(Huit heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Centre Pierre-Charbonneau, à Montréal, pour notre deuxième journée ici. Je demande à
toutes personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques de la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements
ce matin?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Lafrenière) : Parfait. Alors, ce matin, nous avons le plaisir d'entendre, en audition
conjointe, Mme Ellen Filippelli et
Femmes autochtones du Québec. Pour les membres de la commission,
je ferai remarquer qu'il y aura une... vous avez des dispositifs sur vos
tables pour entendre la présentation qui sera faite en anglais.
Alors, merci beaucoup d'être avec nous. C'est une audition conjointe, donc à tour de rôle vous
allez avoir 15 minutes pour nous faire votre présentation, et par
la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission pour
une période de 30 minutes.
C'est un échange, on est là pour en savoir
davantage. Alors, Femmes autochtones Québec, je vous laisse vous présenter. Vous avez 15 minutes à partir de
maintenant pour vous présenter, nous faire un résumé de ce que vous avez
à nous dire ce matin. Et surtout, merci d'être avec nous. Merci beaucoup.
Femmes
autochtones du Québec inc. (FAQ) et Mme Ellen Filippelli
Mme Michel (Viviane) : «Kwe.»
Est-ce qu'on m'entend? Oui?
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, très bien.
Mme Michel (Viviane) : «Kwe.»
(S'exprime dans une langue autochtone).
Bonjour, tout
le monde. Je pense que vous n'avez pas la traduction simultanée encore. Non?
J'ai hâte que vous ayez la traduction
simultanée dans nos langues. Je tiens à remercier quand même puis je me
permets, je me donne ce droit de remercier le Créateur de nous avoir
réunis puis d'essayer d'apporter, d'éclaircir aussi certains points sur cette
situation. C'est important pour nous, en tant que Premières Nations, de
souligner le territoire où est-ce qu'on est en visite. Je remercie la nation
mohawk et les autres nations qui ont su longer ce vaste territoire non cédé.
Merci, M. le
Président. Je me présente. Mon nom est Viviane Michel, présidente de Femmes
autochtones du Québec. Femmes autochtones du Québec est une organisation
représentative des femmes issues de 10 nations du Québec : les Abénaquis, les Algonquins, les Attikameks, les
Innus, les Eeyous, les Malécites, les Micmacs, les Mohawks et les
Naskapis. Nous avons également une représentante du milieu urbain, une représentante pour la jeunesse et une représentante pour les aînés. Il est également à propos de mentionner que certaines de nos
membres proviennent aussi d'autres Premières Nations du reste du Canada
vivant en milieu urbain, à Québec... au Québec, excusez.
Je vais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent aujourd'hui. Je suis accompagnée de mon analyste juridique politique, Alexandra Lorange, qui est de la nation attikamek,
et la coordonnatrice promotion à la non-violence, Isabelle Paillé, qui
est de la nation abénaquise.
Dans un
premier temps, j'aimerais prendre quelques instants pour remercier la Commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs de nous avoir invitées, mes collègues et moi, à participer aux consultations particulières. Nous avons lu certains mémoires déposés devant vous par différents intervenants et organismes qui ont déjà mis la table sur la
problématique de l'exploitation
sexuelle des mineurs au Québec. Donc, nous n'allons pas revenir sur certaines
notions déjà soulevées par les autres
témoins. Nous sommes ici pour vous parler des particularités de l'exploitation
sexuelle qui touche les filles autochtones.
Bien que
certains facteurs tendent à vulnérabiliser les jeunes femmes québécoises à
l'exploitation sexuelle, la situation des
femmes autochtones se différencie de la population générale, puisque celle-ci
évolue dans un milieu qui a été grandement bouleversé par les effets de la colonisation. Dans le contexte
autochtone, l'analyse des facteurs qui incitent les femmes à se retrouver dans une situation d'exploitation
sexuelle ne peut être pas réalisée sans porter un regard sur la violence
historique et sociale perpétrée contre les peuples autochtones.
Plusieurs
conviendront que le processus de colonisation, la mise sur pied des réserves,
l'effet patriarcal et infantilisant de la
Loi sur les Indiens et ses impacts sur les Premières Nations sont à l'origine
d'une multitude de maux sociaux qui
se sont répercutés à la fois sur les dimensions socioéconomique, culturelle et
politique ainsi que sur l'état de santé physique, mentale,
émotive et spirituelle des nations, des communautés, des familles et des
individus. Ainsi, nous aimerions vous exposer sommairement comment le
colonialisme et l'institutionnalisation a grandement affecté nos communautés.
La
période des pensionnats indiens a eu des impacts négatifs importants sur les
communautés autochtones. L'objectif du gouvernement fédéral, en créant
les pensionnats, était l'assimilation de l'enfant autochtone en le déracinant
de sa culture et en l'éloignant de ses
parents pour plus de 10 mois par année. Non seulement près de la moitié
des ex-pensionnaires ont été victimes
de ces vices physiques, psychiques et sexuels graves, durant leurs séjours au
pensionnat, mais peu sont ceux qui ont pu recevoir des services
psychosociaux lors de leur retour en communauté, ce qui a eu pour effet de
contribuer négativement à la santé sexuelle
intergénérationnelle des communautés. Conséquemment, le traumatisme des
pensionnats est souvent lié à une augmentation de l'alcoolisme, de la
toxicomanie, des agressions sexuelles, de la violence et du suicide dans les
communautés.
Malgré
la fermeture des pensionnats indiens, le processus de colonisation des peuples
autochtones va s'effectuer par le biais des services de protection de
l'enfance qui, selon la Commission de vérité-réconciliation, la CVR, ne font
que poursuivre le processus d'assimilation entamé sous le régime des
pensionnats.
Il
est maintenant reconnu que des enfants autochtones au Québec sont
surreprésentés dans le système de la DPJ. À titre d'exemple, en 2011,
ils étaient 7,5 fois plus susceptibles d'être placés hors de leurs
familles que les autres enfants québécois.
Pendant longtemps, non seulement les enfants autochtones étaient plus
susceptibles d'être retirés de leurs familles, mais ils avaient moins de chances que les autres enfants de retourner
dans leurs familles ou d'être placés pour l'adoption, ce qui a eu pour effet de confiner ces enfants dans
le système ou de les garder dans des foyers de groupes ou dans des
institutions.
Nous
tenons à préciser ces faits afin de démontrer que cet exode des enfants
autochtones vers les pensionnats indiens et le système de la DPJ a eu un
impact majeur sur la déstabilisation des structures familiales et
psychosociales dans les communautés autochtones, qui contribue aux violences
et... qui s'y trouvent.
• (8 h 40) •
Ainsi,
un bref survol historique explique pourquoi nos filles sont plus à risque
d'être recrutées pour l'exploitation sexuelle
alors qu'un grand nombre viennent des familles instables et où elles auraient été placées par la DPJ. Celles-ci
ont souvent un passé lourd, sans oublier
que, lorsque certaines d'entre elles quittent leurs communautés pour fuir en ville, elles se
retrouvent alors isolées et vulnérables. Nombreuses sont les filles qui se font
recruter à l'arrêt d'autobus ou à l'aéroport. Elles sont pratiquement
ciblées par les proxénètes, qui reconnaissent l'historique de ces vulnérabilités.
L'exploitation sexuelle des filles autochtones revêt plusieurs
visages au Québec. D'une part, elle est présente dans les communautés
autochtones, on la retrouve surtout dans un contexte de
survie, où les services sexuels sont donnés en échange de valeurs pécuniaires, de la nourriture, par
besoin d'un transport ou dans un contexte de consommation de drogue ou
d'alcool. Mais elle se retrouve davantage
dans les villes, où les filles autochtones y sont attirées afin d'y retrouver une vie
meilleure. La traite des filles autochtones, selon nous, est un fléau qui prend une
proportion grandissante en raison de la demande croissante.
Par ailleurs, nous estimons qu'il y a un lien prépondérant entre le phénomène
des filles autochtones disparues et la traite des femmes. Il est maintenant bien connu, et plus particulièrement depuis la mise sur pied sur l'Enquête nationale des femmes autochtones et des filles autochtones disparues et
assassinées, que l'ont reconnaît sous l'acronyme l'ENFFADA, qu'il y
a eu une surreprésentation des filles
autochtones dans l'exploitation
sexuelle et la traite humaine au Canada parce qu'elles sont ciblées. Elles
sont ciblées par ces types de crime parce que le système du colonialisme a
fragilisé son milieu social, son noyau familial et sa santé sexuelle.
Les
experts s'entendent pour dire qu'il y
a de nombreux critères qui
vulnérabilisent une jeune fille aux avances d'un proxénète. Or, généralement, ces critères sont souvent présents dans les vies
d'une jeune fille autochtone. Par
ailleurs, une jeune fille qui se fera hameçonner par un
proxénète et qui se fera entraîner dans la traite est vulnérable car elle sera isolée du fait
qu'elle ne fait pas confiance au système de justice et encore moins aux
policiers, d'une part, en raison de la relation historique entre les peuples autochtones et les forces de l'ordre,
d'autre part, du fait que les femmes et les filles autochtones vivent
toujours de la discrimination, du racisme et des traitements différenciés à
l'égard des forces policières. Nous n'avons
qu'à nous référer au dernier rapport concernant le SPVM, où l'on conclut que
les femmes autochtones sont 11 fois plus interpellées par les policiers que les femmes allochtones, ou nous
n'avons qu'à penser à l'échec du système de justice pour les femmes
autochtones de Val-d'Or qui ont dénoncé les abus policiers... et qui ne se sont
pas soldés par aucune conclusion favorable envers les femmes autochtones.
Par
ailleurs, de nombreux témoignages devant l'ENFFADA relatent des expériences sur
les relations que celles-ci ou leurs familles entretiennent avec les
policiers, lorsqu'ils veulent porter plainte pour une fille disparue. Nombreux
sont ceux qui se sont fait répondre que
leurs adolescentes étaient sûrement en train de consommer ou elles étaient en
fugue, alors qu'elles avaient
disparu. Ou d'autres, qui ne voulaient juste pas prendre la plainte. Ces
témoignages exposent les stéréotypes qui se sont accolés aux femmes et
aux filles dans les services publics.
Un
autre facteur dans lequel les filles autochtones sont ciblées pour
l'exploitation sexuelle est la traite. C'est la demande des clients en raison des stéréotypes hypersexualisés de la
femme autochtone. À cet effet, nous voulons reprendre l'analyse historique et sociologique qui a été
faite par l'ENFFADA sur le sujet. Il y a eu un catalogage de la sexualité
féminine autochtone comme étant indécente et
impudique par les responsables gouvernementaux, les forces de l'ordre et les
autres autorités coloniales. Ce stéréotype
servait et sert encore à excuser la violence que les colons blancs de sexe
masculin ont infligée aux femmes et aux filles autochtones.
Le
mythe de la femme autochtone dite facile est né pour mettre hors de cause les
activités sexuelles hors mariage des hommes blancs. En accolant cette
étiquette à cette dernière, on pouvait lui faire porter le blâme sur les
déviances sexuelles des colons blancs.
Cependant Janice Acoose, professeur de littérature anglaise et autochtone à
l'Université des Premières Nations,
soutient que peu importe la façon dont la femme autochtone est caractérisée,
qu'on lui donne l'image de la
princesse indienne Pocahontas et hypersexualisée, elle demeure réputée
accessible aux Européens de race blanche à des fins de consommation.
Selon nous, ce sont des stéréotypes
qui font en sorte que la demande est
grandissante pour les femmes autochtones, notamment des touristes, de même que pour les clients qui veulent une sexualité accompagnée de violence.
Cette violence haineuse, selon nous,
est le résultat du racisme et de la théorie longtemps
promulguée, au moment de la colonisation, qu'est le principe de la supériorité raciale. Ainsi, la femme autochtone est
perçue comme un objet de consommation qui peut être rudoyé en toute
impunité. Cela vient confirmer ce que de nombreuses femmes et filles savent
déjà, c'est-à-dire que le simple fait d'être une femme et une autochtone fait
d'elles les cibles.
La
question des violences faites aux femmes et filles autochtones constitue, selon
nous, une urgence nationale. Il est important,
pour sécuriser les filles autochtones, de s'attaquer au racisme envers les
femmes autochtones de même que
les stéréotypes d'hypersexualisation des
femmes autochtones. Si on ne veut pas que nos filles tombent dans
l'exploitation, il est important qu'elles reçoivent des services pour la
guérison des agressions sexuelles. Ainsi, toute la pertinence d'une création
des centres de crise pour adresser les traumas intergénérationnels.
Il
n'existe présentement aucune ressource pour, et par, et avec les
autochtones en prévention et en intervention auprès des victimes mineures d'exploitation sexuelle. Ce
qui serait souhaitable serait un centre
comme Ma Mawi Wi Chi Itata de Winnipeg. Il
s'agit d'une maison d'hébergement
autochtone spécifique pour les femmes et les filles autochtones qui ont
vécu de l'exploitation sexuelle. Selon nous,
ce sont ces types de ressources qui peuvent aider les filles à se sortir de
l'exploitation sexuelle, car elles feront confiance à ces intervenantes pour
les aider à les protéger.
Ainsi, nous croyons
que les interventions prometteuses pour sortir ces filles mineures de
l'exploitation sexuelle résident davantage dans les interventions et le service
d'aide des organismes autochtones de soutien, plutôt que des interventions de forces de l'ordre et du système
de justice. Rappelons-le, la répression de la demande peut être
dangereuse auprès des personnes dans l'exploitation sexuelle et la traite.
Il
est également important que les services psychosociaux des
premières lignes en communauté soient augmentés, qu'il y ait des subventions
pour la création d'outils de prévention et d'intervention par et pour les
filles autochtones, y incluant l'information
sur les lois et les droits en lien de l'exploitation sexuelle, qu'il y ait
un financement de projets de sensibilisation pour les communautés sur
les agressions sexuelles et le risque d'exploitation sexuelle pour les jeunes
filles.
Également,
nous tenons à rappeler que la relation des filles et des femmes autochtones
avec les forces policières est au
centre de l'enjeu des filles et des femmes autochtones disparues ou exploitées
sexuellement. Ainsi, si le gouvernement du Québec veut s'attaquer à la
question de l'exploitation sexuelle des mineurs, il devra adresser cette faille
gigantesque dans le système des forces policières, des forces de
l'ordre.
Nous
tenons toutefois à préciser que des efforts par certains corps
policiers ont été effectués dans les dernières années pour s'ouvrir aux besoins des femmes autochtones.
Force est de constater que certains partenariats qui ont été créés entre
les forces policières et les organisations
autochtones donnent des résultats prometteurs. Toutefois, il semble que ces
avancées, parfois, ne sont tributaires que
de la bonne volonté des agents en poste. Il manque, selon nous, la volonté
institutionnelle des corps policiers et du ministère de la Sécurité publique à
adresser le phénomène du besoin de sécurité des femmes et des filles
autochtones au Québec.
À
cet effet, nous vous avons fait certaines recommandations dans le
mémoire, en ce qui concerne les forces de l'ordre, que nous vous invitons à lire. Nous avons également
de nombreuses autres recommandations que nous vous invitons à lire au mémoire, puisque nous ne pouvons vous
exposer toutes les problématiques et vous expliquer les recommandations
dans les 15 minutes qui nous ont été allouées.
Je
veux vous remercier de nous avoir invitées pour le temps que nous avons alloué
et que... vous porter à lire notre mémoire. «Tshinashkumitin.» Merci. Thank
you.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci, Mme Michel. «Meegwetch.» Merci
beaucoup.
Alors,
maintenant, j'invite Mme Ellen Filippelli à se
présenter et à faire sa présentation. Vous avez 15 minutes, et il y
aura une interprétation simultanée pour les membres de la commission.
Mme Filippelli. «Kwe.»
• (8 h 50) •
Mme Filippelli (Ellen) : «Sekoh.» Bonjour. Hello. My name is Ellen Filippelli. I'm the coordinator
for the Crime Prevention Unit in Kanesatake. We work on prevention measures.
I thank you very much for your beautiful
presentation. Everything that you spoke about is what we are experiencing. But I'm going to
talk to you about what we do through my department. And thank you very much for
inviting me. It was an honor to be
asked to be here. And I apologize that I don't have a political body here
representing my community. So, I will do what I can.
«Shakotihenté:se»
means «they are leaders» in Mohawk.
I'm going to give you a brief
background on Kanesatake. During the spring of 2004, as I'm sure many of you know, a social upheaval
involving our political body and criminal element of Kanesatake, as well as the
Mohawk police force... The service
ended in a forcible closure of the police station. There was a huge
confrontation, and it closed, and to this date our police station never
reopened. Kanesatake had to depend on the SQ as their outside police agency for
public security.
Crime prevention works very well with
the SQ, but there's very deep-rooted anger that still resonates amongst those that experienced the
crisis of 1990. And, on top of that, with our closing of our police station,
they resist the authority of the SQ
or really any authority in Kanesatake. The hate and anger towards police has
been passed down to our young, causing them
to be rebellious over an event they didn't experience. They didn't experience
it by being there, but they're experiencing it by the stories that the
elders are telling them, their parents, their cousins, uncles, aunts, so it's
almost like they have that anger and they're carrying it on.
Since then, the percentage of criminal
activity in Kanesatake involving youth has risen. The city of Montréal has become an attraction of a
better life for our youth, which, in most of the time, is just an illusion. It
leaves them susceptible to becoming lured into the life of human
trafficking.
Studies were done to
determine the risk factors identified, affecting the youth in Kanesatake, and
I'm sure it's... what I'm
about to say, it's pretty much the same as any other territory. It was drugs,
alcohol, school violence, sexual aggression, antisocial behavior, fear of retribution, a lot of bullying, and not
just bullying from our youth, but bullying from families, that we have a family that is very strong in
intimidation, and that's passed down to their kids, and school drop-out,
teenage pregnancies, gang-related activities.
Once
the risk factors were all identified, the need to bring a crime prevention
program to Kanesatake was made a priority.
The program would be aimed at boys and girls between the ages of 10 and 17,
what we call «Latchkey Children», who
would normally go home at the end of the day, after school, because their
parents... and they'd be alone because their parents are at work. Or there's the single parents' multigenerational families,
where grandparents are raising the children, so the children, many times, will just go out and do whatever they want.
You know, they'll go out on the street, they don't listen very well to their grandparents. These are, we
consider, high-risk homes involving drugs, alcohol and abuse. And,
abuse, we say physical, mental and sexual abuse.
The
intent was to target our youth engaging in high-risk behavior and preinvolvement
in criminal activity, but, due to a lack of
joint partnership with schools, community services on and off the territory,
the project was literally put on a
shelf. Because when I came into the scene, they reached up, and they took it
off the shelf, and they said : This is where we ended, OK? So, I
started from there.
After years of staying focused on the vision of a
better life, which... there was a group of people that kept the focus, that kept the vision, all
the right partners pulled together and supported the creation of our Youth Will
Walk a Path of Good Mind, and that is our crime prevention project which
we eventually renamed Shakotihenté:se.
Throughout this journey, Shakotihenté:se
established many valuable partners and a large scope of professions such as schools, community
services, public safety and security, Montréal human trafficking division,
Montréal Native Friendship Centre and
the health and social services of Kahnawake and Akwesasne. This crime
prevention project was developed using a blueprint of a project that was
created in Albuquerque, in New Mexico. We try to get our children through
mentor leadership program, and this program was proven to be very effective on
other aboriginal territories, and it's based on traditional aboriginal
values : awareness, respect, responsibility for self, family, and
community.
Shakotihenté:se core programming
consists... we're in the classrooms, we're in outdoor activities, we're in the communities, doing... we get
the children to do service for the community, not just put their hand out and
expect something back. And, when we do
this, we're teaching our children to take ownership of where they are. And,
when they do that, they become more
proud of where they are and what they're doing and they think twice about being
destructive and going out on the street and not giving a shit... excuse
my language, but not caring about their neighbor.
Our guiding principles is culture and
tradition, strength-based approach, experiential learning, engagement with nature, service, ethics,
giving back to the community, connection building. Family, community and
culture, those are always three that we instill with our children :
family, community, culture.
Just as an example, we have instilled
an initiative, it's called Guardians of the Playground. It's with the elementary school. It's an
antibullying initiative and it develops and encourages the students to take
notice of the actions of self, and others,
and their fellow peers. Instead of having the adults tell them, you know :
Don't do that, you're doing bad, they're monitoring each other.
A new addition to our school
activities is the First Nations emergency social services youth team. On the territory, I am also the
emergency management coordinator. So, I took that opportunity to go into the
schools and bring in the youth emergency management component, which is
sponsored by the Canadian Red Cross.
Anticipated outcome is to empower and
strengthen their self worth. This will provide the means to take ownership of their community,
provide the opportunity to step out of the victim role and take possession of
the leadership role. We always tell
the kids : When you walk, you walk proud, you walk with your head up, look
where you're going and give yourself a vision,
see what you want to do in life and go for it. And you're not going to do it by
looking down. You're going to get it when you'll look straight.
Our full value commitment is : Be
here, be safe, speak your truth, care for self and others, let go, and move on, and you set goals. Every youth
agrees to uphold this full value commitment. Before they enroll into our
program, all our children sign an
agreement. They read it, they understand it and they write it... excuse me,
they sign it because they know they're going
to be held accountable for their actions, whether it's negative of positive.
We'll address it. We don't let them... We just don't go after what they
do wrong, we also reward them for all the good that they do. And you'll see a
difference in our children when you do, do that.
• (9 heures)
•
When you walk into our team activity room, the
words of our full value commitment was literally painted on the walls so that, when the kids come in here, into that room, they
see it, they read it, it's always there for them and it's always a reminder.
What we're about is prevention from
the use of substance abuse among our Native youth, encouragement, know your options, stand up
against peer pressure, development, build confidence, develop leadership
abilities, improve social and decision making skills, opportunity to
lead a healthy lifestyle and take charge of ones life, action, engage in
positive projects that build strength from
within. See, every youth that we have, every single one of them, they have it
in them to be great. We need to give
them the space for their strengths to grow and shine, and, in Shakotihenté:se, they do that.
There's no judging, and they're free to
speak their truth and they understand that. And it's a beautiful project, and
we're able to do so much. We're
behind the scenes, prevention before becomes intervention, and I believe
strongly in what we're doing. It's not just... I mean, we've had seven
years of this so far, and it's proven to work very well.
Our protective factors :
Positive influences that focus on the betterment of self others and community,
the bonding with family, health beliefs and clear standards, the right to
spiritual preference, development of individual characteristics, safe environment to express a
sexual preference, opportunities, skills, positive peer group interaction
and grounded values. The anticipated outcome
with these protective factors is to lessen the crime rate and instill stronger
core values.
Crime
prevention in Kanesatake. Like I've mentioned, we are in our seventh year
programming. The Shakotihenté:se team is a familiar trusted service in the circle
of youth, so much that they renamed us Shakotihenté:se. We asked them
because, at that point, we were just crime
prevention, and they sat down and they... the young ones discussed it and they
came up with this name. And they were so proud of it. This place was
theirs. It's a show of taking ownership of the program.
Parents'
community and support from the Territories' governing body of the Mohawk
Council of Kanesatake is expressed in a positive way through verbal praise and comments on our
Facebook page. Working in high schools, providing after school activities that attract the older
teenagers can be challenging, but the collaboration with teachers and
principals made that challenge easier. Activities are designed to help youth
develop their leadership skills, and, when ready, they will mentor the younger
ones.
For
the past three years, the Shakotihenté:se team has partnered with Montréal's human trafficking division, who's been providing guidance as we become more proactive in a
campaign to expose the truth about sexual exploitation of Native women and
children.
We
created a partnership also with Correctional Service Canada for inmates to
conduct their community service and to prepare them for early integration into society, a venue to
reestablish connection to family, community and culture. The Broken Links project provides inmates the opportunity to
make right the wrongs they did on society and mentor
the young generations who are venturing down the criminal path.
Also,
it is... we have started this project in 2016 and, there are so many broken
families, we need to reintegrate our men. We need to show them their place in our
family. And, when you do that, the wives will be there to support their
men, and the children will follow through. We will not have as much issues if
we build our families back up again.
Our
forward movement. Most recent partnerships have been established with the SPVM
Human Trafficking Division. The Kahnawake
Mohawk territory and Shakotihenté:se to
host a community presentation on human trafficking and
prostitution for sexual exploitation focusing strongly on the links between
human trafficking and First Nations, missing women and children. That is going
to take place in February.
Future
endeavors is to establish a commitment between the three Mohawk sister reserves
to form a resolution to strongly work collaboratively
to bring awareness to human trafficking and prostitution for sexual
exploitation to First Nations people.
I'd
like to thank you for allowing me to express what we have been doing on the
territory, what we want to see happening, and I thank
you for that. «Nyawen'kó:wa.» Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lafrenière) : Thank you so much, Mme Filippelli. Nous allons maintenant
passer à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je dois vous aviser
que j'ai déjà sept questions qui ont été enregistrées, alors je vais
demander aux membres de la commission d'avoir des questions les plus brèves, et
ça va être pour une période de 30 minutes. Alors, député d'Ungava.
M.
Lamothe : Bon matin, bon
matin. Mme Michel, vous avez très
bien décrit les problématiques que les premières nations des Inuits ont vécues les derniers 70, 75
ans, peu importe, l'histoire est triste, mais, par contre, moi, je suis
vraiment positif qu'à un moment donné il y a de quoi à faire. Il y a des rapports qui ont
été soumis au niveau international, avec la déclaration des Nations unies, le rapport vérité et réconciliation. Récemment, au niveau
fédéral, les femmes disparues, au niveau provincial, le rapport Viens. Je crois fortement
que la table est mise pour créer un rapprochement puis faire en sorte
d'améliorer la qualité de vie des autochtones dans leur milieu.
Il y a
une façon de le faire, puis je le disais à Mme Paillé tantôt,
la seule façon de le faire, puis je parle par expérience parce que j'ai travaillé huit ans en milieu autochtone
dans des années différentes, de 1989 à 2008, puis je suis encore là aujourd'hui, c'est de créer une communication respectueuse, de confiance, et durable. À partir
de là, oui, il y a beaucoup de travail à faire, mais il y a
de quoi à faire, dans les deux sens. Communication, c'est deux sens. Quand on communique,
c'est savoir écouter, c'est savoir comprendre, puis c'est savoir parler, puis
c'est savoir écouter, mais c'est dans les deux
sens. C'est la seule façon de le faire. Puis je peux vous dire que ça marche,
puis je suis confiant que notre gouvernement... Moi, je vois des choses concrètes. Je représente le Nunavik puis le territoire
cri, puis il y a des choses concrètes qui bougent. Puis je l'ai vue... puis je ne l'ai pas perçue,
puis j'ai été policier à la Sûreté du
Québec 30 ans, je n'ai jamais
perçu cette volonté-là, tant au niveau
policier qu'au niveau gouvernemental, au
niveau du ministère
de la Sécurité publique, la Santé, ça bouge. Ça fait que, si ça bouge dans le Nunavik, le signal, c'est que ça va
bouger partout, puis il y a une volonté de le faire. Puis je le vois, puis je ne suis pas ici pour vous conter des
peurs, je le perçois. Puis c'est pour ça que je fais de la politique.
Ça fait qu'à partir de là, je suis
confiant qu'il y a des choses qui vont changer, puis la façon de le
faire, qu'on ait des documents de travail
pour travailler ensemble, puis c'est de les appliquer, puis d'y aller un par
un, parce qu'on a de l'histoire à remonter, puis il y a du travail à
faire.
Moi, la question
que je voudrais savoir, si on revient au
niveau de l'exploitation sexuelle des mineurs... On a de l'ouvrage à faire là-dessus, c'est certain, vous
avez parlé tantôt des possibilités avec les corps de police, puis tout ça,
les services sociaux. En attendant que tout
se mette en branle, en attendant le rapport qui va être fait, de la commission,
puis tout, au niveau des femmes autochtones, au niveau des jeunes dans vos communautés,
il y a-tu quelque chose, il y a-tu une prévention qui se fait face à l'exploitation
sexuelle des mineurs? Il y a-tu quelque chose qui se fait, présentement?
Mme Paillé
(Isabelle) : Donc, depuis
quatre ans déjà, je donne un atelier en communauté
puis partout à travers le Québec où on me demande cet atelier-là. Ça s'appelle Prostitution, exploitation sexuelle, traite,
femmes autochtones disparues et assassinées, parce qu'il y a un lien entre les quatre. C'est important
de faire la sensibilisation partout, mais je ne vous mentirai pas, là, aujourd'hui encore, on a de la
difficulté à parler de violence en tant que telle. Ça fait
que ce n'est pas un atelier que tout le monde se garroche puis... dire : Oui, oui, on veut que tu le donnes chez
nous, O.K.? On a beaucoup de tabous à passer au travers.
Donc, tout ce qui est agressions sexuelles et
violences, c'est les ateliers de base qu'on donne en communauté, présentement, parce qu'il faut briser les
tabous pour être capable d'aller plus loin. Mais, oui, ça fait quatre ans que
l'atelier, il roule, là, partout à travers
le Québec. Puis je dis partout parce qu'en milieu urbain tous les intervenants
qui travaillent auprès des autochtones ont accès aussi à nos ateliers.
• (9 h 10) •
Mme Michel
(Viviane) : (Interruption) Oups! Excusez-moi. Vous savez, c'est rare
que je rencontre, parce qu'on fait des
présentations un peu partout, dans diverses commissions, c'est rare que je
rencontre un feed-back de ce genre, vouloir travailler, avoir de
l'espoir en un changement. Ça fait quand même longtemps qu'on travaille sur les
enjeux des femmes autochtones, et on ne peut
pas rater la chance, justement, d'exposer les enjeux des commissions, dans des
concertations, etc.
Comment Femmes
autochtones du Québec travaille, c'est vraiment l'inclusion. Je pense qu'il
doit y avoir des ententes de partenariat, aussi, à quelque part. Les
Premières Nations en général, je parle des 11 nations au Québec, sont
vraiment comme saturées de se faire déposer
un tout cuit, comme ça, que les gens décident pour nous. Si on veut vraiment
travailler les problématiques dans quelque
thématique qui soit, je pense qu'on doit s'asseoir ensemble, s'entendre. On
parle de respect. Merci de revenir
avec les valeurs que nous avons. C'est la coconstruction ensemble, la
concertation ensemble, et de ne par décider
pour nous. Ça, c'est une forme, justement, de bâtir ensemble quelque chose.
Pourquoi? Pour, justement, contrer, peut-être, ces thématiques qui
détruisent nos jeunes filles. Donc, ça, c'est la façon dont on travaille.
Et, c'est sûr que nous, à Femmes autochtones du
Québec, on serait partout, mais je n'ai que 12 employés dans un espace restreint. Et les enjeux sont vraiment
flagrants, là, ils sont vraiment énormes. Donc, ça, c'est vraiment, en
général... je pense qu'on va travailler
aussi un code de partenariat parce qu'il nous faut ça pour que, les gens qui
nous abordent ou qui veulent travailler sur des problématiques, on
s'entende, justement, sur une ligne directrice. On travaille de cette façon. Concertation. Ma collègue vous parle de
communication. Ça va dans les deux sens. Donc, peut-être que j'ai une petite
graine d'espoir avec ce que j'ai entendu ce matin, et je vous remercie.
M. Lamothe : Vous êtes bien
gentille. On est d'accord.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup. Ce matin, je pense qu'effectivement vous nous parlez à coeur
ouvert, et nous aussi, il faut avoir
le coeur ouvert. Et vous avez bien exposé les facteurs de risque, le contexte
historique également. Vous avez parlé de différentes recommandations que
vous faites. Il y a eu, quand même, le rapport de la commission fédérale qui a
été déposé il y a déjà quelques mois avec un
rapport spécifique pour le Québec, et certaines de ces recommandations-là
se retrouvent dans vos recommandations.
Donc, je pense qu'il y a des recommandations qui sont déjà sur la table et qui
n'ont peut-être pas nécessairement besoin d'attendre la fin de nos travaux ou
le dépôt de notre rapport. C'est un peu le commentaire que je ferais.
Dans les
recommandations que vous faites que je trouve intéressantes, il y en a une...
en fait, il y en a deux. Il y en a une
qui touche la jeune fille qui devrait être comme exemptée d'avoir une
accusation contre elle si elle est sur un mandat d'arrestation. Donc, c'est un peu le pattern du délateur qu'on amène
devant le tribunal, qui va parler contre... bien, qui va expliquer ce
qui s'est passé à l'intérieur de la communauté, donc c'est la protection d'un
témoin. Ça, je trouve ça bien intéressant.
L'autre aspect que je trouve intéressant, et j'aimerais ça que vous élaboriez
un peu plus, c'est la question de la maison
dont vous avez parlé à Winnipeg, au Manitoba, est-ce que ça fonctionne, est-ce
que c'est probant, là, les résultats qui sont constatés dans cette
maison-là, et nous en parler un petit peu brièvement parce que je sais que j'ai
plein de collègues qui ont des questions.
Tout d'abord,
on va parler de la jeune femme qui pourrait être arrêtée... c'est-à-dire, qui
ne devrait pas être arrêtée si elle parle de son abuseur, client
abuseur.
Mme Lorange (Alexandra) : Oui.
On va vous répondre en deux temps, en deux personnes, en fait, selon les expertises. Effectivement, il y a un problème, qui
se trouve à la fois en milieu urbain et sur communauté, qui est le fait
que, par exemple, une jeune femme peut se
trouver avec soit un mandat d'arrestation contre elle, soit certaines
accusations, soit pour des délits,
méfaits, trafic de stupéfiants, etc., et elle se retrouve dans l'enfer de
l'exploitation sexuelle, et donc la crainte qu'elle a, au moment où elle s'en sort... et elle se retrouve devant une
intervenante. C'est comme ça que nous, on le sait, c'est que ce sont des témoignages des intervenants
et intervenantes des organismes qui
veulent accompagner, donc, cette jeune
femme, cette victime d'exploitation
sexuelle, en disant : Tu dois
porter plainte, tu dois témoigner. C'est le moyen de te protéger également
et de te sortir de cet enfer-là. Et la jeune victime déclare : Bien, non
parce que je sais qu'il y a un mandat d'arrestation, je sais que j'ai des
accusations contre moi, et elle a peur que ça se retourne contre elle.
Et
pourquoi elle a cette crainte-là? D'une part, parce que c'est fondé, on a vu
des gens se retrouver... donc, d'être détenus suite au dépôt d'une
plainte pour exploitation sexuelle. Cette personne-là, dans le système, ça sort
qu'il y a un mandat d'arrêt, et on lui dit : Bien, si vous voulez bien
passer par ici, s'il vous plaît. Et, d'autre part, ce qu'on remarque essentiellement,
c'est que la bonne volonté de bien faire les choses et donc de sécuriser cette
jeune victime dépend, malheureusement, pour l'instant, de l'agent de police qui la
reçoit, que ce soit au poste de quartier, quand on est en milieu urbain
ou au poste régional, quand on est sur le territoire, et donc de l'espèce de
pouvoir discrétionnaire, en fait, de ce policier-là, qui est un pouvoir réel, pouvoir
discrétionnaire documenté, de dire : Bien, non, je n'effectuerai pas ce
mandat d'arrestation, je vais vouloir
travailler avec toi. Mais ne disparais pas, là, on va essayer de trouver des
solutions intelligentes ou de simplement s'asseoir sur le règlement et
dire : On va te mettre en détention.
Ce
n'est pas une solution structurelle pour l'instant, qui est proposée, où
est-ce... et c'est cela, la recommandation de Femmes autochtones du Québec, de dire que la solution, elle doit, à ce moment-là, venir aider les femmes autochtones, et que ce
ne soit pas, donc, de la discrétion de l'agent de police qui reçoit la femme au
poste de quartier ou au poste régional, mais bien une solution structurelle où est-ce que c'est dans les directives
aux agents de police de dire : Bien, s'il y a une femme autochtone qui se présente devant vous, si elle
dépose plainte pour une question d'exploitation sexuelle ou vous voyez que c'est ça, la problématique dont elle vient vous
parler, et, s'il y a un mandat d'arrestation ou des accusations contre
elle, s'il vous plaît, protégez-la, travaillez avec elle, à plus forte
raison s'il y a une intervenante sociale, dans le dossier, qui l'accompagne, il y a moyen de créer toute
une équipe et de travailler en partenariat social, légal ou policier pour
sécuriser cette victime et faire en sorte qu'il y aura un cheminement de réhabilitation qui va
inclure le fait de concrétiser le mandat d'arrestation éventuellement ou
quelque chose comme ça.
Et donc il y a moyen,
d'un point de vue structurel, d'imaginer une solution probante pour cette
victime qui va permettre à la fois de lutter
contre l'exploitation sexuelle et les problèmes systémiques qui touchent les femmes
autochtones sans déboîter, pardonnez-moi
l'expression, tout le système puis dire : On va faire fi des accusations.
Donc, c'est un peu ce qu'on
imaginerait, que cette solution-là soit systémique, parce qu'à problème
systémique, solution systémique. Donc, que cette solution soit
systémique quand arrive le cas d'une fille autochtone, et non pas simplement
tributaire du pouvoir discrétionnaire de
l'agent de police qui la reçoit. Est-ce que ça répond à votre question? Je
parle toujours très longtemps.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci.
Des voix :
...
Mme Paillé (Isabelle) : Le Centre Ma Mawi Wi Chi Itata à Winnipeg existe
depuis plusieurs années, et un des services lesquels ils offrent, c'est qu'ils ont créé une maison d'hébergement spécifique pour les jeunes filles qui sont sorties de l'exploitation
sexuelle. Donc, certaines ont des
enfants et vivent à même la maison d'hébergement. Donc, on n'a
pas de spécificité d'âge, ça veut dire que, s'il y a
une fille de 14 ans qui veut aller dans cette maison-là, peut aller dans
cette maison-là. Il faut savoir que
le Manitoba est une des provinces, à travers le Canada, qui travaille le plus
au niveau de l'exploitation sexuelle, puis, eux autres, ils ont des millions comme
budget associés à cette problématique-là depuis comme 15 ans, déjà.
Donc, il faudrait...
Mme Lorange (Alexandra) : Je vais juste faire une précision, c'est que le
Native Women Shelter, entre autres, de Montréal, comme plusieurs autres foyers pour femmes autochtones,
n'accepte pas les mineurs seuls. Ils vont accepter les enfants s'ils
sont avec leur mère, mais une jeune fille de 14 ans ne peut pas se
présenter seule au «shelter». Excusez.
• (9 h 20) •
Mme Paillé (Isabelle) : Donc, c'est ça. Donc, un des services qu'ils
offrent, c'est ça, et ça fonctionne, je veux dire, ils nous ont dit, puis vous pouvez voir sur leur site Web
aussi, qu'il y a au-dessus de 80 % des filles qui sont passées par leur maison d'hébergement spécifique pour cette problématique-là ne sont
pas retournées en exploitation sexuelle. Puis, en plus, elles ont eu un suivi à même la maison à
très long terme pour guérir de tous les chocs post-traumatiques qu'elles
ont.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci. Merci d'être là aujourd'hui, c'est très apprécié. Hier, on a reçu un
groupe qui s'appelle la CLES, que
vous connaissez peut-être, et c'était le premier groupe, à ma connaissance, qui
utilisait le terme «racisme» dans le cadre de ces audiences. Vous l'avez repris aujourd'hui. J'aimerais ça vous
entendre développer un peu. En quoi l'industrie du sexe est raciste
selon vous?
Mme Lorange (Alexandra) : Je vais essayer d'être... faire une synthèse. Il
est documenté, donc, il y a des études qui ont été sorties et des
publications faites sur tout le mythe de la femme autochtone, qui est une
espèce de fantasme, semble-t-il, un de plus.
Mme Michel a cité le rapport final de l'ENFFADA, on le cite également,
avec la citation précise dans notre
mémoire, où, justement, l'exploitation, quand on dit qu'elle est raciste, c'est
que sont prisées ces femmes autochtones qui sont dans l'enfer de l'exploitation sexuelle, et surtout les filles.
Comme quoi les... Et donc le mythe, en fait, donc, ce fantasme, c'est que la file autochtone,
premièrement, elle est assez facile, elle accepte un peu n'importe quoi et
surtout dès un très jeune âge. Donc,
ces filles-là sont prisées dans toute la question de l'exploitation sexuelle et
de la traite. Et donc, voilà. C'est
pour ça qu'on dit que l'exploitation sexuelle, elle peut être raciste parce que
c'est une race très particulière qui va être en demande. Et le fondement de ce fantasme-là, tel qu'il est documenté,
viendrait du fait qu'au moment de la colonisation les femmes... le fait que le catholicisme et tout le
christianisme n'étant pas instaurés en Amérique du Nord, dans nos
croyances de départ et le fait aussi que les
mariages se fassent de manière officielle, certes, là, c'est documenté,
notamment, je vous réfère aux recherches de Marie-Pier Bousquet
là-dessus, mais que, dès le moment où une fille est nubile, elle peut être mariée, donc, les mariages se faisaient assez
jeunes, et, en raison des problèmes de famine, etc., qu'il pouvait y avoir
sur territoire, il pouvait arriver que deux
femmes se retrouvent avec un homme, un chasseur, parce que, s'il était très doué
pour la chasse, il devait les nourrir, et
l'homme avait toujours une responsabilité de nourrir la femme qui était... avec
qui il partageait sa vie. Et donc
cette espèce de fantasme du colon catholique qui débarque et qui voit que les
femmes sont plus libres qu'elles ne l'étaient eu Europe, ça serait le
fondement de ce racisme de l'exploitation sexuelle. Voilà.
Mme Paillé
(Isabelle) : J'ai aussi...
on voit énormément, à Montréal puis dans les grands centres urbains, le
complexe du syndrome de Pocahontas. Il y a
des demandes spécifiques. Vous savez que, pour les jeunes filles en
exploitation sexuelle, on peut les
commander comme une pizza, O.K., et les filles autochtones, on les demande
habillées en Pocahontas. Donc, oui, il y a du monde déviant qui ont
besoin de vivre le syndrome de John Smith. Donc, c'est une des preuves
flagrantes du racisme et des préjugés qui se perpétuent.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup, mesdames, pour votre présentation. Tantôt, on parlait d'espoir,
et moi aussi j'aime bien l'espoir, je suis une éternelle optimiste, mais
je dois vous dire, quand je vous ai entendue, Mme Michel, que j'étais plutôt découragée parce qu'on sait à quel point ce
phénomène d'exploitation des filles et des femmes autochtones a été mis au jour dans les dernières années. Mais, ce que
vous nous avez dit dans votre présentation, c'est que le phénomène, en
fait, serait en augmentation. Vous avez dit
que la demande était croissante. Vous parliez, bon, des stéréotypes qui
s'ancrent dans un mythe assez lointain dans notre histoire, mais est-ce
qu'il y a d'autres facteurs qui peuvent expliquer cette demande croissante?
Parce que ça me renverse, en fait, de voir que ça continue, puis de plus belle.
Mme Lorange
(Alexandra) : Le phénomène
qui explique la demande croissante, il y a cette... Le fait qu'on en parle de plus en plus vient aussi confirmer tous les problèmes
systémiques qui touchent les peuples autochtones au Canada, et plus particulièrement au Québec,
dans le cas qui nous occupe. Du côté des exploiteurs, c'est documenté — des exploitants — que plus la personne va être en situation
de vulnérabilité, plus elle est facile à exploiter. Et donc, quand
on dit que la demande est croissante, c'est
que l'offre, elle est là, en ce sens que les filles, elles sont en grande situation de vulnérabilité. De la
prostitution de survie, il y en a pour des raisons systémiques. Et je vous
réfère au dernier rapport de la reporteuse
spéciale de l'ONU sur le logement qui est sorti en 2019 et qui établit clairement
que les problèmes de logement dans les
communautés autochtones au Québec — et
au Québec, je le souligne — viennent ajouter à la situation
de vulnérabilité des femmes et des filles autochtones, ce
sont ses mots, et donc fragilisent toute leur situation
familiale et les rendent encore plus vulnérables aux problèmes de violence familiale,
aux problèmes d'exploitation sexuelle, aux problèmes de prostitution de survie
parce que, n'ayant pas de logement dans les communautés, elles essaient de se
trouver une chambre pour la nuit au sein de
la communauté ou elles vont descendre en ville, en milieu urbain, donc
descendre dans le sud à partir du
territoire pour essayer de survivre. Et donc tout ça crée une offre par pure
survie, et le marketing étant ce qu'il est
dans toutes les sphères de la vie, offre, demande vont de pair. Donc, la
demande augmente en fonction également de l'offre, malheureusement.
Donc, c'est
pourquoi aussi, vous remarquerez, dans nos recommandations, qu'on essaie de
travailler des deux côtés à la fois, donc, dans la mise en oeuvre
efficiente des articles du Code criminel tels qu'ils sont écrits, on ne propose
pas de modification législative à cet effet-là,
mais également dans toute la prévention. Donc, travailler à la fois en amont
et en aval, donc à la fois sur la victime ou la potentielle victime et le
potentiel délinquant.
Mme Paillé
(Isabelle) : Donc, il y a
15 ans, l'exploitation sexuelle pouvait se résumer à ce qui se passait en
milieu urbain qui était connu, O.K.? Il y a
les médias sociaux qui ont déclenché une vague, maintenant, c'est facile de se
trouver du monde. Facebook est un grand
fléau parmi nos communautés. Tous nos jeunes, à la naissance, viennent au monde
avec un Facebook, O.K., donc, c'est... puis
on écrit tout sur nos Facebook, comme un million d'autres jeunes à travers le
Québec, O.K.? Donc, on écrit si ça ne va pas
bien, on écrit qu'on a besoin de sortir de la ville. Donc, c'est facile, tu
sais, quand on dit qu'une fille
autochtone, c'est une cible, c'est facile de savoir laquelle a le plus besoin
de sortir de là ou de changer de ville, qui a besoin d'un... Tu sais, j'ai aimé la présentation de
Mme Filippenni, qui disait qu'on a un «broken link», O.K., on a un
lien qui est cassé.
Maintenant,
ça, c'est une des raisons pour lesquelles on va aller plus facilement vers un
ailleurs, donc une promesse. Donc,
quand on parle, par exemple, dans le mémoire, du petit copain, là, O.K., c'est
une des choses, parce qu'on va essayer de combler ce manque-là. Donc,
présentement, le fléau est rendu que j'ai des femmes en communautés qui ont une
vie tranquille et qui sont envahies par les
gens de la ville, là. Il y a des gens de la ville, des prédateurs de la ville,
des agresseurs qui vont dans les communautés, puis disent : O.K.,
moi, je cherche une fille, là. J'ai entendu dire qu'il y avait une telle Mélanie ici. Pouvez-vous me dire où est-ce qu'elle
reste? Donc, j'ai les gens de la ville maintenant qui se déplacent puis qui vont chercher directement les filles à même la
communauté. Ça fait que ce n'est pas juste : Je vais te payer ton
billet d'autobus puis je t'attends à la
gare, là. On est à une coche de plus encore. Donc, plus ça va et plus les
risques sont énormes.
• (9 h 30) •
Mme
Lorange (Alexandra) : Puis
il y a une raison — je fais
juste préciser — très
pragmatique du fait que Facebook soit autant prisé. Il faut débarquer
dans le Nord, puis pas besoin d'aller très loin, là, même dans les communautés attikameks, pour constater que, dès lors qu'on
passe un certain kilomètre, là, sur l'autoroute, sur la route, même, on
n'a plus de réseau. Et donc le seul moyen de
communiquer avec le monde extérieur, c'est de se ramasser dans une maison
privée ou au bureau du conseil de bande, quelque chose, puis dire : C'est
quoi, ton code pour le wifi?
Et donc on ne
peut pas texter, on ne peut pas appeler, mais, en revanche, les jeunes peuvent,
passez-moi l'expression, se
facebooker. Et donc, même pour avoir été intervenante en milieu universitaire,
parfois pendant les vacances, que ce soit l'hiver ou l'été pour rejoindre les étudiants universitaires, il faut
utiliser Facebook parce qu'ils n'ont pas le téléphone. Donc, on pourrait
facilement dire : Oui, mais on pourrait faire de la prévention puis dire
aux jeunes d'utiliser moins Facebook. Bien
non, c'est ça, leur lien avec le monde extérieur. Ils ont besoin... Les réseaux
sociaux ont ouvert cette possibilité du lien avec le monde extérieur,
mais, en réalité, également a ouvert un paquet de problèmes. Viviane, tu
voulais dire...
Mme Michel
(Viviane) : Oui, je voulais rajouter quand même... Lorsqu'on parle, justement,
d'augmentation d'exploitants... d'exploitation sexuelle des mineures est en augmentation, ça, ça prouve qu'on n'a pas encore travaillé la problématique. On n'a pas encore de plan d'action pour, justement,
travailler cette problématique. Évidemment, elle est peut-être décourageante, mais il y a
d'autres enjeux aussi, mais, en même temps, ma collègue ici, ma soeur ici, à
côté, qui est Mohawk, nous arrive déjà avec quelque chose de concret.
Imaginez-vous
qu'il y a 54 communautés au Québec.
Si 54 programmes de ce genre seraient existants... et n'excluons pas la population urbaine, O.K., les grandes villes : Montréal,
Val-d'Or, Québec, Trois-Rivières, Sept-Îles... et n'oublions pas aussi, à partir aussi d'où est-ce qu'il y a de l'exploitation
minière, toutes ces genres d'exploiteurs de la planète — je les appelle les destructeurs de la planète — qui font une augmentation de ce genre. Si
nous, en tant que Première Nation, on avait
cette belle opportunité de retravailler nos valeurs, comme elle l'a si bien
présenté, je pense que le taux d'exploitation sexuelle baisserait, ça,
c'est sûr.
On a fait, Femmes autochtones du Québec, des
ateliers avec des jeunes femmes sur, justement, l'exploitation sexuelle des mineures et la traite. Je porte
fièrement le tee-shirt, je suis fière d'être femme autochtone et je ne suis pas
à vendre. Ça a été une belle rencontre avec
les jeunes, parce qu'on a parlé les
faits, on a parlé de l'impact, on leur a donné l'information autant sur
les lois d'immigration, etc., parce qu'on perd des jeunes filles.
Tout à l'heure, ma collègue vous a dit que ça
peut être des éléments déclencheurs sur les femmes autochtones disparues, assassinées. Elles sont importées
ailleurs aussi, je suppose. C'est important que je suppose, mais en lien
encore avec la traite des femmes. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Il nous reste très peu de temps. C'est superintéressant, on va
tenter d'aller rapidement. Alors, députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Vous venez d'ailleurs de donner des
volets de réponse à certaines de mes questions, mais il y en a une que je vais
me permettre de poser à ce moment-ci. Dans votre présentation, vous avez... parce
que moi aussi, je joins ma voix à
celle de mon collègue d'Ungava, comme quoi qu'il y a de l'espoir. Il faut
regarder en avant, hein? Et ça va être certainement aussi la création de liens solides, et
d'ouverture, et de confiance qui va nous amener un step plus loin.
Vous avez
dit, dans votre présentation, qu'il y a certains partenariats qui ont fonctionné. J'espère qu'ils fonctionnent encore. Quels sont-ils et est-ce qu'on peut faire, je m'excuse de l'expression, surfer sur des
initiatives qui fonctionnent bien?
Mme Lorange
(Alexandra) : Il y a
un protocole qui a été signé entre le SPVM et le réseau à Montréal.
Maintenant, à savoir qui qui est signataire, etc., on va mettre... tout ce qui
va être administratif, on va le mettre de côté ce matin. Le protocole établissait
une collaboration. Les points sur lesquels la collaboration a fonctionné ont
montré des résultats intéressants. Notez ici que je ne dis pas «probants», je
dis intéressants. Je pense qu'il y a encore tout un travail à faire.
Le meilleur exemple qu'on peut donner d'amende
honorable, ça a été ce que la GRC a proposé suite au rapport de l'ENFFADA. La GRC a fait amende honorable en
disant : On en a manqué une, on en a échappé une. Comment est-ce qu'on
peut travailler avec les groupes autochtones en collaboration, etc.? Et je ne vous dirai qu'une chose fort
simple, qui est, et votre collègue l'a dit plus tôt ce matin, la
collaboration et la confiance mutuelle.
Ce n'est pas
juste de nous dire, comme avec un autre corps policier provincial québécois,
que je ne nommerai pas, qui établit clairement, chaque fois qu'on se
rencontre : Si vous avez des problèmes, appelez-nous. Non, la GRC nous appelle. Quand on parle de collaboration mutuelle, c'est comme ça que ça se concrétise. Ce n'est pas juste de
dire : Alors, nous, madame, vous
avez des problèmes, vous pouvez m'appeler. Non. C'est de dire : Madame,
j'ai un problème, je peux-tu vous appeler? Bien oui. De là
à vous donner des exemples très précis, je vais laisser ma collègue Isabelle
vous répondre.
Mme Paillé
(Isabelle) : On a avec... Je
forme aussi tous les intervenants à travers le Québec, donc les corps policiers aussi, tout ce qui a lien avec
l'exploitation sexuelle, la réalité des autochtones et tous les sujets
sur lesquels ils veulent bien aborder.
Avec la GRC,
on a une entente avec un agent de la GRC. On a un bon partenariat. Ils
m'appellent quand ils cherchent une
fille. Moi, je l'appelle quand je cherche une fille. Donc, ça va dans les deux
sens. Quand on parlait de communication, c'est ça. Les crimes majeurs
avec l'équipe de Dominic Monchamp... J'ai travaillé, ces dernières années, avec
Les Survivantes, Diane puis Josée, pendant longtemps, la clé...
Une voix : Le SPVM aussi.
Mme Paillé (Isabelle) : ...le
SPVM, la liaison autochtone, que je vous suggère fortement de mettre comme recommandation, que ça nous prendrait 10 intervenants de liaison autochtone à la SPVM, au lieu
de juste une seule qui fait du 24/7
par coeur et non pas par paie. C'est superimportant. Les partenariats, il y en a avec différentes organisations. Il y en a,
ça fonctionne, c'est juste qu'on n'a pas le financement qui est récurrent par
rapport à ça, et ça, c'est une énorme problématique.
On demande un
financement, qui nous est admis une année. Ça ne paie pas les
salaires, ce qui est superproblématique, parce que toutes les
organisations autochtones concernant l'exploitation sexuelle des mineurs
devraient avoir une ressource, un
poste spécifique à temps plein pour la problématique de l'exploitation sexuelle des mineurs chez les autochtones.
Ils ont besoin de formation.
Tous les intervenants ont besoin de formation sur ces
problématiques-là. Il y a des intervenants
encore, que ce soit en communauté ou en milieu urbain, qui ont peur d'aborder
ces problématiques-là.
Moi,
j'ai besoin des Survivantes qui travaillent sur cette problématique-là parce que c'est les expertes sur le terrain. Il ne faut pas se cacher qu'elles s'en sont sorties, elles savent comment ça marche.
C'est les expertes, donc pas quelqu'un qui sort de l'université, obligeamment, là, pour dire : O.K.,
bon, c'est une fille avec un bac qu'on veut qui travaille sur cette problématique-là.
Ce n'est pas ça. Ce n'est pas comme ça, parce que c'est du monde de terrain
dont on a besoin pour travailler cette problématique-là. Désolée, je m'emporte
quand on aborde ces...
Le
Président (M. Lafrenière) : C'est parfait. C'est superintéressant. Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce, de façon très brève, s'il
vous plaît.
Mme Weil : Oui, merci. C'est extraordinaire. Et je ferais peut-être
un commentaire, je peux me permettre, quand on va préparer le rapport, on va faire de la
cocréation, parce qu'évidemment ce
que vous dites, votre message, c'est : Vous connaissez le domaine,
c'est à vous d'avoir voix au chapitre. Alors, c'est sûr qu'il y aura une
rétroaction avec beaucoup d'experts qu'on a connus, mais ça va être très
important parce que c'est vrai, c'est un milieu complexe avec des particularités
que vous connaissez tellement mieux que tout autre.
My question will be, actually, for Mrs.
Filippelli, and I'll speak in English with you. First, I just want to say how extraordinary your project
is, how inspiring it is, how you are so inspiring. And I hope that you bring...
that, by working in the community for
the community and bringing these young people changing their mentality and
making them feel that they are part of the community... And you say that
you're going to be... and you have good relations with the police forces.
That's good to hear.
As
you approach the next phase, because you talked about... Now, you're going to
be looking into the whole issue of sensitizing young people to sexual exploitation.
My thought was that some of those... It's clear that I think that the success you've had with your
program is because there's a sense of community at the base, that these young
people, even though they're hurt and they've been angry, they have a
sense of community. We don't get that sense, of course, in the broader
community, because there's many communities and, you know, well, there's a
large metropolitan area, etc.
Do you think that, as you
embark on this phase with the experts all around you and that you want to work
with other First Nations, that that will be
an element of strength in terms of reaching out? Because the predators are not
part of the community, as we've just
heard, right? They come from everywhere. So it's harder to work on that part of
it. So I guess a lot of the focus will be on prevention, and how to get
them out of it, and, with examples from Winnipeg, etc., having special places.
But
I just wanted to see your thoughts about that, that it is that sense of
community that has made you have this kind of
incredible success after, what, five years of six years of the program.
• (9 h 40) •
Mme
Filippelli (Ellen) : Yes. After seven years, it's not easy. It
was a struggle. I mean, if it wasn't political, it was other community members who might have considered
crime prevention as... Oh! as they said, we were making our future police officers, you know, through crime
prevention, and it's like... And that's a bad thing? What's wrong with that?
But, you know, there was that resistance,
but we... I have an incredible team of three, you have a big team. You have 11,
I have three. And, yes, there's a
huge sense of community ownership of what... We own that place, we do. If
there's garbage on the side of the
road, we'll grab up the kids, and round them up, and: Let's go, let's go pick
it up. We're not going to say : Well,
who did it? No, later. It's not going to pick up the garbage, right? Not to say
that we're going to use our kids like that, but we're going to tell them : You know, just take ownership of
where you are. They'll follow. You know, the other ones will come up,
they're just lagging behind. The kids that are here now... We got a group of
40 kids who come into our... We have
55 kids in the elementary schools, we have another 30... I know it's not a
lot, but it's in the high schools. Then we have... Our facility isn't
large enough.
We
need the support, we need the dollars. It's just not there. We're always asked
to put in a proposal, and I said : You know, I'm so tired of these proposals. You
know we need core funding. That's all there is to it. Just give us our
dollars. We gave you the stats already, we
gave you the results, we're making the results, we're showing it too that it's
working. Just give us the money, stop making us jump through hoops, it's
just maddening. And it does work. And, yes, it starts with ownership of your
community.
Thanks to — I'm being
sarcastic — the Government for
decriminalizing marijuana, my territory now has over 30 marijuana pot shacks. You know how many
people come in our territory every day now? Before that happened, we
knew every car on the territory pretty much,
we knew who was driving what car. Now, no idea who's on the territory, and
that's scary because, just like what you said, there's people coming in to get
our kids now. Now, they just humped our job a lot, I mean, a lot more.
We're
dedicated with their... you know, for the long run. We're not going to stop,
but we need the backing of the Government. I have the backing of the other communities. Our sister
communities are just awesome. I have backing of the police force, «centre jeunesse», we have that,
it's the Government. The Government needs to... Enough with the surveys
and enough with the... This is wonderful, this... you know, but, like, let's
move into action now. That's what we need, and I think you all agree,
especially the ones that are on the ground. I hope... Did that answer...
Le Président (M.
Lafrenière) : Merci.
Mme Weil : Yes. And congratulations one more time, because it was beautiful.
Le
Président (M. Lafrenière) : Très brièvement, parce
qu'il nous restait une dernière
question. Très brièvement.
Mme Weil :
Non, non, c'est de les remercier. Merci, tout le monde.
Mme Michel
(Viviane) : Je veux juste rajouter un commentaire. J'adore l'énergie
que j'ai à côté, vraiment, là, avec mon
équipe, évidemment. Ça, c'est une des particularités aussi, chez les Premières
Nations. Vos besoins et nos besoins sont vraiment différents. Nos solutions sont vraiment différentes, elles sont
adaptées à nos réalités et elles sont adaptées à nos nations. Et, si on veut un réel changement, si on
veut un réel plan d'action... Puis arrêtez de soumettre des projets. Les
projets, c'est trop à court terme. On
entend, ma collègue ici, à côté, ma soeur à côté. Est-ce qu'on peut parler des
programmes à long terme, je pense, et avec financement adéquat? Parce
qu'il y a une réalité chez les Premières Nations, O.K.? Vous avez le provincial
et le fédéral quand on parle de financement.
Le
financement fédéral est toujours sous-financé. Ça fait qu'il y a toujours un
gros écart. Je veux juste donner un exemple concret. Pour avoir ouvert
une maison d'hébergement régionale dans ma communauté — je
suis de la nation innue, neuf communautés, on parle de régionales — on
avait un financement de 143 000 $, quatre intervenantes, une directrice, et il faut faire marcher. La maison de
la ville d'hébergement pour femmes victimes de violence, 450 000 $.
Juste pour vous montrer l'écart financement fédéral et financement provincial.
En même temps, si on veut vraiment travailler ensemble
sur l'exploitation sexuelle des mineurs parce que c'est vraiment un enjeu
majeur, puis qui progresse encore en haute, ça prend une volonté
politique aussi, la volonté politique et vraiment la volonté décisionnelle à
vouloir travailler à vouloir améliorer la condition des vies de nos jeunes
filles autochtones. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. De façon très, très, très brève, député de Sainte-Rose, pour
terminer.
M. Skeete : Oui. Je m'en
occupe. Merci beaucoup, M. le Président, je vais être très bref.
My question is for you, proud
representative of Kahnawake. I had the privilege of meeting the Grand Chief and the Band council last year.
Some of the greatest initiatives are going on, so I just want to say, you know,
I'm not surprised that you guys are
doing very well here. A quick question. Specifically in terms, you know,
exploitation of minors, does language play
a role? The fact that you, guys, are an Anglophone community, you speak
English, does that increase your vulnerability? Does that increase the likelihood of exploitation? Is it a disadvantage
in any way? Do you have access to documentation and information in
English? Can you just give me a quick overview of that, please?
Mme
Filippelli (Ellen) : Yes, it's always a challenge to get documents in Québec in English. It is, but it's changing a lot. There are a lot of
departments that accommodate, that translate. I wish that there would be more
availability funding for translation.
That would ease up a lot. But the majority of people on the territory are
trilingual. They speak English, French and
Mohawk, and there is a lot of Mohawk courses going on now, and our language is
coming back to life. But, yes, it is a challenge, in Québec, to get English documents.
The speakers, thought, like
Josée and Diane, they were fabulous, they... Their whole team, when it came
from Montreal, they... like this, English to
French, you know? It was fabulous to see. So I'm... Because we do have French
people on the territory, and my staff is all
bilingual, so they... But our children, the ones that use to come to us, are
English. The adults, the older women who are French, we accommodate
them.
M. Skeete : My
question, specifically, is : Does language increase your vulnerability or
is it... Are you just as vulnerable in any way?
Mme Filippelli (Ellen) : Well, I see that as...
M. Skeete : It's
not an issue?
Mme Filippelli
(Ellen) : No, no.
M. Skeete : OK.
Thank you.
Mme
Filippelli (Ellen) : Because a pretty girl, whether they speak... I don't think they're
going after them because they speak a language, you know. I don't think a pretty young... woman,
she could have her tongue cut out, but I don't think that is what they
are after. I think it's, you know, the body, the sex that they're after. So,
they're just... no difference.
• (9 h 50) •
Mme Lorange
(Alexandra) : On me dit que
j'ai droit à une minute. Je vais essayer... Merci. On constate que la... Les études constatent que la langue ne vient pas
ajouter à la question de l'exploitation raciale, comme on en parlait
tout à l'heure avec votre collègue
M. Leduc, mais la langue cause un problème quand vient le temps de la
prévention et de la guérison parce
que la plupart des programmes provinciaux sont unilingues francophones, et les
documents à remplir, que ce soit le
formulaire de l'IVAC, par exemple, tout est en français, et c'est un des
problèmes qui a été documenté. Notamment, je vous réfère à la commission Viens par rapport à ça, où un des appels
à l'action qui doit être mis en place très rapidement est la possibilité d'accès aux formulaires, aux
programmes et, en fait, toute la documentation qui émane du gouvernement
québécois dans les deux langues officielles
du Canada, et ce, avec égard à toute visée politique d'indépendantisme ou
quoi que ce soit, les deux langues ne
sont... les documents ne sont pas disponibles dans les deux langues. Et donc,
quand on se retrouve avec une victime...
Au
même titre que, par exemple, la communication avec les agents de police sur le
terrain, que ce soit les agents du SPVM...
En ville, en milieu urbain, Montréal, on aurait tendance à penser qu'ils sont
tous bilingues. Ce n'est pas le cas, ou encore, sur le territoire québécois, les agents de police de la Sûreté
du Québec, c'est très difficile de trouver quelqu'un qui parle anglais. Et donc le lien avec les victimes
est très difficile à établir, entre les programmes de prévention, les
programmes de guérison, les forces policières et la victime, que ce soit pour
toutes les communautés anglophones sur le territoire. C'est ce qu'on se fait
dire de la part des intervenants. Voilà, donc, c'est à ce niveau-là que ça
vient fragiliser le lien.
Le Président (M. Lafrenière) :
15 secondes...
Mme Paillé (Isabelle) :
15 secondes?
Le Président (M. Lafrenière) :
...qui vont durer deux minutes. Allez-y.
Mme Paillé
(Isabelle) : O.K. 15 secondes, donc...
Mme
Filippelli (Ellen) : ...for that, yes, if you consider that vulnerable, that becomes an
issue. But we're fortunate for... Some of our police
officers are bilingual, but, yes, a lot of times, they're not.
Mme Paillé (Isabelle) : C'est important de mentionner qu'à travers le
Canada nos filles se font balancer d'un bord à l'autre, O.K., pour la traite, là, donc l'exploitation des mineures,
sont voyagées d'un endroit à l'autre. Quand les filles parlent juste en
français dans l'Ouest, elles n'ont pas de contact, donc c'est beaucoup plus
difficile de dire : Écoutez, j'ai besoin d'aide.
Mme Lorange (Alexandra) : Puis
l'inverse est aussi vrai.
Mme Paillé (Isabelle) : Puis
l'inverse est aussi vrai.
Mme Lorange
(Alexandra) : Quand une
fille de l'Ouest débarque puis que les gars... les forces policières ne
parlent pas anglais, c'est beaucoup plus difficile de la reshipper. Voilà.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre contribution. Je vous avais fait une promesse
que c'était une rencontre et pas la seule rencontre. On s'est revus.
Alors, merci pour votre contribution.
On suspend quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 9 h 53)
(Reprise à 10 h 1)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
d'En Marge 12‑17 et aux représentants de la Maison Kekpart.
Je vais débuter en m'excusant, en vous disant
qu'on a un petit retard, mais, vous savez, c'est ça, on est une commission
à l'écoute, alors on s'ajuste. Alors, je m'excuse pour le petit délai, on a un
retard de 30 minutes pour le moment. Je vous rappelle que vous
allez disposer de 15 minutes par groupe pour faire votre exposé. Et, par
la suite, de façon combinée, il y aura
une période d'échange, pas de question, une période d'échange avec les membres de la commission pour une période
de 30 minutes.
Alors,
j'inviterais les gens d'En Marge 12-17 à faire leur présentation, à
se présenter, à nous faire leur bref exposé pendant une période de 15 minutes et, par la suite, ce sera des gens
de la Maison Kekpart. Merci d'être avec nous, merci beaucoup.
En
Marge 12-17 et Maison Kekpart
Mme L'Espérance
(Marie-Noëlle) : Alors,
bonjour à tous. Merci de nous avoir invités, ce matin, à vous partager
sur la question de l'exploitation sexuelle. Je m'appelle Marie-Noëlle
L'Espérance. Je suis à la direction de l'organisme En Marge 12-17, et je suis accompagnée de Mélissandre
Gagnon-Lemieux, notre intervenante spécialisée en exploitation sexuelle,
attitrée au projet Sphères, qui m'accompagne.
Donc, pour
débuter, je voulais vous mentionner que nous avons remis un document,
un document qui s'attarde aux questions de la prévention, de
l'intervention pendant l'intervention, je viens de me répéter, mais pendant
l'exploitation et enfin à la sortie.
Pour répondre aux questions que nous avons reçues avant de venir, nous allons
vous présenter sous l'angle jeunesse
et l'angle parent. Donc, ultérieurement, vous pourrez peut-être
regarder notre document qui va reprendre, dans un autre format,
les mêmes interrogations qu'on vous présente ce matin.
Donc, en débutant, je voulais vous prendre
quelques minutes juste pour vous mettre la table, parler
d'En Marge 12-17, donc
notre organisme, situé au centre-ville de Montréal, tout près de Radio-Canada, intervient depuis 1992 auprès des jeunes qui se retrouvent en situation de rue dans le dessein d'offrir l'accueil et l'hébergement et un soutien à leur entourage. Donc, au niveau de la question de l'exploitation sexuelle, nous avons une approche globale sur la question,
dont le travail de rue, qui nous
permet de rejoindre les jeunes directement
dans les milieux, également faire de la liaison avec d'autres endroits comme les centres jeunesse situés sur l'île de
Montréal. Également, nous avons une maison d'hébergement qui fonctionne en 24/7, 365 jours par année, parce que nous
voulons être présents lorsqu'il y a une situation d'urgence. Donc, les
jeunes peuvent débarquer, venir à notre ressource,
se mettre en sécurité et, à ce moment-là, bien, évidemment, on peut payer
le taxi ou le transport. Et également nous
avons un soutien aux parents, donc une ligne d'intervention dédiée aux parents
et également différents ateliers et groupes
de soutien, parce que la question de l'exploitation sexuelle touche évidemment
les jeunes victimes, mais surtout les
parents qui vivent, au travers de leurs jeunes, les grandes difficultés
auxquelles ils font face. Enfin, nous
pouvons, depuis quelques années, travailler dans une deuxième ligne,
c'est-à-dire une intervention continue, grâce au soutien de Mélissandre
et au projet Sphères; on pourra y revenir un petit peu plus tard dans la
présentation.
Alors,
pour répondre aux questions sur l'intervention auprès des jeunes et des
parents, nous vous apportons notre expérience.
C'est une opinion clinique à partir des constats que nous avons dans notre
travail. Et je voulais débuter en mettant une petite mise en garde. Nous vous apportons un angle d'intervention,
par contre, qu'on parle d'exploitation sexuelle chez les mineurs, et nous allons nous attarder aux
mineurs. Il faut regarder peut-être dans un autre temps, et je sais que
d'autres experts vous ont déjà un peu parlé
de la question, la question des proxénètes. Et les proxénètes ne sont pas tous
à l'image des criminels, c'est
parfois des jeunes qui ont aussi des difficultés qui les amènent à adopter ce
mode de vie, mais également, oui, des
agresseurs et, oui, des personnes qui sont récidivistes. Également, l'exploitation
sexuelle implique des clients. Nous ne parlerons
pas des clients, mais il faut impérativement aborder la question des clients
parce qu'il y a une demande pour les mineurs.
Et quand on parle d'exploitation sexuelle, on amène des notions de consentement
éclairé, de violence, l'âge des personnes, mais c'est qu'il y a une
demande et c'est la raison pour laquelle c'est lucratif. Malheureusement, on
n'aura pas le temps d'en parler aujourd'hui.
Donc,
sans plus tarder, je vais déjà passer la parole à Mélissandre qui va aborder la
question du soutien aux jeunes.
Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Merci. Donc, je vais vous faire un portrait de la
situation au niveau des jeunes. Donc,
les jeunes en contexte d'exploitation sexuelle, on peut voir plusieurs traits
communs, dont, par exemple, les carences
affectives, une recherche d'attention, d'amour puis de reconnaissance. On
constate aussi qu'ils ont souvent un grand
vide à combler puis qu'ils vivent leurs émotions de façon intense, ça fait
qu'ils ont une difficulté à gérer ces émotions-là, puis on constate une grande méconnaissance au niveau de la sexualité
aussi. Ça fait qu'au cours des années, avec En Marge, on a pu avoir
toutes sortes de jeunes qui viennent fréquenter la ressource, puis au niveau
des jeunes qui sont victimes d'exploitation sexuelle, on a pu dresser quatre
profils.
Le
premier, c'est l'histoire familiale où certains jeunes ont vu leur mère exercer
le travail du sexe comme une activité économique
ou dans un contexte de narcoprostitution. Ça fait que pour ces jeunes-là, ça
devient un peu un contexte normalisé et banalisé. Donc, ils peuvent...
ça représente un moyen accessible pour eux de subvenir à leurs besoins.
On
a aussi le profil mode de survie où, là, il s'agit plus d'un contexte
d'itinérance épisodique, comme, par exemple, la fugue, où les échanges
sexuels deviennent une activité pour subvenir à leurs besoins.
Il
y a l'aventure où on rencontre des jeunes qui peuvent avoir eux-mêmes abordé un
proxénète pour leur demander de
travailler, où, là, le mode de vie est vraiment attrayant, puis qu'ils voient
une façon facile de faire de l'argent puis qui ne voient pas
nécessairement les conséquences à long terme.
Et je termine avec
l'aventure où, là... avec les leurres amoureux et dépendances où, là, c'est des
jeunes qui auraient développé une relation amoureuse avec leur proxénète puis
qui se croient dans une situation privilégiée.
Pour
chacun de ces profils-là, même s'il y a des points communs, ce qui est
important, c'est qu'il faut des interventions adaptées pour chacun des jeunes, puis c'est vraiment du cas par cas. En
fait, ce qu'on propose, c'est vraiment une écoute, un non-jugement, puis c'est en créant le lien et en
écoutant le jeune qu'on va pouvoir savoir c'est quoi, la réelle
intervention qu'on peut lui apporter.
Au
niveau de la prévention, la prévention, c'est vraiment quelque chose
d'important, c'est le début de tout, en fait. C'est vraiment important
d'agir en amont. Ça fait que, pour ça, on recommande de développer des ateliers
d'éducation offerts aux enfants dès la petite enfance pour apprendre des
notions de consentement, d'accomplissement personnel et d'utilisation des réseaux sociaux, comme, par exemple, miser sur un
développement de l'estime de soi puis des satisfactions personnelles autres que matérielles, d'aider son
jeune à découvrir des loisirs, des choses qui l'intéresse pour pouvoir
être capable d'aller chercher une gratification autre que dans l'apparence et
le matériel.
Les
réseaux sociaux, comme on l'a déjà dit sûrement auparavant, c'est vraiment une
méthode de recrutement. Les jeunes
mettent leur vie là-dessus, c'est un livre ouvert. Donc, si les parents, les
intervenants peuvent accompagner les jeunes à savoir comment utiliser ces réseaux sociaux là puis qu'ils comprennent
que, dans le fond, il y a des conséquences à ça puis que ça peut être
attrayant pour les recruteurs...
Le
pendant l'exploitation sexuelle, bien, développer des maisons d'hébergement qui
offrent des répits puis des séjours à
moyen terme, augmenter le travail de proximité puis les ressources spécialisées
dans les organismes communautaires pour rejoindre et soutenir les jeunes à risque ou impliqués dans une
dynamique d'exploitation sexuelle, prévoir des ressources nécessaires pour assurer la concertation des
acteurs et des formations des équipes. En gros, une bonne collaboration,
là, ça nous permet non seulement d'éviter un dédoublement des services puis des
interventions, mais aussi d'éviter des jeunes de se répéter puis de se répéter
pour faire ressurgir un trauma qui pourrait être évité.
Une bonne concertation, ça peut permettre une
entrée programmée de plusieurs acteurs selon leurs besoins exprimés puis selon le rythme des jeunes. Par exemple,
quand j'accompagne un jeune dans le projet Sphères avec la création de
liens puis l'écoute, il peut ressortir qu'il
va avoir besoin d'avoir un dépistage, d'aller rencontrer un médecin, une
infirmière. J'ai la clinique des
Jeunes de la rue, qui est un collaborateur vraiment important. Je peux les
appeler, on va prendre un rendez-vous, le jeune va pouvoir être
accompagné et avoir un suivi là.
Un autre exemple aussi, il y a des
questions au niveau de la cour, la peur des représailles, vouloir porter
plainte. On a le projet Les
Survivantes, on a aussi l'équipe intégrée puis les CAVAC qui sont là pour
pouvoir accompagner le jeune puis
nous soutenir. Puis au niveau du suivi thérapeutique, depuis peu, on a
Marie-Vincent qui sont nos partenaires dans le projet. Donc, un coup de
fil, on fait une demande puis le jeune va pouvoir être suivi au niveau d'une
thérapie.
On a aussi : offrir un lieu sécuritaire et
sécurisant, qui est superimportant, comme En Marge. Les jeunes, quand
ils sont victimes d'exploitation sexuelle,
ils peuvent vivre toutes sortes de choses. Ils peuvent se mettre en danger.
Donc, ils ont besoin d'un lieu où
aller se réfugier. On a même la possibilité de faire un code d'urgence avec eux
pour qu'ils puissent l'utiliser puis avoir un sentiment de sécurité.
Ça fait que ce qui
est important, c'est vraiment que le jeune, il sente qu'il y ait... qu'il se
sente en sécurité, puis confiant, puis avoir
une référence personnalisée, ça fait vraiment toute la différence. Que moi, je dise au
jeune : Viens, j'ai une personne à te présenter, tu vas voir, ça va
bien aller, elle va pouvoir être là, c'est un atout vraiment majeur.
Puis,
pour la sortie d'une dynamique d'exploitation sexuelle, je tiens à vous dire
que, pour moi, le terme «sortie», c'est relatif, dans le sens où ça peut
prendre vraiment un certain temps avant qu'il y ait une sortie réelle. Ça
dépend vraiment du jeune, du rythme puis de son parcours. Donc,
le temps nécessaire à cette transition-là peut prendre vraiment
du temps, puis il peut avoir une remise en
question, dû à... qu'il faut qu'il aille valider certaines choses, des
questions au niveau de l'argent, la peur. Ça fait que c'est
l'accompagnement de ces jeunes-là à travers ce passage-là que
l'intervenant, avec de l'écoute, de pouvoir susciter l'ambivalence, qui va
faire toute une différence puis qui peut aider le jeune.
Donc,
ce qui est important aussi, c'est qu'un changement, il est
significatif quand il est volontaire par le jeune, puis quand c'est
ancré dans une perspective de vie. Donc, c'est vraiment au niveau du rythme,
puis il peut avoir plusieurs allers-retours, mais le fait de pouvoir
l'accompagner est très important.
Ça fait que je vais
laisser la parole à ma collègue pour le volet parents.
• (10 h 10) •
Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Alors, comme vous venez de le voir quand même
brièvement, il y a plusieurs
raisons, donc plusieurs profils pour les jeunes qui se ramassent dans une situation
d'exploitation sexuelle. C'est idem pour les parents.
Les
parents, c'est vous puis c'est moi. Donc, c'est des personnes bien nanties, des
personnes avec différentes difficultés.
Les parents, c'est tous les parents qui peuvent être un jour ou l'autre
impliqués dans une situation
d'exploitation.
Ce
que nous voyons chez les parents, c'est quand même une situation
d'isolement, isolement parce qu'il y
a de la stigmatisation. C'est plus
facile mettre une photo de notre voyage à Cuba sur Facebook que de dire : Oh! je viens
d'apprendre que ma fille fait des sites pornos.
Donc,
le parent a besoin d'être soutenu et être écouté, particulièrement dans une
situation où il y a le dévoilement ou
la découverte d'une dynamique. Ça viendra toucher toutes les valeurs, tous les
fondements qu'on croyait avoir établis.
Donc,
à cet effet, nous vous présentons deux recommandations. D'une part, toujours au
niveau de la prévention, il est important de construire une relation
parent-enfant, et, à cet effet, on peut développer des ateliers qui s'adressent
directement aux parents, mais très tôt dans
l'enfance, pour que les parents puissent avoir des habiletés de
communication, travailler sur peut-être des
gestions de crise, mettre des limites, etc. Il est important de voir que,
lorsqu'il y a une crise à l'adolescence
reliée à l'exploitation sexuelle, ça ne sera pas à ce moment-ci qu'on va
apprendre à mettre des règles, et, s'il y avait un environnement un peu
plus laxiste à la maison, ça va être très difficile de ramener la situation.
Nous
parlons d'habiletés parentales et non de compétences parentales, et c'est un
terme auquel nous tenons parce que
nous croyons qu'à la base, probablement, la plupart des parents sont déjà avec
une certaine compétence, et tous ceux ici
qui sont parents, vous savez qu'on n'a pas de livre, à la naissance, qui nous
aide réellement à comprendre notre enfant, qui sera unique, et nous
sommes uniques. Donc, de développer à partir des défis du parent et de
l'emmener à travailler à partir de ses propres besoins va être probablement un
gage de succès pour le parent.
Également,
durant une situation d'exploitation sexuelle, bien, le parent aura certainement
besoin d'échanger, de ventiler, de
trouver une écoute et un accueil non jugeant. À cet effet, ce que nous
travaillons à En Marge, et particulièrement grâce au projet Ensemble... Nous avons une intervenante dédiée, que
j'aurais aimé que vous rencontrez — elle est dans la salle, mais on ne
pouvait pas être plus que deux — pour travailler auprès des parents et
apporter cette écoute.
Nous
avons également des ateliers, dans le cadre des groupes de soutien, qui peuvent
être dédiés à des questions qui touchent
l'exploitation sexuelle parce que les parents ont beaucoup de questions, et
nous croyons que les groupes de soutien entre parents doivent quand même avoir une approche professionnelle
parce qu'on veut éviter que les parents vont, entre eux, augmenter le
sentiment de détresse ou se faire peur. Une situation qui touche un jeune ne va
pas nécessairement toucher l'autre jeune. Donc, c'est à cet effet qu'il y a une
animation dans le cadre des groupes de parents.
Également,
travailler auprès des parents. Nous croyons que, très largement, nous devons
offrir des soutiens aux parents, et
que ça doit être accessible. Accessible, ça veut dire être partout, dans
différents milieux, parce qu'on le
voit que, des parents, avec les
rythmes de la vie active, professionnelle, c'est parfois difficile de se
déplacer le soir et encore plus s'il y
a une grande distance pour aller chercher un soutien ou un accueil, etc. Donc,
à ce moment-là, l'intervention auprès des parents se doit d'être
répandue à différents milieux, différentes régions. Alors, voilà.
Et
également je pourrais ramener la notion de partenaire parce que la relation
avec différents partenaires va nous permettre d'intervenir auprès des
parents, par exemple, par la référence. Un peu comme disait Mélissandre tantôt
pour l'intervention auprès des jeunes, quand
on lui présente une ressource, bien, ça va aider à ce que cette personne-là
aille chercher de l'aide. Bien, c'est
la même chose au niveau des parents. Donc, à ce moment-là, de travailler avec
des partenaires qui peuvent nous envoyer directement des parents — ou on
peut se déplacer — va
créer un élément important pour rendre accessibles les services.
Donc, je vais
regarder le temps qui nous reste. Oh là! que ça passe vite, le 15 minutes!
Donc, bien, je vais déjà aller au niveau de notre petite conclusion. On
aura le temps de parler dans les questions, si vous voulez.
Alors, à ce moment-là, ce que je
voulais ramener, en terminant, c'est sûr que ce qu'on vous présente
brièvement... l'intervention auprès des
jeunes prend du temps, prend du temps, comme elle le mentionnait. La notion de
sortie, ce n'est pas des résultats à court terme qu'on doit viser si
nous voulons mettre fin à une dynamique d'exploitation. C'est tout un programme, et nos collègues précédents l'ont
mentionné, il faut prendre le temps et, pour ça, il faut investir, investir
pour permettre un changement significatif chez les jeunes, investir pour
travailler en collaboration et en concertation. Il faut mieux se connaître, mais il faut également connaître le mandat respectif
de chacun, et c'est important de reconnaître l'expertise de nos
collègues pour arriver à une action concertée qui porte ses fruits.
À ce moment-là, c'est
sûr qu'il y a différents programmes de financement qui permettent des campagnes
de sensibilisation, qui permettent des
actions très précises. Et, oui, c'est tout à fait génial, ça permet de
développer un angle, mais, si on veut
des résultats à long terme pour travailler sur l'exploitation sexuelle, il
faudra mettre les ressources nécessaires pour y arriver. Alors, voilà.
Je passe ma parole déjà à nos collègues.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation.
J'invite maintenant les représentants de la Maison Kekpart à se
présenter et à faire leur exposé. Merci d'être là.
• (10 h 20) •
M. Desjardins
(Richard) : Bonjour à tous. Richard Desjardins, directeur général de
la Maison Kekpart depuis 29 ans. Je suis intervenant social de
formation.
Moi,
j'ai commencé à travailler en prévention de l'exploitation sexuelle en
République dominicaine, pas au Québec, mais
en République dominicaine. On sait ce qui se passe en République dominicaine
avec le crime organisé, mais ça n'a pas
tellement changé, en 1987‑1988, c'était la même chose. Le crime organisé
n'était pas en République dominicaine, mais tous ceux qui profitaient de ces jeunes femmes là, c'étaient des
Québécois. Puis on était une équipe multisectorielle, dont un médecin, une infirmière, une nutritionniste et
moi-même, qui se promenait dans les différents ghettos de
Boca Chica, Santo Domingo, pour
faire de la prévention avec un pénis en bois puis avec des condoms, puis un
petit Blanc, là, tu sais, dans la place, ça fait que c'est assez
particulier.
Quand
je suis arrivé au Québec, je me suis retrouvé dans le quartier Saint-Michel,
avec les gangs de rue, et puis, par
la suite, à la Maison Kekpart, à partir de 1991, nous, on a développé en 1999
un projet qui s'appelle Sans proxénète ni escorte. Puis là, bien, avec
le taux de fréquentation de jeunes filles qui se dévoilaient devant nous, ça
nous a permis de travailler avec eux puis de
mettre en place un programme qui a été financé tant par le fédéral que le
provincial, et jamais par le municipal.
Bon.
À ma droite, j'ai Tanya Brunelle, qui est la coordonnatrice de Sans P ni
E, mais aussi intervenante dans les écoles en prévention de la
prostitution juvénile, mais aussi en intervention. Et puis, moi, j'ai comme
trois, quatre chapeaux aujourd'hui. Je suis D.G. de la Maison de jeunes, mais
je suis fiduciaire aussi d'un programme de prévention jeunesse financé par
Québec, qui était financé par Québec. C'était un plan de cinq ans et il a
été réduit à trois ans. Il a terminé le
1er septembre dernier, et puis les permanents qui travaillaient sur ce
programme-là ne travaillent plus pour ce programme-là. Et puis aussi,
comme père de famille de quatre jeunes femmes, maintenant trois, et du
fondateur aussi du projet Sans P ni E.
Tout
d'abord, nous remercions nos nombreux partenaires. J'aimerais remercier la
police de Longueuil pour l'aide et le support financier. Pas juste le
support moral, mais support financier. Et ils font des activités pour nous,
pour le financement dans la cause pour la
lutte à l'exploitation sexuelle des mineurs. J'aimerais aussi remercier
personnellement tous les organismes qui viennent en aide aux victimes et à
leurs familles.
N'oublions
pas les familles, les parents, les jeunes, qui vivent souvent de la solitude,
la peur, les préjugés et la honte. Je suis moi-même père de quatre
filles, et maintenant trois. Kim est décédée, donc, ma plus jeune, qui est
décédée le 6 décembre 2018 des
conséquences de l'exploitation sexuelle et d'une surdose. Je suis bien placé
pour vous sensibiliser sur la réalité terrain de l'exploitation
sexuelle, comme père.
J'aimerais
remercier aussi Martin Valiquette, antigang de Longueuil, qui nous a
supportés au niveau familial et au niveau
professionnel. Puis j'aimerais remercier Diane Veillette, qui a fait un
travail exceptionnel avec Kim, puis ça... Sans sa présence, elle serait décédée plus tôt, avec tout
ce qu'elle a vécu. Puis je n'entrerai pas dans les détails. Une victime,
tout ce qu'elle vit dans une année, et dont
les parents, les amis... Souvent, on dit : Cordonnier mal chaussé, mais en
voici un. Et puis, à travers cette étape-là, ma femme et moi, on a
toujours gardé espoir en Kim.
La Maison Kekpart
existe depuis 1981. Depuis le 7 mars 2017, nous sommes mandataires et
fiduciaires du programme
Prévention jeunesse. Kekpart est interpelé... est sensibilisé à la cause
de l'exploitation sexuelle des mineurs. Depuis 19 ans, Kekpart tient des ateliers de sensibilisation
préventifs et éducatifs afin d'éviter à des jeunes filles, garçons fragilisés par différents événements de leur vie
de tomber dans une spirale qui peut les entraîner très loin. De plus, à
travers nos nombreux programmes, c'est plus
de 5 000 jeunes qui y
participent annuellement et qui sont sensibilisés et dépistés par nos
projets. Plus de 250 jeunes participent quotidiennement à l'ensemble de
nos programmes préventifs et éducatifs.
À
cet effet, nous souhaitons que les organismes communautaires puissent offrir
aux adolescents plus de services de façon
soutenue et continue, que ces organismes communautaires continuent d'être
supportés et considérés par les différents partenaires du réseau. Il
faut plus de sensibilisation et de prévention dans les écoles primaires et
secondaires. Les intervenants en prévention
doivent être plus présents sur le terrain, surtout plus nombreux afin de
pouvoir appuyer les écoles, les
municipalités aux prises avec le phénomène de l'exploitation sexuelle et des
gangs de rue, que les organismes et leurs partenaires soient reconduits et appuyés par le gouvernement dans
l'exécution de nos mandats, le tout à moyen et long terme.
En 2016, le ministre
de la Sécurité publique de l'époque et la ministre déléguée à Réadaptation et à
la Protection de la jeunesse, de la Santé publique et aux Saines habitudes de
vie annonçaient l'octroi d'une aide financière pouvant atteindre jusqu'à 625 000 $. Cette subvention a été réduite à
375 000 $ et est terminée, comme je vous ai dit tantôt, plus
tôt, le 1er septembre 2019.
Afin
de lutter contre l'exploitation sexuelle des jeunes filles sur le territoire de
l'agglomération de Longueuil, le programme
Prévention jeunesse visait à appuyer et soutenir les milieux afin qu'ils
puissent renforcer leur capacité à se mobiliser pour contrer un
phénomène qui met en danger la sécurité de nos jeunes. En septembre 2019, le
programme triennal 2016‑2019 de financement en prévention de
l'exploitation sexuelle des mineurs a pris fin. Pour Kekpart et ses
intervenants, la prévention et les services aux jeunes demeurent notre
priorité. Il est donc impérieux de renouveler ce programme le plus rapidement
possible. Je vais passer le...
Mme Brunelle (Tanya) : Merci.
Je vais essayer de ne pas me dédoubler parce que je crois que Mélissandre et chez En Marge, on se rejoint beaucoup
dans nos approches, dans nos façons d'accueillir, aussi, nos jeunes victimes.
Donc, je suis Tanya Brunelle, intervenante à la jeunesse à la Maison Kekpart, et
je suis coordonnatrice du projet Sans proxénète ni escorte qui est
présenté, là, dans les écoles secondaires.
Donc, comme Richard l'a dit, depuis 1999, ce
projet-là tourne dans les écoles. On le sait, que la prévention, l'éducation, c'est vraiment, vraiment essentiel
pour nos jeunes. On l'a mentionné, mes collègues ici l'ont fait, les
jeunes et les familles doivent être
accompagnées, sensibilisées, éduquées afin d'augmenter les facteurs de protection
et réduire les risques
d'exploitation. Le recrutement s'effectue souvent de façon amicale et subtile.
Les jeunes qui sont plus à risque, qui sont
plus vulnérables, ils ne se rendront pas toujours compte dans quelle spirale
ils sont en train de tomber, hein? Donc, en éduquant, en les sensibilisant, en offrant des programmes de prévention
adéquats, bien, on peut faire en sorte que ces jeunes victimes-là pourront reconnaître les signes, puis,
bien, espérer qu'elles puissent agir, là, de façon, là, adéquate devant
des situations potentiellement dangereuses.
On doit
investir dans l'avenir de nos garçons. Il faut les valoriser, il faut avoir des
programmes personnalisés pour eux. On l'a dit chez En Marge, là,
nos garçons, là, ce sont des victimes, eux aussi, malheureusement, souvent. Ils
sont manipulés aussi dans ce monde-là. Il y a un appât, il y a un attrait du
gain au niveau des gangs de rue, au niveau de l'exploitation sexuelle, qui est
puissant. Il faut défaire ça, il faut semer des petites graines d'incertitude,
il faut amener l'ambivalence, il faut leur jouer dans la tête, O.K., autant à
nos jeunes hommes qu'à nos jeunes filles.
Un des
principaux enjeux, on l'a nommé, je vais le nommer encore, c'est le financement
qui diminue puis la demande qui est
grandissante, la demande de service. Les intervenants des divers milieux sont
débordés par les demandes de soutien et
d'accompagnement, puis le manque de problèmes... de financement, pardon,
récurrent a des répercussions et des impacts tant au niveau de la disponibilité des intervenants terrain ainsi que
les ressources. La situation est encore plus dramatique quand on cherche un hébergement vers qui référer
nos jeunes. On est chanceux, on a En Marge qui est là 365 jours par
année, qui accepte nos jeunes en fugue. On
est chanceux, à Longueuil, on a le 2159, mais ils n'ont pas beaucoup de places
financées. On a besoin d'hébergement adapté pour ces filles-là, pour ces
garçons-là.
On doit
travailler avec eux, à leur rythme, dans le respect et la considération, en
leur laissant le temps de se déposer. Il
faut favoriser une approche bienveillante, centrée sur les victimes. Elles ont
des besoins de protection et de sécurité, et c'est seulement lorsque ces
besoins seront apaisés et pansés qu'elles pourront commencer à peut-être
essayer de sortir du milieu et de se reconstruire.
Avec l'aide
des partenaires du réseau, la prise en charge rapide et concertée nous permet
d'établir des liens solides et de favoriser des interventions efficaces
et profitables aux jeunes et aux intervenants du milieu. Nous, on offre nos ateliers dans neuf écoles de la commission
scolaire Marie-Victorin, deux des Patriotes. On est chanceux, on est
sollicités par les écoles, mais je vous
avoue qu'on est un peu essoufflés aussi par la demande. On a besoin de support.
Notre organisme propose de
l'accompagnement personnalisé, on fait des références personnalisées nous
aussi. Je n'envoie pas quelqu'un au 2159, j'envoie quelqu'un rencontrer
Élisabeth du 2159. Je fais des références. Les partenaires, on se connaît, on
se concerte, on essaie d'avoir la même ligne de pensée, le même corridor de
services.
L'éducation,
la prévention essentielle doivent être faites de façon précoce, concertée et
systématique dès la petite enfance.
Nous devons éduquer nos jeunes dans le respect de soi et de l'autre, leur
intimité, des relations amoureuses saines et sécuritaires. Ils doivent être sensibilisés et informés sur des sujets
qui les interpellent et auxquels ils s'identifient. Puis, des fois, dans mes ateliers, je vais loin dans mon
langage, je suis crue avec mes jeunes parce que c'est ça qu'ils ont envie
de se faire dire. Ils ont envie qu'on les
comprenne, ils ont envie qu'on les écoute, puis de... Ce n'est pas une
conférence, que je donne, c'est un
échange que je fais avec les étudiants. On discute ensemble. On doit les
écouter sans les juger, les soutenir dans leurs... démarches, pardon, mettre en place des scénarios de protection
afin de créer un réseau social et communautaire autour des jeunes
victimes et vulnérables. Accueil, considération, respect, c'est essentiel pour
que les jeunes se sentent en confiance et en sécurité. Ça va vite, ça va vite.
Richard.
• (10 h 30) •
M. Desjardins
(Richard) : Comment
favoriser un consortium de service et des ressources appropriées et
adaptées centrées sur les besoins de la
victime dans le but de créer et entretenir un climat de confiance entre la
victime et les partenaires? Pas
toujours facile. Ça prend du temps, ça prend de l'écoute, ça prend de l'accompagnement, le bon moment, et puis
ces jeunes-là ont besoin d'un lieu aussi,
puis le lieu est important, puis on doit se choisir... nous, on est chanceux, on est quand même
ouverts cinq jours-semaine, 12 heures par jour, de neuf à neuf, du lundi
au vendredi. Ça fait qu'on a une... C'est assez large, là, comme
ouverture, où les jeunes, non scolarisés et scolarisés, peuvent utiliser nos
services.
Il est nécessaire
pour les intervenants du milieu de connaître les différentes ressources, parce
que souvent les intervenants des ressources
à Longueuil ne connaissent même pas ce qui se passe dans leur ville, dans les
autres organisations communautaires,
les projets ou les difficultés qu'ils peuvent vivre, l'ensemble des
partenaires, afin de créer des références personnalisées selon les besoins de jeunes qu'ils accompagnent. Les
gestionnaires doivent disposer des moyens financiers afin de libérer leurs intervenants et de leur
offrir les formations et les outils nécessaires pour mieux intervenir auprès
des victimes. Les victimes devraient avoir
accès à du soutien et de l'accompagnement à toutes les étapes de leur
cheminement, et ce,
peu importe s'ils sont prêtes ou prêts à sortir du milieu ou pas ou bien s'ils
souhaitent dénoncer leur proxénète ou non. Ils doivent être respectés,
accompagnés, soutenus dans leur cheminement et décision.
Mme Brunelle (Tanya) : Je vais faire rapidement. Dans le fond, quel
suivi est possible lorsqu'ils atteignent 18 ans? Bien, notre organisme est ouvert aux
12-18 ans et leur famille. On offre des services gratuitement sur une base
volontaire. Lorsqu'ils deviennent adultes, ils ont le choix de poursuivre et de
garder un lien avec nous, justement par les références personnalisées. Par contre, il faut assurer la continuité des services,
et on doit les diriger, justement, vers nos partenaires, vers les autres ressources qui sont mandatées puis
qui ont justement les outils puis les compétences nécessaires, là, pour
apaiser puis poursuivre le cheminement, là,
avec ces jeunes victimes là. Ce filet de sécurité là est supporté par un réseau
de partenaires à qui nous pouvons référer les jeunes qui dépassent,
justement, les limites de notre mandat. On a-tu encore du temps?
Le Président
(M. Lafrenière) : 35 secondes.
Mme Brunelle
(Tanya) : Eh, Seigneur! Bien, je pense que vous comprenez que la
prévention, l'éducation, la sensibilisation,
ça nous tient à coeur. On est quatre ici, mais on est des centaines, justement,
juste sur notre territoire. J'inclus Longueuil
dans Montréal, parce que nous, nos jeunes traversent d'un métro à l'autre et
tout ça. On a besoin de vous. Merci de nous avoir entendus, merci d'être
sensibles et puis, bien, c'est ça. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup de vos présentations. Ça va être
à mon tour de vous remercier aussi. J'ai eu
la chance de vous voir sur le terrain dans deux périodes de ma vie. Comme
policier, j'ai vu En Marge; comme député
sur la Rive-Sud, j'ai rencontré les gens de Kekpart, alors je peux témoigner de
ce que vous faites sur le terrain. Bravo! Merci. Et, Richard, je veux te dire que lorsqu'on a commencé cette
commission-là, on s'est fait une promesse de ne jamais oublier les
victimes et les proches. C'est pour ça qu'on est ici, on n'oublie pas. Merci.
Première question, la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. C'est un témoignage, M. Desjardins, qui nous a
vraiment brisé le coeur, et je pense
que vous savez qu'on est vraiment de tout coeur avec vous. Je pense que vous le
comprenez et j'espère qu'on pourra, à
la mémoire de Kim, apporter des solutions qui seront pérennes et qu'on finisse
un jour par voir la lumière au bout du
tunnel. Je suis très impressionnée par tout ce qui est fait sur le terrain, par
tous les organismes que vous venez de nous exposer pour aider les
victimes d'exploitation sexuelle à sortir de cet enfer, mais, malheureusement,
il faut faire plus.
Je sais que mon
président de commission est un homme qui a du coeur et que cette histoire
d'abandon de financement ne peut pas être
liée à une conjoncture budgétaire, d'équilibre budgétaire. C'est impossible.
Alors, j'espère qu'on vous a donné
des raisons, et, si on ne vous a pas donné de raison, moi, je compte... puis je
n'ai pas le goût de la partisanerie, absolument
pas, mais je compte vraiment sur la volonté du gouvernement pour vraiment
corriger le plus rapidement possible cette situation.
Vous
nous avez parlé des victimes, on a entendu beaucoup parler des victimes, et ce
n'est pas un reproche que je veux vous
faire, mais je veux juste vous dire que moi, il faut que je comprenne aussi ce
client abuseur qui est un pédophile qui cherche la jeune... la chair fraîche, qui brise des vies et qui semble
être complètement en dessous de notre radar. Je veux dire, on dirait
qu'on n'est pas capables... excusez-moi, de le pogner.
Est-ce
que vous avez des... Dans les rencontres que vous faites, ces jeunes filles et
ces jeunes garçons là vous parlent de
ces clients-là, ces... Est-ce qu'elles savent... Est-ce qu'elles sont capables
de nous dire comment on pourrait
mettre la main dessus, puis le mettre
sur le banc des accusés, puis l'humilier? On nous parlait hier de ce qu'on a
fait dans l'alcool au volant. Moi, je
verrais un grand panneau, là, puis mettre des grands noms, là, au pont
Jacques-Cartier, puis ceux qui se sont fait pogner cette semaine, là, tu
sais. Je veux dire, il faut qu'on aille là.
Qu'est-ce
que vous nous suggéreriez? Vous avez dit que vous ne vouliez pas en parler, du
client abuseur, mais nous, on a besoin de vous entendre là-dessus, parce
que les victimes en parlent de ce client-là. Alors, vous avez la parole, tout
le monde, là.
Mme L'Espérance
(Marie-Noëlle) : En fait, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas
nécessairement en parler,
c'est que ce n'est pas notre expertise. Nous
travaillons directement en concertation avec d'autres intervenants auprès des
jeunes et auprès des familles. Nous ne
recevons pas des clients. Par contre, c'est un angle important, là, dans
l'intervention, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Ce que parfois, on reçoit comme commentaire, c'est : On
ne le savait pas ou on va voir... Bien, on ne dit pas qu'on est mineur ou on peut cacher certaines
informations. C'est des choses auxquelles on y croit plus ou moins, là, parce
que, tu sais, tu as beau être très maquillée
ou très bien habillée, une jeune fille a l'air d'une jeune fille, là. Donc, il
y a peut-être cette question-là qui
pourrait être regardée : Comment est-ce qu'on recherche cette chair
fraîche, là? C'est assez cru à dire. Et nos collègues juste avant nous vous parlaient aussi de la recherche de
certaines communautés, donc il y a cet attrait-là. Donc, c'est peut-être
des goûts déviants au niveau sexuel qu'on pourrait regarder.
Les jeunes filles, il y a un beau travail à Montréal, «un
beau» entre guillemets, là. C'est possible de travailler dans la grande région de Montréal, mais il y a aussi
des jeunes qui sont délocalisés. Un, c'est plus facile d'isoler une
personne, exemple, francophone quand on
l'envoie travailler dans un environnement anglophone, mais aussi il y a une
demande pour ce côté un peu exotique.
Donc, c'est un angle... Moi, je me questionnerais, oui, d'un point de vue
criminel, mais aussi d'un point de
vue sexologique. Je pense qu'on fait face à des personnes qui ont des
déviances, et c'est un angle important à regarder pour considérer la
notion des clients.
Je
ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter, certaines confidences de jeunes.
Mme Gagnon-Lemieux
(Mélissandre) :
Bien, j'ai le goût de dire que les jeunes, lorsqu'ils m'en parlent, c'est M. Tout-le-monde. Il n'y a pas de particularité.
Il y en a des très gentils, il y en a de moins gentils. Je ne sais pas si
vous avez eu la chance de voir le documentaire
Picbois où ils nomment que c'est difficile d'aller chercher des clients
puis que ce n'est pas facile de savoir pourquoi ils sont là.
C'est ça, le fléau, c'est qu'on a de la misère à savoir
c'est quoi. Puis les jeunes, ils sont là pour répondre à la demande. Donc, ils ne prennent pas nécessairement les
informations nécessaires puis ils n'ont pas nécessairement envie de nous
en parler après, parce que ça fait partie de
leur trauma aussi, ça fait partie de plein de choses. Donc, je n'ai pas la
chance de pouvoir les questionner à ce niveau-là, mais clairement qu'il
faut s'y attarder.
Mme St-Pierre : Dernière question pour l'organisme Kekpart. Je remarque qu'avec
tout ce que vous nous avez donné
comme documentation, il y a une importance de garder le jeune occupé, de lui
faire faire des choses qui vont l'intéresser, jouer à des cliniques de cinéma, de vidéos. Ça fait partie du bagage
aussi qu'il faut leur donner lorsqu'on intervient auprès de ces
jeunes-là.
M. Desjardins (Richard) : Bien,
c'est pour ça que les cinq programmes que vous avez entre les mains, c'est 250 jeunes par semaine qui participent. On a
parti aussi une maison pour les enfants 6-11 pour prévenir encore davantage
puis augmenter leur estime de soi. Plus que
la jeune fille a une estime grande, moins qu'elle va devenir victime. Ça fait
qu'il faut continuer à travailler sur des réalisations, sur une perception de
soi qui va l'amener à se développer naturellement.
Mais c'est beaucoup de travail, hein?
250 jeunes par semaine, là, c'est énorme. Nous, on n'a pas de maison d'hébergement, là. C'est des programmes puis c'est de jour et
de soir, parce qu'on a deux
programmes, là, en persévérance scolaire
puis en raccrochage scolaire, le mercredi, jeudi, vendredi, avec des protocoles
d'entente signés par la commission scolaire Marie-Victorin, qui nous
envoie des jeunes de différentes écoles secondaires de la ville de Longueuil.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup.
• (10 h 40) •
Mme Brunelle
(Tanya) : J'aimerais peut-être
juste ajouter que, dans le fond, c'est pour meubler les heures où les jeunes sont seuls. Ils finissent le secondaire à
15 heures. Souvent, les parents vont travailler jusqu'à 20,
21 heures, donc le
15-21 heures où les ressources sont ouvertes puis qui offrent des
ressources destinées à la jeunesse fait en sorte qu'il y a un petit peu moins de jeunes, là, qui vont traîner
dans les rues puis peut-être, là, justement, là, tomber sur des situations,
là, plus ou moins intéressantes, là.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Vous avez fait référence tout à l'heure au... bien, Picbois, Trafic. On l'a non seulement
écouté, on a reçu les gens qui ont produit ça. Alors, merci beaucoup d'y faire
référence, ça a été très intéressant.
Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : ...
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui.
Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) :
J'ai envie, en fait, de reprendre leur exemple au niveau des différentes occupations. Également, dans une pensée
vers une sortie d'exploitation sexuelle, on s'inscrit... on parle toujours
des mineurs, hein, ici, et on
s'inscrit également dans des changements à l'adolescence et dans une
transition à la vie adulte. Donc, tous les
jeunes ont besoin de passer par ces étapes-là, tous les jeunes confondus. Et, à ce moment-là, il faut apprendre qui on est, il
faut apprendre qu'est-ce qu'on veut faire dans la vie. C'est quoi nos projets
futurs? Dans quoi on est bon? Qu'est-ce qui nous apporte cette adrénaline? Donc, la découverte de soi est
essentielle. Il faut panser ses plaies, mais il faut se découvrir. Et une des actions du projet Sphères, que Mélissandre
va porter beaucoup, c'est de permettre aux jeunes de vivre des
expériences positives en dehors du mode de vie du travail du sexe.
Et ce qu'on n'a pas beaucoup abordé tantôt, mais
on faisait référence, entre autres, au Facebook, à toute la matérialisation, nos satisfactions personnelles
viennent du regard de l'autre, du nombre de «j'aime», de «like», et ça,
dès la très, très petite enfance. On
s'inquiète beaucoup de l'image perçue, mais cette image perçue doit
se construire à partir de quelqu'un,
et ce quelqu'un-là doit être bien dans sa peau également. C'est un outil de
prévention, mais également de réhabilitation.
Dans la transition à la vie adulte, il y aura
aussi d'autres éléments difficiles parce que nos amis vont être probablement issus de ce milieu-là. Nos activités
de loisirs seront probablement la consommation de drogues, parce qu'on s'entend que, dans une dynamique d'exploitation,
ce n'est pas facile, donc la drogue aide à passer au travers, et
apprendre à faire d'autre chose, c'est tout un apprentissage.
Également,
rendu à la vie adulte, se loger... Bien, dans une dynamique d'exploitation,
l'argent vient, entre guillemets, facile,
parce que ce n'est pas facile, ce que font les jeunes, mais il y a beaucoup
d'argent. Donc, quand on retourne vers un travail de commis dans une
institution ou une banque... même pas une banque, mais au salaire minimum, au
dépanneur, c'est très difficile d'arriver.
Également, le logement, quand on sort d'une dynamique d'exploitation... le
logement, c'était des Airbnb ou
c'était le logement d'un proxénète, surtout dans une dynamique de relation
amoureuse, donc il faut retrouver un
logement, et, à ce moment-là, il faut le payer, ce logement, il faut de
l'argent. Donc, vous voyez le cercle que ça peut amener?
Alors, tous
les ateliers comme font la Maison Kekpart ou les découvertes que, dans le
projet Sphères, on vise à permettre aux jeunes, sont essentiels pour
entamer un changement significatif.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. On va continuer notre défi. Il nous reste encore sept
questions en peu de temps. Alors, député d'Ungava.
M.
Lamothe : Je vais être court, je ne prendrai pas beaucoup de temps.
M. Desjardins, je n'ai pas trouvé le mot exact, là, pour votre
témoignage. C'est touchant.
Il
y a deux organismes qui sont venus ici hier, puis ils ont parlé de campagnes de
sensibilisation. Puis moi, je crois beaucoup
à ça. Il y en a une... je ne me souviens plus quel organisme qui a fait un
parallèle avec l'alcool au volant puis tout ça. Tu sais, c'est du long terme, puis eux autres disaient que ça
prendrait un porte-parole masculin, puis je suis convaincu que vous seriez un très bon porte-parole. Ça fait que
je ne sais pas la façon de le faire, je ne sais pas, les organismes, c'était
qui puis la façon de tout ça, mais vous êtes
une personne très crédible, sûrement un très bon père de famille. Je ne vous
connais pas, mais vous avez l'air, puis je
pense que ça serait à prendre en considération, vu que... le dévouement que
vous faites, local, au niveau provincial.
Je
crois à ça aussi, que le porte-parole masculin, là, aurait une crédibilité. Je
n'ai rien contre les femmes, loin de là, croyez-moi certain, mais, par contre, ça a été apporté par des femmes
qui étaient ici, de différents organismes, puis vous seriez très
crédible pour une campagne de sensibilisation provinciale. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Donc, merci, M. Desjardins. Donc, merci pour les
jeunes de Saint-Michel, merci pour les jeunes de Longueuil, merci pour
les jeunes de partout que vous avez aidé à sauver.
Moi
aussi, je trouve, comme ma collègue de l'Acadie, je trouve ça préoccupant,
c'est-à-dire, dans un contexte actuel, d'entendre
un projet qui n'a pas été renouvelé. J'aimerais vous entendre sur ce projet-là.
Quel est ce projet? Parlez-nous
de ce projet.
M. Desjardins (Richard) : Prévention jeunesse a été mis en place après
Mobilis au Québec, puis lui, Prévention jeunesse, c'est un
consortium d'organismes communautaires et d'institutionnels qui... il y a deux
buts. Un, c'est l'intervention, l'autre,
c'est la direction. Puis Tanya fait partie du comité d'intervention, moi, je
fais partie du comité de direction.
Puis on est des décideurs, puis ce programme-là, Prévention jeunesse, nous recevons annuellement une subvention de 125 000 $ annuelle et nous, Maison Kekpart,
on est fiduciaire. On reçoit les argents et on les redistribue, et le
comité, avec les différents partenaires,
décide comment l'argent va être redistribué aux organismes communautaires. Ça,
c'est la première chose.
La
deuxième, ce qu'il faut savoir, c'est que, sur le 125 000 $, il y a
seulement deux organismes communautaires financés par Prévention jeunesse, par le ministère de la Sécurité
publique. Puis dans ce programme-là, le ministère ou le gouvernement, à
l'époque, ont imposé une coordination, temps partiel ou temps plein — dans
notre cas, ils ont décidé temps plein — qui prend une bonne partie du financement.
Ça fait que nous, quelque part, on espère, pour 2020‑2021, on va recevoir 30 000 $. Et puis Le 2159,
maison d'hébergement pour quatre places, va recevoir 30 000 $. Mais
pensez-y, là, 30 000 $,
c'est impossible de faire les interventions, la prévention, la sensibilisation
dans nos écoles comme une ville comme Longueuil,
là. Ça ne paie même pas un salaire. Ça fait qu'il faut être créatif, puis il y
a des députés qui nous aident beaucoup à
ouvrir des portes et à faire du financement aussi pour nos organisations, pour
redistribuer ces argents-là par la suite, avoir plus d'organismes qui
viennent en aide et d'intervenants qui feraient des actions sur le terrain.
M. Benjamin :
Je salue le travail de ces députés-là et je suis prêt à me joindre à ces
députés-là pour encourager, en fait,
le gouvernement à être cohérent. Je pense que le débat qu'on a actuellement,
qu'on a depuis plusieurs mois au Québec, nécessite qu'il y ait de la cohérence, et, pour moi, c'est un enjeu de
cohérence. Merci encore pour le travail que vous faites.
Ma deuxième question
pour En Marge 12-17, donc j'ai beaucoup aimé vos recommandations, et il y
a une recommandation qui me touche en
particulier, c'est la recommandation 2. La recommandation 2, c'est la
première fois que, dans le cadre de
ces travaux-là, on en parle. Souvent, on dit qu'il faut aborder cette
question-là en très bas âge, mais vous, vous dites : Il faut
accorder un soutien professionnel dès la naissance de l'enfant et se basant sur
le développement de leurs habiletés et en éducation. J'aimerais peut-être vous
entendre sur cette recommandation-là en particulier.
• (10 h 50) •
Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Oui. En fait, au niveau de la prévention, le plus
tôt sera le mieux. Il faut savoir que
les valeurs adoptées, valeurs familiales, le seront dans la petite enfance.
Donc, c'est avant cinq ans qu'on dit souvent tout se joue. Ce n'est pas une peine perdue, hein, on travaille auprès
des jeunes, mais il faut savoir qu'il
y a beaucoup de bases familiales qui vont se mettre dans ces
moments-là.
Également, nous
voulons rompre avec le cycle de la pauvreté qui se perpétue sur une génération
à une autre génération. Donc là, on n'est
pas ici pour parler de la protection de la jeunesse, mais vous l'avez vu probablement comme quoi que des enfants issus de la protection de la
jeunesse, ensuite, quand ils deviennent eux-mêmes parents, ils ont
encore des lacunes affectives qui
ressortent. Et, à ce moment-là, c'est la
même chose au niveau de la pauvreté
systémique dans certains quartiers et
environnements de Montréal. Et c'est pour ça que nous voulons briser ces difficultés-là
qu'à la base des personnes vont commencer à porter et qui vont venir
teinter.
Également,
quand je parlais tantôt de la crise à l'adolescence, autant la crise avec
un ado qu'une situation d'exploitation
sexuelle, il y a beaucoup
de choses qui peuvent être mises de l'avant. Et nous ne voulons pas aborder
les parents sous l'angle de la culpabilité.
C'est pour ça qu'on ne parle pas nécessairement de développer les compétences, en disant qu'avant on n'était pas compétents, maintenant,
on va l'être, mais il y a de ces habiletés de communication et de
rôle d'éducateur à mettre de l'avant.
Également,
on a souvent des dichotomies d'intervention. On se dit, comme parent, on est
dans la pensée positive, on veut tout accorder à notre enfant, ou on est
dans le contrôle, non, on va mettre nos limites. Parfois, c'est une question d'éducation, une question d'identité culturelle, mais il y a... entre les
deux, il y a des façons d'être... Et ce n'est pas
facile, être parent, hein, mais il y a...
entre les deux, de trouver un juste milieu qui va être utile, que le parent
pourra mettre de l'avant et qui
mettra des bonnes bases au niveau de la communication et des limites pour leur enfant. Parce que, rendu
à l'adolescence, dans une situation
d'exploitation, et je me répète un
peu, mais ce n'est pas à ce moment-là qu'on va mettre des limites, parce
que l'enfant ne va pas reconnaître et ça va venir exacerber les tensions de la
crise à ce moment-là.
Également,
dans un contexte, exemple, de surveillance, quand on parle des réseaux sociaux
entre autres, ils sont présents.
Donc, si on met un grand contrôle à la maison, bien, les jeunes vont aller en
cachette chez l'ami, chez le voisin, chez
le cousin, et, à ce moment-là, on n'aura pas de contenu sur lequel qu'on va
pouvoir travailler et éduquer notre enfant. Donc, c'est préférable, par exemple, d'opter pour la supervision.
Qu'est-ce que tu fais? Qu'est-ce que tu cherches derrière ça? Qu'est-ce que ça t'apporte? Et lorsque le
premier message, on pourrait dire suspect, arrivera d'une personne, donc,
exemple, une demande d'ami de quelqu'un
qu'on ne connaît pas, d'envoyer des photos sexy ou tout autre type de
racolage qu'on peut voir sur les réseaux sociaux, bien, le parent deviendra
aussi l'allié de l'enfant.
Et enfin, on
a parlé de moyens de protection, des facteurs de protection, par mes collègues
de la Maison Kekpart. Le parent est
un pilier pour passer au travers d'une situation d'exploitation sexuelle.
Également, le parent va garder ses yeux de parent face à son enfant, et
cet enfant auquel... qu'on va voir une étiquette de jeune victime, comme on
parlait de transition à la vie adulte, va
passer au travers, avoir des passages, avoir des allers-retours, et ils ont
besoin de sentir qu'il y a un
environnement, qu'il y a une personne à qui ils peuvent se confier, qu'il y a
une personne qui sera avec eux. Quand il
n'y a personne, c'est sûr que les intervenants vont faire ce travail, mais on
recommande fortement un lien avec l'entourage, idéalement les parents. Quand les parents ne sont pas dans un
environnement, ça pourrait être, des fois, un oncle, une tante ou un grand-parent très significatif qui pourra
garder ce lien-là. Également, on n'a pas beaucoup abordé les situations
qui peuvent être très dangereuses. Donc,
oui, on peut, comme on disait, mettre des cotes d'urgence au niveau de
l'intervention, mais également c'est de
donner des nouvelles... de sentir qu'il y a quelqu'un qui nous attend, qui
cherche notre bien-être, va être également un outil pour passer au
travers. Donc, on parle quand même de passage, donc, pour affronter ces
situations-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le Président. Tout d'abord, toutes mes
sympathies, M. Desjardins. Merci pour votre témoignage.
Deux rapides
questions, une première en lien avec la recommandation n° 7
d'En Marge 12-17, où vous recommandez d'investir dans un programme visant la transition dans une perspective
de changement de mode de vie, en offrant le temps et les ressources nécessaires pour permettre un
cheminement significatif. J'aurais aimé ça vous entendre plus. Est-ce
qu'on parle ici de logement, de programme de
retour aux études? Et surtout, quand on parle de ressources, il y a toute la
thématique de la pauvreté qui, souvent,
ramène des jeunes dans la prostitution. Qu'est-ce qu'on pourrait faire, par
rapport à ça? Est-ce qu'il pourrait y avoir des prestations spéciales
d'aide sociale? Je ne sais pas, je lance l'idée?
Et finalement l'autre question rapide, qui
s'adresse finalement aux deux groupes, on a peu évoqué la question des parents. Ça commence à être traité un peu,
hier, puis avec vous aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre?
Parce que, là, on comprend qu'il y a déjà des groupes d'animation, de soutien.
Qu'est-ce qu'il est possible d'imaginer comme déploiement de ressources pour
les parents qui vivent avec un enfant dans une situation d'exploitation
sexuelle?
Mme Gagnon-Lemieux
(Mélissandre) : Bien, en
fait, le projet Sphères, en ce moment, c'est un peu ça qu'on fait, on essaie de permettre aux jeunes de trouver autre
chose, de voir qu'il existe autre chose dans la vie, en leur faisant
découvrir des ressources, des activités et
des loisirs. Pour ça, ça demande énormément de temps, parce que, souvent, on arrive
avec des jeunes qui ne se connaissent pas du
tout, qui ont beaucoup de traumas puis qui doivent essayer plein de
choses pour savoir ce qu'ils aiment,
ce qu'ils n'aiment pas. Puis ça peut vraiment être autant se trouver un emploi, que d'aller
faire du «go-kart», parce qu'elle
aime l'adrénaline, que d'aller faire un atelier de cuisine. Ça peut vraiment
être varié, ça demande du temps.
On est quatre
intervenants dans le projet Sphères, on a au-dessus d'une
trentaine de jeunes. Donc, faites le calcul, ça ne laisse pas... on a cinq jours dans une semaine où est-ce qu'on
travaille. Donc, on a besoin de temps. Puis au niveau aussi... bien, de
l'argent, parce que pour faire des activités, pour pouvoir amener ces jeunes-là
à se découvrir puis tout ça, bien, ça
demande de l'argent. Puis il faut un endroit aussi pour ces jeunes-là, vers
l'âge de 18 ans, où est-ce qu'ils peuvent être stables, où est-ce qu'ils peuvent se nourrir, parce que ça aussi,
ça fait partie des besoins de base d'un jeune. Puis, pour pouvoir l'amener à se découvrir, bien, il faut que
ces besoins de base là soient remplis. Donc, nécessairement, ça
demande ça.
Mme L'Espérance (Marie-Noëlle) : Et je vais renchérir sur l'exemple
des ressources. Par exemple, quand on arrive au niveau du logement, En Marge, nous avons cinq logements
sociaux, cinq. Vous pouvez deviner qu'il
y a un petit peu plus de demande que ça. Apprendre à être en
logement, donc faire de la cuisine, faire un budget, trouver un emploi, retourner à l'école... parce qu'on ne l'a pas abordée, mais il y
a toute la question
des difficultés scolaires qui viennent, donc, par exemple, c'est de payer l'inscription au cégep. Pour un jeune, ça peut être un
élément... Si on le regarde dans un angle collectif de société, l'inscription au cégep d'une personne,
c'est minime comme ressources financières. Quand on regarde sur l'angle de la personne à qui qu'on a donné
ce coup de pouce là, ça va être majeur, l'impact que ça va avoir. Donc,
oui, ça peut être des bourses pour le retour
à l'école, ou des prestations spécifiques, ou des per diem pour aider à faire
autre chose. On
parle vraiment de mode de vie, parce qu'il y a toute la question,
peut-être, derrière le glamour, l'argent
facile, et on veut que la personne se définisse autrement pour faire un
changement. Alors, il va falloir prendre le temps.
Également,
au niveau des questions de traumas vécus, de tous les sévices que la personne
va avoir vécus, bien, à ce moment-là, il
faut lui donner le temps de se panser
ses plaies, de prendre... de se reconstruire comme personne.
Et, à ce moment-là,
le programme devra offrir un soutien continu. L'investissement qui est fait dans le cadre du projet Sphères, dont disait Mélissandre, est majeur. Quand on a cette
jeune fille, par exemple, qui peut voir un éducateur au centre jeunesse,
mais avoir un soutien continu avec
Mélissandre, qui devient cette personne-là avec qui qu'elle va faire des codes d'urgence,
avec qui qu'elle va avoir cette réflexion et
travailler ses ambivalences face à sa situation, bien, c'est un investissement à long terme. Mais elle va avoir besoin probablement d'une thérapie, comme avec la Fondation Marie-Vincent. Elle devra
avoir un soutien des... nos deux
survivantes, je pense au projet porté par Josée et Diane, dont on a déjà
largement parlé, qui font un travail
exceptionnel, mais c'est des ressources investies qui sont majeures, mais qui
sont essentielles si on veut accompagner chaque personne.
Donc,
on ne peut pas faire une analyse basée sur des résultats traditionnels parce que
c'est sûr que ça coûte cher comme programme.
Et, à ce moment-là, j'appuie tout à fait mes collègues ici,
parce que, souvent, c'est soit... il faut faire un choix, soit
de l'intervention, ou soit de la coordination, ou soit de la concertation, parce qu'on n'a pas l'investissement pour se mettre ensemble,
alors que c'est en travaillant tous ensemble qu'on a des résultats
significatifs.
Je laisse, pour la
deuxième partie de la...
M. Desjardins (Richard) : C'est évident, pour le support parental... Nous,
on n'a pas trouvé grand-chose comme support parental, là. Ça n'a pas été
facile, puis en étant dans le milieu, avec les contacts que j'avais, avec les
ressources environnantes... C'est très,
très, très difficile à intégrer des intervenants parentaux. Puis nous autres,
on en fait beaucoup, à quelque part, là, au niveau... pour plus 12-17,
on...
Moi,
Kim est décédée à 24 ans, ça fait qu'on a été sept ans avant dans le
tourbillon, là. Je ne sais pas si vous savez, là... tourbillon du proxénète, mais le tourbillon aussi de son dealer
qui cognait à la maison, de déménager, d'être victimes d'intimidation, puis etc. Puis, en même temps, je
disais toujours : Tu sais, avec la consommation, Kim est devenue
menteuse, voleuse puis très manipulatrice.
Ça fait que ça, c'était difficile dans le quotidien, en plus de nos jobs, à mon
épouse et à moi, de gérer tout ça dans le quotidien. Puis on se
disait : Il faut se tenir, il faut se tenir, tu sais.
Puis
le support de parents, c'est encadrer un parent et d'être capable que le parent
dise non à son enfant. Tu sais, c'est
un besoin essentiel, si vous voulez garder... pas le contrôle, là, mais une
relation plus facile, plus harmonieuse,
parce qu'en sept ans c'est particulier. Ça ne s'explique pas, ça se vit, puis
les gens...
• (11 heures) •
Mme Brunelle
(Tanya) : Bien, je pense que c'est bien résumé puis je pense qu'En
Marge l'a bien dit, ça prend beaucoup de support, ça prend un réseau, justement,
pour supporter ces familles-là. Il y
a des beaux ateliers qui sont
faits chez En Marge. J'ai vu des photos,
j'ai vu des projets réalisés, ça fait longtemps qu'ils tiennent ces projets-là. Mais je
pense qu'il y a d'autres organismes qui bénéficieraient d'offrir
ces services-là aux parents. Mais, encore là, on a besoin d'outils, on a besoin de formation, on a besoin de temps,
puis les gestionnaires doivent pouvoir dégager leurs intervenants pour
qu'ils puissent, justement,
être formés par des intervenants de chez En Marge, par exemple, justement, en lien avec l'accueil des parents, puis
le support, et tout ça.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Question très, très courte, députée
de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Oui. Bien, d'abord, permettez-moi de vous
remercier pour vos présentations, particulièrement la Maison Kekpart. On
voit tout ce que vous faites pour les jeunes de Longueuil. Alors, un immense
merci. Puis à vous, M. Desjardins,
merci de ne surtout pas lâcher malgré tout. Puis je pense qu'on va mener nos
travaux à la mémoire de Kim et de toutes les autres qui, malheureusement,
n'ont pas réussi à se sortir de ce fléau.
Je
veux revenir justement sur ce que vous disiez dans votre présentation.
Vous disiez que l'une des problématiques était de constater que, trop souvent, les différents acteurs du terrain
ne savaient pas nécessairement ce qui se passait. Alors, ça témoigne en fait du besoin criant de
concertation. Puis, lorsque vient le temps, justement, d'analyser un
programme comme Prévention jeunesse
Longueuil, j'aurais aimé que vous nous parliez, justement, des effets
bénéfiques que vous avez pu voir sur la communauté durant les trois
années où le programme a eu cours.
M. Desjardins (Richard) : Ça commence toujours par le lien de confiance qu'on doit créer avec
nos partenaires. Entre le
communautaire puis l'institutionnel... C'est deux mondes, hein? Puis aujourd'hui je peux dire que le travail qui est fait, qui a été fait, ça a porté fruit pas juste aux gens alentour de la
table, mais ça a fait des enfants, ça a fait des petits à l'extérieur
des tables de concertation aussi.
Puis
on s'est limités, par année, au niveau de l'intervention, le comité
d'intervention puis le comité de direction multi, à Longueuil, on s'est
limités à peu près à huit rencontres chaque pour que ce soit efficace puis
qu'on soit dans notre milieu pour intervenir
dans notre milieu. Ça fait que... Puis, avec nos différents partenaires...
C'est sûr que, moi, ça fait 29 ans
que je suis à Longueuil, hein? 29 ans, tu en crées, des liens avec les
policiers. Puis la mentalité a changé aussi beaucoup. Moi, j'ai eu un père
policier, je sais c'est quoi, là. On a eu beaucoup de plaisir.
Puis,
d'un autre côté, on voit les résultats de travailler ensemble, de diffuser
l'information. Parce que les jeunes vont pas mal tous à la même place, hein? Tous, la gang, là, ça se promène.
Longueuil, c'est une grande ville, mais en même temps on sait pas mal où ils sont, les jeunes, qui ils
fréquentent, qui qu'ils ne devraient pas fréquenter, puis on est capables
de s'échanger de l'information et à garder
cette information-là confidentielle. Au moment où on décide de la divulguer,
c'est parce qu'on a fait nos... on a
travaillé, avant de la divulguer, avec nos différents partenaires qui siègent
sur les deux tables.
Il
y a des organismes qui ne veulent pas diffuser, qui ne veulent pas partager
leurs informations, hein? Et puis c'est
correct, là, on respecte ça, là. Ils sont à la table puis ils parlent de leur
réalité quotidienne avec leurs jeunes. Nous autres, la démarche, elle
est plus loin que ça, à quelque part.
Mme Gagnon-Lemieux (Mélissandre) : Pour ajouter quelque chose pour aller dans
la même direction, nous autres, dans
le projet Sphères, il y a quelques années, quand ça a commencé, autour de
la table... On est les centres jeunesse de Montréal, le centre jeunesse
anglophone, L'Anonyme, qui est un autre organisme communautaire, et nous. La
première année n'a été que de — et le
SPVM, bien entendu — se parler puis de s'entendre,
institutionnel, communautaire, qu'on... on porte chacun nos chapeaux, mais qu'on puisse travailler ensemble. Puis
maintenant il y a encore des défis, il y en aura toujours, mais le travail qui est fait... C'est beau de
pouvoir dire à un jeune : Attends, laisse-moi appeler ta TS, parce que mon
collègue du centre jeunesse m'a donné le
numéro, on va s'asseoir ensemble, on va trouver une solution, tu pourras venir
faire un tour à En Marge, attends, on va appeler. Ça fait vraiment une
différence, cette concertation-là. Puis le fait que tout le monde est plus
ouvert puis s'assoit pour pouvoir collaborer ensemble, c'est un atout majeur.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. En 2 min 10 s,
collègue de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Puis naturellement je joins ma
voix, là, à mes collègues pour dire que ça prend énormément de dévouement
puis de courage pour continuer à vous impliquer dans cette cause-là.
On
parlait justement de coordination puis de concertation, donc c'était vraiment
ça, mon point aussi que je voulais apporter.
Vous travaillez énormément tous les organismes ensemble, vous vous référez entre vous, donc je pense
que vous êtes bien placés pour nous
dire de quelle manière... Est-ce que ça pourrait être appliqué de manière plus uniforme peut-être, même, à l'échelle du Québec? Il y a beaucoup de
belles initiatives qui sont développées dans certains endroits mais
qu'on ne connaît pas ailleurs puis qui ne sont pas reprises. Puis comment
est-ce qu'on pourrait mieux coordonner toutes ces initiatives-là, finalement,
qui sont prises en charge par, souvent, des organismes comme vous?
Mme L'Espérance
(Marie-Noëlle) : Oui, certainement. Je crois que, comme l'exemple du
projet Prévention jeunesse, on parle du projet Sphères, il y a pareil dans le
coin de Québec, avec nos collègues du PIPQ, ce genre de projet là marche et
peut être fait à la couleur des partenaires locaux. Donc, à ce moment-là, on
devra toujours prendre un temps pour mettre sur pied des ententes de
fonctionnement. Et des ententes, c'est au-delà d'un document officiel, là.
C'est de se comprendre : Qu'est-ce que vous faites? C'est quoi, votre mandat?
Qu'est-ce que je fais? C'est quoi, mon
mandat? Comment est-ce qu'on est capables de se rallier? Et qui sont les
acteurs que nous avons en place pour travailler ensemble?
Et,
oui, ça peut s'exporter. Par exemple, au niveau de nos groupes parents, au
printemps, on était à Laval avec les centres
jeunesse de Laval, il y a un organisme communautaire de Laval, le TRIL, pour
qu'ils puissent eux-mêmes coanimer les
groupes par la suite. Parce qu'En Marge on ne peut pas être partout. Donc, ça
nous fait plaisir de les soutenir et que, par la suite, ils peuvent
eux-mêmes réaliser ces projets-là. Et ça va très bien fonctionner parce que ça
va être des partenaires locaux de la région de Laval qui vont y travailler.
Alors, c'est juste de prendre le temps de le faire.
Et
je reviens aussi sur, toujours, l'analyse des programmes. Les activités de
concertation, de développement de projets ne sont pas des activités qui
paient, en termes de stats et en termes de résultats, et c'est malheureusement
souvent cet angle-là qu'on veut couper dans
le financement. Mais, pendant que les gens sont sur place à discuter, oui, ça
va prendre des salaires. Ces
personnes-là... On a beau être très impliqués et faire beaucoup plus d'heures
de manière bénévole, bien, c'est quand
même des salaires d'intervenant. Mais, quand l'intervenant, il est là, il n'est
pas en intervention. Donc, comme disait ma collègue, en effet, il faut avoir du temps d'intervention qui est
dégagé, où est-ce que l'intervenant pourra jouer pleinement son rôle et
en parallèle du temps de concertation et de développement.
Il
y a quand même des belles initiatives qui existent, des rencontres avec un
colloque organisé qui ramènent les personnes
de différentes régions. Mais, par la suite, je suis convaincue qu'on est
capables de développer des actions concertées avec les partenaires
locaux dans plusieurs coins de la province du Québec.
Le Président
(M. Lafrenière) : Encore une fois, merci beaucoup pour votre
contribution à nos travaux.
Je suspends quelques
instants pour laisser le prochain groupe prendre place. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à
11 h 8)
(Reprise à 11 h 14)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil québécois LGBT.
Et je vais faire la même chose que j'ai faite au dernier groupe, je vais
m'excuser pour notre retard. Mais vous voyez qu'on est une commission à l'écoute, alors, s'il faut déborder, on
déborde, ça ne coupe en rien le temps qu'on a pour vous entendre aujourd'hui.
Votre présence est très importante pour nous. Merci d'être là.
Alors,
vous disposez de 20 minutes pour faire votre présentation. C'est une
présentation seule. Par la suite il y
a une période d'échange avec les membres
de la commission. Merci, merci de
votre patience, et je vais vous inviter à vous présenter et à commencer
votre exposé. Merci beaucoup d'être là.
Conseil québécois LGBT
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Merci beaucoup.
Est-ce que c'est correct, le son? Donc, mon nom est Marie-Pier Boisvert, je suis la directrice générale du Conseil québécois LGBT. Je devais être ici avec mes collègues de
Fierté Montréal, mais qui n'ont pas pu être là, finalement. Donc, j'ai
une présentation assez courte.
Donc, en
fait, à titre de regroupement qui unit presque 40 organismes
et associations LGBT partout au Québec, le Conseil québécois LGBT est fier d'avoir été invité par la
Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs pour se
prononcer sur certains enjeux particuliers touchant sa communauté.
La mission de
notre organisme est de défendre les droits collectifs des
personnes LGBTQ+ au Québec, et nous avons, donc, participé à faire évoluer les lois, les règlements
et les politiques de notre belle
province depuis maintenant 25 ans. Nous avons collaboré et collaborons toujours avec le Secrétariat à la
condition féminine du Québec et le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, à Ottawa, pour faire
de la recherche sur les violences particulières qui touchent les
communautés LGBTQ+, en plus de former et informer la population québécoise sur
ces enjeux.
Nos
recherches se sont toutefois toujours portées sur des personnes adultes, et
c'est seulement en collaboration avec des
organismes spécialisés sur les enjeux jeunesse, particulièrement la Coalition
des groupes jeunesse LGBTQ+, que nous arrivons à être informés sur les
particularités de cette population.
Cela dit,
même la coalition n'a que très peu d'information sur le sujet qui intéresse la
commission aujourd'hui. Donc, ma présentation fait état de connaissances
fort limitées en la matière, non pas parce qu'il n'y a pas de mineurs LGBTQ+ qui sont victimes d'exploitation sexuelle ou qui
font du travail du sexe, mais parce qu'il n'existe que très peu de
recherches sur le sujet, et, si elles
existent, nous n'avons pas eu accès à ces recherches dans le temps limité qui
nous était imparti. Nous vous remercions toutefois de votre confiance et
espérons vous aiguiller dans une direction qui permettra une prise en compte
adéquate et respectueuse des personnes LGBTQ+ dans votre rapport.
En amont de
la consultation, nous avons reçu plusieurs questions de la commission
auxquelles nous espérions tenter de
répondre. Donc, il y en avait quatre : Quel portrait faites-vous de
l'exploitation sexuelle des personnes mineures dans la communauté LGBT?
Comment faire en sorte que les mesures de sensibilisation et de prévention
rejoignent les garçons victimes
d'exploitation sexuelle? Comment lutter contre la demande de services sexuels
dans la communauté LGBT? Et comment
les services destinés aux victimes pourraient-ils mieux rejoindre les garçons
et les jeunes de la communauté LGBT?
Quelques éléments devraient être notés quant à
l'ensemble des questions avant que je réponde à chacune des questions une par
une. Je voulais aussi un peu parler du document de consultation qu'on a reçu
par courriel.
En effet,
nous avons été déçus de constater que la formulation même des questions présuppose
certaines choses sur les personnes
LGBTQ+, leurs préférences et leurs comportements sexuels. On ne peut mettre
toute la communauté LGBTQ+ dans un
seul bateau. Si les statistiques sur les violences sexuelles subies par les
adultes peuvent nous démontrer quelque chose, c'est bien que les
réalités varient énormément entre les femmes cisgenres lesbiennes, les hommes
cisgenres gais, les personnes bisexuelles,
les personnes trans, qu'elles soient LGB ou non, et les personnes queer. Vos
questions mettent de l'avant...
mettent l'accent sur la situation des garçons, ce qui est très important, on
s'entend. Mais ça sonne comme si les hommes
qui abusent... non, pardon, ça sonne comme s'il s'agissait nécessairement de
garçons gais, bisexuels, trans ou queer, lorsqu'ils vivent une exploitation de ce type, ou comme si les hommes
qui abusent des garçons sont nécessairement gais ou bisexuels. Or, il
s'agit d'un amalgame dangereux entre homosexualité et pédophilie.
Qui plus est,
dans votre document, vous mentionniez que, et là, c'est à la page 8, si
vous voulez regarder, et là je cite :«Des
minorités sexuelles — transgenres,
non binaires, etc. — peuvent
aussi devenir victimes d'exploitation sexuelle. Pour certaines personnes, la vulnérabilité découle des coûts associés
aux chirurgies de réassignation sexuelle.» Fin de la citation. En dehors
du fait qu'il n'y a pas de référence qui est associée à cette affirmation, donc
je trouve ça assez problématique, je veux également rectifier les faits.
C'est vrai
que certains jeunes vont chercher à avoir du soutien social ou financier pour
faire leur transition, qu'elle soit
légale ou médicale, parce que les deux sont associés à des coûts. Mais ce n'est
pas la transition elle-même qui cause la vulnérabilité. C'est plutôt que les jeunes font la recherche d'un
bien-être dont ils ont été tant privés, et ça, ça peut passer par le
désir de transition. Mais, si on le nomme comme une cause, c'est comme si on
généralisait sur des parcours qui sont beaucoup plus complexes.
• (11 h 20) •
Donc, pour
focusser maintenant sur la question 1, quel portrait on fait de
l'exploitation sexuelle?, d'emblée, lorsqu'on parle vraiment de la seule idée de l'exploitation sexuelle des mineurs,
on doit considérer en premier lieu que l'augmentation des facteurs de vulnérabilité pour les jeunes LGBTQ+ survient lorsque ceux-ci sont en questionnement sur leur orientation sexuelle — donc
on parle vraiment début de l'adolescence — ou
leur identité de genre — ça,
généralement, c'est beaucoup plus tôt, donc vraiment dans l'enfance — et que ces enfants-là sont aux prises avec un
entourage qui est fermé, voire violent, vis-à-vis de qui ils sont
lorsqu'ils en parlent ou lorsqu'ils sont forcés d'en parler. Parfois même,
ils n'en parleront pas du tout. Mais,
comme disait ma collègue qui était ici tantôt, les valeurs familiales, ça s'implante très rapidement, puis, si on entend très rapidement
dans notre enfance : Maudite tapette, n'agis pas comme une fille, machin,
ça s'implante, et on sait que, donc, il y a
des jeunes qui ne parleront pas nécessairement de leur orientation sexuelle ou de
leur identité de genre, mais qui vont tenter de fuir quand même leur situation
familiale.
Donc, de manière générale, comme j'ai dit un peu
tantôt, nous ne savons pratiquement rien sur l'exploitation sexuelle
des mineurs LGBTQ+, notamment parce que personne ne s'y est vraiment
intéressé jusqu'à maintenant, ce qui alimente les préjugés, les
présupposés sur ces jeunes et ces enfants. Nous savons par contre que certains
de ces jeunes fréquentent les organismes
LGBTQ+ jeunesse, mais on voit qu'ils parlent de leur situation
seulement si la confidentialité est garantie et
qu'ils savent que leurs confidences vont être reçues sans jugement aussi.
On sait aussi que les jeunes LGBTQ+,
lorsqu'ils sont victimes d'exploitation sexuelle, font partie de réseaux
qui sont différents de ceux dont on entend
parler généralement et dans des espaces qui sont spécifiques aussi aux
communautés LGBTQ+, en dehors, donc, de ce que vous pouvez imaginer qui se fait
avec les jeunes filles pendant la formule 1, par exemple. Ça ne veut pas dire par contre
qu'il n'y a pas de fille LGBTQ+ parmi les filles qui sont
exploitées pendant la formule 1, je ne veux pas que vous pensiez
ça, mais on se questionne en fait, comme vous, à savoir pourquoi des jeunes se
retrouvent dans ces situations-là, au-delà du rejet de leur entourage vis-à-vis
de leur identité ou de leur orientation.
On
croit qu'une meilleure compréhension de ce «pourquoi» aiderait à la prévention
en amont, là où on peut avoir le plus grand impact. Mais, à notre connaissance,
il n'y a jamais eu de recherche québécoise publiée sur les jeunes LGBTQ+ en situation
d'exploitation sexuelle. Mais, si vous souhaitez qu'une telle recherche voie le
jour, nous vous recommandons qu'un
partenariat de recherche soit créé entre la Coalition des groupes jeunesse
LGBTQ+ et, idéalement, la Chaire de
recherche sur l'homophobie de l'UQAM. Bon, évidemment, ça ne se crée pas en
criant ciseau, là, ce genre de partenariat là, ça prend de l'argent,
mais c'est une proposition que je vous fais.
Pour
focusser... il y a deux questions qui touchent les garçons, donc je
voulais les adresser ensemble. C'est clair pour le conseil puis pour ses partenaires que l'exploitation sexuelle des jeunes garçons est organisée différemment que
celle visant les jeunes filles. À ce sujet,
nous vous recommandons de consulter l'organisme REZO ici, à Montréal — REZO,
ça s'écrit R-E-Z-O. Et ils
ont un programme, en fait, qui s'appelle le programme
Travail du sexe, qui existe depuis 1998 et qui permet parfois... ce n'est pas la clientèle visée, mais ça permet
parfois d'atteindre des personnes mineures, des garçons. Nous croyons que l'expertise de REZO permettrait
mieux de comprendre de quoi les garçons ont besoin pour être mieux
rejoints, en parlant directement avec des jeunes qui ont commencé le travail du
sexe avant d'avoir 18 ans.
Nous souhaitons également
vous prévenir que nous croyons que des programmes de prévention et de services élaborés sans la collaboration de survivants ou de
jeunes adultes qui font le travail du sexe seront assurément
inefficaces.
Ensuite,
la dernière question, c'était : Comment lutter contre la demande de
services sexuels dans la communauté LGBT?
Je voudrais rajouter la demande de services sexuels à l'égard des mineurs dans
la question parce que nous, en
ce qui concerne les demandes entre adultes, nous n'allons probablement jamais lutter contre la demande de services sexuels entre adultes parce que nous ne faisons pas l'amalgame
entre le travail du sexe et l'exploitation
sexuelle des mineurs et nous
sommes un organisme qui défend les droits de toute la communauté LGBT, y
compris les travailleuses et travailleurs du sexe.
Mais,
si on discute de la lutte contre la demande de services sexuels prodigués par
des mineurs, nous croyons qu'il est
grand temps que le discours public autour des personnes LGBTQ change
drastiquement et que ça fait partie du problème. Nous sommes encore victimes de préjugés qui justifient la violence à
notre égard, que ce soit l'idée que
les garçons sont capables de se
défendre ou que, s'ils ne sont pas capables, qu'ils méritent ce qu'ils
reçoivent, ou alors que la violence entre hommes est nécessaire, puisque
c'est comme ça que les hommes sont et c'est comme ça que les hommes
fonctionnent.
De
même, les personnes trans, hommes, femmes, ou non binaires, sont encore vues
comme des bêtes de cirque, voire des
objets desquels on peut se servir pour ensuite en disposer et dont personne ne
se souciera. Si on les considérait comme des humains, on ne les
traiterait pas de cette manière.
Les
filles lesbiennes subissent aussi des préjugés violents. Il n'y a
qu'un pas à faire entre : Ah! si seulement elle avait trouvé le bon
gars, elle ne serait pas de même, et : Je vais lui montrer, moi, c'est
quoi, une bonne graine.
Quant
aux personnes bisexuelles, dont je suis, nous ne sommes pas hypersexualisées,
comme on voudrait bien me le faire
croire, mais nous subissons l'hypersexualisation qu'on nous impose comme si
nous n'attendions que ça, le sexe, et surtout
le sexe où on est objectifiés dans une sexualité infinie où notre soif est peut-être
enfin étanchée. Mais, j'insiste, ce sont
les autres qui nous sexualisent, parfois au point où on finit par les croire et
que ça finit par faire partie de notre identité. Et je pense que ça, c'est un facteur de risque qui est généralisé pour
toute la communauté LGBTQ+. À force de subir un discours, on
finit par le croire.
Pour
finir, je veux dire que je n'ai pas vraiment parlé des personnes LGBTQ+ qui sont aussi
autochtones ou les personnes LGBTQ+
qui sont aussi racisées ou ethnicisées. Je sais qu'il y a
d'autres personnes qui vous en ont parlé, mais peut-être qu'elles n'ont pas
eu l'occasion non plus de parler de l'entrecroisement entre ces
identités-là. Mais, s'il y a
des facteurs de risque élevés pour les
personnes, les jeunes LGBTQ+, ces facteurs-là augmentent, évidemment,
lorsqu'il y a une intersection
de ces identités-là avec d'autres communautés qui sont marginalisées.
Je
veux vous recommander... Bien, je sais que vous allez entendre le PIAMP plus
tard. C'est une ressource qui nous est très précieuse dans la communauté
LGBTQ, même si ce n'est pas inscrit dans leur... je ne pense pas que c'est
inscrit dans leur mission qu'ils touchent les personnes LGBT, mais ils le font
et ils touchent les jeunes d'une manière très importante.
Aussi, REZO, je vous en ai parlé. Et je veux recommander aussi la lecture d'un
guide qui s'appelle Pratiques d'ouverture
envers les jeunes LGBTQIA2S en situation d'itinérance.
C'est un guide qui est destiné aux organismes d'aide en itinérance ou
qui oeuvrent auprès des personnes à risque d'itinérance. Et c'est un guide qui
est fait par la Coalition jeunesse LGBTQ+.
Je vais aussi,
évidemment, finalement mettre mon discours mais... mon mémoire, on va
l'envoyer, là, avant le 1er mars, et il
sera sans doute bonifié, là, par REZO, par la coalition. On avait manqué de
temps un petit peu. Ça fait
que, voilà, c'était ce que je voulais vous dire.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup pour votre présentation. On
va maintenant débuter une période d'échange avec les membres de cette commission. Mais, avant tout, je vais avoir besoin d'un consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à midi. Est-ce qu'il y a consentement?
Consentement, merci beaucoup. Alors, on va y aller avec une première question. Députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Mme... (Interruption) Excusez-moi. Moi aussi, j'ai de la misère avec ma
voix. Mme Boisvert, merci, merci
beaucoup. Votre témoignage apporte beaucoup
de points très intéressants à la réalité de la communauté LGBTQ+.
La première chose qui m'a
accrochée, vous avez beaucoup parlé, vous dites : On ne sait rien de
l'exploitation sexuelle des mineurs versus
la communauté LGBTQ+. Vous m'avez un peu devancée, là, j'avais déjà
demandé mon droit de question... Mais vous avez parlé d'une possible alliance
avec, entre autres, la Chaire de recherche sur l'homophobie
de l'UQAM. Parce que je pense qu'il va
falloir recueillir des données probantes, hein? Tout part de là. On a toujours
de la difficulté à avoir des données probantes en général, dans le domaine de l'exploitation
sexuelle, ce n'est pas facile.
Mais je comprends que, pour votre communauté, c'est quelque chose, là. Ce n'est
vraiment pas facile. Tout part toutefois de l'obtention,
au moins, d'une partie des données probantes. Est-ce que vous avez déjà eu
des discussions à cet effet-là avec la chaire? Est-ce qu'ils montrent de
l'intérêt? Parce que vous les avez mentionnés.
• (11 h 30) •
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Je vous
dirais que la chaire... Bien, j'en ai surtout parlé avec la coalition parce que je
sais que la coalition est vraiment débordée, là, puis qu'ils ont plusieurs projets en ce moment. Mais, non, la directrice
m'a bien dit que, tu sais, c'est sûr que, s'il y avait un mandat particulier, ils le prendraient parce que
c'est quelque chose qui touche leurs jeunes. Eux, ils ne font pas de l'intervention, mais ils sont un regroupement comme nous, là, dans le fond. Ça fait qu'il y a
quatre groupes jeunesse montréalais qui font partie de la coalition, puis, dans le fond, c'est vraiment leur espace de concertation, ça fait qu'ils
le savent, tu sais, c'est quoi, les besoins des jeunes LGBTQ+, à Montréal, du
moins.
Pour la chaire en général, pour l'avoir vécu
moi-même avec la chaire, tu sais, c'est déjà arrivé qu'un ministère demande un mandat particulier à la chaire. Il
s'allie... d'un partenaire communautaire, puis la recherche se fait. Mais,
tu sais, c'est tout fait en collaboration,
là. Puis, tu sais, je n'en ai pas parlé, mais je suis certaine qu'en fait,
probablement, ils me diraient :
Non, il n'y a pas de recherche là-dessus. Puis ils me diraient : On va
engager quelqu'un... Bien, s'ils ont de l'argent, là, ils vont engager
quelqu'un pour, tu sais, faire une revue de littérature puis, après ça, bien,
peut-être essayer de recueillir des données, là. Mais c'est sûr que ce serait
quand même un travail de longue haleine.
Mme Foster : Autre question. On est toujours dans la
concertation entre organismes. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus, qui nous ont parlé de cette
importance de la concertation. Vous, dans le cadre de vos activités
quotidiennes, là, quand vous avez vent ou
que vous êtes confrontés à des cas d'exploitation sexuelle, est-ce que vous
avez des liens avec d'autres organisations, des liens privilégiés de
concertation, en ce qui concerne cette problématique-là?
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Nous, au conseil, ça n'arrive pas, là. On n'a pas de
témoignages de jeunes qui arrivent chez
nous. Par contre, quand j'ai reçu l'invitation, j'ai tout de suite appelé la
coalition pour avoir, tu sais, de l'information supplémentaire sur comment eux, ils vivaient ça. Puis c'est là qu'on m'a
informée que, oui, des fois, il y a des jeunes en situation
d'exploitation qui viennent dans les groupes jeunesse, mais ils ne pourraient
pas en parler ou dénoncer parce qu'il y a vraiment
une relation de confidentialité, tu sais, entre l'intervenant puis le jeune.
Puis je ne pense pas que ce ne soit
jamais arrivé que ce soit des jeunes en bas de 16 ans, là, comme... Je
pense qu'il y a une espèce de flou dans la tête des intervenants sur s'ils doivent appeler la
protection de la jeunesse ou non, là, parfois. Mais c'est eux aussi qui m'ont
parlé qu'il y avait des liens, là, avec PIAMP. Ça fait que, tu sais, au moins,
là-dessus, je sais qu'ils ont certains liens.
Mais ils ont
toujours peur aussi de... Puis ça, c'est quelque chose qu'on voit chez les
adultes aussi, là, les groupes jeunesse
LGBTQ+, et tous les groupes LGBT, là, en fait, ont souvent peur de référer vers
d'autres organismes s'ils ne les connaissent
pas vraiment bien parce qu'ils ont peur que le jeune ou l'adulte subisse des
préjugés de la part d'intervenants qui
ne sont pas nécessairement formés sur les réalités LGBT. Puis, surtout, c'est
encore pire si c'est une personne trans non binaire. Ça fait que, tu sais, ça veut dire que peut-être que la
personne va être entendue sur sa situation d'exploitation sexuelle, mais va subir des préjugés par rapport à son
identité, le même genre de préjugé dont je vous ai parlé, puis être
revictimisée finalement, mais par un intervenant plutôt que par la personne qui
lui a fait subir de la violence, tu sais.
Ça fait que
ça veut dire que, quand il y a des liens qui sont créés, ils sont très
précieux, là, ces liens de concertation là. Et c'est pour ça que je vous
nommais, tu sais, PIAMP en particulier parce qu'eux, je sais qu'ils ont, tu
sais, des intervenants qui sont bien formés,
qui sont vraiment au fait, là, en fait, des besoins de la communauté LGBT, même
si ce n'est pas dans leur mission
comme telle. Ça fait qu'après ça, bien, il y en a sans doute d'autres, là,
c'est juste qu'on ne les connaît pas
tant que ça. Puis en fait sans doute que ce serait à creuser, là, pour voir
vraiment quelles ressources sont bien formées puis outillées, là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour partager avec nous vos réflexions.
Comme ma collègue, je note la carence en
termes d'études, de recherches. Et je pense que peut-être qu'on pourrait
essayer de stimuler cette
curiosité-là parce que ça m'apparaît important, pour la situation actuelle, de
la connaître, et aussi peut-être faire de la prévention pour plus tard.
Et les gens
de la fierté ne sont pas ici ce matin, mais ce que j'aurais aimé entendre
d'eux, c'est le fait que, quand l'événement
se tient à Montréal... Ça se tient à Montréal tous les ans. Il y a encore... Il
y a beaucoup, beaucoup de gens qui viennent de partout, et c'est
vraiment une grande fête et ça devrait être une grande fête. Ça ne devrait
peut-être pas être l'occasion, comme ce
l'est pour d'autres événements aussi, que des touristes sexuels viennent à
Montréal pour venir chercher ce
qu'ils recherchent. On a dit tout à l'heure de la chair fraîche, puis il y a
des gens qui vont venir juste pour ça, là, on le sait.
Et nous, ce
qu'on veut, c'est essayer de trouver le moyen de mettre au banc des accusés le
client et non pas la personne qui est
exploitée sexuellement. On veut comprendre sa réalité, on veut l'aider. Mais la
personne qui... Le client, depuis le début
de nos travaux, puis ça fait plusieurs fois que je le dis, les gens vont
trouver ici que je me répète, mais on dirait qu'il est vraiment en
dessous du radar, et on n'arrive pas à le saisir.
Vous avez parlé du vocabulaire aussi
qu'il faut maîtriser et vous avez mis aussi le doigt sur notre vocabulaire
à nous. Donc, merci de nous rappeler à l'ordre là-dessus. Je pense que c'est
important.
Dans
le cas... Je vais essayer de traduire ce qu'on nous a dit à un certain moment
pendant la commission. On nous a dit
qu'il y a des jeunes, de plus en plus de jeunes garçons, qui s'adonnent à la...
qui sont exploités sexuellement, et ils sont encore plus esseulés s'ils veulent se sortir de cet enfer-là. Et des
jeunes qui ont aussi passé à travers la transition peuvent être encore plus marginalisés, plus seuls, parce qu'ils
ne trouvent pas les ressources nécessaires pour se sortir de cet enfer-là.
Vous allez me dire que vous n'êtes pas une
spécialiste. Moi non plus, je ne suis pas une spécialiste. Mais mon
commentaire ce matin, c'est que vous nous
dites vraiment qu'il y a, je pense, un besoin de trouver un
partenariat avec une chaire de recherche ou qu'on ait des études plus
approfondies sur la situation. Il en existe certainement ailleurs dans le
monde, mais ici, au Québec ou à Montréal, on n'a pas cette réalité-là. On n'a pas la
connaissance suffisante pour arriver avec des recommandations qui
seront structurantes ou qui vont aider ces personnes qui sont victimes, ces
jeunes hommes ou jeunes femmes qui sont victimes d'exploitation sexuelle.
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Oui, exact,
vous avez pas mal mis le doigt dessus. Mais je pense que... Moi, ce que
je sais, du moins, de manière anecdotique,
là, c'est qu'aussi il y a... Quand l'exploitation commence dans
l'adolescence puis que... se poursuit
à l'âge adulte, souvent, elle va être détectée seulement à l'âge adulte, là,
puis que, si les personnes sont marginalisées
à l'âge adulte, tu sais, comme à 18, 19 ans, ça va être là que ça va être particulièrement difficile de les sortir parce
que, là, ils se sentent criminalisés, en fait, comme... Quand ils étaient
mineurs, ils étaient comme protégés par la loi, mais après ça ils se
sentent criminalisés, puis ça va mener parfois à des conséquences vraiment
terribles.
Je donne un exemple
d'une intersection, justement, d'être peut-être une personne trans et une
personne qui est immigrante. Si cette personne-là
fait du travail du sexe pour survivre, disons, à l'âge adulte, mais cette
personne-là ne pourra plus... Si elle
est criminalisée, si elle se retrouve avec un dossier criminel pas
nécessairement à cause du travail du sexe, mais parce qu'elle a des tickets
qu'elle n'est pas capable de payer, puis, tu sais, comme, en tout cas, pour
toutes sortes de raisons, ou pour entrave au
travail des policiers si jamais il y a une altercation, ce genre de chose là,
si cette personne-là est criminalisée,
elle ne recevra jamais sa citoyenneté. Et ça, ça veut dire qu'elle ne pourra
jamais changer ses papiers d'identité. Du
moins, à moins que la loi change, là, on le souhaite, là, mais les personnes
trans, actuellement, s'ils ne sont pas citoyens ou citoyennes, ne peuvent pas changer leurs papiers d'identité s'ils
font leur transition ici, là, au Québec. S'ils l'ont fait déjà, bien,
ça, ça ne change rien. Mais, s'ils arrivent puis ils transitionnent ici, bien,
ils ne peuvent pas changer leurs papiers d'identité.
Ça
fait que tout ça crée des situations de marginalisation. Puis je sais que, là,
on focusse sur les mineurs, mais, souvent, tu sais, ce mouvement-là vers le travail du sexe peut se faire à
l'adolescence. Et, quand ça se fait, bien, je pense que c'est d'autant
plus difficile de les sortir s'ils sont LGBTQ+ parce que le niveau de
marginalisation est très élevé, là. Tu sais, comme,
ils sont rejetés par leur famille. Ils sont rejetés par la société. Ils sont
criminalisés. Tout ça fait en sorte que, finalement, on a un peu
abandonné ces personnes-là.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. Merci, Mme Boisvert. Je pense que c'est important
de prendre en considération, dans notre
travail, cet aspect particulier, là, de votre réalité. Vous avez parlé,
d'entrée de jeu, que les jeunes de
votre milieu étaient dans différents réseaux, ils n'étaient pas dans le même
réseau que les autres, et qu'ils étaient dans des espaces spécifiques.
Pouvez-vous m'en dire plus? Dans quels réseaux? Comment ça s'articule?
• (11 h 40) •
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Oui. Je ne
peux pas vraiment vous répondre parce que c'est quelque chose
qu'on m'a dit, tu sais, qu'il existait des espaces spécifiques, finalement,
surtout pour les garçons, en fait, là, pour les jeunes adolescents, qu'ils soient... donc, qui sont... tu sais, offrent des
services sexuels ou, en tout cas, qui ont un réseau pour le faire à leur place. Mais je pense que, quand on
parle d'espace physique, on veut dire que les méthodes de sollicitation
ne sont pas les mêmes
puis qu'aussi on parle évidemment d'autres lieux que... Tu sais, je disais tantôt
la F1, là, mais, tu sais, on parle de
d'autres lieux aussi que... les bars de danseuses ou... tu sais, on parle de
saunas, on parle, tu sais, de bars gais, quoiqu'en tout cas je ne veux
pas trop généraliser non plus, là, sur les saunas.
Puis
l'affaire aussi, c'est que nos organismes, comme REZO, ils font de la prévention puis de l'intervention dans les saunas puis dans
les bars. Sans doute qu'ils n'ont pas assez de moyens, là, pour le faire de
manière plus soutenue, mais c'est quelque
chose qui se fait déjà puis il y a déjà de la prévention qui se fait à ce
niveau-là. Mais, tu sais, on n'a pas beaucoup d'information. Moi, je
n'ai pas beaucoup d'information sur exactement quels canaux de communication
sont utilisés, de quelle manière cette
exploitation-là est alimentée. Mais sûrement que REZO aurait plus
d'informations. Mais aussi, si on avait, bien, des données, là, comme...
on pourrait, là, peut-être vous répondre un petit peu mieux, oui.
Mme Guillemette :
Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. Député d'Ungava.
M. Lamothe :
Bonjour. Vous avez mentionné tantôt, pour les jeunes autochtones, votre
programme comme tel. Dans votre mission,
est-ce qu'il y a quelque chose de prévu? Y a-tu quelque chose de prévu dans le
sens... Bien, je reviens au Nunavik
parce que je travaille là, là. Ce n'est pas facile là-bas, ce n'est pas
évident, là, pour les personnes qui sont gaies, mais vraiment pas. Ça fait que ma question, c'est de savoir y
a-tu quelque chose, y a-tu une avenue ou bien y a-tu... Avez-vous
quelque chose en prévision?
Mme Boisvert (Marie-Pier) :
En fait, tu sais, j'ai mentionné qu'il y avait des enjeux particuliers, parce
que, dans les recherches qu'on fait sur les adultes, on essaie... En
fait, il y a un projet qu'on est en train de mettre en place actuellement qui concerne aussi les communautés
autochtones, mais c'est vraiment pour les adultes. Puis donc on a des partenariats avec certains groupes autochtones.
Mais, pour les jeunes, on ne sait vraiment pas grand-chose. Puis je
dirais aussi que la communauté LGBT, en général, on est un peu au point zéro,
là, dans les relations avec les communautés autochtones
parce qu'enfin il y a toutes sortes de préjugés d'un bord et de l'autre, là,
mais surtout de notre bord, envers les communautés
autochtones. On a longtemps été plein de préjugés, tu sais, la communauté, pas
moi, heureusement. Mais tout ça pour
dire que, comme, on est au point zéro, tu sais, on est surtout dans la création
de relations, de partenariats, puis on n'est
pas encore dans la prévention, tu sais, les campagnes de sensibilisation, ce
genre de chose là. On est vraiment juste comme dans un point de créer
des liens, là, oui.
M. Lamothe :
...quand j'ai mentionné jeunes, c'est jeunes, jeunes adultes puis adultes
aussi, là. Ce n'est pas...
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Bien, ça, c'est quelque chose qu'on est en train de
bâtir actuellement. Puis je sais aussi
qu'il y a une recherche qui est en train de se faire, par un professeur qui
s'appelle Gilbert Émond, sur les communautés autochtones au Québec qui sont aussi LGBTQ+, mais on les appelle souvent
«two-spirit» ou bispirituelles. C'est comme être à la fois autochtone et LGBT. C'est comme un mot pour désigner les
deux. Donc, je sais que cette recherche-là va sortir éventuellement, là. Ça fait déjà deux ans qu'elle
est en cours. Ça fait que ça, on aura plus d'informations là-dessus. Ça,
c'est une recherche plus générale, je dirais, sur les besoins des communautés
autochtones.
Nous,
le projet qu'on est en train de mettre actuellement est implanté ici, à
Montréal, en Montérégie, en Abitibi puis sur la Côte-Nord. Et, dans les quatre régions, on a des partenariats
avec des communautés autochtones locales. Puis le but... En fait, le
projet est sur les violences sexuelles en général, là, envers les adultes.
Donc, on va essayer d'avoir des survivants,
survivantes, voyons, autochtones, mais aussi de d'autres cultures, de
d'autres... voilà, pour en savoir plus sur comment, en fait, elles ont
été soutenues par leur milieu.
M. Lamothe : Vous avez nommé différentes régions. Ungava,
c'est près de 50 % de la population autochtone au Québec.
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Oui. On a un financement spécifique pour ces quatre
régions, mais sauf qu'on a décidé de
choisir des régions où est-ce qu'il y a aussi des organismes LGBT, puis je
pense que, dans votre région, il n'y en a pas. Éventuellement, ça s'en
vient.
M. Lamothe :
Un petit peu d'initiative d'en créer une, peut-être?
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Oui, bien oui.
M. Lamothe :
C'est bon. Merci.
Mme Boisvert
(Marie-Pier) : Merci beaucoup, en tout cas. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. Merci
pour votre contribution à nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 13 heures. Merci infiniment. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 45)
(Reprise à 13 h 2)
Le Président
(M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle
des mineurs reprend ses travaux au Centre Pierre-Charbonneau, à Montréal.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien fermer la
sonnerie de leurs appareils cellulaires, s'il vous plaît.
Cet après-midi, nous
entendrons en audition conjointe les représentants du Projet d'intervention
auprès des mineur-e-s prostitué-e-s, le
PIAMP, et les représentants de l'organisme chez Stella. Alors, la façon de fonctionner, il va y avoir deux présentations de
15 minutes pour chacun des organismes qui sont ici, et par la suite il y aura
une période d'échange avec les membres de la commission pour une période de
30 minutes.
Alors, j'inviterais
les gens de chez Stella à se présenter, à nous faire leur présentation pendant
une période de 15 minutes. Merci d'être avec nous.
Stella, l'amie de Maimie
et Projet d'intervention
auprès des mineur-e-s prostitué-e-s (PIAMP)
Mme Wesley
(Sandra) : Bien, en fait, c'est les gens du PIAMP qui allaient
commencer, oui.
Le Président
(M. Lafrenière) : Ah! c'est le PIAMP en premier? Pardon. Parfait.
Alors, je recommence mon laïus. Alors, pour
les gens du PIAMP, merci d'être avec nous, je vous laisse vous présenter, nous
faire votre présentation pour une période de 15 minutes. Merci
beaucoup d'être là.
Mme Bombardier
(Mathilde) : Merci. Bonjour.
Je suis Mathilde Bombardier, présidente du PIAMP. J'utilise le pronom «elle». Et je suis accompagnée de Karl
Beaulieu, intervenant au PIAMP, et de Stéphanie Gingras Dubé,
nouvellement coordonnatrice de l'organisme.
Tout d'abord, nous souhaitons reconnaître que la commission parlementaire où
nous nous exprimons aujourd'hui prend
part en territoire autochtone non cédé. Nous reconnaissons la nation
Kanienkehaka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles nous nous réunissons aujourd'hui. Montréal
est historiquement reconnue comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses premières nations, et aujourd'hui des populations autochtones diversifiées ainsi que d'autres peuples y résident. C'est dans le respect des liens avec
le passé, le présent et l'avenir que nous reconnaissons les relations
continues entre les peuples autochtones et autres personnes de la communauté
montréalaise.
Il est important
de nommer que les personnes concernées, les jeunes, ne se reconnaissent pas toujours
dans les termes utilisés dans cette commission, et c'est pourquoi le
PIAMP préfère utiliser des termes neutres et sans jugement, tels qu'«échange de services sexuels contre toute forme
de rémunération». Les mots «victime»
et «exploitation sexuelle» évoquent des
réalités existantes, mais toutes les expériences en lien avec l'échange de
services sexuels ne peuvent et ne doivent en aucun cas être résumées
dans ces termes qui sont idéologiquement marqués.
Afin d'avoir
une approche respectueuse des jeunes, il est essentiel et important
de les considérer comme des personnes à
part entière et utiliser un vocabulaire adéquat. Vous l'aurez compris, lors de
cette présentation, nous ne parlerons pas de victimes d'exploitation
sexuelle, mais de jeunes qui
échangent des services sexuels, afin de dresser un portrait au plus près
des réalités vécues par ces jeunes dans une approche respectueuse.
Les deux questions
suivantes nous ont été posées : Quels sont les leviers pour contribuer à
la sortie? Y a-t-il des profils de victimes plus difficiles à rejoindre?
Et comment les services destinés aux victimes pourraient-ils être adaptés
pour mieux les rejoindre? Lors de notre
présentation, nous n'allons pas aborder les leviers de sortie pour les jeunes,
puisque notre approche ne s'inscrit pas dans ce sens. En ce qui concerne
les profils de victimes difficiles à rejoindre et les approches à privilégier, nous allons aborder les pratiques
d'intervention que nous considérons comme étant adaptées et
efficaces dans l'optique de répondre aux besoins de ces jeunes, peu
importe quels sont cesdits besoins.
Organisme par et pour, le PIAMP a été créé en 1982 par des
jeunes de 12 à 25 ans qui échangent des services sexuels, afin de répondre à leurs besoins réels. L'organisme
se démarque des discours réduisant les jeunes au statut de délinquants
ou de victimes. Fort de sa connaissance du terrain, il adopte une démarche d'intervention
permettant de mettre en avant le libre arbitre des jeunes.
Soucieux de
rester au plus proche des réalités vécues, le PIAMP s'est adapté. Il sonde régulièrement les évolutions des échanges
de services sexuels par les jeunes. Par
exemple, en 2004, l'organisme fait le
constat qu'il est de plus en
plus difficile d'entrer en contact avec de
jeunes mineurs qui échangent des services sexuels dans un contexte de travail
de rue. Le PIAMP décide alors de réinvestir des milieux tels que les
maisons de jeunes, les écoles, les organismes pour saisir les nouvelles réalités des jeunes. À partir de
2008, le PIAMP s'engage sur Internet et les médias sociaux pour compléter
ses stratégies d'intervention. En 2015, deux
assemblées internes d'orientation font ressortir quelques constats : la
gentrification des quartiers urbains
provoque la dispersion de la marginalité; les pratiques sur Internet sont
largement utilisées; en
général, sur le terrain, des services
ponctuels et répétitifs sont offerts aux jeunes, mais il n'y a
pas d'accompagnement régulier; utiliser les termes «exploitation
sexuelle» et «victimes» occulte certaines réalités relatives à la prostitution.
Ces constats
nous amènent à multiplier les démarches pour créer et consolider des liens avec
les partenaires et les jeunes en
privilégiant une approche de proximité de
façon à être au plus près des réalités des jeunes. Malgré les
changements de contexte du phénomène, notre objectif demeure de travailler avec
l'humain dans un échange horizontal, réflexif et dynamique, hors de tout contexte autoritaire. Nous voulons faire en
sorte que le ou la jeune participe à la définition de sa propre situation. L'important et ce qui guide nos
actions, c'est de sortir de la dimension morale, de ne pas se demander
s'il est moralement correct ou non
d'échanger des services sexuels. Il est essentiel de centrer notre approche et
nos interventions sous l'angle des jeunes et de leurs besoins exprimés.
Le terme
«exploitation sexuelle» est utilisé de diverses manières, tantôt pour la
coercition sexuelle, tantôt pour des échanges
consentis. Oui, la coercition sexuelle existe mais ne correspond pas au vécu de
l'ensemble des jeunes. Tous ne se considèrent
pas comme victimes. La société leur enlève leur pouvoir d'action et reproduit
sur elles l'oppression patriarcale, qui,
sous prétexte de protection des personnes, en vient à les opprimer. Les jeunes
qui échangent des services sexuels ont des besoins qui ne sont pas assez adressés et pris en compte : besoin
de plus de ressources, besoin d'accès à ces ressources, besoin d'être reçus sans être jugés, de pouvoir parler de
leur vécu sans que des personnes les poussent dans une direction
qu'ils/elles ne veulent pas prendre, d'être compris/comprises dans leurs choix
sans être rejetés.
Nous reconnaissons, en fonction de ce que les
jeunes nous partagent, que les échanges de services sexuels peuvent engendrer de l'aliénation et avoir des
impacts négatifs dans certaines situations. Mais l'aliénation peut aussi
exister hors de tout contexte d'échange de
services sexuels. De plus, l'échange de services sexuels peut également être
une source d'émancipation, qu'elle
soit matérielle ou affective, et peut procurer aux jeunes une validation et une
reconnaissance de soi en leur donnant un pouvoir d'action sur leur
propre vie.
Ainsi, il
existe autant de réalités que de jeunes qui échangent des services sexuels. Les
aborder de manière unique, c'est nier tous ces chemins de vie.
Sommes-nous capables, en tant que société, de dépaternaliser notre vision et de
concevoir la sexualité des jeunes hors de tout contexte d'exploitation?
Le
PIAMP reconnaît les jeunes en tant que personnes ayant un pouvoir d'agir qui
peuvent avoir accès à une sexualité épanouie,
libre et consentie, et ce, même en contexte d'échange de services sexuels. Nous
souhaitons que les besoins des jeunes soient pris en compte dans leur
diversité, sans jugement, dans une approche humaniste. L'important, dans un contexte d'échange de services sexuels, c'est que
les jeunes soient outillés, quelle que soit leur situation. Notre rôle
est de faire connaître des ressources
adaptées à leurs besoins actuels afin qu'ils/elles fassent des choix éclairés.
Nous intervenons dans
une approche nuancée en tenant compte de l'ensemble des réalités de ces jeunes.
Nous ne pensons pas à leur place et nous ne leur imposons pas notre
vision de leur situation. Les jeunes sont experts de leur vécu.
Vous
nous avez questionnés sur les manières de faire sortir les jeunes des échanges
de services sexuels. Pour le PIAMP,
ce n'est pas un objectif d'intervention premier. La porte de sortie est un
processus que les jeunes peuvent choisir d'entreprendre et dans lequel
notre rôle est de les accompagner s'ils font ce choix-là.
• (13 h 10) •
Considérant
que les jeunes sont les experts de leur propre situation et qu'ils/elles sont
capables de faire des choix sensés et
responsables; considérant que n'importe quel jeune a le droit au respect et à
la bienveillance, peu importent ses activités;
considérant qu'une approche visant directement une porte de sortie pour les
jeunes peut briser le lien de confiance avec ceux-ci et ne pas prendre
la globalité de leurs besoins en compte; considérant que la coercition et les
agressions sexuelles sont une réalité sur
laquelle nous nous devons d'agir, tout en acceptant que toute situation
impliquant de l'échange de services sexuels n'en est pas
automatiquement; considérant que la stigmatisation de n'importe quel groupe social
n'amène qu'à le marginaliser davantage et le
mettre en danger; considérant l'importance de répondre aux besoins des
jeunes, quels qu'ils soient; considérant que l'idée de prendre des
décisions en parlant d'un monde utopique est contre-productive et non représentative
de la réalité, stigmatise, exclut et marginalise les jeunes; nous recommandons
que les ressources qui répondent aux
besoins des jeunes en leur accordant un pouvoir d'action soient mieux
financées; que les personnes concernées
par les échanges de services sexuels ainsi que les organismes qui travaillent
avec ces personnes soient davantage consultés
et que ces personnes soient mises au coeur de tout processus décisionnel; que
les jeunes soient représentés dans des
institutions et dans les instances décisionnelles et qu'ils/elles y soient
écoutés et non infantilisés; de considérer les jeunes non pas comme des êtres soumis à leurs pulsions ou
incapables de prendre des décisions, mais comme des personnes avec un pouvoir décisionnel; que la généralisation
d'une seule réalité et le sensationnalisme associé aux échanges de
services sexuels chez les jeunes ne prennent
pas le dessus sur les besoins réels d'intervention de ces jeunes; la protection
des jeunes ne soit pas un prétexte à
la répression et l'enfermement des jeunes; que des cours d'éducation à la
sexualité traitant des thèmes comme
le consentement et les relations interpersonnelles saines soient créés et
donnés aux jeunes afin de les outiller et
de leur donner le pouvoir d'agir nécessaire pour prendre des décisions
éclairées; que toute personne intervenant avec des jeunes prenne le temps de s'informer sur toutes
les réalités entourant les échanges de services sexuels afin d'intervenir
de la meilleure des manières pour le jeune; que toute personne intervenant avec
des jeunes accompagne ceux-ci dans l'identification de leurs besoins, plutôt
que d'être dans l'imposition d'une vision paternaliste.
Afin
de conclure notre prise de parole, nous aimerions vous questionner à notre
tour. Le PIAMP félicitait a priori la tenue
d'une telle commission, l'exploitation et la coercition sexuelles étant un
enjeu de société grave contre lequel nous nous devons collectivement d'agir. Or, les propos stigmatisants qui ont
été tenus à l'encontre des jeunes qui échangent des services sexuels sont problématiques. Comment
pensez-vous que se sentent les jeunes qui échangent des services sexuels
hors de toute forme de contrainte, alors que vous parlez d'elles et eux comme
de pauvres victimes à sauver?
En
tant qu'organisme inclusif de première ligne nous déplorons également le fait
que les personnes concernées soient sous-représentées lors des
auditions. Ce choix regrettable biaise le processus même et transforme une
opportunité de consultation réelle en un théâtre mal rodé dans l'entre-soi des
personnes non concernées. Alors, donnons la parole aux personnes concernées qui vivent les échanges de services sexuels au
quotidien. Considérons ces jeunes comme des êtres humains qui ont des droits, et cela commence par
mettre de côté les visions paternalistes et moralisatrices que prônent
les discours abolitionnistes.
Maintenant,
nous souhaitons nous adresser aux jeunes qui échangent des services sexuels,
qui écoutent ou non cette prise de
parole : Vos besoins sont réels, vous méritez d'avoir accès à des
ressources qui sont sans jugement et à être respectés quelle que soit votre situation. Pour cela, le
PIAMP peut vous accompagner. Vous pouvez nous appeler, nous sommes là
pour vous. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. J'invite ensuite la représentante
de chez Stella à se présenter et à nous faire son exposé. Merci.
Mme Wesley (Sandra) : Alors, bonjour. Mon nom est Sandra Wesley, je
suis directrice générale de Stella, l'amie de Maimie. Donc, le nom de
l'organisme, c'est bien Stella, l'amie de Maimie, et non pas chez Stella. Ça
fait référence à Maimie Pinzer, une travailleuse du sexe qui, en 1915, est
arrivée à Montréal, dans le Red Light, et a ouvert le premier organisme par et pour les travailleuses du sexe,
qui est reconnu comme un moment important dans l'histoire de la lutte
pour les droits des travailleuses du sexe partout dans le monde. Donc, notre
nom fait référence à ça.
Nous,
notre mission, c'est d'améliorer les conditions de vie et les conditions de
travail des travailleuses du sexe. Donc,
ce qu'on entend par «travailleuses du sexe»... Parfois, il y a des idées
préconçues de qui on est en tant que communauté. Donc, nous, notre communauté a toujours inclus, dans nos 25 ans, les
femmes trans, les femmes qui consomment des drogues, incluant les drogues par injection, les femmes en
situation d'itinérance, les femmes migrantes, qui sont à risque de
déportation si elles se retrouvent dans l'industrie du sexe, les femmes
autochtones, qui sont souvent utilisées comme pions dans des arguments publics
mais dont les besoins ne sont pas tenus compte.
On
est beaucoup des femmes qui ont vécu des expériences très difficiles et très
négatives dans l'industrie du sexe, c'est
pour ça qu'on s'organise et qu'on se bat pour nos droits. Ce n'est pas parce
qu'on pense que l'industrie du sexe est parfaite, c'est, au contraire, parce qu'on voit que nos droits humains
ne sont pas respectés et qu'on est, nous, les personnes premières
concernées, capables d'identifier les solutions pour améliorer nos conditions
de vie, améliorer notre sécurité et faire valoir nos droits.
Notre organisme fait en moyenne
8 000 contacts par année avec des travailleuses du sexe à Montréal.
Donc, la défense de droits est un élément de
notre mission, mais l'élément principal, c'est vraiment les services directs.
Donc, tous les
jours, on accompagne des femmes qui vivent toutes sortes de situations et qui
rencontrent des barrières à tous les niveaux. Au niveau des
travailleuses du sexe, le travail du sexe est criminalisé, donc ça, déjà, ça
nous bloque dans beaucoup de démarches dans
nos vies. On n'a pas normalement accès à la protection au niveau des services
policiers. La plupart des ressources,
au niveau des agressions sexuelles, sont ouvertement hostiles envers les
travailleuses du sexe, et ils refusent de nous donner des services
adéquats. Les refuges, au niveau des violences conjugales, sont généralement
également très hostiles envers les
travailleuses du sexe, et on n'a pas accès à ces ressources. Et on peut
continuer comme ça par rapport à la santé,
par rapport à toutes les ressources dans la société. On peut même être évincées
de nos logements simplement parce qu'on reçoit des clients à la maison.
Donc, la criminalisation est vraiment un élément central sur lequel on
travaille chez Stella.
Donc, on est un organisme par et pour. Ce que ça
veut dire, c'est que nos employés, nos membres, notre conseil d'administration, nous sommes à très, très grande
majorité des travailleuses du sexe nous-mêmes avec des vécus différents,
des vécus variés dans l'industrie. Donc,
nous sommes les personnes qui sont directement concernées par cette
commission. Nous sommes la seule communauté
qui est directement concernée par cette commission. Donc, pour nous, le fait
d'avoir seulement 15 minutes pour venir vous
parler pendant que des personnes qui ne sont pas de notre communauté, mais
qui se sont fait des carrières et beaucoup
d'argent sur notre dos en parlant de nous sans nous, c'est vraiment quelque
chose qui est problématique. Si vous
voulez faire une commission sur les jeunes qui échangent des services sexuels,
eh bien, ces jeunes-là font partie de notre communauté aussi.
Donc, moi, je
suis la directrice générale de l'organisme, et c'est important de vous
mentionner que j'ai moi-même vécu, en
tant que mineure, dans l'industrie du sexe, puis également des longues périodes
d'incarcération en centre jeunesse à cause de mon implication dans
l'industrie du sexe. Donc, je pense que c'est important de vous mentionner que
je suis, en théorie, une des personnes que vous cherchez à sauver ou à aider
dans cette commission.
Donc, si on
écoute la commission depuis le début, ses membres puis les médias aussi qui
rapportent des informations là-dessus,
on croirait que la moitié des travailleuses du sexe sont mineures, que l'âge
moyen où on commence à faire le travail
du sexe, c'est 14 ans, que 80 % ont commencé quand ils étaient
mineurs. Donc, c'est des choses qu'on entend répéter partout et qui sont
évidemment très problématiques. On entend aussi qu'on est probablement des
femmes pas très, très intelligentes, on est
facilement manipulées, on n'a pas beaucoup d'estime de soi ou de capacité
d'action. Et, si ce n'était pas d'un
homme qui nous manipule, généralement un homme noir, parce qu'il y a beaucoup
de racisme également dans ce discours-là, eh bien, on ne ferait jamais
ça parce qu'on est des bonnes petites filles autrement.
Donc, c'est
quelque chose qui, évidemment, est très violent à entendre pour les personnes
directement concernées. Et, pour
nous, c'est clair que, si la commission entend réellement adresser des enjeux
qui sont liés aux personnes de moins de
18 ans qui vendent ou échangent des services sexuels, il faut commencer
par avoir une certaine rigueur intellectuelle, une certaine honnêteté et
vraiment être critique des choses qui sont répétées constamment et qu'on
entend.
Donc, nous,
comme je disais tout à l'heure, on fait environ 8 000 contacts avec
les travailleuses de sexe dans tous les
milieux de l'industrie du sexe, partout. Il n'y a pas une deuxième industrie du
sexe juste pour les mineurs qui existe, on voit tout le monde dans toute
l'industrie. Et, à chaque année, le pourcentage de femmes de 19 ans et moins
que l'on rencontre, c'est environ 0,5 %
de nos contacts. Et je parle de 19 ans et moins, donc ça inclut celles de
18 et 19 ans également. La
réalité, c'est que des mineurs dans l'industrie, c'est très rare, et ça, on
peut le démontrer simplement avec l'ampleur de la répression policière contre l'industrie, l'ampleur des visites
policières dans le milieu de travail. C'est extrêmement rare qu'on
trouve réellement des mineurs dans ces milieux-là.
La réalité, c'est que la majorité des
travailleuses du sexe qu'on rencontre sont dans la trentaine, dans la
quarantaine. On a des femmes aussi dans la soixantaine, 70 ans et plus,
puis, évidemment, des femmes dans la vingtaine également en assez grand nombre. On est par contre toujours
infantilisées. On peut être dans la fin de la trentaine, on va encore parler de nous comme des filles et puis
chercher toujours à nous percevoir comme plus jeunes qu'on est vraiment.
On va même parfois entendre des personnes
parler de nous, si on a commencé quand on était mineur, qu'on ne devient
jamais des adultes parce que notre développement est sûrement compromis et
qu'on ne peut pas être pris au sérieux comme si on était des adultes.
Donc, il n'y a pas de chiffre, en fait, sur la
proportion réelle des femmes qui ont commencé quand elles étaient mineures parce que c'est impossible d'avoir ces
chiffres-là. Et, si quelqu'un vous donne des chiffres, c'est basé sur
n'importe quoi, et les seules personnes qui
auraient même de l'argent pour faire ce genre de recherche là, c'est des personnes
qui n'ont aucun contact réel dans la
communauté. Donc, ça, il faut laisser tomber cette idée-là qu'on va avoir des
chiffres. Il n'y en a pas.
Par contre,
ce qui est clair, c'est que les cas réels n'ont pas grand-chose à voir,
généralement, avec la mythologie qui est répétée constamment dans les
médias puis dans les endroits comme cette commission-ci. Les personnes qui échangent des services sexuels, on le fait parce
qu'on a besoin d'argent généralement. Donc, ça implique des jeunes qui doivent quitter leurs milieux parce qu'ils sont
trans, ils habitent dans des régions, ils se font mettre dehors par leurs
familles, qui arrivent en ville et qui ont besoin de trouver de l'argent pour
survivre, pour dormir quelque part ce soir, pour avoir quelque chose à manger.
• (13 h 20) •
On parle de
jeunes autochtones, de jeunes racisés qui sont retirés de leur famille par le
système de DPJ extrêmement raciste et
colonial qui empêche les parents autochtones d'élever leurs enfants, et qui se
retrouvent dans des situations extrêmes de vulnérabilité, de pauvreté extrême dès un très jeune âge, et qui vont
échanger des services sexuels, encore une fois, pour survivre, pour
avoir une place où dormir, pour pouvoir manger, pour avoir une place où dormir,
pour pouvoir manger, pour avoir un petit espoir quelque part de se sortir de
cette pauvreté-là.
On parle
aussi de jeunes qui consomment des drogues puis dont la consommation de drogues précède longuement toute
implication dans l'industrie du sexe. Et puis ces jeunes-là n'ont pas de
soutien réel. On est dans une crise de surdoses où plus de gens au Canada meurent de surdose
qu'au haut de la crise des morts, au
niveau du sida, dans les
années 90. Et il n'y a pas de soutien réel pour les jeunes. Donc, les
jeunes sont dans des situations de
plus en plus précaires s'ils
consomment des drogues. Et tout ce qu'on leur offre, c'est l'abstinence seulement
ou de les enfermer quelque part pour éviter qu'ils consomment. Donc, ces jeunes-là ne sont pas rejoints, ne se
reconnaissent aucunement dans les
discours dominants et ne se sentent pas non plus être les personnes qui
sont concernées par une commission comme celle-ci.
Donc, par
contre, l'ensemble de la communauté des travailleuses du sexe, généralement
adultes, nous vivons les impacts
quotidiens de cette obsession, de cette fascination-là avec la possibilité
qu'il y aurait beaucoup de mineurs dans l'industrie du sexe. Toutes les opérations de répression policière dans
les dernières années sont axées sur cette idée qu'on cherche des mineurs
dans nos milieux de travail. On parle de choses horribles comme cet été, quand
des policiers ont envahi tous les bars de
danseuses et plusieurs salons de massage à Montréal pour aller faire un
inventaire des «tattoos» et des
piercings des travailleurs du sexe en nous disant que : Bien, quand on va
te trouver morte, on pourra identifier ton corps. Et l'excuse qu'on donne pour ce genre de
comportement complètement inacceptable, c'est : Bien, on cherchait des
mineurs dans ces clubs-là.
L'opération
RADAR, qui encourage tous les hôtels et tous les gens de l'industrie du
tourisme et du transport de dénoncer
les travailleuses du sexe à la police, depuis cet été, est encore une fois avec
l'excuse de : Bien, on cherche des mineurs dans l'industrie du sexe. Par contre, c'est les travailleuses du
sexe adultes qui vivent les conséquences de ça. Et, dans un pays où on a un tueur en série, à
Vancouver, qui a tué près d'une centaine de travailleuses du sexe, c'est
inacceptable qu'on n'a pas encore compris que la répression policière contre
l'industrie du sexe nous tue, la répression policière nous met en danger, ça
brime nos droits humains. Et cette excuse-là de chercher des mineurs n'est pas
suffisante pour brimer nos droits.
Donc, pour
revenir aux statistiques, je vous ai fourni une petite bibliographie. On vous
fournira les documents plus détaillés
plus tard. Mais je vous invite à lire ces documents, notamment le brief de John
Lowman, qu'il avait déposé au Sénat lors des auditions sur la
loi C-36. Donc, ça vous détaille assez clairement pourquoi cette idée-là
que l'âge moyen d'entrée serait 14 ans
est absurde. Donc, s'il y en a d'entre vous qui ont un minimum de connaissances
statistiques, vous pouvez très facilement voir que, pour avoir un âge
moyen de 14 ans, il faudrait vraiment, là, une armée de très jeunes enfants travailleuses de sexe pour chaque femme de
60 ans qui commence à vendre des services sexuels parce que sa
pension n'est pas suffisante pour survivre.
Donc, c'est absurde. On le sait que c'est absurde. John Lowman vous explique un
peu d'où viennent ces chiffres-là qui sont répétés sans cesse comme s'ils
étaient des faits.
Et donc vous
avez besoin d'être plus responsables et d'arrêter de répéter des choses comme
ça qui ne sont basées dans rien de
concret. Donc, également, donc, il y a d'autres chiffres qui sont répétés. Si
vous n'avez pas une source vraiment claire et réelle pour citer des
chiffres, il faut arrêter de le faire. Ça cause du tort quotidien à toutes les
personnes dans l'industrie du sexe, particulièrement aux jeunes.
Une autre
chose qui est vraiment importante, c'est : Il faut être critique des
prises de parole que vous entendez. La majorité des personnes que vous avez
entendues jusqu'à maintenant ont ouvertement comme objectif d'éliminer toute l'industrie du sexe, donc d'éliminer les adultes
qui échangent des services sexuels, de nous éliminer, les travailleuses
du sexe. Donc, ces personnes-là, évidemment,
il faut être très critique de toute prise de parole sur les jeunes. Parce que
c'est une stratégie qui est très claire dans
les dernières années. Ces groupes-là, qui sont très idéologiques, se sont
rendus à l'évidence que le public au
Québec, au Canada, n'est pas intéressé à la répression contre les adultes dans
l'industrie du sexe et que la seule
façon de convaincre la population de soutenir des opérations qui briment nos
droits, c'est en justifiant qu'on serait toutes mineures ou qu'on serait toutes des victimes de traite humaine.
Donc, s'il y a cette idéologie-là qui est la force derrière des paroles
que vous entendez, il faut en être critique.
Donc,
maintenant, pour parler des besoins réels des jeunes, donc, notre impression,
quand on est des jeunes qui sont dans
ces situations-là, c'est que le système ne s'intéresse pas à nos besoins, à nos
conditions de vie, à notre bonheur, à notre bien-être, qu'on peut être pauvres, on peut être dans la rue, on peut
être éduqués dans la province en Amérique du Nord qui a le plus bas taux de graduation secondaire, on
peut vivre de la violence à la maison où ailleurs, on peut n'avoir aucune
idée claire de qu'est-ce qu'on va avoir comme futur, tout ça, c'est correct, en
autant qu'on n'est pas en train d'avoir des relations
sexuelles contre de l'argent. Et le focus n'est pas d'améliorer nos vies, c'est
de s'assurer qu'on n'ait plus aucune relation
sexuelle contre de l'argent. Et ça, c'est quelque chose qui est très difficile
à vivre, qui est très déshumanisant
et qui vient recentrer tous nos problèmes
non pas sur la complexité de nos vies, mais sur un élément qui, souvent, est
quelque chose qu'on fait par survie.
On le fait parce qu'on a un problème et on a besoin de le régler. Pourtant, il
n'y a personne qui veut vraiment s'adresser au vrai problème.
Ensuite, un
autre élément. Donc, il y a une commission actuellement qui regarde la
DPJ, et puis, donc, dans cette commission-là,
il y a de nombreux témoins qui témoignent comme quoi la DPJ peut nuire beaucoup
plus qu'elle aide. Et c'est vrai également dans le cas de jeunes qui échangent des
services sexuels contre de l'argent ou toute autre chose. Donc, dès qu'une jeune expérimente avec le travail du
sexe ou même elle y pense, elle montre un petit intérêt, elle part en
fugue, on assume que c'est ça qu'elle veut
faire, donc on l'enferme dans un centre jeunesse, souvent jusqu'à ses
18 ans, souvent sans aucune
façon de sortir sans embarquer dans tout un discours qui ne la rejoint pas du
tout. Donc, on veut que nos jeunes soient
fortes, soient indépendantes, soient autonomes, par contre, on les traite comme
si elles n'ont aucune capacité d'agir et aucune capacité de prendre des
bonnes décisions pour elles, puis on les enferme à la place. Le message qu'une
jeune qui était tentée par l'industrie du sexe reçoit quand elle se fait
enfermer en centre jeunesse, c'est que, oui, la coercition et la forcer à faire
des choses, c'est quelque chose qui est normal et acceptable dans notre
société.
Ensuite, un
autre élément vraiment central qui n'est pas adressé suffisamment, c'est la
criminalisation du travail du sexe.
C'est le facteur central, primordial qui facilite l'exploitation dans
l'industrie du sexe, l'exploitation à tous les niveaux mais incluant
auprès des mineurs.
Donc,
nous, les travailleuses du sexe, nos clients, nos collègues de travail, on n'a
aucun droit, aucune protection au niveau des normes du travail, aucun
recours réel lorsque nous vivons de la violence. Puis on vit dans une société
qui a choisi comme objectif de nous éliminer
plutôt que de nous donner des droits. Et donc c'est sûr que ça créé un climat
qui est très favorable à l'exploitation, lorsqu'en tant que travailleuse du
sexe on n'a aucun recours. Eh bien, une personne qui cherche à exploiter quelqu'un d'autre va cibler ces endroits-là où des
personnes se retrouvent sans protection au niveau des lois. Si un client
risque de se faire arrêter s'il rapporte une situation problématique à la
police, eh bien, ça devient très difficile d'agir.
Puis, dans
les faits, il n'y a personne dans l'industrie du sexe, à aucun niveau, qui veut
des mineurs dans l'industrie. Au
contraire, les mineurs qui arrivent à travailler dans l'industrie,
généralement, elles sont très créatives, elles ont toutes sortes de façons d'avoir des fausses cartes et de toutes
sortes de choses pour convaincre les employeurs dans l'industrie
qu'elles ont vraiment plus que 18 ans.
Et, dès que quelqu'un est découvert comme mineur, eh bien, elle ne peut pas
continuer à travailler. Ce n'est pas quelque chose qui existe dans la
vraie vie, dans l'industrie du sexe.
Donc,
évidemment, dans les faits concrets, ce qui arrive, c'est que, quand nous, dans
l'industrie, si on est adulte dans l'industrie
et qu'on voit une personne en détresse, on voit une personne qui a des besoins,
eh bien, c'est nous qui allons l'aider, c'est nous qui allons trouver des façons de lui venir en aide. Puis
quand on sait que, si on utilise l'État, que si on appelle la police, que si on implique la DPJ, que si même on
accompagne cette jeune-là pour faire ces démarches-là elle-même, ce qui va arriver, c'est que nous, nos collègues de
travail, nos clients vont se faire arrêter, qu'on va perdre notre source
de revenus, ça devient très difficile d'offrir de l'aide concrète à ces
personnes-là.
Une fois que le
travail du sexe sera décriminalisé, nous serons les meilleures alliées pour
lutter contre toutes les formes d'exploitation dans l'industrie.
Finalement,
le stigma dans l'industrie est quelque chose qui est aussi un facteur
important, et ce stigma-là, il peut nous
positionner des fois en tant que victimes totales ou comme des délinquantes,
des personnes sans bonne moralité, des personnes
sales. Il y a toutes sortes de façons que le stigma anti-travailleuses du sexe
s'exprime. Et puis, donc, c'est l'autre pilier qui fait que ça facilite la situation si quelqu'un veut nous
exploiter. Si quelqu'un peut nous dire : Je vais dire à ta famille qu'est-ce que tu as fait, ou : Je
vais le dire à tout le monde, je vais te «outer» publiquement, la conséquence
sur cette jeune-là, c'est que probablement
que, toute sa vie, ça va la suivre. Elle ne pourra pas avoir un emploi sans se
faire mettre dehors, elle sera barrée
de toutes sortes de situations, elle va perdre sa famille, elle va perdre
toutes sortes de choses que, plus
tard dans sa vie... Quand on est «outée» comme travailleuses du sexe, bien, on
attire des fois des conjoints qui veulent être violents envers nous parce que c'est normal d'être violent envers
des travailleuses du sexe. Donc, le stigma va faciliter l'exploitation.
Donc, ce qu'on a besoin, c'est de trouver des façons de réduire ce stigma.
• (13 h 30) •
Un des moyens
de survie que beaucoup de jeunes dans l'industrie utilisent, c'est d'embarquer
dans ce discours-là, de : Oui,
je suis victime, oui, je n'aurais jamais fait ça si je n'avais pas été forcée,
oui, oui, oui, je suis une victime. C'est une des petites façons qu'on a
de laver un peu ce stigma-là qui nous suit partout, où on ne nous voit plus
comme une criminelle, comme une délinquante,
comme une mauvaise personne, mais peut-être comme une victime qui a besoin
d'être sauvée. Puis, à ce moment-là, si on
répète adéquatement des histoires d'horreur au fil du temps, bien, les gens
nous respectent un petit peu. Mais on
a besoin de mieux que ça. On a besoin
de créer une situation, dans notre société, où on valorise
les travailleuses du sexe, où on interdit la discrimination contre nous, où on
lance un message clair à toutes les institutions, publiques, privées, à tout l'ensemble de la société, qu'on ne tolérera
plus la discrimination contre nous et que ce sera sécuritaire pour nous d'être out comme travailleuses du sexe
ou comme anciennes travailleuses du sexe. Et c'est comme ça qu'on va enlever l'emprise que certaines personnes peuvent
avoir sur nous et que la menace de «je vais dire à tout le monde
qu'est-ce que tu as fait» n'aura plus le même pouvoir.
Un dernier
point important que je veux mentionner, c'est que la commission
envoie des messages, puis les médias également, très forts, à beaucoup de jeunes, aux
parents, à tous les agresseurs potentiels également. Et ces messages-là,
ils ne viennent pas de la communauté
des travailleuses du sexe, ils ne
viennent pas de nous, ils viennent de personnes qui ont des idées, des
idéologies anti-travail du sexe ou même juste de médias qui pensent que c'est
un bon divertissement de parler de travail du sexe.
Donc, apparemment, si on croit les médias, si on
croit le discours au Québec, tout le monde sait que c'est facile de travailler dans l'industrie du sexe quand on
est mineur, que presque tout le monde est mineur dans l'industrie, que
c'est normal que les clients aiment ça puis
cherchent des mineurs puis qu'apparemment un proxénète pourrait se faire
jusqu'à 200 000 $ par année avec chaque jeune qui travaille dans
l'industrie. Donc, on peut se poser la question de : Quel est l'impact de ces messages-là? Qui sont faux,
d'ailleurs, absolument faux. Bien, c'est qu'on a toute une génération,
maintenant, de jeunes qui grandissent avec
l'idée complètement erronée que ça va être facile d'aller travailler dans
l'industrie, qu'elles peuvent faire
plein d'argent, que c'est quelque chose qui est attirant. Puis du point de vue
des jeunes, qui entendent aussi le discours
qu'on est manipulé et qu'il y a de la violence, bien, toute jeune qui pense
qu'elle pourrait faire 200 000 $ par année, ce qui est vraiment absurde, là... je vous
garantis, que, dans notre communauté, il y a très peu de personnes qui se font
autant d'argent dans l'industrie du sexe, on a tendance, plutôt, à être
beaucoup plus pauvres que ça. Donc, évidemment, ça va attirer des jeunes vers
l'industrie puis les attirer vers des situations extrêmement problématiques.
Donc, il faut
se questionner sur ce discours-là. Ça fait aussi que les parents n'ont pas les
outils nécessaires pour interagir avec leurs jeunes, parce qu'on part de
bases qui ne sont pas conformes à la réalité. Ça lance aussi un message à tous
les hommes qui peut-être aimeraient avoir des relations sexuelles avec des
jeunes qu'en fait c'est normal, que l'industrie
du sexe, c'est ça. Et puis donc ça va les encourager, peut-être, à aller
chercher ces services-là qu'ils n'auraient pas normalement pensé que
c'était quelque chose qui était disponible. Et puis tous les agresseurs aussi
entendent ces messages-là et entendent la vulnérabilité des travailleuses du
sexe et peuvent nous cibler davantage à cause de ce genre de discours. Donc, c'est vraiment la
responsabilité de la commission de penser à l'impact de ces messages-là et de
penser à pourquoi c'est si facile de répéter
des faits qui sont complètement faux et si difficile d'adresser les besoins
réels des jeunes.
Donc,
en conclusion, je pense que je vais vous dire que, de notre côté, du point de
vue de... nous, chez Stella, notre communauté de travailleuses du sexe,
puis particulièrement ayant parlé avec beaucoup de personnes dans notre communauté qui ont commencé quand elles étaient
mineures ou qui ont eu des vécus quand elles étaient mineures, qui ne se sont pas continuées après, quand elles étaient
adultes, c'est une commission qui est perçue comme entièrement politique
et pas fondée dans le bien-être des jeunes.
Les élus de tous les paliers de gouvernements nous disent fréquemment que
c'est politiquement gagnant de s'attaquer aux travailleuses du sexe, qu'être
toffe sur les travailleuses du sexe, ça gagne des élections. Et c'est quelque
chose que tous les paliers de gouvernement nous ont dit puis c'est ce qu'on
voit dans cette commission-là. On ne se sent
pas centrées, on ne sent pas nos besoins écoutés. On sent que c'est, comme ma
collègue disait, un théâtre, plutôt.
Et
donc il y a toutes sortes de groupes qui n'ont pas demandé à participer à cette
commission-là, qui n'ont pas identifié, dans leur communauté, que l'exploitation sexuelle des mineurs est un
concept qui était pertinent, par contre qui ont été mis à l'horaire, même sans leur consentement. Je
vois que l'horaire a changé, et ces personnes-là ont été enlevées, d'autres
vont venir vous parler tout à l'heure. Et pendant ce temps-là, nous, on a
seulement ce 15 minutes là pour vous parler et pas d'autre opportunité de
parler de nos réalités, quand c'est de nous qu'on parle.
Donc,
si vous voulez sérieusement... Il me reste deux phrases à dire. Si vous voulez
sérieusement adresser les besoins, donc,
il faut revenir à la réalité, il faut cesser de répéter des informations qui
sont fausses, il faut utiliser un discernement intellectuel, rejeter les témoignages de personnes qui ont une idéologie
contre toute l'industrie du sexe et trouver des façons de consulter les jeunes, ce qui n'est pas fait
dans cette commission-là. Moi, je sais que, dans ma communauté, il n'y a
personne qui est venu vers nous pour essayer
de voir comment est-ce qu'ensemble on pourrait créer un espace sécuritaire pour
que des jeunes, autres que moi, viennent vous parler dans un contexte peut-être
privé.
Puis finalement moi
aussi, je veux prendre un moment pour m'adresser à tous les jeunes qui
échangent des services sexuels ou qui ont
déjà pensé le faire. Donc, nous, on sait à quel point cette commission-là, elle
est... C'est violent de la regarder. Moi, je sais que, personnellement,
c'est quelque chose qui est très traumatisant, de voir tout ça, c'est déshumanisant. Même le logo est extrêmement
déshumanisant. Et je me dis : Est-ce que c'est comme ça qu'on me
perçoit, comme une personne défaite en morceaux, qui n'est plus un être humain
réel?
Donc,
nous, on sait que vous, les jeunes
qui avez fait ça, qui pensez faire ça, vous êtes fortes, vous êtes des
rebelles, vous êtes courageuses et puis que
vous faites de votre mieux tous les jours pour essayer d'améliorer vos vies. Et
nous, c'est là-dessus qu'on veut se centrer, puis notre communauté,
elle est ouverte à tout le monde, pas seulement les personnes qui travaillent actuellement dans l'industrie du sexe, pas seulement les personnes qui
ont une expérience positive, mais tout le monde qui a été
impliqué de près ou de loin dans l'industrie. Donc, on vous invite à nous
contacter.
Puis
je veux envoyer un message d'amour, de solidarité à tous les jeunes qui aujourd'hui sont enfermés dans un centre jeunesse
au Québec et puis à tous les jeunes aussi qui viennent d'avoir 18 ans, qui
ont été mis dehors après une incarcération à la DPJ puis qui cherchent des façons de survivre, et que cette commission-là
puis toute la couverture médiatique n'est qu'une autre barrière qui leur
empêche un épanouissement dans leur vie. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour vos présentations. On va maintenant
passer à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais commencer avec une
première question et rectification de faits un petit peu. Si je comprends bien, Mme Wesley, vous avez dit dans
votre discours que vous étiez le premier, sinon le seul groupe qu'on aurait dû entendre ici avec votre proximité
avec le milieu. Et je vous dirais que nous, la commission, on croit dans
la pluralité des opinions et des visions. Alors, on est heureux de vous
recevoir aujourd'hui.
Ceci
étant dit, vous avez fait deux recommandations intéressantes, à savoir... en
disant : Il ne faut pas généraliser et il faut aussi être critique. Je vais me permettre d'être critique.
Vous avez terminé en mentionnant qu'il y a des groupes qui avaient été
mis à l'horaire sans leur consentement. J'aimerais beaucoup vous entendre à la
fin parce que c'est une notion qui m'échappe complètement. Les gens qui sont
venus ici ont décidé d'être présents. On n'a pas forcé personne à être présent
ici. Alors, je vous demanderais d'être prudente dans les généralisations, parce
que les gens qui sont ici... S'il y en a qui
ont cancellé leur présence, c'est pour une question d'horaire ou tout ça. On
n'a pas mis personne de force à l'horaire. Alors, je tenais à faire la
précision.
Première question,
député de Viau.
M. Benjamin :
Merci. Merci, M. le Président.
Bien, merci pour
votre présentation. Écoutez, il va sans dire que le discours que je viens
d'entendre casse avec tout ce que j'ai
entendu jusqu'à présent. Et c'est une commission qui réunit des parlementaires,
mais c'est une commission qui réunit des êtres humains motivés par le
bien-être de l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Ça, je refuse catégoriquement ce genre de jugement. Je le refuse
catégoriquement, ce genre de jugement porté sur l'ensemble des
parlementaires autour de cette table, sur leur bonne foi.
Ceci étant dit,
j'aimerais peut-être vous entendre sur comment on peut... comment la société,
comment les institutions peuvent mieux
accompagner, mieux soutenir au niveau de la santé et des services sociaux,
puisque la commission, c'est la... le
titre de la commission, c'est la commission sur l'exploitation sexuelle des
mineurs. On ne s'entend pas sur les données,
sur les chiffres. Vous dites qu'il n'y en a pas, mais vous dites quand même... vous
avez donné un certain pourcentage. Mais,
comme c'est les mineurs qui nous intéressent, moi, j'aimerais savoir, de votre
point de vue, comment est-ce qu'on peut mieux soutenir, accompagner les
mineurs au niveau de la santé et des services sociaux.
Mme Wesley
(Sandra) : Bien, d'abord,
je veux souligner que je ne doute pas de la bonne foi de personne.
Ce n'est pas ma place ici de gérer vos émotions par rapport à ça.
Le fait est réellement
que la haine envers les travailleuses du sexe, c'est quelque chose de très réel dans notre société. Ça fait plusieurs années que nous sommes ciblées constamment et
que, si une commission va répéter des chiffres comme l'âge moyen d'entrée est 14 ans, on s'entend
que c'est absurde comme chiffre. Et, si vous allez défendre ce chiffre-là,
j'aimerais vraiment voir vos sources, parce que c'est de la pure fiction, et on
sait que c'est de la pure fiction.
Donc, par rapport à accompagner les jeunes au
niveau de la santé et des services
sociaux, donc, une chose vraiment importante
que vous allez noter de la part des organismes et des personnes qui ont une posture antitravail
du sexe, c'est que la santé, ce n'est
pas une préoccupation pour ces groupes-là. Donc, nous, la vaste majorité
de nos financements, ça vient au niveau de la prévention des
ITSS et au niveau de la santé. C'est là notre expertise, parce que c'est un
besoin, c'est un droit humain, la santé, en fait.
Et, pour
avoir accès à la santé, ce qu'on a besoin, c'est accès à de l'éducation et accès à aller voir un médecin, aller voir une infirmière sans risquer de se retrouver enfermé dans un centre
jeunesse le lendemain, sans risquer un signalement à la DPJ, de pouvoir
parler ouvertement avec un professionnel de la santé des risques qu'on a pris,
des besoins qu'on a, obtenir toutes ces choses-là sans avoir des conséquences.
Et puis la réalité actuelle, c'est que...
• (13 h 40) •
Donc, nous,
dans notre organisme, on offre une clinique de dépistage anonyme, et
puis donc ça permet à des personnes de
venir sans montrer la carte de RAMQ, sans se dévoiler. Mais c'est un petit
service, on reçoit quatre... Le maximum, c'est quatre personnes par semaine. On va
aussi faire du travail sur le terrain, dans les milieux où les personnes sont,
avec Médecins du Monde. Donc, on va faire du
travail dans certains quartiers, mais ça aussi, ça rejoint juste quelques
personnes. Donc, ce qu'on a besoin, c'est
des services vraiment à grande échelle, d'accès à du dépistage, d'accès
à des médecins, d'accès à des infirmières, sans crainte de conséquences
négatives.
Et un des
enjeux que nous, on voit, qui éloigne beaucoup les jeunes des services de santé, c'est depuis la
fusion de tous les CIUSSS et la... On
voit, par exemple, nous, on est sur le territoire
du CIUSSS—Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal
et puis on voit le même
CIUSSS qui offre nos services chez Stella, qui sont anonymes, qui sont
superintéressants pour la communauté,
qui supportent ouvertement la décriminalisation du travail du sexe... et toutes
les instances de santé publique au Canada
supportent clairement la décriminalisation totale du travail du sexe,
mais on a le même CIUSS qui gère la DPJ puis qui a une tout
autre façon de faire. Donc, on a besoin de séparer ces choses-là puis de
trouver des accès, et ça, ça passe par reconnaître que les jeunes qui échangent
des services sexuels existent, et la sortie n'est pas l'objectif premier.
Puis
évidemment, lorsqu'on parle de santé, il
y a la santé sexuelle, mais il y a
aussi au niveau des drogues, les surdoses. Donc, on a besoin de trouver des façons de pouvoir prescrire des
traitements de substitution à des jeunes, incluant des jeunes dans la rue sans qu'ils se retrouvent, en fait,
retournés en centres jeunesse ou envoyés en familles d'accueil ou dans
d'autres mesures coercitives. Et puis il
faut vraiment arrêter cette haine-là contre les travailleuses
du sexe qui... parfois, vous ne pensez peut-être pas que c'est de la
haine contre les travailleuses du sexe que vous êtes en train de véhiculer,
mais tout ce discours-là autour des jeunes
comme vraiment des personnes complètement victimes, des
personnes manipulées... Nous, on le sait que ce n'est pas ça notre
réalité. Quand on entend ce discours-là, on ne peut pas s'identifier, on ne
peut pas s'y rattacher.
Et puis un
autre gros enjeu aussi au niveau de la santé, il y a des inéquités très, très
importantes au niveau racial dans la
santé. Donc, on voit que la mythologie autour de la jeune exploitée
sexuellement, on parle d'une jeune fille blanche de banlieue, généralement. Le terme «exploitation sexuelle», c'est un terme
qui date d'il y a 10 ou 15 ans à
peu près. Avant ça, c'était le terme «traite des blanches», et
c'est toujours la même idéologie qui est derrière ça. On n'a
qu'à regarder les financements qui, maintenant, s'appellent
«exploitation sexuelle des mineurs», qui avant s'appelaient «gangs de rue».
Donc, il y a beaucoup de financements qui sont axés
sur cibler les jeunes communautés noires au niveau de la répression policière et puis protéger les filles
blanches de certaines communautés qu'on considère indésirables. C'est
pour ça qu'on a criminalisé les drogues au Canada,
c'est pour ça qu'on a criminalisé le travail du sexe, et ça continue vraiment
d'être évident dans la documentation et la
littérature autour de l'exploitation sexuelle. Donc, il faut aussi adresser le
racisme vraiment flagrant dans tout ça, parce que l'accès à la
santé... moi, les jeunes à qui je pense qui ont besoin d'un accès à la
santé, c'est des jeunes Inuits, c'est des jeunes autochtones, c'est des jeunes
qui consomment des drogues, et puis ces personnes-là ne sont pas rejointes,
aucunement, par les services actuels.
M. Benjamin : Un peu plus tôt
ce matin, on a eu l'occasion de recevoir plusieurs représentants, justement,
des Premières Nations qui sont venus nous
parler de leur réalité, donc en fonction des expertises qu'eux, ils ont développées
dans leurs communautés. Un aspect qui
m'intéresse beaucoup, et c'est revenu assez souvent dans cette commission,
c'est les enjeux socioéconomiques.
Comment est-ce que vous... et la question s'adresse... que ce soit aux
intervenants de PIAMP ou de Stella.
Donc, une jeune ou un jeune qui décide volontairement de sortir de cette
industrie-là, quel est... ça arrive, j'imagine, qu'une personne décide
de sortir de...
Mme Wesley
(Sandra) : Bien, en fait, le
concept de sortir, ce n'est pas un concept qui fait du sens dans la
réalité de quelqu'un. On a besoin d'argent,
on a des factures à payer, on a des choses à faire. Il n'y a pas un moment où
on sort de l'industrie ou on rentre
dans l'industrie. Généralement, le besoin qui est exprimé, c'est un besoin
d'améliorer ses conditions de vie et
puis... Donc, le marqueur pour cette personne-là, ce ne sera pas : Est-ce
que je continue ou est-ce que j'arrête de faire ça? Les personnes vont arrêter de chercher de l'argent d'une
certaine façon quand ils vont avoir de l'argent d'une autre façon, généralement. Donc, ce n'est pas un concept
qui fait du sens dans la réalité de quand on interagit avec quelqu'un.
Mais oui, évidemment, il y a des personnes qui ne veulent pas continuer à
vendre des services sexuels, et puis ces personnes-là, elles sont le mieux accompagnées par
des organismes comme le nôtre, comme le PIAMP, qui n'ont aucun objectif
de sortie de la prostitution, mais qui ont plutôt un objectif d'amélioration.
M. Benjamin :
Et cet accompagnement-là vers ailleurs se fait comment? Cet accompagnement-là
vers autre chose, ça se fait comment?
M. Beaulieu
(Karl) : Je vais me
permettre de répondre. Bien, ça se fait dans... Nous, on intervient dans une
approche globale. Donc, on ne pense pas que
l'échange de services sexuels est le problème en soi, mais ça peut être lié à
divers autres facteurs de vie, que ce
soit le logement, la scolarisation. Donc, nous, on y va vraiment
sur une approche globale, puis si la personne
qui échange des services sexuels ne mentionne pas que l'échange de services
sexuels est problématique, bien, nous, on va travailler sur
l'ensemble des sphères de vie des individus, sans considérer que ça, c'est problématique.
Donc, c'est
ça, on se fie vraiment aux besoins que les jeunes expriment au lieu de
fixer uniquement sur l'échange de services sexuels, comme
s'il était, en soi, problématique.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Prochaine question, on va tenter, dans
les réponses, d'essayer de garder ça très court, parce que j'ai encore
sept questions. C'est fort intéressant. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Bombardier (Mathilde) :
Excusez-moi...
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui?
Mme Bombardier
(Mathilde) : Oui, j'aurais
aimé ajouter quelque chose sur votre première question. J'inviterais les professionnels de santé, mais les
professionnels en général de nuancer leur approche, et, pour ça, on
pourrait leur offrir des formations et aller chercher ces formations
vers les personnes concernées. Donc, par exemple, au PIAMP, on donne des formations.
Donc, ça
permettrait d'avoir une vision plus réaliste de ce qui se passe exactement
et c'est ce qu'on aimerait, suite à cette
commission, c'est être vraiment inclus dans ces
formations de personnel pour, justement, éviter cette haine ou cette méconnaissance
des enjeux.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Lotbinière.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Merci. Bien, moi, je dois dire que votre discours est quand même assez surprenant puis... Donc,
d'après ce que j'ai... Bien, premièrement, je voudrais savoir : Est-ce que
vous avez soumis un mémoire? Parce que
moi, j'aimerais ça... Vous avez dit beaucoup de choses en très peu de temps. C'est comme un petit peu difficile d'assimiler tout ça.
Est-ce que vous avez soumis un mémoire?
Mme Wesley
(Sandra) : De notre côté, on
prépare un mémoire. On va le soumettre dans quelques semaines, par
contre, parce que notre processus, il est redevable à la communauté. Donc, ça
demande beaucoup temps, en fait, d'aller consulter
les personnes, de le faire valider par une pluralité de personnes dans toute la
communauté, mais on travaille sur un mémoire. Oui, on va remettre les choses que j'ai
dites aujourd'hui puis on veut ajouter aussi certains détails, peut-être des cas plus concrets, là, vous
parler un peu des parcours plus réels des jeunes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Donc, moi, d'après ce que je comprends de votre discours, c'est
que, bien, il n'y a pas beaucoup
de mineurs dans l'industrie puis tout
le monde est consentant, là. C'est ça
que vous me dites?
Mme Wesley
(Sandra) : Cette notion de «tout le monde est consentant», je ne sais pas qu'est-ce que ça veut dire, parce
que ce n'est pas des termes que nous, on utilise du tout...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Vous l'avez dit tout à l'heure, je l'ai noté.
Mme Wesley
(Sandra) : Je n'ai pas dit
le terme «consentant», absolument pas. On pourra regarder le vidéo, là, mais, bon, de toute façon, la question
de consentir ou de ne pas consentir, c'est quelque chose qui ne rejoint
pas non plus la réalité. C'est que
dans l'industrie du sexe, oui, il y a beaucoup de personnes qui vivent toutes sortes de
situations de violence. On peut vivre
simplement le fait d'avoir besoin d'argent et de devoir travailler pour de
l'argent comme une violence et puis comme une coercition, puis ça, ça
peut s'appliquer à toutes sortes de personnes en toutes sortes d'emplois, dans
toutes sortes d'industrie.
Donc, le standard
auquel on tient... l'industrie du sexe est beaucoup plus élevé que toute
autre industrie. On ne va pas
demander à toutes les personnes qui sont au travail dans leur quotidien :
Est-ce que tu ferais autre chose si tu voulais faire autre chose? Est-ce que tu consens vraiment
à ce que tu fais aujourd'hui? Donc, la notion de consentement, elle n'est pas nécessairement la plus utile. Nous, on parle vraiment
d'améliorer les conditions de vie, les conditions de travail de chaque
personne.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
J'ai une dernière question, là. Donc, vous pensez que tout le monde qui échange du sexe ont le
pouvoir sur leur vie.
Mme Wesley
(Sandra) : Bien, tout être
humain a de l'agentivité. C'est une caractéristique propre à l'être
humain que, même dans des situations extrêmes de violence, de coercition, on a
une capacité d'agir. C'est ce qui fait qu'on est humains, là. Donc, c'est un concept qui s'applique à tout le monde, en tout temps. Donc, il ne faut pas non plus essayer de
détourner ce qu'on essaie de dire pour nous faire dire des choses absurdes,
comme toutes les travailleuses du sexe sont épanouies et adorent leur travail.
Non, ce n'est
pas ça du tout. Au contraire, on est là parce qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de personnes dans l'industrie qui vivent des choses très difficiles. Ça peut être des
choses qui prédatent leur travail du sexe, ou qui sont reliées, ou qui ne sont pas reliées, mais la réalité, c'est
qu'on vit beaucoup de violence. On est ciblées par des agresseurs,
on est ciblées par la police, on vit beaucoup
de stigmas. C'est quelque chose qui nous affecte profondément à toutes sortes
de niveaux, et tout ce qu'on demande... puis
on n'a pas eu le temps, évidemment, aujourd'hui, de rentrer dans les détails de qu'est-ce que... si on n'était pas en réaction à
une commission qui est déjà partie avec une idéologie sur nous, qu'est-ce
qu'on vous dirait?
Que si on
arrivait à créer ces espaces-là sécuritaires pour se parler honnêtement de nos
besoins, on n'est pas rentrés dans
les détails de qu'est-ce qui en ressortirait, parce qu'on n'a pas l'espace
aujourd'hui pour faire ça. Mais la réalité, c'est que c'est très
complexe, c'est très nuancé puis qu'on ne peut pas rapetisser ces questions-là
à des «statements» comme : Toutes les travailleuses du sexe, quelque
chose, tout le monde consent, tout le monde... Ce n'est pas ça, la réalité.
La réalité,
c'est que les violences qu'on vit, la solution n'est pas plus de répression
policière et n'est certainement pas plus
de discours antitravail du sexe, que ces choses-là nous nuisent plus qu'elles
nous aident. Mais je ne prétends aucunement que l'expérience dans l'industrie du sexe, surtout l'expérience des
mineurs qui se retrouvent dans l'industrie du sexe, est une expérience positive. Elle peut l'être pour
certaines personnes, mais ce n'est pas ça du tout... et même, ce concept-là
n'est pas pertinent dans le travail qu'on
fait quotidiennement quand on aide quelqu'un. On ne pose jamais la question
à quelqu'un : Est-ce que tu aimes ce
que tu fais dans l'industrie du sexe? La question qu'on pose, c'est :
Qu'est-ce que tu as besoin? C'est
quoi, la prochaine étape dans ta vie? Qu'est-ce que tu as besoin aujourd'hui
pour améliorer tes conditions de vie?
Et généralement, la réalité individuelle, elle est très diversifiée, très
complexe et ne peut pas se limiter à l'implication ou non dans
l'industrie du sexe.
• (13 h 50) •
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci, M. le Président. Je pourrais vous suivre jusqu'à un certain point
que, oui, c'est un travail que
certaines personnes, certaines femmes ou certains hommes peuvent choisir. Moi,
je n'ai pas de problème avec ça lorsque c'est un choix personnel.
Là où j'ai de
la difficulté à vous suivre, c'est que tout d'abord, vous utilisez les mots
«paternaliste», «moralisateur», et
c'est comme si vous nous disiez qu'on était partis avec l'idée d'être des
oppresseurs puis de ne pas vouloir aider, alors que c'est tout le contraire. Et vous nous suggérez même, enfin,
c'est comme ça que je le reçois, tout ce qu'on a entendu au sein de
cette commission-là, les dizaines de pages de mémoires qui nous ont été remis,
tous les commentaires qu'on a entendus,
incluant des commentaires, des témoignages de victimes, puis il y en a,
des victimes, c'est comme si on devait faire tabula rasa pour dire : Bon, bien, c'est de
la mythologie, puis la société est très, très, très bien servie, puis ça va
très bien.
Moi, là, ce
n'est pas comme ça que je vois ça. Un garçon ou une fille de 12 ou
14 ans, et je suis sûre qu'il y en a, parce qu'on a eu des témoignages qu'il y en a, qui est obligé,
parce qu'il y a un proxénète dans le back-store, qui est obligé de se taper 12, 15 clients par jour, je suis désolée,
mais je... c'est peut-être une question générationnelle, mais je ne pense
pas que cette personne, ce jeune-là a le
jugement pour choisir ça. Peut-être une personne adulte, une personne qui est
tout à fait consentante et qui sait
ce qu'elle fait, je suis d'accord avec ça. Mais on ne viendra pas me dire qu'un
adolescent, une adolescente qui est
obligé de se taper autant de clients... Et ce client-là, vous ne nous en parlez
pas. Ce client-là, qui cherche et qui
demande sur les médias sociaux une jeune femme ou un jeune garçon de 12, 13,
14 ans, c'est quelqu'un qui est bien dans sa tête? En France, là,
il y a un scandale avec un livre qui s'appelle Consentement. L'auteure a
47 ans puis, à 14, ans elle était
en amour avec le monsieur de 50 ans qui l'a abusée pendant des années.
Elle était en amour avec lui, mais elle n'avait pas le jugement, puis il
a brisé sa vie.
Alors, il y a
des jeunes qui ont la vie brisée aujourd'hui, puis nous, on est là, là pour
essayer de les aider. Il y a plein d'organismes
qui sont venus nous demander... nous faire toutes sortes de propositions. Puis
je suis d'accord pour l'aide, mais me
faire dire qu'on est des paternalistes puis qu'on est des moralisateurs, je
suis désolée, je ne l'accepte pas, parce que je suis quelqu'un de moderne puis je suis quelqu'un qui est capable de
comprendre que des personnes peuvent faire des choix dans la vie. Mais des enfants de 12, 13, 14, 15 ans qui sont
sous le joug de proxénètes puis qui sont dans les griffes de personnes qui sont malades mentales, vous ne
viendrez pas me dire que c'est normal. Merci d'être venus ici
aujourd'hui nous faire la leçon, mais moi,
je me sens le devoir aujourd'hui de vous dire que ce n'est pas vrai que tout ce
qu'on a fait depuis le début, on l'a fait pour rien, puis on va
continuer notre travail.
Maintenant,
vous mettez des points. Vous dites l'accompagnement, l'aide, le support de
personnes qui ont besoin de se
trouver un logement, de ne pas être jugées, de ne pas se retrouver dans le
centre jeunesse. Ça, je suis d'accord avec ça. Même, on l'a entendu que ce n'est peut-être pas la meilleure place,
le centre jeunesse, pour retourner une jeune fille lorsque les intervenants disent que c'est là qu'il
faut qu'elle s'en aille. On a tout compris ça, mais, en tout respect...
puis j'ai beaucoup de respect pour ce que
vous êtes venus nous dire aujourd'hui, mais je pense que ça doit aller dans les
deux sens. On entend votre propos, mais entendez notre propos aussi.
Merci.
Mme Wesley
(Sandra) : Tout d'abord, je pense que le niveau d'émotion puis de
sensationnalisme de répéter des histoires
d'horreur, c'est quelque chose qui n'est pas du tout acceptable dans un
contexte parlementaire, dans un contexte où on essaie de prendre des décisions rationnelles, basées dans la charte des
droits humains. Si moi, en tant que personne qui vous a dit, au début de mon témoignage, que c'est mon vécu
personnel, je suis capable de venir vous parler sans pleurer puis sans être émotionnelle, sans commencer à
raconter des histoires d'horreur, bien, je pense que je m'attends de
la même chose de vous également en tant que personne qui m'écoute.
Puis je pense que
votre attitude envers moi démontre exactement ce que je dis, que nous, les
personnes qui ont réellement un vécu là-dedans, on sent qu'il
y a une hostilité profonde envers
nous puis envers ce qu'on a à dire et que ce n'est pas sécuritaire de
venir parler de nos histoires, que je sais très bien que, si je vous racontais
des histoires réelles de jeunes, que vous
les prendriez après et que vous seriez en train de répéter, d'utiliser nos
histoires, d'utiliser la violence que nous,
on a vécue, pour justifier de la répression contre nous, pour justifier de
continuer de nous mettre au silence puis de ne pas nous écouter.
Puis
j'aimerais aussi mentionner qu'on n'a jamais parlé de notion de choix. On ne parle pas de
choisir le travail du sexe. Et tout
l'argumentaire que vous avez fait, j'avais l'impression de vous entendre
argumenter contre les personnes qui sont contre nous mais pas contre ce
que je vous ai dit réellement. La notion de choix, ce n'est pas une notion qui
peut s'appliquer d'abord
dans un système capitaliste pour tout travail. On ne choisit pas
de travailler, on est obligés de travailler dans un système capitaliste. Et nous, on parle de... On prend des
décisions. On prend les décisions avec ce qui est le mieux pour nous,
dans les options qui sont disponibles. Et puis il n'y a pas de notion de choix
libre dans un contexte de pauvreté et dans
un contexte de vivre dans la rue, dans un contexte de vivre dans des situations
de violence. Chaque personne prend les décisions qu'elle pense... sont
les plus appropriées pour elle. Et c'est ça qu'il faut reconnaître, que toutes
ces personnes-là, particulièrement les jeunes, font de leur mieux pour prendre, à tous les jours, les
meilleures décisions avec les options qu'on leur donne, puis souvent ces
options-là sont extrêmement limitées.
Donc, je suis vraiment
désolée d'entendre le mépris que j'entends pour nous, pour notre expérience,
dans votre prise de parole.
Le Président (M. Lafrenière) : On a entendu votre propos. Merci beaucoup.
Députée de Charlevoix.
Oui. On va essayer de limiter... Il
nous reste encore quelques questions. On a dépassé de beaucoup le temps, mais
on trouve ça important de vous entendre, mais là on va essayer de
limiter les réponses.
Mme Bombardier (Mathilde) : Mais je trouverais aussi important que le PIAMP
puisse s'exprimer, notamment sur cette question. J'aimerais remettre les
choses à leur place.
On
ne diminue pas le vécu des personnes. Je pense l'avoir dit dans ma
présentation, oui, ça existe, la coercition sexuelle. Oui, il existe des victimes d'agression sexuelle. Et ce dont
vous parlez, de l'exemple en France, c'est une agression sexuelle répétée. Mais, dans notre propos, on
cherche à être nuancé et à élargir l'horizon pour que cette commission
réponde aux réalités de tous les jeunes
impliqués, voilà, et non pas... Je trouve ça vraiment problématique de nous
dire qu'on diminue ou qu'on n'écoute pas les victimes de ces agressions
sexuelles.
M. Beaulieu (Karl) : Ce qu'on critique, c'est qu'en fait on mélange
les termes «prostitution» puis «exploitation sexuelle». On les utilise comme l'un, l'autre, on les galvaude sans
faire la distinction. Mais, nous, ce qu'on amène ici, c'est que c'est important de faire la distinction entre
ces termes-là. Les vécus de ces personnes-là sont réels, ils existent,
puis c'est peut-être vrai... Ce qu'on dit,
c'est que c'est important pour nous, au PIAMP, de faire la distinction entre
exploitation sexuelle puis lorsqu'il y a un niveau qui est consentant. Donc, en
faisant la distinction, d'une part, on peut arrêter de stigmatiser une frange
des personnes puis, de l'autre, on peut apporter de l'aide à celles qui ont
vraiment besoin de cette aide-là.
Le Président (M. Lafrenière) : On comprend très bien la notion que vous
apportez, puis ça, c'est tellement important pour nous de vous entendre aujourd'hui, mais vous comprenez que nous,
dans la position où on est ici, on a reçu plusieurs groupes qui nous ont dit des choses et aujourd'hui
on ne peut pas accepter de dire que tout ce qui a été dit avant, ça ne
compte pas, en se disant : Vous auriez
dû nous entendre, nous, et pas les autres. C'est pour ça qu'on réagit comme ça.
Je pense que vous comprenez notre réaction.
Mme Wesley (Sandra) : ...on n'a pas dit : Il faudrait juste nous
entendre, nous, et pas les autres. Ce qu'on dit, c'est que c'est nous...
Le Président
(M. Lafrenière) : Mais là on ne jouera pas sur les mots...
Mme Wesley (Sandra) : ...la communauté qui est touchée par ça, que des
personnes qui reçoivent des millions de dollars d'argent...
Le Président
(M. Lafrenière) : On a compris.
Mme Wesley (Sandra) : ...pour parler de nous sans jamais être en
contact avec des vraies personnes, évidemment, ont un biais idéologique. Et on sait que la conclusion de cette
commission-là, ça va être deux choses. On va donner de l'argent à la police et on va donner de l'argent à des
groupes antitravail du sexe pour mener leur mission d'éliminer toute
l'industrie du sexe. On sait déjà d'avance, le jour où cette commission-là a
été annoncée, que ce serait ça, la conclusion et on voit que la commission a
été faite avec ça en tête.
Un des documents que je vous ai fourni dans la
bibliographie, c'est un document sur les témoignages au niveau fédéral dans la loi C-36, qui s'appelle
Shouting Into Wind, et puis justement ça relate comment on le sait que des
commissions comme ça,
il n'y a aucun effort qui est fait pour nous entendre réellement, qu'on écoute
les personnes qui déjà vont justifier la position que vous aviez déjà.
Et vous, personnellement, avez annoncé cette commission-là en disant notamment
des absurdités comme 80 % des
travailleuses du sexe ont commencé quand elles étaient mineures et que la
moitié de nous sont mineures. Si vous croyez vraiment à ces chiffres-là,
eh bien, il aurait fallu vous éduquer avant même d'annoncer une commission
comme ça.
• (14 heures) •
Le
Président (M. Lafrenière) : Je comprends votre volonté de provoquer, mais notre but, c'est
d'entendre tous les gens. Et vous
avez servi tout à l'heure une très belle mise en garde en disant de ne pas
généraliser. Il faut entendre les autres aussi dans une conversation. Si
on se dit ouvert à présenter tout le monde, il faut entendre tout le monde. Ça
ne vous sert à rien de mépriser ce que les gens ont dit avant vous.
Alors, on a encore deux petites questions
rapides. J'ai la députée de Charlevoix.
Mme Foster :
Merci. Merci beaucoup. Je trouve le débat extrêmement intéressant. Moi
personnellement, j'ai fait un
doctorat en sciences sociales. Donc, ça me ramène à mes cours épistémologiques
parce que j'ai l'impression qu'on a un débat
aujourd'hui qui porte beaucoup, d'un côté, sur le constructivisme, et, de
l'autre côté, sur l'objectivisme. Sincèrement, on peut être d'accord sur certains points. Moi, je parle pour moi
personnellement, là, dans ce que j'ai entendu de vous, je suis d'accord, bon, sur l'aide supplémentaire
qu'on doit apporter. Je suis d'accord sur le fait que les jeunes doivent
être accueillis sans jugement. Ça, je suis
entièrement d'accord, et ça fait partie des lacunes qu'on a décelées dans les
intervenants passés. Ils sont venus nous dire : Il faut vraiment avoir une
approche sans jugement pour les jeunes.
Également, je
suis assez d'accord sur l'«empowerment» de chaque individu, que chaque individu
a pour sa vie. Ça, je suis assez
d'accord avec ça. Là où moi, je vous suis moins... Je voudrais qu'on revienne aux
racines idéologiques de vos propos.
Là, je parle à la personne de PIAMP parce que ça réfère à vos propos. Vous avez
parlé, dans votre discours, d'abolir le patriarcat. Mais, tu sais, le
patriarcat, quand on le définit, là, c'est une forme d'organisation sociale
dans laquelle l'homme exerce le pouvoir par
rapport à la femme. Ça fait que, si on enlève toute notion de moralité, donc
qu'on dit que ça devient neutre moralement, le fait d'avoir des jeunes
qui échangent des services du sexe avec des majeurs, je parle des mineurs avec les majeurs parce que la commission
porte là-dessus, donc on contribue, à mon avis, à perpétuer un système,
l'industrie du sexe, qui est dominé par les hommes.
Là, moi, là-dessus, là, je ne vous suis plus
pantoute parce que, si on enlève la moralité complètement, bien, on contribue puis on donne un «free pass» à un
système, l'industrie du sexe, qui est dominé par les hommes. Là, c'est là
où je ne vous suis pas parce qu'on est loin de l'enlever, le patriarcat, on le
perpétue. Moi, vous ne viendrez pas me dire que l'industrie du sexe est dominée par les femmes, là, non, je n'y crois
pas. Pas une minute. Autant au niveau économique, les bases idéologiques, économiques, la clientèle,
c'est des hommes, ça part des besoins et des pulsions des hommes,
beaucoup. Je comprends qu'il y a des adultes
qui soient là en libre choix. Je le comprends aussi. Mais là, nous, notre
commission, elle porte sur les
mineurs. J'ai beaucoup de difficultés à me faire dire que, bon, le patriarcat,
il faut éliminer ça, alors qu'à mon avis
l'industrie du sexe est clairement un des meilleurs exemples de la perpétuation
de la domination masculine. Je veux juste comprendre votre idéologie. Je
ne la comprends pas. C'est ça, ma question.
M. Beaulieu
(Karl) : Bien, si je peux me
permettre de répondre, ça va être assez court. Mais en fait, nous, ce
qu'on critique, c'est... On n'a jamais
parlé d'abolir le patriarcat. On a mentionné que le patriarcat influençait
comment la société intervenait sur la question des échanges de services
sexuels. Puis nous, ce qu'on critique, en fait, c'est qu'on est passés d'une vision qu'on les traitait comme des
délinquants, des délinquantes vers une vision qu'on les traite de victimes,
peu importe le cas. Donc, dans les deux cas,
c'est de prendre en charge complètement la situation sans laisser... justement les mots que vous avez mentionnés, comme «empowerment»
puis agentivité. Donc, on pense que...
Mme Foster : Là-dessus, on est
d'accord.
M. Beaulieu
(Karl) : Oui, là-dessus, on
est d'accord, en effet. Donc, tu sais, notre discours est nuancé. Nous,
on dit qu'ils ont une agentivité, certains
ont une agentivité, puis que ce n'est pas en les traitant tous comme des
victimes d'exploitation sexuelle qu'on va arriver à aider l'ensemble des personnes.
Il y a des vécus qui sont différents. Puis nous, on pense qu'en sortant
de cette vision-là juste de victimes ou délinquants... Dans les deux cas, on
s'en va dans le mauvais chemin en tant que société.
Mme Foster : Oui, je suis d'accord. Mais c'est juste que,
moralement... On ne peut pas enlever la dimension morale de ça. L'industrie du sexe est dominée par la masculinité sous
toutes ses formes. Donc, on ne peut pas évacuer cette notion-là. Moi, c'est juste là où j'ai un peu plus de difficultés. L'«empowerment», le libre choix, pour les adultes, ça va. Mais,
pour ce qui est des mineurs, là, j'ai un petit peu plus de difficultés avec ça.
C'était ma question.
Mme Bombardier
(Mathilde) : J'aimerais
ajouter aussi que le PIAMP intervient auprès de jeunes qui échangent des services sexuels entre jeunes aussi. Ce n'est
pas seulement... L'idée d'une clientèle essentiellement masculine et adulte, ça, ça s'appelle de la pédophilie et il y a
déjà des lois qui existent contre.
Mme Foster : Oui. Bien, l'objet
de notre commission, c'est les mineurs. Voilà. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Wesley
(Sandra) : ...brièvement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, rapidement.
Mme Wesley
(Sandra) : Donc, première
chose, c'est... D'abord, en tant que féministe, je trouve ça vraiment étrange qu'on est en train de débattre de : Est-ce qu'on veut abolir le
patriarcat ou non? J'espère qu'on est tous d'accord que, oui, on a l'intention d'abolir le patriarcat le plus rapidement
possible. J'espère qu'on peut tous se mettre d'accord là-dessus. Et les travailleuses
du sexe, on n'est pas des pions dans des débats théoriques sur : Est-ce
que le patriarcat est aidé ou pas aidé par
l'existence de l'industrie du sexe?
La réalité, c'est qu'il y a des réalités complètement diverses et que,
oui, l'industrie du sexe a souvent
été, dans toute l'histoire de l'humanité, un moyen que les femmes, on avait de
reprendre du pouvoir sur notre
sexualité, de reprendre du pouvoir sur notre argent et puis d'exister en
résistance au patriarcat. Et je pense qu'il ne faut pas effacer ces réalités-là de toutes les femmes qui se sont
battues, et qu'on est au-devant des mouvements
féministes. C'étaient des travailleuses du sexe qui étaient à Stonewall, qui
ont parti les émeutes, qui ont commencé officiellement le mouvement LGBT.
Les plus
grandes féministes au fil du temps, je peux nommer... Olympe de Gouges, qui a
écrit la première déclaration des
droits de la femme, était une travailleuse du sexe. Donc, ça me fera plaisir
d'avoir un débat sur l'épistémologie relative au travail du sexe. Une fois qu'on aura des droits, une fois qu'il n'y
aura plus des lois criminelles qui m'interdisent d'exister, une fois qu'il n'y aura plus un projet de société
de m'éliminer, on pourra avoir des débats infinis, théoriques. Mais,
pour l'instant, on a des personnes réelles
qui ont des besoins réels. Il n'y a pas de place, selon moi, pour ce genre de
débat là.
Mme Foster :
Mais je pense que c'est assez clair que notre commission, elle est très terre à
terre puis elle veut aider les gens, là. Tu sais, je ne pense pas,
encore là, qu'il faut se prêter des intentions de part et d'autre. Je ne pense
pas.
Mme Wesley (Sandra) : Puis, si
on veut parler de dominance masculine également...
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Je dois couper. On doit passer à une prochaine question. S'il
vous plaît, madame.
Mme Wesley
(Sandra) : ...il faut penser
aussi que la police, qui est l'outil généralement utilisé, est un système très patriarcal et de dominance masculine et qu'il est vécu comme une
relation de pouvoir très violente par la plupart des femmes.
Le Président (M. Lafrenière) :
Parfait. Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci. Merci
d'être là. Mais d'abord désolée si vous vous sentez brimées, quand même d'une certaine façon, dans vos droits, là. Je peux comprendre quand même
le message que vous lancez. Mais je
pense qu'il y a quand
même des propos qu'on peut avoir plus
constructifs dans... Le pourquoi on vous a invitées, c'est parce que
vous avez une réalité terrain qui peut apporter... Parce que je pense qu'on
s'entend qu'il y a effectivement des victimes dans l'industrie, même si on ne veut pas généraliser. Vous avez chacun,
à un moment de vos témoignages, avoué que vous pouviez chacun avoir une portée ou une aide à amener à ces personnes-là.
Donc, vous, bien, c'est une fois dans l'industrie du sexe que vous pouvez aider celles qui veulent
s'échapper à cette vie-là, qui ne convient pas à leur... finalement, à
ce qu'elles veulent, ou à leurs valeurs, ou à... Finalement, elles se sont
ramassées là et elles n'auraient pas dû l'être.
En amont,
qu'est-ce qu'on fait pour les aider pour qu'elles ne se ramassent pas dans
l'industrie du sexe? Parce que vous
avez dit que vous étiez les mieux placées pour venir en aide, mais, si on veut
diminuer ou si on ne veut pas qu'il se ramasse
là des victimes, parce qu'on a parlé de victimes chacun dans nos discours,
qu'est-ce qu'on fait en amont? Parce que
moi, je veux vous entendre sur ce qu'on peut faire pour justement
ne pas généraliser, mais qu'en amont il
y ait un travail qui se fasse pour que ces profils-là de filles extrêmement vulnérables qui ont des vies brisées après... Bien, comment on
fait en sorte... C'est-u dans l'éducation à la sexualité? Qu'est-ce que vous
pensez de tout ça, finalement? Parce que la commission,
peut-être que vous n'êtes pas en accord avec le titre, le sujet, mais il y a
quand même des choses qu'on peut faire ensemble. Jamais je ne croirai...
• (14 h 10) •
Mme Wesley
(Sandra) : Donc, tout
d'abord, j'ai mentionné assez brièvement les messages que les jeunes
reçoivent. Donc, il faut arrêter de propager ces histoires-là et de vendre aux
jeunes une idée que l'industrie du sexe, elle est facilement accessible pour eux, qu'on fait beaucoup d'argent quand on
est mineur, que les clients cherchent des mineurs. Donc, il faut
vraiment travailler à réduire ces messages-là qui ne sont pas conformes à la
réalité, puis c'est souvent ce qu'on observe.
Puis nous,
chez Stella, parfois, on se fait appeler par des centres jeunesse quand ils
sont à bout de ressources puis ils ne
savent pas comment aider quelqu'un. Et souvent on voit des situations où c'est
des jeunes qui ont regardé les émissions de télé, qui ont regardé les nouvelles et qui se disent : Ah! mais
moi, je n'aurai pas besoin évidemment d'un proxénète parce que pourquoi, là... Tu peux mettre une annonce en
ligne et t'afficher. Il n'y a pas besoin toujours d'une tierce partie. Et
elle, elle pensait qu'elle allait faire beaucoup d'argent. Puis finalement, en
essayant de rentrer dans l'industrie du sexe, elle se retrouve dans toutes
sortes de situations difficiles. Donc, tout ça, ça part de cette fausse
information là qui est donnée aux jeunes, comme quoi c'est facile de travailler
dans l'industrie du sexe. Donc, il faut arrêter ça.
L'autre
chose, il faut rendre les médias et toute la télévision redevables aux choses
qu'ils perpétuent. Il faut arrêter de voir des histoires d'horreur dans
l'industrie du sexe comme du divertissement ou comme du sensationnalisme. Ça, ça peut vraiment faire
quelque chose. Moi aussi, je suis mère d'une adolescente, et c'est ce que je
vois, surtout étant donné mon
travail. Eh bien, c'est sûr que ses amies, c'est vers moi qu'elles viennent
quand elles ont des questions là-dessus. Et les idées qu'elles ont, je leur demande toujours d'où elles tiennent ces
idées-là. Puis même l'éducation, parfois, qu'elles reçoivent dans les écoles leur donne des idées complètement
fausses et leur rend attrayante l'industrie du sexe pour des jeunes.
Donc, ça, c'est vraiment un gros enjeu.
Et toutes les autres
choses, c'est au niveau des conditions de vie. Si on a une jeune ou un jeune
qui ne peut pas ou ne veut pas habiter avec
ses parents, qu'est-ce qu'on a à lui offrir si cette personne-là a 15 ans,
14 ans, 16 ans? Est-ce que
c'est possible de vivre indépendamment? Est-ce que c'est possible de vivre dans
d'autres milieux où on ne se sent pas enfermé,
où on ne se sent pas traité comme un délinquant ou comme quelqu'un qui a besoin
d'être contrôlé? Qu'est-ce qu'on
offre à ces jeunes-là? Comment est-ce qu'on peut avoir de l'argent si on n'a
point 18 ans et qu'on n'habite pas avec nos parents? Donc, il faut qu'on trouve des solutions à ça. Il faut qu'on
trouve des solutions autres que la DPJ, qui est perçue vraiment comme
une source de danger puis de problèmes dans la vie des personnes.
Il faut qu'on outille
aussi les personnes dans les écoles, les intervenants. Nous, on reçoit souvent
des appels en panique totale d'intervenants
dans les écoles qui ne se sentent pas outillés du tout parce que tout ce qu'on
leur a dit, c'est : Bien, c'est
des filles qui sont manipulées par un proxénète noir, et qui sont forcées, et
qui ne feraient jamais ça autrement. Puis finalement elles sont
confrontées à des jeunes qui ont un discours complètement différent de ça puis
qui ne s'identifient pas à ça. Donc, il faut
outiller des intervenants dans ces milieux-là pour qu'ils aient des choses plus
rationnelles à offrir aux jeunes.
Puis évidemment, pour
tout ce qui est des communautés plus marginalisées, bien, il faut travailler
sur la marginalisation. Il faut qu'on se
pose la question, là : Pourquoi est-ce que nos jeunes trans se retrouvent
dans la rue? Pourquoi est-ce que des
jeunes qui consomment des drogues ont de la difficulté à avoir des services?
Pourquoi est-ce qu'on enlève encore
autant d'enfants à des familles autochtones et ces enfants-là se retrouvent
aussi dans la rue à des très jeunes âges ou dans des situations très, très difficiles? Donc, il faut qu'on répare
ces communautés-là puis l'ensemble de la communauté.
Et
donc la même chose par rapport au racisme que plusieurs communautés vivent au
Québec. Donc, c'est sûr que, quand on
est en train de dire à toute une génération de jeunes femmes musulmanes
qu'elles ne sont pas bienvenues au Québec puis qu'elles n'ont pas de futur au Québec, comment est-ce qu'on peut
s'attendre après à ce qu'elles prennent des décisions qui vont dans le
sens de leur bien-être et puis qu'elles aient un espoir pour le futur?
Puis,
à la fin, c'est ce qu'il faut donner, je pense, à tous les jeunes au Québec,
puis ça s'applique autant... On ne parle pas, dans cette commission-là,
des personnes que vous appelez, des fois, des proxénètes ou d'autres termes,
des exploiteurs, qui sont aussi souvent des
jeunes, des jeunes garçons de 16, 17 ans, qui, aussi, sont dans la même
situation. Ils ne voient pas un
avenir meilleur pour eux et puis ils sont aussi dans un mode de survie. Ils ont
besoin d'argent rapidement. Donc, il faut qu'on donne un espoir à toutes
ces communautés-là d'avoir un futur qui fait du sens au Québec.
Puis
je pense qu'un des gros éléments... L'éducation au secondaire, où le taux de
graduation est aussi bas, où on voit des générations s'enfoncer de plus
en plus dans la pauvreté, c'est sûr que c'est un enjeu. Et, si on voulait
vraiment s'adresser à ça, bien, on n'aurait
pas une commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs. On aurait une
commission sur les conditions de vie de nos jeunes au Québec. Puis, moi,
c'est ce que j'attends.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Ungava, on va y aller...
Déjà, on dépasse de beaucoup. On va essayer de garder des réponses
courtes et sur le sujet, s'il vous plaît. Allez-y rapidement.
Mme Bombardier (Mathilde) : Juste pour vous mentionner que le PIAMP
intervient dans des écoles. Le PIAMP intervient
aussi auprès de jeunes qui sont susceptibles d'échanger des services sexuels.
Et notre rôle, donc, je l'ai dit dans ma présentation, c'est de les outiller même avant et de comprendre leurs
besoins réels, comme l'a dit Sandra. Donc, ce n'est pas de les orienter, bien sûr, vers l'échange de
services sexuels, c'est juste les outiller et leur donner toutes les
ressources possibles pour qu'ils fassent leur propre choix.
Et ensuite vous
demandiez comment faire pour qu'ils ne s'y retrouvent pas. Bien que je ne suis
pas vraiment d'accord avec la question parce que, là, on tombe encore dans le
moral, mais... Oui?
Mme Perry
Mélançon : ...très vulnérable, je l'ai dit. Il ne faut pas... Parce
que vous parlez qu'on catégorise ou on généralise,
mais il y a des profils, quand même, là, je veux dire. Puis là je parle de
jeunes filles dont les vies sont... je veux dire, parce que nous, on
parle avec des cas réels de gens qui ont accompagné... certains profils que je
dis... qui, eux... elles-mêmes se sentent
victimes. Donc, on ne peut pas dire que... Pour moi, ils n'auraient pas dû s'y
retrouver. Donc, la question se pose.
Mme Bombardier
(Mathilde) : Mais je pense qu'on peut aussi améliorer l'éducation des
jeunes, et notamment sur les questions de consentement et d'échange de services
sexuels.
Le Président (M. Lafrenière) : On va passer aux deux dernières questions. Je
suis sûr qu'on va avoir la chance de répondre. Alors, député d'Ungava,
très brièvement.
M.
Lamothe : Très brièvement. Bon, Mme Wesley, on n'est pas sur la
même longueur d'onde. On n'est pas sur le même fuseau horaire, puis c'est bien correct. Vous avez le droit à vos
opinions, à vos réflexions, j'ai le droit aux miennes, puis c'est
correct comme ça. Moi, c'est de même que je le vois.
Par
contre, ce qui est important quand vous êtes dans un organisme semblable...
Vous avez vous-même mentionné tantôt le mot «respect». On ne vous
respecte pas. Bien, ça, c'est mutuel, le respect. J'en faisais part ce matin
lors d'une communication.
Vous savez, quand que vous dites qu'on devrait avoir une meilleure rigueur
intellectuelle ou quand vous dites à
mon confrère, mon collègue, qu'il aurait dû s'éduquer avant de venir ici, on ne
va pas nulle part avec des communications
semblables. Ce que je dis là-dedans, c'est que vous avez une réflexion, vous
avez vos positions. Mais, si vous
voulez les faire évoluer, c'est en étant respectueux. Vous voulez avoir le
respect? Bien, c'est mutuel, c'est un respect mutuel. Puis c'est de même
qu'on évolue dans une communication, avec des idées puis des réflexions.
Vous avez mentionné
tantôt que les femmes autochtones sont utilisées comme des pions. C'est quoi
que vous voulez dire?
Mme Wesley (Sandra) : Ce que je veux dire, c'est que des personnes qui
ont une idéologie contre l'industrie du sexe, qui est basée dans une idéologie d'un certain féminisme très, très essentialiste, une
idéologie très conservatrice, ou aussi
des idéologies très, très racistes, vont souvent, lorsqu'elles sont
confrontées au fait qu'on leur rappelle que la traite des blanches est le mot qu'ils utilisaient jusqu'à
récemment et que leur discours n'inclut pas la diversité... vont s'accrocher
aux femmes autochtones et les utiliser
comme des exemples sans jamais faire un vrai travail d'interaction profonde avec
les communautés autochtones, sans jamais vraiment prendre en considération les
réalités des femmes autochtones.
Évidemment, on est
dans un contexte, au Canada, où on vient de terminer l'enquête sur les femmes autochtones
assassinées et disparues, et une grande proportion de ces femmes-là étaient
aussi des travailleuses du sexe. On a des commissions
aussi dans l'Ouest du Canada suite à un tueur en série qui a ciblé des femmes
autochtones. La commission sur la DPJ
aussi, j'espère, adresse en détail les besoins des familles autochtones. Et
puis le discours dominant sur l'exploitation sexuelle, sur l'échange de services sexuels des mineures ne tient pas
compte de cette réalité-là. On parle toujours des histoires de femmes blanches de bonne famille qui sont
manipulées par un proxénète. On ne parle pas des jeunes qui sont enlevés
de leur famille à des très jeunes âges et
que, génération après génération, on continue l'équivalent des écoles
résidentielles avec les centres
jeunesse. On ne parle pas des cultures dans lesquelles ces concepts-là de
prostitution ne font même pas de sens culturellement.
Et puis donc on finit par nommer les femmes autochtones sans jamais vraiment
faire le travail réel d'aller vers les besoins des femmes autochtones.
Nous,
chez Stella, environ 25 % des femmes avec qui on travaille, des femmes
dans notre communauté, sont des femmes
autochtones. Pas que 25 % des travailleuses du sexe sont autochtones, mais
c'est là qu'on met beaucoup de ressources et d'énergie parce que les besoins sont les plus grands. Puis ce qu'on
observe principalement, si on veut parler au niveau des femmes autochtones qui échangent des services
sexuels, et ça, ça s'applique adultes ou mineures, c'est que celles qui
sont le plus à risque d'arrestation pour des charges criminelles sont celles
qui sont le plus à risque de violence, de disparition, d'assassinat. Et puis donc l'impression que ces femmes-là ont,
l'impression qu'on a, collectivement, c'est que nos besoins ne sont pas importants, que l'objectif d'une
commission comme celle-ci ne tient pas compte des femmes autochtones qui
sont assassinées, qui sont disparues puis de leurs besoins, qu'on parle
d'autres choses puis qu'on nous ajoute juste en supplément et non pas comme
objet central.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Je vous remercie de votre
contribution aux travaux de la commission.
Je
dois suspendre les travaux pour quelques instants afin de permettre à notre
prochain groupe de prendre place.
Merci beaucoup de
votre contribution. Merci.
(Suspension de la séance à
14 h 18)
(Reprise à 14 h 22)
Le Président
(M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à l'Association
des hôtels du Grand Montréal, et à Mme Martine B. Côté, et Me Martin
Gallié. Je vous rappelle que vous disposez chacun de 15 minutes de présentation. Et par la suite il y aura
une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Encore une fois, je m'excuse pour le
retard qu'on a pris. Ce sont des débats qui sont passionnants, pour ne pas dire
enflammants. On l'a même vécu hier avec une alarme incendie lors de nos
débats. Alors, des débats qui sont très intéressants. On s'excuse donc pour ce
délai.
J'invite
l'Association des hôteliers de Montréal à nous faire leur
présentation, à se présenter. On a 15 minutes avec vous. Merci
d'être là.
Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM),
M. Martin Gallié et Mme Martine B. Côté
Mme Paré
(Eve) : Merci, M. le Président. Chers membres de la
commission, je me présente. Mon nom est Eve Paré. Je suis présidente-directrice générale de l'Association des hôtels
du Grand Montréal. Aujourd'hui, je suis accompagnée du président de mon conseil d'administration,
M. Jean-François Pouliot. M. Pouliot est aussi directeur général de
l'Hôtel Omni Mont-Royal, qui est un établissement de 300 chambres situé au
centre-ville de Montréal. D'entrée de jeu, on souhaite remercier la commission
pour cette opportunité de présenter la perspective hôtelière et de contribuer à
l'effort commun pour mettre un terme à l'exploitation sexuelle des mineurs.
Tout
d'abord, un mot brièvement sur notre organisation qu'on représente aujourd'hui.
Fondée en 1949, l'AHGM regroupe plus
d'une centaine d'établissements hôteliers situés principalement dans la grande
région de Montréal. Ce sont tous des
établissements dotés d'une classification de trois étoiles et plus.
L'organisation joue un rôle essentiel de catalyseur et de représentation des
intérêts de ses membres, qui sont indispensables à la croissance et au
développement économique et touristique.
Nous mobilisons, informons et appuyons nos membres en faisant la promotion des
pratiques répondant aux critères d'excellence parmi les plus élevés au
monde.
Dans
l'exercice de nos fonctions, nous sommes appelés à intervenir sur un bon nombre
d'enjeux qui touchent nos membres. La
question de l'exploitation sexuelle en est un qui préoccupe évidemment les
hôteliers de la région de Montréal. À chaque année, au moment de la
tenue du Grand Prix de formule 1 du Canada, l'enjeu de l'exploitation revient
inévitablement à l'avant-scène médiatique.
Nous ne croyons toutefois pas que l'événement ni
les organisateurs ne soient en cause. Tout événement sportif d'envergure, parce qu'il attire un grand nombre
d'hommes, de participants, d'hommes principalement, a malheureusement aussi un côté plus sombre. À titre d'exemple, la
semaine dernière, les médias relataient la problématique anticipée avec
la tenue du Super Bowl à Miami dans quelques
semaines. De l'aveu même de certains porte-parole d'organismes, le
moment est particulièrement propice à dénoncer la situation en raison de
l'attention médiatique de ces événements d'envergure, mais aussi du financement
public qui leur est octroyé.
Comme vous le
savez sans doute, l'enjeu ne se limite pas à cette seule période de l'année,
mais bien tout au long de l'année.
C'est bien connu, Montréal est une ville festive et attrayante où il est bon de
vivre. L'an dernier, c'est quelque 11 millions
de touristes qui ont séjourné dans la métropole, certains d'entre eux,
malheureusement, pour les mauvaises raisons. Montréal ne fait pas figure d'exception. Toutes les grandes métropoles
d'Amérique du Nord sont aux prises avec cet enjeu. Bien qu'il soit
difficile, voire impossible de quantifier le phénomène, encore moins de le
comparer avec d'autres villes, il n'y a rien
qui nous permet de croire que Montréal
fait pire figure que d'autres métropoles. Ce n'est pas une destination
qui est plus prisée que les autres en matière de tourisme sexuel.
En
préparation de la présentation d'aujourd'hui, trois questions nous ont été soumises par la commission.
Je vais essayer de tenter d'y répondre le plus clairement possible.
Première question. L'exploitation
sexuelle à l'intérieur des établissements hôteliers est-elle un sujet de
préoccupation pour vos membres? La réponse courte est très simple,
c'est oui, absolument.
D'entrée de jeu, du point de vue hôtelier, nous convenons sans réserve qu'une situation
impliquant une personne sous l'emprise
d'un proxénète doit absolument faire l'objet d'une dénonciation. Il serait faux
de croire que les hôteliers se ferment les yeux et profitent de
l'achalandage lié à l'achat de services sexuels. Au contraire, il n'est pas à
l'avantage d'un établissement hôtelier d'accueillir ces individus qui, d'une
part, utilisent l'image des hôtels à leurs propres fins et, d'autre
part, génèrent un va-et-vient anormalement élevé dans le lobby et les étages.
Certains
proxénètes vont même jusqu'à mettre en ligne des sites Internet qui présentent
les filles en résidence dans tel ou
tel établissement. Des annonces accompagnées de photos de l'hôtel
sont même propulsées par l'achat de mots-clés leur assurant une bonne
visibilité dans les moteurs de recherche. La mise en marché peut laisser croire
que l'hôtel est de connivence. Tenter de
faire fermer ces sites Web relève de l'impossible. Ils sont souvent
hébergés à l'extérieur du pays.
Il faut
aussi garder à l'esprit que les hôteliers se doivent de respecter la vie privée
de leurs clients, de leurs invités. C'est
pourquoi ils vont faire preuve de la plus grande prudence
avant de dénoncer une situation. Avant de procéder, ils voudront en
effet s'assurer de ne pas porter de
fausses accusations à l'endroit d'un invité de l'hôtel. Ce devoir de
diligence peut parfois être perçu comme une forme de complaisance. Or, il n'en
est rien. Je peux vous assurer qu'il en est tout autrement. Il n'existe malheureusement pas un signe unique qui permet de déterminer avec
certitude s'il s'agit ou non d'une situation relevant de l'exploitation
sexuelle. C'est l'addition de plusieurs signes qui permet généralement d'en
arriver à une telle conclusion.
Ce qui
m'amène à la deuxième question. Comment les hôtels peuvent-ils contribuer à la
lutte contre l'exploitation sexuelle?
Afin de
limiter les allées et venues et améliorer la sécurité des clients dans l'hôtel,
plusieurs établissements ont opté pour l'installation de systèmes de sécurité dans les ascenseurs, qui requièrent l'utilisation d'une clé de chambre pour accéder aux étages. Cette mesure, en somme, assez simple, a pour effet de rendre
la vie beaucoup plus difficile aux individus qui souhaitent se rendre
sur les étages sans pour autant être clients de l'hôtel.
Une des stratégies
employées par les proxénètes consiste à louer une chambre pour plusieurs
jours et d'y installer une victime
afin qu'elle reçoive des clients. La chambre est généralement payée en argent
comptant afin de laisser le moins de traces possible et d'éviter
d'identifier la personne. La vigilance des employés peut permettre de déceler
certains signes. Entre autres signes, nommons l'utilisation de service aux
chambres, d'entretien, davantage de serviettes propres, de nouveaux draps, sans laisser pour autant le personnel
accéder à la chambre. L'utilisation de la pancarte «ne pas déranger» pendant une période prolongée peut aussi
constituer un indice. Les politiques peuvent varier d'un établissement à l'autre. Mais, de manière
générale, une prise de contact avec l'occupant de la chambre par téléphone ou
en personne permet de s'assurer de la sécurité à
l'intérieur de la chambre. D'autre part, la présence d'objets ou de vêtements
pour enfants, la présence importante de sommes d'argent comptant, des
accessoires sexuels peuvent tous aussi constituer des indices.
Pour aider le personnel à détecter et à agir lorsque
ces situations se présentent, des modules de formation à l'attention des
nouveaux employés sont offerts par la plupart des chaînes hôtelières. La formation
est obligatoire au moment de l'embauche et
doit être refaite périodiquement, dans la plupart des cas, annuellement. L'employé apprend à détecter
les signes en fonction des postes qu'il occupe dans l'hôtel, que ce soit
comme portier, comme préposé aux chambres ou à la réception. Lorsqu'un employé a des doutes quant à une situation,
il est invité à partager ses observations avec son supérieur immédiat. Il en revient généralement au directeur général de déterminer si les autorités
doivent être interpelées ou non. Par
contre, si la situation présente un caractère urgent ou si la sécurité d'une
personne est menacée, il va de soi que les secours seront appelés sans
délai.
• (14 h 30) •
Les
mesures de sécurité et de surveillance mises en place par les hôteliers ont eu
pour effet de rendre la vie un peu plus
difficile aux proxénètes et semblent porter fruit. Toutefois, la location
d'appartements à court terme sur des plateformes d'hébergement offre
désormais une alternative intéressante à la location d'une chambre d'hôtel.
En effet, ce
qui m'amène à la troisième question. Comment les hôteliers comptent agir contre
l'exploitation sexuelle dans
leurs établissements. Parce que tous les membres de notre organisation ne
bénéficient pas de la même structure organisationnelle
comme celle offerte par les grands groupes hôteliers, il nous apparaissait
important de trouver des moyens aussi de les appuyer.
Depuis
plusieurs années, nous travaillons en partenariat avec le SPVM afin d'offrir
gratuitement des sessions de sensibilisation
et de formation aux employés des établissements hôteliers. Ces formations
permettent de mieux comprendre la problématique tout en réduisant les
préjugés face aux victimes.
C'est dans le
même esprit qu'en 2018 nous avons tenu une grande conférence au cours de
laquelle une survivante est venue
offrir un témoignage poignant. Cette conférence a certainement permis aux
participants d'être plus à l'affût des signes et de mieux comprendre la
réalité du point de vue de la victime.
Dans la
continuité de notre collaboration avec les services policiers, nous nous sommes
associés aux trois principaux corps
policiers de la métropole dans le cadre du projet RADAR. Lancé l'an dernier, ce
projet vise à mobiliser les acteurs susceptibles
d'être en contact avec les victimes de traite de personnes. L'objectif est de
sensibiliser le personnel et de l'outiller afin d'être en mesure de
signaler les victimes potentielles. Dans le cadre de ce projet, des fiches de
renseignements indiquant les signes à
reconnaître ont été développées pour les différentes fonctions occupées dans
l'hôtel, que ce soit en entretien
ménager, à la réception, comme portier, comme chasseur, comme agent de sécurité
ou même dans la restauration ou dans les bars mais aussi à l'attention
des collègues oeuvrant dans les services de transport, que ce soient les autocars
ou les taxis.
Finalement, comme organisation, nous avons
activement pris part à la démarche entreprise par Le Phare des affranchies. Le programme Lueur, qui sera
lancé en février sous forme de projet
pilote, vise lui aussi à contrer la
traite de personnes aux fins
d'exploitation sexuelle. Le programme a été développé en partenariat avec plusieurs
représentants des milieux concernés, que ce soit le transport ou l'hébergement. Le programme donne accès à des
formations, un guide de bonnes pratiques, des modèles de politiques
internes et des outils d'affichage à l'attention des clients et des employés.
Force est de constater que plusieurs éléments recoupent aussi ceux du projet
RADAR.
En guise de
conclusion, j'aimerais souligner que la lutte à l'exploitation sexuelle est
l'affaire de tous. Au cours des dernières
années, nous avons participé à plusieurs initiatives qui nous ont permis de
prendre nos responsabilités, celles qui nous reviennent comme industrie, mais aussi d'explorer des pistes de
solution. Tous s'entendent sur la nécessité de prendre action, mais il n'existe pas pour le moment de
stratégie concertée. Nous sommes d'avis que le moment est venu d'asseoir
tous les intervenants, de se donner une stratégie et un plan d'action communs.
Finalement, il faudra s'assurer que les ressources financières et humaines
nécessaires à la mise en oeuvre soient aussi en place.
La commission
peut continuer de compter sur notre entière collaboration pour agir contre
l'exploitation sexuelle des mineurs. Chers membres de la commission, je
vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Maintenant,
j'invite Mme Martine B. Côté et Me Martin Gallié à
se présenter puis à commencer leur exposé pour une période de 15 minutes, s'il
vous plaît.
M. Gallié
(Martin) : Bonjour. M. le Président, Mme la Vice-Présidente, Mmes et MM. les commissaires. Alors, je me
présente, je suis Martin Gallié, je suis professeur de droit à l'UQAM et
vice-doyen aux études.
Et je tiens,
en mon nom et en celui de Martine, à vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion de présenter les premiers résultats d'une étude qui est toujours
en cours puisque Martine la poursuit actuellement dans le
cadre de son mémoire de maîtrise en droit à l'UQAM aussi.
Alors, on va
procéder en deux temps. Je vais présenter les conclusions de notre étude sur la
prostitution et le droit à l'aide sociale. Et puis Martine traitera
quant à elle des parcours de sortie mis en place en France à titre d'exemple.
Alors, notre étude s'est appuyée sur la
littérature essentiellement disponible sur le sujet au Québec mais aussi beaucoup
à l'étranger, et on a pris aussi une analyse de la jurisprudence, c'est-à-dire des jugements qui ont
été rendus par le Tribunal administratif du Québec pour un motif en
particulier : les versements versés en trop... enfin, non, pardon,
excusez-moi, c'est-à-dire, quand le... on a analysé les jugements, quand le
ministère de la Solidarité sociale réclame des prestations versées en trop à
des prestataires qui n'ont pas déclaré leurs revenus de la prostitution.
Alors, je
vais insister sur quatre points en lien avec, je crois, le mandat de la
commission. Le premier, c'est le nombre considérable de personnes exploitées sexuellement qui dépendent ou qui
pourraient dépendre de l'aide sociale si elles en faisaient la demande ou si elles n'étaient pas
sans statut. Alors, oui, il faut bien préciser qu'à notre connaissance
également il n'existe aujourd'hui aucune donnée officielle sur la catégorie
sociale à laquelle appartiennent les personnes prostituées, qu'elles soient mineures ou qu'elles soient
majeures. Cela constitue déjà un obstacle important pour élaborer une
stratégie cohérente de lutte contre l'exploitation sexuelle.
Ceci dit, de nombreux témoignages devant cette
commission, de groupes communautaires, de documentaristes, comme des services de police, sont toutefois venus
nous préciser et nous informer qu'en ce qui concerne les mineures, elles
ne se recrutaient pas n'importe où, mais
très souvent dans les quartiers pauvres de Montréal, on nous parlait de la
couronne nord, des centres de jeunesse, des
communautés racisées et autochtones ou encore parmi les personnes étrangères
sans statut.
D'après les
différentes recherches, maintenant, réalisées au Québec, c'est au minimum un
tiers, et le plus souvent presque la
moitié des personnes prostituées interrogées et actives dans l'industrie du
sexe qui dépendraient de l'aide sociale. Pour celles qui ont quitté l'industrie du sexe, ce sont entre 45 %
et 70 % des personnes qui dépendraient de l'aide sociale. Bref, les données disponibles sont vagues, ça, c'est sûr,
mais elles tendent toutes à confirmer que, dans des proportions considérables, les personnes exploitées
sexuellement sont pauvres — et qu'elles soient majeures ou mineures — sont pauvres avant, pendant, quand
elles tentent de quitter la prostitution et à leur sortie de la prostitution.
Pas conséquent, les études disponibles
s'entendent également pour affirmer que lutter contre l'exploitation sexuelle
et développer une stratégie cohérente, bien,
pour faire ça, il faut bien évidemment combattre la pauvreté, mais également
les inégalités de revenus, dont on sait qu'elles sont fonction du sexe, de la classe, de la race et de l'âge. Et
cette lutte nous oblige également à questionner les politiques publiques actuelles et l'une des
premières sources de revenus des personnes prostituées, l'aide sociale. Et
pour dire dès maintenant ce que nous
souhaitons dire à la fin de notre présentation, nous défendons ici l'idée que
non seulement les politiques
actuelles du ministère responsable de l'aide sociale ne permettent pas de lutter
efficacement contre l'exploitation sexuelle,
mais, au contraire, elles permettent d'encourager l'exploitation sexuelle, en
violation de la loi fédérale de 2014 et de la dignité humaine.
Le deuxième
point sur lequel nous souhaitons attirer votre attention, c'est sur
l'incapacité des personnes victimes d'exploitation sexuelle et
dépendantes de l'aide sociale à porter plainte au criminel. Il est relativement
bien documenté, à l'étranger surtout, que
les personnes victimes d'exploitation sexuelle ne déclarent pas leurs revenus
de la prostitution ni au ministère de
l'Aide sociale ni au ministère du Revenu ou des Impôts. Ceci se comprend
relativement aisément, puisque toutes les
sommes déclarées seront déduites de la prestation sociale, qui aujourd'hui s'établit
à environ 670 $ par mois pour une personne
seule. Elles font donc de fausses déclarations et peuvent être poursuivies pour
les sommes versées en trop après une enquête
du ministère de la Solidarité sociale. Et ici, il faut vraiment garder à
l'esprit que le ministère réalise des milliers et, certaines années, des dizaines de milliers
d'enquêtes, parfois à l'aide de rapports de police, pour débusquer de
potentiels fraudeurs, la plupart du temps suite à des dénonciations anonymes.
Les enquêtes
du ministère et les auditions des prestataires au tribunal révèlent à quel
point les victimes d'exploitation sexuelle
dépendent financièrement de l'aide sociale pour payer leur loyer, le plus
souvent, ou leur nourriture. On pourrait multiplier les exemples, mais je cite ici des extraits de jugements,
comme cette ancienne prostituée de 25 ans qui déclare à l'audience, c'est-à-dire quatre ans après la
coupure de l'aide sociale, qu'elle était prête — je cite — à faire n'importe quoi et à dire
n'importe quoi à l'enquêteur pour obtenir son chèque de l'aide sociale et ne
pas perdre la garde de ses enfants. Cette
dépendance à l'aide sociale a des effets directs sur la lutte contre
l'exploitation sexuelle. Les prestataires renonceront la plupart du temps à porter plainte, de peur que
cette plainte criminelle soit transmise aux inspecteurs de l'aide sociale
et que cela se traduise très concrètement
par la coupure de l'aide sociale, et pour certaines, le retrait de la garde des
enfants. Il a pourtant été maintes
fois répété devant cette commission, par les services de police en particulier,
que ces plaintes étaient des
conditions sine qua non pour lutter efficacement contre l'exploitation
sexuelle, des mineurs comme des majeurs. C'est pourquoi nous nous
permettons de vous demander, Mmes et MM. les commissaires, d'analyser l'impact
des politiques actuelles du ministère en
charge de l'aide sociale sur l'accroissement constaté et dénoncé de
l'exploitation sexuelle. Ce sont, dans
tous les cas, ces liens étroits entre les politiques de l'aide sociale et
l'exploitation sexuelle qui ont motivé la création d'une commission
d'enquête de la Chambre des communes, au Royaume-Uni, sur le sujet.
Le troisième point sur lequel nous souhaitons
revenir ici, c'est l'arbitraire du ministère de l'aide sociale et les
conséquences de cet arbitraire en matière de lutte contre l'exploitation
sexuelle. Les enquêteurs du ministère de l'aide sociale font face exactement au même problème que celui dénoncé par les
services de police en matière criminelle devant la commission. Ils sont, de facto, devant
l'impossibilité d'évaluer le montant des sommes réellement perçues par les
victimes d'exploitation sexuelle. Mais, de
manière pour le moins fâcheuse, cette incapacité à évaluer ces revenus et cette
absence de preuve ne soulève absolument
aucun problème juridique, ni pour le ministère ni pour le Tribunal
administratif du Québec.
• (14 h 40) •
Simplement
pour illustrer la démarche du ministère, je prends l'exemple de cette personne
qui, selon le tribunal, est analphabète,
prestataire depuis des années, qui a connu divers problèmes de santé et de
polytoxicomanie et qui bénéficie du barème pour personnes souffrant de
contraintes sévères à l'emploi. Elle déclare à l'enquêteur avoir commencé des activités de prostitution — je cite — vers juin 1997, pendant plusieurs années, de
façon régulière, à raison d'un à trois clients par jour et, je cite encore, qu'elle pouvait gagner environ 150 $
par jour, qui servaient à payer l'héroïne de sa fille. C'est à partir de cette déclaration, pour le moins vague,
que le ministère établit une moyenne et le chiffre, le montant de la
réclamation à exactement 48 440 $.
Pour le ministère, comme pour le tribunal, le fait que ce soit un ou peut-être
trois clients par jour pendant 200 ou 365 jours, pour 100 $ ou
150 $ n'a absolument aucune importance. Les sommes réclamées sont presque
toujours confirmées par le tribunal au centime près.
Ceci est
d'autant plus arbitraire qu'il est bien établi qu'il y a une différence
gigantesque entre les sommes versées par les clients et celles finalement perçues par les personnes exploitées
sexuellement. Elles ne tiennent pas compte des sommes versées au
proxénète, des coûts du logement, de la dépendance à l'alcool, aux drogues, aux
médicaments. Enfin, le dernier point sur
lequel nous souhaitons attirer l'attention des commissaires, c'est que cette
politique publique pourrait engager la responsabilité de l'État
québécois en matière d'exploitation sexuelle. Dans les 14 jugements
analysés, le ministère réclame, en moyenne,
23 821,70 $. C'est un montant qui est, grosso modo, équivalent à deux
années de prestations sociales qui doivent être remboursées.
Ici, il faut
garder en tête que non seulement les personnes prestataires ont dû faire la
preuve au ministère qu'elles étaient
admissibles à l'aide sociale, c'est-à-dire qu'elles n'avaient donc pas ou très
peu de ressources, mais il faut surtout insister sur le fait que d'après le ministère lui-même, plus de
60 % des prestataires ont des contraintes sévères ou temporaires à l'emploi. Elles ne peuvent donc pas travailler.
Et il est bien documenté que c'est aussi le cas de la quasi-totalité des
personnes exploitées sexuellement qui souffrent de nombreux chocs
post-traumatiques.
Par
conséquent, dans ces dossiers spécifiquement, le ministère réclame des dizaines
de milliers de dollars, parfois 80 000 $, à des personnes qui
ont été qualifiées, par un médecin et par le ministère lui-même, comme inaptes
au travail ou avec des chocs post-traumatiques. Le
ministère réclame des sommes colossales à des personnes, donc, qui n'auront légalement, et j'insiste sur ce point, pas d'autre
choix que de recourir à des moyens illégaux, comme la prostitution, pour
rembourser les sommes dues.
Ce sont précisément
ces réclamations des ministères de l'Aide sociale et des Impôts qui ont obligé
les magistrats français et une juge
de la Cour européenne des droits de l'homme à condamner et à déclarer que
l'État français se comportait comme un proxénète, en tirant profit de la
prostitution et en empêchant toute possibilité de réinsertion et de lutte
contre l'exploitation sexuelle. Compte tenu
de ces éléments, nous nous permettons donc d'inviter les commissaires à
recommander aux ministères compétents de revoir les critères d'admissibilité à
l'aide sociale, de réduire les délais d'attribution à l'aide sociale, de revoir les procédures d'enquête, de réduire les
délais judiciaires, d'annuler les réclamations du ministère pour les victimes d'exploitation sexuelle et,
enfin, d'accroître les montants de l'aide sociale. Ce sont des pistes de
solutions et des solutions mises en place,
qui ont été proposées, en tout cas, et qui sont mises en place dans d'autres
pays, comme va maintenant l'exposer Martine Côté. Merci.
Mme Côté
(Martine B.) : Bonjour.
Merci, Martin. Je m'appelle Martine B. Côté. Jusqu'à récemment, je
travaillais à la concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, que
vous avez entendue hier, la CLES.
J'ai beaucoup
appris auprès des intervenantes là-bas et surtout aux côtés des femmes qui
fréquentent l'organisme. Voir ces
femmes se buter à autant d'obstacles pour quitter l'industrie, et voir des
femmes sorties même depuis des années, vivre
avec autant de conséquences physiques, psychologiques et sociales m'a donné
envie de retourner aux études, et c'est à cet humble titre de candidate
à la maîtrise en droit et auxiliaire de recherche que je m'adresse à vous
aujourd'hui.
Nous avons
suivi avec beaucoup d'intérêt la commission. Il a été maintes fois question du
modèle suédois. Nous voulons attirer
votre attention aujourd'hui sur le cadre législatif français, un peu plus
récent, imparfait, mais qui offre des réflexions
très intéressantes et surtout, qui se révèle beaucoup plus cohérent. Le
13 avril 2016, la France a adopté un nouveau cadre législatif en
matière de prostitution, dont le titre est sans équivoque, la Loi visant à
renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les
personnes prostituées.
Le cadre
français est, tout comme la Suède et le modèle canadien, un modèle où le
client... l'achat est pénalisé, où, comme le dit le Mouvement du Nid, un
organisme important dans la lutte à l'exploitation sexuelle en France, le
modèle français dépénalise les victimes et
responsabilise les clients. Les comparaisons avec le Canada, par contre,
s'arrêtent là, premièrement parce
que, contrairement au Canada, la loi française, elle est appliquée. En France,
moins de trois ans après son
application, plus de
4 000 acheteurs ont été arrêtés. Au Québec, le journal La Presse
nous apprenait, en juillet dernier, que 233 clients ont été arrêtés
près de cinq ans après la nouvelle loi.
L'État français a mis en place une mesure très
intéressante et surtout cohérente avec ses objectifs législatifs, c'est-à-dire la création d'un parcours de sortie
de la prostitution. Permettez que, pour le temps dont je dispose, je
l'appelle le PSP. Comment ça fonctionne? Je
vais tenter de vous l'expliquer, c'est assez bureaucratique — c'est français, désolé, Martin.
Alors, l'État français a mis en place des commissions qui sont chargées de
répondre aux objectifs de la loi. Chaque département
doit mettre sur pied une telle commission. Ces commissions sont représentées
d'institutions telles que les services de police, de justice, de santé,
d'éducation, des représentants des collectivités locales et des représentants
d'association, l'équivalent de nos organismes communautaires au Québec. Ce sont
ces grandes structures qui administrent les PSP.
Pour faire le lien entre cette structure et les
personnes qui souhaitent quitter l'industrie, des organismes qui travaillent
déjà avec ces personnes font une demande d'accréditation. Une fois que cette
demande-là est acceptée, les organismes deviennent le lien et aident les
personnes à faire leur demande d'accès pour un PSP et les accompagnent dans
toutes les démarches, une fois admises à ce fameux PSP.
Qui peut être
admissible? La personne, et ça, il y a des critiques qui l'ont souligné, on
pourra en rediscuter si ça vous intéresse,
la personne doit avoir cessé toute activité prostitutionnelle et être âgée d'au
moins 18 ans. Une fois acceptée, la personne s'engage, auprès d'une association qui a son accréditation,
dans un parcours d'une durée minimale de six mois, renouvelable jusqu'à un maximum de deux ans. Cette
personne reçoit une allocation de 330 € par mois, qui est bonifiée
si elle a des enfants à sa charge. La
personne engagée dans un PSP devient prioritaire pour obtenir une place
d'hébergement ainsi qu'un logement social.
Par ailleurs,
vous le savez peut-être, une large proportion des personnes prostituées en
France sont de nationalité étrangère, 86 %, très souvent sans
papier. La nouvelle loi prévoit pour elles une autorisation provisoire de séjour
d'une durée minimale de six mois, chose dont elles ne disposaient pas, aide
financière incluse, avant cette loi de 2016.
La personne
engagée dans un PSP bénéficie également d'une annulation de ses dettes
fiscales. Cela nous apparaît très important à la lumière des demandes de
recouvrement astronomiques dont nous vous avons fait part, ainsi que, comme il a été documenté, le fait que la personne
exploitée sexuellement conserve, au final, une très petite partie de ses
gains. Nous insistons donc sur l'importance de l'annulation des dettes fiscales
pour les victimes d'exploitation sexuelle et souhaiterions
voir le ministère rouvrir les dossiers des personnes qui ont actuellement une
dette, soit à l'aide sociale, soit à Revenu Québec.
Avec la loi
du 13 avril 2016, en France, est venue la mise sur pied d'un stage de
sensibilisation, le très mal nommé, si
on me demande mon avis, «john school», alors je vous propose d'utiliser la
formule «journée de sensibilisation». Alors, en France, c'est utilisé en
guise de peine complémentaire ou alternative, donc une journée de
sensibilisation à la réalité de l'exploitation sexuelle, et ça va vous
intéresser à titre de gestionnaires de nos portefeuilles, aux frais de la
personne poursuivie. Donc, le client doit
débourser 180 € pour participer à cette journée de sensibilisation, ce qui
donne aussi un petit montant d'argent à des survivantes qui en ont bien
besoin.
Enfin, notez
qu'avec l'adoption de la loi française est venue la possibilité pour les
victimes d'exploitation sexuelle de faire
une demande d'indemnisation à l'équivalent français de l'IVAC. Nous joignons
donc notre voix à celles et ceux qui réclament l'ajout du proxénétisme et de la traite
à la liste des crimes indemnisés, et nous ajoutons l'abrogation du délai
de prescription. Vous l'avez entendu, nous
fouillons dans la jurisprudence et nous avons recensé des décisions dans
lesquelles des femmes ne sont pas
indemnisées parce que, par crainte de représailles, elles ont attendu que leur
proxénète soit arrêté pour faire une demande d'indemnisation, par
exemple, pour une agression sexuelle. Ce délai dépasse les deux ans prévus par
la loi, donc on refuse.
Très
rapidement, je conclus. Il y a des premiers résultats de l'application de la
loi française. Je vous parlais des clients pénalisés, mais sachez que 65 commissions ont été installées,
78 associations agréées, 250 personnes sont actuellement en parcours de sortie de la prostitution et plus de
270 hommes ont suivi cette journée de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels.
Nous nous permettons donc de recommander à la
commission la création d'un parcours de sortie de la prostitution au Québec adaptée à la réalité québécoise et pour lequel
les groupes communautaires pourraient mieux que nous définir les paramètres en termes de logement, d'allocations et
d'aide financière de toutes sortes, et, pourquoi pas, un projet pilote
destiné aux mineurs qui souhaitent sortir de l'exploitation sexuelle? Merci.
• (14 h 50) •
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci
beaucoup pour votre présentation, pour vos présentations. Nous allons passer maintenant à la période de questions. Alors, je
vais demander aux députés de m'indiquer à qui s'adresse la question,
mais, avant tout, je veux juste vous
rassurer, cette commission a bien entendu ce qui a été dit au sujet de l'IVAC,
et notre ministre est déjà dans l'action. On va attendre ce qui est
concret, mais on vous a bien entendu. Alors, première question, j'ai la députée
de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais tenter d'être
brève pour que tout le monde puisse
poser leurs questions. Les recommandations que vous faites sont vraiment
intéressantes. Je vais juste diriger ma question vers l'Association des hôtels du Grand Montréal. J'avais hâte
de vous rencontrer parce que j'ai des contacts très privilégiés qui m'ont parlé de ce qui a été mis en
place, surtout dans les grands hôtels, on s'entend, et ça m'a suscité la
question suivante parce que ce qu'on me
disait, c'est que parmi les employés... ils avaient peur à la délation, ils
avaient peur d'être vus comme des
délateurs, alors qu'il y a quand même un certain nombre de programmes qui ont
été mis en place. Et c'est là-dessus
que je voudrais peut-être que vous me précisiez qui donne les programmes,
comment ils sont basés et comment l'approche
se fait auprès des employés pour que justement ça puisse être vu non pas comme
de la délation, mais... Et je vous
rappelle, le nom de la commission, c'est l'exploitation sexuelle des mineurs,
pour ne pas susciter trop de débats, là, on parle vraiment des mineurs. Donc, comment cette approche-là est-elle
faite pour avoir l'engagement des employés, des consultants?
Mme Paré (Eve) : Je laisserais
M. Pouliot répondre à cette question, si vous permettez. Merci.
M. Pouliot
(Jean-François) : Écoutez, je pense que nous, notre rôle, c'est un
rôle de prévention et d'éducation. On
se doit de s'assurer qu'on équipe tous les départements avec les bonnes
pratiques. Puis la délation, c'est drôle, on n'en parle pas beaucoup,
c'est vraiment... À travers les formations, que ce soit avec le SPVM ou que ce
soit à travers nos bannières, c'est de
reconnaître les signes indicateurs d'une problématique, puis comment
intervenir. Donc, que ce soit la préposée aux chambres qui se pointe et
qui s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui cloche, c'est de se retourner le
plus rapidement possible vers le superviseur
ou le directeur en devoir et dire : Il y a quelque chose qui se passe. Et
à partir de ce moment-là, nous, on
intervient, que ce soit à travers le département de la sécurité ou quoi que ce
soit, ou, s'il y a de la violence apparente
ou des choses comme ça, bien, le 911 est fait. Alors, c'est vraiment plus une
question d'être constamment vigilant puis
de le rappeler de façon mensuelle, de le rappeler à travers des réunions pré-quart
de travail ou quoi que ce soit, mais de bien s'assurer qu'ils sont à l'aise de ce côté-là. Donc, le côté
délation, pour moi, c'est drôle, vous en parlez, mais je pense que ce
n'est pas une préoccupation qui nous a été tablée.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Parce qu'on m'a textuellement dit que, dans les grands
événements, et vous, vous nous l'avez quand même dit, il y a une hausse,
là, quand même, de...
M. Pouliot (Jean-François) :
C'est une réalité de tous les jours. Ça fait longtemps qu'on... Puis on n'en
veut pas, etc., donc ce qu'on fait,
vraiment, c'est... qu'est-ce qu'on a comme mécanisme en place pour rendre la
vie difficile à ces criminels-là ou
ces proxénètes-là. À un moment donné, il y en a qui sont plus intelligents que
d'autres, et ils trouvent toutes sortes
d'entourloupettes, mais il reste néanmoins qu'on est de plus en plus vigilants
et on réagit. Transaction comptant, des gros montants, que ce soit... Une des petites choses qu'on fait qui est
d'une importance capitale, c'est de vérifier l'identité, que ce soit la carte de crédit qui est associée à
la bonne carte d'identité, etc. Évidemment, il y a toutes sortes de trucs,
puis la personne qui va se présenter en
avant de vous n'est pas nécessairement mal habillée ou suspecte, là, mais il y
a quand même ces mécanismes-là qui rendent la vie plus difficile à tout
le monde. Mais, je veux dire, ce n'est pas... De voir que, durant le Grand Prix, par exemple, il y a une
recrudescence, il y en a plus, oui et non. On voit qu'il y a beaucoup plus
d'activité, et c'est clair qu'on le sait,
qu'il se passe des choses, mais est-ce que c'est clair, est-ce que c'est
mineur, est-ce que c'est... C'est très difficile de faire la
distinction, et donc...
Mme Lecours (Les Plaines) :
O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Ma
question aussi va être plus spécifiquement pour les gens de l'Association des
hôtels du Grand Montréal. Moi, j'ai été dans le domaine de l'hôtellerie un peu, et puis c'est vrai que c'est
très difficile quand même, là, pour un employé de déceler ça, parce que tout se... bon, ça se passe... c'est compartimenté quand même,
là, les tâches de chacun. Donc, j'étais heureuse de voir, là, la collaboration avec le SPVM, qui est assez récente. Je ne sais pas si ça fait plus longtemps,
les collaborations, mais il me semble qu'on avait eu une
sortie, il y a peut-être un an et quelques de ça, qu'il y avait quelque chose
de plus spécifique, là, comme projet pilote ou...
Mme Paré
(Eve) : Ça fait plusieurs
années qu'on collabore avec le SPVM. Je vous dirais, les premières
années, c'était peut-être de façon plus informelle. Maintenant, il y a le
projet RADAR qui...
Mme Perry
Mélançon : La formation est plus...
Mme Paré
(Eve) : Mais la formation se
donnait déjà depuis plusieurs années. Je vous dirais, le projet RADAR
est venu englober aussi le SPAL puis la police de Laval dans une collaboration,
là, qui est plus métropolitaine.
Mme Perry
Mélançon : Puis est-ce qu'on sait, de un, si c'est aussi de la formation qui est... bon, c'est une
petite industrie, quand même, donc ça ne s'adresse pas nécessairement à vous,
mais est-ce qu'on sait si, dans les plus petits établissements hôteliers, bon,
avec trois étoiles et moins, parce qu'on sait que c'est quand même utilisé
aussi, des fois, motels, etc., est-ce que c'est quelque chose qui est aussi... est-ce
qu'ils ont des outils également?
Et puis ma deuxième
question, je pourrais tout de suite vous la présenter, ce serait de savoir si,
selon vous, on devrait avoir plus
d'incitatifs du côté du gouvernement pour que tous les établissements de l'industrie du tourisme mettent la main à la pâte, finalement, parce que vous avez
dit que c'était l'affaire de tous, finalement, là, de lutter contre ce
phénomène, donc d'avoir un peu votre opinion là-dessus, comment on peut faire
plus collaborer tout le monde à cette lutte.
Mme Paré
(Eve) : Sur la question de la formation, je vous dirais que j'ai eu
l'occasion de comparer un peu le contenu des diverses formations, que ce soit avec Le Phare des affranchies, avec
RADAR ou avec les chaînes hôtelières. Ça se recoupe passablement. Ça fait qu'il y a une certaine
uniformité, je veux dire, les signes qu'on doit détecter sont sensiblement
les mêmes qui sont présentés dans l'une ou l'autre des formations.
Pour
ce qui est des petits hôtels, c'est beaucoup plus difficile pour moi de
commenter puisqu'ils ne sont pas partie prenante de notre organisation. C'est certain que des projets comme
RADAR sont offerts à travers le réseau hôtelier, mais ils ont aussi travaillé avec les sociétés de
développement commercial de certains arrondissements. Donc, il y a possibilité
de rejoindre d'autres types de commerçants,
que ce soient des bars, des restos, des cafés ou des plus petits
établissements, donc ils ont quand même accès à cette formation-là. Il y
a peut-être un défi de communication pour faire connaître cette possibilité-là,
effectivement.
Je
vous dirais, le constat, puis je le nommais dans ma conclusion, c'est que nous,
on lève la main puis on est prêts à
travailler avec tous ceux qui veulent travailler dans ce sens-là. Maintenant,
on réalise qu'il y a beaucoup d'intervenants, il y a beaucoup de philosophies. Je pense que d'avoir une approche unifiée,
avec les ressources financières et humaines qui les accompagnent, ça
faciliterait certainement la vie de tout le monde, et on est entièrement
disponibles pour collaborer en ce sens-là.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. La prochaine question sera pour
le député d'Ungava. Mais, avant tout,
je vais demander le consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à
15 h 20, étant donné qu'on a un petit peu de retard. Est-ce
qu'il y a consentement? Consentement. Merci beaucoup. Alors, député d'Ungava.
M.
Lamothe : Bonjour, Mme Paré. Bon, vous avez en plus un bon
système de prévention, là, pour le proxénétisme et, si on veut, la prostitution dans vos hôtels à Montréal. Il y a des
signes, là, que vous donnez aux employés, dans le sens : Regardez, soyez vigilants, là, l'extra cash sur
les bureaux, le paquet de serviettes, les vibrateurs, tout le kit. Vous
travaillez conjointement avec la police de
Montréal, Les Survivantes, pour faire en sorte d'éliminer ce fléau-là. Parce
qu'il y a un fléau?
Mme Paré
(Eve) : Oui.
M.
Lamothe : Disons dans les trois dernières années, là, combien de
dossiers la police de Montréal a faits dans vos hôtels face au
proxénétisme ou à la prostitution dans vos hôtels?
Mme Paré
(Eve) : C'est une excellente question à laquelle je n'ai pas réponse.
Il y a certains établissements qui m'ont contactée pour avoir des
coordonnées de personnes à contacter parce que, des fois, c'est avec le poste
de quartier directement qu'on a eu des collaborations. Mais je n'ai aucune idée
du nombre de dossiers qui ont été traités.
M.
Lamothe : Parce que, vous savez, quand vous venez ici puis vous me
dites... bien, vous dites : Écoutez, on a en place un beau système de prévention parce qu'on a
un problème, puis que vous n'avez pas de chiffres à me donner suite à la
prévention que vous mettez en place, sachant très bien que c'est un problème,
je ne sais pas, là...
Mme Paré
(Eve) : Je n'ai pas la connaissance de tout ce qui se passe dans tous
les hôtels. Peut-être que Jean-François, pour...
M. Pouliot
(Jean-François) : Écoutez, le fléau, on sait que c'est une
préoccupation, puis il faut réagir, puis il faut minimiser les risques, puis, en tant qu'hôteliers, c'est ce qu'on doit
de mettre en place. Maintenant, est-ce qu'on a une idée exactement des cas qui sont signalés et que
c'est... Je vous dirais que non, puis, de mon expérience, je n'en ai pas vu
beaucoup, et, quand on l'a su, on l'a su à
retardement. Il est arrivé un incident, et la police a enquêté, etc., ils sont
venus chercher des informations, et pouf! ça s'est passé dans nos lieux,
là. C'est difficile, c'est passé entre les maillons.
• (15 heures) •
M.
Lamothe : Oui. O.K. Oui.
Moi, ce que je dis, c'est que je n'ai pas d'exemple à vous donner. Mais par contre j'ai été policier moi-même. Ça
fait que, quand on met en place un système préventif pour faire en sorte
d'enrayer une problématique, c'est bon de faire un suivi aussi après
l'événement pour savoir on se situe où dans tout ça, là.
Mme Paré (Eve) : Tout à fait.
M. Pouliot (Jean-François) : À
noter.
M. Lamothe : C'est bon. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci. Merci, M.
le Président. Merci pour votre présentation.
Donc, dans
votre mémoire — donc
je m'adresse à l'association des hôteliers du Grand Montréal
dans un premier temps — vous
faites mention de votre devoir de diligence, donc, mais en même temps vous nous avez parlé aussi... Vous avez observé une migration de cette problématique-là
vers les Airbnb. Donc, ça, c'est... Et ça, ça a sonné une cloche
puisqu'on vient d'adopter il n'y a pas si
longtemps un règlement sur les Airbnb, et voilà un enjeu, je crois, autour
duquel je crois qu'il nous faudra être vigilant, l'enjeu de
l'exploitation sexuelle. Et vous n'êtes pas le premier groupe qui nous a parlé
des enjeux par rapport à Airbnb.
Donc, ma
question pour vous. Quand on parle — je n'ai pas les chiffres — de permis d'établissement hôtelier
dans le Grand Montréal, il y a combien de
permis d'établissement hôteliers? Je sais que, chez vous, vous avez une
centaine de membres. Je parle de
permis d'établissement hôteliers. Est-ce que vous avez une idée de combien il y
a de permis d'établissement hôtelier sur le territoire de l'association?
Mme Paré (Eve) : Les chiffres
peuvent varier selon comment on définit le territoire, si c'est Montréal, si
c'est la région métropolitaine. Je vous dirais, sur Montréal, de mémoire, on
parle de 200 permis hôteliers, toutes tailles d'établissement.
M. Benjamin : 200 permis
hôteliers.
Mme Paré
(Eve) : Un hôtel, ça commence à cinq chambres et plus. Ça peut être
un, deux, trois, quatre, cinq étoiles. De
mémoire, sur Montréal, c'est 200 permis. Maintenant, les résidences de
tourisme, là, il y a une multiplication du nombre de permis qui ont été
émis ou qui seront émis avec la nouvelle réglementation.
M. Benjamin : Donc, je
comprends que les efforts qui ont été déployés, évidemment, auprès des membres
de l'association... Donc, il resterait au
moins... Il y a au moins, donc, tout ce qui n'est pas membre, évidemment, soit
en moyenne, quoi, une centaine, à peu
près, d'autres établissements pour lesquels on ne sait pas actuellement
qu'est-ce qui est déployé comme efforts, donc, en termes de formation.
C'est bien ça?
Mme Paré (Eve) : L'association
représente 20 000 chambres d'hôtel sur peut-être 24 000.
M. Benjamin : 20 000 sur
24 000.
Mme Paré (Eve) : Donc, on
couvre quand même... On ratisse quand même assez large.
M. Benjamin :
Parfait. Ma prochaine question, pour M. Gallié et — c'est Mme Côté? — Mme Côté. Merci pour votre
présentation.
Je sais que
vous nous avez parlé, en début de présentation, de la difficulté à avoir des
données. Je vais vous poser une question sur les données. Avez-vous une
idée quand on vous... Cette situation-là sur laquelle vous attirez notre attention concernerait... Est-ce que vous avez un
estimé, une estimation, à peu près, de combien de personnes à peu près
cette situation-là pourrait concerner au Québec?
Mme Côté (Martine B.) : En termes de nombre de personnes, non. Par
contre, nous, ce qu'on a fait, c'est recenser toutes les études qui font mention de personnes qui ont ou
ont eu des revenus de prostitution et qui mentionnent aussi des prestations d'aide sociale. Donc, je ne pense pas qu'on
puisse tirer un nombre de personnes avec ça. Mais assurément qu'à travers les six études qui constituent notre
corpus on peut affirmer... Et je crois que Martin vous a donné les chiffres
précis, en termes de pourcentage, de
personnes qui ont ou ont eu des revenus de prostitution et qui sont
prestataires d'aide sociale. Donc, peut-être
qu'on peut redire ces chiffres-là si ça vous intéresse. Mais, en termes de
nombre de personnes, c'est assez difficile.
M. Gallié (Martin) :
Bien, c'est d'autant plus difficile que même les services de police sont dans
l'incapacité de connaître le nombre
de personnes qui vendent... enfin, qui se prostituent, par exemple. On n'en a
absolument aucune idée. Je crois que
le seul chiffre que j'ai réussi à trouver, c'était le nombre de transactions,
l'évaluation, à plusieurs millions, de transactions réalisées rien qu'à
Montréal.
Mme Côté
(Martine B.) : Mais peut-être juste un petit ajout. L'étude la plus
récente qui a été faite ici, c'est une étude privée, je tiens à le dire. Vous avez reçu son auteure principale, Maria
Mourani. L'échantillon, il est très, très important, surtout quand on
parle de personnes prostituées, 548 personnes. Alors, dans l'étude de
Mme Mourani, 250 personnes, sur son échantillon,
ça représente 49 % qui étaient actives au moment de répondre au
questionnaire, étaient aussi prestataires d'aide sociale. Du côté des personnes qui avaient quitté l'industrie, 208 de
son échantillon, soit 45 %, étaient prestataires d'aide sociale.
Et, quand on parle d'études concernant les personnes prostituées, un tel
échantillon, 548, au Québec, c'est vraiment très important.
M. Benjamin :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci de participer à cette commission spéciale.
J'aurais
besoin de chiffres. Vous avez dit qu'il y avait 200 permis d'hôtel à
Montréal, grosso modo. Vous couvrez 20 000 chambres.
En termes de marché, en termes d'entrées d'argent, ça veut dire combien, ça?
C'est une industrie qui représente combien de millions ou de milliards
de dollars, l'industrie de l'hôtellerie à Montréal?
Mme Paré
(Eve) : Excellente question. Je n'ai pas les chiffres en tête.
Mme St-Pierre :
Vous n'avez pas ces chiffres-là?
M. Pouliot
(Jean-François) : Au risque de me fourvoyer, je vais vous dire... Je
peux vous revenir avec les montants, mais
ça représente... C'est un moteur d'emploi très important puis qui génère
beaucoup de revenus. Et, pour vous donner une idée, avec le nombre de chambres qu'on gère, mettons, 70 %
d'occupation dans l'année, puis un tarif moyen de 200 $ ou,
mettons, 175 $, ça peut nous donner une idée.
Mme St-Pierre :
Qui serait à peu près... Vous êtes obligé de sortir la calculette?
M. Pouliot
(Jean-François) : Je vais être obligé de sortir la calculette, mais je
peux vous revenir rapidement avec des statistiques plus précises si
nécessaire.
Mme St-Pierre :
O.K. Et est-ce qu'on peut savoir... Cet argent-là, les clients, en grande
majorité... En fait, c'est ce que...
J'ai l'impression qu'en grande majorité ce sont des clients qui sont de
l'extérieur du Québec ou de l'extérieur de Montréal, qui viennent de d'autres pays ou qui viennent d'ailleurs au
Canada. Il doit certainement y avoir un pourcentage.
Mme Paré
(Eve) : 80 % des clients proviennent de l'extérieur de la
province.
Mme St-Pierre :
Bon, 80 % des clients proviennent de l'extérieur de la province. Donc, on
a parlé de pauvreté. On parle d'aider
ces personnes à sortir de l'exploitation sexuelle. L'argent qui entre vient à
80 % de l'extérieur du Québec, donc, et je sais que les gouvernements, les ministres des Finances n'aiment
pas beaucoup les taxes dédiées, mais peut-être que ça serait une solution, c'est-à-dire de créer un
fonds particulier, un fonds spécial pour venir en aide à ces personnes
victimes d'exploitation sexuelle et de
peut-être avoir un pourcentage, genre, peut-être 1 % ou 0,5 %, sur le
tarif de l'hôtel pour créer un fonds
pour venir en aide à ces personnes qui sont victimes d'exploitation sexuelle.
Je ne vous demande pas de répondre à
ça parce que je pense que je vais... Peut-être que c'est trop une surprise pour
vous que j'arrive avec cette idée-là, mais ça fait un bout de temps que
ça me mijote dans la tête et je me dis : Bien, il va falloir à un moment
donné qu'on trouve des solutions, qu'on
trouve des moyens. Puis on vient d'avoir une belle démonstration que l'aide
sociale, ce n'est vraiment pas la solution.
Puis les victimes d'actes criminels ne seront peut-être pas... L'aide aux
victimes d'actes criminels ne serait peut-être pas la solution non plus.
Dans
votre plan ici, je trouve ça vraiment intéressant d'amener des employés à
détecter certains signaux. Ça, je pense que ça doit se poursuivre. En
termes de cas, est-ce que vous avez une idée combien de cas ont été rapportés
dans la dernière année ou dans les dernières années? Est-ce que c'est quelque
chose qui est très fréquent, pas fréquent ou moyennement fréquent?
Mme Paré
(Eve) : À l'échelle de nos membres, je suis incapable de vous
répondre. Je m'en excuse. Mais je pourrais peut-être passer la parole à
mon collègue, qui, dans son établissement, peut commenter, là.
M. Pouliot
(Jean-François) : Bien, ça revient un petit peu aux commentaires qu'on
a faits ou aux commentaires du député
d'Ungava plus tôt, c'est difficile. Le suivi à faire suite à certains incidents
ou certaines enquêtes serait intéressant. Je ne peux pas vous dire que ça a été notre réflexe. L'idée, c'est de le
prévenir puis d'empêcher que ça se passe chez nous. Donc, notre réflexe,
c'est vraiment la prévention. Puis, lorsque...
Mme St-Pierre :
...vous a motivés à... C'est parce que vous avez... vous voyez qu'il y a
quelque chose qui se passe. C'est pour ça que vous avez été motivés à le
faire.
M. Pouliot
(Jean-François) : Bien, c'est quelque chose... On ne peut pas
approuver cette façon de faire. Si ça se passe dans nos établissements, il n'y a rien... Il y a un risque
économique associé à ça. Je veux dire, on ne veut pas être associés à un acte criminel. Alors donc, de ce côté-là,
c'est la motivation, évidemment, l'association avec la bannière et tout ce
qu'on veut. Mais, une fois passée cette
partie-là, il y a vraiment un devoir de citoyen corporatif à un moment donné.
Quand ça se passe, ces histoires-là,
chez nous, qu'est-ce que je peux faire? Puis, comme hôtelier, quel est mon
rôle? Mon rôle, c'est de la prévention,
c'est de l'éducation, c'est de travailler avec les autorités locales pour
minimiser les risques associés à tout ça, là, puis, je veux dire, dans
notre rôle d'hôtelier, si on veut. C'est comme ça que je réponds.
• (15 h 10) •
Mme St-Pierre :
Bravo! Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci,
M. le Président. Premièrement, vous adressez... C'est vraiment intéressant de vous voir en action dans ce domaine. Et je sais que c'est évolutif. Il y a un
partenariat qui se développe avec des corps policiers, trois. Puis,
juste en regardant le nombre de personnes,
les fonctions des gens qui travaillent à l'hôtel, ça, c'est des agents
multiplicateurs, dans leur vie personnelle, dans leur vie sociale, parce qu'on
parle de sensibiliser. Puis beaucoup d'entre eux, c'est des hommes, en plus, et on parlait d'avoir un porte-parole homme
parce que c'est important de parler des hommes entre les hommes, qu'eux aussi rejettent cette notion d'exploitation
sexuelle des mineurs, de ne pas banaliser. Donc, vous êtes en train de faire
en sorte que le milieu hôtelier est en train
de prendre conscience. C'est sûr que, depuis lustres, ça se passe dans les
hôtels, mais on n'était pas axés sur
les mineurs. Et on parlait de fléau, pas fléau. On sait qu'il y a quelque chose
qui se passe avec l'Internet et on sait... Vous le décrivez bien, les
photos des hôtels qu'on met, puis vous n'êtes pas capables de contrôler ça...
qu'ils mettent sur le site.
Alors,
c'était vraiment pour vous féliciter et aussi pour vous dire... Au fur et à
mesure, vous allez avoir d'autres idées. Vous allez avoir de
l'innovation qui va se faire pour essayer... Même si ce milieu-là est en train
de, comment dire, se transporter vers
les Airbnb, ils vont trouver d'autres solutions. J'allais vous demander si
aussi il y a des modèles, ailleurs en Amérique
du Nord, disons, ou au Canada, de pratiques qui ont été développés, qui
seraient précurseurs, qui pourraient être inspirants? Est-ce que vous
avez regardé de ce côté-là?
Mme Paré
(Eve) : Bien, il avait été
porté à notre attention le Blue Campaign aux États-Unis, duquel le programme
RADAR est largement inspiré. Il y a
du matériel, que ce soit de l'affichage à l'attention des employés et des
clients d'être vigilants, d'être à
l'écoute, de savoir que, s'ils souhaitent obtenir de l'aide, ils peuvent
contacter les employés de l'hôtel, qui vont
leur tendre la main. En ce qui
concerne les résultats de ces
campagnes-là, c'est difficile à mesurer, mais, chose certaine, ça a
servi d'inspiration à ce qu'on fait présentement.
Mme Weil :
Bravo! Merci beaucoup.
M. Pouliot
(Jean-François) : Si je peux
rajouter, il y a vraiment un partage aussi des meilleures pratiques.
Puis on parle de nos voisins du Sud. Si, à
travers... Je fais partie d'une bannière essentiellement qui opère aux États-Unis,
et c'est beaucoup de partage de cette information-là, que ce soit de la campagne
d'ICE ou... Je veux dire, on parle de
la campagne dont a déjà, peut-être, entendu parler, mais See Something,
Say Something, c'est un petit peu la même chose.
Mme Weil :
Oui. Ah! c'est bon, ça. C'est ça.
M. Pouliot
(Jean-François) : Alors,
comment on s'organise, à travers les hôtels, pour, encore une fois, réduire les risques de toutes sortes et puis... donc, oui, on
s'inspire ailleurs.
Mme Weil : Merci. Alors, mes questions sont pour
Mme Côté et M. Gallié. On a évoqué la France. Alors, on est très curieux d'aller voir tout ce que la France a
fait parce qu'il semble qu'ils sont vraiment résolus à s'attaquer, avec force, vigueur et par tous les moyens... Là, vous êtes...
Votre étude est focussée vraiment sur les revenus, l'imposition d'impôt, d'une part, mais le fait que ces personnes vivent
de l'aide sociale aussi. Donc, comment faire pour que ces femmes
puissent continuer à survivre... puis un
soutien pour ces femmes? Est-ce que vous en savez plus sur ce que les Français
ont fait à cet égard ou,
plus largement, dans vos recherches... Et est-ce que vous voyez
que ça peut s'appliquer, qu'on pourrait s'inspirer de la France dans ce qu'on fait? Évidemment, il y a
deux paliers de gouvernement. Quelles sont vos réflexions par rapport à l'étude que vous avez faite?
M. Gallié
(Martin) : Bien, la première
chose... En fait, il y a deux choses qui ont été des changements majeurs,
c'est celles qui concernent les sans-statut,
puisque ça concernait 86 %.
Donc, du jour au lendemain, ces personnes se retrouvent avec la
possibilité de travailler légalement, et d'avoir un statut, et de percevoir des
aides sociales. Donc là, on parle de 86 % de personnes victimes, a priori,
qui ont pu bénéficier des services sociaux de l'État, ce qui est évidemment un
changement majeur.
Après,
il y a eu la mesure d'annuler les dettes à l'aide sociale ou les dettes
d'impôt, qui est une mesure forte, mais qui est portée par tous les paliers abolitionnistes. C'est-à-dire qu'on
ne peut pas promouvoir la lutte contre l'exploitation sexuelle en maintenant des dettes qui sont
évidemment colossales et que personne ne peut rembourser. Et on parle de
dizaines de milliers... enfin, de milliers, ça, c'est sûr, chaque année, qui
sont concernés. Donc, ça, c'est des mesures très fortes.
Après,
il ne faut pas idéaliser. C'est que c'est des obstacles administratifs
considérables pour des personnes qui ne sont effectivement pas toutes en détresse, mais, quand même, pour
beaucoup, en détresse, surtout que beaucoup d'entre elles ne parlent pas le français, en tout cas, en
France. Et donc il y a tous ces obstacles qui sont insurmontables pour le
Français lambda, même des ministres. Il y a eu des dossiers là-dessus. Donc,
vous imaginez pour des personnes qui ont des chocs post-traumatiques.
Et
puis ensuite le dernier problème, c'est qu'il faut évidemment... C'est un
message politique très dur à faire passer. C'est-à-dire, allouer de l'aide sociale à des personnes qui se prostituent
dans un contexte où les gouvernements successifs ont coupé l'aide
sociale ou ont restreint l'aide sociale, ce n'est pas facile.
Puis il y a un
dernier point. Je profite que vous me donniez la parole, mais il y a un dernier
point qui me pose question. C'est que ça
soit dans des pays où ça a été légalisé, la prostitution a été légalisée, ou
dans des pays où ça a été interdit,
il se trouve — par
exemple l'Angleterre — des services d'aide sociale, bien, dans une période où on promeut
le retour au travail des personnes assistées
sociales, où les annonces de travail vont être pour des salons de massage. Ce
n'est pas des histoires. Et donc, là, j'en
profite parce que je ne sais pas du tout quelle est la politique. Ils n'en ont
pas puisqu'on leur a demandé. A
priori, ils n'ont pas de politique au ministère de l'Aide sociale. Mais je
pense que ça serait bien de clarifier le type d'emploi qui pourrait être
susceptible d'être proposé à des personnes très vulnérables.
Mme Weil : Mais, juste sur cette question,
quelle leçon devons-nous, au Québec, retirer de cette recherche? En anglais,
on dirait «the take home» de cette recherche.
M. Gallié
(Martin) : Alors, «take home», encore une fois, si vous ne voulez pas
engager l'État, enfin, la responsabilité de l'État québécois, je le dis très sérieusement et d'un point de vue strictement juridique, c'est-à-dire, je crois qu'on peut défendre
juridiquement que l'État québécois viole la dignité humaine, le droit à la liberté
des personnes, et je pense que ça se plaide, je crois qu'il faut
commencer déjà par annuler les dettes des personnes qui sont victimes d'exploitation
sexuelle. Ça me semble le b.a.-ba et ça me semble très facile à faire puisque
le ministre a un pouvoir discrétionnaire. Ça, c'est la première chose.
Mais
après on ne peut pas lutter aujourd'hui efficacement contre la prostitution et l'exploitation sexuelle sans lutter contre les inégalités, vraiment, que j'ai mentionnées, de sexe, de classe, et de
race, et d'âge. Donc, ça veut dire... Aujourd'hui, je pense qu'on ne peut pas être efficaces sans
bonifier de manière importante l'aide sociale. Une personne victime d'exploitation sexuelle y
retourne. On n'a pas des statistiques précises, mais on le sait que, bien, elle
n'a pas le choix que d'y retourner tellement les montants sont faibles pour
payer un loyer.
Mme Weil :
Très bien. Merci.
M. Gallié
(Martin) : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Pour l'Association des hôtels du Grand Montréal, je n'irai pas avec une question, mais une recommandation, peut-être.
On a eu la chance de travailler ensemble dans le passé. Et je sais qu'il existe une table où les gens de la sécurité
travaillent ensemble, échangent ensemble sur les meilleures pratiques.
Et tantôt mes deux collègues
ont parlé de créativité, de vous inspirer. Vous avez parlé de la Blue Campaign.
Je connais la campagne américaine
aussi, avec le NCMEC, que j'ai rencontré tout récemment. Et les hôtels
se sont bien investis, que ce soit dans l'affichage... Derrière les portes des hôtels, on mettait le «link» du
«human trafficking». Donc, les jeunes qui étaient dans cette situation-là
pouvaient contacter... Il y a même des hôtels que, sur la savonnette, ils ont
passé des messages. Ils ont laissé un message imprimé que c'était
illégal, c'était non accepté.
Bref,
je vous invite, parce qu'il nous reste encore quelques semaines pour
recevoir des mémoires, à regarder de votre côté ce que vous êtes capables de faire, parce qu'il y a
une chose qui est claire dans cette commission, c'est qu'il n'y aura pas une solution qui va tout régler. Ça va être un
ensemble de solutions. Et on vous voit comme des partenaires importants...
voir de quelle façon vous pouvez nous aider
dans tout ça. Alors, je pense, vous avez un beau réseau pour aller les
interroger et nous arriver avec une créativité qui va nous surprendre.
Merci à vous. Merci de votre collaboration pour les deux groupes.
Alors, je suspends
les travaux. Nous serons de retour à 15 h 35 pour le prochain groupe.
Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 19)
(Reprise à 15 h 37)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs reprend ses travaux.
Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants du Grand Prix de Montréal. Je vous
rappelle que vous disposez de
20 minutes pour faire votre exposé. Et par la suite il y aura une période
de 25 minutes d'échange avec les membres de la commission. Je vous remercie encore une fois de votre présence. Je
vous invite à vous présenter et par la suite faire votre exposé pour une
période de 20 minutes. Merci.
Grand Prix de formule 1 du Canada
M. Dumontier
(François) : Merci. Et ça
nous plaisir d'être ici avec vous. Alors, M. le président de la
commission, Mme la vice-présidente, membres de la commission, je me nomme
François Dumontier et je suis l'unique actionnaire, président et chef de la direction de Groupe de course Octane. Depuis
novembre 2009, mon entreprise, établie à Montréal, est la détentrice des droits exclusifs de
présentation au Canada d'une manche du championnat du monde de formule 1,
qui n'en compte que 22 dans le monde. Je suis accompagné aujourd'hui de
Sandrine Garneau-Le Bel, directrice des communications et du marketing au sein
de l'entreprise, et ce, depuis 2013.
Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre
invitation à témoigner aujourd'hui dans le cadre de vos consultations publiques de la commission particulière sur l'exploitation
sexuelle des mineurs. Il s'agit d'un sujet auquel je suis sensible, une
réalité qui me perturbe. Et je vous prie de croire à ma volonté de soutenir
votre commission. À titre personnel, comme
chef d'entreprise, époux et père de famille, je salue sincèrement l'initiative
que sont ces consultations et je suis
tout disposé à vous faire part de mes réflexions sur ce sujet et à répondre à
vos questions. Mais, tout d'abord, j'aimerais prendre quelques minutes
pour vous présenter quelques faits qui vont aideront, je l'espère, à mieux
comprendre notre événement, nos spectateurs et le monde dans lequel ils
évoluent.
Qualifié du
plus important événement sportif et touristique au Canada, le Grand Prix de
formule 1 est présenté au pays depuis 1967 et à Montréal depuis 1978. Il
s'adresse autant à une clientèle d'amateurs de course automobile qu'aux néophytes de tous âges. Pour plusieurs, le Grand
Prix du Canada est une question de tradition, la passion se transmettant
de génération en génération. Pour d'autres, le Grand Prix signifie le lancement
de la saison estivale à Montréal.
Notre groupe,
composé de 17 personnes travaillant à l'année, a pour mandat de livrer, au
Circuit Gilles-Villeneuve du parc
Jean-Drapeau, un programme de course automobile professionnel. La responsabilité
du promoteur local est de fournir, aux équipes concurrentes, aux
officiels, aux représentants des médias, des locaux, de l'équipement, un
circuit de course conforme aux normes
internationales et des services médicaux professionnels, sans oublier, pour une
clientèle quotidienne de près de 100 000 spectateurs, un
ensemble de services tels que la restauration, des aires de repos, un accueil
et une sécurité adéquate. Ces services sont offerts sur le site de l'événement,
et ce, pendant la période où le public est admis.
• (15 h 40) •
Pour les
trois jours du programme de course, les amateurs se procurent des billets de
tribune ou d'admission générale. Nous
offrons aussi à une clientèle dite d'affaires la possibilité de se procurer des
forfaits comprenant une admission au site et à une loge, de même que des services de restauration. Enfin, nous
offrons aussi une expérience d'immersion, appelée la Journée portes
ouvertes, donnant gratuitement accès aux amateurs à la ligne des puits entre
neuf heures et midi le jeudi précédant les
trois jours de course. Nos activités incluent également la vente de
commandites, de publicité et de concessions sur le site.
De plus, afin
de servir la clientèle, et plus spécialement les groupes, nous proposons de
recourir aux services d'une agence spécialisée et professionnelle qui, à
titre exclusif, dispose d'un inventaire de chambres et de nuitées dans des établissements montréalais. Nous approuvons
et promouvons la sélection des établissements, tout comme l'ensemble des
éléments des forfaits, qui incluent tous le prix d'une admission au site pour
la durée de l'événement.
Voilà, en
résumé, ce que sont les activités de notre organisation. Je tiens à
préciser qu'à l'exception d'une activité à caractère caritatif tenue le jeudi soir du Grand Prix nous n'organisons
aucune autre activité présentée pendant le week-end de notre événement,
que ce soient les rues Crescent, Peel ou dans les établissements commerciaux ou
privés de Montréal. Nous savons qu'il
existe plusieurs autres événements qui ont lieu durant le week-end
du Grand Prix et, généralement,
nous apprenons leur tenue par des
publications sur différentes plateformes ou médias traditionnels. Je tiens à
préciser que, dans plusieurs cas, ces événements ont un effet négatif
sur l'image de notre organisation et notre événement et vont souvent à
l'encontre des valeurs que nous prônons.
À titre de
promoteurs, nous disposons d'une connaissance poussée de notre clientèle, ayant
été en mesure, au fil des années,
d'établir des profils grâce aux données recueillies par notre service de
billetterie et des enquêtes ponctuelles. Quelques constats méritent d'être mentionnés, soit un taux de
renouvellement élevé, une provenance géographique à 57 % de l'extérieur du Québec, une passion indiscutable
pour le sport, et plus particulièrement la formule 1, souvent transmise
de génération en génération, une présence accrue d'enfants accompagnant leurs
parents, fruit d'un effort notable de notre organisation d'attirer une
clientèle plus jeune et familiale. Bien qu'on ne puisse nier qu'un certain
nombre d'amateurs disposent de revenus leur permettant d'investir plus que
d'autres, le mythe du Grand Prix intéressant seulement une clientèle fortunée
ne tient pas.
À ce stade-ci
de ma présentation, je crois aussi utile de m'employer à déconstruire un autre
mythe : le Grand Prix du Canada
et la formule 1 ne sont qu'affaire d'hommes. Il serait inutile de chercher
à réécrire l'histoire. De fait, la course automobile a été créée par des hommes, pratiquée par des hommes et ses
grandes légendes, et sa gestion à l'échelle globale est encore largement dominée par les hommes. En
2020, on ne trouve encore que des pilotes masculins dans les habitacles des monoplaces de formule 1, bien que de
talentueuses femmes se rapprochent à chaque saison d'obtenir une place sur
la grille de départ, ce qui adviendra, certes, comme on l'a vu dans d'autres
sphères d'activité humaine. Mais, dans d'autres secteurs, les choses évoluent
plus rapidement, et en voici quelques exemples.
Au sein même de l'entreprise qui gère et promeut
le championnat du monde, le Formula One Group, basé à Londres, des femmes occupent d'importants postes de direction. Parmi le
personnel des 10 équipes inscrites au championnat du monde, on y
trouve un nombre croissant de femmes, ingénieures, aérodynamiciennes,
chimistes, techniciennes et mécaniciennes. Désormais, les femmes ne sont plus
limitées aux fonctions traditionnelles en relations publiques et commerciales.
Elles ont investi un secteur hautement névralgique qui contribue directement au
succès des écuries et de leurs pilotes.
La
traditionnelle parade des «grid girls» s'est éclipsée il y a quatre ans, une
initiative des nouveaux dirigeants de la formule 1, qui ont plutôt choisi de faire une place à des enfants.
Ces filles et ces garçons, âgés de sept à 10 ans, issus d'écoles de karting, revêtent des combinaisons de course et
accompagnent désormais les 20 pilotes qu'ils viendront peut-être un
jour remplacer sur la grille de départ.
Plus près de
nous, au sein même de l'entreprise que je dirige, donc, vraiment,
l'organisation du Grand Prix, les femmes sont en majorité. Elles occupent 13 des 17 postes permanents de
l'organisation, et cinq des huit membres du comité de direction sont de
sexe féminin. Leur compétence et leur engagement sont indiscutables et
expliquent en grande partie nos succès.
En
conclusion, j'invite quiconque serait tenté de porter un jugement rapide et
facile à revoir sa position. Ici, encore, le sport automobile a évolué
et mérite qu'on le reconnaisse.
À ce stade-ci, j'aimerais maintenant fournir des
réponses éclairées, au meilleur de notre connaissance, aux trois questions que
nous a soumises la commission et portant sur le sujet qu'elle a pour mandat
d'investiguer.
Quelles sont les bonnes pratiques mises en
oeuvre par les grands événements pour contribuer à la lutte contre l'exploitation sexuelle? Ma première réflexion est
qu'il est particulièrement difficile, voire impossible, pour le
promoteur d'un grand événement public, de lutter et contribuer à circonscrire
un tel phénomène, à plus forte raison lorsque les activités illicites sont hors de sa juridiction et
assurément hors de son contrôle. Les seuls véritables outils dont dispose le
promoteur qui souhaite contribuer à contrer
le phénomène sont sa prise de position publique, affirmée et largement connue,
sa capacité de communiquer celle-ci
et son souci de collaborer avec les organismes qui luttent contre le phénomène.
Il m'est également difficile de
parler au nom des organisateurs des autres événements, n'ayant pas toutes les
connaissances de leurs organisations et très peu de synergie avec eux.
De plus, la majorité des événements montréalais propose à leurs festivaliers de
grands rassemblements gratuits, ce qui suppose une gestion, une logistique et
un contrôle différents des nôtres.
Le Grand Prix
du Canada n'est pas un membre du REMI, le Regroupement des événements majeurs
internationaux. Toutefois, pour avoir
participé à des rencontres portant sur le sujet en compagnie d'autres acteurs
des grands événements, je suis assez
familier avec le programme les Hirondelles du Festival international de jazz de
Montréal. Et je comprends aussi que, durant ces événements se déroulant
au centre-ville de Montréal et accessibles à tous, la proximité physique des
participants et leur caractère délibérément festif imposent une problématique
différente que celle du circuit fermé du Grand Prix du Canada.
Ainsi, en ce
qui nous concerne, sachez que nous sommes justement proactifs. Et c'est
précisément ce sur quoi porte votre
seconde question, qui se lit comme suit : Comment comptez-vous lutter
contre l'exploitation sexuelle des personnes mineures pendant votre événement? Nous luttons, mais nous luttons avec
les moyens dont nous disposons car, évidemment, nous sommes des organisateurs et promoteurs d'événements, en
l'occurrence des courses de voitures, et nous ne sommes évidemment pas
des spécialistes.
Toutefois,
reconnaissant que le Grand Prix du Canada a trop longtemps été perçu comme
étant un témoin non engagé d'une
situation déplorable, voire un prétexte ou même un soutien, par association, à
l'exploitation sexuelle de personnes adultes
et mineures, nous avons choisi d'agir. Bien avant ma prise en charge de
l'événement, en 2009, j'ai toujours été heurté par ce statut de proxénète en chef qu'on en venait presque à accoler au
promoteur du Grand Prix du Canada. C'est pourquoi j'ai pris position et
pourquoi, depuis 2017, notamment, nous nous sommes activement impliqués. Comme
je l'ai dit précédemment, nous sommes proactifs
en communication, n'hésitant pas à condamner et à dissuader, effectuant ainsi
de la sensibilisation et de la prévention.
En 2017, nous
avons publiquement fait part de notre engagement, d'abord par un soutien à une
déclaration publique de la part du
maire Denis Coderre, et par une communication et une collaboration avec le
Conseil des Montréalaises et sa présidente
d'alors, Mme Cathy Wong. Je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance
de la lettre que j'ai alors expédiée à Mme Wong,
qui est jointe à mon document. Par la suite, nous avons souscrit publiquement
aux conclusions du document du conseil,
Montréal, une ville festive pour toutes — Avis sur la sécurité des femmes et des jeunes
femmes cisgenres et trans lors des événements extérieurs à Montréal.
En 2018,
après avoir publiquement soutenu la mairesse Valérie Plante et le conseil
municipal de Montréal lors de l'adoption
de la résolution portant sur les violences à caractère sexuel, nous avons
communiqué à tous nos partenaires la nécessité de contrer
l'hypersexualisation en recourant aux services, sur notre site, de personnel
mixte vêtu décemment. Et je vous invite également à prendre connaissance de la
lettre qu'on a envoyée à nos partenaires.
De plus, le
Grand Prix du Canada a constamment offert sa collaboration et participé à de
nombreuses discussions et tables
rondes portant sur le sujet qui nous préoccupe, dont une où le député et
ministre fédéral David Lametti agissait comme modérateur. Parmi ces organismes, dont quelques-uns sont représentés
dans cette commission, on compte le Conseil des Montréalaises, le Y des femmes de Montréal, Prévention jeunesse
Longueuil, Prévention jeunesse Laval, la CLES, Chez Stella, le CATHII, Le Phare des affranchies et,
depuis récemment, de Toronto, The Canadian Centre to End Human Trafficking.
• (15 h 50) •
De plus, en compagnie de notre directrice des
communications, j'ai participé à une rencontre avec l'Honorable Navdeep Bains, ministre fédéral de
l'Innovation, des Sciences et du Développement
économique, où nous avons
partagé notre position et affirmé notre engagement en matière d'égalité et de
respect de la personne.
Enfin, malgré
le fait que certains médias locaux accordent une importance démesurée à la
question de l'exploitation sexuelle
lors du week-end du Grand Prix du Canada, nous répondons volontiers aux
demandes d'entrevues où il est possible de faire part de notre position
et de nos actions en cette matière. À cet effet, j'ai cru utile de joindre en
annexe à ce document quelques exemples
d'articles parus dans différents médias locaux et citant le promoteur ou la
porte-parole de l'événement. Prenez
note que nous comptons poursuivre nos actions au fil des prochaines éditions de
notre événement et, à chaque occasion qui nous sera offerte, dont cette
consultation particulière, nous réitérerons notre position. Nous demeurons aussi toujours
ouverts aux suggestions qui pourraient nous être faites et aux initiatives
auxquelles nous serions en mesure de collaborer.
Il reste une troisième question. Considérant les
subventions reçues de l'État, quelle partie de votre budget est consacrée à lutter contre l'exploitation sexuelle,
que ce soit en termes de prévention ou de mécanismes mis en place? À
cette question, la réponse la plus simple serait que, présentement, à
l'exception du temps dévolu aux actions décrites précédemment, aucune partie de notre budget actuel d'opération n'est
consacrée à la lutte contre l'exploitation sexuelle.
En citant votre question, je me dois de corriger
une autre perception fausse que l'on entretient au sujet de l'organisation du Granx Prix du Canada. Il me faut
préciser que notre groupe ne reçoit aucune subvention de l'État, quel que soit le niveau de gouvernement. L'entreprise
que je dirige en est une à actionnariat entièrement privé, et elle établit
ses budgets de dépenses exclusivement en fonction de ses revenus. Je crois
utile de rappeler que les investissements publics effectués par les différents niveaux de gouvernement en vertu des
ententes qui assurent la présentation du Grand Prix du Canada sont dirigés vers le Formula One Group, qui
gère les droits commerciaux de la F1. Cette entreprise est basée en
Angleterre, et les versements qui lui sont faits permettent de défrayer une
partie des droits de présentation de l'épreuve canadienne. Et en aucun cas cet argent public ne transige par notre
organisation, l'objectif des gouvernements engagés étant de maintenir
des retombées économiques et médiatiques de l'événement à Montréal.
Ainsi, nous
ne pouvons évidemment pas investir une part de subvention que nous ne recevons
pas. Chaque dollar que nous dépensons sert à la promotion et à
l'organisation de l'événement. Nous laissons ainsi à la discrétion du gouvernement le choix de consacrer des sommes
supplémentaires aux actions des services policiers et des services
sociaux, plus à même de contrer directement les actions de criminels qui, en
plus d'exploiter des mineurs, n'hésitent pas à relier malicieusement leur offre
de services à la tenue d'événements comme le nôtre.
Encore une
fois, veuillez croire à notre sincère volonté de véhiculer les valeurs de
respect qui nous animent dans notre
travail de tous les jours, et plus spécifiquement lors de la présentation du
Grand Prix du Canada. Veuillez aussi croire que nous allons poursuivre
nos efforts pour contrer l'exploitation sexuelle, dans la mesure où nos actions
pourront contribuer à le faire, tout en
oeuvrant très honnêtement et très légitimement à changer les perceptions
négatives de notre sport et de notre événement.
Alors, je vous remercie de votre attention et je
suis disposé évidemment à répondre à vos questions.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup pour votre présentation, M. Dumontier. Avant de passer à la
période de questions, je me permets de vous
faire la même suggestion que j'ai faite aux grands hôteliers qui étaient
assis juste avant vous. Vous avez dit que vous êtes un des événements sportifs
les plus importants au Canada. Vous pouvez certainement
avoir un grand leadership au sein des grands événements qu'il y a ici, dans la
région de Montréal, au sein de la
communauté. Vous avez une attention médiatique qui est certaine, une attention
des gens qui sont là. Alors, je vous lance la même invitation. Vous savez que notre commission peut recevoir encore
des mémoires pendant les prochaines semaines. Si vous avez des initiatives... Et j'ai bien compris votre message
concernant le budget, mais, des fois, il y a des initiatives qui ne
coûtent absolument rien, mais vous envoyez un message qui est très fort aux
gens qui voudraient consommer ces services-là.
Alors, il y a des belles possibilités. Il y a de la créativité qui peut être
faite avec votre équipe merveilleuse. Alors, je vous lance cette
invitation-là. Pendant les prochaines semaines, nous sommes disposés à recevoir
vos bonnes idées qui sont créatives.
Et je vais passer à une première question avec
le député d'Ungava.
M.
Lamothe : M. Dumontier. Vous avez mentionné deux choses,
M. Dumontier, tantôt : sécurité adéquate sur le site, services policiers. Je ne vous conterai pas
ma vie, là, mais sauf que j'ai eu la chance de prendre ma retraite jeune
en 2008. J'ai fait toutes sortes de choses, puis une, entre
autres... Un de mes amis, en 2012,
était directeur de la sécurité au Grand
Prix de formule 1. Ça fait qu'étant donné que c'est un ami personnel puis étant
donné que j'avais mes permis d'agent de
sécurité, bien, il m'a offert une job. Ça fait que je suis allé travailler sur
le site une semaine. Ils ont divisé le secteur en quatre. J'avais le
secteur de la bretelle puis... Peu importe, en allant plus vers le sud, en tout
cas, j'avais un des quatre secteurs. Il y a
une chose que j'ai trouvée particulière, c'est, de ce que je comprends, les
services... La collaboration
que vous avez avec le Service de police de la ville de Montréal est bon. Est-ce
que je me trompe?
M. Dumontier (François) : Bien,
il est excellent, oui.
M.
Lamothe : Il est excellent,
sauf qu'à un moment donné pendant le briefing... Puis ça, je dis ça
positivement. C'est juste une question
que je me pose puis que je me suis toujours posée. Ça fait qu'étant donné que vous êtes ici
puis vous me parlez de sécurité
adéquate puis de services policiers, à
un moment donné, pendant le briefing,
au début de la semaine, on a mentionné
que, lorsqu'un policier de la ville
de Montréal entrerait sur le site, il
fallait le rapporter au centre des opérations. Ça fait que je n'ai pas besoin de vous dire que je n'ai jamais respecté
cette consigne-là, dans un premier
temps. Puis, dans un deuxième
temps, je n'ai jamais compris pourquoi. Est-ce que cette pratique-là est toujours
existante?
M. Dumontier (François) : Oui. Elle existe toujours et elle date quand même
d'un certain temps. Il y a deux raisons à ça. La première, c'est qu'il
y a quelques années, je vous dirais, probablement sous la responsabilité du chef Delorme, à l'époque, il avait été question que le service de police commence à facturer les
grands événements montréalais. Et nous, on avait une approche... Pour nous, on amène l'événement à Montréal. On prend des risques
financiers pour le produire. Et on pense
qu'il y a une responsabilité, disons, sociale du corps de police montréalais et
qu'on n'avait pas, un, à payer pour ces services-là. Donc, ce qui était des services qui étaient, disons,
exercés en ville étaient la responsabilité du service de police. Et l'île Notre-Dame ou le
parc Jean-Drapeau, on le loue. Évidemment, on loue ce site-là à la ville. Il
est considéré comme un site, disons,
privé pendant, mettons, 10 jours, pour prendre un exemple, et on a notre
propre sécurité sur le site. Donc, si j'ai besoin d'un policier qui est littéralement de l'autre côté du pont du
Cosmos, près de la Biosphère, on va appeler pour avoir un service de police. On pense qu'avoir trop de policiers
sur le site, c'est un peu trop répressif pour la clientèle qui est sur
le site. Donc, on les appelle quand on en a besoin.
M.
Lamothe : O.K. Merci de votre honnêteté et de votre franchise. La
seule chose, c'est que, quand... Il y a-tu une présence policière quand il y a 85 000 personnes sur le site?
Bon, à ce moment-là, la compagnie de sécurité qui était là... non, mais
ce n'était pas Garda, là, c'est BEST qui était là.
M. Dumontier
(François) : Oui, oui, l'ancêtre de Garda.
M.
Lamothe : Oui, mais ce que
je veux dire, c'est que, quand tu as 80 000 personnes
sur un site puis qu'en cas de doute
il faut aviser la présence policière et tout, tu sais, le niveau répressif, je
pense, c'est plutôt préventif. Ça, c'est mon opinion à moi. Mais par contre c'est juste l'idée d'aviser le centre des
opérations qu'il y a un policier sur le site, je ne sais pas...
M. Dumontier (François) : Bien, écoute, ça fait partie de notre politique
à nous. Et vous avez été policier quelques années. Vous l'avez dit tantôt,
il faut que la police soit raccord
avec l'entreprise de sécurité privée. Et, même si
on a une très, très bonne collaboration, parfois, il y a
certaines décisions qui se prennent par les policiers à l'extérieur de notre
site qui ont un effet très néfaste sur nos
opérations. Alors, c'est pour ça qu'on aime pouvoir contrôler notre site et
compter sur la présence policière, mais quand on en a besoin.
M.
Lamothe : O.K. Ça
fait que la relation entre le service de police de Montréal
puis votre organisation, malgré... je
ne dirais pas que c'est une problématique, là, malgré ce... voyons, le mot m'échappe, là, malgré cette
situation-là — je
m'en excuse — c'est
bon.
M. Dumontier (François) : Bien, écoute, tous les commandants, lieutenants,
là, peu importe le garde avec qui on a travaillé,
l'ont compris, je pense. Et c'est un peu la même chose avec les... parce qu'on
travaille aussi avec la Sûreté du Québec,
qui pourrait aussi pouvoir prétendre rentrer. Évidemment, on ne fera pas
l'autruche puis on ne fera pas exprès non plus. Quand on a eu de l'information sur des situations potentiellement
dangereuses sur le site, ce sont des policiers en civil qui sont venus
dans nos estrades, dans nos gradins pour essayer de détecter cette menace-là.
Donc, on travaille vraiment étroitement avec eux.
M.
Lamothe : O.K. Juste en terminant, une opinion personnelle, la
meilleure répression, c'est la prévention. Merci.
M. Dumontier
(François) : J'en prends bonne note.
M. Lamothe :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
• (16 heures) •
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très
important, votre témoignage, parce
que, comme on... Je vais le répéter moi aussi, vous êtes quand même un
événement qui est majeur. Et, quand vous dites que vous n'avez pas...
votre entreprise n'a pas de subventions du gouvernement, il y a quand
même de l'argent qui vient de
l'État pour l'ensemble de l'oeuvre, disons. Il faut quand même faire cette
distinction-là.
Dans
les mesures qui pourraient être prises, en termes de sensibilisation, moi, je vois chez vous un sincère désir de travailler à faire
en sorte qu'on limite ou qu'on fasse... qu'on n'associe pas le Grand Prix de Montréal
à l'exploitation sexuelle, et vous avez travaillé là-dessus depuis quelques
années déjà, vous continuez de le faire.
Dans
la sensibilisation qui pourrait être faite, je me demande à quel
point il n'y aurait pas peut-être une façon de communiquer aux acheteurs de billets un message qui serait de leur dire
qu'ici, bien, on ne tolère pas ce genre d'entreprise et qu'on pourrait, à
ce moment-là, faire une certaine sensibilisation. C'était peut-être quelque
chose que je vous suggère.
Aussi,
quand vous dites que vous n'êtes pas responsables non plus des événements qui
se tiennent en dehors du site, les
grands bals à Montréal, et tout ça, il y a quand même
le «branding» formule 1 qui est très présent. Alors, je voulais juste vous dire par là que le terme
«formule 1» est tellement porteur, c'est tellement gros, ça veut dire tellement
de choses qu'il faut qu'on travaille sur l'ensemble de l'événement
formule 1.
Et c'était mon commentaire.
Puis, encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. C'est très,
très important, ce que vous faites. Puis,
comme l'a dit le président, bien, ça serait vraiment apprécié si vous avez
des recommandations à nous faire,
vous avez des idées puis qui pourraient contribuer. Parce qu'on cherche des partenaires, aussi,
on veut que la société en général puis on veut que les partenaires s'impliquent
dans cette mission-là que nous nous sommes donnée.
M. Dumontier
(François) : Bien, je vous remercie. Puis, même si ce n'était pas une question
directe, là, bien, je vais quand même juste faire une petite réponse.
Je l'ai dit tantôt,
mais il a été pendant plusieurs années où on s'est tenus un peu à l'extérieur
de ça. Et ce phénomène-là existe depuis longtemps,
hein, il revient constamment. Pas plus tard que ce matin, je lisais le
«clipping» de votre
journée d'hier, et la dame qui est venue témoigner, je pense, c'est une
Mme Matte, pour la CLES, bien, ils font déjà référence au Grand
Prix dans l'article. Donc, ça, ce n'est pas nouveau.
Mais,
à un moment donné, on s'est tannés d'être un petit peu en retrait, et c'est là que j'ai décidé de prendre position puis de jouer ce rôle de leader là. On est le plus
gros événement, puis on aime le dire qu'on est le plus gros événement,
le plus important à Montréal,
même au Canada, et, si on peut jouer ce rôle de leader là, on va
le jouer, vous pouvez compter sur
nous. Et, s'il y a des exemples comme cela qui... Effectivement, nous, on a un contact direct avec les acheteurs de billets, eh
bien, on peut... on va l'analyser. Ça va nous faire plaisir également de
contribuer à rédiger un mémoire qui pourrait aider dans le futur.
Maintenant, pour les... Vous savez, la ligne est très, très,
très mince entre les événements qui ont lieu au centre-ville et ceux au circuit. Et vous avez parlé de
«branding»; c'est probablement, à Sandrine et moi, notre... une des affaires
qui nous tient à coeur. C'est-à-dire qu'on surveille constamment ce qu'on sait qui va arriver ou qui va
avoir lieu et on vérifie toujours cette
ligne-là qui est une petite ligne, là, où est-ce que... Et ces gens-là sont
brillants. Ces gens-là, ils vont utiliser un mot seulement de l'événement
ou «Grand Prix», mais n'utiliseront pas «Le Grand Prix de formule 1».
Alors donc, ils jouent vraiment sur cette ligne-là.
Mais,
quand on peut, on essaie évidemment, dans certains cas, peut-être de même faire fermer
cette activité-là qui porte ombrage à
l'organisation. Parce
que, quand on parle du Grand Prix
dans les médias, comme ce matin, on ne dit pas... oui : le Grand
Prix, entre autres, mais pas : l'organisateur du Grand Prix. Alors, c'est
sûr que, souvent, il y a comme un lien qui est directement dirigé vers nous,
là.
Mme Garneau-Le Bel (Sandrine) :
Juste, François, si vous me permettez d'ajouter, depuis quelques années, justement,
depuis qu'on a pris position, on fait des méthodes de communication, de plus en plus, de l'événement
pour aviser les fans, nos fans à qui
ont peut communiquer, quels sont nos événements officiels et quels sont les
vrais événements du Grand Prix du Canada
justement pour essayer d'éliminer la ligne qui peut ne pas toujours être claire
par rapport à certains événements en
ville. Tout le monde dit «Grand Prix weekend», «Grand Prix weekend», mais ce
n'est pas nécessairement des événements
qui sont cautionnés par nous. Puis, comme M. Dumontier a dit tantôt, dans
son allocution, ils ne respectent pas nécessairement nos valeurs. Donc,
c'est très, très, très important pour nous que nos clients sachent quels sont
nos vrais événements et quels sont les événements qui respectent nos valeurs.
Donc,
je prends note de votre recommandation. C'est peut-être quelque chose qu'il
faut qu'on fasse plus souvent pendant l'année pour conscientiser les
gens. Mais c'est quelque chose dont on est au courant et qu'on cherche à sensibiliser.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Donc, j'irai dans la même veine. Merci,
M. Dumontier, pour votre présentation.
Donc, dans une autre vie, j'ai été à la ville de Montréal, lorsque justement il
y avait eu cette belle collaboration avec l'ex-maire de Montréal,
M. Coderre, et votre prise de position avait été saluée.
Maintenant,
à la lumière de votre présentation, vous nous rappelez que 57 % de votre clientèle
vient de l'extérieur du Québec. Or,
tout au fil des audiences, des rencontres qu'on a eues dans cette commission,
et à chaque fois qu'on nous parlait du Grand Prix de Montréal, on
nous rappelait que Montréal est une destination étroitement associée à
l'industrie du sexe, et le Grand Prix en est un aussi.
Et
je vois là donc une opportunité, donc, comme ma collègue la députée de l'Acadie
l'a souligné, de faire connaître les
valeurs, justement, de la formule 1 en amont, donc, par rapport à
justement ce 57 % qui vient de l'extérieur, donc. Et je pense que ce sont des valeurs qui seraient même
partagées par Tourisme Montréal, par les hôteliers de Montréal, donc,
pour faire vraiment... pour inscrire une véritable campagne en amont par
rapport à la clientèle de l'extérieur. Donc, je vous encourage vraiment à aller
en ce sens et à poursuivre vos actions. Donc, c'était plutôt un commentaire et
un mot d'encouragement. Donc, continuez. Merci.
M. Dumontier
(François) : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Roberval...
Mme Garneau-Le Bel
(Sandrine) : Je voulais juste ajouter rapidement...
Le Président
(M. Lafrenière) : Oui, pardon, allez-y.
Mme Garneau-Le Bel (Sandrine) : ...parce qu'on parle de nos valeurs. J'en ai
parlé, et vous parlez de nos valeurs aussi.
Depuis novembre, en fait, nous avons mis sur pied un plan de développement
durable qui est disponible sur notre site Web. Donc, là-dedans, on parle d'écoresponsabilité, mais on a aussi nos
valeurs qui vont être publiées très, très, très bientôt. On est en train de les faire traduire en fait.
Donc, nos valeurs, c'est quelque chose dont on est fiers et, justement, qui fait partie
de notre site Web depuis tout récemment. Donc, depuis novembre, on
est vraiment plus proactifs par rapport à nos communications.
Donc, c'est disponible sur le site de gpcanada.ca.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici aujourd'hui. C'était
important pour nous de vous entendre.
Pendant votre présentation, M. Dumontier, vous avez fait part d'un
programme, au festival du jazz, les Hirondelles. Pouvez-vous m'en dire
plus à ce sujet, de ce programme-là, s'il vous plaît, de ce que vous savez du
moins?
M. Dumontier
(François) : Bien, je vais
vous dire ce que je sais ou ce que je comprends. Mais pour avoir eu des rencontres avec les organisateurs du festival de
jazz et des groupes de femmes, ils ont mis en place un système qui s'appelle
les Hirondelles, qui sont des gens qui
travaillent sur le site, qui sont formés à détecter... Parce qu'eux,
évidemment, ils sont au centre-ville de Montréal, et ça, je l'ai dit un
peu plus tôt, c'est évident que c'est moins facile, disons, de contrôler, quand on est au centre-ville et qu'on est proche
d'hôtels, de restaurants, de bouches de métro, etc. Alors, ils ont mis
en place cette équipe-là, une équipe volante
qui détecte et peut venir en aide, et prendre à l'écart quelqu'un qui serait
dans un secteur non sécuritaire, et de le mettre à l'écart. Oui, c'est
ce que j'ai compris de ce...
Mme Guillemette :
Et savez-vous qui porte ce programme-là? Est-ce que c'est un groupe de femmes
en particulier ou est-ce que c'est une initiative du REMI comme tel?
M. Dumontier (François) : Je
pense que c'est une initiative du festival de jazz et de Paul-André Dumont
ou...
Une voix : ...
M. Dumontier
(François) : ...de Spectra,
oui. Donc, peut-être qu'ils vont l'étendre. Je sais qu'Osheaga aussi,
qui fait partie du Groupe CH et de Spectra aussi, veut le mettre en place
également.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Encore une fois, merci beaucoup de votre présence. Je
vais terminer pour... Est-ce que vous
aviez un autre point? Je vous ai oubliée! Je suis tellement désolé. Députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Il y a
quelque chose à gauche qui vous dérange, M. le Président.
Le
Président (M. Lafrenière) : Je ne le sais pas. Non, non, non, j'ai regardé trois fois à gauche
avant de traverser.
Mme Weil :
Pourtant, je suis du centre gauche. Moi aussi — merci, M. le Président — je voulais vraiment vous remercier de votre présence. Mais aussi, en lisant
tous les documents que vous avez attachés, les mots que vous choisissez dans vos interventions sont très convaincants.
Vous parlez de valeurs, de contrer les violences contre les femmes, il y
a une sensibilité qui est là, et je pense qu'il faut en profiter.
Je vais exactement dans le sens de mes deux
collègues, je pense image de marque, campagne de sensibilisation. Puis on voit, dans la lettre de Montréal en 2018,
que vous annonciez à ce moment des mesures d'écoresponsabilité, une mesure portant sur la sécurité des femmes, c'est comme ça que vous l'avez dit, à l'époque, et
la prévention des violences à caractère sexuel. Donc, ça, ça serait pour
maintenant, ou c'est déjà entamé, ou...
M. Dumontier (François) : ...
Mme Weil : Pardon?
M. Dumontier (François) : C'est
déjà entamé.
Mme Weil : Donc,
violence...
M. Dumontier (François) : On
est dans ce processus-là.
• (16 h 10) •
Mme Weil :
Et comment vous faites ça, donc, dans le cadre de l'événement, pour vous
assurer de la sécurité des femmes et la prévention des violences à
caractère sexuel? Quelles sont les actions que vous prenez?
M. Dumontier
(François) : Évidemment,
ici, on va parler du Circuit Gilles-Villeneuve, comme on ne contrôle pas
nécessairement tout ce qui se déroule au
centre-ville, mais notre site est relativement facile à contrôler. Et, sans
avoir une équipe comme les
Hirondelles en place, on a débuté des formations auprès de notre service à la
clientèle et de nos agents de sécurité, qui sont très nombreux sur le
site, pour détecter ce genre de situation là.
En même
temps, il faut réaliser une chose, c'est qu'on... puis là je vais toucher du
bois, mais, sur notre site, on n'a pas eu
dans le passé à vivre ce genre d'expérience là. Vous savez, on a un prix
d'admission moyen d'environ 400 $, alors ce n'est pas donné, je dirais, à un groupe d'adolescents,
par exemple, ou de jeunes adultes de venir passer trois jours au circuit.
On l'a moins vu là. Mais ce qu'on veut
faire, là, c'est vraiment de l'étendre, puis d'essayer de l'étendre à ce qu'on
ne contrôle pas actuellement, et de
passer ces messages-là, bien, à ceux qui, je vais dire, profitent de la
présence du Grand Prix à Montréal.
Je lisais
encore ce matin l'article... là, je déborde juste un peu, mais dans un des
articles que je lisais ce matin... Ce n'est pas rare de lire que des
commerçants vont faire 40 %, 50 % de leur chiffre d'affaires dans la
seule semaine du Grand
Prix. Et là on parle de toutes catégories de commerce confondues. Alors, on
veut pouvoir l'étendre. On a offert déjà à la rue Crescent, par exemple, d'être partenaire, et on a eu un refus
catégorique. Et la raison n'était pas financière, comme telle, elle était sur la prise de contrôle de
l'événement. Et on se l'est fait dire très, très, très directement. Mais on a
cette volonté-là, donc, on veut l'étendre au centre-ville, disons.
Mme Weil :
Donc, je réitère un peu ce que le président a dit, etc., si vous avez des idées
comment renforcer l'image de marque que vous voulez diffuser, qui est
pour contrer l'image qui, malheureusement, est toujours là, et exercer le
leadership que vous avez mentionné, ce serait vraiment apprécié. On vous voit
dans ce sens-là. Il y a peut-être d'autres meilleures
pratiques, juste... Je ne penserais pas que la plupart de ces événements sont
très à la recherche, mais on ne sait pas,
peut-être qu'il y a des sociétés plus progressistes qui cherchent exactement à
faire la même chose. Alors, je vous encourage aussi. Et merci beaucoup
pour votre présence aujourd'hui.
M. Dumontier (François) : Merci
à vous.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, nous serons à l'écoute,
en attente de vos recommandations. Encore là, vous êtes en lien avec des
gens de l'international, vous avez mentionné tout à l'heure plusieurs milliers
de personnes. Alors, merci beaucoup.
Je suspends quelques instants, le temps de
laisser le temps au prochain groupe de s'asseoir. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 35)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Centre
communautaire des femmes sud-asiatiques. Et, pour votre information, chers
membres de cette commission, Mme Tina Pisuktie, qui devait être avec nous,
n'a pas pu se présenter.
Alors, ça va être une présentation du Centre
communautaire des femmes sud-asiatiques. Donc, vous allez avoir 20 minutes pour faire votre présentation. Et
par la suite il y aura une période de
25 minutes d'échange avec les
membres de la commission.
Alors, je vous laisse vous présenter. Et encore une fois merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci.
Centre
communautaire des femmes sud-asiatiques (CCFSA)
Mme Sarkar (Mela) : Je
m'appelle Mela Sarkar. Je suis une ancienne membre de notre centre
communautaire, depuis longtemps.
Et Mme Dolores Chew, qui est membre fondatrice, je parle en son nom et en
notre nom. C'est moi qui vais lire,
en fait, le document, le brief que Mme Chew a préparé avec des
membres de notre centre, qui vient tout juste d'être traduit et que Mme Chew a apporté en vitesse
pendant une panne de métro. Donc, ça vient tout juste d'arriver. Vous
permettez que je vous le lise tout simplement? Mais je ne l'ai pas encore vu en
français. Je l'ai travaillé avec Mme Chew en anglais, Mme Chew
et les membres de notre aile jeunesse du centre.
Le
Président (M. Lafrenière) : Juste un instant, madame. Sentez-vous bien à l'aise de le faire dans la
langue de votre choix. On s'est assurés d'avoir la traduction
simultanée.
Mme Sarkar
(Mela) : Mais, comme je l'ai devant moi en français, c'est peut-être
mieux que je le lise en français.
Le Président (M. Lafrenière) :
Votre choix. Merci.
Mme Sarkar
(Mela) : Et je veux juste vous rappeler avant de commencer que les
pays de l'Asie du Sud ne sont pas les pays de l'Asie du Sud-Est, parce
que la plupart des gens les mélangent beaucoup. Et puis l'Asie du Sud, c'est l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka,
le Népal, les pays dans le triangle qui pointe vers le sud, que vous
connaissez de vos cartes géographiques,
tandis que les pays de l'Asie du Sud-Est, c'est comme la Thaïlande, le Laos, le
Cambodge, etc. Donc, juste pour bien faire ça clair parce que les gens
font souvent cette erreur.
Donc, mémoire
pour la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Le centre communautaire des femmes de l'Asie
du Sud de Montréal est une organisation féministe québécoise de femmes issues
de divers horizons ethniques, culturels, linguistiques, spirituels et
religieux.
Je vais
insérer des petits commentaires parce
que je sais que, souvent,
il y a des affaires que les... des choses que les gens ne savent pas.
Si on regarde l'Asie du Sud comme région géographique, c'est plus divers que
l'Europe. Donc, quand on va à l'Inde, c'est
comme dire : Je suis allé en Europe. Il faut poser la question : Vous êtes allé en Suisse, ou bien en Sicile, ou bien en Suède?
Les parties de l'Inde sont aussi différentes que les pays de l'Europe, sinon
plus différentes, avec des langues souvent pas du tout reliées. Donc, notre
centre est formé de femmes d'origines très, très diverses.
Notre centre
a été fondé en 1981. Nous sommes une organisation de services de soutien et de plaidoyer pour
les jeunes, les femmes et leurs familles d'Asie du Sud. Cependant, nos services
et notre adhésion sont également ouverts aux
non-Asiatiques du Sud. Nous accueillons toutes les femmes. Nous promouvons la
justice sociale et économique
pour les femmes immigrantes et réfugiées au sein de la société québécoise et
nous soutenons l'équité et l'autodétermination. Nous sommes guidées par la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, CEDAW, et les chartes canadienne
et québécoise des droits de la personne. Nous sommes
informées par une philosophie et une
solidarité féministes et nous sommes guidées dans notre travail par des
principes d'intersectionnalité — tout le monde sait ce que ça veut dire — d'égalité, d'équité et de transparence. Au
Québec, nous appartenons à des regroupements de centres et de groupes de
femmes travaillant avec les immigrantes et les réfugiés et nous sommes membres
de la Fédération des femmes du Québec.
Notre
position sur le thème en question se fonde sur notre travail et notre
expérience des 40 dernières années. Nous voulons expliquer
clairement que nous sommes totalement opposées à l'exploitation sexuelle ou à
toute autre forme de l'exploitation des
mineurs. Dans le même temps, nous nous opposons aux lois qui, à la fois,
définissent incorrectement l'exploitation
des mineurs et visent également à limiter la mobilité et la circulation des
mineurs. Nous ne pensons pas que la commission devrait envisager la mise
en oeuvre de nouvelles lois, mais plutôt qu'elle devrait s'efforcer de définir
et de comprendre comment les lois actuelles fonctionnent, et ont un impact sur
les jeunes, et si elles sont adéquates pour lutter contre l'exploitation. Nous
ne pensons pas que des lois supplémentaires résoudraient le problème.
En fait,
toute la littérature démontre que, dans les sociétés comme la nôtre, qui ont
des systèmes juridiques solides, l'ajout
de nouvelles lois ne réduit pas les dommages. En fait, ce qui a été observé,
c'est que l'ajout des lois peut créer un faux sentiment de sécurité et
de réduction des méfaits. Les personnes qui cherchent à exploiter les jeunes ne
sont pas dissuadées par les lois et peuvent
même être encouragées par des lois qui mettent l'action sur la répression au
lieu de garantir l'accès aux protections des droits de la personne.
• (16 h 40) •
Ainsi, pour lutter contre l'exploitation des
mineurs, nous devons nous attaquer aux causes pourquoi les mineurs sont-ils ou
elles dans des situations vulnérables qui les rendent victimes d'exploitation.
Et nous devons étendre notre compréhension de
l'exploitation des mineurs au-delà d'une focalisation étroite sur
l'exploitation sexuelle, qui est souvent confondue avec l'industrie du sexe et inclut des adultes dans les
réponses. Nous devons regarder une mineure de manière globale et holistique et examiner pourquoi
les mineurs se trouvent dans des situations où ils ou elles sont vulnérables et précaires. Les facteurs
socioéconomiques, politiques, psychologiques et émotionnels doivent tous être
pris en compte, y compris, en premier lieu, les raisons pour lesquelles les
mineurs quittent leur foyer familial.
Ensuite, des ressources doivent être fournies
pour aider ceux et celles qui travaillent déjà avec des mineurs afin qu'ils et
elles puissent s'acquitter de leur travail et de leur mandat sans être surchargés
et surmenés. Nous savons que les animateurs
de jeunesse, les travailleurs sociaux, les auxiliaires familiaux, les
éducateurs, etc., jouent un rôle beaucoup plus positif dans le travail préventif et dans la réduction des méfaits.
Mais, comme nous le savons, ces systèmes sont en crise à cause du
sous-financement et du manque de ressources. Au Québec, le ministère de la
Protection de la jeunesse fait l'objet d'une enquête auprès d'une commission.
Une voix : ...
Mme Sarkar
(Mela) : Excusez? Il y avait une question? Je suis professeure
d'université. C'est comme ça que je gagne ma vie, ça fait que, quand je
vois une main levée, j'essaie...
Le
Président (M. Lafrenière) : Il y a déjà des questions, ce que ça veut dire. Les gens vont lever la
main parce qu'il y a déjà des questions pour vous. Merci.
Mme Sarkar
(Mela) : O.K., c'est bien. Je poursuis. Au Québec, le ministère de la
Protection de la jeunesse fait l'objet
d'une enquête auprès d'une commission. Mais c'est vous, j'imagine. Les
problèmes des refuges pour jeunes sont également examinés. Nous espérons
qu'il y aura des résultats positifs pour les jeunes grâce à ce travail.
Au sein des familles, les problèmes émotionnels,
psychologiques et financiers peuvent faire de la maison un environnement
difficile pour les jeunes. Les parents et les tuteurs doivent bénéficier d'un
soutien. Les salaires doivent augmenter pour
que les enfants puissent voir leurs parents s'occuper d'eux. Il faut plus de
logements sociaux avec des loyers abordables,
tout cela pour que les parents ne soient pas souvent absents de la maison parce
qu'ils doivent occuper deux emplois pour
joindre les deux bouts — et des individus désormais connus comme des travailleurs pauvres,
«working poor» — tout
cela avant qu'ils ne soient pas stressés et
impatients à la maison avec leurs enfants. Les familles en détresse ont besoin
de soutien et d'assistance pour que les
jeunes ne se sentent pas obligés de fuir; ou, si les jeunes doivent partir, il
devrait y avoir des endroits, je
dirais, sûrs, sécuritaires pour trouver un abri. Et les informations sur ces
abris sûrs doivent être disponibles dans
des endroits fréquentés par les jeunes ou accessibles à eux et elles : écoles,
centres commerciaux, médias sociaux, etc.
Les mineurs
ont besoin d'une éducation sur les réalités de la vie et les situations et
relations potentiellement nuisibles. Les
programmes qui renforcent l'estime de soi et qui réduisent la vulnérabilité contribuent
grandement à réduire les méfaits et à
empêcher les jeunes de se retrouver dans des situations vulnérables et
potentiellement dangereuses et d'exploitation. Cela dit, l'institutionnalisation des jeunes aggrave
généralement les problèmes personnels ou familiaux. C'est vrai, ça. Si
les jeunes ont des foyers sûrs et sécurisés,
ils ne voudront pas fuguer. Les jeunes femmes éprouvent des problèmes
d'estime de soi. Et, en général, pour les jeunes avec lesquels nous
travaillons, la racialisation et la condition des jeunes racialisés contribuent
à la vulnérabilité et à l'insécurité.
C'est là que
des organisations comme la nôtre, le Centre communautaire des femmes
sud-asiatiques, ont besoin de soutien
dans le travail que nous faisons avec les familles et les communautés et pour
le travail de sensibilisation que nous faisons
avec les jeunes dans les écoles, où nous créons des environnements sûrs pour
que les jeunes s'expriment, où, grâce à
des ateliers d'écriture et de poésie, ils et elles trouvent des débouchés pour
travailler sur des questions qui les concernent, où notre intervenante du programme jeunesse, qui,
elle, a travaillé aussi sur le document évidemment, établit des
relations de confiance avec des jeunes qui
peuvent la contacter s'ils ou elles souhaitent de l'aide en matière
d'information, de ressources et de soutien.
Le
gouvernement doit fournir des fonds pour beaucoup plus de tel travail de
terrain. Les jeunes ont besoin d'espaces sécuritaires pour explorer les problèmes d'identité et parler des défis
auxquels ils sont confrontés, s'instruire entre eux et elles et
obtenir le soutien de leurs pairs. Ils et elles doivent avoir plus de
conseillers dans les écoles qui peuvent les aider à surmonter le stress et les tensions de la vie
contemporaine, où les jeunes manifestent une plus grande anxiété, où le
suicide des jeunes ou les tentatives de suicide sont en hausse, où les
problèmes de santé mentale deviennent plus évidents. Les conseillers des écoles et des collèges sont
débordés. Nous en avons besoin davantage, et le gouvernement doit augmenter le financement pour y
arriver.
Tout autour
de nous, nous constatons que les personnes travaillant dans ces domaines sont
surchargées de travail et souvent
d'épuisement professionnel. Il s'agit d'une crise à laquelle nous devons
remédier si nous voulons protéger nos mineurs
de l'exploitation. Les mineurs doivent avoir des personnes en qui ils et elles
peuvent avoir confiance et en qui ils et elles peuvent parler, avec qui ils et elles peuvent partager leurs
soupçons à l'égard d'individus qu'ils et elles considèrent comme nuisibles. Ils et elles doivent être avec des
adultes qui écoutent et entendent ce qu'ils et elles disent et qui les
acceptent comme des personnes
crédibles. Ils et elles ne devraient pas avoir honte ou le sentiment d'être
jugés en partageant des expériences dans
lesquelles ils et elles se sont sentis humiliés ou exploités. Et nous savons
que les sentiments de honte provoqués par le sens que l'on a rapporté quelque
chose de désagréable sur soi, c'est-à-dire, on sent que c'est de notre faute si on a été abusé, exploité, etc., c'est souvent le cas avec des
victimes de divers types d'exploitation, et elles n'en parleront donc pas à
cause de, justement, cette honte.
Nous ne
pouvons pas oublier que le climat politique contribue à l'expérience de l'insécurité et de la
précarité des jeunes. Par exemple, les politiques gouvernementales d'exclusion, telles que le projet de loi n° 21, augmentent l'anxiété et font que les jeunes racialisés se sentent comme
des étrangers et des étrangères dans leur propre société. Ils et elles
doivent se voir reflétés de manière positive
dans des personnes d'autorité en qui ils et elles peuvent avoir confiance, qui
comprennent d'où ils et elles viennent et ce dont ils et elles peuvent avoir
besoin.
Pour résumer
ce que nous avons dit, d'après notre expérience, mais en tant que centre de
femmes et travailleuses dans ce
centre de femmes, les jeunes ont besoin d'éducation et de soutien. Les familles
avec des jeunes ont besoin de soutien. Les vulnérabilités des jeunes
sont causées par de nombreux facteurs. Les facteurs socioéconomiques peuvent
rendre des situations de vie en famille difficiles pour les jeunes.
Les problèmes d'identité et de racisme, se réconcilier avec l'orientation
sexuelle et de genre ne sont que quelques-uns des facteurs auxquels les jeunes sont confrontés, contribuant aux
vulnérabilités et à l'insécurité personnelle.
Nous devons
élargir notre compréhension au-delà
de l'exploitation sexuelle, entre
guillemets, et regarder plutôt les besoins
et les expériences des jeunes. D'après notre expérience et nos observations,
nous avons besoin de mesures préventives qui réduisent la vulnérabilité et la précarité. Les mineurs doivent se
sentir en sécurité et protégés. Ils et elles doivent être équipés
d'outils pour détecter et éviter une exploitation potentielle. Nous pensons
que, pour protéger les mineurs de l'exploitation,
nous devons renforcer et améliorer le soutien aux familles et les programmes
qui favorisent la confiance en soi.
Pour
conclure, nous avons besoin d'une approche à plusieurs volets pour protéger
les mineurs de l'exploitation. Merci.
La Présidente (Mme St-Pierre) :
Alors, merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (16 h 50) •
M. Leduc : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue. Merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation. J'ai deux questions pour
vous.
Des groupes
qui vous ont précédé aujourd'hui et hier, notamment ce matin, la fédération des femmes
autochtones, les Femmes autochtones du Québec, donc, faisaient référence au
fait qu'il y avait du racisme dans l'industrie du sexe, notamment en lien avec les
mineurs. Ils allaient jusqu'à dire que l'industrie du sexe était raciste. Je
voulais savoir si vous étiez en accord avec cette affirmation-là ou, du
moins, qu'est-ce que vous en pensez.
Et l'autre
volet, ma deuxième question, je trouve ça vraiment intéressant que vous
passiez beaucoup de temps dans votre présentation par rapport à la pauvreté. Et c'est un thème que j'essaie de
creuser, particulièrement pour la question des mineurs, de l'exploitation sexuelle. Vous avez
parlé de ça, les «working poor», entre autres, là, qui est une originalité
de votre mémoire qu'on n'a pas entendue beaucoup
dans d'autres. Ils vous ont précédé
tantôt, des gens qui parlaient de proposer de rehausser l'aide sociale. Il y a des gens qui proposaient, donc, plus de logement
social, un programme d'aide à la sortie qui aurait des prestations spéciales pour les jeunes femmes, notamment,
qui voudraient y participer. Est-ce
que c'est le genre de chose
qui pourrait aider? Et, si oui, avez-vous d'autres idées par rapport à la
pauvreté?
Mme Sarkar
(Mela) : Votre première question,
sur le racisme dans l'industrie du sexe, nous, on n'a pas vraiment de connaissance, à notre centre, vraiment, nous-mêmes, de ça. On a entendu dire des choses par d'autres
dans d'autres centres. Mais, nous-mêmes, ce n'est pas quelque chose que
nous, on vit. Donc, on ne peut pas vraiment répondre.
Votre deuxième
commentaire, sur les façons d'allévier la pauvreté, bien,
c'est sûr que, là, ce qu'on vient de dire, c'est qu'il faut s'attaquer aux causes, et une des causes principales,
c'est la pauvreté. C'est la pauvreté qui met des familles entières en difficulté et qui a pour
conséquence de menacer de mettre «l'outcome», l'éducation des jeunes, en
péril parce que ça ne peut pas être des foyers sains pour les jeunes,
ça. C'est pour ça que les jeunes filles fuient. C'est quoi, le pluriel de
«fuir»?
M. Leduc : Oui, c'est ça,
fuguent.
Mme Sarkar
(Mela) : O.K. Mais, comme député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous devez
être en connaissance de beaucoup de...
M. Leduc :
Le phénomène de la pauvreté, oui, je le connais bien.
Mme Sarkar
(Mela) : J'ai déjà habité... Quand j'étais jeune mariée, en 1983,
j'habitais Hochelaga-Maisonneuve et j'en ai vu pas mal.
La Présidente
(Mme St-Pierre) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci de votre présence. Je pourrais
parler en anglais si elle préfère.
Mme Sarkar
(Mela) : Go ahead.
Mme Weil :
En anglais?
So, when we talk about poverty,
there's root causes to poverty. I don't think poverty, on its own, can explain, you know, certain situations.
So, you talk about discrimination. We talk about immigrants being excluded from
jobs, can't find a stable revenue for that reason. And you do... that's
your experience, right? You're in that world. You understand the challenges
that immigrants live.
So it can be chronic poverty,
generational poverty, which Québec sees a lot of. We have new poor, but this cultural phenomenon as well,
because you meet immigrant families, the reason they don't have a job and they
don't have income is because their
credentials are not recognized. But they get over it, and they work hard, and
they're educated. So, you know, often,
their children won't be in vulnerable situations, but you can have others who
live discrimination. Who knows? There's all kinds of factors.
So I wanted to ask you maybe to go
deeper on that issue of poverty and different kinds of situations you see. But also you do... Because we
heard today, from the organization chez Stella, there's very little incidence,
in their experience, of children or young people, you know, involved
in... that are exploited sexually, that they don't see much of that phenomenon. But other groups and community
organizations working with it say that, no, on the contrary, with
Internet, it's gotten... you know, it's increasing
and it's increasing not just here in Canada, but everywhere. What is your
experience with those two issues, so the poverty issue, but as linked to sexual
exploitation of minors and as to the phenomenon in your experience here?
Mme Chew (Dolores) : OK.
As my colleague Mela just said, we have not, in our centre, had any direct experience that we're aware of.
Nobody has come to us, as a parent or as a minor, to convey that there's sexual
exploitation. But, in our preventative
work that we do in our outreach program in high schools, which is very, very
popular, in fact, there's such a demand,
but we don't have enough resources to put more in, we do encounter young
people, racialized people, male, female, gender questioning, who have questions of identity, racism. And what we have
realized is that the work we do, whether it's workshops, poetry sessions, blogs, gives them a
way and an outlet of expressing, finding support. And we feel that, if
theses avenues are not there, than they're
isolated and can fall prey to various kinds of exploiters and predators. At the
same time, with these outreach programs, we do things like how to use
apps, dating apps, what the dangers are. So we engage in a lot of preventative
work that we feel puts young people in vulnerable situations.
In terms of poverty, you're absolutely
right, things like credentials, etc., not being recognized can cause issues. At our centre, it is a women's centre. We work with men as well,
but most of the people we work with in crisis situations are women who might have come as
wives, but sometimes, now, are on their own. And so, they are in desperate
social and economic circumstances and they have children who go to
school and who see what's going on in the home. And there are issues where
young people feel vulnerable. They feel maybe they're to blame, they should be
doing something.
Apart
from my involvement with The South Asian Women's
Community Centre, my day job is as a cégep teacher.
And, definitely, I have been teaching for close to three decades and I have
seen heightened incidences of anxiety. So these might be racialized students or
non racialized students.
There are huge problems. Sometimes
they're caused by familial problems, exacerbated. At other times, there's various other kinds of reasons for anxiety : mental health,
suicide, attempted suicide. So there's just, across the board, as we've
indicated in our brief, heightened anxiety and stress, which could be caused by
economic issues for many families that we
directly work with at the «centre communautaire», but otherwise as well. So we
feel this is where the attention needs to be put, in prevention.
Mme Weil : And you mentioned that you don't think
that we should be looking for legislative solutions, but I gather you mean criminal
legislation or penal. But, if it's to do with labor laws or if it's to do with
social conditions, promotion, housing, that's not what you're talking
about, it's really just the penal and criminal.
Mme
Chew (Dolores) : Yes.
Mme Weil :
OK. Thank you.
La Présidente (Mme St-Pierre) :
M. le député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, j'ai beaucoup
apprécié votre mémoire. Et je vais
m'attarder en particulier à une phrase que je trouve intéressante, très intéressante, dans votre mémoire, quand vous dites : Nous devons regarder un
mineur de manière globale et holistique — ça,
c'est une phrase qui me parle beaucoup — et
examiner pourquoi les mineurs se trouvent dans la situation
où ils et elles sont vulnérables et précaires. Et vous évoquez des facteurs dans la prochaine phrase.
Vous avez les facteurs socioéconomiques.
On en a pas mal évoqué tout au long de cette commission. Et vous parlez
aussi des facteurs politiques. J'aimerais peut-être vous entendre sur les
facteurs politiques.
Mme Sarkar (Mela) :
Rappelez-moi sur quelle page...
M. Benjamin : Alors, on est à
la page 2, donc, troisième paragraphe.
• (17 heures) •
Mme Chew (Dolores) : OK. So, I will speak a bit to your question and my colleague Mela also.
So,
global, holistic, again, it comes from a practice where, if we look at a
symptom and relate a single cause to it, it usually
misses the point. We have to look at the whole person and the context. And so,
that's our approach in all our work. And so,
with young people, the symptom might be anxiety. What is causing that anxiety?
Is it a mental health issue? Is it a family issue? Is it a social issue?
And so, we need to look at the situation globally.
But,
you're right, we focused mostly, in our brief, on the community that we work
with, but, again, if we look at youth generally, the insecurity... The idea of a job for life when you
graduate is no longer there. The climate crisis. I mean, young people
are saying they're not going to have children, OK?
So, there are so many things they are
being bombarded with all the time, right? And we mentioned, specifically in Québec,
with relation to the communities we work with, Bill 21, the proposed
legislation of ERC, which might lead to a lack of
understanding for racialized youth, etc. So we feel that things... policies
need to be looked at in terms of their global impact,
actions, in this case, related to young people, and vulnerability need to be
looked at in their global context. Just taking one thing and saying : OK, this is the issue and, if we do x, it's
going to resolve it, our practice has shown this is not successful.
M. Benjamin :
Ce mois, donc, le mois de janvier, c'est le mois du patrimoine tamoul. Et, la
semaine dernière, j'étais avec
plusieurs centaines de jeunes Québécois, Québécoises d'origine tamoule pour
souligner, donc, ce mois avec eux, et j'ai compris comment... l'importance
des organismes, de ces communautés-là... sont importants, la construction aussi
de l'identité.
J'aimerais
peut-être que vous nous... aborder quel est l'apport, la contribution des
organismes des communautés sud-asiatiques
dans la construction de l'identité des jeunes, justement, des jeunes de cette
communauté-là face à cette grande... à ces
vulnérabilités que vous évoquez, quand on parle de vulnérabilités économiques,
psychologiques, émotionnelles et autres.
Mme Sarkar
(Mela) : C'est une très grande question. On ne peut pas vraiment
répondre dans quelques minutes. Mais
je dirais que nous, on est un centre de femmes quand même beaucoup plus vieux
que d'autres, à cause du fait qu'on est
là depuis presque 40 ans. Donc, les premières... Dolores est membre
fondatrice, donc, dans la génération qui est venue au Québec dans les années 70 et 80, et même
avant. Mais, depuis la fondation du centre, il y a une génération de jeunes
qui a grandi dans le centre. Donc, on a eu
déjà une présidente qui était la fille d'une ancienne membre présidente, des
jeunes qui ne sont plus jeunes, là,
qui sont dans la quarantaine, qui, elles, ont commencé à fonder des familles.
Donc, nos travailleuses dans le
secteur jeunes sont souvent des filles d'anciennes... bien, de membres qui sont
plus vieilles, comme nous, là, on est assez
vieilles. Et puis ça veut dire qu'on a pu rejoindre la deuxième, troisième
génération de jeunes, souvent des filles, de jeunes femmes, mais des
garçons aussi d'origine sud-asiatique.
Et je vous
rappelle que c'est une origine complexe, ce n'est pas juste un pays. C'est un
pays avec au moins une quinzaine, vingtaine d'origines, d'ethnies, là,
d'origines ethniques, autant de... beaucoup plus de langues, beaucoup de
religions, etc. Donc, les jeunes de notre communauté des... sud-asiatique,
quand elles voient qu'il y a ce centre qui les comprend, en fin de compte, qui comprend qui sont leurs parents, leurs
parents sont issus de quelles situations politiques, historiques, etc... Je me souviens très bien de
comment est-ce que mon père, qui est venu du... qui était né au
Bangladesh, avant que ce soit le Bangladesh,
mais quand c'était l'Inde sous la domination des Britanniques... C'est-à-dire,
les parents et les grands-parents des jeunes sud-asiatiques ont vécu par
des changements sociaux et politiques inimaginables ici, sérieusement, parce qu'il y a eu beaucoup
d'événements historiques, politiques dans le sous-continent indien depuis,
je dirais, à peu près 100 ans, 120 ans.
Donc, nous,
on est placés pour pouvoir comprendre d'où ces jeunes-là viennent, l'historique
de leurs parents et puis leur propre
historique. Parce qu'eux sont nés ici, ils ont grandi ici, ils sont allés à
l'école québécoise francophone avec les enfants de tout le monde. Donc, c'est des jeunes avec des personnalités,
des historiques très compliqués à cause de tout ça. Comme pourrait être le cas pour des jeunes de
d'autres origines, je dirais, immigrantes, qui ont vécu... ou c'est une
région du globe où il y a eu tant de changements à travers le XXe siècle,
si complexes.
Donc, on est bien placés pour pouvoir les
écouter. Quand ces filles-là nous parlent, on les écoute avec une compréhension qu'en général leurs professeurs à
l'école secondaire ne peuvent pas avoir. Bien, c'est un peu résumer en
quelques mots un peu simplistes ce qu'on croit qu'on peut offrir à ces
filles-là.
Et, dans le
temps que j'ai passé au centre — et j'ai évidemment un emploi à temps plein
qui m'empêche de passer beaucoup de
temps là — bien, il
y a eu des jeunes filles, au secondaire, qui avaient des problèmes, mettons,
par exemple, parce que moi, ça me
parle directement, d'orientation sexuelle, où elles savaient qu'elles ne
pouvaient pas en parler à leurs parents,
aucunement. Mais l'idée qu'elles ne soient pas prêtes à se marier avec un gars
que la famille choisirait, mettons, là, O.K., impensable pour elles. Mais elles pouvaient
me parler, elles pouvaient parler à d'autres femmes de notre centre, et puis ça leur donnait comme un «outlet», une porte
de... une façon de s'exprimer juste pour se défrustrer, pour pouvoir
mieux composer avec leurs situations.
Donc,
souvent, c'est ça que ça prend, c'est quelqu'un qui nous écoute et qui nous
comprend, qui nous appuie et qui dit :
Oui, oui, «I'm with you», ça fait que vas-y donc, des pistes de solution, il y
en a, tu n'as pas à partir de la maison en fugue, là, il y a des portes
de sortie, on va t'aider. Mais c'est ça, en fait, là, ça se fait beaucoup.
La Présidente (Mme St-Pierre) :
Merci. Merci beaucoup pour votre témoignage.
Donc,
maintenant, nous allons appeler la Fondation Marie-Vincent et Dre Élise
André, qui vont venir témoigner à la suite de vous. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 11)
La Présidente (Mme St-Pierre) :
Ça va? Oui? Alors, je souhaite la bienvenue aux représentantes de la Fondation Marie-Vincent et la Dre Élise St-André.
Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes chacune pour votre
exposé, puis nous procéderons à une période d'échange de 30 minutes avec
les membres de la commission.
J'invite donc les représentantes de la Fondation
Marie-Vincent à se présenter puis à commencer leur exposé.
Fondation
Marie-Vincent et Mme Élise St-André
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : Bonjour. Je
m'appelle Geneviève Boisvert-Pilon. Je suis sexologue clinicienne et
psychothérapeute à la Fondation Marie-Vincent.
Mme Pelletier (Jennifer) :
Bonjour à tous, à toutes. Je m'appelle Jennifer Pelletier. Je suis sexologue et
psychothérapeute à la Fondation
Marie-Vincent. Alors, nous tenons à vous remercier d'avoir invité la Fondation
Marie-Vincent à cette importante commission parlementaire. Nous sommes très
heureuses de pouvoir contribuer à la réflexion entourant les services offerts
aux jeunes victimes d'exploitation sexuelle, mais également aux moyens pour la
prévenir.
Je vous
présente rapidement la Fondation Marie-Vincent. La fondation
contribue à prévenir la violence sexuelle. Au niveau de la prévention, nous travaillons principalement auprès de deux groupes d'âge, les tout-petits de zéro à cinq ans
et les adolescents. Nous privilégions une
approche écosystémique qui implique et mobilise les adultes qui gravitent
autour des enfants. Nous en reparlerons plus
tard. Nous offrons aussi des services psychosociaux et psychothérapeutiques aux
enfants et aux adolescents victimes de
toutes formes de violence sexuelle, incluant l'exploitation sexuelle. Les
services sont spécialisés, adaptés à
leurs besoins et reconnus pour leur grande efficacité. Nous soutenons une
chaire interuniversitaire de
recherche. La chaire Marie-Vincent nous
permet de toujours miser sur les meilleures pratiques dans le domaine de la
violence sexuelle, d'évaluer nos actions, mais aussi de demeurer à
l'affût des nouvelles réalités sociales.
La commission
nous a posé trois questions auxquelles nous allons répondre aujourd'hui.
Premièrement, comment améliorer la prévention et l'éducation à la
sexualité dans un objectif de lutte à l'exploitation sexuelle des personnes mineures? Ensuite, quels sont les contenus à
privilégier, quels publics doivent être joints de façon prioritaire et
comment?. Et finalement quelles ressources
spécialisées sont disponibles pour aider les victimes et les survivantes
d'exploitation sexuelle et comment devraient-elles être bonifiées?
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) :
Nous allons d'abord...
Une voix : Ça va s'ouvrir.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) :
Nous allons d'abord répondre à vos questions concernant la prévention de l'exploitation
sexuelle. Nous savons que la
prévention de toutes les formes de violence
sexuelle envers les jeunes
passe par une éducation à la sexualité saine
et la promotion des rapports égalitaires. Les études le démontrent, la
prévention et l'éducation à la sexualité auprès des enfants et des
adolescents améliorent de façon significative leurs connaissances, leurs habiletés de reconnaissance de situations à risque et de
protection de soi. La prévention et l'éducation à la sexualité favorisent aussi le dévoilement chez les jeunes
qui sont victimes. Il s'agit d'un point important, puisqu'une très
faible proportion des jeunes victimes de violence sexuelle dévoilent
leur situation. En dévoilant, ils pourront recevoir l'aide dont ils ont besoin.
L'implantation
du programme d'éducation à la sexualité dans les écoles
primaires et secondaires du Québec
est donc un premier pas dans la bonne
direction pour prévenir la violence et l'exploitation
sexuelle. Cependant,
la prévention peut débuter encore
plus tôt. Il est fortement recommandé d'implanter des activités préventives
destinées aux enfants et adaptées à leur niveau de développement
psychosexuel dès le plus jeune âge pour leur permettre de développer rapidement
des compétences visant à assurer leur sécurité.
C'est ce que nous faisons, à la Fondation
Marie-Vincent, avec notre programme de prévention Lanterne. Ce programme mise
sur une éducation à la sexualité saine et la promotion des relations
égalitaires auprès des tout-petits de
0-5 ans. Les outils offerts dans le cadre du programme
permettent d'intégrer des notions simples, concrètes et adaptées au niveau développemental
des tout-petits. De plus, le programme Lanterne privilégie une approche écosystémique
qui cible aussi les adultes de confiance qui gravitent autour des enfants.
Parmi les
meilleures pratiques en matière de prévention, nous savons qu'il est recommandé
d'impliquer tous les systèmes qui ont
une influence sur l'enfant. Plus concrètement, les pratiques préventives qui
utilisent une approche écosystémique
et qui visent non seulement les enfants eux-mêmes, mais également
les adultes de confiance qui les entourent, sont privilégiées pour
prévenir la violence sexuelle et sont reconnues comme étant les plus efficaces
que les approches centrées exclusivement sur l'enfant.
Les adultes
qui côtoient et protègent les jeunes au quotidien sont les meilleures personnes
pour développer un filet de sécurité
des plus efficaces. Pour les adultes qui contribuent à protéger les jeunes et
prévenir la violence sexuelle, il faut pouvoir
les outiller et les informer, par
exemple, sur les problématiques liées
à la violence et à l'exploitation sexuelle, aux nouvelles réalités d'aujourd'hui, au développement psychosexuel de l'enfant et de l'adolescent,
comment faire de l'éducation à la sexualité adaptée au stade
développemental des enfants et la détection des comportements à risque ou des
signes de victimisation sexuelle et des actions à prendre en cas d'inquiétudes.
Dans le cas
des parents, il serait pertinent de réfléchir aux meilleurs moyens de les
rejoindre. On sait que, dans le cadre
du programme d'éducation à la sexualité, les parents reçoivent
des fiches les informant des sujets abordés en classe avec leurs
enfants. Les outils créés par différents organismes sont également disponibles
sur le Web. Mais les parents connaissent-ils
ces ressources et ces outils qui peuvent les aider à poursuivre l'éducation à
la sexualité et la prévention à la maison?
Il serait aussi intéressant de les sonder sur leurs besoins et le format des
outils qu'ils aimeraient recevoir. C'est ce que fait la Fondation Marie-Vincent dans le cadre de son projet de
prévention de la cyberviolence sexuelle. Ainsi, nous nous assurons que
les outils développés répondent réellement à un besoin et qu'ils seront
consultés et utilisés.
Pour ce qui
est des professionnels des milieux scolaires, nous savons qu'aborder des
notions en lien avec la sexualité peut
aussi favoriser les dévoilements de violence sexuelle. Les enseignants qui
dispensent la matière en éducation à la sexualité doivent être outillés pour agir de manière à
recevoir adéquatement les dévoilements et à assurer la sécurité des enfants.
C'est pour cette raison que la Fondation
Marie-Vincent offre de la formation au personnel d'établissements scolaires
primaires afin de mieux les soutenir dans la dispensation du programme
d'éducation à la sexualité en leur donnant des notions sur le dévoilement de la violence sexuelle, le
signalement et les comportements sexuels problématiques chez les enfants. La
Fondation Marie-Vincent offre aussi un
service de soutien téléphonique aux divers intervenants oeuvrant auprès des
jeunes.
Quant aux jeunes, même s'ils sont de plus en
plus informés quant à la sexualité, grâce aux cours d'éducation à la sexualité et à divers projets de prévention
dans les écoles, ils sont quotidiennement confrontés à différentes formes
de violence sexuelle de manière directe ou
indirecte. Il est important de les sensibiliser aux risques et dangers liés à
l'utilisation des médias sociaux, aux
relations amoureuses malsaines ainsi qu'aux idées nuisibles concernant la
sexualité qui peuvent être véhiculées
par les pairs ou par Internet. Cette sensibilisation peut prévenir des
situations de victimisation et d'exploitation sexuelle, mais également la criminalité chez les jeunes, notamment le
partage de fichiers intimes ou la possession et la distribution de
pornographie juvénile. Nous savons aussi que la prévention fonctionne auprès
des adolescents. Il faut qu'ils soient impliqués dans une approche par et pour
les jeunes.
Depuis 2017,
la Fondation Marie-Vincent travaille sur un projet-pilote : Non à la
cyberviolence pour nos jeunes. Dans le cadre de ce projet, des comités
de prévention constitués d'adolescents ont été amenés à développer plusieurs stratégies de prévention de la cyberviolence
sexuelle pour et par les jeunes et adaptées à leurs milieux. Un guide
d'animation a été développé pour permettre à
tous les milieux scolaires de démarrer le projet et d'impliquer les élèves de
leurs écoles dans la prévention de la cyberviolence sexuelle.
En plus du projet des comités de jeunes, la
Fondation Marie-Vincent développe présentement une approche de prévention par les pairs. Les jeunes sélectionnés
pour devenir des pairs ambassadeurs sont formés afin de développer les compétences et les habiletés nécessaires pour
animer des ateliers de prévention de la cyberviolence auprès d'élèves
plus jeunes. La prévention par les pairs est une approche novatrice mise de
l'avant afin d'avoir une incidence sur les taux de prévalence de la
cyberviolence sexuelle.
Donc, au
sujet de la prévention de l'exploitation sexuelle, nous recommandons d'investir
dans des stratégies de prévention de l'exploitation sexuelle qui misent
sur une approche écosystémique, et ce, dès le plus jeune âge. Nous recommandons
également que les adolescents soient impliqués dans des approches de prévention
par et pour les jeunes.
• (17 h 20) •
Mme Pelletier (Jennifer) :
Maintenant, nous allons aborder l'aide aux jeunes victimes d'exploitation
sexuelle. D'abord, il semble y avoir un
manque de ressources spécialisées pour aider les jeunes victimes d'exploitation
sexuelle au Québec. L'expertise pour
répondre à ce phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur est en train de se
développer grâce à différents projets
prometteurs, comme Sphères, à Montréal, ou Mobilis, en Montérégie, pour ne
nommer que ceux-ci. À la Fondation Marie-Vincent, nous offrons des
services psychosociaux et psychothérapeutiques aux jeunes victimes ou
survivantes d'exploitation sexuelle, que ce soit dans une optique de traitement
ou de prévention de la revictimisation.
Un des enjeux importants liés à l'intervention
auprès des victimes et survivantes d'exploitation sexuelle est la méfiance de ces dernières face aux intervenants.
Elles ont peur, honte, se sentent coupables et hésitent à se tourner
vers l'aide qui pourrait leur être offerte.
Un peu comme les victimes de violence conjugale, elles peuvent être
ambivalentes face à leur situation et
à l'agresseur et surtout ne pas se considérer comme des victimes. Nous avons un
défi de taille pour les mobiliser et leur offrir les services dont elles
auraient besoin.
Il faut créer
un lien avec ces jeunes et miser sur une concertation entre les partenaires.
C'est la grande force du projet Sphères
qui mise sur la collaboration entre des milieux institutionnels et
communautaires pour aider ces jeunes. Parmi les partenaires, il y a le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, le
CIUSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal, En Marge 12-17, L'Anonyme,
le programme Les Survivantes du SPVM, et, nouvellement, nous, la Fondation
Marie-Vincent.
L'objectif général du projet Sphère
est d'encourager le partenariat et l'élaboration d'actions concertées afin
d'aider les jeunes à combler leurs besoins
autrement que par une implication dans une trajectoire d'exploitation sexuelle.
Les efforts de tous les partenaires visent à soutenir ces jeunes dans
une démarche d'intégration sociale et dans l'adoption de saines habitudes.
L'exploitation
sexuelle est une problématique complexe qui peut entraîner divers problèmes de
santé mentale ou physique, de
consommation, de criminalité, etc. Ainsi, chacun des partenaires a un rôle bien
important à jouer pour aider le jeune à se sortir de sa situation.
Le projet répond
aussi à une rupture de service existante, lors du passage de l'adolescence à la
vie adulte, puisque Sphères offre des
services aux jeunes de 12 à 24 ans. Cette rupture dans l'offre de
services, au moment même où ces
jeunes sont à leur plus vulnérable, constitue une des plus grandes lacunes des
services offerts aux jeunes en difficultés. Cette transition de l'adolescence à l'âge adulte constitue un moment
crucial où les jeunes éprouvant certaines difficultés ou vulnérabilités, tant sur le plan personnel,
familial ou social, peuvent percevoir la prostitution comme un choix possible
ou parfois même comme une obligation. De
plus, comme nous l'avons mentionné plus tôt, les jeunes victimes
d'exploitation sexuelle ne bâtissent pas
facilement des liens de confiance avec les adultes qui veulent les aider. Donc,
une fois que ces liens sont créés
avec des intervenants, il est important qu'ils puissent se poursuivre à l'âge
adulte si nous souhaitons favoriser une réadaptation qui sera durable.
Au-delà
de la concertation régionale, il serait aussi important de miser sur la
concertation entre les différentes régions du Québec et provinces du Canada. Les jeunes victimes d'exploitation
sexuelle sont souvent amenées à se déplacer ailleurs dans la province ou dans le pays. Elles se
retrouvent à nouveau isolées et sans ressources. Elles n'iront pas chercher
de l'aide auprès d'autres intervenants dans
cette nouvelle région ou province. D'où l'importance d'assurer une
concertation entre les organismes de chacune de ces régions, qui pourra assurer
une continuité de service aux jeunes.
Au
sujet de l'intervention psychothérapeutique offerte à la Fondation
Marie-Vincent, grâce à un financement obtenu dans le cadre de la Stratégie d'action jeunesse, nous avons développé,
en collaboration avec les partenaires de Sphères, une trousse pour intervenir auprès des jeunes victimes
d'exploitation sexuelle ou à risque. Cette trousse contient deux
volets : premier volet, des outils
permettant d'évaluer si un jeune se trouve à risque ou en situation d'exploitation
sexuelle et d'évaluer l'étendue de
son implication dans une trajectoire d'exploitation sexuelle; le deuxième
volet, ce sont des outils permettant d'intervenir
de manière adaptée à l'étendue de son implication dans une trajectoire
d'exploitation sexuelle. Elle est composée d'outils qui abordent de
manière directe et indirecte la problématique de l'exploitation sexuelle et la
prévention de la victimisation sexuelle. Ces outils ont été conçus pour que le
jeune soit impliqué de manière active dans le processus d'intervention et pour susciter chez lui une réflexion quant à sa
trajectoire. Cette trousse a été partagée avec des partenaires qui
interviennent au quotidien auprès des jeunes victimes d'exploitation sexuelle.
Les outils sont présentement en évaluation
pour voir s'ils répondent bien aux besoins des jeunes et de nos partenaires.
Nous avons prévu les bonifier selon les besoins qui auront été
identifiés.
Donc,
au sujet de l'aide aux jeunes victimes d'exploitation sexuelle, nous
recommandons de mettre en place, dans toutes
les régions du Québec, des services spécialisés qui misent sur la concertation
entre les partenaires et que ces services puissent se poursuivre au début de l'âge adulte dans une réelle
continuité de services. Nous recommandons également qu'un mécanisme de
concertation entre les partenaires des différentes régions et provinces soit
mis en place.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Finalement, nous aimerions juste dire quelques
mots sur l'indemnisation offerte par
IVAC. Nous savons que le gouvernement réfléchit déjà à l'adoption... à
l'adaptation, pardon, de cette loi. Mais, à ce jour, la loi sur l'IVAC ne reconnaît toujours pas
officiellement l'exploitation sexuelle comme un acte criminel. Donc, les
jeunes qui en sont victimes ne peuvent pas automatiquement recevoir
l'indemnisation, donc, dans certains cas, de services psychothérapeutiques. L'exploitation sexuelle fait maintenant partie des
motifs de compromission prévus dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Il serait donc pertinent
que la loi de l'IVAC soit modifiée rapidement pour être cohérente et
qu'elle prévoie l'indemnisation des jeunes victimes d'exploitation sexuelle.
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de votre présentation. J'invite
maintenant la Dre Élise St-André à se présenter puis à commencer son
exposé pour une période de 15 minutes. Merci d'être avec nous.
Mme St-André (Élise) : Merci beaucoup. Donc, je vais passer sur... Vous
avez tous reçu la première page, qui décrit en fait un peu mon parcours,
qui explique mon intérêt dans le sujet d'aujourd'hui? Bon.
Alors,
j'ai été éduquée à l'Université de Montréal et à l'Université McGill, j'ai
commencé mon travail dans le milieu médico-légal,
à faire des expertises pour la justice criminelle, et à ce moment-là j'ai été
en rencontre avec un homme qui avait justement
un état de stress post-traumatique, et j'ai découvert à ce moment-là que ces
personnes qui souffrent, souvent, le diagnostic est fait de façon très
tardive, et il n'y a pas beaucoup de ressources, justement. Alors, je me suis
formée à diverses thérapies pour aider ces
gens-là, et j'ai continué à me renseigner davantage sur les états de stress
post-traumatique, et j'ai enseigné à cet égard au cours des années.
Donc,
ma présentation, grosso modo, c'est le résultat de toutes ces années où j'ai
présenté sur le sujet, et j'essaie d'en faire une synthèse, synthèse qui
comporte bien sûr l'inconvénient d'en être une, c'est-à-dire de couper court à
certains détails et de ne pas tout mettre ce que je voudrais dans un petit
15 minutes.
Alors,
je vais répondre en premier à la deuxième question que la commission me
demande, c'est-à-dire : Quels sont les impacts de l'exploitation
sexuelle des victimes?, pour revenir ensuite sur le traitement. Donc, je
répondrai... Oui, c'est ça. Donc... d'escamoter les chiffres, ça, je l'ai déjà
dit.
Donc, les impacts d'un trauma, sexuel ou autre
chez l'enfant sont bien réels et globaux, donc biopsychosociaux, comme l'on
vient de l'exposer ici. Ça va affecter de façon durable la trajectoire de vie
de l'enfant en l'absence de soutien. Les conséquences de
traumas survenus dans l'enfance sont encore bien présentes, d'ailleurs, chez
plusieurs adultes — parce que je travaille en psychiatrie adulte — présentant des symptômes divers et
d'intensité variable. Il faut noter que
les recherches actuelles montrent une transmission aussi intergénérationnelle
des effets du traumatisme. Il ne faut pas l'oublier dans notre effort de prévention, ça touche vraiment beaucoup
de monde, les traumas, qu'ils soient ceux dont nous discutons ici ou
d'autres. Ici, c'est plus... c'est pire, en fait. L'exploitation sexuelle des
mineurs, je pense que ça marque davantage les gens.
• (17 h 30) •
Donc, au
niveau biologique, selon l'âge, et l'importance de la réponse traumatique, et
le niveau de développement de
l'enfant, il peut y avoir réaménagement génétique, donc épigénétique,
biologique — je le
dis parce que la psychiatrie, c'est comme
à côté, mais c'est vraiment biologique — qui va moduler le nombre de récepteurs
hormonaux au niveau du cerveau et
modifiera ainsi la réponse de l'individu aux stresseurs. De même, au niveau
neurobiologique, l'expérience traumatique aura un impact sur le système nerveux dit autonome, système qui régulera
différemment les réponses biologiques des systèmes du corps aux
éventuels stresseurs ensuite. La peur, l'anxiété chronique ont des effets
cumulatifs délétères sur le sommeil, favorisant entre autres prise de poids et
problèmes de concentration, et sur plusieurs systèmes corporels, par exemple cardiovasculaire, gastro-intestinal, métabolique,
immunitaire. Donc, le trauma et ses effets, dans le long terme, ce sont
des effets qui peuvent être psychiatriques, mais aussi profondément biologiques.
N'ayant pas les capacités de verbaliser ou de
comprendre ce qui se passe, l'enfant agressé peut présenter divers troubles de comportement, des troubles
d'apprentissage et psychologiques, des problèmes de socialisation et une
perturbation de ses liens affectifs significatifs.
Divers
facteurs influencent l'effet d'un événement sur une personne. Nous venons de
voir que l'âge, même, et surtout précoce
en est un. Il est faux de prétendre, selon certaines croyances populaires,
qu'il ne s'en souviendra pas le jour de ses noces. C'est faux. Un enfant risquera d'être marqué de façon durable
plus facilement qu'un adulte. D'autre part, la forte intensité de
l'événement, la répétition chronique de celui-ci ou une blessure physique
seront des facteurs aggravants. Également
important, la présence ou non de soutien, être cru ou non lors de la
divulgation, et n'être pas cru représente en soi un autre traumatisme
chez la plupart des personnes qui ont vécu une agression sexuelle.
L'intensité
émotionnelle module la rétention amnésique de façon particulière. J'en ferai
ici encore une fois un résumé grossier.
La mémoire est plus vive et détaillée concernant un moment d'intensité
émotionnelle élevée, ceci au niveau des événements individuels, mais sociaux également. Tout le monde se
rappelle du 11 septembre. Que faisiez-vous le matin? Ou encore,
pour les plus vieux d'entre nous, le 22 novembre 1963, je pense, Kennedy.
Bon, lors d'événements mettant l'intégrité
physique, voire la vie, en danger, une cascade hormonale spécifique,
biologique, automatique se met en branle, selon l'intensité de la menace, pour protéger l'individu dans
l'immédiat, ce pour quoi la personne peut figer et peut ne pas être capable de se défendre. C'est quelque chose
d'automatique. Ça arrive indépendamment de la volonté de la personne. On
ne peut pas dire à quelqu'un... et l'accuser et le mettre... le rendre plus
coupable de ne pas avoir agi. C'est quelque chose de biologique. O.K.?
Tout le monde
ne réagit pas de la même façon, pour toutes sortes de raisons, mais c'est
quelque chose qui peut arriver, d'être
figé, et c'est quelque chose de biologique, qui module, dans le même temps, la
mise en mémoire. C'est-à-dire que les souvenirs ne seront pas, après,
immédiatement accessibles à la personne, mais le corps peut quand même, lui, se
souvenir, s'il y a une amorce, par exemple,
un déclencheur dans l'environnement. Je vous donne tout de suite un
exemple pour illustrer puis, s'il y a des questions, bien sûr, je répondrai.
Par exemple,
une personne ayant subi des violences sexuelles par plusieurs individus
pourrait ne pas se souvenir de tout ou de certaines parties des
événements. D'ailleurs, c'est dans les critères diagnostiques de l'état de
stress post-traumatique. Et on vient de voir
que c'est biologiquement possible aussi de ne pas se rappeler, O.K. Mais son
corps réagira, de façon automatique,
fortement à une odeur qui était présente lorsque les faits se sont produits.
Éventuellement, en présence d'un
ensemble précis de souvenirs sensoriels ou factuels, cette mémoire enfouie peut
ressurgir, parfois des années plus tard, et ce n'est pas toujours dans le cadre d'une thérapie. Ça peut être un
événement qui s'approche de l'événement traumatique initial, et là, pouf, ça réapparaît. Donc, la
personne pourrait très bien ne jamais avoir eu d'état de stress post-traumatique,
mais en présenter un plus tard. Je l'ai vu
en clinique plusieurs fois. Donc, c'est dans la littérature, mais c'est dans la
vraie vie. Moi, je vous parle de clinique, bien entendu.
L'impact de
l'exploitation est donc variable selon la personne, le contexte génétique,
social, familial, l'âge de la personne,
plus grave chez l'enfant plus jeune, la gravité et la chronicité des gestes
subis. Pour certains, les conséquences seront
immédiates, par exemple, des difficultés scolaires. Pour d'autres, la
présentation sera tardive, comme je viens de l'évoquer. Enfin, dans bien des cas, il y aura des problèmes
chroniques et des demandes légitimes de soins et de support à long
terme.
Des symptômes
dépressifs ou anxieux variés peuvent se manifester. En effet, les conséquences
d'un trauma ne sont pas uniques,
hormis les états de stress post-traumatique, plus fréquents, en général, de
toute façon, pour tous les problèmes dépressifs
et anxieux chez les femmes. La personne victime peut présenter les symptômes
d'un trouble anxieux généralisé, d'un trouble de panique avec ou sans
agoraphobie, d'un trouble anxieux non spécifié, voire d'un trouble obsessionnel
compulsif. Il y a plusieurs possibilités de codiagnostic dans les troubles
anxieux. J'ai vu souvent des états de stress post-traumatique avec un trouble
anxieux généralisé ou encore une dépression avec un état de stress
post-traumatique. Il faut évidemment soigner les deux dans ces cas-là.
Donc, je vous ai mis
des petits rappels concernant les maladies psychiatriques. Donc, la plupart des
maladies communes sont reliées au système de peur dans le cerveau, avec une
référence, là, du laboratoire de Joseph LeDoux, à New York, et un rappel concernant la dissociation, qui est un
phénomène de mémoire spécial. Donc, dans l'enfance, il y a des effets
biopsychosociaux à long terme, comme je l'ai dit, au niveau de la mémoire, un
sens de l'identité qui est différent, de conscience de soi, une difficulté de
régulation émotionnelle. Donc, c'est un enfant qui va devenir comme plus sensible,
hypersensible, qui va réagir beaucoup, qui va avoir de la difficulté à, par exemple, se débarrasser d'une colère. Il
va avoir des problèmes de concentration, d'apprentissage et il va avoir un
sentiment de compétence sociale moins grand, moins bon et une difficulté
dans les relations d'intimité.
Pour
ceux qui ont été agressés plus jeunes de façon chronique, les symptômes peuvent
épouser les critères de divers diagnostics
aussi de troubles de personnalité, donc des façons d'être durables qui
provoquent quand même des inconvénients dans la vie de tous les jours, que ce soit au travail ou à l'école. Et,
dans les cas sévères, il peut même y avoir des symptômes psychotiques
qui peuvent survenir.
Enfin,
la fréquence, je parle bien de
la fréquence des symptômes dissociatifs, donc les sensations d'irréalité,
de ne pas être soi-même, de mémoire
fragmentée, de ne pas se souvenir, n'est pas claire. Ce n'est pas clair
parce que cet aspect est méconnu, peu investigué, et les patients
eux-mêmes cachent ces symptômes par peur ou par honte. Donc, il y a vraiment une difficulté à documenter les symptômes
dissociatifs par un clinicien qui n'est pas au courant de ça ou qui ne pense pas l'investiguer, finalement. L'impact sera
donc majeur et durable sur la victime, et, puisqu'il s'agit d'un enfant,
son entourage, aidant ou non, en subira aussi les conséquences, entre autres
dans la gestion des symptômes déjà décrits, bios, psychos et sociaux.
Je voudrais donner
quelques exemples pour illustrer mes propos, et les détails évidemment sont
changés pour préserver l'anonymat. Je ne sais pas combien... J'ai oublié de me
mettre un chrono.
Le Président
(M. Lafrenière) : Il vous reste encore six minutes.
Mme St-André (Élise) : Six? Oh! ce n'est pas beaucoup. O.K. Bon, je vais
commencer par un premier exemple... ou
bien, tiens, je vous le laisse lire. Je vais faire monsieur B, oui, qui est un
homme d'âge mûr, qui a été évalué dans le cadre de symptômes dépressifs
récidivants sous médication.
Son
parcours antérieur est semé d'embûches. Il a dû se défendre souvent dans sa vie
et, au départ, dans sa propre famille
contre un frère aîné et un cousin hostile et batailleur. Monsieur B sait se
servir de ses poings et ne s'en cache pas. Il est fier de savoir se
battre. Sa carrure athlétique est avantageuse. La fréquentation de l'école,
lorsqu'il était au primaire, a toujours été
ardue. On lui donnait des comprimés pour se concentrer sans que ça ait fait des
effets positifs, et donc ses résultats
scolaires n'étaient pas améliorés par la médication, mais celle-ci, comme les
médications qui aident, en fait, les gens à qui on attribue le diagnostic de trouble de déficit de
l'attention... En général, ces médications augmentent l'anxiété, ce qui
n'est pas très bon chez quelqu'un qui
souffre d'un état de stress post-traumatique, et c'est difficile pour l'enfant
d'identifier que c'est à cause des pilules.
Bon,
alors, ce monsieur-là, c'est ça qui s'est passé quand il était jeune, et son
parcours scolaire, donc, a été assez
difficile. Ses rapports sociaux étaient compliqués par sa méfiance et sa
promptitude à réagir devant ce qu'il estimait être une offense. Il a
fréquenté ce qu'il décrivait être une ou deux écoles de réforme.
Son
parcours d'emploi est marqué par l'inconstance et la variété. Il s'est en
quelque peu assagi avec l'âge. Il a depuis quelques années le même emploi. Il s'entend bien avec la plupart des
travailleurs, sauf un. Il voudrait bien se débarrasser de ses symptômes récidivants et retourner au travail
mais nomme spontanément qu'il préférerait ne plus travailler avec X, qui
est un ami et protégé du grand boss. En effet, tous les épisodes dépressifs ont
été secondaires à des événements survenus avec cet individu au travail.
Monsieur B précisera que X, pour faire une blague, l'a touché de façon
inappropriée.
Tous les symptômes
réapparaissent lorsque MB divulgue ce qui est arrivé et n'est pas cru. Or, en
cours de traitement, à un moment donné, je
vais comprendre que, lorsqu'il avait six ans, un individu l'a violé. On ne l'a
pas cru. Il est arrivé plus tard à la maison, il faisait noir. On l'a
puni violemment pour avoir été en retard à la maison et d'avoir sali ses
habits.
Alors,
vous voyez, le parcours de cet homme — ce n'est pas un cas d'exploitation sexuelle,
mais c'est quand même un viol — aurait été tout à fait différent s'il avait
été accueilli, premièrement, dans sa famille et ensuite s'il avait reçu
des soins. Donc, il a été traité comme
quelqu'un qui avait un TDAH et monsieur avait clairement un état de stress
post-traumatique, selon son histoire.
Donc,
si les gens étaient sensibles à ce genre d'histoire et de possibilité,
peut-être que nous pourrions socialement réagir et différemment.
Bon,
je vais passer à la deuxième question puisqu'il faut que je fasse vite. Quelles
sont les meilleures pratiques, en termes
d'intervention thérapeutique, pour les victimes d'exploitation sexuelle et
sont-elles disponibles pour les victimes d'exploitation sexuelle au Québec?
Ça pourrait être rapide, mais je vais prendre un peu ce que j'ai déjà écrit.
• (17 h 40) •
La
meilleure pratique serait la prévention. J'appuie tout à fait ce que ces dames
ont dit précédemment et je sais que plusieurs
interventions auparavant en ont fait état. Comme l'invention des systèmes
d'égout — je sais,
je vais loin — la
lutte contre l'alcool au volant ou
l'obligation légale du port de la ceinture de sécurité, des interventions et/ou
organisations sociales font
énormément pour la santé publique, puisque le problème de l'exploitation
sexuelle, à mon sens à moi, en est un en raison des retentissements biopsychosociaux sur une personne, ses
descendants, son entourage et le milieu social en entier. Il y a des
coûts énormes. Plusieurs auteurs américains parlent d'ailleurs d'épidémie
cachée en parlant des états de stress post-traumatique chez les enfants.
J'appuie
donc la suggestion faite par d'autres intervenants, soit l'éducation dès le
primaire, un cours adapté sur les relations
humaines saines et la sexualité et d'autres moyens éducatifs possibles, entre
autres une offre élargie destinée à toutes les générations, entre autres par l'utilisation d'Internet, pourraient,
devraient être retenus. Par ailleurs, c'est ça, pour les jeunes femmes mobiles, comme on disait, en fait,
il pourrait peut-être y avoir une application mobile ou un site Internet
par lequel la personne en détresse
pourrait... parce que d'avoir un endroit géographique, ça devient très
compliqué pour ces gens. Donc, il faut penser à ce genre de solutions
là.
O.K.,
c'est ça, le cadre légal pourrait être plus sévère envers les exploitants et
les agresseurs, les témoignages par vidéo
encouragés. Parce que chaque fois, chaque fois, je vous le dis, chaque fois,
j'en ai eu, des gens qui avaient des ESPT quand ça passait dans le journal ou quand ils repassaient à la cour.
C'est incroyable comment les gens régressent, comment ils font beaucoup
plus d'anxiété, comment les symptômes réapparaissent, comment ils ne dorment
plus, comment plusieurs symptômes reviennent, et il faut recommencer à zéro,
toujours. C'est vraiment très important, la cour et la médiatisation augmentent
les symptômes. C'est quelque chose d'important à savoir.
Pour les
personnes, finalement, qui présentent des symptômes, donc, on a échappé à la
prévention, disons, il convient de mettre d'abord la personne en
confiance, assurer la sécurité et la stabilité, valider son expérience et sa
détresse. Je comprends que tu es en colère
que ce soit arrivé. Ne pas lui dire : Bien non, ça va passer. On valide.
C'est vrai, ce que tu vis.
Encore ici, l'éducation du milieu de soins sur
les traumas et ses conséquences pour améliorer l'accueil de cette clientèle et éviter les retraumatisations — et je parle entre autres de l'urgence, parce
que les gens ne sont pas toujours accueillis comme ils le mériteraient, je dirais, simplement — suivant l'évaluation et le diagnostic
précis. Donc, meilleur diagnostic, meilleur
traitement. Le plan de traitement biopsychosocial doit être construit et adapté
dans le temps, à chaque personne. Selon
divers guides de pratiques, donc, canadien, australien, Angleterre, on pourrait
donc traiter les comorbidités, par exemple les troubles de consommation, avant de traiter le trauma. Mais, bon, chacun
a sa vision différente, et ce qui ressort de ça, c'est de traiter selon
le gros bon sens et ce qui est le plus grand inconvénient actuel du patient.
Par exemple, s'il est suicidaire, c'est de ça qu'on va s'occuper en premier.
Les traitements pharmacologiques peuvent être
requis à moyen et long terme. En première intention, on recommande des antidépresseurs de dernière génération à dose
progressive, tant dans le traitement de la dépression ou des troubles anxieux. Dans l'état de stress
post-traumatique, un des objectifs premiers, c'est de rétablir le sommeil,
parce que c'est pendant le sommeil
que la mémoire se reconsolide et donc va permettre d'avoir un effet positif
dans la psychothérapie. C'est extrêmement important que la personne
dorme, donc c'est mon premier objectif, quand je traite quelqu'un.
Ensuite de ça, comme il y a...
Le Président (M. Lafrenière) :
...conclusion, s'il vous plaît.
Mme St-André (Élise) : Pardon?
Le Président (M. Lafrenière) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme St-André (Élise) : En
conclusion. En conclusion...
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme St-André (Élise) :
Pourtant, j'avais fait ça court.
Le Président (M. Lafrenière) :
Désolé. Ah! c'est difficile, c'est difficile.
Mme St-André
(Élise) : Je dirais que la
psychothérapie est aussi, sinon plus importante que la médication. Ça coûte cher, la
psychothérapie, mais les pilules à vie, ça coûte plus cher aussi, tu sais. Et
il faut y avoir, je pense que c'est extrêmement important...
(Interruption)
Excusez, je n'ai pas l'habitude. Il faut absolument qu'il y ait
plusieurs modalités psychothérapeutiques disponibles. Dans les écrits récents, c'est la
TCC, donc thérapie cognitivocomportementale focusée sur le trauma, et
EMDR, Eye Movement Desensitization and Reprocessing. C'est quelque chose qui
est valide, qui est reconnu partout dans le monde,
par l'Organisation mondiale de la
santé. Ça fonctionne, on commence à
comprendre pourquoi. Ça calme le patient pendant qu'on fait le
traitement. On est avec le patient, il n'est pas tout seul.
C'est extrêmement important, la psychothérapie, pour ces gens-là, et donc les
exemples que j'ai donnés auparavant ont
donné d'excellents résultats, et les gens vont bien. Je ne dis pas que c'est toujours
efficace à 100 %, mais il y a des bons taux de réussite. Il y a d'autres
avenues qui sont en exploration, comme la psychothérapie sensorimotrice, parce qu'évidemment les patients ont beaucoup de symptômes
physiques, avec les SPT, donc il faut penser à ce genre de trucs là. Et, en fait, j'ai donné quelques
idées concernant les symptômes dissociatifs, quand ils sont reconnus, donc vous
avez ça d'écrit dans la petite présentation
que j'ai faite, donc assurer la stabilité, la sécurité, un travail
thérapeutique, etc. Donc, voilà.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup.
Mme St-André (Élise) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup de votre présentation. On est maintenant rendus à la période d'échange
avec les membres de la commission. On va débuter avec la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Je voulais vous remercier pour la
présentation, là, sur les chocs
post-traumatiques. Je trouve ça particulièrement... très,
très intéressant. Par contre,
ma question, c'est juste une petite question
technique pour la Fondation Marie-Vincent. L'IVAC indemnise les victimes
d'actes criminels, puis, en ce
moment, on ne reconnaît pas l'exploitation sexuelle comme un acte criminel.
Dans
votre brochure, c'est marqué... bien, c'est cette brochure-là? C'est
marqué : Les services offerts aux adolescents... puis vous faites
mention de la demande à l'IVAC. Pour quelle raison?
Mme Pelletier
(Jennifer) : Bien, les
adolescents qui viennent nous voir ont été victimes d'agressions sexuelles. Souvent, pour faire la demande à IVAC, on va faire
la demande sous forme d'agression
sexuelle, en sachant qu'il y a eu de l'exploitation sexuelle,
mais on va mettre l'emphase sur l'agression sexuelle que la jeune ou le jeune a
vécue à travers son expérience de victimisation sexuelle.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : O.K. Donc, vous faites quand même la demande.
Mme Pelletier (Jennifer) : Oui.
La demande va être acceptée parce qu'on passe sous le...
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : C'est que,
dans l'exploitation sexuelle, souvent, les conséquences vont être beaucoup
plus grandes que... excusez les termes, mais qu'une agression sexuelle sans le contexte d'exploitation. On en a parlé un peu, il peut y avoir des
similitudes avec, par exemple, les victimes de violence conjugale pour
certaines, il peut y avoir des similitudes
avec des victimes du syndrome de Stockholm. Donc, il y a
plus de conséquences, souvent, dans une
victime d'exploitation sexuelle. Si ça pouvait être nommé, on pourrait probablement reconnaître davantage
différentes conséquences à court terme et à long terme auprès des victimes, ce
qui ne nous empêche pas de leur offrir un service, bien évidemment.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Alors,
merci. Merci à vous trois. Peut-être, dans un premier temps, pour la Fondation
Marie-Vincent. J'ai eu l'occasion de
visiter, il y a plusieurs années, votre centre. C'est extraordinaire, le
travail que vous faites auprès des
tout-petits, les jeunes. On était plusieurs et on a visité le centre et tout.
De votre expérience... je suis à la page 12 de votre mémoire. Vous parlez du phénomène d'exploitation
sexuelle... parce qu'on a eu des discussions... bien, discussions, des affirmations ce matin d'un organisme qui a
dit — donc
c'est chez Stella — que,
bon, son expérience faisait en sorte que... leur commentaire, c'est que, non, il y avait très peu de ça, puis, bon,
ce n'était pas... Mais vous, vous affirmez donc que ça prend de plus en
plus d'ampleur, donc, le phénomène d'exploitation sexuelle.
En quoi vous
êtes capables d'affirmer ça? Et dans votre pratique, dans votre expérience de
travail que vous faites, est-ce que
vous êtes face à face à ce phénomène des victimes? Et donc décrire peut-être
cette croissance que vous avez vécue, constatée dans votre organisme.
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : À la base, la
Fondation Marie-Vincent offre des services pour les enfants et les adolescents. Donc, notre clientèle, c'est les
18 ans et moins. On peut confirmer qu'on en voit. Donc, il y a
effectivement...
Mme Weil : Et qu'il y a
une croissance.
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : ...des jeunes
victimes d'exploitation sexuelle qui sont mineures, et, oui, on le voit de plus en plus. C'est de plus en plus nommé.
Et maintenant nous sommes un partenaire du comité Sphères qui traite, de
manière très explicite, l'exploitation
sexuelle. Et avant, les jeunes rentraient sur notre liste d'attente, rentraient
dans nos services en étant victimes d'agression sexuelle. En cours de
thérapie, on se rendait compte que ce n'était pas que de l'agression sexuelle,
mais c'était fait dans un contexte d'exploitation sexuelle.
Donc, c'est
dur de le chiffrer de manière explicite, l'exploitation sexuelle comme telle,
dans le cadre de toutes les violences
sexuelles qui sont traitées à Marie-Vincent, parce qu'on le découvre souvent à
travers la thérapie. Tandis que maintenant les jeunes peuvent nous
arriver, et la première demande de services se fait en disant : Il y a une
victime d'exploitation sexuelle, nommé de manière beaucoup plus explicite.
Donc, on le voit...
Mme Weil :
Ils viennent des deux voies. Parfois, on ne le sait pas, puis vous le découvrez
en cours de route. Mais vous êtes capables...
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) :
...parfois, on le sait.
Mme Weil :
...d'affirmer, de par votre expertise et votre expérience, que c'est en
croissance.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) :
Tout à fait, oui.
Mme Weil :
Donc, déjà, ça, ça vient contrer l'impression que l'organisme avait ou
l'affirmation qu'ils ont faite. Comment ces jeunes vous arrivent,
donc... que vous dites référés par d'autres organismes, donc le système public,
les organismes communautaires? Est-ce qu'il y en a qui arrivent autrement?
• (17 h 50) •
Mme Pelletier (Jennifer) :
Bien, récemment, avec le projet Sphères, qui nous sont référés directement.
Sinon, ça peut être tout organisme qui travaille en lien avec les jeunes. Ça
peut être autant le milieu scolaire, le milieu des hôpitaux...
Mme Weil :
Donc, j'allais dire, le réseau de la santé aussi.
Mme Pelletier
(Jennifer) : Le réseau de la santé...
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : ...beaucoup par les centres jeunesse, la DPJ. Les
policiers aussi nous réfèrent des jeunes,
le milieu hospitalier aussi. Et certains jeunes, quand ils viennent nous voir
en thérapie... si vous avez visité le centre, vous avez vu les différentes salles qu'on a. Donc, il y a des jeunes qui
sont venus à l'investigation policière, qui sont venus pour un examen médicolégal et là qui sont toujours
à Marie-Vincent. Donc, les jeunes peuvent arriver de différents
endroits, mais par un partenaire. Nous, on demande que ce soit une référence
par un partenaire. Un parent ne peut pas nous appeler pour référer son enfant
directement.
Mme Weil :
Donc, quand vous les recevez, ils sont déjà rendus à un stade, comment dire,
d'accepter qu'ils ont besoin d'un traitement. Parce que vous ne pourriez
pas... on ne pourrait pas les forcer à venir...
Mme Pelletier
(Jennifer) : Non, c'est volontaire.
Mme Weil :
...parce qu'on a beaucoup entendu cette résistance. Et vous, j'imagine, vous
n'êtes pas capable de dire quel
pourcentage de ces jeunes... J'essaie juste de comprendre, parce que, là, c'est
bien, c'est encourageant quand on entend que, vous, vous avez des programmes
de traitement pour ces jeunes-là. Donc, ils arrivent finalement à quelque part,
quelqu'un a pu les sauver, si on veut, puis ils vont éventuellement se
rétablir.
Et donc la
compréhension du phénomène... Est-ce que vous êtes capable de le comprendre,
les antécédents, les conditions de cause
qui... est-ce que c'est des situations familiales? Est-ce que c'était vraiment
un peu le cas type de manque d'estime
de soi puis se fait prendre dans son milieu scolaire? Est-ce que vous êtes
capable de décrire un peu le cas type ou est-ce que c'est plusieurs
types de cas?
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Je pense qu'il y a probablement certains de nos
collègues, de nos partenaires d'autres
organismes qui en ont peut-être parlé. Dire un cas type... il y a autant de cas
types que d'enfants et d'adolescents qu'on voit.
Mme Pelletier
(Jennifer) : Il y a des caractéristiques personnelles, des
caractéristiques familiales, des caractéristiques
plus sociales, de toutes sortes, là, qui peuvent influencer le parcours des
jeunes qu'on rencontre. On ne pourrait
pas vous faire un portrait-type de la jeune ou du jeune qui est pris dans les
griffes de l'exploitation sexuelle. Il y en a beaucoup, justement, qui ne se considèrent pas du tout comme des
victimes dans cette histoire-là. Puis jusqu'à un certain moment, ils
trouvent aussi leur compte, donc il faut entendre ça aussi. Donc, ça serait
vraiment difficile de répondre à votre question.
Mme Weil :
Bien, je pose la question parce que ça ressemble beaucoup à ce que beaucoup ont
dit. Donc, dans les stratégies qu'on va
développer, évidemment tout ce qui est éducation, sensibilisation, dans les
écoles, interventions rapides, précoces, tout ça fait en sorte que...
c'est presque le nerf de la guerre, là, d'équiper la personne même avec une
défense.
Pour le traumatisme,
Dre St-André, ce traumatisme, est-ce que, vous, vous touchez aussi à cette
question d'exploitation sexuelle, des victimes d'exploitation sexuelle, ou
c'est l'abus sexuel, ou...
Mme St-André (Élise) : C'est plus des situations de viol ou encore
d'abus intrafamilial que j'ai eu connaissance, mais j'ai quand même eu quelques personnes qui étaient dans des cas
d'exploitation sexuelle, mais disons que je n'ai pas de clinique dédiée.
Pour répondre et pour ajouter peut-être à ce qu'elles disent, effectivement le
transfert dans le milieu adulte est très ardu.
Moi, j'étais au CHUM
auparavant; maintenant, je suis à l'IUSMM, bon, malgré qu'en ce moment en congé
de maladie à cause d'un traumatisme, mais
physique. Oui, mais qui est... Bon, enfin, bref, passons mon histoire. Mais
toujours est-il que j'ai été dans les deux
milieux, et il y a des gens qui m'appellent encore de Notre-Dame pour me
référer des gens, parce que moi, je travaille avec les traumatismes. Ce
n'est vraiment pas tout le monde.
Il n'y a pas de
clinique dédiée, à ma connaissance — je serais heureuse de me
tromper — concernant
les traumatismes. Je sais qu'il y a Dr
Brunet, un psychologue, qui travaille sur les traumatismes à Douglas, à McGill,
mais lui, il travaille sur la recherche d'une médication, entre autres
le propranolol, mais qui fonctionne, en fin de compte, sur les traumas simples.
Ça ne fonctionne pas dans des cas complexes comme ça.
Donc, ce serait
vraiment le fun d'avoir, comme il y a à McGill, maintenant, MUSIC, donc qui est
le McGill University... C'est une clinique
concernant les différences de genres sexuels, O.K? Donc, ça, ça existe à
McGill. Il y a eu auparavant, et ça
n'existe plus, mais une clinique dédiée aux gens qui faisaient du ramassage
compulsif. Malheureusement, on constate que nos traitements sont
absolument inefficaces dans ces maladies-là. Donc, eux ont fermé leur service
tout simplement.
Mais
je crois qu'un service dédié, où pourrait se faire le tricotage des différentes
alliances qui pourraient se créer serait
extrêmement important, et on n'est pas dans ce sens-là actuellement dans le
système de santé. On est plus dans le sens d'aller vers la première ligne, de faire des soins généraux, de ne pas
se spécialiser. Je trouve ça dommage, en ce qui me concerne, parce qu'effectivement il y a beaucoup,
en psychiatrie, de portes ouvertes sur la dépression, sur la
schizophrénie parce qu'il y a beaucoup de pharmacologie. Mais, dans le cas du
post-traumatique, c'est moins intéressant.
Mme Weil :
Efficace, oui. Donc, c'est la psychothérapie qui, de votre expérience,
fonctionne bien.
Mme St-André
(Élise) : Bien, moi, je
crois que la pharmacologie aide, mais, dans le long terme, quand on
comprend le fonctionnement du cerveau et de la mémoire... Dans les dernières
recherches, moi, je trouve que c'est ça qui est intéressant parce que j'ai vu... c'est ça que je vous dis, là, je n'ai
pas 100 % de réussite, c'est bien sûr que non, mais il y a des gens
pour qui ça marche très bien, et ça vaut la peine de continuer d'aller dans ce
sens-là parce que je pense qu'on économiserait beaucoup en termes de société.
C'est sûr que je préfère encore la prévention, mais, si on doit traiter, oui.
Mme Weil : Très bien.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. C'est vraiment
intéressant, vraiment intéressant, ce
que vous nous apportez comme proposition. Ma question va aller à
Dre St-André, parce que vous avez parlé justement, là, des campagnes de prévention, des campagnes
qu'il y a eu sur l'alcool au volant, etc. Dans les moyens qui nous ont
été proposés, on parle d'une grande campagne
de sensibilisation parce qu'on cherche à identifier qui est le client abuseur,
qui est-il, et il porte de multiples
visages. Donc, de votre point de vue clinique, de votre point de vue
spécialiste, est-ce qu'une campagne de prévention qui dirait : Ce
pourrait être la fille de votre voisin, ce pourrait être votre propre fille, ce
pourrait être votre propre garçon...
Mme St-André (Élise) : Mais ça
pourrait être vraiment le cas.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Tu sais, oui, exactement. Est-ce que ça aurait des
effets peut-être à long terme? Mais on essaie de voir aussi à moyen...
je vais vous dire à court terme aussi, là. Est-ce que c'est...
Mme St-André
(Élise) : Oui. Bien, je
pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont en fait, hein, et ça,
c'est une question que j'avais pour elles à
un certain moment donné, là, bon. Mais, tu sais, quand un enfant... parce que
ce qui arrive souvent, hein, le
prédateur... je ne parle pas toujours des cas d'exploitation sexuelle, mais la
prédation dans la famille même, c'est
souvent... on le dit, dans le viol, la plupart du temps, les gens connaissent
l'agresseur, et souvent ça va être quelqu'un dans la famille.
Ça fait
qu'imaginez le trouble de l'enfant. Ce n'est pas juste l'agression comme telle,
c'est le «breach of trust», tu sais.
Il n'a plus confiance, puis c'est pour ça d'ailleurs qu'il se méfie de tous les
cliniciens. Je veux dire, on a une difficulté énorme à leur apprendre que ce n'est pas le monde entier et tous les
gens du monde qui sont des comme ça, qui sont... Tu sais, il y a des gens fiables dans la vie. C'est
difficile de réapprendre ça à quelqu'un quand il a appris tout jeune qu'il
ne pouvait pas faire confiance, par exemple, à son père ou à son oncle, tu
sais.
Alors, c'est
ça, tu sais, quand on voit... vous intervenez auprès des gens, comment on fait
pour rétablir cette confiance-là, comment on fait pour travailler avec
les gens bons dans la famille, alors qu'il y en a d'autres qui sont des
prédateurs. C'est très, très, très complexe,
de fait, et je pense qu'il va falloir avoir des lumières de tout le monde et,
je pense, des gens qui ont cette expertise, parce que moi, évidemment je
suis en adulte, pas dans l'enfance. Comment on fait pour les approcher sans les effrayer et sans leur faire
imaginer le pire aussi? Tu sais, il ne faut pas susciter des traumatismes en
faisant peur non plus. C'est très délicat.
Mme Lecours
(Les Plaines) : On cherche une solution à enlever la banalisation. On
se l'est fait dire souvent que c'est banalisé, l'exploitation sexuelle,
notamment chez les mineurs. Donc, ce pourrait être une recommandation à tout le
moins.
Mme St-André (Élise) : De...
Mme Lecours (Les Plaines) : Une
campagne, O.K.
Mme St-André
(Élise) : Oui. Bien, oui, il
faut un site Internet, il faut que tous les gens puissent aller voir. Il
faudrait inciter les gens à aller voir, susciter leur curiosité pour se
renseigner, oui, absolument.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Merci. Peut-être une petite question additionnelle pour... voyons, la maison...
Une voix : Fondation Marie-Vincent.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Voyons, Marie... Merci. Vos parlez du pour et par les
jeunes, donc les adolescents. On se
l'est fait dire aussi par des groupes autochtones, c'est vraiment important
qu'ils se sentent impliqués dans leur façon de travailler. Vous avez parlé d'un projet pilote, je pense, en tout cas,
un programme pilote. Pouvez-vous m'en dire un petit peu davantage sur comment il se déroule et ce qui
serait exportable à ce moment-ci? Peut-être que vous n'êtes pas rendue
là.
• (18 heures) •
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : C'est le volet de la prévention de la
cyberviolence. Il y en a un, premier projet, qui a été complété, qui était vraiment des comités de jeunes qui ont été
formés pour trouver une manière de sensibiliser à la violence
dans leur école. Et puis il y a un guide, je ne sais pas si «guide» est le bon
mot, là, mais un document, à tout le
moins, qui a été fait, qui peut être
apporté dans d'autres écoles, en expliquant un peu comment ça a été fait,
comment ça peut être reproduit.
Mme Pelletier (Jennifer) : Il est disponible gratuitement sur le site
Internet de la Fondation Marie-Vincent. Donc, toute école qui a envie de
partir, comme ça, par des jeunes, des programmes de prévention de la
cyberviolence sexuelle peut prendre le guide
et l'adapter un peu à sa manière. Ils ont fait plein de choses
intéressantes. Ils ont fait des projets de murales, des petites vidéos, des petits aimants qu'ils peuvent coller
sur un frigo, plein de choses, là, qui ont été pensées par les jeunes
puis qu'ils ont faites, réalisées du début à la fin. Donc, c'était très, très
motivant pour eux.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : En ce
moment, on est dans la deuxième phase — si
je peux appeler ça — du
projet où là il y a des vidéos qui ont été faites, des vidéos professionnelles
de situations. Et, suite à ça, il y a des jeunes ambassadeurs qui sont formés pour aller animer, suite à ces vidéos-là,
des questions sur la prévention de la violence sexuelle auprès des plus
jeunes.
Mme Pelletier
(Jennifer) : ...secondaire I, II qui vont aller voir les
cinquième, sixième année pour faire de la prévention aussi de la cyberviolence
sexuelle.
Mme Lecours
(Les Plaines) : C'est ce que j'avais compris, mais je n'étais pas
sûre. C'est bien. Bien, merci beaucoup.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) : Puis celui-là, il est en cours en ce moment.
Donc, à suivre, mais c'est super le fun. Nous, on est bien excitées.
Mme Lecours
(Les Plaines) : O.K. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Oui, docteure?
Mme St-André (Élise) : Moi, j'en ai une, de question
pour vous tous. Bien, c'est ça, donc, moi, c'est ma première expérience
de présenter dans une commission comme celle-ci et j'ai fait mon document
très rapidement. Donc, si jamais vous avez des questions
qui surviennent, peut-être pas maintenant, c'est la fin de la journée, etc., Mme
la secrétaire a mon adresse Internet. Vous pourrez peut-être me poser des
questions. Je vais y répondre avec plaisir.
Le Président (M. Lafrenière) : Absolument. Et n'oubliez pas que, pour votre document,
vous pouvez le peaufiner, le modifier. Vous avez encore plusieurs
semaines pour le faire. C'est bon?
Mme St-André
(Élise) : Merci. C'est bon. Excellent.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci,
M. le Président. D'abord,
question pour Mme St-André. Dans les chocs
post-traumatiques ou les syndromes
post-traumatiques que vous décrivez, est-ce
que j'ai raison de penser que c'est quelque chose qui est assez fréquent, voire
systématique, pour des jeunes filles
ou garçons qui seraient... qui auraient traversé un épisode
d'exploitation sexuelle juvénile?
Mme St-André (Élise) : L'exploitation sexuelle, c'est quand même...
Comme je l'ai exprimé, quand c'est quelque chose de répétitif et qui affecte le corps, c'est toujours pire, O.K.?
C'est quelque chose de chronique. Donc, ça va s'installer différemment au niveau de l'organisation de la
personne. Néanmoins, dans la littérature, on parle de choc post-traumatique
quand quelqu'un a été, donc, évidemment, en
face d'un événement qui fait très peur. Et, dans les mois suivants, on
voit que, tranquillement, ça diminue, la fréquence des états de stress
post-traumatique. On dit qu'environ 15 % à 25 % des gens exposés vont
en vivre un, que ce soit exploitation sexuelle ou autre. Mais je soumets quand
même que, quand c'est de l'exploitation
sexuelle chronique qui peut être par une personne ou par plusieurs personnes,
ça se peut qu'il y ait des états dissociatifs qui sont moins apparents
maintenant qui vont ressurgir plus tard et qu'il va falloir traiter.
M. Leduc :
Donc, ce n'est pas un automatisme, mais on constate que c'est quand même très
fréquent.
Mme St-André (Élise) : Oui, 15 % à 25 % pour un événement
unique. Mais, comme je vous dis, dans le cas où il y a plusieurs
événements, c'est plus fréquent, oui. Je ne peux pas vous donner de chiffres,
mais quand même...
M. Leduc :
Je comprends. Merci. Question rapide pour la Fondation Marie-Vincent. Il y a
beaucoup d'organismes, qui sont
passés hier et aujourd'hui, qui faisaient référence aux problèmes de
financement, avec des redditions de comptes qui étaient trop rapides,
des programmes trop courts, un an, deux ans, trois ans. On réfléchissait à
peut-être élargir ça à des programmes de
cinq ans, minimalement. Mais, comme vous êtes une fondation, est-ce que vous
vivez ce même phénomène-là? Êtes-vous
autofinancés ou est-ce que vous avez quand même des programmes financés par des
initiatives gouvernementales avec le même processus de reddition de
comptes?
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : Oui, le
financement vient de différentes sources, des sources gouvernementales, des sources en projet. Il y a beaucoup
d'autofinancement également. Mais, par exemple, le programme Cyber dont je
parlais, c'est un financement qui a permis
de faire le premier projet. On a pu en avoir un deuxième qui permet de faire
celui qui est en cours en ce moment. Le projet Sphères, c'est un projet
de cinq ans. Donc, c'est toujours ça qui est difficile. Puis, je dirais, en exploitation sexuelle, vu que le lien
est difficile à créer, des fois, les jeunes, quand ils sont référés à nous, ça
peut faire déjà un an qu'ils travaillent
avec un autre intervenant, et là le lien de confiance est fait avec cet autre
intervenant-là, qui fait que, maintenant, nous, on peut se joindre. Si
le programme dure juste deux ans, ça se peut qu'on ne puisse pas offrir tous
les services à ce jeune-là au moment où il en est prêt.
Donc, c'est
toujours, je crois, un défi dans tout programme d'assurer une certaine
pérennité. Quand ça fonctionne comme
ça, quelqu'un qui en entend parler, le programme est à la dernière année, on
n'aurait pas le temps ou ça pourrait être limité, ce qu'on peut offrir. Bien, ça ne serait plus un problème. On
pourrait offrir ces services-là à plus long terme puis à plus de
personnes.
M. Leduc : Parfait. Puis je ne
peux m'empêcher de réagir à votre recommandation sur l'IVAC, que je partage entièrement. Ça, on en a déjà discuté. On sait que
la ministre planche sur une réforme. On espère qu'elle écoutera ce qu'on
dit ici. Puis il y a quelque chose qu'on
oublie souvent, c'est la faute lourde qu'on peut reprocher à une personne pour
soi-disant s'être mise elle-même dans
une situation dangereuse. Alors, même quand on prend le chemin de l'agression
sexuelle, on peut quand même... il
peut y avoir un fonctionnaire qui dit : Non, non, faute lourde, puis tu
n'as pas le droit d'avoir une indemnisation. Ce qui est un problème
qu'il faut régler également. Puis là on ne parle même pas aussi des délais de prescription. Donc, on peut réaliser beaucoup plus
tard qu'on a été une victime. Mais, si on a dépassé de deux ans, si je
ne me trompe pas, bien, c'est terminé, on est hors délai. Donc, merci d'avoir
soulevé ce problème-là de l'IVAC.
Mme Boisvert-Pilon (Geneviève) :
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
M. le Président, bonjour. Merci de vous présenter devant nous aujourd'hui. Et
on est très contents de vous
entendre. Ma question est pour Dre St-André. Vous avez utilisé un mot tantôt,
et j'aimerais juste vous entendre... Vous avez dit : Il faut éviter
d'être cru. J'aimerais ça vous entendre davantage sur...
Mme St-André
(Élise) : Non, il ne faut
pas éviter d'être cru. En fait, c'est que, quand on parle de divulgation,
donc la personne, par exemple, qui dit qu'elle a été violée, qui n'est pas
crue, qu'on ne la croit pas. D'accord?
M. Skeete :
Ah! c'est beau, là, je comprends. Je pensais à ce que... On penche beaucoup sur
la sensibilisation, et je me
demandais si ce n'était pas un axe pour favoriser... Avez-vous une opinion sur
la méthode d'éduquer la population à ce sujet, d'abord? Est-ce que vous avez... On parle beaucoup de faire le
lien entre la transformation sociétale qu'on a vue avec l'alcool au volant... Est-ce que vous voyez une
approche de sensibilisation qui serait plus gagnante? Est-ce que vous
avez... ou peut-être même vous aussi, est-ce que vous avez une opinion par
rapport à comment on peut s'y prendre pour mieux sensibiliser les jeunes, les
adultes, comment identifier, etc.?
Mme St-André
(Élise) : Oui. Si on parle
justement de l'alcool au volant, il y a quand même eu beaucoup de spots télévisés. À tous les ans, il y en a encore. Et,
quand même, on voit un changement qui est appréciable, donc la
diminution des accidents mortels ou qui endommagent beaucoup. Je vois la même
chose, c'est-à-dire une campagne qui pourrait justement...
peut-être plus par Internet maintenant, parce qu'il y a moins de gens qui
écoutent la télé, surtout les jeunes. Alors, il faudrait probablement utiliser quelque chose là pour dire, en fin de
compte : Bon, bien, on voit que, si on boit, on peut avoir un accident, il y a des conséquences
physiques. Je pense que, oui, ça se réfléchirait, en fin de compte, de dire
quelles sont les conséquences d'avoir une
agression. Ce sont des... C'est vraiment... C'est énorme. Je pense que, de
toute façon, peut-être que je vous ai dit quelques petites choses
aujourd'hui que vous ne saviez pas à propos de l'étendue des dommages
physiques, et psychologiques, et intergénérationnels, et génétiques. Je pense
que c'est tout ça qu'il faut dire.
M. Skeete : O.K., et vous?
Mme Pelletier
(Jennifer) : De notre côté,
bien, c'est sûr que toute campagne de sensibilisation a sa place.
D'ailleurs, depuis le mouvement #moiaussi,
en octobre 2017, nos demandes, à Marie-Vincent, auprès des enfants et
adolescents, ont doublé. Puis ça ne s'essouffle
pas, ça reste comme ça. Donc, vraiment, ce mouvement-là a touché aussi... on
n'y a peut-être pas pensé, mais a
touché aussi les enfants au niveau du dévoilement. Donc, pour revenir sur la
question de Mme Weil tantôt aussi,
de dire : Bien, est-ce que vous en voyez?, bien, non seulement on en voit,
mais on en voit de plus en plus, pas seulement au niveau de
l'exploitation sexuelle : l'agression, la violence sexuelle en général.
Mais gardez en tête que les demandes ont doublé.
Mais c'est
sûr que nous, on mise vraiment plus en termes de prévention dès le plus jeune
âge. Oui, des campagnes de sensibilisation
auprès des adultes. Mais, si ces adultes-là étaient sensibilisés, dès leur plus
jeune âge, au respect, le respect des
frontières interpersonnelles, le respect dans les relations égalitaires,
l'éducation au respect de son corps, être capable de nommer les parties de son corps, être capable,
c'est ça, de respecter les frontières des autres et de faire respecter notre
propre bulle d'intimité, ça, c'est la base. Donc, c'est là que nous, on met la
majorité de nos énergies.
M. Skeete :
Donc, une campagne qui vise les jeunes, les adolescents, les adultes. Ça serait
quelque chose de sociétal, où est-ce qu'on frappe tout le monde, puis
c'est suffisant?
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : Est-ce qu'une
seule mesure serait suffisante pour enrayer une problématique sociale comme l'exploitation sexuelle? Je pense
que plusieurs choses vont permettre de toucher différentes personnes à
différents niveaux. C'est ce qui fait que c'est une problématique aussi
complexe aussi. Malheureusement, une solution unique... ça va prendre plusieurs
solutions uniques qui s'allient ensemble pour qu'on puisse avoir le résultat
escompté.
M. Skeete : C'est ce que je
cherchais. Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Si c'était si facile, on l'aurait fait depuis bien longtemps,
j'espère. Dernière question, députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci
beaucoup. Merci pour le travail que
vous faites. J'ai deux questions, une pour la Fondation Marie-Vincent
d'abord. Dans la recommandation n° 2, vous parlez de
l'importance de la concertation. Selon vous, quelle forme cette concertation
devrait-elle prendre?
Et, Dre
St-André, vous avez parlé, en ce qui concerne le syndrome post-traumatique,
d'une possible transmission générationnelle,
puis ça m'a beaucoup interpelée. Je me demandais : Est-ce que
c'est le cas seulement si ce n'est pas traité? Et, le cas échéant,
comment est-ce que ça peut se manifester?
Mme St-André (Élise) : Vous
répondez en premier? Allez-y.
Mme Boisvert-Pilon
(Geneviève) : La forme de concertation? La concertation peut prendre différentes formes. Et je pense que c'est important que la concertation se fasse selon la réalité du milieu dans lequel
elle se fait. À Montréal, ça ne peut pas se faire de la même
manière qu'en Gaspésie, par exemple. Ne serait-ce que pour des questions de
distance, chaque région a sa particularité.
Mais ce qu'on croit, c'est qu'il est important que les régions se parlent également,
donc que la concertation se fasse à
différents niveaux. Les jeunes victimes d'exploitation sexuelle sont mobiles.
Une jeune fille en fugue, on la
cherche dans son quartier, on la cherche dans sa région. Si elle est plus loin,
on la cherche moins ou ça prend plus
de temps pour qu'on la cherche plus loin. Les proxénètes, les exploiteurs ont
compris ça. Et, pour plein d'autres facteurs aussi, les jeunes bougent.
Je crois que la concertation doit se faire à différents niveaux. Et, je crois,
en tout cas, pour notre expérience, le comité Sphères
en est un très bon exemple où il y a à la fois des gens qui travaillent dans
des milieux institutionnels, des gens qui travaillent dans le communautaire, qui travaillent ensemble dans un
objectif commun avec des bases claires. Ce n'est pas toujours évident d'y aller avec les obligations de
tous. En même temps, ce qu'on peut voir, c'est que ça fait des bons
résultats auprès des jeunes et ça fait du
sens pour le jeune. Il sent qu'on le prend en considération dans l'ensemble de
qui il est et non qu'on le lance un
peu partout. Les jeunes doivent sentir qu'on est là pour eux. Ça fait que c'est
dans ce sens-là, je pense, que la
concertation serait plus efficace. Il reste à voir comment chaque région peut
s'inspirer de ce que les autres font pour faire quelque chose vraiment
qui va répondre à la demande puis au besoin régional.
Mme Fournier : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup de votre contribution à... Oui, allez-y, docteure.
Mme Fournier : Je pense
qu'il reste madame, oui.
Le Président (M. Lafrenière) :
Excusez-moi.
Mme St-André (Élise) :
D'accord. Je vais faire ça vite, O.K.?
Le Président (M. Lafrenière) :
Non, allez-y, c'est moi.
Mme St-André
(Élise) : Donc, la
transmission intergénérationnelle, bon, évidemment, quand quelqu'un a...
J'ai déjà parlé de modulation périgénétique.
Donc, le périgénétique, c'est vraiment ce qui arrive alentour qui influence le
corps. L'épigénétique, pardon. Donc,
l'épigénétique, par exemple, la reine des abeilles va recevoir une bouffe
spéciale qui fait qu'elle va devenir
reine des abeilles. C'est aussi bête que ça. Alors, dans notre système
génétique, on peut avoir des modulations comme ça qui surviennent après avoir été exposés à certaines choses,
bon, la cigarette, le cancer. Bon, et le traumatisme, bien, ça va faire
qu'il va y avoir un nombre de récepteurs différents au niveau du cerveau qui
fait que les gens vont réagir différemment
aux traumas. C'est ça. Donc, ça, c'est une première chose. C'est-à-dire qu'il
peut y avoir le parent qui est tellement
anxieux qu'il va transmettre l'anxiété par modèle. Ça va être un modèle
anxieux, puis l'enfant va apprendre ça.
Mais il y a
aussi des choses purement génétiques, comme telles, biologiques. Je me rappelle
d'une étude qui a été faite par
Rachel Yehuda, à New York, qui regardait, en fin de compte, les gens qui
étaient issus... les enfants de ceux qui avaient été dans les camps de concentration, O.K.? Et, dans les camps de
concentration, donc, évidemment, il y avait eu un événement qui était
clair pour tout le monde. Et ce qu'ils avaient trouvé, en fin de compte, c'est
qu'il y avait eu un changement métabolique.
C'est-à-dire que les enfants de ces gens-là étaient métaboliquement plus
efficaces, c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas besoin de manger beaucoup pour grossir. Or,
dans les camps, ils ne mangeaient pas. Donc, il y avait eu vraiment un
changement génétique pour se coller à l'environnement, qui était celui des
camps de concentration.
Donc, il peut
y avoir vraiment toutes sortes de modèles, autant dans, justement,
l'apprentissage, par voir les parents, comment
ils font, et/ou des transmissions purement biologiques, génétiques. Ce n'est
jamais terminé. C'est-à-dire que, dans l'épigénétique,
on peut changer par la thérapie, oui. Il y a plusieurs modèles qui indiquent ça
dans les années récentes. Voilà.
Mme Fournier : Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à nos travaux. Ceci met
fin à nos audiences ici, à Montréal.
La commission
suspend ses travaux quelques instants. Et, pour les gens qui nous écoutent,
nous serons en direct de Val-d'Or jeudi. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 15)