émotionnelle?
Est-ce qu'on pourrait vous aider en vous donnant plus de support psychologique
ou des grilles de recrutement qui sont plus adaptées à la réalité? Il est où,
le problème? Parce que je trouve ça
désolant, là. On a besoin de plus de personnes qui restent plus longtemps.
Donc, comment qu'on fait pour enrayer ça?
M. Monchamp
(Dominic) : Deux réalités
différentes. Le Service de police de Montréal, ça fait 15 ou 17 ans,
je ne me souviens plus, que je suis
superviseur d'équipe. Les seules gens qui quittent mon unité sont ceux qui
quittent pour la retraite ou pour des
promotions. Stabilité extrême qui est peu commune. Support psychologique, nos
enquêteurs sont suivis. C'est des gens
qui sont sélectionnés, ils savent dans quoi ils s'engagent, c'est extrêmement
difficile. Puis il y a un support inconditionnel, une valorisation de ce
qu'ils font. La recette fonctionne, et ça va très bien.
Au niveau de
l'équipe intégrée, on est plus confrontés à des termes et des contrats qui font
en sorte que, dans les prêts de
services, on est confrontés à ce type de programme là. Alors, ce qui serait
aidant, c'est de faire en sorte que les prêts au niveau de l'équipe intégrée comme la nôtre, qui nécessite une
expertise à long terme, soient conséquents avec cette réalité-là. Et je crois que si on applique les
mêmes mesures de recrutement et la même façon de traiter, ce qui est le
cas présentement à l'équipe intégrée... a
mis les termes qui sont à ces contrats-là, on va avoir la même rétention de
personnel parce que présentement l'équipe
que je coordonne, les enquêteurs, la plupart sont là, puis ils veulent demeurer
à long terme parce qu'ils sont extrêmement valorisés par ce qu'ils font
puis parce qu'il y a un suivi psychologique adapté.
Je dois en
profiter pour vous en parler. Je m'en voudrais d'oublier que la même chose doit
s'appliquer pour les différents
acteurs, comme les membres du CAVAC, qui, eux aussi, ont la même pression, la
même difficulté, parce que ce à quoi
les enquêteurs étaient confrontés avant dans le support des victimes, mais qui
est maintenant occupé par le CAVAC, c'est
extrêmement difficile. Alors, il doit y avoir des ressources et un support pour qu'on ne perde pas ces ressources-là
à long terme parce que ça, ça impacte directement les chances de succès et le
suivi aux victimes, et il y a un grand besoin à ce niveau-là, au niveau du
CAVAC.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Vimont.
M. Rousselle :
Merci. Merci d'être ici. Vous avez parlé de normalisation, puis je pense qu'on
est tous d'accord, ici, là,
que la normalisation, on veut casser ça, mais vraiment, parce que ça n'a
aucun sens, surtout qu'ici on parle de mineurs, en plus. Ça n'a pas
d'allure avec les majeurs, mais encore plus avec les mineurs, on s'entend.
Je regarde, justement, puis j'écoutais, puis j'ai pris beaucoup de notes : choix, capacité, les enquêteurs
qui... ça prend longtemps, ça prend du temps, les former, puis la mouvance
de personnel que vous venez de parler, justement. Pensez-vous... Puis je comprends que vous avez une grosse charge, là, comprenez-vous,
là, je comprends parce que... puis je comprends aussi qu'il vous manque de ressources parce que si on veut vous en demander plus,
bien, ça vous prend de la ressource. Puis si
on veut vraiment donner un coup de barre, justement,
complètement, à la normalisation, bien, je pense qu'il faut
donner un coup. Puis tout à l'heure j'écoutais ma collègue, elle parlait de régions, pensez-vous que si on
pourrait, partout dans le Québec, avoir
des équipes intégrées par région... je sais que les corps de police participent, je
comprends ça, là, mais s'il y avait des équipes intégrées par région, avec
une coordination incroyable parce que, là, ça prend une coordination, parce que
sans coordination, vous l'avez même dit tantôt,
là, sans coordination, on ne va pas loin avec ça... Et puis aussi appuyées
justement par tout qu'est-ce qu'on parle de... procureur
coordonnateur, mais aussi par la recherche, parce que vous l'avez
mentionné tantôt, là, tous les côtés
informatiques, toutes les applications de ce monde, justement, n'aidant pas,
là... Donc, si vous aviez les ressources nécessaires aussi sur ce
côté-là, pensez-vous que ça serait aidant pour donner un bon coup de barre?
M. Monchamp
(Dominic) : Oui,
définitivement. Et ça poursuivrait la dispersion ou la communication de
l'expertise, la diffusion de l'expertise au niveau provincial parce que les
policiers qui vont être impliqués dans ces équipes-là vont ultimement retourner dans leur unité et pouvoir
être agents multiplicateurs au sein de leurs propres unités. Alors, ça, c'est
important. Et dans les recommandations qui
ont été faites dans les mémoires, on parle de différents pôles à renforcir
au niveau de l'équipe intégrée, qui
pourraient faire en sorte qu'on aurait plus d'efficacité et de robustesse dans
les différentes régions.
Je ne crois
pas que c'est nécessaire d'en avoir dans toutes les régions, puisque la Sûreté
du Québec est aussi présente et a des
équipes qui peuvent assumer les enquêtes lorsqu'elles se présentent, mais
lorsqu'on tombe dans des régions comme Montréal,
Québec, Gatineau, où là on tombe dans un volume d'enquêtes qui est considérable, je crois que oui, là, ça
sera extrêmement important d'avoir des
équipes plus robustes, qui vont faire en sorte d'avoir plus d'enquêteurs qui
prennent charge de plus de dossiers, et de multiplier l'expertise et
rayonner, là, dans ces régions-là un peu plus loin.
M. Rousselle : Juste une petite question, au niveau... J'ai bien
entendu, là, que vous faites des choix, effectivement, hein? On fait qu'est-ce qu'on peut avec qu'est-ce
qu'on a, là, donc ça, j'ai bien compris puis vous faites un travail
vraiment exceptionnel, là. Mais, moi, c'est pour ça que j'amenais le dossier au
niveau régional parce que je comprends que les proxénètes de ce monde, je veux dire, ils vont essayer d'aller dans des
endroits où c'est peut-être moins surveillé. Et je sais que le plus gros lot est à Montréal,
là, on le sait, là. Donc, vous dites que ça serait une bonne idée, donc, avoir
des... parce qu'on parle toujours aussi... parce
qu'on ne touche pas vraiment le client abuseur, puis nous autres, on... en tout
cas, moi, je sais bien dans ma tête,
là, client abuseur, si on ne l'attaque pas à un moment donné, ça va perdurer
puis, à un moment donné, c'est le
message qu'on envoie à la population, comme quoi que c'est fini, là, le client
abuseur, là, on n'en veut plus non plus, comprenez-vous?
M. Monchamp
(Dominic) : Oui, mais je
dois vous... je tiens à vous réitérer qu'il y a eu des opérations dans
plusieurs régions du Québec. Il y en a eu à
Drummondville, il y en a eu à Québec, il y en a eu au Saguenay, il y en a eu à
Sherbrooke. Donc, ce sont autant
d'opérations, autant d'unités qui sont formées et qui vont pouvoir répéter ces
opérations-là. Et, au fil des années, au fur et à mesure qu'on est en
mesure d'appliquer ces priorités-là, on les répand à travers la province et ça
va être des effets multiplicateurs.
Donc, toutes ces unités-là qui sont formées
deviennent indépendantes et autonomes et vont pouvoir répéter ces opérations-là, donc il va y en avoir de plus en
plus. Et sans aller dans les détails puisque c'est une commission publique,
vous devez savoir que la nature même de ce
marché-là fait en sorte qu'on doit s'adapter et être constamment en train de se
remettre en question et d'adapter nos techniques d'enquête.
Alors, ce
qu'on fait présentement ne reflète pas nécessairement ce qu'on va faire dans
six mois, et il y a probablement des
choses qui vont venir qui vont faire en sorte qu'on va répondre à d'autres
besoins ou qu'on va répondre à des choses qui ne le sont pas présentement parce qu'on n'a pas eu la capacité
jusqu'à maintenant ou parce que nos méthodes étaient efficaces jusqu'à
maintenant, mais que, présentement, le marché est en train de s'adapter. Alors,
on va arriver avec quelque chose d'autre.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
...la présentation, vous avez justement
parlé que le phénomène de la sextorsion était en hausse, que ça pouvait
être utile à la preuve, mais que ça prenait énormément de temps d'analyse. Je
me demandais s'il y avait une difficulté au niveau de la collaboration des
géants du Web, notamment au niveau, là, des délais.
M. Monchamp
(Dominic) : Ce n'est pas
tant au niveau des géants du Web, la problématique. En fait, la plupart collaborent très bien. La problématique, c'est au
niveau des autorisations judiciaires requises pour avoir les données de
ces géants du Web là. Parce qu'encore une
fois, pour revenir à ce que je vous disais, ce qui serait utile, c'est la
notion de lieu virtuel, puis ce n'est
pas le cas présentement, ce qui fait en sorte qu'on doit faire des mandats
d'entraide internationale pour obtenir
des données lorsqu'elles ne sont pas hébergées sur notre territoire, et ça, ça
prend un temps énorme pour obtenir ça. Dans certains cas, on obtient
l'information, et notre cause est terminée.
Ça fait que c'est ça, l'enjeu
principal. Ce n'est pas tant les géants du Web — vous avez leur collaboration — que l'état du droit et les outils à notre
disponibilité pour obtenir ces informations-là, qui ne sont pas adaptés à la
réalité 2020.
Mme Fournier :
Donc, d'avoir la juridiction sur les fameux lieux virtuels réduirait
considérablement le temps d'analyse de ce genre de preuve.
• (10 h 50) •
M. Monchamp (Dominic) : Tout à fait, mais qui est de juridiction du Code
criminel. J'aimerais vous faire part d'un
exemple rapide juste pour vous donner une idée de l'analyse qui est requise. On
parle de téléphone cellulaire, mais parfois on peut parler d'une caméra.
On
a eu un dossier, vraiment rapidement, où une mineure a été placée dans un hôtel
avec une plateforme d'annonces sur
Internet, puis les enquêteurs font des scènes, rencontrent des témoins. On a
récupéré les caméras pour le moment où elle a été placée là. Bien, pour
analyser 36 heures de caméra, ça prend un temps fou aux enquêteurs. Ça
prend quatre jours, cinq jours. Ça a pris
quatre ou cinq jours à l'analyse de ça, et c'est extrêmement important. Ce que
ça nous a permis de voir, c'est que cette jeune fille là, en
36 heures, a reçu 33 clients, puis, ça, on l'a sur caméra.
Mais
il y a le témoignage de la victime. Elle, elle va témoigner et, souvent, elle
va témoigner bien en deçà de la réalité à cause de la désensibilisation, à cause de la perte de contact avec le
temps, la réalité, la victimisation, le post-traumatique, et tout ce qui en suit, en sa réalité. Alors, c'est
pour ça que ce travail d'analyse là est hyperimportant, si on veut appuyer
ces victimes-là, lors de leurs témoignages,
puis leur rendre leur crédibilité qui leur est due, mais ça prend du temps avec ces moyens
technologiques là. On ne peut pas, quand il y a 33 clients qui se
présentent, faire jouer 36 heures très, très rapidement, parce qu'il faut identifier, il faut s'assurer... il
faut que je sois en mesure de dire pourquoi, lui, c'est un client puis ce n'est
pas le livreur de pizza. Mais ça, ça prend
du temps, et c'est la réalité de nos enquêtes présentement. Et c'est avec ce
genre d'analyse là et de produit là qu'on réussi à avoir un taux de
condamnation comme on a présentement, qui est au-delà de 90 %.
Le Président
(M. Lafrenière) : En rafale, députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Tout à l'heure, vous avez parlé de
l'acceptabilité sociale de l'exploitation sexuelle, que tant qu'on ne rendrait pas cette pratique-là, dans la tête des
gens, comme inacceptable, ce serait bien difficile de l'enrayer. Donc, on
en vient à une campagne sociétale vaste dont
vous avez parlé tout à l'heure. Selon vous, selon l'expérience que vous avez,
la vaste expérience que vous avez dans le domaine, on devrait faire quoi
comme campagne, quel public on cible plus, moins, les plateformes utilisées,
etc.?
M. Monchamp (Dominic) : Je ne peux pas répondre à ça. Ce n'est pas... Je
ne pense pas que je suis la meilleure personne pour vous répondre à ça.
Ce n'est pas ma spécialisation. Je pense qu'il y a des gens qui sont... qui,
s'ils nous consultent, vont trouver les bonnes plateformes, le public cible.
Je
sais qu'il faut être prudents. On ne doit pas... Comme lorsqu'on a implanté le
programme des Survivantes, on a pris
deux ans pour le préparer. On a consulté des experts, on a consulté des
chercheurs pour justement ne pas avoir un effet contraire parce que c'est ce qui peut être dangereux dans la
sensibilisation à grande échelle. Alors, il faut être extrêmement prudents.
Alors, au niveau des Survivantes, par exemple, celles qui participent ne feront
pas de participation dans les écoles, justement pour ne pas avoir un
effet... On s'est fait dire que ça pouvait avoir un effet contraire, et qu'il y
en a qui pourraient percevoir que si elle, elle s'en est sorti, moi, je peux
m'en sortir.
Alors,
tout ça doit être finement analysé, prendre son temps pour justement atteindre
le bon public cible, les objectifs qui
sont fixés, puis d'avoir le bon produit ultimement. Mais je pense que vous
avez... je regarde, là, les produits de la Société de l'assurance
automobile, et ce genre de produits là, vous avez les bonnes personnes pour
faire ce travail-là.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Il nous reste trois questions
en six minutes. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M. le président. Vous avez parlé, tout à
l'heure, de l'importance des campagnes de publicité. Or, on nous a parlé aussi des moments de l'année,
comme par exemple, durant la période de la course de la formule 1, par
exemple. Est-ce que vous avez identifié
d'autres moments de l'année où, par exemple, dans le cadre d'une campagne
de publicité, il faudrait peut-être
mettre le... accentuer davantage? Est-ce
qu'il y a d'autres moments de l'année à part de cette période-là, qui a été clairement identifiée, que vous, vous avez pensé que c'est un moment où
il faut accélérer davantage?
M. Monchamp (Dominic) : Oui, il y a ces grands événements-là
mais où la publicité existe amplement, là, déjà. Vraiment, on le sent, là, dans
les médias, c'est extrêmement présent. Mais je pense que ce qu'il faut envoyer
comme message, c'est que c'est une
problématique qui est quotidienne à longueur d'année, et ça, je pense que c'est
important que les gens le comprennent
et qu'ils comprennent... et de ne pas risquer... en voulant mettre l'emphase, justement,
sur des événements que les gens
croient que c'est vraiment juste simplement une problématique en lien avec des événements
de grande envergure, ce qui n'est vraiment
pas le cas. Alors, je pense qu'on doit vraiment viser plutôt quelque chose de permanent à long
terme sur une problématique qui est quotidienne.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Le député de Chomedey.
M. Ouellette :
Est-ce que la pandémie a changé quelque chose ou ça va changer quelque chose?
M. Monchamp
(Dominic) : La pandémie...
En fait, je vais répondre de plusieurs façons face à la pandémie. La pandémie a changé certaines choses. Je vais
commencer en vous disant que nos chiffres par rapport à l'année dernière
sont pratiquement exactement les mêmes au niveau des arrestations et des mises
en accusation.
Les premières
semaines, on a senti une contraction du marché, c'est-à-dire une demande
marquée qui a diminué de façon
marquée. La demande et les sondages qui ont été faits au niveau des différentes
victimes nous ont confirmé ça, nous ont
dit que la demande était moindre. Ça a eu un impact sur le prix. Il y a eu des
demandes à la baisse sur les services pour cette raison-là. Il y a eu une augmentation des demandes sur les relations non protégées,
puisque les... devant moins de demandes,
ceux qui avaient à le faire par besoin ou par exploitation devaient ramener les
mêmes montants, ont été exposés à ce genre de négociation là. C'est ce
qui nous a été rapporté.
Il y a eu un phénomène sur l'offre de services sexuels
virtuels qui s'est multipliée et qui je crois va demeurer sur différentes plateformes. Ça fait que ça, ça
existait, mais il y a eu une prolifération de ce phénomène-là, c'est-à-dire que les trafiquants ou différents exploiteurs ont demandé
à leurs victimes de poursuivre, et ça a amené des rentrées d'argent ou une diversification des
rentrées d'argent pour ces individus-là.
Il y a eu une
augmentation du stress pour les victimes due à la suspension de plusieurs
causes à la cour. Déjà, c'est extrêmement stressant, mais le
report de ces causes-là a entraîné un stress énorme pour les victimes avec
lesquelles nous avions des causes en cour.
Il y a
eu une demande accrue pour l'offre de
services dans les plateformes comme
Airbnb et les résidences privées en
raison de fermeture de certains hôtels et certains autres endroits comme les
salons de massage, et évidemment le stress associé à devoir continuer de se
prostituer en temps de pandémie et les risques que ça constitue.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup au député de Chomedey, vous avez lu dans
mes pensées. L'élément qui nous manquait, c'était la COVID.
M. Monchamp,
je veux vous remercier pour votre contribution aux travaux de la commission.
Avant de suspendre, vous êtes
accompagné du commandant Dominique Côté, qu'on a déjà entendu dans cette même commission.
Alors, je vais me permettre de faire
ce commentaire suivant, avec des gens de la commission
qui sont ici, je veux vous remercier pour votre travail. Lors d'un programme d'échange avec les Américains, j'ai rencontré beaucoup
de collègues policiers américains et canadiens. Votre nom est revenu à plusieurs
reprises. Félicitations pour votre travail! Merci d'être là. Et remerciez
votre équipe aussi. Merci beaucoup.
Je suspends les travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
(Reprise à 11 h 11)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue à
M. Paul Laurier, président de Vigiteck.
Je vous rappelle, M. Laurier, que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, et par la suite on va
procéder à une période d'échange avec les députés, pour une période de 35 minutes,
avec toutes les membres de la commission. Alors, M. Laurier, merci
beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
M. Paul
Laurier
M. Laurier
(Paul) : Bonjour, tout le
monde. Merci de m'inviter. C'est vraiment un honneur pour moi. C'est
vraiment un décorum... je ne suis pas
habitué, tu sais, je n'ai pas de cravate, je n'ai pas de veston, je suis assis
dans un laboratoire. Pour ceux qui ne
me connaissent pas, je suis un ancien de la Sûreté du Québec. J'ai
maintenant... vous le voyez dans le document que je vous ai laissé. Dans le fond, on m'a posé des questions, j'ai été
appelé à répondre à certaines questions, et, dans le document que j'ai pondu, vous avez des réponses à
certaines questions. J'ai amené une présentation, mais évidemment je
n'aurai pas le temps de tout couvrir.
Le message
qu'il est important de comprendre, je pense qu'il est au niveau de la détection
puis des jeunes filles qui sont sur
le Web. Moi, ce qui m'attriste... J'ai commencé à regarder avec mon ancien
partenaire, en fait, qui est encore mon partenaire d'affaires, qui est Michel Carlos, qui est l'ancien directeur
des fraudes à la Sûreté du Québec, et il y avait Line Pineau,
qui travaillait avec moi au terrorisme. On avait une boîte d'enquêtes, et au
moment où il y avait des fugues, à Laval, on a commencé. On avait un kiosque, à l'Association des directeurs de
police du Québec, on avait un kiosque puis on a fait une étude assez
rapide. On a regardé sur le Web, on a lancé des outils. On a regardé ce qui se
passait sur le Web puis là on s'est
dit : Wow! On a fait : Wow! on a un problème. Et, à cette époque-là,
il faut comprendre que le Web n'est pas ce qu'il est aujourd'hui. La
puissance de calcul est vraiment beaucoup plus grande, beaucoup plus
accessible, beaucoup plus d'objets connectés.
Mais, au fur
et à mesure des années, on a été demandés par les médias, on a été demandés par
des partenaires qui sont venus
témoigner devant vous, dont... On a des sceaux de confidentialité, on a
travaillé, on est allés chercher des réponses, on est allés... on a vraiment creusé loin. Mais ce
qu'il est important de comprendre, c'est que si vous regardez les données
que vous avez présentement sur le Web, bien, elles sont toujours constantes.
Le Grand Prix
de 2019, hein, on va parler de Grand Prix, ils sont venus ici, et c'est le fun,
c'est un événement le fun, c'est
payant, sauf que, c'est payant, ça brise des victimes. Si vous regardez
l'image, il y a beaucoup de petites filles qui sont brisées, beaucoup, beaucoup, beaucoup de petites filles. Parce que
c'est un attrait touristique qui est mondial, il y a des gens qui viennent de
partout, et le tourisme sexuel s'importe aussi de partout, hein? Si vous
allez... Monaco, ils ont le même problème
qu'ici. Tu sais, ces Grands Prix là, c'est des machines à briser des petites
filles. C'est des machines de course, mais c'est des machines à briser.
Je ne veux
pas m'étendre sur le Grand Prix. Ce que je veux qu'on retienne : 2018,
avant le G7, quadruple d'offres sexuelles.
On quadruplait. Donc, c'était, oui, Montréal, mais le G7 amenait à Québec,
statistiquement, autant d'annonces. D'ailleurs,
Québec, si vous regardez, je vais sauter... si vous regardez dans votre
document, cette diapositive-là, statistiquement, Québec est toujours hors statistiques, a toujours le double d'offres
sexuelles par rapport à sa population québécoise. C'est toujours là,
c'est toujours constant, depuis 2016 qu'on analyse.
Et comment,
maintenant, le mandat, votre mandat... Quand, moi, je regarde ça, quels outils
technologiques qu'on fait, qu'on
prend pour aller chercher les jeunes filles? Parce que la prostitution, il va
toujours y en avoir, on s'entend. Mais moi, j'ai toujours la prémisse de dire : Il y a entre 20 % et
40 %... Très conservateur. On dit toujours que, les filles, il y a
20 % qui font ce métier-là — guillemets, «métier» — on les amène là de force, c'est des esclaves
sexuelles, entre 14, 15, 16, 17, 18,
19 ans, hein? Vous allez le voir, le Web, puis, quand on scrute le Web, on
analyse les données, il y a peut-être des centaines et des centaines de sites Web qui sont là. Mais le
Web... Maintenant, ça s'appelle le «far Web», hein? Vous avez aussi,
dans votre document, je vous ai parlé du
«deep Web», je vous ai donné l'architecture du Web, c'est le Web de surface et
le Web politique, que moi,
j'appelle... où se passe la cyberguerre, où il y a des choses pas très catholiques qui se passent, où des
nations s'attaquent par le Web.
On peut
penser que la prostitution et la vente de jeunes filles mineures va se faire
dans le «deep Web». Détrompez-vous.
Google le fait. Si vous prenez vos fureteurs, prenez vos téléphones, tapez le
mot avec le mot «escorte», probablement que les 15 premières pages qui vont vous apparaître, c'est des
sites d'escortes, puis ça va être des adresses ici autour de Québec.
On va vous pointer directement parce que vous avez des cookies, parce que vous
avez des... vos téléphones sont plus ou
moins ouverts, vous avez vos Facebook.
Puis, si vous faites ça, vous allez avoir des annonces qui vont vous suivre
pendant quelques jours. C'est la réalité maintenant du «far Web».
Comment on
les détecte? Comment on les trouve? Puis, il n'y a pas de secret, c'est une
fille à la fois, il faut les détecter.
Il n'y a pas personne, il n'y a pas un pimp qui est assez imbécile pour
dire : Moi, je vais vendre une petite fille de 14 ans. On l'a
vu, j'ai vu, avec des participantes, la fille, vous mettez une annonce, demain
matin, je vous dis... on met l'annonce, là,
d'ici à peu près deux heures, vous allez avoir le téléphone. Puis il y a un
client qui va vous appeler, peut-être pas en temps de pandémie... Parce
que, dans une des questions, on me demandait : Qu'est-ce qui est arrivé
avec la pandémie? Bien, la pandémie a
affecté, a baissé énormément le niveau. Moi, je disais : Yes! C'est un des
bons côtés de la pandémie. J'étais
très heureux. Quand on a pas de Grand Prix : Yé! Je suis à peu près le
seul au Québec qui a fait ça, mais qu'est-ce que vous voulez, c'est ma
nature.
Mais il y a
des moyens technologiques qui existent. Puis j'écoutais M. Monchamp tantôt
parler. Intéressant. Et la réalité,
elle est là. On n'a pas les ressources, on n'a pas toutes les ressources, on
n'a pas toutes les technologies. Les détecter, ces filles-là, ça se fait, il y a des moyens de les détecter. Maintenant,
les pimps commencent à utiliser des «dolls», hein, des «dolls», des
fausses poupées. On commence à utiliser des mots, des mots-clés. Il y avait des
mots-clés, il y a des mots qui sont là.
Dans le
portrait qu'il y a à toutes ces années, de ces annonces, il y a toujours
50 % qui sont dédiées à du crime organisé, bars... Si vous essayez de partir un salon de massage demain matin à
Montréal, dans Hochelaga-Maisonneuve, vous risquez d'avoir de la visite pour votre protection. On va
vous demander... il y a des gens qui vont venir vous voir. Vous ne
partez pas ça, on s'entend... Moi, j'appelle ça : section crime organisé,
danseuses, régie... Si vous êtes dans un bar de danseuses, il y a des contacts, moi, ce n'est pas ça que je
regarde. Ce que je regarde, c'est que, mathématiquement, l'autre 49 %,
il y a des filles qui vont se dire
indépendantes puis il y a à peu près 40 %, 45 % des filles, on va
appeler ça, mathématiquement, des cliques,
au niveau de la théorie des graphes. Je vous en parle dans le document. Ce que
ça veut dire, c'est que c'est un pimp qui
contrôle un, deux, trois ou quatre filles. C'est ceux-là que vous allez avoir
des annonces à 16 qui vont être annoncées 18 ans, 19 ans, des filles très jeunes. Les mots «jeune» vont
être utilisés. Et puis, les images, vous ne verrez jamais les jeunes
filles, mais vous pouvez détecter que le corps est probablement le corps d'une
très jeune fille.
Comment on
les détecte? Bien... puis là on tombe dans les recommandations parce que
le temps va rapidement. Moi, je
vous dirais qu'il faut absolument créer un... moi, j'appelle ça un OSBL. Pourquoi
j'appelle ça un OSBL? Un peu à la méthode
Janet Reno, quand les tueurs de masse sont arrivés aux États-Unis.
Mme Reno, qui était procureure générale aux États-Unis, avait dit, après
Columbine, là... elle a rentré tout ce qui était «ogue», qui était disponible
aux États-Unis, on a mis ça dans une pièce : On va le régler, le
problème. Il faut régler ce problème-là. Ça n'a aucun bon sens. On brise des
vies. Vous le savez, vous l'avez entendu, je ne vous le répéterai pas.
Les suicides,
ce n'est pas juste dans les documentaires. J'ai aidé des mères de famille, je
ne vous conte pas comment c'était
dramatique. C'est des choses qui arrivent à tous les jours. Il faut agir. Moi,
je vous dis, il faut agir. Il y a des moyens technologiques, l'intelligence artificielle, les données. Pourquoi on
n'accuse pas les clients? Pourquoi les... Bien, ça, c'est des données qui sont probablement dans le... Pourquoi
les policiers travaillent différemment... c'est-à-dire inégalement dans
les provinces? C'est des données qui sont dans le CRPQ.
On parle de
forage de données. Bien, l'intelligence
artificielle, elle a cette
capacité-là de résoudre des problèmes complexes. Et puis il faut avoir
ce type, je vous dirais, d'institut là. Et puis je suis allé avec mon chef de
régie en Israël. Bien, si on développe des
outils technologiques puissants qui
vont servir nos victimes, bien, pourquoi ne pas les installer dans ce type d'institution là puis après ça en faire
profiter la population? Si on met 2 millions à développer un logiciel,
bien, ce 2 millions-là, on va le récupérer parce qu'on va le vendre
à d'autres corps de police, on va le vendre à d'autres... Ça va rapporter de
l'argent et cet argent-là, ça ne sera pas des profits, on va le réinvestir dans
nos jeunes filles. Parce que le problème, il ne diminuera pas.
Il
y a aussi des aspects légaux que je veux vous parler. Google LLC a pignon sur
rue sur Montréal. On dit : Pourquoi on ne fait rien avec les clients? Google annonce présentement, indexe
200, 300 sites au Québec, facilement. Ils ont pignon sur rue à Montréal. Moi, je pense qu'une chose simple
qui serait à faire, ce serait de leur envoyer une lettre... : Vous faites
de la publicité contrairement au Code
criminel canadien, vous faites de la publicité pour le proxénétisme. Et, si on
est capables de prouver, avec les
statistiques, qu'on a 40 % de filles que c'est des mineures, ou 30 %,
ou 20 %, bien, je pense que le juge qui va apprécier la preuve va
peser un peu plus fort sur le crayon.
• (11 h 20) •
On parle
aussi de justice. Oui, il y a la justice immanente. La petite fille elle va
venir mieux, mais le criminel... Entre les
deux, je vous dirais que... Depuis que je travaille dans le privé, maintenant,
depuis 2014, j'ai souvent plus de
pouvoirs comme enquêteur privé, comme outils technologiques.
Parce que je suis capable d'en faire, des autorisations judiciaires, je suis capable d'aller perquisitionner des
téléphones de clients, je suis capable de voir des jeunes filles. Et c'est une
chose, quand on parle de jeunes filles. J'ai
des dossiers où j'ai reçu des téléphones de corps policiers, l'exhibit n'était
même pas ouvert parce qu'ils n'ont pas le temps de le faire.
Dans les
recommandations, je vous parle d'un laboratoire. Il faut ramener le laboratoire
des sciences judiciaires, l'extraction
de données, il faut que ça revienne à une entité unique en dehors de la police.
Quand j'étais à Quantico, ce genre de...
Quantico étant le FBI, les bureaux du FBI, bien, c'est des «masters» qui
travaillent là, c'est des gens en informatique, c'est des gens qui ont la capacité, qu'on peut leur donner des
privilèges de haut niveau de la loi. Mais c'est des algorithmes qu'on doit développer. Les États-Unis, maintenant,
acceptent, hein, acceptent de la preuve par intelligence artificielle,
ce qu'on appelle en anglais «discovery». Si je vous démontre qu'il y a
1 000 photos, je n'ai pas besoin d'en voir 1 million. Comme quand j'étais à l'Unité des crimes
technologiques puis il fallait se farcir toute la preuve sur les clients, la
pornographie juvénile. Bien, maintenant, il faut amener ce...
Il me reste
une minute? Donc, c'est un peu rapide, je vous dirais, j'aurais beaucoup à
dire, j'aurais beaucoup à faire. Mais de la justice réparatrice... si on
peut aider des victimes à aller chercher l'argent de son pimp, puis aller
chercher l'argent de son client, puis aller
chercher des recours au civil : Tu m'as causé un dommage, tu m'as abusée,
bien, tu vas payer. Simple comme ça.
Sauf qu'un procès c'est entre 20 000 $ et 80 000 $, au
civil, si vous prenez un avocat à 400 $ de l'heure. Si vous allez
chez les gros cabinets, vous tombez à 900 $ de l'heure.
Bien, une
unité, que je parle, dans l'OSBL, si on a des gens, des parajuristes, des gens
qui sont capables d'aider, puis de
faire des requêtes, puis d'arriver aux petites créances, puis d'avoir recours à
des experts... Parce que ce n'est pas évident de dire que le texto, il
vient... puis que la communication a été entre a et b, puis b a sollicité, puis
c a dit... on a une conversation qui dit : Oui, c'est à telle date, à
telle place, à tel hôtel ou à tel Airbnb. Bien, au civil, la preuve est la moitié de ce qu'elle est au criminel. Puis je
comprends que les gens qui sont en arrière de moi — ils sont encore là — bien,
ils ne veulent pas se tromper, ils ne
veulent pas de jurisprudence. C'est de la peur... J'ai travaillé à l'ouverture
d'une boîte, au terrorisme, à la
Sûreté, c'est la hantise. Vous ne voulez pas créer la jurisprudence que vous
allez avoir dans vos jambes tout le long de votre carrière.
Ça fait que c'est un peu le message que j'ai à
livrer. Il y a plein de... il y en a, des solutions. Il faut agir, il faut augmenter la capacité de traitement des données,
il faut donner ça... il faut aller supporter nos policiers, hein, puis il
faut rendre uniformes les méthodes
d'enquête, puis il faut aider les victimes. C'est une par une, je vous le dis.
On ne le sauvera pas toutes, mais une à la fois on avance.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. On va maintenant
avoir 30 minutes de période d'échange avec les membres de la
commission. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. Merci, M. Laurier, d'être ici. Merci
aux personnes qui vous accompagnent aussi, là, qui fait que vous avez été en
mesure de nous faire une présentation dont on a pris connaissance. Je vais aller dans vos recommandations. Vous demandez au ministère de la
Justice. On est-u au fédéral ou ça peut se faire au niveau du Québec?
M. Laurier
(Paul) : Moi, je pense que
le Procureur général de la province
peut aller voir Google, qui ont pignon sur rue sur Sainte-Catherine, et lui dire qu'ils sont en infraction puis
qu'ils contribuent à l'exploitation sexuelle de jeunes filles en bas de 18 ans. Moi, je pense qu'ils ont...
Puis c'est des mesures simples, là. C'est des mesures simples. Puis ils n'ont
pas indexé... Ces sites-là ne font que ça.
Ces sites-là ne font que ça. Vous soumettez le site, vous dites... vous jouez
avec le robot qui indexe. Moi, je ne
comprends pas. Moi, dans une cause, je l'essaierais parce que, là, je suis
assez ferré pour dire... Je suis un procureur, je l'essaierais. Ou faire
de la publicité. Je démonterais qu'un site contient de l'exploitation sexuelle
de mineurs et je l'essaierais.
M. Ouellette : On parle de législation provinciale aussi.
Puis, je pense, on en a parlé avec M. Monchamp, puis on en a parlé avec d'autres intervenants, et...
puisqu'on a quand même cette capacité-là, dans le rapport qu'on va
produire, de suggérer une législation
provinciale. Vous avez mentionné certains articles pénaux. M. Monchamp
nous a parlé qu'un des problèmes
qu'il rencontre, puis c'est probablement le Code
criminel qui a besoin d'un ajustement, c'est les lieux où sont hébergés les serveurs, l'entraide internationale
que ça prend, etc. Ce serait quoi, vos suggestions particulières pour
améliorer notre capacité d'intervention, mais strictement au niveau du Québec?
M. Laurier (Paul) : Moi, je
vous dirais, parce que j'ai eu un passage aux crimes économiques et j'en ai
fait longtemps, des entraides internationales, il y a plusieurs
États avec lesquels on est «friendly». Ce n'est pas si compliqué que ça. C'est compliqué, mais ce n'est pas si
compliqué que ça. Et je vous dirais qu'on doit impliquer la GRC, mais les
gens du FBI puis les
gens des services secrets ont des bureaux à Montréal, très, très... Si
vous voulez qu'un dossier se règle rapidement, vous avez des gens des
services secrets américains qui sont extrêmement efficaces et qui vont vous le faire en toute
légalité. Le Québec a l'avantage d'avoir signé, avec plusieurs États, des
échanges de... On va finir par le dire...
Une voix : Réciprocité.
M. Laurier
(Paul) : Voilà. Et puis, bien, ces gens-là, ces États-là
ont, curieusement, des bureaux locaux du FBI, ces gens-là peuvent nous aider, peuvent accélérer...
Je me souviens, la première fois que Québécois de souche a été
démantelé, j'étais sur l'équipe
technologique, donc on avait déjà le suivi. C'était impossible, personne... on
nous disait que c'était impossible. Pourtant, on a envoyé un policier du
SPVM à Edmonton fermer le site. Il n'y a rien d'impossible, il faut juste être
créatif.
Puis, oui, il
y a la voie du ministère de la Justice canadien, mais on a une frontière
importante avec les États-Unis. Et,
de toute façon, les sites indépendants sont de moins en moins indépendants. On
passe tous par des «edges» ou des... on va tous passer par des Amazon de
ce monde, qui, curieusement, fournit le gouvernement du Québec, qui fournit
plein de gouvernements. Ces gens-là sont sensibles à ça, et c'est des
ordonnances qu'ils vont suivre.
M. Ouellette : Ma dernière question. Vous avez un graphique où,
bon, on a Montréal, Québec, on a des grandes villes. Je vois qu'il y a des petits bouts de tarte dans à peu près
toutes les régions du Québec. Je pense que c'est généralisé. Vous avez
dit tantôt que, suite à la pandémie... il y a eu comme une baisse au début de
la pandémie. Est-ce que vous remarquez... Est-ce que
ça a resté ou est-ce qu'il y a eu une
adaptation du marché puis du milieu? Parce que votre charte que vous
nous donnez, c'est probablement quelque chose qui a été fait pour le Grand Prix 2019.
M. Laurier
(Paul) : 2019. Celle-là,
c'est 2019. Mais c'est constant, je vous le dis, c'est constant. C'est tout le
temps, là. Si je prends ma première de 2016, vous allez avoir la même
constance. Il y en a dans tous les centres du Québec. Il y en a au Saguenay, il y en a à Rimouski, il y en
a partout, il y en a à Val-d'Or, il y en a à Gatineau. Gatineau est une
région particulière, aussi, parce que c'est
une zone qui dessert Ottawa. Si vous prenez la... Parce que vous pouvez
entraîner les... Vous pouvez voir les
données différemment, tout dépendant d'où vous regardez. Ottawa est
problématique aussi. Si je vous dis que
Québec est représenté, Ottawa est aussi représenté, et, curieusement, il y a
une hausse de criminalité importante à Ottawa. Ça commence à être
beaucoup... de plus en plus violent, il y a un contrôle du marché qui se fait
au niveau du terrain.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
• (11 h 30) •
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour. Moi, j'ai une question sur votre première recommandation :
«Mettre sur pied un OSBL ayant [pour]
mission de prévenir, secourir et guérir.» Puis là il y a
différents intervenants qui seraient là-dedans. Est-ce que c'est un
organisme qui agirait auprès des victimes ou c'est seulement pour réfléchir
puis trouver des solutions?
M. Laurier
(Paul) : Excusez, on n'est plus à réfléchir. Je pense qu'on
est dans l'action. Il y a des organismes, puis M. Monchamp en a parlé tantôt, qui sont extrêmement performants.
Ces gens-là ont une expertise aux victimes. Et je sais, dans un dossier, je l'écris, d'ailleurs, où
j'avais à intervenir, je suis moi-même commencé à... J'ai commencé à
intervenir avec des filles, curieusement, à
5 heures le matin, curieusement, à l'aube. C'est des sensibilités que ces
organismes-là ont. C'est des petites
filles. Elles sont vulnérables à partir de... Il y a des moments dans la
journée... si vous êtes un enquêteur, vous les rencontrez à midi, pas certain que vous allez avoir le... Puis, je le
dis, il faut être 24/7, 365. Il y a des temps où ces filles-là, si elles viennent d'avoir une soirée de
20 clients, elles sont peut-être épuisées puis elles ont peut-être besoin
d'échanger. Bien, le texto est un moyen assez simple d'échanger, sauf
que, moi, je suis un père de famille, j'échangeais avec des victimes, et c'est
étonnant les conversations que j'avais.
Mais ces
associations-là, on doit les mettre dans ce genre d'organisation là. On doit
centraliser pas pour avoir le contrôle,
ou le message, ou économiser. Il faut aller chercher l'expertise. Puis, tu
sais, des chercheurs qui cherchent, il y en a une tonne, des chercheurs qui trouvent, il y en a moins. Il faut prendre
les chercheurs qui trouvent, avec des gens qui sont expérimentés sur le
terrain, ajuster le message et les sortir une par une.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Tantôt, vous avez fait référence, là, à l'idée qu'on pourrait aller se
présenter chez Google... Je pense que
vous faisiez référence... puis vous avez dit : Si on avait la capacité de
démontrer que les statistiques... qu'il y a 20 % à 30 % de mineures dans les annonces qui sont
mises de l'avant il y aurait encore une poigne. Puis je trouve que ça a
tout été la difficulté de cette commission-là, parce qu'on a un mandat sur les
mineures, mais, bon, tout le monde est venu nous parler, évidemment, indistinctement, des mineures, des majeures, puis
c'est bien correct, mais comment on fait pour cibler plus précisément la question des mineures? Puis
comment vous arrivez, donc, à cette idée-là de 20 % à 30 % de
mineures? Est-ce que vous êtes capable d'avoir un chiffre plus pointu sur le
phénomène de l'exploitation sexuelle au Québec pour les mineures?
M. Laurier
(Paul) : Je me fie beaucoup
à ce que Mme Mourani dit parce qu'elle a travaillé... Les gangs de
rue, elle connaît assez bien... Entre 20 % et 40 %, c'est
relativement simple à prouver. On a des organismes qui travaillent avec les filles qui nous
le disent, que c'est des... bien, c'est des témoignages, et que, si on les
associe à des pimps puis on les associe...
une victime mineure... il y en a deux, il y en a trois qui ont travaillé pour
telle agence d'escortes. Je vous le dis, au civil, ce n'est pas comme au criminel, ce n'est pas hors de tout doute.
Je vous garantis que ça va monter jusqu'en
Californie.
Et, au début,
j'ai fait un dossier. Dans un autre ordre d'idées, bien, Google, c'était non...
firme d'avocats à 1 000 $ de l'heure.
Ça a fini par un outrage au tribunal, puis ils nous les ont données, les
données. Ils donnent des fausses identités. Les filles ont des fausses... Il y a plein de choses qu'on peut faire, qu'on
laisse à ces gens-là, puis je parle de Google, mais il y a Bing. Il y a à peu près juste Yahoo! qui va...
vous tapez «escorte»... va vous envoyer une photo de voiture parce que
c'est axé sur les finances. Mais tous les autres moteurs de recherche vous
envoient à ça.
Bien, ça,
c'est de la responsabilité... puis la responsabilité vient avec la bonne foi.
Par une lettre d'avocat, des fois, ça aide
à augmenter la vitesse de la bonne foi, hein? Il faut... Ce n'est pas normal
que ces gens-là... Quand il y a eu l'invasion de l'Irak, c'était quasiment impossible... Il y avait des photos
horrifiantes qui arrivaient sur le Web, bien, les géants du Web les bloquaient. Là, on a des filles qui sont
exploitées sexuellement, qui vont être... C'est des enfants qui vont être
brisés. On va être pas pognés avec, mais c'est un processus de retour à la
normale des filles qui sont sévèrement poquées.
M.
Leduc : Pouvez-vous — une dernière question — nous indiquer, je pense, vous l'évoquez un
peu dans votre mémoire, quelles techniques sont utilisées sur le Web pour
laisser entendre que c'est une mineure qui est affichée?
M. Laurier
(Paul) : Bien, on va
utiliser des mots-clés. On va descendre... Quand je parlais des clics
mathématiques, là, je vous dis, l'âge moyen
va être à peu près 26 ans. Si vous regardez dans la partie où vous tapez
le mot-clé «18 ans», donne-moi
tout ce qui est affiché à 18 ans, vous allez avoir plein d'images
floutées, vous allez avoir des «dolls», vous allez avoir des «Frenchies». Puis les filles, aussi, ça
faisait partie de la question, les filles sont exportées... Toronto, sur un
dossier qu'on a... Si les gens ont regardé En fugue, la petite
fille, on l'a retrouvée par un «tattoo».
Donc, il y a
toutes sortes... Dès qu'il y a une fille qui est en fugue, dès qu'on a
quelqu'un qui est en danger, il faut avoir une cellule de recherche.
C'est une opération AMBER, mais à l'intérieur... On est dans une cellule de
crise et on va la chercher. C'est des outils qu'il faut aller chercher. Mais
j'ai perdu votre sens... j'ai perdu le bout de la question... Excusez-moi, j'en
ai...
M. Leduc : C'est la méthode, là. Vous avez parlé du flouté.
Donc, on imagine que les personnes, elles s'affichent à 16 ans ou
14 ans sur le Web, mais elles s'affichent quand même, donc, en trichant...
bien, en trichant, en disant qu'elles ont 18 ans.
M. Laurier
(Paul) : Elles ne peuvent
pas... Écoutez, je faisais... J'avais le même débat quand on a
commencé à faire les unités. J'ai été
dans les cinq premiers quand on a ouvert le laboratoire d'informatique
judiciaire à la Sûreté du
Québec. On avait le même problème. Il
fallait se taper le million de photos, des collections, puis on avait le même
débat, qu'est-ce qui est une mineure,
qu'est-ce qu'il ne l'est pas. Par l'intelligence artificielle, on va y arriver.
Si on a des photos des parties de corps,
on est capables de rechercher des... On travaille là-dessus, à la
reconnaissance de «tattoos». On est en train de monter notre corpus, puis ça nous prend près de 1 million
d'images. Physiquement, il y a des images qui sont là. Il y a des mots-clés.
Puis il y a encore le téléphone. Moi, j'appelle
le pimp puis je la veux, la fille de 16 ans. Puis on parle d'opération client, bien, ou d'opération pimp, puis Mme
Dubois, de Picbois, qui est venu... On a «setupé» l'annonce de téléphone
une ou deux journées. Vous l'entendez clairement, la fille, elle dit : Je
n'ai pas 18 ans, j'ai 16 ans. Il n'y en avait pas, de problème. Bien, le client, il va falloir qu'il
paie un jour. Bien, un jour, c'est... Oui, on peut l'amener au criminel, oui,
c'est compliqué, oui, ça prend des opérations. Mais, au civil, si on le sort du
téléphone de la jeune fille, on va recevoir son numéro 10 fois puis on va savoir ses conversations. Il ira expliquer
ça à M. le juge, en Cour des
petites créances, parce que la
petite a besoin de traitements
psychologiques, elle a besoin d'un suivi puis elle a besoin d'aide. Oui, l'État
peut lui en donner, mais, à un moment
donné, la CAVAC va dire : À 10, on arrête. Son problème n'arrêtera pas
après 10 séances. Ça va prendre des
années. Puis il ne faut pas qu'elle se batte avec le système, dire : Bien,
je ne vais pas bien, parce que ça se peut qu'elle n'aille pas bien, ça
se peut. C'est probablement ce qui va arriver.
Ça fait qu'il
y a des moyens. Puis, comme je dis dans le mémoire, il y a encore... il y a des
trucs qui sont sous-jacents, qu'on connaît, que je ne vais pas dire en
commission, mais qu'on pourrait travailler en privé... pas en privé mais en
huis clos.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette : Votre
recommandation n° 10, vous nous dites : «Donner
des pouvoirs spéciaux aux enquêteurs...» Quels pouvoirs spéciaux on pourrait
leur déléguer pour faciliter les enquêtes?
• (11 h 40) •
M. Laurier
(Paul) : Bien, dans le
contexte où vous sortez... parce que, moi, ce que je préconise, c'est de sortir
la police de... La police peut venir dans
cet organisme-là, mais à titre de police. La police, elle fait bien la police.
Elle fait bien ses contrats. Elle a des juridictions. Mais, si moi, j'ai
une juridiction d'agent de la paix, je peux aller chercher des ordonnances judiciaires qui sont différentes que
si j'ai... Un ne va pas sans l'autre, là. Je peux commencer à enquêter
quelque chose de civil, tomber au criminel.
Je peux avoir le pouvoir de parler avec un agent du FBI. Je peux avoir le
pouvoir de parler avec un agent.
Bien, ça, il faut que ça soit réglementé. Ce n'est pas nécessairement que je
vais avoir le fusil, que j'aille à Nicolet,
que je sois patché, entre guillemets, mais que j'aille des autorisations de
discuter avec les gens parce que c'est un phénomène mondial. Les serveurs,
c'est mondial. Les télécoms, c'est mondial.
Si je vous dis, simple recommandation, il y a
2 000 numéros de téléphone, normalement, la loi des
télécommunications, Bell, Rogers, Fido,
Vidéotron, devraient tous... vous devriez faire une plainte, tous ces
numéros-là devraient disparaître parce que c'est contre la loi des télécommunications. Qui
fait ça? C'est simple, là, pas compliqué, vous venez de tuer la business
d'un pimp en quatre coups de téléphone, deux
ordonnances judiciaires. C'est ce type de pouvoir là qui peut être nommé
avec des gens qui vont être habilités, parce que, si...
Puis j'en ai... Quand
je vous parlais des Québécois de souche, j'ai fait aussi d'autres travaux
avec... développé d'autres logiciels avec
les unités. En 2012, j'étais avec l'unité qui était au printemps érable. On
utilisait la reconnaissance faciale. Il ne
faut pas trop en parler, mais on avait des gens qui nous aidaient. Il y avait
des programmeurs. Il faut être capable de
donner à ces gens-là, qui sont peut-être des ingénieurs... Il y en a plein dans les
universités. Il y a plein de talents. Je vous le dis, il y en a plein, de talents. J'en recrute
à l'année. Il y a plein de talents, plein de gens qui sont
inventifs puis qui ont... On va la trouver, la solution. S'il y a une
barrière, on va la trouver.
Ça
fait que ces gens-là, s'ils font une enquête de plus haut niveau en cyber,
bien, il faut qu'ils aient des pouvoirs, pas un pouvoir de gendarme,
mais un pouvoir d'être capable d'aller chercher des autorisations judiciaires,
qu'ils vont être capables... L'idée, c'est de sauver la victime tout le temps, tout
le temps, tout le temps.
Facebook,
je vous le dis, quand j'ai travaillé à la vigie, quand il y avait
quelqu'un en danger, les portes s'ouvraient. On appelait chez Facebook : Il est où, il
est localisé où? Les portes vont s'ouvrir. Les géants vont collaborer. Quand il y a des gens en danger, les portes s'ouvrent. C'est relativement facile. Quand vous avez ce type de pouvoir là, c'est plus facile
de parler... aller aux Facebook
de ce monde, Google et Microsoft, pour avoir il est où, le compte, il est
géolocalisé où, puis la paperasse suivra après. C'est comme ça qu'on
fonctionnait.
Mme Guillemette :
Bien, merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Marie-Victorin.
(Panne de son)
Mme Fournier :
...
M. Laurier (Paul) : C'est-à-dire qu'il y a... Vous avez là ce que les plumitifs
contiennent. Il y a des données qui sont là, qui ont des patterns. La police a des
patterns. Le CRPQ a des données, des millions, des milliards de données.
Quand vous utilisez l'intelligence artificielle, ça va vous donner des
réponses, ça va lire... C'est une tâche ultracomplexe. Tout dépendant comment c'est configuré, vous allez
obtenir, bien, pourquoi tel district ou tel... Vous allez avoir un cas. On
va vous le dire, qu'est-ce qui s'est passé.
Vous avez le dossier. Vous faites la lecture. Au lieu de... Vous allez
chercher... Dans le fond, la
machine va aller chercher les bonnes pratiques.
L'intelligence artificielle, ce n'est pas une panacée. Une technologie, on la
surévalue tout le temps au début puis après ça on la sous-utilise. Ce que ça fait, moi, ce que
j'explique, en intelligence
artificielle, c'est que c'est un
traîneau à chiens. Vous avez votre premier
chien, s'il est bien dompté, votre deuxième, votre troisième. Si le deuxième
mord la queue du premier, le premier
va se fâcher, ça va arrêter. Qui est en arrière? C'est un humain. Mais ce que
ça fait, c'est qu'on va de l'avant. Les chiens sont entraînés,
comprennent 50, 60, 70 patterns.
Donc,
l'intelligence artificielle fait ça. Si vous prenez tous les téléphones saisis
de tous les clients, il y a des données qui sont là, il y a des patterns. Il y a des mots-clés que vous allez
découvrir, que l'humain n'est pas capable d'avoir. La machine va le
trouver. Ceci dit, avec ça, bien, on vient de gagner probablement
1 000 heures.
Après ça, l'enquêteur
prend ces données-là, prend ces points-là, est capable de les transformer. L'analyste
est capable de les transformer en
affidavits. Puis on arrive devant un juge. C'est là qu'on va dire : Bien,
c'est 20 % ou c'est 30 %. Bien,
ce monsieur-là doit payer ou ce proxénète-là doit payer. Puis, oui, au
criminel, saisir... Le monsieur à ma droite peut en parler, saisir des biens criminellement obtenus,
dans l'État, ce n'est pas évident. Au civil, ça se fait assez bien, ça se
fait assez vite. Une ordonnance de saisie,
c'est assez rapide. Les comportements vont changer parce que, dans le fond, il
y a de l'offre parce qu'il y a une
demande. Simple comme ça. On n'arrêtera jamais l'offre, mais il faut arrêter ce
qui se passe au niveau des mineures, clairement. Dans ma tête, c'est...
Mme Fournier :
Donc, selon vous, c'est un bon moyen, justement, d'agir sur cette demande-là?
M. Laurier (Paul) : La technologie, elle est là. Elle est là. Elle
est rendue maintenant disponible, facilement utilisable. Ce n'est plus... Ce n'est pas... On n'en voit
plus... Des autos se conduisent toutes seules dans... Comme je disais quand
mon gars a gradué à l'université, ingénieur, le gars qui parlait disait :
Bon, bien, vos enfants n'auront pas besoin de permis de conduire.
Mais
des enquêtes, il faut qu'on aille là aussi. Il le faut et ce n'est pas
différent. L'ampleur de la tâche, l'ampleur de la donnée, on ne peut pas... Les humains ne peuvent
pas tout le temps... Puis les humains, on l'a vu, ils ont peur de faire
des erreurs, ce qui est tout à fait normal.
Un humain est très bon le matin, le lundi matin, il est à 80 %, puis le vendredi
après-midi, il est à 40 %, puis ça dépend de son jeudi soir. La machine,
c'est 24/7, 365. Puis, si on n'est pas contents, on rejette la conclusion ou le
pattern qu'il a trouvé.
Mme Fournier :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) :
...depuis tantôt parler de votre OBNL. Dans le fond, vous faites un
rapprochement avec le NCMEC, qui existe du
côté américain, le National Center for Exploited and Missing Children? C'est la
même base? Parce que
vous parlez beaucoup d'intelligence artificielle et tout. J'ai eu la chance de
les visiter du côté américain, puis c'est...
Je vous écoute depuis tantôt, là, puis je fais un parallèle entre les deux. Est-ce que
c'est le modèle d'affaires que vous préconisez?
M. Laurier
(Paul) : ...modèle d'affaires, puis, je vous dirais... Je travaille
avec une compagnie internationale australienne
qui a lancé un... utilise cet outil-là parce
que c'est des millions, et des
millions, et des millions d'ingestions de données, de compréhension, d'indexation, elle est où, la donnée, puis
c'est de prendre des décisions très rapidement. Mais effectivement eux ont fait... ont pris le modèle
eDiscovery. Aux États-Unis, cette année, il y a la preuve ici... Il faut
encore regarder la preuve. Mais c'est des
recommandations que la commission peut faire au gouvernement fédéral, mais je
pense qu'on va avoir une petite pause là-dessus.
Le Président (M. Lafrenière) : Tantôt, vous avez utilisé le mot «Frenchies».
Vous m'avez titillé un peu. Dans les annonces,
est-ce que vous avez vu justement cette notification-là en
évidence? Parce que des victimes ont rapporté qu'en mettant
cette information-là il y avait une demande pour ça. Est-ce que vous avez été à
même de le voir dans ce que vous avez analysé?
M. Laurier (Paul) : Bien, les sites Web, en général, les
sites d'escortes et les sites de revente, on va parler beaucoup par ethnies, «blacks», «Asians», mais le mot «Frenchies»
est toujours présent. Si vous cherchez des annonces, vous
allez trouver... Exemple, dans le sud de Toronto,
où on a dernièrement une petite fille qu'on a retrouvée, bien, c'est en
demande... très proche de la frontière américaine. Avec ce qui se passait, il y
a des hôpitaux qui sont là. Les frontières sont ouvertes pendant la COVID. Puis c'est un des seuls
endroits au Québec où on... au Canada où on le voyait, hein?
La pandémie a... Mais, oui, il y a malheureusement un «trademark» pour
les Québécoises.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Parlez-moi
un petit peu du modèle de recherche israélien dont vous mentionnez...
M. Laurier (Paul) : ...de Beer-Sheva, c'est que vous allez... Si vous
allez dans le logiciel, ce qu'on appelle le... l'informatique judiciaire, ils sont extrêmement puissants. Dans le fond,
c'est que le modèle québécois... c'est que vous avez des chercheurs, vous allez développer des brevets,
c'est-à-dire que vous allez développer une recherche. Après
ça, vous allez breveter à
l'extérieur. Le brevet donne droit à l'université de... d'enseignement. Il y a
une espèce de... Le modèle, à Beer-Sheva,
ce n'est pas comme ça qu'il fonctionne. Puis, quand vous sortez dehors, là,
tous les géants sont là, les PayPal de ce
monde, les grosses compagnies de télécom, parce que c'est l'OSBL qui est là, on génère des profits. Ils ont je ne
sais pas combien de spin-off... Je ne sais
comment on appelle ça en français. Ils ont peut-être... Dans les
incubateurs — voilà
ce que je cherche — il
y a peut-être une trentaine, quarantaine de chercheurs qui sont là. Et, quand
on trouve, les profits sont redistribués. L'université en profite, l'unité de
recherche en profite puis la compagnie qui exploite en profite.
Ça
fait que l'argent, là, si je veux... On parle, mettons, de reconnaissance faciale.
Il y avait des études... Si vous dites : La Sûreté du Québec cherche à faire l'acquisition d'un logiciel de
reconnaissance faciale, c'est 4 millions. Quand vous prenez ce type de modèle là, probablement que le logiciel
va vous coûter à peu près 2 millions à développer. Vous allez
développer avec ça la propriété
intellectuelle. Vous allez développer la capacité de revendre ce logiciel-là,
d'être capable de l'exploiter ou de
l'envoyer à d'autres compagnies, d'autres corps policiers. S'ils veulent participer
à la recherche, c'est donnant-donnant. S'ils ne veulent pas...
Puis,
en plus, vous allez garder vos chercheurs à l'intérieur. Vous n'êtes pas
dépendants de la compagnie. Vous avez un
problème? Vous avez mis des gens à l'intérieur, vous l'avez réglé. Tout le
monde en profite. Ce n'est pas juste le modèle académique qui
fonctionne. Vous ne spinnez pas... Vous ne faites pas votre spin à l'extérieur,
c'est des chercheurs à l'intérieur qui sont
là. C'est gagnant-gagnant. Ce n'est pas dans tous les... tu sais, ça ne
s'applique pas dans tous les modèles, je
vous dirais, économiques, mais, dans le modèle... Pour avoir été au salon de la
cyber, c'est vraiment particulier parce que ça fonctionne très, très
bien. J'ai rencontré des sociétés israéliennes. Avec des sociétés... Il y avait
des Palestiniens. Ça travaillait ensemble sur des logiciels extrêmement
intéressants, des modèles extrêmement intéressants.
Il
faut rentrer dans cette pensée. On dirait que parce que c'est... On va être
dépendants des téléphones. Si je vous dis
qu'il y a 2 000 victimes, une licence pour extraire des téléphones,
présentement, c'est 15 000 $ canadien. Ça vous coûte une licence annuelle de 5 000 $ plus la
formation. On n'est pas plus fous que les autres. Il y en a, des ingénieurs de
logiciels ici. On est capables de le
produire. On est capables de le développer. On est capables de l'avoir sans
licence. Il y a le coût de... Plus on a de licences, le coût est à zéro,
de la licence, puis il y a peut-être d'autres corps de police qui vont
collaborer avec nous ou d'autres entités qui vont collaborer.
• (11 h 50) •
Mme Lecours
(Les Plaines) : Comment vous... l'application d'un modèle ici? Et,
pour vous, ce serait essentiel pour la lutte à l'exploitation sexuelle
des mineures?
M. Laurier
(Paul) : ...parce que la lutte, elle est hautement technologique. Je
vous le dis, elle est hautement technologique.
On est rendus là, là, ce n'est même pas caché. Les offres d'emploi, de massage,
vous êtes jeune, à les lire, ça m'a
fait grisonner mes cheveux. Mais, sérieusement, je vous le dis, ce n'est plus
drôle, là. On n'est plus... On est rendus à un stade où ce n'est même
pas caché.
Puis
après ça on décidera, comme société, si on régularise la prostitution, le
proxénétisme, mais les jeunes, c'est non
négociable, zéro négociable. Puis c'est clair qu'il n'y a pas un proxénète
qui va mettre ça : Belle jeune fille, 14 ans. Il faut les trouver. Il faut mettre tous les moyens
pour les trouver, puis ça passe... La technologie
passe... On passe par là, parce qu'une fille qui disparaît ici va
réapparaître peut-être en Ontario. Elle va être cassée. Il y a
des patterns. On va la battre. On va
l'amadouer. On va lui montrer son comportement qu'elle doit avoir. On va la
rendre esclave, mais c'est sûr qu'elle va sortir à quelque part.
Bien, ça
prend les outils pour le détecter. Manuellement,
nous, on travaille avec sept, huit, 10 robots, mais, quand vous déployez ce type de solution là, vous en
déployez 1 000, 2 000, 3 000. On peut même déployer... Quand je
disais qu'il faut rentrer en
communication avec ces filles-là, bien, si on a 8 000 personnes sur
le terrain, dans le champ, pendant un Grand
Prix, bien, on est capables de rentrer en contact. Mais ce
n'est pas 8 000 personnes qui... Ça peut être aussi robotisé. Ça peut être aussi par intelligence... On peut
rentrer en contact, puis, dès qu'on a un contact plus... ça se fait. Les
centres de service le font. Il faut appliquer... Les enquêtes, ce n'est pas
différent, ce n'est vraiment pas différent.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Dernière question pour terminer, députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bonjour.
Bienvenue. Merci beaucoup pour votre participation.
Je reviens sur
cet organisme, un OSBL, et les parties prenantes. Est-ce que vous rajouteriez
le ministère de l'Éducation? Non?
M. Laurier (Paul) : Toutes les
personnes qui ont à être là, moi, je suis ouvert...
Mme Weil : O.K. Donc, ce
n'est pas une liste.
M. Laurier (Paul) : C'est un
jet de... parce que j'avais...
Mme Weil : D'accord.
Et, pour bien comprendre, je comprends... je ne connais pas le modèle américain, NCMEC, je ne connais pas ce modèle. Donc, l'idée, c'est prévenir, secourir et
guérir. Donc, ils sont sur toute la trame qui suit, donc, l'expérience de la fille, de la jeune ou ça peut
être une victime garçon, tout au long, donc, avec multiples, donc, sous-comités
pour regarder tous les aspects de l'enjeu.
Et donc, selon vous, ça commence un peu avec ça, c'est-à-dire, pour qu'on
ait une action collective stratégique en amont, pendant, et après, en aval.
Est-ce que c'est bien ça?
M. Laurier
(Paul) : Oui, c'est exactement
ça, l'idée. L'idée, c'est vraiment... On met quelque chose qui, peut-être, va être temporaire puis peut-être qu'on va mettre dans une case ministérielle
après. Mais, présentement, ça ne rentre dans aucune case ministérielle, mais tout
le monde au Québec
est impliqué dans... Tout le monde devrait être impliqué dans la détection de
ces filles-là. Il faut les sortir de là, ça urge.
Mme Weil : Et, selon vous... Évidemment, on l'entend ici et
là de plus en plus, on voit des luttes juridiques aux États-Unis actuellement pour voir qui est vraiment responsable du contenu sur Facebook, et
Facebook se défend. C'est complexe. Même
les États-Unis, avec les lois qu'ils ont amenées, n'ont pas réussi
jusqu'à date. Donc, il y a des actions civiles qui sont menées par des avocats actuellement pour aller les chercher. Vous, vous dites : Allez vous lancer
là-dedans, vous allez regarder nos
lois puis voir comment on pourrait les... J'ai regardé un peu... Ce n'est pas
facile, ce n'est pas évident. Il y a un débat sur jusqu'où
les Facebook peuvent aller dans les conversations privées, etc. Bon, alors...
mais... On n'a pas le temps aujourd'hui, mais ce que je comprends, c'est que c'est sûr que l'intelligence artificielle est à peu près le seul
outil qui pourrait nous garder à flot et, comment dire, pertinents parce
que ça change constamment, puis cette lutte est vraiment beaucoup sur les
réseaux sociaux.
M. Laurier
(Paul) : Ce n'est pas une
panacée. Il ne faut pas prendre ça comme une panacée. Il y a d'autres
outils, hein? L'intervenante, ou
l'enquêteur, ou... La petite fille qui rentre le matin dans son centre
jeunesse, l'intervenant qui est là ou
l'intervenante qui est là a autant d'importance que la plus puissante des
machines, parce que le jour où elle va dire : Je parle, puis
qu'elle va donner le téléphone, puis elle va donner ses contacts, après ça, la
machine s'occupera d'elle.
Mme Weil :
J'ai une question sur la vigilance de la société autour de la jeune fille.
Puis, aux États-Unis, il y a des États
qui ont amené des recours en «tort», en responsabilité civile, qui font en
sorte qu'il y a des actions imprescriptibles, même, contre l'hôtel qui
aurait vu ou... qui a su ou aurait dû savoir, avec tous les drapeaux rouges qui
s'annoncent, qu'il y avait une victime
mineure, victime d'exploitation sexuelle. Il y a plusieurs États qui ont... Je
ne sais pas si vous êtes au courant
de ce courant-là, d'aller vraiment du côté du civil, parce qu'ils disent que ça
peut prendre des années avant que la victime
puisse comprendre ce qui s'est passé. Ça peut être 20 ans plus tard, et
elle pourrait avoir un recours. Apparemment, aux États-Unis, ça donne des... ça aide beaucoup. Les hôtels se rendent
compte qu'ils peuvent... parce que les poursuites se font, ça coûte cher. Et ils ont une obligation de
signalement aussi. S'ils ne respectent l'obligation de signalement... parce qu'ils disent... Vraiment, c'est le lieu où beaucoup de ces actions arrivent.
C'est sûr qu'Airbnb, c'est plus compliqué. Est-ce que vous êtes au
courant de ces... C'est des mesures civiles, en action civile, mais qui
semblent donner certains résultats.
M. Laurier (Paul) : Comme je le dis dans le document, je ne suis pas
juriste, mais moi, si on peut le
faire et si on est capables d'avoir
une preuve... Puis, au Québec, on a l'avantage d'être... On a la common law. On
a le Code civil. On a plusieurs... Et, je vous le dis, depuis que je
suis au privé, maintenant, je trouve la vie beaucoup plus facile que quand
j'étais policier parce que les outils sont
de plus en plus adaptés. On peut l'adapter... Puis, si ça prend cinq ans, puis
j'attaque un client ou j'attaque une chaîne
d'hôtel ou un hôtelier quelconque,
bien, pendant cinq ans, il est dans un plumitif, la cause existe. Il ira
vivre avec ça au niveau des médias sociaux puis sa réputation.
Mme Weil :
Le droit à l'oubli, vous l'évoquez, il y a un débat là-dessus. Vous, vous
préconisez le droit...
M. Laurier (Paul) : Essentiel. Il y a des filles qui se font violer.
Ces photos-là restent sur le Web. Ça devrait être comme en Europe. Systématiquement, les gens
devraient pouvoir le demander et l'obtenir. Mais on n'est comme pas là,
là. Je ne comprends pas, mais il y a des...
On parlait des couches du Web. Il y a, dans le «deep Web», des choses absolument
atroces qui traînent là, qu'on devrait être capables de les effacer.
Monsieur
parlait de YouTube tantôt. Bien, YouTube, c'est une propriété... On devrait
appliquer ça, mais est-ce qu'on est
capables de le faire au niveau provincial? Est-ce que c'est plutôt fédéral? Mais
il y a... C'est toujours... Les outils, il y en a plusieurs. On peut défaire une voiture avec une pince en serre,
mais on ne pourra jamais la remonter. Les enquêtes, c'est pareil.
Il y a plusieurs outils. Il faut qu'ils soient adaptés. Puis qu'est-ce qu'on
cherche? On cherche-tu à sauver quelqu'un ou on cherche... On veut-u être heureux ou avoir
raison? Bien, dans ce cas-là, on veut que les filles soient heureuses.
Mme Weil :
Merci, M. Laurier.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup, M. Laurier,
Mme Chevrette qui était avec vous aujourd'hui. Merci beaucoup pour la présentation que
vous avez préparée. Merci de votre participation aux travaux de notre commission.
Je vais suspendre les
travaux pendant quelques minutes. On revient ici à 12 h 5, le temps
de désinfecter les places de travail. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
11 h 59)
(Reprise à 12 h 5)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Centre d'intervention en délinquance sexuelle de Laval, alors
M. Yves Paradis, qui est directeur, de même que Mme Anne-Marie
Lavoie, qui est coordonnatrice des services à la clientèle.
Alors,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra une période
d'échange avec les membres de la commission pour une période de
35 minutes. Encore une fois, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Centre d'intervention en délinquance
sexuelle de Laval (CIDS de Laval)
M. Paradis
(Yves) : Alors, bonjour. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.
C'est vraiment apprécié.
Alors,
mon nom est Yves Paradis. Je suis le directeur du Centre d'intervention en délinquance sexuelle de Laval, et Mme Lavoie, comme vous
le mentionniez, est directrice des services à la clientèle.
Le
titre de notre document a été bien choisi : Vers une saine
gestion du phénomène de l'agression sexuelle. Ce n'est pas que c'est mal géré ou que la gestion n'est pas saine, mais c'est
plus vers une globalisation de la
gestion du phénomène, hein? Souvent,
nous, on travailler avec les auteurs d'abus sexuels ou les clients abuseurs. Alors, on travaille avec une
clientèle qui n'est nécessairement pas tellement populaire, mais ça prend du
monde pour travailler avec ces monsieurs-là, et nous en faisons partie.
Alors,
ce qu'on observe avec le temps... parce que ça fait... comme mes cheveux gris
en témoignent, ça fait quand même quelques années que je suis dans le
domaine. Ce que j'ai observé avec les années, c'est une gestion quelque peu dichotomique du phénomène de l'agression sexuelle
au Québec, c'est-à-dire, d'une part, au niveau de la réhabilitation des auteurs d'abus sexuels, ce n'est pas évident de
parler de réhabilitation, puis, d'un autre côté, on a un phénomène où
des personnes sont victimes d'abus sexuels.
Donc, à partir de là, c'est comme si le phénomène, on opposait tout... souvent,
ces deux aspects-là du phénomène de
l'agression sexuelle, alors que, nous, la façon... Donc, moi, c'est d'être
efficace, c'est vraiment de
travailler dans l'ensemble du phénomène dans sa globalité. Donc, les
étiquettes, je ne vous apprends rien, que les étiquettes n'aident pas non plus au niveau des médias, hein, pédophiles,
agresseurs, etc. Donc, ça non plus, ça ne facilite pas la réhabilitation
des clients.
Alors,
je vais enchaîner sur... parce que vous aviez posé quelques questions. D'entrée
de jeu, je vais enchaîner sur le portrait
des clients abuseurs. Écoutez, les clients abuseurs, dans un contexte
d'exploitation sexuelle, pour trouver de la documentation, des données probantes, pas évident. Cela dit, ils peuvent
se retrouver avec... tu sais, ils peuvent se retrouver à l'intérieur de différentes façons, puis d'autant
plus, ce qui est important de voir, c'est vraiment l'aspect que le
phénomène de l'agression sexuelle, il y a
trois grandes catégories : la violence sexuelle, les inconduites sexuelles
puis l'exploitation sexuelle.
Alors,
nous, ici, on s'en vient témoigner à la commission sur l'exploitation sexuelle,
mais les auteurs d'abus sexuels ou
les clients abuseurs ne se trouvent pas nécessairement, selon les catégories,
certains auteurs, dans cette catégorie-là. Ça se peut qu'ils se retrouvent dans une catégorie comme potentiels clients
qui ont des attirances puis qui sont plus dans une dynamique d'abus
sexuel, et non «sex buyers», pour ne pas le dire en bon français.
Donc,
on peut le voir aussi sous l'angle du DSM-V, le manuel diagnostique et
statistique, que ces clients-là peuvent vraiment faire partie, là, d'un trouble pédophilique. Et souvent, le
trouble pédophilique, on va voir que certains individus, que ce soient ceux qui achètent des services
sexuels... ils peuvent quand même se retrouver à l'intérieur des catégories,
entre autres, de troubles pédophiliques de
type fixé ou de type régressé, c'est-à-dire de type exclusif ou non exclusif,
et ils peuvent être attirés soit par les garçons, soit par des fillettes
ou soit par les deux.
Ce qu'on a pu
observer, c'est que certains auteurs... On peut retrouver trois groupes
d'hommes. Il y a ceux qui achètent des services sexuels
puis qui savent plus ou moins. C'est une nouvelle expérience qu'ils vivent,
puis ils achètent de la sexualité avec les
enfants, puis ils ont de la sexualité avec l'enfant. Il y a
d'autres qui sont capables d'avoir de la sexualité avec des adultes, avec des enfants puis avec des
ados, alors qu'il y en a d'autres qui achètent de la sexualité avec un
type bien particulier d'âge ciblé. Ils
achètent les services puis ils s'en vont acheter les services sexuels d'une
personne victime d'un tel âge. Alors,
à ce moment-là, on peut observer aussi que certains individus peuvent être
excités par le caractère interdit de la chose.
Ensuite,
bien, dans le fond, ce que je... Je suis désolé un petit peu de vous annoncer
qu'on ne connaît pas grand-chose sur les clients abuseurs dans le
phénomène de l'exploitation sexuelle au niveau des mineurs. Mais, cela dit, je
ne suis pas surpris parce que ça se peut très bien que ces individus-là se
retrouvent aussi dans une catégorie d'abuseurs sexuels.
Certaines
choses qui sont nommées aussi, c'est que ce qui est observé, c'est que ce n'est
pas si rare que ça que certains individus
vont solliciter les services sexuels de femmes puis que, tranquillement, ils
vont se diriger vers de la sollicitation de mineurs, vers les mineurs. On a observé ça aussi. La consommation de
pornographie juvénile puis la consommation de porno a été observée aussi
avant les passages à l'acte chez certains individus.
Puis ce qu'il
faut se dire, c'est : quand un individu est rendu à payer pour avoir des
services sexuels avec un sexe particulier,
garçon, fillette, ce que ça peut soulever, c'est que les intérêts
sexuels peuvent être quand même assez marqués. Et surtout, ce qu'on observe davantage, c'est que les intérêts sexuels sont un
facteur au niveau de la récidive sexuelle. C'est le facteur le plus
probant au niveau de la récidive, au niveau des abus sexuels, des auteurs
d'abus sexuels.
Comment favoriser la prévention? Allez,
Mme Lavoie.
• (12 h 10) •
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : On va remarquer... Bien, en niveaux de prévention, on
va y aller avec trois différents niveaux de prévention. On va avoir la
prévention primaire. M. Paradis va vous parler de la tertiaire, je vais
faire la primaire puis la secondaire.
Comme
M. Paradis l'a dit, les abuseurs sexuels, sur l'exploitation sexuelle de
mineurs, il y a des intérêts marqués pour certains sexes ou pas. Dans
l'idée de la prévention primaire, c'est de prendre le problème en amont. Donc,
on va remarquer que les facteurs qui ont
influencé le passage à l'acte vont parfois être des facteurs qui n'ont rien à
voir avec la sexualité. On va avoir
des clients, par exemple, qui ont de la difficulté de communication des
émotions, gestion des besoins puis
des choses comme ça. Donc, l'idée de la prévention primaire, c'est vraiment de
toucher les plus jeunes, dès un jeune âge,
pour développer ces habiletés-là,
pour éventuellement prévenir le fait qu'ils se tournent vers une sexualité
inadéquate ou déviante.
L'idée, donc... nous, chez nous, ce qu'on fait
soit dans les écoles, dans les organismes, on fait beaucoup de collaboration aussi pour faire des ateliers de
prévention. On vient de monter un nouvel atelier de prévention avec le
Centre jeunesse de Laval pour les jeunes
garçons touchés par la LSJPA. Donc, l'atelier, c'est pour les sensibiliser aux
trois rôles qu'ils peuvent avoir dans
l'exploitation sexuelle, donc le rôle du client, le rôle du proxénète puis
le rôle de potentielle victime. Donc,
l'idée, c'est vraiment d'aller toucher les plus jeunes garçons, changer déjà la
construction puis l'idée qu'ils ont par rapport au phénomène.
Alors, on est
en train de monter aussi le programme Archétype. Donc, l'idée, c'est de monter
un programme de sexualité positive
pour les hommes. Il n'en existe pas, puis ce qu'on a remarqué chez les clients
chez nous, c'est que souvent, ce sont
des hommes qui ont un rapport à la sexualité et à la masculinité qui est très
compliqué pour eux. C'est ce qui fait en sorte qu'ils ont de la difficulté à créer des liens avec les femmes
adultes. Donc, souvent, ce qu'on remarque, c'est que les clients qui vont avoir des intérêts sexuels ou
avoir des comportements sexuels avec les mineurs, c'est des personnes
qui ont de la difficulté à entrer en contact avec les femmes adultes. Donc, à
travers ce programme-là, l'idée, c'est de développer des habiletés sociales et
relationnelles pour les aider éventuellement à mettre en pratique ces
comportements-là.
Ensuite, pour
la prévention secondaire, c'est vraiment d'aller chercher les personnes qui ont
un intérêt, mais qui ne sont pas encore judiciarisées. Donc, l'idée
derrière la prévention secondaire, c'est que les hommes eux-mêmes viennent
chercher de l'aide avant de commettre les gestes. Donc, on va bientôt mettre
une plateforme en ligne sur notre site Internet, où ça va être une thérapie que les hommes... des blocs de thérapie où les hommes
peuvent eux-mêmes aller les chercher
de manière volontaire quand ils ressentent un inconfort ou une certaine
détresse par rapport à des pensées ou des fantasmes sexuels qu'ils pourraient avoir envers les mineurs. Donc, l'idée, c'est justement d'aller en amont de
la problématique, non pas... en fait,
pour pouvoir outiller les hommes à ne pas passer à l'acte puis déjà aller les
chercher avant que ça arrive. Pour
ça, par contre, comme M. Paradis le disait, les étiquettes avec les médias
n'aident pas à ce que les hommes aillent chercher de l'aide.
M. Paradis
va le soulever aussi tout à l'heure, il y a des recherches qui ont été faites au
niveau de l'aide que les hommes vont
aller chercher quand ils ressentent une détresse émotionnelle. Les hommes, en
général, ne vont pas chercher de l'aide
parce qu'ils ont la honte, la
culpabilité. Donc, pour les hommes, c'est très difficile d'aller eux-mêmes
chercher de l'aide.
Donc, si on regarde le phénomène, comment que
c'est présenté, ce n'est pas l'idée d'excuser ou de minimiser, mais c'est de dire que, s'il y a des comportements
comme ça, il y a des organismes ou
des endroits où ils peuvent aller chercher de l'aide et de le faire avant qu'il y ait des conséquences. Donc, c'est
un peu l'idée avec la prévention primaire et secondaire. C'est d'aller justement créer cette volonté-là,
chez les potentiels clients abuseurs, d'aller... venir chercher de l'aide
avant de commettre les
gestes posés. Tandis que pour la prévention tertiaire, comme M. Paradis va
vous l'expliquer, là, on s'en va avec les
clients qui ont déjà commis les actes, puis là c'est un autre type de
traitement ou de prévention qu'on va mettre
en place.
M. Paradis
(Yves) : Et je vous dirais,
ce qui est intéressant d'observer, c'est surtout ce qui se fait ailleurs
aussi dans le monde. Et je vous
dirais qu'en termes de prévention primaire et secondaire, par rapport à l'Allemagne, par rapport
à la Suisse, on est au moins une dizaine
d'années en retard par rapport à notre façon de travailler, c'est-à-dire, comme par exemple, la fondation... Mme Lavoie le soulevait, la
Fondation Lucie Faithfull, qui a un site Internet, Stop it now!, avec qui on
a une collaboration maintenant très étroite, puis on a la permission, etc., de
traduire leurs textes, etc. Et ensuite, en Allemagne, le Dunkelfeld Project, qui fait en sorte que... C'est un projet préventif, une campagne de
publicité pour que les hommes qui ne
sont pas judiciarisés viennent chercher de l'aide. Le programme
est subventionné, le programme... En plus, il y a un programme de recherche pour voir qu'est-ce qu'on fait,
ce qu'on fait de bien puis ce qu'on de fait de moins bien, pour s'améliorer, avec des données de recherche. Et
ensuite, il y a le programme
DIS NO, en Suisse, pour faire en sorte...
pour travailler au niveau
de la prévention. Donc, on est au moins, au moins une bonne dizaine d'années en
retard sur cet aspect-là.
En ce qui a
trait à la prévention tertiaire... et je vais rassembler les questions
trois et quatre, c'est-à-dire au
niveau de favoriser la réhabilitation puis, en même temps, bien, quels sont les outils puis les stratégies d'intervention. En résumé, au niveau de la réhabilitation, bien, une des premières
choses qui est favorable à la réhabilitation, c'est donner accès aux
services aux clients. Actuellement, les clients ont peu ou pas accès à nos services. On a au-delà d'une
année, voire même plus, d'attente. Actuellement, comme vous l'avez probablement lu dans le document,
ou vous le lirez, ou peu importe, il
y a 400 clients qui attendent chez nous, 400 qui sont en attente. Et
sans vouloir dramatiser, il y a des individus qui sont à faible risque de
récidive, mais il y en a d'autres, probablement, qui sont à plus haut risque. Les clients attendent et attendent. Et
cela dit, c'est certain que la COVID n'a pas aidé, mais avant la COVID,
c'était au moins, minimalement, un an d'attente de service.
Ensuite,
bien, au niveau de de la réhabilitation, bien, c'est vraiment
donner accès puis, en même temps, c'est de faire en sorte d'utiliser des outils puis des stratégies d'intervention qui sont en ligne avec les données probantes au niveau de la recherche, ce que nous faisons chez nous aussi, c'est-à-dire qu'on évalue, on a des outils pour évaluer le risque de
récidive. On va intervenir, on va utiliser
des facteurs de risque plus de type clinique, qu'on appelle les facteurs
dynamiques du risque de récidive. On
va travailler avec une approche multisystémique dont, en l'occurrence, au
niveau des ados, même avec des adultes, les conjointes, etc., les
proches avec qui on doit faire une intervention de façon plus globale.
On va
travailler... et surtout avec l'approche théorique, qu'on appelle du risque,
besoin et réceptivité, le modèle RBR sur trois aspects. On considère les
aspects du risque, on considère les aspects des besoins, autrement dit, des
facteurs criminogènes et des facteurs de
réceptivité. Avec tel client, on ne peut pas prôner, des fois, la même
intervention qu'avec un autre. C'est toujours
de faire en sorte que les clients puissent bénéficier puis
s'engager dans le processus thérapeutique, plus une saine gestion, là, des habitudes de vie qu'on appelle le Good Lives
Model. Donc, chez nous et en délinquance sexuelle ou quoi que ce soit, on doit travailler avec ces
approches-là parce que c'est les approches, à l'heure actuelle, qui sont
les plus probantes dans le domaine.
Les
stratégies d'intervention, bien, je viens d'en parler. Les impacts du programme,
bien, écoutez, d'entrée
de jeu, ce que je pourrais vous
résumer, c'est... ce qui est important, avoir les moyens
financiers serait important. C'est de faire en sorte qu'on puisse évaluer
notre programme avec, entre
autres, la récidive. Mais, tu sais,
vous savez que l'évaluation
des programmes de traitement, nous... je n'ai pas le choix de dire, il y a tout l'aspect de : Est-ce qu'il
a récidivé ou pas? C'est les premières questions : Est-ce qu'il a
récidivé ou pas?
Alors, à ce
moment-là, on a toujours comme un peu l'épée de Damoclès dans notre travail, au
niveau de la pression. Cela dit, on
est capables d'en prendre, on travaille avec la clientèle. Mais, cela dit, il
n'y a pas juste la récidive avec laquelle on doit regarder au niveau des
programmes de traitement, au niveau de ces individus-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Merci beaucoup, M. Paradis. Ça va mettre fin à votre présentation. Maintenant, on se garde du temps pour une période
d'échange avec les membres de la commission, puis Mme Lavoie, vous aurez
la chance de répondre aux questions par la suite. Il nous reste donc
30 minutes pour la période d'échange. On va débuter avec le député de
Sainte-Rose.
• (12 h 20) •
M. Skeete : Merci,
M. le Président. Très content de
recevoir des gens dédiés comme vous, surtout que vous venez de mon comté, alors on est très fiers du travail que
vous faites. J'aimerais vous parler, parce qu'on a beaucoup
parlé de moyens de répression vers le
client abuseur, mais ce qui est différent avec vous, c'est le traitement sur le
continuum de services qu'on doit
offrir. On doit offrir des services, bien
sûr, aux victimes, mais avant aussi,
dans la notion de prévention, on doit agir sur le client abuseur.
Donc, j'aimerais vous entendre... Premièrement,
vous avez évoqué quelques points. Alors, juste pour clarifier, il y
a-tu une différence entre quelqu'un
qui consomme la prostitution juvénile versus mineure? Est-ce que c'est la
même personne, mais ça dépend de qu'est-ce
qu'on m'offre? Parce qu'on a entendu des témoignages qui disaient : Bien
là, si elle a 17 ans, ça ne me
dérange pas trop, si elle a 18, ça ne me dérange pas trop. Alors, est-ce que
c'est la même personne ou il y a vraiment une différence
entre les deux?
M. Paradis (Yves) : Je vous
dirais qu'il peut y avoir une différence quand même assez marquée de l'individu
qui achète des services d'une mineure puis qu'au niveau des caractéristiques
sexuelles secondaires, qui n'est pas rendu là encore, versus qu'un individu qui
va consommer des services sexuels d'une adolescente de 16, 17 ans au
niveau des caractéristiques sexuelles
secondaires. Bien sûr qu'il y a une différence. Il peut y avoir une différence
au niveau du portrait.
Et tout dépendant de l'individu... Si
cet individu-là va consulter toujours la même puis revient avec des... excusez l'expression, avec une cible, un «target»,
toujours, de fillettes prépubères, puis c'est toujours les fillettes
prépubères, alors, à ce moment-là, au
niveau des intérêts sexuels marqués, on peut se poser d'importantes questions par
rapport à ça puis par rapport au risque de récidive aussi.
M. Skeete :
Parce qu'on essaie de comprendre cet être-là, ce client abuseur là. Là, je
pense que vous avez touché sur le
sujet. C'est sûr que préado, on comprend que c'est une autre affaire, mais le
flou existe quand on arrive dans les 15, 16 ans. Moi, je me souviens, dans une autre vie en tant que
douanier, je me souviens, on regardait les vidéos, essayer de déterminer
si elle est mineure, la fille. On regardait aussi : Est-ce qu'elle a un
âge prononcé? Est-ce que les seins sont développés,
etc. Alors, est-ce qu'il y a une différence entre la consommation adolescente
ou jeune adulte? Est-ce que, encore là, il y moyen de démarquer une
différence de l'individu?
M. Paradis (Yves) : Bien, je vous dirais plus ou moins, parce qu'il y
a des individus qui vont chevaucher entre les catégories, des
adolescentes vers 16, 17 ans puis qui vont aller avec les femmes, ou ils
vont avoir commencé avec les femmes, des
services sexuels avec les femmes puis, pour progresser dans leur processus de
consommation, bien, ça va faire en
sorte qu'ils vont aller chercher... Par exemple, un individu avec une
problématique de compulsion sexuelle, ça aussi, ce n'est pas à exclure,
va vouloir aller chercher du nouveau. Donc, ça se pourrait qu'il puisse réduire
la cible puis aller vers les adolescentes.
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : Si vous me permettez, je pourrais peut-être ajouter
qu'il y a aussi le fait où l'intention du
client abuseur va être très importante. Quand ils disent par exemple :
Bah! 17, 18 ans, c'est plus ou moins, peu importe... Quand on réussit à faire ouvrir un peu les clients
sur leur intention, de qu'est-ce qu'ils recherchent derrière, si
l'intention était : Moi, je veux une
adolescente, et, dans leur imaginaire... la fille a 18 ans, mais, dans
leur imaginaire, ils projettent quand même que cette personne-là est mineure, là, on va toucher autre chose. Il y a
certains clients, oui, peu importe, mais il y a beaucoup l'intention.
C'est
pour ça que nous, dans notre travail, l'importance d'accueillir les clients et
d'être capable de créer la relation de confiance,
ça nous donne accès à ça, ces informations-là où les clients vont s'ouvrir puis
finalement ils vont nous dire : Oui, bon, O.K., j'ai cet intérêt-là. À partir de ce moment-là, ça va être
beaucoup plus facile de travailler avec ces clients-là parce qu'on va
toucher l'enjeu principal qui est cet intérêt pour les mineurs là. Donc, il y a
cet aspect-là aussi, là, qui n'est pas à négliger.
M. Skeete :
Puis, dans l'optique où on est-ce qu'on a cet intérêt-là pour le mineur, à quoi
ressemble... qu'est-ce que cette personne-là recherche?
M. Paradis
(Yves) : Bien, ça se peut très bien que ce soit un individu qui soit
déjà aux prises avec une problématique
d'abus sexuels. Ça se peut très bien aussi que ça soit un individu qui soit aux
prises avec une problématique de
pédophilie, mais, pour telle ou telle
raison, vient chercher des services sexuels parce que, dans le fond, il va payer puis il va aller
directement. Et cet
individu-là aussi peut-être à la recherche d'une relation avec aucun lien
affectif puis avoir juste de la
sexualité, alors que, dans certains cas, au niveau des auteurs d'abus sexuels,
ce qui peut varier, c'est que ça va être important d'avoir leur relation affective chez certains de
nos clients. D'autres clients vont payer pour avoir de la sexualité puis
ils vont s'en aller. Ils ne veulent rien savoir du lien affectif avec les
personnes victimes.
M. Skeete :
Puis dernière question, au-delà de la cessation, là, de la consommation
répréhensible, à quoi ressemble une histoire de succès chez vous? Quand
quelqu'un réussit le programme, quelqu'un qui... Bien sûr, on veut arrêter le comportement, là, mais c'est quoi, une vraie réussite?
Ça ressemble à quoi, chez vous, quand quelqu'un est... pas guéri, là,
mais est-ce que ça se peut, guérir, entre autres? Ça ressemble à quoi, une
réussite, chez vous?
M. Paradis (Yves) : Bien, écoutez, un, d'une part, ce n'est pas une
maladie, donc on ne peut pas parler de guérison. C'est un trouble du comportement. Donc, ça, d'entrée de jeu, c'est
important de l'avoir. Puis, en même temps, c'est d'abord et avant tout
un problème de santé mentale. C'est pour ça qu'on l'a mis dans le DSM-V.
Et c'est comme
si l'aspect judiciaire, l'aspect... tu sais, les arrestations... puis c'est
correct, certainement que ça fait partie du traitement, mais ça vient
tout occulter l'aspect de la réhabilitation puis du traitement. Et c'est
là-dessus qu'il faudrait peut-être porter une attention particulière.
Un individu qui vient
chez nous va s'ouvrir. En général, hein, ils arrivent tous avec des
résistances. Pourquoi que... Ils arrivent,
bon, ils ont passé par le système judiciaire, ils ont passé par leur avocat, avocate,
puis là ils arrivent chez nous, les
clients pensent qu'on fait partie du système judiciaire. Alors, nous, il faut
commencer à tout défaire ça, tout défaire cet aspect-là pour créer l'ouverture puis, en même temps, gérer tous les
aspects des photos sur les poteaux, tout ce qui est des étiquettes
«agresseur», «écoeurant», etc. Donc, on a à travailler là-dessus, tu sais.
Puis,
en passant, je voudrais vous dire que ces étiquettes-là, ça va à l'encontre des
codes de déontologie. On manque de
respect envers les individus. Cela dit, ça n'empêche pas que les gestes sont
écoeurants, c'est répréhensif, ça ne se fait pas. Mais quand on les traite de pédophiles puis
d'agresseurs sans nécessairement connaître leur parcours, entre autres, on
a... moi, avec mon ordre professionnel, je
n'ai pas le droit de faire ça puis je ne ferai pas ça. Ça n'enlève pas tout
l'aspect où que ce n'est pas correct, ce qu'ils font, puis on travaille
là-dessus.
Les traiter, là... Vous savez, ce n'est pas
dorloter, les traiter, hein? On ne les dorlote pas, nos clients, là. On ne
prend pas pour eux parce qu'on travaille avec eux. On les amène à se
responsabiliser, parce que nous, quand on les responsabilise puis qu'ils passent à travers le
processus d'intervention, s'ils ont plus d'ouverture puis on a travaillé... pour répondre plus directement à votre question, M. Skeete, ils ont
passé à travers les facteurs criminogènes les plus importants. On a réduit ça considérablement. Puis le meilleur
moyen de prévention avec nos clients, c'est quand ça fait en sorte qu'on
a créé un bon contact, puis quand ça ne va pas, ils nous appellent puis qu'on a
un rendez-vous avec eux autres.
M. Skeete : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Bonjour à vous
deux. Merci. Ça nous éclaire sur plusieurs... en
tout cas, c'est la première fois, je
pense, qu'on entend autant parler du client abuseur. C'est dommage que notre
collègue ne soit pas là... bien, je ne peux pas dire ça, excusez, en commission, mais ce n'était pas mal
intentionné, vous savez. Mais effectivement, on en apprend des données
qu'on dit ne pas être existantes, là, finalement, parce qu'on n'a pas de
collecte de ces données-là qui se fait à proprement parler.
Vous avez parlé
beaucoup en termes de prévention, puis on regarde beaucoup cette avenue-là
aussi, là, ici. Elle fait partie des
volets, là, du rapport. Puis vous avez parlé que, dans vos ateliers aux jeunes
garçons, par exemple, c'est vous qui en avez fait mention, vous allez
avec vraiment le phénomène comme tel, victimes et proxénètes. C'est quoi que
vous conseilleriez comme âge, par exemple,
pour pouvoir parler de ces termes-là qui sont délicats ou, tu sais, de passer
de parler des valeurs, de comment
s'ouvrir, parler de ses sentiments et tout ça puis d'aller jusqu'à parler du
phénomène? Comment on amène ça à des jeunes?
• (12 h 30) •
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : Bien, en fait, on peut se baser sur le programme que le
gouvernement a monté en matière
d'éducation à la sexualité. Donc, il y a différents âges puis justement, comme
vous le mentionnez, à des plus jeunes âges,
c'est de développer les habiletés en lien avec les valeurs, les besoins, les
limites. Puis à partir d'environ le quatrième secondaire, c'est là qu'on
va parler des violences sexuelles et du cycle de la violence à proprement
parler, avec le type d'exploitation sexuelle. Donc, c'est plus à cet âge-là.
En matière de
prévention chez les plus jeunes, c'est justement ça, d'y aller de manière
positive. Donc, nous, ce qu'on prône chez nous, c'est un peu cette
éducation à la sexualité là mais de manière positive. Au lieu de dire aux gens qu'est-ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est de
développer les habiletés. Qu'est-ce que vous pouvez faire? Comment vous pouvez agir de manière adéquate? Comment bien
aborder une femme? Comment parler de sexualité? Ce qu'on n'apprend pas, c'est souvent dire : Bien, dis non, ne
fais pas ça, ne regarde pas comme ça. Mais les clients arrivent chez nous et
c'est le commentaire qu'on a :
Qu'est-ce que je peux faire? Comment je dois agir? On ne leur permet pas de
développer ça. Donc, dès un jeune
âge, si on développe ces habiletés-là, justement, qu'ils vont avoir plus tard,
on va avoir beaucoup moins de problématiques au niveau des relations
amoureuses, tant chez les garçons que chez les filles.
Donc, c'est un peu cette idée-là de parler de
manière positive. Je dirais même, au secondaire, quand on aborde la violence
dans les relations amoureuses, on essaie d'aller voir de manière positive
également. Comment être adéquat avec ton copain, ta copine? Comment bien agir?
Au lieu de dire ne pas quoi faire, d'aller plus de manière positive, développer
ces habiletés-là qui sont super importantes.
Les clients
qui arrivent chez nous, la première étape, ça s'appelle la sensibilisation à la
délinquance sexuelle. Donc, c'est
13 rencontres une fois par semaine, pendant deux heures en groupe, où on
aborde différents sujets : communication, gestion des émotions. À
chacun de mes groupes que j'ai faits, j'ai eu le même commentaire, les hommes
qui ont été judiciarisés m'ont tous
dit : Si on avait eu ce type de programme là au secondaire, probablement
que ma vie, elle aurait été différente.
Parce qu'on aborde des enjeux qu'ils peuvent utiliser dans leur vie de tous les
jours, que même vous et moi, on peut en apprendre, puis ça nous est
utile. Mais ça, ils ne l'ont jamais appris.
Puis c'est justement ces facteurs-là, quand on
regarde les facteurs qui ont fait qu'ils ont passé à l'acte, qui sont venus jouer : problèmes de communication, ils
ont accumulé des frustrations envers les femmes, envers la sexualité,
puis là on s'en va en escalade, on s'en va
vers une sexualité inadéquate. Donc, dès le plus jeune âge, je pense qu'il va y
avoir une manière différente de l'aborder, mais on peut commencer très,
très jeune pour faire de la prévention.
Mme Perry
Mélançon : J'aurais une
dernière petite question. En fait, j'aime les niveaux de prévention aussi,
là, que vous amenez, je trouve ça
intéressant. Puis vous nous parlez aussi des résultats, là, en fait, des
commentaires que vous recevez. Ça fait que c'est encourageant.
Vous avez
aussi mentionné qu'il faut arriver à décortiquer ou, en fait, renverser le fait
que ces gens-là, quand ils arrivent
chez vous, ils se sentent encore, là, dans le système. Nous, on pose beaucoup
la question à tous ceux qu'on a rencontrés,
là, qu'est-ce qu'ils pensent des peines éducatives. Puis je pense que je peux
un peu m'attendre à votre réponse, mais le fait que ça puisse être
obligé pour réduire la sentence ou... bref, vous ne seriez pas nécessairement
en faveur de ce genre de mesure là?
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : En fait, ce
n'est pas mauvais en soi, mais je crois que, déjà, ils ont des
résistances. Donc, nos clients arrivent chez nous, ils n'ont pas envie d'être
là. Ils nous le disent d'entrée de jeu. Donc, ça, oui, il faut décortiquer ça.
Un autre
aspect, si on fait référence aux «john schools», par exemple, c'est que c'est
sous l'angle de la culpabilité et de
la honte. Donc, on vient mettre en lumière, oui, les conséquences. L'empathie,
c'est une des parties qu'il faut travailler avec ces clients-là. Mais il
y a plein d'autres facteurs qui ne sont pas touchés. Si on prend les «john
schools» qui sont données
au Canada, c'est une journée où on sensibilise. C'est tellement complexe comme
comportement, et le client abuseur, c'est tellement complexe, le
pourquoi il agit comme ça, qu'en une journée c'est un peu utopique de croire
que la personne a réglé tous les problèmes liés à ça. Ça peut être une
ouverture, une amorce à.
Mais nous, notre programme de sensibilisation,
avant d'aller en traitement thérapeutique, dure 13 semaines. C'est 13 rencontres de deux heures. Puis,
juste là, on touche en surface les points qu'ils vont aller approfondir en
traitement thérapeutique après. Donc, oui, ça peut être une amorce pour créer
une certaine ouverture, mais les facteurs ne sont vraiment pas tous touchés, il y a beaucoup de facteurs qui sont oubliés.
Puis, si on prend juste un morceau du puzzle, on n'a pas la photo complète puis on peut passer à côté
de beaucoup de choses puis de certaines choses qui sont très
importantes qui pourraient faire en sorte que les clients repassent à l'acte.
Mme Perry
Mélançon : ...pour vous, ce
serait de débloquer davantage de ressources pour pouvoir offrir la
séance de plusieurs, en fait...
M. Paradis
(Yves) : Bien, écoutez,
plusieurs de ces individus-là sont aux prises avec des dynamiques
personnelles de longue date. Donc, en une
journée, en échange d'une sentence... Alors, ça vient entacher un petit peu le processus de réhabilitation,
c'est-à-dire, aller consulter en
échange de. On est quand même encore un petit peu dans le processus
de : Bien, comme, je vais y aller puis
je vais faire le programme, comme ça... C'est comme si j'échangeais encore,
alors qu'il faut aller à l'encontre de ça au niveau de l'intervention.
Mme Perry
Mélançon : Puis c'est un service qui est offert à grande échelle ou partout
dans les régions, qui pourrait se déployer?
M. Paradis
(Yves) : Bien, des
programmes comme nous... Il y en a plusieurs qui offrent de sensibilisation.
Comme nous, je ne pourrais pas vous le dire. Mais nous, ça fait de nombreuses
années, effectivement, qu'on l'offre.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'avais une question
concernant... Bien, tout à l'heure, vous avez dit que les clients abuseurs, c'étaient... à moins que j'aie mal
compris, peut-être, avaient des troubles du comportement ou des problèmes de santé mentale. Puis aussi vous
aviez dit qu'on n'avait pas beaucoup de connaissances au niveau des clients abuseurs. Donc, vous pensez que les
clients abuseurs, c'est toutes des personnes qui ont des problèmes de santé
mentale ou il y a plutôt un attrait de
l'interdit puis le pouvoir qu'on exerce sur une certaine personne? Comment vous
voyez ça?
M. Paradis
(Yves) : Ce n'est pas tout à
fait sous cet angle-là. C'est dans le sens où l'individu qui va acheter
des services sexuels peut se retrouver un
individu qui est aux prises avec différentes dynamiques. Puis ça peut être
aussi un individu qui a déjà des intérêts sexuels marqués ou, de temps à
autre, avoir des intérêts sexuels... Parce qu'on a le type obsessionnel, c'est-à-dire celui qui... les
intérêts sur le plan cognitif, émotionnel, les fantaisies, tout tourne autour
des enfants, alors qu'il y en a d'autres, pour diverses raisons, vont
régresser puis avoir des contacts sexuels avec des enfants. Donc, en bon
québécois, les «sex buyers» peuvent se retrouver dans ces catégories-là.
Ce n'est pas
nécessairement une catégorie, comme, à part, actuellement, avec ce qu'on a
comme données, comme observations puis avec le peu d'écrits. Parce que,
c'est sûr, ces clients-là, si je ne me trompe pas, ne se font pas souvent arrêter, tu sais? Pourquoi? Parce que, hein, il
y a tout le processus
que la victime — je
ne veux pas me répéter, là — elle
est menacée puis, tabarouette, elle ne
dénonce pas, ça fait que, si elle ne dénonce pas, donc, les clients qui
viennent chercher les services, bien,
ne seront pas dénoncés. Donc, on a plus
ou moins de la difficulté
à avoir des portraits clairs. Mais oui, effectivement, à la base, les
clients, soit que ce soit de façon régressée ou que ce soit de façon fixée,
aller chercher des services sexuels avec les mineurs, c'est un problème
de santé mentale, bien entendu, à divers niveaux. Bien, oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Parce que, là, je voulais aussi parler de
votre programme puis la réhabilitation. Est-ce que ça fonctionne, la
réhabilitation?
M. Paradis (Yves) : Quand vous
mentionnez «fonctionne», vous voulez dire?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Est-ce qu'il y a des récidives ou c'est quoi les... Est-ce que
vous avez des statistiques?
M. Paradis
(Yves) : Je dirais qu'en
termes de statistiques il faudrait avoir les moyens, avoir les sous de faire
des études sur la récidive au Québec,
hein, d'une part, il faudrait avoir ça. Et, d'autre part, encore, une fois, les
clients qu'on voit cheminer, il y a
plusieurs clients qui arrivent très résistants chez nous, puis qui s'ouvrent,
puis qui, finalement, finissent le programme de traitements, où on a observé, hein, on n'a pas jasé, on
n'a pas jasé des progrès, on a observé, à l'intérieur des interventions de groupe, des progrès
considérables en lien avec les facteurs associés, les facteurs criminogènes, effectivement.
Mais il y a des individus qui vont faire ça.
Puis, de toute façon, les risques de récidive, actuellement, officiels, sur une période de cinq ans, est de
10 %. Mais vous, quand vous entendez parler puis que vous
voyez, au niveau des médias, la publicité qui se fait, c'est les
prédateurs, puis il a fait ci, puis il a fait ça, puis on revient, puis on
revient. Bon, on peut avoir tendance à penser qu'il y a de la récidive à 40 %, 50 %, 60 % puis que le traitement
n'est pas si efficace. Bien, je pourrais vous dire qu'à la lumière des données probantes, actuellement, les programmes de
traitement, avec les approches que j'ai mentionnées précédemment, fonctionnent,
et fonctionnent très bien, et sont efficaces, et il y a des méta-analyses qui
le mettent de l'avant.
Le Président (M. Lafrenière) :
On a encore plusieurs questions. On va essayer d'avoir des réponses courtes.
Député de Chomedey.
• (12 h 40) •
M. Ouellette : Merci, M. Paradis. Merci, Mme Lavoie.
Je suis un peu inquiet. Vous nous avez pris une page de votre mémoire pour nous parler de la pandémie et
l'après-pandémie ou ce que nous vivons. Est-ce que c'est de nature à
nous insécuriser pour dans les traitements qui vont se donner de façon
différente, ou qui ne pourront pas se donner, ou qu'il va falloir s'ajuster en
fonction des intérêts supérieurs de d'autres choses?
Vous avez
pris du retard dans vos interventions; vous avez besoin de quoi? Parce que
c'est un service qui est tellement important.
Un an et demi après ou deux ans après... Je ne sais pas, tu sais, je pense
que, comme société, si on veut avoir une réponse ou si on
veut appliquer des mesures qui vont vraiment faire une différence, on ne peut
pas en laisser traîner en arrière puis
dire : Bon, on décide, on intervient, le système judiciaire embarque, puis
vous autres, bien, quand il y aura le temps, on va s'occuper de vous
autres.
Bon, ça,
déjà, je l'avais senti. Mais j'ai comme l'impression qu'avec la pandémie puis
avec ce qui nous pend au bout du nez
dans les prochains mois et les prochaines années, parce que ça ne sera plus jamais
pareil, j'ai l'impression que ça va vous demander un ajustement
drastique. Et je vais avoir besoin d'être rassuré.
Puis j'aurai
une deuxième question puis je vais tout de suite vous le mentionner pour
que vous vous prépariez. Vous nous
avez parlé pendant une page des «john schools», puis je sens, en quelque part, que vous avez peut-être une opinion ou... que vous allez nous partager sur est-ce qu'au Québec
ça peut être applicable, parce qu'on en a beaucoup parlé dans le
cadre de la commission. Ça sera mes deux questions.
M. Paradis (Yves) : Moi aussi,
je suis un peu inquiet. Moi aussi, je suis un peu inquiet parce que... Cela
dit, ce n'est pas d'aujourd'hui que les clients attendent. Et le phénomène que nous, on vit puis
assurément que les ressources comme
nous, on vit, c'est que la magistrature émet des sentences avec des
recommandations, puis nous, on n'est pas capables de les respecter à l'intérieur d'un an et demi,
deux ans. Et Tremblay, dans son rapport, le soulève aussi, les hommes,
quand ça prend trop de temps... Puis là ce
que j'aime du rapport de Tremblay, ce n'est pas parce que je suis capable de
faire des liens, c'est parce que c'est un rapport sur les hommes de
façon globale, qui fait en sorte que les individus qui abusent sexuellement sont aussi des hommes. Bien, effectivement, écoutez, on a des orientations et... Ça fait quoi? Je
suis dans le domaine depuis 29 ans, et, cela dit, nous, on fait
avec ce qu'on a mais on n'a vraiment pas beaucoup.
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : Si je peux
ajouter. Oui, la pandémie va venir accentuer, puis ça va être encore
plus compliqué. Mais, même avant la pandémie,
avec nos subventions... Je vous donne un exemple. Là, on a des
subventions du MSP, donc, par territoires.
Si je prends... par exemple, une subvention, dans mon année financière, me
permet de rencontrer, sur ce
territoire-là, 11 clients. On a fait un document dans lequel on met en
lumière... sur ce territoire-là, j'ai 50 inscriptions par année. Donc, il y a une année, en 2018, on a
été obligés d'interrompre nos services d'octobre à fin mars parce qu'on
n'avait plus de subvention, donc on ne pouvait plus rencontrer les clients de
ces territoires-là puis, bien, on a été obligés d'attendre.
Donc, on a le
temps d'attendre, là, avec la pandémie, nos locaux ne sont plus assez grands
pour la distanciation sociale. Mais, quand on cherche dans les locaux
ailleurs, soit ils ne sont pas disponibles ou la clientèle n'est pas très bien
appréciée dans le bâtiment, donc on nous refuse l'accès. Donc, présentement, on
ne peut pas faire des groupes complets parce qu'on n'a pas d'espace ou on n'a
pas d'endroit pour pouvoir le faire.
Donc, je vous
dirais : Oui, la pandémie vient accentuer la problématique, mais c'est une
problématique qui était déjà présente avant, de par le manque de
financement, justement, qui ne nous permet pas de rencontrer le nombre de
clients qui s'inscrivent chez nous.
Pour votre
deuxième question, par rapport aux «john schools», l'idée derrière est bonne,
mais, comme je vous ai dit, c'est que
les facteurs qui viennent influencer le passage à l'acte sont multiples. Quand
M. Paradis parle du risque de récidive, les facteurs vont dans
l'impulsivité, la gestion des émotions, par exemple. Quand on regarde le
programme des «john schools», ils viennent
sensibiliser ou donner de l'information aux clients en lien avec les
conséquences que toute la société... ou toutes les conséquences
connexes. On touche un des facteurs, après, les clients retournent à la maison,
puis ils n'ont pas plus d'outils.
Les clients
qui arrivent chez nous, qui ont commis des agressions sexuelles sur les
mineurs, le savent très bien que c'est
répréhensible, le savent très bien qu'il va y avoir des conséquences, ils sont
conscients de ça. Donc, ça donne une idée à quel point la problématique est beaucoup plus profonde que juste savoir
que je peux avoir des conséquences. Parce que, quand je leur demande, donc, en sachant qu'ils pouvaient avoir des
conséquences : Qu'est-ce qui fait en sorte que tu es passé à l'acte?, ils sont incapables de répondre.
Donc, c'est à travers les rencontres qu'il faut décortiquer tout ça puis
les aider à aller vers une compréhension. Puis j'ai vu des clients faire des
progrès énormes, mais il faut faire le lien de confiance, puis ça, en une
journée, c'est utopique.
Puis, comme
M. Paradis le dit, l'exploitation sexuelle, c'est une dynamique d'échange,
de l'argent contre des services sexuels.
La dynamique qu'on recrée avec les «john schools», c'est : on échange une
journée de sensibilisation contre : Tu n'auras pas de sentence. On est encore dans la dynamique du client,
malsaine, où il y a une dynamique d'échange. Donc, finalement, c'est de
ne pas nécessairement aider le client puis c'est de le garder dans une
dynamique qu'il traîne depuis plusieurs années, sans lui donner des outils où est-ce qu'il va
arriver... Il va retourner dans son milieu de vie avec les mêmes enjeux,
mais pas avec des outils adéquats, donc il y a une possibilité qu'il retombe
dans ça.
Puis il n'y a
pas beaucoup d'études qui sont venues démontrer, oui, que ça a changé les
perceptions par rapport à la prostitution, mais on n'a rien qui dit que
les comportements ont changé. Il y a même certaines études qui soulèvent le fait que peut-être que les clients
abuseurs ont développé des stratégies
pour ne pas se refaire prendre. Donc, finalement, l'efficacité de ce
programme-là n'est pas nécessairement démontrée non plus au niveau des
recherches.
M. Ouellette : Il me vient une image en tête, puis je me
permettrai ce dernier commentaire là. De vos explications, le «john
school», une journée de sensibilisation, c'est qu'on applique un diachylon sur
une blessure, mais on ne l'a pas nettoyée
puis on ne l'a pas... On ne connaît pas la source de la blessure, mais on a mis
un diachylon sur le dessus, puis tout va bien aller, là, c'est comme si
elle était pour se cicatriser toute seule.
M. Paradis
(Yves) : Bien, tu sais,
nous, M. Ouellette, là, si on travaille notre programme avec les adultes,
il y a au moins, minimum
52 semaines d'intervention pour voir le changement. Tu sais, quand on nous
dit : Oui, mais tu le vois, il est
avant la sentence... Bien, on a quand même suffisamment d'expérience pour voir
aller le client pendant les semaines. Puis
on n'est pas là pour faire des bons rapports ou des mauvais rapports, tu sais,
on est là pour être efficaces. Puis, des fois, faire un rapport qui ne
va pas dans le sens du client, c'est être efficace.
M. Ouellette : Je suis
entièrement d'accord avec vous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. M. le député de Vimont.
M. Rousselle : Merci.
Vous avez parlé tantôt d'aller en avant, donc travailler dans la globalité,
donc, de la prévention. Vous avez parlé de prévention. Vous êtes à Laval, donc
j'aimerais ça avoir votre expérience au niveau commissions scolaires, au niveau d'Urgence sociale. Parce qu'à Laval on
a la chance d'avoir Urgence sociale, je sais que ce n'est pas répandu beaucoup au Québec, et puis la
roulotte, aussi, du service de police de Laval qui se promène d'une
école à l'autre. Donc, au niveau scolaire, et tout, la prévention, j'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : En fait, les projets que vous nommez, c'est des projets
sur lesquels on travaille. Donc, Préven-Quête,
on est sur le comité pour faire un nouveau Préven-Quête 2.0, où là on
adapte un peu le principe de la roulotte, mais pour les écoles, donc,
pouvoir aller directement dans les classes créer la même chose.
Avec Urgence
sociale, vous l'avez nommé, on ne fait pas nécessairement de la prévention...
bien, oui, mais plus tertiaire. Donc,
on a fait des comités avec Urgence sociale pour suivre un client qui avait
beaucoup de difficulté, mais on s'est mis en partenariat avec eux pour
faire une intervention plus poussée.
On travaille aussi avec le projet Lueur, donc,
avec Le Phare des affranchies, pour donner des formations aux hôteliers puis aux personnes qui travaillent dans
le taxi, en matière d'exploitation sexuelle, pour venir les aider à
détecter puis pouvoir accompagner les jeunes filles.
On travaille
aussi, justement, avec différents projets, on prépare une campagne de
sensibilisation qui va sortir au mois
d'octobre, Parlons-nous sans tabou. Donc, c'est vraiment de, de manière
positive encore une fois, créer le dialogue en matière de sexualité.
Donc, c'est
toutes des choses, en matière de prévention, qu'il faut qui se fassent, mais,
encore là, c'est sûr qu'il faut faire
des partenariats, il faut faire d'autres
types de travail où, là encore, si on n'a pas de financement, on est bloqués.
Par exemple, Préven-Quête, bien là, présentement, on est en attente de subventions.
Sinon, on ne pourra pas faire le projet. Donc, malheureusement, c'est souvent
ça qui nous bloque. Ce n'est pas les idées qui manquent ou la volonté de
partenariat de différents organismes. On est bloqués, la plupart du temps,
par le manque de financement, qui ne vient pas ou qui est trop peu.
M. Rousselle : Donc, si je comprends bien, manque de ressources,
manque de sous. Donc, si on veut que vous soyez vraiment performants... bien,
plus performants, parce que vous l'êtes, mais plus performants encore... Puis
ici on parle toujours de travailler dans la globalité puis d'essayer
d'enrayer le problème qui est là. Bien, merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Comme il nous reste trois questions, je vais demander le consentement pour qu'on poursuive nos travaux
jusqu'à 13 h 5. Est-ce
qu'il y a consentement? Consentement.
On travaille dans l'harmonie. Merci beaucoup. Alors, député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M.
le Président. Merci d'être là. Est-ce que
vous travaillez avec le registre des délinquants sexuels?
M. Paradis (Yves) : Pas vraiment.
M. Leduc : Pardon?
M. Paradis (Yves) : Pas vraiment.
M. Leduc : Pas vraiment. C'est-à-dire?
M. Paradis (Yves) :
Non, pour vous dire, vraiment pas. Excusez-moi le calque de l'anglais.
M. Leduc : Pas de problème.
Autre question connexe. Il y a une idée qui circule, à savoir : Est-ce
qu'on devrait mettre le nom des personnes
reconnues coupables d'exploitation sexuelle sur un registre public? J'imagine,
en écoutant ce que vous avez dit précédemment, que ce n'est pas une idée
qui vous plaît.
M. Paradis
(Yves) : Ça ne me plaît pas
tellement. Je vais vous dire pourquoi. Parce que, un, d'une part, un des
facteurs associés à la récidive, c'est
l'isolement puis le rejet. Donc, les individus qu'on voit la photo sur... donc,
ça favorise la solitude, le rejet. Et
gérer le phénomène de l'agression sexuelle par la vengeance et la colère, c'est
une chose, et le gérer par la réhabilitation en est une autre.
Et c'est de
faire en sorte aussi... Souvent, ce qu'on oublie, c'est que ces personnes-là
qui posent des gestes d'abus sexuels,
ils ont une famille, les neveux, les nièces, les gens qui sont autour. Non, ce
n'est pas vraiment... C'est notre vision des choses, mais en lien aussi
avec les données probantes.
• (12 h 50) •
M. Leduc :
Il y a une autre idée aussi qui circule sur l'oubli numérique, le droit à
l'oubli numérique. Est-ce que c'est, donc, l'autre pendant qui vous
intéresserait plus?
M. Paradis (Yves) : Excusez, je
n'ai pas compris. Le droit...
M. Leduc : Le droit à l'oubli
numérique, donc que vos traces sur le Web puissent être effacées, en fait,
donc, s'il y a une condamnation, là. Peut-être
que, là, s'il y a une condamnation puis qu'il y a un article de journal, ça, on
ne peut pas l'effacer, là, mais...
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : Bien, oui puis non, en fait. Parce que l'idée, ce n'est
pas qu'on oublie totalement ce qu'ils
ont fait. Une image que je donne à mes clients, c'est : si on est en
voiture, on regarde vers l'avant, mais, si on ne regarde jamais dans le rétroviseur pour voir ce qu'il y a derrière, on
va peut-être prendre un accident. Donc, l'idée, ce n'est pas d'oublier ce qui s'est passé, mais c'est de le
comprendre. Puis, une fois que je le comprends, je peux agir
différemment.
Donc, quand
M. Paradis dit que les étiquettes sont néfastes, moi, les clients, quand
ils arrivent, ils ne se considèrent pas
comme un délinquant sexuel, comme un monstre. Puis on a remarqué que pour créer
un lien de confiance, seulement de changer le vocabulaire puis de leur
dire : Tu es une personne qui a commis un délit sexuel, on met la personne
de l'avant, sans oublier le délit. On vient
de changer totalement l'intervention. Parce
que ça reste des personnes qui ont
commis un délit, mais c'est des personnes avant tout. Si on ne les traite pas
comme des personnes...
J'ai eu des
clients qui ont déjà récidivé, puis le commentaire qu'ils m'ont fait,
c'est : On me voit comme un monstre, bien, pourquoi je n'agirais pas comme un monstre? Donc, à ce moment-là,
si on ne travaille pas cette manière de voir les choses là, s'ils ne se
voient pas eux-mêmes comme une personne qui peut se réhabiliter, parce qu'on
leur lance ce message-là, ça va être très
difficile d'entrer en contact avec eux puis d'aller chercher les vraies choses
pour travailler en profondeur les
vraies raisons qui font en sorte qu'ils sont passés à l'acte. Donc, sans
nécessairement le mettre public, mais pas nécessairement l'oublier non
plus. Il faut un juste milieu entre les deux, je pense.
M. Leduc :
Puis, dernière question. Je comprends que vous travaillez, donc, à la fin du
processus, où la personne a déjà commis son délit, mais avez-vous une
idée, ou des suggestions, ou des positions sur qu'est-ce qu'on pourrait faire
pour éviter qu'il y en ait autant qui commettent des délits?
M. Paradis
(Yves) : Tout à fait. Je
soulevais précédemment qu'on est à peu près une dizaine d'années au
moins, minimalement, en retard par rapport à
ce qui se fait en Allemagne, par rapport à ce qui fait en Suisse sur les
programmes de prévention secondaire, par exemple, ou faire en sorte
qu'il y a des individus... compte tenu que c'est un problème de santé mentale. Puis il y a des individus qui sont
chez eux, qui ont des intérêts sexuels, ils le savent, puis qui souffrent,
puis qui n'ont pas encore passé à l'acte. Ce
qui est intéressant, au niveau de la prévention, c'est pouvoir rejoindre ces
clients-là, ces hommes-là, pour leur
proposer un service, une intervention, tu sais, s'ils n'ont pas passé à l'acte.
S'ils ont passé à l'acte, alors, à ce
moment-là, tout l'aspect légal vient jouer, là, ça devient plus difficile
d'intervenir par rapport à ce niveau-là au niveau secondaire. Mais il y a plein d'individus qui sont chez eux, qui
ont des intérêts sexuels, puis qui sont en souffrance, puis que ça fait
en sorte qu'ils restent chez eux.
Mme Lavoie
(Anne-Marie) : ...par exemple, M. Paradis parle... en Allemagne,
il y a des campagnes de publicité, dans
les transports en commun et les métros, où on invite les personnes qui ont des
fantasmes sexuels sur les enfants à venir chercher de l'aide. L'image
est aussi forte qu'une personne avec une cagoule puis que c'est nommé : Si
vous avez des fantasmes ou des intérêts pour
les enfants, venez chercher de l'aide avant de le commettre. Puis il n'y a pas
de dénonciation qui va être faite, la
personne vient elle-même. Donc, on encourage les gens, sans les traiter de
monstres ou de mettre cette étiquette-là, mais c'est de dire : Il y
a une problématique, il y a des gens pour vous aider. Donc, c'est une manière
de lancer un message différent pour que les personnes viennent eux-mêmes
chercher de l'aide.
M. Paradis (Yves) : La pensée
sexuelle envers un enfant... la pensée sexuelle n'est pas criminelle. Ça devient
criminel quand l'individu a passé à l'acte
dans la réalité ou, par exemple, au
niveau de la pornographie juvénile
puis que... etc. Mais, quand il a la
pensée puis qu'il ne se sent pas bien avec ça, ce n'est pas criminel, c'est un problème
de santé mentale.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Deux dernières questions. Pas beaucoup
de temps. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci,
M. le Président. Donc, écoutez,
un des premiers exercices que nous avons fait, au sein de cette commission,
c'est d'arriver à établir un vocabulaire commun afin qu'on puisse se
comprendre. Et ce vocabulaire-là, on l'a fait en bénéficiant aussi de l'expertise de beaucoup
d'autres instances qui sont passées nous voir avant vous. Nous avons
convenu entre autres que les personnes... les mineurs, puisque nous sommes dans
une commission sur l'exploitation sexuelle
des mineurs, sont des victimes. Nous avons convenu aussi que les clients, ce
sont des clients abuseurs. Et est-ce
que, selon vous... J'aimerais vous entendre, parce qu'on a convenu de cela,
j'aimerais vous entendre par rapport à ça.
M. Paradis
(Yves) : Bien, c'est certain
que c'est des clients qui posent des comportements d'abus sexuels, que
ce soit par intérêt marqué envers les
enfants ou sous forme de régression. Mais, d'abord et avant tout, ce
qu'il est important de retenir, c'est
que ce sont des êtres humains, ce sont des personnes qui posent des gestes.
C'est de dissocier le geste de toute la personne. Puis ça n'enlève rien
au sérieux de la problématique.
Puis, en même temps, de traiter les gens de victimes continuellement, tout au cours de leur
vie, bien, à un moment donné,
c'est important qu'ils sortent du processus de victimisation. C'est des personnes, ils
deviennent victimes parce
qu'ils n'ont pas le choix de devenir
victimes. Mais, dans le fond, c'est des personnes. Et on perd ça souvent
de vue, l'aspect de l'être humain,
que ça soit celui qui pose le geste ou la personne qui subit des gestes.
On a une forte tendance à l'étiquette, puis ce n'est pas souvent aidant,
dans la gestion puis dans le processus de réhabilitation, que ce soit d'un bord
ou de l'autre.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. En terminant, moi, j'ai quelques petites questions pour vous.
Premièrement, vous venez de parler des victimes,
et la raison pour laquelle on a décidé d'utiliser ce terme-là, ensemble,
c'est justement pour envoyer un message très fort aux gens qui
voulaient acheter des services sexuels, que ce n'était pas un achat de
services, comme on fait d'autres choses, et on nous a rapporté que c'était
banalisé. Mais je suis bien conscient qu'à chaque fois, bien, il y a un pour et
un contre.
Mais vous avez parlé tantôt des «john schools». Je
pense qu'on doit corriger un petit quelque chose. En aucun moment la commission ici a laissé entendre qu'on voulait l'appliquer
pour de l'exploitation sexuelle de mineurs. Bien que ce soit le mandat de la commission,
ce qu'on voulait faire, c'était vraiment s'attaquer à l'offre et à l'offre avec des
alternatives. Parce que,
vous l'avez dit tantôt, il y a de l'attente d'un an pour avoir des traitements
chez vous. Je peux vous dire qu'on a rencontré des policiers ce matin
qui vont nous dire qu'ils ont besoin de plus de temps pour faire des opérations
clients. Alors, à quelque part, s'il n'y a jamais de risque de se faire
interpeller, bien, les comportements ne changent pas.
Vous avez dit
tantôt : Les gens qui ont des problèmes de santé mentale ne veulent pas vraiment
consulter non plus, et des fois ça
prend un incitatif, puis l'incitatif, malheureusement, ça peut être l'arrêt, ça peut être la partie
criminelle. Et le parallèle, si vous
connaissez le Code criminel, c'est l'article 810 du Code criminel, où on dit à une
personne : Pendant un an, voici ce que tu dois faire, et, si tu as
gardé la paix, tu as une bonne conduite, tu vas t'en sortir. Alors, je n'aime
pas l'idée du troc, mais ça existe déjà dans le Code criminel pour permettre à
des gens de se faire soigner.
Et le «john school», tantôt, vous avez pris l'exemple
ontarien, l'exemple de l'Alberta, puis il y a l'exemple québécois qu'on peut
débloquer. Et vous aurez pu arriver avec une suggestion en disant : Aux «john
schools» devrait être assujettie une
période de suivi clinique. Mais, déjà là, on serait dans une voie de solution.
Parce que je ne crois pas que de dire qu'aujourd'hui
on n'a pas vraiment d'autres choses pour les clients abuseurs :
Mettez-vous sur une liste d'attente pour un an... Vous offrez un service chez vous, puis on est
vraiment heureux de vous accueillir, mais on a entendu assez de gens
dans cette commission pour vous dire que ce
n'est pas partout comme ça, au Québec, puis il n'y a pas des services comme le
vôtre partout. C'est très inégal. Alors,
c'est pour ça qu'on vous a lancé la perche sur le «john school» en disant : Est-ce que c'est une idée parmi tant d'autres?
Mais ce que
je retiens aussi, c'est que, pour vous, le «shaming», excusez l'expression
anglaise, mais la honte n'amène pas le résultat escompté, mais pas du
tout. Ça, je l'ai bien compris?
M. Paradis (Yves) : Oui. C'est
qu'au niveau des «john schools», c'est dans le sens où une journée, on informe.
Le
Président (M. Lafrenière) : Je peux être plate puis vous dire que zéro... Ça dépend d'où on se
compare, hein? C'est sûr que, si vous me dites : Une journée
assujettie avec un suivi pendant un an, moi, je vois ça comme une piste en disant : Oui, mais, encore là, ça va
prendre d'autres initiatives comme la vôtre. Parce que, si on n'impose ça, puis
il n'y en a pas, de centres qui le donnent, bien, on revient dans quatre ans,
on refait une autre commission puis on se dit : On n'a pas avancé.
M. Paradis
(Yves) : Mais il y a comme
le jeu... Puis je comprends très bien ce que vous soulevez. Il y a comme
le jeu judiciaire qui est là, hein? Je ne suis
pas revenu sur le préambule qu'on a soulevé, mais il y a toute la composante
de l'attrition, tu sais, l'attrition des
dossiers d'agression sexuelle. On négocie, c'est un processus de négociation
pour arriver, au bout de la ligne...
Bon, le système étant ce qu'il est... Mais, tu sais, c'est un peu... c'est
comme on arrive au bout de la ligne...
Puis nous, les clients qu'on reçoit, il y a eu tout ce processus, souvent,
d'attrition là, puis finalement les clients, ça peut faire en sorte de rehausser les résistances parce que,
dans le fond, eux, ils s'en viennent avec... ils regardent les accusations,
puis ce n'est pas les vrais gestes, puis etc. Ça amène des fois plus de
résistance qu'autre chose. Mais cela dit, nous, notre objectif, ce n'est pas de
changer le système judiciaire, bien entendu.
• (13 heures) •
Le Président
(M. Lafrenière) : Vous connaissez le programme Les Survivantes,
j'imagine?
M. Paradis (Yves) : Oui, tout à
fait.
Le
Président (M. Lafrenière) : Et, malgré le fait que ce soit, comme vous dites, des rencontres, et
tout, au niveau de l'empathie, est-ce que vous reconnaissez la
plus-value de ce programme-là?
Mme Lavoie (Anne-Marie) : Oui.
Il faut juste faire attention que ce n'est pas tous les clients qui peuvent en bénéficier puis ce n'estpas... C'est un processus aussi, il faut choisir
le bon moment pour le faire. Donc, oui, ça peut être très, très aidant, mais comme... C'est ça, il faut être
à un niveau... il faut que le client ait fait un certain cheminement avant
de pouvoir faire ce processus-là.
Si je
pourrais ajouter un petit peu à ce que vous disiez par rapport... ce que... Les
«john schools», ça peut être une amorce,
puis, comme vous le dites... Mais le programme qu'on donne chez nous, rien n'empêche que ce programme-là
peut être utilisé ailleurs. Donc, notre programme,
comment qu'il est monté, éducatif, ça peut être quelque chose... Le programme
est clé en main, un cahier de l'intervenant,
où c'est écrit, chacun... Donc, ça peut être un programme qui peut être
exporté, utilisé ailleurs. Donc, ça, ça pourrait être une piste de solution.
La réticence qu'on a par rapport aux «john
schools», c'est justement ça. Une journée, oui, c'est mieux que rien, mais, si
on peut étendre ça puis toucher beaucoup plus, pourquoi ne pas le faire? Mais
encore là, ça demande du financement, ça
demande une certaine structure pour le mettre en place puis ça demande aussi
quelque chose qui va être égal
partout. Vous l'avez dit, ce n'est pas égal partout. Donc, dans certaines
régions, il va y avoir un programme
complet. Puis notre programme,
il est complet, mais on a des clients qui viennent de Montréal,
qui viennent de la Rive-Sud pour venir faire le programme chez nous parce qu'ailleurs il n'y en a pas ou il
y a certaines choses qui sont différentes. De là, notre liste d'attente
s'allonge.
Donc, finalement,
ça crée un problème beaucoup plus gros de par ces inégalités-là puis les
inégalités de financement aussi.
Certains secteurs du ministère de la
Sécurité publique donnent un plus
gros financement que sur un autre territoire, donc, qui se... À un
certain territoire, on ne peut plus donner de services, mais l'autre
territoire, on peut. Donc, toutes ces
inégalités-là viennent créer des difficultés, justement, à donner une intervention qui va être adéquate
puis efficace sur une longue période de temps.
Le
Président (M. Lafrenière) : Je le répète, merci pour votre visite. Merci pour le service que vous
donnez. On a appris une chose en 14 mois de commission, c'est qu'il
n'y a pas une seule solution, sinon ça aurait été fait depuis très longtemps.
Alors, ça s'ajoute. Merci pour cet échange.
Mémoires
déposés
Avant de
conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes
qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Je vous
remercie de votre contribution à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux sine die.
Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 13 h 2)