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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes

Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le lundi 16 septembre 2024 - Vol. 47 N° 2

Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Mme Catherine L'Ecuyer

Mme Victoria L. Dunckley

Mmes Caroline Fitzpatrick et Gabrielle Garon-Carrier

Option Consommateurs (OC)

Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ)

Autres intervenants

Mme Amélie Dionne, présidente

Mme Suzanne Tremblay

Mme Madwa-Nika Cadet

M. Stéphane Sainte-Croix

M. Enrico Ciccone

M. Alexandre Leduc

Mme Marie-Belle Gendron

Mme Audrey Bogemans

M. Yannick Gagnon

M. François St-Louis

*          Mme Sara Eve Levac, OC

*          Mme Caroline Dupré, FCSSQ

*          M. Dominique Robert, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, bon lundi à tous et à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission spéciale sur les écrans... l'impact... les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes ouverte.

Donc, je vous souhaite la bienvenue et je demande de fermer vos cellulaires pour ceux et celles qui... pour lesquels ils seraient encore ouverts.

Donc, la commission spéciale est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé des jeunes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, nous entendrons cet après-midi Mme Catherine L'Ecuyer... voyons, pardon, chercheuse, consultante, conférencière et autrice, la Dre Victoria Dunckley, physicienne et psychiatre, Mme Caroline Fitzpatrick, professeure associée à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke, Option Consommateurs et finalement, pour terminer cette commission, la Fédération des centres de services scolaires du Québec.

Auditions (suite)

Donc, dans un premier temps, je souhaite la bienvenue à Mme L'Ecuyer, qui est avec nous ici cet après-midi en visioconférence. Donc, je vous rappelle, Mme L'Ecuyer, que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé, vous pourriez peut-être vous présenter aussi en entrée de jeu, et, par la suite, nous procéderons à une séance de questions avec tous les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Mme Catherine L'Ecuyer

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci. Je vous remercie. Catherine L'Ecuyer. J'ai un doctorat en éducation et psychologie. Je suis avocate. J'ai travaillé dans une entreprise de communication, Microcell, Fido, pendant... pendant quelque temps à Montréal. J'ai ensuite fait des études en éducation et psychologie. Et je demeure à Madrid. Donc, mon français est un peu rouillé, là. J'espère que ça va se comprendre.

Donc, je commence. Bien, en fait, je... Tout d'abord, je tiens à vous remercier de créer cette commission qui a pour but d'aborder une question aussi importante que celle de l'impact des écrans et des réseaux sociaux sur les enfants et les adolescents.

Pour comprendre comment la technologie affecte nos enfants, il est important de comprendre comment nos enfants apprend... apprennent, comment ils apprennent et ce qui est réellement nécessaire à chaque étape de leur développement. Donc, c'est important de comprendre... on pourrait les appeler, peut-être, les lois naturelles de l'enfant. Montessori dit d'ailleurs : Lorsque l'enfant montre un comportement inattendu, qui nous déplaît, l'adulte arrive rarement à la conclusion que ce comportement est un cri, une protestation de la nature parce qu'on a imposé à l'enfant quelque chose qui va à l'encontre de sa dignité ou qu'il a été privé de quelque chose d'essentiel pour son développement.

Alors, comment les enfants apprennent-ils? Donc, entre zéro à six ans, les enfants apprennent de deux façons : premièrement par le biais des expériences sensorielles de qualité adaptées à leur rythme interne et deuxièmement par le biais des interactions personnelles avec leurs parents, comme le Dr Chicoine dirait, leurs figures d'attachement.

De zéro à six ans, la pensée abstraite de l'enfant se développe. Donc, c'est la raison pour laquelle les enfants n'apprennent pas via un écran. En fait, la littérature pédiatrique parle d'ailleurs, là, de... on parle de l'effet déficitaire de la vidéo sur l'apprentissage. Cet enfant... Cet effet, pardon, décrit la difficulté qu'a un enfant à traduire une image en deux dimensions, donc une image en ligne, sur un plan en trois dimensions, donc dans le monde réel. En autres termes, lorsqu'un enfant vit une expérience virtuelle, on pourrait parler d'un déficit d'apprentissage.

La littérature pédiatrique parle également de l'effet déplacement. Donc, en quoi consiste cet effet? C'est l'idée, on pourrait dire en langage des affaires, là, du coût d'opportunité. Donc, il ne suffit pas de dire que quelque chose n'est pas... ne fait pas trop mal ou n'est pas trop bon. Une journée dure 24 heures, et ce que les enfants consacrent à des activités... à des activités qui ne contribuent pas à leur bon développement, bien, on pourrait dire que c'est du temps perdu pour leur bon développement. On ne doit pas oublier, là, que les premières années du développement de l'enfant sont des étapes critiques, notamment pour le développement neurologique. Vous allez peut-être vous rendre compte que je fais beaucoup de... Je parle surtout de la première enfance parce que c'est l'étape où je suis plus spécialiste, là. Donc, je ne vais pas rentrer sur la question de l'adolescence.

En effet, la littérature scientifique souligne une série d'inconvénients lorsqu'un enfant est exposé à un écran dès son plus jeune âge. Donc, on peut parler, entre autres, de l'impulsivité, l'inattention, la perte d'attention, la diminution du vocabulaire, entre autres. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, l'Académie américaine de pédiatrie recommande zéro temps d'écran pour les zéro à deux ans et moins d'une heure par jour pour le segment de deux à cinq ans. L'association canadienne de pédiatrie arrive aux mêmes conclusions et affirme clairement : «Aucune preuve — et ça, c'est une citation que je trouve très intéressante — ne soutient l'introduction des technologies chez l'enfant.»

Ces recommandations ne sont pas des recommandations, des suggestions ou des conseils pédagogiques. On pourrait parler... En fait, ce sont des recommandations de santé publique. Les critères éducatifs devraient être beaucoup plus restrictifs puisque ce qu'on cherche dans l'éducation, ce n'est pas d'éviter le mal, mais de viser à l'excellence. Par conséquent, une école qui aurait des écrans dans ses classes préscolaires ne serait pas une école de qualité. L'utilisation des écrans devait donc... devrait donc être interdite à ce stage, même les réseaux sociaux, tout ce qui est associé avec l'écran, puisqu'on parle d'un enjeu de santé publique.

Pourquoi, alors qu'il s'agit d'un enjeu de santé publique, l'opinion générale était-elle réfractaire à ce discours jusqu'à il y a quelques mois, on pourrait dire quelques mois après la pandémie? Parce que nous sommes confrontés, on pourrait dire, à l'une des industries les plus puissantes de notre époque, qui dispose de budgets illimités pour nous faire penser que ces produits contribuent au bon développement de nos enfants. Réalité numérique, santé numérique, enfant numérique, brèche numérique, avenir numérique, compétences numériques, ils ont su introduire dans notre langage quotidien des manières de comprendre le monde qui ont changé notre mentalité et qui nous ont fait considérer leurs produits comme un facteur essentiel et incontournable pour l'être humain.

Les entreprises technologiques, qu'elles vendent des appareils, des applications ou des plateformes Web, n'ont pas pour mission de fournir des appareils, des plateformes ou des contenus à leurs utilisateurs ou à leurs clients. On pourrait dire plutôt que leur mission est de capter l'attention des utilisateurs ou de leurs clients pour vendre ce temps d'attention aux entreprises qui sponsorisent leurs contenus. Pour ce faire, ils embauchent les esprits les plus brillants, psychologues, ingénieurs, qui savent intégrer des améliorations technologiques, par exemple le scroll infini ou des contenus addictifs, pour retenir le plus longtemps possible l'attention en ligne de leurs utilisateurs.

Pour donner des bons résultats en bourse, ces entreprises doivent augmenter leur clientèle en intégrant des comptes de mineurs et en vendant des données à des tiers. Comme disait Milton Friedman, l'une des icônes bien connues du capitalisme, la responsabilité de l'exécutif est de diriger les affaires conformément aux souhaits de ses actionnaires, ce qui consiste généralement à gagner le plus d'argent possible tout en respectant les lois et les coutumes. En d'autres termes, les dirigeants de ces sociétés ont l'obligation par la loi de faire passer les intérêts de leurs actionnaires avant ceux des enfants, et les seules limites à cette logique sauvage, on pourrait dire, sont les lois que vous édictez pour protéger les enfants, qui sont les plus vulnérables.

Par conséquent, penser que la solution réside dans ce qu'on parle... Je ne sais pas, au Québec, si on parle de ça, parce que je ne suis pas très présente dans les nouvelles québécoises, je vous avoue, là, mais, en Espagne, on parle souvent d'autorégulation de l'industrie et dans... et on parle de l'exercice de sa responsabilité sociale, mais je pense que c'est tout à fait naïf et ce serait ignorer complètement l'abc de la logique commerciale.

C'est cette même industrie, d'ailleurs, qui consacre plusieurs millions aux budgets de marketing sous la bannière de la responsabilité sociale des entreprises et qui finance une grande partie de la recherche sur ces produits, donne des traitements de faveur à certains directeurs d'école avec des invitations et des cadeaux, finance des recherches universitaires sur des sujets susceptibles d'avoir un impact sur leur modèle d'affaires et sur la réglementation de leurs activités, comme la protection des données. Elle sponsorise également de plusieurs... de nombreuses conférences dans des congrès pédagogiques, donne des récompenses pour les enseignants, paie les honoraires des intervenants dans des conférences destinées aux enseignements... aux enseignants, pardon, et elle donne aussi des titres fictifs aux enseignants qui utilisent des produits en classe pour les établir comme des experts, des titres qui, selon moi, n'ont pas de base objective, là, «distinguished educators», je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, ou des titres du genre, et investissent aussi dans des publicités qui représentent un pourcentage important des revenus... de leurs revenus.

Donc, je pense qu'il est bien temps de mettre de l'ordre dans tout ça. Dans un conflit d'intérêts évident, tous ceux qui reçoivent des avantages des entreprises technologiques étalent un visage amical et évidemment parlent un langage qui est très... on pourrait dire, par leur langage, donc : santé numérique, usage responsable, la technologie est neutre, ça dépend de la façon dont on l'utilise... et souvent restent silencieux sur les inconvénients de leurs produits.

• (14 h 10) •

Donc, je ne sais pas c'est quoi, la situation au Québec. Je vous répète, là, je ne suis pas très présente, mais ici, en Espagne, on parle du dilemme interdire ou ne pas interdire. Donc, selon moi, c'est un dilemme qui est simpliste et qui ne répond pas au problème fondamental. Donc, il ne s'agit pas de débattre d'interdire ou non quelque chose aux enfants ni de commencer à lancer... Je ne sais pas, ici, c'est l'arsenal politique de lutte entre les positions conservatrices et progressistes. Je pense que ce n'est pas ni progressiste ni conservateur de laisser les enfants faire ce que l'industrie les incite à faire ou de laisser les lois du marché passer avant les intérêts de l'enfant. Il s'agit de protéger les enfants d'une industrie dont les intérêts ne coïncident pas avec ce qu'exige leur nature. Donc, laisser les entreprises technologiques décider de ce qui doit ou non entrer dans une salle de classe ou dans une cantine, ce serait comme confier à Pizza Hut le soin de préparer le menu des cantines scolaires.

Donc, quelle serait la solution? Est-ce que... La solution se résume-t-elle à faire d'Internet un endroit plus sûr, plus sécuritaire? Encore une fois, je pense que nous sommes au niveau des approches simplistes. Bien sûr, on doit essayer de faire d'Internet un endroit sécuritaire, mais je pense que... parce qu'Internet c'est un endroit merveilleux où un esprit éduqué en mode analogique peut trouver des trésors, on pourrait dire, mais les efforts des entreprises technologiques pour tenter de nettoyer Internet ne peuvent pas rassurer les parents en leur offrant une fausse sécurité. Je pense qu'on doit être réalistes. Internet ne sera jamais un endroit totalement sûr pour un esprit encore immature. Nos enfants ont un esprit immature.

Donc, pour toutes ces raisons, et c'est difficile pour moi de résumer tout ce que je veux dire en 10 minutes, je pense que, et c'est toujours ce que j'ai défendu depuis 2012, la meilleure préparation pour le monde on-line, le monde en ligne, c'est le monde «offline», c'est le monde... c'est le vrai monde. Le monde, c'est la réalité analogique. Donc, je suis prête pour écouter vos questions.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme L'Ecuyer. Alors, qu'on soit en Espagne, qu'on soit au Québec, je pense qu'on se pose les mêmes questions, alors, oui, interdire ou ne pas interdire. Maintenant, c'est ce à quoi la commission va servir, d'une part, c'est de se documenter et d'entendre les experts comme vous, là, nous parler des effets des écrans. Alors, voici où nous en sommes. Est-ce que j'ai un membre qui souhaite débuter la période des questions? Députée de Hull.

Mme Tremblay : Alors, bonjour. Merci pour cette présentation. Vous avez terminé, puis je suis un peu restée... Je voudrais aller un petit peu plus loin. Il ne s'agit pas... pour préparer le monde, mais il faut préparer le monde «offline». Vous avez terminé sur cette phrase. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? Quels sont les moyens d'action que l'on doit poser pour mieux préparer le monde «offline», comme vous l'avez dit? Vous ne l'avez pas beaucoup détaillé, mais j'aimerais ça vous entendre davantage sur cela.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui, bien, ce n'est pas... En fait, c'est préparer l'enfant pour être capable de gérer le monde on-line, mais cette préparation doit avoir lieu dans l'«offline». C'est ce que je voulais dire. Je ne sais pas si j'ai bien expliqué ce que je voulais dire, mais c'est ça que je voulais dire. Donc, la meilleure préparation pour être dans le monde on-line, c'est être dans le monde «offline», c'est en étant dans le monde «offline».

En quoi ça consiste? Bien, en fait, il y a plusieurs façons de le faire, là. La première chose, je vous dirais, c'est impossible de transmettre à un enfant le sens de l'intimité et du privé si cet enfant-là a un dispositif ou un appareil numérique dans ses mains avec... six, sept, ou 12 ans, ou 16 ans, même. Donc, c'est important que l'enfant comprenne en quoi consiste l'intimité personnelle, la pudeur, le sens du privé, le sens du public, c'est quoi qu'on partage, c'est quoi qu'on ne partage pas, et ça, ça se développe dans le monde... dans le vrai monde. Donc, c'est pour ça que je dis que la meilleure façon, c'est de retracer, c'est... comment qu'on dit en français, ce serait d'attendre pour donner un dispositif à l'enfant le plus tard possible.

Une autre chose qui doit aussi... Par exemple, un enfant sur Internet... En fait, on pourrait parler du point de vue des... neurologique, là, les fonctions exécutives, par exemple. Une d'elles, c'est d'être capable de gérer les stimuli, donc de dire non, de dire oui, mais, pour être capable de dire non, pour dire... pour être capable de dire oui à quelque chose qui se présente devant nous sur un écran, l'enfant doit avoir plusieurs qualités. La première qualité, il doit être capable de dire non aux stimuli. Donc, c'est la... on dit «inhibition» en anglais, je ne sais pas en français, la capacité d'inhibition, là. Et la deuxième, c'est être capable de reconnaître ce qui est intéressant, ce qui est pertinent pour l'enfant.

Donc, dans ce sens-là, je vais vous... je vais vous raconter une histoire rapide. Ils ont fait une étude, à l'université de Stanford il y a quelques années, et ils ont comparé deux groupes d'étudiants. Donc, il y avait un groupe d'étudiants qui faisait de la multitâche technologique intense et un autre groupe d'étudiants qui utilisaient les écrans, mais de façon... en séquence, là, une chose après l'autre. Ils comparaient les deux groupes. Je ne vais pas vous raconter toute l'étude, c'est un peu long, mais il y avait trois critères.

Donc, un des critères, c'était la mémoire de travail, un autre, c'était la capacité d'osciller entre les tâches, et le troisième, c'était la capacité de reconnaître les informations pertinentes pour pouvoir décider : Qu'est-ce que je fais maintenant? Donc, la conclusion de l'étude, c'était que les enfants... Les jeunes, pardon, ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des étudiants universitaires, imaginez-vous. Donc, il disait, le directeur de l'étude, qui s'appelle Clifford Nass, disait que les jeunes qui faisaient de la multitâche technologique intense étaient tombés en amour avec la non-pertinence, donc l'«irrelevancy» en anglais, là.

Donc, je ne sais pas si je m'explique, là, mais une personne qui est constamment en contact avec un dispositif qui la bombarde de stimuli constamment, donc c'est une personne qui n'est plus capable de reconnaître ce qui est pertinent et ce qui n'est pas pertinent. Donc, ça, c'est la capacité de reconnaître ce qui a du sens, ce qui fait du sens et ce qui est pertinent. C'est quelque chose qui ne se développe pas en ligne, c'est quelque chose qui se développe dans le vrai monde quand une personne est consciente de c'est quoi, ma mission vitale, c'est quoi, mon... c'est quoi qui donne un sens à ma vie ce matin, c'est quoi ma, mission professionnelle, personnelle et au niveau de ma famille.

Donc, un des problèmes, c'est qu'avant de développer le sens de la pertinence et le sens de la vie d'un enfant on les a... on leur a donné ce dispositif technologique qui fait en sorte qu'ils perdent le sens... Parce que, moi, à une heure du matin, j'ai... je vais avoir 50 ans dans quelques... dans quelques jours, à une heure du matin, je me retrouve en train de m'intéresser pour la nouvelle du bas ou du pantalon de Michael Jackson qui a été vendu pour 300 000 $ dans une «auction» de Christie's, là, et j'ai dit : Qu'est-ce que je suis en train de faire, d'écouter cette nouvelle-là à une heure du matin, là? Puis j'ai quand même un certain sens de la pertinence. On peut s'imaginer un enfant de 12 ans ou de 16 ans qui n'a pas encore développé le sens de la pertinence. Dans le monde virtuel, c'est vraiment un enfant qui va un peu partout, mais qui n'a pas de direction puis qui perd le sens de la pertinence.

Mme Tremblay : J'aurais une dernière question.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, certainement, Mme la députée.

Mme Tremblay : Alors, juste en dernière question, vous avez parlé... au niveau, bien, de la petite enfance, au niveau du préscolaire, donc, préscolaire, c'est 4-5 ans, maternelle qu'on appelle, puis là vous nous dites : C'est un enjeu de santé publique. Donc, c'est... ça devrait être interdit. Donc, les écrans, à cet âge-là... Parce que, là, on dit que c'est autour d'une heure par jour, mais, dans la classe en tant que telle, à cet âge-là, pour vous, ça devrait être complètement interdit, peu importe que ça devienne un outil...

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui. En fait, je vais préciser quelque chose que j'ai peut-être mal expliqué, mais, quand je parle de préscolaire, là, moi, je parle de zéro à six, donc, parce qu'en Espagne, là, on commence... on parle de l'école à quatre mois. Donc, c'est peut-être... Le préscolaire, au Québec, c'est une expression qui est peut-être consacrée pour parler d'une autre étape, là. Moi, je parlais d'avant l'école primaire. Donc, je parlais de zéro à cinq. En fait, c'est zéro à six, là, mais, peut-être, zéro à cinq, c'est mieux, parce que les recommandations pédiatriques parlent de zéro à cinq, ne parlent pas de zéro à six.

Donc, quand je vous dis que c'est... une école ne devrait pas avoir d'écrans dans les salles de classe, vous avez bien raison, vous me dites : Oui, mais, de deux à cinq, on parle d'une heure, on ne parle pas de zéro. Donc, moi, ce que je vous rappelle, c'est qu'on parle d'une heure, mais on ne parle pas d'une heure parce que ça contribue au bon développement de l'enfant ou parce que l'enfant peut apprendre par le biais de l'écran. On parle d'une heure parce qu'on parle aux parents, on dit : Ça ne fait pas trop mal, une heure, mais attention au contenu et souvenez-vous que ça ne contribue pas à l'apprentissage puis au bon développement.

Donc, ça, ça veut dire que l'écran, de zéro à cinq ans, n'a pas sa place dans les salles de classe. Donc, ça a sa place peut-être quand une maman ou un papa sont en train de donner les bains. Ils ont trois enfants, ils ont deux mains. Donc, ils ont besoin peut-être de mettre Dora l'exploratrice pendant qu'ils donnent le bain à leurs enfants ou l'abeille Maya, là, qu'on écoutait quand on était plus jeunes, mais ce n'est pas la même chose à l'école parce qu'on n'envoie pas nos enfants à l'école pour qu'ils voient La petite sirène ou des contenus de Disney. On envoie nos enfants à l'école pour qu'ils puissent se développer, bien apprendre des choses. Donc, ce n'est pas les... On pourrait dire que les écrans n'ont pas leur place, de zéro à cinq ans, dans les écoles.

Une voix : ...

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Est-ce que vous m'entendez? Parce que je pense que le... je ne vous ai pas entendue... la dernière phrase.

Mme Tremblay : J'ai dit : Merci beaucoup pour vos réponses.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Ah! merci à vous.

• (14 h 20) •

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, on vous entend très bien, Mme L'Ecuyer. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme L'Ecuyer. Merci beaucoup pour votre plaidoyer aujourd'hui, très intéressant.

Dans la continuité des questions de ma collègue, je m'interrogeais, parce que vous vous êtes effectivement, donc, beaucoup concentrée sur la petite enfance. Vous venez de préciser zéro à six ans. Vous avez aussi dit : Donc, il faudrait, en fait, comme parents, donner un dispositif à l'enfant le plus tard possible. Donc, j'aimerais voir... peut-être vous entendre, donc, sur vos recommandations passé la petite enfance, parce qu'évidemment, donc, dans la commission spéciale, on s'interroge, donc, aux différentes étapes, donc, de la vie d'un jeune, la petite enfance, ensuite, bon, primaire, secondaire, bon, même, donc, jusqu'à l'âge de 25 ans. Donc, pour vous, comment est-ce que vous voyez le continuum de recommandations, dépendamment du niveau de maturité du développement de l'enfant?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui, bien, en fait, c'est une question qui est très complexe pour le peu de temps qu'on a, mais je vais essayer de répondre à quelque chose que... Il faut vraiment parler du type de dispositif, de l'âge, puis il faut parler du contexte aussi. Par exemple, si on parle de... Moi, je parle de l'école surtout, là, parce que c'est ma spécialité, là. Je suis spécialiste en théorie éducative. Donc, quand on parle de l'école primaire, bien, c'est certain que les écrans peuvent interférer avec l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, parce qu'il y a plusieurs études qui confirment que l'apprentissage de la lecture, l'écriture doit se faire à la main pour avoir des bons résultats. Donc, on a essayé de le faire à l'écran et sur le... comment qu'on appelle ça en français, là, le... mais on a été plusieurs...

Moi, je vous le dis, on est dans une espèce d'expérimentation à grande échelle, c'est aussi simple que ça, là. L'industrie technologique, quand ils ont rentré les tablettes dans les salles de classe, il n'y a pas eu de preuve qui a été faite, là... Moi, je suis avocate, je vous le dis, il y a le fardeau de la preuve, en droit, qui doit être fait, et le fardeau de la preuve, bien, il est double dans ce cas-là puis il est sur les épaules des entreprises technologiques. Le premier fardeau de la preuve, c'est de prouver qu'il y a des effets positifs sur l'apprentissage de nos jeunes pour chaque étape où est-ce qu'on introduit les tablettes dans les classes. Et le deuxième fardeau de la preuve, c'est de prouver qu'il n'y a pas d'effet négatif sur le développement et l'apprentissage des jeunes.

Donc, on est en 2024. Les tablettes ont été introduites dans les salles de classe à partir... Je vous dirais, en 2017, ça a commencé... en 2015, ça a commencé à être très fort en Espagne, et on est toujours en train de réclamer les preuves, et on est toujours à l'attente... et on ne les a pas. Donc, je pense que ce qu'il y a eu ici, c'est une espèce de... On a fermé les yeux, on a dit : O.K., on va rentrer ça dans les classes parce que ça a l'apparence de modernité, de progrès, et puis là on se rend compte que ça ne fonctionne pas. Les professeurs se plaignent. Les parents sont déboussolés. Les experts, ils disent : Bien, on le savait. En fait, moi, je peux vous dire que je le savais parce qu'en 2015 j'ai écrit un livre sur ce sujet-là puis j'ai dit : Bien, c'est une erreur dont on va se... on dit repentir, là. Donc, je pense que ça a été une erreur.

Moi, je pense que, quand... Il n'y a pas d'âge spécifique où est-ce qu'on peut dire : Une personne est prête. Ça dépend de chaque personne. Chaque personne a un cycle de maturité différent, mais c'est sûr qu'avant 16 ou 18 ans... Je sais que c'est presque... c'est un scandale, ce que je vais vous dire, là, je suis consciente de ça, en Espagne, c'est assez scandalisant, ce que je dis, mais ça fait depuis 2014 que je le dis, mais là c'est... je vous avoue que c'est assez moins scandalisant depuis l'année passée, mais moi, j'ai toujours dit qu'avant 16 ou 18 ans personne ne devait avoir un smartphone. Donc, je ne pense pas qu'on doit faire une interdiction légale du gouvernement, là, mais moi, je parle, là, d'une recommandation éducative.

Donc, je ne pense pas que les parents devraient acheter un smartphone ou un téléphone intelligent à leurs enfants. Tu sais, il y a plusieurs choses qui sont interdites, hein? On parle avant... On ne peut pas acheter de l'alcool, du tabac, de la pornographie avant 18 ans. Bien, pourquoi est-ce qu'on peut avoir un dispositif qui est tout à fait... qui rend nos enfants accros avant 18 ans? Donc, moi, je pense que c'est une erreur. Donc, ça, c'est mon opinion, qui est basée sur la lecture de plusieurs études, là.

Mme Cadet : Puis là vous parlez du dispositif. Au Québec, on a beaucoup, donc, un débat sur la majorité numérique, donc, l'accès à la création de comptes sur les différents réseaux sociaux, donc, qui pourrait se faire, donc, à travers, donc, différents dispositifs, là, qu'ils soient la propriété de l'enfant ou pas. Sur cet élément-ci, j'aimerais vous entendre.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui, bien, moi, je pense qu'on ne devrait pas avoir accès aux réseaux sociaux avant 18 ans. Et ça, je suis complètement certaine et convaincue que ça... On va finir... Ça va être la même chose que l'industrie de la cigarette, là. On a... Je veux dire, pendant plusieurs années, des entreprises de cigarettes vendaient des publicités dans des revues, je pense que c'était le Medical Journal of New York. Vous pouvez vous imaginer, pendant plusieurs années, ils ont vendu des pages complètes de publicité. Donc, je veux dire, ça va prendre du temps, peut-être, pour qu'on s'en rende compte, mais je pense qu'un jeune qui est sur les réseaux sociaux avant 18 ans, c'est destructif. Moi, c'est ma position. Mes enfants, c'est peut-être personnel, là, mais ils ne sont pas sur les réseaux sociaux, puis j'en ai... j'en ai une qui a 19 ans, et ils ont plusieurs amis, et ça fonctionne tout à fait bien, il n'y a aucun problème.

Mme Cadet : C'était ça, ma prochaine question. Est-ce que vous... Bien là, vous dites que ça fonctionne dans votre cas à vous, mais est-ce que vous pensez que, comme mesure gouvernementale, que ça peut fonctionner comme interdiction?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui. En fait, il faut faire attention, parce que je suis avocate, donc, je vous avoue qu'il faut faire une grande différence entre un conseil éducatif mis en place par les parents et une loi qui interdit quelque chose aux parents. Donc, c'est très délicat, là. Donc, il faut faire attention. Donc, moi, personnellement, il faudrait que j'y pense un petit peu plus, là, mais j'ai déjà commencé ma réflexion sur ce sujet-là. Moi, je n'interdirais pas la vente de téléphones intelligents aux jeunes ou aux parents ou je ne mettrais pas de sanctions aux parents qui achètent ça à leurs jeunes. Je pense que ça fait partie, là, de la liberté d'éducation, que je défends moi-même. Mais par contre, oui, j'interdirais qu'un enfant soit sur les réseaux sociaux, parce que c'est différent. Je pense que ce qui est en jeu, c'est très différent.

Les réseaux sociaux, le problème, et je l'ai expliqué dans mon exposition, c'est un modèle des affaires qui capte l'attention des enfants. Donc, il y a un conflit d'intérêts entre les entreprises technologiques et la santé publique de nos enfants. Donc, je pense que, oui, le gouvernement, là, devrait prendre des décisions très drastiques puis je pense que, si le Québec le faisait... En Europe, on était... Il y avait... Si je me souviens bien, là, la liberté... La Commission européenne donnait de 14 à 16 ans comme liberté... Les États membres de la Commission européenne... de... pardon, oui, décidaient eux-mêmes. L'Espagne a décidé 14 ans en... je pense qu'on était en 2015, et là, récemment, ils ont décidé de changer pour 16 ans, et moi, je suis certaine qu'on va arriver à 18 ans. Donc, je pense que c'est... Il va falloir qu'il y ait un pays ou une province qui soit pionnière pour prendre cette décision-là, mais ça va être la... ça va être la décision qui va être prise, je suis certaine, dans cinq ans partout dans le monde.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme L'Ecuyer.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Je passe maintenant la parole à M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme L'Ecuyer, de vous prêter à l'exercice. C'est très enrichissant comme propos.

Vous faites état, dans l'une de vos publications, de la vitesse du développement numérique, tant et si bien qu'on n'arrive même pas à évaluer l'effet qu'ont les outils, les plateformes sur nos enfants. Ça amène comme problème que, dans le fond, on n'a pas idée de l'impact sur l'usage, hein, en fonction de la clientèle qui est ciblée avec le développement numérique. Ceci dit, ça n'empêche pas les choses d'avancer, ça n'empêche pas des choses de se faire d'un point de vue commercial. Comment on... Comment on s'outille pour contrer ou, minimalement, encadrer cet élément-là du développement numérique?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Bien, c'est vraiment... C'est très intéressant. Je n'ai pas parlé de ça parce que je n'avais pas le temps puis je suis contente que vous me posiez la question, mais c'est parce que, là, on est en... on est en train de voir, là, une situation à deux vitesses. Donc, d'un côté, on a ce que... Vous parlez de la situation commerciale des entreprises qui va très vite. Donc, c'est un modèle de... Je ne sais pas, en français, si on dit obsolescence technologique. Vous me comprenez? Donc, c'est ça.

Et puis là, d'un autre côté, on a la recherche, qui est très lente. Donc, je viens... On vient tout juste de publier un article sur cette question-là, d'ailleurs, Anales de Pediatria, en espagnol, qui est aussi publié en anglais, là, qui traite justement de cette question-là. Dans un éditorial de The Lancet, il y a eu une question... Je pense qu'il y a une jeune fille aux États-Unis qui s'est suicidée suite à une situation sur les réseaux sociaux, puis, justement, l'éditeur de The Lancet posait cette question-là, il disait : Bien, on a un problème, il y a deux vitesses, l'obsolescence technologique d'un côté puis, d'un autre côté, bien, les lois qui répondent normalement aux conclusions de la recherche, et la recherche est très coûteuse et très lente, donc. Puis, je vais vous dire, elle est très lente et très coûteuse, puis pas seulement ça, mais, je l'ai dit dans mon exposition, souvent, les entreprises technologiques donnent de l'argent aux chercheurs.

Donc, ça... Moi, c'est une des mesures que j'ai proposées ici au gouvernement espagnol. On m'a posé aussi la question. On m'a demandé, comme experte, de donner une bonne idée, là, puis une des bonnes idées que je leur ai données, puis, malheureusement, il y a trop de lobbys, puis ça n'a pas été possible, mais peut-être qu'au Québec c'est plus facile, ça serait de demander aux entreprises technologiques de faire ce que les entreprises pharmaceutiques font aux États-Unis, puis c'est de dire à qui ils donnent de l'argent.

Donc, il y a une espèce de... Il y a une base de données, aux États-Unis, où les médecins doivent dire... Je ne sais pas si c'est les entreprises pharmaceutiques ou les médecins qui doivent dire à qui ils donnent de l'argent ou de qui ils reçoivent de l'argent. Je ne me souviens pas, mais, si on pouvait faire ça ici, là, au Québec, ou en Espagne, ou partout dans le monde... Les entreprises technologiques donnent beaucoup d'argent aux écoles, donnent de l'argent même à certains gouvernements, à des entreprises, même à des moyens de communication. Ici, là, La Presse, souvent, il y a des contenus qui sont sponsorisés par l'industrie.

• (14 h 30) •

Donc, c'est vraiment difficile d'arriver à une situation où est-ce qu'on base l'éducation de nos enfants, autant à la maison comme à l'école, sur les évidences. Quand je parle d'évidence, là, vous comprenez, «evidence-based education», là, je parle des preuves, des études. Donc, c'est très important de parler à... Puis là je vous dirais, tu sais, que la télévision, par exemple, ça nous a pris 20... 10, 20, 30 ans pour savoir c'étaient quoi, les effets, mais la télévision est arrivée, puis il y a d'autre chose qui est arrivé.

Puis là quand on est arrivés avec les tablettes, en 2015, Dimitri Christakis, qui était l'expert de l'Académie américaine de pédiatrie, il a écrit un article qui disait : Bien, tout ce qu'on a dit sur les recommandations pédiatriques, ça ne vaut peut-être plus pour les tablettes. Donc, il a posé la question : Est-ce qu'on doit réviser les recommandations? Bien, évidemment, les recommandations qui sont... qui ont été publiées en 2018 n'ont pas été révisées, parce que l'effet est aussi nocif, mais ça nous a pris de... je ne me souviens pas c'était quoi, là, 2011 à... ça a pris plusieurs années avant d'arriver à la conclusion que les tablettes étaient aussi... créaient aussi des effets négatifs... que la télévision. Parce que ce n'est pas passif, par contre, c'est très addictif, parce que l'enfant, c'est sûr qu'il... mais c'est les algorithmes qui parlent avec l'enfant. Donc, l'enfant, c'est sûr que ce n'est pas passif, mais c'est comme si on allait le chercher avec un stimuli. Donc, c'est pire parce que c'est beaucoup plus addictif. Donc, l'enfant est beaucoup plus accro sur une tablette que devant la télévision.

Donc, pour revenir à votre question, vous avez mis le doigt sur la question. Donc, ici, la question, c'est vraiment, là, qu'il faut s'assurer de faire des lois pour que les entreprises technologiques arrêtent de faire de l'argent en utilisant l'argumentation pédagogique, scolaire et éducative, et on doit les obliger à amener leurs preuves, à faire leur fardeau de la preuve avant de faire de l'argent avec ça, parce qu'évidemment... Tu sais, Meta, par exemple, bien, quand c'était Facebook, on se souvient, les nouvelles où est-ce qu'ils voulaient, eux, introduire les mineurs sur les réseaux sociaux, mais ce n'était pas pour que le monde soit plus intéressant puis pour qu'on se fasse des amis, c'était évidemment...

J'ai travaillé dans une entreprise de communication. Je vous avoue, tu sais, le modèle d'affaires, c'est très simple, là, c'est d'avoir plus de clients puis d'avoir plus de consommation par client. Donc, les enfants, bien, c'est des personnes qui ne sont pas capables de se réguler, de s'auto, comment on dit en français, régulariser, là. Donc, la consommation, c'est sans fin. Donc, si on est capables d'avoir l'enfant avec un téléphone, puis c'est papa ou maman qui paie, bien, c'est sûr que c'est un modèle d'affaires qui est très lucratif, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Je passerais la parole maintenant au député de Marquette.

M. Ciccone : Bonjour, Mme L'Ecuyer. La semaine dernière, on a commencé nos travaux, on a eu trois, quatre groupes qui nous ont interpelés, trois, si je ne m'abuse. Sur trois groupes, il y en a un qui était complètement à l'opposé sur les heures d'écran. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur les heures d'écran. Je sais que vous avez dit que, de zéro à cinq, six, on ne devrait pas mettre nos jeunes devant des écrans. Cependant, si on parle du secondaire, si on va plus loin un peu en âge, pour vous, c'est quoi, une heure d'écran? Est-ce que c'est... On parlait d'outil pédagogique à l'école, par la suite on parlait de jeux vidéo à la maison, tablettes à la maison, réseaux sociaux. Et il y a un groupe qui nous disait : Il faut absolument tout calculer ces heures-là en matière d'heures d'écran. Un autre groupe nous a dit : Bien, tout ce qui est pédagogique, il ne faut pas l'inclure dans les heures d'écran, parce que c'est de l'apprentissage. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : En fait, bien, j'imagine que vous avez vu les statistiques, là, États-Unis, Angleterre, les heures d'écran, c'étaient sept, huit, neuf, 10; là, c'est rendu 14. Puis Clifford Nass, il disait : Bien, comment ça peut être 14? Parce que nos enfants doivent dormir. Parce qu'ils faisaient plusieurs choses en même temps, là, la multitâches technologique. Donc, eux autres, ce qu'ils faisaient, c'était qu'ils additionnaient les... Si j'étais sur un jeu, par exemple, comment on... sur un jeu vidéo, et je faisais mes devoirs sur l'ordinateur, puis je regardais mes WhatsApp, bien, ils multipliaient par trois l'heure, là. Donc, ce n'est pas vraiment logique, mais bon. Donc, il y a plusieurs façons de le calculer.

Moi, je vous dirais que, bien, en fait, moi, je considère que... Je sais que c'est très, très... c'est un scandale, ce que je vais dire, là, mais je le dis en 2014, puis je le redis aujourd'hui, puis je suis certaine que ça va être confirmé, mais les tablettes, ce n'est pas un outil pédagogique. Donc, ça, c'est un des problèmes, c'est qu'on prend pour acquis, on tient... on pense que c'est un outil pédagogique, puis c'est la raison pour laquelle on dit : Bien, ça ne doit pas être compté comme heure d'écran, parce que c'est un outil pédagogique. Bien, moi, je ne suis pas d'accord. Moi, je pense que c'est une heure d'écran, ce n'est pas un outil pédagogique. Puis les heures d'écran, bien, on doit... on doit les accepter, comme parent, quand ça a un sens, l'enfant est prêt pour être en train de faire ce qu'il est en train de faire. Puis ça, c'est une question de sens commun. Mais c'est sûr que le bon sens, là, c'est... c'est difficile, là.

Puis ce n'est pas facile non plus, ce n'est pas... l'idée, ce n'est pas non plus de faire une loi pour détailler ce qui doit être un temps d'écran, là, je ne pense pas que ça soit l'idée, mais je pense que... Je veux dire, moi, j'ai... c'est quoi que je vais faire avec mon téléphone intelligent? Je vais aller chercher le bus, puis je veux savoir à quelle heure il passe, puis je veux savoir comment me rendre à tel endroit, bien, j'ai besoin de mon téléphone intelligent. Bien, ça, c'est un temps d'écran qui a du sens. Par exemple, bien, je dois appeler une amie parce que j'ai besoin de lui raconter un de mes... un problème, bien, c'est un temps d'écran intelligent. Je veux voir un film qui est intéressant, bien, c'est un temps d'écran... c'est intéressant si tu as une qualité. Donc, je pense que ça, c'est les parents qui doivent décider ça, si c'est... On parle d'un mineur, là.

Donc, c'est une question complexe, mais c'est une question qui a... qui fait partie d'une casuistique. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, là, mais moi, je suis contre le fait de compter... de considérer la tablette comme un outil pédagogique. Je pense que c'est peut-être la partie la plus importante de ma réponse, là.

M. Ciccone : Est-ce que... dans tout ça, là, est-ce que vous excluez cependant des jeunes qui ont des problèmes d'apprentissage, des jeunes qui ont des plans d'intervention où ils utilisent, justement, des laptops, puis on va mettre Antidote, on va mettre plusieurs... plusieurs programmes pour les aider à réussir? Est-ce que vous excluez ces gens-là, ces jeunes-là?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Bien, je trouve ça intéressant. Je vous avoue que c'est une question que j'ai reçue souvent puis je réponds toujours avec une question, non une réponse, je dis : Où est-ce qu'elles sont, les études qui disent qu'un enfant qui a des problèmes d'apprentissage a des meilleurs résultats par le biais d'un écran? Il n'y a pas... il n'y a pas d'étude sur cette question-là. C'est ça, le problème, c'est qu'on est toujours en train de prendre pour acquis une série de choses qui n'ont pas été prouvées. Donc, où est-ce qu'elles sont, ces preuves-là?

Il y a plusieurs applications technologiques qui disent que les enfants qui ont des problèmes de dyslexie... On dit «dyslexie» en français, c'est ça?

M. Ciccone : Oui, c'est bon.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Pardon, c'est parce que j'ai l'espagnol et l'anglais, là, à gauche puis à droite, là. Mais c'est que les enfants qui ont de la dyslexie ont des problèmes de lecture. Moi, je vous avoue, après avoir travaillé pendant longtemps avec des écoles et avoir vu, étudié la situation, je vais même me devancer puis je vais vous amener une hypothèse, moi, je pense qu'il y a... la multiplication des cas de dyslexie qu'on voit présentement dans toutes les écoles, partout dans le monde, ça a beaucoup à voir avec la méthode d'apprentissage de la lecture, qui est globale, la méthode globale. La vraie méthode pour apprendre, là, qui fonctionne, c'est la méthode phonétique, ce n'est pas la méthode globale. Donc, la méthode globale, souvent, elle arrive par le biais d'un écran. Donc, je vais vous dire, ici, je pense qu'il faut prendre deux pas en arrière, là, puis comme mettre en question les principes qu'on donne... qu'on prend pour acquis.

M. Ciccone : Juste une petite dernière, je peux-tu, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Après, je... Oui.

M. Ciccone : O.K., une petite dernière rapidement. Tantôt vous avez parlé de recherche et des fonds, là, qui sont... pour certaines industries, qui sont attribués. Puis vous l'avez dit, là, les tablettes, tout ce qui est la technologie est allé trop vite, ça a dépassé la recherche. Qu'est-ce que le législateur, le gouvernement peut faire pour vous aider dans vos recherches, pour que ce soit un peu plus rapide pour rattraper, si c'est possible?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui. Bien, en fait, je m'excuse, je vais vous répéter ce que j'ai dit avant, mais je pense que c'est très important, la transparence au niveau de la «financiation» des recherches. Donc ce n'est pas normal que — je ne vais pas nommer des entreprises, mais je pourrais les nommer, là, c'est facile, il y en a quatre ou cinq — que ces entreprises-là sponsorisent ou — on dit en français «sponsorisent», c'est ça? — ou donnent... commanditent des études sur ces questions-là. Ça devrait être interdit ou ça devrait être très transparent, là, la «financiation». Donc, je pense...

• (14 h 40) •

M. Ciccone : Bien, je ne veux pas vous couper, mais je parle de la collecte de données. Tantôt, on vous a compris. Mais c'est au niveau de la collecte de données. Est-ce que le gouvernement peut faire quelque chose pour la collecte de données?

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Ah oui! Ah! bien oui, bien oui, bien oui.

M. Ciccone : Bon, c'est ça, je veux vous entendre là-dessus.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui, oui, oui, la collecte de données. Moi, je pense ici qu'on parle de 18 ans, puis c'est 18 ans, puis 18 ans, puis 18 ans. Le problème, c'est qu'on a... J'ai d'ailleurs participé à une conférence avec les procureurs de la couronne ici, en Espagne, et la présidente, là, ou la directrice de l'agence de protection des données de l'Espagne, et tout le monde était d'accord, on demande des responsabilités aux parents pour les méfaits de leurs enfants mineurs, d'une part, et, d'autre part, on permet aux enfants mineurs, sans le permis des parents, d'être sur les réseaux sociaux. Donc, c'est un train... c'est un accident de train, évidemment, c'est une collision annoncée, là. Donc, ici, je pense que ce serait important, tout ce qui est collection de données, ça ne pourrait pas être possible avant 18 ans. Donc, ça, c'est une façon aussi de résoudre le problème de l'accès aux réseaux sociaux.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme L'Ecuyer. Il nous reste peu de temps, alors je céderais la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Très apprécié.

Vous faites une distinction entre votre souhait de ne pas aller dans l'interdiction de la machine, donc le cellulaire... Vous en faites plus une espèce de directive, à la limite, de santé publique ou, du moins, une recommandation. Mais, à la réponse à ma collègue, tantôt... à la question de ma collègue sur l'interdiction des réseaux sociaux, là, vous avez une position beaucoup plus tranchée en disant : Oui, oui, oui, on interdit. Donc, la fameuse majorité numérique.

C'est difficilement applicable, ça, quand même. Là, je sais qu'il y a des pays qui votent des choses comme ça, la France, notamment, pas loin de chez vous. Comment on applique ça? Parce que, vous le disiez tantôt, c'est interdit, la pornographie, etc., mais vous savez comment ça marche, là, vous allez sur un site : Avez-vous 18 ans? Oui, puis c'est terminé, hein, ça ne demande pas plus d'information que ça. Puis, à chaque fois qu'on fait un pas dans la direction «oui, mais peut-être qu'on pourrait demander», là, on bascule dans les données, les données numériques. Qui les ramasse? Qui est responsable? L'État? Une société privée? Oh! c'est un vaste... c'est un vaste sujet.

Ça fait qu'est-ce que vous, vous avez, comme une piste pour dire : Oui, oui? Ou est-ce que vous dites : Bien, peut-être que ce serait, à la limite, juste mieux de dire... un peu comme sur les sites pornographiques, au moins, ça fait une... minimalement, une certaine barrière symbolique? Au même titre que ce n'est pas parce qu'on n'a pas 18 ans qu'on ne peut pas prendre un verre d'alcool fourni par mononcle ou un joint fourni par le grand frère. Je ne parle pas d'expérience. C'est moi, le grand frère, je n'ai pas fourni de... je n'ai pas fourni de joint à personne dans ma famille, soyez rassurée. Mais vous comprenez ce que je veux dire.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Oui, oui, je comprends ce que vous voulez dire. Je suis avocate, donc je comprends tout à fait ce que vous voulez dire. Mais, comme vous le savez, les avocats, vous êtes là... plusieurs avocats, certainement. Mais le droit a plusieurs... a plusieurs effets, pas seulement d'interdire, mais aussi d'éduquer. Donc, quand on dit que c'est interdit d'avoir accès aux réseaux sociaux avant 18 ans, bien, on lance un message. Donc, ce qu'on dit, c'est que les enfants ne sont pas prêts. Donc, ça, c'est beaucoup, déjà.

Donc là, la deuxième question, c'est comment on met ça en oeuvre. Donc, je vous comprends puis je vous avoue que je peux même vous mettre en contact avec la directrice de l'agence de protection des données ici, en Espagne, qui s'appelle Mar España. Mar España, c'est une personne incroyable qui a fait beaucoup, beaucoup de travail sur la question de la protection des mineurs. Et c'est une personne qui a eu une idée, que je ne peux pas vous expliquer parce que c'est très technique, mais dans l'agence de protection des données, en Espagne, ils ont mis en oeuvre un certificat numérique qui fait en sorte que la personne qui rentre dans un réseau social ou qui est sur les... en ligne doit s'identifier, donc... puis là il y a comme une espèce de façon de contrôler l'âge. Je ne peux pas vous raconter en détail parce que je ne suis pas trop au courant de ça, mais je trouve ça très intéressant.

Ma position, c'est plutôt qu'ils ne soient pas sur les réseaux sociaux. Mais évidemment qu'il faut avoir ces mesures-là de contrôle. Donc, s'il y a quelqu'un qui est intéressé à la commission, qui veut m'envoyer un courriel, je peux vous donner le contact de Mar España. Il y a peut-être quelqu'un de son équipe qui peut communiquer avec vous. Je sais qu'eux ils sont en communication avec d'autres gouvernements, avec la Maison-Blanche, ils ont déjà parlé avec plusieurs gouvernements sur ces questions-là. Mais, si vous voulez, je serais... ça me ferait plaisir, il n'y a pas de problème.

Et, oui, c'est sûr qu'une question, c'est interdire l'accès aux réseaux sociaux, puis il y a une autre question qu'il faut faire très attention pour que l'État ne soit pas trop un État qui s'ingère dans les décisions de la famille. Donc, moi, je suis vraiment une défenseure, là, de la liberté éducative, donc je pense qu'interdire qu'un enfant de 17 ans ou un jeune de 17 ans ait un téléphone cellulaire... Bien, un téléphone cellulaire... C'est sûr qu'un téléphone cellulaire sans Internet, ça existe, d'ailleurs, là, mais un téléphone avec une connexion Internet, je pense que c'est aller trop loin. Donc, moi... peut-être, on pourrait interdire la vente, mais la possession, là, d'un téléphone Internet, je pense que c'est aller trop loin.

Puis il y a des téléphones, aussi, avec connexion Internet, des Nokia, qui ont WhatsApp, par exemple, puis qui ont certaines... Je m'excuse, l'image est très, très... C'est parce que je suis en Espagne, puis c'est la nuit ici, là, donc... Je suis à Madrid puis...

La Présidente (Mme Dionne) : Mme Lécuyer, il nous reste à peine 10 secondes, alors... la température tombe bien avec la fin de votre audition. Juste pour...

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Bien, en fait...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Non, bien, c'est ça, je vous remercie beaucoup. Moi, je suis vraiment très contente que vous ayez fait cette commission-là. C'est vraiment un début magnifique, là. Puis, si vous avez besoin de moi pour quoi que ce soit, je suis tout à fait disponible. Je vais juste vous dire qu'en 2014, quand mon livre est sorti, bien, ça a été un peu de scandale... un peu de scandale. Cultiver l'émerveillement a été très bien reçu, mais, Pour un retour à la réalité, pas trop bien reçu, en fait, parce que c'était très... c'était peut-être alarmiste. Mais maintenant, en 2024, ce n'est pas... ce n'est pas trop alarmiste. Une relecture du livre n'est pas trop... n'est pas trop alarmiste, donc.

La Présidente (Mme Dionne) : Comme quoi vous étiez visionnaire. Alors, malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait, mais, oui, notre secrétariat va entrer en contact avec vous pour les coordonnées de l'agence de protection des données, là, qui est fort intéressante. Alors, merci beaucoup de votre contribution, c'est très apprécié.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux pour accueillir notre prochain témoin. Merci beaucoup.

Mme L'Ecuyer (Catherine) : Merci beaucoup. Au revoir.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 50)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission est maintenant prête à reprendre ses travaux.

Donc, je souhaite la bienvenue à la Dre Victoria Dunkley. Donc, bonjour, Mme Dunkley, merci de contribuer à nos travaux. Donc, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous exposer vos commentaires, et par la suite nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.

Donc, il y a un petit délai pour la traduction, j'imagine. Est-ce que vous nous...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Ah! nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 51)

(Reprise à 14 h 54)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, nous reprenons les travaux. Désolée, petit problème technique.

Alors, on reprend avec la Dre Victoria Dunkley. Donc, bonjour, Mme Dunckley. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à un échange de questions avec les membres de la commission.

Donc, peut-être vous présenter et nous faire part ensuite de vos commentaires. La parole est à vous.

Mme Victoria L. Dunckley

Mme Dunckley (Victoria L.) : OK. Thank you very much. Thank you so much for inviting me today. Good afternoon, everybody. I'm Dr. Victoria Dunkley and I'm a physician and child and adolescent psychiatrist for over 20 years. And I have specialized in the impact of screen time on the brain for almost as long.

So, 20 years ago, I started noticing that, when kids were playing video games, that they were having trouble with focus and impulse control. And then, obviously, the problem has just gotten worse and worse over time, as more devices came into the picture, handheld devices, smartphones, iPads, etc., and now social media. But the underlying physiology really has not changed. So, my focus is really on the physiological impacts of screen time on the nervous system, how it dysregulates the nervous system and how those effects translate into symptoms and dysfunction.

So, we're seeing an unprecedented increase in mental health disorders and developmental delays in children, things like attention issues, kids being diagnosed with ADHD, aggression, delays in learning. And then, in the older children and teens, we're seeing a lot of depression, anxiety, suicidality, self-harm, cutting, etc.

So, what I wanted to talk about was how screen time really triggers... screen time acts like a stimulant. So, it triggers the fight-or-flight system in the brain and body, and fight-or-flight can also be freeze, that's the third aspect. And it turns out that screen time can induce these effects not just in one way, but in multiple ways. And this is key to understanding how it's causing all these issues.

The first mechanism by which it causes stress or hyperarousal is that screen time stimulates the reward pathways very intensely. And this happens even with educational materials. So, the reward pathways get stimulated, those are the dopamine receptors, and, over time, the dopamine receptors become desensitized and stop working as well, so then the child is no longer interested in the natural world. Other things are boring, they can't seem to get things done because they're looking for that high level of stimulation. There's also a lot of sensory stimulations: the intense and vivid colors, the rapid movements, changing contents, all of those things also increase arousal levels.

Then, we have the bright and blue light. So, most of you may have heard about how blue light suppresses melatonin, which is a sleep signal in the brain, but, when melatonin is suppressed, it also affects inflammation in the brain. Melatonin is a very potent anti-inflammatory. It also protects DNA in the brain, and also it's a hormone regulator. So, all of these things are going on simultaneously just with suppressing melatonin. And, if you block the blue light, screen light still suppresses melatonin, even if you block the blue light. So, when kids are being exposed to screens all day, even if the content is benign, it's just regulating the nervous system.

Another aspect that causes stress is multitasking. So, kids are constantly, you know, using devices to... they're chatting, they're looking things up, they're doing their homework, they're on social media, they're listening to music, all sorts of things. So, all of that multitasking is also stressful. It increases arousal, so they keep doing it. Actually, the multitasking itself can become addictive. So they keep doing it and they actually... we know that kids are not good at multitasking, and they actually get worse over time. They think they're good at it, but they're not.

Another aspect is the interactivity, so all of the touching, scrolling, the rapid responsiveness, which is also what makes our devices attractive, that also increases arousal levels. And also the radiations. So there's radiations from the screen, from wi-fi, from cell phone signals, from Bluetooth. All of these things, you know, kind of layer on each other. And those, we know, also increase the stress response and also suppress melatonin.

So, all of these things are going on at the same time in a synergistic method. And you can see, if you're looking... if you have my brief, you can see that a lot of these aspects really don't have a lot to do with content. They happen just because the screen itself acts like a stimulant and interacting with the screen acts like a stimulant. And that's really important, because I think people keep trying to suggest that kids just need to use it in a balanced way or just do these things and not that, but what's happening is those things cause issues too. So, that's one of my biggest take home points.

• (15 heures) •

O.K. So, if you understand how screen time can increase the stress response, when that happens day in and day out, you get a child who's overstimulated, and the brain actually kind of shuts down. So the frontal lobe is the front part of the brain, the more human part of the brain, and, when there's a lot of hyperarousal, the frontal lobe kind of shuts down. So blood flow shifts to the more primitive part of the brain, and there's less blood flow up here, where we need it. So, that child starts to behave in a more primitive manner. They're more defensive, they're more reactive, they can't think... can't think ahead, they can't plan, they can't look back because they're kind of in this survival fight-or-flight mode, and it's very difficult to get out of that mode without removing all the stimulation.

So, what's happening when we see that poor frontal lobe functioning... And this can look different in different kids, because the frontal lobe controls mood regulation, executive functioning, impulse control and even things like creativity and kindness, so all of the things that make us human. So, when the frontal lobe gets shut down, any or all of those aspects can also get shut down. So, kids could be anxious, or they could just be more impulsive, or they can be aggressive, but that underlying physiology is the same, it's really frontal lobe dysfunction.

But a very typical way that a child looks with too much screen time is that they're irritable, weepy and they can't focus. They can't get things done. They have no stress tolerance, they're easily frustrated. So they may have problems on the playground. They may have poor eye contact. They are sore losers, so, if something goes wrong, they can't tolerate it. So, they're just very fragile. And you can't learn in that state. So what we're seeing is that kids, you know, are... in general, all the math and reading scores are going down. They haven't really gone back up since the pandemic ended. But, even before the pandemic, all of those things were going down, and the reason is because of screens.

So, what I've learned over time, doing this for 20 years, is that, yes, there's some benefit we know from research, there's some benefit to just trying to limit screen time, getting screens out of the bedroom, limit... you know, having parental limits, etc., but a much better intervention, and this, to me, is the gold standard, is that you remove screens for four weeks altogether, you remove all of that unnatural stimulation and let the brain kind of reset and heal. So, what happens when you remove all of that is that the body clock resynchronizes, the stress hormones lower, the blood flow returns to the frontal lobe. And what you see, within a week in younger children and maybe by the second week in teens, is a much happier, more relaxed child. They're better engaged, they make better eye contact, they're able to learn. You can see their grades go up. I've seen kids, including boys, start reading. And this is within a few weeks. It's quite dramatic.

And we know also that screen time is associated with obesity, not just obesity, but things like high cholesterol and things like that. I have seen children's cholesterol panels improve within six weeks. So there's dramatic changes, and brain chemistry, and hormones and all across the board.

O.K. So, I mentioned that there's all these trends on the rise right now, increases in mental health diagnosis, but not just that, but also kids being put on medication unnecessarily, and the medications themselves have side effects. And we're also seeing that just in general, when kids are being treated, it's just not working.

So, I think my time is running out. So, I just want to emphasize that school-related screen time is contributing to all of this, both one-on-one device use and having to do homework at night. We know that light at night from screens is related to depression, not just depression, but suicidal thinking and actual suicide.

So, the recommendations include allowing children to opt out of one-to-one device programs at school, for children to opt out of having to do homework on a computer at night, and then also to utilize these electronic fasts or screen fasts for four weeks to improve not just mood and focus, but actually assess children in school, because now you're... now you're returning them to their natural state and you can really see what's happening. It may not solve everything, but it will get them to the place where you can actually make change.

So, those are my...

La Présidente (Mme Dionne) : ...

Mme Dunckley (Victoria L.) : Sorry.

La Présidente (Mme Dionne) : Ah! désolée. Le temps est écoulé, Mme Dunckley, mais nous allons poursuivre ces discussions intéressantes avec une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, nous allons débuter cette période avec M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Thank you, Dr. Dunckley, for being here with us today. You talked about screen time. I want to hear you on screen time. At what age should we put a kid in front of a screen? And, in the same category, how do you... what category you put screen... is screen time in school in learning, iPad, social media, video games, do you put everything in the same category as screen time?

Mme Dunckley (Victoria L.) : OK. So, to the first question about what age is we want to delay as much as possible. I try not to get too much into the details because, for some kids, they need to delay as long as possible because they're just more vulnerable. Kids with any kind of underlying difficulty are going to be more vulnerable and sensitive. We know, from zero to three, they should have zero screen time. After that, it should just be... I mean, to me, ideally, it should be none. You know, if you aim for none, they're still going to get some, but it'll be much less. So, kind of one general guideline that I like to say is : The amount of screen time, right now, that kids are getting per day should be the amount they're getting per week. So, if they're getting two hours per day, or five hours a day, or, you know, teenagers are, like, ten hours a day, that should be the weekly allowed amount. So, that's... the longer you wait, the better. Less is more.

And the second question about how do I categorize everything, in this day and age, I really kind of put it all together. The most important distinction in my mind is if it's interactive. So, like a slow-paced documentary is going to be less stimulating and problematic than watching... using... even using learning apps, because they're interactive and they're closer. So, anything that's closer is also more stimulating and more... you know, the light from the screen is more problematic. So, I think, because most of it is interactive these days, I would categorize it all together.

M. Ciccone : Thank you, doctor. I have one final question for you. Here, in our area, I don't know if it's the same thing in your area, but here, in... we have high schools that offer esport programs. When... And their... the explication is because, in the near future, we will have some esports Olympic Games, we want to prepare them. So, they offer it in our high school education system. What are your thoughts on that?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I mean, I don't think it's a good idea. I think it just kind of compounds the problem. And, you know, a lot of the kids that are really not doing actual sports might be attracted to something like this. But, to me, it's just compounding the problem, especially if the schools are offering it. I just think it's much better to promote natural sports where they're interacting with nature, and being outdoors, and having sunshine, and moving their body. I just think we want to be careful about offering something that, potentially, is affecting their physiology and long-term health, really.

M. Ciccone : Thank you very much, doctor. Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Yes. Hi, Dr. Dunckley. Thank you so much to be with us today. It was really interesting to see your point of view, and thank you for your presentation as well.

You talked much about video games, but how about using social media to communicate? I just want to know your point of view about that. And how about watch TV on tablet or those other uses we can do with, actually, blue screen, but... Yes.

Mme Dunckley (Victoria L.) : Well, I think... What was the first part of your question about the...

Mme Gendron : ...video games, but how about taking... using social media for communication for children? Like, I mean, children between, maybe, six to 16, you know.

• (15 h 10) •

Mme Dunckley (Victoria L.) : OK. So, all of us that have boots on the ground, that are dealing with, you know, actually interacting with people, with kids, we all agree that social media shouldn't be happening at all for children or even teenagers. You know, our surgeon general has issued... I'm not sure if it's an official warning, but has talked about issuing an official warning about that social media can impact mental health. But the problem is, even if they're using social media just to communicate and there's nothing nefarious going on, the problem is they're doing that more and more, they kind of have a secret life that the parent doesn't know about and which isn't really developmentally appropriate. And it affects... it's starting to affect their ability to socialize face to face. So, this was even happening before the pandemic, but now it's much worse.

So, we see kids being incredibly uncomfortable with face-to-face communication, particularly with adults. And then you see that play out later when they're trying to go to college. They're falling apart. They're very fragile. They have trouble making phone calls. They have trouble interacting with the public. I mean, it's just... it's just causing all sorts of problems, so... And also, just... You know, adolescence is supposed to be a time of awkwardness, socially, where you learn how to interact, and it feels awkward at times, but it gets better with practice, and that practice is being taken away. So, especially when kids are starting so young, it's just problematic and, you know, amplifying the problem.

Mme Gendron : OK. But what is your opinion about using apps at school for education purpose?

Mme Dunckley (Victoria L.) : There's very little, you know, to no evidence showing that those improve any outcomes, and, even if they improve an outcome in the short term, it doesn't play out over the long term. So, a lot of these apps are overused. And we know what works. We know that kids need a human connection to learn, especially kids who are struggling. So, that's the other issue, as there... There might be... You know, kids who are the most resilient and have the most advantages, they might be able to tolerate things like that OK, but kids who really need it are going to get worse. So, that's the other problem. It's like if we try to keep using technology to try to help kids who are struggling, it just makes things worse, and then we think : Oh! maybe we're just using the wrong app, when, in fact, just using the app is what's... is making the problem worse.

Mme Gendron : Thank you so much.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente.

Hi, Dr. Dunckley. Thank you so much for being with us today. On the same subject of edtech, so, you mentioned the different mechanisms that... the screen time... that the... the use, so, for example, you know, like passive watching or like the mechanisms that can be effective... offensive online, like, well, endless scrolling and the rewards and «edification» system. And we do also know that some apps for education, sometimes, use these same mechanisms, but some don't. So, I wanted to hear your point of view about that because you essentially, like, said, in your recommendations, like: Eliminate the use of learning or edtech, and I hear you about... There's no evidence, right, there's no evidence that it actually helps. But I wanted to understand, like, what is your point of view on to which degree does it harm from, like, the mechanisms that they may or may not use. Because there's edtech, I mean, in schools, but as also, sometimes, like, parents themselves, like, will want to supplement by either, like, well, buying, like, some software or going online and using some apps for the development of their older children. So, I wanted to hear you on that topic of edtech.

Mme Dunckley (Victoria L.) : Well, I think all of the edtech programs use some... those technics, you know, to some degree. Some might be worse than others, but we... what we see, and, you know, if we just look at everything as a whole in the big picture, math and reading scores are going down. So, whatever people are trying to use is not working. And I see that it's not only not working, but it's just adding to the problem. And then you have a child who, you know...

What I just saw in my son's classroom, who's in second grade, is that they started to use an app for reading and for math, and then, all of a sudden, my son told me that, in the middle of the app, which is used across... the same app is used all over the world, by the way, in the middle of it, it... they get rewarded by a video game. The teacher didn't even know this was going on. So I was, you know, angry. But it's...

So, I just think there's so much going on behind the scenes that we don't know about. And just using any of these... You know, there's advertisements going on, there's monetization going on. There's tracking and collecting data, mining data from the kids while they're using it. There's just a lot of aspects that are... You know, it's a very kind of a dark... dark situation going on when you look really behind the scenes of what's happening. And we just know it's not working.

And then say, for that child who's struggling anyway, now you're adding a little bit more screen time. Are they going to sleep a little bit less at night? Probably. So, I think just... the message should just be : Less is more and go back to what we know works.

Mme Cadet : So, we had some conversations about, like, maybe labelling, you know, to classify like the... well, some edtech apps, a little bit like we do with movies, with good edtechs and bad edtechs, so we can recognize the mechanisms. But essentially what you're saying is that, essentially, all edtech is created equal?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I mean, there might be a little bit of variation, but I think, the good edtech, we still... I still wouldn't trust what those companies are putting out. And also, the organizations, including, like, Common Sense Media, they get... they get money, you know. So, there's always this conflict of interest going on, even when an organization that we trust is saying... Even the American Academy of Pediatrics, you know, gets money from Google, gets money from Meta. So, I think it's very hard to see objectively if any of these edtech programs are really better than others.

Mme Cadet : We do know that a lot of these mechanisms and the effect that they have on people, so screen-related stress or hyperarousal, they also work on adults, right? So, at which stage of the development does screen time is more an issue of opportunity cost, so less sleep, less time to exercise? And at what point you say, like : OK, like, this amount of screen time, it's really, really harmful by itself and not just a matter of opportunity cost?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I think it's hard to tease those things apart. We do know that, aside from the opportunity cost, that, like, say, for example, for obesity and metabolic issues with cholesterol and things like that, we know that, separately or independent of the opportunity cost, it increases the risk of obesity, and high blood sugar, and things like that. So, I think there's always going to be the opportunity cost because it's time, right? And, if it's done every day, even if it's for ten minutes, when you start multiplying those minutes over days, and weeks, and months, and years, for a developing brain, you're really... it really is an opportunity cost. And what's happening is all those costs are being lost where the kid could be making more connections in the brain and becoming more resilient. And, in addition to that...

Mme Cadet : For kids, yes.

Mme Dunckley (Victoria L.) : Yes, for kids, but, you know, adults too. Like, an adult is going to be exposed, you know, their whole life as well. And, you know, the problem that we're seeing medically with adults is through the roof too. So, I just think, if you just... it's kind of, like, a mindset, like, there's no amount of safe time really. It's really about trying to minimize as much as you can.

Mme Cadet : Your main recommendation is screen fasting. So, it looks like it's more a recommendation for parents. So, where do you see the State... like, what role the State can play in terms of regulating the industry or being able to place some barriers?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I think it... I mean, the State can... I feel like it's a place or a way that the State could mention it. You know, people do listen to, like, the pediatricians mentioning to them : You know, by the way, if you keep your kid off screens for four weeks, their dopamine system is going to reset. And, even if the pediatricians feel like that parents don't listen to them... but just having messages like that, like just mentioning : Hey! you know, this is an option for you, I think that goes a long way.

Mme Cadet : Question from me. We talk a lot about banning social media below a certain age. Do you agree with that recommendation?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I do. I do. I just think it's very hard... even when parents realize it's a problem, it's very, very hard for parents to get away from it when their child and the child's friends are all using it to communicate. They... No one wants to ostracize their child, no one wants their child to feel left out. So, I think... You know, I think making it really illegal under a certain age, and then, even above that age, it should... there should be significant warnings about it... will help parents, give them permission to stay off it for as long as possible.

Mme Cadet : Thank you. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Dionne) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors, moi, je reviens sur tous les effets, là, négatifs que ça peut avoir chez les enfants. On se dit de plus en plus, dans le milieu scolaire, que... puis vous l'avez dit aussi, mais qu'il y a, bon, plus d'enfants TDAH, d'anxiété, puis vous dites même, là, autistes, même, dans vos... dans votre mémoire, troubles d'apprentissage, crises de colère. Puis on le remarque aussi, là, dans les écoles en général, tu sais, on se dit que... vous l'avez dit, plus d'enfants qui ont une médication également. Donc, vous, vous faites un lien quand même assez direct entre l'utilisation des médias sociaux et ces troubles-là, et même que vous dites, à certains endroits : Un écran peut même imiter, chez un enfant sans diagnostic, ces troubles-là, qu'il n'aurait pas nécessairement sans l'utilisation des écrans. Donc, j'aimerais ça vous entendre vraiment là-dessus, sur... nous, on constate, dans les écoles, qu'il y a plus de cela, mais... le lien avec les réseaux sociaux.

Mme Dunckley (Victoria L.) : With social media? Is that what you're... OK. Yes. So, I think social media, it adds additional layers. So, on top of all this overstimulating effect of interacting with their screen, and going back to their phone, and having those reward systems hijacked... the additional layers added on top of that are that, you know, preteens and teens are extremely vulnerable to the social pull of what social media can do. So, that need, that developmental need, the stage they're at is being hijacked. So, their brains light up more, and they have a harder time not using it than a child who is 18 even.

So, to me, it's very problematic. It's having huge impacts on kids in school. And here, in the U.S., in California in particular, they're really trying to push or they're starting to implement phone-free schools, and not just... not... you know, not letting kids have their phone in the classroom, but, quote, unquote, «bell-to-bell policy». So, from the beginning of the day to the end of the day, they're not allowed to use them. So, that is step one of what needs to happen.

And, that way, they have at least those eight hours where they're free from having to respond to social media prompts. So, I think that's one thing, that's an important first step, and then I think not using school-issued devices, because they're accessing social media on their devices, and then going home, and they're being exposed to all sorts of things just through the school... the school given devices, so, all of these things are problematic.

And I think, you know, again, we're trying to, like... everyone keeps trying to work around it so that there are safety precautions in place without addressing the root problem, which is the device and the screen itself. The kids won't... Because it's so addictive and it's built to be addictive, the kids are not going to turn it down if it's in their face. They can't, they literally can't. So, I think we have to do it for them, and remove it for them, and make it so that they can be kids again and interact in the way they're supposed to.

Mme Tremblay : Ici, au Québec... parce que vous avez abordé ça dans votre réponse, aussi, au Québec, on a interdit le cellulaire en classe, donc il y a une directive du ministère de l'Éducation qui est venue interdire en classe. De ce que je comprends, vous, vous iriez encore plus loin, donc, dans l'interdiction, là, pendant la période du dîner, par exemple, donc de limiter de plus en plus, finalement, l'utilisation, là, des outils... bien, peu importe, des écrans en général, même à l'extérieur de la classe.

Mme Dunckley (Victoria L.) : Yes. Yes, exactly. And I think the bell-to-bell policy is really important, because lunch is when the kids, they're supposed to be interacting, and, a lot of times, you look around, and they're all just sitting on their phones together. So, I think eliminating it from that... you know, the bell-to-bell, where they can't access at all during school hours, would be very helpful. It would force them to interact and give them some relief.

You know, a lot of kids say when they're forced to give it up or they can't use it... a lot of them express relief and say that it's... They can... Even during the day, they can see their anxiety come down a little bit that they're not having to respond, and be reliant on it, and get that constant feedback. So, I think the kids may, you know, express some kind of resistance, and parents too, but then, when we actually enforce it, they feel relief, and they feel better, and they can feel that they feel better.

Mme Tremblay : Dernière question. En classe, on revient le plus possible à ce que moi, j'ai connu, papier, crayons, et, quand on utilise des outils numériques, si on décide d'en utiliser, il faut que ça ait vraiment un plus à l'apprentissage. Donc, vous seriez vraiment d'accord avec ça?

Mme Dunckley (Victoria L.) : Yes, absolutely. I think just going back to pen and... you know, pencil and paper, using... If they're using the computer, it's in a computer lab, to use... to learn skills. An occasional use to enhance learning or just show them something, using a shared screen on a projector, a projector wall, something like that, instead of kids having individual devices, that's also a best practice. I'm glad to hear that.

Mme Tremblay : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Merci beaucoup.

We talk a lot about the effect of screen time on the brains of the kids, but I wanted to hear about the effect of presenting screen time to kids as, really, a reward, either at school or at home. Does it trigger other things than what you already presented?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I think it all triggers the same things in the brain, but I... we recommend not using screen time as a reward because then they're constantly thinking about getting the reward.

So, what happens when you take the screens away is that they kind of go through a grieving process and then they're forced to start... you know, accept it, and then they start playing more outside and being more creative, and physical, and all those things that... their brain kind of wakes up. So, when you're using it as a reward, even if, like, say, some parents would say : Well, if you're good this week or you do all your homework, then you can get some on the weekend... We used to do things that way, but now we're kind of saying that it doesn't work that way. We really want children to be, like, self-driven and not interacting or doing what they need to do just to get that screen reward. So, we want to... we want to... our recommendation is to avoid doing that.

Mme Bogemans : You said previously that the goal... one of, like, realistic goal for a family would be to turn the hours that one kid would spend on a day on the... all of the week. What would be the process you would suggest for that family to make it happen?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I think doing the screen fast first, for four weeks, helps break the habits better than anything else. So, when I do the screen fast, I do allow a few hours of a slow-paced movie or something like that a week. So, they do get a little bit of a reprieve and especially if the family can do it together. But, doing that, the four weeks, really does help kind of reset the habits. And then, from there, after that, then they can kind of think about : OK, how many hours per week are we going to allow and what is that going to look like? Is it going to be, you know, gaming? Is it going to be this or that? Obviously, again, less is more. And some parents decide, if they see such dramatic changes, that they just want to continue with no devices, especially for kids that have autism, you know, ADHD, things like that, they really do function much better just eliminating it altogether for the long term. But, at least, if the parents start with those four weeks, then they can... it's not so overwhelming, and they can see for themselves the difference.

Mme Bogemans : OK. Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Oui. Merci.

Me again, Doctor. I'm just curious. How was your studies received in your part of the country? And, in the same question, I know there's a big lobby, you know, about the screens, and egames, and all that, video games. How is that received on their part?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I think the pendulum is starting to swing here, in the U.S., and particularly, I think, in California. It still got a long way to go, but I think, you know, ten years ago, when I would give a talk, it was really me trying to make my argument and try to convince people that it was affecting their focus and their mood regulation, things like that. Now, we have research showing that.

You know, I'm just... I'm a clinician, so I don't do formalized research, but now there's research showing that it causes focus problems. If they look at longitudinal studies, we now have research showing there's delays in language and lower math or reading scores and things like that with more screen time. We know there's now a study going on showing that... I think, they did, instead of two... they did two hours a week of screen time and... you know, as an intervention very similar to mine, but they only did it for two weeks. But it was really a feasibility study to see if they could actually do it, and they did. And they saw a dramatic change, I think it was in preschoolers, in the behavior, and the functioning, and learning of those children. So, I think that it's... the time is coming where the pendulum is swinging. But there's still... it's still a huge problem, I think, in the... at the community level.

• (15 h 30) •

M. Ciccone : How strong is the lobby of the video games and all the apps they're presenting?

Mme Dunckley (Victoria L.) : It's huge.

M. Ciccone : How strong is that? Are they stronger than we are right now, for the ones like yourself who want to control screen time?

Mme Dunckley (Victoria L.) : I mean, it's huge. It's David and Goliath. And it's not just the video game industry, it's the communications industry, and Google, and, you know, all the big tech players, and they have their tentacles everywhere. So, I think it really has to come from, you know, the top down and having, like, the surgeon general put out warnings. There's going to be lawsuits and things like that, like, against social media companies. Things like that are going to have to happen, I think, before, a, people realize what's going on, but also to make kind of a societal change where we're really viewing this as a problem for children and trying to protect them for as long as we can.

M. Ciccone : We had a... Last week, we had a doctor also... does some research, wrote a book, and she said that all the companies that you mentioned, they should be ashamed of what they're doing to our kids. What are your thoughts on that?

Mme Dunckley (Victoria L.) : Absolutely. Yes, absolutely, you know. And we know that Meta was doing some research — this is the whole whistleblower incident — was doing research showing that they're... what they were doing was making kids more depressed, feeling worse and having suicidal thinking. They knew that and they were doing it anyway, they didn't change what they were doing. So, then, when they got caught, then they decided not to do that kind of research anymore, you know.

So, things like that, that I think... Tristan Harris, Center for Humane Technology, like, his group and kind of all the whistleblowers talking about what's going on inside those big tech companies, we have to pay attention to that. They're all saying and giving lip service to what they can do and what they're doing, but, behind the scenes, you know, there's still mega corporation who are... they're beholden to shareholders. So, I think, you know, it may be OK to, like, ask them to make changes, but we cannot trust anything that they're saying, that they're putting in place as precaution.

M. Ciccone : Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci.

You mentioned that even the American Association of Pediatrics, like, can be funded by the corporations in the industry and what we'll call, well, I guess, tech washing. So, do you think that there's enough transparency in where, like, all of this funding is going right now? And would it be helpful to have more transparency, especially, I mean, given, like, what you see? You live in California.

Mme Dunckley (Victoria L.) : I do think it would be helpful to have more transparency and, you know, to publicly acknowledge that they are getting funding from these companies, because I think what happens is : they may have certain positions and then they kind of... by the time it gets presented to the public, it gets watered down. So, there's the language of : it needs to be balanced, it needs to be... You know, those kind of... that kind of messaging is because they don't want to lose their sponsorships and their funding. So, I think paying attention to that kind of language, when they... when language gets watered down and things, you know, like that the... everything in moderation, or they need to have balanced use, or we need to have a more nuanced conversation, you know, things like that, I think those are red flags to those of us who are kind of in the fields.

I think... And it's not to say that those organizations are not doing good work too. You know, Common Sense Media is doing good work, and so is the American Academy of Pediatrics, but I still... they still have conflicts of interest.

Mme Cadet : More time? OK.

La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y.

Mme Cadet : Thank you. And, again, I come to questions on, like, where the State can intervene. So, earlier, like, you said that the recommendations that come from public health authorities are... already have like a certain sense of authority from the Government. Is there like any other type of role that the... that States can play in terms of regulating the industry? Because we know that self-regulation... It seems, from what you're saying, that self-regulation from the industry is not enough or even, like... not even possible.

Mme Dunckley (Victoria L.) : Yes. I mean, I think it should still be done. It's just not going to solve the problem. I think, you know, have educating health professionals, the pediatricians, the mental health professionals as well as the educators is what's going to happen. In terms of having it... You know, I feel like we have to work around everything. So, I feel like teachers, and principals, and all the... you know, that whole... the whole education system needs to know that less is more into, you know, how to use it, and then, same thing with the health professionals. So, I think that is one way to kind of work around it, and just not... we just can't rely on regulation. I mean, I think... honestly, I think the most helpful thing would be making it illegal for minors.

Mme Cadet : Social media illegal for...

Mme Dunckley (Victoria L.) : So, making social media illegal... making it illegal or, at least, frown upon to give one... you know, one-to-one devices in schools. I just think having legal protection is... would work much better.

Mme Cadet : Thank you.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Dunckley, pour...

Mme Dunckley (Victoria L.) : ...can I just add one more thing?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y.

Mme Dunckley (Victoria L.) : With the one-to-one... or just any school-issued devices, there's also a lot of things happening, like porn exposure, and as early as, like, first grade. So, whether, you know, if it's, you know, a child bringing a phone or even a school-issued device, kids are being exposed to porn by first or second grade. I mean, it's insane. And then other kids are being exposed to, like, self-harming videos, on social media, through school-issued devices.

So, I think the school-issued devices, that's a huge problem, and there's a lot of these issues that are going on with minors that can't really be talked about, because they're minors, but it's very, very common for these things to happen and it's obviously very disturbing for the parents.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme Dunckley, merci pour votre contribution à ces travaux.

Alors, pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 37)

(Reprise à 15 h 40 )

La Présidente (Mme Dionne) : Bonjour à tous. La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Caroline Fitzpatrick et Mme Gabrielle Garon-Carrier. Donc, bonjour, mesdames, bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Suite à ça, il y aura une période de questions avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.

Mmes Caroline Fitzpatrick et Gabrielle Garon-Carrier

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc, bonjour à tous. Je vous remercie, honorables membres de la commission parlementaire, pour l'opportunité de partager avec vous les travaux de mon équipe sur les jeunes et les écrans. Je vais commencer en disant que je n'ai aucun conflit d'intérêts à rapporter. Tous mes travaux sont financés par voie de concours, par des organismes indépendants.

Aujourd'hui, je vais me pencher sur deux enjeux : l'utilisation des écrans par les jeunes et l'accès aux réseaux sociaux et aux jeux vidéo. L'environnement numérique des enfants s'est transformé de manière dramatique au cours des dernières décennies, et un des changements les plus marquants est l'utilisation croissante et de plus en plus précoce des appareils mobiles par les jeunes enfants. L'utilisation des appareils mobiles se distingue d'utilisation d'appareils traditionnels, comme la télévision en particulier, à cause de leur petite taille et l'incorporation d'algorithmes personnalisés. Ces appareils favoriseraient une utilisation solitaire plutôt qu'en famille. En plus, les appareils mobiles se connectent à l'Internet, et ceci fait en sorte que les contenus y deviennent disponibles sur demande et en quantité illimitée. J'aimerais aussi soulever une autre tendance générale, c'est que les enfants de milieux défavorisés accumuleraient plus de temps devant les écrans que les enfants de milieux plus favorisés, et c'est une tendance qui semble s'amplifier à travers le temps.

Il y a trois raisons pour lesquelles l'utilisation des écrans par les enfants pourrait avoir un impact sur leur développement. Tout d'abord, selon le principe du vase communicant, lorsque les enfants accumulent beaucoup de temps avec les écrans, ils ont moins de temps à consacrer à d'autres activités, comme les échanges et les interactions avec les autres autour d'eux, jouer à faire semblant et l'exploration de leur environnement. En plus, nous savons que les enfants apprennent en imitant des modèles autour d'eux. Généralement, il s'agit de leur mère, de leur père, de leur frère ou de leur soeur, mais les enfants peuvent aussi apprendre à imiter leurs personnages préférés d'une émission de télévision ou d'un jeu vidéo.

Finalement, les plateformes numériques emploient souvent des stratégies de récompenses virtuelles. Il peut s'agir d'un coffre à trésor, d'un... rouge ou d'une récompense pour une utilisation consécutive, et ces mécanismes pourraient être perturbants pour les systèmes attentionnels et de la récompense des jeunes enfants.

Mon équipe et moi avons mené une enquête longitudinale durant la pandémie. Nous avons étudié les habitudes, l'utilisation des écrans et le développement des enfants lorsqu'ils avaient trois ans et demi, quatre ans et demi et cinq ans et demi. En voici les principaux résultats.

Nous avons observé qu'un temps d'écran plus important durant la petite enfance était associé avec un moins bon développement global et un risque plus élevé de devenir en surplus de poids. Nous avons aussi observé qu'une utilisation plus fréquente de la tablette serait associée avec le développement de moins bonnes capacités de gestion des émotions. Et, pour terminer, nous avons aussi observé qu'un temps d'écran plus important serait associé avec le développement d'un moins bon contrôle volontaire, ce qui fait référence à la capacité d'avoir un autocontrôle sur nos comportements et de moins bonnes fonctions exécutives. Les fonctions exécutives sont des compétences cognitives qui nous permettent d'organiser nos pensées, de planifier et de prendre des décisions.

Le temps d'écran des parents semble aussi être important. Selon nos recherches, les parents, dans notre échantillon, qui, eux-mêmes, utilisaient plus fréquemment les écrans avaient des enfants qui développaient un moins bon... qui avaient un moins bon développement global. Nous avons aussi observé que certaines stratégies parentales, comme utiliser un écran pour calmer un enfant, pouvaient avoir un impact négatif sur le développement de l'autorégulation chez les jeunes enfants. Et, pour terminer et, possiblement, alimenter certaines pistes de solutions, nous avons observé que les parents qui mettaient en place des règles et des limites dès l'âge de trois ans avaient des enfants qui, éventuellement, passaient moins de temps devant les écrans.

Mon équipe et moi avons aussi étudié l'utilisation des écrans, le temps passé en ligne et les jeux vidéo chez les adolescents. Comme vous pouvez voir dans le graphique, en bas, à gauche, les adolescents passent beaucoup de temps devant les écrans, beaucoup de leur temps de loisir devant les écrans, et c'est une utilisation qui varie selon leurs caractéristiques sociodémographiques. C'est important de regarder ou d'examiner séparément l'utilisation par les adolescents, parce que leur utilisation est différente de celle des plus jeunes enfants. En particulier, ils sont moins supervisés et passent plus de temps sur les réseaux sociaux et à jouer à des jeux vidéo. C'est aussi important de tenir compte des caractéristiques des adolescents. Donc, ils sont plus impulsifs, plus enclins à la recherche de sensations fortes et ils deviennent plus sensibles à l'opinion des pairs. J'aimerais aussi souligner quelques différences garçons-filles. Donc, les filles passeraient plus de temps à utiliser les réseaux sociaux et à clavarder, alors que les garçons passeraient plus de temps à jouer à des jeux vidéo et à consulter des sites sexuellement explicites.

Donc, à l'aide de l'étude longitudinale des enfants du Québec, mon équipe et moi avons étudié l'utilisation des écrans chez les ados et leurs conséquences. Nous avons observé que, pour les filles, passer plus de temps en ligne serait associé avec une augmentation des symptômes de dépression majeure et une augmentation au niveau des symptômes d'anxiété généralisée et sociale. Nous avons aussi observé qu'en début d'adolescence pour les garçons et les filles passer plus de temps à jouer à des jeux vidéo serait associé avec une augmentation du risque de développer des symptômes de TDAH, qui sont des symptômes d'inattention, d'hyperactivité et d'impulsivité. Pour terminer, nous avons observé qu'un temps d'écran plus important chez les garçons et les filles serait associé avec une diminution des comportements prosociaux qui sont les comportements d'entraide et altruistes envers les autres.

Je termine avec quelques recommandations. Étant donné que le paysage numérique des jeunes évolue rapidement, c'est important qu'on continue à documenter les multiples effets possibles et qu'on le fasse à l'aide de devis rigoureux, comme des enquêtes longitudinales. Pour les milieux de la famille, je pense que c'est important de continuer à sensibiliser les familles et les parents sur les impacts possibles de l'utilisation des écrans. Je pense qu'on doit aussi mettre en place des mesures pour accompagner les parents dans l'établissement de saines habitudes avec le numérique. Et, troisièmement, si on veut que les enfants et les jeunes passent moins de temps devant les écrans, on doit s'assurer que les familles ont accès à des loisirs sans écran abordables dans leur communauté.

Pour terminer, en milieu scolaire, je pense qu'on doit commencer à plus systématiquement former les élèves et le personnel enseignant sur les conséquences de l'utilisation du numérique. On peut aussi travailler avec les écoles pour éviter ou limiter l'utilisation des écrans pour le loisir dans ces milieux. Et je pense, finalement, que c'est important de s'assurer que les écoles soient et demeurent des endroits privilégiés pour que les jeunes bougent et pour qu'ils soient initiés à des loisirs sans écran.

J'aimerais remercier les jeunes et les familles qui ont participé à mes recherches, mon équipe et les bailleurs de fonds. Donc, je suis aujourd'hui en compagnie de la professeure Gabrielle Garon-Carrier, professeure également à l'Université de Sherbrooke, et nous sommes heureuses, maintenant, de répondre à vos questions et d'échanger avec vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment, Mme Fitzpatrick. On n'a malheureusement pas vu les pages défiler, de la présentation, mais les membres de la commission ont tous accès, là, via notre site Greffier... Alors, voilà. Donc, nous sommes prêts à débuter les échanges. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Bonjour. Merci beaucoup, Mme Fitzpatrick et Mme Garon-Carrier, d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez fait référence, dans votre présentation, au contexte familial pour le temps d'écran. Pouvez-vous élaborer un peu plus le pourquoi de cette différence-là?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Est-ce vous faites référence à la statistique sur la défavorisation?

M. Ciccone : Exactement, oui, oui.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : O.K. Bien, écoute, c'est des... c'est une situation qu'on essaie encore de comprendre de manière scientifique, mais on a plusieurs hypothèses. Il y a l'hypothèse des loisirs abordables. Lorsqu'on est défavorisé, on n'a peut-être pas accès à d'autres activités sportives, artistiques, créatives qu'on peut réaliser avec l'enfant, donc l'écran devient une source très immédiate, très peu coûteuse, comme source de loisir. On sait aussi que les enfants qui grandissent dans des quartiers, disons, où il y a plus d'espaces verts, où c'est plus sécuritaire de jouer dehors, les enfants passent plus... dehors. Mais, lorsqu'on est dans un quartier défavorisé, ceci pourrait empêcher ou devenir un obstacle à passer du temps dehors. Les parents pourraient aussi vivre plus de stress, ce qui pourrait interférer avec leur capacité de générer et d'engager les enfants dans des activités qui seraient plus éducatives. Donc, ce sont les hypothèses que nous avons.

M. Ciccone : Vous avez fait référence, dans votre... justement, votre commentaire... quand il y a plus de parcs, il y a plus d'activités, quand il y a plus d'offre, les jeunes sont plus poussés à aller vers ces activités-là. Mais avez-vous... avez-vous fait... avez-vous une donnée à l'effet... à savoir la différence entre les jeunes des régions où il y a un espace plus vert versus ceux qui sont en ville?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Écoute, c'est exactement les données que nous sommes en train de recueillir en ce moment au Québec. Les données existantes ont été recueillies en Australie. Donc, nous sommes en train de regarder plutôt dans les milieux urbains, mais on va comparer, selon les caractéristiques des quartiers, à quel point ceci contribue au temps d'écran dans un échantillon d'enfants qui est moitié défavorisés et moitié de milieux non défavorisés.

• (15 h 50) •

M. Ciccone : Seriez-vous d'accord pour être capables de nous transmettre ces données-là d'ici... si jamais vous les recevez avant la fin mai, avant la fin de cette commission-là? Ce serait très, très apprécié. Si vous pouvez les faire parvenir à la commission, ce serait apprécié.

Et, en terminant, là, il y a-tu un bon temps pour utiliser des écrans, par exemple, pour des jeunes qui ont... difficultés d'apprentissage, qui ont des plans d'intervention? Est-ce qu'il y a une exception pour ces jeunes-là?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc, les travaux que j'ai menés sont basés principalement sur l'utilisation des écrans pour le loisir. Ceci, donc, n'enlève pas le fait qu'il existe certaines applications pédagogiques, thérapeutiques d'utilisation des écrans, et, selon moi, ce n'est pas ces utilisations-là qui sont problématiques. C'est les utilisations pour le loisir.

M. Ciccone : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres interventions? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Pre Fitzpatrick, bonjour à vous deux pour... et merci pour cette présentation. D'abord, donc, sur la question de mon collègue au niveau des milieux défavorisés, je pense également... expérience... donc, l'enjeu, donc, de l'accès à des loisirs abordables, donc, pour pouvoir, donc, avoir, donc, du temps sans écran pour compenser, donc, l'accès aux écrans semble être une hypothèse. Maintenant, j'aimerais... En fait, là, j'ai une question peut-être un peu particulière ici. Je me demandais... parce qu'on... Justement, donc, quand on parle, donc, de ces enjeux-là... puis plusieurs, donc, autres professeurs sont venus avant vous puis nous ont parlé aussi, donc, de compenser, donc, par d'autres activités, puis, manifestement, c'est le cas. J'aimerais savoir c'est quoi, le rôle de l'ennui dans le développement de l'enfant, donc d'avoir du temps qui n'est pas nécessairement, donc, organisé, à faire, donc, une autre activité pour compenser un petit peu ce temps sans écran là.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Je vais... Je vais répondre en premier et, ensuite, je vais... si elle le désire, ma collègue Gabrielle Garon-Carrier pourra renchérir sur la réponse. Donc, je pense qu'il y a un continuum de l'ennui. Un peu d'ennui peut être source de créativité, peut aider les enfants, justement, à développer leurs fonctions exécutives, à développer leur contrôle volontaire, peut être une source de motivation pour créer des jeux. Donc, il peut y avoir des éléments bénéfiques à l'ennui, un niveau minimum. Mais un niveau d'ennui trop élevé est stressant pour les enfants, ça devient source de stress, et ça, ce n'est pas une bonne situation pour les enfants. Donc, on ne veut pas que les enfants aient une expérience d'ennui intense, mais certains moments d'ennui qui amènent à la recherche d'activités plus créatives, plus enrichissantes peuvent être bénéfiques pour le développement.

Mme Cadet : ...Pre Garon-Cartier, vous vouliez compléter?

Mme Garon-Carrier (Gabrielle) : Bien, je vais réitérer, en fait, la réponse de ma collègue, là. Tout à fait, ça peut générer des expériences, ça permet à l'enfant, aussi, éventuellement, de se réguler lui-même, gérer son émotion négative qu'est l'ennui. Puis ça, c'est un apprentissage qui est très important chez les jeunes enfants et qui ne se développe pas devant les écrans, malheureusement.

Mme Cadet : C'était un peu ma question soulevée ici. Donc, ce que vous dites, c'est qu'en fait avec les écrans, vu qu'on enlève, donc, toute phase d'ennui dans le continuum d'activités de la journée d'un enfant, donc, ça devient... Donc, on parlait beaucoup, donc, du coût d'opportunité de faire d'autres activités, mais c'est aussi un défi à ce niveau-là, parce qu'en fait on enlève, donc, cette phase, qui peut être bénéfique, d'ennui avec la présence d'écran dès le jeune âge...

Ensuite, vous avez fait, donc, des distinctions, donc, entre les filles et les garçons au niveau, donc, des symptômes qui peuvent être développés, dépression, anxiété sociale chez les filles, TDAH, impulsivité chez les garçons, par exemple. Est-ce qu'au niveau des recommandations, peut-être pas au niveau du temps d'écran, mais... ou... au niveau, donc, de la relation avec les écrans, est-ce que vous avez, donc, des recommandations qui seraient différenciées selon le genre?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est vraiment intéressant comme question. Je ne sais pas si j'irais jusque là, parce que nous autres, on regarde ici des différences garçons-filles. La situation est probablement un peu plus complexe. On n'a pas pu mesurer des aspects plus fins, par exemple, du genre. Donc, je pense que ce serait plus prudent de faire des recommandations générales à cet égard-là, étant donné que certaines filles pourraient aussi jouer aux jeux vidéo, certains garçons pourraient aussi utiliser les réseaux sociaux. Bien, je pense que c'est important de... peut-être pour les campagnes de sensibilisation, de garder ça en tête lorsqu'on veut rejoindre certains publics, que les garçons et les filles peuvent vivre des conséquences différentes de l'utilisation des écrans.

Mme Cadet : O.K. Merci. Puis dernière question de mon côté. Bien, évidemment, on parle beaucoup de majorité numérique. Vous avez probablement, donc, suivi ces débats-là. Est-ce que vous, vous faites, donc, une recommandation en ce sens? Donc, comment vous entrevoyez cette potentielle politique publique?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Je ne suis pas certaine si je me prononcerais sur la majorité numérique.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. J'aurais juste une petite question, moi. Au niveau des études, vous parliez des études menées par... chez des enfants de quatre ans et demi, cinq ans et demi. Alors, j'étais juste curieuse de savoir : Pourquoi cet âge-là?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Le... Notre rationnel, lorsqu'on a effectué, commencé cette étude-là, c'est qu'on voulait regarder des enfants d'âge préscolaire et toute la période avant qu'ils commencent l'école, parce qu'ultimement on voulait comprendre comment l'utilisation des écrans pouvait influencer le développement global, et leur ajustement, et leur préparation à l'école.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Comme vos études portent justement sur les enfants en bas âge, est-ce que vous auriez des recommandations en ce qui a trait à l'école primaire? Je sais que cinq ans, c'est pas mal la maternelle, là, mais, au niveau de l'école primaire, idéalement, comment on pourrait bien encadrer nos jeunes?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien, je dirais qu'il y a certaines pratiques qui sont... Encore une fois, je suis plutôt spécialiste des utilisations d'écrans pour le loisir et je comprends qu'il y a des bienfaits... des technologies pédagogiques qui peuvent apporter des bienfaits. Cependant, l'utilisation des écrans pour le loisir, regarder des émissions de télévision, regarder des films, c'est des pratiques courantes à la maternelle, c'est des pratiques courantes, aussi, dans les milieux de garde. Donc, je pense qu'on peut travailler avec les écoles pour éviter ce genre d'utilisation là. Il y a également récemment eu un parent qui a écrit... je pense que c'était au Devoir ou à La Presse, qui était très fâché que son école utilise des écrans comme récompense. Donc, les utilisations pendant les repas, les utilisations comme récompense, les utilisations pour le loisir sont des choses qu'on pourrait commencer à limiter et à, même, éliminer, je pense, pour les tout-petits à l'école.

Mme Bogemans : Tout à l'heure, vous avez dit que, chez les enfants avec une structure familiale où l'écran est vraiment encadré, donc, à partir de trois ans, vous pouviez déjà voir l'évolution jusqu'à l'âge de cinq ans et demi, finalement, que le temps d'écran était moindre chez... ces enfants-là, pardon. Comment... Avez-vous des exemples de cet encadrement-là? Puis, si on va avec des recommandations en ce sens-là, est-ce que ce serait plutôt en termes de santé publique, en termes de recommandations de l'ordre des pédiatres ou des choses comme ça qu'on pourrait renforcer ces bonnes habitudes là?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc, oui. Donc, c'est des... Les pratiques parentales qu'on a étudiées s'appellent... ça s'appelle, dans la littérature scientifique, les pratiques restrictives. Ce n'est pas un beau nom, mais ce que ça inclut, très concrètement, c'est mettre en place des limites par rapport au temps d'écran, mais aussi les contenus qui vont... qu'on va éviter, les contenus qu'on va favoriser et les moments qui vont... où est-ce qu'on veut aussi interdire les utilisations. Donc, c'est aussi ce que recommande, par exemple, l'Académie américaine de pédiatrie, la Société canadienne de pédiatrie. C'est essentiellement l'établissement d'un plan familial qui devrait être mis en place le plus tôt possible, idéalement avant que les enfants commencent à utiliser les écrans, et ce plan-là peut venir, justement, spécifier c'est quoi, les limites de temps pour chaque membre de la famille, mais aussi quels sont les moments où est-ce qu'on veut ne pas utiliser d'écran et quels sont les contenus à éviter et à favoriser.

Mme Bogemans : Merci.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Dionne) : Il y a plusieurs spécialistes, experts, qui, eux, recommandent, 0-3 ans, aucun temps d'écran. Vous en pensez quoi?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est... Oui, je pense que c'est les recommandations, justement, de John Hutton. Je pense que le principe de précaution est important à tenir en... à garder en tête. Il y a très, très peu de recherches qui montrent des bienfaits de l'exposition précoce aux écrans. S'ils en ont, c'est dans des circonstances très spécifiques et précises. Généralement, les enfants apprennent, en utilisant les écrans, si le parent est présent et si le contenu est éducatif. Donc, il y a très peu de bienfaits documentés. Et on trouve, au contraire, plusieurs études qui montrent des risques. Donc, par principe de précaution, je pense qu'on risque très peu en demandant aux parents d'éviter les écrans, avec les enfants, jusqu'à l'âge... avant l'âge de deux ans, et de limiter et de surveiller de près les utilisations à partir de l'âge... entre les âges de deux et trois ans.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Tremblay : ...bonjour. Alors, moi, je reviens... Parce que vous avez étudié beaucoup, là, la petite enfance, alors comment... comment on va... on parle de prévention, mais comment on va faire pour atteindre vraiment les parents puis que ça s'implante dans les familles? Parce que je me promenais encore en fin de semaine puis, tu sais, je voyais des enfants avec... dans la poussette, pendant que le parent faisait l'épicerie, ils regardaient les réseaux, puis là ce n'est pas une exception, là. Si on regarde partout autour de nous, là, les enfants, là, sont sur des écrans en bas âge dans les milieux publics puis, probablement, chez eux aussi, là.

Donc, nous, comme... Vous voyez, on a une commission. En tant qu'État, on réfléchit à la question. Donc, nous, ça va être quoi, notre rôle, finalement? Et comment on va faire pour atteindre vraiment les parents, là, donc? Parce que, vous le dites, là, c'est délétère pour la régulation émotionnelle, ça a un impact qui est majeur. Puis vous n'êtes pas les seuls à le dire, d'autres recherches l'ont démontré, d'autres intervenants ici aujourd'hui. Donc, on fait quoi, comme État, pour atteindre les parents, pour les conscientiser? Est-ce que c'est une campagne publicitaire ou on va encore plus loin? Donc, qu'est-ce qu'on doit faire? Quel est notre rôle à nous?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est certain que, pour un problème complexe de société comme la surutilisation des écrans, ça prend des interventions à multiniveaux. C'est insuffisant et peut-être injuste de simplement demander aux parents de changer leurs habitudes. Donc, c'est un... Je pense qu'il faut utiliser une approche collective. Certains... certaines interventions sont en train d'être pilotées, par exemple en Australie, où est-ce qu'on fait des visites à domicile, où est-ce qu'on incorpore l'éducation, la sensibilisation au numérique dans des visites à domicile. Donc, c'est une stratégie qu'on peut utiliser pour rejoindre les familles. Encore, on peut continuer avec des campagnes de sensibilisation. Je pense aussi que les écoles peuvent avoir un rôle à jouer pour faire de la sensibilisation sur l'effet, l'impact du numérique sur les jeunes. On enseigne l'hygiène de vie à l'école, donc on peut faire la même chose pour l'utilisation des écrans.

Mme Tremblay : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : ...bonjour, Mme l'enseignante. J'ai manqué quelques minutes de la présentation, alors, si jamais je vous fais répéter, vous pouvez me ramener à l'ordre, il n'y a aucun problème. On a parlé beaucoup... C'était fort intéressant, là, avec mes collègues, au niveau de l'angle parent, puis c'est vraiment intéressant, dans vos recommandations, vous êtes en mode sensibiliser. J'aime aussi, là, quand on... On commence à l'entendre un petit peu, l'offre de services abordables, qui peut... qui peut permettre, là, de mettre son cellulaire de côté.

Je veux vous amener du côté scolaire, au niveau, peut-être, de la responsabilité de l'État, là, peut-être davantage. Vous mentionnez, au niveau scolaire, de former les enseignants. On a entendu quelques... On a entendu des gens qui nous disaient que peut-être que la formation ou la réglementation devrait être unique par école, devait être divisée par centre de services scolaires, par région, peut-être au niveau national, tout dépendamment de l'indice de défavorisation aussi de l'école.

Et je voulais vous entendre, si on réfléchit, est-ce qu'on doit se mettre tous au même diapason d'une stratégie nationale de formation ou on doit y aller et le décortiquer peut-être en lien avec la géographie, en lien avec l'état du quartier, l'état de l'école, le conseil d'établissement? C'est un petit peu là-dessus que je voulais centraliser ma question.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien, je dirais que, bon, présentement, les enseignants ou dans le curriculum de la formation enseignante, il existe des modules sur l'utilisation saine des écrans. Et je ne suis pas spécialiste de leur formation, mais ce que je peux dire, c'est que je rencontre beaucoup d'enseignants, je fais beaucoup de conférences pour les commissions scolaires, je fais beaucoup de conférences pour les spécialistes et les intervenants en milieu scolaire, et tous sont surpris lorsque je leur présente les conséquences négatives de l'utilisation des écrans par les jeunes enfants et même par les adolescents.

Donc, ce que ça indique, selon moi, c'est que, dès la formation enseignante, on doit prendre au sérieux comment on aborde l'impact possible de l'utilisation des écrans pour le loisir. On sait que les enseignants sont au courant que ce que les jeunes font avec les écrans à la maison a un impact sur leur comportement. On l'a vu en Ontario avec la «class action» qui poursuit les compagnies de plateformes de réseaux sociaux. Donc, je n'ai pas la réponse exacte que vous cherchez, mais c'est mon expérience que je partage avec vous.

M. Gagnon : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Vous avez parlé, Mme Fitzpatrick, de la question thérapeutique. J'aimerais que vous développiez un petit peu là-dessus parce qu'honnêtement de ces... c'est notre deuxième journée, je crois, d'audiences, puis on n'a pas vraiment abordé le sujet thérapeutique rattaché au numérique. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bon, encore, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je peux dire que certains cliniciens utilisent des thérapies par réalité virtuelle, par exemple, pour traiter... ça peut être des blessures, mais ça peut aussi être certaines conditions psychiatriques. Il y a aussi des applications spéciales qui sont développées pour aider les jeunes qui ont des troubles d'apprentissage ou qui ont un trouble de spectre... du spectre de l'autisme. Donc, ça, ce sont des outils très spécifiques qui n'ont pas... qui ne sont pas conçus pour le loisir, n'emploient pas des stratégies de renforcement virtuel, ne sont pas créés pour des gains commerciaux qui peuvent être incorporés, utilisés par les jeunes pour certains bienfaits.

M. Sainte-Croix : Si vous me permettez, Mme la Présidente. Donc, je comprends bien que le modèle d'affaires qu'on nous a expliqué, là, dans les... à travers nos auditions est complètement différent, et ça, la science va dans le sens que vous amenez là. On a de la preuve de ça, de l'aspect thérapeutique de certaines applications.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien, encore là, ce n'est pas mon milieu d'expertise, mais, oui, je pense que certaines... il y a certaines applications discrètes qui ont été développées et évaluées, oui.

M. Sainte-Croix : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Oui. Merci beaucoup. Je vous écoutais parler, professeure, puis vous avez... tantôt, suite à une question de Mme la présidente quand elle faisait référence aux recherches du Dr Hutton, de 0-3 ans, ne pas... les jeunes ne devaient pas être exposés aux écrans. Vous avez dit : Bien, de 2 à 3 ans, ils devraient être... on devrait peut-être les limiter. Pourquoi on dit... Pourquoi vous dites limiter? C'est-tu parce qu'à quelque part, avec tout ce qu'on voit, on est presque résignés à dire : Bien, on est aussi bien de contrôler que d'empêcher?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Mais je pense qu'il y a certains enfants, c'est aussi pour ne pas créer une panique. Donc, un enfant de deux ans qui utilise une tablette pour avoir un FaceTime avec d'autres membres de la famille, ce genre d'utilisation là ne va probablement pas créer des effets néfastes chez l'enfant et pourrait même favoriser des liens familiaux.

L'utilisation... Un parent qui travaille des longues heures, et maman a besoin de 20 minutes pour préparer le souper, ce n'est pas dramatique si un enfant passe de temps en temps 20 minutes à regarder une émission. Donc, je pense que c'est aussi pour nuancer un petit peu qu'une utilisation occasionnelle peut être acceptable.

M. Ciccone : Merci beaucoup d'avoir précisé, professeure. Également, j'aimerais peut-être rentrer sur un plancher un peu glissant, là. Je veux vous entendre là-dessus parce qu'on parle beaucoup des jeunes, on parle beaucoup de la majorité numérique, on parle de la problématique chez les jeunes, on ne parle pas des parents. On ne parle pas des parents qui, souvent, là, sont les premiers à mettre un écran devant un jeune. Moi, je ne peux pas parler pour la... je peux vous parler de la génération de mes parents. C'était plus facile, il n'y avait pas d'écran. Les premiers jeux vidéo Atari et Coleco, qui sont plus vieux que vous, professeure, c'est... on a commencé avec ça, puis moi, j'ai connu ça. Mais tout ce qui était écran, là, on n'y faisait pas face. Puis nos parents n'étaient pas... n'avaient pas de décisions à prendre à ce niveau-là, on jouait dehors. Aujourd'hui, la nouvelle génération de parents, là, depuis l'installation des écrans, on voit qu'il y a une augmentation de temps d'écran. Est-ce que nos parents, la nouvelle génération, entrent dans la facilité? Est-ce que ce n'est pas eux, le problème?

• (16 h 10) •

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien, c'est sûr qu'il y a une culture numérique qui est différente avec les parents qui ont grandi eux-mêmes avec beaucoup de technologie, avec les cellulaires, avec les tablettes. On sait aussi que l'utilisation des écrans par les parents est un déterminant de la quantité de temps que les enfants vont passer devant... eux-mêmes devant les écrans. Donc, je pense qu'encore là c'est... ça prend... Et ce n'est pas parce que les parents veulent mal faire. Il y a des parents qui pensent que ou qui croient que l'utilisation de la technologie, que ce soit une tablette ou autre, est bénéfique pour le développement des enfants parce que ça les initie à la technologie. C'est une croyance parentale qui existe. Donc, pour moi, ça renforce l'idée qu'on a besoin de continuer à sensibiliser et accompagner les parents dans les prises de décisions dans l'établissement de saines routines avec les écrans.

M. Ciccone : Plusieurs nous ont dit que la recherche n'allait pas assez vite, qu'on n'avait pas assez de données, on se faisait dépasser par tout ce qui était numérique. Êtes-vous d'accord avec ça?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est vrai que la technologie évolue rapidement. Par contre, ce que je dis parfois, c'est que, qu'on regarde TikTok ou qu'on prenne Facebook, même si l'interface avec la plateforme change, les stratégies de renforcement virtuel demeurent essentiellement les mêmes. Donc, oui, la technologie avance rapidement, on va bientôt voir l'émergence de réalité virtuelle pour le loisir, cependant, il y a aussi certaines constantes dans les plateformes qui sont particulièrement divertissantes, mais en même temps aussi problématiques.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Il y a des experts aussi qui nous ont parlé... bien, on parle d'encadrement, justement, puis de mettre en place, là, des saines habitudes à la maison. On pense... Il y a des experts aussi qui nous ont mentionné, bon, le fait peut-être qu'il y a des parents, des fois, qui l'interdisent durant la semaine mais qui le permettent durant la fin de semaine, qu'on assiste à des comportements un peu boulimiques de la part des enfants. Vous en pensez quoi de ça?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Bien, en fait, nous n'avons pas étudié nécessairement cette question-là des utilisations pendant la semaine et des utilisations pendant la fin de semaine. Je sais que, selon des études épidémiologiques, la fin de semaine, c'est un temps où est-ce que les jeunes passent plus de temps avec les écrans, mais c'est aussi l'opportunité de rattraper l'activité physique, d'être exposés à d'autres activités. Donc, je pense que ça vient renforcer l'idée qu'on doit offrir des activités variées aux jeunes.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci. Donc, à nouveau, merci, mesdames. Vous avez parlé de l'utilisation par les plateformes des stratégies de renforcement virtuel, donc tout ce qui garde, donc, l'utilisateur, donc, sur les plateformes. J'aimerais voir, donc, vous entendre, donc, sur, évidemment, donc, le lien de corrélation et de causalité entre ces mécanismes-là et les différents effets quant à la gestion et l'autorégulation des émotions, ici l'absence de ces mécanismes-là ou une moindre prévalence de ces mécanismes-là, si ça peut devenir un levier d'intervention pour l'État ou pour un régulateur.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Donc, je vais dire des recherches qui sont directement allées mesurer l'impact de ces mécanismes-là, par exemple sur les récepteurs de dopamine, sont très peu fréquentes chez les tout-petits. Mais on sait que, chez les adultes, on peut observer des décharges de dopamine lorsqu'on joue à des jeux vidéo qui sont similaires à les décharges observées par des utilisateurs d'amphétamines. Donc, ce sont des mécanismes qui sont puissants. Encore une fois, ces études-là sont assez rares chez les adolescents et chez les jeunes.

Je pense absolument que ça peut être un levier pour encadrer l'industrie. Par exemple, on peut faire en sorte qu'au lieu d'être obligé de manuellement aller éteindre toutes les notifications sur notre plateforme, les produits pourraient arriver sans notifications, et l'utilisateur choisit de les allumer. Les notifications sont, en particulier, dans les éléments problématiques, dans les éléments les plus communs et courants de renforcement virtuel. Donc, offrir du «opt-in» au lieu du «opt-out».

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Pour poursuivre sur le commentaire de ma collègue, quel pouvoir on a là-dessus et comment convaincre les géants du Web?

Mme Fitzpatrick (Caroline) : Ce n'est malheureusement pas mon expertise. Je peux partager les connaissances du mieux que je peux. Je sais qu'une stratégie, peut-être, et ça ne répond peut-être pas exactement à la question, mais il y a une initiative, en Angleterre, du Child Rights by Design. C'est un... Ils ont... C'est un groupe qui a développé une série de principes basés sur les droits fondamentaux des enfants, et leur ambition, c'est qu'on demande aux concepteurs d'applications de respecter ces principes-là, qui sont développés justement pour protéger, là, le... les enfants et répondre à leurs besoins. Donc, c'est une chose qu'on peut commencer à utiliser pour dépister des solutions.

En Australie, on a également créé des corps indépendants pour évaluer la qualité éducative et les âges minimums pour les contenus destinés aux enfants. Donc, vous savez probablement que c'est... présentement, c'est l'industrie qui détermine si leur contenu est valeur éducative, ou valeur de loisir, ou valeur de divertissement, et c'est eux qui déterminent c'est quoi, les âges appropriés pour leurs contenus.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Ça mérite de pousser la réflexion plus loin. D'autres interventions de mes collègues? Alors, je vous remercie infiniment, mesdames, pour votre contribution à ces travaux.

Alors, pour ma part, je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.

Mme Fitzpatrick (Caroline) : C'est un plaisir, un immense plaisir.

Mme Garon-Carrier (Gabrielle) : Merci. Au revoir.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, la commission reprend maintenant ses travaux.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Sara Eve Levac, avocate et analyste chez Option Consommateurs. Donc, bonjour, Mme Levac. Merci de contribuer à nos travaux.

Alors, je vous souligne que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, suite à cela, nous procéderons à une période d'échange et de questions avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Option Consommateurs (OC)

Mme Levac (Sara Eve) : Merci. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes et MM. les membres de la commission. Alors, je vous remercie de l'invitation et de nous offrir l'occasion de vous présenter nos observations aujourd'hui. Je m'appelle Sara Eve Levac. Je suis avocate et analyste chez Option Consommateurs.

Créée en 1983, Option Consommateurs est une association à but non lucratif qui a pour mission d'aider les consommateurs et de défendre leurs droits. Notre travail s'intéresse notamment aux pratiques commerciales des entreprises dans l'univers numérique. Au cours des dernières années, nous sommes fréquemment intervenus sur des questions de vie privée, notamment en publiant des rapports de recherche et en participant à des consultations sur des projets de loi en matière de protection des renseignements personnels. Nous avons également initié des actions collectives d'envergure qui se fondent notamment sur la protection de la vie privée. Alors, c'est sur la base de notre expertise acquise sur le terrain et dans nos recherches que nous vous présentons nos commentaires devant cette commission.

J'utiliserai le temps qui nous est imparti pour vous présenter cinq recommandations d'Option Consommateurs sur les sujets qui intéressent la commission spéciale : d'abord, mieux encadrer les pratiques dans l'univers numérique en reconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi; interdire l'utilisation commerciale des renseignements personnels des enfants; créer un comité consultatif d'enfants et de jeunes; prévoir des obligations de divulgation de contenu publicitaire en ligne; et adapter l'information sur le traitement des renseignements personnels aux jeunes.

Donc, d'abord, nous considérons que la loi doit offrir des protections plus solides aux enfants dans l'environnement numérique. Nous recommandons donc que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit intégré à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, aussi connue sous le nom de la loi n° 25.

Donc, plusieurs techniques persuasives peuvent être utilisées pour retenir l'attention des enfants et des jeunes en utilisant leurs renseignements personnels, comme, par exemple, le défilement infini et la lecture automatique de vidéos, qui vont leur proposer toujours une vidéo de plus à visionner ou une publication de plus être consultée selon leurs intérêts, offrir des cadeaux quotidiens sur une application mobile afin de les inciter à retourner au jeu grâce aux données sur leur dernière connexion ou encore l'envoi de notifications les avisant d'une nouvelle publication d'une personne qu'ils suivent pour encourager leur engagement sur une plateforme de réseau social.

Donc, l'inclusion du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant permettrait de faire en sorte que, de la conception jusqu'à la mise en marché, en passant par les fonctionnalités des services ou produits numériques, les décisions soient prises en considérant à ce qui favorise le développement global de l'enfant, quelle que soit la façon dont l'entreprise considère traiter les renseignements personnels.

Prenons, par exemple, un jeu mobile qui envoie des notifications à l'enfant s'il ne s'y est pas connecté depuis plusieurs heures afin de l'inciter à y retourner. En ajoutant une obligation de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, le développeur de ce jeu aura l'obligation d'évaluer si le traitement de ces renseignements personnels favorise son développement global, donc son développement psychologique, cognitif, social, affectif, etc. Et une telle analyse pourrait ainsi conclure que cette utilisation est inacceptable, considérant que ces jeux peuvent créer une dépendance chez les jeunes.

Mettre l'intérêt supérieur de l'enfant à l'avant-plan en matière de vie privée, c'est d'ailleurs une recommandation des commissaires fédéral, provinciaux et territoriaux à la protection de la vie privée, incluant la Commission d'accès à l'information du Québec.

Ensuite, nous proposons l'utilisation des renseignements... l'interdiction de l'utilisation des renseignements personnels des enfants à des fins commerciales, pardon. Il y a maintenant plus de 40 ans, le Québec a été à l'avant-garde à l'échelle internationale en interdisant la publicité ciblant les enfants de moins de 13 ans. Comme la publicité peut avoir un impact sur les choix de consommation des enfants, pensons à la malbouffe, par exemple, le Québec a voulu les protéger de l'influence publicitaire. Pourtant, aujourd'hui, les entreprises comme les plateformes de médias sociaux peuvent utiliser les renseignements personnels des enfants à des fins commerciales. Elles vont, par exemple, dresser des profils des enfants dès un jeune âge afin de leur proposer du contenu ou des produits qui pourraient leur plaire et les encourager à demeurer sur leurs plateformes. Par exemple, un jeu vidéo qui détecterait qu'un jeune aurait de la difficulté à progresser pourrait lui proposer des microtransactions pour favoriser cette progression ou encore des vêtements virtuels selon ses champs d'intérêt.

À ce sujet, le Comité des droits de l'enfant, un organisme des Nations unies, recommande d'interdire par la loi le profilage ou le ciblage d'enfants de tout âge à des fins commerciales fondé sur l'enregistrement numérique de leurs caractéristiques réelles ou déduites. Un rapport de la Commission d'accès à l'information, en 2022, sur la protection des renseignements personnels des mineurs à l'ère numérique recommandait également d'interdire le traitement des renseignements personnels de mineurs dans le but de faire de la publicité ou de la prospection commerciale. Nous considérons que le Québec devrait suivre ces recommandations.

Ailleurs dans le monde, d'ailleurs, d'autres juridictions prévoient certaines protections contre l'utilisation des renseignements personnels de mineurs à des fins commerciales. En Californie, par exemple, où de nombreuses entreprises de l'univers numérique sont établies, la loi interdit d'obliger un enfant de moins de 13 ans à divulguer des renseignements personnels qui ne soient pas raisonnablement nécessaires à la participation à un jeu ou à une activité en ligne.

Notre troisième recommandation est d'écouter les enfants et les jeunes par le biais d'un comité consultatif qui leur permettrait de s'exprimer sur les enjeux qui intéressent cette commission. Les enjeux qui intéressent la commission spéciale concernent les enfants et les jeunes. D'ailleurs, dans le cadre d'une consultation menée par le compte du Comité des droits de l'enfant, bien, les enfants ont souligné l'importance de la technologie dans l'exercice de leur droit au loisir et au jeu. Consulter les enfants permettrait de favoriser leur adhésion aux mesures qui pourraient être mises en place suivant cette commission. D'ailleurs, d'autres organismes vous ont déjà encouragés à consulter les jeunes dans le cadre de vos travaux.

De plus, en 1991, avant même que le Canada ne la ratifie, le Québec s'est déclaré à la Convention relative aux droits de l'enfant, un traité international parmi les plus ratifiés au monde qui prévoit des droits des enfants. La convention prévoit, entre autres, le droit des enfants d'exprimer leur opinion sur toutes les questions qui les concernent.

Et le recours à des comités consultatifs de jeunes afin d'informer les... les décideurs, pardon, de leurs opinions sur des enjeux qui les intéressent est une pratique qui existe ailleurs. En Alberta, par exemple, un comité de jeunes informe le travail de l'Office of the Child and Youth Advocate. Les membres de ce comité rencontrent notamment les ministres pour leur présenter leurs points de vue sur des enjeux qui les concernent. Au Québec, le projet de loi n° 37, qui prévoit que le nouveau commissaire au bien-être et aux droits des enfants aura notamment comme fonction de former des comités consultatifs d'enfants et de jeunes afin d'obtenir leur avis sur toute question relevant de ses fonctions...

Quatrièmement, le Québec devrait prévoir des obligations de divulgation de contenu publicitaire en ligne. Les enfants et les jeunes d'aujourd'hui consomment du divertissement sur différentes sources en ligne. Par exemple, sur une plateforme de partage de vidéos, les influenceurs peuvent promouvoir des produits et des services à travers le contenu qu'ils diffusent. Un influenceur peut, par exemple, déballer une console de jeu vidéo reçue gratuitement ou bien recommander un produit cosmétique dans le cadre d'un tutoriel de beauté après avoir reçu une compensation d'une entreprise pour le faire. Cette publicité non traditionnelle peut se mêler au contenu habituel de l'influenceur, et il peut être difficile pour les jeunes de reconnaître ces publications comme étant du contenu publicitaire. Une recherche que nous avions menée en 2021 sur le marketing d'influence nous a d'ailleurs permis de le constater.

À l'instar de la France, le Québec pourrait prévoir dans la Loi sur la protection du consommateur qu'un contenu publicitaire en ligne doit être identifié comme tel. Il serait également possible de réglementer les mots-clics à utiliser afin de divulguer clairement la présence de contenu publicitaire, comme c'est le cas en Allemagne.

Enfin, la loi devrait prévoir que les informations données aux jeunes quant au traitement de leurs renseignements personnels soient adaptées à eux. Les politiques de confidentialité informant les consommateurs du traitement de leurs renseignements personnels peuvent être difficiles à comprendre, même pour les adultes. Une communication adaptée permettrait aux jeunes de 14 ans et plus qui sont appelés à donner leur consentement à la collecte de renseignements personnels de le faire de façon plus éclairée. En Europe, d'ailleurs, toute information donnée au mineur sur le traitement de ses renseignements personnels doit être rédigée en termes simples et clairs afin qu'il puisse facilement saisir l'information.

Donc, merci. Il va me faire plaisir de répondre à vos questions et de discuter avec vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme Levac. Alors, nous allons débuter ces échanges avec la députée de Bourassa-Sauvé.

• (16 h 40) •

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour vos recommandations.

Je vais... avec la première, donc, mieux encadrer les pratiques dans l'univers numérique en reconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi. Plusieurs des intervenants qui sont passés avant vous, si vous avez entendu, nous ont, sous une forme ou une autre, donc, exprimé leurs réserves, donc, quant aux mécanismes de renforcement numérique ou de renforcement virtuel. Vous les avez nommés dans votre présentation, vous les avez explicités. Maintenant, donc, j'aimerais peut-être vous entendre de façon plus étayée sur le comment.

On nous a, par exemple, parlé d'exemples de... on nous a donc parlé de l'exemple du Royaume-Uni, qui, bon, travaille sur une législation de Child Rights by Design, donc d'imposer, donc, aux plateformes, dès la conception de leurs outils et applications, donc, la prévention, donc, de l'inclusion de ces mécanismes-là. On nous a aussi parlé, donc, de l'exemple du... de l'Australie, qui indique ou qui travaille, donc, à indiquer la mention du caractère nocif d'une application, comme un système de classification, comme on a, donc, dans... pour les films.

Donc, peut-être vous entendre, donc, sur le comment, qu'est-ce que vous pensez de, notamment, ces deux propositions-là, qui se font ailleurs, et, si... comment est-ce que vous voyez, donc, le Québec emboîter le pas pour mieux réguler la façon, les mécanismes, là, qui sont employés par les plateformes pour capter l'attention de l'utilisateur en ligne.

Mme Levac (Sara Eve) : Bon, bien, l'intégration de l'intérêt supérieur de l'enfant, ça permet, si je peux me permettre, une protection parapluie. Donc, au lieu de se demander à chaque nouvelle technique est-ce qu'on devrait interdire, par exemple, le défilement infini, la lecture automatique de vidéos, les interfaces truquées, la question devient à chaque fois, dès la conception d'un produit, d'un service : Est-ce que ce que je fais est dans l'intérêt supérieur de l'enfant? Et, si le mécanisme a pour but ou risque de créer une dépendance, tu sais, des effets négatifs sur la santé mentale, par exemple, ça devient... la réponse devient rapidement non, ce n'est pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Donc, ça permet donc, dans le fond, d'avoir une protection en tout temps sur toutes les pratiques qui pourraient être mises en place sur l'intérêt supérieur de l'enfant.

Ça évite aussi à ce qu'on ait à modifier la loi pour intégrer, par exemple, une nouvelle pratique qui se développerait dans un environnement numérique, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant serait déjà prévu, là, dans la loi pour protéger les renseignements personnels et tout le traitement qui est relié à ça pour les enfants.

Mme Cadet : D'accord. Merci. On nous a aussi parlé... Bon, en fait, donc, on entend parler, donc, d'autorégulation de l'industrie. Est-ce que vous pensez que l'industrie, donc, a la capacité, donc, de s'autoréguler pour prévenir l'inclusion de ces mécanismes-là dans la conception de leurs applications et plateformes?

Mme Levac (Sara Eve) : Bien, en fait, nous, on considère... bon, les codes volontaires peuvent fonctionner jusqu'à une certaine limite, mais nous, on considère qu'une intégration claire dans la loi, ça permettrait de faire en sorte que les entreprises doivent prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les étapes, de la mise en oeuvre, de la conception, etc., de tous les produits, là, dans l'univers numérique.

Mme Cadet : Merci. Ensuite, votre deuxième recommandation indique : «Interdire l'utilisation commerciale des renseignements personnels des enfants.» Je pense que vous avez bien décrit ce que vous voulez dire par là. Ça me fait tout de même penser, donc, à tout... bien, en fait, à tout l'enjeu, donc, de la majorité numérique. Vous n'êtes pas sans savoir, donc, que ça fait partie, donc, des délibérations, donc, de savoir, donc, s'il serait à propos, donc, d'imposer un certain âge minimum, un seuil minimum pour que les jeunes aient accès, donc, aux plateformes de réseaux sociaux. C'est une proposition qui fait jaser, mais surtout, évidemment, donc, la question de l'applicabilité s'impose. Puis, quand on se pose cette question-là, bien, c'est surtout au niveau, donc, du traitement, donc, des données personnelles.

Donc, j'aimerais savoir si vous, vous avez une opinion sur la majorité numérique et, le cas échéant, comment est-ce que vous voyez le traitement des données personnelles des enfants, s'il fallait, donc, y aller avec un mécanisme, là, d'identification du jeune pour nous assurer que cette mesure-là, donc, est véritablement mise en place.

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. Je vais vous répondre par quelques considérations sur la majorité numérique, en fait.

Ce que je dirais, la première chose, c'est : Comment on définit la majorité numérique? Est-ce qu'on définit un peu comme en France, où c'est interdit pour un mineur de moins de 15 ans d'ouvrir un compte, par exemple, sur les réseaux sociaux, à moins que le parent donne l'autorisation? Déjà là, s'il n'y a pas une interdiction complète, on ressemble déjà au système, un peu, comme au Québec, où, en bas de 14 ans, c'est le parent tuteur qui va gérer les renseignements personnels. Donc, est-ce que c'est ça, la majorité numérique ou c'est une interdiction complète? Donc, la première question, c'est comment on la définit.

Ensuite, il faut faire la balance. On sait que les réseaux sociaux, les plateformes numériques peuvent avoir des effets négatifs sur la santé mentale. Je suis sûre qu'il y a des experts qui sont déjà venus vous expliquer tout ça, mais aussi des jeunes qui disent que c'est important pour eux l'accès aux réseaux sociaux. Le CIEL est venu vous dire, la semaine dernière, que, pour eux, c'était important pour rester en contact avec leurs amis. Il y a des études aussi qui démontrent ça. Donc, il faut faire la balance avec la considération.

La troisième chose dont vous parlez, c'est la vérification de l'âge. Effectivement, il n'y a pas, en ce moment, de solution miracle sur comment on fait une vérification de l'âge de l'enfant pour arriver sur les plateformes numériques. Il y a des enjeux de vie privée à considérer si on met une vérification d'âge obligatoire. Malheureusement pour vous, je n'ai pas de solution miracle.

Parce qu'il y a plein de pays qui se posent, en ce moment, la question. Il faut évaluer, dans le fond, quelles méthodes protègent la vie privée et arrivent aussi à nos buts de protéger les enfants en ligne. Parce qu'il y a plusieurs techniques, et chacune d'elles peut avoir des enjeux de vie privée. Je sais qu'en Californie, par exemple, il y a des entreprises qui demandent une carte d'identité avec une photo à la caméra. Donc là, on vérifie si c'est bien la personne qui veut s'inscrire.

Après ça, par contre, il faut s'assurer que ces informations-là... est-ce qu'elles sont stockées dans un endroit, est-ce qu'elles sont bien sécurisées? Souvent, c'est des services tiers qui vont faire ces vérifications-là à l'entreprise, donc il faut s'assurer qu'il y a des protections mises en place. Il faut considérer qu'il peut y avoir des enjeux de vol d'identité, du respect de la vie privée, sur le fait que ces informations-là se promènent. Donc, malheureusement, je n'ai pas de solution miracle. Je sais que l'Australie se pose la même question en ce moment — ils viennent d'écrire... de sortir un rapport, là, récemment, sur, justement, la vérification d'âge — que le Royaume-Uni se pose les mêmes questions. Donc, il n'y a pas de solution miracle. Il faut vraiment faire la balance, là, dans les techniques qu'on va utiliser.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, maître.

Vous parlez de l'intérêt supérieur de l'enfant, un concept qu'on pourrait introduire dans une loi. Avez-vous précisé laquelle loi?

Mme Levac (Sara Eve) : Dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

M. Leduc : Parfait. Et ce serait donc... Parce que je me demande qui va trancher ça. Ce serait donc le... Il y a comme une commission, hein, des renseignements personnels?

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. La Commission d'accès à l'information du Québec. Oui.

M. Leduc : C'est eux qui seraient appelés à trancher sur x ou y dossiers. Qui serait menée par qui, donc? Si, mettons, il y a une nouvelle application qu'on n'aime pas, c'est un particulier qui peut faire une plainte? Comment ça fonctionnerait?

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. Donc, un particulier peut faire une plainte à la Commission d'accès à l'information, faire une demande d'enquête si elle considère qu'une entreprise ne respecte pas ses obligations en vertu de la loi. Mais la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, c'est aussi une loi qu'on peut évoquer devant les tribunaux de droit commun, donc, par exemple, à la Cour du Québec. Mais effectivement, là, un particulier qui voudrait faire une plainte contre une entreprise s'adresserait à la Commission d'accès à l'information.

M. Leduc : Mettons qu'on aime le concept puis qu'on dit que, pour le futur... parce qu'on ne sait jamais de quoi le futur est fait, il y aura certainement d'autres nouveaux réseaux sociaux, d'autres applications, peut-être à même des réseaux sociaux qu'on connaît, pour le futur, disons que c'est un concept intéressant.

Pour ce qui nous intéresse, c'est-à-dire ce qui est devant nous en ce moment, vous avez même parlé de, tu sais, les applications avec le défilement infini, les départs automatiques de vidéos, les algorithmes, les boutons J'aime — tout ça sont apparus, hein, les réseaux sociaux, à l'origine, ce n'étaient pas ça, c'est apparu par la suite, la présentation de Mme Parent nous en bien parlé — on pourrait adopter des lois qui interdit ces fonctions-là dans les réseaux sociaux. Ça serait possible?

Mme Levac (Sara Eve) : Oui, oui. Comme je disais, l'avantage, c'est que l'intérêt supérieur de l'enfant pourrait permettre de protéger contre toutes ces techniques-là qui seraient négatives peut-être pour l'enfant. Mais il y a des... il y a des juridictions qui ont commencé à interdire des choses comme les interfaces truquées, donc toutes les interfaces qui, dans le fond, affectent la décision lorsqu'on traite de nos renseignements personnels. Comme, si vous allez sur un site Web, puis on vous demande d'accepter les témoins de connexion, puis il y a une option qui est en surbrillance, qui est plus claire que l'autre, bon, ça, c'est une interface truquée. Il y a d'autres façons aussi. En France, on considère de désactiver les notifications par défaut. Donc, oui, il y a des juridictions qui commencent... Ah! et également en Belgique et aux Pays-Bas, on interdit les «loot boxes», les coffres à butin dans les jeux vidéo. Donc, oui, il y a des juridictions qui interdisent des techniques précises, mais, encore une fois, si on interdit des techniques précises, et il y en a des nouvelles, il faut changer la loi ou la réglementation. Donc, il faut prendre ça en considération. Puis l'intérêt supérieur serait déjà là comme une protection parapluie pour toutes ces techniques-là.

M. Leduc : Mais donc, si on faisait ça, qu'on ajoutait l'intérêt supérieur de l'enfant dans la loi, à partir du moment où ça entre en application, n'importe qui pourrait dire : Moi, je voudrais faire abolir les boutons J'aime sur Facebook, par exemple, et là j'écrirais une plainte à la commission, qui, dans un délai x, devrait trancher sur, oui ou non, est-ce que la plainte est fondée. Et, si oui, ça se transforme en directive? C'est un jugement? C'est... Comment ça... Facebook... Meta recevrait une petite lettre : Bonjour, nous sommes la commission, nous avons déclaré qu'à partir de maintenant le bouton J'aime est illégal au Québec. Ça fonctionnerait comme ça?

• (16 h 50) •

Mme Levac (Sara Eve) : Bien, en fait, la personne ferait une plainte. La commission pourrait... Il y a... Il y a un mécanisme de médiation aussi, là, à l'extérieur d'une décision officielle, à ma compréhension. La commission, ultimement, pourrait, oui, émettre une décision pour ce cas particulier là. Et, si elle disait, par exemple : Nous considérons que les boutons J'aime ne sont pas adéquats, bien là l'entreprise aurait sa décision pour ce cas particulier là. Mais, après ça, on pourrait, dans le fond, comprendre que le bouton J'aime n'est pas quelque chose qui est dans l'intérêt de l'enfant et qui doit... qui ne peut pas être utilisé, là, au Québec.

M. Leduc : Mais ce serait la commission qui trancherait. Il n'y aura pas de loi ou de règlement, nécessairement, à adopter ici, au Parlement, en conséquence.

Mme Levac (Sara Eve) : Non. À moins de vouloir expliciter une interprétation de l'intérêt supérieur de l'enfant en donnant un exemple, par exemple, dans la réglementation ou dans la loi. L'important, ce serait que la liste ne soit pas exhaustive, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être interprété selon les circonstances, et donc doit pouvoir être... pas figé, là, mais, dans le fond, être à géométrie variable, là, selon les circonstances, pour pouvoir l'appliquer à chaque cas d'espèce.

M. Leduc : C'est intéressant parce que, sauf erreur, les commissaires de cette instance-là sont nommés aux deux tiers, hein, de la Chambre ou à simple majorité. Ils sont nommés par la Chambre, en tout cas. Ils ne sont pas décrétés par le bureau du premier ministre. On vote... On vote en Chambre pour ça? On vérifiera.

Et vous dites «enfant», c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Puis est-ce que... Ça va jusqu'à quel âge, votre définition de l'enfant dans ces situations-là?

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. Bien, c'est ça, l'intérêt supérieur de l'enfant, si on prend le concept qui vient de la Convention relative aux droits de l'enfant, la convention dit «en bas de 18 ans.» Donc, tous les mineurs en bas 18 ans ont le droit à ce que l'intérêt supérieur... leur intérêt supérieur soit une considération primordiale dans les décisions qui les concernent.

M. Leduc : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, maître. Content de vous entendre.

On est ici pour prendre des propositions, d'entendre des spécialistes. Sans nécessairement vouloir déroger à ma fonction, là, je pense que je pourrais dire que je suis d'accord avec vos positions, avec vos observations. Cependant, la question qui revient toujours, puis je fais du bond avec... sur ce que... je fais un bond avec... sur ce que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a dit, tout ça est beau, là... Puis vous avez parlé aussi de la Californie où il y avait une législation au niveau des corporations, développeurs qui sont là-bas, Silicon Valley. Ils sont là. C'est facile pour un État de dire : Bien, vous êtes sur notre territoire, voici la loi, les règlements, et vous devez les suivre. Ici, au Québec, on est capables de dire, par exemple, à Saputo, avec ses petits gâteaux Vachon, par exemple : Vous ne pouvez pas faire de la publicité pour aller chercher les jeunes. Ça, on peut le dire, c'est dans la loi.

Maintenant, ce que vous amenez au niveau de la publicité, les notifications, c'est correct, il y a un processus que vous venez d'expliquer. Mais comment est-ce qu'on fait pour l'appliquer? Si on dit : Non, vous n'avez pas le droit, Facebook, de... ou Meta, de faire ça, TikTok, vous n'avez pas le droit de faire ça, voici la décision qu'on a prise ici, ou même peut-être sous forme de législation, qu'est-ce qui va empêcher Meta, qu'est-ce qui va empêcher TikTok de continuer à le faire?

Mme Levac (Sara Eve) : Bien, premièrement, la loi comme la Loi sur la protection du consommateur ou la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dès qu'une entreprise fait affaire au Québec, elle doit respecter la loi québécoise.

Là, pour ce qui est de faire respecter la publicité en ligne, effectivement, l'environnement numérique, c'est un énorme carré de sable, là. Premièrement, ce que je dirais, ce serait un... c'est plusieurs facteurs, dans le fond, dans la mise en oeuvre. C'est sûr que ce serait important d'augmenter le budget de l'Office de la protection du consommateur, qui est chargé de surveiller l'application de la loi, parce que, comme je disais, l'environnement numérique, c'est un grand carré de sable.

C'est important aussi de faire de la sensibilisation auprès des jeunes et des parents. Nous, ce qu'on a constaté dans notre recherche sur le marketing d'influence, c'est que les jeunes et les parents avaient de la difficulté à reconnaître les publicités qui étaient incluses dans les... dans les publications des influenceurs.

Et l'autre chose, ça pourrait être également d'augmenter les sanctions dans les cas de publicité ciblant les enfants. Donc, on parle de... on parle de sanctions, là, qui sont prévues par la loi, qui vont de 2 000 $ à 100 000 $ pour une personne morale. Pour un géant du numérique, 2 000 $, ce n'est pas très dissuasif. Donc, ça pourrait être une façon également, en augmentant les sanctions, d'augmenter le respect, par exemple, à la loi. Dans d'autres juridictions, en Europe, en Californie, on a renforcé les protections des renseignements personnels des enfants, et il y a eu des poursuites qui sont... qui ont suivi avec ça. Donc, se donner les pouvoirs et avec les sanctions qui vont avec pour renforcer, dans le fond, pour encourager le respect, là, de la protection des renseignements personnels ou l'interdiction de la publicité, là, ciblant les jeunes.

M. Ciccone : Ce que j'entends, maître, c'est que, justement, on mettrait des normes en place ici, au Québec. Il y aurait des sanctions, mais, en même temps, ça amènerait le Québec à toujours être obligé de poursuivre. Parce que, je veux dire, moi, je ne vois pas Mark Zuckerberg envoyer un chèque à Québec, là. Je ne vois pas Mark Zuckerberg envoyer... enlever les petits onglets de J'aime en dessous... sur sa page Facebook au Québec. Je comprends que, dans certains pays communistes, là, on va contrôler ce qui rentre par le Web, là, chez nous, là, mais ici on ne commencera pas à faire ça, là, du moins, je l'espère, là. Mais, encore une fois, c'est très noble, ce que vous amenez, mais, pour l'appliquer puis avoir un résultat, je veux dire, je pense qu'on a encore du travail à faire pour avoir le résultat escompté, là. Parce que c'est beau, ce qu'on dit, c'est beau, ce qu'on espère, mais de dire à TikTok qu'est-ce qu'ils peuvent mettre puis que les notifications, ils n'ont pas le droit de le faire puis ils vont se faire poursuivre, qui qui va poursuivre TikTok au Québec? Qui qui va poursuivre Meta au Québec? Il n'y a pas grand monde qui peuvent faire ça, là. Vous comprenez ce que je veux dire. Je ne veux pas être pessimiste, là, mais vous comprenez que c'est... ce serait difficile d'appliquer, ce que vous nous recommandez.

Mme Levac (Sara Eve) : Bien, si je peux me permettre, en Californie, qui est l'endroit où les... beaucoup d'entreprises numériques sont établies, bien là on commence à intégrer l'intérêt supérieur de l'enfant puis interdire la prise en bas de 13 ans sans l'accord des parents. Il y a eu des poursuites contre les géants du Web qui n'avaient pas respecté ces obligations-là en Californie, là, par exemple.

M. Ciccone : Je comprends que c'est quand même... Silicon Valley, c'est la juridiction de la Californie. C'est plus facile, contrôler un développeur ou une corporation qui est sur ton territoire, là. Mais... Bien, merci beaucoup. Merci beaucoup de votre intervention. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Entre-temps, on a fait des vérifications, puis, effectivement, les membres de la commission sont nommés sur proposition du premier ministre, là, par l'Assemblée nationale, au moins aux deux tiers de ses membres.

Donc, on poursuit avec Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Oui. Bonjour, Me Levac. Un grand merci d'être avec nous aujourd'hui.

Pour encore aller gratter plus loin en lien avec l'intérieur... pardon, l'intérêt supérieur de l'enfant, je voudrais savoir de quelle façon vous pouvez voir ça du côté législatif. On a besoin de données ou, en fait, des rapports pour pouvoir quantifier ou bien qualifier un changement. Si on met justement des dispositions législatives, une obligation, quel outil on pourrait penser prendre justement pour quantifier puis avoir des données robustes en lien avec ça?

Mme Levac (Sara Eve) : Je ne suis pas certaine de bien saisir, là. Ce qu'on proposait, c'était d'inclure, dans la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé, que les décisions doivent être prises en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant. Est-ce que vous me parlez de mesures de mise en oeuvre, de lignes directrices sur l'application de la... de cette obligation-là?

Mme Gendron : Oui, exactement. Tu sais, de quelle façon on pourrait avoir un impact chez nos jeunes? Puis il faudrait des rapports pour expliquer un peu l'avantage des mesures prises, et tout ça, là.

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. J'imagine que, si on le met dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, c'est la Commission d'accès à l'information qui va surveiller la mise en oeuvre. Elle pourrait émettre des lignes directrices sur l'application de cette obligation-là, un peu comme elle l'a fait sur l'interprétation du consentement déjà dans la loi.

Autrement, ça pourrait être possible de penser avoir des rapports périodiques justement sur le respect de cette obligation-là. Je ne sais pas si c'est dans le sens de votre question, là. Je sais que la tendance, là, au niveau de plusieurs juridictions, c'est de commencer à recommander d'intégrer cette obligation-là dans la loi. Donc, je pense qu'il est encore trop tôt aussi pour savoir ce qui est fait dans d'autres juridictions pour surveiller l'application, alors que c'est quand même récent, là, qu'on l'a inclus, par exemple, en Californie ou en Grande-Bretagne.

Mme Gendron : O.K., je comprends, mais... O.K. Bien, je vais m'arrêter ici, mais merci beaucoup pour votre temps. C'est très apprécié.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres interventions? Donc, on a... Ah! oui. Mme la députée d'Iberville.

• (17 heures) •

Mme Bogemans : Moi, c'était dans la lignée des influenceurs, comment protéger le contenu publicitaire. Mais les enfants sont exposés, entre autres par YouTube, là, par du contenu qui vient d'absolument partout. Tu sais, tantôt, mon collègue nommait les outils et les fonctionnalités. Mais, tu sais, concrètement, dans le contenu auquel il est exposé, est-ce que vous parlez de réglementer sur les influenceurs qui font du contenu québécois exclusivement, par exemple, ou de manière... l'exposition aux jeunes du Québec à ce qui se passe à l'international? Parce que c'est un peu ça, YouTube.

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. Bien, c'est ça, encore une fois, dès qu'on est au Québec, on fait affaire au Québec, la loi va s'appliquer, même si c'est un influenceur de l'extérieur du Québec, par exemple. Il y a des plateformes qui vont déjà faire... prévoir dans leurs conditions qu'il faut inscrire s'il y a du contenu promotionnel, donc, dans une vidéo, parce que, oui, les enfants peuvent être exposés à, par exemple, du placement de produit qui est dans le vidéo lui-même et alors que l'influenceur a reçu une compensation pour faire la promotion de produit.

Donc, ce qu'on dit, c'est, un peu comme en France, on pourrait obliger qu'un contenu publicitaire soit indiqué comme tel pour pouvoir le reconnaître, hein? Si on regarde la télé, on voit clairement la coupure, on passe à la publicité, mais, si on regarde la vidéo d'un influenceur, ça a l'air d'être un ami qui nous fait des recommandations, donc c'est plus difficile de voir que la personne a des intérêts à nous... dans le fond, nous recommander un produit, nous parler d'un produit ou d'un service.

Puis l'autre chose, c'est que, pour que ce soit clair, on pourrait réglementer pour que cette information-là soit présentée de façon uniforme. Selon les plateformes, il y en a qui proposent des mots-clics particuliers, mais, dans notre recherche, ce qu'on voyait, c'est que des mots-clics comme «collab», ou «partner» ou «ad», c'était parfois mal compris. Puis, en Allemagne, bien, ils ont juste décidé de réglementer pour qu'on mette le mot «publicité» pour que ce soit clair, là, qu'on est à... on est en face d'une publicité, là, dans un contenu d'un vidéo.

Mme Bogemans : D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres interventions? Je pense que ça a bien répondu à nos questionnements. Alors, bien, si vous voulez donner le mot de la fin, Mme Levac, je vous cède la parole.

Mme Levac (Sara Eve) : Oui. Qu'est-ce que je peux rajouter? Bien, en fait, comme on vous suggérait, là, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est une protection qui peut protéger, dans le fond, dans plusieurs situations, c'est une... voyons, un ajout qui est recommandé par les commissaires de la protection de la vie privée. Il y a le Age appropriate design code, en Grande-Bretagne et en Californie, qui commence à l'intégrer. C'est aussi une recommandation de la CNIL, qui est le pendant de la Commission d'accès à l'information au Québec, qui le recommande. Donc, ce qu'on voit, c'est une tendance, là, à intégrer ce principe-là dans les lois de protection des renseignements personnels pour protéger les jeunes, en fait, de techniques qui pourraient être négatives, là, qui pourraient les affecter négativement dans l'environnement numérique, et leur assurer une certaine protection, puis protéger leur développement puis leur bien-être, là, s'ils utilisent des outils numériques.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. C'est bien résumé. On va certainement pousser cette réflexion plus loin. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à ces travaux.

Et, pour ma part, je vais suspendre les travaux pour accueillir nos prochains invités.

Merci beaucoup, Mme Levac.

Mme Levac (Sara Eve) : Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 03)

(Reprise à 17 h 09)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Alors, nous avons le bonheur d'accueillir, en cette fin de travaux aujourd'hui, la Fédération des centres de services scolaires du Québec. Bonjour et bienvenue à cette commission spéciale.

• (17 h 10) •

Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Par la suite, nous aurons une période d'échange et de questions avec les membres de la commission. Donc, je vous laisse, d'entrée, vous présenter.

Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ)

Mme Dupré (Caroline) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, nous vous remercions également d'avoir institué cette Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. C'est un sujet qui préoccupe grandement le réseau scolaire. Alors, nous sommes heureux d'être avec vous aujourd'hui afin d'en discuter.

Je suis Caroline Dupré, présidente-directrice générale de la Fédération des centres de services scolaires du Québec. Je ferais peut-être une petite parenthèse pour vous dire que la fédération représente les 61 centres de services francophones... centres de services scolaires francophones au Québec. Je suis accompagnée de Dominique Robert, président-directeur général adjoint.

Alors, dans le cadre de ces consultations, vous avez eu et aurez l'occasion d'échanger avec de nombreux spécialistes. Les impacts du numérique sont bien documentés. Afin de mitiger les effets négatifs, la fédération prône une approche résolument éducative axée sur l'apprentissage et le développement d'un rapport plus sain au numérique.

Pour que cette vision ambitieuse puisse se réaliser, toute la société doit se mobiliser. Certes, l'école joue un rôle essentiel, mais elle n'est qu'un maillon dans la chaîne de nos actions collectives. L'utilisation du numérique étant un phénomène social aux multiples ramifications, tout ce qui est inculqué et vécu à l'école doit être inculqué et vécu à l'extérieur de l'école. C'est pourquoi nous souhaitons voir naître une stratégie globale et intégrée pour l'ensemble de la population québécoise, fondée sur une responsabilité partagée, de façon à développer un rapport sain et équilibré au numérique.

Le fardeau ne peut reposer que sur les individus et les institutions. Ainsi, l'adoption d'encadrements fondés sur les connaissances issues de la recherche saura contribuer à une meilleure hygiène de vie numérique. Nous croyons que cet ensemble de mesures universelles favorisera un changement durable. Soyez d'ailleurs assurés que tout le réseau scolaire participera activement à ce nouveau vaste mouvement social.

Maintenant, vous pouvez certainement vous demander où l'école se situe-t-elle dans la stratégie globale du numérique. À cet égard, nous tenons à souligner qu'il est dans la nature même de l'école d'éduquer plutôt que de proscrire. Il en va ainsi pour toute utilisation du numérique, dont celle du cellulaire. Selon nous, toute approche prohibitive ne peut à elle seule régler tous les maux du numérique. La cyberintimidation et la cyberviolence témoignent bien de l'importance d'adopter des mesures porteuses qui concernent non seulement les jeunes, mais aussi l'ensemble de la population.

Si le réseau scolaire peut déployer des initiatives préventives et offrir des services d'accompagnement pour les élèves, son champ d'action se limite au moment où les élèves sont à l'école. Or, la cyberintimidation et la cyberviolence ne connaissent ni limite de temps ni limite de lieu.

Une même approche éducative s'applique aussi aux effets du numérique sur la socialisation. Une interdiction complète du cellulaire dans les écoles à l'échelle nationale n'entraînera pas automatiquement des changements de comportements. Nous le réitérons, l'école est le lieu par excellence pour profiter d'une vie pleine et enrichissante et pour apprendre à socialiser, même avec un appareil électronique à portée de main.

Je cède maintenant la parole à mon collègue Dominique Robert.

M. Robert (Dominique) : Le rôle que peut jouer l'école s'inscrit en étroite cohérence avec sa mission tripartite d'instruire, de socialiser et de qualifier. Ces trois mandats sont transversaux en matière d'éducation au numérique. Par exemple, les apprentissages vont de la maîtrise des compétences de base jusqu'au développement de la pensée critique pour ultimement agir en citoyen éthique.

Puisqu'il faut nécessairement pratiquer pour devenir meilleur, l'école ne saurait être un sanctuaire analogique dépourvu d'écrans. Pour une intégration harmonieuse, plusieurs possibilités existent en fonction du niveau scolaire et des réalités locales. Néanmoins, le critère fondamental de sélection des outils technologiques doit demeurer l'appui aux apprentissages, à l'éducation numérique et à la citoyenneté numérique.

L'école ne forme pas seulement les adultes de demain. Déjà, avant même de savoir lire, la majorité des élèves est initiée à certaines facettes du numérique. Or, chaque jeune n'arrive pas à l'école avec le même bagage. De nombreuses recherches démontrent d'ailleurs que les inégalités numériques sont corrélées aux inégalités socioéconomiques. Pour que chaque jeune ait une chance égale de développer ses compétences, l'école doit combler les écarts d'appropriation.

Bien que nous puissions parfois être étonnés par l'aisance des jeunes devant le numérique, leur utilisation se limite bien souvent à des activités ludiques ou relationnelles. Les habiletés productives, participatives et cognitives restent à développer. Néanmoins, nous constatons, à l'instar de la commission française sur les écrans, que l'éducation numérique est trop... trop fragmentée, pardon, et insuffisante en termes de contenu et de temps. Un premier pas pour mieux situer la place du numérique à l'école serait de former un tout cohérent afin de tracer clairement la voie à suivre pour tous les intervenants.

Le numérique ne peut être considéré comme un ensemble homogène. Ses impacts varient en fonction de chaque appareil, de chaque application et de chaque contexte d'utilisation. Plusieurs chercheurs distinguent d'ailleurs un usage passif d'un usage actif, qui, lui, a sa place à l'école.

Or, plusieurs défis se posent en matière d'utilisation pédagogique. À l'heure actuelle, les études portant sur les impacts du numérique ne permettent pas de dégager un consensus clair. Mais, si nous devions en nommer qu'un seul, nous vous dirions : Ça dépend. En effet, le portrait se complexifie par la diversité des fonctions pédagogiques, du niveau scolaire et des aptitudes préalables des élèves et du personnel. Alors que la prudence est de mise, nous ne pouvons faire l'impasse sur l'éducation numérique en classe.

Dans ce contexte, le réseau scolaire entend appuyer ses pratiques sur les connaissances issues de la recherche. Nous souhaitons donc voir les études se multiplier au cours des prochaines années. À ce titre, l'Institut national d'excellence en éducation pourrait proposer en continu des balises en matière d'utilisation du numérique et pourra compter sur la riche expertise développée par le réseau scolaire.

Mme Dupré (Caroline) : En conclusion, la fédération recommande de mettre en place une stratégie globale et intégrée du rapport des jeunes au numérique fondée sur une responsabilité partagée. Ce vaste chantier commande de modifier des habitudes bien enracinées dans toute la population. En somme, le rôle de l'école est double : apprendre à éviter les pièges et les écueils du numérique tout en enseignant comment en tirer profit.

Nous sommes persuadés que cette grande réflexion collective nous permettra de poser les jalons d'un rapport plus sain au numérique. L'école doit faire montre d'exemplarité afin de former des jeunes vigilants, réfléchis et critiques. C'est avec enthousiasme que les écoles du Québec vous accueilleront afin de poursuivre vos discussions directement auprès des jeunes.

Mon collègue et moi tenons à vous remercier de votre invitation à participer à cet exercice de réflexion et sommes prêts à échanger avec vous.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci infiniment à vous deux. Alors, on va débuter cette période d'échange avec la députée de Hull. La parole est à vous.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Contente de vous recevoir en commission. Alors, d'abord, je voulais... Vous parlez, au début de votre mémoire ici, bon, d'une grande stratégie nationale, effectivement, qu'on soit tous et toutes impliqués, l'ensemble de la communauté. Là, vous dites que «le réseau scolaire puisse s'appuyer sur des balises concrètes». Il y a d'autres intervenants du milieu scolaire qui sont venus nous rencontrer, là, depuis le début de la commission, et notamment... comités de parents, mais d'autres aussi disaient : Bon, mais il faut quand même laisser de l'espace à l'école pour gérer, oui, des grandes balises, des grandes lignes, des directions. Mais, si on prend ces décisions-là, on veut quand même avoir une liberté d'agir puis des modalités, finalement, propres à chaque milieu, parce que chaque milieu est différent, que ce soit le milieu socioéconomique, que ce soit la grandeur de l'école, peu importe. Ça fait que vous en pensez quoi?

Mme Dupré (Caroline) : ...oui, on est tout à fait d'accord avec le fait que dans un principe de subsidiarité, l'école est la mieux placée pour savoir, en fonction des enjeux qui lui sont propres, quels sont les meilleurs moyens de mettre en action les balises, cependant, que vous pourriez nous donner à travers les constats que vous ferez de toute cette vaste consultation à laquelle vous nous conviez.

De fait, les conseils d'établissement, annuellement, révisent le code de vie, donc des règles de bien vivre ensemble dans les écoles. Et d'ailleurs la plupart des conseils d'établissement avaient déjà choisi, depuis plusieurs années, de baliser l'utilisation du cellulaire en classe, de le restreindre, par exemple, à certains lieux dans l'école, mais votre directive est venue appuyer et lancer un message encore plus vaste que juste aux parents de l'école et aux membres du personnel de l'école. Je pense que, par la décision que vous avez prise, bien, c'est sorti des murs de l'école, et tous les gens ont fait le constat que, de fait, possiblement que nos jeunes étaient surexposés aux écrans puis aux médias sociaux, d'où votre intérêt aussi de lancer cette commission particulière.

• (17 h 20) •

Mme Tremblay : Donc, vous avez bien reçu cette mesure-là.

Mme Dupré (Caroline) : Absolument.

Mme Tremblay : Et puis, si ça va plus largement dans l'interdiction totale de l'utilisation du cellulaire dans l'école, de votre côté, vous en pensez quoi? Il y a d'autres intervenants qui sont venus puis ils ont dit non. Vous, vous en pensez quoi?

Mme Dupré (Caroline) : Pour nous, l'important, c'est d'éduquer le jeune, parce qu'on pense que, quand on interdit, nos jeunes trouvent toujours une façon, de toute façon, de trouver un moyen de consulter quand même les appareils. Ce qu'on veut, c'est former des citoyens aguerris, avisés, conscients puis qui savent faire une utilisation éthique des appareils électroniques.

M. Robert (Dominique) : Peut-être en complément, l'école est un des maillons dans la chaîne du numérique. Donc, l'objectif, c'est que l'ensemble des acteurs, donc, évidemment, l'école, mais en continuité, parce que, par la suite, la vie continue à la maison, avec les amis, à l'extérieur, dans la vie sociale... Donc, c'est l'ensemble des intervenants qui doivent effectivement être éduqués, mais on souhaite qu'évidemment les décisions se prennent dans chacun des milieux, en fonction des décisions et des réalités locales qui sont propres à chacune des écoles, notamment par les... que ce soient les inégalités sociales, socioéconomiques ou autres.

Mme Dupré (Caroline) : Puis il y a une recherche qui dit d'ailleurs que, si on restreignait les élèves durant toute la journée, bien, probablement que nos jeunes se retrouveraient à surutiliser les écrans le soir, malheureusement, même... et c'est déjà le cas, parfois, bien malheureusement, la nuit. Donc, on ne souhaite pas déplacer le problème non plus ailleurs, on souhaite vraiment éduquer les jeunes dans l'utilisation.

Mme Tremblay : J'ai une dernière question. Donc, vous recommandez d'«établir comme critère fondamental d'utilisation du numérique en classe l'appui aux apprentissages». Donc, comme je dis, il y a plusieurs intervenants, là, qui viennent dire, puis même l'INSPQ vient dire : Ça ne doit pas être la méthode d'enseignement par défaut, donc il faut être prudent. On a l'UNESCO qui s'est prononcée aussi, qui a dit qu'il y a peu de preuves solides de la valeur ajoutée de la technologie en éducation. Et plusieurs intervenants sont venus dire : Il faut être excessivement prudent, ça ne doit pas être un outil qui devienne un outil qu'on utilise de façon régulière, mais bien quand il y a vraiment un plus ajouté, qu'on ne pourrait pas faire autrement. Alors, vous ne trouvez pas qu'un peu... votre recommandation 4 va un petit peu trop loin?

Mme Dupré (Caroline) : Bien, en fait, on s'appuyait notamment sur la Politique d'évaluation des apprentissages où on parle d'égalité des chances. Et on sait qu'on a des élèves HDAA, entre autres, pour qui les outils numériques, c'est essentiel à leur réussite, si on pense à des élèves qui ont une déficience visuelle, déficience auditive, des problèmes langagiers, de la dyslexie. Donc, pour nous, de ne pas avoir du tout recours aux outils numériques, c'est impensable en termes d'égalité des chances. Donc, c'était vraiment dans ce contexte-là qu'on appuyait notre recommandation.

Mme Tremblay : Donc, ça touche vraiment le volet EHDAA, et pas nécessairement, cette recommandation-là, l'ensemble des élèves de la classe. Vous distinguez les deux.

Mme Dupré (Caroline) : Bien, en même temps, je vous dirais, il y a quelques années, vous le savez, nos classes ont été équipées de tableaux numériques interactifs. Puis je suis heureuse, et nous sommes heureux... quand on a appris que vous alliez aller visiter les écoles, on était bien heureux de ça parce que vous allez avoir l'occasion d'apprécier la façon aussi dont sont utilisés les outils technologiques au profit de l'apprentissage, notamment le tableau blanc interactif... numérique interactif. Donc, par exemple, pour guider les enfants dans une recherche sur Wikipédia, bien, que l'enseignant puisse le modéliser sur son tableau numérique, c'est aussi une belle façon, je pense, de modéliser une utilisation responsable et éthiquement correcte pour les jeunes puis aussi d'amener nos jeunes... Je pense que notre grand défi, c'est beaucoup de travailler sur notre... une de nos compétences transversales, qui est celle de développer le jugement critique. Donc, si je modélise puis je fais moi-même, comme enseignant, des recherches, j'utilise mon tableau numérique interactif ou mes outils numériques pour guider mon jeune, bien, en même temps, j'ai une belle occasion de modéliser ou de l'amener à réfléchir ou même de lancer un débat entre les élèves : Est-ce que cette information-là, elle est vraie? Comment je peux voir... Comment je peux me valider? Comment je peux savoir qu'il y a un piège derrière ça? Donc, pour nous, le contexte d'apprentissage peut être très intéressant aussi dans le développement de la compétence transversale.

Mme Tremblay : Parfait.

M. Robert (Dominique) : L'objectif, c'est de s'assurer que le numérique soit au service de la mission, donc instruire, socialiser, qualifier, et la cohérence de tout ce qui peut déjà exister, ma collègue faisait référence au... à la Politique d'évaluation des apprentissages, il y a également le cadre de référence qui a été publié, le Cadre de référence de la compétence numérique qui existe, il y a le Programme de formation de l'école québécoise, donc la cohérence de ces trois documents-là. Et d'ailleurs ça permettrait... notamment le Cadre de référence de la compétence numérique, qui est utile pour le milieu scolaire, aurait tout intérêt à être, je dirais, diffusé plus largement, justement pour outiller les autres acteurs sur les propres... leurs propres compétences. Que l'on soit parent, que l'on soit citoyen, que l'on soit collègue ou autre, il y a plusieurs éléments, là, à tenir compte. Donc, on a tout intérêt... Et c'est la cohérence des documents, c'est l'équilibre, dans tout ça, qui est visé.

Mme Tremblay : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bonjour. Je reviens un peu sur la question des interdictions pour bien comprendre les différents degrés. Alors, si je saisis bien, vous êtes à l'aise avec la directive actuelle de l'interdire dans la classe, qui est une directive nationale, mais après ça tout ce qui est en haut, donc interdire dans l'école, interdire dans une... dans un centre de services scolaire ou interdire au Québec au complet, ça, vous êtes moins à l'aise?

Mme Dupré (Caroline) : En fait, nous, on appuie le principe de subsidiarité. C'est-à-dire que, si l'école vit des enjeux particuliers puis décide de resserrer un peu plus pour différentes raisons parce qu'il s'est passé quelque chose dans l'école, on pense que les acteurs de l'école sont les mieux placés.

Maintenant... C'est parce qu'on s'est aussi posé la question : Est-ce que c'est réaliste de penser, pensons à nos jeunes du secondaire, qu'ils n'auront jamais entre les mains un téléphone intelligent? La réponse, c'est non. Alors, comment on peut les amener à utiliser cet outil-là de façon responsable?

Puis, pour... Puis nous-mêmes, on utilise parfois nos cellulaires dans une activité de socialisation. À la blague, on disait tout à l'heure, avant de s'en venir, que, ce midi, bien, à la cafétéria, on regardait une vidéo, on discutait de ça, ça a lancé les échanges, des gens ont fait des recherches pour valider l'information.

Donc, il y a une façon d'amener nos jeunes à utiliser le numérique pour que ce soit formateur puis que ça soit aussi une occasion de socialiser. Mais, si, par exemple, dans l'école, on se rend compte qu'on a plein de jeunes qui mangent seuls à la cafétéria le midi puis qui sont isolés dans leur coin avec leur cellulaire, bien, l'école a une responsabilité d'intervenir, d'agir, d'aller voir le jeune, de peut-être l'inciter à s'inscrire à des activités parascolaires. Alors, on pense que l'école est la mieux placée pour intervenir, si jamais il y a des situations qui semblent être plus complexes pour certains élèves.

M. Leduc : Donc, dans une ville donnée, il pourrait y avoir, dans le même quartier, une école qui l'interdit au complet sur sa propre base et l'école d'à côté qui ne l'interdit pas parce que... Ça, vous seriez à l'aise avec ça.

Mme Dupré (Caroline) : Absolument.

M. Leduc : O.K. Donc, donner un certain pouvoir aux établissements comme tels de pouvoir le faire, donc pas une directive nationale, mais certains établissements pourraient le faire au besoin.

Mme Dupré (Caroline) : Absolument.

M. Leduc : C'est intéressant.

M. Robert (Dominique) : Dans l'établissement de leur code de vie, par exemple, avec les règles à l'interne, exact.

M. Leduc : Et là qui déciderait ça dans l'établissement? Le conseil d'établissement?

M. Robert (Dominique) : Oui.

Mme Dupré (Caroline) : Conseil d'établissement.

M. Leduc : Avec la direction.

Mme Dupré (Caroline) : Oui, parce qu'annuellement ils révisent les règles de vie puis ils amènent des ajustements en fonction de la réalité. S'il y a eu des éléments, là, qui ont été plus complexes à gérer dans une année scolaire, bien, assurément qu'à la fin de l'année, quand ils vont réviser le code de vie pour l'année suivante, bien, ils vont peut-être modifier certaines choses, là, c'est révisé annuellement.

M. Leduc : Et ça existe déjà, des écoles, au Québec, qui l'interdisent.

Mme Dupré (Caroline) : Oui, absolument. Je pense que vous avez vu d'ailleurs le cas de l'école secondaire d'Oka.

M. Leduc : Oui, c'est ça. Et est-ce qu'à votre connaissance il y en a qui l'ont appliquée, l'interdiction, et qui ont fait marche arrière?

M. Robert (Dominique) : Pas à ma connaissance.

Mme Dupré (Caroline) : Pas à notre connaissance.

M. Leduc : O.K. Puis est-ce que vous faites le pari que ça va se multiplier dans les prochaines années? Si rien ne bouge, mettons, là, puis qu'on... ça reste tel quel, est-ce que vous pensez que les écoles vont se multiplier, qui auront des interdictions sur leur propre base?

M. Robert (Dominique) : Je veux dire, au départ, c'est difficile à prévoir, parce qu'évidemment la directive est relativement nouvelle, mais c'est annuellement que les conseils d'établissement redéfinissent leur code de vie. Ça va suivre son cours, évidemment. Récemment, on y a fait référence, là, il y a l'école secondaire d'Oka qui a... qui a pris la décision de l'interdire. Donc, eux-mêmes, à chaque année, ils verront, ils vont faire le post-mortem sur la suite, mais c'est en fonction de leur réalité propre, ils ont choisi d'interdire l'utilisation tout au long de... sur le terrain de l'école.

• (17 h 30) •

M. Leduc : Dernière question : Est-ce qu'il y a des... est-ce qu'il y a des données objectives qui peuvent être utilisées et mesurées d'une année à l'autre pour voir si ça a un effet réel? Dans le sens où, autrement, ça reste de la subjectivité, puis je pense que neuf personnes sur 10 vont dire : Oui, je constate que ça va mieux, depuis qu'il n'y a plus de téléphones à l'école. Mais, concrètement, est-ce qu'on a des mesurables, à votre connaissance?

M. Robert (Dominique) : J'imagine qu'il y en aura, mais c'est quand même jeune, donc les données sont en cours de compilation, hein, c'est dans la dernière année scolaire que ça a été mis en place, mais, après coup, les chercheurs que vous avez rencontrés vont certainement être en mesure de dégager certaines conclusions. L'objectif, c'est de voir quels sont les impacts de la mise en place de telle, telle, telle mesure selon le degré de gradation, là, qui sera appliqué selon les codes de vie. Mais actuellement, à ma connaissance, on n'a pas de données récentes à cet égard-là, parce que c'est assez nouveau comme directive.

M. Leduc : O.K. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Si on continue sur le mesurable, on a des experts qui viennent même dire que, justement, l'utilisation d'outils numériques à l'école, on devrait vraiment, là, excusez l'expression anglaise, là, «the less is more», là, donc, même chez les enfants qui ont des difficultés spécifiques. Est-ce que vous avez des données là-dessus, mesurables, sur, justement, les taux de réussite ou les avantages de l'utilisation des outils numériques, surtout chez les enfants qui ont des problématiques de langage ou autres?

Mme Dupré (Caroline) : Malheureusement, non, ce n'est pas quelque chose dont on a eu connaissance que c'était documenté. Mais c'est sûr que, nous, l'école a comme grand rôle de former nos citoyens de demain. Donc, un des éléments qui nous préoccupe, c'est aussi d'éduquer nos jeunes et de les former à utiliser les outils numériques, parce que, quand ils vont arriver sur le marché du travail ou même aux études supérieures, on ne voudrait pas que ce soit... on essaie de trouver une façon, là, de le nommer, puis on... le mot qui nous... les mots qui nous venaient en tête, c'étaient «analphabète numérique». On ne voudrait pas que l'école ait formé des analphabètes numériques, parce que ce serait quand même dramatique pour eux après, de se retrouver dans un milieu de travail puis de ne pas être aussi performants qu'ils auraient pu l'être si on les avait bien éduqués numériquement.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci.

M. Robert (Dominique) : Peut-être, en complément à votre question, si je peux me permettre, la technologie est là et est là pour rester. L'objectif de l'école, entre autres, c'est de s'assurer de l'utiliser, et d'atténuer les effets négatifs, et d'utiliser le plus possible, dans le cadre éducatif, les aspects positifs qui ont été documentés. Je pense qu'au fil du temps on pourra le documenter encore plus, il y a plusieurs recherches, d'ailleurs, auxquelles on fait référence dans le mémoire, et les chercheurs que vous avez rencontrés y font référence, la clé sera certainement l'équilibre. Et ça nous fera plaisir, évidemment, d'y participer ultérieurement.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. On poursuit maintenant avec Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Merci pour votre exposé. Vous avez bien répondu, donc, à toutes mes questions, donc, sur l'interdiction du cellulaire à l'école et le niveau de gouvernance que vous verriez par rapport à ça, donc ce sera au niveau du conseil d'établissement, du code de vie.

Ma prochaine question, donc, était, donc, sur la même lancée que celle de Mme la Présidente, donc sur l'utilisation, donc, des technologies numériques à des fins éducatives à l'école. Donc, je vous entends. En fait, vous, ce que vous dites, c'est que, puisque... en fait, nonobstant le fait que la recherche, comme on nous l'expliquait plus tôt, n'a peut-être pas rempli son fardeau de la preuve quant à... quant aux avantages du numérique, puisque les étudiants québécois vont être exposés dans... au sein de leurs études supérieures et dans leur carrière, bon, on ne veut pas former des analphabètes numériques, donc c'est l'aspect, donc, de valeur ajoutée qu'on y voit à l'intérieur du milieu de l'éducation.

Donc, deux questions sur les technologies numériques à des fins éducatives. D'une part, au niveau de la quantification du temps d'écran, donc, certains spécialistes sont venus nous dire : Bien, pour nous, donc, quand on parle, donc, de recommandations de temps d'écran, bon, on le fait vraiment à des fins de divertissement, donc on différencie les fins de divertissement puis les fins éducatives. D'autres nous disent : Non, il faut le voir, donc, dans son ensemble. De votre expérience de ce que vous voyez sur le terrain puis avec ce que vous nous émettez comme recommandations à cette fin, comment est-ce que vous quantifiez, donc, le bon temps d'écran et le mauvais temps d'écran quand on parle de fins éducatives ou d'emplois encadrés à l'école?

Mme Dupré (Caroline) : Ce qui est important à l'école, c'est l'équilibre. On voit mal que, toute une journée, un jeune soit exposé à des écrans, qu'à des fins pédagogiques, comme on l'exposait, dans le cadre d'un travail ou d'un enseignement que le titulaire de classe est en train de faire avec les élèves... réfère, par exemple, avec le TNI, à une vidéo qui vient expliquer la formule chimique à appliquer ou qu'on aille chercher ensemble une information puis qu'on se pose la question sur le niveau de véracité de l'information qu'on vient de trouver. Alors, ça, c'est super, c'est wow! Ça ne peut pas être ça toute la journée. Puis, de toute façon, dans le cadre d'une journée en classe, toutes les activités ne se prêtent pas nécessairement à être toujours sur le numérique.

Alors, bon, par exemple, il y a des périodes d'éducation physique. Il y a des périodes de musique où, quand même, on peut utiliser, oui, le tableau pour suivre une portée ou un rythme, mais l'idée, c'est de varier, puis les enseignants sont les mieux placés pour choisir le meilleur outil d'apprentissage qui va soutenir l'enseignement d'une leçon, mais je peux vous assurer, puis vous saurez le constater lors de vos visites, qu'il y a vraiment un équilibre entre le papier, crayon, la tablette, le tableau numérique, l'activité physique, et, vraiment, là, je suis convaincue que vous allez pouvoir l'apprécier dans le cadre de vos visites.

Mme Cadet : Merci. Ensuite, aujourd'hui, on a beaucoup entendu parler, de la part, donc, des expertes qui sont venues à l'écran, des concepts, donc, de mécanisme de renforcement virtuel, donc le fait que les différentes applications en ligne, notamment les réseaux sociaux, donc, peuvent employer, donc, certains mécanismes pour capter l'attention de l'utilisateur. On sait que certains ludiciels emploient ces mécanismes-là aussi. Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez sur le terrain, puis est-ce que vous pensez que l'État ou le législateur, donc, a un certain rôle à jouer pour encadrer le... pour permettre, en fait, à nos établissements scolaires qui font l'acquisition de ces ludiciels-là de différencier, donc, ceux qui emploient, donc, des mécanismes qui pourraient être néfastes pour le jeune?

M. Robert (Dominique) : En fait, tout ce qui vient diluer l'attention, évidemment, puis les chercheurs... puis la personne qui était ici précédemment l'a mentionné également, toutes les notifications, etc., l'objectif, c'est de les atténuer, évidemment, ou de les enlever et de les proscrire complètement, puis il y a des... différents mécanismes, là, les notifications... La nouvelle directive, notamment, l'utilisation du cellulaire autre que pédagogique... En ce moment, là, le cellulaire pendant la classe, en n'étant pas utilisé, bien, on vient se protéger ou se prémunir de ces aspects-là. Évidemment, à l'extérieur de la classe, bien là c'est un autre... c'est un autre phénomène.

Mme Cadet : Peut-être juste préciser ici, parce que, là, je parle vraiment, donc... Donc, je parle de ludiciels, donc de logiciels qui sont utilisés, donc, à des fins pédagogiques, donc d'applications qui pourraient être utilisées à des fins pédagogiques puis qui, au passage, donc, emploient, donc, des mécanismes de renforcement virtuel. Donc, par exemple, je pense qu'il y avait un exemple qui nous était donné plus tôt où une application, donc, qui est utilisée vraiment, donc, de façon encadrée en classe, donc, pourrait...

Donc, à la fin, une fois qu'on réalise certains apprentissages, bien, on a droit, donc, à certains mécanismes de récompense à travers ça. Donc, ça peut être... Parfois, donc, ce n'est pas nécessairement, donc, à sa face même, là, mais, de façon un peu pernicieuse, donc, ces mécanismes-là peuvent s'insérer dans certains logiciels, sachant que, bien, tout ce qui... tout ce qui aggrave, là, la capacité, donc, des jeunes, donc, de se sentir plus interpelés par le numérique, bien, peut avoir, donc, un effet, donc, à plus long terme sur, bon, la régulation des émotions, etc. Donc, c'était plus là-dessus, donc, pas sur le téléphone cellulaire ou d'autres emplois qui sont périphériques.

Mme Dupré (Caroline) : C'est très préoccupant, effectivement. On n'est pas des spécialistes. On n'a pas porté de recherche sur le sujet, mais c'est clair qu'à l'école on agit beaucoup, en tout cas, et on tente de le faire le plus possible en amont, sur les dépendances, mais le numérique peut être une dépendance. Ce n'est pas que les substances illicites ou l'alcool, c'est aussi le numérique qui peut devenir... créer un effet de dépendance, notamment par ce que vous dites, le fait de vouloir acquérir une nouvelle récompense, remporter des étoiles, une vie, peu importe. Alors, c'est sûr qu'on est sensibles à ça, puis, de fait, tout ce qui amène une dépendance, à notre avis, devrait être étudié sérieusement par les chercheurs.

Mme Cadet : On nous a aussi... Ah! vous voulez compléter?

M. Robert (Dominique) : Très rapidement. Tout à l'heure, ce que je voulais juste ajouter, c'est... Pour l'élève notamment qui recevrait ce genre de notification, ou d'interaction, ou de communication a posteriori, ce qui est souhaité, c'est de développer la pensée critique également de l'élève, donc d'être capable de discerner, dans la mesure où c'est, bon, quelque chose qui vient... qui est peut-être nuisible. Puis aujourd'hui, dans l'instantanéité de l'information, nous-mêmes, on est habitués de répondre instantanément à des courriels, ou à des textos, ou peu importe, mais c'est d'apprendre également. Ça fait partie des éléments de changement d'habitudes et de développement de la pensée critique, qui est un des aspects, là, qui était... qui s'inscrit dans le cadre de référence et qui est souvent ramené à l'école.

• (17 h 40) •

Mme Cadet : Merci. Sur les écrans récompenses, on a entendu parler à quelques reprises, dans le cadre de ces auditions... on a aussi vu, donc, des lettres ouvertes, donc, de parents qui nous disent : L'école, donc, ne devrait pas fournir... prévoir ce type d'activité récompense là ou, du moins, ne pas le faire aussi souvent. Est-ce que c'est un phénomène que vous voyez? Est-ce que ce phénomène vous préoccupe?

Mme Dupré (Caroline) : Ça nous préoccupe. Je pense qu'il y a plusieurs années c'était une récompense parce que les enfants avaient peut-être moins accès qu'ils ont accès maintenant à tous ces outils puis à tous ces écrans. Mais aujourd'hui on en entend tellement parler, de la surutilisation des écrans, qu'on devrait trouver d'autres moyens de vivre des activités de récompense avec les jeunes, notamment les faire bouger, développer leur culture. Donc, il y a assurément une panoplie d'activités qu'on peut trouver autres que l'écran.

Mme Cadet : Dernière question, est-ce que...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Cyberintimidation, on a aussi entendu, donc, des experts ou des spécialistes qui sont venus, donc, dans le cadre des auditions, donc, nous dire, donc, parfois, certains des conflits, donc, on sait, donc, qui naissent en ligne, notamment, oui, donc, sur les différentes applications périphériques, mais aussi parfois même, donc, sur, donc, des plateformes d'interaction qui sont utilisées à l'école. Même, on le disait, Google Docs, parfois, il peut y avoir, donc, des interactions négatives qui commencent là-dessus puis qui se poursuivent dans le réel à l'école. Comment est-ce que vous voyez le rôle d'encadrement de ce type d'interaction là dans le cadre de l'enjeu de la cyberintimidation à l'école?

Mme Dupré (Caroline) : Même si on se dit que ça se passe à l'extérieur de l'école, vous le savez comme moi, l'école se retrouve, de toute façon, à devoir le gérer parce que la chicane, souvent, ou ce que ça va créer comme conflit, bien, ça va se répercuter à l'école, mais on a entendu les membres du personnel nous dire : On aurait besoin d'être peut-être mieux outillés pour intervenir parce que c'est quand même difficile dans un contexte où ce n'est pas l'école qui a acheté... qui a acheté l'appareil électronique, ce n'est pas l'école qui a permis qu'en dehors le jeune puisse l'utiliser dans des heures, peut-être, ou ce n'était pas... ça dépassait le cadre normal d'utilisation des écrans.

Donc, il y a une partie de la... Puis c'est pour ça qu'on dit que c'est une responsabilité partagée. Donc, on aura besoin de peut-être mieux outiller nos intervenants scolaires, mais on aura aussi besoin de travailler en collaboration avec nos comités de parents pour offrir peut-être aussi aux parents des activités de formation, de sensibilisation, peut-être même des groupes d'échange, parce que les parents aussi se retrouvent un peu dépourvus devant l'ampleur de ces situations.

Donc, je pense qu'il faut qu'on soit... On disait qu'on était un maillon, mais, dans la chaîne, on est tous liés. Donc, on doit tous travailler ensemble. Puis d'ailleurs je tiens à saluer l'excellent travail qui se fait avec la sécurité publique, donc, particulièrement dans nos écoles secondaires. On a des policiers et des policières, parrains, marraines qui viennent soutenir les équipes-écoles, sensibiliser les jeunes aussi aux conséquences pénales que peuvent amener les situations de cyberintimidation, de cyberviolence. Il y a tout un programme, dont vous avez peut-être entendu parler, qui s'appelle le programme Sexto, aussi, où on fait de la sensibilisation auprès de nos jeunes.

Mme Cadet : Merci énormément. Merci pour votre présence.

La Présidente (Mme Dionne) : Bien, c'est intéressant, ce que vous dites, que, oui, il y a l'école, mais c'est une prise de conscience sociale et collective. Mais est-ce que ça ne pourra pas être éventuellement peut-être les parents qui diront à leurs enfants : Bien, tu t'en vas à l'école, tu n'as pas vraiment besoin de ton cellulaire à l'école? On se questionne puis on se dit : Oui, l'école peut intervenir, mais il reste qu'éventuellement aussi... Au niveau de la responsabilisation des parents qui mettront cet encadrement-là auprès de leurs jeunes, vous en pensez quoi?

Mme Dupré (Caroline) : C'est certain qu'il y a quelqu'un qui l'a acheté, le cellulaire, puis ça s'avère que ce n'est pas l'école. L'école le gère après, mais ce n'est pas l'école qui l'a acheté. Puis, mon collègue l'a dit tout à l'heure, je pense qu'on a une prise de conscience collective aussi à faire sur le fait qu'on a souvent l'impression qu'on doit pouvoir joindre quelqu'un tout le temps, rapidement, quasi dans l'instantanéité, mais appeler au secrétariat de l'école pour faire un message aux enfants, là, ça existe encore et ça devrait exister encore. Quand il n'y avait pas de cellulaire en classe, nos jeunes recevaient quand même des messages puis... ou un parent qui veut vérifier quelque chose auprès de son enfant, auprès de l'enseignant, bien, c'est toujours possible. Puis je pense que ça, il va falloir peut-être qu'on revienne à ça, là, en se disant : Bien, quand mon jeune est à l'école, il est à l'école, il est là pour apprendre, pour socialiser, pour se qualifier, puis, si j'ai des messages à lui passer, bien, je peux demander au secrétariat de l'école de lui transmettre le message aussi.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, puis certains enseignants qui m'ont dit que le téléphone sonnait en classe et que c'étaient souvent les parents. Donc, je cède maintenant la parole à notre député de Joliette.

M. St-Louis : ...Mme la Présidente. D'abord, je vous remercie... je veux vous remercier tous les deux, pardon, de participer aux travaux de la commission, qui sont très importants à mes yeux. Je vous ai entendu parler, je l'ai déjà nommé, du bon côté de la force, les vertus de l'outil pédagogique. Je ne doute en rien du contenu utilisé dans nos écoles, le mauvais contenu étant peut-être, bon, les algorithmes qu'on retrouve dans les applications de réseaux sociaux, etc. On a...

Donc, je comprends que vous êtes pour l'utilisation des plateformes numériques en classe. D'un autre côté, on a des experts qui nous disent qu'on doit repousser ça le plus loin possible parce qu'il y a des problèmes de régulation du système nerveux, avec la mélatonine, la dopamine, bon, les écrans... parce qu'on parle beaucoup du contenu, mais il y a aussi le médium lui-même, là, l'écran bleu qui vient interférer.

On a parlé en commission aussi de la possibilité d'une majorité numérique. Vous parlez de l'école de façon générale. Ça commence où puis ça s'arrête où? Est-ce que ce sera la prérogative d'un professeur d'utiliser les outils au primaire, au secondaire? On comprend qu'à partir d'un certain âge on ne veut pas, puis vous l'avez nommé tantôt, avoir des citoyens de demain qui seraient des analphabètes numériques, et je suis à la même place que vous là-dessus, mais est-ce que ce sera de la première année à la... jusqu'en secondaire V puis ce sera vraiment le choix du professeur?

Mme Dupré (Caroline) : Bien, dans le cadre de compétences à développer chez les enseignants, les 13 compétences puis le référentiel des compétences des enseignants, il y en a une qui est sur l'utilisation du numérique. Donc, en principe, nos enseignants doivent maîtriser l'utilisation du numérique. C'est sûr que nous, quand on parle du numérique à l'école, on parle du numérique à des fins pédagogiques. Maintenant, si le travail que vous faites, les recherches qui sont aussi en cours ou qui se sont réalisées viennent nous dire, par exemple, que le temps d'utilisation d'un écran devrait être de tant de temps... Puis, en fait, je fais un... je fais... j'ai une réflexion en tête, qui est peut-être un peu boiteuse, mais je pense, par exemple, à la consommation d'alcool. Bien, il y a des recherches qui sont venues nous dire : Tant de verres d'alcool par jour chez une femme, tant de verres d'alcool par jour chez un homme. Donc, on connaît une limite puis on connaît aussi les conséquences si on ne respecte pas la limite.

Donc, si on vient nous dire, par exemple, qu'un jeune ne devrait pas être exposé plus qu'une heure par jour, disons, à des écrans, bien, l'école saura le gérer aussi, là. Elle saura s'assurer... L'enseignant saura s'assurer que, dans la planification de ses... de son enseignement, l'utilisation des outils numériques ne dépassera pas ce que la recherche vient nous dire qui serait le plus opportun pour le jeune, mais, pour nous, c'est quasi inconcevable qu'on n'éduque pas nos jeunes à l'utilisation du numérique. On prône beaucoup, en éducation, la modélisation. Donc, de modéliser les bons comportements puis une utilisation éthique du numérique, pour nous, ça nous apparaît essentiel, que de proscrire à tout prix, parce qu'on sait qu'après ça, en parallèle, le jeune va aller développer de mauvaises habitudes puis probablement aussi aller fréquenter des sites qui ne sont pas appropriés pour lui. Donc, on préfère éduquer, sensibiliser puis intervenir aussi, parce que, parfois, il faut intervenir puis recadrer. On pense que c'est ça, le rôle de l'école.

M. St-Louis : Parce qu'il y a une experte, aujourd'hui, qui nous a dit que le temps par jour devrait être le total hebdomadaire. Donc, si un enfant passe sept heures sur son écran dans une journée, bien, ça devrait être ça au maximum pour une semaine. Maintenant, on sait que les recherches continuent puis que... Mais donc ça limiterait le temps d'utilisation en classe. C'est un peu ça, mon point. Donc, c'est pour ça que je voulais savoir si... Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : M. le député de Marquette.

• (17 h 50) •

M. Ciccone : Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Mes collègues sont rentrés dans des éléments très, très spécifiques, et moi, j'aimerais regarder la globalité de notre société. On a entendu des chercheurs, des docteurs qui sont venus nous interpeler, puis on s'aperçoit que l'avancée technologique a dépassé, là, la science, là, vraiment, où nos scientifiques n'ont même pas eu le temps d'aller chercher des données. Même vous, vous venez de le dire, là, puis j'ai pris votre citation : «Quand la recherche nous dira qu'on ne peut pas dépasser une heure, on s'ajustera.»

Moi, ce qui m'inquiète, puis c'est pour ça que je parle dans la globalité, là, est-ce qu'on va trop vite? Est-ce qu'on va trop vite justement en donnant... Vous avez parlé tantôt du TNI, des différentes plateformes éducatives. Encore une fois, il y a des chercheurs puis des docteurs qui nous ont dit : Bien, on ne sait pas si c'est bon, on ne sait pas si c'est bon à long terme chez l'enfant.

Alors, pourquoi que, si on ne le sait pas, on prend des chances? Puis je ne dis pas que vous prenez une chance. Je ne veux pas vous mettre responsables, là, mais pourquoi que le système éducatif, avant d'avoir les données, avoir toutes les réponses, n'attend pas de... parce que, je veux dire, on va leur apprendre... Quand on va avoir les données, là, on va leur apprendre, on va leur donner ce qu'ils ont besoin, puis ils vont être capables de devenir des citoyens qui vont être capables de se trouver des bons emplois puis ils ne seront pas des analphabètes numériques. Pourquoi qu'on n'attend pas? Pourquoi qu'on va trop vite?

M. Robert (Dominique) : Je veux peut-être tenter une réponse sur la question peut-être plus large, effectivement, parce que la technologie, le numérique est là, existe. Les écoles, ce sont des maisons d'enseignement. Donc, l'objectif, c'est de s'assurer que les enfants qui deviendront les adultes de demain soient en mesure de bien avancer. Même les adultes d'aujourd'hui, vous le disiez, ça va trop vite ou ça va très vite.

Donc, tout le monde... Quand on disait que l'école est un des maillons, la clé passera fort probablement par une campagne de sensibilisation. On a fait quelques... plusieurs recommandations, là, dans notre mémoire, dont une qui est une campagne de sensibilisation, pour s'assurer que, oui, les élèves, les membres du personnel, mais également les autres acteurs puissent être vraiment... je vais oser utiliser le terme «éduquer», mais mettre en place les bonnes pratiques. Ma collègue faisait référence tantôt... avec le nombre d'heures, le nombre de... peu importe, là, d'avoir des références fiables. Lorsqu'on les aura, ça va permettre de mieux se guider.

Une chose est certaine, c'est que la technologie existe, et il y a quand même des éléments positifs qu'on veut conserver, parce qu'il y en a, des éléments positifs. Tout à l'heure, je me permets, sur la question de votre collègue qui nommait le temps d'écran, effectivement, il faut définir qu'est-ce qu'un temps d'écran. Un temps d'écran sur un iPad, sur un téléphone cellulaire ou sur un TNI qui est à l'écran, je présume, en tout cas, de ce qu'on a pu lire, qu'il y a un impact différent.

En bas âge, il y a une question qui a été posée aussi, préscolaire, de zéro à... bien, peut-être pas zéro, mais en bas âge, un an, deux ans, trois ans, à proscrire puis d'y aller de façon... en gradation. En ce moment, la problématique, c'est que les études ne sont pas concluantes. Et là à votre question, est-ce qu'on va trop vite, le but, c'est d'avancer ensemble pour s'éduquer dès qu'on aura les bonnes données. Une chose est certaine, c'est qu'il y a du bon. Lui, il faut le garder et atténuer ce que l'on connaît déjà qui doit être réduit.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Ça fait...

M. Ciccone : C'est terminé?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, le temps est terminé. Alors, très belle conclusion. Alors, je vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 17 septembre, à 9 h 45. Donc, bonne fin de journée, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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