Journal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
jeudi 19 septembre 2024
-
Vol. 47 N° 5
Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-neuf minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission... je déclare la séance ouverte, ayant constaté le quorum.
Avant de débuter, est-ce qu'il y a
consentement pour aller un peu au-delà de l'heure prévue, je vous dirais, un
maximum de 10 minutes?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Consentement.
Parfait. Merci beaucoup.
Alors, la commission spéciale est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques
sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le
développement de nos jeunes.
Donc, Mme la secrétaire, il y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Donc, nous entendrons, cet avant-midi, le Centre canadien de protection
de l'enfance, la docteure Magali Dufour, psychologue et professeure agréée,
Département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal.
Alors, d'entrée de jeu, nous entendrons M.
René Morin du Centre canadien de protection de l'enfance. Donc, M. Morin, je
vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre
exposé, et suite à cela, nous aurons une période d'échange avec les membres de
la commission. Donc, je vous cède la parole.
(Visioconférence)
M. Morin (René) : Très bien.
Rebonjour, Mme la Présidente et distingués membres de la commission. Je veux
tout d'abord vous remercier d'avoir invité le Centre canadien de protection de
l'enfance à témoigner devant vous ce matin.
• (11 h 30) •
Notre organisation est active depuis plus
de 30 ans dans la lutte contre l'exploitation et les abus sexuels d'enfants
sur Internet. Notre siège social est à Winnipeg, et nous avons tissé au fil des
ans des collaborations fructueuses avec des corps de police et des organismes
partout au Canada et bien sûr au Québec, où nous avons entre autres un
partenariat solide avec la Sûreté du Québec.
(Interruption) Pardon. Le Centre canadien
de protection de l'enfance mène divers programmes et initiatives à l'échelle
pancanadienne, dont l'une des plus connues est peut-être cyberaide.ca, la
Centrale canadienne de signalement des cas d'exploitation, d'abus sexuels d'enfants
sur Internet. Des signalements comme ça, cyberaide.ca en traite autour de 3 000
par mois. Nous gérons aussi Projet Arachnid, un outil qui parcourt le web
visible et le web clandestin à la recherche d'images d'abus pédosexuels connus
et qui envoient des demandes de suppression aux entités qui les hébergent.
Quatorze pays participent à cette initiative. À ce jour, Projet Arachnid a traité
plus de 160 milliards d'images. Nous envoyons en moyenne 840 000 demandes
de suppression d'images par mois à quelque 1 400 hébergeurs dans plus
d'une centaine de pays.
Ça vous donne une petite idée du volume de
matériel pédopornographique en circulation dans l'espace numérique. Et on ne
parle ici que d'images connues. De nouvelles images sont mises en circulation
par milliers tous les jours, et la démocratisation de l'intelligence
artificielle n'annonce rien de bon pour la suite des choses. J'y reviendrai
plus loin.
Je vais laisser à d'autres intervenants le
soin de se prononcer sur des enjeux comme le temps d'écran et la publicité
destinée aux enfants. Mon intervention portera plutôt sur les enjeux qui
touchent directement les champs d'activité de notre organisation comme la
distribution non consensuelle d'images intimes, le leurre d'enfants, la
sextorsion et les hypertrucages.
Commençons par la distribution non
consensuelle d'images intimes. Ici, les jeunes sont très souvent victimes de leurs
pairs. Statistique Canada nous apprend d'ailleurs que 97 % des victimes
sont âgées de 12 à 17 ans et que 90 % des accusés sont eux aussi âgés
de 12 à 17 ans.
Je vais vous citer ici un cas qui nous a
été signalé à travers cyberaide.ca. C'est le cas d'une jeune fille qui s'était
fait filmer à son insu dans une cabine de toilette à son école. La vidéo a été
partagée à d'autres élèves dans un groupe de messagerie fermé. L'école a mené
une intervention éducative que nous avons accompagnée. La diffusion de la vidéo
a été maîtrisée. La vidéo elle-même a été supprimée des téléphones des élèves
impliqués. Les comptes en cause ont été signalés, et la vidéo a été versée dans
Projet Arachnid pour en faciliter la suppression au cas où elle referait
surface.
Cet exemple illustre comment des
situations de ce genre peuvent être prises en charge au niveau de l'école. Du
point de vue légal, la distribution non consensuelle d'images intimes relève du
système de justice pénale, mais ce n'est pas l'idéal lorsque les protagonistes
sont des personnes mineures. Par manque de ressources, les forces policières
arrivent à peine à traiter 10 % des cas, et la protection de l'enfance n'y
peut pas grand-chose non plus puisque ça n'entre pas dans son mandat. On
préconise donc des interventions...
11 h 30 (version non révisée)
M. Morin (René) : ...préconise
donc des interventions éducatives où les écoles ont un rôle à jouer puisqu'elles
sont bien placées pour soutenir les victimes et intervenir auprès des élèves
qui mettent les images en circulation. La déjudiciarisation est souvent la voie
à préconiser. Et les cas de distribution non consensuels d'images intimes ne
sont pas à prendre à la légère parce qu'ils peuvent avoir des répercussions
durables sur les victimes. D'ailleurs, on ne compte plus les victimes qui sont
allées jusqu'à s'enlever la vie pour échapper à la honte. Ça s'est vu au Québec
et ailleurs au Canada. Évidemment. C'est le genre de sujet qu'on aimerait voir
intégré dans les cursus scolaires avec des protocoles d'intervention
appropriés. Parlons maintenant du leurre d'enfants à des fins sexuelles. Ce
phénomène atteint des sommets jamais vus. De 2016 à 2023, les signalements de
leurre à cyberaide.ca ont augmenté de 2 640 %. C'est extrêmement
élevé, j'en conviens, mais on sait très bien que la réalité est encore pire que
ça, puisque les infractions sexuelles souvent ne sont signalées... ne sont pas
signalées aux autorités, et encore moins lorsque la victime est adolescente.
Cette montée fulgurante du leurre d'enfant à des fins sexuelles devrait
inquiéter tout le monde. La réalité, c'est que les plateformes de médias
sociaux offrent aux individus mal intentionnés un accès direct et sans entrave
à nos enfants 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Par exemple, dans la
dernière année, on a vu un cas où un Américain de 41 ans a communiqué pendant
plus d'un an avec une jeune Canadienne de 13 ans. Durant cette période, il a
traversé la frontière à trois reprises pour venir la voir. La troisième fois,
il l'a enlevée et il a réussi à traverser la frontière avec la jeune fille
enfermée dans le coffre de son véhicule. La fille a été portée disparue dans
plus d'une semaine, mais heureusement, elle a été retrouvée et des accusations
ont été déposées contre l'individu. Il ne faudrait pas pour autant penser que
les individus qui se livrent à cette pratique sont nécessairement des étrangers
pour leurs jeunes victimes, car vous avez de plus en plus de cas où la personne
accusée et la victime ont un rapport de proximité dans la vraie vie. Par
exemple, nous avons relevé de nombreux cas impliquant des membres du personnel
enseignant ou encore des adultes, de l'entourage de l'enfant ou des membres de
sa parenté. J'en profite pour glisser un mot sur l'encadrement des appareils
numériques à l'école. Je ne m'étendrai pas longuement sur le sujet faute de
temps, mais sachez que nous sommes au fait de nombreux cas de leurre et de
sextorsions où les parents ayant découvert que leur enfant s'est fait prendre
au piège ont pris des mesures pour couper la communication entre l'enfant et le
prédateur. Le problème, c'est quand l'enfant reprend contact avec le prédateur
à l'école, avec les appareils que l'école met à sa disposition. Sur la
sextorsion, je peux vous dire que c'est encore là un phénomène qui ne cesse de
prendre de l'expansion. Au point où nous recevons actuellement une moyenne de 10
signalements de sextorsion par jour, et ce, depuis plus d'un an. On ne saurait
trop insister sur les ravages de la sextorsion chez les jeunes qui se
retrouvent parfois sous l'emprise de leur sextorqueur pendant des mois, voire
des années. Encore ici, les pires cas aboutissent malheureusement à des
suicides. Revenons maintenant à l'intelligence artificielle. On est ici en
présence d'un phénomène nouveau, bien sûr, mais déjà au cours de la dernière
année, nos analystes ont traité plus de 4 000 images sexuellement
explicites qui mettent en scène des enfants et qui ont été générées à l'aide de
l'intelligence artificielle. Dans certains cas, ces images ont été produites
par d'autres enfants à l'aide d'outils de ludification par intelligence
artificielle. La technologie permettant de créer de telles images est désormais
facile d'accès pour le public et pour les jeunes. Interrogez Google et vous
trouverez facilement en quelques minutes une dizaine de ces outils de
ludification dont certains sont gratuits. Ces images hyper truquées ont beau
être fausses, elles affectent quand même les victimes de la même manière que si
elles étaient vraies. Elles sont souvent utilisées pour exploiter et harceler
les victimes, qui sont bien souvent féminines. On voit aussi des cas où ces
images sont utilisées à des fins de sextorsion. Dans les derniers mois, de
nombreuses écoles se sont adressées à nous par rapport à des problématiques de
ce genre avec leurs élèves. Il y a ici un parallèle à faire avec les débuts de
la problématique du sextage vers le milieu des années 2010 où les écoles
étaient carrément prises au dépourvu, tout comme les corps de police. L'histoire
se répète aujourd'hui avec l'intelligence artificielle et les hypertrucages. Du
point de vue réglementaire, il n'y a pas encore beaucoup d'encadrement sur
cette nouvelle forme de cyberviolence sexuelle qui n'a pas fini de faire des
remous. Au minimum, les instances concernées pourraient publier des énoncés de
position sur le sujet et les écoles pourraient moderniser leur politique
numérique en conséquence et intégrer un...
M. Morin (René) : ...le sujet
dans leur cursus.
J'arrive à la fin de mon intervention et
je vous dirais que la réalité, c'est qu'une bonne partie des problèmes dont
j'ai traité se produisent sur des plateformes que nos enfants utilisent tous
les jours, et souvent plusieurs heures par jour. Dans un monde idéal, les
opérateurs de ces plateformes auraient à cœur la sécurité de leurs jeunes
utilisateurs et agiraient en conséquence. C'est ce qu'on a toujours attendu
d'eux depuis qu'Internet existe. Mais les données et les situations que je vous
ai présentées ne laissent aucun doute, l'autoréglementation ne fonctionne tout
simplement pas. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir pour réglementer
les plateformes numériques et non les laisser poser les balises elles-mêmes.
De nombreux gouvernements ont déjà pris
des mesures assez musclées à cet égard, et on pourrait s'en inspirer. On peut
regarder du côté du Royaume-Uni, de l'Australie ou encore de la Commission
européenne. Qu'est-ce que les provinces peuvent faire à leur niveau? Il y a
certainement des choses à clarifier entre ce qui relève du fédéral et ce qui
relève des provinces. En principe, tout ce qui concerne les télécommunications
relève du fédéral, mais les provinces ne manquent pas d'outils pour agir à leur
niveau, on peut penser aux lois sur la protection du consommateur, après tout,
on parle ici d'entreprises qui offrent des services et qui ont des devoirs de
diligence. Il y a aussi les lois sur la protection de l'enfance, la protection
des données, la protection de la vie privée, l'enregistrement des entreprises,
et j'en passe. Ces lois sont autant de leviers que les provinces peuvent
utiliser pour assujettir les acteurs du numérique à des règles qui permettront
de mieux protéger les enfants. Du côté...
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. Morin. On a... On a écoulé le 10 minutes. Alors, on va... si vous le
permettez, on va commencer la période d'échange de questions, alors vous
pourrez poursuivre à ce moment-là avec l'ensemble des membres. Donc, nous
allons débuter cette période d'échange avec Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci de votre présentation. C'est un aspect auquel on n'a pas
encore touché, donc très intéressant d'entendre... et très inquiétant
d'entendre les chiffres que vous mettez de l'avant également.
Quand on parle de l'exploitation des
enfants, malheureusement, comme vous en avez fait le portrait, les réseaux
sociaux dans les dernières années, c'est vraiment là qu'ils sont le plus
vulnérable, et comme vous avez mentionné aussi, surtout quand ils connaissent
la personne. Quand ce n'est pas quelqu'un qui vient faire du «catfishing» ou
quoi que ce soit, ça rend les choses encore plus difficiles. Vous avez
mentionné quelque chose qui est... quelques éléments pour lesquels les écoles
et le gouvernement pourraient mettre des gestes de l'avant, de la
sensibilisation, c'est sûr. Mais réellement, est-ce qu'il y a quelque chose
qu'on peut demander du côté des géants des réseaux sociaux pour mettre en place
pour mieux protéger nos jeunes? Parce que c'est une responsabilité partagée
avec eux également.
M. Morin (René) : Oui, bien sûr.
Et ça, c'est un message qu'on martèle depuis très, très, très longtemps. En
fait, les opérateurs de plateformes numériques ont un rôle à jouer. Vous savez,
on les a laissés aller depuis toutes ces années à s'autoréglementer, on voit
bien, comme je l'ai mentionné, que ça ne fonctionne pas. Je pense qu'on est
rendus au point où c'est aux gouvernements d'intervenir pour leur mettre des
balises. Ces entreprises vont essayer de dicter les règles du jeu. Regardez par
exemple hier ou avant-hier, Instagram est arrivé pour essayer de bien paraître,
parce qu'aux États-Unis, on s'apprête à entendre un débat sur un projet de loi
pour mieux protéger les enfants. Instagram, dans ce contexte-là, s'est hâté de
présenter toutes sortes de mesures qui, à notre avis, sont des mesures plutôt
cosmétiques ou des choses qui existaient déjà, et dans l'espoir finalement de
dorer un petit peu la pilule et faire en sorte que ça va mieux passer. Mais, au
fond, ce n'est pas à ces entreprises-là de dicter les règles du jeu. C'est plutôt
aux gouvernements d'arriver et de leur dire comment faire fonctionner les
plateformes, leurs plateformes, dans le but de mieux protéger les enfants. On
peut penser par exemple à des systèmes de vérification ou de confirmation de
l'âge, comme ça commence déjà à se faire dans quelques États américains et dans
quelques pays également. Je pense que tôt ou tard, il faudra se tourner vers ce
genre de solutions au Canada pour justement s'assurer que les jeunes ont accès
à du contenu qu'ils peuvent voir, mais aussi faire en sorte que leur accès à
des sites ou à des plateformes qui pourraient leur causer préjudice sera
contrôlé.
Donc, quelque part, ça va passer par des
mesures de contrôle et de vérification d'âge. Il ne faut pas compter sur les
entreprises de médias sociaux pour faire ce travail-là. On ne va quand même pas
demander aux entreprises des médias sociaux de valider l'identité de leurs
utilisateurs à l'aide de... je ne sais pas, moi, d'un passeport ou d'une carte
de crédit ou quoi que ce soit. C'est des renseignements personnels qu'il vaut
mieux mettre les mains entre les gouvernements, qui vont avoir à mettre en
place ce genre de mesures là... d'avoir les défenseurs de la vie privée qui
vont... qui vont arriver et qui vont mettre en cause...
M. Morin (René) : ...qui vont
mettre en cause ce genre de pratiques là. Mais il y a des modèles qui existent
où on peut mettre en place ce genre de procédures de vérification d'âge sans
pour autant compromettre la vie privée des utilisateurs.
Mme Prass : Mais avec la
réalité des VPN, nous, ce qu'on... moi, ce que j'entends quand je parle surtout
avec des jeunes, c'est que c'est très facile de surpasser ces mesures-là
justement avec un VPN. Donc, est-ce qu'il y a... avez-vous d'autres suggestions
justement pour faire la vérification de l'âge ou de l'identité de la personne?
Parce que ça semble qu'il y a déjà une façon de surmonter cet enjeu-là.
M. Morin (René) : Il y a des
modèles qui ont été mis en place. Si vous regardez du côté de la France, je crois,
c'est le Conseil national de recherche, si je ne m'abuse, qui a présenté un
modèle qui fonctionne à partir de jetons numériques. Donc, évidemment,
l'échange d'information fait en sorte qu'il n'y a pas, finalement... que... on
passe par un intermédiaire pour faire valider, pour procéder à la vérification
de l'âge, mais l'entité qui fournit le service, que ce soit un site web ou une
plateforme numérique ou autre, n'a pas accès à ces informations-là. Elle n'a
accès qu'aux résultats de la vérification. Ce qu'on cherche à savoir, c'est
est-ce que cette personne-là a, oui ou non, l'âge requis, et ça ne va pas plus
loin que ça. La vérification est faite par un tiers.
Mme Prass : Et ma dernière
question. Vous avez parlé de la suppression d'images de nature sexuelle, et un
grand nombre que vous voyez à chaque mois de demandes de suppression. Est-ce
que les géants du web du numérique, est-ce qu'ils agissent à temps? Est-ce que
vous trouvez qu'ils se traînent les pieds? Est-ce qu'il y a quelque chose, justement,
avec l'intelligence artificielle, qu'ils pourraient mettre en place pour
détecter ces images, pour qu'ils puissent les... faire la suppression même
avant qu'on le réalise ou on fasse la demande?
M. Morin (René) : Vous
soulevez des points très intéressants. Je vous dirais que, de notre côté, avec
Projet Arachnid, je vous ai donné les chiffres tout à l'heure, on découvre une
tonne de ces images quotidiennement. On en voit énormément, de suppressions. On
a mesuré le taux d'efficacité de nos... de suppression, on est à peu près à
50 % dans un horizon de 24 h. Donc la technologie fonctionne. Est-ce
que ça fonctionne pour tout le monde, absolument pas. Parce que vous avez
effectivement des opérateurs récalcitrants qui vont par exemple mettre plusieurs
jours avant de retirer les images qu'on leur demande de retirer, vous en avez
d'autres qui vont contester... toutes sortes de raisons, la validité de nos
demandes. Et on va plus loin que ça, il n'y a pas que les images d'abus sexuels
connus qu'on cherche à faire retirer, mais on cherche à faire retirer également
des images qui peuvent porter préjudice à l'enfant. Par exemple, je ne sais
pas, moi, une vidéo d'une jeune fille qui va subir une agression sexuelle à la
caméra. La vidéo, elle peut s'ouvrir sur des images de cette jeune fille qui
sera vêtue d'une robe, ce ne sont pas à proprement parler jusque-là des images
qui sont illégales, mais on sait très bien ce qui va se passer après. Et on ne
veut pas que ces images-là, qui font partie finalement de la même séquence
vidéo, si vous voulez, continuent de circuler sur Internet, parce que cela
porte préjudice justement à la jeune victime, à son intégrité, à sa dignité.
Donc, il y a encore du travail à faire, et
c'est là où on aura justement besoin de lois pour forcer les opérateurs de
plateformes en ligne à agir dans un délai très rapide à toute... vis-à-vis
toute demande de suppression. En France, par exemple, ce délai-là est de
24 h. On laisse 24 h aux opérateurs de plateformes pour retirer les
images après qu'on leur a... qu'on leur a demandé la suppression.
Mme Prass : Merci beaucoup.
M. Morin (René) : Je vous en
prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Oui. Bonjour.
Merci beaucoup, M. Morin, d'être là. Puis, d'entrée de jeu, je veux vous
remercier d'agir pour nos enfants, pour nos jeunes.
Parce qu'en fait les données que vous
avez... vous nous avez partagées sont troublantes. Pour moi, elles le sont,
merci de nous en informer. Mais une des données qui m'a accrochée, là, je ne
sais pas si vous avez dit 96 % ou 97 %, en fait, des situations de
sextorsion, et tout ça, sont, proviennent de gens qui connaissent les victimes.
Est-ce que c'est bien ça que vous avez dit?
M. Morin (René) : Oui. En
fait, je parlais plutôt de la diffusion non consensuelle d'images intimes où
97 % des victimes sont âgées de 12 à 17 ans, mais 90 % des
accusés ont le même âge. Donc, c'est un... c'est une problématique, la
distribution consensuelle des images intimes, qui se déroule beaucoup entre
pairs, entre jeunes du même âge.
Mme Gendron : Compte tenu de
cette information-là, je comprends que les réseaux sociaux sont importants pour
que les jeunes communiquent, et tout ça, quelles mesures... vous êtes bien au
fait, là, de...
Mme Gendron : ...dans quelle
mesure vous êtes bien au fait de toutes les mesures qui peuvent être prises au
niveau technologique. Je comprends que vous voulez agir au niveau des grandes
entreprises telles que Meta. Par contre, on le sait que c'est pas facile de
leur... de leur obliger de changer leurs méthodes. Mais n'y a-t-il pas une
action qui peut être prise à la maison dans un cadre scolaire qui pourrait
diminuer ce risque-là?
M. Morin (René) : Vous avez,
et c'est une mesure qui peut être appliquée autant sur les serveurs des écoles
que sur les serveurs des grandes entreprises. Il existe à l'heure actuelle un
certain nombre de technologies de filtrage proactif ou réactif. Donc, on parle
beaucoup ici d'images qui sont connues, qui sont connues parce qu'elles ont été
mises en circulation depuis un certain temps. Elles sont connues par nous parce
qu'elles nous ont été signalées. Elles sont connues par les forces policières.
Toutes ces données-là sont mises en commun à travers des bases de données qui
relèvent de la GRC, d'Interpol, la Sûreté du Québec. On a accès à tout ça et
donc on prélève les empreintes numériques des images en circulation pour en
détecter la présence sur Internet. La technologie Projet Arachnid fonctionne
comme ça et on a développé nous-mêmes et d'autres l'ont fait également,
développer des technologies qui vont justement rechercher de façon proactive
des images qui correspondent à ces signatures, à ces empreintes numériques,
dans le but de les intercepter. On ne comprend pas, nous par ailleurs, pourquoi
des images connues continuent de réapparaître sur différentes plateformes, des
mois, parfois des années, même après leur suppression. Il n'y a pas de raison
pourquoi ces images-là devraient continuer de réapparaître tout le temps,
puisque les technologies existent pour les intercepter, vous voyez. Donc,
quelque part un levier que la loi pourrait avoir, ce serait d'obliger justement
tous les acteurs à utiliser ce genre de technologie de filtrage proactif
d'images connues.
• (11 h 50) •
Mme Gendron : J'imagine que
le frein à l'utilisation de cette technologie-là est probablement justement la
méconnaissance de ces produits-là, mais également le coût rattaché à cette
technologie.
M. Morin (René) : En fait
non, je ne crois pas. Ces solutions-là sont connues et je ne vous parle pas de
solutions qui sont révolutionnaires, hein? Ça existe depuis plusieurs années et
le coût de mise en œuvre est vraiment marginal. Je pense qu'il n'y a pas de
raison pourquoi telle ou telle entité devrait se priver de mettre en place ces
technologies- là, d'autant plus qu'elles sont bien souvent gratuites, en tout
cas celles que nous on distribue à travers le Centre canadien de protection de
l'enfance. Elle est mise gratuitement à la disposition des opérateurs qui
veulent s'en servir. Donc, il n'y a pas vraiment de bonne raison pour ne pas
utiliser cette technologie-là qui pourrait justement permettre d'intercepter la
quasi-totalité des emails connus.
Mme Gendron : Merci. En
terminant, une dernière petite question : Est-ce que vous suggérez un âge
d'accès justement au numérique et tout ça? Est-ce que dans votre quotidien,
vous trouvez que ce serait, ça serait une bonne chose?
M. Morin (René) : Bien,
évidemment, je ne vais pas me prononcer sur cette question-là. Je pense que
vous aurez d'autres intervenants à la commission qui ont des opinions très,
très, très claires là-dessus, avec des données pour le prouver. Donc, je
préfère laisser d'autres personnes se prononcer à ce sujet-là.
Mme Gendron : Merci, M.
Morin.
M. Morin (René) : Je vous en
prie.
La Présidente (Mme Dionne) :
Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Alors, je vais revenir sur ce qui se passe un petit peu dans les écoles. J'y ai
passé quand même 17 ans. J'ai bien vu les effets d'image distribuées, là, non
consensuelles. Puis justement, entre des jeunes souvent qui ont sensiblement le
même âge puis qui parfois se connaissent, parfois se connaissent moins. Mais ça
a passé par l'entremise d'amis puis en tout cas. Bref, vous, vous avez sûrement
vu toutes ces situations-là. Vous avez parlé rapidement, là, ça a été rapide
puis c'est pour ça que je vous ramène sur le sujet : les écoles peuvent
agir en modifiant, bon, leurs politiques, en modifiant. Qu'est-ce que... Vous
avez sûrement des modèles d'école, là, qu'il y a... qui agissent bien dans ce
dossier-là, qui sont des bons modèles, qu'est-ce qu'ils font, eux, pour
prévenir justement, là, toute la distribution de ces images-là, puis après ça,
pour bien, quand ça se produit, parce que, malheureusement, ça se produit de
façon assez fréquente, de ce qu'on comprend, dans nos écoles. Donc, qu'est-ce
qu'ils font en amont, puis une fois que ça arrive, c'est quoi, eux autres, leur
façon de gérer, de bien gérer, là, cette situation-là?
M. Morin (René) : Oui, tout à
fait. Pour l'étape un, vous savez, quand cette problématique-là a commencé à
émerger et on recule là au milieu des années 2010, comme je le mentionnais tout
à l'heure, à l'époque, les écoles étaient carrément dépourvues face au problème
et dépassées par l'ampleur que ça a prise très, très, très rapidement...
M. Morin (René) : ...en
réaction, on a développé des guides qu'on distribue dans les écoles
gratuitement, qu'on peut télécharger sur le site du Centre canadien de
protection de l'enfance. C'est un phénomène qu'on a appelé l'autoexploitation
juvénile, donc... des jeunes par les jeunes. C'est un peu ce qui se passe.
C'est un peu la réalité que vous avez décrite et que vous avez connue dans vos
années dans le milieu scolaire. Donc, c'est un guide qui vraiment prend les
écoles par la main et leur propose une démarche pour agir dans ce genre de
situation là, dans le meilleur intérêt des victimes, mais aussi vis-à-vis de la
personne qui a mis les images en circulation. Donc, c'est une approche qui est
utilisée un peu partout au Canada maintenant et dont on a fait la promotion,
là, également dans les écoles au Québec. On sait qu'un certain nombre d'écoles
l'utilisent également. Donc, c'est certainement une approche, là, qui permet de
gérer ce genre de situation là assez rapidement, assez efficacement, et avant
que ça dérape. Parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, en théorie,
c'est... ça relève du système de justice pénale, mais est-ce qu'on va vraiment
criminaliser ou aller jusqu'à criminaliser des... je ne sais pas, moi, un jeune
couple dont les images intimes ont été mises en circulation, allez savoir
pourquoi. Mais c'est le genre de situation qui nécessite une approche qui est
différente, c'est pour ça que je parlais tout à l'heure d'une démarche
éducative, d'une démarche de déjudiciarisation. C'est ce qui... C'est ce qui
donne les meilleurs résultats au bout du compte.
Mme Tremblay : Effectivement.
Je parlais à une policière justement, là, parce qu'on a la police communautaire
ici, là, qui sont dans les écoles chez nous au Québec, et elle disait que
justement, on essaie de déjudiciariser. Mais jusqu'à quel point on doit le
faire, de laisser cette chance-là aux jeunes? Est-ce qu'on doit évaluer chaque
situation, où nécessairement on ne va pas vers la... déjudiciarisation?
Excusez-moi. Alors... a été difficile. Alors, elle est où, la ligne,
finalement, pour... de peut-être, comme on pourrait dire, entre guillemets,
de... bien, tu sais, oui, il y a l'éducation, mais à un moment donné, jusqu'à
quel point, quand c'est très grave? ...(panne de son)... une ligne à quelque
part?
M. Morin (René) : ...bonne
question. Oui, oui, tout à fait. Je sais très bien où vous allez avec ça.
Écoutez, je pense qu'il faut faire une distinction entre les situations qu'on a
devant nous, est-ce qu'on est en présence, par exemple, d'images qui ont été
prises dans l'intimité d'un couple de façon consensuelle et qui se sont mises à
circuler en dehors du cadre de l'intimité de ce jeune couple là ou alors est-ce
qu'on est en présence d'une situation où vous avez, je ne sais pas, moi, un
groupe de jeunes garçons qui ont réussi à mettre la main, par différents
moyens, sur des images intimes de telle ou telle jeune fille à l'école, et qui
s'en servent pour la harceler de façon carrément malintentionnée. Vous voyez,
il y a vraiment une différence à faire entre ces deux situations qui sont
carrément aux opposées l'une de l'autre. Et je pense que dans le second cas que
j'ai exposé, ça nécessiterait peut-être une approche... une approche plus
rigoureuse et plus musclée, là, on s'entend, parce qu'il y a eu... ça a été
fait à des fins malveillantes. Ce n'est pas toujours le cas.
Mme Tremblay : Et puis vous
parlez des... vous avez parlé des compagnies puis... avec ma collègue ici, en
face, donc, qui disait, bon, bien... bon, il y a un délai, tu sais, puis des
fois, ça peut prendre plusieurs jours chez certains opérateurs. J'imagine, les
opérateurs, ils ne sont pas tous ici, au Canada. Est-ce que ça, c'est un enjeu,
le fait qu'ils ne soient pas... que leur siège social, qu'il ne soit pas ici
situé? Est-ce que ça, c'est un enjeu ...(panne de son)...
M. Morin (René) : ...toujours
un enjeu. Ce n'est pas facile à gérer. Ça fait partie de la réalité de ce
qu'Internet est devenu. Souvenez-vous, hein, on a beaucoup parlé, par exemple,
de Pornhub il n'y a pas si longtemps. Pornhub a son siège au Québec, a des
serveurs dans différents pays prétend que son siège social est aux Pays-Bas. Ça
devient problématique à un moment donné de savoir sous quel régime législatif
telle ou telle entreprise Internet est gérée. Il reste que plusieurs de ces
entreprises-là, justement, ont des serveurs dans différents pays ou à tout le
moins des clients, des utilisateurs dans différents pays, donc il faudra, je
pense, à un moment donné, faire l'exercice de clarifier justement les lois
qu'on a en la matière pour être en mesure de sévir au besoin contre des
entreprises récalcitrantes qui offrent leurs services à nos citoyens et qui ont
des utilisateurs dans notre pays.
Mme Tremblay : Dernière
question. Je reviens sur les systèmes, là, de filtrage que vous dites qu'on
peut installer, que vous pouvez même fournir...
Mme Tremblay : ...que vous
pouvez même fournir gratuitement. Alors, au niveau, nous, chez nous, des
centres de services scolaires, ça devrait être quelque chose qui devrait être
installé sur l'ensemble de notre réseau scolaire finalement, si ce n'est pas
déjà fait. Est-ce que vous avez... vous savez si c'est installé sur... dans les
écoles au Québec? Puis est-ce qu'on devrait le faire de façon systématique?
M. Morin (René) : Je ne
pourrais pas vous le dire. Je ne sais pas, je ne suis pas au courant des écoles
québécoises qui pourraient utiliser ce genre de technologie là. Il y en a
peut-être qui le font, en tout cas, je l'espère. Mais, en fait, là où ces
images se retrouvent souvent et là où les jeunes vont aller les chercher, c'est
sur les plateformes qu'ils vont fréquenter et c'est sur les Facebook, c'est sur
les Instagram. Et l'autre enjeu dont on va devoir s'occuper à un moment donné,
c'est celui du chiffrement de bout en bout. Parce que, de plus en plus, ces
plateformes-là vont chercher à chiffrer les communications entre utilisateurs
de telle manière qu'on va les soustraire au regard des autorités. Pour
Facebook, pour Instagram, pour Meta, entre autres, c'est une manière justement
d'échapper au fait que, pendant plusieurs années, elles avaient à signaler des
images par centaines de milliers à l'entité américaine qui s'occupe de ça.
Maintenant, comme les communications sont chiffrées, bien, toutes ces images-là
passent sous le radar mais continuent quand même d'être échangées, vous voyez.
Donc, c'est un autre enjeu dont on va devoir s'occuper à un moment ou l'autre.
Mme Tremblay : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en
prie.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Permettez-moi de vous remercier de participer aux travaux de
notre commission.
Meta nous parle de nouveaux mécanismes
qu'il souhaite mettre en place. À la lumière des réponses que vous avez données
à mes collègues de D'Arcy-McGee et de Châteauguay, est-ce que c'est de la
poudre aux yeux, selon vous?
M. Morin (René) : Vous m'avez
entendu rire. C'est un peu la réaction qu'on a eue, hier ou avant-hier,
lorsqu'on a pris connaissance de ces nouvelles mesures qui ont été mises en
avant par Instagram, n'est-ce pas? Bon. On sait qu'Instagram est une plateforme
qui est utilisée quotidiennement par un adolescent sur deux aux États-Unis,
c'est probablement à peu près la même chose au Canada. Maintenant, Instagram va
vous dire : On met ces mesures-là de l'avant parce qu'on a entendu les
parents, on veut travailler avec les parents pour mieux protéger les enfants.
Mais, au fond, ces mesures-là, c'est des mesures qu'on demande depuis plus de
20 ans. Et c'est maintenant parce qu'Instagram va être appelée à être
auditionnée, là, de façon imminente dans le contexte du développement d'un
projet de loi aux États-Unis pour mieux protéger les enfants, donc c'est...
c'est une question de timing. Ils ont choisi de sortir ces mesures-là juste
avant les auditions, vous voyez un petit peu.
Et ça revient à ce que je disais tout à
l'heure. Est-ce qu'on doit laisser à ces entreprises-là le soin de dicter les
règles du jeu ou est-ce que ce ne serait pas aux autorités de le faire pour
elles? C'est un peu ce qu'on voit ici. Et, si vous regardez un petit peu
comment ça se passe, on parle d'Instagram, Instagram qui a mis ces mesures-là
de l'avant, mais Instagram, ça relève de Meta, qui a aussi Facebook, qui a
aussi WhatsApp. Alors, pourquoi ces mêmes mesures là ne sont pas déployées
également sur Facebook et sur WhatsApp? Pourquoi ces mesures-là sont déployées
seulement dans des pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni,
l'Australie, la Commission européenne, dans les pays qui justement, ont entrepris
des démarches juridiques envers Instagram? Pourquoi Instagram ne déploie pas
ces mesures-là aussi dans tous les pays, vous voyez? Donc, il y a vraiment...
On fait, comme on dit en bon français, du «cherry picking» ici, là. On déploie
des mesures où on pense que c'est nécessaire, et ailleurs, ça continue de
fonctionner comme ça fonctionnait avant.
Maintenant, il y aura tout le... toute la
question du fait que ces mesures-là peuvent être facilement contournées par les
enfants. Comment on va faire pour s'assurer que, si on veut limiter l'accès de
telle ou telle application aux enfants de tel ou tel groupe d'âge, comment on
va faire pour contrôler justement l'âge des enfants, les empêcher de mentir sur
leur âge? Ou, si on soumet le compte de l'entant au contrôle parental, bien,
comment on va faire en sorte que l'enfant ne va pas tout simplement ouvrir un
autre compte en prétendant être âgé de 20 ans au lieu de 13 ans pour
contourner justement le regard de ses parents? Ce sont toutes des questions qui
ne sont pas claires pour l'instant, et qu'on devra regarder beaucoup plus
attentivement. Mais merci d'avoir posé la question.
M. St-Louis : Vous avez parlé
de pédosexualité puis de suppression d'images qui...
12 h (version non révisée)
M. St-Louis : ...suppression d'images
qui... puis qui rebondissent quelques semaines, quelques mois, voire même
quelques années plus tard. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce d'abysse avec le
dark web où est-ce que même tous les législateurs de la planète pourraient être
dupés? Ou en tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Morin (René) : Ce n'est
pas facile on s'entend. Le dark web, vous le savez, c'est un repère pour les
consommateurs, les amateurs, les producteurs de matériel pédopornographique.
Pourquoi? Parce que justement, c'est un espace où ils peuvent échanger entre
eux, former des communautés dans l'anonymat le plus complet pour les forces
policières. Ça crée des difficultés considérables. C'est très, très, très
difficile de pourchasser des individus sur le web clandestin. Il faut arriver
par toutes sortes de moyens à les faire sortir de là pour être en mesure de
capturer leur adresse IP et éventuellement savoir où ils sont et leur mettre le
grappin dessus. Donc pour les enquêteurs, ce n'est pas évident. Ça suppose
techniques d'enquête qui ne sont pas faciles, qui sont complexes. C'est pour ça
que ça prend du temps. Et le problème, c'est que plus on tarde à agir, plus les
images circulent et plus l'enfant qui est mis en scène dans ces images-là subit
un préjudice de plus en plus grand. Ce n'est pas facile, mais vous savez, la
technologie évolue comparativement à ce qu'on avait il y a quelques années, on
est rendu vraiment ailleurs. Tout ce qu'on fait sur Internet finit tôt ou tard
par laisser des traces. Et ce sont ces traces-là qui vont finir par mener les
enquêteurs aux consommateurs et les acteurs de ce genre de matériel.
M. St-Louis : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en
prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M.. On a des discussions ici sur la tentative, peut-être
de vouloir resserrer ou du moins interdire certaines particularités des réseaux
sociaux. On a parlé, mettons, interdire le bouton J'aime, interdire le
démarrage automatique des vidéos, les notifications push, les
microtransactions. Bref, il y a beaucoup de choses à dire, mais à chaque fois
qu'on parle de ça, il y a toujours une certaine réaction que je pense tout à
fait normale de dire : Oui, mais c'est possible. C'est un géant
international. Des fois, c'est comme si c'était sur Internet, c'était bien
tangible, il y avait comme une pogne qu'on ne pourrait pas avoir comme État.
Mais vous, pensez- vous qu'on peut faire ça? Qu'on peut interdire des notions
particulières des réseaux sociaux qui ne pourraient pas fonctionner sur le
territoire québécois?
M. Morin (René) : Ces
entreprises-là vont souvent agir sous la pression et il y a différents moyens d'exercer
de la pression sur eux ou sur elles pour qu'elles agissent. Prenez par exemple
on parlait des mesures que Instagram est en train de déployer. Une chose qu'on
réclame depuis très longtemps et qui vient d'être annoncée justement, c'est le
fait que les profils soient privés par défaut donc, votre profil d'enfant de 13
ans, ne sera accessible qu'aux personnes à qui vous aurez choisi de partager
vos informations. Ce n'était pas comme ça avant, les profils étaient publics
par défaut, maintenant ils seront privés par défaut, comme je l'ai mentionné
tout à l'heure. Pas partout dans le monde, dans certains pays, mais c'est déjà
le début de quelque chose. Donc, pourquoi Instagram a décidé maintenant de
faire ça? Bien, c'est qu'Instagram commençait à sentir la soupe chaude avec
toute la pression qui est exercée sur Meta par toutes les entreprises qui
entament des procédures judiciaires à son égard. Donc, c'est un exemple que je
vous donne. C'est possible de mettre en place des mesures, mais ces
entreprises-là ne vont pas toujours le faire de plein gré ou par leur bon
vouloir. Elles doivent quelque part sentir une certaine pression pour agir.
M. Leduc : Elles doivent
respecter la loi et si ça devient la loi, c'est la fin de la discussion.
M. Morin (René) : ...oui. C'est
exactement ce qu'il faut faire.
M. Leduc : En ce sens-là, les
gens qui sont passés avant vous d'Option Consommateurs proposaient de rajouter
dans la Loi sur l'accès aux renseignements personnels, peut-être que ce n'est
pas le titre exact, mais la notion de l'intérêt supérieur de l'enfant qui
donnerait à la Commission d'accès à l'information le pouvoir de juger des
plaintes, mais donc si tel ou tel aspect ou modalité d'un ou d'un autre réseau
social est compatible avec l'intérêt supérieur de l'enfant. Je donne l'exemple
du bouton J'aime, par exemple, et que ça serait donc une commission d'experts
qui sont nommés aux deux tiers par la Chambre, ici, à l'Assemblée nationale,
donc, avec quand même une légitimité de la classe politique, est-ce que c'est
une procédure qui vous semblerait intéressante ou est-ce que vous en avez une
autre en tête que vous pourriez nous suggérer?
M. Morin (René) : C'est une
procédure qui certainement mérite d'être étudiée. Comme je le mentionnais tout
à l'heure, ce n'est pas toujours évident de voir jusqu'où les provinces peuvent
aller...
M. Morin (René) : ...et
qu'est-ce qui relève plutôt de la compétence du fédéral. On sait que toutes ces
entreprises-là, de médias sociaux, de technologie, de télécommunications,
finalement, les télécoms, ça relève du fédéral. Néanmoins, au provincial, des
lois comme celles que vous avez mentionnées au niveau de la protection du
consommateur peuvent certainement être examinées de plus près à la lumière de
ces enjeux-là pour justement mieux protéger les enfants. Parce que, comme je le
mentionnais tout à l'heure dans mon intervention, après tout, on parle ici
d'entreprises qui offrent des services à des utilisateurs qui sont nos
concitoyens, donc on pense qu'effectivement la Loi sur la protection du
consommateur est certainement une bonne piste, là, à explorer dans un sens.
M. Leduc : Merci.
M. Morin (René) : Je vous en
prie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Morin, d'être présent avec nous aujourd'hui pour
aborder un sujet quand même délicat et important, je pense, pour la société,
pour nos jeunes principalement, mais aussi pour l'ensemble, là, de la société.
Puis merci aussi, comme le disait ma collègue, d'agir au niveau de la
protection de nos enfants.
C'est quand même troublant, ce que vous
nous avez apporté comme contexte d'information ce matin sur le phénomène, la
présence du phénomène puis ce que je qualifierais aussi de malheureusement, là,
pour les fins de la discussion, de potentiel de croissance. J'en réfère à la
pédosexualité. Clairement, l'autorégulation n'est pas la voie à suivre.
C'est... Ça apparaît assez clairement dans votre propos. Clairement, la
pédosexualité a un potentiel de croissance incroyable. On le voit avec les
données que vous nous avez présentées ce matin. Clairement, l'évolution
technologique, et là j'en réfère à l'intelligence artificielle, amène un autre
cade. Et je m'explique. Les enfants ne sont plus exposés uniquement à des
images réelles, mais on fabrique des images de nos enfants en situation
vulnérable.
• (12 h 10) •
Considérant la rapidité de cette
industrie-là, hein, l'intelligence artificielle, considérant les moyens qui
sont derrière, financiers, corporatifs, hein, qui sont derrière cette
industrie, puis considérant aussi la notion de profit et de rentabilité qui est
rattachée à cette entreprise... à ces entreprises, à cette industrie, est-ce
que vous croyez qu'on va arriver... Puis je regarde, là, votre organisation et
les data que vous nous avez présentées, c'est un volume absolument incroyable
qui circule de façon quotidienne, 24 sur 24, 12 mois par année, dans un
contexte mondial. Et vous l'avez dit tantôt...
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député, je veux juste vous dire qu'il vous reste moins de deux minutes, si
vous voulez...
M. Sainte-Croix : O.K. Où je
veux en venir, dans le fond, c'est très complexe de savoir, tu sais, la source,
dans le fond, de la data, hein, qui se promène sur la planète en fonction de la
clientèle. Est-ce que vous croyez qu'on va arriver strictement par une
législation provinciale ou, plus largement, il faut regarder le problème en
fonction de la mondialité aussi, là? Comment vous voyez la... notre
intervention au niveau du législateur, là?
M. Morin (René) : Oui. Vous
avez parlé de l'intelligence artificielle, c'est... c'est un enjeu majeur. On
commence vraiment à voir se dessiner les contours de l'ampleur que ça pourrait
prendre. Écoutez, je vous parlais tout à l'heure des sites, des outils de
ludification que les jeunes utilisent dans les écoles, bon, est-ce qu'on
pourrait, avec un mécanisme de vérification...
La Présidente (Mme Dionne) : M.
Morin, je m'excuse de vous interrompre, il faudra juste conclure en
30 secondes. C'est le temps qu'il nous reste.
M. Morin (René) : Oui, tout à
fait. Bien, je pense qu'effectivement les législateurs vont devoir imposer des
balises au secteur de l'intelligence artificielle. Je pense, par exemple, le
gros problème, c'est d'arriver à distinguer le vrai du faux. Ces
technologies-là arrivent à produire du matériel de qualité très élevée, très
rapidement, en gros volume. Est-ce qu'on ne pourrait pas, quelque part, les obliger,
par exemple, à mettre une sorte de filigrane sur les images générées à l'aide
de l'intelligence artificielle justement pour qu'on sache que ce sont de
fausses images? Ce serait au moins un minimum.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Morin. Merci infiniment. Merci pour votre contribution à ces
travaux.
Pour ma part, je suspends quelques
instants pour accueillir notre prochaine invitée.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 14)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à Dre
Dufour. Donc, bienvenue, Mme Dufour. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour nous faire part de votre exposé et ensuite nous
procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors,
la parole est à vous.
Mme Dufour (Magali) : Oui.
Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, distingués membres de la
commission. C'est un véritable plaisir et un bonheur d'être ici aujourd'hui. Je
m'appelle Magali Dufour. Je suis docteure en psychologie, psychologue de
formation et professeur à l'Université du Québec à Montréal, au Département de
psychologie. Je travaille en dépendance à Internet, donc vraiment dans le
continuum de la sévérité. Donc, moi, je me situe vraiment dans les plus sévères
depuis environ 20 ans. Et aujourd'hui, je vais donc prendre le temps de
vous situer un peu nos travaux que nous faisons donc depuis, je vous dirais,
donc le début des années 2010, c'est-à-dire à peu près au moment où est-ce
qu'est apparu l'iPad.
Donc, je vais avoir un peu trois points.
Je vais d'abord vous parler un peu de la prévalence des problèmes, je vais vous
parler du portrait clinique de ceux qui demandent de l'aide et je vais
également vous parler d'une population que l'on considère vulnérable, qui est
les joueurs de e-sports, notamment ceux qui font du e-sports dans les écoles.
Donc, il faut savoir que nous
travaillons... je travaille avec différentes équipes depuis 2012, où est-ce
qu'on a commencé à faire le portrait des jeunes qui sont dans les écoles et à
leur utilisation des écrans. Donc, avec Natacha Brunelle, dès 2012, on a
commencé à documenter, je vous dirais, de façon très imparfaite, le temps
d'écran et ainsi que les problèmes associés à Internet.
Donc, dès 2012, on avait commencé à
constater que les jeunes passaient en moyenne entre 17 et 18 h sur
Internet, et qu'on avait aux alentours d'une vingtaine de % qu'on considérait
qui avaient des problèmes, c'est-à-dire, donc, qui commençaient à avoir des
méfaits. En 2012, on avait à peu près 1 % de jeunes pour lesquels on
jugeait qu'ils nécessitaient des traitements, donc des services spécialisés.
Quelques années plus tard, donc six ans plus tard, on a fait une étude, donc,
auprès de 4 000 jeunes, dans les secondaires à nouveau, partout au
Québec. Et on a constaté que c'est l'évolution finalement à la fois du temps de
jeu et également de la sévérité du portrait clinique. Donc aujourd'hui, on est
plus aux alentours de 20, 22 h de temps d'écran rapporté par les jeunes.
On s'entend que je n'ai pas regardé le temps sur leur appareil pour voir si
c'est vrai, mais disons qu'on va penser qu'ils font la même erreur que nos
jeunes en 2012, à l'époque.
Et en termes maintenant de sévérité, donc,
on a des instruments validés pour voir quel est le niveau de la problématique.
Eh bien, maintenant, nous sommes beaucoup plus aux alentours de 30 % des
jeunes qui pourraient être considérés comme ayant besoin, un certain niveau
d'aide, pas nécessairement un traitement spécialisé, mais bien une aide, par
exemple une intervention précoce ou encore une intervention, par exemple, une
prévention très ciblée.
Nos plus à risque, donc nos plus sévères,
ceux pour lesquels nécessitent des soins en services spécialisés, donc en
centre de traitement, eh bien, nous sommes rendus à 3,3 %. C'est donc une
augmentation quand même significative puisque nous sommes passés de 1,8 %
à 3,3 %.
Au Québec, nous nous situons à peu près
dans la... à peu près avec des chiffres très semblables à la population
mondiale, où est-ce qu'on va toujours parler aux alentours de 4 %.
Je vous parle donc de dépendance à
Internet. Il faut bien penser que, dans nos études, on va toujours prendre en
considération trois applications : les jeux vidéo, les réseaux sociaux et
également le streaming, c'est-à-dire l'écoute en continu des vidéos. Et dans
nos études, que ce soit en 2012, en 2018 ou encore aujourd'hui, on voit des
profils différents pour les garçons et pour les filles, les garçons passant
beaucoup plus de temps en jeux... pour les jeux vidéo, alors que chez nos
filles, c'est avec les réseaux sociaux, et donc on a deux profils complètement
distincts.
Donc, nos premières études nous ont permis
de constater qu'il y avait des jeunes à risque puis qu'il y en avait qui
avaient besoin d'aide. Nos plus récents travaux, qui ont été...
Mme Dufour (Magali) : ...Nos
plus récents travaux, qui ont été notamment un peu élaborés suite au Parlement
et à des discussions, sont auprès des e-sportifs. Vous savez, le e-sport, ce
sont la compétition de jeux vidéo qui se passe dans les écoles. Et de plus en
plus d'écoles, à la fois secondaire, collégial et l'universitaire, ont des
équipes d'e-sports. On voit donc... On a donc eu une étude pour les documenter
et quel est le niveau de sévérité de ces jeunes-là et de voir l'évolution de
leur habitude de jeu, notamment de jeux vidéo.
Notre première constatation, eh bien,
c'est de dire ils jouent beaucoup aux jeux vidéo. Ils passent entre 30 et
50 heures de temps par semaine à jouer à leurs jeux vidéo. Donc, il y a
une partie qui est consacrée aux e-sports, à laquelle va s'ajouter du temps de
jeu vidéo pour le loisir, à laquelle va s'ajouter le streaming. En comparaison
avec des mêmes... les mêmes... de leurs mêmes pairs, on estime qu'ils ont à peu
près 15 h de plus d'investissement dans le temps de jeux vidéo. Ils vont
dépenser aux alentours de 1 700 $ pour année en termes d'équipement,
en termes de microtransactions. Et ce qu'ils... Ils voient beaucoup, beaucoup
de bienfaits en termes de socialisation et en termes de bien-être. Ils
rapportent également des méfaits en termes de sommeil et en termes de résultats
scolaires et en termes d'investissement disponible pour d'autres activités.
Mais ce qui nous a le plus marqués dans cette étude-là, eh bien, c'est de voir
que 44 % d'entre eux souhaitent diminuer leur habitude de jeux vidéo, mais
ils n'ont pas réussi à le faire. Et 22 % estiment eux-mêmes qu'ils ont un
problème, alors que nos instruments n'en détectent que 6 % que 5,6 %.
• (12 h 20) •
Et donc on peut penser, et ça, c'est
vraiment une hypothèse qu'on va vérifier dans les prochaines années, qu'il y a
une certaine culpabilité face à leur habitude de jeux vidéo, parce que
plusieurs pensent qu'ils ont un problème, alors que ça ne semble pas tout à
fait être le cas. Par ailleurs, chez ces jeunes e-sportifs, on a quand même
49 % qui ont une estime de soi faible ou très faible, donc des marqueurs
pour nous qui nous préoccupent en termes de santé mentale.
Maintenant, donc, cette étude va se
poursuivre dans... pour les deux prochaines années, nous allons pouvoir
constater l'évolution, mais je ne suis pas en mesure de vous en parler
immédiatement.
Maintenant, la troisième étude que je
voudrais simplement vous parler rapidement, ce sont... c'est l'étude où est-ce
qu'on fait le portrait des jeunes qui sont en traitement actuellement. Nous
avons le mandat par le MSSS d'implanter un traitement qui s'appelle Virtu-A
partout au Québec. Donc, il va y avoir maintenant un traitement pour les
cyberdépendants, ceux demandant de l'aide. Cette étude, qui est vraiment un
bonheur de faire, on va avoir les résultats dans quelques semaines, toutefois,
on est capables de vous dire qui sont ceux qui demandent des traitements.
Nous avons donc fait le portrait des
62 personnes qui cognent dans les portes des centres de réadaptation. Et
ce que l'on constate, eh bien, sans surprise, ce sont des jeunes garçons. Donc,
notre étude est chez les 15-25. Ce sont des jeunes garçons à 74 % qui viennent
en raison de leur problème de jeux vidéo. Et donc 69 % ont des problèmes
de jeux vidéo et nous avons un 14 % qui, eux, sont plus avec les réseaux
sociaux. Ces jeunes-là viennent à la demande souvent de leurs parents. Ils
vivent encore chez leurs parents et ont des revenus extrêmement faibles.
Le portrait clinique est extrêmement
complexe. C'est des jeunes qui demandent des jeux... qui demandent de l'aide.
Quand on regarde leur temps d'écran, nous sommes à 51 heures semaine,
alors que nos jeunes de la même cohorte, si on peut dire, rapportent 20 h,
hein? Donc, vous voyez, comme on est dans vraiment une perte de contrôle plus
importante. Et le portrait clinique que l'on voit, on voit de la détresse
psychologique à 73 %, une estime faible ou très faible à 80 %, et
plusieurs tentatives de suicide dans le dernier mois. Et donc on a un portrait
clinique de jeunes qui ne vont pas bien en raison des jeux vidéo.
Et donc à la lumière des travaux qu'on a
faits dans les dernières années, on a développé des outils de détection
validés, on a développé des traitements. On sait qu'il y a une partie des
jeunes qui ont des problèmes avec les jeux vidéo, pour lequel on commence à
assez bien s'occuper. Au Québec, on est très privilégiés.
Par contre, il y a tous les feux jaunes,
autrement dit les jeunes à risque, pour lequel nous n'avons pas d'interventions
qui ont encore été développées. Il y a des programmes de prévention qui sont
habituellement plus pour les feux verts, mais pour nos jeunes à risque, pour
l'instant, il n'y a pas d'intervention précoce qui a été développée. Et donc,
ça, ça va devoir, pour... je pense que ça devrait faire partie de nos
priorités.
Par ailleurs, les... dans les jeunes qui
ne vont pas bien, il y a une grande partie qui sont des joueurs de jeux vidéo
pour lequel il faut porter une attention. Et donc je pense qu'il faut continuer
nos efforts et continuer nos efforts aussi auprès de cette industrie qui a
également des responsabilités. Je viens des jeux de hasard et d'argent, j'ai
travaillé à un groupe de travail justement qui a étudié l'implantation des jeux
de hasard et d'argent au Québec, en ligne, et je sais comment l'industrie peut
travailler, peut... peut développer des outils pour aider la prise de
conscience. Et donc je pense qu'il faut qu'il y ait... qu'il y ait un travail
avec à la fois l'industrie des jeux de vidéo, mais également avec les
industries qui donnent...
Mme Dufour (Magali) : ...avec
les industries qui donnent les services d'Internet pour développer des outils
pour faciliter la prise de conscience et le choix, et également faciliter des
outils pour les parents pour qu'ils puissent aussi aider leurs jeunes à
s'autoréguler. Parce que pour l'instant, ça prend presque un doctorat en
informatique pour avoir accès à ces outils. Et donc moi je pense qu'il faut
travailler avec l'industrie pour pouvoir faire ça. Et je terminerai en disant
qu'il est important que toute intervention que vous allez décider soit évaluée
de façon à ce qu'on puisse la modifier si elle n'a pas les impacts que l'on
souhaite. Donc voilà, ça termine ma présentation.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment, Mme Dufour. Donc, nous allons débuter les échanges avec M. le
député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci, docteur Dufour, de participer aux travaux de notre
commission. Les sports, ce n'est pas une réalité que je connais. Je suis papa
de deux filles, donc je vais m'en tenir plus au nombre d'heures parce que vous
avez scindé un peu les deux sexes avec des réalités différentes, sans faire de
sexisme. Les jeunes filles sont plus sur les réseaux sociaux en majorité. Je
suis resté surpris que quand j'ai demandé le téléphone à ma fille la semaine
dernière après les débuts des travaux de la commission de voir qu'elle avait
une moyenne de 7 heures par jour. Le souffle m'a coupé littéralement. J'ai...
pour réaliser que là-dessus, il y avait peut-être un trois heures de
communications, là, via les différentes plateformes, mais que c'était plus des
discussions entre amis. Ce qui m'amène quand même à 4 heures fois sept, une
trentaine d'heures par semaine, vous avez parlé de 50 ans, je me dis :
Est-ce que c'est cinq mois pour moi, je n'ai pas... On n'a pas de barème.
J'aurais tendance à penser que ma fille est border line peut-être qu'elle
aurait peut-être besoin d'être encadrée. Vous en pensez quoi? J'utilise mon
exemple personnel, là, mais je suis convaincue que beaucoup de parents comme
moi qui sait qui se... Elle est où, la coupure.
Mme Dufour (Magali) : J'aime
tellement votre question. Enfin, elle est où, la coupure? La coupure n'existe
pas pour l'instant. Parce que pour faire des normes, comme par exemple pour les
normes de consommation d'alcool ou de jeux de... ou pour les jeux de hasard et
d'argent, j'ai participé à cette élaboration-là. Ça a coûté 2 millions de
dollars, faire les normes pour les jeux de hasard et d'argent, et ça prend des
études épidémiologiques où est-ce qu'on sait pendant plusieurs années combien
d'heures puis les méfaits qui sont associés. Présentement, ces données-là
n'existent pas. On n'a pas de données qui sont fiables, qui vont nous permettre
de dire : Oui à partir de 3 heures par jour, d'heures de loisir, parce que
moi, je m'occupe que des heures de loisir, oup c'est dangereux où à partir de
quatre, oup, c'est dangereux. Pour l'instant, on est extrêmement imparfaits
dans notre compréhension de : quand est-ce que c'est assez, quand est-ce
que ce n'est pas suffisant. Par contre, en fait, et là, si vous aviez demandé à
votre fille ça été, ça aurait été intéressant combien elle, elle pensait avoir
fait d'heures. Probablement qu'elle nous aurait dit un, trois, 4 heures. Ça
fait qu'elle serait probablement arrivée dans les chiffres que je vous ai
présentés. Sauf que le portrait est différent et c'est pour ça que je
voulais... Moi, je trouve ça assez intéressant de voir comment c'est important
d'avoir des outils pour les parents justement pour avoir accès au profil de
leur enfant et peut-être déterminer... Moi je le fais, on est tous dans le même
appareil, donc de décider combien d'heures je permets et à partir de quelle
heure c'est interdit. Mais pour ça c'est dès qu'il y a une mise à jour. Toutes
nos modifications ne fonctionnent plus. Bref, ça demande beaucoup, beaucoup,
beaucoup aux parents de connaissances en technologies. Donc, pour l'instant, la
santé publique a dit c'est 5 heures ou c'est 4 heures là, tout dépendamment de
leurs études, on commence à voir des effets par jour, mais on n'a pas encore de
données qui est fiables et j'espère qu'un jour on va être capables de le faire.
Mais pour l'instant, on est très imparfaits dans notre compréhension.
M. St-Louis : Merci, puis
pour votre gouverne, je pense allez rester aussi surprise que moi.
Mme Dufour (Magali) : Oui.
M. St-Louis : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Marquette.
M. Ciccone :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Dufour. Je tiens à vous
remercier parce que je vous ai cité souvent, très, très souvent. J'ai peut-être
tout lu ce que vous avez fait sur justement en matière des sports, puis je n'ai
pas besoin de dire à mes collègues et vous dire également ma position
là-dessus. Mais en même temps, aujourd'hui, ce n'est pas une question de donner
ma position, c'est une question d'aller chercher de l'information. Vous nous
avez élevés, relevé beaucoup de problématiques et de faits qui sont quand même
assez troublants, là, avec les chiffres, sans nécessairement dire qu'un est
pire que l'autre, là, mais parce que là, on peut parler des réseaux sociaux,
puis là on englobe tout ici, là, pas juste les sports. Mais est-ce que les
sports étaient une plus grande problématique au niveau de la dépendance au
niveau, vous avez parlé de suicide, là, c'est la première fois que j'entends
quelqu'un parler de suicide, là...
M. Ciccone :...aujourd'hui, les heures que vous nous avez présentées,
c'est quand même... puis même l'argent aussi dépensé, parce que ça force aussi
peut-être à contrevenir à des lois, à faire de la fraude aussi. Puis on l'a vu,
là, avec certains jeunes de personnalités publiques, là, qui ont commis des
fraudes à ce niveau-là. Considérez-vous que c'est une plus grande problématique
que le reste?
Mme Dufour (Magali) : En fait,
nos chiffres sur le e-sport démontrent qu'il y a, par exemple, dans... Moi,
j'ai un étudiant qui vient de terminer son doctorat, qui a des données quand
même intéressantes, mais notre cohorte est plus grande. Donc, on a 250 joueurs
avec nous et on a 5,6 % qui présentent probablement une dépendance à
Internet. Et je vous rappelle, que dans la population, c'est 3 %, donc
c'est un peu plus élevé, mais ce n'est pas des chiffres comme à laquelle la
petite cohorte d'Antoine... qui avait 70 %. On était à 10 %, donc ça
nous préoccupait beaucoup.
Ce qui... Ce qui est intéressant avec le
e-sport, c'est justement ce portrait nuancé. Et on en a parlé beaucoup avec...
d'équipes et, en fait, le problème, c'est que le e-sport est super bien encadré
habituellement, ils vont dire : Il y a un coach, il y a tout ça, mais
c'est que dès qu'il n'y a plus de e-sport, ils ajoutent des heures de jeux
vidéo de loisir. Et donc ça ne remplace pas. Donc, la théorie, c'était que ça
allait remplacer le jeu, un peu, de loisirs, ou en tout cas du moins en prendre
une partie, mais ce n'est pas tout à fait le cas ça. Ça se n'est... Ça ne s'est
qu'ajouté. Et donc c'est un peu ça le problème. Et ça, je pense qu'il faut...
il va falloir que... adresser cette problématique-là.
• (12 h 30) •
Et moi, ce qui me préoccupe dans l'aspect
e-sport, c'est justement que ce soit intégré dans les écoles. Et, si on fait
une réflexion sur le temps d'écran, eh bien, il y a comme une sorte de paradoxe
de promouvoir quelque chose qui est sur les écrans, même si ça plaît aux
jeunes, là, peut-être que ça devrait être du parascolaire. Et bref, il y a
quelque chose pour moi qui est d'un paradoxe dans promouvoir quelque chose où
est-ce que... Vous savez, dans les diagnostics officiels, il n'y a que le
trouble du jeu vidéo qui a été reconnu. Donc, il n'y a pas une dépendance aux
réseaux sociaux. La dépendance à Internet, même si c'est extrêmement prévalant
dans la littérature, c'est utilisé. Mais la seule reconnaissance de
l'Organisation mondiale de la santé, c'est le trouble du jeu vidéo.
M. Ciccone :Merci beaucoup de le mentionner. Vous m'avez un peu
devancé, je m'en allais exactement à ce niveau-là, aur les programmes
scolaires. On ne peut pas dire qu'il y en a beaucoup, là, au Québec. Il y en a
quatre ou cinq à peu près, là, puis beaucoup dans les écoles privées plus que
publiques. Je pense, publiques, si je ne me trompe pas, il y en a peut-être un,
là, une école. Ce que vous nous dites, dans le fond, là, c'est que... Parce que
là vous dites également que ça va prendre... tu sais, vous êtes en train
d'être... de colliger les données, ça va prendre à peu près deux ans avant
d'avoir tous les résultats. Est-ce que vous dites à ces écoles-là qui pensent
peut-être à en avoir, et même ceux qui les ont amenés, ces programmes-là, que,
dans le doute, là, encore, on devrait s'abstenir, là, il ne faut pas rentrer ça
dans nos écoles. Est-ce que c'est ce que vous dites?
Mme Dufour (Magali) : En
fait, quand on en a parlé aux écoles, on leur a donné nos chiffres et on leur a
dit... Moi, ce que je souhaiterais, c'est que, s'ils implantent, c'est qu'il y
ait des outils pour aider ces jeunes-là. Donc, d'abord, qu'il y ait une
détection, s'il y a un problème, un encadrement, des outils pour que la jeune
soit en mesure de voir son temps d'écran. Parce qu'il faut bien penser
qu'eux... rapportent beaucoup de bienfaits en termes de bien-être et de
socialisation. Donc, en fait, c'est comment s'assurer que c'est bien ces
bienfaits-là, soit, par exemple, que les jeunes puissent... Parce qu'on a des
jeunes qui ont une faible estime de soi, des difficultés de socialisation, et
parfois ça leur permet de s'intégrer. Donc, comment faire pour avoir les
bénéfices sans avoir les aspects négatifs? Et, enfin, on essaie d'équiper un
peu l'équipe-école pour qu'il y ait peut-être de la détection dès l'entrée dans
ces équipes-là pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problème et de peut-être
soutenir ceux pour lesquels on a peut-être un peu plus de préoccupations.
M. Ciccone :Est-ce qu'on oublie un élément également, parce qu'on a
parlé à plusieurs groupes, dont un groupe, là, l'Association des écoles
privées, si je ne me trompe pas, qui nous disait... Puis, quand j'ai communiqué
avec certaines écoles, ils m'ont dit : Bien, on les encadre bien, on leur
fait faire plus d'exercices, mais on semble oublier que c'est parfait, là, ce
qu'on fait à l'école. Peut-être qu'on les encadre bien, puis on les surveille,
puis ils ont tous les outils nécessaires, puis on est très à l'écoute aussi de
la problématique. Mais on oublie que ces jeunes-là à 4 heures, 3 heures et
demie, 4 heures, s'en vont à la maison. Puis ce n'est pas vrai qu'ils
n'embarqueront pas sur leur manette, là, puis leur jeu vidéo, ça aussi, il faut
le considérer, là.
Mme Dufour (Magali) : En
fait, c'est exactement ça. Il faut absolument considérer l'ensemble de leurs
habitudes Internet. On parle de comment ils vont peut-être aller jouer, mais
c'est aussi, ils deviennent à ne faire que regarder. C'est un peu comme, tu
sais, dans la dépendance, il y a trois critères, il y a la perte de contrôle,
il y a l'obsession, il y a les conséquences associées. Et donc, quand on a une
personne que ça devient le centre de sa vie, c'est là qu'on devient à risque de
développer une dépendance. Donc, si je fais que du streaming, que je joue aux
jeux vidéo, puis, en plus, je fais du e-sport et que je n'ai aucune autre
activité, eh bien, c'est là, pour moi, qu'on devient avec un profil un peu
plus...
12 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Dionne) : ...j'ai
beaucoup d'interventions.
M. Ciccone :O.K. Parfait.
La Présidente (Mme Dionne) : Et
puis on reviendra s'il nous reste du temps, là, c'est beaucoup, beaucoup de
monde qui ont des questions, alors on poursuit avec M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour, Mme
Dufour.
Mme Dufour (Magali) : Bonjour.
Vous avez reconnu mon accent?
M. Gagnon : Oui, tout à fait,
tout à fait. Vous allez reconnaître la mienne, naturellement. Je vais y aller
concis, étant donné qu'il y a d'autres collègues qui veulent prendre parole.
Effectivement, les statistiques, encore une fois, font la démonstration de
pourquoi qu'on est ici. Mais par contre, on a beaucoup parlé de parents, on a
beaucoup parlé de l'école, de la prise en charge d'un tout pour y arriver, mais
on a également parlé beaucoup de réduction des méfaits. Comment est-ce qu'on va
y arriver puis tantôt vous avez mis des lumières, mais vous avez dit quelque
chose que je trouve vraiment stimulant. Puis les collègues, là, on va y aller
bientôt dans la classe, vous avez dit que oui, il y a la réduction des méfaits,
mais vous avez dit quelque chose de tellement motivant : Les jeunes
veulent participer à leur propre réduction des méfaits. Alors, ce que je
comprends, c'est que les jeunes disent : Aïe, moi aussi je trouve que j'en
fais pas mal. Et à l'aube de rentrer dans l'école, j'aimerais, le temps de ma
question, mettre les parents puis l'école de côté, la structure, conseil d'établissement,
puis j'aimerais vous entendre, c'est-à-dire que les jeunes nous tendent la main
et comment, quand le Dr Parent disait : je rentre dans une classe, je suis
une spécialiste, j'ai 30 ans, elle avait un profil quand même fort sympathique,
mais les jeunes disaient : Ah! tu es ici pour nous chialer. Alors, tu
sais, il y a un contact à y avoir avec les jeunes, il y a une relation, je
pense, en tout cas, je trouve ça vraiment inspirant.
Mme Dufour (Magali) : En
fait, on voit beaucoup de culpabilité chez les jeunes. Là, je vous l'ai
présentée chez nos esportifs, mais on a des données également avec les 16-25.
Et, en fait, quand on leur demande : Croyez-vous avoir un problème? On a
quand même des chiffres qui n'ont pas de bon sens, 40 % vont dire oui. Les
gens se sentent énormément, énormément coupables face à leurs habitudes lorsque
moi j'en parle. Ah oui, moi j'ai un problème, mais en fait ce n'est pas ça
avoir un problème pour moi. Tu sais, on a comme une sorte de... j'ai une de mes
cliniciennes qui dirait : une certaine dramatisation, ou du moins, en tout
cas une inquiétude importante puis je la comprends et les jeunes ont besoin d'avoir,
je pense, des outils pour avoir un regard clair, précis sur leur propre
utilisation. Vous parlez de votre fille avec l'utilisation, mais quand on fait
en plus, par exemple un peu, par exemple, on joue avec une console, quand on
est un peu avec l'ordinateur, ça devient difficile de voir un portrait commun
de ce qu'on fait et on a vraiment besoin, et les jeunes sont curieux parce qu'ils
veulent faire des choix et ils savent. Au début, quand j'ai commencé les années
2010, là ils ne savaient pas que ça posait problème. Maintenant, les jeunes
sont très au courant et veulent participer à la solution.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bonjour.
Mme Dufour (Magali) : Bonjour.
M. Leduc : Sur l'aspect plus
précis donc des jeux vidéo, on s'est fait souvent mentionner, bon, il y a en
soi le temps de jeux vidéo qui est nocif, etc. Mais il y a tout l'aspect des
microtransactions qui est à la frontière du jeu du hasard, donc qui entraîne
les jeunes et la carte de crédit de leurs parents. Dans cette logique-là, on
semble avoir constaté que des pays comme le Japon qui ont interdit les
microtransactions dans les jeux vidéo. Est-ce que ça serait une voie qui serait
pertinente à explorer pour le Québec?
Mme Dufour (Magali) : En
fait, c'est une voie extrêmement intéressante et quand on va parler avec nos
jeunes en traitement, donc, si je prends le profil, ce n'est pas tant les
microtransactions qui posent problème, mais plutôt tout le renforcement que le
jeu va leur donner. Vous savez, comme par exemple Fortnite a été dessiné
notamment par des psychologues pour permettre aux jeunes d'être toujours
stimulés, d'être stimulés juste assez, hein, donc d'avoir un défi que la
personne va être capable. Et non seulement on va renforcer le jeune, on va lui
donner des promotions, on va lui permettre d'avoir tel skin s'il joue tant d'heures,
il va faire partie de tel groupe, donc on va renforcer son identité, mais en
plus on va le punir s'il abandonne une game. Par exemple, le jeu Overwatch, si
vous abandonnez parce qu'il faut que vous alliez souper, eh bien vous allez
être banni du jeu 12, 14, 18 heures, 24 heures si ça vous arrive.
M.
Leduc : Ah! Oui?
Mme Dufour (Magali) : Et en
ce sens-là donc on va comme vraiment punir. Donc, tu sais, Skinner et ses
petits rats, on utilise les mêmes stratégies avec les jeux vidéo. Et c'est pour
ça que je pense qu'on a un devoir en tant que société d'encadrer cette
industrie-là justement parce qu'ils renforcent et ils dessinent, comme pour les
drogues, là, ils dessinent pour renforcer le jeune, mais en plus on lui
interdit d'arrêter d'une certaine façon, on l'oblige à continuer avec des
stratégies qui pourraient être encadrées dont justement le bannissement parce
que vous avez interrompu une game, parce qu'il faut que vous alliez souper ou
vous coucher.
M. Leduc : Puis ces façons-là
de développer des jeux, on comprend l'effet nocif pour les enfants, mais c'est
un effet nocif probablement pour les adultes aussi.
Mme Dufour (Magali) : C'est
un effet nocif pour tout humain, je vous dirais.
M. Leduc : Donc, si on disait
qu'on bannissait par exemple les microtransactions, les adultes non plus ne
pourraient plus en faire, ça ne serait pas, ça serait pas si mal que ça.
Mme Dufour (Magali) : Ce ne serait
pas si mal que ça. C'est clair que l'industrie ne voudra...
Mme Dufour (Magali) : ...mais
ce qui est fantastique, c'est que le Québec a beaucoup investi dans les... dans
l'industrie du jeu vidéo, on les a beaucoup financées. Et donc, moi, je pense
qu'il y a donc une communication qui existe déjà. On peut leur demander de
devenir des bons citoyens et qu'ils mettent en place des stratégies pour
protéger les joueurs. Le joueur pourrait décider, avant de débuter, combien
d'heures. On le fait dans les jeux de hasard et d'argent. Je ne vois pas
pourquoi ça ne se ferait pas là. On pourrait avoir, donc, un temps de jeu
déterminé et donc, après tant de minutes, ça serait... On pourrait avoir une
horloge également, en disant : Ça fait 2 heures que tu joues, es-tu
certain de vouloir... On pourrait donc avoir aussi tout un... des boutons si
jamais le jeune est en détresse pour qu'il puisse demander de l'aide. Bref, il
y a des stratégies qui ont déjà été vues dans d'autres industries, qui
pourraient être implantées avec les jeux vidéo.
M. Leduc : Mais ce n'est pas
intrinsèque à l'industrie du jeu vidéo, c'est récent quand même, là. J'ai joué
beaucoup, j'ai un peu moins de temps, maintenant, de jouer aux jeux, mais j'ai
joué quand même mon lot. Ça n'existait pas avant, ça, les microtransactions,
les paiements de saison, d'expansion. Tu achetais ton jeu, tu jouais, puis
c'est tout.
Mme Dufour (Magali) : En
fait, le jeu s'est beaucoup transformé parce qu'ils sont devenus gratuits,
donc, ils ont trouvé d'autres façons de monétiser. Mais, vous avez raison, mais
l'industrie du jeu a eu un gros lobby, et ils ne veulent pas reconnaître qu'ils
causent des torts. Ils ont fait beaucoup de pression pour ne pas que l'OMS dise
qu'il y a un trouble du jeu vidéo. Et donc, pour l'instant, même si on a tenté
à plusieurs fois d'aller leur montrer les données, ils ont toujours refusé,
disant que c'était de la dramatisation des effets.
• (12 h 40) •
M. Leduc : Vous croyez pas du
tout à une autorégulation?
Mme Dufour (Magali) : Ah! je
ne le crois pas du tout, mais je ne le crois pas pour aucune substance. Donc...
M. Leduc : En général, vous
ne croyez pas à l'autorégulation. Ça marche. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Dufour. Très heureux de vous avoir ici aujourd'hui.
Mme Dufour, les e-sports, e-games, tu sais, ce n'est pas d'hier quand même, ça
fait un bout. Tu sais, moi, en grandissant, on a vu ça, on a vu ça évoluer.
Qu'est-ce qui a fait en sorte qu'aujourd'hui on parle de dépendance au regard
de ces pratiques-là? D'une part, quand vous dites, c'est encadré, hein, les
jeunes dans les écoles ou ces sports-là, ces options-là sont offertes, ils sont
encadrés. Ça veut dire quoi, ça, concrètement, ils sont encadrés?
Mme Dufour (Magali) : Vous
avez deux excellentes questions. Donc, pourquoi c'est devenu une dépendance? En
fait, tout comportement qui amène du plaisir et qui permet finalement de
sécréter de la dopamine pourrait ultimement avoir un potentiel pour la... pour
qu'on puisse perdre le contrôle et, donc, amener à un certain comportement de
dépendance. Mais les jeux vidéo se sont transformés, hein, on a fait un peu...
Entre Pac Man et les jeux aujourd'hui, on a comme une sorte, à vrai dire,
c'est... le premier, c'est comme des trucs qui lancent la balle. Il y a comme
une évolution qui a été faite... qui a été dessinée pour nous capter, capter
notre attention et vraiment nous amener dans un cycle de renforcement vraiment
de façon plus importante. Donc, comme je vous disais, vous avez des défis. Et,
comme l'industrie vous regarde, elle va ajuster les défis. S'ils sont trop
grands, elle va les diminuer... pour que vous continuez à...
Donc, les jeux vidéo ne sont plus les
mêmes. Et comme on a eu, justement... Il y a beaucoup plus de machines qui vous
regardent, hein? Ils ont ajusté leurs produits, donc, ils vont savoir si vous
aimez, par exemple, la compétition. Et ils ont surtout mis des gens en réseau,
parce que les jeux vidéo ne sont pas que pour stimuler pour le plaisir, c'est
également une façon d'entrer en contact avec les autres. Et les garçons et les
filles aussi qui aiment jouer aux jeux vidéo, ça va vraiment comme être une
porte d'entrée, un facilitateur des contacts sociaux. Et donc, en ce sens-là,
ils se sont beaucoup transformés. Ce qui fait que cette transformation-là a
amené, je vous dirais, une plus grande complexité et les amener plus près de la
dépendance, parce qu'on voit maintenant, même dans le cerveau, que le réseau...
que les réseaux neuronaux et de la dopamine, ça ressemble beaucoup à lorsqu'on
prend des substances, notamment, avec de l'alcool.
Donc, c'est un peu pour ça que c'est
devenu... Excusez-moi, je n'ai pas pris de notes pour votre deuxième excellente
question.
M. Sainte-Croix : L'encadrement,
quand on parle d'encadrement...
Mme Dufour (Magali) : L'encadrement,
oui. L'encadrement, ça, c'est ce que les écoles vont nous rapporter quand on va
leur demander, c'est-à-dire qu'ils vont avoir habituellement un temps défini
pour jouer. Ils vont également faire des messages. Parfois, il y a des écoles
qui vont implanter des programmes de prévention, justement, pour parler des méfaits
associés, et il va également avoir une attention particulière portée sur
l'aspect physique, d'éducation physique ou de mouvement pour justement
contrebalancer cette activité sédentaire là, c'est l'encadrement qu'il va y
avoir. Il va y avoir un entraîneur qui, théoriquement, va être sensible aux
besoins du jeune.
M. Sainte-Croix : Est-ce que
ça implique la présence parentale ou c'est strictement dirigé vers le jeune?
Mme Dufour (Magali) : Ça
dépend, je vous dirais, c'est très variable selon les écoles et le niveau des
jeunes. Il y a beaucoup de programmes et sports, maintenant, au collégial et...
Mme Dufour (Magali) : ...au
niveau universitaire qui n'impliqueront pas, bien entendu, les parents. Au
niveau du secondaire, certains programmes vont interpeller les parents, il va
donc y avoir une signature, et, en fait, les parents vont donc avoir une
rencontre avec l'équipe pour dire qu'est-ce que c'est, faire du E-sport, et
quel style d'encadrement l'école va fournir. Donc, oui, les parents sont au
courant.
De façon générale, les parents sont assez
soulagés d'avoir cet encadrement-là parce qu'ils ont l'impression que quelqu'un
d'autre va également regarder les habitudes de jeux vidéo et va s'en
préoccuper. J'ai une de mes étudiantes qui fait sa thèse de doctorat auprès des
parents dont les enfants ont des difficultés avec Internet, et la souffrance de
ces parents-là est incroyable. Les parents sentent qu'ils sont en échec, qu'ils
ont raté leur rôle de parents. Si vous entendiez les verbatim, c'est
bouleversant. On met beaucoup la responsabilité des parents... Et les jeunes
demandent 10, 15, 20 fois, 50 fois par semaine de jouer aux jeux vidéo, et donc
c'est difficile de résister constamment. E
Et donc, en ce sens-là, moi je serais...
j'essaierais de protéger les parents et de donner des outils à tout le monde
pour aider. Parce que les parents se sentent démunis pour encadrer quelque
chose d'aussi complexe, particulièrement dans une technologie qui évolue
tellement plus vite que, nous, on est capable de l'apprivoiser.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Un peu dans la lignée,
donc, des questions de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, donc, je me
demandais... je me posais des questions, donc, sur les mécanismes présents,
donc, dans les jeux vidéo qui les différencient des autres types d'usages,
donc, des écrans qui, eux aussi, donc, ont des mécanismes de captation de
l'attention, je pense que vous en avez décrit, donc, il vous a posé directement
la question sur les microtransactions, puis là vous nous avez donné, donc,
d'autres exemples. Puis je me demandais, donc, pouvez-vous, donc... S'il y
avait, donc, un mécanisme ou des mécanismes précis à proscrire dans cette
industrie-là, comparativement, donc, aux autres, donc, qui sont... qui peuvent,
donc, également être néfastes, donc, pour vous, donc, ce serait lesquels à
prioriser pour le législateur?
Mme Dufour (Magali) : Il est
clair qu'il y a une... D'abord, pour les jeux vidéo, il va y avoir aussi
beaucoup de publicités associées avec les jeux vidéo. Il va y avoir de la
publicité sur le fait de venir jouer ou avoir des récompenses associées à la
présence, hein? Si vous venez jouer tant de minutes par jour, vous allez donc
pouvoir avoir un "skin". On va même développer toute une sorte de
marchandisation, là, même si c'est gratuit, pour que vous puissiez y aller plus...
le plus souvent possible, et donc que ce soit plus difficile pour vous de
garder... admettons que vous dites : Moi, je ne joue pas du lundi au
mercredi, oui, mais pour avoir le "skin", je vais y aller, et donc de
résister à la tentation. Donc, voyez-vous on va toujours vous mettre dans des
situations pour que l'autocontrôle soit plus difficile. Donc, d'avoir dans les
boutiques, donc... Et les boutiques, ça date, hein, il y a même des objets qui
vont disparaître, ils vont créer des choses rares, ils vont les adapter parce
qu'en fait ils lisent les profils des jeunes, et des adultes, là... les jeunes,
donc, j'ai... pour moi, c'est 15-25, là, la population avec laquelle je
travaille, mais ils vont même adapter leur offre par rapport à qui vous êtes.
Est-ce que vous êtes quelqu'un qui dépensez beaucoup, est-ce que vous
dépensez... Ils ont toute cette lecture-là et ils vont adapter, donc, à la fois
leur stratégie de marketing et même... parfois le niveau du jeu. Donc, pour
réussir, pour certains, on va vous offrir, donc, des gemmes ou des diamants, à
d'autres, on a l'offrira pas. Vous n'êtes pas venus depuis longtemps, on va
vous envoyer... Donc, il y a toutes sortes de stratégies à la fois de
marketing, mais même de manipulation, je vous dirais, dans les jeux parce qu'ils
sont capables de lire vos profils.
Mme Cadet : Oui, donc, il y a
un volet... un certain volet de protection du consommateur, si je vous entends
bien.
Mme Dufour (Magali) : Oui,
tout à fait.
Mme Cadet : Aussi, si j'ai
bien compris, un peu plus tôt, je pense que vous disiez, donc, au Québec, donc,
on a, donc, des interventions qui sont prévues, donc, pour les gens qui sont
aux prises avec des problèmes, il n'y a pas d'enjeu, mais, pour les jeunes à
risque, ce n'est pas le cas. C'est ce que vous disiez?
Mme Dufour (Magali) : Exactement.
Donc, si on fait le continuum des jeunes, donc, pour les feux verts, on
habituellement beaucoup... on a des programmes de prévention, Pose ton écran,
vous allez rencontrer plusieurs... vous allez avoir Anne-Elisabeth Lapointe,
vous avez vu le... donc pour les feux verts. Pour les feux rouges, donc,
c'est... ils vont dans les centres de réadaptation en dépendance, qui sont des
traitements qui sont gratuits, mais pour nos feux jaunes, donc ceux pour lesquels
on a des méfaits, donc des conséquences, qui ne sont pas assez sévères pour
aller dans les centres de traitement mais qui auraient besoin d'aide pour eux,
donc... c'est souvent ceux qui vont aller dans les CLSC, qui vont demander de
l'aide dans des écoles, pour l'instant, on n'a pas de services. Ils vont avoir
des services de travail social, de psychoéducation généraux, mais il n'y a pas
encore de programme qui a été fait pour aider ces jeunes-là. Donc, on est
présentement... on espère un jour avoir une subvention, là, on est dans le...
on est en évaluation, mais il n'y a pas d'intervention précoce qui a été
développée, donc d'outils, surtout dans les milieux scolaires, parce que les
milieux scolaires... même pour les collégiaux, ils nous demandent souvent :
Oui, mais, ils disent, les jeunes viennent nous voir, ce n'est pas assez sévère
pour aller en traitement, mais ils auraient besoin de quelques séances de
thérapie, trois, quatre, cinq, six. Et, pour l'instant, on n'a pas de programme
structuré pour pouvoir les soutenir.
Mme Cadet : Dans le continuum
de services...
Mme Cadet : ...merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Tantôt, bien, vous avez parlé, bon, que les jeunes, tu sais, ont une
certaine culpabilité en lien avec leurs habitudes. Donc, ça doit amener un
facteur anxieux, j'imagine. Alors... Puis probablement que ça va avec le feu
jaune dont vous venez de parler. Donc, est-ce que... comment on peut... on peut
intervenir? C'est de leur donner des outils justement pour qu'ils comprennent
où est-ce que ça devient un problème? Puis ça, j'imagine qu'on devrait étendre
ça à la grandeur de nos écoles afin que les jeunes soient capables un peu de s'évaluer
puis s'autoévaluer à quel moment ça devient vraiment un enjeu?
Mme Dufour (Magali) : Enfin,
vous avez une très bonne question. Donc, est-ce que... former les jeunes pour
qu'ils soient plus en mesure d'avoir une sorte de conscience, hein, d'où sont-ils,
est-ce qu'ils ont plus des problèmes ou pas, je pense que ça, ce serait
vraiment un des éléments qui pourraient être apportés, donc qu'ils aient un
regard critique puis qu'ils puissent se situer par rapport un peu au continuum
de services ou en tout cas d'aide qu'ils pourraient avoir besoin. Je pense que
ça pourrait être une très bonne idée.
Avec Julie Lane, ma collègue de
l'Université de Sherbrooke, on a travaillé... Julie a développé, son équipe,
une intervention en anxiété, et donc on a vu qu'il y avait des profils
différents aussi. Donc, on a travaillé pour nos jeunes filles qui avaient un
problème de dépendance à... aux réseaux sociaux, elles avaient plus de
l'anxiété généralisée, alors que nos utilisateurs problématiques de jeux vidéo,
eux, c'était plus une phobie sociale. Et donc de travailler d'autres habiletés,
notamment l'anxiété, peut parfois aider, justement, parce que nos filles... nos
personnes anxieuses vont aller vérifier dans les réseaux sociaux : suis-je
correcte? Donc, quand on va travailler... quand on travaille le temps d'écran,
il faut travailler, je vous dirais, d'autres habiletés : la gestion de
l'anxiété, l'autocontrôle, l'apaisement et, je vous dirais, l'estime de soi.
Hein, vous avez vu mes joueurs de jeux vidéo, l'estime de soi est faible ou
très faible, en traitement à 80 %. Mais même dans des programmes de
e-sports, on est à 49 %. C'est quand même très préoccupant. Je pense qu'il
y a tout un travail sur l'estime de soi qui doit être fait pour protéger les
jeunes, pour qu'ils aillent moins se faire valider, que ce soit à travers les
réseaux sociaux ou à travers les jeux vidéo.
• (12 h 50) •
Mme Tremblay : Oui. Alors, je
vais revenir parce que, dans le groupe de cet après-midi, justement, là, qui
est la Fondation des gardiens virtuels, ils reviennent sur le e-sport, vous en
avez quand même parlé, puis ils placent ça dans la colonne, vraiment, des
avantages, eux, donc cette façon-là de faire, parce que, bon, ils vont venir
dire qu'il y a un sentiment d'accomplissement de soi, de développement de
l'esprit d'équipe, de compétence de communication, puis que, bon, au niveau des
parents, ça démontre des résultats positifs au niveau de la socialisation,
développement de leurs compétences transversales. Est-ce que vous, vous iriez
jusqu'à placer ça dans la colonne des avantages ou dire : C'est plus un
désavantage, puis moi, je n'aurais pas tendance à ce que ça soit en
augmentation dans nos écoles? Vous vous situez où?
Mme Dufour (Magali) : Bien,
nous, les données que l'on a auprès de 250 jeunes... Ça fait que, là, je ne
sais pas...
Mme Tremblay : 250...
Mme Dufour (Magali) : 250
participants à travers le Québec. Je ne le sais pas comment ils ont fait leur
étude. C'est clair que les jeunes vont nous rapporter des... que c'est... que
ça améliore leur bien-être et que ça facilite de la socialisation, tout à fait.
Par contre, ils nous rapportent également des méfaits. Ils vont nous rapporter
des méfaits scolaires, ils vont nous rapporter des méfaits sur le sommeil, puis
ils vont nous rapporter également des méfaits, parfois, avec la famille, parce
qu'il peut y avoir... Donc, pour moi, ce n'est pas si clair qu'on est juste
dans du bienfait. On est vraiment dans un... je vous dirais, dans des profils
distincts.
Et là, comme je vous dis, on vient d'avoir
les données, on les a présentées à l'Acfas, c'est la première fois qu'on les
présentait. On va être capables de... je vous dirais, dans les prochaines
années, de dire : O.K., mais est-ce qu'il y en a qui sont plus vulnérables?
Parce que, pour moi, dans ce groupe, ce n'est pas un groupe homogène, c'est un
groupe probablement hétérogène, pour lequel il y a une partie clairement qui
aurait besoin d'aide, mais qui sont-ils puis comment je vais faire pour les
identifier? Ma compréhension n'est pas encore assez approfondie pour ça.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Tremblay : Ça fait que je
comprends qu'il est trop tôt pour les placer d'un bord ou de l'autre.
Mme Dufour (Magali) : Oui, il
est trop tôt pour moi.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Il nous reste un petit quatre minutes. Je sais que M. le député de Marquette...
aux travaux. Alors, je vais... je vais...
M. Ciccone :...
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a consentement pour...
M. Ciccone :Vous êtes trop... Bien, j'avais seulement une dernière
question, parce que... Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, chers
collègues. Mme... Dre Dufour, si je ne m'abuse, là, je retourne dans ma mémoire
d'archives à votre sujet, corrigez-moi si j'ai tort, je pense que c'est l'année
passée ou il y a deux ans, je vous ai déjà entendue dire... puis ce n'est pas
d'hier, là, si ça fait deux ans, là, vous avez dit : Il est temps que le
ou les gouvernements légifèrent. Vous parlez de... Qu'est-ce que le
gouvernement pourrait faire en matière de législation quand vous dites ça?
Est-ce que je me trompe quand... L'avez-vous déjà dit?
Mme Dufour (Magali) : Non,
vous ne vous trompez pas. Je l'ai déjà dit.
M. Ciccone :Parfait...
Mme Dufour (Magali) : ...Je
pense qu'il faut qu'il y ait un encadrement sur qu'est-ce que les compagnies de
jeux vidéo ont le droit de faire, qu'est-ce qu'elles n'ont pas droit de faire.
J'ai écouté un reportage avec Elon Musk à TV5 qui disait, quand il a acheté
Twitter, X maintenant, elle disait : Comment vous allez réguler X? Mais il
dit : Mais je ne régulerai pas. Oui, mais elle dit : Oui, mais vous
ne trouvez pas qu'il y a des méfaits? Il dit : Oui, mais c'est aux...
c'est vraiment aux gouvernements de me dire quoi faire, je ne le ferai jamais
par moi-même. J'ai toujours suivi la réglementation pour Tesla et donc je vais
suivre les règles quand elles seront édifiées, mais jamais je ne vais en mettre
pour moi-même. Et là, bon, moi, je n'apprécie pas nécessairement le personnage
en tant que tel, mais ça me dit : O.K., les promoteurs, l'industrie ne
s'autorégulent pas. Et moi, je pense que le gouvernement a un rôle important à
jouer, à dire à l'industrie : Si vous souhaitez offrir des services à
notre population, eh bien, quelles vont être les règles? On l'a fait avec les
jeux de hasard et d'argent, on l'a fait, par exemple, si vous lisez le rapport
qu'on avait remis il y a plusieurs années pour dire comment pourrait être fait
l'offre des jeux de hasard et d'argent sur Internet, hein, ça se ressemble
quand même un peu. Et, en Angleterre, il y avait vraiment une sorte de
commission qui donne des licences en disant : Vous avez le droit de faire
de la publicité, vous, vous n'avez pas le droit. Et là il y a toute une série
de choses que, pour offrir, donc, par exemple, des jeux de hasard et d'argent,
l'industrie doit répondre. On pourrait avoir donc un régulateur qui donnerait
des licences, donc, pour que, par exemple, Fortnite opère. Et, pour avoir cette
licence-là, il pourrait y avoir, par exemple, d'avoir des outils pour mesurer
le temps, d'avoir... de ne plus jamais être banni si on arrête une partie en
cours, il pourrait y avoir des règlements. Donc, je pense que, dans les jeux de
hasard et d'argent, il y a eu des choses qui ont été faites parce que c'est un
contrôle sur Internet, hein, donc on est dans des choses qui sont assez
semblables et dans lesquels on pourrait s'inspirer. Il y a eu beaucoup de
choses qui ont été faites en France, en Angleterre, et on avait remis un
rapport avec les différentes législations. Mais moi, je pense que laisser
l'industrie faire ce qu'elle veut n'est pas un... n'est pas souhaitable pour
nos jeunes et ne permet pas la protection qu'ils méritent.
M. Ciccone :Est-ce que... Là, vous parlez des... de la législation au
niveau des corporations, de s'attaquer aux corporations, est ce que le Québec
est assez fort pour s'en occuper seul ou il va avoir besoin du fédéral pour la
faire également?
Mme Dufour (Magali) : Moi, je
pense que le Québec a toujours été novateur, et on peut commencer des choses,
mais on devrait faire une coalition avec les autres provinces pour être plus
fort et l'initier. Je pense que ça serait une très bonne chose. Et je soupçonne
que l'Ontario a tous ces questionnements-là, avec la poursuite contre Fortnite,
avec différentes poursuites qu'ils ont. Je pense qu'on pourrait être des
alliés. Et plus on est nombreux, plus on va être forts. Mais je vous dirais
aussi d'inclure les opérateurs, on pense... quand on pense à Vidéotron ou à
Bell, qui offrent des services Internet, eux pourraient donner des outils
faciles aux parents pour contrôler le temps d'écran. Ça pourrait être de base.
Moi, mon enfant a un forfait. À un moment donné, le forfait, je demande :
Oui, mais comment faire pour gérer le temps d'écran? Ils trouvaient que je ne
payais pas assez cher pour avoir ces outils-là. Donc, je pense que les
opérateurs, qui sont Québécois, qui sont sur notre site, pourraient aussi
travailler avec le gouvernement et avoir une responsabilité pour donner des
choses faciles aux parents. Pas besoin d'avoir une sorte de PhD en
informatique.
M. Ciccone :Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Et on a déjà des bonnes relations avec nos opérateurs, avec la
couverture cellulaire et Internet, alors le canal est déjà ouvert. Alors, merci
beaucoup, Mme Dufour, c'est très intéressant.
Donc, moi, je suspends les travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
13 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 14 h 01)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, ayant constaté le quorum, nous
reprenons ces travaux. Donc, nous poursuivons cet après-midi avec les témoins
suivants, donc : la Fondation des gardiens virtuels. Mme Anne Élisabeth
Lapointe, directrice générale de la Maison Jean-Lapointe et du Centre québécois
de lutte aux dépendances, ainsi que Mme Mélissa Généreux, médecin spécialiste
en santé publique et professeur titulaire à la Faculté de médecine et de
sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentantes de la Fondation des gardiens virtuels. Merci d'être avec
nous cet après-midi. Donc, je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes
pour nous faire part de votre exposé. Suite à cela, nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Alors la parole est à
vous.
M. Savard
(François) : Parfait! Bien, vraiment merci à tous pour l'invitation.
Au nom de la Fondation des gardiens virtuels, on est heureux de pouvoir
collaborer à votre commission parlementaire qui est extrêmement importante, ce
sujet qui nous touche à... qui touche à tous et à toutes. Pour ceux et celles
qui ne connaissent pas la Fondation des gardiens virtuels, on est un organisme
de bienfaisance qui a été fondé en 2018. Notre mission était une balise
Internet pour le monde en détresse et de faire la promotion de la consommation
responsable du numérique.
Présentement, notre projet phare sont les
travailleurs de rue numériques. Donc, c'est l'équivalent des travailleurs de
rue, mais au lieu de prendre un ballon et de faire du travail de proximité dans
un parc, on utilise le jeu vidéo pour connecter avec les jeunes où est-ce
qu'ils s'isolent maintenant, donc chez eux. Puis on utilise des chaînes Twitch,
donc on fait une collaboration avec une soixantaine d'influenceurs québécois où
est-ce que, dans le fond, leurs chaînes, c'est nos nouveaux parcs, puis dans
la... Ce programme-là existe depuis un an et demi, et déjà c'est plus de 2500 interventions
qu'on a faites auprès d'une clientèle qui n'est pas desservie par les
services... que les services ne sont pas capables de rejoindre en ce moment.
Je m'appelle François Savard, praticien et
chercheur en étude du jeu, président de la Fondation des gardiens virtuels.
J'effectue en ce moment un doctorat interdisciplinaire Santé-Société à l'UQAM.
Je m'intéresse à l'encadrement de la pratique vidéoludique compétitive...
14 h (version non révisée)
M. Savard (François) : ...compétitive,
donc tout ce qui est e-sport et sport électronique. Je suis accompagné aujourd'hui
de mon collègue Jean-Christophe Filosa. Il est responsable de nos travailleurs
de rue numériques puis il s'assure de coordonner tout notre réseau avec les
influenceurs.
Au cours de cette commission, vous avez
entendu et allez entendre une multitude de témoignages superintéressants sur
les effets potentiels, négatifs ou positifs des écrans par rapport aux jeunes.
Ce que j'aimerais qu'on fasse aujourd'hui, c'est qu'on prenne tout d'abord un
pas de recul puis qu'on analyse un peu dans quel monde on vit en ce moment,
parce qu'il y a un changement de paradigme qui s'est fait à travers les années.
J'ai 34 ans, donc j'ai vécu ces deux mondes. Avant, il y avait juste un
téléphone à la maison. Avant, si on voulait marcher puis écouter de la musique,
on avait besoin d'un gros walkman ou d'un gros lecteur de CD. Avant, on pouvait
s'obstiner pendant des heures avec quelqu'un sur une information puis il n'y
avait aucune façon de savoir qui avait raison ou tort. Avant, si on voulait se
tenir informé de l'actualité soit que, le soir, on écoutait les nouvelles ou,
dans le métro, on lisait le journal. La liste est très longue et je pourrais
continuer comme ça. Maintenant... Puis tout ce que je vous ai dit jusqu'à
maintenant, en ce moment, se retrouve sur les téléphones intelligents. Aujourd'hui,
les jeunes grandissent avec des formations gratuites sur une panoplie de sujets
sur qu'est-ce qui les intéresse. Ils ne sont plus obligés de se fier uniquement
sur une source de médias. Comme par exemple, moi, lorsque j'étais jeune, c'était
juste le journal dans le métro. Ils ont accès à des outils qui leur permettent
de s'exprimer, de se mobiliser, de socialiser et surtout de trouver des
ressources dont ils ont vraiment besoin.
Puis j'aimerais mettre une emphase sur ce
dernier point, puis je vais vous donner l'exemple de la Fondation des gardiens
virtuels. Je ne sais pas si, parmi... entre vous, avez vu le documentaire Bye d'Alexandre
Taillefer où est-ce que... avec son fils qui s'est, malheureusement, enlevé la
vie. C'est malheureusement quelque chose qu'on a vécu nous autres mêmes. Par
exemple, je suis impliqué dans les communautés de jeux vidéo depuis 2002.
Malheureusement, j'ai plusieurs pas collègues, mais amis qui... sont arrivés.
Puis c'était... là, on parle de 2017, il n'y avait pas de ressource en ligne
pour aller chercher ce monde-là. En mettant sur pied la Fondation des gardiens
virtuels en 2018, nos premières années ont été extrêmement pénibles. Lorsqu'on
parlait à différentes instances du gouvernement, lorsqu'on parlait à des
organismes communautaires, lorsqu'on parlait aux acteurs du milieu de la santé,
les gens ne prenaient pas au sérieux qu'est-ce qui se passait en ligne. Il y a
même des gens qui ont dit... qui riaient de nous autres, parce que, tu sais, le
virtuel, ce n'est pas vrai, ce n'est pas la vraie chose, ce n'est pas la vraie
vie. Ça aura pris une pandémie mondiale pour faire changer les opinions. Et il
y a vraiment un avant et un après. Puis, en ce moment, lorsque j'écoute
beaucoup de discours, qu'est-ce que j'ai peur, c'est qu'on retourne en 2017
puis qu'on prive, justement, de plusieurs jeunes des ressources qu'ils ont
besoin puis qu'on remette des vies en danger.
Un point aussi que j'aimerais mettre de l'avant,
c'est le fait que, malgré toutes les lois et les énergies qu'on peut mettre sur
des restrictions, les jeunes vont trouver des façons de les contourner. On a
tous été jeune un jour, on tous détourné des règlements qui nous ont été
imposés. Puis, au niveau du numérique, je vais juste vous donner deux exemples
personnels. Le premier, justement, lorsque j'étais ado, on avait un ordinateur
familial dans la maison, puis, du jour au lendemain, mon père m'avait enlevé
les droits d'administration, donc on avait des sessions de famille. Tout d'un
coup, je n'étais plus l'administrateur, j'étais juste un compte enfant. Il a
été surpris quand il est revenu de travailler, que c'était rendu lui, le compte
enfant, et moi, le compte administration. Je n'avais jamais piraté de ma vie,
mais, en 3 heures, j'avais appris à comment pirater mon propre ordinateur.
Il dit enlever les droits et de me les remettre. Le deuxième exemple, et là,
cette fois-ci, c'est ma fille vis-à-vis moi. Il y a plusieurs années, je
regardais sur mon cell et j'ai remarqué qu'il y avait plein de photos floues.
Je ne comprenais pas. C'était flou. Il y avait des yeux, il y avait des... Je
ne comprenais pas jusqu'à tant que je voie une grosse face et moi qui dors sur
le côté. Ma fille, elle avait trois ans. C'est la première fois qu'elle a pris
mon téléphone. Elle m'avait déjà vu...
M. Savard (François) : ...rentrer
le numéro... bien, le code, elle avait été chercher l'appareil photo puis elle
avait pris des photos. Donc, à trois ans, première fois qu'elle touche à mon
téléphone, elle est capable de le débloquer parce qu'elle m'a vue et elle est
capable de naviguer relativement dedans. Donc, autant que moi, j'avais une
longueur d'avance sur mon père, autant elle, elle a une longueur d'avance sur
moi.
Puis avant de passer la balle à mon
collègue, si jamais, au cours de la commission, vous avez des questions,
justement, sur les compétitions de jeux vidéo, et tout, ce n'est pas notre
sujet aujourd'hui, mais si vous en avez, on peut les répondre. Puis aussi,
j'aimerais vous inviter sur ça spécifiquement, dans un mois, à St-Appolinaire,
il y a le deuxième plus gros LAN qui va avoir lieu. Donc, si vous avez des questions
sur comment ça se passe puis, tu sais, vraiment vivre l'expérience puis
comprendre pourquoi est-ce que les jeunes tripent autant là-dessus, bien, ça va
nous faire plaisir de faire une visite guidée de l'événement puis de vous
expliquer en détail qu'est-ce qui se passe. Donc, je passe à mon collègue.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Il
me reste trois minutes. Je vais y aller rapidement. Donc, après des milliers
d'heures passées avec les jeunes en ligne, on s'est réalisé qu'il n'y avait pas
juste du négatif, mais du positif aussi. Ce qui est important aussi, c'est de
réfléchir à une collaboration. Nous, on a fait une collaboration avec des
streamers, des diffuseurs, ce qui nous a permis actuellement d'avoir un impact
sur 2 500 jeunes au Québec qui étaient connectés, qu'on n'aurait pas
pu rejoindre autrement. Beaucoup de milieux de la santé, parmi les jeunes
groupes, CJE et autres, ont de le difficulté à rejoindre actuellement les
jeunes. Donc, en passant en ligne, c'est une bonne façon de les rejoindre.
C'est aussi de briser l'isolement. On
s'entend qu'interdire les réseaux sociaux, les choses comme ça, peut avoir des
impacts négatifs, comme des jeunes de la communauté LGBT qui sont seuls dans
leur environnement, qui n'ont pas d'exemples positifs ou qui se posent des
questions qu'ils ne poseraient pas à leurs parents. Donc, avoir accès à des
réseaux comme ça permet justement d'avoir une réflexion là-dessus.
Aussi, en travaillant aussi avec des
groupes, des créateurs du Québec, pour ce qui est des contenus, il y a moyen de
travailler une charte avec eux. Je pense que c'est important aussi de
travailler en communauté. Puis dernièrement, il y a été créé une Table d'action
collaborative sur la jeunesse connectée où des organismes privés et OBNL ont
réussi à travailler ensemble sur savoir où étaient les jeunes et mieux les
contacter pour les ramener dans le présentiel. Donc, je pense que la
collaboration est la clé de beaucoup d'actions que vous travaillez
actuellement.
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour cet exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Merci de votre présence ici aujourd'hui. J'ai tellement de questions que... par
où commencer? Alors, travailleur de rue numérique? Vous l'avez effleuré, mais
j'aimerais ça vous entendre. Puis je vais faire le lien avec ce que vous avez
dit, là, parce que, dans vos recommandations, vous allez dire ici : Les
streamers, les streameuses, doivent être impliqués. Ça a-tu un lien entre... je
pense, vous avez travaillé ça ensemble de ce que je comprends, là, par votre...
Ça fait que comment on les implique, ces personnes-là? Puis c'est qui ces
gens-là avec qui vous avez travaillé? Je suis curieuse.
M. Filosa (Jean-Christophe) : O.K.
Parmi nos diffuseurs avec qui on travaille actuellement ou les streamers, tout
dépendant du terme que vous voulez prendre, là-dedans, il peut y avoir un
historien, il y a 15 000 personnes qui le suivent. Il y a une fille
qui a deux hamsters, il y a 3 000 jeunes qui la suivent. Il y a une
nutritionniste. Il y a toutes sortes de gens. Donc, ça nous permet de rejoindre
environ 180 000 jeunes qui suivent ces gens-là actuellement. Ces
gens-là, ils font de la diffusion. Nous, on leur a permis justement de se
libérer du fait que les jeunes ont demandé conseil, parce qu'on s'entend qu'ils
deviennent des exemples pour les jeunes puis Ils n'ont pas toujours la bonne
réponse. Moi, à la place, ce que je leur donne, c'est des gens qui sont formés,
qui viennent du milieu de la santé ou des étudiants en psychologie qui sont
capables de faire de l'écoute active et du référencement au bon endroit.
Actuellement, on a un impact sur des jeunes du Québec, de l'Acadie, et
dernièrement aussi avec des jeunes Français, parce qu'on s'entend qu'en ligne,
ça vient de partout. C'est important de ne pas les oublier, ces jeunes-là. Puis
60 %, c'est des jeunes hommes, ce qui est souvent difficile à rejoindre,
et, 20 %, c'est la clientèle LGBT. Le clavardage, l'avantage que ça a,
c'est que c'est moins dans l'émotion puis ça nous permet d'avoir une
intervention plus réfléchie. C'est ce que je pourrais vous faire en résumé
rapidement.
Mme Tremblay : O.K. ça fait
que vous rentrez en contact, là, de que je comprends, là, avec justement, là,
des streamers qui ont justement beaucoup de gens qui les suivent. Puis à partir
de là, vous leur dites : Si vous vous croyez... de faire la promotion de
votre entreprise, OBNL, là...
M. Filosa (Jean-Christophe) : OBNL.
Mme Tremblay : ...alors là,
eux, s'ils ont des jeunes qui posent des questions ou ils sentent qu'il y a un
jeune qui a besoin, ils vous mettent en lien avec ce jeune là. C'est un peu
comme ça que ça fonctionne...
Mme Tremblay : ...ou à
partir... ils font la promotion de votre OBNL, puis là, les jeunes sont
sensibilisés puis ils viennent vers vous?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Non.
Nous, on est vraiment en amont. Nous, on fait partie de la discussion, il y a
un chat. On va dire que vous vous appelez Chemise grise, puis vous avez la
chance de parler avec Chemise bleue, qui est un de mes intervenants, qui a un
sigle qui permet de reconnaître que c'est un intervenant. Donc, pendant le
chat, le jeune, lui, à un moment donné, il va voir apparaître une affiche qui
va lui dire : Écoute, si tu as un défi ou n'importe quoi, tu as besoin de
parler... Il peut rentrer dans un salon privé, puis, à partir de ce moment-là,
bien, le jeune, justement, il peut être conseillé.
Puis un des défis qu'on a remarqués, c'est
que souvent les jeunes avaient un premier contact et revenaient une deuxième
fois. Pourquoi? Parce que, dans le système de la santé, souvent, les jeunes,
ils se faisaient dire : Oui, bonjour, la première fois, prochaine
visite : 2026. Donc, là, ils reviennent chez nous, puis là on est en train
de travailler à un continuum de services avec des CJE du Québec, ou des choses
comme ça, pour réfléchir à... aux endroits qui peuvent recevoir les jeunes.
Parce qu'un jeune qui se fait dire non ou qui se fait dire : À la
prochaine fois pour avoir un psychologue, un psychiatre ou des choses comme ça,
c'est une boîte de Pandore.
Mme Tremblay : Vous évaluez
que vous avez aidé combien de jeunes jusqu'ici?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Là,
on est rendus à 2 500 jeunes en un an et demi.
Mme Tremblay : En un an et
demi, 2500 jeunes. O.K. Donc... Puis vous appelez ça «travailleurs de rue
numériques». Est-ce que c'est quelque chose qui se faisait ailleurs...
M. Filosa (Jean-Christophe) : Non,
c'est...
Mme Tremblay : ...puis qui,
là, s'est installé ici, ou c'est ici...
M. Filosa (Jean-Christophe) : Non,
c'est parti de nous. Actuellement, on est en train d'écrire le protocole pour
le ministère de la Santé. C'est un nouveau métier qui est en train de se créer.
Mme Tremblay : Ça fait que
vous avez des liens avec le ministère de la Santé à l'heure actuelle?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Oui.
Oui.
Mme Tremblay : Et puis vous
êtes combien de travailleurs de rue?
M. Filosa (Jean-Christophe) : J'ai
une dizaine d'intervenants, plus deux personnes qui font le dispatch puis qui,
aussi, font du support psychologique. On a obtenu l'année dernière le prix de
la meilleure organisation de l'AQPS, l'Association québécoise de la prévention
du suicide, parce qu'ils ont vu justement dans notre approche une approche
différente pour avoir un impact auprès des jeunes.
Mme Tremblay : Très
intéressant. Je vous remercie.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Ça
fait plaisir.
M. Savard (François) : Puis
là-dessus, en ce moment aussi, on est en communication avec des organismes en
France, en Belgique et tout qui aimeraient ça, exporter justement qu'est-ce
qu'on est en train de développer au Québec. Donc, il y a vraiment un très gros potentiel
aussi à l'international.
Mme Tremblay : Puis il y a
l'intérêt des «streamers» à vous intégrer à leurs discussions?
M. Savard (François) : Oui,
parce qu'en fait, ce service-là vient principalement de la communauté, parce
que c'était un besoin qu'eux-mêmes ont identifié puis qu'on a réussi à créer
pour eux, parce que les influenceurs, même si beaucoup de personnes n'aiment
pas ce mot-là, ça reste du monde qui ont une influence sur leur communauté,
sont proches de leur communauté, puis les jeunes et moins jeunes développent
des liens avec eux, puis, lorsqu'ils ne se sentent pas bien, bien, ils vont
aller se confier à eux. Puis eux ne sont pas équipés, justement, à intervenir,
donc c'est là que, nous, avec nos travailleurs de rue numériques, on vient
pallier ce manque-là.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Puis,
pour un dernier point par rapport à ça, on travaille actuellement pour
développer une formation en écoute active pour ces gens-là, parce que, comme
nous, on n'est pas toujours disponibles tout le temps, bien, qu'au moins eux ne
soient pas mal pris puis ne disent pas les mauvais mots ou, au moins, aient la
capacité de faire un début d'écoute active. Donc, c'est pour ça que je vous dis
que ça peut devenir des collaborateurs, il faut juste réfléchir comment, puis
il peut leur parler.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Nous allons passer à la prochaine question. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Filosa, bonjour, M. Savard, merci pour votre
intervention très intéressante, très touchante aussi. Et au passage, M. Savard,
donc, on est de la même génération, donc je me souviens aussi du temps d'avant,
et moi aussi, j'ai un fils de deux ans qui sait exactement comment appuyer,
donc... trouver, donc, le bouton pour prendre en fait l'appareil photo sur le
téléphone et prendre plein de photos de face et de photos floues.
La première question que j'ai pour vous...
Parce que c'est absolument intéressant, votre modèle de travailleurs de rue
numériques, et je me demandais donc comment vous arrivez à tisser le lien de
confiance avec les jeunes. Comment est-ce qu'ils arrivent à vous faire
confiance quand ils vous voient comme ça en ligne, donc, sur les forums de
discussion?
M. Savard (François) : Bien,
c'est... on est présents où est-ce qu'ils sont puis on ne juge pas leur
passion. La très grosse majorité de nos travailleurs de rue, c'est des gamers
eux autres mêmes, certains ne l'étaient pas, parce que c'est plus facile de
former quelqu'un qui est... dans le fond, qui n'est pas... dans le fond, qui
est formé en travailleur de rue, de le former à aimer le jeu vidéo, et non
l'inverse.
Mais, comme mon collègue Jean-Christophe
mentionnait, on participe activement aux discussions. Donc, ce n'est pas juste
d'être passifs, on échange avec eux, on rit avec eux, comme un travailleur de
rue ferait en jouant dans un parc avec... au ballon, mais il y a un travail de
proximité qui est fait, puis c'est un lien de confiance qui se bâtit. Donc, ce
n'est pas sur une seule soirée, c'est sur le long terme.
Mme Cadet : Sur le long
terme, ça veut dire quoi, à peu près, en termes de durée? J'imagine... C'est
sûr que ça dépend de chaque jeune, là.
M. Savard (François) : Ça va
dépendre des... des jeunes. Mais déjà, le fait qu'on est présents où est-ce
que.... Dans le fond...
M. Savard (François) : ...on
est où est-ce qu'eux sont, les liens se tissent assez rapidement.
Mme Cadet : Vous faites
partie de leur écosystème de façon organique, là, si je comprends bien.
M. Savard (François) : Oui.
M. Filosa (Jean-Christophe) : On
est là sept soirs semaine, c'est la grosse différence. On a commencé, on avait
deux intervenants, quatre soirs semaine. Un mois plus tard, c'est comme :
Ouh! C'est Noël, on n'a pas le choix, on est tombés à quatre intervenants par
soir, sept soirs semaine, entre 7 heures et 10 heures. Ça correspond aussi à
notre capacité d'accueil qu'on a. Puis rapidement les jeunes se sont aperçus
qu'on n'était pas des robots. Parce que je permets à mes travailleurs de rue,
justement, de parler de musique, de parler de ce qui se passe à travers le
«chat», des choses comme ça. Ce qui permet... l'avantage aussi, à des jeunes
parfois de faire signe, ou des modérateurs qui sont sur ces réseaux-là, puis
intervenir auprès de mon équipe puis dire : Oui, bien, écoute, il y a tel
jeune qui a eu tel discours ou des choses comme ça. Donc, parfois, on peut
faire des interventions sans que le jeune vienne directement on peut tendre une
perche vers lui aussi.
Mme Cadet : L'intervenante
précédente, plus tôt aujourd'hui, nous parlait des mécanismes, là, qui captent
notre attention et qui font partie des jeux vidéo. On en a beaucoup parlé des
réseaux sociaux aussi, de façon plus large dans le cadre de cette commission.
Est-ce que vous pensez que le fait pour le législateur d'agir pour empêcher les
microtransactions ou empêcher... donc, les publicités, en tout cas, toutes
sortes... ces mécanismes-là ça réduirait, donc, le nombre de jeunes à risque
qui viendraient vous voir?
M. Savard (François) : Je
dirais que oui, mais qu'est-ce qui est important de voir, avec les jeux vidéo,
c'est la même chose avec les plateformes puis les différents médias sociaux,
c'est... ils ne sont pas tous égaux. En ce moment, ces mécanismes-là où est-ce
qu'on voit justement les microtransactions, les publicités, et tout, c'est
surtout des applications mobiles, donc des jeux mobiles. Puis même, avec une
chaire de recherche à l'UQAM, on regardait les applications mobiles pour les
enfants, puis, à un certain point, il y avait des «dark patterns», dans le
fond, des mécaniques qui ressemblaient à des mécaniques de hasard faites dans
des jeux d'enfants. Mais ces mécaniques-là, par exemple, sur des jeux sur
consoles et d'ordinateur, sont beaucoup moins présents parce que, justement,
c'est un public qui est beaucoup plus averti puis que lorsque des compagnies et
des studios essaient de le faire, bien, il y a un «backlash» de la communauté,
qui est contre ça. Mais, par contre, c'est vrai que, côté jeux mobiles, puis il
en sort des millions à chaque année, il n'y a pas vraiment de suivi qui est
fait à ce niveau-là.
Mme Cadet : Vous avez dit
2 500 jeunes, depuis un an et demi, vous avez écrit, 1 274
interventions juste en 2024. Qu'est-ce que nous, on pourrait faire pour
empêcher, en fait, que vous ayez besoin d'intervenir auprès de plus de jeunes
dans les années à venir?
• (14 h 20) •
M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien,
à la base, on aura toujours à intervenir. Je veux dire, peu importe les lois
qui vont passer ou n'importe quoi, les jeunes... Je vais vous donner un
exemple. Dernièrement, c'était le 1ᵉʳ juillet, il y avait plein de jeunes qui
nous contactaient parce qu'ils étaient en couple, donc un peu plus vieux que
ceux qu'on vise actuellement, puis ils étaient coincés avec leur blonde ou leur
chum chez eux, puis ils ne pouvaient pas déménager. Bon, bien, ça amenait de la
violence conjugale.
Mme Cadet : Ah! O.K., vous
intervenez sur les autres aspects aussi.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Ça
a amené toutes sortes de problématiques. Quand il y a eu la crise, justement,
auprès des universitaires, par rapport, justement, à ce qui se passe entre
Israël et la Palestine, il y a beaucoup de jeunes de la communauté juive qui
nous ont communiqué... Donc, on s'entend aussi qu'on suit aussi les
problématiques sociales qui existent. Donc, ça dépasse juste le «gaming», puis
ces choses comme ça aussi. On s'entend qu'il y a beaucoup de solitude chez nos
jeunes. Quand on parlait, justement, de la communauté LGBT, ce qui revient
souvent, c'est beaucoup des jeunes de régions qui communiquent avec nous, qui
se sentent seuls, qui n'ont pas d'exemple positif, qui n'osent pas parler en
milieu scolaire. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est important de
prendre ce qu'il y a de meilleur dans le réseau. Oui, il y a des faiblesses,
oui, il y a des choses qu'il faut enlever. Ça, je suis d'accord avec ça, je ne
remets pas ça en question, mais j'ai un doute sur la majorité numérique, pour
être franc avec vous.
Moi, je suis plus pour l'éducation des
jeunes, parce qu'on s'entend que c'est des futurs travailleurs qui vont vivre
avec ça, puis, en plus, comme mon ami disait tantôt, comme l'alcool ou
n'importe quoi, le questionnement qu'il faut se poser, c'est que, si on crée
une majorité numérique, est-ce qu'on va créer un filet social? Parce que, si
c'est à 13, 14, 16 ans, le jeune, il va capoter, il va tomber là-dessus, c'est
comme : wouh ouh! Il va être heureux, mais, en même temps, il va peut-être
tomber dans les excès s'il n'a pas la bonne éducation, il va peut-être faire
des bêtises, la sextorsion et tout ce que vous voulez. Donc là, ce qu'il faut
réfléchir, c'est, si on met cette loi-là... Ce que je vous recommande... C'est
quoi, le filet social qu'on met après pour ne pas échapper ces jeunes-là?
Mme Cadet : Merci. Merci
beaucoup. Je vais devoir quitter, mais c'est très intéressant, merci pour votre
travail.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, bonjour. Très heureux de vous avoir ici aujourd'hui,
avec votre éclairage, qui est différent de ce qu'on entend depuis bientôt plus
d'une semaine. J'imagine que vous suivez les travaux, bon, vous avez entendu
qu'on est beaucoup sur l'impact, hein, sur nos jeunes, plus souvent négatif que
positif, malheureusement. Vous apportez un éclairage différent, vous parlez...
M. Sainte-Croix : ...de
potentiel de créativité derrière nommément ChatGPT. J'aimerais vous entendre
là-dessus. Qu'est-ce que... Tu sais, dans le fond, quand vous intervenez avec
vos jeunes, ce n'est pas nécessairement toujours négatif de ce que je comprends
non plus, ça peut être, dans certains cas, quelque chose qui stimule ou qui les
amène ailleurs, ou vous êtes plus souvent dans la question... résolution de
problème ou...
M. Filosa (Jean-Christophe) : Les
travailleurs de rue numériques sont comme les travailleurs de rue à la base.
Les gens arrivent avec des bonnes et des mauvaises journées. Donc, parfois, il
y en a qui ont pris l'habitude juste de lâcher un call. Tu arrives chez toi,
mais tu es encore tout seul. Tu sais, on... Au Québec, on a un problème de
solitude chez nos jeunes, là, il ne faut pas passer à côté de ça, c'est
important. Ils n'ont personne à qui parler, mais parfois ils vont parler avec
mes travailleurs de rue, de ce qui va bien dans leur quotidien, puis des choses
comme ça. Et, en responsabilisant les créateurs, justement, les streamers, les
influenceurs, les choses comme ça, en leur disant : Tu as une
responsabilité morale. Mais parfois ils font attention à ce qu'ils disent, à ce
qu'ils font en ligne aussi, parce quand ils font partie de la solution, bien,
tu réfléchis autrement. Donc, c'est dans cette approche-là que nous on est.
M. Savard (François) : Puis,
au niveau, justement de la créativité, en ce moment, avec tous les outils
justement technologiques, c'est extrêmement facile pour les jeunes à apprendre,
par exemple à faire du montage vidéo, à faire du montage images, de la musique.
Donc, il y a beaucoup de personnes qui rêvent d'être DJ, ou peu importe quoi,
mais qu'au moins maintenant, avec les plateformes, sont capables de créer et de
laisser cours à leur imagination.
M. Sainte-Croix : Ça, ça
pourrait être un facteur qui pourrait éventuellement être favorable pour
certains jeunes.
M. Savard (François) : Oui,
définitivement.
M. Sainte-Croix : Pourrait
les sortir de leur solitude, de leurs problématiques de socialisation. Ça fait
qu'il y a là aussi, potentiellement, quelque chose qui pourrait être positif au
niveau de notre jeunesse.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Je
vais vous donner un exemple. Actuellement, on travaille sur un nouveau programme
qui est pour les jeunes... les jeunes filles de l'immigration. Donc, nous, on
veut les former pour qu'elles deviennent diffuseuses et streameuses, ce qui va
un peu leur permettre, justement, de gagner de l'autonomie, de la confiance en
soi, et de mieux connaître notre Québec aussi, et de parler avec des gens qui
viennent de différentes communautés. Voyez vous, ça, ça fait partie du créatif
qu'on peut... qu'on peut obtenir. À l'autre extrême, on est en train de
travailler actuellement sur un projet par rapport à la cyberintimidation. Au
Québec, on n'a pas de ligne directe pour les jeunes qui vivent de la
cyberintimidation. Donc, nous, à travers une application de clavardage, on est
en réflexion actuellement pour pouvoir répondre à ces jeunes-là. Parce que,
comme je le disais tantôt aussi, le clavardage, c'est beaucoup moins dans
l'émotion. Donc, ça permet au jeune de parler à sa vitesse puis de discuter
avec nous. Donc, nous, on est plus dans le mode solution actuellement. Donc,
comme vous l'avez dit, beaucoup de gens ont amené le côté négatif, puis il le
faut, parce qu'il y a des choses à régler. C'est comme dans n'importe quel
sport, le hockey, le baseball, ou n'importe quoi, il y a eu des périodes
noires, il y a eu des réflexions, puis ça s'est amélioré. Bien, dans le
numérique, c'est pareil, il y a eu des périodes noires, on a laissé faire.
Actuellement, vous êtes en réflexion, ce qui est bien, puis on va essayer de
trouver ce qu'il y a de positif à l'intérieur de ça.
M. Sainte-Croix : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. C'est très original, votre intervention, votre
organisation. C'est rafraîchissant. Deux questions. Vous avez peut-être entendu
les présentations précédentes, il y a une discussion alentour de l'interdiction
éventuelle des microtransactions, où est-ce qu'on essaie de faire le ménage de
l'industrie, de ce qui est le plus nocif. Comment ça serait reçu, ça, chez les
jeunes si on légiférait? J'ai compris que le Japon avait fait une intervention
législative, la Belgique, les Pays-Bas. Est-ce qu'au Québec si on disait :
C'est fini les microtransactions pour les jeux vidéo, est-ce que ça serait reçu
positivement, négativement? Comment vous pensez que ça serait reçu?
M. Savard (François) : Oui.
La majorité des lois qui ont été mises en place en lien précisément en lien
avec les loot boxes, donc les coffres à butin qui sont des mécaniques de hasard...
Au final, c'est tu achètes quelque chose, tu ne sais pas exactement qu'est-ce
que tu vas avoir dedans, puis ça, ça encourage la personne à en ouvrir plus
pour aller chercher l'élément cosmétique souvent qu'elle veut aller chercher,
ça, oui, dans le fond, ça peut être beaucoup plus problématique parce que,
justement, ça vient reposer sur des mécaniques de jeu de hasard et d'argent.
Donc, tout ce qui était, par exemple, dark pattern, que je mentionnais, oui,
ça, c'est extrêmement problématique chez les jeunes, pour un public averti,
beaucoup moins, par exemple, les adultes, et tout, il y en a qui sont capables
d'aller au casino, qui ne sont pas capables de... ils ne vont pas devenir
dépendants nécessairement. Mais, pour ce qui est des jeunes sont plus susceptibles
avec ce type de mécanique là, oui, il y a une problématique par rapport à ça.
M. Leduc : Mais donc est-ce
que ça serait bien reçu d'après vous? Est-ce que les jeunes diraient bonne idée
ou, au contraire, il y aurait une rébellion, disent : Non, laissez-nous
tranquilles, on veut acheter nos petits trucs sur les jeux vidéo.
M. Savard (François) : Il y
aurait probablement une rébellion...
M. Savard (François) : ...très
vocal parce qu'il n'y a personne qui aime se faire dire que non, ce n'est pas
correct, puis quelque chose... qui existe déjà, personne n'aime se le faire
enlever. Mais spécifiquement sur ces... patterns-là, selon moi, sur le long
terme, il y avait plus de bénéfique que de négatif.
M. Leduc : Bref, il
faudrait... il faudrait être prêt à subir un certain contrecoup des jeunes si
on faisait ça, mais sur le moyen long terme...
M. Savard (François) : Exact.
M. Leduc : Parfait.
M. Savard (François) : Puis
déjà avec les réglementations qui ont été mises en place, bien, les studios de
jeux et les développeurs d'applications mobiles se sont déjà adaptés, puis dans
certaines plages, justement, comme... On en voit de moins en moins justement de
ça, parce que, justement, il y a aussi la communauté qui s'éduque puis qui
devient très...
M. Leduc : Critique.
M. Savard (François) : ...critique
envers justement ce type de mécanique là. Puis, par exemple, il y a un jeu
récemment à Star Rose qui avait mis des mécaniques comme ça, puis là il y a eu
justement une très grosse grogne des joueurs, et le studio a fait volte-face et
a tout enlevé par rapport à ça. Donc, ça va aussi des deux côtés.
M. Leduc : Vous parlez de
Battlefront II?
M. Savard (François) : Exactement.
M. Leduc : J'ai joué à ça,
O.K. Justement, vous parlez des jeunes puis de la réaction. C'était ma dernière
question. On sait que l'industrie ne s'autorégulera pas toute seule, mais
est-ce que la communauté est assez forte et... moi, je dirais ça, clairvoyante
pour avoir un impact? Le jeu en question, ça s'adonne que je le connais, mais
on ne peut pas dire que, c'est ça, ça s'est répliqué de manière systématique
sur tous les jeux. Tu sais, il n'y a pas de rébellion de joueurs de... de
Fortnite pour dire : Arrêtez de faire des trucs du genre. Ça fait
qu'est-ce que... est-ce qu'on peut miser sur l'auto... comment je dirais ça,
sur la bienveillance, la clairvoyance de la communauté pour finir par corriger
les méfaits de cette industrie-là ou il va falloir qu'on aille du point de vue
législatif?
M. Savard (François) : Très
bonne question.
M. Leduc : Parce que je fais
la différence entre l'industrie puis la communauté de joueurs.
M. Savard (François) : 0ui.
M. Leduc : Ça, c'est très
clair pour moi. Je ne fais pas confiance à l'industrie, pas trop. Mais
qu'est-ce qu'on peut retirer de cette communauté-là?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Bien,
actuellement, bien, écoutez, moi, j'ai un fils qui fait du e-sport depuis des
années, là. Donc, il aime ça. Donc, du coup, papa, il suit aussi, il n'a pas le
choix. Comme on peut aller au hockey dans les arénas, moi, je suis dans mon
salon avec mon fils, puis je regarde ce qu'il fait actuellement comme activité,
là, donc, puis je suis beaucoup la communauté. Moi, je fais partie de cette
communauté-là. La communauté a beaucoup changé. La communauté aussi est
composée pas juste de jeunes, beaucoup de gens beaucoup plus vieux, qui eux
sont beaucoup plus critiques sur justement un peu les magouilles de certaines
entreprises ou la façon de retirer de l'argent parce qu'ils deviennent parents.
Et le jour où tu es parent puis ton flo, il te revient avec justement :
Aïe! et il y a 15 $, 20 $, 30 $ qui ont été prises sur mon
compte, puis je ne sais pas pourquoi, m'a fait allumer.
Donc, je vous dirais qu'il y a une
maturité qui est arrivée parmi les gamers parce qu'ils ont vieilli qui a un
impact sur les plus jeunes parce qu'on leur fait prendre conscience à quelque
part que ce n'est pas pour leur bien qu'on fait ça. On ne fait pas apparaître
tel, tel, tel box ou n'importe quoi, c'est pour leur retirer de l'argent, puis
qu'en bout de ligne c'est juste un skin, c'est juste une image, ce n'est pas un
impact. Donc, je pense qu'il y a une éducation qui se fait par, actuellement,
l'expérience des joueurs. Ce n'est pas parfait, il faut les aider, ça, je suis
d'accord, mais je pense qu'on peut faire confiance à la communauté.
Actuellement, il y a une belle évolution qui se fait.
M. Leduc : Merci.
• (14 h 30) •
La Présidente (Mme Dionne) : ...beaucoup.
Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Vous avez
mentionné au début... excusez-moi, comment vous allez chercher ces jeunes-là
avec vos travailleurs de rue virtuels. Mais est-ce que c'est uniquement des
jeunes qui identifient qu'ils ont un enjeu ou qu'ils ont... qui demandent de
l'aide que vous rejoignez parce qu'on sait que beaucoup de jeunes n'ont pas le
courage, n'ont pas la conscience, ne sont pas conscientisés pour réaliser que
c'est peut-être par ce qu'ils y passent trop de temps. Donc, les jeunes qui
viennent vers vous, c'est des jeunes qui identifient qu'il y a un enjeu et ils
voudraient parler à quelqu'un. C'est ça?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Non,
pas automatiquement. On a beaucoup de jeunes. Je vous dirais que le clavardage
a un autre avantage, c'est qu'au téléphone, tu as de l'émotion. Ons'entend. Je
parle, je suis triste, je ne vais pas, tu sais. En clavardage, c'est neutre en
partant. Donc, le jeune, il peut parler de tout et de rien. Nous, dans la
discussion, on peut l'amener à : Est-ce que tu veux, parler de quelque chose
en particulier? Donc, on va travailler dans ce sens-là parce que nous, on est
là pour offrir du soutien.
Mais à la base, il y a beaucoup de jeunes,
de plus en plus de jeunes qui viennent, qui jettent un premier filet, puis ils
disent : Oui, oui, mais peut-être qu'ils nous rappellent une deuxième fois
ou nous contactent plusieurs fois, puis à un moment donné, il dit : Oui,
j'ai un défi personnel. Ça peut-être... Tu sais, en termes... nous, on est
14-28, on a eu des jeunes de huit ans qui nous ont contactés aussi, là, qui ont
passé par le compte de leur grand frère, grande sœur ou des choses comme ça
aussi, là. Donc, on a vraiment une clientèle de toutes les sortes. Puis comme
je...
14 h 30 (version non révisée)
M. Filosa (Jean-Christophe) : ...à
un de vos collègues, il y en a que c'est juste pour discuter, pour discuter. C'est
un premier bris de leur solitude. Puis il y en a d'autres qui arrivent vraiment
que des problématiques très lourdes, complexes, où là, bien, ça prend un peu
plus de patience parfois deux, trois rencontres ou des choses comme ça pour
arriver au bout. Pour le référencement. Parce que ce qui est important, c'est
de leur donner l'outil. Nous, on n'agit pas à leur place. Nous, on n'est pas un
centre d'urgence. Nous, on a un centre d'écoute numérique puis on est là
justement pour leur trouver le meilleur emplacement où ils peuvent avoir un
service qui correspond à leurs besoins. Que ce soit une jeune femme battue que
ce soit un jeune qui vit de la violence à l'école, tantôt je soulevais
justement la problématique de cyberintimidation, toutes sortes de
problématiques qu'on a. Bien, justement, ça, ça permet ça. Puis en faisant
partie de la communauté, les jeunes, au fur et à mesure, en s'apercevant qu'on
est, on a un aspect social positif, bien, ils prennent confiance, puis parfois
c'est des amis à eux qui les poussent à venir nous parler. Souvent c'est arrivé
qu'ils ont dit : C'est un de mes amis qui a parlé avec vous, qui vous a
vus, puis on nous a recommandés, puis c'est comme ça qu'on sait qu'on a des
nouveaux streamers qui sont arrivés, des nouveaux. Donc, on est rendus environ
une soixantaine qui participent avec nous actuellement à l'intérieur du Québec.
Mme Prass : Et justement, vous
disiez, vous êtes là pour essayer de les orienter vers les bonnes ressources.
Mais vous avez dit au début, au début, que vous desservez les services que le
public ne dessert pas à nos jeunes. Donc je voudrais que vous puissiez élaborer
sur ce point-là et aussi quand vous dites, par exemple : un jeune qui
vient voir qui est en détresse psychologique mais qui va aller voir le médecin,
une travailleuse sociale, et il va se dire dans deux ans, tu vas voir un
psychologue. Quand vous voyez que les services de l'État ne sont pas là pour
combler le besoin du jeune, comment est-ce que vous agissez à ce moment-là?
M. Filosa (Jean-Christophe) :
Bien, actuellement, moi, ça va faire un an que je fais le tour d'organismes
montréalais de santé mentale ou jeunesse. Comme je vous disais tantôt, on avait
la problématique, dans certains cas, ils n'arrivent pas à rejoindre les jeunes.
Les jeunes restent en ligne, ils n'arrivent pas à les rejoindre, ce qui est une
grosse problématique et, à l'autre extrême, il y a les jeunes qui se tapent le
nez sur des services. Donc, à partir de là, nous, ce qu'on fait, c'est un
continuum de service. Actuellement, on part, on a parlé avec les CJE, c'est
quand même 130 à travers le Québec, on essaie de voir lesquels ont des
disponibilités pour accueillir les jeunes. En France, on a fait la même chose :
C'est la Maison des adolescents que ça s'appelle en France. Ils nous on dit :
Partout en France on peut les recevoir, sauf à Paris, là, on est débordés.
Bien, on le sait. Donc là, on a fait affaire avec d'autres organismes, puis là,
on est en réflexion pour se créer notre propre réseau à l'interne de gens qui
ont la capacité d'un accueil plus que la première rencontre. La première
rencontre en général au Québec, ce n'est pas problématique. On est capable d'avoir
une première rencontre. Tu sais, on a créé Aire ouverte, on a créé des belles,
des beaux organismes, on s'entend que le milieu de la santé a fait un beau
travail à ce niveau-là. Mais parfois, dans certains cas, en région éloignée ou
ailleurs, ou même dans le Grand Montréal, on le voit à travers des communautés
qui viennent d'arriver au Québec ou des choses comme ça, ils ne savent pas par
où passer, ou leurs communautés ont un malaise par rapport à la santé mentale.
Donc si on les prend pas vite en charge, mais ils restent avec leurs
problématiques. Tu sais, il y a un peu tout ça aussi que dans les enjeux dans
lesquels on essaie de travailler pour avoir une réponse à ça, elle n'est pas
parfaite. Comme actuellement, bien, je manque de travailleurs de rue, là, je n'ai
pas les moyens d'en engager plus alors que j'en aurais besoin. Mais avec ce qu'on
fait malgré tout, la communauté grossit rapidement puis on gagne en confiance
avec les gens.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Le temps file. Je vais céder la parole à Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
D'entrée de jeu, M. Savard, M. Filosa, c'est... Félicitations, de un, pour
votre mémoire, mais également pour, de un, votre nom également, que j'aime
bien, mais aussi pour votre approche qui sort du cadre. Vous avez su agir aux
endroits où est-ce que nos jeunes se trouvent. Donc, on a peu entendu de
groupes comme le vôtre. Première chose et là ils disent les fleurs après le
pot, là, mais il y a une chose que j'aimerais bien savoir. Un peu plus tôt, on
a rencontré une docteure qui disait que certains jeunes restent que plus que 50
heures par semaine sur les réseaux. Des problèmes majeurs chez nos jeunes. C'est
en fait la consultation, puis les écrans numériques et tout ça. N'est-ce pas de
mettre un plaster sur le bobo, d'intervenir dans un monde virtuel pour une
problématique chez les enfants qui est justement d'utiliser trop les réseaux?
Je veux que vous me convainquiez, là, je veux que vous réussissiez à me
convaincre du contraire du contraire. Expliquez- moi comment justement votre
mécanisme d'aide envers ces jeunes-là en ligne peut aider à ceux qui sont
dépendants des réseaux?
M. Savard (François) : Ça, je
peux y aller. En fait, la réponse est simple. Ce n'est pas que ça qu'on couvre.
Par exemple, dans le mémoire, la cyberdépendance, c'est une ligne sur la
quinzaine de lignes qu'on va chercher...
M. Savard (François) : ...donc
oui, en effet, pour quelqu'un qui est superdépendant. Puis on en a eu, par
exemple, qui étaient dépendants aux jeux vidéo, donc là, après ça, on va les
référer par exemple à des centres qui sont spécialisés là-dessus. Mais l'idée
est d'être là pour l'ensemble des enjeux, puis d'être en communication avec
eux, puis de leur donner un service qui est personnalisé à leurs besoins. C'est
des personnes qui ne veulent pas appeler, c'est des personnes qui ne veulent
pas envoyer des courriels, qui ne vont pas se déplacer en personne. Donc, en
étant présents où est-ce qu'eux ils sont, dans le fond, c'est soit qu'on est là
et on les aide ou on n'est pas là et ils finissent tout seuls puis il n'y a
rien qui se fait.
Mme Gendron : J'aime bien ce
que vous dites, là, d'une de vos recommandations d'éducation
intergénérationnelle, c'est la mesure concrète que vous proposez. Est-ce que
vous avez dit non à l'âge numérique? Est-ce que concrètement, il y a d'autres
choses en tant que législateurs ou en tant que... bien, en fait, parents aussi,
qu'on peut faire concrètement pour aider nos jeunes justement qui passent trop
de temps sur les réseaux sociaux?
• (14 h 40) •
M. Savard (François) : Bien,
pour ce qui est des parents, c'est de remarquer sa propre consommation. Parce
qu'on a fait des conférences avec des parents, puis la première question que je
leur demande, c'est : C'est quoi que vous faites le matin en vous levant?
Puis la majorité du monde, c'est ils regardent leurs notifications. Puis il y a
des études récentes qui sont sorties, surtout pour les tout-petits, de... justement,
il y a des conséquences sur leur développement lorsque le parent, il est
toujours sur son cell. Bien, ça, c'est problématique, et il faut apprendre aux
parents justement à consommer de manière responsable les technologies et le
numérique. Comme que je mentionnais tantôt avec mon exemple, tu sais, mes
parents n'ont pas grandi avec ça. Moi, j'ai grandi à moitié avec ça, ma fille a
grandi avec ça, donc elle va savoir comment bien éduquer. Donc, c'est... c'est
plusieurs générations qu'on va réussir à acquérir des connaissances collectives
sur justement qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mauvais par rapport à
ça.
Mme Gendron : C'est lourd de
sens, plusieurs générations. J'espère pas aller jusque là. Mais merci. Merci
beaucoup. Aviez-vous d'autres commentaires?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Oui.
Juste pour ajouter. J'ai travaillé beaucoup avec les aînés dans une période de
ma vie, entre autres pendant la pandémie, là. Les aînés aussi sont contaminés
aussi par ça. Désolé, mais le nombre d'aînés qui restent tout seuls chez eux
avec leur téléphone cellulaire plutôt que de sortir dehors, là... Donc, on
s'entend que la problématique, là... C'est pour ça que je me méfie un petit peu
d'une loi-cadre juste pour les jeunes, là. On s'entend que c'est l'ensemble de
la société qui vit par rapport à ça. Donc, si on fait l'éducation
intergénérationnelle, c'est aussi avoir un impact sur les aînés. Parce que, si
grand-papa, grand-maman, quand il vient faire le tour chez son jeune puis qu'il
est toujours sur son téléphone cellulaire, ce n'est pas plus gagnant. Donc, les
parents, ce n'est pas juste le parent près, c'est aussi l'oncle, la tante, les
grands-parents. Il faut faire attention, parce que souvent, quand on dit «le
parent», on s'imagine papa, maman. Actuellement, dans les familles qui sont
agrandies, on s'entend qu'actuellement beaucoup de divorces, beaucoup de
reconstructions familiales, c'est large, donc là, il va y avoir deux, trois,
quatre grands-parents. Donc, en fin de compte, c'est ça aussi quand je parle
d'intergénérationnel. Ce n'est pas juste le parent direct, c'est d'aller plus
large.
Mme Gendron : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci. M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci. Il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
nous reste un trois minutes.
M. Ciccone :Bon, bien, je vais faire ça vite. Dans le... Dans le
meilleur des mondes, on n'a pas besoin de vous autres, on s'entend là-dessus.
Puis j'aurais quasiment le goût de vous poser la question, là, qu'est-ce qu'on
pourrait faire pour ne plus avoir besoin de vos services, mais on n'a pas assez
de temps. Mais ce que je dirai, c'est que, un, je tiens à vous féliciter. Je tiens
à vous féliciter parce que vous avez vu qu'il y avait une problématique et vous
êtes allés au cœur. Vous êtes dans un mode intervention et vous êtes allés
chercher les jeunes au cœur pour les faire parler. Parce que moi-même j'ai eu
un adolescent, qui est adulte aujourd'hui, là, mais, tu sais, je veux dire, je
l'entendais parler, puis il se disait : Aïe! À soir, papa, on se rencontre
tous, on est ensemble. Puis moi, un papa qui est un peu ignorant, je dis :
Parfait. Tu veux-tu du coke, tu veux-tu des chips pour la gang? Il dit :
Non, on fait ça en ligne. Puis ça a créé beaucoup... chez mon fils, énormément
de colère, des trous dans les murs, et etc. Puis, mon gars, il a zéro violence,
là, vraiment zéro. Mais ça, ça... Puis je ne sais pas, si, dans ce temps-là, il
y avait eu des interventionnistes comme vous, ça l'aurait sûrement, sûrement
aidé. Mais je veux vous entendre. Juste un petit partage, là, il ne reste plus
beaucoup de temps, là. Quand vous intervenez avec les jeunes ou n'importe qui
sur les réseaux, là, sur les jeux, là, un, c'est fait de façon confidentielle.
Vous ne savez pas à qui vous parlez?
M. Savard (François) : Non.
M. Ciccone :Puis, si jamais vous avez une intervention importante à
faire, là, quelqu'un qui dit : Moi, c'est terminé, je veux mettre fin à
mes jours, qu'est-ce que vous faites, qu'est-ce que vous faites...
M. Ciccone :...que vous faites. Qu'est-ce que vous faites, comment vous
pouvez intervenir pour sauver la personne?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Nous,
on connaît justement les organismes qui peuvent réceptionner ces jeunes-là,
suicide.cam des choses comme ça. Nous, ils nous connaissent, donc, nous, on
peut les référer directement là-bas. Donc, nous, on est dans le référencement,
donc, nous, c'est de faire l'impact. Je vous dirais que, dans la majorité des
cas, quand j'ai des retours, les jeunes le font. Donc, on a vraiment une
réponse positive. Puis, quand vous disiez, justement : Dans un monde
parfait, on n'aurait pas besoin de nous, dans un monde parfait, on n'aurait pas
besoin de faire de la prévention du suicide non plus, si on arrivait justement
à combler tous les suicides du Québec ce que je ne pense pas qu'il va arriver
demain matin, donc je pense qu'on va tous continuer à travailler ensemble.
M. Ciccone :Merci beaucoup pour votre travail.
M. Filosa (Jean-Christophe) : Au
plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste une petite minute, M. le député de Jonquière, avez-vous une petite
question rapide?
M. Gagnon : Oui... O.K., on
va prendre celle-là. Gardien virtuel, santé publique, Aire ouverte, c'est un
lien vraiment important. Peut-être en 30 secondes, comment vous avez établi le
lien entre l'Aire ouverte et votre organisme?
M. Filosa (Jean-Christophe) : ...la
table, justement. Je vous parlais tantôt de Jeunesse connectée, puis on a eu
une réflexion. Ils sont venus, parce qu'ils ont leurs jeunes, cette table-là.
On leur a donné droit de parole, on a le droit à trois jeunes qui participent à
la table. Ce n'est pas juste des compagnies privées ou des OBNL qui sont sur
place. Puis eux, ils sont contents parce qu'ils vont faire connaître nos
services, justement, auprès des jeunes. Et nous, on peut référencer les jeunes
s'ils nous disent que, je ne sais pas, celui de Montréal-Nord, l'aire ouverte
Montréal-Nord me dit : On a de la place, on a une capacité d'accueil.
D'accord. Je dis à mon équipe : Écoutez, dans la région de Montréal, on a
tel... on a tel coin où on peut intervenir.
M. Gagnon : J'entends «cinq secondes».
Quand un jeune rentre à Aire ouverte, une ITSS, ça va être une infirmière...
toxicomane, mais il rencontre qui, un jeune qui a une problématique de jeux
vidéo dans une aire ouverte?
M. Filosa (Jean-Christophe) : Ce
n'est pas une aire ouverte à qui on va... on va donner le mandat. Il y a
d'autres organismes qui existent à Montréal ou dans d'autres régions.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci infiniment pour votre contribution. Moi aussi, je tiens à vous
féliciter pour votre approche novatrice.
Et je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir notre prochain invité. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 50)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue à Mme
Lapointe et M. Teisseire. Donc, bonjour et bienvenue à cette commission. Je
vous rappelle que vous disposez de dix minutes pour nous faire part de votre
exposé, et, suite à cela, nous procéderons à une période de questions avec les
membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...Mesdames
et Messieurs les députés, Madame la Présidente, bonjour à toutes et tous. Je me
présente, Anne Elizabeth Lapointe, je suis directrice générale de La Maison
Jean-Lapointe. Je suis accompagnée de Max Teisseire qui est le directeur des
programmes de prévention à La Maison Jean-Lapointe.
La Maison Jean-Lapointe existe depuis
1982. Elle est connue pour le traitement, mais, depuis 20 ans, fait
également de la prévention. La mission principale de La Maison Jean-Lapointe
est d'améliorer la qualité de vie des personnes par la prévention, le traitement,
le soutien et le partage de connaissances en matière de substances et de
dépendances. À ce jour, la maison a aidé plus de 40 000 personnes aux
prises avec des problèmes de consommation et a sensibilisé plus d'un million de
jeunes à travers le Québec, et on les a sensibilisés aux risques liés à la
consommation des substances psychoactives, aux jeux de hasard et d'argent et
également aux risques liés aux écrans et aux réseaux sociaux. Nos actions en
prévention ciblent principalement les adolescents du secondaire, mais également
les adultes qui gravitent autour de ces jeunes. Aujourd'hui, c'est donc à titre
d'expert en prévention que nous venons témoigner.
Tout d'abord, nous tenons à féliciter
votre initiative et nous croyons que la communication est un pas important et
qui va permettre des actions durables et efficaces pour outiller et protéger
nos jeunes contre les impacts des écrans.
Cette année, comme je viens de le dire, la
maison souligne 20 ans de prévention. On a débuté nos activités en 2004
avec des activités sur les jeux de hasard et d'argent, on a poursuivi avec
d'autres thématiques. Mais, au fil des ans, par le biais de nos ateliers sur
les jeux de hasard et d'argent, on a vu un intérêt de plus en plus marqué des
adolescents par rapport aux jeux vidéo et aussi, tranquillement, par rapport à
tout ce qui était les réseaux sociaux. Et, en réponse aux préoccupations qu'on
recevait de la part des directions d'école, des enseignants et aussi de
parents, on a développé une activité qui allait cibler justement ce qu'on dit
aujourd'hui, l'hyperconnectivité.
Au fil des dernières années, on a donc pu
observer aux premières loges l'évolution et l'impact des écrans sur le bien
être des gens. Comme vous le savez, pendant la pandémie, les jeunes se sont
tournés davantage vers les écrans, et nous, on a pu voir, on a pu constater,
quand on est retournés en classe, on a vu des conséquences. C'était marquant de
voir les conséquences sur leur santé mentale et physique. Nos intervenants nous
disaient : Nos jeunes sont poqués, et on a pu le constater. Et c'est pour
ça que c'est tellement important, le travail que tout le monde, tous les
acteurs font en matière, justement, de prévention et de traitement au niveau
des écrans.
On en a parlé dans notre mémoire, nos plus
grandes préoccupations sont le temps d'écran excessif...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...l'accès
facile à des contenus inappropriés, l'influence sur la santé mentale, dont
l'anxiété et la dépression, le manque de contrôle parental et, évidemment, les
risques de cyberdépendance. Comme vous pouvez le lire dans le mémoire, les
conséquences liées à l'hyperconnectivité sont nombreuses et préoccupantes. On
ne les nommera pas nécessairement ici, vous les connaissez, mais sachez que
nous, on est autant préoccupés que vous. Quelles sont les solutions? Il y en a
plusieurs. Votre document est très complet. Il donne beaucoup de pistes de
réflexion et de solutions. Mais, pour nous, on le sait, la solution, c'est la
prévention. C'est l'information et la sensibilisation, mais, évidemment,
englobé dans la prévention.
M. Teisseire (Max) : Je
prends la parole. On sait que la population exprime de plus en plus, donc, son
besoin d'actions concrètes et d'information sur le rôle qu'elle peut jouer dans
l'encadrement des jeunes face à l'utilisation des écrans. Des campagnes
sociétales comme PAUSE par Capsana répondent à cette demande. Sur le plan de la
sensibilisation et de la prévention, notre atelier Mon équilibre, destiné aux
élèves du premier cycle du secondaire, constitue une réponse concrète. Cet
atelier vise à sensibiliser les ados à une utilisation équilibrée des écrans en
leur permettant de mieux comprendre l'impact de la lumière bleue sur le
sommeil, le rôle de la dopamine dans le comportement en ligne ainsi que les
conséquences d'un usage excessif des écrans. Grâce à des discussions
interactives, Mon équilibre fournit des outils pratiques pour encourager
l'autocontrôle, développer le jugement critique et mieux gérer le temps
d'écran. Depuis sa création en 2015, l'atelier a rejoint plus de
102 000 jeunes à travers le Québec. Lors des ateliers, les jeunes
montrent un réel intérêt pour les enjeux critiques liés à leur utilisation,
particulièrement sur des sujets tels que l'effet de la lumière bleue sur le
sommeil, pourquoi certaines personnes ragent en jouant à des jeux vidéo ou
encore la signification réelle lorsqu'on clique «j'ai lu et j'accepte les
conditions d'utilisation». Ces interactions génèrent aussi des résultats
tangibles. L'évaluation scientifique de l'atelier Mon équilibre a démontré que
non seulement les jeunes acquièrent des connaissances, mais retiennent
également la majorité des messages clés. L'étude d'impact a révélé une
augmentation d'utilisation des stratégies d'autocontrôle pour mieux gérer leur
temps d'écran à la suite de l'activité. Et en plus, les jeunes adoptent
d'autres stratégies abordées lors de l'atelier, donc, comme par exemple la
désactivation des notifications d'applications, la prise de repas en famille
sans écran et l'utilisation du mode «ne pas déranger» ou du mode «avion» en
présence d'amis. Pour renforcer cet impact, chaque élève repart de notre
activité avec un micro-livre, un outil de réinvestissement qui synthétise les
concepts clés de l'atelier et présente des ressources disponibles non seulement
à l'école, mais aussi à l'extérieur de l'école, comme Tel-jeunes par exemple.
Ce micro-livre est très apprécié par les jeunes qui le conservent souvent dans
leur boîte à crayons et il... sert également comme support pour ouvrir un dialogue
avec leurs parents sur l'usage des écrans. Donc, ce lien tangible permet de
prolonger les apprentissages de l'atelier, mais aussi de susciter une réflexion
durable sur les habitudes numériques.
Par ailleurs, nous rencontrons
fréquemment, comme Elizabeth l'a dit, des parents qui se sentent démunis face à
l'utilisation des écrans de leurs ados. Et donc, pour répondre à ces
préoccupations, la conférence destinée aux parents de jeunes du secondaire leur
propose des outils concrets pour jouer un rôle proactif dans la prévention des
risques liés aux écrans. Cette conférence interactive aborde les principes
fondamentaux de la prévention des dépendances et propose des alternatives aux
écrans, ainsi, offre des stratégies de communication favorisant une approche
parentale positive.
Au niveau des recommandations, notre
principale demande est le financement récurrent pour les organismes de
prévention comme la maison Jean-Lapointe. Un financement récurrent permettrait
d'assurer une présence stable et... stable et continue des organismes
spécialisés en prévention comme la maison Jean-Lapointe dans les écoles à
travers la province. Cette stabilité garantirait non seulement la mise en œuvre
des meilleures pratiques en prévention, mais aussi un contact direct et régulier
avec des jeunes. Ce contact permettrait ainsi d'outiller efficacement et de
renforcer les messages de prévention liés aux saines habitudes de vie. De plus,
il offrirait l'opportunité d'observer les nouveaux phénomènes et les besoins
émergents chez les élèves. Enfin, un financement récurrent permettrait à la
maison Jean-Lapointe de poursuivre le développement et l'enrichissement de ses
activités liées aux écrans, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les
parents, les enseignants et les intervenants.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Nous
recommandons également l'interdiction des coffres à butin dans les jeux vidéo.
Les coffres à butin ou les «loot box», comme...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...vous
le savez, s'apparentent aux jeux de hasard. Ils incitent les jeunes à adopter
des comportements à risque et compulsifs tout en les exposant aux mécanismes
des jeux d'argent. La maison recommande leur interdiction dans les jeux vidéo
accessibles aux mineurs afin de prévenir l'encouragement des jeunes à ces
pratiques et de mieux les protéger contre les risques de dépendance et
d'initiation précoce aux jeux de hasard et d'argent.
On recommande également des espaces sans
écran dans les écoles. La création d'espaces ou de périodes sans écran au sein
des écoles offrirait aux jeunes un environnement propice aux interactions
sociales en direct. Ces initiatives contribueraient à rétablir un équilibre
entre le temps passé en ligne et les moments de détente hors ligne tout en
renforçant les liens sociaux.
Et nous recommandons également des
services d'accompagnement pour les jeunes en difficulté, pas les jeunes
cyberdépendants, mais des jeunes qui commencent à démontrer des signes de
problématiques au niveau de l'utilisation des écrans, et ce type de services là
permettrait justement d'intervenir de manière précoce, et ces solutions-là,
c'est personnalisé, c'est adapté aux besoins spécifiques de chaque élève, et,
de cette façon-là, cette prise en charge là, elle est définitivement efficace
et permet de freiner justement la progression vers une cyberdépendance.
• (15 heures) •
En terminant, on tient à vous rappeler que
chaque dollar investi en prévention permet de sauver 10 $ en coûts
sociaux. Et je vous dirais également que le Québec s'est déjà démarqué en
Amérique du Nord avec son cadre de référence en matière de prévention de la
consommation des substances psychoactives chez les jeunes. Aujourd'hui, avec
les écrans, vous avez l'opportunité de renforcer cet élan et de faire du Québec
un véritable chef de file en matière de prévention. En investissant dans des
stratégies innovantes et en soutenant les organismes de prévention, vous pouvez
non seulement protéger la santé de nos jeunes, mais aussi bâtir un avenir où
l'usage des technologies pourrait être sain et équilibré. Le moment est venu de
faire du Québec un modèle mondial à suivre. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour vos propos. Donc, nous allons maintenant débuter la période
d'échange avec M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord de vous remercier, tous les deux, de
vous rendre disponibles et de participer aux réflexions de notre commission.
On l'a entendu de d'autres groupes
précédemment, vous en avez parlé, la dépendance, vous la comparez à... En fait,
la surconsommation numérique, pardon, peut provoquer des comportements
similaires et addictifs à ceux de substances psychoactives. J'aimerais ça, vous
entendre un peu plus longuement là-dessus, parce que, bon, naturellement, vous
avez une grande notoriété puis une expérience, une expertise, devrais-je-dire,
très, très longue en matière de dépendance. Il y a des dépendances qui sont
très problématiques : l'alcool, les drogues. La cigarette en est une.
C'est néfaste, mais les gens sont fonctionnels. Ce n'est pas demain la veille
que les écrans vont disparaître. Donc, merci de...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Effectivement.
Bien, écoutez, je vous dirais qu'en matière de prévention, puis on en a parlé,
on fait de l'intervention précoce auprès des jeunes. C'est justement... C'est
que, quand on regarde les conséquences et les similitudes entre une dépendance
aux écrans... Puis, je vous dirais, la similitude est beaucoup au niveau des
jeux de hasard et d'argent en termes des comportements, en termes de
l'obsession, le temps passé à réfléchir à : Mon Dieu! c'est quand, la
prochaine fois que je vais pouvoir me brancher?, de la même façon que :
C'est quand, la prochaine fois que je vais jouer? Alors, c'est sûr qu'au...
Puis au niveau des conséquences : on s'isole davantage, on va délaisser
nos activités sociales. Bien souvent, le... quand on consomme, que ce soit le
jeu en ligne, ou des jeux vidéo, ou toutes sortes de... les réseaux sociaux,
c'est que c'est accessible en tout temps, 24 heures sur 24, tu n'as pas besoin
de te déplacer pour aller consommer ou aller jouer, c'est à la portée de ton
cellulaire, et donc, 24 heures sur 24, tu peux t'y adonner, et c'est là qu'on
voit...
Comme nous, on a une très grande
préoccupation, parce que, veux veux pas, on a besoin d'utiliser les outils
technologiques pour fonctionner dans la vie. Mais, malheureusement, il faut
également développer des mesures qui vont nous permettre de contrôler et
d'utiliser d'une façon beaucoup plus saine les écrans. Alors, c'est sûr que
nous, ce qu'on voit, c'est qu'un jeune qui a un problème de dépendance à une
substance, au jeu ou les écrans, la cyberdépendance...
15 h (version non révisée)
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...c'est
le même combat.
M. St-Louis : Merci.
Permettez-moi aussi, pendant que vous êtes là, de vous remercier pour tout ce
que vous faites, parce que, personnellement, j'ai des gens que je connais bien
qui sont passés chez vous puis qui sont très bien et très heureux aujourd'hui.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence. Très,
très apprécié. Vous faites un travail extraordinaire, je tiens... je tiens à le
dire, là. J'ai moi-même fait des activités avec vos jeunes. On a joué au
hockey, étant un ancien joueur de la Ligue nationale. Ma sœur travaillait chez
vous. On allait faire des activités, on faisait des activités de sport. Alors,
ça a été... J'ai vu comment vous travaillez avec les jeunes, notamment, et je
tenais à vous le... à vous le dire et vous le mentionner.
Également, on... outre tout ce que vous
apportez dans la société, là, vous êtes un centre de traitement de dépendances.
Sur ce qui nous concerne aujourd'hui, là, avez-vous un département, justement?
Êtes-vous capables de les mettre dans les catégories? Vous avez parlé de jeux
de hasard, de gambling, et tout ça, mais, en même temps, avez-vous une
catégorie de... où vous travaillez avec la dépendance aux jeux vidéo, aux
écrans? Et, si c'est le cas, vous recevez combien de personnes par année, vous
aidez combien de personnes par année? Et si vous remarquez que la tendance est
à la hausse, là.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez,
en fait, nous, à la maison Jean-Lapointe, pour le moment, on ne traite pas la
cyberdépendance. Premièrement, le traitement est chez les adultes. On sait que des...
pour les adolescents, il y a le centre comme le Grand Chemin qui traite les
jeunes cyberdépendants. Au niveau des adultes, il y a des projets pilotes
actuellement. Et, comme, à la maison Jean-Lapointe, tout ce qu'on fait doit
être évalué et faire ses preuves, on attend que le projet pilote se termine
pour pouvoir accueillir des personnes cyberdépendantes. Mais c'est sûr qu'on le
voit ici. Et pas plus loin qu'il y a quelques jours, on avait un résident qui
était ici pour une problématique de consommation de substances qui avait caché
sur lui un cellulaire. Alors, quand il arrive en traitement, on ne fait pas une
fouille intégrale, on fouille la valise. Et cette personne-là, quand on a
compris qu'il avait son cellulaire, et on lui a dit : Bien, écoute, nous,
il va falloir te le confisquer. La personne a décidé de mettre fin à sa
thérapie tellement elle était dépendante à son cellulaire et aux écrans.
Alors, pour nous, on le... on le voit et
on voit également des gens, des plus jeunes qui viennent chez nous, qui ont une
dépendance - bien souvent, c'est le cannabis - et qui joue également beaucoup
aux jeux vidéo. Et ce qui est le plus dur chez nous, le temps qu'ils sont en
thérapie, ce n'est pas d'arrêter le cannabis, c'est de ne pas jouer. Alors, on
le voit, on a hâte de pouvoir les traiter. Mais pour l'instant, ce n'est pas ce
qu'on fait. Mais c'est sûr que dans nos activités de prévention, bien,
rapidement par les commentaires de nos jeunes, on est capable de voir quel
jeune probablement a... passe trop de temps sur les écrans.
M. Ciccone :Merci. Est-ce que j'ai bien compris qu'il y a un projet
pilote, puis, éventuellement, là, vous allez être capables...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.
M. Ciccone :...de recevoir des jeunes ou des gens qui ont cette
dépendance-là?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.
M. Ciccone :Parfait. Good.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Absolument.
M. Ciccone :Parfait. C'est... Très heureux d'entendre ça. Alors, vous
avez parlé de financement tantôt.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.
M. Ciccone :On sait que c'est vraiment le nerf de la guerre, là, le
financement, chez vous, là. Puis on va se dire les vraies choses, on va se parler
de chiffres, là : Donc, vous avez besoin de combien pour être capable de
faire votre travail, pour être capable de combler, là, la demande? Je sais que
vous n'êtes pas tout seuls, là, il y a d'autres centres, là, mais pour être
capable de ne pas dire : Bien là, on n'est pas capable d'en prendre plus
parce qu'on n'a pas le financement nécessaire, pour être capable de faire le
travail, là?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je
vous dirais que nous, actuellement, on reçoit un certain financement qui nous
permet de rencontrer les jeunes avec l'activité qu'a décrit Max, c'est-à-dire
nos activités liées à l'hyperconnectivité, mais, évidemment, on est très
restreints.
Alors, si, nous, on veut, demain matin,
aller rencontrer tous les jeunes à travers le Québec, ça nous demanderait un
financement, je vous dirais, minimum de 300 000$ par année, mais un financement
récurrent, parce qu'en plus, nous, ce qu'on fait, c'est de l'intervention
précoce, comme on l'a dit. Nous, on le fait au niveau des substances psychoactives,
on veut l'élargir aux jeunes qui commencent à démontrer des signes de
cyberdépendance. On ne l'a pas, le financement pour ça.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Très apprécié. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Mme Lapointe, M. Teisseire, bonjour. Bienvenue. Très heureux d'avoir
votre éclairage aujourd'hui avec nous. Vous parliez, lors de votre...
M. Sainte-Croix : ...exposé,
d'ateliers développés autour de 2015. On est près d'une décennie plus tard.
Parlez-nous d'évolution de ce que vous traitez à tous les jours. Où en
sommes-nous? Comment les choses ont évolué?
M. Teisseire (Max) : Je peux
commencer.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Vas-y...
M. Teisseire (Max) : Donc,
dans le fond, c'est sûr... oui, 2015. C'est sûr que, dans nos ateliers, les
interactions évoluent. Les thèmes, les problématiques, les enjeux restent les
mêmes. C'est vis-à-vis la relation saine avec les écrans et comment gérer son
temps et aussi, bien, de développer cet esprit, voilà, critique chez les jeunes
ou chez les personnes, chez les individus. Comme adulte, moi, je ne veux pas
m'exclure non plus. Et après c'est sûr que les techniques, les stratégies de la
part de l'industrie vont évoluer. Donc, nous, on les aborde, mais ça reste des
stratégies. Donc, après, c'est pouvoir les identifier et les partager avec les
jeunes. Et, en fait, les jeunes sont souvent au courant ou peuvent les
observer, que... qu'ils se sentent... qu'ils se font, comment dire, manipuler
ou qu'il y a... il y a une stratégie derrière ou il y a une volonté de les
garder le plus longtemps possible à travers... à travers les écrans, que ce
soit à travers le visionnement, à travers les jeux vidéo, les récompenses, etc.
Donc, pour répondre à la question, l'évolution, on voit, par contre, depuis le
début, quand on avait commencé en 2015, c'était quelques années après l'arrivée
de la tablette, le iPad, il y avait vraiment une fascination pour ce nouveau...
technologie. Ah! on voyait les bienfaits dans l'éducation, on voyait... c'était
nouveau. Alors qu'aujourd'hui, 10 ans plus tard, il y a un recul, il y a
une observation qui s'est faite par rapport... Bien, oui, il y a des côtés
positifs. C'est des outils. Donc, tout va dépendre de la relation qu'on va
avoir avec ces outils-là. Elles peuvent être positives ou négatives, mais elles
présentent quand même des enjeux et des risques significatifs. Donc, j'ai envie
de dire, il y a une meilleure prise de conscience de la part des directions,
des écoles, des parents et des jeunes également vis-à-vis leur relation aux
écrans. Est-ce que tu voulais ajouter autre chose?
• (15 h 10) •
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Non,
ça va. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Sainte-Croix : Bien,
peut-être juste rajouter, si vous me le permettez, Mme la Présidente. Vous nous
dites aussi, puis je trouve ça intéressant... Tu sais, les gens ne sont pas
naïfs au point de ne pas comprendre la situation à laquelle ils participent,
d'une certaine façon, ils sont conscients de leur vulnérabilité.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui,
vraiment. Puis ce qui est vraiment intéressant... Nous, on les rencontre au
début du secondaire, alors ils ont déjà, évidemment, quelques années derrière
la cravate, si je peux dire, en termes d'utilisation des écrans. Et donc ce
qu'on voit, c'est ça, c'est le fait qu'on ne peut jamais sous-estimer nos
jeunes et leur intelligence, parce qu'ils le voient, ils s'en parlent entre
eux. Mais on voit des modes, également, au niveau des jeux. Alors, quand on a
commencé, c'étaient beaucoup les jeux vidéo, comme World of Warcraft, ensuite
il y a eu Fortnite le net, et, auprès des jeunes filles, davantage ce qui les
réseaux sociaux et tout ce qui touche l'apparence, etc., le nombre de like,
l'effet des likes, etc. Alors, on le voit quand même, là, nos jeunes ne sont
pas dupes. Et les jeunes, quelqu'un d'autre l'a dit dans la présentation
précédente, les jeunes sont nés avec cette technologie-là et donc ils n'ont pas
le même rapport que nous qui ne sommes... on n'est pas nés avec, nous autres.
Alors, c'est quand même intéressant de voir la lucidité des jeunes.
M. Sainte-Croix : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Oui,
bonjour. Alors, vous avez parlé de stratégie d'autocontrôle, donc, chez les
jeunes, que vous leur donnez ce type de stratégie. C'est quoi, les stratégies
d'autocontrôle que vous leur donnez? Est-ce que c'est efficace? Est-ce qu'ils
arrivent à s'autocontrôler? Parce que d'autres intervenants sont venus nous
dire que les jeunes sont capables de le faire et sont conscients quand des...
tu sais, de leur utilisation.
M. Teisseire (Max) : En
effet, donc... Bien, notre étude d'impact avait vraiment évalué, suite à
l'atelier, une augmentation de 8 % des jeunes qui mettaient en place,
donc, ces stratégies d'autocontrôle là. On en présente plusieurs qui traitent
différentes sphères, donc, que ce soit vis-à-vis des conséquences sociales,
donc on parle, voilà, d'éteindre les notifications, d'avoir des moments sans
écrans également, vis-à-vis du sommeil. On recommande, par exemple, bien,
d'éteindre les écrans avant de se coucher si... idéalement, c'est 1 heure
à 2 heures avant, mais nous, on courage... commencez avec 10 minutes,
cinq minutes si c'est... si c'est ça que ça prend. Puis on serait peut-être
surpris des conséquences ou des effets... peut-être pas le temps pour s'endormir,
mais...
M. Teisseire (Max) : ...qualité
du sommeil. Donc, c'est en se réveillant souvent, on va déjà voir les effets.
Il y a aussi, je pense, à travers ces...
c'est beaucoup avec des stratégies d'autocontrôle ou des stratégies mises en
place de la part des jeunes. Des fois, on demande même si les jeunes peuvent se
partager les stratégies... les règles à la maison vis-à-vis des écrans et un
peu de travailler sur les normes sociales vis-à-vis, bien : O.K. C'est
normal. Moi, j'ai... mon ami aussi a ces mêmes règles-là. Donc, est-ce que...
comment on vit ça à travers?
Et donc, comme société, on mettait
également vis-à-vis, donc la concentration vis-à-vis des devoirs, on
recommandait, voilà, de décider d'arrêter les écrans, ne pas commencer les écrans
tant que les devoirs n'étaient pas terminés. Et souvent, à la fin de l'atelier,
quand moi, j'en animais, souvent, je demandais aux jeunes : Qui, dans la
classe, serait intéressé de réduire le temps d'écran donc en général ou dans
une sphère des jeux vidéo, et certains... par rapport au sommeil, par exemple?
Et la plupart levaient la main. Et donc là, je posais par la suite la
question : Mais quelle stratégie pensez-vous mettre en place? Et donc ils
nommaient soit ce qu'on proposait ou de les leurs. Et ensuite, moi,
j'encourageais également... bien, on encourage, l'équipe de prévention, d'en
parler à leurs parents, parler avec des amis pour pouvoir aussi entraîner
l'effet de groupe, et donc peut-être à la maison, bien, après le... après le
souper, au lieu d'aller regarder un film ensemble, bien, peut-être une fois par
semaine, on peut jouer un jeu à la place, un jeu UNO, un jeu de société, par
exemple, et donc comment entraîner et comment s'encourager les membres, bien,
au sein d'amis ou au sein de la famille.
Mme Tremblay : Merci. Alors,
j'ai une autre question. Vous dites «des espaces sans écrans, des périodes sans
écrans dans les écoles». Donc, vous serez... Bien, est-ce que ça, ça vient en
opposition? C'est la question que je me pose : Est-ce que vous seriez pour
l'interdiction complète dans l'école ou c'est mieux de se donner des espaces
finalement? Donc, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous en pensez? Parce que, là,
vous savez qu'en salle de classe, le téléphone n'est plus autorisé? Donc là, les
écoles ont différents moyens, là, des boîtes, des pochettes, on le laisse dans
le casier. C'est appliquer, là selon ce que l'école a décidé. Mais je veux
faire le lien avec l'interdiction versus les espaces, des temps sans écrans.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je
vais commencer, tu pourras compléter.
M. Teisseire (Max) : Bien
sûr.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Vous
savez, les jeunes et encore une fois, les gens qui présentaient avant nous
l'ont dit, il y a... il y a deux endroits où les jeunes passent le plus de
temps en 2024. Le premier lieu, c'est l'école et le deuxième, c'est en ligne.
Donc, si on permet les écrans dans les écoles, ça veut dire que finalement les
jeunes n'auront plus d'espaces sans écran. Et nous, c'est notre constat. Alors,
on n'est pas là pour dire aux directions d'école quoi faire ou d'interdire.
Mais c'est sûr que devoir... quand tu constates que les écrans... les écrans
suivent les jeunes, peu importe où ils sont, il y a une problématique.
Où est-ce que le gouvernement peut avoir
un certain contrôle? Bien, c'est ce qu'il se passe dans les écoles. À la
maison, ça va être difficilement contrôlable. Mais dans les écoles, il y a
certainement des actions comme vous l'avez nommé, les cellulaires, et il y a
sûrement plus à faire. Donc déjà, si on peut voir une diminution des écrans...
Parce qu'on comprend qu'on peut éduquer les jeunes à l'utiliser d'une façon
saine et intelligente. On en a besoin, là, pour faire les devoirs, faire des
PowerPoint, peu importe. Mais je pense que déjà de diminuer, de réduire, pour
nous, c'est ce qui est absolument favorable. Mais je ne sais pas, Max, si tu as
envie de...
M. Teisseire (Max) : Oui.
Mais en fait moi, j'avais... j'ai un exemple qui avait lieu avant
l'interdiction des téléphones personnels ou des appareils personnels dans les
classes. Il y avait même une école qui avait interdit les téléphones dans les
classes et dans l'école. En fait, même dans les couloirs d'école, et ce qu'on
voyait, il y avait beaucoup d'interactions, donc sans écrans, parmi les jeunes.
Comme on l'aura deviné, les jeunes restaient quand même à l'école, ne sortaient
pas tous pour y aller sur leurs écrans. Et je m'en rappelle, moi, j'avais posé
la question en atelier : Comment vous vivez ça, comment vous voyez ça de
ne pas avoir vos téléphones sur vous s'il est dans les casiers toute la
journée. Ils disent : Ah! bien, nous, c'était dur au début, mais ensuite
on s'est vite habitués puis on est tout à fait à l'aise maintenant de ne pas
avoir notre téléphone sur nous, d'avoir des moments sans... sans les écrans. Et
quand je rapportais... Bien, quand j'en parle avec d'autres élèves dans
d'autres écoles qui ont le téléphone sur eux... sur eux, ils voyaient mal et...
oui, ils voyaient mal de pouvoir avoir une période sans... sans écrans, sans
leur téléphone sur eux, et encore moins de passer une journée sans leur
téléphone. Et ces jeunes-là de l'école qui n'avait pas de... pas d'écran
étaient vraiment surpris de la réaction. Donc, c'est aussi une question, je
pense, voilà, d'éducation et de normes qui va rentrer là-dedans. Donc, c'est...
M. Teisseire (Max) : ...moi,
c'est un exemple qui m'a toujours marqué.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui.
Puis, en même temps, je dirais qu'il ne faut pas oublier, hein, l'être humain a
une très grande capacité d'adaptation. Et donc, s'il fallait reculer un peu
face à toute... à l'amplitude des écrans dans nos vies, l'être humain va
s'adapter. C'est ça, notre force, on est résilients et on s'adapte.
Mme Tremblay : Donc, je
comprends, là, de réduire au maximum le temps d'écran dans les écoles, c'est la
tendance vers laquelle vous... que vous tendez si on va...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Bien,
nous, en fait, on a vu les impacts positifs de réduire, définitivement, mais,
en même temps, les approches qui sont trop restrictives, trop paternalistes,
c'est sûr que les jeunes n'aiment pas ça, mais, quand on leur explique puis ils
prennent part à un débat comme Max a pu avoir avec eux, c'est plus facile,
après. Quand on explique, quand on... ils font... ils sont partie prenante,
c'est beaucoup plus facile, après ça, de pouvoir arriver à des solutions qui,
évidemment, nous... de notre point de vue, sont idéales.
Mme Tremblay : On va aller
les voir sur le terrain aussi, les jeunes, là, dans les prochaines semaines,
là, pour les écouter puis voir qu'est-ce qu'eux ont à dire, évidemment.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Ah
oui! Ah! excellent. Excellent.
M. Teisseire (Max) : Absolument.
Puis je dirais, dans le fond, je pense que l'important, c'est de pouvoir offrir
des espaces où les jeunes peuvent socialiser sans écran. Parce que, souvent, si
un jeune... les jeunes vont dire : Bien, moi, je veux bien ne pas utiliser
mon écran, mais, quand je suis avec mon groupe et j'ai deux amis qui sont sur
leurs téléphones, sur leurs écrans, bien, je me sens, moi, exclu, donc je vais
faire pareil pour faire partie du groupe. Donc, c'est avoir des moments sans
écran.
• (15 h 20) •
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : On
fait la même chose, hein, les adultes.
Mme Tremblay : Retirer le
wi-fi dans l'école pendant l'heure du dîner... tu sais ce n'est pas tous les
jeunes qui ont des données cellulaires ou, souvent, ils sont restreints sur
leurs données cellulaires, est-ce que ça pourrait être une solution?
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Moi,
je pense que toutes les solutions sont envisageables.
Mme Tremblay : Parfait.
Merci.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député de Joliette, vous avez une autre question, oui.
M. St-Louis : Merci, Mme la
Présidente. Oui, me revoilà une seconde fois. À peu près tout ce qui crée une
dépendance, on a légiféré., là, il y a toujours un âge légal, pour pour boire,
pour fumer, pour jouer. Qu'est-ce que vous pensez de la majorité numérique,
dont tout le monde parle, puis il y a même certains pays qui ont déjà légiféré?
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Écoutez,
on en a parlé, on en parlait plus tôt, justement, c'est... Vous savez, notre
stratégie de prévention, pourquoi elle est efficace, c'est parce qu'on a
harmonisé les messages qu'on envoie aux jeunes. Ça veut dire qu'on a des
activités pour les enseignants, les parents et les jeunes. Et, dans tous les
groupes, nos messages de prévention sont les mêmes. Les jeunes, justement,
c'est des jeunes, ils ne sont pas capables de prendre toutes les meilleures
décisions. Et, à ce moment-là, si tout le monde s'entend sur le message à
envoyer, l'effet de l'effet de horde, de contamination, là on va dire, qui est
efficace, est beaucoup plus grand et, à ce moment-là, le jeune risque de
prendre une bonne décision.
En ce moment, notre constat : l'âge
pour consommer du cannabis, 21 ans, consommer de l'alcool, 18 ans, conduire, 16
ans, voter, 16 ans...
M. Teisseire (Max) : 18.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) :
...aller dans les écoles pour... C'est 18 ans, oui, désolée, ça fait longtemps
que j'ai eu mon permis, et moi, dans mon temps, c'était 16 ans. Mais également
par rapport, évidemment, à la confidentialité du jeune, c'est 14 ans. Alors,
comment est-ce qu'un jeune, après ça... si on impose un âge numérique qui va
être, admettons, 15 ans, qu'est-ce qui fait du sens, dans tout ça? Pour moi, si
on a... on met des idées, puis, en plus, on parle aux jeunes : Le
développement du cerveau, ce n'est pas avant 25 ans. Ça fait que le pauvre
jeune, il ne sait plus où se garrocher, excusez-moi. Ce qui fait que tant que
nous autres, comme décideurs, on envoie des messages contradictoires : Tu
es capable de voter à tel âge, mais tu n'es pas capable de boire avant tel âge,
puis tu ne peux pas consommer, pour nous, il n'y a aucune efficacité là-dedans.
Je pense qu'on s'entend, par contre, que
ce qu'on souhaite, c'est protéger les jeunes. Mais, pour moi, il faut avoir une
ligne directrice qui... si un jeune questionne, on est capable d'expliquer.
Moi, actuellement, si mon jeune me demande : Pourquoi je peux jouer à tel
âge, pourquoi je peux consommer à tel âge, mais pas à tel âge?, moi, je ne
saurai pas quoi dire. Je ne sais pas quoi dire. Donc, c'est notre constat, mais
c'est sûr que... Peut-être que Max a un autre point de vue.
M. Teisseire (Max) : Non, je
le partage. Moi, je pense, tu sais, vraiment, notamment, donc, parler dans
l'éducation, dans la prévention. L'autre affaire, avec l'âge numérique... Ce
serait intéressant de voir les pays qui l'ont instauré, qui ont légiféré
là-dessus, de voir est-ce...
M. Teisseire (Max) : ...c'est
l'efficacité de cette mesure-là également.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Oui.
M. St-Louis : Donc, si
je comprends bien, vous, vous seriez pour. Peu importe, là, son statut sur 14,
15, ou 16, pour vous, une majorité numérique, ça fait plein de sens.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : En fait, ça ne fait aucun sens s'il n'y a pas une
concertation entre justement qu'est ce qu'on a, qu'est ce qu'on interdit ou à
partir de quel âge un jeune peut faire telle action. S'il n'y a pas cette
concertation-là, moi, je ne suis pas convaincue de l'efficacité, comme je vous
dis, parce que le jeune, à la fin de la journée, il demeure mêlé. Pour nous,
c'est ça, le constat. Parce qu'on rencontre les jeunes par rapport au jeu, par
rapport à l'hyperconnectivité et par rapport aux substances, puis entre les
substances. Il y en a qui sont illégales, il y en a qui sont légales. Il y a
que c'est tel âge, tel âge. Pour nous, c'est plus ça. Puis encore une fois, les
jeunes sont intelligents, là. Il ne faut pas les sous-estimer. Et comme on l'a
dit d'entrée de jeu, les approches qui sont trop restrictives, les jeunes vont
toujours chercher à les contourner. Et à la fin de la journée, dépendamment
comment est-ce qu'on contrôle, qui va avoir le fardeau d'implanter ça et de
contrôler ça? Ça va être les parents. Et nos parents, en ce moment, nous, ils
nous demandent de l'aide comme : Aidez-moi. Aidez-moi à arriver à
contrôler l'usage du jeune.
Alors si... Et on le sait, les... Bien
souvent, les parents vont nous dire : Ah! je suis fatigué. Je vais faire
le souper. J'ai mis mon enfant devant l'écran. Donc, le pauvre parent, s'il
n'est pas éduqué, et informé comme il faut, lui, il va laisser faire le jeune
puis il va dire : Biwn je vais te le créer ton compte, puis tu pourras y aller.
Alors, pour nous, ce n'est pas notre sphère d'expertise de savoir comment
est-ce que ça va être contrôlé, mais en tout cas, pour nous, on regarde ça plus
de l'extérieur puis on dit : Je pense qu'il va falloir une concertation.
M. St-Louis : Très bien.
Merci.
La Présidente
(Mme Tremblay) : Mervi. Mme la députée, de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, bonjour à vous deux. J'ai malheureusement manqué une
partie de votre présentation en raison d'autres obligations professionnelles.
Donc je ne... J'espère ne pas répéter quoi que ce soit, mais j'irais donc de la
question suivante, qu'il y a différents spécialistes, donc, sont venus avant
vous, qui nous parlaient... Bon, donc, on parlait donc de différentes restrictions
auprès des jeunes notamment de dire, bien, peut-être qu'il y aurait des
recommandations aux gens, bien, pas de... pas d'accès aux réseaux sociaux, pas
d'accès aux écrans, donc, pendant la semaine. Et parfois on nous a mis en
garde, ou informés, ou du moins, donc, inclus dans le débat, là, la question,
donc, de comportements qui seraient qualifiés de boulimiques, donc des jeunes
qui, en raison, donc, d'une trop grande restriction, pourraient, donc, avoir,
donc, un usage encore plus concentré des écrans pendant une période de
permissivité. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Oui. Écoutez, c'est intéressant comme point de vue, puis
effectivement... Sauf qu'en tout cas je n'avais pas nécessairement réfléchi à
ça, mais c'est vrai qu'on peut comprendre un comportement de «binge» qui
pourrait avoir lieu à ce moment-là et donc une très grande difficulté à ces
jeunes-là lorsqu'ils sont dans un comportement de «binge», d'être capable
justement de se contrôler. C'est sûr, encore une fois, pour nous les mesures
restrictives, ce n'est jamais la première solution. Et c'est pour ça que, pour
nous, ce qui est important, c'est qu'en amont de toutes les mesures que le
gouvernement va vouloir mettre en place, tant qu'il y a des campagnes
d'éducation, des campagnes d'information, des campagnes sociétales et de la
prévention auprès des jeunes, auprès des parents, nous, on le sait qu'à long
terme, c'est ça qui marche.
S'il y a d'autres mesures qui accompagnent
puis qui viennent bonifier, tant mieux, mais nous, ça fait 20 ans pour
faire de la prévention. Ça faisait très longtemps qu'on voulait débuter la
prévention pour éviter que les gens se ramassent à la maison. On disait
toujours l'objectif, notre objectif, c'est fermer la maison. C'est que nous, on
le sait que la prévention, ça marche. Et c'est pour ça que, oui, toutes les
mesures qui sont proposées, toutes les solutions valent la peine d'être
explorées, mais à la fin de la journée, si on ne fait pas de prévention, de
sensibilisation, toutes ces mesures-là ne serviront à rien.
Mme Cadet : Merci. Puis
peut-être un sous question est-ce que vous pensez que ces comportements, donc,
d'usage excessif, concentré, là, dans le comportement de «binge», est-ce que,
dans le cadre de votre expertise, est-ce que... est-ce que c'est pire? Est-ce
que ça s'équivaut? Est-ce qu'on est mieux de dire : Ah! Bien, les
recommandations nous disent, donc, combien d'heures par jour c'est mieux
d'avoir un usage plus équivalent qui est détaché, ou est-ce qu'il y a plus de
risque de développer... d'être vulnérable, donc, à développer des dépendances
avec le comportement de «binge»?
Mme Lapointe (Anne
Elizabeth) : Les deux. C'est les deux définitivement. De la même façon
qu'on peut voir en traitement des gens qui vont consommer ou jouer, peu
importe, à tous les jours pendant un certain temps, comme des gens qui font
juste «binger»...
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...une
fois par mois, une fois par semaine, je ne sais pas, là, deux fois par année,
et qui se ramassent quand même avec un problème. Ça prend d'autres facteurs
pour évaluer cette problématique-là.
Mme Cadet : Merci.
Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des membres?
Ça fait le tour? Alors, merci infiniment pour votre contribution à ces travaux
qui, oui, on en prend connaissance à tous les jours, là, c'est une prise de
conscience collective, et je pense que c'est un travail qui est nécessaire.
Alors, grâce à des acteurs comme vous, on va être en mesure de bien réfléchir à
la question et d'essayer d'apporter les meilleures solutions possibles. Alors,
remercier encore et nous, on suspend des travaux quelques instants pour accueillir
nos prochains témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 29)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 36)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le bonheur d'accueillir,
pour cette fin de journée, la Dre Généreux. Alors, bonjour et bienvenue à cette
commission. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire
part de votre exposé, et, ensuite de cela, nous procéderons à une période de
questions avec les membres. Alors, je vous cède la parole.
Mme Généreux (Mélissa) : Merci
beaucoup. Bien, je voulais prendre... commencer en vous remerciant parce que j'apprécie
beaucoup le temps que vous investissez à tous nous accueillir., là Il y a
plusieurs experts que vous allez rencontrer, et c'est pour un sujet que je
considère très, très important, à savoir les écrans et les réseaux sociaux.
Je débuterais juste en me présentant, pour
peut-être identifier les différents chapeaux que je porte, ce qui m'a amené
aussi à m'intéresser aux écrans et aux réseaux sociaux. Donc, je suis d'abord
médecin spécialiste en santé publique, ça fait une quinzaine d'années. J'ai été
directrice de santé publique pendant six ans en Estrie et, maintenant, je suis
médecin-conseil, toujours dans la région de l'Estrie, et un de mes dossiers,
évidemment, c'est les écrans, les réseaux sociaux et, plus largement, tout ce
qui touche à la santé mentale et au bien-être des jeunes. Je suis aussi
professeure titulaire à la Faculté de médecine des sciences de la santé à l'Université
de Sherbrooke, et je vous dirais que, par ce chapeau-là, ça me permet d'encadrer,
superviser plusieurs étudiants et étudiantes en médecine, entre autres, qui,
dans leurs stages, ont réalisé avec moi plusieurs enquêtes sur la santé
psychologique, le bien-être des jeunes de 12-25 ans. On a fait ça pendant
quatre ans, mais aussi une enquête plus récente, en 2024, sur le bien-être des
familles, où on a plus sondé des parents un peu partout au Québec. Donc, je
vais en glisser quelques mots ici et là dans les prochaines minutes.
Et, juste avant de finir ma présentation,
je pense que c'est important aussi de souligner que je suis maman et
belle-maman quand même cinq fois, donc je vis avec cinq enfants qui sont âgés
entre huit et 19 ans, que je vois aller depuis plusieurs années, donc,
forcément, ça vient aussi enrichir, si on veut, ma compréhension de la relation
que les jeunes entretiennent avec les écrans.
Je me disais pour commencer, tu sais, je
sais que vous avez entendu parler beaucoup des impacts soit positifs ou
négatifs des écrans et des réseaux sociaux sur la santé. Je ne vais pas tout
redire, mais j'aimerais quand même mettre l'accent sur le fait que, non, les
écrans ne sont pas que négatifs. D'ailleurs, c'est ce qui me permet, là... j'avais
des contraintes familiales et c'est ce qui me permet de pouvoir être avec vous
aujourd'hui. Donc, on n'est pas foncièrement, là...
Mme Généreux (Mélissa) : ...contre
les écrans.
D'ailleurs, on a sondé 18 000 jeunes en
2023 pour leur demander c'était quoi, leur top trois des impacts positifs
qu'avaient les écrans dans leur vie, et ils ont dit les relations avec les
amis, les relations amoureuses et aussi les loisirs. Donc, ça, pour eux,
c'était positivement affecté par les écrans. Malheureusement, top trois
d'impacts négatifs, il y avait un impact sur le sommeil, sur la réussite éducative
mais aussi sur la qualité de l'environnement familial. Donc, je trouvais
important de montrer que, du point de vue des jeunes, tout n'est pas
nécessairement négatif non plus avec les écrans. Par contre, la moitié de ces
jeunes-là nous a rapporté se sentir moyennement à très dépendant aux écrans.
Donc, ça, là, le fort potentiel d'addiction qui est bien démontré dans la
littérature est aussi très bien ressenti par les jeunes.
Quand on sonde les parents, je ne vous
cacherai pas qu'en 2024 les 14 000 parents qui ont répondu à notre enquête un
peu partout au Québec nous disaient qu'ils étaient préoccupés. C'était leur
préoccupation numéro un, là, le temps d'écran de leurs enfants, et ce, autant
au primaire qu'au secondaire. Et les parents de grands utilisateurs, donc au
moins quatre heures par jour, autant la semaine que la fin de semaine, nous
disaient que leurs enfants s'amusaient moins avec les amis, avaient moins
d'énergie, plus de difficulté d'attention et une vie moins facile à l'école,
entre autres choses. Donc, c'est... ça demeure des perceptions encore une fois,
mais c'est quand même des milliers de personnes qui se sont prononcées sur le
sujet au Québec.
Il y a, par contre, plusieurs choses, puis
ça, je pense, c'est important à dire, qui demeurent encore un peu incertaines
dans la littérature. Donc, on observe des choses sur le terrain, mais on n'a
pas exactement encore une compréhension parfaite et précise de la relation qui
existe entre le temps d'écran et la santé mentale. Donc, par exemple, dans notre
enquête, on a bien vu que les jeunes qui consomment beaucoup d'écrans sont
aussi des jeunes qui vont présenter plus de symptômes anxieux, dépressifs. Il y
a vraiment un lien entre les deux. Mais la poule ou l'oeuf, c'est difficile à
dire avec mon genre d'enquête, là où on prend un portrait instantané, parce
qu'on n'est pas en mesure de dire si l'anxiété et la dépression étaient là
avant l'usage important d'écrans, et c'est peut-être ça qui a aussi amené les
jeunes à se réfugier à travers les réseaux sociaux et les écrans. Donc, on
manque d'études dans ce sens-là. On a vraiment besoin de plus de recherches,
plus de recherches aussi pour démontrer est-ce qu'un quatre heures d'écrans,
assis sur un sofa avec notre famille à regarder un film versus un quatre heures
isolé à voir défiler des vidéos TikTok tout seul dans sa chambre... est-ce que
c'est exactement le même quatre heures en termes d'effets négatifs,
probablement que non.
Il n'y a aussi vraiment pas beaucoup
d'études sur l'efficacité des mesures. Moi, c'est peut-être ça qui me marque le
plus. Donc, il y a toutes sortes de mesures qui sont prises partout sur la
planète pour essayer de contrer les impacts négatifs, mais très peu d'entre
elles ont été évaluées. Donc, je vous amène quand même à une certaine position,
un regard critique par rapport à ça parce qu'on ne sait pas exactement, à
l'heure où on se parle, de ce qui est le plus efficace pour prévenir les effets
négatifs des écrans.
• (15 h 40) •
Ceci étant dit, moi, je trouvais ça
important de remettre un peu la rigueur scientifique pour voir ce qu'on sait
puis ce qu'on sait un peu moins. Mais, selon moi, c'est mon opinion
professionnelle, il y a quand même suffisamment d'observations terrain,
suffisamment de rapports d'enquête un peu partout dans le monde pour nous dire
que les écrans et les réseaux sociaux, c'est un enjeu important de santé
publique. J'oserais même dire que c'est un enjeu qui s'apparente, dans les
prochaines années, de l'ampleur de ce qu'on peut avoir vu pour la lutte au tabac,
la consommation trop importante d'alcool, la malbouffe ou les substances
psychoactives de façon générale, je m'explique. C'est dans le sens que
plusieurs de ces substances-là ou ces produits nocifs là ont un caractère
addictif, ils viennent de surstimuler le circuit de récompense, c'est
exactement ce qui se passe aussi avec les réseaux sociaux, et aussi toute cette
notion-là de pression, d'influence par les pairs, d'attrait pour... par les
jeunes pour ces substances-là. On voit vraiment, là, des liens très, très
proches. Et j'ajouterais que, pour le tabac, et la malbouffe, et même pour
l'alcool, on voit le rôle de l'industrie, leur stratégie malsaine de marketing,
de publicité, de production d'un produit qui est consciemment nocif pour rendre
un peu plus accro des grands utilisateurs. Donc, tout ça, on voit vraiment un
grand, grand lien.
Donc, je me dis, sachant qu'il y a autant
de liens, aussi bien à prendre des stratégies qui ont été gagnantes de santé
publique et s'en inspirer pour l'appliquer aux écrans. Je mets quand même une
nuance très importante ici. Oui, on peut faire plusieurs parallèles, mais les
écrans, à l'opposé du tabagisme par exemple, ne sont pas que nocifs. Donc,
évidemment, autant qu'on vise un Québec zéro tabac, on ne vise peut-être pas un
Québec zéro écran. Donc, il y a encore plus cette couche de complexité là, je
dirais, par rapport aux écrans qu'on doit avoir en tête.
Donc, si je vais un petit peu plus dans
les stratégies de santé publique gagnantes, puisque c'est un enjeu de santé publique,
en santé publique, on va toujours avoir le double objectif, puis c'est
fondamental qu'on l'ait pour le dossier des écrans des réseaux sociaux,
c'est-à-dire que, oui, on veut réduire les impacts négatifs sur la santé des
écrans et des réseaux sociaux, mais on veut, on doit aussi chercher à réduire
les inégalités sociales de santé. Encore une fois, si je me réfère à l'exemple
du tabac, historiquement, on a commencé à faire...
Mme Généreux (Mélissa) :
...beaucoup d'actions de sensibilisation, d'éducation à la santé. Ça a marché,
mais juste pour un groupe de la population, pour le groupe, en fait, davantage
pour un groupe de la population, c'est-à-dire le groupe un peu mieux nanti, qui
a une plus grande littératie en santé, qui a cette plus grande facilité-là à
aller chercher l'information, à l'enregistrer puis à changer ses comportements.
Mais ce qu'on a vu, c'est qu'il y a un autre grand pan de la population qu'on
pourrait appeler le groupe un peu plus défavorisé, chez qui les stratégies de
sensibilisation, ça a été beaucoup moins efficace. Donc, ce qu'on a appris avec
le tabac, la malbouffe et plein d'autres substances, c'est qu'on doit aussi
agir absolument au niveau des environnements. On doit faire en sorte que le
produit ne soit pas trop accessible et ne soit pas trop tentant pour rendre le
changement de comportement plus facile. Donc, si je l'applique à l'échelle des
écrans, ça ne veut pas dire nécessairement une approche coercitive avec une
grande loi super stricte, encadrante. Ça peut être une option, mais c'est
vraiment... Moi, ce que je pense qui est le mieux, c'est d'avoir une cohérence
au niveau des différents environnements milieu de vie des jeunes, des actions
qui sont toutes cohérentes puis qui poussent dans le même sens. Donc, exemple,
si je prends à l'école, on peut avoir une interdiction de cellulaire en classe,
ça c'est une mesure unique. Je doute quand même de son efficacité si ce n'est
pas jumelé avec d'autres actions. Par exemple, si on est dans un milieu
scolaire où on pousse beaucoup sur les méthodes pédagogiques très, très
numériques, si on est dans une école où il y a des écrans partout, ordinateurs,
écrans de télévision, iPad, dans toutes les pièces, si on est dans une école où
l'usage des écrans est beaucoup utilisé comme objet de récompense lors des
pédagos par exemple, ou si on est dans une école où on a très peu
d'alternatives aux écrans, tu sais, on manque d'infrastructures sportives ou
d'activités parascolaires pour donner le goût aux jeunes de faire d'autres
choses. Mais on n'est pas dans la cohérence ici. Donc, tout ça bien, en fait,
je pense, j'imagine qu'on va y aller un peu plus avec des questions, mais ça
amène quand même à se poser des questions par rapport à la fameuse interdiction
des cellulaires mur à mur dans toutes les écoles. Sincèrement, je pense quand
même qu'il y a quelque chose d'intéressant derrière ça, en ce sens que d'avoir
un environnement où on n'a pas la pression puis l'influence par les pairs de
voir tout le monde sur son cellulaire, puis dire : Est-ce que je suis en
train de manquer quelque chose? Moi aussi je dois y aller parce que là, il y a
comme une vie parallèle, numérique qui est en train de s'exercer, qui nous
donne l'envie irrésistible d'y aller. Donc, c'est sûr qu'un milieu avec des
zones sans écrans, des moments sans écrans, certains milieux décident de le
faire vraiment mur à mur sur toute la journée. Ça peut avoir ça d'intéressant.
Mais je réitère le fait que ça serait quand même franchement pertinent de
pouvoir évaluer ce qui s'est passé dans ces milieux-là. Il y a des écoles qui
ont eu le courage de le faire, donc on a plein d'experts, on a des gens en
santé publique dans le domaine de la santé et de l'éducation qui pourraient
venir documenter ces démarches-là. Comment ça s'est passé? Avez-vous impliqué
des jeunes autour de la table, des parents, du personnel? Qu'est-ce qui fait
que ça a fonctionné et surtout, qu'est ce que ça a donné? Et ça, ça pourrait
vraiment servir d'une base de guide pour d'autres écoles qui pourraient vouloir
initier un tel processus. Mais il me semble qu'il y a quelque chose d'un peu
plus bottom up qui part de la base avec des bons outils d'accompagnement serait
quelque chose garant de succès. Donc, je pense que ce n'est pas mal atteint de
diminuer. Donc je vous laisserais maintenant pour les questions.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, Mme Généreux. Donc, oui, on va débuter avec la période de
questions en débutant avec Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai eu le bonheur de vous entendre ce matin, justement, en entrevue. Donc, ça
m'a mis un petit peu en bouche, là, votre présentation. J'avais deux questions
qui ne sont pas tout à fait reliées. La première étant : Vous, vous... de
ce que je comprends, c'est que vous, vous y allez plutôt vers de la
sensibilisation, du contrôle, plutôt que de l'interdiction. Ou est-ce qu'on
mêle à ça un âge numérique?
Mme Généreux (Mélissa) :
Mais, en fait... Non, c'est ça, de la sensibilisation individuelle, c'est
nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Ça, pour moi, ça va de soi, mais ce
que je veux dire, c'est qu'agir sur les environnements, si on y va avec une
mesure très coercitive du genre : on interdit les cellulaires partout mais
qu'en contrepartie on a des devoirs à faire en ligne, plein de travaux d'équipe
interactifs en ligne, des cours sur les iPads, puis qu'on a plein d'écrans
partout et qu'on rentre à la maison puis que papa, maman continuent à être sur
les écrans. Il y a comme quelque chose, tu sais, qui est moins cohérent. Donc,
ce que je veux dire, c'est : Est-ce qu'il faut y aller avec une mesure
très stricte, très encadrante, mais qui vient pas accompagnée d'autres mesures,
qui est cohérente? Ou est-ce qu'on n'est pas mieux d'avoir une diversité de
mesures? Mais ceci étant dit, est-ce que je suis pour ou contre quelque chose
d'un petit peu plus dans le domaine de l'interdiction? Moi, je pense juste
qu'on n'a peut-être pas encore assez évalué pour être sûr et certain que c'est
ça l'approche unique. Mais sincèrement, je vais parler pour moi. Si mon enfant
pouvait aller dans une école où on avait bien établi un milieu avec moins
d'écrans, je serais bien contente, là. Tu sais, je fais juste dire que :
Est-ce que ça doit être fait de façon drastique mur à mur dans toutes les
écoles dès décembre versus essayer de mieux comprendre ce qui fonctionne,
quelles sont les barrières...
Mme Généreux (Mélissa) : ...aussi.
Tu sais, les parents qui sont inquiets de ne pas pouvoir rejoindre leurs
enfants. Bon, bien, les écoles où on l'a fait, puis ça a fonctionné, comment
ils ont contourné cette barrière-là? Est-ce qu'on peut avoir un petit guide
pour aider les écoles à bien le faire puis que ce soit mieux reçu plutôt que
quelque chose de très contraignant qui crée un genre de frustration sans
peut-être toute la valeur ajoutée associée à ça?
Mme Gendron : Je comprends
bien. Donc, un guide pour les milieux scolaires, peut-être aussi les milieux à
la maison. Je vous comprends. Moi aussi j'ai cinq ados à la maison, ça fait que
c'est un défi de taille aussi à la maison.
Je vais vous amener sur d'autres choses.
Moi, mes enfants c'est des fervents de lecture de bibliothèque numérique. Vous
êtes une spécialiste des écrans, vous avez mentionné. Y a-t-il là une
différence entre un écran bleu, qu'on utilise un iPad ordinateur à ce qu'on
fait une lecture sur un e-reader... ou en français, honnêtement... Une liseuse,
merci.
Mme Généreux (Mélissa) : Et
en fait, on y va avec la logique, parce que, comme je vous dis, les mécanismes
fins d'action ne sont pas encore parfaitement établis. Mais oui, c'est quand
même de plus en plus reconnu que... C'est comme je disais, ce n'est vraiment
pas juste le temps d'écran qui compte, que le type de contenu qu'on va
regarder, la finalité d'usage. Donc là, ce que vous dites, lire du contenu
éducatif qui nous permet de garder aussi l'attention longtemps sur la même
chose, hein? Parce que si vous avez... En tout cas, moi, j'en ai des enfants
comme vous à la maison, puis ça... même d'écouter un film au complet sans
bouger, ils trouvent ça long parce que comparé une vidéo... de
30 secondes, c'est... c'est pas mal plus long, ça demande une attention
soutenue. Donc, d'aller dans une lecture de quelque chose qui est moins de
lumière bleue, comme vous dites, mais qui a une vocation un peu plus éducative
ou de profondeur, ou d'apprendre, de lire, de s'intéresser à une histoire de
façon plus maintenue, définitivement que, selon mon avis, on n'est pas dans le
même risque que de passer la même durée de temps sur un iPad ou un cellulaire
tout petit qui forcent les yeux, qui nous obligent à... bien, qui nous amènent
à s'isoler, puis à finalement passer deux ou trois heures de sa vie sans avoir
vraiment été exposé à quelque chose de constructif. Des fois oui, des fois non,
mais... et même des fois des choses malsaines. On n'a pas parlé de
cyberintimidation, cyberviolence, mais effectivement, sur une liseuse, c'est un
petit peu plus difficile d'imaginer qu'on va être exposé à du contenu malsain.
Mme Gendron : Merci de votre
contribution.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (15 h 50) •
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Généreux. Tout d'abord, je vais vous remercie pour les
vos contributions. L'étude que vous aviez faite nous avait beaucoup aidés dans
nos travaux sur l'âge minimal de travail, bientôt presque deux ans de ça. Donc
merci pour ça. J'avais une question sur la majorité numérique, mais on l'a déjà
posée. C'est excellent.
Je vous amènerais peut-être un peu sur un
sujet différent, là. Les gens qui vous ont précédé un peu plus tôt aujourd'hui,
on a eu un échange sur la différence entre l'industrie puis la communauté de
joueurs, plus sur l'aspect jeux vidéo. Puis on avait la réflexion : Est-ce
que... est-ce que l'industrie peut s'autoréguler? C'est un peu la tendance
qu'on voit, tu sais. Meta annoncé, il n'y a pas plus tard qu'avant-hier où hier
même, des nouvelles règles pour ses profils, pour les jeunes, etc. Ou est-ce
qu'il faut considérer l'industrie des réseaux sociaux et des jeux vidéo de la
même manière qu'on a fini par considérer l'industrie de l'alcool, du tabac?
C'est une industrie qui dont le profit vise à faire des choses pas tout à fait
dans l'intérêt de la santé publique, puis qu'il faut mettre des règles
extrêmement claires.
Mme Généreux (Mélissa) : Ce
serait pas mal la deuxième des deux... des deux hypothèses que je mettrais de
l'avant. Je n'ai rien... Ce ne sont pas des ennemis, je n'ai rien contre les
personnes derrière ça. Mais la vocation des réseaux sociaux ou des plateformes
de jeux vidéo, c'est d'avoir des gens, souvent des jeunes, parce qu'ils sont
encore plus attirés, mais de tout âge, qui vont durer et rester le plus
longtemps possible et qui vont se fidéliser, qui vont être y retourner plus
souvent possible. Donc, leur intérêt, c'est de créer ce genre de dépendance là,
entre guillemets, qui fait qu'on va avoir une plus grande clientèle, qui va
toujours être de plus en plus nombreuse, fidèle.
Donc, toutes les stratégies qui sont
utilisées le sont strictement à cette fin-là. Donc, vous voyez, ils n'ont pas
de vocation sociale, là. Je n'ai jamais vu... peut-être qu'un jour on aura un
réseau social créé par le communautaire ou le public à des fins purement
bénéfiques, là. Mais, pour le moment je n'en connais pas. Si vous en
connaissez, tant mieux. Donc, oui, pour moi, c'est exactement comme l'industrie
du tabac, l'industrie du tabac ou de l'alcool. Bien, l'alcool, c'est un peu
plus complexe parce que c'est quand même en lien avec le gouvernement. Mais,
mais encore là, on pourra en parler, c'est loin d'être parfait. Mais au niveau
du tabac, il n'y a aucune connexion- là, c'est purement à des fins privées
puis, encore une fois, avec le seul objectif qui est de rendre dépendant. Puis
on voit que, même quand ils ont eu des tendances à dire : Ah! on veut être
des bons concitoyens et puis on va s'améliorer. Bien, woups! on amène des lois,
ils vont contourner en créant des produits de vapotage. Puis là, s'il y a des
limites au vapotage, on va... on va recréer des nouvelles stratégies pour
enlever les saveurs, les mettre à côté. Et c'est ça leur job dans les réseaux
sociaux...
Mme Généreux (Mélissa) : ...on
fait... ou les jeux vidéo, c'est d'engager des neuropsychologues pour
dire : Pouvez-vous nous faire des stratégies visuelles, sonores ou, peu
importe, ou d'architecture, qui vont faire en sorte que nos gens vont revenir?
L'exemple, moi, qui m'avait le plus frappée, là, ça s'appelle la captologie, la
science de comment capter l'attention des gens, bien oui, c'est un vrai mot, où
on nous expliquait que les neuropsychologues ont... tu sais, le fameux point
rouge, là, sur les applications, qu'on voit, tu sais, qui dit que tu as manqué
quelque chose, là, bien, ce point rouge là est absolument calculé pour créer et
générer un sentiment d'urgence. Dans le fond, quand on voit un point rouge, ça
lance un signal : Vas-y, c'est urgent, il y a quelque chose qui se passe.
Donc, je ne vois pas en quoi on fait ça dans le meilleur intérêt de nos jeunes,
non.
M. Leduc : Il y a comme deux
façons d'aborder ça, qui ne sont pas nécessairement contradictoires, mais il y
a la question du nombre d'heures de temps d'écran, puis, après ça, il y a
qu'est-ce qu'on y consomme. Puis on réfléchit à... Il y a des gens qui parlent
de... dont moi, de peut-être aller explorer l'idée de réguler certains aspects
des réseaux sociaux, interdire certains aspects des réseaux sociaux, mettons
les boutons j'aime, le démarrage automatique de vidéos, etc., tout ce qui sont
les aspects les plus nocifs des réseaux sociaux, par voie législative ou en
donnant des pouvoirs, comme Option Consommateurs le proposait, à la Commission d'accès
à l'information. Est-ce que c'est une piste intéressante, ça aussi, de
dire : On pourrait peut-être aller corriger certains des effets les plus
nocifs des réseaux sociaux en complément ou en remplacement de l'idée du nombre
d'heures d'écran?
Mme Généreux (Mélissa) : Bien,
définitivement. Tu sais, en santé publique, on va toujours dire que les mesures
les plus efficaces, c'est celles qui agissent à la source du problème. C'est là
où on risque... on a le plus de chances d'atteindre tout le monde sans égard
aux capacités d'adopter des changements, tu sais. Si, à la base, le produit est
moins nocif, évidemment, tout le monde va bénéficier de ça, qu'on soit issu
d'un groupe plus favorisé ou pas, ou plus défavorisé.
Maintenant, c'est sûr qu'on entend toujours
la question de voir qu'est-ce qu'il est possible de faire. Est-ce que c'est
plus grand que nature, tu sais? C'est David contre Goliath, là, c'est un peu ce
qu'on entend, mais je trouve ça très intéressant, parce qu'avec l'émergence de
la commission, ça a amené plein d'experts à plus se parler. Et il y en a une
que vous allez rencontrer la semaine prochaine, Mme Bonenfant, là, avec qui
j'ai eu le plaisir de discuter, et elle... Il y a des gens qui ont passé leur
vie ou pratiquement leur carrière à travailler sur comment on peut mieux
réguler. Donc, elle me parlait, elle vous en parlera sûrement, de l'exemple
d'une régie du cinéma, mais appliquée aux réseaux sociaux ou aux plateformes de
jeux vidéo, qui aurait un organisme public complètement détaché, en fait, qui
est financé par le public, donc détaché du privé, qui est là pour exercer un
certain contrôle, émettre des cotes. Ça serait le fun, un... «...13», là,
excusez, je ne sais pas comment on dit ça en français, en tout cas, ça, là, je
ne sais pas comment...
Des voix : ...
Mme Généreux (Mélissa) : ...je
ne sais pas. En tout cas, cette cote-là, une cote d'âge recommandé, tu sais.
Comme parent, on est constamment confrontés à des nouveaux jeux, là. Moi,
Brawlstars puis ces... je ne sais pas lesquels sont bons, ne sont pas bons,
comment on... est-ce que Tik Tok, c'est moins bon que Snapchat? Est-ce que...
probablement, Facebook m'apparaît plus nuancé que Snapchat ou... Mais les
parents ne le savent pas. Les guides, ce n'est pas si évident que ça. Donc,
d'avoir déjà un genre de cotation ou une évaluation faite par des experts,
d'avoir un genre de contrôle, de vigie par un organisme indépendant, public, ça
pourrait être franchement intéressant. Ce n'est pas parfait, on n'est pas dans
la régulation, mais on est en train de dire aux réseaux sociaux puis aux jeux
vidéo en ligne : On vous surveille, on vous surveille puis... Parce que,
là, personne ne les... bien, il y a des chercheurs, des experts qui les
surveillent, mais, franchement, ils ont la vie facile, là, tu sais, je veux
dire, on n'exerce pas beaucoup...
M. Leduc : C'est ça. Les
pouvoirs publics ne se sont pas mouillés bien, bien encore, là.
Mme Généreux (Mélissa) : Non,
vraiment pas. On pourrait vraiment en faire plus. Puis, même au niveau de la
régulation, si on est dans une logique où on considère que certaines tendances
d'architecture de réseaux sociaux amènent à créer ce qu'on pourrait appeler...
quelque chose qui s'approche du jeu pathologique, tu sais, les fameux coffres à
butin, là, les «loot boxes», en anglais, où, tu sais, les jeunes accumulent du
temps ou peuvent même dépenser de l'argent, puis là il y a une surprise quand
tu ouvres la boîte avec... Bien là, ça, il y a comme vraiment quelque chose
plus qu'addictif, là, on est en train d'instaurer une notion de jeu en ligne,
tu sais, de gambling, là, c'est... Donc, ça, si on est capable de faire ces
démonstrations-là puis d'utiliser nos pouvoirs, en termes de lutte aux
dépendances, au jeu pathologique, puis de, comme Québec, aller réguler
certaines pratiques qu'on considère qu'elles favorisent carrément de la
dépendance ou du jeu pathologique, ça peut être aussi une avenue.
Ce qu'on m'a dit, c'est qu'en Belgique,
ils ont réussi à le faire sous cet angle-là, et certains jeux vidéo ont même
reculé parce que... en se disant : Tant qu'à avoir deux, trois pays qui
commencent à nous mener la vie dure, ça va être peut-être plus simple de
carrément enlever cet aspect-là de notre plateforme, là, qui cause un peu plus
de polémique.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je voulais vous entendre sur votre perception de
l'intelligence artificielle dans les salles de classe, comment... votre
perception, vraiment, de cet enjeu-là puis comment on pourrait...
Mme Bogemans : ...mieux
l'encadrer.
Mme Généreux (Mélissa) : C'est...
C'est hallucinant. Ça va vraiment vite, ce monde-là, là. Je vous dirais... Moi,
je suis, moi-même, professeure à l'université, donc j'en... je le vois, à quel
point... bien là, je ne sais pas si c'est dans ce sens-là que vous vouliez le
dire, mais à quel point ça peut même nuire à l'apprentissage ou contribuer à...
pas du plagiat, là, mais, tu sais, de la production de contenu qui n'est pas
vraiment basé sur une réflexion, un vrai travail comme on voudrait que les
jeunes acquièrent. Donc, ça, on le voit. Je veux dire, c'est omniprésent
partout, là. Des fois, je donne l'exemple de mon garçon qui ne se rend même pas
compte que c'est de l'intelligence artificielle, mais il cherche une question
pour son devoir, puis on a une Alexa dans la maison, puis il dit : Alexa,
c'est quoi, la réponse à ça? Puis je dis : Bien, voyons donc, mon petit
gars, tu ne vas pas... il faut que tu les fasses, tes mathématiques. Tu sais...
bien, vous voyez. Mais je pense qu'ils ne s'en rendent pas compte, ça va juste
trop vite. Donc, oui, effectivement. Je pense même qu'au moment où, probablement,
vous avez rédigé un peu les balises de la commission, ce n'était même pas si
encore présent que ça l'est aujourd'hui.
Donc, c'est... À mon avis, ce que ça dit,
tout ça, c'est que, oui, on parlait de peut-être... d'organismes publics de
régulation, de contrôle, style Régie du cinéma, ça, c'est une chose, mais,
au-delà de... il y a comme... on a besoin d'avoir un genre d'organisme qui est
vraiment en vigie de tout ça, des tendances, des nouvelles... développements de
plateformes, des tendances, des nouvelles connaissances qu'on a dans la
littérature, ça explose de partout, les connaissances sur les impacts plus
nuancés des réseaux sociaux et des écrans sur la santé, le bien-être, mais
aussi des... Tranquillement, j'ose espérer qu'on va avoir plus de connaissance
sur les pratiques, qu'est-ce qui a fonctionné, qu'est-ce qui n'a pas
fonctionné, pourquoi, comment. Donc, c'est une job à temps plein de
probablement plusieurs personnes, là, d'avoir cette vigilance-là, d'être au
courant. Et c'est dans ce cadre-là, je crois, que l'intelligence artificielle
pourrait occuper une bonne partie pour... de ces personnes-là pour mieux
anticiper, là, les... Il peut y avoir du positif, là, je ne dis pas qu'il n'y a
pas de positif, mais il y a certainement des préoccupations qui viennent aussi
avec cette nouvelle réalité là.
Mme Bogemans : Merci. Tout à
l'heure, vous abordiez, par exemple dans la cohérence, qu'une salle de classe
remplie d'ordinateurs, par exemple, c'était... ça n'envoyait probablement pas le
bon message. L'endroit où on voit souvent le plus d'écrans actuellement dans
notre réseau scolaire, c'est probablement, un, dans le réseau privé et, de
l'autre côté, avec les besoins particuliers, donc tout ce qui est aide à la
lecture, aide à l'écriture, etc. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
• (16 heures) •
Mme Généreux (Mélissa) : En
fait, c'est deux réalités fort différentes, mais merci de poser la question
parce que ça permet quand même de spécifier que, pour les enfants, bon, EHDAA,
là, qui ont des besoins particuliers en lien avec des difficultés
d'apprentissage ou d'adaptation ou certains handicaps, c'est quand même quelque
chose d'autre, là. Tu sais, là, je ne suis pas en train de dire que les écrans,
c'est nocif tout le temps, de toute façon, je l'ai dit plusieurs fois, mais,
dans certaines circonstances bien particulières, c'est tout à fait
compréhensible et ça peut vraiment aider certains enfants à parcourir leur
cheminement scolaire, là, de façon beaucoup plus positive ou réduire les
inégalités, là, qu'ils pourraient avoir d'entrée de jeu en termes de facilité
d'apprentissage. Donc, ça, c'est bien de le préciser, là, les technologies ont
plein d'avantages, notamment pour les enfants qui ont des besoins particuliers.
Pour ce qui est des écoles privées, par
contre, c'est... c'est très intéressant parce que... Puis, encore une fois, je
fais des parallèles avec le tabac. Le tabac, quand ça l'a commencé, là, c'était
très populaire auprès... j'enseigne tout le temps ça à mes étudiants en
médecine, c'est pour ça que je dis ça, auprès des médecins. Les premières
cohortes, là, où est-ce qu'on a réussi à démontrer que le tabac causait le
cancer, c'étaient des cohortes de médecins, parce que c'est eux qui fumaient le
plus dans la société. Puis là, tranquillement, on s'est rendu compte que ce
n'était pas une bonne idée, puis là on voit plus beaucoup de médecins fumer
ou... bon. Ce que je veux dire par là, c'est que c'est un peu la même chose
avec les écrans dans les écoles privées. Il y a eu évidemment cette tendance-là
parce qu'au début c'était tout nouveau, c'était la technologie puis c'était
associé à un certain standard, tu sais, niveau socioéconomique élevé. Donc, il
y avait... il y avait quelque... Je pense que personne ne se doutait, là, de
l'aspect si négatif, là, qu'on a pu observer par la suite. Mais ce que
j'entends... Ça encore, ça reste à documenter, là, l'état de situation plus à
jour dans les écoles, mais il existe des écoles privées de plus en plus qui
sont contraignantes par rapport au numérique. On voit de plus en plus de
retours au papier crayon ou, justement, des codes de vie où on interdit
carrément le cellulaire pendant une partie de la journée ou des endroits. Et
ça, je commence à constater ce type de mouvement là un peu plus dans les écoles
privées, qui ont probablement un petit peu plus de latitude aussi pour procéder
à certaines initiatives de la sorte. Donc, comme je vous dis, moi, je ne serais
vraiment pas surprise qu'au fur et à mesure que c'est connu et documenté, les
risques à la santé... qu'on voie que les écrans et les réseaux sociaux, dans
leurs effets plus négatifs, soient encore plus prédominants dans les groupes
défavorisés. C'est vraiment ce que je pense qu'il pourrait arriver.
Mme Bogemans : Parfait.
J'avais une autre question pour vous. Dans les derniers jours, on a rencontré
une docteure américaine qui nous parlait de l'approche thérapeutique pour
quelqu'un de... bien, en fait, un jeune cyberdépendant...
16 h (version non révisée)
Mme Bogemans : ...qui
consistait à retirer les écrans ou de restreindre énormément le temps d'écran
pendant quatre semaines pour que l'afflux sanguin dans le cerveau se
rétablisse. Je me demandais si on avait de la recherche québécoise ou
canadienne qui pourrait appuyer une approche thérapeutique pour la
cyberdépendance.
Mme Généreux (Mélissa) : Oh!
C'est sûr que là je ne veux pas sortir trop de mon champ de spécialité, mais
oui, j'ai lu des travaux. Est-ce que... Moi, ceux que j'ai lus étaient plus
américains en effet, mais là... Ça fait que je ne pourrais pas dire si on en a
fait. En fait, que la pratique, elle existe, ça, c'est une chose, définitivement.
Mais, est-ce que ça a été documenté, étudié avec des études, des références qu'on
pourrait vous fournir? Je pense que ce ne serait pas la meilleure pour vous le
confirmer. Mais oui, cette notion-là, un peu comme approche thérapeutique de
couper les ponts, de faire une pause, là, pendant un certain temps, ça a été
démontré, comme dans certains cas évidemment bien ciblés, comme n'étant pas
aussi efficace, mais quand même presque aussi efficace qu'une psychothérapie
pour quelqu'un, un jeune qui aurait des enjeux de santé mentale comme des
troubles anxios, troubles dépressifs. Donc, je trouvais quand même que c'est
parlant. Je ne pense pas que c'est quelque chose à appliquer pour tous les
jeunes qui souffrent d'anxiété, dépression. Mais dans un cas où l'usage d'écran
est vraiment problématique, c'est une avenue, je sais, qui a été de plus en
plus... qui est de plus en plus documentée et utilisée en effet.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup. Vous avez amené des points très intéressants.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci.
Bonjour, Dre Généreux. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais d'abord
préciser votre propos quant à la majorité numérique. J'ai bien entendu qu'au
niveau de l'interdiction du cellulaire à l'école, donc, pour vous, vous n'y
voyez pas nécessairement une approche mur-à-mur, mais vous faisiez beaucoup de
parallèles que vous venez de refaire d'ailleurs avec le tabac, donc en disant :
Au niveau des interdictions, donc on veut donc aller vers une société zéro
tabac, mais on ne peut pas aller vers une société zéro numérique. Donc, dans ce
cadre-là, donc si je comprends bien, vous, vous seriez contre une... contre l'instauration
d'une majorité numérique?
Mme Généreux (Mélissa) : Bien,
premièrement, il y en a déjà une à 13 ans. Bien, tu sais, je ne sais pas
si on l'appelle majorité numérique mais qui n'est juste pas bien appliquée.
Donc, encore une fois, ça revient un peu avec les propos d'y aller avec... je
pense qu'on pourrait se perdre ou avoir une fausse réassurance que d'opter pour
une mesure très contraignante qui ferait beaucoup de bruit si parallèlement on
ne fait pas les efforts de vraiment travailler un meilleur contrôle de l'âge,
une vérification parentale par exemple. Et j'aime beaucoup la poche de la
France de parler d'une approche progressive où on peut permettre l'accès aux
réseaux sociaux à un certain âge, mais des réseaux sociaux qui sont reconnus
comme étant éthiques. Ça, c'est quand même bien, dire : On ne veut pas
limiter l'accès aux réseaux sociaux, mais si vous n'atteignez pas les standards
éthiques, c'est non. Bon, tu sais, il peut y avoir des choses comme ça qui sont
discutées où est-ce que le seul petit bémol de les restreindre avant l'âge de
16 ans, bien, un je pense qu'on a de la misère à l'appliquer en bas de 13 ans,
donc je ne vois pas trop pourquoi on serait capable en bas de 16 ans. Mais
ça, c'est quand même un gros bémol.
Mais le deuxième, c'est qu'il y a... quand
on parle des effets positifs, on parlait des enfants avec des besoins
particuliers d'une part, mais je pense aussi à tous ces jeunes-là qui... bien,
par exemple issus de la communauté LGBTQ+ ou des jeunes en milieu un peu plus
isolé ou qui ont... qui partagent un intérêt très spécifique qui n'est peut
être pas si présent dans leur communauté et qui auraient le goût de pouvoir
être en réseau avec d'autres personnes. Donc, il y a quand même cet aspect-là
de bris d'isolement puis de connexion, d'un sentiment d'appartenance à une
communauté qui peut être très intéressante, surtout chez des jeunes qui sont un
peu plus marginalisés, qui ont peut être plus de difficultés, pour différentes
raisons, à établir ce lien-là à partir de ce qui est déjà disponible dans leur
communauté. Donc, il y a peut être là, moi, qu'en y repensant bien, ça me
bloquait un peu.
Donc, c'est sûr que dans un monde idéal,
on obligerait les réseaux sociaux et les jeux vidéo à être éthiques. Eh oui, je
pense qu'est-ce qu'il faut absolument y aller par la coercition, je ne le sais
pas, mais d'encourager le plus possible, de retarder l'âge de l'initiation par
des pratiques un petit peu plus douces, par des alternatives, tu sais, c'est
sûr. Je ne le sais pas pour ceux qui sont parents dans la salle, mais une
soirée où on a un espace, une cour d'école disponible avec des terrains de
basket, tu sais, que les jeunes peuvent jouer dehors, puis après ça, qu'ils ont
accès à un cours X, Y pas trop cher, peut-être même, qui sait, c'est gratuit ou
presque, offert par un... Le centre communautaire ou la ville, ou le quartier.
Puis ça passe vite une soirée. Puis là, ni vu ni connu, il est rendu 8 heures,
c'est l'heure d'aller faire dodo, puis tout au plus vous aurez un 10-15 minutes
d'écran, là, comme on appelle. Mais c'est sûr que si on n'a pas d'espace pour
meubler les soirées, le temps à l'école... Donc, je pense vraiment qu'on n'a
pas tout fait ça, puis je me demande si c'est légitimé d'aller vers des mesures
très coercitives sans avoir essayé les autres mesures. C'est... Je ne dis pas
que je suis convaincue, mais j'ai quand même des questionnements par rapport à
ça.
Mme Cadet : Oui, et puis
c'est une bonne transition vers la prochaine question que j'avais. Est-ce que,
là, donc vous parlez donc des alternatives, donc d'offrir donc autre chose aux
jeunes, aux familles? Est-ce que si on les prive d'écran, mais il faut qu'ils
soient capables...
Mme Cadet : ...soit capable
donc d'avoir donc du temps de divertissement hors écran. On a aussi... On a
beaucoup entendu parler donc des disparités entre les milieux favorisés et les
milieux défavorisés, là, donc, nonobstant le fait que les environnements
favorisés ont plus accès aux écrans de manière encadrée et donc à l'école, on
nous a répété que c'était surtout les jeunes issus des milieux défavorisés qui
avaient donc des hauts taux de donc, de nombre d'heures passées devant les
écrans. Peut-être donc, à vous entendre sur les solutions ou les méthodes, donc
de sensibilisation par rapport à ces effets-là.
Mme Généreux (Mélissa) :
Est-ce... puis là, vous m'excuserez, hein, je fais toujours attention parce
que je ne veux pas avoir un discours qui est péjoratif ou stigmatisant. Pas du
tout. C'est vraiment plus d'un point de vue épidémiologique, là, quand on
regarde des grandes masses de personnes, oui, effectivement, on voit des écarts
qui commencent déjà à se pointer et selon le niveau socio-économique. Donc,
c'est là que si je fais un exemple, on reçoit beaucoup comme parent de
courriels de l'école. Puis, moi, je suis beaucoup en relation avec les milieux
scolaires dans le cadre de mon travail. Puis souvent, ce qu'on nous dit des
milieux scolaires, c'est qu'il note un désengagement assez important des parents.
Ils ont remarqué ça depuis quelques années. La pandémie, encore, semble avoir
exacerbé ça, mais ce n'est peut-être pas juste expliqué par ça. Bref, les
parents, comment on les sensibilise, on leur envoie un courriel, c'est ça le
courriel. Est-ce qu'ils vont vraiment le lire? On les invite à une conférence.
Moi, les milieux scolaires me disent souvent que oui, des fois, une conférence
ou deux vont être plus populaires que les autres. Mais c'est souvent quand même
le même bassin de parents qui va se déplacer. Puis, souvent, les parents, il y
en avait peut-être un peu moins besoin à la base, tu sais, les parents qui ont
déjà tendance à être très au courant des ressources d'aller en ligne, qui
connaissent le site Pause, le site CIEL, vous voyez un peu ce que je veux dire.
Donc, je pense vraiment que les méthodes de sensibilisation qui passent par
outiller les parents, outiller les jeunes, il faut le faire, mais on ne doit
pas s'attendre à ce que ça ait la même efficacité si ça ne vient pas avec
d'autres mesures. Tu sais, c'est là que je trouve ça très dommage, mais la
famille qui, par exemple, a de la misère à joindre les deux bouts parce que le
logement coûte trop cher, l'épicerie coûte trop cher et qu'ils doivent faire
plus de travail, ils ont peut-être deux, deux jobs en même temps qui sont plus
occupés le soir, qui sont épuisés je ne sais trop. Ça se pourrait que ça soit
facilitant de dire : Hey, regarde, je vais laisser mon jeune sur l'écran
parce que pendant ce temps-là, ça me donne le temps de souffler ou d'aller au
travail ou je ne sais trop. Donc, c'est là que d'avoir un environnement
favorable, un quartier où est-ce qu'il y a de la verdure, où est-ce qu'il y a
des activités, où est- ce que c'est sécuritaire d'aller jouer dans la rue ou
est- ce qu'il y a une vie communautaire, ça peut faire toute la différence pour
un jeune qui va du coup avoir du temps de libre et pouvoir aller occuper ce
temps libre là d'une façon plus, tu sais, à travers la nature, le sport, le
contact social, aller au parc et tout ça. Mais comme malheureusement, on le
sait en ce moment, il y a quand même des grandes inégalités en termes de
qualité, d'environnement favorable. C'est souvent encore une fois dans les
quartiers les plus favorisés qu'on va avoir des beaux terrains de basket-ball,
des beaux espaces verts, des belles activités sociales, des fêtes de quartier
et tout. Donc je sais que c'est gros ce qu'on dit, mais je pense que si on
pouvait se donner les moyens d'investir davantage dans des alternatives sans
écrans qui par ailleurs sont bonnes pour promouvoir l'activité physique, la
santé mentale, c'est ça a juste des cobénéfices à peu près sur tous les aspects
du bien-être des jeunes. Et en plus, ça donne un coup de pouce pour la
déconnexion numérique.
• (16 h 10) •
Mme Cadet : Dernière question
de mon côté, bien, justement sur la thématique des parents, une autre
corrélation qu'on voit donc, c'est le... qui est d'un tout autre ordre, c'est
le nombre de temps passé récréatif, donc passé par les parents devant l'écran,
comparativement à ceux des jeunes. Donc, ce qu'on entend, c'est que les parents
qui passent beaucoup de temps récréatif devant les écrans, donc il y a plus de
chances que leurs jeunes aussi le fassent. Donc, on parlait donc de
sensibilisation, mais comment est-ce qu'on peut outiller la population par
rapport à ce phénomène-là que je pense qu'il n'est pas tout à fait connu non
plus.
Mme Généreux (Mélissa) :
Bien, très important. Puis c'est bon parce qu'avec vos questions, ça me permet
d'adresser des choses que je n'ai pas pu dire en 10 minutes. Mais j'ai beaucoup
consulté mes collègues de santé publique. Donc, ce que je vous dis, ça ne vient
pas juste de ma vision, mais on s'entend tous pour dire que, du moins des
personnes que j'ai consultées, qu'il faut y aller par une approche un peu plus
de parcours de vie, là. Ce n'est pas entre 12 puis 17 ans, là, que le problème
des écrans ou entre 12 et 25 ans, que le problème des écrans survient. C'est
probablement dès la naissance et ensuite jusqu'à un certain âge. Bon, rendu à
un âge un peu plus avancé, il y a des générations qui ont moins baigné
là-dedans puis c'est peut-être moins un réflexe, un automatisme d'y aller,
mais on voit que la qualité, même mère ou père enfant dès la naissance, tu
sais, quand on voit des coussins d'allaitement qui existent, où il y a un
espace pour déposer le cellulaire. Comme ça, c'est moins long d'allaiter, je
peux scroller les réseaux sociaux en même temps, c'est problématique. On parle
du précieux temps, on appelle ça un peu la technoférence, là, tu sais,
l'interférence entre la technologie puis le...
Mme Généreux (Mélissa) : ...où
la qualité de la relation qu'un parent peut entretenir avec son enfant. Donc
oui, c'est super important d'avoir ça en tête ça dès les petits bébés, les CPE,
les tout-petits, ensuite primaire, secondaire, les jeunes adultes transition
vers leur rôle de parents.
La seule petite chose quand même, je pense
qu'il faut faire attention, c'est qu'encore une fois, je trouve que ce serait
franchement facile de... Autant, qu'on a pu dire que, ah! les jeunes, on va les
sensibiliser, puis s'ils comprennent bien les risques, ils vont faire plus
attention. Tu sais, en tout cas, je trouve ça un peu simple comme façon de penser.
C'est un peu la même chose pour les
parents, tu sais, si... je pense que la plupart des parents commencent quand
même être conscientisés sur le fait que ce n'est pas idéal de passer beaucoup
devant les écrans. Mais c'est plus compliqué que ça. Tu sais, s'il suffisait de
dire aux gens : Vous savez, ce n'est pas très bon pour la santé ce que
vous faites, il n'y a plus grand monde qui mangerait de malbouffe, tout le
monde ferait plein d'activité physique, on ne boirait plus d'alcool. Tu sais,
je serais au chômage, là, je n'aurais plus de job de médecin de santé publique
parce tout le monde irait bien, tout le monde serait en santé.
Donc, ce que je veux dire, c'est qu'on ne
peut pas mettre le fardeau uniquement sur les épaules des jeunes et des
parents. Les parents aussi compétitionnent contre une industrie vorace qui fait
tout pour rendre leurs jeunes accros. Bien, donc c'est là que je vous dis qu'il
faut qu'il y ait une cohérence d'efforts qui est distribuée à plusieurs niveaux
et pas seulement sur les épaules des parents et des jeunes.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Dre Généreux.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette.
M. St-Louis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Dr Généreux, content de vous recevoir. Merci d'être là pour
nous.
Je vais retoucher un point qui a déjà été
discuté, en fait la question de ma collègue députée de Châteauguay qui touchait
les... les écrans, parce qu'on parle beaucoup du contenu, puis on parle du temps
d'écran, mais pour moi, le temps d'écran est relié directement au médium, le
médium étant les fameux écrans bleus. Il y en a partout. Là, il y en a
maintenant... Il y a des écrans tactiles dans nos voitures, il y en a sur...
mais je viens d'acheter une cuisinière puis, mon Dieu, c'est quasiment plus
gros que la télévision que j'avais quand j'étais jeune. Les téléviseurs ont 65
pouces, maintenant. Il y en a partout, partout, puis je n'ai pas l'impression
que ça va aller en diminuant, au contraire, la technologie... et puis...
Bon, bien, ceux qui souffrent de
dépression saisonnière le savent, la luminosité affecte certaines personnes, en
fait affecte tout le monde, mais à différents niveaux. On a reçu une
psychiatre, en début de semaine, qui parlait de déréglementation de
neurotransmetteurs, dont le... bon, la mélatonine, la dopamine. La dopamine,
pour d'autres raisons. Puis c'est même suggéré, là, le jeune de quatre semaines
pour faire une espèce de «reset». Je me dis : On ne peut pas passer notre
temps à faire du jeune en alternance pour réguler notre cerveau. Puis vous en
pensez quoi? On s'en va où vers ça? Il y a un changement de société, puis vous
êtes à même... Vous êtes en santé publique, vous êtes quand même les deux mains
dedans au quotidien.
Mme Généreux (Mélissa) : Mais
c'est sûr, tu sais, qu'il faut avoir des approches pour les jeunes ou les moins
jeunes qui développent une utilisation problématique. Tu sais, ça, c'est... il
va toujours en falloir. Mais est-ce qu'on doit se dire que c'est ça la solution
à tout? Tu sais, on va les laisser développer un usage problématique puis
ensuite... Bien, c'est un peu vraiment le parallèle avec les diètes. Là, tu
sais, l'idéal c'est de ne pas avoir à entreprendre une diète drastique. Ce
n'est pas recommandé, on le sait maintenant. Donc, je ne dis pas...
Normalement, c'est d'acquérir des bonnes habitudes et d'entretenir un certain
équilibre dans notre alimentation, puis oui, ça ne veut pas dire de manger
parfaitement tout le temps, ça veut dire d'être capable de se payer des petites
différences, des aliments moins santé une fois de temps en temps, mais
d'apprécier aussi les aliments qui sont plus santé. Donc, je pense, c'est un
peu la même chose. Tu sais, c'est vers ça qu'on doit tendre pour les écrans, c'est...
C'est correct. Tu sais, c'est vrai que sur le coup, ça libère de la dopamine,
puis ça fait du bien, là, les écrans. Sur le coup, c'est vrai, ça le fait,
c'est... il y a quelque chose de... on a l'impression que ça fait du bien parce
que ça vient surstimuler notre circuit de récompense, puis là ça libère de la
dopamine. Puis on dit : Ah! tu sais, je me sens bien. Tu sais, à coup de
10, 15 minutes ici et là, c'est ce qui détend les gens. C'est correct. Mais ce
qu'on veut, c'est les amener à dire «; Il y a d'autres choses aussi qui peut te
détendre puis qu'il a probablement un... quelque chose de beaucoup un impact
plus profond. Tu sais, tu te sens un peu stressé, la pleine conscience, des
exercices de respiration, ça peut être d'aller faire une course à pied dehors,
d'aller... Et Il y a plein de moyens, là pour se ressourcer, aller profiter de
la luminosité ,comme vous dites, naturelle.
Donc il existe des centaines, si ce n'est pas des
milliers de moyens qui ne sont pas numériques pour aller chercher cette
dopamine-là, ce sentiment d'apaisement aussi, tout dépendant de l'activité
qu'on fait et qui vont avoir d'autres bienfaits beaucoup plus importants puis
plus durables que les écrans. Donc oui, je pense que de réfléchir à ça... Tu
sais, moi, je pense juste aux salles d'attente dans les hôpitaux, les
cliniques, dentistes, peu importe, là, il y a des écrans partout où souvent...
puis il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Donc, si vous allez... où sinon vous
allez avoir votre écran avec vous, bien, votre cellulaire, là, puis là les
enfants vont dire : C'est long, c'est plat, puis il n'y a pas de jeu, il y
n'a rien d'autre à faire. Donc, on finit par dire...
Mme Généreux (Mélissa) :
...par dire : Bien, regarde la télévision, ou tiens, je vais te donner le
iPad, le cellulaire. Déjà là, c'est peut-être une demi-heure, 1 heure des fois,
qui sait, ça peut être long quand on attend à la clinique. Donc, tu sais, cette
culture-là de... est-ce qu'on est capable aussi j'aimais bien dans le rapport
français, cette culture-là d'accepter qu'un petit, là, des fois, ça pleure,
puis ça prend de l'espace, ça fait du bruit dans un espace public, parce que
c'est sûr que la meilleure façon d'avoir un petit tranquille, c'est de lui
donner un écran dans les mains puis il ne fera pas un bruit, je vous le
garantis. Mais est-ce que c'est correct ou on n'est pas capable d'accepter que
bien oui, à l'épicerie, dans les espaces publics, il bouge un peu, il brasse
les affaires, mais au moins il s'amuse, il explore. Puis il est en train de
développer son langage, son aspect socioaffectif de façon beaucoup plus
positive qu'en le mettant sur un écran, mais je ne dis pas ça péjorativement,
là, j'ai déjà mis mes enfants sur un écran, mais j'essaie de moins en moins le
faire parce je vois qu'il y a moins d'avantages à le faire.
M. St-Louis : Je vous
remercie. J'essaie depuis une semaine d'obtenir un chiffre magique d'un nombre
d'heures par jour qui serait qui serait sain, comme les cigarettes, trois
cigarettes par jour, on sait que ce n'est pas sain, un paquet, ça ne marche
pas, mais non, merci infiniment.
• (16 h 20) •
Mme Généreux (Mélissa) : Mais
non, mais c'est le temps d'écran, il faut faire vraiment attention. Méfiez-vous
de quelqu'un qui va vous donner un chiffre précis parce que c'est exactement
dans les zones un peu d'incertitude qu'on a là, mais je ne pense pas qu'il y a
un seuil, tu sais, ce n'est-ce pas? Ce n'est pas un effet cancérigène qui à
partir d'une certaine quantité, c'est dans... Ce n'est pas comme ça que ça
fonctionne, là. Tu sais, comme je dis, c'est plus que du temps, c'est la nature
de ce à quoi on est exposé, le contexte, et tout ça.
La Présidente (Mme Dionne) :
Le loisir versus le pédagogique. Ça, c'est aussi la question, le contenu qu'on
consomme. Dr Généreux, ça a été un plaisir de vous recevoir ici en commission.
Merci pour votre contribution. Alors, pour ma part, eh bien, la commission
ajourne ses travaux jusqu'au mardi 24 septembre à 9 h 45. Alors je vous
souhaite une très belle fin de journée à tous.
(Fin de la séance à 16 h 21)