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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes

Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le jeudi 12 septembre 2024 - Vol. 47 N° 1

Consultations particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne (CIEL)

Association des entreprises pour le développement des technologies
éducatives au Québec (EDTEQ)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Autres intervenants

Mme Amélie Dionne, présidente

Mme Suzanne Tremblay

M. Enrico Ciccone

M. Alexandre Leduc

M. Pascal Bérubé

Mme Marie-Belle Gendron

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Elisabeth Prass

M. Stéphane Sainte-Croix

M. Yannick Gagnon

Mme Audrey Bogemans

M. François St-Louis

*          Mme Mélanie Laviolette, FCPQ

*          M. Jérôme Maltais, idem

*          Mme Corinne Payne, idem

*          Mme Emmanuelle Parent, CIEL

*          M. Shawn Young, Association EDTEQ

*          Mme Anny Gagné, idem

*          Mme Katia Lelièvre, CSN

*          M. Léandre Lapointe, idem

*          M. Frédéric Brun, idem

*          Mme Julie Audet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toute personne dans la... salle, pardon, de fermer son cellulaire. Merci beaucoup.

Alors, la commission spéciale est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement de nos jeunes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : D'accord. Comme la séance a débuté un peu plus tard, y a-t-il consentement pour poursuive nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit vers 12 h 15, 12 h 20?

Des voix : Consentement.

Auditions

La Présidente (Mme Dionne) : Consentement. Donc, je souhaite la bienvenue à ceux et celles qui casseront la glace avec nous pour ces travaux, donc la Fédération des comités de parents du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre... exposé, pardon, et, par la suite, nous allons procéder à la période d'échange avec l'ensemble des membres de la commission. Donc, je vous cède la parole, vous pouvez commencer avec une présentation pour chaque.

Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ)

Mme Laviolette (Mélanie) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour aux membres de la commission. Merci de nous recevoir. Mon nom est Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, parent bénévole depuis 12 ans maintenant, impliquée dans les instances scolaires. Je suis accompagnée de Jérôme Maltais, vice-président de la fédération, qui est un membre parent bénévole depuis 14 ans maintenant, de Corinne Payne, directrice générale de la fédération, et de Stéphanie Rochon, directrice des communications et des affaires publiques.

• (11 h 40) •

Depuis 50 ans, notre fédération a pour mission de promouvoir et de défendre les droits et les intérêts des parents et des élèves qui fréquentent l'école publique québécoise. La FCPQ soutient ses membres, soit les comités de parents de 90 % des centres de services scolaires. Des milliers de parents québécois s'impliquent dans les instances de participation du milieu scolaire telles que le comité de parents, les conseils d'établissement, le comité consultatif des services aux élèves ayant des besoins particuliers, et ce, dans un seul but : favoriser la réussite des élèves.

D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier d'avoir créé cette commission de façon transpartisane et d'avoir l'intention d'aller visiter des écoles dans plusieurs régions pour parler aux jeunes. L'impact des écrans et des réseaux sociaux est un sujet qui intéresse grandement les parents et qui les inquiète à la fois.

Avant la pandémie de COVID-19, on parlait peu des écrans, à la fédération, et on y pensait relativement peu en tant que parents également. En mai 2020, plus de 43 000 parents ont participé à un sondage en ligne de la fédération. La plupart sont préoccupés par le peu d'encadrement qu'ils sont en mesure d'offrir à leurs enfants dans un contexte d'enseignement à la maison, ne se sentent pas suffisamment outillés pour comprendre et gérer les outils nécessaires à cet apprentissage.

À partir de 2021, les parents nous font part de leurs préoccupations concernant le temps d'écran. Les parents ont identifié le temps d'écran comme leur principal défi en 2021, 2022, 2023 également dans un sondage réalisé avec la firme Léger pour la FCPQ.

Encore une fois, en janvier 2024, dans une commission nationale réalisée avec l'Association des comités de parents anglophones du Québec et Dre Mélissa Généreux, les résultats de cette enquête démontrent que les jeunes qui passent quatre heures et plus par jour sur leurs écrans sont deux fois plus enclins à avoir une faible qualité de vie.

Nous partageons aujourd'hui les constats et les conclusions des parents tirés des enquêtes déployées à l'échelle provinciale et des ateliers réalisés à notre conseil général, où siègent des parents délégués de toutes les régions du Québec. Nous sommes... nous nous sommes concentrés sur les sujets qui sont dans notre sphère d'action, comme les décisions prises dans les milieux scolaires, selon notre expérience de parents engagés.

Vous recevrez plusieurs scientifiques et experts ici au cours des prochaines semaines, et c'est extrêmement important car nous entendons de nombreuses opinions concernant les impacts des écrans et des réseaux sociaux dans l'espace public et dans les médias, et il est parfois difficile de différencier le vrai du raccourci. Nous nous fions au consensus scientifique, lorsqu'il existe, et nous nous attendons à ce que les recommandations formulées à la suite de la commission soient basées sur la science et soient prises dans le meilleur intérêt des enfants.

D'abord, les parents veulent faire partie de la solution. Les parents ne veulent pas seulement être informés lorsque la décision est prise. Ils ne veulent pas être considérés comme des problèmes à régler. On veut être impliqués. On veut travailler ensemble pour trouver des mesures qui fonctionnent et qui seront utiles pour aider nos enfants et pour les protéger des personnes qui leur veulent du mal, mais également des mégacompagnies qui les voient seulement comme des numéros.

On a beaucoup parlé dans la dernière année de la responsabilisation des parents, que ce soit par rapport à la discipline, à la prévention de la violence et de l'intimidation, même des lunchs. Eh bien, quand les parents sont les bienvenus, sont inclus et sollicités pour collaborer et prendre des décisions, sont traités en participants et non en spectateurs, l'adhésion et l'appropriation du projet sont facilitées. C'est vrai pour les parents, c'est tout aussi vrai pour les jeunes.

Quand on prend le temps de consulter les parents, on apprend que des jeunes ayant des besoins particuliers ou des enjeux de santé se sentent stigmatisés parce qu'ils peuvent utiliser leur ordinateur pour faire des travaux ou garder leur cellulaire ou leur montre pour suivre leur glycémie ou la pulsation cardiaque, alors que les autres jeunes n'ont pas droit d'avoir accès à ces outils. C'est un problème à ne pas prendre à la légère quand une élève pense laisser sa montre cardiaque dans son casier pour ne pas être pointée du doigt.

Mais parlons d'initiatives ayant eu la contribution des parents. Une école a décidé, en collaboration avec son conseil d'établissement, d'interdire les cellulaires sur deux étages, mais de le permettre sur le premier. Une autre école secondaire a interdit les cellulaires dans l'école pour les élèves de premier cycle, mais un téléphone en libre-service est disponible au secrétariat en cas de besoin. C'est un projet qui a été mis en place parce que l'école a écouté les préoccupations mais également les propositions des parents.

Le comité de parents des Bois-Francs a exprimé sa préoccupation auprès de son centre de services scolaire concernant l'utilisation des écrans récompenses. Cette préoccupation a mené à l'élaboration d'un guide présentant des pistes d'action et des alternatives à cette pratique. En conseil général, les délégués de la FCPQ avaient des réactions partagées à la possibilité de recommander d'interdire les écrans récompenses dans les écoles. Les discussions se sont plutôt orientées sur la nécessité de les encadrer et éviter qu'ils soient utilisés de façon exagérée à de nombreux endroits, selon les parents.

Les écrans récompenses devraient rester exceptionnels. Les parents souhaitent privilégier d'autres activités lors des loisirs, comme des activités sportives, artistiques ou des jeux de société. Le guide du centre de services des Bois-Francs peut être une inspiration, mais c'est important de laisser chaque milieu jouer son rôle décisionnel.

M. Maltais (Jérôme) : Donc, laisser chaque milieu jouer son rôle décisionnel et respecter la... subsidiarité, excusez, c'est une recommandation que la fédération répète depuis plusieurs années. Les décisions doivent être prises près des élèves parce que chaque milieu a ses besoins et ses particularités. Les décisions ne devraient pas être prises de façon mur à mur pour une école de 30 élèves en Gaspésie et une polyvalente de 2 500 élèves sur l'île de Montréal, que ce soit pour les écrans et les cellulaires ou pour la discipline et toute autre règle de conduite.

Nous avons d'ailleurs une instance pour prendre ces décisions : le conseil d'établissement. La Loi sur l'instruction publique prévoit l'institution d'un conseil d'établissement dans chaque école publique. Le conseil d'établissement est composé de parents, de membres du personnel ainsi que des élèves pour les écoles secondaires. Il détermine les grandes orientations de l'école et prend des décisions qui ont des impacts directs sur la vie quotidienne des élèves. Il faut mieux connaître et respecter son rôle.

De nombreux conseils d'établissement ont déjà adopté des mesures encadrant les écrans et les cellulaires dans leurs écoles, basées sur la réalité de leur milieu. Qu'est-ce qu'on leur communique comme message, si on prend des décisions nationales qui annulent ces décisions locales? Au-delà des décisions locales ou nationales, les parents privilégient l'éducation plutôt que l'interdiction. Et, quand on dit éducation, ça ne veut pas seulement dire à l'école, on parle de l'école, de la maison ainsi que de la société en général.

Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Si vous êtes parents, vous le savez tous comme moi. Nous nous devons d'être informés sur les questions d'éducation numérique pour pouvoir être des modèles pour nos enfants. Mais les parents ne se sentent pas tous à l'aise dans ce rôle.

Nous avons demandé aux parents s'ils se sentaient suffisamment outillés pour discuter des différents enjeux avec leurs enfants. Le top trois des sujets pour lesquels ils ne se sentent pas suffisamment outillés sont : prévenir la cyberdépendance, protéger la vie privée sur les plateformes numériques et encadrer l'utilisation des réseaux sociaux.

Des parents nous ont dit : C'est difficile de discuter, contrôler et encadrer quelque chose que je ne connais pas, auquel je n'ai pas accès. Et même en tant que parent, je me sens dépendante de la technologie et pressée de répondre. C'est un peu hypocrite de dire aux enfants de rester loin des écrans.

La prévention, la formation, l'éducation pour tous est de mise si nous souhaitons que nos enfants apprennent à utiliser les outils numériques de façon saine et éthique. Nous avons d'ailleurs... Excusez-moi...

La Présidente (Mme Dionne) : Juste... Moins d'une minute.

M. Maltais (Jérôme) : Pas de problème.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci.

M. Maltais (Jérôme) : J'y vais assez vite. Il faut changer la culture et les discours. Ce qui se passe à l'école entre 7 heures et 15 heures et ce qui se passe à la maison entre 15 heures et 19 heures, ce n'est pas si différent. Il faut arrêter de considérer l'école et la maison comme étant totalement séparées et il faut que tous les adultes travaillent ensemble dans l'intérêt des enfants.

Mme Laviolette (Mélanie) : En bref, voici nos quatre grandes conclusions. Les parents et les enfants doivent faire partie de la solution, notamment en les consultant et en les impliquant dans les décisions pour les milieux scolaires. En deux, le recours aux écrans récompenses doit être encadré dans les écoles. En trois, les décisions influençant la vie des élèves doivent respecter les besoins et les particularités des milieux ainsi que les pouvoirs des conseils d'établissement. Et, finalement, l'éducation et la sensibilisation aux écrans, aux réseaux sociaux et leur utilisation saine et éthique doivent être privilégiées plutôt que l'interdiction. Les écrans sont là pour rester, éduquons nos enfants et éduquons-nous pour mieux apprendre à les utiliser de façon positive. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup pour ces échanges. Donc, nous disposons maintenant de 35 minutes pour période d'échange, de questions. Je vous rappelle, c'est une commission qui est transpartisane, donc, ce sera à la discrétion de la présidence. J'ai déjà la députée de Hull qui m'avait signifié pouvoir poser une question, puis on ira avec le député de Marquette, et ainsi de suite. Merci.

Alors, Mme la députée, la parole est à vous.

• (11 h 50) •

Mme Tremblay : Bonjour. Alors, je vous remercie d'être là. Vous êtes le premier groupe qu'on reçoit à cette importante commission, puis je pense que c'est important de le souligner. Puis vous l'avez dit vous-même, vous avez un rôle important, puis vous confiez aux écoles, chaque matin, vos jeunes, vos enfants aux enseignants, aux enseignantes puis à l'ensemble du personnel de l'école. Ça fait que d'être ici le premier groupe ce matin, je pense, c'est d'autant plus important, et vous l'avez signifié, vous voulez collaborer dans tout le processus qu'on met en place à l'heure actuelle.

Vous dites que, bon, c'est important de privilégier l'éducation, la sensibilisation aux écrans, ça va aussi... Puis vous connaissez très bien, hein, la mission de l'école québécoise, hein, qui est d'instruire, socialiser, qualifier. Alors, et vous avez fait un important travail de terrain. Et, quand on parle de sensibiliser les jeunes, les parents, la société à tout ce rôle-là des écrans, puis on va aborder ça plus large... différent, plus largement, moi, ce que j'aimerais savoir, les parents... Parce qu'il faut qu'il y ait une cohésion, hein, entre l'école, les parents. Et vous savez, on envoie beaucoup d'informations aux parents, vous êtes surchargés d'informations : les politiques de l'école, le code de vie, là, bon, les règlements, bon, peu importe. Moi, ce que j'aimerais savoir : Comment on fait pour atteindre les parents, justement, parce que vous êtes des parents impliqués? Il y a des parents qui sont plus extérieurs, tu sais, qui s'engagent moins pour différentes raisons. Mais comment on peut travailler... C'est quoi, vos solutions que vous proposez? Parce que vous êtes impliqués depuis longtemps, pour justement, quand on prend des décisions... Puis on va prendre des... peut-être, bon, on verra qu'est-ce qui va en ressortir au final, puis vous voulez être impliqués là-dedans. Alors, comment on atteint ces parents-là, faire ensemble que tout le monde... la meilleure façon, finalement, de divulguer l'information aux parents, de les atteindre?

Et en second lieu, dans ma question, j'aimerais savoir... Moi, ce que je comprends, c'est qu'on peut avoir des grandes balises, mais vous voulez qu'on laisse le choix aux écoles, les couleurs, les modalités, finalement, d'application. C'est ce que je comprends. Merci.

Mme Laviolette (Mélanie) : Merci. En fait, je crois que le meilleur moyen d'acquérir l'adhésion des parents dans un projet comme celui-là, c'est de bien faire comprendre les raisons derrière. Quand on fait juste dire : On ne peut pas, c'est un peu comme avec nos enfants, on ne peut pas répondre juste : Parce que. Donc, les parents ont besoin d'avoir les raisons qui motivent cette règle-là. Mieux connaître les codes de vie, c'est important. Comme vous le disiez, en début d'année scolaire, on reçoit une quantité astronomique d'informations, peut-être de s'assurer que ça soit dans un envoi séparé ou un envoi différent, et pas dans une dizaine de pièces jointes, là, qu'on peut avoir à l'intérieur d'un même courriel. Je comprends que c'est plus de travail, mais c'est une bonne façon de le distinguer.

On parlait des conseils d'établissement, les parents siègent sur ces conseils d'établissement là. De promouvoir les assemblées générales également auprès de l'ensemble des parents, on sait que la participation est difficile, mais ça reste un bon moyen de faire passer l'information, de faire comprendre ce qui se passe dans les milieux scolaires de nos enfants et d'aller chercher cette adhésion-là également. Puis rappelez-moi juste votre sous-question parce que je réfléchissais à la première. En fait... Oui, allez-y.

Mme Tremblay : Oui, bien, c'était en lien, là... Oui, c'est parce que j'ai dit beaucoup d'informations, mais c'était en lien, ma sous-question, avec les... Vous voulez les grandes balises, hein, tu sais, mettons, on prend des décisions collectives, là, mais moi, ce que je comprends, puis vous l'avez dit, en Gaspésie versus une école de Montréal de trois... Ça fait que moi, je veux bien comprendre votre rôle après, comment... Vous voulez vous laisser des couleurs, finalement, des modalités d'application, c'est ce que je comprends.

Mme Laviolette (Mélanie) : Exactement. Tout à fait, pardon. Alors, les conseils d'établissement sont les mieux placés pour comprendre la réalité terrain. Il y a des enseignants qui aiment utiliser les outils électroniques dans un cadre pédagogique où ça peut... ça peut être intéressant également. On a des réserves au niveau de l'écran récompense parce qu'on ne comprend pas la valeur pédagogique ou d'enseignement derrière cela. Cependant, chaque milieu connaît ses jeunes, et c'est important de parler avec eux également, de parler avec les parents et de comprendre est-ce qu'il y a des réels enjeux pour eux sur l'utilisation ou la surutilisation des écrans dans leur vie quotidienne. Et ce travail-là, en partenariat entre les écoles et les parents, va permettre de baliser l'ensemble des secteurs où nos jeunes se retrouvent et pas juste l'école ou pas juste la maison.

Mme Tremblay : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre vice-président, M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre exposé. Je ressens une fébrilité dans l'air parce qu'il y a beaucoup de parents ici, là. Puis être parent, ça ne vient pas avec un manuel, là, d'instructions. Puis là, à un moment donné, en cours de route, il nous est arrivé une problématique possible, et on le voit évidemment, là, les écrans, les jeux vidéo, puis là on dirait qu'on tente de naviguer là-dedans puis on ne sait plus où donner de la tête. Ça fait que pour moi, cette commission-là, puis je le sens dans vos propos, là, dans votre exposé, que c'est une bonne chose. C'est une bonne chose d'avoir cette commission-là. Je vois également que vous voulez vous impliquer énormément.

Puis ma première question, comme vous dites dans votre... vous l'avez dit dans votre exposé, mais vous l'avez dit également dans votre mémoire que vous voulez être impliqués dans les prises de décision concernant les écrans. Comment vous voulez vous impliquer dans la prise de décision? À quel niveau?

Parce que vous savez qu'on va émettre un rapport ici, là, puis on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner, ça va peut-être, à un moment donné, ça va devenir une législation, là, on ne le sait pas, là. Mais comment êtes-vous capables d'amener de l'eau au moulin, juste par expérience comme parents ou avez-vous une expertise quelconque pour la prise de décision?

Mme Laviolette (Mélanie) : Notre expertise, c'est d'être en mesure de rejoindre ces parents-là auxquels vous vous adressez avec une commission comme celle-ci. On est une riche source d'informations. Donc, on est en mesure d'aller chercher le pouls des parents mais le pouls de leurs enfants, qui sont les premiers impliqués, hein, par cette commission-là, mais toujours dans le but de les protéger. Mais, quand on parle d'éducation ou de travailler ensemble, c'est beaucoup au niveau de la sensibilisation aussi. Il y a une certaine immaturité parfois chez nos jeunes qui va faire qu'ils ne vont pas comprendre nécessairement l'implication des partages sur les réseaux sociaux, ce qu'ils en font, de la protection de la vie privée, on en parlait également. Donc, c'est important que les parents comprennent.

Puis nous aussi, on a besoin d'être éduqués, à quelque part, sur une saine utilisation des réseaux sociaux parce qu'on... ou même de la technologie en général, parce qu'on a tous ce téléphone-là dans nos poches, qui nous suit pratiquement 24 heures par jour. Donc, nous, on a, nous aussi, un examen de conscience à faire par rapport à cette utilisation-là. Et de travailler en partenariat avec le milieu scolaire, les parents ensemble, l'adhésion sera plus facile si le message et le langage est le même des deux côtés, que ce soit à l'école ou à la maison.

M. Ciccone : Une dernière petite question, je vais laisser la chance aux... à mes autres collègues, là. Vous dites également : Prévoir un moyen de communication entre les élèves et leurs parents en cas de besoin. Puis là il y a des générations différentes, là, tu sais, la mienne, là. Pourquoi, aujourd'hui... À l'époque, là, nous, si on voulait rejoindre nos parents... J'ai 54 ans. Je ne vous demanderai pas votre âge, inquiétez-vous pas. Moi, si je voulais rejoindre nos parents, on était capable de les rejoindre. Pourquoi c'est si important aujourd'hui, puis là je me fais l'avocat du diable, là, je ne dis pas que je suis d'accord ou non, pourquoi il faudrait que les jeunes aient un cellulaire? Parce que c'est les parents qui veulent rejoindre leurs enfants ou c'est le contraire? Pourquoi c'est si important aujourd'hui, alors qu'à l'époque on était capable de rejoindre les parents comme on voulait? Pourquoi ça fait partie de votre mémoire, ça?

Mme Laviolette (Mélanie) : Ça a effectivement changé avec les années. Je fais partie de cette génération-là où on avait d'autres moyens de rejoindre les parents aussi, mais je vous dirais que c'est une préoccupation de certains parents. Peut-être est-ce qu'on protège mieux nos enfants ou ça nous rassure, nous, comme parents, d'être en mesure de rejoindre notre enfant. Je vous l'accorde, ça fait partie des préoccupations, tout à fait, c'est des choses que nous avons entendues.

Mme Payne (Corinne) : ...aussi, il faut réaliser que notre système d'éducation n'est pas qu'est-ce que c'était à notre époque.

M. Ciccone : Pardon? N'est pas...

Mme Payne (Corinne) : N'est pas comme à notre époque. Il y a des bris de service au service de garde, il y a des bris de service en transport, il y a des bris de service parce qu'il n'y a pas d'enseignant en classe. Alors, les enfants, on fait quoi avec? Il y a des inquiétudes. On n'est pas comme aux États-Unis, mais il y a des inquiétudes sur la sécurité dans les écoles. C'est vraiment triste qu'on est rendus là comme société, mais c'est la réalité, et il y a cette ligne-là qui a besoin d'être ouverte.

Puis moi, je ne pense pas que l'enfant a besoin d'être... Si, dans une classe au Québec, nos enfants ne sont pas sécures, on doit poser une question comme société. Mais entre les classes, le transport, le service de garde, le ci puis ça, il y a peut-être nécessité qu'un parent puis un enfant ont besoin de communiquer. Puis il faut que, si c'est le cellulaire qui est dans le casier, bien, il y a un autre moyen... ou il est à la maison, il y a un autre moyen de communiquer avec parents comme échéance. Alors, je pense...

M. Ciccone : Merci beaucoup pour votre réponse. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Excellent mémoire. Merci de votre contribution. Je veux être vraiment certain de comprendre votre message, mais j'ai l'impression qu'il est quand même très clair, vous, là, le mur-à-mur, ça ne vous intéresse pas vraiment.

• (12 heures) •

Mme Laviolette (Mélanie) : Le mur-à-mur est difficilement applicable en tenant compte des réalités de chacune des régions. On en parlait, la réalité de l'Abitibi et de Montréal n'est pas la même, et l'application qu'on peut en faire n'est pas la même nécessairement non plus. Je ne suis pas certaine qu'une interdiction mur à mur apporterait quoi que ce soit au niveau de la compréhension, de l'éducation au niveau de l'utilisation des outils technologiques et numériques. Le plus important, c'est de faire comprendre aux parents, à leurs enfants également, la bonne façon de l'utiliser, le réel outil que ça peut être, et non pas de s'en servir comme d'une arme ou d'un outil pour aller acquérir une certaine notoriété, comme on peut le voir parfois. Il faut simplement s'assurer que nous donnons le bon message et que nous donnons le bon exemple également, et ça, ça peut se décider localement, au sein des conseils d'établissement.

M. Leduc : C'était ça, ma question de suivi. Donc, si ce n'est pas le Québec qui est la bonne unité de mesure, mettons, est-ce que c'est quelque chose que... Là, on parle, mettons, de l'interdiction de cellulaire. Est-ce qu'il faut l'appliquer à l'intérieur du centre de services scolaire, à l'intérieur d'une école, à l'intérieur d'une classe? C'est laquelle de ces trois... de ces trois degrés-là... lequel de ces trois degrés est le bon, selon vous?

Mme Laviolette (Mélanie) : Je ramènerais ça à la hauteur de l'école.

M. Leduc : À l'école.

Mme Laviolette (Mélanie) : Je le ramènerais à la hauteur de l'école, parce que, sur le conseil d'établissement, il y a des parents qui siègent, sur les écoles secondaires, il y a des élèves également qui siègent, qui viennent du conseil étudiant, il y a des membres du personnel. Donc, je pense qu'il y a une bonne représentativité de la clientèle pour être en mesure de déterminer quelles sont les bonnes pratiques à utiliser dans un milieu, et par la suite, bien, ça s'applique au reste de l'école.

M. Leduc : Donc là, classe par classe, ça serait trop pointu, tandis qu'à l'échelle d'une commission scolaire... Je dis encore «commission scolaire»! Je pense que je vais le dire jusqu'à ma mort.

Mme Laviolette (Mélanie) : On se trompe tous.

M. Leduc : Le centre de services scolaire, là, ça commence à être un peu trop large, des fois, c'est un gros territoire.

Mme Laviolette (Mélanie) : Exactement.

M. Leduc : O.K. Dernière question sur... connexe un peu. Il y a des gens qui parlent beaucoup de majorité numérique. Est-ce que vous voyez des défis d'applicabilité? Puis je peux même poser la même question de défis d'applicabilité, quand même, pour des interdictions de cellulaire à l'échelle d'une école, comme on vient d'en discuter : À quel point on peut peut-être... Est-ce que c'est une chimère de dire : Oui, oui, on va mettre une majorité de... Comment on va réussir à l'appliquer? Quelles sont, selon vous, les choses qu'on devrait avoir en tête dans cette réflexion-là sur l'applicabilité de ces mesures-là?

Mme Laviolette (Mélanie) : On n'a pas abordé ce sujet spécifiquement avec nos membres, c'est difficile pour moi d'apporter un peu la vision de la fédération par rapport à ça. Il y a une limite à ce que nos points de vue... On représente quand même une grande... 90 % des centres de services scolaires de toutes les régions du Québec, ça représente quand même un vaste territoire, puis les points de vue ne concordent pas nécessairement tout le temps. C'est difficile d'aller chercher un consensus par rapport à ça, puis on n'a pas d'expertise scientifique qui nous dirige, non plus, dans notre réflexion. On préfère, pour l'instant, se fier aux experts pour savoir ce qu'ils en... ce qu'ils en considèrent.

M. Leduc : Merci beaucoup.

Mme Laviolette (Mélanie) : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci. Bienvenue à l'Assemblée nationale. L'an dernier, à peu près à la même période, il y a eu cette consigne du ministre sur l'interdiction du cellulaire en classe. Est-ce que vous étiez en faveur de cette décision?

Mme Laviolette (Mélanie) : On était en faveur de cette décision parce que notre priorité principale était d'enlever les perturbateurs dans la classe, qu'est-ce qui peut empêcher notre enfant de se concentrer, toujours dans une optique d'améliorer ses capacités d'apprentissage. Donc, ça enlevait la distraction.

M. Bérubé : D'accord.

Mme Payne (Corinne) : Mais, je vais ajouter que qu'est-ce qui n'a été pas respecté, dans la directive de la ministre, c'est que les conseils d'établissements, dans tous les milieux, n'étaient pas consultés ou parties de la prise de la décision, puis ça, c'est vraiment triste. Puis, comme on a répété, c'est important que chaque conseil d'établissement, dans chaque école du Québec, joue son rôle décisionnel pour prendre qu'est-ce qui est le meilleur intérêt des élèves dans son école.

M. Bérubé : D'accord. C'est une décision nationale du ministre; moi, je l'ai acceptée. Elle s'applique partout au Québec. J'ajouterais qu'il n'y a plus d'élu, hein? Vous êtes là, les élèves sont là, mais il n'y a plus d'élu. Alors, ça change la dynamique, pour un député, en tout cas, on n'a pas accès à vous si facilement. Même les listes des parents ne sont pas si facilement accessibles pour les élus. Le gouvernement a déjà fait ça pour les lieux de prière aussi, une consigne nationale qui a été appliquée, qui n'a pas vraiment fait trop de problème.

Donc, pour la suite, je comprends que, si le fruit des recommandations devenait des politiques, ou des consignes, ou des indications claires du ministre, vous voulez vraiment que ça ne soit pas national, que ce soit par centres scolaires ou par écoles. Alors, vous comprenez que, dans un même quartier, il pourrait y avoir une application différente. On pourrait même avoir des gens qui choisissent leur école en fonction des politiques applicables. Êtes-vous conscientes de ça? Si l'enfant, lui, il veut avoir son cellulaire... Je vais aller à l'autre école.

Mme Payne (Corinne) : Bien, je vais utiliser un exemple que j'ai rencontré, une enseignante, l'année passée, quand cette directive-là est tombée, puis elle a dit : Moi, dans mon cours de sciences, j'utilise le téléphone cellulaire comme un outil pédagogique, parce que, quand un enfant me pose une question, aujourd'hui, je ne sais pas toujours la réponse parce qu'il y en a tellement, d'informations. Je vais leur dire : Cherchez, vous tous, sur votre téléphone, puis on va comparer. Est-ce que votre source est bonne? Est-ce que l'information est bonne? Est-ce que c'est fidèle? Puis on peut discuter ensemble. Puis ça, c'est un exemple concret comment on peut utiliser un outil pour éduquer nos enfants comment utiliser l'outil éthiquement. Alors, voilà.

M. Bérubé : O.K. Avez-vous l'impression que c'est plutôt l'exception? Quand je suis allé remplacer, dans une école secondaire, on donnait le choix — une école secondaire de Matane — certains pouvaient le permettre, les enseignants, dans la classe, d'autres non. Dans certains cas, ils me disaient : Si je ne le permets pas, je vais avoir des cas de discipline à gérer, ça fait que j'aime mieux les laisser faire. Ça existe. Et ce n'était pas pour des applications scientifiques, c'était pour TikTok, pour Instagram, pour différentes applications qui n'ont rien à voir avec l'école. Donc, ces cas-là, ils sont fabuleux, celui que vous évoquez, j'ai l'impression qu'ils sont très minoritaires.

Mme Payne (Corinne) : Bien, qu'est-ce qui arrive, c'est... cette enseignante-là, qu'est-ce qu'elle m'a dit, c'est : elle n'était même pas dans la discussion de direction, ou je ne sais pas qui a décidé ça va être comme ça, puis on ne peut... je ne peux même pas utiliser cet outil-là. Alors, oui, c'est une exception, mais dans chaque milieu, puis, je pense, Mme Laviolette a bien dit, dans chaque milieu, il faut prendre les décisions pour ce milieu-là.

M. Bérubé : En terminant, je vous suggère que, par exemple, la politique qui est annoncée par le ministère... c'est que c'est interdit et qu'il y a le fardeau de dire : Oui, mais il pourrait y avoir des exceptions qu'on est capables de démontrer. Ça, est-ce que vous seriez à l'aise avec ça?

Mme Payne (Corinne) : Bien, c'est comme ça, la directive a été écrite l'année passée, mais le milieu n'était pas dans la discussion, partout.

M. Bérubé : Oui, mais l'application n'est pas tout à fait comme ça. Oui, d'accord. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Merci beaucoup, mesdames, monsieur, d'être avec nous aujourd'hui, et, en tout cas, un gros merci pour votre mémoire que vous avez partagé. J'avais des questions. J'ai bien entendu que vous voulez préconiser l'éducation à l'interdiction, donc je comprends bien votre point de vue, et puis aussi que les parents ne se sentent pas outillés face aux réseaux sociaux de leurs enfants, souvent par méconnaissance, aussi, de ce qui se passe sur les plateformes, et tout ça. Donc, vous avez mentionné : Éduquons-nous en tant qu'adultes.

J'avais deux volets à ma question : De quelle façon vous verriez, justement, cette forme d'éducation là pour les adultes et pour les jeunes? Est-ce que... De quelle façon on pourrait aborder ça? Avez-vous déjà songé ou discuté de la manière, oui, de rejoindre les parents, ça, je le comprends, mais de quelle façon ça pourrait être fait auprès des parents?

Mme Laviolette (Mélanie) : On utilise souvent, à la fédération, des webinaires où on fait venir des experts qui vont s'adresser aux parents qui le souhaitent, sur inscription, souvent gratuit, d'ailleurs, pour leur permettre de comprendre différents enjeux. Ça peut être... justement, on parlait des conseils d'établissement, pour comprendre, aux parents, l'importance et l'influence qu'ils peuvent avoir à s'impliquer dans ces instances-là; mais ça pourrait être des formations qui sont plutôt ciblées sur ce type d'enjeu là, on rejoint quand même plusieurs, plusieurs parents de cette façon-là; d'avoir une meilleure diffusion auprès des écoles également, pour inviter les parents à se joindre à ces formations-là quand c'est ouvert, parce qu'il n'y a pas de limite, des formations en ligne, on peut... on peut être le nombre qu'on veut, c'est ça qui est merveilleux; de rejoindre les parents avec des experts qui connaissent les réseaux sociaux où se tiennent nos jeunes, parce que ça va très vite. Et les enfants, nos enfants ne sont pas sur Facebook, le réseau social qu'on connaît le mieux, ils sont ailleurs. Il faut qu'on les trouve. Mais il faut qu'on comprenne comment ces réseaux-là fonctionnent, également, pour être en mesure de faire la prévention qui est nécessaire.

Mme Payne (Corinne) : Puis je pense que ça prend une place où les parents peuvent aller conseiller, puis avoir confiance, et les bons conseils, puis avoir la bonne information. Je veux aussi dire l'exemple Alloprof. Tout le monde ici sait c'est quoi, Alloprof. Est-ce que ça... Alloprof Parents, aussi. Tu sais, ça prend un Allo aidez-moi avec les médias sociaux, parce que je ne comprends pas c'est quoi, TikTok puis la prochaine nouvelle qui va arriver. Mais ça prend une place que les parents peuvent appeler, comme à Info-Santé. Je ne sais pas, vous autres, mais quand j'ai accouché le premier enfant, là, je pense que j'avais la ligne directe à Info-Santé : Le nez coule, si ça... Alors, c'est une place fidèle où on peut appeler puis avoir des informations justes, pas juste à l'école. Puis, je pense, ça, c'est important, on ne veut pas que tout le fardeau, ça tombe à l'école, il faut que ça tombe à toute la société québécoise.

Mme Gendron : C'est intéressant, parce que vous parlez, justement, d'une application pour... en tout cas, tu sais, de consulter une application pour, finalement, trouver un moyen de ne pas utiliser les réseaux sociaux. Mais je comprends très bien votre point de vue, mais c'est la réalité d'aujourd'hui. C'est ça.

Mme Payne (Corinne) : Les écrans, ils ne partiront pas demain, hein?

• (12 h 10) •

Mme Gendron : Oui, exactement. Mais j'ai une autre question par rapport à ça. Vous aviez parlé du conseil d'établissement, puis je comprends, puis je m'en vais un peu sur la même lignée que mon collègue de Matane. En fait, si vous dites qu'un professeur, lui, dans sa classe, utilise, justement, des applications, quelque chose, même si le conseil d'établissement fait une réglementation à même l'école, donc, chaque professeur pourrait avoir sa façon de fonctionner, donc certains professeurs auraient accès. Donc, de quelle façon vous pourriez penser que le conseil d'établissement pourrait vraiment faire une règle? Est-ce que vous pensez que ça peut se faire et puis si toutes les parties prenantes, parents, enfants, enseignants puis tous les soutiens, pourraient être d'accord avec la décision du conseil d'établissement?

Mme Payne (Corinne) : Bien, une école, c'est une démocratie aussi, hein, c'est un milieu de vie, puis, oui, il y a des moyens qui peuvent... Et, dans chaque école du Québec, il y a un code, un code de vie qui dit que vous ne pouvez pas laisser vos sacs à dos dans tel coin de l'école. J'exagère, là, mais... Aussi, ça peut être instauré dans le code de vie de l'école. Puis ils peuvent faire un référendum, dans une école, et faire des élections, dans des écoles secondaires, pour choisir le député de chaque classe. Alors, ils peuvent demander c'est quoi, puis, si 80 %, 90 %, 75 % veulent telle affaire, bien c'est ça qui va devenir notre règle.

Puis il faut apprendre... faire apprendre nos jeunes que la démocratie, ça se met en place. Vous avez votre... vos mots à dire, on va faire une commission, dans notre école, pour qu'est-ce qu'on veut puis après on va mettre en place les règles que la majorité de la démocratie décide qui vont être mises en place. Je pense, ça va être un service à faire à nos jeunes qui apprennent ça, puis ils prennent acte, puis ils sont participatifs de qu'est-ce qui se passe dans leur école. Mme Laviolette a dit : La pire chose que tu peux dire, c'est de présenter quelque chose quand c'est tout fait puis canné. Vous êtes les premiers, je pense, les députés, que, si... n'importe qui qui vous présente quelque chose tout canné, vous allez la critiquer de tous les bords puis tous les côtés. Alors, les enfants ou des humains sont comme ça, il faut les mettre parties prenantes dans les décisions, puis il va y avoir plus d'adhésion, je suis sûre.

Mme Gendron : C'est très intéressant. J'ai sûrement plusieurs autres questions, mais je pense que je vais laisser la parole à mes collègues. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Donc, effectivement, comme mon collègue le mentionnait, je pense qu'il y a une belle effervescence, aujourd'hui, alors qu'on commence les travaux. Donc, je pense que ce n'est pas anodin que vous soyez le premier groupe qu'on entend aujourd'hui, ce que... on le sait, donc, les parents, donc, vous êtes, donc, les premiers vecteurs, donc, de cette éducation.

Ma question, ma première question, s'enlignait, bien, en fait, dans la même ligne que ma collègue, donc, de Châteauguay, donc, sur le comment outiller les parents. Je pense que vous avez quand même, bon, répondu. Dans le fond, donc, vous souhaiteriez, donc, avoir soit, donc, un organisme ou une institution, donc une ligne, là, à laquelle, donc, vous pourriez appeler, donc, en laquelle vous auriez confiance, pour être capable, donc, d'être outillé sur les différents points. Vous classez les enjeux de sentiment de compétence, donc la cyberdépendance, la vie privée, l'utilisation des réseaux sociaux, donc, ça, ça semble clair.

Ensuite, j'aimerais peut-être vous entendre sur la question des écrans récompenses, parce que notre mandat s'est peu penché sur cette question-ci, quand on le définissait. Mais, dans votre mémoire, vous vous êtes quand même posé la question puis vous avez sondé vos membres sur cet enjeu-là. D'abord, vous entendre sur la prévalence de l'enjeu des écrans récompenses, puis ensuite, quand vous dites que vous ne souhaiteriez pas nécessairement l'interdire, parce qu'il n'y a pas de consensus là-dessus, mais l'encadrer, à ce moment-là, donc, comment l'encadrer? Est-ce que ce serait aussi au niveau des conseils d'établissement avec... ou une directive plus nationale? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Laviolette (Mélanie) : Je vous dirais que l'écran récompense était, à une certaine époque, une activité spéciale. C'était le vendredi, avant qu'on soit... avant le congé de Noël ou dans la dernière semaine de classe. Ce qu'on entend maintenant, malheureusement, c'est que ça devient une habitude. C'est les vendredis après-midi, c'est... il manque un enseignant, c'est... un suppléant va passer un film, on va regarder des vidéos. Pendant qu'il passe des feuilles, vous pouvez regarder un vidéo sur votre téléphone. C'est rendu la norme.

Et puis on en discutait ce matin en préparation de venir vous rencontrer puis on se disait : On n'apprend plus à nos enfants à se gérer ou à gérer leur temps. C'est comme si on se devait de les occuper constamment, à temps plein. Puis ça a du bon pour eux de s'ennuyer un petit peu ou de se trouver une alternative pour s'occuper, au lieu de se pencher vers l'écran. Puis je le dis en toute humilité, on le fait tous comme parent, c'est le premier réflexe qu'on a de se pencher la tête, de regarder notre téléphone, au lieu de discuter, d'échanger, de socialiser, de dialoguer avec nos pairs. Donc, c'est à ce niveau-là.

L'écran récompense, c'est bien, c'est une activité spéciale, c'est festif, c'est joyeux. Il ne faut pas que ça remplace un cursus scolaire, il ne faut pas que ça bouche des trous dans l'apprentissage de nos enfants. Il y a d'autres moyens de les occuper.

Mme Cadet : Et là, donc, puisque vous dites que vous souhaitez l'encadrer, donc, ce serait aussi au niveau des conseils d'établissement que vous préfériez le faire?

Mme Laviolette (Mélanie) : Il faudrait qu'une directive claire arrive des conseils d'établissement, mais peut-être que ça doit être un message qui est passé. Est-ce que ça doit être une interdiction aux écoles de procéder de cette façon-là? À voir. Mais une sensibilisation claire, officiellement, devrait être faite.

Mme Cadet : Au niveau du gouvernement du Québec, là, vous avez vraiment cette ouverture-là pour cet enjeu-ci?

Mme Laviolette (Mélanie) : Oui, il faut sensibiliser les gens à la surutilisation des écrans quand ce n'est pas nécessaire.

Mme Payne (Corinne) : Puis il y a un guide qui existe, parce que le comité de parents, avec le centre de services de Bois-Francs, ils ont déjà fait un guide. Alors, inspirez... utilisez-le comme un gabarit pour aider les autres. On n'a pas besoin de réinventer la roue 72 fois pour chaque centre de services, chaque commission scolaire, ni 2 500 fois pour chacune des écoles, inspirez des bonnes pratiques et des outils qui sont déjà créés.

Mme Cadet : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Il nous reste six, sept minutes et j'avais la députée de D'Arcy-McGee et le député de Gaspé. Alors, Mme la députée.

Mme Prass : Merci. Merci de votre présence, de votre mémoire, présentation. Ma question est un petit peu sur le même sujet que celle de ma collègue. Donc, si je comprends bien, est-ce que vous direz que l'idée de l'écran récompense ne devrait juste pas être présente dans les écoles? Parce que, là, on renforce l'idée que l'ultime récompense, c'est d'avoir son téléphone. Et c'est comme si on... bien, c'est ça, on renforce cette idée que, justement, on ne veut pas que nos jeunes aient. Et, comme vous dites, qu'ils s'ennuient, ou qu'ils sortent à l'extérieur, ou qu'ils vont à la bibliothèque, peut-être, c'est ça, leur récompense, plutôt que le téléphone. Donc, est-ce que vous prendrez que ça ne devrait juste pas faire partie de la réalité dans les écoles?

Mme Laviolette (Mélanie) : Je vais faire un parallèle avec l'alimentation. C'est de faire comprendre à nos enfants qu'un yogourt aux fraises, c'est une aussi belle récompense que le suçon. Tu sais, finalement, il faut juste changer ça un petit peu, changer le focus qu'on met sur l'écran. Puis c'est moins... Nos enfants sont habitués de l'avoir entre les mains, ils ont les consoles, ils ont la télévision, ils ont les ordinateurs, ils ont les cellulaires dans leurs poches. C'est moins... c'est moins une surprise ou c'est moins magique que ça pouvait l'être à l'époque où ce n'était pas aussi accessible. Mais il faut juste leur faire comprendre qu'il y a des récompenses qui sont intéressantes, aussi.

Puis c'est surtout que ça ne devienne pas une gardienne, un... je vais dire un bouche-trou ou un bouche-temps, dans le cursus scolaire de nos élèves. Le film est toujours intéressant, et c'est intéressant parce que ça n'arrive pas souvent. Quand ça devient... Il y a des enfants qui nous le disent, il y a des jeunes qui nous le disent, même eux trouvent que c'est trop, parfois, parce qu'ils aimeraient faire autre chose. Alors, c'est peut-être le temps de les écouter, aussi, ces enfants-là. On dit souvent que c'est eux, le problème, parce qu'ils veulent les utiliser. On leur ouvre grand la porte. Mais, si on prend la peine de les écouter, même eux sont conscients que ça a un impact sur leur apprentissage et sur leur capacité à socialiser.

Mme Prass : Oui. Puis je vous dirais même, mon fils vient de commencer à une nouvelle école, puis ça lui est arrivé, la semaine dernière, il avait une remplaçante... bien, en fait, le prof n'était pas là, puis ils leur ont dit : Bien, vous avez votre téléphone, ça fait que vous pouvez passer le cours là-dessus. Puis il m'a dit : Je trouve ça poche, je ne comprends pas, je suis à l'école, puis on m'a dit que je peux aller sur mon téléphone, tandis que, tu sais, il y a d'autres choses à faire. Donc, je pense que... comme j'ai dit, pour moi, renforcer cette idée que la récompense ultime, c'est le téléphone, on fait le contraire, justement, de ce qu'on voudrait que nos enfants reconnaissent.

Mme Laviolette (Mélanie) : Ils l'ont toujours, ils sont... Pour eux, ce n'est pas une récompense, c'est... Nous, on le voit comme une récompense, mais pour eux ce n'en est pas tant une parce qu'ils l'ont toujours avec eux, de toute façon. Alors, c'est de trouver une récompense qui les intéresse et, pour ça, les sonder et leur parler, c'est important. Ils vont nous le dire, eux, ce qui les intéresse et ce qu'ils ont envie de faire.

Mme Prass : Merci beaucoup.

Mme Laviolette (Mélanie) : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. D'abord vous remercier de votre présence, de participer à l'exercice. Très intéressant, toujours stimulant, là, d'entendre les gens qui sont sur le terrain avec nos enjeux.

Si vous le permettez, moi, j'aimerais sortir un peu de l'école, dans le sens où, vous l'avez dit, hein, nous sommes plusieurs parents, ici aujourd'hui, donc on a une relation à l'école mais on a aussi une relation d'école à la maison. Comment vous voyez la responsabilité parentale, en dehors du circuit de l'école, avec les enfants, sur le sujet des écrans?

Mme Laviolette (Mélanie) : Je vais faire un parallèle avec l'autre sujet qui nous interpelle beaucoup, qui est la violence et l'intimidation. C'est important de parler à nos enfants pour leur expliquer l'impact que ça a, une surutilisation des écrans. Il y a également l'impact que ça peut avoir sur la diffusion qu'ils font des informations, que ce soient leurs informations personnelles, mais également des vidéos partagées. C'est important pour eux de comprendre l'impact que ça peut avoir sur le collègue à l'école.

C'est à nous aussi, comme parents, de donner l'exemple. On a le droit de s'accorder une pause de déconnexion des écrans, de passer du temps avec eux. On le mentionnait, on ne peut pas dire à nos enfants : Lâche les écrans, pendant que nous, on regarde notre cellulaire. Ça n'a aucun sens. On se doit, nous aussi, comme société en général, de porter un regard sur notre surutilisation des écrans et des réseaux sociaux.

Puis il faut qu'on parle à nos enfants. La priorité est là. On éduque nos enfants sur plein de sujets, on les éduque à ce niveau-là aussi. Mais, la préoccupation des parents, tu sais... : Je veux bien le faire, mais je ne sais pas encore comment. Donc, il faut trouver des outils, des solutions pour les outiller. Ils sont prêts à le faire, ils ne savent juste pas comment l'aborder.

• (12 h 20) •

Mme Payne (Corinne) : On a trouvé le moyen comment parler avec nos enfants sur le tabac, sur les drogues, sur les relations sexuelles, alors, je pense, on peut trouver le moyen aussi, si on est équipés nous-mêmes... avec, je vais dire, les bonnes campagnes de sensibilisation de Juste dis non. Je ne sais pas s'il y avait cette campagne-là, mais, dans mon époque, c'était : Juste dis non. Alors, je pense, c'est de trouver la façon, pour les parents puis toute la société, de réaliser qu'est-ce qu'on est en train de faire.

M. Sainte-Croix : Notre réflexion devrait donc plus largement toucher les parents, aussi, les parents dans le quotidien, et non pas simplement le réseau scolaire, la dynamique scolaire, la pédagogie, le loisir, la récompense — j'accroche beaucoup sur la récompense — et plus largement toucher aussi nos relations comme parents, dans un contexte familial, et la gestion de cette information-là avec nos enfants. Vous jugez que c'est important si on veut cheminer?

Mme Laviolette (Mélanie) : J'ai tendance à être en accord avec vous sur cette affirmation parce qu'on... l'éducation et l'instruction, c'est deux choses, mais c'est interrelié. Quand on parle d'éducation, c'est à tous les niveaux. On doit travailler ensemble, et ça doit se transposer d'un côté à l'autre. On ramène souvent le message de l'importance de la communication, que ça soit dans les deux sens, que l'école communique avec le parent, mais que le parent soit en mesure de communiquer avec l'école aussi. Si on est concertés, si on travaille ensemble, si on est à l'écoute l'un de l'autre, c'est sûr qu'il y a de belles choses qui vont sortir de là. Mais oui, il faut faire la prévention auprès des parents, leur faire comprendre l'importance que ça a de s'intéresser à l'enjeu des écrans chez leurs enfants et d'amener le message qu'il faut travailler avec l'école aussi. Ce n'est pas... Il faut arrêter de travailler en silo, il faut vraiment qu'on s'habitue à travailler ensemble.

M. Sainte-Croix : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Il reste 20 secondes. Le mot de la fin? Oui, M. le député de Jonquière, allez-y.

M. Gagnon : Je veux juste vous poser une question. J'y vais rapidement. Un conseil d'établissement connaît son milieu, veut prendre sa propre prise de décision, on l'a bien entendu. Est-ce qu'il serait intéressant, avant une prise de décision, qu'on aille de l'avant vers une... du moins pour les conseils d'établissement, vers une formation nationale, tout de même?

Mme Laviolette (Mélanie) : Oui. Oui. C'est...

M. Gagnon : Parfait.

Mme Laviolette (Mélanie) : La réponse ne peut pas être plus claire que ça.

M. Gagnon : Parfait.

Mme Laviolette (Mélanie) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci à tous pour votre contribution.

Donc, la commission spéciale suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Et j'en profite pour souhaiter un joyeux anniversaire à notre collègue députée d'Iberville. Alors, bonne fête, madame. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 14 h 02)

La Présidente (Mme Dionne) : Donc, bon après-midi à tous. Nous sommes de retour en Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. Alors, nous reprenons nos travaux. Je demande à tous ceux et celles qui ont des portables ou appareils électroniques de bien vouloir éteindre la sonnerie.

Donc, nous poursuivons les consultations particulières cet après-midi avec... dans le fond, nous accueillons aujourd'hui le Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne, l'Association des entreprises pour le développement des technologies éducatives au Québec et la Confédération des syndicats nationaux.

Donc, je souhaite la bienvenue à notre représentante du Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne, Emmanuelle. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé. Suite à cela, nous disposerons de 35 minutes d'échange, de questions avec les membres de la commission. Alors, vous pouvez, d'entrée de jeu, vous présenter et nous transmettre votre exposé.

Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne (CIEL)

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui. Alors, merci vraiment de me recevoir. Donc, oui, mon nom est Emmanuelle Parent. Je suis cofondatrice, directrice générale du Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne. Je suis aussi docteure en communication, en recherche sur les réseaux sociaux chez les jeunes.

Et puis la mission du CIEL, donc, c'est le petit surnom du Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne, c'est de faire de la sensibilisation et de l'éducation sur les enjeux du numérique qui touchent notre bien-être, puis on le fait particulièrement avec un programme de prévention, d'ateliers pour prévenir les méfaits des écrans dans les écoles primaires et secondaires. Donc, on fait ça depuis 2020. Depuis 2020, on a parlé à plus de 28 000 ados entre 12 et 17 ans, et, depuis la dernière année, on a parlé aussi à plus de 9 000 enfants dans les écoles primaires. Donc, c'est un honneur pour moi aujourd'hui de pouvoir vous ramener qu'est-ce qu'on entend dans les classes, qu'est-ce que les jeunes disent de leur relation avec les jeux vidéo, les réseaux sociaux.

Bon, j'ai huit leçons pour vous aujourd'hui, mais on va commencer avec une très importante. On entend : Les jeunes sont tout le temps sur leur cellulaire, les jeunes, ils veulent tout le temps aller vers les écrans, ça ne se parle plus, ça ne se voit plus en face à face. Durant cette commission, on voit qu'on va mettre nos jugements de côté, en fait, pour une première leçon qui est : Les écrans sont un problème d'adultes, pas juste sur... une responsabilité sur les épaules des enfants. Puis on doit assumer, donc, en tant qu'adultes, la responsabilité d'avoir incité, encouragé, offert ces outils technologiques là aux enfants puis de les avoir aussi punis et maintenant jugés pour ce qu'on a accompli. Donc, je vais avoir l'air de vous chicaner un peu, mais ça va finir positif, promis.

Donc, ce que je veux dire par là, c'est que ce sont... Quand tu dis que c'est un problème d'adultes, c'est que ce sont des adultes qui ont développé un modèle d'affaires qui est basé sur la collecte de données, qui capitalise sur l'attention des jeunes. C'est aussi des adultes qui n'ont pas régulé, hein, ce milieu-là et qui fait qu'on appelle ça des fois le Far West des grandes technologies. C'est aussi des adultes qui achètent le premier téléphone intelligent aux enfants. C'est des adultes qui décident si on donne des iPad ou des Chromebook dans les écoles. C'est aussi des adultes, dans les milieux de travail, qui demandent à d'autres adultes de regarder leurs courriels le soir puis des adultes qui, à l'heure du souper, sortent leur téléphone sous les yeux des enfants, qui nous en parlent dans les classes. C'est des adultes qui emploient des enfants... bien, des enfants, non, mais des ados, des jeunes, et qui les textent, qui essaient de les contacter sur les heures scolaires.

Puis nous, on enseigne aux enfants puis aux ados que c'est important de se réunir en face à face, mais c'est aussi des adultes qui se plaignent que les jeunes jouent au hockey dans la rue, puis des municipalités qui envisagent d'enfreindre ça, ces jeux-là. C'est aussi des adultes, dans les lieux publics, qui jugent que les enfants sont bruyants, mais qui jugent aussi les enfants quand ils ont la tête dans leurs écrans. C'est des adultes... Tu sais, nous, on enseigne aux enfants que c'est important, une heure d'activité physique par jour, mais c'est aussi des adultes qui décident de baliser ce nombre d'activités physiques par jour là dans le système scolaire. Puis, quand nous, on enseigne aux jeunes d'aller chercher de l'aide, c'est nous, en tant qu'adultes, qui sommes responsables du système de santé, qui leur répond : Peut-être une liste d'attente de six mois avant qu'on puisse répondre à... puis donner des soins psychologiques.

Comme j'ai dit, je ne dis pas ça pour vous chicaner. Le but, ce n'est pas de culpabiliser, c'est de se responsabiliser. On a un pouvoir énorme sur l'utilisation du numérique chez les jeunes puis on est capables, de façon transversale, en ne parlant pas juste d'écrans, mais aussi de santé physique, de santé psychologique, de vie privée, de faire un changement dans leur vie. On part avec les... On part avec les leçons. Je vais vous donner des témoignages d'enfants puis d'ados pour chacune de celles-là.

N° 1, les jeunes voient les adultes. Ce qu'on entend le plus chez les enfants, quand on leur demande : Qu'est-ce que vous voulez qu'on dise aux décideurs, aux parents, c'est : Oui, oui, oui — la petite main dans les airs — dites à mes parents de lâcher leurs téléphones, dites à mes parents de ne pas prendre leurs téléphones quand je leur parle en même temps. Chez les ados, on ne voit pas cette candeur de vouloir l'attention des adultes, on se justifie, on dit : Bien, si les parents sont devant la télé, si les parents jouent à Candy Crush, sont sur leur cell, sur Facebook, ce réseau social de vieux, n'est-ce pas, eh bien, nous aussi, on va l'être, sur les écrans. Donc, les études le montrent aussi, que le temps d'écran, en fait, chez les parents, peut être un prédicteur de plus haut temps d'écran chez les jeunes. Bonne nouvelle, cependant, c'est que, selon un dernier sondage de PAUSE, mené par Léger en 2024, il y a 90 % des parents qui sont prêts à réduire leur temps d'écran, mais il faut les aider. 37 % d'entre eux disent que ça va être pas mal difficile.

Leçon n° 2, les jeunes reconnaissent que l'utilisation des plateformes, bien, oui, c'est difficile à réguler. Ils vont nous dire : Quand tu entres dans TikTok, tu ne sors pas de TikTok ou... Ça, c'est un jeune au secondaire ou un jeune au primaire qui me dit : Bien, ma Xbox est dans ma chambre, je regardais des vidéos dessus avant de me coucher, bien, puis, même si j'étais fatigué, je voulais vraiment savoir c'était quoi, la prochaine. Donc, c'est difficile de se réguler, et les jeunes, ils le savent, que c'est difficile de lâcher Fortnite, de lâcher son cell, de lâcher TikTok, les «reels», les «shorts», YouTube. On les nomme tous, puis ils sont irrités par cette perte de contrôle. On les fait regarder leur temps d'écran dans les classes. Ils ont honte. Parfois, ils ne veulent pas nous communiquer le temps qu'ils passent sur leurs téléphones. Ils sentent qu'il y a un jugement des adultes.

Même si je viens dire que c'est difficile à réguler, leçon n° 3, les jeunes ne sont quand même pas des utilisateurs passifs des écrans. Ils mettent en place des stratégies pour s'aider. Donc, il y a des jeunes qui nous disent : Bien, moi, en période d'examen, je supprime mes réseaux sociaux. Il y en a qui disent : Moi, je n'ai pas du tout TikTok, c'est trop addictif, d'autres qui disent : Je me suis mis une limite d'une heure sur mon application, sur Instagram, pour essayer de passer moins de temps là-dessus. Et, chez les enfants, pour faire plaisir aux parents, quand on leur demande c'est quoi, leur truc, ils vont nommer leurs parents, ils disent : Je n'ai pas le goût de passer toute la soirée devant mon jeu vidéo ou devant les écrans, ça fait que mes parents, ils m'aident vraiment à dire : O.K., là, c'est assez, ou O.K., on s'en va faire autre chose.

Leçon n° 4, les jeunes veulent être sur les écrans pour être en contact avec leurs amis. Quand on leur demande : Pourquoi tu as téléchargé les réseaux sociaux?, ils nous nomment : Pour parler avec mes amis. Quand on veut les séparer de leur téléphone, ce qui les inquiète, ce n'est pas nécessairement : Ah non! je n'ai plus cet appareil technologique, c'est : Ah non! je ne pourrai plus être en contact tout le temps avec mes amis, se parler. Et ils se parlent sur Snapchat, un peu sur Instagram, un peu sur Messenger. Le but, c'est justement de continuer cette socialisation-là qui est tellement importante quand on est en plein développement de notre autonomie relationnelle, quand on se définit de plus en plus par nos amitiés, tu sais, à l'âge scolaire.

Puis j'aimerais aussi apporter votre attention sur deux citations où les jeunes vont vraiment chercher du soutien. Donc, ce n'est pas juste de la socialisation, du soutien en ligne. Un jeune de secondaire I nous dit : La situation familiale de mon ami est difficile en ce moment, puis, quand on se connecte pour jouer, c'est son moment pour nous parler, on l'écoute puis après on se change les idées. Donc, quand ils jouent en ligne, les jeunes, ils ne font pas juste dire : O.K., tasse-toi, il y en a un qui arrive. Ils se parlent aussi de leurs problèmes et ils permettent de s'ouvrir.

Celle-là est un peu plus difficile. Il y a un jeune de 16 ans qui nous dit : J'ai reçu des menaces de mort sur Instagram à cause que je fais des dessins de manga. Il vit de l'intimidation, il dit : Je l'ai dit à mes profs, on m'a suggéré de retirer les réseaux sociaux, mais je veux rester sur Instagram parce que c'est la seule place où on ne me niaise pas, j'ai une communauté qui m'encourage dans ce que je fais puis qui m'inspire. Donc, pour des jeunes qui ont des intérêts, qui seraient marginalisés ou qui sont marginalisés, donc, je pense aux femmes, je pense aux jeunes racisés, aux jeunes de la communauté LGBT, les réseaux sociaux, les communautés en ligne deviennent vraiment un soutien que peut-être qu'ils n'ont pas dans la vie en face à face parce qu'ils vivent certaines discriminations.

• (14 h 10) •

Leçon n° 5, donc, oui, elle, elle est longue, mais les autres sont plus courtes, les jeunes ont besoin d'outils de signalement plus efficaces que ceux qui sont déjà en place. Les jeunes veulent plus de contrôle dans les plateformes. Celle aussi... Celle-là aussi est «tough», un jeune du primaire qui est venu voir une de nos animatrices pour lui dire : Madame, comment je fais pour ne plus voir de vidéos de fusillades dans les écoles aux États-Unis sur mon TikTok, comment je fais pour ne pas voir de photos, de vidéos de guerre en Ukraine, en Palestine? Eux, ils vont là-dessus pour se distraire, puis ils n'arrivent pas à contrôler le contenu, puis les parents, même bien intentionnés, ils n'arriveront pas contrôler ce contenu-là non plus. Une autre ado dit : Je suis tannée de me faire proposer des pubs de diète, je ne veux pas maigrir, je me suis abonnée à des bons comptes, mais c'est ça qui s'offre à moi dans les publicités. Puis les jeunes disent aussi : Si tu publies sur les réseaux sociaux, assume que tu peux avoir de la haine. Ça, ça nous fait de la peine parce que, bien, c'est très normalisé, donc, en ligne.

Puis, maintenant, plus sur les jeux vidéo, des ados de secondaire I, II nous disent : Bien, je me fais régulièrement demander mon Insta et mon numéro de téléphone quand je game, quand on entend que j'ai une voix de fille. Puis même des garçons de secondaire II m'avaient raconté qu'ils avaient changé leur avatar de garçon à fille, donc, leur personnage s'affichait comme féminin, puis il a dit : Aïe! Je ne ferai plus jamais ça, je recevais bien trop de messages d'étrangers, d'adultes sur... pendant que je joue. Donc, les jeunes apprennent à naviguer là-dedans, à contourner ça, mais ils veulent plus de contrôle.

Leçon 6, les jeunes détournent les contrôles parentaux. Ils disent qu'ils écoutent des vidéos YouTube pour savoir comment réactiver le wifi, comment amener un téléphone à l'école qui n'est pas le leur pour le mettre dans la pochette.

Leçon n° 7, les jeunes se sentent... ne veulent pas se sentir jugés au moment d'aller chercher de l'aide. Donc, ils disent : Je n'ai pas dit à mes parents que j'avais publié sur TikTok par accident parce que je ne voulais pas me faire chicaner — là, ils sont allés vers une autre personne de confiance — ou : Mes profs vont dire : Ah! encore une affaire de réseaux sociaux. Donc, je ne dis pas que les profs vont juger, pas du tout. Je pense qu'ils accueilleraient bien ces problématiques-là, mais les jeunes se sentent jugés puis ça les effraie d'aller consulter puis d'aller chercher de l'aide pour ça.

Puis, huitième leçon, les jeunes sont prêts à aborder la question du numérique, mais avec nuance et bienveillance. Si on arrive avec un ton paternaliste et moralisateur, ils vont probablement être sur la défensive puis vous nommer tous les bienfaits des réseaux sociaux, alors que, si on arrive avec une écoute ouverte, ça va.

Trois recommandations à l'issue de ces leçons...

La Présidente (Mme Dionne) : ...mais je... voulez-vous poursuivre?

Mme Parent (Emmanuelle) : Vous pouvez me le poser en question.

La Présidente (Mme Dionne) : ...mais on va vous laisser terminer, hein? C'est très intéressant. D'accord, allez-y, continuez.

Mme Parent (Emmanuelle) : Merci pour ces secondes supplémentaires.

Donc, la recommandation n° 1, l'éducation et la sensibilisation. Les jeunes, je dis qu'ils ont des outils, mais ils n'en ont pas tous. Ils n'ont pas tous des connaissances sur leur... la vie privée, c'est quoi, les signalements qu'ils peuvent faire, etc. Donc, vraiment les informer, informer aussi les adultes autour d'eux qui peuvent les aider, les parents, le personnel scolaire, etc.

Deuxièmement, deuxième recommandation, bien, parler de bien-être associé au numérique chez les jeunes, c'est parler de bien-être global. Ça fait que, quand on développe des parcs puis on met des parcs dans les villes, ça diminue le temps d'écran des tout-petits. Quand on a des activités abordables, accessibles autour de chez eux, ça leur offre des alternatives aux écrans.

Puis la troisième recommandation, c'est que... Tu sais, je vous ai dit que les jeunes, ils avaient honte, des fois, de nous dire leur temps d'écran. Bien, c'est que la honte, là, là, il faut qu'elle change de temps... il faut qu'elle change de camp. Ce n'est plus les enfants puis les ados, là, qui doivent avoir honte de venir vers nous quand ils ont des difficultés, mais c'est plus ceux et celles qui exploitent les vulnérabilités psychologiques, les vulnérabilités des jeunes pour faire des profits, qui, eux, devraient avoir honte.

En ce moment, les plateformes comme Meta et Alphabet, qui ont Google, Snap Inc., ByteDance, ils se vantent, là, à coups de communiqués de presse, de toutes les initiatives qu'ils font pour le bien-être des enfants, mais on le sait, qu'il faut qu'ils répondent à des incitatifs financiers. Je, eh oui, moi, Emmanuelle... mais est-ce qu'on leur fait vraiment confiance pour prendre en charge le bien-être des enfants? Bien non. Ça fait qu'on est mieux de réguler les plateformes numériques et l'industrie du jeu vidéo.

Donc, voilà, c'est tout. Ça fait que, chaque adulte, prenons responsabilité, avec empathie, pour les jeunes, mais aussi avec beaucoup, beaucoup de courage pour aller cogner aux portes des grandes entreprises. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Emmanuelle, pour ces partages de jeunes qui sont nos... notre clientèle première de cette commission. Alors, je donnerais la patronne maintenant à la députée d'Iberville... de, oui, Iberville, oui, tout à fait, allez.

Mme Bogemans : Merci. Avez-vous des exemples précis? Le dernier point que vous avez nommé, justement, être capable de mieux réguler les plateformes, les jeux vidéo, des mesures concrètes, ça serait quoi?

Mme Parent (Emmanuelle) : Absolument, je vais prendre un exemple d'un projet... Il y a plusieurs projets de loi actuellement, que ce soit... surtout au Royaume-Uni, en Europe, aux États-Unis ou en Australie. C'est les quatre qu'on nomme le plus souvent, dont on peut s'inspirer. Celui aux États-Unis, par exemple, qui est le Kids Online Safety Act, puis il y a aussi un Privacy... bon, pour la vie privée, va aller dans différents points.

Un premier, c'est d'implémenter des fonctionnalités davantage. Tu sais, pour réguler les plateformes, ils ont demandé de mettre plus de fonctionnalités pour des signalements pour prévenir les problèmes associés à la haine, à l'exploitation sexuelle, pour que les jeunes puissent appeler à l'aide, pour, tu sais, direct, signaler si quelqu'un leur semble louche, puis que ce n'est pas le réseau social qui leur répond : Non, non, cette personne, qui s'appelle X823, ne contrevient pas aux règles de la communauté même si elle vous a dit salut, tu sais. Donc, des meilleures fonctionnalités...

Deuxièmement, c'est des fonctionnalités par défaut pour les mineurs. Donc, toute personne qui a sous 18 ans ou sous 16 ans, elle aurait des communications restrictives. Donc, il y a moins d'inconnus qui peuvent entrer en contact avec toi. Ils n'ont aucun accès, disons, à tes données personnelles. Il y a possibilité de supprimer ton compte et les données qui y sont associées sur le réseau social.

Puis un troisième point, c'est plus d'outils pour les parents aussi lorsqu'une personne mineure crée un compte, que ce soit sur les jeux vidéo, là, en ligne ou réseaux sociaux, que ça permette aux parents de pouvoir plus gérer la vie privée, réduire les achats qui peuvent être faits, qu'il y ait des mécanismes de signalement aussi pour les parents qui s'inquiètent.

Puis le dernier point, c'est des rapports de transparence. Donc, combien de comptes ont été retirés? Combien d'adultes, là, ont été signalés pour parler... tu sais, des inconnus qui parlent à des enfants? Puis est-ce que les données peuvent être transmises à la recherche pour qu'on puisse mieux comprendre à quoi ça ressemble, une utilisation problématique, tu sais, concrètement, là?

Donc, ça, c'est des lois qui... un projet de loi qui est mis en place. Puis, au Royaume-Uni, justement, je donne ce petit exemple-là puis je vais prendre une autre question, là, mais, récemment, ils ont... ça a justement fait reculer une nouvelle fonctionnalité de TikTok qui visait à ce que les utilisateurs, même mineurs, cumulent des points. Donc, moi, si j'ai 14 ans, j'ai 13 ans, je suis sur TikTok, à chaque fois que je like quelque chose, que je regarde des contenus, que je commente, j'accumulerais des points, puis là ces points-là peuvent être transférables en points Amazon, ou transférables sur PayPal, ou des des points TikTok. Donc, vous voyez le... Tu sais, donc, c'est une mécanique marketing, mais là, donc, le fait qu'il y a un projet de loi qui ressemble à ce que je viens d'énumérer a fait que ça n'a pas passé puis, en ce moment, ça a été retiré.

Mme Bogemans : La meilleure façon d'aiguiser le sens critique des jeunes par rapport à ce que vous venez de nommer, ce serait quoi?

Mme Parent (Emmanuelle) : Une première étape, je pense, ça commence par une introspection, très important. C'est un problème complexe, puis il n'y a pas deux jeunes qui sont pareils. Il y en a qui sont plus des gamers. Il y en a qui sont plus sur les réseaux sociaux. Même parmi ceux qui sont sur les réseaux sociaux, il y en a qui adorent regarder des vidéos, tandis qu'il y en a d'autres que c'est plus un stress associé à écrire à leurs amis ou à vivre justement de la haine en ligne. Donc, c'est vraiment de commencer avec du cas par cas puis d'amener les jeunes à se poser des questions sur leur propre utilisation parce, tu sais, ils sont nés là-dedans. Ça fait que, souvent, ils le prennent pour acquis.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Hull avait une question, ensuite le député de Marquette.

Mme Tremblay : Oui, toujours dans la même ligne de ce que vous venez de mentionner, ça a un lien, bien, tout dans la régulation, là, au niveau de... Tu sais, tantôt, vous avez parlé... hein, ils reçoivent des images, des vidéos ou du contenu qui s'adresse à eux, mais qu'ils ne souhaitent pas nécessairement voir. Donc, est-ce que ça va... Est-ce que ça serait une autre façon de réguler les plateformes? Est-ce que ça aussi, ça se fait ailleurs dans le monde?

Mme Parent (Emmanuelle) : 10 sur 10, oui.

Mme Tremblay : Ça se fait aussi. Vous ne l'avez pas nommé, mais...

Mme Parent (Emmanuelle) : Ça se fait. Non, je ne l'ai pas nommé, en effet, puis c'est une bonne façon... En fait, justement, avec le projet de loi au Royaume-Uni, entre 2017-2024, là, il y a plus de 120 fonctionnalités comme ça, là, qui ont été retirées ou qui ont été mises à jour, tu sais, que... puis une d'entre elles, c'est justement ce que vous venez de nommer, de dire qu'il y a des inconnus qui ne peuvent pas nous envoyer de photos, ou, sur Snapchat, par exemple, un inconnu ne peut pas m'ajouter à moins qu'on ait un grand nombre d'amis en commun, donc, là, pour faciliter que quelqu'un dans ma classe peut m'ajouter, mais quelqu'un qui ne me connaît pas du tout ne puisse pas m'ajouter, parce que ça, c'est une des stratégies que les jeunes nous ont rapportées, des adultes qui leur disent : Ah! mais je connais... je connais ton ami. Puis il y a des données personnelles même sur les enfants, là, qui... donc, on peut savoir, bon, ils vont à quelle école, ils sont dans l'équipe de soccer. Donc, ça sème un doute pour les jeunes, ça. Donc, quand il y a des fonctionnalités comme ça, où c'est nécessaire, tu sais, de le suivre d'avance ou d'avoir des amis en commun, bien, ça devrait prévenir normalement ce genre d'interaction là.

Mme Tremblay : Puis, même chose pour le contenu, il faudrait mieux contrôler ce qu'ils voient aussi. Et l'âge numérique, parce que, vous savez, c'est déjà... Bon, certaines plateformes disent : Pas avant tel âge. Et là on voit... Bon, est-ce que c'est vraiment respecté? Bon, pas tout le temps. On le voit fréquemment, vous l'avez... sûrement que les jeunes vous l'ont nommé dans les écoles également. Donc, on se questionne là-dessus aussi. Est-ce qu'on doit imposer un âge numérique? Et comment on peut obliger les plateformes, justement, à... le respect de cet âge-là numérique, là, qui est là, là, mais qui n'est totalement pas respecté?

• (14 h 20) •

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, parce que, présentement, vous le nommez, ce n'est pas respecté. On le voit dans les classes, là, tu sais, sur... On est en quatrième année puis on demande : Qui ici a Tiktok? Puis il y a plein de mains qui se sont levées. Puis on demande aux jeunes : Savez-vous c'est quoi, l'âge minimum pour ça? Puis là c'est comme : 16, 15, 13, 12. Tu sais, ils ne savent pas nécessairement. Puis, quand on se crée un compte, on nous demande notre âge, mais il n'y a pas de vérification. Dès qu'on tombe dans la vérification, puis là je ne serai pas la seule experte à vous dire ça dans les prochaines semaines, c'est qu'on tombe en enjeu de vie privée, donc, c'est de dire : Bien, comment est-ce qu'on fait pour vérifier l'âge? Est-ce qu'il faut mettre une preuve, je ne sais pas, de notre âge? Est-ce qu'il faut que les parents partagent une vérification quelconque, etc.? Ça, c'est les questions que l'Australie, la France, et tout, se posent actuellement, parce que c'est vraiment le défi avec l'âge minimal. Ça fait que ça, c'est le côté technique de l'applicabilité.

Un autre côté de l'applicabilité, c'est... je vous l'ai dit, c'était ma leçon numéro, attendez, six, les jeunes sont très bons pour contourner les contrôles. Tu sais, en Corée du Sud, ils avaient mis un couvre-feu la nuit, de minuit à six heures du matin, puis ils l'ont retiré parce que, finalement, les jeunes qui veulent vraiment jouer, ils trouvent une manière de jouer. Tu sais, c'est très difficile. Je ne dis pas que c'est impossible, mais c'est très difficile, puis, voilà, les jeunes, tu es brillant à 16 ans, là, vraiment, même à 14, 13, les jeunes, là, sont impressionnants. Donc, c'est ça.

Maintenant, ça, c'est le côté technique, le côté, bon... Puis, finalement, c'est que, si on met, disons... Tu sais, la question de l'âge, elle est importante. Je la trouve difficile, mais, si on met, disons, une interdiction de réseaux sociaux avant 16 ans, bien, tu sais, quand j'ai parlé, là... ma leçon sept, là, les jeunes ne veulent pas se sentir jugés, c'est sûr que, si c'est interdit, pour toi, d'aller sur les réseaux sociaux puis que, là, tu te fais parler par un inconnu où que tu as joint un groupe quelconque, que tu as des doutes... bien, c'est sûr que ça peut être plus difficile à aller chercher de l'aide à ce moment-là, puis il y a aussi que ce n'est pas nécessairement reconnaître l'autonomie des jeunes dans leur capacité quand même à avoir un équilibre puis à profiter des bienfaits des réseaux sociaux. Tu sais, ce qu'ils veulent, ce n'est pas nécessairement pas avoir TikTok, c'est juste que ça soit moins addictif, puis qu'ils puissent contrôler plus le contenu puis plus les personnes qui rentrent en contact avec eux. Donc, est-ce que ça répond à votre question?

Mme Tremblay : Ça répond très bien à ma question. Je vais passer maintenant la parole à une autre personne.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Marquette.

M. Ciccone : Merci beaucoup. Merci d'être là, Dre Parent. Hier, on s'est parlé. On en aurait pris pas mal plus, mais merci d'être là encore aujourd'hui. On a beaucoup de questions, puis là on va aller dans tous les... toutes les sphères puis dans tous les lieux, là, mais, à la base, là, pour régler un problème, selon moi, là... Puis corrigez-moi si j'ai tort, là, mais il faut vraiment aller à la base pour régler un problème, puis êtes-vous d'accord pour dire que le problème, là, ça commence par les adultes puis ce n'est pas les jeunes, là, c'est les adultes? Est-ce que je me trompe quand je dis ça?

Mme Parent (Emmanuelle) : Je suis tellement d'accord. C'est le titre de notre mémoire. Je suis vraiment d'accord. Est-ce que votre question était plus adressée, mettons, aux parents ou au personnel scolaire? Parce que, disons, ce qui aide... mais ces adultes-là qui gravitent dans la vie des enfants, c'est qu'eux aussi, ils ne connaissent pas nécessairement le numérique, là. Donc, d'avoir des campagnes de sensibilisation... On les informe. On commence à avoir, tu sais, des connaissances scientifiques. Quand même, là, je disais : Bon, quand les parents ne sont pas sur les écrans, ça aide, etc. Donc, il faut leur transmettre... Donc, pour des personnes dans la recherche comme moi, ça devient frustrant, parce qu'on ne veut pas que ce soit hermétique. On veut transmettre les bonnes pratiques au milieu scolaire, au milieu de la santé, pour qu'ils puissent au moins avoir la capacité de les mettre en application.

M. Ciccone : Avez-vous, lors de vos recherches, justement, tenté cette expérience-là avec une famille, par exemple, dire : Bien, pour les prochains mois, les parents, on laisse les écrans de côté, téléphones, puis on va évaluer, voir le temps d'écran des jeunes? Si, comme modèles, ils vous regardent puis ils voient que vous n'avez pas votre téléphone dans les mains ou vous faites d'autres activités, le temps d'écran va descendre. Avez-vous tenté cette expérience-là?

Mme Parent (Emmanuelle) : Vous allez recevoir...

M. Ciccone : Avez-vous des chiffres là-dessus? Oui?

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, vous allez recevoir des experts qui ont fait exactement ces études-là, qui vont pouvoir mieux répondre à vos questions que moi. Moi, par contre, ce que je peux vous nommer, c'est vraiment l'inconfort des jeunes, là, qui est unanime, là, mais, quand je dis unanime, le feu pogne, là, dans les classes au moment où on parle de l'utilisation des écrans. Ça fait qu'au-delà des chiffres, au-delà des pourcentages de jeunes, au-delà... dans chaque classe qu'on visite, les jeunes mentionnent qu'ils veulent l'attention de leurs parents. Donc, c'est vraiment flagrant, là.

M. Ciccone : Dernière question pour moi. Dans vos conclusions puis vos recommandations, là, vous dites : «Favoriser le bien-être numérique en déployant des activités alternatives.» Vous avez dit, dans votre énoncé initial... Vous avez parlé d'une heure d'activité physique par jour. Ça, pour moi, c'est de la musique à mes oreilles. Il y a le dicton qui dit : Ça prend un village pour élever un enfant, là. Est-ce que ça prend l'aide de tous les ministères, par exemple, puis ne pas avoir comme complice... Puis là je vous... une sous-question, là, quand vous voyez des écoles qui vont offrir des programmes de e-sport dans les écoles, puis, quand, je vous dis, là, c'est des tactiques Fortnite, parce qu'éventuellement il y a les jeux olympiques de jeux vidéo qui s'en viennent, il faut préparer les jeunes, est-ce que notre réseau scolaire... puis, même, à plusieurs égards, privé, là... ne sont pas des complices de la problématique avec ces offres de programmes là?

Mme Parent (Emmanuelle) : Vous avez raison, c'est une grosse sous-question. Donc, je vais les aborder, les deux, séparément.

Premièrement, au sujet des activités alternatives comme facteur de protection de... Tu sais, quand je dis que les jeunes perdent le... disent perdre le contrôle, parfois, quand ils posent leurs téléphones, ce qui les aide, c'est de savoir qu'ils ont quelque chose d'autre à faire. Je parlais à une adolescente qui me dit : Samedi passé, j'ai supprimé TikTok, plus capable de passer du temps là-dessus, cinq minutes plus tard, je l'ai retéléchargé. J'étais comme : Bien, pourquoi? Elle dit : Bien, je ne savais pas quoi faire.

Donc, oui, que ce soit de l'activité physique... La phrase que vous nommez, ça prend un village pour élever un enfant... C'est clair que c'est des facteurs protecteurs. Puis même les experts de cyberdépendance que vous allez, encore une fois, recevoir dans les prochaines semaines misent sur la diversité d'activités, puis, on l'entend, les jeunes qui ont plusieurs activités, bien, les écrans en font partie, limite, les encouragent. Ils aiment le soccer, ils regardent des vidéos sur le soccer. Ça les incite à faire des activités en vrai. Décidément, ça a un impact.

Après, pour le e-sport, c'est... Dans les écoles, encore une fois, il va y avoir plus des experts de e-sport que moi qui vont venir parler ici, mais je peux nommer quand même que, quand c'est dans... encadré dans le milieu scolaire, habituellement, les jeunes reçoivent aussi des cours sur les saines habitudes de vie. Donc, c'est très encadré, justement, parce qu'ils connaissent tous les problèmes de cyberdépendance. Donc, c'est ça, je ne m'avancerais pas trop là-dessus, mais, de mon expérience, quand je suis allée dans des écoles qui avaient des programmes d'e-sport, c'étaient les premiers à recevoir nos ateliers parce que, tu sais, justement, on ne veut pas qu'il y ait de... c'est ça, que ça vire mal.

M. Ciccone : Mais on n'augmente pas le nombre d'heures sur les écrans, justement, tu sais, un élément qui est potentiellement dépendant, dans les écoles, parce qu'on serait naïfs de dire : Bien là, on l'encadre à l'école. Quand ils retournent à la maison, ils vont retourner quand même sur leurs jeux vidéo, là. On n'ajoute pas des heures?

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, c'est possible.

M. Ciccone : Ce n'est pas la mission de notre système d'éducation, ça, non?

Mme Parent (Emmanuelle) : Là, ce n'est pas à moi de dire c'est quoi, la mission de notre système d'éducation, mais, quand même, les jeunes, qu'est-ce qu'ils vont chercher dans le jeu vidéo, parfois, ce n'est pas juste une fuite, là, tu sais, des fois, tu sais, parce qu'on... Ce n'est pas juste une fuite, c'est de la coopération, de la valorisation, du travail d'équipe. Dans l'e-sport, les jeunes travaillent en groupe. Donc, ils vont s'encourager. Ils sont suivis par un coach. Donc, ça devient plus... C'est sûr qu'il n'y a pas la partie physique, là, de bouger, mais ça devient vraiment compétitif comme un sport, ce qui est très, très valorisant, puis j'imagine que vous le savez, ça, là. Mais, quand même, ça vaut la peine de se pencher là-dessus, puis il y a d'autres personnes qui vont pouvoir peut-être vous en parler dans d'autres termes que moi.

M. Ciccone : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour de nouveau. Je reviens un peu sur la question de la majorité numérique. Considérant les défis d'applicabilité que vous avez bien résumés, est-ce que c'est souhaitable de faire ça?

Mme Parent (Emmanuelle) : Je vais dire que, si c'est la seule initiative, c'est insuffisant. Vraiment, je ne pense pas que c'est souhaitable pour les jeunes qui veulent aller chercher de l'aide puis qui vont se sentir jugés peut-être par cette interdiction, qui ne voudront pas mal faire, pas du tout. Je ne pense pas que c'est souhaitable non plus pour les jeunes qui vont chercher beaucoup de soutien social sur les réseaux sociaux, dans les communautés en ligne. Je ne pense pas que ça va régler les problèmes de cyberintimidation non plus.

Je veux dire, les personnes qui travaillent dans les écoles le savent, là, les insultes, ça peut très bien être sur Teams ou par texto, là. Ça n'a pas juste lieu sur Snapchat puis Instagram. Puis je ne pense pas non plus que ça peut régler le problème de... perdre le contrôle en regardant des vidéos parce que, bon, disons que les réseaux sociaux, on définit ça comme TikTok, Instagram, Snapchat, bien, que fait-on de Disney+ et Netflix, qui emboîtent le pas aussi avec des vidéos au format court? Donc, il y a des défis, vraiment, de définition à ça.

Puis, voilà, donc, je ne pense pas nécessairement qu'en ce sens-là c'est souhaitable puis... Donc, si on décide que la majorité numérique est à 16 ans, bien, moi, je vais revenir ici puis je vais quand même être inquiète des jeunes de 16 ans qui arrivent sur ces plateformes-là qu'on n'a pas régulées, où est-ce qu'ils voient encore des pubs de diète, des pubs qui peuvent leur... bien, du contenu qui peuvent leur parler de troubles de comportements alimentaires. Donc, ça ne règle pas nécessairement le problème à sa source.

M. Leduc : Est-ce qu'on peut dire alors que c'est une fausse bonne idée?

Mme Parent (Emmanuelle) : Ça peut donner un faux sentiment de sécurité, oui.

• (14 h 30) •

M. Leduc : O.K. Toujours dans l'applicabilité, moi, je reste marqué par la bataille entre le gouvernement fédéral et Facebook, notamment, sur la présence des médias. Il n'est toujours pas possible de faire référence à des articles sur ce réseau social là. C'est quoi, la capacité réelle d'un État de droit comme le Québec, par rapport à des exemples que vous avez vus ailleurs, de faire plier une multinationale comme Facebook? Mais là on parle de Snapchat, et autres, c'est quoi, notre réel rapport de force qu'on a avec eux?

Mme Parent (Emmanuelle) : C'est que... Je pense que c'est qu'ils soient tous dans les mêmes règles. Parce que les personnes qui... Tu sais, mettons, je suis bienveillante, O.K.? Les personnes qui travaillent chez Meta, ils ne veulent pas que les enfants se fassent contacter, là, par l'exploitation sexuelle, ils ne veulent pas que les ados se mettent à voir du contenu qui est vraiment inapproprié. Donc, si je crois en la... Si on croit en la... quand même, la bienveillance de ces compagnies-là, bien, c'est tout à leur avantage de jouer dans les mêmes règles de jeu. Parce que si, demain matin, TikTok décide de décourager tout le... de recommandations de contenu qui suscite beaucoup d'engagement, mais que les autres plateformes ne le font pas, bien, ils vont peut-être moins avoir l'attention des consommateurs, moins avoir l'attention des gens sur les réseaux sociaux, donc ça les rend moins compétitifs. Tandis que si... L'avantage pour les plateformes, c'est de dire : Bon, bien, on joue tous dans les mêmes règles de compétition en ce moment.

M. Leduc : Ça, je comprends que c'est comme... entre elles, elles peuvent se dire ça, mais l'État, lui, il peut appliquer des lois, puis, dans votre expérience, ce que vous avez vu, ça fonctionne bien, les plateformes se plient aux nouvelles directives qui peuvent être adoptées par différents États?

Mme Parent (Emmanuelle) : Bien, dans les exemples que j'ai nommés, là, avec le Online Safety Act, le Kids Online Safety Act, etc., les plateformes ont collaboré.

M. Leduc : O.K. Donc, on ne risque pas de revoir ce qu'on est en train de vivre depuis un peu plus d'un an maintenant avec Facebook et les médias.

Mme Parent (Emmanuelle) : Bien, je n'ai pas de boule de cristal, mais, en même temps, quel autre choix sinon? On va se dire : On n'est pas capable? Ah non! Les jeunes... Aïe! Quand tu verras une vidéo de fusillade, tu viendras m'en parler?

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Parent. C'est toujours très fascinant de vous entendre. Merci beaucoup pour votre expertise puis merci de nous la partager. Je vous écoute depuis tantôt, puis, bon, il y a quelques-unes de mes questions qui ont été répondues ici, notamment sur la majorité numérique. Mais, si on avait à faire un continuum, là, au niveau de vos recommandations, ce que j'entends, c'est qu'au niveau de l'individu, au niveau du jeune, notre rôle, le cadre que vous, vous recommandez, c'est un cadre de sensibilisation, c'est un cadre de responsabilisation du jeune, s'assurer, donc, de développer son sens critique et de l'aiguiser. Ensuite, c'est de voir comment est-ce qu'on peut, donc, développer, donc, des politiques publiques qui encadrent, donc, les adultes autour de ça. Ce que vous dites dans votre mémoire, bien, les écrans, c'est aussi un problème d'adulte.

Et là où est-ce qu'on est plus dans la coercition ou l'interdiction, ce n'est pas, donc, au niveau du jeune. Donc, on a dit, la majorité numérique peut être une fausse bonne idée, mais beaucoup plus au niveau des plateformes. Est-ce que c'est un continuum qui reflète bien vos propos?

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, je trouve que vous avez bien résumé ça. Je trouve que vous avez bien résumé ça. Le petit aspect qui manque peut-être, c'est cette notion de... Le numérique, c'est transversal, c'est vraiment de dire... Comme tantôt vous parliez de : Est-ce qu'il va falloir qu'on soit plusieurs ministères là-dessus? C'est qu'en effet, si tu as des activités abordables dans ta ville, que tu as des alternatives d'activités, ça aussi, ça fait une différence dans les écrans. Parce que même si on dit demain matin : O.K., Instagram, TikTok, vous êtes obligés d'être en noir et blanc, vous êtes obligés de mettre un certain nombre de temps pour les jeunes, bien, on leur enlève quelque chose qui répondait à un besoin de socialisation, on leur enlève quelque chose qui répondait à un besoin de distraction. Puis par quoi est-ce qu'on le remplace? Donc là, c'est là que c'est intéressant de dire : Bien, O.K., on va peut-être investir ou, en tout cas, dans les écoles, O.K., on se dit : Peut-être moins téléphone, mais en même temps on va être plus là pour eux. Donc, c'est peut-être ça qui complète le continuum, là, si je peux ajouter.

Mme Cadet : Merci. Ensuite, bien, plus tôt, vous parliez, donc, de... bien, en fait, que c'est important pour le jeune de se poser des questions sur son utilisation. Puis vous avez quand même fait, donc, la part des choses entre une utilisation dite positive ou jugée positive puis une autre, donc, qui serait peut-être, donc, plus néfaste, donc, quant au contenu. Donc, j'aimerais ça, donc, vous entendre, peut-être pour le bénéfice de tous, sur la qualité de ce que... bien, en fait, de l'information qu'on reçoit, donc le contenu, donc, qui est présenté aux jeunes, puis la quantité d'heures. Parce qu'en fait, quand vous... En fait, vous nous parliez hier, donc vous nous disiez, donc, oui, c'est bien beau d'avoir des lignes directrices sur la quantité de temps passé sur les écrans, parce qu'on se pose beaucoup ces questions-là sur le temps passé sur les écrans, c'est beaucoup d'heures, beaucoup d'heures, mais, quand on décortique le temps passé sur les écrans pour chaque jeune, l'expérience est différente, puis il y a ce sens critique là à développer, oui, pour les jeunes, mais aussi pour l'adulte. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui. En fait, pour réfléchir au-delà du temps d'écran... parce que les jeunes vont vous le dire, deux jeunes qui passent trois heures, disons, sur les écrans pour le loisir par jour ne feront pas nécessairement les mêmes activités, hein? Des fois, ils nous disent : Bien, j'ai lu un livre sur ma tablette, après j'ai écouté des vidéos, etc. Puis ce n'est pas toutes les utilisations qui vont avoir le même impact sur le bien-être. Donc, oui, on veut regarder le temps. C'est clair que ça, c'est indicateur de quelque chose, parce que si un jeune passe 12 heures par jour sur les écrans, on se dit : O.K., bien là, qu'en est-il du sommeil, de l'école, des relations, de l'hygiène, de l'activité physique, etc.? Donc, oui, le temps, c'est important.

Deuxième chose sur quatre : le contenu. Donc, le contenu, comme je disais, peut-être que ça a pris une seconde, là, ou quelques-unes pour qu'un jeune voie, quand il ouvre YouTube... puis ça, c'est une vraie histoire, le jeune a dit : Je n'aime pas ça, ces temps-ci, il y a une bande-annonce de film d'horreur, ça me fait peur, je n'aime pas ça, là, c'est La Nonne, elle me fait peur, et tout. Donc, l'enfant me raconte ça. Ça fait qu'il n'a même pas écouté une vidéo, ça fait peur. Donc, le contenu compte. Des initiatives comme Passe-Partout, ici, bon, on voit que... Est-ce que, pour des contenus éducatifs, il y a des fois des comportements prosociaux, donc, chez les jeunes, parce qu'ils ont appris ça devant un écran?

Troisièmement, il y a le contexte. Donc, c'est quoi, le contexte? Est-ce que tu es seul quand tu regardes du contenu ou bien... ou est-ce que c'est une activité sociale? Parce que, si c'est une activité sociale, ça va être bon pour nos relations, bon pour la socialisation. Ça se trouve, on écoute Grey's Anatomy... Il y a une adolescente qui me disait qu'elle écoutait Grey's Anatomy avec sa mère. J'étais comme : Wow! C'est parce que vous en avez pour 20 saisons, là, d'histoires, de moments ensemble. Tu sais, je me disais : C'est bon, ça.

Et finalement c'est la vulnérabilité de... du jeune lui-même. Puis là je donnais l'exemple hier de... dans le cadre de ma thèse, j'ai parlé à deux adolescentes, individuellement et anonymement, qui sont amies. Et les deux me parlaient qu'elles suivent une influenceuse à succès qui vend des costumes de bain, elles en parlent à l'école avec leurs copines, c'est leur Stat, c'est leur référent culturel, elles en parlent. Il y en a une, elle m'en parle en disant : Ça l'inspire. Elle veut poursuivre ses études aux HEC, elle aussi, elle veut être entrepreneure. La seconde me dit : Je ne veux pas arrêter de les suivre parce qu'on en parle à l'école, puis c'est le fun, mais chaque fois que je tombe sur le profil, eh! je me trouve moche puis je trouve que la personne est plus belle que moi. Puis cette jeune-là se compare négativement. Donc, dans ce cas-ci, c'est embêtant, hein, parce qu'on a le même temps d'écran, le même contenu, le même contexte, mais l'impact est vraiment plus difficile pour une que pour l'autre.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gagnon : Oui. Bonjour, Dre Parent. Hier, vous avez dit quelque chose, quand même, qui fait un petit peu de peine, c'est-à-dire on a une spécialiste comme vous au Québec, puis quand vous rentrez dans une école, avec votre titre, les jeunes disent : Ah non, on va se faire chicaner. Hier, ça m'a marqué. Puis, quand je lisais votre mémoire, puis je l'ai relu une deuxième fois, vous faites part d'un outil qui... moi, j'y crois énormément, c'est la réduction des méfaits. Et vous l'expliquez bien dans votre rapport. La question est en lien avec la réduction des méfaits, c'est-à-dire : Bien, si on veut amener le jeune à réduire son geste qui... ou à réduire le méfait, est-ce que vous pensez que c'est plus le parent, l'école qui doit venir baliser, réglementer pour l'apporter à réduire, à réduire son geste, sa consommation, ou c'est plus une formation directe aux jeunes, qui va l'amener à prendre conscience lui-même de l'outil, du nombre d'heures, du contenu?

Mme Parent (Emmanuelle) : Je trouve que c'est deux très belles avenues, ce que vous venez de nommer. Puis la manière dont elles vont s'articuler, ça dépend beaucoup de l'âge de l'enfant. Donc, vous allez peut-être entendre parler de l'approche évolutive. Quand on parle de rapport aux écrans, évidemment, on ne parle pas du même temps d'écran chez un enfant de deux ans, de huit ans, de 12 ou de 17. Donc, les parents, l'école jouent vraiment un beau rôle, d'alliés surtout. Moi, je vous parle de ce que j'entends des enfants. Les enfants nous parlent beaucoup de leurs parents et de l'école dans les quatrièmes, cinquièmes et sixièmes années, ça les aide, en train de travailler leur autonomie, en train de se dire : O.K., là, il faudrait peut-être que j'aille me coucher. Donc, ils apprennent ça, ils ont besoin... Même si, moi, je vais faire un atelier, genre, toutes les semaines avec un enfant, puis je leur dis : Il faut que tu fasses dodo à telle heure puis que tu lâches les écrans une heure avant d'aller te coucher, bien, peut-être qu'il va trouver ça difficile parce qu'il n'est pas là dans son développement encore. Donc, les parents, l'école sont vraiment importants.

Mais c'est clair que chez les 16-17 ans qui connaissent peut-être plus leur utilisation, qui sont plus autonomes, bien là, leur donner des outils, c'est plus réaliste que dire : Bien, tes parents vont aller voir dans tes messages vérifier que personne ne te parle. Donc, ça dépend beaucoup de l'âge, mais les deux, c'est deux bonnes idées qui amènent un changement d'habitudes. En fait, c'est ça qu'on cherche, là, en réduction de méfaits aussi. Pour prévenir une utilisation qui est excessive, c'est que, quand je commence à voir que ça déborde un peu, bien, je prends des nouvelles habitudes pour essayer de diminuer puis d'avoir plus un équilibre.

M. Gagnon : Merci.

• (14 h 40) •

La Présidente (Mme Dionne) : La beauté d'une commission spéciale, je me permets une question. Alors, moi, je m'intéresse depuis beaucoup d'années, justement, à la gestion des émotions, à l'intelligence émotionnelle chez les enfants. Il y a des spécialistes, même, qui nous recommandent peut-être d'intégrer éventuellement dans... à l'école la... des cours en gestion des émotions, en santé mentale. Je me questionne à savoir est-ce que l'arrivée des réseaux sociaux, des écrans, et tout ça, a un impact quelconque sur la gestion des émotions chez les enfants. Bon, on parle des jeux vidéo qui peut-être, là, augmentent un peu l'aspect colérique des enfants, là, quand ils jouent. Mais c'est quoi, votre avis, là-dessus?

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui, vous avez, encore une fois, une superspécialiste qui vient de publier un article là-dessus. Je vais la laisser en parler. Je vais prendre l'angle de ce que les jeunes nous racontent, O.K.? L'action, là, beaucoup, on la voit, nous, en secondaire I, II, avec les 13 ans, et tout. C'est à ce moment-là, plus, qu'ils vont jouer à Fortnite, des jeux comme ça, FIFA, etc. Puis ils vont nous parler beaucoup. On leur dit : Est-ce que vous ragez? Puis ils disent : Oui, on rage. Est-ce qu'il y en a ici qui ont déjà brisé des manettes? Il y en a quelques-uns : Oui, j'ai déjà lancé ma manette. Oui, j'ai déjà, moi... Puis on leur demande : O.K., c'est quoi, vos... c'est quoi, ces émotions-là, que vous vivez? Puis les raisons qu'ils nous nomment, c'est associé beaucoup à la compétition : Il y a quelqu'un qui trichait, madame, ça m'a fâché. Je le comprends, tu sais, on peut tout comprendre ça. Ça fait des heures que tu pratiques, quelqu'un triche, ça ruine tes statistiques que tu essaies de monter. Mon équipe... Je n'étais pas bon, cette journée-là, ça allait... c'était plus difficile. Bon. L'autre équipe était meilleure ou on... ça ne marchait pas, notre travail d'équipe, cette journée-là, ça n'allait pas. Donc, il y a plein de raisons pour lesquelles ça peut susciter des émotions, jouer à des jeux vidéo.

Après, ça dépend comment on régule ces émotions-là. Quand on demande aux enfants... bien, aux enfants, aux ados, préados, comment est-ce qu'ils font, ils vont nommer : Bien là, j'ai crié dans un coussin. Moi, j'ai fait des tours dans mon salon. Moi, je vais en parler avec mes parents. Ça fait que c'est pour ça, moi, j'imagine les parents qui cuisinent, puis là, tout d'un coup : Il s'est passé telle affaire, puis là, ta, ta, ta... Donc, les enfants nous racontent que ça, c'est leur méthode. Mais avec eux, on travaille à leur nommer : Bien, quand tu ressens de la rage comme ça, il est peut-être temps de prendre une pause puis d'aller justement vers ces outils-là que tu as développés, qui sont sains, pour ne pas qu'il y ait des conséquences durables, négatives, genre, briser sa manette, ça coûte des sous, genre, briser les plantes de ses parents, tout ça — c'est des vrais exemples — quand tu es fâché. Donc, oui, il y a des émotions qui ressortent beaucoup, beaucoup de ça, et, bien, il faut... on essaie d'aider les jeunes pour leur donner des bons moyens d'intervenir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci. Merci de votre présence encore aujourd'hui. Moi, j'ai deux questions. Vous avez parlé de l'aspect positif de la présence sur les écrans, alors trouver une communauté, socialisation, etc., mais on sait qu'il y a aussi beaucoup d'enjeux de cyberintimidation. Puis justement, ça peut vite changer, que... on est entre amis, tout va bien, puis là on dit quelque chose, les gens ne trouvent pas que c'est correct, poche, quoi que ce soit, puis les gens tournent... se tournent envers nous, puis ça devient... ce n'est plus positif, ça devient négatif. Comment... Puis vous n'avez pas vraiment beaucoup touché sur ça ni hier soir ni aujourd'hui, donc je voudrais juste vous entendre un petit peu là-dessus.

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui. Merci de poser cette question-là, c'est vrai, et puis je vais me fier à une étude qui a été faite par HabiloMédias sur les méchancetés en ligne, les insultes, et tout, puis eux, ils en venaient à la conclusion que, chez les préadolescents canadiens, canadiennes, il y a environ... c'est dans les 30 %, là, un jeune, environ, sur trois qui a reçu des méchancetés en ligne, O.K.? Lorsqu'on demande à ces jeunes-là : Où est-ce que vous avez reçu les méchancetés, en premier, c'est sur les jeux vidéo, quand on se parle en ligne avec les micros. Donc, ça, c'est vraiment cohérent avec qu'est-ce qu'on entend, nous, dans les classes. S'insulter, ça fait partie du plaisir, parce qu'on teste les limites, on a le sentiment d'être protégé derrière notre casque d'écoute. Et là je parle plus de... tu sais, secondaire I, II, fin primaire, là. À 17 ans, ce n'est pas vraiment ce qu'on entend, là, bon, ils ont passé comme à autre chose, on dirait, là, peut-être pas tous, mais, en tout cas, donc c'est surtout quelque chose qu'on voit dans ces âges-là.

Ensuite, c'est dans les messages personnels, donc ce n'est pas dans les commentaires, le lieu où ils reçoivent des méchancetés. Et ça, bien, les écoles vont pouvoir témoigner que, dans les Teams de l'école, des fois, c'est là que ça se déroule. Puis avec les enfants, on travaille à reconnaître qu'est-ce qui est de la violence. Ce commentaire-là que tu t'es fait envoyer, en effet, c'était une méchanceté, puis ce n'est pas parce que c'est virtuel que ce n'est pas vrai.

Donc, vous me permettez de faire un point important, la vie réelle et la vie virtuelle, on ne parle plus en ces termes-là parce que c'est comme dire que ce qui se passe sur le virtuel est moins grave, alors que, si un jeune reçoit des insultes en ligne, c'est grave, tu sais, on veut qu'il en parle à un adulte puis qu'il y ait une intervention.

Puis le troisième lieu où il y a des méchancetés, c'est dans les commentaires, donc, sur les réseaux sociaux. Donc, ce qu'on amène, ce qu'on dit aux jeunes, dans ce temps-là, c'est d'en parler avec un adulte pour qu'il y ait une intervention. Il y a des protocoles, dans les écoles, il y a des personnes enseignantes qui font un supertravail, mais c'est sûr que là où des jeunes entrent en liens sociaux, bien, il peut y avoir des situations comme ça, conflictuelles.

Mme Prass : Puis ma prochaine question, c'est... le groupe qui a témoigné avant vous, ils ont parlé de... du phénomène des écrans récompenses dans les écoles. Et moi, je me posais la question si, justement, ce n'est pas le contraire qu'on devrait faire, parce qu'en faisant ça, c'est comme... ça devient la récompense ultime plutôt que d'aller à la bibliothèque, ou faire du sport, ou quoi que ce soit, puis je voulais juste savoir si vous aviez une opinion là-dessus puis dans le sens de est-ce que ça devrait être interdit à l'école. Bien, est-ce que les écoles ne devraient pas offrir les écrans comme récompense, parce que ça renforce cette idée auprès des jeunes?

La Présidente (Mme Dionne) : En cinq secondes.

Mme Parent (Emmanuelle) : Oui. En 30 secondes?

La Présidente (Mme Dionne) : Cinq.

Mme Parent (Emmanuelle) : Cinq? Ce n'est pas une opinion, c'est des études scientifiques qui démontrent ce que vous venez de nommer. Vous l'avez très bien expliqué, je ne vais pas le redire, mais c'est vrai que ça met les écrans sur un piédestal lorsqu'on les met dans des récompenses ou des punitions. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est des études publiées à ce sujet-là.

Mme Prass : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Emmanuelle, merci à tous pour ces échanges.

Donc, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.

(Suspension de la séance à 14 h 46)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, membres de la commission, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à l'Association des entreprises pour le développement des technologies éducatives du Québec.

Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Je vous demanderais d'entrée de jeu de vous présenter et nous faire part, par la suite, de vos commentaires. Et nous procéderons par la suite à une... période d'échange, pardon, avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Association des entreprises pour le développement des
technologies éducatives au Québec (EDTEQ)

M. Young (Shawn) : Excellent. Bien, je me présente, Shawn Young. Merci de nous accueillir, membres de la commission. On est très heureux d'être là aujourd'hui. Je me présente aujourd'hui en tant que président de l'Association EDTEQ, mais je travaille dans le numérique depuis 20 ans, éducatif. Je suis aujourd'hui vice-président sénior au développement d'expériences pédagogiques numériques pour HMH. On sert 55 millions d'élèves avec des solutions numériques. Je suis aussi vice-président de l'École branchée, qui est la référence en formation continue aux enseignants à l'ère du numérique. Je suis aussi membre du comité aviseur TeachAI, qui regroupe des gouvernements, des OBNL, des compagnies, dont l'UNICEF, pour créer des politiques et des pratiques en utilisation de l'intelligence artificielle à l'école. Ça fait cinq ans que je suis chargé de cours invité à la maîtrise en Éducation à Harvard. Je suis ambassadeur de la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke. J'ai été coprésident du groupe de travail UNESCO sur le développement des compétences socioémotionnelles par le biais d'outils numériques. Donc, c'est vraiment... c'est long, là, je ne veux pas trop me vanter, mais c'est pour vous dire que ça fait longtemps qu'on réfléchit à la question dans le contexte scolaire.

On a entendu beaucoup de commentaires qui ont été fort pertinents avant nous. Nous, on s'intéresse vraiment à la question dans les écoles. Puis l'Association EDTEQ, je présente ça, puis après ça je cède la parole à ma collègue, on regroupe une centaine d'organisations dédiées à l'intégration des technologies numériques dans le domaine de l'éducation. Vous avez peut-être entendu parler d'Antidote, Alloprof, membres de notre organisation. Ça fait plusieurs années qu'on travaille dans les écoles avec des enseignants, des élèves pour développer et soutenir des solutions technologiques qui enrichissent l'enseignement et l'apprentissage. Notre vision repose sur l'importance d'encadrer l'utilisation des outils numériques pour maximiser leur potentiel pédagogique, tout en assurant un usage responsable.

Donc, je cède la parole à ma collègue, Anny Gagné.

Mme Gagné (Anny) : Donc, bonjour, Mme la Présidente, les gens de la commission. Donc, ça fait bientôt 15 ans que je suis dans le milieu éducatif à titre d'enseignante, de conseillère pédagogique, de conceptrice de formations en ligne. Et j'ai aussi baigné dans les start-ups en technologies éducatives à titre de vice-présidente aux opérations. Mais aujourd'hui je suis ici à titre de directrice générale de l'Association EDTEQ. Donc, vous voyez, mon introduction est un peu plus courte que celle de Shawn, là, je vous épargne.

Donc, je suis ici aujourd'hui pour présenter notre position. Donc, cette position-là, elle est très claire : les outils numériques sont des leviers indispensables pour enrichir l'expérience d'apprentissage des élèves et personnaliser l'enseignement selon leurs besoins. Lorsqu'elles sont bien encadrées, les technologies apportent des solutions concrètes aux défis actuels de l'éducation. Elles permettent de différencier l'enseignement, de créer des parcours personnalisés et d'offrir un soutien ciblé, particulièrement pour les élèves en difficulté.

Par exemple, des outils comme la reconnaissance vocale et la lecture assistée sont non seulement bénéfiques pour les élèves ayant des besoins particuliers, mais profitent également à tous les élèves, rendant ainsi l'éducation plus inclusive. Les outils numériques offrent une opportunité sans précédent pour renforcer l'autonomie des élèves tout en permettant aux enseignants de recueillir des données en temps réel pour adapter leur pédagogie de manière plus efficace.

Les technologies de l'information permettent de suivre le progrès des élèves, d'offrir des retours immédiats et d'ajuster les stratégies pédagogiques pour maximiser les apprentissages. Les recherches démontrent d'ailleurs que l'intégration de technologies dans les classes favorise une participation accrue des élèves et améliore leurs résultats scolaires. L'accès à des ressources pédagogiques variées, la possibilité de participer à des projets collaboratifs à distance et la richesse des contenus en ligne font partie des avantages que nous devons reconnaître et encourager.

La pandémie de la COVID-19 nous a bien démontré l'importance cruciale de ces technologies pour garantir la continuité et l'accès à l'éducation. Pendant cette période, ces outils numériques ont permis aux élèves de rester connectés à leurs enseignants mais aussi à leurs pairs, et ce, malgré les contraintes géographiques. C'est un atout majeur pour assurer un accès équitable à une éducation de qualité, particulièrement pour les élèves en région éloignée.

Nous reconnaissons toutefois que nous devons encadrer l'usage des écrans et favoriser un usage pédagogique. Contrairement à l'usage récréatif des écrans, l'utilisation des outils numériques en classe est contrôlée et dirigée par des enseignants formés. C'est dans ce cadre structuré que les jeunes apprendront à utiliser les technologies de manière responsable.

Nous croyons fermement que l'école est l'endroit idéal pour enseigner aux jeunes des habitudes numériques saines afin de ne pas laisser toute cette charge et cette responsabilité de gérer l'utilisation des écrans aux parents.

Nous reconnaissons l'importance de maintenir un équilibre entre l'innovation technologique et la protection des jeunes. C'est pourquoi nous formulons quatre grandes recommandations, et je cède la parole à M. Young pour vous les présenter.

M. Young (Shawn) : Merci, Anny. Donc, premièrement, notre point de vue, c'est que l'école, c'est un... c'est le lieu idéal pour bien former nos jeunes, bien encadrer ça, utiliser le numérique à bon escient. Puis pour faire ça, évidemment, il faut encourager la formation continue des enseignants. Une des raisons que les enseignants peuvent utiliser le numérique à mauvais escient, on a parlé de récompense tantôt, c'est qu'ils sont mal formés, ils ne savent pas c'est quoi, des bons usages du numérique, ils ne savent pas c'est quoi, la vision d'un bon citoyen numérique, ils ne savent pas quels outils proposer aux enfants pour pouvoir justement faire ce genre de bon usage là. Donc, on a besoin de former nos enseignants, de les appuyer par rapport à ça.

Deuxièmement, l'éducation numérique aux élèves et aux parents. Donc, évidemment, tu sais, à l'instar d'un guide alimentaire pour la malbouffe, bien, c'est la même chose pour le numérique. Actuellement, les parents sont sans... ils n'ont pas de barèmes, ils se comparent entre eux, ils essaient de trouver c'est quoi, des bonnes solutions, chacun fait sa propre affaire. Est-ce qu'on ne peut pas guider les parents, les aider, poursuivre la mission d'éducation qu'on a, mais d'outiller les parents pour faire ça, donner des recommandations, par exemple?

On pense aussi que c'est quand même de la responsabilité des écoles. Donc, la mise en place, par exemple, à l'instar des politiques que les écoles ont pour la lutte à l'intimidation, ça fait plusieurs années que je siège sur un conseil d'établissement, bien, on... à chaque année, on entérine et on signe des politiques par rapport à... un exemple, il y en a plusieurs, là, mais un exemple, c'est la lutte à l'intimidation. Les écoles devraient se doter d'une politique par rapport au bon usage, dans leur établissement, par rapport au numérique. C'est une question de communauté et de société. Donc, les conseils d'établissement sont créés pour ça.

Puis finalement on propose aussi de l'encouragement de solutions numériques à valeur ajoutée. Évidemment, tout n'est pas égal dans le temps d'écran, puis vous allez nous entendre, dans les questions, dire : Bon, bien, écoutez, le temps d'écran comme métrique, c'est un peu une drôle de métrique, parce que la personne avant nous en a parlé, ça dépend vraiment de ce que tu fais. Mais il y a plein d'outils qui sont conçus pour l'école au Québec pour favoriser le développement des jeunes. Il y a plein de recherches qui montrent qu'ils sont efficaces. Est-ce qu'on ne peut pas favoriser la mise en application de ces outils-là dans les écoles pour favoriser le développement des jeunes, faciliter la vie des enseignants puis évidemment soutenir les besoins des enfants à besoins spécialisés?

Donc, c'est ce qu'on vous propose aujourd'hui. L'intégration des technologies dans les salles de classe, c'est non seulement nécessaire, mais c'est dans la mission de l'école d'éduquer les jeunes à la société dans laquelle ils vont évoluer, puis ça, c'est une société numérique, donc, on doit favoriser ça, mais ça doit être réalisé de manière réfléchie, de manière responsable. Puis c'est un débat, comme on disait juste tantôt, là, ça fait des années qu'EDTEQ on réclame qu'on parle de ça de façon pas réactionnaire mais de façon réfléchie, qu'on fasse nos devoirs, qu'on ait un débat de société comme on le fait aujourd'hui. Donc, on salue le travail de la commission. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter les échanges avec M. le député de Joliette.

• (15 heures) •

M. St-Louis : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé, très intéressant. Assurément, avec la formation qu'on a reçue hier du Dr Parent, on comprend bien que vous êtes du bon côté de la force. Mais je pense que ce qui nous inquiète tous comme parents, c'est le mauvais côté de la force, justement. On a des algorithmes qui reconnaissent qui on est, on se demande pourquoi il n'y a pas d'algorithmes qui reconnaissent que c'est un enfant qui a la tablette ou le téléphone dans les mains, justement, pour protéger cet enfant-là.

Je nommais hier que, pour moi, le danger de la centralisation d'un téléphone intelligent, c'est... bon, c'est ma photothèque, c'est mes souvenirs de vacances, c'est toute ma musique, c'est mes communications courriels, donc écrites. Tout est là, tout est là. Puis de dire que, bon, bien là, je passe une heure à apprendre sur mon téléphone, c'est parfait, mais, en même temps, j'ai toujours la tentation, peut-être, du réseau social, ou de la plateforme, ou du jeu, qui est à même le même appareil. Donc, à problèmes numériques, est-ce que vous avez des solutions numériques?

M. Young (Shawn) : Bien, il y a plusieurs solutions. C'est sûr qu'on peut réfléchir... Tu sais, nous, c'est sûr qu'on réfléchit toujours dans le contexte scolaire en premier. Donc, c'est sûr qu'il y a des appareils qui sont fournis par les écoles, qui sont configurés par les écoles, sur lesquels... les logiciels qui sont dans ces appareils-là sont contrôlés puis qui sont décidés par les écoles, tant pour leurs bienfaits pédagogiques que, tu sais, par les protections, par exemple, des données des enfants via l'application de la loi n° 25. C'est toutes des choses qui sont beaucoup plus faciles à faire, si on accepte le fait numérique dans l'école, puis qu'on l'encadre, puis qu'on le structure. Après ça, tu sais, dans les écoles, on est capables aussi de contrôler l'accès à des sites Internet, etc. Donc, tout n'est pas rose sur Internet.

Ceci dit, il y a plein de bonnes ressources qui méritent d'être bien encadrées, bien utilisées. Puis on est capables de faire ça à l'école. Justement, il y a des solutions numériques, dans un... dans une approche par laquelle on prend le taureau par les cornes puis on dit... Plutôt que de dire : On va laisser rentrer, par exemple, n'importe quel appareil, bien, l'école va les fournir, puis on va gérer ça comme il faut, là.

Mme Gagné (Anny) : Je pense que ce n'est pas juste une question, aussi, de restreindre, là. Je pense qu'il y a aussi une question d'éduquer qui est importante, là. Si on veut que les choses évoluent puis que les élèves soient en mesure de prendre des bonnes décisions, ça doit beaucoup passer par l'éducation de l'utilisation de ces écrans-là.

M. St-Louis : Naturellement. Je comprends qu'une des solutions proposées serait que le contrôle se fasse par des appareils qui sont vraiment contrôlés par le centre de services ou l'école elle-même et le professeur titulaire et non l'appareil fourni par papa et maman.

M. Young (Shawn) : C'est une approche. Parce qu'évidemment, tu sais, beaucoup des enjeux qu'on... dont le docteur qui était avant nous a discuté, c'est lié à l'accès aux réseaux sociaux, c'est lié à l'accès, par exemple, à des jeux «freemium». Tu sais, on pourra parler de jeux vidéo, si vous voulez, mais ils ne sont pas tous égaux non plus. L'enjeu, c'est les approches mercantiles liées aux plateformes gratuites qui... leur seul intérêt c'est qu'on revienne et qu'on passe du temps là. Après ça, si on est dans un contexte où est-ce que ce n'est pas ça, le modèle d'affaires, bien là, l'utilisation des outils devient moins... le modèle commercial qui est derrière, il n'est pas du tout lié à ça, là.

Je vous donne un exemple : Antidote. Bien, tu achètes Antidote, tu l'achètes une fois, Antidote ne va pas essayer que tu l'utilises le plus souvent possible puis créer des mécaniques addictives pour que tu utilises Antidote. Bien, c'est un... Mais, mais ce n'est pas ça, le modèle d'affaires de, par exemple, Fortnite ou Roblox. Puis c'est la même chose avec Mario Bros., par exemple. Bien, un coup qu'ils t'ont vendu Mario Bros., bien, ce n'est pas grave, pour Nintendo, si tu ne rejoues ou pas, ils te l'ont... ils l'ont fait, leur argent. Les jeux en ligne qui sont conçus pour garder l'attention, bien là, il y a une approche mercantile qui est derrière ça, puis c'est ça... c'est ça qui crée l'addiction, ultimement, là. Puis c'est la même chose avec les médias sociaux. Ça fait que, oui, effectivement, le contrôle des appareils dans les écoles pourrait faire partie d'une solution éventuelle à ce problème-là.

Mais comme disait ma collègue, ce n'est pas assez. C'est sûr que, si on passe seulement par une solution, je vais dire «hardware», bien là, on passe à côté de plein de choses comme une méchante bonne opportunité d'éduquer les enfants sur c'est quoi, des habitudes saines. Si on fait ça, on n'est pas en train nécessairement de développer leur esprit critique par rapport à comment déceler de la... par exemple, de la mauvaise information sur Internet, on n'est pas non plus en train de discuter avec eux d'habitudes saines de vie, on n'est pas non plus en train de discuter avec eux de comment développer des habitudes numériques, des... Tu sais, par exemple, apprendre à utiliser une suite de bureautique, c'est peut-être pertinent, ça... Peut-être ça vaut la peine de prendre du temps là-dessus, parce que c'est quelque chose qu'ils vont avoir besoin de faire dans leur profil de sortie de l'école.

Ça fait qu'il faut se questionner aussi sur qu'est-ce qu'on veut que l'école nous donne comme profil de sortie d'enfants, à la sortie, puis par rapport au numérique, puis comment est-ce qu'on peut créer des programmes, des approches, des recommandations pour nous mener vers ce profil-là, là.

M. St-Louis : Bon, bien, donc, je retiens qu'au-delà du côté académique il faut faire... il faut éduquer et faire confiance à nos enfants. Donc, je vous remercie. Je cède la parole.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, M. le député. M. le député de Gaspé.

M. Sainte-Croix : Merci, Mme la Présidente. Monsieur, madame, bonjour. Très heureux d'être avec vous aujourd'hui pour écouter votre propos drôlement pertinent. Je suis de ceux qui pensent que l'école de demain, c'est aujourd'hui. Et l'école d'aujourd'hui ne peut pas, quant à moi, ne pas concevoir l'aspect numérique en termes de pédagogie.

Ce matin ou... oui, ce matin, nous avions un regroupement de comités de parents qui disaient, dans la dynamique de gouvernance de nos écoles, que ce serait compliqué d'avoir une vision d'ensemble de l'ensemble du réseau et que nous devrions faire confiance aux conseils d'établissement et laisser la gouvernance, à savoir, tantôt, on est favorables, tantôt, on ne l'est pas, dépendamment des écoles, à une utilisation du numérique principalement par la voie du téléphone.

Vous n'êtes pas sans savoir que l'utilisation du numérique en termes pédagogiques ne fait pas nécessairement consensus, tant ici, chez nous, qu'ailleurs dans le monde. Comment on fait ça? Avec qui on fait ça? Dans l'optique où je pense qu'on ne peut pas avoir un système d'éducation, dans notre province, qui tantôt dit oui, tantôt laisse faire, tantôt dit non. Donc, je pense qu'il faut arriver avec une politique publique qui se tient, qui favorise, quant à moi, l'utilisation du numérique en termes pédagogiques. Parce que la société d'aujourd'hui et de demain ne fera pas abstraction de l'utilisation du numérique. Donc, on veut former des citoyens, à l'école, des gens avec un sens critique, et je pense aussi que ça passe par nous, d'une certaine façon.

Comment on fait ça? Avec qui on fait ça? Puis dans quelle perspective on amène ce changement-là? Parce que je pense que c'en est un majeur. Tu sais, on parle de nos problématiques de pénurie de main-d'oeuvre, de formation, hein, des enseignants puis, quelque part, qu'un jeune grandit de plus en plus vite, dans le sens où la jeunesse n'est plus ce qu'elle était à mon âge. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gagné (Anny) : Bien, en fait, juste ajuster un peu le propos, là, je pense que les jeunes ne grandissent pas plus vite, là, ils grandissent au même rythme, je vous rassure. Peut-être que le monde, par exemple, de l'éducation, a complètement changé par rapport à ce qu'on a vécu, nous. Au lieu d'être un regroupement au parc et parler pendant des heures avec son ami au téléphone, ils sont plus en train de texter, hein, c'est comme ça qu'eux ils créent leurs relations avec leurs pairs. La technologie, elle est là dans nos écoles, elle est là dans nos vies, elle ne va pas disparaître. Alors, oui, effectivement, il faut apprendre à les éduquer puis à les utiliser de façon adéquate à ces élèves-là.

Comment est-ce qu'on fait ça? Telle est la question, hein? Donc, oui, je pense qu'une politique serait une bonne approche, d'avoir une politique au niveau de l'utilisation du numérique. Par contre, oui, il y a quand même des nuances à avoir au niveau de chaque école et chaque... centre de services — je m'en allais dire «commission scolaire», ça trahit mon âge... mais centre de services. Donc, je pense qu'il y a quand même toujours à avoir des nuances. Tu sais, c'est impossible d'arriver avec une solution qui va fonctionner pour tous. Ils ont des réalités différentes, selon les régions dans lesquelles ils sont, et ça, je pense qu'on ne peut pas passer à côté. Par contre, une politique serait, je crois, une bonne solution.

• (15 h 10) •

M. Young (Shawn) : C'est sûr qu'on peut baliser comment les écoles peuvent faire ces politiques-là comme, par exemple, on a pour les politiques d'intimidation. Ceci dit, tu sais, il faut effectivement qu'il y ait de la latitude, dans ces balises-là, pour que les écoles puissent adapter ça à leurs propres réalités.

C'est sûr que, quand on pense aussi à la loi sur l'enseignement public, il y a beaucoup de ces choix-là qui reviennent aux enseignants, par la loi, quels outils numériques ils vont... quels outils ils vont utiliser pour enseigner, c'est quoi, leurs stratégies pédagogiques, etc. C'est des choix de l'enseignant, au Québec. On pourrait regarder ailleurs, ce n'est pas nécessairement le cas, mais ici c'est ça. Donc, on a besoin de faire des politiques qui vont guider les enseignants, qui vont faire qu'ils vont faire des choix... des bons choix. Mais il demeure néanmoins qu'ils ont des choix à faire puis que ça revient aux enseignants, aussi, d'exercer leur jugement professionnel puis de pouvoir prendre ces décisions-là.

Mais après ça, il faut qu'on puisse les outiller pour les prendre puis il faut qu'on leur donne des ressources pour qu'ils puissent avoir des choix. Souvent, les enseignants, ils n'ont pas de ressources numériques, ça fait qu'ils se rabattent sur des plateformes gratuites, des plateformes américaines, des plateformes en anglais. On voit des... tu sais, je peux vous en nommer tout plein qui sont dans nos écoles, aujourd'hui, qui n'ont pas été conçues pour l'école québécoise, qui n'ont pas nécessairement été conçues pour l'école tout court. Puis après ça on applique ça dans nos écoles parce que, bon, bien, c'est ça qu'on a gratuitement. C'est sûr qu'on est dans un contexte numérique, dans l'école, qui n'est pas nécessairement très financé. Bien, dans ce contexte-là, les enseignants, ils travaillent avec ce qu'ils peuvent, là.

M. Sainte-Croix : Plus ou moins balisé...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Alors, je...

M. Sainte-Croix : Oui?

La Présidente (Mme Dionne) : Oh! Pardon, pardon, M. le député.

M. Sainte-Croix : Je vais faire ça vite. Plus ou moins balisé aussi, donc, d'une certaine façon. Tu sais, est-ce que vous jugez que le profil d'un enseignant qui sort de son cheminement universitaire, aujourd'hui... a la capacité, les compétences pour faire ce travail-là de façon professionnelle et efficiente?

M. Young (Shawn) : Bien, écoutez, sur le conseil facultaire de l'Université de Sherbrooke, à la Faculté d'éducation, on se pose justement ces questions-là sur comment est-ce qu'on doit adapter nos programmes de formation d'enseignants pour les outiller, justement, par rapport au numérique. Il n'y a pas tant de temps de formation, dans un bac en éducation, beaucoup de choses à apprendre. De plus en plus, ça prend de la place. Le danger avec ça, par contre, c'est de former sur des outils. Les outils changent, les pratiques changent. Ça fait que ce qu'on veut faire, c'est donner... former des enseignants.

Tu sais, il y a 12 compétences professionnelles, dans le numérique, pour les enseignants. Ces compétences-là sont par rapport à pouvoir apprendre à utiliser le numérique, pouvoir, par exemple, utiliser l'intelligence artificielle, donc moins utiliser certains outils, mais plutôt avoir les compétences pour faire ces choix-là. Puis ça, ça commence de plus en plus à faire partie des programmes de formation. Mais, tu sais, il y a toujours un délai. On forme un jeune enseignant, enseignante qui a 19 ans aujourd'hui, bien, avant qu'elle enseigne à temps plein, dans une commission scolaire, à nos enfants, bien, c'est dans 10 ans. Donc, il y a quand même... Oui, ça fait partie de la solution, mais il faut quand même travailler sur le terrain aujourd'hui, là.

M. Sainte-Croix : Le centre de services?

M. Young (Shawn) : Oui.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je vais passer la parole au député de Marquette. Alors, il y a beaucoup de questions de la part de nos membres.

M. Ciccone : Oui. Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. M. Young, avec tous vos titres, j'ai quasiment le goût de vous demander : Avez-vous le temps de dormir?

M. Young (Shawn) : Aïe! Je suis rendu que je dors six heures par nuit, là, ce n'est pas pire...

M. Ciccone : Formidable.

M. Young (Shawn) : ...mais, pendant longtemps c'était quatre heures et demie.

M. Ciccone : Good. O.K. C'est des habitudes de vie...

M. Young (Shawn) : ...

M. Ciccone : ...c'est des habitudes de vie, n'oubliez pas ça.

M. Young (Shawn) : Oui, exactement.

M. Ciccone : On va revenir au sérieux. Vous parlez des plateformes numériques d'apprentissage qui sont indispensables, je pense qu'on a tous quelqu'un dans notre entourage, un petit bonhomme ou une jeune fille, qui a eu un plan d'intervention, là. Puis c'était... je veux dire, c'est indispensable pour eux. Mais cependant, dans votre... Parce que là je veux essayer de comprendre. Vous parlez dans votre mémoire d'un temps d'écran encadré. Comment est-ce qu'on fait pour séparer les deux? Parce qu'à l'école, ces jeunes-là qui ont peut-être des difficultés d'apprentissage, ils ont les yeux sur un écran. Est-ce qu'on peut calculer le temps d'écran, quand ils reviennent à la maison, quand ils prennent leur téléphone, les outils numériques à la maison, jeux vidéo? Est-ce que vous séparez les deux? Parce que le temps d'écran, pour vous... c'est quoi, le temps, justement, que vous mentionnez ici?

M. Young (Shawn) : Bien, justement, là, de notre point de vue, c'est que c'est un peu une mesure galvaudée, le temps d'écran, là. La question du numérique est importante. Un enfant qui est en train de travailler un texte sur Antidote puis qui apprend à écrire, qui apprend à corriger, qui est dyslexique, puis ça l'aide, peut-être qu'il va être en train de travailler pendant une heure de façon concentrée. Si on dit : Ah! bien, il y a une heure de temps d'écran dans la journée, on s'entend que faire ça puis «scroller» sur TikTok pendant une heure, ce n'est aucunement la même affaire, là.

Puis c'est pour ça que de tout mettre ensemble dans une métrique simple comme ça, c'est pour ça qu'on parle de temps encadré, de temps de qualité, de temps dans lequel on utilise le numérique à bon escient. Il faut faire la part des choses entre qualité et quantité, là. Puis, tu sais, c'est comme, par exemple, si on comptait les calories. Bien oui, O.K., il y a des calories, etc., mais ça ne veut pas dire que tous les aliments sont également nutritifs, juste parce qu'un aliment est bas en calories, ça ne veut pas dire qu'il est bon pour la santé, là. On peut penser, par exemple, des liqueurs à zéro sucre, il n'y a pas de calorie, mais ce n'est pas super pour la santé non plus, là. Ça fait que d'avoir une métrique simple comme ça, bon, bien, ça nous permet, tu sais, de simplifier le débat. Mais, d'un autre côté, on parle de la nuance, là.

Mme Gagné (Anny) : Je ne pense pas que c'est une question de quantité de temps, mais de qualité de temps d'écran. Quand on essaie de simplifier ça, on va mettre une heure maximum par jour, on passe à côté de : À quoi ça sert, cet écran-là? Tu sais, si, au niveau pédagogique, cet enfant-là en a besoin de trois, si on le limite à un, c'est quoi, les conséquences? Tu sais, il y a quand même des conséquences aussi, là, tu sais? Il faut penser pas juste au nombre d'heures d'écran, mais à quoi il sert, cet écran-là, puis ça va être quoi, les conséquences si on le limite, aussi. Parce qu'il y a du positif, pas juste du négatif, dans le temps d'écran, là.

M. Ciccone : Dernière question. Vous avez parlé, tantôt, des plateformes éducatives gratuites. Avez-vous une mise en garde pour les parents qui veulent utiliser une plateforme gratuite sur Internet? Est-ce qu'il y a un danger là? Est-ce que certaines plateformes gratuites pourraient utiliser les mêmes stratagèmes, par exemple, que les réseaux sociaux pour attirer, accrocher les jeunes? Avez-vous une mise en garde, là-dessus, de faire attention ou...

M. Young (Shawn) : Bien oui, bien là, c'est... Vous parlez précisément des plateformes éducatives gratuites, oui?

M. Ciccone : Oui, exactement, gratuites, là.

M. Young (Shawn) : Bien, c'est intéressant, parce que, quand on regarde le marché du numérique éducatif, il y a deux clients possibles. Il y a les écoles et les enseignants, puis il y a les parents. Tu sais, beaucoup des plateformes qu'on va retrouver dans les écoles sont conçues pour des milieux scolaires dans des contextes scolaires. Il y a tout un marché d'outils, de plateformes que moi, comme parent, je pourrais vouloir acheter pour, par exemple, que mon enfant apprenne à coder ou que je pourrais... Un autre exemple, Duolingo, par exemple. Tu sais, qui n'aime pas Duolingo? Crime! C'est cool, c'est le fun, j'apprends une nouvelle langue, na, na, na. Mais, en arrière de ça, il y a des mécanismes d'addiction pour vendre la souscription, l'abonnement premium, là.

Puis on revient à cette notion là de... Moi, je pense qu'il y a une éducation à faire, sociétairement, à reconnaître les modèles d'affaires sous-jacents. On n'est pas très nécessairement exposés à ça, on ne réfléchit pas nécessairement à ça, comme citoyen, mais, ultimement, la façon que l'application fait de l'argent va changer la façon qu'elle interagit avec l'utilisateur, de façon assez dramatique, là. Puis je suis un grand fan de Duolingo, c'est cool, je n'ai pas de problème avec ça, mais je suis critique par rapport à ça. J'ai un fils de 10 ans qui tripe là-dessus, mais je suis, comme : Regarde, là, pourquoi tu as des vies dans Duolingo? Tu sais, tu as trois vies, puis là, si tu fais trois erreurs, tu ne peux plus jouer pour le reste de la journée, là. Je suis, comme : S'il voulait vraiment que tu apprennes l'espagnol, il ne t'empêcherait pas, là. Pourquoi tu as des vies? Ça fait que c'est des conversations qu'on a besoin d'avoir avec nos jeunes.

Mon jeune, il a commencé à jouer à Fortnite. On a beaucoup de discussions par rapport à ça : Aïe! papa, là, il faut absolument que j'achète tel équipement, il va disparaître du magasin aujourd'hui. Bien, voyons! Pourquoi il va disparaître du magasin aujourd'hui? C'est juste pour te contrôler. Ça fait que des conversations au niveau des faux sentiments de rareté, des... Regarde où est-ce qu'ils essaient de te faire revenir, pourquoi est-ce qu'il y a des notifications qui, à chaque jour, apparaissent dans ta tablette, pour que tu retournes jouer. On a besoin de se sensibiliser à ça, mais aussi les parents. Tu sais, tout ça, c'est vrai pour les adultes, quand on est exposé à plein de plateformes qui ont exactement la même stratégie, là. Puis, dans certains cas, ils vendent des abonnements; dans d'autres cas, c'est de la publicité, là. Puis les médias sociaux, c'est des beaux exemples de ça, c'est des machines à publicités. Est-ce que ce genre de machine à publicités là devrait être dans nos écoles? Probablement pas. Est-ce que ça veut dire qu'on devrait limiter le temps d'écran dans les écoles ou empêcher le numérique dans les écoles? Pas nécessairement non plus. C'est ça.

M. Ciccone : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. M. Young, Mme Gagné, merci beaucoup pour votre exposé. Ma première question est, en fait, un peu dans la lignée de mon prédécesseur. Puis, en fait, moi, je me demandais, parce que je vous ai écoutés puis je me dis : Est-ce que c'est une erreur de comptabiliser le temps d'écran à des fins pédagogiques avec le temps d'écran à des fins récréatives? Est-ce que vous... Vous nous mentionnez, bon, le temps d'écran. Il n'y a pas juste ça, mais, dans le fond... On va pouvoir parler de la qualité, là, mais, si je vous entends bien, vous autres, il faudrait qu'on... en fait, qu'on arrête, un peu, ou qu'on émette quelques nuances, tu sais, face au concept de temps d'écran, qui est beaucoup la première ligne, là, quand on s'intéresse à ce sujet-là. La première chose qui nous vient, ce sont les directives en matière de temps d'écran, puis ensuite on creuse puis on voit qu'il y a de la recherche sur bien d'autres thématiques. Mais ce que vous nous dites, c'est que la première ligne qu'on a comme source d'information, comme parent, comme élu, comme citoyen, sur le temps d'écran, là-dessus, il faudrait qu'on puisse émettre des nuances puis qu'on ne le pense pas en termes de comptabilisation de temps, tout simplement.

M. Young (Shawn) : Tout à fait.

Mme Gagné (Anny) : Bien oui. En fait, je crois que c'est un peu passer à côté du fond du problème, qui n'est pas le temps d'écran en soi, mais d'avoir un jugement critique face à cette utilisation-là de l'écran. C'est plus là que le bobo saigne, là, je crois, et non pas en termes d'utilisation de temps. Puis, de toute façon, même s'il y a un côté récréatif et pédagogique, c'est clair qu'on va mettre de l'avant que le pédagogique est la solution qu'on devrait aller de l'avant. Par contre, ça ne veut pas dire que c'est mal, aussi, d'avoir du temps d'écran récréatif. C'est d'avoir cet équilibre-là, comme dans toutes sphères de la vie, mais il faut apprendre à le trouver, cet équilibre-là. Comment est-ce qu'on y arrive? Pour ça, il faut qu'ils soient éduqués sur les conséquences d'avoir trop de temps d'écran, les conséquences d'utiliser telle source plutôt que telle autre source. Et, en ce moment, je pense que c'est plus ça qui est manquant.

• (15 h 20) •

M. Young (Shawn) : Puis la façon qu'on en... tu sais... puis même si on va dans le... puis, tu sais, effectivement, 100 % ça. Je donne un exemple de ma jeune. Moi, j'ai grandi avec les jeux vidéo, je joue encore à des jeux vidéo, je l'avoue, je l'avoue.

Mme Gagné (Anny) : Ce n'est pas des saines habitudes de vie...

M. Young (Shawn) : Non. Oui, c'est ça, donnez-moi pas en exemple. Mais moi, quand j'étais jeune, on n'avait pas le droit de jouer, la semaine, puis c'était ça, la règle, mais la fin de semaine, on ne contrôlait pas ça. Mais là on avait un comportement totalement boulimique par rapport à ça, là. On ne jouait pas la semaine, mais là, la fin de semaine, 12 heures de suite de Mario Bros., là. Ça fait qu'il y a aussi cette idée-là de dire : Bon, bien, c'est quoi... c'est quoi, une notion équilibrée par rapport à ça, là? Parce qu'on peut le dire, on peut réduire ça au maximum, mais là tu crées un sentiment de rareté. Tu n'as pas le droit de manger de bonbons. Bien, qu'est-ce que ça fait, un enfant, dans ce temps-là? Ça fait juste penser à des bonbons, là. Ça fait que comment est-ce qu'on peut proposer ça? La prédécesseure parlait de proposer des activités alternatives, justement, là. Après ça, nous, on a le rôle, comme parents, comme adultes dans la pièce, de dire : Ce n'est pas tout mauvais, je vais t'aider à voir ce qui est bon et mauvais là-dedans, mais je veux aussi que tu fasses d'autres choses puis je vais te proposer des choses à faire, là.

Mme Cadet : Ça fait que, même quand vous dites, sur le temps d'écran à des fins récréatives... Je veux dire, ce n'est pas nécessairement mauvais en tant que tel, il faut... je pense qu'il y a aussi... Et j'aimerais vous entendre aussi sur l'aspect... Parce que, quand on entend ces recommandations-là, on a l'impression, bon, si on est entre deux et cinq ans, puis que c'est, je pense, bon, deux heures par jour, disons, s'il passe deux heures et une minute... ah mon Dieu! J'ai brûlé un neurone à mon enfant, que... Ce n'est pas nécessairement ça, mais c'est aussi la comptabilisation du coût d'opportunité, donc de qu'est-ce que l'enfant pourrait faire d'autre, dans ce temps-là, puis que, manifestement, le... s'il dépasse les recommandations visées, c'est parce qu'il est en train de ne pas réaliser une autre tâche qui pourrait être plus productive ou qui pourrait être plus bénéfique pour ses saines habitudes de vie. Donc, ce coût d'opportunité là, il est là-dedans.

M. Young (Shawn) : Oui, bien, bénéfique pour les habitudes de vie, oui, là, il faut faire attention à... C'est un jugement de valeur de dire que c'est productif ou pas, là, tu sais? Je vous donne un exemple. J'étais avec le gouvernement du Bhoutan, justement, sur cette question-là, puis l'exemple que j'ai sorti, c'est... Tu sais, eux, leur grosse question, c'est : Les jeux vidéo, ça rend sédentaire. On pourrait dire : Ah oui! mais, crime, il a été assis là pendant trois heures... Moi, je suis un grand lecteur, je lis plus que 100 livres par année, depuis que je suis au secondaire, mais je passe plein de temps sédentaire à lire des livres, là. Je passe quatre heures assis à lire un livre. Est-ce que, là, on pourrait dire : Bien, crime! C'est donc bien sédentaire, quelle mauvaise habitude de vie? Mais on ne dit pas ça à un jeune qui lit, qui se clenche la moitié d'un Harry Potter. On va dire : Aïe! C'est le fun, ce jeune-là, il aime lire, c'est super. S'il fait la même affaire dans un jeu vidéo, là, on va dire : Ah! c'est donc bien mauvais, etc.

Puis ça, ça fait partie... parce qu'on n'est pas dans une optique de qu'est-ce qu'on apprend, tu sais? Tantôt, notre prédécesseure, elle a parlé de qu'est-ce que les jeunes apprennent en jouant à des jeux vidéo : la collaboration, le sentiment de persévérance, la notion d'autocompétence, que, si je mets des efforts, je peux réussir, la collaboration. Tout ça, c'est des apprentissages qui peuvent venir par le jeu, mais dans lesquels... On ne le fait pas, comme parent, on ne s'assoit pas avec nos jeunes pour dire : Eh! regarde, tu as travaillé fort, tu as réussi, etc., qu'est-ce que tu as appris en jouant à ça? On s'en sert pour se départir de nos responsabilités, peut-être, parfois, d'éducateur.

Ça fait que je veux juste... tu sais, cette notion-là de productivité, il faut faire attention, là. Est-ce qu'un jeune doit être productif? À quel âge on s'attend à ce qu'un enfant devienne productif? C'est un peu... Ça fait que... Excusez, je réagis fortement à ce terme-là, mais ça fait partie des jugements de valeur qu'on a par rapport au numérique, que c'est une perte de temps, alors que la plupart de ce que les enfants font, c'est une perte de temps, là, ils jouent, ils vont dehors, ils ne sont pas en train de travailler, là, justement, là.

Mme Gagné (Anny) : Puis ce n'est pas nécessairement sédentaire non plus, hein, même quand on parle de jeux vidéo, là. Il peut y avoir des interactions, ils peuvent se parler ensemble en ligne, ils peuvent aller dans une quête ensemble, développer des stratégies ensemble. Et, contrairement à la vie réelle, là, si on peut dire ça, là, tu sais, quand ils vivent un échec, c'est beaucoup moins difficile à intégrer, parce que tu n'as pas tout le monde qui juge alentour. Donc, tu peux apprendre aussi à vivre avec cet échec-là, là, qui est peut-être moins difficile. Donc, il y a quand même aussi des bons côtés, là, ce n'est pas juste sédentaire, zombie devant un écran, là.

Mme Cadet : Merci. J'ai-tu droit à une autre question ou je...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y.

Mme Cadet : Oui? Merci. Juste plus tôt... parce qu'on parlait d'encadrement d'usage des outils pédagogiques. Comment est-ce qu'on encadre, donc, l'usage périphérique des outils, là? On parlait, plus tôt, donc, d'utiliser, donc, les appareils, bon, donc, de l'école pour ne pas avoir accès à d'autres sites Internet. Mais, par exemple, les espaces de clavardage, là, qui peuvent être intégrés, donc, sur des appareils, donc, de l'école, comment est-ce qu'on encadrerait ça pour ne pas qu'il y ait cet usage périphérique qui pourrait, lui, être néfaste, donc, sur...

M. Young (Shawn) : C'est une bonne question. On en parlait justement, tantôt, tu sais, une des premières places où est-ce qu'il y a de l'intimidation numérique, c'est dans les chats de Google Docs, là, où carrément, là, là, il y a des écoles qui sont capables d'enlever... Tu sais, tu peux chatter dans le côté, tu peux enlever ça. Mais le Google Docs lui-même, c'est un espace de chat, là. Tu peux écrire des choses, l'autre le voit en temps réel, tu peux y répondre puis tu peux... Toute la classe peut être en train de dire : Shawn, c'est un maudit niaiseux, puis moi, je ne le sais pas, puis... Puis c'est des dynamiques qui sont possibles, mais c'est des dynamiques qui seraient possibles sans le numérique aussi, là. Ça fait qu'il faut faire attention de dire : Bon, bien, c'est à cause de l'outil que ça, ça se passe. En fait, des jeunes qui chuchotent, tout le monde sur l'autre jeune, ça se peut.

Après ça, encore une fois, on parle d'éduquer les jeunes à bien se comporter, le respect de l'autre, de... Ça fait que là, tu sais, on est dans comment est-ce qu'on fait pour contrôler ça. Ça, c'est une chose. Mais comment est-ce qu'on fait pour éduquer les jeunes à ce qu'ils ne fassent pas ce genre de trucs là? Puis là, là on parle vraiment de développer des compétences socioémotionnelles, on parle d'avoir une approche bienveillante à l'école, on parle de renforcement positif, de mettre des attentes claires, positives puis faire du renforcement positif par rapport à ça. Donc, toutes ces approches-là dans lesquelles on veut former les jeunes à du savoir-être, bien, ça s'applique aussi dans le monde du numérique, parce que c'est là qu'ils évoluent aussi, là.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Moi, je vais vous ramener à l'équilibre. On entend encore... Je vais vous amener au niveau des jeunes aux études supérieures. On entend encore aujourd'hui, même après la pandémie, des programmes universitaires qui sont 100 % en ligne. J'ai une jeune, dans mon entourage, qui vient de commencer dans un centre de formation professionnelle, et son cours est en technique du bâtiment, et c'est 100 % en ligne. Oui, le numérique, mais j'aimerais avoir votre position là-dessus, votre opinion. Parce qu'il y a beaucoup de spécialistes qui nous disent : Bien, ça ne devrait pas être la première façon de... pédagogique d'enseigner aux jeunes. Maintenant, comment on arrive à cet équilibre-là, quand on a encore des cours qui sont quand même 100 % en ligne? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Young (Shawn) : Bien, j'ai une opinion là-dessus, c'est sûr.

Mme Gagné (Anny) : Bien, vas-y, dans ce cas-là.

M. Young (Shawn) : Bien, évidemment, qui dit en ligne... ce n'est pas tout égal, là. Encore une fois, on revient à la notion de qualité. Tu peux suivre un cours en ligne, qui est... Tu sais, par exemple, là, la maîtrise en éducation à Harvard, il y a une grosse partie qui est en ligne. Mais ce que tu fais en ligne, c'est... Tu sais, c'est sûr que, si ton cours en ligne, c'est : je partage mon écran sur des PowerPoint et je parle de ça. Ce n'est pas super. Mais ça, ce n'est pas non plus super en vrai, là. On a tous été à des cours en présentiel, que c'était ça, puis on se dit : Crime! Pourquoi je suis là? Je pourrais juste avoir les diapos puis je vais venir à l'examen. Ça fait que c'est sûr que, si tu as une pédagogie qui laisse à désirer, bien, ça va autant laisser à désirer dans un espace virtuel que dans un espace présentiel.

Après ça, c'est sûr que, bon, c'est plus facile, par exemple, de créer des liens entre les étudiants, quand ils sont en présentiel, par exemple, de leur faire travailler en équipe, etc. Mais il y a des opportunités superintéressantes que tu peux avoir, par exemple, dans des cours 100 % à distance comme ça, par exemple par rapport à des activités interactives que tu pourrais faire, par exemple à l'accès, tu sais, il y a tout un enjeu d'accès qui est superimportant là-dedans. On pense aux régions, mais on pense aussi aux gens qui sont en... qui travaillent déjà, etc. Moi, j'ai fait une maîtrise en éducation 100 % virtuel, puis ça a complètement changé ma façon... J'étais enseignant pendant neuf ans puis, pendant que j'étais enseignant, je suivais cette maîtrise-là, puis au jour le jour j'appliquais ce que je voyais, tu sais, dans ma maîtrise en ligne, dans ma pratique.

Ça fait qu'il y a moyen, avec ce genre de cours là, de faire un jumelage entre la pratique... Parce que tu n'es pas nécessairement, physiquement, à des cours, tu peux te pratiquer dans la vraie vie à faire ces choses-là. Ça fait qu'il y a moyen de structurer ça. Mais je suis d'accord avec vous que, très souvent, on n'a pas innové, pédagogiquement, dans ces cours-là. Puis effectivement, bien, il y a une perte, là, quand... quand c'est le cas, là.

• (15 h 30) •

Mme Gagné (Anny) : Je ne pense pas que... tant l'outil, mais, encore une fois, comment qu'on l'utilise. Puis je pense qu'ici c'est plus une question que l'enseignant, dans ce cas-ci peut-être, au niveau pédagogique, n'utilisait pas les meilleures approches. Parce que, pour avoir moi-même enseigné dans une classe à moitié à distance et à moitié physiquement dans la classe, je ne pense pas que ceux à distance se sentaient exclus et moins parts de la classe. C'est une question d'utiliser des stratégies pédagogiques pour les inclure. Je comprends que ça pose plus de limitations, plus de défis, définitivement, mais je pense qu'on peut donner tout un aussi bon cours à distance qu'en personne comme on peut donner un cours en personne complètement désastreux, là.

M. Young (Shawn) : C'est toute la notion de l'asynchrone. Tu sais, dans des cours en présentiel, c'est nécessairement synchrone. On est... On ne maximise pas l'usage d'outils puis d'approches asynchrones. Ça, c'est intéressant, parce que tu peux apprendre à ton propre rythme quand c'est asynchrone, puis c'est beaucoup plus facile de faire ça dans des cours virtuels, là. Ça fait qu'il y a des pour et des contre, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Encore faut-il que les jeunes n'aient pas de troubles d'attention, des choses comme ça. Je pense que ça peut peut-être devenir plus difficile dans des cas comme ça.

M. Young (Shawn) : Bien, c'est certain, c'est certain, mais ça, c'est comme tous les choix éducatifs qu'on fait pour soi-même ou pour nos enfants. Il faut aller vers des solutions qui sont propres à nos besoins, tu sais. Un élève qui a des difficultés d'apprentissage, mais qu'on veut à tout prix qu'il aille au privé, dans lequel il n'y a aucune ressource d'orthopédagogie, par exemple, bien, c'est-tu vraiment le meilleur milieu pour lui? Oui, mais je veux vraiment qu'il aille au privé, alors que ces ressources-là existent dans le système public. Tu sais, c'est ce genre de questionnement là qu'on doit faire.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Alors, je laisse la parole à mes collègues. Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci. J'allais vous poser une question dans le même sens parce que je connais des gens qui ont commencé, par exemple, au cégep ou à l'université durant la pandémie. Tous les cours étaient en ligne, et il y avait très peu d'interactions entre les étudiants et les profs. Il y avait une certaine hésitation de poser une question. Puis j'imagine que c'est aussi vrai aujourd'hui pour les cours en ligne. Tu sais, tu as des gens que, bien, pendant que le cours... pendant le cours, ils vont aller, tu sais, faire quelque chose d'autre en ligne. Ils vont être distraits. Ils ne vont pas faire attention. Ils ne développent pas de relation avec les autres élèves. Ils ne développent pas de relation avec le prof. Comme j'ai dit, il y a une certaine hésitation pour parler.

Moi, mon fils qui est au... bien, il était au primaire à ce moment-là, lui, quand ils ont fait l'école de façon virtuelle, c'étaient 32 enfants avec un prof pendant une heure, puis c'était le chaos, puis il y avait des élèves qui n'arrêtaient pas de parler, mais la majorité ne parlait pas parce qu'il y en avait qui n'arrêtaient pas de parler, puis c'était... Moi, j'ai trouvé ça très chaotique, puis lui aussi a trouvé ça chaotique.

Donc, est-ce qu'il y a une façon... Parce que, là, vous vous dites que ça dépend comment le prof va présenter le cours, etc., mais, encore une fois, est-ce qu'il y a des formations ou des balises qu'on peut offrir au prof pour dire : Si ça va être en ligne, bien, voici comment assurer l'interaction et l'intérêt des élèves et des étudiants?

M. Young (Shawn) : Je vais vous dire, la meilleure façon de rater des cours en ligne, c'est de prendre toute une société, puis, du jour au lendemain, vous donnez des cours en ligne sans aucune formation ni outil, là.

Mme Gagné (Anny) : ...du temps de préparation, là.

M. Young (Shawn) : C'est sûr que, si on regarde ce qui s'est passé dans la COVID, tout le monde... nos yeux saignaient, là, c'était comme... mais c'était de l'improvisation, là. C'est certain que, si tu dis : Bon, bien là attends, là, je vais prendre le temps de me dire comment je pourrais donner le meilleur cours possible en ligne... que les établissements, après ça, disent : O.K., on va te donner des outils, on va donner de la formation pour le faire, on va avoir un autre niveau de qualité, là.

Après ça, tu sais, là, on parle des études supérieures, c'est une chose. L'école primaire... L'école secondaire a un rôle de socialisation qui fait partie de sa mission, là, ça fait que... Est-ce qu'on devrait... Tu sais, je travaille beaucoup aux États-Unis. Aux États-Unis, croyez-le ou non, il y a des écoles virtuelles qui partent de la maternelle puis qui vont jusqu'à la fin du secondaire. Un petit bout de maternelle tout seuls chez eux, à faire des cours en ligne, ça fait pitié. Oui, c'est ça...

Ça fait que... Est-ce que... Tu sais, ce qu'on dit là, tu sais, ça s'applique à certains groupes d'âge. Il faut faire une nuance. Je ne suis pas en train de dire que ça pourrait être une bonne approche, par exemple, pour nos enfants d'âge primaire, au début du secondaire. Au contraire, une des missions principales de l'école, c'est de former à la socialisation, puis le rôle de l'école... Pourquoi est-ce qu'on... Tu sais, pourquoi est-ce qu'on a des bâtiments physiques auxquels on envoie les enfants? Bien, premièrement, on a besoin d'aller travailler puis il faut les mettre à quelque part. Mais la raison éducative, c'est ça, là, c'est de les mettre en contact avec d'autres jeunes, puis qu'ils apprennent à socialiser, puis évidemment c'est perdu dans des cours en ligne. Ça fait que ça ne devrait pas être quelque chose qu'on favorise de façon générale pour les enfants.

Mme Gagné (Anny) : Idéalement, quand on donne un cours en ligne, on est formés pour donner un cours en ligne. Là, les enseignants étaient pris du jour au lendemain à donner une formation en ligne sans outil. C'est sûr que les résultats n'étaient pas là. Par contre, comme je disais tout à l'heure, il y a des façons pédagogiques d'amener les élèves à participer même si on est en ligne. Ça se fait, des sous-groupes. Tu peux les avoir dans des sous-groupes qui communiquent ensemble. Ils ont des tableaux interactifs où ils peuvent communiquer des dessins. Tu sais, je veux dire, l'interaction est toujours possible en ligne. C'est juste un manque de savoir des gens qui...

La Présidente (Mme Dionne) : C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Merci beaucoup pour ces échanges à cette commission.

Donc, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

(Reprise à 15 h 40)

La Présidente (Mme Dionne) : Nous reprenons maintenant les travaux. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous transmettre votre exposé. Suite à cela, il y aura une période d'échange et de questions avec les membres de la commission. Donc, peut-être vous présenter au début et nous faire part de vos commentaires. Merci. Je vous laisse la parole.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Lelièvre (Katia) : Merci beaucoup. Donc, bonjour. Moi, je m'appelle Katia Lelièvre. Je suis vice-présidente de la CSN, entre autres, responsable du dossier de l'éducation, là, puis de l'enseignement supérieur. La CSN, c'est une centrale syndicale qui représente près de 1 600 syndicats, 330 000 membres de tous les secteurs d'activité, sur l'ensemble du territoire québécois. On compte trois fédérations plus spécifiquement dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement supérieur.

Et je suis accompagnée par des représentants de deux des trois fédérations, donc, M. Frédéric Brun, qui est président de la fédération des employés de services publics, ainsi que Léandre Lapointe, qui est vice-président de la FNEEQ, la fédération nationale des enseignants, enseignantes du Québec, CSN tous les deux, évidemment. Il y a aussi la Fédération des professionnèles qui représente des professeurs d'université et plusieurs professionnels en enseignement supérieur. Aujourd'hui m'accompagne aussi Julie Audet, qui est conseillère au service de recherche et de condition féminine pour la CSN, spécialisée en éducation et en enseignement supérieur.

Donc, on souhaite vous remercier de nous avoir invités à partager notre opinion à la commission. On accueille aussi favorablement la création d'une commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé des jeunes et leur développement. On croit que l'approche transpartisane, ça devrait favoriser l'identification des pistes d'action qui vont être consensuelles. C'est nécessaire, considérant, puis on l'a entendu depuis tantôt, là, les préoccupations sociétales qui entourent la présence des technologies numériques qui se fait, elle, de plus en plus grande auprès de nos jeunes sans qu'un encadrement légal et adéquat n'ait été mis en place de quelconque façon.

Pour cette consultation, on a ciblé trois questions qui touchent directement les lieux d'éducation et d'enseignement supérieur. Donc, les trois questions sont les suivantes. À quelles fins recourir aux technologies numériques dans les classes? Comment encadrer l'utilisation des technologies numériques et le temps d'écran en milieu scolaire? Comment bien outiller les jeunes et le personnel scolaire pour qu'ils développent les compétences et un regard critique nécessaires à une utilisation éclairée des technologies numériques?

Pour la CSN, la réussite éducative et l'accessibilité à un enseignement de qualité à tous les niveaux doivent être les bases sur lesquelles prendront assises les balises qui encadreront le recours aux technologies numériques en classe. Selon nous, cette réflexion devrait s'inscrire dans la poursuite de deux grands objectifs, soit soutenir les apprentissages et la réussite éducative et améliorer le fonctionnement des établissements d'enseignement.

L'innovation n'est pas nécessairement un gage de succès, et, jusqu'à présent, les preuves de résultats concrets positifs sur l'apprentissage des enfants et des jeunes restent encore à faire, alors qu'on a une pléiade de risques qui ont été démontrés, tant sur leur santé que sur leur développement. Considérant les incertitudes, nous préconisons que toute prise de décision concernant l'utilisation ou non de ce type d'outil fasse... soit faite selon un principe de précaution.

Le deuxième thème, il aborde l'encadrement du temps-écran et s'inscrit dans un contexte plus large de baliser le recours à ces technologies numériques et à la formation à distance. On croit que c'est important et pressant de concevoir un cadre de référence à l'intention des milieux éducatifs afin de baliser l'utilisation des écrans.

Enfin, le troisième volet de notre réflexion concerne les moyens d'acquérir une meilleure compréhension des technologies numériques, et ce, tant pour les élèves que pour le personnel scolaire. Actuellement, on observe des inégalités numériques, c'est-à-dire des différences au niveau du plan de la familiarité, de l'habileté ou de l'accès. Le milieu scolaire a donc un rôle important à jouer pour réduire ces disparités et former des citoyennes et citoyens éclairés, capables d'avoir une pensée critique.

Je vais donc céder la parole à mes collègues parce qu'ils travaillent avec ces gens-là qui oeuvrent sur le terrain auprès de nos jeunes et ils vont donc pouvoir nous parler de ce qui se passe avec nos jeunes et comment on devrait implanter des balises et gérer les technologies numériques dans nos classes et dans nos milieux d'apprentissage.

M. Lapointe (Léandre) : Oui. Alors, bien, bonjour, tout le monde. Donc, à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, on représente 40 000 enseignants, ça, c'est du préscolaire jusqu'à l'université, donc, principalement, là, au collégial, les chargés de cours à l'université, mais surtout 47 syndicats d'établissements d'enseignement privés, qui ont été quand même particulièrement impliqués dans l'utilisation des technologies dans les classes dès le début. Je pense que la tenue, là, puis Katia l'a bien dit, de cette commission parlementaire là, elle est importante parce qu'il est le temps d'identifier les dérives, d'encadrer l'utilisation des technologies pour le bien-être des jeunes, dans l'objectif ultime d'assurer la réussite éducative de nos jeunes.

Les dérives, elles existent en éducation. Les écrans sont de plus en plus présents dans les classes et le temps d'utilisation croît avec l'usage, notamment dans les établissements d'enseignement privés, où plusieurs établissements ont mis de l'avant les technologies, hein, pour se présenter une façade d'innovation, dans des réseaux où la compétition entre les établissements, elle est grande, et ce souci-là, d'attirer de la clientèle, comme ils disent, mettant de côté, malheureusement, des approches pédagogiques signifiantes à certains égards.

Une fois que la technologie est implantée dans l'école, bien, les enseignantes et les enseignants reçoivent de la pression de toutes parts, des directions, des parents, des élèves mêmes, qui souhaitent avoir une plus grande utilisation de ces écrans-là, souhaitent multiplier les activités. On a des parents qui souhaitent rentabiliser l'achat qu'ils ont fait, et ça, souvent, malheureusement sans égard aux apprentissages, aux bonnes activités pédagogiques ou à l'utilité de la technologie et à l'autonomie professionnelle de l'enseignante et de l'enseignant, qui sait discréditer la bonne de la moins bonne utilisation en pédagogie des technologies.

Puis, si on regarde en enseignement supérieur, c'est la même chose, la multiplication de l'enseignement à distance, hein, qui... par exemple, pour compenser le manque d'espace, le manque de locaux, pour compenser le manque de financement et pour élargir ce qu'ils appellent, les établissements d'enseignement supérieur, le marché étudiant, au détriment, là, d'une relation pédagogique humaine. C'est d'ailleurs les orientations de la stratégie québécoise sur l'utilisation des écrans où, dans l'analyse des recommandations par l'INSPQ... qui nous dit que les écrans devraient servir dans l'objectif unique pédagogique, devraient être utilisés seulement lorsqu'ils améliorent l'enseignement et les apprentissages.

Les impacts sur la santé, ils existent. Vous allez en entendre parler par les divers experts que vous allez rencontrer. Ce qu'on sait maintenant, et ça, c'est important de le dire, c'est que toutes les utilisations doivent s'additionner. Que l'utilisation de la technologie soit bonne pour le divertissement... ou la mauvaise utilisation, on doit maintenant faire la somme de toutes ces heures-là et non pas soustraire celles de la bonne utilisation. L'OCDE l'a dit également, une plus grande utilisation des technologies ne se traduit pas automatiquement par des meilleurs résultats scolaires.

On a souhaité, nous, être positifs, amener des solutions, et vous allez le retrouver dans notre mémoire, là, à la page 13 et 14, où on vous a présenté un tableau des... je cherche mes mots ici, des principes directeurs sur l'encadrement. Ce qu'on souhaite faire, puis vous allez le voir, c'est qu'on souhaite replacer l'être humain au centre de la relation pédagogique. On souhaite valoriser cette approche-là, que l'outil soit utilisé par l'humain, que les acteurs soient au centre des décisions et adopter un principe de précaution dans le seul et unique but d'assurer le bien-être de nos jeunes et leur réussite éducative.

M. Brun (Frédéric) : Bonjour à vous. Je représente la Fédération des employées et employés de services publics. Donc, on représente plusieurs secteurs, mais dont le personnel de soutien, le personnel de soutien scolaire, quand on parle... dans les centres de services scolaires, dans les commissions scolaires anglophones, le personnel de soutien dans les collèges et le personnel de soutien dans les universités. On parle ici d'environ 45 000 travailleurs et travailleuses, là, qui travaillent en soutien aux étudiants de différents âges.

Léandre l'a placé d'entrée de jeu par rapport à la... les écoles privées, le fait... l'accès à la technologie, l'utilisation grandissante. On n'est pas nécessairement à la même place quand on parle... dans le réseau public puis dépendamment où est-ce qu'on se retrouve dans le réseau public. Donc, c'est sûr qu'aujourd'hui on veut amener aussi la réflexion, de dire... les chances égales de pouvoir se servir de ces différents médias là, de ces différents écrans là, on l'a vécu.

Tantôt, j'entendais, plus tôt, là, parler de la période de COVID, de l'intégration, comment ça s'est fait d'un coup, tout ça. On a des régions au Québec où est-ce que ces jeunes-là n'avaient pas accès à Internet, qu'on a été obligés de donner des puces pour qu'ils réussissent à avoir du réseau, qui n'avaient pas nécessairement les bons outils à ce moment-là. Ça existe. Ça existe, puis pas juste en temps de pandémie. Ça existe de manière générale, où est-ce que ce n'est pas chaque foyer au Québec qui a les aménagements pour être capable de se servir des écrans comme ça, d'avoir les bons écrans puis d'être capable de se servir à ce moment-là de tous les services qui viennent avec. Donc, on parle ici de chances égales, hein, peu importe le milieu d'où on vient.

Puis la commission va servir aussi à réfléchir vers quoi on peut s'en aller, puis quelle est l'utilité, puis pour le bien-être de tout le monde. Quand on parle de technologies numériques supportées par les écrans, oui, on parle de temps d'écran, mais il faut départager le temps d'écran. Il y a certains élèves pour qui ce temps d'écran là est nécessaire à leur réussite. Quand on parle d'élèves qui ont des problèmes de dyslexie, dysorthographie, qui ont le droit du tiers de temps de plus pour faire des examens, tout ça, on doit le compter. C'est du temps d'écran. Par contre, ce temps-là ne sert pas à la même chose, sert à la réussite, hein? On est vraiment là où est-ce qu'on en a de besoin.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Dionne) : Désolé, oui, je faisais des simagrées. Désolé, le temps est terminé, mais est-ce qu'il y a consentement pour laisser terminer monsieur? Allez-y, continuez, concluez.

M. Brun (Frédéric) : Donc, c'est ça, ça fait que, tout en respectant le besoin des élèves puis de se servir des bons outils, hein, pour faire le... pour le cheminement scolaire de chacun des élèves... Quand on parle de... aussi des... on vient toucher l'intelligence artificielle, il y a certains systèmes qui servent présentement un peu, Vigo, on le voit, intégrés dans les écoles, avec des questionnements pour les élèves. Il faut garder en tête, Léandre l'a placé, là, la relation avec l'humain, la prévention, l'observation, l'orientation de ces élèves-là, pour travailler autant des comportements que de faire de la prévention pour les amener un petit peu plus loin.

Je vais m'arrêter là. Je vais laisser les questions... puis je pourrai continuer.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup pour ces informations. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec le député de Marquette.

M. Ciccone : Bonjour à vous quatre. Merci beaucoup d'être là. Je vais citer une partie de votre mémoire : «Actuellement, des pressions sont exercées pour accélérer le recours aux nouvelles technologies dans les écoles et pour devenir des leaders numériques, une impulsion selon laquelle l'innovation est un gage de succès.» Vous l'avez dit tantôt, et j'avais une question. Est-ce que ça met de la pression sur vos membres? Vous avez dit oui. Cependant, est-ce que vos membres, bien outillés, sont ouverts à cette nouvelle technologie pédagogique là?

M. Lapointe (Léandre) : Oui, bien, notre position, nous, c'est qu'on n'est pas technophiles, mais on n'est pas technophobes non plus. Donc, on est technocritiques. C'est-à-dire que les enseignants sont à même de connaître la bonne utilisation de la technologie. Il y a des technologies qui aident en éducation, qui accélèrent les apprentissages et qui les rendent signifiants, c'est-à-dire qu'ils vont rester.

Je vais vous donner des exemples, l'écriture collaborative. Des fois, les enseignants vont vouloir faire écrire un texte à plusieurs, tu sais, pour apprendre le sujet amené, sujet divisé. On va placer... Anciennement, on plaçait trois élèves, quatre élèves autour d'une feuille puis, avec un crayon, ça n'écrivait pas facilement. Maintenant, on peut, avec les plateformes, être à plusieurs à écrire un texte. Chacun a son curseur, et on peut construire, coconstruire un texte, et c'est ça, une bonne utilisation de la technologie, où, à la sortie de cette activité-là, le jeune va avoir mieux appris puis il va ressortir une meilleure compréhension d'une structure de texte.

Il va y avoir d'autres technologies, je vous dis, il y en a plusieurs, là, mais qui sont des moins bonnes utilisations... Météormath où, dans le fond, on fait des additions, puis là il y a des feux d'artifice, des explosions, où qu'il n'y a pas de plus-value à utiliser la technologie. Donc, on est en train d'activer un facteur motivationnel, un intérêt qui ne perdure pas dans le temps. Ça, c'est important de le savoir. Donc, qu'est-ce qu'on gagne à utiliser... Donc, on vient d'ajouter du temps d'écran pourquoi, dans le fond?

Alors, c'est ça qu'il faut faire à chaque fois, se dire : Ça, c'est une bonne utilisation, une moins bonne. C'est pour ça qu'on s'en remet aux acteurs des milieux de l'éducation à faire justement ces choix stratégiques pertinents, parce qu'on sait que la somme des heures, elle est comptée. Donc, c'est encore plus pertinent de bien les utiliser.

M. Ciccone : Est-ce que vous sentez que ou est-ce que vous entendez de la part de vos membres qu'ils sont bien formés pour la nouvelle technologie pédagogique dans les écoles?

M. Lapointe (Léandre) : Je vais y aller. Bien, de plus en plus. Malheureusement, on est formés à utiliser les outils. On nous apprend les nouvelles plateformes, les nouvelles applications, les nouveaux... puis, bon, ces plateformes-là, même quand on les conçoit et même quand on les utilise, elles évoluent dans le temps. À un moment donné, tu vois des icônes apparaître dans des applications que tu utilises depuis longtemps, mais on n'apprend jamais les effets sur la santé, qu'est-ce que ça peut avoir comme effets négatifs? Je n'ai eu... Moi, ça fait 21 ans que j'enseigne au secondaire, en troisième secondaire, en sciences. Je n'ai jamais eu une rencontre, dans une journée pédagogique, où on m'a dit : Faites attention avec les écrans, si on les utilise trop, ça va avoir ça comme conséquence. Jamais, mais on me parle de ce que ça aide, qu'est-ce que ça fait, par exemple.

Donc, on a un discours qui n'est pas tempéré sur les technologies. Donc, on doit former nos directions d'école, et nos enseignantes, et nos enseignants à tout ça, parce qu'il y a des impacts, puis on vient tout juste d'apprendre... puis, moi, ça fait 10 ans que j'utilise les technologies dans ma classe, puis on vient tout juste de se faire expliquer que les technologies pourraient avoir des impacts. Alors, je pense qu'il y a un rattrapage important à faire de ce côté-là.

M. Ciccone : Dernière question, Mme la Présidente. Vous avez parlé... Encore sur les outils pédagogiques, là, vous avez dit qu'il n'y a pas de meilleur résultat scolaire avec les outils pédagogiques. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Lapointe (Léandre) : Avec les technologies... La science le démontre, hein, au primaire, on nous dit que l'enseignement à distance et l'utilisation des technologies peuvent nuire à l'apprentissage. On nous a dit que la lecture à l'écran peut nuire à la compréhension d'un texte puis on nous dit que la prise de notes à l'écran n'a aucun avantage. Donc, oui...

M. Ciccone : O.K., mais ça n'inclut pas, ça, les jeunes qui sont en difficultés d'apprentissage, avec des plans d'intervention, avec les outils pédagogiques, Antidote et autres. Vous ne parlez pas de ça, là.

M. Lapointe (Léandre) : Non, c'est... vous avez raison, il y a des outils spécialisés pour certaines problématiques qui sont très efficaces, ça, tout à fait.

M. Ciccone : Parfait. Merci beaucoup.

M. Brun (Frédéric) : ...si je peux me permettre de revenir... Quand on parle de formation, là, quand on parle du personnel de soutien en éducation, on parle des services en adaptation scolaire, les milieux... en services de garde dans le milieu scolaire. La formation, ça évolue vite. Quelqu'un qui n'est pas habitué de se servir de cette technologie-là... Il y a un manque de formation, puis cette formation-là... Plus tôt, là, j'entendais l'avant-dernière personne qui intervenait dire : Bien, tout ce qui est de la prévention, de savoir qu'est-ce qui en est, comment s'en servir puis comment mettre des balises au travers de ça... Je pense qu'il faut aussi équiper les travailleurs puis les travailleuses qui interviennent avec ces jeunes-là, puis pas juste à l'intérieur de la classe, parce que, quand on sort à l'extérieur de la classe, là, on tombe avec tous les réseaux sociaux, ces choses-là.

À la commission scolaire de Montréal, il y a une intervenante que son travail, c'est vraiment d'être avec les jeunes, de faire de la prévention et de voir aux réseaux sociaux, qu'est-ce qui se passe, pour faire un suivi avec les élèves, et son travail... elle dit : Je ne peux pas me déconnecter à 16 h 30 parce que ça continue, les murs de l'école ne sont pas étanches, ça continue en dehors des heures d'école. Donc, il faut le garder en tête. Puis ces formations-là sont nécessaires pour tout le monde, puis on est capables de dire comment ça a évolué, là. J'ai fin quarantaine, il n'y avait rien, mes filles en avaient plus. Puis, aujourd'hui, quand on regarde un enfant qui a cinq, six ans, il prend ton téléphone, puis il t'a vu faire, puis il... Donc, c'est cette évolution-là... qu'il faut former les gens, parce que ça évolue trop vite, là, par exemple.

M. Ciccone : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole à la députée de Hull.

Mme Tremblay : Bonjour. Vous avez parlé du personnel de soutien. Ça inclut aussi, si je ne me trompe pas, les éducateurs spécialisés, TTS. Ça en fait partie. Je vais me concentrer beaucoup sur eux dans ma prochaine question parce qu'ils sont des intervenants importants dans une école. C'est eux, souvent, qui vont recevoir les jeunes, notamment, qui pourraient avoir peut-être de la dépendance, souvent, quand ça ne fonctionne pas dans la classe, notamment, parce qu'ils ont utilisé trop leur téléphone, puis que c'est répétitif. Tu sais, c'est eux qui vont se... tu sais, qui vont souvent agir derrière l'enseignant puis l'enseignante. Leur rôle est tellement important.

Moi, j'aimerais ça voir, dans l'expérience que vous avez, parce que vous les représentez, dans une école, eux, c'est quoi, leur vision? Est-ce qu'ils ont mis des bons mécanismes de prévention, de sensibilisation? C'est quoi, leur position? Puis, quand on prend des décisions... Par exemple, vous savez, là, dans la classe, on le sait, maintenant, l'utilisation du cellulaire n'est plus autorisée. Ça a quoi comme impact, pour eux, sur leur charge de travail, mais aussi dans leur... pas juste dans leur charge, mais dans leur travail auprès des jeunes? Ça fait que je veux voir un peu la position de ce personnel-là qui est un... qui ont un rôle très... qui sont un des premiers intervenants auprès des jeunes aussi.

M. Brun (Frédéric) : Je vais essayer de reprendre... parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'éléments dans ce que vous amenez, là.

Mme Tremblay : Je vais vite, hein?

M. Brun (Frédéric) : On va parler de prévention. Puis là vous nous amenez aussi sur le fait que, bon, il y a une règle qui est descendue, là, depuis le printemps dernier, de plus d'utilisation dans les écoles. Il y a des équipes-écoles qui ont une expertise, à savoir c'est quoi, l'utilisation qui devrait être faite puis comment qu'elle devrait être faite. Il y a une règle générale, mais chaque milieu est différent, là. J'entendais plus tôt la même chose. Il n'y a pas un milieu qui est identique.

Donc, il faut le garder en tête, de faire de la prévention, de dire qu'il y a des règles, puis d'appliquer ces règles-là, si... Il y a des écoles, présentement, cette année, qui ont interdit d'emblée le cellulaire à l'école. Je veux dire, tout le monde est au courant. Il y a des élèves qui ont été orientés dans ces écoles-là et qui l'ont appris le matin même. Ces élèves-là... Sûrement que ça a été dit, mais, comme plusieurs élèves, sûrement plusieurs parents, qui sont pressés, puis j'ai été de ceux-là, on a écouté à moitié, puis c'est correct. C'est une rentrée scolaire un peu comme les autres. Il y a des... Ça génère des réactions chez ces jeunes-là. Donc, il faut faire de la prévention puis il faut être capable de faire le travail sur le terrain.

• (16 heures) •

Puis, vous l'avez dit, si les heures de l'équipe, hein, qui est là, qui est complémentaire, parce que le personnel de soutien, le personnel enseignant, le personnel professionnel sont complémentaires un envers les autres... Il faut qu'ils aient le temps de pouvoir faire ce travail-là. Donc, il faut leur donner le temps de peut-être expliquer, faire la prévention, être en support dans la classe. Puis peut-être qu'il y a certains élèves, étudiants, étudiantes, pour qui c'est plus difficile, que leur réalité personnelle, que leurs défis personnels font en sorte que... de se faire dire : Tu ne peux pas entrer à l'école avec un cellulaire ou tu ne peux pas l'avoir en classe. Parce qu'il ne faut pas se cacher, là, ça fait longtemps que de... certains regroupements... C'est un moyen pour certains élèves de se calmer, de se recentrer, que ce soit pour écouter de la musique, que ce soit un jeu de patience.

De formation, je suis éducateur spécialisé, là. J'ai travaillé dans des classes avec des jeunes avec des problèmes en psychopathologie, bien, ça faisait partie. Tantôt... Quand on entend... les écrans faisaient partie de quelque chose qui était calmant, il faut savoir à quoi ça sert exactement, puis leur donner le temps d'intervenir, puis de faire des groupes avec ces élèves-là. Peut-être que ces éducatrices spécialisées là, ces techniciennes en travail social là doivent avoir du temps pour rencontrer ces élèves-là en dehors de la classe, faire des groupes. Puis il y a peut-être, pour certains élèves, qu'il faut mettre en place d'autres moyens pour faire en sorte que l'adaptation se fasse puis qu'on puisse faire un travail avec eux, et non pas juste être, je vais dire, dans la répression, de dire : Bien, il n'y a plus de cellulaire à l'école où il n'y en a plus en classe. C'est plus compliqué que ça.

Mme Tremblay : Merci. J'aurais une dernière question. Vous avez parlé, bon, de la technologie, des outils pédagogiques, il faut que ça apporte un plus à l'enseignement. Donc, tu sais, on n'est pas dans les feux d'artifice, là, vous l'avez bien nommé, là, ce n'est pas ça, par rapport au contexte d'écriture que vous avez nommé, qui était très pertinent pour nous faire comprendre qu'est-ce qu'il en est. Donc... Puis, bon, l'INSPQ va dans le même sens, hein? Ça ne doit pas être des méthodes d'enseignement par défaut. Il y a également, là, même l'UNESCO, là, qui a dit qu'il y a peu de preuves de valeur ajoutée de la technologie en éducation, tu sais. Puis c'est des réflexions récentes, hein? Ça avance très, très vite.

Puis là vous venez avec un cadre de référence. Vous dites : Bien, écoute, ça serait bien qu'il y ait des balises. Ce matin, on a reçu, là, des parents, le comité de parents. Eux aussi disaient : Oui, tu sais, des balises, des grandes lignes, mais, en même temps, ils nous mentionnaient que c'était important de laisser, après ça, à chaque école, à partir de ces balises-là, de discuter des modalités parce que chaque milieu est différent. Il y a des milieux ruraux, il y a des milieux plus au centre-ville, il y a des écoles de 3 000 élèves. Donc, tu sais, il y a... bon, ça peut être très différent.

Vous, vous en pensez quoi, donc? Oui, pour le cadre de référence, j'ai compris que vous êtes en accord, mais après ça, de permettre, justement, une marge de manoeuvre dans chacune des écoles? Comment vous voyez ça?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, je vais laisser Léandre continuer mon bout, là, mais je vais commencer en disant que, pour nous, c'est évident que chaque école est différente. Puis les enseignants, ils ont des classes, aussi, différentes, des matières différentes, ça fait que ça va même au-delà de la classe. On n'enseigne pas le français de la même façon qu'on enseigne, par exemple, l'histoire, ou la géographie, ou les mathématiques. Donc, au-delà... C'est plus que le milieu, c'est même de... chacun des professeurs devrait avoir la liberté puis la latitude de regarder, mais selon des balises qui sont établies.

M. Lapointe (Léandre) : Bien, exactement. On est tout à fait d'accord avec ça. C'est que chaque école, chaque milieu, chaque équipe-école doit, à partir de principes d'encadrement, établir quelle sera la politique locale, je pense. Parce que ce n'est pas vrai que les enjeux en Gaspésie, ou au Lac-Saint-Jean, ou dans Rosemont—Petite-Patrie, ce seront les mêmes enjeux, dans l'utilisation de l'écran, les problématiques que ces écrans-là vont créer chez leurs jeunes. Donc, c'est à eux, qui seront à même d'identifier quelles sont nos problématiques, qu'est-ce qu'on fait ici, quel sera le type d'utilisation. Ça fait qu'on est tout à fait en accord avec ça.

Mme Tremblay : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci. Je passe maintenant la parole à M. le député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je fais un bout de chemin sur ce que vous venez d'échanger. Donc, tantôt, j'ai aussi posé la question : C'est quoi, la bonne échelle? Là, je comprends que vous dites, si on est pour faire des politiques publiques d'interdiction, par exemple, ce n'est pas tant la classe, ou la commission scolaire, ou le Québec, mais plutôt l'école qui est le bon dénominateur commun à choisir?

M. Lapointe (Léandre) : Bien, moi, je pense qu'il devra y avoir des encadrements à tous les niveaux. Je pense que l'éducation, par exemple, c'est pour tous, c'est pour tout le monde, dans le sens que...

Tu sais, je nous entendais discuter tout à l'heure sur, bien, c'est quoi, le rôle, là, pour limiter les GAFA ou les plateformes. Qu'est-ce que... C'est quoi, notre... Bien, je pense que, derrière tout ça, il faut outiller nos jeunes à se protéger, à comprendre puis à manipuler eux-mêmes les algorithmes qui essaient de les manipuler, se sortir des chambres d'écho de leurs réseaux sociaux puis devenir intelligents à l'utilisation.

J'entendais, ce matin, une dame dire : Bien, je ne suis pas capable... une jeune dire : Je ne suis pas capable... Je veux arrêter de voir des vidéos de guerre. Bien, quelqu'un qui comprend l'algorithme de TikTok est capable de le manipuler, puis il n'y en aura plus, de vidéo. C'est très simple. Il s'agit de savoir, puis on manipule l'algorithme puis on devient maîtres du réseau social. Donc, ça, ça passe par l'éducation. Donc, une fois que j'ai dit ça, je pense qu'il doit y avoir des règles, là, générales, mais, ensuite, localement, il doit y avoir une latitude où...

Par exemple, à Montréal-Nord, on souhaiterait intervenir sur telle utilisation, telle problématique versus une région. Donc là, je pense que les milieux, les réseaux et les acteurs locaux devront avoir la latitude de pouvoir aller sur quelque chose de plus pointu qu'une autre personne. Donc, il y a une espèce d'encadrement qui peut... qui est souple, je vais utiliser le mot.

M. Leduc : Est-ce que j'en déduis, donc, que vous n'êtes pas tellement dans l'interdiction, par exemple, le cellulaire en classe?

M. Lapointe (Léandre) : Bien, oui, on pense qu'il doit y avoir quand même des règles qui aident certains milieux, mais tout ça doit passer par l'éducation.

M. Leduc : Je comprends.

M. Lapointe (Léandre) : Tu sais, avant d'interdire, on doit expliquer pourquoi on interdit.

M. Leduc : Bien sûr. Mais donc pas de fermeture non plus à l'interdiction en classe?

M. Lapointe (Léandre) : Bien sûr que non.

M. Leduc : Puis là, dans... mettons, l'interdiction totale dans une école, là est-ce que ça va un peu trop loin? Tantôt, il y avait peut-être une piste de réflexion là-dessus?

M. Brun (Frédéric) : Non. Bien, ce n'est pas tant l'interdiction totale, c'est comment on le fait. Puis peut-être que, pour ce milieu-là, c'était la bonne chose à faire puis c'était le bon choix.

Je ferais le parallèle avec quand on recule de 25 ans. Les écoles n'étaient pas nécessairement dotées d'un plan de lutte à l'intimidation comme qu'on vit aujourd'hui, hein? Ça a évolué. Aujourd'hui, systématiquement, chaque école, centre de services scolaire, commission scolaire développe son plan de lutte. C'est peut-être la même chose qu'il faut réfléchir par rapport à tout ce qui est... si on prend l'exemple du cellulaire ou de la tablette, les écrans, de voir où est-ce que c'est accessible, dans quel moment qu'on peut s'en servir puis à quelle hauteur. Parce qu'on a tendance à le réfléchir comme on parle de polyvalentes avec des élèves sans difficulté particulière, mais on peut parler d'écoles où est-ce que c'est des jeunes avec un trouble du spectre de l'autisme, avec une déficience intellectuelle, puis l'utilisation qui est faite de ces écrans-là n'est vraiment pas à la même place que dans une classe régulière avec même un élève qui fait de la dyslexie ou de la dysorthographie.

Je vais vous donner l'exemple d'avoir été dans une de ces écoles-là. Ils ont des animaux dans la classe, qu'ils font venir, des lézards, entre autres. C'est des jeunes que les sensations sont difficiles, hein, le chaud, le froid, la texture. L'intervenante prend la tablette, met la tablette en avant du lézard, le jeune flatte la tablette; enlève la tablette, puis il continue à flatter le lézard. C'est un outil de travail. Pourtant, durant la journée, il se sert de cette tablette-là plus qu'une fois. Il est devant un écran. Il regarde, il fait des actions, il fait des gestes, il évolue au travers de ça, mais c'est un besoin. Dans cette école-là, de dire : On ne peut pas s'en servir, c'est non mur à mur, ça ne ferait pas de sens.

M. Leduc : Donc là, je déduis que vous y allez plus au niveau d'une école. Si un ministre disait : Moi, j'interdis ça à la grandeur du Québec, on n'irait pas dans la bonne direction, là.

M. Brun (Frédéric) : Je ne crois pas.

M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il y aurait encore un peu de temps? Oui?

La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y. Allez-y.

M. Lapointe (Léandre) : Si je peux ajouter là-dessus...

M. Leduc : Allez-y donc.

M. Lapointe (Léandre) : ...je pense que les interdictions actuelles, par exemple, il y a quand même... On dit : Si c'est pour la pédagogie, tu sais... bon, je pense que c'est là...

M. Leduc : Oui, oui, oui. C'est balisé quand même.

M. Lapointe (Léandre) : Exactement.

M. Leduc : O.K. Mais plus que ça, on commence à aller peut-être un peu trop loin.

M. Lapointe (Léandre) : Mais ce qui est important dans tout ça, là, c'est que n'importe quelle interdiction doit s'accompagner d'une compréhension de l'interdiction. C'est hyperimportant. Si on veut susciter l'adhésion d'une interdiction, on doit la comprendre. Donc, si la science est derrière pour nous dire : Voici pourquoi, puis qu'on place ça aux jeunes... Tu sais, dans nos écoles, on interdit les cellulaires, mais les enseignants, ils ont un cellulaire sur leur bureau. Puis là il y a des jeunes qui ne comprennent pas, mais il faut l'expliquer, ça. Bien, pourquoi? Parce que, s'il y a une urgence, là, moi, j'ai le 911, là, au bout de mon... Je peux... Si quelqu'un s'évanouit puis que j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de ça. Tu sais, il y a des raisons qui expliquent. Puis, quand le jeune comprend ça, c'est fini, puis... Ça fait qu'il faut expliquer l'interdiction pour faire susciter l'adhésion, tout simplement. Puis, ça, c'est pour tout.

M. Leduc : L'autre débat qui est sous-jacent à ce thème-là, c'est la majorité numérique. Il y en a qui disent 16 ans, 14 ans. Il y a des initiatives un peu partout dans le monde. Avez-vous une position là-dessus?

Une voix : On a...

M. Lapointe (Léandre) : Bien, nous, on a une expérience empirique, là. Je vous dirais qu'on s'en remet à la science pour ces réponses-là. Je vous dirais que, nous, c'est ce qu'on veut. On a besoin de savoir, parce qu'on les voit, les impacts, puis on les voit, que, pour un... d'un jeune à l'autre, il n'y a pas le même impact. Ça fait que la science, elle est hyperimportante pour nous guider dans tout ça, puis on va la suivre.

M. Leduc : Il faut faire attention à des solutions mur à mur appliquées, là, pour tout le monde. Il faut de la nuance, il faut des zones grises. Merci.

Mme Lelièvre (Katia) : Puis, si je peux me permettre, il en va de même aussi avec l'IA, hein? L'IA, le développement est très, très rapide, puis il n'y a pas d'encadrement. Puis là ça amène aussi la question de nos jeunes, à qui on essaie de donner un sens critique, de dire... une capacité de penser par eux autres mêmes, puis de réflexion, qui sont... Puis là on n'a pas tant que ça parlé de ça dans notre mémoire parce qu'on s'est cantonnés à l'école, mais ça amène toute la réflexion. L'école a le rôle de former des citoyens, des gens qui sont capables de réfléchir. Et, si on ne balise pas l'ensemble de l'IA, bien, ces gens-là sont exposés à toutes sortes de faussetés, d'informations qui ne sont absolument pas vraies et qui remettent en cause la pensée critique puis possiblement, même, beaucoup plus de choses que ça.

Donc, je voulais juste prendre le temps de dire qu'il y a la technologie numérique, là, mais, l'IA, il faut trouver une façon aussi de l'encadrer parce que ça va très, très vite, puis actuellement c'est... c'est ça, l'encadrement est très limité, malgré que tout le secteur de l'éducation et de l'enseignement supérieur lève la main depuis deux ans pour dire : Ça nous prend des balises rapidement, des balises rapidement.

• (16 h 10) •

M. Leduc : Peut-être une petite dernière, rapide, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y.

M. Leduc : Est-ce que l'arrivée des tablettes, téléphones et autres a eu des impacts sur le droit du travail pour les gens que vous représentez? Il y a-tu des nouveaux... nouvelles sortes de griefs qui sont déposés ou... Qu'est-ce que ça peut avoir comme impact? Peut-être qu'il n'y en a pas, là. Je vous pose la question.

M. Lapointe (Léandre) : Bien oui. C'est parce qu'on reçoit maintenant... Donc, vous ne serez pas surpris d'entendre que, dans les conventions collectives, on veut faire rentrer des principes comme le droit à la déconnexion. Donc, maintenant, avec la messagerie... Avant, c'étaient les courriels. Maintenant, on a la messagerie instantanée, où les jeunes peuvent entrer en contact avec leur enseignante et enseignant un samedi matin, puis tu as une notification, donc... Puis est-ce que je réponds? Est-ce que je réponds maintenant? Si je ne réponds pas, si je réponds à un autre, tu sais? Alors, il y a ce principe-là, où est-ce que, bien, il faut se protéger. Il y a une question de santé et sécurité derrière où est-ce que, oui, on a besoin aussi de se déconnecter, puis pour l'élève aussi. Donc, le jeune, là, qui est stressé, un samedi matin, puis qui écrit à son enseignante pour avoir une réponse immédiatement, là, qu'est-ce qui se passe, tu sais? Donc, il y a tout ça. Ça fait que, oui, il y a des inquiétudes et des griefs sur l'hyperconnectivité et l'hypertravail qui est lié à l'entrée massive des technologies dans notre travail.

M. Brun (Frédéric) : On fait juste prendre l'évolution dans les 10 dernières années. Quand on regarde, souvent... Tantôt, on parlait d'intervenants, là, des techniciennes en éducation spécialisée, techniciennes en travail social qui, voilà environ 10 ans, s'ouvraient un compte Facebook intervenant pour, avec les élèves, être en contact avec les parents. Il n'y a plus de limite là non plus, à un moment donné, parce que, s'il est arrivé quelque chose, le jeune arrive à la maison, le parent écrit le soir, le jeune veut écrire le soir, il va avoir : Je vis de l'anxiété, j'ai des difficultés. C'est en continu. Donc, où est-ce que je l'ai vu, ça exerce une pression sur nos membres, sur les travailleuses puis les travailleurs, de dire : Bien, il m'a écrit, est-ce que je réponds, je ne réponds pas? On est samedi, on est jeudi soir, qu'est-ce qu'on en fait, avec ça?

Je pense que ces balises-là... Puis se donner les bons outils. Puis, les bons outils, il faut aussi faire attention, plutôt que de se dire, par rapport à l'intelligence artificielle, de ne pas juste se servir de plateformes d'intelligence artificielle parce qu'on n'est plus dans... Je l'ai dit au début, là, on n'est plus dans la prévention, dans l'observation pour faire en sorte d'amener un élève... de le faire cheminer. Il y a une nuance entre quelqu'un qui voit qu'il a des difficultés, puis je veux aller me chercher de l'aide, puis là il y a plein de types d'aide qui arrivent, puis versus l'humain qui observe, qui dit : Cette personne-là a besoin d'aide, je vais l'approcher, je vais créer un contact, créer une relation de confiance, puis, à partir de là, être capables d'évoluer.

Donc, il faut garder... Je pense que l'important, puis Léandre l'a placé, là... mais de garder l'humain au milieu de ça. Oui, il y a les temps d'écran, le temps qu'on accorde à la technologie, mais, l'humain, qu'est-ce qu'on fait, les relations sociales? Ces personnes-là, ces humains-là, là, quand ils vont arriver dans la société, bien, il faut qu'ils soient capables d'interagir avec les autres. Puis je pense que le milieu scolaire, le milieu de l'éducation sert à ça, à créer les citoyens de demain, là.

La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des membres? Oui, Mme la députée.

Mme Prass : Moi, j'aurais deux questions. Dans les suggestions que vous avez faites, les principes directeurs, vous parlez de mettre en place un processus d'évaluation. C'est quoi, au juste, que vous voudriez évaluer? Est-ce que c'est l'aspect positif, par exemple, des outils, des écrans, etc.? Je voudrais juste savoir c'est sur quoi que vous voulez vraiment vous concentrer à cet égard-là.

Mme Audet (Julie) : Oui.

Mme Prass : C'est le dernier?

Mme Audet (Julie) : Oui, c'est le dernier, parce que ça vient un peu... Quand... Lorsqu'on met en place un processus ou un projet pilote où on utilise... on l'a vu même avec les tablettes numériques dans les écoles privées, à un moment donné, on s'est rendu compte que... les écoles privées se rendent compte que ça ne fonctionne plus, et ils reculent maintenant, il y en a qui ont arrêté de l'utiliser.

Donc, avoir un processus d'évaluation, c'est dire : On a pris une nouvelle application. Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça ne fonctionne pas? Est-ce qu'on l'a bien encadrée? Est-ce qu'on a donné les outils nécessaires? Donc, le processus d'évaluation doit se faire pendant la mise en oeuvre, mais aussi après pour voir une rétroaction. Donc, est-ce qu'on continue, est-ce qu'on améliore ou on arrête parce que ce n'était pas un bon choix numérique qu'on vient de faire? Donc, c'est ça, l'idée d'avoir un processus d'évaluation.

Il va se faire aussi selon : Est-ce que ça s'est fait... le choix s'est fait au niveau de la classe, s'est fait au niveau de l'école, du centre de services scolaire ou au national? Puis c'était un peu ça, les principes directeurs, c'est : peu importe où on met nos lignes directrices, parce je crois qu'il peut... selon l'ampleur, ça peut être au niveau national... il va y avoir certains enjeux qu'on va vouloir baliser d'une manière même légale. Des fois, ça peut être des grandes lignes ministérielles ou de centres de services scolaires, d'autres, des applications qui deviennent vraiment plus ponctuelles, puis là on se dit : Bien, ces lignes directrices là, on va les appliquer à l'école. Donc, l'évaluation, elle se fait à chacun des niveaux.

Mme Prass : Et est-ce que, par exemple, dans le cas... Vous avez dit : Il y a des écoles qui ont reculé. Est-ce que c'était, par exemple, qu'on ne voyait pas une progression des notes? Ma question, c'est plus : Concrètement, qu'est-ce que vous allez regarder dans le cadre de l'évaluation pour juger si c'est réussi ou non?

Mme Audet (Julie) : Bien, en fait, l'objectif qu'on disait, lorsqu'on y recourt, c'est le bien-être puis c'est la réussite éducative. Donc, est-ce qu'on a vu que, les jeunes, ça les aidait? Puis la réussite éducative, ce n'est pas juste la réussite scolaire, donc ce n'est pas juste une question de notes, mais c'est aussi un autre impact sur la socialisation, sur l'anxiété, tout ça. Donc, c'est ce qu'on va évaluer, est-ce que, vraiment, on voit que, les jeunes dans la classe, ça les aide ou pas, puis on revient un peu à l'essence, c'était quoi, notre objectif. Si l'objectif, au début, n'était pas le bon, puis c'était faire de l'argent, bien, peut-être que ça sera un autre processus d'évaluation, mais ce n'est pas là où on veut aller, là. Donc, c'est reprendre la base des choses.

Mme Prass : O.K., merci.

M. Lapointe (Léandre) : Peut-être vous donner un exemple concret. Dans le fond, c'est d'avoir des boucles de rétroaction, hein, l'évaluation. C'est qu'une technologie on pense qu'elle va être utile, et elle l'est, puis, à force de l'utiliser, on s'aperçoit qu'elle amène des dérives qu'on n'avait pas prévues. Donc, ces évaluations le permettent.

Je vous donne un exemple, l'agenda électronique qu'il y a dans certaines écoles, où, par exemple, moi, je suis un prof de sciences puis je donne un devoir à mes élèves. Ils n'ont pas à l'écrire. Je publie mon devoir dans tous les agendas de tous les jeunes. Ça fait que c'est magnifique, ça va vite. Il n'y a plus un jeune qui peut me dire : Ah! je ne l'ai pas écrit dans mon agenda, c'est pour ça que je n'ai pas fait mon devoir. Ça fait que c'est magnifique. Les gens aiment ça. Ça accélère, on avance, bon.

On s'aperçoit avec les années que, oh! il y a des gens qui se désinvestissent, qui planifient moins bien leurs apprentissages, qui... L'agenda est rendu quelque chose... Ils ne sont plus... Quand tu planifies, quand tu prends... tu fais le geste d'écrire dans ton agenda, tu vois ce qui s'en vient, et ça forge la planification des apprentissages, ce qu'on perd avec l'agenda électronique.

Ça fait que ces évaluations-là, ces boucles de rétroaction, nous permettent d'ajuster, justement, comme Julie l'a très bien dit.

Mme Prass : Parfait. Puis mon autre question... On discutait un petit peu avant avec un autre groupe le concept des écrans comme récompense, et ma question, c'était : Est-ce que, justement, on ne renforce pas cette idée que l'écran, c'est l'ultime récompense, justement, et donc on donne le mauvais exemple? Ça devrait plutôt être aller au... peut-être dans la gymnastique, au gymnase, aller à l'extérieur, quoi que ce soit, donc, parce que... Dans les écoles, est-ce que, vous, vous serez contre l'idée des écrans comme récompense?

M. Lapointe (Léandre) : Bien, nous, comme la réponse que vous avez eue tantôt, on va s'en remettre à la science. Mais, maintenant, ce qu'on réfléchit, c'est qu'on se dit : Quand on fait une récompense, quelle est-elle, cette récompense-là? S'il faut la mettre au divertissement, bien, il doit y avoir plusieurs sortes de divertissement qui peut appartenir à un jeune, si c'est de l'activité physique, si c'est des arts. Peut-être que la tablette peut rentrer là-dedans, mais il va falloir que la tablette soit... Bien, c'est quoi... combien d'heures il a eu dans la journée? Est-ce que les... Tu sais, il faudrait que ce soit balisé si c'est un des divertissements. Mais, si la science nous dit que ça valorise une utilisation qui devient peut-être... qui projette vers la dépendance ou vers des... nous, on n'embarquera pas. Ça fait que c'est pour ça que... Voilà.

Mme Prass : O.K. Merci. Allez-y, je vous en prie.

M. Brun (Frédéric) : Il y a quand même une... Il y a quand même une évolution, là. Quand on regarde, là, ça a été... si on revient dans le passé, des locaux d'informatique ouverts à l'heure du dîner comme activité, ça n'existe plus, hein, des périodes récompenses, ou cadeaux, ou mérites du vendredi qui étaient les quatre ordinateurs dans la classe à gérer, 12 minutes chaque pour être sûr que tout le monde a pu aller y toucher, puis tout ça. Ça a évolué.

Après ça, Léandre l'a placé, là, l'accessibilité aussi autour à qu'est-ce qu'on donne comme activités, puis tout ça. Est-ce qu'on a du personnel en loisir qui est là pour l'heure du dîner pour mettre des activités aussi diverses qu'elles peuvent être pour rejoindre plein de jeunes? Bien, c'est un peu la même chose quand on arrive... Peut-être que l'évolution va faire en sorte que la période de récompense ne sera pas pour tout le monde la dernière période le vendredi parce que le gymnase, il risque de ne pas être accessible à beaucoup d'élèves. Donc, tu sais, c'est ça aussi, des fois. C'est de réinventer un peu puis de le réfléchir autrement, là.

Mme Prass : Merci.

M. Brun (Frédéric) : De rien.

La Présidente (Mme Dionne) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être avec nous aujourd'hui. Justement sur la question d'écrans récompenses, juste pour continuer, est-ce que vous avez une idée, un peu, donc, de la prévalence du phénomène? Je pense que, ce matin, donc, le groupe qui est venu nous en parler, donc... donc, semblait dire, donc, parfois qu'on utilisait, donc, l'écran comme une gardienne ou qu'on n'était plus dans la notion de récompense comme élément, donc, de... donc plus ponctuel, mais qu'il y avait une mécanique plus prépondérante. Est-ce que c'est votre analyse dans le réseau?

• (16 h 20) •

M. Brun (Frédéric) : Ce serait dur, là, de dire comment c'est... Je reprendrais des mots qu'on a dits tantôt, de dire : Chaque école a une expertise puis un fonctionnement dans chacune des écoles, là. Donc, c'est dur de faire un portrait qui est général un petit peu partout à comment que les écrans sont utilisés en termes de récompense, là, si on parle de récompense, là.

Puis je ferais un parallèle avec nos milieux de service de garde scolaire, qu'à l'époque, c'était commun d'écouter un film une fois par semaine puis d'avoir accès à ça. C'était une récompense service de garde. Aujourd'hui, nos milieux de service de garde éducatif, du temps d'ordinateur, du... un film, ça n'existe peu ou pas, où on va jouer dans des occasions, Noël, Pâques, la fin de l'année, une fête. Donc, ça serait dur de se prononcer sur vraiment comment que c'est géré, là.

Mme Cadet : Et, dans ce cadre-là, puisque plus tôt, donc, on nous disait, donc... évidemment, on se disait : Est-ce que le gouvernement du Québec devrait émettre une directive? Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être déployé et être à la discrétion des conseils d'établissement? Est-ce que vous avez une opinion sur le rôle que l'État, donc, devrait jouer dans l'établissement de balises pour les écrans récompenses?

M. Lapointe (Léandre) : Bien, on va répéter un peu ce qu'on a dit tantôt, on a des balises qui soit... puis qu'on s'en remet au milieu, je pense, les activités...

Mme Cadet : Au milieu.

M. Lapointe (Léandre) : Au milieu. Les activités récompense écran, ça a évolué beaucoup, on en voit de moins en moins, là. Les jeunes, pour eux, ils sont tellement habitués aux écrans... bon. Ce qu'on voit, c'est des Kahoot!, là, qui vont être faits. Je ne sais pas si vous êtes... C'est que, dans le fond, c'est comme un sondage, là, puis, bon, on fait des jeux avec ça des fois un vendredi pour... mais ce n'est pas... le jeune, lancer... Puis on a eu ça, hein, 2014, 2013, quand les tablettes sont rentrées en classe, là, puis là c'était... quand c'était permis tous azimuts là, puis on se retrouvait avec des jeunes qui jouaient, sur l'heure du midi, à Angry Birds puis à des affaires, puis tout de suite les milieux ont réagi. Puis ça n'existe peu ou pas aujourd'hui. Ça fait que ces dérives-là n'existent pas, pas celles-là, en tout cas.

Mme Cadet : O.K. Merci. Puis sur... En fait, dans votre exposé, initialement, donc, vous avez pris la peine, donc, de souligner qu'à l'inverse, en fait, du groupe précédent, donc, vous disiez donc : Tout temps d'écran doit être comptabilisé. Donc, il n'y a pas, donc, de distinction à faire entre du bon temps d'écran ou du mauvais temps d'écran. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Lapointe (Léandre) : Oui. Bien, écoutez, 2016‑2017, hein, quand on se référait aux experts pour connaître la bonne utilisation, on nous parlait de ça. Quand c'était de la bonne utilisation en classe, on n'avait pas à compter le nombre d'heures. Maintenant, aujourd'hui, ce n'est plus ça. On additionne toutes les heures, que ce soit en classe, pour une bonne utilisation, ou sur... à l'extérieur. Donc, ça a changé la perspective, ce qui justifie encore plus, je vous dirais, que ce temps-là doit être bien utilisé, donc qui justifie encore plus le fait que... bien, qu'on soit informés de ça, puis que, bien, le temps qu'on aura, si les experts nous disent que ça ne doit pas dépasser de telle heure à... tel nombre d'heures pour tel groupe d'âge, bien, il va falloir que les équipes-écoles s'assurent que ce temps-là soit bien utilisé puis à bon escient.

Mme Cadet : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : 20 secondes. Alors, si quelqu'un veut conclure ou vous avez d'autres questions, Mme la députée?

Mme Cadet : Ça va pour moi. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce que vous aimeriez dire le mot de la fin?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, quoi que ce soit... quelle que soit la technologie qu'on met dans nos écoles, il faut se souvenir que ces jeunes-là qui arrivent, ils ont besoin des humains pour les encadrer. On ne peut pas encadrer l'éducation avec des tablettes, avec des technologies numériques. Puis, tout à l'heure, ça sera peut-être des lunettes ou des... On ne sait pas où est-ce qu'on va être rendus. D'ailleurs, on n'utilisait pas beaucoup le terme «écran» parce que, pour nous, c'est des technologies numériques. L'écran, ce n'est qu'un support.

Ça fait que je pense qu'il faut garder l'école à échelle humaine, et l'objectif... Puis il y a des choses qu'il n'y a que les humains qui vont comprendre. Jamais une machine ne pourra arriver à donner la même éducation qu'un être humain.

La Présidente (Mme Dionne) : Vous avez bien raison. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à cette commission.

Pour notre part, bien, la commission ajourne ces travaux jusqu'au lundi 16 septembre, 14 heures. Merci à tous et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 16 h 24)

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