(Dix heures une minute)
Le Président (M. Lafrenière) :
...la séance de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones. Je ne cible personne, mais je le passe en
général.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques
de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président. Il n'y a pas de remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Lafrenière) : Parfait. Alors, ce matin, nous entendrons en audition conjointe le
Service de police de la ville de Québec et le Projet d'intervention prostitution de Québec
et Alliance Jeunesse. Je vous rappelle que vous allez avoir 15 minutes chacun pour faire vos présentations,
et, par la suite, ce sera une période
d'échange, et j'ai bien dit
une période d'échange, avec les membres de la commission. C'est une commission
non partisane. On est très heureux de vous avoir aujourd'hui.
Alors, je
vais laisser commencer nos gens de la ville
de Québec, faire leur présentation de
15 minutes, et, par la suite, on aura nos deux projets pour leur
présentation. Madame.
Service de police de la ville de Québec (SPVQ) et
Projet
intervention prostitution Québec (PIPQ)
Mme Thériault
(Nathalie) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci de nous
accueillir ici aujourd'hui. C'est avec un immense plaisir que nous venons vous entretenir sur ce phénomène
qui nous préoccupe tant depuis si longtemps. Je me présente : Nathalie
Thériault, capitaine au service de la ville de Québec. Et je travaille au phénomène depuis près de 20 ans. À ma droite,
une collaboratrice, Nancy Delisle, chef de service de l'évaluation à la direction
de la protection de la jeunesse, CIUSSS de
la Capitale-Nationale. À ma gauche, une autre collaboratrice très importante
pour nous, Geneviève Quinty, directrice,
Projet intervention prostitution Québec. La particularité des gens qui
m'accompagnent, c'est que Nancy Delisle est
la coordonnatrice de la table régionale de Québec sur l'exploitation et la
prostitution juvénile, alors que Mme Quinty et moi-même faisons
partie des membres fondateurs de cette même table il y a 15 ans.
Dans un
premier temps, je vais quand même élaborer sur ce que le service de police a
fait depuis, peut-être, les débuts
des années 2000. Et, dans un deuxième temps, j'aimerais vous entretenir
sur la collaboration, la concertation qui a été mise en place depuis les
années 2000, ce qui est extrêmement important pour la région de Québec.
Rappelons-nous,
à l'aube des années 2000, le Service de police de la ville de Québec s'est
retrouvé aux prises avec un phénomène
émergent : la prostitution juvénile par les gangs de rue. À l'époque,
plusieurs petits réseaux s'installaient et recrutaient dans les écoles, dans les centres d'achats, dans les centres
jeunesse, dans les spectacles et dans les hôtels. Le proxénétisme, tout comme le crime organisé, est un
réseau structuré où les proxénètes travaillent en équipe afin de
trafiquer des jeunes filles sur qui ils
exercent de la violence psychologique, physique et sexuelle. Elles sont
déprogrammées, et leur façon de
penser est remodelée à l'image de ce que les proxénètes ou la traite attendent
d'elles, c'est-à-dire devenir des objets sexuels que l'on exploite selon
l'offre et la demande.
Au SPVQ, des
séances d'information sont offertes. Je vais vous expliquer en général
qu'est-ce qui a été mis en place depuis les années 2000 pour que
nos gens soient beaucoup plus outillés à mettre le filet de sécurité auprès de
ces jeunes-là, parce que c'est une clientèle
très vulnérable, et on a développé des moyens puis des outils de façon à bien
équiper nos membres. Des séances d'information sont offertes et de la formation
est diffusée à l'ensemble des effectifs, autant patrouilles qu'enquêtes, dans le but de les outiller afin de mieux
intervenir auprès de ces jeunes vulnérables. Des séances d'information sont également offertes aux réseaux
hôteliers, aux superviseurs de centres d'achats, aux étudiants en technique
d'intervention en délinquance et en
techniques policières ainsi qu'aux étudiants au certificat en sexologie. On
s'entend que c'est notre avenir,
c'est les intervenants de demain. Donc, pour nous autres, c'est important
d'aller de l'avant dans ce sens-là.
L'unité intervention jeunesse et prévention est
extrêmement importante chez nous. Il y a trois sergents qui s'occupent de cette unité-là, donc, il y a six
préventionnistes, 15 policiers dans les écoles puis 10 enquêteurs
jeunesse. Nos policiers dans les
écoles ont des écoles secondaires attitrées dans lesquelles ils sont
extrêmement impliqués au niveau des équipes
multidisciplinaires. Ce sont des pivots autant au niveau du phénomène de la
prostitution juvénile que de l'exploitation sexuelle, que pour d'autres
phénomènes. Donc, ils sont partie prenante de la vie étudiante.
Ils
font également des conférences. Juste pour vous en donner une, qui est quand
même extrêmement importante, en lien
avec l'exploitation sexuelle, c'est Nul n'est censé ignorer la loi. Elle
est présentée aux jeunes de secondaire III, IV et V afin d'aborder les sujets de pornographie
juvénile, du consentement sexuel et de l'exploitation sexuelle. Donc, il
y a un volet
préventif, il y a un volet aussi répressif lorsque nos... je veux dire, on a
des sujets qui sont mineurs, bien, les policiers d'école peuvent
intervenir.
Au
niveau des 10 enquêteurs jeunesse, on en a deux dédiés à nos deux centres
jeunesse de la région de Québec, donc, qui
sont Le Gouvernail et le centre L'Escale. Ces enquêteurs-là ont comme, dans
leur mandat... ça fait partie qu'ils doivent créer des liens, être à proximité. Ils sont disponibles pour nos centres
jeunesse, ils font partie également prenante de la vie de ces centres jeunesse là. Donc, ils sont à
proximité au niveau de l'échange d'information, la rapidité d'intervention
puis ils sont en lien avec nos unités
spécialisées en matière d'exploitation sexuelle. Il faut comprendre que dans
chacun... que ce soit au niveau
scolaire ou au niveau centre jeunesse, on a des bureaux dans lesquels on peut
rencontrer des jeunes. Quand je vous dis qu'on fait partie de la vie
active, on est extrêmement présents.
On
a deux patrouilleurs de la surveillance du territoire, IKAT, donc, qui ont pour
mission de créer des liens avec le réseau
hôtelier ainsi que les centres d'achats. Les policiers contactent les filles ou
les femmes qui offrent des services d'escorte sur les réseaux sociaux. Par la suite, ils se présentent en personne
pour faire de la détection et de l'intervention avec celles-ci. Les
patrouilleurs font également de la prévention en leur expliquant les dangers de
ce phénomène, en plus de se rendre disponibles
si elles sont victimes de violence ou si elles sont exploitées afin de les
diriger vers les ressources adéquates, que ce soit au niveau
communautaire, que ce soit au niveau social ou que ce soit lorsqu'il y a une
dénonciation dans un processus judiciaire.
Leur objectif est d'établir un lien de confiance avec de potentielles victimes.
On s'entend par contre que, s'il y a une intervention immédiate à faire,
ils vont intervenir, puis, à ce moment-là, il y a des enquêteurs qui vont
rentrer pour venir les assister.
Un groupe de
patrouilleurs, unité GRIPP... Unité GRIPP, c'est une équipe qui travaille en
prévention et en intervention dans les bars et dans les bars de danseuses. Ils
sont présents dans les endroits névralgiques du recrutement et de l'exploitation. Ils assistent également les
unités d'enquête spécialisées lors d'interventions plus spécifiques.
Pendant l'été, c'est une équipe qui peut être augmentée jusqu'à
20 personnes, puis, sinon, lors de l'année, bien, ils sont environ 10 personnes. Donc, pour nous, les gens qui
sont aux enquêtes peuvent aussi utiliser cette unité-là pour se faire assister
puis intervenir ou, lorsqu'on a de
l'information spontanée à l'effet qu'il peut y avoir une victime ou possibilité
qu'il y ait des mineurs dans un bar ou peu importe, on peut leur
demander d'intervenir rapidement.
Depuis
2017, des enquêteurs... Je m'excuse. Un projet pilote en exploitation sexuelle
sur les mineurs, unité ESM, a été mis
en place en 2015 par le SPVQ à même nos effectifs. Son mandat est de contrer la
cyberexploitation sexuelle, la pornographie
juvénile, la traite et la prostitution juvénile. Il vise à protéger les
victimes, à prévenir le crime, à procéder à l'arrestation et à la
condamnation des suspects. Pour ce faire, les enquêteurs utilisent des outils
de détection tels que l'infiltration
virtuelle et procèdent à des opérations clients qui visent la répression de
prédateurs qui tentent d'obtenir des services
sexuels de personnes âgées de moins de 18 ans. Depuis 2017, des enquêteurs
de cette même unité font partie de l'équipe intégrée à la lutte au
proxénétisme.
Le deuxième volet
dont je voulais vous parler, qui est extrêmement important, on parlait de... À
l'aube des années 2000, on a eu à
travailler plusieurs projets au niveau des enquêtes en prostitution juvénile,
dont celui dont on a parlé pendant
plusieurs années, dont on parle encore, le projet Scorpion. Le projet Scorpion,
c'est un projet qui, en 2002, a permis le démantèlement d'un réseau de
prostitution dans la région de Québec qui nous a permis de constater le
phénomène émergent et de l'ampleur de celui-ci.
• (10 h 10) •
Juste
pour vous faire un petit rappel, des centaines de jeunes filles, de parents, de
ressources, d'intervenants ont été rencontrés à cette époque-là. On a pu
dénombrer en tout 72 victimes. On a procédé à 35 arrestations de
clients et de proxénètes, dont 34 condamnations ont eu lieu, et ce, pour
un seul projet.
De
ce projet-là, la conclusion qui a été extrêmement importante,
le constat important, c'est qu'un projet de cette envergure-là ne peut s'accomplir par une seule
organisation. L'enquête Scorpion a permis de comprendre l'importance du
travail en partenariat avec le milieu tout en respectant les rôles et mandats
de chacun. Cela a amené une collaboration innovatrice
entre le SPVQ, le DPJ, les centres jeunesse de Québec, universitaire, le milieu
scolaire et plusieurs autres organismes
de la région et de la province. Déjà à l'époque, on a travaillé en partenariat,
en collaboration avec les différents corps
de police, avec les différents intervenants du milieu. C'est ce qui a permis de
bien travailler ce dossier-là. Constat majeur,
par contre, à la suite de ce projet fut le manque d'outils et de connaissances
des intervenants pour aider les jeunes impliqués dans des activités de
prostitution. Dans les années subséquentes, différentes mesures ont été mises
en place afin de pallier ce manque.
En
2005, un premier comité de travail a été composé de membres du Centre jeunesse
de Québec, de l'organisme communautaire
Projet intervention prostitution Québec et du centre de recherche
Giffard-Université Laval ainsi que du SPVQ.
Le but de ce premier comité là a été de définir des zones de contribution et de
collaboration entre les différents partenaires.
Quand on parle de respect, de mandat et des rôles de chacun, il a fallu
vraiment s'asseoir, se parler, puis se communiquer
nos craintes, puis vraiment élaborer là-dessus, élaborer et diffuser un contenu
de formation — c'était
éminent, on ne peut pas bien répondre à nos jeunes vulnérables si nos
intervenants ne sont pas bien outillés puis ne se connaissent pas bien — explorer
des avenues de recherche, adopter un plan d'action.
Le
comité a produit une analyse des caractéristiques de la clientèle signalée en
prostitution juvénile dans la région de
Québec. À l'automne 2005, il a mis en place un projet visant à formaliser
les pratiques en matière de prostitution juvénile afin de rassembler les
notions théoriques dans le but de mieux saisir le phénomène.
À
ce moment-là, on a regroupé des spécialistes terrain qui pouvaient partager
leur expérience, leur vécu avec les victimes
ou avec les proxénètes, ou avec... peu importe. On a regroupé ces gens-là.
Parallèlement à ça, on a fait un sondage Web dans les milieux de toutes
organisations confondues en février auprès des différents partenaires. Les
résultats confirmaient les besoins de
formation surtout en lien avec le savoir et le savoir-faire, mais, pour
certaines organisations, le savoir-être était important à développer
davantage.
La
table régionale de Québec a mis, découlant de ces étapes et grâce à une
subvention du ministère de la Sécurité publique,
un véritable groupe de concertation. La Table régionale de Québec sur
l'exploitation sexuelle et la prostitution juvénile a été mise sur pied à l'hiver 2007 afin d'élaborer le
guide. Ça a été comme le premier mandat qu'on s'est donné puis qui nous a permis d'avoir une vision commune,
une façon de se rallier tout le monde malgré nos mandats puis nos rôles qui étaient différents. Cette table regroupe
des représentants de divers milieux. Maintenant, on peut... Juste pour
vous les mentionner, on a encore l'Université Laval, on a encore PIPQ, Centre
de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale,
de la Rive-Nord, commissions scolaires des Découvreurs, de la Capitale et des
Premières-Seigneuries, Agence de la
santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, et chaque direction des
organisations représentées a signé une entente écrite qui assure la libération d'une personne et son engagement. Ça, ça
a été vraiment un élément majeur pour nous autres, de s'assurer d'avoir une signature de chacune de nos
organisations. On a beau représenter notre organisation, mais, quand on a l'appui de notre organisation sur ce genre de
comité là ou sur ce genre de table là, ça fait la différence. Maintenant,
on a aussi la Sûreté du Québec puis on a le DPCP, le Directeur des poursuites
criminelles et pénales.
Pour les objectifs, je vais laisser ma consoeur
Nancy Delisle continuer à vous entretenir.
Mme Delisle
(Nancy) : Merci. L'objectif
général de la table régionale, c'est d'assurer un filet de sécurité au
plan de la région de Québec en matière d'exploitation sexuelle, prostitution
juvénile. La table y arrive par deux principaux moyens, à assurer son objectif. Le premier, c'est la coordination d'un
système de pivots. Dans le fond, les pivots, c'est des sentinelles sur le terrain qui font partie de
chacune de nos organisations. Et le deuxième moyen, c'est par la formation
des pivots et des intervenants de nos organisations.
Le fonctionnement de la table, c'est sous la
coordination de la protection de la jeunesse au CIUSSS de la Capitale-Nationale, et, dans chacun des organismes
partenaires de la table, il y a un coordonnateur d'identifié. Le rôle de
ce coordonnateur-là... Les coordonnateurs se
rencontrent, là, quelques fois par année pour échanger et remplir leurs mandats.
Parmi leurs mandats, le premier élément, c'est d'informer ses intervenants,
dans une organisation, de phénomènes émergents,
là, dans notre région. Ensuite de ça, c'est d'animer, sensibiliser, informer
son système de pivots à l'intérieur de son organisation. Il doit
s'assurer aussi qu'il y a des pivots présents, là, je dirais, aux endroits
stratégiques, là, de son organisation, d'identifier les besoins de formation et de
s'assurer, là, de la pérennité du système des pivots, là, à l'intérieur même de son établissement. Il sert aussi
de facilitateur. Il aide les pivots à se réseauter. Il peut aussi des fois
faciliter, là, l'accès à certains services.
Au niveau des
pivots, leur tâche, c'est de servir de sentinelle au niveau du terrain. Donc,
c'est un peu les yeux sur le terrain,
et il peut informer son organisation ou le coordonnateur si jamais il y a des
phénomènes émergents. Le pivot, aussi, c'est
un référent pour ses collègues. Donc, s'il y a un collègue qui est confronté à
une situation d'exploitation sexuelle, il ne sait pas trop quoi faire, il peut aller
consulter le pivot de son organisation. On a un bottin des pivots qui permet, là,
à toutes les organisations de savoir, bon,
bien, chez nous... Surtout dans des plus grosses organisations, comme les
écoles, la police, ça permet d'identifier rapidement c'est qui, les pivots, là,
et de se référer à ces gens-là au besoin.
L'autre volet
qu'on a beaucoup développé... Je disais : On y arrive par
deux moyens. C'est les pivots. L'autre, c'est la formation. Donc, on a développé trois volets de formation.
Le premier, c'est une formation de deux jours qui s'appelle le Guide de
prévention et d'intervention en prostitution juvénile. Donc, c'est un peu
des notions de base au niveau de l'exploitation
sexuelle. Et, la deuxième journée, on parle beaucoup de partenariats. Le
deuxième volet qu'on a développé, c'est
la cyberprédation, la cybermanipulation. C'est une formation
d'une journée. Et le troisième volet qu'on déploie, à partir de janvier,
qui se nomme Vulnérabilité des garçons, exercée ou subie, aussi une formation
d'une journée.
Ces
formations-là, ce qui est intéressant., c'est qu'elles sont toujours
données par des formateurs en dyade, donc soit quelqu'un de la
protection de la jeunesse avec quelqu'un de la police, quelqu'un de la police
avec quelqu'un du PIPQ. Et les groupes aussi
sont mixtes, c'est-à-dire qu'on s'assure, dans chaque groupe, qu'il y a
la présence de différents intervenants, soit des milieux policiers, des
milieux communautaires, des écoles, la protection de la jeunesse, des CSSS. Donc,
toute cette mixité-là nous permet d'avoir une vision commune de la
problématique et nous permet aussi de créer,
là, justement, le système de réseautage et ainsi notre filet de sécurité. On
est allés aussi... on a déployé, depuis à peu près un an, cette formation-là au niveau du provincial, là, suite à
des subventions du ministère de la Sécurité publique.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup, mesdames. J'invite maintenant la directrice générale,
Mme Geneviève Quinty, du Projet intervention prostitution Québec, à
commencer son exposé. Vous avez 15 minutes.
• (10 h 20) •
Mme Quinty
(Geneviève) : Merci. Je vais
démarrer mon chronomètre. C'est important pour moi, le temps. Je suis Geneviève Quinty, directrice du Projet
intervention prostitution Québec. C'est vraiment un réel plaisir pour moi d'être ici avec vous ce matin. Je tiens à tous vous remercier.
Pour moi et mon organisation, c'est vraiment une marque de reconnaissance de la part du
milieu communautaire.
Vous avez
entendu, hier, plusieurs partenaires de la recherche, d'autres corps
policiers, des gens du CIUSSS aussi, centre
jeunesse, qui vous ont entretenus beaucoup sur la réalité, sur le phénomène de
l'exploitation sexuelle. Moi, ce matin, en fait, il fallait que je fasse des choix en 15 minutes. J'ai
choisi de vous parler des actions qui sont réalisées par l'ensemble de
mes collègues au PIPQ.
Vous savez,
nous sommes une organisation qui existe... On a fêté nos 35 ans cette
année, donc 35 ans en première ligne.
À l'époque où l'organisme a été mis au monde, plusieurs personnes trouvaient un
peu que c'était une folie de démarrer une organisation pour rejoindre
les jeunes et les adultes ayant des activités de prostitution ou victimes
d'exploitation sexuelle, mais on a
persévéré. On est encore là aujourd'hui. Nous sommes 20 individus dédiés
complètement au phénomène, sept
travailleurs de rue. J'ai une équipe de quatre personnes en prévention et j'ai
tout un... trois intervenants, parce qu'on a un milieu
de vie où on accueille les gens. En fait, c'est une extension de la rue, des
gens peuvent venir prendre un café, il y a
tous les besoins primaires, distribution alimentaire, un vestiaire, une douche,
produits d'hygiène, donc tout le nécessaire à la survie.
Je vais
commencer par vous parler du volet prévention parce qu'on a toujours cru à la
prévention. Travailler en amont, c'est
aussi une clé. On touche trois niveaux de prévention : le niveau primaire,
le niveau secondaire et le niveau tertiaire. Avec le développement...
bon, oui, le développement du nouveau programme d'éducation à la sexualité,
nous avons adapté nos ateliers, parce qu'on
rencontre autour de 3 000 jeunes par année dans l'ensemble des écoles
secondaires de la région de Québec et
quelques-unes sur la Rive-Sud aussi, parfois on va dans Charlevoix. Mais, avec
ce nouveau programme là, mes collègues ont ajusté, en fait, notre
atelier de prévention pour qu'il corresponde aux objectifs du programme, au niveau d'âge aussi. Donc, on rencontre
généralement les secondaires III, IV et V, bien qu'on voudrait davantage
rencontrer le secondaire II. On est en
train de travailler, en ce moment, avec certains sexos ou les porteurs de
dossiers des commissions scolaires du programme d'éducation à la
sexualité pour être capables, justement, aussi d'adapter nos ateliers en
fonction des 13, 14 ans.
C'est
important que ces ateliers-là soient donnés par des personnes qui sont formées,
qu'il y ait un niveau d'aisance quand
même assez élevé. Bien, on sait que c'est un sujet tabou, c'est un sujet
délicat. Il faut savoir bien utiliser les mots. Donc, les gens qui
travaillent chez nous sont formés. Il y en a qui ont une formation en sexo,
d'autres sont éducateurs spécialisés. Et
c'est arrivé et ça arrivera encore que, suite à nos ateliers, il y ait des
dévoilements. Donc, il faut être capable après, quand on vit des dévoilements, d'accueillir les jeunes, les
référer par la suite ou les référer tout simplement à nos intervenants,
à nos travailleurs de rue chez nous.
On a été financés par la Sécurité publique
Canada. C'est un gros projet de cinq ans qui nous a permis de s'arrimer avec mes partenaires qui sont ici, à ma
droite, donc le service de police de Québec ainsi que... j'appelle
encore ça le centre jeunesse, c'est plus
simple pour moi, le Centre jeunesse de Québec. Et, à l'intérieur de ce
projet-là, il y a un volet dédié à la
prévention, où là on a voulu développer un programme spécifique aux jeunes
qui... aux jeunes filles d'abord qui ont
des facteurs de risque plus importants. Donc, on a ciblé davantage les filles
qui sont en centre de réadaptation. Mais le constat qu'on avait aussi,
c'était que la prévention... Il a fallu réfléchir à différentes stratégies,
parce que prendre l'exploitation sexuelle de
front, les jeunes n'écoutent pas, ne se sentent pas concernés, c'est loin d'eux
autres. Donc, il a fallu prendre des
portes d'en arrière, de côté, arriver avec des sujets... parce que les jeunes
ont besoin de parler de sexualité puis ils ont le goût aussi d'en
parler. Il faut simplement leur ouvrir la porte.
Et peut-être,
Mme Lanctôt l'a soulevé hier,
mais on travaille davantage avec les
facteurs de protection. Donc, c'est toute
la construction identitaire des jeunes. C'est leur donner la possibilité de
développer leur jugement critique à travers des thèmes d'images de soi,
à travers des thèmes de comment je mets mes limites ou quelles sont mes
limites. L'idée comme adulte, ce n'est pas
tant de donner les bonnes réponses aux jeunes, mais c'est surtout de trouver
les bonnes questions à leur poser pour les amener un petit peu plus
loin.
Donc, ce projet-là, on l'a développé en
collaboration avec les intervenants du centre jeunesse, qui, eux aussi, détiennent
une expertise qui est différente de la nôtre. Ils ont une vision centre de
réadapt, tandis que nous autres, on avait une vision comme plus communautaire
puis on a cru bon de mettre ces deux visions-là ensemble pour faire autrement.
L'idée, c'est de faire autrement. Il faut
être créatifs. Et on est rendus à notre troisième cohorte, donc il y a trois
groupes de sept jeunes qui ont vécu ces huit ateliers, et le nerf de la
guerre, c'est toujours mesurer les impacts. C'est difficile de mesurer les
impacts en prévention.
Par contre,
prochainement, en tout cas en voie de, ce programme-là devrait possiblement
être évalué par la DEAU, le département — aide-moi donc un petit
peu — des
affaires universitaires. Merci.
Donc, voilà
pour la prévention. Ah! il me reste encore... Oh mon Dieu! Je n'ai presque pas parlé du travail de rue, et pourtant il me reste une minute. Je ne peux pas
passer à côté du travail de rue, mes travailleurs de l'ombre, que
j'appelle.
La pratique
du travail de rue a été mise de l'avant par le PIPQ parce que... pour répondre,
en fait, aux limites des services
publics. Donc, l'idée, c'est rejoindre ces jeunes-là dans les espaces naturels,
rejoindre des jeunes qui sont en rupture, parfois, avec leurs familles d'origine, parfois avec le réseau. Donc,
cette pratique-là se veut d'abord être une pratique de relations, étant donné que ces jeunes-là
ont développé une méfiance envers le système, envers les adultes en général. Donc, bâtir une relation avec ces jeunes-là, c'est extrêmement long. Et la particularité du travail de rue nous permet de rester
dans la vie de ces jeunes-là avant, en
prévention, pendant leurs expériences d'exploitation sexuelle et
après, quand ils ont atteint l'âge adulte aussi ou sont prêts à aller de
l'avant, à se mobiliser pour justement sortir du milieu.
Le travail de
rue, c'est d'abord une relation volontaire, égalitaire. C'est d'abord
s'inscrire dans le quotidien des jeunes,
c'est d'abord une relation établie sur une réciprocité. C'est une approche qui
est non directive, c'est une approche qui
permet d'établir un certain filet de sécurité pour nos fugueuses chroniques qui
nous appellent, quand ces jeunes-là se retrouvent
à l'extérieur du centre de réadapt, en fugue. Puis on est
présents dans les centres de réadapt. On a une alliance avec le centre jeunesse, à Québec,
qui nous permet d'être présents dans les unités et d'offrir aux jeunes, je vous
dirais, un espace de confidence où il
n'y a pas d'enjeu d'autorité, de relation d'autorité ou d'enjeu de gestion de placement.
Et ça, c'est important et ça nous permet aussi de maintenir avec ce
jeune-là un lien avec sa communauté.
L'approche du
travail de rue, c'est aussi... Le travailleur de rue sert de pont entre les ressources
et la rue. C'est aussi travailler
dans l'entre-deux. En ce moment, l'équipe... en fait, on a suivi des formations
non pas pour devenir des spécialistes en post-trauma mais pour être
capable de soulager les symptômes reliés aux conséquences de l'exploitation
sexuelle en attendant l'accès à des services
spécialisés. Ici, j'ai une liste de recommandations, je pourrais vous la faire, mais, dans les recommandations de mon organisation, c'est de développer ou de rendre accessible,
parce qu'il y a des professionnels, déjà, qui se sont
spécialisés en trauma sexuel, mais ça... c'est rendre ces ressources-là
disponibles et accessibles pour nos jeunes.
Je sais que c'est une commission sur
l'exploitation sexuelle des mineurs, mais je ne peux pas passer sous le
silence la transition à la vie adulte. Ces jeunes-là demeurent... On poursuit
l'accompagnement au-delà des 18 ans et on est en mesure d'observer les trous de services, peu ou pas de services pour ces
jeunes-là. On travaille aussi avec le... Vous m'arrêtez, hein, si
j'ai... Ah non! Il me reste encore un petit peu de temps.
Le Président
(M. Lafrenière) : Vous avez encore cinq minutes. Tout va
bien.
• (10 h 30) •
Mme Quinty
(Geneviève) : O.K. Merci. J'ai beaucoup à dire. On a développé... en
fait, les travailleurs de rue particulièrement ont développé des collaborations assez extraordinaires avec le SPVQ. Ils sont devenus assez complémentaires.
Vous
savez, quand les jeunes décident d'aller de l'avant ou de dénoncer leur
proxénète, c'est énormément d'investissement humain, en termes d'accompagnement, et pour nous, et pour les enquêteurs, et pour les intervenants qui les côtoient en centre jeunesse. C'est énormément
de temps. Il y a un travailleur social du centre jeunesse qui me
disait : Les jeunes signalés en protection de la jeunesse, c'est vrai
qu'ils représentent un faible pourcentage, mais, en termes d'accompagnement, ça
représente un 70 % de nos énergies.
Donc, ces jeunes-là
sont accompagnés par nos enquêteurs, mais les travailleurs de rue sont là aussi
lorsque les enquêteurs ne sont plus là, parce qu'ils rentrent à la maison, à un
moment donné. Lorsque les heures... les services traditionnels, d'ouverture des services, mettons, disons ça comme ça,
ferment, donc... Les travailleurs de rue sont là le soir, sont là le matin, de bonne heure, sont là lorsque
les jeunes font des crises d'angoisse suite à un témoignage pendant la
cour, pendant la journée. Donc, entre nous, j'appelle ça de la garde partagée.
C'est qu'il y a des bouts qui sont faits en centre jeunesse, des bouts qui sont
faits par nos enquêteurs, des bouts qui sont faits par nous autres. On a
développé des savoir-faire, à mon avis,
assez efficaces dans la région de Québec, et cette collaboration-là s'est
construite avec les années. Nathalie
le disait bien tantôt... capitaine Thériault, excusez-moi, qu'il a
fallu qu'on se connaisse, qu'on se reconnaisse, qu'on dénoue des croyances, des mythes par rapport à nos
pratiques, des préjugés — on en avait tous — pour, après ça, faire un pas de plus
pour que cette collaboration-là puisse dépasser les individus.
Au début, notre
collaboration a reposé énormément sur nous autres, sur nos épaules. Aujourd'hui,
on est capables de s'engager dans des
projets de cinq ans ensemble avec, oui, des lettres d'engagement, mais avec des
ententes aussi de toutes les
organisations où ils libèrent des gens du centre jeunesse pour participer à
notre projet, où des enquêteurs sont libérés aussi pour participer à
notre projet. Et, à travers ce projet-là, peut-être pour terminer, là, j'ai
perdu le temps...
Une voix :
...
Mme Quinty (Geneviève) : Merci. On a mis sur pied un comité de
dénonciation judiciaire, parce qu'on le sait, que ces dossiers-là sont
excessivement difficiles à mener à terme, pour plein de raisons, probablement,
qui vous ont été nommées depuis hier.
On a aussi, avec mes
partenaires, évalué le nombre d'adultes qui pouvaient passer dans la vie d'un
jeune, du signalement jusqu'à la plainte, voire jusqu'à la sentence, quand ça
va jusque-là, et on a recensé autour d'une vingtaine d'adultes qui passent dans
la vie de ces jeunes-là. Donc, c'est beaucoup de monde, beaucoup... les jeunes
se racontent énormément de fois. Il y a aussi... Ce que ça occasionne, c'est
des ruptures de lien dans leur trajectoire.
Donc,
on s'est donné comme responsabilité, à travers ce comité-là, de revoir
comment... on ne changera pas le système,
on le sait, mais comment on peut adoucir le processus de dénonciation
judiciaire, comment on peut l'humaniser davantage. Donc, on a eu un colloque la semaine passée, qu'on a organisé
ici, à Québec, et il y a une volonté, il y a une volonté régionale, mais
il y a une volonté provinciale de mettre en commun les expertises d'autres
projets à travers la province. Et ça, ça
fait partie aussi de nos recommandations, c'est qu'on puisse nous donner le
support nécessaire afin qu'on puisse tous se parler.
Et ma dernière
recommandation : Le milieu communautaire, 70 % de notre financement
est par projets, ce qui — j'ai
inventé un mot, là, hier — précarise nos ressources humaines. Et rendus
où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui... Parce que, lorsque je suis rentrée, voilà 25 ans, on était six
employés. Nous sommes rendus 20, presque 22. On ne peut plus reculer. On ne peut plus retourner en arrière à
être obligés de couper des ressources humaines. Et le financement, à la
base, à la mission, pour nous autres, c'est
un incontournable pour qu'on puisse continuer nos actions, pour nous sécuriser
aussi à la base comme organisme communautaire. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup de votre témoignage. Alors, nous
allons passer maintenant à la période
d'échange avec les membres de la commission. J'aimerais rappeler aux députés de
faire des questions très courtes. J'ai déjà huit questions
d'enregistrées. Alors, on va débuter avec le député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci, M. le Président. Mesdames, c'est touchant de vous entendre. Merci pour
tout ce que vous faites pour le Québec.
Première question
pour moi, elle s'adresse à SPVQ. Hier, on a parlé avec le service de police de
Sherbrooke, et il y a eu question du
niveau 2 et qu'est-ce qu'on peut faire avec le proxénétisme avec un
niveau 2. J'aimerais ça vous entendre. Vous, vous êtes un
niveau 3, si je...
Mme Thériault
(Nathalie) : Niveau 4.
M. Skeete :
Niveau 4, pardon. Donc, est-ce que vous... Selon vous, est-ce que ça
serait pertinent de revoir un peu les
niveaux 2 de certaines municipalités dans le but de leur permettre de
faire un petit peu plus localement à ce niveau-là?
Mme Thériault
(Nathalie) : Nous, déjà, en
partenariat avec certains dossiers... Parce qu'on s'entend, Rive-Nord, Rive-Sud, on est appelés à travailler avec Lévis,
avec... qui souvent vont se référer à la Sûreté du Québec, à ce moment-là.
Je pense qu'il ne faut pas parler de niveaux, il faut plutôt
parler de collaboration provinciale. Je pense que l'EILP est un
bel exemple. Il faut bonifier puis consolider la capacité et la structure d'enquête
de l'EILP dans notre région ou dans les régions en général. Je pense que, si on bonifie cette structure-là... C'est une
belle structure qui a été mise en place en 2017. Bien, ça fait que, ça, on... je pense que, si on renforcit
ça, qu'on bonifie ça mais régionalement... je pense que déjà on
va donner de meilleurs outils à l'ensemble des services de police de la
province de Québec.
M. Skeete : Merci. Et puis, ma deuxième question,
rapidement, on entend très peu parler de la prostitution
juvénile des garçons. Est-ce que peut-être, Mme Quinty, vous pouvez
m'éclaircir un petit peu sur votre expérience à ce niveau-là et... Qu'en
est-il?
Mme Quinty
(Geneviève) : Effectivement, on en entend moins parler, et ça, depuis toujours.
Sachez que, depuis 25 ans... Je
vais commencer par «dans mon temps». Quand j'étais travailleuse de rue, la prostitution des garçons
de rue était... en fait, existait
dans la rue, donc était plus visible dans les espaces publics. Avec l'arrivée
des médias sociaux, l'arrivée du Web,
d'Internet, vraiment, les gars ont migré vers des plateformes, donc ce qui rend
plus difficile pour nous autres aussi d'entrer en contact, de les
rejoindre. Première raison.
Deuxième
raison, c'est sûr que les garçons sont moins enclins à se confier ou à se
livrer. Et ça, on l'a constaté aussi avec
les intervenants qui sont en centre de réadapt, les gars ne reviennent pas de
fugue en disant : Moi, hier, j'ai fait un client pour manger, parce
que ça implique du jugement, c'est stigmatisant et ça implique aussi que... les
relations de prostitution masculines, c'est
souvent d'homme à homme, donc, et les garçons qui ont des activités de
prostitution juvénile ne sont pas
tous d'orientation, non plus, homosexuelle, ce qui fait que, pour nos hétéros,
c'est encore plus difficile de se confier,
parce qu'on sait qu'il y a encore beaucoup d'homophobie. Donc, ça implique deux
étiquettes. Ça, on pourra peut-être en
reparler plus tard, mais on a une responsabilité d'aller sur les réseaux
sociaux aussi pour aller rejoindre ces jeunes-là.
M. Skeete : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci, M. le Président. Merci pour ce
que vous nous avez présenté ce matin. Vraiment, ça donne confiance. On voit qu'il
y a des choses qui se font depuis plusieurs
années. On voit, depuis une vingtaine d'années, que vous êtes vraiment, vraiment
actifs. Je me posais la question en vous entendant. L'opération Scorpion a eu
un retentissement, ça a été un tremblement
de terre dans la région. Il y a eu du travail qui a été fait, des ressources
qui ont été mises en place. Moi, je
me dis qu'il y a encore des cas de femmes, de filles et de garçons
qui font de la prostitution. Comment on peut vraiment arrêter ce phénomène-là?
Et vous avez
parlé très peu des clients, et c'est généralisé, depuis hier, vous n'êtes pas
les seuls... Hier, là, ça a été la
même chose. Bon, je pense qu'on va avoir pas mal ce même phénomène
là pendant... Et il faut qu'on trouve le moyen de le responsabiliser et il faut qu'on trouve le moyen de le
conscientiser. Est-ce que vous avez des interventions auprès de, entre
guillemets, clients peut-être repentants ou clients qui sont potentiellement...
de gens, d'hommes qui sont potentiellement des clients ou des portraits des clients? Et comment vous essayez
d'entrer en contact ou d'essayer de convaincre que c'est vraiment
terrible, ce qu'ils font? La question est peut-être bien large, là.
Mme Quinty
(Geneviève) : En fait, de
notre côté, notre organisation, on a peu ou pas de contacts avec les
clients, et c'est un choix aussi d'organisation. Il fallait faire des choix,
donc on a ciblé...
Mme St-Pierre :
...on doit dire «clients abuseurs», parce que c'est le terme qu'on a choisi.
Vous auriez dû me reprendre, M. le Président.
Mme Quinty
(Geneviève) : Donc... Mais
je lisais, je sais qu'Edmonton... il
y a eu des gens d'Edmonton qui
sont venus présenter hier un programme,
puis on en parlait encore au bureau ce matin, on se disait : Mon Dieu! ils
sont en avant de nous autres! Offrir
aux clients... En fait, les clients arrêtés, je pense qu'ils ont accès, après
ça... une obligation de suivre, en tout cas, ou de rencontrer
des victimes aussi d'exploitation
sexuelle, d'être présents lors d'une sensibilisation. Je me dis : Qu'est-ce qu'on attend ici pour le faire?
• (10 h 40) •
Mme Thériault
(Nathalie) : De notre côté,
c'est sûr qu'il faut poursuivre les opérations clients. On s'entend que c'est ça, les... Quand on parle d'outils, ou de
moyens, ou de façons de faire, il faut continuer à le développer. On
s'entend qu'aussi, lorsqu'on
fait ce genre d'opération là, bon, ça demande des stratégies
particulières. Puis très vite, dans le milieu, nous autres, on s'en est aperçu en faisant les opérations clients, que
très vite, bon, le mot se passe puis on... Tu sais, ça se sait dans le milieu qu'on est en train de faire une opération clients. Ça
fait qu'il faut quand même... Je pense qu'il faut être mixte. Il faut
être capable de faire et de la répression, de la prévention, de
l'accompagnement. Puis l'ensemble de ces éléments-là font qu'on a une meilleure
intervention dans ce milieu-là.
Nous
aussi, on s'est penchés, dans la région de Québec, à se dire : Bien,
allons plus loin que ça, allons auprès de nos jeunes qui sont dans nos centres d'accueil, qui sont en réadapt...
en réadaptation, excusez le terme terrain, et qui... allons faire de la prévention sur les impacts, sur les
conséquences. Ça fait que, d'abord, formons nos gens sur tous ces impacts-là,
formons... continuons à se développer.
D'ailleurs, n'ayant pas la prétention d'avoir la science infuse dans la région
de Québec, on s'associe à Bishop's
avec un intervenant social de la région de Montréal, qui sont davantage
spécialisés peut-être dans ce
domaine-là, qui ont développé certains outils. Puis nous, on a développé un
contenu de formation avec le troisième volet sur la vulnérabilité des
garçons, mais on va se chercher des gens terrain qui travaillent déjà dans ce
phénomène-là.
Ça fait qu'on
va travailler déjà avec nos plus jeunes. Puis, pour nos plus vieux, bien, on va
développer davantage de ressources.
Puis c'est sûr que c'est un voeu. Il faut que nos clients soient conscientisés
sur les impacts puis les... Absolument.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : ...un témoignage touchant ce matin. Ça ouvre la
journée avec une réalité que, oui, on
connaît, mais que, quand vous l'expliquez, c'est encore plus prenant. Merci
beaucoup. Merci à mesdames aussi pour le travail que vous faites sur le
terrain.
Deux
questions rapides. Est-ce que vous faites... Vous l'avez mentionné,
Mme Quinty, mais est-ce que vous faites de la veille sur les médias sociaux? Parce que vous avez, dans les
dernières années, assisté justement à des vagues de... Ce n'est plus au même endroit que le recrutement se
fait. Est-ce que vous faites des veilles de médias sociaux? Est-ce que
ça fait partie de votre, j'imagine, de votre plan de match?
Mme Quinty (Geneviève) : Oui.
Je vous disais tantôt qu'on a une responsabilité d'être présents sur les médias
sociaux. Le ministère de la Sécurité publique nous a supportés et nous supporte
encore. On a eu un premier projet, justement,
de réflexion par rapport à comment être présent dans les réseaux sociaux aussi
comme intervenant. Donc, il y a beaucoup de questions à se poser parce
qu'il y a des enjeux éthiques à être présent dans le virtuel.
Et là le financement s'est poursuivi, et on a
présentement deux intervenants qui sont en exploration sur le Web. Avant, le
travail de rue, c'est encore le cas aujourd'hui, je vous disais tantôt qu'on
rejoignait les jeunes dans les espaces publics,
mais l'espace public, l'univers Web, c'en est devenu un. Et il y a des jeunes
qui ne sortent plus physiquement dans les espaces publics, mais qui
demeurent branchés.
Donc, on est
à... Puis on a une responsabilité aussi de rester à l'affût de, tu sais, c'est
quoi, la culture, les codes, les moeurs
qui changent des jeunes aussi. Puis on est en mesure de les observer via toutes
sortes d'applications, que je ne serais pas capable de vous nommer aujourd'hui, parce que ce n'est vraiment pas
ma tasse de thé, mais j'ai des collègues qui adorent ça passer des heures sur Internet. Mais il y a des... On offre
nos services via des sites où est-ce qu'il y a des jeunes femmes qui
s'annoncent.
Donc, on est
en train d'investir tranquillement, délicatement aussi, parce qu'il faut bien
réfléchir aux impacts. On ne veut pas
mettre les filles en danger non plus en textant des... Les écrits restent,
hein? Il faut s'assurer que la personne à qui on texte est bien la fille qu'on a ciblée. Mais on est là. On est
là. Les résultats vont venir peut-être un peu plus l'année prochaine
parce qu'on débute actuellement.
Mme Thériault
(Nathalie) : La vigie se
fait également... On s'entend, bien, lorsque je parlais des projets
clients, quand je parlais du projet IKAT...
Bon, bien, nos patrouilleurs communiquent via les médias sociaux avec les
jeunes filles. C'est la façon de
faire. On a aussi la cyberinfiltration qui nous permet de rentrer en contact
avec ces prédateurs sexuels là de
façon... C'est une technique d'enquête qui nous permet de... en tout cas, qui
nous facilite la tâche de rentrer en contact avec ces individus-là
via...
On parlait tantôt des garçons, de la vulnérabilité
des garçons. Bien, on a eu à travailler sur des dossiers ou sur le site Gay411, où les garçons s'en vont là
pour prendre de l'information, tout simplement, puis se référer, puis être en
contact avec des gens pour converser ou peu importe, et puis, à ce moment-là,
il y a un prédateur qui est là puis qui les attend.
Donc, oui, on fait de la vigie puis, oui, on
travaille ce genre de dossier là de cette façon-là.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Rapidement,
parce que j'ai beaucoup de questions, je suis sûre que mes
questions, les collègues vont les avoir :
Si je peux me permettre, M. le
Président, le guide de formation,
est-ce que ce serait possible qu'il soit déposé? Est-ce que je peux
demander ça?
Mme Thériault (Nathalie) : Ça a
été transféré déjà. Il y aura une possibilité de vous le retransférer.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M.
le Président. Bien, merci à vous.
Donc, j'ai pu participer avec ma collègue la députée de Notre-Dame-de-Grâce à votre dernier colloque, et puis ça a été un moment très édifiant en
termes de bonnes pratiques que vous avez dans la région de Québec.
Ma première
question concerne... Dans le document déposé par le Projet intervention
prostitution Québec, vous nous parlez
de trous de services et vous nous parlez de trous de services notamment
par rapport aux jeunes filles qui... le passage à l'âge adulte, donc...
Et, dans le document du Service de police de la ville de Québec, un des défis à
relever, c'est la
création de lieux sécuritaires. J'aimerais vous entendre. Quels sont les défis
par rapport à la prise en charge des victimes actuellement?
Mme Thériault
(Nathalie) : Il faut penser
que, dans ce milieu-là, on parle de violence physique, psychologique et sexuelle. Donc, un peu... Moi, je crois que...
ou, en tout cas, on pense au service de police puis quand on en
discute avec les différents partenaires avec qui on travaille, ce serait
important de créer des lieux où ces victimes de traite ou de prostitution là auraient un lieu où on pourrait
les accueillir mais sans préjugé, avec des intervenants vraiment spécialisés dans le domaine.
On s'entend
que la prostitution, l'étiquette de la prostitution, l'étiquette de l'escorte,
l'étiquette de la travailleuse du
sexe, ce n'est pas tous les milieux ou tous les intervenants qui sont à l'aise
de travailler avec ça. Ça prend des gens dédiés, qui ont une formation spécifique puis qui ont un désir particulier
d'aider ces jeunes femmes là ou ces jeunes filles là. Je ne dis pas que, dans les centres actuels pour
violence conjugale, ce n'est pas adéquat. C'est particulier à ce phénomène-là.
C'est facile pour les proxénètes d'aller les
rechercher à nouveau, ou de les recruter à nouveau, ou d'obtenir... de
continuer le contrôle sur ces jeunes femmes
là, même si elles veulent s'en sortir, puis même si elles ont dénoncé, puis
même si on a des conditions à faire
respecter. Il faut être en mesure de les sortir... Je vous parlais un peu,
dans les débuts, de programmation. On les programme, on les déprogramme
pour après ça les reprogrammer.
Mais là ça
prend le traitement... Dans les défis à relever, il faut miser davantage
dans l'avenir sur le traitement de ces
jeunes femmes là puis ces jeunes filles là. Il faut avoir du soutien thérapeutique,
il faut avoir des outils, des moyens qui vont nous permettre non seulement...
pas juste d'intervenir, de faire de la prévention puis de les accompagner, mais
de les traiter dans un avenir pas trop lointain pour être en mesure de les
aider à se sortir de ce milieu-là.
M. Benjamin : L'autre question que j'aurais, c'est au sujet du travail que vous
faites en amont. Vous avez parlé tout
à l'heure des interventions que vous
faites notamment dans les écoles, mais auprès des élèves de
secondaire IV et de secondaire
V. Les informations qu'on reçoit ici nous disent qu'il y a des enfants de 12,
13 ans. Et pourquoi pas plus tôt, pourquoi pas des
interventions plus tôt, notamment en secondaire I, II, III?
Mme Thériault
(Nathalie) : III, IV, V.
III, IV, V, c'est un peu les volets dont je vous ai parlé, mais déjà il y a de
la prévention qui se fait par nos préventionnistes dans les
écoles primaires. C'est ajusté, c'est adaptable sur les choix. On a différentes conférences qui sont adaptées aux
âges et aux milieux. Puis, de toute façon, en étant présents, dès qu'on
est en mesure de détecter ou qu'on a des indices sur une jeune fille ou un jeune
garçon, il y a une intervention immédiate qui est capable... qui se fait, là, de façon spontanée. Mais il y a
d'autres conférences qui se font, mais pas nécessairement avec les
mêmes titres dont je vous mentionnais un peu plus tôt.
• (10 h 50) •
Mme Quinty
(Geneviève) : Je voudrais
répondre à votre première question,
d'abord, le trou de services. Il existe des programmes de transition à
la vie adulte aux centres jeunesse. Par contre, ce n'est pas toutes les jeunes
filles qui correspondent aux critères pour faire partie de ces programmes-là, quand on pense à des jeunes filles
qui... les fugueuses chroniques, par
exemple, et c'est là que, souvent... Ils atteignent l'âge adulte à 18 ans,
mais ils n'ont pas été préparés parce que trop à risque de se
recommettre dans des activités d'exploitation sexuelle ou de prostitution
juvénile.
Donc,
souvent, ces jeunes-là passent par des mesures d'encadrement intensif à
répétition pendant leur trajectoire en
centre jeunesse parce qu'ils sont chronicisés. Donc, c'est avec cette
population-là qui est chronicisée qu'on doit être un peu plus créatif, essayer de trouver d'autres
options pour justement faciliter ce passage-là. Parce que ce qui arrive,
quand ils sortent de centre jeunesse, c'est
qu'ils n'ont pas été préparés, pour plein de raisons, là, parce qu'ils n'ont
pas été disposés à le faire non plus. Et j'abonde dans le sens de
Nathalie aussi. Avoir un lieu qui peut accueillir ces filles-là, justement,
pour développer leur autonomie, etc., ça manque.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Tout à l'heure, vous avez parlé que
vous aviez un manque d'outils. Je
vois que vous avez travaillé fort puis vous avez maintenant plus de formation,
un guide, une vision commune. Qu'est-ce qui vous manque pour bien faire
votre travail?
Mme Quinty (Geneviève) : On a
une belle liste d'épicerie. Non, non, non, vas-y.
Mme Thériault
(Nathalie) : Des outils, les
moyens, dans le fond... C'est un phénomène que... Tantôt, je vous
parlais de bonifier et consolider la
capacité d'une structure d'enquête du style... bien, comme une EILP mais dans
notre région, mais encore plus...
C'est complexe, ce genre de dossier là. C'est complexe, ce genre d'enquête là. Donc,
c'est sûr que, quand on a une bonne
structure régionale, avec la couleur aussi régionale, parce que je pense que
chacune... Si on regarde dans chacune de nos régions... Tantôt, on
parlait des niveaux, mais je voudrais plus dire, chacune de nos régions a sa
couleur qui lui est propre. Même si le phénomène est répandu à la grandeur du
Québec, je pense que...
Entre autres,
les outils, c'est les moyens financiers, c'est le facteur humain, le facteur
logistique, tout ce qu'on peut avoir. On parlait de cyberinfiltration. Bien,
c'est sûr que, quand on a la capacité d'un, deux, trois, si on augmente cette
capacité-là en cyber, bien, on va être en mesure...
On
le sait, tout ce qui est cybercriminalité augmente de façon fulgurante, que ce
soit en pornographie juvénile, en leurre ou dans le recrutement. Donc,
on le sait, que le pourcentage est quand même élevé, peu importent les
statistiques qu'on
regarde. Ça fait que c'est avantageux de se développer davantage dans ces
ressources-là. Donc, quand on parle de moyens, d'outils, bien, ça, ça en
fait partie.
Mme Quinty (Geneviève) : Puis la force de la région de Québec, c'est notre
concertation, notre partenariat, mais ce qui contribue à cette
collaboration-là, c'est d'avoir une coordination.
Le
programme Prévention jeunesse, actuellement, du ministère de la Sécurité
publique, nous permet d'avoir un individu
qui met en lien l'ensemble des pivots scolaires, du centre jeunesse, du
communautaire, du service de police. Toutes les informations convergent
vers cette même personne là. Ça facilite mais tellement la mobilisation! Puis
ça la garde en vie, en plus.
Je
vous parlais tantôt de... On est beaucoup dans la consolidation. Je vous
parlais de notre financement tantôt. Il est le temps, c'est le moment, là, de consolider nos services, de sortir du
financement par projets puis d'assurer une bonne base. On n'a pas à réinventer la roue, à mon avis. C'est
vrai qu'on a beaucoup de moyens. On aimerait en avoir un peu plus aussi
en termes de services spécialisés. L'accès aux services spécialisés, c'est...
Nos
jeunes n'ont pas les moyens d'aller au privé, d'aller rencontrer des
sexologues, des psychologues... ou, quand ils ont les moyens, c'est le délai d'attente, par moments, qui est... des
fois, c'est un an, c'est deux ans. Mais on le sait, il faut saisir le momentum. Quand les jeunes sont prêts à
faire un pas en avant, c'est là qu'il faut y aller. On ne peut pas
attendre. Il y a un momentum qu'il faut respecter.
Mme Thériault (Nathalie) : Je veux juste... Par rapport aux outils, quelque
chose qui est très, très, très important, c'est au niveau législatif, on s'est donné une entente multisectorielle.
On a eu l'opportunité, dans les débuts des années 2000, de travailler avec l'entente multisectorielle qui
avait été signée et entendue par les différents ministères, qui est une
très belle entente. Il faut faire la même
chose en matière de phénomènes. On le voit souvent, on est restreint avec les
lois d'accès à l'information, où, selon nos organisations, il faut
davantage développer en ce sens-là.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. Il y a beaucoup de passion ce matin, depuis 10 heures, là,
ça se sent. Et vous avez la chance, et je
parle un peu par expérience, mais vous avez la chance d'être à Québec, qui est
un modèle dans beaucoup de domaines. Et je comprends que vous n'avez pas tous les outils puis je comprends que
vous n'avez pas tout le personnel puis tout ça, mais vous avez quelque chose d'extraordinaire que
beaucoup de régions aimeraient avoir, c'est la cohésion entre les
services. Je ne sais pas si ça s'est
développé quand le service de police de Québec s'est retrouvé Gros-Jean comme
devant, avec le projet Scorpion puis
être obligé de s'organiser puis de mobiliser le milieu, mais vous avez pu bien
vieillir avec ça et vous avez cette mobilisation du milieu qui fait
l'envie de beaucoup de gens. Donc, il reste à vous donner certaines affaires.
En
parlant de vous donner certaines affaires, j'aimerais ça que vous m'expliquez
une chose. Vous me parlez de sécurité
publique depuis tout à l'heure, mais vous me dites que vous êtes financés par
Ottawa, par Sécurité publique Canada. Bon,
je comprends que la formation qui est donnée est financée par Sécurité publique
Québec. Bon, je comprends aussi que
Sécurité publique Canada, dans cinq ans, oups! et voilà, donc vous allez
retomber à six ou... Vous ne pouvez pas vous permettre, là, vous avez...
Mme Thériault
(Nathalie) : Cinq personnes.
M. Ouellette : ...vous avez pris une erre d'aller et vous devez assurer une certaine
pérennité si on ne veut pas, tout d'un coup, se retrouver avec rien. Je
ne sais pas si vous avez fait certaines réflexions. C'est le temps d'en parler,
là.
Mme Quinty (Geneviève) : Bien, on y a réfléchi, mais, en même temps, c'est
la gestion du risque, ça. De risquer, de
créer un projet d'envergure comme celui-là, de cinq ans, de 1,2 million,
c'était un gros risque. On se disait, entre nous, on «think big», on est rendus là. Ce projet-là va
nous donner les moyens d'aller plus loin dans nos collaborations avec
nos partenaires aussi, parce qu'on avait une
certaine maturité de partenaires, on était rendus à une coche plus loin et on
s'est dit : Bien, ça, c'est le nerf de
la guerre, au communautaire. Si on ne prend pas de risque, on n'avance pas. Donc,
on a pris ce risque-là en sachant
très bien que, dans trois ans, même deux ans et demi, on tire la plug, donc
c'est cinq personnes qui partent.
Mais là c'est mon travail. C'est mon travail après ça d'essayer de trouver
d'autres sources, d'autres sources qui assureront la pérennité, mais ce
serait bien dommage de reculer, bien, bien, bien dommage.
Mais on parle de
Sécurité publique Canada, mais Sécurité publique Québec aussi, Prévention
jeunesse, on ne connaît pas l'avenir du
programme aussi. Donc, on crée... tu sais, nos bailleurs de fonds nous
demandent d'être innovants, on innove,
mais c'est pour ça que je vous dis : On est rendus à une intersection où,
là, je pense qu'il faut penser consolidation, tu sais, mais c'est la
gestion du risque. Je n'ai rien à dire de plus intelligent que ça pour assurer
la pérennité, mais on va y arriver. Je suis
une éternelle optimiste en le disant, mais, écoute, on sera entendus. Puis
peut-être le fédéral, lui aussi, porte un
plan d'action sur la traite des personnes. Donc, peut-être qu'il y aura cette
volonté-là de poursuivre aussi. Donc, il faut avoir cet espoir-là aussi,
sinon on n'avance pas.
M. Ouellette : C'est important qu'on vous entende parce qu'il faut la faire, cette
fusion-là, nous autres, puis cet amalgame-là.
Puis, je disais hier, à partir du moment où il y une volonté politique qui part
d'en haut, c'est beaucoup plus facile après ça, d'en bas, de pouvoir
vous donner les outils.
Et
j'aimerais peut-être juste entendre Mme Thériault, là, sur la cohésion,
parce vous avez un modèle extraordinaire, vous faites des jaloux. Je comprends qu'il vous manque des affaires,
mais continuer de développer cette cohésion-là, c'est quelque chose qui revient dans toutes nos
discussions. Il y a des perles dans plusieurs régions, et, dans plusieurs
régions, on réalise que ce qui manque, c'est
la cohésion que vous avez à Québec. Donc, il faudrait que ce soit un modèle
exportable.
Mme Thériault
(Nathalie) : C'est ce qu'on veut.
M. Ouellette :
O.K. Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Députée de Notre-Dame-de-Grâce, courte
question.
• (11 heures) •
Mme Weil :
Oui, merci. Alors, merci beaucoup de votre présence. J'étais à la formation,
donc, il y a quelques semaines, on vous a entendus. D'ailleurs, c'est... Quinty?
On avait Mme Quinn, hier, de l'Alberta.
Plusieurs
questions pour vous tous. Bon, premièrement, vous avez, lors de votre présentation il y a quelques
semaines, un peu parlé de votre parcours et
votre évolution dans ce domaine. On était un peu, nous, en
formation pour bien comprendre qui
sont ces filles, les profils de ces filles, de quels milieux ils viennent, les
parents, où sont les parents dans ce portrait, relation des parents.
Vous avez même évoqué des jeunes garçons qui étaient peut-être des collègues de
classe au primaire, qui soudainement sont des abuseurs par rapport à ces mêmes
filles avec qui ils sont allés à l'école, je pense que c'était en Beauce, etc. Donc, ça, c'est bien important, parce que
nous... Oui, vous avez besoin de financement stable, on l'a bien entendu, puis c'est bien
important. Je connais bien le milieu communautaire, et c'est sûr qu'on va faire
des demandes pour tout l'argent et le
financement possible pour tous les projets parce que c'est comme ça qu'on
évolue. Et on apprend, comme société, les gouvernements apprennent aussi
en même temps que vous, vous apprenez. Puis vous êtes les premiers à alimenter
les gouvernements. Donc, on a bien entendu ce message.
Mais
il y a toute cette question de prévention, d'intervention. Et, si vous avez
entendu Mme Quinn hier, elle a parlé d'empathie et la possibilité de travailler la mentalité de l'abuseur,
donc, ce client monstre, franchement, dans certains cas, pour utiliser
un peu les expressions de ma collègue hier en décrivant ces personnes. Mais ce
qui était intéressant, dans son intervention, c'est que, ah! il y a possibilité
de travailler, eux aussi.
Est-ce
que vous... Mes questions, donc. Vous évoquez aussi accompagnement des parents,
dans votre mémoire, parce qu'ils sont
ébranlés, démunis, etc., donc parler de ça. Et votre compréhension,
premièrement... D'où viennent les filles qui se retrouvent à Québec? De quelles régions viennent-elles? Parce que,
pour nous, de comprendre le grand portrait sur le territoire du Québec... Est-ce que c'est des
filles en mouvement, qui bougent? À Montréal, c'est le cas. Vous avez
entendu qu'il y en a qui se retrouvent,
évidemment, dans les provinces de l'Ouest. Donc, vous, votre expérience, d'où
viennent ces filles?
Et votre point sur
comment on travaille... Puis vous l'avez bien fait, il y a deux semaines, ça a
été évoqué par deux universitaires hier, il
faut travailler avec cette femme, ne pas la juger, cette personne, cette
victime, l'amener puis se rendre
compte qu'il y aura des entrées, et des sorties, et des rentrées, et des
sorties, et de ne pas juger et préjuger. Donc, votre expérience un peu, parce que vous l'aviez évoqué
il y a quelques semaines, mais aussi des questions additionnelles sur
d'où viennent ces filles puis vos constats
par rapport à peut-être aussi l'évolution, parce qu'en 25 ans il y a
beaucoup qui a changé, cette course
contre la montre, contre le «dark web», etc., course contre ces monstres, je
dirais même, aussi. Comment vous vous
adaptez? Puis voyez-vous ça comme un enjeu majeur pour les années à venir?
C'est qu'on ne peut même pas deviner comment ça va évoluer. Donc, vos besoins
de formation, d'argent pour la formation aussi.
Le Président
(M. Lafrenière) : Une minute...
Mme Weil :
Donc, c'est un peu tout ça.
Le Président
(M. Lafrenière) : Et tout ça en moins d'une minute, comme
réponse.
Mme Thériault
(Nathalie) : Si vous me donnez une heure pour répondre... C'est
beaucoup de questions.
Mme Weil :
...ça permet de savoir qu'est-ce qui nous préoccupe aussi, je pense, c'est
important de le savoir.
Mme Quinty (Geneviève) : Écoutez, c'est beaucoup de questions avec peu de
temps. Je vais répondre pour les garçons,
parce qu'on m'a énormément posé de questions par rapport à notre ambition, je
dirais, d'accompagner les garçons. Le
travail de rue nous amène à rencontrer ces garçons-là parce que généralement on
est en lien avec les jeunes filles mais avec tout son réseau naturel...
Une voix :
...
Mme Quinty
(Geneviève) : Non, non, j'y arrive. Donc, être en contact avec ces
jeunes filles là nous met inévitablement en
contact avec ces gars-là qui parfois les abusent, ou c'est des recruteurs, ou
c'est des facilitateurs. Mais notre
cible, ce qu'on cible, avec ces gars-là, c'est les plus jeunes, les 13, 14, 15,
16 ans, qui ne sont pas cristallisés encore dans un mode de proxénétisme. C'est des gars qui vivent
encore de l'ambivalence. C'est des gars qui, une journée, ont le goût de
faire de l'argent avec leurs blondes, puis, le lendemain, il a le goût de
s'inscrire au cégep.
Donc,
on s'est dit : On a... L'exploitation sexuelle, c'est un système. Il y a
trois acteurs. On a parlé du client, tantôt, on parlé beaucoup des jeunes filles, des garçons, mais, celui qui
l'organise, qui en profite, qui le gère, il faut... Pour avoir un
impact, une plus grande portée sur nos jeunes filles, aussi, il faut répondre
aux besoins de ces jeunes garçons là. M. Lafrenière me fait signe de...
Le Président
(M. Lafrenière) : J'ai
la pire job, aujourd'hui, c'est de vous arrêter. On aurait voulu vous
entendre pendant des heures. Merci beaucoup, mesdames. Merci. Au nom de la commission, je vous remercie pour votre témoignage aujourd'hui.
On suspend quelques
instants, le temps de laisser place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 6)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M. Lafrenière) : Je souhaite maintenant la bienvenue à
Alliance Jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé, puis nous allons
procéder à une période d'échange de 25 minutes avec les membres de la
commission. Alors, je vous invite à vous présenter puis à commencer votre
exposé.
Alliance
Jeunesse Chutes-de-la-Chaudière
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) : Donc, bonjour. Mon nom est Véronique Duchesneau,
je suis travailleuse de rue VIP pour
Alliance Jeunesse, donc, le Volet Intervention Prostitution. Je vais vous
présenter aussi ma collègue, là, Lauryann.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Oui. Donc, bonjour, tout le monde. C'est vraiment un honneur d'être là aujourd'hui parmi
vous pour vous présenter notre Volet Intervention Prostitution. Moi, rapidement,
bien, mon nom, c'est Lauryann Irazoqui. La
raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est parce que j'ai remplacé ma collègue
Véronique pendant son congé de
maternité, dans les deux dernières années. Donc, je suis venue aujourd'hui, là, pour l'accompagner puis faire un peu de pouce avec elle,
là, pour vous présenter notre beau projet.
• (11 h 10) •
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Donc, pour commencer, Alliance Jeunesse est un organisme
communautaire qui est né en 1990, qui avait
pour mission de soutenir les jeunes, là, les plus vulnérables, là, au niveau
de la rue, donc, au niveau du secteur de
Chutes-Chaudière, Saint-Romuald, dans ce coin-là. Donc, on voulait intervenir
avec les jeunes du milieu, les accompagner pour améliorer leurs
conditions de vie puis répondre à leurs besoins.
Donc,
suite à ça, il y a deux volets qui se sont créés, le volet Hébergement, dans le
fond, qui comporte 26 logements locatifs
pour les jeunes de 18 à 25 ans ainsi qu'une flotte de travailleurs de rue,
on est six, dont quatre au niveau de la jeunesse et une travailleuse de
rue de proximité, qui travaille auprès des familles, hein, les enfants de zéro
à cinq ans, et le Volet Intervention
Prostitution, qui est moi, en fait. Donc, le travail VIP, c'est vraiment de
promouvoir la santé physique, sexuelle et la sécurité des utilisatrices
du service.
Les
origines de VIP. Donc, de 2009 à 2010, il y avait une augmentation au niveau
des demandes d'aide, de la part des partenaires
du milieu, au niveau de la prostitution et au niveau aussi des HARSAH, c'est
les hommes ayant des relations sexuelles
avec d'autres hommes. Et, au même moment, il y a eu beaucoup de plaintes de
citoyens par rapport au regroupement des
HARSAH au niveau des Chutes-Chaudière. La Sécurité publique avait des demandes
d'éloigner, là, les HARSAH de ce
secteur-là qui était prisé par les familles aux Chutes-Chaudière, et la Santé
publique avait une demande de diminuer les... Dans le fond, ils avaient
peur à l'augmentation des ITSS. Donc, cette inquiétude a mené à la création
d'une table de concertation, dont faisait partie Alliance Jeunesse, pour
vraiment agir à ce niveau-là. Alliance Jeunesse a mandaté un travailleur de rue qui allait auprès des HARSAH pour,
dans le fond, faire de la prévention au niveau des ITSS, les affilier
avec l'infirmière de rue et aussi fournir des condoms et du matériel
d'injection.
En
2011‑2015, le ministère de la Sécurité publique a financé un travailleur de rue
pour répondre aux besoins de la communauté.
Donc, c'est un intervenant qui agissait au niveau de HARSAH mais aussi au
niveau de la prostitution à Lévis. Et,
de 2015 à 2020, donc, le projet sur lequel je suis présentement est financé par
le ministère de la Justice, qui a accepté de financer, dans le fond,
pour les cinq ans, de 2015 à 2020.
Présentement,
on est à la fin, là, du mandat. Donc, ça se termine le 31 mars 2020.
On a demandé une reconduction du
projet, mais, dans le cas où ce que ce ne serait pas fait, bien, on travaille,
là, d'arrache-pied, là, pour ramasser, dans le fond, des sous, pour la
pérennité du projet VIP. Donc, je laisse Lauryann expliquer le projet.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Oui. Donc, je vais vous expliquer, en fait, c'est
quoi, VIP, qu'est-ce qu'on fait
concrètement, là, dans notre semaine, comme travail.
Bien,
premièrement, ce qu'il est important de savoir, pour le Volet Intervention
Prostitution, c'est qu'on travaille avec une clientèle qui est majeure
et qui se veut volontaire de recevoir nos services d'intervention. Notre
objectif prioritaire, en fait, par rapport
au Volet Intervention Prostitution, c'est vraiment de promouvoir la santé et la
sécurité sexuelles des travailleuses
du sexe. Pour ce faire, on adopte une philosophie qui se veut style, bien,
travailleur de rue, parce qu'en fait on
est des travailleuses de rue. Donc, pour ce faire, on a une approche en
réduction des méfaits. Ça, qu'est-ce que ça veut dire, c'est qu'on
utilise beaucoup la sensibilisation, la prévention, on fait beaucoup
d'accompagnement. Quand je parle d'accompagnement,
c'est des accompagnements dans toutes les sphères de la vie des travailleuses
du sexe, donc toutes les sphères biopsychosociales.
On peut accompagner quand elles passent en cour, au palais de justice, on peut
accompagner pour aller chercher de l'aide
alimentaire, pour répondre aux besoins de base, on peut accompagner pour aller
prendre un café au Tim Hortons parce
qu'elles ont besoin d'écoute, elles ont besoin de parler. Donc, on a vraiment,
là, une grande latitude, là, pour ce qui est de nos interventions.
Évidemment, cette
approche-là, ça nous amène à avoir une ouverture d'esprit incroyable et puis ça
nous amène également à n'avoir aucun
jugement envers les travailleuses du sexe et les gens qui sont victimes
d'exploitation sexuelle. Évidemment,
notre approche ne vise pas à sortir, nécessairement, les jeunes femmes de ce
milieu-là, mais à leur offrir des filets
de sécurité afin qu'elles puissent faire leur pratique de façon sécuritaire et
dans le respect d'elles-mêmes, et qu'elles gardent quand même une certaine dignité à travers tout ça. Donc, nous,
c'est vraiment de mettre, de bâtir des facteurs de protection autour d'eux
pour qu'ils soient en sécurité sexuelle et physique.
Évidemment,
cette clientèle-là, c'est une clientèle qui est très susceptible d'être
désaffiliée du réseau de la santé. Généralement,
ils n'iront pas nécessairement consulter pour faire les tests de dépistage,
d'emblée, là, au CLSC, par peur soit
du jugement... Parce qu'évidemment, là, les questions... bien, la question
qu'elle se fait souvent poser, c'est : Combien de partenaires sexuels as-tu eu lors du dernier mois?
Si elle en a eu 96, bien, peut-être qu'elle ne le dira pas. Donc là, ça
vient un peu biaiser les résultats, là, des tests de dépistage, et tout ça.
Donc, c'est pour ça que ça, c'est vraiment, là,
un pilier du projet Intervention Prostitution. On a une infirmière clinicienne qui nous accompagne, chaque semaine
pour aller dans les milieux prostitutionnels. Quand je parle de milieux
prostitutionnels, c'est vraiment les milieux où est-ce qu'on intervient
directement avec la clientèle, avec les jeunes femmes en prostitution et en exploitation sexuelle. Donc, on se déplace
dans les salons de massage érotique, on se déplace dans les bars de danseuses, on se déplace
directement dans les chambres d'hôtel, entre deux clients, rencontrer une
escorte. On se déplace directement dans
leurs domiciles. En fait, le but de ce programme-là, avec l'infirmière, c'est
vraiment de les accompagner et
d'essayer un peu, bien, en fait, d'améliorer l'accessibilité aux services de
santé et de services sociaux, pour les jeunes filles, en matière de
prostitution et d'exploitation sexuelle.
Évidemment,
tous les services qu'Alliance Jeunesse offre sont gratuits, donc il n'y a
aucuns frais qui sont rattachés à ça,
c'est tout le temps gratuit, que ce soit l'infirmière... Bien, j'ai oublié de
mentionner, aussi, mais on donne des quantités phénoménales de condoms à
toutes les travailleuses du sexe, et tout ça, c'est gratuitement. Donc, c'est
vraiment, là, pour prioriser, là, leur santé et leur sécurité sexuelles.
Je pourrais
dire également que VIP, maintenant, depuis quelques années, on est vraiment
rendus reconnus et ancrés dans notre
communauté et dans la réalité de la prostitution dans l'industrie du sexe. Ce
que je veux dire par là, c'est que, maintenant,
c'est rendu un réflexe que nos partenaires nous appellent pour nous référer,
pour nous demander conseil. Les filles, entre elles, ça se parle :
Ah! Est-ce que tu connais Lauryann? Tu connais-tu Véronique, la travailleuse de
rue, elle pourrait te mettre en contact avec
une infirmière? Donc, on est vraiment rendus à un stade où on est rendus la
référence sur la Rive-Sud de Québec pour ce qui est de la prostitution et de
l'exploitation sexuelle.
Pour faire un
peu de pouce là-dessus, bien, moi puis Véronique, on est bien fières de vous
dire aujourd'hui, là, que le mois
dernier on a remporté le prix Coup de coeur de la catégorie Amélioration de
l'offre concertée avec la communauté lors du Gala d'excellence du CISSS—Chaudière-Appalaches.
Donc, ça, ça a été une grande étape pour nous, là, d'avoir remporté ce prix-là.
Et puis l'hiver dernier, en fait, moi puis Véronique, on avait également été
convoquées comme conférencières, lors du
Colloque de la prévention de la criminalité, lors... bien, organisé, orchestré
par la Sécurité publique. Et puis on
se fait également, là, contacter pour notre expertise, par exemple, pour... la
firme Mourani-Criminologie, elle a fait appel à notre expertise, l'année dernière, pour faire une étude en
recherche, là, par rapport au besoin des logements aux femmes qui ont
quitté l'industrie du sexe. Donc, je pourrais dire en fait que VIP a vraiment
développé une belle expertise, puis ça nous est reconnu.
Évidemment,
expertise, oui, ça veut dire qu'il y a de la prostitution à Lévis. Souvent, on
se fait poser la question : Est-ce
que ça existe vraiment à Lévis? Oui, c'est une réalité qui est bien présente à
Lévis. Puis la ville de Lévis est en constant développement. Donc, qui dit ville en développement dit demandes de la
part... de services sexuels des clients, qui sont en augmentation, et, ceci dit, dit demandes de la
part des travailleuses du sexe et des filles victimes d'exploitation sexuelle,
qui ont besoin de plus de services de la
part des intervenantes VIP. Donc, qu'est-ce que ça fait, ça? C'est qu'on est
comme dans un continuum de services, mais... bien, malheureusement, tu
peux dire ça comme ça, il y a seulement une intervenante attitrée, là, au poste
VIP, donc c'est difficile de répondre à tous les besoins qu'il y a
présentement, là, sur le territoire.
Aussi, en
tout cas, je vais vous dire, là, qu'Alliance Jeunesse, on a été mandatés pour
distribuer des trousses de naloxone.
Ça, en fait, ça a comme objectif de réduire les risques de décès liés aux
surdoses d'opioïdes. Parce que, je ne vous le cacherai pas, c'est très malheureux de le dire, mais évidemment,
quand on parle de prostitution, on parle de consommation, puis, bien,
notre but, c'est vraiment d'y aller dans la réduction des méfaits, donc on
distribue, là, un grand nombre de trousses de naloxone.
Dernière
petite chose, en fait, là, tantôt j'ai entendu qu'on a parlé un peu de la
Beauce... Parce que nous, on a eu un VIP Beauce qui a été mis en place
pendant trois ans. Ça, en fait, ça a été une demande, là, de la Santé publique
de Chaudière-Appalaches, qui nous a recrutés
pour offrir nos services VIP sur le territoire de la Beauce, mais ayant
comme principal objectif de faire une étude
de besoins, en fait, pour tout ce qui est matière de prostitution, de HARSAH,
hommes ayant relations sexuelles avec
d'autres hommes, et tout ce qui est jeunes en difficulté. Donc, nous, on est
allés directement à la rencontre de
cette clientèle visée là par le biais de bars de danseuses, de parcs, les sites
d'annonces Internet où est-ce que les femmes vont vendre des services sexuels.
Donc, on a fait ça.
Pour
conclure, qu'est-ce que VIP? Je pense que c'est vraiment important, pour moi,
de vous le mentionner, VIP, c'est un service... bien, en fait, c'est ce
qui nous différencie beaucoup de d'autres services, on est un service qui est personnalisé, qui est fait pour travailler avec
l'humain, avec la personne. Donc, nous, on ne travaille pas avec la
travailleuse du sexe ou on ne travaille pas
avec la fille qui va être victime d'exploitation sexuelle, on va travailler
avec l'humain qui est en arrière de
tout ça, l'humain qui a des besoins, qui a des sentiments puis qui a besoin
d'avoir réponse à ceux-ci. Donc, comme ça le dit, c'est un service VIP
qu'on offre aux femmes dans l'industrie du sexe.
Donc, je vais laisser ma collègue Véronique
poursuivre.
Mme
Duchesneau-Couillard (Véronique) : Donc, le projet, bien sûr, a eu des
retombées, des impacts sur le territoire,
là, durant les quatre dernières années — donc je vais vous en citer
quelques-unes — dont la
diminution des relations sexuelles à
risque et la diminution, par le fait même, des ITSS, des grossesses non
désirées et des avortements, la diminution du partage du matériel d'injection, parce qu'on distribue aussi le
matériel, là, aux UDI, la diminution des actes de violence et des délits aussi à ce niveau-là, l'augmentation
des connaissances par rapport à la loi C-36, l'augmentation de l'estime
de soi et le respect d'elles-mêmes, donc des
facteurs de protection de la femme, la diminution des crises et
désorganisation — donc,
avant d'en arriver à commettre des actes
irréparables, bien, des femmes, souvent, nous appellent, on désamorce la
crise, on les réfère aux bons endroits, donc ça diminue, là, l'impact au niveau
des crises — l'augmentation
de l'accessibilité en hébergement, au niveau
de la nourriture, au niveau de l'hygiène de vie, des besoins de base, et la
réalisation de leurs projets de vie. Donc, elles ont maintenant un
lendemain, ces femmes-là. Elles se perçoivent, elles se projettent dans
l'avenir.
Le projet VIP
augmente les facteurs de protection, diminue les facteurs de risque, donc on
installe des filets de sécurité. Je
dis toujours qu'on est des généralistes. Donc, nous, on accueille les besoins,
souvent on en fait un bon bout parce qu'avant d'êtres capables de déceler vraiment c'est quoi, le besoin prioritaire,
on a à faire, là, un bout de chemin avec la personne. Puis, ensuite de ça, on réfère vers les organismes
du milieu. Donc, on est au début de ce que Geneviève Quinty a réalisé, là, au niveau de la Rive-Nord. On commence à
s'arrimer et on s'organise, on se mobilise, là, sur la Rive-Sud, là, au
niveau de la prostitution, que ce soit majeures comme mineures.
Au niveau des
réflexions, bien, c'est sûr que nous, on est plus en prévention qu'en
intervention, parce que je suis la
seule à couvrir Chutes-Chaudières—Lévis, Desjardins, Lauzon aussi, donc c'est un
grand territoire à faire seule. On est dans la réduction des méfaits, donc on pense aussi que... Dans le fond, on
agit au niveau des adultes, mais on a quand même une conscience mineures. On sait que, si on agit au
niveau de la prévention, au niveau mineures, bien, ça va peut-être avoir
un impact, là, aussi au niveau majeures, là, à moyen court terme. Donc, c'est
pas mal ça pour notre présentation. Je vais vous laisser...
• (11 h 20) •
Mme Irazoqui (Lauryann) : Moi,
j'aurais un petit quelque chose à rajouter.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, allez-y.
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Bien, en fait,
là, oui, on dit qu'on travaille beaucoup, beaucoup avec les adultes, mais je vous dirais qu'on a énormément
de demandes de la part des établissements scolaires par rapport à la prostitution
juvénile et de l'exploitation sexuelle. Que ce soit aux centres de formation des adultes, dans les centres de formation
professionnelle, les écoles secondaires, on
a énormément de demandes puis malheureusement on n'a pas les ressources
humaines et budgétaires pour répondre
à ces demandes-là. Donc, on essaie de pallier du mieux qu'on peut en faisant de
la prévention. On a monté des
ateliers pour essayer de répondre le mieux qu'on peut, là, quand même, avec les
ressources qu'on a, mais malheureusement c'est un besoin qu'on n'a pas
les moyens de répondre présentement, là, à l'heure actuelle. Donc, je pense que
c'était important de le mentionner.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour votre exposé. Avant de passer à la période de questions, je vais avoir besoin d'un consentement pour ajouter trois
minutes à cette audition.
Des voix : ...
Le Président
(M. Lafrenière) : Consentement? Consentement. Alors, on va commencer
avec une question par la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Moi, je voulais savoir... Bien, vous en avez
parlé à la fin de votre présentation, votre
clientèle, c'est plus des jeunes femmes adultes. C'est quoi, la proportion?
Est-ce que vous en avez aussi des mineures ou vous n'êtes pas du tout
capables pour une raison budgétaire?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Je peux y aller.
Dans le fond, c'est sûr que nous, là, le volet VIP est vraiment
plus au niveau majeures. Comme je le disais tout à l'heure, on fait de la prévention, on fait des ateliers au niveau de toutes les écoles secondaires
du milieu, aussi au niveau des centres de formation pour adultes. Donc, on en
côtoie, mais ce n'est pas
nécessairement encore un réflexe, pour les jeunes filles, de venir demander de
nos services, donc on est en train justement
de concerter le milieu, les intervenants, les différents partenaires afin
d'avoir cette courroie de transmission là entre les services du
communautaire et l'institutionnel.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Puis
je dois dire aussi que, tu sais, quand on s'en va, là, dans un salon de massage
érotique, par exemple, bien on ne prend pas le temps de carter les femmes non
plus.
(Interruption)
Une voix : ...comment on fait
pour arrêter ça? Aïe! attends un peu, là.
Le
Président (M. Lafrenière) : ...on avait un suspect, nous autres, autour de la table, puis ce n'est
pas lui aujourd'hui, donc on est correct.
Une voix :
O.K. Excusez.
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Donc, tu sais,
peut-être qu'on en côtoie puis qu'on ne le sait pas. Parce que, des
fois, c'est sûr que... Tu sais, c'est arrivé
que moi puis Véronique, on s'est dit : Elle a l'air jeune, mais, tu sais,
en même temps, on ne la carte pas.
Elle nous dit qu'elle a 18 ans, tu sais, on n'est pas là... ce n'est pas
notre mandat d'aller valider l'âge qu'elles ont. Mais nous, on y va vraiment dans une optique qu'elles sont adultes
puis consentantes de recevoir nos services. Je ne sais pas si ça a
répondu...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bien oui, là, mais... Bon, O.K. Puis je
voulais savoir pourquoi avoir appelé votre programme VIP?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Bien ça, dans
le fond, c'est un nom qui a été donné par Valérie L'Italien, une infirmière du milieu. Donc, quand
on s'est posé la question, comment qu'on allait appeler ce programme-là,
on a pensé que le VIP, comme «very important
person» résonnait bien, puis ça rappelait, dans le fond, les trois mots du
Volet Intervention Prostitution.
Comme Lauryann le disait tout à l'heure, on offre vraiment un service
individualisé, personnalisé aux femmes, puis elles sentent vraiment
l'importance qu'elles ont dans notre intervention. C'est-à-dire qu'une femme,
là, elle a l'impression que je n'en ai pas
d'autres qu'elle à traiter, alors que j'en ai plusieurs sur le territoire. Ça
fait qu'elle se sent vraiment VIP, à ce moment-là, ça fait que les
femmes se reconnaissent bien.
Le Président (M. Lafrenière) :
Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et surtout merci pour
votre énergie. Vraiment, vous êtes très
inspirantes. Et je vais juste partager une petite anecdote avec vous. J'avais,
à un moment donné, couvert, j'étais
aux États-Unis, une campagne de sensibilisation pour contrer les maladies
transmises sexuellement et surtout le
sida, et on était passé par le biais des coiffeurs et des coiffeuses pour
distribuer des condoms. Alors, je me disais peut-être que vous pourriez passer par ces réseaux-là parce
qu'on dit... La théorie derrière ça, c'était qu'un client se confie
beaucoup plus à son coiffeur, sa coiffeuse
qu'à son psychologue. Alors, ça peut être intéressant de donner votre numéro de
téléphone un peu partout, puis vous allez peut-être en avoir.
Le Président (M. Lafrenière) :
...débat, si ça ne vous dérange pas.
Mme St-Pierre :
Pardon?
Le Président (M. Lafrenière) :
Je vais m'exclure de cette catégorie.
Mme St-Pierre :
Je ne voulais pas parler de vous, M. le Président. Mais, évidemment, ce n'est
pas un sujet drôle, là, le sujet dont
on parle aujourd'hui, mais je me dis : Il faut vraiment être capable de rejoindre
le plus de monde possible. J'ai deux questions.
Est-ce que
vous avez aussi des interventions — je comprends que vous êtes une petite équipe, pas beaucoup d'argent, puis ça,
c'est le nerf de la guerre, vous avez bien fait de le souligner — auprès des parents? Ça, je pense qu'aussi il
faut l'aborder. Si vous avez des idées à nous transmettre là-dessus.
Mais ma
curiosité, c'est par rapport à vos présences dans les bars de danseuses puis
les salons de massage. L'idée, c'est
que c'est tenu pas mal par du monde du crime organisé, ces endroits-là. Un,
est-ce que vous avez peur pour votre sécurité? Et, deux, comment on vous
accueille? On vous laisse entrer? On vous laisse faire? On vous laisse parler
aux filles?
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Mais, bien, en
fait, on n'a pas du tout peur, là, de notre sécurité. En fait, on
rentre... Puis, je vous dirais, tu sais, ce
qui est vraiment beau, là, avec le travail de rue, c'est qu'on développe
tellement des liens privilégiés avec
ces personnes-là, on sent tellement, là, qu'ils ont toute notre confiance.
Donc, souvent on arrive puis, tu sais,
on arrive avec plein de cafés du Tim Hortons, ça fait que, là, les filles
vont être contentes parce qu'on leur amène des beignes, des cafés.
L'approche
qu'on va avoir, en fait, là, c'est on va être vraiment humains, humains,
égalitaires. Donc, tu sais, on ne va
pas là... puis, tu sais, ça, je pense que ça se ressent beaucoup, on ne va pas
là pour les juger. On ne les juge pas. On les accepte telles qu'elles sont. Comme je vous disais, on n'est pas là pour
les sortir. À la limite, on leur apporte juste du positif parce qu'on donne des condoms, on leur offre du
soutien, on leur offre de l'écoute. Donc, elles se sentent mieux. Ça a
un impact positif pour eux.
Mme St-Pierre :
Mais ceux qui les contrôlent, ils ne sont quand même pas loin, là. Ils voient
que vous êtes là.
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Oui. Mais, pour
ma part en tout cas, je n'ai jamais eu problème vis-à-vis ça parce que,
bien, on ne s'en va pas là dans une approche de sortir les filles de ce
milieu-là. On s'en va les aider à le faire de façon sécuritaire. Souvent, ce que je m'étais déjà fait dire également, là,
par des personnes qui contrôlent ces réseaux-là, c'est que ça a du
positif parce que les filles n'ont pas d'ITSS. Parce qu'il y a comme des sites
Internet où que les clients peuvent noter
toutes les filles, puis là, bien, ça fait que, mettons, un salon va dire que
toutes les filles sont... elles n'ont pas d'ITSS, elles sont propres,
tout ça. Donc, ça a des impacts positifs pour leur milieu, en fait, si je peux
dire ça comme ça.
Mme St-Pierre :
Leur business.
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Donc, c'est sûr
que, si on arriverait en disant : On veut que tu te sortes de là, on
ne veut plus que tu fasses ça, ce n'est pas
bon pour toi, bien, ils nous diraient : Toi, va-t'en, là. Mais on n'y va
pas dans cette approche-là. Puis
c'est ce qui fait que c'est gagnant, en fait, pour nous, d'y aller dans une
approche de réduction des méfaits.
Mme St-Pierre :
Et les parents? Est-ce que vous avez des recommandations à nous faire?
Mme Irazoqui (Lauryann) : Moi,
je n'ai jamais... Je vais te laisser, Véronique, répondre.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : On n'est pas
vraiment en lien avec les parents, là, au niveau de la prostitution adulte. On a des mamans qui sont dans
le réseau. C'est sûr qu'on fait, tu sais, tout ce qui est, là, par rapport
aux... voyons, aux compétences parentales
par rapport à leur propre enfant. Mais, tu sais, les mères de ces femmes-là, nous,
on ne les côtoie pas dans notre «day-to-day», là, dans notre travail, là.
Mme St-Pierre :
Merci beaucoup.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Mais c'est sûr
qu'il y a de l'accompagnement à faire au niveau des parents, là, par rapport à ce qui se passe, là,
les modes d'entrée dans la prostitution, tout ce... au niveau de la prévention,
là. C'est sûr que les parents doivent être mis au courant de certains modes
d'entrée dans la prostitution pour voir venir ça chez leurs jeunes, là, oui.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député d'Ungava.
M. Lamothe : Bonjour.
Mme Irazoqui (Lauryann) :
Bonjour.
M. Lamothe : Club de danseuses, vous
rentrez là. Pas de trouble avec le «doorman»?
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Non. Si je peux
donner l'exemple, là, en Beauce, c'est quelque chose... En fait, on
avait un mandat, c'était un cinq heures par
semaine qu'on allait en Beauce, puis c'était vraiment notre activité
principale, c'était d'aller dans les
bars de danseuses. Puis, tu sais, on arrive là, puis les barmans, les barmaids
nous connaissent toutes, les danseuses
nous connaissent, ça fait qu'on rentre puis, tu sais, on se fait
accueillir : Aïe! salut, c'est les filles de VIP, puis : Venez vous asseoir, puis, tu sais : Qu'est-ce
que je te sers aujourd'hui? Ça fait que, tu sais, c'est vraiment dans une
approche «friendly», là, si je peux dire ça
comme ça. Tu sais, elles sont contentes de nous voir. On leur apporte du
soutien, de l'écoute. On amène des
condoms, on offre des... On arrive avec une infirmière. L'infirmière peut
passer les tests de dépistage directement
dans l'isoloir, dans les bars de danseuses. Donc, on a vraiment, comme je vous
dis, une approche qui fait qu'on n'est pas une menace, si on veut, pour
les «doormen» ou les gens qui contrôlent ces réseaux-là.
M. Lamothe : O.K.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Je ne
sais pas si je réponds bien à votre question?
M. Lamothe : Oui, absolument. C'est
juste que j'essaie de voir la dynamique puis... Mais c'est spécial.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Mais l'intervenante y est pour beaucoup aussi, là.
M. Lamothe : Pardon?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : L'intervenante
y est pour beaucoup aussi. C'est-à-dire que, tu sais, on est ouverts d'esprit, un petit peu
excentriques, tu sais, on s'adapte très, très facilement avec la dynamique du
milieu. Ça fait que ça fait de nous, tu sais...
M. Lamothe : Oui, vous êtes sûrement
très bonnes.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) : ...des personnes, là, c'est ça, à part entière de
l'équipe, finalement, là, oui.
M. Lamothe : O.K.
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Viau.
• (11 h 30) •
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Donc, merci pour votre présentation. 635 personnes
rencontrées, je trouve ça... c'est du
monde, c'est beaucoup, mais vous comprendrez, dans le cas du mandat de cette
commission, je vais m'attarder en particulier à deux catégories de groupe d'âge.
1 % sont d'âge mineur, 36 % sont âgées de 18 à 25 ans.
Parlez-moi un peu de la trajectoire de ces personnes, particulièrement
des personnes âgées de 18 à 25 ans. Ce sont des personnes qui ont commencé
alors qu'elles étaient mineures majoritairement? C'est quoi, le portrait de ces
personnes-là?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Dans les deux dernières années, j'ai créé un formulaire,
là, un questionnaire VIP, que j'appelle, sur
la Rive- Sud, pour avoir une espèce de portrait de... plusieurs questions
anonymes que les filles répondent.
J'en ai recueilli, là, c'est ça, une bonne cinquantaine, ça fait que j'ai quand
même un bon échantillonnage, puis la
plupart des femmes rentrent dans la prostitution par manque d'argent, des
séparations, des problèmes ponctuels de la vie. Le 1 %, c'est des fois des mineurs qu'on rencontre, qu'on
se rend compte que, oui, il y a une vulnérabilité mais pas
nécessairement cristallisée. Donc, oui, on lit ça dans nos stats mais ce n'est
pas nécessairement les gens avec qui on intervient à tous les jours.
Puis,
c'est ça, le passage de mineur à majeur, c'est sûr que les jeunes filles, pour
la plupart, ont commencé à l'âge mineur,
donc c'est pour ça qu'on croit que la prévention est vraiment importante, là,
au niveau mineur pour enrayer, là, justement cette continuité-là. Mais,
c'est ça, nous, c'est vraiment au niveau adulte, là, qu'on interagit. Je ne
sais pas si ça répond...
M. Benjamin :
Absolument. J'ai bien entendu le manque de ressources exprimé et notamment
lorsqu'il s'agit d'intervenir dans les
écoles, dans les centres. Mais vous avez quand même une certaine expérience
d'intervention dans les écoles, et
vous intervenez à quel niveau dans les écoles? Secondaire II,
secondaire III, secondaire IV, primaire? Et qu'est-ce que vous
faites dans les écoles?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Présentement, on a un atelier de prévention. Ce n'est
pas de la formation, c'est vraiment de la
prévention, qu'on anime, on est vraiment au début, là, de notre processus.
Donc, on a eu une demande des écoles
du milieu. Donc là, on commence, là, nos présentations d'ateliers, c'est
vraiment au niveau, je vous dirais,
des 14-16 ans, là, la compréhension, là, de notre atelier. C'est sûr qu'il
n'est pas nécessairement adapté encore pour très bas âge, on va y venir, mais, c'est ça, le manque de ressources,
comme on l'a dit, est criant. Donc, je ne peux pas, moi, me positionner en tant qu'intervenante adulte et
intervenante mineure. Donc, c'est sûr que, de préférence, ce serait
d'avoir un intervenant mineur et une intervenante majeure, là, pour couvrir
l'entièreté des besoins du territoire.
M. Benjamin :
Et dernière question, M. le Président. Beaucoup d'intervenants avant vous nous
ont parlé de l'importance qu'il y ait ce
travail de concertation qui soit fait entre les différents intervenants, dont
la police, qui joue un rôle névralgique, évidemment. Quel est votre mode
de collaboration avec la police?
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) : Bien, moi, je dis toujours qu'où finit mon
mandat, il y en a un autre qui
commence. Donc, moi, j'ai mon mandat de travailleuse de rue. C'est sûr qu'on
prend beaucoup de chaleur au niveau de la gestion du risque. Si une jeune fille, exemple,
qui vient solliciter nos services, là, d'intervention VIP, on va
regarder avec elle le niveau d'exploitation
sexuelle, où est-ce qu'elle est rendue, parce qu'il y a quand même
un continuum, là, au niveau de
l'exploitation. Mais dans la... tu sais, il y a quand même la Loi de la
protection de la jeunesse qui nous oblige à signaler, là, en cas d'exploitation. Donc, si la situation
devient extrême, c'est sûr que nous, même sans le consentement de la jeune fille, on va signaler, là. Mais ça, ça
devient une courroie de transmission entre nous, la DPJ et le service de
police. On est à mettre en place, justement, là, des courroies de transmission à
ce niveau-là, mais on est vraiment, là, au début, début, là, de notre...
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Puis tu as une table aussi...
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) : Puis on a aussi une table, là... Bien, ce n'est
pas une table, dans le fond, c'est un comité de suivi, là, avec
plusieurs personnes, là, qui justement, là, siègent, le service de police, le
CISSS, plusieurs organismes du milieu, pour justement arrimer nos services puis
essayer de soutenir ce beau monde là, là, dans leurs difficultés.
M. Benjamin :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. Bonjour, mesdames. Effectivement,
on est dans un avant-midi d'énergie. J'ai vu ça tantôt, et ça se continue très bien. J'ai
trois petites questions. Vous avez réglé un problème en Beauce, mais il
semblerait qu'il est réglé, là, parce
que vous êtes allés trois ans avec un budget de santé publique. Et, depuis
2018, tout est réglé en Beauce, là?
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Non.
M. Ouellette :
O.K. C'est beau, parfait. Vous répondez effectivement à ma question.
Mme Duchesneau-Couillard (Véronique) : Ce qu'on faisait, c'était une étude... Comment tu
appelles ça encore?
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Une étude de
besoins. Ça fait que c'était vraiment, là, comme objectif, d'aller
recueillir des données pour voir c'est quoi
les besoins actuels qui sont présents sur le territoire de la Beauce. Donc,
l'étude, elle a duré trois ans.
Maintenant, le trois ans est échu, puis la balle est dans leur camp. Donc là,
d'après moi, ils sont en évaluation, là, des rapports qu'on a rapportés par
rapport à ça.
M. Ouellette : Est-ce
que je me trompe de penser, puisque
vous avez du financement de cinq ans,
que c'est Sécurité publique
Canada puis Justice Canada qui vous a financé?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Présentement,
c'est Justice Canada. Il y a eu la Sécurité
publique, là, dans les années précédentes, qui se sont comme chevauchées. Donc,
présentement, c'est le ministère de la Justice.
M. Ouellette : Donc, vous n'existez pas sur le «payroll»
québécois, là. Vous faites une job extraordinaire, mais vous ne nous
coûtez pas une cent? Si je comprends ça, là...
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Bien, on a
quand même le municipal qui fournit, là, tu sais, c'est un organisme communautaire. Ça fait qu'on... c'est
sûr qu'on relève de plusieurs financements pour assurer la pérennité du
service. Là, on est à la reconduction, là, de VIP, là, au niveau du ministère
de la Justice. On a déposé le projet, là, à différents ministères. On est en
attente, là, de réponses à ce niveau-là.
M. Ouellette : Est-ce que votre
organisme, dans la région de Lévis, vous êtes tout seul à faire ça?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Oui.
M. Ouellette : O.K. Donc, en
Beauce, il n'y en a pas. Ça fait que, donc...
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Il y a les
infirmières de rue qui assurent un certain support mais pas de
travailleur de rue ni d'intervenant, parce que c'est des intervenants jeunesse,
au niveau de la Beauce, donc ça arrête à 18 ans, puis, après ça, il n'y a
pas de suivi.
Mme Irazoqui (Lauryann) : Bien,
en fait, en Beauce, il y a une intervenante qui est là à temps partiel pour
couvrir le grand, grand, grand territoire de la Beauce.
M. Ouellette : Si le financement n'est pas reconduit en mars,
avril, mai, donc, dans quatre mois, ce monde-là va tout où? C'est Québec
qui s'en vient prendre la relève ou on se retrouve avec un bris de service?
Mme Irazoqui (Lauryann) : Bris
de service.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Bris de service dans l'optique où est-ce que, bon, si ce
n'est pas reconduit, oui, il pourrait y avoir un bris de service. Mais on
travaille très, très, très fort, là, à aller chercher, là, les subventions nécessaires pour reconduire le projet.
Puis on s'arrime aussi avec les partenaires du milieu pour être capable de récupérer cette clientèle-là à différents
niveaux, là, au niveau du CISSS, au niveau du service de police, au niveau
du centre jeunesse, au niveau des différents partenaires aussi, le CAPJ, là, notamment,
à Lévis. Donc, c'est sûr que c'est des organismes qui sont déjà en place, là,
qui vont répondre à cette demande-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc :
...M. le Président. Bonjour à vous deux. Je veux vous dire que j'ai beaucoup de
respect pour le travail des travailleuses de rue en général puis,
visiblement, le vôtre aussi ici aujourd'hui.
Trois petites
questions. D'abord, sur les termes, moi, je m'intéresse beaucoup aux mots qu'on
choisit pour décrire les réalités de la vie, puis vous avez utilisé
autant le mot «travailleurs, travailleuses du sexe», «personnes en situation de
prostitution». Est-ce que, selon vous, si on est à 16 ou 17 ans, on peut
être une travailleuse du sexe?
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Bien, moi,
c'est sûr que ça peut être vu différent d'une intervenante à l'autre, je
vais parler pour moi. Moi, je pense qu'en
bas de 18 ans, malheureusement, ce n'est pas possible d'être une
travailleuse du sexe parce qu'on
rentre directement dans l'exploitation sexuelle puis la prostitution juvénile.
Donc, pour moi, en bas de 18 ans, ce
n'est pas possible d'avoir... tu sais, de consciemment... Je ne sais pas
comment l'expliquer. En fait, en bas de 18 ans, on ne peut pas être une travailleuse du sexe par
choix, tandis que, rendu... en tant qu'adulte, je crois qu'il y a des femmes
qui sont capables de le faire dans le
respect, dans la dignité et qui sont capables d'être bien dans ce travail-là.
Mais, par contre, mineures, non. Non, mineures, c'est vraiment de
l'exploitation sexuelle.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Il y a une
notion de consentement aussi, là, qui est à prendre en compte.
M. Leduc : Parfait. C''est très
clair. Merci beaucoup. Sur, donc, la question des mineurs, justement, puisqu'on
est là-dedans, on a parlé tantôt un peu des
chiffres que vous mettez, à la page 3, et là je réalise, avec les
explications que vous
donniez à ma collègue tantôt, que c'est une autodéclaration par rapport à
l'âge. Tu sais, quand vous dites : On a rencontré 1 % d'âge mineur, 36 % de 18-25,
34 %... bon, etc., plus haut, plus haut, c'est une autodéclaration parce
que vous dites : On ne les cartait pas. C'est ça que vous m'avez dit
tantôt.
Mme Irazoqui
(Lauryann) : Oui. Puis on y
va aussi un peu à l'oeil : Bon, O.K., elle a l'air d'être dans la
vingtaine... tu sais, parce qu'on ne dira
pas : O.K., bonjour, toi, c'est quoi, ton nom? Tu as quel âge? Il faut que
je rentre tout ça dans mes dossiers.
On y va : O.K., elle, elle est dans la vingtaine. Elle est dans la
trentaine, dans la quarantaine, O.K. Elle a la quarantaine passée. Donc,
je dirais, c'est vraiment un approximatif, là, de ce qu'on peut évaluer.
M. Leduc :
Parce que je suis très surpris de voir ces chiffres-là, dans le sens où ce
qu'on entend beaucoup, c'est que la
demande, c'est pour les plus en plus jeunes, donc les mineurs. Ça fait que de
dire qu'il y en a 1 % de tout... que vous verrez beaucoup de
personnes, là, 635 personnes que vous avez rencontrées, 1 % d'âge
mineur seulement, moi, je suis subjugué de
voir ça, j'aurais pensé que ça aurait été l'inverse. Est-ce qu'on peut imaginer
que, dans le 36 % des 18 à 25, il y en a un méchant paquet,
là-dedans, qui sont en réalité des mineurs.
• (11 h 40) •
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Bien, vu que
nos milieux où est-ce que... qu'on fréquente, c'est les salons de massage, les bars, les domiciles... Je
veux dire, il faut quand même être adulte pour avoir une maison ou un appartement. Donc, c'est sûr que nous, on se fait
voir dans les milieux où est-ce que la prostitution est là, et les
tenanciers de salons, exemple, n'iront pas
embaucher ou prendre des jeunes filles, là, en tout cas, pas sur la Rive-Sud,
là, moi, je n'en ai jamais vu, ils
ont quand même une conscientisation. Puis les jeunes, bien, ils ne connaissent
pas nécessairement encore le service
parce qu'on ne promouvoit pas le service nécessairement encore, là, dans les
écoles et les... Ils sont au courant
par l'entremise des travailleurs de rue qui travaillent avec nous, mais ce n'est pas une grande
majorité qui va venir nous voir. Donc,
les chiffres que vous voyez, c'est vraiment parce
que nous, on se présente dans des
milieux adultes. Ça fait que c'est pour ça qu'on a une
clientèle, là, qui est majoritairement adulte, là, au niveau des chiffres.
M. Leduc : C'est très clair. Dernière petite question. Je
trouve ça super le fun quand vous parlez de projets de vie positifs. On parle de la sortie, dans le fond, de la prostitution. Moi, une de mes obsessions dans cette
commission-là, c'est : Qu'est-ce
qui favorise une sortie réussie à moyen, long terme? Puis l'aspect, souvent,
socioéconomique, je trouve qu'on l'écarte.
Parce qu'il y a beaucoup, souvent, de pauvreté ou de précarité économique quand
on sort de la prostitution. Quelle est votre expérience, vous, des
conditions, autant les conditions sociales, les conditions économiques, qui
favorisent une sortie réussie?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Bien, moi, je
pense qu'autant que la personne va se retrouver dans un milieu prostitutionnel à cause d'éléments,
justement, de la vie, santé mentale, consommation, faible niveau de
scolarité, tu sais, vulnérabilité, autant
qu'en travaillant sur ces aspects-là la femme, par elle-même, va s'organiser,
va augmenter ses facteurs de
protection, diminuer ses facteurs de risque puis va elle-même émerger, là, en
actualisation. Au niveau de la pyramide
de Maslow, là, les besoins de base vont être comblés, l'appartenance. On va
désisoler aussi ces femmes-là en les impliquant dans différents
organismes où est-ce qu'il y a des ateliers, des cuisines communautaires, on va
créer des nouveaux réseaux sociaux, ce qui fait que la femme va finir par
émerger d'elle-même, là, de ce milieu-là. Puis d'ailleurs on a 37 femmes
depuis les quatre dernières années, là, qui se sont retirées du milieu, là,
carrément.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. On va y aller avec deux dernières questions très, très courtes. Députée
de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Vous avez déjà... Bonjour. Merci pour votre
présentation, votre énergie, votre dévouement, là, vraiment
à une cause. Donc, vous avez parlé, justement, d'essayer d'amener le jeune à... l'informer, essentiellement, lorsque c'est un mineur ou
dans un cas extrême, et que, de toute
façon, vous êtes obligés, en vertu de la loi, de faire le signalement. Donc, quelle est la clé du
succès pour encourager ou vraiment persuader quelqu'un de faire cette déclaration?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : ...travailleur de rue, en soi.
Mme Weil : Et, deuxième question, la prévention auprès des
proxénètes, qu'est-ce que vous faites? Comment vous agissez? Nous
expliquer un peu, en quelques secondes, j'imagine.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Donc, la
première question, c'est sûr que par le travail de rue les jeunes, tu
sais, ne nous perçoivent pas nécessairement comme des délateurs, parce qu'on
n'a pas ce mandat-là. On a le mandat d'accueillir
le jeune, de l'accompagner, de le soutenir, donc le jeune va vraiment
avoir confiance en nous. Ça fait que c'est pour ça qu'on n'a pas nécessairement le piton, là, très rapide, là, sur la
dénonciation. On va y aller vraiment en cas de force majeure ou quand la chaleur est vraiment insoutenable par notre mandat et que c'est maintenant
rendu à une autre personne, là, de continuer
notre travail. Donc, à ce niveau-là, c'est... je pense que le travail de rue fait son
oeuvre, là, avec le jeune.
Puis, au
niveau des proxénètes, bien, nous, on n'est pas nécessairement en lien, on ne
les voit pas. Oui, on croise des fois les clients, mais ce n'est pas
dans une optique d'intervention, on fait seulement les croiser.
Mme Weil : Mais vous mentionnez quand même...
Bon, vous dites : «Les travailleurs de rue font également de la prévention
auprès des proxénètes, des clients [...] des acteurs indirects de
l'exploitation. Encore une fois, notre organisme pense que plus ces gens
seront informés des dommages qu'ils causent chez leurs victimes et des
conséquences judiciaires qu'ils
encourent, moins ils seront portés à commettre ce genre de délits.» On en a
parlé hier, il y a un projet, donc, en Alberta où justement
ils travaillent cet... donc on dirait que, quand même, vous croisez ces
personnes. Ou c'est un souhait, d'éventuellement aller dans cette direction?
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Oui. C'est un
souhait d'aller dans cette direction-là. On en croise, on discute avec
eux, mais ce n'est pas nécessairement de l'intervention ciblée de réduction au
niveau des proxénètes, là.
Mme Weil : Mais c'est intéressant quand même
parce que, nous, c'est quelque chose qu'on veut
regarder, les mesures de prévention,
puis, après cette présentation qu'on a eue d'un groupe en Alberta, à Edmonton,
qui ont eu du succès avec ça, c'est
sûr que, je pense, cette commission est intéressée aussi par ces genres de
mesures de prévention, oui, et de dévolution, si on veut. Alors, si vous
aussi, vous trouvez que l'idée peut être intéressante, c'est intéressant.
Mme Duchesneau-Couillard
(Véronique) : Puis, comme le
disait tout à l'heure Geneviève Quinty, c'est sûr que les milieux criminalisés, cristallisés... Tu sais,
il ne faut pas être utopique, là. Moi, c'est
ça, je n'atteindrai peut-être pas ce niveau-là,
mais c'est sûr qu'en agissant au niveau des mineurs, qui sont des fois
ambivalents, c'est là, je pense, qu'on peut avoir du succès, oui,
exactement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Dernière question rapide. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Bien, écoutez, merci beaucoup, monsieur. La plupart
des questions ont été posées. C'était surtout, là, qu'est-ce qui se
passe avec le 1 %, étant donné l'objectif et la mission de cette
commission spéciale.
Par ailleurs,
je tiens à vous féliciter parce que le travail que vous faites est important.
Vous en avez mentionné les résultats.
Et peut-être un petit commentaire. Justement, dans le continuum de services, ce
que vous... les questions que vous posez, les... vous avez dit que vous
aviez un questionnaire, et tout ça. Ça peut servir, ça aussi, pour, justement,
les organismes qui gravitent autour et que
vous essayez aussi de mettre en lien. Donc, je pense que ça aussi, c'est très
important. Alors, voilà. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrenière) :
Mesdames, merci beaucoup. Au nom de la commission, merci pour votre présentation.
Nous allons
suspendre les travaux de la commission. Nous serons de retour jusqu'après les
affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 46)
(Reprise à 15 h 35)
Le
Président (M. Lafrenière) : La Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs reprend
ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques
de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Cet après-midi, nous entendrons en audition
conjointe le Regroupement québécois des centres d'aide et de la lutte contre les agressions à caractère
sexuel, les CALACS, et la Direction générale de l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Nous entendrons également Mme Rose Dufour et M. Daniel
Loiseau.
Alors, je vais vous souhaiter la bienvenue. Je
vais vous rappeler les règles d'usage. Vous allez avoir chacun 15 minutes
de présentation, et par la suite ce sera une période d'échange de
30 minutes avec les membres de la commission.
J'ai bien dit une période d'échange. Alors, ça se veut très agréable, ensemble.
Je vais donc commencer par les CALACS
en vous disant que vous avez 15 minutes. Alors, je vous demanderais de
vous présenter et de débuter votre exposé.
Regroupement
québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel (RQCALACS) et Direction générale de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels
(Direction générale de l'IVAC)
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Merci. Bonjour. Je m'appelle Maude Dessureault Pelletier. Je suis intervenante dans un CALACS, le CALACS Saguenay,
qui s'appelle La Maison ISA. Je suis intervenante au niveau de l'exploitation sexuelle, donc, auprès des
victimes. Avant de travailler dans les CALACS, j'ai travaillé pendant une
dizaine d'années dans les maisons
d'hébergement, donc, encore là, au niveau des violences faites aux femmes et
auprès des femmes en difficulté. Aujourd'hui, dans La Maison ISA, je
suis chargée de projet pour le développement des services pour les femmes et
les filles qui ont vécu en lien avec la prostitution sur le territoire du
Saguenay.
Le constat
qu'on a fait, au CALACS de Saguenay, c'est que les femmes qui ont un vécu en
lien avec la prostitution sont
extrêmement marginalisées et ont des conditions de vie difficiles. Elles vivent
avec tellement de traumatismes qui sont compliqués, et parfois il est
difficile de les aider dans les dispositions actuelles.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Bonjour. Moi, c'est Marie-Michèle Whitlock. Je
représente aujourd'hui le regroupement des
CALACS, mais je travaille au CALACS-Agression Estrie, donc situé à Sherbrooke.
Ça fait une dizaine d'années, en fait
précisément 13 ans, que je travaille auprès des filles et des femmes qui
sont dans l'exploitation sexuelle, dans la prostitution, soit en tant
que travailleuse de rue, pendant sept ans, et sinon auprès des CALACS, donc,
dans deux régions différentes.
Le constat
qu'on apporte, en fait, aussi, en fait, personnellement, dans ma pratique,
autant dans le travail de rue qu'au niveau des CALACS, c'est que, quand
on a un passage dans l'exploitation sexuelle souvent à l'adolescence, ça peut
se rendre jusqu'à l'itinérance au niveau de l'âge adulte, une des conséquences
qu'on peut constater sur le terrain.
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Je me
permets de vous présenter un petit peu le Regroupement québécois des CALACS. Je vais aller très vite. Mais je veux
que vous sachiez que le Regroupement québécois des CALACS existe depuis 40 ans. Il y a des CALACS dans presque
toutes les régions du Québec. Les CALACS, c'est des organismes qui ont développé une expertise au niveau des violences
sexuelles, violences sexuelles incluant l'exploitation sexuelle et toutes
les formes d'agressions à caractère sexuel.
On agit auprès des 14 ans et plus. On agit en prévention, en intervention
mais aussi en matière de lutte, donc, au niveau des revendications.
Le constat que les CALACS font au sujet de
l'exploitation sexuelle, c'est que la prostitution occasionne les mêmes conséquences chez les femmes et les filles
que d'autres formes de violences sexuelles comme les agressions
sexuelles à répétition ou l'inceste. Il y a
peu de choses qui sont faites spécifiquement au Québec pour les femmes qui
souhaitent quitter la prostitution.
Puis une des causes de ça, c'est qu'il n'y a pas de reconnaissance comme quoi
la prostitution adulte est aussi une
forme de violence sexuelle puis qu'il y a une différence marquée entre les
mineurs et les majeurs, dans la pensée populaire.
On va
commencer par une petite définition pour avoir une base commune, c'est une
définition qui nous vient du Secrétariat
à la condition féminine : «À travers ses multiples manifestations,
l'exploitation sexuelle implique généralement une situation, un contexte ou une relation où un individu profite de
l'état de vulnérabilité ou de dépendance d'une personne ou de
l'existence d'une inégalité des rapports de force dans le but d'utiliser le
corps de cette personne à des fins d'ordre sexuel, en vue d'en tirer un
avantage. Il peut s'agir d'un avantage pécuniaire, social ou personnel, tel que
la gratification sexuelle, ou [...] toute autre forme de mise à profit.»
Donc, ce que
je veux que vous reteniez, pour bien comprendre le reste de la présentation, dans
cette définition-là on retrouve les
concepts d'état de vulnérabilité, donc quelqu'un qui profite de l'état de
vulnérabilité d'une autre personne. On a
le concept de dépendance à une autre personne.
On a le concept d'existence d'inégalités entre les rapports de force
puis celui où il y a une personne qui utilise le corps d'une autre personne
pour arriver à ses propres fins.
• (15 h 40) •
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Dans le concret, en fait, on inclut tout ce qui est les danseuses nues, que ça soit dans un bar ou que ça soit dans des partys
privés. On inclut, en fait, tout échange sexuel pour d'autres services,
donc de l'hébergement en situation de fugue, par exemple, mais aussi autres
services en fin de mois quand une femme adulte n'arrive pas. On inclut aussi toutes les femmes qui peuvent se nommer
escortes, qu'elles soient dans des agences ou qu'elles soient dites autonomes, massages érotiques, pornographie,
prostitution de rue. Dans toutes ces formes d'exploitation sexuelle, on
retrouve des jeunes filles mineures, entre autres.
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : On est
ici aujourd'hui — on
va en profiter, on a votre attention — pour vous apporter
un petit peu une vision sociale de l'exploitation sexuelle. Donc, plutôt que
vous parler de spécifiquement qu'est-ce qu'on fait auprès des victimes, on va tenter de vous expliquer pourquoi,
à notre avis, l'exploitation sexuelle des filles mineures n'est pas un
phénomène qui prend fin le jour de leurs 18 ans. On va en profiter pour
vous expliquer, vous démontrer pourquoi on
considère que la prostitution s'inscrit comme une forme de violence commise à
l'endroit des femmes et des filles. Puis
on va aussi vous démontrer quelques actions gouvernementales qui seraient
nécessaires pour offrir un projet de société qui permet aux femmes et
aux filles de ne pas être happées dans l'industrie du sexe.
Donc, on
commence avec le premier point. L'exploitation sexuelle des filles n'est pas un
phénomène qui prend fin à leur passage à la majorité. Donc, est-ce que
vous étiez au courant que l'âge moyen d'entrée dans la prostitution, au Québec, est de 14 ans? On ne connaît pas
l'âge de sortie de la prostitution, mais il se situe bien au-delà de l'âge de
la majorité. Donc, pourquoi
considérer qu'il y a une différence à partir du moment où ces filles-là sont
majeures? 80 % des femmes sont rentrées
dans la prostitution en étant mineures. Puis, dans la majorité des cas, ces
jeunes filles chercheront de l'aide une fois adultes pour se sortir de
l'industrie du sexe et travailler sur les conséquences de leur passage dans
l'industrie du sexe. Présentement, nous n'avons pas le filet social pour les
aider à la majorité.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : On a peu de difficultés à reconnaître socialement
qu'une jeune fille mineure ou une
personne, en fait, qui est contrainte par un proxénète, soit par la force, par
des violences physiques, sexuelles, sous contrôle, fait partie de l'exploitation sexuelle. Par contre, on a un
problème lorsqu'on parle d'une femme adulte qui serait contrainte par des contraintes sociales, soit économiques,
aussi sexistes, d'inégalité. Donc, les femmes les plus vulnérables, en fait, peuvent se retrouver aussi dans ce même
milieu. On aimerait bien se faire accroire qu'il y a une ligne très
claire, en fait, entre l'exploitation
sexuelle et la prostitution dite volontaire, consentante, mais,
malheureusement, sur le terrain, la zone
est beaucoup plus grise. Les jeunes filles mineures côtoient les femmes adultes,
et les mêmes processus, en fait, de recrutement,
au niveau du leurre, de l'entrée dans la prostitution, sont les mêmes, que ça
soit à l'âge adulte ou à l'âge mineur.
On trouve
aussi que, puisque socialement on banalise la pornographie,
l'hypersexualisation, l'industrie du sexe dans son ensemble, ceci facilite, en fait, le travail, entre guillemets, des
proxénètes. Les recruteurs ont la vie de plus en plus facile puisque ce
milieu est vraiment banalisé auprès de la population générale.
Mme Dessureault Pelletier
(Maude) : On est rendus à
notre deuxième point. Donc, on va tenter de vous démontrer pourquoi on
inscrit la prostitution comme une forme de violence commise à l'endroit des
femmes et des filles.
Je
commence par vous dire que neuf personnes sur 10 quitteraient la prostitution
si elles le pouvaient. Ça vient du Conseil
du statut de la femme, en 2012. Dans la grande majorité des cas, la
prostitution est un acte de survie. Le taux de mortalité des femmes dans
la prostitution est de 40 fois supérieur à celui des femmes dans la
population générale.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Une fois que tu as vécu de la violence sexuelle, que
ça soit dans l'enfance, à l'adolescence...
On sait que les femmes adultes qui se retrouvent dans la prostitution ont
majoritairement vécu ces violences-là.
C'est devenu comme plus facile de retourner, en fait, dans ce milieu-là. Les
facteurs sociaux, dont la pauvreté, mais les violences... On voit une continuité, en fait, dans la vie de certaines
femmes, où est-ce qu'elles vivent des violences avant d'être dans ce milieu-là, elles vivent des violences
pendant dans ce milieu-là. Et parfois les conséquences sociales peuvent
être aussi très, très violentes. Donc, il y
a vraiment un continuum pour les CALACS. De la prostitution, de l'exploitation
sexuelle, ça s'inclut dans un continuum de violences faites aux femmes,
autant dans leur vie privée que publique.
Lorsqu'on
fait une distinction claire, comme, présentement, la société québécoise peut
faire, entre la prostitution adulte
et la prostitution juvénile, l'exploitation sexuelle des mineures, on pense que
ça fait un frein, en fait, à la lutte contre la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle en général. On pense
que ça peut entraver certaines initiatives ou la proactivité de certains
corps policiers ou même des gouvernements.
Un
des premiers facteurs de risque à se retrouver dans la prostitution ou dans
l'exploitation sexuelle, pour nous, c'est tout simplement d'être une
femme. Bien sûr qu'il y a plus de vulnérabilité à l'adolescence comme pour
plein d'autres problématiques, mais, pour
nous, le fait d'être une femme, on a une chance dans notre vie de peut-être
être vendue. Au Québec, on sait que
c'est les femmes qui représentent une majorité de personnes dans la
prostitution. Certains chiffres peuvent parler de 90 %. Quand on
regarde du côté des clients, c'est, en fait, une grosse majorité d'hommes, on
parle de 99 % des acheteurs d'actes...
voyons, de services sexuels sont des hommes. On peut tout de suite constater,
en fait, qu'il y a une inégalité entre les sexes dans cette
problématique sociale là.
Cette
industrie exploite la misère, la vulnérabilité des personnes et de certains
groupes sociaux. On peut penser aux femmes
autochtones, qui sont quatre fois plus représentées dans la prostitution. La
pauvreté, la violence, les inégalités entre les sexes, je l'ai déjà dit,
constituent des préalables, en fait, à se retrouver dans ce milieu-là. Même si
parfois certaines femmes adultes pourront nommer ou diront qu'elles ont choisi
ce métier ou consenti à être dans ce milieu, lorsqu'elles sortent, c'est à ce moment-là qu'elles nous
nomment qu'elles ont eu l'impression d'être violées à répétition et d'être
brisées. C'est à ce moment-là qu'elles
réalisent que les relations sexuelles dites consentantes étaient, en fait, des
agressions sexuelles. Les relations
sexuelles n'étaient pas consentantes parce que, pour nous, pour consentir à une
relation sexuelle, il faut faire un
choix libre, éclairé, enthousiaste et partagé des individus qui pratiquent la
relation sexuelle. Dans le cas de l'exploitation sexuelle ou de la prostitution, il n'y a pas de consentement. La
prostitution, les femmes disent plutôt oui à l'argent, le service ou
même sont obligées d'y être.
Les conséquences, ça
a été nommé tantôt, sont très semblables à tous les types d'agression sexuelle
qu'on peut nommer. Et une qu'on retrouve, où
est-ce que les CALACS travaillent systématiquement avec les femmes qu'on
rencontre, c'est la honte et la culpabilité. Socialement, on repose souvent la
responsabilité sur les femmes, en fait, d'avoir vécu des violences sexuelles,
mais particulièrement aux femmes qui sont dans la prostitution, parce qu'elles
se sont mises, entre guillemets, les deux pieds dans le pétrin.
Si
on regarde dans des situations de fugue, malheureusement, il y a encore
beaucoup d'interventions qui sont faites auprès des jeunes filles au
niveau de leur changement de comportement, leur apprendre à faire des bons
choix pour ne pas se retrouver en danger
dans ce milieu. C'est très délicat,
la façon de travailler cette notion, en fait, cette honte puis cette culpabilité-là. Mais, quand on parle de la
prostitution, les femmes adultes qui s'y retrouvent, qui sont là, ne voient
même pas, en fait, une possibilité de demander de l'aide parce que, dans le fond, elles l'ont bien
choisi. Les CALACS travaillent au quotidien, en fait, à tenter de
dénouer cette honte et cette culpabilité qu'elles portent en elles.
• (15 h 50) •
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Le troisième point, on va y aller rondement...
Le Président (M. Lafrenière) : Je suis désolé, mesdames. Il vous restait environ
cinq secondes. Je crois qu'on va être capables de revenir à vous dans la
période de questions. Ça va?
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : D'accord.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup.
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Merci pour votre écoute.
Le Président
(M. Lafrenière) : J'invite maintenant la Direction générale de l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, l'IVAC, à se présenter puis à commencer leur
exposé.
M. Rodrigue
(Jean) : Bonjour. Alors, je
me présente : Jean Rodrigue. Je suis directeur général par intérim
à la Direction générale de l'IVAC. Et je suis accompagné aujourd'hui
de Me Catherine Geoffroy, de la Direction des affaires juridiques.
Je veux vous remercier de nous donner
l'opportunité de venir parler de la Direction générale de l'IVAC et de vous parler des services qui peuvent être offerts
aux personnes mineures. La présentation va se dérouler en
trois parties : d'abord, une présentation générale, par la suite Me Geoffroy va vous
entretenir du cadre dans lequel nous évoluons, et enfin une partie
propre aux victimes mineures.
Le mandat de
la Direction générale de l'IVAC consiste à indemniser les personnes victimes
d'actes criminels. Il est important
ici de souligner que la Direction générale de l'IVAC applique la notion de
victime en vertu des critères prévus à la Loi sur l'IVAC ainsi que des
orientations du ministère de la Justice. Ceci n'enlève en rien, bien entendu,
le caractère victimisant des crimes qui ne
sont pas couverts par cette loi ni le caractère malheureux des circonstances
que peut vivre toute personne victime
d'un événement tragique, nous tenions à le préciser. Donc, notre mandat : indemniser
les personnes victimes d'actes criminels, leur offrir des services de
réadaptation afin d'atténuer les conséquences de l'événement traumatique et les
accompagner dans leur démarche de rétablissement.
La Direction
générale de l'IVAC, en 2018, au 31 décembre 2018, c'est
8 969 demandes reçues. 80 % des demandes qui sont
traitées sont acceptées. 16 571 dossiers dans lesquels des prestations ont
été versées, pour une somme approximative de
121 millions de dollars. Au 30 septembre 2019, nous constations
une augmentation des demandes de 3,5 %.
La Direction
générale de l'IVAC a un statut particulier. Le régime d'indemnisation des
victimes d'actes criminels relève du
ministère de la Justice du Québec, et celui-ci a confié à la commission des
normes, de l'équité, santé et sécurité du
travail la gestion administrative de ce régime. Chacun a des rôles et des
responsabilités bien définis. Le ministère de la Justice est responsable de l'exécution de la loi, également responsable
de l'analyse, du développement et de l'évolution du régime de l'IVAC. De
son côté, la Direction générale de l'IVAC détient un mandat de gestion
administrative, comme je viens de vous le
mentionner, détermine l'admissibilité des demandes en vertu des critères prévus
à la loi, rend des décisions concernant
les services et les indemnités, le cas échéant, bien entendu, et répond de ses
activités au ministre de la Justice et lui fait rapport de l'application
de la loi.
Avant de
passer au cadre légal, permettez-moi de vous expliquer très brièvement le cheminement
et le traitement d'une demande de
prestations. Bien entendu, il faut remplir une demande de prestations à l'aide
d'un formulaire et joindre tout
document utile pour appuyer la demande de prestations. Cette demande sera
analysée et pourra soit être acceptée ou refusée. Dans l'éventualité où elle est refusée, la personne victime
pourrait toujours demander une révision de cette décision au Bureau de
la révision administrative.
Lorsque la
demande de prestations est acceptée, ce qui est le cas dans plus de 80 %
des demandes traitées, alors la personne victime est prise en charge par
la Direction générale de l'IVAC. Un plan d'intervention sera mis en place. Régulièrement, on s'assure qu'il est toujours
adapté pour favoriser le rétablissement de la personne victime. Lorsque
les blessures se stabilisent, alors il sera
temps d'évaluer les séquelles permanentes et les limitations fonctionnelles qui
pourraient donner droit à la personne victime à de la réadaptation soit sociale
et/ou professionnelle.
Je passe
maintenant la parole à Me Geoffroy,
qui va vous expliquer le cadre légal sur lequel nous nous appuyons pour
rendre nos décisions.
Mme Geoffroy
(Catherine) : Bonjour. Il me fait également plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui, là, pour vous parler du
cadre légal dans lequel oeuvre la Direction générale de l'IVAC. Par cadre légal,
là... vous le savez, ce n'est pas toujours simple. Donc, je vais vraiment
tenter de vous résumer, en fait, là, le cadre légal le plus simplement
possible.
La Direction
générale de l'IVAC applique la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, qui est en vigueur
depuis 1972. C'est cette loi qui va établir, là, comme je viens de vous le
mentionner, les critères qui servent à l'analyse de l'admissibilité
d'une demande de prestations. La Loi sur l'IVAC réfère à la Loi sur les
accidents du travail, qui est en vigueur depuis 1931, pour tout ce qui est des
indemnités, de l'assistance médicale et de la réadaptation qui peuvent être
offertes aux victimes.
Comme je
viens de le mentionner, c'est vraiment la Loi sur l'IVAC qui détermine les critères
analysés pour l'analyse d'une demande
de prestations. Ce sont aux articles 3 et 11 de la loi qu'on prévoit ces
critères. Il y a quatre critères essentiels qui doivent être analysés, soit la
territorialité... On doit vérifier si l'acte criminel figure à
l'annexe de la loi. Il doit y avoir
une preuve objective de blessure. Et la loi prévoit également un délai dans
lequel la victime doit présenter sa demande de prestations. Donc, je
vais prendre le temps de vous expliquer un peu plus en détail chacun des
critères.
Comme je
viens de vous le mentionner, le premier critère, c'est la territorialité. Donc,
le crime doit avoir été commis au Québec.
Si on a une personne, touriste ou un étudiant étranger, au Québec, qui est victime d'un crime, cette
personne-là pourra bénéficier des avantages prévus par la loi. Par contre, une
Québécoise ou un Québécois victime d'un crime à l'étranger ne pourrait
bénéficier du régime prévu, là, par la Loi sur l'IVAC.
Maintenant,
je vais passer au deuxième critère.
Donc, la victime doit avoir été victime d'un crime qui se retrouve à
l'annexe de la loi. Ce sont tous des crimes contre la personne et non contre
des biens. On vous a soumis une... Notre présentation,
je ne sais pas si vous l'avez entre les mains, mais, sinon, je vais vous
inviter... Si vous l'avez, en fait, je vous invite à consulter la page 12, sinon vous pourrez la consulter
ultérieurement. On a reproduit, en fait, la liste des crimes qui est
prévue par la Loi sur l'IVAC. Cette liste-là a été modifiée pour la dernière
fois en 1985. Je vais faire la lecture avec vous
de certains crimes qui s'y retrouvent, dans lesquels, dans un contexte, là, d'exploitation sexuelle, en fait, un agent à l'admissibilité, là,
en fait, pourrait considérer que le crime a été commis.
Donc, on a, par exemple, le crime de rapports sexuels avec une personne de sexe féminin âgée
de moins de 14 ans ou de moins
de 16 ans. Je veux vraiment prendre le temps de préciser qu'on a reproduit
l'annexe telle qu'elle est rédigée actuellement.
On réfère, dans la liste, à l'article 153 du Code criminel, et aujourd'hui l'article 153 est... en fait, le
titre, c'est Exploitation sexuelle, mais, dans l'annexe de la Loi sur l'IVAC, c'est encore écrit, là :
«Rapports sexuels avec une personne de sexe féminin âgée de moins de
14 ans ou de moins de 16 ans.» Donc, on y retrouve aussi l'inceste,
tentative de meurtre, le fait de causer
intentionnellement des lésions corporelles, voies de fait, agression armée ou
infliction de lésions corporelles, voies de fait graves, toute forme d'agression
sexuelle, enlèvement et séquestration illégale.
Donc, j'attire votre
attention sur le fait que les formes d'exploitation sexuelle telles que le
proxénétisme, la traite de personnes, la pornographie juvénile et le leurre informatique
ne figurent pas à l'annexe de la loi. Par contre, je veux quand même prendre le
temps de préciser qu'un agent à l'admissibilité qui reçoit une demande de
prestations va prendre le temps d'analyser les circonstances dans lesquelles le
crime a été commis. Donc, si, par exemple, on a une personne qui a rempli une
demande de prestations qui nous dit avoir été victime de traite de personnes,
mais qui aurait aussi vécu un enlèvement,
par exemple, ou des voies de fait, bien, la Direction générale de l'IVAC pourra accepter la demande de
prestations mais devra préciser, en fait, dans le dossier, sous quel crime, là,
le dossier a été accepté.
Donc, je vais
passer maintenant au troisième critère, soit la preuve objective de
blessure. Donc, il doit y avoir la présence
d'une preuve objective de blessure soit physique ou psychologique. La personne
victime doit fournir un document attestant de la blessure physique ou
psychologique, là, qui a été rédigé par un professionnel de la santé. Ce qu'il
faut comprendre, c'est que ce qui est
indemnisé, c'est une blessure et non un crime. C'est la raison pour laquelle on
demande à ce qu'il y ait une preuve de blessure qui soit déposée, là, dès l'admissibilité.
Maintenant,
je vais passer au dernier critère, soit le délai pour présenter une demande de
prestations, parce que, oui, la loi prévoit un délai. Depuis le
23 mai 2013, ce délai est de deux ans de la survenance du préjudice. Ce
qu'il faut comprendre, c'est que, pour les
mineurs, on ne peut pas leur imposer le délai, ce qui fait en sorte que le
délai pour présenter leur demande va
commencer à courir à compter de leur majorité. Par contre, pour différentes raisons,
il est bien évident qu'une personne
pourrait déposer sa demande dans le délai, ce qui fait en sorte que la loi a
prévu qu'une victime peut démontrer, par des motifs raisonnables,
qu'elle n'a pas renoncé à se prévaloir de la loi.
Donc, encore une fois, je vais illustrer par un
exemple. Une victime, là, qui serait sous l'emprise d'un proxénète pendant
plusieurs années et qui déposerait sa demande une fois qu'elle est défaite de
son emprise, soit, par exemple, 15 ans
plus tard, et qui déposerait une demande à la direction de l'IVAC, bien, sa
demande serait considérée comme étant hors
délai. Par contre, les agents à l'admissibilité vont prendre le temps
d'examiner les circonstances et pourquoi, en fait, la personne n'a pas déposé sa demande dans le délai,
et la personne pourra, à ce moment-là, être relevée de son défaut, et la
demande pourra être acceptée.
• (16 heures) •
M. Rodrigue
(Jean) : Troisième partie, maintenant, de notre présentation. Nous
allons vous parler spécifiquement des personnes victimes mineures.
Quelques
statistiques. En 2018, un pourcentage de près de 21 % des personnes
indemnisées à la Direction générale de
l'IVAC avaient moins de 18 ans. 58,7 % des délits perpétrés auprès
des personnes mineures sont des crimes à caractère sexuel.
Depuis le
31 juillet 2017, et ce, suite au dépôt du rapport du Protecteur du citoyen
sur l'administration du régime, dépôt
qui a été fait en 2016, les demandes de prestations dont la personne victime
est mineure sont présentées à l'aide d'un formulaire distinct, différent de celui des personnes victimes majeures.
Un guide explicatif a également été développé pour faciliter la
compréhension de ce formulaire.
Depuis le
1er juin 2017, les personnes mineures victimes d'agression à caractère
sexuel sont également exemptées de l'obligation de fournir une preuve
objective de blessure au moment de déposer leur demande de prestations. La présomption qu'il y a une blessure suffit. Les
personnes victimes mineures ne sont pas soumises non plus à un délai
pour déposer une demande de prestations,
comme l'expliquait Me Geoffroy. La Direction générale de l'IVAC a également
mis en place une équipe particulière pour traiter ces dossiers.
Mme Geoffroy
(Catherine) : Maintenant,
pour ce qui est des prestations offertes aux victimes, comme je vous
l'ai mentionné, c'est ce qui est prévu par la Loi sur les accidents du travail,
sachez qu'une personne victime mineure bénéficie exactement des mêmes avantages
qu'une personne majeure. La particularité, c'est qu'il y aurait certaines indemnités qui pourraient être versées aux parents
qui accompagnent leur enfant dans certains traitements. Par exemple, là,
il pourrait y avoir des frais de déplacement
qui sont payés au parent qui accompagne son enfant à une séance de
consultation psychologique, par exemple.
Il y a
également des mesures de réadaptation sociale et professionnelle. Par mesures
de réadaptation sociale, je vous donne
quelques exemples, là. Il peut y avoir des services de psychothérapie ou de
psychoéducation qui peuvent être offerts. Il peut y avoir de l'accompagnement parental, de l'aide
psychothérapeutique aux proches des victimes, de l'accompagnement scolaire, comme de l'aide aux devoirs, du tutorat,
des mesures de protection. Il pourrait y avoir l'installation d'un
système d'alarme. Il pourrait y avoir le
paiement de cours d'autodéfense. Et, dans le cas de certaines blessures
physiques, il pourrait y avoir des
frais d'adaptation du domicile ou du véhicule, là, qui pourraient être
également octroyés. Dans le cas où on serait face à une personne mineure
en emploi, les mesures de réadaptation professionnelle pourraient également,
là, s'appliquer à elle.
M. Rodrigue
(Jean) : En résumé et en terminant, oui, la Direction générale de
l'IVAC est soumise à l'application de
la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Les formes
d'exploitation sexuelle telles que le proxénétisme, la traite de personnes, la pornographie juvénile, le
leurre informatique ne figurent pas à l'annexe de la loi. Soyez assurés
que chaque demande de prestations reçue au
service de l'accès au régime fait l'objet d'une analyse approfondie pour
déterminer la possibilité d'accepter la demande en vertu des critères prévus à
la Loi sur l'IVAC. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les membres de la commission, pour
une période de 30 minutes, en commençant par la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster :
...votre présentation. Excellente présentation. Ma question s'adressera à
mesdames du Regroupement québécois
des CALACS. Vous êtes sur le terrain.
Ce que j'entends dans votre message, ce qui semble assez clair, c'est
que... là où la différence, dans la
perception populaire, elle est très marquée, entre les mineurs et les majeurs.
Donc, c'est comme si à 18 ans on
traçait socialement une ligne sur la perception qu'on a de l'exploitation
sexuelle versus la prostitution. Ce que j'en entends, c'est qu'au niveau
de la vulnérabilité, de l'inégalité des rapports de force, il n'y a pas vraiment
de ligne marquée à l'âge de 18 ans,
c'est qu'on continue avec des problématiques qui se ressemblent. Ce qui fait
que vous nous dites : Rendu à
l'âge adulte, on n'a pas... Ce que j'ai entendu, c'est : On n'a pas les
moyens autant de les aider. Qu'est-ce
qui vous manque, là, au niveau des moyens pour pouvoir dire : On
améliore considérablement l'aide qu'on peut apporter à cette transition entre
les mineurs et les majeurs?
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Bien, en
fait, il y a très,
très peu d'organismes qui travaillent
spécifiquement auprès de ces filles-là et de
ces femmes-là. Et, dans une perspective de sortie, on peut parler
d'hébergement, en fait, que ça soit
de l'hébergement d'urgence mais aussi de l'hébergement à plus long terme. Ça a été
mentionné ce matin, là, je pense, par ma collègue Geneviève. On peut
parler aussi... Ça existe dans certains autres pays, mais on parle beaucoup des
conséquences psychologiques. Clairement,
il faut s'y attarder, reconstruire la personne, tout ça. Mais il y a
des conséquences financières aussi.
Souvent, ces femmes-là vont sortir avec des dettes, vont sortir plus pauvres
qu'elles sont entrées dans ce milieu-là,
et l'aide sociale est malheureusement insuffisante, et la pauvreté fait souvent
qu'elles retournent dans le milieu.
Donc, il
existe des programmes subventionnés de sortie à la prostitution. Donc, on aide
financièrement ces femmes. On leur
donne des outils et des moyens pour qu'elles puissent réellement
avoir une alternative et non y retourner lorsqu'elles sont prises à la gorge financièrement. On peut
penser à des services de toxicomanie spécialisés. Il y a
très peu, en fait, de services de
toxicomanie non mixtes destinés aux femmes, premièrement, au Québec; deuxièmement, très peu de services de toxicomanie
qui vont être à l'aise de travailler, entre autres, avec ces femmes-là mais
avec le trauma aussi de ces femmes-là, donc des services où est-ce qu'ils
seront spécialisés, à l'aise de travailler avec des femmes qui vivent des chocs
post-traumatiques et qui ont un problème de
consommation, parce qu'on sait que c'est une réalité aussi sur le terrain.
Plusieurs développent des problèmes de
consommation d'alcool ou de drogues pendant le moment qu'elles sont dans ce
milieu-là.
Il faut
penser... En fait, à chaque fois qu'on pense... Il faut réfléchir sur toutes
les facettes, en fait, de la vie d'une personne,
et les besoins sont nombreux. Je pense que vous allez rencontrer des survivantes.
Elles sont mieux placées que moi pour
détailler tous ces besoins-là. Mais sachez qu'il n'y a pas... Je pense qu'il y en a cinq, six, organismes spécialisés qui travaillent auprès de ces filles-là et de ces femmes-là, et, même
ces organismes-là, certains ne sont pas financés de façon récurrente. Donc, on
en a parlé ce matin, c'est des projets, parfois des services qui se coupent.
Des fois, c'est des projets pilotes qui existent pendant trois ans. Woups! Après, ça
n'existe plus. Bien, les personnes qui en écopent le plus, bien, c'est
celles qui reçoivent des services, et ça ne les soutient pas, en fait.
Mme Foster : Donc, si je
comprends bien, le financement à la mission n'est pas suffisant pour ces
quelques organismes-là qui s'attaquent à cette problématique-là.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Entre autres.
Mme Foster : Entre autres?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Oui.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Si je peux me permettre de rajouter... Il y a aussi tout ce qui vient après l'industrie du sexe, donc qu'est-ce
qu'elles vont faire, qu'est-ce qu'elles veulent faire, ces femmes-là. Donc, il y a tous les enjeux de formation et d'employabilité, mais,
spécifiquement, pour ces femmes-là, des enjeux de sécurité et de
protection, donc comment les protéger, comment
les protéger des réseaux de proxénètes, des gangs de rue, comment les sortir de
ces milieux-là alors que c'est leur port d'attache, leur milieu d'appartenance.
Il y a
tous les services au niveau judiciaire qui doivent être repensés pour
accueillir ces personnes-là parce
qu'elles ont des besoins particuliers. Quand
elles arrivent, elles demandent parfois plus qu'une... On appelle ça les bonnes
victimes ou les mauvaises victimes, là, mais,
au niveau judiciaire, ce n'est pas particulièrement des bonnes victimes, hein? Ce n'est pas
des enquêtes faciles à mener. Ce n'est pas des situations faciles à entendre,
comprendre.
Puis il y a
aussi tous les enjeux d'indemnisation. Donc, ces femmes-là vont se présenter
avec, oui, des besoins au niveau des
conséquences sur lesquelles, par
exemple, les CALACS ont
travaillé : les traumas, la honte, la culpabilité. Mais il y a
aussi parfois des enjeux extrêmement pointus au
niveau de la sexualité. Donc, ils ont
besoin de voir des sexologues. Ils ont besoin de voir des psychologues.
Parfois, ils sont polytraumatisés.
Donc, il y a vraiment plusieurs enjeux au niveau
de la création de services spécifiques.
• (16 h 10) •
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Prochaine question, la députée d'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Alors, merci d'être venues nous éclairer pendant cette
commission. C'est fort intéressant.
Moi,
j'aimerais qu'on fasse... Dans mes questions, c'est surtout sur la question
d'indemnisation... J'ai comme compris qu'à
l'IVAC le terme «proxénète» n'a pas l'air à être intégré dans la possibilité
d'être indemnisé, et il faut que ce soit le ou la fonctionnaire qui regarde le dossier puis qui décide que, peut-être,
il y a eu quelque chose de criminel pour que la personne puisse être indemnisée. C'est un peu le constat. Je ne sais
pas si j'ai bien compris, mais ça semble être ça. Je vous ai écoutées dire
qu'il n'y a pas de filet social pour les aider. Donc, c'est du côté des CALACS.
Alors,
moi, ça m'amène à la question suivante : Est-ce qu'il devrait, selon vous,
y avoir un fonds spécial dédié, qui serait
peut-être administré par l'IVAC, pour accompagner ces femmes-là dans leur
sortie de l'enfer? Et j'ai l'impression... C'est beau, remplir un formulaire, puis rencontrer un fonctionnaire,
puis de décider... C'est le fonctionnaire qui décide si ça marche ou pas avec une indemnisation, mais ça
m'apparaît, pour une victime, assez compliqué, et ça devrait peut-être
être plus simple que ça. Puis je ne vous
reproche rien, là, je regarde juste comment ça se présente, puis avec votre
expérience. Alors, je vous laisse la parole, l'une ou l'autre, puis je vais
avoir une autre question après.
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Je vais commencer par la partie du financement. Le
financement, actuellement... Vous avez vu,
avec... Mme Quinty, ce matin au niveau du PIPQ, vous a parlé du
financement des organismes. Donc, les
organismes, présentement, sont subventionnés en partie par du financement
récurrent, qui n'est déjà pas assez pour répondre à la mission de base, mais, le reste du financement, on va le
chercher en projets. On a l'habitude de dire, dans les organismes
communautaires, qu'on passe la moitié de notre année à remplir des demandes
pour financer l'autre moitié de l'année, O.K.? Donc, on est toujours à la
recherche de financement dans les organismes.
Je
vais vous parler de la situation spécifique des CALACS. Les CALACS, on est
spécialisés, comme je vous l'ai dit, au niveau des violences sexuelles.
On manque de personnel pour répondre à notre fonctionnement de base qui est d'aider les victimes d'agression à caractère
sexuel. Quand on parle de victimes d'exploitation sexuelle, qui sont des
cas encore plus longs, plus complexes, on est un peu démunis, O.K.? Donc, on
est à penser comment les aider mieux, plus. Mais actuellement il n'y a pas de
financement récurrent en exploitation sexuelle au Québec, et ça, ça en prend.
Mme St-Pierre :
Alors, c'est pour ça que ma question était sur la création d'un fonds spécial
pour... On l'entend bien, puis je ne
veux pas être brutale, là, le fait que vous manquez d'argent, puis c'est sur
des projets, puis que vous passez six
mois par année à remplir des formulaires, ça devrait être corrigé, cette
situation-là. Mais, nous, notre commission porte sur l'exploitation
sexuelle des mineurs. Puis j'ai beaucoup de respect pour ce que vous faites
parce que je vous ai suivies longtemps,
mais, dans notre mandat, dans le dossier sur lequel on travaille... Je reviens
à votre phrase : Il n'y a pas de filet social pour les aider.
J'aimerais juste savoir si vous pouvez réagir à ce que je propose comme...
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : La façon de le gérer, je dois admettre que je ne m'y
connais pas. Par contre, il est clair que la
pauvreté de ces femmes-là les ramène, en fait... Et on parle des mineures. Les
jeunes filles qui sortent du centre jeunesse à 18 ans avec aucun
moyen feront peut-être, entre guillemets, le choix pas éclairé d'aller dans la prostitution pour payer, justement, leur
appartement, etc. Donc, oui, un programme de sortie
et de soutien
de ces femmes-là de la prostitution qui soit financé, qui pense à
l'aspect économique et aussi aux autres besoins, d'hébergement, etc.,
c'est clair que c'est pertinent puis que ça
va aider, en fait, à avoir une réelle alternative, en fait. Là, de la façon que
ce soit géré...
Mme St-Pierre :
Je reviens à ce que vous avez dit sur l'indemnisation et le fait que les
proxénètes ne sont pas dans l'idée d'une indemnisation pour une victime
qui est victime d'un proxénète. C'est normal?
Mme Geoffroy (Catherine) : Bien, c'est sûr que ça amène une situation un peu absurde, là, comme vous venez de le
mentionner. On n'a pas abordé les partenaires. Par contre, il faut comprendre
que les CALACS... Il y a aussi les CAVAC qui
sont partout à travers le Québec, qui vont accompagner aussi les personnes
victimes, là, pour compléter le formulaire
de demande d'indemnisation. Donc, oui, il y a les agents qui vont prendre le
temps de communiquer, là, avec les
victimes pour comprendre le contexte. Il y a aussi les partenaires à
l'extérieur qui sont outillés pour accompagner ou pour aider ces
victimes-là. Mais c'est certain qu'actuellement, comme le régime fonctionne, on
y va avec la liste des...
Mme St-Pierre :
Si on voulait corriger la situation, il faudrait un changement législatif ou un
changement réglementaire? Enlevons l'idée du
fonds, là, spécial, là, mais mettons que vous avez devant vous une victime de
proxénète puis... Pour qu'elle entre dans
le... Pour que le carré rentre dans le rond, comme je disais souvent dans mon
ancienne fonction, là, est-ce que vous avez... ça prendrait un changement
législatif?
Mme Geoffroy (Catherine) : Bien, c'est sûr qu'actuellement, de la façon dont
la direction applique le cadre légal, ils
sont contraints de suivre la liste des crimes qui se trouvent à l'annexe de la
loi. Donc, c'est sûr que, oui, si ce que vous dites, c'est :
Comment on pourrait faire pour ajouter le crime de proxénétisme?, bien, il
faudrait effectivement, là, que l'annexe de la loi...
Une voix :
...
Mme Geoffroy
(Catherine) : C'est ça, il faudrait que ce soit concret à l'annexe de
la loi, oui.
Mme St-Pierre :
Très, très courte question, M. le Président, c'est la question des autochtones.
Vous avez dit qu'elles sont quatre
fois plus représentées. Donc, dans tout le portrait des mineures exploitées
sexuellement, on trouve quatre fois plus d'autochtones?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Mineures, majeures confondues. Ces chiffres-là, c'est confondu, oui,
effectivement.
Mme St-Pierre :
O.K. Donc, pour 100 personnes, 100 femmes ou garçons, incluons femmes
et garçons, vous allez avoir... bien, mettons 25, vous allez avoir 75...
ou, enfin, 100 femmes, 100 personnes qui sont des Premières Nations?
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Oui.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Si vous regardez, bien, juste à Montréal, en fait,
il y a une surreprésentation des femmes autochtones dans la prostitution de
rue. Si on regarde à Vancouver, je pense qu'on parle de 80 % des femmes autochtones qui sont dans la prostitution.
Puis là on parle spécifiquement d'elles, mais on pourrait parler aussi,
là, des femmes réfugiées, de communautés
culturelles, etc., parce que c'est un système qui est hyperraciste, sexiste et
colonialiste.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Prochaine question, le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Quelques petites questions. D'abord saluer le travail que vous faites. Merci de
votre présentation. Ensuite, je suis content
que vous abordiez, mes collègues du RQCALACS, la question de la pauvreté. Moi,
c'est une de mes obsessions, dans le cadre de cette commission-là, sur
la sortie réussie à moyen, long terme. Puis on dirait que c'est toujours l'angle mort, cette question de la
pauvreté. On parlait tantôt de programmes d'aide. Pouvez-vous m'en dire
davantage sur ce que vous avez comme réflexion par rapport à ça?
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Bien, en fait, ce qu'on remarque, c'est que, comme
ma collègue a dit, là, la majorité
des femmes ont commencé à l'âge mineur. Elles ont été soit recrutées... Bon,
peu importe la façon d'y entrer, pour la grande majorité ça se passe autour de 14 ans. Parfois, il y a un
arrêt, que ça soit un arrêt d'agir par les centres jeunesse, tout ça, et, rendues à l'âge adulte, c'est
majoritairement la pauvreté qui ramène les femmes dans le milieu. C'est le
facteur de maintien des femmes dans
le milieu de la prostitution, et c'est le facteur de retour, en fait, et,
malheureusement, c'est parce que l'argent est rapide. Il n'est pas
facile, il est rapide.
Donc,
il y a l'illusion, puis ça, c'est une conséquence aussi au niveau de la gestion
financière, d'avoir de l'argent rapidement et pouvoir s'en mettre de
côté, mais finalement la réalité, c'est qu'elles ont différents problèmes de consommation, puis l'argent va être rapidement
dépensé, puis c'est un cercle vicieux. Lorsqu'elles sortent du milieu,
bien là elles sortent, comme je disais, d'autant plus pauvres, donc, soit parce
qu'elles ont été aussi victimes de fraude...
Souvent,
on peut revoir, là, des jeunes filles, là, où est-ce qu'il y a un proxénète
autour d'elles, tout va être au nom de
la jeune fille : la voiture, les cartes de crédit. Donc là, elle va sortir
du milieu avec une dette. Ce n'est pas rare qu'on voie des dettes à l'aide sociale aussi, où est-ce que
des femmes ont déposé de l'argent dans leur compte d'aide sociale qui
vient, en fait, de la prostitution, qui
vient du fait que... excusez-moi, j'étais pour dire «pimpée», là... qui est
recrutée, et là l'aide sociale va lui
couper... Moi, j'accompagne une femme présentement qui a son chèque de
700 $. En fait, elle a 450 $ parce qu'elle a une dette qu'elle
doit, qui est due, en fait, par le fait qu'elle a été recrutée et qu'elle est
dans la prostitution.
Donc,
si on fait un programme, de un, je pense qu'il faut lutter contre la pauvreté
des femmes en général. Et, si on fait des
programmes spécifiques qui bonifient, qui soutiennent réellement, parce que
l'aide sociale est insuffisante pour tout le monde, bien, ça va clairement aider. Ça va être un des soutiens, un des
filets, une des mailles du filet social pour ces femmes-là.
• (16 h 20) •
Mme Dessureault Pelletier (Maude) : Dans le cadre d'une recherche à laquelle j'ai
participé, on avait interrogé les
femmes. Les femmes nous avaient amené toutes sortes de stratégies qui étaient quand même
intéressantes, puis je peux vous les
proposer. Vous verrez si c'est pertinent. Elles avaient parlé de faire un fonds
spécial pour aider les femmes à la sortie
de prostitution, donc leur octroyer un montant d'argent. Elles ont parlé d'un
supplément à l'aide sociale lors de la sortie
de prostitution. Et elles ont parlé aussi d'hébergement de deuxième étape.
Donc, évidemment, là, quand on parle
de pauvreté, on parle aussi, au niveau de
l'itinérance, au niveau des difficultés à se trouver du logement, donc,
d'ouvrir des maisons d'hébergement
spécifiquement pour ces femmes-là, pour qu'elles puissent avoir accès à un
logement, le temps de recevoir des
soins pour traiter leurs traumatismes, se sortir complètement... aller chercher
des formations, retourner à l'emploi, donc vraiment avoir quelque chose
qui stabilise la sortie de prostitution au niveau de l'hébergement et de
l'argent.
M. Leduc :
Vous me donnez plein de belles idées pour aller voir notre collègue Jean
Boulet, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. On prend
des notes.
Peut-être
une dernière question, si vous permettez, M. le Président, par rapport... oui,
très rapidement, toujours à mes
collègues de RQCALACS. On parle beaucoup ici de vouloir casser la demande à la
source pour qu'un jour vous n'ayez plus
besoin de travailler, en fait, dans ce domaine-là. On peut rêver. Qu'est-ce
qu'on pourrait faire pour casser la demande?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) : On a toutes sortes d'idées en matière de
prévention. En fait, on voulait aussi saluer,
là, le gouvernement, qui a réinstauré les cours d'éducation à la sexualité dans
les écoles. Donc, évidemment, on part de
l'éducation. On parle de l'éducation, des rapports égalitaires, du
consentement, des limites, des relations saines, mais ça va aussi
beaucoup plus loin que ça. Je vais laisser ma collègue continuer.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Il faut y aller sur tous les fronts. Donc,
clairement, si on parle d'investir dans la sortie, il faut aussi s'attaquer à la demande, parce que, s'il n'y a
pas de demande, il n'y a pas de proxénètes, il n'y a pas de femmes dans la prostitution. Je pense qu'il
faut se doter de la vision commune, premièrement, et destiner une
campagne directement aux garçons et aux
hommes, qui les sensibiliseraient sur : Acheter du sexe, ce n'est pas
cool, en fait, c'est non. C'est
inacceptable. C'est une relation inégalitaire. C'est une relation de pouvoir.
Ce n'est pas parce que tu as de l'argent que tu peux décider d'avoir des
relations sexuelles avec une population plus vulnérable.
Entre
autres, je pense que c'est nécessaire, au Québec, d'appliquer la loi. En fait,
on a une loi, présentement, quand même,
qui criminalise l'achat de services sexuels. Elle est peu appliquée, on va
dire. C'est aussi une option. Je sais que vous avez beaucoup discuté, entre autres, là, de l'éducation des
clients. Ça peut être aussi une avenue. En fait, toutes ces avenues sont
saluées. Nous, ce qu'on dit, c'est : Il ne faut pas simplement s'attaquer
à la demande. Il faut tout faire, malheureusement,
pour que les femmes puissent sortir, mais clairement que la demande, il faut
s'y attarder dans la prévention puis aussi dans l'application de la loi.
Le
Président (M. Lafrenière) : On a trois questions à essayer de répondre en 10 minutes. Le
député de Chomedey.
M. Ouellette : En 10... Oui,
c'est bon, juste deux petites questions.
Rupture de
service, pour moi, c'est bien important, puis je pense que, pour tous les
membres de la commission... Vous avez du financement récurrent qui vient
du provincial ou du fédéral?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
On a un financement récurrent qui vient du PSOC, provincial, oui.
M. Ouellette : C'est
provincial?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Oui. Donc, les CALACS, c'est par le provincial.
M. Ouellette : C'est parce que vous avez fait référence à
Mme Quinty, qui est venue ce matin, que son financement vient de
Sécurité publique Canada. Donc, ça, c'est en projets?
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Oui.
Bien, Sécurité publique, je pense que ça parlait d'un financement par projets, comme nous, on a un financement par
projets de Condition féminine Canada. Mais c'est trois ans. Là, il reste
un an. Dans un an, on n'a plus rien.
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
De notre côté, c'est effectivement le ministère de la Sécurité publique, qui
termine cette année, en fait.
M. Ouellette : Fédéral ou
provincial?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Provincial. Et ça sera le poste exploitation sexuelle qui sera coupé si la
subvention n'est pas renouvelée.
M. Ouellette : Mon autre question va être pour l'IVAC. Votre
vision des crimes admissibles, elle date de 1985. Vous expliquez ça comment? Et, vous savez, on est
des législateurs, c'est très facile... On a un projet de loi, là, un
omnibus, là, le projet de loi n° 32,
qui parle des mesures d'adaptabilité, on pourrait facilement déposer un
amendement, si tout le monde, la
machine est d'accord, pour l'actualiser, parce qu'il n'y a rien de plus bébête que quelque chose qui n'est
pas écrit dans une loi quand il arrive la question de dire : Tu es
admissible ou pas? Moi, je ne le sais pas, là, mais ça adonne que quelqu'un qui a une ouverture d'esprit puis qui
regarde : Oui, ce n'est pas là, mais, c'est vrai, ça fait 20 ans que
ça n'a pas été adapté... Mais,
l'autre, vous ne pourrez pas lui dire qu'il ne fait pas sa job, ce n'est pas
écrit. Ça pourrait facilement être réglé, les crimes admissibles.
Je vous le
donne de même. On va en reparler entre nous autres, c'est sûr. Mais je pense
que les contacts devraient être faits
à la Justice pour qu'on puisse au moins l'adapter à la réalité d'aujourd'hui,
là, pour aider vos fonctionnaires qui ont à... Vos employés qui ont à
décider, là, mettez-leur pas tout ça sur le dos. On pourrait la prendre,
celle-là.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. La députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Merci, M.
le Président. C'est vraiment intéressant de vous recevoir puis d'entendre vos
réalités.
Je connais un
peu certaines réalités du CALACS qui est le plus près de chez moi, en Gaspésie.
Donc, j'aurais aimé ça vous entendre,
simplement. Vous avez brièvement parlé que vous étiez en faveur de la sensibilisation dans les écoles. Je pense que vous aimeriez un peu prendre, je crois, en charge
ce dossier-là. Donc, est-ce que vous seriez outillés présentement? Est-ce que
c'est dans vos intérêts de le faire, donner des cours d'éducation
sexuelle dans certaines régions? Je vois déjà un peu de doutes.
Et, bien, en
fait, deuxième question, je vais tout
de suite vous la mentionner, c'est de
savoir... Bon, il y a les jeunes garçons aussi qui sont aux prises des fois avec des problèmes d'exploitation sexuelle. Ça, ça
pourrait mettre en péril votre financement, si je comprends bien, si
vous décidez de venir en aide à ces jeunes garçons là. Donc, est-ce que le gouvernement devrait se pencher sur élargir vos
services et offrir de l'aide aussi aux jeunes garçons victimes
d'exploitation sexuelle?
Mme Whitlock (Marie-Michèle) :
Bien, j'espère que ça ne mettra pas en péril notre financement.
Mme Perry Mélançon : Parce que
ça l'est, au niveau des hommes, pour certains CALACS, donc.
Mme Whitlock
(Marie-Michèle) : Bien, en
fait, les CALACS qui... On a besoin de services non mixtes, en fait, autant dans l'intervention, pour la sécurité des femmes, particulièrement en violence
sexuelle puis en exploitation sexuelle, mais aussi au niveau de l'organisation. C'est une philosophie puis c'est
de l'intervention féministe, tout ça. Il y a des services aux hommes qui
vont être desservis par les CAVAC, entre autres, et autres services.
Au niveau de la prévention, on est clairement
intéressées à être des partenaires. Puis, si on parle d'exploitation sexuelle, c'est très peu abordé, quand même, dans
les écoles secondaires. Puis nous, on aimerait qu'il y ait aussi, là,
des campagnes destinées comme directement
aux garçons et aux hommes. On doit être partenaires. Puis je pense que c'est
à discuter, la façon qu'on va collaborer,
parce que ça reste un cours à l'éducation à la sexualité du ministère de
l'Éducation. Je n'ai pas l'impression que
c'est aux organismes communautaires à aller donner complètement ce cours-là, mais
par contre on sait qu'on a une expertise qui peut être partagée de
différentes façons.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Donc, il y a différents enjeux, là. On est déjà dans les écoles avec le programme Empreinte. Donc, partout à travers la
province, dans trois niveaux scolaires, en secondaire II, III, IV, V,
on va traiter des questions de consentement,
de relations égalitaires, relations saines, hypersexualisation, et j'en oublie,
là. Donc, on est déjà dans les
écoles. Mais ce que ça demande en
matière de mobilisation de personnel,
de financement... Parce qu'on n'est pas payés par le ministère de l'Éducation, on autofinance notre propre présence dans les
écoles. Donc, tu sais, je veux dire, il y a quelque chose là, O.K.? On a la compétence
pour le faire, mais en ce moment c'est difficilement admissible au
déploiement partout, là.
Mme Perry Mélançon : Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. La députée de Roberval. Il reste deux questions, cinq
minutes.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Donc, ma question irait à Mme Dessureault Pelletier. Vous êtes
à La Maison ISA, au Saguenay. Est-ce que vous avez une clientèle autochtone,
qui vient peut-être plus de Mashteuiatsh ou Obedjiwan... ou s'il n'y en a pas?
• (16 h 30) •
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Bien,
oui, il y a une clientèle autochtone. On a des liens très
forts, nous, avec le Centre d'amitié
autochtone du Saguenay. On a aussi une intervenante pivot là-bas
qui est une autochtone. Donc, quand on a des situations particulières,
on réfère vers cette intervenante-là, parce qu'ils ont vraiment des façons
d'intervenir lorsqu'ils... culturellement
traditionnelles. Donc, on fait appel à l'expertise du centre d'amitié
autochtone pour... Puis on a aussi reçu des formations, tout ça, mais on
se réfère à eux lorsqu'il y a lieu, oui.
Mme Guillemette :
O.K., parfait. C'était ça, ma prochaine question, c'est : Est-ce que
l'intervention est adaptée à leurs besoins? Mais là oui.
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Il y a du travail à faire. Je ne vous mentirai pas, il y a du travail à faire.
Mme Guillemette : Avec la
culture autochtone et...
Mme Dessureault
Pelletier (Maude) : Bien,
oui. Oui, oui. C'est ça. Et c'est difficile de les garder dans les
services, pour différentes raisons, que nos services ne sont peut-être pas tout
à fait adaptés.
Mme Guillemette : Adaptés à
leurs besoins puis à leurs réalités?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Puis ça, ce n'est pas juste dans La Maison ISA. C'est partout, là, oui.
Mme Guillemette :
O.K. Une dernière question. Vous avez parlé que ce serait bien d'avoir des
lieux d'hébergement, des maisons. Comment est-ce qu'on pourrait
structurer ça pour ne pas stigmatiser davantage ces personnes-là? Est-ce que
vous avez une idée?
Mme Dessureault Pelletier (Maude) :
Bien, encore une fois, je vais faire appel à une recherche qui a questionné les femmes à ce sujet-là. Les femmes
ont le souhait d'être entre elles, O.K.? Elles veulent être avec d'autres
femmes qui ont le même vécu. Elles veulent
être avec juste des femmes, puis il y a des raisons bien simples pour ça. C'est
que, quand elles sont placées avec
des hommes, des fois, elles se font demander pour des services sexuels. Donc,
elles veulent des services qui sont juste pour elles. Des maisons
d'hébergement dans lesquelles il y a des femmes, il y a des enfants, parfois
elles ne se sentent pas bien dans ces hébergements-là.
Aussi, il y a
des contraintes au niveau, par exemple, de la consommation. Donc, quand une
femme se présente dans un service, qu'elle est en consommation, qu'elle
veut recevoir de l'aide, bien, dans certains services, elle ne sera pas admise. Donc, il faut repenser nos services si on
veut en offrir à ces femmes-là, à ces filles-là. Il faut repenser nos
services.
Mme Guillemette : Parfait,
merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci,
M. le Président. Donc, merci à vous, donc, pour tout ce que vous faites pour
les femmes, pour les victimes. J'avais plein de questions, mais il y en
a une qui m'interpelle, je reviens encore, c'est... Ma collègue la députée de l'Acadie — et le député de Chomedey — l'a abordée. Moi, je n'ose pas le croire. Et
je comprends que les victimes de traite ne sont pas admissibles aux
indemnités de l'IVAC, c'est bien ça?
Mme Geoffroy (Catherine) : C'est-à-dire qu'on va regarder, comme je vous
disais, le contexte. C'est-à-dire que... Évidemment qu'il y a d'autres
crimes. Normalement, ils vivent de plusieurs crimes. Il y a plusieurs
événements qui se déroulent, on ne parle pas
juste de traite de personnes. Puis on va faire tout ce qui est en notre
possible pour accepter la personne victime, pour pouvoir mettre en place
les soins puis les indemnités, là. Mais c'est sûr que la loi, telle qu'elle est
rédigée actuellement, fait référence aux crimes qui sont à l'annexe de la loi.
M. Rodrigue
(Jean) : Dans le cas d'une personne qui ferait une réclamation pour la
traite de personnes, l'agent d'indemnisation
va discuter avec la personne. Et rarement ce crime-là va arriver seul. Alors,
s'il y a eu une agression sexuelle, alors là nous allons pouvoir
accepter cette réclamation.
M. Benjamin :
Il y a un des aspects, M. le Président, que je trouve notamment préoccupant, donc,
par rapport à cet aspect-là, c'est
tout l'enjeu de la territorialité, lorsqu'on connaît... et que, souvent, les
victimes dont il est question dans le cadre
de cette commission-là, ce sont souvent des filles qui sont appelées à être
déplacées dans d'autres provinces. Moi, je trouve ça très préoccupant et
je pense que vite il faudra que nous nous penchions sur cet enjeu-là, pour moi,
qui est fondamental, donc, si on veut
vraiment... et d'autant plus que, depuis hier, donc, on a eu des présentations,
on nous parle de l'importance, entre
autres, d'assurer un continuum de services, de penser à la reconstruction de
ces personnes. Moi, je pense que la reconstruction commence par cette
reconnaissance, je crois, que ce sont des véritables victimes, notamment les
personnes victimes de la traite. Merci. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Au nom de la commission... Oui,
vous aviez une dernière...
Mme Dessureault Pelletier (Maude) : Oui, une dernière petite intervention. Je voulais
juste vous signaler qu'on va remettre, là, le Regroupement québécois des
CALACS, et plus particulièrement La Maison ISA, deux mémoires. Vous en avez peut-être un déjà en main qui est sur
le traitement des victimes d'exploitation, par l'IVAC. Le deuxième, il
va venir très bientôt. Ça va être sur les besoins en matière de services pour
les femmes qui ont un vécu en lien avec la prostitution. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Encore une fois, merci beaucoup. Au nom de la
commission, merci à vous pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends quelques
instants, le temps de laisser la chance à nos prochains invités de s'installer.
Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président
(M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite
maintenant la bienvenue à Mme Rose
Dufour. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre exposé,
puis nous procéderons à une période
d'échange avec les membres de la commission pour une durée de 25 minutes.
Je vous remercie de votre présence. Et vous pouvez commencer,
Mme Dufour. Merci beaucoup d'être là.
Mme Rose
Dufour
Mme Dufour
(Rose) : Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les commissaires. Je suis
chercheure. D'abord infirmière, je suis
devenue anthropologue suite à d'une expérience de coopération internationale.
J'ai fait toute ma carrière en santé
publique. Ma plus grande préoccupation, pendant toute cette carrière-là,
c'était de découvrir, de développer un modèle d'intervention qui donne les clés de l'autonomie, du pouvoir aux
personnes qui ont perdu le pouvoir sur leur vie. C'est dit vite un peu, là, mais voilà. J'ai rassemblé pour
vous les résultats de mes recherches des 19 dernières années avec des
femmes qui en sont venues à se prostituer. En principe, je devrais être à la
retraite depuis 1996, mais j'ai préféré continuer. Alors, voilà.
Je
vais faire ma présentation en trois temps. D'abord, l'état des lieux.
Deuxièmement, j'ai répondu aux questions... enfin, j'ai tenté de répondre aux questions qui étaient formulées dans
le document de consultation. Et puis après, bien sûr, il y aura
l'échange. Alors, je compte mon temps.
L'état
des lieux. Concernant ce que je sais sur l'exploitation sexuelle des mineurs,
première chose que j'ai à dire, c'est,
sur cet état des lieux, la prostitution est devenue industrie du sexe, des
industries, au pluriel, qui impliquent des agences d'escorte, de la prostitution de rue, de luxe,
salons de massage érotique, bars de danseuses nues, pornographie,
cybersexe, «Web women», téléphones
obscènes, tourisme sexuel, «sugar baby» et «sugar daddy», traite internationale
des femmes, etc.
• (16 h 40) •
La
prostitution d'aujourd'hui est incomparable à celle d'hier. Elle n'a rien à
voir avec le passé. Et c'est une observation d'une très grande
importance parce que la prostitution existe depuis très longtemps. C'est Solon,
un législateur athénien, qui a introduit
l'argent dans les relations sexuelles 600 ans avant Jésus-Christ. Ça veut
dire que ça fait longtemps que la prostitution existe. Elle n'avait pas
la forme d'aujourd'hui, bien sûr, ce qui fait que tout le monde pense connaître
la prostitution, et c'est une erreur très
grave qui fait partie du problème dont on va discuter aujourd'hui. Il nous faut
absolument dire et faire connaître à tout le
monde que le phénomène avec lequel nous nous battons est un phénomène social
nouveau que nous devons apprendre à observer, à connaître et à documenter.
Maintenant,
quelles sont ces femmes avec qui j'ai eu à travailler, ces filles, ces filles
et femmes, femmes et filles qui sont
le personnage central de la prostitution, de l'exploitation sexuelle? Parce
que, quel que soit l'âge de la prostitution, il y a exploitation
sexuelle, même si la femme est consentante, puisque sa raison d'être là, c'est
toujours la pauvreté. Mais je vais me concentrer sur les mineures.
Tous les
réflecteurs sont orientés sur la femme alors qu'elle n'a rien à voir avec tout
ce phénomène-là, elle n'est que la marchandise. La prostitution est
occasionnée par les hommes consommateurs de prostitution. C'est eux autres, le personnage central, et vous voyez que les
réflecteurs sont détournés du côté des femmes alors que le personnage
central, celui qui produit la prostitution, c'est le consommateur de
prostitution.
En ce qui concerne les filles mineures maintenant, bien
sûr qu'elles ne sont pas le
personnage central, mais elles sont
victimes d'hébéphilie lorsqu'elles sont exploitées sexuellement. Je vais vous
expliquer pourquoi je pense ça. J'estime que c'est environ 60 %
des femmes avec qui j'ai travaillé, dans les 19 dernières années, qui ont
commencé à être exploitées sexuellement
et, dans certains cas, même à se prostituer alors qu'elles étaient mineures. Le
Conseil du statut de la femme avance 80 %, je crois qu'elles sont
plus proches de la vérité que moi.
En résumé,
qui sont ces adolescentes? Ces adolescentes, pour moi, sont en survie, elles
sont allées dans la rue ou un équivalent, soulignons-le à double trait,
mais la rue est aussi venue à leur rencontre. Elles sont attendues, rapidement
repérées et cueillies par des prédateurs, des proxénètes, des pimps, des gangs
de rue, des criminels et, dans le cas des mineures,
ce qu'il faut dire, c'est que ces hommes consommateurs de petites filles ou
d'adolescentes sont des hébéphiles, c'est-à-dire
des hommes qui ont une attraction sexuelle pour des filles prépubères et des
jeunes pubères, qui profitent de leur
détresse pour les exploiter sexuellement plutôt que leur venir en aide, comme
le réclamerait leur situation. Bien sûr, ces adolescentes ne sont pas
des prostituées. Bien sûr, la désignation de prostitution juvénile déplace sur elles
la responsabilité, qui est celle de leurs
assaillants et de leurs agresseurs. Votre commission l'a bien reconnu en
évitant d'utiliser l'expression «prostitution juvénile».
J'attire
votre attention sur ce fait d'hébéphilie pour des jeunes adolescentes entre 12,
15 et 16 ans parce que le DSM, qui est le Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders, le manuel psychiatrique qui fait
autorité dans le domaine des diagnostics de
la santé mentale, qui reconnaît la pédophilie, qui fait autorité pour le
comportement sexuel avec des enfants,
lors de sa révision, du DSM-IV, pour accepter le DSM-V, en 2013, il y a une
équipe de psychiatres canadiens qui a
suggéré l'introduction d'une distinction entre pédophilie et hébéphilie, et
c'est d'une très grande importance. Donc, le terme est maintenant inclus dans le DSM-V. Il nous faut mettre
l'accent sur ce fait d'hébéphilie, qui est une pathologie sexuelle. Et, vraiment, dans le travail que je
fais présentement, je vois combien cette hébéphilie est omniprésente, et il
faut la dire pour la déclarer, pour la dénoncer.
Maintenant,
les filles avec qui j'ai travaillé, qui sont-elles, ces mineures qui sont dans
la rue? Ce ne sont pas seulement des fugueuses. Contrairement à l'image
qu'on en envoie dans les vidéos ou dans les scénarios, à la télévision, dans
les discours officiels, elles ne sont pas
nécessairement des fugueuses, pas d'après mes résultats de données de terrain,
en tous les cas, parce qu'il n'y a pas d'histoire heureuse qui conduit à
la rue, mais il y a une histoire qui y conduit. Alors, la recherche à laquelle,
moi... que j'ai menée, il y a trois dynamiques principales qui conduisent à la
rue.
La première,
et je vais peut-être vous étonner, mais c'est vraiment la réalité — et j'ai écrit un livre là-dessus et
qui s'appelle Je vous salue Marie, je
vous ai apporté les publications que j'ai faites — la première, c'est des parents
indignes. Ça existe, des parents qui mettent
leurs enfants dans la rue, et des filles. Débrouille-toi, arrange-toi pour
revenir toute seule, etc. Ces enfants-là ne sont pas protégés. Donc, des
filles qui sont mises à la rue.
La deuxième
dynamique, c'est des filles qui vont décider de partir. C'est vrai pour les
garçons aussi, là. Et les filles vont
décider de partir à cause de ce qui se passe à la maison, des abus sexuels, de
la violence, de tout ce qui se passe. Elle va partir pour sauver sa vie,
sa santé mentale. Ça existe.
Il y a la
catégorie de celles qui veulent triper, mais, celle-là, après un jour, deux
jours, normalement, elles reviennent
à la maison les pattes aux fesses parce qu'elles découvrent qu'est-ce qui se
passe en réalité dans la rue, parce que la nuit, dans les heures
tardives et dans la nuit, la rue, c'est la place de la police, et des gangs de
rue, et de la criminalité.
Donc, je veux attirer l'attention sur le fait
que ce ne sont pas juste des fugueuses. «Fugeuses» veut dire qu'elles quittent un milieu qui serait bon, alors que ce
n'est absolument pas le cas. Alors, ces jeunes filles, au plan familial, ce
que j'ai observé, c'est que, dans tous les
cas, pratiquement, elles fuyaient une situation qui était insupportable, un
danger qui existait à l'intérieur de la maison où, là, elles étaient.
Alors, j'ai examiné où résidaient-elles au moment où elles sont parties pour s'en aller dans la rue et j'ai
réalisé qu'elles ne résidaient plus chez leurs parents, que la plupart fuyaient
un lieu institutionnel, comme un centre
d'accueil, un foyer de groupe, un appartement supervisé; dans un cas, une
résidence étudiante. Elles ne fuyaient pas un chez-soi, elles fuyaient
un lieu symbolique d'internement en période d'adolescence.
Il
y a plus à dire, hein, c'est écrit ailleurs, mais ce qui est intéressant à
retenir, ce sont que toutes avaient une relation problématique et difficile avec leur mère. C'est fondamental. Et ce sont
les dimensions relationnelles, le manque de soutien, le manque de sentiment d'appartenance, le manque
d'émulation qui sont en cause et qui ont un poids suffisamment lourd pour faire changer la trajectoire de leurs vies,
alors qu'elles se retrouvent dans la rue, et qu'elles ne sont pas prêtes à
assumer les responsabilités qui incombent à
un adulte. Puis elles sont sous-scolarisées, carencées sur le plan affectif,
donc, ça se manifeste
par énormément de dépendance affective, etc. Dans la majorité des cas, la
pauvreté est multiple, elle est loin d'être seulement matérielle. Elle est éducative, elle est au plan des carences
affectives. Au plan relationnel, elles ne seront pas en relation avec personne, elles n'ont pas de réseau,
etc. Toutes les dimensions de la pauvreté sont présentes dans leur cas.
Je
veux enlever cette image que toutes les filles qui se retrouvent dans la rue...
ou que le danger existe pour toutes les filles. Alors, je vais vous
expliquer mon point de vue, qui n'est pas celui-là. Parce qu'il y a à la fois
leurs histoires personnelles qui précèdent, mais il y a aussi les systèmes
sociaux producteurs de prostitution. Et j'ai découvert qu'il existait six
systèmes sociaux producteurs, et j'en ai rajouté un dernier qui, lui, est
extrêmement parlant, vous allez voir. Je ne pourrai pas développer, mais c'est
très bien décrit dans cet ouvrage et dans un dernier qui est sorti en 2018.
• (16 h 50) •
D'abord,
le système des incestes pédophiles, agressions sexuelles et tous les gestes de
pédophilie qui existent à l'intérieur de la famille. Et c'est absolument
bouleversant. C'est 85 % des femmes avec qui j'ai travaillé dans les 19 dernières années. Et on savait déjà, dans
la littérature, que le plus grand nombre des femmes dans la prostitution
avait été sexuellement abusées, mais on
savait que toutes les filles abusées ne vont pas nécessairement se prostituer.
Et la question à laquelle j'ai tenté
de répondre, c'est : Qu'est-ce qui joue dans un cas et dans l'autre? Et
c'est en analysant de façon très approfondie
les parcours de vie, l'histoire personnelle de ces femmes qui avaient débuté
dans la prostitution alors qu'elles étaient
mineures que j'ai découvert ces systèmes producteurs de prostitution. 85 % ont eu,
donc, des incestes, agressions sexuelles et toute forme de pédophilie.
Évidemment,
jeunesse, fugue, pauvreté, parce que se retrouver dans la rue, adolescente, c'est se
mettre en danger.
Le
troisième, c'est avoir une mère qui elle-même se prostituait. Toutes les
femmes, on le sait, comment le modèle de notre mère est un modèle prégnant. Et justement, hier soir, à RDI, aux
nouvelles, hier soir, où je vous ai entendus, il y a une jeune femme qui
était là, puis elle raconte sa difficulté. Et, à un moment donné, tout de suite, elle l'a énoncé mais ne se rendait
pas compte, mais moi, j'ai tout de
suite réalisé qu'est-ce qui l'avait
amenée là : sa mère s'était prostituée, puis elle avait été abusée
sexuellement. Puis il me manquait tout le reste de l'histoire, mais je sens que
j'aurais pu être capable d'identifier
probablement trois, quatre, peut-être cinq systèmes producteurs de prostitution : avoir un
conjoint qui est gigolo ou proxénète,
parce que, s'il se fait vivre par elle, parce qu'elles se mettent en relation
avec des gars qui n'ont pas d'allure, qui
sont irresponsables, qui sont dangereux, à cause de la carence affective;
évidemment, la toxicomanie, l'alcoolisme, qui est... conduit, peut
conduire directement... ou autre forme de dépendance; et la très grande
proximité de la prostitution. Je vais y revenir.
Ces systèmes ne sont
pas mutuellement exclusifs, ils s'additionnent au fur et à mesure de la durée — ce
n'est pas vrai, je ne vous ai rien dit!
Quatre
des systèmes dont je vous ai parlé logent dans la famille, ce
qui est absolument épouvantable — je viens de les nommer, pédophile, inceste, jeunesse, fugue, pauvreté — parce que, si elles se retrouvent dans la rue alors qu'elles sont adolescentes, c'est que ça ne va pas dans la
famille : mère prostituée, conjoint gigolo... On en a quatre, ce qui
prouve que la famille peut être non pas protectrice de ses enfants, mais
agressante pour ses propres enfants, destructrices pour ses propres enfants.
Dans mon texte, j'ai un meilleur mot que ça, mais là il me manque, là.
Nos
valeurs sociales aussi, nos valeurs sociales, la société dans laquelle nous
vivons aujourd'hui est une société open, je vais le résumer comme ça, où il n'y a plus de limite, où on est dans
la consommation de tout et où le sexe est extrêmement valorisé. Nos adolescentes d'aujourd'hui... parce
que je n'aurai pas le temps de vous parler du septième système
producteur de prostitution, qui, lui, est complètement nouveau, qui est que les
jeunes filles, jeunes, là, que nos adolescentes, contrairement à la génération
précédente, sont totalement différentes au plan des comportements. Elles
sont... elles apparaissent plus désensibilisées. Elles apparaissent plus open,
plus ouvertes. On ne parle plus de prostitution, on parle de travail du sexe.
On ne sait plus ce que c'est, la prostitution, c'est le travail du sexe.
Le
seul endroit où la prostitution est reconnue, c'est dans la prostitution de
rue. Mais la confusion est extrême, parce que même la relation sexuelle, pour être reconnue comme relation
sexuelle, doit être une pénétration. On l'a vu avec les auditions XXX à Québec, qui se sont passées
sous haute surveillance policière, alors que, ce qui se passait dans la
limousine blanche qui était face, justement, au club qui avait organisé ça, les
hommes payaient 20 $ pour se faire masturber. Mais toutes les femmes, tous les adultes que nous sommes ici aujourd'hui,
nous savons fort bien qu'on peut avoir une relation sexuelle sans qu'il y ait pénétration. La
pornographie — puis je
ne pourrai pas vous l'expliquer — c'est non seulement de la
prostitution filmée, mais c'est aussi du proxénétisme. Et il y a un
sociologue — je
vous donne la référence dans le mémoire — qui en fait la démonstration. Nous avons
vraiment nos classes à faire pour se mettre à jour sur ce qui est la
réalité de la prostitution. Nous avons l'impression de tout connaître, alors
que c'est l'inverse qui existe.
Quelle est la
situation concernant les jeunes dans la rue? J'ai oublié de vous dire quelque
chose d'extrêmement important. Depuis un an,
je travaille avec une jeune femme qui
a connu le centre jeunesse et la prostitution juvénile, vous l'avez vu
dans le document que j'ai déposé. Et vraiment ses connaissances de la
prostitution juvénile ont fait beaucoup, beaucoup avancer mes connaissances, et
nous travaillons très fort depuis un an, et elle contribue à ce mémoire.
Quelle est la
situation au moment où on veut les aider? Alors, vous allez voir que la
situation est extrêmement grave. Nous
voulons les aider. Nous les considérons, ces jeunes adolescentes, en situation
d'exploitation sexuelle, mais, dans ce cas-ci, je préfère dire «de
prostitution», parce qu'elles sont vendues. Elles se sont faites prostituer par
leur proxénète. On ne peut pas exclure totalement le mot «prostitution», il
faut aussi pouvoir convenir de son usage pour expliquer
la situation. Nous voulons les extraire, nous voulons les faire sortir. Mais
quelle est la situation quand on entre en contact avec elles? Un, bien, elles sont dans le travail du sexe, elles
ne sont pas dans la prostitution. C'est une autre culture que la nôtre, là. Là, je parle des adolescentes
d'aujourd'hui. Elles ne veulent pas sortir. Elles ont enfin une solution à
toutes leurs misères, le travail du sexe, puis en plus elles sont en amour.
Elles sont carencées au plan affectif.
Je suis désolée de
faire des démonstrations si courtes, mais je ne peux pas faire toutes les démonstrations...
J'ai fini, hein? Ça n'a pas de bon sens! Mais je vous ai, je pense, lancé des
idées que je sais qu'elles sont probablement bousculantes. Mais la recherche permet d'avoir
accès à des connaissances qu'on n'aurait pas autrement. C'est à ça qu'elle
sert, la science.
Maintenant,
le président m'a fait signe. Je ne sais pas si vous voulez continuer comme ça
ou aller vers l'intervention. J'ai
pris toutes les questions qui étaient posées puis j'ai essayé de voir comment
je pouvais y répondre. Alors, je ne sais pas quoi faire. Je réponds à
vos questions? Je ne sais pas trop.
Le Président (M. Lafrenière) : On va partir avec une période d'échange,
Mme Dufour. Merci beaucoup, beaucoup pour votre présentation. On va débuter, donc, une période d'échange de
25 minutes avec nos collègues en débutant par la députée de
Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Dufour.
Vraiment intéressant. Vos recherches sont
éclairantes à plusieurs niveaux, suscitent beaucoup, beaucoup de questions.
Vers la fin, vous avez vraiment parlé de prostitution juvénile, notre
commission s'appelle «l'exploitation sexuelle des mineurs». Est-ce que vous
êtes d'accord qu'il y a quand même une différence? Parce que le phénomène de désensibilisation
est important aussi.
Mme Dufour
(Rose) : Oui, oui. Je suis la première à dire qu'on ne doit pas parler
de prostitution juvénile. Mais on se
retrouve aussi dans un paradoxe parce que la jeune fille qui est très pauvre,
qui est dans la misère, qui est taponnée par son père depuis des années... Parce qu'il y a des situations absolument
tragiques. Dans cet ouvrage, il y a 20 histoires de femmes qui en sont venues à se prostituer, dont
presque la moitié a été abusée sexuellement. Oui, c'est clair que je
suis d'accord avec le fait qu'on parle d'exploitation sexuelle. Comme je le
disais au début, toutes les femmes dans la prostitution sont exploitées. Il n'y
en a aucune qui le fait pour le plaisir, là. C'est faux de croire ça, là.
Maintenant,
en même temps, je me retrouve dans un certain paradoxe parce qu'en même temps
elles sont dans le travail du sexe.
Ça, on ne peut pas utiliser juste ça. Elles sont vendues. Être vendues, c'est
donner accès à leurs corps et à leurs sexes
pour de l'argent. Ça fait qu'il faut... C'est compliqué, puis je ne suis pas
capable de résoudre entièrement le problème, mais... Je suis entièrement d'accord et très heureuse que la commission
s'appelle comme ça, mais je veux qu'on reste l'esprit ouvert parce que,
si on se met juste à parler d'exploitation sexuelle, on va niveler le problème
qui doit être dénoncé. Mais je ne suis pas sûre de bien le présenter.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Non, je comprends votre point de vue. Mais vous avez
dit aussi, au tout début, que la
prostitution, ça existe depuis 600 ans avant Jésus-Christ. La traite
aussi. La traite... Et c'est une forme de traite quand on parle
d'adolescentes. Il y a une notion de consentement, et tout, puis de
désensibilisation surtout.
Mme Dufour
(Rose) : Oui, oui. Oui.
• (17 heures) •
Mme Lecours
(Les Plaines) : J'aimerais ça... Rapidement, puis, après ça, je vais
laisser la parole à mes collègues, reparlez-nous de la l'hébéphilie.
Mme Dufour
(Rose) : Ah! c'est une belle question, parce que... D'abord, je vais
vous dire, j'ai fait la première enquête au Québec sur les hommes consommateurs de prostitution dans
les... Je pense que je vous ai entendus hier soir dire qu'il n'y avait
pas beaucoup de documentation, mais j'ai fait la première enquête, et c'est la
deuxième partie de cet ouvrage. Ça a été absolument passionnant.
La
réaction des gens autour de moi, hein... Je travaillais au PIPQ, qui m'avait
interpelée pour travailler avec eux autres.
J'ai été cinq ans avec eux autres. C'est là que j'ai été initiée, etc. Mais tout le monde autour de moi me disait : Ça n'a pas de bon sens, puis c'est dangereux, puis ne fais pas ça. Puis les
femmes elles-mêmes, dans la prostitution, défendaient les clients en disant : Mais nous autres, on
accepte de se sacrifier parce que, si les hommes... Parce que toute la question de la prostitution, c'est : Les désirs sexuels des hommes sont
irréductibles, c'est irréductible, on ne peut pas empêcher ça, il faut que ça aille au bout de la libération. Ce qui
est faux. Il y a eu des recherches absolument exceptionnelles qui
ont été faites sur les hommes
consommateurs de prostitution et qui ont montré que c'est la culture et l'éducation
faite au garçon qui fait qu'il n'est pas un sauvage, il ne va pas sauter
sur toutes les femmes. Mais pourtant il y a des hommes qui n'ont aucun
scrupule. Et j'ai documenté la question à fond là-dedans.
La différence entre
le consommateur de prostitution puis celui qui n'en fait pas... Parce que la
très grande majorité des hommes... Au Québec, on estime que c'est environ
12 % des hommes qui consomment de la prostitution. Mais ça ne doit pas être ce taux-là. Moi, je pense
qu'il a dû augmenter, dans les dernières années, à cause de l'omniprésence
de la pornographie, de la sollicitation,
etc., et... — j'ai
perdu mon idée — la
majorité des hommes n'y pensent même pas. Non seulement ils ne veulent pas consommer parce que... par
dignité envers eux-mêmes puis dignité et reconnaissance de la dignité des femmes, jamais
ils ne le feraient. Ils trouveraient ça absolument dégradant, de faire
ça. Mais pourtant il y a une catégorie
d'hommes pour qui ça n'existe pas.
Mais
qui sont ces hommes consommateurs de prostitution? Dans lequel il y a
une catégorie d'hommes qu'eux autres c'est des petites filles qu'ils veulent. Il y a
des pédophiles. Vous êtes à l'aise avec l'idée de pédophile, c'est
l'attraction pour les bébés et les enfants,
alors que la prépubère ou jeune pubère, c'est la fille dans sa splendeur, hein,
de floraison, où elle va devenir
menstruée, et elles sont immensément belles, et ces hommes ont une attraction
particulière pour ces filles-là. Et je
sais que c'est vrai parce que j'ai parlé avec des proxénètes, parce que... le
travail avec la jeune femme dont je vous ai parlé. Elle l'énonçait très,
très, très clairement.
Maintenant, quelle
est la caractéristique des hommes consommateurs de prostitution? D'abord, c'est
des irresponsables, puis ils ne veulent pas
avoir de responsabilités, ils ne veulent surtout pas assumer de responsabilités. Ils ne connaissent absolument pas les
femmes, mais ils connaissent encore moins les femmes prostituées. Ils sont absolument
certains qu'elle, elle aime plus le sexe
plus que les autres, elle est plus chaude que les autres, ce qui est entièrement faux, parce que les femmes dans
la prostitution ne se donnent pas.
Avoir
une relation sexuelle, c'est donner accès à ce qu'on a de plus privé et de plus
intime et de sacré, je dirais, sacré dans
le sens d'unique, extrêmement élevé au plan de sa valeur. La différence entre
un objet sexuel et une personne, c'est la dignité humaine. L'être humain
a une dignité. L'objet et la chose n'en a pas. Il est réductible, c'est un
outil, c'est un instrument, c'est technique.
Et ces hommes consommateurs de prostitution, ils sont absolument
ignorants puis ils ne veulent surtout pas apprendre. Mais, parce que la
prostitution ancienne, aussi, était complètement différente, il y a un travail
d'information, d'éducation de la population, etc. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lafrenière) : Question de la députée... Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci beaucoup. C'est absolument passionnant de vous entendre. Ce n'est
pas la première fois que je vous entends dans une conférence, puis,
encore aujourd'hui, je suis très impressionnée.
J'y
vais très rapidement parce que, dans votre mémoire, vous parlez... D'abord,
je vois la phrase, là : «...il faut tuer le marché [de la prostitution].» Puis vous dites que «le
XIXe siècle a vu l'abolition de l'esclavage, le XXe siècle a
aboli la peine de mort, notre siècle [...] doit [abolir] la prostitution».
Alors, c'est une forme d'esclavage.
Mais
je vous amène sur le paragraphe suivant, sur la police, parce qu'ici c'est écrit : «La police tolère
la prostitution, une tolérance qui correspond à une résistance, un refus
d'appliquer la loi.» C'est gros, là, ce que vous nous dites.
Mme Dufour
(Rose) : Ah oui! C'est...
Mme St-Pierre :
Et vous citez un article qui m'avait d'ailleurs impressionnée, dans le journal Le Soleil,
le 21 juin dernier, où on donne des
statistiques concernant les arrestations ici, à la ville de Québec. Et on a vu
tout le travail qu'ils ont fait. Ce
matin, ils nous ont parlé du travail qu'ils font auprès des victimes. Mais
monsieur le client, là, il semble que
lui, il ait bien du fun puis il n'est pas... on ne s'en occupe pas, puis il
continue sa belle petite vie, qui a l'air bien normale, avec tous les paravents... le paravent. Là, il
faut que vous nous en parliez, de ça, parce qu'on n'en a pas parlé, là. On
va en parler peut-être plus tard, mais j'aimerais vous entendre sur cet
aspect-là de votre mémoire.
Mme Dufour
(Rose) : Nous, les femmes qui travaillons dans ce domaine, nous sommes
désespérées du comportement de la police. Ce
n'est pas nous qui les sortons, les statistiques, mais on observe qu'est-ce qui
se passe. Il y a des salons de
massage érotique... je vais prendre à Québec, là, il me semble que c'est 22 ou
24, là, je ne m'en rappelle plus, du
chiffre. Et, lorsque vous regardez l'annonce, là, c'est évident que c'est une
offre de prostitution. Il n'y a pas d'autre mot.
Mme St-Pierre :
Bien, excusez-moi, vous avez, tout à l'heure, montré le signe «sept».
Alors, pour l'enregistrement... Je
pense que la caméra ne vous a pas captée, alors, pour l'enregistrement, je vais
le citer, l'article : «...le service de police de la ville de Québec a arrêté sept clients pour
obtention de "services sexuels moyennant rétribution", selon une
compilation du corps [de police]. Alors que
des centaines de clients achetaient des services sexuels dans les rues, les
agences d'escorte et les salons de massage érotiques de la capitale...»
C'est l'article. Alors, je vous laisse continuer, parce que la caméra n'a pas
vu votre signe «sept».
Mme Dufour
(Rose) : Merci. Merci de l'avoir cité. Alors, il y a ça, les clients
ne sont pas arrêtés, donc ils sont protégés,
quelque part. Il y a eu les auditions XXX. La semaine dernière, et ça me
gêne de dire ça au micro, la semaine dernière, j'ai reçu un appel de
quelqu'un qui m'a dit : Un client a été informé que la police allait faire
une décente, donc il devait avertir tous ses
chums. Bon, je ne l'ai pas vérifié. Je ne l'ai pas vérifié, mais je n'ai même
pas été étonnée. J'ai dit : Bien oui,
c'est sûr que ça fait partie de la pratique. Moi, d'abord, ce que je crois,
c'est que la police, sans vouloir vous offenser...
Le Président
(M. Lafrenière) : On est trois, quatre ici, ça va aller.
• (17 h 10) •
Mme Dufour
(Rose) : Mais je crois que la police est comme l'ensemble de la
population. La police ignore ce que c'est,
la prostitution, la prostitution contemporaine. On a une idée, mais on doit
être plus informé que ça. Il doit y avoir, au plan même de
l'intervention, l'intervention faite par des généralistes psychologues,
sexologues.
Je
vais vous donner un exemple de quelqu'un qui a été absolument brisé par son
proxénète, qui lui a dit : Tu ne veux pas travailler pour moi, tu
ne travailleras plus jamais pour d'autres. Je n'ai pas besoin de vous dire
qu'il l'a brisée, là. Il l'a brisée. Elle
est brisée à vie, là, elle est brisée à vie. Non seulement elle est en
post-trauma complexe, mais c'est... la
situation est extrêmement grave. Elle a été traitée par une sexologue, puis les
gens d'IVAC étaient là. C'est tannant, parler de ça. Je ne veux pas dénoncer aucune institution, mais ce que la sexologue
lui a dit, c'est : Bien, fais des fellations. Bien, si une sexologue dit ça, moi, je deviens violente,
ce n'est pas compliqué, là, parce que, là, on est dans quoi, là? Qu'est-ce
qu'on est en train de faire, là? On croit que, la prostitution, il n'y a pas de
mal, là? Bien, voyons donc!
Alors,
la situation, elle est dramatique à cause de l'ignorance sur la réalité de la
prostitution. Et je trouve que ma contribution
est bien peu de chose, même si j'y ai mis
le maximum. Je crois que c'est les femmes elles-mêmes, dans la prostitution, qui vont faire avancer les choses.
La commission, certainement. Moi, j'ai tellement d'espoir en vous sur
les recommandations que vous allez faire, mais la situation est vraiment absolument
dramatique.
Et, dans ces 20, 19 dernières années
que je viens de passer dans la prostitution, ce que je vois aujourd'hui, je suis terrorisée. Moi, je
suis grand-mère d'une petite fille qui a 10 ans présentement. Je suis
morte de peur. Je suis morte de peur. Il
faut qu'il y ait une révolution. Puis merci de l'avoir cité. Nous devons
comprendre la gravité et la réalité de la prostitution. Nous devons la
comprendre jusqu'à prendre des décisions de nous tenir debout.
Et
je vous ai apporté quelque chose qui est très intéressant et que vous avez peut-être
noté. Puis, à côté de l'Ordre national
du Québec, j'ai un petit truc, là, un
morceau de peau d'orignal. Et je vous ai apporté quelque chose des
autochtones, je ne me rappelle pas dans
quelle province, je pense c'est le Manitoba, qui ont décidé d'intervenir, d'intervenir... Il
y en a pour chacun d'entre vous, si vous voulez les porter, avec toute
l'information.
Je crois que l'une
des premières choses urgentes à faire, c'est de mobiliser les hommes, les
hommes, l'entièreté, tous les hommes de notre
société. Depuis à peu près 100 ans, c'est nous, les femmes, qui sommes
debout à vouloir lutter à mort contre
ça, parce qu'être une femme ce n'est
pas comme un homme. Et la relation, c'est... Dans la relation sexuelle,
la femme est pénétrée, et l'homme ne l'est
pas. Les hommes consommateurs de prostitution n'ont aucune conséquence
de la consommation de la prostitution. Je
m'excuse de parler de cette façon-là. Ils remontent leurs culottes, puis ils
retournent chez eux, puis ils sont des bons pères, des bons maris, des bons
professionnels. C'est outrageant, c'est inacceptable.
Parce
que, les femmes qui sont dans la prostitution, la majorité ont commencé alors
qu'elles étaient mineures, elles sont déjà brisées par la vie parce que
la vie a été épouvantable puis qu'elles ont été abusées sexuellement, et elles
se retrouvent... C'est des femmes qui sont
absolument brisées. C'est des femmes qui n'ont plus de corps, qui n'ont plus
de vie, qui ont une perte totale de leur sensibilité. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question.
Mme St-Pierre :
Ma question était sur les services policiers, mais je pense que ce j'ai
compris, c'est qu'il faut qu'on soit...
Mme Dufour
(Rose) : Nous devons tous nous mobiliser, mais, en premier lieu, la
prostitution, l'exploitation sexuelle des mineurs, c'est le fait de la
sexualité masculine. Parce que, si on était juste des femmes — je le
dis pour badiner — il n'y en aurait pas, de prostitution. Celui
qui produit la prostitution, c'est celui qui la consomme, et la demande
ne fait que croître. Alors, il faut... Et
c'est Ghyslain Vallières qui m'a sorti, en parlant au téléphone... qui m'a
dit : Mais il faut tuer le marché prostitutionnel. J'ai dit :
C'est exactement ça, je vais reprendre ta formule. Je ne l'ai pas cité dans le
mémoire, mais ça lui revient. Et c'est vrai, il faut tuer le marché
prostitutionnel.
Mais
comment on va faire pour le tuer? Mais on n'y arrivera jamais sans vous autres,
les hommes. Vous imaginez-vous qu'on
a de la crédibilité, malgré le mouvement féministe? Bien, voyons donc! On a un
petit peu avancé, mais à peine. Ce
sont, hein... Imaginez un instant, là. Pourquoi ces femmes-là seraient plus
prostituables que les autres? Elles sont pareilles comme vos mères, vos
soeurs, vos épouses, vos soeurs, vos filles, vos enfants. Ce sont de nos filles
dont il est question.
Et
je veux vous dire quelque chose d'important. Je parle avec conviction. C'est
pour ça que je n'ai pas été capable d'arrêter,
il fallait que je poursuive la recherche, parce qu'il y avait peu de recherche
qui était faite dans le domaine. Mais, quand
je suis arrivée au PIPQ, j'ai été tellement démontée. D'abord, j'avais toujours
travaillé juste avec des hommes, des itinérants,
des jeunes de la rue, les enfants de Duplessis, et tout à coup je me retrouve
avec des femmes qui sont dans la prostitution.
J'étais absolument certaine, moi, qu'elles aimaient ça plus que les autres,
qu'elles étaient plus chaudes que moi puis
toutes les autres femmes. Et la première femme avec laquelle j'ai discuté, à
qui j'ai offert de travailler sur son récit de vie, sa généalogie, son histoire personnelle, pour l'amener non pas à faire une collecte de
données... Je n'ai jamais eu l'idée de
faire des collectes de données sur les femmes. J'ai travaillé avec elles pour
les amener, elles, à faire une recherche sur elles-mêmes. Ces livres-là ont été produits parce qu'il fallait bien
sortir ce matériel-là pour produire un événement
social, mais je n'étais pas intéressée par
ça, pas du tout, je l'ai fait par devoir. Ma carrière était finie. Il y a
vraiment un... J'étais comme les autres, mais j'ai fait mes classes. Mon
rôle, aujourd'hui, c'est de vous aider à le faire.
Alors, je vous ai
apporté ces deux livres qui parlent de ça. Évidemment, le premier enquête sur
les hommes consommateurs de prostitution.
Tout le monde voulait m'empêcher de travailler avec les hommes, mais eux
autres, ils étaient tellement heureux! Ils m'ont fait confiance, puis
ils avaient raison de me faire confiance. J'étais très intéressée à les entendre pour comprendre qui ils étaient. C'était
passionnant. Et c'est vrai que les hommes ne sont pas pareils comme les
femmes en matière de prostitution. Ils étaient intarissables. Les hommes, les
hommes québécois, généralement... je ne devrais
pas parler comme ça, mais, en tout cas, je vais... les hommes québécois parlent
peu, ils sont prudents, mais là je vous
dis qu'ils parlaient, et c'était passionnant. Ce sujet-là les passionnait. Mais
ils ne savaient pas qui étaient ces femmes puis ils n'étaient pas intéressés. Et je me suis posé la question de
leurs intérêts pour leurs propres femmes et leurs propres filles. Et c'est ça qu'on doit changer. Nous
devons faire la révolution pour changer notre société, la rendre meilleure,
que tout le monde ait la possibilité de s'épanouir, de s'accomplir et de se
réaliser.
Et le deuxième
ouvrage, c'est la pédagogie d'«empowerment». Nous ne devons pas juste
intervenir au plan matériel. Je suis tannée
d'entendre parler de budgets. Changeons nos pratiques. N'intervenons pas sur
les personnes. Nous devons leur
donner les clés de l'autonomie. On va-tu finir par y arriver? C'est ça qu'il
faut faire, comme on fait avec nos propres
enfants. Et je le fais avec les femmes, je le fais dans mon travail. Nous
sommes à un moment historique. Oui, je crois que nous pouvons abolir la
prostitution. Mais les hommes doivent se lever debout. On ne pourra pas le
faire.
Je
vous ai donné... S'il vous plaît, lisez ça. Puis, si vous voulez être
solidaires, portez-le. Et puis, demain, je dois aller faire une émission à Montréal, mais, jeudi matin, je fais une
conférence où il va y avoir 130 personnes, puis je vais avoir mes petits trucs puis j'espère que quelqu'un
dans la salle va se mobiliser ou qu'il va y avoir plusieurs personnes
puis qu'on va étendre ça ou on va en créer
un autre. Créons notre propre mouvement de mobilisation des hommes, d'abord
et avant tout. Nous avons besoin de vous autres. Jamais on ne réussira rien
toutes seules, ça ne sert à rien.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci, Mme Dufour. Prochaine question, députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Bien, je pense que c'est assez clair, finalement.
Le Président
(M. Lafrenière) : C'est une première, on vit une première.
Mme Perry
Mélançon : Non, mais c'est parce que... Non, mais c'est vrai. Puis,
écoutez, c'est vrai que c'est passionnant de
vous entendre puis d'essayer de comprendre les comportements et les phénomènes
sociétaux. C'est vrai qu'il faut
finalement revenir à la base. Parce que vous avez parlé que c'était difficile
de dépister les jeunes filles parce qu'elles ne demandent pas d'aide, elles sont victimes de l'industrie du sexe et du
regard que la société pose sur ce phénomène-là. Donc, finalement, comme
je vous dis, je vais laisser quelqu'un d'autre poser des questions.
Mme Dufour
(Rose) : Je voudrais...
Le Président
(M. Lafrenière) : ...
Mme Dufour
(Rose) : Je voudrais lui répondre, même si elle n'a pas posé de
question.
Le Président
(M. Lafrenière) : Ah! Vous allez répondre à sa non-question?
Mme Dufour
(Rose) : Oui, parce que j'ai quelque chose à lui dire.
Mme Perry
Mélançon : J'ai plein de notes et... Oui.
• (17 h 20) •
Mme
Dufour (Rose) : Au moment où nous parlons, là, moi, je connais des
filles, là, elles ne peuvent même pas téléphoner,
elles ne peuvent même pas sortir, elles sont... je n'ose pas dire «séquestrées»,
mais forcées d'aller travailler. O.K., là?
C'est extrêmement difficile pas juste de les dépister, de les aider. Avec la
jeune femme avec qui je travaille, des fois je lui dis : Bon, qu'est-ce qu'on pourrait faire
pour l'aider? Il y en a une, façon de les aider. Nous devons aider ces jeunes, pas les contrôler, pas essayer de les casser dans leurs comportements. Non, non.
Devenir solidaires avec elles, les aider à grandir, les faire devenir
responsables en les rendant capables d'assurer le maximum de leurs besoins.
Et
j'ai apporté ce manuel qui s'appelle Programme d'appropriation de
sa sexualité, qui est un... J'y
ai participé, mais c'était Ina qui était géniale pour formuler ça. C'est
génial, cette affaire-là. C'est comment devenir sujet de sa sexualité, comment être capable de parler à son homme pour
lui dire que ça n'a pas de bon sens puis ça ne marche pas, là, comment
être heureux, heureuse dans notre sexualité, comment devenir sujet de sa
sexualité.
J'ai
entendu des hommes qui adoraient leurs femmes, qui les défendaient puis qui ne
voudraient pas pour rien au monde
s'en séparer. Il dormait dans son dos puis il disait : Elle n'aime pas ça.
Mais je lui disais : Mais informez-vous, faites quelque chose pour la conquérir, réveillez-vous, tu sais, faites quelque chose, ça dépend de vous. Puis je m'excuse, je ne devrais pas dire
ça... Comment qu'il s'appelle, Vidéotron?
Une voix :
...
Mme Dufour
(Rose) : Ah! Vous ne voulez
pas que j'en parle? C'est parce que j'oublie son nom. Le père. Le père, je ne l'ai pas connu personnellement, il aimait les femmes. Il ne les aimait pas juste dans son lit, il les
trouvait intéressantes, il les
écoutait. Et, le monsieur avec qui je parlais, je lui disais en exemple... Il
me disait : Oui, oui, mais il était riche. Je disais : Non, non, non, il n'a pas toujours
été riche, mais il a toujours su comment approcher, il s'est intéressé à elles,
il leur reconnaissait de la valeur.
Le Président
(M. Lafrenière) : Mme Dufour...
Mme Dufour
(Rose) : Je n'ai pas besoin d'en dire plus, hein? Oui?
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup au nom de la commission.
Mme Dufour
(Rose) : C'est déjà fini?
Le Président
(M. Lafrenière) : Je vous remercie de votre contribution. Merci énormément.
Nous allons prendre
une pause de quelques instants pour laisser le temps à notre prochain invité de
prendre place. Merci infiniment, madame.
(Suspension de la séance à
17 h 22)
(Reprise à 17 h 25)
Le Président
(M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite
maintenant la bienvenue à M. Daniel
Loiseau. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour faire votre
exposé, puis nous procéderons à une période d'échange de 25 minutes
avec les membres de la commission.
Cependant,
avant de commencer, je vais demander aux membres de la commission le
consentement pour ajouter 10 minutes à cette période de
consultation. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : ...
Le Président (M. Lafrenière) :
Consentement. Parfait. Alors, M. Loiseau, je vous laisse faire votre
exposé.
M. Daniel Loiseau
M. Loiseau (Daniel) : Merci.
Merci, les membres de la commission. Merci, M. le Président.
Bon, alors,
je suis ex-membre du SPVM à la section exploitation sexuelle, donc un enquêteur
qui est récemment à la retraite
depuis le mois de mai. Donc, j'ai consacré les 20 dernières années à la
section exploitation sexuelle du SPVM. Ayant pris ma retraite récemment,
j'ai élucidé des crimes reliés au proxénétisme et à la traite de personnes.
Mon travail
d'enquêteur m'a permis d'encadrer, informer les victimes, témoins et autres
intervenants concernés tout au long des procédures judiciaires, de
sécuriser les victimes et leurs proches, de faire des demandes d'expertise appropriées afin de recueillir et préserver les
preuves liées aux enquêtes, de diriger des dossiers lors de différentes
étapes judiciaires, de perquisitionner, de saisir et d'analyser les différents
éléments de preuve et d'en faire la divulgation.
J'ai
développé des liens privilégiés avec les partenaires et intervenants, tels que
la DPJ, les centres jeunesse, le CAVAC,
Jeunesse au soleil, qui sont des atouts pour ce genre de crime, ainsi qu'avec
des policiers de plusieurs provinces canadiennes.
J'ai partagé avec eux mes connaissances en matière de crimes de nature sexuelle
dans l'intérêt des victimes.
J'ai partagé
avec... à l'élaboration du projet Les Survivantes, du SPVM, dont le mandat vise
à accroître la sensibilité au
phénomène d'exploitation sexuelle et la traite de personnes, tout en favorisant
une meilleure prise de conscience des personnes vulnérables. J'ai
participé à la tenue de plusieurs séances d'information auprès de policiers et
d'organismes communautaires en lien avec ce projet.
J'ai su
transmettre mon approche humaine et empathique auprès des victimes et des
nouveaux enquêteurs de notre section. J'ai contribué à faire du SPVM une
organisation efficace, professionnelle, innovatrice grâce à mon expertise d'enquêteur en matière de lutte contre la traite
de personnes et le proxénétisme. Mon travail d'enquêteur m'a permis, de par mon acharnement, mon innovation, ma créativité
et mon profond engagement, de sauver des filles de l'enfer de
l'exploitation sexuelle.
Il y a
plusieurs années, si je fais référence au début de ma carrière concernant des
dossiers d'exploitation sexuelle, les
proxénètes recrutaient leurs victimes par le biais de petites annonces de
journaux ou lors d'une filature en circulant en voiture, s'arrêtant pour discuter, par exemple, à une jeune fille dans
un abribus. Aujourd'hui, les proxénètes recrutent sans même avoir à se déplacer grâce aux réseaux
sociaux, avec leurs cellulaires ou ordinateurs, sur Facebook, Instagram,
Snapchat, sites de rencontre, etc. Ils ont
accès à nos jeunes filles beaucoup plus facilement qu'auparavant, ce qui rend
nos jeunes filles mineures très vulnérables en 2019.
Il y a
10 ans, le SPVM démarrait le projet Les Survivantes, dont le mandat est la
prévention, la sensibilisation au phénomène
de l'exploitation sexuelle et de la traite de personnes. Ce projet est divisé
en trois volets, soit un premier destiné aux policiers, un second
destiné aux divers intervenants ainsi qu'un volet intervention auprès des
victimes, personnes vulnérables, où on fait des interventions un à un qui sont
privilégiées à ce moment-là.
Ce projet innovateur et proactif a permis au
SPVM de se distinguer partout au Canada en matière d'exploitation sexuelle. La formation Les Survivantes permet aux
participants d'acquérir de nouvelles connaissances face aux problématiques
vécues par les victimes. Selon l'analyse des formulaires d'évaluation, le
programme de formation et d'intervention Les
Survivantes est un puissant outil pouvant pallier à l'incompréhension des
différents intervenants, policiers et victimes, tout en permettant à un plus grand nombre de personnes d'aider ces
jeunes femmes vulnérables afin d'éviter qu'elles tombent dans le piège
qu'on leur a tendu.
• (17 h 30) •
L'arrivée des nouvelles technologies a généré
d'énormes charges de travail supplémentaire pour les enquêteurs d'exploitation sexuelle. Ces derniers doivent
dorénavant saisir tout appareil électronique lors des arrestations en lien
avec le proxénétisme ou la traite de
personnes. Par la suite, ils doivent gérer une chaîne de possession des exhibits,
fournir ceux-ci pour expertise à la section des crimes technologiques,
accompagnés d'une ordonnance judiciaire. Une fois l'expertise complétée, l'enquêteur doit en faire l'analyse
appropriée au dossier et soumettre son rapport au procureur de la
couronne. L'enquêteur utilise également la section cyberenquête dans ce genre
de crimes afin de fournir des éléments de preuve supplémentaires sur DVD, qui
devra être analysé par la suite.
Cette nouvelle technologie a pour effet de rendre le processus de divulgation de nos dossiers de plus en plus
lourds et fastidieux pour les enquêteurs qui doivent assumer de
nombreuses tâches supplémentaires. Les
enquêteurs doivent aussi effectuer de nombreuses tâches administratives.
L'ajout de personnel de soutien administratif leur permettrait de se
consacrer entièrement à leur travail d'enquête.
De plus, suite à la diffusion de l'émission Fugueuse,
une vague de dénonciations a déferlé sur l'équipe d'exploitation sexuelle du
SPVM. La population est de plus en plus conscientisée à ce phénomène et réagit
au moindre soupçon. Malgré la mise en oeuvre
d'une nouvelle escouade provinciale, l'Équipe intégrée de la lutte contre le
proxénétisme, EILP, en avril 2017, qui
totalise, avec l'équipe de Montréal, 25 enquêteurs, ceux-ci sont tellement
surchargés que plusieurs d'entre eux
ont dû être placés en arrêt de travail. La présence des intervenantes du CAVAC
dans les bureaux de la section exploitation
sexuelle est un atout indispensable et innovateur qui démarque le SPMV des
autres corps de police canadiens et
qui favorise la réussite de nos dossiers. Par contre, le manque de ressources,
seulement deux intervenantes à temps partiel, est nettement insuffisant
pour combler les besoins de 25 enquêteurs.
Les victimes mineures se
retrouvent seules et sans ressources une fois sorties du centre jeunesse. Elles
vont se retrouver, jusqu'à l'âge de
18 ans, dans des appartements supervisés, et après elles sont laissées
elles-mêmes. Le système ne permet pas
à ces filles d'avoir un endroit approprié pour qu'elles puissent graduellement
retrouver une vie normale après avoir eu
les interventions nécessaires à leur réhabilitation. De plus, elles ont accès
seulement à des centres destinés à des femmes victimes de violence qui ne les acceptent que pour quelques jours, en
général trois jours seulement, et doivent quitter par la suite. Comble de malheur, les victimes de
proxénétisme se font refuser l'accès à ces centres d'aide, puisque leur dossier
est relié à un proxénète, et par peur de représailles. Ce manque de ressources
est une entrave qui a des graves conséquences pour
les victimes qui se sentent délaissées par le système en attendant de compléter
le processus judiciaire comme victimes d'un
proxénète. Par conséquent, des centres d'hébergement destinés à ce type de
victimes seraient un atout majeur pour assurer leur sécurité et
favoriser leur réhabilitation.
De plus, les
victimes de proxénétisme ne sont toujours pas admissibles auprès de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
l'IVAC, et ne peuvent par conséquent avoir accès à ces ressources. Ce refus de
la part de l'IVAC a des conséquences dévastatrices
sur les victimes et les dossiers en cours. Les victimes se sentent délaissées,
découragées, ce qui a pour effet qu'elles
veulent tout abandonner. Les intervenantes du CAVAC ont ainsi une double tâche
soit de faire en sorte que nos victimes
n'abandonnent pas après le premier refus. Elles doivent travailler doublement
pour garder la confiance de la jeune victime
qui a été fortement ébranlée. Il serait plus qu'urgent que l'IVAC reconnaisse
les crimes reliés au proxénétisme et la traite de personnes. Voilà.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Nous allons maintenant
passer à la période d'échange avec les membres de la commission.
Première question, députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui, bonjour.
Merci pour votre participation. Vous avez entendu, vous étiez dans la salle,
donc, Mme Dufour. Concernant Rose Dufour,
qui était ici avant que vous étiez ici, concernant sa déception, plus que
déception par rapport à l'intervention des
policiers... Parce qu'on a parlé beaucoup de prostitution en général, donc
adulte, comme faisant partie d'un fléau plus large qu'évidemment
l'exploitation sexuelle des mineures, qui est notre mandat. Donc, il y a deux interventions, aujourd'hui. On parle de cette
question en voulant dire : Attention, là, c'est un mal global et qu'il
faut s'attaquer à ça. Est-ce que vous, vous
savez une explication pour voir... bien, pour nous dire pourquoi est-ce que les
policiers sont débordés? Ils mettent
l'accent sur ce qui... c'est-à-dire le plus urgent, qui est peut-être les
mineures ou... Alors, les mots
ont été forts, qui ont été utilisés. Je n'ose pas me prononcer. On a eu beaucoup
d'échanges avec des policiers passionnés par l'aide et d'apporter secours à
toute personne, mais il y a peut-être une autre explication. Alors, juste voir
votre commentaire là-dessus.
M. Loiseau
(Daniel) : Bien, moi, comme
enquêteur, comme ex-enquêteur, je peux vous dire que le système,
il fonctionne. J'ai arrêté et j'ai traduit en justice plusieurs proxénètes dans
mes 20 années de carrière.
Il s'agit que la victime nous fasse confiance,
fasse confiance au système, de les approcher avec empathie, humainement et de
leur dire qu'il ne leur arrivera rien, parce que ces filles-là sont
terrorisées, et de réussir à ce qu'elles fassent
confiance au système. Et puis nous, comme enquêteurs ou avec les organismes qui nous aident, surtout le
CAVAC, on va les amener jusqu'à la fin et
puis on va être capable de se rendre jusqu'à la fin des procédures et puis de
faire en sorte que cette fille-là, en
cours de route, puisse avoir les soins nécessaires, avoir l'aide nécessaire. Et
puis, par la suite, si jamais elle a
l'intention de vouloir raconter son histoire, qui était autrement mauvaise,
pour pouvoir aider d'autres filles en faisant partie du projet des
Survivantes, bien, on leur fait l'offre. Et puis, si elles veulent continuer à
pouvoir raconter leur histoire pour pouvoir aider d'autres à ne tomber dans le
piège, bien, ces filles-là, sur une base volontaire, vont pouvoir faire partie
de cette...
Mme Weil :
Elle a présenté des statistiques qui semblaient indiquer que, oui, en fait, il
y a peu d'interventions au niveau des
prostituées adultes. Je ne sais pas si les données sont validées, etc., ou si
vous avez des données qui peuvent refléter
qu'il y a peut-être un enjeu à cet égard. Ce n'est pas notre mandat, mais je pense
que c'est relié à toute cette grande question
qu'on touche depuis quelques jours, sur comment travailler sur tout le monde,
là, toute la société en général, des interventions
précoces, prévention, programmes de prévention, etc. Votre expérience dans le
domaine, et des programmes, peut-être,
que vous connaissez, que pensez-vous de cette voie-là, c'est-à-dire
l'expérience à Edmonton? Je ne sais pas si vous avez suivi l'intervention hier. Donc, ils ont un programme pour les
hommes, qui... les «john schools», ça s'appelle.
M. Loiseau (Daniel) : Oui, je
suis au courant de... J'ai vu, oui.
Mme Weil : Vous étiez au
courant de ça. Et qui donnent des résultats intéressants, très intéressants, donc,
que, finalement... parce que c'est tellement
gros, le problème, surtout avec les médias sociaux, vous le soulignez, que ça
devient presque impossible, on court après
cette problématique, et c'est tellement gros et complexe, mais que, si on
travaille en prévention mais aussi en
réadaptation, hein, dans un sens, dans les deux bouts, bien, on pourrait au
moins réduire peut-être la fréquence, éventuellement.
M. Loiseau (Daniel) : C'est
sûr. Je suis au courant que Montréal a fait des opérations clients. Je n'ai pas
les statistiques exactement par rapport à
ça, là, mais c'est sûr que j'ai participé à certaines opérations de clients.
Mais c'est sûr que, les enquêteurs de
Montréal, là, la priorité, c'est de faire des dossiers d'arrestation par
rapport à des proxénètes. Et, comme je vous ai mentionné dans ma
présentation, depuis Fugueuse, il y a énormément de dossiers.
Malgré
le fait qu'il y a 25 enquêteurs, à Montréal, qui travaillent ces
dossiers-là en amont, avec priorité les mineurs, les enquêteurs ne fournissent pas. La divulgation à la cour, maintenant,
est très... ça se fait pratiquement sur DVD, maintenant. L'analyse des
cellulaires... Je vous donne un exemple. Dans un des derniers dossiers que j'ai
eus, une fois que l'analyse du cellulaire... c'est-à-dire, une fois que
l'expertise du cellulaire est revenue sur mon bureau, j'avais
26 000 conversations à analyser,
qui m'ont pris une semaine et demie à analyser, et, après ça, faire un rapport
pour retourner ça au procureur. C'est des
charges de travail énormes, qui pourraient être traitées avec des gens, en ayant
un soutien civil ou un soutien supplémentaire pour aider ces
enquêteurs-là à traiter, parce qu'aujourd'hui, en 2019‑2020, c'est ce genre
d'expertise là qu'on a de besoin à la cour.
• (17 h 40) •
Mme Weil : Très bien.
C'est une bonne recommandation. Excellent. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Il y a une loi qui criminalise
l'achat de services sexuels, puis il y
a deux groupes aujourd'hui qui sont venus nous dire que la loi n'est pas
appliquée. Moi, j'aimerais connaître votre avis là-dessus puis savoir
pour quelle raison ce n'est pas appliqué.
M. Loiseau (Daniel) : Vous
parlez de laquelle des lois exactement, là?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bien, c'est la loi... Bien, en tout cas, tout
à l'heure, les CALACS puis Mme Rose Dufour aussi disaient que la
loi n'était pas appliquée par la police. Je n'ai pas le...
M. Loiseau (Daniel) : Le C-36?
Juste me dire, c'est quoi, le...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bien, on nous a dit, c'est la loi qui
criminalise l'achat de services sexuels.
M. Loiseau
(Daniel) : Bien, on a porté
des accusations dans différents dossiers à Montréal par rapport à ça,
là. Peut-être qu'à Québec c'est différent, mais, à Montréal, il y a plusieurs
dossiers qui ont été faits. L'achat de services sexuels, c'est la loi qui a rapport avec les clients. Donc, ce qui a été
fait par rapport aux clients à Montréal, bien, c'est cette loi-là qui
est appliquée, l'achat de services sexuels. Les clients paient pour obtenir des
services sexuels, puis, si c'est en rapport avec une mineure, à ce moment-là,
c'est criminalisé.
Le
Président (M. Lafrenière) : ...si je peux me permettre, ce qui a été mentionné tantôt par des
groupes, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'opérations clients puis il n'y
a pas beaucoup d'arrestations de clients. On aimerait entendre votre point de
vue là-dessus, lorsqu'on parle d'adultes majeurs.
M. Loiseau
(Daniel) : Comme
ex-enquêteur, ce n'est pas moi qui décide de qui qui fait les opérations
clients ou qui qui n'en fait pas, là.
Moi, comme je vous dis, il y a énormément de dossiers par rapport à des
mineurs, par rapport à des dossiers
d'enquêtes, par rapport à des proxénètes. Donc, la priorité du SPVM, c'est ça,
et c'est la plupart de ces dossiers-là qui génèrent... qui grugent le
temps qu'on a pour pouvoir travailler ces dossiers-là.
Un enquêteur
du SPVM peut traiter 10, 12 dossiers par année. Des fois, c'est des
dossiers qui peuvent durer une semaine,
deux semaines, un mois, trois mois, six mois. Des fois, les enquêteurs vont
gérer trois, quatre dossiers en même temps,
apporter une expertise dans un centre... aux crimes technologiques puis
recevoir ces informations-là un mois plus tard, il faut se rembarquer
dans ce dossier-là. Revenir dans un dossier, c'est... Gérer toute cette façon
de faire là ou de canaliser tous ces éléments-là dans chacun des dossiers, ça
devient un beau puzzle.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Je vous le disais d'entrée de jeu, là, mais hors
micro, tantôt, passer 20 ans dans une équipe comme ça, mon
commentaire a été : Vous avez pris votre retraite au mois de mai, la
décontamination n'est sûrement pas finie, parce
que vous êtes en commission, vous venez nous parler de votre passion, puis
venir aider à ce qu'on puisse cheminer, puis nous faire profiter de
votre expérience.
Il y a deux
choses sur lesquelles je me suis attardé un peu plus. Il y a eu la formation
d'une équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme, puis c'est sûr
qu'après Fugueuse il y a eu une augmentation de signalements, puis etc.
Et vous nous mentionnez que, même s'il y a
25 enquêteurs, il n'y a pas assez de monde et que probablement la nature
du travail fait en sorte que ça tombe
au combat, là, ou qu'ils sont surchargés. On aura l'opportunité de rencontrer
les gens de l'équipe intégrée, dans
les prochains jours, mais je pense que c'est important qu'on ait votre son de
cloche, parce qu'hier les gens de Sherbrooke
sont venus nous indiquer aussi que, dans leur milieu, à cause de leur niveau de
service... vous n'avez pas ce problème-là
à Montréal, mais, à cause de leur niveau de service, ils ne pouvaient pas
intervenir dans tous les genres de situations, entre autres dans le
proxénétisme, et on se posait la question s'il ne fallait pas le regarder.
On a reçu
tantôt les gens de l'IVAC, bon, qui sont venus nous parler que les infractions
ne correspondaient pas, mais qu'il ne
semble pas y avoir de dossier qui était refusé. Je présume que, si vous nous en parlez dans votre mémoire,
c'est que c'est à votre connaissance
personnelle qu'il y a des victimes qui n'ont pas été reconnues par
l'IVAC parce que les infractions ne sont pas dans la liste des
infractions couvertes par la Loi de l'IVAC. Est-ce que je me trompe?
M. Loiseau
(Daniel) : Oui, c'est exact.
En fait, au départ, ils sont refusés, sauf que, par la suite, les intervenantes
du CAVAC qui gèrent le dossier avec nous
vont refaire une nouvelle demande, vont y aller obliquement en déposant
une nouvelle demande avec d'autres genres
d'accusations qui sont reliées avec les accusations de proxénétisme pour
finalement que le dossier soit accepté.
Mais
imaginez-vous dans la tête d'une jeune qui a 15, 16 ans, et qui fait sa
demande à l'IVAC pour essayer d'être indemnisée,
et puis qui a besoin d'avoir les services d'un psychologue ou peu importe, et
puis, la première démarche qu'elle a pour se reconstruire, elle se fait
refuser déjà, tout de suite, en partant. Ça fait que, des fois, ça a des effets
dévastateurs pour l'enquêteur
ou bien le dossier comme tel. La fille, elle essaie de remonter une côte, puis
la première chose qu'on lui dit, c'est un refus. Alors, il y a ça qui
est aberrant.
Il y a aussi le fait que la même fille qui est
fugueuse, exemple, et qui part de Montréal, puis qui est amenée à Toronto,
puis que finalement elle réalise, rendue à Toronto, qu'elle se fait
pimper, puis là il y a des enquêteurs de Toronto qui vont procéder à l'arrestation de son pimp, cette fille-là de
15 ans, bien, elle va revenir à Montréal à un
moment donné. Elle va avoir de l'aide immédiate à Toronto,
puis finalement, rendue à Montréal, bien, qui qui va l'aider? Personne.
Personne ne va l'aider, rendue à Montréal,
parce qu'il n'y a pas de suivi qui s'est fait. Pourtant, elle est partie d'ici
puis elle est allée à Toronto, elle est allée à Ottawa, elle est allée à
Calgary, puis les proxénètes ont pris soin de la déplacer, de la cacher,
de l'éloigner de sa famille. Et une fois
rendue ici, à Montréal, bien, il n'y a pas personne
qui s'en occupe, de cette fille-là.
M. Ouellette : Et je comprends aussi, et
ce sera mon dernier commentaire, M. le
Président, je comprends aussi
que le fait de ne pas être actualisée... Puis je mentionnais au président de
l'IVAC tantôt que leur loi n'a pas été revue... c'est-à-dire que les
infractions n'ont pas été revues depuis 1985. Ça fait en sorte qu'on n'a pas le
portrait juste de la situation. Je
comprends de vos explications que le proxénétisme, ça peut finir avec des
voies de faits graves ou ça peut finir avec un autre genre de violence,
là, qui va... Quand on voudra faire un état des lieux, on n'aura pas l'heure
juste.
M. Loiseau
(Daniel) : C'est sûr. Bien,
en fait, nous, à Montréal, on a la chance d'avoir, suite... avec l'escouade
EILP, on a la chance d'avoir deux filles du
CAVAC avec nous, qui sont à temps partiel, malheureusement. Ça en
prendrait quatre à temps plein, mais
ces filles-là... Ce qui est vraiment magique, c'est que moi, avant, quand j'ai
commencé à faire des dossiers de proxénétisme, bien, on donnait un
numéro de téléphone avec un nom puis on disait à la victime : Tu
appelleras cette fille-là, elle travaille
avec nous, elle va pouvoir t'aider dans toutes les démarches que tu vas pouvoir
faire, puis il va falloir que tu te rendes au palais de justice pour
aller la rencontrer au bureau du CAVAC. Maintenant, le fait d'avoir ces deux personnes-là
à même nos bureaux, on est en mesure de pouvoir céduler une entrevue vidéo avec
cette jeune-là et puis, avant même de
faire l'entrevue vidéo, on est capables de la présenter à une fille du CAVAC
qui va la rencontrer puis qui va lui expliquer
tous les services qu'elle va pouvoir faire puis qu'elle va pouvoir lui offrir, éventuellement, selon les besoins qu'elle va
avoir et le cheminement qu'elle veut faire. Puis après, bien, on va procéder à
l'entrevue vidéo avec la jeune, et puis les procédures vont s'ensuivre, et puis les deux... le CAVAC va continuer à
avoir le... va apporter l'aide nécessaire à la jeune pour qu'elle puisse avancer dans ses démarches de réhabilitation pendant
que le dossier est en train de se corroborer ou... L'enquêteur doit valider l'information, valider la déclaration de la jeune. Donc, pendant que nous, on fait ça, bien, il y a quelqu'un
d'autre qui s'occupe de... Ça fait que le fait d'avoir ces gens-là dans nos
bureaux, directement sur place, bien, ça, c'est magique.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de l'Acadie.
• (17 h 50) •
Mme St-Pierre :
Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, je veux vous remercier
d'être avec nous aujourd'hui. Puis,
comme l'a dit mon collègue, vous êtes à la retraite, mais vous ne le serez pas longtemps.
Ça a été très émouvant de lire l'article
à votre sujet l'autre jour dans La Presse et de voir que les filles sont allées vous remercier lors de
cette petite réception en votre honneur. J'ai trouvé la lecture du texte...
C'était très intéressant, puis je pense que vous avez fait un superbon travail.
J'aimerais
vous entendre encore sur la question des indemnisations. Moi, j'ai été tout à l'heure, là... Je
l'avais lu puis là je viens de le réentendre. C'est vraiment, je pense,
urgent de faire en sorte que la loi puisse permettre une indemnisation de ces... Ce n'est pas considéré comme un acte criminel d'avoir été
victime d'un proxénète. Il faut qu'il y ait eu autre chose, s'être fait battre, violer, c'est... Et je pense que ça,
c'est vraiment important. Il y a ça sur lequel je
voudrais vous entendre mais aussi sur votre
approche. Parce que, dans l'article, vous dites : Il faut toujours
être en contact avec cette personne-là
puis lui dire : Il faut que tu me fasses confiance, de ne pas lâcher, tout
ça. Puis ce n'est pas l'image qu'on a souvent du policier, qui est un
policier très humain.
Et comment
vous en êtes... Je voudrais vous entendre un peu sur votre vie, comment vous en
êtes venu à vous intéresser à ces questions-là.
Est-ce qu'il s'est passé quelque chose chez vous qui a
dit : Bien, moi, c'est ça que je veux faire?
M. Loiseau
(Daniel) : Non. En fait,
bien, à un moment donné, je me suis placé dans la position de ces filles-là
puis je me suis dit : Bien, si
c'étaient mes propres filles? Alors, c'est comme ça que j'ai approché ces
jeunes victimes là, que je les ai...
Je leur ai dit que leur histoire qui n'était pas bonne à raconter pourrait éventuellement... quelqu'un pourrait les entendre, et quelqu'un aurait à prendre des décisions avec cette
histoire-là qui était mauvaise, et que je ne les laisserai pas tomber,
et que je vais être avec eux autres jusqu'à la fin.
Alors, quand on fait une prérencontre pour faire
en sorte que ces filles-là te fassent confiance, on les rencontre humainement. Bien, moi, je les rencontre
humainement puis je les approche de cette façon-là, puis c'est peut-être
pour ça que j'ai réussi à convaincre plusieurs filles. L'article de La Presse,
c'est une histoire parmi tant d'autres. L'article est sorti là parce
que la fille est rendue là dans son
cheminement, mais il y en a plein d'autres belles histoires comme ça.
Puis le privilège qu'on a d'avoir fait des
dossiers comme ça, c'est de pouvoir voir à travers l'équipe des Survivantes.
C'est des filles qui ont été des
anciennes victimes dans mes dossiers à moi ou dans d'autres enquêteurs.
Et puis de pouvoir les revoir puis de voir qu'ils s'en sortent, alors,
c'est ça, le prix à gagner de tout ça et d'être fier de faire cette job-là.
Mme St-Pierre : Puis la question du client abuseur, je pense qu'il faut qu'on s'y
attarde. Est-ce que vous auriez une recommandation à nous faire pour faire en sorte qu'on soit
encore plus agressifs vis-à-vis les clients abuseurs? Ça n'a peut-être pas
été votre champ d'expertise, mais ces filles-là ont quand même eu des clients,
là, puis les clients, c'est M. et Mme Tout-le-monde... pas monsieur et madame,
M. Tout-le-monde, là, monsieur bien ordinaire, là.
M. Loiseau
(Daniel) : Bien, écoutez,
ça demeure au service de police de décider combien d'opérations clients
ils peuvent faire par année. Encore là, une
opération client, ça nécessite une journée complète avec des préparations
antérieures pour pouvoir préparer ça. Donc, une équipe qui sort sur la route
pour aller faire une opération client, procéder à des arrestations, pendant
cette journée-là, bien, ils ne sont pas en train de travailler sur les dossiers
de proxénètes, de traite de personnes. Donc, tu sais, ça demeure au service de
police de décider combien d'opérations clients ils font par année.
Mme St-Pierre : Dernière question très... Je veux laisser la place aux autres
aussi. Tout à l'heure, les CAVAC nous ont parlé... puis je ne veux pas faire de profilage, là, mais il faut
qu'on regarde ce phénomène, qu'il
y a quatre fois plus de femmes autochtones chez les victimes de
proxénétisme. Est-ce que c'est ce que vous constatez aussi, vous avez
constaté dans votre travail aussi? Et, si
vous avez travaillé avec des femmes autochtones, est-ce que votre approche
était différente ou si c'est la même, c'est un être humain, puis vous
entrez en contact de la même manière, puis vous faites le suivi de la même
manière?
M. Loiseau
(Daniel) : Moi,
personnellement, j'ai eu affaire avec, une fois, une femme autochtone, mais ça
fait quand même plusieurs années. Je sais qu'elle fait partie du programme des
Survivantes aujourd'hui. Mais de là à dire qu'il
y a quatre fois plus d'autochtones présentement comme victimes, moi, de notre
côté ou, en tout cas, de la réalité que j'ai vécue, je ne suis pas prêt
à dire ça, là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais vous remercier d'être ici,
M. Loiseau. J'avais également une question sur l'indemnisation.
Elle a été en partie répondue, mais vous, vous voyez ça comment, une
indemnisation idéale? Ça serait de
reconnaître d'être... une fois qu'on est déclaré victime d'un proxénète, qu'on
soit éligible avec un montant, puis que ça soit, ça, réglé d'emblée.
C'est ça?
M. Loiseau (Daniel) : Bien, je
ne vois pas un montant, là. Je veux dire, peut-être... Je sais que dans
d'autres provinces... j'ai déjà eu vent
qu'il y a des montants d'argent qui sont alloués à des victimes d'exploitation
sexuelle. En Ontario, j'ai déjà eu
vent de ça, ça fait plusieurs années. Moi, je pense que c'est tout simplement,
là, que la victime puisse avoir de l'aide nécessaire ou que son dossier
soit accepté d'emblée.
C'est ce qui m'a... Des fois, quand tu as une
victime devant toi, puis que la fille, elle a le choix d'être considérée comme une victime de violence conjugale ou elle a
le choix de nous dire toute son histoire au complet pour être victime, finalement, de traite des personnes, proxénétisme,
séquestration, voies de fait graves, et j'en passe, bien, si nous, comme
enquêteurs, on met dans la tête de la victime que d'avoir toutes ces
accusations-là, ça va être encore beaucoup plus un dossier étoffé et on va pouvoir aller à la cour avec quelque chose de
vraiment très gros, plutôt qu'elle soit juste rencontrée comme violence conjugale. Alors, si je lui dis que
les gens vont l'épauler, les gens du CAVAC vont l'aider ou elle va être éventuellement indemnisée par l'IVAC, puis
finalement sa première constatation, une fois qu'on a avancé là-dedans
puis qu'elle a pris la décision dans sa tête
de nous faire confiance puis d'aller de l'avant, la première constatation,
c'est que l'IVAC n'indemnise
pas la traite de personne ni le proxénétisme, alors elle est complètement
défaite. J'ai eu personnellement plusieurs
dossiers comme ça où la victime a été déboussolée parce que moi, je venais de
lui dire que c'était beaucoup plus important de porter des accusations
puis d'avoir un tout dans toute son histoire que d'avoir juste la violence
conjugale.
M. Skeete : Je dois vous dire
puis je rappelle à mes collègues qu'on a entendu toute cette histoire-là par
notre survivante, que ça l'a presque achevée, qu'elle s'est fait refuser
l'indemnisation. Mais, écoutez, merci beaucoup pour votre belle carrière, merci
beaucoup pour tout ce que vous avez fait.
M. Loiseau (Daniel) : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Dernière question en deux minutes pour le député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Lessard, merci pour votre
présentation. Donc, vous avez été un
témoin, un acteur, même, privilégié de cette scène-là, de cette réalité-là.
Vous avez innové dans votre pratique. Il
y a plusieurs corps policiers qu'on a reçus jusqu'à présent, donc que ce soit
Québec, Sherbrooke, Laval, qui font les choses intéressantes, qui nous ont parlé de leurs pratiques
intéressantes, et j'aimerais peut-être vous entendre. Et, dans votre mémoire, vous nous parlez notamment de cette
réalité notamment en parlant de l'escouade... l'Équipe intégrée de lutte
contre le
proxénétisme, où il y a déjà une surcharge de travail, de plusieurs placés en
arrêt de travail, etc. Quelle serait votre vision pour une plus grande
efficience des différents corps policiers au niveau de la lutte, justement,
contre l'exploitation sexuelle des mineurs?
• (18 heures) •
M. Loiseau
(Daniel) : Je vous dirais
que c'est sûr qu'un peu plus d'enquêteurs pourraient aider la situation,
des employés de soutien qui permettraient à
ces enquêteurs-là, justement, de pouvoir faire les expertises qui sont de plus
en plus exigeantes pour la divulgation de ces dossiers-là, en 2019 et 2020.
Je vous
dirais aussi... J'ai perdu mon fil, là. La formation avec le programme des
Survivantes, comme j'ai parlé... Moi,
personnellement, j'ai donné quelques formations par rapport à ça. Donc, il y a de plus
en plus de policiers, de plus en plus d'intervenants qui
interagissent à travers cette formation-là. Donc, je sais qu'il s'en est donné
au SPVM, des formations en rapport avec ce programme-là, où est-ce qu'il
y a le volet des Survivantes, il y a un volet enquête puis il y a une
survivante qui vient à la fin pour faire sa présentation. Bien, ça ouvre les
idées de beaucoup de personnes, le fait de comprendre, le fait de sensibiliser
ces gens-là au phénomène.
Et puis ça fait en sorte que les policiers sur
la route, qui sont les premiers intervenants lors d'appels... Des fois, ça ne
rentre pas nécessairement un appel au 9-1-1, que la fille, elle a été victime
de proxénétisme. La fille, elle a appelé le
9-1-1 parce qu'elle vient de subir des voies de fait, elle se fait harceler,
elle reçoit des menaces, tu sais, c'est tout le temps d'autres accusations. Mais les policiers, s'ils
sont le moindrement un peu plus allumés sur comment décoder ce genre de victime là, comment les approcher, les approcher
plus humainement, les approcher avec de l'empathie, être capables de détecter les signes, bien, ces policiers-là vont
être capables de prendre ces filles-là puis de les amener vers les
enquêteurs pour faire un dossier de
proxénétisme au lieu de faire un dossier de voie de fait, violence conjugale ou
différents dossiers. Puis éventuellement
ça peut devenir un dossier de proxénétisme. Mais les premiers intervenants,
c'est les policiers qui répondent aux appels 9-1-1, qui sont sur
les lieux.
M. Benjamin : Merci beaucoup,
inspecteur Loiseau.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Merci de votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président
(M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques de la
Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Ce soir,
nous entendrons M. Michel Dorais et la Direction de la protection de la
jeunesse de la Capitale-Nationale.
Alors,
M. Dorais, je vous laisse faire votre exposé pendant 20 minutes, parce
que, là, je me rends compte que j'ai présenté
deux groupes, mais c'est vous que je présente seul, alors je vous laisse nous
parler pendant 20 minutes. Et par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission
pendant 25 minutes. M. Dorais, merci d'être là.
M. Michel
Dorais
M. Dorais
(Michel) : Merci. Alors, M.
le Président, Mme la vice-présidente, membres de la commission, je suis
honoré d'être parmi vous. J'avoue que j'ai écouté... Bien, j'ai surtout lu ce
matin ce que vous avez fait hier. J'ai lu très attentivement et relu votre document de consultation, et c'est bien
parti, parce que je pense que les enjeux sont bien cernés, et il était temps que ça se fasse aussi. Alors,
ça, c'est la bonne nouvelle dans ce sujet très dramatique et terrible dont
on va quand même parler.
Alors, ça
fait 40 ans que je travaille là-dessus. Alors, je vais vous donner un peu
des idées qui me sont venues en tête
à travers le travail que j'ai fait. Moi, j'ai travaillé une douzaine d'années
surtout en protection de la jeunesse, à partir des années 70 — ça ne
me rajeunit pas — mais
ensuite comme chercheur, comme professeur et aussi comme directeur scientifique pour des programmes en prévention.
J'ai travaillé, depuis une bonne quinzaine d'années, beaucoup avec le
Centre jeunesse de Québec pour développer des programmes de formation en
prévention pour les intervenants et les intervenantes. J'en parlerai un petit
peu plus tout à l'heure.
Alors, comme
il me semble que les enjeux sont très bien cernés déjà, je vais parler surtout
de l'action à faire, surtout de prévention, d'autant que c'est un peu ma
spécialité. J'enseigne un cours, notamment, qui s'appelle Prévention, à
l'Université Laval.
Alors, je
rappellerais qu'il y a trois types de prévention. Et on verra qu'en ce qui nous
concerne les trois sont très, très importants pour prévenir les dégâts
que font l'exploitation sexuelle et la prostitution chez les jeunes.
Alors, la
première forme, évidemment, c'est la prévention primaire, c'est d'agir avant
que le problème n'arrive. Et ça,
c'est bien important parce que, si on peut faire en sorte qu'il y ait le moins
de jeunes filles et de jeunes hommes possible qui tombent dans ce
filet-là, mieux ce sera.
Le
deuxième type de prévention, c'est la prévention secondaire, c'est d'intervenir
le plus rapidement possible avant que
la situation se détériore. C'est pour ça qu'il faut former, comme on le fait
notamment au Centre jeunesse de Québec, mais je laisserai les gens du centre jeunesse en parler peut-être plus
que moi, pour être capable de détecter les
signes avant-coureurs ou les premiers
signes qu'un garçon ou qu'une fille est aux prises avec de l'exploitation
sexuelle; dans les filles, surtout
comme victimes, parfois aussi comme complices, comme proxénètes, et, pour les
gars, ça peut être vraiment
les deux, parce qu'il y a aussi des garçons mineurs, hein, qui se retrouvent
comme proxénètes, il faut bien le dire.
Enfin, la
prévention tertiaire, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de récidive,
donc que les victimes s'en sortent, développent
leur résilience, leur capacité d'agir sur leur propre vie, c'est très important
parce qu'il y a une perte, hein, de contrôle de leur vie,
chez les victimes, et, d'autre part, bien, chez les auteurs d'exploitation,
mineurs ou majeurs, qu'il y ait de la
désistance, c'est-à-dire arrêt d'agir, et une certaine réhabilitation, il
faut évidemment le souhaiter. On est dans une société qui
croit en la réhabilitation. Et, surtout quand ce sont des jeunes qui sont
impliqués, je crois qu'il y a plus d'espoir encore.
Alors, évidemment,
tous les jeunes sont à risque. Il n'y a pas de... Je crois que des gens l'ont
dit hier, et c'est vrai, et on le
verra tout à l'heure, il y a des facteurs de vulnérabilité qui sont différents
selon les classes sociales, évidemment, selon les
âges. Comme l'exploitation sexuelle, c'est d'abord et avant tout un abus de pouvoir, tous les jeunes peuvent être
victimes d'abus de pouvoir de la part
d'autres jeunes, en général un peu plus vieux, ou d'adultes. C'est la raison
pour laquelle il nous faut impérativement
faire l'impossible pour renforcer tous les facteurs de protection qui vont
faire en sorte que le moins de jeunes
possible, et idéalement zéro jeune, tomberont dans ces filets-là et de
minimiser les facteurs de vulnérabilité, dont je parlerai à l'instant.
J'aimerais
dire cependant, avant... saluer le fait que l'éducation sexuelle revient dans
nos écoles cette année. C'est une
excellente nouvelle parce que plus les jeunes sont informés, moins ils sont
vulnérables. Les auteurs d'exploitation sexuelle tablent beaucoup sur
l'ignorance, sur la crédulité des jeunes, et plus on leur parlera de la
sexualité de façon positive — et parfois négative, parce qu'il y a des
dangers, bien sûr, il y a les deux, on le sait, nous — bien, plus ils seront armés et mieux
armés pour affronter les gens qui essaient de les entraîner dans des pistes,
là, qui ne sont pas... qui vont leur porter gravement préjudice.
Je pense que
toutes les victimes... Vous savez, moi, quand j'étais travailleur social, mais
aussi comme chercheur, j'en ai
interviewé beaucoup, beaucoup, beaucoup, de victimes. Je n'ai jamais vu une
victime qui n'avait pas de séquelles. Ça n'existe pas. Les séquelles
sont variables, bien sûr, mais il y en a toujours, parce qu'être exploité
sexuellement, ça s'apparente beaucoup à du
viol — c'est
souvent du viol, d'ailleurs — à de l'agression sexuelle. Et souvent c'est
des agressions à répétition. Alors, évidemment, ça laisse des traces
terribles. Il faudra travailler là-dessus.
On pourra se
demander comment se fait-il qu'autant de jeunes se retrouvent piégés. Je veux
dire, ça fait 40 ans que je travaille là-dessus, ça n'a pas
beaucoup changé. J'écoutais... Bon, quelqu'un a dit hier : Le Québec,
plaque tournante. Bien, je disais ça il y a
40 ans. Ça n'a pas changé parce que les caractéristiques culturelles du
Québec sont encore les mêmes, bon,
c'est encore la même chose. Quand je travaillais pour la DPJ, bon, au tout
début des années 80, on retrouvait des filles, là, dans les
provinces de l'Ouest, et puis... Donc, ce n'est pas nouveau. Mais on commence à
connaître le profil.
Évidemment,
qu'est-ce qui fait que des jeunes sont plus vulnérables que d'autres? Bien, on
le sait, dans certains cas, il y a la pauvreté, le désoeuvrement des
jeunes qui sont très vulnérables parce qu'ils ne voient pas de possibilité
de... Comment dirais-je? Ça va mal à
l'école. Dans la famille, parfois, il peut y avoir de la négligence, parfois
des abus aussi, soit physiques ou sexuels. Alors, des jeunes qui sont
désoeuvrés, on pourrait dire ça comme ça, et qui vont être plus facilement entraînables, si j'ose dire, par des
gens qui peuvent leur raconter toutes sortes d'histoires, en disant :
Bien, viens, ta vie va être plus belle si tu me suis.
• (19 h 40) •
Aussi, la
faible estime de soi. Ça, c'est assez terrible à dire. Vous savez, j'ai écrit
un ouvrage. J'ai fait une recherche sur
les filles dans la prostitution et j'ai fait un ouvrage aussi, à peu près dans les mêmes années, sur les jeunes garçons
dans la prostitution, et beaucoup
de filles se prostituent par amour, aucun garçon ne se prostitue par amour.
Dans un Québec qui se veut égalitaire, c'est questionnant, c'est
questionnant. Comment se fait-il qu'encore aujourd'hui, là, en 2019, il y a
des jeunes filles qui pensent que
c'est un signe d'amour si le petit ami proxénète — elle ne l'appelle pas comme ça, mais c'est ce qu'il est en réalité — lui
dit : Bien, tu vas m'aider à gagner de l'argent, tu vas faire ça pour
moi? Comment ça se fait, autant de
jeunes filles disent oui, alors qu'il
n'y a jamais de jeunes filles qui
demandent ça et même d'autres garçons qui demandent ça à d'autres garçons? Ça parle beaucoup de la condition des
jeunes filles et ça veut dire qu'il y
a encore de l'éducation, notamment l'éducation sexuelle, je le répète, à faire de ce côté-là parce qu'il y a un problème d'estime de soi. Penser que quelqu'un peut nous demander de se prostituer par amour,
c'est questionnant. Les jeunes devraient tout de suite réagir en disant : Ça
n'a pas de sens.
Évidemment,
beaucoup de jeunes aussi sont déjà
poqués, comme on dit en bon québécois. Je
pense aux jeunes, bien, qu'on retrouve, oui, à la DPJ, des jeunes
qui ont déjà vécu toutes sortes de problèmes dans leur
famille. Alors, c'est des jeunes qui
sont plus susceptibles d'être entraînés parce qu'effectivement présentant déjà beaucoup de
vulnérabilités. Et, même, j'irais plus loin
que ça, beaucoup de jeunes ont déjà des caractéristiques de sexualité
traumatique ou post-traumatique
qu'ils ont vécue déjà dans l'enfance ou au début de l'adolescence. Alors, ils
ont déjà des scénarios de vie et certains
réflexes, je dirais, qui font en sorte que les agresseurs, les prédateurs,
enfin, appelons-les comme vous voulez, vont avoir plus de facilité à les manipuler, parce que ces jeunes-là ont déjà
vécu ces choses-là, ont déjà été agressés, ont déjà été victimes de
prédation sexuelle, de manipulation à des fins d'agression sexuelle.
Alors, évidemment, il y a plein d'autres groupes
vulnérables. Il y aura des spécialistes qui vont en parleront. Je tenais à nommer ceux-là parce que c'est des
groupes que j'ai beaucoup rencontrés dans mon travail soit comme
intervenant soit comme chercheur.
Il
y a aussi une catégorie dont on ne parle peut-être pas assez. J'en parlais dans
mon ouvrage, ma recherche sur les jeunes
filles sous influence des gangs de rue, des jeunes filles qui pensent que ça va
être une belle aventure parce que les gangs
de rue font beaucoup accroire que c'est quelque chose qui peut être positif.
Évidemment, on le sait, nous, que ça ne l'est pas, mais il y a encore des jeunes qui pensent que d'entrer dans
la prostitution, par exemple, ça peut être une aventure intéressante, qu'ils vont rencontrer du monde,
faire de l'argent, tout ça. On sait bien qu'au bout de la ligne ce n'est
pas ce qui va arriver, mais il y a encore des jeunes qui le croient.
Alors, il y a
plusieurs pistes qui se présentent à vous si on veut faire de la prévention
pour ces jeunes-là, notamment, et j'aimerais en parler de quelques-unes.
D'abord, la
législation. Évidemment, il y a des lois, il y a des lois. On sait que beaucoup
de crimes dont on parle, dont vous
avez parlé hier, dont on parle aujourd'hui sont déjà punis par la loi. C'est
important. On n'améliorera jamais assez ces choses-là. Cela dit, il y a
des gens, il y a des auteurs d'agression, d'abus, de prédation sexuelle qui
sont plus ou moins imperméables à ça. Il y a des recherches qui montrent — ça va
plus loin — qu'il
y a des gens qui vont même érotiser l'interdit,
que l'interdit par les lois, ça peut rendre la chose, pour certaines personnes,
hélas! plus recherchée encore. Alors, c'est pour ça que la législation,
c'est bien, mais ça ne suffit pas pour tout le monde. Il faut aller plus loin
que ça.
Il faut
évidemment des changements organisationnels. Pensez à tout le contrôle de
l'accès à la pornographie, et tout ça,
où il y a des modèles qui ne sont pas toujours très plaisants là-dedans, bien,
ça peut être une bonne chose aussi. Ça, c'est l'organisation de la société, hein? On dit : Bien, la pornographie,
ça existe, oui, pour les adultes consentants, pleinement consentants, soit comme consommateurs soit comme
acteurs ou actrices là-dedans. Alors, il faut veiller à ça parce que,
les messages qui sont véhiculés dans ce
matériel-là, disons que... encouragent beaucoup des choses comme la prédation
et l'exploitation sexuelles.
Alors, le
partenariat, la concertation entre les intervenants, c'est très, très, très
important. J'ai eu la chance de le vivre
avec les gens de la protection de la jeunesse dans la région de Québec,
les policiers autant que les gens de la DPJ, tout ça. Et c'est important parce que, quand on se parle entre nous et qu'on surveille un
coin de la ville ou qu'on surveille certaines activités, tout ça, aussitôt qu'il y a une petite manifestation, une
petite cloche qui sonne, là, on intervient très rapidement.
Moi, j'avoue
que j'ai un respect immense pour les gens de la table de concertation de Québec
sur l'exploitation sexuelle et la
prostitution juvénile parce que c'est des gens qui se réunissent très souvent
en dehors de leurs heures de travail, quand
ils n'ont pas le temps, pour échanger de l'information, développer des
meilleures interventions. Moi, j'ai travaillé avec eux pour développer,
par exemple, des meilleurs programmes en formation. Et il y a beaucoup de
choses à gagner là-dedans parce que le crime
organisé, notamment, qui exploite beaucoup les jeunes filles, table beaucoup
sur l'ignorance non seulement des filles, mais aussi des intervenants, des
intervenantes. C'est pour ça qu'aussi les intervenants, les intervenantes, on
doit être outillés, on doit être bien armés. On doit comprendre ce qui se passe
et intervenir le plus rapidement possible. Mais, pour ce faire, il faut se
parler entre nous.
Alors, il
faut développer des connaissances, des habiletés nouvelles et chez les
intervenants, et chez les jeunes, et aussi chez les prédateurs, parce que pensez bien que les prédateurs, là,
commencent leur carrière très, très tôt. Il est très rare que les auteurs d'agression, d'exploitation sexuelle
vont commencer très âgés. Ça commence à l'adolescence. Alors, c'est pour
ça qu'il faut intervenir très, très vite, au
tout début de la vie adulte. Il faut intervenir. Il faut que ces hommes-là, je
dis les hommes, il y a des femmes, je
le sais, mais c'est surtout des hommes, en très grande majorité... doivent
apprendre à gérer leur sexualité et la gérer autrement.
Vous savez, toute cette idée qu'on voit beaucoup — c'est
pour ça que l'éducation sexuelle est tellement importante — dans
les médias sociaux, dans certains ouvrages, et tout ça, que la sexualité, c'est
plus fort que soi, là, d'abord, ce
n'est pas vrai. Chacun, chacune doit gérer sa sexualité. Et, quand je faisais
de la consultation, ça, c'est un discours que vous entendez beaucoup chez les prédateurs, qui vont vous dire...
c'était plus fort qu'eux autres, et tout ça. La sexualité n'est jamais plus forte que soi. Chacun, chacune
doit apprendre, jeune ou adulte, et plus vite on l'apprend, mieux c'est.
Mais les prédateurs, jeunes ou moins jeunes, qui ont commencé doivent apprendre
ça.
Et aussi,
bien, les intervenants, je le disais à l'instant, doivent être bien formés pour
mieux agir quand des jeunes sont en danger, pour mieux prévenir et aussi
pour mieux aider les jeunes ou moins jeunes prédateurs parce que, là aussi, il y a de l'intervention à faire. Au centre jeunesse,
on a écrit trois guides de prévention, dont vous trouverez les titres, là,
parce que le temps passe. Il me reste trois ou quatre minutes et je veux les
utiliser à bon escient en parlant aussi des campagnes de prévention. C'est très
important parce qu'on ne sait pas d'avance qui va être prédateur, ou agresseur,
ou auteur d'exploitation. Alors, il faut s'adresser à la société en général, notamment,
et en particulier, je dirais, à la population masculine
parce que c'est de ce côté-là que viennent les prédateurs... et qui nous
rappelle que l'éducation sexuelle, ça doit se faire à tous les âges de la vie parce que c'est un processus continu.
Et, si on veut que les gens apprennent à gérer leur sexualité dans le respect d'eux-mêmes, des autres
et des lois, bien, il faut des messages qui le rappellent, notamment par
des campagnes sociétales. Alors, il y a un petit schéma qui est dans les
dernières pages dans mon petit texte de ce soir.
Et j'aimerais
terminer en faisant deux constatations. La première, c'est qu'il faut
développer des alternatives. Vous savez,
la nature a horreur du vide. Les jeunes qui sont attirés par la prostitution,
par toutes sortes de façons d'être exploités, pensant qu'ils vont y trouver leur compte, on a besoin de leur proposer
autre chose. C'est qu'ils pensent trouver des solutions là, mais il n'y
a pas de solution là. Mais il y a des solutions ailleurs.
• (19 h 50) •
C'est la même
chose pour les prédateurs. Comment se fait-il que des jeunes ou moins jeunes se
tournent vers des mineurs pour
satisfaire leur sexualité? Bien, quand je faisais de la consultation, les gens
disaient : Oui, mais les gens vont vous dire qu'ils ont droit à leur sexualité. Ils ont droit à une
sexualité qui respecte les autres. C'est important. Oui, tout le monde a droit à sa sexualité, mais une sexualité
qui n'abuse personne, qui n'agresse personne. C'est pour ça que je parle
de gestion de la sexualité à tous les âges de la vie. C'est très important.
Et
c'est pour ça qu'il faut penser à
donner et à redonner, surtout aux victimes qui le sont déjà, du pouvoir sur
leur vie. Ça, c'est important. Je sais
qu'hier des gens l'ont dit et ont insisté là-dessus. C'est essentiel, il faut
absolument que, lorsqu'une fille ou un gars veut sortir de la
prostitution, tout de suite on sache à qui demander de l'aide, qu'il y ait une main tendue, et, très souvent, parce que... Vous
savez, le petit moment, là, où le déclic se fait, de dire : Woups! là,
dans quoi je suis embarqué?, c'est le
temps de demander l'aide, là. Il faut que l'aide, là, soit là et qu'on n'ait
pas besoin de la chercher.
Il faut aussi que les prédateurs potentiels, ou
qui existent déjà, ou virtuels puissent savoir où demander de l'aide. Il y a beaucoup de gars qui sont mal pris
et qui auraient besoin d'être aidés justement avant de tomber dans la
prédation activement. Alors, il faut penser
des deux côtés parce que la prévention ne saurait reposer que sur les frêles
épaules des victimes. Les dégâts se
font par les prédateurs, alors, la prévention, on doit penser à eux autres
aussi. On doit penser qu'on aimerait tellement avoir une société qui
n'ait pas de prédation sexuelle. Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. Dorais. On va maintenant
passer à la période d'échange avec les membres de la commission pour
25 minutes en débutant avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup. C'est vraiment éclairant et
c'est très intéressant parce que vous m'aidez, je dois le dire, dans mon
travail de députée. J'ai une circonscription où il y a beaucoup de communautés
culturelles, et plusieurs sont très réfractaires aux cours d'éducation
sexuelle, et je cherche souvent des arguments. Et même, dans une visite dans
une école, à un moment donné, c'est les enfants... Évidemment, les parents avaient dit aux enfants : Pose-lui la
question que... Pourquoi les cours d'éducation sexuelle? Et je parlais du
respect de l'autre. Mais là vous
venez de me donner un argument vraiment, vraiment important pour expliquer
qu'on peut, par ces cours d'éducation
sexuelle, prévenir l'exploitation des mineures, et ça, c'est... Merci. Merci de
me donner cet outil-là, parce qu'à un moment donné on n'a plus
d'arguments face à ça. Alors, merci de me donner ça.
Je voulais
vous poser la question. On a parlé de l'IVAC aujourd'hui, et je pense qu'il
faut continuer à en parler, parce qu'il y a quelque chose d'absolument
incroyable, de voir qu'on ne peut pas se déclarer victime si on a affaire à un proxénète. Donc, vous nous dites que l'IVAC
n'offre pas de soutien aux victimes, vous le dites, vous aussi. Est-ce que
vous nous faites la recommandation qu'il
serait urgent d'avoir un changement législatif et peut-être même ne pas attendre la fin de notre
mandat?
M. Dorais (Michel) : Ah! oui,
oui, absolument.
Mme St-Pierre : Parlez-nous de ça. Comment vous l'avez vécu et
comment vous l'avez vu? Ça fait 40 ans que vous êtes dans ce
domaine et que vous avez observé des choses.
M. Dorais
(Michel) : Oui. Les victimes
souffrent. Et c'est sûr que ça coûte de l'argent, aider les victimes,
mais c'est de l'argent
bien placé parce qu'on sauve des
vies. Une vie n'a pas de prix. Et parfois d'avoir quelques
consultations, d'avoir ne serait-ce que...
Vous savez, quand une jeune personne se présente à l'IVAC et puis qu'on lui
ferme la porte, on est en train de
lui dire que ce tu as vécu, ce n'est pas grave, c'est banal, on s'en fiche un
peu. Moi, j'en ai vu, des gens qui se
sont fait claquer la porte comme ça, là, et ça les a... C'est comme une
deuxième agression. Comme société, on devrait s'assurer que les
mesures... C'est une bonne mesure, l'IVAC, là. Je ne suis pas en train de dire
ce n'est pas une bonne... C'est une bonne mesure.
Mme St-Pierre :
Moi aussi, je trouve que c'est un bon programme.
M. Dorais
(Michel) : Mais il faudrait
s'assurer, quand on développe une mesure comme ça, que c'est une mesure
où on va recevoir les gens avec empathie, où on va traiter les gens humainement
et on va faire tout non pas pour leur fermer
la porte parce qu'il faut économiser de l'argent, parce qu'on économise de
l'argent sur le dos de la qualité de vie minimale de gens qui ont souffert le martyre, qui ont été violés à
répétition, et tout ça. Et ça n'a pas de sens, leur envoyer le message
que c'est comme si de rien n'était : Oublie ça, on tourne la page. Je ne
vous dis pas que ça a été pensé méchamment,
et tout ça, mais il faut changer ça et, je suis d'accord avec vous, urgemment,
parce que le message qu'on envoie est un message incohérent et qui
manque beaucoup, beaucoup d'empathie, pour dire le moins.
Mme St-Pierre :
Alors, on va retenir le message. Vous avez dit : Québec, plaque
tournante... Il y a 40 ans, au début de votre travail, au début de votre profession, vous constatiez ça aussi. C'est quoi, l'attirance d'aller vers
l'Ouest du Canada et de se dire quoi, la vie va être meilleure là-bas,
je vais être mieux payée là-bas, ou si c'est forcé par le proxénète, de les
amener là-bas?
M. Dorais (Michel) : ...parce
que, surtout, c'est pour les jeunes filles, que la fille perde ses repères sur
le plan linguistique, tout d'abord. En particulier à Québec, hein, les filles
sont censées être moins bilingues qu'à Montréal.
Mme St-Pierre :
Donc, ça, c'est classique, là.
M. Dorais
(Michel) : La famille est loin, donc rejoindre les amis, la famille,
c'est plus compliqué, plus loin, elles sont
plus... pour demander de l'aide. Parce qu'à un moment donné presque toutes les
filles dans cette situation-là, à un moment
donné, vont dire : Aïe! Là, j'ai besoin d'aide, ça n'a pas de bon sens.
Mais, si elles sont à 1 000, 2 000 kilomètres, c'est pas mal plus
compliqué, soit au Canada anglais, ou aux États-Unis, ou même ailleurs. Alors,
c'est pour ça qu'on les envoie loin.
Et effectivement la barrière linguistique accentue cette difficulté pour elles
de pouvoir s'en sortir, effectivement.
Mme St-Pierre :
Une dernière courte question. Vous avez parlé de la relation du garçon par
rapport... à sa relation avec son
client abuseur, la relation de la fille avec son proxénète ou le garçon avec
son proxénète. Dans ce que vous avez vu
dans le passé, c'est quoi, la différence entre le garçon puis la fille? La
fille, ce qu'on comprend, c'est qu'elle est en amour par dessus la tête
avec son proxénète. Le garçon, lui, c'est quoi? C'est une relation d'affaires?
M. Dorais (Michel) : Oui. Les garçons sont moins organisés par le
crime organisé, petits ou grands, là, par les gangs de rue, notamment. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais c'est
beaucoup moins courant. La prostitution organisée des garçons, c'est
plutôt chez les très jeunes. On parle vraiment de prostitution de nature
pédophile, là, hein? Quand je dis «très jeune», là, c'est 14 ans et moins,
là...
Mme St-Pierre :
Jeune.
M. Dorais (Michel) : ...alors qu'à partir de 14 ans les gars ont
tendance à être plus ou moins autonomes. Ils peuvent être un petit groupe de jeunes, là, qui
s'échangent des clients, tout ça, mais, traditionnellement, il y a moins de
mainmise par les gangs de rue ou le crime organisé. Ça ne veut pas dire
qu'il n'y en a pas, mais on a moins observé d'organisation systématique. Et
c'est pour ça que les gars ne peuvent pas forcément s'en sortir...
Mme St-Pierre :
Plus facilement.
M. Dorais (Michel) : ...plus facilement, cela dit, parce que la
dépendance peut être pas par amour, mais peut être à la drogue, aux
drogues dures, tout ça.
Vous
savez, la dépendance, oui, il y a l'amour, mais il y a la drogue. Il y a des
liens, toutes sortes de liens qui peuvent être pas sexuels, mais affectifs. Il y a des gars, moi, qui m'ont dit
que le milieu de la prostitution, c'était leur deuxième famille,
tellement que ça allait mal dans leur famille. Ils savaient que ce n'était pas
une bonne place pour eux autres, mais ils disaient : C'est encore mieux
que chez nous, c'était pire. Alors donc, il y a bien des motifs.
Mais
la carrière des gars, en moyenne, tend à être moins longue que celle des jeunes
filles. Mais ça tend à changer aussi parce que, justement, avec les nouvelles
technologies, et tout ça, on voit qu'il y a des gars maintenant qui s'annoncent, et tout ça, là. Parce que presque
tous les jeunes commencent mineurs, hein? C'est très rare, les gens dans
la prostitution adulte qui ont commencé
adultes. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais ce n'est pas la majorité. La
majorité ont commencé mineurs, alors, et ça serait mieux de les en sortir à ce
moment-là et puis même qu'ils ne tombent pas à ce moment-là.
Mais,
oui, il y a des profils différents. C'est pour ça qu'au centre jeunesse on a
fait deux formations différentes, une pour
les filles et une pour les garçons, sans compter que, les garçons, une certaine
proportion, pas tous, heureusement, mais une petite portion de ceux qui ont déjà été exploités, en vieillissant,
vont comme adopter comme stratégie de sortie, là, de devenir exploiteurs à leur tour, de devenir
proxénètes. Il y a des filles qui le font aussi, pour s'en sortir, vont comme
inverser la médaille, si j'ose dire, et vont devenir proxénètes. C'est des
choses qu'on peut voir.
Mme St-Pierre :
Merci beaucoup.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci. La députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster :
Merci pour votre présentation. C'est fort intéressant, fort instructif. J'aurai
deux questions qui concerneront les hommes,
principalement. Je pense que souvent on parle, bon, comment prévenir chez la
femme, chez la jeune femme, bon,
comment faire la prévention dans les écoles, s'assurer qu'elles ne tombent pas
dans les réseaux, et tout ça. Ça, c'est une chose. Moi, ce qui
m'intéresse davantage, parce que vous êtes en criminologie, je veux...
M. Dorais
(Michel) : En travail social.
Mme Foster :
Oui, travail social, mais vous êtes aussi dans l'école de criminologie, O.K.?
M. Dorais
(Michel) : Un peu, mais plus en travail social.
• (20 heures) •
Mme Foster :
Mais, quand même, vous baignez dedans. À l'université, vous devez baigner dedans un peu. Peu importe, service
social ou crimino, je pense qu'on peut aussi aborder la question. Moi, je
l'aborderai sous deux angles.
Premièrement,
il y a des gens qui sont venus nous dire, ici, dans cette commission : Il
faut changer les mentalités parce
que, si on ne change pas les mentalités complètement, on n'y arrivera pas, on n'y arrivera pas sans les hommes,
il faut qu'il y ait un changement de mentalité également qui s'opère chez les
hommes dans la façon de voir la masculinité. Vous avez parlé également des
cours d'éducation sexuelle, qui font certainement une partie, là, de la
solution.
On
a vu, à Edmonton, entre autres, il y a une campagne... il y avait des campagnes
de publicité chocs, là, un peu partout dans les métros, peu importe, les
aéroports, ils disaient : Et si c'était ta fille? Ou, tu sais, de dénoncer
un «john», là, c'est-à-dire un homme qui a
recours à des services. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être une voie à
adopter que de faire de ce type de campagne-choc là?
M. Dorais (Michel) : Bien sûr. On a failli en avoir une dans la ville
de Québec il y a quelques années. Ça ne s'est pas fait parce qu'on n'a pas trouvé de financement. Mais, bien sûr, il
faut faire des choses comme ça et il faut s'adresser à tous les hommes
et le plus tôt possible. Parce que le pli, si j'oserais dire, le mauvais pli,
là, peut être pris très, très tôt, comme
j'ai dit. Les gars qui vont devenir prédateurs ou exploiteurs, là, ils vont
commencer très jeunes. Et c'est pour ça qu'il faut s'adresser à tout le
monde mais surtout aux jeunes.
Et
pensez, l'éducation sexuelle, c'est important, mais, de cinq à 15 heures
par année, là, vous ne changerez pas des mentalités avec ça. C'est un point de départ, c'est une façon de
commencer à en parler, bien sûr, mais il faut faire plus que ça. Moi, je pense que, oui, assurément, il faut
des campagnes sociétales, c'est très, très important. Parce que la
campagne sociétale aussi mobilise une société dans son entièreté, donne le
message : Regardez, nous autres, comme société québécoise, là, cette chose-là, on pense que c'est important, puis on a
un message collectif, puis on pense qu'il faut tous lancer ce message-là. Parce qu'il y a beaucoup de
complicité du silence, hein, autour de l'exploitation sexuelle, hein? Je
sais qu'il y a des gens qui ont parlé, bon,
des motels, de toutes sortes d'endroits, et tout ça. Il faudrait être plus
vigilant quand on est témoin. Il y a
plein de gens qui hésitent, ils disent : Ce n'est pas de mes affaires, et
tout ça. Bien, non. Non. C'est de tes
affaires. Tous les jeunes Québécois sont nos enfants, alors il faut les
défendre et les protéger comme nos enfants. Et, oui, il faut lancer ça, mais il faut des messages-chocs comme... Il faut
toutes sortes de messages. Je pense qu'une campagne ne changera pas à
elle seule les mentalités.
Mais,
vous savez, moi, j'enseigne la prévention, et on dit toujours que, si vous avez
plusieurs véhicules, plusieurs façons
d'atteindre les gens... Parce qu'il y a des choses qui vont marcher chez
certains segments de la population qui ne marcheront pas chez d'autres, et puis, si vous visez les jeunes, il y a
certains types de messages qui vont marcher qui ne sont pas les mêmes avec les adultes. Mais il y a
des gens qui sont spécialisés là-dedans, mais... Et, oui, assurément, il
faut aller notamment de ce côté-là. Ce n'est pas la solution, mais c'est un
morceau de la solution. C'est pour ça que je tenais à en parler.
Mme Foster :
Prochaine question, sur les proxénètes. Je lis dans votre mémoire :
«Plusieurs jeunes quittent les gangs
de rue et la prostitution lorsqu'ils se rendent compte que ce qui semblait être
une "solution" est devenu un problème. Que ce soit du côté des proxénètes ou des victimes, la motivation à
demander ou [à] accepter de l'aide provient presque toujours d'un — relatif — constat d'échec.» Donc, un jeune qui était
devenu proxénète pour se sentir «king», bien, il se rend compte, après avoir été arrêté, qu'il est plus
contraint que jamais. J'aime beaucoup l'exemple. Mais, dans vos
recherches, est-ce que vous avez exploré ça, les motivations des proxénètes?
M. Dorais
(Michel) : Bien oui.
Mme Foster :
Parce qu'on a parlé du client abuseur, mais...
M. Dorais (Michel) : C'est difficile rencontrer des proxénètes. Quand
j'avais fait mon enquête sur les jeunes filles, j'avais mis des messages... enfin, on cherchait surtout des parents et
des jeunes filles, mais on a trouvé deux proxénètes qui ont accepté... repentis, je pense, qui ne
l'étaient plus à ce moment-là, mais qui avaient été proxénètes et qui ont
accepté de... Je ne les ai pas vus en
personne, ça a été une fois au téléphone, une fois par... Et puis ça semblait
crédible, là, ce n'étaient pas des gens
qui me faisaient marcher. Et puis, bien, oui, eux autres... Bien, il y a des
prises de conscience et puis, oui, les... Personne n'est condamné à être proxénète, pas plus que victime. Alors,
il y a des prises de conscience qui doivent se prendre, et c'est pour ça
qu'il faut, à un moment donné, brasser les choses pour qu'il y ait des...
Parce
qu'effectivement la prostitution, puisqu'on parle de ça, c'est toujours vu,
autant par les victimes qui vont se laisser
entraîner, comme une solution, en disant : Bien oui, je vais faire de
l'argent. Si sa petite amie est proxénète : Il va m'aimer plus, etc., je vais vivre une belle
aventure, etc. On sait que ce n'est pas ça. Mais, avant qu'ils s'aperçoivent
que ce n'est pas ça, ça peut prendre des
mois, des semaines et parfois des années et puis d'avoir été détruit, pendant
ce temps-là, alors... Mais c'est pour
ça que, quand le déclic va se faire, et il finit très souvent par se faire, il
faut qu'on sache à quelle porte
cogner, il faut qu'il y ait une main secourable. Si on a coupé tous les ponts
avec sa famille, avec les intervenants, les intervenantes, tout ça, il
n'y a plus rien à faire.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Tout ça est très intéressant. Vous
parlez beaucoup de s'attaquer au problème en amont, de la prévention,
sensibilisation. On voit que vous êtes vraiment un expert en la matière. Bref,
c'est très intéressant.
Vous
avez quand même dit quelque chose, par rapport aux jeunes filles, qui m'a
marquée : Ça comble un vide. Dans
le fond, elles font ça parce qu'il faut... bien, pour s'occuper, pour certaines
d'entre elles. Et vous avez dit qu'il fallait trouver des solutions
ailleurs, leur proposer autre chose. Vous avez juste effleuré rapidement le
sujet.
M. Dorais (Michel) : Oui, oui, oui. Parce que les gens qui sortent de
ce milieu-là ont beaucoup souffert, mais ils vont presque toujours vous dire qu'il y avait quelque chose qui les
retenait. Alors, cette chose-là qui les retenait, il ne faut pas, comment je dirais, que ce crochet-là les
raccroche encore, hein? Ça peut être un semblant d'amour, ça peut être
de l'argent, de la fausse valorisation, mais quand même. Alors, c'est pour ça
qu'il faut, tu sais, un retour... il faut des projets de vie, tu sais.
Il y a des jeunes, moi, qui m'ont dit :
Écoute, je ne sais rien faire d'autre que ça. Bien oui, mais il faut que tu les raccroches quelque part. L'école, le travail,
écoute, ça peut être, je ne sais pas... Des fois, c'est des petites choses,
hein, apprendre la
musique... Quand j'étais intervenant social, mon patron me disait : Il me
semble que, dans ton équipe, on dépense beaucoup. Bien, j'ai dit : Oui, parce que, si acheter une guitare,
ça peut faire qu'on peut sauver la vie de quelqu'un, ça lui donne une raison de vivre... Vous savez, trouver
quelque chose qui te rattache à la vie, qui donne un sens à ta vie, ça
peut être un projet, mais ça peut être
d'apprendre quelque chose, de découvrir quelque chose. Ça peut être, oui,
d'écrire, de faire de la peinture, de faire de la boxe, apprendre la
guitare, tout ça.
On oublie
trop souvent, dans... Moi, je ne parle pas contre les centres jeunesse, loin de
là, là, j'ai travaillé là et avec eux
autres, mais on oublie souvent que les jeunes qui ont des problèmes, c'est
aussi du vrai monde. Il ne faut pas seulement travailler sur le problème, il faut travailler sur des projets positifs,
des choses qui vont permettre de développer, de construire leur résilience, leur capacité d'agir, d'avoir du
pouvoir et d'avoir le sentiment d'avoir du pouvoir sur leur vie. Et ça,
c'est très important. Alors, c'est pour ça qu'il faut développer des
alternatives positives, des projets pour les jeunes.
Et ça, je
trouve qu'on l'oublie trop souvent. On dit : Ah! ils sont poqués, on va...
Oui, c'est vrai, il faut guérir leurs blessures.
Mais, guérir la blessure... Et c'est ça, le concept de résilience, hein? C'est
que, pour guérir tes blessures, il faut que tu aies des choses, aussi, positives dans ta vie. Ce n'est pas nier
le passé, au contraire, tu es condamné à vivre avec, de toute façon, mais c'est d'aller vers l'avant, de
dire : Bien oui, je vaux quelque chose, moi, je suis capable de faire
quelque chose, je suis capable d'être
valorisé pour autre chose que du sexe ou... Bon. C'est très important, ça, et
les jeunes nous le disent. Peut-être pas de la façon dont je vous le
dis, mais ça revient pas mal à ça.
Mme Perry
Mélançon : Oui, puis il y en a même... bien, il y en plusieurs, même,
qui décident de se consacrer à cette cause-là, dont le programme Les
Survivantes.
M. Dorais (Michel) :
Absolument. Absolument. Oui, oui, oui.
Mme Perry
Mélançon : C'est des gens qui ont décidé de prendre la cause puis
c'est un peu comme ça qu'ils s'en sont sortis, donc.
M. Dorais
(Michel) : Qui deviennent...
Et c'est un beau modèle de résilience, ça, de réussir à s'en sortir et
d'être à ce point... d'être capable d'aider d'autres par la suite.
Mme Perry Mélançon : Donc, un
programme comme ça devrait...
• (20 h 10) •
M. Dorais (Michel) : Bon, tout
le monde n'est pas appelé à ça, mais l'important, c'est d'avoir des projets,
des projets. Il faut investir dans ces jeunes-là,
qui ont de la valeur. Parce qu'on a essayé de les détruire en leur disant
qu'ils ne valaient rien d'autre que du sexe, et ça n'a pas de sens. Il
faut, comme société, être capables de leur dire : Tu as de la valeur. Mais
il faut développer leurs talents, il faut trouver leur...
Moi, je
disais toujours... je raconte ça dans un de mes ouvrages, je leur
demandais : As-tu un rêve? Et il y a plusieurs jeunes qui m'ont dit : Tu sais, quand on a
vécu ce que j'ai vécu, des rêves, on n'en a plus, on n'en a pas. Et des fois,
là, ça me prenait des semaines, des
mois : Non, tu vas me trouver un rêve, mais un rêve que tu avais quand tu
étais petite, quand tu étais petit. Ils finissent toujours par vous en
trouver un. Bien, ce rêve-là, là, arrangez-vous qu'il s'accroche après.
J'avais un
jeune homme — c'est
une histoire vraie — qui
avait dit : Moi, je rêverais de faire du cheval, tout ça. Trouver un cheval, là, quand vous êtes à la DPJ,
ce n'est pas facile. Mais savez-vous qu'on en a trouvé un et que le
jeune homme, un petit bout de temps après,
il a été faire de l'équitation? Et ce
petit gars-là qui ne disait pas un mot, pas un mot, qui ne voulait rien
savoir des intervenants, en revenant, il a fait quelque chose et puis il s'en
est bien sorti, je dois dire.
Il faut les raccrocher à des choses positives
pour leur montrer que cette société-là, ce n'est pas seulement des exploiteurs. Il y a du monde, oui, qui vont
croire en eux, qui vont leur donner la possibilité, comme on veut tous faire,
là, de se développer, de développer nos
talents, de réaliser nos rêves. Puis le rêve, là, ce n'est pas des affaires
démesurées, c'est des tout petits
rêves, mais il faut les aider à les réaliser. Parce que ce qu'ils ont vécu
dans la prédation sexuelle a tué leur personne
et a tué leurs rêves. Il faut aider à ressusciter ça. C'est la seule façon de
ressusciter la vie en eux, hélas! Bien, hélas... Et, en même temps, c'est une
bonne nouvelle, parce que c'est un beau défi pour des intervenants et des
intervenantes.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. On va tenter un défi de répondre à deux
questions en six minutes qui nous restent. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais aller rapidement parce que
de toute façon les principales
questions que j'avais en tête ont été répondues. On parlait de plaque
tournante, j'avais cette question-là. L'IVAC aussi.
Vous avez dit plusieurs vérités, plusieurs
pistes de solution aussi. J'oserais même dire que c'était rafraîchissant.
Merci, c'était rafraîchissant. Ça donne de l'espoir, à tout le moins.
Je vais m'arrêter rapidement, à ce moment-là,
sur une des... quand vous parlez des mesures et des changements organisationnels. Parlez-nous-en juste un petit
peu plus. Tu sais, on parle de
pédophilie pour les jeunes, on parle pour les adultes, à ce moment-là,
plus de prostitution, et tout ça, mais, entre les deux, on a cette partie-là
qu'on veut...
M. Dorais (Michel) : Où il y a
une grande vulnérabilité.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Oui.
M. Dorais (Michel) : On le sait, qu'entre les jeunes qui sortent, là,
des centres jeunesse... Tu sais, notre système, là, il y a un système
pour aider les moins de 18, les plus que 18, mais, quand tu es proche de 18 et
un peu après, là, tu es comme dans les
limbes. Et il y a beaucoup de jeunes qui tombent dans toutes sortes de
mauvaises mains à ce moment-là parce
qu'ils ne savent plus trop quoi faire de leur vie et qu'ils sont complètement
désoeuvrés et désespérés. Ça ne devrait pas arriver, ça.
Il
faut s'assurer qu'il y ait une continuité dans l'offre de services parce que,
justement, il faut les accompagner. Ces jeunes-là qui ont été amochés et parfois même, j'oserais dire, quasi
détruits dans l'exploitation sexuelle, dans la prostitution, ont besoin de tuteurs de résilience, qu'on appelle
dans notre jargon, de gens pour les accompagner, les soutenir, tout ça. Il a besoin de continuité. Tu sais, moi, j'ai vu
des jeunes qui avaient changé d'intervenant social 30 fois. C'est sûr que
c'est difficile. Ces jeunes-là ont besoin de rencontrer des êtres humains en
qui ils ont confiance.
Puis,
vous savez, là, ils ont perdu confiance en l'humanité tout entière, alors,
qu'ils vous fassent confiance à vous, là,
ce n'est pas évident. Ça prend du temps, des semaines, voire des mois. Si tu
changes d'intervenante, d'intervenant, à ce moment-là, ça n'a pas de sens. Ils ont et elles ont besoin
impérativement d'une grande continuité dans les services puis pas juste dans les services, parce que c'est plus
qu'un service, dans les relations humaines significatives qu'ils et
qu'elles ont. Ça, c'est très important parce
que, justement, elles ont été exploitées dans un milieu où il n'y avait aucune
humanité.
Alors,
on a besoin, comme alternative, je parlais d'alternatives tantôt,
d'avoir un milieu, justement, qui se
démarque par ce surplus d'humanité là. C'est
un défi, mais il faut le relever. Parce que, ceux qui s'en sortent, ce qu'ils
et qu'elles nous racontent, c'est que
ça a été ça, en général... c'est un intervenant, une intervenante, ils vont
dire : Oui, cette policière-là, là, ayoye! elle m'a tellement
aidé, j'avais tellement confiance en elle, ou : Mon travailleur social,
c'est... enfin, je me sentais compris.
Il y a toujours une personne qui va être un tuteur de résilience,
comme ça, qu'il va dire : Oui, cette personne-là, elle m'a donné
espoir en l'humanité. Mais encore faut-il qu'il y en ait un, qu'il y en ait
une. C'est important.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci. Ça va être une seule question assez rapide. Merci pour votre
présentation. Une personne qui vous a précédé aujourd'hui, là,
Mme Rose Dufour, que vous connaissez peut-être, du moins de réputation, a
fait un plaidoyer assez fort contre
l'utilisation du terme «travail du sexe». Elle dit qu'elle devenait violente
quand elle entendait ce terme-là.
Moi, je suis assez proche du milieu communautaire, entre autres, dans mon
quartier ou ailleurs au Québec puis je constate
de plus en plus l'utilisation de ces termes-là dans le milieu communautaire,
puis une personne me disait l'autre jour que ça venait peut-être des écoles de travail social, des formations.
Est-ce que c'est quelque chose que vous constatez chez vos étudiantes,
vos étudiants?
M. Dorais (Michel) : «Travail du sexe» n'est pas utilisé pour les
mineurs, en aucun cas, parce que je pense qu'il faut bannir ce terme-là
quand on parle de mineurs, absolument.
M. Leduc :
Tout le monde est d'accord là-dessus.
M. Dorais (Michel) : En tout cas, moi, je ne l'utilise jamais quand je
parle de mineurs. Cela dit, le débat se fait chez les gens... chez les adultes. C'est moitié-moitié, hein, il y a des
personnes, hommes et femmes, adultes, je le précise, qui revendiquent le terme «travailleur,
travailleuse du sexe», et puis, bien, qu'est-ce que vous voulez? Et puis il y
en a qui disent non. Vous savez,
quand on est chercheur... Moi, j'écoute tout le monde et je donne crédit
également à tout le monde. Si quelqu'un me dit : Je veux que tu
m'appelles «travailleuse du sexe», je respecte ce qu'elle me demande. Si quelqu'un me dit : Je veux que tu m'appelles «prostituée»,
ou «victime», ou tout ça, je... La seule façon d'avoir le respect des gens, c'est de les respecter, et je pense
que... Qu'est-ce que vous voulez, moi, j'ai mon opinion, mais je respecte
les droits de s'autodéterminer, quand ils
sont adultes, et de porter l'étiquette qu'ils ou qu'elles veulent bien, sans
porter un jugement. J'ai le mien,
mais je respecte leur point de vue. Mais on peut faire des débats théoriques,
tout ça, mais, puisqu'on parle des jeunes, je pense qu'on ne devrait
jamais utiliser «travail du sexe» pour parler des jeunes, en aucun cas.
M. Leduc :
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. Dorais. Merci pour votre
participation à notre commission. Merci à votre aide pour nos travaux.
Je
vais suspendre quelques instants, le temps de permettre au prochain organisme
de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
20 h 17)
(Reprise à 20 h 18)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite
maintenant la bienvenue au directeur de la protection
de la jeunesse de la Capitale-Nationale. Je vous rappelle que vous disposez de
20 minutes pour faire votre exposé, et
par la suite il y a une période
d'échange de 25 minutes avec les
membres de la commission. Alors, je vous demande de vous présenter
et de nous faire votre exposé.
Direction
de la protection de la jeunesse
de la Capitale-Nationale
M. Corriveau
(Patrick) : Merci. Bonsoir.
Je me présente : Patrick Corriveau, directeur de la protection de la
jeunesse pour la région de la Capitale-Nationale, Charlevoix et Portneuf. Je souhaite prendre le temps de vous remercier
de nous permettre de venir vous
présenter certaines réflexions et recommandations. C'est en toute humilité que nous le faisons.
Et, considérant les délais alloués, nous nous concentrerons sur certains
éléments uniquement.
Je suis
accompagné, à ma droite, de Mme Nancy Delisle, gestionnaire en protection de
la jeunesse et membre de la table
régionale sur l'exploitation sexuelle, et, à ma gauche, de Mme Jessica Gauthier,
agente de liaison à l'équipe dédiée fugues et aux problématiques
concomitantes et une partenaire importante à divers travaux sur l'exploitation
sexuelle.
D'abord, je
souligne l'audace et le courage de la commission de s'adresser et de s'attaquer à la problématique de l'exploitation sexuelle.
C'est un phénomène social inquiétant aux multiples facettes et d'une
complexité, d'autant plus à l'ère des médias sociaux. C'est aussi un message
social très fort que vous envoyez, et je vous en salue.
• (20 h 20) •
Avant de
devenir DPJ, j'ai été éducateur auprès des jeunes en réadaptation. J'ai aussi
évalué, comme intervenant social, des
signalements à l'évaluation. J'ai été
gestionnaire et adjoint. J'ai la mission de la protection tatouée, tout
comme tout le personnel qui oeuvre en
protection de la jeunesse ont à coeur la situation des enfants. Et, comme les
membres de la commission, nous sommes
très préoccupés par la problématique, par nos victimes, et tout comme nous sommes
préoccupés pour les adolescents, les adolescentes qui privilégient la voie de
la délinquance, de la criminalité pour devenir, par exemple, proxénètes.
Vous savez,
comme DPJ de ma région, et en vertu
de Loi de la protection
de la jeunesse, je suis personnellement responsable et imputable des décisions prises et du plan de protection
d'un enfant. J'ai donc dans mon rôle la responsabilité et le devoir de poser un regard bienveillant et
d'être attentif aux besoins et aux droits de chacun des enfants de mon
territoire. Je veux ce qu'il y a de mieux
pour les enfants de ma région. Malheureusement, je suis au quotidien un témoin
des séquelles laissées par
l'exploitation sexuelle et des impacts humains, considérant que la protection
de la jeunesse oeuvre auprès de chacun de ces jeunes filles et de ces
jeunes garçons.
Dans le
contexte, j'en profite pour rappeler l'obligation de faire un signalement dans
ces situations afin qu'on puisse tisser
un filet de sécurité autour de ces enfants et de s'assurer qu'il y aura une
prise en charge à leur égard. Encore aujourd'hui, il y a une méconnaissance de cette responsabilité
individuelle d'obliger de faire un signalement dans ce type de
situation, que ce soit de la part des citoyens ou de la part des
professionnels.
Comme les
différents acteurs vous l'ont mentionné depuis hier, dans le cadre de leurs
présentations, vous savez qu'une proportion
importante de nos jeunes hébergés sont victimes d'exploitation sexuelle. Nous,
à Québec, on a fait le choix de confier
la gestion des centres de réadaptation et de les mettre sous la gouverne du
DPJ, considérant que ce sont les jeunes les plus vulnérables de notre région. Ce sont des adolescents et des adolescentes
qui traînent un lourd passé, et nous avons voulu que le DPJ demeure en
proximité de ces jeunes.
Vous
comprendrez que, de cette façon-là, je m'assure personnellement d'entendre
parler régulièrement de ces jeunes
filles et de ces jeunes garçons, que ce soit de la part des coordonnateurs des
centres de réadaptation, des gestionnaires ou des intervenantes. Je demeure en tout temps en proximité. C'est donc
important de permettre aux organisations cette souplesse-là tout en tenant compte des disparités et des réalités des
différentes régions. Malheureusement, lorsque le DPJ intervient, il est souvent tard. Je profite de
la tribune pour rappeler, réitérer, surtout dans le contexte qu'on vit
actuellement en protection de la jeunesse, que la protection des enfants, c'est
une responsabilité collective.
Vous avez
certainement pu constater, lors de notre dernier bilan, une hausse importante,
au plan provincial, des signalements. Québec n'échappe pas à cette
réalité. Dans la dernière année, c'est plus de 10 000 signalements
traités, 4 000 signalements
retenus pour des fins d'évaluation et 2 000 suivis d'enfants en
protection de la jeunesse au niveau de l'application
des mesures. La problématique de l'exploitation sexuelle n'échappe pas à cette
tendance. Si on veut renverser la
vapeur et avoir des impacts positifs sur la problématique, il faut intervenir
davantage en amont et collectivement. C'est important de se rappeler que la responsabilité première incombe d'abord
aux parents. Ensuite vient l'entourage, le milieu scolaire, les différents professionnels, les
citoyens, voire même l'agent, à la réception d'un hôtel, qui observe qu'un
homme de 55 ans vient louer une chambre à l'heure avec une jeune fille de
15, 16 ans. Bref, c'est une responsabilité collective où tout le monde a
un rôle à jouer, et c'est important de se le rappeler.
Ça met aussi
à l'avant-plan toute l'importance de la sensibilisation, la prévention et
l'éducation qui doit se faire dans
des ateliers formels dans les divers milieux où les jeunes évoluent, pour
permettre de mieux les outiller. C'est important aussi de ne pas oublier
nos parents, qui ont eux aussi besoin d'être outillés.
Avant de laisser la parole à mes collègues, je
me permets de vous mentionner ma satisfaction à l'égard des récentes
modifications à la Loi de la protection de la jeunesse, qui est venue confirmer
notre pratique clinique qui avait cours en affirmant que l'exploitation
sexuelle s'avère un abus sexuel. Et ça, ça change toute la perspective de notre
intervention et la façon dont on doit
percevoir ces jeunes filles et ces jeunes garçons. Évidemment, cette vision
doit être appliquée uniformément à tous les niveaux d'intervention, que
ce soit des intervenants jusqu'à la magistrature.
Un enjeu important demeure et vous a été nommé,
au cours des deux derniers jours, soit l'échange et le partage d'information dans le respect des différentes
lois, dans le respect des droits des personnes, le respect de la
confidentialité, du secret professionnel.
C'est un enjeu complexe qui mériterait d'être adapté en fonction des nouvelles
réalités. Il s'avère important d'être
en mesure de pouvoir s'échanger de l'information nécessaire et pertinente en
toute légitimité, et ce, pour assurer une meilleure protection des
enfants.
Je laisse maintenant la parole à ma collègue,
Nancy Delisle.
Mme Delisle
(Nancy) : Merci. Je vais vous parler, dans les prochaines minutes, de
la façon dont on a actualisé l'intervention dans les dossiers d'exploitation
sexuelle au niveau de notre direction. J'aimerais peut-être, juste avant,
attirer votre attention sur un aspect.
On sait, hein, l'intervention dans la
problématique d'exploitation sexuelle, c'est complexe pour différentes raisons,
mais entre autres, aussi, compte tenu du nombre d'acteurs impliqués dans ces
situations-là.
Si on prend
l'exemple d'une jeune fille suivie à l'application des mesures pour tout
trouble de comportement, qui habite chez ses parents, qui aurait une
problématique de toxicomanie, par exemple, qui fugue une fin de semaine, qui est retrouvée dans un motel par les policiers,
en présence d'adultes liés à l'exploitation sexuelle, qui a vécu peut-être,
dans la fin de semaine, plusieurs agressions
multiples, et qui aurait été droguée, à partir de ce moment-là va venir
s'ajouter, en plus de l'intervenant
de l'application des mesures, un intervenant à l'évaluation, un et des
éducateurs du centre de réadaptation, les policiers qui ont fait
l'intervention, peut-être un enquêteur aussi au niveau de la fugue, au niveau
police de jeunesse. Probablement aussi qu'il
y aura une trousse médicolégale, donc on parle, à ce moment-là, une infirmière,
un travailleur social, un médecin.
S'ajoutera aussi un enquêteur, dans le cadre de l'entente multisectorielle, un
avocat au niveau du Tribunal de la jeunesse,
le DPCP, puisque, possiblement, il va vouloir la rencontrer, voir si ça peut
donner lieu à des poursuites criminelles, et très souvent, aussi, peut-être un intervenant du CAVAC, on va
peut-être la mettre en lien avec un travailleur de rue. Et on rajoute à ça aussi... souvent, on le sait, la
problématique est associée à d'autres problématiques concomitantes, donc
peut-être quelqu'un en toxico, peut-être
quelqu'un en santé mentale. Donc, bref, en l'espace d'à peu près trois mois,
12, 15, 20 nouveaux intervenants
alentour d'elle, ce qui est énorme. Par contre, le rôle de chacune de ces
personnes-là me semble un incontournable important, aussi, pour venir en
aide à la jeune.
À partir du
moment où on fait ce constat-là, on n'a pas le choix de se dire que la concertation
est importante. Pour être en mesure
de se concerter, un ensemble de professionnels comme ça, il faut développer
notre vision commune. Puis je pense que la façon d'arriver à développer
notre vision commune, c'est par la formation.
On a fait l'expérience de ça à Québec déjà
depuis plusieurs années, et ça nous a donné le gain, aussi, de venir positionner, chez tous ces partenaires-là,
l'exploitation sexuelle comme une agression sexuelle et non pas comme du
trouble de comportement. Ça permet aussi, de
par la formation, de clarifier les rôles de chacun. Ça fait que, quand, tout le
monde, on a une vision commune, on a la même
formation, on a chacun... on connaît bien nos rôles, là, je pense que ça
devient... c'est les facteurs, là, intéressants pour être capable de
faire un bon partenariat.
À Québec,
j'en ai parlé un petit peu ce matin, on a la chance d'avoir un filet de
sécurité via les travaux de la table régionale,
avec plus de 1 000 intervenants de formés au cours des dernières
années, un système de pivots qui est fonctionnel. Mais on fait des travaux, aussi, déjà depuis un
bout de temps, au sein même de notre direction, pour se structurer de
façon efficace, à la différence des autres
dossiers qui sont signalés à la protection de la jeunesse, qui sont dirigés
dans les différentes équipes
évaluation en fonction du code de priorité ou du territoire. C'est vrai pour la
plupart des dossiers sauf, entre autres, au niveau de l'exploitation sexuelle. Ces dossiers-là, peu importe le
territoire et le code de priorité, sont tous assignés au même chef de
service, et, dans chacune nos équipes évaluation, on a un ou deux intervenants
qui sont ciblés pour évaluer ces situations-là.
On a aussi nos pivots qui sont très actifs et on
a un seul coordonnateur clinique qui est identifié pour discuter cliniquement des stratégies d'intervention et
outiller les intervenants. Et, quand vient le temps de prendre des décisions,
les intervenants, qui sont dans différentes
équipes, ne se réfèrent pas à leurs chefs, mais au chef évaluation porteur de
ces dossiers-là. C'est assez simple,
je dirais, comme structure, mais on a fait des gains intéressants, des gains en
termes d'expertise pour les
intervenants, en termes de développement professionnel, mais aussi des gains à
savoir est-ce qu'il y a des phénomènes émergents sur notre territoire
puis qu'est-ce qui se passe sur notre territoire.
• (20 h 30) •
On a
développé aussi ce qu'on a appelé des cellules d'expertise, je dirais plus des
cellules d'évaluation et de gestion du
risque, en lien à la problématique de l'exploitation sexuelle. On fait ces
rencontres-là entre intervenants, lorsqu'il y a des situations qui sont signalées qui concernent
trois, quatre jeunes et plus. On s'assoit, l'ensemble des intervenants qui
sont impliqués auprès de ces jeunes-là, on s'assoit ensemble pendant une heure,
une heure et demie de temps. Donc, on a l'intervenant
de l'évaluation, l'intervenant de l'application des mesures, l'éducateur en
centre de réadaptation, le chef d'unité du centre de réadaptation,
l'intervenant du RTS, et on met en commun l'ensemble des informations par
rapport à la situation qui est signalée. Ça,
c'est la première partie de la rencontre. Et la deuxième partie de la
rencontre, en petites cellules, les
intervenants qui interviennent auprès d'un même jeune font un peu le plan de
match. Ce qu'on s'est rendu compte, c'est que c'était gagnant. On a un
topo beaucoup plus clair et des stratégies beaucoup plus efficaces pour
intervenir.
On a commencé
à utiliser différemment, je dirais, nos leviers, quand on prend des mesures de
protection pour les enfants au niveau
de la protection de la jeunesse. Souvent, on pense à des mesures de placement.
On va utiliser aussi souvent, exemple,
dans des cas de violence conjugale où le conjoint est violent, on peut se
présenter au Tribunal de la jeunesse et demander ce qu'on appelle un interdit de contact entre le conjoint et
les enfants. On a commencé à utiliser ça aussi dans certains de nos dossiers au niveau de
l'exploitation sexuelle chez certains jeunes qui n'étaient pas nécessairement
encore très ancrés dans l'engrenage, mais
qui commençaient à s'en approcher de trop près ou même s'en étaient approchés...
plus qu'approchés, là. Et ça, ça permet,
quand on va demander un interdit de contact avec le présumé agresseur, au
niveau du Tribunal de la jeunesse,
bien, ça nous permet de faire un peu une barrière temporaire, d'éloigner la
jeune juste assez de son milieu pour,
nous, commencer à faire des interventions, commencer à faire de la
sensibilisation et sans, je dirais, l'aura du présumé agresseur, là, qui peut continuer quand même à influencer, là,
malgré que la jeune soit en centre de réadaptation ou encore dans son
milieu. Donc, ça a été un gain intéressant.
À Québec, on
a la chance d'avoir un partenariat fort, on a la chance d'être réseautés,
d'être formés, mais je pense qu'aussi
on a deux beaux leviers dans la région pour pouvoir continuer de réfléchir...
bien, on réfléchit actuellement à comment on pourrait utiliser ces leviers-là au niveau de
l'exploitation sexuelle. Le premier levier, c'est le SIAM, qui est ouvert
depuis un an, qui sont les services intégrés en abus et maltraitance. Dans le
fond, ça s'adresse aux jeunes qui sont signalés à direction de la protection de la jeunesse pour abus sexuel, abus
physique, négligence grave et pour lesquels on va déclencher une entente multisectorielle. Donc, tous les
services, tous les professionnels, on est au même endroit. On parle des
intervenants à l'évaluation, des
intervenants à l'application des mesures, la police, les procureurs, le
médical, un médecin, une infirmière. On
a un intervenant du CLSC, un intervenant de Viol-secours, le CAVAC et aussi des
chercheurs associés. On sait que l'application
de l'entente multisectorielle dans les cas d'exploitation sexuelle, je vais
utiliser le mot «atypiques», elle s'applique différemment que nos jeunes
victimes d'agression sexuelle intrafamiliale. Donc, on est un peu actuellement à réfléchir et à voir comment on pourrait utiliser
la structure du SIAM, les services du SIAM pour aider, dans le fond, là,
ces jeunes-là.
Le deuxième
levier dont on dispose, bien, c'est au niveau de la direction de la protection
de la jeunesse, c'est de faire partie d'un grand CIUSSS. Faire partie
d'un grand CIUSSS, ça veut dire qu'on a accès à une offre de service qui est
globale. Quand on regarde l'ensemble des services qu'ils ont besoin, ces
jeunes-là, on parle de service, bon, oui, psychosociaux, mais de services de
santé, de services de santé sexuelle, de santé mentale. On a des préoccupations
par rapport au passage à l'âge adulte et
aussi aux adultes et on a beaucoup de services dans un grand CIUSSS qui sont en
mesure de répondre. Donc, on est en train de
réfléchir et de se questionner à voir comment on pourrait mieux s'arrimer pour
pouvoir, là, en faire bonifier les victimes de l'exploitation sexuelle.
En terminant, suite à notre colloque en
exploitation sexuelle qui a eu lieu, là, il y a de ça une semaine et demie, deux semaines, on a réalisé qu'on avait besoin de
se concerter, pas juste au niveau régional, mais au niveau provincial.
Il y a plein de belles initiatives à travers
le Québec, il y a eu plein de beaux projets développés. Donc, je pense qu'on
doit se donner les moyens de se réseauter au niveau de la province et de
faire bénéficier à tous et chacun, là, ces belles initiatives là.
Mme Gauthier
(Jessica) : Bonjour. Vous voyez qu'on est très mobilisés à Québec, on
est tous très animés par la problématique.
On prend ça vraiment au sérieux. En même temps, les causes multifactorielles,
les nombreux impacts, ça provoque des
conséquences très importantes auprès de ces victimes-là. Elles traînent souvent
un lourd passé derrière elles. Leur
identité est complètement fragilisée. Souvent, le cumul de ces situations-là
qui caractérisent ces jeunes-là, ça vient rapidement à bout des ressources qui sont disponibles autour d'elles,
les conséquences aussi qui sont
importantes auprès d'elles génèrent quand même des importants besoins,
et on voit apparaître des traumas qui sont plus complexes que la majorité de
bien des situations.
Afin d'aider
les victimes à s'extirper de l'engrenage de l'exploitation, le traitement
individuel des traumas, c'est une
priorité pour nous autres à Québec. De fait, bien, le défi, c'est la mise en place de
services spécialisés intégrés, comme par exemple la sexologie.
Prioriser la formation de ressources spécialisées en traumas complexes, mais
surtout liés à l'exploitation sexuelle,
c'est nécessaire pour nous. On le voit auprès de ces jeunes-là. En même temps, le défi aussi, c'est de pouvoir rendre accessibles ces services-là dans le délai requis, dans le sens
que, quand la jeune ouvre sur la situation ou nomme son besoin ouvertement, elle ne peut pas attendre pendant de nombreuses
semaines. C'est là qu'elle est prête à dévoiler puis à s'investir dans une démarche thérapeutique. Donc,
d'avoir à notre disponibilité, de
façon rapide et efficace, l'ensemble
des services, c'est quelque chose qu'on continue de travailler fort pour
pouvoir arrimer le tout, mais c'est encore un enjeu qu'on vit aujourd'hui.
Après ça,
aussi, le traitement visant le développement dans sa globalité,
qui est centré sur les forces, les capacités des jeunes, c'est déjà quelque chose qu'on utilise, car depuis plusieurs
années, dans nos centres de réadaptation, on a implanté l'approche motivationnelle. Mais par ailleurs ça
serait pertinent de combiner le modèle ARC — vous en avez entendu parler avec les précédentes présentations — parce que nous, on considère que c'est un
ajustement à la pratique qui est extrêmement prometteur dans la façon et ça s'arrime bien déjà avec notre modèle
d'intervention. Ça fait qu'on considère que c'est aussi une priorité.
En plus, que l'intervention soit
psychoéducative, psychosociale, thérapeutique, voire même juridique, quand il y a des dénonciations, on sait que ça commence
souvent à l'âge... à l'adolescence, mais ça traverse, hein, le passage à
la vie adulte. Vous en avez aussi entendu
beaucoup parler, ces enfants-là portent sur leurs épaules le fardeau
d'expériences négatives du passé. Souvent,
ils ont vécu des hébergements en centre de réadaptation, ça ajoute un poids à
leurs difficultés. Ils ont un profil
complexe : toxicomanie, délits, problèmes de santé mentale. En plus,
souvent, ils ont l'absence momentanée de
soutien de leurs proches, parfois aussi ils font face souvent à un manque
d'autonomie, ils ont des défis d'insertion sociale et professionnelle.
Ça les confronte et souvent ça crée obstacle au passage à la vie adulte. Donc,
souvent, ça devient synonyme d'une
précarité. Quand ils arrivent de façon autonome, ils deviennent encore une fois
des proies faciles. Donc, il n'y a pas beaucoup de choses présentement
qui les préparent à ce que cette belle transition là se fasse de façon
optimale.
Une des
priorités du DPJ, grâce justement à cette réorganisation-là des services, grâce
au fait qu'on est CIUSSS, on est à
regarder, justement, l'arrimage d'une trajectoire d'intervention qui permet aux
victimes, plusieurs mois avant l'atteinte de la majorité, de créer une alliance thérapeutique avec un intervenant
qui va être en mesure d'être le point d'ancrage, le filet de sécurité, un accompagnateur stable mais
qui est non lié par un mandat d'autorité, comme nous, en protection de
la jeunesse, pour offrir le soutien
nécessaire, que ça soit pour l'accompagnement au quotidien, pour les soins de
santé, mais aussi pour le logement,
l'aide alimentaire. D'apprendre à faire son épicerie, c'est quelque chose.
Donc, de faciliter... c'est toutes des choses qui nous apparaissent très
judicieuses et importantes aussi.
On veut aussi
rappeler l'importance de bonifier et de revoir le modèle initial du programme
Qualification jeunesse, qu'on appelle PQJ, qui a été implanté il y a
quelques années. De revoir les critères d'accès, l'âge et tout ça, ce sont des
choses qu'on est à regarder et à mettre en place aussi.
Je vois que le temps passe excessivement vite.
Le
Président (M. Lafrenière) : Oui. Je suis désolé, je vais vous demander de conclure, s'il vous
plaît. Mais on va continuer en questions, en échange avec vous.
Mme Gauthier
(Jessica) : Je vais donc,
là... Je passerai sur le point, hein... Les réseaux sociaux, on sait que
c'est un fléau, on sait qu'il y a un impact. C'est, pour nous, une des
priorités. On en fait mention, là, dans le dépôt du rapport.
Je veux
simplement finaliser, donc, par le rôle de nos adolescents, nos possibles
proxénètes en devenir. Les garçons qui
recrutent les filles, pour un gang ou non, traversent les phases d'engagement
qui peuvent être mises en parallèle à ce que vivent nos filles présentement. Nos garçons, incluant ceux qui sont
hébergés, qui sont à la recherche d'appartenance, d'identité, de sécurité, de pouvoir, de liberté,
de plaisir, mais qui sont aussi eux-mêmes fragilisés par leur propre
vulnérabilité, ce sont de très beaux appâts
pour nos proxénètes. Eux aussi sont graduellement désensibilisés. Eux aussi, on
les amène à ne voir que les avantages
qui sont liés au plaisir et à faire de l'argent. Donc, on les ancre de plus en
plus dans les délits, dans les
fraudes, dans tous les délits, donc, pour les plonger aussi dans le milieu,
pour les amener à ne voir que le côté positif.
Donc, c'est
important pour nous de savoir que, oui, ces garçons-là, souvent adolescents,
commencent entremetteurs, mais
qu'initialement, pour nous, ils commencent victimes. Puis, nous, il faut
s'attarder à cette situation-là de cette façon-là pour nous aussi. Donc, eux aussi doivent être
sensibilisés. Eux aussi, on doit détecter leur vulnérabilité, mettre en
place... À l'hiver 2020, on commencera
notre formation sur la vulnérabilité
des garçons pour aider nos intervenants à mieux détecter, mais après ça pour mettre une meilleure... de
meilleure éducation pour augmenter nos facteurs de protection personnelle sociofamiliaux. Parce qu'il faut les amener à
voir le positif et à se sortir de là pour eux aussi. Je vais m'arrêter, j'en
avais d'autres à dire.
• (20 h 40) •
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci de votre présentation. On va passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Cependant, je vais demander consentement pour ajouter
10 minutes à notre séance afin d'entendre nos invités. Est-ce qu'il
y a consentement? Consentement. Parfait. Alors, première question, députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster : Merci
beaucoup pour votre présentation. Députée de
Charlevoix—Côte-de-Beaupré, donc, le nom le dit, je suis touchée par votre territoire,
CIUSSS de la Capitale-Nationale, également Portneuf.
Moi, je suis
curieuse sur une chose. Vous avez un grand territoire qui couvre à la
fois du très urbain, donc Québec, et Portneuf, et, je dirais, Charlevoix,
l'autre côté, la Côte-de-Beaupré entre les deux, mais Charlevoix de l'autre
côté qui a une réalité un peu plus région un
peu plus éloignée. Je suis simplement curieuse de savoir quelles différences
vous observez en termes d'exploitation
sexuelle des mineurs entre la ville et les régions autour. Est-ce qu'il y en a,
des différences? Parce que vous
dites : On a un seul chef pour tout le territoire, entre autres. Est-ce
que, je ne sais pas, moi, est-ce que ça fait différent au niveau du recrutement? Je sais que c'est les réseaux
sociaux beaucoup, aujourd'hui, mais, la façon dont ça se vit, est-ce que c'est différent en ville des
régions? Parce que certains sont venus dire avant vous, entre autres en
Estrie, qu'avant c'était beaucoup concentré
à Montréal, la question... Montréal et Québec, exploitation sexuelle, mais,
quand on arrivait en région, les
ressources ne sont pas les mêmes et puis le rapport aux corps policiers non
plus, ce n'est pas toujours la même chose. Alors, je voudrais vous
entendre là-dessus, savoir vos observations dans votre pratique.
Mme Delisle
(Nancy) : Je vous dirais, de
mon côté, je n'ai pas vu vraiment de différence entre des situations
qu'on a de Portneuf ou, justement, là, de la
Côte-de-Beaupré. C'est à peu près les mêmes façons, je vais dire, de recruter,
les mêmes impacts. Il n'y avait pas vraiment de différence, non.
Mme Gauthier
(Jessica) : Ce qu'on voit,
ce qu'on observe, bien, c'est le déplacement des proxénètes aussi. Ils
ne restent pas en place nécessairement. Ça
fait que, donc, lors d'une situation qu'on aura vue dans le centre-ville de
Québec, il se peut que, deux mois après, ce
soit le même individu, mais il est rendu à Beaupré, par exemple, pour donner un
exemple. Mais dans le recrutement,
effectivement, à cause, en majeure partie, des réseaux sociaux, maintenant, la
facilité, et donc l'accès, ça voyage
vite, là. Les déplacements ne sont plus nécessaires. Donc, on voit qu'on a une
uniformité qui s'installe davantage et on ne voit pas nécessairement de
différence marquée, effectivement.
Mme Foster : O.K. J'étais
curieuse. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Bonsoir. Vous semblez être vraiment
bien... en tout cas, bien équipés en
termes de ressources quand il s'agit de... bien, vous avez un signalement ou
vous avez le témoignage d'une jeune fille ou d'un jeune garçon, que ça déclenche des ententes multisectorielles
via le SIAM et tout. Est-ce que vous avez aussi des mécanismes pour dépister, donc, pour autant chez
les victimes ou... parce que vous le dites que vos milieux sont quand
même beaucoup affectés par l'exploitation
sexuelle. Est-ce que vous êtes en mesure de repérer des proxénètes? Êtes-vous
proches à ce point-là? Et est-ce que vous
avez un rôle à jouer au niveau des interventions policières? Par exemple,
comment est-ce que vous vous impliquez à ce niveau-là, dépistage et
repérage, victimes et proxénètes?
Mme Gauthier
(Jessica) : Il y a plusieurs
niveaux. Bien, la table régionale nous permet une concertation, donc on se permet un partage d'informations. Par contre,
quand on voit un phénomène émergent à la table régionale, on va se
parler : Woups! ça bouge plus dans tel
secteur, soyez à l'affût. On va se partager des fois des informations qui
circulent davantage. À l'intérieur même, au niveau de la protection de la jeunesse, on
travaille beaucoup avec les indicateurs, dans le fond, auprès de nos jeunes. En ayant beaucoup de jeunes qui
sont hébergés en même temps, on voit leurs comportements, les
observations, les retours de sortie, quand
ils arrivent avec des comportements différents, du linge différent. On a des
petits indicateurs qui nous ouvrent des lumières, dans le fond, dans nos
observations.
Notre système
de pivots est aussi très solide, hein? Aux six semaines, on s'assoit,
l'ensemble des pivots, et nos pivots sont
représentés dans chacun des secteurs, le RTS, l'évaluation, l'application des
mesures, la réadaptation des garçons, des filles. On a trois coordonnateurs au niveau pivot aussi. Donc, ça nous
permet un arrimage et un partage, donc de toujours pouvoir être à l'affût. Nos rencontres de
concertation qu'on effectue nous permettent d'être aussi très proches du
terrain. Nos spécialistes en activités
cliniques, nos coordonnateurs cliniques, on a des sentinelles vraiment un peu
partout. Donc, on essaie vraiment d'être à l'affût le plus rapidement
possible.
Puis les
jeunes, ils parlent. Ils parlent, ils partagent. En même temps, hein, on dit
que c'est l'alliance qui crée beaucoup l'impact.
Nos jeunes, quand même, à long
terme, bien, quand on dit qu'on
travaille en approche motivationnelle, il
y a un impact là-dessus pour nous, parce qu'on sait qu'il faut
respecter leur rythme et être à l'affût, donc d'être ouverts à entendre
ces jeunes-là sur ce qu'ils vivent, et non pas dans le jugement et la
répression.
Donc, quand
on travaille en exploitation sexuelle, il faut aussi être prêts à avoir les
oreilles qui nous frisent des fois sur
certains éléments qu'on entend, parce qu'on a besoin de cette cueillette de
données là pour, après ça faire des interventions de prise de conscience, de les amener à évoquer
leurs malaises et de les amener à trouver des solutions alternatives ou
à créer des dissonances dans leurs perceptions. Donc, c'est de multiples
facettes, là, qu'on travaille la détection, là.
Mme Perry Mélançon : Il y a
16 pivots, c'est ça? Vous êtes... Donc, c'est partout, un peu partout...
Mme Gauthier (Jessica) : On est
une douzaine... Bien, à l'interne, au centre jeunesse, on est quand même un
représentant, minimalement, par secteur...
Mme Perry Mélançon : Et donc
toujours dans la Capitale-Nationale, là, on est dans ce...
Mme Gauthier (Jessica) : Oui.
Mme Perry
Mélançon : Est-ce que c'est un modèle qui pourrait être déployé?
Est-ce que c'est quelque chose que vous avez déjà discuté avec d'autres
DPJ? Y aurait-u quelque chose là d'intéressant à développer?
Mme Gauthier
(Jessica) : Je pense qu'au
total, dans la région, là, de Québec, il doit y avoir autour de... Bien,
une fois par année, on fait une rencontre
des pivots, de l'ensemble des pivots, et à la dernière rencontre, au mois de
mai, on était 93. Ça fait que ça, ça fait quand même beaucoup de yeux
puis de gens formés et proches, là, sur le terrain, et ces rencontres-là, bien, ça permet à tout le monde,
justement, de se connaître, d'échanger. On a un bottin. Si, admettons,
un intervenant veut savoir, O.K., dans telle
commission scolaire, c'est qui, le pivot, il regarde dans le bottin puis il
peut l'appeler, et vice et versa, là.
Est-ce que
c'est un modèle qui est exportable? Je pense que oui, et probablement de plus
en plus, parce que, dans les deux,
trois dernières années, avec tout ce qui s'est développé... il y avait déjà des
concertations, là, dans certaines régions. Bien là, les gens, je pense, les différentes régions se sont plus
organisées, se connaissent plus. On voit tous les acteurs qui sont importants. Ça fait que je pense qu'il y a
probablement une question de timing actuellement aussi pour exporter ce
modèle-là.
Mme Perry
Mélançon : Là, je ne sais pas si je peux me permettre une dernière
question, mais, en même temps, je veux entendre mes autres collègues.
Le Président (M. Lafrenière) :
Tellement rapide. Tellement rapide.
Mme Perry
Mélançon : Mais, rapidement, parce que vous êtes ceux qui hébergent,
là, ces victimes-là, les centres jeunesse,
c'est quoi, votre opinion par rapport à ça? Hier, on discutait que ça peut être
un environnement qui maintient le traumatisme
chez les victimes, parce qu'il y a comme toutes sortes de... en tout cas, c'est
un environnement qui peut être difficile,
lourd pour tout le processus de sortie. Donc, en tout cas, je voulais
rapidement entendre votre point de vue là-dessus.
Mme Delisle
(Nancy) : Bien, je pense que
l'hébergement en centre de réadaptation, c'est une des mesures extrêmes et un peu une mesure de derniers recours, là, si
je peux utiliser ça. Donc, quand on est rendu là, c'est parce qu'on n'a
pas le choix, c'est parce que l'adolescent
ou l'adolescente a besoin de ces services-là. Et souvent, quand on déploie
l'offre de services puis qu'on
regarde les objectifs, on essaie de voir le plus rapidement possible comment on
peut retourner dans son milieu puis
de maintenir aussi le milieu impliqué alentour de ces jeunes-là, là. Souvent
aussi il peut y avoir des craintes que, ah mon Dieu! en centre de
réadaptation il se fait du recrutement. C'est quelque chose qu'on entend
souvent. Mais moi, j'utiliserais un peu
l'analogie de la salle d'attente du dentiste. Si je vais chez le dentiste puis
je ressors de là en disant : Mon Dieu
qu'il y a du monde qui a mal aux dents, puis je juge de la qualité de mon
dentiste à partir de ça, bien, c'est comme, à la limite, normal. Ce que j'entends par là, c'est que c'est sûr qu'en
centre de réadaptation on a plein de jeunes qui ont de grandes difficultés et, entre autres, qui ont été
victimes d'exploitation sexuelle ou qui ont sollicité d'autres jeunes. Ça,
on en est conscients. Puis il y a aussi un
paquet d'enfants qui sont là qui sont vulnérables à plein d'affaires. Et c'est
justement... c'est la
clientèle qui se retrouve dans ces endroits-là, c'est des endroits qui sont là,
je dirais, pour ça. Les intervenants sont conscients, les gestionnaires en sont conscients, et les interventions
sont faites pour essayer de minimiser la vulnérabilité de chacun. Puis
ce n'est pas juste l'exploitation sexuelle, c'est un paquet d'éléments, là.
Mme Gauthier
(Jessica) : J'ajouterais que
c'est pour ça qu'on travaille avec beaucoup de partenaires, à Québec. C'est pour ça que notre concertation est forte
puis notre partenariat, entre autres avec les travailleurs de rue, est fort
pour s'assurer de créer des alliances
positives pour ces jeunes-là en dehors des murs des centres de réadaptation
aussi. Et il faut comprendre que les
jeunes qui restent longtemps en centre de réadaptation sont malheureusement
ceux dont le soutien parental n'est pas là. Puis on le ramène depuis
deux jours aussi, il y a plein de gens qui l'ont dit, l'implication parentale
est au coeur aussi de l'intervention.
Nos jeunes dont les parents sont mobilisés, sont
impliqués et travaillent de concertation avec l'ensemble des intervenants, c'est des jeunes qui rapidement
retournent à la maison, malgré peut-être
un ensemble de problématiques, mais souvent qui, par leur collaboration
et leur investissement, vont soutenir la sortie de leurs enfants et donc un
retour en milieu familial.
• (20 h 50) •
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Vous avez parlé de beaucoup de monde. Vous avez parlé d'intervenants à l'évaluation, des intervenants... application
des mesures, des coordonnateurs cliniques. Moi, j'avoue, là, que je suis
un peu perdue dans tout ça. Puis tout à
l'heure on a parlé avec des gens qui nous disaient que la continuité, c'était
très important, puis on nous a dit
que des victimes pouvaient avoir au-dessus de 30 personnes différentes
dans leur dossier. Est-ce que
c'est vrai? Puis est-ce qu'on peut faire quelque chose pour ça?
Avec combien de personnes une jeune victime est-elle en contact?
Mme Delisle (Nancy) : De
personnes, vous voulez dire d'intervenants?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Oui.
M. Corriveau (Patrick) :
D'abord, je vais me permettre un commentaire à ce sujet-là. Quand on parle de 30 intervenants, évidemment, c'est la
minorité. Toutefois, je dois malheureusement vous dire que dans le contexte actuel de la main-d'oeuvre... Et, vous savez, en protection de la jeunesse,
le personnel est, je vous dirais... je vais prendre l'exemple de notre région, le personnel est féminin à
environ 90 %. Beaucoup, c'est des jeunes femmes qui vont avoir un, deux
enfants et c'est une bonne nouvelle, mais je
vous dirais que c'est la raison principale du roulement de personnel en
protection de la jeunesse. Ce n'est
certainement pas ce qu'on souhaite, le roulement d'un intervenant dans la vie
d'un jeune et d'une famille.
On entendait
M. Dorais, juste avant, qui rappelait toute l'importance du lien
thérapeutique, et ce, peu importe à l'âge
auquel, là... l'enfant a. Donc, il faut développer, il faut travailler sur des
stratégies pour essayer de garder et de restreindre au minimum le nombre d'intervenants. Mais la
réalité fait en sorte que je suis obligé d'admettre que bien souvent on
peut voir un, deux et parfois trois
intervenants, dans la vie d'un jeune et d'une famille, malgré que ce n'est pas
ce qu'on souhaite.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : O.K.
Puis j'avais une autre question... Les ententes multisectorielles, tout
à l'heure, on a entendu des gens qui nous ont parlé de ça, puis, moi, on m'a
dit... bien, en arrière, là, l'autre côté, on m'a dit que les ententes sectorielles n'étaient pas assez
souvent déclenchées. Ça, est-ce que c'est basé sur le jugement d'une personne
ou elle évalue la situation en équipe?
Mme Delisle (Nancy) : D'emblée,
lorsqu'un enfant est signalé à la protection de la jeunesse en abus sexuel, automatiquement on déclenche l'entente
multisectorielle, c'est-à-dire c'est une évaluation commune entre la protection
de la jeunesse, les policiers et le procureur. On intervient de façon
concertée.
Dans les cas
d'exploitation sexuelle, nous, déjà, là, depuis longtemps, on traite la
problématique comme un abus sexuel.
Ça fait que, oui, il y a un déclenchement de l'entente multisectorielle. Par
contre, ce qu'il faut se dire, c'est qu'on ne peut pas intervenir de la
même façon, avec les mêmes stratégies, au niveau de l'entente multisectorielle
pour les cas d'exploitation sexuelle versus pour les cas d'abus sexuel
intrafamilial ou extrafamilial.
Je vous donne
un exemple. On évalue un signalement pour de l'abus sexuel de la part du
conjoint de la mère, c'est plus... je
ne dirais pas plus facile mais... à ce moment-là, d'amener l'enfant en entrevue
vidéo pour faire sa déclaration, où l'intervenant
de la protection de la jeunesse est présent aussi, et après ça, chacun de notre
côté, l'intervenant de la protection de la jeunesse continue
l'évaluation, puis le policier termine son enquête. C'est assez simple.
Au niveau de
l'exploitation sexuelle, si je débarque à l'école puis là je déclenche tout de
suite, aujourd'hui, l'entente multisectorielle,
je prends la jeune victime et je l'amène au poste de police pour qu'elle fasse
directement une entrevue vidéo, c'est clair qu'on aura peu de résultats.
Il faut d'abord faire un travail de préparation avec la victime pour l'amener à
collaborer à l'entente multisectorielle. Souvent...
Puis vous avez entendu, j'imagine, à de nombreuses reprises au cours des
deux derniers jours que les victimes, elles
ne se voient pas, dans un premier temps, victimes, elles ne voient pas qu'elles
ont été exploitées. Donc, si aujourd'hui je pars puis j'amène la jeune au poste
de police pour faire l'entrevue vidéo, elle ne se voit même pas comme une
victime, là, elle veut protéger. C'est ses amis, donc elle ne déclarera pas. Il
faut la...
Tout à l'heure, quand je parlais qu'au
niveau de l'entente multisectorielle,
dans les cas d'exploitation sexuelle, c'est un peu un parcours atypique, bien, c'est un peu ça que j'entendais. Il faut d'abord
rencontrer les jeunes une fois, deux fois, trois fois, les amener à
prendre connaissance qu'ils sont des victimes. Et par la suite, souvent, on ne
part pas directement un
vidéo avec les enquêteurs. On a développé...
On a une belle collaboration avec les policiers. Donc, ils vont venir
rencontrer les jeunes, leur expliquer un peu
c'est quoi, comment ça se passe. Ils tissent eux aussi des liens. À un moment
donné, au fil de ces rencontres-là, bien, à un moment donné, la victime
va être prête, et là on va pouvoir enclencher le processus.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député de Viau.
M. Benjamin : Merci, M. le
Président. Donc, merci pour votre présentation.
Ma première
question, en fait, concerne un enjeu que le directeur de la protection de la
jeunesse a évoqué tout à l'heure, c'est tout ce qui concerne l'accès à
l'information, la protection des renseignements personnels. Hier, lors des présentations, il y a des policiers qui nous ont
parlé de cela, de cet aspect-là comme d'un véritable enjeu. Est-ce que
vous, vous... iriez-vous jusqu'à suggérer
qu'on rouvre la loi sur l'accès à l'information pour permettre une meilleure,
une plus grande fluidité des informations, des échanges afin de
prévenir, justement?
M. Corriveau
(Patrick) : Ah! c'est une
très grande question parce que rentre en ligne de compte toute la notion
des droits des individus. C'est certain, par
contre, que, si vous me posez la question, à titre de directeur de la
protection de la jeunesse, je préfère avoir accès à davantage
d'informations pour être en mesure de mieux protéger les enfants de ma région. Donc, si on a des leviers et des
possibilités pour venir clarifier et ouvrir davantage, dans un cadre très
balisé, j'en conviens, mais qui nous
permettrait d'avoir davantage la possibilité d'échanger de l'information,
évidemment, je trouve que ce serait une bonne nouvelle pour nos jeunes.
M. Benjamin :
Un autre enjeu que d'autres intervenants ont soulevé et qui concerne notamment
le passage à l'âge adulte, on parle,
à ce moment-là, d'un manque de ce fameux continuum de services. Et vous avez un
projet, un programme qui s'appelle Qualification des jeunes. Pouvez-vous
nous en parler un peu? Qu'est-ce que c'est comme programme?
M. Corriveau
(Patrick) : En fait, il y a
différents enjeux, hein, au niveau du passage à la vie adulte. Le
premier, il faut comprendre et il faut se rappeler que, bien souvent, ces
jeunes-là qui ont été hébergés, par exemple, en centre de réadaptation, ils voient le passage à la vie
adulte comme enfin la liberté. Ce qui fait que, malgré le fait que parfois on
a des intervenants qui sont proches, qui ont
même des liens, ces jeunes-là ont été encadrés, ont eu des adultes
bienveillants qui ont été dans leur
vie depuis deux, trois, quatre, cinq ans en protection de la jeunesse, et il y
a évidemment une phase, qui est plutôt normale, où ils vont
expérimenter, où ils vont jouer avec leur liberté.
Ce qu'on
souhaite, c'est d'être en mesure de mettre un intervenant en amont dans les
mois avant l'atteinte de la majorité
qui pourra créer un lien significatif et qui sera présent lorsque notre
adolescent, notre adolescente, après trois, quatre, six, un an, un an et demi d'expérimentation dans
sa liberté, dira : Oh! là, j'ai besoin de support, j'ai besoin de revenir,
j'ai besoin d'aide, d'encadrement, et là je rappelle mon intervenant qui
viendra m'aider et me supporter.
Donc, notre
programme Qualification des jeunes, c'est ce qu'il permet, c'est de mettre un
éducateur en amont pour accompagner
le jeune d'abord dans se trouver un logement, se trouver un emploi, faire un
C.V., faire un budget, faire sa première
épicerie et être en mesure d'aussi de l'accueillir une fois que l'expérience de
la liberté sera passée et que nos jeunes conviendront qu'ils ont besoin d'aide. C'est tout ce passage-là qui est
parfois délicat et qui n'est pas nécessairement parce que les
intervenants ne veulent plus intervenir. Le jeune souhaite vivre sa période de
liberté.
• (21 heures) •
Mme Gauthier
(Jessica) : Si je peux
complémenter, dans le fond, c'est des éducateurs qui occupent ces
postes-là, et présentement, dans le fond, ça
permet qu'au-delà du 18 ans, jusqu'à, présentement, 19 ans, il y a
quelqu'un dans la vie de ces enfants-là qui est disponible, là, pour
eux.
La difficulté
qu'on a rencontrée, dans les dernières années, c'est qu'associée à
l'exploitation vient souvent la fugue, la
toxico. C'est des jeunes qui sont peu présents. Donc, malgré la présence de ces
éducateurs-là pour développer l'autonomie, les jeunes n'y étaient pas pour pouvoir développer leur autonomie dans
cet accompagnement-là. C'est ça qui crée, dans le fond, ce fossé-là à l'arrivée aussi des 18 ans.
Et souvent on a des jeunes, de par expérience, qui, 18 ans moins un mois,
là, disent : Eh! mon Dieu, je ne suis
pas prêt. Mais où étais-tu les derniers mois? Et ça fait tout partie de leur
processus de hauts et de bas qui...
On offre le
service, et, quand on dit qu'on est à bonifier et regarder, c'est comment on
peut, même, élargir, être là plus en
amont encore, mais est-ce qu'on ira plus loin que 19 ans? C'est quoi, la
réalité? Ça fait qu'on est tous dans cette réorganisation-là. Mais nous avons les éducateurs, mais, si on élargit
les critères, il faut aussi peut-être élargir les possibilités de cette équipe-là, qu'ils soient disponibles
davantage, donc, puissent prendre plus de jeunes ou être plus nombreux
pour accueillir tout ce processus d'accompagnement là.
M. Benjamin : Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Bonsoir. Certains organismes qui sont passés avant vous
hier ou aujourd'hui parlaient
beaucoup du fait que la sortie de la prostitution est rarement un événement
soudain, hein, que si... on peut faire des
allers-retours. Je voulais voir si vous aviez constaté cet état de fait là, si
vous partagiez cette lecture-là. Et surtout, selon vous, qu'est-ce qui serait les conditions idéales
pour une sortie réussie, tant en matière de services qu'en matière de
façons de s'assurer qu'il y a une sécurité économique à la sortie de la
prostitution?
Mme Gauthier (Jessica) : Je vais me lancer. Effectivement, on voit... C'est
un cycle, hein? Nous, on travaille avec les phases d'engagement, il y a des hauts et des bas. Il y a
effectivement des chutes et des rechutes. Ça fait partie du cycle, du processus, pour de multiples raisons. Pour
certaines jeunes, c'est les menaces qu'elles subissent qui les ramènent à
le vivre. Pour d'autres jeunes, elles se
croient assez solides et retournent dans les mêmes milieux. Pour d'autres
jeunes, tant qu'elles ne voient pas le... qu'ils ne sont pas en état de
crise, qu'ils n'ont pas vécu d'événements négatifs, qu'ils sont encore — on appelle ça l'appât du gain — qu'ils voient le gain monétaire, le plaisir, la
liberté... Il y a de multiples facteurs qui les amènent soit à continuer mais à ne pas vivre l'ambivalence de façon...
tous à la même vitesse, dans le fond. Ça fait que le processus de changement,
pour certaines, est rapide, et, pour d'autres, prend effectivement une tournure
qui est plus complexe.
Une
sortie réussie, pour ma part, effectivement, ça combine un ensemble
d'interventions. Depuis le début de la commission,
je crois que c'est très clair, les clients abuseurs, le proxénétisme et ainsi
que les victimes, il faut travailler de front les trois. Aujourd'hui, on vous a parlé davantage du côté,
peut-être, victimes. Le côté clientèle, on est moins proches en termes de DPJ. Cependant, au niveau du
proxénétisme, je l'ai nommé un peu, hein, on est très, très soucieux de nos
jeunes adolescents aussi. Donc, du travail en amont face à cette clientèle-là.
Ça
fait que je crois qu'il faut travailler de front l'ensemble des situations, de
mettre en place, effectivement, l'ensemble des services, je crois qu'on
est bons dans la sécurisation de nos enfants, on a les éléments pour, je crois
qu'on a des intervenants dédiés, qui sont
doués pour le faire aussi, mais de poursuivre tout l'arrimage avec le milieu
communautaire, on a beaucoup d'alliances,
mais bonifier ces alliances-là aussi pour offrir plus d'opportunités. Pour
certains jeunes, un modèle est intéressant, mais, pour une autre
victime, c'est un autre modèle qui collera davantage à son besoin puis
correspondra davantage à ce qui est
nécessaire. Pour certains jeunes, c'est la précarité économique, mais, pour
d'autres, ce sera le côté affectif, dont le traitement du trauma, qui va
avoir un impact. Donc, c'est vraiment l'individualisation aussi du travail
auprès de ces victimes-là, auprès de ces jeunes-là qui amène aussi cet
impact-là.
Donc,
pour ma part, je ne crois pas qu'il y a un seul modèle, unique. Mais comment on
peut faire un ensemble, un ensemble d'offres de services qui permettra à
chacun d'y trouver sa place pour pouvoir évoluer et s'en sortir mais aussi de
continuer à former de plus en plus de personnes?
Je
pense qu'on a une super belle opportunité à Québec. On a formé beaucoup de
gens, on a commencé au niveau provincial
depuis l'année passée. Les gens ont un engouement, un intérêt, et ce langage
commun là aussi facilite la meilleure connaissance
des rôles, mandats, missions de chacun, et ça, ça facilite la concertation. Et
les jeunes le voient, qu'on travaille dans
le même objectif, que les organisations se parlent et s'entendent et visent le
même besoin du jeune. Ils le ressentent, les enfants, et ils l'apprécient quand ils voient qu'on travaille tous
ensemble pour le même besoin. Je ne sais pas si vous voulez ajouter.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Ça va pour vous? Prochaine
question, députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. Mme Gauthier, vous avez effleuré un peu l'aspect
des réseaux sociaux. Est-ce qu'il y a
quelque chose que vous aimeriez... bien, qui pourrait nous aider, là, qui n'a
pas été nommé, ce soir, en lien avec les réseaux sociaux?
Mme Gauthier (Jessica) : Effectivement, bien, ce que je voulais nommer,
tout à l'heure, un, c'est
d'augmenter la sensibilisation, mais la sensibilisation des parents, qui sont
les premiers responsables, mais qui sont aussi les modèles de leurs enfants.
Je
vais vous donner un exemple qui est
très concret, qu'on peut voir, que vous pouvez voir si vous avez un
Facebook de ce monde. Est-ce que toutes vos
amies sécurisent leurs informations? Est-ce que toutes vos amies s'abstiennent
de mettre des photos en bikini sur la
plage à Cuba? J'extrapole dans les exemples, mais les parents sont les exemples
et les modèles. Est-ce que les parents sont avec leurs cellulaires au
souper ou sont en discussion avec leurs enfants? Donc, je pense, une meilleure
sensibilisation des adultes, des parents.
Et
dès l'âge primaire nos jeunes sont connectés, très jeunes. Une meilleure
éducation numérique pour ces enfants-là qui arrivent au secondaire déjà... qui sont déjà obnubilés par la
quasi-présence au quotidien, tout le temps, dans les murs des écoles, maintenant, aussi. Il a fallu que les
instituts s'ajustent, et c'est correct, hein? Une saine utilisation des
technologies de l'information et de
communication, c'est un bel outil, mais est-ce qu'ils sont tous prêts à bien
l'utiliser? Et les adolescents, malheureusement,
ont cette insouciance, l'impression qu'un écran, ce n'est pas dangereux,
l'impression que, même si c'est Ti-Bob28... Ti-Bob28 ne peut pas être un
danger parce que je ne le vois pas, il n'est pas devant moi, il n'a pas l'air menaçant. Donc, ça a un impact, pour cette
insouciance-là adolescente, qui est de prime abord normale, hein, c'est
l'âge du plaisir, mais ça a des impacts, et
donc... Et sans dire... La gravité d'un abus sexuel sans contact peut être
aussi grave que l'autre enfant qui
s'est fait toucher. La photo de la jeune fille nue qui a circulé aux
500 autres élèves, les impacts et les séquelles traumatisantes sont
aussi importants.
Donc,
il faut continuer de se l'adresser. On a une belle équipe intégrée ici, à
Québec, qui nous permet de l'intervention,
mais, la sensibilisation et la prévention chez les parents, la prévention et
l'éducation chez les enfants dès l'âge primaire, je crois que c'est
essentiel. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Je sais qu'il y avait d'autres
questions. Malheureusement, c'est tout le
temps qu'on avait. Merci beaucoup de votre contribution à nos travaux. Avant de
suspendre les travaux, je vais remercier vous, à la maison, qui nous
suivez. On vous donne rendez-vous demain.
Et on va suspendre
cette commission quelques instants pour continuer en séance de travail. Merci
beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 8)