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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes

Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le mardi 17 septembre 2024 - Vol. 47 N° 3

Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Mme Servane Mouton

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Robin Walker

Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE)

Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ)

Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE)

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP)

Autres intervenants

Mme Amélie Dionne, présidente

M. Enrico Ciccone

Mme Suzanne Tremblay

Mme Madwa-Nika Cadet

M. François St-Louis

M. Alexandre Leduc

M. Stéphane Sainte-Croix

Mme Marie-Belle Gendron

M. Pascal Bérubé

Mme Audrey Bogemans

M. Yannick Gagnon

*          M. Jonathan Bernard, accompagne Mme Servane Mouton

*          M. Pierre-Gerlier Forest, INSPQ

*          Mme Andréane Melançon, idem

*          Mme Fanny Lemétayer, idem

*          M. Éric Litvak, idem

*          M. Carl Ouellet, AQPDE

*          M. André Bernier, idem

*          Mme Édith Michaud, idem

*          M. Sylvain Martel, RCPAQ

*          Mme Marie Pier Bessette, idem

*          M. François Paquet, idem

*          M. Richard Bergevin, FSE-CSQ

*          Mme Karine Nantel, idem

*          Mme Mélanie Hubert, FAE

*          Mme Annie Primeau, idem

*          Mme Christel Gilbert, idem

*          Mme Nancy Brousseau, FEEP

*          M. David Bowles, idem

*          Mme Tania Genzardi, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures quarante-sept minutes)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, bon mardi à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur nos jeunes.

Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, cet avant-midi, nous entendrons Mme Servane Mouton, neurologue et coprésidente de la commission française sur l'exposition des enfants aux écrans; l'Institut national de santé publique du Québec; M. Robin Walker, ancien président de la Commission de l'éducation à la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Auditions (suite)

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à la Dre Servane Mouton et qui est accompagnée aujourd'hui de M. Jonathan Bernard, chargé de recherche dans l'équipe de recherche sur les déterminants précoces de la santé au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et, ensuite de cela, nous procéderons à une période d'échange et de questions avec les membres de la commission. Alors, bienvenue, et je vous cède maintenant la parole.

Mme Servane Mouton

Mme Mouton (Servane) : Merci. Bonjour à chacun et chacune ou chacune et chacun. Je vous propose de parler cinq minutes, et ensuite Jonathan parlera cinq minutes, l'idée étant de donner quelques éléments qui seront surtout le support à la discussion qui suivra. Puisque la question est très large et dense, il y aura peut-être certains points que vous voudrez que nous développions ensuite.

Donc, la... un peu les attendus de notre travail, lors de la commission mise en place par Emmanuel Macron, était, en effet, de travailler sur les impacts de l'usage ou d'exposition des écrans des jeunes, des mineurs, globalement, en termes de santé, essentiellement, et ensuite de réfléchir à des façons de mieux réguler les usages ou de mieux... minimiser, en tout cas, d'éventuels effets délétères ou de mettre en valeur des effets qui pourraient être positifs éventuellement.

Ce qui est ressorti sur le plan sanitaire était que les études étaient robustes et consensuelles en ce qui concernait les effets sur la santé somatique, avec d'abord la problématique de la sédentarité, qui avait tendance à augmenter et à aujourd'hui représenter un problème de santé publique à moyen et long terme chez les moins de 18 ans, avec, sur les derniers rapports de l'ANSES sur la question, une estimation de 50 % des moins de 18 ans qui présenteraient un taux de sédentarité trop élevé associé à un manque d'activité physique, qui est un facteur de risque cardiovasculaire, donc AVC, infarctus du myocarde, maladies des artères des jambes à moyen et long terme.

• (9 h 50) •

Le deuxième point consensuel est l'impact de l'exposition des écrans sur le sommeil, qui, rappelons-le, est un pilier de notre santé globale, la dette chronique de sommeil pouvant favoriser les maladies cardiovasculaires, mais aussi des maladies neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer, ou encore des maladies métaboliques, comme le diabète, et, bien sûr, aussi perturber les apprentissages par des difficultés attentionnelles... perturbait aussi l'humeur en favorisant la dépression.

Donc, voilà, la perturbation du sommeil est vraiment une préoccupation majeure en termes de santé publique, et les écrans sont impliqués par une surexposition, en particulier le soir, qui décale l'heure d'endormissement, soit indirectement, parce que l'activité, en elle-même, est stimulante et captivante et que l'on s'endort plus tard, soit également par l'exposition à une lumière qui est riche en bleu et qui va décaler le pic de la mélatonine qui... étant une hormone pilier des rythmes du sommeil.

Le troisième élément qui émerge et qui est alors très préoccupant dans les pays asiatiques, mais avec des tendances qui suivent dans les pays occidentaux est l'effet sur la vision, en particulier la problématique de la myopie. Une forte progression de la myopie chez les plus jeunes, les écrans pouvant être impliqués par la surstimulation de la vision de près, c'est souvent l'argument que l'on a en premier en tête, mais, en fait, c'est plutôt par une diminution des activités à l'extérieur au profit d'activités à l'intérieur. Or, c'est l'exposition à la lumière naturelle qui préserve ou qui permet, en tout cas, un bon développement de l'oeil et qui préserve donc de l'apparition de la myopie. Donc, des enfants qui vont être exposés de façon excessive aux écrans vont, de ce fait, en général, avoir cette activité à l'intérieur, ceci au détriment de leurs activités à l'extérieur, et donc avoir un risque plus élevé de myopie. Et enfin, des éléments suggèrent que c'est le déséquilibre de la lumière des écrans qui est riche en bleu et pauvre en rouge, qui est donc différente de la lumière naturelle, qui expliquerait ce risque de myopie.

Ça, ce sont des choses qui sont, je dirais, avérées, l'augmentation de la sédentarité, la dette chronique de sommeil et l'augmentation de la myopie avec une application des écrans.

Ce sur quoi la littérature scientifique est plus discutable en termes de rigueur méthodologique, c'est les questions sur le neurodéveloppement, même si elle est quand même de plus en plus riche concernant les moins de six ans, avec des effets sur les compétences sociorelationnelles, sur la régulation des émotions, surtout chez les plus petits, également sur l'acquisition de langage et sur les capacités attentionnelles.

Ensuite, sur... pour les enfants plus grands, la problématique de l'exposition aux réseaux sociaux fait poser la question de leur impact sur la santé mentale, les adolescents, qui, on le sait, est en... «en chute libre», ce n'est pas le bon terme, mais, en tout cas, est moins bonne ces dernières années, et les crises de la COVID ne sont pas les seules explications. Et les réseaux sociaux sont impliqués, vraisemblablement. Ils n'occupent qu'une petite place. Elle doit être prise en compte, au sérieux, puisque c'est un facteur qui est modifiable.

Je vais dire le dernier petit mot, et après je vais laisser la parole à Jonathan. C'est qu'on a un petit peu déplacé le curseur en voulant impliquer... en tout cas, intégrer le questionnement sur l'impact environnemental du numérique, puisque c'est aussi la question du monde que nous allons laisser à nos enfants et leur santé dépendra de cet... de l'état des écosystèmes, et enfin remettre la place des écrans dans une perspective vraiment systémique et sociétale, puisque, se concentrer que sur l'écran, on risquerait de nous faire passer à côté des raisons pour lesquelles ils sont aussi prégnants aujourd'hui dans les vies quotidiennes, qu'elles soient privées ou professionnelles. Je vous remercie. Jonathan, c'est à toi.

M. Bernard (Jonathan) : D'accord. Bien, du coup, je parle plutôt des axes, c'est ça? Donc, bonjour. Bonjour à tous et merci pour cette audition. Alors, je suis Jonathan Bernard, je suis épidémiologiste à l'Inserm et je travaille particulièrement sur le lien entre l'usage des écrans et la santé de l'enfant, et donc j'ai fait partie de cette commission présidée par Servane.

Et donc, après cet exposé sur cette revue de la littérature sur les effets sanitaires observés, je vais vous parler un tout petit peu des différents axes d'action qu'on a mis en... qu'on a proposés, en tout cas. Donc, l'idée du rapport, c'était quand même de faire système, d'essayer de comprendre ce sujet en décloisonnant l'ensemble des petits bouts qui traitent du sujet de par leur propre angle. Donc, par exemple, il y a des préoccupations de santé, mais il y a aussi des préoccupations en termes... éducatives à l'école, etc. Il y a des préoccupations en termes de sécurité dans l'espace public, de haine en ligne, etc. Donc, il y avait beaucoup de sujets avec, à chaque fois, des parties prenantes qui traitent d'un petit bout de ce sujet.

Et donc, nous, ce qu'on a essayé de faire, c'était quand même d'avoir une vision d'ensemble pour pouvoir attaquer le problème de façon systémique. Donc, c'est un petit peu pourquoi on a décliné notre proposition de réponses en six axes. Le premier, le premier axe, c'était tout d'abord responsabiliser les plateformes, les grandes plateformes de réseaux sociaux en particulier, de façon à ce qu'elles limitent toutes les conceptions addictogènes qui permettent de stimuler l'engagement sur ces plateformes. Donc, par exemple, le scroll infini, les algorithmes de recommandation qui sont souvent très opaques, etc. Donc, toutes ces conceptions-là, on considère que c'est du rôle des réseaux sociaux et des grandes plateformes pour englober... même plus que les réseaux sociaux, d'agir pour redonner un petit peu du temps et de la liberté aux jeunes. Donc, ça, c'est un premier axe.

Le deuxième axe, il est plutôt concernant la protection des mineurs. Plutôt que les contrôler, ce qui a actuellement un petit peu le... quand on parle de contrôle de l'âge, contrôle des usages, des applis de contrôle parental, etc. Donc, nous, le parti, c'était aussi de protéger les enfants, mais de ne pas les contrôler, c'est-à-dire qu'ils vont... ils ont aussi des droits, et donc on considère que, pour l'instant, on ne part pas sur le bon... dans la bonne direction, et donc on propose, en particulier, des mesures pour accompagner la protection. Elles passent aussi par la responsabilisation des acteurs et des industriels, mais pas seulement. Voilà.

L'axe trois, il est plutôt autour de l'accompagnement, donner des formes de normes sociétales sur le plan de la santé pour accompagner, et c'est de donner un petit peu des bornes, des cadres sur : À partir de quel âge on peut faire quel type d'activité? Donc, c'est notamment dans cette partie-là, dans cet axe-là, qu'on propose une recommandation qui est déjà un petit peu en vigueur en France, qui est de dire : pas d'écran avant trois ans. Et puis ensuite, on propose différentes bornes à chaque âge.

Bon, jusqu'à six ans, il faut quand même penser à limiter le temps d'écran, favoriser des contenus de qualité, si possible, avec accompagnement parental. Après, il y a aussi, à partir de l'adolescence, des recommandations sur les bornes qu'on a appelées, nous, 11, 13, 15 qui sont... À partir de 11 ans, chez nous, c'est l'entrée dans l'éducation secondaire au collège et c'est souvent l'âge... un des âges d'acquisition du premier smartphone. Nous, on considère qu'à partir de 11 ans un enfant n'a pas forcément besoin d'un smartphone. On considère que c'est un outil bien trop avancé pour le besoin d'un enfant et qui est, d'ailleurs, souvent plutôt le besoin du parent plus que de l'enfant, pour pouvoir savoir où il est, pouvoir le joindre à tout moment, mais qui révèle plus, des fois, une forme d'anxiété des parents que d'un besoin réel des enfants.

Donc, ces bornes, elles visent un petit peu aussi à donner une norme sociale de façon à ce que les parents soient armés pour dire : Voyez, les recommandations, c'est ça. Et, en fait, que ça fasse un petit peu tache d'huile, parce qu'aujourd'hui on voit bien que les ados, ils s'appuient aussi sur ce que leurs copains, leurs copines, leurs camarades ont le droit de faire, et, du coup, on est un peu dans une fuite en avant où on a un âge d'acquisition du premier smartphone toujours, toujours plus précoce. Donc, il y a ces bornes de 11 ans où on recommande, en particulier, de... la possibilité d'équiper un enfant avec un téléphone, mais pas un smartphone, et, seulement à partir de 13 ans, de pouvoir les occuper... les équiper avec un smartphone personnel.

Et autre recommandation-phare de cet axe-là, c'est celle des réseaux sociaux, qu'on considère... dont on considère que les adolescents peuvent en faire un usage à partir de 15 ans, mais seulement des réseaux sociaux qu'on considère éthiques. Donc, actuellement, à 15 ans, il faut le... en tout cas, en Europe, il faut le consentement des parents. Ce consentement est rarement recueilli et donc il y a beaucoup de contournement de cette limite-là...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, M. Bernard, Mme Mouton. Malheureusement, on a un petit peu dépassé notre temps.

M. Bernard (Jonathan) : Oui. Je vous en prie.

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, si vous le permettez, on va poursuivre ces échanges avec les membres de la commission, là, pour une période de questions. Alors, d'entrée de jeu, je vais laisser la parole à M. le député de Marquette.

• (10 heures) •

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour... bien, bonjour, bon après-midi à vous deux. Je pense qu'on est l'après-midi chez vous. Merci d'être là avec nous.

Je veux commencer par... La première question, je vais faire référence à certains groupes qu'on a déjà entendus. Certains groupes nous disent : Puisqu'on ne peut plus rien faire avec la réalité numérique, on est aussi bien de la contrôler.

Selon vous, est-ce que cette problématique-là, que vous nous avez évoquée aujourd'hui, plusieurs problématiques, est-ce que tout ça est réversible dans notre société aujourd'hui? Est-ce qu'on peut renverser la vapeur ou il est trop tard?

Mme Mouton (Servane) : Jonathan, tu veux te lancer?

M. Bernard (Jonathan) : Je t'en prie. Est-ce qu'on peut... Alors, je peux essayer de donner une réponse. Moi, je... enfin, je ne suis pas devin, je ne sais pas si c'est possible. Je pense quand même que, pour l'instant, on est un peu à l'ère du far west, si je peux dire, des outils qui sont tout récents, qui sont développés au cours des dernières décennies. qui confèrent énormément d'avantages, en termes de communication, d'évitement des déplacements, la preuve en image, puisque nous sommes en train de vous parler. Donc, il y a énormément de bénéfices, mais on n'a pas encore eu le temps de mesurer les effets pervers de ces choses-là.

Donc, il n'est pas tard... il n'est pas trop tard pour mettre en place des moyens de régulation, et ces moyens de régulation, actuellement, ils sont quand même à destination... Je parle de ce qui est mon coeur d'expertise, la santé publique. Pour l'instant, on s'adresse aux individus, aux consommateurs. On leur dit : Il faut faire ceci, il faut faire cela, mais, pour l'instant, on n'a pas vraiment passé la vitesse numéro deux pour contraindre aussi les acteurs, les responsabiliser par rapport aux effets pervers qu'ils peuvent causer sur la santé des individus.

Est-ce que c'est souhaitable de revenir totalement en arrière? Je ne le pense pas, à titre personnel. C'est une opinion, mais, en tout cas, il y a probablement des choses qu'on peut faire.

M. Ciccone : Chez vous comparativement à chez nous, là, est-ce qu'il y a des mesures qui ont été mises en place par le législateur, justement, pour contrôler cette problématique-là?

Mme Mouton (Servane) : Il y a deux... oui, c'est... très rapide, en France, tout ce qui est législatif est quand même plus compliqué du fait des règles européennes. Alors, on sort un petit peu de nos domaines d'expertise, avec Jonathan, parce que le domaine de la loi est quand même complexe. Mais il y a deux gros textes qui ont été adoptés à l'échelle européenne, le DSA et le DMA, l'année dernière, qui visent à réguler ce secteur du numérique.

Au niveau français, il y a des lois qui sont proposées ou qui sont peut-être à mettre en application : par exemple, l'accès aux réseaux sociaux à 15 ans, donc la majorité numérique, la loi sur les influenceurs également, qui interdit l'exploitation en images de leurs enfants par des parents pour éviter cette marchandisation totalement délirante qu'on a pu voir ces dernières années. Et il y a eu, voilà, des projets de loi qui n'ont pas abouti sur ce domaine-là ou qui se heurtent à la problématique européenne parce qu'elles ne vont pas être en conformité avec le système européen.

M. Ciccone : Suite à, justement, cette législation-là, avez-vous vu une différence de comportement chez les jeunes ou même chez les parents envers leurs jeunes?

M. Bernard (Jonathan) : Je pense qu'il est un peu trop tôt pour vraiment mesurer ces effets-là. Il y a des signaux faibles quand même. On sent que le sujet est très, très présent dans les médias. Il y a quand même une prise de conscience, au moins chez une partie de la population, mais c'est quelque chose qui est assez empirique et qui a besoin, encore, d'être prouvé par des études scientifiques valides, oui.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Ça me va, Mme la Présidente.

M. Bernard (Jonathan) : Je pense aussi que... les régulateurs aussi... les régulateurs, pardon, les plateformes ont pris en compte ces sujets-là parce qu'on sent qu'ils sortent des nouveaux outils de régulation. Alors, c'est encore très anarchique, mais on sent qu'il y a une volonté, eux aussi, de montrer patte blanche.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça me va.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors, merci d'être présents avec nous. Au niveau des écoles, qu'est-ce qui en est? Qu'est-ce que vous avez fait? Puis comment ça se passe dans les écoles chez vous?

Donc, ici, le cellulaire a été interdit en salle de classe. Donc, chaque école a dû mettre en place ces consignes-là. À l'heure actuelle, on se questionne sur : Est-ce qu'on devrait l'interdire dans l'ensemble de l'école, donc? Parce que, bon, on sait que le temps d'écran est quand même important. On se questionne également sur... aussi au niveau : Est-ce qu'il est nécessaire? Quand on l'utilise comme outil pédagogique, le téléphone, les écrans, donc, est-ce qu'il faut absolument que ça ait vraiment une plus-value? Sinon, ça ne devient pas nécessaire dans l'apprentissage des enfants.

Donc, où est-ce que vous en êtes, vous, avec la gestion du téléphone dans les écoles puis au niveau des outils pédagogiques?

Mme Mouton (Servane) : Sur la... J'y vais ou tu veux...

M. Bernard (Jonathan) : Vas-y. Je compléterai...

Mme Mouton (Servane) : Sur la place du «smartphone», alors... je suis désolée, sur les dates, je ne suis pas forcément très bonne, mais, il y a quelques années, il y a déjà eu une loi qui interdisait la présence ou, en tout cas, l'usage des «smartphones» par les collégiens, donc les 11-14 ans, sachant qu'en primaire ils n'étaient pas censés en avoir un. En tout cas, ce n'était pas trop une question à ce moment-là, même si l'âge a pu avancer depuis.

Après, elle n'était pas forcément appliquée. Le sujet a été remis sur... dans la discussion, à la rentrée, avec une expérimentation dans, je crois, 200 ou 300 collèges, je ne sais plus exactement, auxquels on a proposé d'équiper en boîtes à «smartphone», en casiers à «smartphone» pour que les élèves les... puissent les mettre dans un lieu sûr, fermé, etc., tout au long de la journée et que, de fait, il y ait vraiment une absence de «smartphones» dans l'établissement scolaire. Au lycée, il n'y a pas vraiment de règle. Voilà. Il n'y a pas vraiment de règle.

La question de l'usage pédagogique du numérique est une vraie grosse question puisqu'il... en tout cas, en France, ce qui est... ce qui apparaît, quand on a auditionné différentes personnes du secteur de... responsables institutionnelles, c'est qu'il n'y avait peut-être pas eu de concertation réellement et d'étude d'impact, en fait, avant le déploiement des outils numériques, qui en faisait des outils multiples, variés, validés de façon totalement, on va dire, anarchique, enfin, en tout cas, sans vraiment rationnel et avec un haut degré de... un niveau de numérisation très variable d'un établissement à l'autre, d'une région à l'autre, d'un département, d'une mairie, enfin d'un lieu à l'autre. C'est très hétérogène en France. Et de cette... une des mesures qu'on a appelées, c'était de ne déployer un outil pédagogique numérique que s'il avait démontré son efficacité par des études scientifiques rigoureuses. Voilà. Pour l'instant, rien n'a changé de ce côté-là. Notre rapport est paru tout récemment, et puis c'est un petit peu une période compliquée au niveau politique, donc je ne sais pas si ça va être repris.

Et sur l'autre outil qui est très utilisé, qui est le... ceux qui sont les logiciels de communication parents-enfants-enseignants qui sont chez nous, Pronote ou des... voilà, c'est le nom, en tout cas, du principal en France, c'est pareil. On a posé la question de la raison pour laquelle ils avaient été déployés parce qu'il remonte souvent que ce sont des problèmes dans les familles avec des enfants qui doivent se connecter pour avoir accès aux ressources pédagogiques, ou à la liste des devoirs à faire, ou à... des choses comme ça, et qui ensuite en profitent pour avoir d'autres activités récréatives : réseaux sociaux, jeux vidéo, etc. Et, du coup, les parents se sont... se sentent en permanente obligation de contrôler l'usage de leurs enfants. Ça crée des tensions, des conflits, etc.

Ça pose aussi la question de l'équipement des familles. Une famille qui est favorisée, qui va avoir un ordinateur pour l'enfant ou un ordinateur dans la maison, O.K., et puis les familles très défavorisées qui vont plutôt offrir un «smartphone» qui servira de tout pour l'enfant, téléphone, O.K., mais aussi de support de travail, de support pour consulter ses devoirs, etc. Donc, il y a... et, en fait, il n'y a pas vraiment eu de... pareil, de réflexion sur : Est-ce que ce serait... c'était pertinent de déployer cet outil ou est-ce qu'il ne fallait pas vraiment le réguler? Est-ce qu'il devait être consultable toute la journée, toute la nuit ou est-ce qu'il fallait mettre des balises? Est-ce que les profs pouvaient mettre des ressources en... pareil, à n'importe quelle heure du jour et la nuit ou est-ce que c'était uniquement pendant les horaires de cours? Ça n'a pas été pensé, en fait, avant d'être déployé. Donc, ça faisait partie aussi des choses qu'on appelait... c'était que ce logiciel, s'il continue à être utilisé, il faut qu'il soit encadré pour que cela ne soit pas source de problème dans la vie de l'enfant et dans la vie des familles aussi.

Mme Tremblay : J'aurais une dernière question. Chez les tout-petits, là... mais vous l'avez dit, en bas de trois ans, ne devraient pas avoir accès aux écrans. Quels sont les moyens qui ont été pris, s'il y en a, jusqu'à présent, là, pour sensibiliser la population des effets délétères, justement, des écrans avant cet âge-là? Comment vous faites pour atteindre les parents, conscientiser la société, puisque, vous l'avez dit, c'est systémique à... aux effets chez les tout-petits?

• (10 h 10) •

M. Bernard (Jonathan) : Si je peux me permettre, Servane, sur ce sujet, il y a une campagne publicitaire qui... enfin, d'information qui est faite à la télévision depuis 15 ans sur la recommandation pas d'écran avant trois ans, mais c'est une recommandation qui est faite par l'Arcom, donc c'est l'autorité de régulation de l'audiovisuel, mais qui ne touche pas forcément tous les publics et qui n'est posée qu'une fois par an pendant 15 jours, si je ne dis pas de bêtises. Donc, c'est assez limité.

Cette recommandation, maintenant, elle commence à être déclinée un petit peu plus de manière... dans les carnets de santé et elle commence à bien diffuser auprès du personnel soignant, mais il y a encore beaucoup de travail. On sent que cette recommandation, déjà, n'est pas très bien suivie par les familles et puis surtout qu'il y a des très grandes disparités sociales dans ce suivi.

Donc, ce qui nous semble nécessaire aussi, c'est d'arriver à une forme d'éducation et d'intervention proportionnée, c'est-à-dire qu'il faut faire plus chez... plus de travail d'accompagnement et de diffusion, d'éducation à la santé dans les foyers les plus à risque, et puis avoir des méthodes de diffusion peut-être plus douces et plus... un peu moins ciblées pour l'ensemble de la population. Donc, il faut qu'on arrive à jongler sur des mesures plus intenses dans les foyers à risque et puis peut-être un peu plus diffuses ailleurs dans la société. Mais ça reste quand même du rôle du personnel soignant, durant la période des 1 000 premiers jours, et donc, ça, c'est quelque chose qu'on recommande dans le rapport.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Merci pour votre exposé et vos recommandations. J'y vais avec la première.

Vous nous dites, donc, responsabilité... responsabiliser les plateformes quant aux... bien, j'imagine, donc, quant aux mécanismes de ce que d'autres experts avant vous ont appelé, donc, de renforcement virtuel, le défilage infini, les mécanismes qui captent l'attention des jeunes sur les réseaux. Pouvez-vous, donc, nous indiquer, donc, comment le législateur ou différents régulateurs, donc, pourraient s'y prendre? Vous l'avez dit, bon, l'autorégulation, donc, ce n'est pas nécessairement, donc... il n'y en a pas, donc, en ce moment, dans le milieu, c'est un peu le far west. On a vu ce matin que Meta, donc, sur sa plateforme Instagram, donc, annonçait, donc, différentes mesures justement pour mieux encadrer l'usage des jeunes sur leur plateforme. Mais comment est-ce que vous entrevoyez le rôle de l'État dans cette responsabilisation-là?

M. Bernard (Jonathan) : Bien, déjà, il y a... ce sujet se joue essentiellement au niveau de la Commission européenne, ce qui n'empêche pas, à chaque État, d'avancer sur le sujet. Mais souvent, souvent, on nous encourage à avancer tous ensemble. On va dire que les plateformes, déjà, il y a un premier sujet, c'est qu'il y a des «dark patterns». On pourrait faire... Donc, les «dark patterns», c'est les conceptions qui permettent d'augmenter l'engagement. On considère qu'il y en a certains, qui ont été visités par des associations et des spécialistes du sujet, qu'il faudrait mettre sur une liste... une liste noire, en fait, d'utilisation. Par exemple, vous faites une recherche sur quelque chose et puis, en fait, vous triez vos sorties par, je ne sais pas, par prix, et, des fois, bien, en fait, il y a un changement dans le tri, il y a quelque chose qui n'est pas du tout trié. Donc, ça, c'est un «dark pattern», par exemple, des choses qui vous incitent à acheter quelque chose... voilà. Donc, tous ces trucs-là, on peut en faire une liste pour tout simplement les interdire. Donc, ça, c'est possible. Pas forcément tous les interdire, mais, en tout cas, on peut en faire une liste.

Un point qui nous semble très important, c'est l'interopérabilité des plateformes, parce que chacune des plateformes développe son propre outil de régulation, de contrôle de l'âge, etc., de signalement aussi. Et donc, en fait, il y a une multiplicité, une multiplication des formats, et, en fait, la conséquence aussi, c'est que ça perd les utilisateurs. Et donc on considère qu'il faut qu'il y ait une standardisation, en tout cas, de ces processus-là, qui pourrait aussi aller de pair avec un décloisonnement des plateformes. Par exemple, on pourrait très bien demander à ce qu'Instagram ne soit pas autorégulé par Instagram et par... mais qu'il y ait un système ouvert qui permette à des sociétés ou des associations qui sont spécialistes de la régulation, ou de la recommandation, ou du signalement de pouvoir pénétrer sur la plateforme pour, en fait, fournir leurs propres services. Donc, ça, c'est une forme de... Comment on pourrait appeler ça, Servane? De dégroupage des services.

Donc, actuellement, une plateforme a la mainmise sur l'ensemble de ces éléments-là, et donc on pourrait très bien les ouvrir à la concurrence, d'une certaine façon, pour que chaque utilisateur puisse monter sur une plateforme, dire : Moi, je ne veux pas cet algorithme de recommandation d'Instagram, je veux mon propre algorithme de recommandation, qui a été fabriqué par telle association, et dont j'ai... et auquel j'ai confiance parce que je sais qu'elle va me montrer tel type de contenu. Et, en fait, ça permettra aussi une plus grande transparence et une concurrence qui pourrait aller vers de meilleurs contenus recommandés, par exemple, pour ce qui est des algorithmes.

Mme Cadet : Merci. Votre deuxième recommandation, vous disiez : protéger, mais pas de contrôler. Pouvez-vous élaborer? Sur les jeunes, là...

M. Bernard (Jonathan) : Servane, est-ce que tu veux essayer de répondre à cette question?

Mme Mouton (Servane) : L'idée, c'est ce que disait Jonathan tout à l'heure, que le... d'une certaine façon, chaque citoyen, y compris de jeunes citoyens, ont le droit d'accéder à des informations par le Net et qu'ils ne doivent pas être... ils ne devraient pas, en tout cas, être brimés parce qu'on n'est pas capables de leur offrir un espace sécurisé, en fait. Donc...

Mme Cadet : Peut-être, ici, je vais... je vais préciser ma question, puisqu'en fait... donc là, donc, bon, au point 4, donc, je vous parlerai un peu, donc, de la majorité numérique, donc on y reviendra. Mais ici, est-ce que vous parlez, donc, de les protéger un peu, les contrôler au niveau du contenu ou au niveau de l'accès?

Mme Mouton (Servane) : Bien, c'est... les deux sont un petit peu liés, puisqu'aujourd'hui ils peuvent s'inscrire sur un réseau social en ayant huit ans et demi, aller sur le réseau... sur un site pornographique en ayant quatre ans et être contactés par un prédateur pédophile à six ans et demi. Comment fait-on? On ne peut pas les laisser, en fait, naviguer seuls sur Internet, en réalité. C'est pour ça que ces questionnements autour de la majorité numérique, mais aussi autour de l'accès aux «smartphones» se sont posés puisqu'aujourd'hui on n'est pas capables de faire en sorte que leur navigation sur Internet soit sûre. On ne le sait pas, en fait.

Mme Cadet : Puis justement, au niveau de la majorité numérique, donc, vous disiez, donc, chez vous, donc, c'est à 15 ans. Quels sont les mécanismes de vérification qui sont mis en place? Parce qu'évidemment, donc, on a ce débat-là, et la grosse question, c'est : Est-ce que ça devient une mesure symbolique de message à transmettre à la population au niveau de la majorité numérique ou est-ce que, s'il fallait que le législateur québécois aille dans cette direction-là, qu'il y ait des mesures de vérification? Et là, donc, toute la question, donc, des données personnelles des jeunes se pose. Donc, comment est-ce que vous avez traité ces défis-là chez vous?

Mme Mouton (Servane) : Je réponds en partie, mais je laisserais Jonathan compléter parce qu'on a peut-être aussi... il y a une partie d'opinion dans ce que je vais dire.

La question de la protection des données personnelles, elle est essentielle, c'est sûr, et c'est ce qui est toujours avancé quand on parle de contrôle d'âge, puisqu'on veut préserver l'anonymat et ne pas faire en sorte que, voilà, l'identité d'un usager soit associée à tout ce qu'il va faire sur Internet. C'est essentiel. En même temps, et là c'est l'opinion, il me semble qu'aujourd'hui c'est quand même un peu un miroir aux alouettes, une expression peut-être qui n'est que française, mais la protection de la vie privée aujourd'hui, en fait, vu comment ils sont capables... On voit bien comment on est profilés sur Internet et qu'on est... il est possible de déterminer à peu près l'âge, le milieu social, voire même la profession rien qu'en... parce qu'ils croisent les cercles d'amis, les... ce que nous avons acheté, sur quels sites nous avons été, etc. Donc, finalement, la frontière entre l'identité, alors une personne, nom, prénom, adresse, etc., et tout ce qu'on va y faire, et soi-disant de façon protégée, sans qu'on puisse nous identifier, est quand même assez trompeuse. Je ne suis pas certaine qu'on soit vraiment anonyme sur Internet aujourd'hui, notamment parce qu'on fait des achats par carte bancaire, etc. Enfin, je pense que... Bien, ce n'est peut-être pas si... C'est peut-être un combat qui, pour l'instant, n'est pas gagné, en tout cas, l'anonymat.

Et, de ce fait, est-ce que l'appel du contrôle d'âge est symbolique? D'une certaine façon, oui. Il est faisable sur certains sites qui passent par les paiements bancaires. Les jeux d'argent sont interdits aux mineurs. Il y a un contrôle d'âge, de pourriels. Donc, les moyens de contrôler l'âge existent. Après, voilà, il y a cette histoire d'associer une identité avec un comportement en ligne qui pose problème. Mais là il y a presque une question, je dirais, d'éthique, et philosophique, et sociétale, et je... et la réponse n'est pour l'instant pas trouvée, c'est : Est-ce qu'il est plus dramatique de faire en sorte que des adultes se connectent sur des sites pornographiques et qu'on puisse peut-être, par recoupement, dire : Bien, voilà, il s'est connecté, ou est-ce qu'il n'est pas plus essentiel de protéger les enfants de l'accès à un site pornographique parce que, pour eux, ça pourrait être un traumatisme durable? Je ne sais pas. Enfin, si, j'ai une petite opinion, mais je... ce sont des discussions qui doivent être peut-être pas uniquement dans la sphère juridique et politique, mais aussi citoyenne. Les parents, les enfants, les citoyens devraient peut-être être concertés sur ce type de choix. Je ne suis pas sûre que la réponse soit si simple, en fait. Voilà.

Jonathan, je te laisse conclure, parce que ce n'était quand même pas tout à fait...

• (10 h 20) •

M. Bernard (Jonathan) : Non, mais je vais revenir par rapport à la question du contrôle versus la protection. Actuellement, les plateformes... enfin, les plateformes de réseaux sociaux, mais aussi les fabricants de téléphones, les fournisseurs d'accès à Internet proposent des outils qu'on appelle de contrôle parental. Peut-être qu'en français, c'est mal nommé, mais on s'est rendu compte quand même que tous ces acteurs économiques disaient : Nous, on a créé un petit logiciel, on se lave les mains. Maintenant, c'est dans la responsabilité des parents de l'activer, de savoir l'utiliser, de... en tout cas, de contrôler cet outil pour contrôler les enfants. Nous, on s'est dit : Ce n'est pas c'est pas comme ça qu'il faut faire, déjà, parce qu'il y a une multiplicité des outils qui ne sont pas obligatoires, qui ne sont pas souvent très simples d'utilisation. Et donc, nous, ce qu'on demande, c'est que ces acteurs-là, ils soient capables déjà de se mettre autour de la table pour avoir des solutions qui soient un peu plus intégrées, et pas chacun à son niveau, et ensuite d'être sûr qu'elles soient effectives. Parce qu'actuellement, c'est ça, combien de personnes savent utiliser le contrôle parental? Comment ça marche quand il y a plusieurs niveaux de contrôle parental, etc.? Donc, ça, c'est un premier point.

Et ensuite il y a un point éthique, c'est aussi : Bien, les parents, des fois, ils se disent : Tiens, j'ai activé le contrôle parental, mais est-ce qu'ils ont informé leurs enfants qu'il y a un contrôle parental? Est-ce qu'on ne doit pas aussi des explications à un enfant sur... Voilà, je mets un contrôle parental parce que tu peux être exposé à des contenus violents et pornographiques. C'est pour te protéger.

Mme Cadet : Parfait. D'accord, j'ai saisi. J'ai une dernière question, ensuite, je reviendrai s'il reste du temps. Normes sociétales, vous disiez : mesures plus intenses, donc, pour certains milieux plus à risque. Peut-être vous entendre là-dessus, puis ensuite je laisserai mes collègues...

M. Bernard (Jonathan) : Oui, on s'est rendu compte qu'il y avait des fortes inégalités sociales entre... notamment en termes de niveau de diplôme, pour l'exprimer assez simplement. Dans les catégories aisées et éduquées, on a des temps d'écran beaucoup plus faibles que dans les familles populaires.

Mme Cadet : Bien, juste, «mesures plus intenses», qu'est-ce que vous signifiez par ça?

M. Bernard (Jonathan) : Plus intenses, c'est-à-dire qu'on... l'idée, c'est d'aller chercher les familles dans lesquelles... Il faut aller vers elles, en fait, et ne pas se dire : Tiens, on fait une campagne de pub, tiens, on met des affiches dans le cabinet médical, les gens doivent le lire et après ils savent ce qu'il faut faire. Non, ce n'est pas comme ça que ça marche. Il y a des personnes qu'il faut accompagner plus intensément parce qu'ils ont moins de ressources, ils ont plus de difficultés sociales pour mettre en place les bonnes pratiques de santé pour leurs enfants. Et donc c'est là où il faut réussir à faire du progressif en fonction du besoin et ne pas dire : On fait partout, on fait pareil pour tout le monde. Voilà.

Mme Cadet : D'accord. Merci beaucoup. Merci à vous. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Alors, bonjour à vous deux. Merci de participer aux travaux de notre commission. C'est grandement apprécié.

Parmi les experts et expertes que nous avons reçus durant la journée d'hier, il y a une psychiatre qui nous a parlé de déréglementation, de neurotransmetteurs, des problèmes avec la mélatonine, la dopamine créés par les écrans bleus. Donc, le nombre d'heures passées devant un écran, que ce soit un iPad, un «smartphone», à la limite, un ordinateur ferait en sorte qu'il y a une certaine désensibilisation ou une mauvaise régulation de ces neurotransmetteurs. En tant que neurologues, vous en pensez quoi? Est-ce qu'il y a un nombre d'heures par jour ou par semaine qui serait... qui ferait partie d'un équilibre de... ou est-ce qu'il n'y a rien à faire parce que... Elle est même... Elle nous a même parlé d'un jeûne numérique de quatre semaines pour ramener le cerveau, une espèce de mise à niveau, là, de ces neurotransmetteurs.

Mme Mouton (Servane) : Je n'ai pas connaissance de données aussi précises qu'un temps qui serait O.K. pour la régulation de la sécrétion des neurotransmetteurs et un autre qui ne le serait pas.

Pour parler de la mélatonine, la dopamine, ça va être un petit peu différent. Peut-être, ça a plus été évoqué, pour moi, dans le problème du système de récompense et des mécanismes addictifs ou addictogènes. Donc là, on est... à la limite, il peut s'agir d'un jeu vidéo auquel on joue cinq minutes et on a envie d'y revenir, et d'y revenir, et d'y revenir. Voilà. Ça va être assez sur un mode rapide, mais c'est vraiment un autre sujet.

Mais, pour rester sur le sommeil, la mélatonine et l'exposition à la lumière bleue que vous évoquiez, le sommeil est un élément pilier de la santé, mais aussi très... comment dire, il est sous la dépendance de multiples choses, en fait. Donc, l'exposition à la lumière en est une, c'est un... avec la sécrétion de mélatonine qui va dépendre de l'exposition à la lumière. Donc, c'est comme ça que ça peut être perturbé. Mais les activités physiques, les interactions sociales, les repas sont aussi des éléments qui vont interagir avec le sommeil. Donc, juste réguler le temps... le temps passé sur un écran ne va pas suffire, peut-être, à améliorer le sommeil si, parallèlement, je ne sais pas, on boit 10 cafés par jour, qu'on reste allongé toute la journée et qu'on fait une sieste de quatre heures dans l'après-midi, on ne dormira pas mieux le soir. Enfin, c'est une problématique un petit peu complexe.

Après, ce qui ressort de façon assez homogène, c'est cette exposition le soir aux écrans, à une heure où on est censés dormir ou à une heure où on est censés se préparer à dormir, donc dans l'heure qui précède l'endormissement... perturbe la qualité, la quantité du sommeil. Ça, c'est relativement consensuel. Et, chez les enfants, il y a aussi des études qui mettent en lien le temps d'écran global dans la journée, et pas uniquement le soir, avec une qualité du sommeil qui est altérée lorsqu'il y a des... alors, je n'ai pas vraiment de chiffres. En tout cas, les enfants les plus exposés dans la journée étaient aussi ceux qui avaient une qualité et quantité du sommeil moins bonnes. C'est probablement... enfin, j'imagine que ce n'est pas là l'exposition à la lumière, le problème en lui-même, mais c'est plutôt, peut-être, le manque d'activité physique qui est lié à cette activité sur écran.

Donc, après, vous dire : Tant d'heures, c'est O.K, et après... non, ça ne va pas, je ne pourrais pas. Par contre, on peut essayer de faire... de définir une journée idéale en fonction de l'âge, l'heure de coucher par rapport à l'heure du lever, parce qu'il y a un temps sommeil qui, on sait, globalement, est nécessaire pour l'être humain pour être en bonne santé. L'activité physique, le niveau modéré à soutenu, c'est pareil, en fonction de l'âge, il y a des besoins pour que le corps soit en bonne santé, l'alimentation. Voilà. On pourrait reconstituer une journée idéale en intégrant éventuellement de l'écran qui, quand même, rappelons-le, n'est pas un essentiel et indispensable au développement d'un enfant, que ce soit sur le plan de sa santé mentale, du neurodéveloppement ou de la santé physique. Donc, il peut s'intégrer si c'est, voilà, de façon modérée, mais ça n'est pas une nécessité pour lui pour en faire un être humain épanoui.

M. St-Louis : Vous avez raison. Le facteur dopamine, là, était relié directement à l'élément récompense, là. Puis même, à la limite, la conclusion de sa présentation disait, bon, «less is more», donc la moyenne d'heures passées devant un écran au quotidien devrait être la moyenne hebdomadaire.

Donc, j'essaie juste de voir, là, où il y a une certaine limite acceptable où est-ce qu'il y a une saine hygiène de vie avec les écrans, mais bon.

Mme Mouton (Servane) : Sur les enfants, ce qu'on a mis, on ne s'est pas lancés dans les histoires d'heures parce qu'on est... on voulait être le plus scientifique possible pour ne pas être attaqués sur, justement, une... enfin, sur le fait qu'on exprimait nos opinions. Donc, on peut soutenir qu'avant trois ans, pas d'écran, on peut soutenir qu'entre trois et six ans... Les études abondent, en fait, que... enfin, arrivent et se...

(Interruption) ...excusez-moi, se soutiennent pour dire que l'écran quotidien et important pour un enfant entre trois et six ans n'est pas favorable à un bon neurodéveloppement, et, en plus, ça peut avoir des conséquences sur son sommeil, sur la sédentarité et sur la vision, etc. Donc, on a dit : occasionnel, fortement limité, et des contenus à haute valeur éducative et accompagné par un adulte. Ça en fait une activité récréative parmi d'autres et accompagnée parce que ce n'est pas n'importe quelle activité.

Et puis ensuite on n'a pas mis de... on n'a pas pu mettre de bornes. On en avait discuté avec Jonathan, je le laisserai parler de ça. Mais même sur les temps de sédentarité chez les ados et chez les adultes, certains pays... je me demande si le Canada n'avait pas diffusé ça, de dire que c'étaient deux heures de sédentarité par jour, et plusieurs pays le reprennent. Ce sont des valeurs un peu... des estimations, des discussions, mais en fait, scientifiquement, on ne peut pas dire que c'est le bon temps qui permet d'avoir une bonne santé. On ne sait pas trop, en fait, estimer cette sédentarité acceptable. Donc, on est forcés de jongler avec... enfin, il nous semble que, finalement, cette idée de journée idéale est peut-être la plus proche de ce qu'on pourrait recommander.

Et je me demande si ce n'est pas des Canadiens aussi qui avaient fait ça, ou des Québécois, parce que ça me rappelle quelque chose, cette histoire de journée idéale qui, de fait, limitait le temps d'écran, parce que... après, j'arrête, je laisse parler Jonathan, mais, si un enfant va à l'école, qu'on dit : pas d'écran avant l'école parce que ça détériore ses capacités attentionnelles, il y a des études qui peuvent montrer ça. Ensuite, il va à l'école, ensuite, il rentre de l'école, il faut qu'il goûte, peut-être il a des devoirs à faire, ensuite, à un moment donné, avant de se coucher, il va falloir qu'il mange à nouveau peut-être, et qu'il se lave, et puis... lise une histoire, et ensuite il va dormir. En fait, dans une journée d'école, il n'y a pas beaucoup de temps pour regarder un écran. Donc, c'est peut-être en raisonnant comme ça qu'on peut amener la réflexion sur le temps d'écran, mais je ne me lancerais pas sur des heures acceptables.

Jonathan, peut-être, tu veux être plus...

• (10 h 30) •

M. Bernard (Jonathan) : Juste pour compléter, effectivement, c'est vous autres, Canadiens, qui avez développé le concept des comportements liés au mouvement sur 24 heures, donc à partir du principe que, dans une journée, il y a 24 heures, et voilà, comment on peut décomposer les différentes activités au sens métabolique, énergétique, donc c'est le sommeil, l'activité physique et la sédentarité. Et donc vous avez, au Canada, des recommandations basées sur ça, qui ont même été reprises par l'OMS et qui incitent, effectivement, à recommander un certain nombre d'heures de sommeil, un certain nombre d'heures d'activité physique et puis ne pas dépasser un certain nombre d'heures d'écran ou de sédentarité.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. Il nous reste un petit deux minutes. Alors, M. le député de Hochelaga-Maisonneuve avait une question.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est très simple. Je vois que vous avez consulté beaucoup de jeunes, dans l'exercice de votre commission. Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, les jeunes Français? Ils veulent plus de restrictions? Ils veulent plus de liberté? Ils veulent tout ça à la fois? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit?

Mme Mouton (Servane) : Vas-y, Jonathan.

M. Bernard (Jonathan) : Oui. Bon, on a fait un hackathon avec trois classes de collège. Qu'est-ce qu'ils nous ont dit? Je pense que, si je fais un peu un bilan d'ensemble, déjà, ils ont conscience du temps qu'ils passent, du temps qu'ils perdent, du temps d'amusement aussi. Ils ont conscience des bénéfices et des risques liés à ça, mais ils ont aussi conscience qu'ils n'arrivent pas à s'autoréguler, et on les a sentis beaucoup en attente que les adultes prennent leurs responsabilités. Moi, je crois que c'est ça qui m'a surtout marqué. Pour faire simple : Nous, on n'y arrive pas, donc, qu'est-ce que vous faites, nous, pour nous aider? Mettez-nous des limites, on en veut. Alors, après, il faut voir à quel niveau on met la limite, mais je crois qu'ils sont en demande.

M. Leduc : Ils souhaitaient une certaine forme d'encadrement?

Mme Mouton (Servane) : Et aussi d'être protégés parce que le... la confrontation à des contenus violents ou pornographiques est aussi quelque chose qui, vraiment, est un traumatisme et dont les plus grands voudraient protéger leurs petits frères et leurs petites soeurs. D'ailleurs, même, pour certains : J'avais un smartphone, quand j'avais neuf, 10, 11, 12 ans, je voudrais que mon petit frère, ma petite soeur n'en ait pas, parce que je sais ce que ça peut entraîner et ce que ça a fait sur moi.

M. Bernard (Jonathan) : Et peut-être après, dans les zones les plus difficiles, il y a aussi un gros sujet sur... Les réseaux sont aussi un vecteur de trafic de drogue, de harcèlement et de prostitution également. Donc, c'est aussi par ces moyens-là que passent, très jeunes, des fois, des réseaux, et je crois qu'il y a des alertes à... et puis aussi sur la place de la femme dans la société. Donc, ça, c'est des choses qu'on a constatées dans le discours des jeunes.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Un énorme merci pour votre contribution à ces réflexions.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup à vous deux.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 36)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux.

Donc, je souhaite la plus cordiale des bienvenues aux représentants de l'Institut national de santé publique du Québec. Donc, bonjour et bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous transmettre votre exposé. Par la suite, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, peut-être d'entrée de jeu, vous présenter et nous faire part, par la suite, de vos commentaires. Donc, je vous cède la parole.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et bonjour. Merci aussi aux membres de la commission. Je m'appelle Pierre-Gerlier Forest, je suis le président-directeur général de l'Institut national de santé publique du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Éric Litvak, qui est un médecin spécialiste de santé publique mais qui est aussi le vice-président Affaires scientifiques de l'INSPQ; de Mme Fanny Lemétayer, qui est sociologue mais aussi conseillère scientifique spécialisée, membre de notre équipe écran; et de Mme Andréane Melançon, qui est psychologue et qui est conseillère scientifique spécialisée, cette fois-ci, dans les dossiers de petite enfance. Tous les trois ont participé, évidemment, à nos travaux sur les questions qui intéressent la commission et vont pouvoir répondre à vos questions après ma courte introduction.

D'entrée de jeu, je vais vous dire que les questions qui animent les travaux de la commission spéciale, le débat public, plus largement, retiennent l'attention depuis longtemps, depuis plus de 10 ans, et donc avant le virage numérique qui a été pour ainsi dire propulsé par la pandémie de COVID-19. On se centre aujourd'hui, à votre invitation, sur les enfants et les jeunes, mais c'est clair, pour nous, que le problème est plus vaste, qu'il touche aussi les adultes et en particulier la question des aînés vulnérables, qu'il faudra bien aborder un jour.

Comme le soulève le document de consultation, l'usage généralisé des écrans, c'est un véritable enjeu de santé publique. La perspective de mieux comprendre, de mieux encadrer les pratiques qui y sont associées, dans les différents milieux de vie des jeunes Québécois, ne peut être qu'accueillie très favorablement. Je vous remercie encore une fois, donc, Mme la Présidente, de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de soulever quelques points qui, d'après nous, méritent une attention particulière.

Avant de faire état des faits saillants de notre mémoire, peut-être, le temps de présenter brièvement l'organisation que je représente... L'INSPQ, je suis sûr que vous le savez toutes et tous, c'est une institution publique. Nous sommes le premier, le principal centre d'expertise et de référence en matière de santé publique au Québec. Notre mission principale, c'est de soutenir le ministre de la Santé et des Services sociaux, la nouvelle agence Santé Québec et les établissements du grand réseau de la santé et des services sociaux dans l'exercice de leur mission de santé publique. Un de nos rôles essentiel, c'est un rôle qui nous a été confié par l'Assemblée nationale il y a 25 ans, c'est d'informer la population sur son état de santé et de bien-être, sur les problèmes en émergence et sur les déterminants de la santé humaine, et ça explique notre présence aujourd'hui parmi vous.

Alors, vous le savez, la transformation numérique, elle bouleverse nos modes de vie, mais elle est certainement là pour rester. Donc, le premier message, c'est celui qu'il faut apprendre à mieux vivre avec les écrans, tout en saisissant les leviers qui nous permettent d'encadrer les pratiques et en particulier les pratiques des enfants et des jeunes, pour les protéger. L'institut a beaucoup d'expertise sur le développement de l'enfant et en matière de promotion de la santé des jeunes, mais ce qui rend notre présence aussi, aujourd'hui, pertinente, nous le croyons, c'est que nous travaillons aussi beaucoup sur des dossiers comme la santé mentale, les saines habitudes de vie, la prévention de la violence et les jeux de hasard et d'argent.

• (10 h 40) •

Et donc, c'est cette expérience combinée sur l'ensemble de ces domaines-là qui nous a amenés à suggérer, dans notre mémoire, trois grands objectifs pour... qui devraient guider l'action publique. Le premier, c'est de tenter de retarder l'usage des écrans, surtout pour les enfants en bas âge. Le deuxième, c'est de réduire l'exposition, surtout lorsqu'il n'y a pas de valeur éducative qui est associée aux contenus qui sont consultés ou consommés. Et puis finalement essayer de réduire les impacts négatifs des écrans sur les jeunes, retarder, réduire l'exposition et essayer de réduire les impacts négatifs.

L'atteinte de ces objectifs-là, elle va passer par la reconnaissance, dans l'ensemble de notre société, d'une responsabilité qui est partagée par tous, les parents, le personnel et le milieu scolaire, les milieux de petite enfance, les décideurs publics, mais aussi, bien sûr, les entreprises du secteur privé qui sont concernées directement par les écrans et leurs contenus. C'est une responsabilité qui exige aussi que les actions de toutes et tous soient cohérentes. S'il existe une certitude, pour nous, en santé publique, en matière d'approche préventive auprès des jeunes, c'est que l'efficacité des interventions dépend de leur cohérence. Il faut aller dans la même direction et avoir le même message, si on veut que les interventions portent.

Concernant le premier objectif, qui vise à retarder l'usage des écrans, on ne le dira jamais assez, les écrans ne sont pas nécessaires. Vous l'avez entendu maintenant de la bouche de plusieurs experts, depuis les débuts de vos travaux, les écrans ne sont pas nécessaires au développement des tout-petits, bien au contraire. On sait que les apprentissages qui sont manqués en début de vie vont s'avérer difficile à rattraper plus tard, que les habitudes de vie que les tout-petits développent ont tendance à se maintenir, à se cristalliser plus tard dans l'enfance et à l'âge adulte. Et c'est déjà un problème, parce que les tout-petits, ils ont besoin d'interactions sociales et d'échanges concrets, pas d'amis virtuels, pas de stimulation tous azimuts. Mais en plus, si vous prenez en compte le fait que les tout-petits et les enfants qui sont issus de milieux sociaux économiquement défavorisés sont plus exposés aux écrans, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles on pourra revenir, bien, ça soulève évidemment des craintes supplémentaires parce qu'il y a un risque que les inégalités actuelles et futures qui sont engendrées et perpétuées par ces pratiques continuent pour ces enfants.

Pour ce qui est du deuxième objectif visant la réduction de l'exposition aux écrans, surtout quand il n'y a pas de valeur éducative ajoutée, la notion de cumul de temps d'écran doit être au coeur des réflexions. Et encore là la cohérence des interventions est essentielle. Pour ce faire, des normes et des balises précises doivent être développées en fonction des appareils, en fonction des finalités d'usage et, bien sûr, en fonction des milieux. Ces balises devraient, par exemple, définir et considérer l'ensemble des différents types d'usages qui sont effectués en milieu scolaire et s'ajuster, encore une fois, selon les types d'appareils et l'âge des élèves.

Il demeure important de privilégier, dans le milieu éducatif, des usages pédagogiques qui sont circonscrits dans le temps et surtout qui ont démontré leur valeur ajoutée, lorsqu'on les compare à des méthodes d'apprentissage plus classiques. Ces balises, nous croyons qu'elles devraient être activement promues dans l'ensemble de la population et, bien entendu, auprès des acteurs des milieux fréquentés par les jeunes. Il y a encore trop d'adultes qui jouent un rôle fondamental auprès des enfants, qui méconnaissent les recommandations qui sont déjà existantes et qui sont largement partagées avec de forts consensus des experts.

Enfin, concernant notre troisième objectif, la réduction des méfaits, qui est liée à l'usage des écrans, l'expérience en matière préventive nous enseigne que la sensibilisation des individus ne suffit jamais à infléchir des comportements, même avec la meilleure information, même avec les meilleurs communicateurs. Encore une fois, il y a, je suis sûr, toutes sortes d'exemples qui viennent à votre esprit. Des mesures législatives ou structurelles sont nécessaires pour faire en sorte que l'environnement les protège d'emblée.

L'INSPQ, d'abord, salue les initiatives qui visent à développer les compétences personnelles et sociales des jeunes et de leurs parents face au numérique. Le concept de citoyenneté numérique, le respect de la vie privée, la sécurité en ligne, le respect des autres et le développement de l'esprit critique, c'est évidemment des facteurs importants, c'est des facteurs, même, essentiels. Mais on ne peut pas passer sous silence qu'un jeune, encore moins un enfant, ne peut pas consentir sans comprendre les conséquences potentielles à long terme de ses actes. Attendre ça des enfants, attendre ça des jeunes, alors que même les adultes ne s'y retrouvent pas, c'est vraiment un problème.

Les pratiques de marketing d'influence qui se font à l'insu des consommateurs, jeunes et moins jeunes, comme je viens de le dire, le recours aux influenceurs, les techniques qui visent à intervenir dans les chaînes algorithmiques — je suis sûr que, encore une fois, toutes et tous, vous voyez ces jeux-là sur votre téléphone vous-mêmes — sont discutables. Elles devraient être encadrées. L'Organisation mondiale de la santé souligne d'ailleurs le besoin de transposer des restrictions du marketing, qui ont été utilisées pour d'autres comportements ou produits nocifs, à l'environnement numérique, pour engager la responsabilité des acteurs industriels qui sont concernés.

Alors, j'espère que nos réflexions, elles sont appuyées sur notre expertise, elles sont appuyées sur les connaissances scientifiques disponibles, elles vous seront utiles, qu'elle éclaireront votre réflexion et vos travaux. Et bien sûr, ça va nous faire plaisir, maintenant, de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment, M. Forest. Donc, nous allons débuter cette période d'échange avec Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup pour votre exposé. Donc, vous nous avez mentionné, puis on peut lire, donc, dans votre mémoire, «que l'exposition au contenu soit pédagogique ou récréative, le temps alloué peut empiéter sur d'autres habitudes de vie essentielles au bien-être des jeunes.» Donc, vous parlez des effets du cumul d'usage et d'exposition.

Depuis le début de ces consultations, donc, on a eu, donc, des avis assez partagés sur la notion de temps d'écran, s'il faut la... s'il faut distinguer les... bien, ce que peut-être que vous appelez les finalités d'usage pour calculer le bon temps d'écran, celui à des fins pédagogiques ou celui, donc, à des fins récréatives. J'aimerais peut-être, donc, vous entendre de façon plus prononcée sur cet aspect-là, sur la qualification du temps d'écran.

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je vais commencer par Andréane, là-dessus, hein? C'est peut-être plus facile.

Mme Melançon (Andréane) : Oui. Bien, au niveau des tout-petits, et puis Fanny pourra compléter pour les plus vieux, mais au niveau des tout-petits, on sait que l'usage des écrans, d'abord, on le redit, donc, n'est pas nécessaire. Mais on sait aussi que, chez les enfants, chaque demi-heure ajoutée de temps d'écran va avoir un impact sur le développement, en fait, de la santé globale.

On a une étude très intéressante ici, au Québec, qui est l'étude sur le parcours des enfants à la maternelle, et, bon, on a mesuré ça auprès des enfants, à cinq ans, mais on remarque que les enfants, plus ils regardent, plus ils font un temps d'écran, donc, de moins d'une demi-heure ou entre une demi-heure et une heure, entre une heure et deux heures, bref, etc., plus cet usage-là augmente, plus ils sont susceptibles de présenter un risque de vulnérabilité développementale dans leur développement. Et ça, c'est important parce que ça veut dire, en fait, qu'ils sont plus susceptibles que les autres d'être vulnérables et de ne pas pouvoir profiter des enseignements à la maternelle.

Alors, ça, on a vraiment des données très claires, que de si petits temps d'usage qu'une demi-heure ou une heure, cumulés, vont avoir une incidence, et ça, c'est à cinq ans. Donc, ça, nous, ça nous indique vraiment que le cumul est à prendre en compte chez les tout petits. Est-ce que chez les jeunes...

Mme Lemétayer (Fanny) : Chez les jeunes, le temps d'écran est aussi très important parce qu'on sait qu'il est associé à plusieurs problèmes de santé, comme le fait, déjà, que faire usage d'un écran, que ce soit un usage éducatif ou pas, c'est un comportement sédentaire, donc on peut associer tous les facteurs de risque qui sont liés à la sédentarité comme le diabète, l'obésité, les risques de maladies cardiovasculaires. Donc, ça, c'est à prendre en compte, et donc il y a certains effets sur la santé qui ne tiennent pas compte du temps... du contenu, donc, que ce soit éducatif ou non, ou de loisir. Finalement, ça a les mêmes effets sur la santé. Donc, on ne peut pas regarder uniquement...

Mme Cadet : La finalité d'usage...

Mme Lemétayer (Fanny) : La finalité d'usage, oui.

Mme Cadet : ...assurément. Donc, le temps d'écran, pris dans sa globalité, c'est lui qui peut avoir un effet sur la santé, le développement global de l'enfant, qu'il soit en petite enfance ou un petit peu plus tard, à un stade ultérieur de son... niveau développement.

Mme Lemétayer (Fanny) : Exact, même sur la... pour les impacts sur la santé mentale, on a observé qu'un temps d'écran prolongé avait aussi un effet sur la santé mentale. Donc, ça, ça peut s'expliquer parfois par l'effet sur le sommeil, et l'effet sur le sommeil peut avoir des effets sur les symptômes dépressifs. Mais on voit que c'est quand même un... le temps d'écran est un indicateur quand même assez important, même si ce n'est pas le seul, en fait, même si, dans d'autres circonstances, il faut considérer d'autres aspects comme le contexte d'usage aussi, chez les tout petits, notamment. On dit de superviser les usages, d'être... d'accompagner l'enfant. Chez les plus vieux, on dit plutôt d'éviter certains contextes mais aussi de se renseigner sur ce que les jeunes font sur leurs écrans, pour être capables de répondre à leurs besoins.

Mme Cadet : Vous avez mentionné, donc : «Les appareils doivent être pris en compte dans les solutions privilégiées.» On a moins entendu parler de cette... de ce type de recommandation là au cours de la commission, jusqu'à présent. Donc, vous parlez aussi, donc, de la taille de l'appareil, quand vous dites...

• (10 h 50) •

Mme Lemétayer (Fanny) : Bien, c'est à la fois les appareils puis les contenus, parce qu'évidemment les appareils ont beaucoup évolué, hein? Maintenant, on a beaucoup d'appareils qui sont mobiles et interactifs, et ce qu'on voit, c'est qu'ils présentent souvent plus de risques parce qu'ils sont toujours présents, ils sont... C'est des appareils qui nous permettent d'entrer en communication. Donc, on est beaucoup attachés à ces appareils-là, et donc c'est important d'en tenir compte, tenir compte aussi des contenus, parce que les effets vont être, évidemment, aussi différenciés.

Mme Cadet : Merci. Ensuite, bien, vous avez parlé, donc, des effets, bien, en fait, donc, de... bien, en fait, des distinctions, donc, relatives, donc, aux milieux, donc, dans les milieux plus défavorisés qui... que l'utilisation, donc, des écrans, donc, serait plus prévalant. Vous avez mentionné que peut-être qu'on pourrait y revenir.

Donc, j'aimerais, donc, vous entendre élaborer peut-être sur les motifs, puis ensuite, les experts, si vous avez... En fait, les experts précédents, si vous avez entendu, donc, nous suggéraient peut-être de mener des campagnes ciblées auprès des milieux défavorisés, donc, vous entendre aussi sur cette recommandation, oui.

Mme Melançon (Andréane) : Oui, effectivement, on remarque que le temps d'écran chez les familles qui sont en situation de vulnérabilité est plus élevé chez les enfants, et puis il y a beaucoup de facteurs qui peuvent être associés à ça. En fait, des fois, il y a le... on sait qu'il y a le niveau d'éducation qui est différent. Donc, est-ce que c'est des parents qui sont au courant ou pas des normes? Est-ce qu'ils ont eu accès à cette information-là? Mais il y a aussi toutes sortes d'autres facteurs. Il y a le travail. Est-ce que c'est des... est-ce que les conditions de travail sont souvent précaires, stressantes, ce qui donne moins de temps, puis de liberté, puis de disponibilité de qualité au parent à donner à son enfant. Donc, il y a vraiment beaucoup, beaucoup de facteurs qui peuvent être associés à une écoute... un usage plus long des écrans à la petite enfance.

Puis c'est important aussi de l'aborder d'un point de vue de facteur de protection, parce que, malheureusement, des familles qui sont en situation de vulnérabilité sont aussi des familles qui ont moins accès, probablement, aux alternatives au temps d'écran. Donc, on propose beaucoup de dire : On va remplacer, on va proposer des alternatives, mais est-ce que ces alternatives-là, qu'on parle d'accès à des terrains sportifs, qu'on parle d'aller à la bibliothèque, lire des livres, des activités parascolaires, est-ce que c'est accessible à tout le monde? Donc, il faut vraiment aller voir tous ces facteurs qui sont associés. Est-ce qu'il faudrait aussi considérer la conciliation travail-famille? Est-ce que c'est présent chez toutes les familles? Est-ce que c'est possible? Donc, il y a beaucoup de facteurs associés à considérer.

Et effectivement, pour ça, il faut faire des campagnes ou faire des actions qui peuvent être ciblées, donc, d'un côté, qui sont populationnelles, qui vont adresser tout le monde, mais qui vont aussi pouvoir aller chercher ces enfants-là, ces jeunes-là là où ils sont, qui parfois peuvent se sentir stigmatisés, qui parfois peuvent se sentir comme étant des mauvais parents et de ne pas vouloir être jugés. Donc, c'est vraiment une question à adresser de façon holistique, si je peux dire, et intersectorielle.

Mme Cadet : Là-dessus, pour préciser, est-ce que... Il y a d'autres chercheurs qui nous ont parlé des disparités en milieux ruraux et milieux urbains. Est-ce que vos recherches ont aussi porté sur ces points?

Mme Melançon (Andréane) : On n'a pas regardé la différence entre les milieux ruraux puis les milieux urbains, mais c'est un bon point, parce qu'on sait que les services sont de plus en plus accessibles et, des fois, ils sont disponibles uniquement par le biais de l'Internet. Donc, est-ce que ça aussi, c'est un facteur à considérer? Est-ce que les parents ont le choix ou pas d'utiliser leur écran eux-mêmes ou pour leur enfant? Est-ce qu'ils ont accès à une autre forme de services que via l'Internet? Ça, c'est un facteur qui pourrait être différent en milieu rural ou en milieu urbain.

Mme Cadet : Oui, puis on nous parle aussi, donc, de l'accès à des lacs, à des grands espaces pour offrir une alternative aux jeunes.

Mme Melançon (Andréane) : Exactement.

Mme Cadet : Une dernière question avant de passer à mes collègues, là. En novembre dernier, votre synthèse des connaissances nous disait, donc : «L'utilisation des écrans en contexte scolaire et la santé des jeunes de moins de 25 ans, effets sur la cognition...» On a beaucoup entendu parler de petite enfance, un peu d'adolescence, mais moins de mesures ciblant, donc, les 18 à 25 ans. Donc, je voudrais peut-être vous entendre sur ces points-ci.

M. Litvak (Éric) : Bien, on est également préoccupés, comme notre P.D.G. le disait un peu plus tôt, de l'impact des écrans sur, en fait, les personnes de tous les âges. On sait que, comme société, on est en train de vivre une grande transformation assez rapide mais avec l'omniprésence du numérique partout dans l'ensemble de nos activités. Donc, c'est une question aussi qui nous préoccupe, à l'institut. On essaie vraiment de regarder ça dans son ensemble, là, puis il y a beaucoup de questions pour lesquelles on a encore besoin d'avancer et de mieux comprendre tous ces phénomènes-là et leurs impacts.

Votre question spécifique sur la cognition, c'est ça que vous...

Mme Cadet : Oui. Bien, dans le fond, c'est que vous croyez pertinent, en fait, dans vos recommandations, d'établir des balises progressives sur les stades développementaux.Votre rapport de novembre dernier portait sur les effets sur la cognition puis votre rapport, donc, couvrait toute l'enfance, tous les jeunes de moins de 25 ans. Donc, on a beaucoup entendu des experts nous parler des effets sur la cognition pour la... au stade de développement de la petite enfance. On a parlé des jeunes, des adolescents, mais, entre 18 et 25 ans, donc, si on s'intéresse aussi, donc, à ce stade-là, quand on parle des jeunes, j'aimerais vous entendre sur peut-être des recommandations que vous aviez ou l'état des connaissances que vous avez...

La Présidente (Mme Dionne) : ...rapidement, Mme la députée, parce qu'on a d'autres collègues qui ont des questions.

Mme Cadet : C'est sûr, c'est sûr.

M. Litvak (Éric) : Bien, je pense que, rapidement, ce qu'il faut voir, c'est que les effets sur le développement durant l'enfance et la jeunesse vont rester, de 18 à 25 et aussi à l'âge adulte. Ça fait que je pense un peu... l'approche qui est préconisée pour les enfants plus jeunes, il faut voir le même type d'impacts potentiels et de risques pour les 18 à 25 et même pour les adultes d'âges plus avancés. Donc, quand on parle de limiter les impacts sur le développement, il faut le voir vraiment dans une perspective d'un parcours de vie, là.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci d'être là. Je ne sais pas si vous avez écouté un peu, hier, on a reçu Option consommateurs qui proposait d'introduire, dans la loi sur la protection des renseignements personnels, la notion de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui pourrait venir, donc, donner des pouvoirs à la commission des renseignements personnels, qui s'occupe de la loi, à appliquer la loi, à venir interpréter des éléments des réseaux sociaux qui pourraient éventuellement être interdits. On parle ici... le bouton J'aime, le démarrage automatique des vidéos, le «doom scrolling», comme on dit en anglais, le défilement infini, toutes sortes de choses qui sont démontrées, qui captent... qui sont faites pour capter l'attention des enfants puis qui restent trop longtemps sur les écrans.

Si on se dirigeait, donc, comme État, comme société, avec une législation du genre, vers des pouvoirs qui permettraient de, je dirais, retirer les éléments les plus nocifs des réseaux sociaux, sans abolir les réseaux sociaux, est-ce que ce serait une voie, en matière de santé publique, qui vous semblerait pertinente?

M. Litvak (Éric) : Oui, c'est ça, il y avait une nouvelle, ce matin à l'effet qu'Instagram viennent de modifier leur réglementation... en fait, leurs pratiques par rapport à ça. Je pense que, de façon générale, c'est le genre de choses auxquelles on est favorable. Maintenant, évidemment, la complexité, c'est de décider qu'est-ce qui est interdit, à qui, dans quel contexte, et ainsi de suite, mais c'est certainement une voie.

Comme notre P.D.G. le disait aussi plus tôt, il ne suffit pas d'informer les gens sur ce qui est bon ou mauvais, il faut créer un environnement qui, dans le fond... qui va favoriser des meilleurs choix, des meilleures décisions et aussi limiter l'exposition à des risques. C'est un peu cette idée-là de réduire les méfaits liés à l'usage des écrans, donc ce qui peut être fait en matière d'encadrement légal pour limiter ce type d'interactions là qu'on sait qui peuvent être nocives. On pense que c'est tout à fait une des approches qu'il faut préconiser.

Maintenant, ce n'est pas non plus la seule, comme on l'a dit, mais on est plutôt favorables à ça. Je pense que la complexité, comme je le disais, c'est de déterminer quoi exactement. Puis probablement, pour faire ça bien, il faut le faire vraiment avec toutes les parties concernées pour bien comprendre ce qui va avoir un impact.

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Il y a deux aspects qui probablement nous préoccupent davantage ici. C'est la question du consentement, que j'ai soulignée, là, qui apparaît vraiment problématique pour des enfants ou des personnes d'âge mineur : qu'est-ce que ça veut dire, en fait, le consentement, et comment on va faire pour protéger les gens dans cette perspective-là, et puis l'utilisation des données par des tiers, lorsque des parents ou vous-même, comme enfant, vous vous rendez... sans vous rendre compte, vous contribuez, en participant à des réseaux, à leur fournir des données sur vous, sur vos habitudes, là encore, sans véritablement de contrôle sur ce qui va arriver. Parce que c'est très difficile, je pense, de... encore une fois, même pour nous, adultes, de comprendre exactement ce qui arrive quand vous appuyez sur J'accepte, lorsque vous joignez un réseau.

M. Leduc : On lit rarement tous les petits caractères. En tout cas, moi, je ne les lis pas. Puis sinon il y a l'autre voie qui est la majorité numérique, là, à 14, 15, 16 ou même des gens disaient, hier, 18 ans. Est-ce que ça, c'est une solution qui serait plus intéressante que commencer à réguler les réseaux sociaux ou difficilement applicable? Il semble y avoir différentes voies qui sont devant nous comme législateurs. Éventuellement, il va falloir qu'on s'entende, on a un rapport à donner, mais la majorité numérique, vous en pensez quoi?

• (11 heures) •

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Bien, c'est un outil qui... Comme vous le savez, la majorité, cette notion-là, c'est un outil qui a été utilisé en santé publique dans d'autres cas, comme le tabac, l'alcool. Et donc c'est certain qu'on n'a pas une position de principe qui est opposée à son usage, mais je pense que la perspective qu'on a essayé de prendre, dans ce mémoire, c'est qu'un outil isolé en lui-même, ce n'est probablement pas suffisant. On n'est pas opposés à cette idée de majorité numérique, mais on ne pense pas que c'est une solution miracle. Si on adoptait cette solution-là... Évidemment, vous avez tous et toutes été adolescents, vous savez que vous essayeriez de... J'ai eu des fausses cartes pour rentrer dans des bars.

M. Leduc : Vous avez fait ça, vous?

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je pense que...

M. Leduc : Vous n'avez pas attendu à 18 ans?

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Non. Voilà.

M. Leduc : Eh bien! Il n'y a pas grand monde qui ont attendu à 18 ans. Puis je pose la question puis...

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Donc, il faut être réalistes aussi et voir que ce n'est pas un outil suffisant, mais ce n'est pas nécessairement un mauvais signal à envoyer à la fois à la société, aux utilisateurs puis aux producteurs de contenu.

M. Leduc : Donc, sans... Puis une dernière question, Mme la Présidente. Sans aller nécessairement dans une application stricte et rigide, l'idée même d'avoir une majorité, ne serait-ce que comme un signal, vous semble intéressante?

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Voilà.

M. Leduc : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, d'abord vous remercier de votre présence ici, c'est très apprécié, et de votre participation à cet exercice important, vous en conviendrez.

Vous avez fait état, dans votre audition, de responsabilités communes, sociétales et de cohérence dans nos politiques, nos actions, peu importe quelle forme ça va prendre. Si vous auriez trois recommandations à faire ici, à la commission, en fonction du rôle qui est le nôtre, législateur, quelles seraient-elles, dans l'objectif qu'on partage de protéger les enfants et dans l'optique de la santé publique? Vous avez quand même déterminé des éléments très intéressants qui font consensus, hein, science à l'appui aussi. Donc, si vous aviez trois recommandations à nous faire, quelles seraient-elles?

M. Litvak (Éric) : Je pense que le... Bon, trois recommandations. Ça dépend si vous cherchez des interventions plus spécifiques, là, mais je pense que nous, notre perspective, c'est de dire : Il y a trois objectifs qu'on doit viser, et puis c'est vraiment à ça qu'on doit essayer de s'en tenir. Puis ce qui... Les interventions qu'on doit mettre en place doivent garder en tête toujours ces mêmes trois objectifs là.

Le premier, c'est retarder l'âge auquel les enfants sont exposés. Puis on sait que, chez les tout-petits, il n'y a pas vraiment de bénéfice et il y a beaucoup d'effets négatifs. Donc, faire en sorte que les tout-petits n'y soient pas exposés.

Ensuite, quand on tombe aux enfants d'âge scolaire, bien, c'est tout faire pour essayer de réduire ou limiter l'utilisation. En raison du fait que, bien qu'il y a certains des usages qui peuvent apporter quelque chose de positif, il y a toujours un peu de négatif, il y a l'effet du cumul, etc., comme on l'a dit, donc essayer, avec ce que l'on met en place, tant à l'école qu'à la maison que dans l'accès à d'autres types d'activités, de réduire l'usage. Donc, ça, deuxième grand objectif.

Puis, même si on veut ou même si on réussit à réduire l'utilisation des écrans, bien, il va toujours y en avoir, ça fait partie de nos vies, ça va en faire partie dans le futur, donc pour toutes ces utilisations légitimes qui vont se poursuivre... légitimes ou récréatives qui vont se poursuivre, bien, mettre en place les conditions pour éviter les méfaits ou les risques qui peuvent être associés à ça. Puis là, bien, ça réfère un peu à la dernière question dont on vient de parler. Ça, c'est un exemple. Donc, faire en sorte que ce soit... si on est capables de réglementer pour que ce soit.... ça induise moins des phénomènes de dépendance, que ça expose moins à des contenus inappropriés, à du marketing qui est défavorable, et ainsi de suite. Ça fait que c'est tout cet aspect-là, dans le fond, contrôler le contenu et pour limiter les impacts négatifs sur la santé. C'est la troisième perspective qu'il faut se donner.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre.

Moi, j'ai une question suite aux excellentes questions de mes collègues, là. Sachant que votre objectif est de faire progresser les connaissances, les compétences, de proposer des stratégies ainsi que des actions intersectorielles susceptibles d'améliorer l'état de santé et le bien-être de la population, quand vous voyez, parce que c'est toujours dans le contexte de temps d'écran, comment... et les problématiques qu'on vit aujourd'hui dans notre société et ailleurs, quand vous entendez ou vous voyez des écoles secondaires offrir des programmes de «e-sports», jeux vidéo, dans nos écoles, comment l'INSPQ réagit?

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Qui veut prendre ça d'abord? Peut-être toi, Fanny?

Mme Lemétayer (Fanny) : Je pourrais parler des usages en milieu scolaire. Alors, on a regardé, justement, on a fait une synthèse de connaissances sur les usages en milieu scolaire et leurs impacts sur la cognition, puis on s'est aperçu qu'il y avait... bien, non seulement il y a différents usages à l'école, hein, il y a les usages des élèves, les usages qui sont induits par l'école, des usages pédagogiques ou des usages de divertissement. Et nous, on a regardé deux situations.

On a regardé la présence du cellulaire en classe, et qui est utilisé à des fins personnelles, et on a vu que ça induisait une distraction numérique et que ça avait... ça affectait l'apprentissage et plus précisément la mémoire de travail. Donc, ça, c'est un des premiers résultats qui nous amène à dire qu'on est mieux de favoriser des gens en classe, des environnements sans distraction numérique.

L'autre aspect qu'on a regardé, c'est l'utilisation à des fins pédagogiques. Donc, on a regardé l'utilisation d'outils numériques pour... comme support à la lecture et à la prise de notes et on s'est aperçu de deux choses. C'est que, comparativement à la lecture papier, la lecture numérique, elle entraîne une plus faible compréhension de texte. Puis, comparativement à la prise de notes manuscrites, la prise de notes numériques, elle, elle n'apporte aucun bénéfice sur l'apprentissage.

Donc, ce que ça dit, c'est que, même si les usages sont pédagogiques, même s'ils sont... ils n'ont pas forcément une valeur ajoutée sur l'apprentissage et ils ont potentiellement des effets sur la santé. Donc, le «e-sport», c'est aussi un ajout de temps d'écran. On sait que les jeunes sont déjà passés à un temps d'écran de loisir très... beaucoup plus élevé que la recommandation, qui est de deux heures par jour, entre six et 17 ans, et, si on vient ajouter encore du temps d'écran à l'école, ça ne fait que cumuler ce temps-là et potentiellement renforcer les effets sur la santé. Donc, c'est quelque chose qui est à considérer, le «e-sport». Ça ne vient qu'accumuler, et on ne sait pas aussi, en plus, les effets que ça a, le temps d'écran durant l'école, l'influence que ça peut avoir sur leur temps d'écran de loisir. Donc, ça, c'est des choses qu'il serait important de... sur lesquelles se pencher aussi.

M. Ciccone : Est-ce que l'aspect également de dépendance... parce qu'on sait, on a entendu des professionnels comme vous, là, depuis quelques jours, ils vont créer vraiment des algorithmes, des lumières pour attirer les jeunes, puis ça crée une dépendance, là. Plusieurs nous l'ont dit, ça crée vraiment une dépendance. Est-ce que c'est à considérer également, que, dans notre réseau, il y a... Il y a une école publique, là, et même privée... on est supposés de protéger nos jeunes, mais on va amener des outils qui va créer une dépendance. Est-ce que ça vous inquiète, l'INSPQ?

Mme Lemétayer (Fanny) : Bien, tout à fait. C'est justement, tous ces mécanismes de persuasion qui sont utilisés pour qu'on reste le plus longtemps possible sur les plateformes pour que... c'est évidemment préoccupant, parce que tous ces algorithmes, tous ces mécanismes font en sorte qu'on reste le plus longtemps possible. Puis le temps d'écran, je le redis, on l'a vu, c'est quelque chose qui est fortement associé à différents effets sur la santé, donc c'est sûr que c'est à...

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Oui, bonjour. Merci beaucoup d'être là. Je vais être rapide. Je pense qu'il nous reste peu de temps.

Je veux juste vous dire ma surprise puisque l'accès à la technologie, finalement, c'est quand même un grand coût. Je suis surprise que vous dites que c'est surtout, en fait, les gens plus démunis ou en situation plus précaire, en fait, qui utilisent beaucoup les technologies qui sont coûteuses. Donc, le choix est d'aller... au lieu d'aller prendre une marche ou aller au parc, de consumer, en fait, des réseaux. Ça fait que j'étais surprise de ça.

Par contre, je voulais avoir votre opinion au sujet des librairies numériques. Vous savez, tu sais, il y a énormément de documents qui sont lis, qui sont consultés maintenant de façon numérique et plus papier, donc on parle d'un monde numérique incroyable. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que tout ce milieu numérique, là, de lecture pour nos jeunes, d'accès aux bibliothèques numériques devrait être circoncis ou devrait... justement, on devrait retourner vers le papier davantage? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

• (11 h 10) •

Mme Lemétayer (Fanny) : Par rapport aux populations plus vulnérables socioéconomiquement, qui sont plus exposées, ils sont effectivement plus exposés. Mais, par contre, ils n'ont pas forcément la littératie qui leur permet de bénéficier des avantages du numérique, et donc ils en font plutôt un usage de loisirs. Et aussi... Excusez-moi. J'ai perdu mon idée.

Des voix : ...

Mme Lemétayer (Fanny) : Oui, c'est ça. Ça inclut... Ce n'est pas forcément des usages numériques des nouveaux... des nouveaux écrans, en fait. C'est plus par rapport à la télé, par rapport à... Excusez-moi.

Des voix : ...

Mme Lemétayer (Fanny) : Sur la lecture, oui, c'est ça. Nos résultats sur les cognitions nous ramènent à privilégier, justement, la lecture papier, parce que, comme je disais tantôt, ça... la lecture numérique a un impact sur la compréhension de texte, donc on a moins de facilité à comprendre les textes sur numérique. C'est sûr que ça donne un accès aussi... Il faut faire... Il faut trouver l'équilibre entre donner l'accès à certaines personnes qui n'ont... qui n'auraient pas forcément accès à ces connaissances versus défavoriser certaines personnes qui n'ont pas les compétences numériques pour en bénéficier.

Mme Gendron : O.K. Donc, on favorise, pour nos enfants, la lecture de livres papier plutôt que sur des tablettes. Ça pourrait être déjà un début.

Mme Lemétayer (Fanny) : Oui, oui.

Mme Gendron : O.K. C'est intéressant. Merci. C'était la question que j'avais.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi aussi de vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission.

Mes collègues l'ont abordé, le facteur temps, et vous l'avez nommé, est très important. Je pense qu'il y a un certain consensus : zéro-trois ans, c'est pas de temps d'écran, après ça, c'est avec grande parcimonie, il faut que ce soit éducatif. On parle d'une certaine majorité numérique, on verra si ce sera une recommandation ou pas. Peu de gens ont statué sur le nombre d'heures qui pourrait être une... qui pourrait être sain pour un adulte ou un jeune adulte. On sait qu'au niveau de l'alcool on est arrivés à informer les gens, de dire : Bien, deux à trois verres, pour un homme ou... en tout cas, je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais on connaît maintenant certaines limites qui sont, pour le corps, acceptables.

Est-ce que, dans vos études passées ou à venir, vous êtes en mesure d'aider notre commission à statuer sur une recommandation potentielle, sur une idée de grandeur, là? Peut-être pas un chiffre exact, là, je comprends que ce n'est pas une science exacte, mais est-ce que c'est plus de l'ordre de trois à cinq heures par jour, au-delà de ça, en bas de ça? Avez-vous déjà des chiffres?

M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je vais laisser répondre ma collègue sur le point technique, mais je pense que ce que je trouve très intéressant dans votre question, c'est... ça rappelle encore une fois ce principe-là, cette idée du cumul de temps, qu'il ne faut pas considérer ce problème seulement à partir... Une pratique en elle-même est ni bonne ni mauvaise. La question, c'est avoir une vision globale de ce qui est en train de se passer. Ce n'est pas ce qui se passe à l'école qui est grave, c'est que ça se passe à l'école, à la maison, dans les loisirs, et c'est cette vision globale qu'il faut arriver à mettre derrière toute intervention qu'on va mettre de l'avant dans l'avenir.

Puis peut-être, Fanny, tu peux répondre sur la question du temps d'exposition.

Mme Lemétayer (Fanny) : Oui. Bien, on a vu, dans quelques enquêtes qui ont été réalisées au Québec, qu'il y a un seuil de quatre heures de temps d'écran qui est vraiment associé à des problèmes de santé, des effets sur la réussite scolaire, donc santé mentale, santé physique. Donc, c'est vraiment à partir de ce seuil-là qu'on voit que les impacts apparaissent.

M. St-Louis : Parfait. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. D'autres interventions? Donc, ça fait le tour de la question. Alors, merci infiniment pour votre contribution à ces travaux, alors ça va nous permettre de pousser la réflexion plus loin.

Donc, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité.

(Suspension de la séance à 11 h 14)

(Reprise à 11 h 26)

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, la présentation de notre prochain invité sera accompagnée d'une traduction en simultanée.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à M. Robin Walker. Donc, bonjour, M. Walker. Bienvenue à cette commission. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, et ensuite nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

M. Robin Walker

M. Walker (Robin) : Well, thank you very much for having me, first of all.

I am the former chair of the Education Select Committee in the House of Commons, and we launched an inquiry on screen time along similar lines to what your committee is studying in September of 2023. At the time, we were focused really on the impact on education and on the balance between welcoming digital education and the opportunities for digital device providers, but also the growing understanding of risks that overexposure to social media and online platforms produces. This was partly prompted by our select committee's evidence on county lines and the exploitation of vulnerable children by criminal gangs involved in the drugs' trade. And as part of that work, we had come across examples where social media and online gaming were being used to groom and recruit children into criminal activity.

I also served on the Northern Ireland Affairs Committee for a period of time, and that committee was conducting an inquiry into the targeting of young people by criminal gangs associated with sectarian groups in Northern Ireland. It struck me that there was a lot of overlap between some of the grooming activities being undertaken in both circumstances, and that was one of the things I was keen that we were able to look into.

But we were also keen to emphasize the benefits of educating children around the risks of online life and the importance of having an online education. And so, when we launched the inquiry, we use this heading of a call for evidence, which was quite balanced, and really talked about the pros and the cons of screen time.

What we heard in evidence, though, was a growing weight of concern about the negative impact of screen time on mental health, on behavior, on children's well-being, and limited evidence about the educational benefits, particularly of mobile phones and particularly of social media.

And I think one of the difficulties in this debate is in defining screen time. A lot of the academic evidence that we received said screen time can not be defined in a way that tells you whether it is good or bad and that it is something that has benefits and has risks, and you have to balance those up.

But overall, over the course of an inquiry, what we heard is that the very substantial risks to children and the very substantial problems, particularly with regard to pornography and being bombarded with content that leads to a bad body image amongst young girls and bad approaches amongst young men, those things are creating very substantial problems. And I think there's a growing weight of evidence that those problems outweigh some of the benefits.

• (11 h 30) •

So, our conclusions, compared to perhaps the launch of the inquiry, were quite strong that we wanted Government to go further in restricting the use of mobile phones in schools, we wanted Government to provide more guidelines as to what was genuinely useful educational technology — and frankly a lot of content out there that markets itself as educational technology but isn't — and we called on Government to set a clear demarcation of the age of digital consent, which we, and I think many of us, have reached the conclusion has been set by default at a very low level, at the age of 13, but should be genuinely considered with all the implications of social media and front-facing mobile phones.

And it's been interesting to see both your work and the work going on in Australia on that issue, which, I think, pick up on that point. It's worth saying, as part of the inquiry, we visited France and had meetings in the National Assembly to understand the basis of their mobile phone ban, and we also visited the Netherlands to understand their discussion around restricting devices in schools and their approach. It's fair to say, culturally, I think the Netherlands is a more similar system to the U.K., and the French is quite a different system. But actually, what we were struck by in France was the unanimity across a very broad political spectrum, that the mobile... ban on mobile phones had been positive and was a good thing for children's mental health. And what we were struck by in the Netherlands is the general belief that there needed to be further travel in direction of restricting online new devices and restricting screen time.

And some very interesting evidence, I think, from some of the students who themselves pointed out to us how mobile devices have become so important to their lives, that they said where they are restricted, they reduce our topics for conversation. Now, to me, that was a striking comment and something that actually led me to believe this is a... something that does need to be further looked into.

And we also heard, in the Netherlands, interestingly, some of the best evidence for the educational benefits of banning devices in schools, which they had gathered from the U.K... and we hadn't been presented with that evidence by the U.K. Department for Education. We hadn't been presented with it by any of the educational experts from whom we took evidence, but actually, the evidence of the benefits for particularly disadvantaged pupils in restricting mobile phone use was very strong in a controlled experiment in English schools in cities, where some banned mobile devices and others didn't. So, again, that's something that led us to reach the conclusions that we did, but the Government needs to go further.

I hope that's helpful to your committee. I think this is something I found as a learning experience. I opened the inquiry very much with an open mind about the use of digital devices and online, and the more I engaged with it, the more concerned I became that some of the systems we have are there by default and need greater thought from legislators, both when it comes to the health and the educational effects on young people.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, M. Walker, pour cette intervention. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Donc, M. le député de Marquette, je vous cède la parole.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Good evening, Mr. Walker. Thank you for being with us today.

I just want to talk to you about screen time and your conclusion on screen time in your inquiry. What do you consider screen time? Does it... Because here, we have different views with different groups that we had. Some say we have to differentiate between the educational, you know, platforms and the gaming platforms, or iPads and iPhones, social media. So, what's your conclusion on it? Do we have to put all of the screen time in the same basket?

M. Walker (Robin) : It's a crucial question, and I think a lot pends on the definition that you use on screen time. We took a broad approach which was: This is about time that children spend engaging with screens, whether that's on a computer, or whether it's on a mobile device, or whether it's a laptop. But there is a fundamental difference between supervised time, time that might be spent in a class engaging with educational tools, and unsupervised, unrestricted time, and indeed, the distraction risk of having devices that are sending people notifications while they should be concentrating on something else in class.

And that's where we came to the conclusion that the problems that exist from unsupervised screen time and screen time that intrudes in other education do need action and do need a change societally in the way in which we engage with them. Whereas, of course, if you measure total amount of time someone spends looking at a screen quite reasonably, people who gave us evidence that, if someone is researching their homework or working towards a project on a screen, that is positive screen time.

But I think the challenge is that the algorithms that exist both within social media and, dare I say, also within tools, tools like Google, encourage us to go down less positive routes. And adults are well placed to regulate those pressures, children less so.

M. Ciccone : Thank you for your answer. After your conclusion on your inquiry, did the House of Commons had a legislation on this matter? And, if so, do you see results, even if it's new, or you didn't have any legislation?

M. Walker (Robin) : No, not yet.

M. Ciccone : Not yet?

M. Walker (Robin) : So, to be honest with you, we got this inquiry, this was the last thing I did as the select committee chair before the election was called. So, it was something we had to put out our conclusions. We had to put them out rapidly. We were... I was glad that we got rapidly, we were... I was glad that we got unanimous cross-party support for those conclusions, and we had to tweak our recommendations so that, instead of being for the current Government, as we originally expected them to be, they would be for the incoming Government.

So, those are recommendations that we've made to the incoming Government. I think it's interesting to see that some of the comments from the new Secretary of State for Science and Technology actually suggest that he may be engaging with some of those. Peter Kyle has suggested... he's following the Australian developments very closely and he's open to changing, for instance, the age of use of social media to 16. That's something that we strongly recommended and it's something that I'm very glad to see that he hasn't ruled out. I think it's too early to say really, with a new government in a new parliament, whether there will be further legislation.

But we also made some recommendations with regard to existing legislation, such as the Online Safety Act, and that was something which, again, was passed with strong cross-party support in the last Parliament. There are some steps that takes to potentially go further than ever before and criminalizing some types of online activity and on holding tech company executives responsible for harm to children. We want to see that road very rapidly implemented. And again, one of the things on the desk of the new Government will be the implementation of that Online Safety Act, which Parliament has already passed into law.

M. Ciccone : My last question: With the new adjustments, with the existing legislation that you made, did you have time to evaluate if those changes have worked on your society?

M. Walker (Robin) : I think the honest answer is no, because the Online Safety Act has not yet been fully implemented. So, there has not yet been a rally, but one thing we said in our report is for the Government, when it introduced the toughest stance on encouraging schools to have bans and said we're not going to make it statutory, but we do want you to go further with it. They didn't introduce any mechanism for monitoring that, and we think that's a mistake. And, as an evidence-based committee, we recommended that they introduce a formal mechanism and use that formal mechanism of monitoring in order to then decide whether a statutory ban is required. That was something I was surprised to hear when we visited France, that, whilst there was very, very strong cross-party support for what have been done, there have been very little evaluation of the impact of what have been done. And I think that's important that all of us should try and get that evaluation done as part of our policymaking.

M. Ciccone : Thank you very much, sir.

M. Walker (Robin) : Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Good morning... good afternoon for you, I guess, sir. Thanks for talking to us.

I was wondering, have you ever considered in your commission to try and regulate the most negative aspects of social network? I'm talking about the like buttons, the doomscrolling, the push notifications, the loot boxes, microtransactions, the automatic starts of... Have you ever considered saying: Well, that's the social networks... They are all... always going to exist now, but, the most negative aspects of them, we can try to say no to them, we can pass laws to forbid those aspects. Have you ever considered that?

M. Walker (Robin) : I think it's a fair question. I think part of this turned out election comes down to the challenge of the remit. My select committee is the Education Select Committee. We look at policy as it affects children and particularly children in education. We didn't have the remit to look at the regulation of the online space in the way that, perhaps, other select committees of the House of Commons would. So, for instance, the Department for Science and Technology, they would be able to look at that space. Also, to some extent, I think there is an argument for Health to be involved in that.

That is why, amongst our recommendations, we talked about the importance of cross-government working on some of these issues. And we do think that actually there is scope and there is a good case for changing the law when it comes to the application of what are fundamentally adult designed technologies to children, and that was something we've talked to the member that... I know the French National Assembly had tried to change the age at which children can sign up for social media. They tried to change that and introduced the element of parental consent for children between 13 and 15. Unfortunately, due to the operation of EU law and EU competence, that was something that they could not make work effectively, and it's something that would need to be approved at an EU level.

One of the points I was making to ministers is that we don't have that restriction any longer, that actually, the U.K. could make laws in this respect which would be within its competence. And so I think it is something that we want to seriously consider. But, in terms of the detail of the regulation of social media and how those platforms work, that would really fall to other departments and other parts of government rather than the Department for Education and the Education Select Committee. So, whilst it sounds like a bit of a get out, we wanted to push in that direction and encourage cross-government work, but we couldn't make specific recommendations with regard to what the law should be.

• (11 h 40) •

M. Leduc : As our committee here has... have a broader approach, would you tell us to do that, to go in that particular path? Would you...

M. Walker (Robin) : I think the challenge you will have is about what is practical. How do you make practical changes to the social media model? And I think that is where my focus... And I think the best way of protecting children, in the short-term at least, is to focus on genuine age barriers, age verification and proper control over who accesses these things, which are, after all, designed with adults in mind, in which all the social media companies tell us they don't allow any children under 13 onto them. I'm afraid that's completely untrue, and there's very strong evidence, but that... that is not the case, but I think that is something that... that strikes me as the place to start.

But undoubtedly, and I think the Children's Commissioner in the U.K. has made a strong case for this, there is an argument for them changing their model further. The challenge will always be that these are global companies and, unless they are very firmly forced to do so by the law, that they will tend not to listen to tweaks and changes that are made in individual territories. So, that's where things like the Online Safety Act actually potentially prescribing criminal penalties for tech... to company executives take things a lot further than we have been previously.

M. Leduc : Thanks a lot, sir.

M. Walker (Robin) : Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Thank you so much, Mr. Walker, for being with us today. About minimal age to access social media platforms, you dabble into this, and you say... you actually mentioned how, like, on Facebook, for example, like, there's a minimum age, but it's not really respected. So, was there, like, in your commission, conversations about putting, like, a U.K. wide, well, ban for children and young teenagers' access to social media? And, if so, were there, like... regarding issues with privacy? Because it would have to be... verified, like, for age verification. Like, what were the discussions regarding privacy at this committee?

M. Walker (Robin) : Yes. So, this is a really important issue, and I think the... what we heard from a lot of the technical experts who gave evidence to us is that the social media companies already gather enormous amounts of data on all of their users that allows them to profile users very effectively. And, in many cases, they know exactly the age of the people who are using their devices. They can certainly ban them to within a few years in terms of the age of people, and they choose to ignore that information when it comes to the current rules, because they are only required to require someone to say that they are 13.

Now, that is something which I think we could change and I think it is something that we have recommended, that the Government consults, on setting an age for access, which in the U.K., I believe, would be 16. I think there is some debate about where that change should be. In France, they talk about 15, in Australia, I think also, they're talking about 15. There's a natural cut off in our education system and in most respects to the U.K., which would make 16 a more logical age. And I think there's a strong health case for looking at that age, because it's also at the age at which people have greater mental capacity to engage with issues of addictive... the addictivity of social media and to manage to... for themselves.

One piece of evidence I was quite struck by was... we are talking about a head teacher, talking to a head teacher who had introduced a mobile phone ban, and the problems which she had had in doing that and the benefits that she saw from it. And she said that actually the vast majority of the benefits amongst the girls that she supported were between the age of 13 and 15, and that the girls over the age of 16 were largely able to regulate their behavior effectively in this space anyway. And so, she wouldn't be so worried about that group. Now, that was anecdotal evidence, but it went along with a lot of the other evidence that we heard that actually a sensible cut off is really between the age of 15 and 16, and that there is no real logic apart from the history of when particular laws were passed around the use of the Internet, as to why we currently use 13 as the key element.

The other problem and the problem which our Children's Commissioner has highlighted, and a lot of her research, is about that 13 years-old cut off is more represented by the... in the breach than it is in observance... It's a well-known fact that many children under the age of 13 have social media accounts and use them regularly. And that is something which we think that the tech companies need to take more responsibility toward and need to be penalized for breaching if they continue to do it.

Mme Cadet : Thank you. We heard about a concept called Child Rights by Design that aim from the U.K. I don't know if, like, you're able to... to talk more to us about it? And what worked regarding the principles that aim from Child Rights by Design, and what would you recommend us to do? I think it's complimentary to my colleague's questions on being able to regulate the platforms on the mechanisms that they put forward to keep our attention online.

M. Walker (Robin) : Yes, and the first thing I say about this, I won't claim to be an expert in the detail of the Rights by Design, I think that would fall more into the remit of what used to be our DCMS Committee and is now our DSIT, Department for Science and Technology. Beeban Kidron gave us... Baroness Kidron gave us some very good evidence on these issues, and she has been working closely with the tech companies to put in an approach... The challenge is that it's largely voluntary for the tech companies to embrace this. Yes, companies like Google talk a lot about the fact that they're working with the Government on this and making sure that they are doing it effectively. I think it's a useful tool kit but I think, again, the challenge comes... if companies aren't identifying who are children and who need protection in the first place, then they can't...

And the other thing we heard constantly, whenever we talked about parental controls and protections for children being built into these things, is that there is a fundamental problem with the technical capacity of parents not keeping pace with technical capacity of their children. So, to put it simply, children can often run rings around their parents when it comes to their dealing with parental controls and restrictions.

So, one of the things, in terms of the design elements that we did pick up in the report, though, is the benefits. And there has been a campaign in the U.K. for a child's phone, and effectively, to have a phone that doesn't have all the social media apps on it, doesn't have access to the Internet, returns us to the days in which we could just send text messages and make phone calls with the phone. And I think there's a lot of interest in taking that further, including from some of the big mobile phone manufacturers actually, who are saying that, you know, this is something that could help to solve a lot of these problems and make phones more useful and less frightening to both parents and children alike. So, that is something that we also enlighten on the report in terms of designing things appropriately.

The last thing I'll just say on the point about design is a lot of the tech companies have very good parental controls available, but they don't activate them automatically. And we think that needs to change. We think that the default should be that all the parental controls are set on, and, if people want to disable them, they should disable them. Unfortunately, at the moment, the default is largely the other way around.

Mme Cadet : Thank you. And you are chairing the Education Commission. So, do you... did you discuss school-wide ban of cell phones in high schools?

M. Walker (Robin) : Yes, and, as context to this, you know, this was something that the Government had strengthened its guidance on shortly before our inquiry. What we... We had launched the inquiry partly to encourage them to strengthen their guidance, and then they pre-empted us by doing so. We think largely where their guidance has ended up is pretty sensible in terms of saying, you know, there is no good reason to have devices on in class, or in break time, or indeed on school trips, which is something that I think the French system picked up on quite strongly. But, of course, there have to be exemptions for SEN children and for specific academic purposes. If you want to teach people the risks of using a mobile phone, of course, you should be able to put a mobile phone in front of them and show them some of those things. So, I think a sensible approach is good.

One thing we picked up and one problem with the U.K., guidance, as it currently stands, is it gives schools lots of different options as to how to implement a ban. And, in many ways, that's a good thing. But one of those options is an outright ban and say: Leave the phone at home. We heard consistently that is not what parents want. Parents want to be able to be in touch with their children on the way to and from school. And it's important that, however a ban is implemented, it should allow children to use mobile devices to communicate on their journey to and from school.

Mme Cadet : Thank you so much.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. Walker. Qui doit prendre la décision? Est-ce que c'est le gouvernement ou ça doit être les écoles? Évidemment, vos structures sont très différentes des nôtres, mais quelqu'un doit trancher. Alors, c'est une des questions qu'on se pose.

• (11 h 50) •

M. Walker (Robin) : Absolutely, and the position that I inherited, and I guess I presided over, as School Minister for a time — before I was on the select committee, I was a minister for schools — was one in which the Government said: Schools should make the decision. This ought to be in the hands of schools. What we had heard over a long period of time, and partly what prompted our select committee report, was that schools did not want to be left with that decision themselves. They were facing increasing pressure from parents and from pupils and, actually, they would like Government to step in and give clearer guidance on this. And it was echoed when we went to France and we visited schools in France to talk about the impact of their ban. What we heard is that lots of schools had had restrictions on mobile phones in place, but, until the Government passed a law and actually changed the national approach, they found it very, very difficult to enforce those and they often had difficulties with problem parents, who encouraged their children to go against it. Once the ban was in place and it was clear in the law, they found it much more straightforward. And so, one of the messages we took home from that was that actually this would help teachers and head teachers to enforce an effective ban, to have clearer guidance from the U.K. Government.

M. Bérubé : Donc, ça envoie un message à nos autorités, à notre ministère de l'Éducation, qu'il y a plus de force d'envoyer une consigne, une réglementation dans l'ensemble du réseau que de laisser à elles-mêmes les écoles se débrouiller.

Donc, de votre analyse, de vos travaux, vous en arrivez à la conclusion qu'il vaut mieux que ça soit une consigne nationale, une demande nationale de la part du ministère de l'Éducation.

M. Walker (Robin) : Correct.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. Je passe maintenant la parole à M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Salutations à vous, M. Walker, et remerciements pour votre présence avec nous aujourd'hui.

J'aimerais vous ramener sur le côté de votre récente législation. Certains groupes sont venus nous entretenir de la question du consentement, la compréhension du consentement par les jeunes, par les ados et par les parents aussi au regard de l'utilisation et de l'accès à des plateformes, réseaux sociaux, peu importe le type d'usage, là, de produits. De votre côté, considérant votre expérience sur la question et votre... la mise en place de votre législation, comment avez-vous abordé cet enjeu-là du consentement à l'usage auprès de nos jeunes et de nos ados?

M. Walker (Robin) : So, I think the challenge of consent, when it comes to the online world is that it is basically taken for granted, and that is generally fair when it comes to adults who are happy to click a box saying that they accept conditions. I think the question of when are children capable of giving that level of consent is a very important one. And that is why we recommended in our report that the Government should consult on changing the digital age of consent from 13 to 16. And we think that is a more logical, more sensible place to give children control over when they give away their data, and that would also mean that the social media companies would have a responsibility not to harvest that data and use algorithms on that data for children under the age of 16, who shouldn't be on their platforms anyway, in our view. But I think there's a debate about that, particularly between the age of 13 and 16.

Of course, the alternative approach, which I know has been tried in legislation in France, but isn't yet effective legislation, is to require some form of parental consent for children between the age of, say, 13 and 15. Now that would require the social media companies to change their operating model quite substantially and introduce a whole load of new technology to allow the parents to consent on behalf of children. It may be a very good idea, but I think it's very, very challenging to get them to that place where they will do it. And so, we were very interested by that proposal in France. We were frustrated to hear of it being blocked by the issue of competence and where it sits, and it doesn't sound like that's been able to make further progress since. But I think actually changing the age of consent, the age at which children can digitally consent to share their data and material is a more straightforward approach and would protect children faster.

And so that's something that, yes, we recommended in our report, that it was easier simply to raise it from 13 to 16 than to introduce an intermediate stage. But I think both, both have valid arguments behind them. What I don't think is sensible is to continue to operate a digital age of consent, which was designed for the Internet before front facing mobile phones and social media were even invented, and there's no logic to that. And I think Jonathan Haidt and... number of people who have point it out the slight ludicrousness of the situation where certainly in both U.S. and U.K. law the digital age of consent was invented before the digital world, in which we now live, existed.

M. Sainte-Croix : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Good day, Mr. Walker. Thanks for being with us today. Beside bad and good content, most experts agree that time spent on platforms is probably, if not, well, one of the most important factors, if not, the most important. I was wondering if your commission had any recommendations on that matter.

M. Walker (Robin) : Yes, and I think we took into account a lot of evidence that showed the amount of time children are spending on platforms is increasing. It's been increasing progressively with age, but also with time. And so, there's a lot of evidence on our report about the amount of time children are spending. Part of it there is a balance, is the fact that the opportunity cost of time that people are spending online on social media platforms and in gaming could be done, could be used doing other things such as physical activity. And that's why we recommended for older teenagers, the debate ought to be about balance rather than just about banning things and whether things should be allowed or not. But actually, for young children, what we consistently heard is that the disbenefits and the risks of time spent online and on platforms were never designed for them in the first place, outweighed any possible benefits. And, while there are absolutely might be some benefits from screen time in terms of supervised screen time on computers and that side of things, actually the amount of time that children are spending unsupervised scrolling on devices is becoming a problem. So, that's where I think there's a balance between where you place your interventions.

The other thing that we said about time in the report is of course, it's correct, and the Government has made the argument that you can't simply set a guideline for time when you don't know what the time is being used for, and you can't say there's a perfect amount of time that people should spend on screens on devices. And, in one sense, that's fair. But actually, if we know that particular times are particularly dangerous, such as after bedtime, when children are in their own rooms completely unsupervised, we ought to be providing parents with guidance as to how to handle that. And I think there is a case for Government to provide guidance and support for parents as to what are reasonable restrictions to set. This doesn't say you can legislate for it. I don't believe you can, and I believe there are plenty of people, certainly in my party, who would object to that. But actually, having a proper conversation about it and making sure that both Public Health and educationalists are involved in that conversation, to say: Actually, restricting screen time before bed... just before bedtime probably is sensible. Making sure that children don't take devices into their room unsupervised is probably sensible. That, though, strikes me as totally valid things for public debate. I don't think we'll fix them through legislation but I think we can make sure that Parliaments are urging proper debate to take place on them.

M. St-Louis : O.K.. So, no specific numbers in terms of a daily average or whatsoever, just a balance.

M. Walker (Robin) : Well, as I say, there are lots... there is a lot of data in the report as to what those numbers are and how they have increased. We haven't said there is a perfect amount of time, but what you said is, the young children, the risks outweigh the benefits so strongly that we think actually of a ban on using these devices is sensible. For older teenagers, it's about balance and it's about making sure that they can balance physical activity, engagement with nature, time outdoors, with screens. And that's something that ought to be taught and encouraged in schools.

M. St-Louis : Thank you, sir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci. Mr. Walker, you provided earlier anecdotal evidence on a teacher who noticed the effects on social media users among girls between the ages of 13 and 15. Is there... Were there more, like, debates... within your commission on gender differences on the effect of social media use?

• (12 heures) •

M. Walker (Robin) : Yes, we took quite a lot of evidence on this. And I think also as part of the evidence that we gathered in other inquiries fell into this one. So, things like the county lines piece, there was quite a lot of evidence about the online harms to boys and girls, respectively. And so, there are undoubtedly disproportionate impacts depending on where you look.

I think the challenge is there is clearly a mental health impact across sexes of the growth in screen time and social media. And so, disaggregating the general trends from the specific is very, very difficult. But I think a lot of the debate in the U.K. and a lot of the legislation when it comes to something like the Online Safety Act has been around protecting girls. And it was partly a borne out of the Everyone's Invited so-scandal, where we had issues around sexual abuse taking place in schools and... schools, partly, is what drove a lot of the interest in this. But I think there's also good evidence that, actually, you know, boys are being badly affected in many ways, not least, in some cases, at the hard end of this, in being criminalized through activity that takes place on social media involves sharing of illegal images.

So, these things do affect everybody. I think there's a clearer and more immediate case for action in protecting girls, first and foremost, and I think that's what's driven quite a lot of the debate in the UK certainly, but I think there's... you know, there's absolutely a strong case in protecting both boys and girls from the unforeseen consequences of some of this technology, and that's really where we didn't make any conclusions on the basis of protecting one group or other. The conclusions we reached were across the board.

Mme Cadet : And, regarding cyberbullying, so, given the bans that you effected in the UK, was there evidence or data regarding the differences on the impact of cyberbullying with removing the screens?

M. Walker (Robin) : So, there is a lot of anecdotal evidence which is largely positive around the impact of bans, and it's very difficult to get a really serious randomized controlled trial. So, where we've spoken to people in schools and across educational institutions, there is some good evidence that it has decreased cyberbullying and it has allowed children to separate their school life from their home life more effectively, but I think it's very difficult to put that on an absolutely scientific basis and say, in a randomized controlled trial, this is what took place, and I think that's part of the challenge in some of the debate we have around this.

Mme Cadet : Of course. Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres interventions?

Mme Cadet : Well, my colleague often asks a question regarding esports in schools, so was there a part of your discussions in your education commission about banning esports?

M. Walker (Robin) : It wasn't a major part of the discussion, if I'm honest, and I think we did hear some evidence that, actually, gaming has a more nuanced and balanced impact than the social media and that there are benefits and disbenefits to it. But, in some respects, it's less likely to lead to behavioral addiction than social media. So, I think that's an interesting area and certainly an area for more research, but I wouldn't claim that that was a major focus in our report. It got mentioned incidentally because, obviously, it was one of the things driving screen time and the increase in screen time, but the evidence we heard was not as conclusive in terms of the mental health and well-being impact, I have to say.

Mme Cadet : Thank you. And we still have time? OK, so I forgot my question, actually. Oh! yes, regarding rewards, so we talked, in schools, as well, about the use of screens as a reward. So, let's say, at the end of a busy week, we let the kids in classes being able to watch a show or be on their tablet, so is this something that was also discussed in your commission?

M. Walker (Robin) : To be honest, no. It's a good point, and, I mean, I remember watching things on the television back in my school days as a reward. I don't think we should be looking to stop... and I think I would draw up the distinction, I guess, between the sort of... the beneficial, supervised access to screens in a group and people being able to go off and do their own thing unsupervised. I think there's good ways of using screens in schools to improve delivery of information, and that may include rewards and creating some downtime. I think that is rather different to, you know, giving a child a device which has unlimited access to the Internet and expecting them to get on with it and I think that's where I would draw the distinction in where we felt the case for action was strongest.

Mme Cadet : Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Mr. Walker, I would like to come back on your... I think, I believe it was a recommendation you made about phones made for... especially for children and teens. We know that a lot of applications were created a few years ago. I think Facebook had one that were made for use of children. Why not go that way, for something that already exists, then to come back, in time, to phones that were... you know, we can only call on or text, so?

M. Walker (Robin) : I think the basic point was... and this is an issue which is being raised by a number of campaigners, people who've lost children to suicide related to social media addiction and issues... Actually, parents wants to be able to contact their children by phone. Parents sometimes want access to a GPS enabled device which will allow them to see where their children are traveling to, but they don't want them to have unrestricted access to the Internet. And however good some of the programs can be, which can be put in place by social media companies themselves or, indeed, by phone manufacturers, to try and introduce parental controls, it's often the case, but children are able to get around them, and disable them, and take them off.

And so I think the point about... it is perfectly possible, and, indeed, many, many manufacturers still do make phones that don't have the Internet enabled on them and don't allow you to download unlimited apps, and those have their uses. And, I think, particularly when we consider the importance of parents being in touch with their children on a journey to and from school, we think actually creating a category in the market that supports that would be useful and sensible, and something that... you know, between the market and the fact that children won't be allowed to use smartphones in schools in any case, there may well be a case for that.

So, I think that was really the basis on which we were recommending it. My colleague Vicky Ford has done a lot of work with some of the campaigners on this and was very involved in changes to the Online Safety Act on some of these issues specifically. So she might be a good person to talk to if you want more details on the children's phone concept, but I think that was where it came from and I don't think anyone on the committee thought it was a bad idea for that to be at least an option.

M. St-Louis : It is very interesting. Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Il nous reste deux minutes. D'autres interventions? Alors, merci infiniment, M. Walker, pour votre contribution à ces travaux. Ça a été un réel plaisir d'échanger avec vous.

Alors, pour nous, eh bien, la commission suspend ses travaux jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions. Sur ce, je vous souhaite un excellent dîner et une excellente soirée à vous, M. Walker.

(Suspension de la séance à 12 h 07)

(Reprise à 15 h 17)

La Présidente (Mme Dionne) : Bon après-midi à tous et à toutes. Donc, la commission reprend ses travaux. Cet après-midi, nous recevrons comme témoins l'Association québécoise du personnel de direction d'écoles, le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec, la Fédération des syndicats de l'enseignement, la Fédération autonome de l'enseignement et finalement la Fédération des établissements d'enseignement privés.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise du personnel de direction d'écoles. Donc, bonjour. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange, de questions avec les membres de la commission. Donc, peut-être, d'entrée de jeu, vous présenter et nous présenter vos commentaires par la suite. Alors, la parole est à vous.

Association québécoise du personnel de
direction des écoles (AQPDE)

M. Ouellet (Carl) : Merci. Bonjour. Je suis Carl Ouellet, président de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles, qui représente plus de 800 membres, directions, directions adjointes, gestionnaires administratifs d'établissements scolaires des niveaux primaire, secondaire, formation professionnelle et de l'éducation aux adultes. Je suis accompagné d'André Bernier, vice-président de l'AQPDE et directeur à l'école du Bourg-Royal-et-Châtelet au centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, ainsi que d'Édith Michaud, directrice à l'école Lanouette au centre de services scolaire Kamouraska—Rivière-du-Loup.

Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés membres de la commission, depuis la COVID-19, le temps utilisé à consulter des appareils numériques personnels a progressé comme jamais auparavant. Face à ce constat, plusieurs universités et spécialistes de la santé à travers le monde ont développé des outils pour documenter cette situation. Plusieurs de ces recherches sont présentement en cours afin de valider les impacts directs chez le développement des enfants. Bien que récentes, des recherches démontrent déjà des répercussions sur la santé développementale, psychosociale et physique de nos jeunes. L'idée de tenir une commission parlementaire sur le sujet pour y réfléchir comme société nous apparaît fondée.

Comme directions d'établissements scolaires, nous sommes aux premières loges de ces changements dans nos écoles. Nous ne sommes pas spécialistes dans le domaine de la santé ou des chercheurs, mais directement sur le terrain avec nos élèves. Nous sommes ici pour vous exposer nos constats et les constats de nos équipes-écoles. De plus, en préparation à cette commission, un sondage a été mené auprès des membres de l'AQPDE. Les répondants ont pu émettre leurs préoccupations face aux impacts des temps d'écran chez les élèves.

Pour débuter, il est important de mentionner que, pendant la pandémie, des investissements massifs en informatique ont été octroyés par le gouvernement pour soutenir nos écoles. Plusieurs initiatives de centres de services scolaires et écoles ont été déployées pour que nos élèves possèdent leurs outils numériques dès la troisième ou quatrième année du primaire. Par conséquent, cela a eu effet d'augmenter le temps d'écran pour nos élèves.

Toujours dans cette même période, plusieurs parents se sont munis d'un ordinateur ou d'une tablette pour faire l'école à la maison et pour permettre à leurs élèves d'être en contact avec leurs enseignants. Cela peut paraître contradictoire, mais ça prouve que nous ne pouvons plus vivre sans ces appareils.

• (15 h 20) •

Sur le plan pédagogique, l'école ne peut plus se passer d'outils technologiques. C'est plutôt l'utilisation inappropriée et non pédagogique des écrans dont il est question aujourd'hui. Voici des exemples concrets de ce que nous vivons dans nos écoles.

Dans un premier temps, nous avons demandé aux directions leurs principales préoccupations portant sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur le développement des jeunes. Avec une forte majorité, les membres ont répondu que l'isolement et la socialisation étaient des enjeux majeurs. En second lieu, le thème de la dépendance revient à plusieurs reprises.

Sur le plan linguistique, les directions notent que plusieurs écoles... plusieurs élèves débutent leur scolarisation avec de grandes lacunes langagières. Les enfants de cinq ans arrivent avec des habiletés langagières normalement observées chez un enfant de trois ans. À ce stade, il est important de mentionner que les difficultés langagières rendront l'apprentissage de la lecture plus compliqué pour ces élèves.

Dans certains centres de services scolaires, le nombre de demandes en orthophonie a presque doublé dans les dernières années. Est-ce entièrement la faute des écrans? Nous ne sommes pas en mesure d'y répondre. Cependant, des recherches ont démontré que les enfants en bas âge apprennent plus intensivement lorsqu'il y a des échanges directs avec leurs parents et leur entourage.

Par ailleurs, il est également... été mentionné dans le sondage que ces difficultés langagières pouvaient se traduire par des difficultés comportementales. La gestion des émotions étant étroitement liée au langage fait en sorte que plusieurs élèves sont incapables de les exprimer de façon adéquate. Par le fait même, certains peuvent se désorganiser en classe, et le personnel, comme les directions, doivent utiliser des mesures contraignantes pour intervenir. Ce type d'intervention était très peu observé il y a trois ou quatre ans.

Sur le plan cognitif et de la santé mentale, les constats observés sur les fonctions exécutives des élèves, telles que la capacité à retenir de l'information, l'attention, l'engagement à la tâche, la planification et la persévérance, ont diminué autant chez les élèves du primaire que ceux du secondaire. Les jeux vidéo chez les élèves en bas âge peuvent jouer sur la perception du monde réel. Des parents d'élèves ont confié à leur direction que, le soir ou la nuit, leur enfant pouvait oublier ses besoins de base, comme dormir, manger, boire ou aller à la toilette, tellement il était prisonnier de leur jeu vidéo. D'autres directions du primaire ont mentionné que des jeunes filles de leur école étaient arrivées en classe avec de la crème antiride car une influenceuse en exposait les bienfaits.

Sur le plan de la santé physique, plusieurs recherches démontrent que les élèves sont moins actifs qu'auparavant. Les enseignants au préscolaire observent même que des enfants rencontrent de plus en plus de défis avec le développement de leur motricité fine comparé à avant. Le fait d'utiliser des écrans tactiles plutôt que du matériel à manipuler, tels que des crayons, pourrait expliquer ce retard. Les intervenants remarquent aussi que, dans les cours d'école et pendant les pauses, les jeunes ne jouent plus s'ils ne sont pas pris en charge par le personnel scolaire.

Dans le même ordre d'idées, les directions ont noté des lacunes concernant les relations sociales entre les élèves. On estime qu'ils ne savent plus entrer en relation, donc, une grande perte de capacité des habiletés sociales. Ce phénomène est perceptible au primaire... au préscolaire car la gestion des situations conflictuelles entre les élèves ne fait qu'augmenter. Les enseignants et intervenants en préscolaire et au primaire doivent donc concevoir des ateliers de prévention et enseigner les comportements attendus aux élèves. Au secondaire, plusieurs écoles ont mis en place des programmes de prévention de saines habitudes d'habiletés sociales.

Scientifiquement parlant, il est trop tôt pour confirmer hors de tout doute que les performances scolaires de nos élèves sont affectées à cause des écrans. Cependant, dans certaines situations, l'usage excessif des écrans joue sur la réussite des élèves. Un élève qui passe la majorité de son temps libre à jouer aux jeux vidéo, à visionner des films sur son écran, à rester passif physiquement ou qui a tendance à s'isoler socialement a plus de chances de compromettre sa réussite qu'un élève qui est actif et pour qui le temps d'écran est encadré par ses parents à la maison.

Lorsqu'on pose la question aux directions : Devrions-nous interdire les cellulaires non seulement en classe, mais à l'école également?, les membres de l'AQPDE sont divisés. Pour travailler en cohérence avec cette position de nos membres, il nous apparaît nécessaire que cette décision se prenne localement, dans chaque école, au conseil d'établissement.

Par ailleurs, s'il y avait d'autres mesures à prendre pour limiter les temps d'écran à l'école, 65 % des directions croient que les grandes orientations devraient provenir du ministère de l'Éducation, question d'avoir les mêmes encadrements de base. 94 % sont d'avis que c'est le rôle de l'école d'outiller les élèves à développer de saines habitudes de consommation des temps d'écran et des contenus.

Dans les dernières années, il faut mentionner que la majorité des écoles ont mis en place des programmes et des ressources pour prévenir et pour gérer la cyberintimidation. La plupart des écoles ont également pris l'initiative de sensibiliser les élèves et leurs parents aux impacts potentiels d'une utilisation excessive des écrans.

À l'extérieur de l'école, presque la totalité des directions pensent que c'est de la responsabilité des parents d'encadrer l'utilisation des écrans et gérer les réseaux sociaux de leur enfant. Nous pensons que le parent doit jouer le rôle principal et que l'école doit le supporter. C'est pour cela que chaque école devrait, par le biais de communications régulières, informer les parents et offrir de l'accompagnement au besoin.

Cependant, est-ce à la direction d'école de prendre ce dossier en charge? À la lumière de ce qui a été dit, il nous apparaît que non. L'école et la direction peuvent apporter du soutien car c'est notre rôle de faire réussir chaque élève selon ses capacités et dans un environnement sécuritaire. Le travail de mettre en place les... Le travail est de mettre en place les outils pour y parvenir. À l'heure actuelle, le manque de ressources, la gestion du personnel non légalement qualifié et l'ajout de dossiers administratifs pèsent lourd sur les épaules des directions. La mauvaise utilisation des appareils électroniques et tout ce qui en découle ne devrait pas faire partie du quotidien des directions et leur équipe.

À propos du document reçu en vue de cette commission, nous avons été surpris de constater que le sujet de l'intelligence artificielle était très peu abordé. Dans les écoles et nos centres, l'arrivée de l'IA apporte son lot de défis. Prenons comme exemple la tricherie par décomposition des recherches faites par l'aide... par l'intelligence artificielle. L'AQPDE demande qu'une place significative sur l'intelligence... place significative sur l'utilisation et la gestion de l'IA soit prise en compte dans les rapports et les suivis de cette commission. Pour nous, des encadrements et balises devraient provenir du ministère de l'Éducation.

Finalement, l'AQPDE a demandé à ses membres quels seraient les outils ou les leviers pour soutenir la gestion des écrans et des réseaux sociaux chez les enfants. Nous vous faisons part de deux éléments : un, que les parents soient davantage sensibilisés sur les effets des temps d'écran et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des enfants, et, deux, que, dans ce dossier, les directives proviennent du ministère de l'Éducation, notamment sur l'intelligence artificielle.

Bien sûr, l'AQPDE veut faire partie des discussions pour être en mesure de transmettre le vécu terrain et travailler à la recherche de solutions pour nos élèves. Merci de votre écoute. Nous sommes maintenant prêts à échanger avec vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour cette présentation. Donc, nous allons débuter avec Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'était très concret, je trouve, vos interventions. J'avais des questions par rapport au bon usage. Selon vous, quel genre de recherche pourrait venir appuyer un bon logiciel, un bon programme, une bonne plateforme pour n'importe quel niveau scolaire, là, mais pour être utilisé en classe? Est-ce qu'il y a un genre de recherche qui pourrait venir aider ou quel serait... Par exemple, s'il y avait l'instauration d'un protocole pour dire : Telle plateforme, c'est bénéfique, on le sait, c'est fondé, est-ce que vous pensez que ça ferait du sens?

M. Bernier (André) : Moi, je vous dirais que le type de recherche à mettre de l'avant, ce serait quelque chose qui nous donnerait... qu'il y a une plus-value, au niveau pédagogique, de ce logiciel-là. Le type de recherche, est-ce que ce serait quelque chose de qualitatif ou de quantitatif? Là, ce serait plus les chercheurs qui pourraient répondre à ce qui serait plus avantageux, mais de faire une recension de tout ce qui existe et qu'on utilise devient, je pense, une tâche à peu près inaccessible pour les chercheurs parce qu'il y a tellement de variété en termes de logiciels ou d'applications utilisées que ça demeure un peu difficile. Mais par contre il peut peut-être y avoir des choses qui sont ciblées comme étant des incontournables, je vais le dire comme ça, et donnant une plus-value pédagogique pour l'apprentissage et non pas des logiciels qui sont là uniquement, là, pour une utilisation ludique.

Mme Bogemans : Parfait. Puis, selon vous, comment on pourrait bien encadrer les intervenants à l'école concernant l'utilisation des outils numériques?

M. Bernier (André) : De la formation. Plus il va y avoir de la formation au niveau, là, du personnel... Dans certains centres de services, il y a des... ce qu'on appelle, excusez l'anglicisme, là, mais des lead technopédagogiques qui vont venir être un support auprès des enseignants pour les conseiller sur les bons outils à utiliser, sur les méthodes de travail à utiliser durant le temps, là, d'enseignement et qui vont donner cette plus-value-là au niveau, là, du personnel enseignant et de l'enseignement qui se fait.

Mme Bogemans : Parfait. Vous vouliez intervenir?

Mme Michaud (Édith) : ...nous, dans notre centre de services et dans la plupart des centres de services, il y a une planification aussi du numérique qui est faite dans le sens qu'en première année il y a des contenus numériques qui sont travaillés par les enseignants. Il y a une gradation quand on parle... de la première année au secondaire, dans le fond, pour que nos élèves deviennent habiles avec la technologie, donc, dans les outils qui sont utiles dans notre vie de tous les jours. Alors, quand on parle... Il faut que ce soit vraiment pratique. Il y a déjà des planifications qui sont faites, là, dans les centres de services.

• (15 h 30) •

Mme Bogemans : Donc, c'est plus au niveau du développement des compétences des enseignants ou des intervenants qu'au niveau de la formation sur un outil concret comme les outils peuvent évoluer au fil du temps.

Une voix : Oui.

Mme Bogemans : O.K., parfait. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente... à vous trois d'être là. Vous parlez, donc, d'interdiction du cellulaire à l'école... c'est-à-dire dans la classe. Ça a l'air d'être assez consensuel, puis je... personne, à date, qui est venu ici ne nous a dit : Non, arrêtez ça, là. Au contraire, ça semble être vraiment consensuel. Le débat est plus : Est-ce qu'il faut interdire sur le territoire de l'école, et, si oui, qui fait ça? L'école, le centre de services scolaire, le ministère? Vous, vous dites : Si interdiction il y a, il faut que ce soit une directive nationale, le ministère. Ça ne peut pas être école par école.

M. Ouellet (Carl) : Ce qu'on dit, c'est que la directive ou l'orientation devrait être nationale, mais la décision devrait se prendre dans les milieux. Exemple, si la directive vient du ministère, que chaque école doit déterminer comment il fonctionne... C'est ce qu'on veut savoir. C'est ce qu'on fait présentement avec les autres règles de vie aussi, là. Quand on prend les règles de vie de l'école, c'est décidé à l'échelle locale. On le sait déjà que c'est ça. Alors, nous, on continue à dire : Des grandes... Oui, si c'est ça, la grande orientation, de dire : On laisse aux écoles le choix ou non d'interdire le cellulaire dans l'école, pas seulement dans la classe, on le sait. Donc, après ça, c'est à chaque milieu de prendre cette décision-là.

On a des parents au conseil d'établissement, on a des élèves, au secondaire, qui siègent au conseil d'établissement, membres du personnel enseignant, de soutien professionnel. Je pense que chaque milieu est différent. La loi, elle le dit, le principe de subsidiarité... Nous, on y croit. Il faut prendre la décision le plus près possible de l'élève, et, dans ce dossier-là aussi, on pense que c'est important.

M. Leduc : Donc, si on débarquait avec une interdiction mur à mur, à la grandeur de la province, applicable à partir du ministère, on échapperait quelque chose, là. Qu'est-ce qu'on échapperait, selon vous?

M. Ouellet (Carl) : Bien, ce n'est pas qu'on échapperait quelque chose. Nous, que ce soit, encore une fois, du mur-à-mur, on est contre. On le dit dans plusieurs dossiers, on aime mieux que ce soit laissé aux gens du milieu, aux gens... les gens qui connaissent leur milieu. Ça se peut que, dans certaines écoles, ils vivent telle, telle réalité. On aime mieux que ce soit vraiment associé aux écoles, cette décision-là.

M. Leduc : Si c'était laissé aux écoles, d'après vous, est-ce qu'on s'en va vers une tendance où de plus en plus d'écoles vont l'interdire, ou si ça va être moitié-moitié, ou ça va être minoritaire...

M. Ouellet (Carl) : Aucune idée. On sait qu'il y a déjà... de nos membres, il y en a qui commencent la démarche, qui vont l'interdire à l'école. C'est très variable. On n'a pas la donnée exacte, là, mais on sait, là, que, parmi nos membres, déjà, il y en a qui font la démarche, là, pour l'interdire au complet dans leur école, avec les parents, avec les élèves.

M. Leduc : C'est ça. Lorsque c'est fait, y a-tu de la résistance de certains parents? Comment vous gérez ça?

M. Ouellet (Carl) : On va le voir, là, on est rendus... On commence les réflexions, donc ce n'est pas en application à 100 % partout, en tout cas, dans les écoles que je connais, là. Ça fait qu'on n'est pas en mesure, là, de répondre comme il faut, là.

M. Leduc : Peut-être une petite dernière, Mme la Présidente. Vous dites : 43 % des membres de l'AQPDE ont répondu à la consultation... jugent que, si le gouvernement devrait fixer une majorité numérique, l'idéal serait de 14 ans. Intéressant. On a eu 16, on a eu 18, 15. Là, vous dites 14 puis vous dites «si», «si le gouvernement»... C'est que vous n'êtes pas certains que c'est une bonne idée?

M. Ouellet (Carl) : Encore une fois, on n'a pas sondé là-dessus spécifiquement. On a lancé la question : Si le gouvernement devait mettre une majorité numérique, quel serait l'âge idéal? On fait le lien de 14 ans avec l'âge où on a le consentement des parents ou non, au secondaire, sur certains dossiers. L'élève, on peut... L'élève peut décider de ne pas faire intervenir le parent à partir de 14 ans. Ça fait que je pense que c'est dans cette lignée-là.

M. Leduc : Sur quoi, par exemple?

M. Ouellet (Carl) : Tout ce qui est dossier professionnel, dossier psychologique. L'élève de 14 ans et plus peut demander que le parent ne soit pas au courant, dans nos écoles. Donc, on y allait un petit peu, là, dans cette lignée-là en disant : Bien, le 14 ans est déjà là pour certaines choses, pourquoi ne pas le faire? Si on avait à donner un âge pour la majorité numérique, pourquoi ne pas prendre le même âge?

M. Leduc : Mais ça voudrait dire que secondaires, quoi, III, IV, V seraient...

M. Ouellet (Carl) : II, III.

M. Leduc : II, III seraient libres de choisir.

M. Ouellet (Carl) : Bien, entendons-nous que la majorité numérique, c'est... le parent, avant ça, aurait autorisé l'accessibilité à certains logiciels, à certains programmes, tout ce qui est réseaux sociaux. Donc, avant 14 ans, c'est le parent qui prendrait ça en charge. Comme je vous dis, on n'a pas fait l'analyse complète, mais c'est...

M. Leduc : Très intéressant. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je voudrais juste saluer les jeunes qui sont accompagnés de la députée de Robert-Baldwin, qui sont en visite. Alors, bonjour, bienvenue à la commission. Alors, on poursuit cette période de questions avec M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Très intéressant, votre mémoire. Certains éléments qui nous font... qui me fait, moi, un peu sourciller, puis on l'a entendu, là, avec d'autres groupes aussi, là, spécifiquement, sur les... Puis là je vous cite, là : «Scientifiquement parlant, il est trop tôt pour confirmer hors de tout doute que les performances scolaires de nos élèves sont affectées à cause des écrans.» Puis ça, il y a plusieurs scientifiques qui sont venus nous dire que tout ce qui est numérique est allé trop vite pour la recherche, puis pour avoir des données, puis pour être capables de... Mais ce que j'entends... puis corrigez-moi si j'ai tort, là, mais vous n'êtes pas contre les outils pédagogiques à l'école.

M. Ouellet (Carl) : Du tout.

M. Ciccone : O.K. Quand on parle de temps d'écran... O.K., certains groupes nous disent que, quand on parle de temps d'écran, que ce soient des outils pédagogiques, que ce soient les réseaux sociaux, le soir, dans l'autobus, que ce soient les jeux vidéo à la maison, il faut tout mettre ça dans le même panier, O.K., parce que c'est du temps d'écran. Certains nous disent : Bien, il faut séparer les outils pédagogiques, parce que ça, c'est complètement différent. Je veux vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on devrait... le temps d'écran devrait être calculé avec tous les outils? Quand on parle d'un écran, là, quand le jeune se met les yeux sur un écran, on devrait mettre ça tout dans le même panier?

M. Bernier (André) : Bien, si vous me le permettez, je... Il y a une grosse différence. Moi, ce que je vois dans le temps d'écran, quand on parle que l'élève est actif devant un écran, admettons, faire de la recherche, faire de la rédaction pour taper un document, il y a quand même quelque chose, là, où il est actif, il fait travailler, je vais dire, ses neurones, versus être passif à un jeu vidéo, être juste sur du «chat», à... bon, ce qui n'est pas du tout la même chose que le travail, où il va peut-être, même, collaborer en travail d'équipe, dans Google Classroom, ou des choses comme ça. Donc, il y a... moi, je vois une différence, déjà là, entre ces deux choses-là.

À savoir est-ce que tout doit être regroupé ou divisé, je pense que ce serait les chercheurs, qui sont beaucoup mieux placés que nous pour le faire. Puis, d'une classe à l'autre, l'utilisation qui va être faite va être drastiquement différente en termes de temps d'utilisation. Une classe peut faire 30 minutes dans sa journée, alors que l'autre enseignante, qui est très numérique, qui a tous ses contenus en numérique, va peut-être faire deux heures, trois heures dans sa journée. Donc, c'est très variable, mais effectivement, ça a un impact au global, oui. Mais là, de dire est-ce qu'on le calcule ensemble ou pas, je laisserais les chercheurs se prononcer sur cet aspect-là.

M. Ciccone : Merci. Parce que plusieurs ont comme ligne de pensée : si on ne le sait pas encore, il faut rester plus prudents, il faut faire très, très attention.

Ceci dit, vous avez parlé de la socialisation, puis on le voit que c'est un problème, là. Puis plusieurs ont des enfants ici, puis on le voit, là, de nos yeux vu. Cependant, vous dites que certaines écoles ont des ateliers de prévention... et enseigner le comportement attendu aux élèves. Ils mettent en place des programmes de prévention ou de sensibilisation d'habiletés sociales. Ça fait que, là, on est obligés de mettre des programmes pour aider les enfants à socialiser puis... Mais vous, votre groupe, quand vous voyez qu'il y a... On est obligés de mettre ces programmes-là, puis dans d'autres écoles — vous voyez où je m'en viens, là, vous allez voir — on met des programmes de jeux vidéo, de «e-sports», qui vont accentuer le nombre d'heures et de temps passés sur des écrans, et c'est une problématique, puis les experts le disent, ce n'est pas le député de Marquette, là, où ça va créer de la dépendance. Comment vous réagissez à ça, vous?

Mme Michaud (Édith) : C'est certain que... C'est dur de comprendre comment les enfants, dans ces milieux-là, vont... Je ne sais pas comment, au niveau social, ces enfants-là vivent, mais je sais que moi, dans les... dans nos milieux, lorsqu'on parle de difficultés au niveau social, c'est certain qu'on doit agir en prévention énormément, ce qu'on n'avait pas à agir il y a quatre ou cinq ans. Donc, c'est certain que, depuis les dernières années, lorsqu'on parle d'enseigner les comportements qui sont attendus pour les petits de préscolaire, parfois, c'est un deux, trois mois où on doit intensifier nos actions, ce qu'on ne faisait pas avant, là. Donc, on a vraiment des programmes, vraiment, d'intensification de comportement pour les petits.

• (15 h 40) •

M. Ciccone : Dernière question. Je veux vous entendre sur un dossier qui m'est cher, là, la cyberintimidation et l'intimidation. À l'époque — je regarde messieurs, on est pas mal de la même génération — quand il y avait de l'intimidation, ça se faisait beaucoup face à face, hein, puis on... ça se passait dans la cour d'école, puis il y avait des adultes qui étaient là puis qui étaient capables, des fois, d'arrêter... puis travailler en amont, puis d'arrêter, justement, avant que ça aille trop loin. Là, aujourd'hui, ça se passe beaucoup sur les réseaux sociaux, et souvent, des fois, quand on va voir que des jeunes vont se colletailler ou ça va aller trop loin... mais c'est le résultat de ce qui s'est passé avant.

Quels éléments vous mettez en place pour, justement, éviter ou... peut-être même de s'assurer que ce genre de chose là arrête, à part juste la sensibilisation, là?

M. Bernier (André) : Effectivement, il faut aller plus loin qu'une sensibilisation. Il faut faire de l'éducation. Il faut... je ne veux pas prendre un terme anglais, mais c'est lui qui va sortir quand même, il faut coacher les parents aussi par rapport à ça. On met beaucoup de choses en place pour les supporter, des ateliers que... bon, là, je vais aller en sens contraire, mais des ateliers numériques, qu'on rend disponibles aux parents pour faciliter l'accès, où ils peuvent aller voir de la documentation pour se familiariser, quels types d'intervention ils peuvent faire. On les met en contact avec des gens qui peuvent les aider aussi, parce qu'il y a une forme de... il y a une deuxième vie qui se crée, là, pour certains élèves, où ils vivent par le numérique, et, justement, la cyberintimidation arrive dans cette portion-là, souvent, qui est la portion numérique. Donc, il faut accompagner les parents, puis, par la suite, il faut aussi accompagner les élèves, autant la personne qui subit que la personne qui le fait.

On a beaucoup d'enfants qui ne réalisent pas la portée de leurs propos quand ils sont en... je dis «des enfants», mais on a des adultes aussi... ne réalisent pas la portée de leurs propos une fois qu'ils sont en arrière d'un écran et d'un clavier. C'est comme si tout était permis. Donc, il y a beaucoup d'éducation à faire par rapport à ça, effectivement, pour prévenir toutes ces choses-là. La difficulté est aussi de faire affaire, des fois, avec des élèves qui ne sont même pas de notre école, puis qu'il y a une relation avec quelqu'un de notre école, et qu'on doit gérer, même si ça s'est passé à l'extérieur. Ça, ça devient très complexe dans notre rôle de direction d'école, là, des situations comme ça.

M. Ciccone : Merci beaucoup.

M. Ouellet (Carl) : Peut-être, en complément, il y a de plus en plus d'organismes aussi qui aident les écoles, policiers-éducateurs dans les écoles secondaires. Donc, on fait appel aussi aux ressources externes. Comme M. Bernier vient de dire, souvent... à certaines occasions, c'est des élèves qui viennent... qui ne proviennent même pas de la même école, donc il faut trouver un lien. On va chercher de l'aide à l'externe, là, pour se faire soutenir, comme direction, comme équipe aussi, là, dans cette gestion-là. C'est important pour nous, puis on est très heureux, là, justement, d'avoir ces gens-là avec nous, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, vous avez indiqué que, sur le cellulaire à l'école, c'est partagé. C'est ce que vous avez indiqué. Qu'est-ce que vous avez comme information sur vos membres qui sont contre le retrait total? Qu'est-ce qu'ils vous disent? Quelles sont les principales raisons?

M. Ouellet (Carl) : Je vous dirais que... C'est sûr que la gestion entre en ligne de compte, comment on va gérer ça dans nos écoles. Je prends une polyvalente de 3 000 élèves. Ce serait si simple d'installer 3 000 casiers à l'entrée, puis les jeunes laissent leurs cellulaires là, mais ce ne sera pas possible. C'est impossible. Physiquement parlant, je pense que ce serait impossible à faire. Les jeunes... On le voit, oui, les cellulaires dans les classes ne sont plus autorisés, mais il y a encore des jeunes... je vous l'annonce, là, je ne sais pas, là, mais il y a encore des jeunes qui arrivent avec leur cellulaire en classe. Alors, il y a une partie de gestion aussi, qui revient, principalement... Nous, on est plus en mode éducation. Apprenons à nos jeunes comment s'en servir, comment... à bien s'en servir. Si tu veux appeler ton parent ou si tu veux parler à ton ami, attends le midi, va... attends à l'extérieur, fais ça dans d'autres moments. Nous, on est vraiment en mode sensibilisation et éducation, là, pour nos jeunes.

M. Bérubé : Donc, vos membres ne sont pas nécessairement contre. C'est la gestion de ça, comment on fait en sorte de le gérer. Je me suis rendu dans une école de ma circonscription, puis, pour le téléphone en classe, en tout cas, des enseignants m'ont dit qu'eux l'acceptaient parce que, dans d'autres, ils ne l'acceptaient pas... On s'évite du trouble. Autrement dit, c'est dur à gérer. On va se faire détester à cause de ça. On va avoir à gérer des parents qui considèrent que leur enfant a besoin, plus qu'un autre, d'avoir son téléphone s'il arrivait quelque chose d'exceptionnel, où aucune ressource, dans l'école, ne pourrait intervenir, autre que le parent.

Tu sais, moi, à l'époque, là, il y avait garde Sainte-Marie, là, puis elle réglait pas mal tout. Tu sais, à la réception, là, elle t'appelait, puis, si tu avais un bobo, ou quoi que ce soit, tu avais de la peine, tu allais là, c'était réglé. Mais là, maintenant, ce n'est plus ça. Mais c'est pour ça que les raisons sont importantes, parce que, dans le chiffre, mettons, 40 %... vous avez peut-être évoqué un chiffre tout à l'heure, mais, si c'est 40 %, c'est parce qu'ils reconnaissent que c'est négatif. Mais c'est dur à gérer. Nous, on peut se questionner sur comment on le gère.

Évidemment, il y a différentes façons. Un conseil des ministres, c'est plus facile de prendre un téléphone puis de le mettre dans une pochette où on n'a pas accès. Une école complète, c'est autre chose. On n'est pas pour mettre un brouillard d'ondes non plus, parce qu'il y a des gens qui en ont besoin. Alors, ça fait partie aussi des réflexions qu'on va avoir. Qu'est-ce qu'est ce qu'on fait avec ça? Comment ça devient un objet qui n'est pas encouragé? Je vais le dire comme ça, ce n'est pas encouragé.

M. Ouellet (Carl) : Nous, on revient à la même chose, on pense que c'est à chaque école de gérer ça. Si les écoles prennent comme décision...

M. Bérubé : Ils pensent qu'ils peuvent le faire, oui.

M. Ouellet (Carl) : C'est parce qu'ils peuvent le faire. Et il y a des différences entre une école secondaire de 400, 500 élèves et une école de 3 000 élèves. Peut-être que c'est plus facile... ce dossier-là est peut-être plus facile à gérer dans ce type d'école là. Je lance ça comme ça, là, mais c'est plus comme ça qu'on le voit, là.

M. Bérubé : C'est très complexe. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Pour faire du pouce sur mon collègue, l'INSPQ a été vraiment clair ce matin. L'objectif, c'est vraiment de retarder l'usage, d'en limiter l'usage, de réduire l'usage et de réduire aussi les impacts. Dans une optique où on laisse le libre choix aux écoles, est-ce que vous pensez qu'on aura l'adhésion? Puis est-ce que vous pensez que ces objectifs-là pourraient être remplis, sachant ce que vous savez des problématiques qu'on vit présentement avec le temps d'écran et les impacts que ça a chez nos jeunes?

M. Ouellet (Carl) : Je ne suis pas sûr de saisir, là, la question. Est-ce que c'est possible, là, de...

La Présidente (Mme Dionne) : C'est-à-dire que, bon, on parle de réglementation nationale, là. Bon, on entend aussi qu'il y a des... une prise de décision qui peut... qui pourrait être faite dans les écoles elles-mêmes. Mais moi, je veux juste vous dire, tu sais, l'INSPQ est très clair, là, sur les objectifs, là, pour, justement, la santé et le bien-être de nos enfants, tu sais, de réduire le temps d'écran, d'en réduire les impacts.

Donc, dans un souci de réduire le temps d'écran et, justement, d'en réduire les impacts, est-ce que vous pensez que... si on ne légifère pas au niveau national, mais qu'on laisse les écoles se doter d'un plan, est-ce que vous pensez qu'on pourrait avoir... que ça pourrait être possible?

Mme Michaud (Édith) : ...c'est certain qu'on va avoir besoin d'aide. Si on fait du mur-à-mur, là, c'est sûr qu'on va besoin d'aide parce que notre mission première, en tant que direction d'école, c'est d'être des leaders pédagogiques, et non, tu sais, je veux dire, des polices de cellulaires, là. Donc, c'est certain qu'on va avoir besoin d'aide pour la gestion...

La Présidente (Mme Dionne) : Ça m'amenait justement, à une question, peut-être, d'application. Est-ce que ça pourrait être, peut-être, la responsabilité des parents, éventuelle, de dire à leurs enfants de laisser le cellulaire à la maison? Bref, on a... on se pose des questions.

M. Bernier (André) : Ça devrait déjà l'être.

Mme Michaud (Édith) : Exact.

La Présidente (Mme Dionne) : Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors, moi, je veux revenir sur votre document, bon, à la page... ici, alors, où vous dites... Bon, bien là, je suis d'accord avec vous pour la mission de l'école, que je connais bien. Ensuite, vous dites, bon : Nous, nous pensons que le parent doit jouer son rôle puis supporter l'école. Ça, ça me va aussi. C'est quand vous arrivez à la fin, puis je veux bien vous comprendre, quand vous dites, à la fin de ce paragraphe-là : «Bref, la mauvaise utilisation des appareils électroniques, et tout ce qui en découle — ça fait que votre phrase est très, très, très large — ne devrait pas faire partie du quotidien des directions et du personnel.»

Ce n'est pas difficile, ça, cette phrase-là? Moi, je pense... parce qu'il y a tellement de choses qui se passent là. Ça a été nommé par les collègues, là, tu sais, il y a de la cyberintimidation, donc, tout ce qui se passe en ligne, les enseignants qui sont filmés à leur insu, peu importe. Donc, je veux essayer de voir quel est votre esprit derrière cette phrase-là, parce que moi, je pense que c'est indissociable, là, de votre rôle maintenant, en 2024. Ça fait que je veux juste bien comprendre. Peut-être que je ne saisis pas bien.

M. Ouellet (Carl) : Ce qu'on vient dire, dans le fond, c'est que... On a demandé à nos directions combien de temps par semaine ils pouvaient mettre à faire de la gestion de mauvais contenus ou d'appareils. On parle entre deux et cinq heures par semaine. C'est pas mal généralisé dans... surtout au secondaire, là, je parle moins des écoles primaires.

Donc, ce qu'on disait, par cette phrase-là, c'est qu'avec toutes les autres difficultés qu'on a présentement, dans nos écoles, de pénurie de main-d'oeuvre, de lourdeur administrative, de gestion du personnel non légalement qualifié, c'est un deux à cinq heures qu'on pourrait être plus en leaders pédagogiques, en soutien à nos personnels, qu'en gestion. Bien souvent, cette gestion-là provient... comme M. Bernier disait, elle provient de l'extérieur. C'est des choses qui se passent à l'extérieur de l'école, qu'on doit gérer. Donc, c'est plus en ce sens-là qu'on l'a écrit.

Mme Tremblay : Qu'est-ce qu'on peut faire pour diminuer ce temps de gestion là qui est si grand? Est-ce que ça passe par la prévention, des balises comme l'interdiction de cellulaires en classe ou... là, plus largement, on a évoqué, aussi, dans toute l'école? Donc, pour vous, là, la solution numéro un, elle serait quoi, la première qu'on devrait prendre?

• (15 h 50) •

M. Ouellet (Carl) : Moi, je pense, la première, c'est de... auprès des parents pour qu'il y ait plus de promotion, de sensibilisation, outiller nos parents. C'est eux qui ont le rôle majeur, là, dans ce dossier-là, pour nous, en tout cas, pour la gestion des écrans. Ensuite, soutenir nos élèves. Nous, comme école aussi, on a besoin d'avoir des programmes, on a besoin d'avoir des outils pour que nos enseignants, nos personnels de soutien professionnel supportent nos écoles, aident nos élèves à savoir comment se servir d'appareils, comment s'en servir à bon escient. C'est ça qu'on veut, dans le fond, là. On ne veut pas bannir les cellulaires. Ce qu'on veut, c'est qu'ils s'en servent de façon responsable et adéquate, que ça serve quelque chose, au bout de la ligne, là.

Mme Tremblay : Oui. J'ai d'autres questions parce que... Je reviens à ça parce que je fais une référence avec ce que vous avez dit tantôt : Nous, on a une gradation, là... je n'ai pas la parole... tu sais, dès le jeune âge, on a un programme de mis en place. Donc, j'aimerais ça vous entendre dire... parce qu'on dit de plus en plus aussi... de dire : Bien, il faut vraiment, quand on utilise des technologies, qu'il y ait une plus-value. Donc, quand vous parliez, tantôt, de gradation, vous, est-ce que ça... est-ce qu'il y a de la prévention, là-dedans, de l'utilisation, ou c'est vraiment comme outils technologiques, à chaque année, que vous ajoutez une couche?

Mme Michaud (Édith) : ...les outils technologiques. On ne va pas dans les outils sociaux, là, dans le numérique, là...

Mme Tremblay : Mais est-ce que vous vous sentez interpelés par le fait, maintenant, qu'on dit de plus en plus, dans les études, que vraiment, là, il faut qu'il y ait vraiment une valeur ajoutée quand on utilise, vraiment, quelque chose... qu'on ne pourrait pas faire autrement. C'est presque ça que les experts sont venus nous dire, là, qu'on ne pourrait pas faire autrement en classe. Donc, il faut vraiment que ça ajoute quelque chose qu'on ne pourrait pas faire. C'est ce que les... certains semblent dire, là, aller dans cette direction-là. Est-ce que vous avez cette réflexion-là à l'heure actuelle?

M. Bernier (André) : Quand on parle de planification, au niveau du numérique, on parle de planification des compétences numériques, un développement de compétences. Donc, ça va être au niveau d'un comportement éthique dans l'utilisation du numérique, s'en servir à bon escient, qu'est-ce que j'ai de besoin, justement, comme outils technologiques, pour ajouter cette plus-value là. Il y a tout le processus, le SAMR, là, où on va aller voir, là... où il y en a que ça va être juste... on va refaire la même chose, à la place d'un crayon, on va avoir un clavier. On n'a aucun avantage à faire ça puis on va aller jusqu'à la création. Là, on va aller plus loin. Là, on a une plus-value.

Bien, tout ça fait partie de la planification numérique, qu'on commence dès le jeune âge, là, souvent à partir de la maternelle, où on va voir de très petites choses, mais on va commencer à conscientiser l'enfant. Puis il y a un développement qui se fait jusqu'au secondaire, Puis ces planifications-là existent quand même depuis plusieurs années. Par contre, elles sont à revoir parce que le numérique avance tellement rapidement que les planifications existantes, là, ne sont plus... souvent, plus à jour, là, versus les outils qui existent maintenant.

Mme Tremblay : Vous avez dit «SAMR». Est-ce que j'ai bien entendu?

M. Bernier (André) : Oui.

Mme Tremblay : J'ai une dernière question. Ça concerne l'intelligence, donc, artificielle. Donc, vous dites qu'on... Bon, on ne l'aborde pas en profondeur ici, dans la commission, mais quels sont vos enjeux? C'est quoi, vos... à l'heure actuelle, là, vous voyez dans les écoles, là, primaires, secondaires, au niveau de l'intelligence artificielle?

M. Ouellet (Carl) : Ça va très vite. Je vais vous dire, pour nous, ça va très vite. On en entendait plus parler au niveau universitaire, collégial, hein, dans les dernières années, mais au secondaire, je vous dirais que... tout ce qui est tricherie, tout ce qui est déformation de propos. Les jeunes sont capables d'enregistrer les propos d'un enseignant, avec la voix, ils sont capables de lui faire dire à peu près n'importe quoi. Donc, ça, c'est venu très vite et ce qu'on demande, c'est, premièrement, d'avoir de l'information. On est peu informés, dans les écoles, sur l'intelligence artificielle. Certains centres de services... Nous, comme association, nous le faisons pour nos membres. C'est fait à l'échelle locale. Moi, je pense que le gouvernement a comme une responsabilité là-dedans, le ministère de l'Éducation a une responsabilité, justement, d'offrir... de former les gens, le personnel scolaire, d'informer, pour commencer, et de former. On s'attend à ça.

Et on a été, comme on l'a dit dans notre mémoire, là, un peu déçus de voir que, dans le document, on en faisait peu mention, de tout le volet intelligence artificielle. Et pour nous, là, ça va être pire avec les années. Les jeunes savent de plus en plus comment s'en servir, et nous, on a un peu de retard, on est moins vite qu'eux autres là-dessus. Donc, on veut être supportés là-dedans.

Mme Tremblay : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents avec nous aujourd'hui. Sur les programmes que vous mettez en place, donc, vous dites, donc... la gestion des situations conflictuelles, donc, qui doit se faire, vous concevez des ateliers de prévention, vous mettez en place des programmes de prévention et de sensibilisation, d'habiletés sociales. C'est une à cinq heures de temps par semaine pour gérer les situations de cyberintimidation. Est-ce que vous diriez que l'omniprésence des écrans contribue à la lourdeur de la tâche des professionnels de l'éducation?

M. Bernier (André) : Je dirais que la présence et l'utilisation non adéquate entraînent une lourdeur. Si on avait uniquement une utilisation adéquate, pédagogique, avec une plus-value, on ne serait pas dans cette situation-là. Enlevons les Facebook, les TikTok, les... bon, on aurait beaucoup moins de... Ce n'est pas Word ou Google Docs, là, qui va entraîner, là, des problématiques de comportement. C'est réellement tout ce qui se passe en termes de médias sociaux, d'environnements non structurés, où tout peut se passer. Ils peuvent voir des tonnes de choses qu'ils ne devraient pas voir. C'est beaucoup plus ça qui a un impact sur le rôle et le travail des professionnels que le fait d'utiliser Google Classroom ou telle autre chose, où il n'y a à peu près rien, là, de néfaste qui va se passer, là, sur ces plateformes-là. C'est là, je pense, la grosse différence, là.

Mme Cadet : Puis bien, justement, vous venez de le mentionner, donc, pour vous, donc, il y a une utilisation adéquate des écrans. Donc, celle qui est à des fins pédagogiques, donc, peut l'être, celle qui est à des fins, donc, récréatives, qui se passe de façon périphérique, à l'école, mais qui s'insère, donc, dans vos milieux de travail... Donc, celle-ci, vous marquez la ligne là. Donc, c'est clair, donc, que vous êtes pour l'utilisation des technologies pédagogiques.

Un autre groupe est venu nous dire que, pour eux, c'est important que l'école, donc, ne fabrique pas des analphabètes numériques. Est-ce que vous partagez cet avis?

M. Ouellet (Carl) : ...montrer à nos jeunes comment s'en servir. C'est un outil. Ils vont travailler avec ça, hein? Nos futures générations vont travailler, la plupart, avec des outils technologiques, donc c'est important de les éduquer, de les sensibiliser et de développer cette compétence-là aussi. C'est très important, au primaire ou au secondaire aussi, là.

M. Bernier (André) : Je compléterais... Ça fait partie des compétences du XXIe siècle. On les forme à des métiers qui n'existent pas encore à ce jour, donc on ne peut pas passer à côté de ça. On parlait de l'intelligence artificielle. C'est la même chose. Si on ne les éduque pas, on va créer des analphabètes numériques, qui ne seront pas capables d'utiliser ces technologies-là dans l'avenir. Puis ils vont en avoir besoin, assurément, comme M. Ouellet disait.

Mme Cadet : Dernière question. Sur le plan linguistique, donc, vous dites que les... vous observez que les acquis langagiers des élèves sont moins importants qu'il y a quelques années puis qu'il y a plus de disparité entre les milieux défavorisés et les milieux non défavorisés. Je comprends que c'est, pour le moment, donc, anecdotique ou pas... peu documenté. J'aimerais donc vous entendre sur ce point-là, sur les acquis langagiers en particulier, parce qu'on a plus entendu les experts nous parler des défis au niveau comportemental.

Mme Michaud (Édith) : C'était une expérience personnelle, parce qu'auparavant j'étais directrice dans une école où l'indice de défavorisation était de 10, et maintenant, après-COVID, je suis maintenant directrice dans une école où l'indice de défavorisation est de 2. Puis j'ai... au niveau du langage de mes élèves, au niveau préscolaire, j'observe vraiment une augmentation du nombre d'élèves qui ont des troubles langagiers et qui ont de la difficulté à s'exprimer pour des demandes simples, là, qui font des phrases de deux, trois mots, qu'on a de la difficulté à comprendre lorsqu'ils s'expriment. Puis, par la suite, c'est là qu'on voit qu'il y a des... ils ont des difficultés au niveau de toute la gestion des émotions, les conflits dans la cour de récréation. Donc, c'est pour ça, là, qu'on doit mettre en...

Mme Cadet : ...avec les écrans, indépendamment de s'ils viennent de... proviennent de CPE ou pas, là, avant d'arriver au préscolaire.

Mme Michaud (Édith) : Bien, ça pourrait, là. C'est sûr qu'on ne peut pas... on ne sait pas ce qui s'est passé dans les maisons à ce moment-là, est-ce qu'ils ont été en contact avec les écrans. Mais on peut supposer, peut-être, que ça a un impact, là.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : J'aimerais revenir, Mme la Présidente, sur la question de l'intelligence artificielle. Vous avez fait état de votre surprise à l'effet que c'est plus ou moins abordé dans le cadre de nos travaux, de cette commission-ci. Ceci dit, on est très conscients que la question de l'intelligence artificielle va à vitesse grand V, est déjà bien implantée. Et on voit le développement des nouvelles générations de téléphones intelligents, où cette capacité-là est présente. Donc, ce n'est plus, là, aller... ce n'est plus un complément, ce n'est plus un ajout. C'est partie prenante, hein, intégrante de la chose.

À partir du moment où on... Et ce que je comprends de votre position, c'est que vous êtes favorables à l'usage, en termes pédagogiques, des technologies numériques. Est-ce que vous croyez qu'on peut faire des gains là qui seront favorables pour nos jeunes? Nonobstant le fait que, quelque part, oui, ça facilite, oui, ça amène une vitesse aussi en termes de data, hein, de possibilité de mettre des datas, voyez-vous, dans cette avenue-là, des gains, ou vous êtes plutôt du côté... comment vous dire, là... vous craignez la place de l'intelligence artificielle dans la vie de nos jeunes puis, de plus en plus rapidement, dans nos écoles?

• (16 heures) •

M. Ouellet (Carl) : Non. Encore une fois, on ne craint pas, on veut sensibiliser, on veut former. C'est ce qu'on veut pour nos jeunes. On ne peut pas... vous l'avez bien dit, là, on ne peut pas l'ignorer, là, on ne peut pas passer à côté de ça. Comme école, comme institution, on doit éduquer ces jeunes à l'intelligence artificielle. C'est pour ça, justement, qu'on en a fait mention, là, dans notre mémoire, qu'on trouvait que ça n'avait pas été assez abordé, mais on va vivre avec ça. On l'a dit précédemment, on va vivre avec ça. Si ça a une plus-value, il faut justement aller de l'avant, il faut le démontrer, il faut le montrer à nos élèves, comment ça fonctionne. On ne peut pas s'arrêter à ça, là, sinon on va se faire engloutir par l'intelligence.

La Présidente (Mme Dionne) : En 30 secondes, M. le député.

M. Sainte-Croix : Vous êtes conscients que, tu sais, c'est comme tout nouveau, malgré, là, la récente évolution, mais c'est comme tout nouveau dans le portrait du numérique. Est-ce que vous jugez qu'on a suffisamment de recul et de compétences, au niveau de l'intelligence artificielle, pour commencer dès à présent à faire un usage intelligent et pédagogique de ça? Voyez-vous déjà des outils qui en tiennent compte dans votre... dans vos réalités, là, de pédagogue?

La Présidente (Mme Dionne) : Je vais devoir vous faire répondre par oui et non. Le temps est écoulé.

M. Bernier (André) : Oui.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour votre contribution à nos travaux.

Donc, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 16 h 02)

(Reprise à 16 h 06)

La Présidente (Mme Dionne) : ...reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec. Alors, bonjour et bienvenue à cette commission.

Donc, je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Et, suite à cela, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Regroupement des comités de parents
autonomes du Québec (RCPAQ)

M. Martel (Sylvain) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour aux membres de la commission. Je vous remercie de l'invitation. Je suis Sylvain Martel, conseiller stratégique pour le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec. Je suis un parent engagé depuis une douzaine d'années dans la gouvernance scolaire et je suis accompagné de Marie Pier Bessette, qui est conseillère au développement organisationnel chez nous, mais aussi présidente du comité de parents du centre de services des Chênes, et de François Paquet qui est conseiller à l'engagement parental, et qui a une très longue expérience d'engagement parental dans le milieu scolaire, et qui forme chez nous toute une nouvelle génération de parents engagés.

Comme on représente les parents francophones et anglophones d'environ 200 000 élèves québécois, on a limité la portée de notre mémoire au milieu scolaire. D'abord, ce qu'on voudrait dire, c'est que le groupe le plus important que cette commission aura à entendre et surtout à écouter, ce sont nos enfants. L'usage des technologies chez nos enfants, leurs référents, leurs repères, les modèles sont parfois difficilement saisissables pour les parents, mais c'est leur monde qu'on veut comprendre et baliser. On vous demande de garder un esprit ouvert et d'imaginer, autant qu'on puisse le faire, la présence et l'impact des technologies numériques dans leur vie d'adulte dans 10, 20, 30 ans.

Quand on a demandé aux parents où se situait la responsabilité d'une éducation numérique entre les parents et l'école, la grande majorité nous ont mentionné qu'il s'agissait d'une responsabilité partagée, avec une certaine propension vers la responsabilité familiale. Pratiquement personne ne considérait que c'était une responsabilité exclusive de l'école. Les parents souhaitent une collaboration avec les équipes-écoles afin de bien outiller leurs enfants et de les rendre autonomes dans leur vie numérique, mais il faut les aider aussi, les parents, puisqu'eux-mêmes ont des enjeux à gérer de façon saine leurs habitudes numériques.

Un des moyens qu'on suggère, c'est d'assurer l'exemplarité de l'État en termes de vie numérique saine dans les milieux scolaires. Pour y arriver, il faut préalablement définir les usages acceptables des technologies numériques à l'école et clairement préciser le vocabulaire utilisé afin d'être plus précis que simplement les écrans ou les médias sociaux pour définir tous les outils, tous les usages, tous les contenus, tous les contextes, sans aucune distinction ou nuance.

On vous recommande aussi de mettre beaucoup de poids sur la capacité réelle de mise en oeuvre des moyens que vous proposerez. Il semble y avoir un consensus pour des mesures et des actions, mais si elles ne sont pas applicables sur le terrain, vos éventuelles propositions et conclusions resteront inutiles.

• (16 h 10) •

Mme Bessette (Marie Pier) : Comme parents, nous connaissons et observons de façon quotidienne à quel point les technologies numériques influencent nos enfants. Nous sommes bien placés pour illustrer certaines problématiques bien concrètes et précises. La problématique la plus fréquemment soulevée par les parents sont les outils numériques utilisés comme gardiens de nos enfants ou encore offerts à titre de récompense. Il est important d'être sensibilisé aux conséquences de ces pratiques sur nos enfants qui sont malheureusement devenues banales et trop courantes dans nos écoles.

En accoutumant un enfant à recevoir du contenu numérique comme une récompense ou une solution pour qu'il reste calme, nous risquons qu'il développe des habitudes qui vont affecter son développement émotionnel, social et cognitif. Nous croyons donc qu'il serait bon de faire une compensation, de façon systématique, du temps d'utilisation des outils numériques par les élèves à l'école, par exemple, par des activités de socialisation ou des activités physiques, pour mieux balancer l'exposition aux technologies numériques en milieu scolaire. Même si des encadrements apparaissent nécessaires, le RCPAQ veut souligner sa confiance envers la créativité et l'expertise du personnel scolaire et des services de garde pour proposer des alternatives sans l'implication d'un outil numérique.

Le temps d'utilisation des technologies numériques à l'école s'additionne à celui de à la maison. Afin que les parents puissent faire des choix éclairés, informés et précis dans leur gestion numérique familiale, un rapport sur l'utilisation des outils numériques par les élèves devrait être systématiquement envoyé aux parents. Seulement 4 % des parents se considèrent adéquatement informés sur l'utilisation des technologies numériques à l'école, et, lorsqu'ils obtiennent de l'information, 70 % des parents la reçoivent de leur propre enfant. Nous avons clairement besoin d'une collaboration plus serrée entre l'école et les parents et donc d'un partage d'informations périodiquement détaillées.

Nous avons vu votre intérêt pour la question des cellulaires à l'école lors de témoignages précédents. Sachez que nous considérons qu'il s'agit d'un seul morceau d'un très grand casse-tête qu'est la vie numérique en contexte scolaire. La directive ministérielle actuelle nous satisfait parce qu'elle permet au milieu d'aller plus loin si le besoin ou la volonté se manifeste. D'ailleurs, le succès du plan de rattrapage du début de l'année est une excellente démonstration de l'efficacité de donner aux instances locales la latitude d'adapter la mise en oeuvre des grandes orientations à leur propre réalité et de prendre des décisions adaptées aux situations de leur milieu.

Les centres de services scolaires et commissions scolaires ont déjà des comités de parents et les écoles ont déjà leur commission... leur conseil d'établissement où siègent des parents élus pour travailler avec les équipes-écoles et prendre des décisions, des moyens locaux en collaboration avec les parents. Nous n'en avons... nous n'avons qu'à nous en servir.

M. Paquet (François) : Les conseils d'établissement ont déjà les mandats d'approuver les activités éducatives, d'organiser les activités parascolaires, d'approuver les codes de vie. Ils sont aussi appelés à commenter le programme d'activités du service de garde en milieu scolaire. Ce serait logique qu'ils approuvent les activités qui ne sont pas pédagogiques, faites avec un outil numérique. De plus, inclure ce genre d'activités dans la programmation des activités éducatives du service de garde permettrait aux parents d'en être informés et de pouvoir donner leur avis. Mais surtout, on devrait donner à ces conseils d'établissement le pouvoir de décider du détail de l'application et de la portée de toute mesure concernant l'utilisation des technologies numériques par les élèves.

Les conseils d'établissement sont les mieux placés pour définir et adapter, selon leur milieu, des orientations qu'on prendrait au niveau national. Et ils sont aussi les mieux placés pour faire un état de situation périodique, une responsabilité qu'on pourrait aussi leur attribuer.

Pour être certain que la collaboration avec les parents est complète, il faudrait rendre obligatoire la consultation des comités de parents par les centres de services scolaires, les commissions scolaires, sur toute mesure ou politique qu'ils mettent en place concernant l'utilisation par des élèves des technologies numériques en milieu scolaire. Dans tous ces cas, il faut s'assurer que ces pouvoirs et responsabilités soient respectés.

Je m'implique et je soutiens les parents depuis 28 ans et je constate trop souvent que le respect de la loi en gouvernance scolaire, malheureusement, c'est à géométrie très variable.

M. Martel (Sylvain) : D'autres groupes, par exemple, nos partenaires des directions d'école et enseignants vous diront que certaines de nos recommandations relèvent de leur expertise et responsabilités. Nos recommandations sont faites dans un esprit de collaboration et ne sont que des propositions qui reflètent le contexte actuel de vie numérique en milieu scolaire. Ce contexte change rapidement et en profondeur, on le sait tous, on le vit tous. Mais notre réseau scolaire roule encore sur des bases établies dans les années 60 alors que plusieurs d'entre nous n'étaient même pas nés. L'adaptation à la vie numérique que doit faire notre système d'éducation est une occasion parfaite de réfléchir collectivement sur comment rénover ces bases et bien les asseoir dans la réalité actuelle et assurer leur pertinence pour les années à venir.

Une grande réflexion collective sur l'éducation est nécessaire pour savoir où on est, où on veut et où on peut aller et trouver des consensus pour y arriver. C'est vous, parlementaires, qui détenez les clés d'un tel chantier. Et pour le bien-être et la réussite de nos enfants et aussi de nos petits-enfants, parce qu'on regarde plus loin en avant, c'est une idée que vous devriez porter dès maintenant. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour cet exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, bonjour à vous trois. Très heureux de vous avoir aujourd'hui. Vous êtes Regroupement des comités de parents, alors vous parlez pour les parents. Quelle est la responsabilité des parents dans tout ça? On peut parler des établissements scolaires qui ont leur responsabilité, puis ce n'est pas ici de pointer le doigt à personne, là, tout le monde a une part de responsabilité. Mais, si on commence dès la naissance de l'enfant, souvent, le premier qui met un outil numérique dans les mains d'un enfant, c'est le parent. Quel est le rôle du parent dans ça?

M. Martel (Sylvain) : Bien, nous, quand on a demandé aux parents, comme je disais tantôt, c'est une responsabilité partagée, puis là on parle en milieu scolaire, c'est une responsabilité partagée. Puis pourquoi c'est partagé? C'est parce que nos enfants passent, si on ajoute le service de garde et tout ça, ils passent une grande partie de la semaine à l'école. Donc, il y a un bout où on ne contrôle pas.

C'est pour ça que nous, on a besoin de l'information. Quand on nous dit : Il faut gérer le temps d'exposition à ce qu'on appelle les écrans, là, qu'on trouvait peut-être un peu trop général, mais il faut gérer ce temps d'exposition là, puis qu'on ne sait pas quel a été le temps à l'école, bien, c'est dur de le gérer chez nous. Puis les parents sont... font une modulation, hein, de l'usage des technologies numériques par leurs enfants, c'est-à-dire que, selon le contexte, selon le contenu, ils vont permettre un peu plus, un peu moins, journée de congé le lendemain, bon, il pleut, tu ne peux pas... ta pratique de soccer est annulée, bon, il y a une modulation, puis c'est normal, puis c'est correct. Mais il y a un grand bout où est-ce qu'on ne sait pas ce qui se passe, et ça nous prend cette information-là pour être capable de bien prendre les décisions à la maison.

Donc, c'est pour ça que nous, on demande qu'il y ait un échange d'information systématique, là, c'est-à-dire que... Puis là je ne parle pas de dire : 17,4 minutes, là, aujourd'hui, devant l'écran, là, ce n'est pas... juste une idée, parce qu'on n'en a pas. Il y a 4 % des parents qui nous ont dit : On sait ce qui se passe à l'école en termes de technologie numérique. Le reste, c'était : J'ai peu de détails, je n'ai pas de détails, je n'en ai pas souvent. Puis 70 % nous disent : C'est nos enfants qui nous le disent. Donc, il faut...

Donc, c'est une responsabilité partagée. Bien sûr, il y a une grande partie de la responsabilité qui va du côté des parents, les parents le reconnaissent eux-mêmes. Comme je disais tantôt, il n'y a personne qui trouve que c'est une responsabilité de l'école, donc, mais il faut collaborer de façon plus... plus proche, parce que nous, on est dans... en fait, il y a un grand bout qu'on ne voit pas, là.

M. Ciccone : Oui, puis je vous comprends, parce que je vois une statistique que vous avez mise dans votre mémoire, là, que 93 % des parents exercent une forme ou une autre de contrôle de technologie. Honnêtement, c'est surprenant, avec les chiffres qui sont démesurés, démesurés sur le temps d'écran, là, de nos jeunes. Puis la problématique qui vient avec ça, même si on n'a pas toutes les données puis que c'est allé... la technologie est allée trop vite pour la science, là, pour être capable d'avoir... faire la recherche, là, nos jeunes, ça ne va pas nécessairement bien avec les écrans, là. Puis il y a 93 % des gens... des parents que vous avez consultés, ils disent qu'eux autres ont un contrôle... Est-ce que le contrôle parental est bon?

M. Martel (Sylvain) : Il y en a que c'est accès à Internet, accès à l'appareil, contrôler les contenus qu'ils peuvent voir, donc, puis des fois c'est un amalgame aussi de toutes ces stratégies-là, là.

Mme Bessette (Marie Pier) : Mais, si je peux me permettre, un contrôle parental ne veut pas nécessairement dire qu'il respecte les normes de la santé publique. Ils exercent un contrôle parental qu'ils jugent adéquat. C'est ce que les parents nous disent.

M. Ciccone : O.K. Avec ce qu'ils savent, avec l'information qu'ils ont.

Mme Bessette (Marie Pier) : Exact, avec l'information qu'ils ont, les connaissances qu'ils ont. Il y a encore de l'éducation aux parents à faire, mais, avec les connaissances et l'éducation qu'ils ont, ils exercent un contrôle parental.

M. Ciccone : Merci de le préciser.

M. Martel (Sylvain) : Il y a un peu moins que la moitié qui ont été prêts à avouer qu'ils savaient que leurs enfants contournaient les restrictions. Donc, il y en a probablement plus, parce qu'il y en a qui ne veulent pas l'avouer,puis il y en a qui peut-être ne le voient pas.

M. Ciccone : J'ai vu que oui... j'ai vu qu'il y avait 42 % qui l'ont dit. En terminant, je veux laisser le temps à mes autres collègues aussi, vous avez terminé en disant : Nous détenons la clé, nous, les parlementaires, le législateur. Est-ce que c'est le législateur, le gouvernement qui doit régler toute cette problématique-là? Parce que c'est une donnée... Parce qu'il y a quelqu'un qui doit être courageux, là, il y a quelqu'un... parce qu'on a entendu beaucoup de groupes dire : Les établissements scolaires... Non, non, réglez ça. On a parlé à un ancien député de l'Angleterre, où son milieu lui disait : Non, non, faites une législation, parce que nous autres, on ne veut pas avoir cette pression-là, prenez la décision, on ne veut pas... On a entendu également, avant vous, quelqu'un qui disait : Non, non, la classe, moi, je laisse rentrer le cellulaire quand même dans ma classe, parce que je ne veux pas avoir de problème avec mes... Ça fait que qui doit être courageux là-dedans?

• (16 h 20) •

M. Martel (Sylvain) : Bien, je vais commencer par vous répondre puis, après ça, préciser de quelle clé on parle.

En fait, nous, ce qu'on pense, c'est que le gouvernement devrait mettre les grandes orientations, puis les moyens devraient revenir dans les milieux, c'est-à-dire soit les centres de services scolaires dans certains... pour certaines mesures, soit les conseils d'établissement. Maintenant, quand on parlait de : Vous détenez la clé, c'était surtout sur une grande réflexion en profondeur sur notre système d'éducation, parce qu'on est à un moment charnière, on le voit bien, là. La technologie numérique vient chambouler plein de choses qui n'ont pas bougé depuis des décennies, là. Et donc je pense que, si on commence à vouloir enseigner à nos jeunes à devenir des citoyens numériques sains, et en santé, et heureux, on ne peut pas encore rajouter ça à l'école. Il y en a... à tous les six mois, on rajoute quelque chose dans l'école puis on n'enlève jamais rien. Donc, à un moment donné, ça n'arrive plus, là, ça... Il faut absolument...

M. Ciccone : Est-ce que vos parents ont peur pour leurs enfants, pour leur avenir?

M. Martel (Sylvain) : Ce n'est pas une question qu'on a posée, mais je... en fait, moi, je pense... ce qu'on entend beaucoup, les parents ont confiance en leurs enfants. Ça fait que... est-ce qu'ils ont peur? Je pense qu'il y a une... Ils ne comprennent peut-être pas. C'est dur de comprendre c'est quoi, l'intérêt de regarder quelqu'un en live sur YouTube en train de jouer à un jeu vidéo. C'est dur de comprendre l'intérêt. Pour moi, c'est dur de comprendre l'intérêt, mais il y a un intérêt. Puis c'est pour ça qu'on vous invite à aller parler à nos enfants, parce qu'ils vont vous l'expliquer. Il y a certainement un intérêt, là, ils sont des millions, en même temps, à regarder quelqu'un jouer à un jeu vidéo. Ça fait que...

M. Ciccone : Merci beaucoup.

M. Paquet (François) : Si je peux me permettre, quand on dit que... chacun des milieux, c'est que la situation est différente. Qu'on soit à Amqui, à Arvida, à ville LaSalle ou à Hochelaga, Hochelaga-Maisonneuve, la situation peut être différente d'une école à l'autre, la socialisation va être différente. Ça fait que chacun des milieux peut décider que... du type d'encadrement qui est nécessaire dans leur milieu, puis ça, c'est le conseil d'établissement qui pourrait le faire. Puis le conseil d'établissement, on dit, c'est... il y a des parents, mais il y a l'équipe-école aussi, O.K.? Puis les parents qui sont là, ce n'est pas juste des parents, ils ont tous un cerveau, là, puis ils sont tous sensibilisés, beaucoup plus que les parents qui ne s'impliquent pas.

M. Ciccone : Vous voulez du sur-mesure?

M. Paquet (François) : Hein?

M. Ciccone : Vous voulez du sur-mesure?

M. Paquet (François) : Bien, pas du sur-mesure, des balises nationales, mais chaque conseil d'établissement peut décider de la façon de les appliquer.

M. Ciccone : Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Oui, bonjour. Bonjour. Juste une petite parenthèse, j'ai adoré l'image sur le dessus de votre mémoire, où est-ce qu'on voit un jeune, là, capté par l'écran puis une belle nature derrière. Je trouvais que c'était une image très forte. Bref, je voulais vous en faire part.

Je veux simplement que vous nous alimentiez plus, peut-être, sur le moyen. On vient de l'entendre, les grandes orientations, mais ça... qui, après ça, pourraient revenir plus au niveau local : prise de décision, comité de parents, conseil d'établissement. Mais où c'est que je veux vraiment vous entendre pour nous alimenter, c'est qu'on a entendu beaucoup de gens venir s'exprimer, mais votre statistique est un peu éloquente, sur le 4 % de parents qui disent : Bien, moi, je le sais à peu près, 4 %, je le sais à peu près qu'est-ce qui se passe au niveau de la technologie dans la classe. Moi, ça me chamboule quand même, je trouve ça... je trouve qu'il y a quelque chose d'alarmant, puis c'est pour ça que je veux vous donner le... je veux vous entendre, parce que ça veut dire qu'il y a une communication qui est ébranlée. Il y a une communication qui ne se fait pas entre qu'est-ce que je fais en heures de classe avec les technologies, et, quand je reviens à la maison à 15 heures, 15 h 30, je te permets des choses parce que je ne sais pas ou je sais peu comment tu as utilisé l'appareil.

Alors, ma question, c'est plus le moyen, piste de solution pour rétablir cette communication-là, ce sentiment qu'on travaille tous ensemble parce que c'est une responsabilité partagée. Vous nous proposez quoi?

Mme Bessette (Marie Pier) : Bien, en fait, je pense qu'il faut tout simplement commencer par ouvrir ce canal de communication là, là. Je pense que les équipes-écoles, à tort ou à raison, vont cacher l'usage du numérique, parce que je ne pense pas qu'il y ait un prof qui est fier de dire : Bien, aujourd'hui, j'étais absent, ça fait que j'ai dit à ma remplaçante : Mets un film, puis ça va faire la job ou c'est vendredi puis peu importe. Ça fait que je ne pense pas qu'il y ait un prof qui va aller le crier sur les toits, ça. Je pense qu'on met les écrans, comme on disait au début, là, tous dans le même panier, là. On ne fait pas le discernement entre les usages ludiques et pédagogiques où il devrait y avoir... Tu sais, il ne faudrait pas que les profs aient peur, de se cacher, de dire : Bien, aujourd'hui, on a travaillé sur Netmath, puis mes élèves ont vraiment avancé, puis ils ont vraiment appris. Mais ça reste du temps d'écran. Moi, il faut que je le sache comme maman. Mais il y a cette peur-là de dire : Si je dis qu'on a travaillé sur des tablettes, il y a des parents qui vont se ramasser dans ma classe puis qui vont me tomber dans la face parce que, là, on a écouté... un écran.

Ça fait qu'il faut vraiment, là, que ça devienne très... baliser qu'est-ce qui est un usage pédagogique et qu'est-ce qui est un usage ludique, qu'on vienne mettre des balises sur l'usage ludique. Bien, c'est correct que toute l'école se rassemble dans le gymnase, une fois par année, pour écouter un film, parce que c'est un événement, mais ce n'est pas normal qu'on fasse ça à... célébration classe à tous les mois dans la classe. Tu sais, il y a des usages comme ça qui devraient être balisés, mais pas nécessairement l'usage pédagogique. Il n'y a pas un parent qui nous ont dit : Aïe! moi, je ne veux pas que mon enfant apprenne à utiliser un ordinateur. Mais ça reste du temps d'écran qui tourne dans le compteur, puis il faut que moi, en tant que maman, je sois capable de le moduler à la maison, ce temps d'écran là, parce que mon jeune l'a réellement fait.

Ça fait qu'il faut qu'on le nomme, et ça, ça commence par la bonne communication entre les équipes-écoles. Puis là, présentement, là, on dirait qu'on fait ça en cachette, en dessous de la couverte, parce que c'est tout dans le même melting-pot si c'est pertinent, pédagogique, ludique ou pas, là. Puis je parle des écoles, mais je vais repiler sur les services de garde aussi, là, parce que beaucoup d'enfants passent une partie de leur journée au service de garde. Ça fait que si, au service de garde le matin, ils ont fait du temps d'écran, que l'enseignant fait du Netmath dans sa journée, que le soir aussi, c'est une autre éducatrice au service de garde, elle ne sait pas ce qu'il a fait le matin, elle refait du temps d'écran, bien, peut-être que mon quatre ans qui est en préscolaire, là, peut-être qu'il a déjà dépassé son... Bien là, j'ai dit Netmath, en préscolaire, peut-être pas, mais, tu sais, il a peut-être déjà dépassé son deux heures, mon quatre ans. Puis là, moi, il arrive à la maison, je veux faire le souper, je mets la télé une demi-heure en me disant : Je vais être capable de faire le souper, mais je n'ai aucune idée, moi, de qu'est-ce qui s'est fait toute la journée. Ça fait que c'est important, là, que ça, ça vienne s'arrimer, là.

M. Martel (Sylvain) : Je pense que la meilleure illustration de ce fait-là, c'est que c'est les enfants qui nous informent, hein, ce n'est pas l'école. 12 % des parents reçoivent de l'information de l'école, disent que c'est de l'école qu'ils reçoivent de l'information. Sinon, c'est d'autres parents, par la bande, en allant au service de garde chercher son enfant puis le découvrant devant l'écran en train de regarder le même film pour la sixième fois depuis le début de l'année.

Mme Bessette (Marie Pier) : Puis j'ajouterais que ce n'est pas juste primaire, là. On parle beaucoup de cellulaire au secondaire, là, mais c'est quand même choquant de savoir qu'il s'écoute des films beaucoup au secondaire aussi, là. Ça fait que, tu sais, on vise le primaire sur les films, on dirait qu'on met cellulaire au secondaire, mais il y a du vice versa des deux côtés, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay (Hull) : Oui. Alors, je cherche vos recommandations. Ah oui! je les ai, juste ici. Il y en a une qui me questionne quand même beaucoup, là : envoyer systématiquement aux parents un rapport détaillé sur l'utilisation des technologies numériques à l'école et en service de garde.

Je ne sais pas c'est quoi, vos attentes, là, mais moi, je m'imagine, là, au secondaire, un élève a en moyenne neuf profs, O.K.? Chaque prof peut avoir jusqu'à, tu sais, 200 élèves, mais là tu compiles, mais chaque élève a... La possibilité d'horaires est tellement différente. Comment qu'on fait pour... Bon, chaque prof envoie à la direction son utilisation d'écran quotidien, la direction compile ça, mais là la direction a à peu près 700 élèves sous elle. C'est quoi, vos attentes qui seraient réalistes en lien avec cette utilisation-là des technologies dans l'école? Parce que je vois mal, à ce stade-ci, sans alourdir la tâche... parce qu'ils sont venus nous dire que tantôt, la gestion, là, de tout ce qui est technologie dans les écoles, ça leur prend... les directions d'école sont venues nous dire ça, là, deux à cinq heures par semaine puis que c'est trop, parce qu'ils sont débordés par autre chose, la mission de l'école puis plein d'autres situations. Donc, comment ça pourrait se faire sans alourdir, de façon importante, la tâche de tous, le personnel?

M. Martel (Sylvain) : Bien, écoutez, on a quand même un détail, un peu, de ce que nos enfants font en classe. On reçoit, via l'agenda, des fois, qu'est-ce qu'ils ont fait, qu'est-ce qu'ils ont à faire. Il y a une communication qui se fait entre les classes et les parents. Donc, nous, quand on demande que ce soit détaillé, comme je disais tantôt, ce n'est pas nécessairement à la seconde près, mais c'est pour être capable... parce qu'on le voit bien, là, on se fait dire, comme parents, par la Santé publique ou des chercheurs en santé publique à tout le moins : Il faut absolument limiter ce temps-là. Mais pendant six, sept, huit heures par jour, mon enfant, je ne le sais pas, ce qu'il fait.

• (16 h 30) •

Donc, comment ça s'applique? Écoutez, je vais vous avouer que dans toutes nos recommandations, c'est peut-être la plus complexe, parce que, là, on joue dans le carré de sable des directions et des enseignants et... Mais, en fait, ce qu'on exprime, c'est surtout le besoin de le savoir. Au moins, si moi, je sais que mon enfant, en moyenne, passe quatre heures par semaine à faire de l'ordinateur dans son cours de français, bien, au moins, je le sais, au moins, je suis capable de me dire : Bon, des fois, ça va être plus, des fois, ça va être moins, mais j'ai une base. Là, je n'ai rien, je pars de rien. Donc, il faut absolument qu'il y ait cette communication-là.

C'est sûr que, si on voulait avoir une information extrêmement... tu sais, on n'est pas obligé de l'avoir la journée même non plus, là. Si on sait, par exemple, que... Puis on les rencontre, les profs, au début de l'année, puis ils nous le disent que... Voici ce qu'on va faire, comment on va fonctionner. On va faire des ateliers, on va... Il va y avoir tel logiciel qu'on va utiliser, etc. Bien, peut-être que, là, on pourrait tout simplement avoir une évaluation du temps d'écran. Puis on pourrait avoir la même chose aussi dans les services de garde. Ça veut dire que oui, on fait les activités, on va jouer au ballon et tout ça. On va regarder un film de temps en temps, ça va... Donc, nous, on est capables de savoir, au moins à peu près, où est-ce qu'on s'en va. Maintenant, écoutez, ça prend une collaboration.

Mme Tremblay : ...communication, finalement.

M. Martel (Sylvain) : Une meilleure communication.

Mme Tremblay : ...d'être mieux informés sur ce que vous voulez...

M. Martel (Sylvain) : Sur ce sujet-là.

Mme Tremblay : Sur ce sujet-là, qu'est-ce qui est utilisé. Certains groupes sont venus nous dire, notamment l'INSPQ... puis il y a de la recherche aussi là-dessus, ça fait que, quand on utilise... Puis vous avez parlé de Netmath tantôt, O.K., c'est un exemple, là, bien connu dans le milieu de l'éducation. Quand on utilise un outil pédagogique, il faut absolument que ça apporte une valeur qui est ajoutée. Ça veut dire que, par exemple, parce que je connais Netmath, il y a plusieurs activités dans Netmath qui pourraient être faites par des activités de manipulation dans la classe, qui pourraient être faites par différentes interactions, activités de groupe, qui seraient tout aussi bénéfiques. Puis même que l'INSPQ, elle, dit : C'est dans ce sens-là qu'on devrait aller. Donc, il faut vraiment, quand on utilise un outil pédagogique, là, un logiciel, il faut absolument que ce soit quelque chose qui apporte un plus.

Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation-là, comme parent, vous, de limiter... Justement, ça répondrait peut-être à vos préoccupations au niveau du temps de gestion d'écran, parce que vous êtes dans la même direction que l'INSPQ, finalement.

M. Martel (Sylvain) : Écoutez, l'usage pédagogique, c'est sûr, en partant, là, on n'est pas contre. Par contre, ce qu'on s'est rendu compte, quand on a fait des lectures, parce qu'on s'est rendu compte qu'il y a eu beaucoup quand même de travail de fait, déjà, dans les dernières années, et notamment par le Conseil supérieur de l'éducation... et, dans un des rapports préliminaires du Conseil supérieur de l'éducation, on parle d'une espèce de tendance à faire un amalgame, que la technologie va donner une meilleure pédagogie en classe afin de pousser certains... Puis on donne comme exemple tout le programme de 2011 de l'achat des écrans blancs. Donc, il y a cette tendance-là, de dire : parce que c'est un outil technologique, le côté pédagogique en sera bonifié d'office, ce qui n'est pas vrai.

Donc, je pense que juste de réfléchir... puis tantôt j'entendais M. Ouellet le dire, c'est-à-dire juste penser : Est-ce que cet outil-là, vraiment, nous donne une plus-value? Bien, c'est déjà ne pas prendre pour acquis que ça se fait automatiquement. Donc, je pense que juste poser la réflexion, c'est intéressant pour être capable de justement utiliser des outils qui ont cette plus-value-là. Puis il faut les apprivoiser, les outils aussi, hein? L'outil comme tel, là, il n'est pas méchant, là, c'est l'usage qu'on en fait aussi, là. Tu sais, je veux dire, on donnait l'exemple, dans notre mémoire, de la calculatrice, là. La calculatrice, elle était interdite, moi, quand j'allais à l'école, puis maintenant, bien, elle est sur la liste d'effets scolaires de mes enfants. Ça fait que, tu sais, il y a eu une progression, là. On a appris que, oui, peut-être qu'on pourrait se servir de cet outil-là, leur faire faire les petits calculs de base, parce que ça va être très précis, puis les amener plus loin dans l'enseignement des mathématiques en se servant de l'outil. Ça fait qu'il faut les apprivoiser, les outils.

Ça fait que ce n'est peut-être pas à première vue qu'on va être capables d'évaluer est-ce que cet outil-là est bon ou pas, mais c'est dans les usages. Puis ça, bien, on se fie beaucoup sur l'expertise de nos partenaires enseignants, là, là-dedans, là, d'être capables de dire : Oui, mon enseignement va plus loin quand j'utilise cet outil-là. Puis nous, je veux dire, on ne veut pas avoir une preuve scientifique signée par l'institut pour dire... On va juste dire : Oui, si tu penses que tu vas plus loin, allons-y, là, il n'y a aucun problème.

Mme Tremblay : ...comme parent, imposer un âge numérique, donc, d'accès. Vous, est-ce que vous avez une opinion là-dessus, puisque vous êtes sûrement parent vous-même? Alors, 14, 16 ans, 18 ans, est-ce que vous avez une réflexion là-dessus?

M. Martel (Sylvain) : Écoutez, on a posé la question aux parents. On a eu des réponses. Écoutez, on a eu une charte, une tarte, là, avec tous les âges.

Mme Tremblay : Mais est-ce qu'ils étaient en accord de l'imposer, cependant, ou il y en a qui disent : On est contre totalement?

M. Martel (Sylvain) : Non, bien, c'est-à-dire qu'on demandait... La question, c'était : Jusqu'à quel âge est-ce qu'il devrait y avoir un encadrement de vos enfants dans leur vie numérique? Puis, pop, ça va... Il y en a que c'était plus que 18 ans. Il y en a que c'était : À quatre ans, c'est réglé.Ça fait qu'il y a tout eu. Alors, c'est pour ça que vous ne le voyez pas dans le mémoire. C'est vraiment...

Mme Tremblay : Il n'y avait pas de consensus.

M. Martel (Sylvain) : Ce n'était pas clair. Mais la question qu'on se pose, c'est : Comment on fait pour appliquer ça?

Mme Tremblay : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous d'être présents aujourd'hui. Je pense que vous avez été assez clairs sur l'encadrement, donc, du cellulaire à l'école, donc, en nous disant que vous seriez en faveur d'une directive nationale... bon, plutôt nationale, mais sur l'application. Ça devrait être, donc, le conseil d'établissement au niveau local qui devrait déterminer, selon son milieu, la taille de l'école, ses particularités, donc, comment mettre en place une telle directive.

Maintenant, donc, plusieurs, donc, des... bien, en fait, quelques-uns, donc, des experts qui sont venus, donc, témoigner à cette commission, donc, nous ont dit : Donc, dans l'application, parfois, donc, ce qu'on entend, c'est que les parents, donc, veulent être en mesure, donc, de rejoindre leur enfant. Donc, une telle mesure, donc, ne devrait pas inclure, donc... Ça ne devrait pas être, donc, de le laisser à la maison, par exemple, parce que le parent, donc, veut rejoindre son enfant. Donc, sur cette affirmation-là, est-ce que vous avez sondé vos membres? Comment est-ce que vous recevez ce besoin, donc, allégué des parents, donc, de rejoindre leur enfant?

M. Martel (Sylvain) : On est toujours capable de rejoindre notre enfant à l'école. Il n'y a pas... Ce n'est pas un souci, ça. Est-ce que... Moi, de ce que je comprends, c'est que, si une école interdit le cellulaire à l'école, on ne veut pas voir le cellulaire. Est-ce qu'il peut être dans le manteau, dans la case, dans le sac? Je veux dire, je comprends, pour des élèves un peu plus vieux, ils ont des emplois, ils ont... Tu sais, des fois, il y a un besoin, là. Mais je comprends que, pour les écoles qui décident d'interdire le cellulaire sur toute l'école, on ne veut juste pas personne qui se promène avec un cellulaire.

Donc, est-ce qu'avant, lorsqu'on n'est pas à l'école, s'ils l'ont puis ils le mettent quelque part, puis on ne le revoit plus de la journée, bien, c'est sûr, là, vous allez me dire : Oui, mais s'ils l'ont dans leur poche, ils vont vouloir le regarder, et tout ça. Bien, c'est là que la sensibilisation, l'éducation, leur apprendre des saines habitudes de vie... On le fait pour plein d'autres affaires dans les saines habitudes de vie, là. Alors, c'est à un très bas âge qu'on dit à nos enfants que fumer, ce n'est pas trop bon. Puis un peu plus tard, ados, on dit : Bien, tu sais, l'alcool, on va... Donc, tu sais, on le fait, là, tu sais, ça vient... Ça fait qu'il faut juste entrer ça dans le réflexe aussi, là, parce que, ça aussi, ça devient une autre chose, tu sais. Fais attention en traversant la rue, fais... Il y a plein, plein, plein de choses qu'on inculque à nos enfants de façon automatique, là. Donc, l'usage du cellulaire, ça devrait être exactement la même chose.

Maintenant, dans la logistique de : le téléphone, il faut-tu qu'il soit là ou là?, bien, c'est là que les milieux vont pouvoir décider. Tu sais, ce n'est pas tout le monde qui va pouvoir avoir un endroit pour ça, ce n'est pas tout le monde qui va... Puis, bien, je pense qu'en même temps, ça peut être un bel apprentissage de dire : Il est dans ton sac, ne t'en sers pas. Tu sais, je veux dire, là, tu... Là, tu apprends, là, regarde, à te gérer, là. Tu l'apprends, tu sais. Tandis que, si tu dis : Tu n'as pas le droit du tout, bien, bon, premièrement, on le sait, surtout au niveau des ados, si on leur dit : Tu n'as pas le droit du tout, c'est comme les inviter à le faire. Mais, tu sais, je pense qu'il faut leur faire confiance, tu sais. Tu sais, on leur fait confiance sur toutes les autres matières puis tout ce qu'on leur apprend, là. On dit : Ils vont l'apprendre. C'est la même chose, il faut inscrire ça dans les réflexes de ce qu'on apprend à nos enfants.

Mme Cadet : Merci. Puis juste pour préciser, M. Martel, donc, quand on entend justement, donc, l'affirmation que : Ah! bien, les parents, donc, pourraient être réfractaires, parce qu'ils veulent être en mesure de rejoindre leurs enfants, vous, ce n'est pas le son de cloche que vous avez de vos membres du tout.

M. Martel (Sylvain) : Moi, si je veux rejoindre mes enfants à l'école puis que... je veux dire, je pense que ça va être plus vite, si j'appelle.... S'il y a une... Là, attention, il y a une distinction, s'il y a une vraie urgence.

Mme Cadet : Oui, bien sûr.

M. Martel (Sylvain) : Pas les appeler s'ils veulent manger du spaghetti, là, tu sais. Mais, s'il y a une urgence, puis j'appelle à l'école, moi, je pense que mon enfant va... Je vais lui parler en dedans de deux minutes.

• (16 h 40) •

Mme Cadet : O.K. Majorité numérique. Donc, ma collègue de Hull, donc, vient de poser la question. Donc, vous... En fait, là, vous... On comprend qu'il n'y a aucun consensus de la part de vos membres sur une imposition ou non, que ça s'en va, donc, de tous bords, tous côtés. Puis vous avez terminé en disant : Bien, tu sais, c'est le comment. Et là je me demande : Est-ce que, dans les réflexions ou dans les préoccupations qui vous ont été communiquées de la part des parents sur la majorité numérique, si la question de la protection des données personnelles des enfants a été abordée? Parce que, dans le comment, il y aurait deux mécanismes, soit une directive plus symbolique de dire : Bien, on... Voici, donc, on met un certain seuil qui serait à définir, et là ce ne serait pas nécessairement vérifiable. Donc, on demande... Ce sera au bon vouloir, donc, du jeune de s'y conformer ou d'avoir, donc, des véritables mesures de vérification de l'âge qui, là, viendraient... qui seraient accompagnées, donc, de défis au niveau de la protection des données personnelles des enfants avec, donc, transmission de carte d'identité. Est-ce que cette préoccupation-là a été soulevée par des parents?

M. Martel (Sylvain) : Écoutez, comme je l'ai dit au début, nous, comme on représente des comités de parents, on s'en est tenu au milieu scolaire. Donc, vraiment, là, on est vraiment en dehors du terrain de jeu scolaire. Et puis... Bien, à la fois, ce n'est pas notre mandat de parler pour les parents en dehors du milieu scolaire, et puis, donc, on n'a pas posé la question aux parents, là.

Mme Cadet : Donc, ça n'a pas été abordé. Vous n'avez pas posé cette question-là. Dernière question, écran récompense. Donc, votre mémoire est assez exhaustif là-dessus. Vous disiez, donc, que c'est un phénomène qui est trop prévalant. Donc, je comprends que vous demandez formellement au législateur d'encadrer l'enjeu des écrans récompenses dans les écoles.

Mme Bessette (Marie Pier) : Puis, tu sais, écoles, mais services de garde, là, le milieu scolaire au complet est important. Pour nous, à ce niveau-là, là, ça prend vraiment des balises claires. Puis, tu sais, ce n'est pas une question de taper sur la tête à tout le monde, là. Ça a été un phénomène de société qui est venu avec plein de choses. Puis, tu sais, je me rappelle moi-même, quand j'étais jeune, quand la télé arrivait dans la classe. Ça fait que, tu sais...

Mme Cadet : Sur roulettes, là.

Mme Bessette (Marie Pier) : Oui, c'est ça. Ce n'est pas une question de taper sur la tête à personne, mais oui, là, ça va prendre des balises parce que c'est beaucoup trop présent avec tout ce que ça entraîne, là. Jusqu'à quel point, tu sais, si tu es gentil, je te donne un bonbon? Tu es gentil? Je te donne un film. C'est tout ce que ça génère chez nos enfants à ce niveau-là puis à quel point... Allez, sur une heure de dîner, dans une école pendant une journée de pluie, là, je vous promets qu'il n'y a pas beaucoup de jeux libres. Tu sais, jusqu'à quel point tout ça est devenu une habitude de tout le monde, tout le monde, tout le monde. Puis, tu sais, même chose, là, je suis, en tant que parent, chez moi aussi, là. Il mouille? La TV s'ouvre plus facilement.

Mais l'État, à mon sens, doit devenir exemplaire à ce niveau-là, de dire : Chez moi, on donne l'exemple. Dans mes écoles, aux services de garde, il n'y a pas d'usage ludique parce qu'on fait de la socialisation, parce qu'on fait des jeux libres, parce qu'on fait des activités physiques, l'école doit donner l'exemple, là. Pour moi, c'est un peu comme les cigarettes dans les hôpitaux, là. On dit que ce n'est pas bon pour la santé? Bien, on les a enlevées. Tu sais, l'État a dû dire : Nous, dans nos bâtiments, bien, on est exemplaires. Puis pour moi, à ce niveau-là, ça doit le devenir.

Mme Cadet : Juste une précision très rapide. Comme, pour vous, donc, ce serait la même formule, donc, directives nationales avec le comment par les conseils d'établissement?

Mme Bessette (Marie Pier) : Oui.

Mme Cadet : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Ah! je n'avais pas de question.

La Présidente (Mme Dionne) : Ah! Vous n'aviez pas de question. Ah! O.K. Donc, j'avais le député de Saint-Louis.

M. St-Louis : Pardon?

La Présidente (Mme Dionne) : Joliette. Bon, 16 h 45? Oui.

M. St-Louis : Merci, Mme la Présidente. Je pense que les journées sont longues en commission. Vous avez mentionné tout à l'heure que les réalités géographiques étaient différentes, que la... Bon, ce n'était pas pareil à Arvida que dans Hochelaga-Maisonneuve. Puis on l'a entendu précédemment, à savoir que probablement qu'à Gaspé, l'utilisation était moindre, en fait. Même, on a affirmé qu'elle était moindre parce qu'il y avait des activités de proximité, dont la baignade à la mer, qui sont... On n'a pas ça à Joliette, malheureusement, on n'est pas... Puis moi, ça m'a juste fait réaliser que, oui, il y en a qui ont cette chance-là puis que c'est modulé.

En même temps, on sait que les effets néfastes des écrans sont les mêmes partout. Les algorithmes font fi du fait que tu es en bord de mer ou tu es en milieu urbain ou rural. Puis on cherche à diminuer le nombre d'heures d'écran pour nos enfants. Il y a une gestion au niveau scolaire, il y a une gestion à la maison. On en discute depuis plusieurs jours, puis nous, on va continuer à le faire et on aura une réflexion par la suite. L'école, on sait qu'ils sont un... Nos enfants sont à l'école un certain nombre d'heures par jour, vous l'avez nommé tantôt. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il devrait y avoir peut-être un plafond d'heures numériques en milieu scolaire?

Mme Bessette (Marie Pier) : C'est un peu ce qu'on disait. Présentement, les conseils d'établissement approuvent les sorties à l'extérieur. Puis c'est un peu ce qu'on demandait aussi, si les conseils d'établissement avaient le pouvoir de dire : Bien, nous, on approuve le contenu numérique puis le temps en contenu numérique... justement, d'être capable de dire, bien, tu sais, maximum tant d'heures qui est fait en usage ludique, c'est... voici le contenu qui peut passer. C'est un peu ce qu'on demande, là, d'être capable de mettre ce plafond-là dans les écoles, selon les milieux, là.

M. Paquet (François) : Si je peux me permettre, on approuve déjà dans les conseils d'établissement, là, les listes de fournitures, O.K., le nombre de crayons, le nombre d'effaces. Bien, pourquoi pas, une fois par année, parce que ça se fait une fois par année, les listes de fournitures — normalement, c'est en mai — bien, pourquoi ne pas présenter les plans de cours : bon, bien, en français, en mathématiques, bon, on prévoit tant d'heures de... L'enseignant a déjà... Moi, je fais confiance aux enseignants, là. Les enseignants ont déjà une bonne idée de ce qu'ils vont utiliser. Ça fait que l'important, c'est juste de... On ne veut pas avoir le minutage exact, mais dire : Bon, bien, nous, on va utiliser tel outil probablement à raison d'une heure par semaine, tel outil à raison de deux heures par semaine. Puis ça peut se faire une fois par année, comme les listes de fournitures, puis ça devient une habitude. C'est sûr qu'au début ça ne sera pas facile. Comme les plans de lutte à l'intimidation, les premiers qui sont arrivés en 2012, ce n'était pas évident pour les conseils d'établissement, puis les directions d'école, puis les équipes-écoles, de pondre ces plans-là, mais ça a évolué. Puis il faut commencer à quelque part.

M. St-Louis : Parce que ce qu'on a entendu en commission depuis le début, tout indique que ça tournerait autour de quatre heures par jour pour les saines habitudes de vie. Mais la tarte, si c'est quatre heures par jour puis que l'école en bouffe trois, comme parent, moi, ça veut dire qu'à la maison, c'est une heure qu'il reste, et que j'ai ça à gérer. Je ne sais pas, ça me...

M. Paquet (François) : Bien, c'est le rôle des parents aussi, là.

M. St-Louis : Tout à fait. Je ne me défilerai pas de ça, ce n'est pas... mais dans le sens où est-ce qu'on discutait... comme ma collègue la députée de Hull disait, c'est difficile pour les établissements de le gérer à la pièce. Puis si on met un plafond qui permet une saine gestion, et à l'école, et à la maison, il pourrait être... Si on parle de quatre heures, vous le voyez comment? Ce serait moitié-moitié? Est-ce que, pour vous, il y a déjà des indications ou...

Mme Bessette (Marie Pier) : Bien, je vais retaper sur le clou. Est-ce que c'est quatre heures? Tu sais, est-ce que l'école a pris trois heures de contenu pédagogique... de numérique pédagogique ou a pris trois heures de contenu ludique? Tu sais, elle va être là, mon... Tu sais, si on me dit : Pendant trois heures, votre enfant a vraiment utilisé des outils technologiques de façon pédagogique, il a vraiment avancé puis... Il n'y a pas de problème, je vais me moduler, moi, comme maman à la maison. Si on me dit : Aujourd'hui, j'ai écouté un film de deux... Le roi lionà l'école. Bien là, tu sais... Puis je n'ai pas d'exemple précis, mais, tu sais, elle va être là, le... La distinction entre le pédagogique puis le ludique va tomber importante, là, si on tombe sur un quatre heures d'écran par jour, là.

M. Martel (Sylvain) : C'est un peu ce qu'on dit aussi dans le mémoire, quand on dit : Il faut éviter de dire «les écrans», puis que ça soit tous les usages, tous les outils, tous les... puis qu'on le minute, ça. C'est-à-dire que chaque utilisation a un contexte, a un but, a une façon de faire qui est propre à elle. Puis c'est ça, je pense que c'est... On ne peut pas tout mettre ça puis... Puis ça, c'est notre rôle, comme parent, de dire, quand l'école me dit : Ils ont passé trois heures devant l'écran, comme dit Marie Pier, ah oui, mais c'était pédagogique. Ça fait que, bon, O.K., peut-être que mon enfant est dû pour jouer un peu parce qu'il a travaillé fort à l'école aujourd'hui. Ça fait que, O.K., vas-y, joue aux jeux vidéo puis prends un certain temps pour jouer aux jeux vidéo.

Ça fait que je suis capable de le doser, là, puis c'est ça qu'il faut faire, là. On n'arrivera pas si on met... Si on met des balises, là, comme ça, carrées, puis qu'on essaye de rentrer nos enfants dans ces cases-là, ça ne marchera pas, là. Il faut faire preuve d'une certaine flexibilité puis d'une adaptation au contexte. De là notre demande de ramener les décisions dans les milieux, c'est-à-dire : Eux, le contexte, là, ils le vivent, là. Donc, ils sont capables d'ajuster et de donner la flexibilité nécessaire pour que ça marche, parce que ce qu'on veut, c'est que ça marche. On ne veut pas que tout le monde dise : Ah! bien ça, c'est... On ne veut pas suivre ça, puis tout le monde rentre à l'école avec une baboune parce qu'ils ne sont pas contents. Tu sais, c'est... On veut juste que ça marche, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Alors, merci, M. St-Louis, député de Joliette, et merci à tous pour votre contribution très appréciée.

Alors je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain... nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 16 h 57)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des syndicats de l'enseignement. Alors, bonjour et bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Suite à cela, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, peut-être vous présenter d'emblée et nous faire part ensuite de vos commentaires. La parole est à vous.

Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE)

M. Bergevin (Richard) : Alors, bonjour, Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires. D'entrée de jeu, je souhaite vous remercier de nous donner l'opportunité de partager avec vous notre point de vue sur les impacts de l'utilisation des écrans sur la santé et le développement des jeunes, plus particulièrement dans les salles de classe. Pour ma présentation, je suis accompagné de la vice-présidente aux dossiers professionnels et pédagogiques de la FSE-CSQ, Mme Karine Nantel, ainsi que d'Isabelle Tremblay, qui est conseillère à la fédération.

Je vous ferai tout d'abord une brève présentation des positions de la FSE. Il nous fera ensuite plaisir de répondre à toutes vos questions. Je vous rappelle que la FSE-CSQ représente plus de 87 000 enseignantes et enseignants de centres de services scolaires et des commissions scolaires de partout au Québec. Elle compte, parmi ses membres, du personnel enseignant de tous les secteurs, préscolaire, primaire, secondaire, formation professionnelle et formation générale des adultes. Ces enseignantes et enseignants ont toutes et tous à coeur le bien-être et la réussite de leurs élèves et souhaitent s'assurer que les meilleures conditions d'apprentissage possible soient au rendez-vous pour chacun d'entre eux. Avant d'aller plus loin, je souhaite rappeler à l'ensemble des participantes et participants à cette commission que la responsabilité de minimiser les impacts de l'utilisation des écrans sur la santé et le développement des jeunes est une responsabilité partagée puisque nous sommes toutes et tous concernés, que nous soyons parents, enseignants ou simples citoyens.

En tant que représentants de la Fédération des syndicats de l'enseignement, nous nous intéressons principalement, dans notre présentation, à l'utilisation des écrans en classe puisqu'il s'agit de notre domaine d'expertise. De notre point de vue, il est essentiel de faire une distinction entre les différents types d'écrans pouvant être utilisés en classe, notamment les téléphones cellulaires, les autres écrans portatifs, tablettes, ordinateurs ou autres, et les écrans fixes comme les tableaux numériques interactifs. Ces différents types d'écran ont assurément tous des impacts différents sur les élèves et le personnel. Plus important encore, nous faisons une distinction entre un usage personnel des écrans et un usage à des fins pédagogiques. D'ailleurs, dans une enquête réalisée en 2023 par la FSE-CSQ, auprès de ses membres, 92 % des enseignantes et enseignants consultés s'étaient montrés défavorables à l'utilisation du téléphone cellulaire en classe, sauf s'il était utilisé à des fins pédagogiques. Durant ma présentation, j'aborderai les incidences positives et négatives liées à l'utilisation des écrans dans les salles de classe avant de conclure avec les grandes orientations souhaitées par la FSE, en lien avec l'utilisation de ces outils numériques.

• (17 heures) •

Débutons maintenant avec les incidences positives. Pour la FSE, il est impossible de parler de l'utilisation des écrans en classe, sans parler plus largement de l'utilisation du numérique qui permet aux élèves d'accéder à une multitude de ressources auxquelles ils n'auraient pas autrement accès. Certains de ces outils permettent même de suivre pas à pas la démarche d'apprentissage des élèves et, ce faisant, donnent l'occasion aux enseignants de mieux adapter leurs interventions au rythme et aux difficultés d'apprentissage de chacun. Mais ce qui est primordial pour la FSE, c'est que l'utilisation des écrans en classe soit, d'abord et avant tout, motivée par une intention pédagogique et que la technologie soit mise au service des apprentissages. La question d'équilibre prend ici tout son sens, puisque l'utilisation d'une variété d'approches et d'outils demeure une excellente façon de favoriser les apprentissages du plus grand nombre d'élèves. L'utilisation des écrans doit demeurer une approche parmi d'autres, que les enseignantes et enseignants peuvent librement choisir d'utiliser, en tout respect de leur autonomie et de leur jugement professionnel. Nous proposons donc d'encourager un usage équilibré des écrans, dont les balises devront être établies à partir d'orientations claires et surtout issues de la recherche.

En ce qui concerne les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les outils technologiques sont d'un soutien incontestable pour la lecture et l'écriture, notamment pour les élèves vivant avec un trouble de dyslexie et de dysorthographie.

Dans un esprit d'équité et d'égalité des chances, nous souhaitons également profiter de notre présentation pour souligner l'importance de garantir un accès équitable aux ressources numériques pour l'ensemble des élèves, pour éviter toute forme de discrimination basée sur l'accès aux technologies. Il en va de même pour l'accès à une connexion Internet stable, peu importe si l'école est située en milieu urbain, rural ou en région très éloignée, comme les élèves du Grand Nord québécois.

Abordons maintenant les incidences négatives des écrans en classe, dont il importe de minimiser les risques. En premier lieu, il est impossible de passer sous silence l'enjeu de la distraction que cause l'accès à un écran, que l'on soit jeune ou moins jeune. Il s'agit d'ailleurs de la raison principale pour laquelle les enseignants se sont prononcés très majoritairement contre l'utilisation... pardon, contre l'utilisation des cellulaires en classe, sauf à des fins pédagogiques. Nous l'avons dit dans notre avis, et les recherches le confirment aussi, la simple vue d'un écran sur le coin d'un bureau, même s'il est éteint, peut être une source de distraction importante. À cet égard, nous estimons que la façon la plus efficace de minimiser les distractions est de faire une distinction claire entre l'accès à un écran personnel, comme le téléphone portable d'un élève, et l'accès à un écran fourni et formaté par l'école.

Le plagiat peut aussi être facilité par la présence d'écrans dans les salles de classe puisque les élèves ont un accès immédiat à une multitude de données en ligne. Il devient alors facile de copier des contenus et de les utiliser sans en citer les sources. Il est aussi assez simple de s'approprier le travail d'une autre personne à partir d'une plateforme de partage. C'est un défi important pour les enseignants, qui doivent non seulement sensibiliser les élèves à l'importance du jugement critique, au respect des droits d'auteur, à la crédibilité des sources, mais également à l'importance de la protection des renseignements personnels.

Dans un tout autre ordre d'idées, nous souhaitons également insister sur le fait que la formation du personnel constitue un enjeu incontournable. Un sondage que nous avons réalisé sur la formation continue liée à l'utilisation du numérique a récemment démontré que 80 % des profs ont suivi de la formation sur le sujet depuis 2020. Par contre, ce qui nous préoccupe grandement, c'est que le tiers de ces enseignants estiment que les formations qu'ils ont suivies ne répondaient pas à leurs besoins. Nous demandons donc que les enseignants puissent compter sur une offre de formation continue, pertinente et adaptée à leurs besoins, pour favoriser une utilisation optimale des écrans et une pleine maîtrise des différents outils. La FSE-CSQ insiste aussi sur la nécessité de fournir aux enseignants les outils nécessaires pour utiliser ces technologies, notamment des ressources de soutien technique, pour éviter d'alourdir leur tâche, qui est déjà colossale.

Je souhaite également profiter de cette tribune pour soulever un paradoxe évident qui existe entre la volonté des dernières années de mettre le numérique de l'avant en éducation et l'enjeu de l'exposition des élèves aux écrans. Les orientations et les plans d'action gouvernementaux ont contribué à l'augmentation du temps d'écran chez les jeunes. À la sortie de cette commission, il faudra qu'il y ait des recommandations pour une meilleure concordance entre le temps d'écran attendu et la mise en place de projets de numérisation de l'éducation, notamment l'enseignement à distance.

Concernant les effets sur la santé, des enseignants d'éducation physique nous rapportent une baisse considérable des résultats aux tests physiques standardisés. Conscients des effets néfastes d'une exposition prolongée aux écrans, la FSE-CSQ recommande la promotion de pratiques qui minimisent les risques pour la santé physique et mentale des élèves, en incluant, notamment, des temps de pause. Nous... pardon, nous recommandons également de mettre en place une campagne de sensibilisation sur les risques pour la santé physique et mentale associés à l'utilisation excessive des écrans, non seulement à l'école, mais également à la maison.

Aussi, il ne faut pas négliger les conséquences de l'utilisation des écrans sur la mission «socialiser» de l'école québécoise. Quand on entre dans un endroit où les yeux de la majorité des élèves sont rivés sur leur écran de cellulaire, il y a quelque chose d'inquiétant. Dans un tel contexte, la socialisation est une responsabilité partagée, notamment avec les parents, qui ont un grand rôle à jouer dans les comportements sociaux de leur enfant hors de l'école. L'enjeu est d'envergure car il s'agit d'un problème de société qui n'appartient pas qu'à l'école. Le premier contact avec les outils numériques se fait très jeune, principalement à la maison. À nous tous, donc, de tenter de trouver un équilibre.

En conclusion, l'intégration des écrans à l'école présente à la fois des avantages à considérer et des défis significatifs. Nous jugeons essentiel de garantir que l'utilisation des technologies numériques ne compromette ni la santé des élèves, ni leur développement, ni les conditions de travail du personnel enseignant. La FSE-CSQ est donc d'avis que les écrans ont leur place dans les établissements scolaires du Québec, mais que leur utilisation doit être mesurée, encadrée, équitable et équilibrée. Surtout, leur usage doit être motivé par des intentions pédagogiques et reposer sur le jugement professionnel du personnel scolaire.

On ne peut faire fi du numérique en éducation si on souhaite bien préparer les jeunes au monde qui les attend. On doit enseigner et promouvoir une utilisation éthique et responsable du numérique et amener les élèves à développer leur esprit critique, notamment pour une utilisation la plus saine possible des réseaux sociaux. C'est une... pardon, c'est une discussion que nous devons avoir tous ensemble pour dégager une position commune, enseignants, parents et intervenants de tous les horizons. Les établissements scolaires devront aussi disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour encadrer l'utilisation des écrans dans les écoles en fonction des différentes réalités des milieux. Nous privilégions d'ailleurs le pouvoir collectif des communautés-écoles dans le respect des expertises et des rôles de chacun.

La classe... Enfin, il est clair pour la FSE-CSQ que le choix de l'utilisation des écrans en classe à des fins pédagogiques doit demeurer la prérogative de l'enseignant qui est le mieux placé pour poser un jugement professionnel sur la méthode pédagogique la plus appropriée pour ses élèves. Le gouvernement devra aussi fournir aux enseignants l'information et la formation nécessaires pour qu'ils puissent faire des choix éclairés.

Je vous remercie beaucoup pour votre attention, et nous demeurons disponibles, mes collègues et moi, pour répondre à toutes vos questions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. Bergevin. Donc, un de mes collègues veut lancer les discussions?

M. Ciccone : Bien, je peux. Bien oui.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Bien oui. Merci beaucoup. Bonjour. Bonjour à vous tous. Un, je vous remercie énormément de faire la mention de la problématique sur la santé des jeunes. On peut parler de la santé mentale, tout ce qui engendre, justement, l'utilisation des réseaux sociaux et des outils... Mais en même temps... les outils numériques. Mais, en même temps aussi, il faut mentionner l'aspect physique aussi, puis on voit le problème de tension artérielle, le problème d'obésité chez nos jeunes, qui viennent justement d'une utilisation d'une sédentarité causée par... Puis ça, ce n'est pas le député de Marquette qui le dit, puis ce n'est pas vous non plus, c'est la science qu'il le dit. Alors, merci beaucoup de le mentionner.

Moi, j'ai une petite question à vous poser puis je suis ambigu sur ce que vous avez dit puis je veux savoir comment vous voulez le faire, et si c'est possible. Vous avez dit, là, que vous n'êtes pas contre l'utilisation du cellulaire à l'école, si j'ai bien compris, sauf l'utilisation du cellulaire... sauf utilisé pour une utilisation pédagogique. Vraiment, est-ce qu'on peut utiliser un téléphone cellulaire, mettre ça dans la main d'un adolescent ou d'un enfant, puis il va le voir comme un objet pédagogique? Est-ce que ça, c'est réaliste de penser comme ça?

M. Bergevin (Richard) : Pour donner la réponse la plus précise, c'est que la question auquel nos enseignants ont répondu, c'est celle-là, ils n'avaient pas le choix de dire : Est-ce que je veux l'abolir complètement ou pas? Alors, on voulait être très précis dans notre réponse qu'on vous donnait, parce que c'est la réponse à laquelle les enseignantes et les enseignants ont répondu, c'est-à-dire... c'est à cette affirmation-là qu'ils ont dit : Oui, on est d'accord à 92 %, c'est-à-dire pas de cellulaire, sauf pour des besoins pédagogiques. Ça serait intéressant de revérifier, auprès des enseignants, cette... de revalider cette notion-là aujourd'hui, qu'on a produit, la commission, qu'on a médiatisé les problématiques de l'écran à l'école. Est-ce qu'on pourrait revalider l'information auprès de nos collègues? Je pense que ça vaudrait la peine, mais on ne pouvait pas aller plus loin que l'information précise que nos enseignantes et nos enseignants nous avaient donnée. On voulait être sûrs de rester dans les balises qu'on avait.

• (17 h 10) •

M. Ciccone : Parfait. Recommandation 5, je veux tenter de la comprendre, là : «Assurer l'équité, tant du point de vue de l'accès aux outils technologiques que du point de vue du développement des compétences nécessaires à une utilisation optimale de ces outils par les élèves.» Dans le fond, vous dites : Ils sont là, mais s'assurer de bien les utiliser pour être capable... parce qu'éventuellement, je veux dire, ça s'en va dans l'optimisation, là, puis le numérique. C'est ce que vous voulez dire ici, là?

M. Bergevin (Richard) : Un peu comme d'autres groupes ont dit, le numérique existe dans la société, les élèves vont avoir à l'utiliser plus tard. Alors, il faut être capable de leur donner une certaine formation et éducation en lien avec le numérique. Nous, on fait beaucoup une différence entre le téléphone cellulaire et l'ordinateur ou la tablette qui a été préformatée par l'école pour que... éviter, parce que, souvent, la problématique qui vient avec les outils numériques, c'est souvent l'attention qui est... c'est très attractif, donc ça attire l'attention des élèves, et ça la... ça les détourne, désolé, de leur rôle premier, d'apprenants.

Si on garde des outils qui sont bien formatés, qui ne vont pas aller, justement, détourner l'élève de son apprentissage, on a des chances de garder une meilleure utilisation de l'appareil, une meilleure utilisation pour l'élève. Il faut être capable de les éduquer. Il ne faut pas abuser, il faut avoir les bonnes balises. Puis nous, ce qu'on s'attend de la part du gouvernement ou de l'État, c'est de nous fournir des balises claires. On a dit tout à l'heure qu'on voulait que les enseignantes et les enseignants puissent prendre les bonnes décisions, les décisions éclairées. Pour ça, vous l'avez mentionné tout à l'heure que c'est la science qui mentionnait qu'il peut y avoir un problème au niveau de la santé physique des élèves, mais on veut que la science vienne nous éclairer pour nous dire ça serait quoi, les attentes qu'on a en lien avec l'école. Mais on ne peut pas retirer le numérique de nos classes complètement, sinon on ne remplirait pas notre mission d'amener les élèves à être des citoyens qui sont capables de se développer dans notre société.

Alors, si on veut être capable d'amener ce développement-là, mais de le faire de façon saine auprès des élèves, bien, il faut être capable de les former avec... au numérique. Donc, il faut qu'ils y aient accès à l'école. C'est important. En plus, il y avait la notion d'équitable. Il y a des milieux qui sont défavorisés, il y a des milieux qui n'en ont pas, accès à du numérique à la maison. Alors, il faut qu'ils soient capables de l'apprendre quelque part, et l'école, c'est un beau milieu pour justement rééquilibrer l'équité dans la société puis donner la meilleure chance à tout le monde de réussir.

M. Ciccone : Mais rééquilibrer, mais en même temps aussi, on fait face à une situation qui est problématique, c'est le temps d'écran. On fait le travail à l'école, mais quand on sort de l'école, là, vous n'avez plus contrôle, là, puis là on ajoute, on ajoute des heures, on ajoute des heures, là. C'est pour ça que vous dites que c'est une responsabilité qui est partagée aussi.

Puis on a entendu, puis ce qui est difficile, là, puis je ne veux pas parler pour mes autres collègues, là, mais moi, ce que j'ai trouvé très difficile, depuis le début de cette commission-là, avec les groupes qu'on a entendus, c'est qu'on a entendu des spécialistes, on a entendu des scientifiques, des docteurs, puis là ils viennent nous dire : Mais la recherche n'est pas encore optimale, puis on n'est pas capables d'avoir des données. On ne sait même pas encore, là, on n'est pas capables de se prononcer si les outils pédagogiques, c'est bon ou ce n'est pas bon, parce que la recherche, elle n'est pas encore là.

Cependant, ce que je vois ici, là, dans une de vos recommandations, vous, là, dans... il faut faire attention, mais tout ce qui a rapport avec un élève en difficulté, qui a un plan d'intervention, que les outils lui ont été fournis par le gouvernement, parce qu'il y a quand même des programmes... On a tous quelqu'un... on connaît tous quelqu'un, là. Ça, là, on ne touche pas à ça, là. Il ne faut pas toucher à ces élèves-là, eux autres ne rentrent pas dans, justement, le calcul des écrans pour ces jeunes-là, en matière pédagogique, là, je ne parle pas des jeux vidéo, mais en matière pédagogique.

M. Bergevin (Richard) : On va mettre un certain bémol, puis je te donne la parole, Karine. Tous les élèves qui sont en difficulté d'apprentissage n'ont pas les mêmes besoins. Alors, ce n'est pas toute la même réalité et il ne faut pas enlever l'humain de ça. Maintenant, Karine va être capable de bien compléter.

Mme Nantel (Karine) : Vous avez raison, les spécialistes s'entendent ou ne s'entendent pas, on fait la somme du nombre d'heures ou on ne fait pas la somme. Je les ai écoutés, vos commissions, et depuis le début, et j'en ai des dizaines et des dizaines de pages de notes. Donc, votre travail sera colossal, et le rapport, on l'attend avec impatience au mois de mai et on va le lire avec attention.

Et ce qu'on dit, c'est que, pour aider un élève qui a un ou des troubles d'apprentissage, parce qu'on a ça dans nos écoles présentement, ça prend un soutien d'un adulte, d'un adulte signifiant engagé auprès des jeunes et que ce soit un enseignant, que ce soit un intervenant, un enseignant orthopédagogue, un spécialiste de l'orthophonie, par exemple, ou de la psychoéducation... Puis ce qu'on dit, c'est : Après l'intervention de l'humain, là, dans l'aide qu'on apporte à ces jeunes-là, bien, on peut intégrer des outils à l'aide à l'apprentissage. L'outil ne remplace pas l'humain, l'outil, ce qu'il fait... puis il ne règle pas le trouble non plus, hein? L'appareil, l'outil ne règle pas le trouble d'apprentissage de l'élève. Il soutient cet élève-là, l'amène, j'oserais dire, à un même niveau que les autres élèves qui n'ont pas besoin de ce soutien numérique là. Au même titre, on faisait le parallèle avec une paire de lunettes pour un élève qui a besoin de cet outil-là pour bien voir.

Donc, ce que nous, on dit, c'est que, finalement, c'est qu'on met un outil dans les mains d'un élève avec un trouble d'apprentissage, puis cet outil-là, à lui seul, il ne peut pas permettre à l'élève de réussir. Ça prend l'humain à côté qui va le guider, qui va l'accompagner, qui va l'encourager, qui va le pister, parce que, des fois, il pense qu'il est très habile avec cet outil-là, puis, woups, bien, il a besoin d'être recadré. Puis ce qu'on veut, c'est former des citoyens qui seront autonomes avec ces outils numériques là, éventuellement. Et ça, pour nous, c'est le rôle de l'école de les aider à être habiles et autonomes avec les outils numériques.

M. Ciccone : Vu la situation actuelle, puis je ne vous apprends rien, là, il manque de personnel dans les écoles, techniciens, éducateurs spécialisés. Est-ce qu'à cause de cela on risque de, justement, pousser les jeunes un peu plus vers les outils technologiques?

M. Bergevin (Richard) : La problématique de la pénurie amène beaucoup de problèmes dans nos milieux, hein, que ce soit des gens qui ne sont pas suffisamment qualifiés ou des gens qui manquent dans les différents postes, là : enseignants, personnels de soutien, professionnels. Alors, est-ce que ça peut amener à des mesures qui sont malheureuses? Oui, ça peut amener à des mesures qui sont malheureuses. Est-ce que celle-là en particulier... Ça dépend des milieux.

M. Ciccone : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.Bonjour à vous trois. On a un débat ici, là, une discussion, plutôt, depuis quelque temps sur le niveau d'interdiction. Est-ce que c'est à la classe, l'école, le centre de services scolaire, le Québec? Tout le monde semble être d'accord que, pour la classe, ça fonctionne assez bien. La directive actuelle, pas nécessairement besoin de la changer. Après ça, vous, j'ai cru comprendre que, par école, ça serait l'idéal, une directive pannationale, là, du ministère de l'Éducation qui dit : Partout, plus maintenant, là, de cellulaire sur l'ensemble du territoire de l'école. Ce n'est pas l'idéal, il faudrait laisser de l'espace à chaque équipe-école puis à chaque conseil d'établissement?

M. Bergevin (Richard) : Nous, ce qu'on préfère, c'est de travailler... On l'a appelée la communauté-école, là, parce qu'équipe-école c'est un peu plus restrictif. Communauté-école, ça inclut aussi les parents dans l'enjeu.

Nous, ce qu'on considère, c'est que si on amène la... Ce qu'on souhaite, c'est qu'au niveau national, on ait des balises claires. Tout à l'heure, je vous disais : On veut que les enseignants aient les bonnes informations pour être capables de faire des choix éclairés. On veut que les milieux aussi, les écoles aient des bonnes... des balises intéressantes pour être capables de faire des choix éclairés. Mais, si on amène la décision au niveau du conseil d'établissement, avec l'école, les professionnels de l'école, avec les parents, on risque de créer une certaine mobilisation autour de ça, qui va être plus grande et plus intéressante que si on a un ministre de l'Éducation qui vient chapeauter tout ça et vient donner une grande directive à tout le monde. Il y a la facilité de dire qu'on n'a pas à prendre ce... Tout à l'heure, quelqu'un parlait de courage, là, on n'a pas besoin d'avoir, dans nos milieux, le courage de dénoncer. Par contre, si on a le courage de, justement, faire la discussion et d'amener des solutions qui sont locales, on pense que ça va être plus gagnant à long terme que d'avoir une grande directive. Par contre, on les veut, les balises nationales, hein? On veut avoir l'information, on veut avoir les chercheurs. Puis si on ne les a pas, présentement, les informations, si les chercheurs n'ont pas encore les solutions, bien, on veut qu'ils soient mis à profit dans les prochains temps, dans les prochaines années, pour nous en amener des bonnes solutions, des bonnes balises, des balises qui vont être probantes, qu'on va être capables d'utiliser pour être capables d'aller plus loin et de prendre... de faire des choix éclairés.

Alors, ça, là-dessus, il faut mettre les scientifiques à profit. Il faut mettre les balises nationales à profit, mais il faut laisser les milieux se mobiliser pour faire les choix les plus éclairés pour chacune des écoles.

M. Leduc : Il y a sûrement des écoles, d'endroits que vous représentez comme syndicat, qui ont déjà appliqué ça à l'échelle de l'école, là, pas juste à l'échelle de la classe. Est-ce que ça... Ça se passe comment, en fait, à votre connaissance?

M. Bergevin (Richard) : Moi, je vais répondre pour le secondaire, parce que je suis plus du secondaire, puis je vais laisser Karine répondre pour le primaire. Je pense qu'elle a des bonnes informations à transmettre. En fait, quand les balises sont sorties, la première chose que, personnellement, j'ai faite, je suis descendu dans des écoles secondaires pour aller voir, justement, comment ça se passait. Puis j'ai des collègues qui travaillent... J'ai plusieurs collègues qui travaillent au secondaire, puis ils m'ont dit, en général, que la transition s'est assez bien faite, mais qu'il n'y a pas eu beaucoup de changements, parce que, dans la plupart des milieux où j'ai visité, les gens avaient déjà des méthodes pour éviter que les élèves aient les téléphones cellulaires dans leurs poches. Alors...

• (17 h 20) •

M. Leduc : Comme quoi, mettons?

M. Bergevin (Richard) : Bien, la boîte en avant, avec les espaces pour que les jeunes laissent leurs cellulaires, ferment les cellulaires, etc., et que ça reste là.

M. Leduc : Ça, c'est l'initiative de profs?

M. Bergevin (Richard) : D'enseignants ou d'écoles, là. Certains milieux l'ont fait plus de façon école, mais la plupart du temps, c'étaient les enseignants qui avaient pris ces initiatives-là. Et, anecdote, quand il n'y avait pas de boîte en avant, parfois les élèves demandaient au prof : Mais c'est où que je le mets, mon cellulaire, là? Tu sais, donc, c'était rentré dans les moeurs qu'on ne garde pas le cellulaire dans nos poches puis on va le déposer en avant.

Alors, le changement qui a été amené par la directive ministérielle n'a pas modifié de façon importante la façon dont ça se passait dans les classes, alors... Mais ça se vit très bien de ne pas avoir de téléphone cellulaire dans les poches puis de... parce que tout à l'heure, on parlait de l'attention, hein, de la distraction qu'amène un téléphone cellulaire. Quand ça vibre dans nos poches, inévitablement, à 15, 16 ans, ça devient... la concentration lâche ce qu'on est en train de faire puis s'en va sur le cellulaire. Même si on n'a pas le droit de le sortir, on le sait qu'on a eu un message, on le sait qu'on veut savoir c'est qui qui nous a écrit, on veut savoir c'est quoi qu'il y a sur le message, et donc ça détourne l'attention. Puis l'attention en classe, la concentration sur le travail d'apprenant, c'est un élément essentiel pour maximiser les heures qu'on a dans nos classes avec nos élèves pour les faire progresser. Parce qu'on parle souvent de réussite, mais la réussite, ça vient avec la concentration puis l'attention.

Mme Nantel (Karine) : J'ai la même lecture que mon collègue...

M. Leduc : Bien oui.

M. Bergevin (Richard) : Excuse-moi!

Mme Nantel (Karine) : Bien non. C'est ça, je vais prendre la parole. Vous comprendrez que j'ai la même lecture.

Au secondaire, ça se faisait déjà dans les écoles, la boîte pour déposer le cellulaire, les pochettes avec les petits numéros. Donc, ça, c'était déjà acquis dans la plupart des écoles. Au primaire, vous n'êtes pas sans savoir que les élèves sont un peu plus jeunes, donc on a moins cette problématique-là. En cinquième, sixième, ça commence tranquillement, mais les enseignantes et les enseignants s'étaient dotés de règles précises dans les codes de vie qui étaient approuvés par les conseils d'établissement. Donc, souvent, il y avait déjà des directives qui étaient en place pour permettre, justement, de réguler les élèves.

Puis mon collègue l'a dit, c'est intéressant de voir que les élèves apprennent rapidement, et la plupart se conforment. Bon, il y en a toujours qui trouvent ça un peu plus difficile, ou qui les cachent, ou... mais les élèves apprennent. Les élèves aiment bien avoir des balises, hein, les enfants aiment ça, avoir des balises claires, cohérentes et que les intervenants d'une même école appliquent ces balises-là. Donc, ça causait moins problème.

M. Leduc : Est-ce qu'il pourrait y avoir une modulation du genre interdiction totale du cellulaire au primaire? Parce que, là, je suis un peu... J'ai vu un chiffre tantôt, je ne me souviens plus c'était qui qui disait qu'il y avait quasiment 50 % des élèves de sixième année qui avaient un cellulaire ou une tablette. Ça me semble... J'étais étonné, je ne pensais pas que c'était autant que ça. Est-ce qu'il pourrait y avoir une interdiction totale, au primaire, pour dire : pas de cellulaire dans l'établissement scolaire, de Gatineau à Gaspé, tandis qu'au secondaire on laisserait plus de lousse, dépendamment des écoles, selon l'application d'un cas x ou y? Est-ce que ce serait possible d'imaginer un scénario comme ça?

Mme Nantel (Karine) : L'objectif, c'est d'avoir des balises claires, qui viennent du ministère ou du gouvernement. Et ensuite, nous, on prône vraiment la... l'équipe ou la communauté... comme mon collègue l'a dit, la communauté-école qui se prononce, et qui a ces débats-là de fond dans les milieux, et qui arrive avec des directives qui collent au milieu. On l'a dit, arriver avec une règle pour tous, un mur-à-mur... les gens ne participent pas aux discussions, ne participent pas aux échanges. C'est toujours plus difficile de faire... d'amener les gens vers ces nouvelles balises et règles. Nous, ce qu'on prône, c'est une discussion franche dans les milieux et des décisions qui sont prises à l'échelle de la communauté de l'école.

M. Leduc : Mais, tu sais, cinq, sixième année, on a quoi, 10, 11, 12 ans?

Mme Nantel (Karine) : 12.

M. Leduc : Est-ce que c'est la même utilisation du cellulaire que leurs grands frères, grandes soeurs de 13, 14, 15, 16?

Mme Nantel (Karine) : C'est difficile à dire. On n'est pas... Moi, je suis... Vous parlez à la prof probablement la moins techno au Québec. Donc, vous l'aurez rencontrée, là, c'est moi. Et à côté, j'ai quand même un scientifique, un prof de science, qui est un... qui est quand même très, très débrouillard en informatique. Je peux vous dire qu'autant à l'école qu'à la maison, ce qui est important, c'est... puis d'autres groupes avant nous l'ont dit, c'est de donner l'exemple, hein? C'est de dire : Bien... puis c'est de s'engager auprès des jeunes pour comprendre leur réalité. Vous avez eu une intervenante ici, Mme Parent, Dre Parent, qui est venue parler de conversations franches qu'elle a eues avec les jeunes, puis je pense que ça, ça peut nous outiller sur leurs besoins et sur leurs limites, parce qu'ils l'ont évoqué qu'eux autres aussi, ils trouvent qu'ils sont trop souvent sur ces appareils-là. Et il y avait des jeunes enfants, là. Elle a fait... elle a cité des témoignages de jeunes qui disaient : Bien, moi, j'aimerais ça passer plus de temps avec mon père, avec ma mère, qu'elle me parle. Donc, si, dans nos familles, on est capables de mettre des règles sur l'utilisation... bien, pas de cellulaire à table, bien, j'imagine qu'on est capables de faire la même chose dans une classe, pas de cellulaire en classe.

Et tout ça s'explique. Dès qu'on a une intention... parce que c'est ça, la mission de l'école, c'est d'expliquer, c'est de conscientiser, c'est de sensibiliser. Donc, si on nous oblige ou on nous donne des balises mur à mur, bien, on nous enlève une partie de notre ADN, comme pédagogue, d'expliquer, de sensibiliser, de questionner. Et cette docteure expliquait qu'il y avait des mots clés, hein? Nommer les choses. Les élèves, des fois, ils sont... ils ont honte de dire à quel point ils utilisent trop souvent ou trop longtemps l'appareil. Et je pense que donner la parole aux jeunes dans cette... puis vous allez le faire, en commission, vous allez aller dans les milieux, et ça, on salue cette initiative-là, parce qu'il faut faire parler ces jeunes-là, de 11, 10, neuf, et ceux qui sont au secondaire, pour comprendre leur dynamique et comprendre à quel point ils en ont besoin aussi, de ces outils ludiques, de socialisation. Et certains docteurs sont venus dire que ce n'est pas nécessairement positif de les éliminer complètement. Nous, on le voit, dans les milieux scolaires, les jeunes partagent entre eux et communiquent entre eux. Si on leur enlève complètement, on passe à côté d'une partie de leur vie importante. Maintenant, il faut les amener à réfléchir à leur utilisation, et ça, les mieux placés pour faire ça, c'est les enseignants et les enseignantes.

La Présidente (Mme Dionne) : Justement, parlant d'enseignants, enseignantes, j'ai discuté cet été sur le terrain avec des enseignants. Malgré la directive d'interdiction en classe, on a encore des enseignants qui ont une problématique avec des élèves qui amènent leur cellulaire, puis, malheureusement, à un moment donné, ils sont confrontés à des limites, là, pour l'interdire. Donc, si on ne fait que mettre des balises, puis qu'on continue, dans le fond, puis que le cellulaire est toujours autorisé dans l'établissement ou sur les terrains d'école, comment on peut faire pour mieux aider ces enseignants-là qui vivent encore avec des problématiques de cellulaires? Puis souvent, c'est ça qu'on me disait aussi, là, c'est l'appel d'un parent à 15 h 55, avant que la cloche sonne, juste pour voir si l'enfant est dans la classe. Mais, en tout cas, bref, comment est-ce qu'on peut faire pour soutenir les enseignants quand même?

M. Bergevin (Richard) : Bien, nous, on part avec la balise que ce qui existe actuellement, c'est... On part de là. Alors, présentement, les cellulaires ne sont pas supposés être en classe. Les profs ont pris des moyens. S'il y a des problématiques dans les milieux, il faut que les milieux se donnent les moyens. Puis souvent, entre les décisions et les moyens, c'est souvent là que ça achoppe parce qu'il faut que les milieux aient les moyens. Présentement, les milieux ont un stress important en lien avec la pénurie puis en lien avec ce qu'on connaît de nos milieux scolaires, ce qui fait que c'est difficile, parfois, de faire appliquer des règles.

C'est sûr que de dire... de prendre une décision qu'on élimine les téléphones cellulaires de toutes nos écoles, à la grandeur du Québec du jour au lendemain, ça peut être une décision qui soit prise, mais ça va aller aussi avec son lot de problématiques qui vont être en lien avec ça. Ça va venir aussi avec des parents qui vont dénoncer ce type de situation là parce qu'ils veulent être capables de rejoindre leurs enfants. Ça va arriver aussi avec des problématiques de gestion de cet encadrement-là.

Et aussi, il ne faut pas se le cacher, là, si, demain matin, on donnait la directive d'éliminer tous les cellulaires de toutes les écoles, là, on se retrouverait avec un problème de sevrage des élèves, O.K.? Non, puis on en rit, là, c'est toujours... mais éliminons les cellulaires, là, puis on va avoir une autre problématique de santé publique qui va... qu'on va avoir à gérer dans nos écoles. Et là, je vous le dis, si jamais vous arrivez à la conclusion de cette commission-là en disant qu'on élimine des cellulaires des écoles, là, s'il vous plaît, faites des recommandations en lien avec ça, parce que nous, on va avoir à le gérer dans nos écoles. On va les avoir, les élèves qui vont être tout croches pendant je ne sais pas combien de temps. Je ne suis pas un scientifique, je ne connais pas cette... Oui, je suis un scientifique, mais je ne connais pas cette notion-là, mais ça risque d'être long. Alors, j'aimerais ça que... si jamais vous prenez cette décision-là, amenez des solutions puis des moyens dans nos milieux.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

• (17 h 30) •

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Dans votre mémoire, donc, vous nous dites : «On constate que les populations plus vulnérables sur le plan socioéconomique se trouvent plus durement touchées par des inégalités numériques.» Donc, vous parlez beaucoup de la fracture numérique. Dans le cadre des consultations, vous les avez écoutés, donc, quant aux disparités avec les milieux sociaux... les milieux, donc, socioéconomiques. Donc, on nous a surtout parlé, donc, d'une surabondance, donc, l'usage des écrans, ou d'une prévalence d'un usage, donc, plus inapproprié, ou plus ludique, ou de divertissement dans les milieux défavorisés.

Donc, je voudrais peut-être vous entendre sur cet aspect-là. Donc, comment est-ce que vous réconciliez ce qu'on a entendu dans le cadre des consultations et l'enjeu de la fracture numérique qui... quelles autres recommandations ou comment est-ce que vous, vous verriez... par exemple, donc, votre recommandation 3 de campagnes de sensibilisation, est-ce que vous les feriez ciblées aussi? Donc, je voulais vous entendre sur cet aspect-là, sur ces disparités.

Mme Nantel (Karine) : Bien, ce qu'on pense, c'est que... Bien, on l'a vu avec la pandémie, hein? Lorsqu'on a dû basculer, là, rapidement en pandémie, on l'a vu qu'il y a certains milieux qui n'étaient pas prêts, hein? On a dû même fournir des portables, des... il y en a qui n'ont pas la connexion Internet, donc on a même dû fournir des clés pour avoir une connexion Internet. Donc, ça, on l'a bien... On l'a bien senti qu'il y avait des disparités importantes.

Maintenant, on... J'ai entendu ce que vous dites, puis ça m'amène à vous parler aussi de la formation chez les parents. On l'a vu, les parents ont besoin aussi d'être formés sur les meilleures... la meilleure utilisation des outils numériques, tablettes, cellulaires et autres. Et dans notre avis, on parle aussi de la formation des enseignants. Et il y a une donnée intéressante où on dit qu'on a 80 % des enseignants qui se sont formés sur le numérique et seulement 30 % nous ont dit que ça répondait à leurs besoins. Donc, ça, c'est très préoccupant.

Donc, on va avoir besoin de soutien dans nos milieux et dans les familles pour arriver à bien déterminer l'usage du cellulaire et des plateformes numériques, alors, lesquelles on met de côté complètement et lesquelles on peut utiliser, qui nous amènent moins de risque. Donc, c'est à ce niveau-là que nous, on avait...

M. Bergevin (Richard) : J'aimerais ajouter un élément aussi. On parle beaucoup du primaire, des jeunes, on parle beaucoup aussi du secondaire, nos adolescents, mais il faut aussi parler de la formation professionnelle puis de la formation générale des adultes. Ce sont deux groupes que, souvent, on laisse de côté parce qu'ils sont minoritaires dans nos organisations, mais c'est important qu'on en tienne compte parce que la fracture, elle se vit là aussi. Des gens qui ont moins de formation, qui connaissent moins, on a besoin de les former, mais on a besoin aussi de les former à la limite du temps d'écran, là. On a les deux enjeux qui doivent être pris en considération, et ces groupes-là sont souvent des gens qui ont besoin d'aide, et de soutien, et de formation, surtout sur le numérique. Alors, c'est important de ne pas les oublier dans la fracture numérique, parce que ces gens-là, souvent, ont un besoin d'un soutien important.

Mme Cadet : ...vous faites bien de le soulever. Majorité numérique, vous êtes en contact avec les jeunes, donc, dans votre quotidien. On pose souvent, donc, la question, donc, sur le seuil d'âge. Donc, peut-être vous entendre sur ce point-là.

M. Bergevin (Richard) : On n'a pas amené d'âge ou de moment où on devrait avoir la majorité numérique parce qu'on a essayé de rester terre à terre puis de se poser la question : Qu'est-ce que ça va donner ou qu'est-ce qu'on va être capables de faire appliquer? On avait de la difficulté à visualiser clairement comment on ferait appliquer une majorité numérique.

Ce qu'on souhaite, c'est aller vraiment vers l'éducation et travailler vraiment sur la progression avec le temps... avec l'âge de l'utilisation du numérique, avoir une utilisation qui est saine, avoir des balises qui sont éclairantes pour les enseignantes et les enseignants pour qu'on soit capables de bien utiliser le numérique et dans une quantité qui est suffisante, sans dépasser les limites de ce que la recherche nous dira, qui est adéquate. Mais on n'a pas déterminé d'âge pour... de balises claires pour cet élément-là de la majorité numérique.

Mme Cadet : Vous voulez ajouter?

Mme Nantel (Karine) : Non seulement c'est difficile d'appliquer une majorité numérique, mais, en plus, ce qui... ce qu'on a découvert aussi, c'est que nos jeunes sont toujours deux coups en avance sur nous autres. Donc, ils sont capables de contourner, ils sont capables de détourner le contrôle parental. Donc, on pense que c'est difficile d'application, d'une part, et on va se... On pense que notre... Encore une fois, notre mission, c'est d'éduquer, sensibiliser, informer le mieux possible.

Mme Cadet : Merci. De retour précisément à l'école, donc, à un groupe plus tôt, donc, je leur posais la question sur la lourdeur de la tâche. Donc, vous avez parlé des défis qui se... qui existent, donc, dans notre système d'éducation en ce moment. Donc, est-ce que vous trouvez que l'usage périphérique des écrans... pas à des fins pédagogiques, ça, je vous ai entendus, mais usage périphérique des écrans, si ça alourdit la tâche du personnel éducatif?

M. Bergevin (Richard) : Quand vous parlez d'usage périphérique...

Mme Cadet : Périphérique, oui, c'est ça, j'ai un peu inventé ce terme.

M. Bergevin (Richard) : Ludique?

Mme Cadet : Mais c'est ça, ludique. Je veux dire, donc, l'emploi, donc, des technologies, des... la présence des jeunes sur les réseaux sociaux, donc tout ce que ça amène comme défis, puis que, finalement, donc, ça se fait, donc, à l'extérieur de l'école ou en périphérie de l'école, mais qu'au final, donc, l'école a quand même à en gérer les conséquences.

M. Bergevin (Richard) : Ça amène des enjeux qui sont importants pour l'ensemble de la société et pour l'école. Et, oui, ça alourdit d'une certaine façon la tâche des enseignantes, des enseignants, parce que, oui, on a à gérer de la socialisation qui n'est pas directe, devant nous, mais qui est par les médias sociaux, donc de façon détournée, donc difficile à gérer, ou à voir venir, ou, en tout cas, à...

Souvent, on aide les enfants ou les adolescents dans leur socialisation puis leur façon d'agir avec leurs collègues. On les forme, on les éduque pour que ça puisse bien se passer. Au niveau des médias sociaux, c'est souvent plus difficile, parce que c'est... ce n'est pas accessible nécessairement pour les enseignantes, les enseignants, et on n'a pas nécessairement la formation pour le faire, et on n'a pas nécessairement le temps pour le faire. Ça a des impacts dans nos classes directement. Ça a des impacts dans nos écoles, et, oui, ça alourdit la tâche des enseignantes, des enseignants, parce qu'il y a des comportements qu'on ne... auxquels on ne peut pas... sur lesquels on ne peut pas agir. Parce que normalement, quand il y a des comportements qui sont déviants, bien, on va essayer d'agir pour être capable de ramener les élèves, de les éduquer, de les former, de s'assurer qu'ils vont avoir les bons comportements, mais, quand on ne les voit pas, les comportements puis qu'on subit les crises qui peuvent s'ensuivre, bien, c'est problématique. Alors, oui, on en vit les conséquences.

La Présidente (Mme Dionne) : ...

Mme Cadet : Oui?

La Présidente (Mme Dionne) : Il reste peu de temps...

Mme Cadet : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : ...je vais passer la parole à Mme la députée de Châteauguay. Il reste trois minutes.

Mme Gendron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. J'ai une petite question pour vous. Plusieurs groupes, comme vous, nous ont mentionné que de prendre les décisions près du milieu, c'est ce qu'ils recommandaient, donc par le conseil d'établissement ou, comme vous dites si bien, là, le milieu école ou... En fait, ma question était : Advenant qu'une décision est prise d'avoir, oui, accès au cellulaire dans l'école... Je comprends bien que, l'année suivante, le conseil d'établissement pourrait décider tout autre chose, donc d'enlever la possibilité d'utiliser le cellulaire par les étudiants ou même par les professeurs. Aujourd'hui, la réalité, c'est que plusieurs professeurs l'utilisent, que ce soit, bon, pour accès à un dictionnaire, Kahoot!, plein de choses, et c'est utilisé au quotidien, puis ça fait partie du plan de travail du professeur.

Donc, en donnant cette responsabilité-là au conseil d'établissement, vous pensez qu'on peut garder une certaine stabilité, sachant que, d'une année à l'autre, toute cette base-là, là... ou, en fait, les outils pourraient changer d'une année à l'autre? J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là, quant à moi, d'instabilité ou... quant à moi, c'est comme incertain, autant pour le professeur... ou d'autant plus, même, pour les professeurs que les étudiants.

M. Bergevin (Richard) : J'irais là-dessus en disant que, bon, première chose, les enseignantes, les enseignants sont représentés au sein du conseil d'établissement. Rarement un conseil d'établissement a avantage ou intérêt... parce qu'on... les gens qui se retrouvent autour de la table, c'est les enseignantes, les enseignants, c'est du personnel scolaire, c'est les parents qui sont là aussi. Oui, il pourrait arriver qu'à un moment donné le conseil d'établissement change d'idée, mais ça serait plutôt surprenant que le conseil d'établissement change d'idée annuellement, parce qu'il n'y a personne qui a intérêt à ça. Ni les parents, ni les enseignants, ni le personnel scolaire n'a intérêt à ce qu'on joue au balancier avec ça.

Et je vous dirais du même coup que, même au niveau national, dépendamment des choix qui seraient faits par un gouvernement, un gouvernement pourrait changer d'idée, puis on pourrait changer de gouvernement, puis que le nouveau gouvernement ait d'autres idées puis amène d'autres mesures, réglementations, choix. C'est un peu plus lourd, on va s'entendre, qu'un conseil d'établissement, mais il reste qu'il pourrait y avoir des choix qui soient faits, différents. Ça dépend comment un gouvernement prendrait les décisions. Si c'est une loi, c'est plus long, mais, si c'était juste une réglementation, ça serait différent.

Mme Gendron : Est-ce que j'ai quelques secondes?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, il vous reste une minute.

• (17 h 40) •

Mme Gendron : O.K. D'après vous, est-ce qu'aujourd'hui, advenant qu'on donnait justement cette responsabilité-là au conseil d'établissement... est-ce que, d'après vous, la majorité déciderait d'accepter que les étudiants amènent leurs cellulaires ou de refuser?

M. Bergevin (Richard) : Ce qui est important, c'est les balises qui vont être données au niveau national par les données de recherche, les données scientifiques, qui sont capables de nous éclairer. Puis les conseils d'établissement, en général, ils suivent beaucoup la science, parce que les gens ne sont pas qualifiés pour être capables d'inverser la tendance. Alors, si la science nous dit que le bon choix, c'est d'interdire le cellulaire à l'école, il n'y a pas de raison pourquoi les conseils d'établissement iraient en sens contraire de cette directive... pas de cette directive-là, de cette balise-là, mais, pour ça, il faut avoir des données qui sont valables.

Mme Gendron : Merci. Puis je salue...

La Présidente (Mme Dionne) : C'est malheureusement...

Mme Gendron : Oui. Bien, parfait. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : ...tout le temps que nous avons. Alors, merci infiniment pour votre contribution à ces travaux.

Donc, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains témoins.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 17 h 45)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération autonome de l'enseignement.

Donc, bonjour et bienvenue à cette commission. Heureuse de vous revoir. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé, puis, suite à cela, nous pourrons procéder à une période d'échange et de questions avec les membres de la commission.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Mme Hubert (Mélanie) : Oui. Alors, Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission, bonjour. Alors, je suis Mélanie Hubert, enseignante au primaire et présidente de la Fédération autonome de l'enseignement. Je suis accompagnée aujourd'hui par ma collègue Annie Primeau, qui est, elle aussi, enseignante et vice-présidente à la vie pédagogique. Et on a avec nous deux personnes conseillères syndicales, Christel Gilbert et Marika Tremblay.

La FAE, comme vous le savez, est une organisation syndicale qui représente environ 60 000 enseignantes et enseignants des centres de services scolaires ainsi que deux écoles spécialisées, l'école Peter-Hall et le centre académique Fournier. Et on est un peu partout au Québec, là, dans la région de l'Outaouais, de la Montérégie, des Basses-Laurentides, Laval, Montréal, l'Estrie et la région de la Capitale-Nationale.

Pour la FAE, la réflexion qu'on mène ces jours-ci, c'est une réflexion très importante, tant d'un point de vue pédagogique que d'un point de vue de la santé et de la sécurité de nos élèves. C'est une excellente chose, qu'on prenne le temps d'y penser, et le sujet préoccupe grandement les membres qu'on représente. On mène d'ailleurs des travaux actuellement qui vont nous mener jusqu'à un congrès en juin 2025, et c'est ma collègue Annie Primeau qui va vous faire état un peu des positions qui ont été développées jusqu'à maintenant. Je lui cède la parole.

Mme Primeau (Annie) : Merci. Donc, depuis le lancement du plan d'action du numérique en éducation en 2018, le ministère attend du personnel enseignant qu'il participe à la formation des élèves sur le développement des compétences numériques, même sans programme dédié. Des investissements importants ont été réalisés en équipement, et plusieurs documents ont été publiés pour encourager les enseignants à adopter ces nouvelles pratiques destinées à préparer les élèves à une société en transformation. Ces publications mettaient en avant le numérique comme synonyme d'innovation, de créativité, de réussite éducative tout en soulignant l'importance du leadership et de l'implication des enseignants pour se former à des pratiques pédagogiques novatrices, collaboratives et créatives. Le cadre de référence de la compétence numérique propose de nombreux outils numériques, comme les jeux vidéo éducatifs, la réalité virtuelle ou les capsules vidéo en ligne.

Un rapport national de la Santé publique du Québec conclut que l'utilisation des appareils numériques en classe, qu'elle soit personnelle ou pédagogique, n'apporte aucun bénéfice à l'apprentissage. Il peut même avoir un effet négatif sur la cognition des jeunes. La simple proximité d'un appareil distrairait les élèves et aurait un impact négatif sur leur apprentissage. Mise à part une directive ministérielle interdisant les téléphones cellulaires en classe, aucune mesure concrète n'a été prise pour inverser la tendance ou pour atténuer l'influence des partisans du numérique. Il est difficile de concilier deux besoins opposés, développer des compétences pour évaluer un monde numérisé tout en promouvant une sobriété numérique pour limiter les impacts négatifs sur l'apprentissage. Le personnel enseignant est souvent seul à chercher un équilibre qui pourrait faire consensus sur cette question.

Au Québec, en 2011, les tableaux blancs interactifs ont été introduits dans les classes pour 240 millions de dollars, suscitant des controverses sur leur utilité et l'attribution des contrats. En 2018, le gouvernement de Philippe Couillard a lancé le plan d'action du numérique en éducation avec un budget de plus de 1 milliard de dollars. Pendant la pandémie de COVID-19, 42 millions d'équipement de vidéoconférence ont été fournis aux centres de services scolaires sans demande préalable. La FAE s'y est opposée, invoquant des atteintes potentielles aux droits des enseignants. En raison de l'absence de besoins réels et des réticences éthiques liées à l'enseignement comodal, ces équipements ont été peu ou pas utilisés. Le rapport du Vérificateur général du Québec de décembre 2022 a critiqué la gestion des dépenses en éducation, recommandant au ministère de l'Éducation du Québec de faire une analyse adéquate des besoins et de consulter les utilisateurs avant tout achat d'équipement.

La FAE insiste sur l'importance de l'autonomie professionnelle des enseignants, confirmée par la Loi sur l'instruction publique. Les enseignants doivent pouvoir choisir leurs méthodes et outils pédagogiques, y compris l'usage des outils numériques qui doivent rester des options de soutien. Cependant, la promotion des technologies par des conseillers pédagogiques et des marchands numériques menace cette autonomie en poussant l'intégration numérique sous prétexte d'innovation.

La FAE souligne les nombreux défis auxquels les enseignants font face pour évaluer et intégrer ces outils, notamment le manque de temps, de matériel et de soutien technique. Le choix d'utiliser des outils numériques doit appartenir exclusivement aux enseignants et non leur être imposé. Ces outils doivent servir les enseignants et non le contraire.

La FAE exprime des inquiétudes concernant l'enseignement à distance, récemment autorisé par le projet de loi n° 23, dans des situations exceptionnelles. La FAE craint que cette mesure ne soit étendue au-delà des contextes exceptionnels, comme la pandémie, et dénonce également des essais d'enseignement à distance dans des centres de services, comme lors des journées... des journées d'intempéries, pardon, ou des grèves. Les recherches montrent que l'enseignement à distance a eu des effets négatifs sur les résultats et la motivation des élèves, confirmant que cette méthode doit rester une solution de dernier recours.

La FAE affirme que la formation à distance, y compris en mode hybride ou comodal, doit rester une mesure exceptionnelle et qu'elle ne doit pas être utilisée pour compenser le manque de personnel ou de locaux. L'intégration de l'enseignement à distance modifie les conditions de travail des enseignants, ce qui devrait être négocié plutôt qu'imposé par le gouvernement. L'enseignement à distance nécessite une révision complète des pratiques pédagogiques et alourdit la tâche des enseignants. Ils doivent pouvoir influencer ces changements pour protéger leurs droits et assurer la réussite éducative des élèves.

L'ajout de nouveaux contenus numériques à l'enseignement est complexe, et, étant donné la rapidité d'évolution du domaine et la surcharge actuelle du Programme de formation de l'école québécoise, avant d'intégrer des nouveaux éléments sur les compétences, la commission doit d'abord évaluer les contenus qui sont déjà présents, tels que ceux en éducation à la sexualité, ainsi que les futurs contenus sur la violence et la santé mentale. Il est essentiel de permettre une implantation adéquate du programme de CCQ avant d'envisager des modifications et, si de nouveaux contenus sont recommandés, il sera impératif de retirer des éléments existants pour faire de la place car la surcharge des programmes actuels ne permet pas l'ajout de nouveaux sujets.

• (17 h 50) •

Mme Hubert (Mélanie) : Ma collègue l'a dit, la fédération revendique l'autonomie professionnelle des profs dans le choix des outils pédagogiques mais aussi leur participation dans les décisions qui les concernent. Alors, si la commission concluait d'encadrer le milieu scolaire, nous nous attendons à ce que le personnel enseignant ait voix au chapitre, que ce soit par des mécanismes de consultation qui sont établis au ministère ou encore, là, par ceux qui sont dans les conventions collectives. Et on met, nous aussi, en garde la commission contre les solutions mur à mur car chaque milieu scolaire a des particularités dont il faut tenir compte.

Évidemment, nous aussi, on a parlé du point de vue des profs, et donc du point de vue de l'école, mais l'encadrement du numérique ne peut pas reposer uniquement sur les épaules de l'école québécoise. Au moment de déterminer des mesures à prendre pour protéger nos enfants et nos adolescents, la FAE a bien peur qu'une fois de plus on se dise que le milieu scolaire va pouvoir régler les problèmes, et on pense que ça serait une solution dommageable, et ce n'est pas la voie à prendre. Les enjeux dépassent le cadre de l'école, c'est un problème de société et c'est de manière globale qu'il faudra le voir. C'est un partage... par un partage juste et bien ciblé des responsabilités de chacun qu'on atteindra les objectifs. Les parents demeurent un premier modèle et les premiers éducateurs de leurs enfants. La commission en a entendus qui sont prêts à jouer leur rôle.

Les entreprises qui produisent et qui distribuent du matériel devraient avoir des comptes à rendre. Ils ne peuvent pas être dédouanés des effets potentiels de leurs outils et de ce qu'ils offrent comme contenu. Et, si des éléments sont nocifs, bien, le gouvernement doit pouvoir utiliser son pouvoir de législation pour encadrer les entreprises, les plateformes de diffusion, faire des politiques générales, et ainsi de suite. Le domaine du numérique est aussi en constante évolution. On a beaucoup parlé d'avoir accès à des données, et, pour ça, le gouvernement pourra aussi continuer d'investir dans la recherche pour qu'on puisse prendre des décisions éclairées qui ne sont pas basées sur une mode du moment ou des pressions d'un marché ou d'une industrie.

Alors, pour conclure, l'école a certainement un rôle important à jouer pour mieux encadrer l'utilisation des écrans et des réseaux sociaux chez nos jeunes, mais rappelons que l'école ne pourra pas être l'unique gardienne de la prudence et de la tempérance. Il faudra en faire un projet de société pour nos jeunes. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour cet exposé. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Donc, M. le député de Marquette, la parole est à vous.

M. Ciccone : Merci. Il me semble que je passe le premier souvent, câline.

La Présidente (Mme Dionne) : Bien, vous levez votre main rapidement.

M. Ciccone : Ah oui! Merci. Non, je suis anxieux. Bonjour. Bonjour à vous quatre. Merci beaucoup d'être présents... d'être présentes.

Il y a deux éléments que vous avez soulevés et qui m'interpellent beaucoup, les enjeux d'éthique majeurs, je veux vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous considérez étant des enjeux d'éthique majeurs? Et également vous parlez de la sécurité des jeunes, je veux vous entendre là-dessus, puisqu'on parle beaucoup de santé. On a effleuré l'aspect sécurité privée, menace de vie privée, fraude, et tout ce qui est harcèlement, et tout ce qui vient avec ça, mais moi, je veux vous entendre sur ces deux éléments là, la différence entre les deux, puis des exemples, des exemples des deux, s'il vous plaît.

Mme Primeau (Annie) : Bien, si on pense à la sécurité des jeunes, il faut penser, là, lorsqu'on était... Là, vous faites référence à... le milieu de classe ou l'enseignement à distance comme on l'a vécu? Parce que...

M. Ciccone : Bien, regarde, je vais vous lire... c'est dans votre conclusion : «Ce dossier, fort complexe et multifactoriel, commande un maximum de prudence, de stratégie, de réflexion de la part de tous les acteurs impliqués dans l'éducation des enfants et des adolescents. Il en va de la santé et de la sécurité des jeunes.»

Mme Primeau (Annie) : Oui, bien là, lorsqu'on parle de sécurité, évidemment, on parle de sécurité au niveau intellectuel. Lorsque, par exemple, on a un jeune qui utilise un logiciel qui, finalement... ils ont toujours des espaces de clavardage un peu dans ces endroits-là, où là, finalement, on finit par échanger avec des gens qu'on ne connaît peut-être pas.

Et on a eu, tout le monde, connaissance d'histoires qui se sont finies de manière très malheureuse, de jeunes qui ont été hameçonnés par des gens qui se disaient de leur âge, mais qui ne l'étaient pas du tout et qui ont vécu des choses qui étaient désagréables. Évidemment, des situations aussi... un jeune, par bon vouloir, qui va partager, sur un site non sécurisé, des informations qui vont être à caractère sensible et qui pourront aussi le mettre de manière à risque. Donc, ce n'est pas seulement à distance, mais c'est aussi... pardon, de manière personnelle. Lorsqu'on le fait, ça devient aussi un enjeu éthique que d'avoir cette responsabilité-là aussi, à la fois qu'on soit comme parent ou qu'on soit comme enseignant.

Lorsqu'on a un jeune qui a un outil numérique entre les mains, les pare-feux doivent être rendus disponibles. Et, on va se le dire, et vous le savez également, ça va tellement vite qu'il se crée de nombreux sites Internet avant même que le pare-feu ait le temps de réagir et de les bloquer, malgré la bonne foi des écoles et des centres de services qui tentent de développer des mécanismes pour les barrer. C'est un domaine qui va trop vite.

Donc, l'aspect sécurité, à ce moment-là, un jeune également qui ouvre sa caméra, et qui prend des photos, et qu'il se retrouve à les partager de manière inadéquate ou qu'il se retrouve dans une situation où ces photos sont partagées, on l'a déjà également vu... donc on parle de cyberintimidation à travers ça, beaucoup. Il y en a eu, des exemples récents, dans l'actualité. Ça fait partie des enjeux éthiques majeurs et de sécurité des jeunes auxquels on peut rapidement penser.

M. Ciccone : Envers vos membres aussi, l'aspect éthique, et de filmer à son insu.

Mme Primeau (Annie) : Absolument. Le personnel enseignant n'est pas soustrait de ça. Il y a déjà eu, malheureusement, des partages tristes aussi concernant le personnel enseignant en classe, dans des situations malheureuses, là, qui se sont passées, qui mettent également à risque le personnel enseignant et qui... ils mettent aussi leur sécurité en danger, effectivement.

M. Ciccone : Également, dans le paragraphe d'ajout éventuel de contenus à enseigner, parlez-vous d'ajouter un élément au cursus scolaire? Parce qu'ici, là, vous dites, là : «Se conscientiser aux règles du bon citoyen numérique.» J'aime ça. J'aime ça, mais, en même temps aussi, on sait que c'est partagé, hein, cette problématique-là. Qu'est-ce qu'on peut faire pour avoir le bon parent numérique?

Mme Primeau (Annie) : Ah! c'est difficile. C'est difficile d'être le bon parent numérique parce qu'on n'est pas toujours derrière son enfant, derrière son épaule, à regarder sur quel site mon enfant va, qu'est-ce qu'il écrit, à quelle personne il écrit? Est-ce que cette personne-là est une vraie personne? Est-ce que c'est une personne usurpatrice, un robot? Et ça devient très difficile, donc développer des bons comportements numériques, mais c'est dans toute situation. Ça s'apprend à l'école, oui, avec les outils qu'on a, ça s'apprend également à la maison, avec les outils qu'on a à la maison. Et c'est par des discussions puis des préventions comme ça qu'on peut faire en sorte de protéger les jeunes de situations qui pourraient leur être nuisibles ou désagréables.

• (18 heures) •

M. Ciccone : Est-ce que, selon vous et vos membres, on devrait justement inclure, dans le cursus scolaire, un cours à cet effet-là?

Mme Primeau (Annie) : Le cours de CCQ inclut certaines notions de savoir-vivre, là...

M. Ciccone : Oui, mais spécialisé, là. Spécialisé, je parle, là.

Mme Primeau (Annie) : ...sur lesquelles on peut... Bien, si on va dans... au niveau des contenus, il n'y a pas de position au niveau du personnel enseignant à la FAE. Il n'y a pas de position qui a été prise à ce sujet. Ça va peut-être se faire au prochain congrès de juin, mais on ne peut pas devancer les positions qu'on a. Par contre, les positions qu'on a actuellement sont à l'effet de ne pas alourdir la charge qui est déjà présente. Puis, si on met quelque chose, il faut en enlever, la cour est pleine, ça ne rentre plus. Parce que les contenus notionnels — je te laisse aller après — sont saupoudrés sur les matières, ça fait qu'on lance ça comme ça puis on dit aux enseignants : Ah! bien, c'est pour la volonté des milieux, arrangez-vous avec ça, avec votre autonomie locale. Puis, bien là, les profs se tirent un peu la couverte pour essayer de passer ça dans leurs programmes respectifs, mais le PFEQ déborde.

Mme Hubert (Mélanie) : C'est ce que les profs dénoncent, souvent, c'est que, quand on veut régler des problèmes, quels qu'ils soient, on dit : On va mettre des nouveaux contenus à l'école puis on va l'enseigner aux jeunes. Et, en soi, ça peut être louable, mais on ne peut pas, à un moment donné, parler de brossage des dents, de RCR, d'apprendre à nager, et tout ça, ça s'ajoute à l'éducation, à la sexualité, et ainsi de suite.

Donc, les profs, ce qu'ils nous disent, c'est : On a déjà du mal à gérer nos programmes, à arriver au bout de ce qu'on a à enseigner, donc, si la commission jugeait qu'il y a des contenus à privilégier plutôt que d'autres, il faudra trouver de la place dans les programmes pour le faire. Et, quand c'est lancé dans le milieu scolaire et ça appartient à tout le monde... on le sait, quand ça appartient à tout le monde, malheureusement, souvent, ça n'appartient à personne, et c'est très difficile de faire les suivis de ce qui a été fait ou pas. Donc, si on veut atteindre des objectifs, ayons quelque chose de structuré.

Ceci étant dit, nos profs ne nous ont pas dit qu'ils avaient besoin qu'on enseigne ces contenus-là. On n'est pas là non plus, mais, de façon générale, quand on choisit d'ajouter des contenus, là, faisons-le avec prudence et faisons-le correctement.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Joliette.

M. St-Louis : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, de votre visite. Merci du dépôt de votre mémoire très important pour les travaux de la commission. Très content de vous entendre. Vous avez nommé le fait que c'est un projet de société, là, c'est une responsabilité partagée entre la famille et l'école, la ligne est mince.

Je suis un peu perplexe par rapport à... puis vous allez pouvoir m'éclairer, j'en suis certain, sur votre position. Vous dites : C'est la prérogative des professeurs. J'en conviens pour le contenu, mais, pour l'utilisation du numérique comme telle, si, dans une école donnée, il y avait plusieurs professeurs qui décidaient d'utiliser, à bon escient, j'en suis convaincu... mais on sait que le nombre d'heures est cumulatif puis on voit des enfants qui se retrouvent avec des deux puis des trois heures, peut-être, par jour, d'utilisation de numérique, alors que tout pointe vers un quatre heures par jour pour les saines habitudes de vie. Est-ce qu'il n'y a pas là de... Tu sais, comment vous allez faire pour le gérer à l'interne, si le prof de physique, le prof de chimie puis le prof de bio disent : Bien, moi, c'est bien de valeur, mais ça me prend le numérique pour livrer mon contenu? Comment la commission va pouvoir s'aligner, si on ne donne pas de balises plus claires, là, à l'établissement ou...

Mme Primeau (Annie) : Bien, je serais portée à vous dire que le numérique, il est déjà là, dans chaque local de classe. Le tableau avec la craie, ça n'existe déjà plus, donc toutes les classes sont équipées de tableaux blancs interactifs. Les classes ont déjà du matériel pédagogique qui est numérique, et ça, ça date depuis 2011.

Donc, pour l'instant, nous, il n'a pas été question de balise tant que de faire attention à ça, parce que, si on met des balises, considérez que, dans chacune des classes, qu'elles soient primaires ou secondaires, a été installé un tableau blanc interactif qui ne fonctionne qu'avec du numérique. C'est fini, la craie, c'est fini, les tableaux blancs avec les crayons effaçables à sec de couleurs. C'est comme ça que ça fonctionne, donc vous devrez le considérer dans vos balises, parce que, s'il y a un nombre d'heures limité, bien, on ferme le tableau.

Mme Hubert (Mélanie) : Si je peux me permettre, également, dans de trop nombreux milieux scolaires, beaucoup de profs nous disent : L'idée, là, que tout le monde va faire du numérique mur à mur, c'est fort peu probable aussi. En ce sens que beaucoup de profs dénoncent... Quand ils veulent utiliser les outils, qu'ils ont la compétence pour le faire et qu'ils ont un intérêt pour le faire, la première chose qu'ils nous disent, c'est : Je n'ai pas les prises électriques suffisantes dans ma classe pour le faire, l'outil ne fonctionne pas une fois sur deux, le technicien est disponible à peu près une heure par semaine pour mon école, et ainsi de suite.

Donc, les enseignantes et enseignants se butent continuellement à toutes sortes de défaillances techniques par... Ça fait que de dire que l'école au complet pourrait fonctionner en numérique du matin au soir, c'est mal connaître la réalité du milieu scolaire. Puis je ne dis pas que vous la connaissez mal, mais c'est de dire : C'est peu probable qu'on soit capable, dans l'état actuel de nos écoles, de penser qu'on va faire un... tout au numérique du jour au lendemain.

Et là je vous inviterais... j'inviterais la commission à regarder aussi le plan d'action numérique, et tout ça, qui a été déployé à la fin des années 2010, là, en 2018‑2019. C'était tout au numérique, et on prônait la magie de tout ça. Donc, si on veut revenir en arrière, il faudrait aussi revoir, peut-être, toute la documentation ministérielle qui existe, qui, en ce moment, prône beaucoup l'usage du numérique. Puis on a des compagnies qui travaillent beaucoup, en arrière, pour faire mousser ces politiques-là. Donc, il y a un rôle aussi du gouvernement à jouer pour établir des politiques qui seront peut-être différentes de celles qui ont été établies il y a six, sept ans.

Mme Primeau (Annie) : Puis le matériel scolaire, le nouveau matériel, il est numérique, maintenant, c'est fini, le bon vieux manuel papier, là, qu'on pouvait faire circuler d'un local à l'autre. Les manuels sont maintenant numériques. Puis il y a plusieurs compagnies aussi d'édition qui éditent leurs cahiers d'exercices en numérique, donc ça devient difficile.

Puis, pour la gestion complète d'une école, si on pense à une école secondaire où on a 300, 400 élèves qui ont une mesure qu'on appelait, là, 30810 et qui se promènent avec un portable... Allez voir les gens qui sont responsables de la gestion de ces portables-là et vous allez voir à quel point ça peut être complexe de gérer le numérique dans un établissement. Je n'ai pas de fil, je n'ai pas de souris, ma souris ne marche plus, mon ordi ne barre pas, la batterie a fondu, j'ai oublié la moitié de l'affaire, j'ai échappé mon verre dedans. Et ça, c'est à l'ensemble d'une école secondaire. Donc, je m'imagine difficilement une école strictement numérique.

M. St-Louis : Ce n'était pas ce que j'insinuais. Je me suis peut-être mal exprimé, là, c'était vraiment loin de ça.

Mme Primeau (Annie) : On est allées au plus loin.

M. St-Louis : Non, non, non. Moi, c'était plus une question de voir, justement... Puis les tableaux blancs... Je ne suis pas un expert, là, mais on parle des écrans bleus. Les tableaux blancs, pour moi, c'est venu remplacer le tableau noir avec la craie, donc c'est interactif, ce n'est pas une surutilisation des écrans comme les téléphones intelligents, les iPad ou les ordinateurs, donc. Mais ce qu'on nous a répété à plusieurs reprises, c'est qu'au niveau de l'éducation, s'il n'y a pas de valeur ajoutée d'utiliser le numérique comme tel, en classe, bien, la bonne vieille méthode interactive, comme... que moi, j'ai connue devrait être privilégiée, parce que le temps s'additionne. Il s'additionne à la maison, il s'additionne à l'école, il s'additionne partout puis il va continuer de s'additionner.

Puis on comprend que, bon, il y a le contenu, il y a la dépendance au niveau des algorithmes, mais, si on regarde juste le temps... l'écran lui-même, moi, ce que je me dis, c'est qu'à quelque part, si on n'arrive pas à baliser, comme société, le temps d'utilisation à l'école, on n'y arrivera juste pas.

Mme Primeau (Annie) : Non, mais l'enseignant qui utilise le numérique dans sa classe a son jugement professionnel aussi, a une raison derrière l'activité qui sous-tend l'utilisation du numérique, que ce soit un projet sur tablette, ou sur ordinateur, ou pour d'autres... bon, les cellulaires, là, maintenant, de moins en moins, on va plus fonctionner avec ordinateurs, tablettes, là, maintenant que c'est arrivé.

Il y a des logiciels qui existent, qui sont pour usage de la classe et qui sont bénéfiques à l'usage de la classe. On va penser, rapidement, à Antidote, qui va aider n'importe quel élève, mais principalement l'élève qui va être en difficulté d'apprentissage puis qui va pouvoir utiliser ce logiciel-là pour bonifier sa production écrite ou sa compréhension écrite. Il y a également des logiciels en mathématiques qui existent. Donc, il faut faire confiance à l'enseignant en place, là, dans la classe pour être capable de doser cet équilibre-là. Ce n'est pas parce qu'un élève en aurait, de l'enseignement numérique et accès à un écran à chaque période d'enseignement, que nécessairement 100 % de la période d'enseignement est dédiée au numérique, non plus. C'est une fraction d'une période.

Mme Hubert (Mélanie) : Puis vous dire que nos membres se sont quand même prononcés en faveur que le ministère fasse la promotion d'une utilisation sécuritaire et responsable des outils numériques puis qu'on puisse tenir compte, là, des normes éthiques, puis de la santé mentale et physique de nos jeunes en fonction de leur âge, puis qu'on ait... qu'on puisse prôner une forme de balise, là, en lien avec ça.

Donc, si on avait un ministère qui présente de l'information basée sur de la recherche et qu'on est capable d'avoir des informations, nos membres étaient intéressés à les avoir pour qu'on puisse faire une utilisation sécuritaire des appareils. Donc, ça, nos membres nous l'ont dit, là, en juin 2022, déjà.

• (18 h 10) •

M. St-Louis : Ça, ça me rassure. Puis c'est l'objectif de la commission, d'aller chercher ces réponses-là pour être en mesure de baliser puis d'encadrer ce qui, présentement, à notre avis, ne l'est... je ne peux pas parler pour tout le monde ici, dans la commission, mais ne l'est pas suffisamment, parce que... Puis on n'est pas les seuls, au Québec, là, il y a 41 États américains qui ont poursuivi Meta pour différentes raisons. Donc, je pense qu'il y a une conscientisation au niveau mondial qui fait en sorte que... Ce n'est pas pour rien qu'on est réunis ici. Alors, merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente... bienvenue. Je vais vous poser à peu près la même question que j'ai posée à vos collègues, là, de la FSE il y a quelques minutes, à savoir : L'application, donc, de la directive de l'an dernier sur l'interdiction en classe, comment ça s'est passé chez vos membres? Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des écoles, des établissements qui l'ont interdit à la grandeur de l'école, que vous représentez, et si vous avez aussi un écho de... comment ça se passe dans ces endroits-là?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, pour la directive en classe, vous dites que les... Je vais répondre un peu comme nos collègues précédents ont répondu, il y avait une grande majorité d'écoles où déjà, en classe, l'utilisation des cellulaires était déjà prohibée. Donc, la directive est venue un peu renforcer ce qui était déjà en place. Puis on peut dire, de façon générale, où, là, ça a peut-être aidé, c'est que c'est venu un peu légitimer les décisions qui sont prises par l'école. Donc, les disputes avec les parents, quand on a, par exemple, confisqué un appareil et tout ça, on peut s'appuyer sur une directive gouvernementale. Ce qui est intéressant de cette directive-là, c'était qu'elle permettait quand même une forme d'autonomie professionnelle par rapport à l'usage pédagogique de cesdits appareils, là, selon le jugement des gens.

Donc, on n'a pas eu d'échos énormément, là, d'endroits où ça se serait mal passé ou que les gens l'ont mal vécu. Là où les gens ont eu des difficultés, c'est plus dans l'annonce, le moment de l'annonce. Les codes de vie étaient déjà imprimés, et tout ça, ça a nécessité des ajustements qui n'étaient peut-être pas prévisibles puis... Peut-être qu'il y aurait un besoin de prévisibilité dans tout ça, mais ça s'est bien passé.

Et on a eu des commentaires, on entendait les gens en présentation, précédemment, parler de l'éducation... de la formation professionnelle et de l'éducation des adultes. On a eu des demandes. C'est peut-être anecdotique, on n'a pas de position là-dessus, mais il y a des gens qui se posaient la question à savoir pourquoi on n'a pas eu de réflexion par rapport à l'éducation des adultes et à la formation professionnelle. Certains auraient peut-être souhaité que ça les touche, d'autres non. On n'a pas de position là-dessus, mais c'est les échos qu'on a eus.

Sur notre territoire, on a une école qui a appliqué l'interdiction mur à mur pour l'ensemble du réseau scolaire. Pour le moment, on n'a pas d'écho que ça se passe mal. Ce qui est intéressant de ce milieu-là, puis il faut le dire... c'est le milieu qui a choisi de le faire, donc on peut imaginer une communauté autour de l'école qui est mobilisée dans le même sens, des parents qui vont avoir le même langage, le même discours à la maison. On peut imaginer que ça va peut-être favoriser des résultats, et ça sera intéressant de voir, justement, à cette école-là, comment ça va se vivre toute l'année et quelles retombées on pourra observer chez les élèves.

Et ça, ça nous amène à réitérer l'importance d'avoir des données, de faire de la recherche pour être capable de mieux comprendre les impacts puis de voir quelles solutions sont les plus porteuses. Mais l'exemple à Oka, entre autres, cette année, là, sera intéressant à suivre, assurément.

M. Leduc : Parce que c'est tout à fait récent, là-bas, là?

Mme Hubert (Mélanie) : C'est cette année.

M. Leduc : Ça commence, là.

Mme Hubert (Mélanie) : Ça a commencé cette année.

M. Leduc : Et donc l'idée de dire qu'il faudrait peut-être... Certains jonglent avec l'idée d'une interdiction sur le territoire de l'école, mur à mur, du Québec. Est-ce que, là, on commence à aller empiéter un peu sur l'autonomie de chaque milieu? Elle est où, la frontière? Où est-ce qu'on la trace, la ligne?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, pour nous, laisser la place à l'usage pédagogique pour les profs qui en sentent le besoin... pour nous, c'est intéressant parce que, malheureusement, on n'a pas toujours tous les équipements pour tous les élèves. Puis on a des exemples d'utilisation où c'est pratique que les élèves aient leurs propres appareils puis qu'on puisse... Par exemple, en classe d'accueil, les profs s'en servent sur une base assez régulière pour avoir des dictionnaires français et... peu importe la langue parlée par l'élève, on a accès à des ressources au bout des doigts.

Donc, une interdiction mur à mur sur l'ensemble des territoires scolaires, ça pourrait peut-être être un petit peu difficile pour certains projets pédagogiques dans certaines écoles, mais...

Mme Primeau (Annie) : Mais je pense que ça serait intéressant de voir comment ça se passe puis d'attendre un peu avant de prendre cette décision-là, de ne pas prendre de décision hâtive, mais de prendre le temps d'observer ce qui va se passer, comment ça va se passer, puis d'être capable aussi de faire les ajustements nécessaires.

Puis il y a aussi... d'un autre côté, j'aurais envie de vous dire, il y a plusieurs établissements qui, avant même l'arrivée de l'interdiction et de la directive ministérielle, là, par rapport aux cellulaires, qui avaient cette règle-là. Je vous ai entendue, Mme la Présidente, adresser la question à l'équipe qui est passée avant nous. J'aurais aussi envie de vous dire : Il faut que cette règle-là, lorsqu'elle figure au code de vie de l'établissement, soit respectée, donc pas seulement appliquée, mais qu'elle soit respectée. Et parfois, bien, il arrive que le personnel enseignant, parce qu'on à affaire à des jeunes qui veulent se prouver, vont offrir une certaine réticence, une certaine opposition à la collaboration... bien, il y a un bout de travail que la direction d'établissement doit faire avec les parents aussi pour cheminer en ce sens-là. Ce n'est pas normal que des enseignants dans une école se retrouvent seuls avec la problématique de gestion de cellulaire. Et ils ne se sentent pas soutenus... et qu'ils se sentent soutenus par une directive ministérielle, il y a quelque chose en moi qui trouve ça profondément triste. Il y a des gens qui sont à l'école ou qui sont membres de l'équipe de direction qui doivent faire ce pont-là. Lorsque le premier niveau enseignant-élève ne fonctionne pas, on doit passer au niveau suivant aussi, il ne faut pas l'oublier.

M. Leduc : Vous représentez à la fois des profs au secondaire et au primaire. Est-ce que, dans les discussions qu'on va avoir, à savoir si on applique ou pas des directives nationales ou pas... est-ce qu'on devrait faire une modulation en fonction du primaire ou secondaire ou ça devrait être la même recommandation, peu importe ce qu'elle sera, mais pour tous les niveaux scolaires?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, les enseignantes et enseignants qu'on a consultés nous parlaient d'avoir des normes qui respectent l'âge des élèves. Donc, on pourrait imaginer, peut-être, que les situations au préscolaire ne sont pas les mêmes qu'en cinquième secondaire. Je pense que nos membres étaient ouverts à avoir quelque chose de différencié, mais, encore une fois, il faudra avoir des données et qu'on puisse s'appuyer sur une recherche... de la recherche crédible qui va pouvoir nourrir les réflexions et pas juste nos intuitions ou notre expérience. Parce que, souvent, l'anecdote se généralise, et on tire des conclusions, mais encore faut-il pouvoir valider que ces intuitions-là sont les bonnes et voir s'il n'y aurait pas d'autres solutions plus intéressantes, plus porteuses qui n'ont pas été portées à notre connaissance.

M. Leduc : Peut-être une dernière, Mme la Présidente. Qu'est-ce qui serait, donc, parce que je me suis posé la même question, là, des données? C'est quoi, la donnée? Parce que j'imagine que tout le monde a un peu le biais de confirmation : il n'y a plus de cellulaire, tout le monde est plus content, tout le monde va mieux. C'est quoi, la donnée objective qu'on pourrait... qui pourrait être utilisée dans une école pour dire : Il y a en effet une amélioration, ou une détérioration, ou peu importe? C'est quoi? Le nombre de retenues, le nombre de plaintes, de...

Mme Primeau (Annie) : Oh! Ça fait longtemps que je n'ai pas entendu ce mot-là, «retenue».

M. Leduc : Quand j'étais au primaire, on allait à l'Oasis quand on était puni. C'était l'Oasis.

Mme Primeau (Annie) : Oui, je ne me souviens pas de la dernière fois que j'en ai donnée. Je vous dirais que les meilleures personnes pour répondre à ça, ce sont les chercheurs, les gens qui travaillent dans le domaine scientifique, qui sont les spécialistes de ça, qui vont pouvoir déterminer, par rapport au développement, par rapport à toutes sortes de critères scientifiques palpables, qui sont tangibles, qui sont concrets, qui ne seront pas subjectifs... vont pouvoir déterminer ça. Puis j'aurais envie qu'on fasse confiance à la science, qu'on laisse la science, qu'on laisse les recherches se faire, qu'on prenne le temps d'observer et qu'on n'agisse pas de manière hâtive, à vouloir tout placarder.

L'interdiction totale ne va pas permettre à quelconque être humain d'apprendre un bon comportement face à quelque chose. C'est un peu comme le jeune qui se bat tout le temps sur la cour d'école. Si on le retire de la cour d'école, il ne développera pas ses habiletés sociales pour apprendre des bons comportements sociaux en présence des autres sur la cour. Il y a une intégration graduelle, il y a un enseignement graduel qui doit être fait pour que ce jeune-là puisse réintégrer la cour d'école et s'amuser avec ses camarades.

Bien, l'interdiction du cellulaire, c'est la même chose, il faut... Oui, il y a des moments pour l'utiliser, non, il y a des moments où on ne peut pas l'utiliser, et tout sera dans une question de dosage. Ça fait que l'interdiction mur à mur, il faut y penser aussi, si vous vous en allez là. Mais moi, j'aurais envie de vous dire de faire confiance à la science, de laisser les chercheurs aller puis de les laisser faire ces... leurs recommandations, puis de les entendre, de les écouter, puis qu'on s'en reparle, là, de voir aussi comment ce projet-là à Oka va se dérouler, les observations que ces gens-là dans le milieu vont pouvoir en faire, également.

Mme Hubert (Mélanie) : Et peut-être, dernière chose, faire attention. On cherche souvent des statistiques rapides, on veut, pour un tableau de bord ou quoi que ce soit, avoir rapidement des chiffres. Des changements de comportement de cet ordre-là prennent du temps. Il faudra regarder d'une manière longitudinale aussi les choses. On ne peut pas s'attendre, en mettant en place quelque chose à l'an un, qu'à l'an deux on aura déjà toutes les retombées positives. Donc, se donner du temps aussi pour voir, à long terme, comment tout ça va évoluer, donc, avec la recherche, le temps, se donner le temps.

Puis c'est intéressant que vous soyez en commission transpartisane, là, parce que, justement, on est capable, de cette manière-là, de ne pas avoir la visée à court terme, de la fin de notre mandat, puis la réélection, ou notre programme électoral, on est dans une pensée peut-être plus globale, puis ça, ça va être intéressant pour la suite. Donnons-nous du temps.

• (18 h 20) •

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Bonjour. Plaisir de vous accueillir. Je pars du principe, là... d'une prise de position, puis je pense que vous l'amenez bien, que vous avez mise dans le rapport, c'est-à-dire : Les enseignants sont les mieux placés pour déterminer la façon d'intégrer les technologies dans le quotidien. Et je fais également du pouce sur... aussi sur une responsabilité partagée. Alors, on a ces deux visions-là qui doivent devenir un tout.

Et puis, tout à l'heure, cet après-midi, on a entendu quand même un groupe mentionner que 4 % des parents recevaient une communication sur comment étaient utilisées les technologies en classe. Alors, ma question, c'est : À partir du moment qu'on laisse les enseignants, comme vous le mentionnez, qui sont les mieux placés, comment vous voyez la communication entre le parent et... à la maison, sur qu'est-ce qui est utilisé en classe, le temps qu'on l'utilise en classe? Est-ce qu'on devrait y aller de manière nationale, c'est-à-dire laisser à l'enseignant l'utilisation dans sa classe, mais venir baliser le nombre d'heures, à l'école, c'est trois heures par jour.... une proposition nationale comme trois heures par jour, ou on y va au choix du professeur, et c'est une communication plus parent-enseignant, classe par classe?

Alors, où c'est que je veux en venir, c'est que je vois qu'à un moment donné, si on veut tous y arriver, collectivement, il va falloir qu'il y ait une communication qui s'installe et puis... le temps utilisé en classe puis le temps à la maison, quand mon enfant revient, qu'est-ce qu'il a consommé, le nombre d'heures qu'il a consommées, pour que moi... à partir de 17 heures, qu'est-ce que je lui autorise en soirée et... Comment on se parle?

Mme Primeau (Annie) : J'espère que cet enfant-là n'aura pas de devoirs à faire sur son ordi. C'est quand même quelque chose à faire, lorsqu'on arrive au secondaire, il y a beaucoup de travaux à faire, là, sur l'ordinateur, mais on n'a pas de... On revient à la notion de balise, on revient à la notion d'âge aussi, où, comme le mentionnait ma collègue tout à l'heure, on n'aura pas le même besoin lorsqu'on est au préscolaire versus lorsqu'on est en secondaire V. Mais cet apprentissage-là doit être fait, parce que, lorsqu'on arrive aux études supérieures ou encore en technique, là, parce que ce n'est pas tout le monde qui suit un curriculum linéaire, bien, il doit y avoir des adaptations qui sont à faire.

Mais, pour répondre à cette question-là, j'aurais envie de revenir à ce que j'ai répondu à M. Leduc, précédemment. On a d'excellents chercheurs, au Québec, dans nos universités, on a d'excellents professionnels scientifiques. Je pense qu'on peut leur donner le temps d'observer. Commencer à y réfléchir, oui, mais leur donner le temps d'observer puis de voir qu'est-ce que c'est, une bonne limite, et ce que ça n'est pas, tout en prenant conscience que cette extension-là de l'école... plus on vieillit, dans son cheminement au secteur jeunes, bien, plus on revient à la maison avec une bonne quantité de devoirs à faire. Donc, ce cheminement-là... Même si le parent dit : Bien, tu n'as pas de télé, tu n'as pas de cellulaire, il a quand même des travaux à faire. Donc, ça aussi, il faut y penser.

Puis le parent, bien oui, la notion de devoirs, c'est dans sa cour. Souvent, c'est le parent qui doit supporter, encourager, encadrer, soutenir son jeune, l'aider. Si l'ordi a planté, il y a une mise à jour à faire, le jeune est moins à l'aise, donc c'est le parent qui soutient tout ça. Donc, il faut y penser aussi.

Mme Hubert (Mélanie) : C'est sûr qu'une communication quotidienne avec les parents sur ce sujet-là particulièrement... Les profs nous disent... nous parlent souvent de la surcharge de travail. Donc, si on se disait... on mettait une obligation d'indiquer, par exemple, dans l'agenda, le nombre d'heures, ou tout ça, ça peut devenir très, très fastidieux aussi puis ça pourrait constituer un alourdissement de tâches. Puis, si on met du temps sur ça, bien, il faut imaginer que le temps, dans la journée, on ne le mettra pas sur, peut-être, d'autres choses qui va... qui seraient plus importantes. Donc, avant d'imposer, peut-être, des idées de cet ordre-là, je pense que ça méritera d'être réfléchi. Nos profs, en tout cas, n'allaient pas dans ce sens-là. On n'a pas de position, là, qui irait dans ce sens-là.

Puis il faut imaginer aussi, pour toutes les écoles où on a plusieurs adultes qui interviennent dans le courant de la journée avec les mêmes jeunes, ça suppose énormément de communication d'énormément de gens, de coordination. Ce n'est peut-être pas la meilleure voie, a priori, pour une question de faisabilité, là. J'ai de la difficulté à imaginer comment tous les adultes du service de garde, les différents cours, les spécialistes dans chaque matière, tout ça... Ce serait peut-être difficile à appliquer, mais effectivement, il y aura les enjeux de... Si on veut que les parents prennent leur part de responsabilité, il faudra penser comment on fait circuler l'information, mais surtout que les familles portent à la maison le même discours de ce qu'on voudra véhiculer à l'école. Parce que le problème, souvent, c'est que l'enfant, quand il retourne à la maison, il n'a pas toujours le même discours. Donc, si je me suis fait saisir mon téléphone à l'école mais que j'arrive à la maison, puis là mon parent est plus dans une logique d'appeler à l'école pour se plaindre que le cellulaire a été confisqué, bien, c'est sûr que ça ne nous aide pas.

Donc, moi, je pense qu'il faut beaucoup plus travailler à ce que l'école et les parents aient un message commun, puis qu'on puisse envoyer le même discours à nos élèves, et qu'il y ait une cohérence dans tout ce qu'on voudra faire, pour éviter que le milieu scolaire se retrouve isolé d'un côté puis les parents de l'autre.

Mme Primeau (Annie) : Tu sais, je pense que c'est important aussi, là, je veux faire du pouce sur ce qui vient d'être dit... Moi, je suis enseignante de première année à Montréal-Nord, donc j'ai 20 élèves, puisque je suis en milieu défavorisé. Et ce que je disais à mes parents d'élèves, c'est que, si votre demande ne peut pas se multiplier par 20 et être résolue par 20 en moins de deux minutes, c'est que ce n'est pas réaliste. Donc, je ne peux pas attacher 40 chaussures en moins de deux minutes. Donc, le parent, lui, il a un enfant dans ma classe, mais moi, j'en ai d'autres. Et plus on vieillit dans le curriculum scolaire, hein... les profs, au secondaire, ils en ont 180. Donc, c'est difficile, à 180, et ce n'est pas possible de penser à pouvoir dénoter, pour chacun des jeunes qu'ils croisent une journée, le nombre de minutes exactes. Donc, peut-être que ça peut être défini différemment, mais ça, ce sera justement à définir à la suite des recherches, qu'est-ce qu'un temps d'écran acceptable.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Il nous reste une minute. Peut-être, une dernière question de Mme la députée de Bourassa-Sauvé?

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Rapidement, donc, mesdames, vous avez souligné l'importance pour nous, comme législateurs, d'agir à l'extérieur de l'école également. Vous avez, par exemple, donc, parlé, donc, du travail à faire auprès des plateformes qui emploient des mécanismes de renforcement virtuel. Je pense que vous avez écouté les chercheurs, avant vous, qui en parlaient.

Est-ce que ce sont des mécanismes que vous voyez dans les applications qui se trouvent dans les établissements scolaires, qui, de façon un peu saugrenue, là, s'inséreraient, là, dans du matériel pédagogique?

Mme Gilbert (Christel) : En fait, les applications qui sont utilisées sont gérées par les centres de services scolaires, hein? Ce n'est pas l'enseignant qui peut, unilatéralement, décider d'utiliser n'importe quel outil. Donc, il y a quand même un processus, là, qui est fait, et le centre de services scolaire approuve, là, selon différentes réglementations, justement, au niveau de la sécurité. Donc, on souhaite très fortement...

Mme Cadet : Est-ce qu'on est assez informé sur les mécanismes de récompense?

La Présidente (Mme Dionne) : ...le temps, alors je dois... Désolée, c'est moi, la méchante qui va mettre un terme à cette conversation. Merci infiniment pour votre contribution.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux pour accueillir nos derniers invités de la journée. Alors, merci beaucoup pour votre contribution.

(Suspension de la séance à 18 h 29)

(Reprise à 18 h 35)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons le dernier groupe de cette journée de consultations. Donc, bienvenue aux représentants de la Fédération des établissements d'enseignement privés. Alors, merci d'être là, et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Suite à cela, on procédera à une période d'échange et des questions avec les membres de la commission. Alors, peut-être, d'emblée, vous présenter et nous faire part, par la suite, de vos commentaires. La parole est à vous.

Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP)

Mme Brousseau (Nancy) : Oui, bien sûr. Mme la Présidente, M. le vice-président et tous les députés membres de la commission présents, bonsoir, parce que c'est rendu là, et merci de vous pencher sur cette question fondamentale qui nous préoccupe aussi au quotidien. Moi, je m'appelle Nancy Brousseau. Je suis la directrice générale de la fédération, puis on va dire la FEEP, c'est plus court. Je vous présente notre président, M. David Bowles, qui est également le directeur général du collège Charles-Lemoyne. Et je suis également accompagnée de Mme Tania Genzardi, qui est la directrice des services complémentaires et à la vie scolaire chez nous, à la fédération. Nous sommes trois présents ici, ce soir, de Montréal, mais le mémoire que vous avez reçu a été écrit à plusieurs mains. Notre équipe pédagogique y a contribué.

Pour votre gouverne, juste pour vous situer, là, parce que tout le monde n'est pas dans l'éducation à temps plein, la FEEP, comme ses membres, c'est un petit OBNL. C'est, en quelque sorte, on peut le dire, là, pour faire un parallèle, le centre de services scolaire des écoles privées. Alors, nous, on est une trentaine d'employés et on est au service de 144 écoles secondaires, c'est le très grand nombre, 118 écoles préscolaires, primaires, 12 écoles spécialisées en adaptation scolaire, 15 résidences, et tout ça est réparti dans 14 des régions administratives du Québec. Alors, on se promène, et ces écoles regroupent, on va dire, 96 % des enfants qui sont au privé au Québec, soit à peu près 133 000 élèves.

Le mémoire déposé s'appuie sur de nombreuses recherches, mais également sur une enquête de la fédération, que nous avons menée postpandémie, au plus tôt que faire se peut, en 2023, et auprès de plus de 45 000 de nos élèves du secondaire. Alors, ce mémoire présente des pistes de réflexion et des recommandations pour un usage équilibré des écrans, et j'insiste sur ce mot. Je pense que c'est ce qu'on vise tous. Selon le temps imparti et l'expertise de notre petite équipe, vous avez sans doute constaté que nous avons fait des choix quant aux questions proposées dans le document. On n'a pas pu tout répondre.

Alors, je cède la parole à notre président David.

M. Bowles (David) : Merci. Donc, l'usage des technologies numériques, en particulier des écrans et des réseaux sociaux, a radicalement transformé la vie des jeunes. Alors que ces outils offrent des opportunités de communication et d'apprentissage indéniables, il est maintenant clair et démontré que leur usage excessif et/ou inadapté peut avoir des effets néfastes sur la santé physique, mentale et émotionnelle des jeunes.

Les écoles privées sont reconnues pour être des incubateurs d'innovation en éducation. Comme vous le savez possiblement, l'utilisation des technologies dans nos écoles n'est pas récente, et le modèle un pour un, c'est-à-dire un appareil par élève, est implanté depuis longtemps dans nos écoles. C'est cette expertise, entre autres, qui nous a permis de répondre rapidement aux enjeux de l'enseignement à distance lors de la pandémie.

Bref, nous utilisons depuis longtemps la technologie en classe. Nous en observons les effets et nous assurons une veille de la recherche à ce sujet. Cela dit, il faut d'emblée faire attention lorsque l'on parle de technologies ou des écrans en général puisqu'il en existe de nombreuses formes. Par exemple, l'école peut fournir ou imposer un portable ou une tablette à des fins pédagogiques pour l'élève, mais elle ne requiert pas l'achat d'un téléphone cellulaire.

Là-dessus, je vais céder la parole à ma collègue Mme Genzardi.

Mme Genzardi (Tania) : Donc, à la lumière de la recherche, de notre enquête et de nos observations, nous avons fait sept constats que je vais vous nommer.

Premier constat : comme vous avez pu lire dans le tableau fourni dans le mémoire, l'enquête de la FEEP démontre qu'une consommation excessive d'écrans est associée à une plus faible confiance de soi, au sentiment d'avoir une vie stressante et à des impacts négatifs de la santé mentale de façon générale.

Constat n° 2 : l'enquête démontre également le lien entre l'utilisation des réseaux sociaux et la cyberintimidation et les mêmes impacts, c'est-à-dire faible confiance en soi, stress élevé et santé mentale diminuée.

Constat n° 3 : l'usage prolongé et abusif des écrans réduit l'activité physique et les interactions sociales en personne.

Constat n° 4 : nous nous devons d'insister, les outils technologiques bien utilisés peuvent dynamiser l'enseignement, motiver les élèves et personnaliser l'apprentissage. Par exemple, ils permettent d'adapter les cours aux besoins spécifiques des élèves, en particulier pour ceux ayant des difficultés d'apprentissage. Ils permettent également un enseignement à distance lorsque la situation le requiert.

Constat n° 5 : les parents jouent un rôle crucial dans la gestion du temps des écrans de leurs enfants, ne serait-ce que dans l'exemplarité de bons comportements à adopter. Ils doivent être sensibilisés et outillés pour contrôler non seulement la quantité de temps, mais surtout l'usage que les jeunes en font.

Constant n° 6 : l'école peut et doit encadrer l'utilisation des appareils numériques en milieu scolaire. Il est toutefois essentiel d'avoir une collaboration entre les parents et l'école pour instaurer des règles claires et partagées par tous.

Et finalement, le constat n° 7 : la plupart des encadrements pour assurer une éducation au numérique adéquate des élèves existent déjà, qu'on pense notamment au cadre de référence de la compétence numérique ou au nouveau cours de CCQ. Il faut simplement s'assurer que cela soit bien appliqué, comme prévu par le MEQ.

La FEEP a soumis 31 recommandations dans son mémoire. Voici sept recommandations clés : encourager les parents à prendre conscience du temps d'écran de leur enfant et vérifier l'utilisation qui en est faite; la deuxième, encourager les écoles à mieux communiquer aux parents le temps d'écran nécessaire pour les devoirs et leçons afin de leur permettre de mieux gérer l'usage scolaire et récréatif; la troisième, encourager les écoles en accord à encadrer clairement l'usage des écrans dans leur milieu; quatrièmement, s'assurer que tous les élèves aient accès à une éducation numérique adaptée à leur âge; cinquièmement, s'assurer de la place numérique de la formation initiale et continue dans la formation du personnel scolaire; sixièmement, sensibiliser et éduquer les jeunes sur les risques liés à une utilisation excessive des écrans et des réseaux sociaux, notamment la cyberintimidation; et finalement, la septième, communiquer les directives à suivre ou les ressources disponibles en cas de problématique émotionnelle liée aux écrans.

Je recède la parole à David.

• (18 h 40) •

M. Bowles (David) : Donc, en conclusion, les écrans et les réseaux sociaux font partie intégrante du quotidien des jeunes inévitablement, que ce soit à l'école ou à la maison. Il est primordial de pouvoir... de promouvoir un usage équilibré, encadré et sain de ces technologies afin de maximiser leurs bénéfices tout en minimisant leurs effets négatifs. La collaboration entre les parents, l'école et les décideurs est essentielle pour assurer le bien-être des jeunes dans ce monde désormais numérique.

Dans cet esprit, la FEEP ne souhaite pas que le gouvernement impose des solutions mur à mur dans les écoles. À l'instar des comités de parents qui nous ont précédés, nous avons confiance en l'autonomie des milieux et en la collaboration des élèves, du personnel scolaire et des parents pour prendre des bonnes décisions pour leur milieu et leur réalité respective.

Nous souhaitons terminer avec une citation tirée d'un article récent du Devoir signé par le président d'Edteq, du président de l'AQUOPS et de la présidente et directrice générale de L'École branchée, qui reflète tout à fait notre position en tant qu'acteurs clés du système scolaire du Québec, et je cite : «Évoquer l'idée de sortir les écrans des écoles revient à dévaloriser l'éducation. Rappelons qu'au Québec l'école a une triple mission : instruire, socialiser et qualifier. Qu'on soit d'accord ou pas avec la présence numérique en ses murs, il est impossible en 2024 d'instruire en mettant de côté des sources d'information infinies accessibles via le Web, impossible de socialiser en ignorant le fait que les relations interpersonnelles se prolongent dans la sphère numérique et impossible de qualifier si on ne développe pas la compétence numérique mise au profit dans les emplois et la vie citoyenne d'aujourd'hui.»

J'ajouterais qu'il ne faut pas oublier que nous formons les élèves pour qu'ils puissent relever les défis de leur génération avec les outils de leur génération. Pour que nos jeunes Québécois puissent changer le monde, il faut les éduquer à utiliser les technologies, donc les écrans aussi, de façon saine, intelligente, efficace et éthique, et non se mettre la tête dans le sable en bannissant simplement leur utilisation à l'école.

Nous vous remercions de votre invitation et de votre attention soutenue en cette fin de journée et nous sommes... nous avons très hâte de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment pour ces commentaires. Donc, nous allons débuter cette période d'échange avec M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Vous passez les derniers d'une longue journée. Vous êtes les valeureux, valeureuses, bravo. On va essayer d'être aussi concentrés que les premiers de ce matin.

Vous semblez faire une distinction dans le vaste monde des écrans. On... faire la même distinction. Donc, j'ai l'impression que vous faites la distinction entre le cellulaire et le reste des écrans. Vous n'êtes pas en train de remettre en question la directive de dire : On n'a plus de téléphone cellulaire en classe, là. Vous n'êtes pas là du tout?

M. Bowles (David) : Non, pas du tout. En fait, nous, on a fait un sondage auprès de nos membres quand tout ça était dans les médias pour voir les pratiques dans nos écoles, et le cellulaire était banni dans la... en classe, là, dans la totalité de nos écoles, et c'est... parmi 60 % de nos membres, le cellulaire était banni même tout au long de la journée. Donc, effectivement, on ne met pas de... On ne remet pas ça en question du tout. On fait vraiment une distinction entre un outil qui a un écran, soit une tablette ou un ordinateur portable, qui est utilisé à des fins pédagogiques à l'école, encadré par l'école, et une utilisation personnelle d'un cellulaire, qui n'a pas sa place à l'école.

M. Leduc : O.K. Je vais revenir à ça, mais d'abord, donc, je veux compléter sur la différence entre les deux. Vous dites : Il y a quand même des outils pédagogiques importants et il faut enseigner ça aux enfants. C'est ça que vous nous dites.

M. Bowles (David) : Tout à fait.

M. Leduc : On ne peut pas... Vous dites : Si on sort... comment vous avez dit... si on sort le numérique de l'école, on ne sert pas l'éducation, quelque chose comme ça.

M. Bowles (David) : Bien, exactement, je serais d'accord avec la façon que vous l'avez dite, tout à fait. En fait, les jeunes utilisent le numérique dans leur vie de tous les jours, vont l'utiliser dans le milieu du travail, dans leur vie d'adulte. Donc, il faut enseigner la compétence numérique aux jeunes pour les former à relever les défis de leur génération quand ils vont sortir de nos écoles.

M. Leduc : Donc, si on disait : On sort le tableau blanc ou autre, on revient à la craie, le tableau noir, on revient aux cahiers Canada, ça existe encore d'ailleurs, vous n'êtes pas du tout là. Vous êtes à l'inverse, là.

M. Bowles (David) : On n'est pas là du tout. Bien, à l'inverse, en fait, les jeunes vivent dans un monde numérique. Ils vont travailler dans un monde numérique et évoluer dans un monde numérique en sortant de l'école. Il faut les préparer à ce monde-là. Donc, oui, on serait en désaccord de sortir toutes les technologies de l'école, puis je ne pense pas que ce serait bénéfique pour nos Québécois quand, partout en Amérique du Nord, les technologies existent aussi dans les écoles.

M. Leduc : Mais là, quand on parle, des fois, mettons, de récompense écran, ça, ce n'est pas...

M. Bowles (David) : Bien, ça, je suis en désaccord avec ça. Je ne peux pas dire que c'est quelque chose qui n'existe pas dans les écoles. Je peux vous dire que c'est certain qu'on demande à nos enseignants de ne pas donner des récompenses de temps d'écran. Ça, ce n'est pas une utilisation pédagogique.

M. Leduc : Je comprends, O.K., parfait, on se comprend bien. Donc, revenons sur l'histoire... donc, vous dites : 60 % de vos membres ont déjà banni le cellulaire sur le territoire de l'école, sont allés plus loin que la directive du ministre.

M. Bowles (David) : Bien, en fait, oui, en fait, il y a un certain nombre qui demandent aux jeunes de le laisser dans le casier le matin, d'autres qui disent... qui donnent des endroits où les jeunes peuvent le mettre, et, c'est ça, exactement, 60 %.

M. Leduc : Parce qu'on est à des années-lumière de ça dans le réseau public, là. Ça se compte sur les doigts d'une main, à la limite, là, les écoles, dans le public, qui ont banni sur le territoire... vous, c'est presque la majorité, là, 60 %.

M. Bowles (David) : Oui, mais, quand je dis «sur le territoire», les jeunes arrivent avec leur cellulaire à l'école le matin. Donc, il n'y a pas des fouilles. On ne leur demande pas de ne pas utiliser un cellulaire, mais on leur demande de le laisser au casier et de ne pas l'utiliser dans la journée scolaire.

M. Leduc : Puis, s'ils se font prendre sur l'heure du midi...

M. Bowles (David) : Bien là, chaque école a ses pratiques. Je peux vous dire que, chez nous, on va le confisquer jusqu'à la fin de la journée. Il fut un temps où on le confisquait pour quelques journées, mais les parents avaient de très, très fortes réactions. Donc, on le confisque pour la journée, et il y a une conséquence aussi. Ça peut être une réflexion que le jeune va écrire puis, si ça continue puis ça devient un problème récurrent, ça peut être des retenues et d'autres conséquences.

M. Leduc : O.K., mais là, donc, cette pratique-là, à 60 % de vos membres, elle est en fonction depuis à peu près combien de temps? Ça fait quelques années déjà ou c'est, somme toute, récent?

Mme Brousseau (Nancy) : C'est progressif, même cette année, c'est... Il y a davantage de gens qui ont pris ces résolutions-là, je dirais ça comme ça, par rapport à l'an passé. On n'a pas nécessairement des chiffres annualisés, là, mais...

M. Leduc : O.K., mais environ, ça fait quoi, deux ans, trois ans, plus que ça?

M. Bowles (David) : Bien, ça, c'était l'année dernière, là, justement, quand c'était... juste avant la directive, là, pas longtemps avant la directive qui a été envoyée.

M. Leduc : O.K. C'est très récent, très récent.

M. Bowles (David) : C'est récent, c'est très récent.

Mme Brousseau (Nancy) : Oui, oui, c'est récent, quand même. Enfin, tout le monde prend conscience... Évidemment, tout le monde en parle aussi à l'extérieur, que ce soit dans les médias ou... Quand le gouvernement prend cette problématique-là à bras-le-corps, bien, les gens font tous aussi une espèce de prise de conscience, et on est... On est avec les jeunes. Alors, ils peuvent voir aussi : Ah! bien, tiens donc, c'est la pause, mais c'est silencieux parce que tout le monde est devant son écran. Nous, on a une triple mission. Vous l'avez entendu 1 000 fois depuis quelques jours. Une de celles-là, c'est de socialiser. Alors, en quelque part, si on veut socialiser les jeunes, il faut leur permettre de le faire puis avoir les conditions qui leur permettent... Je ne veux pas dire qu'on ne socialise pas du tout via le numérique. Il y a quand même une partie qui peut se faire, mais, quand ils sont à l'école, du moins, c'est là où on peut interagir avec ses camarades.

M. Leduc : Cette proportion-là de 60 %, elle va continuer à grandir, vous pensez, dans le futur?

M. Bowles (David) : Je pense que oui.

Mme Brousseau (Nancy) : On pense que oui.

M. Bowles (David) : La question précise était : Avez-vous mis en place une politique qui restreint l'utilisation des téléphones cellulaires dans votre école? Il y a 15 % qui disaient : Oui, aucun cellulaire ne peut être apporté à l'école, puis il y a 45 % qui ont répondu : Oui, les cellulaires doivent rester dans les casiers toute la journée et leur consultation est limitée et occasionnelle.

M. Leduc : Puis ça, vous pensez que ça va continuer à croître en proportion de l'ensemble de vos membres?

M. Bowles (David) : D'après moi, ce serait plus de 60 % aujourd'hui si on posait la même question.

M. Leduc : Ah oui, hein, ça...

M. Bowles (David) : Mais c'est une impression. Je n'ai pas la statistique.

Mme Brousseau (Nancy) : Oui, c'est ça.

M. Leduc : C'est une impression. Bien, c'est ça, ce que je cherchais. O.K., et peut-être une dernière question. Il y a des gens qui proposent de dire : Il faudrait peut-être une interdiction mur à mur, une directive du ministre qu'il n'y a plus de cellulaire dans aucune école du Québec, point barre. Est-ce que, là, on va un peu loin ou vous préféreriez qu'on reste avec chaque école qui décide selon son milieu, si c'est applicable ou pas?

M. Bowles (David) : Nous, on préfère toujours laisser l'autonomie aux écoles. On sent que c'est vraiment une force de notre réseau que les écoles puissent s'adapter à leur réalité, à leurs parents, à leur clientèle, mais... puis de bannir complètement de l'école, là, ce serait une guerre à n'en plus finir, là. Au pourcentage d'élèves qui ont un cellulaire, de dire : Tu ne peux pas l'apporter du tout en tout temps à l'école dans tout le Québec... Je pense qu'à un moment donné il faut choisir ses batailles, choisir ses priorités, mais de...

M. Leduc : Il y en a qui le font, par contre, dans vos membres. Vous avez dit 15 %.

M. Bowles (David) : Il y en a qui le font. Il y a 15 % qui le font, effectivement.

Mme Brousseau (Nancy) : Oui, on va les regarder. On va les regarder aller. C'est intéressant.

M. Leduc : Puis ça doit être spécial. O.K. Comment ça se passe?

Mme Brousseau (Nancy) : Je ne peux pas vous le dire encore. C'est trop récent, mais ça va être intéressant de regarder ça aller. En fait, tu sais, quand on dit : Ne pas les apporter du tout, bien, en fait, s'il n'y a pas de vérification, ils peuvent le laisser au casier puis personne ne le sait, à moins que ça sonne dans les casiers.

M. Leduc : Il n'y aura pas de gardien qui va se promener puis inspecter, des fouilles à l'entrée.

M. Bowles (David) : Non, non, non, puis on a entendu... Il y a d'autres gens qui sont passés aussi, qui ont dit : On ne fouille pas les élèves, là. Donc, c'est vraiment... Même dans les cas comme... Dans l'école que je dirige, les jeunes n'ont pas le droit de l'avoir en classe, mais il n'y a pas de fouille. Donc, c'est simplement si ça sonne, si le jeune le sort, s'il le consulte, que l'enseignant va confisquer à ce moment-là.

Mme Brousseau (Nancy) : Exact.

• (18 h 50) •

M. Leduc : Je comprends. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay (Hull) : Alors, bonjour. Bon, vous autres, vous représentez, là, les établissements d'enseignement privés. Là où la technologie, je dirais... Bien, en tout cas, dans l'utilisation, est arrivé quand même, peut-être... Les élèves ont été outillés plus rapidement d'iPad, tout ça, par rapport au public, là. Chez nous, en tout cas, ça a été le cas, parce que les frais... on peut demander aux parents, puis tout ça.

Alors, est-ce que vous vous questionnez en lien avec ça? Parce qu'ici il y a l'INSPQ qui disent clairement, là, selon... que ça ne devrait pas être la méthode d'enseignement par défaut.

Alors, vous, vous avez été rapidement, là... à utiliser cet outil-là, puis le temps d'écran a augmenté probablement assez rapidement chez vous, là, dû au fait que vous l'avez intégré, puis ça a son effet positif. Je ne suis pas en train de dire... Mais est-ce que, là, vous avez une réflexion... parce c'est moins présent, là, l'iPad, partout dans l'école, là, au public, là, mais est-ce que vous une réflexion en lien avec ça? Parce que, là, l'INSPQ, ce qu'il vient dire, puis plusieurs chercheurs aussi, c'est que, tu sais, il faut qu'il y ait quand même, tu sais... à réfléchir à ce que ça apporte quelque chose à notre enseignement. Ce n'est pas juste un outil, mais vraiment un outil qui est pédagogique, qui apporte un plus qui, autrement, par d'autres façons, ne pourrait pas être apporté. Est-ce que, là, vous, vous avez cette réflexion-là, vous qui avez été quand même précurseurs de l'utilisation, là, des outils technologiques, chaque élève a son iPad? Vous avez plusieurs centres... écoles qui l'ont.

M. Bowles (David) : Tout à fait. En fait, on a eu la réflexion même avant de voir toutes les études, l'ayant expérimenté dans nos écoles. Rapidement, quand les écoles ont passé au modèle un pour un, on a vu les réactions des élèves. On a vu qu'à l'heure du dîner, si c'était permis, bien, tout le monde se ruait dans son écran sans se parler, à jouer à des jeux vidéo. Donc, rapidement, on a adapté nos règlements, on a adapté nos pratiques. Puis ce que vous avez dit, c'est exactement ce qu'on demande à nos enseignants. Si l'outil est utilisé en classe, c'est qu'il est utilisé à des fins pédagogiques, dans un but pédagogique, qui ne pourrait pas être fait autrement, ou il est utilisé pour enseigner carrément la compétence numérique à nos jeunes, chose que l'on doit intégrer, qui existe dans le cours de CCQ aujourd'hui, mais que le cours de CCQ a un nombre de périodes limité avec énormément de sujets à l'intérieur. Nous, on pense qu'il faut vraiment prioriser l'enseignement de la compétence numérique dans le cadre du cours de CCQ et, si ce n'est pas possible, dans le cadre d'autres cours ou dans le cadre des autres matières.

Mme Brousseau (Nancy) : Je pense qu'il faut faire attention aussi quand on... Il n'y a rien de tout noir ou tout blanc dans la classe, parce que, quand l'enseignant qui choisit ses méthodes d'enseignement utilise des outils numériques, bien, ça n'empêche pas que... Tu sais, le 60 minutes n'est pas que des outils numériques. Il peut aussi à la fois créer une aire de discussion entre élèves, basée sur un article qu'on est allés chercher. Tu sais, ce n'est pas du... Ce n'est pas du tout ou rien, là. Par exemple, on est ici, nous, ensemble, on discute, il y en a qui ont leur appareil, on fait un peu de tout en même temps, mais ce n'est pas tout ou rien.

Mme Tremblay : Vous avez une recommandation, qui est la recommandation 12, bon, qui parle de soutenir les activités du récit, là, qui fait quand même un bon travail, mais là vous allez un petit peu plus loin dans la recommandation parce que vous nous amenez sur l'intelligence artificielle qui, rapidement, dans la dernière année, là, les derniers mois, a pris de l'ampleur. Donc, quel est votre souhait en lien avec l'intelligence artificielle? Est-ce que, là, il y a des enjeux? Qu'est-ce qui se passe dans les écoles en lien avec l'intelligence artificielle?

Mme Brousseau (Nancy) : Ou, il y a des enjeux, c'est sûr, mais tout a été concentré sur l'enseignement supérieur à ce jour, puis c'est très correct, parce que je pense que c'était encore plus criant pour eux. Mais toute la première problématique, on va dire, centrée sur le plagiat, qu'on a connue en enseignement supérieur, bien, les élèves du secondaire ne sont pas bêtes non plus, là. Alors, aussi, c'est apparu comme une problématique, mais, au-delà de ça, ce qu'on essaie, et vraiment, on est aux balbutiements de tout ça, là, mais ce qu'on essaie, c'est d'outiller les gens de travailler avec des éléments, que ce soient des applications ou quoi, qui... et souvent c'est pour le personnel, en fait, c'est de leur faciliter la tâche, de leur permettre de travailler plus efficacement.

Par exemple, on aurait pu aussi... J'espère que ça ne s'est pas fait, mais, dans l'écriture des mémoires, avec les questions qu'il y avait, nous, on a un peu blagué en disant : On pourrait prendre toutes les questions qu'il y avait dans le document de consultation, les installer dans Internet, dans ChatGPT notamment, et il nous aurait produit un mémoire certainement qui n'aurait pas été plus bête que les autres. Alors, c'est d'outiller, donc, les gens à reconnaître ce qui est issu ou pas... En tout cas, ce n'est certainement pas le rôle de l'école de faire comme si ça n'existait pas, en pensant que, si on fait comme si ça n'existait pas, bien, il n'y aura pas d'influence.

M. Bowles (David) : Moi, j'ajouterais que c'est une compétence que les jeunes doivent absolument apprendre à utiliser. C'est un outil qui... auquel ils ont accès en ce moment, auquel ils vont avoir accès encore plus quand ils vont arriver au collégial, à l'université et dans leur travail. Donc, moi, pour moi, ça fait partie de la compétence numérique qu'il faut intégrer au cours, que ce soit dans le cadre du cours de CCQ ou quelque part dans le curriculum. Les jeunes doivent apprendre à utiliser l'intelligence artificielle de façon efficace, saine et éthique parce qu'ils y ont accès puis ils vont l'utiliser. Donc, encadrons-les puis assurons-nous de leur enseigner comment l'utiliser de façon efficace. C'est un outil qui peut être très, très utile pour eux dans la vie de tous les jours puis dans leur future carrière.

Mme Tremblay : Avez-vous une opinion sur l'âge numérique? Parce qu'on est venus dire, là, que, tu sais, la gestion des médias sociaux dans les écoles, ça prend énormément de temps parce que ça déborde le cadre de l'école. Donc, est-ce que vous avez... J'ai comme un peu deux questions, mais est-ce que l'âge numérique, vous êtes positionnés là-dessus? Puis la gestion de tout le parallèle des médias sociaux, comment ça a des... Comment on devrait agir?

Mme Brousseau (Nancy) : Vous voulez dire la majorité numérique? Est-ce que c'est ça auquel vous faites allusion?

Mme Tremblay : Oui... bien non, bien, d'avoir une... Est-ce qu'on impose un âge ou... pour l'accès aux réseaux sociaux?

Mme Brousseau (Nancy) : C'est ça, une espèce d'âge minimum, ce n'est pas tant que ça dans notre expertise, honnêtement, puis, bon, c'était 13 ans. Ça l'est encore, puis on s'aperçoit qu'il n'y a pas vraiment de mécanisme pour... Ça fait que, tant qu'il n'y aura pas de mécanisme... Ça pourrait être une recommandation, bien entendu. S'il y avait des grands messages de société pour dire aux écoles et aux parents que ce n'est pas 13, mais 14 ou 15, puis que c'est appuyé sur la recherche, bien, nous, on va embarquer dans ça, là, ce n'est pas un souci. Les réseaux sociaux, c'est vraiment une autre bibitte, hein? Tu sais, quand on dit «les écrans», là, c'est très large, là. Bien, les réseaux sociaux, c'est un autre monde.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Je veux juste vous donner raison sur ChatGPT. Mon collègue, il vient de l'essayer avec vos recommandations, puis on a eu un beau mémoire, à peu près, de six pages, sept pages. Ça fait que ça fonctionne... juste vous dire, ça fonctionne.

Je vous dirai d'entrée de jeu, en introduction, qu'on se fait une tête sur les... tout ce qui est technologique, jeux vidéo, que ce soient les cellulaires, puis on pense un peu, là, avec ce qu'on lit, ce qu'on entend... puis on se fait vraiment une opinion. Puis je vous dirai que depuis les... Ça fait trois jours qu'on a des séances comme ça, là, je suis tellement mêlé, là, je vous le dis, là, je ne sais plus où donner de la tête. Si quelqu'un me posait la question : Enrico, qu'est-ce que tu penses de la technologie?, j'aurais... je ne pourrais pas rien dire, honnêtement, parce que, depuis le début, c'est complètement aux antipodes, ce qu'on entend. Il y en a qui disent : C'est très bon. Il y en a d'autres qui disent : Aïe! Attention, il ne faut pas aller trop vite, on n'a pas de recherche. Puis justement... Puis c'est sans jugement, là, les questions que je vais vous poser, parce que je veux vous entendre puis je veux comprendre comment vous avez pris ces positions-là.

Votre organisme appelle à une prise de conscience collective, à des actions concrètes pour que les écrans et les réseaux sociaux deviennent des alliés plutôt que des sources de risque pour la santé des jeunes, alors qu'on a entendu des scientifiques qui, eux-mêmes, avaient de la difficulté à se prononcer parce que la recherche n'était pas à la même vitesse que le développement technologique. Ils disent : Nous, on ne peut pas se... on ne va pas se prononcer là-dessus parce qu'on ne sait pas... même si les outils pédagogiques dans les écoles sont bons, on ne le sait pas encore. Alors, ce n'est pas un peu paradoxal d'écrire une chose comme ça? Puis, je veux dire, comment vous êtes arrivés avec cette conclusion-là ou cette proposition-là?

M. Bowles (David) : Bien, on peut peut-être répondre tous les deux, mais ce que je peux vous dire, c'est que nous, la recherche qu'on a, puis la recherche qu'on a lue, puis qu'on regarde, c'est... Effectivement, dans... une utilisation non contrôlée, exagérée des écrans, des réseaux sociaux, c'est effectivement dangereux. C'est dangereux pour la santé mentale. C'est dangereux pour la santé physique.

Par contre, c'est que les... Ce n'est pas juste à l'école que ça se passe, c'est certain, au contraire, c'est plutôt dans la vie personnelle des jeunes. De regarder des YouTube Shorts sans arrêt pendant toute une soirée, une partie d'une nuit, c'est certain que ce n'est pas bon pour la santé d'un jeune. De passer son temps sur les réseaux sociaux à regarder des photos de jeunes qui sont sexualisés dans différentes... de se comparer à tout ça, c'est certain que ce n'est pas bon pour l'estime de soi. Mais nous, ce qu'on est convaincus, c'est qu'il faut absolument éduquer nos jeunes par rapport à ça, puis on ne peut pas les éduquer sans utiliser la technologie, puis on ne peut pas non plus faire semblant qu'ils n'auront pas besoin d'être compétents avec le numérique quand ils vont sortir de nos écoles puis qu'ils vont arriver dans les études supérieures ou sur le marché du travail, dans le monde de 2040 puis 2050, dans lequel ils vont se retrouver, eux, pour travailler.

Donc, on voit un danger. On voit que c'est possible que l'utilisation exagérée est un danger, mais on pense que c'est notre rôle, en tant qu'école, d'encadrer tout ça à l'école, de montrer qu'il y a des utilisations pédagogiques de ces outils-là puis aussi de leur enseigner de l'utiliser de façon saine, donc, bonne pour la santé, de se donner des trucs. On l'a dans les compétences numériques du cours de CCQ. Les jeunes doivent apprendre à bien doser leur utilisation du numérique. Donc, ça, on ne voit pas comment que ça pourrait être une mauvaise idée. Puis de faire semblant que le numérique n'existe pas puis sortir les écrans de l'école, c'est sortir de 2024 puis retourner dans les années 80. Je veux dire, ça ne peut pas être au bénéfice de nos jeunes Québécois qu'on veut qu'ils aillent changer le monde puis réussir à se démarquer dans toutes les sphères de la société.

• (19 heures) •

Mme Genzardi (Tania) : Dans le fond, juste pour compléter, dans un monde idéal, le jeune serait autonome dans ses décisions. Il aurait son appareil puis il ferait les bonnes choses à faire. Pour y arriver, il faut l'éduquer. Puis je vous le dis, le MEQ, dans le cours CCQ, on le dit souvent, là, mais il y a vraiment beaucoup de bons contenus, là, sur la gestion de temps, comportement, les écrans. Il faut juste l'enseigner.

M. Ciccone : Un autre élément. Dans vos recommandations, vous dites : «Par l'entremise de l'école, sensibiliser, outiller, soutenir les parents dans le rôle d'encadrement de l'usage des écrans à la maison.» Comment un enseignement... un établissement scolaire peut soutenir des parents?

M. Bowles (David) : Bien, je peux vous dire, de notre côté, nous, on envoie des capsules aux parents, des courtes vidéos, des capsules, des trucs, comment bien programmer sa tablette pour qu'il y ait un contrôle parental sur le nombre de minutes d'utilisation, où regarder pour voir quelle utilisation votre enfant fait de la tablette numérique et même du cellulaire, même si ce n'est pas nous qui l'encadrons à l'école.

On fait des séances d'information, on invite les parents. Puis je peux vous dire, quand je suis devenu directeur d'école, on faisait des séances d'information pour les parents. Il fallait s'assurer qu'il n'y ait pas un match du Canadien, parce qu'il y avait quatre, cinq personnes qui venaient. Quand on fait une séance d'information à propos de l'utilisation des tablettes et du numérique, il n'y a pas de place dans l'école, tellement les parents viennent.

Donc, oui, je pense qu'on est partenaires des parents. On est conscients, même nous, qu'on met un outil, entre les mains du jeune, qu'il va ramener à la maison. Donc, nous, à l'école, tout est contrôlé sur la tablette, mais on est conscients que ça ne l'est pas nécessairement, lorsque le jeune arrive à la maison. Donc, on communique beaucoup avec les parents puis on essaie de leur fournir tous les outils nécessaires pour pouvoir faire leur travail aussi, à eux, à la maison.

M. Ciccone : Justement, les tablettes, tantôt, vous avez dit, corrigez-moi si j'ai tort, là, puis mon collègue de Hochelaga en a parlé : 60 % des établissements ou des professeurs avaient banni, déjà, le téléphone de la classe et même de l'école?

M. Bowles (David) : Bien, c'est 60 % que le jeune n'est pas supposé avoir son cellulaire avec lui de toute la journée scolaire.

M. Ciccone : Toute la journée? Parfait. Mais là vous dites qu'il y a des tablettes pour tout le monde, un pour un. Est-ce que les tablettes sont bloquées?

M. Bowles (David) : Oui, oui.

M. Ciccone : Oui? Alors, pas de réseaux sociaux, il n'y a pas de vidéo, Il n'y a pas de...

M. Bowles (David) : Bien, en fait, nos enseignants ont des consoles de gestion et donc... C'est important de former les enseignants, d'appuyer les enseignants pour qu'ils sachent, eux aussi, bien l'utiliser. Donc, je prends le cas chez nous puis dans plusieurs écoles que je connais, où c'est la tablette... il y a une console de gestion qui est utilisée, donc, en tout temps. Premièrement, les jeunes, quand ils rentrent dans l'environnement wifi de l'école, toutes les applications de jeux, de réseaux sociaux, elles sont bloquées. Puis les enseignants, pendant que les jeunes sont en classe, peuvent prendre contrôle des écrans, peuvent pousser ce qu'ils ont dans leurs écrans à eux sur l'écran des jeunes, peuvent tout bloquer en pesant sur un bouton, que les jeunes, tout à coup, il n'y a plus rien sur leurs écrans.

Donc, on est conscients, par contre, que c'est un apprentissage. Les jeunes aussi sont très intelligents, trouvent des façons de contourner, parfois. Donc, il faut que nos règlements soient très clairs, il faut qu'on agisse. Il faut que nos enseignants, enseignantes puis tout le monde qui travaillent à l'école soient mobilisés pour vraiment intervenir quand il y a des enjeux.

M. Ciccone : Une dernière question. À la question 1, quelles stratégies les parents peuvent-ils adopter pour superviser l'utilisation des écrans de leurs enfants, et etc., vous écrivez dans votre mémoire : «Le temps passé par un jeune, par exemple, sur Minecraft, à construire un village médiéval, parce qu'il est passionné d'histoire», etc. Je veux vous entendre là-dessus. L'INSPQ est venu ce matin. J'ai posé la question sur les fameux «e-sports». Ça a déjà fait l'objet d'un article dans le journal du Devoir, Attention aux programmes scolaires de sport électronique, avertit la Santé publique. Vous pensez quoi de ça, vous? Parce que moi, je mets Minecraft là-dedans, là.

M. Bowles (David) : Oui, bien, on a des écoles qui ont des programmes «e-sport». On a même une ou deux écoles qui ont des sport-études «e-sport», puis l'objectif des programmes «e-sport», dans ces établissements scolaires là, c'est d'enseigner, entre autres, les saines habitudes de vie qui vont autour du jeu vidéo, donc de calculer le temps qu'on y consacre, de s'assurer de bien se nourrir puis de faire de l'exercice quand même, malgré qu'on joue aux jeux vidéo. Donc, nous, dans les écoles où ça a été bien encadré... puis il y a même des organismes, là, qui donnent un coup de main aux écoles.

Ce n'est pas quelque chose qui existe partout, puis je ne pense pas que c'est quelque chose qui devrait exister dans toutes les écoles, mais qu'il y ait quelques programmes accessibles à des endroits où c'est une passion des jeunes... Vous savez, c'est presque rendu un sport, à certains endroits, là, ils remplissent des stades sportifs au complet, où des jeunes se font des compétitions en «e-sport». Donc, c'est quelque chose qui existe, mais, encore une fois, qu'il faut définitivement encadrer puis faire dans un cadre pédagogique.

M. Ciccone : Vous savez que c'est un élément qui crée de la dépendance? Tu sais, vous me faites la comparaison avec le sport, moi, j'aimerais ça que les jeunes soient dépendants du sport. Ce n'est pas le cas. Mais ça, ça crée une dépendance. C'est ce que l'INSPQ nous disait, là. Il faut faire très, très attention avec ça.

M. Bowles (David) : C'est certain qu'il faut faire attention, puis les jeunes qui s'inscrivent dans ces programmes là, c'est qu'ils en font déjà beaucoup, du «e-sport», à la maison. Le but, c'est qu'ils apprennent à l'encadrer puis à le faire de façon saine à l'école. Mais, bon, je comprends qu'il y a beaucoup de débats autour du «e-sport» en particulier, là, c'est un aspect...

Mme Brousseau (Nancy) : Oui, oui. On peut être pour ou contre le «e-sport», en partant, mais c'est mieux, du «e-sport» encadré, que du «e-sport» pas encadré. On va voir ça comme ça.

M. Ciccone : Oui, mais quand ils sortent de l'école, ils continuent pareil à la maison. Je reste là-dessus, Mme la Présidente, je vais laisser la... mais on s'en reparlera, à un autre moment donné.

La Présidente (Mme Dionne) : Très intéressant, M. le député. On poursuit avec Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Bowles. Bonjour, mesdames, merci d'être avec nous. J'ai été surprise de lire, dans votre rapport, l'affirmation suivante : «Il arrive que des parents s'insurgent parce que l'école configure les appareils de façon à limiter l'usage qui en est fait. Il arrive que les parents menacent l'école de poursuites ou encore décident de porter plainte au protecteur national de l'élève.» C'est quoi, la prévalence de ce phénomène puis c'est quoi, la préoccupation... en fait, c'est quoi, la préoccupation qui est derrière ça de la part des parents?

M. Bowles (David) : Bien, il y a différents événements qui peuvent arriver. Comme je disais tout à l'heure, quand on confisque les cellulaires, il y a des grosses réactions de parents. Il y a aussi des parents... parce qu'il y a beaucoup, dans nos écoles... le jeune doit laisser le casier... pas le cadenas, mais le cellulaire dans le casier. Puis on a des parents qui nous appellent, il dit : Oui, mais moi, j'ai besoin de texter mon enfant trois, ou quatre, ou cinq fois par jour pour voir comment il ou elle va, j'ai besoin de recevoir un appel un certain nombre de fois par journée. Donc, il y a beaucoup d'éducation, de communication à faire avec les parents pour dire : Bien, nous, il y a d'autres méthodes de communiquer avec vous si jamais il y a un enjeu. Mais il y a des arguments avec certains parents à ce niveau-là, ça existe.

Ce n'est pas une grosse prévalence. Je vous dirais que la grande majorité des parents nous appuient dans nos démarches, quand il est question de ne pas utiliser des tablettes, exemple, à l'heure du dîner pour que les jeunes puissent socialiser entre eux. On n'a pas de plainte à ce niveau-là. Mais, quand vient le temps de confisquer, là, il y a des grosses réactions, parfois. Et puis, quand on configure aussi... parce qu'on configure les tablettes de façon pédagogique, pour limiter certaines applications, et puis il y a des parents qui disent : Bien, moi, j'aimerais ça que mon jeune puisse faire ce qu'il veut avec, le soir, tu sais. Bien là, on a des discussions avec des parents à ce moment-là.

Je vous dirais que ce n'est pas une majorité de parents, mais c'est toujours des discussions qu'on doit avoir puis c'est le dialogue, qui est important, puis l'éducation non seulement des jeunes, mais parfois des familles, là, qui est importante.

Mme Cadet : Plus tôt, vous disiez, je pense que c'était 14 %, donc, de vos écoles dont la consigne sur... bien, en fait, donc, la non-utilisation, donc, des écrans, donc, dans l'établissement scolaire... disait : On laisse le téléphone à la maison. On a entendu des discours contraires, là, contradictoires, que, d'une part... on nous disait : Bien, les parents veulent rejoindre leurs enfants, que ça, c'est une grande préoccupation. D'autres qui nous disaient : Bien, moi, je suis capable de rejoindre mon enfant en communiquant avec l'école, donc c'est... ça ne devrait pas faire partie de l'équation, là, quand on pense à ce type de mesures là. Puis vous, qu'est-ce que vous en pensez? Qu'est-ce que vous entendez de la part des parents là dessus?

M. Bowles (David) : On ne peut pas parler au nom de tous nos membres, mais, chose certaine, de bannir complètement, durant le trajet entre la maison et l'école et vice-versa, nous, à l'époque, dans mon école, quand on prenait le cellulaire puis on le confisquait pour plus qu'une journée, il y avait des grandes inquiétudes de certains parents. Qu'est-ce qui arrive si mon enfant a un accident? S'il lui arrive quelque chose, j'ai besoin de le rejoindre.

Donc, nous, c'est certain qu'on a décidé... Quand ils sortent de l'école, c'est vraiment les familles qui décident, à ce moment-là, ce qu'ils veulent pour leurs enfants au niveau des moyens de communication. Nous, vraiment, la grande majorité de nos membres, lorsqu'ils disent qu'on n'a pas le droit de cellulaire à l'école, c'est qu'ils le laissent dans le casier, quand ils arrivent le matin à l'école, puis ils le reprennent avant de quitter. Et puis ça, on est capables de bien communiquer ça à nos familles, la grande majorité nous appuient, ils sont d'accord avec la consigne. Malgré qu'on... quand on attrape des jeunes en classe, parfois, parce qu'ils reçoivent un texto, c'est souvent le parent qui l'a texté. Mais, bon, il y a toutes sortes de situations qui arrivent, mais on a l'appui des parents, majoritairement, à ce niveau-là.

Mme Cadet : Recommandation 4, vous dites : «Encourager les écoles à communiquer avec les parents au sujet des écrans et fournir des indications quant au temps d'écran nécessaire.» On l'a entendue un peu plus tôt, une recommandation comme celle-ci. Comment est-ce que vous voyez la faisabilité de cette mesure-là?

Mme Brousseau (Nancy) : De recommander du temps d'écran?

Mme Cadet : Non, de recommander, donc, que les écoles communiquent avec les parents. Donc, nous, on a entendu, donc, ce besoin, donc, de la part des parents, donc, d'obtenir, donc, les renseignements nécessaires quant au temps d'utilisation des écrans fait à l'école, pour qu'ils puissent s'ajuster rendus à la maison. Les intervenants avant vous, donc, sont venus nous dire que ça alourdirait la tâche. Donc, vous, donc, comment est-ce que vous voyez... comment est-ce que vous entrevoyez la faisabilité, donc, d'une telle recommandation quant à la communication entre l'équipe-école et les parents?

M. Bowles (David) : Bien, nous, en tout cas, dans notre cas, c'est la direction qui communique avec les parents, au niveau des recommandations de quoi faire à la maison, de comment gérer à la maison. Par contre, les enseignantes, enseignants ont aussi leur part à faire au niveau de leur cours. Il y a des enseignants qui utilisent davantage les outils numériques. Donc, c'est important pour ces enseignants-là de bien communiquer leurs attentes avec les familles. Donc, la communication avec les parents fait partie de la tâche et des responsabilités de l'enseignant. C'est même une de leurs tâches les plus importantes. C'est vraiment un partenariat avec les parents qu'on a, pour socialiser, instruire et qualifier nos jeunes, donc. Mais d'envoyer des directives de groupe, en fait, c'est très faisable. On le fait, là, c'est la direction qui envoie des recommandations, des suggestions, des capsules avec nos équipes. Nos équipes de techniciens en éducation spécialisée aussi travaillent très fort pour créer de la formation pour les jeunes mais aussi pour les parents, mais c'est un travail d'équipe-école.

Mme Genzardi (Tania) : C'est sûr qu'au primaire c'est facile. Au primaire, l'enfant a une enseignante, donc c'est facile, la communication. Le défi est au secondaire. Mais, comme David dit, tu sais, la direction peut faire une rencontre : Bon, approximativement, chacun, c'est quoi, votre temps?, puis on communique. Tu sais, c'est facile, là, ce n'est pas...

• (19 h 10) •

Mme Brousseau (Nancy) : ...pas nécessairement une communication quotidienne, là, tu sais. Il ne faut pas le voir comme ça.

Mme Genzardi (Tania) : C'est une moyenne, non, non, c'est sûr.

Mme Brousseau (Nancy) : Une moyenne, oui.

Mme Genzardi (Tania) : Ce n'est pas très compliqué.

Mme Cadet : Recommandation 25 : «Demander aux autorités de faire pression sur les plateformes pour qu'elles développent et améliorent constamment leur algorithme de modération.» On a beaucoup... on a entendu parler, donc, des mécanismes, là, qui peuvent parfois, donc, créer, donc, des dépendances ou des mécanismes, donc, de renforcement numérique, là, qu'on... on appelait ça comme ça. Est-ce que ce sont, donc, des... Un, est-ce que vous voyez, donc, ces enjeux-là, donc, déborder, donc, dans vos écoles, donc, dans la gestion des relations conflictuelles, par exemple, entre les élèves, donc, en raison de ce qu'ils voient, lié, donc, aux algorithmes, donc, de modération, donc, qui existent? Et d'autre part, est-ce que parfois, donc, sur les logiciels qui sont utilisés, donc, à des fins pédagogiques, ce type de mécanismes-là peuvent également, donc, faire partie de ces logiciels-là? On pense aux mécanismes de récompenses, là, qu'après, donc, un jeu ludique... on disait que, bon, que vous avez fait assez, peut-être au primaire, donc, de soustractions ou d'additions, bien, regardez, donc, la prochaine étape. Donc, est-ce que vous voyez ça dans vos écoles, ces phénomènes-là?

M. Bowles (David) : Bien, il y a certaines applications. Exemple, Netmath est une application beaucoup utilisée par les jeunes en mathématiques et les enseignants de mathématiques, qui est très, très efficace, mais c'est certain qu'il y a un élément ludique de jeu, qu'on veut en faire plus. Mais de vouloir faire plus de mathématiques pour mieux comprendre, ça peut être une bonne chose aussi. Puis ce n'est pas le genre de choses qu'ils vont faire la nuit, là, chez eux, en cachette des parents. Même chose dans les cours de langue, Duolingo, exemple, est de plus en plus utilisé, ou des applications qui ressemblent à Duolingo, même dans d'autres cours. En histoire, il y a une application qui existe, qui ressemble à Duolingo.

Puis, oui, il y a des mécanismes de récompense, qu'on voit que ça motive les jeunes. Ils ont cette habitude-là de vouloir jouer. Mais, encore une fois, ils sont vraiment en apprentissage de contenus importants qui, habituellement, n'étaient pas facilement transférables aux jeunes, parce qu'il y avait peu d'intérêt pour certaines matières, parfois, qui, avec le jeu, le ludique, la compétition, le numérique, peut devenir plus motivantes. Mais je n'ai pas vu de jeunes devenir dépendants, là, à Duolingo ou à Netmath, en tout cas, dans mon expérience.

Mme Brousseau (Nancy) : C'est toujours l'objet, hein, c'est toujours l'objet qui change le résultat, en fin de compte.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des membres? Oui, oui, oui, M. le...

M. St-Louis : En fait, c'est une sous-question, parce que les sujets ont été pas mal couverts par nos collègues. Mais on parle beaucoup de temps d'écran. Vous êtes précurseurs, au niveau de l'éducation, ma collègue le mentionnait, puis je l'ai vécu avec mes filles. Est-ce que vous avez des statistiques ou, en tout cas, du moins, une idée du nombre d'heures d'utilisation en classe? Parce qu'on s'est fait parler de différents... bien, en tout cas, je ne pense pas que l'INSPQ ait statué, mais on a entendu souvent parler de quatre heures par jour d'écran. Au-delà de ça, là, ce n'est plus des saines habitudes de vie. Est-ce que, dans vos établissements, vous avez certaines stats ou pas du tout?

Mme Brousseau (Nancy) : On a une stat dans notre étude, l'utilisation est autour de, tu sais... ça peut aller jusqu'à 42 heures-semaine, là.

Une voix : Non, mais en classe.

Mme Brousseau (Nancy) : Ah! en classe.

M. St-Louis : En classe, en classe. Oui, oui. Excusez.

Mme Brousseau (Nancy) : Parce que je veux juste ressortir le tableau, là.

M. Bowles (David) : On ne l'a pas. Puis ça va varier beaucoup d'une école à l'autre, dépendant de l'utilisation, mais c'est définitivement quelque chose qui serait intéressant. Puis l'INSPQ, si elle se penche sur le nombre d'heures d'écran total, d'après moi, il y a des distinctions à faire aussi entre un temps d'écran en classe, à utiliser une application avec d'autres... à des fins pédagogiques, versus regarder des vidéos YouTube à répétition le soir, là.

Mme Brousseau (Nancy) : C'est ça, ce n'est pas du tout la même chose. Encore une fois, c'est l'objet qui change la perspective.

M. St-Louis : Oui. Bien, c'est ça, dans le contenu, on comprend qu'il y a du mauvais et du bon contenu, mais on nous a répété à plusieurs reprises que ça s'additionne. Je veux dire, c'est le temps d'écran, au final, qui devient... qui peut être néfaste, aussi néfaste. Donc, si on arrivait à un chiffre de quatre heures par jour qui devraient être partagées entre la vie personnelle et la vie à l'école, est-ce que vous auriez la possibilité de donner des directives à vos établissements de...

M. Bowles (David) : Bien, ce serait... Nous, on ne peut pas donner de directive, parce que les écoles... Mais, oui, donner des recommandations, même comme école, de donner des directives à l'équipe-école, de dire : Limitons-nous à environ tel nombre de minutes ou d'heures par période, pour qu'à l'école on ne dépasse pas un certain nombre d'heures puis qu'on recommande aux parents, par la suite, un certain nombre d'heures à la maison, ce seraient des données intéressantes qu'on pourrait utiliser, qui seraient extrêmement intéressantes.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Il reste deux minutes. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Oui, merci. Puisqu'il nous reste du temps, donc, vous représentez à la fois les écoles primaires et secondaires, est-ce que vous avez, donc, des... en fait, des recommandations distinctes, donc, à nous émettre par rapport à ces deux clientèles-là? Parce qu'on a moins abordé cette... le continuum du développement des jeunes, là, dans le cadre de vos recommandations.

Mme Brousseau (Nancy) : C'est une bonne question. C'est une bonne question parce qu'on... D'abord, notre étude, elle porte seulement sur les élèves du secondaire. On n'a pas interrogé nos élèves du primaire. On sait aussi que l'utilisation est fort différente quand même, là, chez les jeunes. On pense que l'encadrement aussi est différent à la maison, dans les deux cas. Donc, moi, je ne peux pas aller beaucoup plus loin que ça. Toi, tu as les deux, tu as le primaire et le secondaire.

M. Bowles (David) : Oui, chez nous, j'ai du préscolaire jusqu'au secondaire V puis je peux vous dire que l'utilisation est très différente au primaire. Donc, il y a du un pour un, mais ce n'est définitivement pas en tout temps. Le jeune n'a pas accès à sa tablette en tout temps. C'est l'enseignant qui a les tablettes puis qui les distribue au moment où on utilise l'outil numérique. Et puis l'apprentissage qu'on fait est différent aussi. Les jeunes vont commencer à apprendre la programmation un petit peu au primaire, puis c'est très utile de commencer à apprendre ça, d'ailleurs, dans la robotique, vont programmer des petits robots à l'aide d'applications qui se retrouvent sur la tablette, mais c'est beaucoup plus encadrant, je vous dirais.

Là, je n'ai pas d'étude ou d'expertise pointue, mais l'expérience que j'ai dans mon école, les enseignants, pour faire une utilisation qui est vraiment saine... l'enseignant contrôle beaucoup plus l'outil numérique, alors qu'au secondaire le jeune l'a avec lui ou avec elle en tout temps. C'est certain qu'il y un contrôle puis une surveillance qui est fait, de la part de l'enseignant, mais le jeune a plus d'autonomie, définitivement, au secondaire.

La Présidente (Mme Dionne) : Il nous reste une petite minute. M. le député de Gaspé, aviez-vous une question?

M. Sainte-Croix : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, désolée, j'ai passé outre.

M. Sainte-Croix : ...Mme la Présidente, à cette heure de la journée. C'est plus une... Je vous écoute, puis ça m'est arrivé en tête : Est-ce que vous jugeriez que l'idée même derrière l'utilisation du numérique, c'est un stimuli, pour vos équipes, pour vos jeunes?

M. Bowles (David) : Il y a un élément de motivation, définitivement, parce que ça rejoint le réel. Je veux dire d'apprendre, comme je disais tantôt, avec un jeu qui ressemble à Duolingo, il y a une petite compétition entre les élèves, il y a des points qui s'accumulent. D'ailleurs, les profs utilisent énormément des kahoots, aussi. Je ne sais pas si vous connaissez les kahoots, là, où les jeunes répondent aux questions directement, puis on voit le gagnant dans le groupe. L'enseignant aussi peut voir la compréhension, immédiatement, de ses élèves après avoir enseigné une matière en utilisant le numérique, alors qu'avant il fallait attendre le test, deux semaines plus tard, pour voir si les jeunes avaient compris. Mais oui, l'élément qui peut être plus ludique va chercher une motivation chez les jeunes, d'après ce qu'on observe.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Alors, ceci met fin à cette...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Dionne) : On aimerait tous comprendre.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Non, non. Merci infiniment pour votre contribution, en ce début de soirée.

Alors, nous, on met... on suspend les... on ajourne, en fait, les travaux jusqu'à mercredi 18 septembre, après les avis touchant les travaux en commission. Alors, bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 19 h 18)

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