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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes

Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le jeudi 26 septembre 2024 - Vol. 47 N° 7

Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de France (Arcom)

Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF)

Fondation Marie-Vincent

Capsana et Collectif Vital

Observatoire des tout-petits

Communauté ouverte et solidaire pour un monde outillé, scolarisé et en santé (COSMOSS)

Mémoires déposés

Intervenants

Mme Amélie Dionne, présidente

Mme Suzanne Tremblay

Mme Elisabeth Prass

Mme Audrey Bogemans

M. Stéphane Sainte-Croix

M. Alexandre Leduc

M. Enrico Ciccone

M. François St-Louis

M. Yannick Gagnon

Mme Marie-Belle Gendron

*          M. Roch-Olivier Maistre, Arcom

*          Mme Laurence Pécaut-Rivolier, idem

*          M. Jeremy Bonan, idem

*          M. Alex Gauthier, FQOCF

*          Mme Nadine D'Amours, idem

*          Mme Stéphanie Gareau, Fondation Marie-Vincent

*          Mme Myriam Le Blanc-Elie, idem

*          Mme Corinne Voyer, Collectif Vital

*          M. Guy Desrosiers, Capsana

*          Mme Julie Cailliau, Observatoire des tout-petits

*          Mme Marie-Claude Gélineau, idem

*          Mme Emma Savard, COSMOSS

*          Mme Julie Desrosiers, idem

*          M. Denis Blais, idem

*          Mme Cynthia Morneau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-sept minutes )

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, bon jeudi à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale sur les impacts des écrans sur le développement et la santé des jeunes ouverte.

La commission spéciale est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement de nos jeunes.

Mme la secrétaire, il y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : D'accord. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour aller au-delà de l'heure prévue, soit environ 10 minutes de plus ce midi? Consentement. Merci beaucoup.

Auditions (suite)

Alors, nous entendrons, cet avant-midi, l'agence de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de France et la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille.

Donc, nous allons accueillir notre premier groupe. Donc, merci d'être avec nous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, ensuite de cela, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle
et numérique de France (Arcom)

M. Maistre (Roch-Olivier) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes très honorés de participer aux travaux de la commission spéciale. Je suis accompagné de Laurence Pécaut-Rivolier...

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Bonjour.

M. Maistre (Roch-Olivier) : ...qui est présente, qui est une magistrate, membre de la Cour de cassation, qui a rejoint notre collège et qui est en charge, au sein de ce collège, notamment, des questions qui... dont nous allons parler cet après-midi, Jeremy Bonan, également, qui est directeur adjoint de la Direction des plateformes en ligne, puisque nos compétences, maintenant, intéressent directement aussi les acteurs du numérique, et Martine Coquet, qui est la directrice des affaires internationales de notre...

Je rappelle juste, dans ce propos introductif, que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom, est une autorité publique indépendante, donc, indépendante du gouvernement, bien évidemment. Elle est animée par un collège composé de neuf personnalités nommées par cinq autorités différentes pour un mandat de six ans, non renouvelable. C'est une autorité qui rassemble 400 collaborateurs, avec un budget annuel de 50 millions d'euros, et dont les compétences sont d'assurer la régulation des médias traditionnels que nous autorisons à émettre, et dont nous contrôlons les obligations, et, on va en dire un mot, de plus en plus, les acteurs du numérique, avec une nouvelle régulation qui se met en place en direction de ces acteurs.

La loi que nous mettons en oeuvre, c'est une loi du 30 septembre 1986, donc qui a presque 40 ans maintenant. Elle est intitulée Loi relative à la liberté de communication. Donc, c'est notre cadrage juridique d'ensemble. Elle nous donne une mission particulière, depuis l'origine, de protection des mineurs, avec un pouvoir général de recommandation pour exercer cette compétence, et donc, à ce titre, nous agissons par voie de recommandation, par voie de délibération et d'actions de sensibilisation. C'est une mission qu'on a longuement exercée en direction des médias audiovisuels classiques, traditionnels, si je puis dire, et qu'on continue à exercer, et, depuis quelques années, donc, du fait de l'évolution du numérique, vers ces nouveaux acteurs.

• (11 h 30) •

Sur les médias... Sur les médias traditionnels... (panne de son) …intéresse, bien, les médias traditionnels au sens de la télévision, telle qu'on l'entend, ou les médias audiovisuels à la demande… Elle porte d'abord sur l'usage des écrans par les mineurs, avec le souci d'assurer une protection des enfants de moins de... de moins de trois ans des effets de la télévision, et on le fait par le biais d'une campagne de sensibilisation. On a une campagne Enfants et écrans, avec un message et un slogan, je dirais, qui est : Pas d'écran avant trois ans. Donc, on pourra... On pourra y revenir, si vous le voulez.

On a ensuite une action, toujours pour les médias traditionnels, sur les contenus qui sont visionnés par les mineurs, avec un système de signalétique, signalétique des programmes, avec un pictogramme sur les programmes en fonction de l'âge pour pouvoir signaler, donc, les programmes qui sont déconseillés pour les plus jeunes. Donc, là aussi, on a des actions de sensibilisation, avec une campagne annuelle sur ce dispositif de protection des mineurs, sur lequel on pourra... on pourra revenir.

Pour nous aider dans cette action, on est assistés par un comité d'experts du jeune public qui rassemble des personnalités respectées et reconnues sur cette thématique de la protection de l'enfance et de la jeunesse. Et puis notre action, maintenant, se développe, on va pouvoir y revenir aussi, vers les acteurs du numérique du fait de l'évolution du paysage, notamment, à travers une nouvelle directive, un nouveau règlement européen, puisque c'est une régulation de niveau européen, qui est le règlement sur les services numériques, plus connu sous son acronyme anglais de DSA, Digital Services Act, qui prévoit un certain nombre de mesures, qu'on va vous rappeler, de protection de la jeunesse, et également une autre directive européenne qui est la directive Services médias audiovisuels, qui, également, prévoit des dispositions visant à mieux protéger... à mieux protéger les jeunes.

Et ce cadre a été enfin complété, toujours pour les acteurs du numérique, avec des compétences nouvelles qui viennent d'être votées dans le droit français concernant les sites pour adultes, avec la volonté d'aller vers une meilleure protection des mineurs sur l'accès à ces sites. Je ne vous cache pas que c'est un cadrage juridique qui est un petit peu complexe, mais on va pouvoir y revenir.

Je vais peut-être demander à Laurence Pécaut-Rivolier, donc, de développer, mais peut-être d'abord la partie audiovisuelle, et puis Jeremy Bonan dira peut-être quelques mots sur le cadrage européen que nous déployons aujourd'hui. Laurence.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Merci beaucoup. Bonjour. Alors, sur le cadrage classique, et pour être un peu sur les questions que vous nous avez fait passer, donc, nous avons la possibilité d'imposer certaines règles aux médias audiovisuels classiques. La première règle, donc, que nous leur avons imposée, c'est qu'il ne pouvait pas y avoir d'enfants, devant les écrans, qui aient moins de trois ans, ce qui veut dire qu'il ne doit pas y avoir de contenu qui soit, en fait, destiné à des enfants qui auraient moins de trois ans. Donc, nous vérifions que les contenus qui sont mis à l'écran sont des contenus qui sont destinés forcément à des plus de trois ans. C'est notre première intervention.

Ensuite, deuxième intervention, nous demandons aux éditeurs, lorsqu'il y a des contenus qui sont des contenus qui peuvent être soit violents soit difficiles d'accès pour les mineurs, d'apposer une signalétique qui prévoit... qui prévient les parents que c'est déconseillé soit aux moins de 12 ans, soit aux moins de 16 ans, soit aux moins de 18 ans. Et, dans cette classification, il y a un effet sur l'horaire de diffusion, puisqu'en fonction de l'âge pour lequel c'est déconseillé le contenu ne doit pas être mis à l'écran avant 20 heures, 22 h 30, ce qui permet d'éviter, évidemment, que les mineurs ne se retrouvent confrontés, malgré la signalétique, à ces contenus.

Et, de la même façon, nous vérifions, non pas en amont, ce sont les éditeurs qui ont la responsabilité de cette signalétique selon les lignes directrices que l'Arcom a définies… Mais, en aval, nous sommes saisis par des signalements, notamment de particuliers, qui nous disent : Ce contenu-là est un contenu violent et il n'a pas été signalé comme tel, donc ça pose difficulté. S'il y a eu transgression de cette classification, nous le signalons aux éditeurs selon notre méthode d'intervention habituelle, c'est-à-dire, au départ mise en garde, mise en demeure, et ça peut aller jusqu'à des sanctions.

Nous n'avons que très, très peu de difficultés sur ce secteur-là. Comme l'a dit le président, il est très ancien, il est très connu des éditeurs et il est très respecté des éditeurs. Et nous faisons un certain nombre d'analyses, chaque année, qui montrent que, vraiment, sauf cas très, très rares, mais, souvent, ce sont des cas dans lesquels il peut y avoir des questions, notamment, de contenus qui peuvent apparaître violents mais qui sont, en fait, des contenus pédagogiques de sensibilisation, et, dans ces cas-là, ils ont pu être classifiés un peu moins pour être, justement, vus par des jeunes, nous n'avons que très, très peu de difficultés.

Et par ailleurs nous avons des accords avec tous ces éditeurs pour avoir des campagnes de diffusion, chaque année, de clips de sensibilisation sur les rapports à l'écran qui vont jusqu'à la sensibilisation par rapport aux écrans, réseaux sociaux et écrans en ligne. Donc, ce sont les éditeurs classiques qui, en quelque sorte, prennent sur eux cette campagne de sensibilisation, qui, en fait, concerne tous les écrans, et qui permettent de travailler aussi sur cette sensibilisation avec les parents. Donc, ça, c'est pour le côté écrans classiques, encore une fois, plutôt un dispositif qui marche très bien.

Et juste, je termine, un petit mot, parce qu'il y avait ça dans vos questions, nous avons aussi des règles sur la publicité. Certaines publicités ne peuvent pas être mises avant ou après des émissions qui sont considérées comme des émissions destinées aux enfants.

M. Maistre (Roch-Olivier) : C'est notamment le public... la publicité sur les produits alimentaires très sucrés qui peuvent affecter le... affecter les enfants. Voilà.

Peut-être, Jeremy, un mot sur la réglementation européenne et la régulation des acteurs du numérique, maintenant.

M. Bonan (Jeremy) : Tout à fait approprié. Donc, le Digital Services Act, qu'on traduit par règlement sur les services numériques, donc, c'est le règlement de l'Union européenne, vous appelleriez ça le fédéral, au Canada, qui vient, bien, réinventer la réglementation de toute la chaîne technique d'Internet, émettre des obligations nouvelles par rapport à avant sur les plateformes en ligne. Donc, ça réaffirme le principe de responsabilité limitée des hébergeurs d'Internet et puis ça vient consacrer un certain nombre de très bonnes pratiques pour l'ensemble des plateformes en ligne, donc, par exemple, les décisions de modération avec des obligations de transparence vis-à-vis des utilisateurs — si j'ai une modération, la plateforme doit m'expliquer pourquoi j'ai été modéré — et des obligations de transparence vis-à-vis des pouvoirs publics, avec des rapports annuels qui doivent être publiés sur les politiques de modération qui ont été mises en oeuvre par les plateformes de leur propre fait ou à la demande des pouvoirs publics.

Dans les choses un peu notables, on a le signalement de confiance, le fait qu'il y ait des associations spécialisées ou des... enfin, des organismes spécialisés qui vont pouvoir signaler, et avec un traitement plus rapide, de la part des plateformes en ligne, de ces signalements, pour savoir si les contenus doivent être retirés ou modérés sur ces plateformes, et puis des obligations un peu générales, notamment sur la protection des mineurs. J'y reviendrai. Et donc ces obligations de base, elles sont mises en oeuvre par chaque État membre de l'Union européenne pour les acteurs qui sont établis chez eux.

Et on a une couche supplémentaire, qui est la vraie innovation de ce règlement, vis-à-vis des très grandes plateformes. Donc, ça, c'est les plateformes qui ont plus que 45 millions d'utilisateurs en Union européenne. Donc, c'est les plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche. Et, pour ces très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche, elles ont des obligations supplémentaires qui sont mises en oeuvre sous la supervision de la Commission européenne, et c'est une première dans les règlements numériques en Europe, et ces plateformes vont devoir gérer ce qu'on appelle... enfin, ce que le règlement appelle les risques systémiques. Et donc, du fait de leur taille, on considère qu'elles ont des obligations particulières parce qu'elles ont des... peuvent avoir des incidences particulières sur la société. Donc, on a un système avec... où, tous les six mois, elles doivent identifier les risques systémiques qu'elles sont susceptibles de faire courir à la société, indiquer à la Commission européenne quelles mesures elles mettent en… pour réduire ces risques systémiques et les évaluer. Donc, on a cette cinématique, identification, réduction des risques, évaluation des risques, des mesures, qui va avoir lieu tous les six mois.

Et, en complément, il y a des obligations, sur lesquelles nous, on mise beaucoup, qui visent à donner accès aux données de ces plateformes aux chercheurs. C'est l'article 40 du règlement. Et donc, là, ça vise à ce que les chercheurs puissent concourir... la recherche au sens large, pas qu'académique mais notamment académique, puissent demander... pour des projets de recherche qui ont trait à la vérification de la bonne mise en oeuvre du règlement, que ces chercheurs puissent accéder aux données des plateformes et puissent faire des études sur l'action de ces plateformes en matière... en matière d'obligations qui relèvent du règlement sur les services numériques.

S'agissant plus spécifiquement de la protection des mineurs, on a des obligations générales, qui sont à l'article 28, qui visent, en gros, à ce que, dès lors qu'une plateforme est accessible aux mineurs, elle doive être adaptée aux mineurs, et par ailleurs, dans le cadre des risques systémiques pour les très grandes plateformes, des obligations qui sont renforcées avec ce schisme qui est un peu trop simple mais qui permet un peu d'illustrer : Les plateformes de base, elles doivent s'assurer qu'il n'y a rien d'illicite sur leur plateforme là où les très grandes plateformes doivent aussi veiller à ce qui est préjudiciable. Et la Commission européenne peut édicter des lignes directrices, en particulier sur l'article 28, sur la protection des mineurs. Elle a lancé ce travail, et on attend des lignes directrices au deuxième trimestre 2025.

• (11 h 40) •

M. Maistre (Roch-Olivier) : On peut...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, chers... C'est malheureusement tout le temps qu'on a pour l'exposé, mais, soyez sans crainte, mes collègues ont des questions pour vous. Alors, nous allons débuter cette période d'échange. Je passe la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Bonjour. Merci d'être présents avec nous. Alors, vous avez parlé, là... Quand vous parlez des plateformes, là, est-ce que vous parlez également, là, tu sais, de tout ce qui est Facebook, Instagram, donc, qui amène de la publicité aux jeunes, qui... tu sais, qui ciblent beaucoup, là, par leurs influenceurs, à leur vendre des choses, des produits, les... tous les contenus dirigés, les incitatifs? Est-ce que ça... Est-ce que ça touche aussi votre action?

M. Bonan (Jeremy) : Alors, oui, absolument. Par rapport à «plateformes en ligne» — c'est le vocabulaire qui a été retenu par le règlement — bien, il y a les réseaux sociaux. Et donc, parmi les très grandes plateformes, il y a, évidemment, Facebook, il y a Instagram, il y a TikTok et...

M. Maistre (Roch-Olivier) : X.

M. Bonan (Jeremy) : ...X, absolument. Nous, on a...

M. Maistre (Roch-Olivier) : Les grands moteurs de recherche.

M. Bonan (Jeremy) : ...Google et Bing, et on a une vingtaine de très grandes plateformes qui ont été identifiées par la Commission européenne. Il paraît que ça, c'est un travail qui... qui peut continuer à être identifié, et dès lors qu'on passe 45 millions d'utilisateurs.

M. Maistre (Roch-Olivier) : On peut vous donner un premier exemple concret de l'application de ce règlement, puisque la Commission européenne, donc, a engagé une enquête sur TikTok, au titre de ce règlement, pour une application nouvelle que TikTok a voulu déployer, qui s'appelle TikTok Lite, qui développait une pratique très addictive pour les plus jeunes. Et, à l'issue de cette enquête, eh bien, TikTok a renoncé à déployer cette application sur le continent, sur le continent européen. Donc, on voit bien... On est au début de l'application de ce règlement, mais on voit bien son effet contraignant. Et il y a, en ce moment, des enquêtes qui sont en cours sur X notamment, de non-conformité à ce règlement, dont on n'a pas... dont on n'a pas les résultats, mais qui devraient... qui devraient arriver prochainement.

Donc, en tout cas, pour répondre à votre question, oui, les réseaux sociaux, les grands réseaux sociaux sont directement concernés par ce règlement.

Mme Tremblay : Puis qu'est-ce que vous faites avec ces géants-là, justement, vis-à-vis, là, les gestes qu'ils posent vis-à-vis les jeunes? Est-ce que vous avez une réglementation très précise à laquelle ils doivent se conformer pour faire en sorte, justement, là, d'éviter du contenu ciblé, de la publicité, contrôler les influenceurs? Est-ce que ça, il y a... il y a des actions très précises que vous posez? Puis, si oui, est-ce qu'elles sont respectées?

M. Maistre (Roch-Olivier) : Oui. Alors, ce règlement, il pose un principe de base, c'est : Ce qui est interdit par la réglementation sur le continent européen est interdit sur ces espaces-là. Ces plateformes, ces grandes plateformes, ces grands réseaux ont l'obligation, comme ça a été dit, d'évaluer précisément les risques qu'ils font courir à leurs utilisateurs et ils doivent, bien évidemment, répondre... trouver les réponses appropriées, soit par de la modération humaine soit par l'intelligence artificielle, aux risques qui ont été identifiés. Et ils sont soumis à une procédure d'audit pour s'assurer qu'ils respectent bien les... et qu'ils mettent bien cette action pour se conformer à la réglementation. Et ça, c'est sous le contrôle de la Commission européenne, qui dispose d'un pouvoir de sanction important qui peut aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires mondial de la plateforme. Donc, ça a un effet concret, très, très dissuasif.

Et donc on est un peu au début de l'histoire, donc c'est difficile de vous dire si ce sera totalement... totalement efficace, puisque les premières enquêtes aboutissent en ce moment. C'est un règlement qui est d'une application tout à fait... tout à fait récente en Europe mais qui est assez prometteur.

Mme Tremblay : Vous avez parlé aussi de l'accès à des sites pour adultes. Est-ce... Comment vous, vous contrôlez cet accès-là, faire en sorte que les jeunes n'aient pas accès à ces sites-là? Donc... Parce qu'il y a plusieurs intervenants, là, qui sont venus en commission, donc, qui nous ont parlé qu'il faut contrôler ces accès-là, que c'est d'autant… très, très important parce que l'accessibilité est trop facile. Donc, comment vous... Est-ce que vous avez implanté des règles de contrôle pour les plateformes pour adultes ou ne serait-ce que... Les réseaux sociaux, c'est 13 ans présentement, là. C'est l'âge que les réseaux disent qu'on devrait... Est-ce que vous avez mis des mesures de contrôle pour ça? Puis, pour les plateformes pour adultes, comment vous arrivez à contrôler ça? Est-ce qu'il y a des règles?

M. Maistre (Roch-Olivier) : Alors, les sites pour adultes, donc, on a deux niveaux de réglementation. On a une réglementation nationale française qui a été adoptée récemment, qui est une loi du 21 mai 2024, donc elle est toute récente, et je vais en dire un mot, et on a également les dispositions du règlement européen DSA, qu'on vient d'évoquer, pour les très grandes plateformes, pour les plateformes les plus importantes.

Pour ce qui est de la loi française, donc, la loi française, c'est le Code pénal, il interdit d'exposer des mineurs à des contenus à caractère pornographique. C'est une interdiction générale dans le Code pénal français. Et cette loi de 2024, elle vient donner à l'Arcom de nouvelles compétences pour faire respecter cette disposition sur ces plateformes.

La première mesure, c'est que nous devons édicter un référentiel technique qui donne des indications aux plateformes, des règles qu'ils doivent respecter dans la mise en oeuvre d'un dispositif permettant de s'assurer que la personne qui se connecte est bien majeure, que cette personne a bien 18 ans. Et, ce référentiel, on est en train de le finaliser. Il sera publié très prochainement. Il a été examiné aujourd'hui même par la commission Informatique et libertés, qui s'est assurée de sa conformité aux règles de protection des données. Et ce référentiel, il prévoira un dispositif qui... enfin, il imposera des règles qui permettent de s'assurer que les données de l'utilisateur sont protégées.

C'est un règlement... Une fois que ce référentiel sera en place, il rentrera en application trois mois, trois mois après, et, à l'issue de cela, le régulateur que nous sommes aura la possibilité de mettre en demeure les sites pour adultes qui ne se conformeraient pas à l'obligation posée par la loi d'avoir un filtre, un dispositif de filtrage pour permettre de contrôler que la personne qui se connecte a plus de 18 ans. Et, en deuxième lieu, si la mise en demeure par le régulateur n'est pas respectée, eh bien, nous aurons la possibilité d'ordonner aux fournisseurs d'accès une mesure de blocage du site en question. Donc, c'est un dispositif qui est très contraignant. Je ne rentre pas dans les détails, parce que ça doit se combiner avec le droit européen, donc c'est complexe à mettre en oeuvre.

Mais, voilà, on a ce pouvoir nouveau qui est donné par la loi française, et ça doit se combiner avec le droit européen, parce que l'Union européenne a mis en place un groupe de travail pour établir une règle de niveau continental, de niveau européen. Donc, ils sont en train de travailler sur un dispositif technique qui n'est pas encore... qui n'est pas encore adopté, une réglementation de niveau européen, et, dès que la réglementation européenne sera en place, eh bien, la loi française s'effacera, et nous appliquerons... nous appliquerons le droit européen. C'est une thématique sur laquelle il y a une très, très grande sensibilité en Europe. La Commission européenne est très mobilisée là-dessus, les gouvernements européens le sont, et la France a été un peu pionnière dans ces réglementations en la matière.

Mais c'est un combat qui n'est pas facile parce que l'industrie pornographique, comme vous le savez, est très puissante. Et donc, dans la mise en oeuvre de ces réglementations, eh bien, on a toujours des contestations juridiques, des contentieux pour... contre... contre la mise en oeuvre de ce dispositif. Laurence.

• (11 h 50) •

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Oui. Je voudrais juste dire... Parce qu'en fait ce n'est pas simple, hein, c'est-à-dire qu'effectivement ce référentiel qu'on nous a demandé d'élaborer, c'est parce qu'on a, face à nous, des sites pornographiques qui nous disent : Mais nous, on est de très bonne volonté, c'est juste qu'aucun système n'existe qui permette à la fois de filtrer les entrées et de respecter la vie privée des citoyens, puisqu'il ne s'agit évidemment pas de donner la possibilité aux sites pornographiques d'avoir tous les éléments d'identité des personnes qui le fréquentent. Et, comme à peu près tous les pays d'Europe, on a été confrontés à cette difficulté de trouver des outils pour dire aux sites pornographiques : Écoutez, si, il y a des moyens.

Donc, en fait, c'est pour ça que, depuis deux ans, on travaille avec les industriels qui peuvent développer ce type d'outil. On travaille avec tous les partenaires pour être capables, dans le référentiel, de dire : Voilà ce qui peut être mis en place. Dans une première étape, nous allons considérer qu'au minimum il faut qu'il y ait le filtre de la carte bancaire, qui, évidemment, ne garantit pas qu'on n'a pas des moins de 18 ans mais qui garantit qu'on n'a pas les plus jeunes, parce que, voilà, eh bien, normalement, les plus jeunes n'ont pas de carte bancaire. C'est un moyen transitoire en attendant qu'il y ait des outils qui permettent... via ce qu'on appelle le double anonymat, c'est-à-dire une entreprise tierce qui prend l'identité, qui vérifie que la personne est majeure, qui donne le go au site pornographique, qui, du coup, lui, n'aura pas l'identité de la personne mais aura vérifié que la personne est bien majeure.

Donc, on est en plein travail sur ce plan-là. On... Ce n'est pas facile, mais c'est notre défi.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

Mme Tremblay : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, rapidement, parce qu'on a beaucoup de collègues qui ont des questions.

Mme Tremblay : Oui. Je veux juste... Parce qu'il y avait deux questions, hein, mais je veux juste voir… Est-ce que, ces moyens-là, vous pensez un jour les appliquer pour protéger les jeunes des réseaux sociaux aussi, donc de faire en sorte que, si une plateforme décide que c'est 13 ans... bien, que les jeunes puissent vraiment s'y inscrire à partir de 13 ans? Là, on le sait très bien, à l'heure actuelle, il y a des jeunes de huit ans qu'on retrouve sur les réseaux, plus jeunes. Ça fait que je veux juste voir si, rapidement, là, vous avez cette réflexion-là chez... pour les jeunes.

M. Maistre (Roch-Olivier) : Oui. Non, je pense que l'ambition de la réflexion européenne, c'est bien ça, c'est de trouver des dispositifs de vérification de l'âge qui protègent les données, comme on vient de le dire, mais qui puissent se répandre de façon plus générale, parce qu'il y a les sites pour adultes, mais effectivement, là, il y a des plateformes dont on souhaite qu'elles ne soient pas accessibles aux mineurs de façon plus générale. Et donc cette problématique générale de trouver le bon système de vérification de l'âge, elle trouvera sa réponse au niveau européen, et c'est le but du groupe de travail que pilote actuellement la commission et auquel on participe.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Oui. Merci. Merci pour votre présentation. C'est très intéressant de voir ce qui se fait ailleurs. Vous avez parlé de la signalétique pour les émissions, mais on sait que... désolée, on sait que… On sait, par exemple, sur YouTube, il y a énormément de vidéos qui sont pour différents âges, certains pas appropriés. Comment est-ce que... ou est-ce qu'il y a une façon dont vous pouvez présenter...

Une voix : ...

Mme Prass : ...excusez-moi, présenter l'élément signalétique pour ces vidéos-là? Parce que plusieurs jeunes y vont, et, comme ce n'est pas sur une plateforme... Bien, ce n'est pas une émission en tant que telle. Je voudrais savoir si vous avez pensé à ça, et comment vous vous y faites.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : En fait, nous, on peut effectivement, comme vous l'avez dit, l'imposer aux médias audiovisuels. C'est très facile. On a maintenant une législation qui nous permet aussi d'imposer ce contrôle aux services de médias audiovisuels à la demande, donc aux plateformes, mais qui prévoient des vidéos à la demande, Disney+, Netflix, et autres. Donc, c'est un... On a la possibilité de vérifier qu'il y a bien un système de vérification d'âge. Par contre... Jeremy.

M. Bonan (Jeremy) : Bien, pour le... Pour les plateformes comme YouTube, ça fait partie des très grandes plateformes qui ont été identifiées par la Commission européenne, et donc, là, on va voir l'effet du règlement sur les services numériques, et quelles mesures vont être mises en oeuvre dans le groupe de travail sur la vérification de l'âge, et aussi sur… quelles mesures ils mettent en oeuvre pour protéger les mineurs des contenus préjudiciables qui sont sur ces plateformes-là. Et ce travail-là, il est... enfin, il est en cours dans les instances qu'on a décrites et dans les interactions entre la Commission européenne et ses très grandes plateformes sur les risques systémiques, et il va sans dire qu'il y aura des choses relatives à la protection des mineurs dans ce travail-là.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Donc, pour l'instant, on est quand même... On a bien avancé, parce que, quand même, les services de médias audiovisuels à la demande, ce n'est pas rien. Et on a aussi un travail européen avec les jeux vidéo, y compris en ligne, qui ont aussi un système d'alerte sur l'âge.

Mme Prass : Et, justement, quand vous parlez de vérification d'âge, toute la question des VPN que les jeunes utilisent souvent, justement, pour détourner ce facteur-là, est-ce que c'est quelque chose auquel vous vous êtes adressés ou vous avez trouvé une façon de vraiment s'assurer que la vérification de l'âge se fait sans pouvoir se contourner?

M. Bonan (Jeremy) : Peut-être... On a très bien avancé, enfin, autant bien qu'on pouvait, sur la vérification de l'âge sur les sites adultes, parce qu'on avait une loi nationale qui était spécialement dédiée sur cette thématique, et puis on a ce travail plus général sur l'ensemble des plateformes et qu'est-ce qu'on fait, où est-ce qu'on place les bons curseurs, qui est dans le cadre des travaux qu'on a en Union européenne. Et donc, effectivement, sur les sites adultes, il y a un vrai enjeu à protéger, énormément, les données personnelles, parce qu'on ne veut pas faire un lien entre ce qui est consommé et la personne. Il y a moins d'enjeux de protection des données personnelles sur d'autres services.

Par contre, dès lors qu'il y a des mineurs qui y accèdent, il y a une question d'identifier qui a l'autorité parentale, qui complexifie énormément la question technique. On a bien en tête, s'agissant des VPN, puisque vous en parliez, que ça peut être un moyen de contournement. Et on a, par ailleurs, dans ces discussions-là, des propositions pour essayer de trouver... Ce qu'on met en avant, nous, c'est qu'il faudrait qu'il y ait des choses qui... au niveau du terminal, sur la vérification de l'âge, notamment, pour éviter qu'il y ait des détournements si on demande à chaque service Internet de vérifier, pour ses propres utilisateurs, l'âge de leurs utilisateurs. Donc, on... Voilà, on a bien en tête les limites techniques, on essaie de trouver des solutions. Et puis on met... On a mis dans le débat des propositions pour essayer de trouver quelque chose qui évite le contournement.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Ce qu'on voudrait mais... Vous l'aurez compris, vraiment, comme vous, je pense, hein, on est en plein travail dessus, en espérant que le niveau européen nous permettra d'avancer. Ce qu'on voudrait, par exemple, c'est que les systèmes de contrôle parental soient interopérables et que, donc, ce soit un même système qui soit applicable à toutes les plateformes, donc, si possible, à partir des opérateurs. Ça faciliterait les choses. Et, de cette manière-là, on n'évite peut-être pas les contournements, mais, déjà, au moins, on a une facilitation pour les parents à mettre le contrôle parental. Et, là encore, ça veut dire que, pour les cibles, les plus jeunes, on peut quand même avoir une vraie action efficace.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Merci beaucoup. Moi, je voulais savoir quelle était la fonctionnalité pour la diffusion non consensuelle d'images des mineurs ou en cas d'usage d'appareils, par exemple, d'intelligence artificielle, de notifications qui concernent les mineurs.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Alors, la diffusion non autorisée d'images, là, on est plus dans le cadre de l'application de la loi pénale, donc, effectivement, ça relève du juge. Bien évidemment, on a beaucoup d'associations, en France, qui se sont créées, qui travaillent à la protection des mineurs et qui ont établi des liens avec les plateformes en ligne, et donc la plupart de ces cas d'abus se résolvent par un signalement à ces associations ou à un service de police, gendarmerie spécialisée, qui s'appelle PHAROS, chez nous, qui vont directement signaler qu'il y a une situation d'abus ou d'images non autorisées de mineurs aux plateformes. Et les plateformes vont faire une première vérification et enlever ces images.

Donc, ça se résout de plus en plus grâce à ces actions concertées des associations, d'un service spécialisé de police, gendarmerie et des plateformes, qui ont tout intérêt à répondre à ces demandes de retrait de manière amiable ou sur une injonction. Après, sinon, c'est le juge qui intervient, mais ce n'est pas le... à ce stade, le régulateur.

Mme Bogemans : D'accord. Parfait. Je voulais voir aussi, dans les balises, est-ce que vous en avez certaines pour le contenu qui est diffusé à l'école, que ce soit au primaire, au secondaire, dans vos écoles, tout ce qui est pédagogique, finalement?

M. Maistre (Roch-Olivier) : Non. Ce qu'on... On a une action d'encouragement général de l'éducation aux médias et à la citoyenneté numérique. Donc, on s'assure, notamment, que tous les acteurs que nous régulons déploient des initiatives en faveur de l'éducation aux médias et à la citoyenneté.

On a une convention qui nous lie au ministère de l'Éducation nationale pour coopérer ensemble et voir les actions qu'on peut mener avec l'Éducation nationale. L'Éducation nationale elle-même, dont c'est la mission, bien évidemment, dans ses programmes, avec son corps enseignant et par l'intermédiaire d'un opérateur qui s'appelle le CLEMI, déploie toute une série d'actions dans les écoles pour assurer une meilleure sensibilisation des plus jeunes. Il y a maintenant des mesures aussi d'interdiction des téléphones portables dans les collèges, qui est en oeuvre depuis la rentrée du mois de septembre. Donc, voilà, ça, toute cette action pédagogique est essentielle. Parce qu'il faut, bien sûr, une action coercitive, mais l'action pédagogique en amont se déploie en liaison, notamment, avec le ministère de l'Éducation nationale.

Les plateformes elles-mêmes, qu'on a évoquées, déploient des actions d'éducation aux médias aussi. Ça fait partie des attentes qui s'expriment à leur égard. Voilà.

• (12 heures) •

Mme Bogemans : Donc, les jeunes ne peuvent pas venir à l'école avec leur propre téléphone cellulaire, mais ils peuvent utiliser, par exemple, les tablettes ou les ordinateurs qui sont fournis par l'institution.

M. Maistre (Roch-Olivier) : Absolument. Exactement.

Mme Bogemans : D'accord.

M. Maistre (Roch-Olivier) : Exactement. Maintenant, quand ils arrivent... Quand ils arrivent... Pour les collégiens, quand ils arrivent à l'école, il y a maintenant cette interdiction du téléphone portable. Mais effectivement, quand il y a des outils à usage pédagogique, dans les établissements scolaires, de type tablette ou ordinateur, bien évidemment, ils peuvent le faire dans le cadre de leur programme éducatif.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : On n'est pas... On n'est pas... Je vais... Je fais toujours le mouton noir, mais on n'est pas sortis de l'auberge là-dessus non plus, parce qu'il y a... Il y a un effet d'interdiction au collège, mais les lycéens, par exemple, ont leur téléphone. Et l'Arcom, donc l'autorité de régulation française, a fait, par exemple, une étude sur la fréquentation par les mineurs des sites pornographiques qui a montré que, malheureusement, on a une fréquentation de masse des sites pornographiques par les mineurs à partir de 10, 11, 12 ans. Et on sait que c'est parce que c'est via le téléphone portable, qui n'est pas, enfin, vu par les parents, et que, donc, probablement, ça peut se faire aussi quand même en cour de récréation. Donc, c'est pour ça aussi que d'arriver à un système qui oblige les sites pornographiques à avoir un filtre à l'entrée est absolument indispensable.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames et messieurs, très heureux de discuter avec vous ce matin. Merci de vous prêter à l'exercice. Très intéressant.

Est-ce que vous considérez que le travail qui a été fait, là, en termes législatifs et réglementaires, est un travail qui s'inscrit dans un cadre de santé publique?

M. Maistre (Roch-Olivier) : A! oui! Je pense. Enfin, je pense, par exemple, à la question de la protection des mineurs à l'égard des contenus pornographiques. C'est documenté depuis très longtemps, les effets dommageables que ces contenus peuvent avoir sur les plus jeunes. Et donc les initiatives législatives qui ont été prises en France en la matière, elles avaient pour but, bien évidemment, d'assurer cette protection, à la fois pour se conformer, tout simplement, au Code pénal, parce que ça fait longtemps que le Code pénal français interdit d'exposer des mineurs à des contenus pornographiques, mais aussi de prendre en compte... Parce qu'il y a aussi beaucoup d'études, maintenant, qui ont été faites sur l'impact de ces contenus pornographiques sur les plus jeunes. Comme l'a dit Laurence, les études qu'on fait montrent que c'est des jeunes de plus en plus jeunes qui ont accès à ces contenus, et on voit bien les effets dommageables que ça peut avoir sur eux, sur leur développement, sur les relations entre les hommes et les femmes. Oui, tout à fait.

M. Sainte-Croix : Donc, vous me permettez, Mme la Présidente? Dans le contexte de vos travaux, qui, concrètement, en termes de départements, de ministères… qui contribuent, au quotidien, à l'avancement de vos réflexions et de vos... de vos outils, là, j'imagine que ça implique plusieurs, plusieurs départements de...

M. Maistre (Roch-Olivier) : Oui. Je crois qu'on peut dire, vraiment, sur ces sujets de la protection des mineurs, de la problématique de l'exposition des mineurs aux écrans, il y a une sensibilité politique globale au sein du pays. Alors, le chef de l'État lui-même a pris l'initiative d'installer — c'était l'année dernière — une commission de... commission de... qui a beaucoup travaillé sur ces sujets, qui a rendu un rapport et des conclusions tout à fait... tout à fait intéressants.

En termes de ministères, c'est plusieurs ministères qui sont concernés. Il y a le ministère de la Culture, parce qu'il traite des sujets de communication et c'est lui qui élabore une bonne partie de la réglementation que nous mettons... nous mettons en oeuvre, le ministère de la Santé, qui peut être impliqué à ce titre, le ministère qui est en charge des affaires du numérique, la Chancellerie, le ministère de la Justice, qui peut être, bien évidemment, concerné par ce texte. Et beaucoup de textes ont été portés par le Parlement lui-même, hein? C'est... Il y a eu beaucoup d'initiatives qui sont venues, notamment, du Sénat. Je pense, par exemple, sur cette problématique des sites pornographiques, à une loi sur les violences conjugales, qui est d'initiative sénatoriale, donc, qui date de 2020, qu'on s'est attachés à mettre en oeuvre, non sans difficulté, et c'est pour ça qu'il y a ce nouveau texte de loi qui date de cette année, de 2024, qui était d'initiative gouvernementale mais qui est un texte qui a été quand même très enrichi par le débat... le débat parlementaire.

En tout cas, on a beaucoup d'auditions, comme celle que vous faites en ce moment, avec le Parlement, aussi bien l'Assemblée nationale que le Sénat. C'est un thème de très grande sensibilité dans l'opinion publique française en ce moment.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, je vais...

M. Sainte-Croix : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bonjour.

M. Maistre (Roch-Olivier) : Bonjour, M. le député.

M. Leduc : Dans le fond, ma question est assez simple. Vous allez appliquer ou vous êtes en train d'appliquer plusieurs choses en même temps. Quels sont les un, deux, peut-être trois éléments en particulier dont vous allez faire vraiment une surveillance, là, détaillée, minutieuse pour être certains que ça s'applique dans le bon sens? Qu'est-ce qui vous apparaît comme des trucs, là, que vous allez regarder de manière vraiment méthodique?

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Si on parle des mineurs, les deux directions, vraiment, sur lesquelles on... Il nous semble qu'il y a… La priorité, c'est, donc, ce contrôle parental, dont nous constatons qu'il existe à peu près partout mais qu'il est très, très peu utilisé. Et, s'il est très peu utilisé ou, en tout cas, pas assez et pas assez efficacement, c'est qu'il n'est pas adapté. On ne peut pas en faire le reproche aux parents. Donc, ça veut dire qu'à la base ce n'est pas suffisamment accessible, ludique, le même partout. Donc, ça, pour nous, c'est la grande priorité.

La deuxième grande priorité, on en a parlé beaucoup parce que, pour nous, c'est un sujet très lourd, c'est, donc, de rendre enfin réelle l'interdiction pour les mineurs d'accéder aux sites adultes.

Et, après, la troisième qui viendra dans un troisième temps, parce qu'elle est aussi très importante, mais il y en a tellement, ça va être de travailler sur les algorithmes des plateformes qui font que les contenus sont terriblement addictifs et que le temps passé devant les écrans et la nature des contenus qui sont regardés sont nocifs pour la jeunesse. Mais ça, ce sera le troisième temps d'entrée et ce sera, là aussi, vraiment via le travail de l'Europe.

M. Leduc : Excusez, j'ai mal compris le deuxième. Vous avez dit : Accès aux sites de…

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Adultes, pornographiques.

M. Leduc : Adultes. Pardon. C'est ça, sites adultes. Merveilleux. Donc, contrôle parental, accès des mineurs aux sites adultes, algorithmes, c'est les trois priorités qui vont être vos plus... O.K. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Bonjour ou bonsoir à vous tous, là. Quelle heure qu'il est? Oui, bonsoir à vous tous.

Moi, j'ai une question bien simple. Vous nous avez parlé de votre rôle, rôle de gardien qui... que vous faites, qui semble... Vous semblez très bien le faire, mais moi, je veux connaître un peu plus, là, quel est votre pouvoir, là. Avez-vous un pouvoir de coercition? Avez-vous un pouvoir d'émettre des amendes? Avez-vous le pouvoir également, si vous voyez du contenu sur différentes plateformes que vous voyez ne pas être bon pour les mineurs, par exemple, ou pour une jeunesse, ou qui est dans une mauvaise catégorie... Pouvez-vous la retirer? Quel pouvoir? Jusqu'où vous pouvez aller?

M. Maistre (Roch-Olivier) : Alors, sur les médias traditionnels, bon, bien là, on a des pouvoirs très clairement identifiés par la loi, donc, la possibilité de mettre en garde l'éditeur en lui disant : Attention, là, il y a une difficulté. Donc, ça, c'est un peu le premier degré d'intervention. Si le manquement est plus important, la loi nous oblige à le mettre en demeure en lui disant... c'est un peu le carton... le carton jaune au football, en disant : Là, vous avez franchi la ligne... la ligne blanche ou la ligne jaune, je ne sais pas quelle couleur elle est au Canada, au Québec. Et, s'il y a une répétition de ce manquement, si l'éditeur ne se conforme pas à la mise en demeure, eh bien, on peut prononcer des sanctions. Il y a toute une panoplie de sanctions. Traditionnellement, on applique des sanctions de... à caractère financier, un pourcentage du chiffre d'affaires. Et, si la situation est vraiment grave, on a la faculté de retirer l'autorisation d'émettre d'un éditeur. C'est... Mais, comme l'a dit très bien Laurence, c'est une réglementation, pour ce qui est de la protection des mineurs dans les médias traditionnels, qui est très connue de la part des éditeurs et que les éditeurs respectent. Donc, ça peut nous arriver d'intervenir, mais c'est vraiment très, très rare. Les grandes chaînes de télévision, bien, savent que les téléspectateurs ont une sensibilité très forte pour leurs enfants, et donc veillent à l'application de la réglementation.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Pour les plateformes.

M. Maistre (Roch-Olivier) : Pour les plateformes.

• (12 h 10) •

M. Bonan (Jeremy) : En règle générale, sur les... sur Internet, sur les plateformes en ligne, on n'a pas vocation à regarder le contenu nous-mêmes. Donc, on est sur les obligations qu'on appelle obligations de moyens. On s'assure qu'avec... maintenant, c'est une question européenne, donc, avec l'ensemble des autres États membres et la Commission européenne, que les plateformes mettent en place les moyens techniques et humains qui permettent de faire respecter la loi et leurs règles, leurs règles communautaires. Et donc le... Ce que rappelait le président tout à l'heure, c'était que, s'il y a un contenu illicite qui est sur une plateforme et qui lui est signalé, la plateforme, si elle n'a pas de doute sur le fait qu'il est illicite, elle doit le retirer. Et donc on s'assure qu'il y ait la bonne modération technique, que ce soit une intelligence artificielle ou des modérateurs humains, qu'il y ait le bon nombre, avec tout un enjeu de langues, en Union européenne, parce qu'il y a beaucoup plus qu'une seule langue.

Donc, maintenant, on commence à avoir des données sur est-ce qu'il y a le bon nombre de modérateurs qui sait parler anglais, qui sait parler français, qui sait parler italien. Et puis on va s'assurer qu'en face les plateformes, elles mettent le bon nombre de modérateurs humains grâce au règlement qu'on a sur les services numériques. Et on est vraiment au tout début. Et là on va avoir cette première année de mise en oeuvre qui va bientôt arriver, qui va permettre de voir si ça change la donne ou pas en Union européenne.

Mme Pécaut-Rivolier (Laurence) : Et donc...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

M. Ciccone : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : C'est malheureusement tout le temps que nous avons. Alors, merci beaucoup de votre contribution et de ces réponses qui nous éclairent un peu plus sur vos travaux.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe. Merci beaucoup et bonne fin de soirée.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 15)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. Alors, bienvenue. Donc, je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, peut-être aussi vous présenter d'entrée de jeu, et, par la suite, on procédera à la période d'échange avec les membres de la commission.

Fédération québécoise des organismes
communautaires Famille (FQOCF)

M. Gauthier (Alex) : Bien, bonjour. Merci de l'invitation. On est très honorés d'être ici aujourd'hui. Vous avez, à ma gauche, M. Marc Thivierge, qui est le conseiller stratégique à la FQOCF, et vous avez, à ma droite, Mme Nadine D'Amours, qui est la présidente du conseil d'administration mais également la directrice générale de la Maison de la famille des Chenaux en Mauricie. Et je m'appelle Alex Gauthier. Je suis directeur général de la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. Vous me permettrez de nommer l'abréviation plutôt que de le nommer. Ça va être bénéfique pour tout le monde, je crois, là, aujourd'hui. Donc, merci.

Depuis 1961, la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille, la FQOCF, représente, soutient et vise à accroître le rayonnement et le développement professionnel de près de ses 260 membres en plus de promouvoir le savoir-faire unique en matière d'accompagnement des parents. Alimentée par l'expérience de ses membres et par leur rôle d'observateurs privilégiés des familles, la FQOCF agit nationalement en interpelant les décideurs publics et les médias sur des enjeux que vivent les familles.

Étant reconnue pour son leadership et son expertise au sein de l'écosystème famille, la FQOCF est sollicitée par une grande diversité de partenaires partageant sa mission et son engagement auprès des familles québécoises. Elle crée des partenariats et des collaborations avec des centaines d'organisations afin de contribuer au milieu... au mieux-être des familles sur des enjeux et des défis actuels, et ce, à travers tout le Québec. À titre d'exemple, la fédération collabore avec des nombreux partenaires du secteur de la recherche, contribuant ainsi à l'avancement des savoirs sur les familles et l'expérience parentale. De plus, la FQOCF est souvent invitée à présenter la spécificité et les particularités de l'action communautaire autonome Famille par plusieurs départements universitaires.

Les organismes communautaires Famille, les OCF, sont de véritables alliés prêts à épauler les parents durant les grandes étapes de leur vie familiale, de la grossesse à l'âge adulte, sont des lieux d'accueil, d'écoute, d'échange entre parents. Les OCF sont des organismes de proximité offrant des services qui répondent aux besoins des familles de tous types. Ils s'adaptent aux besoins changeants de la parentalité, reconnaissant que toutes les familles peuvent traverser des zones de turbulences ou être confrontées à des situations qui sont particulières.

Le présent mémoire a pour but de réitérer l'importance de la participation active et soutenue des parents afin de favoriser la réussite éducative de leurs enfants. Il vise également à rappeler le rôle des OCF en matière d'accompagnement des pères, des mères et des enfants.

Selon l'Enquête québécoise sur la parentalité, réalisée en 2022 par l'Institut de la statistique du Québec pour le compte du ministère de la Famille, être parent, c'est un rôle en constante évolution. Les changements sociaux, les contextes et certains enjeux influencent la parentalité et le sentiment de bien-être de la relation parentale. La gestion des écrans représente une source de stress pour de nombreux parents. Selon l'enquête, c'est le cas pour près de 40 % d'entre eux. On ne peut passer sous silence que certains parents ont développé également des problèmes d'utilisation des écrans, ce qui affecte la qualité de la relation avec leurs enfants. Comme le problème de dépendance ne fait que s'accentuer depuis plusieurs années, il est donc essentiel de mettre à la disposition des parents des outils pour les épauler.

Je céderais la parole à Mme Nadine D'Amours.

Mme D'Amours (Nadine) : Bien, Alex l'a mentionné, l'utilisation des écrans, c'est vraiment un stress chez les familles québécoises, et autant pour les familles qui ont des enfants 0-5 ans, les tout-petits, que chez les familles qui ont des enfants plus vieux, dont les adolescents, entre autres, où est-ce que les parents ont souvent peur que leurs jeunes deviennent accros, là, aux jeux vidéo, mais aux médias sociaux en général.

J'imagine que plusieurs d'entre vous, ici, êtes déjà parents, donc vous êtes vraiment... vous avez l'expérience d'être confrontés puis d'être mis en porte-à-faux, un petit peu, entre : Je veux faire une bonne gestion des écrans chez mes enfants, mais je veux aussi... tu sais, je ne voudrais pas qu'il soit mis... qu'il soit rejeté à l'école parce qu'il n'a pas écouté la dernière danse TikTok ou il n'a pas pu communiquer avec ses amis sur les médias sociaux. Ça fait que, des fois, on est vraiment pris, en tant que parent, entre ces deux pôles-là qui s'opposent entre eux.

• (12 h 20) •

Selon nous, la majorité des parents du Québec le savent, que les écrans peuvent avoir un effet négatif chez leurs enfants. Ce n'est pas là que le bât blesse. Le bât blesse quand ça vient le temps de trouver des solutions pour cette saine gestion là des écrans puis pour que les enfants utilisent les écrans en toute sécurité. On l'a vu avec la présentation avant nous, ça peut avoir des conséquences graves, là, la... Internet, chez les jeunes. Donc, c'est plus à ce niveau-là que les parents ont besoin de support. Ils n'ont pas besoin d'être formés sur pourquoi Internet, ce n'est pas bon pour leurs enfants, ils ont vraiment besoin d'être soutenus dans des solutions pour bien faire une gestion saine des écrans à la maison. Puis là je vous parle de gestion des écrans, puis ma présentation est sur un écran, là, ça fait que... C'est ça.

Donc, c'est dans la recherche de ces méthodes éducatives là que les organismes communautaires Famille, on se doit d'être sollicités pour supporter les parents. Nous avons développé une approche qui est unique et non menaçante pour les parents afin de... qu'ils puissent exprimer leurs besoins, leurs intérêts, leurs inquiétudes et leurs enjeux face aux écrans. Notre approche en milieu de vie — donc, les parents sont les bienvenus, peu importe de quel milieu ils sont — puis notre approche, aussi, en enrichissement de l'expérience parentale permet aussi aux parents de trouver entre eux des solutions, tout en se sentant et en restant qualifiés. Un parent qui se sent qualifié va avoir des meilleures capacités à bien encadrer ses enfants. Un parent sur qui on tape tout le temps sur la tête pour dire : Tu ne fais pas ça correctement est beaucoup moins engagé et se sent moins compétent dans son rôle de parent. Comme je disais tantôt, il ne faut pas les former, mais il faut bien leur donner un espace de parole, à ces parents-là, où est-ce que des solutions vont émerger dans le fait qu'ils vont pouvoir discuter entre eux.

Justement, dans les OCF de la province, on a mis en place plein d'activités, de services qui permettent aux parents de faire une bonne gestion des écrans. Je vous donne l'exemple des activités qu'on fait, nous, à la Maison de la famille des Chenaux. Entre autres, on a... on a un groupe de discussion, pour les parents d'ados, qui s'appelle On jase, où une des rencontres est vraiment ciblée sur l'utilisation des écrans par les adolescents. On parle de cyberintimidation, on parle de sécurité dans... au niveau de l'utilisation d'Internet. Donc, ça, c'est une des choses qu'on fait.

On fait aussi des ateliers de stimulation parent-enfant, où est-ce que les parents repartent avec plein d'idées d'activités stimulantes à faire à la maison, qui leur permettent de pallier à... Exemple, on donne l'écran à un enfant pendant qu'on prépare le souper parce que c'est plus simple. Bien, avec les activités de stimulation qu'on leur propose, ils peuvent trouver une autre alternative à l'utilisation des écrans.

Là, je me dépêche, là, mais on fait plein, plein, plein de belles affaires. On a des activités qui sont issues du projet Enfant Nature, où est-ce qu'on amène les familles à l'extérieur. On fait des... de la stimulation mais à l'extérieur, ça fait que ça aussi, ça outille le parent pour faire d'autres choses que les écrans. On a un volet scientifique papa-enfant. Donc, on sait que le rôle des pères dans le développement des enfants est superimportant. Donc, on a un volet scientifique père-enfant. Et on fait aussi, entre autres, là, de l'aide aux devoirs par le jeu. Donc, on travaille vraiment à la réussite éducative, comme Alex le disait.

Donc, il me fera plaisir, tout à l'heure, de vous donner plus d'exemples si jamais vous en voulez d'autres, mais les OCF de la province, on est vraiment passés maîtres, là, dans le support aux parents.

M. Gauthier (Alex) : Merci, Nadine. Les parents, ils ne souhaitent pas être... au départ, être formés, hein, pour être des bons parents, ils veulent être... avant tout être épaulés, informés puis secondés dans leur rôle. Donc, les OCF, qui travaillent en collaboration et de manière complémentaire avec un grand nombre de partenaires, également, externes, publics ou privés, des établissements, institutions ou organismes du secteur de la santé, services sociaux, éducation, la petite enfance, qui dirigent souvent les familles vers les OCF… La vaste majorité des organismes accueillent des familles qui leur ont été référées par des CISSS, des CIUSSS, par la direction de la protection de la jeunesse, par un CPE, par un service de garde, un organisme, par une école ou encore par leur municipalité. Notons que les CISSS et les CIUSSS sont des partenaires privilégiés qui travaillent étroitement avec les OCF dans 97 % des cas.

La FQOCF soutient que c'est... c'est en encourageant et valorisant l'expérience des mères, des pères, des enfants et en soutenant dans une approche empathique et préventive que les actions gouvernementales et communautaires favoriseront l'ouverture des familles à de nouvelles pratiques et expériences. Il s'agit ainsi de démontrer, tant aux parents qu'à leurs enfants, qu'ils sont qualifiés pour prendre les meilleures décisions qui concernent leurs familles.

Pour y parvenir, le gouvernement doit éviter de recourir à des messages et à des stratégies d'information qui peuvent donner l'impression de cibler négativement certains parents ou de porter un jugement par rapport à certaines pratiques considérées comme indésirables. Le but de l'État n'étant pas de se substituer au rôle de parent, il faut, autant que possible, les impliquer en tant que les parties prenantes, leur expliquer les enjeux, les encourager à mettre en place des solutions adaptées à leurs réalités familiales. Avec des bons outils, des informations accessibles, un accompagnement approprié pour faire des choix éclairés, chaque parent a la capacité de déterminer un temps d'écran convenable pour ses enfants.

C'est en misant davantage sur une approche de soutien, par exemple via la création d'outils ludiques et éducatifs, et en confortant... se confortant dans leurs rôles de modèles et d'éducateurs auprès de leurs enfants que les autorités de santé publique parviendront à conscientiser les parents qu'ils sont les véritables alliés face à la surutilisation des écrans. Nous reconnaissons que le parent est le premier et principal éducateur de son enfant.

Des parents soutenus et fiers d'être parents représentent un gage de réussite pour tous. Toute mesure éloignant les parents de leur rôle aura peu d'effet à long terme sur le plan comportemental et social, ce qui inclut l'utilisation des écrans. En reconnaissant qu'ils sont en mesure d'avoir les ressources eux-mêmes de même que dans leurs milieux, ils pourront assurer le mieux-être de leurs familles et l'épanouissement de tous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Oui, c'est...

M. Gauthier (Alex) : Il me reste une minute, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Il vous... Moi, mon temps est écoulé.

M. Gauthier (Alex) : D'accord, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Bien, avec le consentement de tous, si vous voulez poursuivre, il n'y a aucun problème, là.

M. Gauthier (Alex) : Bien, écoutez, j'irai directement à nos propositions de recommandations : reconnaître que le parent est le premier éducateur de son enfant; s'assurer que les politiques publiques et les campagnes de sensibilisation prennent en compte la diversité des expériences et des situations des parents pour les soutenir dans ce rôle essentiel; faire appel aux organismes communautaires Famille, qui agissent déjà en collaboration avec le milieu institutionnel et communautaire; tenir compte des ressources élaborées par les OCF et leurs partenaires comme des moyens efficaces d'outiller les parents; puis accélérer la mise en application de la recommandation de la commission Laurent, qui date déjà depuis 2019. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. Gauthier. Nous allons commencer... débuter la période d'échange. Donc, M. le député de Marquette, la parole est à vous.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Merci beaucoup d'être là. Et, honnêtement, j'ai... Depuis le début de cette commission-là... Je comprends que c'est votre rôle, là, les organismes communautaires volet Famille, là, mais vous semblez beaucoup vouloir qu'on ait les parents comme alliés, comme partenaires, puis aussi, également... puis corrigez-moi si j'ai tort, là, mais de responsabiliser aussi les parents, parce que les parents ont un rôle extraordinaire dans ça. Parce que je n'ai pas les chiffres, là, mais j'ose croire que, le grand pourcentage des familles et même des jeunes, la problématique, c'est qu'un parent a été le premier à mettre un outil numérique dans les mains de son enfant. Il l'a eu avant d'arriver à l'école, pour plusieurs.

Alors, moi, j'aime cette approche-là, parce que, justement, on ne peut pas non plus faire... avoir des politiques publiques, mettre des règlements, peut-être même légiférer en ce sens, parce que la ligne est fine pour le législateur, on ne veut pas rentrer dans la maison non plus puis on ne veut pas dire au parent : Voici ce que tu dois faire avec ton enfant, mais, en même temps, il faut l'avoir comme partenaire.

Ce que je vois dans vos recommandations… Ici, vous dites : «…s'assurer que les politiques publiques et les campagnes de sensibilisation prennent en compte la diversité des expériences et des situations des parents pour les soutenir dans ce rôle essentiel.» Ce que vous dites ici, c'est faire du sur-mesure mais pas du mur-à-mur, de prendre en considération les situations différentes, familiales. C'est ce que j'entends.

M. Gauthier (Alex) : Bien, pour nous, c'est ça. Puis, comme il n'y a pas un modèle type exact de parent, c'est évident que ce n'est pas facile d'avoir un message qui est... qui est… de façon «at large», c'est sûr et certain. Puis, en plus, il ne faut pas que ce soit un message qui soit à titre punitif, c'est-à-dire : Vous avez un comportement inadéquat, vous n'êtes pas correct de faire les choses. On ne sait pas ce qui se passe dans la vie de ces familles-là... puis des problématiques qu'ils peuvent vivre, puis du rythme de vie qu'ils ont aussi. Ça fait que, donc, ce qu'on veut, nous, c'est les sensibiliser à petites doses, je dirais, c'est-à-dire de les accompagner... bon, échange d'expériences parentales sur comment on peut bien faire les choses. Je crois que ça peut être très riche d'aller dans ce sens-là, de consulter ces parents-là sur comment ils peuvent être approchés, comment ça peut être sensibilisé. Je ne connais pas un parent qui va dire : Je suis très heureux que mon enfant passe 20 heures sur 24 devant un écran, ça, c'est sûr et certain.

M. Ciccone : Mais vous voyez quand même un peu la problématique qu'on fait face, cette commission-là, parce qu'on doit émettre un rapport. C'est vrai qu'il faut considérer tous les milieux. Également, vous faites référence ici, brièvement, là, dans votre mémoire, de... des facteurs socioéconomiques. Comment on fait pour émettre un rapport mais, en même temps, d'être capables d'émettre des recommandations qui va toucher, justement, ces facteurs-là socioéconomiques, là? Parce que ce n'est pas pareil, là, tu sais, que ce soit rural, urbain, une maman monoparentale, un papa monoparental, une grande famille. Quelqu'un qui a de l'espace pour jouer, il a des options. Quelqu'un qui vit dans un quartier qui est précaire, enclavé, comme chez nous, dans le quartier Saint-Pierre… Comment on fait ça pour sauver tout le monde? Parce que c'est ce qu'on veut, là, nous, on veut tous les sauver, là. Comment on fait ça?

• (12 h 30) •

M. Gauthier (Alex) : Bien, on arrive dans la même philosophie, hein, je te dirais. Mais je vous dirais que les OCF offrent des programmes d'accompagnement de ces parents-là. Donc, cette possibilité de publiciser, voire informer, ça existe. Chez nous, il y a 15 % des parents, au Québec, qui utilisent les organismes communautaires Famille. Il y aurait 15 % de plus qui les utiliseraient s'ils savaient que ça existait. Ça fait que, donc, on passe à côté d'un paquet de parents qui pourraient bénéficier des services mais qui ne connaissent pas les organismes communautaires Famille. Je parle des organismes communautaires Famille, mais il y a beaucoup de programmes préventifs qui sont en place. L'avantage pour les organismes communautaires Famille, c'est que ce n'est pas un milieu institutionnel, donc, qui ne fait pas peur aux parents, qui fait en sorte que c'est une maison, qu'on les accueille, qu'on les écoute et qu'on adapte selon le... les problématiques des parents, leur compréhension puis leurs difficultés.

Mme D'Amours (Nadine) : Puis, dans les organismes communautaires Famille, il y a des familles de tout acabit qui viennent. Il y a des familles qui sont privilégiées, il y a des familles qui vivent plus en contexte de vulnérabilité. Puis, comme je disais tout à l'heure, on a vraiment développé une expertise qui nous permet de faire des groupes mixtes, puis que chacun y trouve son compte. Puis les intervenants qui travaillent dans les organismes communautaires Famille au Québec, c'est des intervenants formés, là, des travailleurs sociaux, des éducateurs spécialisés, des psychoéducateurs, etc. Donc, on a les ressources, tu sais, pour vraiment mettre en place des programmes qui répondent aux besoins puis aux intérêts des familles.

Puis, je me répète un peu, mais de mettre en place des mesures ou des outils qui vont faire en sorte que les parents vont se sentir qualifiés, veux veux pas, ça va interpeler, que ce soient les familles qui vivent en contexte de très grande pauvreté versus les familles plus... mieux nanties, en fait. Si on travaille vraiment à les garder qualifiés, ils vont se sentir interpelés.

M. Ciccone : Rapidement, un exemple d'outil qu'on pourrait mettre en place… Je ne veux pas vous mettre... Je vous mets sous le spot, là, je comprends, là, mais...

Mme D'Amours (Nadine) : Bien, en fait, là, vous allez trouver ça drôle, mais de financer les organismes communautaires Famille pour qu'on puisse offrir des activités. Mais on offre tout plein, déjà, d'activités, tu sais, comme je vous disais, des ateliers de stimulation. Si on avait un outil visuel superbien détaillé mais pas... tu sais, facile à lire aussi, pour les parents faibles lecteurs, qu'on pourrait distribuer, exemple, dans nos ateliers qu'on... où est-ce qu'on parle d'utilisation des écrans, ça pourrait être génial, là. Mais je pourrais vous donner plein d'autres idées, avec beaucoup de sous aussi.

M. Gauthier (Alex) : Mais, si vous me permettez, ça marche par étapes, hein? Ça fait que, donc, la première étape, c'est d'arriver dans le milieu puis dire : O.K., je reconnais que j'ai un problème face à tout ça, comme tout type de dépendance. Donc, à partir du moment où il y a un désir d'«empowerment», on... Nadine a donné un exemple d'un espace parents. Donc, ce sont… des parents, sous forme de thématiques, vont discuter de la problématique, bon : Comment bien faire mon épicerie, j'aimerais ça... Bon, puis là, quand on tombe à la gestion des écrans, bien, ça se discute entre parents : Moi, j'essaie ça, moi, je fais ça, moi, je l'essaie de cette façon-là. Ça fait que, donc, nous, on croit qu'en créant ce filet-là on est capables de mobiliser puis polliniser aussi nos pratiques.

M. Ciccone : Merci. Merci beaucoup.

M. Gauthier (Alex) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Dionne) : Qu'est-ce qui vous... Quand les parents vont dans les organismes communautaires, c'est quoi, leurs questionnements? Qu'est-ce que... Est-ce qu'ils se questionnent aussi sur leur propre consommation d'écrans? Est-ce qu'ils sont plus inquiets de la consommation d'écrans de leurs enfants? Mais est-ce qu'eux aussi ont... manifestent des problématiques ou se questionnent sur leurs habitudes?

Mme D'Amours (Nadine) : Bien, c'est drôle que vous dites ça, parce qu'en fait, tu sais, les parents, ce qu'ils nous disent souvent, c'est : Bien, maintenant, tout se fait sur Internet, les bulletins des enfants à l'école, je les consulte sur Internet, je fais mon épicerie sur Internet, je paie mes factures sur Internet, donc mon enfant me voit constamment utiliser Internet pour la vie quotidienne. Donc, puisque moi, je suis un modèle avec un téléphone dans les mains, comment je fais, après ça, pour dire à mon enfant : Non, non, non, ce n'est pas une bonne idée, on va limiter le temps d'écran, quand lui-même n'est pas capable de limiter son temps d'écran, parce que la vie est organisée autour des réseaux sociaux maintenant? Ça fait que, ça, les parents sont vraiment conscients de ça puis ils essaient de voir, justement... bien, de ne pas tomber dans «ne fais pas ce que je dis»... «ne fais pas ce que je fais, fais ce que je dis», là. Donc, oui, les parents sont conscients de ça.

Puis la question, c'est vraiment : Est-ce que je dois mettre un temps limite? C'est quoi, le temps limite? Comment je mets ça? Comment je réagis au fait que mon enfant me trouve bien pas fin quand je mets 15 minutes de tablette par jour, mettons, puis, comme je vous disais tantôt, tout le jeu d'équilibre qui se joue entre : Bien, je veux lui permettre, tu sais, je veux faire une saine gestion des écrans, mais je ne veux pas non plus qu'à l'école, demain, il se fasse intimider ou se fasse mettre de côté parce qu'il n'a pas pu communiquer avec ses amis sur les réseaux sociaux? Mais, oui, les parents se questionnent vraiment sur leur utilisation aussi.

La Présidente (Mme Dionne) : Bien, c'est intéressant, ce que vous dites, parce que, bon, quand on faisait l'épicerie physiquement... Parce que, les enfants, ce qu'ils disent, puis on a beaucoup d'experts qui sont venus nous le confirmer, c'est : Je n'ai plus l'attention de mes parents, tu sais, mes parents sont tout le temps sur leur téléphone. Donc, tu sais, je me pose la question. Dans le temps où on allait faire l'épicerie, où on allait à la caisse payer nos comptes, j'imagine, des fois, qu'on n'amenait pas les enfants. Ça fait que les enfants n'avaient pas ce temps-là où ils attendaient après leurs parents ou... Tu sais, dans une certaine mesure, oui, on comprend totalement que tout est fait sur les écrans, mais on essaie de comprendre aussi comment adapter notre vie familiale avec les... Justement, effectivement, beaucoup de choses se font sur le numérique, mais comment... Avec les commentaires des enfants qu'on reçoit, là, c'est des questions qu'on se pose aussi, sur l'hygiène, aussi, de l'utilisation du téléphone et des écrans par les parents.

Mme D'Amours (Nadine) : On essaiebeaucoup de mettre en place des actions que les parents peuvent reproduire à la maison. On a une autre activité qu'on fait, où est-ce qu'on fait construire un livre d'histoire par les parents pour qu'ils puissent la raconter à leurs enfants. Donc, ils bricolent un livre sur leur histoire à eux, sur un voyage qu'ils ont fait, sur l'histoire de la naissance de mon enfant. Puis on considère que, premièrement, si on fait construire un livre au parent, il se sent fier de la construction de son livre, il va l'utiliser avec son enfant. S'il utilise ce livre-là avec son enfant, bien, ce 10, 15, 20 minutes là qu'il lit le livre avec son jeune, bien, ils ne sont pas sur Internet, puis, en plus, on stimule le goût de la lecture. Donc, peut-être que le long terme va faire en sorte qu'on va moins aller sur les écrans.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Donc, vous semblez avoir des outils vraiment intéressants pour les parents, vraiment novateurs, mais comment est-ce que vous faites pour aller rejoindre les parents encore plus, qui viennent... qui ont des situations socioéconomiques plus vulnérables que d'autres?

M. Gauthier (Alex) : Les OCF sont implantés dans tous les milieux au Québec. Donc, ils sont nés de leurs communautés, c'est-à-dire qu'il y avait un besoin, ils se sont créés de ce côté-là. Dans toutes les activités, je vous dirais, fête de la famille, fête de quartier, les organismes sont présents. Donc, c'est une approche de type kiosque. Ah! O.K. Vous faites quoi? C'est quoi, vos services? Notre but... On ne va pas cogner aux portes. Dans la majorité de nos milieux aussi, il y a des travailleurs de proximité, qui fait en sorte qu'ils vont dans les milieux où les familles fréquentent l'endroit, le parc, l'aréna. Il se fait connaître tranquillement pas vite : O.K., donc, tu travailles pour un OCF, comment… c'est quoi? Ça fait que c'est de démystifier, tranquillement pas vite, pour expliquer qu'est-ce qu'on fait puis comment on peut le faire.

Puis c'est une porte ouverte, c'est-à-dire qu'on ne va pas chercher les gens chez eux, mais ils sont bienvenus. Puis c'est de... L'exemple parfait, c'est : Ils viennent prendre un café-rencontre, tranquillement pas vite, oh! il y a une autre activité, cuisine collective, ah! ils participent avec leurs enfants. Ça fait que, donc, ça fait boule de neige en ce sens-là.

Mme Prass : Et est-ce que vous faisiez... Parce que vous parliez surtout du temps que des jeunes passent sur les écrans, mais est-ce que vous faites une distinction entre le temps et l'usage, un bon usage, un mauvais usage, ou c'est vraiment... Parce qu'on a entendu d'autres intervenants qui nous ont dit, tu sais, par exemple, si c'est pour socialiser ou c'est pour faire des recherches, par exemple, qu'il y a un bon usage comparé à juste être sur YouTube, ou quoi que ce soit. Donc, est-ce que vous faisiez la distinction ou si c'est vraiment… vous regardez le nombre d'heures et pas la nature de l'utilisation?

M. Gauthier (Alex) : Bien, on le voit sous deux paliers : le nombre d'heures total mais aussi l'utilisation. On ne pourra pas dire qu'il ne pourra pas utiliser sa tablette si c'est au niveau scolaire, faire une recherche. Pour nous, ça fait du sens. Le but, c'est de limiter le contenu, dans le sens où… bon, TikTok, et ainsi de suite. Ça, ça peut se faire de façon normée et cadrée à l'intérieur de la famille, selon leurs critères à eux. Donc, pour nous, ce n'est pas de dire : Il y a un standard de tant d'heures qui ne doit pas être dépassé, mais, selon vous, comme parent puis comme dynamique familiale, qu'est-ce qui vous convient puis qu'est-ce qui est un signal d'alarme, dire : Oh! il y a de l'abus un peu trop, là.

Mme Prass : Justement, dans ce sens-là, plusieurs écoles commencent à adapter les écrans de... comme outils pédagogiques. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne ou une mauvaise chose? Dans le sens que ça devient leur réalité toute la journée, puis, à la fin de la journée, bien, ils vont rentrer chez eux ou être sur leur téléphone, quoi que ce soit. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Gauthier (Alex) : Bien, tant que c'est au bénéfice de l'éducation puis de... que ce soit bénéfique pour l'enfant puis le parent, on ne peut pas être contre la vertu. Mais ce n'est pas moi qui vais aller cogner dans les écoles, dire : Vous devrez gérer ça de cette façon-là. Idéalement, on croit que le moins d'exposition possible serait le mieux. À partir de là, on contrôle ce qu'on peut contrôler.

• (12 h 40) •

Mme Prass : O.K. Petite dernière question. Il y a des écoles, on a entendu, qui donnent l'écran comme récompense. Et pensez-vous, justement, que... Parce que c'est un petit peu renforcer cette idée que l'ultime récompense, c'est d'avoir son écran. Pensez-vous que ça, ça devrait être interdit dans les écoles, par exemple?

M. Gauthier (Alex) : Je préfère que ce soit un livre comme récompense.

Mme Prass : Exact. Merci beaucoup.

M. Gauthier (Alex) : Ça fait plaisir.

Mme D'Amours (Nadine) : Puis que le livre ne soit pas utilisé comme… On voit souvent ça dans… exemple, dans des camps de jour ou des trucs comme ça, que la lecture, c'est comme : O.K., tu es trop énervé, va lire, tu sais, va te calmer en lisant, là. La lecture est vue comme une punition. Ça fait qu'effectivement on est beaucoup mieux de la mettre comme une...

Mme Prass : Une récompense.

Mme D'Amours (Nadine) : ...une récompense, merci, que comme une punition.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci. Vous voyez toute l'ironie de se parler à travers un écran aujourd'hui. Mais, voilà, c'est la vie. En fait, c'est plus une réflexion que j'aimerais avoir avec vous. Vous parlez vraiment beaucoup des parents puis vous... de répondre… Est-ce qu'on n'a pas été un peu, collectivement, la classe politique… un peu hypocrites d'appeler ça la commission sur le temps d'écran chez les jeunes? À vous entendre parler, là, le problème du temps d'écran, puis je pense que vos critiques sont fondées, là, c'était aussi beaucoup le temps d'écran chez les parents. Est-ce qu'on aurait dû élargir le mandat, peut-être, pas juste se concentrer sur les jeunes, alors qu'il y a beaucoup de choses qu'ils adoptent, comme comportements, qui sont, évidemment, de ce que nous, on fait déjà?

M. Gauthier (Alex) : Bien, M. Leduc, ce que je dirais, c'est que c'est bien que cette commission... Je la trouve importante, peut-être, pour les enfants qui vont devenir des parents. Donc, incessamment, ils vont avoir, dans leur vie... Ils vont devenir adultes, ils vont avoir des familles. Ça fait que je pense que ce qui est fait ici concernant les enfants… je pense que ça peut être bénéfique sur du long terme.

Je crois qu'il y a deux aspects qu'il faut retenir. La première, c'est important d'avoir l'opinion des jeunes, de les consulter, de les entendre par rapport à ça, mais je pense que ça aurait été aussi très bien d'avoir eu des parents qui puissent en témoigner puis en discuter.

Puis je crois que c'est un contexte générationnel. Moi, mon père, il a 88 ans et il n'a pas de téléphone, là. Ça fait que, donc, il y a quelque chose qui n'existait pas, qui a existé... ou laquelle on a vécu dedans durant les dernières années. Maintenant, il y a une problématique sur le contenu, sur le temps de gestion, puis on... Là, maintenant, il y a beaucoup d'études qui démontrent que ça a un impact important, physique, moral et psychologique.

M. Leduc : On avait des discussions, la semaine dernière, sur le fait que, si on réussit à faire un certain ménage de certaines fonctionnalités de jeux vidéo, comme les... ce qu'on appelle les coffres aléatoires ou les microtransactions, si on fait le ménage des réseaux sociaux avec l'abolition potentielle des boutons J'aime ou les démarrages automatiques de vidéos, bref, les éléments les plus nocifs des réseaux sociaux et des jeux qui sont à la source de beaucoup de notre temps d'écran, quand même, bien, si on réussit à faire ça, ça allait avoir un impact quand même positif également sur les adultes. Est-ce que c'est une perspective qui, vous, vous intéresse, qu'on cherche des solutions qui vont, bien sûr, aider les jeunes dans leur dépendance ou leur risque de dépendance, mais qui pourraient aussi aider les adultes dans leurs problèmes de...

M. Gauthier (Alex) : Bien, je pense qu'on peut... On peut faire beaucoup de liens avec ce que vous amenez comme avenue. Je pense qu'elle peut être intéressante. Cependant, connaissant les adolescents, de façon générale, je pense qu'ils vont trouver un moyen assez rapide de remédier à ce truc-là, c'est-à-dire que plus on contraint, plus il va y avoir des occasions de changer la donne. Je reste... Puis je pense qu'on peut avoir des discussions de plusieurs façons. On a toujours été ouverts à ça, sur vouloir améliorer le bien-être des familles, mais je crois que c'est par la cellule familiale, je crois que c'est par les comportements, les attitudes des parents qu'on peut changer les choses, à petites doses, tranquillement pas vite, dans chacun des foyers du Québec.

M. Leduc : Merci beaucoup.

M. Gauthier (Alex) : Ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Bonjour. Contente de vous avoir avec nous aujourd'hui. Ma question… On a beaucoup parlé, dans les dernières semaines, en consultations... Bon, il y a beaucoup de... Les jeunes ont accès aux écrans, même en bas âge. Les parents, bon, il y a plein de jeux, plein d'applications, puis là ils nous demandent, des fois, quand on a un certain contrôle parental : Est-ce que j'accepte ce jeu-là, cette application-là? Puis là tu lis ça vite, là, mais, bon... Puis il y en a qui sont venus dire que ça prendrait un organisme de contrôle, tu sais, parce qu'on ne sait pas si le jeu est bon, pas bon, éducatif ou pas. Alors, il y en a qui sont venus nous dire que, tu sais, il faudrait absolument, tu sais, dire... que ce soit évalué par des organismes indépendants et non pas par les compagnies eux-mêmes, qui ont leurs propres intérêts. Donc, ça ferait en sorte qu'il y aurait… comme une banque, tu sais, de jeux, puis que les parents pourraient s'y fier. Vous en pensez quoi, ça, d'avoir une meilleure régulation, à ce niveau-là, de tout ce qu'on retrouve en ligne?

M. Gauthier (Alex) : Bien, je pense que c'est une bonne idée de filtrer, de catégoriser : Tel type d'âge peut avoir accès à cette application-là, ce jeu-là. Je trouve ça intéressant. Et je pense que vous le dites bien, il faut que ce soit indépendant. Ça fait que, donc, à partir de la neutralité et l'expertise qui en découle, donc, si on va chercher les bons experts pour analyser les impacts que ça peut avoir puis les bénéfices que ça peut avoir, je crois que ça peut être une belle avenue.

Mme Tremblay : Vous avez parlé, bon, les écrans-récompenses. L'interdiction du cellulaire en classe ou… est-ce que vous en avez discuté? Vous en avez pensé quoi? Vos membres ont réagi comment à ce niveau-là?

M. Gauthier (Alex) : Ça n'a pas été une discussion qui a été faite avec nos membres. Pour le temps des cellulaires dans les écoles, je pense que c'est une question d'habitude, là. C'est une première, ça va arriver. Je pense qu'après ça, avec le temps, là, comme toute habitude qui a à changer... Je pense qu'on va y arriver dans ce sens-là.

Je pense que la plus grande gestion à faire présentement, c'est la… je cherche le... la dépendance à ce téléphone-là pendant ce temps-là que les ados ou les jeunes n'ont pas durant la journée. Mais il y a moyen aussi d'accompagner ces jeunes-là à travers cette dépendance-là puis de bien gérer ça. Donc, difficile pour moi de vous dire si je suis pour ou je suis contre, mais je pense que ça peut être quelque chose d'intéressant.

Mme Tremblay : Parfait. Merci.

M. Gauthier (Alex) : Plaisir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous trois de participer aux travaux de cette commission. C'est grandement apprécié. J'entends, depuis tantôt, avec les questions de mes collègues, que, bon, l'éducation, les discussions enfants-parents, c'est pas mal le cadre que vous privilégiez. À partir du moment où on sait qu'il y a des conséquences physiques ou psychiques puis il y a des problèmes de dépendance, puis mon collègue le député d'Hochelaga-Maisonneuve en parlait, les parents, on est... En fait, c'est un problème de société, je pense, qu'on vit. Sans comparaison boiteuse, si on recule dans les années 50, 60, les cigarettiers qui faisaient la promotion des cigarettes, à un moment donné, on a réalisé que ce n'était pas bon pour la santé. On a agi, mais ça a été long avant que les fabricants se fassent poursuivre pour donner les résultats qu'on connaît aujourd'hui.

Est-ce que notre état de conscience ne nous dicte pas d'aller de l'avant avec une législation pour encadrer le tout? En même temps, je comprends que l'éducation puis la sensibilisation des parents, là, ça fait partie de la solution, là, je ne mets pas ça en comparaison, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait, comme gouvernement, penser à, éventuellement, légiférer d'une façon ou d'une autre?

M. Gauthier (Alex) : Bien, je pense que oui. Je pense qu'il faut cadrer, normer. Je pense que ce l'est. Puis là vous parlez des cigarettes, mais, il n'y a pas si longtemps, les boissons énergisantes, c'était aussi un enjeu très, très important. Ça fait que, donc, oui, tout ce qui concerne tout le monde puis qui est la société, je pense que c'est toujours le même principe, quand il y a de l'abus puis quand ça ne fonctionne pas, bien, il faut... il faut le normer puis il faut le cadrer, mais sans oublier l'aspect préventif, par exemple. C'est ça qui est important, c'est que ça ne doit pas tomber tout un ou tout l'autre. Puis c'est difficile, dans la prévention, d'arriver avec des chiffres, instaurer, vous dire tant de pourcentage. J'aimerais bien ça vous donner plein de chiffres, des résultats de... Mais ce qu'on sait, c'est qu'à long terme ça change, c'est en mouvance. Ça fait que, donc, pour nous, savoir que le parent nous dit : Bien, cette semaine, mon jeune, il n'a pas joué une minute à la console vidéo parce que je l'ai inscrit au soccer, parce qu'il avait ses pratiques de soccer, pour moi, c'est une combinaison gagnante.

M. St-Louis : Vous avez mentionné aussi l'âge de votre père. Mon père est de la même génération que le vôtre. Je vis la même chose que vous. Est-ce qu'il n'y a pas aussi des parents qui ont une méconnaissance des réseaux sociaux qu'utilisent leurs enfants, ce qui fait en sorte qu'ils deviennent... c'est difficile pour eux d'être de bons conseillers? Est-ce que c'est des choses que vous vivez et que vous entendez de vos organismes, le décalage générationnel?

Mme D'Amours (Nadine) : Effectivement, la littératie numérique, en fait, c'est des trucs que les parents nous ramènent souvent aussi. Il y a toutes les nouvelles applications que les jeunes utilisent, que les parents doivent s'adapter. Ça fait qu'au niveau de la sécurité, on en parlait... J'en parlais au début de mon allocution, mais, au niveau de la sécurité, comment gérer cette sécurité-là? Comment mieux connaître les réseaux? Quand on fait des ateliers dans nos organismes, on fait venir des spécialistes qui peuvent expliquer aux parents comment ça se passe, comment on peut aider, comment on met les contrôles parentaux. Donc, oui, effectivement, c'est un enjeu que les parents vivent.

M. St-Louis : Je vous remercie.

• (12 h 50) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Oui. Bonjour. Ce qui est extraordinaire avec les organismes famille, c'est qu'il y a toute la documentation, mais, en étant connectés avec vos milieux, vous pouvez vous permettre aussi d'être instinctifs. Vous êtes à l'écoute de vos milieux. Ça fait que c'est une communication, c'est quelque chose qui est proche. Ça fait que ça m'interpelle, ce que vous dites aujourd'hui.

Vous l'avez mentionné tout à l'heure, on mentionnait peut-être qu'une programmation d'organismes famille, des infrastructures accessibles, des infrastructures de qualité, sportives ou culturelles, qui sont mises en place, là, par certains organismes famille… Est-ce que vous croyez fermement que c'est quelque chose qui peut inciter une programmation accessible à faible coût, qui peut inciter à mettre l'appareil de côté puis vivre de quoi en famille?

Mme D'Amours (Nadine) : On en a la preuve, en fait. Quand les parents nous reviennent, la semaine d'ensuite, en nous disant : Ah! l'activité que vous nous avez proposée la semaine passée, de course au trésor dans la maison, à travers les coussins… woups! excusez, à travers les coussins du divan, à travers les chambres des enfants, on l'a reproduite à la maison, c'était vraiment cool, bien, moi, à travers ça, j'entends que, cette demi-heure-là qu'ils ont passée avec leurs enfants à faire une activité qu'on leur a proposée, bien, ils n'ont peut-être pas été sur l'écran pendant ce temps-là.

La même chose quand on fait nos ateliers où est-ce que... On a beaucoup, beaucoup d'ateliers, dans les organismes famille du Québec, sur donner le goût de la lecture par différents moyens, que ce soit par les livres, oui, mais par le jeu aussi, puis de différents types de jeux. Puis, quand les parents nous mentionnent, tu sais, qu'ils l'ont utilisé à la maison, qu'ils l'ont fait, que leur jeune aime plus lire, bien, encore une fois, moi, j'entends, en arrière de ça, qu'il y a un petit peu moins d'utilisation d'écran. Donc, on...

M. Gagnon : ...

Mme D'Amours (Nadine) : Oui, c'est correct, allez-y.

M. Gagnon : Alors, une programmation accessible, une programmation à faible coût peut permettre de vivre des moments en famille, puis c'est quelque chose sur quoi... Je l'entends très bien.

Deuxième chose, pour moi, vous représentez, justement, le pouls de la communauté. Les gens rentrent chez vous. Est-ce que… puis c'est plus technique, est-ce que vous savez s'il y a beaucoup d'organismes famille qui siègent sur un conseil d'établissement de centre de services, là, en particulier avec le poste de membre de la communauté? Dans le fond, ma question, c'est de savoir si toute cette belle expertise là, toute cette offre de services là, au même moment où est-ce qu'on dit : On doit impliquer les conseils d'établissement, on doit impliquer les enseignants, on doit impliquer les écoles de quartier… Est-ce que vous vous siégez à quelques endroits sur les conseils d'établissement?

M. Gauthier (Alex) : Tu me permets?

Mme D'Amours (Nadine) : Oui.

M. Gauthier (Alex) : Bien, l'enjeu, pour nos organismes communautaires Famille, c'est qu'ils manquent de temps, ça fait que… Donc, la demande, elle est tellement grande, ils sont tellement impliqués partout... Je vous donne une idée du budget pour environ... Nos OCF, 35 % du budget est rattaché à la mission, mais 65 %, c'est toutes des demandes de subvention, d'appel de projets. Ça fait que ça vous donne une idée de l'engagement de tout ça.

Je suis convaincu, cependant, que, s'ils pouvaient dégager en n'ayant pas un impact dans leurs OCF... Je pense que ces gens-là ont leur expertise terrain, sont capables de… comme vous le dites, d'amener le pouls de ce qui se vit puis d'être... à la limite, être en avant, d'avoir deux coups d'avance et de dire : Voici ce qui va se passer dans quelques années si on ne corrige pas le tir. Ça fait que c'est un souhait de le faire, mais je sais que, réalistement, toutes nos directrices — je dis «directrices», majoritairement féminines — évidemment, elles en ont plein les bottines. Donc, c'est impossible d'avoir les quatre ronds de poêle allumés puis, après ça, d'aller s'asseoir à...

M. Gagnon : Je vous entends très bien. Merci.

M. Gauthier (Alex) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, on a bien entendu aussi, les parents, de les consulter. Alors, cet automne, on va lancer une vaste consultation dans le grand public. Alors, il y aura de la promotion faite là-dessus. Alors, on va vous inviter à partager ces consultations, parce qu'effectivement les grands-parents et les parents, là, vont pouvoir nous donner leurs commentaires puis nous témoigner de leurs expériences avec leurs enfants, donc... Et il y aura aussi une tournée des écoles, bien évidemment, pour aller à la rencontre des jeunes.

Alors, merci beaucoup de votre contribution à ces travaux.

Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 14 h 03)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes reprend maintenant ses travaux.

Donc, on poursuit les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement de nos jeunes.

Donc, cet après-midi, nous entendrons la Fondation Marie-Vincent, Capsana, conjointement avec le Collectif Vital, l'Observatoire des tout-petits et, en dernier lieu, COSMOSS.

Donc, je souhaite la bienvenue à Mmes Gareau et Le Blanc-Elie. Donc, merci d'être là. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Ensuite, nous poursuivrons les échanges avec les membres de la commission sous forme de questions. Donc, la parole est à vous.

Fondation Marie-Vincent

Mme Gareau (Stéphanie) : Merci. Bonjour à toutes et à tous. Merci de recevoir Marie-Vincent dans le cadre de vos travaux. Alors, mon nom est Stéphanie Gareau. Je suis la directrice générale. Je suis accompagnée de Myriam Le Blanc-Elie, qui est sexologue et responsable de la prévention auprès des adolescents à Marie-Vincent.

Pour ceux et celles qui ne nous connaissent pas, on est un centre d'appui aux enfants et à la jeunesse qui offre des services intégrés aux jeunes victimes de violence sexuelle depuis 2005. À Marie-Vincent, on soutient les enfants et les adolescents victimes de violence sexuelle en leur offrant, sous un même toit, en collaboration avec nos partenaires communautaires, policiers, médicaux, tous les services dont elles et ils ont besoin. Pour vous donner une idée un peu de notre travail, en 2023-2024, il y a 426 jeunes qui ont reçu du soutien psychosocial ou psychothérapeutique et 227 parents qui ont eu accès à nos services d'intervention immédiate à la suite d'un dévoilement dans un de nos deux centres, soit à Montréal ou en Montérégie.

Dans notre équipe d'une centaine de personnes et au coeur de notre mission se trouve aussi notre engagement à prévenir la violence pour contribuer à bâtir un monde sans violence sexuelle envers les jeunes, notamment par le biais de la formation. L'année passée, Marie-Vincent a formé plus de 6 200 professionnels qui oeuvrent auprès des jeunes, dans toutes les régions du Québec, sur de nombreuses thématiques qui entourent la violence et la cyberviolence sexuelle. Depuis 10 ans, nous voyons, dans le cadre du développement de nos initiatives de prévention, les impacts préoccupants des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, et la commission nous donne l'occasion de présenter les différents services et initiatives qu'on a développés pour prévenir la cyberviolence sexuelle.

Donc, en prévention, nous avons des initiatives qui sont destinées aux 0-12 ans, dont le plus connu est le programme Lanterne, qui vise l'éducation aux relations égalitaires et l'éducation à la sexualité, qui est adapté aux enfants de zéro à cinq ans — le programme Lanterne est très populaire, donc il est en cours d'adaptation présentement — le programme Voies, pour les enfants de quatre à 12 ans qui présentent une déficience intellectuelle légère ou le trouble du spectre de l'autisme, et le programme Boussole, pour les enfants de six à 12 ans qui fréquentent les organismes de loisir. On a aussi des initiatives destinées aux adolescents de 13 à 17 ans, et, pour vous les présenter, bien, je vais vous laisser... je vais passer la parole à Myriam.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui. Bonjour. Merci, Stéphanie. En effet, spécifiquement pour les adolescents et les adolescentes, nous avons des programmes variés de prévention de la violence sexuelle, de la cyberviolence sexuelle et de l'exploitation sexuelle. Certains sont destinés aux jeunes à risque et aux intervenants des milieux que ces jeunes vont fréquenter, comme notre projet Pile ou face ou encore une trousse d'intervention en exploitation sexuelle qu'on diffuse à travers le Québec. Nous travaillons également sur un tout nouveau projet de prévention auprès des jeunes sportifs. Marie-Vincent a également créé un jeu Web, le jeu Zones sensibles, qui est destiné aux adolescents du secondaire, qui aborde des sujets liés à la sexualité. Avec ce jeu Web, nous allons là où les jeunes sont, et ça nous permet de profiter des aspects positifs du numérique en utilisant des feintes éducatives.

Et enfin il y a l'approche de prévention par les pairs contre la cyberviolence sexuelle. Depuis 2019, cette approche implique directement les jeunes, qui sont outillés pour animer des ateliers de sensibilisation auprès de leurs pairs. En échangeant entre jeunes qui ont un vécu similaire dans un climat d'ouverture et d'égalité, ces groupes contribuent à la création d'un environnement scolaire plus sûr et à ce que les jeunes naviguent de manière plus sécuritaire en ligne. Ce programme-là, l'approche de prévention par les pairs, est d'ailleurs parfaitement représentatif des méthodes et des messages prônés à Marie-Vincent et qui est le fil conducteur de notre présentation d'aujourd'hui. On souhaite offrir aux jeunes une éducation à la sexualité saine et promouvoir les relations égalitaires en les sensibilisant d'une façon adaptée à leur développement, peu importe leur âge, pour renforcer leur pouvoir d'agir et les amener à développer une réflexion critique, notamment face à la cyberviolence sexuelle.

Depuis que Marie-Vincent s'intéresse à la question de l'omniprésence des écrans dans la vie des jeunes, notre équipe a eu l'occasion d'oeuvrer directement auprès de ces jeunes-là dans plusieurs écoles secondaires à travers le Québec, et l'utilisation des technologies et des applications de communication est vite apparue comme indissociable de leur vie, notamment pour socialiser, trouver leurs semblables, que ce soit au niveau des centres d'intérêt ou des communautés d'appartenance. Ces avantages ont néanmoins un pendant négatif qui peut prendre la forme de réception d'images intimes non sollicitées, de messages injurieux ou indécents. Ce qui est surprenant, c'est que les jeunes étaient unanimes à l'effet que les avantages surpassent grandement les inconvénients, qu'il faut simplement endurer, selon eux. Ça démontre, selon nous, une certaine banalisation de la part des jeunes quant à la cyberviolence sexuelle et leur propre victimisation.

De plus, nos collectes de données nous ont démontré un lien qui peut paraître évident mais qui n'en reste pas moins important : plus les jeunes passent de temps en ligne, plus la fréquence d'expériences négatives rapportées est élevée. Et c'est d'autant plus préoccupant quand on sait que, selon un sondage que nous avons réalisé en 2020 auprès de 300 parents d'adolescents et d'adolescentes, seulement un quart des parents ont affirmé limiter le temps d'utilisation des écrans chez leurs ados, et seulement un parent sur 10 a affirmé avoir accès ou regarder ce que leurs ados faisaient en ligne. Plus de la moitié des parents interrogés nous ont également rapporté avoir beaucoup de difficultés à faire appliquer des règles ou à limiter le temps d'utilisation des écrans, leurs jeunes ayant tendance à ne pas respecter les règles, à tenter de les contourner, le tout occasionnant de nombreux conflits dans les familles.

Malgré ces difficultés, nous sommes persuadés que les parents ont un rôle crucial à jouer jusqu'à la fin de l'adolescence. Eux-mêmes peuvent être des modèles par rapport à l'utilisation des écrans et peuvent maintenir le dialogue avec leurs enfants. En faisant ça, les parents ont le pouvoir d'influencer positivement les comportements de leurs ados. Mais, pour être en mesure d'avoir des discussions ouvertes et nuancées avec leurs jeunes, les parents doivent être outillés, mieux connaître les différentes technologies et les ressources à leur disposition. Par exemple, à Marie-Vincent, nous proposons des articles, des vidéos et des pistes de discussion spécifiquement pour eux afin de faciliter les échanges avec leurs jeunes sur la cyberviolence et les technologies. Et ce que cela fait, c'est que ça renforce du même coup les capacités de l'adulte à se positionner comme une personne de confiance dans la vie de son jeune.

• (14 h 10) •

Notre collecte de données, réalisée auprès de 900 jeunes, révèle aussi que près d'un jeune sur quatre ayant eu une relation amoureuse affirme avoir déjà partagé des images intimes à un partenaire. Parmi ces jeunes-là, 16 % ont rapporté que les images intimes ont été repartagées sans leur consentement, 36 % des filles ont également mentionné avoir été sollicitées pour envoyer des photos nues d'elles-mêmes et 36 % des filles ont également dit avoir reçu des images de nudité ou à connotation sexuelle, alors qu'elles ne le souhaitaient pas. Toutes ces données sont, pour nous, particulièrement préoccupantes, d'autant plus qu'à l'adolescence nos jeunes sont en recherche identitaire, découvrent la sexualité, ont un besoin d'acceptation par les autres et démontrent une impulsivité qui les rendent particulièrement vulnérables à la manipulation, qui est très fréquente dans les cas de cyberviolence.

Alors, qu'est-ce qu'on peut faire — c'est ça, la question qui nous réunit aujourd'hui — pour les aider face à ces situations? Bien, nous sommes d'avis qu'il faut développer et renforcer les habiletés de protection des jeunes. Il faut développer, d'abord et avant tout, leur pensée critique par l'instauration et la promotion d'outils et d'initiatives préventives qui vont au-delà du partage d'information sur les risques associés à l'usage des écrans et des réseaux sociaux. Protéger les jeunes sur les plateformes numériques doit faire l'objet d'efforts qui sont concertés. Et, bien que les mesures de contrôle de contenu, de restriction d'accès ou de renforcement des paramètres de sécurité des plateformes sont un premier pas qui est essentiel pour limiter les expériences négatives, une approche réactive n'est pas suffisante.

D'ailleurs, une approche culpabilisante n'est pas non plus une solution. En effet, on a observé certaines contradictions, dans les discours ambiants, quant aux pratiques des jeunes en ligne en lien avec la sexualité. Si, dans certains cas, on a une promotion des aspects positifs de la sexualité et on propose aux jeunes des conseils et des astuces, certaines campagnes et messages préventifs présentent plutôt un discours qui est culpabilisant, parfois involontairement.

Dans le cas de la violence sexuelle et de la cyberviolence sexuelle, la culpabilité par rapport à la situation de victimisation est déjà trop souvent présente chez les jeunes qui nous soutenons... que nous soutenons, pardon, à Marie-Vincent. En suggérant que les victimes pourraient être accusées d'avoir produit de la pornographie juvénile, certains messages de prévention viennent malheureusement renforcer un sentiment de culpabilité chez les victimes.

À Marie-Vincent, nous privilégions une éducation plus positive et nous préférons sensibiliser les jeunes quant à l'article de loi 162.1 du Code criminel sur la publication non consensuelle, un article qui est parfois mis de côté mais qui insiste davantage sur le consentement ainsi que sur les droits et responsabilités des jeunes dans le cadre de leurs relations intimes ou amoureuses.

Afin de conclure, je repasse la parole à Stéphanie.

Mme Gareau (Stéphanie) : Merci, Myriam. Donc, essentiellement, en conclusion, Marie-Vincent propose trois recommandations à la commission, qui se résument comme suit : favoriser une éducation positive et nuancée qui reconnaît les besoins et la réalité des jeunes ainsi que leur développement psychosexuel par le renforcement des capacités des adultes qui les entourent et qui se sentent trop souvent démunis — on parle des parents, les professionnels qui travaillent autour des jeunes; deuxièmement, puisqu'il est irréaliste de penser que les adolescents se passeront de leurs écrans, il faut renforcer les habiletés de protection des jeunes en développant leur pensée critique à l'égard des plateformes numériques et du contenu qu'ils y trouvent afin de favoriser une utilisation informée au quotidien, tant avec leurs amis, leurs partenaires qu'avec des inconnus. Ça va permettre aussi de prendre la parole puis de savoir trouver la bonne écoute auprès d'un adulte de confiance s'ils vivent eux-mêmes une situation confrontante. Ça contribue à ce que ces jeunes deviennent à leur tour des adultes informés, des adultes de confiance auprès des autres générations. Et la troisième recommandation, c'est de créer une synergie des services et des programmes qui sont disponibles au Québec, notamment ceux qui sont offerts par les organismes communautaires, et d'offrir à ces organismes-là un financement qui est nécessaire à la pérennisation de leur offre, pas seulement au développement de nouveaux projets, au bénéfice des jeunes et de toute la société.

Puis, en conclusion, bien, permettez-moi de terminer en vous encourageant à visiter l'un ou l'autre de nos centres Marie-Vincent pour prendre toute la mesure du travail qui est réalisé au quotidien par nos professionnels, tant pour soutenir les victimes de violence sexuelle que pour développer des initiatives qui nous permettent de bâtir ensemble une communauté protégeante autour des jeunes. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup pour cet exposé. Alors, nous allons commencer la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, qui veut casser la glace? Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de la présentation et de tous les efforts que vous faites auprès de nos jeunes. Je pense que je connais les réponses, mais, dans le cours de sexualité qui est offert à l'école, est-ce qu'on parle, justement, de l'aspect de la cybercriminalité sexuelle, si vous voulez? Parce que je pense que ce serait intéressant que ce soit intégré dans le cours parce que vous n'aurez pas seulement les jeunes qui, potentiellement, peuvent être des victimes, mais ceux qui, potentiellement, peuvent être des instigateurs. Donc, de vraiment mettre la lumière, devant tout le monde, de la situation, je pense, ce serait très utile. Donc, je ne sais pas si vous savez si on en parle déjà ou vous pensez que c'est une bonne idée que ce soit intégré.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, sur le contenu du cours, je vais laisser Myriam répondre, mais, si je peux me permettre, avant… Par exemple, ce qu'on fait à Marie-Vincent, quand on parlait qu'on fait de la formation, bien, nous, on va former des équipes-écoles, justement, pour recevoir des dévoilements, ou pour identifier des situations, ou pour connaître leurs responsabilités de professionnels dans le cas où il y a un dévoilement. Ça fait que c'est clair que, quand on parle qu'il faut faire de la formation des professionnels qui entourent les jeunes, bien, c'est par le biais de formations de ce genre-là qu'on offre, nous, à Marie-Vincent, que ça permet aux adultes de mieux comprendre leurs obligations puis de mieux recevoir les dévoilements.

Sur le contenu du cours, Myriam, je te laisserais répondre.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui, tout à fait. Bien, le cours prévoit, effectivement, de mettre de l'avant des notions par rapport à la violence sexuelle, qu'elle soit en ligne ou hors ligne. Donc, c'est effectivement un premier pas, mais on constate que, pour les jeunes, la répétition, c'est la clé. Donc, de multiplier ce type d'initiative là, d'intégrer aussi des interlocuteurs qui sont différents puis qui vont venir peut-être parler, chercher des jeunes qui seront moins interpelés par la présentation d'un enseignant ou d'une enseignante, qui vont... Par exemple, à travers notre programme de l'approche de prévention par les pairs, entendre un élève un peu plus vieux leur parler du même sujet, ça va peut-être venir chercher quelque chose de plus.

Mme Prass : ...curieuse. Dans le sondage que vous avez fait auprès des parents des adolescents pour la présence des technologies dans la vie, qui a révélé que seulement un quart d'entre eux limitaient le nombre d'heures, est-ce que vous avez une idée pourquoi c'est seulement un quart des parents? Est-ce qu'il y en a qui sont juste... eux, ils sont sur leur téléphone, d'autant plus, ils ne réalisent pas que leurs enfants... ou les effets néfastes que l'impact des écrans pourrait avoir sur leurs enfants? Parce que je trouve qu'un quart, c'est quand même bas. Donc, je voulais savoir si vous avez des idées pourquoi c'était ce pourcentage peu bas... je veux dire, peu élevé.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui, tout à fait. En fait, on a plusieurs hypothèses. La première, elle est liée au fait qu'on a lancé ce sondage-là au printemps 2020. Donc, on était en mai 2020, en plein confinement. Donc, il y a peut-être une portion de ça qui explique, là, les résultats, où les parents devaient s'adapter à cette nouvelle réalité-là. Mais ce que je vous dirais, c'est qu'on a également fait d'autres sondages, plutôt auprès des adolescents et des adolescentes, qui, eux aussi, nous ont rapporté que les parents encadraient peu. Et ça, c'étaient des sondages qui avaient lieu avant la pandémie. Donc, j'ai... Mon impression personnelle ou professionnelle, c'est qu'à l'adolescence, parfois, les parents ont de la difficulté à maintenir le lien avec leurs jeunes et à limiter ou à mettre des règles. Donc, il y a une certaine distance qui se crée, alors que, pour nous, c'est important de poursuivre ces efforts-là puis de continuer d'encadrer puis de s'intéresser à ce que notre jeune fait en ligne, même si on se sent parfois dépassé.

Mme Prass : Et pensez-vous, outre les formations que vous faites dans certaines écoles, parce que, j'imagine, ce n'est pas dans toutes les écoles… J'ai l'impression que, même si un jeune se trouve victime de cyberintimidation sexuelle, ils ne savent pas nécessairement quoi faire, à qui se tourner si... bien, c'est ça, pour révéler l'enjeu. Donc, ils restent un petit peu dans ce contexte-là. Ils peuvent devenir victimes davantage. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire davantage ou quelles sont les ressources, premièrement, à part vous, par exemple, auxquelles ils peuvent se tourner? Et comment est-ce qu'on peut mieux faire pour qu'ils sachent qu'il y a des ressources et qu'ils n'ont pas besoin d'endurer ça?

• (14 h 20) •

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, j'ai le goût de vous dire que c'est à développer différentes activités ou initiatives de prévention qui vont parler aux jeunes... Parce que, si on est des adultes et on donne des règles, il n'y a pas d'écoute, là. Donc, ce qu'on a... Nous, ce qu'on a observé, puis c'est pour ça que tantôt on vous parlait du jeu Web Zones sensibles, par exemple, c'est ce qu'on a fait, c'est qu'on a.... Ils sont en ligne, les jeunes. Donc, nous, on a développé ce jeu-là, qui est un jeu de rôle à travers duquel le jeune évolue, puis, en fonction des décisions qu'il prend, ça a des influences, des influences sur son état d'esprit, sur sa confiance en soi. Donc, quand on a développé ce jeu-là...

Nous, à Marie-Vincent, on ne peut pas, comme vous dites, être dans toutes les écoles, ça fait que ce qu'on fait, c'est que nous, on renforce les capacités des adultes ou des professionnels qui sont autour. Puis, si je peux dire qu'il y a une chose positive qui est ressortie de la pandémie, c'est que, bien, maintenant, on peut, avec le virtuel, rejoindre des professionnels à travers le Québec. Donc, nos formations... On va former, par exemple, des conseillers en orientation, des intervenants, des techniciennes en éducation spécialisée qui peuvent jouer à ce jeu-là avec les jeunes. Puis, pour toutes les initiatives qu'on développe, à Marie-Vincent, il y a toujours un document d'accompagnement. Donc, ce que ça fait, c'est que, quand le jeu se fait, bien, ça donne à l'adulte des pistes de discussion à y avoir avec les jeunes. Donc, il y a une conversation. Donc, l'initiative, ou l'outil Web, ou l'outil pédagogique est comme le prétexte à ouvrir la conversation. Parce que plus on va enlever les tabous autour de la violence sexuelle, plus les jeunes vont se sentir à l'aise d'en discuter.

Puis aussi c'est important parce que… Tantôt, je vous ai parlé des 0-5 ans, là, puis, à chaque fois, tout le monde me dit : Mais, tu sais, violence sexuelle 0-5 ans… Mais c'est qu'il faut, dès le plus jeune âge, apprendre à nommer les choses et apprendre à identifier les personnes de confiance. Plus on commence tôt, plus on voit l'impact bénéfique à travers les années. Puis là, bien, nos adolescents, quand ils auront eu des cours d'éducation à la sexualité et aux relations égalitaires dans un CPE ou dans un service de garde éducatif, bien, quand ils vont arriver à l'adolescence, ils vont être mieux outillés, ils vont avoir développé leur esprit critique, ils vont faire des choix qui sont davantage éclairés pour eux.

Mme Prass : Puis une dernière petite question. Quand vous parlez des 900 jeunes, il y a la collecte de données auprès des 900 jeunes pour la cyberviolence sexuelle, c'est quoi, le... c'est quel âge que vous avez regardé? De quel âge à quel âge?

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Alors, c'étaient des élèves de secondaire I à V, donc on avait une belle représentativité des élèves de 12 à 17 ans, là, dans notre échantillon.

Mme Prass : O.K. Je trouve ça juste malheureux, parce que je trouve que c'est quand même assez élevé comme chiffre. Donc, de savoir qu'à partir de secondaire I il y en a qui sont... qui se trouvent parmi ces jeunes-là, c'est malheureux.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui, tout à fait. Mais on peut observer la même chose par rapport au temps d'écran, où plus les jeunes sont en ligne, plus ils rapportent des expériences négatives. Bien, avec l'âge, c'est la même chose. Le temps passé sur terre amène un effet cumulatif aussi, où on a plus de chance d'avoir eu une expérience négative en ligne. Donc, je vous dirais que, par rapport à nos résultats, il y a un peu plus de jeunes plus âgés qui ont rapporté ça par rapport à nos 12-13 ans.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Je ne veux pas faire de comparatif entre les abus sexuels physiques puis la cyberviolence sexuelle, mais est-ce que, d'après vous, il y a une... la conscientisation est la même, c'est-à-dire qu'un jeune qui est victime de cyberviolence sexuelle… Est-ce qu'il va prendre ça au même degré d'importance qu'au niveau physique? Je ne sais pas si ma question est claire.

Mme Gareau (Stéphanie) : C'est très clair. Puis, en plus, c'est désolant, mais j'ai un cas que je peux... dont on peut vous parler, c'est que nous, on observe, à Marie-Vincent, dans le soutien psychothérapeutique qu'on offre, qu'il y a des enfants qui vivent, en ligne... par exemple, avec les jeux, là, leur avatar se fait agresser sexuellement, mais la jeune va vivre ça comme un trauma personnel. Donc, nous, on doit travailler avec la jeune comme si... Parce que, tu sais, les enfants, ils choisissent leur avatar, ils le dessinent, ils l'habillent, ils font… Tu sais, donc, ça devient un prolongement d'eux-mêmes. Malheureusement, tu sais, le Web, c'est rendu la cour d'école que nous, on avait. Les chicanes en ligne ou les agressions en ligne, bien, c'est comme ce qu'on avait, nous, dans nos cours d'école. Mais on observe, au niveau du soutien clinique qu'on offre, des cas où des jeunes vivent ça comme un trauma personnel physiquement subi, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce que c'est traité de la même façon? Est-ce que l'approche est la même?

Mme Gareau (Stéphanie) : Un trauma, c'est un trauma, ça fait qu'on l'approche de cette façon-là, peu importe la façon dont il est arrivé.

La Présidente (Mme Dionne) : O.K. D'autres questions? Oui, Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. En lien... J'ai comme une réaction en lien avec ce que vous venez de dire. Est-ce que vous avez dit que, dans des jeux, c'est possible de violer un autre personnage?

Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Moi, j'ai eu la même réaction que vous quand on me l'a rapporté. Ça fait que oui.

Mme Gendron : O.K. Est-ce que vous...

Mme Gareau (Stéphanie) : C'est pour ça que c'est important de faire, tu sais, de l'éducation, pour que les jeunes développent leur esprit critique puis pour qu'un jeune qui est témoin de ça le rapporte. Parce que peut-être que le jeune qui en est victime ne va pas savoir quoi faire. Ça fait qu'il faut outiller nos jeunes, nos enfants pour qu'ils puissent se sentir à l'aise de rapporter ces faits-là aux adultes de confiance autour d'eux, là.

Mme Gendron : Je le sais, que vous êtes beaucoup dans la sensibilisation, justement, des familles, des enfants, des parents. Par contre, est-ce que vous auriez des recommandations plus... bien, directes, là, en voulant dire… Est-ce que vous recommandez de ne pas utiliser de réseaux sociaux ou, justement, de se distancer des réseaux sociaux quand vous voyez des situations, chez Marie-Vincent, là, d'enfants qui ont été, bon, abusés ou qui se sont sentis, justement, agressés, là, par les médias sociaux ou les réseaux?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, je peux commencer. Myriam, tu pourras compléter. Mais je pense que ce n'est pas réaliste, tu sais, de penser qu'on peut empêcher l'accès aux réseaux sociaux, aux médias ou aux plateformes numériques. Donc, je vais répéter, tu sais, dans le fond, l'idée, c'est qu'on donne les outils aux jeunes pour qu'ils reconnaissent les situations dangereuses, qu'ils se sentent à l'aise de le dénoncer, qu'ils savent... qu'ils puissent être en mesure de soutenir des amis, parce que, des fois, on ne va pas rapporter à un adulte, on va rapporter à un ami. Donc, je pense que c'est vraiment ça, la clé, parce que d'empêcher l'accès, ça va juste rendre encore plus intéressant, je pense, là. Myriam, si tu veux compléter…

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui. C'est sûr que, minimalement, on propose de respecter l'âge qui est identifié sur les plateformes pour avoir accès, mais on sait que les jeunes ont tendance à aller sur ces plateformes-là avant l'âge qui est recommandé. Si on parle de 13 ans pour Facebook, par exemple, les jeunes s'inscrivent avant. Donc, ce que Stéphanie amène est très important, l'idée de vraiment s'assurer que les jeunes comprennent bien la plateforme sur laquelle ils sont, qu'ils connaissent aussi les mécaniques pour faire un signalement, pour pouvoir bloquer une personne, alors, l'idée de littératie numérique pour pouvoir y naviguer en connaissant les risques mais en connaissant aussi comment y avoir du plaisir, parce que c'est des lieux qui peuvent être très, très plaisants pour les jeunes.

Mme Gendron : En terminant, je veux juste saluer votre mission. J'ai le bonheur d'avoir un Marie-Vincent à Châteauguay. Donc, un grand merci pour votre mission très importante auprès de nos jeunes et de nos familles.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Bonjour. Donc, au niveau des écoles, vous avez parlé des contenus, l'éducation à la sexualité. Est-ce qu'ils sont suffisants, de votre connaissance à vous, là? C'est des contenus, hein, ce n'est pas nécessairement des cours précis, là, puis il y a une différence importante. Donc, est-ce que, pour vous, c'est suffisant, qu'est-ce qu'on fait avec ce qu'on connaît aujourd'hui, ce qu'on vit sur les médias sociaux? Est-ce qu'on travaille assez, avec les jeunes, ces sujets-là, selon vous?

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Moi, je vous dirais que les jeunes ont besoin d'en parler, puis ils ont besoin d'en parler à des interlocuteurs et interlocutrices qui ont envie d'en parler, qui ont une posture qui est apaisante, qui n'est pas dramatisante aussi et qui normalise tout ce que les jeunes vivent de façon positive, les risques qu'ils peuvent aussi rencontrer. Donc, les cours qui sont en place vont vraiment dans ce sens-là déjà. Ils permettent aux jeunes de créer ces espaces-là pour pouvoir en parler.

Mme Tremblay : Puis, à partir de là, vous, vous avez développé, là, justement, des ressources pour soutenir les jeunes qui auraient des enjeux puis des difficultés. Est-ce que... Comment vous faites la promotion de ce que vous êtes à travers le Québec, finalement? Parce que vous touchez quand même pas mal de gens.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Oui, tout à fait. Bien, on a... On promouvoit, à travers beaucoup de listes de diffusion, à travers nos médias sociaux également, tout ce qu'on fait en ligne, les... tout ce qu'on fait en ligne, pardon, tout ce qu'on offre comme contenus de formation. Les conseillers, conseillères pédagogiques sont aussi très au courant de notre calendrier annuel de formation. C'est vraiment à travers la formation et le renforcement des capacités qu'on va diffuser nos services et nos outils.

Par ailleurs, tous nos outils sont disponibles en ligne gratuitement, en français et en anglais. Donc, n'importe qui peut y accéder et décider de façon autoportante, clés en main, d'implanter, d'utiliser notre jeu Web, par exemple, en classe. Mais on offre également de la formation pour permettre de mieux se les approprier.

La Présidente (Mme Dionne) : …je voulais juste souligner la présence du député de Mégantic avec un groupe d'invités. Alors, juste… Salutations. Désolée, on a un collègue...

Mme Tremblay : Dans votre mémoire, vous dites : «Le respect de l'âge recommandé pour l'utilisation des applications devrait être appliqué dans tous les milieux scolaires.» Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Et puis, en même temps, vous amenez, selon... avec votre réponse... Est-ce qu'on devrait avoir un âge? Parce qu'on s'est questionnés, là, sur un âge d'accès aux réseaux sociaux. Est-ce qu'on... Est-ce que c'est 14, c'est 15, c'est 16? Mais ma première question, c'est… Le respect de l'âge recommandé doit être appliqué dans les milieux scolaires. Est-ce que c'est fréquent que vous voyez que ce n'est pas respecté dans le milieu scolaire?

• (14 h 30) •

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : En fait, on souhaitait donner une voix à cette maman-là qui a pris le temps de répondre à la question en détaillant qu'elle avait vécu de façon plus difficile que son enfant soit privé d'une activité numérique si elle souhaitait respecter l'âge... l'âge des réseaux sociaux. Donc, c'était pour donner une voix à ça. Je ne peux pas vous dire que c'est fréquent qu'on ait entendu, de la part de nombreux parents, ça, mais ça nous... S'il y a une... un parent nous l'a nommé, on avait l'impression que ça valait quand même la peine de le mettre de l'avant.

Mme Tremblay : Puis est-ce que vous pensez qu'on devrait interdire vraiment puis avoir un meilleur contrôle, de forcer les compagnies à… justement, le respect de l'âge au niveau, là, de la... certaine majorité numérique? Mais est-ce que, pour vous, ça prend du sens ou c'est plus en éducation, prévention? C'est quoi, votre...

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Nous, c'est davantage en éducation, prévention, parce qu'on le constate, même avec l'âge actuel qui est de 13 ans, il y a des moyens de contournement. Les jeunes se retrouvent sur ces plateformes-là tout de même. Donc, ça peut être une mécanique qui aide, qui dissuade et qui informe aussi les parents. Les parents qui ont envie de suivre la règle, bien, ça leur donne un argument quand même important. Moi, comme maman, je l'utilise à la maison, ce 13 ans là aussi. Donc, ça peut être une règle, ça peut être aidant, mais ça ne peut pas être la seule façon de cadrer ce qui se passe en ligne chez nos jeunes.

Mme Tremblay : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Je vous avais entendues sur la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, sur d'autres projets aussi. Je vous trouve toujours extrêmement pertinentes, sur le fond comme sur la forme.

J'ai lu votre mémoire, vos recommandations. Évidemment, je pense que tout le monde est parfaitement à l'aise et d'accord avec ça. J'aimerais vous amener sur le terrain, plus, de la loi, parce que, là, nous, on va avoir à travailler sur un rapport. Tu sais, faire de la prévention, être présents auprès des jeunes, faire de la formation, tout le monde, on est d'accord, on y va. Mais est-ce que... On est des législateurs ici, à l'Assemblée nationale. C'est une de nos fonctions primordiales. Qu'est-ce qu'on pourrait faire, comme changements législatifs, qui nous aiderait soit directement ou indirectement?

J'ai en tête le concept légal du droit à l'oubli, là, que vous connaissez peut-être un peu. Est-ce qu'on peut, comme individus, mobiliser le droit pour obliger les entreprises comme Google, Facebook, Meta et compagnie à effacer les traces de nous? Puis je pense, entre autres, aux fameuses... la statistique ahurissante, là, sur les photos nues partagées, bien, quelqu'un pourrait décider de mobiliser le droit à l'oubli. Au Québec, ça semble un peu... édicté pas clairement, là. Il y a d'autres pays qui ont adopté un droit clair sur le droit à l'oubli. Est-ce que c'est le genre de chose qui serait pertinente dans votre travail, qui pourrait être un outil intéressant? Est-ce qu'il y a d'autres choses, d'autres pistes législatives sur lesquelles vous pouvez nous guider?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, je vais commencer. Myriam, tu pourras assurément préciser, là, mais... parce que c'est toi qui m'avais expliqué ça, notamment sur le volet, peut-être, soutien psychosocial et psychothérapeutique, par rapport à l'impact, là, sur les victimes, justement, de ne jamais savoir quand les images pourraient refaire surface. Ça fait que ça, ça fait partie d'une revictimisation qui va perdurer dans le temps. Puis c'est ce que les victimes nous disent. Par exemple, c'est… Tu sais, l'exemple qu'on m'avait donné, c'est quelqu'un qui est à l'épicerie, puis là elle se fait regarder puis elle dit : Ah non! c'est-tu parce qu'il l'a vu? Peut-être que c'est juste parce qu'il la croise, là. Mais ça allume tous ces signaux d'alarme là dans la tête des victimes, là, ça fait qu'assurément ça a un impact significatif, là. Mais moi, je ne suis pas clinicienne et je vais laisser la sexologue répondre plus précisément.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Mais tu as très bien fait le point, Stéphanie, je m'en allais dans la même direction. Effectivement, c'est... Puis plus tôt on avait la question sur est-ce qu'il y a une différence entre être victime en ligne ou être victime hors ligne. Bien, c'est cette permanence-là du geste puis de la violence dans le temps qui est différente puis qui apporte cette reviviscence-là, au fil du temps puis dans des moments comme l'épicerie ou au coin de la rue, de «cette personne-là a-t-elle vu mes vidéos?». Donc, cette idée du droit à l'oubli me semble une avenue très intéressante.

Puis, pour les jeunes, il existe déjà… vous avez entendu le Centre canadien de protection de l'enfance plus tôt, mais il existe des méthodes qui sont mises en place pour aller retracer les images de violence... de cyberviolence sexuelle puis tenter de les effacer d'Internet, mais ça reste, ça peut ressurgir si les gens les ont sur leurs appareils et les republient.

Donc, oui, toute avancée en ce sens-là peut aider les victimes, justement. Puis, dans... On en parlait un peu dans notre mémoire, par rapport aux articles de loi sur la pornographie juvénile versus la publication non consensuelle, bien, c'est à travers comment on applique ces lois-là qu'il peut y avoir un effet collatéral, pour nos victimes, de se sentir coupables, alors qu'elles ne devraient jamais se sentir coupables d'avoir été victimes. Donc, voilà.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. D'autres interventions? Alors, on semble avoir épuisé les questions. Donc, est-ce que vous aimeriez rajouter quelque chose avant de terminer?

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, peut-être que je pourrais terminer sur la troisième recommandation, parce qu'on n'a pas parlé de financement, mais je pense qu'il y a... Quand on parle de faire une analyse et de voir tout ce qui existe, là, je pense que c'est vraiment important, parce que, dans chacune des régions, il y a des initiatives, toutes aussi bonnes les unes que les autres, mais il faut s'assurer qu'il y ait comme une synergie puis que ces initiatives se parlent, là, pour que le filet de protection sociale puis la communauté protégeante, donc, qu'on veut bâtir, à Marie-Vincent… que ce soit à travers le Québec puis que ce soit en collaboration avec les organismes qui le mettent en place.

Donc, je pense que, comme élus, là, dans la réflexion, c'est aussi le financement à projets, qui oblige à réinventer à chaque fois des nouvelles initiatives, alors qu'il y en a qui fonctionnent, mais là le financement est terminé, puis il faut déposer pour un nouveau projet. Ça fait que je pense que ça, tu sais, c'est très... Je n'aime pas ça parler d'argent quand on parle de prévention puis quand on parle de soutien des jeunes victimes, mais, en même temps, c'est le nerf de la guerre. Puis, pour des organismes communautaires, c'est vital d'être capables de conserver, de faire vivre dans le temps des initiatives qui ont un impact direct dans la vie des jeunes. Ce serait mon mot de la fin.

La Présidente (Mme Dionne) : Il y a quand même une concertation, j'imagine, entre plusieurs organismes, là. Quand vous parlez de filet social, vous avez, j'imagine, des ententes ou des partenariats avec d'autres organismes.

Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, il y a des tables de concertation qui existent puis il y a des environnements où on peut, en effet, se regrouper, travailler ensemble, collaborer, mais il y a l'obligation bassement alimentaire de financer nos services puis de répondre à des appels à projets distincts, ce qui fait qu'il y a comme une addition d'initiatives plutôt qu'une collaboration qui est encouragée, davantage, à cause de la méthode de financement des projets puis des organisations, au projet plutôt qu'à la mission.

La Présidente (Mme Dionne) : Parfait. Alors, bien, merci beaucoup de votre présence et de votre contribution à ces travaux.

Donc, je suspends la commission quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.

Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.

Mme Le Blanc-Elie (Myriam) : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Au revoir.

(Suspension de la séance à 14 h 38)

(Reprise à 14 h 41)

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, la commission reprend maintenant ses travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Capsana et de Collectif Vital. Bienvenue. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous transmettre votre exposé, peut-être aussi vous présenter d'entrée de jeu, et, par la suite, on procédera à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Capsana et Collectif Vital

Mme Voyer (Corinne) : Bien, merci beaucoup. Mmes, MM. les députés, bonjour. Alors, au nom de Capsana et du Collectif Vital, je veux d'abord vous remercier pour cette invitation. Je me présente. Moi, c'est Corinne Voyer. Je suis la directrice du Collectif Vital, qui est une initiative de l'Association pour la santé publique du Québec.

Le collectif réunit plus de 740 partenaires qui se mobilisent autour de l'importance d'adopter de saines habitudes de vie au Québec. Et l'enjeu des écrans nous préoccupe pour plusieurs raisons, mais aujourd'hui je serais... Pardon. Il faut se pratiquer avant de parler, hein, se réchauffer la bouche. Donc, j'ai deux éléments, deux enjeux plus en particulier que je veux vous partager : le lien avec la sédentarité et les pratiques de marketing sur les réseaux sociaux.

Donc, pour ce qui est de la sédentarité, l'utilisation des écrans chez les moins de 18 ans, c'est le comportement sédentaire le plus courant. C'est du temps qui est volé à d'autres activités comme le sommeil, l'activité physique, le jeu libre, les interactions avec la famille ou les amis. J'attire cependant votre attention à l'effet que réduire le temps d'écran ne veut pas dire que c'est remplacé nécessairement par du temps actif. Donc, si on veut voir un transfert, il faut offrir aux jeunes des solutions qui vont être complémentaires pour qu'ils puissent augmenter les occasions d'être actifs, par exemple, à l'école ou dans leur quartier. On peut penser, notamment, revoir certaines pratiques de récompense ou de temps un peu bouche-trou, là, qu'on remplit avec des écrans dans les écoles ou à mobiliser les municipalités sur l'adoption de politiques ou de mesures qui vont être favorables à l'activité physique, comme le jeu dans la rue.

Pour ce qui est du marketing sur les réseaux sociaux, le Collectif Vital recommande trois mesures. La première, c'est d'interdire la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans sur les réseaux sociaux. On a une loi, au Québec, appliquons-la. La deuxième, c'est de restreindre les publicités en ligne basées sur les données personnelles des mineurs. Donc, ces données sont utilisées par les plateformes en ligne pour alimenter des flux addictifs qui favorisent du temps sédentaire et qui peuvent entraîner les jeunes dans un cercle vicieux de contenus nuisibles à leur santé et leur bien-être. Et, troisièmement, encadrer le marketing d'influence, notamment la promotion de produits ou de comportements qui sont faits par des influenceurs, qui peuvent être dangereux pour la santé mentale et physique.

Donc, certaines entreprises ont commencé à mettre en place des mécanismes d'autoréglementation, mais j'insiste sur le fait que la voie réglementaire est beaucoup plus susceptible de perdurer dans le temps et d'obtenir des résultats escomptés sur l'ensemble des plateformes pour mieux protéger les jeunes. Les modèles volontaires sont souvent une façon ou une stratégie pour l'industrie d'échapper aussi à toute forme de réglementation.

Donc, maintenant, je laisse la parole à mon collègue Guy Desrosiers, qui est président-directeur chez... président-directeur général chez Capsana.

M. Desrosiers (Guy) : Bonjour. Et merci de mener cette nécessaire et importante réflexion collective. Vous le savez, nous, on n'est pas les seuls à nous questionner sur l'impact des écrans sur les jeunes. C'est un phénomène mondial, et tous les pays débutent leur action de rééquilibrage sur la place des écrans dans nos vies et nos sociétés. Personne, sauf l'industrie, n'est à blâmer. Adultes comme jeunes, on doit tous apprendre à dompter la bête. J'aurai quatre recommandations pour vous.

Les écrans font partie de nos vies, ils sont là pour y rester. Le bannissement, l'interdiction ne sont pas des options. Nous devons aider les individus à développer des habitudes numériques qui leur font du bien pour profiter des avantages de la technologie et prévenir les risques et les méfaits potentiels liés à ce monde d'hyperconnectivité où nous sommes. Ces risques et méfaits sont plus grands chez les enfants et les jeunes, car leur cerveau, comme vous le savez, est en développement et leur autocontrôle est faible. Un usage excessif ou non adapté des écrans peut nuire au bien-être et au développement des enfants de tout âge et affecte même les adultes.

Un usage équilibré et plus conscient des écrans portant sur le temps d'écran, le moment, et le lieu, et les contenus doit être une habitude de vie au même titre que bouger au quotidien, bien manger, bien dormir, par exemple. Comme pour les autres habitudes de vie, on doit agir tôt, car une habitude de vie jeune a plus de chances de demeurer dans nos vies, comme la pratique sportive, par exemple. Dans le cas des écrans, c'est aussi parce que l'usage croît avec l'âge et la nécessité de la vie, devenant adolescent, l'arrivée du parascolaire, des clubs, des autres activités. Nous demandons donc au gouvernement du Québec de reconnaître que l'usage des écrans est un enjeu de santé publique, et qu'officiellement c'est une habitude de vie, et, ce faisant, qu'il lui accorde une place plus grande dans ses actions, dans ses mesures d'évaluation et dans ses programmes.

Vous l'avez entendu, c'est une responsabilité partagée. Mais, comme pour l'apprentissage des saines habitudes de vie, les parents doivent être au coeur de l'action comme responsables du premier milieu de vie des enfants. La gestion de l'utilisation des écrans représente d'ailleurs, selon le sondage des parents, leur défi numéro un au Québec. En premier lieu, les parents doivent donc être des modèles positifs. Les adultes doivent se questionner sur leur propre usage des écrans. Les parents nous disent que leurs enfants sont trop sur leurs écrans, mais, lorsqu'on parle aux jeunes, les jeunes nous disent que leurs parents sont trop sur leurs écrans. Et d'ailleurs huit parents sur 10 nous disent que les écrans affectent de manière négative leur bien-être. Les parents doivent aussi mettre en place une discussion ouverte et un cadre numérique clair pour encadrer et faciliter le bon usage des écrans pour tous les membres de la famille, car les bonnes habitudes numériques, ça commence à la maison.

On parlait tout à l'heure d'un sondage de parents. En Angleterre, récemment, un sondage très important auprès de familles, 55 % des parents ont dit avoir un cadre clair d'encadrement du numérique. Lorsqu'on pose le même questionnaire à leurs enfants, seulement 15 % de leurs enfants disent avoir un cadre numérique clair à la maison.

Cette gestion doit aussi évoluer avec l'âge et le niveau de maturité et d'autodiscipline de l'enfant, comme pour les sorties, l'heure du coucher, les devoirs. Les enfants et les ados gagnent à développer leur sens critique et leur autocontrôle dans l'usage des écrans, comme le disait Marie-Vincent tout à l'heure. D'ailleurs, les jeunes sont bien conscients eux-mêmes. À 95 %, ils nous disent vouloir réduire leur temps d'écran. Pour y arriver, les parents doivent être sensibilisés, soutenus et outillés. Ils doivent comprendre leur part de responsabilité. Si les parents sont des exemples positifs, qu'ils encadrent à la maison et avec cohérence, entre les deux parents ou entre les deux foyers parfois aussi, c'est logique qu'il y ait une continuité ensuite dans l'encadrement à l'école et au service de garde. L'enfant risque ainsi de mieux comprendre les balises.

Il faudrait aussi, donc, assurer une réelle mise en application de la directive ministérielle que vous connaissez, qui interdit normalement les appareils personnels en classe dans tout le milieu scolaire, car, en ce moment, c'est appliqué à vitesse variable. La classe doit redevenir un milieu de vie favorable à l'apprentissage, à l'acquisition de connaissances et à la socialisation en personne. Des études montrent, entre autres, des résultats scolaires supérieurs et une baisse du harcèlement lorsque les appareils personnels sont prohibés en classe. C'est d'ailleurs une recommandation que vous avez entendue, qui est supportée par 92 % des professeurs et par 80 % des adultes sondés. On sait que la simple présence de ce petit jouet à proximité de nous génère des nombreuses distractions et une perte de concentration. Et c'est aussi quasiment impossible pour un enseignant de rivaliser avec la stimulation impressionnante des réseaux sociaux et des jeux vidéo. On recommande de mieux accompagner et d'outiller les directions, les enseignants, les parents et les jeunes dans la compréhension des bénéfices et dans la mise en application uniforme de la directive, et de ne plus laisser à chaque enseignant le grand défi et la dure décision d'encadrer ou non dans sa classe.

En ce qui concerne l'encadrement sur le périmètre scolaire, il faut impliquer toutes les parties prenantes de l'école, parents, directions, enseignants et jeunes, dans la définition et la mise en place de leur cadre de vie numérique, avec un dosage qui pourra varier selon l'âge et l'ADN que souhaite se donner l'école. Il faudrait aussi s'assurer que les intentions de mieux encadrer l'usage des écrans ne soient appliquées en amont dans les milieux de vie préscolaires ainsi que les services de garde qu'à des fins d'apprentissage accompagné pour des durées limitées et jamais à des fins de récompense. Il faut également que le personnel éducatif donne l'exemple dans leur propre usage.

Pour terminer, il est temps de mieux faire connaître et rendre accessibles les initiatives et les outils déjà existants au Québec, car plusieurs organismes sont déjà actifs. Vous avez rencontré ici Le CIEL, vous avez rencontré La Maison Jean-Lapointe, Viactive n'est pas là, mais Vital est avec nous, Avenir d'enfants et nous, chez Capsana, avec l'initiative Pause. De notre côté, le site Web pausetonecran.com, réalisé avec l'aide du gouvernement du Québec, est une référence crédible pour les parents, les jeunes adultes et le personnel professionnel. On y trouve de l'information de qualité, des conseils, des outils pratiques, des vidéos-conseils, des contrats cellulaires pour l'ado et des ressources, des formations pour les professionnels. Et c'est créé avec l'aide de notre comité expert — vous avez rencontré d'ailleurs, ici, cinq de nos experts, que vous avez entendus ces derniers jours — et d'un comité aviseur parents, et d'un comité aviseur jeunes. Pause offre des activités de sensibilisation, des défis de déconnexion. Le gouvernement du Québec doit prévoir des budgets pour faire... davantage, pardon, connaître aux familles, et aux intervenants des milieux, et à la population les initiatives qui peuvent les aider, comme le disaient tout à l'heure aussi nos amis de Marie-Vincent.

Merci pour votre écoute. Et, M. Ciccone, j'ai un macaron pour vous aussi. Je ne vous ai pas oublié. Puis, mon député, parce que je suis dans la région d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai aussi un macaron pour vous. Il sera à votre... Il sera à votre bureau de comté. Merci.

• (14 h 50) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Alors, d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue au groupe de l'institut d'affaires publiques. Alors, bienvenue parmi nous. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Hull pour cette période d'échange.

Mme Tremblay : Oui. Alors... C'est parce que je suis un petit peu surprise de ce que vous avez dit : Ça ne doit plus être à chaque enseignant de gérer comment il veut l'utilisation du téléphone cellulaire en classe. Parce que, là, il y a une consigne stricte qui est venue du ministère de l'Éducation dernièrement, là, qui devait être en vigueur au début de cette année, qui dit que, c'est clair pour tous les milieux, là, c'est interdit, le cellulaire en classe. Et, bon, là, il y a différentes modalités. Là, il y en a qui doivent… dans certaines écoles, doivent rester dans les casiers. D'autres, c'est des pochettes à la porte d'entrée de la classe. Ça arrive souvent que les... Ça a souvent passé par le conseil d'établissement, là, d'où il y a des parents qui ont géré ça. Donc, je suis un peu surprise de vous entendre dire que chaque prof gère ça de façon différente. Pourquoi vous, vous nous amenez vers cela, avec la directive ministérielle qu'il y a?

M. Desrosiers (Guy) : En fait, la directive ministérielle est apparue pour la session hiver dernier, hein, et, à l'hiver dernier, c'était vraiment à vitesse variable. Alors, l'information… Pour cet automne, pour l'instant, je n'ai pas de nouveau sondage de fait auprès des écoles, mais la réalité au printemps dernier, c'est que c'était à vitesse variable. Dans chaque classe, ce n'était pas appliqué de la même façon. Alors, c'est ça, mon inquiétude.

Mme Tremblay : Donc, vous auriez souhaité que la... qu'on aille vraiment... que ce soit appliqué tous azimuts, partout, avec la même règle, donc, dans le casier, qu'il soit dans le casier.

M. Desrosiers (Guy) : Bien, en fait, non, non, pas à ce point-là, mais qu'il ne soit pas... qu'il n'y ait pas d'accès à l'appareil personnel en classe. Ça, c'est notre recommandation pure. Alors, est-ce que c'est... Est-ce qu'il doit être dans le sac, par terre? Est-ce qu'il doit être dans les petits casiers à l'entrée? Bien, ce qui est surtout important, c'est d'accompagner cette directive-là, comment l'adresser, comment en parler, comment également l'implanter, comment aider l'enseignant et les jeunes à comprendre les bénéfices de ça et les avantages que ça leur procure. Alors, c'est cette... C'est ce besoin-là qui m'apparaît important, là, d'accompagnement.

Mme Tremblay : Au niveau de, plus largement... Parce qu'on est en réflexion, puis on a écouté les différents groupes, puis évidemment qu'on se questionne aussi plus largement sur l'utilisation du cellulaire pendant toute la journée à l'école. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à l'interdiction? Il y a des groupes qui ont dit oui, d'autres qui ont dit : On est plus en prévention, en éducation. Ou d'autres groupes ont dit : Bon, bien, il faut quand même se donner des moments puis avoir une réflexion. Ça peut être un dîner sans... Vous, vous situez où? Dans l'interdiction complète? Puis où est-ce qu'elle est, votre position?

M. Desrosiers (Guy) : Bien, comme je vous disais, l'interdiction, ce n'est pas une solution, là, c'est... mais qu'il y ait une discussion claire. Pour le périmètre scolaire, nous, ce que je mentionnais tout à l'heure, ça doit être une discussion ouverte avec toutes les parties prenantes. Je pense qu'ils doivent... Une école doit établir son cadre de vie avec les enseignants. Les parents, parfois, ils veulent avoir absolument contact en tout temps, sûrement pas pendant la classe. Mais ça, ça doit être discuté avec toutes les parties prenantes. C'est comme ça qu'on va réussir à établir des modes de vie sains.

Il y a une initiative, aux États-Unis, que vous connaissez peut-être, qui s'appelle Screenagers, là, qui donne un mode de travail très, très intéressant, très détaillé sur comment on bâtit ces consensus-là et qu'on met en application une politique scolaire.

Mme Tremblay : Oui, je vous laisse... Oui.

Mme Voyer (Corinne) : Si je peux me permettre d'ajouter, il y a des apprentissages intéressants avec la politique-cadre Pour un virage santé à l'école, qui a été lancée en 2007, dans l'ensemble des écoles du Québec, pour promouvoir les saines habitudes de vie, et où on a eu... On a pu voir, en 2017, quand on en a fait l'évaluation, que les directives n'avaient pas été très bien accompagnées. Il y avait certaines zones grises, une interprétation de chaque milieu, ce qui a fait qu'il y avait une inégalité de pratiques, là, dans la manière, par exemple, de gérer les boîtes à lunch, où il y a des intervenants qui, maintenant, décidaient d'enlever des aliments parce que la politique disait qu'il fallait offrir des aliments sains à nos élèves. Mais ça, c'était... Si on l'interprète comme il faut, c'est l'école qui doit l'offrir, ce n'est pas le... On ne venait pas gérer la boîte à lunch.

Tout ça pour dire que, si on envoie des directives, je pense que c'est important d'accompagner les intervenants, de s'assurer qu'ils comprennent bien ce qui est attendu, c'est quoi, les bonnes pratiques, c'est quoi, les mauvaises pratiques, sans devenir une initiative mur à mur sur l'ensemble... dans l'ensemble des écoles, où on n'écoute plus le milieu, mais qu'un milieu soit capable de bien interpréter ce qui est attendu puis d'avoir les bonnes pratiques. Donc... Puis on a des ancrages, actuellement, pour le faire. La politique-cadre est encore à jour dans nos écoles. Elle est renouvelée, même. Là, elle sera bientôt relancée. Donc, c'est une occasion d'envoyer des messages clairs dans l'ensemble des écoles du Québec sur qu'est-ce qu'on veut faire avec les écrans, plus au niveau des habitudes de vie, là, je ne parle pas au niveau des apprentissages pédagogiques ou autres, là, ça, c'est un autre sujet qui nous concerne moins, mais qu'on ne veut pas, par exemple, récompenser avec des écrans ou qu'on ne veut pas remplacer du temps actif par des écrans.

Mme Tremblay : Puis vous dites qu'elle va être relancée.

Mme Voyer (Corinne) : Bien, en fait, elle a été révisée l'an dernier. Je pense qu'on arrive à la fin du processus, là. On l'attend, on attend la nouvelle mouture. On a eu la chance de la réviser, nous, cette politique-là, puis elle a corrigé plusieurs éléments, je dirais, les défis qui étaient vécus de l'ancienne mouture. Mais c'est une politique qui s'en vient et qui... Donc, c'est le temps, là, de peut-être aligner les flûtes, là, avant que ce soit descendu sur le terrain.

Mme Tremblay : Bien, merci. J'aurais une dernière question. Donc, moi, je comprends que ce serait bien que, dans chacune des écoles, puis il y en a d'autres qui allaient dans votre sens, il y ait quand même une réflexion sur l'utilisation des écrans à partir de balises, puis qu'après ça les écoles, à partir… avec le conseil d'établissement… puis ils ont différentes instances pour se gouverner, ils ont aussi les OPP, donc, que tout le monde participe à une réflexion collective, dans l'école, pour voir, bien, comment nous, on va gérer l'utilisation des écrans, en tenant compte du temps d'écran, des contenus, des outils pédagogiques. Donc, c'est d'amener cette réflexion-là. Je pense que, pour vous, ça cadrerait, là... Il y en a qui iraient probablement vers l'interdiction complète, on le voit présentement, puis d'autres le géreraient différemment. Mais l'important, pour vous, c'est d'avoir des balises, puis après ça qu'on ait une réflexion.

M. Desrosiers (Guy) : ...c'est d'en discuter, effectivement, avec... Puis il faut impliquer les jeunes, dans le sens qu'on veut qu'ils comprennent les décisions qui se prennent. On voit qu'il y a des tendances, hein, il y a des écoles qui retournent même à 100 % papier, là. Vous en avez entendu parler certainement. Alors, il y a lieu que les écoles se prononcent collectivement, là… individuellement, pardon, avec leur collectivité, sur le cadre de vie numérique qu'ils veulent se donner.

Mme Tremblay : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Bonjour. Content de vous revoir. Vous dites, Mme Voyer, dans votre mémoire, que, oui, il faut faire des gestes, là, il faut encadrer. Mais, en même temps, on ne peut pas faire ça seul, là. Si on fait juste arriver avec des propositions pour les écrans numériques, de mieux les encadrer, si on n'offre pas un autre service, par exemple, dans les écoles, si on n'a pas plus de services d'éducation physique, par exemple, ou d'activité physique, bien, on risque peut-être de manquer le bateau, là. Est-ce que c'est un peu ce que... ce que je comprends? Tu sais, on ne peut pas faire un sans l'autre. Il faut faire les deux en même temps, là.

Mme Voyer (Corinne) : Bien, en fait, si on souhaite... Bien, c'est qu'on a un problème de sédentarité au Québec. Bien, c'est pour ça que moi, je suis ici, hein, aussi, notamment. Puis les écrans compétitionnent beaucoup avec l'activité physique. Mais ce n'est pas parce qu'on agit sur les écrans que nos jeunes vont devenir nécessairement plus actifs. Donc, il faut qu'on donne des occasions plus fréquentes, pour s'assurer qu'on donne une meilleure accessibilité à l'activité physique, pour rehausser, tu sais, pour qu'ils déplacent un peu ce comportement-là. Mais ce n'est pas parce qu'on réduit notre temps d'écran que, tout de suite, c'est un automatisme, là, et nos jeunes se mettent à bouger, là.

• (15 heures) •

M. Ciccone : C'est ça. J'avais une question aussi pour M. Desrosiers, juste un petit peu… mais pour me faire comprendre, là. Puis j'ai lu, à la page 2, là, quand vous dites, dans la première recommandation, «intégrer les écrans dans les habitudes de vie», à la première ligne : «Les écrans font partie de nos vies et sont là pour rester», c'est clair, là, mais vous dites : «Le bannissement ou l'interdiction ne sont pas des options», alors qu'on voit… À la page 6, la troisième recommandation, vous dites : «Mettre en application la directive ministérielle sur tout le milieu scolaire et sans oublier l'action dans le préscolaire», mais la directive ministérielle, c'est qu'on empêche les téléphones...

M. Desrosiers (Guy) : Dans les classes.

M. Ciccone : ...dans la classe. Ça fait que, là, ici, c'est vraiment... C'est deux... complètement différent, deux groupes complètement différents. C'est dans notre quotidien, dans le privé. C'est votre recommandation 1. La troisième, c'est seulement dans la classe, là. C'est complètement différent.

M. Desrosiers (Guy) : Tout à fait.

M. Ciccone : Ça fait que vous n'êtes pas... Vous n'êtes pas pour l'interdiction jusqu'à un certain âge, par exemple, des écrans, tout ce qui est numérique.

M. Desrosiers (Guy) : Non.

M. Ciccone : Non. Zéro à trois ans, par exemple.

M. Desrosiers (Guy) : Ah! bien sûr, il y a des grandes directives que vous connaissez, là. Je ne les ai pas répétées parce que vous avez rencontré quelques médecins. Les directives sont claires. La société de pédiatrie canadienne a établi des balises très claires, très correctes aussi. Quand vous regardez le trois, six, neuf, 12, là, en Europe, là, c'est assez similaire en termes d'approche. Donc, on n'est pas contre. Puis le bannissement dont je parlais, moi, c'est, par exemple dire, bon, les jeunes n'ont pas droit aux réseaux sociaux. Ce n'est pas... Ça, ce n'est pas réaliste. D'ailleurs, Marie-Vincent, tout à l'heure, le disait, puis plusieurs des gens qui ont passé avant moi vous le disaient aussi.

M. Ciccone : O.K. Mais de le bannir dans les écoles, c'est correct.

M. Desrosiers (Guy) : Dans la classe.

M. Ciccone : Parce que c'est deux contextes différents.

M. Desrosiers (Guy) : Dans la classe. En fait, la classe doit redevenir un milieu où je me concentre sur l'acquisition de connaissances, sur la socialisation, sur les apprentissages.

M. Ciccone : O.K. Parfait. Tantôt, vous avez dit… vous avez parlé des publicités des moins de 13 ans, là. Je pense que c'est une loi, là. C'est qui qui détermine qu'est-ce qui est acceptable ou non à des moins de 13 ans? C'est... Y a-tu une organisation? C'est qui qui fait ça? Des spécialistes?

Mme Voyer (Corinne) : Bien, en fait, il y a l'Office de la protection du consommateur qui s'assure de l'appliquer, mais ça fonctionne avec un processus de plainte. Donc, ils ne font pas la vigie de tout... de toutes ces publicités-là. Nous autres, on s'amuse à le faire, par exemple. Comme collectif, on s'est donné le mandat de le faire, beaucoup dans la publicité alimentaire. Puis d'ailleurs, aujourd'hui, on vient de déposer une plainte contre Oreo pour une publicité destinée aux enfants qu'on a trouvée sur TikTok.

La seule chose avec les réseaux sociaux, au niveau de l'Office de la protection du consommateur, c'est… étant donné qu'il faut 13 ans pour avoir un compte, est-ce qu'on est vraiment devant un public ciblé, visé? Je dirais qu'aujourd'hui les compagnies savent très bien qu'il y a des enfants en bas de 13 ans qui sont devant l'écran puis elles se permettent, donc, de tester ou de faire, peut-être… de s'essayer pour voir s'ils vont se faire pogner, on va le dire comme ça. Donc, je pense qu'il y a moyen, avec, possiblement, l'Office de protection du consommateur, de regarder ce qui serait possible pour s'assurer qu'on l'applique aussi aux réseaux sociaux, parce que la loi, normalement, implique les réseaux sociaux. On le fait pour les sites Web, donc il n'y a pas de raison qu'on ne le fasse pas pour les réseaux sociaux.

M. Ciccone : Ça fait qu'il faudrait aller travailler en amont puis ne pas attendre une dénonciation ou une plainte. Il faudrait avoir un regroupement de personnes qui fait cette vigie-là, là, c'est…

Mme Voyer (Corinne) : Bien, c'est sûr que, pour toute loi, il faut une surveillance pour qu'elle soit appliquée. Il y a comme... Pour nous, on a identifié deux façons de venir un peu mieux encadrer le marketing, donc, s'assurer qu'on applique ce qu'on a déjà pour les moins de 13 ans, sinon, on met tout ce qui est des données personnelles, au niveau des jeunes enfants, l'interdiction aux compagnies de… voyons, les flux addictifs, dans le fond, donc, de prendre les données personnelles des mineurs pour faire de la publicité ciblée, ce serait une façon aussi de venir aussi mieux encadrer le marketing qui est fait sur les réseaux sociaux.

M. Ciccone : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : J'aimerais revenir… Au niveau du cellulaire à l'école, j'entends bien votre position là-dessus. Nous aussi, ce que les experts nous ont dit, c'est que c'est quand même désolant, ce qui se passe dans les cours d'école sur l'heure du dîner, alors que tous les jeunes sont sur leurs écrans, et tout ça. Donc, je comprends votre position de simplement l'interdire dans les classes, mais alors on fait quoi pour… On fait quoi pour inciter les jeunes à pratiquer du sport ou à socialiser pendant les pauses, pendant l'heure du lunch, quand on sait que, c'est ça, là, c'est… il n'y a plus vraiment de contacts sociaux qui se font de par… à cause de leurs cellulaires?

M. Desrosiers (Guy) : Bien, comme le disait ma collègue, c'est sûr qu'il faut une offre aussi, une offre intéressante, ça peut être du sport, ça peut être de la danse, ça peut être un autre mode pour bouger, là, mais je ne dis pas qu'il ne faudrait pas qu'il n'y ait pas des écoles qui vont en arriver là. Je le souhaiterais bien, parce que, si on les accompagne sur les bienfaits, et les bénéfices, puis les méfaits potentiels de rester toujours… de pouvoir rester toujours connecté, je pense qu'il y a bon nombre d'établissements qui vont choisir, collectivement, avec toutes les parties prenantes, de faire en sorte que le périmètre scolaire… D'ailleurs, les Français, ils vous en ont parlé, je pense, quand ils sont venus, ils avaient étudié la possibilité d'interdire que la classe ou le périmètre scolaire… puis leur projet pilote fait en sorte qu'ils ont conclu que le périmètre scolaire avait plus de bénéfices.

Alors, c'est sûr que, si on expose les gens aux données, collectivement, j'ai confiance dans l'humain, là, de faire des bons choix. Puis les jeunes, comme je vous le disais, ils sont très conscients. Ils nous le disent, là, je vous ai donné des chiffres tout à l'heure, ils nous le disent, qu'ils sont trop connectés, puis ils nous disent eux-mêmes qu'à un moment donné j'aurais dû décrocher avant, là, parce que c'est devenu plate, tu sais, j'aurais… Alors, moi, j'ai confiance en la capacité de ce collectif-là, de toutes les parties prenantes d'une école, lorsqu'ils connaissent les bienfaits puis les bonnes pratiques, de faire des bons choix.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Merci de participer à notre exercice. C'est apprécié. Ma question est pour M. Desrosiers. Donc, je comprends que vous êtes en faveur du retrait du cellulaire dans la classe, hein, d'écoles, au quotidien. Vous avez parlé... Vous avez fait référence au retour de la classe papier. Êtes-vous aussi favorable au non-usage de l'écran, en termes d'apprentissages pédagogiques, dans nos classes aussi?

M. Desrosiers (Guy) : Malheureusement, ce n'est pas mon domaine d'expertise. Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Il y a certainement des bénéfices lorsqu'elles sont bien utilisées à des fins pédagogiques. Moi, ce qui me préoccupe, c'est cette petite machine-là qui est… qui est assez… oui, qui est plus qu'omniprésente, qui est harcelante, même, parfois. C'est ça qui me préoccupe le plus.

M. Sainte-Croix : On a rencontré des groupes, des personnes, des professionnels qui nous disaient que la simple… tu sais, le fait de savoir que l'enfant ou… jeunes et moins jeunes, là, simplement de savoir qu'ils ont leur téléphone sans en faire usage, c'est déjà une source de distraction suffisamment préoccupante qui a un impact sur la concentration, l'apprentissage. Vous partagez cet avis-là? Vous…

M. Desrosiers (Guy) : Ah oui! Il y a même des études que j'ai consultées, là, sur la distance, là, ce qui est à portée de main, lorsqu'il est dans… un peu plus loin aussi, là, dans une pièce différente, là, l'impact sur la concentration. Oui, je suis conscient de ça, et c'est pour ça que, pour moi, le premier geste, c'est de s'assurer qu'il est éteint, non accessible, non à portée de main dans la classe. Ça, c'est... Moi, je pense, c'est le premier geste facilement réalisable. Quant au reste, là, on va parler de choix individuels, des droits des parents, puis là ça va devenir un peu difficile.

Pour votre autre question, je vous invite à lire Desmurget, que vous connaissez peut-être, on vous en a peut-être parlé, un sociopsychologue, un… je pense, c'est un sociopsychologue français, qui a écrit sur l'apprentissage à l'aide d'outils numériques, les avantages et les inconvénients. C'est captivant. Mais ce n'est pas mon champ de spécialisation, là. C'est pour ça que je ne veux pas trop aller loin.

M. Sainte-Croix : Je comprends. Je ne le connais pas, mais je vais me faire un plaisir d'aller le connaître.

M. Desrosiers (Guy) : Michel Desmurget.

M. Sainte-Croix : Merci. Une petite dernière question, Mme la Présidente. On nous a aussi fait état de la nécessité, à l'intérieur de nos écoles, de créer des espaces sans écran, de favoriser, dans le fond, la socialisation de nos jeunes, la discussion, l'échange, le «one-on-one». Quand vous parlez, là… Quand vous faites état du cellulaire qu'on doit ne pas rendre disponible, moi, je vois une liaison, dans cette optique-là, où l'écran, dans le fond, l'omniprésence de l'écran favorise ces problématiques-là. Vous seriez favorable à une approche comme ça, de favoriser ça dans nos écoles?

M. Desrosiers (Guy) : Oui. Puis ça correspond à nos modèles. Quand on dit des milieux... Vous avez déjà entendu l'expression «milieux favorables». Alors, plus on va créer des milieux favorables à la déconnexion, bien, plus les gens vont les adopter aussi. Il y a des restaurants qui font ça également maintenant, hein, comme vous le savez.

• (15 h 10) •

M. Sainte-Croix : Puis vous parliez d'offre, créer de l'offre, hein, en contrepartie du non-usage de la chose. Donc, ça irait dans ce sens-là. Merci.

M. Desrosiers (Guy) : Oui. Merci à vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Vous avez mentionné que vous ne pensez pas que les écrans devraient être dans les classes. Et on a appris qu'il y a certaines écoles qui offrent l'écran comme récompense à l'école, donc, qui vient renforcer cette notion de l'écran comme ultime récompense. Qu'avez-vous à dire à cet égard?

Mme Voyer (Corinne) : Bien, c'est... Bien, pour nous, c'est une mauvaise pratique, là. Donc, ça ne devrait pas être une pratique valorisée dans nos écoles. Puis je pense que, quand… les enseignants ou, peu importe, les éducateurs qui vont récompenser avec l'écran ne savent pas ce qu'ils envoient comme message. L'enjeu de la récompense, on l'a vécu beaucoup avec les récompenses alimentaires dans les écoles, où on va donner un petit bonbon. Vous avez réussi le test de maths… Mais il y a eu quelque chose de pernicieux avec récompenser toujours le comportement, avec des comportements qu'on ne s'attend pas à avoir de manière régulière, donc, tout comme on ne veut pas faire de la punition en disant : Bien là, fait 25 «push-ups», tu n'as pas fait tes devoirs. Tu sais, on ne veut pas que l'activité physique devienne non plus négative pour un jeune.

Donc, ce qu'on a fait par rapport aux aliments dans les écoles, le collectif a fait un outil pour enligner un peu plus les conseils d'établissement sur c'est quoi, des bonnes pratiques de récompense, c'est quoi, les idées qu'on peut mettre de l'avant. On peut faire la même chose avec les écrans, c'est-à-dire, si vous voulez récompenser vos élèves parce qu'ils ont eu des bons comportements, bien, pourquoi ne pas sortir dehors jouer dans la cour, hein, ou pourquoi ne pas prendre... Des fois, le gymnase, c'est souvent saturé, là, mais il y a des espaces, dans les écoles, des fois, qui sont un petit peu moins occupés, des palestres qui peuvent être... mettons, au secondaire, là, des fois, des palestres qui peuvent être un peu vacantes. Donc, au lieu de récompenser avec des écrans puis dire : Bien, sortez vos cellulaires, je n'ai plus de matière à vous donner, on pourrait soit socialiser, hein, parce qu'ils peuvent parler.

Mais, souvent, on devient moins... Ce qu'on remarque, c'est que la tolérance au bruit… Des fois, dans les écoles, on a tendance à vouloir essayer de restreindre l'énervement des enfants, ça fait que l'écran est très efficace pour ça. On avait... On avait documenté des cas où ils mangeaient, le midi, devant l'écran. Ça fait que c'est des pratiques qu'on a réussi à faire changer un peu dans les dernières années au niveau du primaire. Au niveau du secondaire, je pense qu'il y a encore du travail à faire sur le système de récompense, parce que le cellulaire est souvent une récompense suite à… je ne sais pas, vous avez bien travaillé, vous pouvez sortir vos téléphones.

Mme Prass : Et pensez-vous... Aussi, on a plusieurs intervenants qui sont venus nous dire : Bien, il faut faire la distinction entre… Par exemple, l'utilisation d'écrans comme outils pédagogiques, ce n'est pas des heures qui devraient être cumulées dans le temps qu'un jeune passe devant un écran. Pensez-vous qu'en l'ayant comme outil pédagogique… qu'encore une fois on encourage que l'écran est devenu l'outil qu'on utilise dans la vie plutôt que d'écrire sur un papier… un crayon, etc., et que, donc, les heures qu'on passe à l'école devant un écran puis ensuite à l'extérieur de l'école devant un écran font en sorte que tout ce temps devrait être cumulé, dans le sens des heures passées devant l'écran durant la journée?

M. Desrosiers (Guy) : Bien, l'usage à des fins de loisirs en classe ou à l'école, ça, c'est certainement problématique, et on en a parlé. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que, dans une journée de vie active, il doit y avoir à peu près entre huit et neuf heures de sommeil. Il ne doit pas y avoir plus que huit heures de sédentarité, et ces écrans-là... le fameux temps emprunté, et ces écrans-là, souvent, augmentent notre temps de sédentarité. Puis de tout simplement dire : J'ai coché, là, j'ai fait mon 30 minutes d'activité physique, là, bien, ce n'est pas suffisant. Il faut aussi briser la sédentarité pour avoir une vie saine.

Alors, il faut faire très attention à ce temps cumulé là, parce que le temps d'écran de la maison, en loisirs, le temps d'écran de loisirs entre la maison et l'école et à l'école, tout ça se cumule. Puis les recommandations dont vous avez entendu parler, de la société de pédiatrie, disent : Vous devez cumuler tout ça. Alors, c'est cette vie saine, là, qui est composée d'un bon sommeil, d'un accès au plein air, de... que… la lumière du jour pour la santé oculaire, etc., alors, c'est tout ça qu'on doit avoir en tête lorsqu'on discute, là, de l'usage des écrans à des fins récréatives et à des fins pédagogiques. Ça, on ne s'en mêle pas, évidemment, là.

Mme Prass : Et comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre les parents? La Fondation Marie-Vincent nous a dit que seulement le quart des parents qu'ils ont sondés limitent le temps d'écran de leurs jeunes. Donc, comment sensibiliser les parents aux meilleures pratiques et aux outils qui sont disponibles pour qu'ensuite ils exposent leurs jeunes à ça?

M. Desrosiers (Guy) : Bien, il y a encore beaucoup à faire pour faire connaître... Peut-être, vous vous êtes tous portés volontaires à être à cette commission-là. Combien d'entre vous connaissaient Pause? Combien d'entre vous connaissaient Pause? Et pourtant vous étiez tous volontaires à vous intéresser à ce sujet-là. Alors, c'est un exemple. Qui connaissait les interventions de La Maison Jean-Lapointe en écoles ou de CIEL dans les écoles? Probablement que c'est la même chose. Vous connaissiez peu ces interventions-là. Je pense qu'il y a... On doit faire... Et, comme Marie-Vincent le disait tout à l'heure aussi, on ne doit pas juste créer des outils, créer des outils, il faut surtout les faire connaître.

Alors, nous, on est à cette étape-là. On a créé beaucoup d'outils à la demande du ministère de la Santé et du Secrétariat à la jeunesse, et là on est à l'étape de dire : O.K., on en a beaucoup, d'outils, là, il faut surtout qu'ils soient connus. Moi, quand je dis aux parents : Vous savez, quand on donne un cellulaire à un enfant, c'est super, mais c'est le meilleur moment pour discuter comment est-ce qu'on... c'est quoi, le contrat. Il y a un contrat, là, qui s'établit, tacite, mais il faut le définir, puis le jeune, il est prêt à ça. Il a tellement hâte de l'avoir, le cellulaire, bien, c'est un beau moment, mais il faut en parler. Ça, il faut être capable, en parler. Puis il ne faut pas dire : Reviens dans le monde réel. Ce n'est pas vrai, ça, c'est des très mauvais discours à utiliser avec des jeunes, parce c'est très réel. Leurs amis qui sont de l'autre bord, là, à un mille d'ici… à trois kilomètres d'ici, ils sont réels, mais ils sont à travers cet outil-là.

Alors, il faut savoir comment en parler. Et j'invite, moi, les parents à aller consulter pausetonecran.com, mais aussi aller consulter les autres intervenants qui sont venus ici. On a développé des tonnes d'outils, mais là, actuellement, ils ne sont pas encore assez connus. C'est ce que je disais dans mon intro, c'est récent. On apprend tous en même temps. Nos parents nous ont appris à se brosser les dents, mais nos parents, ils ne nous ont pas encore appris à gérer le numérique, parce qu'ils l'apprennent en même temps que nous. Alors là, on a tous à se rattraper, puis l'industrie, bien, elle ne nous aide pas beaucoup.

Mme Prass : Et donc comment allez-vous faire pour faire mieux connaître vos outils auprès des parents, par exemple?

M. Desrosiers (Guy) : Bien, encore une fois, il y a des campagnes nécessaires, hein, puis des campagnes, aujourd'hui, vous le savez, c'est très éclaté. Il y a des gens qui ne sont plus sur les médias traditionnels. Il y a des parents qui sont juste sur les réseaux sociaux. Il faut les rejoindre où est-ce qu'ils sont. Alors, ça prend des campagnes assez massives, assez fortes pour être sur l'ensemble des réseaux où se trouve notre... la personne à qui on veut parler. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Ah! il vous reste un bon sept minutes.

Mme Gendron : Ah mon Dieu! O.K. Bonjour. Merci d'être avec nous. C'est très intéressant. Ma question était peut-être plus pour Mme Voyer. En fait, vous aviez parlé, un peu plus tôt, que vous avez fait une plainte pour une compagnie de biscuits bien connue, pour ne pas dire le nom. Ma question est que de la publicité indirecte... Donc là, vous avez dit TikTok. Donc, j'imagine qu'eux ont vraiment mis une publicité sur TikTok. Mais, une publicité où est-ce qu'ils engagent un influenceur, ils font un échange de produits, où c'est rémunéré, est-ce que vous avez un mécanisme pour porter plainte à l'entreprise ou à l'influenceur quand ça s'adresse aux mineurs, je parle, à des enfants, là?

Mme Voyer (Corinne) : Un influenceur qui parle à du monde québécois, au Québec, n'a pas le droit de faire de publicité aux enfants. Donc, je peux porter plainte à l'Office de protection du consommateur si je suis... si je constate une publicité. Là où… Mettons, un influenceur de la France, là, ce serait un peu plus complexe pour déterminer... Un Français qui fait une pub aux enfants, il faut que je sois capable de prouver qu'il vise les enfants du Québec. Mais là, en France, ils vont les encadrer, les influenceurs, puis ça va peut-être nous aider. Mais, un influenceur anglophone qui fait de la pub aux enfants au Québec, on va avoir de la misère à porter plainte parce qu'encore une fois c'est difficile à démontrer, qu'il vise les anglophones québécois. Il va peut-être viser des anglophones canadiens, mais à moins... Mais donc il y a comme un jugement qui va être fait sur c'est qui, la cible, réellement, de l'influenceur. C'est comme ça qu'il va être... qu'on va pouvoir déterminer si c'est une publicité ou non destinée aux enfants québécois de moins de 13 ans.

Mme Gendron : Donc, le recours est envers l'influenceur et non l'entreprise qui engage l'influenceur.

Mme Voyer (Corinne) : On pourrait faire le recours auprès des deux. On le…

Mme Gendron : Auprès des deux?

Mme Voyer (Corinne) : Auprès des deux.

Mme Gendron : Est-ce que ça se fait? Est-ce que vous le faites couramment?

Mme Voyer (Corinne) : On n'a pas... Je n'ai pas attrapé rien au niveau des influenceurs jusqu'à présent. Je n'ai pas... On ne fait pas une vigie active non plus. Ce qu'on a plutôt vu, c'est des publicités qui vont se glisser sur YouTube. Là, récemment, j'ai parlé de TikTok, ça, c'est... mais là ce n'est pas un influenceur. Ça fait que, les influenceurs, on n'a pas documenté au niveau de la pub aux enfants. On a documenté plus des pubs... des commandites un peu déguisées, de boissons énergisantes, par exemple, ou des mauvaises pratiques qui vont toucher des méthodes d'amaigrissement, des produits amaigrissants, qui peuvent vraiment aussi être très pernicieuses, là. Là, on vise plus la clientèle adolescente et moins les enfants, mais il reste qu'il y a des choses à faire avec les influenceurs sur comment on encadre mieux la façon dont ils vont promouvoir des comportements ou vendre des produits à des jeunes adolescents.

• (15 h 20) •

Mme Gendron : Quand on parle de publicité ciblée pour les jeunes, on parle de quel âge que c'est régi puis qu'on n'a pas le droit, là...

Mme Voyer (Corinne) : C'est moins de 13 ans au Québec.

Mme Gendron : Moins de 13 ans. O.K. Donc, il faut que vous prouviez que ça s'adresse vraiment à un auditoire de moins de 13 ans, des Québécois.

Mme Voyer (Corinne) : Oui, exact.

Mme Gendron : O.K. C'est très intéressant. Merci beaucoup pour les informations.

La Présidente (Mme Dionne) : Mais, dans le cas de... On a eu un exemple, là, puis c'est un phénomène, là, les crèmes à la rétinol, qui... C'est pour les rides, apparemment, mais on s'est fait parler de ça en commission, là, d'un phénomène, présentement, de jeunes filles en bas de 13 ans qui demandent à leurs parents d'acheter de la crème à la... Comment on... Tu sais, on le voit bien, que ce n'est pas un contenu qui leur est adressé. Là, c'est fait par des influenceurs. Comment on arrive à contrôler ce genre de fausse publicité là ou... Vous en avez parlé tantôt, les phénomènes sont nombreux, là, même... J'ai même entendu parler, cet été, là, que la crème solaire, ce n'était plus bon pour... ce n'était plus approprié ou ce n'était plus nécessaire. Donc, ça... Qu'est-ce... Légalement parlant… ou nous, en tant que législateurs, là, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour mieux encadrer ce phénomène?

Mme Voyer (Corinne) : On peut s'inspirer de la France sur la manière dont on voudrait encadrer nos influenceurs. Mais, quand même, au Canada, ils sont quand même soumis à... ils n'ont pas le droit de faire des fausses promesses ou vendre des faux produits. Donc, on pourrait porter plainte. C'est la concurrence... la loi de la concurrence qui encadre ça. Donc, il y a moyen, quand même, on a déjà des petits leviers. C'est que, présentement, on ne les utilise probablement pas assez, parce que c'est nouveau puis c'est pernicieux, de la manière dont c'est fait. Mais de donner...

C'est des panneaux publicitaires, les influenceurs, là, beaucoup, puis, présentement, ils ne sont pas encadrés. C'est le far west. Puis, au Québec, on pourrait encadrer nos influenceurs. On pourrait s'inspirer de la France, parce que c'est des contenus francophones qui sont probablement très... beaucoup visionnés par les deux mondes. Donc, je recommande que ce soit... qu'il y ait des meilleures pratiques, surtout pour ce qui tout ce qui pourrait être pratiques frauduleuses ou dangereuses.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Oui. Bonjour. J'aime beaucoup votre mission, hein, être acteur de notre santé plutôt qu'être spectateur. Ce que vous tentez de brasser aujourd'hui, ça m'interpelle. Je fais du pouce...

Il y a quelques chercheurs qui nous ont parlé beaucoup de la réduction des méfaits, amener graduellement, sans réprimander ou sans avoir un spécialiste rentrer dans une classe de jeunes, se faire chicaner, mais, collectivement, qu'on sensibilise particulièrement nos jeunes. Quand je vous entends au niveau de la réduction des méfaits, c'est un outil qui, pour moi, est efficace parce que c'est graduel, et on en prend conscience collectivement, puis on t'entoure, tous ensemble, pour t'amener à diminuer…

Quand je vous entends au niveau de la réduction des méfaits, j'entends deux choses, c'est-à-dire qu'au niveau apprentissage il y a déjà beaucoup d'outils en place, et le moment est venu d'en faire davantage la promotion puis de mettre un peu le rétroprojecteur davantage sur l'outil. Je veux juste confirmer que j'entends bien. Et, deuxièmement, dans la réduction des méfaits, pour mettre de côté le cellulaire aussi, vous avez parlé aussi de collaborer davantage avec le milieu de l'enseignement pour peut-être rendre, exemple, le gymnase plus disponible ou peut-être aller davantage en récréation, aller à l'extérieur. Est-ce que c'est... Est-ce que vous croyez en ça, que ça peut être des éléments qui peuvent faire divergence, puis nous sortir un peu du cellulaire, puis nous amener un petit peu plus vers l'action?

M. Desrosiers (Guy) : C'est certain qu'il y a un rééquilibrage à faire. Lorsque les jeunes... Nous, on les questionne, puis ils nous disent : J'y vais maintenant par automatisme. Ils sont... Vous le voyez vous-même, là, des gens qui vont juste par automatisme, le fameux fomo, là, vous avez déjà entendu parler de l'expression, là, «fear of missing out», les gens... Il faut que j'aille voir : Mes amis ont-tu publié quelque chose? Qu'est-ce qui se passe dans ma game, aussi, parce que... Je fais un petit aparté. On a beaucoup parlé des réseaux sociaux, mais il ne faut pas oublier les jeux vidéo, là, qui sont aussi très, très, très addictifs. Ils occupent d'ailleurs la majorité... Quand on... Dre Magali Dufour, que vous avez rencontrée, vous a parlé, là, des centres de traitement de la dépendance. 80 % des places sont occupées par des jeunes qui sont addicts, là, des jeux vidéo.

Donc, oui, je pense qu'il faut certainement redonner d'autres... resituer le… chacun d'entre nous qui a d'autres choses à faire que de regarder son cellulaire. Puis ces petites machines là, bien, vous le savez, sont très fortes, très puissantes, et c'est des milliardaires, des multimilliardaires qui pensent à comment entrer dans notre cerveau. Leur modèle d'affaires fait en sorte qu'ils n'ont pas le choix, il faut qu'ils captent notre attention. C'est comme ça qu'ils font de l'argent. C'est des solutions gratuites, hein? Vous le savez, quand c'est gratuit, c'est nous qui sommes le produit.

Alors, il faut vraiment redonner du pouvoir à l'individu. Il faut que chacun se reprenne en main puis qu'il fasse des choix qui lui font du bien. Puis parfois, oui, ça va faire du bien, après le travail, de faire une game de, je ne sais pas, Candy Crush, peut-être, dans votre cas, ou World of Warcraft, mais, c'est ça... ou d'écouter une série sur Netflix, mais ensuite qu'on soit capables... se reprendre en… reprendre en main un peu ce temps-là de notre journée pour qu'il soit... qu'il nous fasse du bien. C'est un peu ça, le message.

Mme Voyer (Corinne) : Au niveau de l'activité physique, ce qu'on constate, c'est qu'à la base, pour qu'un enfant ait du plaisir à être actif, il faut qu'il ait développé les habiletés motrices de base, puis, en ce moment, c'est ce qui… peut-être là où on devrait investir davantage, tant dans les...dans la petite enfance que dans les écoles, où le cours d'éducation physique, souvent, est un peu boudé ou on le sous-estime. C'est des lanceurs de ballon, mais c'est là où ils consolident toutes leurs habiletés pour devenir actifs après, dans le quotidien, donc, et découvrir le plaisir d'être actif. Parce que, si on dit au jeune : Bien, vas-y, jouer au basket dehors… Oui, mais moi, je ne suis pas capable de dribbler, je n'ai pas appris parce qu'au cours d'édu, justement, je disais que j'avais mal au ventre puis je ne participais pas. Puis, tu sais, il a tout le temps des... il a d'autres… n'importe quelle autre excuse qui fait qu'on n'arrive pas nécessairement à développer ces habiletés-là parce qu'on ne les pratique pas. Donc, je pense que c'est important d'investir sur cette compétence-là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Alors, M. Desrosiers, Mme Voyer, merci pour votre contribution à cette commission.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 28)

(Reprise à 15 h 33)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de l'Observatoire des tout-petits. Alors, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, aussi, vous présenter d'emblée, et, par la suite, on procédera à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Observatoire des tout-petits

Mme Cailliau (Julie) : Parfait. Merci beaucoup. Mme la Présidente, Mmes, MM. les commissaires, je tiens d'abord à vous remercier du temps et de l'intérêt que vous consacrez à cette commission. Cela fait déjà deux semaines que vous entendez des experts qui se succèdent à ce micro. Alors, merci de nous faire ainsi aujourd'hui une place et de faire une place aux tout-petits, les enfants de zéro à cinq ans, dont on a moins parlé jusqu'à présent en lien avec la question des écrans.

Je m'appelle Julie Cailliau, je suis directrice de l'Observatoire des tout-petits, et je suis accompagnée de ma collègue Marie-Claude Gélineau, conseillère en adaptation et transfert de connaissances.

Depuis plus de huit ans, l'observatoire communique l'état des connaissances scientifiques et de terrain afin d'éclairer la prise de décision et notamment les politiques publiques favorisant le développement de chaque tout-petit au Québec.

Il y a plus d'un an, nous amorcions des travaux sur les écrans et les tout-petits en vue de la publication d'un rapport. Publié la semaine dernière, ce rapport est le fruit d'une collaboration étroite avec des chercheurs, dont Caroline Fitzpatrick, Maude Bonenfant, Jean-François Biron et Marie-Pier Jolicoeur, des chercheurs que votre commission a d'ailleurs reçus. Nous avons aussi consulté des intervenants du terrain, comme des professionnels de services de garde éducatifs à l'enfance, du milieu scolaire et du réseau de la santé et des services sociaux, et nous partageons aujourd'hui avec vous les grandes lignes de ce rapport.

Il a été clairement établi par des témoignages précédents que la période entre zéro et cinq ans est une période clé du développement de l'enfant. Il se fait 1 million de connexions à la seconde dans le cerveau d'un tout-petit. Ces connexions s'établissent grâce aux interactions avec les personnes qui l'entourent et son environnement. Le temps passé devant un écran peut prendre la place de ces interactions favorables à son développement. La morphologie même du cerveau peut être modifiée par une trop grande exposition aux écrans. Les zones du cerveau les plus sensibles aux écrans sont celles qui sont impliquées dans le langage et les compétences émergentes en matière de lecture et d'écriture.

Selon l'Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle, la moitié d'entre eux passaient plus d'une heure par jour devant un écran durant une journée typique et 16 % d'entre eux y passaient plus de deux heures. Cette enquête révèle aussi que la proportion d'enfants de maternelle cinq ans vulnérables dans au moins une sphère de développement augmente en fonction du temps d'écran. Tous les domaines du développement peuvent être touchés par une surexposition aux écrans, qu'on pense au langage, au développement socioaffectif, au développement physique, au développement cognitif.

Attardons-nous un instant sur le développement cognitif. C'est entre zéro et cinq ans que l'enfant apprend à se concentrer, à gérer ses émotions, ses pensées, ses comportements, à emmagasiner des connaissances et à résoudre des problèmes. Les fonctions cognitives incluent la mémoire, l'attention, le raisonnement, la planification, et ce sont des prédicteurs de la réussite éducative. La réussite scolaire au primaire peut ensuite influencer le plus haut diplôme obtenu à l'âge adulte jusqu'aux perspectives d'emploi.

Or, de façon générale, une surexposition aux écrans pendant la petite enfance est associée à des compétences cognitives moins développées lors de l'entrée à la maternelle. On constate ainsi que le temps passé devant un écran en bas âge peut compromettre les fondations pour les futurs apprentissages de l'enfant et nuire à l'acquisition des compétences nécessaires à son entrée à l'école. Or, les difficultés en début de parcours scolaire peuvent être difficiles à rattraper. Notons que, depuis 2012, la proportion d'enfants de maternelle cinq ans dits vulnérables dans au moins un domaine de développement est passée de 25,6 % à 28,7 %.

Intéressons-nous maintenant aux écrans dans les différents milieux fréquentés par les tout-petits. Ils peuvent être exposés aux écrans à la maison, au service de garde éducatif à l'enfance et à l'école, et il est souvent difficile de faire le décompte du temps qu'ils y passent tout au long de la journée.

En ce qui concerne les services de garde éducatifs, les balises concernant l'utilisation des écrans sont précisées dans la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance. Elles sont claires, elles sont cohérentes dans l'ensemble des documents de référence, tels que le programme éducatif et le cadre de référence Gazelle et Potiron. Toutefois, on ne dispose d'aucune donnée sur le temps d'écran, le contexte d'utilisation ou la nature des contenus visionnés. L'exposition aux écrans n'est pas non plus considérée comme un critère dans l'évaluation de la qualité d'un service de garde.

En ce qui concerne l'école, les tout-petits de maternelle quatre ans et cinq ans peuvent être exposés aux écrans dans la classe et à l'extérieur de la classe, comme pendant les récréations ou au service de garde. Un sondage auprès de directeurs d'école effectué par l'académie de la transition numérique de l'Université Laval indique qu'en 2023 67 % des écoles publiques intégraient le numérique au préscolaire. L'utilisation des écrans en milieu scolaire pour les tout-petits n'est pas balisée, et aucune donnée sur le temps d'écran des enfants de maternelle, le contexte d'utilisation ni les contenus visionnés n'est disponible. Il n'est donc pas possible de savoir dans quelle mesure les écrans sont utilisés comme outils complémentaires d'apprentissage ou comme sources de divertissement.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler que de nombreux enjeux soulevés lors de la commission qui concernent les enfants plus âgés touchent également les plus petits. Pensons au défilement infini, aux mécanismes de jeux de hasard et d'argent, à la collecte de données personnelles pour établir un profil de joueur, à la publicité et même aux influenceurs, qui font de la publicité sans que cela soit explicite, comme du «unboxing» de jouets.

À l'utilisation des écrans par les tout-petits s'ajoute l'utilisation d'un écran par un parent en présence de son enfant. Celle-ci peut aussi avoir des répercussions sur le tout-petit, car l'adulte est alors moins disponible, aussi bien physiquement que psychologiquement. C'est ce qu'on appelle la technoférence parentale. Elle se produit lorsque la relation entre le parent et l'enfant est interrompue, même brièvement, par la présence d'un écran, par exemple, quand le parent utilise un écran quand il attend chez le médecin ou quand il consulte ses notifications.

L'Enquête québécoise sur la parentalité révèle que 20 % des parents d'enfants de cinq ans et moins sont très distraits par leur écran quand ils sont avec leur enfant. On y apprend aussi que la moitié des parents trouvent qu'ils utilisent trop leur cellulaire lorsqu'ils passent du temps avec leur enfant. La recherche a documenté la technoférence dans la perspective parent-enfant, mais on peut faire l'hypothèse que la technoférence peut se produire en présence d'autres adultes significatifs comme le personnel éducateur ou les enseignants.

Alors, nous avons jusqu'ici parlé des répercussions spécifiques des écrans sur le développement des tout-petits. Parlons maintenant des moyens d'agir sur la situation. Nous avons relevé des pistes de solution efficaces ou prometteuses dans la littérature scientifique auprès de grandes organisations de santé et des droits de la personne de même qu'auprès de chercheurs et d'acteurs de terrain. Ces pistes sont présentées à titre d'inspiration. Elles illustrent à quel point permettre aux tout-petits de grandir dans un environnement numérique sain et sécuritaire est une responsabilité partagée et que des actions peuvent être menées à différentes échelles.

• (15 h 40) •

On vous présente cinq leviers potentiels pour agir. Premier levier : sensibiliser, informer, former. Pour susciter le dialogue, les connaissances scientifiques sur l'exposition aux écrans doivent être partagées avec les personnes qui s'impliquent auprès des familles, que ce soit en service de garde éducatif, à la maternelle, dans le réseau de la santé et des services sociaux et dans le milieu communautaire.

Deuxième levier : protéger le droit des tout-petits de grandir dans un environnement numérique sain et sécuritaire. Certains pays ont déjà mis en oeuvre, par exemple, des réglementations, des codes professionnels ou des normes de conception pour mieux encadrer les entreprises numériques.

Troisième levier : favoriser l'adoption de saines habitudes de vie durant la petite enfance. Les saines habitudes de vie acquises durant la petite enfance sont plus susceptibles de se maintenir à l'âge adulte. Des environnements qui permettent aux tout-petits d'être actifs et jouer dehors peuvent contribuer à réduire la place des écrans dans leur vie.

Quatrième levier : soutenir les familles vulnérables. Les études démontrent que les enfants dont les parents font face à plus d'adversité sur les plans personnel, social et économique sont davantage exposés aux écrans. Ainsi, les politiques publiques qui offrent du soutien aux familles avec des tout-petits pourraient indirectement avoir un effet sur l'utilisation des écrans par les enfants.

Et finalement cinquième levier : soutenir la recherche et continuer de documenter la situation afin de mieux comprendre les effets des écrans sur les tout-petits et d'éclairer davantage la prise de décision quant aux stratégies et aux interventions à déployer.

En conclusion, compte tenu des connaissances actuelles, l'utilisation des écrans en bas âge comporterait plus de risques que d'avantages sur le plan du développement des tout-petits. Le principe de précaution est donc de mise quant à l'utilisation des écrans à cet âge. Nous vous invitons à prendre en compte les spécificités développementales des enfants de zéro à cinq ans dans les différentes actions qui seront posées, notamment celles pour le milieu scolaire. Considérant les impacts chez les jeunes soulevés lors de cette commission, il nous semble impératif d'agir en prévention dès la petite enfance afin de permettre aux enfants d'être tout simplement des enfants. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment, mesdames. Alors, nous allons débuter cette période d'échange, et je cède la parole à M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous deux. Merci pour votre contribution. Première question : Est-ce que, selon vous… Est-ce que les dommages causés par un écran… puis, quand je parle de dommages, vous l'avez mentionné, là, dès le début, au niveau de la mémoire, l'aspect cognitif, un jeune de... quand je dis un jeune, 0-5 ans, là… est réversible, selon vous?

Mme Cailliau (Julie) : Alors, il n'y a pas de fatalité, mais c'est sûr qu'un jeune qui arrive à l'école en étant vulnérable sur le plan du développement, il a comme une côte à remonter. Ça prend des services complémentaires aussi pour l'accompagner dans bien des situations, pas dans tous les cas, mais dans bien des situations. C'est pour ça qu'on remarque, dans la recherche, que les actions en prévention qui permettraient à un jeune d'arriver prêt à l'école pour profiter de ce que tout ce que l'école peut lui offrir sont des approches, finalement, efficaces et rentables.

M. Ciccone : Êtes-vous...

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Est-ce que je peux me permettre un petit ajout?

M. Ciccone : Oh! pardon. Oui, oui.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : On a la chance, au Québec, d'avoir des études longitudinales qui sont exceptionnelles et extrêmement utiles, dont l'enquête longitudinale du développement des enfants au Québec, qui est une enquête qui suit pendant cinq ans une cohorte d'enfants et qui suit leur développement. On va pouvoir avoir... On a intégré des questions sur les écrans dans cette nouvelle cohorte qui a débuté en 2022, ce qui fait qu'on va pouvoir voir, au niveau du développement, peut-être, ça a été quoi, les impacts, quand ils seront rendus à cinq ans, voir si une exposition très jeune, en bas âge, va avoir des expositions. Je vous invite… Il va y avoir des données qui vont sortir bientôt sur les enfants de... sur l'utilisation des écrans chez les enfants de 17 mois. Là, on vous a présenté seulement… On a des données pour les maternelles cinq ans, mais là les premières données vont sortir sur l'utilisation des écrans chez les tout-petits, le type d'écran, le type d'activité, le nombre d'heures. On va aussi questionner les parents sur leur propre utilisation. On va questionner aussi sur la technoférence. Alors là, je... J'essaie de vous titiller pour voir qu'est-ce qui va s'en venir. Puis vous allez avoir des informations aussi qui vont pouvoir vous aider à prendre des décisions. Et, bien, ça, c'est de dernière heure, parce que ça fait… On l'a appris tout dernièrement, là, mais il va aussi y avoir des questionnaires qui vont être donnés pour les éducatrices en garderie et les professeurs de maternelle. Donc, on va avoir des données pour les services de garde et les maternelles.

M. Ciccone : Merci. Je vais faire du pouce avec ce que vous venez de dire. Tantôt, vous avez dit, dans votre énoncé, que c'est difficile de savoir combien de temps que les jeunes ou les... dans le réseau de la petite enfance, passent devant les écrans. Dans une de vos recommandations, à la page 6, là, vous dites : «Limiter les écrans à une heure ou moins par jour pour les enfants d'un à cinq ans.» C'est ce que vous dites.

Maintenant, nous, comme législateurs, là, parce qu'on va devoir faire des recommandations, là, est-ce qu'on devrait obliger le réseau de la petite enfance à colliger les données, le nombre d'heures que leurs enfants… que les enfants qu'ils ont la responsabilité passent devant les écrans? Parce qu'on... Le fameux tableau de bord, il est populaire, ces temps-ci. Est-ce qu'on devrait garder un tableau de bord sur les écrans, les heures? Comme ça, ça pourrait aider à savoir combien de temps que les jeunes passent sur les écrans pour être capables de bien faire notre travail, dans le réseau de la santé, notamment.

Mme Cailliau (Julie) : Tout à fait. Donc, les recommandations qu'on rapporte dans notre rapport thématique, ce sont celles de la Société canadienne de pédiatrie : En bas de deux ans, on évite; entre deux et cinq, on limite à une heure par jour. Et les balises qui sont fixées dans les services de garde éducatifs à l'enfance par la loi, ce sont ces balises-là.

Effectivement, on manque de données sur les pratiques effectives. Et ce serait une bonne chose d'avoir davantage de données pour pouvoir agir, parce que, si on ne mesure pas, comment est-ce qu'on peut agir sur une situation si on n'est pas capables de la caractériser? Donc, effectivement, ça, c'est quelque chose qui manque. Puis, du côté du cumul du temps d'écran, pour permettre à l'ensemble des adultes qui prennent soin d'un enfant dans une journée d'avoir, ensemble, une vue claire de ce qui se passe par rapport aux écrans, effectivement, ce serait une bonne chose qu'on puisse avoir l'information du côté, par exemple, des services de garde mais aussi des écoles.

Mme Gélineau (Marie-Claude) :

M. Ciccone : Parce que... Oh! allez-y. Excusez-moi.

Mme Cailliau (Julie) : On est toujours deux.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : On est toujours deux.

M. Ciccone : Oui. Bien, je m'excuse.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Juste pour… peut-être, pour votre bénéfice, là, les recommandations en service de garde sont quand même très précises, hein, 30 minutes par jour maximum, de façon sporadique, et le sporadique, ce n'est pas de façon régulière. Écouter un film tous les vendredis après-midi, c'est de façon régulière, ce n'est pas de façon sporadique.

Donc, l'enjeu, c'est plus... Tu sais, on parlait d'un des leviers qui était au niveau de la sensibilisation, de l'information. Il y a quelque chose à faire là au niveau des services de garde. On nous a aussi dit, dans différentes consultations qu'on a eues, qu'il ne faut pas juste dire aux services de garde : N'utilisez pas des écrans, mais bien leur proposer qu'est-ce qu'ils peuvent faire sans écran. À cet égard, il y a déjà un outil qui existe, Au service de garde sans écran, qui a été financé par le ministère de la Santé, je crois, mais sous toutes réserves. Comme disait M. Desrosiers précédemment, ce sont des outils qui existent, et il faut, je pense, les faire connaître.

Il y a aussi l'effet… Je pense que c'est aussi d'ouvrir le dialogue entre les parents et les services de garde. Les services de garde peuvent être un vecteur d'information vers les parents. Les parents aussi, mieux informés, peuvent aussi s'informer auprès de leur service de garde. Donc, on est en train de travailler des normes sociales, dans une certaine mesure, présentement.

• (15 h 50) •

M. Ciccone : Suite... Dernière question, Mme la Présidente. Suite à certains témoignages, certains nous ont dit : Parfois, dans les services de garde, on va rentrer dans la facilité puis on va mettre un groupe devant un film, par exemple, de Walt Disney, et autres. Et j'ai pris le téléphone puis j'ai appelé une directrice que je connais très bien, d'un service de garde, puis j'ai dit : Toi, combien de fois, cette année, tu l'as fait? Elle a dit : Nous, on l'a fait une fois, on l'a fait une fois parce que, justement, il y avait un manque de personnel, on n'a pas eu le choix de le faire.

Mais ma question initiale, puis je reviens à ma question que je vous ai posée : Est-ce que ça aiderait le milieu si on forçait les services de garde, les centres de la petite enfance à colliger les données et les obliger à nous donner l'information de combien de temps les jeunes ont passé... Parce que ce serait pas mal plus gênant pour un service de garde, par exemple, ou un CPE de dire : Bien, nos jeunes ont passé 13 heures sur les... On ferait peut-être plus attention. Est-ce que ça éviterait peut-être de rentrer dans la facilité? Est-ce que nous, législateurs, on devrait l'obliger, ça?

Mme Cailliau (Julie) : Bien, moi, je suis assez mal à l'aise de sortir de mon rôle en émettant une recommandation aussi claire et nette. Nous, on est un observatoire et on regarde les connaissances, puis, d'après les connaissances, on voit que les écrans ne présenteraient pas d'avantage significatif dans la période de zéro à cinq ans. Donc, partant de là, effectivement, il y a toutes sortes d'approches sans écran qui peuvent être mises en oeuvre auprès des tout-petits dans les services de garde éducatifs à l'enfance.

M. Ciccone : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. D'abord, je dois dire, ça fait six ans que je suis député, et j'en ai vu, des mémoires, passer. J'étais même un rédacteur de mémoires dans mon ancien travail puis je… Le vôtre était particulièrement bien fait, sur le fond, bien sûr, mais sur la forme en particulier. J'ai vraiment aimé la forme de votre mémoire. Donc, félicitations aux personnes qui l'auront préparé.

Ma question ressemble à celle d'une intervention qui est passée un peu avant vous aujourd'hui, à savoir, vous savez, nous, on est des législateurs, d'abord et avant tout, et je n'ai pas... à moins que j'aie lu trop en diagonale, mais je n'ai pas lu de recommandation de changement législatif dans votre mémoire. Est-ce qu'il y a des éléments en particulier qui, à défaut de l'avoir précisé dans votre mémoire, ont capté votre attention dans les interventions qui ont eu lieu, là, dans les dernières semaines, sur quelque chose qu'on pourrait faire d'un point de vue législatif?

Mme Cailliau (Julie) : Ce que je peux citer qui relève davantage de la réglementation, c'est l'encadrement des entreprises numériques par rapport aux produits qui sont mis entre les mains des tout-petits. On l'a mentionné, on va trouver, dans des jeux qui sont destinés aux enfants et qui sont utilisés, et ça, des recherches le montrent, par des enfants de zéro à cinq ans des mécanismes qui s'apparentent aux jeux de hasard et d'argent. On sait, par ailleurs, qu'être exposé en jeune âge à de tels mécanismes, ça peut prédisposer ou augmenter le risque, en fait, de développer de la dépendance au jeu plus tard dans la vie. Donc, encadrer les entreprises qui mettent en marché ce genre de produits, que ce soit sur le plan de la publicité de tels mécanismes, ça, c'est une chose qui pourrait préserver les droits des tout-petits et préserver aussi leur sain développement. As-tu quelque chose à ajouter?

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Bien, je pense que non.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres questions, M. Leduc... M. le député?

Une voix : Il a dit merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Ah! O.K. Pardon, je n'avais pas... Je suis déconcentrée.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. O.K. Parfait. Alors, Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci pour la présentation. Toujours très bien fait. Et on s'est parlé il y a quelques semaines, et vous avez évoqué un élément, vous en avez parlé brièvement aujourd'hui, mais la question des jeux sur les écrans, pour ces jeunes-là, qui peuvent les mener à... bien, des... aux jeux de hasard plus tard dans leur vie. Alors, comme c'est les parents qui doivent, eux, aller accepter, approuver qu'un jeu, qu'une application soit «downloadée» sur l'appareil de leur enfant, il y avait la question de… Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une consigne pour que les parents comprennent vraiment ou puissent prendre acte de la nature du jeu qu'ils sont en train de prendre pour leurs enfants? Et vous avez mentionné qu'en Australie il y avait quelque chose qui se travaillait, et je voudrais savoir si vous pouvez élaborer à propos de ce qui se fait à cet égard.

Mme Cailliau (Julie) : Oui. Ça, c'est Marie-Claude.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Oui. En fait, bien, ça a été soulevé, là, je pense, par plusieurs des personnes qui sont venues témoigner, le problème, actuellement, c'est que les parents ne peuvent pas faire de choix éclairé. Puis vous avez… Vous avez déjà vu ça a l'air de quoi, un consentement, c'est beaucoup de mots qui se succèdent sur plusieurs écrans, alors on finit par accepter sans trop savoir qu'est-ce qu'on accepte. Donc, c'est sûr que, présentement, pour les parents, faire un choix éclairé, c'est difficile.

Donc, effectivement, on a créé un comité consultatif, un comité… une agence indépendante, en fait, qui fait… qui est constituée d'experts du développement des enfants et qui évalue, selon certains critères, la qualité des jeux. Et c'est disponible en ligne. Donc, ça favorise la prise de décision éclairée des parents. Ils savent vers quoi ils doivent aller.

Puis, quand on parlait aussi, je pense, de la législation au niveau des jeux vidéo, des entreprises... Je ne sais pas où je m'en allais avec ça, alors je vais mettre un point à ma phrase.

Une voix :

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Non, je ne sais pas. Si ça me revient, je vous ferai signe.

Mme Prass : Avec plaisir.

Mme Cailliau (Julie) : Mais on évoquait tout à l'heure, dans l'allocution, justement, les normes de conception également. Parce qu'on peut s'assurer qu'un jeu répond aux besoins d'un enfant de tel ou tel âge a posteriori, une fois qu'il a été produit, et que cette classification soit faite par des experts et non pas en fonction du marché que l'entreprise pourrait vouloir développer, par exemple, mais on peut regarder aussi, en amont, comment est-ce qu'on conçoit des produits qui sont adaptés non seulement à l'âge, mais aussi au stade de développement de l'enfant. Et, là aussi, ça nécessite de travailler avec des experts du développement et de tenir compte des besoins et des droits des enfants de grandir dans un environnement numérique sain et sécuritaire dès le début de la conception du jeu. On parle de jeux qui se retrouvent sur des plateformes, finalement. Et donc voilà qui complète… Puis je pense que ça, c'est aussi un complément de réponse à la question précédente, dans le fond, qu'est-ce qu'on peut faire sur le plan de l'encadrement réglementaire.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : J'ai retrouvé, en fait, c'était, effectivement, sur les normes de conception, où je me rappelle avoir lu une citation d'un programmeur qui a été… qui a… un concepteur de jouets et d'outils numériques, qui disait : Moi, quand je conçois un jouet, je connais très bien les normes, je sais qu'il ne faut pas qu'il y ait de petites pièces pour que l'enfant… pour limiter les risques d'étranglement, quand j'arrive à concevoir des outils technologiques pour les tout-petits, je suis... je ne connais pas les balises. Donc, il y a aussi un certain souhait, aussi, qui peut émaner de l'industrie.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Moi, j'aimerais revenir sur la technoférence. Je ne sais pas si vous avez poussé vos recherches ou vos observations aussi loin que ça, mais il y a différentes... différents styles de technoférence. Tu sais, des fois, on entend, bon, une maman qui allaite son bébé puis qui est sur son cellulaire, un papa qui promène le bébé en poussette puis qui est sur son cellulaire versus un parent qui est en train de jouer avec son enfant puis que, là, il se laisse distraire par les notifications. Mais il y a… Selon les différents degrés, est-ce qu'il y a des impacts différents d'une situation à l'autre ou...

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Je ne pourrais pas dire qu'actuellement… Dans la littérature qu'on a vue ou que les chercheurs nous ont exposée, on n'a pas vu rien de précis par rapport au moment spécifique. Mais je vous parlais de l'ELDEQ tout à l'heure. Il va y avoir des données, si les parents l'utilisent durant certaines activités spécifiques. Alors, soyons patients, ça va arriver.

Mais, au niveau des effets, les effets, ça, je ne pourrais pas parler... Votre début de question est vraiment sur l'allaitement, qui est un sujet très sensible, alors on va mettre une petite parenthèse pour celui-là, mais les effets, ça reste que ça va diminuer la sensibilité et l'attention du parent, là, que le parent soit en poussette, c'est sûr, s'il parle au téléphone, il y a peu de chances qu'il dise : Ah! as-tu vu l'avion dans le ciel? Ça fait que c'est plus l'idée qu'il est... qu'il est moins sensible, qu'il est moins... qu'il a moins d'attention, donc, aussi, il va répondre moins rapidement aux besoins de l'enfant. Il va avoir tendance à réduire les petites activités ponctuelles d'apprentissage, justement, en disant : Oh! regarde le papillon. Donc, ça joue un rôle au niveau de la sensibilité et de l'attention du parent.

Ça touche aussi l'enfant au niveau de son développement cognitif et langagier, parce que les parents ont tendance à moins parler et à faire des phrases plus courtes. Donc, ce qu'on a constaté, c'est que les enfants aussi ont une certaine difficulté, parce qu'ils apprennent... Quand on apprend le langage, ce n'est pas juste des mots, c'est aussi de décoder l'expression faciale, ce que les mots veulent dire dans différentes circonstances. Donc, les tout-petits, aussi, ils perdent cet aspect-là.

Il y a aussi les aspects de sécurité, bien sûr. On est en poussette sur un cellulaire, on traverse une rue ou, donc, au parc, on est sur un cellulaire, donc, une vigilance peut-être un petit peu moins grande qui peut affecter la sécurité du tout-petit.

La Présidente (Mme Dionne) : Je ne veux pas trop m'avancer sur vos futures données, mais est-ce que ce sera dans la prochaine année ou… Là, vous débutez les questionnaires, ce que j'ai compris.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Oui. Bien, en fait, ce n'est pas nous, c'est l'Institut de la statistique du Québec, avec qui nous collaborons de façon étroite. Merci de la question. On pourra s'informer plus précisément sur l'échéancier et revenir à la commission avec l'information.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Excusez-moi, je prenais une petite note. Alors, vous avez posé quelques-unes de mes questions, mais il m'en reste peut-être une au niveau de l'information aux parents dès la naissance de l'enfant. Parce que, dès... Tu sais, c'est un moment déjà important, puis ce n'est pas long qu'on voit, dans notre quotidien, des parents qui se promènent avec un enfant qui a une... très, très bas âge, a le téléphone cellulaire des parents, qui regarde ça, qui… Donc, est-ce que, dès que... Est-ce que ce qui est fait, à votre connaissance… ou qu'est-ce qui pourrait être fait? Parce que je ne le sais pas, honnêtement, là. Dès l'hôpital, est-ce qu'on ne devrait pas avoir un petit guide, déjà, pour informer le parent? Après, on sait, puis il y en a qui en ont parlé, il y a une infirmière, parfois, qui va se rendre... ou qui communique avec le parent. Donc, qu'est-ce qui est fait ou qu'est-ce qui devrait être fait à ce stade-là? Parce que je pense qu'il faut interpeler les parents, avec ce que vous nous avez dit, là, hein? Ça a un impact sur le langage, la lecture, l'écriture, donc, puis on sait que... bien, moi, je suis enseignante de formation, mais que le retard peut le suivre de façon assez significative pendant un certain temps, même pendant tout son parcours d'apprentissage, selon, là, l'exposition à l'écran. Donc, qu'est-ce qui est fait pour sensibiliser le parent? Puis est-ce que vous trouvez qu'on doit en faire davantage?

• (16 heures) •

Mme Cailliau (Julie) : Bien, moi, j'aime beaucoup votre question parce qu'elle permet de voir à quel point c'est une responsabilité partagée. Le levier pour agir, de sensibiliser, former, il passe par toutes sortes de professionnels qui sont au contact des parents. Puis il y a une étude que j'aime bien mentionner, qui a été faite aux États-Unis, où des infirmières ont profité des visites à domicile après une naissance… en fait, sont allées rencontrer des parents dont l'enfant était âgé entre trois mois et deux ans pour expliquer quelles étaient les répercussions d'une exposition... d'une surexposition aux écrans. Puis ce qui a été constaté dans cette étude-là, c'est que les parents qui avaient été informés avaient tendance à exposer leur enfant pour une durée moins longue et à exposer, la première fois, leur enfant plus tard dans la vie de l'enfant. Donc, c'est vraiment tangible comme résultat. Puis effectivement c'est un canal, dans le fond, pour diffuser ce type d'information qui existe déjà.

Donc, ça nous amène aussi à amener cette idée qu'il y a toutes sortes de mesures et de programmes qui existent déjà, qu'est-ce... comment est-ce qu'on peut avoir toujours cette sensibilité pour protéger le développement, pendant la période du 0-5 ans, dans chacune des interventions qu'on va faire auprès des familles de tout-petits.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Donc...

Mme Tremblay : Oui, vous alliez ajouter, allez-y.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Bien, la chance, c'est qu'on a beaucoup de contacts avec les tout-petits, avec les familles, quand les enfants sont plus petits, contrairement aux adolescents, par exemple. Donc, il y a déjà des canaux qui sont très consultés. Le guide Mieux vivre, entre autres, qui est la bible de plusieurs parents, contient des informations sur les écrans. Il y a aussi des outils, comme Naître et grandir, qui sont... qui ont un site, une application, dont leur revue est disponible de façon gratuite dans les bibliothèques, les services de garde, qui, eux, donnent aussi des conseils, Capsana, qui est venu tout à l'heure, avec Pause, qui ont des outils aussi. Donc, il y a déjà des canaux qui sont là, qui ne demandent qu'à être boostés. Et il y a aussi des programmes, Agir tôt... On pourrait intégrer, dans Agir tôt, un counseling préventif sur les écrans, dans le programme SIPPE aussi, qui visite des familles plus vulnérables. Donc, on a beaucoup, déjà, de canaux.

Et il y a aussi déjà des outils pour les professionnels de la santé, dans lesquels… La Société canadienne de pédiatrie a, entre autres, des outils qui sont disponibles pour entamer le dialogue sur les écrans avec les parents dès que les enfants sont tout petits. On peut inclure les messages préventifs dans les guides de pratique des différents professionnels, comme des optométristes, par exemple, qui pourraient faire un counseling préventif au premier examen de la vue. Alors, il y a beaucoup de canaux déjà existants qui n'attendent que l'on ajoute la petite touche écrans.

Mme Tremblay : Oui. Parce que vous avez touché Mieux vivre, mais, écoute, moi, je me rappelle, là, parce que j'ai eu mes enfants voilà un certain temps, là, mais c'était quand même un guide très épais, là, hein, je ne sais pas si c'est encore ça aujourd'hui, là, de sorte que c'est facile de passer à côté de cette information-là qui est tellement importante, tu sais, sur le développement de l'enfant. Donc, c'est pour ça que...

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Mais... Oui, puis en fait ça ramène toute cette idée d'avoir toujours... Tu sais, les écrans, ça demeure un enjeu complexe, et, à un enjeu complexe, il n'y aura jamais de solution unique. C'est des... C'est plusieurs solutions. C'est mettre en place plusieurs stratégies qui sont complémentaires, qui sont à différents niveaux, à différents paliers, dans différents milieux. Donc, il n'y aura jamais une solution unique qui permettra de régler le problème. C'est vraiment d'avoir... Quand c'est des enjeux de santé publique, on pense à... on sait où on veut s'en aller, mais c'est souvent en termes d'années. Alors, c'est... Comme on dit, on mange un éléphant une bouchée à la fois. Alors, c'est un petit peu dans cette perspective-là au niveau des écrans. Pour rejoindre les parents, un seul canal ne suffira pas, mais...

Mme Tremblay : C'est plusieurs.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : ...c'est un ensemble, oui.

Mme Tremblay : C'est de travailler différentes options.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Exactement.

Mme Tremblay : Parfait. Merci beaucoup. Très heureuse de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Ah! c'est très gentil. On est contents d'être ici.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cailliau, Mme Gélineau. C'est toujours un plaisir de vous recevoir. Comme vous savez, on se fie beaucoup à votre expertise. Je souligne aussi, comme mon collègue l'a fait, là, le travail de votre mémoire, toujours impeccable. Donc, un grand merci de nous présenter ça aujourd'hui.

J'avais une petite question par rapport à la différence entre du contenu ludique pour les enfants et du contenu plus pédagogique. En fait, nous, là, dans notre temps, on avait les Lite Brite, on avait les... — comment ça s'appelait, là? — les Etch and Sketch, là, tu sais, qui faisaient travailler notre dextérité, notre imagination. Aujourd'hui, bien, en fait, ces jeux-là sont moins accessibles. On se tourne vraiment vers les tablettes, les écrans. Donc, je pense qu'à certains égards peut-être que l'utilisation de la tablette peut quand même développer certaines habiletés chez l'enfant. Bien, tu sais, je ne suis pas une experte, là. Je pense que c'est le cas.

Donc, je voulais savoir si vous faites la différence entre le contenu qu'un jeune peut regarder, qu'un tout-petit peut regarder. Puis aussi, en âge préscolaire, est-ce que ça peut devenir un peu pédagogique? Tu sais, nos enfants, on veut qu'ils rentrent à la maternelle puis qu'ils savent déjà compter jusqu'à 10, puis on va aller chercher des outils pour les aider. Souvent, aujourd'hui, c'est des outils numériques. Donc, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Un premier point, quand on pense aux effets des écrans, on pense souvent au temps d'écran, mais d'autres intervenants vous ont parlé aussi du contenu, du contexte où on regarde l'écran. On pourrait rajouter le type d'appareil, des appareils plus petits, on a tendance à les regarder de plus près, donc c'est moins intéressant au niveau de la vision rapprochée, et l'âge de l'enfant aussi. Donc, il y a déjà ça.

C'est sûr que, si on était, par exemple, en réduction des méfaits, on dirait : Le meilleur usage d'un écran, c'est accompagné par un parent ou par un adulte significatif, où c'est du contenu de qualité, et où il y a une interaction sur le contenu avec le tout-petit. L'enjeu, c'est, effectivement : Mais comment est-ce que je détermine que c'est un produit de qualité? Ça, c'est une des petites zones grises, présentement, qu'on n'a pas nécessairement.

Alors, Julie soulevait, dans un des leviers d'action, de continuer à soutenir la recherche. On est chanceux, au Québec, parce qu'on a des chercheurs absolument chevronnés, puis vous en avez rencontré plusieurs. Donc, ce serait... Ça pourrait être, par exemple... Certains ont parlé de l'agence indépendante, puis on en a parlé tantôt, pour regarder au niveau des jeux vidéo. Bien, ça pourrait aussi être des balises que… Cette agence-là pourrait aussi, par exemple, déterminer qu'est-ce qui est du contenu éducatif et qu'est-ce qui l'est moins.

Je m'en vais ailleurs, là. Ce ne sera pas long, je vais le retrouver. Le contenu éducatif, bien, écoutez...

Mme Gendron : Vous ne fermez pas la porte au contenu pédagogique chez l'enfant.

Mme Gélineau (Marie-Claude) : En fait... Bon, le voilà. Les spécialistes, les grandes organisations de santé qui se sont prononcés disent, par exemple pour l'école, que les contenus devraient avoir une valeur pédagogique mais aussi devraient avoir une valeur ajoutée par rapport à l'enseignement traditionnel sans écran. Alors, c'est cette valeur ajoutée là qui est peut-être à déterminer, qui n'est pas encore si évidente pour l'instant, semble-t-il.

Mme Gendron : O.K. C'est intéressant. Mais vous, de base, là, vous ne faites pas la différence. Quand je vois : Le moins de deux ans, on évite, deux ans et plus, on limite, vous ne faites pas la différence entre le contenu...

Mme Gélineau (Marie-Claude) : En fait, c'est... Je veux juste être sûre que ce n'est pas nous qui faisons la différence, c'est la Société canadienne de pédiatrie. Et puis, pour l'instant, c'est qu'il n'y a pas de critère, donc c'est vraiment plus difficile.

Mme Gendron : O.K. Bien, un grand merci pour votre apport...

Mme Gélineau (Marie-Claude) : Mais ça reste que je vous dirais qu'il y a quand même une différence entre un regarder un livre, mettons, qui serait sur un écran — parce qu'il existe, là, ce type de produit — avec son tout-petit, et puis faire des voix, et puis échanger, dire : Oh! tu as vu le gros ours méchant? versus installer... qu'un enfant soit seul avec un écran à jouer à des jeux vidéo, mettons. Tu sais, on voit qu'il peut y avoir quand même une certaine différence entre les deux.

Mme Cailliau (Julie) : Si je peux me permettre, pour compléter, en réponse à votre question sur la valeur ajoutée, d'insister, en fait, sur la valeur ajoutée, la question est de savoir : Est-ce que l'écran va présenter une valeur ajoutée dans les apprentissages de l'enfant pendant cette période-là ou est-ce que... Vous preniez l'exemple, par exemple, d'apprendre à compter. Est-ce qu'on a besoin d'un écran pour le faire ou est-ce qu'on a besoin d'une boîte de cubes? C'est vraiment les besoins de développement qui peuvent nous guider par rapport aux interventions qu'on fait avec les enfants. Puis ils ont besoin de bouger, ils ont besoin d'interagir, de voir des faces humaines devant eux, d'entendre des phrases complètes. C'est de ça qu'ils ont besoin pour se développer et pour que leur cerveau puisse se connecter adéquatement. Et ça, ensuite, ce sera la base pour toutes sortes d'autres apprentissages plus tard dans leur vie.

Mme Gendron : Un grand merci pour votre apport à la commission.

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Dionne) : Comme nous qui avons appris à compter et à lire avec des livres et des doigts. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je pense que ça fait le tour des questions.

Alors, je vous remercie beaucoup, mesdames, pour votre contribution à cette commission. Vous l'avez dit tout à l'heure, enjeu complexe, mais il n'y a pas de solution simple et en fait il n'y a pas une seule solution non plus. Alors, on va continuer notre réflexion là-dessus.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 19)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, notre dernier groupe de ces presque trois semaines de consultations, alors, nous accueillons cet après-midi COSMOSS Bas-Saint-Laurent.

• (16 h 20) •

Donc, bonjour et bienvenue à vous tous. Merci de votre contribution à ces travaux. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et ensuite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.

Communauté ouverte et solidaire pour un monde
outillé, scolarisé et en santé (COSMOSS)

Mme Savard (Emma) : Mme Dionne, présidente de la commission spéciale, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir. Donc, je m'appelle Emma Savard. Je suis la directrice de la démarche de concertation COSMOSS. C'est moi qui vais vous résumer notre mémoire dans un maximum de 10 minutes. Je suis accompagnée de trois partenaires qui sont engagés au sein de notre concertation et qui pourront répondre à vos questions par la suite, donc, Mme Cynthia Morneau, qui est directrice des services éducatifs et complémentaires au centre de services scolaire du Fleuve-et-des-Lacs, dans les territoires des Basques et du Témiscouata, Mme Julie Desrosiers, qui est cheffe de services à la Direction de la santé publique du Bas-Saint-Laurent, et M. Denis Blais, qui est directeur général du centre de la petite enfance Les Calinours et également maire de Témiscouata-sur-le-Lac.

Donc, COSMOSS, c'est une démarche de concertation qui est dédiée au développement et au bien-être des enfants et des jeunes, de la grossesse à l'âge adulte. On réunit sur une base volontaire environ 250 organisations du Bas-Saint-Laurent, des réseaux scolaires, publics, municipaux, communautaires. Ces organisations-là se concertent et se coordonnent dans chacun de nos huit territoires de MRC ainsi qu'au palier régional. On fête cette année nos 20 ans de mobilisation. À partir des données disponibles sur la situation des enfants et des jeunes, à partir de leurs observations et de leurs préoccupations, nos partenaires conviennent de stratégies pour réduire les facteurs de risque et augmenter les facteurs de protection qui ont des impacts sur la santé et le développement des jeunes.

C'est depuis 2017 que notre communauté de partenaires s'est engagée dans des interventions sur la gestion du temps-écran chez les jeunes. Les actions ont débuté par l'organisation de conférences animées par des experts, tels que le Pr Amnon Suissa, qui s'adressaient aux parents et aux grands-parents afin de les sensibiliser aux enjeux liés à l'utilisation des écrans. Au fil des années, les stratégies sur le temps-écran se sont élargies dans les différents milieux de vie des jeunes, comme les services de garde éducatifs à l'enfance et les écoles. Ces dernières années, nos partenaires ont également pris soin de proposer aux jeunes des alternatives au temps passé devant les écrans en les initiant, notamment, à diverses activités en plein air. C'est avec humilité qu'on vous partage aujourd'hui notre expérience pour une saine utilisation des écrans.

En pleine période estivale, on a tenu de petits groupes de discussion pour entendre les points de vue de nos partenaires pour la préparation de notre mémoire. C'est une vingtaine de personnes qui y ont participé cet été. Certains partenaires ont même sorti de leurs vacances pour saisir cette tribune, parce que la situation actuelle nous préoccupe toutes et tous, tant professionnellement que personnellement. Nos partenaires nous ont dit observer les impacts des écrans sur la santé physique des jeunes mais aussi au niveau de leur développement psychosocial. Ils sont inquiets des impacts sur les parents, sur la qualité de la présence parentale, sur les conflits familiaux que les écrans suscitent, sans parler des cas de dépendance et de cyberintimidation, etc.

En mode solution, nos partenaires ont développé différentes initiatives. Ces initiatives sont d'abord expérimentées dans un ou deux territoires de MRC et, lorsqu'elles se révèlent porteuses, elles sont ensuite partagées puis déployées également dans nos autres territoires de MRC. C'est le cas, par exemple, pour la campagne de sensibilisation Avec nos enfants, pas d'écran, qui vise les parents des tout-petits avec des messages très simples à retenir et à mettre en pratique. Dans les différentes salles d'attente fréquentées par les familles, que ce soit chez le dentiste ou ailleurs, on trouve également des affiches qui mentionnent qu'il s'agit d'une zone sans écran, et qui laissent à la disposition des enfants et des parents des jeux simples pour passer le temps d'attente sans sortir son cellulaire.

Les milieux adhèrent aussi à la campagne nationale Pause ton écran et ils relèvent des défis à chaque année, tels qu'Adopte le 7, qui propose de réduire le temps-écran et d'augmenter plutôt le temps consacré à l'activité physique pendant sept semaines. Les écoles reçoivent aussi, lorsque le budget le permet, des intervenants des organismes... de l'organisme, pardon, Le CIEL.

Ce que l'on souhaite vous dire, aujourd'hui, à partir de notre expérience, c'est que, pour nous, l'impact des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, c'est un enjeu majeur, un enjeu de santé publique qui nécessite un travail coordonné de prévention. Il faut, selon nous, aborder ce problème de façon globale en répartissant les responsabilités entre les différents secteurs, ministères et organismes afin de provoquer un changement significatif. Le gouvernement a déjà adopté la Stratégie québécoise sur l'utilisation des écrans et la santé des jeunes 2022-2025, mais, honnêtement, personne ne semble la connaître. Par contre, la Politique gouvernementale de prévention en santé, la PGPS, est bien connue dans toutes les régions et elle mobilise déjà les différents réseaux autour de ces cibles. Son plan d'action interministériel est justement en renouvellement présentement. Pour nous, c'est clairement dans cette politique que l'exposition aux écrans doit s'inscrire.

Aussi, c'est urgent de susciter une prise de conscience de toute la population sur les effets des écrans et de leurs contenus sur la santé et le développement des jeunes. Ça prend un «wake-up call», comme on dit.

Il faut aussi outiller les parents, les grands-parents, la famille élargie et l'ensemble du personnel qui oeuvre auprès des enfants, des jeunes et des familles avec une approche non culpabilisante, positive, qui s'inscrit dans une optique d'équilibre. Pour ça, ça prend des messages clairs, qui sont faciles à retenir pour le commun des mortels et qui sont largement diffusés, comme la campagne Avec nos enfants, pas d'écran, qui dit simplement : Pas d'écran le matin au lever, ni pendant les repas, ni avant le dodo, ni seul dans la chambre. Actuellement, les messages de l'association canadienne de pédiatrie sont difficiles à saisir et à retenir pour les parents et ils sont très peu connus, d'après ce qu'on constate.

Actuellement, partout au Québec, les organismes communautaires spécialisés en dépendances interviennent dans les écoles. Chez nous, les échos du milieu scolaire sont très positifs. Les intervenants ont le tour de sensibiliser directement les jeunes. C'est une aide qui mériterait d'être maximisée pour intervenir davantage auprès des jeunes, les responsabiliser et développer leur esprit critique pour une saine gestion des écrans. Ces ressources sont déjà présentes dans nos communautés. Elles sont donc plus accessibles pour nous, et à l'année, plutôt que de devoir faire venir des ressources de Montréal.

Aussi, c'est clair, pour nous, parce que c'est dans notre ADN, que ça prend des stratégies intersectorielles qui mobilisent tous nos réseaux dans nos territoires. L'enjeu actuel est important, et ça prend l'apport de tous pour adopter de bonnes pratiques dans les milieux de vie des jeunes, que ce soit en service de garde, à l'école, dans les maisons des jeunes, en camp de jour ou dans leurs activités sportives, mais aussi pour bien rejoindre les parents et la famille élargie. En ce sens, au-delà de la démarche COSMOSS au Bas-Saint-Laurent, on trouve, depuis plus de 10 ans, les tables intersectorielles régionales en saines habitudes de vie dans toutes les régions du Québec. Ces tables-là réunissent tous les réseaux dès la petite enfance. C'est un chemin qui fonctionne déjà bien et qui nous permettrait une mobilisation assez rapide dans toutes les régions du Québec.

Enfin, c'est important pour nous d'avoir accès régulièrement à des données sur les jeunes. C'est déjà le cas pour les adolescents, mais c'est manquant pour les enfants du primaire et aussi pour les jeunes adultes, qui seront peut-être bientôt eux-mêmes parents. Les données, ça nous sert à mobiliser nos partenaires, ça encourage à passer à l'action. Puis c'est important aussi d'avoir accès aux recherches sur les impacts des écrans puis sur les meilleures stratégies à adopter pour qu'on puisse s'y référer. Voilà. Merci beaucoup. On est prêts à échanger avec vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment, Mme Savard. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous cède la parole.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Ça fait quelques fois qu'on entend parler de ce fameux défi de temps d'écran. Vous y avez fait référence dans votre présentation. J'aimerais ça comprendre en quoi ça consiste exactement, comment c'est mis en oeuvre, et, surtout, est-ce que ça donne des résultats à moyen, long terme. Est-ce que c'est juste une expérience drôle, et, après ça, on revient à nos bonnes vieilles habitudes de surconsommation d'écrans ou si vous pouvez mesurer ou percevoir un changement d'habitudes qui se perpétue à long terme?

Mme Savard (Emma) : Le défi Adopte le 7, c'est une initiative qui vient de la Matapédia. Ça dure pendant sept semaines. Ça a été préparé par une professeure en éducation physique puis ça ressemble un peu au défi Pierre Lavoie. Donc, il y a un livret qui invite les jeunes à faire sept heures d'activité physique par semaine et moins de sept heures de temps-écran dans la semaine. Donc, le temps physique puis le temps-écran est calculé chaque jour dans un petit carnet, c'est signé par les parents. Il y a des prix, ensuite, qui sont remis aux enfants, avec les écoles primaires et secondaires. Puis tout ça, ça se fait en collaboration avec les professeurs d'éducation physique des écoles. C'est une action qu'on n'a pas évaluée, mais c'est une action qui est reprise d'année en année dans la Matapédia. Donc, j'ose croire que les équipes-écoles trouvent une plus-value à participer à ce défi-là.

Mme Desrosiers (Julie) : J'ajouterais peut-être, juste en complément, Emma... M. le député, dans le fond, peut-être que vous avez entendu parler également des défis qui sont réalisés, par exemple, par la campagne Pause, au national. Ce serait vraiment intéressant, ce que vous avez nommé au niveau de l'évaluation, parce que, nous, c'est ce qui nous sert, effectivement, à mobiliser nos... l'ensemble de nos partenaires, puis ça... C'est, effectivement, à un moment dans l'année, ça sert de sensibilisation, ça accroche les jeunes, ça leur fait prendre... réaliser certaines réalités. Par contre, une fois le défi terminé, est-ce que ça fonctionne? Et est-ce que nos différents partenaires, que ce soit le milieu scolaire, que ce soient les parents, que ce soit l'ensemble des adultes signifiants autour du jeune, peuvent reprendre? Et est-ce que ça fonctionne?

Nous également, on aimerait ça avoir accès à des résultats d'évaluation. Donc, c'est une de nos recommandations aussi par rapport à ce type de campagnes nationales là soit qui sont dirigées vers les jeunes ou vers les parents, parce que c'est ce qui nous sert, justement, à mettre en place les meilleures pratiques.

• (16 h 30) •

M. Leduc : Donc, je comprends que c'est quelque chose qui existe depuis quand même déjà quelques années, qui est populaire. Les jeunes embarquent, en tout cas, c'est ce que je comprends. Ça fait que c'est comme un outil de conscientisation, mais on ne sait pas encore tout à fait si les habitudes changent. Mais ça ne veut pas dire que ça ne vaut pas la peine de le faire, là. Évidemment, si ça fait réfléchir les gens sur leur propre consommation, c'est déjà bon.

Je me rappelle, quand j'étais conseiller syndical, des fois, on commençait à voir que les... peut-être, ça obnubilait bien des dîners de groupe, tu sais, où on était supposés d'échanger sur... Il y avait une pratique qui avait commencé, de mettre son cellulaire au milieu de la table, de les empiler, puis, si quelqu'un le prenait pendant le repas, il ramassait la facture. Ça fait que ça gardait d'une tentative... des tentations d'aller voir si on n'avait pas un nouveau texto ou bien dans... Puis c'est le genre de truc que... Tu sais, c'était rigolo, puis pas une pratique, nécessairement, je pense, qui s'est maintenue dans différents milieux. Mais, si vous, vous êtes en train un peu de le perpétrer, c'est que ça... On peut quasiment l'institutionnaliser. À quelque part, on veut que ça devienne un truc que tous les jeunes vont avoir à faire comme expérience au Québec, dans les prochaines années. C'est un peu ça, l'intention.

Mme Desrosiers (Julie) : Bien, moi, je vous dirais que le plus gros défi qu'on a avec une thématique comme les écrans, c'est qu'on agit sur plein de choses en même temps. Donc, ça, c'est un défi... ça, c'est un outil, c'est-à-dire, qu'on a, ce défi-là, par exemple, qui vient toucher directement les jeunes. Ça parle dans leur vocabulaire, ça leur fait autochoisir... C'est eux qui choisissent leurs cibles, etc. Ça fonctionne, je veux dire, ils se reconnaissent dans les mots puis dans les objectifs qui sont utilisés. Par contre, en même temps, on agit dans le milieu scolaire, en même temps, on agit dans le règlement des services de garde. Donc, qu'est-ce qui a mené à quel résultat, ce serait à des chercheurs de nous le dire, effectivement, pour pouvoir vraiment déterminer quelles actions, en synergie, sont réellement efficaces, là, auprès des jeunes, mais des adultes et de l'ensemble de la population, je vous dirais.

M. Blais (Denis) : Si je peux me permettre...

M. Leduc : Bien, je vous remercie. Je dois m'excuser, je ne pourrai pas rester jusqu'à la toute fin de votre présentation, j'ai un événement à 5 heures dans ma circonscription. Puis je veux d'ailleurs remercier mes collègues de m'avoir permis de pouvoir assister à distance aujourd'hui à la fin des audiences de la commission. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : ...plaisir, M. Leduc... M. le député, pardon. M. Blais, je pense que vous vouliez rajouter quelque chose.

M. Blais (Denis) : Oui. Bien, je pense que, quand on travaille en santé publique, on est à travailler pour développer une nouvelle norme sociale. On est frappés par les impacts puis on... Je pense qu'on est devant la pointe de l'iceberg sur les impacts de l'utilisation des écrans, avec des comportements qui sont très addictifs. Puis développer une norme sociale, ça demande de l'investissement en prévention, puis qui n'est pas toujours, souvent, très mesurable, et observable, et quantifiable. Mais c'est les actions, les interventions, la multiplication des milieux qui vont mettre en place des actions de prévention qui vont faire des résultats. Prenons la cigarette dans les années 60. Aujourd'hui, bien, clairement, la norme sociale fait en sorte que les gens vont fumer à l'extérieur, n'imposent plus la consommation de cigarettes avec des collègues, en milieu de travail, au niveau des restaurants.

Donc, vraiment, les écrans, on va devoir travailler ça en équipe, en milieu scolaire, dans les CPE. La santé publique, on parle de prévention, et évidemment je pense que, malheureusement, quand on veut changer une norme sociale, ça prend du temps. Ça arrive, des fois, on est frappés rapidement par une réalité, mais on va devoir y mettre du temps et des énergies, en multipliant les partenaires qui vont vouloir s'impliquer, là, dans cette cause-là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Moi... Mme Desrosiers, on a la chance de vous avoir. Santé publique, on l'a posée souvent, cette question-là, pendant nos consultations, est-ce que c'est un enjeu de santé publique? Alors, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur ce que vous avez observé pour décréter... Parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est un enjeu de santé publique. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Desrosiers (Julie) : C'est clairement un enjeu de santé des jeunes mais des adultes également, parce que les effets sur la santé sont bien démontrés, sont bien connus, que ce soient des effets sur la santé physique, sur la santé émotionnelle, sur la dépendance, sur la reconnaissance des émotions de l'autre, la manifestation de l'empathie. Je pourrais aller très, très loin. Vous avez probablement entendu l'INSPQ en commission également.

Par contre, on a beau dire que c'est un enjeu de santé publique, la santé publique n'a pas tous les leviers. C'est l'image du... je n'aime pas ça l'utiliser, mais, parlant de l'image du motton de spaghetti, là, on est clairement face à un enjeu où on est tous responsables, à quelque part. On doit tous également s'engager. On ne peut pas dire : Ah! bien, on va réglementer uniquement dans les écoles, puis ça va régler la situation. Ce serait utopique de penser ça, parce que, dans le fond, c'est... C'est partout, dans le fond. On utilise nos cellulaires partout. Puis ce n'est pas... On ne parle pas juste des cellulaires, là, mais de l'ensemble des écrans, ici.

Et puis c'est certain qu'on est plusieurs partenaires à avoir des responsabilités. Puis agir auprès des jeunes et être parent, ce sont des... ce sont des privilèges, hein, avoir un emploi dans la fonction publique, comme on a tous, ce sont des privilèges. Être parent est un privilège. Mais chaque privilège s'accompagne de responsabilités, puis notre responsabilité d'adultes modèles, notre responsabilité de transmettre également cette notion de risque là, comme on l'a transmise… Mon collègue Denis Blais disait... parlait, justement, du tabagisme dans les années 60, mais on pourrait référer à plusieurs autres problématiques de santé. Cette prise de conscience là, je pense que les jeunes, quand on les écoute, ils en sont conscients, mais ils n'ont pas tous les leviers non plus, là. Ils sont... Ils ont conscience des impacts, même, sur leur santé, quand on les questionne. Par contre, les leviers ne sont pas uniquement dans la santé, là.

Donc, pour faire bref, à votre question, oui, c'est une problématique, c'est un enjeu majeur de santé puis c'est... de là notre recommandation, aussi, de l'inclure dans la Politique gouvernementale de prévention en santé, qui est gouvernementale, qui touche l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux, et autres. Et, par contre, on va se tenir tous la main puis on va agir ensemble à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Dionne) : On en avait parlé, il y a une concertation à avoir. Puis vous parliez de Pause tout à l'heure, puis on a eu Capsana en auditions, puis, oui, c'est une belle campagne, mais, quand on regarde qui est au courant, là, on s'aperçoit que… je pense que, c'est ça, ce n'est pas tant connu.

Moi, je connais bien vos initiatives parce que, bon, vous êtes dans ma circonscription, mais je pense aussi… On se posait beaucoup de questions sur la réalité urbaine versus la ruralité, versus les petites régions. Tu sais, COSMOSS est là depuis 20 ans. C'est quand même 250 partenaires qui se concertent, qui gravitent autour des jeunes, de la naissance jusqu'à l'âge adulte. Alors, pensez-vous que ça, c'est une... ça peut être un secret de succès pour, justement, promouvoir les initiatives comme... dont vous parliez tout à l'heure, puis que ça fonctionne, puis que les gens soient au courant?

Mme Savard (Emma) : Bien oui, nous, on y croit. Puis il y a des concertations dans toutes les régions du Québec. Agir de façon concertée, ça permet d'avoir des messages puis une approche qui sont cohérents. Peu importe où l'enfant ou le parent va dans son quotidien, dans les différents milieux de vie, quand c'est toujours le même message, la même approche, on est persuadés que c'est beaucoup plus puissant, là. Donc, quand les milieux de vie se concertent, décident ensemble d'agir sur un enjeu, conviennent de stratégies, bien là, toutes les forces sont réunies et puis... Bien, je crois que c'est aussi valable en milieu urbain qu'en milieu rural, là. Ce sont toutes les mêmes organisations qu'on retrouve d'une région à l'autre, tous les mêmes réseaux.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Fin de journée, fin de... Grosse semaine. Écoutez, mes questions ont, en partie, été abordées par mes collègues, puis vous avez donné des éléments de réponse, mais je comprends que vous avez un modèle de concertation assez élaboré dans votre milieu depuis... vous parlez d'une vingtaine d'années déjà, si ma mémoire est bonne. On s'entend pour dire que les écrans… Je ne sais pas si c'était dans votre... dans votre mission dès le départ ou ça s'est ajouté chemin faisant. J'imagine que c'est arrivé chemin faisant. Parlez-nous, là, des bénéfices de votre approche. Parce que je comprends qu'en agissant sur plusieurs niveaux, à différentes, aussi, étapes de la vie de nos jeunes… Quel est le bénéfice pour la société québécoise? Puis est-ce que vous croyez que ce modèle-là devrait être mieux encouragé, mieux diffusé, mieux intégré dans nos milieux? Parce que je pense que, vraiment, vous avez touché des points qu'on entend parler depuis, quoi, deux semaines sur un ensemble d'éléments qui touchent nos petits, nos tout-petits, nos plus jeunes, nos ados, même nos adultes.

Puis on s'entend pour dire que plus on avance, nous, dans nos travaux, plus c'est clair que — en tout cas, dans mon esprit — on est devant un cas de santé publique. Puis on est devant une situation qui évolue rapidement, pour laquelle la recherche n'est pas toujours... ne suit pas nécessairement à la même vitesse, mais on a quand même un corpus documentaire intéressant sur lequel on peut baser déjà, je pense, des prises de décision qui vont avoir un impact, là, pour la suite des choses.

Mais parlez-nous du bénéfice de votre modèle, puis en quoi on aurait avantage à mieux le diffuser sur l'ensemble du territoire québécois.

• (16 h 40) •

M. Blais (Denis) : Bien, si je peux... Si je peux me permettre, M. le député, la concertation qu'on a en place dans le Bas-Saint-Laurent depuis, bon, une vingtaine d'années, la force, c'est de... oui, la concertation, mais aussi de mettre en action des actions particulières, des actions précises qui sont partagées par l'ensemble des partenaires.

Donc, quand on présente, par exemple… On a des tables qui sont sectorielles, donc les neuf mois à cinq ans, par exemple, sur laquelle je fais partie. On a... On a les jeunes qui vont au niveau scolaire, primaire, secondaire, puis on a les jeunes adultes d'insertion socioprofessionnelle, entre autres, et les outils. Les problématiques qu'on vit dans ces divers milieux là, entre autres en lien avec le temps d'écran, évoluent dans le temps, mais chaque... chaque niveau est interpelé. Donc, que ce soit le niveau scolaire... Nous, en service de garde, la petite enfance, déjà, on a des impacts là-dessus. Et, quand on se concerte, tout le monde ensemble, puis on met des actions concrètes, puis on met des outils aussi qui sont... qui sont définis… Donc, parfois, la concertation est centrée sur des discussions, comment on peut partager, puis, après ça, on retourne chacun dans nos approches, un peu en forme de... en silo. Notre concertation, chez nous, c'est qu'on travaille vraiment ensemble, avec des actions concrètes. On a mentionné, tout à l'heure, notre action en petite enfance Avec nos enfants, pas d'écran, qui est démarrée ici, au Témiscouata, avec le COSMOSS aussi de la Matapédia. Bien, c'est une action qui a été reprise par le Conseil québécois des services éducatifs à la petite enfance à la grandeur du Québec.

Donc, tu sais, on se développe, dans notre… je pense, dans notre concertation COSMOSS, au Bas-Saint-Laurent, une fierté de mettre des actions concrètes. Et je pense que, depuis une vingtaine d'années, force est d'admettre qu'on a réussi à proposer, je pense, à notre population différentes actions qui ont porté des fruits. Mais, comme on l'a mentionné, on travaille vraiment dans une problématique de santé publique, et chaque petit pas est important, et c'est la somme de ces petits pas là, à un moment donné, qui va faire en sorte, dans quelques années, qu'on va pouvoir dire : Bien, on a réussi à avancer puis à régler, en tout cas, une partie, si ce n'est l'entièreté du problème, une partie du problème des temps d'écran. Parce que les impacts sont vraiment importants présentement dans les familles.

Je vous donne un exemple. En petite enfance, les problèmes de langage qui sont de plus en plus présents, problèmes d'anxiété, donc... Puis on fait des liens très directement avec les temps d'écran.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme Morneau, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Morneau (Cynthia) : Oui. Bien, j'étais au même point que M. Blais, en fait, en disant que le sentiment qui se dégage, c'est énormément de fierté par rapport à cette concertation-là. Parce qu'en fait la base de tout ça, c'est de développer un langage commun du fait que… Quand on s'assoit ensemble dans les différents chantiers, sur les différentes tables de concertation, une des choses... des premières choses qu'on fait, c'est de développer ce langage-là puis de mettre en place des plans d'action ensemble. Donc, ce n'est pas le plan d'action du scolaire qui débarque chez COSMOSS, ce n'est pas le plan COSMOSS qui débarque dans le scolaire, on le construit ensemble, on le réfléchit ensemble. Puis c'est ce que... C'est ce qui donne énormément de sens à nos actions. Au fil du temps, les gens y croient, parce que ça s'est fait, justement, pendant plusieurs années puis que ça s'est construit, cette concertation-là. Donc, je pense que c'est un grand levier. Oui, vous dites que c'est un enjeu de santé publique, mais l'antidote, c'est vraiment la concertation. Dans notre cas, on en est très fiers.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Monsieur... Oui, Mme Desrosiers. Oui.

Mme Desrosiers (Julie) : Oui. Bien, un autre point fort aussi que je rajouterais, puis dont on n'a pas fait écho encore, c'est l'écoute des parents et l'écoute des besoins des jeunes aussi. Comme partenaire institutionnel, communautaire, on a l'habitude de travailler en concertation. Par contre, bien souvent, nos partenaires vont retourner écouter leurs jeunes à la Maison des jeunes, poser des questions, etc. Puis c'est ces propos-là, c'est à partir de ce matériel-là qu'on va travailler également, parce qu'il faut absolument que ce soit ancré dans la réalité. Et, si on arrive avec des actions plutôt moralisatrices, coercitives, etc., bien, on fait face à des échecs puis on n'y arrivera pas. Donc, nous, ça part des groupes prénataux, au début de la grossesse, où la sensibilisation est là, puis où on prend les parents où ils sont, puis c'est en questionnant puis en validant également nos actions auprès des parents et auprès des jeunes qu'on choisit les meilleurs exemples pour notre milieu.

La Présidente (Mme Dionne) : ...oui, M. le député.

M. Sainte-Croix : Bien, Mme la Présidente, vous me permettez, moi... Permettez-moi de saluer vos actions. C'est facile, c'est facile à dire, travailler ensemble puis arriver à des solutions concrètes, mais sortir de nos silos puis avoir des résultats comme vous avez depuis plus de 20 ans, moi, je vous dis bravo.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Je tiens, d'entrée de jeu, à vous dire que, lors du début de nos travaux, quand nous étions en train de choisir les groupes... Je tiens à dire que Mme la Présidente n'avait que de bons mots pour vous. Elle vous a vantés comme ça ne se peut pas. Et je tiens à vous dire que vous avez une alliée de taille ici, à l'Assemblée nationale. C'est important pour moi de vous le dire.

Ceci dit, en tant qu'organisation, vous estimez qu'il est plus efficace de développer l'esprit critique des jeunes face aux technologies plutôt que d'imposer des mesures restrictives. Il faut... On a entendu des groupes, là. Puis là il y a plusieurs niveaux, hein, il y a plusieurs niveaux puis aussi... de problématiques. Puis, quand je regarde à la page 8, vous mentionnez les mécanismes de dépendance. Est-ce qu'à un moment donné il faut être plus restrictifs quand on est, rendus, justement dans la problématique de dépendance?

M. Blais (Denis) : Bien, déjà, déjà, le ministère de la Famille, au niveau de la petite enfance, des 0-5 ans, dans notre réglementation, on a maintenant de la réglementation qui interdit l'usage de tablettes ou d'écrans au niveau des 0-2 ans, au niveau des CPE, entre autres, puis des milieux familiaux. Ça fait que c'est sûr que ça, ça a été clairement démontré, à différentes études, l'importance de protéger la jeune enfance, là, les petits, les tout-petits au niveau de l'utilisation des écrans.

Maintenant, quand on vieillit en âge, bien, c'est sûr qu'à un moment donné, bon, notre réglementation suggère maximum une heure, là, de temps d'écran par jour, mais ça, ça inclut les différents milieux, ce qui fait en sorte que, par exemple, nous autres, en installation, en milieu de garde, on dit : Bien, une heure, là, pour les trois à cinq ans, qui peut être considérée comme une pratique correcte, donc, c'est sûr que ça ne peut pas être chez nous, parce qu'on sait qu'il y en a à la maison.

Donc, je pense que ça, c'est aidant pour nos milieux. Parce qu'on le mentionnait tout à l'heure, il y a des choses intéressantes qui sont sur les médias sociaux, sur les ordinateurs, les tablettes, etc., donc, il y a du matériel intéressant, mais on doit absolument... En tout cas, moi, je suis très heureux, au niveau du ministère de la Famille, de cette règle-là.

Maintenant, je laisserai mes collègues parler au niveau de l'approche plus au niveau secondaire, primaire. Mais, oui, effectivement, il faut qu'il y ait de l'éducation, parce que l'approche restrictive va engendrer d'autres réalités aussi. Mais je laisserai mes collègues répondre à ce niveau-là.

Mme Morneau (Cynthia) : Parfait. Mais je suis d'accord avec ce que tu apportes, Denis. En fait, au niveau... Quand on est avec des tout-petits, évidemment, d'avoir un cadre, d'être vraiment dans l'éducation, d'être plus... en fait, de décider pour eux, ça fonctionne bien. Quand on vieillit, quand on se retrouve avec des adolescents à qui on tente d'imposer un cadre, ce qu'on constate, c'est que ça n'a pas nécessairement toujours les effets escomptés.

Je ferais le parallèle un petit peu avec la politique-cadre des saines habitudes de vie de 2007, dans laquelle on a, tout d'un coup, banni des écoles les poutines, les bonbons, les boissons sucrées. À ce moment-là, ce qui s'est passé dans nos écoles, c'est qu'elles se sont vidées sur l'heure du midi. On a perdu nos élèves, qui sont allés dans les dépanneurs, dans les restaurants consommer autre chose. Parce que les adolescents sont en mesure de faire des choix aussi. Donc, ce qu'on veut éviter, nous, dans ce cas-ci, c'est, justement, de vider nos écoles le midi, parce que les enfants vont aller utiliser le réseau à la maison, les appareils à la maison. On veut les garder avec nous. On veut proposer une offre qui va être plus intéressante, qui va faire que, le midi, ils vont rester à l'école, vivre des activités parascolaires, être avec les adultes qui sont signifiants pour eux. Donc, on est vraiment dans cette optique-là.

Donc, oui, effectivement, il y a, à certains moments, un cadre à mettre, mais, quand on travaille avec une clientèle d'adolescents, il faut aussi être conscients qu'ils font des choix puis qu'il faut être un petit peu stratégique, là, dans tout ça puis tenter de les garder avec nous en étant plus vendeurs que le cellulaire sur l'heure du midi. Je sais que c'est un bon défi, mais on est capables de le faire.

• (16 h 50) •

M. Ciccone : Merci beaucoup. Je vais tenter mon coup avec vous, parce que j'ai posé la question au groupe précédent puis j'ai vu qu'ils étaient peut-être un petit peu mal à l'aise de répondre à cette question-là. Mais là je vois qu'il y a des représentants des centres de la petite enfance, des établissements scolaires également. Est-ce qu'on devrait, nous, comme législateurs, là, comme société, vous obliger à colliger le temps d'écran chez les étudiants? Par exemple, est-ce qu'une enseignante devrait dire : Bien, moi, cette semaine, il y a eu tant d'heures que j'ai fait passer mes élèves sur les écrans? Puis ça peut être différent, là, de groupe... Puis, même dans les CPE, services de garde également, plusieurs groupes nous ont dit : Parfois, on rentre dans la facilité, on va mettre des enfants devant des films parce que, tu sais, on n'a pas nécessairement le temps de le faire aussi, de leur faire faire des activités, manque de personnel. Mais est-ce qu'on devrait, justement, obliger les établissements à nous donner, chaque semaine, le temps d'écran passé? Comme ça, nous, à la maison, comme parents, bien, on est capables peut-être de juger.

M. Blais (Denis) : Bien, moi, je n'aurai pas de malaise à répondre à cette question-là, M. Ciccone. Dans notre milieu de CPE, quant à moi, l'approche, c'est zéro, zéro temps d'écran. C'est sûr que je ne vous cacherai pas qu'à l'occasion, dans le temps des fêtes, en période particulière, on va avoir l'écoute d'un film sur un écran, mais là je pense qu'on est ailleurs. Mais, en petite enfance, déjà, c'est déjà le cas dans nos installations, chez nous, au Témiscouata, l'utilisation des écrans. Je ne sens pas le besoin nécessairement de faire un rapport aux parents, parce que, pour nous, chez nous, c'est pratiquement nul, l'utilisation des écrans. Donc, je pense que ça peut être une bonne chose intéressante. Maintenant, voir comment on peut valider puis vérifier tout ça, là…

Mais moi, je pense que, comme ma collègue Cynthia le mentionnait tout à l'heure, quand on est avec des 0-5 ans, on est aux étapes de développement les plus importantes de leur vie. Donc, au niveau des habitudes, donc, pour moi, c'est clair que l'approche zéro temps d'écran en installation puis même en milieu familial aussi… Il n'y a aucune justification qui peut amener ça, de la perte... de manque de personnel ou de temps. C'est vraiment une approche, là, qui est à préconiser dans les services de garde.

Mme Morneau (Cynthia) : De notre côté, ce n'est pas... En fait, ce n'est pas un souhait. Ce n'est pas quelque chose qu'on trouverait nécessaire non plus. Je dirais plutôt que ce qu'on souhaite, c'est avoir du temps avec nos... avec notre personnel, avoir les moyens de les soutenir, au niveau pédagogique, pour que ce soient des choix qui soient faits, qui deviennent des leviers d'apprentissage. Donc, c'est sûr que le... Moi, je reviens au fait que, oui, on peut... on peut mettre un certain cadre puis, dans ce cadre-là, travailler avec notre personnel pour qu'on fasse des choix qui soutiennent l'apprentissage, qui fassent de nos élèves des citoyens numériques prudents, mais de là à dire que ce serait souhaitable d'en faire un rapport… Je crois que, de notre côté, ce ne serait pas... ce ne serait pas nécessaire puis en fait ce ne serait pas souhaitable, là, tout simplement.

M. Ciccone : En terminant… Je vous pose cette question-là parce que, depuis le début, ce qu'on entend, c'est que, justement... c'est comment on va... qu'est-ce qu'on considère le temps d'écran. Parce que le temps d'écran, c'est le matin à la maison, c'est dans l'autobus, après ça, c'est à l'école, par la suite, on revient dans l'autobus, on revient à la maison, le soir, quand on est dans le sous-sol à jouer à des jeux vidéo, puis c'est là qu'à un moment donné on perd le contrôle puis on s'aperçoit qu'à la fin de la semaine, bien, le jeune a passé 40, peut-être même 50 heures sur des écrans. Ça fait que, moi, c'était une question pour savoir comment est-ce qu'on est capables, tu sais, de dire... de savoir, à un moment donné, woups! c'est assez, là, il en a assez eu. C'est qu'avec notre téléphone cellulaire on est capables d'aller voir combien de temps on a passé sur notre téléphone et sur différentes plateformes, là. Mais ma question était là.

Je comprends qu'on n'est pas sortis du bois, là, ce n'est pas facile, puis je comprends aussi que vous demander des rapports de plus dans votre réseau, ce serait quand même insensible de le faire à ce moment-ci, parce que vous en avez plein les bras, là, mais c'était une question de savoir comment est-ce que... qu'est-ce que vous pensiez de ça.

Mme Morneau (Cynthia) : Si je peux me permettre d'ajouter, on travaille vraiment... C'est un grand chantier dans nos écoles, l'autodétermination des élèves. Donc, on travaille énormément à ce qu'ils prennent conscience des choix qu'ils font, qu'ils soient en mesure, oui, avec leurs cellulaires, d'aller vérifier eux-mêmes : Combien de temps j'ai passé aujourd'hui sur mon écran? Puis est-que... Est-ce que j'ai dépassé une certaine limite? Est-ce que... Donc, c'est vraiment... La priorité, c'est de travailler là-dessus avec nos élèves, plus que de venir nous-mêmes faire état de ça puis calculer les heures, là. On n'en serait pas là. Mais je comprends bien votre question. Merci.

M. Ciccone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Justement, on a... On termine les consultations en auditions publiques aujourd'hui, mais on a deux semaines de tournée en novembre pour aller à la rencontre des jeunes. Donc, une question comme ça : Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont nous dire sur leur consommation d'écrans?

Mme Morneau (Cynthia) : Je vais y aller. Moi, je pense d'ailleurs... Ah! bien, Julie, j'y vais rapidement. Je pense que les élèves vont être très, très honnêtes avec vous, qu'ils sont assez conscients des enjeux qui les touchent en lien avec les écrans. Puis je laisse la parole à Julie, mais vous serez la bienvenue, certainement, Mme Dionne, dans nos écoles. J'ai entendu parler de ça cette semaine, justement, puis c'est une très bonne nouvelle.

Mme Desrosiers (Julie) : C'est sûr que c'est très variable, effectivement, selon le stade de développement de l'enfant. Tu sais, on voit apparaître les écrans de plus en plus tôt. Puis, quand on parle des enfants de quatrième, cinquième, sixième année, leur jugement critique versus ceux de 14, 15 ans ne sera pas le même. Puis, souvent, ils ont de la difficulté, des fois, même, à mettre des mots puis à s'évaluer de façon suffisamment critique pour comprendre que... même s'ils voient un chiffre, un nombre d'heures, etc. Donc, il faut, au contraire... Tout à l'heure, on parlait de dépendance, là, mais c'est parce qu'aussi c'est que, si l'enfant n'a pas d'autre chose à faire en échange de l'écran, bien, puis que c'est le jouet le plus facile, pour dire quelque chose, en arrivant de l'école, bien, c'est certain que ça va demeurer en place.

Donc, je ne suis pas sûre que vous allez entendre la même chose des enfants un petit peu plus jeunes que des plus vieux, qui, effectivement, sont très critiques et très conscients de ceci mais trouvent très difficile, dans les derniers... L'an passé, les pourcentages sont très élevés, des jeunes qui disent qu'ils ne sont pas capables de réaliser l'ensemble de leurs tâches à l'école à cause des écrans, qu'ils n'ont pas un bon sommeil à cause de l'écran. Ils sont capables de le dire eux-mêmes. Puis là on est dans l'autodéclaration, donc c'est même probablement sous-estimé, à cause du biais de désirabilité sociale qu'on... parce qu'ils veulent bien paraître aussi. C'est un sondage national, mais c'est des données très importantes pour nous, parce que c'est la voix des jeunes, qu'on réalise année après année depuis deux ans, là. Puis les jeunes, les adolescents, en tout cas, du secondaire, sont très conscients, vous allez le voir. Ça, c'est certain.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions, d'autres interventions? Alors, merci beaucoup pour votre contribution à ces travaux. Alors, vous étiez notre dernier groupe.

Donc, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne...

Une voix : ...

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Excusez-moi. Avant de lever la séance, je dois procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Alors, sur ce, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au mercredi 2 octobre, à 7 h 15, où elle se réunira en séance de travail. Donc, merci beaucoup à vous. Au revoir.

(Fin de la séance à 16 h 58)

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