(Neuf heures trente et une minutes)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Centre Pierre-Charbonneau à Montréal. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il
vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques de la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Lafrenière) : Cependant, je demanderais le consentement pour faire siéger
avec nous le député de
Bourget. Est-ce qu'il y a consentement pour avoir le député de Bourget avec
nous? Consentement. Alors, dans cette grande
ouverture de notre commission, M. le
député de Bourget, je vous
demanderais de venir vous asseoir avec nous. Merci beaucoup. Merci aux membres de cette commission.
Comme on est par chez vous, on vous accueille ici. Merci beaucoup, M. le député de Bourget.
Alors, ce matin, nous entendrons en audition
conjointe les Drs Franziska Baltzer et Farhan Bhanji, de même que l'infirmière,
Mme Françoise Filion. Alors, je vous répète que nous allons vous écouter
dans votre présentation, et par la suite il y aura
une période d'échange avec les membres. On parle d'une période d'échange de 30 minutes. Vous allez avoir
chacun votre 15 minutes de présentation, mais ensuite, conjointement, on va vous entendre. On va vous poser des questions.
Et c'est une période d'échange. C'est non partisan. Notre but, c'est d'en savoir
plus. Et on a décidé, la commission,
d'entendre deux groupes en même temps pour avoir des échanges qui étaient plus
fluides un petit peu.
Alors, je vous laisse faire votre présentation.
Et je vous remercie beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci.
Mmes Franziska
Baltzer et Françoise Filion, et M. Farhan Bhanji
Mme Baltzer (Franziska) : Donc,
je suis Franziska Baltzer. Je suis pédiatre. Et puis je vais vous expliquer mon accent tout de suite pour que vous n'ayez pas
à vous poser des questions. Je viens de la Suisse, de la Suisse allemande,
et puis je suis venue ici en 1983 pour faire
un fellowship en médecine des adolescents, et puis j'ai fait ça à
Sainte-Justine. Donc, j'ai appris le québécois des adolescents de cette
province. Donc, je vous parle comme un adolescent québécois.
Je suis clinicienne depuis 30 ans. Je suis
au Québec depuis 1991. Et puis, c'est ça, je suis une spécialiste en médecine des adolescents et puis ça fait
20 ans que je travaille dans le centre de la jeunesse et de la famille
Batshaw. Je fais des cliniques là-bas.
Donc, durant
tout ce temps-là, j'ai vu je ne sais pas combien de victimes d'exploitation sexuelle. Je les ai vues parfois durant toute leur
adolescence. Parfois, je les ai vues juste une fois. Parfois, je les ai vues
maintes fois. Donc, j'ai vu le cheminement
que ces filles-là font. J'aurais pu vous soumettre un livre d'une centaine de
pages sur le thème, mais j'ai décidé de vous soumettre deux pages et
demie. Mais chaque mot, chaque phrase dans le document est, je pense, très important.
On m'a posé deux questions, et puis je vais
commencer par la deuxième. C'est quoi, l'impact de l'exploitation sexuelle
d'un mineur sur sa personne? C'est un impact majeur sur tout le développement normal d'un adolescent. Ça veut dire sur son développement physique, sur son développement psychologique,
sur son développement social et puis sur son développement
spirituel. Ça affecte toute la personne d'un bord à l'autre, là.
Le problème
de base, d'après moi, qui amène qu'une fille se retrouve dans l'exploitation sexuelle, c'est un manque d'estime de soi, et puis ce
manque d'estime de soi peut être le résultat de toutes sortes de choses qui
sont arrivées plus tôt dans sa vie.
Ça peut être la négligence. Ça peut être des traumatismes qu'elle a vécus. Mais
le problème de base, c'est l'estime de soi. Et puis c'est ça qui amène au problème
qu'on a, comme institution différente de la société, après ça, pour
s'occuper des victimes d'exploitation sexuelle parce qu'une adolescente
avec une estime de soi à terre ou pas existante, quand elle se fait
embarquer dans l'exploitation sexuelle, pour elle, c'est la solution de son
problème. Pour elle, ce n'est pas un traumatisme
pour commencer. Pour elle, c'est une solution. Et puis, tant que nous, comme
adultes de toutes sortes de milieux autour, ne voyons pas ça au début,
nous n'allons aller nulle part avec les interventions.
Donc,
l'approche thérapeutique. La première question que la commission me pose :
Est-ce qu'il y a une approche thérapeutique qui est passée sous
l'évidence? Ça, c'est une question que je ne peux pas répondre, parce que c'est
justement ça, quand nous, on intervient,
notre premier but, pour cette jeune-là, c'est de la mettre en sécurité. Donc,
elle va se ramasser, dans la plupart
des cas, sous la protection de la jeunesse, en placement. Pour cette jeune-là,
ce placement-là, ça, c'est le traumatisme.
Et puis ça, ça dure un bon bout de temps, jusqu'à ce qu'elle va s'apercevoir
que l'exploitation sexuelle est le
vrai traumatisme et pas le placement. Ça, ça va prendre du temps, beaucoup de
temps, des mois, parfois des années. Et puis je n'ai pas regardé les Fugueuses.
Pas encore. J'attends à ma retraite pour regarder ça parce que je vis ça depuis
20 ans tout le temps, là. Je
n'ai pas besoin, là, de regarder ce film-là, là, cette série-là. Je sais c'est
quoi. Je les vois fuguer à tout bout de champ.
Donc,
l'approche de base pour de la thérapie serait de mettre en place n'importe quoi
pour augmenter l'estime de soi de ces
enfants-là parce que c'est seulement avec une certaine estime de soi qu'elles
peuvent comprendre qu'elles ont vécu un
traumatisme. Et puis après ça on peut leur offrir une thérapie pour le
traumatisme comme tel, mais bâtir l'estime de soi d'un adolescent, ça, c'est
très, très difficile. Il faut adresser les traumatismes ou les manques que cet
enfant-là a vécus dans le passé. Si on passe par-dessus ces
traumatismes-là, on n'ira nulle part.
Après ça, il
faut leur donner un sens dans leur vie, et puis ça, c'est extrêmement difficile
à faire par nos institutions. Nos
institutions comme la protection de la jeunesse, ils ont tous le même problème.
Ils ont un manque de personnel et puis ils
ont un roulement de personnel qui est extrêmement rapide. Donc, même si on
place ces jeunes-là pendant des mois ou des années en centre jeunesse, elles ne vont pas avoir la stabilité
qu'elles auraient besoin pour pouvoir bâtir leur estime de soi. Donc,
c'est extrêmement difficile.
• (9 h 40) •
Je pense que,
je le dis à la fin de mon papier de deux pages et demie, c'est un problème de
société. Et puis il faut qu'on
intervienne comme société, mais à toutes sortes de niveaux, là. Il faut voir
l'exploitation sexuelle pas juste comme un fait isolé, là. Ça fait partie de notre société et ça fait partie de
la compréhension problématique qu'on a de la sexualité en général à tous les âges. Ça fait partie de toutes
les autres façons d'abus sexuels, soit à l'enfance, dans la famille, chroniques, isolés, n'importe quoi. Donc, il
faut, comme société,
qu'on change notre compréhension, notre façon de vivre la sexualité en
général. Et puis seulement à partir de là on peut commencer à peut-être mettre
des mesures en place pour guérir les victimes de cette sexualité qui est si mal
établie, là, dans notre société.
Et puis, dans
le même sens, c'est extrêmement important qu'on arrête de travailler en silo. Si
on continue de travailler en silo, et
puis c'est ce qu'on fait en ce moment, on n'ira nulle part. Donc, toutes les parties
prenantes autour du problème de l'exploitation sexuelle doivent travailler ensemble,
doivent continuellement, durant les années où cette victime-là va avoir
besoin de leur support, de leur aide, parler ensemble, doivent se concerter.
Sinon, ça ne sert à rien.
Donc, c'est ça que j'ai à dire.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup d'avoir été très brève comme ça. Merci beaucoup.
Alors, maintenant,
j'invite le Dr Bhanji et Mme Filion à se présenter et à nous faire leur présentation. Et par la suite on a une période de questions conjointe.
M. Bhanji
(Farhan) : Merci beaucoup pour l'invitation, M. le
Président, et pour les membres de la commission.
On est très heureux d'être ici en représentant le centre de simulation
Steinberg à McGill et l'Université de McGill.
Je m'appelle Farhan. Je suis un pédiatre aux
soins intensifs. Avant, je travaillais beaucoup à l'urgence. Je veux m'excuser un
petit peu. Je suis un anglophone de Toronto,
alors je n'ai pas... j'ai grandi sans parler français. C'est juste
le temps que j'ai arrivé à Montréal que je parle plus en français.
Maintenant,
je travaille comme... au centre de simulation. Je suis le directeur de l'éducation là-bas. Et aussi j'étais l'ancien directeur du programme en
résidence de l'urgence pédiatrique à L'Hôpital de Montréal pour enfants. Je
veux vous parler pourquoi
est-ce que je
pense que ça, c'est important. La
dernière position que j'ai, maintenant, ce n'est pas relié à cette présentation, mais je suis le directeur associé de la stratégie
des examens pour Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, que j'aide les chefs des
examens pour les 68 examens qu'on fait, nationaux, pour les médecins. Ce
n'est pas relié à cette présentation, mais je
pense qu'il y a des opportunités de
travailler ensemble avec des organisations. Et je pense que
ça, c'est une des choses que je vais vous parler.
Je suis ici
avec Mme Filion, et ensemble on a commencé de faire des choses à McGill. C'est
vraiment Françoise qui a commencé des choses pour
les étudiants, les infirmières, et on a pris ça pour les médecins. Et je pense
que c'est très important de comprendre que
c'est un problème qui est pour les professionnels de santé. Ce
n'est pas juste les médecins, ce n'est pas juste les infirmières. C'est
un problème qui est important pour tout le monde.
Je vais vous donner la raison pourquoi ça, c'est
important pour moi. Et, pour moi, la raison que l'exploitation sexuelle des mineurs, c'est important, premièrement, c'est... Je suis un père de trois enfants. Ils ont 11, huit et cinq
ans. Et, pour moi, j'ai vu une évolution,
qu'il y a plus des choses sur l'Internet, plus des
opportunités pour les adultes de parler avec les enfants. Et les temps ont changé. Les choses qui arrivent dans les
écoles, c'est beaucoup changé depuis le temps que j'étais en école secondaire. Et je pense
que les opportunités pour les pertes de temps sont beaucoup plus faciles maintenant.
Deuxièmement, je pense que l'exploitation sexuelle des mineurs, ce n'est
pas assez compris par les professionnels de
santé. Moi, je pense, maintenant... Quand je travaillais à l'urgence, j'ai changé
pour travailler au Collège royal. Je ne travaille pas, maintenant, à
l'urgence, mais est-ce qu'il y a des cas que je peux trouver à l'urgence quand
j'ai vu des patients? Chez nous, on voit
plus que 80 000 patients
par année. Sainte-Justine, c'est la même chose. C'est le plus grand nombre de visites de gens au Canada. C'est plus grand que Toronto,
plus grand que Vancouver. Et les deux places qui voient le plus de
patients sont Children's et Sainte-Justine.
Même,
comme l'ancien directeur du programme
de résidence pour les médecins qu'il va former en soins en urgence pédiatrique, est-ce que je fais qu'est-ce que j'ai
besoin de faire pour nos résidents? Est-ce que nos résidents comprennent la
complexité du problème ou est-ce qu'on a concentré sur des problèmes aigus et
on n'a pas fait assez d'attention sur l'exploitation sexuelle?
La dernière chose, pour moi, c'est que le
problème reste caché. Les médecins, les infirmières, les physios, les
ergothérapeutes et tous les travailleurs en santé n'ont pas les habilités de
reconnaître quand quelqu'un est peut-être exploité ou
quand la personne se présente pour l'aide. Et c'est seulement dans la dernière
année, deux années, que j'ai commencé de travailler avec Françoise et des
collègues qui travaillent pour les polices, que j'ai eu l'opportunité de parler avec les survivants, les survivantes de
l'exploitation, qui ont dit que, peut-être, si quelqu'un me demandait une
question de plus, peut-être, s'ils
ont fait une situation que je suis capable de parler de qu'est-ce qui
m'arrivait, peut-être, en ce moment, avec une professionnelle de santé, je peux
parler. Et c'est ça qui m'inquiète, que si, moi, je n'ai pas fait une bonne
job dans les dernières années.
Pour les
médecins et les infirmières, on apprend par de la littérature qui est publiée.
Il n'y en a pas beaucoup sur l'exploitation sexuelle. Ce n'est pas dans
nos journaux, ce n'est pas dans nos enseignements, ce n'est pas dans notre
formation continue professionnelle. Et je pense que c'est important de commencer
cette conversation.
L'autre
chose, c'est que moi, je m'ai formé en soins d'urgence et soins intensifs.
Comme la majorité des médecins, je suis bien formé pour les problèmes aigus.
Pour les problèmes de traumatisme psychologique, c'est plus long terme.
Ce n'est pas une solution rapide. Ce n'est
pas quelque chose qu'on est habitués de voir. Ce n'est pas quelque chose qu'on
est habitués d'aider. Mais les victimes d'exploitation sexuelle, les
mineurs vont se présenter à l'urgence, en clinique, pas avec un médecin de l'adolescent, pas avec un médecin de famille, pas
avec un travailleur social. Alors, c'est très important de sensibiliser
les médecins et les infirmières qui travaillent dans les situations d'urgence,
les cliniques, à c'est quoi, le problème, et
comment est-ce qu'ils peuvent aider rapidement, et c'est où les ressources, et
est-ce qu'ils peuvent parler avec le docteur.
Je veux maintenant passer le bâton à Françoise,
qui va parler un petit peu de qu'est-ce qu'on a fait à McGill. Et après ça je vais
vous donner un peu d'information qu'on a faite, après ça, avec nos collègues
autour du Canada.
Mme Filion
(Françoise) : Bonjour. Merci
beaucoup de me recevoir à cette commission d'enquête. Mon nom est Françoise Filion. Je travaille à l'École des
sciences infirmières Ingram de l'Université McGill depuis 2010. J'ai été
chargée d'enseignement et je suis,
depuis 2018, professeure adjointe. J'ai été engagée en 2010 pour enseigner la
santé communautaire, que j'enseigne
toujours aujourd'hui. J'ai une maîtrise en sciences infirmières, option santé
communautaire. Et j'ai travaillé comme
infirmière en santé publique environ huit ans. Je suis également codirectrice
de RISMA, qui est le Regroupement infirmier de santé mondiale et
autochtone, à l'école.
Comme infirmière en santé publique, j'ai
toujours voulu changer le monde un jour à la fois et soutenir le plus possible les populations les plus démunies que je
côtoyais. Dès le début de mon enseignement, j'ai eu la chance de créer
des partenariats avec différents organismes communautaires oeuvrant auprès de
populations qu'on dit marginalisées afin que
mes étudiants les soutiennent avec des projets de prévention primaire tout à
fait adaptés à leurs besoins. Chaque année, de 40 à 46 projets sont
créés par les étudiants.
• (9 h 50) •
J'ai aussi pu
constater l'accès difficile aux soins de santé pour différentes populations
dites marginalisées. C'est pourquoi, en septembre 2017, nous avons établi
un partenariat avec l'Accueil Bonneau pour mettre en place une clinique
infirmière dans leur établissement. La clinique McGill-Bonneau a vu le jour
comme projet pilote afin d'offrir des soins infirmiers
aux résidents dans leurs quatre maisons d'hébergement. Suite au succès du projet
pilote, nous avons renouvelé notre entente, maintenant jusqu'à cinq ans,
jusqu'en 2023. La clinique est ouverte toute l'année, deux jours par semaine,
et reçoit des étudiants en sciences
infirmières trois fois par année, qui font leur stage en santé communautaire.
Depuis son ouverture, nous avons eu plus de 850 consultations et
sur à peu près 120 résidents.
Dans le cadre de mon enseignement, j'ai aussi
organisé des rencontres avec diverses personnes provenant de populations qu'on
qualifie de vulnérables, comme des personnes utilisant des substances
illicites, des autochtones survivants des
pensionnats, des réfugiés de pays de guerre, des travailleuses et travailleuses
du sexe, des personnes de la communauté LGBTQ2+ et des survivants
d'exploitation sexuelle.
C'est dans ce contexte que j'ai invité, en 2016,
Les Survivantes, un groupe de policières du Service de police de la ville de
Montréal, qui ont créé un service qui s'occupe des personnes en situation
d'exploitation sexuelle et les soutiennent
dans leurs démarches, qu'ils ou elles veuillent ou non porter plainte contre
leurs proxénètes. La présentation des Survivantes m'a tout à fait bouleversée,
surtout de savoir que les infirmières sont souvent les premiers ou
premières à rencontrer des victimes, soit à
l'urgence ou dans les cliniques, et qu'aucune formation ne leur est donnée afin
de détecter ces signes et pouvoir aider les victimes. C'est une occasion
perdue de soins. Et les policières nous faisaient remarquer que, très souvent, les victimes n'auront que
quelques minutes avec un professionnel de la santé, et c'est ce moment qui
est privilégié pour détecter les signes et établir un lien de confiance. Même
si le consentement n'est pas donné par la victime pour de l'aide immédiate, un
lien est établi. Une porte est ouverte pour du soutien, de l'aide future.
La première
étape étant la sensibilisation, j'ai fait équipe avec le centre de simulation
Steinberg afin de bâtir un scénario d'un cas d'exploitation sexuelle
pour le présenter à mes étudiants. Le centre de simulation a soutenu dès le départ ma démarche et m'a aidé à rendre le
scénario plus réaliste. J'ai aussi consulté une infirmière spécialisée en
trafic humain à Toronto, les
policières du groupe Les Survivantes et une survivante d'exploitation sexuelle
qui est affiliée aux policières. Ce scénario n'était pas tout à fait
explicite, mais certains signes étaient présents, pouvant instiguer des doutes
chez une personne aguerrie à l'exploitation
sexuelle. La majorité de mes étudiants savaient qu'il y avait quelque chose de
plus qu'une consultation habituelle, mais ils ne savaient pas ce que
c'était, peut-être de la violence conjugale. Durant le débriefing, nous
révélons un cas d'exploitation sexuelle. Et, le lendemain, les étudiants ont la
présentation des policières du groupe Les Survivantes.
Comme
mentionné dans le mémoire présenté à cette commission, environ 80 % à
87 % des victimes consulteront un professionnel de la santé durant leur
captivité et très peu de professionnels pourront les dépister à cause d'une faute
de formation. Nous avons besoin de créer des outils de dépistage, des
protocoles de soins qui incluront des ressources pouvant
prendre en charge les victimes s'ils ou elles le désirent. Nous devons
travailler en multidisciplinarité avec les autres
universités, et avec les professionnels de notre système de santé, et aussi, de
manière intersectorielle, avec les écoles, les centres jeunesse, les policiers et les survivants et survivantes de
l'exploitation sexuelle. Il faudra penser aussi à inclure nos différents
ordres professionnels et les impliquer, bien sûr, aussi dans nos efforts.
Il
y a beaucoup à faire, mais c'est un défi que je qualifie de remarquable parce
qu'à terme nous pourrons dépister, aider et soutenir les victimes de
l'exploitation sexuelle. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci. Dans les deux cas, vous
avez fait ça de façon très concise. Oui, docteur, allez-y. Il reste
trois minutes.
M. Bhanji
(Farhan) : Merci beaucoup. Je m'excuse, M. le Président. Alors, qu'est-ce
qu'on a fait à McGill, depuis le temps que
Mme Filion a commencé sa... on a commencé des enseignements pour tous
les... pas tous les résidents, mais
des groupes de résidents qui vont voir des patients comme ça, dont obstétrique,
gynécologie, pédiatres, et on essaie de prendre des leçons qu'on a
apprises au début et on fait plus de ça. On a fait un petit webinaire et on est
très surpris qu'on a... aux places, il y a
60 personnes qui sont arrivées pour écouter le webinaire «live», et c'est très
rare, mais on a vu que plus de 700 personnes ont accessé ce webinaire
pour voir ça en ligne.
Avec
ça, nos collègues du Sommet de simulation, qui est une grosse conférence de
simulation au Canada, ils ont vu ce webinaire, ils sont venus nous
demander de faire la même plénière à la conférence à Winnipeg. Et, à Winnipeg, on a fait ça pour nos collègues qui sont là, à peu
près 300 collègues qui sont des professionnels en santé et des éducateurs.
On a vu que le monde... En anglais, on dit
«pin-drop silence». Tout le monde a entendu tout ça. Ils ont réalisé que c'est
quelque chose qu'ils n'ont pas
compris. They didn't know. Et ils ont vraiment remarqué que ça avait changé la façon qu'ils
pensent le problème. On n'a jamais vu
des... Rarement qu'on a vu des évaluations comme ça, que tout le monde a pensé
que c'est la chose qui a changé leur opinion.
Pour
Le Collège royal, les choses qu'on essaie de faire, maintenant,
c'est de faire une... On donne des informations pour la formation
continue professionnelle pour tous les médecins au Canada. Alors, les médecins
spécialistes... Alors, c'est à peu près
45 000 à 50 000 personnes, des médecins. On va faire un petit
résumé de ça pour envoyer à tous les médecins pour qu'ils comprennent c'est quoi, le problème. Comme Françoise a dit,
c'est très important de travailler comme une équipe... comme des survivants, survivantes, des médecins,
des infirmières, des physios, et avec les polices, avec les survivants, avec
les survivantes, et faire ça ensemble.
En
anglais, je ne suis pas sûr si ça se traduit bien en français, mais... «Good education changes what you know,
really good education changes how you think, great education helps shape who
you are.» Et ce qu'on veut faire,
c'est... on veut changer les personnes. On veut sensibiliser les médecins, les
infirmières, les physios, les «pharmacists» pour penser à ça et aussi
penser aux autres problèmes qui... les personnes sont marginalisées.
On
a fait un comité à McGill pour la simulation pour les personnes... «simulation on
a social mission», pour aider, pour
faire plus de ça, une autre simulation. Je pense que c'est... Pour faire ça,
pour Québec, il faut qu'on est collaboratifs, qu'on travaille avec les professionnels, avec les
polices, avec les universités, avec les survivants, survivantes pour faire un
programme d'enseignement. Là, ça peut être des webinaires, du matériel
comme... «online material», des simulations. On sait que les simulations
marchent, mais ça coûte plus. C'est difficile de former les résidents, les
étudiants dans les centres de
simulation. Et le Québec, c'est assez gros qu'on ne peut pas avoir toutes
les infirmières qui travaillent facilement aussi.
Alors, je pense qu'avec ça c'est qu'est-ce qu'on
pense que c'est peut-être possible, mais je pense qu'il faut, au début, qu'on ait identifié c'est quoi, le problème,
comment est-ce qu'on peut aider et, avec une équipe, qu'est-ce qu'on va faire
dans le futur.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup, docteur. Merci. Alors, ça met
fin à vos présentations. On va passer à la
période de questions. C'est toujours un défi. J'ai déjà huit questions d'enregistrées
pour 30 minutes. Alors, je vais
demander à mes collègues députés de garder leurs questions les plus courtes
possible pour vous donner le plus de temps possible à répondre. Et je
vais demander aux députés, comme on a trois invités, d'essayer de cibler à qui
s'adresse la question. Alors, la première question enregistrée pour la vice-présidente,
la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci, M. le Président. Merci pour
cette présentation très éclairante. J'ai quelques questions que je vais essayer de faire les plus courtes
possible. Et je vais vous demander évidemment de répondre de façon très succincte parce
que je veux qu'on entende les questions de mes autres collègues également.
Dre
Baltzer, lorsque vous parlez de l'estime de soi, augmenter l'estime de soi, on
comprend, mais, en même temps, l'estime
de soi, c'est large. Et je me demandais si vous aviez une ou deux... s'il y a
un ou deux outils ou une ou deux questions ou pistes que vous pouvez
nous donner pour comment on augmente l'estime de soi.
Ma deuxième question
pour vous, c'est sur les centres jeunesse. Est-ce que les centres jeunesse sont
l'endroit approprié pour des victimes d'exploitation sexuelle? Est-ce qu'on
devrait penser à un autre type... je n'aime pas le mot «institution», là, mais un autre type d'institution? Parce qu'on trouve toutes sortes de cas dans des centres jeunesse. Est-ce que c'est l'endroit idéal? Et
ensuite j'aurai une question pour Dr Bhanji et Mme Filion.
• (10 heures) •
Mme Baltzer (Franziska) : La première question, comment augmenter l'estime
soi, puis c'est quoi, les pistes, bien, la seule façon d'augmenter l'estime de soi, c'est de donner aux jeunes quelque chose pour qu'ils se sentent utiles. Et puis je sais, là, je rêve, là, mais moi, je pense toujours, si on pouvait envoyer ces jeunes-là en Afrique, dans un orphelinat pour
les victimes de sida, les orphelins du sida,
et puis les faire travailler là-bas, ils pourraient revenir, là, avec une
estime de soi, là, qui va les protéger de n'importe quoi, à peu près,
mais c'est ça. Et puis... Donc, n'importe quoi, là.
Le
problème, c'est que les centres jeunesse... Je vois pourquoi ils sont là, parce
qu'il faut les protéger, là, ces victimes
d'exploitation, mais les centres jeunesse, ce n'est pas l'endroit idéal. Leur
mandat, c'est de renvoyer les jeunes au plus vite dans leur milieu. Et puis, quand ils vont bien, en placement,
le prochain «step», c'est de commencer à les renvoyer de nouveau dans
leur milieu d'où ils sont venus et puis où l'exploitation sexuelle a pu avoir
lieu, là.
Je
ne blâme pas les familles, là, mais il
y a un problème de base, là. Les
enfants de Dr Bhanji, là, ne vont pas se faire exploiter sexuellement, là, je peux vous le dire tout de suite, là, ni les enfants de Mme Filion, là, parce qu'ils sont pris en charge, ils ont un milieu chaleureux, supportant,
qui, justement, favorise leur estime de soi.
Donc,
ce n'est pas... On dit que les victimes viennent de toutes les souches de la
société. Ça, c'est vrai, mais ça ne veut
pas dire, quand vous êtes riche, que vous êtes vraiment quelqu'un
qui va faire tout pour que l'estime de soi de votre jeune va se
développer, là. Ce n'est pas juste en donnant des cadeaux, là.
Mme St-Pierre : Vous parlez de votre centre de simulation. Ça a vraiment
suscité énormément, je pense, d'intérêt
ici. Est-ce qu'il existerait, pour nous, pour nous permettre de comprendre davantage
ou de voir davantage ce que vous faites... Est-ce qu'ils existent dans... Est-ce que vos simulations sont captées sur des vidéos ou
est-ce qu'on peut... on pourrait voir
à huis clos, là, je ne dis pas qu'on lance ça dans le grand public, pour nous
aider, nous aussi, à détecter les signes d'une exploitation sexuelle des mineurs? Parce que ce que je comprends,
là, de ce que vous nous dites, puis ce qu'on comprend depuis le début, c'est que ce n'est pas évident,
ce n'est pas écrit dans le front, là : Je suis exploité sexuellement, là,
il faut vraiment saisir où est-ce que c'est. Est-ce qu'il existe un
outil qui pourrait nous être profitable ici?
Mme Filion (Françoise) : Bien, peut-être, si vous pouviez... Je crois
qu'on a le... C'est sur YouTube, là, le webinaire qu'on a fait au mois de janvier, l'an dernier.
C'était le 18 janvier. Si vous allez sur Crime and Medicine, je
crois que c'était aussi dans notre mémoire... Alors, vous l'avez dans
notre mémoire, alors vous n'avez qu'à regarder. C'est un webinaire qui dure environ une heure, puis là vous allez
vraiment avoir le point de vue de Josée, qui est du groupe des Survivantes, moi
qui vais parler un petit peu des signes
qu'on doit reconnaître, et aussi, après ça, il va y avoir deux personnes du
centre de simulation, et c'est
Dr Bhanji qui était l'animateur.
Et, bien sûr, on a aussi la voix, sans la voir, là, d'une survivante d'exploitation sexuelle. Donc, elle nous dit un
petit peu comment elle, elle a vu ça, là, son lien avec les médecins aussi
quand elle a été en contact avec le
système de santé. Alors, c'est ça qui est très important pour nous. Moi,
quand je parle aux survivantes, je leur demande toujours.
Et
puis là on est en train aussi de faire un projet de recherche, une de mes
étudiantes à la maîtrise, qui va faire un projet de recherche sur... Justement,
là, on doit rencontrer bientôt les policières pour savoir un petit peu si on
pourrait avoir des entrevues avec les
survivantes pour avoir un petit peu plus qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que
vous avez besoin du système de santé,
qu'est-ce qui vous aurait aidé à vraiment s'ouvrir, qu'est-ce qu'on fait... qu'est-ce qu'on
ne fait pas, dans le fond.
Ça
fait que c'est ça qu'on va faire. Le projet de recherche va commencer...
commence maintenant, là. Alors, je devrais rencontrer Josée,
Diane... bien là Diane est à la retraite, mais Josée et Romy bientôt, en
février, parce que moi, je veux absolument
qu'elles soient complètement liées à notre projet, qu'elles soient... Elles
sont depuis le début avec nous. C'est important qu'on travaille en
intersectorialité, parce que sinon ça ne fonctionne pas bien.
Alors, c'est ça. Bon,
moi, je parle peut-être trop, là.
M. Bhanji
(Farhan) : Non, non, non, c'est parfait. La seule autre chose qui
est... On sait, sur la littérature de l'éducation
des médecins, infirmières, physios, que la simulation, c'est le plus efficace,
que le monde comprend mieux après une
simulation qu'après une lecture, après un webinaire, et tout ça. La chose qui
est importante, c'est qu'il faut que la personne fait
leur meilleur dans la simulation, et souvent, s'il ne réussit pas à trouver le
diagnostic, souvent, ça, c'est le moment qu'il apprend le mieux.
Alors,
pour nous, c'est très important de faire ça. Et la chose qu'on peut faire aussi,
puis ce n'est pas relié à ça, mais on
a fait aussi des simulations qui sont «screen based». Elles ne sont pas avec un
patient standardisé ou patient simulé, et ça peut... «we can reach more people», parce que c'est difficile de faire
des simulations avec des acteurs,
mais avec ça on peut avoir plus de monde qui comprennent ça.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete : M. le Président. J'aimerais revenir sur la
formation. Vous avez parlé... et ça m'a intrigué, parce que l'absence de formation... On parle d'un enjeu de société.
En ce moment, est-ce qu'il existe des formations soit pour les
infirmières soit pour les médecins qui sont
reconnues et accréditées en guise d'aller chercher les heures, là, les fameuses
heures de formation?
Mme Filion (Françoise) : Malheureusement, on a encore... il y a très peu de formation qui se fait de façon, je
dirais... par l'ordre des infirmières. Là, ce qu'on regarde, dans les
autres provinces, il y a cinq autres provinces qui ont ce qu'on appelle les infirmières légistes. Moi, je parle
surtout des infirmières parce que je ne connais pas beaucoup
les médecins, là, mais les
infirmières légistes, ce sont des infirmières qui sont formées à l'exploitation sexuelle ou... bien, ça peut être aussi pour la
violence conjugale, ça peut être aussi pour le trafic humain. Alors, elles sont
vraiment formées pour reconnaître les signes
et pour aider les victimes. Donc, au Québec, on n'a pas encore ça, on n'a pas ça, les
infirmières légistes ne sont pas
reconnues dans cette province-ci. Donc, c'est pour ça que, dans mon... ce que
je parlais, ce qui serait intéressant, c'est peut-être aussi de faire équipe
avec notre ordre professionnel pour voir si on ne pourrait pas aller un peu
plus loin dans ce sens-là.
M. Skeete : Sans être spécialiste, si je suis infirmière au
centre de triage à l'urgence de l'hôpital puis ça m'intéresserait de suivre la
formation, est-ce que je peux la suivre et avoir mes heures reconnues? Est-ce
que ça existe en ce moment?
Mme Filion (Françoise) : Je ne croirais pas. Je ne croirais pas, mais ce
serait une très bonne piste de solution. C'est ce qu'on propose, nous, c'est ce qu'on propose, nous, parce que, de plus
en plus, et pas juste pour les mineurs, je dirais aussi pour les jeunes
adultes qui sont dans un... qui sont en captivité, ça peut être un moment
privilégié pour eux de s'ouvrir à un professionnel de la santé. Si on n'est pas bien formé à détecter les signes, on ne
pourra pas les aider, on va les... En
tout cas, quand on entend les survivantes, elles nous disent : Nous, ils
nous ont donné un papier, puis je suis partie, puis je pleurais autant que quand je suis arrivée.
Alors, souvent, c'est cette subtilité-là qu'il serait important
de faire. Mais je pense que c'est quelque chose qu'on aimerait pouvoir
mettre sur pied, puis espérons qu'on pourra le faire.
M. Bhanji (Farhan) : Pour les médecins... Il y a
17 universités qui forment des médecins, et il y a
sept universités qui
ont un programme pour l'exploitation
sexuelle. Et, pour une formation
continue, les heures, si on fait des cours, des choses qui sont... si on fait ça dans le... «if we do them properly»,
c'est reconnu. C'est toujours les médecins qui peuvent faire ça. Et, si on fait avec des «objectives», avec de l'information qui est bien recherchée, c'est vraiment
possible d'avoir des heures de crédit
pour la formation continue, et probablement pour les infirmières aussi, mais je ne peux pas parler
de ça.
M. Skeete :
Et rapidement... Oh! Oui, allez-y.
• (10 h 10) •
Mme Baltzer (Franziska) : Moi, je veux juste dire que, pour moi, l'exploitation sexuelle, ça fait partie de l'abus sexuel en large, là, c'est juste une des formes,
là, ce n'est rien de spécial, là, d'après moi, là. Et puis l'abus sexuel reste
un tabou pour notre société.
On en parle plus, il y a #metoo et puis toutes ces affaires-là, on en
parle, finalement, plus, mais ça reste un tabou.
Donc, il y a des
formations, mais elles ne sont pas obligatoires. Il y a des congrès, il y a des
ateliers, il y a des formations reconnues, mais ce n'est pas obligatoire pour tout
le monde et puis ils sont reconnus et on a des points si on y va, mais le monde qui y va, les médecins puis
les infirmières, les travailleuses sociales, il y a l'AMPEQ qui s'en vient,
le congrès de l'AMPEQ, de l'association du Québec, là, pour justement ces problèmes-là, ça
s'en vient puis c'est ouvert à toutes
sortes de professionnels, puis c'est reconnu, mais c'est juste ceux qui
s'intéressent qui vont là. Ce n'est pas une formation que tout le monde, de base, va avoir. La raison, c'est parce que
l'abus sexuel est un tabou, c'est quelque
chose qui fait freaker le monde quand
ils en entendent. Ce n'est pas quelque
chose que tu veux vraiment
entendre, là, tu veux que ça n'existe pas, et puis ça finit là. C'est
ça, le problème de base.
Mme Filion (Françoise) : Moi, je forme les infirmières, par exemple, là, à McGill. On a une formation, justement, avec le centre de simulation, donc...
(Interruption)
Le Président
(M. Lafrenière) : ...votre réponse est superintéressante que
l'alarme parte comme ça.
Mme Filion
(Françoise) : Ça a fait partir l'alarme.
Le Président (M. Lafrenière) : Ce ne sera pas bien long. D'après moi, on ne sera
pas évacués. Ce ne sera pas bien long.
On va suspendre
quelques instants, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
10 h 12)
(Reprise à 10 h 31)
Le Président
(M. Lafrenière) : Nous sommes de retour. Désolé pour cette brève
interruption, le sujet était enflammé. Ça va
être la seule joke plate, je vais arrêter tout de suite après, je vous le
promets. Et je n'enlèverai pas le temps à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, même si on est chez vous. Ce n'est pas nécessairement
de votre faute. Alors, merci.
Je pense qu'on avait
terminé avec le deuxième point. J'ai la députée de Gaspé. Et là, le temps, on
va le reprendre sur la période de dîner, là,
ça fait qu'on a un autre 15 minutes qu'on va continuer. On était bien
partis, on va essayer de garder ça avec des questions très, très courtes
et des réponses courtes.
M.
Bhanji (Farhan) :
...my French is not perfect, nobody had to go pull the fire alarm. I don't
think it's that bad.
Des
voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, députée de Gaspé, s'il vous plaît.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. C'est vraiment
intéressant de vous entendre ce matin, des belles initiatives que vous mettez en place, qui vont vraiment,
certainement, faire une différence dans le domaine de la santé. Et
j'aimerais commencer avec une question pour Dre Baltzer. C'est ça? Vous avez parlé beaucoup
des victimes avec lesquelles vous
avez travaillé. Est-ce que vous avez aussi des connaissances par rapport aux déviances sexuelles ou peut-être à la santé
mentale de certains clients, bien,
abuseurs, dans ce cas-ci, parce qu'on parle de jeunes... des mineurs, dans le cas de cette commission? Alors, je voulais savoir si vous êtes en contact, des fois, avec des
gens et comment on peut s'y prendre pour essayer de détecter aussi ce problème-là
au niveau de la santé.
Et
est-ce qu'on devrait mettre un registre? Est-ce que vous avez une opinion par rapport au registre, par exemple,
des gens qui utilisent ce genre de service là? Si vous pouvez élaborer à ce
sujet-là un petit peu.
Mme Baltzer
(Franziska) : Vous me demandez des questions sur les abuseurs ou sur
les...
Mme Perry
Mélançon : ...sur la
clientèle qui utilise les services sexuels, particulièrement chez les
jeunes mineurs, parce qu'on sait que
c'est un gros problème, là, au niveau de la clientèle. Est-ce que vous
avez des connaissances particulières sur la détection de ces problèmes-là,
au niveau de la santé mentale, chez les clients?
Mme Baltzer
(Franziska) : Moi, je ne vois aucun lien entre l'exploitation sexuelle
et une déviance sexuelle. Il n'y en a pas, de lien, là. Ça, c'est des filles absolument
normales, là, dans leur...
Mme Perry
Mélançon : Ma question est plutôt... Parce que, là, on a une clientèle
spécifique pour les jeunes mineures, des
jeunes filles de 15 ans, qui ont un corps qui n'est vraiment
pas encore nécessairement développé. Donc, c'est sûr que, pour nous, c'est un problème,
parce que plus la demande est grande, plus il y aura de ces jeunes-là,
parce que c'est payant pour les
proxénètes. Mais, s'il n'y a pas de connaissances particulières, on peut passer à une autre question,
il n'y a pas de problème.
Mme Baltzer (Franziska) : Non, dans le sens que les filles que j'ai vues,
qui étaient embarquées dans l'exploitation
sexuelle, ça, c'est toutes des filles qui, au niveau développement du corps, sont des femmes, ce n'est pas des enfants. On ne parle pas d'exploitation sexuelle, là,
dans ce que, je pense, c'est la commission... d'exploitation
sexuelle d'enfants. Pour moi, je
pense, ce n'est pas sur ça que vous vous penchez, là. Ça, c'est autre chose,
là.
Mme Perry
Mélançon : Disons que la commission
en mène très large, là. On va dans des aspects assez pointus aussi, là,
pas seulement les victimes. Mais, dans votre cas, vous êtes venus principalement
parler des victimes, donc on ne s'attardera pas plus longtemps sur le sujet. J'aurais
peut-être une question pour votre collègue, Dr Bhanji.
Mme Baltzer (Franziska) : Juste intervenir, parce que moi, je travaille en
abus sexuel de tous les âges, de zéro à
18, je fais plusieurs cliniques d'abus sexuels pour les enfants, je
fais une clinique à Marie-Vincent, je vois des victimes d'abus sexuels
de tous les âges, zéro à 18, et puis ça, c'est un des points que moi, je
n'avais pas comme compris, là, quand j'ai
été invitée, que la commission se penche plus sur l'exploitation sexuelle des
adolescentes. Moi, je ne peux pas isoler
cet aspect-là de toute la problématique d'agressions, d'abus sexuels qu'on vit en ce moment dans notre société, là. Ça, pour moi, c'est très clair.
Mais,
si on parle des jeunes que j'ai vues, qui étaient prises dans l'exploitation
sexuelle, les plus jeunes que j'ai vues
ont 12, 13 ans, mais c'est des filles qui sont complètement développées, même à 12, 13 ans, là. Ce n'est pas des petites
filles, là, prépubères, c'est des filles qui ont des menstruations, qui ont un
corps de femme. Elles n'ont pas le cognitif, là, d'une femme, ça, c'est
sûr, là, mais elles ont un corps de femme.
Mme Perry
Mélançon : Merci. Alors, Dr
Bhanji, vous avez parlé de... bien, en fait, on sait à quel point les dossiers
médicaux sont secrets, il y a un certain... je ne sais pas si la divulgation
des informations est facile pour vous, parce que vous parliez de se concerter, qu'il
y ait des approches multisectorielles, par exemple. Est-ce qu'au niveau de
l'accès à l'information il y aurait de l'amélioration à faire pour qu'on puisse
travailler davantage avec les données de chacune des organisations, par
exemple?
M. Bhanji (Farhan) : Mais, pour moi, les choses que je parlais avec...
intersectoriel, c'est pour l'éducation, pour l'enseignement des médecins. Je pense qu'avec ça... C'est pour travailler avec les
polices, les survivants, les survivantes, pour les éducateurs, pour les
infirmières, les médecins et travailler ensemble pour faire des simulations des
autres enseignements.
Les cas qu'on
utilise, c'est des vrais cas, mais, si on protège l'identité du survivant,
survivante, ça marche très bien. Et il
y a des personnes qui sont
comme : Moi, je ne peux pas être si brave, mais ils sont capables de... même
avec tout le traumatisme psychologique qu'il a eu, tout le traumatisme,
physiquement, qu'ils ont eu, ils sont capables de venir, d'aider la prochaine
génération des médecins et des infirmières. Et je pense que ça, c'est un modèle
qu'ils ont besoin d'utiliser dans l'enseignement
des professionnels de santé pour
l'exploitation sexuelle des mineurs mais aussi pour le reste, parce que, pour nous, si on fait de l'enseignement
des médecins, si on fait des simulations, c'est là qu'on utilise la voix des
patients, et c'est un «change» qu'on va
faire. Mais, pour parler de ça, c'est... La confidentialité, ce n'est pas un
problème, parce que c'est le survivant, survivante qui donne la
permission.
Mme Perry
Mélançon : Donc, dans un... Oui?
Mme Baltzer
(Franziska) : Je vais répondre à votre question, là, dans le sens que,
quand on voit comme... à l'urgence, là, je
travaille à l'urgence, là, quand je suis appelée, là, donc, pour une victime
d'agression sexuelle, n'importe quelle
forme d'agression sexuelle, d'abus sexuel, en bas de 18 ans, on est
obligés de rapporter à la protection de la jeunesse. Donc, au niveau
médecin, on n'a aucun recours à la confidentialité, on est obligés de le
déclarer.
Un des problèmes que je vois, c'est que la
protection de la jeunesse n'est pas obligée de nous divulguer à nous, les médecins, ou le système de santé de la même
façon. Donc, nous, on se trouve souvent dans le... pas savoir, là, parce que
ce n'est pas un échange égal à égal.
Avec la
police, c'est différent. Nous, on n'est pas obligés de faire intervenir la
police quand on est devant un cas d'agression
sexuelle de n'importe quelle sorte, de type, là. Ça revient à la victime. En
bas de 14 ans, c'est les parents ou le tuteur de la victime qui a le pouvoir de décider d'impliquer la police,
oui ou non. On peut les supporter pour le faire, mais on ne peut pas le
faire à leur place.
Et puis
l'autre grand problème, là, par exemple, qu'on a quand on travaille avec
l'agression sexuelle en général, c'est qu'une
fois que c'est judiciarisé et puis le système judiciaire embarque, nous, on n'a
pas de retour. Moi, je ne peux pas vous
dire combien de cas que moi, j'ai vus, là... Puis j'en ai vu des centaines, là.
La première chose, combien de cas se sont rendus à la cour, et puis
c'était quoi, la décision de la cour? Ce n'est pas ramené à nous, là. On ne le
sait pas O.K.? Mais ça, c'est peut-être moins problématique au niveau clinique, là, mais
le fait que la protection de la jeunesse n'est pas obligée de nous
donner les informations, toutes les informations, ça, c'est un problème à
répétition toujours, oui.
• (10 h 40) •
Mme Perry
Mélançon : Merci beaucoup. Un enjeu très important à
souligner dans cette commission. Merci. On vous entend.
Le Président (M. Lafrenière) :
...avec deux dernières questions.
Alors, le collègue d'Hochelaga‑Maisonneuve.
M. Leduc : Ça a été répondu.
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Ça a été répondu pour vous. Collègue de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, à mon
tour de vous remercier pour vos éclairages et vos propositions de
solutions que vous nous présentez aujourd'hui.
Ma question va s'adresser à Dre Baltzer. Vous
dites, dans le document... Vous écrivez, à la toute fin de votre document : «L'éducation sexuelle est
primordiale et doit commencer en bas âge...» C'est un peu sensible comme
question puis peut-être que ça dépasse... je parle de vos... pas vos
compétences en tant qu'être humain, là, je veux dire, mais ce que je
comprends, là-dedans, c'est qu'évidemment, en bas âge, on parle aussi au
primaire, mais on parle dans les familles. On
est dans une société... On vit dans une communauté qui est multiculturelle, où
à plusieurs égards l'éducation sexuelle ou la sexualité comme telle est
taboue. Comment fait-on?
Mme Baltzer (Franziska) : Oui, le
premier pas, c'est de remettre l'éducation sexuelle à l'école, et puis ça, ça se fait, parce qu'on a bien vu, là, que de
l'enlever, là, ça aboutit juste à des problèmes majeurs, là. Pendant toutes les
années, là, ou il n'y avait plus
aucune éducation sexuelle à l'école, ce que les jeunes ont fait, ils vont sur
Internet puis ils vont tomber sur les sites de pornographie, et puis les
adolescents... les gars aussi, là, puis surtout les gars vont penser que ce
qu'ils voient sur la pornographie, ça, c'est
une sexualité saine. Et puis ça, c'est un problème majeur, là. Donc, remettre
l'éducation sexuelle à l'école, ça,
c'est un premier pas. Là, il faut avoir le «manpower», là, il faut avoir le
monde qui peut le faire, là. On ne
peut pas juste l'ajouter à quelqu'un qui est déjà débordé, là, lui dire :
Fais ça en plus, là. Ça ne marchera pas, là. Et puis, c'est ça, il faut commencer de bonne heure. Marie-Vincent a fait
des efforts et puis a fait des ateliers sur l'éducation des très petits, là, mais c'est ça, c'est mon
point que c'est un problème de société, comment on voit la sexualité comme
société.
Notre
société, en ce moment, là, veut qu'on ait une sexualité de zéro à 100 ans,
là, O.K., et puis à peu près la même. Donc,
vous avez toutes les affaires de Viagra sur la télévision, qu'à n'importe quel
âge, là, il faut que vous soyez prêts, et go! Non? Et puis, pour les
jeunes, c'est la même chose. Ça fait longtemps, là, ça fait au moins
20 ans, là, que j'ai beaucoup, beaucoup de misère avec le fait que les
enfants sont définis par leurs sexes, maintenant. Tu n'es plus un enfant. Comme
mère, tu ne peux pas aller acheter un jean
que tu vas laisser porter ton petit gars et puis, deux ans plus tard, ta petite
fille, parce qu'il n'y en a plus, de jeans enfants, il y a des jeans
pour filles et puis il y a des jeans pour gars. Il y a des collations pour filles, il y a des collations pour
gars. O.K.? Donc, on met ce poids-là d'identité sexuelle sur les enfants, là,
énormément de bonne heure, et puis ça, ce n'est pas très sain dans mon esprit,
là. Ça, ce n'est pas... Un enfant ne devrait
pas avoir de sexualité. Un enfant, c'est neutre, O.K.? Et puis toute la
problématique de la pédophilie, là, ça, c'est énorme, là, dans notre
société.
Il ne faut
pas oublier, là, les statistiques, qu'on se base encore sur des statistiques de
1984, qu'une femme sur quatre vit à un moment donné dans sa vie un abus
sexuel. Une sur quatre. Regardez combien de femmes, là, il y a autour, là. Il y
en a plusieurs victimes, là-dedans, là. Et puis ça, c'est des vieilles
statistiques, là, les chiffres sont beaucoup... sont probablement plus hauts.
Et puis ça,
c'est très, très important de savoir ça. Là, moi, je suis très, très contente,
là, de qu'est-ce que Steinberg, là, fait, là, comme moyens d'éducation
pour nos jeunes médecins, là. Je les vois, là, les étudiants, les résidents qui
passent à notre clinique, là, à quel point
ils sont sidérés chaque jour de qu'est-ce
qu'ils voient, parce qu'ils voient la réalité de notre société, là. Mais ça prend une
éducation, un changement de la société.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci, Mme Baltzer. En terminant, dernière
question, députée de Notre-Dame-de-Grâce,
pour 1 min 30 s.
Mme Weil : Oui, je vais aller rapidement. Merci à vous
trois. C'est vraiment fascinant. Vous nous donnez des pistes
d'action intéressantes.
Dre Baltzer,
moi, j'ai été au conseil
d'administration pendant assez longtemps,
à Batshaw, et puis on s'était posé des
questions sur le profil linguistique et ethnoculturel de la masse ou la plupart
de ces victimes. Est-ce que vous pourriez nous dire... Parce qu'on
semblait dire que c'était vraiment beaucoup plus du côté Centre jeunesse de
Montréal que du côté de Batshaw. Pouvez-vous
nous décrire un peu cette composition, si on veut, linguistique et
ethnoculturelle des personnes que, vous, vous voyez?
Et l'autre
question, juste si on a le temps, c'est de voir pour... pas vous mais les deux
autres, si vous avez des pistes de
recommandation pour nous, éventuellement, pour un gouvernement, de... Est-ce
que c'est par les ordres professionnels qu'il faut travailler? Quelles
sont les pistes? Et qu'est-ce que les autres provinces ont fait?
Le Président (M. Lafrenière) :
Réponse brève.
Mme Baltzer
(Franziska) : Oui. Là, je
vais essayer d'être très courte. Donc, les victimes que moi, je vois viennent
de toutes sortes de couleurs culturelles,
là. Ce n'est pas des Blancs, ou des Noirs, ou «whatever», c'est souvent des
jeunes victimes, 13, 14 ans. Et
puis le typique, c'est qu'elles vivent, à ce moment-là, un viol de
groupe, de gang, et puis, après ça, un
des membres de gang va les approcher quelques semaines plus tard comme le
prince charmant et puis va les embarquer. Et puis ça, c'est... C'est ça,
mais c'est...
Moi, je dois
dire, dans la plupart des cas, ça, c'est des filles qui ont déjà vécu des
traumatismes. Ça, c'est des filles qui sont dans des
foyers, placées déjà avant, ou qui ont une famille qui est plutôt négligente.
C'est des filles qui sont identifiées et
puis... maintenant sont identifiées par des jeunes qui... des jeunes
abuseurs ou des jeunes proxénètes qui se ramassent dans les mêmes
placements que ces filles-là. Et puis ça, c'est un bassin pour eux autres, là,
merveilleux pour identifier les filles avec
la plus basse estime de soi. Et puis, aussitôt qu'ils vont pour une fin de semaine, là, ils vont aller les chercher, là.
Mme Weil : ...autant les
centres jeunesse de Montréal, si on parle de Montréal, que Batshaw, où on le
retrouve aussi bien?
Mme Baltzer (Franziska) : Oui,
oui.
Mme Weil : Je ne sais
pas si les... L'autre question, c'est...
Le Président (M. Lafrenière) : Il
n'y a plus de temps, malheureusement, je m'en excuse.
Mme Weil : O.K. On
pourra se reparler, oui.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, absolument. Et je voulais vous remercier, donc, Dre Baltzer, Dr Bhanji,
Mme Filion. Merci beaucoup. On aurait passé des heures avec vous, très
intéressant. On a votre document aussi.
Alors, je
suspends quelques minutes, le temps de laisser au prochain groupe... de prendre
place. Et merci beaucoup pour
votre contribution. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 49)
(Reprise à 10 h 51)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à la Concertation des luttes contre
l'exploitation sexuelle et au Y des femmes de Montréal. Je vous rappelle que
vous disposez de 15 minutes chaque pour faire
vos présentations, vos exposés, et, par la suite, il y aura
une période d'échange avec la commission, une période de 30 minutes, comme
vous venez de voir, mais cette fois-ci ce ne sera pas interrompu par une
alarme, je vous le promets.
Alors,
j'invite d'abord la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle à vous présenter, à faire
votre exposé.
Mais avant toute chose je vais demander aux
membres de la commission la permission de dépasser dans notre temps. On va devoir reprendre 20 minutes de
retard qu'on a eu avec ce petit problème technique d'incendie. Alors, on va
dépasser de 20 minutes dans notre période de dîner. Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Merci beaucoup.
Alors, membres de la CLES, je vous laisse vous présenter
et faire votre exposé. Merci d'être là.
Concertation
des luttes contre l'exploitation sexuelle (CLES)
et Y des femmes de Montréal
Mme Matte
(Diane) : Bonjour. Merci de
nous recevoir. Je suis Diane Matte, une des fondatrices de la Concertation des luttes contre l'exploitation
sexuelle. Je vais présenter avec ma collègue Jennie-Laure Sully.
La
CLES, la Concertation des luttes
contre l'exploitation sexuelle, fête
cette année, en fait, ses 15 années d'existence. On est un organisme qui offre du soutien, de
l'accompagnement aux femmes aux prises avec la prostitution et ses conséquences
dans leur vie. On rencontre annuellement
environ 200 femmes. Depuis 15 ans, nous avons donc accompagné des
milliers de femmes dans leur
processus de sortie. Et particulièrement, depuis les dernières années, on
reçoit de plus en plus d'appels de
proches, c'est-à-dire des pères, des mères, des amis, des soeurs, des frères
qui ont des jeunes femmes autour d'elles et d'eux, aux prises avec la prostitution, et donc ils cherchent un soutien
nécessaire pour mieux comprendre et agir avec leurs proches.
La CLES
existe donc depuis 15 ans. Depuis 15 ans, nous avons participé à
toutes les commissions et les consultations qui ont eu lieu sur la
question de l'exploitation sexuelle. On a particulièrement tablé et on continue
de tabler, pour les travaux de cette
commission, sur le fait que le Québec est la seule province canadienne qui a
affirmé, en 2006, dans une politique
sur l'égalité entre les femmes et les hommes, que la prostitution était une
violence envers les femmes. C'est ce sur
quoi nous construisons et c'est ce que nous vous appelons à faire comme
commission. Depuis 15 ans, nous constatons malheureusement que nous n'appliquons pas ce principe que nous sommes,
de fait, devant une forme de violence envers les femmes et les filles.
Notre attente
envers la commission est donc que vous fassiez un saut qualitatif pour amener
la société québécoise à sortir de la prostitution et que vous appuyiez
de différentes façons les femmes, les personnes qui sont aux prises avec la prostitution et souhaitent en sortir. Elles
sont majoritaires. On dit souvent que ça prend 15 ans... 15 fois, en
fait, pas 15 ans, mais
15 fois, pour plusieurs femmes, de faire des allers-retours avant
d'arriver à sortir définitivement de la prostitution. On espère vraiment
que ça ne nous prendra pas 15 ans de plus pour arriver à faire le même
processus comme société.
Comme
société, ça veut donc dire qu'on doit dire non à la marchandisation de la
sexualité des femmes et des filles. Elle
est contraire à un idéal de société égalitaire, et ça doit transparaître dans
nos actions, qu'elles soient celles du gouvernement en place ou les
futurs, qu'elles soient les actions des ministères, et ce, dans tous les
paliers de gouvernement. Depuis le mois de
novembre, depuis que la commission a commencé ses travaux, nous sommes très
heureuses d'entendre qu'il y a un consensus
qu'on doit s'attaquer à la demande. S'attaquer à la demande, ça veut dire
s'attaquer aux mythes et préjugés qui entourent l'achat d'actes sexuels.
Et ils sont multiples, parce que, comme société, vous l'avez entendu un peu
plus tôt, on a malheureusement accepté qu'il était O.K. que des hommes achètent
des services sexuels. Elle est là, la base de la discussion. Après, il y a évidemment toutes sortes de considérations. On
doit parler évidemment du soutien aux femmes, de l'intervention, des processus pour prévenir la
prostitution, l'entrée dans la prostitution, mais moi, je vais m'attarder plus
particulièrement sur la question de la sortie de la société de la prostitution.
Nous sommes embourbés dans un discours qui
essaie depuis fort longtemps de normaliser cette pratique inégalitaire, cette pratique raciste, cette
pratique qui s'abreuve à la pauvreté des femmes. Tant et aussi longtemps
qu'on ne verra pas comment s'attaquer
au système, ce qu'on peut appeler le système
prostitutionnel, à sa base même, à sa face même, nous ferons du surplace. Et c'est ce que je constate qu'on fait depuis
15 ans, de plan d'action en plan d'action, pas parce qu'ils ne sont
pas intéressants. On a maintenant une stratégie gouvernementale, depuis 2016
jusqu'à 2021, 20 mesures spécifiques
sur l'exploitation sexuelle. C'est très bien, mais on ne s'attaque pas au fond,
et c'est ce qu'on vous invite à faire.
S'attaquer au
fond, ça veut dire faire ce que des pays comme la Suède, la Norvège, l'Islande,
la France ont fait et dire non à
l'achat d'actes sexuels. C'est effectivement s'assurer que l'ensemble de nos
lois, parce qu'on a maintenant, au fédéral...
Le Code criminel reconnaît qu'il est
interdit, au Canada, d'acheter des actes sexuels d'autrui, mais à peu près
aucune province n'applique la loi de
façon cohérente. Donc, on vous demande d'appliquer et de faire un exercice qui
sera effectivement cohérent, intersectionnel et intégré.
On peut donner des exemples, parce que je sais
que vous allez être intéressés. On n'a pas soumis notre mémoire encore, on se donne du temps pour l'écrire encore.
Je vais vous donner quelques exemples qui se retrouveront assurément
dans notre mémoire.
La loi de 2014 sur la protection des victimes
d'exploitation sexuelle et des collectivités n'est pas appliquée au Canada,
n'est pas appliquée au Québec, à tout le moins pas de façon uniforme. Il faut
donc appliquer la loi de 2014, la bonifier dans son application. Évidemment, on
est aux prises avec l'idée de fédéral, provincial, mais il n'y a effectivement,
à l'heure actuelle pas d'engagement d'application de cette loi-là, sauf dans
certains corps policiers à travers le Québec... à travers le Canada, en fait.
Et on pense qu'on doit effectivement l'appliquer, pas juste au niveau des corps
policiers, d'ailleurs, mais au niveau de chacun... voire dans chacune de nos
provinces, chacune... là où on a les pieds, comment cette loi-là vient changer
fondamentalement les mentalités, puisqu'on parle de décriminaliser les personnes qui sont aux prises avec la prostitution
mais criminaliser l'achat d'actes sexuels. On est au coeur de la question.
On peut penser aussi à faire comme l'Islande a
fait et amender le Code du travail pour interdire aux employeurs d'exploiter la
sexualité de ses employés, c'est-à-dire s'attaquer directement au commerce de
la sexualité, puisque... Non seulement, comme société, il faut défaire nos
mythes et préjugés entourant l'achat d'actes sexuels, il faut aussi, comme
société, trouver une façon de mettre des bâtons dans les roues à une industrie
multimilliardaire, surtout si on pense à l'échelle de la planète, qui travaille
au quotidien pour nous faire croire que c'est une nécessité, qu'elle doit
exister, qu'elle est une industrie comme une autre et qu'on doit juste lui
appliquer des normes, des conditions de travail. On doit donc s'attaquer, comme
l'a fait l'Islande, entre autres, en modifiant le Code du travail.
• (11 heures) •
La loi des municipalités,
par exemple, permet aussi à l'heure actuelle au commerce
sexuel du sexe de s'implanter à peu près n'importe où à travers le Québec,
et personne ne semble avoir la clé, la poigne pour dire : Il faut que ça arrête. Certaines municipalités ont réussi à
créer des endroits où les commerces du sexe peuvent s'installer, mais ce qu'on
s'est fait dire... En 2014, la CLES à fait
un portrait, en fait, de l'industrie du sexe au Québec, et ce qu'on se faisait
dire et ce qu'on constatait, ce qu'on
se faisait dire, c'est qu'il n'y a pas de moyen légal d'empêcher l'ouverture,
cet après-midi, d'un
bar de danseuses ou d'un salon de massage où clairement des actes sexuels
tarifés sont disponibles. Nulle part au Québec on n'est capable de faire ça. On doit donc s'y attaquer
comme société.
On doit aussi inscrire dans les curriculums des
écoles secondaires, mais aussi dans la formation des étudiants, étudiantes en travail social, en intervention, en
médecine, dans toutes les formations... Parce qu'en ce moment, ce qu'on apprend trop souvent aux intervenants,
intervenantes, c'est que la seule chose qu'on peut offrir, c'est la réduction
des méfaits, que la seule chose qui
est légitime d'offrir, c'est la réduction des méfaits, alors que les femmes
demandent, crient, étude après étude,
démontrent qu'une grande majorité des femmes veulent sortir de la prostitution.
Et, encore une fois, dans une recherche que la CLES a réalisée en 2014,
on constatait, parmi les centres de femmes à qui on a passé un questionnaire et fait des entrevues : au moins 80 % de ces femmes-là, peu importe qu'elles
soient encore dans l'industrie du sexe ou au moment où elles ont
participé à la recherche ou non, ne connaissaient pas d'organismes pour les
aider à se sortir de la prostitution.
La liste peut
être beaucoup plus longue, évidemment. L'autre élément sur lequel je veux
insister, c'est le soutien récurrent aux organismes. La CLES existe
depuis 15 ans, nous avons un petit financement récurrent de
57 000 $ par année depuis un an.
Il n'y a aucun programme long terme qui n'a été développé dans aucun des
ministères. Quand on analyse l'argent
qui a été investi depuis les 15 dernières années, on voit effectivement
qu'il y a eu des pointes d'augmentation du financement quand il y a des crises comme les fugues, la série de fugues
à Laval, mais on voit aussi que ce financement-là, il est terminé maintenant, et on ne parle pas de
le renouveler. Et donc on a besoin de cohérence aussi au niveau du financement
et de la reconnaissance de la nécessité d'offrir la sortie et de travailler à
la prévention de la prostitution.
L'autre
élément, c'est soutenir les personnes dans leur processus de sortie de la
prostitution, et c'est ma collègue Jennie-Laure qui va faire cet
aspect-là.
Le
Président (M. Lafrenière) : Il reste deux minutes à votre présentation, sinon on va y aller dans la
période de questions. Alors, je vous demanderais de faire ça bref, s'il
vous plaît.
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Bon, bien,
merci de me donner l'opportunité de parler de ce sujet tellement
important. Donc, je suis organisatrice communautaire à la CLES. Effectivement,
la question de la sortie de la prostitution est fondamentale, c'est ce que les femmes expriment vraiment.
Elles expriment ne pas avoir suffisamment de soutien pour en sortir. Alors, au niveau de l'intervention, il faut améliorer l'aide qui
est offerte aux femmes pour s'en sortir et considérer que cette aide-là doit s'échelonner sur une longue
période. C'est sur du long terme. Et donc il faut constater que les femmes
ont des besoins, en matière de soutien pour
des problèmes de santé mentale, mais aussi pour des problèmes de santé
physique.
Et, quand on parle de problèmes de santé, il
faut dire aussi que ces problèmes de santé là, ce sont les clients qui les
causent aux femmes dans la prostitution, et donc il y a une attention spéciale
qui doit être accordée au client prostitueur. Nous utilisons le terme
«prostitueur» pour dire que la prostitution existe à cause du client. S'il y a
des proxénètes qui se lancent dans l'organisation de l'accès payant aux corps et aux sexes des filles et des femmes,
c'est en raison de la demande des
clients, et donc il y a une action qui doit être faite pour que la
socialisation des garçons et des hommes
à devenir clients ou proxénètes cesse. Il
y a un gros travail à faire à ce niveau-là, et je vous en dirai davantage lors de la période de questions.
Le Président
(M. Lafrenière) : Vous
avez été encore plus brève que le temps qu'il vous restait. On va se reprendre
dans la période de questions. Vous êtes bien gentille. Merci.
J'invite
ensuite le Y des femmes de Montréal à se présenter, présenter les gens qui sont
ici et à commencer votre exposé pour une période de temps de
15 minutes à partager entre vous.
Mme Thivierge
(Mélanie) : Oui. Alors,
bonjour, tout le monde. Je suis Mélanie Thivierge, je suis la directrice
générale de l'organisme le Y des femmes de Montréal, en compagnie de ma
collègue Isabelle Gélinas, directrice de la défense des droits et
des communications.
Alors, pour
la petite histoire rapide, en 15 secondes, le Y des femmes est le plus
ancien organisme pour les femmes sur le territoire montréalais. On
célèbre cette année nos 145 ans d'existence. Et j'aime le mentionner parce
que, dès la fondation de l'organisme, la vocation, c'était qu'on allait
accueillir les jeunes femmes et les jeunes filles qui arrivaient des campagnes sur les quais des gares, à Montréal,
pour éviter qu'elles ne se retrouvent dans des mauvaises situations ou
aux prises... et entre les mains de gens mal intentionnés. Donc, on portait
déjà cette vocation‑là à l'origine. Donc, aujourd'hui,
on a des beaux mots pour nommer une situation problématique et un enjeu de
société qui est l'exploitation sexuelle des mineures ou des femmes dans leur ensemble. Le vocabulaire change,
mais la problématique, elle est vieille et comme le monde.
L'approche qu'on va mettre de l'avant aujourd'hui
est une approche globale et transversale parce qu'on croit fondamentalement
qu'il faut l'implication et l'engagement de tous les acteurs et toutes les
actrices de la société, de la collectivité
dans son ensemble, bref, de tout un village pour réussir à contrer cette
problématique. Et on pense qu'il faut envoyer un message clair de
tolérance zéro face à cette situation-là pour que ça devienne de plus en plus
non seulement difficile, mais dangereux pour les clients abuseurs et pour les
proxénètes de s'adonner à cette activité.
Au Y des
femmes, on se concentre entre autres sur la prévention, donc on est très
présentes dans les écoles secondaires. Donc,
un des volets importants que je vais mettre de l'avant devant vous, c'est toute
la question de la prévention et comment on peut travailler avec les
écoles.
Vous le
savez, si vous avez des adolescents, adolescentes, l'école, c'est leur milieu
de vie principal, et l'influence de
l'école, de leurs amis, des intervenants, de tout le personnel enseignant
autour d'eux s'accroît alors que souvent celle des parents va aller en diminuant. Donc,
l'important de travailler avec les écoles, c'est que vraiment on peut espérer
des résultats assez concluants.
Donc,
les cours d'éducation sexuelle ont fait un timide retour au cours de la
dernière année. Donc, pour nous, c'est vraiment une piste d'action
essentielle qu'on bonifie ces cours-là pour y intégrer notamment des notions
comme la pornographie en ligne et la prévention et l'éducation au phénomène de
l'exploitation sexuelle.
Le contenu de ces
cours-là évidemment doit être développé en collaboration avec des spécialistes.
On est très conscientes que les enseignants
et enseignantes, ce ne sont pas leurs spécialités. Mais, au-delà de ça, c'est
aussi pour s'assurer que dans toutes les écoles du Québec, peu importe
la région, peu importe la taille de l'école et qu'elle soit privée ou publique, tous nos jeunes aient accès à des cours
d'éducation sexuelle de qualité équivalente, et que les mêmes notions soient
abordées partout. On essaie souvent de
tracer un portrait type en se disant qu'il y a plus urgence ici ou là.
Malheureusement, l'exploitation sexuelle est très peu regardante sur la
classe socioéconomique des jeunes filles.
On
pense aussi que ces cours-là doivent être élaborés, même, en collaboration avec
des jeunes. Parce qu'il n'y a rien de pire qu'un beau message de santé
publique qui finalement rate sa cible parce qu'on a l'air des adultes qui parlent à des jeunes qui vont faire : Oui,
oui, oui, on le sait. Donc, pour avoir le bon ton, la bonne approche, les bons
mots... Ils en savent pas mal, et, à partir du moment où on reconnaît
que les adolescents et les adolescentes détiennent un certain nombre de connaissances sur cette question-là, il
faut adapter notre discours et la façon dont on leur parle, quand on parle
de ces questions-là, et de ne pas s'imaginer que c'est la première fois qu'ils
en entendent parler.
Il
faut aussi garder en tête que pour eux, les réseaux sociaux, ce n'est pas une
vie parallèle, hein? Ce sont des natifs, donc c'est toute leur vie qui s'est construite là-dessus, contrairement
à nous qui avons appris à les utiliser et pour qui on fait... Nous, on
fait encore une grande distinction entre notre vie réelle et la vie virtuelle;
ce n'est pas le cas pour les jeunes. Tout ça, c'est leur vie, et tout est intégré. Et
comme on sait que les proxénètes, les recruteurs utilisent de façon
massive les réseaux sociaux pour
recruter les jeunes filles, on pense qu'il faut vraiment travailler en amont au
niveau des réseaux sociaux et même impliquer les grands acteurs de cette
industrie-là à faire partie de la solution.
• (11 h 10) •
À cet égard, on tient
à vous souligner que YWCA Canada — donc on fait partie de cette grande
association nationale — a des liens privilégiés avec Facebook
Canada, et a déjà mis en place un certain nombre de mesures sur d'autres
enjeux, et pourrait être un allié si on
décide qu'on veut collectivement faire participer ces acteurs-là à la sortie du
Québec de cette question-là.
Vous
savez aussi que, dans les écoles secondaires... depuis de nombreuses années
maintenant toutes les écoles doivent se
doter d'un plan de prévention contre l'intimidation. À un moment donné,
collectivement, on a décidé que l'intimidation, c'était une
problématique suffisamment importante, suffisamment grave pour demander aux
écoles de se doter d'un plan d'intervention,
d'un plan d'action, de dépistage entre autres. Donc, on pourrait penser à
dupliquer cette approche-là à la
question de l'exploitation sexuelle. Ce serait une façon aussi de mobiliser
l'ensemble des parties prenantes au sein du milieu scolaire.
Le milieu
communautaire, évidemment, est un allié de premier plan. On est présentes dans
les écoles, il y a de nombreux organismes qui le sont, et on détient cette
expertise-là pour accompagner le milieu scolaire dans sa volonté d'apporter des
changements.
On
sait aussi que la concertation... je sais que les intervenants avant nous en
ont parlé également. Il faut trouver des mécanismes pour travailler
mieux tout le monde ensemble. M. Lafrenière l'a dit, si la solution était
policière, on aurait réglé la problématique
depuis longtemps. Donc, les milieux communautaires, le milieu policier, le
milieu médical, on doit tous et
toutes travailler ensemble et on doit étendre cette concertation-là au
territoire, notamment à l'ensemble du Canada, parce qu'on sait que les jeunes filles sont promenées d'une province à
l'autre et que ça devient très, très difficile par la suite d'intervenir
auprès d'elles, notamment pour les corps policiers.
On pense que Montréal
est une plaque tournante depuis longtemps dans le commerce du sexe, mais on dit
aussi dans le milieu de l'intelligence
artificielle. On se vante de ça. On se targue d'avoir des experts à Montréal.
Il y a sans aucun doute des pistes intéressantes à exploiter avec tous
ces acteurs du milieu de l'intelligence artificielle pour pouvoir faire en sorte que se déclenchent des alertes, qu'il y a
des mots-clés qui puissent être repérés dans les réseaux sociaux utilisés par
nos jeunes via Facebook, Instagram, Twitter et TikTok, entre autres. Donc, les
jeunes échangent entre eux. Les recruteurs utilisent du vocabulaire qui pourrait être repéré plus facilement et
faire en sorte que ça facilite le travail de dépistage à la source.
Une voix :
...
Mme Thivierge
(Mélanie) : Vas-y.
Mme Gélinas (Isabelle) : Je me permets ici une petite parenthèse
concernant la banalisation de la pornographie en ligne. Au Y des femmes de Montréal, on a un site Web de prévention en
hypersexualisation des jeunes. Il y a quatre capsules qui sont là, vidéo, pour expliquer qu'est-ce que
la socialisation sexiste, qu'est-ce que la pornographisation,
l'hypersexualisation, et tout. Et j'ai demandé à ma webmestre :
Peux-tu me dire, Google Analytics, comment les internautes trouvent notre page Web de sensibilisation à
l'hypersexualisation? 34 % des recherches ayant mené à cette page-là, qui
ne traite pas, là, de porno en ligne, là, étaient des termes
spécifiquement de recherche liés à la pornographie juvénile, des termes comme «sexe, petite fille, porno», «vidéo porno, petite
fille», «porno, cinq ans», «sexe, porno entre enfants», «vidéo porno,
adolescente», «vidéo porno, très jeune fille», «XXX, vidéo juvénile», et
j'en passe.
La recherche
en ligne de pornographie... On n'est pas sur le «dark Web», là. La recherche en
ligne sur le Web ordinaire se fait impunément, tout comme l'offre de
vidéos pornos aussi. Les sites pornos vont vous dire : Oui, oui, ce n'est
pas vraiment des jeunes filles qui sont dans les vidéos
pornos qu'on trouve. Sauf qu'ils en font la promotion. Ils présentent ces vidéos-là comme vidéos pornos «teen», en
insistant sur le caractère incestueux, même, ou violent, de non-consentement
de ces vidéos-là, et c'est fait en toute impunité sur le Web et le Web de M. et
Mme Tout-le-monde, là.
C'est rendu
complètement banalisé, la porno avec des «teens», des adolescents. Et, à cet
égard-là aussi, on disait que ce
serait bien, faire des alliances avec les grands de l'intelligence artificielle
pour dire : Écoutez, là, ça n'a pas de bon sens, c'est criminel de... Voyons! On ne peut pas laisser ça aller. Puis
il pourrait y avoir des pop-up. Tu cherches «sexe, vidéo porno», poum! Es-tu au courant que l'exploitation
sexuelle de mineurs, la recherche, la promotion de vidéos mettant en
scène des mineurs, c'est criminel? J'ai fini ma parenthèse. Excusez.
Mme Thivierge (Mélanie) : C'est
parfait, c'est parfait.
Le Président (M. Lafrenière) :
...très apprécié.
Mme Thivierge
(Mélanie) : C'était important. Je te redonne la parole dans
une minute, Isabelle. Le dernier volet sur lequel je voulais attirer
votre attention, c'est toute l'Implication et la responsabilité de l'industrie
touristique, de l'industrie du divertissement et de la restauration.
En tant que gouvernement, en tant qu'élus, vous
avez ce pouvoir d'attribuer du financement à ces grands événements là. Pour ce faire, vous exigez des mesures de sécurité, des
plans d'évacuation, il y a tout un cahier de charges auquel les grands événements, notamment,
doivent se conformer. D'avoir un plan de lutte contre l'exploitation sexuelle, un plan
d'action, si on détecte des comportements inadéquats pendant ces événements-là,
pourrait faire partie du cahier de charges
pour permettre d'accéder à des subventions gouvernementales. C'est un signal
très fort que le gouvernement peut envoyer pour dire qu'on veut être,
ici, un territoire qui... collectivement on a dit non à cette forme de commerce — et je
mets ici des guillemets.
Vous avez
sans aucun doute entendu parler de l'initiative Commande un Angelot, qui est
utilisée dans un certain nombre de bars à Montréal. On peut imaginer
qu'on étendrait cette formule-là également à l'industrie du taxi, et de l'hôtellerie, et de la restauration. À partir du
moment où une femme se rend au bar commander un angelot, ça signifie qu'elle
est en danger et qu'il y a
quelqu'un autour d'elle qui tente de poser des gestes inappropriés. Donc, c'est
une façon d'engager tous les acteurs,
les actrices de la communauté et de faire porter la responsabilité de ça sur tout le monde, sur la société et non seulement sur la jeune femme, la
jeune fille, de dire : Va et tente toi-même de trouver des solutions de
sortie.
On peut même
penser à des incitatifs fiscaux pour ces établissements-là, s'ils s'engagent à
former leurs personnels, à avoir un certificat de formation auquel ils
doivent se conformer chaque année et à joindre avec leurs déclarations de revenus pour montrer que c'est un commerce qui ne
tolère pas ce type de comportement et d'exploitation. Et ils pourront même... On peut même se rendre à l'idée d'une
certification d'un commerce allié, où les jeunes filles, les jeunes femmes
pourraient se rendre et savoir qu'il y a des gens là qui sont formés et qui
connaissent la liste des ressources, qui savent comment se comporter et vers
qui diriger et rediriger ces jeunes femmes.
Je laisse Isabelle poursuivre la présentation.
Je m'excuse, je t'ai laissé peu de temps aussi.
Mme Gélinas (Isabelle) : Non,
bien, il n'y a pas de problème, je t'en ai volé.
Au niveau
de l'intervention, ce qu'on pourrait dire, et là j'abonde dans le
sens des interventions faites avant nous, c'est qu'au moment de la sortie il
y a peu de ressources disponibles, et
souvent, ces ressources sont les mêmes que celles qui donnent des ressources
aux victimes d'agressions sexuelles. L'exploitation sexuelle est rarement
disponible, en termes de ressources spécialisées, et découle d'un processus
commun à toutes ces filles-là, et ça serait bien qu'il y ait de ces
ressources-là.
Et on pourrait aussi considérer l'aspect anonyme
de ces ressources, comme c'est déjà le cas pour les maisons d'hébergement pour femmes de victimes de violence
conjugale. Il n'y a rien de pire... Bien, c'est connu, en fait, les
centres jeunesse, les maisons de la
DPJ, c'est des espaces bien connus et reconnus. Tout le monde sait où ils
sont. Les proxénètes attendent les
filles à 18 ans et un jour, quand elles sortent de là, hein : Viens,
moi, je vais prendre soin de toi. Garantir une certaine sécurité, un anonymat,
c'est extrêmement important pour éviter que les filles retournent dans leurs
milieux.
Et, au-delà de l'hébergement, il pourrait y
avoir aussi des projets... dans la philosophie, ce qu'on appelle du
«wraparound» de 360°. C'est-à-dire qu'il y a des loisirs, il y a des
moments de partage, d'échanges où les filles peuvent réapprendre à socialiser sans avoir peur d'être jugées, sans avoir peur
d'être étiquetées. Savoir que d'autres ont aussi passé par là et
s'entraider mutuellement, ça peut être essentiel.
Et, je
reprends aussi ce que disaient nos collègues de la CLES, le milieu
communautaire est sous-financé, et, quand on parle de créer des instances de concertation pour que tout le monde
puisse échanger, partager les meilleures pratiques, partager les
ressources, partager de l'information, ça prend du temps, ça prend des bras. Il
n'y a pas de financement pour ces instances de concertation là, mais il n'y a
pas de financement non plus pour le temps d'aller et participer.
Et le milieu communautaire, les gens qui
travaillent en contact avec les filles victimes d'exploitation, victimes
d'agression baignent dans un univers de violence tout le temps. C'est des
conditions de travail qui sont extrêmement difficiles
et pénibles. Prendre ça en considération aussi quand viendra le moment de regarder les enveloppes budgétaires envoyées. Parce que de plus en plus on le
constate, surtout dans cette société où on est en mode plein emploi, on perd
nos ressources. On développe des projets, on développe de belles initiatives,
on développe de l'expertise, c'est un milieu extrêmement difficile, et pouf! on
perd nos ressources, qui s'en vont dans des endroits où, là, elles seront mieux
payées.
• (11 h 20) •
Une voix : Au gouvernement,
notamment.
Mme Gélinas
(Isabelle) : Au gouvernement, notamment. Vous êtes une grande source
de compétition.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, merci pour votre exposé. On va
maintenant débuter la période d'échange.
Encore une fois, on a un beau défi, on a huit questions en 30 minutes,
alors je vais demander aux députés de se limiter à une question. On va
députer par la collègue... débuter, pardon, par la collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Oui. Merci, mesdames, pour vos présentations. C'était très intéressant. Puis
vous avez vraiment bien fait aussi
d'insister sur l'importance du financement du milieu communautaire parce que
vous arrivez à faire tellement avec
peu de moyens, alors on peut imaginer ce que vous seriez en mesure de faire si
réellement il y avait les ressources qui vous étaient dédiées.
Ma
question serait à l'endroit de Mme Matte. En fait, vous avez parlé, donc,
de la loi fédérale puis de l'importance de l'appliquer de façon cohérente, que ce n'était pas le cas au Québec.
Vous avez nommé quelques exemples, là, à propos des municipalités,
notamment le code aussi... bon, pour le Code du travail.
Bon,
évidemment, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a deux visions, dans tout ce
débat-là : une vision comme la vôtre,
par exemple, qui réclame plus de coercition au niveau de la demande; il y a une
vision qui est opposée et qui dit, bon,
qu'il faudrait davantage, disons, encadrer le milieu de la prostitution. Puis
en fait je serais simplement curieuse, si vous pouviez nous dire... nous
exposer votre vision. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui ont l'opinion ou
la vision contraire de la vôtre?
Mme Matte (Diane) : Vous allez les entendre demain, ça fait que je me
permettrai de plutôt parler... concentrer sur ce que nous, on a à dire.
C'est un choix de société. Et, quand je parlais de l'embourbement dans lequel
nous sommes, depuis les 15 dernières
années, c'est justement dans cette... On n'accepte pas, comme société, de faire
un choix. On préfère, parce qu'au Québec on aime les consensus, essayer
de voir comment est-ce qu'on pourrait conjuguer tout ça.
Mais,
dans la vraie vie, on doit faire ce que d'autres sociétés parmi les plus
égalitaires... Qu'on pense à la Suède, la Norvège l'Islande, qui ont aussi des groupes qui prônent la
reconnaissance de l'industrie du sexe comme une industrie comme une
autre, mais qui ont tout simplement dit : Non, ce n'est pas ça qu'on veut,
ce n'est pas ça qu'on choisit comme société.
Et, comme je disais, le Québec, pour moi, dans ma compréhension à moi, on a dit
ça en 2006, c'est qu'on n'a pas agi
en fonction de ce qu'on a affirmé en 2006 : La prostitution est un
obstacle à l'égalité pour toutes et à l'égalité entre les hommes et les
femmes.
Ça fait qu'après ça
on peut vouloir débattre, mais moi, personnellement, là, je suis rendue pas mal
plus loin que ça. Je n'ai pas envie de
débattre, je n'ai pas... Pour moi, ce n'est pas un débat, ce n'est pas un
débat, c'est un choix. Et le choix, évidemment... moi, je vous invite à faire
le choix que la France a fait, particulièrement dernièrement l'Irlande, la
Suède, la Norvège. De plus en plus de pays à
travers le monde affirment que l'achat d'actes sexuels est contraire à une
société pour l'égalité. C'est ce que je vous invite à faire.
Mme Fournier :
...justement pourquoi je vous posais la question, en fait, parce que je pense
que c'est une prémisse qui est
importante à poser lorsque va venir le temps de choisir, disons, les
recommandations ou les mesures à mettre en place.
Mme Sully
(Jennie-Laure) : J'aimerais ajouter que les sociétés qui n'ont pas
fait ce choix-là ont eu des résultats désastreux.
Il suffit de voir ce qui se passe en Allemagne, entre autres, où la traite a
augmenté. Donc, on a aujourd'hui des résultats probants. On peut
comparer des sociétés qui ont fait le choix de considérer, justement, que
c'était une violence envers les femmes
versus d'autres sociétés qui ont considéré que ce n'était pas nécessairement
une violence, qu'il y avait moyen de
réglementer les conditions dans l'industrie du sexe. On voit qu'il y a eu un
échec du côté où il n'y a pas eu cette reconnaissance de la violence
inhérente au système de prostitution.
Mme Fournier :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci. Donc, merci, merci d'être ici et de partager votre expertise avec nous.
Mme Matte, vous avez parlé de modifier
le Code du travail. Qu'est-ce qu'on pourrait modifier, ou ajouter, ou bonifier
à notre Code du travail qui pourrait nous aider dans ce dossier-là?
Mme Matte (Diane) : C'est bien, bien simple. Comme je disais, c'est
moduler sur ce que l'Islande a réussi à faire. C'est tout simplement
d'insérer dans le Code du travail l'idée que les employeurs ne peuvent pas
exploiter la sexualité, la nudité de leurs
employés. «That's it, that's all.» Ce n'est pas plus compliqué que ça. Avec une
petite phrase comme ça, on vient
d'enlever toute légitimité à un commerce, que ce soit la pornographie,
d'ailleurs, ou la prostitution. Leur légitimité est enlevée.
Et,
pour moi, c'est... On peut toujours aller faire un petit tour en Islande, si vous
voulez, mais l'Islande, c'est un petit pays, c'est clair qu'ils ont les
coudées un peu plus libres, possiblement, que les nôtres, mais ce
gouvernement-là a réussi des choses
extraordinaires, en fait, et entre autres de vraiment contrer, de prendre à
bras-le-corps, si on peut dire, ce
choix de société, de dire : La prostitution, en Islande, est inacceptable,
acheter des actes sexuels est inacceptable. On aurait pu aller aussi... la Suède l'a fait, l'Islande l'a fait aussi,
interdire, par exemple, à ses employés d'acheter des services sexuels du
gouvernement.
Je veux dire, il faut être
créatifs et créatives. Il faut vraiment changer cette idée qu'il va toujours y
avoir des hommes qui vont devoir avoir accès
à des actes sexuels d'une fille, sinon ça va être catastrophique, il y a des
boutons qui vont leur pousser, ils vont mourir ou je ne sais pas quoi.
Je veux dire, ils sont... Ma collègue Jennie va peut-être avoir le temps de donner plus d'infos sur les clients,
mais, je veux dire, c'est une petite gang de messieurs qui pensent comme ça.
Ça fait que
ça serait le fun que, comme société, on s'affiche, les femmes qui ne pensent
pas comme ça, les hommes qui ne
pensent pas comme ça, pour dire : Bien, on fait un autre choix. Et on est
créatifs, on est créatives de comment on peut s'attaquer à un système qui veut se maintenir en place, qui réussi
à le faire très bien depuis très, très longtemps et qui est
tentaculaire. Donc, je pense qu'il faut effectivement ouvrir toutes sortes de
portes qu'on n'a pas ouvertes jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
...merci. Bonjour à vous toutes. Deux courtes questions sur des points qui ont
été amenés par la CLES, mais
j'aimerais entendre aussi les deux groupes. Tout d'abord, sur les parents, les
proches de victimes, de mineurs, là, dans l'industrie, qu'est-ce qui
existe, comme services? Qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on peut
améliorer pour les parents et les proches?
Et, deuxième point, vous avez évoqué que l'industrie du sexe était une
industrie raciste, et ce n'est pas un
terme qu'on a entendu beaucoup depuis le début des audiences. Pourriez-vous, un
peu, développer sur ça, s'il vous plaît?
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Au niveau du soutien aux proches, nous, à la CLES, on
a des groupes pour les parents. Il
faut reconnaître qu'effectivement les parents vivent une très grande détresse
quand leurs filles se retrouvent dans cette industrie, et, très souvent, cette détresse-là est ignorée. Donc, c'est
important de leur donner un lieu où c'est possible de rencontrer
d'autres parents.
On a créé un guide à l'intention des proches des
victimes d'exploitation sexuelle qui est très utilisé et que les parents trouvent très utile aussi. Ils ont soif
d'information, ils ont soif de pouvoir échanger avec d'autres parents. Donc, ce
type de programme là doit se répandre davantage.
Il faut qu'on puisse en offrir plus, de groupes, et ça doit être offert aussi
ailleurs.
Quand on
parle maintenant, pour répondre à l'autre question, de racisme dans la
prostitution, il faut vraiment, pour comprendre
de quoi il s'agit, aller directement sur les forums de clients. Donc, je
parlais tantôt des clients prostitueurs. Bien, sur les forums de clients qui sont sur internet, on... quand on lit ces
forums-là — coeurs
sensibles s'abstenir, en passant — il y a énormément de propos racistes sur
les femmes racisées, sur les femmes noires, sur les femmes autochtones. Les
clients laissent aller libre cours à toutes sortes de fantasmes dégradants, et
ça, c'est dit tel quel sur ces forums-là.
Ce qu'on apprend aussi, sur ces forums-là, c'est
que ce n'est pas le fait de découvrir, par exemple, que la jeune fille est mineure qui va les empêcher de passer à
l'acte. Et ils disent ça de leurs propres aveux sur les forums. Donc, c'est
dans ce sens-là qu'on peut dire que la prostitution, vraiment, et il y a beaucoup
d'études qui ont été faites sur les clients qui
le confirment, ça permet à des gens de laisser libre cours à du racisme, à de
la misogynie et à une violence qui est tout
à fait inacceptable dans une société qui vise l'égalité entre les hommes et les
femmes.
• (11 h 30) •
Mme Gélinas
(Isabelle) : À cet égard-là,
aussi — bon,
on va vous le laisser — le
Y des femmes, dans son projet Agissons ensemble, a développé un petit
cahier, un carnet de ressources, surtout pour la région métropolitaine.
Mais, quand on parle de former les écoles, ce
n'est pas juste les professeurs et les intervenants, c'est toute l'équipe-école alentour du jeune. Donc,
ça inclut aussi les parents d'élèves, ça inclut aussi les coachs, les
surveillants, même les concierges, avec des indicateurs, être capable
de se dire : Ça fait trois, quatre fois qu'elle ne se présente pas ou
qu'elle ne se pointe pas, ah! elle ne
s'habille pas pareil comme avant, regarde donc, elle n'a plus les mêmes
amis qu'avant, ah! elle est plus
isolée, que tout le monde ait en tête des outils pour être capables de
penser et de commencer à dépister avant que ça arrive trop tard, puis d'être capables de poser les bonnes questions,
et qu'il y ait une espèce de... un organisme
qui pourrait mettre tous ces outils-là... une espèce de banque
centralisée de ressources, de formations, d'ateliers qui soient disponibles
pour tout le monde et qui soient adaptés aussi aux régions parce que la réalité
de l'exploitation sexuelle à Montréal n'est pas la même que celle de Jonquière, ou que
celle de Val-d'Or, ou que celle de Sherbrooke, donc qu'il y ait une banque centralisée de
ressources, et à laquelle aussi les parents pourraient avoir accès puis
dire : Qu'est-ce qu'il y a dans mon
coin, à qui je peux parler? Sinon, on a l'impression qu'on est, tout le monde,
un peu en silo, à réinventer la roue.
Et ce maillage de ressources là est absolument fondamental... et que ce soit à
la fois intersectionnel... intersectoriel, pardon, mais aussi interrégional. Ça pourrait aussi aller jusqu'au
partage d'information. Et là il y aurait un travail à faire au niveau de la confidentialité et des normes de
confidentialité exigées par les ordres professionnels. Mais quelquefois on
réalise qu'on est trois différents... à parler des mêmes filles.
Et la piste suivante vient de m'échapper. Voilà.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Collègue de Bourget.
M. Campeau :
Merci pour vos présentations. La question... Encore une fois, Mme Matte,
c'est peut-être moi qui ne comprends
pas vite, là, mais, quand vous parlez de l'Islande et du Code du travail,
qu'est-ce qu'ils ont fait de merveilleux qu'on devrait copier? Ce n'est pas clair. Pourriez-vous donner des
exemples? Ça s'adresse à quels commerces? À tous les commerces, à spécialement... Je ne peux pas croire
que juste mettre quelque chose dans le Code du travail va tout régler.
Ils ont fait quelque chose de précis. Avez-vous des exemples pour préciser
votre idée là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Matte
(Diane) : Je donnais ça comme exemple pour montrer qu'ils ont fait un
exercice pour regarder comment on peut, comment on doit s'attaquer à cette
industrie-là, à cette réalité que la prostitution est considérée comme étant normale. Ils ont commencé par
criminaliser l'achat d'actes sexuels, le même modèle que la Suède, et la
Norvège, et la France, grosso modo. Mais ils sont allés une petite coche
plus loin parce qu'effectivement changer le Code du travail pour interdire aux
employeurs d'exploiter la sexualité de leurs employés, ça veut dire que tu ne
peux plus avoir, comme on a au Québec, des
restaurants avec danseuses «topless» ou avec des serveuses «topless». Tu ne
peux plus avoir de bar de danseuses
où tout le monde sait qu'il y a des actes sexuels tarifés qui sont là, qui sont
disponibles, et que personne n'a rien pour faire quoi que ce soit... plus de
salons de massage où on se cache derrière l'idée... Parce que, vous savez,
les salons de massage, on en avait identifié, en 2014, plus de 200 dans le
Grand Montréal. Ils se cachent, pour à peu près tous, derrière un permis qui s'appelle de soins personnels. Ça fait que
ce serait peut-être le fun qu'on revoie qu'est-ce que ça veut dire, des
soins personnels.
Et
donc, pour moi, c'est des outils qu'il faut se donner. Mais il faut aller au
coeur de la bête, si on peut dire, et donc de regarder comment et avec
quel outil légal on peut agir.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Vice-présidente et députée de
l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Tout d'abord, je dois dire que, lorsque vous avez parlé
des grands événements et de voir
comment on peut engager, dans le cahier de charges, une action qui serait reliée aux versements de la subvention,
je pense que c'est une idée qui peut percoler parce que... Ils le savent, les membres de la commission, j'en parle souvent.
Rapidement,
tout d'abord, sur la question de l'intelligence
artificielle, je pense que vous nous amenez sur une piste vraiment, vraiment importante parce qu'effectivement
on est capables de détecter par l'intelligence artificielle si la personne
qui lit un article a un implant dentaire. Ça
fait qu'on devrait être capables de détecter une couple d'affaires de ce
côté-là. Je trouve qu'on... Merci de nous amener cet aspect-là.
Sur
le client abuseur, il y a une loi... 2014, loi fédérale qui dit très clairement
que l'achat d'actes sexuels est interdit. Ce n'est pas appliqué. Donc, il y a des volontés qui ne sont pas là au
sein des forces qui devraient appliquer la loi fédérale. Et je voudrais savoir est-ce qu'on a, à Montréal,
un phénomène de tourisme sexuel dans le dossier de l'exploitation des mineurs.
Est-ce qu'on retrouve... Vous semblez... Vous avez parlé d'études qui existent.
Vous semblez avoir une connaissance
approfondie. Puis vous êtes probablement la première qui nous donne un peu
d'éléments là-dessus, un peu de jus,
je dirais, là, mais le tourisme sexuel à Montréal, c'est quoi, l'ampleur?
Est-ce que ça existe? Est-ce que c'est un aspect que nous devrions étudier
davantage?
Mme Sully
(Jennie-Laure) : C'est clair que le tourisme sexuel existe à Montréal
comme dans d'autres grandes villes.
C'est une réalité sur laquelle il ne faut pas fermer les yeux. Et, quand on
parle de tourisme sexuel, ça peut être des gens qui vont d'une ville à l'autre. Ça peut être des gens qui viennent
des autres provinces, des États-Unis. Donc, ce n'est pas nécessairement
hors de l'Amérique ou hors du pays. Donc, il faut comprendre que les clients
vont se déplacer pour trouver la nouveauté. Et donc je reviens encore à la
question des forums de clients. On apprend justement qu'ils sont constamment à la recherche de nouveauté, de filles
de plus en plus jeunes, et donc qu'effectivement le tourisme sexuel, c'est
une des manières dont ils vont chercher à acheter des actes sexuels.
Donc, la question
d'appliquer la loi qui existe est très importante. Et je pense aussi que la
question de la socialisation est importante.
Je pense que les garçons, les hommes ne naissent pas pour devenir clients
prostitueurs ou pour devenir proxénètes. Donc, il y a vraiment un
travail à faire au niveau de la socialisation des hommes et des garçons. On
parle beaucoup, beaucoup des filles, de l'éducation sexuelle qui doit être
faite, du consentement et de l'éducation à
l'égalité. Je pense qu'il faut aussi changer les mentalités au niveau de,
vraiment, cette idée que c'est normal d'acheter des actes sexuels. Il
faut qu'il y ait vraiment une campagne grand public et des campagnes de
prévention plus ciblées qui vont faire
comprendre qu'acheter des actes sexuels, c'est criminel. On a déjà eu ce genre
de campagne avec l'alcool au volant. Donc, il va falloir qu'au niveau de
la société ce message-là soit vraiment très clair et répandu.
Le Président (M. Lafrenière) :
Vous voulez rajouter quelque chose?
Mme Thivierge (Mélanie) : Oui. En fait, je voulais juste compléter ou
ajouter une idée. Je pense que, pour que ces messages-là soient entendus
et compris, ils doivent aussi cesser d'être portés seulement par des femmes, la
majorité, des intervenantes, qui défilent devant vous, comme si cette
question-là, parce que les victimes sont majoritairement des femmes, ce sont
des femmes qui s'en préoccupent. Moi, un de mes plus grands rêves, c'est qu'il
y ait vraiment des hommes alliés qui claironnent haut et fort que, dans notre
société, on ne veut pas de cette industrie-là et qu'on la condamne sans
équivoque. Et là le message va prendre de l'ampleur et va trouver un écho
beaucoup plus grand.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
• (11 h 40) •
M. Benjamin :
M. le Président. Donc, merci pour vos présentations. Ma question pour la CLES.
Sur l'amélioration de l'aide à apporter aux femmes, on a parlé... Tout à
l'heure, vous avez parlé des difficultés notamment au niveau du financement des
organismes. Mais il y a des groupes qui sont venus avant vous lors de ces
consultations qui nous ont parlé... même le
besoin dans... les besoins de reconstruction des femmes, qui nous ont même
parlé de maisons similaires qui
pourraient être créées... similaires aux maisons d'hébergement. J'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus,
sur l'aide à apporter aux femmes.
Mme Matte (Diane) : En fait, c'est un des aspects que, parce que je
parle trop, je n'ai pas eu le temps d'aborder, effectivement, parce que je pense que, même dans vos discussions,
vous avez sûrement abordé la question de la sortie durable
de la prostitution, parce que, comme je le
mentionnais, tout le monde reconnaît... Toutes les études, c'est vrai ici,
ailleurs dans le monde... Il est beaucoup plus facile d'entrer dans l'industrie
du sexe que d'en sortir, et sortir, c'est souvent des allers-retours à plusieurs
reprises, malheureusement, auxquels les femmes sont confrontées.
Et
c'est pour ça qu'un pays comme la France, par exemple, a innové dans
l'application de sa loi en instaurant un programme de soutien à la
sortie qui va directement aux femmes. Et j'insiste là-dessus parce que,
oui, les organismes ont besoin
de financement, mais les femmes qui veulent sortir de la prostitution ont
besoin de notre aide collective. Et on doit reconnaître que notre
permissivité, notre tolérance de l'intolérable, comme société, c'est des femmes
qui le vivent au quotidien, c'est des filles
qui le vivent au quotidien, et qu'on a donc une responsabilité collective à
les soutenir dans ce processus de sortie là. Ce que la France a fait,
c'est, effectivement, une indemnité que les femmes reçoivent, c'est un accompagnement.
Puis là c'est des organismes qui les accompagnent dans les processus qui leur
sont individuels à chacune. Pour certaines,
c'est des problèmes de santé physique, comme Jennie-Laure disait, d'autres,
c'est des problèmes de santé psychologique, c'est trouver un toit, trouver un
logement, trouver un emploi, retourner aux études, sortir de la toxicomanie. Tout est possible. Tout est dans la
réalité, malheureusement, avec laquelle les femmes ont à vivre une fois
qu'elles sortent de la prostitution.
Et
la question, effectivement, d'hébergement est cruciale. On sait qu'il y a déjà, malheureusement, un problème de surpopulation
dans les maisons d'hébergement pour femmes en difficulté ou femmes battues
au Québec. Et les femmes qui sont dans un processus de sortie de la prostitution, quelques-unes
ne veulent même pas aller dans une maison d'hébergement parce qu'elles
disent : Ce n'est pas mon chum, ça, je ne suis pas mariée avec lui, ou
d'autres ne veulent tout simplement pas passer par ce processus-là.
En
fait, la CLES travaille depuis quelques années à faire un projet d'hébergement, de maisons transitoires, en fait, avec des logements transitoires, avec soutien communautaire, où les femmes pourront, sur une
période de trois à cinq ans, parce
que c'est ça, le... en général. Évidemment, il y en a qui peuvent accomplir
plus vite ce qu'elles veulent, leur projet de vie, mais, pour d'autres,
ça peut prendre de trois à cinq ans d'avoir des lieux, effectivement, qu'elles
peuvent appeler chez elles. Et avoir un chez-soi
à soi, c'est très important pour se reconstruire puis pour se sentir en
sécurité, mais de le faire dans un
contexte où elles sont appuyées à la fois par l'État, dans une reconnaissance
de leurs besoins spécifiques, et à la fois dans l'accompagnement
sociocommunautaire, si on peut dire...
Mme Sully
(Jennie-Laure) : Je vais rajouter très rapidement qu'une des raisons
pour lesquelles les femmes retournent
souvent dans la prostitution, c'est le fait de ne pas avoir un hébergement, de
ne pas avoir un logement. Donc, c'est vraiment crucial de régler ça si
on veut une sortie durable.
Le Président
(M. Lafrenière) : Oui, très, très brièvement, poursuivre notre
sprint.
Mme Gélinas
(Isabelle) : Si l'exploitation sexuelle faisait partie de la liste des
actes criminels, les victimes seraient admissibles au fonds d'indemnisation
pour les victimes aux actes criminels. Et pourquoi ne pas créer un fonds spécial puisé à même les contraventions, les
amendes données aux clients abuseurs? Ces amendes devraient être majorées,
hein? Si on sait qu'un achat d'acte tarifé peut aller jusqu'à 250 $,
300 $, ce n'est pas une amende de 500 $ qui va faire une grosse différence. Puis il faudrait que
l'amende soit accompagnée d'une mesure dissuasive autre. Ce qui fait peur aux
gens de conduire en état d'alcool, c'est
d'avoir peur de perdre le permis de conduire plus que l'amende. Alors, je ne
sais pas, des retenues à la source,
la publication... une liste, un registre des clients abuseurs, mais il faut que
ça fasse quelque chose qui
fasse peur, pas juste payer des sous.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. C'est vraiment intéressant de vous
entendre parce que vous êtes sur des pistes d'action concrètes. C'est très
concret comme présentation. C'est intéressant.
Je
pense que c'est Mme Thivierge qui a parlé de Facebook Canada, qui est un
allié, en fait, de votre organisation au
niveau national. Puis, comme on sait
que, bon, le recrutement passe par là, les recherches de toutes sortes sur
le sujet, je voulais juste savoir quels genres de mesures est-ce qu'on pourrait
leur demander de déployer sur les réseaux sociaux. Est-ce que c'est dans la prévention, la sensibilisation ou d'aller
cibler dans les enquêtes? C'est quels genres de mesures que vous aviez
en tête?
Mme Thivierge
(Mélanie) : Il y a plusieurs possibilités. C'est nos collègues du YWCA
Canada, qui sont basés à Toronto, qui ont des
liens assez étroits avec Facebook Canada. Mais on peut penser à des mesures qui sont liées
au dépistage ou au repérage de certains mots-clés. On faisait le clin
d'oeil parallèle tout à l'heure avec l'industrie de l'intelligence artificielle. Facebook est une grosse, grosse
machine avec des moyens exorbitants.
Donc de déployer un certain nombre
de... une forme de surveillance en
lien avec le recrutement, avec le... pour dépister, mais aussi pour entendre
des messages d'aide, des S.O.S. qui
peuvent être lancés également par... Parce
que les adolescentes vont utiliser ces outils-là pour communiquer entre elles beaucoup plus que les textos et
vraiment beaucoup plus que le simple appel téléphonique, évidemment. Donc,
il y a beaucoup, beaucoup d'informations qui
transitent par ces plateformes-là, et ces géants-là ont les moyens d'identifier
ça et de lever des... d'allumer des lumières rouges, là, quand il y a quelque
chose qui se passe.
Mme Perry
Mélançon : ...certaines organisations. Puis est-ce que le gouvernement
devrait justement essayer de mieux coordonner ou d'être plus présent
dans ce type d'action?
Mme Thivierge
(Mélanie) : Il y a des
projets pilotes, en fait, qui ont existé. Il faut voir comment on peut rendre
ça plus durable puis ouvrir la conversation de façon plus, je dirais, forte
avec ces organisations-là.
Mme Perry Mélançon : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : ...sur Facebook.
Le Président (M. Lafrenière) :
C'était sur Facebook?
Mme Foster : Oui.
Le Président (M. Lafrenière) :
Bien, premièrement, je voulais vous dire merci pour vos présentations. Mais, avant de vous libérer, vous avez parlé, tout à
l'heure, de guide. De part et d'autre, je crois, les gens de la CLES, vous avez
parlé d'un guide qui a été produit. Nous, au
secrétariat, on aimerait bien avoir ces documents-là. C'est fort intéressant
pour la suite de nos travaux. Alors, merci beaucoup.
Je vais suspendre les travaux. De retour à
13 heures. Merci beaucoup de votre présentation.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprise à 13 heures)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle
des mineurs reprend ses travaux au Centre
Pierre-Charbonneau à Montréal. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques, et ça, ça vaut aussi pour les alarmes
incendie, on va les éteindre pour l'instant, s'il vous plaît.
Je souhaite la bienvenue, donc, aux
représentants de l'ordre des sexologues du Québec et de L'Anonyme. Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes
chacun pour votre exposé, et, par la suite, on aura une séance d'échange, je
dis plus d'échange que de questionnement,
avec les membres de la commission. Alors, merci beaucoup d'avoir accepté notre
invitation. Je vous laisse vous présenter et faire votre exposé à tour de rôle.
Merci.
Ordre
professionnel des sexologues du
Québec (OPSQ) et L'Anonyme UIM
Mme Heppell
(Joanie) : Merci. Bonjour à
tous et à toutes. Mon nom, c'est Joanie Hepell, je suis sexologue et présidente de l'Ordre professionnel des sexologues
du Québec. Je suis accompagnée d'Isabelle Beaulieu, qui est directrice
générale et sexologue également.
Nous sommes
privilégiées de contribuer aux réflexions sur l'exploitation sexuelle des
personnes mineures, et nous remercions
les membres de la commission spéciale de leur volonté de comprendre et d'agir
sur cette réalité préoccupante.
Il est rare
qu'une commission parlementaire interpelle aussi directement notre profession.
L'expertise des sexologues et leur
champ d'exercice sont au coeur du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Nous
avons suivi avec intérêt la commission tenue en novembre 2019. Parmi
l'éventail des actions possibles contribuant à la sécurité de nos enfants, il a
été question d'éducation à la sexualité et
de l'école comme milieu privilégié pour prévenir l'exploitation sexuelle des
mineurs. Nous avons spécifiquement
décidé de vous entretenir sur ce point. À titre d'ordre professionnel, la
qualité des services rendus est au coeur
de notre mission de protection du public. Nous aborderons donc les conditions
gagnantes pour une éducation à la sexualité
ainsi que l'importance de l'accès aux services sexologiques de qualité pour les
personnes touchées par l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme Beaulieu
(Isabelle) : Oui. Alors,
l'école québécoise offre de l'éducation à la sexualité depuis maintenant
plus de 40 ans, selon
différentes formules cependant. Le contexte social actuel la rend encore plus
nécessaire aujourd'hui que lorsqu'elle
a été introduite dans les écoles dans les années 80. Donc, avec l'arrivée
des nouvelles technologies de l'information et de la communication, nous faisons face à une facilitation de la
commercialisation de la sexualité par la même technologie qui permet aux jeunes de se divertir et d'être
entre eux. Ainsi, de jeunes adolescents, voire même des enfants découvrent
la sexualité en étant exposés à des images
sexuellement explicites, voire même pornographiques. Or, ils n'ont pas toujours
ni la maturité ni le recul nécessaire pour
en comprendre les enjeux, notamment ceux qui sont reliés aux stéréotypes et aux
inégalités de genres. Cela contribue, entre
autres, à la banalisation de la commercialisation de la sexualité et influence
la construction de leur identité ainsi que leur rapport au corps et à
l'intimité.
Comme l'adolescence est une période de développement
associée à la prise de risques et à l'exploration, un accompagnement est donc
nécessaire. Cependant, souvent, les adultes responsables d'intervenir, parents,
enseignants, sont en manque de connaissances quant à
l'usage des technologies, mais aussi en manque de repères face à la sexualité.
Le contexte est donc propice pour les recruteurs, proxénètes et
clients-abuseurs.
L'éducation à la
sexualité est donc un incontournable. Elle doit cependant être ajustée en
fonction du contexte social pour favoriser
un développement harmonieux chez les jeunes et réduire leur vulnérabilité face
à l'exploitation sexuelle.
Actuellement, les
écoles primaires et secondaires implantent 39 contenus obligatoires qui
s'appuient sur une vision globale et
positive de la sexualité, qui est ciblée en concordance avec le développement psychosexuel des enfants. Tous
ces contenus, même s'ils n'abordent pas directement l'exploitation sexuelle,
contribuent à sa prévention dans la mesure où ils sont tous couverts, dans toutes les années scolaires, du
préscolaire jusqu'en secondaire V. Cette progression est un gage de
succès, car elle répond, en temps et lieu, aux questionnements et aux
préoccupations des élèves.
Donc, concrètement,
ce que ça signifie, ça signifie que, tout au long du primaire, les enfants vont
acquérir des connaissances et développer des
aptitudes sur des sujets tels que la connaissance, l'appréciation et le respect
de leur corps et du corps des autres, la conscience que la sexualité
humaine comporte différentes facettes, la reconnaissance et la communication de
leurs émotions, la lutte aux stéréotypes sexuels et la promotion des rapports
égalitaires, pour ne nommer que ceux-là. Il
s'agit là d'une fondation essentielle pour aborder des sujets plus difficiles tels que la prévention
des agressions sexuelles ou des
violences sexuelles en cinquième année du primaire, par exemple. Celle-ci permet de reconnaître notamment des situations à risque d'exploitation sexuelle dans
l'univers virtuel, car l'école québécoise s'est adaptée au contexte,
afin de développer des capacités à appliquer les règles de sécurité dans des
contextes à risque.
Il en est de même
pour les élèves du secondaire. Pour pouvoir aborder la prévention des violences
sexuelles, notamment en secondaire II et en secondaire III, il est
d'abord nécessaire de parler de sujets tels que la vie affective et amoureuse en discutant des relations amoureuses
qui sont saines, l'agir sexuel, notamment en les adaptant aux nouvelles
réalités sociosexuelles comme le sextage, l'influence et l'analyse critique de
l'exposition à du matériel sexuellement explicite,
le consentement — il
revient — le
rapport à l'intimité affective et l'intimité sexuelle, ainsi que la santé
sexuelle.
Notre mémoire propose
des suggestions d'approfondissement et d'amélioration des contenus dispensés
dans les thèmes actuels, et ce, à partir de
la troisième année du primaire. Par exemple, nous suggérons l'ajout de contenu,
dans ce cas-ci pour le secondaire, d'aborder concrètement les
manifestations de contrôle et de violence qui sont spécifiques à l'exploitation
sexuelle, mais dans des contextes de fréquentation amoureuse, les obstacles à
la reconnaissance et à la demande d'aide lorsqu'on vit une situation d'exploitation
sexuelle, et également l'importance de bien saisir ce que représente le respect
de son intimité et celle des autres dans le cadre des relations amoureuses.
Il
est important de souligner que ces suggestions d'ajout ne s'intègrent pas
nécessairement dans les volets abordant la violence sexuelle, mais dans des contenus qui sont positifs et qui
favorisent l'esprit critique. Selon nous, et les études le démontrent, il s'agit là d'un facteur de
protection important contre l'exploitation sexuelle puisque les jeunes ont un
meilleur entraînement à la vie affective et une réflexion juste sur la
sexualité humaine. Par ailleurs, il est important que ces éléments spécifiques fassent l'objet d'une
information qui est juste, neutre et exempte de sensationnalisme et d'alarmisme
de la part des intervenants si on veut être capable de rejoindre nos jeunes.
L'éducation
à la sexualité en milieu scolaire cible tous les jeunes dans leur ensemble.
Nous souhaitons vous entretenir d'un fait que nous trouvons primordial,
c'est-à-dire, nous souhaitons que les jeunes qui sont actuellement desservis par les centres jeunesse puissent bénéficier d'une
éducation à la sexualité étant donné qu'ils présentent certains facteurs de
risque qui peuvent les rendre plus
vulnérables à l'exploitation sexuelle ou encore au fait d'y contribuer par le
recrutement ou le proxénétisme. À
l'heure actuelle, de bons programmes d'éducation à la sexualité existent, et
ça, pour les enfants, là, dès six ans jusqu'à 17 ans, mais ils sont
dispensés à géométrie variable, voire même ils ne sont pas dispensés du tout dans certains cas. Ceux-ci devraient l'être
systématiquement. Ces programmes s'inscrivent d'ailleurs en complémentarité
aux interventions plus spécifiques et des programmes particuliers portant sur
l'exploitation sexuelle.
Pour
avoir une éducation à la sexualité de qualité, cela requiert qu'on se donne les
moyens de le faire. Donc, on doit
mettre en place des conditions gagnantes, tant au milieu scolaire qu'en centre
jeunesse. Parmi ces conditions gagnantes, nous avons la formation du
personnel scolaire et des éducateurs pour démystifier certaines craintes,
notamment celles reliées à l'agression
sexuelle. L'évaluation des projets pilotes en éducation à la sexualité a
démontré que le thème des agressions sexuelles
était un thème délicat qui suscitait beaucoup de crainte chez les enseignants,
et, pour améliorer leurs compétences professionnelles... donc, la
mobilisation des parents pour les rassurer par des démarches d'information, les
outiller et leur donner leur juste place, il
faut s'assurer également que les contenus prescrits sont bel et bien implantés
tel qu'on l'a prévu, et la
collaboration, finalement, avec les partenaires du milieu pour développer des
offres de service qui s'inscrivent en
cohérence avec les interventions déjà faites. Et, à cet effet, l'offre de
service spécialisée de nos partenaires communautaires est à souligner.
• (13 h 10) •
Afin d'implanter ces
quatre leviers d'intervention, la nomination d'un porteur de dossier, dans les
commissions scolaires, entre autres, ou
encore dans les centres jeunesse, est identifiée comme un gage de succès. Donc, à ce titre, les sexologues qui oeuvrent en commission scolaire, principalement, comme porteurs de dossier représentent un atout unique.
Il ne s'agit pas ici de donner le mandat aux
seuls sexologues — nous
ne serions pas suffisamment nombreux — mais de miser sur son expertise pour collaborer avec l'équipe-école ou encore en
interdisciplinarité avec les intervenants des milieux.
Alors, pour nous, la
prévention de l'exploitation sexuelle par l'éducation à la sexualité, c'est
l'affaire de tous. Un changement de culture
important doit s'effectuer dans les consciences à la fois individuelles et
collectives. Les projets en milieu
scolaire en sont un bel exemple. Alors, nous souhaitons que tous et toutes se
sentent interpelés par le fait que des actions
concrètes doivent être prises pour sensibiliser, informer et rendre clair qu'il
est intolérable d'exploiter sexuellement les mineurs, et cela passe par une éducation à la sexualité positive et
globale. À cette fin, écoles, parents, réseau de santé et services sociaux, chercheurs et réseau
communautaire doivent collaborer afin de lutter réellement contre
l'exploitation sexuelle de nos jeunes.
Mme Heppell
(Joanie) : On veut aussi rappeler, concernant les conséquences de
l'exploitation sexuelle, vous en avez entendu un peu parler, mais je pense que
ça vaut la peine d'en reparler un petit peu, les conséquences peuvent survenir
dès le début du vécu d'exploitation et perdurer à l'âge adulte. Elles peuvent
être plus ou moins intenses ou encore être
réactivées à certains moments de différentes étapes de la vie de la personne,
lors d'une grossesse ou d'une relation amoureuse,
un début de relation amoureuse, par exemple. La grande souffrance pouvant
découler du vécu de l'exploitation sexuelle
sur le plan de la santé mentale, on sait à quel point ça peut être grand, donc
la perte de sentiment de valeur personnelle, d'estime de soi, la dépression ou
l'anxiété, les traumas complexes, le trouble de stress post-traumatique, qui
nécessitent des interventions spécialisées.
Donc, les
caractéristiques des relations interpersonnelles entourant l'exploitation
sexuelle telles que la manipulation, la
coercition, la violence, la domination peuvent laisser des marques vraiment
profondes dans les habiletés sociales des victimes, dans leur capacité à
faire confiance. Cette méfiance peut amener un isolement social ou encore
brouiller la capacité à reconnaître les intentions des autres. Dans ce
contexte, les difficultés relationnelles peuvent devenir vraiment nombreuses.
La
victimisation peut également engendrer des difficultés avec l'intimité
affective et sexuelle. C'est notre champ d'exercice, donc je vais vous
en parler un peu. On en entend moins souvent parler, comme si c'était un peu
moins prioritaire, mais je veux quand même attirer votre attention là-dessus.
Parmi ces difficultés-là, il y a le développement possible, à l'âge adulte, de divers troubles sexuels, dont les troubles
du désir, troubles de l'excitation, voire de l'aversion sexuelle. Ces troubles ont des impacts majeurs sur
les relations amoureuses et affectives de ces personnes-là. On peut penser
notamment au phénomène de désensibilisation corporelle. Donc, il s'agit d'un
état d'évitement physiologique de la douleur
ou du plaisir qui est en lien avec l'ensemble des traumas vécus. Cet état peut
avoir un impact sur la capacité des personnes à réellement consentir aux
activités sexuelles par la suite.
Par les
actions malveillantes de clients abuseurs et de proxénètes, plusieurs de ces
personnes se sentent pour ainsi dire
dépossédées de leur capacité d'exprimer une quelconque agentivité sexuelle.
L'agentivité sexuelle, c'est cette capacité d'agir pour sa propre sexualité, de faire ses propres choix sur le plan
sexuel, et ça, c'est un facteur de protection majeur contre les
violences sexuelles de tout genre.
Il est important de prendre en compte deux
aspects pour une offre de services adaptée, donc, la personne peut avoir des
besoins, de soutien et thérapeutique, pendant ou directement après le vécu
d'exploitation, mais elle peut aussi avoir besoin de ces services sur une
longue période après le vécu. Je pense que c'est important de le mentionner.
Sans services visant la prise en charge de
ces conséquences et de la profonde détresse qui peut y être associée, il est
illusoire de penser que ces
conséquences pourraient se résorber d'elles-mêmes. Au contraire, les personnes
ayant un vécu l'exploitation sexuelle peuvent avoir recours à différentes
stratégies d'adaptation plus ou moins saines pour tenter de surmonter
leur souffrance, amenant parfois à un aggravement de leur situation de vie.
Elles peuvent alors se retrouver dans un état de vulnérabilité plus grand et
demeurer à risque de revictimisation de toute sorte.
Donc, au moment où on se parle, il y a des
mineurs qui subissent différents traumas et plusieurs d'entre eux essaient de survivre aux conséquences laissées par
les personnes qui les ont exploités. Il va sans dire que la première étape
dans l'aide à leur apporter est de rétablir
une sécurité physique et psychologique. Les besoins de services sont très
grands. On peut penser aux besoins de ceux qui recrutent... les besoins
sont grands pour les personnes mineures victimes et leurs familles, mais on peut aussi penser aux besoins de ceux qui
recrutent ou des clients abuseurs, qu'ils soient judiciarisés ou non. En termes d'évaluation ou de traitement,
les interventions sexologiques visent entre autres à faire prendre conscience
de la gravité de leurs gestes et à
développer leur empathie. On peut aussi intervenir pour diminuer la tolérance à
l'exploitation sexuelle, la tolérance aux violences sexuelles et à la violence
conjugale afin de réduire le risque de récidive. En ce moment, l'accessibilité aux services de sexothérapie et de
psychothérapie à moyen, voire long terme pour toutes ces clientèles qui
permettraient d'être soutenues et accompagnées dans leur établissement
est loin d'être suffisante.
À cet effet,
l'offre de services sexologiques d'évaluation et de psychothérapie du réseau de
la santé et services sociaux devrait
être bonifiée afin de répondre aux besoins multiples et variés des victimes
d'exploitation sexuelle. Pour être efficaces et pour être effectuées au bon moment, en ciblant le bon besoin, les
interventions des professionnels doivent être de qualité et suivre les
données probantes.
Les
clientèles sont multiples et se distinguent par leur unicité. Il est donc
primordial d'identifier les caractéristiques qui leur sont propres pour
dégager les besoins sexologiques précis et adapter les interventions. À cet
effet, une attention particulière doit être
apportée aux réalités spécifiques des filles, des garçons, des jeunes des
diversités sexuelles et de genres, des
jeunes des Premières Nations et des communautés culturelles. Les données
probantes démontrent que certaines pratiques professionnelles sont
facilitantes auprès de certaines clientèles vulnérables. Par exemple, effectuer
systématiquement une évaluation initiale
rigoureuse, entre autres, sur le plan sexologique, donc développement sexuel,
comportement sexuel et trouble sexuel, intégrer une approche tenant compte des
traumas et de la violence, intégrer les approches anti-oppressives et
privilégier une perspective de réduction des méfaits, plutôt que des
interventions coercitives.
Afin d'assurer la qualité des services, il est
également nécessaire que les professionnels et les intervenants des milieux soient à jour dans les meilleures pratiques
auprès de toutes les clientèles. Suivre de la formation continue, faire de
la supervision clinique permettrait aussi de
maintenir et de développer les compétences pour recevoir adéquatement les
personnes victimes d'exploitation ainsi que
leurs parents. L'expertise d'une diversité de professionnels est requise pour
répondre, de façon optimale, aux besoins. À
cet effet, le travail en collaboration entre les professionnels est nécessaire,
qu'il provienne du communautaire, de la santé, des services sociaux ou
du privé.
Ultimement,
c'est par l'éducation à la sexualité en amont et par l'accessibilité aux divers
services, dont les services sexologiques
et psychothérapeutiques en aval, que la société québécoise peut agir
concrètement pour diminuer l'exploitation sexuelle des mineurs. Je vous
remercie.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. J'invite ensuite les représentants de L'Anonyme à se présenter
et à faire leur exposé, pour une période de 15 minutes. Merci d'être avec
nous.
Mme Boivin
(Sylvie) : Alors, je me
présente. Mon nom est Sylvie Boivin. Je suis directrice générale de
L'Anonyme et je suis accompagnée, cet
après-midi, de ma collègue Shanda Jolette, sexologue et
coordonnatrice du programme d'éducation à la sexualité à L'Anonyme.
Nous
tenons, premièrement, à vous remercier pour l'occasion
que vous nous accordez de venir vous rencontrer pour discuter de l'exploitation sexuelle des
mineurs. Le travail de cette commission nous apparaît essentiel, et nous espérons que
les recommandations qui en émergeront pourront permettre d'y mettre
fin ou, du moins, d'en réduire la portée. Vous souhaitiez nous entendre, cet après-midi, sur trois questions
principalement, quels sont les contenus à privilégier, tant pour
les jeunes susceptibles de devenir
victimes, que pour ceux qui pourraient être tentés par le proxénétisme, qui
devraient donner les cours d'éducation à la sexualité dans les écoles,
et comment pouvons-nous améliorer la prévention et l'éducation à la sexualité dans un objectif de lutte à l'exploitation sexuelle des personnes mineures. Bien que nous voulions
traiter ces questions séparément, il est évident que nos réponses aux
deux premières questions contribueront de répondre à la troisième.
Avant tout, je
souhaiterais vous présenter rapidement notre organisme. Notre organisme oeuvre
sur le territoire depuis 1989 et a, comme
mandat, de faire la promotion des comportements sécuritaires et des relations
égalitaires, ainsi que la prévention
de la transmission des infections
transmissibles sexuellement et par le sang. Notre démarche est basée sur une approche humaniste, empreinte d'écoute
active, et mise sur le respect du rythme des personnes rencontrées. Nous
adhérons à la philosophie de réduction des méfaits qui a pour objectif de
réduire les dommages et les conséquences reliées à l'adoption de certains comportements par des individus. Nous optons
également pour une approche de proximité, que ce soit à bord de nos deux unités
mobiles ou lors des activités du programme d'éducation à la sexualité. Nous
nous rendrons directement dans les
milieux de vie et de socialisation des jeunes. L'Anonyme compte quatre
programmes, dont les efforts concertés
visent à améliorer la santé et la sécurité de notre communauté, mais nous en
aborderons seulement deux aujourd'hui.
Dans
le cadre de notre programme d'intervention de proximité, l'équipe de
L'Anonyme sillonne la ville de
Montréal à bord de deux unités
mobiles. Quatre soirs par semaine, nos intervenants, à bord de l'autobus, vont
à la rencontre des jeunes de
14 ans et plus pour faire de l'éducation à la sexualité et distribuer du matériel de
protection. Depuis 2006, le programme
d'éducation à la sexualité réunit une équipe de professionnels formés en
sexologie qui conçoit et anime des activités de prévention et d'éducation afin de promouvoir la santé sexuelle, l'adoption
de comportements sécuritaires et le développement
d'un esprit critique favorisant des relations égalitaires et consensuelles.
L'équipe
déploie 10 projets, dont cinq s'intéressent principalement à la prévention
de l'exploitation sexuelle. Nos interventions s'adressent à une panoplie
de populations, allant des enfants aux personnes âgées, dans les milieux communautaires, scolaires et institutionnels de
l'île de Montréal. En 2018‑2019, l'équipe s'est déplacée dans 71 milieux,
a animé 337 ateliers en plus d'offrir
du soutien aux écoles de Montréal dans le retour de l'éducation à la sexualité
en classe. Au total, ils ont rencontré un peu plus de
3 500 personnes.
Je vais maintenant
laisser la parole à ma collègue.
• (13 h 20) •
Mme Jolette (Shanda) : Vous nous avez demandé de nous pencher sur les
contenus à privilégier pour sensibiliser les jeunes susceptibles de devenir victimes et ceux qui pourraient être
tentés par le proxénétisme. À L'Anonyme, nous considérons que la prévention de
l'exploitation sexuelle passe par une éducation à la sexualité de qualité dès
le plus jeune âge. Les études démontrent qu'il est primordial de commencer à
l'enseigner avant que les stéréotypes ne s'ancrent et teintent les attitudes et les comportements des individus.
C'est pourquoi nos premiers ateliers s'adressent à des jeunes de quatre à
six ans, soit bien avant qu'ils deviennent victimes, proxénètes ou clients
abuseurs.
Évidemment,
il ne s'agit pas de confronter les tout-petits directement au phénomène de
l'exploitation sexuelle mais de
favoriser des apprentissages et des réflexions visant l'adoption de
comportements égalitaires, respectueux et consensuels. Ces réflexions se veulent une amorce à la lutte contre
les violences sexuelles. Plus les jeunes auront accès à de l'information
juste, plus ils seront en mesure de faire des choix éclairés et de questionner
les risques encourus en vieillissant.
Pour
notre équipe, la prévention de l'exploitation s'inscrit dans un continuum
d'activités d'éducation à la sexualité allant
du préscolaire jusqu'à l'âge adulte. Nous privilégions une approche globale,
positive et inclusive de la sexualité. Cette approche permet d'éviter
les préjugés et de considérer la sexualité comme une partie intégrante du
développement personnel et social de l'être
humain. En misant sur les bienfaits d'une pratique sécuritaire et consensuelle
de la sexualité, en mettant l'emphase
sur les attitudes à valoriser en contexte d'intimité et en stimulant la
discussion avec les jeunes, nous nous assurons qu'ils aient accès à une
information de qualité répondant à leurs besoins.
L'attitude de
l'éducateur ou l'éducatrice aura aussi un impact majeur sur l'intérêt des
jeunes et sur la rétention d'information.
Cette personne doit faire preuve d'aisance, de souplesse et d'ouverture
lorsqu'elle aborde ces contenus. Elle doit
adopter un discours empreint de respect, d'égalité et de justice. La référence
à ces valeurs agit à titre de levier pour défaire les fausses croyances
qui peuvent teinter les comportements des jeunes.
Finalement,
cinq thématiques devraient être abordées à travers le parcours scolaire des
jeunes pour favoriser la prévention de l'exploitation sexuelle.
Premièrement,
une réflexion sur les stéréotypes de genre permet aux élèves de remettre en
question certaines de leurs valeurs,
de leurs perceptions et de leurs attitudes à l'égard des caractéristiques qui
sont attendues chez les hommes et chez les femmes.
Deuxièmement, la masculinité
toxique doit être abordée pour souligner son impact sur les perceptions et les comportements des jeunes hommes souvent associés à
l'exploitation sexuelle. La prévention ne saurait reposer uniquement sur l'éducation... voyons, pardon, l'éducation des
jeunes femmes. Il appartient aussi aux garçons de définir leur sexualité
dans le respect de l'autre.
Troisièmement, le thème
des relations égalitaires permet quant à lui d'aborder de façon positive
l'intimité, la mutualité et la réciprocité
dans les relations interpersonnelles. Elle permet de mettre l'emphase sur
l'importance de l'affirmation des
valeurs personnelles pour se protéger des relations abusives ou basées sur les
rapports de force ou de violence.
Quatrièmement,
la notion de consentement sexuel volontaire, libre, éclairé, enthousiaste doit
être inculquée aux jeunes pour leur
permettre d'affirmer leurs propres limites et de respecter celles de leur
partenaire, que ce soit en contexte de relation amoureuse, intime ou en
contexte de séduction également.
Cinquièmement,
il faut attaquer de front la question de l'exploitation sexuelle afin
d'expliquer que ce n'est ni un choix
ni une décision des victimes. Il est aussi important que les participantes
comprennent les techniques de recrutement utilisées, reconnaissent le
cycle du recrutement et ses différentes étapes et discutent des pistes de
solution qui s'offrent à elles pour sortir d'une situation d'exploitation ou
encore pour aider une personne à risque dans leur entourage.
Malheureusement,
la prévention de l'exploitation des mineurs ne fait pas partie des
apprentissages obligatoires qui ont
été retenus par le ministère de l'Éducation dans le cadre du retour de
l'éducation à la sexualité dans les écoles. Nous pensons qu'il serait
important de bonifier le cursus pour favoriser la lutte à l'exploitation
sexuelle.
La commission
nous a aussi demandé de nous positionner à savoir qui devrait donner les cours
d'éducation à la sexualité dans les
écoles, et cette question nous apparaît extrêmement importante. La qualité de
l'éducation à la sexualité dispensée ne saurait se limiter à une froide
analyse des approches et des thématiques. La façon dont nous abordons ces questions avec les jeunes est tout aussi
importante. Il est reconnu que l'attitude des éducateurs et des éducatrices a
un impact sur l'intérêt et la
motivation des jeunes aux activités proposées et sur l'établissement d'un
espace qui leur permet de se sentir en sécurité et à l'aise de
s'exprimer.
Selon nous,
l'éducation à la sexualité devrait être faite par des professionnels qui sont
qualifiés, qui sont intéressés, qui
démontrent de l'aisance, de la souplesse et de l'ouverture. C'est pourquoi
L'Anonyme recommande de privilégier le recours
à des personnes détenant une formation en sexologie pour offrir ces contenus.
La décision actuelle du ministère de l'Éducation
de recourir au personnel enseignant pour dispenser les apprentissages
obligatoires soulève plusieurs enjeux. Les
contenus sur les violences sexuelles, et plus précisément, ceux sur l'exploitation
sexuelle, demandent des connaissances et
des compétences spécifiques. L'accompagnement et le soutien de conseillers pédagogiques
embauchés par les commissions scolaires, jumelés aux connaissances en
pédagogie des enseignants, nous semblent insuffisants pour qu'ils traitent de thématiques sensibles, telles que l'exploitation
sexuelle. Les professionnels formés en sexologie reçoivent une formation minimale
de trois ans avant d'aborder ces questions.
Il est
primordial que les personnes qui présentent les contenus démontrent une grande
aisance, une ouverture et une sensibilité pour éviter la banalisation du
phénomène et la stigmatisation des jeunes à risque, pour aussi reconnaître les signaux associés à des situations d'exploitation
et pour accueillir adéquatement les dévoilements s'ils se présentent. Le succès
de la démarche et la rétention des informations par les jeunes en dépendent.
Finalement,
le lien d'autorité qu'entretiennent les enseignants avec leurs élèves nuit à
l'enseignement des contenus. La
sexualité étant un sujet tabou pour plusieurs, il peut être difficile pour une
jeune de se confier à une enseignante qu'elle fréquente quotidiennement
dans le cadre d'autres matières. La peur de voir cette confidence nuire à ses
notes ou être ébruitée à d'autres
enseignants ou encore à d'autres élèves suffira à en décourager plusieurs.
Plusieurs d'entre elles ont le
sentiment que les choses ne pourront qu'empirer si l'école est au courant. En
parler avec une ressource externe augmente le niveau de confiance et permet souvent des échanges plus fructueux.
Les enseignants et le personnel scolaire en général ont tout de même un rôle actif à jouer, mais nous
pensons que ce... on ne pense pas que ce soit nécessairement l'enseignement
de ces contenus spécifiques. Nous pensons
qu'ils devraient établir une collaboration étroite, soutenue et concertée avec
les acteurs en prévention des
violences sexuelles. Nous recommandons d'ailleurs de poursuivre la
sensibilisation du personnel scolaire afin de faciliter la compréhension
du phénomène de l'exploitation sexuelle et en faire des alliés.
Mme Boivin
(Sylvie) : Les éléments mentionnés par ma collègue constituent des
pistes de réflexion importantes pour
améliorer l'éducation à la sexualité et la prévention de l'exploitation
sexuelle des mineurs. Il nous apparaît tout aussi important d'aborder
les changements qui doivent être apportés pour permettre une meilleure
collaboration entre les différents acteurs pour améliorer le financement et
pour réduire la charge administrative des projets, au communautaire
particulièrement. Nous pensons qu'une meilleure collaboration entre les acteurs
concernés par la lutte à l'exploitation sexuelle des mineurs est souhaitable.
Pour
atteindre cet objectif, il faudra réduire le fossé qui existe entre le milieu
communautaire, le milieu institutionnel et les écoles en améliorant le partage d'informations et en encourageant
les échanges sur leur pratique. Plusieurs projets issus du milieu communautaire mériteraient d'être connus
dans les milieux scolaires. Les écoles devraient avoir accès facilement aux initiatives de prévention de l'exploitation
sexuelle des mineurs développées par les acteurs communautaires et
institutionnels de leur région.
Nous recommandons donc la création d'un bottin
des organismes offrant des ateliers d'éducation à la sexualité pour chaque région du Québec. Cela simplifierait
la recherche du personnel scolaire et permettrait une meilleure diffusion
de l'information. De plus, cela rassurerait
les milieux scolaires quant à la qualité du contenu dispensé par ces ressources
qui leur sont parfois inconnues.
Nous croyons que la mise en place de canaux de
communications efficaces entre les différents acteurs pourrait favoriser le développement d'actions concertées
auprès des jeunes. Il faut encourager le milieu institutionnel à investir les
espaces de concertation qui existent déjà afin de participer à la réflexion
collective au sujet des violences sexuelles, et plus spécifiquement de
l'exploitation sexuelle des mineurs.
Nous
proposons aussi de simplifier les processus de reddition de comptes des projets
en éducation à la sexualité. Il s'avère
être une charge très lourde pour nos équipes. Certains ministères vont jusqu'à
imposer trois exercices de reddition de comptes par année pour un seul projet. Après
tout, l'alourdissement des tâches administratives se fait au détriment du
travail terrain car nos ressources humaines sont limitées. Il nous apparaît
donc primordial de les alléger au maximum.
Nous
voulons aussi profiter de notre présence aujourd'hui pour parler du financement
des initiatives en prévention de
l'exploitation sexuelle des mineurs qui s'inscrivent dans une démarche
d'éducation à la sexualité. Nous sommes d'avis qu'il est indispensable
de rehausser le financement prévu par le ministère de l'Éducation pour
l'éducation à la sexualité. Actuellement,
selon les données qui ont été diffusées dans les médias, le ministère prévoit
un budget de 4,73 $ par élève. En
augmentant ce financement, les institutions scolaires auraient une plus grande
latitude pour faire appel à des ressources externes formées en sexologie. Les sommes injectées permettraient aussi
aux organismes communautaires de pérenniser certains projets qui sont en
demandes une fois arrivés au bout de leur période de financement.
• (13 h 30) •
Nous
recommandons de bonifier le
financement des organismes oeuvrant en prévention de l'exploitation sexuelle
pour qu'ils puissent pérenniser les programmes qui se démarquent. Nous sommes
d'avis qu'il faut réévaluer et bonifier le financement dit «par
projets». Actuellement, ce type de financement s'étale généralement sur une
période d'un an à trois ans. Cette période est trop courte pour trouver de
nouvelles sources de financement et de revenus pour pérenniser ces projets
avant la fin des ententes. Cela limite aussi notre capacité à atteindre le
plein potentiel de nos projets. Entre l'embauche,
le développement des ateliers, la promotion du projet et la reddition de
compte, il nous reste peu de temps pour aller à la rencontre des jeunes.
Puisque ces
financements s'adressent à des projets novateurs, il est pratiquement
impossible de les refaire financer sous la
même forme, lorsqu'ils se terminent, même s'ils ont démontré leur efficacité.
Nous devons donc constamment redéfinir
nos projets, ce qui fait perdre un temps précieux à notre équipe. Cette réalité
mine aussi notre capacité à développer des
partenariats à long terme avec les milieux qui collaborent avec nous. Cela
complique aussi, évidemment, vous saurez me le dire aussi, la rétention
de notre personnel au sein de notre organisation.
Je vous donne un
exemple très concret : le projet À'Corps, qui s'adresse à une population
ayant une déficience intellectuelle légère à
modérée, a été financé sous le nom, à l'époque, de Focus. C'est un programme
qui est destiné à une population,
adapté pour cette population-là, donc, qui traite avec des nouveaux médias, des
nouveaux médiums aussi, des outils
didactiques adaptés pour les personnes qui ont des difficultés de vocabulaire,
de langage et d'écriture. Alors, on a vraiment créé un contenu et une
approche pour traiter de l'exploitation sexuelle avec les jeunes du projet
À'Corps. Et ce projet-là est d'une durée
d'une année seulement. Alors, entre l'embauche, la formation, le déploiement,
l'animation et la reddition de
compte, vous comprendrez que le projet est venu à sa fin et que
malheureusement, s'il n'est pas reconduit, tous les groupes avec qui on aura travaillé en année un ne pourront pas
se poursuivre pour l'année deux. Je voulais vous faire un petit exemple
concret; on pourra en rejaser plus précisément tantôt dans la période de
questions.
C'est pourquoi nous
recommandons, donc, d'allonger les périodes de financement des projets à minimalement
cinq ans pour s'assurer de la bonne démarche et de la viabilité de ce type de
projet là.
Finalement, ce
financement par projet varie aussi en fonction des changements de priorité des
gouvernements. Évidemment, ça n'a pas été
toujours le cas. Ça fait 10 ans que je suis à L'Anonyme, et ça fait
environ trois ans qu'on parle plus précisément d'exploitation sexuelle.
On souhaiterait vraiment que ça demeure une priorité, l'exploitation sexuelle,
même si ça s'améliore, parce qu'on ne sait jamais ce qui va se produire par la
suite.
C'est pourquoi nous
vous recommandons de faire officiellement... nous recommandons de faire
officiellement de la prévention de l'exploitation sexuelle des mineurs une
priorité nationale. Merci pour votre écoute.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour vos présentations. Ça met fin
aux périodes de vos deux présentations. On va passer à une période
d'échange avec les membres de la commission.
Je vais me permettre
un commentaire éditorial de 30 secondes. Vous nous avez dit de travailler
ensemble, de ne pas travailler en silo, et,
mesdames, excusez-moi, l'image que vous nous avez envoyée aujourd'hui, c'était
incroyable de vous voir parler,
d'échanger, le respect. Ce que vous avez montré, de part et d'autre de votre
échange, c'était incroyable. Excusez, je le voyais bien à l'avant, là.
Je ne pourrais passer ça sous le silence, je trouvais ça très joli.
Une voix :
...
Le Président
(M. Lafrenière) : Mais ça ne paraît presque pas. C'était très
beau. Bravo!
On
a encore une fois un nombre record de questions en peu de temps. On va tenter
d'aller en rafale, comme... c'est un
animateur de radio dans le coin qui dit ça. Mais on va commencer avec la
députée de Lotbinière-Frontenac. Une question chaque, s'il vous plaît.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Oui. Donc, heureusement, ma première question
a été déjà répondue, sauf que, pendant votre
présentation — je parle pour L'Anonyme — vous avez parlé de reddition de compte. Je
ne sais pas si j'ai compris, là, mais
moi, j'avais compris que, durant les cours d'éducation sexuelle, l'éducateur
doit faire une reddition de compte?
Mme Boivin
(Sylvie) : En fait, la reddition de compte, elle appartient à
l'organisation qui reçoit le financement pour l'activité en soi. Donc, je vous ai donné l'exemple d'À'Corps,
et je vais poursuivre sur À'Corps, qui est notre projet en déficience intellectuelle. Ça pourrait être... Excusez
pour... Je parle beaucoup avec mes mains. Ça pourrait être pour n'importe
quel autre projet.
Moi, j'ai
26 bailleurs de fonds. Alors, dans ce contexte-là, admettons, pour le
projet À'Corps, on va faire un dépôt de
projet; à la mi-étape, on va faire un projet, d'où on en est rendus dans le
processus. Mais la reddition de compte, ça veut dire un volet qualitatif et quantitatif, donc tant
au niveau des avancées, du nombre de personnes qu'on a rencontrées, des contenus qu'on a déployés, des forces, des limites
du projet. Ça, c'est dans, mettons, mi-année. À la fin de l'année, qui est
un... quelques mois plus tard, là, environ quatre, cinq mois plus tard,
on doit refaire un bilan final incluant l'ensemble des statistiques, des bilans
financiers. Puis on parle ici d'un projet d'environ 70 000 $,
75 000 $.
Alors,
c'est beaucoup de travail rédactionnel avec lequel on est très... On est très à
l'aise de faire de la reddition de compte.
C'est normal, ça prouve, oui ou non, si les projets fonctionnent, et on est de
cet avis-là. Toutefois, on pense que parfois,
la rigueur cléricale, administrative que ça prend nous enlève du boulot. Ayant
des ressources limitées au communautaire,
c'est les intervenants qui font aussi le terrain, qui assurent une bonne partie
de cette reddition de comptes là. Ça fait plaisir.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci,
M. le Président. Donc, je vais
commencer par remercier L'Anonyme, donc, un organisme que nous connaissons très bien
dans ma circonscription, la circonscription de Viau. Merci pour votre présence auprès de nos
jeunes dans Saint-Michel.
Ma
question s'adresse aux gens de l'ordre, concernant la recommandation 3, donc. Et je m'aperçois que vous êtes 775 sexologues membres de l'ordre. Je me
demande, en termes d'applicabilité, donc, de cette recommandation-là, comment vous voyez l'organisation, l'arrimage de tout ça? Est-ce qu'il y a assez de sexologues
pour l'ensemble des établissements? Comment vous voyez tout ça?
Mme Beaulieu (Isabelle) : ...oui, nous, on a été assez conservateurs parce qu'ultimement on aurait souhaité que les sexologues dispensent eux-mêmes les contenus
en éducation à la sexualité. Mais là, effectivement, on aurait été en manque
d'effectifs.
Donc,
le fait d'avoir un porteur de dossiers dans chacune des commissions scolaires,
c'est réaliste de le penser... et qui vient en soutien aux enseignants,
aux éducateurs, à toute l'équipe-école pour faire du projet de l'éducation à la
sexualité un travail qui est collectif.
Donc, oui, on pense que c'est réaliste. Et actuellement il y a l'UQAM qui fait
en sorte qu'on... qui dispense la
formation en sexologie. Et on a un beau projet qui est en cours de création à
l'Université Laval, aussi, ce qui permettrait d'aller rejoindre, dans
quelques années, l'Est du Québec davantage au niveau de l'offre de service.
Une voix :
...
Le Président
(M. Lafrenière) : Petite.
M. Benjamin :
C'est très intéressant de voir que L'Anonyme, donc, a la possibilité d'avoir
une sexologue, donc, qui travaille
pour l'organisme. Il y a beaucoup d'organismes jeunesse, je pense entre autres
aux maisons de jeunes, etc., et
j'aurais aimé, dans votre... vous entendre par rapport... Je vous ai entendues
par rapport à la présence des sexologues en milieu scolaire, mais qu'en est-il du milieu communautaire?, où c'est
important parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui passent beaucoup de
temps aussi dans les organismes jeunesse.
Mme Beaulieu
(Isabelle) : Tout à fait. Donc, nos sexologues qui sont en milieu
communautaire contribuent, d'ailleurs, on
l'a souligné tout à l'heure dans la présentation, à l'offre de formation, et à
la collaboration en milieu scolaire, et
aussi à la dispensation de services auprès des jeunes, donc, au coeur de la
mission de l'exploitation sexuelle. Et ils ont des expertises et font un
travail de terrain et de proximité qui est exceptionnel. Donc, je tiens à le
souligner.
Et ce qui est
intéressant, c'est que ces sexologues-là, dans le milieu communautaire, qui
adhèrent aux standards de qualité qu'un
ordre professionnel leur demande... Nous, dans notre code de déontologie, on a
une obligation qui est unique, qui
est celle d'avoir l'obligation de faire l'évaluation du développement
psychosexuel des jeunes avant de faire la présentation de tout matériel ou de toute information à
caractère sexuel. Donc, ça, pour un parent, pour un employeur, c'est très, très
rassurant.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci, M. le Président. Merci à vous pour votre exposé. En fait, j'avais la
même question que le collègue, c'est que,
même si on voudrait, il me semble que les effectifs ne sont pas au rendez-vous
pour offrir la formation comme je
pense qu'elle devrait être donnée. Sachant ça, avez-vous des suggestions pour
nous orienter dans le but, justement, d'offrir
un cursus qui va être à la hauteur et aussi qui va nous permettre d'avoir
quelque chose qui peut... sans avoir la meilleure des solutions, quelque chose de bien quand même?
Et après ça j'ai une petite question de suivi, là, mais ça va être rapide,
je vous le promets.
• (13 h 40) •
Mme Boivin
(Sylvie) : ...j'aimerais d'ailleurs commencer en disant que ce qui est
prévu actuellement au contenu obligatoire
en éducation à la sexualité, c'est un contenu de qualité qui est adapté au
développement psychosexuel de nos jeunes, qui a été conçu par des
sexologues et des experts en sexologie.
Donc,
pour répondre à votre question, une offre de service qui est optimale, nous, ce
qu'on croit, c'est que le sexologue porteur
de dossier en commission scolaire, qui fait toute la planification de ces
apprentissages-là, qui fait le lien avec les organismes communautaires, qui font un travail
exceptionnel, que ce soit en prévention de l'exploitation sexuelle en ITSS
de toutes sortes... Donc, concertation, planification, formation des
enseignants, formation des intervenants, soutien aux enseignants, quand ils ont des questions dont ils ne savent pas comment
répondre, recadrer. Parce qu'on parle des gens qui sont inconfortables de discuter de sexualité, mais
nous, ce qui nous préoccupe aussi, ce sont les personnes qui le sont trop,
confortables. Donc, des fois, ils ont besoin
d'avoir un cadre qui est mis. Donc, formation, soutien, encadrement, dispenser
des contenus, parfois, le lien avec le
communautaire et de faire en sorte que chacun des intervenants dans le milieu
scolaire est préoccupé par la santé sexuelle de nos jeunes et notamment
la prévention de l'exploitation sexuelle.
M. Skeete :
Rapidement. Tantôt il y avait une intervenante qui nous parlait que le critère
numéro un, c'était la confiance. On pouvait
savoir si une personne était susceptible de se faire exploiter par la confiance
que cette personne-là peut avoir en
elle. Par contre, vous avez beaucoup parlé d'éducation et pas soulevé cette notion-là.
Est-ce que vous pouvez me dire où est-ce que les deux se réunissent dans
votre esprit?
Mme Heppell (Joanie) : En fait, on n'a peut-être pas défini chacun des
contenus, mais, si vous regardez le programme, bien, les contenus actuels, il y
a justement toutes les réflexions sur comment une personne se développe,
comment une personne développe... On
a parlé d'agentivité, entre autres, sexuelle. Mais l'agentivité, c'est comment
on est dans le monde, comment on est
solide, comment on se définit comme personne. Donc, pour moi, la confiance est
inextricablement liée à ce
phénomène-là. C'est de dire : On accompagne le jeune ou la jeune dans sa
définition de soi, et ça lui permet, justement, de prévenir certaines
manipulations, ou autres, là. Donc, c'est tout à fait couvert, à mon avis, en
ce moment.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
...reviens aussi sur cette question. Il y a peut-être un compromis dans la
recommandation 6, donc, le l'ordre, et dans la
recommandation 2 de L'Anonyme.
L'Anonyme, vous dites
que ça prendrait des sexologues, mais on voit qu'il n'y en a pas assez. Mais
vous dites : à tout le moins, pour les questions liées à l'exploitation
sexuelle et plus largement les violences sexuelles. Ça pourrait peut-être être
ça, dans le sens que c'est complexe. Il y a peut-être même des cas où on
pourrait percevoir qu'il y a un problème
avec une personne ou des personnes. Donc, je voulais savoir si, peut-être, ça,
ça pourrait être une recommandation qu'on ferait s'il y a assez de
personnes pour le faire.
Par
ailleurs, les parents dans tout ça? Parce que, si les parents ne sont pas
engagés... À Québec, dans les consultations qu'on a eues, on a beaucoup parlé des parents aussi et, à un moment
donné, qu'ils devaient être parties prenantes, avoir aussi la formation, savoir ce que leurs enfants
apprennent dans ce cours. Ils sont souvent très détachés des cours, en général,
de leurs enfants. Alors, peut-être, vous deux, là, ces deux questions...
Bien, l'un et l'autre.
Mme Boivin
(Sylvie) : Je vais peut-être
commencer parce que je trouve intéressante l'idée de se rapprocher de
l'ordre à certains niveaux. Mais effectivement les sujets les plus sensibles, on a divers projets, à L'Anonyme, qui...
Entre autres, vous avez déjà
entendu parler de Sphères et d'ACTES, qui sont en collaboration avec les centres jeunesse
entre autres. On traite vraiment de cette thématique-là.
Ça fait 10 ans
que je suis à L'Anonyme, ça fait 10 ans que je suis connectée aux
programmes d'éducation à la sexualité, je suis allée dans plusieurs écoles. Et,
depuis l'arrivée, on est super contents. On salue fortement le retour de
l'éducation sexuelle à l'école, c'est clair. On est conscients aussi du manque
de sexologues.
Je vais ramener
peut-être les intervenants formés en sexologie. Il y en a beaucoup plus que le
nombre de personnes membres de l'ordre,
donc, des gens qui ont fait une formation de trois ans pour parler de cette
thématique-là. Et ça, c'est un choix
de L'Anonyme d'embaucher des personnes formées en sexologie pour traiter
d'éducation à la sexualité. C'est un choix très, très organisationnel,
je devrais dire.
Maintenant,
il y a des sujets qui sont faisables ou qui pourraient être transmis par les
enseignants, où ils sont plus à
l'aise de le faire. Mais on avoue que, depuis plusieurs années, on entend des
enseignants nous dire : Quand on arrive avec des situations d'agression sexuelle,
d'exploitation, de violence sexuelle, c'est quand même un sujet lourd de conséquences
si on ne sait pas quoi répondre à la personne quand elle le dévoile. Alors,
c'est ce qu'on essaie de recommander le plus possible. Essayons d'avoir des personnes qui ont les compétences, les
réponses et qui seront en mesure d'accompagner le jeune qui fera un
dévoilement. Tu voulais-tu compléter sur... De notre côté, c'est ça.
Mme Weil :
...rejoindre les parents.
Mme Boivin (Sylvie) : On a déjà eu un programme destiné aux parents, il
y a quelques années, dans le cadre d'un projet qui s'appelait Basta!,
qui était notre projet... dans nos premiers, d'ailleurs, à Saint-Michel. On
avait parti ce projet-là il y a une dizaine d'années. On a eu un projet, et on
s'est rendu compte que souvent, pour le parent, c'est quand même... c'est difficile d'être confronté à la réalité que
peut-être notre enfant peut vivre de l'exploitation, etc. Alors, on a utilisé
des nouveaux outils. On a créé des outils didactiques adaptés pour les parents,
qui ont été remis dans les CIUSSS, dans les CLSC, à différents endroits
dans les cliniques, en psychothérapie, etc., pour permettre aux parents de se renseigner et avec des numéros de référence de
soutien pour les parents. Alors, c'est de cette façon-là. On a donné des
ateliers aux parents.
Mais, quand
on arrive avec le thème de... juste quand on utilise le terme «exploitation
sexuelle», ça peut être un frein. Alors,
il faut vraiment y aller d'une autre façon, avec une approche plus positive,
inclusive. Et c'est cette façon-là qu'on a décidé de traiter avec les
parents.
Mme Jolette
(Shanda) : Puis nous, on collabore aussi avec des partenaires
communautaires. Là, je pense à En Marge
12-17, que vous allez entendre demain, là, dans le cadre de la commission, qui,
eux, ont vraiment, là, une expertise auprès des parents, où ils ont des groupes d'information, des groupes de soutien. On a participé, nous, notre sexologue, là,
au développement des ateliers qui sont plus larges, là, sur le thème de
l'exploitation sexuelle, mais qui visent vraiment à mieux les renseigner, qu'ils se sentent mieux outillés, développer les
capacités communicationnelles entre le parent, l'enfant, donc vraiment, là, qu'ils puissent avoir un soutien, un petit
filet, de mieux comprendre, puis d'être impliqués, puis d'avoir des bonnes pratiques, là, avec leur enfant, aussi,
là, de maintenir le lien de confiance, là, bref. Donc, ils pourront, là, vous
en parler davantage demain, mais nous,
on collabore, là, avec différents partenaires, là, Marie-Vincent, entre autres,
aussi, le centre d'expertise qui
accompagne aussi les parents de nos jeunes qui se retrouvent parfois en situation
d'exploitation. Et, pour ce qui est des écoles, là, peut-être que je
pourrai vous laisser compléter.
Mme Beaulieu
(Isabelle) : Rapidement, ce
que je peux dire, c'est que nos sexologues qui travaillent en commission scolaire et qui agissent à
titre de chefs d'orchestre des contenus en éducation à la sexualité font également des... chapeautent des démarches pour aller rejoindre les parents,
pour les informer de tout ce qui concerne l'éducation à la sexualité en
général, et incluant, là, les notions qui ont trait, là, aux violences
sexuelles.
Les parents,
on le rappelle, c'est les premiers éducateurs à la sexualité de leurs enfants,
et parfois... bien, même souvent, ils
font de l'éducation à la sexualité sans même le savoir. Donc, parmi ces
rencontres-là, on redonne confiance aussi aux parents, et ça porte fruit
quand c'est fait par nos sexologues de commission scolaire.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Bonjour à toutes. Comme mon collègue de Viau, j'aimerais saluer le travail de L'Anonyme
dans Hochelaga-Maisonneuve. Très apprécié.
Ma question s'adresse aux deux groupes :
Basé sur votre expérience en particulier, là, avec les adolescentes, quelle est la perception préalable qu'elles ont
quand, pour la première fois, elles entendent parler, là, de... ou elles sont
formées par les différents ateliers
que vous leur offrez? Parce qu'on s'est fait raconter par d'autres personnes
que, parfois, ça peut être
glamourisé, la question de la prostitution ou de l'exploitation sexuelle.
Est-ce que le terme «travailleuse du sexe» est utilisé? Avec quel bagage
elles arrivent quand on leur livre une formation comme ça à 12, 13, 14,
15 ans?
Mme Boivin (Sylvie) : Bien, en
fait, aujourd'hui, je ne m'étendrai pas sur la sémantique travail du sexe ou exploitation parce qu'on est ici pour
l'exploitation sexuelle des mineurs, alors on va parler de mineurs. Donc, on
veut utiliser le terme «exploité»,
«jeune fille exploitée sexuellement» dans ce contexte-ci. On pourrait élaborer
sur cette sémantique-là si on parlait avec les adultes. Aujourd'hui, on
est vraiment plus dédiés aux populations jeunesse, mineures.
Il clair que l'approche, quand on traite de
cette thématique-là, ce n'est pas le premier thème qu'on doit souhaiter aborder
avec des jeunes. Alors, c'est sûr que, quand on se fait proposer d'aller
parler, dans une école ou un milieu communautaire,
d'exploitation sexuelle, il se peut très bien qu'on fasse une
contre-proposition à l'enseignant ou à l'éducateur qui nous a convoqués, en disant : Je pense
qu'il faut partir sur des bases communes pour qu'on ait tous le même
vocabulaire, pour éventuellement traiter de cette question-là.
Parce que,
quand on utilise ce thème-là... Et ce n'est pas le plus populaire, hein? Ce
n'est pas celui-là qu'on dit en premier : Ah oui! Venez nous parler
d'exploitation. Comme adultes, on aime savoir que nos jeunes en entendent parler,
mais il faut travailler... il faut être un peu plus perspicace dans notre façon
d'approcher cette thématique-là auprès des enseignants. Si tu veux
poursuivre, peut-être, au niveau des jeunes...
Mme Jolette
(Shanda) : Oui. Puis c'est
sûr que cette dimension-là de recrutement inversé, là, que nous, on appelle,
donc les jeunes filles qui vont aller vers des proxénètes potentiels ou tout
ça, c'est quelque chose qu'on observe, à travers les ateliers, de voir
qu'on n'a pas une trajectoire unique, classique, hein? Ça tend à se diversifier
avec les années. Et donc nous, on est en
train, là, d'ajuster aussi nos contenus en fonction de ça, ces nouvelles
réalités là, un peu comme on l'a fait dans les dernières années avec
toute l'arrivée, là, des différentes plateformes numériques, là, où on a
dit : O.K... On a diversifié les stratégies de recrutement.
Bien, il y a aussi, c'est ça, toutes ces
nouvelles dimensions là, où c'est effectivement, là, glamourisé, où c'est vu parfois, là, positivement, qu'on ne mesure pas
la portée, en fait, de se retrouver dans une situation d'exploitation. Donc,
c'est quelque chose qu'on aborde avec les jeunes. Puis on tient compte aussi
des particularités, des caractéristiques des différents
milieux qu'on rencontre, puis c'est là où on va adapter aussi le discours qu'on
va avoir avec les jeunes. Mais c'est sûr
que c'est à prendre en compte. Nous, ça fait partie de l'actualisation de nos
contenus actuels de prendre davantage en compte cette perspective-là.
• (13 h 50) •
Mme Heppell
(Joanie) : Oui. Sans
m'étendre sur cette réponse-là, je dirais que ce qui est important, c'est de
suivre, justement, chacune de ces jeunes-là ou chacun de ces jeunes-là, parce
qu'il peut y avoir certains garçons aussi, qui peut être poussé à voir
ça de cette façon-là.
Donc, on a
parlé beaucoup d'éducation à la sexualité. Moi, je vous ai un petit peu plus
parlé d'accès aux services. Ça demande justement une évaluation de ces personnes-là, très, très ciblée, pour voir
elles en sont où par rapport à
ça. Donc, peut-être qu'ils voient ça glamour, mais, si elles voyaient un professionnel
ou une professionnelle compétente, elles seraient
peut-être un petit peu plus en mesure, là, de peser les
pour et les contres de leur apparence de choix ou leur choix contraint.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Les
Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, on a parlé beaucoup
des jeunes filles — il
peut y avoir aussi, bien évidemment, des jeunes garçons — mais,
à l'autre bout du... du spectre, pardon, il y a le client abuseur. Est-ce que
ce serait bien de penser — je
pense un peu à «john school», là, parce
qu'on nous en a parlé aussi, là — à un programme pour les clients abuseurs
mais aussi en amont, pour prévenir ce genre... parce que, s'il n'y a pas
d'offre, il n'y aura pas de demande, hein, et donc pour prévenir justement les
abus?
Ce
matin, on nous parlait... on nous ramenait comment c'est facile, comment juste
quelques recherches avec des mots-clés... puis je ne répéterai pas les mots
parce que moi, ça me gèle le sang, là, mais comment ce pourrait être facile
de détecter aussi des clients abuseurs potentiels. Est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de mettre en place un programme? Je m'adresse un peu à L'Anonyme parce
que...
Mme Boivin
(Sylvie) : Écoutez,
je vais être tellement plate en vous disant ça, mais je n'ai tellement pas le
choix de le redire, tu sais? Les clients abuseurs, ça a été des enfants,
ça a été des adolescents qui n'ont pas eu nécessairement l'éducation à la sexualité comme on le propose aujourd'hui. Nous, dans notre cas, on pense vraiment que, si les jeunes,
les adultes... Et même, aujourd'hui, il n'est jamais trop tard pour parler d'égalité. Ce genre de
proposition là, pour nous, elle fait
partie intégrante de répondre à des clients abuseurs. Si on a des clients
abuseurs aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont pas eu l'éducation qu'ils auraient dû avoir, ils n'ont
pas compris c'était quoi, l'égalité au
niveau de la diversité des genres,
ils ne se sont pas renseignés à ce sujet-là.
On
a vu aussi, tantôt, on parlait de comportements qui étaient peut-être
inadéquats à la maison, qu'ils ont déjà vus ailleurs,
des situations où il y avait de la violence, du contrôle, alors ce genre de
comportements là, ils sont appris. Alors nous, on pense vraiment que ça passe par une éducation à la sexualité de
qualité, même si aujourd'hui on en a échappé dans les mailles du filet. C'est de là que je réitère
le fait que, quand on pense que ce n'est plus une priorité, il faut
continuer. Il ne faut pas arrêter parce qu'on a atteint le maximum, il faut
continuer à offrir ce genre d'information là parce que ça commence quand on est jeune. Et c'est pour ça qu'on
s'adresse très rapidement aux jeunes de ce que c'est, l'égalité, la confiance,
le respect, le consentement,
consentement... jusqu'au consentement sexuel. C'est dans ce cadre-là. Alors, de
faire un programme pour les clients abuseurs, tu sais, quand les
distorsions cognitives sont déjà bien installées...
Une voix :
On parle d'autre chose.
Mme Boivin
(Sylvie) : ...on parle d'une autre thérapie, on n'est plus
nécessairement dans l'éducation.
Mme Heppell
(Joanie) : Oui, c'est ça. Je trouve ça intéressant. On va se
compléter, encore une fois, parce que, justement,
du moment que l'éducation a failli, hein, on est rendu ailleurs, on est rendu
que la personne est rendue un client abuseur, maintenant c'est au-delà d'un
programme d'éducation, hein? Il peut y en avoir, évidemment, mais c'est un
programme d'accompagnement et de traitement de ces personnes-là, où on doit vraiment
ébranler cette croyance que c'est O.K., hein, c'est correct de consommer le
corps de jeunes filles, de jeunes garçons comme ça.
Donc,
c'est vraiment... ça prend un plus... J'ai lu, là, dans Le Devoir, justement, une seule journée
«john school», mais ça prendrait en
fait une démarche un peu plus longue pour changer la perception de ces
hommes-là — on
ne se le cachera pas, c'est beaucoup
des hommes — donc
changer la perception profonde de ces hommes-là pour que ça ne devienne
plus banal de consommer une sexualité comme ça avec des mineurs.
Mme Lecours
(Les Plaines) : ...recommandations à cet égard-là?
Une voix :
Bien, peut-être de bonifier des programmes de traitement, en effet.
Mme Beaulieu (Isabelle) : Oui. Puis peut-être, si je peux me permettre... Il
y a des initiatives intéressantes où
on pourrait peut-être
joindre ou ajouter peut-être une mission. Je peux penser, par exemple, à Québec, à l'Institut
universitaire en santé mentale, il y a une équipe spécifique de traitement des
troubles sexuels, où on fait du traitement de personnes délinquantes sexuelles, de personnes qui ont des
problèmes de compulsivités sexuelles, qui peuvent d'ailleurs contribuer
à aller... avoir recours aux services de mineurs. Mais on pourrait joindre une
mission comme celle-là au niveau des clients
abuseurs, où, là, toute l'évaluation sur la fantasmatique, l'excitation, tous
les éléments qui contribuent à faire en sorte que ces gens-là ont
recours à des mineurs, ils pourraient bénéficier d'une bonne évaluation et
aussi de traitements. C'est des pistes de solution qui pourraient être
intéressantes.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Pour terminer avec les
questions, députée de Marie-Victorin
Mme Fournier :
Merci beaucoup, merci, mesdames, pour votre présentation. Je pense qu'on est
tous heureux du retour de l'éducation à la sexualité à l'école. Il était
plus que temps.
Mais, ceci étant dit,
si le cours, tel qu'il a été prévu actuellement, réussit à être bien implanté,
avec les ressources appropriées, trouvez-vous tout de même que, de façon
optimale... est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il y a assez d'heures qui sont prévues au cursus
scolaire? Parce qu'on a appris, bon, que le gouvernement était peut-être ouvert
à revoir certains éléments. Est-ce qu'il y aurait lieu d'augmenter les heures
en termes d'éducation à la sexualité?
Puis aussi, peut-être pour
aller dans le même sens que la collègue de Les Plaines, en ce qui concerne les
clients abuseurs, est-ce que ce ne serait
pas intéressant de rendre obligatoire, en fait, le traitement par des
sexologues reconnus? Est-ce que ça diminuerait... Est-ce qu'on a des
statistiques sur la diminution, en fait, du nombre de récidives lorsque
les clients abuseurs ont accès à une thérapie du genre?
Une voix : ...
Mme Fournier : Deux
questions, oui.
Mme Boivin (Sylvie) : Peut-être, au
niveau du nombre d'heures, j'aurais tendance à vous dire que je n'ai pas encore... je ne sais pas l'impact du nombre
d'heures actuel. Ce que je sais, c'est qu'il pourrait y avoir 100 heures,
ça prend de la qualité. Alors, moi,
je suis d'avis que, si on veut donner des cours d'éducation à la sexualité, ils
doivent être de qualité. Si on a deux
bonnes heures d'éducation à la sexualité, c'est mieux que 25 si c'est donné par
des gens qui ne sont pas à l'aise ou qui n'ont pas le confort de le faire.
Alors, ça, c'est mon premier point.
Toutefois, je
pense que, comme adulte, comme société, l'éducation sexuelle ne se termine pas
quand la porte de l'école se termine.
Il y a plusieurs bons programmes en maison de jeunes, dans plusieurs de nos
groupes partenaires, en centre jeunesse. On soutient cette approche-là
d'éducation à la sexualité. Il faut continuer à le faire, à remettre à leur place quand il y a des comportements déplacés,
dans les propos qu'on entend d'un jeune. Je pense que c'est à nous à ramener ce
travail-là, à poursuivre ce travail-là à l'extérieur des portes de l'école. Et
je suis d'avis que, dans quelques mois, quelques années, on sera en
mesure de savoir le nombre d'heures qui est essentiel à ça. Mais on revient,
nous, avec la qualité du contenu offert.
Mme Beaulieu
(Isabelle) : Peut-être juste
pour compléter au niveau des heures. Quand la qualité est au rendez-vous,
les évaluations le démontrent que
l'éducation à sexualité est reconnue comme efficace. Donc, on abonde dans le
même sens au niveau de la qualité et
au niveau du fait que celle-ci doit être adaptée au développement psychosexuel
des enfants et commencée dès le plus jeune âge pour faire une bonne
fondation, pour que, quand les... positive, pour que, quand les problématiques
peuvent survenir, la base, elle est déjà là. Donc, on intervient en amont.
Mme Heppell
(Joanie) : Oui, puis je
pense que c'est assez clair aussi qu'avec cette éducation à la sexualité, là,
on prévient à la fois la victimisation par
les violences sexuelles, mais aussi, par, justement, les contenus en égalité
des genres, et tout ça, on prévient à ce que des futurs clients abuseurs
existent. Donc, ça, c'est une chose.
Concernant
votre question sur les clients abuseurs et les risques de récidive, écoutez,
j'ai discuté, justement, de ce
sujet-là avec une collègue sexologue qui est experte en délinquance sexuelle,
et le phénomène des clients abuseurs, on le connaît bien, la police le connaît bien, et tout ça. Par contre, on
manque de données. Parce qu'on commence à prendre vraiment ça au
sérieux. La tolérance sociale face aux violences sexuelles commence à vraiment
diminuer, et c'est ce qui fait qu'on va
avoir besoin un petit peu plus d'étudier ça en... bon, en sexo et ailleurs pour
voir qu'est-ce qu'on va pouvoir faire
en termes de risques de récidive. Est-ce qu'on peut vraiment se fier sur les
programmes, par exemple, qu'on pourrait appliquer à des délinquants
sexuels, avec le traitement d'une durée x? Est-ce que c'est plus facile de
traiter les clients abuseurs? On ne le sait
pas encore. Donc, on pourrait espérer que oui, mais il faut quand même se
donner les moyens pour essayer des types de thérapie de ce type-là.
Mme Fournier :
...données. Il faudrait avoir plus de données et plus de recherche?
Mme Heppell (Joanie) : En ce
moment, je... Oui, en effet, c'est ça. Je ne pourrais pas vous donner...
Mme Fournier : O.K. Mais
ça peut faire partie, justement, des pistes de solution pour qu'on soit
capables de mieux cibler le problème des clients abuseurs.
Mme Heppell (Joanie) :
Circonscrire le problème, en effet, par ces études-là aiderait énormément à
intervenir auprès d'eux.
Mme Fournier : C'est
bon. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de
prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 59)
(Reprise à 14 h 6)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au Service de police de
l'agglomération de Longueuil et aux représentants du projet Mobilis. Je vais juste vous appeler le projet Mobilis,
police ou civils, on va garder ça
facile comme ça. Je vous rappelle que vous disposez chacun de 15 minutes
pour faire votre exposé, et par la suite il y a
aura une période d'échange avec les membres
de la commission. Ce sera un 30 minutes tous ensemble et c'est vraiment
une période d'échange. On est ici pour découvrir ce que vous avez à nous
présenter.
Alors,
je vais laisser les gens du projet Mobilis... Je vais vous demander de vous
présenter et de nous faire votre exposé par la suite. Vous avez
15 minutes.
Mobilis et Service de police de
l'agglomération de Longueuil
Mme Demers (Carole) : Carole Demers, agente de planification de
programme et de recherche au CISSS de la Montérégie-Est, projet Mobilis.
Mme Philibert (Pascale) : Pascale Philibert — désolée pour la voix, j'ai une extinction — alors
conseillère aussi pour la direction de la protection de la jeunesse à
l'équipe Mobilis.
M. Dagher
(Fady) : Fady Dagher, directeur de police de l'agglomération de Longueuil.
M. Vallières (Ghyslain) : Ghyslain Vallières, agent au Service de police de
l'agglomération de Longueuil. J'ai participé au projet Mobilis I, II et
III.
M. Valiquette (Martin) : Lieutenant-détective Martin Valiquette. J'ai
également procédé à Mobilis I et Mobilis III.
Mme Philibert (Pascale) : Alors, je vais commencer. À l'équipe Mobilis,
pour la direction de la protection de la
jeunesse, nous sommes deux conseillères. Nous couvrons
toute la Montérégie. L'offre de service de la direction de la protection
offre le service-conseil aussi à tous les intervenants de la Montérégie, en
conseil.
On
va vous donner un peu quelques chiffres. Pour commencer, ce que nous avons, à
l'équipe Mobilis, à la direction de
la protection de la jeunesse, c'est des consultations. On se fait appeler pour
avoir des conseils, se faire accompagner, avoir du support. Alors, les
premières années, on parlait d'à peu près 330 demandes par année. 12 ans
plus tard, on est rendus à peu près à 1 000 demandes
par année. On couvre les problématiques de gangs de rue, délinquance et
l'exploitation sexuelle.
• (14 h 10) •
Au
niveau plus ciblé, au niveau de l'exploitation sexuelle, les consultations
qu'on a sont majoritairement sur des fréquentations à risque, ça fait
que : Est-ce que vous connaissez ces individus-là, est-ce que c'est
inquiétant, pas inquiétant? Quand on arrive
dans les questions plus spécifiques à l'exploitation sexuelle, on a beaucoup
plus d'informations où on commence à être plus directs sur la
problématique. On parle, les premières années, de 45 jeunes filles par
année. 12 ans, 11 ans plus tard, on est
rendus à peu près à 187 jeunes filles par année. C'est sûr que c'est pour
toute la Montérégie. Il y a majoritairement une concentration plus
proche de Montréal, donc plus proche de Longueuil.
Au
niveau du recrutement des jeunes, encore là, au niveau des consultations, les
questions qu'on se fait poser... On voit
de plus en plus de filles qui recrutent. Donc, on est pas mal à moitié-moitié.
L'implication des filles est très présente dans le recrutement parce que c'est aussi une façon pour les filles
d'avoir un peu de pouvoir. Donc, c'est aussi la façon que les gars vont approcher les filles. Ce n'est plus
juste d'avoir un chum dans le milieu, mais : Est-ce que tu veux participer
au recrutement? Les filles vont penser qu'elles vont être exclues de
l'exploitation, mais c'est encore une fois une arnaque.
Une
chose qui se démarque de l'équipe à la protection de la jeunesse, c'est les
formations. En moyenne, en 11 ans, on a donné 259 demi-journées de formation. Ça représente à peu près
une vingtaine de formations par année. Et c'est là, je pense, la grande
force, qu'on va regarder un petit peu plus tard, au niveau du dépistage.
Alors, la question
qui nous a été posée : Comment s'assurer, dans le milieu, d'une bonne
concertation afin de dépister et intervenir rapidement
auprès des victimes mineures d'exploitation
sexuelle? Je vais vous parler de la
première concertation dont on trouve qu'elle est importante, c'est à
l'intérieur même du centre jeunesse, qui est maintenant à l'intérieur du
CISSS-ME. Il y a beaucoup de services pour l'ancienne appellation «centre
jeunesse», tout ce qui est protection de la
jeunesse, mais aussi délinquance, les centres d'hébergement. Alors, les deux
conseillères couvrent tous les services de l'ancienne appellation
«centre jeunesse».
Donc,
faire le lien entre les services, faire le lien entre les différents intervenants, on trouve que c'est très important.
Et c'est une plus-value, c'est toujours
de donner du conseil aux jeunes intervenants. Il y en a qui ne sont pas nécessairement
jeunes, mais qui sont moins habitués avec la problématique, parce que vous
savez qu'il y a troubles de comportement, négligence, santé mentale. Mais, quand on arrive à
la problématique de l'exploitation
sexuelle, c'est toujours
gagnant d'avoir un conseiller
spécialisé pour supporter les intervenants. On ne fait pas... On n'intervient pas. Nous ne
sommes qu'en conseil aux intervenants.
L'autre
avantage, c'est de colliger l'information. Donc, à
l'intérieur même du centre jeunesse,
nous, les informations, les consultations, les questionnements que nous
avons, nous gardons nos notes. Et, avec le temps... C'est la première fois qu'on se fait conseiller. On se fait
questionner pour un individu, une adresse, un pattern. On va garder l'information dans nos notes. Et, quand ça fait cinq fois qu'on se fait
questionner sur les mêmes choses, à ce moment-là, on est capables d'analyser et
de faire des liens.
Dans
la collecte d'information, on a accès aux réseaux sociaux. Là, ça se
développe pour les intervenants, mais les conseillers, moi et Carole, on
va fouiller sur les réseaux sociaux. Ce qui nous intéresse sur les réseaux
sociaux, c'est qu'est-ce que le jeune
partage, qu'est-ce que le jeune «like». Tout ce qui va être alimenté par les
jeunes, pour nous, ça va nous permettre le dépistage pour voir est-ce
qu'il y a des problématiques qu'on devrait adresser.
On
va aussi évaluer les jeunes plus à risque. Donc, on va faire des recommandations
aux intervenants. Est-ce qu'on ajoute des services? Est-ce qu'on intensifie les
services? Est-ce qu'on fait une révision anticipée? Il y a beaucoup de choses
que l'équipe va pouvoir dépister. Donc, on va faire ça.
Il y a
aussi... Vous savez qu'avec le mouvement de personnel, des fois, il manque de
personnel. Il est arrivé que les conseillers fassent le suivi vu que ça
faisait trois ans que nous, on avait des consultations sporadiques ici et là
sur tel jeune. Avec le mouvement de
personnel, on est capables de dire : Oui, mais, attendez, l'année passée,
il est arrivé ça, il y a trois mois, il est arrivé ça. Donc, c'est aussi
un système de protection, aussi, davantage au niveau du conseil.
On va aussi
supporter... Dans le partenariat avec les policiers aussi, sur les ententes
multis, bien qu'on a des intervenants qui font les évaluations de ces ententes
multi là, de ces abus sexuels, abus physiques, mais l'équipe va être supportée de façon un petit peu plus large, de regarder... Ce n'est pas juste du cas par cas. Parce
que, oui, il y a un cas... mais, des fois, on est capables,
nous, quand il y a plusieurs cas, de recouper des choses ensemble et de
dire : N'oubliez pas ça, il faudrait
discuter de ça, il faudrait regarder... Souvent, il y a des informations dans les ententes multis qui peuvent ressortir aussi, qui ne
sont pas nécessairement retenues pour l'enquête, mais qui sont pertinentes.
Mais ce n'est pas nécessairement des jeunes qu'on est capables de recouper
directement dans l'abus sexuel ou l'exploitation
sexuelle. Mais cependant
c'est des individus qu'on va pouvoir voir qu'ils sont à risque et qu'on va
pouvoir peut-être dire : Ces jeunes-là, il faut aussi
les investir même s'il n'y a pas d'enquête officielle.
Je vous en ai parlé
au départ, le service-conseil est aussi offert aux écoles, aux organismes
communautaires, aux CLSC. On a beaucoup
d'appels maintenant, des demandes, des consultations pour avoir du
support ou de l'aide. On n'est pas
loin de la moitié qui provient de nos partenaires externes. Donc, ce n'est pas
juste un service-conseil à l'intérieur, pour le centre jeunesse, mais bel et bien pour nos partenaires. Au niveau de... Souvent, les partenaires, on va regarder peut-être que ça prend un
signalement. On va aussi aider à faire le signalement. Il y a
des fois où, étant rattachés directement à l'équipe des signalements, on peut aider
à comment formuler le signalement.
Maintenant, pour la
question du dépistage, pour ce faire, c'est très important de connaître bien
les adolescents. Déjà, en partant, vous avez
des adolescents qui ont la pensée magique. La problématique, pour nous, c'est
plus les 13, 14, 15 ans. C'est ceux qui nous inquiètent le plus. Il y a quand même...
Les consultations que nous avons à l'équipe Mobilis, on a beaucoup
de... on a quand même assez de 13, 14 ans. Ceux-là sont plus
difficiles à intervenir. C'est plus difficile d'avoir des interventions spécifiques pour celles-ci étant
donné qu'elles sont dans la pensée magique, qu'elles sont centrées sur elles. Le jugement n'est pas très développé. C'est
aussi là le risque, au niveau du recrutement, qui est très, très
problématique.
À ce moment-là, on va
travailler sur la connaissance générale des adolescents avec les intervenants,
qu'est-ce qui marche bien avec cet âge-là.
Et par la suite la connaissance... Quand on donne de la formation sur
l'exploitation sexuelle, on ne
recommande pas aux intervenants de traiter les adolescents dans l'exploitation
comme des victimes. Ça ne marche pas.
Bien qu'elles sont victimes, il ne faut pas intervenir là-dessus.
C'est davantage de les traiter comme étant... de tout... de leur donner du pouvoir, mais, si on les traite
comme victimes, ça ne marche pas du tout. Donc, il faut... Elles vont dire :
Mais j'ai du pouvoir, je suis capable. Donc, il y a toute une approche qui est
importante, qu'on enseigne aussi.
Encore
là, le partage d'information avec les partenaires, avec les policiers sur ce
qu'on entend, ce qu'on voit, ce qu'on surveille aussi sur les réseaux
sociaux est très important pour le dépistage. Il est arrivé quelquefois où on a
vu sur les réseaux sociaux des messages de demande d'aide de jeunes, et on a
demandé aux intervenants de faire des interventions sur ces messages-là. C'est
très long avant que la jeune admette un quelconque besoin. Il faut être très connaissant sur ce qui se passe autour d'elle. Il faut
poser des questions. Il faut être très directif. Des fois, ça peut prendre
une heure, une heure et demie avant qu'elles
avouent ça, mais il faut être persévérant, puis on arrive quand même
à le faire. Quand l'intervenant est en contrôle, connaît comment ça
marche, connaît qu'est-ce qui se passe, ça marche bien.
Pour
les recommandations en prévention primaire, on vous a fait quelques
recommandations. C'est davantage de parler de criminalité qui va marcher
plus que de parler d'exploitation sexuelle parce que les filles ne
reconnaissent pas l'exploitation sexuelle. Mais, si ses amis... autour d'elle,
s'il y a de la fraude, il y a du vol, il y a des choses comme ça, ça, ça se mesure. Mais l'exploitation, c'est très
dur pour les jeunes filles de le voir, de le reconnaître. Ça fait qu'on va
passer par la criminalité pour
amorcer des discussions. Ça va bien marcher à ce niveau-là. C'est plus facile
pour entrer en contact. Donc, au niveau de la prévention, c'est quelque
chose qu'on recommande aussi.
Pour,
sinon, les relations amoureuses, aussi, je sais que vous en avez entendu
parler, la violence dans les relations marche moins. On voit que les
jeunes filles sont presque fières d'être dans des relations de violence. Donc,
on va parler davantage de contrôle : Est-ce qu'il te contrôle, est-ce qu'il t'interdit
de porter tel vêtement, est-ce qu'il te dit à qui parler? Au niveau du
contrôle, c'est des interventions qui sont plus faciles à faire.
Pour,
un petit peu plus loin, là, valoriser le lien parent-enfant... La problématique
majeure qu'on voit, c'est souvent des jeunes qui ont d'énormes carences
affectives, et on a des proxénètes ou des membres criminalisés qui vont
proposer de remplir ce vide-là. Ça a
la même forme que la carence que la jeune a, mais c'est complètement vide,
hein? C'est comme juste un miroir puis c'est un mensonge. Mais ça, c'est
quelque chose qu'il faut constamment travailler avec les parents pour reconstruire ça. Des fois, c'est la carence
affective, mais des fois c'est un trauma, des abus ou toutes sortes de choses.
Il y a une question ici qui... Des fois, c'est l'exposition à de la
pornographie très «hard», qu'on appelle, qui peut aussi traumatiser l'enfant...
et rechercher ça.
• (14 h 20) •
En
prévention secondaire, encore là, on irait sur les moyens d'éviter... parce que
souvent on parle de prévention, là, on dit : Attention, il y a ça,
la drogue, les partys, la criminalité, la sexualité qui va trop loin. Mais il
faut travailler avec les jeunes... comment se sortir de situations quand on est
pris dedans, quand on voit que c'est problématique. À ce moment-là, il faut s'en sortir. On fait pratiquer
nos jeunes : S'il t'arrive telle affaire — on fait
des mises en situation avec les jeunes — comment tu fais pour t'en
sortir? C'est quoi, ton excuse? Ça, c'est quelque chose qu'il faut absolument
travailler avec les jeunes, l'encadrement serré des parents, bien sûr,
valoriser les relations saines, ça aussi.
Une
dernière... Une chose, dans le secondaire, c'est occuper beaucoup les jeunes.
Si les jeunes sont «high» ou flânent dans la
rue, ça, c'est quelque chose qu'il faut occuper les jeunes. Mais, non seulement
on occupe les jeunes, il faut savoir
que les carences affectives ou le manque de confiance, le manque d'estime...
donc il faut travailler l'estime puis combler les carences. Au niveau des
suivis intensifs avec les intervenants, c'est quelque chose qu'il faut faire.
Je
voudrais aussi parler de l'hébergement soit en mise sous garde ou en placement. Des
fois, c'est nécessaire. Surtout avec nos plus jeunes qui ne voient
pas ces problématiques-là, on va être obligés de faire un placement.
Et,
en dernier, il faut travailler avec la réduction des méfaits avec les 16,
17 ans, où... Avec ceux-là, il faut travailler différemment puis il faut ouvrir un petit peu plus les portes, et souvent c'est avec la remise en question,
développer leur jugement... qui fonctionne bien.
Alors, en dernier,
pour la dernière question, qui est le continuum de services, on vous parle du programme
qualification jeunesse, qui sert à
accompagner... La raison principale, c'est que la majorité
de nos jeunes arrivent à 17, 18 ans, ils sont tannés des services, ils sont tannés de l'encadrement du centre jeunesse. Beaucoup de nos jeunes ne veulent plus de services. Ça fait qu'on a beau les présenter à des organismes, on a beau les
accompagner, souvent, ils veulent un break. Ils ne veulent plus se faire dire quoi faire, quand faire, parce qu'on
est très entreprenants, on est très présents avec eux, donc de là l'importance
du continuum au-delà du 18 ans avec cette clientèle-là qui n'est pas
facile, qui ne reconnaît souvent pas les
problématiques et qui va résister beaucoup, beaucoup aux suivis. Donc, un
intervenant qui connaît la problématique, qui connaît cette clientèle-là est plus indiqué pour accompagner au-delà du
18 ans un continuum de services, mais tout en, le plus rapidement
possible, aller intégrer des services et des programmes de l'extérieur.
Alors, j'ai fini mon
temps.
Le Président (M. Lafrenière) : Je vais laisser la parole maintenant aux gens du
SPAL pour faire leur exposé pendant les 15 prochaines minutes.
M. Dagher
(Fady) : Je me fais commander, hein, c'est bon. Pour un directeur,
c'est bon.
La
question que j'aimerais qu'on se pose aujourd'hui, c'est : Est-ce que
notre modèle de police aurait-il atteint ses limites en efficience afin de lutter contre l'exploitation sexuelle des
mineurs? Pour cela, j'aimerais qu'on aborde trois thèmes aujourd'hui.
Le premier sera le
contexte évolutif des démarches entreprises par le service de police de
Longueuil, de l'agglomération de Longueuil,
depuis 2008, donc plus de 12 ans, à aujourd'hui. Le projet Mobilis, ce
sera Martin Valiquette, notre
lieutenant-détective, qui va vous en parler. Le deuxième thème serait les
pratiques prometteuses suite à notre expérience de 12 ans. Quelles sont les meilleures pratiques prometteuses qu'on
voudrait mettre de l'avant et qu'on a pu constater durant ces années? Ce sera Ghyslain Vallières, qui est à
ma droite. Et moi, je terminerai avec une nécessité d'opérer une évolution
de la culture policière vers une culture
plus adaptative à la nouvelle réalité, en 2020, de la société dans laquelle on
travaille et dans laquelle on est exposés à travailler ensemble.
Alors, je vais céder
la parole à Martin.
M. Valiquette (Martin) : Merci. Les premières étapes qu'on a eu à faire
pour... puis malheureusement c'est encore d'actualité, ça a été de travailler ensemble, de convaincre les
enquêteurs. On a pris six enquêteurs qui étaient dédiés au crime organisé, donc les stupéfiants puis les gros
bandits, pour les amener à travailler l'exploitation sexuelle auprès des
juvéniles, mais travailler en partenariat avec des intervenants du DPJ.
Ça
fait qu'on a eu un petit choc de culture en raison principalement des
mécanismes de fonctionnement qui ne sont pas pareils d'une place à l'autre puis on a eu toutes sortes de
commentaires. Puis, à l'occasion, j'ai encore des commentaires :
Bien, voyons, ils veulent-u vraiment travailler avec nous autres? Parce qu'il y
a diverses contraintes, là, qu'ils peuvent rencontrer.
On a également encore beaucoup de préjugés, puis pas juste des policiers, mais
de tous les gens qu'on côtoie, même
dans l'appareil judiciaire, préjugés envers les victimes : Si elle fait
ça, c'est parce qu'elle aime ça, puis, si elle fait ça, c'est parce qu'elle veut, puis elle est capable de
s'en sortir si elle le veut vraiment. On l'entend encore, malheureusement.
Les
premières stratégies, au début, ça a été la signature d'un protocole d'entente
d'échange, mais surtout de s'entendre sur
quelle stratégie d'enquête on était pour faire, et on pense que c'est encore de
mise de le faire comme ça. C'est que les proxénètes ou les recruteurs étaient identifiés par Pascale, en collégialité
avec les gens, les travailleurs sociaux du centre jeunesse, et nous, les
enquêteurs, on identifiait ces recruteurs-là et on essayait de trouver un moyen
de les retirer pour que les intervenants puissent faire mieux leur travail. On
a utilisé toutes sortes d'articles : trafic de stupéfiants, bris de
conditions. Ça fait qu'on a été capables d'éloigner les recruteurs. Et, quand
on avait une opportunité d'aller vers des accusations
plus graves, de proxénétisme ou de traite de personnes, bien, c'est là qu'on
rentrait dans une enquête qui est beaucoup plus fastidieuse, comme vous
avez pu entendre, là, étant donné la crédibilité de certaines victimes et les
trous qu'il pouvait y avoir dans les déclarations. Il fallait corroborer tout
ce qu'on pouvait trouver durant l'enquête.
Donc, on a utilisé
les deux approches. Naturellement, maintenant, on continue à faire ça aussi,
mais on vérifie toujours avec les autres
équipes qui travaillent, dont l'EILP, là, l'équipe intégrée de lutte au
proxénétisme, pour être certain qu'on ne contrevient pas ou qu'on ne
vient pas contrecarrer une enquête déjà en cours.
Phase II,
on a développé l'approche, puis c'est Ghyslain qui a été nommé agent pivot. Il
a été dégagé pour faire le pivot au niveau de la prévention dans les écoles
et rétablir le lien de confiance avec les jeunes filles. Puis c'est des jeunes filles qui sont déjà hypothéquées, et déjà
la confiance est érodée. Donc, Ghyslain recréait le lien et les amenait vers
les services, les différents services qu'il pouvait y avoir, tant dans la
communauté qu'au niveau de la protection de la jeunesse. Souvent, c'est des filles qui n'étaient pas suivies. Ça fait
qu'il y avait des signalements qui pouvaient être faits.
Phase III,
qui a commencé en octobre 2018. Grâce à une contribution financière, on a
officialisé le poste d'agent pivot à
temps plein et une coordonnatrice psychosociale, une intervenante qui a été
embauchée et qui s'assure au-delà... du service des 18 ans. Donc, on travaille
avec l'équipe de Pascale et Carole, mais également avec PQJ, qu'on a parlé
tantôt. On fait des liens avec eux
pour être capables de suivre ces jeunes filles là, et faire une approche qui
est moins intrusive et invasive, puis
aller chercher leur confiance et les amener vers des services parce que — Pascale l'a expliqué tout à l'heure — avec la coordinatrice et l'intervenante
psychosociale, on intervient sur la victime, les besoins de la victime au
détriment de la preuve. Si on perd de la
preuve dans le processus, on continue pareil. C'est les besoins de la victime.
Et tout le plan de lutte à l'exploitation sexuelle, on le travaille avec
des partenaires de Prévention jeunesse.
Ça fait que
tous les intervenants qui sont autour de la table, ils ont eu voix, et on a
collaboré ensemble pour monter un plan de lutte qui est global et
intégral sur l'exploitation sexuelle.
M. Vallières
(Ghyslain) : Au niveau des
pratiques prometteuses, évidemment, au niveau des trois axes, au niveau du triangle d'exploitation sexuelle proxénète,
client et victime, le proxénète, on s'y attarde, on tient des opérations. Et je
vais passer rapidement là-dessus. J'y répondrai peut-être dans le cadre des
questions si vous en avez davantage. Je voudrais me concentrer davantage sur le
client parce que, dans le triangle de l'exploitation sexuelle, les
interventions, il y a un déséquilibre au
niveau du client. Le client, oui, on a tenu des opérations policières, comme
partout au Québec, depuis l'arrêt
Bedford de 2014. Cependant, force est de constater que les peines sont parfois minimes,
et la preuve est parfois très lourde, et ça, c'est un enjeu majeur. Et,
pour intervenir encore davantage auprès de ce client abuseur, nous souhaitons conjuguer une intervention que vous avez entendu
parler largement depuis le début de la commission, soient les «john schools».
Donc, dès 2015, on avait identifié cette
avenue-là comme étant très prometteuse et complémentaire avec la judiciarisation. Et c'est pour cette raison que
nous sommes entrés en contact avec Kate Quinn, qui a témoigné ici, d'ailleurs,
le 4 novembre dernier, avec le programme CEASE. Et ce système d'éducation
qu'offre et que permet le «john school», l'avantage,
c'est que, contrairement au système judiciaire, on peut voir le client abuseur
devoir faire une introspection de ce qu'il
a fait. Pourquoi a-t-il choisi d'aller vers l'exploitation sexuelle et la
prostitution? À quelles pulsions répond-il et pour quelles raisons doit-il en arriver à cela de
façon... presque, je dirais, comme une espèce de cri d'urgence de devoir
répondre à cette pulsion?
• (14 h 30) •
Il faut
savoir que 80 % des hommes dans la population nord-américaine contrôlent
cette pulsion. Seulement 20 % vont
aller vers la prostitution, d'une fois à plusieurs fois. Et seulement 6 %
des hommes, en général, annuellement, vont consommer, de façon mensuelle ou quotidienne, l'exploitation. Nous, à
partir de ces données-là, de Demand Abolition, qui est une étude qui a été faite auprès
8 201 clients aux États-Unis en novembre 2018, on pourrait,
nous, estimer qu'on parle d'environ 6 000 à 7 000 clients pour le territoire de
l'agglomération de Longueuil. Donc, c'est pour cette raison qu'on croit
que cette mesure est très intéressante et on la suit de très près. On a des
échanges réguliers avec le programme CEASE d'Edmonton.
Par contre, il y a des réalités québécoises dont on devra tenir compte, il y a
des critères d'admissibilité très sévères, et on devra également les
établir ensemble.
Pour ce qui
est des victimes, effectivement, comme Martin l'a mentionné tout à l'heure, la
preuve n'ira pas au-devant de la
capacité de la jeune fille à y répondre. Cependant, récemment, on a eu une
belle victoire. Chez nous, il y a quelques semaines seulement, une jeune
fille qui refusait de contribuer à l'enquête... tout de même, avec les technologies
et la capacité de nos enquêteurs qui se
développent, il y a une mutation chez nos enquêteurs, et ils sont de plus en plus créatifs... et l'homme a fait
face à des accusations et a été reconnu coupable malgré que nous n'avions pas
la collaboration de sa victime. Alors, ce partage-là se fait avec l'EILP
et les autres corps de police, et il y a un grand partenariat à ce niveau-là.
Également,
pour nous, ce qui serait important, c'est de revoir, évidemment, le modèle
d'éducation dans le milieu scolaire, mais ça a été abordé précédemment,
et, en ce sens-là, vous avez été très bien répondus.
Maintenant, le bris de service a été identifié,
ça a été expliqué, et c'est très, très important que le lien se développe dès l'âge de 16 ans par notre
coordonnatrice, parce qu'on ne peut pas espérer que la jeune fille fasse
confiance à quelqu'un qu'elle n'a vu qu'une ou deux fois à l'aube de ses
18 ans.
Donc, chez
nous, c'est un projet qui est un peu un test pilote au Canada, et on espère...
et déjà on voit les résultats. Les parents sont des alliés
incontournables. Le rôle de notre agent pivot nous permet de développer un lien
privilégié avec eux, et on encourage les
autres corps de police à avoir des agents pivots comme c'est le cas chez nous,
et on les invite à venir voir ce que
l'on fait car c'est vraiment prometteur. Ils peuvent obtenir des autorisations
que nous, nous ne pouvons pas avoir, et ils gardent parfois le lien avec la
jeune fille et commencent à introduire notre intervention, chez nous, au
niveau de l'«empowerment», et c'est très payant jusqu'à maintenant. Merci.
M. Dagher
(Fady) : Alors, on a vu le
rôle, un peu, au
niveau du Mobilis, l'évolution du Mobilis. On a vu, un peu, les
pratiques prometteuses, et maintenant il s'agit pour nous d'observer et de voir
comment que la culture policière, comment le travail policier quotidien
traditionnel peut être transféré et transformé pour faire face à ces
complexités. On a aussi consulté pour voir
un peu l'attente des citoyens de l'agglomération de Longueuil. On a eu un
partenariat avec l'INM, l'Institut du Nouveau Monde, qui est venu
évaluer, avec la population, le travail policier, à quoi s'attend la population de leurs policiers qui les desservent.
Plusieurs thèmes sont ressortis, dont la formation, dont le profil des
policiers, dont... c'est-à-dire, un
profil encore plus proche de la communauté, un profil avec une intelligence
émotionnelle encore plus développée.
Donc, on a
regardé un peu ce que l'INM nous a donné comme retour en termes de besoins de
la population envers les policiers.
En même temps, on a observé ce qu'on faisait au niveau de Mobilis et des
pratiques prometteuses, et là ce qu'on essaie de voir, c'est comment que... à
l'intérieur d'un service de police, comment qu'on peut baisser le travail de
silo. Il y a du travail de silo entre
partenaires, mais il y en a aussi à l'intérieur de chacune de nos
organisations. Au niveau des enquêtes, la gendarmerie,
comment ils peuvent travailler ensemble pour voir la victime sur un différent
angle, et non pas seulement de la
prostituée, mais aussi sur l'angle de la victime. Ce travail-là se fait de
manière assez constante à l'interne entre les enquêteurs et les
policiers.
Mais aussi, pour y
parvenir, il faut qu'on baigne nos policiers dans l'action. Dans l'action,
c'est-à-dire un peu le projet, peut-être que
vous en avez entendu parler depuis quelques jours, le projet Immersion. C'est
un projet où on sort les policiers de
leur routine d'appels, sur les appels, les 9-1-1, et on leur demande d'aller
s'immerser dans la communauté afin de
comprendre la réalité de la communauté pour que, par la suite, ils puissent
intervenir de manière différente ou de manière adaptée, moduler leur
esprit, leur vision et leur approche.
Cette approche-là est
dans l'action, elle est vraiment différente d'une approche plus pédagogique. Le
taux de rétention, on pense, va être beaucoup plus intéressant, et parce que là
ils vont vivre, avec les personnes, des événements très émotionnels. C'est sur ce pari-là que nous mettons de l'avant nos
efforts au niveau de l'immersion pour faire en sorte que les policiers, une fois qu'ils retournent
travailler sur les appels du 9-1-1, ont un regard différent et saisissent les
codes de la communauté qu'ils desservent, dans tous les sens du mot.
Donc, les prochaines
immersions, on espère pouvoir les faire aussi au niveau de l'exploitation
sexuelle avec les mineurs. Et c'est un des
apprentissages qu'on a eu, et une des avenues qu'on veut amener nos policiers
vers un regard beaucoup plus ouvert et surtout connecté avec la réalité 2020.
Voilà.
Une voix :
...
M. Dagher (Fady) : Oui, peut-être. Alors, nous avons peut-être cinq
recommandations à vous faire, très rapidement. Je vais peut-être prendre
le résumé de mes collègues, puis, si vous voulez rajouter quelque chose, vous
me le dites.
Première recommandation : Mobilis III,
l'agent pivot ainsi que la coordonnatrice qui est au niveau du Mobilis, très
important; une approche plus globale, équilibrée entre tout ce qui est le
proxénète, le client abuseur et la jeune fille, la voir vraiment comme une victime. On vous a parlé de «john school».
Toutefois, «john school», c'est pour les adultes, ne l'oublions pas, très important. Et on vous a parlé
aussi d'une recommandation qu'on puisse revoir un peu tout ce qui est l'approche policière, en termes de complexité des
clientèles auxquelles ils font face. Donc, adapter la culture policière aux
années 2020. Voilà.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. On va passer maintenant à la
période d'échange avec les membres de la
commission. J'ai déjà sept questions d'inscrites, alors je vais vous demander
de vous limiter à une question, et on
va y aller avec des questions très courtes pour laisser tout le temps à nos
collègues de répondre. Alors, député d'Ungava.
M. Lamothe :
Bonjour. Vous mentionnez que les difficultés rencontrées avec la perception des
enquêteurs patrouilleurs, avec les victimes,
que parfois, on les prend comme une prostituée au lieu de victime. C'est quand
même assez sérieux, ça. Je veux dire,
c'est sérieux, dans le sens, au niveau de la volonté de vouloir faire une bonne
enquête, la volonté de vouloir faire un bon suivi avec la victime. Je ne
sais pas, là, mais on part de loin.
M. Valiquette (Martin) : En fait, c'est ça, les gens qui sont
spécifiquement attitrés à ces équipes-là, naturellement, ils ont toute la connaissance, la formation et
l'ouverture qu'il faut pour y travailler. Puis, comme je le mentionnais tantôt,
ce n'est pas seulement les... En fait, ce
qu'on rencontre, c'est... Les policiers représentent la société dans leur
ensemble, et, dans la société, il y a plein de préjugés et de croyances
différentes par rapport à la prostitution et l'exploitation.
Comme,
par exemple, ici, si je passais une feuille à tout le monde puis je leur
demandais d'écrire c'est quoi, pour eux,
la définition de la prostitution, la définition d'exploitation sexuelle, on
aurait tous des réponses différentes, puis on le rencontre, des gens bien... dans des bonnes positions, que je ne
nommerai pas, qui nous disent : Bien, j'aime mieux que ces
filles-là aillent faire de la prostitution plutôt que voir des hommes agresser
des femmes dans la rue; comme ça, les hommes
peuvent aller se défouler. Bien, ça, c'est des préjugés puis des croyances
qu'on entend encore aujourd'hui, en 2020, là.
M.
Lamothe : Oui, mais je veux dire... C'est parce que, moi, qu'est-ce
qui arrive, la difficulté que j'ai, c'est que vous êtes un corps de policiers
puis vous m'avez présenté ce que vous faites... Bon, j'ai été policier
moi-même, peut-être que je... tu
sais, je juge peut-être un peu trop, mais, quand j'entends que vous avez une
difficulté, puis c'est le chef de police qui parle, avec des enquêteurs puis des patrouilleurs qui ont une perception
négative face à la victime, je ne sais pas, là, mais les dossiers ne
doivent pas aller bien, bien loin.
Mme Philibert (Pascale) : ...dans la première phase, là, nos filles de
14 ans, là, qui se faisaient réarrêter par les policiers, tu sais, il y a une entente multi...
dévoilement, elle raconte son histoire, mais on a beaucoup de filles qui
continuent, parce qu'elles sont encore amoureuses. Puis une intervention
de l'équipe qui était là, quand elle faisait une intervention puis les filles étaient encore là, avec les mêmes
gars ou des gars similaires, bien, devant les gars, là, les filles donnaient
des coups de pied aux policiers,
crachaient dessus puis tout le kit. Mais après ça, les policiers les mettaient
à part puis ils disaient : Là, qu'est-ce que tu fais là? Voyons...
M. Valiquette (Martin) : On avait collaboré avec elles, puis là,
soudainement, elles changent d'idée. Ça fait qu'on... de comprendre,
pour le policier...
Mme Philibert
(Pascale) : Bien, c'est ça,
puis des fois, les filles, par la suite, avec les policiers, disaient :
Bien, c'est parce que les gars me
regardent, là, les gars sont là. C'est très complexe. Ce n'est pas simple. On a
des filles amoureuses qui retournent, ça fait que, des
fois, il y a des policiers qui se découragent, qui ne comprennent pas. C'est
comme la violence conjugale, là,
aussi, là, pourquoi qu'elles retournent? C'est une approche pas facile. Puis
là, avec des 14 ans, là, la pensée magique reste longtemps. S'il y a une carence, ils vont promettre
quelque chose, c'est là, là. Il faut travailler ça, puis ça, ce n'est
pas en une rencontre. Ça fait que des fois, là, ça prend un an, un an et demi.
Ça fait que c'est ça que les policiers doivent
savoir, doivent comprendre. Ça fait que c'est là, la complexité, que même si
elle t'envoie chier, même si elle te donne
des coups de pied puis que, devant un gars, elle fait toutes sortes d'affaires,
il ne faut pas embarquer. C'est pour ça que, quand je parle d'équipes
dédiées qui connaissent ça, c'est plus facile.
M. Valiquette (Martin) : Puis
que la formation... formation puis débat de société aussi, là.
M. Lamothe : ...tout le temps mis la
situation au pire. Ça fait qu'éventuellement, une de ces filles-là, que vous
expliquez, agit de la sorte puis que les policiers, face à ça, disent :
Bien là, finalement, regarde, c'est une habituée... Puis si elle est victime d'un meurtre deux mois après, bien, le
policier, ça sera sa conscience ou à ses patrons de dire : Bien, on
a fait tout fait ce qu'on avait à faire.
Deuxième des choses, vous avez parlé d'une
contribution financière pour améliorer le lien avec les victimes, tantôt. C'est
une contribution financière d'un privé? De quoi?
M. Valiquette (Martin) : Du
fédéral.
M. Lamothe : Du fédéral?
M. Valiquette (Martin) : Du
fédéral.
M. Lamothe : O.K., d'un programme
fédéral. Parfait. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
• (14 h 40) •
M. Vallières (Ghyslain) : Si je
peux me permettre rapidement, on a des policiers patrouilleurs qui aident
quotidiennement des femmes qui vivent la prostitution, qui vont même jusqu'à
les aider dans leur désintoxication en prenant en charge leur maison, leur
appartement, leurs animaux de compagnie pour les aider. La perception n'est pas
négative. C'est qu'à un moment donné, ça vient peut-être difficile d'aider quelqu'un qui ne veut pas que tu
acceptes la main tendue. C'est plutôt dans ce sens-là qu'on le disait.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci. Merci,
M. le Président. Donc, merci pour
votre présentation et bravo pour le travail que vous faites dans l'agglomération
de Longueuil.
Ma première
question. Avant vous, on a reçu plusieurs corps policiers qui nous ont parlé d'un enjeu
particulier. Je ne vous ai pas entendus parler de cet enjeu-là,
j'aimerais savoir si ce n'est pas un enjeu pour vous, c'est les difficultés liées à l'accès à l'information, notamment avec la
DPJ. Je comprends que... Est-ce que, pour vous, ce n'est pas un enjeu?
C'est un enjeu?
M. Vallières (Ghyslain) : Bien,
oui, c'est un enjeu, mais ça a été adressé à maintes reprises. Donc, on
préférait, nous, adresser nos autres
stratégies, vu que ça avait été mentionné à quelques reprises. On parle du
secret médical, entre autres. Dans ce
sens-là, oui, c'est toujours un enjeu. On aimerait qu'il y ait effectivement
davantage de partage, et je pense que, même du côté du centre jeunesse
aussi, là, il y a un intérêt là-dessus.
M. Valiquette
(Martin) : Ce qu'on pourrait
rajouter, c'est qu'on a quand même trouvé plusieurs mécanismes et
plusieurs façons de faire pour arriver à échanger l'information utile pour
l'intervention, puis on y est arrivés. Puis vous allez voir, dans les recommandations, on vous parle de la clinique de
concertation. Bien, c'est encore plus facile, parce que, là, la victime décide
de nous... nous donne la permission d'échanger avec les partenaires. Ça fait
qu'on a décidé : D'accord, on va travailler en équipe avec toi pour
t'aider dans une approche d'«empowerment». Donc, on a l'autorisation, ça
fait que ça nous ouvre... ça nous facilite
les échanges. Par contre, s'il y avait encore plus de facilité dans des cas
spécifiques, c'est sûr que ça serait aidant.
Mme Philibert
(Pascale) : Moi,
j'ajouterais, dans les cas d'entente multi, quand on a un signalement
d'exploitation ou d'abus sexuel, de
«gang bang», on peut donner de l'information à ce
moment-là. C'est la fenêtre qu'on
utilisait, qu'on utilise encore pour échanger de l'information.
Une voix : La fugue aussi.
Mme Philibert (Pascale) : La
fugue aussi nous permet d'échanger de l'information. Ça fait qu'on utilise ces fenêtres-là. Mais c'est sûr que, si moi, j'ai un
répondant au service de police avec qui échanger ça pour des cas concrets,
pour... à ce moment-là, ça va plus vite puis c'est possible. Mais c'est toute
la coordination de ça, parce que, oui, il
y a de l'information, à ce moment-là, plus large
qu'on peut transférer, qui n'est pas nécessairement reçue directement pour l'enquête, mais qui peut servir pour
une intervention plus large. Mais il y a des moments où on peut échanger de l'information,
puis ça, ça fonctionnait.
M. Valiquette (Martin) : Je pense,
c'est important aussi pour la personne en charge, le gestionnaire, de bien comprendre les carrés de sable de chacun et le
respect et de gérer les frustrations de mes enquêteurs qui disaient : On a
un partenariat, mais ils ne veulent
même pas nous dire c'est qui, la fille. Certains, on n'avait pas la fenêtre
d'opportunité. Ça fait qu'il y a des frustrations qui étaient générées.
Donc, c'est de l'adresser. Il dit : Non, il faut comprendre, ils ont une loi à respecter, c'est correct qu'ils ne
partagent pas le nom, mais on peut quand
même avancer puis on peut quand même travailler ensemble.
Mme Philibert
(Pascale) : Puis les deux
conseillers sur l'exploitation au centre jeunesse, là, moi et Carole, on sert à
ça. Quand on a des frustrations, on explique pourquoi puis on va faire le bout
qu'on est capables de faire. Ça fait que, s'ils nous font confiance puis ils
savent qu'on va intervenir sur ce qu'on est capables, on le fait. C'est facilitant
d'avoir quelqu'un qui est un intervenant pivot, un conseiller sur ça, qui va
faire les liens avec le centre jeunesse et les policiers.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Merci
pour votre présentation. Mme Demers, vous avez dit quelque chose qui a
accroché mon oreille. Vous avez dit
que les jeunes filles sont fières de se retrouver dans des relations où il y a
de la violence. Ça m'a frappée. Puis il faut d'abord agir sur le
contrôle. Ça, ça a plus d'impact sur elles que la violence. Oui?
Une voix : ...
Mme Foster : Oui? Ah! excusez.
Excusez-moi, excusez-moi.
Mme Philibert (Pascale) :
Alors, oui, parce qu'on a beaucoup de jeunes filles qui valorisent ça, la
violence: Moi aussi, je l'ai frappé, moi
aussi. Ça fait que, si on intervient en partant sur la violence, ils vont
minimiser ça, puis ce n'est pas
grave, parce qu'ils se cherchent tellement du pouvoir... Puis on s'entend, là,
qu'ils se font bien plus brasser qu'ils brassent le gars, là, mais pour
eux, là...
Ça fait qu'on va davantage travailler sur le
contrôle. On va adresser... Ça, ça va résonner beaucoup plus que la violence. On va travailler sur la violence aussi,
mais... Il te dit-u quoi porter? Ça, le contrôle, ça, ce n'est pas valorisé du
tout dans aucun milieu. Quoi porter, qui
parler, quand lui téléphoner, ça, ça dérange les filles. Quand on pose des
questions là-dessus : Tu as-tu
le droit d'appeler qui tu veux? Est-ce que tu as ton cellulaire personnel? Est-ce
que tu as... Ça, là, ça les achale. Cependant, on va aussi réutiliser
ça, parce qu'on a fait des interventions où : Tu es-tu tannée, des fois?
Tu sais, il y
a des filles où on essaie d'interdire certains contacts avec certains gars,
parce que la Loi de la protection de
la jeunesse le permet, mais avec nos 16 ans, on ne va pas là. Ça fait que, des fois, on va utiliser ça pour dire :
Bien, lui, normalement, est-ce que tu le connais? Ça fait que là, avec le service de police, sur le protocole, on échange
l'information. Des fois, on a de
l'information privilégiée du service de police qu'on va partager avec la jeune.
Sais-tu qu'il n'a pas 20 ans, il a 27 ans? Tu sais-tu que le
nom qu'il t'a donné, ce n'est pas son vrai nom, c'est un autre nom? Est-ce que
tu sais qu'il a trois enfants? Est-ce que tu
sais... Ça fait qu'on va regarder ça
puis là on va dire : À 16 ans, moi, je ne vais pas te contrôler, je ne vais pas t'interdire, je veux
juste que tu sois consciente. Puis là on va travailler le contrôle, tu sais.
Puis là on a des jeunes, des fois, qui se mettent à pleurer : Oui,
parce qu'il me contrôle beaucoup.
Ça fait qu'on
va faire le parallèle, on veut te donner de l'information, on veut que tu fasses
des bonnes décisions, mais le
contrôle, ça marche encore, la violence... Nos jeunes vraiment, vraiment
poqués, ça marche moins, malheureusement, mais on travaille ça.
Mme Demers
(Carole) : Donc, c'est sur
la minimisation qu'il faut qu'on travaille aussi davantage pour amener à un développement qui va être plus aidant, puis la compréhension va
être meilleure, puis on va pouvoir faire les suites par après.
M. Valiquette
(Martin) : Il y a une
normalisation des rapports sexuels violents. Si vous regardez sur Internet les
films pornos, 80 %, il y a de la violence, il y a du
contrôle, il y a de l'étouffement, il y des prises par les cheveux. C'est comme
normalisé.
Mme Philibert (Pascale) : Une
banalisation.
M. Valiquette (Martin) :
Banalisé, oui.
Mme Philibert
(Pascale) : On a des jeunes
filles traumatisées par la porno actuellement, là. Ça aussi, c'est quelque
chose qu'on vous recommanderait de regarder.
Puis j'ai...
la question est là, puis je n'ai pas de réponse, est-ce qu'on a de l'aide pour
ceux qui surconsomment de la
pornographie comme une dépendance et qui, par la suite, pourraient devenir
clients? Ça fait que moi, j'aimerais qu'on développe aussi pour les gens qui surconsomment la pornographie puis
qu'à un moment donné, ils se disent : Bien là, je veux consommer ce que je vois. Ça aussi, il y a
quelque chose là à aller travailler au niveau de la pornographie. Et ma
réflexion, c'est
que ce serait les centres de dépendance qui seraient les mieux pour traiter les
problèmes de pornographie qui amèneraient à une consommation de la
sexualité malsaine.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup.
M. Vallières
(Ghyslain) : ...avait identifié que les hommes qui vont aller
acheter de la prostitution ont une escalade très rapide sur une période de deux
à trois semaines au niveau de la consommation de la pornographie juvénile.
Donc, c'est déjà là, comme le dit Pascale, un élément de détection.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci, M. le Président. Merci énormément pour votre présentation. Comme députée
à Longueuil, c'est sûr que ça me rend
fière de voir qu'il y a autant d'initiatives innovantes qui sont déployées sur
notre territoire puis qui forcent
aussi à penser en dehors du cadre. Puis je pense que vos contributions
apportent beaucoup aux travaux de la commission. Donc, je vous remercie
puis j'aurais des petites questions, justement, en rafale pour que vous
puissiez peut-être mieux... qu'on puisse mieux saisir, peut-être, la réalité de
certains programmes que vous avez mis en place.
Par exemple,
avec l'équipe intégrée, je sais que vous travaillez avec des partenaires du
milieu communautaire, que ce soit en
hébergement, avec également la CLES qui sont venus nous rencontrer plus tôt ce
matin. Donc, comment ça se passe ce partenariat-là, d'abord?
Ensuite, par
rapport à l'idée d'implanter, justement, des policiers plus près des
communautés, quel rôle ça peut jouer dans la prévention sur
l'exploitation sexuelle?
Puis
finalement, ma dernière question porte sur les «john schools». Est-ce qu'on a
des... je sais qu'au Québec on n'a pas
beaucoup de données, c'est ce que nous ont dit les autres groupes avant vous,
mais est-ce que, par rapport à ce qui a été fait ailleurs, par exemple,
aux États-Unis ou dans d'autres provinces canadiennes, est-ce qu'on constate
vraiment une diminution de la récidive par rapport aux clients abuseurs qui
vont suivre le programme des «john schools»?
M. Vallières
(Ghyslain) : Je vais
répondre tout de suite à cette question-là. Au niveau de la récidive, il faut
faire attention parce que plusieurs
études évaluent, selon certains critères, la récidive. Donc, c'est très délicat
de répondre à ça. Exemple, si vous
avez... Et les gens l'ont exprimé, ça ne s'adressera pas à tout le monde, à
tous les types de clients, les «john schools». Si vous êtes quelqu'un de
très violent envers les femmes, qui a une haine profonde, ce n'est pas un programme de huit heures qui va vous transformer.
Si vous avez une déviance sexuelle majeure, ce n'est pas ça non plus qui
va...
Donc, il faut
d'abord distinguer celui qui est fait pour le «john school» et à qui ça va
réellement parler de celui que c'est davantage une thérapie sur deux,
trois, quatre ans pour venir à bout de traiter sa déviance majeure. Donc, il
faut faire attention, au niveau des
résultats, de est-ce que ça fonctionne ou pas, parce qu'en fait,
présentement, la seule unité qui a
été identifiée, c'est est-ce que je te rattrape. Mais ça ne veut pas dire
que tu ne l'as pas fait. Si on tient une opération par année, il y a des
chances qu'on ne le rattrape pas tout de suite et ça fait bonifier les
statistiques.
Edmonton nous
ont demandé d'être très prudents là-dessus parce qu'eux n'ont pas eu la
prudence nécessairement de s'assurer de ça avant. Donc, on pourrait plutôt
suivre ces gens-là sur le long terme, les réinviter dans un questionnaire
12 mois, 24 mois plus tard.
• (14 h 50) •
M. Dagher
(Fady) : ...au niveau de la
prévention et avoir des policiers encore plus proches de la communauté, pour
cet aspect-là, je vous dirai, plus nos policiers seront dédiés à travailler
dans la communauté avec la communauté à un très bas âge, surtout au niveau des
jeunes filles, que ce soit que... des policiers qui s'intéressent à des familles
qui leur seront... j'appelle ça un peu la police
famille, donc des policiers qui sont dédiés à certaines familles qu'on sait
qu'il y a une certaine vulnérabilité au
niveau de leurs jeunes filles, donc
s'intéresser à eux avant la crise, dès l'âge de neuf ans, 10 ans, 11 ans, être en lien avec eux et que le
policier fasse un peu le lien pivot avec d'autres partenaires pour venir en
aide à cette jeune fille là, nous, on
pense... on croit vraiment dans le travail en amont, bien tôt, à un âge très
jeune pour faire en sorte
qu'on puisse anticiper l'émergence d'une problématique à cette jeune fille là.
Mais ça, ça prend des policiers qui vont éventuellement être dédiés là-dessus
et non pas uniquement des policiers qui sont sur les appels 9-1-1.
M. Valiquette
(Martin) : Le travail de
partenariat, de concertation, c'est un travail de tous les jours, là. Ce n'est
pas un document qu'on signe puis on
est partenaires. Donc, c'est de travailler vraiment avec tous les
partenaires. D'ailleurs, la
clé, une des choses... aussi devrait contribuer, c'est qu'on veut immerger des
policiers dans le programme Immersion pour qu'ils comprennent la réalité des jeunes femmes, pour défaire un peu
les croyances, les mythes, voir vraiment la vraie réalité. Ça fait que ça, c'est vrai.
Puis toutes les autres trajectoires de service qu'on peut avoir en dépendances,
qu'on peut avoir... vous avez parlé d'hébergement, c'est une grande difficulté qu'on a, de trouver
des places d'hébergement avec des filles qui vont cadrer, pas intoxiquées, qui veut vraiment.
La fille va être placée puis elle va rappeler son proxénète qui va venir la
chercher. Donc, des places comme ça, souvent,
on doit rouler plusieurs heures pour aller porter des victimes dans des
centres qui acceptent. Ça fait que c'est extrêmement complexe.
Puis finalement
ce que je vous dirais, qui vient faire le lien un peu avec le policier de concertation, le policier qui est dédié,
qui va être dans la rue, qui va être très proche, c'est qu'on a beaucoup
de parents qui nous disent : Faites ce que vous avez à faire pour nous aider. Ça fait qu'ils sont prêts à ce qu'on travaille ensemble. Puis il y a une
des mères qu'on a rencontrées, qu'on
lui a dit : Bien, ça prend tout un village pour éduquer un enfant, le
proverbe. Elle dit : Bien, il est où, le village?
Elle dit : Il est où, le village? Il ne l'a pas... Il y a plein de
services. La fille était suivie par la DPJ, puis il y avait des
intervenants de rue, de l'école. Il dit : Vous travaillez tous là-dessus.
Si vous regardez dans le mémoire, il y a le sociogénogramme,
puis vous ne vous parlez pas. Vous ne vous parlez pas, puis moi, elle dit, mon
fils... puis sa fille, les deux étaient impliqués.
Ça fait que c'est de
ramener l'esprit de village avec un policier qui connaît la jeune puis qui est
capable d'aller chercher les services. Puis
on tisse un filet de sécurité très en amont pour ne pas qu'elle ait... je veux dire, qu'on soit obligé d'avoir un
signalement, un suivi, puis que la fille se retrouve en centre de réadaptation.
Puis il faut vraiment être en avant de la rondelle sur ce type
de problématique là. Mais, en fait, toutes les problématiques, si on peut être
au-devant, bien, on est beaucoup plus efficace. L'argent qu'on place là nous
rapporte beaucoup plus que d'essayer de courir après puis essayer de l'amener vers des services, malgré
qu'il faut le faire quand même. Il y a des filles qui sont exploitées. Puis le rôle de la coordonnatrice, c'est, au-delà des
services du centre jeunesse, c'est d'être capable de poursuivre, mais dans un
esprit, comme on vous parle dans la clinique
de concertation, de volontariat de la personne et de sa famille. Et c'est toute
l'approche systémique, les gens autour de la victime.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci beaucoup pour votre intervention et surtout félicitations pour
votre travail. Vous travaillez depuis 2008, donc ça fait un certain
temps. Vous avez une expérience certaine.
Je
voudrais tout d'abord corriger un article du journal Le Devoir ce
matin. Mon intervention est à l'intention des journalistes qui sont dans la salle, et je vais avoir une question après
concernant le programme «john school». Ça dit dans l'article, le programme d'éducation «john school»
pourrait être instauré. Moi, je vous rappelle que notre commission concerne
l'exploitation sexuelle des mineurs et de ce
que j'ai compris du «john school», je ne suis pas une grande experte, mais ce
que j'ai compris du «john school», je ne crois pas que ce programme puisse
s'appliquer à ce que nous sommes en train d'étudier
ici. Peut-être qu'on pourra en innover un, penser à côté de la boîte et trouver
quelque chose, mais je pense qu'il faut
faire vraiment la différence et la correction concernant cet article du journal
ce matin. Dans mon livre à moi, le client abuseur d'une mineure est vraiment un déviant sexuel majeur. Donc,
encore là, je ne pense pas que «john school» s'applique.
Vous
avez parlé d'une statistique qui m'a vraiment jetée en bas de ma chaise, là,
6 000 à 7 000 clients... possiblement 6 000 à
7 000 clients sur votre territoire, clients potentiels, si on regarde
les statistiques, les pourcentages. Ouf! De ces clients-là, potentiels, clients abuseurs, est-ce que vous avez une idée
de quels sont ceux qui sont intéressés par le jeune ou la jeune — on a
parlé beaucoup des filles, mais on sait qu'il y a des garçons aussi — le
jeune ou la jeune? Est-ce que vous avez une
idée du phénomène qui se retrouve sur votre territoire concernant ces... Parce que vos statistiques
sont... je vous dis, là, moi, j'ai
trouvé ça affolant, là, puis je pense
que vous êtes sérieux dans ce que vous
nous racontez, donc je n'ai aucune...
je ne remets pas en doute ce que vous nous dites, mais je pense que si on a, là-dedans, un pourcentage de clients
abuseurs de jeunes filles qui recherchent des jeunes filles, il faut vraiment
qu'on agisse, il faut que le client abuseur soit vraiment mis au
banc des accusés pour vrai, là.
Alors, ça a peut-être
été un long préambule, mais je voulais vraiment faire la mise au point sur «john
school» parce que ça m'agaçait un peu.
M. Vallières (Ghyslain) : Rapidement, je m'étonne toujours quand on le présente
sous cet angle-là, le «john school». C'est
qu'en fait il faut ramener ça à l'opération policière. L'opération
policière va placer une adresse qui ne mentionne pas que la jeune fille
est mineure. C'est là la distinction, finalement. Donc, du moment où on ne
mentionne pas qu'elle est mineure, et en
aucun temps, dans l'opération, on va mentionner qu'elle est mineure, c'est à ce moment-là qu'on peut, lui, le client abuseur, le mettre dans un programme de «john school». Donc, tout est dans le
regard de celui qui le lit. Si je vous dis :
Je suis jeune et j'aime les hommes matures, quelle est votre interprétation que
vous en faites? Là, ça serait au client de voir ce qu'il en perçoit.
Donc, c'est là la distinction.
Moi,
ce que j'aime donner comme image, c'est que c'est un gros filet à poissons. Je
veux attraper le maximum de poissons
à l'intérieur, et là, avec l'intervention des sexologues qui étaient avant
nous, c'est de voir lequel est effectivement capable d'aller dans un «john
school», parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, ça ne s'adresse pas à
tout le monde. Et dans les déviances sexuelles, vous mentionnez les jeunes
filles, jeunes garçons. Je crois que c'est Rose Dufour et Nadine Lanctôt qui ont fait la distinction entre
pédophile et hébéphile. Si vous êtes hébéphile... il faut faire attention, je ne suis pas un expert, mais, pour l'avoir lu,
c'est que ce n'est pas nécessairement une déviance sexuelle majeure et qui
n'est pas réhabilitable.
Souvent,
l'exploitation sexuelle, les clients vont aller la chercher sur trois
mythes : Les hommes, c'est des hommes, c'est une affaire de gars,
ça; deuxièmement, bien, je lui paie son appartement, je lui permets de
poursuivre ses études, et elle peut nourrir
ses enfants, leur acheter des bottes d'hiver, etc.; et le troisième,
c'est : Ce sont des femmes plus chaudes que les autres. Je me rappelle que Mme Dufour vous a mentionné cet
aspect-là. Donc, c'est ces trois mythes-là qu'il faut déconstruire. Il faudrait les déconstruire en
amont, avec des campagnes nationales, mais, lors des programmes «john school», c'est
exactement ce genre de choses là qu'on adresse, et des sexologues, d'ailleurs,
souvent, vont faire partie de cette journée. Et c'est ce qui aide à
déconstruire les mythes. Et lorsque la femme prostituée m'avait expliqué ce
qu'elle subit pendant qu'ils les pénètrent, c'est là que ça tue, pour beaucoup
d'entre eux, l'intérêt d'y retourner.
Puis, parmi la
clientèle, je ramène que ce chiffre-là est basé sur une étude des États-Unis,
du groupe Demand Abolition de
novembre 2018, et c'est basé sur une étude qui nous vient des États-Unis,
mais on peut croire que ça nous donne une
échelle de grandeur. Et on dit souvent, et j'ai entendu souvent dire : On
ne connaît pas bien les clients, qui sont-ils? Moi, je vous recommande de lire cette étude-là.
Elle nous dresse quand même un très bon portrait, et ça nous aide à cibler
sur quoi on doit travailler. Et il y a l'expertise au Québec, là. Il y a
l'expertise, ça, j'en suis certain, oui.
• (15 heures) •
M. Valiquette (Martin) : ...juste un autre point que je mentionnerais, la
difficulté aussi, le passage de 17 à 18 ans. Les statistiques démontrent que 80 % des femmes ont commencé alors qu'elles étaient mineures. Donc,
mineures, on dit tous : Oh!
c'est de l'exploitation, c'est donc terrible. Mais qu'est-ce qui se passe dans
la nuit de 17 à 18 ans? Le lendemain, c'est rendu correct, elle
peut choisir de sortir puis de... Et on n'a pas l'ampleur du chiffre. C'est ça
qui... Puis une des ampleurs, puis on n'a
pas de chiffre non plus pour les consommateurs, mais pour les policiers ici,
dans la salle, on a fait des surveillances des salons de massage et des
hôtels où il y avait... et ça fait peur de voir la quantité d'hommes qui sortaient. On était stationnés, puis le cuisinier
sortait, il enlevait son tablier, il traversait, il avait du sexe, il
retournait puis... ça sortait de
partout. Ça fait qu'il y a comme une banalisation de ça puis une réalité, mais
on ne connaît pas l'ampleur réelle.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui, merci. Merci. C'est fascinant et bravo pour ce que vous faites.
Moi,
je vais revenir sur les «john schools», parce que moi, je trouve que c'est
prometteur à quelque part, et ce qu'on nous a dit, d'ailleurs, c'était
en échange avec la police d'Edmonton ou des experts, c'est l'empathie, donc
développer l'empathie chez cet homme, et on
ne parle pas... On parle de l'homme... ils ont dit : Ça peut être
n'importe qui, presque, là, qui consomme. Donc, ce n'est pas avec des déviances
dans sa personnalité, essentiellement. Puis on a même entendu un enregistrement, bon : T'as quel âge? Puis
elle est un peu vague sur son âge, puis, bon, bien, il laisse ça passer. Donc,
ça peut être 16 ans, 17 ans. Donc, je pense que ça peut
s'appliquer, j'imagine, ce programme, parce
qu'elles sont mineures.
Alors, vous, vous
avez l'intention d'aller de l'avant pour implanter. Je vois que vous
dites : Les conditions gagnantes...
Puis j'ai une question. Qu'est-ce que vous voulez dire par «mais également des
valeurs québécoises et de la Charte des droits et libertés»? Vous devez
en tenir compte? En quoi c'est pertinent pour implanter le «john school»?
Une voix :
Est-ce que vous pourriez la ramener?
Mme Weil :
C'est page 12 de votre mémoire, vous dites : «Pour autant, le SPAL
demeure soucieux qu'un tel programme se
structure en tenant compte amplement, d'une part, des bonnes pratiques en la
matière — ça, ça
va — mais
également — comme s'il y avait une contradiction — des valeurs québécoises et de la Charte des
droits et libertés, entre autres.» La
Charte des droits, ça s'applique partout au Canada de toute façon, la charte
canadienne. Les valeurs québécoises, je pense que c'est les mêmes
valeurs que tout le monde. Quelle était l'intention de cette phrase‑là?
M. Vallières (Ghyslain) : Pour résumer, parce qu'on pourrait en parler
vraiment, de cet aspect-là... mais résumer rapidement, c'est qu'exemple, là, il
y a des programmes aux États-Unis, sur des «john schools», qui vont se bâtir
sur la honte du client. Là, ce qu'on
constate, c'est qu'ici au Québec, si on va vers ça, peut-être qu'on n'aura pas
un assentiment général, et tout le monde ne nous suivra pas là-dedans.
Quand
on implante ce genre de programme là, je crois personnellement que, socialement,
il faut aussi qu'il y ait une
acceptation de nos pairs citoyens. Donc, c'est à ce niveau-là, nous, qu'on
disait : Il faut faire attention parce qu'on a des valeurs sociales
qui ne sont pas nécessairement les mêmes que dans certains États américains. Et
également, ce qu'on constate, c'est que, si
on va vers la honte, souvent, le client à ce moment-là se sent jugé et devient
même plus violent s'il retourne dans
l'exploitation sexuelle avec les femmes. Donc, il faut faire attention du
modèle qu'on prendra. Et nous, on veut construire sur le positif.
Mme Weil :
Le modèle canadien, essentiellement?
M. Vallières (Ghyslain) : Le modèle canadien, comme Edmonton, se fonde
d'ailleurs sur des valeurs beaucoup plus positives à ce niveau-là.
Mme Weil :
Donc, vous travaillez là-dessus essentiellement, maintenant, c'est-à-dire de
voir à l'implantation.
M. Vallières (Ghyslain) : On a beaucoup de pourparlers avec différents
groupes, organismes, et entre autres le DPCP, car il faut comprendre que c'est impossible d'atterrir cela tout
seul comme service de police. Ce sera un travail d'équipe, et le partenariat, chez nous, c'est très
important, avec nos organismes et nos institutions également. Le DPCP,
évidemment, en fait grandement partie.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Avec consentement, je vais
permettre deux dernières questions qui nous restaient. Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Parfait. Député de Chomedey.
M. Ouellette :
Une toute petite. Vous nous avez dit, M. Valiquette, que vous aviez six
enquêteurs. Ça fait longtemps qu'ils sont
dédiés à cette fonction-là? Parce qu'on a reçu à Québec un autre gros corps de
police, et il y avait un sondage, pour ne pas le nommer, dans la ville
de Gatineau, qui... les gens demandaient à ce qu'on s'en occupe, et on n'avait pas assez de dossiers pour appointer du
monde. Je me dis : Vous en avez six depuis combien de temps? Et ça,
c'est temporaire ou ça va être permanent? Parce que, là, je pense que...
j'écoutais le directeur nous dire que dans Immersion, à un moment donné, vous
allez avoir quelque chose qui va effectivement toucher à ça.
M. Valiquette
(Martin) : En fait, ça a
fluctué dans le temps. Les trois premières années, on avait six enquêteurs
jusqu'à 2011. Par la suite, les pratiques de
ces enquêteurs-là ont été intégrées aux pratiques courantes. Ça fait que même
le partenariat, tu sais, a commencé à
s'effilocher un petit peu. On a ramené deux enquêteurs identifiés qui
traitaient ce type de dossiers là. Puis c'est surtout en 2018, où on a
ramené en principe quatre enquêteurs. Mais là on attend toujours le quatrième. Ça fait qu'on a trois enquêteurs, mais
le but, c'est d'avoir quatre enquêteurs à temps plein. Malgré que la quantité
de dossiers, ça déborde quand même, ça fait
qu'il y a des enquêteurs de d'autres unités qui vont travailler à l'occasion
puis il y a une contamination positive qui se fait entre les enquêteurs.
M. Ouellette : O.K.
Mme Philibert (Pascale) : Et,
si je pourrais ajouter aussi...
M. Ouellette : Oui.
Mme Philibert
(Pascale) : Souvent, c'est
difficile avec les victimes que le centre jeunesse... Ils ne veulent pas porter
plainte. Il y a aussi d'autres
problématiques qui se mélangent. Ça fait que ce n'est pas parce qu'il n'y en a
pas nécessairement, c'est juste que des dossiers à travailler de cette
façon–là, ce n'est pas... je ne pense pas que c'est du travail classique,
là, c'est plus compliqué.
M. Valiquette
(Martin) : Je ne sais pas si
ça a été mentionné par d'autres enquêteurs, mais, si tu demandes à la
fille, si ta première question, c'est : Veux-tu porter plainte?, c'est sûr
que tu n'auras pas beaucoup de dossiers.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Dernière question, députée de Roberval.
Mme Guillemette :
...M. le Président. Ma question va à Mme Demers ou Mme Philibert. On
a rencontré plusieurs groupes qui nous ont dit que ce n'était pas
nécessairement la bonne situation de mettre les jeunes filles dans des centres jeunesse. Vous voyez ça comment? Parce qu'il faut
faire attention à la stigmatisation, aussi, si on crée des ailes spécifiques
pour eux. Qu'est-ce que vous nous conseillez? Vous pensez quoi de ça?
Mme
Philibert (Pascale) : Par
moment, il faut les mettre en hébergement à cause... surtout les plus jeunes, là, les 13, 14, 15, où
développer leur jugement, c'est beaucoup plus long. On en a que les carences
sont tellement importantes, qui ont des
traumas tellement importants que, quand la pression monte, là, quand la
douleur, la souffrance monte, là, elles vont vers les bonnes personnes pour les
exploiter. À ce moment-là, quand on sait ça, on est obligés, à ce moment-là, oui,
de les mettre en centre.
C'est très
rare que les filles sont placées, O.K.? On va travailler davantage à l'externe, ça fait
qu'on va travailler à l'externe, on
va mettre des éducateurs. Malheureusement, certaines jeunes filles, à cause de leur
maturité, à cause que le jugement
n'est pas en place, sont incapables d'amorcer une réelle thérapie. Puis des
fois on a des psychologues qui... Je veux
dire, elle n'est pas apte, elle n'est pas disponible. Au lieu qu'elle pense
qu'une thérapie ne marche pas on va des fois arrêter la thérapie puis on
va travailler en réadaptation. Ça fait qu'il y a des moments où, oui, il faut
le faire.
C'est sûr que
j'aimerais ne pas rassembler toutes des filles exploitées sexuellement. Il n'y
a pas de solution parfaite. Parce que,
si on les met... on les sépare, elles peuvent contaminer, recruter d'autres. Si
on les met ensemble, ce n'est pas très normalisant d'être juste avec des
filles qui font ça. C'est très complexe. Si on pouvait avoir une fille
complètement à l'extérieur, qu'on la place dans un centre, c'est sûr que ça
serait l'idéal. Mais on travaille avec ce qu'on a. Je sais qu'il y a la
commission sur la protection de la jeunesse qui sont en train de regarder ça.
Mais, ce que
je peux vous dire, c'est que par moments il faut les arrêter et, oui, le centre
est nécessaire. Dès qu'on peut, il faut les sortir, mais il
y a des fois où le trauma ou la
carence est tellement importante que ça prend ça. Ça fait qu'on va toujours évaluer : Est-ce qu'il y a plus d'effets
secondaires négatifs? Mais il faut le faire. Puis il y a
des fois que ça passe par ça parce qu'à un moment donné c'est là, quand on les
arrête, qu'ils disent : Bien là, ça allait trop loin. C'est là qu'on est
capable de leur parler.
Mme Demers (Carole) :
...certaine prise de conscience qui va se faire, à ce moment-là, puis je pense
que c'est important de pouvoir le faire à l'intérieur même d'un centre de
réadaptation si c'est le cas.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup de votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux de cette commission. De
retour à 15 h 30. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 15 h 8)
(Reprise à 15 h 35)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle
des mineurs reprend ses travaux. Je
rappelle aux gens qui sont dans la salle de bien vouloir fermer les sonneries
de leurs appareils téléphoniques, s'il vous plaît.
Je
souhaite la bienvenue maintenant à M. Jacques Moïse et aux représentants
du Phare des affranchiEs. Je vous rappelle
que vous allez avoir chacun d'entre vous une présentation de 15 minutes.
Et ça sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission
pour une période de 30 minutes.
Alors, je vous
souhaite la bienvenue. J'invite maintenant Le Phare des affranchiEs à se
présenter et à nous faire leur présentation pour une période de
15 minutes, s'il vous plaît.
Le Phare des affranchiEs et M. Jacques Moïse
Mme Khlat (Nathalie) : Oui, merci. Alors, bonjour à tous et à toutes.
Merci de nous accueillir aujourd'hui. Ça me
fait plaisir d'être devant vous. Alors, je vais me présenter rapidement, Nathalie Khlat, présidente et cofondatrice de l'organisme Le Phare
des affranchiEs.
Alors,
je vais vous présenter un petit peu l'organisme. Le Phare des affranchiEs, c'est une organisation laurentienne basée à Saint-Jérôme, à rayonnement national dans le développement de programmes. Notre mission, et puis vous l'avez
en annexe, là, du document qui vous a été remis, c'est de travailler
contre la traite de personnes sous toutes ses formes et pour toutes les victimes. On a des valeurs
d'inclusivité qui nous sont très chères, des valeurs de pragmatisme,
d'innovation, pour répondre à un enjeu qui est très complexe.
Donc, toute ma
présentation aujourd'hui, je vais peut-être cogner sur le clou à quelques
reprises parce que la complexité de cet
enjeu fait qu'on ne peut pas avoir une réponse qui va convenir à toutes les
situations. Puis je pense que vous
avez entendu plusieurs organisations qui ont sûrement mentionné les mêmes
enjeux face à l'exploitation sexuelle des mineurs. Donc, notre mission, Le
Phare des affranchiEs, c'est la traite de personnes sous toutes ses formes, et
l'exploitation sexuelle des mineurs est bien souvent une forme de traite
de personnes. Donc, c'est à ce titre-là que je viens vous parler aujourd'hui.
Donc,
la commission nous a mandatés, nous a demandé, en fait, de venir présenter pour
répondre à trois questions, puis je vais vraiment prendre le temps de
bien répondre à ces questions-là.
On
nous a demandé quelles sont nos recommandations pour lutter durablement contre la demande de
services sexuels de personnes mineures. Vous avez entendu des
représentants du Service de police de l'agglomération de Longueuil tout à l'heure venir vous parler de l'éducation des clients. Je vais vous entretenir
un peu là-dessus aussi parce que la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle ou, plus précisément,
l'exploitation sexuelle de mineurs, c'est complexe, bien entendu. Puis,
pour vraiment pouvoir répondre à cet enjeu-là, on doit s'y adresser
globalement. On doit y répondre globalement.
C'est-à-dire que, oui, il y a les personnes victimes, mais,
pour aider les personnes victimes, il faut absolument s'adresser à la
demande ou à l'achat de services sexuels. Il faut s'adresser aussi à l'autre
morceau du triangle, qui sont les proxénètes, mais je viens vous parler vraiment
plus particulièrement des acheteurs de services sexuels.
Donc,
l'objectif qui est derrière un programme
de prévention de la récidive, c'est de réduire la récidive d'achats de services sexuels, bien entendu. C'est également
de diminuer les violences envers les personnes victimes. Donc, je le répète,
on s'adresse aux acheteurs, mais c'est pour
un résultat sur les personnes victimes, sur les mineurs dans le cas qui nous
occupe. Donc, bien que ce programme-là
ne vise pas les acheteurs de services sexuels de mineurs, il faut sensibiliser
et outiller les clients de
l'industrie sexuelle adulte pour avoir un impact sur l'exploitation sexuelle
des mineurs. C'est très important de développer
un programme de ce genre-là, avec une approche, encore là,
très inclusive, de façon constructive et pragmatique, qui va permettre de consulter des organisations qui peuvent avoir des opinions opposées sur la question de la
prostitution. Mais c'est avec ces
consultations-là qu'on pourra développer un programme qui réponde à nos
enjeux ici, à nos valeurs ici, et qui se base sur toute la littérature,
qui nous permet de savoir ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien par
rapport aux autres programmes de prévention de la récidive qui existent
ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde.
Donc,
on sait bien qu'il est illégal depuis 2014 d'acheter des services sexuels au Canada.
Par contre, on sait aussi qu'il y a
très peu d'arrestations encore à ce jour. Il faut miser sur l'éducation pour
que ces gens-là qui achètent des services sexuels soient en mesure de
comprendre les risques potentiels de l'achat de services sexuels au niveau de
l'exploitation sexuelle des mineurs. Donc,
je viens vraiment vous adresser de quelque chose qui touche la
commission sur l'exploitation sexuelle
des mineurs. Je ne viens pas vous parler de l'industrie sexuelle, de la
prostitution au niveau adulte. Je viens vraiment vous parler du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui
ensemble.
Ces modèles-là qui
existent, comme je l'ai dit un petit peu plus tôt, puis nous permettent de ne
pas partir de zéro, mais vraiment
de pouvoir nous baser sur toute la littérature, qui est abondante, laissez-moi
vous le dire, sur les différentes initiatives... qui nous permet de
savoir ce qui a fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné. J'entendais la
présentation du Service de police de l'agglomération de Longueuil
un peu plus tôt, je devrais dire, à la période des questions, et je crois
qu'ils en ont parlé un petit peu. Donc, on a la chance de pouvoir se baser
là-dessus, de pouvoir se baser aussi sur des partenariats solides d'autres
provinces canadiennes qui sont prêtes à nous aider à l'implanter ici.
• (15 h 40) •
C'est certain qu'un
programme de prévention de la récidive n'est pas adapté pour tous les acheteurs
de services sexuels, et ce n'est pas ce
qu'on vous soumet aujourd'hui. Bien au contraire, c'est de dire que, pour
certains, il peut être bénéfique, et
il sera bénéfique pas pour eux au final, c'est qu'il sera bénéfique pour les
personnes qui sont dans l'industrie du
sexe, qui sont mineures dans l'industrie du sexe, parce que c'est le sujet qui
nous occupe aujourd'hui. Notre organisme est en mesure de coordonner ce projet
novateur. On est en lien avec des partenaires, je l'ai dit un peu plus tôt, qui
sont intéressés à nous aider à l'implanter ici. On a des discussions avec
différentes municipalités pour avoir une première ville qui va être en mesure, je dirais, de se lancer pour instaurer un
projet pilote qui va nous permettre, je le répète, de vraiment
l'adapter, de ne pas faire un copier-coller, mais de l'adapter à nos valeurs
québécoises.
Et c'est très
important que je rajoute aussi qu'un programme de prévention de la récidive,
non seulement c'est pour l'éducation,
pour diminuer la récidive, mais il permet aussi, de par son modèle, et c'est
quelque chose qui se fait ailleurs, de couvrir les frais de programmes directement
adressés aux personnes victimes. Donc, en instaurant un programme comme ça, finalement, c'est le client, la personne qui
achète des services sexuels qui, également, paie pour des services pour la
reprise de pouvoir des personnes qui ont vécu l'exploitation sexuelle.
Donc,
on soumet respectueusement à la commission de soutenir ce programme-là et de
mettre les choses en place pour qu'on
puisse le développer avec les partenaires essentiels au projet, c'est-à-dire le
Directeur des poursuites criminelles et
pénales et les corps policiers des villes concernées. Également, il faudrait
que ce soit accompagné d'une initiative de sensibilisation grand public pour
également sensibiliser le public sur les conséquences possibles de l'achat de
services sexuels.
La deuxième question
qui nous a été posée était comment améliorer les services existants pour mieux
répondre aux besoins des victimes. Alors là,
je suis heureuse de vous arriver avec des solutions très concrètes qui vont
être déployées prochainement, une en
particulier qui va être lancée dans un mois, jour pour jour. Donc, je vais vous
l'expliquer, je dirais, dans les
grandes lignes. Par contre, vous comprendrez que, pour le bénéfice de ce
projet, il va y avoir plus de détails dans le mémoire qui va vous être
soumis d'ici le 1er mars.
Donc, l'exploitation
sexuelle, oui, provoque de lourdes conséquences pour les personnes qui en sont
victimes, et, par personnes qui en sont victimes, il ne faut pas oublier également
les proches des personnes qui le vivent. Lesdites conséquences dépassent, et
vous le savez, bien entendu, largement le passage de l'âge de la majorité. Et
les besoins des personnes qui ont été dans l'industrie du sexe, mais plus
particulièrement des personnes mineures qui ont été victimes d'exploitation,
sont nombreux et font que ces personnes-là, ces mineurs-là, que ce soit
maintenant ou que ce soit lorsqu'ils vont être adultes, vont être en contact
avec un paquet d'industries.
Donc, ce qu'on
propose, nous, et ce qu'on a déjà commencé à faire, c'est d'aller chercher
différents milieux, différentes industries, le corporatif, pour les amener
comme alliés dans la lutte contre l'exploitation sexuelle. C'est ce qu'on fait, entre autres, avec l'industrie touristique.
Donc, avec différents partenaires bien implantés, connaisseurs de leur réalité, de leurs besoins, de leurs contraintes,
on a bâti un programme qui, comme je le disais, va être lancé très
prochainement, qui va autant en
formation, qu'en affichage, qu'en développement de politiques, donc qui est
très, très, très global et qui n'a pas été monté par nous, qui a été monté avec
nous, mais certainement avec des gens qui connaissent leur réalité, pour que ce programme-là, il soit durable puis qu'on ne
se fasse pas tout simplement dire : Bien, oui, oui, oui, on va le faire,
mais que finalement ça tombe dans le vide.
Donc, ce
programme-là, il est financé, pour le moment, par le Secrétariat à la condition
féminine du Québec jusqu'à la fin 2020. On souhaite, bien sûr, que tous
les efforts qui ont été mis, parce que ça fait plusieurs années qu'on y travaille, à ce projet-là... que ce programme-là
soit assuré dans sa durabilité, dans sa pérennité parce qu'il va apporter, on
le croit sincèrement, des résultats positifs pour toute personne
mineure, majeure qui va avoir besoin de services, qu'elle soit accueillie,
qu'elle soit reçue sans jugement si elle fait une demande d'aide, qu'elle
reçoive les services appropriés et qu'elle soit dirigée au bon endroit pour recevoir
l'aide dont elle a besoin et qu'elle est en droit de recevoir.
Je vous soumets aussi
qu'il va y avoir un autre projet qui s'en vient, celui-là également plus
largement que l'industrie du tourisme, mais qui va se concrétiser prochainement
et qui, lui, est vraiment pour mettre en lien différentes industries
corporatives dans une meilleure réponse aux besoins des victimes.
Donc,
c'est sûr que tous ces beaux projets là, qui, encore là, sont bâtis avec une
approche d'inclusivité, avec une approche d'ouverture, qui permet que ces
programmes-là, que les outils qui soient développés soient vraiment,
concrètement, efficaces sur le terrain, bien, ça nous aiderait
énormément, et pas seulement nous, mais, bien sûr, toutes les initiatives de ce
genre-là qui pourraient émaner d'autres organisations, si la commission
recommandait des avantages fiscaux aux entreprises qui s'embarquaient dans des initiatives
du genre.
Je
vous l'ai dit un petit peu plus tôt, nous sommes un organisme
laurentien basé à Saint-Jérôme. C'est bien connu que l'exploitation sexuelle se passe dans les métropoles. Les données, pour
le moment, se limitent aux régions métropolitaines, et bien souvent des données
de source policière. Par contre, l'exploitation
sexuelle est aussi une réalité qui
touche les régions, et ça, c'est important de le savoir. C'est important
d'adresser aussi cet enjeu-là.
On
est actuellement en train de mener, Le Phare des affranchiEs, une
recherche en partenariat avec le cégep de Saint-Jérôme pour
documenter la problématique dans la région des Laurentides. À titre de donnée
préliminaire, je peux vous affirmer qu'il y a bien présence de plusieurs
personnes victimes d'exploitation dans la région laurentienne ou en provenance de celle-ci. Je peux aussi vous dire, à
titre de donnée préliminaire, que la majorité des cas identifiés ont vécu de
l'exploitation à des fins sexuelles. Ces mêmes données nous permettent de
confirmer que plusieurs obstacles nuisent à
une réponse complète des nombreux besoins des personnes victimes. Les organisations susceptibles d'être en contact avec des personnes victimes soulèvent le fait que le manque de connaissance
de la problématique est un obstacle dans la réponse que ces organisations-là
peuvent donner aux victimes.
Les
organisations de la région bénéficieraient grandement d'être
outillées, d'être formées, d'avoir des ressources humaines
dédiées pour vraiment pouvoir comprendre l'enjeu dans toute sa
complexité, dans toutes ses nuances, pour apporter des services aidants aux mineurs victimes d'exploitation sexuelle. Un comité composé d'organisations pertinentes, dont la protection de la jeunesse, devrait être
mis en place afin de coordonner le processus d'amélioration de la trajectoire de services, et ce, en se basant sur les
meilleures pratiques. Vous avez entendu et vous allez continuer à l'entendre,
je suis bien certaine, il y a plusieurs pratiques qui existent. Ce n'est pas nécessaire
toujours de réinventer la roue. Dans certains cas, ce l'est, comme les programmes
au niveau des industries dont je vous ai parlé un petit peu plus tôt. Mais, dans le cas d'initiatives... Je prends, par
exemple, l'initiative qui se passe avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale. Je
ne sais pas si vous les avez déjà
entendus. Je crois. Bien, c'est des choses qui peuvent être reprises, qui
peuvent être adaptées dans les différentes régions.
Donc, je
soumets à la commission qu'une attention particulière et un soutien
adéquat devraient être offerts à la région
des Laurentides et aux autres régions qui, malheureusement, encore aujourd'hui, ont souvent peu de ressources par
rapport aux autres, mais qui font également
face à une situation d'exploitation des mineurs. Et puis un mineur,
qu'il soit dans la région des
Laurentides ou qu'il soit dans la région de Montréal, ne devrait pas avoir
accès à des services différents, devrait recevoir la même aide, peu
importe son lieu de provenance.
Un autre
aspect que j'aimerais amener par
rapport à une meilleure réponse aux besoins
des victimes, c'est d'agir également sur l'exploitation
sexuelle des garçons et des personnes...
des LGBTQ+, pardon. Bien que l'exploitation
sexuelle touche davantage
les filles et les femmes, il ne faut pas ignorer ces réalités-là parce qu'en
les ignorant, bien, on crée d'autres problèmes
également. Donc, que ce soient des garçons, que ce soient
des personnes appartenant aux minorités sexuelles, c'est important d'en parler, et c'est important
d'en parler en prévention, autant pour les risques associés au devenir client,
pour devenir proxénète, mais également au devenir personne victime.
La troisième question
qui nous a été posée était par
rapport aux pistes d'action gouvernementales ou législatives pour
contrer l'exploitation sexuelle des mineurs. Je vais abonder encore en disant que
c'est un enjeu qui est complexe. C'est un
enjeu qui n'est pas bien saisi avec une heure ou deux de sensibilisation. C'est un enjeu qui doit être bien expliqué pour être compris dans toutes ses subtilités. Alors, à
ce titre-là, toutes les personnes, les intervenants du réseau, que ce soient les juges, les
médecins, les policiers, les gens qui peuvent être et qui sont souvent en
contact avec des victimes mineures d'exploitation, et dont les décisions ont un
impact majeur sur la vie de ces personnes victimes, devraient être formés.
Donc, j'encourage la commission à former, avec
les organisations du terrain... à développer un programme de formation qui est adapté et qui va pouvoir être
rendu obligatoire pour que ces différents intervenants là bénéficient
d'une formation pour qu'au final les personnes qui reçoivent les
services puissent recevoir des services, encore là, qui soient adéquats et qui
répondent vraiment à leurs besoins parce que les besoins sont nombreux.
• (15 h 50) •
Finalement,
et je ne vais pas m'entretenir longtemps là-dessus parce que c'est un sujet qui a déjà été
abordé et qui, à ma connaissance, est sous étude, mais je ne me permettrais pas
de ne pas le nommer aujourd'hui en commission,
les besoins sont nombreux. Les besoins en termes de ressources par la suite
sont immenses pour ces personnes-là. Encore à ce jour, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels ne reconnaît pas l'exploitation sexuelle, la traite de personnes comme crime couvert par l'IVAC. Donc, j'empresse
encore la commission de s'assurer que les travaux progressent bien pour qu'à l'annexe I de l'IVAC les crimes de
l'exploitation sexuelle et de la traite de personnes soient couverts pour
s'assurer vraiment, encore là, qu'ils puissent bénéficier des bons
services.
Donc, je vous
remercie énormément de m'avoir entendue. Je veux bien réoffrir mon aide et dire
que l'organisme Le Phare des affranchiEs, on souhaite être perçus
comme des alliés dans la suite des choses. Donc, n'hésitez pas s'il y a quoi
que ce soit... Dans la suite des pistes d'action concrètes qui vont, nous
l'espérons, être mises de l'avant suite à cette commission-là, vous pouvez nous
compter comme des alliés. Je vous remercie énormément.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup de votre présentation. J'invite maintenant M. Jacques Moïse à se
présenter et à commencer son exposé pour une période de 15 minutes aussi.
M. Moïse.
M. Moïse (Jacques) : Un petit
exposé. Mon nom, c'est Jacques Moïse. Je suis psychothérapeute. Je suis auteur
aussi. J'ai écrit un bouquin sur la prostitution des garçons qui s'appelle Adolescence,
initiation et prostitution.
J'ai voyagé beaucoup, dans le temps, quand
j'étais dans le communautaire. Maintenant, je suis en pratique privée
complètement. Ça veut dire que ça fait quelques années que je ne suis pas dans
le communautaire, malgré qu'on m'invite,
comme aujourd'hui, à parler d'exploitation sexuelle. Et ça, c'est
de la faute à deux madames policières que j'admire, qui viennent souvent me demander des conseils sur
qu'est-ce qu'elles devraient faire pour faire face aux problématiques en
lien avec la prostitution.
Ma clientèle en privé, ça m'a permis quelquefois
de rencontrer certaines personnes. Vous parliez de l'IVAC. L'IVAC et le CAVAC,
ce sont les principaux référents qui m'envoient des personnes qui ont subi des
traumas et des post-traumas, et donc la grande partie de ma clientèle est ceci.
Ceci étant dit, j'ai travaillé pendant de
longues années comme directeur, comme intervenant avec le doyen des organismes
qui s'est occupé de prostitution juvénile, qui s'appelait le PIAMP, le Projet
d'intervention auprès des mineur.e.s prostitué.e.s. Et je ne sais pas si
vous avez remarqué, c'était très difficile... on a ajouté un petit a, à un
moment donné parce que ça s'appelait le
PIMP, et c'était très difficile, quand quelqu'un appelait, dire : Allo, le PIMP. Donc, on a
ajouté un petit a pour faire le PIAMP.
Cet organisme a existé à partir... J'ai
l'impression de vivre un petit peu le roman de Cien años de soledad, de Gabriel García Márquez, parce que
ce genre de commission, comme je le
dis dans mon petit document, ça a été déjà fait il y a quelques années. Plusieurs années de ça, il y a eu une commission
sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Et, à ce moment donné, les mots
«prostitution des mineurs», les mots «exploitation des mineurs», ça n'existait
pas dans le jargon de l'intervention.
Et il a fallu que les journaux publient à un moment donné... Je suis comme une
mémoire du temps, comme Mathusalem,
hein? Je suis le doyen, sûrement, de votre commission. Il a fallu qu'un journal, comment que ça s'appelait déjà, TheGazette,
publie un article grandiose, un grand article qui disait qu'il y avait des
milliers et des milliers de garçons qui faisaient de la prostitution, entre autres à Montréal et à Québec. Et
cela va vous intéresser sûrement parce que c'est dans le temps où on
commençait à bâtir ce centre-ville francophone avec le complexe Desjardins, la
Place Dupuis, et c'est là que ça se passait
et que ce journal avait dit qu'il y avait des milliers et des milliers de
personnes, de garçons, qui fréquentaient ces lieux et qui s'adonnaient à
la prostitution juvénile.
Et, bien
entendu, construire un problème social, c'est un peu ça. Et il y a la police — ces deux femmes m'ont réconcilié avec la police, deux femmes, comme je parlais
tantôt — qui a dit : Mais ça ne se peut pas, pas
autant. Ça existe, le problème, mais
pas autant. Et c'est comme ça que ça commence, la construction d'un problème
social, quand il y en a un qui dit : Il y a des milliers... Je pense qu'on avait avancé le
chiffre de 12 000, et la police avait dit qu'il y en avait 60. Je ne sais
pas si vous voyez, la différence est immense entre 12 000 et 60. Et
c'est ce qui fait marcher... pour ça que j'ai appelé mon petit texte L'illusion statistique, et
c'est à partir de cette illusion statistique qu'on a commencé à dire :
Bien, il faut qu'on fasse quelque
chose. Et les gouvernements sont là pour ça. Et là, bien entendu, la meilleure
façon de le faire, c'est faire des commissions.
Alors, cette
commission a eu lieu, sur les abus sexuels, comme maintenant, et il y a une
personne que vous connaissez très bien, qui s'appelait Andrée Ruffo, qui est
devenue juge, parce que, dans le temps, là, elle n'était pas encore juge, là, elle était militante auprès des
jeunes. Elle est devenue juge, et
Andrée Ruffo présidait ce genre de petit comité, ce comité qui a décidé de former cet organisme-là qui s'appelait le PIAMP. Et alors qu'est-ce que ce
comité-là avait donné? Il avait reconnu le problème.
Et il faut que vous
sachiez que le problème de la prostitution juvénile, on va parler d'exploitation
actuellement, a commencé par un problème de garçons. Dans ce temps-là, on n'a
pas parlé de filles. À la fin des années 70, il y avait des garçons, plusieurs garçons qui faisaient de la
prostitution juvénile. Et ça me fâche un petit peu. Même si je ne suis plus
dans le domaine, mais, quand on m'invite, je
le dis, ça me fâche un peu qu'on dirait qu'on a écarté, quelque part...
Question sociale, hein, question de société, les garçons, ils ne peuvent
pas être victimes. Les garçons, ils ne pleurent pas. Les garçons, ils ne sont pas traumatisés. Et on va de
plus en plus vers ce chemin-là que je trouve dangereux parce qu'une situation
qui a commencé avec des garçons... Et puis,
année après année, j'ai vu la courbe, hein, descendante, où juste... Il y a eu
oubli. Il y a eu vraiment ce qu'on appelle une banalisation de... parce que les
garçons, ils ne peuvent pas être victimes.
Donc,
pour vous rencontrer aujourd'hui, je me suis dit : Peut-être,
je suis passé de mode, hein? C'est comme un yogourt passé date, là. J'ai
dit : Je vais voir si ça existe encore. Alors, j'ai dit : Je vais
voir si j'ai encore la main, comme on dit,
là. J'ai rencontré deux garçons avant de venir vous rencontrer. J'ai rencontré
un garçon à la gare Sainte-Thérèse. Vous
parlez de régions. À la gare Sainte-Thérèse, je ne savais pas... Je ne connaissais pas cette gare-là. C'est tout beau,
là, ça ressemble à une gare, vraiment, là. Et j'ai rencontré ce
garçon-là qui a 18 ans. Et, quand je dis 18 ans, vous allez remarquer quelque chose chez les garçons, là, que
ce soit comme escorte, danseur, n'importe quoi, ils ont tous 18 ans. C'est
comme s'ils commençaient à faire ce genre
d'activité là le jour de leur anniversaire de 18 ans. Et il faut que vous
regardiez ça très bien parce que ça ne se peut pas. Ils ont commencé
avant 18 ans la plupart du temps.
Et
ce garçon-là que j'ai rencontré avait 18 ans, et je lui ai demandé des
petites questions, comment, ça existe encore, etc.? Il dit : Écoute... Il m'appelle Jack, je m'appelle Jacques. Il
dit : Jack — c'est la
même chose — il me
dit, aujourd'hui, quand je te parle, là, pendant que je te parle, là,
toi, tu n'es pas un client, mais je peux te dire que, si tu avais envie de rencontrer un garçon de 13, 14, 15 ans ce soir,
là, il n'y aurait aucune difficulté de le rencontrer. J'ai dit : Ah oui?
Comment ça? Il dit : Je suis même prêt à venir à la commission avec
toi, ici, là, il m'a dit, mais il y a des polices. J'ai dit : Ah! tu as
peur des polices? Il dit : Bien, ce n'est pas que j'ai peur des polices,
là, c'est que, si je me présente devant une commission...
Je suis un garçon. La difficulté à ceci, si une jeune fille de 15, 16,
17 ans se présente ici, c'est sûr qu'on va s'émouvoir, tout le
monde, et c'est émouvant, on va brailler nos larmes, c'est clair, là, elle est
victime, elle est traumatisée, elle est
exploitée. Il dit : Si moi, je me présente... Il le dit par ces mots-là,
hein, je l'ai... en mémo de psy, là. Il
me dit : Si moi, je me présente là, qu'est-ce qu'on va voir? Un
délinquant, un manipulateur, un manipulateur d'hommes, un petit voleur,
un exploiteur, parce qu'il fait partie des exploiteurs, c'est un garçon.
Et
le gros problème est ceci, c'est que la façon qu'on va voir les garçons qui
font de la prostitution... Je dis ça ici tout bonnement, comme ça — j'ai laissé mon texte, c'est mon habitude de
parler sans texte — je l'ai
dit en Europe aussi, le problème, c'est un problème de société. Un
garçon va être sous... Un garçon qui a 13 ans...
Fais-moi signe, hein,
parce que moi, je peux parler toute la journée, là. Tu me dis : C'est
fini.
Le Président
(M. Lafrenière) : ...
• (16 heures) •
M. Moïse
(Jacques) : Il me reste trois minutes? O.K.
Un
garçon qui a 12, 13 ans et qui se promène sur la rue Sainte-Catherine à
3 heures du matin, qu'est-ce que vous allez dire? Vous allez voir
ce garçon-là, il a l'air délinquant, ah! il a l'air hardi, là, c'est un garçon,
il est fort. Si vous voyez une jeune fille de 12, 13, 14 ans qui se
promène sur la rue Sainte-Catherine toute seule à 3 heures du matin, vous allez avoir une autre réflexion, c'est clair,
hein? Le problème est ceci, c'est notre façon... On fait du déni en refusant
d'affronter une situation qui est la prostitution, l'exploitation sexuelle des
garçons, qui souffrent autant, qui souffrent d'autant
plus parce que, le plus souvent,
beaucoup de garçons qui font, là, ce genre d'activités là ne sont pas gais, ne
sont pas homosexuels, appelez comme vous voulez. Donc, ils sont obligés
de... Il y a un double secret, là.
C'est
comme un garçon qui m'avait dit une fois, là : Moi, je fais des bonshommes
et j'ai peur surtout qu'on me voie avec. C'est le côté homosexuel, hein? On est
une société qui fait face à une situation où ces garçons-là ne peuvent pas s'exprimer, ils ont peur de la police. Ils ont
peur de la police, pas nécessairement à cause d'une forme répressive, là,
c'est à cause du jugement. Un garçon qui
fait un genre de situation... Et j'aurais amené le garçon avec moi aujourd'hui.
C'était un exploit pour lui. J'ai essayé de le convaincre.
J'ai
rencontré un deuxième garçon, pour vous dire que je voulais être dans le vif,
pas dans le... Je peux vous faire un
mémoire à 50 000 pages si vous voulez. Non, je voulais être dans le
vif du sujet. J'ai rencontré un deuxième garçon qui, lui, est escorte. Vous savez c'est quoi, sûrement.
Il est escorte et il me disait que, pendant que je parlais là, et c'est vrai,
pendant qu'on se parle, là... Vous avez sûrement vos tablettes. Pendant qu'on
se parle, là maintenant, si vous voulez aller
sur vos tablettes, vous allez voir : rempli, rempli, rempli de garçons qui
font du cam-à-cam, du caméra-à-caméra. Vous savez c'est quoi?
Une voix : ...
M. Moïse
(Jacques) : Non. Le cam-à-cam, là, c'est que je suis devant
mon petit appareil, c'est comme Skype, hein, et je donne des services sexuels à
quelqu'un qui peut être ici, qui peut être ailleurs, 24 heures sur 24. Le
plus souvent, c'est des adolescents dans leurs chambres, là. La maman
est en train de regarder, je ne sais pas, moi, Occupation double ou n'importe quoi, là, ils sont dans leurs chambres
en train de faire du caméra-à-caméra. Et il m'explique que c'est tellement
facile, que c'est tellement facile avec ce
qu'on appelle des jetons, c'est tellement facile de... Et il dit : On se
sent mal après parce qu'il y a des
choses qu'on fait qu'on n'a pas envie de faire. Ce n'est pas seulement la
violence physique, c'est le fait qu'on fait quelque chose qu'on n'a pas
envie de faire, des fois, sans que quelqu'un nous y force.
Et le gros
problème, entre garçons et filles, c'est que le recrutement chez les filles...
Elles sont recrutées, il y a tout un
processus, j'ai écrit dessus, un processus de recrutement. Les garçons, ce n'est
pas la même chose. Le recrutement, il ne
se fait pas de la même façon. Je rencontre un copain, là : Tu veux venir
avec moi ce soir? On va dans un party, je connais quelqu'un. On a 13,
14 ans, on va avoir du fun. Je rentre là-dedans comme ça, et ça continue. Et
le garçon, il braillait dans ma
voiture — parce
que je l'ai rencontré dans ma voiture parce que je ne pouvais pas l'amener dans
mon bureau, là, je l'ai rencontré
dans ma voiture — il
braillait pour une raison, là : il avait participé à ce qu'on appelle...
tu sais, il y a un site où est-ce
que... Vous connaissez les sites de «gang bang», là? Il avait trouvé ce
site-là, il était allé. Donc, il était l'objet de tous ces messieurs
d'un certain âge, là, qui l'humiliaient, qui lui faisaient ce qu'ils voulaient.
Mais il était payé pour.
On parle
d'exploitation. Ça, c'est plus que de l'exploitation. Quand l'exploitation est
accompagnée d'humiliation, là, c'est
terrifiant. Ta vie, là, par la suite... Il y a une vie pendant la prostitution,
mais il y a une vie après la prostitution. C'est comme quand tu fais un C.V., là. Il n'y a pas grand monde qui va dire,
dans son C.V., là... Qu'est-ce que tu as fait de telle année à telle année? Danse? Ça peut passer, danse.
Escorte? Ça peut passer. Mais esclave sexuel... Parce qu'il y a ça là-dedans
aussi.
Bon, je disais dans mon petit mémoire, que je ne
regarde même pas, que le problème, c'est qu'on fait face à deux réalités différentes. Deux minutes? Je parle
trop. C'est toujours comme ça, c'est... Quand on m'invite, là, je dis à quelqu'un : Fais-moi signe parce que je
parle, et puis mon texte, là, je ne l'ai... On le regardera après, quand vous
me poserez des questions, si vous voulez. Il y a une chose... Je veux quand
même dire quelque chose sur ce texte-là, au niveau des différences. Il
faut que je change de lunettes, c'est la vieillesse. Ça, c'est...
La fugue. La
fugue est le plus souvent l'occasion de se faire recruter. Chez les garçons, la
fugue, j'ai dit ça dans mon bouquin,
c'est l'occasion aussi d'expérimenter, c'est l'occasion... Il y a beaucoup plus
d'attention vers une fille qui est en
fugue, au niveau de la prostitution, au niveau de l'exploitation sexuelle. La
disparition... Les recruteurs... Il n'y a pas de recruteur. Rarement. Quand on
a une dette de dope, là, quelqu'un va nous forcer à faire une couple de clients
pour remettre les... mais il n'y a
pas de recrutement en tant que tel quand on parle d'exploitation sexuelle, de
prostitution de garçons, pas organisé, en tout cas, comme c'est organisé
avec ce qu'on appelait dans le temps et qu'on appelle encore les gangs de rue,
là, avec différentes sphères... Non. C'est : Je t'emmène... comme je te
dis, je t'emmène avec moi, là, il y a un party, et tu rentres dans le milieu
pendant longtemps, de 14 à 18.
Mais tu as toujours 18 ans, ce qu'on
appelle le «fake ID» dans le milieu, c'est courant, là, tout le monde a... Il y en a sûrement parmi vous qui sont rentrés dans
les bars avant 18 ans, là, vous ne le direz pas, ce n'est pas bien de le
dire, avec un «fake ID», tu sais? Et
puis le plus souvent, c'est facile à voir, tout le monde a la même date de
naissance dans les «fake ID».
La danse dans les bars, si vous consultez les
revues, vous allez voir quelque chose. Je vais cacher le nom de la revue. J'ai amené une revue. Hop! Mon Dieu! Il ne faut
pas... les caméras, il ne faut pas regarder, O.K.? Vous allez voir que, dans ces revues-là... Et je vais la lever
parce que je l'avais amenée pour vous dire que juste... Regardez une revue, et
vous allez voir combien de garçons de
18 ans sont escortes, sont masseurs. Ils ont tous 18 ans. Et c'est
comme je vous dis, le jour de leur anniversaire de naissance, ils sont
partis.
Je pourrais
vous entretenir un petit peu, mais Ian, il m'a dit que c'était kaput. Donc,
voilà, ça, ça fait un petit peu le tour, un petit peu plus d'actualité,
un petit peu plus de... comment qu'on dirait, de réel. Et voilà. Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci. Merci. En... pile. On va passer à une période d'échange avec les
membres de la commission. Alors, je
vous rappelle qu'on a 30 minutes pour les questions. Je vais demander
d'adresser votre question à un de nos deux invités. Et je vais débuter par le
député de Chomedey, je crois, qui avait levé la main.
M. Ouellette : Merci, M. le Président. Mme Khlat, vous êtes
le premier organisme de la campagne qu'on reçoit. Puis, quand je dis «de la campagne», ce n'est pas
péjoratif, là. On a l'impression que c'est à Montréal, à Québec, à Gatineau,
dans les grosses villes que ça se passe. Et
je vous écoutais puis je me disais : Vous allez avoir du travail. Parce
que je suis à Saint-Jérôme, moi, puis ça m'importe peu parce que c'est en ville
que ça se passe. Je n'ai pas l'impression... On n'a pas entendu, puis j'ai rarement entendu, dans les
derniers mois ou les dernières années, le service de police des Laurentides se
plaindre de ce genre de phénomène là. Parce qu'on se dit : C'est à Laval,
c'est à Longueuil, c'est à Montréal, c'est à Québec, c'est à Gatineau.
Vous faites quoi pour changer cette
perception-là? Parce que je veux bien que le cégep vous aide à faire un portrait de la situation, mais, si je ne pense pas
que j'ai un problème, je vous dirai que je ne me sentirai pas concerné. Puis
je le dis pour Saint-Jérôme. Vous auriez pu
être à Mont-Laurier ou vous auriez pu être à n'importe quelle autre place en région que les gens vont probablement avoir le
même sentiment que, bon, non, ce n'est pas chez nous parce que, chez nous,
ça ne se passe pas comme ça.
• (16 h 10) •
Mme Khlat
(Nathalie) : C'est une
excellente question. C'est vrai qu'on a beaucoup de travail qu'on fait
depuis... Est-ce que le micro
fonctionne? Oui? O.K. C'est vrai qu'on a beaucoup de travail pour sensibiliser
à l'existence de la traite de personnes, dans notre cas, mais à l'exploitation sexuelle en région.
Je vous dirais, si vous avez abordé, depuis le début de la commission, le protocole de Palerme, qui
aborde la... une réponse bien faite contre la traite de personnes. On parle
de prévention, protection, poursuite, et le tout en partenariat.
Alors,
je vais ramener l'importance du partenariat. Le Phare des affranchiEs, on est excessivement actifs sur ce volet-là, et ça nous permet justement de pouvoir
sensibiliser les différents acteurs. Parce que ce n'est pas, premièrement...
Puis on le sait, hein, c'est un sujet qui est apolitique, premièrement,
c'est un sujet qui interpelle... bien, qui doit et qui devrait interpeler, à tout le moins, autant les corps
policiers qu'en protection de la jeunesse, que le milieu de la santé, que le
milieu communautaire. C'est très
global, comme enjeu. Ce qui fait qu'en termes de partenariat, bien, on s'assure
d'amener ce sujet-là sur la place
publique. Donc, on organise de la sensibilisation, et, depuis qu'on est là, je
vous dirais que de plus en plus ça va
bien. On a quand même l'oreille attentive de plusieurs partenaires. Et puis, avec la recherche, c'est
sûr que, là, ça va amener, au-delà de notre parole, des données
probantes.
Donc,
ça, c'est sûr que ça va apporter beaucoup de poids. Et il y a beaucoup
de choses qui s'en viennent, en
termes de sensibilisation, de notre côté dans la région, parce qu'on remarque le besoin essentiel, le besoin très important d'outiller
ces acteurs-là pour bien recevoir des victimes puis pour bien les accompagner.
Donc, on a leur oreille attentive. Mais c'est
sûr que c'est un travail en continu. Les corps policiers, il y en a.
Il y a certaines initiatives qui existent en région, donc je ne suis
pas prête à dire qu'il n'y en a pas, mais c'est sûr qu'on doit cogner sur le
clou constamment pour essayer de s'assurer que les actions concrètes soient vraiment
mises en place. Mais je dirais qu'il y a quand même un mouvement. Mais là, au
niveau des ressources... Oui, il faut que je coupe, hein? Ça va.
M. Ouellette :
Et ma prochaine question, qui va demander une petite réponse très courte :
Votre financement, condition féminine; Québec, Canada?
Mme Khlat
(Nathalie) : Le projet qui va être lancé dans un mois, c'est le Secrétariat
à la condition féminine, mais notre
organisme est, pour le moment, uniquement financé par projets, mis à part un financement, un petit financement
de Centraide Laurentides. Donc, oui, ça, c'est un enjeu aussi auquel on fait
face quotidiennement.
M. Ouellette :
C'est Centraide Laurentides qui vous finance présentement?
Mme Khlat (Nathalie) : Le financement qui n'est pas sur projets, oui. Mais on a des financements par projets. La recherche
est financée par le ministère des
Affaires municipales et de l'Habitation,
le Secrétariat à la condition
féminine pour tourisme, oui.
M. Ouellette :
Donc, c'est du financement provincial.
Mme Khlat
(Nathalie) : Oui, il y a quelque chose... Oui, pour le moment.
M. Ouellette :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Maintenant, la vice-présidente,
députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci pour vos interventions. M. Moïse, vous avez abordé un sujet,
qui est celui des garçons, et, depuis le
début de nos travaux, on n'en a pas beaucoup parlé, des garçons. D'après ce que je comprends
de ce que vous nous dites et ce qu'on lit dans votre mémoire, et on nous
l'a dit un petit peu, mais les garçons ont une relation avec le client, le... Bien, dans ce que vous dites, il semble être
travailleur autonome, le garçon. S'il
y a un proxénète, il n'est pas
en amour avec son proxénète. C'est comme une relation d'affaires.
Vous avez dit aussi
que vous aviez tenté d'amener des jeunes, des jeunes hommes à venir témoigner
ou vous accompagner dans le témoignage, un.
Moi, je peux vous dire qu'on a fait aussi des témoignages à huis clos,
alors ça peut peut-être être une avenue. Parce que c'est très, très
important pour nous de parler, bien sûr,
à des spécialistes, mais c'est aussi important
de parler à des personnes qui l'ont vécu sur le terrain. Moi, en tout cas, je suis sûre que tout le
monde est d'accord avec moi,
moi, j'ouvre la porte.
Alors,
expliquez-nous, quand il décide d'en sortir, s'il décide d'en sortir, il en
ressort comment? Est-ce qu'il en sort
dans un état aussi... je dirais que tout est à reconstruire, comme on nous l'a
expliqué chez les jeunes filles, ou s'il
y a une différence chez les garçons?
M. Moïse (Jacques) : L'estime de soi. Quand on rentre dans cette...
L'adolescence, c'est une période très importante
au niveau identitaire. L'identité se
construit, d'abord, avec ce qu'on appelle l'intimité. Erikson va
parler beaucoup d'intimité quand on parle d'identité. Et vous allez voir que, quand on vend le
corps partout, quand on a nos photos partout, il n'y a pas d'intimité
là-dedans. On sort d'abord avec un gros problème identitaire.
Parce que le garçon
qui n'est pas gai, qui couche avec des hommes, quand il finit sa carrière...
Parce que c'est une carrière qui finit assez
tôt, hein? Quand tu n'es plus désirable, là, c'est fini. C'est difficile, hein,
avoir des relations avec des hommes
et tu n'es pas homosexuel. Parce que, je n'ai pas besoin de vous faire un
dessin, pour avoir une relation sexuelle, un homme a certaines
obligations, hein, malgré qu'à notre âge l'obligation est un petit peu moins
forte, là, mais on... C'est clair que, quand
on finit notre carrière de danseur, escorte, qu'est-ce que tu veux, c'est
difficile au niveau identitaire. Ta
blonde te dit : Qu'est-ce que tu as fait avant? Tu ne peux pas répondre à
ça, là, parce que tu as couché avec des hommes toute ta vie. Et puis
elle me dit : Ah! bien, alors, si tu as couché avec des hommes, tu as dû
aimer ça.
Et
il y a toute cette forme de confusion. On s'en sort dissocié le plus souvent.
Vous connaissez le phénomène dissociatif qu'on va beaucoup trouver chez les
personnes qui ont fait de la danse, qui ont fait des escortes? Tu es obligé de te dissocier de toi-même, sortir de toi pour
être quelque chose d'autre. Donc, on sort de là avec les mêmes situations
que les filles : manque d'estime
de soi, problème identitaire, problème de stress, problème
d'anxiété grave. Surtout que, le plus souvent,
on est obligé de cacher l'origine de notre anxiété : J'ai couché avec des
hommes. Le plus souvent, on est obligé de
le cacher, quand on n'est pas... Vous comprenez? Il y a
une double contrainte, au fond. Et puis moi, je trouve ça très difficile pour les garçons que j'ai rencontrés
dans ce temps-là. Ils s'en sortent meurtris, estime de soi finie. Puis c'est
ça.
Mme St-Pierre : Mais vous avez porté un jugement par rapport à,
un peu, ce que nous, on pouvait avoir comme pensée, c'est-à-dire vous voyez les filles comme vraiment
des victimes, et nous, la société ne voit pas les garçons comme des victimes. Mais moi, dans ma tête, depuis le
début de nos travaux, je vois les garçons autant victimes que les filles, là.
M. Moïse (Jacques) : Mais, quand vous regardez les faits, qu'est-ce
qui se passe sur le terrain? Quand vous regardez les nombreux programmes, quand vous regardez... quand on parle de
prostitution, quand vous regardez à la TV, qu'est-ce qui passe quand les
gens parlent? On parle de l'exploitation sexuelle. Il n'y a pas grand monde qui
fait référence à des garçons, dans les
faits, là, de façon factuelle. On peut parler philosophiquement et puis
dire : Mais, oui... Mais, dans les faits...
L'organisme
que j'ai dirigé pendant des années... je ne sais même pas parce que j'ai coupé
le lien avec le communautaire
au complet parce que le privé était... mais c'est clair qu'on a dû se débattre
longtemps. On disait que c'étaient des
fantômes, ça n'existe pas. Et c'est cette perception. Quand vous me
dites : Qu'est-ce qu'on doit faire? C'est de parler dans les écoles et partout que le fait existe, et voilà. Quand
vous reconnaissez quelqu'un dans ce qu'il fait, là, c'est la meilleure
forme d'intervention qui peut exister.
Mme St-Pierre :
Le client abuseur, est-ce qu'il est un pédophile?
M. Moïse
(Jacques) : Le client?
Mme St-Pierre :
Le client abuseur qui cherche un jeune garçon est-il un... Je ne veux pas vous
prendre une longue réponse parce qu'il y a d'autres questions, mais...
M. Moïse (Jacques) : Je vais vous aider, vous répondre. J'ai inventé
un mot, j'espère qu'un jour ça va être dans le dictionnaire, ça s'appelle l'«adophile». L'adophilie, au lieu de
parler de pédophilie. Parce que celui qui... le plus souvent, le client qui couche avec des adolescents, ce
n'est pas le même qui couche avec des enfants parce que ce qu'il recherche,
ce n'est pas la même chose. Il cherche une
réponse chez l'adolescent, une réponse sexuelle, tandis que, chez l'enfant,
c'est l'exploitation, complètement...
C'est comme si je vais coucher avec un dindon, là, le dindon va juste
faire : Clouc, clouc, clouc!, puis je ne peux pas dire au dindon
qu'il n'est pas bon. Vous comprenez? C'est ma réponse.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Bonjour à vous deux. En fait, ça va être vraiment en
complément de la question... bien, des questions de ma collègue. Je ne sais pas
si je vous ai entendu vraiment dire, finalement : O.K., c'est tabou, c'est
une façon différente de traiter le problème
quand on parle d'exploitation sexuelle chez les garçons. Comment on leur vient
en aide si ce n'est pas des gens qui vont chercher de l'aide? Comment on
les pousse à les accompagner?
M. Moïse
(Jacques) : Intéressant, comme question. Je change de lunettes pour
vous répondre.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Moïse (Jacques) : Regarde, j'ai écrit quelque part, à la fin, là,
de... «Les écoles primaires et secondaires pourraient introduire dans leurs cours d'éducation sexuelle
les notions d'exploitation sexuelle chez les garçons.» Même si on ne peut
pas intervenir direct, on peut intervenir en
prévention, sachant que le problème existe. Je sais qu'il y a du monde qui
savent que j'existe parce que... c'est la non-existence. Ce serait le
dire, d'avoir des façons de parler, dans les cours d'éducation sexuelle, parce
que ça existe, de parler de prostitution de garçons.
Ça
peut être la responsabilité d'organismes communautaires, mais je pense que les
gouvernements devraient prendre une
position au niveau pas d'imposer, on n'est pas dans une situation d'imposer des
choses, mais de dire... de parler de prostitution des garçons, de parler
d'exploitation sexuelle des garçons, que : Voilà les conséquences de
l'exploitation sexuelle des garçons,
l'estime de soi, etc. Et la grande tristesse que... Quand tu dis à un
garçon : Tu peux être très triste, là, il se sent : Mais non,
je suis un homme! Mais, si les gens qui sont adultes commencent à parler de la
tristesse de ces personnes-là, de la vulnérabilité de ces personnes-là...
Mme Perry
Mélançon : ...
• (16 h 20) •
M. Moïse (Jacques) : Oui, comme une... normal, entre guillemets. Parce
que tu peux te faire taper sur les doigts, on peut te citer hors contexte. On est en politique. Vous, vous êtes en
politique. Et c'est certain que c'est une chose normale d'être triste,
c'est une chose normale. D'avoir couché avec rempli d'hommes toute la journée,
sans aller à mon école secondaire, et retourner donner des petits becs à ma
mère le soir, là, je me sens triste, je me sens terriblement exploité.
Donc,
on ne va pas retourner dans la fin des années 70, là, mais, si on commence
à en parler, finalement, 50 ans plus
tard, on va faire une commission, puis dans 10 ans vous allez en refaire
une autre parce que la prostitution des garçons ne sera pas à l'ordre du jour. Je vous le garantis. Parce que moi,
j'étais de la première loge pour la prostitution des garçons. Ça s'est évanoui, ça n'existe pas. Et je pourrais
vous montrer, ça existe. Je vous mets au défi d'aller sur vos ordinateurs, ce soir, et il y a certains sites que vous connaissez
sûrement, pas à cause que vous pratiquez, là, que... vous allez voir combien de garçons et vous allez faire...
de façon exponentielle qu'est-ce que ça veut dire. Ça répond à votre question?
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Il reste quelques
minutes?
Le Président
(M. Lafrenière) : Oui, on a le temps pour deux dernières
questions.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Parfait,
merci. La région des Laurentides me touche. J'ai un grand pied dans les Laurentides, alors, ça me préoccupe beaucoup, ce que vous mentionnez. Pourtant, la région, elle a la réputation d'être
tissée serré au niveau des organismes, mais est-ce que vous avez quand même
la collaboration des organismes autour? Et, avec le service de police, est-ce qu'il y a quand même
une ouverture? Ce n'est quand même pas un service de police qui est très
grand, mais avez-vous une certaine collaboration? Et quelles seraient vos
recommandations par rapport à ça?
Mme Khlat (Nathalie) : C'est une excellente question,
premièrement. C'est
sûr que c'est encore à travailler. La
collaboration, je dirais, commence. Avec la recherche, ça va beaucoup nous
aider parce qu'encore là on arrive avec des
données probantes. Ça nous a permis d'aller beaucoup plus largement consulter.
Donc, ça va être vraiment un outil très, très aidant pour ça. Mais c'est quand
même à poursuivre, je dirais, au niveau de la collaboration parce que ce n'est
pas... Puis je l'ai entendu un peu plus tôt,
aussi, un partenariat, ce n'est pas quelque chose qui se fait une fois puis
qu'on peut, après, compter là-dessus pour une longue période. C'est vraiment
quelque chose qui doit être travaillé constamment.
Donc,
c'est sûr que, si jamais le partenariat était mis de l'avant, comme
recommandation principale de la commission, ça aiderait. Et le partenariat, ce n'est pas seulement deux corps
policiers ensemble, mais c'est les corps policiers avec la protection de
la jeunesse, avec les organisations à but non lucratif, avec le milieu
communautaire, avec la Santé. C'est tous ces milieux-là qui doivent être mis
ensemble pour vraiment voir qui peut prendre... j'utilise souvent
l'expression : quel morceau du
casse-tête peut être pris par qui. Donc, c'est souvent le genre de métaphore à
laquelle j'ai recours pour expliquer le tout.
Donc, je dirais que
ce n'est pas ce qu'on aimerait que ce soit. La recherche va aider, mais c'est
sûr que, si c'était cité comme tel, comme recommandation, puis de demander aux
différents corps policiers d'aller chercher les collaborations à l'extérieur de
leurs rangs, ça aiderait énormément. Parce qu'aucune entité, qu'elle soit
communautaire, qu'elle soit policière,
qu'elle soit judiciaire, ne peut répondre à cet enjeu-là de son côté, seule, en
vase clos. C'est essentiel de le rappeler puis de s'assurer que ça
rentre bien.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci. Merci,
M. le Président. Donc, merci pour vos
présentations. Ma première question, donc, pour Mme Khlat : Quand
vous parlez de la mise sur pied d'un programme de prévention de la récidive, je
comprends que vous faites allusion au programme qu'on appelle le «john school»?
Donc, c'est bien de cela dont il s'agit.
Maintenant, une des
choses qui m'intéressent beaucoup, c'est... et quand on parle de cette problématique,
c'est les lieux de services sexuels, donc, dans les municipalités. Quelle est
la réalité pour la région des Laurentides?
Mme Khlat
(Nathalie) : Je ne pourrais pas vous donner de données probantes là-dessus
à ce stade-ci. C'est le genre de choses qui
vont pouvoir sortir dans les prochaines années parce que la recherche va vraiment
aller plus loin, dans les prochaines années, vraiment au niveau des
personnes victimes.
Par contre, ce que je
peux vous dire, c'est que c'est très... et c'est la réalité ailleurs, donc, je
peux faire certaines corrélations aussi, c'est que c'est très diversifié. Donc,
c'est sûr que, prostitution de rue, vous l'avez sûrement déjà entendu, c'est en déclin. Par contre, avec les
réseaux sociaux maintenant, il n'y a plus de limites. On a plusieurs lieux liés
à l'industrie touristique aussi qui sont
utilisés. De là, l'importance d'avoir un programme comme celui qui va être
lancé le mois prochain. Donc, c'est très, très, très diversifié. Je ne
peux pas vous donner de données précises là-dessus, je ne voudrais pas
m'avancer.
Par
contre, ce qu'on sait, c'est que ces lieux-là sont utilisés. Ça se passe dans
les domiciles privés, ça se passe dans des chambres d'hôtel, ça se
passe, encore là, sur les réseaux sociaux, à même, là... M. Moïse l'a
mentionné, au niveau des garçons, mais c'est
la même chose aussi au niveau des filles, au niveau des personnes trans, il y a
une réalité qui est... Il n'y a pas un lieu qui est nécessairement...
qu'on pourrait dire qui est à l'abri en tant que tel. Dès qu'il y a un endroit qui peut être minimalement caché, il pourrait être
utilisé. Donc, je ne peux pas donner de faits précis, mais je vous dis, de
mon expérience, là, ce que j'en sais.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Et, pour terminer, députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui, alors, ma première question, justement, c'est la question que mon collègue
a posée. Donc, c'est vraiment le programme «john school».
Alors,
merci pour votre présentation. Ma question est pour M. Moïse. On essaie de
comprendre le profil de ce garçon, de ce
jeune homme, son profil psychosocial. Qu'est-ce qui fait en sorte qu'il s'est
retrouvé sur ce chemin-là dans sa
jeunesse, dans son enfance? Est-ce qu'il y en a qui ont été victimes d'abus
sexuels quand ils étaient tout petits? C'est parce que vous êtes le premier, vraiment, à nous parler de cette
problématique, alors on n'a pas eu l'occasion d'essayer de comprendre. Bon, on l'a fait beaucoup, beaucoup
dans le cas des jeunes filles, différents types de profils, soit vulnérabilité,
bon, toutes sortes de choses.
M. Moïse (Jacques) : ...de risque, il y a des vulnérabilités, mais il
n'y a pas un tableau... Parce qu'il
y a des personnes qui viennent de familles dysfonctionnelles qu'on va dire que
le chemin... il y a un facteur de risque, mais il y a des personnes qui viennent de familles complètement fonctionnelles, que les gens
s'aiment, ils s'embrassent. Il n'y a pas un tableau exact de ce
parcours, de ce processus-là.
Le
seul tableau qu'il y a, c'est l'adolescence. Il y a quelqu'un qui a vécu son
adolescence comme étant une époque de
folie, tu comprends? L'adolescent masculin, l'adolescent garçon va faire face à
rempli de choses comme la notion de pouvoir. Quand je rencontre un homme, j'ai
envie d'avoir le pouvoir sur cet homme, comme on a vu d'avoir le pouvoir
sur son père. Donc, le pimp ne peut pas exister pour lui. Il y a confrontation
entre les deux.
Il
y a toute cette affaire aussi... vous parlez de besoin de montrer que je suis
plus fort que toi, besoin de montrer que ma sexualité, que... comme j'ai vu à l'Assemblée nationale, à un moment
donné, il y en avait un qui avait dit qu'il avait une... que l'autre. O.K.? C'est ce genre de
réflexion que l'adolescent va faire. Donc, l'adolescence est vraiment un chemin
de... on devrait surtout faire dire des mots à ces adolescents. Et il n'y a pas
une... Vous lirez mon petit bouquin, et j'en ai
parlé, O.K., et j'en ai parlé beaucoup, même si mon bouquin est un petit peu
passé date, là. Mais je parle beaucoup du profil d'un garçon qui va tomber dans la prostitution. C'est ce que je
peux dire. Mais il n'y a pas un profil exact, là. Il y a des facteurs de
risque, il y a...
Dans
mon temps, on allait dans des raves, là, dans le temps — ça existe un petit peu moins — et il n'y avait pas d'alcool. Donc, on avait des garçons qui avaient
13, 14, 15 ans, puis il y avait des adultes aussi, donc ça se mêlait tout.
Vous êtes déjà allés souvent, vous
tous ici, un jour ou l'autre, dans ce genre de manifestation que... J'allais
pour observer. Et c'est clair que cette mixtion qu'il y a entre hommes
adultes et adolescents, qui existe dans le monde homosexuel, entre autres, n'existe pas nécessairement dans le monde
filles et hommes. Et, dans un bar gai, vous allez rencontrer... Je ne veux pas dire que c'est les gais, les clients, hein?
Les clients ne sont le plus souvent pas gais. Mais, dans un bar gai, vous allez
rencontrer des hommes et beaucoup, beaucoup,
beaucoup d'adolescents, et il y a une mixité où il y a une façon de communiquer
ensemble qui a... En tout cas, c'est très
intéressant, la question, là, je voudrais passer la journée à te répondre. Mais
voilà.
Regardez dans mon petit
bouquin, qui se vend encore peut-être, là. Et ce n'est pas... je ne fais pas de
publicité parce qu'il ne se vend plus, je
pense, après ces années-là. Il y a un petit chapitre que j'ai écrit
spécialement pour les facteurs de
risque, chez les garçons, de devenir... dans le milieu de l'exploitation
sexuelle qu'on dit maintenant. Dans mon temps, on parlait de
prostitution.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. En terminant, tout à l'heure,
Mme Khlat, vous avez parlé du protocole
avec l'industrie touristique. La commission serait très intéressée d'avoir ce
protocole. On doit recevoir justement des
gens de l'industrie touristique, demain, alors je vous invite à nous le faire
suivre au moment qui sera à propos pour vous.
Mme Khlat (Nathalie) : Oui, on va... ça va être lancé le mois prochain,
puis vous recevrez toute l'information. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Très apprécié. Alors, je vous remercie de votre
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux
quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.
Merci à vous deux.
(Suspension de la séance à
16 h 29)
(Reprise à 16 h 38)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, merci. Je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentants de la Maison d'Haïti et aux représentants du Centre d'aide
aux familles latino-américaines. Je vous rappelle que vous disposez
chacun de 15 minutes pour votre exposé. Par la suite, il y aura une
période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, je laisserais
les représentants de la Maison d'Haïti se présenter et nous faire leur exposé
de 15 minutes, s'il vous plaît. Merci d'être là.
Maison d'Haïti et Centre d'aide aux familles
latino-américaines (CAFLA)
Mme Villefranche
(Marjorie) : Merci. Donc, merci de nous recevoir à la commission.
Donc, mon nom est Marjorie Villefranche. Je suis accompagnée par Michael Obas
Romain. Donc, moi, je suis la directrice générale de la Maison d'Haïti et
Michael, elle est la coordonnatrice du projet jeunesse.
Donc,
le mémoire qu'on vous a présenté, bien sûr,
il y a la présentation de la Maison d'Haïti, qui est une organisation communautaire, culturelle dédiée à l'éducation et à l'intégration des
personnes et des familles immigrantes. Et, contrairement à ce que le nom dit, ce n'est pas seulement pour
les Haïtiens, mais c'est pour toutes les communautés du quartier et des
environs. Donc, évidemment, notre
organisme repose sur des valeurs essentielles, donc, qui est l'approche
citoyenne, la démarche interculturelle, la justice, l'équité et
l'égalité des chances.
Donc, il y a
tout un paragraphe, donc, sur notre orientation et le cadre de nos actions, que
je vous laisserai lire, pour arriver sur le profil de la population que
nous desservons, qui est une population essentiellement immigrante et une population dont le processus d'intégration est
ralenti à cause des difficultés économiques, sociales. Et la majorité d'entre
eux ont un revenu annuel inférieur à 20 000 $. Donc, ça vous donne un
peu le profil de la population qu'on dessert.
Et donc les
jeunes, évidemment, font partie de ces familles-là, et ce sont des jeunes qui
ont le sentiment d'exclusion, donc
ils vivent ce sentiment d'exclusion, et qui sont, la plupart du temps, je
dirais, attirés par les organisations et les groupes qui leur donnent ce
sentiment, justement, de ne pas être exclus. Donc, ça, c'est très important à
remarquer.
• (16 h 40) •
J'ai aussi
fait un petit portrait du phénomène d'exploitation sexuelle dans le monde
aussi, donc, pour vous montrer que
c'est quand même... L'exploitation sexuelle est quelque chose d'immense. Et ils
estiment à 2,4 millions le nombre de personnes qui est victime de
traite, et 80 % sont destinées à l'exploitation sexuelle, et 80 %
d'entre eux sont des femmes et des filles, et elles ont entre 13 et 25 ans. Ça, c'est le
portrait mondial. Donc, ce n'est pas seulement au Québec que des choses
se passent. Et le portrait du phénomène de l'exploitation sexuelle dans la
communauté et le constat que fait la Maison
d'Haïti est le fait qu'on s'appuie sur une recherche de la CLES, qui est la concertation
contre l'exploitation sexuelle, qui avait déterminé que 33 % des
lieux reliés à l'industrie du sexe dans le Grand Montréal se trouvaient dans le
quartier Saint-Michel, ce qui veut dire
que c'est une préoccupation qui est importante pour nous. Et donc la raison
pour laquelle les agressions et les
violences sexuelles ne sont pas déclarées dans le milieu, c'est justement le
fait que les jeunes sont mineures et que souvent elles ont peur d'être
placées, donc d'aller entre les mains de la DPJ.
Donc, le
phénomène de l'exploitation sexuelle n'est pas quelque chose de nouveau dans le
quartier. C'est quelque chose qui nous inquiète depuis longtemps. La raison
pour laquelle, depuis cinq ans maintenant, on a créé un programme, d'abord, qui s'adressait aux filles... Et c'est
appelé Juste pour Elles, qui est un programme, vraiment, qui s'adressait aux
filles en termes de prévention. Et donc
c'est un programme qui rejoint les filles de 10 à 17 ans, et qui était un
programme de prévention où est-ce qu'on recrutait les filles nous-mêmes.
Donc, au lieu
qu'elles soient recrutées par des proxénètes, nous, on les recrutait pour les
amener vers des activités de renforcement d'elles-mêmes, donc de renforcement
de l'estime de soi. C'est un programme qui est extrêmement important parce que ça enlève, ça retire les
jeunes, donc, de la rue, mais aussi ça construit même leur propre personnalité
pour qu'elles-mêmes soient capables de
comprendre. Et l'estime de soi se construit, surtout avec les jeunes des
communautés racisées, je dirais,
aussi à différents points de vue, à différents niveaux. Et donc la construction
même de la personnalité de ces jeunes-là, surtout à l'adolescence, est la
construction de la... Qu'elles aillent trouver la force en elles-mêmes d'être
capables de réagir face à la pression des pairs, par exemple, c'était quelque
chose d'extrêmement important.
Donc, c'est
un programme qui fonctionne. Et le petit cahier que je vous ai présenté, qui
s'appelle 100 % filles, c'est justement le résultat de
quatre ans de travail avec des groupes de filles qui, au départ, ne pensaient
pas qu'elles étaient capables de faire ça,
et c'est elles qui ont construit le contenu. Et donc non seulement elles ont
participé au programme, mais maintenant elles ont construit un document
où elles deviennent elles-mêmes agentes de changement et des exemples,
finalement, pour leurs pairs.
Et donc c'est dans le cadre de ce programme-là
que les filles ont construit ce petit livret. Elles sont même allées à la commission scolaire, donc, à une réunion des
commissaires, pour présenter le livret et surtout pour demander qu'il y ait,
donc, une loi ou une règle pour, justement, les agressions, parce qu'il existe
une loi pour le suivi des agressions qui a été faite dans les universités et
dans les cégeps, mais il n'y en a pas pour les écoles secondaires, et les
filles, justement, réclamaient qu'il y ait quelque chose, qu'il y ait une
mesure qui soit prise là-dessus. La raison pour laquelle c'est extrêmement
important et pourquoi c'est relié à l'exploitation sexuelle, parce que,
justement, quand on banalise les agressions,
quand on banalise les attouchements non désirés, ça finit justement par
l'exploitation sexuelle des mineures parce qu'elles... bon, je veux
dire, les violences sexuelles sont banalisées, et donc, à ce moment-là, ça
aboutit vers là.
L'autre chose aussi, c'est qu'on transmettait
aussi aux filles des façons de se comporter face aux recruteurs. Comment est-ce qu'on recrute autour des écoles? On
pense que c'est autour des écoles secondaires, mais, déjà, autour des écoles primaires, il y a aussi du recrutement qui
se fait. Ça se fait dans les magasins. Ça se fait un petit peu partout. Et ça
se fait, bien sûr, sur les réseaux
sociaux. Mais le recrutement des plus jeunes ne se fait pas nécessairement par
les réseaux sociaux, mais il se fait aussi par des individus qui vont
vraiment aux alentours de là où les jeunes peuvent se trouver.
Donc, suite à
ça, on a eu quand même un certain succès, donc, à travailler avec les filles.
Et donc on a créé le projet Gars
parce qu'on a beau s'attaquer à l'exploitation sexuelle des filles, il faut
aussi travailler avec les garçons. Et donc le travail que nous faisons avec les garçons, c'est beaucoup au niveau des
rapports égalitaires autour de la masculinité toxique. Et donc c'est un travail qui est extrêmement important
aussi parce qu'autant on travaille avec les filles, encore faut-il travailler
avec les garçons.
Et je dirais que le travail qu'on fait avec les
garçons est plus récent, mais il est extrêmement intéressant aussi. C'est le
même groupe d'âge. On travaille avec eux séparément. On ne travaille pas avec
l'ensemble. Il y a des groupes de filles,
des groupes de garçons. Ils ne sont pas mélangés parce que je pense qu'il y a
des niveaux de discussion qu'on a et que je pense que les garçons, entre
eux, sont plus à l'aise de parler de ça, et les filles, entre elles, sont plus
à l'aise de parler de certaines choses. Et
il n'y a pas ce... Il n'y a aucun jeu, à ce moment-là, qui se joue quand on
arrive à parler d'une manière beaucoup plus claire.
Donc,
c'est le travail que nous faisons actuellement, essentiellement. Et je ferais remarquer que le type de travail qu'on
fait est très rare. Je veux dire, c'est rare qu'on décide de travailler avec
des garçons, des jeunes garçons, et c'est rare de dire : O.K., on travaille avec des jeunes filles à ce
niveau-là. Donc, il y a le programme Juste pour Elles, le projet Gars.
Il y a
aussi, bien sûr, ce que nous faisons depuis un certain nombre d'années, qui
s'appelle De la rue à la Maison
d'Haïti. C'est essentiellement un travail de patrouille, mais c'est aussi le
début, finalement, du recrutement, donc, que les jeunes... pour nous, pour recruter les jeunes,
mais c'est aussi une façon de voir ce qui se passe dans le quartier et de voir ce qui se passe dans la rue. Et donc ça nous
donne, ça nous indique aussi quel genre d'intervention et quel genre d'activité
nous devons faire, le travail de la rue à la Maison d'Haïti.
Et, bien sûr,
il y a le dernier projet, donc, qui vient d'être mis en place à la Maison
d'Haïti, qui est Le goût de vivre, qui
est aussi des activités pour les jeunes, mais alors où est-ce qu'on va suivre
ces jeunes-là pendant cinq ans. Donc, ce sont des cohortes de jeunes qu'on va suivre pendant cinq ans et qu'on va
voir, sur eux, finalement, quelle est l'importance, finalement, de
cette activité et quel changement s'est opéré sur ces jeunes-là au bout de cinq
ans.
Donc, tout ça pour vous dire... Bien sûr, d'une
manière générale, la Maison d'Haïti intervient. Mais le succès aussi de la Maison d'Haïti, et je le dis à la fin,
c'est vraiment le fait qu'on travaille non seulement avec les
jeunes, mais on travaille aussi avec les familles. Donc, c'est un succès
aussi pour nous d'être capables de rejoindre les familles. Et donc le travail
que nous faisons est un travail intergénérationnel parce qu'on arrive à
rejoindre les familles de ces jeunes-là. Donc,
tout ça pour vous dire que le travail que nous faisons, c'est un travail de
prévention. C'est un travail qui est en amont de l'exploitation sexuelle parce
qu'on est tout à fait conscients que c'est une réalité dans le quartier
Saint-Michel. C'est une réalité que nous voulons éviter à nos jeunes. Et
donc, pour nous, c'est un travail qui est important.
Et les recommandations que nous faisons, vous
les voyez à la dernière page... qui est le fait de... Les jeunes de la Maison d'Haïti, lors du lancement de leur
livret de sensibilisation 100 % Elles, ont demandé l'implantation
d'une vraie politique de prévention et d'éducation contre les agressions
et violences sexuelles impliquant les milieux éducatifs et communautaires. Et donc nous recommandons leur
implantation rapidement en s'appuyant sur l'expertise développée par les
organisations.
Et l'autre recommandation, c'est une véritable
politique de reconnaissance de l'expertise et du travail du milieu communautaire, qui travaille depuis de nombreuses
années à faire cette prévention-là. Et, forte de l'expertise développée auprès des jeunes dans ce domaine depuis cinq ans,
la Maison d'Haïti est consciente que les changements de comportement et
le travail de renforcement personnel nécessitent une intervention et un
accompagnement à long terme. Et donc nous recommandons en ce sens un
financement des organisations sur un long terme afin que les ressources
internes et externes spécialisées puissent réaliser un travail effectif parce
que, comme vous voyez, le petit livret dont je vous parle, ça a pris cinq ans. Ça veut dire qu'à partir du
moment où les jeunes sont arrivées avec nous et au moment où elles ont fini par produire ce livret, le travail qu'on a fait
avec elles a duré cinq ans. Donc, c'est un travail à long terme, le travail
d'éducation.
Et donc, dans
le but d'une prise en charge globale et responsable, nous devons impliquer
aussi la famille et le milieu de vie, et la Maison d'Haïti recommande un
financement pour le développement et la mise en place d'activités éducatives
et culturelles multigénérationnelles.
Donc, voilà, je suis ouverte à vos questions
ensuite. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. J'invite maintenant la
représentante du Centre d'aide aux familles latino-américaines à se
présenter et à nous faire son exposé.
Mme Farinola Ugarte (Arianna) :
Bonjour. Mon nom, c'est Arianna Farinola. Je suis présidente du conseil
d'administration du CAFLA, Centre d'aide aux familles latino-américaines.
J'aimerais prendre... Bien, tout d'abord, merci
de nous avoir invités à participer à la commission puis pouvoir un peu donner notre point de vue, notre expertise,
et partager un peu notre avis, puis comment que nous, on peut appuyer votre travail. Avant tout, j'aimerais aussi vous
parler un peu de qui nous sommes pour ceux qui ne nous connaissent pas.
Nous, on est
un organisme sans but lucratif de bienfaisance qui a été fondé en 2003 pour
aider les familles immigrantes en
pleine intégration sociale, culturelle et professionnelle auprès de la société
québécoise. Mis sur pied à l'origine pour soutenir les membres de la
communauté latino-américaine, le CAFLA a, depuis 2003, élargi son offre de
services à toutes les communautés présentes sur son territoire d'action. Nous,
on travaille fondamentalement dans les arrondissements de Rosemont—La Petite-Patrie, Saint-Michel et Villeray. Nous,
on a trois points de service dans ces arrondissements, dans les écoles, dans trois écoles qui sont dans les
arrondissements. Donc, nous, à part d'avoir notre place, notre organisme, notre
adresse, nous aussi, on a trois points de service pour travailler avec les
adolescents dans la prévention aussi.
• (16 h 50) •
Nous, la commission nous a posé deux questions.
C'est : Quel est le portrait du phénomène de l'exploitation sexuelle dans notre communauté? Et une autre
question, c'est : Comment les services destinés aux victimes et à leurs
proches pourraient-ils mieux rejoindre notre communauté?
Pour ce qui
est de la première question, je vous dirais que, bien, la communauté
latino-américaine est très vaste. Donc,
nous, le CAFLA, on ne peut pas juste parler au nom de tous les
Latino-Américains. On est 19 pays. Donc, oui, on travaille pour et avec les Latino-Américains, mais
on ne peut pas... Chaque pays a des problématiques différentes. Donc, on ne peut pas mettre tout le monde dedans. Donc,
nous, on va faire un peu un portrait, comment que nous, on voit la situation, mais on ne peut pas vous
adresser un portrait très exact de la situation par rapport au phénomène.
En plus de
ça, on le sait bien, puis comme je l'ai entendu tantôt, tenter de dresser un
état de la situation est très difficile compte tenu qu'on n'a
pas... au niveau de l'exploitation sexuelle des mineurs parce qu'il n'y a pas
assez de statistiques qui parlent de la situation
compte tenu que c'est toujours... bien, qu'il y a multiples visages que peut
prendre cet enjeu-là. Puis aussi le problème que nous, on pense, c'est qu'il y a toujours
plus d'information au niveau de soit les prostitués, les personnes victimes, mais il n'y a pas assez
d'information quand on parle des clients, des proxénètes ou de tous les divers
acteurs qui sont dans la situation.
Je
vais vous parler, la communauté latino-américaine, comment qu'elle est
représentée au Québec. Donc, entre 2006 et 2015, environ 8 400 immigrants en provenance d'Amérique
latine ont été admis chaque année en moyenne au Québec. Nous, on représente la troisième, en termes de
taille, en importance, population d'immigrants au Québec
après les minorités noires, qui sont 31 %, et l'arabe, de 21 %. Comparés à
d'autres immigrants, les Latino-Américains se distinguent dans leur
ensemble pour avoir un plus grand trilinguisme et par une plus forte proportion
d'unions mixtes. Au Québec s'ajoute à ce
portrait un taux de présence plus élevé parce que ce qu'on a rencontré, c'est
que les immigrants latino-américains qui mettent un pied sur terre ici, au Québec, la plupart du temps, restent
au Québec. Puis ce qu'on a aussi, ce que nous disent les statistiques,
c'est qu'ils utilisent plus fréquemment aussi le français que l'anglais.
Par
contre, ce que nous disent aussi les études, c'est que, même si on voit que les
Latino-Américains, c'est quand même des immigrants qui s'intègrent bien dans la
société québécoise, on demeure être une société ou une population qui est toujours dans le seuil de la pauvreté, qui
fait partie du chômage, qui n'arrive pas à avoir un salaire de plus que
40 000 $ par année. Puis
c'est un peu contradictoire parce que ça change aussi. C'est ça un peu que je
voulais dire, ça change aussi un peu,
l'immigration qu'on reçoit. Des fois, dépendamment du pays, il y a des
personnes qui ont plus étudié ou qui ont beaucoup plus des études que
d'autres. Donc, ça peut changer aussi un peu les statistiques.
Donc, ça, ça vient un
peu parler... Tout ce patron d'immigration vient affecter aussi la famille puis
vient ajouter des problématiques comme l'exploitation sexuelle. Donc, il y a
des enjeux que nous, on trouve dans notre communauté comme, bien, la traite des mineurs. C'est plus facile d'engager des
mineurs où les parents, ils n'arrivent pas à bien parler français, où
les gens qui ont été capables d'aller à l'école... Bien, aussi, maintenant, il
faut le dire, depuis 2009, on a la possibilité que tout enfant est capable
d'aller à l'école ou au secondaire de façon gratuite, chose qui n'était pas
avant... Peu importe le statut migratoire, avant, il fallait soit être accepté
comme demandeur d'asile, ou réfugié, ou résident permanent, mais avant les
enfants, ils n'avaient pas le droit d'aller à l'école de façon gratuite. Donc, il
y a beaucoup d'enfants qui n'avaient pas un statut légal, qui ne pouvaient pas
intégrer l'école. Donc, ça aussi ajouté, bien, c'était un terrain fertile pour
être pris aux difficultés comme l'exploitation sexuelle.
Donc,
bien, comme je dis, la traite des mineurs... Donc, un enfant qui se trouve à
être le parent dans le... assumer le rôle de père dans la famille, donc,
commence un peu... comme parlait tantôt M. Maurice, tout ce qui est
l'estime de soi, son rôle en tant
qu'enfant, son rôle en tant qu'adolescent qu'il ne peut pas assumer, bon, s'il y a
une porte qui s'ouvre à obtenir une rémunération pour pouvoir s'en
sortir de sa situation, des fois, il va la prendre.
Nous aussi...
d'autres difficultés. La sortie régulière des personnes de leur pays d'origine,
il y a beaucoup de difficultés. Puis ça, vous le savez, au niveau de tout ce
qui est l'immigration, c'est très difficile dans tous nos pays en Amérique
latine. Donc, ça change aussi... Ça vient ajouter aussi des difficultés :
le faible revenu des familles, le statut précaire,
les sans-papiers. On trouve de plus
en plus de personnes qui sont
capables de rentrer avec un statut légal au pays, mais qui, après un
certain temps, décident de rester dans la province même si elles n'ont pas la
condition d'y rester. La perte du rôle parental, le pourcentage très élevé de
divorces dans la communauté, ça, c'est un constat. Quasiment, de cinq familles qui viennent ensemble, bien
composées, au moins un tiers va se divorcer. Le manque d'éducation sexuelle des adolescents et le manque de traits de caractère
chez les gens...
Donc, ça, ça répond
un peu à la première question, rapidement. La deuxième, comment les services
destinés aux victimes et à leurs proches
pourraient-ils mieux rejoindre notre communauté... Nous, depuis notre création,
on a toujours travaillé dans des projets pour faire de la sensibilisation au niveau de l'exploitation sexuelle, travaillé pour la prévention
à appartenir à une gang de rue, puis, avec
succès, on a été capables de rejoindre, de travailler... puisqu'on
a trois points de service aussi dans les écoles. Donc, on travaille avec
les adolescents, leur famille, les intervenants de l'école, les enseignantes et
tout le réseau qui est autour, la police, le centre de la jeunesse. Donc, ça,
on voit que, vraiment, on a eu du succès par rapport à ça. On a été aussi capables de produire un recueil des témoignages
des filles qui ont écrit par rapport
à leur vécu au niveau de l'exploitation sexuelle, mais aussi en d'autres
sujets. Mais c'est un recueil qui a été fait par les filles, puis en
exprimant comment qu'elles se sentaient par rapport à ça.
• (17 heures) •
Les
recommandations que nous, on aimerait apporter aujourd'hui, c'est d'avoir des lois plus sévères pour les criminels qui font
des affaires avec la traite des personnes, offrir un financement adéquat aux organismes
communautaires qui travaillent à faire de la
prévention et sensibilisation dans les écoles, demander aux écoles secondaires
d'avoir un protocole d'intervention pour aider les adolescentes — et
leur famille — qui
font des fugues à répétition, offrir une protection judiciaire aux jeunes mineurs sans papiers qui sont victimes des
proxénètes et publiciser les moyens de soutien via les réseaux sociaux,
permettre aux parents d'agir rapidement sans avoir peur de la direction de la
protection de la jeunesse. Dans le fond, ce que nous, on visait, c'est de travailler fort
pour démystifier le rôle punitif de la DPJ, je dirais aussi la police, faire
la promotion des valeurs, les traits de
caractère qui vont aider les gens à prendre des meilleures décisions, élargir
l'offre de service et des programmes en incluant les garçons comme
clientèle cible et non comme source de problème.
Enfin, on dit :
Nous croyons que chaque personne immigrante doit surmonter ses propres défis
pour arriver à s'intégrer pleinement
à la société d'accueil. Par contre,
nous, on voit qu'il y a un plus grand... si la communauté d'accueil,
surtout les intervenants qui travaillent auprès des adolescents, on a une plus
grande ouverture et sensibilisation à mieux comprendre comment que la
communauté, avec laquelle tu agis, comprend la situation, comment qu'ils
voient, ça va être plus facilement capable
d'effectuer une intervention, comme il faut, et non seulement comment le livre
le dit de le faire. O.K., voilà. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Nous allons passer maintenant
à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vais
débuter avec le député de Viau.
M. Benjamin : Merci,
M. le Président. Merci pour cette
belle présentation. Je commencerais peut-être, première question pour
Mme Villefranche. Donc, dans le mémoire que vous nous avez présenté, et
puis j'aimerais peut-être le souligner à
grands traits pour les collègues membres de cette commission, donc les chiffres, comme vous nous rappelez, les chiffres de
concertation de lutte contre l'exploitation sexuelle qui, en 2013, rappelaient
que 33 % des lieux reliés à l'industrie du sexe du Grand Montréal se
trouvaient à Saint-Michel. Vous l'avez peut-être entendu tout à l'heure, donc, lorsqu'on recevait d'autres groupes, moi, un
enjeu, en lien avec cette commission, qui me préoccupe beaucoup justement,
ce sont les lieux de services sexuels.
Donc,
est-ce que vous avez... est-ce que vous aurez, à la Maison d'Haïti, des pistes
d'action que vous pourrez peut-être recommander à cette commission-là,
donc que vous pouvez partager avec nous, par rapport à cet état, à cette réalité?
Mme Villefranche (Marjorie) :
Bien, en fait, les pistes d'action, elles sont là, parce qu'en fait le travail
que nous faisons, bien sûr,
c'est un travail de prévention, c'est un travail d'expliquer qu'est-ce que ça
veut dire, l'exploitation
sexuelle, comment est-ce qu'on le détecte, comment est-ce qu'on comprend ce que
la personne est en train de vous proposer.
Et la meilleure façon de comprendre ce que le garçon ou ce que l'autre fille
est en train de vous proposer, c'est d'être
capable aussi d'armer la personne pour qu'elle soit capable d'analyser ce qui
lui arrive et d'être capable de dire non. Donc, la résistance à la
pression des pairs est très importante, et c'est le travail que nous faisons,
nous, à ce niveau-là. Donc, c'est vraiment à ce niveau-là.
Et ce que je
pourrais faire remarquer aussi, c'est... le recrutement, on a beau dire que ça
se fait sur les réseaux sociaux, nous, on les voit, dans la rue, les
recruteurs, on les voit. Donc, je pense qu'il y a du travail à faire.
M. Benjamin : Merci. Mme Farinola, donc, au niveau des recommandations que vous nous présentez dans votre mémoire, j'aimerais peut-être
vous entendre et entendre aussi Mme Villefranche là-dessus. Une des recommandations
qui m'interpelle beaucoup parce que, quand vient le temps de parler de lutte
contre l'exploitation sexuelle des mineurs, il faut, des fois, additionner les
niveaux de vulnérabilité, et une des vulnérabilités que vous évoquez dans une
de vos recommandations, c'est l'offre de protection judiciaire aux jeunes
mineurs sans papier qui sont victimes de proxénètes et publiciser les moyens de soutien via les réseaux sociaux. J'aimerais
vous entendre là-dessus puisque je sais que, dans les communautés latino-américaines, il peut y avoir
des cas de jeune qui sont sans papier, tout comme aussi, au niveau de la
clientèle de la Maison d'Haïti. J'aimerais vous entendre sur cette recommandation-là spécifiquement.
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Bien, écoutez,
je peux vous donner un exemple, je pense que c'est plus facile à comprendre. Mettons, une
personne, une famille, ça, c'est un cas réel, une personne, un monsieur qui est
parti d'ici, qui est allé au Mexique, puis qu'il a décidé de rester là
pendant plusieurs mois puis de passer un séjour un peu plus long là-bas décide de travailler un petit peu là-bas,
puis il rencontre une femme. Cette femme-là a des enfants. Donc, là, il décide
de se marier. Donc, il revient ici, au pays,
elle, elle a le statut d'être la conjointe de monsieur, mais les enfants qui ne
sont pas nés à l'intérieur de cette relation-là, ils ont le statut de
visiteur. Donc, lui, bien, il vient avec sa mère, mais là il faut qu'il commence toute une panoplie, tout le
processus pour obtenir sa résidence permanente, mais c'est un peu comme en
solo, c'est le père... bien, le nouveau père ou le conjoint de madame qui doit
faire aussi les papiers. Dans cette réalité que
je vous parle, la relation est plus ou moins bonne une fois établie ici. Donc,
il tient un peu... La femme, elle dit : Bien, je ne ferai pas tous les papiers de ton enfant.
Donc, son enfant qui se trouve à être ici, bien, oui, maintenant, il est
capable d'aller à l'école, mais, je
vous le dis, c'est depuis 2019, mais il se trouve à être ici sans papier. Donc,
c'est la mère qui a apporté ses
épargnes pour pouvoir pallier si jamais il a une difficulté médicale, si jamais
il faut faire, tu sais, l'inscrire à une
activité ou quoi que ce soit. Cet enfant-là se trouve à être tout seul. Il n'a
pas vraiment... Quand il va demander des services pour lui, il ne peut
pas. Il n'est pas admissible, cet enfant-là.
Donc, c'est
pour ça que, nous, on demande qu'il y ait... l'offre de services soit ouverte,
tu sais, peu importe son statut
migratoire. Nous, au CAFLA, nos services, dans la mesure du possible, parce
qu'il faut répondre aussi aux objectifs quand on est subventionné, mais,
dans la mesure du possible, nos services, c'est pour toute personne, avec
papiers ou sans papiers, mais qui ont besoin d'être accompagnées ou outillées
au niveau de son intégration au Québec.
Mme Villefranche
(Marjorie) : Je dirais qu'il y a différents... Bien sûr, il y a tout
ce qu'elle dit là, mais il y a différents niveaux d'exploitation et de
vulnérabilité. Il y a d'abord... Je pense qu'au niveau de la traite des
personnes, on est tous au courant que, des fois, il y a des personnes qui
voyagent et qui reviennent avec soit des jeunes garçons, soit des jeunes filles, et qui leur promettent des
papiers, et qui continuent à... et qui les exploitent à ce niveau-là. Donc, ça,
on est bien au courant de ça. Et donc, oui,
il y aurait besoin de l'accompagnement pour ces personnes qui arrivent,
vulnérables et sans papiers, à la merci des gens qui les ont fait venir.
Ça, c'est un premier point. L'autre point aussi, et c'est quelque chose qu'on sait, par exemple, quand les gens
arrivent et qu'ils sont des demandeurs d'asile, des très jeunes garçons et des
très jeunes filles qui sont des demandeurs d'asile et qui sont très
vulnérables, se font souvent offrir ce genre de truc pour se sortir de
leurs difficultés. Et d'ailleurs, en 2017, autour, donc, que ce soit du Stade
olympique ou de... Il y avait des recruteurs, on les voyait, on les
connaissait, et ils allaient... Ils ne se gênaient même pas pour leur offrir,
donc, ce genre d'activité. Et, bien sûr, ils offraient ce genre d'activité aux
jeunes garçons et aux jeunes filles.
Bien sûr, ces
gens-là ont besoin effectivement de soutien pour les accompagner, parce que
c'est plus difficile de se sortir de l'exploitation sexuelle quand on
n'a même pas encore ses papiers réglés, bien sûr.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de
Lotbinière-Frontenac, s'il vous plaît.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Ma question est pour
Mme Escamina...
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Oui. C'est Farinola. Oui, excusez-moi.
Mme Cécilia Escamilla, c'est la directrice de l'organisme, mais elle n'a
pu être présente aujourd'hui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Ah! D'accord. Donc, dans le mémoire, vous
parlez d'un projet, de l'art d'être une fille. Est-ce que vous pouvez me
parler un petit peu plus de ce projet-là?
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Oui. Bien, je vais vous lire ce qui est écrit. Je
vais me permettre de le lire parce qu'il n'est pas très frais dans ma mémoire.
Attendez. Alors, oui, c'est un programme qui a été déployé dans nos trois points de service qui sont situés dans les
écoles. Nous, les objectifs de ce programme-là, c'était de faire des rencontres
hebdomadaires avec des filles qui y participaient par son propre gré. Puis on
donnait des... On faisait des ateliers au niveau
de l'estime de soi. On parlait de tout ce qui était aussi l'exploitation
sexuelle, comment c'était... comment qu'ils voyaient la discussion par
rapport à ça. C'était aussi un programme qui permettait de faire des
cafés-rencontres avec les parents aussi pour
parler au sujet de démystifier le rôle de la DPJ, démystifier le rôle de la
police aussi, et les outiller par rapport à nos lois et comment que la société québécoise aussi comprend, on dirait,
la problématique de la jeunesse et aussi comprendre comment qu'ils
voient aussi l'intégration des adolescents dans la vie quotidienne.
C'était
un travail qu'on a fait pendant toute l'année scolaire avec les filles de
l'école. Il y avait aussi la participation des garçons, mais, je vous dirais, c'était vraiment beaucoup plus les
filles. Bien, c'était un programme pour les filles, mais, des fois, il y
avait des garçons aussi qui venaient parce que, nous, dans les écoles, ils nous
trouvent aussi comme un point de repère pour... Nous, on travaille dans des écoles où il y a
les classes d'accueil. Il y en a une, des écoles... il n'y en a plus maintenant, mais ils nous... Nous, on est un point de repère
pour la communauté latino-américaine, mais on travaille pour tous les enfants qui sont à l'école. Mais ils
savent qu'ils peuvent venir aussi nous parler puis poser des questions,
tout ça. Donc, c'est un programme
qui a fait la discussion, le partage de la problématique, puis qui nous a
permis de publier le recueil où les
filles, elles ont écrit elles-mêmes ce qu'elles pensent au sujet de la famille,
les gangs de rue, sa sexualité, l'abus sexuel, l'exploitation sexuelle, entre
autres.
• (17 h 10) •
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Dans votre mémoire, vous dites aussi que vous
aviez reçu un appui financier puis que vous avez pu poursuivre votre projet
pendant trois ans. Maintenant, c'est terminé?
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : C'est terminé.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : À cause du...
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Du financement.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Du financement. Merci.
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Maintenant, la vice-présidente,
députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup, M. le Président. Je veux tout d'abord vous féliciter pour cette brochure. Je l'ai
regardée rapidement, je pense que des grands pédagogues avec des doctorats
n'auraient pas été capables de produire quelque
chose comme ça. C'est vraiment,
vraiment incroyablement bien fait. Et si vous pouvez le rééditer
à plusieurs milliers d'exemplaires
puis le distribuer partout au Québec, je pense que vous feriez une bonne oeuvre parce
que c'est vraiment... Et
aussi ça me rappelle des expériences que j'ai vues dans mes anciennes
fonctions, ailleurs dans le monde, où on amenait des jeunes à faire de la sensibilisation auprès des jeunes. J'ai entre autres en tête une expérience à Cuba, des jeunes qui vont sensibiliser d'autres jeunes pour contrer le
sida, et ça parle beaucoup mieux et ça se comprend mieux. Alors, il y a peut-être quelque chose d'intéressant
à faire là.
Vous
avez brièvement abordé la question du Stade olympique,
ici, lorsqu'il y a eu les gens du chemin Roxham. Donc, on parle du Stade olympique, mais on sait qu'il y a
des gens qui passent au chemin Roxham et qui demandent le statut de réfugié.
Est-ce que ça a été ou est-ce que c'est une belle occasion d'aller chercher de
la nouvelle chair pour servir les clients
qui demandent à avoir des services? Est-ce qu'il y a là une pépinière?
Est-ce qu'on devrait regarder ça de près? Et je m'adresse à toutes les deux parce qu'il y a aussi des gens qui ont
passé le chemin Roxham puis qui venaient aussi... pas uniquement
d'Haïti... c'est-à-dire des États-Unis, mais qui venaient d'autres pays
latinos.
Mme Villefranche
(Marjorie) : Oui, je pense
que, dès qu'il y a une situation de vulnérabilité, il y a des gens qui vont en profiter. Et donc nous, on avait remarqué ça, on avait même fait
la remarque, dans toutes les instances où on allait, qu'il y
avait effectivement des recruteurs
autour du stade et autour des lieux où étaient accueillis les demandeurs
d'asile et qu'ils repéraient, ils repéraient justement les très jeunes
filles et les très jeunes garçons pour leur offrir cela, oui.
Mme St-Pierre :
Vous avez vu beaucoup d'exemples?
Mme Villefranche
(Marjorie) : Je ne peux pas
dire des chiffres, mais suffisamment pour que ça attire notre attention et
qu'on aille vraiment en parler en disant : Ce n'est pas assez, il faut
faire attention à ça.
Mme St-Pierre :
On perd la trace complètement de ces jeunes garçons, ces jeunes filles là, là.
Mme Villefranche (Marjorie) :
On perd leur trace.
Mme St-Pierre :
Ils disparaissent dans le nature, complètement.
Mme Villefranche (Marjorie) :
Non, ils ne disparaissent pas dans la nature, dans le sens qu'ils doivent faire
leurs papiers, donc ils doivent accomplir certaines choses. Donc, on les a
retrouvés, il y en a qui sont revenus vers la Maison d'Haïti, par exemple, mais
c'est vrai aussi qu'il y en a qui ont eu des très mauvaises expériences.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup.
Mme Villefranche (Marjorie) :
Je vous en prie.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Question pour Mme Farinola. Je remarque que
vous êtes, Petite-Patrie, Villeray, Rosemont, vous êtes bien proches de Laval. On a beaucoup
de Latino-Américains à Laval et sur la couronne nord. Est-ce que vous dispensez
vos services à Laval ou est-ce que les gens
de la communauté qui sont impliqués ou qui peuvent avoir des
enjeux dans ce... en exploitation sexuelle de mineurs, est-ce que vous servez de référence
pour ces gens-là? Parce que je comprends que, si tu es dans la communauté latino-américaine à Sainte-Thérèse, bon, tu
es loin de chez vous un peu. Et, je me dis, vous êtes très près, et
c'est quelque chose qu'il m'intéresserait de savoir, là, parce que... pour
garder le lien.
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Bien, écoutez,
ça, c'est un peu tout à fait par rapport... tu sais, par rapport à la recommandation que nous... on parle de subventionner ou, tu
sais, les organismes communautaires, qu'est-ce que nous... Oui. À votre question, je dirais oui. Nous,
on reçoit toute personne latino-américaine qui a une question,
qui a besoin de guidance, qui a besoin de nous. Nous, on va être là.
Nous, puis
c'est récemment, on a commencé à être subventionnés par le ministère de la Santé et Services sociaux pour la mission globale de notre organisme. Mais sinon, nous, on fonctionne comme
en projets. Donc, nous, il faut répondre aussi à nos bailleurs de fonds qui nous disent : Mais toi, tu dois
travailler... tu sais, nous, notre projet s'inscrit dans le cadre de
telle, telle population. Donc, nous, des fois, on est pris avec ça parce qu'on
ne peut pas aller plus loin que ça.
Nous,
maintenant, on a une certaine flexibilité parce qu'on est subventionnés pour la
mission globale. Donc, nous, ça nous
permet de payer un intervenant sociocommunautaire qui est capable d'être sur
place et aussi aider des personnes qui viennent de Laval, Repentigny,
n'importe où. Mais il faut dire que, pour pouvoir continuer à vivre, bien, il
faut répondre aussi aux projets qui sont financés et qui nous mettent un peu
dans un cadre qu'on n'a pas le pouvoir de trop s'en sortir.
Nous, on le sait bien, Laval, c'est... oui,
mais, comme je viens de le dire, on est la troisième population plus importante d'immigrants au Québec, donc on le sait
bien qu'il y a besoin de notre accompagnement ou de notre soutien, mais
il faut répondre aussi...
M. Ouellette : Merci. Je me
permettrai un commentaire, M. le Président, ça sera mon dernier commentaire, joindre ma voix à la députée de l'Acadie, c'est
extraordinaire comme outil. On devrait tous en avoir une copie. Ça devrait
être une initiative provinciale — c'est la ville de Montréal — mais, je vous dirai, c'est facile à lire. J'ai
des petits-enfants puis je vous dirai
que je vais m'en prendre une deuxième copie. J'ai une petite-fille de
14 ans que je veux qu'elle lise ces choses...
Mme Villefranche (Marjorie) :
...
M. Ouellette : Non, non, c'est
bon. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Merci d'être là aujourd'hui, c'est apprécié. D'abord, sur la
question du financement, vous n'êtes pas
seuls à avoir parlé de ça aujourd'hui, il y a plusieurs organismes qui y ont
fait référence. On parlait souvent des projets qui duraient d'un à trois
ans, qui est insuffisant, visiblement. Mais, si je me mets à la place de l'État ou de d'autres organismes
subventionnaires, en effet, on veut avoir... il y a toujours une demande de
vérifier que l'argent est bien dépensé, par la pression des
contribuables, bien sûr. Est-ce qu'une échelle de cinq ans commencerait à être
quelque chose de plus raisonnable pour vous? Ou, encore là, mettons, cinq ans, c'est
trop court? On jase, là.
Mme Villefranche
(Marjorie) : Oui, on jase. Bien, moi, je crois que c'est un minimum
parce qu'en fait, comme je vous dis,
si vous regardez le parcours des filles qui ont écrit ce livre, c'est ça, cinq
ans. C'est-à-dire qu'au départ tu leur dis : Vous pouvez changer quelque chose dans
la société. Et elles vous disent : Mais qu'est-ce que, moi, petite
moi-même, qu'est-ce que je peux
changer dans la société? Et là on fait le travail avec elles, tranquillement,
et elles finissent par écrire ce
livre, et elles finissent par aller devant les commissaires de la commission
scolaire et demander quelque chose. Et donc, à ce moment-là, ça a pris cinq ans pour qu'elles deviennent agents de
changement, finalement. Et non seulement conscientes d'elles-mêmes, mais
être capables de faire un changement. Donc, pour moi, c'est un minimum.
• (17 h 20) •
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Oui. Bien, moi, je suis d'accord aussi avec ça.
Mais ce que je dirais que... je pense qu'aussi, pour certaines problématiques,
il faut qu'il y ait une continuité, une pérennité aussi des fonds pour soutenir cette problématique-là, parce que ce qui
se passe, c'est qu'aujourd'hui on parle de l'exploitation sexuelle, mais,
dans deux, trois ans, le gouvernement décide de travailler plus avec les
personnes aînées, donc là, bon, le budget qui a été disposé pour l'exploitation sexuelle, on va le prendre puis on va le
mettre plus pour les personnes aînées. Pas parce qu'un ou l'autre n'a pas besoin mais... Oui, je
comprends aussi... bien, il faut faire... qu'il soit juste pour tout le monde
puis être capables d'au moins attaquer toutes les... que notre société
a.
Mais
le problème aussi, c'est qu'il y a certaines situations qu'il faut qu'il y ait
une pérennité, qu'il y ait un fonds ministériel qui va continuer pour
cinq ans, six, tu sais, il y a des... surtout ces types de problématique là, ce
n'est pas dans cinq ans qu'on va le régler, ce n'est pas dans une dizaine
d'années. C'est vraiment parce que c'est grand, c'est la société, il y a beaucoup de changements à faire.
Nous, on a travaillé beaucoup les gangs de rues, et ça, c'est très compliqué.
Tu sais, ce n'est pas... Tu sais, oui, il y
a des personnes, des gens adolescents qui voudraient s'en sortir, mais ils ne
peuvent pas le faire tout seuls, ils ne peuvent pas le faire juste parce
qu'ils décident de s'en sortir. Une fois qu'ils sont dedans, il y a tout un système qui fait qu'ils ne sont pas
capables de s'en sortir. Donc, on ne peut pas travailler, on ne peut pas les
accompagner si on dit : O.K. cette année, mais l'année prochaine, ça se
peut qu'on ne soit plus capable de le faire, là.
M. Leduc :
Très rapidement aussi, une autre question sur l'aspect de la pauvreté, parce
qu'il y a des groupes qui sont passés, précédemment, qui faisaient référence au
fait que la sortie de la prostitution juvénile n'est pas un aller simple, là, souvent, il y a des allers-retours, et
qu'une des affaires qui fait en sorte qu'on est ramenés, c'est la pauvreté et
la précarité. Est-ce que c'est
quelque chose que vous constatez, est-ce que vous avez réfléchi à des mesures?
J'en ai... J'ai regardé vite, vite
dans vos mémoires, vous abordez moins cet aspect-là, mais j'imagine que vous
avez quand même une observation de votre réalité par rapport à cette
pauvreté et cette précarité?
Mme Villefranche
(Marjorie) : Oui, et je pense que, par exemple, le projet que nous
avons mis en place, qui s'appelle Le goût de vivre, c'est un peu ça aussi,
c'est d'outiller les jeunes avec des métiers et des ouvertures vers des métiers qui sont plus intéressants et qui
pourraient les aider, donc, à se sortir de là. Parce que, bien sûr,
c'est un argent facile gagné, et
c'est beaucoup d'argent, donc, bien sûr, c'est très tentant
de retourner. Mais il faut aussi leur offrir une alternative, et je
pense que cette alternative-là est très importante, le travail d'offrir des
alternatives aux jeunes où ils peuvent bien gagner leurs vies.
Mme Farinola
Ugarte (Arianna) : Oui. Juste ajouter, par rapport à la pauvreté, puis
comme on le disait tantôt, toute la situation de l'immigration qu'on vit récemment,
ça met dans une vulnérabilité, puis que, comme... tu sais, madame... Dans les écoles, les enfants qui sont
dans les classes d'accueil sont très,
très vulnérables. Puis il y a
des gens, soit des gangs de rue, soit
des proxénètes, qui vont être autour puis qui ont déjà ses
contacts à l'intérieur de l'école pour pouvoir les engager. Donc, ils
ont une proposition très facile pour cette personne-là qui vient d'arriver, qui
n'a pas d'argent, que son... Avant, elle
était capable de se permettre d'aller au cinéma, qui était capable de s'acheter
un bijou, un petit quelque chose, mais maintenant ses parents, qui sont
pris parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois... Oui, on parle de plein emploi
présentement, mais il y a beaucoup la difficulté à se trouver un emploi qui
réponde un peu à ses besoins aussi. Parce
que, oui, il y a des emplois, mais ils sont en dehors des heures pour pouvoir
agir, avoir ce rôle en tant que parent. Donc, je ne peux pas travailler la nuit, sinon je fais quoi avec mes
enfants, le matin, le jour? Bien, je laisse mon ado s'occuper de la
petite? Donc, oui, c'est un terrain fertile pour ces adolescents-là, qui sont
là, qui voient : Ah! mais c'est facile. Ah!
juste me mettre devant une caméra puis faire de la prostitution, ce n'est rien.
Au moins, je vais... Il ne va pas me toucher, il va juste regarder, puis
après, je vais fermer ça, c'est fini, mais j'aurai au moins un 20 $,
50 $ pour m'acheter ce que j'ai le goût
de m'acheter puis ne pas demander à mes parents qui ne sont pas capables, parce
que je le vois qu'ils n'ont pas d'argent.
Ça fait que oui,
c'est une problématique que, nous, on vit. Puis, comme je le dis tantôt, il y a
des études qui le démontrent, la communauté
latino-américaine, bien qu'il y a des personnes qui viennent avec... en
trilinguisme, qui viennent avec un
baccalauréat, avec des études très élevées, elles ne sont pas capables de
s'insérer sur le marché du travail dans le même niveau. Donc, oui, on
remplit beaucoup les statistiques de pauvreté au Québec.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Pour terminer, rapidement, notre
collègue députée de Notre-Dame-de-Grâce. Il nous reste deux, trois
minutes.
Mme Weil :
Oui. Deux commentaires. Merci beaucoup, Cecilia — j'ai une soeur qui s'appelle Cecilia — Mme Escamilla, c'est vraiment... vous êtes la première... On a
déjà posé des questions sur origines ethnoculturelles, mais il n'y a pas eu...
essentiellement, les acteurs à qui on
parlait, bon, il y avait de tout, mais vous, vous mettez vraiment un doigt...
vous êtes vraiment la première à le faire, donc c'est intéressant pour
nous.
Je connais bien la question des enfants sans
statut, des immigrants sans statut, et on a modifié la loi, en 2017, justement, à cause de la pression d'organismes
communautaires, c'est très bien, qui ont vraiment alerté et sensibilisé le gouvernement, mais c'est la
première fois qu'on entend cette dimension-là. C'est sûr, de ne pas avoir
d'emploi... Alors, mon commentaire, c'est
bravo! Continuez. Puis je sais que le financement devient difficile avec autant
de personnes sans statut, etc. Pour
Mme Villefranche, évidemment, moi aussi, on ne peut pas arrêter de lire.
Même nous, c'est tellement utile juste
pour nous. Il y a des... vous savez, il y a des règles là-dedans qui
clarifient, puis c'est simple, on est capables... Bravo pour ça!
Je voulais
savoir, la question, c'est ça : Comment vous faites... Parce qu'on dirait
que c'est... à peu près un tiers de
l'activité d'exploitation sexuelle semble prendre... avoir lieu dans votre
espace, là, à peu près, là, 33 %. Vous avez donc un «outreach»
important à faire. Est-ce que vous êtes... Comment vous faites pour aller
rejoindre tous ces jeunes pour continuer?
Parce que, là, avec un document comme ça, puis tous les efforts que vous avez
faits, et les indicateurs que vous nous
donnez, il y a vraiment un travail importance à faire en profondeur. Est-ce que
vous avez des acteurs avec qui vous travaillez? Vous travaillez avec les
écoles, les familles. Comment vous faites?
Mme Obas Romain (Michael) :
Oui. Nous travaillons avec des écoles, et on commence très tôt avec les écoles primaires. Donc, on développe aussi, avec la
coordination famille, un lien de confiance avec les parents. Donc, les parents
connaissent les intervenants, on se parle
régulièrement. Il y a des ateliers aussi pour les parents. Il y a des
programmes de renforcement familial
certifiés. Il y en a un sur 14 semaines. Donc, le parent est là, les
jeunes sont là aussi, et ils apprennent à recréer l'ambiance familiale,
la confiance entre eux et la communication. Les parents apprennent à définir
des limites. Donc, ils sont vraiment
soutenus. Donc, ça nous permet bien sûr de mieux rejoindre les enfants parce
que les parents ont confiance en
nous. Et puis, comme je vous dis, les écoles, on est en partenariat quand même
avec des écoles, O.K., il y a des
professeurs, il y a des jeunes avec le goût de vivre qui viennent maintenant
faire des stages avec nous. Et puis toute la coordination de la Maison d'Haïti sont présentes aussi pour des références
lorsque les demandeurs d'asile arrivent. Donc, il y a la coordination intégration qui, tout de suite, va dépister,
tiens!, il y a quelque chose qui a besoin d'envoyer ce parent à l'alphafrancisation. Est-ce que ce jeune a besoin
de l'aide aux devoirs? Donc, c'est vraiment un travail systémique global
qui nous permet de rejoindre les jeunes et les familles.
Mme Weil :
Vous dites, vos deux organismes... comme le député d'Hochelaga-Maisonneuve met
le doigt souvent là-dessus, les
facteurs de risque, il y a la pauvreté, l'exclusion, les vulnérabilités, c'est
évident, mais vous le voyez dans votre travail quotidien, hein? Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
19 heures. Merci infiniment de votre présence. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 28)
(Reprise à 19 h 1)
Le
Président (M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle
des mineurs reprend ses travaux au Centre Pierre Charbonneau à Montréal.
Je rappelle à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques de la Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs. Et ce soir nous allons entendre, en audition conjointe,
le programme de Prévention jeunesse de Longueuil et le programme Prévention
jeunesse de Laval.
Alors, je
demanderais aux gens du programme de Prévention jeunesse de Longueuil de se
présenter, de faire la présentation
de 15 minutes. Par la suite, ce sera Laval. Et, combinés ensemble, pendant
30 minutes, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Ça va? Alors, je vous demanderais de vous présenter. Merci d'être là, à
vous, aux deux groupes ce soir.
Programme
Prévention jeunesse Longueuil et
programme Prévention jeunesse de Laval
Mme Carignan (Audrée-Jade) :
Bonsoir. Je m'appelle Audrée-Jade Carignan, je suis la coordonnatrice du programme
Prévention jeunesse de Longueuil. Je vais juste vous dire un petit mot sur la situation
particulière qui touche Prévention jeunesse Longueuil en ce moment. On est en
attente de notre financement pour l'année quatre, sur une possibilité de cinq
ans. Donc, depuis le mois de septembre, il n'y a pas de coordination, à
Prévention jeunesse Longueuil, donc je suis
ici bénévolement. J'ai préparé la commission bénévolement et je suis ici aussi bénévolement parce que j'ai excessivement espoir en cette initiative-là puis je trouvais important
de contribuer malgré le fait qu'il
n'y a pas de fonds pour la coordination
en ce moment.
Donc, merci
d'avoir invité programme Prévention jeunesse de Longueuil. Peut-être
débuter par expliquer en une minute
ce qu'est Prévention jeunesse. C'est un projet de concertation soutenu
financièrement par le ministère de la
Sécurité publique du Québec, qui soutient à la fois une coordination et
des activités terrain autour d'une problématique donnée sur un territoire précis. Donc, à Longueuil, on s'est mobilisés autour
de l'exploitation sexuelle des mineurs. Depuis trois ans, on est en activité. Les partenaires sont le
Service de police de l'agglomération de Longueuil, le CISSS de la
Montérégie-Est, que vous avez rencontré cet après-midi, le CISSS de la
Montérégie-Centre, la commission scolaire Marie-Victorin, la Maison Kekpart, le 2159, le CAVAC, la ville de
Longueuil. Je pense que je n'oublie personne. Donc, c'est les partenaires
de Prévention jeunesse Longueuil.
Sur le territoire,
on est largement touché par la problématique, mais on ne bénéficie pas d'un organisme
dont la mission globale est la lutte
à l'exploitation sexuelle. C'est-à-dire que chacun des partenaires avec lesquels on fait
affaire prend une partie de la problématique en fonction de sa mission précise et particulière. Donc, la concertation est nécessaire
et particulièrement importante à Longueuil, compte tenu que chacun doit prendre
une pièce du casse-tête pour arriver à offrir une offre de services la
plus large et la plus complète possible.
Dans nos
trois années d'expérience, on a pu dégager certaines conditions qui favorisent
la concertation. D'abord, d'avoir une
coordination en place, c'est excessivement important et pertinent dans le sens
que la concertation amène un lot de
tâches, des tâches minimales, mais d'organiser les rencontres, de produire les
documents nécessaires, de mobiliser les partenaires, d'aplanir les différences, de faire circuler l'information.
C'est toutes des tâches qui incombent à chacun des partenaires en
l'absence d'une coordination.
Donc, l'objectif, c'est de ne pas ajouter du
travail aux partenaires, qui sont déjà très occupés, mais c'est de les soutenir
autant dans leurs tâches communes en lien avec la problématique, mais aussi en
lien avec la concertation. Donc, c'est pour
ça que la coordination est un rôle important, est un rôle clé dans les
initiatives de concertation qui ont lieu un peu partout. Puis, malheureusement, bien, l'histoire semble démontrer
qu'en l'absence de coordination, ces efforts-là, qui se sont déployés
dans les années, tendent à s'essouffler puis parfois à s'éteindre.
Pour avoir
une coordination la plus efficace possible, on a remarqué que c'était...
idéalement, qu'elle devait être neutre
et indépendante, c'est-à-dire de ne pas appartenir nécessairement à une des
organisations partenaires. Ça facilite le travail de concertation quand elle n'appartient un peu à personne.
Comme, dans le cas de Prévention
jeunesse Longueuil, c'est... je
n'appartiens pas au... je ne suis pas un employé du CISSS, ou de la DPJ, ou du SPAL, ou d'un organisme communautaire.
Je suis vraiment centrale à tous ces milieux-là qui gravitent autour de la
problématique.
Ça prend aussi des partenaires engagés et
motivés dans la lutte à l'exploitation sexuelle, d'abord, mais aussi et surtout dans le travail ensemble, dans la
collaboration. Parce que la collaboration va aussi engendrer des défis, des obstacles,
des enjeux. Il faut que les partenaires
aient cette ouverture-là et cette motivation-là à travailler ensemble malgré
les obstacles qui vont se présenter.
Ça prend idéalement aussi un leadership clair.
Ce qu'on a trouvé optimal de notre côté, c'est un leadership indépendant aussi, c'est-à-dire neutre, qui n'est
pas en lien avec les enjeux de financement. C'est-à-dire une organisation qui
ne bénéficie pas directement du financement de Prévention jeunesse. Cet
organisme-là va jouer un rôle clé dans le leadership de la concertation puis va être capable aussi de prendre
position quand il y a des dissensions importantes au niveau de la table.
Idéalement,
ça prend une continuité puis une stabilité aussi, autant au niveau
du financement que de la structure et des partenaires
autour de la table. Une concertation, c'est un travail de longue haleine qui
s'installe tranquillement dans le temps. De
cesser une concertation après un an, deux ans, trois ans, c'est de se priver de
la maturité de cette concertation-là
qui s'installe tranquillement dans le temps. Puis de constamment être en train
de douter de la poursuite de la concertation, ça nous empêche aussi de
nous projeter vers l'avant.
Prévention
jeunesse, en général, avait une possibilité de cinq ans avec un trois ans sûr,
possibilité de renouvellement de deux ans. Après ça, on ne sait pas ce qu'il va
advenir des Prévention jeunesse. Il n'est pas encore sur la table que ce
soit poursuivi après les deux années
supplémentaires. Donc, c'est difficile de se projeter dans le temps, après ces
deux ans-là, parce qu'on a un enjeu de pérennité qui est important.
Notre
expérience des trois dernières années nous a aussi permis de relever certains
défis en lien avec la concertation. D'abord,
il y a une mobilité des partenaires qui est importante. Une concertation
efficace, on se rend compte que c'est souvent deux individus qui
apprennent à se faire confiance puis à travailler ensemble. Quand il y a une
mobilité importante au niveau des
partenaires, bien, ces liens de confiance là sont constamment rompus et à
recommencer, ce qui demande du temps et de l'adaptation.
Pour aller un peu au-delà de ces facteurs
interpersonnels là, ce qui serait aidant, c'est qu'il y ait une volonté politique claire qui descende puis qui vienne des
hautes instances pour donner une directive claire à chacun des intervenants
puis des paliers pour prioriser la lutte à l'exploitation sexuelle, mais aussi
prioriser la concertation puis le travail ensemble. Quand le milieu a
une orientation très claire en ce sens-là, on se rend compte que l'impact des
affinités personnelles perd un peu de son
importance. Alors que, des fois, il y a des milieux où c'est un intervenant qui
est très, très motivé par le travail ensemble et, si cet intervenant-là
change de place, bien, on n'a pas nécessairement un vis-à-vis qui a cette
motivation-là.
Les
partenaires sont excessivement débordés, ils sont occupés. Ils manquent de
temps. La complexité des cas fait en sorte que chacun est submergé par
les tâches qu'il doit accomplir. C'est sûr que la prévention de l'exploitation
sexuelle, il y a une comorbidité de
plusieurs facteurs en lien avec cette problématique-là, ce qui fait que les cas
sont très complexes, et on est vite
confrontés à la limite de notre offre de services. Soit il y a des trous, ça
veut dire qu'il y a des services qui ne
s'offrent pas à certaines personnes qui en auraient besoin, ou il y a des
chevauchements, des zones de recouvrement entre les services dont une personne pourrait bénéficier de plus d'un service.
Mais c'est parfois ardu de tracer la ligne entre le qui fait quoi pour
que la collaboration se fasse de façon harmonieuse et efficace.
Donc,
évidemment, en lien avec le manque de temps et la complexité des cas, la
concertation ne doit pas ajouter à la tâche des intervenants, mais doit
bien soutenir ces intervenants-là autant dans leur travail quotidien, dans
leur, missions respectives que dans le travail commun de la lutte à
l'exploitation sexuelle.
La précarité
du financement, c'est un enjeu auquel on est tous confrontés. Les organismes
communautaires sont constamment à la
recherche de financement, et on trouve peu de sources de financement qui
soutiennent des activités de concertation, de coordination. Il y a beaucoup
de soutien des activités, de projets concrets sur le terrain, mais peu
soutiennent la coordination. Donc,
c'est difficile de trouver des sources de financement complémentaires pour
poursuivre ce travail-là.
• (19 h 10) •
Un
des défis qu'on rencontre, aussi, c'est que le travail ensemble va faire
émerger beaucoup d'enjeux, des enjeux intraorganisation,
interorganisation, interpersonnels aussi qui vont demander du temps. Il va
falloir être capable de les adresser, ces
enjeux-là, d'aller au-delà des enjeux, puis là le travail d'une coordination
qui est neutre, qui est indépendante puis qui est objective va être
utile pour aplanir ces différences-là entre les différents milieux.
Concernant
les zones de recouvrement puis les trous de service auxquels on est confrontés
par la complexité des cas, une des pistes de réflexion qui seraient
intéressantes, ce serait d'outiller les partenaires au travail ensemble. Il y a
des habiletés inhérentes à la collaboration, à la concertation qu'il serait
utile de développer quand on travaille ensemble. Il y a une approche, à Longueuil, qui nous intéresse particulièrement, qui s'appelle le travail thérapeutique de réseau, qui est à la fois très porteur pour les familles à détresses
multiples qu'on souhaite aider, mais aussi qui va soigner les relations entre
les différents partenaires dans le réseau.
Puis, à Longueuil, on s'est rendu compte que, quand on appliquait cette
approche-là, c'était... ça faisait
autant du bien à la famille qu'on essayait d'aider qu'au réseau qui se
mobilisait autour d'elle. Donc, il y a des approches comme ça qui
peuvent être porteuses en termes d'habiletés du travail ensemble à développer.
Ce qui serait utile
aussi, c'est d'être en mesure d'évaluer l'ampleur réelle de la problématique.
C'est difficile, à l'heure actuelle, de le faire parce que ça nécessiterait
d'avoir accès à plusieurs sources d'information. Les sources d'information ne
sont pas toutes alimentées de façon équivalente, on n'a pas accès nécessairement
à l'ensemble des données pour avoir un
portrait clair de l'ampleur de la problématique, mais d'être capables d'avoir
cette évaluation-là nous permettrait d'être capables aussi d'évaluer
l'impact de nos actions sur la problématique, d'être capable de prioriser les
actions qui sont les plus pertinentes, les plus performantes puis d'améliorer
les autres. Mais, en l'absence de cette évaluation-là
de l'ampleur de la problématique, c'est difficile aussi d'évaluer l'impact de
nos actions de prévention sur cette problématique-là.
On
a été capables de dégager certaines actions pour améliorer le dépistage. À Prévention
jeunesse, on a essayé d'en mettre de
l'avant le plus possible, mais il reste encore beaucoup de travail à faire;
d'abord, une formation la plus opérationnelle possible basée sur des
données probantes, scientifiques.
À
Longueuil, la formation est développée et animée par l'équipe mobiliste du
CISSS de la Montérégie-Est, que vous avez rencontrée cet après-midi, qui
est coanimée avec aussi une agente du bureau des renseignements criminels du Service de police de Longueuil. Donc, la
formation est animée à plusieurs reprises durant l'année. Depuis trois ans, on
a formé 337 intervenants sur le
territoire. Idéalement, cette formation-là devrait être répétée à chaque année
en raison de la mobilité des
intervenants, puis elle devrait être complétée par des formations plus
spécifiques, par exemple : santé mentale, exploitation sexuelle, la victimologie, post-trauma et exploitation
sexuelle. C'est des besoins qui ont été nommés par nos partenaires.
On
doit aussi mettre en place des moments et des lieux d'échange d'information
utiles et concrets. Le gros du travail de Prévention jeunesse Longueuil
réside dans cet objectif-là.
De
notre côté, ce qu'on a mis en place, c'est un sous-comité qu'on appelle le
sous-comité opérationnel, qui regroupe une
vingtaine d'intervenants terrain qui se regroupent environ à tous les deux mois
pour échanger une information très, très
précise sur les lieux, les jeunes, les dynamiques qui sont préoccupantes sur le
territoire. Donc, ça leur permet un lieu et un moment où on peut échanger cette information-là. Puis, à partir du
moment où l'information est la même pour tous, ça offre beaucoup d'outils aux intervenants pour être capable de
dépister au mieux la problématique puis ça brise l'isolement aussi dans
leur intervention, ça leur permet d'être soutenus dans l'intervention qu'il
fait auprès des jeunes très à risque.
On a besoin aussi de
clarifier et de consolider la trajectoire de services, d'avoir une trajectoire
de services claire et adaptée. Comme on disait, on n'a pas d'organisme dont la
mission est la prévention, la lutte à l'exploitation sexuelle, donc chacun prend une part de cette lutte-là. Et,
parfois, la trajectoire de services n'est pas facile à identifier, surtout au
niveau de la prévention secondaire. Parfois,
on a des jeunes qui ne sont pas encore connus des policiers, qui ne sont pas
encore victimes, donc qui ne cadrent pas avec les critères d'inclusion du
CAVAC, qui ne sont pas encore signalés à la DPJ.
Bien, ces jeunes-là, on a de la difficulté à les faire cheminer dans une trajectoire de
services. Donc, on a à faire ce travail-là.
C'est amorcé depuis trois ans, mais c'est un des objectifs principaux de notre
concertation pour l'année qui vient, la quatrième année.
On
veut prioriser puis on a besoin de prioriser la prévention secondaire. Il y a
des superbes initiatives de prévention primaire qui se font
partout sur le territoire. On a aussi du travail à faire au niveau de la prévention
secondaire. Puis la difficulté qu'on a, à Longueuil, c'est qu'on est rendus très
bons, dans le sous-comité opérationnel, pour identifier les jeunes qui sont très à risque, mais, quand vient le temps
d'intervenir de façon concertée auprès de ces jeunes-là, c'est plus difficile
de nous arrimer puis c'est difficile aussi
de mobiliser les partenaires qui pourraient nous être utiles parce que tout le monde est surchargé par des besoins
encore plus criants de prévention tertiaire.
Donc,
tout le monde est en train d'éteindre des feux de prévention
tertiaire, on voit les jeunes qui sont très à risque glisser vers la
criminalité ou glisser vers des comportements qui les met très, très à risque
d'être victimisés, puis on a de la misère à
intervenir de façon efficace auprès d'eux parce que tout le monde est débordé par les cas de prévention tertiaire. Donc, on a à améliorer cet axe-là de prévention en
dégageant du temps à nos intervenants, en ajoutant des ressources, peut-être,
mais on a besoin de... On les voit, les jeunes à risque, on les voit, puis
c'est excessivement frustrant de constater qu'on est dans l'obligation d'attendre qu'ils
soient victimisés ou qu'ils soient criminalisés pour être capables d'intervenir
auprès d'eux... bien, pas être capables, mais
qu'on n'ait plus le choix de les prioriser puis qu'on décide d'intervenir
auprès d'eux.
On a les réseaux
sociaux aussi à investir de façon importante. Toute l'organisation de la
prostitution utilise les réseaux sociaux
pour s'organiser. Les intervenants, les milieux d'intervention, on est à la
traîne à ce niveau-là. Il faudrait être capable de trouver une façon
opérationnelle, uniforme, concrète de dépister et d'intervenir en ligne.
Puis,
pour terminer, offrir un hébergement adapté aux victimes d'exploitation sexuelle lorsqu'elles souhaitent s'en sortir. On a un organisme qui est spécialisé
sur le territoire, on soutient des places en hébergement, mais malheureusement
il n'y en a pas assez, ce qui fait qu'on est obligés parfois de placer nos
jeunes filles dans des ressources qui sont moins adaptées ou dans des ressources qui sont plus éloignées, ce qui apporte un lot
aussi de complications au suivi auprès de ces jeunes filles là.
Donc, voilà,
en gros, ce que les trois dernières années de Prévention jeunesse nous ont
permis d'identifier comme conditions favorisant... comme obstacles,
comme défis au niveau de la concertation.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre présentation. J'invite maintenant
les représentants du programme de prévention de Laval de se présenter et de nous
faire leur exposé pour une période de 15 minutes, s'il vous plaît.
Mme Guay
(Solange) : Alors, bonjour.
Merci à tout le monde de nous accueillir ici ce soir. Je suis Solange
Guay, directrice de Mesures alternatives jeunesse de Laval. Mon organisme
est membre du comité direction et opérationnel du PPJ Laval. Je vais laisser
mon collègue se présenter.
M. Fallon (Jean) : Bonjour, je
suis Jean Fallon, je suis conseiller cadre aux relations avec la communauté et
au service de réadaptation du CISSS de Laval. On s'est rencontrés à Québec, en
décembre dernier, où j'étais chef des services
en délinquance. Donc, je continue quand même à m'impliquer, là, dans le
programme de Prévention jeunesse, et c'est à ce titre que je suis ici ce
soir.
Mme Guay (Solange) : Donc, pour
la région de Laval, ça fait maintenant trois ans qu'on s'est dotés d'une
structure d'actions concertées où plusieurs partenaires se sont unis pour
lutter contre l'exploitation sexuelle des mineurs.
Donc, il s'agit du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels, le Service de
police de Ville de Laval, le centre intégré
de santé et de services sociaux et Mesures alternatives jeunesse de Laval, afin
de codiriger les actions du PPJ en matière de prévention jeunesse. Nous parlons
de prévention, de dépistage, de l'intervention, de l'exploitation sexuelle
des mineurs par la mobilisation des
organismes partenaires de la région à s'engager dans la lutte à l'exploitation
sexuelle.
Dès le début
des travaux, une rencontre a été organisée avec les partenaires communautaires
et institutionnels afin d'informer et de consulter ces derniers
relativement à la structure de concertation qu'ils souhaiteraient privilégier
pour la région de Laval parce que, comme la
région de Longueuil, on n'a pas d'organisme spécialisé en exploitation sexuelle.
À l'issue de cette journée, les organismes
communautaires présents souhaitaient être informés, consultés, désiraient
participer et s'engager dans cette
lutte sans pour autant créer une nouvelle table de concertation régionale, pour
les mêmes raisons que ma collègue de Longueuil a exposées.
• (19 h 20) •
C'est donc la personne en poste de coordination
au PPJ Laval qui participe à plusieurs tables de concertation existant sur notre territoire, comme les tables de
concertation jeunesse, la table de concertation des organismes communautaires
jeunesse de Laval, la Table gangs de rue — et sûrement que j'en
oublie — ce
qui favorise le partage d'information, le réseautage et qui permet à cette
personne d'être identifiée comme un acteur clé dans le milieu.
L'une des
premières actions fut par la suite de mobiliser l'ensemble des organismes
jeunesse, des organismes d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, dans
les milieux communautaires et institutionnels, afin de définir ensemble un langage commun, une vision commune et les
grandes orientations du plan d'action en
matière de lutte à l'exploitation sexuelle des mineures.
Plusieurs
partenaires se sont joints, ponctuellement, au PPJ Laval, adhérant à la vision
commune, et ils ont contribué à
enrichir la programmation de leur expertise en intervention, formation,
prévention, gestion de projet. Ils proviennent de milieux communautaires, d'institutions publiques
concernées directement ou indirectement par la problématique de l'exploitation sexuelle. Ils sont spécialistes de
l'intervention et du soutien auprès des victimes, des abuseurs et des
exploiteurs ou ils en sont témoins.
Le PPJ Laval
s'articule autour des quatre axes suivants : la coordination d'une action
concertée entre les partenaires lavalois, l'intervention auprès des jeunes à
risque, la promotion d'initiatives de prévention s'adressant à l'ensemble
de la communauté ainsi que la répression des exploiteurs et des abuseurs.
Pour le PPJ
Laval, la consultation permet à l'ensemble des partenaires de se sentir parties
prenantes de cette lutte, d'êtres porteurs d'un discours commun. Lorsque
requis, le PPJ n'hésite pas à organiser une consultation de groupe ou
individuelle afin d'être influencé par le milieu, de valider, de bonifier et de
s'assurer que le milieu adhère aux actions proposées.
Afin d'aider
les intervenants de première ligne à mieux dépister et mieux comprendre la
problématique de l'exploitation sexuelle, la DPJ, le Centre d'aide aux
victimes d'actes criminels, le centre de prévention, d'intervention de victimes aux agressions sexuelles, le centre
désigné du CISSS de Laval, l'organisme en travail de rue le Tril, le service
de police, par le biais du programme Les
Survivantes, ont uni leurs efforts afin d'offrir une formation, et ce, à
plusieurs reprises, aux milieux
scolaire, communautaire, sociojudiciaire et institutionnel. Il s'agit donc
d'une formation donnée par le milieu et pour le milieu.
La
concertation avec l'ensemble des acteurs nous permet de maintenir, de
renouveler l'adhésion de ces derniers au plan d'action lavalois en
matière de lutte à l'exploitation sexuelle.
Dans la
dernière année, environ 20 organisations ont été consultées pour
participer à l'élaboration du corridor de services concernant l'exploitation des mineurs sexuels à Laval. C'est
dans le respect des missions de chacun que le corridor a
été coconstruit. Les travaux seront bientôt terminés, et le PPJ sera en mesure
de présenter le corridor sous peu aux milieux communautaire,
sociojudiciaire, scolaire et institutionnel.
Vous comprendrez que beaucoup d'actions ont été
réalisées, depuis les trois dernières années, et les énumérer prendrait
beaucoup de temps. Par contre, les bilans déposés annuellement à notre bailleur
de fonds, soit au ministère de la Sécurité
publique, témoignent des résultats obtenus pour l'ensemble des actions qui ont
été réalisées au sein de la communauté
lavaloise en matière de lutte à l'exploitation sexuelle des mineurs, et ce, par
les différents acteurs du milieu.
Comment
s'assurer d'une bonne concertation dans le milieu afin de dépister et
d'intervenir rapidement auprès des victimes
mineures d'exploitation sexuelle? C'est en étant fidèle à notre vision commune
que mon collègue, M. Fallon, vous présentera les conditions d'une
concertation efficace en matière d'exploitation sexuelle.
M. Fallon
(Jean) : Je ne reprendrai
pas les éléments d'une bonne concertation, je pense que ma collègue de
Longueuil l'a excessivement bien fait — les écueils, les facilités,
les difficultés — mais
je vais revenir sur cette vision qu'on a développée
il y a trois ans pour appréhender le phénomène de l'exploitation sexuelle et
pour décider de s'y attaquer de façon, on pense, plus efficace et à plus
long terme.
Quand on a reçu le financement, au programme
Prévention jeunesse, on s'est dit : Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça? Est-ce qu'on investit un peu dans les
organismes communautaires pour le dépistage? Est-ce qu'on investit un peu
pour le traitement des victimes? Est-ce
qu'on investit un peu dans la répression? On se disait : Bon, si on fait
ça, effectivement, on va atteindre
des objectifs, mais est-ce qu'on va avoir un impact sur le phénomène de
l'exploitation sexuelle? On pense que, si on n'aborde pas le phénomène
dans son ensemble, on n'y arrivera pas.
Je vais être
un peu redondant, mais vous vous souvenez qu'à Québec on avait parlé d'un
écosystème de l'exploitation sexuelle,
où on a décidé... bien, on a
décidé, on a regardé en disant : C'est un système
qui fonctionne depuis... certains parlent de millénaires, mais on va parler de dizaines et de dizaines d'années,
et c'est un système qui fait de
plus en plus de victimes. Donc, c'est un système qui est organisé,
c'est un système qui est composé d'éléments qui, entre eux, se
nourrissent, entre eux s'aident à survivre.
On a parlé de
clients. Non. On parle d'abuseurs. On n'est pas un client du corps d'une jeune
fille puis du corps d'une femme, on
abuse une jeune fille. On a parlé de proxénètes; nous, on parle d'exploiteurs parce que
le proxénète est celui qui fait son
argent à partir d'une relation d'abus d'un homme sur une jeune fille. On
n'oublie pas les jeunes garçons, bien
entendu. Par contre, je ne pourrai pas vous dire que c'est... L'abus
d'une femme sur un jeune homme, c'est très,
très, très exceptionnel. Les abuseurs sont des hommes. On parle de la
victime d'exploitation sexuelle, on ne parle pas de prostitution juvénile. Pour
nous autres, ces deux mots là, un à côté de
l'autre, c'est un non-sens. C'est de l'exploitation sexuelle. La prostitution
juvénile, ça n'existe pas.
Et, bien entendu, l'écosystème évolue dans un environnement. On parle de la
tolérance dans les hôtels, dans les motels,
dans les Airbnb, les plateformes d'hébergement, les locations de chalets — on
sait qu'on a déplacé un peu. On parle
des motels de passe, qui continuent à
survivre. On parle des grands hôtels. On parle aussi des restaurants, mais des
événements. On parle du fameux Grand
Prix, où effectivement, bien, il y a du monde qui aime les automobiles qui vont
vite, donc c'est un peu normal qu'ils
aiment les jeunes filles qu'on retrouve sur Crescent. Oui, mais ce n'est pas
juste le Grand Prix. Il y a plusieurs événements internationaux, des
grands colloques qui attirent leur lot d'abuseurs dans nos régions pour abuser de nos enfants. On parle aussi, bien entendu, dans l'environnement d'Internet, on parle des réseaux sociaux, on parle des plateformes qui hébergent les sites d'annonces
pour les services ou les soi-disant services sexuels. Donc, on parle d'un écosystème
qui est quand même assez bien équilibré, qui est composé :
abuseurs, exploiteurs, victimes et des environnements.
Dans cette
vision, on a défini que la base de cet écosystème-là est l'abuseur. Sans abuseur, tout s'écroule. Il n'y a pas d'exploiteur parce qu'il n'y a
plus d'argent à faire, il n'y a plus de victimes parce qu'il n'y a plus d'abus,
et les environnements, bien, ils vont s'adapter à autre chose.
À présent,
notre concertation, vous avez pu voir, regroupe des convaincus : les
intervenants auprès des victimes, des organismes communautaires, les CISSS, les
services de police. Nous avons des gens qui sont convaincus parce qu'ils
connaissent et sont sensibilisés aux désastres
de l'exploitation sexuelle pour nos mineurs. Pour les exploiteurs, on a la
police, on a les intervenants
sociojudiciaires, on a les autorités pénitentiaires. Pour les victimes, on a le
CISSS, la DPJ, les programmes jeunesse et on a les organismes communautaires,
les organismes communautaires qui sont dédiés aux victimes, tels le CAVAC, tels les CPIVAS, tels aussi les organismes
communautaires qui sont dédiés au traitement des hommes abuseurs.
La
concertation avec le milieu scolaire est plus difficile. Le milieu scolaire
accepte qu'on aille former des gens, mais ils ne s'assoient pas beaucoup avec nous autres. Je pense qu'on a
peut-être un appel à faire au ministère de l'Éducation, qui sont tout aussi interpelés que la Sécurité
publique et la Santé et Services sociaux quand on parle d'exploitation sexuelle
des mineurs.
Pour les abuseurs, bien, on se rappelle la
logique de l'écosystème, où leur absence amènera automatiquement la disparition
de la victimisation des mineurs. Si nous parlons d'une concertation pour le
dépistage, outre les opérations policières
de «reaching out», qu'on pourrait appeler, et le partage informel de certaines
informations, on est devant un désert.
• (19 h 30) •
Pour
l'environnement, on voit aussi des acteurs qui ne sont pas là. Les associations
d'affaires, les commerces, les plateformes d'hébergement, les milieux de
sports professionnels, les milieux d'organisation de grands événements, les plateformes Facebook, Instagram, Internet, les
grandes plateformes, Google et compagnie, on ne les voit pas. Est-ce qu'on veut
les asseoir dans chacune des concertations régionales? Non, mais est-ce qu'on
peut asseoir des branches de ces grands acteurs-là, que ce soient les chambres de commerce, que ce soient les
organisateurs d'événements dans des concertations? Je pense que c'est important pour deux raisons.
C'est important pour qu'ils soient présents pour qu'on puisse avoir toujours
le danger de l'exploitation sexuelle derrière nos conversations, mais c'est
important aussi pour qu'ils soient sensibilisés de nos
conversations, de nous, les convaincus, pour qu'ils deviennent eux autres aussi
des convaincus. Je pense que le gouvernement
peut se servir de son influence sur le milieu des affaires et le milieu des
grands événements pour les inviter à
s'asseoir avec nous, parce que, sans eux, le dépistage va être difficile parce
que tout se passe sous leurs yeux, sous leurs oreilles.
Au-delà de
l'élargissement de la concertation, nous avons aussi l'enjeu du partage de
renseignements. La concertation au
profit du dépistage, la concertation quotidienne au profit de l'intervention
précoce et de l'intervention curative doit, à notre avis, bénéficier d'un
élargissement formel des conditions d'échange de renseignements. Vous savez,
actuellement, avec la notion des risques graves et imminents, on est
capables d'échanger. Avec les ententes multisectorielles, on est capables
d'échanger de l'information à partir du moment où est-ce qu'on a un risque
imminent où des jeunes victimes identifiées.
Par exemple, une jeune qui fugue, qui est connue pour de la victimisation, qui
est connue pour être sous le joug d'exploiteurs,
qu'on sait très bien qu'elle risque de partir pour Toronto ou Fort McMurray
dans les prochaines heures, on va être capables de s'échanger de l'information
parce qu'on parle de risque imminent et grave.
Par contre,
quand il est tout simplement question de prévenir, puis je dis tout simplement
puis c'est peut-être le mauvais mot, quand on doit prévenir, qu'on doit évaluer
des risques, qu'on doit aviser d'un danger potentiel, par exemple la présence d'un gars connu, mais non accusé, non
condamné, qui tourne autour de nos centres d'hébergement pour jeunes filles, qui tourne autour des écoles, que ce soit
un exploiteur ou un abuseur, quelqu'un qui est déjà sous enquête, on a de la
misère à s'échanger de l'information. Je
vous dirais que les renseignements sont échangés à partir de relations
personnelles basées sur la confiance
entre les intervenants, et la confiance, elle va être basée sur ma capacité et
ma croyance fondamentale que l'autre va utiliser l'information à bon
escient pour protéger quelqu'un et me protéger aussi de lui avoir donné cette
information-là parce qu'on est peut-être limite.
Disons qu'une information arriverait de la
police à moi. J'ai eu le plaisir d'avoir le premier mandat de liaison policière, vous savez, les agents de liaison qui
ont été développés dans chacune des régions. Laval a été le théâtre de la crise des fugues. Donc, on a mis sur place ce
modèle-là. À ce titre, disons qu'un policier m'interpelle en me disant qu'un
homme est identifié comme un abuseur, un
acheteur de jeunes filles, mais, comme je vous disais tantôt, non formellement
accusé, non formellement condamné, et ce monsieur s'inscrit sur la liste de
visite... Oui?
Le Président (M. Lafrenière) :
...
M. Fallon
(Jean) : Parfait. Le monsieur s'inscrit sur la liste de
visite. L'information que j'ai me dit : Non, non, non, mauvaise idée. J'ai l'influence à l'interne pour
pouvoir dire : Non, non, il ne va pas sur la liste de visite. Je ne peux
pas te dire pourquoi, mais mets-le pas. Cette information-là, je crois
qu'éthiquement et moralement j'ai fait mon travail de protection de l'enfance.
Légalement et réglementairement, je suis peut-être un petit peu hors
piste, et, à ce moment-là, et mon partenaire et moi-même, on
pourrait peut-être se faire rappeler à l'ordre, se faire poursuivre. On a un problème.
La seule chose que je veux faire, c'est de
protéger des enfants, et je ne pourrais peut-être pas parce que je suis
en évaluation de risque ou je suis en potentiel de
risque.
Donc, nous devons adopter nos règles de
communication à la prévention, et au dépistage, et à l'évaluation des risques
qui ne sont peut-être pas imminents, mais tout à fait destructeurs. C'est une
invitation.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Merci pour vos présentations. On va maintenant passer à la période
d'échange avec les membres de la commission pour une période de 30 minutes
en débutant avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Bonsoir.
Merci beaucoup pour cet éclairage. Le programme a été mis en place en 2016. Je comprends qu'il semble... D'après ce que vous nous
dites, il a fait ses preuves. Donc, il serait important de le poursuivre ou
peut-être d'y ajouter les éléments de recommandation que vous pourriez nous
faire.
Lorsque,
M. Fallon, vous parlez... Vous avez donné un exemple très concret, puis,
je pense, c'est important pour nous
d'avoir des exemples très concrets, de cette personne qui veut faire une
visite. Puis vous avez une information qu'elle ne devrait pas faire la visite, puis là, bien, vous êtes un peu dans un
no man's land parce que vous n'avez pas l'autorité pour lui interdire, mais, à cause de vos contacts, vous
réussissez à empêcher ça. C'est quoi,
la solution? Ça serait quoi, les solutions pour vous permettre d'avoir ces coudées franches
là sans agir comme dans une... Des gens pourraient dire : Bon, bien là on n'est pas dans une société
de délation puis on ne veut pas se mettre dans la délation. Mais en même temps vous savez qu'il y a un risque. Ça serait quoi, l'outil que ça vous
prend? Est-ce que c'est quelque
chose qui relève d'une loi, ou un
règlement, ou d'une directive? Qu'est-ce que ça serait, l'outil dont vous avez
besoin pour cet exemple concret là?
M. Fallon (Jean) : Que ce soit
à travers un décret, un règlement, une loi, je pense qu'on a besoin d'avoir un corridor un peu plus élargi sur la notion de
risque, un risque grave, mais imminent, on parle dans les prochaines heures,
dans les prochaines minutes. Est-ce
qu'on pourrait élargir, je vous dirais, la possibilité de s'échanger des
renseignements tout en respectant le plus possible la protection des
renseignements personnels, mais en favorisant la protection de nos enfants? Vous savez, au quotidien, jusqu'à la dernière fois
où est-ce que je vous ai vus, mon quotidien, dans les dossiers d'exploitation
sexuelle et de fugue, c'était de toujours
équilibrer la protection des enfants et la protection qui nous est tous accordée
par la Charte des droits et libertés, la vie personnelle, les
renseignements personnels et tout.
Donc, mon travail était de regarder les
informations qui rentraient, puis c'était qu'est-ce que je transmets, qu'est-ce
que je ne transmets pas, pour deux raisons : protéger mon partenaire, me
protéger, respecter nos règles de confidentialité,
mais en même temps protéger les enfants. Donc, je pense qu'à travers nos
contentieux, à travers nos avocats, on pourrait
trouver la voie de passage réglementaire ou législative pour être capables
d'élargir ça à partir du risque. L'exploitation sexuelle des mineurs, c'est un
risque. On a la Loi de la protection de la jeunesse, avec les ententes multisectorielles, qui sont un exemple intéressant
de partage d'information en situation de risque. Ça pourrait être un modèle,
mais avec l'exploitation sexuelle des mineurs aussi.
Mme St-Pierre :
J'ai une question qui s'adresse à vous ou à Mme Carignan. J'ai écouté
votre exposé, mais... Vous avez parlé d'indépendance. Vous dites :
On est un organisme indépendant. Mais j'ai de la difficulté à voir de qui vous relevez, parce que vous arrivez dans le portrait
il y a trois ans ou quatre ans, vous êtes un organisme indépendant, et là vous
avez à faire la coordination de tout ça. Vous relevez exactement de qui?
Mme Carignan (Audrée-Jade) : En fait, Prévention jeunesse n'est pas un
organisme, mais est une concertation d'organismes.
Ça fait qu'on est un programme financé par le MSP qui regroupe une concertation
d'organismes. Ce qui se rapprocherait le plus de qui je relève, ce
serait le fiduciaire de la concertation, qui est Maison Kekpart, c'est-à-dire
que c'est l'organisme qui reçoit
l'enveloppe, qui s'assure de payer mon salaire puis qui distribue les sommes.
Par contre, Kekpart n'est pas
considéré comme mon employeur. Je relève de la concertation un peu à la manière
d'un conseil d'administration.
Mme St-Pierre :
Dans le programme ici, ça dit qu'il y aurait une somme de 75 000 $
pour financer les dépenses liées aux services d'un coordonnateur. Ça, c'est
votre travail, ce sont ces 75 000 $ là, mais l'organisme a reçu quand
même sa subvention.
Mme Carignan
(Audrée-Jade) : Bien, il y a une enveloppe, puis il y a une partie de
l'enveloppe qui doit aller à l'embauche
d'une coordination. Puis le reste de l'argent va à des activités terrain qui
sont décidées et priorisées par la concertation
des organismes sur le territoire. Donc, moi, je suis payée, bien, par le
ministère de la Sécurité publique pour assurer la coordination du
programme.
Mme St-Pierre :
Puis, lorsque vous êtes arrivés dans le portrait, est-ce que vous étiez
attendus à bras ouverts ou si vous
avez dû faire du travail justement pour coordonner puis établir votre
crédibilité dans la coordination des activités, des actions?
Mme Carignan (Audrée-Jade) : Je pense que, bien, le milieu était déjà
mobilisé. Depuis plusieurs années, il y avait eu Mobilis I, Mobilis II. Donc, il y avait déjà des initiatives de
concertation sur le territoire. Il y avait eu le REIG, le Réseau d'échange et
d'information en gangs de rue, en Montérégie. Donc, il y avait déjà des
initiatives. Là, ils s'étaient déjà mobilisés
pour déposer une demande au ministère pour avoir cette ressource-là, qu'on n'a
pas de façon continue, qui est la
coordination. Donc, quand je suis arrivée, j'ai l'impression d'avoir été
attendue à bras ouverts. Mais il y a quand même eu des embûches dans le
sens que le travail ensemble engendre des défis et des obstacles qu'on a dû
travailler ensemble. Mais le milieu
attendait une coordination puis le milieu espère ardemment pouvoir garder cette
ressource-là pour ne pas que ces
trois années, cinq années là de coordination finissent par s'essouffler et
s'éteindre en l'absence d'un agent pivot qui assure ce travail-là.
• (19 h 40) •
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : ...pour votre présentation. Puis je tiens à
souligner à quel point c'est paradoxal un
peu ce soir parce que, toute la journée, puis même dans les auditions en
novembre, les groupes qui sont venus, tout
le monde souligne l'importance de la coordination, de la concertation pour ne plus travailler en silo. Mais en même temps, de l'autre côté, on voit des
programmes comme les vôtres qui ont de la difficulté à voir à long terme
justement en raison du manque de financement.
Donc,
il me semble que ce serait une bonne façon de poser les bonnes
balises pour la suite, de s'assurer qu'il
y ait une pérennité à ces programmes-là qui font vraiment la différence puisque
j'abonde dans le même sens que vous, Mme Carignan.
Tu sais, je les vois, les organismes à Longueuil, aussi, avec la concertation, ils en ont
par-dessus la tête. Puis il y a
plein de belles initiatives qui tombent à l'eau, en fait, parce que
les intervenants, ils n'ont juste pas le temps, en plus de leur travail au quotidien dans les organismes,
de planifier la concertation. Donc, de là l'importance de votre rôle.
Puis, je me
demandais, au début de votre présentation, vous avez dit que maintenant vous
étiez là en tant que bénévole parce que
vous n'aviez plus ce financement-là. Qu'est-ce
qui est arrivé? Dans le fond, c'est que le programme est venu à terme
après trois ans, puis là ça n'a pas été renouvelé?
Mme Carignan (Audrée-Jade) : Le programme était pensé sur cinq ans, avec une
obligation de renouveler les normes du programme après trois ans. Donc,
notre troisième année s'est terminée le 31 août. Puis je ne pense pas que ça a été prévu pour qu'il y ait cet écart
important là dans le financement, mais les délais avec les exigences du
ministère ont fait en sorte que les
sommes de l'an 4 ne sont pas descendues au moment de la fin de notre
année 3, ce qui fait qu'on a terminé le 31 août et qu'on est
encore en attente de notre enveloppe pour le début de l'an 4.
Ça
fait que, depuis septembre, il y a des activités de concertation minimales que
les partenaires ont prises sur leurs épaules.
Il a fallu rédiger le plan d'action de l'an 4. Il a fallu faire certaines
tâches, mais les activités sont vraiment réduites au minimum. Puis moi, je ne suis pas là. Donc, je
prends mes courriels à distance. Ça fait que j'ai reçu votre invitation, mais
je ne suis pas dans le portrait depuis
septembre, mais dans l'attente que je revienne dans les prochaines semaines. On
est en attente de l'enveloppe du MSP.
Mme Fournier :
Ah! O.K. Donc, vous êtes vraiment dans un entre-deux en ce moment. O.K.
Mme Carignan
(Audrée-Jade) : Dans une craque de financement.
Mme Fournier :
Oui, O.K. Bien, je pense qu'on en prend bonne note pour la suite parce que je
pense que ce n'est pas normal que des situations comme ça puissent...
Mme Carignan (Audrée-Jade) : Ce que j'adore, ce qui je fais que je suis
restée... Mais il y a beaucoup de coordonnatrices
qui auraient juste quitté, puis on aurait eu à recommencer avec quelqu'un de
nouveau. Puis je ne trouvais pas que c'était souhaitable pour la
concertation. Donc, j'ai décidé de rester.
Mme Fournier :
Bien, en tout cas, chapeau à vous. Mais on va... Je pense qu'on en prend note,
puis il ne faut plus que des situations comme ça puissent se reproduire
dans le futur.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. Député de Chomedey.
M. Ouellette :
L'enveloppe, ça arrivait à Laval? Il y a-tu quelqu'un qui peut m'expliquer
pourquoi Laval est privilégiée? Mais, à Québec, on ne chialera pas, nous
autres, là.
Le Président (M. Lafrenière) : On se demandait la même chose, le député de
Chomedey. On se demandait la même chose sur la Rive-Sud, nous.
M. Ouellette : Oui, hein? Non, mais c'est ça, c'est... En tout cas, bon, puisque vous
avez votre enveloppe à Laval, Mme Carignan, ce qui m'a interpelé,
c'est que vous nous dites que vous n'avez pas d'idée de l'ampleur réelle de la problématique. J'avais un... Je pense qu'on avait
tous l'avis contraire aujourd'hui après avoir vu les gens de Mobilis puis les
gens du service de police de Longueuil, qui avaient une certaine... Ils avaient
une très bonne idée de ce qui se passait sur le territoire. J'aimerais que vous
m'expliquiez un peu plus, vous alliez un petit peu plus loin, là, sur l'ampleur
réelle de la problématique. Puis je
vais aller à Mme Guay. Je vais vous poser la même question. Avez-vous une
idée de la problématique à Laval?
Mme Carignan (Audrée-Jade) : On a une idée. En fait, si on regarde les
chiffres de Mobilis, on a une idée, mais ce n'est pas un chiffre qui est réel, concret et complet de l'ampleur de
la problématique. Si on regarde les chiffres de la DPJ, c'est des jeunes filles signalées, suivies
par la DPJ qui sont victimes d'exploitation sexuelle. Si on regarde les
statistiques du service de police, c'est les jeunes qui vont avoir porté
plainte ou, en tout cas, demandé le soutien des policiers. On n'a pas... Si on regarde les données des
organismes communautaires, on va avoir plutôt des jeunes à risque ou des jeunes
qui sont victimes, mais dans la confidence.
On n'a pas de données centralisées au niveau des organismes communautaires
qui prennent en note chacune des jeunes
filles qui disent avoir été victimes. Si on regarde au niveau scolaire, on n'a
pas ces données-là non plus.
Donc,
c'est des données très fragmentaires. Puis, dans tous les cas, on sous-estime
l'ampleur de la problématique parce
qu'on a juste la pointe de l'iceberg, des jeunes qui ont nommé avoir été
victime. Donc, à partir du moment où le jeune n'a pas porté plainte, à partir du moment où le jeune n'est pas signalé
à la DPJ, on n'a pas une idée de l'ampleur. Ça fait que, pour avoir une idée réelle, et complète, et concrète de l'ampleur, il faudrait aller voir
plusieurs sources d'information. Ça fait qu'on a une idée, mais, dans tous les cas,
c'est probablement une sous-estimation.
M. Ouellette :
Est-ce que c'est aussi fragmentaire à Laval, Mme Guay?
Mme Guay (Solange) : Je partage ce que ma collègue vient de dire. Et,
en plus, si on regarde, quand on parle de dépistage au niveau
de l'intervention, c'est plus facile parce
que c'est déjà des
jeunes identifiés. Si on parle de dépistage au niveau de la prévention,
c'est des choses qu'on ne s'échange pas. Déjà, mon collègue disait que,
quand il y a des risques
imminents, c'est déjà difficile de s'échanger de l'information. Donc, si on est
au niveau du dépistage, on est encore plus
loin. On ne peut pas juste parler de jeunes vulnérables entre nous. Donc, c'est
des chiffres qu'au niveau des organismes communautaires on n'a pas de données et de
statistiques. On ne tient pas ça, ces données-là. Donc, en plus de ce
que ma collègue vient de dire, oui, je partage.
M. Ouellette :
Est-ce qu'on pourrait vous demander de partager la moitié de votre enveloppe
pour lui aider de partir, là?
Mme Guay
(Solange) : L'organisme fiduciaire n'est pas ici. Et, étant donné
qu'on est un comité de direction, nous sommes quatre à prendre les
décisions. Donc, elle est absente. Je ne prendrai pas la décision là-dessus.
M. Fallon
(Jean) : Juste pour essayer de voir...
Une voix :
...
Le Président (M. Lafrenière) :
...merci beaucoup.
M. Fallon
(Jean) : ...excusez, le
nombre de transactions a été évalué au Québec, 2,6 millions de transactions à caractère sexuel par année. Donc, on parle à peu près
de 2 600 par jour. Si on considère que Laval, c'est 7 % de la population, on parle de 182 transactions par jour. 50 % impliquent des
mineurs. On parle de 90 transactions à caractère sexuel par jour à
Laval qui impliqueraient des mineurs si on y va en entonnoir. Ça fait que ça
donne un peu un ordre de grandeur.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Excusez-moi, je suis sur le choc. 90, merci de le dire comme ça, c'est beaucoup
plus frappant. Ça fait très mal, effectivement.
Je voudrais
vous ramener sur votre recommandation 4 ici parce que je pense qu'on a
touché le sujet, mais j'aurais besoin
d'encore un peu plus de viande pour comprendre, là, exactement ce que vous avez
de besoin pour... Quand vous dites,
là, de limiter les communications, les renseignements, là, parce que je vous
entendais expliquer à ma collègue de l'Acadie
que vous voulez agir et, des fois, vous êtes contraints, par souci des droits
de la personne versus le droit privé... Mais on parle ici de mineurs. Donc, quand ils sont sous votre charge,
vous avez le droit, n'est-ce pas, de décider, oui ou non, sans avoir une
raison. Quelle est l'embûche législative qui vous bloque?
M. Fallon
(Jean) : L'embûche
législative qui vient nous freiner, mais qui fait en sorte... On réussit quand
même à manoeuvrer, je vous dirais.
C'est un mot qui est neutre, manoeuvrer. Je vous dirais qu'on réussit à
manoeuvrer de par les relations de confiance qu'on a développées à travers la
concertation entre les acteurs. On est capables de s'appeler et de se dire des choses, de se dire des noms. On est
capables de vérifier des impressions pour voir est-ce que c'est accoté sur
des faits. On est capables de transformer des faits en interventions.
Mais je peux
dire aux policiers, et ça, on l'a fait vérifier, le nom de jeunes qui sont en
fugue, ça va de soi, envoyer des
photos, envoyer des listes d'amis, envoyer des numéros de téléphone, son numéro
de cellulaire, bon, tout ce qui va aider
à la retracer. Par contre, si les policiers ont une information à l'effet qu'un
adulte tourne autour du centre jeunesse, et on sait qu'au centre jeunesse... Il y a le Centre Notre-Dame de Laval
qui héberge 50 % de sa clientèle en provenance de Montréal, 50 % en provenance de Laval. Et
c'est un très gros centre. C'est 240 jeunes filles qui sont hébergées là.
Si les policiers identifient un adulte, un homme qui se promène autour
de ce centre-là, ou des hommes, parce qu'on a des réseaux, quand même, qui tournent autour, là, on a une concentration de
jeunes filles vulnérables assez importante, il y a des choses qu'ils ne
peuvent pas nous transmettre si on n'est pas dans une relation de confiance
parce que, légalement, réglementairement, est-ce qu'ils pourraient nous le
transmettre? La réponse est...
• (19 h 50) •
M. Skeete :
Puis, avant que je vous laisse répondre à d'autres questions, pour adresser
cette crainte-là, ce besoin-là, concrètement,
qu'est-ce qu'on peut vous donner? Qu'est-ce que vous avez de besoin qu'on change? C'est-u un changement de loi sur les données personnelles? C'est-u un
changement de la Loi sur la protection de la jeunesse? C'est-u un encadrement
légal de votre entente avec les policiers? C'est quoi?
M. Fallon (Jean) : Bon, je
pense qu'au niveau de la Loi de la protection de la jeunesse, avec les dernières
modifications, et les dernières modifications qui ont inclus l'exploitation sexuelle dans
l'abus sexuel ou le risque d'abus sexuel,
avec les ententes multisectorielles, on est corrects. Mais là on a identifié
une victime, on a identifié un agresseur. Je pense qu'on aurait besoin d'étudier de façon législative les corridors de communication, à
partir de quand on peut élargir
un peu ce corridor-là au profit de la protection
de l'enfance, mais dans des situations à risque et non une fois que l'exploitation
est avérée. Et là, à ce moment-là, je vous dirais que, oui, en toute prudence, mais on a à élargir le
corridor législatif d'échange de renseignements dans des situations à risque d'exploitation sexuelle en connaissant qu'une femme qui vit de la
prostitution... bien, qui survit de
la prostitution à Montréal a une espérance de vie de 42 ans, alors que
l'espérance de vie des femmes au Québec, c'est 86 ans. Ça fait qu'on est dans quelque chose de
dramatique. Et je pense qu'on a à élargir les corridors de
renseignements, d'échange de renseignements, pour prévenir ça parce que
80 % des personnes adultes ont commencé à
14, 15 ans. C'est là qu'il faut qu'on agisse, et surtout auprès des hommes
qui achètent ces femmes-là de façon sociale et non de façon ciblée tout
le temps.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. Il y a quelque chose qui m'a fait sourciller quand vous
avez parlé de la concertation. Vous avez dit qu'avec les écoles — c'est M. Fallon, je pense, qui a dit
ça — c'est un
peu plus laborieux, la collaboration.
Pourquoi, d'après vous, c'est plus laborieux? Parce qu'ils n'ont pas les
ressources? Parce qu'ils ne se sentent pas interpelés par ça? Est-ce
qu'on a une idée quelconque?
M. Fallon
(Jean) : Vous savez, les
signalements touchent 5 % des enfants 0-18 ans. La moitié sont
retenus. Ça fait qu'on parle de
2,5 % de la clientèle des écoles. On parle d'un phénomène qui, pour les
écoles, est quelque chose à la marge.
Est-ce que c'est ça qui fait en sorte qu'ils ne sont pas présents ou on a de la
difficulté à les mobiliser? Parce que, si
l'exploitation sexuelle est à la marge, avec les grands enjeux que le système
d'éducation a, puis pas juste ici, les grands enjeux mondiaux des systèmes d'éducation, peut-être qu'ils ont d'autres
chats à fouetter, et donc qu'ils ne priorisent pas l'exploitation
sexuelle.
Mais c'est
sûr qu'on n'a pas de trouble à ouvrir les portes des écoles pour aller faire de
la formation. Mais, une fois que ça, c'est fait, vous savez, la
formation, hein, les connaissances se diluent avec le temps, là. On se souvient
de nos formations.
Donc, c'est peut-être pour ça, c'est peut-être parce que c'est un phénomène qui
est à la marge. Mais c'est un phénomène
qui est destructeur. Je pense qu'on aurait peut-être besoin, un peu comme la
direction de la santé publique avec des
interventions ciblées pour le VIH, pour le tabagisme, bon... mais on a
peut-être besoin d'une direction de la santé sociale qui va veiller à ça
et qui va inclure les partenaires. Ça pourrait être aussi, oui, une suggestion.
Mme Carignan (Audrée-Jade) : Un élément de réponse. De notre côté, on a la
chance d'avoir sur le sous-comité opérationnel
environ un représentant, bien, un ou une psychoéducatrice, de presque
l'ensemble des écoles secondaires. Sur notre territoire, on a une dizaine,
douzaine de psychoéducatrices avec nous sur le sous-comité opérationnel, qui
s'assoient avec nous à tous les deux
mois pour nous alimenter de ce qui se passe dans leur milieu scolaire, mais
aussi pour ramener l'information de ce qui se passe dans le milieu général de
Longueuil. Puis je pense que ce qui a rendu possible ça, c'est qu'au départ, quand on a débuté il y a trois ans,
la directrice adjointe à la commission scolaire Marie-Victorin, qui s'est
assise avec nous, croyait en cette
cause-là, en la lutte à l'exploitation sexuelle puis à la concertation. Donc,
elle a fait des démarches, beaucoup
de démarches pour libérer des psychoéducatrices qui sont maintenant assises
avec nous. Ça fait qu'encore une fois
c'est la volonté d'une personne qui a fait une grande différence, alors que, si
la volonté était claire et descendait d'en haut, ça pourrait se
répliquer un peu partout.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin :
Merci. Merci, M. le Président. Donc, je ne veux pas revenir, je ne veux pas
m'étaler trop longtemps sur,
notamment, la question que le collègue de Sainte-Rose, donc, le député de
Sainte-Rose a posé en lien avec la recommandation 4.
Mais, en attendant qu'il y ait soit un règlement, une directive ou une
modification législative, je veux saluer, donc, votre courage, le courage que
vous avez, donc, d'assumer votre obligation
d'assistance à la personne en danger, donc,
malgré que la loi ne suit pas encore. Et ça, pour moi, c'est très important
puisqu'il y a d'autres acteurs qui
sont venus un peu plus tôt dans le
cadre de nos auditions nous rappeler ces enjeux-là, notamment en matière de
communication entre les différentes
instances. Et je crois que c'est un enjeu sur lequel, M. le Président, il va
falloir que nous regardions attentivement, là, dans le cadre de nos
recommandations...
Quatrième
recommandation du projet de Longueuil, vous parlez des ressources
d'hébergement. D'autres
intervenants... Et ma question concerne... Puisque... Vous parlez de places
d'hébergement d'urgence, donc temporaires?
Mme Carignan
(Audrée-Jade) : Bien, à certains endroits, il y a des places d'hébergement
d'urgence pour les jeunes qui sont en fugue parce qu'on sait que les situations
de fugue, c'est des situations qui mettent les jeunes très à risque d'exploitation
sexuelle dans un contexte de survie.
Donc, il y a des régions... Par exemple, à Montréal,
En Marge va accepter les jeunes. Mais il
y a tout un cadre à mettre en place pour accepter les jeunes pour une nuit, pour dépanner, pour qu'ils aient un lieu sécuritaire où dormir. À Longueuil, on n'en a pas.
Ça fait que souvent, par exemple, les travailleurs de rue à Longueuil, quand un
jeune va être en fugue, ils vont aller l'escorter, le reconduire jusqu'à
Montréal pour qu'il puisse dormir en
sécurité. Nous, à Longueuil, on n'a pas cet équivalent-là.
Il y a eu des pourparlers avec la ressource d'hébergement spécialisé avec laquelle on fait affaire, mais ça
demande une structure, un cadre, une réflexion puis du financement pour
avoir des lits libres en tout temps sans qu'ils soient nécessairement utilisés
parce que, là, en ce moment, 100 % de nos lits d'hébergement sont utilisés. Avoir une place d'hébergement
d'urgence, ça implique d'avoir un lit vide qui demeure vide, à part
quand il est utilisé en urgence.
M. Benjamin :
J'aimerais vous entendre aussi sur une des recommandations que plusieurs
intervenants, notamment des chercheurs, des intervenants communautaires,
ont faites, sur la nécessité de n'avoir pas seulement des ressources
d'hébergement temporaire, mais des milieux de vie qui permettraient justement
aux victimes de se reconstruire. C'est le
mot qui était utilisé par eux, de se reconstruire, des milieux de vie qui ne
seraient pas nécessairement à la DPJ, mais qui seraient des milieux de vie organisés par le milieu communautaire — j'aimerais peut-être vous entendre
là-dessus — et
des milieux de vie, évidemment, avec un
hébergement beaucoup plus long, donc sur un horizon de trois à cinq ans, par
exemple, comme l'a évoqué ce matin la CLES. Donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
Mme Carignan (Audrée-Jade) : Bien, je ne suis pas une spécialiste de la
prévention tertiaire puis de la reconstruction des femmes victimes. Par contre, ce qu'on remarque, c'est
qu'effectivement c'est des suivis puis des reconstructions qui sont longues, qui sont multifactorielles, qui
demandent plusieurs services. Puis, quand on sait que les femmes sortent de
l'exploitation sexuelle après la majorité, ça ne peut pas être la DPJ qui
assure ce service-là parce que, malheureusement, après 18 ans, le service
cesse.
Donc, effectivement
qu'il faut que ce soit une ressource communautaire à l'extérieur de la DPJ qui
assure ce service-là et, oui, une ressource
de type milieu de vie qui offre une multitude de services et beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'accompagnement
auprès de ces jeunes filles là dans tous les services auxquels elles vont avoir
à faire affaire. Ça fait que ça
demande beaucoup de collaboration de la part de cette ressource-là, mais
beaucoup d'accompagnement concret, physique, avec la jeune fille ou avec la jeune femme pour aller dans les
différents milieux, pour aller chercher les différents services.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Ungava, il nous reste
deux questions. C'est bon pour vous? Députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les Plaines) : Ah!
d'accord. Merci. Bien, écoutez, juste en terminant, vous avez mentionné... Et
aussi les clients abuseurs, est-ce que vous avez des recommandations à nous
faire, des pistes de solution? Parce que, bon, s'il y a de l'offre, c'est qu'il y a de la
demande. Donc, il faut mettre un terme aussi à la demande. Donc, est-ce que
vous avez quelques recommandations à nous faire à cet effet-là?
• (20 heures) •
M. Fallon
(Jean) : On va me trouver un
peu redondant. Oui, je pense qu'il faut qu'on enclenche une éducation, une
sensibilisation. Il faut qu'on enclenche un ensemble d'actions, je vous dirais,
autant de la sensibilisation, de l'éducation, de la répression, auprès des hommes. Ça nous prend des leaders qui vont
avoir une influence auprès des hommes aussi, un peu sur le modèle de
l'alcool au volant.
Quand le gouvernement du Québec a décidé de
s'attaquer à l'alcool au volant il y a plusieurs années, plusieurs décennies, ça a été un combat, je vous dirais. On
a identifié l'alcool au volant comme
étant un ennemi commun au Québec.
Je pense que l'exploitation
sexuelle doit être identifiée comme
un ennemi commun au Québec aussi et de s'enclencher dans une campagne, je
vous dirais, à très long terme d'éducation, de sensibilisation à tous les
niveaux. Parce que, si on n'avait juste fait des barrages routiers,
on n'aurait pas beaucoup baissé le bilan des accidents mortels au Québec. On a fait de la sensibilisation.
Aujourd'hui, si on regarde chez les jeunes, nous, les plus vieux, on a suivi la
vague parce qu'on est de la
génération qui, des fois, conduisait
avec une bière entre les jambes en montant au chalet, en tout cas, moi. Je ne
parle pas de vous, là, mais moi.
Une voix : ...
M. Fallon
(Jean) : C'est ça, hein? Le
parc des Laurentides, des fois, les fossés étaient remplis de bouteilles vides,
mais aujourd'hui ça ne se fait plus, ça.
Aujourd'hui, on... Bien, ça ne se fait plus... Aujourd'hui, si quelqu'un prend
son trousseau de clés puis il a pris
un verre de trop, il va avoir un ami, il va avoir quelqu'un à côté qui va lui
dire : Aïe, aïe, aïe, donne-moi ton trousseau de clés.
Il faut qu'on en arrive au Québec à ce que, si
quelqu'un, on sait qui consomme le corps de nos jeunes, parce que c'est ça, qu'il abuse du corps de nos jeunes,
il faut que, comme société, on puisse avoir une éducation qui fait que chaque
homme et chaque femme dise : Aïe, aïe, aïe, qu'est-ce que tu fais là?
Parce qu'a été connu... Vous savez, on parle des «john schools». Développer l'empathie chez les abuseurs, les résultats
sont mitigés. Par contre, si on attaque la réputation des abuseurs, les
résultats sont là. Si on fait en sorte que, de façon... dans leur milieu, dans
leur environnement, ils sont reconnus de la
même façon qu'un récidiviste de l'alcool au volant est reconnu, bien, à ce
moment-là, on est capable de changer les mentalités. J'ai le goût de
vous dire que ça passe par là, et ça passe par les barrages, et ça passe par
les opérations policières.
C'est multiples facettes, mais on est sur du
long terme. Vous savez, en Suède, quand ils ont décidé d'attaquer l'abuseur, quand les lois sont rentrées, il y
avait une adhésion sociale d'environ 30 %. Aujourd'hui, 20 ans plus
tard, 85 % de la population en
Suède considère qu'acheter une femme, c'est inacceptable. Parce que ça a été la
loi, ça a été la répression, ça a été l'éducation et longtemps.
L'alcool au
volant, on en entend encore parler, même si ça fait 30 ans qu'on en parle,
parce qu'on a décidé qu'on s'attaquait
à ce phénomène-là. Il faut qu'on attaque le phénomène et il faut qu'on fasse en
sorte qu'acheter une femme, là, ce n'est pas banal.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Merci aux deux groupes pour leur contribution aux travaux. Mme Carignan, je vous ai bien entendue, la
Maison Kekpart nous en avait déjà mentionné il y a de cela quelques mois, puis
je vous confirme que ce soir on a
rechallengé les bonnes personnes, alors j'espère vous donner des bonnes
nouvelles très bientôt. Merci.
On va prendre une pause quelques instants, le
temps de laisser le prochain groupe s'installer. Merci à vous.
(Suspension de la séance à 20 h 3)
(Reprise à 20 h 9)
Le Président (M. Lafrenière) :
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du programme Les Survivantes du Service de police de la ville de Montréal et aux représentants du Réseau Enfants Retour. Je vous rappelle
qu'à tour de rôle vous allez avoir
15 minutes pour faire votre exposé, et, par la suite, il y aura
une période d'échange avec les membres de la commission pour une période
de 30 minutes.
Alors, en
débutant par les gens d'Enfants Retour, je vous demanderais de vous présenter
et de nous faire votre exposé bref pour une période de 15 minutes,
et merci beaucoup d'être là.
Réseau
Enfants Retour Canada (RERC)
et projet Les Survivantes
Mme Arcamone
(Pina) : D'accord. Alors, je
me présente, je suis Pina Arcamone, directrice générale du Réseau
Enfants Retour, et c'est vraiment un réel honneur et privilège pour notre organisation
d'être ici ce soir. Merci pour l'invitation,
et je vous remercie surtout de nous donner l'occasion de partager notre
expérience et aussi quelques réflexions concernant cette problématique
qui nous concerne tous. Je suis accompagnée par ma collègue Nancy Duncan.
Mme Duncan (Nancy) : Oui, bonjour. Je suis la directrice des programmes
d'assistance aux familles chez Enfants Retour.
• (20 h 10) •
Mme Arcamone
(Pina) : Donc, le Réseau Enfants Retour a été fondé en 1985. Notre
mission principale est d'accompagner les parents dont les enfants sont
disparus, qu'il s'agit d'un enlèvement criminel, parental, fugue ou des disparitions inconnues, et on s'est donné aussi le
volet de prévenir les disparitions de jeunes ici, au Québec.
Donc, à travers, bien, nos objectifs,
on tente d'accompagner les parents. Nous collaborons étroitement avec les corps
de police, les agences gouvernementales, les services sociaux, les médias, lorsque
nécessaire, et on tente aussi de sensibiliser la population aux dangers
qui peuvent guetter nos jeunes. Le but est vraiment de prévenir ces
disparitions d'enfant. Et je pense, ce soir, on
veut aussi mettre en évidence, aux yeux du comité, l'intersection entre les
enfants disparus, notamment ceux en fugue, et l'exploitation sexuelle de nos jeunes. Et, pour nous, la prévention et l'éducation jouent un rôle déterminant dans la protection de nos jeunes
contre les agressions et l'exploitation.
Alors, on a parlé
beaucoup de chiffres. Chez Enfants Retour, on se fie beaucoup sur le rapport
annuel qui est produit par la GRC. Donc, à
chaque année, en moyenne, on parle de 5 000 disparitions d'enfant qui
sont signalées aux corps de police ici même, au Québec. Les fugues
comptent pour 90 % de tous les dossiers et impliquent des jeunes âgés
entre 12 à 17 ans. La majorité de ces
jeunes sont du sexe féminin et ont entre 14 et 15 ans. Les raisons qui
poussent ces jeunes à fuguer sont
complexes, mais elles sont généralement associées à leur désir de regagner un
certain contrôle sur leur vie. Bien que
la plupart de ces jeunes fugueurs reviennent à la maison au bout de quelques
jours, quelques-uns peuvent passer beaucoup de temps dans la rue, dans
des refuges ou d'autres environnements étrangers.
La
traite des jeunes à des fins sexuelles englobe le fait de recruter, de les
habiliter, de les protéger, de les transporter ou encore de vendre un enfant
mineur à des fins d'acte sexuel commercial. Les proxénètes vont profiter
souvent de la vulnérabilité de
l'enfant, utilisant la pression psychologique et l'intimidation pour les
contrôler et profiter monétairement de
leur exploitation sexuelle. Les personnes qui font appel aux services sexuels
de jeunes d'âge mineur proviennent de tous
les milieux socioéconomiques, culturels et ethniques. La traite des enfants à
des fins sexuelles engendre des conséquences dévastatrices sur ces victimes, y compris des traumatismes physiques et
psychologiques profonds à long terme, des maladies et parfois même la
mort.
En
2017, le Réseau Enfants Retour a obtenu un financement historique, je vous
dirai, pour notre organisme. Depuis des années, on voulait s'attaquer
vraiment à la problématique des fugues ici, au Québec. Je vous dirai que les
premières expériences, lorsque nous avons interpelé les commissions scolaires
au sujet de cette problématique, souvent, la porte se faisait barrer. Les écoles nous disaient : Nous, nous n'avons
aucun problème avec les fugues. Alors, on s'est assis à l'intérieur de nos bureaux, nous avons convoqué
des partenaires et on s'est dit : Bien, comment est-ce qu'on peut protéger
nos jeunes qui sont le plus à risque? Et,
lorsqu'on est en fugue, on devient plus vulnérable parce qu'on a besoin de se
loger, on a besoin de se nourrir, on
a besoin de changer ses vêtements, etc. Donc, ça les rend plus vulnérables au
risque d'exploitation sexuelle. Et on
s'est dit : On doit changer le langage. Pour qu'on puisse rentrer dans des
écoles, on doit changer le langage, le
vocabulaire, qui semble effrayer les professeurs, les directions d'école, etc.
Et nous avons aussi constaté que, dans nos propres bureaux, la grande majorité de nos interventions impliquait des
jeunes en fugue et souvent des jeunes qui fuguaient à multiples reprises
au courant d'une année.
Donc,
grâce à un partenaire qui souhaite toujours demeurer anonyme, on a reçu une
subvention importante qui nous a
permis d'embaucher deux sexologues, et nous avons développé un programme qui
s'appelle AIMER, qui est un acronyme pour
affirmation, image de soi, mettre ses limites, égalité et relations saines, qui
vise la prévention des fugues et de l'exploitation sexuelle, et, comme
je vous disais, il est financé par un partenaire important. Pour ce travail,
nous avons convoqué nos partenaires :
les services de police de la ville de Montréal, Laval, Longueuil, Québec, ainsi
que la DPJ, Batshaw, la Fondation Marie-Vincent, Concertation des luttes
contre l'exploitation sexuelle, CLES, que vous avez rencontrée aujourd'hui, le Y des femmes, Native Montréal, Femmes autochtones
du Québec et En marge 12-17. On
a vraiment fait le tour de la question de l'exploitation sexuelle et on voulait surtout examiner les divers programmes
qui étaient déjà offerts ici, au Québec. Le but n'était
pas de doubler un service qui existait déjà.
Alors, au cours de
nos discussions, on a appris que la majorité des programmes de prévention
étaient conçus pour des femmes adultes ou
étaient exclusivement développés uniquement pour les jeunes filles. La majorité
des programmes étaient
offerts à un niveau local. La plupart des programmes ciblaient les
élèves du secondaire et qu'il y avait très peu, même aucun programme ou ressource
de prévention offerts à la communauté anglophone.
Donc,
la problématique cible du programme
AIMER est vraiment l'exploitation sexuelle chez des jeunes. Et étant donné qu'on n'a peut-être pas nécessairement les
chiffres les plus exacts, et nous, on se sert beaucoup des chiffres de la
GRC, on trouve que, souvent, ces chiffres ne
sont pas nécessairement les plus à jour ou les plus récents. Donc, nous avons
travaillé avec des stagiaires, et on est
retourné en arrière. On a fait une analyse, on a documenté tous les dossiers de
fugue sur lesquels on est intervenu depuis presque les huit dernières
années. En tout, on a traité plus de 600 dossiers de fugue. Donc, on a analysé les âges, les sexes, de quelle
ville ces jeunes fuguaient, la durée de leur fugue, par exemple, est-ce qu'ils
ont fugué de leur maison ou d'un centre jeunesse.
Donc,
dans le rapport qu'on vous a soumis dans le mémoire, on a inclus l'annexe I qui
vous donne un profil des fugues sur lesquelles nous avons intervenu chez
Enfants Retour, et, basés sur ces chiffres, nous avons développé le programme AIMER et on s'est dit : Nous allons
cibler les jeunes, des préadolescents. Donc, le programme AIMER tente
d'outiller les jeunes du cycle III et secondaire I, parce qu'il y a une
étude qui a été menée par le Centre canadien de la protection de l'enfance à Winnipeg, qui démontre que les jeunes du
primaire bénéficient le plus des programmes de prévention. Et si on regarde que les jeunes fuguent à partir
de l'âge de 12 ans, on doit intervenir avant l'âge où ils sont le plus à
risque.
Alors, je vais
laisser ma collègue Nancy vous parler un peu plus du programme AIMER et on est
là pour répondre à des questions par la suite.
Mme Duncan (Nancy) : Merci. Alors, c'est sûr que le programme AIMER — en anglais, ça s'appelle SHINE — AIMER, c'est un acronyme, comme
Mme Arcamone a mentionné, affirmation, image de soi, mettre ses limites,
égalité et relations saines. En anglais, SHINE, ça veut dire «self esteem,
healthy relationships, independence, no means no and
empowerment».
Vraiment,
les objectifs, c'est pour favoriser... de savoir c'est quoi, une relation
saine, de les aider et favoriser l'estime de
soi concernant l'image corporelle; de vraiment parler aussi avec les jeunes
aussi concernant le consentement. C'est
un atelier qui dure entre 60 à 75 minutes et c'est donné dans les classes,
avec les élèves, par une intervenante. On a engagé deux sexologues qui rentrent
vraiment dans les classes. Partout au Québec, c'est d'offrir à toutes les
écoles privées, publiques, anglais,
français, et je peux vous dire, comme elles sont juste deux, on est déjà
bookées jusqu'au mois d'avril. Mais,
si vous regardez dans l'annexe II, on peut voir qu'on a déjà été capables
de rejoindre 25 000 enfants partout au Québec. Alors, ces
25 000 enfants qui reçoivent un atelier de 60 à 75 minutes, qui
parle de, bien, c'est quoi une limite émotionnelle, une limite physique
et aussi une limite virtuelle. Alors, on couvre aussi un peu l'accès Internet
avec ces jeunes-là, parce qu'on réalise que c'est une partie... une grosse
partie de leur vie soit sur... monsieur a mentionné tantôt, Facebook, Snapchat,
Instagram, TikTok, Fortnite. On peut parler de tous leurs réseaux sociaux.
• (20 h 20) •
Mais
on a reçu aussi la possibilité de l'adapter, cet atelier-là, pour que ça puisse
être offert à des jeunes qui sont sur le spectre, avec les jeunes qui
ont des troubles de langage, les jeunes qui ont des troubles de comportement.
Notre intervenante a même rentré dans les centres jeunesse, dans
les unités, pour offrir les programmes, pas juste une fois mais plusieurs
fois, pour s'assurer un suivi avec ces jeunes-là.
On a aussi eu la possibilité
de s'asseoir à certains de nos partenaires comme Native Montréal puis les
Femmes autochtones pour adapter pour la
réalité des jeunes autochtones. On a même la possibilité... En fin de compte,
ils quittent la semaine prochaine pour monter à Inukjuak. Ils vont
rentrer, avec l'aide de l'infirmière, dans les écoles à Inukjuak pour vraiment parler avec les jeunes autochtones aussi,
pour aller donner des outils aux profs. Nous, on a été capables de faire
une nouvelle trousse clés en main, qu'on
va... On fait une formation avec les intervenants, avec les professeurs pour
leur laisser le programme. Parce que,
on comprend, à deux intervenants ce n'est pas toujours possible de faire le
tour toujours, alors ils sont
capables, c'est... capable pour que... il peut recevoir cette formation-là pour
que les intervenants peuvent après rentrer
et parler avec leurs jeunes de tous ces sujets-là. On parle aussi des
stéréotypes sexospécifiques, alors on parle de l'importance de bâtir les relations saines et égalitaires aussi. C'est
adapté aussi pour la communauté LGBTQ. On a même, quand on parle des
communautés autochtones, eu la possibilité, aux mois d'automne, de le traduire
en quatre langues : inuktitut, mohawk,
cri et montagnais pour la communauté innue. Alors, c'est traduit dans ces
quatre langues-là. Pour qu'il peut
offrir les activités, on a aussi des activités qu'il peut faire à part de juste
l'atelier. On a même ajouté les activités annexes pour qu'il peut faire
d'autres activités.
En
décembre 2019, je peux dire que la firme Eklor a dévoilé une évaluation
préliminaire de l'atelier à la suite des
entrevues et des discussions à peu près des élèves de l'école Saint-Jean à
Sainte-Catherine. Ils ont tenu l'atelier, et les résultats préliminaires démontrent que l'atelier AIMER permet tout
d'abord une consolidation de l'importance de l'estime de soi chez les élèves ainsi qu'une consolidation
de l'importance d'entretenir des relations saines et égalitaires. De plus,
ces résultats préliminaires démontrent une
tendance notable de l'apport du programme AIMER sans l'amélioration de niveau
de l'estime de soi et de la reconnaissance des relations saines et égalitaires.
Alors,
nous, pour nous, on attend toujours la possibilité de faire l'évaluation dans
les écoles secondaires parce que le programme est offert en cinquième
année, sixième année et aussi secondaire I.
Quelques
recommandations après l'évaluation, c'est de poursuivre le programme AIMER afin
de sensibiliser le plus de jeunes
possible aux thèmes abordés lors de l'atelier; que cet atelier étant pertinent
pour favoriser la construction de l'estime de soi et les relations
saines et égalitaires, tout en étant donné une fois dans chaque classe, former
le personnel scolaire ainsi que le personnel
pourrait prendre le relais et poursuivre cette sensibilisation après l'atelier
AIMER dans son école; et donner une
formation relative au programme AIMER aux parents afin qu'ils soient
sensibilisés aux enjeux véhiculés par
le programme AIMER. Ça fait plusieurs années qu'on offre déjà un séminaire pour
les parents, mais on commence à adapter le programme pour qu'on peut
vraiment rentrer en détail pour ces parents-là.
Puis
ça, c'est une de nos recommandations, c'est de vraiment offrir les parents des
victimes... On a déjà plusieurs ressources qu'on a faites pour les parents des
victimes, mais on voulait vraiment rentrer plus pour aller les aider, de
l'attachement... Parce qu'on veut aussi montrer qu'il faut les aider, les
parents... comment eux, ils peuvent aborder ces sujets-là avec leurs enfants. Favoriser l'estime de soi chez eux par une
écoute active, des attentes réalistiques. On comprend qu'on est tous
occupés, puis juste de prendre cinq minutes à la fin de la journée pour
demander à notre enfant : Mais comment
ça a passé, ta journée? Juste de les amener, les petits trucs comme ça aux parents,
on trouve, ça les aide beaucoup. Maintenir une bonne communication.
Nous, chez Enfants
Retour, on a notre philosophie qu'on travaille... Moi, ça fait 15 ans, je
travaille chez Enfants Retour en prévention,
puis notre philosophie est toujours basée sur l'estime de soi, communication et
éducation, alors d'aider ton enfant avec leur estime de soi puis de
montrer aux parents comme communiquer avec leurs enfants. Je sais que des fois c'est simple pour certains, mais des
fois, pour eux autres, ce n'est pas si simple que ça. Et aussi apprendre à
notre enfant comment reconnaître l'importance d'une bonne relation, à
définir les limites, et les mettre en place, et se fier à son instinct. On parle beaucoup de notre système
d'alarme chez Enfants Retour, avec les jeunes. Si tu ne te sens pas bien,
bien, écoute-le. Et on dit... C'est la même
chose pour les parents. Pour les parents, on a aussi bâti un répertoire de
ressources pour les familles, qui est disponible sur notre site Internet, qui
les aide vraiment d'aller chercher les ressources, et c'est divisé par
région et dépendant c'est quoi, la situation, la problématique.
Une autre recommandation qu'on voulait apporter aujourd'hui,
c'est vraiment le déploiement des programmes de
prévention de qualité pour les jeunes, mais également un rayonnement communautaire. On a parlé beaucoup communautaire... et aussi
de possibilité de regarder pour... quand on parle du ministère de l'Éducation,
de la sexualité et d'enseignement
supérieur, dans l'objectif que la prévention d'agressions sexuelles, que
peut-être un programme comme AIMER serait
idéal à fournir, de couvrir cette problématique puis que ce soit obligatoire
dans l'éducation de nos enfants quand on parle de la sexualité. Je vais
laisser Mme Arcamone faire la conclusion.
Mme Arcamone
(Pina) : Bien, je pense...
Le Président
(M. Lafrenière) : ...il ne reste pas beaucoup de temps. Très brièvement,
s'il vous plaît.
Mme Duncan
(Nancy) : Oui. C'est pour ça que je suis arrêtée.
Mme Arcamone (Pina) : Bien, je pense que tout le monde a déjà
bien parlé de l'importance de collaborer ensemble, que la problématique, elle est vraiment très complexe. Ce
n'est pas juste un joueur, un acteur qui fera une différence, mais il faut vraiment se concerter puis mener cette lutte vraiment
pour mieux protéger nos jeunes ici, au Québec. Et peut-être
que ça pourrait servir pour l'ensemble du Canada, à un moment donné aussi, parce qu'il n'y a rien de plus précieux que nos enfants.
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. J'invite maintenant
les représentants du Service
de police de la ville de Montréal, avec le programme des Survivantes, à
se présenter et à nous faire leur exposé pour une durée de 15 minutes, s'il
vous plaît.
M. Côté (Dominique) : Bonjour. Mon nom est Dominique Côté, je suis
commandant à la section de l'exploitation
sexuelle du Service de police de la
ville de Montréal. Je suis accompagné
de Josée Mensales, policière à la section exploitation sexuelle et cofondatrice du programme des
Survivantes. Au SPVM, nos interventions en matière d'exploitation sexuelle
remontent à plus de 20 ans, comme vous avez pu le constater lors du
témoignage de nos collègues en novembre dernier. Plusieurs stratégies ont été développées pour faire face à
l'exploitation sexuelle, dont le programme Les Survivantes que nous vous
présenterons aujourd'hui.
Il y a 10 ans,
le programme Les Survivantes voyait le jour. Le programme a pour mandat la
prévention, la sensibilisation et
l'intervention de la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle.
Par le biais de ce programme, des
milliers de policiers et d'intervenants de première ligne ont été sensibilisés
aux réalités de l'exploitation sexuelle. Ce programme a également contribué à supporter des centaines de victimes
pour qui la judiciarisation n'était pas une voie qu'elles souhaitaient
emprunter.
Nous
vous présenterons d'abord brièvement le contexte particulier de la métropole et
comment s'est développé le programme avec les années. Nous verrons
ensuite plus en détail les deux volets du programme, à travers lesquels nous pourrons répondre aux questions que la commission
se pose. Forts de l'expérience que tous les acteurs ont cumulée au cours
des 10 dernières années du programme,
nous sommes heureux d'avoir l'opportunité, grâce à la présente commission, de
présenter ce qui constitue pour nous une
approche pertinente et innovante, tout en vous partageant nos observations à
l'égard de l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme Mensales
(Josée) : Pour commencer, Montréal est une ville active et branchée,
un milieu urbain riche d'opportunités, mais constitue également des enjeux pour
l'intervention du SPVM en matière d'exploitation sexuelle. Dans un esprit de complémentarité, le programme
Les Survivantes n'oeuvre pas en vase clos. Il établit avec plusieurs les
années... de nombreux partenariats, tant du
côté du milieu communautaire qu'institutionnel. Il s'agit d'une condition
gagnante dans toute l'initiative
visant à prévenir, intervenir et contrer l'exploitation sexuelle. Le programme
a aussi su évoluer au fil des années et s'est adapté dans son
application aux nouvelles réalités de la société.
M. Côté (Dominique) : Laissez-nous maintenant vous présenter les
différents volets du programme. Le premier volet vous propose la
sensibilisation, la formation des policiers et des professionnels intervenants
de première ligne auprès des victimes
d'exploitation sexuelle. Des suites de consultations au SPVM il y a de cela une
dizaine d'années, il est apparu que
le niveau de connaissances des policiers sur le phénomène de la traite de
personnes variait d'un individu à l'autre. Il n'existait pas
d'orientation claire sur les façons d'intervenir auprès des victimes, ce qui
engendrait un manque de cohérence dans le mode d'intervention auprès de ces
personnes.
Parmi
les intervenants sensibilisés et formés, outre les policiers, des intervenants
de première ligne des milieux de la justice,
de l'éducation, de la santé et des services sociaux reçoivent eux aussi de la formation
et de la sensibilisation. Lors de ces formations qui visent à les sensibiliser
aux réalités vécues, l'intégration de différents experts est souvent appréciée.
Par exemple, l'intégration de survivants,
les présentations parfois réalisées conjointement avec des intervenants de
centres jeunesse participant au
projet Sphères, des travailleurs de rue, ou encore avec des médecins, ou
professionnels de la santé, sont tous des moyens d'adapter le contenu
afin de faire ressortir les éléments essentiels permettant une meilleure
compréhension de toutes les facettes de l'exploitation sexuelle.
Lors
des ateliers de sensibilisation, la personne survivante témoigne de son
expérience et touche deux plans. Tout d'abord, elle démystifie
l'exploitation et ce qu'elle a vécu pour l'ensemble des intervenants. Ensuite,
elle effectue un retour d'expérience à
différents moments de son parcours — avant, pendant et après l'exploitation — et jette un regard sur ses contacts et échanges directs avec les
différents intervenants. Ces deux perspectives s'avèrent essentielles à la compréhension de la problématique mais aussi à des
enjeux soulevés par les interventions plus ou moins appropriées qui ont eu
cours au sein des différents institutions et groupes prodiguant des services.
• (20 h 30) •
Mme Mensales (Josée) : Pour l'intervention policière en particulier,
l'intégration des survivants dans le cadre des formations permet aux policiers de se reconnaître et surtout de tisser
des liens communs avec cette personne, qui aura eu très certainement un
impact sur les interactions avec la clientèle par la suite.
Nous
avons pu constater une augmentation marquée des cas d'exploitation
sexuelle — de 10 à
plus d'une centaine par année — très peu de temps après les premières
diffusions qui ont été faites de cette façon, pour culminer aujourd'hui
à plus de 300 cas par année.
Parmi
les points à retenir pour une meilleure intervention des corps policiers, nous
croyons en la pertinence des initiatives
et des programmes de prévention existants, dont ceux de nos collègues qui vous
ont présenté, dont le programme Les Survivantes, et, en fait,
d'encourager leur déploiement dans les organisations policières à travers la
province.
Comme
d'autres organisations, le SPVM fait face à un renouvellement de ses troupes.
Cette réalité amène la nécessité de
former en continu les policiers afin qu'ils soient bien au fait de
l'exploitation sexuelle et ainsi déconstruire certaines idées préconçues
envers les personnes qui sont exploitées.
De manière générale,
les ateliers de sensibilisation nous permettent de rejoindre autrement
qu'uniquement par l'intervention policière
les victimes d'exploitation sexuelle. Par exemple, la sensibilisation des
étudiants et des intervenants dans le
milieu de la santé, par le biais des ateliers des Survivantes, fait clairement
une différence dans le dépistage des situations d'exploitation sexuelle. Il demeure que le SPVM fait face à une certaine
limite dans sa capacité à multiplier ces ateliers qui sont présentement
en très grande demande.
En
somme, la sensibilisation par le programme Les Survivantes contribue à
déstigmatiser les personnes victimes d'exploitation sexuelle.
M. Côté (Dominique) : Parmi les pistes d'action pour permettre une
meilleure intervention des corps policiers, nous estimons que des efforts doivent être consentis afin de favoriser les
initiatives de sensibilisation volontaires et obligatoires afin d'assurer une certaine uniformité et de
tabler sur une plus grande couverture à différentes réalités sociales et
culturelles.
Certaines
interventions en matière d'exploitation sexuelle peuvent avoir des impacts sur
le facteur d'exclusion ou encore sur le plan de la sécurité pour une
personne victime, par exemple une jeune victime dont les parents réagiraient très mal à la situation de leur enfant, ce qui
pourrait entraîner le rejet ou encore des dangers pour son intégrité physique.
La sensibilisation et la formation permettent aux policiers de mieux
connaître les différentes ressources et comment il est non seulement possible,
mais avantageux de travailler en partenariat.
Nous
croyons qu'il est aussi pertinent d'encourager la participation et la mise en
place de comités cliniques basés sur l'intervention multidisciplinaire avec
différents professionnels oeuvrant auprès de la clientèle. Le programme Les
Survivantes participe activement au comité
Sphères ainsi qu'au comité de prévention d'exploitation sexuelle autochtone
en centre urbain. Cette participation à des
comités cliniques permet de mieux comprendre les rôles et réalités de chacun,
les champs d'intervention, en plus d'augmenter la capacité d'offrir des
corridors de services aux victimes et aux familles.
La
mise en place de lieux d'échange devrait être encouragée afin de favoriser le
réseautage. Finalement, la création d'outils et l'accessibilité à des
formations internes et externes devraient être renforcées. Ces moyens
d'éducation et de sensibilisation
permettraient d'apprendre et d'échanger sur les meilleures pratiques afin de
favoriser les liens avec différents acteurs de différents horizons
pouvant contribuer à l'optimisation des façons de faire en milieu policier.
Mme Mensales (Josée) : Je vais maintenant vous parler du deuxième volet
du programme Les Survivantes, qui propose
des rencontres individuelles auprès de personnes vulnérables, des victimes
d'exploitation sexuelle, mais aussi de leur entourage, tels que les
parents ou les familles.
Selon
certaines analyses réalisées au niveau national, les jeunes femmes âgées entre
14 et 25 ans représentent 90 % des cas rapportés aux forces de l'ordre. Concernant la traite de
personnes ou à des fins d'exploitation sexuelle, notre expérience le confirme, puisque la clientèle, dans le cadre
du programme Les Survivantes, est constituée à plus de 75 % de personnes
en âge mineur.
Rejoindre les jeunes
constitue en soi un enjeu. L'accès aux jeunes et les services que peuvent leur
fournir le programme varient en fonction de
leur maturité et de leurs craintes. Les jeunes peuvent avoir peur qu'on les
retourne en milieu institutionnel ou
dans leur famille. Ils peuvent avoir peur de faire face au milieu judiciaire,
d'être jugés, entre autres choses.
Parmi
les victimes d'exploitation sexuelle, celles qui ont été exposées à l'abus sous
toutes ses formes, à des situations traumatisantes
dès l'enfance, sont plus difficiles à rejoindre. C'est aussi le cas des
personnes ayant quitté leurs communautés ou leur milieu qui est géographiquement beaucoup plus éloigné, qui sont
loin de leurs points de repère, de leur tissu social. La barrière de la
langue s'avère aussi un enjeu dans les efforts pour rejoindre ces jeunes issus
de ces communautés.
Notons
que les personnes en situation d'itinérance souffrant de problèmes liés à la
dépendance ou à des problèmes de
santé mentale vivent également une réalité qui peut les isoler et augmenter les
obstacles pour entrer en contact avec
elles, et leurs liens de confiance
face à la relation avec un adulte ou une personne en situation d'autorité sont
très précaires. Elles craignent souvent les conséquences d'un
dévoilement.
Parfois,
c'est l'inverse. Notre expérience nous a permis de constater que certains
jeunes plutôt confiants choisissent de faire leurs
places dans le marché du sexe afin d'y trouver de l'argent facile et du
pouvoir. Ces jeunes se retrouvent régulièrement,
malgré eux, en situation d'exploitation sexuelle mais ne se perçoivent pas
pour autant comme victimes. Ils peuvent avoir des intervenants de
première ligne en aversion et être très fermés et agressifs car ils ne veulent
pas être confrontés à la réalité et se sentent responsables de l'issue de leur situation.
Il
est important de soulever que certains jeunes sont en quête de
leur identité, et il peut être plus ardu d'entrer en contact avec eux du
fait que cette quête est individuelle et parfois vécue secrètement. Les jeunes
garçons et les jeunes appartenant au
groupe LGBTQ2S+ peuvent être particulièrement difficiles à rejoindre. Ces jeunes font face à
des préjugés tenaces concernant la
prostitution et l'exploitation sexuelle et sont donc beaucoup
plus isolés et souvent victimes des plus grandes violences.
M. Côté
(Dominique) : Afin d'offrir
des services adaptés pour mieux rejoindre les victimes, nous sommes d'avis
qu'il faut miser sur le travail en
partenariat avec différents professionnels, tant institutionnels que
communautaires. Cette démarche cible
mieux les besoins, les réalités sociales et culturelles en fonction de l'environnement et du contexte social de la clientèle visée. Ce partenariat et cette
confiance permettent de mettre à contribution l'intervenant ou le service le
mieux adapté afin de traiter et de soutenir a personne vulnérable. Par le fait
même, cela favorise une meilleure connaissance de la diversité des
ressources dans le corridor de services disponibles et pour l'échange des
meilleures pratiques.
Le partenariat permettant l'échange entre organisations, tant en communauté qu'en centre urbain, doit
être encouragé afin de mieux comprendre les réalités et les besoins. Cela
assure une compréhension commune de la problématique et des solutions ayant un impact sur l'uniformité et la
cohérence des interventions, peu
importe par quelle porte se
présentera la personne en détresse.
Il faut
offrir des services tant aux victimes qu'aux parents et familles de ces
dernières car le support et l'implantation de la famille se relèvent...
révèlent, pardon, un facteur majeur de réussite des plans d'intervention auprès
des personnes victimes. Il faut soutenir les
démarches auprès de ces dernières que proposent différents organismes et
ressources. Il faut supporter et
mettre en place les initiatives en prévention primaire et secondaire qui ont
pour but de sensibiliser les jeunes avec un contenu adapté aux groupes
d'âge et diffusé par des professionnels experts.
De bons
exemples sont les ateliers éducatifs diffusés dans les écoles par les
sexologues de L'Anonyme et les ateliers de prévention des groupes de leadership pour les jeunes Mohawks offerts à KCP et Kanesatake. Ces groupes permettent de
promouvoir des jeunes prenant part à des
initiatives positives dans leurs communautés, qui deviennent des pairs aidants
auprès des plus jeunes.
Mme Mensales
(Josée) : Le SPVM s'est
intéressé plus particulièrement, au cours des dernières années, à l'exploitation sexuelle des personnes issues des
communautés autochtones. Un comité de travail de prévention en matière d'exploitation sexuelle pour les personnes autochtones en centre urbain
a vu le jour à Montréal. En plus d'y participer, les agentes du programme Les Survivantes ont intégré
un volet autochtone au programme qui compte maintenant trois survivants autochtones. Un outil pédagogique, un livre
bilingue relatant les témoignages de plusieurs personnes issues des communautés
autochtones, Mon ami... mon agresseur, est paru au printemps dernier, en
2019.
Différents
facteurs sociojuridiques, économiques et historiques peuvent expliquer la
prévalence des membres des communautés autochtones exploités
sexuellement au Canada. Plusieurs facteurs parmi ceux-ci poussent d'ailleurs
les autochtones à quitter leurs communautés
à la recherche de meilleures conditions de vie en milieu urbain. Ils arrivent
dans des grandes villes, plusieurs
souffrent d'isolement, de racisme et, par conséquent, d'une faible estime de
soi qui peut, entre autres, les rendre beaucoup plus vulnérables à
l'exploitation sexuelle.
Les personnes
victimes d'exploitation sexuelle issues des communautés autochtones souffrent
d'un manque, souvent, d'accès aux
services et de soutien continu et cohérent, tant au plan institutionnel que
communautaire. Cette réalité est souvent liée au facteur géographique,
lorsqu'elles sont issues de communautés éloignées, au fait qu'elles sont
souvent en mouvance, aussi, à la
suite de difficultés à se trouver un logis. L'isolement, la barrière de la
langue, la peur des conséquences liées au dévoilement ou encore la peur
de l'intervention des institutions compliquent les approches auprès des
personnes issues de ces communautés.
S'ajoute à ces éléments qui accentuent la vulnérabilité le fait qu'elles
ressentent souvent la honte et la peur du jugement.
Les
interventions et les services qui leur sont proposés sont souvent loin de leurs
réalités culturelles et sociales, et elles ne se sentent... ne se reconnaissent
pas, en fait, dans les solutions qui sont... ce qui va jouer sur leur adhésion
au plan d'intervention proposé. De
plus, certaines manquent de connaissance des points de service dans leurs
environnements et sont d'ailleurs
rarement munies d'un plan de sécurité en cas d'urgence lors d'un déplacement
d'un endroit géographique à un autre.
• (20 h 40) •
Certaines
personnes issues de communautés autochtones peuvent... particulièrement
vulnérables à l'exploitation sexuelle
compte tenu de leurs expériences de vie et de leur sexualité. Elles ont souvent
développé une perception de leur sexualité
souvent altérée par les expériences antérieures et elles peuvent, pour
certaines d'entre elles, être particulièrement sensibles aux propositions de nos proxénètes et y avoir une opportunité
de combler un besoin d'appartenance qui peut être la conséquence de leur
isolement.
D'autre part,
dans une logique de rejoindre ces nouvelles clientèles, tels que les
groupes LGBTQ2S+, nous croyons nécessaire
de développer des outils et de les intégrer à la formation afin de leur offrir
un soutien et un accompagnement adaptés à leurs situations et dans
laquelle ils vont se reconnaître. Le SPVM souhaite intervenir auprès de ces
clientèles mais rencontre une limite de
capacités entre la perspective de développer des services pour ces groupes et
maintenir le suivi et les services offerts jusqu'ici.
Le dernier sujet que nous aimerions aborder
aujourd'hui sera la sortie du parcours de l'exploitation sexuelle. Peu simple, elle implique de répondre à de
nombreux besoins que présentent les victimes d'exploitation sexuelle. Le succès
de cette sortie s'appuie sur une multitude
de réponses adaptées en fonction de ces besoins et va au-delà du facteur de la
précarité économique, l'une des questions qui nous ont été adressées.
Pour
s'assurer de cette sortie, il est nécessaire de travailler en partenariat de
manière complémentaire en fonction des
rôles et missions de chacun. Certains de nos partenaires communautaires ou
institutionnels sont davantage impliqués à ce titre. Et lors de l'exploitation, il arrive que les emprunts, les
dettes contractées soient au nom des victimes, bien évidemment. Il arrive que
les victimes d'exploitation soient réduites à devoir faire faillite, ce qui a
une conséquence directe sur leurs dossiers de crédit.
Les personnes
exploitées ayant eu accès à des biens matériels et à un mode de vie d'abondance
font parfois face aussi à une forme de dépendance à l'argent facilement
gagné, et il devient dès lors plus difficile de s'en affranchir. Au moment de la sortie du parcours d'exploitation
sexuelle, elles se retrouvent rapidement confrontées à la responsabilisation
et aux tâches permettant la subsistance,
telles que la gestion d'un budget, les coûts reliés au logement, les besoins de
base pour se nourrir, se déplacer
ainsi que l'accès aux soins de santé et aux thérapies coûteuses. Ce n'est pas
rare après un type de parcours tel que celui-là.
Parmi les
impacts les plus importants de l'exploitation sexuelle, le manque d'acquisition
de compétences, parfois combiné à une
faible... voyons!, scolarité — désolée — les difficultés d'apprentissage, les
problèmes de santé mentale, la dépendance
aux drogues et à l'alcool, les séquelles reliées aux traumas et l'isolement ont
des répercussions majeures et doivent
faire l'objet d'une offre de service appropriée. La période pendant laquelle
les personnes ont été exploitées a une conséquence
directe sur l'employabilité. En effet, il leur faut expliquer l'absence
d'expérience pertinente sur le marché du travail au cours de cette
période.
Le milieu de
la prostitution peut être un milieu bien difficile, et la consommation d'alcool
et les drogues peuvent permettre aux victimes d'exploitation de fuir la
souffrance et de poursuivre des activités de prostitution. La consommation
constitue souvent un moyen moins compliqué
de faire face à la détresse et plus accessible pour l'obtention de services de
santé ou de thérapie. S'ensuit un cercle
vicieux : l'argent récolté permet aux victimes de l'exploitation de payer
la consommation qui permet à son tour de continuer à se prostituer.
L'argent que
rapporte une personne exploitée sexuellement est souvent utilisé par les
trafiquants afin de les mettre en
valeur. Les victimes d'exploitation sexuelle en viennent qu'à se définir et se
valoriser par le montant qu'elles arrivent à rapporter. Il faut donc, lors de
nos interventions, présenter des plans de vie, des projets intéressants afin de
les impliquer dans des initiatives dont elles pourront vivre et qui les
aideront à se redéfinir de façon beaucoup plus saine.
M. Côté
(Dominique) : En conclusion,
l'exploitation sexuelle des mineurs est un crime contre la personne qui a de
lourdes conséquences pour les victimes et leurs proches. Montréal, comme
plusieurs autres villes du monde, est
particulièrement touchée par cette réalité. Cette violence et ces
situations d'abus doivent cesser afin de permettre à nos jeunes hommes et
jeunes femmes de se développer et de devenir les adultes de demain, notre
relève du monde moderne.
Le SPVM tient
à remercier les membres de la commission pour leur écoute et leur ouverture et
souhaite avoir été en mesure de répondre aux divers questionnements face aux actions
à prendre en termes de prévention, de sensibilisation, d'éducation, de
dépistage et d'intervention en matière d'exploitation sexuelle des mineurs.
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup pour vos présentations. On va maintenant passer à la période
d'échange avec les membres de la commission. Alors, la première question venait
du député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci, M. le Président. Je suis toujours content de vous voir, c'est un plaisir
de vous revoir. Et quand je pense à Enfants
Retour, ça me ramène à mon enfance. Votre «branding» me ramène à mon enfance.
Je savais que vous étiez toujours là pour moi, donc merci pour tout ce
que vous faites au quotidien.
Ma question
est pour les survivants. J'aimerais comprendre un petit peu mieux le transit
typique, là, de quelqu'un qui est
prostitué ou exploité et envoyé
ailleurs. Parce qu'on a beaucoup parlé, beaucoup entendu que l'idée, c'est de les sortir de leur environnement, les rendre
vulnérables. Pouvez-vous me donner une idée comment ça fonctionne, ce
mouvement-là? Et j'aimerais, par la
bande, aussi comprendre c'est quoi, l'attrait pour avoir des gens qui ne
parlent pas la langue aussi, une fois qu'ils sont rendus à l'extérieur
du Québec.
M. Côté
(Dominique) : Si vous me
permettez, la langue est un facteur. Ce qu'on a fait — puis
on est encore très préliminaires dans nos recherches — avec
un agent de recherche qu'on a, à la section, on a essayé de voir, à travers les cas qu'on avait, quelle pourrait être
l'explication. Parce que c'est une des premières questions que je me suis
posées, aussi, quand... Je suis récemment arrivé à la section; c'est une
des questions que je me posais. Puis ce qu'on a été en mesure d'établir, c'est que les motivations principales
pour sortir de la province étaient monétaires. Maintenant, il faut comprendre
que les gens qui exploitent ces jeunes
personnes là sont des manipulateurs, donc peuvent leur expliquer que la façon
la plus facile de faire de l'argent est de sortir de la province. Maintenant,
les facteurs d'isolement, de la langue, la perte du réseau social sont
tous aussi des éléments qui amènent les abuseurs à les amener extraterritorial.
M. Skeete : Donc, ça, c'est un «nice to have», là. La
motivation première, c'est l'argent, on peut faire un peu plus d'argent. Pourquoi on fait plus d'argent à
l'extérieur du Québec? C'est-u parce
qu'elles sont Québécoises ou c'est parce que... C'est quoi,
l'explication? C'est-u parce que le marché vaut plus cher?
M. Côté
(Dominique) : Je vous dirais
que la principale hypothèse, c'est ça, c'est ce qu'on pense. Puis là, je vous
dis ça en toute candeur parce qu'on n'a pas d'élément clair, on y va avec des
hypothèses, mais on pense que le service coûte
plus cher à l'extérieur, donc il y a moyen de faire plus d'argent à l'extérieur
du Québec, peut-être moins d'offre. Donc, à ce moment-là, ça permet aux
abuseurs de faire plus d'argent avec nos victimes.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. C'est très impressionnant, ce que vous faites, puis je
dois dire que tout ce que j'ai
entendu... que nous avons entendu depuis le début de ces audiences-là démontre
à quel point il y a des efforts gigantesques qui sont faits au Québec
pour contrer l'exploitation sexuelle des mineurs. Puis évidemment c'est un peu frustrant de voir qu'il faut trouver encore des
moyens qui sont encore plus efficaces, parce qu'il y a quand même énormément
de travail qui se fait. Alors, félicitations pour votre travail.
J'ai
deux questions. La première, c'est pour... bien, ça peut être n'importe qui de
vous deux... de vous quatre. Je me pose des questions par rapport aux
centres jeunesse. Ça a été un peu élaboré... effleuré ce matin qu'il peut y
avoir une crainte, de la part de la jeune
qui est exploitée, de retourner... de devoir retourner dans un centre jeunesse.
Est-ce que les centres jeunesse sont les meilleurs endroits où on peut
envoyer ces jeunes exploités sexuellement ou s'il devrait y avoir d'autres
types de maisons d'accueil qui soient vraiment spécialisées dans ces
questions-là?
Parce que, dans un
centre jeunesse, je ne suis pas une experte, là, mais il y a quand même toutes
sortes de problèmes chez les jeunes qui se
retrouvent dans les centres jeunesse. Ce n'est pas tous des jeunes qui sont
exploités sexuellement ou qui peuvent le devenir. Mais est-ce que ça
prendrait quelque chose de plus spécialisé encore?
Et
mon autre question, c'est sur le fait que vous avez découvert, à Enfants Retour,
qu'un jeune fugueur sur trois ou fugueuse sur trois est victime
d'exploitation sexuelle. C'est vraiment, vraiment, vraiment énorme, et je me
dis : Vous l'avez élaboré et vous l'avez fait, mais comment vous en
arrivez à cette statistique-là qu'un jeune fugueur sur trois est victime
d'exploitation sexuelle?
Mme Arcamone
(Pina) : Une fois que l'enfant ou le jeune a été retrouvé, c'est à
travers les conversations qu'on a eues soit avec l'enquêteur ou ce que les
parents nous disaient par la suite, que l'enfant peut-être s'est prostitué, on
l'a trouvé dans un motel, par exemple. Donc, on a vraiment été capables de
documenter, et c'était vraiment suite à des
faits rapportés par le corps de police ou la famille. Donc, nous, on a
documenté, selon les dossiers que nous avons traités, qu'un jeune sur
trois devient victime et que peut-être un autre sur trois a été exposé, mais
qu'on n'avait pas assez d'informations pour dire définitivement : L'enfant
a été victime d'exploitation sexuelle.
Mme St-Pierre :
Donc, ça peut être plus qu'un sur trois.
Mme Arcamone
(Pina) : C'est ce que nous pensons, oui. Oui.
Mme St-Pierre :
O.K. Et sur les centres jeunesse?
• (20 h 50) •
Mme Duncan (Nancy) : C'est sûr que moi, je travaille vraiment avec les
parents des jeunes en fugue, alors j'ai déjà entendu souvent des situations de recrutement qui se fassent
directement dans les centres jeunesse. J'ai déjà entendu des histoires, des
jeunes... supposément vous autres aussi, des jeunes qui ont retourné dans les
centres jeunesse, et leurs proxénètes féminins étaient avec eux, puis
ils ont raconté des histoires de qu'est-ce qui était arrivé à l'extérieur.
Alors,
dans mon avis, moi, je pense que ça serait mieux d'avoir une autre option pour
ces jeunes-là, de ne pas juste les mettre en réflexion puis dans un centre
jeunesse que peut-être ils n'ont pas nécessairement les ressources, ou les
projets, ou quoi que ce soit, les
programmes pour les aider. Je sais qu'on travaille souvent avec les
travailleuses sociales, on travaille beaucoup
avec Notre-Dame de Laval aussi et, c'est ça souvent, qu'ils ont un
manque de ressources aussi. Ils ne savent pas trop quoi faire.
Mme Mensales (Josée) : Nonobstant de ça... Ça ne marche? Oui, ça marche?
Vous m'entendez? Il y a quand même, au sein des centres jeunesse... Nous, dans
le cadre de Sphères, veux veux pas, on a cette réalité-là. C'est certain, je
corrobore ce que... Je pense que, quand on a un milieu familial qui est
capable d'accueillir un jeune, c'est peut-être le meilleur des scénarios. Quand ce n'est pas possible ou quand, justement,
l'exploitation a débuté dans le milieu familial, ou des situations comme
ça, il y a quand même des programmes en place, et ils se munissent aussi de
mécanismes.
Sans
être une experte au niveau de centres jeunesse, je ne veux pas me prononcer,
mais par contre, dans le lot des dossiers qu'on travaille conjointement, non
seulement avec eux mais, par exemple, avec des partenaires communautaires
tels qu'En Marge, que vous allez probablement avoir une présentation, il y
a des mécanismes en place pour, justement, héberger,
des fois, en cellule de crise quelqu'un qui est en fugue, amener une certaine
responsabilisation, donc, pour éviter que
ce jeune-là ne se ramasse dans les mains d'un trafiquant, et établir un contact
avec, justement... faire un pont avec le centre jeunesse et peut-être servir un peu de lieu de médiation pour que
le jeune soit entendu aussi par rapport aux raisons qui le poussent à
fuguer ou à sortir de ce milieu-là.
Autre chose, il y a
aussi tout un réseau d'appartements supervisés. Il y a des moyens en place,
quand même, dépendamment de l'âge du jeune. Parce qu'on s'entend, si on parle
d'un jeune qui a 16, 17 ans, des fois, il y a des mesures qui peuvent être prises pour, justement, mieux accommoder ce
jeune-là, mieux répondre à ses besoins et éviter, justement, que ça devienne une situation qui est
chronique. Donc, il y a quand même des chemins et des façons de faire qui
existent, qui sont là, justement, pour répondre à cette faille-là et à cette
crainte-là. Parce qu'on s'entend que c'est quelque chose qu'on entend
souvent.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Ungava.
M. Lamothe :
Mme Mensales, face aux problématiques que les filles et les femmes
autochtones vivent en arrivant en
milieu urbain, de leurs communautés, l'analyse que vous faites puis les
objectifs de votre programme sont vraiment sur la coche. Félicitations.
Mme Duncan, vous
avez parlé tantôt que vous allez monter à Inukjuak pour votre programme dans
les écoles. Je regardais les objectifs de
votre programme puis je me demandais... je ne veux pas être négatif, mais
pourquoi Inukjuak?
Mme Duncan (Nancy) : On a approché plusieurs communautés pour leur
offrir, et Inukjuak, c'est comme un peu le projet pilote dans le Nord parce qu'ils ont beaucoup de problèmes au
niveau de la communication interpersonnelle avec les jeunes. Ils voulaient qu'on rentre. On va rentrer parler avec des
infirmières, avec des professeurs, avec des travailleurs sociaux qui travaillent là, mais aussi... Et,
quand on rentre pour parler avec les élèves, ils voulaient plus qu'on adresse
au niveau des jeux. Alors, c'est sûr
qu'on va, avec... en utilisant les jeux. Ça ne va pas... un atelier vraiment
avec un PowerPoint. On va l'adapter
vraiment pour eux, puis ça va être fait pour parler un peu des relations
saines, des limites et aussi des adultes de confiance. Parce qu'ils nous
ont parlé un peu de leurs réalités puis leurs problématiques, puis on va...
M. Lamothe :
...demander qui, qui a fait l'approche pour que vous montiez présenter ce
programme-là?
Mme Duncan
(Nancy) : Qui nous a fait l'approche?
M.
Lamothe : Oui. C'est Kativik School Board ou bien...
Mme Duncan (Nancy) : Non. En fin de compte, c'est Community Health Nurses — c'est ça? — avec le CLSC dans le Nord, oui.
M.
Lamothe : O.K. Puis je regardais aussi le programme — je vais juste retrouver ma place, là :
Pour les autochtones, traduire le
contenu de nos ateliers sur la sécurité, les rendant notamment accessibles aux
jeunes Innus... cri, mohawk et inuktitut — les Inuits. Vous avez dit le mot «adapté» tout à
l'heure. Ça fait que votre programme, au Sud, va s'adapter aux réalités
culturelles puis aux problématiques que vivent les communautés autochtones?
Mme Duncan
(Nancy) : Dans le Sud ou dans le Nord?
M. Lamothe :
Dans le programme du Sud. Je veux dire, quand je parle du Sud, là, je parle,
bon, tu sais, là...
Mme Duncan
(Nancy) : Oui. Dans le Sud, oui. Je comprends.
M. Lamothe :
...tout ce qui n'est pas dans le Nord.
Mme Duncan
(Nancy) : Oui. Dans la campagne...
M.
Lamothe : Bien, ce que je veux dire, c'est que les réalités
autochtones ne sont pas pareilles qu'en bas, bon, je vais dire «en bas» au
lieu du «Sud». Ça fait que, de ce que vous m'avez dit, pour
Inukjuak, vous allez adapter vos programmes, vos ateliers pour leur
réalité. C'est ça?
Mme Duncan (Nancy) : La réalité de cette communauté. Parce qu'on
comprend aussi que, dépendant de la communauté, même dans le Nord, ça change
aussi. Alors, ils voulaient qu'on l'adapte vraiment pour leur communauté,
puis c'est ça qu'on a fait.
M. Lamothe :
C'est adaptable à ces réalités-là?
Mme Duncan
(Nancy) : Oui.
M. Lamothe :
O.K. Merci.
Mme Arcamone
(Pina) : Puis on va leur laisser...
M. Lamothe :
Pardon?
Mme Arcamone (Pina) : Si je peux me permettre. On va leur laisser la
trousse clés en main qui a été traduite pour former des agents
multiplicateurs. Donc, une fois que notre équipe sera partie, reviendra à Montréal,
leurs intervenants vont pouvoir, à l'année
longue, continuer de garder ce dialogue ouvert avec leurs jeunes. Donc, ce
n'est pas juste : On y va pour
une fois, on retourne puis on dit : Le problème est réglé. On veut vraiment
soutenir et les appuyer dans ce discours avec les jeunes, donc leur apporter vraiment quelque
chose de concret qu'on leur laisse et
qu'ils vont pouvoir vraiment l'adapter au quotidien avec leurs jeunes.
M. Lamothe :
...prochainement? C'est-u prochainement que vous allez monter là?
Mme Duncan
(Nancy) : Ils montent le 27 janvier.
M. Lamothe :
Le 27 janvier?
Mme Duncan (Nancy) : Oui, puis
au mois de mars. On a reçu aussi une demande de la Nunavik Regional Health Board qui veut qu'on rentre à Kuujjuaq
pour former... Eux, ils vont inviter plusieurs éducateurs, plusieurs intervenants
pour recevoir le programme, et après, comme ça, ils vont être capables de
l'adapter à leurs communautés.
Mme Arcamone (Pina) : Et ce
sera mené par leurs intervenants, et non par l'équipe du réseau. Oui.
M. Lamothe : Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Deux questions rapides. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Bonsoir. Ma question
s'adresse aux deux dames d'Enfants Retour. En fait, vos services sont majoritairement concentrés dans la métropole.
Admettons qu'on a un cas de quelqu'un, soit de la région — par exemple, moi, je viens de la
Gaspésie — qu'on
a... bon, on a beaucoup de jeunes filles, quand même, là, qui fuguent sur des longues distances ou, bref,
qu'on les cherche dans d'autres régions que la leur. Est-ce que vous avez
un service d'accompagnement, par exemple, pour les familles qui vivent ce type
de situation là ailleurs qu'à Montréal?
Mme Arcamone
(Pina) : Absolument. Même si
nos bureaux sont à Montréal, on fait l'accompagnement partout dans la province. Donc, on peut penser à Cédrika à
Trois-Rivières, David Fortin au Saguenay, on a des cas à Yamachiche, en Abitibi, donc... Et souvent Nancy puis moi, on
fait la route. On se connaît de... bien, je la connais depuis 15 ans. Moi,
ça fait 25 ans que je suis chez Enfants
Retour. Donc, ce service d'accompagnement se fait partout dans la province, et
cela nous permet aussi de déployer le
programme un peu partout dans la province. Donc, c'est vraiment un programme
provincial.
Et pour
soutenir les communautés qui sont un peu plus éloignées, le programme, il est
aussi offert via une plateforme électronique
qu'on est en train de perfectionner. Mais, je pense, à l'automne, notre
sexologue, qui est la coordonnatrice du programme, a justement offert le
programme à une école à Gaspé. Donc, on est un peu partout.
On fait de notre possible aussi parce qu'on est
un organisme sans but lucratif. Donc, nous aussi, on arrive... C'est la troisième année de notre financement,
donc on est en pourparlers avec notre bailleur de fonds. Le but, c'est de
pouvoir continuer parce que je pense qu'on
est sur la bonne voie avec ce programme. Et je vous dirais que, la première
année, nous avons dû envoyer un
communiqué aux commissions scolaires pour les mettre au courant du programme,
mais, depuis la dernière année, les
demandes ne cessent de rentrer. Donc, c'est vraiment du bouche-à-oreille qui se
fait, puis on essaie de répondre au maximum aux demandes parce que le
besoin, il est là.
Et même,
récemment, on s'est fait approcher par plusieurs commissions scolaires qui
souhaitent que le programme puisse
être adapté pour le deuxième cycle, donc on parle de troisième, quatrième
année, parce qu'on constate qu'il y a des problématiques au niveau de
mettre des limites; les réseaux sociaux, qui jouent un rôle très important dans
notre société présentement, aussi. Donc, on
fait face à d'autres défis, mais on essaie de s'y attaquer le mieux possible.
Mais, oui, on répond à tous les besoins dans la province.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, pour la dernière question.
Mme Foster :
Depuis le début de la commission, on se fait parler tous azimuts de
l'importance de l'éducation, de la prévention, de la formation auprès de
tous types d'intervenants, les jeunes également. Mais une petite question au commandant Côté : À Nicolet, les policiers,
dans leur formation, dans leur cursus, est-ce qu'ils ont des cours portant sur
l'exploitation sexuelle?
• (21 heures) •
M. Côté
(Dominique) : À ma
connaissance, il n'y a rien nécessairement qui existe. J'imagine que les
travaux de la commission risquent d'amener certains changements en ce
sens. Ce qu'on réalise... puis on l'a vu, nous, à Montréal. C'est sûr que, là, on parle d'il y a 10 ans,
au début du programme, mais la connaissance du phénomène, la façon d'intervenir
auprès des victimes va changer la suite des
choses. Puis, si on pense à certaines présentations qui ont été faites, des
policiers qui étaient intervenus avec
une survivante, puis ils ont entendu de sa bouche, à elle-même : Bien, je
ne me suis pas sentie appuyée... À partir du moment où est-ce qu'on
sensibilise les policiers, c'est sûr qu'il va y avoir une suite différente.
Maintenant, il faut être capable de répondre à
cette suite-là. Parce que, oui, c'est vrai que, si on identifie le comportement, si on identifie le danger de
sécurité puis qu'on essaie d'aider cette personne-là, il faut être capable de
répondre en deuxième. Si j'appelle, je m'attends que le téléphone sonne.
Ça, c'est une réalité aussi qu'il faut penser.
Mme Mensales
(Josée) : Il y a quand même
eu aussi une élaboration d'un scénario, par exemple, qui portait sur le
sujet, là, qui a été concocté, là, mais... C'est ça.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup de votre contribution à nos travaux.
La commission
suspend ses travaux quelques instants. On va se réunir ici même pour une séance
de travail après le départ de nos invités.
Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 1)