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Commission spéciale sur les corporations
professionnelles
Projet de loi no 250 - Code des professions et autres
projets de loi connexes
Séance du mardi 29 février 1972
(Dix heures trente-cinq minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Procédure
M. LE PRESIDENT: Je veux souhaiter la bienvenue à tout le monde
ici, aujourd'hui, à l'occasion de l'ouverture de la séance de
cette commission parlementaire spéciale sur les corporations
professionnelles. J'aimerais aviser tous ceux qui sont ici ainsi que ceux qui y
viendront que cette commission sera régie par les nouvelles
règles de pratique qui ont été adoptées par
l'Assemblée nationale le 19 novembre dernier.
Toute la latitude donnée par ces règlements à la
commission sera que, aux moments opportuns, nous pourrons prolonger les
délais et peut-être apporter d'autres changements. Comme
président, je suis lié par ces règlements et je peux
seulement rendre les décisions que j'ai le droit de rendre.
Pour aujourd'hui, il y a un petit changement pour débuter. Le
Conseil interprofessionnel du Québec m'a avisé que le
résumé de son mémoire comportait de petits changements
techniques qui apparaissaient dans plusieurs pages. Au lieu de faire les
changements oraux avant la présentation du résumé, il a
fait réimprimer le résumé et c'est la réimpression
qui a été distribuée à tous les membres de la
commission. Le reste des 200 copies est aux mains du secrétaire de la
commission.
Voici la procédure pour aujourd'hui: les chefs ou
représentants de chaque parti politique donneront un bref commentaire
sur l'ensemble du bill et, après, nous entendrons le
résumé du Conseil interprofessionnel du Québec et les
questions des membres au conseil.
Pour l'information des membres, nous essaierons cette fois-ci, au
commencement, de suivre les règlements à propos des questions.
Durant les quarante minutes ou la prolongation de quarante minutes, les membres
de la commission ont le droit de poser n'importe quelle question sur le
résumé ou sur le mémoire présenté par le
groupe. Mais le but de ce règlement est d'éviter de grands
discours ou des chicanes entre les membres, ou des discussions politiques entre
les membres de la commission. Nous garderons toutes ces discussions
après avoir entendu tous les mémoires. Nous aurons des
séances de délibération de la commission, ici, en public,
où tous les membres de la commission pourront discuter les
mémoires et tout ce qu'ils ont à discuter. Je ne veux pas que les
membres se questionnent ou fassent de grandes discussions entre eux durant la
période des questions. La période des questions est comme
à la cour, c'est pour interroger les témoins, savoir pourquoi ils
disent cela, etc.
Les délibérations nous appartiennent, après. Je
donne la parole à l'honorable Solliciteur général.
Considérations générales
M. FOURNIER: M. le Président, la Législature du
Québec a, depuis longtemps, reconnu le droit à certaines
personnes de se grouper en corporations, sous un nom professionnel particulier,
et, en même temps, a accordé à leurs membres l'autorisation
d'agir de façon exclusive dans certains domaines couvrant les services
se rapportant aux personnes et aux biens. Depuis lors, le droit professionnel,
au Québec, s'est développé au bon gré de ces
corporations elles-mêmes qui ont agi conformément à leur
charte mais sans chaîne particulière de liens communs.
Il est surprenant que, malgré une orientation indéfinie
par les lois, après tant de législation dans ce champ
d'activité, l'on puisse quand même retrouver aujourd'hui certaines
règles communes.
A cause de la marche ascendante des individus et des groupes vers le
statut professionnel, l'avenir même rapproché permettrait-il d'y
retrouver encore ces règles, si une période d'arrêt et
d'analyse n'avait permis une prise de conscience du problème dans son
ensemble?
Il est vrai que, depuis quelques années, des efforts de rencontre
et de dialogue ont été rétablis par les corporations
elles-mêmes, tout aussi bien qu'un renouveau s'est fait sentir au sein
des corporations vers l'intérêt général de la
société et des individus.
L'objectif premier d'un gouvernement étant l'intérêt
public, comment le Québec dans ce domaine du droit professionnel
où l'intérêt public est nécessairement en cause,
a-t-il assumé jusqu'à présent entre responsabilité
dans sa législation?
Il semble évident qu'une fois certaines bases administratives
disparates établies et une fois certaines restrictions imposées
à l'étendue des pouvoirs demandés, l'Etat, par sa
législation, s'en est reporté presque exclusivement aux
corporations elles-mêmes pour assumer tous les devoirs se rapportant
à la protection du public par ses membres.
Vouloir aujourd'hui agencer de façon plus cohérente ce
secteur important de nos activités que couvre le domaine des services
professionnels se rapportant aux personnes et aux biens;
Vouloir en même temps exiger que les corporations professionnelles
soient munies de certains instruments qui garantiront la protection de
l'intérêt public;
Vouloir établir de la façon la plus absolue possible cette
même confiance entre le client et les professionnels membres de ces
corporations;
Tous ces objectifs nous semblent certainement faire partie de la
responsabilité qui incombe au gouvernement.
Astreindre les corps professionnels à garantir la
compétence des professionnels qu'elles groupent de même que la
qualité des actes professionnels que ses membres devront poser nous
apparaît comme un désir légitime.
D'ailleurs, ce n'est là qu'affirmer que nos corporations
professionnelles doivent rendre compte à la société.
Inutile de souligner la préoccupation particulière que
nous devons avoir à l'esprit dans cette législation et
l'étude qui s'ensuit de faire en sorte que l'on conserve au
professionnel l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa
profession de même que d'assurer la confiance du client qui ne
résultera que par la compétence des individus, la qualité
des actes, de même que la sécurité du secret
professionnel.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Fournier. Je donne maintenant la parole au
ministre, Claude Castonguay.
M. CASTONGUAY: M. le Président, en premier lieu, je voudrais
situer cette phase que nous entreprenons aujourd'hui dans le processus de la
réforme du droit professionnel ou des corporations professionnelles.
Simplement à titre de rappel, je crois qu'il est nécessaire de
mentionner que plusieurs lois des corporations professionnelles qui feront
l'objet de nos travaux ont été adoptées initialement, il y
a un très long nombre d'années, qu'elles ont été
modifiées au cours des années, alors que d'autres lois ont
été adoptées plus récemment, ceci sans qu'à
aucun moment des principes directeurs très clairs ne soient
établis ou encore qu'un effort de cohérence soit tenté.
Ici, il y a lieu de souligner qu'une partie de cette situation provient
possiblement du fait que les projets de loi à cet égard, dans le
passé, étaient des projets de loi privés.
Cette évolution a conduit, vers la fin du gouvernement Lesage,
vers une certaine impasse. Vers la fin de ce gouvernement, on avait
formé un groupe d'étude composé, entre autres, de Me Yves
Pratte, du Dr Laurent Lizotte, qui était alors sous-ministre adjoint au
ministère de la Santé, pour faire des recommandations
relativement à un problème particulièrement complexe qui
avait été soulevé au sujet de la Loi des
infirmières, en particulier. Devant l'impossibilité de donner
suite aux demandes qui étaient formulées d'une façon
cohérente, le gouvernement d'alors avait, à toutes fins
pratiques, suspendu l'étude de nouveaux projets de loi dans ce secteur.
Pour des raisons diverses, ce comité n'a pu effectuer son travail.
On se rappelle les mandats, par exemple, qui ont été
confiés à Me Yves Pratte par la suite.
Peu de temps après le changement de gouvernement en 1966, le
gouvernement d'alors a formé la Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social et, dans son mandat, une demande
très précise était formulée d'étudier
l'ensemble de cette question. Et, au cours de la période de 1966
à 1970, un grand nombre de demandes touchant la formation de
corporations professionnelles ou des modifications à des lois de
corporations professionnelles ont été suspendues, compte tenu de
ce mandat, d'une part, et aussi probablement à cause des
difficultés que présentait l'étude des demandes
formulées en l'absence d'un cadre plus cohérent.
La commission d'enquête, face à ce mandat et compte tenu de
l'importance de la question et sa complexité, a demandé à
Me Claude-Armand Sheppard d'étudier la question. Celui-ci s'est
acquitté de ce mandat et a effectué une étude
extrêmement fouillée et détaillée qui constitue
l'annexe 12 du rapport de la commission. Je reviendrai quelque peu sur cette
question dans quelques moments.
De son côté, la commission a reçu de nombreux
mémoires de groupements intéressés, a effectué
plusieurs rencontres afin de s'assurer qu'elle possédait tous les
éléments pertinents à l'étude de la question. Et
ici, si vous me le permettez, j'aimerais indiquer comment la commission a
envisagé cette partie de son mandat, de telle sorte qu'on puisse voir
pour quiconque voudrait retourner aux recommandations de la commission
comment est située cette question. Et je cite à partir du
volume VII de la partie 5 du rapport, intitulée "Les professions et la
société", à la page 9: "L'étude sur l'organisation
et la réglementation des professions de la santé et du
bien-être au Québec, publiée en annexe à son
rapport, révèle l'ampleur des recherches que la commission a
entreprises et l'analyse minutieuse à laquelle elle a voulu soumettre
les professions dans les domaines de la santé et des services sociaux au
Québec. L'absence de toute investigation sérieuse de ce domaine
important du droit public l'a forcée à procéder à
un examen aussi fouillé. "En effet, il n'existe aucun exposé
complet auquel elle aurait pu se référer. De plus, contrairement
aux professions comme le droit, l'architecture ou le génie civil, dont
l'exercice subit très peu de modifications, le domaine des sciences de
l'homme et de la santé a été bouleversé par
l'apparition de nouvelles techniques et de nouvelles spécialités
qui ont créé de graves problèmes d'organisation.
Il était important de saisir et de cerner cette évolution,
afin d'en déceler les effets et les dangers.
Le but primordial de la commission sous cet aspect de son mandat ne
consistait pas à faire la critique d'un système, mais à
dépasser l'analyse et l'évaluation, pour aboutir à des
recommandations concrètes. Il lui a semblé essentiel d'ap-
puyer ses suggestions sur une connaissance approfondie des structures
actuelles. En outre, comme les structures professionnelles sont de la
santé et des services sociaux s'inscrivent dans un tout, il était
pratiquement impossible d'étudier certaines professions sans en
impliquer plusieurs autres. Aussi a-t-elle dû étendre son
étude aux professions qui ne relevaient pas directement de son
mandat.
Enfin, pour lui permettre d'évaluer objectivement les
institutions professionnelles du Québec, elle a examiné les
institutions comparables ou équivalentes, dans des juridictions aussi
variées que l'Ontario, l'Etat de New York, la Californie, la France, la
Belgique, l'Allemagne et la Suède. De ce long exposé de
l'ensemble de ces autres études, de ces rencontres et visites, la
commission a pu tirer des enseignements et des conclusions qu'elle soumet
maintenant à l'attention du gouvernement".
Alors voilà la façon dont la commission s'était
acquittée de cette phase de son travail. Maintenant, il serait trop long
de tenter de résumer dans tous ses aspects cette partie du rapport de la
commission et je crois qu'il est important de rappeler brièvement
comment la commission a posé, dans ses grandes lignes, l'état de
la question. Et si vous permettez, dans les quelques prochaines minutes,
j'aimerais faire ce bref rappel de ses conclusions.
Dans un premier temps, la commission examine la question du droit
professionnel et conclut ainsi. Et je cite toujours du même volume,
à la page 20: "II est donc exclu qu'un seul organisme professionnel
assume, pour la même profession, la double fonction sociale de corps
intermédiaire et de services publics. Un organisme de services publics
est alors un organe décentralisé de l'Etat et n'est plus un corps
intermédiaire. Le principe de la spécialisation fonctionnelle
exclut également l'immixtion d'un organisme professionnel dans le champ
d'activité d'un autre. Et par voie de conséquence, la
hiérarchisation des professions entre elles.
En effet, le besoin d'autonomie dans l'administration d'une profession
à l'égard de l'administration générale de l'Etat
qui prend sa source dans la possession d'une science ou d'un art ou d'une
technique est aussi impérieux à l'égard des organes
administratifs des autres professions incompétentes dans une discipline
qui n'est plus la leur. Dans un deuxième temps, la commission
procède à un examen critique de l'état du droit et de
l'organisation professionnelle au Québec.
Les faits saillants de cette analyse m'appa-raissent être les
suivants: En premier lieu, la commission décrit ce qu'elle a
appelé l'éclatement de la notion de profession. Je cite la page
25, toujours du même volume: "Ce particularisme de corporatisme
québécois est un des points qui ont le plus frappé la
commission au cours de sont étude sur les professions."
Lorsqu'on parle de ce particularisme, on fait état du droit des
professions qui a été forte- ment axé sur les idées
de la société libérale. Par "libérale", je
n'entends pas tout à fait ce qu'on entend... Des sept juridictions
étrangères qui ont fait l'objet de son examen, il n'est pas sans
intérêt de constater qu'aucune n'a adopté le régime
québécois généralisé de
réglementation professionnelle par l'entremise de corporations
autonomes. De plus, parmi celles qui connaissent un certain régime de
corporation professionnelle, aucune ne leur délègue autant de
pouvoirs que le Québec ou n'accepte qu'elles soient administrées
exclusivement par leurs membres, comme c'est presque toujours le cas au
Québec.
Egalement à la page 27, dans un ordre d'idées un peu
différent, la commission dit: "Ces différences de statut
ici, elle parle des organismes eux-mêmes, surtout en ce qui
concerne les organismes plus jeunes ne semblent relever d'aucune
conception systématique de leur nature commune, de leur signification
relative pour la société et de la place qu'elles doivent y
occuper, non plus que de la manière de les institutionalise et des
régimes juridiques auxquels elles devraient être soumises. Il faut
conclure que le droit des professions a été davantage
l'expression, la force des groupes professionnels que la transcription des
besoins sociaux et professionnels dans le droit."
Enfin, après avoir exposé le phénomène de la
course au statut professionnel, auquel a fait allusion M. Fournier, et tout ce
qui l'accompagne, la commission conclut ainsi. Je cite la page 29, maintenant:
"La notion traditionnelle de profession ne pouvant plus servir de fondement
pour la constitution des organismes professionnels, il était fatal que
le développement de l'organisation des professions se fit de
façon plutôt désordonnée." La commission
décrit ensuite ce qu'elle appelle le développement
désordonné de l'organisation professionnelle. Elle souligne en
particulier la multiplicité et la diversité des organismes.
Nous avons, par exemple, recensé 43 corporations, associations,
collèges, sociétés, ordres et instituts assumant des
fonctions, des responsabilités de la nature de celles qu'assument les
corporations professionnelles. Voici comment la commission les
décrit.
Ici, je cite la page 30 du rapport: "Bref, à travers la
multiplicité, la diversité des organismes professionnels, on
cherche en vain la reconnaissance effective d'un principe de partage
fonctionnel, capable de les classer selon leur statut, privé ou public,
permettant de commander un régime juridique approprié et uniforme
et pouvant, enfin, donner lieu à une procédure définie et
particulière de reconnaissance officielle".
C'est à partir du résultat de ces travaux, de ces
conclusions que je viens de rappeler brièvement, que la commission a
recommandé une réforme du droit et de l'organisation
professionnelle au Québec.
Depuis la publication de ce rapport, en
juillet 1970, de nombreux groupements et individus l'ont analysé
et l'ont discuté. Dans l'ensemble, je crois qu'il est juste d'affirmer
qu'il a été reçu d'une façon favorable et qu'il a
contribué à préciser la pensée sur l'organisation
professionnelle au Québec.
Quant au gouvernement, il a étudié ce rapport et a voulu
donner suite aux recommandations de la commission dans leurs aspects
essentiels, convaincu de la nécessité de la réforme
proposée et également afin de pouvoir traiter les multiples
demandes d'organismes se rapportant justement à l'organisation
professionnelle. Ici, je rappelle justement les décisions qu'avaient
prises les gouvernements antérieurs au sujet d'un certain nombre de
demandes de même nature.
Maintenant, depuis la publication de ce rapport, il est probablement
nécessaire de signaler qu'à la fin de 1970, le gouvernement a
donné suite à une des recommandations de la commission en
éliminant, d'un certain nombre des lois des corporations
professionnelles, l'exigence de la citoyenneté que l'on retrouvait pour
l'admission à la pratique ou pour l'émission d'un permis
d'exercice.
Quant au travail lui-même de préparation des projets de loi
qui ont été soumis à l'Assemblée nationale en
novembre et en décembre 1971, je dois aussi mentionner que ce travail a
demandé une somme d'efforts considérable, qu'il a fait
également l'objet de consultations auprès des groupements
intéressés et aussi que le gouvernement a demandé
certaines expertises dans ce travail de préparation de
législation. Si je mentionne ceci, c'est pour faire l'exposé
complet des travaux ou, encore, pour bien faire ressortir que ces projets de
loi sont en quelque sorte l'aboutissement d'un processus d'études,
d'analyses, de consultations, qui s'est échelonné sur une
période de plus de cinq ans.
Compte tenu de l'ampleur de la réforme qui est proposée,
il m'apparait important d'exposer ou de rappeler brièvement la
philosophie générale qui a présidé à la
préparation de cet ensemble de projets de loi; deuxièmement, de
donner un bref aperçu de la législation proposée et ici je
vais être aussi bref que possible. Les projets de loi ont pu être
étudiés à volonté depuis qu'ils ont
été déposés en novembre et décembre; enfin,
de préciser certaines règles qu'entend suivre le gouvernement au
cours du processus d'adoption de ces projets de loi ou à tout le moins
des travaux de la commission parlementaire.
Quant â la philosophie générale, en premier lieu, la
raison d'être ou l'objectif fondamental des corporations professionnelles
doit être rappelé ou précisé, et quant au
gouvernement, la raison d'être de ces corporations professionnelles ne
peut être que la protection du public ou des intérêts du
public et ceci par le contrôle de l'exercice de la profession par ses
membres.
Le second principe ou aspect de cette philosophie, c'est celui qui
consiste en la nécessité d'exclure des corporations
professionnelles ou des fonctions qu'elles assument, celle de la défense
des intérêts socio-économiques des membres des
corporations.
En troisième lieu, étant donné que le
système des corporations professionnelles subit l'épreuve du
temps, un des aspects de la philosophie est le maintien de ce qui est valable
dans les institutions actuelles.
Quatrièmement, il apparaît nécessaire de maintenir
un degré d'autonomie nécessaire ou utile au sain
développement et à l'évolution des professions, et ceci
dans la mesure où cet objectif est conciliable avec le rôle
fondamental de la protection du public.
Je voudrais simplement mentionner ici que le gouvernement aurait pu
opter, et ceci aussi bien que la commission, autrement que la commission le
recommandait pour la création des régies gouvernementales ou de
State Boards ou de bureaux d'examinateurs, comme c'est le fait ou la situation
qui existe dans certaines autres juridictions. Si je rappelle ceci, c'est afin
qu'à certains moments on garde à la mémoire le fait que
les pouvoirs qui sont confiés aux corporations professionnelles sont des
pouvoirs délégués par l'Etat, que ce ne sont pas des
pouvoirs qui existent autrement.
Cinquièmement, l'ouverture des corporations professionnelles au
plan de leur fonctionnement et leur plus grande intégration dans la
société par divers mécanismes de participation et
d'information de la population, du public, apparaissent comme un
élément essentiel de cette philosophie. Quant à la
législation proposée, il est peut-être utile de rappeler
que le code des professions s'applique à toutes les corporations
professionnelles visées et on en retrouve la liste à l'annexe 1.
Brièvement, ce code a principalement pour objet: 1) De déterminer
la composition et le mode d'élection ou de nomination des membres du
bureau qui est chargé de l'administration générale de
chaque corporation (ici je note un nouvel aspect, soit la nomination de membres
du bureau par le gouvernement); 2) De déterminer les conditions de
délivrance des permis d'exercice et aussi des permis de
spécialités; 3) D'établir une procédure et les
règles disciplinaires que devront suivre les corporations
professionnelles (ici, je signale les dispositions relatives à la
nomination du président, du secrétaire, des syndics, etc); 4)De
déterminer un mécanisme identique de vérification de la
qualité des actes professionnels posés par les membres; 5) De
constituer un office des professions chargé de maintenir les contacts
entre les corporations professionnelles et le gouvernement; 6) D'instituer un
conseil interprofessionnel ayant pour rôle de faire des recommandations
au gouvernement et à l'office. Ici, je crois qu'il est peut-être
bon de mentionner que le
code des professions contient aussi des dispositions nouvelles
relativement à l'émission des permis touchant la radiologie, la
radiothérapie et ceci en ce qui a trait aux individus couverts par le
code et non pas pour ceux qui ne sont pas touchés par le code.
Cet ensemble législatif comprend un projet de loi particulier qui
contient les dispositions spéciales ou particulières qui sont
applicables à chaque corporation d'usage exclusif. Exemple:
définition du champ de pratique qu'il est alors nécessaire de
définir, compte tenu du fait qu'il s'agit d'une profession d'usage
exclusif; certaines conditions particulières à l'activité
des membres de la corporation. Je crois qu'il est nécessaire
également de rappeler que le code des professions contient une
disposition à l'effet que les projets de loi touchant la constitution de
nouvelles corporations professionnelles ou encore des modifications aux
corporations professionnelles existantes devront faire l'objet des bills
gouvernementaux pour la raison que j'ai mentionnée plus tôt.
En ce qui a trait aux autres corporations professionnelles, il est
proposé que ce soit fait par l'émission de lettres patentes.
En même temps, dans cet ensemble de projets de loi, nous proposons
la création de cinq nouvelles corporations professionnelles, soit celles
des chiropraticiens, des podiatres, des denturologistes, des
physiothérapeutes et des auxiliaires en prothèses auditives.
Enfin, quant aux règles que le gouvernement suivra au cours de
l'étude de ces projets de loi, elles sont relativement simples.
En premier lieu, l'objectif unique de cet ensemble législatif,
qui est la protection du public, constitue et devra constituer, à notre
avis, le critère à partir duquel le gouvernement entend analyser
les représentations qui seront formulées devant cette commission.
Ici, à titre d'exemple, en ce qui a trait à la reconnaissance de
nouveaux groupements professionnels, les critères énoncés
aux articles 21 et 22 du code des professions ont été
définis à cette fin, et si je souligne ceci c'est que, justement,
ils ont été définis afin qu'il y ait un cadre à
partir duquel les représentations qui peuvent être
formulées à cet effet pourront être évaluées
et, aussi, par opposition, par exemple, à un critère purement
scientifique pour juger de l'activité d'une profession.
De la même façon, les diverses règles ou
dispositions visant à l'élimination des conflits
d'intérêts ou encore des situations susceptibles d'influencer
l'activité des professionnels au détriment de la protection du
public seront évaluées, étudiées avec ce
critère à l'esprit.
En deuxième lieu, l'objectif de l'ouverture des corporations
professionnelles et de leur plus grande intégration dans la
société nous apparaît comme essentiel, bien que les
modalités proposées puissent être modifiées afin
d'améliorer cet ensemble législatif.
Enfin, troisièmement, il nous apparaît néces- saire
de maintenir dans cet ensemble législatif toute la cohérence
possible.
Si je fais ce rappel, tout comme l'a fait M. Fournier, c'est que nous
voulons insister sur la différence entre cohérence et
uniformisation. Lorsque des conditions ou des situations particulières
l'exigent, des dispositions différentes dans les projets de loi peuvent
se retrouver.
Toutefois, nous croyons que la nécessité de
cohérence dans cet ensemble oblige que des privilèges
périmés, ou encore des dispositions qui ne sont pas
justifiées, selon le critère de la protection du public, doivent
être éliminés.
Alors, c'est dans cet esprit, M. le Président, que nous voulons
aborder, quant à nous, l'étude de cet ensemble législatif.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci M. Castonguay. Le député de
Montmagny, M. Cloutier.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire,
à ce stade-ci de nos travaux, un très bref commentaire. J'ai
écouté avec grand intérêt les déclarations
des deux ministres, celle du Solliciteur général d'abord et celle
du ministre des Affaires sociales.
Je ne reviendrai pas sur l'exposé qu'a fait le ministre des
Affaires sociales sur les travaux de la commission Castonguay sauf pour
rappeler que nous avions cru, dans le temps je crois que la suite des
événements nous a donné raison qu'il était
important de confier, entre autres mandats, à la commission Castonguay
d'examiner toute la question des professions. Parce qu'à certaines
étapes de l'administration gouvernementale, notamment en 1966 le
ministre a rappelé tantôt les événements et les
circonstances qui nous ont fait prendre la dimension des problèmes qui
se posaient dans tout ce secteur nous avions jugé qu'il
était important qu'une étude approfondie de tout ce secteur soit
entreprise, ce dont s'est acquittée la commission Castonguay. Tout ce
travail a conduit au dépôt d'un rapport en 1970.
A l'appui de ce rapport, on retrouve les travaux très
poussés et très élaborés qu'a conduits Me
Claude-Armand Sheppard. Nous avons en main, maintenant, une étude
comprenant une dizaine de volumes.
Il y a d'autres étapes aussi, je pense, qu'il faudrait rappeler.
En plus de ces travaux qui ont été faits par la commission
Castonguay, il y a aussi d'autres études et d'autres commissions... j'ai
ici le texte d'un arrêté en conseil que nous avions adopté
en 1968 concernant la formation d'un comité d'étude pour
étudier les professions auxiliaires de la santé. Encore
là, dans ce secteur, il y avait des problèmes de coordination
entre toutes ces différentes professions qui naissaient au fur et
à mesure des besoins, sans beaucoup de liens et sans grande coordination
entre elles.
A l'occasion de l'étude de certaines lois importantes dans le
domaine de la sécurité sociale, notamment les projets de loi no
26, no
69 et, particulièrement l'année dernière, en 1971,
le projet de loi no 65, plusieurs organismes, qui sont venus devant la
commission, ont traité de ces problèmes qui se posaient dans le
domaine des professions.
Maintenant cette commission se réunit pour la première
fois, ce matin, pour prendre en considération le très important
projet de loi no 250, le code des professions et aussi toutes les lois
spécifiques qui viennent s'y greffer.
Je voudrais dire d'abord, non pas pour relancer le ministre des Affaires
sociales qui a lu tantôt certains passages du rapport de la
commission Castonguay-Nepveu qu'il est important, au début de ces
travaux, de rappeler aussi la philosophie de base qui a inspiré les
travaux de la commission.
Le ministre a lu, dans l'avant-propos, les premiers paragraphes. Mais je
pense que, pour le bénéfice des membres de cette commission et du
public qui est ici, je devrais citer au texte d'autres propos du rapport de la
commission Castonguay-Nepveu.
Alors, je cite, à la page 9 du rapport de la commission, sur les
professions de la santé: "Dans les recommandations qui suivent, la
commission a été animée avant tout par le souci d'assurer,
aussi efficacement que possible, la protection du public sans toutefois abolir
ce qui est valable dans les institutions actuelles et de proposer un cadre
souple qui permette l'adaptation que requiert la transformation constante de la
société.
Elle a voulu conserver la grande partie du système dont le
fonctionnement et l'efficacité ont subi l'épreuve du temps dans
d'autres juridictions. Dans les réformes qu'elle propose, elle a
également cherché à concilier l'intérêt du
public avec les avantages incontestables d'une certaine autonomie des
professions à l'égard du pouvoir politique.
L'étatisation plus ou moins complète des professions ne
lui a pas paru une solution aux problèmes actuels. Elle croit que
l'Etat, en tant que mécanisme de gouvernement et de contrôle
utilisé par la société, doit exercer un certain rôle
directeur, ce qui n'implique pas, toutefois, une intervention directe et
continuelle.
Il existe d'autres formules plus souples qui lui ont semblé une
solution plus acceptable. Elle a surtout voulu que ses recommandations soient
pratiques et réalisables. Avec un peu d'imagination, n'importe lequel
théoricien peut élaborer des structures en apparence
séduisantes mais, pour être applicables, encore faut-il qu'elles
correspondent aux moyens matériels et politiques d'une
société, à sa mentalité et à ses
aspirations. A son avis, une politique saine et acceptable d'organisation et de
réglementation des professions doit avant tout garantir la protection
des intérêts du public. Rien n'empêche toutefois, ce
principe étant respecté, qu'un certain degré d'autonomie
soit accordé aux membres des diverses professions.
A une époque aussi sensibilisée que la nôtre aux
besoins de participation des individus à l'administration de leurs
institutions et aux dangers de l'aliénation, l'autosuggestion
tempérée des professions offre une solution efficace au
problème de l'intégration de leurs membres dans la
société. Toutes les recommandations qui suivent s'inspirent de
cette philosophie pratique.
Voilà, très explicitement donné et livré, ce
qui a inspiré la commission Castonguay-Nepveu au cours de ses travaux.
Entre, d'une part, ce texte, les intentions qu'a livrées le ministre des
Affaires sociales, il y a un instant, qui nous a lui aussi dit quels ont
été les principes de base des travaux qui ont inspiré ce
projet de loi et, d'autre part, cette législation, il y a à
certains endroits, évidemment, des différences assez sensibles.
Je pense qu'on ne doit pas se scandaliser. Entre le projet de loi no 65 et les
travaux de la commission Castonguay, il y avait aussi des différences
sensibles. Mais, au cours des travaux de la commission, les organismes sont
venus nous livrer leurs impressions, le résultat de leurs travaux, de
leurs recherches et leurs commentaires. Après plusieurs séances,
plusieurs heures de discussion avec les organismes qui sont venus faire des
échanges devant la commission et les membres qui la composaient, nous
avons pu accepter, à l'Assemblée nationale, un projet de loi de
beaucoup amélioré par rapport à la première
version. J'imagine qu'il en sera de même du projet de loi no 250 et des
autres projets de loi. Je ne crois pas, par ce que nous avons entendu dire et
par ce que nous avons lu dans les journaux jusqu'à maintenant
certaines corporations professionnelles ont fait état des
mémoires qu'elles présenteraient devant la commission que
nous ayons réussi à faire un consensus acceptable sur la
législation qui nous est proposée.
Je ne voudrais pas porter, à ce stade-ci, un jugement de valeur
sur le code des professions en particulier avant d'avoir entendu les organismes
qui viendront devant nous parce qu'ils ont fait des travaux très
poussés sur la législation qui est proposée. Si j'en juge
par la qualité des mémoires qui ont été
portés à notre attention, jusqu'à ce jour,
particulièrement les premiers mémoires que les membres de la
commission ont reçus, c'est-à-dire ceux que nous
étudierons aujourd'hui et demain, je crois que nous pourrons tous
profiter largement des travaux de cette commission parlementaire, travaux qui
conduiront à l'adoption d'une législation finale.
Quant à l'arrangement législatif, quant à la
disposition des chapitres ou des articles de loi qui sont contenus dans la
législation, je crois qu'on peut dire dès maintenant, sans porter
un jugement de valeur, qu'il y a possibilité pour nos
législateurs de faire un bien meilleur arrangement et une bien meilleure
disposition du texte législatif que ce qu'ils nous ont
proposé.
Et ça, c'est évident, on n'a qu'à relire les deux
ou trois premiers mémoires qui nous sont proposés et on l'a
abondamment illustré, et de différentes façons.
Je pense que de ce côté-là il y aura lieu
évidemment, nous étions peut-être limités par le
temps, il a fallu procéder assez rapidement de tenir compte de
certaines propositions qui sont faites et qui sont parfaitement logiques, de
façon à présenter un projet de loi qui soit le plus
cohérent possible, et qui soit le plus compréhensible possible,
non seulement pour les législateurs qui ont à le discuter, mais
aussi pour les corporations professionnelles qui auront à vivre avec
lui, et le public en général qui aura à porter un
jugement.
Quant aux corporations professionnelles, je l'ai dit il y a un instant,
je pense qu'elles ont d'ores et déjà compris l'importance de ces
discussions que nous allons tenir, l'importance de cette législation que
nous allons adopter et qui les touche directement. Si nous jugeons par la
qualité des mémoires qui nous sont présentés, je
pense que cet aspect-là a été bien saisi. Mais aussi les
corporations professionnelles savent bien qu'elles sont maintenant dans
l'éclairage elles le seront surtout pour un certain temps au
cours des travaux de cette commission du public, et selon leur attitude,
selon la présentation de leurs mémoires, leurs travaux, la
collaboration qu'elles apporteront à la commission, selon aussi la
façon positive dont elles s'acquitteront de cette responsabilité
elles aussi, je pense qu'on portera un jugement sur le travail des corporations
professionnelles.
De toute façon, nous sommes au tout début de ces
séances de la commission. M. le président a énoncé
tantôt les différentes règles de pratique. Je ne crois pas,
pour ma part, que les nouvelles règles de pratique empêcheront qui
que ce soit de s'exprimer abondamment devant cette commission parlementaire. Il
est évident que nous ne pourrons pas entendre la lecture complète
de chacun des mémoires, parce que, si nous en jugeons par les deux
premiers mémoires que nous ont soumis, le Conseil interprofessionnel et
le Collège des médecins, il sera préférable d'en
entendre un bon résumé.
Mais je pense que surtout au début de nos travaux, les questions
seront beaucoup plus abondantes, que au fur et à mesure que nous
avancerons dans les auditions de la commission parlementaire, nous n'aurons pas
à répéter certaines questions. Mais ce que je voudrais
souligner, M. le Président, c'est qu'il m'est apparu dans vos
commentaires que, même si vous utilisez les nouvelles règles de
pratique de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires,
vous voudrez laisser aux organismes qui sont ici et aux membres de la
commission parlementaire tout le loisir de s'exprimer sur cette loi
importante.
Nous réservons de plus amples commentaires et d'abondantes
questions aux organismes et à leurs porte-parole qui viendront devant la
commission.
M. LE PRESIDENT: Pour le Ralliement créditiste, c'est le
député de Dorchester, M. Guay.
M. GUAY: M. le Président, nous entamons ce matin une étape
assez importante de la législation. Cependant, ce qui doit retenir
davantage notre attention, c'est sans doute de rendre le plus grand service
possible à toute la collectivité, tout en laissant quand
même aux corporations professionnelles assez de liberté d'action.
Et il ne faut pas oublier tout ce qui a été fait dans le
passé.
Deuxième point très important, il s'agit d'abord de la
protection du public, de la protection de l'ensemble des citoyens. Qu'on
permette à des groupes assez importants, qui peuvent rendre de grands
services à la population, de venir s'ajouter aux corporations
porfes-sionnelles déjà existantes, vous m'en voyez réjoui.
Le code des professions est en quelque sorte une nouvelle définition ou
certaines précisions dans chacune des professions dans le domaine de la
santé, je puis dire que je suis convaincu à l'avance que le
travail de la commission sera objectif. C'est probablement ce qui nous
permettra de parfaire autant que possible cette loi du code des
professions.
Comme position à prendre, c'est assez facile, comme c'est assez
difficile. Nous avons assisté presque à tous les travaux des
commissions parlementaires, d'abord à des propos qui ont
été tenus par les intéressés, et je pense qu'une
fois de plus nous serons en mesure, à la lumière des propos qui
seront tenus par différents spécialistes connaissant leurs
problèmes, vivant dans ce domaine-là, de nous éclairer
davantage. Il nous sera beaucoup plus facile de prendre position et de
demander, s'il y a lieu, des changements à certains projets de loi.
Nous comptons sur les mémoires qui sont présentés
et sur les propos qui seront tenus pour éclairer les membres de la
commission et, selon leur désir, nous pourrons leur accorder...
Dans l'ensemble, toutes les professions, je crois bien, désirent
quelques amendements aux différents projets de loi qui les affectent.
Nous serons en mesure, je pense bien, seulement à la fin des travaux de
cette commission de faire en sorte que ces projets de loi soient les plus
parfaits possible. Nous pourrons, en même temps, profiter de la recherche
effectuée par chacune des corporations pour parfaire ce projet de loi le
plus possible. J'espère aussi que certaines disparités seront
corrigées, et je pense à ce moment-là à certaines
régions défavorisées.
A la lumière des propos qui seront tenus à la commission,
nous serons en mesure de préciser au fur et à mesure notre
position. Merci.
M. LE PRESIDENT: Pour le Parti québécois, le chef
parlementaire, le député de Bourget, le docteur Laurin.
M. LAURIN: M. le Président, le caractère forcément
aride des considérations que nous ont faites ce matin le Solliciteur
général et le ministre des Affaires sociales ne doit pas nous
cacher l'extrême importance de l'entreprise dont nous amorçons
l'étude.
La preuve en est, d'ailleurs, dans les études
préliminaires qui ont été faites, études pratiques,
d'abord, à la suite des difficultés causées par la
progression même des corporations, l'adjonction de nouvelles
corporations, des études fouillées d'experts, tels Claude-Armand
Sheppard et les membres de la commission, et études fouillées,
également, faites déjà par les corporations qui doivent
nous présenter des mémoires.
Si ces études sont déjà nombreuses, si l'accord ne
semble pas encore fait, c'est que nous assistons à une véritable
mutation de notre société, à une nouvelle étape de
notre société. Or, le droit des corporations constitue un des
chapitres les plus importants du droit public, celui qui régit les
relations entre les citoyens et des représentants de la
société qui doivent voir à leurs intérêts
essentiels.
Il importe donc d'y accorder une extrême attention, d'autant plus,
comme l'ont souligné les deux ministres, que l'état actuel de
notre droit ne correspond plus du tout au stade où en est rendue notre
société, au stade d'organisation actuel de notre
société, et ne correspond plus également aux exigences des
citoyens. Le ministre nous l'a bien souligné d'ailleurs tout à
l'heure lorsqu'il a dit que, lorsqu'il s'est agi d'adopter une loi des
infirmières ou de nouvelles lois de corporations, le gouvernement s'est
vu dans l'impossibilité d'accéder à ces demandes, puisque
ces demandes ne tenaient pas compte du rôle accru et beaucoup plus
important de l'Etat dans l'organisation de la vie collective. Probablement
aussi que l'Etat ne pouvait pas faire droit à ces recommandations, parce
que déjà les protestations, les réclamations des citoyens
à l'endroit des corporations lui avaient fait comprendre qu'en tant que
représentant des citoyens il devait réviser tout le
problème avant de se lancer dans ce qui, autrement, aurait
été une nouvelle aventure.
Car l'organisation actuelle de nos corporations est encore trop
marquée au coin de l'idéologie libérale, au sens
"stuartmillien" du terme, et je dirais même trop marquée au coin
de l'idéologie "élitiste" en ce sens que les corporations ont
été fondées, par des privilégiés de notre
société qui voulaient, bien sûr, rendre service aux
citoyens, chacun dans le cadre de leur profession, mais qui le faisaient sans
trop y penser, probablement, qui le faisaient en pensant à leurs
intérêts professionnels. Une des preuves, c'est que les
corporations fixaient le tarif des actes professionnels, en même temps
qu'elles régissaient les relations des professionnels avec le
public.
Cette idéologie libérale et "élitiste" a conduit
à ce qu'on a appelé un certain empirisme organisationnel, en ce
sens que les corporations naissaient au fur et à mesure que les besoins
d'une société en pleine évolution se manifestaient.
On voyait donc surgir une, deux, trois et plusieurs autres corporations,
au fur et à mesure que ces besoins étaient identifiés et
que les professionnels, les privilégiés en question, se rendaient
compte qu'il fallait combler ces besoins.
Il reste cependant, comme nous l'avons vu, que cet empirisme constituait
un facteur d'incohérence et rendait très difficile l'action
légitime du public, ainsi que l'action légitime de l'Etat en ce
qui concerne la défense ou la protection des intérêts
supérieurs de la collectivité. Il fallait donc non seulement
changer le cadre juridique des professions, mais, avant de le faire, repenser
toute l'idéologie sous-jacente au régime des relations entre ces
trois corps importants que sont les professionnels, d'une part, au centre, et,
d'autre part, à une extrémité, les citoyens et, à
l'autre, l'Etat dont les rôles, les fonctions, les exigences, les
impératifs variaient justement énormément.
C'est ce que les divers gouvernements ont compris, confusément ou
clairement, et c'est la raison de toutes les études que nous avons eues
depuis quelques années. Nous sommes maintenant à pied d'oeuvre.
Ces études préliminaires étant terminées, le
gouvernement nous présente aujourd'hui un projet de législation.
Pour notre part, nous avons applaudi aux travaux de la commission
Castonguay-Nepveu sur les professions. Nous avons applaudi au rapport qui a
été présenté. Nous avons réagi d'une
façon favorable à un grand nombre de ses recommandations, de la
même façon que nous sommes d'accord sur un très grand
nombre des propositions incluses dans le code des professions et dans les
diverses lois particulières.
Nous sommes d'avis que l'Etat doit jouer un rôle de plus en plus
important dans l'édiction de normes et de règlements qui doivent
régir l'ensemble des professions. Je dis bien l'ensemble des
professions. Il ne nous semble pas qu'aucune profession actuellement ait des
raisons suffisantes de se soustraire non pas à cette férule de
l'Etat, mais à cette responsabilité de l'Etat qui doit examiner,
justement, d'une façon générale, l'ensemble des rapports
des citoyens, de l'Etat et des professions. Nous sommes également
d'accord sur le fait que les corporations devraient avoir pour unique fonction
la protection du bien public, la protection du public et non plus la
défense des intérêts professionnels
socio-économiques de ses membres.
C'est là une évolution qui est déjà
commencée, dont certaines professions ont déjà
concrétisé dans leurs structures les impératifs. Nous
sommes d'avis que cette évolution devrait continuer et que le
présent code des professions et les lois que nous étudierons
faciliteront, favoriseront, accéléreront ce processus et nous
nous en félicitons. Chacun son métier et les vaches seront bien
gardées, disait déjà le fabuliste. Il nous semble, en
effet, que si les corporations ont pour unique fonction de protéger le
public, le public et l'Etat seront certains que cet objectif sera beaucoup
mieux atteint que si s'y
ajoute la défense des intérêts professionnels qui
peut facilement, théoriquement du moins, mettre en conflit les membres
de ces corporations qui, parfois, peuvent être appelés à
choisir entre leurs intérêts professionnels et les
intérêts de la collectivité qu'ils sont censés
défendre au premier chef.
Nous sommes également d'accord que l'Office des professions joue
un rôle extrêmement important à côté du
gouvernement central et qu'il décharge le gouvernement, le
lieutenant-gouverneur en conseil, de certaines des fonctions qui peuvent
facilement devenir très onéreuses lorsque nous constatons la
prolifération des professions et le dynamisme des corporations
professionnelles. Si nous voulons nous débarasser de l'idéologie
libérale et "élitiste", si nous voulons créer et incarner
une nouvelle idéologie qui règle d'une façon plus
adéquate, plus accordée aux réalités contemporaines
les rapports du citoyen, de l'Etat et des corporations, il faut quand
même prendre bien garde que le pendule ne se rende pas trop loin dans
l'autre extrémité de l'idéologie libérale pure.
Il ne faut pas passer à l'idéologie technocratique
où l'Etat exerce un contrôle par trop tâtillon,
omniprésent sur les activités de mandataires de professionnels
qui sont au fond ces mandataires et qui ont conscience de leurs
responsabilités, de leurs devoirs à l'endroit de la
collectivité.
Voilà les quelques remarques que je voulais faire au début
de ces séances pour bien marquer l'esprit dans lequel nous
écouterons les diverses professions. Nous reconnaissons, nous aussi, que
les mémoires que nous avons eu l'occasion de lire sont très bien
préparés, fouillés, documentés et, surtout,
marqués au coin de la conscience professionnelle à l'endroit du
rôle traditionnel des professions, bien sûr, mais aussi à
l'endroit de la collectivité.
C'est déjà d'un très bon augure que de remarquer
que nos professionnels sont dynamiques, socialement orientés, consentent
au changement qui est en train de s'inscrire dans nos moeurs aussi bien que
dans nos structures. Il faudra donc les écouter avec beaucoup
d'attention lorsqu'ils viendront nous soumettre leurs propositions.
Un dernier point sur lequel nous sommes également d'accord, c'est
que le public doit connaître de plus en plus ce qui se passe dans les
corporations; il doit être informé de leurs activités et,
surtout, il doit participer à leur gestion. Cette participation du
public contribuera grandement, je crois, à combler le fossé qui
s'est malheureusement creusé au cours des années
précédentes entre la collectivité et les corporations.
Peut-être verrons-nous se rapprocher des groupes qui n'auraient jamais
dû s'éloigner étant donné que la raison d'être
même des corporations est comme le ministre l'a souligné
un service unique, essentiel que seuls les professionnels peuvent
rendre.
Si nous pouvons éliminer le malaise qui a existé
jusqu'ici, si nous pouvons assurer une bonne qualité de services, si
nous pouvons assurer la compétence des professionnels au vu et au su du
public qui participe aux délibérations des corporations, je pense
que nous aurons fait beaucoup pour la paix sociale.
Donc, en conclusion, nous sommes d'accord sur les principes essentiels
qui sous-tendent ce projet de loi; nous sommes d'accord pour un rôle plus
précis et accru de l'Etat; nous sommes d'accord pour une participation
plus grande du public. Il nous reste maintenant à préciser, dans
les détails, les relations qui devront s'instituer entre ces
corporations et les citoyens, d'une part, entre ces corporations et l'Etat,
d'autre part. Nous n'avons pas d'idée préconçue, mais nous
examinerons avec beaucoup de sérieux et de gravité tous les
mémoires qui nous seront présentés car nous savons qu'au
terme de cet examen, notre société québécoise en
sera changée pour le mieux ou pour le pire.
M. LE PRESIDENT: Merci. Maintenant, nous passerons à la
présentation du premier mémoire du Conseil interprofessionnel du
Québec. Le mémoire devait être présenté par
le Dr Auguste Roy, président de ce conseil. Le Dr Roy est retenu chez
lui pour des raisons de maladie dans sa famille. Le mémoire sera
présenté par le vice-président du conseil, M. Henri
Labelle, ingénieur professionnel. M. Labelle.
Conseil interprofessionnel du Québec
M. LABELLE: M. le Président, messieurs les députés,
je veux vous transmettre les excuses du Dr Roy qui n'a pas pu assister
aujourd'hui à la réunion. Le Dr Roy est le président du
Conseil interprofessionnel du Québec. Je veux aussi vous
présenter la délégation du Conseil inter-professionnnel du
Québec qui est composé de Mme Suzanne Blais-Grenier,
déléguée de la Corporation des travailleurs
socio-professionnels, elle est aussi secrétaire du Conseil
interprofessionnel du Québec; de moi-même qui suis
vice-président du Conseil interprofessionnel du Québec, Henri
Labelle. Je veux faire une correction. Je suis membre de l'Association des
architectes de la province de Québec. Nous sommes assistés de Me
Claude-Armand Shep-pard qui n'est pas le délégué du
Barreau mais bien le conseiller juridique du Conseil interprofessionnel du
Québec,
D'abord, je veux m'excuser du contretemps causé par la
distribution tardive d'un nouveau résumé de notre mémoire
qui a été livré ce matin et qui a déjà
commencé à être distribué. Il s'était
malheureusement glissé quelques erreurs dans notre résumé,
à cause des délais très courts qui nous ont
été imposés par la commission parlementaire pour
étudier sérieusement un bill si important.
Il n'y avait que quelques erreurs de référence, quelques
ambiguïtés, quelques fautes de
transcription et nous avons préféré, pour
éviter toute ambiguïté future, présenter un
résumé révisé plutôt que d'apporter des
corrections au résumé déjà
déposé.
J'espère que tout le monde a en main la copie du
résumé révisé, qui est celui-ci. Il est d'ailleurs
marqué texte révisé.
Le Conseil interprofessionnel du Québec a été
fondé en 1965. Son but est de représenter l'ensemble des
corporations et de parler au nom des corporations professionnelles. La position
du Conseil interprofessionnel, face au bill 250 et tel qu'exprimé dans
notre mémoire, représente un consensus des 22 corporations
membres.
Ce qui n'empêche pas et c'est très important
les corporations, individuellement, d'être dissidentes sur des points
donnés. Cependant, chaque opinion et chaque demande contenues dans notre
mémoire représentent l'opinion majoritaire des corporations et
très souvent représentent une opinion unanime.
Le travail de préparation du mémoire et du
résumé a été fait très sérieusement.
Toutes les corporations ont participé à des séances
d'étude, les articles ont été étudiés un
à un. Je veux souligner l'importance du travail que nous avons
effectué et le fait que ce travail représente, comme je l'ai
mentionné tantôt, un consensus des corporations. A un tel point
que certaines corporations ne présenteront pas de mémoire
additionnel.
Nous pensons que cette façon de procéder épargnera
du travail et du temps à ceux qui sont chargés d'étudier
le bill 250.
Je n'ai pas l'intention, comme M. Cloutier l'a demandé, de lire
le mémoire, ni le résumé du mémoire, mais
j'aimerais faire une exception et vous lire l'introduction du
résumé qui comporte une page et demie.
Le Conseil interprofessionnel du Québec réunit 22
corporations professionnelles qui regroupent près de 50,000 membres. Le
Conseil interprofessionnel salue l'effort du gouvernement d'uniformiser la
législation professionnelle. Il rappelle que depuis longtemps la plupart
des corporations professionnelles ont volontairement assumé de lourdes
tâches réglementaires et disciplinaires dans
l'intérêt public et il serait périlleux de balayer des
institutions qui ont bien fonctionné dans le seul but de satisfaire les
exigences d'un organigramme doctrinal.
Toute réforme du droit professionnel doit conserver les nombreux
éléments valables des structures existantes tout en comblant les
lacunes qui découlent d'ailleurs plus souvent des carences
législatives que des défaillances des corporations
professionnelles.
Le conseil interprofessionnel souligne que l'une des traditions les plus
précieuses de l'organisation professionnelle au Québec a
été l'indépendance des corporations à
l'égard du pouvoir, autonomie qui est la seule garantie de la
qualité et de l'objectivité des services rendus. C'est au nom de
l'intérêt public que les corporations se sont ainsi faites les
gardiennes jalouses du secret professionnel.
Les corporations professionnelles sont conscientes de leur devoir de
rendre compte à la société. Mais l'appareil
étatique prévu dans le code des professions risque
d'entraîner la surveillance de la vie privée des citoyens
plutôt que les activités des corporations.
C'est pour cela que toutes les recommandations du conseil
interprofessionnel sont inspirées par le désir de minimiser toute
ingérence bureaucratique tout en acceptant la surveillance la plus
totale à condition qu'elle respecte le secret professionnel. C'est pour
cela, par exemple, que l'une des recommandations principales est d'attribuer
à l'Office des professions, dont l'indépendance serait
renforcée, de nombreux pouvoirs que le gouvernement voulait se
réserver.
Nous avons aussi chercher à humaniser les dispositions du code.
En conséquence, les corporations sont d'accord sur les principes du bill
250, sur les buts visés et sur les objectifs. Le mémoire en fait
état clairement.
Nous croyons cependant que les objectifs du gouvernement dans son souci
d'améliorer la structure des corporations professionnelles seraient
mieux atteints en changeant certaines des modalités prévues au
bill 250. Ainsi, les corporations sont sympathiques au souci d'uniformisation
de la législation relative aux professions. Elles sont favorables
à la surveillance de l'Etat; elles acceptent la représentation du
public à leur conseil d'administration; elles acceptent que leurs
règlements soient soumis au lieutenant-gouverneur en conseil; elles
acceptent des représentants du public ou de l'Etat dans certaines de
leurs fonctions et elles acceptent l'uniformisation de la procédure
disciplinaire.
Cependant, elles veulent conserver une certaine autonomie dans
l'administration de leurs affaires. Cette autonomie est garante de
l'indépendance des professionnels à l'égard du pouvoir au
plus grand profit des citoyens. Elles sont favorables, en un mot, à
l'autogestion tempérée qui est l'une des principales
recommandations contenues dans le rapport qu'on a appelé
Castonguay-Nepveu.
La principale innovation du bill 250 est sans doute la création
de l'Office des professions. Là encore, le conseil interprofessionnel
est parfaitement d'accord. En fait, le conseil interprofessionnel veut
augmenter les responsabilités et le rôle qui est confié
à l'office ou que le gouvernement veut confier à l'office. Nous
voulons qu'il assume complètement le rôle de surveillance des
professions; que l'Etat lui confie cette surveillance plutôt que de
l'assumer lui-même.
Pour ce faire, nous demandons que l'Office des professions soient
renforcé en nombre et que ses pouvoirs soient accrus. Nous demandons
qu'il soit composé de cinq à sept membres plutôt que de
trois tel que prévu dans le bill 250.
Nous demandons que son président soit nommé par
l'Assemblée nationale, plutôt que par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
Nous pensons que son rôle est semblable à
celui du Protecteur du citoyen. C'est pour cette raison que nous
demandons une procédure de nomination semblable. Tout comme le
Protecteur du citoyen, il est essentiel que le président de l'office ne
soit pas partisan d'un parti politique.
Nous demandons que l'Office des professions fasse son rapport annuel
à l'Assemblée nationale.
Nous demandons que l'office surveille et voie à ce que les
corporations s'acquittent correctement de leurs devoirs et de leurs
responsabilités.
Nous demandons que ce soit l'office qui nomme les représentants
du public aux conseils d'administration des corporations.
De façon générale, nous demandons aussi que
l'office ait une plus grande latitude que celle prévue au bill 250
actuellement.
Nous demandons que l'office puisse permettre que les corporations
adoptent différentes modalités pour atteindre des mêmes
fins.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a de grandes disparités
entre les corporations. Pour ne citer que les deux extrêmes, il y a la
Corporation des ingénieurs qui comporte au-delà de 14,000 membres
et celle des urbanistes qui en comporte environ 120, c'est-à-dire que la
plus petite est 1 p.c. de la plus grosse.
Nous pensons qu'il n'est peut-être pas pratique que toutes les
corporations soient obligées d'employer des méthodes de travail
qui seraient uniformes à tout point de vue.
Donc, nous croyons que l'office devrait avoir une certaine latitude pour
accepter des procédures ou des méthodes de travail
différentes, pourvu que chacune permette d'atteindre, de façon
pratique, les objectifs visés.
Ceci est pour l'Office des professions. Je demanderais à Mme
Grenier ou à Me Sheppard s'ils ont quelque chose à ajouter. Me
Sheppard.
M. SHEPPARD: Disons que j'aimerais expliquer les raisons pour lesquelles
le Conseil interprofessionnel suggère que les représentants du
public soient nommés par l'Office des professions plutôt que par
le gouvernement. C'est justement pour essayer d'éviter des nominations
partisanes ou de gens qui ne sont pas des plus compétents, en
l'occurence. La philosophie générale du Conseil
interprofessionnel a été d'ouvrir les portes, le plus grand
possible, à l'inspection du public, à la surveillance des
organismes auxquels le public fait confiance.
Mais, comme, très souvent, la confidentialité des dossiers
et la protection de la vie privée des citoyens peuvent être en
jeu, nous croyons qu'il serait préférable, dans l'optique
toujours de concilier la protection du public avec la surveillance des
activités professionnelles, de déléguer à l'Office
des professions, qui est une émanation de l'Etat, des fonctions qui
autrement pourraient relever de certaines personnalités politiques.
Comme il s'agit d'un code général et que,
présumément, il va durer longtemps, c'est une mesure de prudence
toujours inspirée par le souci de protéger le public.
M. LABELLE: Le secret professionnel. Les corporations veulent que le
bill 250 contienne des dispositions beaucoup plus précises et beaucoup
plus sévères concernant le secret professionnel et demandent que
soient incorporées au bill des sanctions sévères pour la
violation du secret professionnel.
Ainsi, celui qui violerait le secret professionnel serait sujet non
seulement à la discipline de sa corporation mais aussi à des
sanctions pénales. Nous demandons de plus que l'obligation du secret
professionnel s'applique aussi aux personnes qui travaillent pour les
professionnels et non pas simplement aux professionnels eux-mêmes.
M. SHEPPARD: Au sujet du secret professionnel, nous avons
été frappés par le fait que ce qui est après tout
peut-être un des éléments les plus importants de la
protection du public soit presque passé sous silence dans le bill 250.
Nous le soulignons à plusieurs titres parce que M. Labelle a fait
état du secret et de sa protection au sein de l'office, au sein des
différentes instances semi-officielles ou auxquelles des
représentants d'Etat peuvent participer. Bien entendu, là, dans
l'exercice de leurs fonctions, ces représentants de l'Etat peuvent
être appelés à examiner des dossiers. Il ne faut pas
oublier qu'en cours de route il y a l'intérêt du client, du malade
ou de la personne à qui ce dossier appartient.
Le secret professionnel n'est pas le secret du professionnel. C'est le
secret de la personne qui nous consulte. Nous avons constaté que le
serment d'office, la protection qui est assurée au niveau, disons,
bureaucratique, au niveau officiel, est très insuffisant.
Nous reviendrons sur un deuxième niveau, au sujet de la
protection du secret professionnel, en général, lorsqu'il s'agit
de professions pour lesquelles c'est un élément indispensable de
l'exercice. Je ferais une distinction, par exemple, entre la
nécessité du secret professionnel dans une profession
médicale ou paramédicale et celle des décorateurs
ensembliers, où c'est certainement moins vital. Nous croyons qu'on ne
s'est pas assez soucié de protéger les citoyens contre des
transgressions ou contre l'obligation de dévoiler le secret devant des
tribunaux ou des régies gouvernementales. A ces deux niveaux, nous
sommes frappés par une lacune qui préoccupe
énormément les citoyens. On le voit constamment dans les
discussions, dans les journaux. Il y a eu un incident récemment à
Montréal. Cela revient constamment.
Nous insistons donc beaucoup sur cet aspect en soulignant en même
temps que ce ne sont pas les professionnels qui bénéficient du
secret mais bien le public. Cela ne touche le professionnel ni dans un sens, ni
dans l'autre.
M. LABELLE: Sur la même question, à l'annexe III du bill
250, on peut lire le texte du serment d'office. On mentionne qu'une personne
est relevée de ce serment si elle y est dûment autorisée.
Nous croyons que cette disposition n'est pas suffisante. Nous voulons que ce
soit un tribunal qui soit l'organisme qui puisse autoriser une personne ou,
évidemment, le client lui-même impliqué.
Le bill 250 prévoit la formation ou la création du Conseil
interprofessionnel du Québec. Nous voulons souligner ici que le Conseil
interprofessionnel du Québec existe déjà depuis six ou
sept ans et que la loi devrait peut-être prévoir tout au plus la
reconnaissance de l'existence du Conseil interprofessionnel.
Le bill prévoit que le Conseil interprofessionnel est
composé de délégués ou de présidents de
corporations, alors qu'actuellement le Conseil interprofessionnel est
composé des corporations elles-mêmes qui sont
représentées par des délégués. Nous pensons
que la formule actuelle est plus adéquate, c'est-à-dire que le
conseil soit composé des corporations plutôt que de membres de
corporations.
Nous ne voyons pas la nécessité non plus de mentionner
comme il est fait dans le bill 250 que ce soient
généralement les présidents des corporations qui soient au
Conseil interprofessionnel. Que les corporations aient la liberté de
déléguer les personnes qu'elles voudront.
Nous demandons que le Conseil interprofessionnel ait le droit
d'intervenir dans des débats judiciaires ou quasi judiciaires.
Sur la question de la cotisation, nous demandons que la cotisation des
corporations au Conseil interprofessionnel ne soit pas directement
proportionnelle au nombre de membres des corporations. Nous avons
imaginé, il y a quelques années, une formule que l'on
décrit comme "formule de dégression logarithmique" qui semble
très satisfaisante et qui nous semble beaucoup plus raisonnable. En
fait, elle prévoit que plus une corporation comporte de membres, plus sa
cotisation totale est grande, mais d'autre part plus sa cotisation per capita
est petite. Pour donner un exemple, les ingénieurs, qui comportent
14,000 membres, versent une contribution d'environ $0.10 par personne au
Conseil interprofessionnel, alors qu'au bas de l'échelle la Corporation
des urbanistes, par exemple, verse peut-être $1 par membre.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire remarquer que les vingt minutes sont
passées, mais je suis certain qu'avec le consentement de la commission
nous pouvons prolonger.
DES VOIX: Adopté.
M. LABELLE: Merci bien, messieurs.
Nous demandons que le Conseil interprofessionnel soit tenu de faire son
rapport à l'Assemblée nationale, plutôt qu'au
lieutenant-gouverneur en conseil ou au ministre.
M. SHEPPARD: Une remarque que j'aimerais apporter et qui,
d'ailleurs, s'applique également à une fonction que nous
voudrions recommander pour les corporations individuellement c'est le
droit d'intervenir dans des débats judiciaires. Il arrive de plus en
plus fréquemment qu'à l'occasion d'une affaire civile ou
pénale des questions d'intérêt général soient
soulevées, des questions de secret professionnel ou autres, dont les
parties ne se préoccupent pas parce que ça ne les touche pas,
mais l'intérêt public peut être en jeu.
On peut avoir une situation, comme récemment à
Montréal, où un mandat de perquisition a été
accordé pour faire opérer un suspect afin de retirer une balle
qui se serait logée dans son coeur. Si jamais cela avait
été autorisé, un médecin aurait été
forcé de commettre un acte contraire à la déontologie
professionnelle. Et à l'heure actuelle il n'y a aucun mécanisme
qui prévoit l'intervention d'un organisme quelconque pour contester ou
pour faire valoir le point de vue du public.
Nous recommandons donc que, dans toute question d'ordre professionnel
général, que ce soit ça ou autre chose, soit le CIQ, soit
des corporations puissent intervenir. Cela ne les oblige pas à
intervenir, mais ça leur permet de se joindre au débat, selon une
procédure qu'on connaît bien aux Etats-Unis, où toutes
sortes d'organismes peuvent intervenir comme amici curiae, amis du tribunal,
pour faire valoir un point de vue.
Cela nous semble très important, parce qu'il y a une lacune qui a
été illustrée à deux ou trois reprises dans les
douze derniers mois et les exemples se multiplient.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, pas de question.
M. LABELLE: Le conseil interprofessionnel est d'accord sur les
critères qui sont prévus dans le bill 250, pour la formation des
corporations. Le bill cependant fait peu de différence entre les
obligations confiées à une corporation qui n'a que
l'exclusivité du titre et celles qui ont l'exclusivité du titre
et de la pratique.
Dans le cas des corporations qui ont seulement l'exclusivité du
titre, il est difficile de voir comment elles pourront s'acquitter
complètement des obligations qui leur sont confiées par le bill
250.
MME BLAIS-GRENIER: Peut-être qu'on croit
généralement, je pense que c'a été un peu l'opinion
des membres du Conseil interprofessionnel, que, là où il y a lieu
d'avoir une corporation de professionnels, on devrait avoir une corporation qui
préserve le titre et la pratique. Autrement un corps pourrait être
constitué par lettres patentes et ne pas être soumis aux
dispositions contenues dans le code des professions. Certaines des obligations
qui sont imposées dans le code des professions
nous apparaissent difficiles à réaliser, s'il n'y a pas
une protection de la pratique et une obligation des membres de faire partie
d'une corporation professionnelle.
Par exemple, tout l'aspect de déontologie, évidemment,
peut être rejeté facilement par les membres qui sont régis
par une corporation qui ne protège que le titre. Si la
déontologie est trop lourde à porter, le membre a seulement
à ne plus faire partie de sa corporation, à ne plus utiliser de
titre, à continuer de rendre des services au public, à prendre un
titre similaire et ça crée énormément
d'ambiguïté au niveau de la population.
M. LABELLE: L'article 41 du bill 250 consacre le principe de la
non-discrimination dans l'octroi des permis. On dit qu'ils ne peuvent
être refusés pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de
religion ou d'origine sociale, nous aimerions ajouter aussi dans cette liste
qu'ils ne peuvent être refusés non plus pour des questions
d'ascendance nationale ou de convictions politiques ou idéologiques.
Le bill 250 exige la citoyenneté canadienne, pour un certain
groupe de professions, dont les avocats, les notaires, les arpenteurs, ce sur
quoi nous sommes d'accord. Cependant il exige aussi la citoyenneté
canadienne pour d'autres professionnels qui sont les chiropraticiens, les
podia-tres, les physiothérapeutes et nous demandons pourquoi
ceux-là plutôt que d'autres.
En fait nous suggérons que cette exigence de citoyenneté
canadienne ne soit conservée que pour les professions
ministérielles, avocats, notaires et arpenteurs. Le bill 250, encore une
fois, prévoit l'interdiction d'exercice pour des motifs de
santé.
Nous demandons que cette interdiction s'applique seulement dans le cas
d'un professionnel admis dans un centre hospitalier en cure fermée et
qu'elle ne s'applique pas automatiquement à un professionnel qui serait
admis dans une institution hospitalière en cure libre. C'est une
précision que l'on demande.
Le bill 250 prévoit aussi que des professionnels ne peuvent
refuser de rendre des services à des personnes pour des questions
d'âge ou de sexe. Il est bien évident que, dans certains cas, par
exemple chez les médecins, il y a des médecins qui sont
spécialisés et qui ne rendent des services qu'à des
enfants ou qu'à des femmes, par exemple. Cette liberté devrait
leur être laissée.
M. SHEPPARD: Une recommandation que nous répétons à
plusieurs endroits et dont, je pense, un ou deux orateurs ont fait état,
c'est la nécessité de réorganiser les dispositions du
projet afin de le rendre plus maniable. Il y a des dispositions qui se trouvent
à l'endroit où elles se trouvent maintenant en vertu d'une
certaine logique qui n'est peut-être pas celle de l'utilisateur.
L'impression générale qui s'est dégagée du projet,
pour tous ceux qui l'ont lu ou qui l'ont étudié, c'est qu'il est
assez confus dans sa présentation, pas nécessairement dans son
texte, et qu'il y aurait lieu de le clarifier. Les détails de notre
suggestion apparaissent dans le mémoire et il serait peut être
oiseux d'entrer là-dedans. Cela nous semble important parce qu'en outre
des législateurs, des juristes et des professionnels qui vont utiliser
le code, il y a le grand public.
Il ne faudrait pas le forcer à avoir recours aux avocats pour
comprendre le code des professions.
M. LABELLE: A propos de l'administration des corporations
professionnelles, il nous semble qu'il y a une ambiguïté dans le
bill 250 sur le nombre de membres du conseil ou bureau d'administration des
corporations. A certaines occasions, on implique qu'il y a huit membres pour
une corporation de 500 membres ou moins, mais ailleurs, on fait allusion
à une personne de plus. Il y a certainement ambiguïté entre
certains articles du code et ce point serait à clarifier.
Le Conseil interprofessionnel, à propos des conseils
d'administration, demande que ce soit l'office qui nomme des
représentants du public aux conseils d'administration. Le mémoire
du Conseil interprofessionnel ne fait aucune allusion au fait que ces
représentants du public seraient ou ne seraient pas des professionnels.
Le conseil, en d'autres mots, accepte que ce ne soient pas des professionnels
qui soient délégués par l'Office des professions comme
membres du conseil d'administration des corporations. Le bill 250
prévoit une procédure très stricte pour le
découpage du territoire de la province de Québec en territoires,
pour fins de représentation des membres au bureau d'administration.
Certaines des corporations ont déjà fait un tel
découpage, le système qu'elles ont adopté est
satisfaisant. Nous croyons que les corporations devraient avoir la
liberté de suggérer ou de prendre l'initiative de suggérer
un tel découpage ou de conserver un tel découpage, le tout sujet
à l'approbation de l'Office des professions plutôt que d'exiger un
découpage de territoire uniforme pour toutes les corporations.
Le bill 250 prévoit un nombre de huit ou neuf administrateurs
pour les corporations de 500membres au moins, et le nombre d'administrateurs
double quand le nombre des membres de la corporation dépasse 500,
c'est-à-dire que si le nombre des membres passe de 499 à 501
membres, le nombre d'administrateurs double par le fait même. Si par
hasard, le contraire se présentait, si le nombre de membres baissait de
501 à 499, encore une fois, il faudrait réduire de moitié
le nombre d'administrateurs.
Nous demandons qu'une formule plus flexible soit trouvée,
peut-être laissée à l'initiative de la corporation
elle-même sujette à l'approbation de l'Office des professions.
Quant à la procédure de votation pour l'élection
des membres au conseil d'administra-
tion des professions et aussi pour l'élection du président
de la corporation, nous demandons que cette procédure soit aussi
laissée à l'initiative des corporations, toujours sujette
à l'approbation de l'Office des professions.
Le bill 250 demande que chaque corporation crée un fonds
d'indemnisation. Le but du fonds d'indemnisation n'est pas
précisé dans le bill 250. Nous croyons qu'il devrait
l'être. Nous croyons que ce fonds d'indemnisation ne devrait s'appliquer
ou exister que pour indemniser des clients qui auraient confié des
sommes d'argent à des professionnels. Ce ne sont pas tous les membres
des corporations qui se voient confier des sommes d'argent par les clients.
Nous nous demandons s'il y a vraiment nécessité d'avoir un
fonds d'indemnisation requis dans chaque corporation.
M. SHEPPARD: Au sujet du fonds d'indemnisation, nous en avons
discuté très longuement et la question a été
étudiée, je pense, très soigneusement par toutes les
corporations.
L'idée, en général, est excellente et ça
fait partie des obligations des corporations de protéger le public
contre des abus commis par certains de leurs membres. Comme l'a dit M. Labelle,
il est évident que des professions manipulent plus ou moins
régulièrement des fonds ou des valeurs; les avocats, les
notaires, les comptables, entre autres, ont déjà constitué
de tels fonds.
Mais, pour de nombreuses autres professions, ce serait vraiment leur
imposer des obligations financières inutiles, une bureaucratie interne
supplémentaire et inutile, alors que le code impose déjà
aux professionnels toutes sortes de nouvelles obligations assez
onéreuses. Vous verrez plus tard que les professionnels revendiquent non
seulement la nomination de certains fonctionnaires que le gouvernement aurait
nommés, mais acceptent de payer ces fonctionnaires, alors que le
législateur nous offrait bénévolement que ce soit le
gouvernement qui le fasse.
Deuxièmement, il y a une certaine confusion involontaire, nous
croyons, mais possible dans la fonction du fonds d'indemnisation. Nous croyons
qu'on a voulu créer un fonds qui protégerait le public contre des
défalcations, contre des vols et non pas constituer des polices
d'assurance en général contre la négligence
professionnelle. Il y a des compagnies d'assurance qui sont là pour
ça. Nous voudrions que la loi précise clairement de quoi il en
retourne, parce que nous ne voyons pas pourquoi on astreindrait les
professionnels à assurer collectivement le public contre une erreur
possible, même une négligence possible. Cela devrait être
indiqué plus clairement.
Troisièmement, pour combler la lacune possible entre les
professions qui manipulent normalement des fonds et qui auraient un fonds
d'indemnisation et celles qui n'en auraient pas, l'Office des professions
pourrait toujours intervenir pour imposer à une profession, dont la
nature ou l'évolution de la pratique serait telle que ça
deviendrait nécessaire, l'obligation de constituer un fonds. Mais
obliger toutes les corporations, par exemple les urbanistes, à avoir un
fonds d'indemnisation ou les infirmières ou les décorateurs
ensembliers, pour revenir à notre souffre-douleur, ce serait
peut-être un peu injuste.
C'est dans cet esprit que cette recommandation est faite.
M. LABELLE: Finalement, je vais ajouter que le projet de loi
prévoit des pouvoirs de réglementation très précis
et peut-être, par le fait même, très limitatifs pour toutes
les corporations professionnelles. Nous aimerions qu'il soit prévu une
disposition générale qui donnerait aux corporations le droit
d'adopter les mesures nécessaires pour atteindre les fins de la
corporation.
Le code prévoit aussi un comité administratif seulement
pour les très grandes corporations et nous demandons que les petites
corporations aussi aient la faculté ou la liberté de créer
un bureau administratif si elles le désirent, toujours sujet à
l'approbation de l'Office des professions.
A propos du comité d'inspection professionnelle, certaines
corporations effectuent déjà ce travail, ont des structures et
des méthodes de travail efficaces, bien rodées, qui existent
depuis longtemps et qui ont été améliorées. Nous
pensons qu'il n'est peut-être pas nécessaire que le code
précise dans tous les détails quelle procédure sera
suivie, et que cette procédure soit uniforme pour toutes les
corporations. De façon générale, nous demandons que le
comité d'inspection professionnelle soit composé de trois membres
qui soient nommés par le bureau de la corporation et que l'Office des
professions puisse déléguer une personne additionnelle comme
observateur auprès du comité d'inspection professionnelle. Nous
demandons que le comité puisse se subdiviser et que, à
l'occasion, l'inspection puisse se faire par moins de trois personnes.
Nous demandons, de plus, que le comité d'inspection
professionnelle ne soit pas l'organisme désigné ou un des
organismes désignés pour porter une plainte s'il y a lieu. Nous
demandons, en fait, qu'il n'ait pas le droit de porter plainte mais qu'il ait
simplement le droit de souligner une infraction soit au syndic ou à la
personne qui est désignée plus tard pour officiellement porter
plainte dans le cas d'infraction, de façon que ce soit toujours le
même groupe ou la même personne qui porte plainte.
Si vous permettez, ce ne sera pas très long, peut-être
qu'une dizaine de minutes nous permettraient de finir.
M. LE PRESIDENT: Nous avons environ sept minutes avant de suspendre pour
le déjeuner. Est-ce possible de finir avant?
M. LABELLE: Oui, je pense. Sur la question
de discipline, encore une fois, nous demandons plus de
flexibilité. Nous revenons souvent à la charge sur ce point. Je
pense que souvent les bureaux peuvent inventer des procédures efficaces
et, une fois qu'elles démontrent ou qu'elles auront
démontré à l'Office des professions que les
procédures sont efficaces, l'Office des professions devrait avoir une
certaine liberté de leur permettre de les employer.
Nous demandons, par exemple, la possibilité qu'il y ait plusieurs
comités ou un comité divisé en sous-comités pour
entendre et examiner les plaintes.
Nous demandons que le comité de discipline soit composé de
trois membres désignés par le bureau et qui sont,
évidemment, membres de la corporation, et qu'une quatrième
personne soit adjointe à ce comité qui serait président du
comité. Elle serait un juge ou un avocat. Sur cette question-là,
malheureusement, il s'est encore glissé une erreur, même dans
notre résumé. Je vous demanderais de bien vouloir la corriger.
Cela se trouve à la page 17, au haut de la page tout à fait, la
recommandation 5. Elle devrait se lire: Le président sera nommé
par l'Office des professions et le secrétaire par le bureau de la
corporation.
En résumé, les trois membres du comité qui sont
membres de la corporation seraient nommés par le bureau et celui qui
préside le comité, soit un juge ou un avocat, serait
désigné par l'office.
M. SHEPPARD: Une innovation que nous recommandons au sujet de la
discipline, c'est qu'en s'inspirant un peu de ce qui se passe dans d'autres
juridictions, la fonction du juriste, qu'il soit avocat ou juge, qui
préside soit de décider des questions de droit, de donner au jury
des conseils de droit professionnel sur des questions de droit ou
d'interprétation mais que la question de fait soit décidée
par les pairs du professionnel, c'est-à-dire y a-t-il eu ou non
négligence professionnelle ou y a-t-il eu entorse à la
déontologie?
On distinguerait donc entre une fonction de président s'occupant
de questions juridiques et une question de fait qui serait, en somme,
décidée par un jury. Parce que, même si les juristes
prétendent avoir la science infuse, il y a des questions
professionnelles où ils peuvent très difficilement avoir la
même compétence que les pairs, en somme, du professionnel
inculpé.
M. LABELLE: Sur la question de discipline, encore une fois, le bill
prévoit que ce sont seulement des syndics qui pourraient porter plainte.
Nous demandons qu'il puisse s'agir de syndics ou d'officiers nommés, par
exemple, par les bureaux des corporations plutôt que
nécessairement des syndics.
Actuellement, il y a certaines corporations professionnelles qui
prévoient que c'est, par exemple, le directeur administratif de la
corporation qui porte plainte. Nous demandons que les officiers, le cas
échéant, ou les syndics soient nommés par les bureaux et
qu'ils soient payés par les corporations.
Les syndics ne seraient pas nécessairement membres des
corporations.
Nous demandons aussi que la loi prévoie la possibilité
qu'un syndic puisse agir pour plusieurs corporations à la fois. Les
petites corporations, par exemple, pourraient se grouper et nommer un syndic
qui agirait pour trois ou quatre corporations.
Nous demandons une prescription de dix ans afin d'éviter qu'un
professionnel soit obligé de répondre pour un acte qu'il aurait
effectué quinze ans plus tôt.
Sur le tribunal d'appel, qui est composé, d'après le texte
de la loi, de trois juges, actuellement, nommés, je pense, par le
lieutenant-gouverneur en conseil, nous demandons que ces juges du tribunal
d'appel soient nommés par le juge en chef de la cour Provinciale et que
ce tribunal d'appel, composé des trois juges, ait aussi une
représentation de membres de la corporation.
Nous demandons d'adjoindre à ce comité deux assesseurs,
puisque le tribunal d'appel peut se prononcer non seulement sur des questions
de droit, mais aussi sur des questions de fond.
A l'article 169 du bill 250, on trouve la liste de tous les pouvoirs qui
sont réservés au lieutenant-gouverneur en conseil. Nous croyons
que le lieutenant-gouverneur en conseil devrait se réserver simplement
les activités décrites aux paragraphes d), e), f) et g), et
laisser à l'Office des professions la responsabilité des
tâches décrites aux paragraphes a), b) et c).
Finalement, à la page 21 du texte révisé du
résumé, il s'est glissé encore une erreur, nous nous en
excusons. Quand il s'agissait de donner des permis de radiologie à
certains membres des professions, il était convenu que le Conseil
interprofessionnel demandait que les chimistes soient aussi inclus dans cette
liste. Il y aurait les médecins, dentistes, médecins
vétérinaires et chimistes. Il y aurait lieu de corriger le texte
en conséquence.
Les dispositions pénales. Le bill 250 prévoit des amendes,
pour violation de la loi, de $200 à $2,000. Nous croyons que dans
certains cas ces amendes sont nettement insuffisantes.
Je vous lis l'article ou la recommandation 1 de la page 22, qui dit: "Le
montant maximum de l'amende n'est pas assez élevé en cas de
récidives répétées, surtout lorsque l'infraction
est commise par une corporation". Je pense qu'on ne veut pas dire corporation
professionnelle, ici, mais évidemment, pour une grosse compagnie qui
violerait le code des professions, une amende de $2,000, c'est peut-être
beaucoup trop bas.
Nous demandons que l'emprisonnement soit prévu aussi en cas de
défaut de payer l'amende. Nous demandons que les tribunaux aient le
pouvoir d'imposer des injonctions pénales pour
empêcher la récidive répétée et les
poursuites pénales, finalement, devraient être prescrites par cinq
ans.
Le Conseil interprofessionnel demande que le gouvernement profite de la
loi pour permettre l'exercice des activités professionnelles par des
compagnies, ce que nous avons demandé il y a déjà trois ou
quatre ans au gouvernement, mais il n'y a eu aucune suite de donnée. Je
pense que le Barreau avait déjà demandé ça aussi il
y a quatre ou cinq ans. Nous profitons de l'occasion pour demander au
gouvernement que cette possibilité soit inscrite au projet de loi, non
seulement des corporations composées de membres d'une seule corporation,
mais aussi des corporations multidisciplinaires.
M. SHEPPARD: Une remarque à ce sujet importe, parce que nous ne
demandons pas le droit de pratiquer sous forme de corporation pour
échapper à la responsabilité personnelle ou à la
responsabilité déontologique; au contraire. Tout professionnel
qui pratiquerait sous forme de corporation, d'après notre projet,
demeurerait assujetti à la responsabilité personnelle à
l'égard du public qu'il sert et à l'égard de sa
corporation professionnelle.
Mais il y a de nombreuses raisons fiscales et d'administration interne
qui militent en faveur de ce droit. Quand un associé se retire ou quand
il y a un changement dans les structures internes, à l'heure actuelle,
il faut, chaque fois, procéder à des modifications fiscales et
administratives très coûteuses et absolument inutiles.
Deuxièmement, nous ne voyons pas pourquoi, toujours sous les
mêmes réserves et en vue de la même protection du public,
des professions connexes ne pourraient pas pratiquer ensemble. Par exemple, ce
qui arrive fréquemment, les notaires, les avocats et les comptables
travaillent souvent ensemble et ils devraient pouvoir former des cabinets
multidisciplinaires. Les architectes, les urbanistes et les ingénieurs
travaillent très souvent ensemble et la tendance est de plus en plus
je l'ai remarqué dans les gros projets de construction
d'exiger la formation d'une équipe. C'est-à-dire qu'on n'engage
pas uniquement un architecte, uniquement un ingénieur. On prend une
équipe entière. Ce serait réfléter ce dont tous les
orateurs ont parlé, la réalité d'une société
en évolution, de permettre quelque chose d'utile. Il n'y a pas une seule
raison qui milite contre cette réforme. C'est donc le motif de ces
recommandations qui forment le chapitre 12.
M. LABELLE: Finalement, nous soumettons que la loi devrait
reconnaître le droit des professionnels de se syndiquer.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Labelle. La commission suspend ses travaux
jusqu'à deux heures trente.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs
Nous en sommes à la période des questions en rapport avec
le Conseil interprofessionnel du Québec. Je veux avertir l'assistance
que la commission va ajourner à 4 h 30 parce que le Salon rouge est
réservé par un autre groupe depuis longtemps. Nous allons donc
siéger jusqu'à 4 h 30. J'espère que nous allons vider les
questions en rapport avec ce groupement. La première question est sur
l'aspect général. M. Fournier.
Discussion générale
M. FOURNIER: M. Labelle, relativement à votre organisme
lui-même, le Conseil interprofessionnel, je comprends que vous voulez
avoir certaines modifications de base, à savoir que, plutôt
d'être composé des présidents ou des représentants
de chacune des corporations, vous voudriez que ce soient les corporations
elles-mêmes qui soient membres du Conseil interprofessionnel. Est-ce bien
cela?
M. LABELLE: C'est bien ça, M. Fournier.
M. FOURNIER: Est-ce que...
M. LABELLE: C'est la formule actuelle.
M. FOURNIER: Est-ce que cette formule ne crée pas certains
changements majeurs par rapport à ce qui est proposé dans le bill
250, à savoir que ce sont des individus qui se groupent et dont le but
est de conseiller sur des questions générales? Je comprends que
dans votre mémoire vous ne demandez pas d'ajouter aux devoirs ou aux
pouvoirs du conseil lui-même, à l'exception de se présenter
devant des organismes judiciaires ou quasi judiciaires. Je comprends qu'il n'y
a aucune demande dans votre mémoire pour ajouter aux pouvoirs. Ce
Conseil interprofessionnel demeurant un conseil consultatif ou une tribune
quelconque commune à toutes les professions, est-ce que vous ne craignez
pas que, si ce sont les corporations elles-mêmes qui sont membres, cela
devienne une fédération des différents corps
professionnels et une tribune générale de toutes les corporations
plutôt que d'être une tribune de consultation de certains individus
représentant les corporations?
M. LABELLE: De la façon que vous posez la question, il est exact
que nous voulons que, lorsque le Conseil interprofessionnel parle, il soit la
voix des corporations plutôt que la voix de certains représentants
ou d'un représentant par corporation.
A toutes fins pratiques, ce seront quand même les mêmes
personnes qui siégeront, qui se
réuniront et qui discuteront des questions pour arriver à
des consensus pour des prises de position; elles ne le feront pas
personnellement, mais elles devront exprimer l'opinion de leur corporation
plutôt que leur opinion personnelle.
Mme Blais-Grenier voudrait ajouter quelque chose.
MME BLAIS-GRENIER : Je voudrais peut-être ajouter que, pour nous,
le Conseil interprofessionnel groupe toutes les corporations, et chaque
corporation évidemment élit son représentant, ce qui forme
le bureau du Conseil interprofessionnel. Il nous semble que c'est normal que le
Conseil interprofessionnel représente les corporations puisque ce sont
les corporations évaluées selon leur nombre de membres qui
subventionnent cet organisme.
M. FOURNIER: Justement relativement à ce que vous mentionnez et
ce qui a été mentionné par M. Labelle, vous voudriez que
l'organisme soit une fédération des différentes
corporations professionnelles. Alors, lorsque cet organisme parlera, eh bien,
il parlera au nom de toutes les corporations professionnelles. Ce matin, au
début de vos remarques, vous nous avez dit que l'opinion des
différentes corporations membres, des vingt-deux corporations membres de
votre organisme n'était pas toujours favorable à l'une ou l'autre
des dispositions de votre mémoire.
En conséquence, ne serait-il pas mieux de continuer suivant le
bill 250 et dire que chacune des corporations délègue certains
individus qui vont participer à un ensemble pour arriver à des
opinions sur l'ensemble des corporations plutôt que de lier ces personnes
à des décisions des corporations elles-mêmes et qui,
souvent, ne sont pas unanimes et bien souvent ne le seront pas.
M. LABELLE: Ecoutez, les deux façons me semblent possibles et,
comme je l'ai mentionné tantôt, ce seront quand même des
individus qui se réuniront. Mais, on voulait que, lorsque l'individu
parle, il sente bien qu'il doit exprimer l'opinion de sa corporation et non son
opinion personnelle.
Maintenant, j'admets que c'est un peu moins souple et qu'il est plus
difficile de faire un consensus. D'ailleurs, on en a vécu
l'expérience. Je pense qu'une fois le consensus obtenu, la position ou
la déclaration est d'autant plus forte ou plus sérieuse.
M. FOURNIER: En fait, M. Labelle, comment en êtes-vous
arrivé à votre mémoire? Est-ce que les corporations ont
été appelées à juger du mémoire ou sont-ce
les individus qui étaient représentants des corporations?
M. LABELLE: Nous avons eu, au moins, trois séances
d'étude, à deux semaines d'intervalle, peut-être, chacune.
Chaque délégué des corporations pouvait retourner à
sa corporation entre les séances d'étude et nous apporter le
point de vue de sa corporation. Effectivement, il est arrivé des cas
où la personne qui votait disait: Moi, je ne suis pas d'accord sur telle
chose, mais ma corporation est d'accord et j'exprime le vote au nom de ma
corporation.
M. FOURNIER: Relativement à l'office, vous demandez que cet
office soit composé de cinq ou sept personnes, plutôt que de trois
personnes, prétendant que, si les modifications que vous demandez dans
votre mémoire ajoutent aux devoirs de l'office, la charge deviendra plus
onéreuse et que cela prendra plus de monde. Est-ce que cela veut dire
que vous voudriez subdiviser le groupe et que l'office ne travaillerait pas
dans son ensemble continuellement? Je ne vois pas qu'au point de vue du nombre
trois ou cinq personnes puissent abattre plus d'ouvrage à moins que vous
ne subdivisiez le groupe en comités ou en groupements. C'est la seule
raison qui ressort de votre mémoire; étant donné
l'augmentation du travail, augmentons le nombre de membres de l'office. Est-ce
qu'il y a d'autres arguments que je n'ai pas vus?
M. PAUL: Quelle est la justification de cette recommandation de cinq ou
de sept membres, plutôt que trois?
M. LABELLE: D'abord, nous demandons que la majorité des membres
soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil à
même une liste de candidats qui serait soumise par chacune des
corporations. D nous semble qu'on peut composer un meilleur office avec au
moins cinq personnes qu'avec trois personnes. Ce que vous dites, M. Fournier,
est évident; ce n'est pas le nombre de personnes qui va faire qu'un
office comme ça sera capable d'abattre plus de travail. C'est sûr
que trois personnes peuvent faire autant de travail que cinq ou sept, mais nous
pensons qu'il y a possibilité d'avoir une meilleure
représentation de tous les points de vue avec au moins cinq personnes,
si possible sept, qu'avec seulement trois personnes.
M. FOURNIER: Sur une question générale, dans votre
mémoire, à plusieurs articles, vous demandez que ce soit l'office
qui fasse les nominations, soit le comité d'inspection, le syndic, etc.
Si l'office est constitué de trois personnes dont le mandat est de dix
ans, c'est donc un mandat semi-permanent. L'argument quant aux nominations par
l'office, dites-vous, est ceci: C'est l'ingérence politique, et je n'y
vois pas d'autres arguments.
D'un autre côté, si ces personnes-là sont
censées représenter le public en général, est-ce
que vous avez d'autres arguments à faire valoir relativement à
leur nomination par le lieutenant-gouverneur en conseil étant
donné que sa composition peut varier suivant les années, tandis
que l'autre organisme a une semi-permanence?
Est-ce que vous saisissez? C'est qu'ayant le choix entre deux
organismes, le lieutenant-gouverneur en conseil ou le gouvernement dont les
membres ne sont pas nécessairement permanents, étant donné
que ces nominations-là seront toutes faites dans le but de donner une
représentation au public au sein des corporations, est-ce que vous avez
d'autres arguments voulant que ce devrait être l'office qui fasse ces
nominations, connaissant sa semi-permanence de dix ans?
Le seul argument, pour le moment, c'est l'ingérence politique. Si
vous vous référez à votre mémoire, à la page
86, il est dit que: "Les représentants extérieurs devraient
être nommés par l'office plutôt que par le gouvernement.
Cela éviterait toute ingérence politique dans l'administration de
corporations autonomes et contribuerait également à assurer la
compétence et la qualité de ces personnes." Quant à la
question de compétence et la qualité, je comprends que cela a
été retranché parce que cela n'apparaît pas dans le
résumé lui-même. H ne reste que l'ingérence
politique dans l'administration de corporations autonomes.
M. LABELLE: L'office, tel que nous le voyons, est un organisme que nous
n'espérons pas du tout politisé alors que le
lieutenant-gouverneur en conseil, il me semble, est un organisme politique.
Alors nous pensons que, si l'office nomme les délégués,
cela pourrait être différent.
M. FOURNIER: Le fait que cet organisme serait semi-permanent, n'est-ce
pas une façon de contrebalancer? Est-ce que le fait de la permanence ne
peut pas, à un moment donné, éloigner de l'opinion
publique?
M. LABELLE: Vous voulez dire l'office, qui est un organisme
semi-permanent, parce qu'on recommande la durée des mandats de cinq ans
plutôt que de dix ans? Non, cela ne nous a pas paru un danger.
M. PAUL: Quels seraient les avantages que vous voyez à avoir un
terme d'office de cinq ans plutôt que de dix ans? Ne convenez-vous pas
qu'au début il y aura un certain rodage des règles
d'interprétation, de mise sur pied de tout cet organisme? Avez-vous
pensé à toutes ces implications pour recommander un mandat de
cinq ans plutôt que de dix ans?
M. SHEPPARD: Si je peux faire état des discussions qu'il y a eues
parce que, naturellement, nous essayons de présenter le point de
vue de toutes les corporations nous croyons que le mandat de dix ans
avait été prévu afin d'assurer une indépendance
éventuelle à l'office, c'est-à-dire que les gens seraient
nommés pour assez longtemps afin de ne pas être assujettis
à des pressions politiques. Mais quand nous avons conclu qu'il fallait
augmenter de façon très considérable les pouvoirs de
l'office, c'est-à-dire en faire un organisme bien plus dynamique et plus
important que prévu dans le projet, nous avons été
influencés par les facteurs suivants:
Premièrement, il est important que les membres de l'office
demeurent assez près des réalités des professions et
reflètent, en quelques sorte, l'évolution sociale. Il y a
toujours un risque quand des gens sont nommés à des postes pour
trop longtemps. Il y a un divorce.
Deuxièmement, nous avons proposé, comme vous l'avez
constaté, que la majorité des membres de l'office soient choisis
à même une liste de candidats proposés par chacune des
corporations.
Donc le gouvernement, à supposer qu'il y ait 25 ou 30
corporations professionnelles, aurait une liste de 30 candidats, chaque
corporation en proposant un, et devrait prendre les trois candidats sur cette
liste. Cela donnerait vraiment un pouvoir trop étendu à certaines
corporations parce qu'on aurait proposé M. Untel qui, automatiquement,
serait là pour dix ans. C'est dans le but de permettre à l'office
d'être changé s'il le fallait ou de mieux refléter
l'évolution de la société qu'on a prévu ça.
En somme, on renouvelle bien le mandat des hommes politiques, pourquoi pas
celui des membres de l'office? Mais rien n'empêche naturellement que ces
personnes-là soient proposées à nouveau.
Il est évident que, si les membres de l'office ont bien rempli
leur mandat, tout le monde aura intérêt à ce qu'ils s'en
acquittent à nouveau.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): Le Conseil interprofessionnel représente
une vingtaine d'organismes 22, je pense est-ce que vous
reconnaissez également des organismes qui déjà ont obtenu
une reconnaissance professionnelle du gouvernement, sans aucune exception? Par
exemple la reconnaissance professionnelle des C.A. comparativement aux C.G.A.
qui ont eux aussi une certaine accréditation du gouvernement provincial
et à qui, semble-t-il, votre Conseil interprofessionnel fait la sourde
oreille? Je pense qu'à ce moment-là vous parlez d'un groupe
plutôt que d'un autre, ou que d'un ensemble.
M. LABELLE: Dans notre constitution nous avons des normes pour
l'acceptation de nouveaux membres. Effectivement quand le Conseil
interprofessionnel a été fondé, en 1965, il ne groupait
qu'une quinzaine de corporations si je me souviens bien d'autres
sont venues s'y ajouter par la suite.
Chaque fois que nous avons reçu des demandes d'admission au
Conseil interprofessionnel, elles ont été étudiées
pour savoir si elles
répondaient aux critères qui étaient inclus dans
notre charte. Certaines ont été acceptées, certaines ont
été refusées.
Je dois dire que récemment les comptables généraux
licenciés ont fait une demande, mais le Conseil interprofessionnel n'a
pas pris position de façon absolue sur cette question, justement parce
que les corporations et la législation concernant les corporations
professionnelles étaient remises en question.
On a préféré attendre les développements
concernant l'adoption du bill 250, ou l'adoption éventuelle du bill 250
avant de changer quoi que ce soit dans le nombre de membres du Conseil
interprofessionnel. Mais il est sûr que, lorsque le bill 250 sera
adopté, si les comptables licenciés généraux sont
mentionnés au bill, ils pourront en devenir membres. En fait, ils le
seront obligatoirement d'après le texte de loi, parce qu'actuellement
c'est facultatif. Ce sera éventuellement obligatoire.
M. HARVEY (Chauveau): Vous voulez dire qu'actuellement ils feront
cavaliers seuls dans leur défense de structuration dans le bill 250,
d'une part, et, d'autre part, que s'ils pouvaient réussir à se
faire inscrire dans le bill, vous seriez prêt à les accepter?
M.LABELLE: C'est ça.
M. HARVEY (Chauveau): Ils ne sont pas reconnus de la corporation. Je ne
parle pas là...
M. SHEPPARD: II y a un détail technique. C'est qu'une fois le
code des professions adopté toute corporation qui a été
constituée comme telle par le législateur est automatiquement
membre du CIQ. A l'heure actuelle, le CIQ est un organisme facultatif qui ne
représente que les corporations qui en font partie ou qui veulent en
faire partie et qui répondent à ses critères. Dans le
projet tel qu'il est prévu, toute corporation professionnelle en ferait
partie. Obligatoirement, donc, le CIQ acquerrait une nature un peu
différente. Mais il n'appartient pas au CIQ de prendre position sur qui
devra en faire partie ou ne devra pas en faire partie, une fois que le
gouvernement ou l'Assemblée nationale possède le pouvoir
d'adopter des lois.
M. HARVEY (Chauveau): Vous admettrez avec moi que c'est
discriminatoire.
M. LE PRESIDENT: Pas de commentaires, des questions. M. Pournier.
M. HARVEY (Chauveau): Merci, M. le Président.
M. FOURNIER: II me reste quelques autres questions, M. Labelle.
Relativement au président de l'office, vous demandez qu'il soit
nommé par l'Assemblée nationale. Vous mentionnez, comme exemple,
le Protecteur du citoyen. Je comprends que l'Assemblée nationa- le nomme
un vérificateur ou un "auditeur" de même que le Protecteur du
citoyen, à cause des fonctions particulières qui
généralement ont trait à des rapports annuels qui sont
présentés et qui généralement consistent à
dire au gouvernement qu'il a mal agi dans certains domaines ou qu'il n'a pas
fait la comptabilité qu'il devait faire.
Avez-vous des raisons particulières ou d'autres exemples de
personnes qui seraient nommées par les parlements pour présider
des offices de ce genre, en dehors de ces deux-là?
M. SHEFFARD: Peut-être pas au Québec mais, comme disait un
juge anglais: Every president happened for the first time once.
M. FOURNIER: Sur une question particulière, je comprends que vous
parliez de discrétion, de secret professionnel, etc. Quant au bureau des
corporations, vous demandez que les administrateurs publics nommés
soient sujets à un serment ou quelque chose comme cela. Pourriez-vous
élaborer cet énoncé, étant donné que le
bureau est généralement l'organisme administratif de la
corporation, qu'il décide de lui-même de sa régie interne
et de ce qui doit être divulgué, etc. Est-ce qu'il y a des raisons
particulières qui militeraient en faveur de forcer à la
discrétion totale les administrateurs des corporations ou du moins ceux
qui sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil?
M. SHEPPARD: La raison essentielle et primordiale, c'est que le secret
professionnel appartient au client, au malade. Il est évident qu'en
cours de route le bureau d'une corporation peut être amené
à étudier des dossiers qui mettent en cause le caractère
confidentiel d'un dossier qu'un professionnel a eu en main.
Ce n'est pas la protection du secret par rapport au professionnel
concerné qui doit nous intéresser mais le fait que la personne
qui, peut-être tout à fait à son insu, fait l'objet d'une
étude de son dossier puisse être assurée que ce dossier ne
sera pas trahi par le biais d'un canal administratif quelconque. Prenons un cas
théorique. Le bureau étudie le dossier d'un professionnel
mêlé à un trafic de stupéfiants. En cours de route,
on examine certains dossiers, un rapport interne est préparé et,
soudainement, on découvre dans un journal ou dans un rapport quelconque
le nom de deux ou trois personnes qui ont consulté ce professionnel,
même de façon très innocente.
C'est dans ce sens-là que nous demandons que tout le personnel
administratif des corporations soit obligé de respecter le secret du
client, du malade.
M. FOURNIER: Dans votre mémoire, vous semblez donner une
importance particulière à ce point en demandant que le serment de
discrétion soit exigé des membres, des administrateurs publics
nommés au bureau, de façon générale, pour tout ce
qui se discute au bureau
de direction, alors qu'en grande partie, il s'agit d'administration et
non pas de dossiers à caractère confidentiel, sauf dans certains
cas exceptionnels.
M. SHEPPARD: Si c'est l'impression que donne le mémoire, ce n'est
pas du tout ce que le conseil voulait protéger. Ce n'est pas le secret
des délibérations ou le secret de ce qui se passe au sein du
bureau, c'est le secret du dossier d'un malade ou d'un client. Il n'est pas du
tout question d'empêcher les membres du bureau de dire ce qui s'est
passé au sein du conseil ou du bureau.
M. FOURNIER: Relativement à une des recommandations qui a trait
à la condition physique ou psychique des professionnels, vous demandez
que les dispositions des articles 47 à 52 fassent partie du code de
déontologie de chacune des corporations professionnelles. Ne croyez-vous
pas qu'il faut que ce soit dans le code lui-même et que ces dispositions
ayant trait à la santé aient un caractère
général, s'appliquant à toutes les corporations
professionnelles? Si vous laissez cela à la discrétion de
chacune, dans son code de déontologie, vous n'aurez pas de dispositions
semblables touchant toutes les personnes qui seraient affectées d'une
quelconque déficience physique ou psychique.
M. SHEPPARD: On en a discuté très abondamment aussi. Je
regrette que le Dr Roy n'y soit pas. La raison de cette suggestion était
que les maladies qui peuvent empêcher ou affecter l'exercice d'une
profession varient de profession en profession. Prenons le cas d'un chirurgien
qui est affecté d'un tremblement à la suite d'une maladie de
Parkinson; il est évident qu'il ne devrait pas pouvoir exercer sa
profession. Mais l'avocat, le notaire ou le comptable peut continuer à
pratiquer sa profession. Il y a des troubles psychiques qui sont plus graves
dans certaines professions que dans d'autres. Comme c'est un domaine, où
il y a une telle relativité et une telle subjectivité et qu'on
oblige un professionnel à dénoncer un collègue qui
souffrirait de cette maladie, donc à porter un jugement de valeur au
départ et puis à le dénoncer, on a cru que cela devrait
relever de la déontologie particulière de chaque profession.
N'oubliez pas que l'Office des professions peut toujours intervenir pour, en
somme, imposer à une corporation, qui fait défaut d'adopter des
règles de déontologie requises, de le faire. Ce n'est donc pas
une lacune qu'on ne peut pas combler. Je pense que vous reconnaîtrez avec
nous qu'il est très difficile d'établir une règle
générale s'appliquant à chaque profession. Il y a
même des professions où peu de troubles psychiques peut être
un atout. Je ne nommerai pas lesquelles.
UNE VOIX: Pas les politiciens!
M. FOURNIER: Dans un utre domaine, relativement au tribunal d'appel des
questions de discipline nous avons l'impression, en lisant le mémoire et
certains commentaires qui ont été faits, que ce tribunal sera
composé au fur et à mesure que les cas seront appelés.
Est-ce que cela ressort du texte? Le tribunal d'appel, suivant la
rédaction, veut certainement dire certains juges de la cour Provinciale
qui sont désignés pour étudier les causes découlant
de la discipline du code des professions. Ce sont des nominations qui vont
avoir un caractère semi-permanent. Ce seront des juges de la cour
Supérieure qui seront nommés pour entendre cette section des
causes et ce ne seront pas des nominations au fur et à mesure. Comme
vous le mentionnez vous voulez que ce soit le juge en chef qui les nomme.
Est-ce que c'est l'impression que vous avez en lisant le texte du bill 250
relativement à ce tribunal d'appel?
M. SHEPPARD: Ce que le Conseil interprofessionnel a envisagé dans
ses propres recommandations, c'est un peu ce qui se passe à la cour
Supérieure à l'heure actuelle. Tous les juges de la cour
Supérieure peuvent siéger en matière criminelle, mais, en
fait, il y en a certains qui sont plus ou moins spécialisés;
c'est le juge en chef qui désigne... On retrouve en
général les mêmes juges en cour d'Assises. Donc, il y a une
spécialisation de facto.
Deuxièmement, nous ne savons pas combien d'appels il y aura et
jusqu'à quel point une permanence sera requise et s'il faudra
immobiliser trois, cinq ou six juges uniquement pour entendre les appels
professionnels. Ensuite, comme nous avons recommandé qu'il y ait des
assesseurs, donc deux professionnels, qui aident ce tribunal d'appel.
Il peut y avoir un intérêt à ce que ça varie,
mais c'est très flexible; le juge en chef pourrait très bien
désigner trois juges qui ne feraient que ça.
M. FOURNIER: Si le but de la loi était de nommer deux ou trois
substituts, dont un président, trois juges à un tribunal
spécialisé et, lorsque les causes arrivent, c'est ce tribunal qui
les entend, est-ce que ça réglerait le problème, la
demande que vous faites que la nomination soit faite par le juge en chef
plutôt que par le lieutenant-gouverneur en conseil?
M. SHEPPARD: L'inquiétude des professions n'était pas
relative à la permanence ou la non-permanence du tribunal, mais à
la nomination. Il y a des juges qui peuvent plaire au pouvoir plus que d'autres
ou vice versa. Il faudrait éviter même le soupçon
d'être agréé, disons, par le pouvoir. Je pense qu'il n'y a
pas d'autre exemple, dans notre droit, de juges qui sont désignés
par le gouvernement pour entendre des causes. Des juges sont nommés pour
présider des commissions d'enquête mais je ne connais pas d'autre
exemple de choix des juges par le pouvoir, dans notre système, ici au
Canada. C'est un peu ça qui nous inquiétait. On
ne veut pas choisir les juges puisqu'on s'en défère
strictement au juge en chef mais on croit que ça pourrait placer
certains juges dans une position assez odieuse; pourquoi sont-ils choisis, eux,
par le gouvernement et non pas leurs collègues qui partagent le bureau
voisin?
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Le mémoire étant clair et bien à
point, j'aurai simplement quelques questions à vous adresser; je les
prends dans l'ordre où elles se présentent dans le mémoire
complet et non pas dans l'un ou l'autre des résumés.
En premier lieu, vous parlez à la page 40 du rapport du Conseil
interprofessionnel qui doit être présenté au ministre
responsable de l'application du code et qui par la suite doit être soumis
à l'Assemblée nationale. Au sujet de l'article 19, c'est l'objet
de ma question, vous dites: "Le conseil étant un organisme
représentatif uniquement des corporations professionnelles et dont
l'indépendance est importante, il nous semble préférable
qu'il ne soit pas tenu de faire rapport au ministre mais le fasse directement
à l'Assemblée nationale". Si nous lisons l'article 19, on dit que
le Conseil interprofessionnel fait, chaque année, au ministre un rapport
de ses activités et, dans le deuxième alinéa, le rapport
est déposé par le ministre devant l'Assemblée nationale.
Il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit chargé de l'application de la
loi, du code et, normalement, dans toutes ces questions de dépôt
d'un rapport à l'Assemblée nationale, c'est le ministre
responsable qui dépose. Alors, je ne vois pas et c'est l'objet de
ma question quelles sont les dispositions touchant cette question qui,
à votre avis, peuvent mettre l'indépendance du conseil en cause,
par le fait que l'on demande qu'un rapport soit acheminé à
l'Assemblée nationale, par le truchement du ministre chargé de
l'application de cette loi.
M. SHEPPARD: Là encore, je pense que, si je me fais
l'interprète des discussions que j'ai entendues, nous étions 22
corporations, c'était plutôt une question de principe. Il est
évident que ce n'est pas le fait de déposer un document aux mains
du ministre qui peut, en soi, affecter l'indépendance d'un organisme.
Mais c'était le principe que le Conseil interprofessionnel, tout de
même, est le représentant des corporations professionnelles;
d'après les principes mêmes énoncés dans le projet,
l'indépendance, le caractère confidentiel, l'autonomie d'une
profession est un des critères qui justifient se reconnaissance en
corporation. Nous avons cru que non seulement il faut l'indépendance en
fait mais, pour procéder par analogie avec la justice, il faut
l'apparence d'indépendance. Si nous sommes vraiment indépendants,
nous pourrons peut-être priver le ministre de la tâche, pas trop
ardue, de déposer ce que nous pouvons déposer nous-mêmes
directement à l'Assemblée.
M. CASTONGUAY: Comment le feriez-vous? Viendriez-vous à
l'Assemblée directement? Il y a, je comprends, la question de principe,
mais il y a la question très pratique: II faut que quelqu'un le
dépose devant l'Assemblée et, à ma connaissance, il n'y a
que les ministres chargés de l'application des lois qui peuvent le
faire. C'est purement et simplement l'objet de cet article.
M. SHEPPARD: Est-ce que le Protecteur du citoyen ne dépose pas
son rapport directement à l'Assemblée nationale?
M. CASTONGUAY: C'est le président de la Chambre qui le
dépose, dans le cas du protecteur.
M. SHEPPARD: Je dirais que c'est une question de modalité. Si
cela pose un problème administratif, la position du CIQ ne
dépendra pas de l'adresse où on déposera le rapport.
M. CASTONGUAY: C'est une question purement de principe, mais vous n'y
voyez pas d'autres modalités, relativement à cette question, qui
peuvent mettre en cause l'indépendance de l'office?
M. SHEPPARD: Non.
M. CASTONGUAY: Bon! Deuxième des questions: à la page 41
de votre mémoire, vous concluez qu'il y a deux formes de corporations
à titre réservé. Après avoir dit qu'il y a des
corporations d'usage exclusif, qui vont être formées en vertu de
lois particulières et, dans l'avenir, on dit dans le code que les
corporations d'usage exclusif ou de champ de pratique exclusif devront
être formées par de telles lois. Il est prévu dans le code
et c'était l'intention qu'un certain nombre de
corporations soient formées, celles à titre réservé
et que, pour les autres qui pourraient être formées dans l'avenir,
au lieu de revenir par une loi, ce soit fait par l'émission de lettres
patentes après décision du gouvernement.
Ma question est parce qu'il me semble qu'il y a là une
certaine ambiguïté ou peut-être un malentendu: Quelles sont
les dispositions ou comment en arrivez-vous à la conclusion qu'il y a
deux formes de corporations à titre réservé, étant
donné que la procédure qui est décrite ici est simplement
pour ouvrir une porte ou d'écrire la procédure pour la formation
de nouvelles professions ou soit pour celles à titre
réservé comme celles de champ de pratique exclusif?
M. SHEPPARD: Là encore, nous sommes un peu dans le domaine de la
technique législative. Connaissant la nature humaine, le conseil a
estimé qu'il y aurait manifestement deux sortes de corporations,
peut-être pas dans les faits mais par la nature de leur acte de
baptême, si je puis dire. Il y en aurait qui auraient une loi, avec tout
le prestige qui s'attache à une loi, ou qui seraient sous l'empire du
code directement, donc il y aurait un baptême solonnel, et il y en aurait
qui seraient un peu moins bien baptisées et qui n'auraient que des
lettres patentes.
Comme l'un des buts de toute cette réforme a été
d'essayer de supprimer toutes ces questions de prestige et ces
pèlerinages et ces démarches pour rehausser socialement le statut
de certaines professions, il nous a semblé préférable
qu'on n'ait qu'un seul système. D'autant plus que ça
ramène sur le tapis une autre question, c'est que nous avons
signalé une lacune dans le code: on ne prévoit pas de moyen de
protéger le public contre l'abus de titres qui ne sont pas l'apanage
d'une corporation professionnelle. Il y a j'en ai discuté tout
à l'heure privément avec certaines personnes des
situations où l'intérêt du public exige qu'on empêche
les gens de se servir d'un titre à moins d'avoir un permis. On a
cité l'exemple des chauffeurs qui doivent avoir un permis pour exercer
leur métier. Le législateur, dans la rédaction du code, ne
prévoit que deux possibilités: vous avez tous les critères
d'une corporation professionnelle et vous avez également tout l'appareil
assez lourd et coûteux d'une corporation, ou rien du tout. Il n'y a pas
de situation intermédiaire.
Peut-être que l'arrêté ministériel ou les
lettres patentes seraient la situation intermédiaire pour
protéger. Prenons un exemple concret qui me vient à l'esprit,
vous pouvez avoir des bibliothécaires ou des interprètes ou des
traducteurs qui, vraiment, n'exigent pas une corporation professionnelle pour
exercer leur profession mais dont le titre peut-être devrait être
protégé pour que le public sache que seules les personnes ayant
une certaine compétence peuvent exercer ces professions.
C'est dans l'esprit d'éviter des querelles de statut entre
corporations que nous avons recommandé cette uniformité. Mais
c'est une question technique.
M. CASTONGUAY: Merci. Pour les membres de la commission, au moment
où ils le jugeront approprié, je pourrai peut-être donner
des indications additionnelles si cela vous apparaît utile
sur cette question particulière parce qu'elle va se poser
forcément au cours de nos travaux.
M. PAUL: C'est peut-être aussi bien que vous le fassiez tout de
suite, au début de nos séances, pour que nous soyons
renseignés et pour que les auditeurs qui sont intéressés
par la présentation d'autres mémoires puissent être
informés immédiatement. Je crois qu'il y aurait avantage à
le faire maintenant.
M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la commission...
M. FOURNIER: D'accord.
M. CASTONGUAY: Le point, en fait, que je voudrais faire ressortir est le
suivant: il y a certains groupes professionnels qui, présentement, ne
peuvent exercer leur activité professionnelle au Québec que s'ils
sont détenteurs d'un permis d'exercice. Ce permis d'exercice leur est
délivré non pas par une corporation professionnelle mais par un
ministère ou un organisme gouvernemental. Je pense, par exemple, aux
agents d'assurance, aux courtiers en valeurs mobilières, etc. Cette
procédure qui est utilisée ne doit pas être ignorée
dans nos discussions parce que nous avons là une troisième
catégorie. La raison pour laquelle nous n'avons pas touché, dans
le code des professions et dans les lois particulières, cette
troisième catégorie, c'est qu'elle devra faire l'objet
d'études particulières pour voir jusqu'à quel point ce
principe ou ce mécanisme peut être étendu à d'autres
groupes. Ici, nous n'avons voulu garder que les corporations professionnelles
à champ exclusif ou à titre réservé.
Mais, dans le cas des corporations à titre réservé,
il y a des obligations qui doivent accompagner ce privilège d'avoir un
titre réservé, même s'il n'y a pas nécessairement un
champ de pratique exclusif. Il m'apparaft extrêmement important de le
souligner. C'est que, pour la protection de la population, même si le
champ n'est pas exclusif, pour une personne qui fait partie d'une corporation
professionnelle à titre réservé, le fait de faire partie
de cette corporation doit être une garantie de compétence pour la
population ou le public qui peut utiliser ses services. C'est tout aussi
important que dans le cas d'une corporation où le champ de pratique est
réservé exclusivement.
Nous allons voir c'est la dernière remarque, je ne
voudrais pas prolonger sur ce plan que dans certains cas une
difficulté immense se présente, c'est celle de délimiter
un champ de pratique. Est-ce qu'il est possible, dans certains cas, de
réserver un champ de pratique à un groupe professionnel? Dans
certains cas, nous allons, j'en suis à peu près convaincu,
arriver à la conclusion que c'est non. Mais la protection du public peut
exiger que certaines personnes puissent prendre un titre et que ce titre soit
réservé uniquement aux membres de cette corporation. Si le public
veut être bien protégé, il sait qu'en s'adressant à
un des membres de cette corporation, il a là des garanties de
protection.
Il y a donc un aspect, à cet ensemble que nous présentons,
qui n'apparaît pas dans le code des professions, qui n'apparaît pas
dans les lois particulières, mais qui ne doit pas être
ignoré. C'est cet autre mécanisme qui existe. C'était ce
point-là surtout que je voulais faire ressortir, et les obligations qui
doivent être, à notre avis,
imposées aux corporations professionnelles à titre
réservé.
M. LE PRESIDENT: Merci. Avez-vous d'autres questions?
M. CASTONGUAY: Bien, la question suivante porte justement sur ce
point-là. A la page 45, le conseil recommande justement que la
Corporation des conseillers d'orientation, la Corporation des psychologues et
la Corporation des travailleurs sociaux conservent leurs lois
particulières actuelles et que ces lois soient amendées, et
surtout qu'elles soient classées parmi les professions d'exercice
exclusif. Nous avons là, je crois, trois professions où, entre
autres, à travers les autres questions qui peuvent se poser pour
déterminer si ce devraient être des corporations à usage
exclusif, nous avons là une difficulté extrêmement
sérieuse, je crois, de délimiter le champ de pratique.
Ma question est la suivante: Avez-vous tenté, comme conseil, de
définir des champs de pratique pour ces trois groupes qui feraient en
sorte qu'un champ de pratique étant assigné à chacun des
trois groupes, on n'empêche pas toute une autre foule d'activités
très valables dans la société ou dans les services qui
sont rendus à la population de s'exercer de façon
compétente par d'autres personnes?
MME BLAIS-GRENIER: Je pense bien que, lorsque le Conseil
interprofessionnel a accepté de soutenir la position des trois
professions de sciences humaines, ce n'était certainement pas dans le
but de constituer, au niveau de la pratique professionnelle, une chasse
gardée. Ce n'est évidemment pas le cas. Ce n'était pas
dans le but d'exclure de façon définitive et pour toujours toutes
les professions qui pourraient naître, éventuellement, dans le
champ des sciences humaines. C'était probablement parce que ces
corporations ont présenté le problème de la
prolifération de toutes sortes de professions dans ce champ, du manque
de possibilité, au bill 250, de réaliser des regroupements de
corporations, du manque de possibilité de passer éventuellement
d'une corporation qui ne réserve que le titre à un statut de
réserve de titre et de pratique et du fait que nous avons eu
l'impression tous ensemble, en discutant, qu'en ne réservant que le
titre, on ne protège rien du tout parce qu'il y a toutes sortes de
titres similaires qui peuvent être utilisés ici et là. Si
la déontologie, comme je le disais ce matin, pèse trop sur les
membres, ils n'ont qu'à sortir de leur corporation.
Quand vous dites, je crois, que le public est protégé
parce qu'il sait que cette personne est accréditée, eh bien, le
public ne fait pas du tout la différence entre ce qui est
accrédité et ce qui n'est pas accrédité. Je vous
réfère, par exemple, à une cause célèbre
dans le moment avec un ministre fédéral, où on a
mentionné un titre professionnel à tort et à travers. En
fait, cette personne n'a jamais fait partie de la corporation en question.
C'est devant tous ces problèmes, devant la prolifération
des corporations et des disciplines de toutes sortes, en sciences humaines, que
le Conseil interprofessionnel a été saisi du problème.
C'est dans le but, peut-être, d'apporter une contribution à mettre
un certain ordre dans ce champ de pratique et non pas à le fermer et
à garder une exclusivité de pratique définitive pour ces
trois corporations. Je pense que cela doit être interprété
seulement comme cela.
M. CASTONGUAY: Je n'ai pas prêté d'intention au conseil.
Lorsque vous dites, par exemple, que l'idée n'était pas de fermer
à tout jamais la liste des corporations d'exercice exclusif, ce
n'était pas du tout l'objet de ma question. Je pense que le code des
professions prévoit la création dans l'avenir, très
clairement, de nouvelles corporations d'exercice exclusif et si, à un
moment donné, il est justifié de modifier le statut d'une
corporation, le code prévoit cela.
Mais 1 n'en demeure pas moins qu'il y a une question très
précise qui se pose: Peut-on définir un champ d'exercice exclusif
pour chacune de ces trois professions? Parce que c'est ce qui est dit
textuellement dans le mémoire. Ce serait le résultat atteint si
la demande qui est formulée ici trouvait une réponse positive.
Peut-on vraiment réserver à chacun de ces trois groupements un
champ d'exercice exclusif qu'il est possible de définir et qui, à
partir de ce moment, ne peut être exercé par aucun autre
groupement professionnel? C'est la question. C'est ce qui est formulé
ici.
MME BLAIS-GRENIER: II a été assez évident, je
pense, au moment où cela a été entériné que
les trois corporations en question, si elles n'étaient pas capables de
définir de façon exclusive l'une par rapport à l'autre
tous les actes qu'elles posaient, avaient des champs qu'elles occupaient de
façon exclusive et avec les autres corporations ou groupes qui seraient
susceptibles de devenir des corporations dans l'avenir. Il y a des champs
exclusifs qu'on peut définir. Evidemment, je ne veux pas anticiper sur
le mémoire de ces trois corporations.
Il y a, par ailleurs, des champs qui sont conjoints et qui pourraient
être surveillés conjointement par les corporations indiqués
ici, pour une meilleure protection du public.
M. CASTONGUAY : Nous y reviendrons donc, lors de l'étude des
trois autres mémoires, mais le Conseil interprofessionnel lui-même
n'a pas abordé cette question des définitions, si je comprends
bien.
M. SHEPPARD: Le conseil a été saisi des intentions de ces
trois corporations. Il a vu les définitions proposées et, si je
me rappelle bien, il a unanimement décidé qu'il était
d'accord.
Donc, au moins, je suppose que ces 19 corporations, autres que les trois
concernées, ne s'opposeraient pas à cette définition. Mais
je pense que tout ça a été fait sous réserve,
naturellement, de la présentation de ces définitions qui
semblaient satisfaire les membres du conseil.
M. CASTONGUAY : La question suivante porte sur la page 49 où il
est dit qu'en ce qui a trait à certaines corporations, dont la
création est envisagée par le code des professions, on peut se
demander si tous les critères définis aux articles 21 et 22 sont
respectés. Comme aucune des corporations que le consiel a à
l'esprit n'est mentionnée, il me semble qu'il serait important d'avoir
des précisions. Sans ça, c'est une observation qui donne une
certaine coloration au code ou à l'ensemble législatif, sans
qu'on sache à quoi ça s'adresse vraiment.
M. SHEPPARD: Vous remarquerez que la page 49 est la deuxième page
d'une section qui s'intitule "Commentaires". Effectivement, il ne s'agit pas
d'une recommandation; il s'agit d'une commentaire. Il serait peut-être
difficile, certainement pour moi, et, je pense, pour les représentants
du conseil d'indiquer avec précision qui les membres du conseil avaient
en vue, mais on a eu, au cours des discussions, le sentiment qu'il y avait
peut-être une, deux ou trois corporations projetées qui, dans une
certaine optique, pouvaient ne pas tout à fait être conformes
à ces critères. Comme il s'agit foncièrement d'une
décision politique pas dans le sens partisan du terme
puisque c'est le législateur qui décide qui est une corporation
ou non, et qu'il pourrait demain décider que les astrologues
répondent à tous les critères et que nous ne pourrions
rien y faire, je pense qu'il serait plus sage de considérer que c'est
simplement une observation.
D'ailleurs, nous avons bien divisé nos remarques en commentaires
et recommandations.
M. CASTONGUAY: On ne doit pas donner le même poids aux
commentaires qu'aux recommandations?
M. SHEPPARD: Non, ce sont des hors-d'oeuvre.
M. CASTONGUAY: A la page 85 de votre mémoire je crois que
nous sommes, à ce moment-là, au niveau du bureau des corporations
dans le premier commentaire, vous dites que, dans d'autres juridictions,
les membres des corporations nommés par le gouvernement semblent moins
nombreux. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples des juridictions
que vous avez à l'esprit? Est-ce que vous avez fait la distinction entre
la nomination, par exemple, d'un sous-ministre qui, lui, a un caractère
représentatif différent de celui qui est visé ici?
Ce que j'ai à l'esprit, par exemple, c'est que dans certaines
provinces canadiennes, si ma mémoire est fidèle, le sous-ministre
de la Santé est membre du collège. Peut-être que je fais
erreur, mais il me semble que c'est le cas. A ce moment-là, il s'agit
d'un individu quelque peu différent par ses fonctions des personnes
nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil, tel que prévu
par le code des professions. Lorsqu'on dit que, dans d'autres juridictions, le
nombre de personnes nommées de l'extérieur est moins
élevé, j'aimerais avoir, si possible quelques exemples.
Est-ce qu'on a fait cette distinction-là, si elle s'imposait,
évidemment?
M. SHEPPARD: Bien, vous m'invitez à me citer moi-même en
somme, parce que je ne faisais pas allusion aux exemples que vous avez
mentionnés et qui ont trait à des régies plutôt
qu'à des conseils d'administration de corporation. Il est vrai qu'en
Ontario, par exemple, il y a des régies qui administrent certaines
professions et où le dosage des représentants publics est assez
différent. Mais, je pensais à l'exemple qui a
été étudié dans l'annexe au rapport de votre
commission de la Californie, et si mes souvenirs sont bons, je n'ai pas
ça avec moi, il y en avait un, au maximum deux. Et dans l'esprit du
Conseil interprofessionnel, les membres publics qui ont leur origine aux
Etats-Unis, c'est "public members", membres publics sont là non
pas pour faire le contrepoids par leur vote, parce qu'ils ne peuvent rien
changer, ils sont très minoritaires, mais ils sont là pour
observer et s'assurer que tout se passe dans l'ordre et puis pour calmer
certains esprits peut-être. Qu'ils soient deux, qu'ils soient trois ou
qu'ils soient quatre n'y change pas tellement, parce qu'il n'est pas
évident que trois paires d'yeux voient mieux que deux.
Et là encore c'est un commentaire général mais vous
verrez que, dans les recommandations, nous proposons une réduction qui
n'est pas très très sensible. Il nous a semblé qu'au lieu
d'avoir le nombre prévu, on pourrait peut-être avoir un tout petit
peu moins, mais il ne s'agit pas de le réduire à néant,
loin de là. On a aussi voulu conserver un équilibre entre le
nombre de membres d'une corporation et le nombre de représentants, alors
les chiffres que nous proposons c'est 1, 2 et 3, plutôt que 2, 3 et
4.
C'est une question peut-être d'optique, je ne pense pas que le
sort des professions se jouera là-dessus.
M. CASTONGUAY: La dernière question que j'avais, M. le
Président, c'est à la page 107, lorsqu'on dit que les
corporations qui possèdent déjà des structures
disciplinaires satisfaisantes devraient pouvoir les conserver à la
discrétion de l'office.
Est-ce que, si j'interprète bien ce paragraphe, il faudrait en
conclure que, dans sa législation, l'Assemblée nationale ne
ferait pas de choix et laisserait totalement à la discrétion de
l'office le soin de déterminer quelles sont les corporations qui ont des
structures disciplinaires satisfaisan-
tes sans qu'aucun critère ne soit indiqué à
l'office pour porter ce jugement ou encore si des critères sont
prévus, quels seraient-ils?
C'est une question qui m'apparaît assez importante. Si c'est la
voie que vous prenez, il me semble qu'à un moment donné l'office
devra se prononcer à partir de certains critères ou, à
tout le moins, la commission, ici, l'Assemblée, avant de se prononcer
sur ce projet de loi, devrait être en mesure de porter un jugement sur ce
que constitue des structures disciplinaires satisfaisantes. J'ai des opinions;
dans certains cas je crois que la discipline est mieux exercée que dans
d'autres. Il me semble qu'au lieu de porter un jugement sur chaque corporation,
ou que ce soit l'office qui doive porter un tel jugement par la suite, il y a
peut-être avantage à prévoir des structures plus uniformes,
ce qui évite de porter de tels jugements. Si ces structures sont saines,
le tout va bien fonctionner.
Je crois qu'il y a là une question assez importante et j'aimerais
voir comment vous envisagez toute cette question-là.
M. SHEPPARD: Je crois que vos remarques sont très à propos
parce qu'en relisant ce paragraphe, j'étais en train de me demander si
je n'avais pas mal exprimé la pensée du conseil
interprofessionnel. Comme on vous l'a souligné, nous avons dû
préparer ce travail beaucoup trop rapidement pour le faire en
profondeur. Et obtenir l'accord de 22 corporations qui ont participé
à tous les stades de la discussion et ont voté chacune des
recommandations, cela n'a pas toujours été facile.
Ce que le conseil préconise, c'est qu'il y a certaines
corporations qui semblent posséder un appareil disciplinaire efficace,
sévère. Chacun d'entre nous, comme vous, avons notre propre
jugement, nous considérons que telle corporation est plus dure que telle
autre, est plus juste que telle autre, mais il est évident qu'il y a
certaines corporations qui ont un système disciplinaire qui semble,
à bien des gens, efficace et qu'il n'y a pas lieu, uniquement par souci
d'uniformité ou de cohésion, comme on l'a dit ce matin, de
supprimer tout cela parce qu'il y a tout de même un appareil rodé
qui fonctionne.
Je pense que c'était la portée véritable de la
recommandation du conseil. Ce qu'on a voulu dire par "à la
discrétion de l'office" n'était pas de confier à l'office
ces décisions-là. Si je ne m'abuse, selon mes souvenirs, on a
voulu suggérer qu'il y ait une consultation de l'office, mais
manifestement, ce sera une décision du pouvoir politique de
l'Assemblée. Si, dans la loi d'une corporation, l'Assemblée
décide que les structures existantes doivent être
conservées, c'est lui qui doit prendre la responsabilité.
Pour ma part là, je n'ai pas de souvenirs trop
précis je ne pense pas qu'on ait voulu laisser à l'office
la décision de légiférer, en somme, mais peut-être
devons-nous dire qu'il s'agit d'un pouvoir de consultation parce que,
effectivement, quelqu'un va devoir porter un jugement sur l'efficacité
et la valeur de ce système. Peut-être que l'office pourrait
apporter un jugement semi-objectif. C'est vraiment une recommandation assez
vague mais c'est pour attirer l'attention de ceux qui sont responsables de la
législation sur l'embûche de tout supprimer par souci
d'uniformité alors que cela fonctionne.
M. LABELLE: J'aimerais ajouter effectivement que les trois ou quatre
derniers mots de ce dernier paragraphe dépassent le consensus qui s'est
fait aux réunions du Conseil interprofessionnel et c'est vraiment sur le
paragraphe précédent qu'il s'est fait un consensus, à
savoir que les corporations qui ont un appareil disciplinaire efficace et
mentionné dans leurs lois, que la loi permette dans certains cas que les
procédures .ou l'appareil puissent être conservés.
M. CASTONGUAY: En lisant vos remarques de la fin, je peux donc conclure
qu'il est aussi difficile de préparer un mémoire que de
préparer un projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. LABELLE: Surtout que nous n'avons eu que deux mois pour le
rédiger.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais quelques questions à poser aux
trois représentants du Conseil interprofessionnel. Je voudrais d'abord
poser la première question à Me Shep-pard. La question couvre un
terrain assez vaste. J'apprécierais que sa réponse soit à
la fois un commentaire et une recommandation si c'est possible. H a
préparé les travaux de la commission Castonguay-Nepveu. Il a
préparé le mémoire du Conseil interprofessionnel. A la
lumière de ce qu'il a étudié pour les fins de la
commission Castonguay-Nepveu et de sa discussion avec le Conseil
interprofessionnel et aussi à la lumière de ce que nous avons dit
ce matin, le ministre des Affaires sociales a fait l'exposé des
principes de philosophie du projet de loi. Cette philosophie est aussi
exposée dans le chapitre d'introduction ou d'avant-propos du rapport de
la commission Castonguay. Est-ce que le code des professions, le bill 250, s'il
était adopté tel que proposé maintenant, viendrait en
sérieuse contradiction par certains de ses articles importants avec
cette philosophie de base exposée à deux reprises?
M. SHEPPARD: Vous posez une question à laquelle je ne pense
vraiment pas que j'aie le droit de répondre. D'abord, une bonne
illustration de ce que nous discutons aujourd'hui: quand j'ai
préparé un travail pour la commission royale d'enquête,
j'ai été consulté à titre d'avocat et on m'a
demandé de préparer un travail de recherche. Je n'étais
pas commissaire et il ne m'appartenait pas de faire des recommandations ou
d'interpréter le mandat de la
commission, et conséquemment, je me suis acquitté d'une
tâche technique, j'ai soumis un rapport. Ici, je n'apparais pas comme
membre représentant d'une corporation mais comme conseiller juridique du
Conseil interprofessionnel. Je pourrais être tout à fait d'accord
ou tout à fait en désaccord avec ma cliente, si je puis dire. Je
ne suis ici que pour l'aider professionnellement. Si vous posez une question
comme citoyen, indépendamment de mon mandat, je dirais que je n'ai pas
du tout de difficulté morale à représenter ma cliente.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, les commentaires que vous faites dans
l'introduction du mémoire deviennent des recommandations. Je lis,
à la page 7: "Toute cette tradition d'indépendance et d'autonomie
est menacée par de nombreuses dispositions du code des professions qui
sans véritablement protéger le public, ont pour effet de
constituer une véritable bureaucratie inutile et menaçante pour
la liberté des citoyens". Il y a cette autre affirmation à la
page 8: "l'appareil étatique prévu dans le code des professions
et qui pèsera sur les corporations professionnelles, pourrait bien aussi
écraser les droits des citoyens."
De toute façon, Me Sheppard, ma question n'avait en aucune
façon pour but de vouloir provoquer chez vous à ce moment-ci
d'autres déclarations que celles qui sont contenues dans le
mémoire de votre cliente. Ce que l'on doit retenir, c'est que c'est un
esquisse de travail, et que le projet de loi 250 est un premier document de
travail. A la lumière des mémoires qui nous seront donnés
par les organismes qui viendront à la commission même si
les deux ministres ce matin ne l'ont pas dit en toutes lettres, j'imagine que
la déclaration qui a été faite à l'occasion de
l'étude du projet de loi 65 vaut encore à ce moment-ci les
ministres sont disposés à accepter toute amélioration du
projet de loi, amélioration qui sera abondamment prouvée devant
cette commission parlementaire.
M. CASTONGUAY: J'aurais une précision à apporter ce matin
quant aux règles qui gouverneraient sur ce point-là quant
à nous.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles règles?
M. CASTONGUAY: Je ne voudrais pas qu'il y ait un malentendu, M. le
Président. Au moment du dépôt du projet de loi 65, nous
avions dit qu'il y avait un certain nombre d'objectifs. Nous avions
énuméré ces objectifs. Nous avions dit que tout ce qui
touchait la mécanique, étant donné qu'il s'agissait d'une
loi d'organisation, pouvait être sujet à discussion; que pour nous
les objectifs nous apparaissaient importants, et les moyens, par le truchement
de structures, d'y arriver, pouvaient faire l'objet de discussions. Ce matin,
au terme de mon exposé, si vous avez bien remarqué, je n'ai pas
référé à ce que j'avais dit au terme de
l'exposé sur le projet de loi 65, mais j'ai redéfini aussi
clairement que possible les règles que nous entendions suivre comme
gouvernement dans l'étude de ces projets de loi. Je pense qu'il est plus
sage de référer à celles qui ont été
définies ce matin et non pas à celles qui l'ont été
en juin dernier.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Nous retenons, M. le
Président, que le ministre est très ouvert sur les
modalités et que la commission et les organismes qui sont devant nous
poursuivent les mêmes objectifs, qui sont énoncés dans le
rapport de la commission Castonguay et énoncés ce matin par le
ministre des Affaires sociales.
Me Sheppard, le Conseil interprofessionnel existe depuis 1965. Au cours
des travaux de discussion de ce projet de loi et préalablement, vous
avez dû certainement prendre connaissance aussi des travaux qu'a
accomplis le Conseil interprofessionnel. Je ne sais pas si ma question
s'adresserait mieux à M. Labelle ou à Mme Blais-Grenier à
ce moment-ci, mais est-ce que le projet de loi pourrait davantage donner de
responsabilités au Conseil interprofessionnel, dans ce sens qu'on a
discuté tantôt du champ d'application? On a demandé si le
Conseil interprofessionnel, au cours de la préparation de ce
mémoire, avait discuté du champ d'application des trois
professions qui ont été mentionnées tantôt. On
aurait pu aussi parler du champ d'application qui se pose pour certaines autres
professions. Le problème sera exposé devant la commission
parlementaire à un autre moment. Au moment où les
optométristes viendront, je pense bien qu'il y aura là un
problème. Au moment où les dentistes viendront, il y aura
là un problème aussi: le champ d'application. Au moment ou les
chiros viendront, il y aura aussi la question du champ d'application qui va se
poser. Est-ce que, du côté de la discussion du champ
d'application, le Conseil interprofessionnel pourra se voir attribuer, par la
législation, d'autres responsabilités que celles, purement
consultatives, qu'il est appelé à exercer par le projet de
loi?
M. SHEPPARD: Je ne peux pas entrer dans le secret des
délibérations, mais je peux dire que toutes les
éventualités et toutes les possibilités ont
été étudiées. Il fallait concilier le désir
avec la réalisation que nous avons également des obligations
comme professionnels. Vous avez pu noter par le mémoire et par les
remarques faites ce matin que nous acceptons de plein gré
différents contrôles et que nous voulons même que certains
d'entre eux soient renforcés. Conséquemment, les recommandations
faites semblent les plus justes. On ne peut pas avoir une administration
bicéphale. Vous ne pouvez pas donner des pouvoirs très importants
à l'office et donner des pouvoirs également importants à
un organisme plus égocentrique qui serait le Con-
seil interprofessionnel. Je pense que le consensus, après avoir
considéré toutes sortes de possibilités, était
exprimé ici. Les exigences, donc, des professions sur les pouvoirs
à attribuer au conseil sont relativement modestes, mais comme toute
législation sociale qui touche de près des réalités
qui évoluent, il est certain que, quand le système sera en place,
on constatera ses faiblesses que l'on corrigera et ses forces que l'on
maintiendra.
Mais l'attitude du CIQ, je pense, est extrêmement positive
à l'égard du code des professions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je me suis posé une question. Vous
affirmez dans votre mémoire, au début, qu'il y a plusieurs
organismes qui font partie du Conseil interprofessionnel, mais il y en a
d'autres qui ne font pas partie du Conseil interprofessionnel, après
sept ans de sa vie active depuis sa naissance. Il y a, entre autres, les
infirmières qui ne font pas partie du Conseil interprofessionnel.
Est-ce qu'il y avait des raisons particulières pour que certains
groupes importants n'aient pas fait partie jusqu'à maintenant du conseil
et qu'ils se voient maintenant, par le bill 250, inclus dans le Conseil
interprofessionnel?
M. LABELLE: Je ne peux pas répondre spécifiquement sur la
question des infirmières entre autres mais je ne me souviens pas
qu'elles aient fait la demande au Conseil interprofessionnel d'être
admises au sein de ce conseil. Comme on l'a mentionné tantôt, le
Conseil interprofessionnel était un organisme d'adhésion
facultative.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous ne désirez pas voir d'autres
pouvoirs extraordinaires confiés au Conseil interprofessionnel pour ne
pas qu'il y ait "bicéphalisme" entre le conseil d'une part et l'Office
des professions d'autre part, si on comprend bien le message transmis dans
votre mémoire, vous désirez fortement, par les recommandations
à la page 28 et suivantes, que des pouvoirs additionnels soient
transférés à l'office afin que celui-ci puisse
véritablement assumer toutes ses responsabilités.
Vous avez mentionné, comme première recommandation,
à la page 28, que le gouvernement adopte par règlement les normes
qui établissent la connaissance d'usage de la langue française
qui est requise de tous les non-citoyens qui désirent
c'est-à-dire, selon l'article 42, c'est le gouvernement qui
détermine les normes obtenir un permis d'exercice. Evidemment,
vous dites: L'office étant beaucoup plus près des
réalités pratiques de chaque profession, il est certainement plus
apte à déterminer les normes minimales. Je ne voudrais pas entrer
ici dans un vaste débat mais vous comprendrez que cette recommandation
est certainement d'importance parce qu'elle touche, non seulement par le biais
mais directement, je pense, différents problèmes.
Est-ce que vous avez mesuré toutes les implications d'une telle
recommandation, que ce soit l'office qui le détermine dans le cadre de
ce qu'on appelle une politique globale? Est-ce que vous maintenez cette
recommandation?
M. LABELLE: Le Conseil interprofessionnel s'est déjà vu
confier des études par entre autres il me semble, si j'ai bonne
mémoire le gouvernement sur cette question de langue. Et le
gouvernement, à ce moment-là, a cru que cette question pouvait
être étudiée très adéquatement par le Conseil
interprofessionnel et, effectivement, à l'époque, il y a eu
quelques rencontres. Il me semble qu'à une de ces rencontres vous
étiez présent, M. Cloutier.
Personnellement, je vois la possibilité que le Conseil
interprofessionnel se voie confier certaines études
éventuellement dans toutes sortes de domaines. Sur la question de la
langue à laquelle vous faites allusion plus particulièrement, il
y avait deux points de vue. Evidemment, il y avait le point de vue politique et
le point de vue pratique de la connaissance suffisante de la langue ou la
connaissance technique d'une langue pour exercer une profession. C'est sur ce
point, particulièrement, que les recommandations s'appliquent.
Nous pensons que l'Office des professions, du côté
technique, est bien placé pour se prononcer sur la question de
langue.
M. SHEPPARD: Ce que, je pense, nous n'avons pas exprimé
peut-être assez clairement, c'est que nous ne voulons pas que ce soit
l'office qui décide qu'il faille posséder une connaissance
adéquate de la langue française. C'est une décision
politique, donc faite par la loi ou par arrêté en conseil. Mais la
connaissance qui peut être exigée pour qu'un professionnel puisse
exercer sa profession varie de profession en profession.
Parce que la nature des services varie, il est évident que ce
qu'un architecte doit savoir pour pouvoir pratiquer en français n'est
pas la même chose que ce qu'un avocat ou un médecin doit savoir et
que l'application, et donc les normes précises, pour chacune des
professions, relèvent de l'office.
Nous aurions pu demander que cela relève de chaque corporation.
Mais cela aurait été peut-être déléguer trop
loin. Les principes généraux, il est évident que ce n'est
pas cela que l'office devrait établir, mais il devrait déterminer
les normes des examens dans le cas de chaque profession ou catégorie de
professions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis très satisfait des
précisions additionnelles que vous apportez parce que, tel que
rédigé, cela pouvait certainement prêter à
confusion. De la façon que vous venez de préciser votre
avancé, je comprends que la profession elle-même peut
déterminer quelles sont, du point de vue minimum, les connaissances
techniques de la langue pour pouvoir exercer adéquatement une
profes-
sion et pouvoir communiquer avec le patient. Je pense bien que votre
corporation professionnelle, ou le Conseil interprofessionnel ou l'Office des
professionnels tel que demandé ici serait bien habilité à
assumer cette responsabilité.
Mais en ce qui a trait à la détermination des normes ou au
problème plus vaste posé à l'échelle politique,
cela appartient sans doute et très certainement au gouvernement, et, si
je comprends bien votre réponse, ce n'est pas cela que vous
revendiquez.
D'autre part, comme autres pouvoirs à l'Office des professions,
vous demandez aussi que le découpage territorial appartienne à
chacune des corporations professionnelles. Je voudrais savoir quels arguments
font que ce pouvoir doit véritablement appartenir à l'Office des
professions pour qu'en quelque part cela colle à la
réalité. J'aimerais donc avoir des explications
additionnelles.
M. LABELLE: La raison principale, c'est que nous ne croyons pas qu'un
découpage uniforme, s'appliquant à toutes les corporations, soit
nécessairement la meilleure formule, parce qu'il n'y a peut-être
pas une répartition proportionnelle de membres de diverses corporations
à travers la province. Il y a peut-être un découpage qui
s'applique bien au Barreau, par exemple, mais qui s'applique moins bien aux
médecins, aux travailleurs sociaux ou aux architectes.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales a une mise au point
à faire.
M. CASTONGUAY: Je voudrais simplement souligner que, dans les lois
particulières, la Loi médicale, par exemple, la Loi du barreau en
annexe, on retrouve, tels quels, les découpages actuels. Je voulais
souligner cela parce que, dans un certain nombre de ces lois, si on regarde
dans les lois particulières, on voit que ces découpages ont
été maintenus. C'est pour dissiper un malentendu possible, pour
ne pas prolonger inutilement la discussion que j'ai voulu faire cette petite
précision.
M. CLOUTIER (Montmangny): Une dernière question, M. le
Président, pour donner la chance à mes collègues de parler
eux aussi.
Au chapitre de la radiologie, à la page 138, dans le
mémoire intégral, il avait été ajouté
timidement, à la fin de la ligne, le mot "chiropraticien". Il a
été enlevé dans le résumé du mémoire.
Est-ce qu'il y a une raison particulière pour qu'il soit tombé en
cours de route?
M. SHEPPARD: Il n'a pas été ajouté timidement. Il
est plutôt très voyant à la page 138. C'est peut-être
parce qu'il était si voyant qu'il n'apparaît pas dans le
résumé.
Je vous avoue que je ne sais pas pourquoi ce terme a disparu du
résumé. Il y a deux résumés. Je ne sais pas s'il a
disparu du résumé initial.
M. LABELLE: Il a disparu... M. SHEPPARD: A la page 42,...
M. LABELLE: ... du résumé revisé seulement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.
M. LABELLE: La raison, c'est que le Conseil interprofessionnel n'a pas
voulu se prononcer sur cette question avant que la Loi des chiropra-ticiens ne
soit adoptée.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une indication quand même!
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le document
présenté par le conseil soulève, dès son
départ, le point fondamental de votre position, à savoir
l'ingérence ou la non-ingérence de l'Etat dans le contrôle
des corporations professionnelles.
Les termes que vous employez, dans les pages 6 et suivantes, sont
très durs quant à l'objectivité de l'Etat, au bien commun,
à la protection du bien commun, etc. Est-ce que votre opposition
à la loi est systématique, puisque l'ensemble de la loi tourne
autour de ce pivot ou si, au contraire, c'est une simple mise en garde?
M. LABELLE: Ce n'est pas une opposition systématique, mais nous
croyons que la formule suggérée par le gouvernement
lui-même, soit la création de l'Office des professions, offre
d'excellentes garanties. En fait, nous enchérissons sur la position de
base mise de l'avant par le gouvernement dans le bill 250, tout simplement.
M. MASSE (Montcalm): II est évident que les deux philosophies, la
philosophie du projet de loi et la philosophie de votre mémoire, sont
très différentes quant à celui qui est le gardien du bien
commun dans une collectivité, particulièrement dans une
collectivité démocratique comme la nôtre. Est-ce le
gouvernement élu qui, manifestement, a des idées politiques
c'est la raison pour laquelle il est élu, quel que soit le
gouvernement par rapport à des membres qui ont reçu, par
une formation universitaire, un domaine protégé au point de vue
de l'exercice de leur profession, et selon les pouvoirs des corporations?
Je ne voudrais pas, quand même, ouvrir un trop large débat,
mais c'est le point fondamental puisque l'ensemble des corporations et
l'existence même du gouvernement sont en fonction du bien commun et que,
la loi étant adoptée, le principe étant accepté, il
l'est pour longtemps et on suivra ce principe dans d'au-
tres domaines de la législation du Québec. Est-ce que le
conseil des professions met en doute, en principe même, la
responsabilité d'un gouvernement je ne parle pas d'un parti
politique, mais d'un gouvernement élu démocratiquement
comme gardien du bien commun?
Il est évident que les membres des corporations ont tous,
individuellement, des idées politiques. Si c'était le contraire,
ce serait dangereux pour la démocratie même. On peut plaider,
d'autre part, l'appareil bureaucratique de l'Etat, mais ce n'est pas tant le
point qui est soulevé dans votre mémoire que le principe
même de qui doit être, dans une collectivité, gardien du
bien commun: des groupes sectoriels ou le gouvernement démocratiquement
élu? C'est, à mon avis, le point fondamental de votre
mémoire. Vous avez tranché contre le gouvernement. Vous avez
employé des termes très durs que vous n'explicitez pas, en
pratique, autrement que par des affirmations générales,
repoussant, si je puis dire, tous les gouvernements qui ont été
élus au Québec, jusqu'à maintenant, comme étant des
gouvernements qui n'avaient comme but que de mater l'indépendance des
groupes.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès du député de
Montcalm. Vous n'étiez pas ici ce matin lorsque nous avons
discuté de la procédure. Ceci est une période de
questions. Si c'est le préambule de votre question, d'accord, mais la
discussion se fera après.
M. MASSE (Montcalm): II me semble, quant à moi, que c'est le
point fondamental. La question que je pose est la suivante
jusqu'à maintenant, j'y ai fait allusion à maintes reprises; nous
avons été dans des modalités, mais c'est le point central:
Votre objection est-elle fondamentale? Sinon, jusqu'à quel point y
voyez-vous un danger autrement que dans les principes?
MME BLAIS-GRENIER : Je pense que cela tient peut-être à
notre situation, à vous et à nous, ici, dans la salle, mais nous
n'avons pas du tout la même perspective que vous. Nous n'avons pas
l'impression d'avoir tranché contre l'Etat parce que, pour nous, il
était très clair que le gouvernement donnait à l'office un
mandat de surveillance. Nous disons: Nous sommes entièrement d'accord et
nous voulons plus que cela.
Nous voulons, par exemple, la représentation du public à
l'office.
Nous voulons d'autres choses aussi. Il y a une série de choses
selon notre dire, que nous voulions. Quant au Conseil interprofessionnel, nous
avons très bien dit que nous le voulions comme organisme consultatif.
Mais nous voulons qu'il soit vraiment un organisme consultatif, en ce sens que
les corporations membres puissent choisir leurs délégués
au Conseil interprofessionnel.
M. MASSE (Montcalm): Le danger d'ingérence que vous voyez, c'est
dans la nomination?
MME BLAIS-GRENIER: Je crois que c'est normal qu'un gouvernement
délègue des fonctions et nous avons l'impression d'avoir plus de
facilités à discuter avec un office qu'avec ce grand appareil
qu'est le gouvernement. Parce que l'office va être
spécialisé pour défendre, pour surveiller ou pour
recommander la mise en pratique de choses qui concernent spécifiquement
le domaine professionnel et c'est le rôle de l'office.
M. MASSE (Montcalm): Oui, mais je répète ma question.
L'ingérence, vous la voyez par le fait que le gouvernement nomme de
lui-même des personnes de son choix. Est-ce ça, pour vous, le
danger d'ingérence? Par la personne physique nommée?
M. SHEPPARD: II y a plus que ça. Et là encore, nous nous
faisons les interprètes des discussions générales qui ont
eu lieu. Au départ, ce n'est pas la philosophie du bill qui inspire des
inquiétudes, parce que nous l'avons dit, répété et
écrit, nous la saluons plutôt que de nous y opposer. Il y a des
modalités dans un projet initial.
Il est très fréquent, lorsqu'on prépare un projet,
que ce soit un projet de loi, un projet de discours, un projet d'ouvrage, que
ce n'est qu'en le voyant sur papier qu'on comprend la portée de chacune
des mesures proposées. Et le but même de cette réunion et
de ces études, c'est de permettre à tout le monde
d'étudier objectivement.
Nous n'avons pas dit que telle et telle mesure va nécessairement
entraîner telle et telle intervention ou ingérence, mais qu'il y a
un danger et que c'est un domaine tellement délicat, où il y va
tellement de la vie, de la liberté, de l'intimité des citoyens
qui est en jeu qu'il ne faut pas inutilement les mettre en péril. Et ce
n'est pas parce que nous craignons que ça va nécessairement se
produire que nous faisons ces recommandations, mais parce qu'il faut
éviter ces dangers.
C'est un peu comme la protection du secret aux élections. Il est
évident que la grande majorité des gens, même s'il y avait
quatre policiers qui les regardaient voter, voteraient pour le parti de leur
choix. Mais il y a toujours le danger qu'un, deux ou trois électeurs
prennent peur. Et c'est cette apparence de danger que nous craignons.
Ensuite, nous vivons à une époque où de plus en
plus de citoyens s'inquiètent d'un appareil je ne veux pas
utiliser le terme bureaucratique parce que c'est péjoratif de
l'Etat qui prend de plus en plus d'ampleur; ils se sentent démunis. A
une époque où on parle d'autogestion et de démocratie de
participation, nous croyons qu'on pourrait peut-être commencer par
préserver la participation là où elle
existe déjà. Et un domaine par excellence d'autogestion et
de participation, c'est l'organisation professionnelle. Des professionnels se
sont administrés eux-mêmes, généralement bien;
parfois on peut avoir des réserves, mais ils se sont administrés
eux-mêmes.
Tout en acceptant donc le concept qu'on doit assujettir des professions
à un contrôle de l'Etat, à un contrôle de la
société, nous ne croyons pas que le moyen proposé soit
nécessairement le meilleure. Et nous avons préconisé qu'un
des autres moyens suggérés par le gouvernement lui-même
serait plus approprié. Mais il n'y a pas de désaccord, nous
croyons, sur les objectifs fondamentaux; donc, il n'y a pas de conflit de
philosophie. Il y a peut-être un désaccord sur les
modalités.
M. MASSE (Montcalm): D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, d'abord le député de
Montmagny a posé une question que j'avais l'intention de poser au sujet
des chiropra-ticiens, et le député de Montcalm a quasi
complété ce que j'avais à demander. On épargne du
temps.
Vous soulevez la peur de l'appareil étatique. Je dois vous avouer
franchement que je partage votre peur. Une des principales recommandations que
vous faites et cette recommandation-là transpire à
plusieurs endroits dans le mémoire c'est le danger de ne pas
protéger le secret professionnel.
Par contre, vous semblez, pour échapper au contrôle
étatique ou aux ingérences bureaucratiques, vouloir confier plus
de pouvoirs à l'Office des professions.
J'aimerais que vous résumiez les principaux pouvoirs que vous
aimeriez voir donner à l'Office des professions.
M. SHEPPARD: On a un chapitre entier dans notre...
M. GUAY: Disons les deux, trois, quatre ou cinq principaux pouvoirs.
M. LABELLE: On peut d'abord se référer aux trois premiers
paragraphes de l'article 169 du bill lui-même qui sont
réservés dans le projet de loi au lieutenant-gouverneur en
conseil; ces trois paragraphes-là ou ces trois tâches-là,
ces trois groupes de tâches, nous demandons qu'ils soient confiés
à l'Office des professions, je peux vous les lire.
M. GUAY: Ce n'est pas nécessaire. D'accord.
M. LABELLE: Ces trois-là, pour commencer, n'est-ce pas?
M. GUAY: Ce sont les principaux pouvoirs.
M. SHEPPARD: Je vous réfère aux pages 23 et suivantes de
notre mémoire lui-même. Il élabore toute une série
de règlements de suppléance. Il y a la mise en tutelle, il y a la
coordination, la surveillance générale des professions, la
consultation de l'office dans un tas de cas. Ensuite, à la page 27 et
suivantes, nous avons une section qui s'intitule "Fonctions qui pourraient
être confiées à l'office" et où nous passons en
revue, disons, l'application des normes de connaissance de la langue
française, la délivrance de permis pour plus d'une année,
la réglementation de la représentation régionale, la
nomination des membres publics au sein du bureau de chaque corporation, la
désignation des présidents des comités de discipline,
certains pouvoirs relativement aux syndics, aux officiers, des rapports
relativement au fonds d'indemnisation, des rapports annuels, etc., et des
pouvoirs de réglementation.
Tout ça énuméré de façon sommaire,
mais on pourrait résumer tout ça en disant que la surveillance
générale et l'intervention lorsque les corporations font
défaut de remplir leurs fonctions relèveraient de l'office.
M. GUAY: Maintenant, vous dites ici que vous acceptez la surveillance la
plus totale à une condition, qu'elle respecte le secret professionnel.
Est-ce qu'il n'y a pas d'autres conditions que vous auriez à ajouter?
J'aimerais que ce soit précisé, pour que vous acceptiez la
surveillance la plus totale.
M. SHEPPARD: Bien, il y a une différence entre surveillance et
ingérence. Les corporations n'ont rien à cacher et elles
acceptent donc le principe qu'on sache absolument tout ce qu'elles font.
(Je qu'elles ne veulent pas, c'est que, par le truchement de la
surveillance, on se mêle de la vie privée des citoyens qui leur
ont fait confiance. Si vous pouviez m'indiquer des domaines où les
corporations craignent que l'on sache ce qu'elles font, je serais bien plus
avancé que je ne le suis maintenant, parce que le vieux principe du
secret des activités des corporations, je pense, a été
abandonné il y a très longtemps.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, je voudrais revenir à la page
85 du mémoire où vous dites que le nombre des
représentants nommés par le gouvernement semble
élevé. Etant donné qu'on a dit qu'un des malaises qu'avait
éprouvés la société à l'endroit des
corporations était précisément que le public
n'était pas suffisamment représenté et qu'on peut supposer
que le gouvernement nommera, dans ces corporations, des représentants du
public, n'y a-t-il pas là une raison additionnelle pour que le nombre de
représentants nommés par le gouvernement, sans être
très élevé, soit d'au moins deux
personnes, lorsque la corporation compte moins de 500 membres, de trois,
lorsqu'elle en compte de 500 à 1,500 et de quatre lorsqu'elle en compte
plus de 1500?
M. SHEPPARD: L'optique des discussions a été la suivante:
ces membres-là sont essentiellement des observateurs qui participent aux
discussions et qui peuvent voter, mais leur rôle primordial est
d'observer et de faire rapport à qui de droit, sous réserve de la
protection des secrets professionnels. C'est une lucarne, en somme, que l'on
ouvre.
M. LAURIN: II y a plus de lumière quand la lucarne est plus
grande.
M. SHEPPARD: Oui, mais je dirais ceci...
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire une observation ici et poser
une question? La question est extrêmement importante et je crois qu'il y
a une affirmation qui, ici, n'est pas tout à fait exacte. Il n'y a
aucune disposition dans le projet de loi qui oblige les membres nommés
par le gouvernement dans les bureaux des corporations à faire rapport.
Une fois nommés, ils sont membres du bureau et ils ne font rapport
à personne.
UNE VOIX: Est-ce qu'ils ont droit de vote? M. CASTONGUAY: Ils ont le
droit de vote. M. PAUL: Ils ont le droit de vote.
M. CASTONGUAY: II n'y a pas de disposition qui leur enlève le
droit de vote. M. Sheppard faisait l'affirmation qu'ils doivent faire rapport
et je pense qu'il y a soit un malentendu, soit une rectification à faire
ou qu'il y aurait lieu de demander en vertu de quoi on peut affirmer que ces
membres-là doivent ou peuvent faire rapport.
M. SHEPPARD: Je n'ai pas dit qu'à mon avis ils doivent faire
rapport, mais il est évident qu'ils peuvent le faire. Si ce sont des
gens qui sont assez représentatifs de la société, qui
occupent des postes ailleurs, ils ne seront pas tentés de conserver
soigneusement pour eux ce qu'ils apprennent. D'ailleurs, c'est un peu
l'intention de la notion du membre public. On ne les oblige pas à faire
rapport à un organisme donné, mais rien ne les empêche de
le faire.
Je suis certain qu'ils considéreront de leur devoir, dans
certains cas, de faire état de leurs constatations, que ce soit à
une association ou dans un discours. Je suis d'accord avec vous que la lucarne
donne plus de lumière si elle est plus grande, mais le but de la lucarne
n'est pas de donner de la lumière, c'est d'observer, de voir.
Si on voulait pousser ce principe très loin, on pourrait dire: Au
lieu d'avoir une lucarne, on devrait avoir une baie grande ouverte et nom- mer
la majorité des membres à même le public. C'est en partant
du principe que ce sont des observateurs que nous nous sommes dit: Deux ou
trois observateurs ne valent pas plus que quatre.
M. LAURIN: Je ne sais pas si c'est juste. Si quatre observateurs sont
soigneusement chosis, représentent des intérêts collectifs
différents, des expériences existentielles différentes,
est-ce qu'ils ne peuvent pas non seulement observer mais contribuer d'une
façon valable aux discussions en apportant un point de vue social
différent?
M. SHEPPARD: Cela est certain dans certains cas, ce n'est pas certain
dans d'autres. Je me rappelle aussi qu'une de nos inquiétudes
était l'influence que ça peut avoir sur un quorum. Vous pouvez
avoir une journée où le temps est extrêmement mauvais,
où vous avez à peine le quorum et comme par hasard les quatre
membres de l'extérieur sont présents; je ne dis pas qu'ils
constituent la majorité, parce que cela ne serait pas prévisible,
mais ils peuvent jouer un rôle hors de toute proportion.
M. LAURIN: Est-ce que ceci ne témoigne pas d'une méfiance
indue à leur endroit?
M. SHEPPARD: De la prudence, pas de la méfiance.
M. LAURIN: Mais, est-ce que nous ne pouvons pas penser aussi que les
membres de ces bureaux verront à être toujours présents?
Vous n'êtes pas à l'Assemblée nationale après
tout!
M. SHEPPARD: Nous ne voulons pas y être non plus!
M. LAURIN: J'avais également une autre question sur la nomination
de ces représentants, soit par le gouvernement, soit par l'office. J'ai
bien compris la raison que vous faisiez valoir à l'encontre d'une
nomination par le gouvernement mais, pour un instant, j'aimerais me faire
l'avocat du diable et montrer qu'il y a peut-être aussi des
inconvénients s'ils sont nommés par l'office.Une
hypothèse: A supposer que ce soit l'office qui nomme ces membres
à même une liste soumise par des corps socio-économiques,
est-ce que ceux qui sont nommés par l'office ne se sentiront pas d'une
certaine façon liés moralement, par reconnaissance ou autrement,
à l'office et ne se sentiront pas un peu les hommes de l'office, qui par
ailleurs, selon les autres règlements et ceux que vous voulez ajouter,
exercerait des pouvoirs étendus sur ces corporations? Est-ce qu'il n'est
pas opportun de séparer très nettement le droit de surveillance
exercé par l'office et le droit de réglementation ou de
coordination de réglementation que vous voulez assigner au
lieutenant-gouverneur en conseil?
M. SHEPPARD: Je pense que vous nous donnez là peut-être le
meilleur argument en faveur du point de vue du conseil, parce que d'abord ces
membres-là ne sont pas nommés pour surveiller l'office mais pour
surveiller les bureaux de chaque corporation. S'il y a un danger qu'ils
éprouvent une gratitude trop enthousiaste pour l'office, ils seront
encore plus tentés d'éprouver la même gratitude à
l'égard du gouvernement.
M. LAURIN: Une fois qu'ils sont nommés par le gouvernement, c'est
l'office qui assume le reste de l'opération, selon les termes de votre
mémoire.
M. SHEPPARD: Non, il faut se comprendre. L'office et le bureau des
corporations n'ont pas la même proposition.
Les membres publics sont nommés au bureau de chaque corporation,
c'est l'office qui les nomme, mais ces membres publics n'ont rien à voir
avec l'office. S'il y a un danger de gratitude ou d'allégeance
exagérée, je préfère que ce soit par un organisme
neutre comme l'office que cette même tendance se manifeste à
l'égard du pouvoir politique. C'est pour ça que je tire de votre
argumentation un argument de plus en faveur de notre point de vue, s'il est
naturel d'éprouver une gratitude.
M. LAURIN: Remarquez que c'est l'argumentation du diable et non la
mienne. De toute façon, je voulais simplement examiner toutes les
possibilités du mode que vous recommandez.
J'avais également une autre question sur les pouvoirs que le
projet de loi 250 entend confier au Conseil interprofessionnel. On a vu que
c'était un organisme volontaire, qui avait très bien
fonctionné et que toutes les corporations n'en faisaient pas partie.
J'ai cru sentir dans votre témoignage que vous n'étiez pas trop
enthousiaste à l'idée de voir augmenter vos pouvoirs. Est-ce que
ce serait que vous ne désirez pas qu'ils soient augmentés, que
vous préférez le rôle que vous avez exercé
jusqu'ici, que vous voudriez qu'il s'accroisse avec les années, au fur
et à mesure de l'évolution? Ou est-ce encore que vous craindriez
de parler d'une façon trop exclusive au nom de toutes les corporations
et que ceci pourrait nuire à l'autonomie des corporations
professionnelles? Ou encore serait-ce que vous craindriez que ce soit un cadeau
de Grec que l'on vous fait?
M. SHEPPARD: Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Si je puis
faire l'historique des discussions, il était évident qu'il devait
y avoir un organisme public qui exercerait la surveillance. Cela pouvait
être le gouvernement ou un autre organisme; on a opté pour
l'office pour des raisons abondamment expliquées dans notre
mémoire et expliquées verbalement aujourd'hui. Il était
impossible de confier ces mêmes fonctions à un organisme qui ne
représente que les corporations professionnelles; ce serait la
négation même de la philosophie de base et du rapport de la
commission d'enquête et du projet de loi. Deuxièmement, nous
sommes tous, peut-être parce que nous sommes professionnels, des gens
pratiques, et nous savons qu'une direction à deux têtes ne
fonctionne pas, chacun va prendre ses responsabilités. Vous verrez que
nous avons demandé pour le Conseil interprofessionnel un certain nombre
de pouvoirs ou de droits de consultation, mais si on confie au conseil le soin
d'administrer les professions, tout ce qu'on fait, c'est de reporter les
corporations à leur propre émanation, une fonction dont on nous
dit qu'elle devrait être exercée dans l'intérêt
public. C'est une question de logique, mais je ne vous dirai pas que ma
pensée à moi, initialement, n'avait pas été que
peut-être on pourrait donner tous les pouvoirs au conseil et amenuiser au
maximum l'office et les pouvoirs du gouvernement.
C'était une des possibilités considérées. Il
faut être logique et adopter une attitude acceptable. On ne vit pas dans
un vase clos. On ne veut pas réclamer des pouvoirs qui seraient
annulés dans leur exercice; les structures sur papier sont très
jolies, mais il faut qu'elles fonctionnent.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé a une
question?
M. PAUL: M. le Président, heureusement qu'il me reste deux
questions qui n'ont pas été posées, à mon humble
point de vue. Je voudrais demander à Me Sheppard ses commentaires sur
une disposition que l'on pourrait retrouver à l'article 12 du projet. Si
c'était l'office qui recommandait au lieutenant-gouverneur en conseil de
placer une corporation ou des corporations en tutelle, après
enquête et audition, ne croyez-vous pas que ce serait un pouvoir beaucoup
moins discrétionnaire de la part du lieutenant-gouverneur en conseil que
celui qu'on retrouve à l'article 12 où on lit que "le
lieutenant-gouverneur en conseil place sous le contrôle de l'office telle
ou telle corporation? "
Dans votre mémoire, vous avez allégué certains
faits, spécialement aux pages 23 et 24, qui peuvent démontrer un
budget déficitaire d'une corporation. Et vous semblez vous élever
contre ce pouvoir discrétionnaire que pourrait avoir le
lieutenant-gouverneur de placer automatiquement une corporation en tutelle. Si
le lieutenant-gouverneur n'exerçait cette discrétion ou ce
pouvoir qu'à la suite d'une enquête menée par l'office, qui
pourrait faire telle recommandation au lieutenant-gouverneur, ne croyez-vous
pas que ce serait assouplir de beaucoup cette disposition que je trouve un peu
exagérée dans la loi?
M. SHEPPARD: Notre objection principale à l'article 12
était son automatisme.
M. PAUL: C'est ça.
M. SHEPPARD: C'est-à-dire que ni le gouvernement ni l'office ont
la moindre latitude. S'il y a un déficit et Dieu sait qu'un
déficit peut arriver pour mille et une raisons temporaires
obligatoirement la corporation est mise sous tutelle. Donc, de prime abord,
nous avons décidé qu'il serait préférable de
recommander une certaine latitude et parler d'insolvabilité, qu'il y ait
une notion de permanence plutôt que de déficit.
Ensuite, il y a la question de savoir qui prendra cette décision
de mise en tutelle. J'avoue qu'au cours de la discussion nous avons
accepté le principe que cette décision initiale relevait du
gouvernement. Il serait peut-être plus souple je ne peux pas
parler au nom du conseil, puisqu'il ne l'a pas voté de confier
également cette décision à l'office.
M. PAUL: Cette recommandation ou justification...
M. SHEPPARD: Oui.
M. PAUL: ... à l'office auprès du
lieutenant-gouverneur.
M. SHEPPARD: Oui. Naturellement, c'est une modalité possible.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là-dessus parce que nous
espérons que cette situation ne se produira pas souvent. Mais il y a
toujours le danger, n'est-ce pas, d'une hostilité entre une corporation
donnée et les autorités au pouvoir, à ce moment-là.
Inversement, une corporation pourrait être tentée de
présenter un point de vue important avec moins de vigueur et moins de
courage parce qu'elle saurait qu'elle est vulnérable sur le plan
politique. Je ne dis pas que cela arrivera, mais pourquoi faire face à
un tel danger si on peut l'éviter? Nous avons un exemple d'une
corporation qui, il y a quelques années, n'a pas hésité
à condamner disciplinairement un ministre. Si elle avait eu,
subséquemment, à rendre compte à ce ministre ou à
lui demander des faveurs, elle aurait peut-être eu certaines
difficultés. Je spécule, mais ce n'est peut-être pas une
spéculation purement oiseuse. Il y a ce danger-là. Tout peut
arriver.
M. PAUL: Maintenant, Me Sheppard, en me référant à
votre résumé, à la page 4, au paragraphe 11, vous
mentionnez qu'en outre "cette mise en tutelle ne devrait pas être
automatique, mais facultative". Pourriez-vous nous dire dans quel sens vous
employez le mot "facultatif"?
M. SHEPPARD: Facultatif, dans le sens que l'autorité qui
décide de la mise en tutelle puisse décider d'autres mesures que
la mise en tutelle. Il est possible, par exemple, qu'une corporation soit
constituée et que tout cet appareil requis par le code s'avère
assez coûteux. Si les cotisations ne sont pas très
élevées, que la corporation a une difficulté, disons
qu'elle a emménagé dans un édifice après avoir subi
un incendie et que la compagnie d'assurance n'ait pas payé ou quelque
chose comme cela, il faudrait qu'on permette à cette corporation de
lever une cotisation spéciale, de faire un emprunt, de chercher une
autre solution. Ce que nous voulons, en somme, c'est d'éviter la mise en
tutelle automatique, parce que l'opinion unanime, je pense, des corporations
est que le projet, s'il était adopté, même modifié
selon la suggestion, coûterait assez cher d'application.
Il y aura des frais, des charges assez lourdes que nous ne refusons pas,
loin de là, mais on est un peu devant l'inconnu. On ne sait pas combien
cela va coûter. Ce ne sont pas les grosses corporations qui
s'inquiètent, mais il y a tout de même des corporations plus
jeunes et plus vulnérables.
M. PAUL: Vous me corrigerez si mon interprétation n'est pas
exacte, mais au lieu que ce soit une mise en tutelle automatique, cela ne
deviendrait qu'une mise en tutelle nécessaire ou justifiée.
M. SHEPPARD: Oui, certainement.
M. PAUL: Une dernière question. En me référant
à la page 18 de votre mémoire, je lis que vous recommandez que le
siège social de l'office soit fixé dans la Communauté
urbaine de Montréal par opposition à la Communauté urbaine
de Québec. Jusque là, cela va. Mais pourriez-vous nous donner des
précisions quant aux arguments que vous apportez, soit "afin que
l'office puisse s'acquitter de ses fonctions le plus efficacement possible"?
C'est la raison, la justification de votre requête?
M. SHEPPARD: Oui.
M. PAUL: En quoi l'office serait-il plus efficace à
Montréal qu'à Québec?
M. SHEPPARD: Peut-être parce que l'hospitalité de
Québec est trop bonne. Mais la vrai raison n'est pas celle-là.
C'est que surtout avec un office...
M. PAUL: Excusez-moi. C'est parce que nous sommes souvent pris, nous,
législateurs, devant cette hésitation, quelquefois, à
dire: Le siège social doit-il être à Montréal ou
à Québec? Dans ce cas, le législateur a prévu comme
projet un siège social à Québec. Alors, pourquoi
recommanderiez-vous un siège social à Montréal?
M. SHEPPARD: Nous avons discuté longuement de cette question.
Voici quel a été, encore, le consensus. Essentiellement, la
liaison
qui devra s'établir et les travaux de contact, de surveillance et
de communications constants seront entre les administrateurs, les officiers des
sièges sociaux des corporations et l'office. La très grande
majorité des corporations je pense que trois seulement peuvent
être exceptées de la règle ont leur siège
social à Montréal.
Quand vous avez un organisme gouvernemental qui administre des citoyens
directement, il est évident que les citoyens sont
éparpillés partout dans la province et que la ville de
Québec est très bien située de ce point de vue, plus ou
moins dans le centre. Lorsque vos contacts, comme organisme gouvernemental,
sont surtout avec les sièges sociaux, parce que les membres
même sont administrés par la corporation; donc vous avez l'office
qui administre les corporations et les corporations qui administrent les
membres ce serait créer des délais, des difficultés
et des dépenses vraiment inutiles.
Il y aurait des déplacements continuels qui ne sont pas requis.
Je pense que notre attitude aurait été très
différente si l'office administrait vraiment les membres
individuellement, parce qu'il y a là une question de distribution
géographique très différente.
En somme, c'est un peu comme si vous aviez un office des banques et que
toutes les banques avaient leur siège social à Montréal.
Il serait peut-être assez logique que cette office soit à
Montréal. Je prends un exemple qui n'est peut-être pas très
bon, mais c'est purement dans ce sens-là, pour éviter des
déplacements, des délais inutiles, des pertes de temps dans la
transmission des dossiers.
M. PAUL : Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit au début de votre mémoire
ou dû moins dans la présentation de votre mémoire
que vous n'aviez pas d'objection à ce que des
représentants de la population siègent au niveau des
corporations. Ici, dans votre résumé, vous dites, à la
page 3, que les membres de l'office devraient être choisis par le
gouvernement, mais dans les limites d'une liste de candidats proposés
par les corporations professionnelles. Si je comprends bien, le gouvernement
aurait le choix parmi des personnes qui représenteraient
premièrement les diverses professions, et ces personnes nommées
par les corporations seraient responsables de la nomination des gens qui
siégeraient aux conseils des corporations et qui seraient censés
en principe représenter la population, j'imagine bien.
M. SHEPPARD: Ce n'est pas aussi simple que ça. A l'Office des
professions, soit trois sur cinq ou quatre sur sept seraient choisis à
même une liste de trente personnes, par exemple, chacune de ces personnes
étant proposée par une corporation. Les deux ou les trois autres
membres de l'office, dont le président, seraient nommés par le
gouvernement parmi les personnes de son choix, non pas dans cette
liste-là.
Donc, les corporations ne pourraient imposer au gouvernement qu'une
liste de peut-être huit, neuf ou dix fois le nombre de candidats, ou le
nombre de personnes qui seraient nommées. Cet office, nous proposons
qu'il soit constitué comme cela, afin que les personnes proposées
aient la confiance du monde professionnel. On ne dit pas: Nommez un tel, mais
nommez la majorité de l'office à même une liste choisie,
d'ailleurs un par corporation.
Donc tous les points de vue s'y retrouveront et ça se fait dans
de nombreuses autres juridictions d'ailleurs à un titre ou à un
autre.
Et ensuite ce serait l'office qui, selon des modalités à
établir, nommerait les membres publics. Maintenant, il y aurait
peut-être lieu, en revisant le projet de loi 250, de prévoir des
critères pour la nomination des membres publics. Nous ne
prétendons pas que les corporations devraient avoir voix au chapitre.
Les membres publics, nous ne voulons pas savoir qui ils sont, nous ne voulons
pas les nommer, ce serait l'office.
Maintenant, les critères que l'office utiliserait, c'est une
autre question et nous croyons que ce n'est pas la responsabilité des
corporations. Il est évident que l'office sera constitué de telle
façon à avoir la confiance du monde professionnel, et c'est pour
ça que nous avons proposé cette formule intermédiaire que
l'on retrouve dans différents Etats des Etats-Unis. C'est d'ailleurs de
là que je me suis inspiré et vous retrouverez ça dans
l'annexe au rapport de la commission d'enquête.
M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, est-ce que vous croyez que la population
comme telle va pouvoir considérer ces gens comme leurs
représentants avec ce système de nomination que vous
suggérez ici?
M. SHEPPARD: Bien, pourquoi est-ce que la population
considérerait que ces gens seraient moins représentatifs que si
le gouvernement les nommait?
M. SAINT-GERM AIN: Parce qu'au moins si c'est le gouvernement qui les
nomme, le gouvernement, ou du moins le Parlement est directement responsable
à la population. D'ailleurs, dans tous ces genres de nominations, ou
tous ces genres d'activités, si les choses ne tournent pas rond, c'est
toujours l'homme public qui, en dernier lieu, en a la responsabilité,
qu'il soit responsable des nominations directement ou indirectement ou pas du
tout.
Alors, dans ce contexte, si ces nominations sont faites par le
gouvernement, je sais bien qu'on peut craindre que ce soient des nominations
politiques, mais dans notre contexte où
les communications avec le peuple se font tellement facilement, par les
différents media d'information, je crois qu'il devient de plus en plus
dangereux pour les gouvernements de faire des nominations exclusivement
politiques, et s'ils le font, ils en sont tout de même directement
responsables au peuple, et c'est dans ce contexte que je croirais que le peuple
considérerait ces nominations comme le représentant plus que si
ces nominations étaient faites par l'office, de la façon que vous
le suggérez.
M. LE PRESIDENT: La dernière question au député de
Montmorency.
M. VEZINA: J'aurais quelques questions, M. le Président. Je
voudrais référer au premier rapport, au premier
résumé...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous répondre? M. SHEPPARD: Oui.
M. LE PRESIDENT: Vous avez posé une question et c'est lui qui a
répondu contrairement au règlement.
M. SHEPPARD: Est-ce que je peux donner une réponse à sa
réponse?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. SHEPPARD: Je pense que si la loi avait indiqué des
critères selon lesquels le gouvernement aurait nommé les membres
publics, il y aurait moins d'inquiétude de la part du Conseil
interprofessionnel. Je pense que, dans le bill 65, il y a des critères
qui sont indiqués mais ce n'est pas vraiment le point fondamental.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse mais je dois rectifier. A la fin, on a pris
un processus électif pour ceux qui représentent les
consommateurs. Au niveau du conseil régional, les membres sont
nommés par les maires des municipalités, et au niveau des
établissements, c'est par voie d'élection. Les autres personnes
nommées le sont, généralement, à l'intérieur
du système. Il reste, au niveau des centres hospitaliers, par les
groupes socio-économiques.
On nous a fait part à plusieurs reprises, au niveau de la
commission, que c'était un critère tellement large qu'il n'avait
presque pas de signification. C'est pourquoi on a opté finalement pour
des modes électifs dans toute la mesure du possible à cause de la
très grande difficulté de définir des critères dans
une loi qui permette, à partir de ces critères-là, de dire
qu'une personne représente bien le public en l'absence d'un processus
électif.
M. PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: Comme je vous le disais, je veux vous référer
au premier résumé, puisque c'est le document qu'on nous a remis
pour préparer notre journée. A la page 1 du chapitre
intitulé "Introduction", vous dites je lis les quatre
dernières lignes "qu'il serait périlleux de balayer des
institutions qui ont bien fonctionné dans le seul but de satisfaire les
exigences d'un organigramme doctrinal".
M. SHEPPARD: Pour commencer, cette remarque s'applique non seulement au
bill 250 mais à tout l'ensemble de la réforme. Encore, parlant au
nom du conseil, nous avons l'impression qu'on voulait réformer le
système ou en créer un plus harmonieux, plus logique, plus
uniforme, qui soit plus agréable sur papier. C'est dans ce
sens-là; le mot "organigramme" n'a rien de péjoratif et le mot
"doctrinal" n'a rien de péjoratif non plus. On parle constamment de
doctrine juridique mais ce que cela veut dire en langage de profane c'est qu'on
est parti, à notre avis, du souci d'avoir un système uniforme qui
ait une logique cartésienne. Comme bien des choses dans la vie, parfois
un manque de logique et une certaine flexibilité fonctionnent mieux.
M. VEZINA: C'était une impression.
M. SHEPPARD: C'est une opinion.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas une référence
à la façon dont la plupart des corporations professionnelles
s'étaient acquittées de leurs responsabilités? Il faut
lire tout le paragraphe. Les quatre dernières lignes sont une
conséquence d'un principe qui est énoncé à l'effet
que, depuis longtemps, la plupart des corporations professionnelles ont
volontairement assumé de lourdes tâches réglementaires et
disciplinaires dans l'intérêt public et que, du même coup,
on ne devrait pas balayer toutes ces corporations-là.
M. VEZINA: Je n'ai pas émis d'opinion, j'ai posé une
question.
M. PAUL: Moi aussi je la pose et je me la pose à
moi-même.
M. LABELLE: Je pense que le conseil accepterait volontiers de changer le
mot "doctrinal" pour le mot "théorique".
M. VEZINA: A la page 2, vous nous parlez d'une des traditions les plus
précieuses de l'organisation professionnelle au Québec.
Considérez-vous que toute atteinte à l'indépendance d'une
corporation professionnelle peut mettre en jeu la qualité ou
l'objectivité du service rendu par ses membres?
M. SHEPPARD: Je peux parler en mon nom personnel, peut-être que,
comme avocat, je suis très partial, mais je suis persuadé que,
dans bien des cas, ce n'est qu'au prix d'une indépendance totale du
professionnel qu'on a certains services.
Si, par exemple, l'avocat, le notaire ou même le médecin,
dans certains cas, ne peut pas se tenir debout ou n'ose pas se tenir debout
dans certaines causes, ce sont les citoyens en général qui en
souffrent. J'ai cité tantôt un exemple. Qu'on ait eu tort ou
raison, quand le Barreau a osé citer devant lui un ministre et le
condamner, je dois dire que j'ai été moi-même très
fier d'être avocat.
M. VEZINA: Moi aussi.
M. LE PRESIDENT: Je pensais que c'était une question.
M. PAUL: Pour les fins du journal des Débats, je voudrais qu'il
soit dit que ce nétait pas moi.
M. VEZINA: A la page 3, vous parlez d'un appareil étatique qui
risquerait d'entraîner la surveillance de la vie privée des
citoyens plutôt que celle des opérations des corporations."
Voulez-vous m'expliciter ça d'une façon un peu plus
cartésienne?
M. SHEPPARD: Je pense que M. Labelle y a répondu tout à
l'heure. Cela se rattache surtout à la notion du secret professionnel.
C'est que, de plus en plus, dans de plus en plus de domaines et pas seulement
dans celui des corporations professionnelles, pensons à tout le
débat qui entoure le secret des journalistes il y a un conflit
entre le désir de l'Etat ou de l'autorité de savoir et le souci
de certaines personnes de protéger leur intimité. On le voit de
plus en plus, dans tous les domaines. Ce n'est pas parce que nous voyons une
machine monstrueuse qui essaie de détruire la liberté, mais parce
que ce sont des choses qui se passent, parfois involontairement. Une des choses
les plus précieuses, je pense, dans l'organisation professionnelle,
c'est que vous pouvez consulter votre médecin, votre avocat, vous pouvez
aller voir votre comptable et être assuré qu'il
préférera parfois même aller en prison plutôt que de
révéler ce que vous lui avez appris.
Evidemment, il y a un point de vue différent aussi qui
prétend que l'Etat devrait tout savoir. Il faut choisir et nous avons
opté pour un système où l'on protège le droit du
citoyen de ne pas se livrer à l'Etat. On a parlé, tout à
l'heure, d'un malaise véritable qui existe entre les citoyens et les
professions, mais il y a un malaise beaucoup plus grand qui existe entre le
citoyen et l'appareil étatique dans tous les pays modernes. C'est
ça que nous avons souligné sans dire et sans vouloir
prétendre que l'intention des auteurs du projet, c'est de créer
une machine à espionner les citoyens. Nous avons simplement dit que
ça peut arriver, dans certaines circonstances.
M. VEZINA: M. le Président, j'ai d'autres questions, est-ce que
je peux continuer?
M. LE PRESIDENT: Nous devions finir à quatre heures et demie et
je croyais que vous n'aviez qu'une question.
M. VEZINA: C'est une question qui est subdivisée, c'est pour
cela. Cela fait cinq questions.
M. LE PRESIDENT: C'est parce qu'on a besoin de la salle et on ne veut
pas faire retourner...
M. VEZINA: Alors, cinq minutes. Concernant le secret professionnel,
à la page 5, considérez-vous que...
M. PAUL: Excusez-moi, vous avez le vieux résumé.
M. VEZINA: Je suis toujours dans le vieux résumé.
Considérez-vous, lorsque vous employez l'expression "tribunal", que les
tribunaux, telle la Commission de police, seraient investis du pouvoir de
relever un professionnel de son secret?
M. SHEPPARD: La question du secret professionnel n'est pas encore
réglée à la satisfaction de qui que ce soit au
Québec. Le secret professionnel est bien mieux protégé
dans la tradition latine ou française que dans la tradition anglaise. Et
nous souffrons ici, au Québec, d'une tradition anglaise qui ne
reconnaît qu'un seul secret professionnel, celui des avocats. Un
médecin peut être obligé à dévoiler ce qu'il
sait devant un tribunal criminel.
Même sans l'avoir discuté à fond, je pense que tout
le monde au conseil estime qu'on devrait renforcer le secret professionnel et
qu'il n'y a que certains cas où un tribunal peut délier du
secret. Par exemple, un professionnel ne pourrait pas invoquer le secret
lorsque son client ne l'invoque pas ou lorsque c'est pour se protéger
lui-même. Ou un professionnel qui poursuit sur un compte d'honoraires ne
pourrait pas refuser de répondre à une question parce que c'est
dévoiler le secret professionnel et ainsi de suite.
Les deux seules autorités que l'on devra reconnaître,
à part la loi, c'est le tribunal ou le client lui-même. Et
certainement pas une Commission de police et certainement pas un tribunal
administratif.
M. VEZINA: Pas les tribunaux parajudiciai-res?
M. SHEPPARD: Non, et j'oserais même dire que les tribunaux
judiciaires ne devraient pas avoir ce droit à la légère
parce que la curiosité humaine est une chose curieuse, le fait qu'on ne
veuille pas révéler quelque chose immédiatement donne une
valeur bizarre et on veut savoir. Les juges disent toujours sous
réserve, mais on préfère que cette réserve soit
faite par la loi.
M. VEZINA: Une avant-dernière question, à la page 10,
concernant votre droit d'intervention dans les débats judiciaires ou
quasi judiciaires. Ne trouvez-vous pas qu'il faudrait imposer au conseil
interprofessionnel le fardeau de prouver préalablement que, soit les
droits du public ou le point de vue des professionnels peuvent être mis
en jeu par ledit débat judiciaire ou quasi judiciaire? Ou
préférez-vous que ce soit un droit absolu d'intervenir sans
être obligé de motiver l'intervention?
M. SHEPPARD: Eh bien, tout d'abord, personne, dans un débat
judiciaire, ne peut intervenir s'il n'est pas partie, à moins que le
tribunal ne l'y autorise. Il faut démontrer un intérêt. Et
le fardeau du conseil ou d'une corporation serait de démontrer au
tribunal qu'il y a une question d'ordre professionnel en ligne de compte. Mais
n'oubliez pas qu'une telle intervention ne coûte rien aux parties. Elle
ne peut coûter de l'argent qu'au conseil, et si j'avais à choisir
entre, disons, renoncer à une intervention et permettre à un
organisme sérieux représentant certains intérêts de
faire valoir un point de vue, je préférerais mille fois qu'il
intervienne. Parce qu'après tout qui va payer? Ce seront les
professionnels. S'ils interviennent intempestivement, ce qui n'est pas leur
habitude, comme vous le savez, ce sont eux qui paieront les pots cassés.
Ce ne sera pas le public ni les parties au litige.
M. VEZINA: Juste une dernière question très courte. Etant
donné votre vaste expérience, vu que vous avez fait des travaux
pour la commission Castonguay-Nepveu, etc., concevez-vous je vous parle
comme avocat ou comme confrère qu'il existe au Québec une
corporation qui pourrait être soustraite au code des professions?
M. SHEPPARD: Disons que, comme avocat du Conseil interprofessionnel, la
question ne s'est pas posée. Je suis ici pour parler en son nom et ce
n'est pas le moment, je pense, de me poser cette question.
M. VEZINA: Dans l'économie générale, tout de
même, du bill 250.
M. SHEPPARD: Je pense que vraiment, si on me force à y
répondre, j'y répondrai. Je suis ici à titre d'avocat du
conseil et non pas à titre de membre de ma corporation. Mais les
recommandations du conseil parlent par elles-mêmes et vous n'y verrez pas
de recommandations qui aient des exclusions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Me Sheppard, est-ce que vous serez dans la
salle quand la question sera posée au Barreau quand il viendra?
M. SHEPPARD: D'abord, je ne sais pas quand elle sera posée, ni
par qui et je n'ai pas été invité.
M. PAUL: Le président vous fait une invitation!
M. LE PRESIDENT: Je pense que... M. VEZINA: Merci.
M. LE PRESIDENT: ... l'exposé est terminé maintenant. Je
crois que le ministre veut remercier la délégation qui est ici
aujourd'hui.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les
organismes membres du Conseil interprofessionnel et leurs porte-parole pour un
mémoire extrêmement clair, précis et qui sera utile
à la fois aux membres de la commission et au gouvernement. - Je voudrais
simplement ajouter que tantôt, sans le vouloir, j'ai interrompu Me
Sheppard au moment où nous avons parlé des critères que la
loi 65 aurait comportés pour la nomination de membres publics, et ce
n'était pas mon intention de le faire.
Je voudrais l'inviter ou inviter le Conseil interprofessionnel, s'il a
des suggestions à nous faire quant à des critères qui
pourraient être suivis ou utilisés, à nous transmettre ces
suggestions. Je m'excuse de cette interruption très involontaire de la
discussion. Je voulais simplement faire cette petite clarification et, encore
une fois, merci pour le mémoire et pour toutes les explications que vous
nous avez données.
M. FOURNIER: M. le Président, on m'informe qu'à la suite
des avis publiés dans les journaux, il y a trois mémoires qui
sont arrivés peut-être quelques jours en retard. Je demanderais
qu'ils soient inscrits dans la liste finale. Il s'agit de la
Fédération des médecins spécialistes, de la
Province of Quebec Ostheopatic Association et de la Corporation des chimistes
professionnels du Québec.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le consentement est accordé?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. La commission ajourne ses travaux
à demain, dix heures trente.
M. LABELLE: M. le Président, juste une seconde. Au nom du Conseil
interprofessionnel, moi aussi, de mon côté, je veux vous
remercier. Je veux remercier tous les membres de la commission de leur
invitation et de leur bonne attention. Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci. (Fin de la séance à 16 h 56)
Mercredi 1er mars 1972
(Dix heures trente-cinq minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Aujourd'hui la commission spéciale sur les corporations
professionnelles entendra le Collège des médecins et chirurgiens
de la province de Québec. Ils sont ici? Oui. Après ce sera la
Chambre des notaires. Sont-ils présents? Merci.
Collège des médecins et chirurgiens de
la province de Québec
M. GINGRAS: M. le Président, permettez-moi de me
présenter, Dr Gustave Gingras, président du Collège des
médecins de la province de Québec. Je suis accompagné des
membres de l'exécutif, Dr Harvey Barkun, Dr Raymond Benoît.
Egalement accompagné des cadres du collège: Dr Augustin Roy,
registraire; Dr André Lapierre, registraire adjoint; Dr François
Laramée; Dr Yves Leboeuf; de nos conseillers juridiques: Me Gaston
Pouliot, qui est accompagné de Me Payette.
M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés, au cours des deux dernières années le
Collège des médecins et chirurgiens de la province de
Québec, à de nombreuses occasions, a pris position publiquement
sur le sujet de l'organisation professionnelle, du rôle des corporations
professionnelles et de son propre rôle. Il l'a fait à l'occasion
de la parution de recommandations de la Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social. Il l'a fait également, devant
cette commission, lors de la discussion sur le projet de loi 65.
L'exécutif du Collège des médecins a fait une
tournée de la province pour exposer sa philosophie au plus grand nombre
possible de ses collègues et de ses membres et a reçu d'eux,
à cette occasion, un appui unanime. C'est fort de cet appui que le
collège a fait parvenir à cette commission les mémoires
basés sur sa philosophie, que vous avez sans doute reçus.
En premier lieu, le collège désire remercier les membres
de la commission parlementaire de lui donner une nouvelle occasion d'exposer
ses vues sur l'ensemble de la réforme qui est proposée au monde
professionnel. C'est un résumé des vues du collège que
nous voulons soumettre aujourd'hui, de manière que les membres de cette
commission puissent poser toutes les questions qu'ils jugeront
nécessaires.
Après le dépôt en Chambre du bill 250 et de chacun
des autres projets de loi constituant les bills 251 à 273, le
collège a dû arrêter son choix sur une de trois attitudes
possibles à adopter, compte tenu, bien entendu, de l'expérience,
de l'organisation actuelle et de la manière dont le collège
exerce présentement et actuellement le mandat qui lui est
confié.
La première attitude aurait été de demander de ne
pas être soumis au code des professions, d'établir une liste
exhaustive des raisons justifiant cette attitude et cette position et de faire,
devant cette commission, la démonstration de leur valeur. Une
deuxième attitude, peut-être plus astucieuse, peut-être plus
habile, aurait été d'accorder un appui total ou quasi total ou
presque total au code des professions, dans une déclaration publique,
pour ensuite prendre toute la latitude possible et requise pour s'en soustraire
ou s'en dissocier par le biais de la Loi médicale. Et enfin, le
collège a définitivement écarté ces deux
premières positions, ces deux premières possibilités et
opté pour une troisième qui est la suivante.
Dès le début de son mémoire, le collège se
déclare d'accord sur un code des professions différent du bill
250 et signale qu'il ne s'agit pas là d'un accord superficiel. Il
accepte le principe d'une loi-cadre complétée de lois
particulières pour l'organisation du monde professionnel et
désire y apporter sa contribution en proposant, pour ces lois, des
amendements qui suggèrent une philosophie de base différente et
rendrait le bill 250 applicable à l'ensemble des professions.
Le collège croit fermement que ces changements sont
nécessaires pour que le code des professions atteigne l'objectif
visé par le législateur, celui d'en faire une véritable
loi-cadre qui constituerait la première loi régissant les
corporations professionnelles de cette province. Le collège
réalise, par la somme de travail que cela lui a imposé, qu'en
adoptant cette troisième attitude, il a choisi la solution bien entendu
la plus complexe et la plus difficile. Il l'a fait en tenant compte de sa
principale raison d'être, celle d'être le protecteur du public.
Le collège a donc procédé à l'étude
du code des professions, de sa propre loi et de toutes les autres lois, tant
celles qui touchent les professions du domaine de la santé que les
autres. Il soumet des amendements qui lui paraissent fondamentaux et essentiels
pour donner au bill 250 l'économie d'une réelle loi-cadre pour la
rendre applicable, dans sa presque totalité, à l'ensemble des
corporations.
A la suite de cette analyse de chacune des lois qui ont
été déposées et des lois actuelles de chacune des
corporations, le collège a jugé nécessaire, M. le
Président, de rédiger sur sa réforme trois mémoires
distincts qui conservent tous trois leur importance, étant donné
que les lois qui seront adoptées à la suite du travail de la
présente commission engageront pour plusieurs années sans doute
la gestion des corporations en vue de la protection du public.
Etant donné qu'il n'y a pas eu de consultation préalable
avec le collège sur ces lois, nous considérons que le bill,
imposé par les règles de pratique concernant les commissions
parlementaires, n'est pas suffisant pour permettre une consultation valable sur
les bills 250 et 252, surtout que ceux-ci constituent la seule, unique et
sérieuse consultation.
D y a, dans les 260 pages des mémoires du collège sur les
bills 250 et 252, plusieurs points essentiels que nous devons expliquer pour
faire ressortir la nécessité d'apporter les amendements que nous
suggérons. Même si le troisième mémoire, sur les
autres corporations de la santé, est relativement court, il n'en garde
pas moins son importance parce qu'il engagera, entre autres, l'évolution
de la profession d'infirmière, les relations qui doivent exister entre
les professionnels dans l'exercice de certaines professions et parfois
même aussi la sécurité du public.
Nous demandons donc, M. le Président, le privilège de
présenter d'abord notre mémoire sur le bill 250, de
procéder à la période de questions et, par la suite, de
présenter notre mémoire sur le bill 252. Si le temps ne le permet
pas, nous demandons le privilège de revenir devant cette commission pour
présenter nos commentaires sur les autres lois.
M. le Président, nous apprécierions savoir, si la chose
est possible avant de commencer la présentation de nos mémoires,
si vous acceptez que nous procédions d'abord à l'étude du
bill 250 qui nous semble essentiel.
M. LE PRESIDENT: Dr Gingras, j'ai consulté le parti
ministériel et l'Opposition officielle, et je pense que le Ralliement
créditiste...
M. GUAY: D'accord.
M. LE PRESIDENT: ... et le Parti québécois sont d'accord
également sur votre façon de procéder pour la
présentation de vos mémoires. Nous procéderons comme s'il
y avait trois délégations distinctes: une sur le bill 250, une
sur le bill 252 et, pour le troisième mémoire, nous entendrons
vos commentaires sur les six ou sept bills qui y sont mentionnés.
Je suis certain que la commission va garder votre mémoire ici et,
quand les autres corporations vont venir étudier leur propre bill, elles
seront questionnées sur les recommendations et les commentaires contenus
dans vos mémoires.
Si on met le troisième mémoire de côté, vous
reviendrez chaque fois qu'un de ces bills sera présenté et cela
deviendra de la contestation entre les corporations. Or, ce n'est pas le but de
cette commission. A cette commission spéciale, les questions vont dans
une direction seulement, pas comme hier, et nous allons vous demander iici vos
commentaires. Nous ferons de même quand les autres corporations viendront
se faire entendre. Nous allons entendre trois mémoires de trois
délégations en vingt minutes et nous allons leur poser des
questions par la suite.
M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que nous pourrions savoir pourquoi le Parti
québécois n'est pas représenté ce matin pour un
bill si important?
M. LE PRESIDENT: Cela ne fait pas partie de mes attributions.
M. LAVOIE (Wolfe): Parce qu'après que tout sera fini ils vont
revenir avec de nouvelles questions et cela va allonger les débats.
M. PAUL: Pour enchaîner un peu sur ce qu'a dit mon
collègue, le député de Wolfe, cela serait peut-être
un peu gênant ou malhonnête d'imposer au Parti
québécois, vu son absence dans le moment, une liberté
d'expression ou de tenir pour acquis que ses représentants se rallieront
au consensus unanime qui existe actuellement autour de cette table. Il y aurait
peut-être lieu, lorsque la députation du Parti
québécois aura pris place et s'intéressera au projet de
loi, que nous posions la même question que vous nous avez
posée.
M. LE PRESIDENT: En temps et lieu.
M. GINGRAS: De toute façon, si vous me le permettez, nous
exposons maintenant notre point de vue sur le bill 250.
Code des professions
M. GINGRAS: Je voudrais, M. le Président, avec votre permission
et la permission des membres de la commission, faire une mise au point,
d'abord. Je désirerais, avant d'entreprendre l'étude du bill 250,
faire une mise au point au sujet du mémoire du Conseil
interprofessionnel qui a été soumis à la présente
commission et qui a été étudié hier, je crois. Nous
désirons aviser les membres de la commission que ni le Bureau provincial
de médecine, ni le comité exécutif du Collège des
médecins n'ont pris connaissance du contenu de ce mémoire avant
qu'il ne parvienne à la commission. Il n'a donc pas reçu
l'approbation officielle du Bureau provincial de médecine.
Après en avoir pris connaissance, le comité
exécutif du collège est heureux d'un certain nombre de
recommandations qui ont été faites dans ce mémoire, mais
il désire aviser les membres de la commission que plusieurs autres
commentaires et recommandations de ce mémoire ne concordent pas avec les
commentaires et les recommandations qui sont à l'intérieur de ce
mémoire que vous avez reçu.
Qu'il soit bien clair que la pensée officielle du collège
est contenue dans son propre mémoire et que pour autant que celui-ci
diffère de ce qui a été présenté par le
Conseil interprofessionnel du Québec le collège doit s'en
dissocier.
M. le Président, dans son mémoire sur le bill 250, le
collège a fait des commentaires généraux et des
commentaires particuliers sur les chapitres, sections et articles du bill et a
proposé, en conclusion, un projet de loi 250 amendé selon ses
recommandations.
Vous réaliserez, par la lecture comparative des deux textes, que
la compréhension et l'interprétation, dans l'annexe du
mémoire du collège, en son rendues, je crois, beaucoup plus
faciles.
Pour entreprendre l'étude du bill 250, nous désirons, si
vous me le permettez, discuter, dans un premier temps, de l'économie et
de la philosophie du code des professions proposé par le
législateur et du code des professions proposé par le
collège et, dans un deuxième temps, vous faire voir les
difficultés d'application du code proposé par le
législateur et faire valoir les solutions ou amendements
suggérés par le collège.
Etat donné, M. le Président et les membres de cette
commission, que l'analyse, la critique des diverses lois qui ont
été déposées, de même que la formulation des
amendements suggérés par le collège, sont le plus souvent
qu'autrement d'un ordre très technique, vous me permettrez de demander
à nos médecins-cadres de procéder à la
présentation des commentaires du collège.
Pour accélérer le processus des questions et
réponses, nous avons prévu que le docteur Yves Leboeuf
répondra à la majorité des questions que vous voudrez bien
nous poser. Merci, M. le Président, merci, MM. les membres de la
commission.
M. LEBOEUF: M. le Président, nous commencerons donc par quelques
commentaires sur la philosophie du code des professions.
Le collège constate que l'omniprésence de l'Etat se
manifeste tout au long du projet de loi 250, tel que déposé par
le législateur. A titre d'exemple, le lieutenant-gouverneur en conseil
nomme et paie les membres et les employés de l'office, nomme et paie les
administrateurs au bureau de chaque corporation, nomme et paie un
administrateur au comité administratif de chaque corporation, nomme et
paie le secrétaire du comité d'inspection professionnelle de
chaque corporation, nomme et paie le président et le secrétaire
du comité de discipline de chaque corporation, nomme et paie les
syndics, les syndics adjoints et les syndics correspondants de chacune des
corporations.
De plus, le lieutenant-gouverneur en conseil approuverait toute la
réglementation préparée par le bureau de chacune des 34
corporations, même celle concernant sa régie interne,
l'administration de ses biens et même la nomination de ses
employés. D'ailleurs, la liste de plus de vingt de ces contrôles
dont jouirait le lieutenant-gouverneur en conseil apparaît aux pages 11
et suivantes de notre mémoire.
Le collège considère que cette ingérence du pouvoir
exécutif dans l'ensemble de l'organisation professionnelle est abusive
et inacceptable.
Même la notion fondamentale d'autodiscipline ou du jugement par
ses pairs qui justifie en grande partie l'existence des corporations pour la
protection du public disparaît purement et simplement et cède la
place à un pouvoir parallèle de l'Etat et qui ne saurait
créer que confusion et ambiguïté et nuire ainsi au public
que l'on prétend protéger.
Si, dans ce bill 250, les pouvoirs et l'autorité du
lieutenant-gouverneur en conseil sont larges et clairement
déterminés, il faut réaliser que les pouvoirs et
l'autorité de la corporation sont limités par un cadre rigide,
entièrement contrôlé et présenté sous la
forme d'une liste dressée de façon exhaustive.
Le collège tient à noter que, relativement à
l'ingérence du lieutenant-gouverneur en conseil, le projet de loi 250 va
plus loin et de beaucoup que les recommandations de la commission
d'enquête sur la santé et le bien-être social, dans le
volume 7 de son rapport. En effet, en plus de ce qui était prévu
dans ce rapport de la commission, le projet de loi 250 ajoute, entre autres,
les contraintes suivantes: Le lieutenant-gouverneur en conseil nomme un
administrateur au comité administratif du bureau de chaque corporation;
le projet de loi ne laisse même pas le conseil d'administration de chaque
corporation décider de son mode de cotisation et prévoit par
ailleurs une mise en tutelle possible; le projet de loi oblige chaque
corporation à exercer la presque totalité de ses pouvoirs par
voie de réglementation et oblige de soumettre chacun de ses
règlements à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil
après un préavis de trente jours dans la Gazette officielle. Ce
préavis cependant n'est pas prévu pour les règlements que
le lieutenant-gouverneur en conseil, quant à lui, adoptera en vertu de
l'article 169 du même projet.
Contrairement au rapport de la commission Castonguay-Nepveu, le projet
de loi 250 prévoit un contrôle de l'organe disciplinaire de chaque
corporation. Le lieutenant-gouverneur en conseil, en effet, y nommera et paiera
le président, le secrétaire, le ou les enquêteurs ou
syndics et même désignera au comité d'appel le ou les juges
qui devront entendre cet appel. Le projet de loi 250 va même
jusqu'à prévoir que le lieutenant-gouverneur en conseil fixera
lui-même la procédure du comité d'inspection
professionnelle de chacune des corporations.
Tout ceci, est-il nécessaire de le répéter, est,
pour le collège, abusif et inacceptable. Le projet de loi 250
crée un Office des professions mais pas plus qu'il ne le faisait pour
les offices régionaux des Affaires sociales, dans le projet de loi 65,
il ne lui accorde, aux yeux du collège, ni le caractère
représentatif qui permette de le rendre acceptable au public et ne lui
donne pas les pouvoirs nécessaires pour assumer la fonction fondamentale
justifiant sa création, soit celle de surveiller avec efficacité
chacune des corporations professionnelles et de s'assurer que ces
dernières remplissent bien leur mandat.
Bien plus, à côté d'un Office des professions
faible, le projet de loi 250 institutionalise, en parallèle une autre
structure, le Conseil interprofessionnel, et dilue ainsi davantage la force de
représentation de ces deux organismes.
A l'encontre de cette philosophie qui ressort de façon
évidente de ce projet de loi, le collège recommande que l'Office
des professions prenne une valeur et une ampleur réelles et qu'il
devienne l'élément central de la réforme proposée
dans les nombreux projets de loi déposés devant la
présente commission.
Le collège insiste pour qu'à l'Office des professions,
dont il souhaite la création, le public soit représenté et
pour que cet organisme devienne pour la protection de la population
l'équivalent du Protecteur du citoyen dans le champ d'action des
corporations professionnelles. IL insiste également pour que le nombre
des membres de l'office soit augmenté de trois à sept, que le
public soit représenté parmi ces membres et surtout pour que le
rôle de surveillance des corporations que l'office aura à assumer
soit amplifié et clarifié par l'augmentation et des pouvoirs et
des moyens de surveillance mis à sa disposition. Le collège
considère que, selon la philosophie de base qu'il entend
développer, c'est l'Office des professions et non le
lieutenant-gouverneur en conseil qui doit nommer le ou les membres
appelés à siéger au bureau de chaque corporation et au
comité mis en place par chaque corporation pour étudier les
plaintes du public.
L'office pourra ainsi recevoir de ses représentants dans chacune
des corporations les rapports nécessaires pour assumer son mandat. Selon
le collège, l'office doit être autorisé à recevoir
aussi toute plainte du public à l'encon-tre de l'une ou l'autre des
corporations et doit avoir les pouvoirs nécessaires pour vérifier
le bien-fondé de ces plaintes et faire les recommandations
appropriées tant aux corporations qu'à l'Assemblée
nationale.
Enfin le collège considère que le rapport annuel de
chacune des 34 corporations devrait être envoyé non pas à
l'Assemblée nationale mais à l'Office des professions. Le rapport
annuel de l'office devrait alors faire la synthèse de l'ensemble de la
situation et des cas particuliers et être seul soumis à
l'Assemblée nationale. Le collège tient à souligner que,
s'il recommande d'amplifier le rôle de l'Office des professions et ses
pouvoirs, il s'oppose à ce qu'il déborde le rôle strict de
surveillance des corporations. D'aucune façon les pouvoirs de l'office
ne doivent se substituer à ceux qui sont du ressort de
l'Assemblée nationale, à ceux qui relèvent du
lieutenant-gouverneur en conseil ou à ceux qui reviennent à
chacune des corporations.
Le collège croit qu'avec un Office des professions ainsi
restructuré et revalorisé le lieutenant-gouverneur en conseil
pourra remplir dans l'application de cette réforme le rôle qui est
le sien, nommément d'approuver les règlements
édictés en vertu de chacune des lois et ainsi répondre de
leur conformité avec l'esprit de la réforme, d'assurer une
coordination de toute la réglementation du monde professionnel et de
faire modifier, le cas échéant, par l'Assemblée nationale,
les lois en vigueur qui ne répondraient plus aux besoins de la
société.
Le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait que
bénéficier, dans ce travail, des avis éclairés d'un
office des professions renforci.
En restant toujours sur le plan de la stricte philosophie qui doit
sous-tendre aux yeux du collège cette réforme, le collège
s'oppose à l'institutionnalisation du Conseil interprofessionnel tel que
proposé dans le projet de loi 250 et demande que les articles
référant à cet organisme dans ce projet soient
abrogés.
Le Conseil interprofessionnel existe actuellement et continuera
d'exister sans qu'il y ait lieu d'en faire une structure obligatoire
encadrée dans ce texte de loi. Le projet de loi 250 obligerait chaque
corporation à faire partie de ce conseil et à le financer, et
statue sur les matières où ces avis et recommandations seront
requis. Il lui impose l'obligation de faire un rapport annuel au ministre et,
par lui, à l'Assemblée nationale.
Le collège estime que ce conseil doit demeurer un regroupement
libre, qui décide librement de son organisation, de son financement, de
la nécessité et de la fréquence de ses interventions.
Passons maintenant à l'application même du code des
professions. Le code de professions tel que proposé sera d'application
laborieuse et difficile, tant à cause de sa lourdeur et de sa
complexité que de la rigidité des structures imposées.
Ainsi, des articles sur le même sujet sont dispersés dans le code.
Nous pensons ici, entre autres, à des articles qui relèvent tous
de la déontologie et qui sont pourtant répartis dans au moins
sept articles différents, allant des numéros 48 à 169.
Par ailleurs, de nombreux renvois d'un article à l'autre rendent
la lecture et la compréhension du texte extrêmement difficiles.
C'est le cas par exemple des quelque sept articles traitant de la question de
l'émission des permis d'exercice. De plus, environ 60 articles, qui ne
concernent que onze corporations à titre réservé sont
pourtant intercalés dans le texte du projet de loi, nuisant ainsi de
façon évidente à sa clarté. Le manque de
définition de certains termes risque d'entraîner une
incompréhension totale de certains autres articles, pourtant importants.
Un exemple à cet effet concerne la question du fonds d'indemnisation sur
laquelle les interprétations même farfelues sont possibles et
peuvent donner au public une fausse impression de sécurité. Le
code défend aussi à un professionnel de refuser ses services pour
des raisons de sexe ou d'âge, alors qu'en médecine il existe des
spécialités bien connues qui ne pourraient respecter de tels
articles.
Tel qu'ils sont prévus dans le bill 250, certaines structures et
certains mécanismes ne sauraient conduire, à certains moments,
qu'à un dédoublement des fonctions à remplir, au
détriment du résultat recherché et d'une manière
qui, à l'occasion, risque d'être ridicule.
Ainsi, faute d'un mécanisme de coordination prévu dans ce
projet de loi, il serait possible et plausible pour chacune des structures en
cause, agissant de son propre chef, de retrouver au même endroit et en
même temps, et ce n'importe où dans la province, un syndic qui
enquêterait sur une plainte contre un médecin, un comité
d'inspection professionnelle qui enquêterait dans le cabinet de
consultation de ce
médecin, un comité spécial de bureau qui
enquêterait dans l'hôpital où exerce ce médecin, un
enquêteur du gouvernement et un enquêteur du collège qui
poursuivraient chacun leur propre enquête pour vérifier s'il n'y
aurait pas eu exercice illégal ou usurpation d'un titre
réservé. Et tout cela au nom de la corporation, chacun ayant ses
dossiers différents.
Le code propose en plus des structures d'une rigidité
irréaliste, alors que les responsabilités que chaque corporation
doit assumer ne sont pas clairement déterminées. Ceci est
particulièrement évident dans le chapitre de l'inspection
professionnelle de la discipline et dans les articles concernant les syndics.
En effet, le code ne permet qu'un comité de discipline, alors que, en ce
qui le concerne, le Collège des médecins s'acharne depuis quelque
trois ans à faire comprendre à qui veut bien l'entendre que
l'existence d'un seul comité de discipline dans ses structures actuelles
a conduit à des délais importants dans le fonctionnement de son
organe disciplinaire et à un goulot d'étranglement qui, s'il ne
frôle pas le ridicule, va nettement à l'encontre de la protection
du public.
Le code prévoit aussi un seul comité dit d'inspection
professionnelle composé de trois personnes seulement pour
contrôler par lui-même l'exercice professionnel de tous les membres
d'une corporation et ce nonobstant le fait que certaines corporations ont 200
membres, alors que d'autres en ont 35,000, et nonobstant le fait que certaines
professions n'ont pas de spécialité, alors que la médecine
en présente 30 en plus de la pratique générale.
Cette rigidité dans les structures aux dépens des
fonctions ne permet pas de respecter les caractéristiques
particulières de chaque corporation et ce malgré la
déclaration ministérielle du Solliciteur général
lors de l'annonce de ce projet de loi. Le collège pourrait citer plus
d'une quinzaine des caractéristiques particulières que le code ne
respecte pas par sa rigidité et que des amendements appropriés
pourraient corriger tout en respectant l'esprit d'une loi-cadre.
En plus d'être complexe et lourd et d'imposer des structures
rigides, le code contient un certain nombre d'articles dont la formulation
n'est pas acceptable et un certain nombre de sections qui comportent des vides
importants. Ainsi le collège désire que le bureau de chaque
corporation conserve le pouvoir d'ordonner un examen médical d'un de ses
membres, comme le propose le projet de loi 250, mais n'accepte pas la
formulation de l'article 47 qui risque de conduire à l'arbitraire et
à l'injustice.
Le collège s'oppose, dans l'article 51, à ce que toute
admission dans une institution pour malades mentaux entraîne
automatiquement la radiation du professionnel concerné et que
l'attestation de sa guérison soit une condition sine qua non de la
réinscription de ce professionnel. Il considère ici qu'il doive
s'agir d'admission en cure fermée seulement et que l'attestation dont il
est question réfère non pas à une guérison, mais
bien à un retour à la santé compatible avec l'exercice
professionnel concerné.
Le collège demande l'addition d'un article qui protège le
secret professionnel et insiste pour que tous les professionnels et leur
personnel, de même que toute personne appelée à participer
à l'administration et au fonctionnement, tant des corporations que de
l'office, y soient tenus.
Dans le procédure de votation pour l'élection des divers
administrateurs au bureau de chaque corporation, le collège note entre
autres les omissions ou erreurs suivantes et propose les corrections dans son
mémoire. Rien n'est prévu en cas de contestation
d'élection. Rien n'est prévu pour une élection par
acclamation. Rien n'est prévu en cas d'égalité de votes.
Rien de précis n'est prévu pour déterminer qui a le droit
de voter. Rien n'est prévu de façon précise pour
déterminer quand les élus entrent en fonction. On ne
prévoit pas la possibilité d'élection partielle en cas de
vacance à un poste.
Dans le fonctionnement administratif de la corporation, certains points
sont expliqués longuement dans notre mémoire. Le collège
se demande pourquoi trois administrateurs sont requis pour convoquer une
assemblée spéciale de tout bureau, alors que certains de ces
bureaux compteront sept administrateurs en tout et d'autres trente et plus.
Il se demande également pourquoi prévoir un délai
de trente jours dans le convocation de toute assemblée
générale spéciale quand il peut être parfois
nécessaire et utile d'agir beaucoup plus rapidement. Il ne voit pas
pourquoi le code imposerait l'élection d'un nouveau comité
administratif à chaque année. Il ne voit pas pourquoi le code
oblige le comité administratif à une réunion aux six
semaines. Il ne voit pas pourquoi son rapport annuel doit aller à
l'Assemblée nationale.
Il considère, au contraire, que ce rapport doit être
destiné au ministre responsable de la corporation concernée et
à l'Office des professions qui, dans son rapport annuel, devra tenir
compte de ceux des 34 corporations.
Il ne voit nullement, non plus, la raison de permettre au
lieutenant-gouverneur en conseil de décréter la
vérification des livres et comptes des corporations. Cette fonction de
surveillance relève strictement de l'Office des professions qui,
d'ailleurs, comme l'a suggéré M. Rémi Paul hier, pourrait,
par un amendement à l'article 12, utiliser les renseignements recueillis
pour recommander, s'il y a lieu, une mise en tutelle au lieutenant-gouverneur
en conseil.
Il reste un dernier point à discuter et qui nous apparaît
être le deuxième en importance, après la création de
l'office: c'est celui du partage des pouvoirs et devoirs entre le
lieutenant-gouverneur en conseil, l'office et les corporations. Les articles
visés sont l'article 10, les articles 83 à 88 et les articles 168
et 169.
En premier lieu, les pouvoirs de l'office apparaissent faibles. En
second lieu, par ailleurs, le lieutenant-gouverneur en conseil décide
d'à peu près tout et, en troisième lieu, les corporations,
qui ont à peu près toute la responsabilité en vertu du
code, ont des pouvoirs non seulement limités, mais aussi strictement
encadrés et des obligations qui ne conviennent pas toujours à
toutes.
Les pouvoirs des corporations sont, d'abord, des pouvoirs
encadrés. Le code établit en effet un partage, par voie de
résolution à l'article 83 et par voie de règlements aux
articles 84 et suivants, des pouvoirs que chaque corporation pourra utiliser et
des devoirs qu'elle devra remplir. Pour une corporation,
bénéficier d'un pouvoir ou remplir une obligation, par voie de
résolution ou par voie de règlement, comporte une énorme
différence qui s'explique par l'article 88.
Cet article oblige toute corporation à soumettre chacun des
règlements qu'elle désire adopter à l'approbation du
lieutenant-gouverneur en conseil, et ce après un préavis de
trente jours dans la Gazette officielle. Si cette procédure est
compréhensible et acceptée par le collège, pour permettre
au lieutenant-gouverneur en conseil de s'assurer que ces règlements sont
dans l'intérêt du public, elle ne l'est pas pour certains des
pouvoirs prévus à l'article 87 qui n'ont nullement leur place
dans cet article et qui devraient être transférés dans les
pouvoirs que le bureau devrait déterminer par voie de résolution.
Ceci concerne toute la question de la régie interne de la corporation,
de l'administration de ses biens, de la rémunération de ses
membres, de la nomination, de la retraite et des conditions d'engagement de ses
employés.
Les pouvoirs des corporations sont aussi des pouvoirs limités. En
effet, les articles 83 à 88 élaborent une liste exhaustive des
pouvoirs et devoirs dévolus au bureau de toute corporation. Cette liste
étant exhaustive, les corporations ne pourront la déborder,
même devant une situation, urgente ou non, qu'il n'est pas possible de
prévoir actuellement. Si l'on veut que les corporations soient en mesure
d'assumer leurs obligations, même selon des modalités qu'il n'est
pas possible de prévoir, dans le moment, il est impensable de fixer dans
le texte même de la loi une liste exhaustive de leurs pouvoirs et devoirs
sans y ajouter une clause résiduaire qui leur permettrait de faire face
à différentes situations imprévues.
Enfin, M. le Président, les pouvoirs prévus à
l'article 83 imposent à chaque bureau, particulièrement au niveau
de la version anglaise, des obligations qui ne sauraient être
respectées par toutes les corporations. En effet, cet article impose
à chacune des corporations la publication de périodiques,
brochures ou information relatives aux activités de leurs membres, de
même que la formation des commissions. On voit mal la
nécessité de créer une telle obligation, à des
corporations dont le nombre de membres est très réduit.
L'article 83 oblige également toutes les corporations à
suggérer un tarif d'honoraires au lieutenant-gouverneur en conseil.
Encore ici, on voit mal la possibilité d'une telle obligation. Les
corporations devraient obtenir la possibilité et non l'obligation de
faire de telles suggestions. Une révision de cette répartition
des pouvoirs et devoirs s'impose donc.
A cause de tous ces points que nous soulevons dans notre mémoire,
nous devons dire quelques mots du code des professions proposé par le
collège.
Le collège propose un code entièrement amendé,
selon la philosophie explicitée plus haut, et rendu plus facilement
applicable selon les modalités trop brièvement
résumées dans ce qui précède. Ce code aurait les
caractéristiques suivantes et constituerait, selon le collège,
une véritable loi-cadre: 1) Le code serait divisé en deux
parties. La première partie serait applicable à toutes les
corporations et la deuxième concernant seulement les corporations
à titre réservé qui n'ont aucune autre loi pour les
régir. 2) L'Office des professions deviendrait un organisme
composé en partie de représentants du public et doté des
pouvoirs nécessaires à son rôle de surveillance des
corporations et par lequel le public se sentirait ainsi et
représenté et protégé. L'office ainsi
restructuré devrait mériter de la part de la population un
respect comparable à celui que s'est acquis le Protecteur du citoyen. 3)
Le rôle du lieutenant-gouverneur en conseil, dans l'application de la
réforme du monde professionnel, se situerait au niveau de la
coordination et de l'approbation des règlements de chacune des
corporations. De plus, grâce aux avis éclairés de l'office,
il pourrait soumettre à l'Assemblée nationale ses demandes
concernant les loi touchées par cette réforme et les amendements
requis pour la protection du public. 4) Le Conseil interprofessionnel
demeurerait une association libre comme il existe actuellement. Il pourrait
faire valoir son point de vue à tout moment jugé opportun et
garderait la latitude nécessaire pour décider et de son
organisation et de son financement. 5) Chaque corporation, sous la surveillance
de l'Office des professions tel que proposé et avec la présence
de représentants de l'office au bureau comme au comité
chargé d'étudier les plaintes reçues du public, pourrait,
avec les pouvoirs prévus dans un code amendé et, le cas
échéant, dans sa loi organique, assumer les
responsabilités qui lui seraient clairement attribuées. Ce
faisant, chaque corporation pourrait agir de façon efficace, sans
constamment être confronté avec la présence d'un pouvoir
parallèle à tous les niveaux de son organisation. 6) Les diverses
fonctions et responsabilités des corporations seraient précises
et communes à toutes. La structure, par contre, proposée par un
tel code des professions pourrait être appliquée par chacune
d'elles grâce à la souplesse qui lui serait donnée.
Le code ainsi amendé constituerait une véritable loi-cadre
statuant sur tous les points suivants: la constitution des nouvelles
corporations et les facteurs qui doivent alors être
considérés; les fonctions générales de toute
corporation; le principe de l'exercice exclusif et celui du titre
réservé; des dispositions communes relatives au mécanisme
d'émission des permis et d'inscription au tableau; à certains
pouvoirs du bureau quant à l'écart de santé d'un de ses
membres et quant aux limites de l'exercice de ses stagiaires; la composition du
bureau; la prodédure d'élection; le fonctionnement administratif
notamment quant aux réunions du bureau, quant au quorum, quant aux
assemblées générales, quant aux assemblées
spéciales, quant aux comités administratifs; les fonctions que le
bureau doit exercer par voie de résolution et celle qu'il doit exercer
par voie de règlement, de même que celles qu'il peut assumer tant
par voie de résolution que par voie de règlement; la
nécessité de soumettre à l'approbation du
lieutenant-gouverneur en conseil tout règlement selon le partage des
pouvoirs et devoirs suggérés; la vérification des livres
et registres de la corporation par l'Office des professions; l'obligation
d'assumer le contrôle de l'exercice professionnel tant de façon
systématique et préventive que sur réception de plaintes
ou demandes à cet effet et l'obligation pour toute corporation d'avoir
au moins un comité chargé d'assumer cette fonction; l'obligation
aussi d'un organisme...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, docteur. Je ne veux pas vous interrompre
intentionnellement, mais votre période de vingt minutes est
dépassée depuis presque dix minutes.
M. GINGRAS: Deux pages.
M. LE PRESIDENT: Deux pages. Vous avez trois mémoires, vous avez
droit à trois périodes de vingt minutes et il y a un
quatrième mémoire que nous voulons entendre aujourd'hui aussi.
C'est la raison pour laquelle je vous demande d'essayer de rester dans les
limites du temps qui vous est imparti, dans la mesure du possible.
M. GINGRAS: D'accord, M. le Président, ... l'obligation d'un
organisme disciplinaire rendu uniforme et décrit dans plus de 60
articles du code des professions; ce chapitre fait l'objet dans notre
mémoire d'ailleurs de nombreux commentaires et amendements qui ont pour
objectif de pallier les divers problèmes aigus vécus dans le
passé et de prévoir des pouvoirs additionnels des
dispositions générales nécessaires aussi pour que toute
corporation puisse assurer, de façon efficace, la répression de
l'exercice illégal et, enfin, un article sur les pouvoirs de
réglementation du lieutenant-gouverneur en conseil.
En conclusion, tel serait le contenu du code des professions
amendé dans le sens de nos commentaires. On voit facilement qu'il
devient ainsi une véritable loi-cadre à laquelle toutes les
corporations devraient être tenues de se soumettre.
Le collège a jugé utile et nécessaire d'annexer
à son mémoire sur le projet de loi 250 un code des professions
amendé selon ses recommandations, et ce pour chacun des 247
articles.
Le collège ne voulait pas se contenter, en effet, de soulever des
questions et des problèmes. Depuis plus de trois mois, il a
consacré une somme importante de travail à transposer ses
recommandations et ses remarques sous forme d'un texte de loi amendé. Le
collège sait fort bien que la compétence de certaines autres
corporations dans ce domaine serait beaucoup plus profitable que son
apport.
Ce n'est nullement, donc, pour paraître prétentieux qu'il
l'a fait, mais uniquement pour prouver à quel point il souhaite une
loi-cadre qu'il soit possible d'appliquer pour la meilleure protection du
public. C'est en se référant à ce code amendé,
général, homogène et applicable à toutes les
corporations que le collège, dans ses commentaires sur la loi
médicale, identifiera les particularités qui le concernent et
s'en tiendra à cela. Il est bien évident, cependant, que la
complémentarité de ces deux lois est telle qu'il devra en
être tenu compte dans toute rédaction finale.
En effet, si certains des amendements recommandés par le
collège pour le projet de loi 250 ne pouvaient être
apportés au code des professions, le collège insiste dès
maintenant pour qu'ils soient alors transposés dans sa loi organique et
permettent que l'ensemble de ces deux textes lui rende possible l'acceptation
de sa tâche. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci. Nous commençons la période des
questions avec le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier le
collège de ses trois mémoires. Comme j'en ai pris connaissance de
façon aussi attentive que possible et que nous avons eu l'occasion de
discuter hier certaines des questions soulevées dans ce mémoire
qui touche particulièrement au code des professions, je n'ai que deux
questions.
La première question, en fait, est un peu à titre
d'exemple parce qu'elle pourrait être formulée à l'endroit
des commentaires faits pour d'autres éléments de l'organisation
d'une corporation professionnelle. Je me réfère à ce que
le Dr Leboeuf disait en ce qui a trait à ce qu'il a appelé le
contrôle de l'organisme disciplinaire ou du comité de discipline
par le lieutenant-gouverneur en conseil. Du fait que le président et le
secrétaire du syndic peuvent être nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil et payés par lui, il y voit une perte
de leur indépendance. Comme c'est l'intention, dans ces projets de loi,
de pouvoir nommer au besoin
des présidents qui pourraient assumer la même fonction pour
une, deux ou trois corporations professionnelles, selon les cas, et se
spécialiser, c'est également l'intention, en faisant payer
directement par le gouvernement ces fonctionnaires fonctionnaires non
pas dans le sens strict de membres de la fonction publique ou ces
personnes, de leur faire jouer un rôle dans l'indépendance la plus
absolue. Je vois mal comment, si ces gens sont payés par les
corporations professionnelles et nommés par elles, ils seraient plus
indépendants, d'autant plus qu'une fois nommés par le
gouvernement ils n'auront à faire rapport, en aucun moment,
d'après aucune des dispositions de la loi, au lieutenant-gouverneur en
conseil.
Je pose cette question en ce qui a trait au comité de discipline.
Je ne vois pas dans le projet de loi ce qui peut motiver le genre de jugement
que l'on porte. J'aimerais entendre les commentaires du collège à
ce sujet-là.
M. LEBOEUF: II est exact, M. le ministre, qu'un des points qui nous ont
inquiété réfère aux diverses nominations du
lieutenant-gouverneur en conseil dans l'organisme disciplinaire. Ceci n'est
qu'une des raisons. Même si ce n'est que la première, elle
mérite un certain nombre de commentaires.
Etant donné le fondement même de ce que doit être
à nos yeux l'organe disciplinaire, c'est-à-dire le jugement par
ses pairs, le fait que le président ait un droit de vote nous
apparaît comme étant d'ailleurs imcompatible avec l'article 21 du
code des professions.
En effet, si un président, étant avocat, peut être
considéré comme ayant la compétence technique et
scientifique suffisante dans le domaine qui le concerne, nous voyons mal qu'un
avocat puisse porter jugement non pas sur ses pairs mais sur des professionnels
de diverses disciplines. Aussi, quant au président de l'organe
disciplinaire, y voyons-nous beaucoup plus une relation problématique
sur le droit de vote que sur le mode de nomination.
Cependant, le secrétaire du comité de discipline, quant
à nous, apparaît comme un officier de coordination que le
collège considère nécessaire de faire relever directement
du comité administratif et il considère nécessaire que sa
nomination soit faite par ce comité administratif.
Je peux, comme exemple, citer qu'au niveau du collège ce
secrétaire n'est même pas un médecin alors que le code des
professions, de façon assez rigoureuse, prévoit la nomination
d'un professionnel, membre de la corporation, comme secrétaire. Quant
à nous, nous avons considéré, avec l'expérience du
passé, que c'était mal utiliser le temps d'un médecin que
de le faire agir uniquement comme secrétaire.
Il y a aussi d'autres raisons qui nous ont fait être
extrêmement hésitants devant l'organe disciplinaire prévu
dans cet ensemble de la réforme. Considérant cet ensemble
d'articles, desquels j'extrairai certains exemples, et la déclaration
initiale qui parlait de conserver l'autodiscipline active des corporations, il
faut quand même résumer les divers niveaux d'action que le code
prévoit.
Le code lui-même fixe un certain nombre d'articles de
déontologie qui constituent des actes dérogatoires et il les fixe
dans un texte de loi commun à toutes les professions. Nous avons,
tantôt, fait ressortir un exemple de l'inapplicabilité d'un tel
article quant à la discrimination pour des raisons de sexe ou
d'âge.
Il y a là un réaménagement de pouvoirs
réglementaires sur la déontologie que nous recommandons dans
notre mémoire.
Il y a aussi cette question importante des syndics. Le problème
des syndics, à nos yeux, crée une véritable confusion dans
la compréhension du texte même du code des professions. Pour nous,
le syndic a une notion qui se réfère à celle existant dans
l'organisation du Barreau et de la Chambre des notaires. A la lecture attentive
de ces deux lois, il apparaît évident que le syndic, d'une part,
enquête, d'autre part, porte la plainte et, en troisième lieu,
agit comme procureur devant le conseil de discipline. Il apparaît aussi
évident que ces deux types de professionnels, avocats comme notaires,
ont la compétence pour agir aux trois niveaux mais ceci n'est pas le cas
quant aux professions autres que ces deux-là et particulièrement
quant au Collège des médecins, comme à toutes les
professions d'ordre paramédical. Il nous a semblé important de
bien distinguer entre la fonction d'enquêteur, qui relève, sur le
plan technique, de la compétence même de la discipline
concernée, et le rôle de procureur de la poursuite devant le
conseil de discipline, qui, évidemment, doit être dévolu
comme fonction à un avocat.
La confusion créée par le terme "syndic" utilisé
dans le code, quant à nous, ne permet pas de savoir exactement ce qui en
est. De plus, le rôle d'enquêteur prévu par les articles 115
et 116 pour le syndic crée à nos yeux un dédoublement avec
le rôle du comité d'inspection professionnelle.
Le fait pour des personnes nommées par le lieutenant-gouverneur
en conseil de devenir ipso facto les enquêteurs du collège sur
plainte reçue apparaîtrait, pour le collège, comme un
reniement de sa fonction principale, qui est celle de contrôler ses
membres. Si, d'une part, il nous apparaît que ces enquêteurs
doivent être nommés par le bureau et faire rapport au
comité d'inspection professionnelle, il nous apparaît aussi devoir
garder la possibilité que ce comité puisse orienter, diriger et
avoir le droit de citer quelqu'un en discipline et qu'à ce
moment-là la plainte soit inscrite par un autre individu, pas
nécessairement donc le même, et que la cause étant devant
le conseil de discipline, un troisième homme qui lui, appelons le syndic
si on le veut, soit le procureur de la poursuite, avocat, pour défendre
cette cause.
Un dernier commentaire, quant à l'organe disciplinaire, la
question de l'appel. Il y a, dans le projet du code, contrairement à ce
qui existe dans plusieurs lois dont la nôtre, un seul niveau d'appel
possible et un appel tant sur le fond que sur la forme. Nous nous
inquiétons du fait que, partant de la notion de jugement par ses pairs,
la décision dans le cas d'un appel sur le fond puisse être
laissée à trois juges qui, tout en étant
présumés omnicompétents, n'ont nettement pas la
compétence technique dans chacune des 34 disciplines visées par
les diverses corporations pour modifier non seulement des détails dans
les jugements ou même dans le verdict mais aller jusqu'à devoir se
prononcer sur des points d'ordre purement scientifique.
Je pense à la possibilité de limiter le droit d'exercice
d'un professionnel que des juges voudraient modifier. Et nous croyons que leur
compétence, à ce niveau, ne peut pas leur permettre de prendre
une telle décision. C'est la raison d'ailleurs, dans notre
mémoire, de la suggestion d'ajouter des assesseurs nommés
à l'avance, sur une liste préétablie par chaque
corporation.
M. CASTONGUAY: Aussi bien dans votre exposé que dans votre
réponse, vous avez touché un certain nombre de points qui ont
trait à la mécanique ou au rôle du président, du
secrétaire, des syndics, leur statut soit comme membres de la
corporation ou non, mais vous n'avez pas commenté l'aspect qui
m'apparaït aussi important, à savoir si le président du
comité de discipline est nommé par le lieutenant-gouverneur en
conseil, qu'il est payé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Comment
perd-il son indépendance et comment peut-on considérer que c'est
une ingérence du lieutenant-gouverneur en conseil par rapport à
sa nomination par le bureau et le paiement par la corporation? Ceci, à
mon sens, le lie autant et davantage à la corporation alors que, comme
je le mentionnais, il n'y a aucune obligation pour lui de faire rapport,
à aucun moment, de maintenir le moindre lien avec le
lieutenant-gouverneur en conseil au plan de sa fonction.
M. LEBOEUF: M. le Président, je pense, en premier lieu, avoir
noté tantôt que le point capital, même si l'autre n'est pas
négligeable, est le droit de vote accordé à ce
président.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse mais c'est le point que vous avez fait
ressortir dans votre mémoire et dans votre exposé. C'est pour
cela que j'insiste, c'est sur cela que vous avez mis l'accent.
M. LEBOEUF: L'accent a été mis sur le processus de
nomination, vu la philosophie générale qu'on a voulu
développer dans l'ensemble de notre mémoire, où on a voulu
faire une nette distinction entre la cogestion et la surveillance. Pour nous,
les corporations existent en vertu de lois qui sont actuellement
discutées; elles seront réglementées par des
règlements approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil et,
à l'intérieur de ce cadre établi, devraient avoir
l'autonomie pour fonctionner.
Par ailleurs, les corporations acceptent une surveillance d'un Office
des professions qui pourrait, à ce moment-là, aux yeux du public,
tant par sa composition que par ses pouvoirs, représenter
l'élément de surveillance qui évite la cogestion et qui
évite un processus de nomination de régime autre que de l'office.
Et si la nomination du président du comité de discipline avait
à être faite, selon le désir du législateur, non par
la corporation mais bien par un organisme de l'extérieur, nous
souhaiterions que cette nomination soit faite par l'Office des professions
pour, encore là, lui permettre d'avoir une vue plus
générale possible du fonctionnement de chacune des structures, de
chacune des corporations.
Je voudrais ajouter un commentaire, M. le ministre, sur le fait qu'il
est exact que nulle part dans le projet de loi il n'est question que les gens
nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil soient tenus ou
même qu'on suggère qu'ils puissent être tenus de faire
rapport. Cependant, la philosophie que nous avons développée,
quant à nous, voudrait que justement les gens qui sont nommés
à l'intérieur de la structure de chaque corporation par l'office
fassent rapport pour que l'office ait l'information suffisante de toutes les
corporations pour assumer son rôle de surveillance aux yeux du public et
pour le mieux-être de tous.
M. CASTONGUAY: Merci. Ma deuxième et dernière question a
trait à un aspect un peu plus particulier qui est soulevé
à la page 31 de votre mémoire et qui a aussi une portée un
peu plus générale parce qu'il touche à la perception qu'on
peut avoir du comité d'inspection professionnelle, du contrôle de
l'activité professionnelle. En vous référant à
l'article 52 vous voyez l'obligation de suivre un stage de perfectionnement, si
j'ai bien lu le sens de cet article, comme étant une mesure purement
disciplinaire. Normalement, si ma compréhension est bonne, le
comité de discipline va agir lorsqu'on trouvera par divers moyens, soit
à la suite d'une plainte, soit d'autre façon, qu'il y a un
manquement assez grave de la part d'un membre de la corporation, alors que
l'autre comité peut jouer un rôle beaucoup plus positif et
déceler certaines déficiences dans la pratique ou l'exercice de
la profession par un membre sans qu'il soit nécessaire de lui imposer,
par la voie d'une mesure disciplinaire, un stage de perfectionnement. Il nous a
semblé qu'il pourrait être extrêmement valable, positif,
utile pour la protection du public et aussi le maintien des connaissances
à jour des membres d'une corporation professionnelle de faire en sorte
que des stages de perfectionnement puissent être exigés pour le
maintien, par exemple, d'un permis de
spécialité ou encore même le maintien d'un permis
par la voie de ces stages de perfectionnement.
Alors, j'aimerais voir s'il y a vraiment malentendu ou si cette
philosophie ne vous apparaît pas acceptable et si elle n'apparaît
pas acceptable, pourquoi?
M. LEBOEUF: M. le ministre, l'article 52 prévoit deux
façons pour un médecin d'être obligé de suivre un
stage de perfectionnement. D'une part, le fait que le comité de
discipline en décide ainsi, et vous l'avez souligné, mais aussi,
d'autre part, des situations prévues par voie de règlement. Ici,
je vise le paragraphe i) de l'article 87 qui donne le pouvoir à toute
corporation d'établir des circonstances ou des conditions à
l'intérieur desquelles des professionnels qui s'y trouvent devraient
être obligés, mais de façon impersonnelle, à faire
un tel stage de perfectionnement.
La philosophie que nous avons voulu défendre ici est la suivante:
pour nous, le comité d'inspection professionnelle n'est pas et ne peut
pas devenir, dans les professions qui n'ont pas la compétence pour ce
faire, un organisme quasi judiciaire assurant au professionnel qui y
comparaît une défense pleine et entière tel que le
prévoit le comité de discipline. H nous a semblé
fondamental d'assurer au professionnel le droit absolu à une
défense pleine et entière avant de se voir imposer une telle
sanction. Aussi, si l'on se réfère plus loin dans le code,
verrons-nous un amendement apporté à l'article 106, lequel
article prévoirait justement que le comité d'inspection
professionnelle puisse recommander au bureau d'imposer un stage. Il nous semble
que, vu la non-garantie des mécanismes de fonctionnement d'un
comité d'inspection professionnelle comme étant quasi judiciaire,
le bureau doive se tenir dans les limites de ses pouvoirs et du respect des
droits de ses membres et recommander, sur la demande du comité
d'inspection professionnelle, un tel stage.
Si le professionnel ne s'y soumet pas, à ce moment le bureau
devra décider de l'orientation possible du cas devant le comité
de discipline, de sorte que le médecin peut donc directement se voir
imposer un stage tant par le comité de discipline que parce que faisant
partie d'un groupe qui, par le jeu des règlements, en est arrivé
au moment dans sa vie où il doive faire un tel stage, mais aussi se voir
recommander un tel stage par le bureau, quitte à ce que s'il le refuse
il puisse, par une défense pleine et entière, faire valoir ses
droits devant la seule structure prévue dans le code des professions
pour les corporations non compétentes en matière de droit.
Le médecin ou le professionnel serait ainsi assuré d'une
défense ainsi pleine et entière.
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on ne pourrait pas étendre tout ce
raisonnement et l'appliquer aux aspirants, aux candidats à l'exercice de
la médecine, lorsqu'ils passent un examen, qu'ils sont refusés ou
encore lorsqu'ils passent un examen en vue d'obtenir un permis de
spécialité?
M. LEBOEUF: Je m'excuse, M. le ministre, je ne comprends pas votre
question.
M. CASTONGUAY: Vous liez cette question-là à une question
de droit et de défense de la part du membre, si ses droits sont
brimés bu affectés. Alors, étant donné qu'il s'agit
d'une question de qualification qui doit être évaluée,
est-ce qu'il n'y a pas un certain danger, en vertu de ce raisonnement, de ce
parallèle que vous faites, de pouvoir élargir et dire: Pour les
candidats au permis d'exercice, s'il y a un échec à l'examen, on
peut reprendre le même raisonnement et l'étendre à ce
niveau?
M. LEBOEUF: Je suis d'accord sur le fait qu'au niveau des
étudiants ou des stagiaires un échec amène une reprise,
mais je ne vois pas l'analogie.
M. CASTONGUAY: Ce n'est pas sur le fait d'une reprise, c'est sur le fait
des droits de l'individu, parce que vous l'avez placé sur ce
point-là, si je comprends bien.
M. LEBOEUF: Le droit de l'étudiant et le droit du professionnel
qui s'est vu accorder une licence à vie me semblent différents.
Le retrait du droit d'exercer pour un professionnel, parce que l'article
implique une limite dans l'exercice, nous apparaît comme quelque chose
d'extrêmement sérieux.
M. CASTONGUAY: Vous le liez à une licence à vie qui
devient un droit à vie?
M. LEBOEUF: Dans les faits, c'est ce qui arrive. Cependant, M. le
ministre, si vous me permettez, je ne voudrais pas entrer dans le contenu de
notre autre mémoire, mais je peux me permettre, je pense, de dire que
quant à nous, nous demandons que le pouvoir réglementaire nous
soit accordé de limiter la durée de validité du permis et
de faire de cette durée-là une des normes prévues par
règlement et ainsi retoucher tous les professionnels en exercice.
M. CASTONGUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le Solliciteur général.
M. FOURNIER: Relativement à l'ensemble de votre mémoire,
relativement aux structures proposées, vous mentionnez qu'il y a une
omniprésence de l'Etat. Vous ne vous opposez pas à une
surveillance quelconque, mais vous ne voulez pas une cogestion, soit par l'Etat
ou par d'autres organismes. Pouvez-vous m'expliquer la teneur des nominations
au bureau et au comité
d'inspection alors que vous demandez que ces gens-là
dépendent de l'office lui-même?
M. LEBOEUF: II est exact, M. le ministre, que nous nous opposons aux
divers processus de nominations par l'Etat et que par ailleurs nous acceptons,
et sans détour, la surveillance de l'office, ce qui n'implique pas que
nous rejetions la cogestion. Nous acceptons la cogestion, mais avec les gens
mandatés par l'office et les gens représentant le public, tels
que choisis par l'office. Je peux peut-être ouvrir une parenthèse
et mentionner que notre texte ne nous apparaît pas à une lecture
ultérieure assez clair sur un point capital, à l'effet que les
membres qui seraient nommés par l'office, aux divers bureaux comme au
comité d'examen des plaintes, devraient ne pas être des
professionnels ou du moins, au minimum, des professionnels de la corporation
concernée. Pour nous, il y a là l'ouverture au public à
une cogestion et ces administrateurs au niveau du bureau auraient droit de
vote. Le rejet de la cogestion, dans sa théorie, n'est pas absolu; c'est
la cogestion avec l'Etat, l'Exécutif, le lieutenant-gouverneur en
conseil que nous rejetons, mais nous acceptons la cogestion avec les
représentants du public que l'office choisira.
M. FOURNIER: Relativement au comité d'inspection professionnelle,
est-ce que vous ne le faites pas agir en second lieu et non pas en premier
lieu? Il semble, suivant la rédaction de l'article 102 que vous faites
dans votre projet de loi, que vous mentionnez que c'est une
responsabilité du bureau. L'interprétant, on semble croire que le
comité arrive simplement en second lieu, que le bureau pourrait prendre
d'autres formules, je ne sais pas, éviter d'envoyer au comité
d'inspection professionnelle les cas requis.
M. LEBOEUF: M. le ministre, je pense que les fonctions de contrôle
relèvent du bureau et c'est le sens de l'article 102a) qu'à la
page 49 de notre mémoire nous soumettons. Si ces fonctions ne
relèvent pas du bureau, mais du comité, nous maintenons que c'est
là construire une corporation dans la corporation, puisque c'est le
rôle fondamental de la corporation. Le comité du bureau en
question est, par le texte des articles qui suivent, celui qui est
mandaté justement pour, au nom de la corporation, se charger de cette
triple fonction, mais la fonction relève de l'ordre en
général.
M. FOURNIER: Dans son ensemble, suivant ce que nous avons
présenté comme bill 250, est-ce que l'on ne devrait pas
constituer, en même temps, un bureau administratif de la corporation et
d'autres organismes qui auraient presque totale indépendance, suivant
une réglementation quelconque, pour faire l'inspection
professionnelle?
Ou bien prétendez-vous que ce comité-là doit
être une entité découlant nécessairement du
bureau?
M. LEBOEUF: Assurément, faute de quoi, à notre sens, il
n'y a aucune unité de direction possible dans l'administration de la
corporation. Il n'y a aucune coordination possible. Le rôle fondamental
de la corporation, c'est le contrôle de la compétence de ses
membres. C'est indiqué aux articles 21 et 27 du code.
M. FOURNIER: Est-ce que vous étendez ce principe au comité
de discipline aussi?
M. LEBOEUF: Non, le comité de discipline, dans la situation
actuelle des lois, quant à nous et, je pense, quant à plusieurs,
une fois nommé, est totalement autonome. Le comité d'inspection
est totalement autonome aussi. Si vous le remarquez, il dirige les cas en
discipline et il recommande des stages de formation professionnelle. Il est
autonome dans son fonctionnement, mais il fait rapport au bureau. C'est une
émanation du bureau. Faute de quoi, c'est une corporation
parallèle à une autre, l'une administrant et l'autre
contrôlant. Et ça nous parait impossible.
M. FOURNIER: Indépendamment du rapport qu'il fait au bureau, ne
croyez-vous pas que cette structure proposée du comité
d'inspection devrait être totalement indépendante, sauf une
certaine réglementation qui lui est donnée relativement à
la vérification périodique?
M. LEBOEUF: Là, je ferais une nuance, parce que dans les diverses
fonctions décrites à l'article 102a) que nous suggérons,
il y a deux types de fonctions. Il y en a une qui est de nature
systématique et préventive. L'orientation des résultats du
travail de contrôle à ce niveau est nettement reliée au
mandat général de l'ordre. C'est ce qui permet d'établir
des normes de contrôle, des normes d'exercice et des besoins en
enseignement continu. Ceci est nettement différent de l'étude
d'une plainte reçue à l'ordre. A ce moment-là, elle est
étudiée, analysée et la décision est prise au
comité d'inspection professionnel, le bureau se contentant d'être
informé de ce qui s'y passe.
C'est pourquoi dans notre loi encore là, je m'excuse de
l'ouverture nous allons suggérer le maintien d'une structure
double, justement pour laisser plus d'autonomie à ce comité
d'examen des plaintes si vous voulez l'appeler ainsi ou des cas
particuliers, mais relié directement au mandat général du
bureau et à sa supervision, celui de la révision
systématique.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je veux d'abord
souligner le travail du
Collège des médecins qui nous a remis trois
mémoires très élaborés et très bien faits.
Ils ont fait de la chirurgie, je pense bien, dans les projets de loi, surtout
le projet de loi 250, et ils ont peut-être mis le doigt sur des foyers
d'infection possibles, si la loi devait être adoptée telle que
proposée.
D'ailleurs, le ministre des Affaires sociales le reconnaît. En
aparté tantôt, il a dit: II est bon que les médecins
fassent de la législation. Cela incitera peut-être le Barreau
à poser un diagnostic, à un moment donné, devant la
commission.
Vous faites d'excellentes suggestions. Même si nous ne sommes pas
d'accord sur toutes les suggestions, il y en a certainement qui vaudront la
peine d'être retenues. J'ai noté l'intérêt
particulier des deux ministres tantôt sur certains points
extrêmement importants. Je retiens une évidence on l'a
mentionnée hier c'est que la disposition du code des professions
y gagnerait à tenir compte de certaines suggestions que vous faites,
d'un agencement peut-être différent et d'un regroupement de
certains articles.
Cela, je pense que c'est évident et les législateurs ne
tiennent pas mordicus à cette présentation initiale. D'ailleurs,
vous l'avez mentionné, on le dira tantôt dans votre projet de loi
252, on a retenu votre présentation, les titres, l'ordre de
présentation, mais on a changé légèrement le
contenu, vous l'avez dit dans votre mémoire sur l'autre projet de loi,
la Loi de médecine.
Il y a des points importants sur lesquels nécessairement on est
d'accord au départ. J'y viens, M. le Président, c'est pour
préfacer ma première question. Les points sur lesquels on est
d'accord, c'est que l'étude de la commission permettra d'alléger
un peu le code des professions et surtout les structures qui sont
proposées, de manière à pouvoir rejoindre les objectifs.
Mais si on est d'accord sur plusieurs points que vous avez proposés, il
y a une chose qui me surprend un peu, c'est votre désir que le Conseil
interprofessionnel ne soit pas institutionnalisé, mais qu'il soit
plutôt volontaire.
On sait que, dans bien des lois, dans la plupart des législations
il y a ce conseil consultatif, qu'on prenne les lois des ministères ou
les différentes lois, il y a ce genre de conseil qui apporte une
contribution, je crois, extrêmement importante, dans la vie et
l'administration d'un organisme. Alors il y a une heureuse coincidence et
ça me surprend d'autant plus que vous fassiez cette affirmation à
l'effet que le président du Conseil interprofessionnel soit à la
fois le registraire du Collège des médecins. Je me demande si
vous ne pourriez pas peut-être expliquer cela davantage. Moi, je vois des
avantages à ce que ce soit reconnu par la loi, que toutes les
corporations professionnelles en fassent parties, qu'elles aient un mandat
absolument consultatif. Elles auraient beaucoup plus de marge de manoeuvre que
l'Office des professions à qui on désigne certaines
responsabilités précises et à qui vous voulez qu'on
délègue d'autres responsabilités. Je voudrais vous
entendre parler un peu plus sur le Conseil interprofessionnel et sur votre
réticence à le voir reconnu comme un organisme qui, s'il n'a pas
de pouvoirs, du moins a liberté de manoeuvre pour faire des
recommandations et assister les autres organismes créés par la
loi.
M. LEBOEUF: Avec plaisir, M. le député. Le Conseil
interprofessionnel, il faut bien le réaliser, ç'a
été souligné hier, il existe déjà. Il existe
déjà et il a produit dans le passé, dans les sept
années de vie qu'il a eues, un certain nombre de travaux qui, je pense,
ont retenu l'attention des législateurs. Il nous semble inutile de
l'institutionnaliser dans la loi. D'abord, nous voulons respecter la
liberté d'association qui est sous-jacente à l'existence actuelle
de ce conseil et laisser chacune des 34 corporations actuelles proposées
libres d'adhérer ou non à ce conseil.
Par ailleurs, pour être bien sûr que chacune d'entre elles
aient la latitude d'en faire partie, il nous semble, et je me dois de le dire,
que les lettres patentes, la charte de cet organisme devrait prévoir
comme seul critère d'admissibilité le fait d'être une
corporation couverte ou régie par le code des professions, et ensuite
d'en faire la demande. Mais la deuxième partie nous apparaît
importante, pour le respect de la liberté d'association de chacun.
L'autre aspect est l'aspect financier. Nonobstant toute formule qu'on
pourra proposer de financement d'un tel conseil, il ne nous semble pas utile,
au contraire, d'imposer la participation de toutes les corporations, puisque,
indirectement, on leur impose aussi le poids financier à prorata x ou y
de son organisation. Et en plus, les intérêts de chacune des
corporations dans la liste des 34 prévues dans l'annexe 1 du code nous
laissent un peu perplexes sur les intérêts très
diversifiés que chacun de ces groupements-là peut vouloir
représenter. Et il nous semble que, de toute façon, le droit de
libre association va créer la double situation suivante: d'une part nous
aurons, si le code reste tel quel, un Conseil interprofessionnel
institutionnalisé, dans la loi et, par ailleurs, des regroupements
autour d'intérêts communs de corporations partageant, par
intérêt, des opinions à faire valoir sur des points
communs.
Les points communs sont extrêmenent ténus entre les
extrêmes de la liste des 34 corporations. Je pense qu'hier le Conseil
interprofessionnel en a fait un peu la démonstration.
Par ailleurs, le danger, quant à nous, de voir apparaître
dans le texte même de la loi ce Conseil interprofessionnel, c'est d'en
faire le consultant officiel et ce, à plusieurs niveaux. Le Conseil
interprofessionnel est prévu comme devant être consulté sur
quand même pas mal de points du projet de loi. Il ne nous apparaît
pas possible que ce consultant-là puisse, en toute occasion, donner un
avis qui représente l'unanimité des corporations
intéressées et
ayant toutes un droit de vote égal. En plus, il nous semble que,
renforcissant l'Office des professions comme nous le recommandons, ce rouage
apparaît comme un rouage additionnel susceptible d'allonger les
délais. Nous avons développé une certaine allergie
à cette bureaucratisation inutile et nous insistons, pour toutes ces
raisons, pour le maintien d'un Conseil interprofessionnel libre avec cette
seule modification que le critère d'admission devrait être
élargi pour y permettre l'entrée de toutes les corporations
régies par le code.
M. CLOUTIER (Montmagny): Serait-il exagéré de souligner
qu'en médecine une allergie peut se soigner?
M. LEBOEUF: Parfois.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je retiens un autre commentaire que vous avez
fait. IL y a des intérêts communs à certaines professions,
c'est évident, mais je vois bien, à l'intérieur du Conseil
interprofessionnel, des présidents des corporations ou des
représentants des corporations qui ont des intérêts plus
communs se réunir à l'intérieur d'un sous-comité,
comme on le voit dans d'autres organismes, pour discuter de ces points
d'intérêt commun.
Les professions juridiques pourraient se réunir, les professions
de la santé pourraient étudier particulièrement certains
points. Disons que vos arguments sont susceptibles d'être
considérés mais je pense bien qu'il y aurait certains avantages
à ce que les corporations puissent avoir un autre endroit de
consultation, de dialogue. On parle souvent de formation d'équipes
multidisciplinaires dans différents secteurs. Je pense que plus on
créera de ces occasions où il y aura la possibilité
d'échanger et de former ces équipes multidisciplinaires, mieux
ça vaudra. Je pense qu'il ne faudrait pas rater cette chance. De toute
façon, on aura l'occasion, avec chacune des corporations, de poser la
question.
M. LEBOEUF: Est-ce que je puis ajouter un mot, M. Cloutier? Nous ne
voulons pas abolir le Conseil interprofessionnel, au contraire. Nous pensons
même que sa force sera d'autant plus grande que l'adhésion de ses
membres sera laissée libre. La discussion à laquelle nous avons
assisté hier nous a convaincus de certaines subtilités
importantes quant à savoir si le conseil représente les
corporations ou représente les délégués. Je pense
que la mise au point que nous avons dû faire ce matin, quant à
nous, comme corporation, nous laisse songeurs sur le mandat ou la
représentativité d'une réunion de
délégués.
Nous préférons laisser, à l'intérieur d'un
regroupement libre, le jeu démocratique se faire. Il s'est fait dans le
passé et je pense qu'il n'y a pas de raison de penser qu'il ne se ferait
pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'autre point important que je voulais
souligner au Collège des médecins...
M. LE PRESIDENT: J'espère que c'est une question...
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une question.
M. LE PRESIDENT: ...pas un commentaire, parce que si on commence
à faire des commentaires, chacun des députés de la
commission aura des commentaires et on ne finira jamais. Les nouveaux
règlements insistent sur le fait que ce sont seulement des questions.
Les commentaires doivent venir de l'autre côté de la barre.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je terminerai ces
quelques mots par un point d'interrogation. Sur le point particulier de
l'exercice pour cause de santé, l'exercice de la profession par le
professionnel pour raison de santé, vous avez parlé de cure
fermée.
Est-ce que dans le cas du médecin qui sera appelé à
se prononcer sur la capacité de n'importe quel professionnel d'exercer,
les dispositions du projet de loi vous paraissent suffisantes? Est-ce que vous
pourrez davantage assumer de responsabilités dans ce secteur?
M. LEBOEUF: Je pense qu'il y a deux articles touchés par cet
aspect. Il y a l'article 51, qui est le plus simple, où on parle de la
radiation automatique pour l'admission dans une institution pour malade
mentaux. Nous avons tantôt fait valoir notre point quant à
l'importance de parler de cure fermée, le point le plus important, et
l'autre dans cet article, soit celui de l'attestation d'une guérison. Il
nous apparaît que la psychiatrie ayant évolué, il est
même bon pour le traitement du professionnel comme de tout malade sous
traitement psychiatrique de reprendre sinon la totalité, du moins une
bonne partie de ses activités durant le traitement avant même que
le psychiatre ne puisse de toute façon et honnêtement attester
d'une guérison.
L'autre aspect de votre question est touché à l'article 47
quant aux pouvoirs du bureau d'ordonner une enquête sur l'état de
santé de ses membres. Nous avons suggéré un amendement
assez important à cet article pour certaines raisons. La première
et la plus importante, c'est que l'article se réfère à une
liste d'états physiques ou psychiques incompatibles avec l'exercice de
la profession. Nous pensons qu'à l'exclusion des médecins et de
ceux qui ont une compétence dans le domaine du diagnostic, il serait
impossible pour les autres corporations de dresser une telle liste. Or,
réfléchissant quant à nous, avec la compétence que
nous avons, nous avouons humblement l'impossibilité de dresser à
l'avance une telle liste. Nous pensons devoir
plutôt déclarer un principe déontologique
obligatoire et régler les cas particuliers.
En deuxième lieu, nous insistons pour que le bureau ne puisse
ainsi ordonner un examen médical qu'après une enquête et
non pour des informations reçues par téléphone ou par
lettre anonyme, encore là pour protéger le droit de l'individu.
Nous insistons sur le fait que le professionnel, à qui un tel examen
médical est demandé par son bureau, soit quand même libre
de le refuser et libre aussi de refuser les recommandations des médecins
qui auraient un rapport à faire au bureau mais, cependant, pourraient
avoir à répondre de son refus de l'une ou de l'autre des deux
solutions devant le comité de discipline qui, je le
répète, est dans notre système à nous et dans celui
de la majorité des corporations le seul endroit où la
défense pleine et entière est assurée.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Vous avez reconnu le droit d'intervention de l'Etat dans le
fonctionnement des corporations. Vous avez demandé également que
le public participe davantage. Il reste que, dans vos réponses aux deux
ministres tout à l'heure aussi bien que dans votre exposé, vous
semblez témoigner d'une grande inquiétude quant à ce qui
concerne ce que vous avez appelé un pouvoir parallèle. On sent
que cette inquiétude court en filigrane dans une grande partie de vos
interventions. Est-ce que vous pourriez préciser davantage votre
inquiétude quant à l'existence de ce pouvoir parallèle et
quant à l'intervention de ce pouvoir parallèle aux
différents niveaux de votre action, que ce soit dans les
procédures, que ce soit dans les fonctionnements de vos
sous-comités et aussi que ce soit dans l'esprit dans lequel vous
concevez une corporation
M. LEBOEUF : Ce pouvoir parallèle, on le retrouve à tous
les niveaux de la structure prévue dans le code des professions et il
nous semble que l'ensemble de ces divers éléments va conduire
tantôt à une situation nettement chaotique qui va à
l'encontre d'une administration saine.
Vous avez parlé de procédures. Je pense
immédiatement au comité d'inspection professionnelle dont le
secrétaire et ce n'est pas un poste à dédaigner au
point de vue administratif et pour fins de coordination de tous les travaux
d'une corporation comme de tout groupement serait nommé par
l'extérieur. La même chose au niveau de l'organe disciplinaire, le
secrétaire serait nommé par l'extérieur.
Il nous semble qu'à ce moment-là, le pouvoir
parallèle étant là, le secrétaire peut
développer un système administratif tout à fait autonome
sur lequel le comité exécutif administratif ou le bureau, le cas
échéant, n'aurait que très peu d'autorité. En plus,
tout le pouvoir de réglementation nous inquiète. Certains
règlements sont prévus à l'article 169 comme devant
être fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil après
consultation et nous voyons une nette nuance avec les règlements que la
corporation recommanderait au lieutenant-gouverneur en conseil, pour
approbation. Nous voyons cette nuance essentielle et importante dans les
domaines où justement chaque corporation a des particularités
propres.
Je ne sais si j'oublie des choses sur le pouvoir parallèle, je
pense avoir donné un certain nombre de points.
M. LAURIN: Dans les organismes prévus et leurs relations, nous
nous trouvons en présence de trois organismes qui sont l'Etat ou ses
mandataires. Il y a le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, il y
a l'office qui est aussi un mandataire de l'Etat et il y a également la
corporation qui est un mandataire de l'Etat. Etant donné que l'Etat est
représenté à trois niveaux, concevez-vous la
répartition des rôles de l'Etat à travers ces trois
organismes pour que l'on puisse aboutir à un fonctionnement rationnel,
logique et harmonieux?
M. LEBOEUF: Pour nous, M. le Président, l'Etat, si on veut le
rendre synonyme, en l'occurrence, du lieutenant-gouverneur en conseil, son
rôle dans toute cette réforme, et à la lumière des
lois acceptées par l'Assemblée nationale, est d'assurer une
réglementation conforme à l'esprit de la réforme et une
coordination de toute cette réglementation du monde professionnel. C'est
là, il nous semble, son rôle et son unique rôle dans le
tout.
Par ailleurs, c'est aussi le même Etat qui crée un office
des professions. Les commentaires faits antérieurement veulent que, si
une telle création est jugée bonne, il faut quand même lui
permettre d'agir. Pour nous, l'Office des professions ne doit rien
décider mais doit avoir toute la latitude nécessaire pour
surveiller et faire au lieutenant-gouverneur en conseil des recommandations
pertinentes qui pourraient, éventuellement, amener des amendements
à certaines lois et, possiblement aussi, le retrait de certains
privilèges à certaines corporations. La corporation, quant
à elle, à l'intérieur de ces lois adoptées, de ces
règlements approuvés, sous la surveillance active d'un Office des
professions, et avec l'aide du public, doit pouvoir administrer. C'est le
raisonnement de base que nous tentons de soutenir dans tout notre
mémoire pour situer les trois éléments que vous avez
soulevés, chacun à son niveau propre d'action, dans le respect
les uns des autres, de l'autorité et des responsabilités de
chacun.
Le mot de la fin, je pense, sur cela, quant à moi, se
résume ainsi: quel que soit le niveau considéré, il faut
que l'autorité décernée soit de pair avec la
responsabilité et s'il y a à l'office une responsabilité
de surveillance, il faut les
pouvoirs pour que l'office en réponde. De même, si les
corporations ont une responsabilité de protection du public, il lui faut
le pouvoir pour en répondre.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: Si je comprends bien, docteur, le Collège des
médecins désirerait obtenir l'autonomie complète quant
à l'engagement et au paiement des employés chargés de
l'application du code de déontologie. Jusqu'à quand le
collège assumerait-il ces responsabilités et quand demanderait-il
à l'Etat d'intervenir comme, par exemple, dans le cas du coût des
enquêtes? Le collège serait-il prêt à assumer tous
ces frais ou ne viendrait-il pas, quelquefois, à la rescousse de l'Etat
pour l'aider à défrayer le coût de ces enquêtes?
M. LEBOEUF: M. le Président, tout d'abord, je me dois de dire que
le collège a toujours assumé ces frais d'enquête et a
effectivement dû doubler la cotisation de chacun de ses membres il y a
à peine un an pour assumer les obligations qu'il a perçues comme
beaucoup plus nettes dans son rôle.
M. PAUL: Excusez-moi, est-ce que le collège n'a pas
déjà demandé à l'Etat de l'aider dans le coût
de ses enquêtes?
M. LEBOEUF: Non, quand le collège a demandé à
l'Etat une aide dans une enquête en particulier, c'est que l'objet de
l'enquête débordait les responsabilités de la corporation
et que les pouvoirs prévus par l'article 61 de la Loi médicale
actuelle ne nous permettaient pas d'empiéter sur un domaine où
nous n'avons aucune juridiction. Je me réfère
particulièrement ici je pense que c'est ce à quoi vous
référez à l'enquête
décrétée à l'hôpital Saint-Louis de Windsor
où le collège a, après une préenquête, senti
que le problème posé débordait, et de beaucoup, le
contrôle déontologique de ses membres et a demandé l'aide
de l'Etat pour que l'enquête se fasse de façon complète et
exhaustive pour la protection du public de la région. Je pense,
d'ailleurs, que le ministre des Affaires sociales est particulièrement
bien informé des relations de plus en plus étroites, sous le
signe d'une collaboration de plus en plus positive, qui s'installent entre le
ministère et le collège et de la recherche d'un partage des
responsabilités non seulement à la satisfaction des deux parties,
mais surtout pour la protection la plus parfaite du public.
M. PAUL: Je vous remercie.
M. CASTONGUAY: Depuis avril 1970.
M. LE PRESIDENT: On ne parle pas de politique ici.
M. CLOUTIER (Montmagny): On en avait parlé avant ça.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres députés qui ont des
questions à poser? Nous pouvons maintenant commencer le
résumé sur le bill 252; cela nous laisse exactement vingt minutes
avant la suspension pour le lunch.
Loi médicale
M. GINGRAS: M. le Président, nous demanderons peut-être
votre indulgence. Le bill 252, que nous allons maintenant discuter, est, en fin
de compte, le bill le plus important en ce qui nous concerne.
M. LE PRESIDENT: Dr Gingras, si c'est nécessaire de prolonger les
vingt minutes, nous aurons le consentement des membres de la commission. Je
constate qu'il reste seulement vingt minutes maintenant.
M. GINGRAS: Oui, nous pouvons tout de même commencer, si vous
voulez, M. le Président. Je demanderai au Dr Lapierre qui est notre
spécialiste du bill 252, de bien vouloir vous présenter nos
remarques.
M. LAPIERRE: M. le Président, messieurs les
députés, le Collège des médecins et chirurgiens de
la province de Québec répète depuis trop longtemps que sa
loi médicale est désuète pour ne pas être heureux
qu'une nouvelle loi médicale soit enfin sur le point d'être
promulguée.
Notre premier commentaire porte sur la nécessité de
corriger une omission dans la définition de l'exercice de la
médecine, proposée à l'article 26 du bill 252. En effet,
il n'y est pas fait mention de prévention, élément
indissociable de l'exercice même de la profession médicale.
Méconnaître ce fait revient à nier l'exercice même de
la profession médicale. Méconnaître ce fait revient
à nier l'exercice même de la médecine ou à faire
montre d'une connaissance erronée de ce qu'est l'exercice de cette
profession.
Notre deuxième commentaire a trait à la
nécessité de rendre les fonctions et pouvoirs
généraux de l'ordre des médecins plus explicites,
notamment quant au droit de l'ordre d'ester en justice et quant à la
surveillance qu'il doit exercer sur l'acquisition et le maintien de la
compétence de ses membres, sur leur conduite professionnelle, sur
l'honneur et la dignité de la profession médicale.
La mention de ces fonctions et pouvoirs généraux au
début de la Loi médicale sera l'indice clair et précis du
désir du législateur de ne pas limiter le rôle de l'ordre
des médecins à un plan strictement disciplinaire et
répressif. Elle permettra, au surplus, d'obtenir l'adhésion
positive de chaque médecin à sa corporation, adhésion
basée sur une motivation réelle et sur
un désir de participation essentielle à son
fonctionnement.
Notre troisième commentaire porte sur la composition du bureau de
l'ordre. En plus des deux administrateurs qui, nous le suggérons,
devraient être nommés par l'office, le collège demande la
présence de quatre administrateurs nommés par les facultés
de médecine du Québec. Cette particularité dans la
composition du bureau de l'ordre est essentielle. Un très grand nombre
de décisions, de règlements ou de résolutions doivent
être constamment élaborés en collaboration avec les
facultés de médecine et il est difficile de fonctionner sans leur
présence à part entière.
Qu'on pense, entre autres, à toutes les formalités ou
conditions qui sont reliées à l'immatriculation des
étudiants, à l'obtention du permis ou du certificat de
spécialiste, à l'inscription au tableau ou à l'un des
registres.
Qu'on pense à la détermination des normes
d'agrément des milieux de formation et à l'agrément de ces
milieux au mode d'évaluation de la compétence de chacun des
candidats avant l'émission d'un permis ou d'un certificat de
spécialiste, à la limitation des activités
professionnelles imposée aux stagiaires en formation, à
l'approbation des programmes d'études médicales, à
l'organisation d'un enseignement continu qui réponde réellement
aux besoins perçus à travers la province et à
l'émission de permis temporaires aux professeurs des diverses
facultés de médecine. Tout ceci ne saurait se faire sans la
présence au bureau de représentants des facultés de
médecine.
Question d'études, notre quatrième commentaire a trait aux
études médicales et porte sur la nécessité de
clarifier d'une manière réaliste les responsabilités du
collège à chacune des étapes allant des études
médicales jusqu'à l'obtention du permis ou du certificat de
spécialiste.
Un mot des programmes. Le collège demande que les divers
programmes d'études médicales soient soumis à son
approbation pour les raisons suivantes. En médecine, le terme
"études" implique obligatoirement des stages en milieux hospitaliers ou
autres. L'évolution de l'enseignement de la médecine au cours des
15 dernières années fait que les stages de formation
professionnelle commencent de plus en plus tôt au cours des études
médicales. De plus, tout stage, qu'il soit ou non exigé par
l'ordre, implique un contact avec les malades et engage l'ordre des
médecins aux yeux du public. Pour le public, en effet, tous les
stagiaires, qu'ils soient étudiants de deuxième, troisième
ou quatrième années, ou des résidents en formation, sont
des docteurs ou des apprentis docteurs. Les stages effectués au cours
des études médicales ne sont pas différents et ne peuvent
donc pas se séparer de ceux qui peuvent être exigés par
l'ordre à la fin des études. Au surplus, ces deux types de stages
s'imbriquent les uns aux autres de façon fort variable selon la
faculté de médecine concernée, selon les ressources
hospitalières du milieu où ils sont effectués, voire
même selon le programme qui est prévu pour chaque étudiant
ou chaque groupe d'étudiants. Le législateur semble
lui-même convenir de ce fait puisque le bill 252 oblige les
étudiants en médecine à s'immatriculer à l'ordre
des médecins avant d'effectuer tout stage de formation
professionnelle.
De ces diverses remarques découle l'alternative suivante. Ou bien
le contrôle s'exercera avant l'obtention du diplôme universitaire
et dans ce cas l'ordre doit approuver les programmes d'études pour
s'assurer qu'ils sont conformes à des normes minimales. En effet, pour
s'assurer de l'acquisition de la compétence de ses futurs membres,
l'ordre doit approuver le programme qui précède l'obtention du
diplôme. Ce faisant, il reconnaîtrait alors ce diplôme
conforme aux normes établies avant qu'il ne soit validé par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Ou bien, deuxième conséquence
possible, le contrôle de l'ordre des médecins ne s'exercera
qu'après l'obtention du diplôme universitaire. Dans ce cas, le
législateur devra l'indiquer à l'article 28 de la Loi
médicale aussi clairement qu'il l'a fait dans la Loi du notariat et
spécifier que les stages se font après l'obtention du
diplôme.
Le collège se doit cependant de faire remarquer qu'en agissant
ainsi le législateur accepterait d'effectuer un recul de quinze ans,
nonobstant l'évolution de l'enseignement médical. Il risquerait
également de prolonger l'accès au permis tout en brisant la
continuité et la progression de la formation professionnelle de chaque
candidat.
C'est donc avec insistance que le collège demande que le
programme d'études des établissements d'enseignement de la
médecine au Québec soit approuvé par le bureau avant que
les diplômes auxquels un tel programme conduit ne soient reconnus valides
par le lieutenant-gouverneur en conseil.
Un mot de l'immatriculation, des conditions d'obtention des permis et du
certificat.
Deux notions mentionnés dans le projet de loi 252 nous semblent
manquer de réalisme. Il s'agit d'une part de l'immatriculation et
d'autre part des conditions qui sont exigées pour l'obtention du permis
ou du certificat de spécialiste.
Parlons d'abord d'immatriculation. S'il est vrai que les
étudiants en médecine auront le droit et le devoir d'être
immatriculés à l'ordre avant d'effectuer un stage de formation
professionnelle, il est également vrai que les étrangers qui
viendront au Québec auront le même droit et le même devoir
avant d'effectuer des stages d'évaluation ou de formation
professionnelle dans les hôpitaux.
Le bill 252 suggère que le candidat étranger qui viendra
faire des stages au Québec devra obtenir le statut d'étudiant
dans un établissement d'enseignement de la médecine du
Québec pour obtenir l'immatriculation nécessaire. Cette
manière de procéder manque de réalisme et ne tient pas
compte en particulier de la nécessité qu'il y aura pour l'ordre
d'exiger, dans certains cas, des stages d'évaluation de la
compétence, avant de décider s'il y a lieu ou non de soumettre un
candidat étranger à un stage complémentaire de formation
professionnelle et, le cas échéant, de décider de la
nature de ce stage.
Au surplus, il est évident que des programmes d'exception qui ne
concernent qu'un ou quelques individus à la fois et qui, de ce fait, ne
sont pas inclus dans les programmes universitaires devront continuer d'exister.
Ceux qui seront appelés à effectuer ces stages ne seront donc pas
des étudiants en médecine d'un établissement du
Québec et devront quand même être immatriculés
à l'ordre professionnel.
Le deuxième point qui manque de réalisme
réfère à l'article 28 du bill 252 relatif aux conditions
de l'obtention d'un permis. Cet article laisse croire qu'un candidat
étranger, pour avoir droit à un permis de l'ordre , doit
être détenteur d'un diplôme jugé équivalent
par l'ordre. Etablir que la reconnaissance de l'équivalence des
diplômes est le seul moyen requis pour décider de la
compétence du grand nombre des étrangers qui arrivent au
Québec ne peut résister à l'analyse. S'il est parfois
possible de déterminer cette équivalence, il est de nombreux cas
où il est impossible de le faire. Il faut également
réaliser certains faits. Près de 50 p.c. des médecins qui
suivent le programme de formation conduisant vers l'une des 30
spécialités médicales sont d'origine
étrangère. Durant la dernière année, plus de 50
p.c. des nouveaux médecins assermentés au Québec venaient
de l'extérieur du Québec et d'à peu près partout
dans le monde. L'âge des médecins peut varier de 25 à 65
ans. Leur expérience antérieure de l'exercice professionnel est
non seulement très différente d'un candidat à l'autre,
mais le diplôme qu'ils produisent à leur arrivée au
Québec ne peut constituer un critère valable, pour permettre
à l'ordre d'avoir l'assurance que la compétence du candidat s'est
maintenue, au cours de son exercice, depuis l'obtention du diplôme. Le
seul moyen valable pour l'ordre, en dehors des cas où
l'équivalence est possible à établir, consiste à
évaluer la compétence du candidat au moyen d'un stage
d'évaluation professionnelle, permettant de déterminer dans un
deuxième temps, le cas échéant, la formation
supplémentaire qui serait nécessaire à chaque
candidat.
C'est pourquoi les articles 28 et 32 relatifs aux conditions d'obtention
du permis et du certificat de spécialiste et ne faisant mention que de
l'équivalence des diplômes, pour tous les candidats
étrangers, ne peuvent rester tels quels dans le projet de loi. Le
collège recommande des articles distincts pour déterminer les
conditions d'obtention d'un permis et d'un certificat de spécialiste,
d'une part, pour les candidats du
Québec et, d'autre part, pour les candidats étrangers.
En plus de ce qui précède, si l'article 28 du projet de
loi donne au collège le pouvoir d'exiger des stages de formation
professionnelle avant de décerner un permis d'exercice, il faut
réaliser que ce pouvoir n'a plus de valeur si le collège n'a pas
le pouvoir de décider des milieux où ces stages de formation
professionnelle devront être faits. Il s'agit ici en somme de la
détermination des normes d'agrément des milieux de formation
professionnelle et de l'agrément accordé à la suite de
visites régulières à chacun des milieux répondant
à ces normes.
Sans le pouvoir d'agréer les milieux de formation, l'ordre n'a
aucune garantie que les stages professionnels qui y sont effectués
assurent la compétence des candidats.
Enfin, il faut noter que l'article 28 ne donne à l'ordre aucun
pouvoir de contrôler par quelque moyen que ce soit la compétence
finale des candidats avant d'émettre un permis d'exercice. Ceci
évidemment est inadmissible et le collège ne saurait accepter
d'assumer la responsabilité de l'émission d'un permis dans ces
conditions. Puisque le code des professions reconnaît sans
ambiguïté la responsabilité de la corporation relative
à la compétence de ses membres, l'ordre doit avoir les pouvoirs
nécessaires pour garantir au public qu'une équation existe entre
permis et compétence et une équation identique entre certificat
de spécialiste et compétence particulière dans un domaine
donné.
Afin de régler la question de l'immatriculation de tous ceux qui
effectuent des stages, tant les étudiants en médecine du
Québec que les autres, afin de déterminer clairement les
conditions d'obtention du permis pour les étudiants en médecine
du Québec et dans un article distinct de déterminer de
façon analogue les conditions d'obtention d'un permis pour les candidats
étrangers qui se présentent dans la province, le collège
propose un certain nombre d'amendements dans son mémoire.
Il fait remarquer que par ses recommandations il ouvre très
grandes ses portes à tout médecin formé à
l'extérieur du Québec et qu'il en est conscient. Il entend par
là faire voir qu'il n'a pas plus l'intention dans l'avenir que dans le
passé d'exercer quelque forme de contrôle restrictif ou de
monopole que ce soit sur les effectifs médicaux dans la province.
Un mot du certificat de spécialiste. L'article 32 du bill 252 est
le seul qui traite du certificat de spécialiste délivré
par l'ordre. En substance, cet article établit que tout titulaire d'un
diplôme reconnu valide à cette fin par le lieutenant-gouverneur en
conseil a droit à un certificat. Ceci revient à dire que l'ordre
n'exerce aucun contrôle sur la formation de ses médecins
spécialistes, qu'il n'a pas à déterminer les stages de
formation professionnelle, alors qu'il est universellement reconnu que la
formation d'un spécialiste se fait en grande partie à partir de
la succession d'un certain nombre de stages. Et
finalement que l'ordre n'est pas autorisé à agréer
les milieux de formation où les stages seront effectués, pas plus
qu'il n'est autorisé à contrôler la compétence de
chacun des candidats avant de leur émettre un certificat.
C'est avec vigueur que le collège s'oppose à cette
façon de voir les choses et fait remarquer que dans ces conditions il
considère qu'il n'a pas le droit, par l'émission d'un certificat
fait sous son seing, d'attester publiquement de la compétence de
diplômés dont le contrôle lui échappe. C'est pourquoi
il recommande une reformulation de cet article pour qu'il soit compatible avec
les faits et les responsabilités de chacun.
Comme pour les conditions d'obtention d'un permis, il recommande que
deux articles distincts permettent de résoudre d'une part le
problème d'un candidat au certificat de spécialiste formé
dans la province et celui d'un candidat qui a reçu sa formation
ailleurs.
A la fin de ce commentaire très important aux yeux du
collège sur les études médicales et la formation
professionnelle, il tient à souligner deux derniers points non moins
importants. Le code des professions établit clairement que la
corporation est responsable de la compétence de ses membres. A ce sujet,
le code est plus clair que la Loi médicale actuelle. Devant le petit
nombre de moyens que le bill 252 donne à l'ordre des médecins
pour lui permettre de répondre de la compétence de ceux à
qui il devra émettre un permis d'exercice ou un certificat de
spécialiste, le collège demande des changements majeurs à
tous les articles qui traitent de ce sujet. Faute de les obtenir, il devra
considérer qu'il est devenu un rouage inutile dont on ne sait comment se
défaire.
A ce sujet, le collège a déjà fait une
déclaration qu'il désire répéter ici et maintenir
et je cite: "Le Collège a déjà insisté sur le fait
qu'il n'entend pas être un rouage qui nuise à un système
valable de distribution de soins. Il a clairement fait savoir qu'il demande
à l'Etat depuis longtemps et, par lui, à la population, de
décider d'une des voies possibles. Ou l'Etat considère qu'une
structure comme le collège nuit au système et le fait
disparaître, ou il veut la maintenir avec sa véritable raison
d'être, soit la responsabilité de la qualité de la
médecine au Québec. Il doit alors lui donner clairement les
pouvoirs nécessaires pour assumer pleinement cette lourde
responsabilité."
Cette citation prend une valeur tout à fait particulière
à la lumière du projet de loi 252 puisque, loin d'augmenter son
autorité, on la fait disparaître, et loin de diminuer sa
responsabilité, on la rend de plus en plus claire et précise.
Notre cinquième commentaire porte sur les pouvoirs que le bill
252 accorde au bureau de l'ordre, en outre de ceux qui sont prévus au
code des professions. Pour des raisons d'ordre technique longuement
expliquées dans notre mémoire, les articles 15 et 18 du bill 252
doivent être remaniés à la lumière du principe
général suivant: s'il est acceptable et réaliste que les
conditions d'obtention, de révocation ou de renouvellement d'un permis
ou d'un certificat, que les conditions d'inscription au tableau ou au registre
ou que les conditions d'immatriculation soient toutes adoptées par
règlement et, par conséquent, soumises au lieutenant-gouverneur
et publiées dans la Gazette Officielle avec un préavis de 30
jours.
Il est inacceptable et irréaliste de rendre l'administration
courante de la corporation inefficace en exigeant que les simples
formalités relatives à tous ces sujets soient également
adoptées par voie de règlement.
Il est à remarquer que, dans son mémoire, le
collège demande un certain nombre de pouvoirs réglementaires
additionnels qui découlent des commentaires et recommandations
concernant les études et la formation professionnelle et, d'une
manière plus spécifique, concernant l'agrément des milieux
de formation et d'évaluation finale de chaque candidat.
D'autres particularités, concernant les pouvoirs que
réclame l'ordre des médecins, méritent d'être
soulignées dans ce résumé. Le premier touche aux
conditions d'immatriculation. Selon l'article 18, l'ordre ne peut
déterminer que les formalités d'immatriculation. Le
collège est d'avis qu'il doit aussi déterminer les conditions
d'immatriculation même s'il est d'accord qu'elles soient adoptées
par voie de règlement et conséquemment soumises au
lieutenant-gouverneur en conseil. Il faut bien réaliser que les
facultés de médecine n'ont aucun pouvoir de régler
certains problèmes sérieux et graves pour le public. Ainsi en
est-il du candidat qui, sur le plan académique, réussit
très bien mais qui présente des problèmes graves d'ordre
psychique ou de narcomanie, problèmes qui, pour un futur médecin,
non seulement sont loin d'être souhaitables mais inacceptables.
Les facultés n'ont aucun pouvoir pour régler ce genre de
problèmes. C'est donc avec leur appui que le collège
réclame le pouvoir d'établir les conditions auxquelles auront
à se soumettre tous les candidats à l'immatriculation, permettant
ainsi d'éviter au public de graves préjudices.
M. LE PRESIDENT: En avez-vous encore pour longtemps?
M. LAPIERRE: Dix minutes.
M. LE PRESIDENT: Dix minutes. Je pense qu'on va continuer, si vous en
avez seulement pour dix minutes.
M. LAURIN: Je regrette, M. le Président, j'avais pris un
rendez-vous pour midi et demi.
M. LE PRESIDENT: D'accord, nous suspendons la séance
jusqu'à deux heures et demie.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Avant de commencer la séance cet après-midi, je voudrais
vous dire que le président de la commission a reçu de nombreux
télégrammes où on se plaint de la procédure de la
commission en protestant contre le fait qu'on entende les mémoires sur
les autres bills en même temps que ceux qui portent sur le bill 250,
comme le Collège des médecins le fait aujourd'hui. Nous avons
décidé de procéder de cette façon parce que c'est
le seul moyen d'éviter que les mêmes groupes reviennent ici faire
leur représentation deux, trois ou quatre fois. Ce n'est pas tellement
une commission du genre de l'assemblée contradictoire. Nous sommes ici
pour avoir de l'information des groupes qui viennent se faire entendre. On peut
toujours questionner des groupes sur deux ou plusieurs bills. On peut discuter
de ces bills en même temps. Je veux simplement aviser publiquement tous
les autres groupes qui vont venir ici et qui ont soumis des mémoires sur
un ou deux bills que nous allons les entendre une seule fois sur tous les
mémoires en même temps. Cela n'aidera en rien d'envoyer des
télégrammes au président, au ministre ou aux autres
membres de la commission. Nous ne changerons pas notre procédure.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous vous
référez à un télégramme ou à
plusieurs télégrammes?
M. LE PRESIDENT: A plusieurs télégrammes.
M. PAUL: Très bien, merci.
M. GINGRAS: Nous continuons l'étude du bill 252, page 15,
paragraphe II.
M. LAPIERRE: Nous en étions ce matin aux pouvoirs du bureau,
c'est-à-dire aux conditions d'immatriculation que le collège
demande le pouvoir de déterminer, en plus des formalités
d'immatriculation des étudiants. Comme autres pouvoirs, le
collège réclame le droit de faire parvenir son avis sur la
qualité des soins dans les établissements de la province et sur
les normes à établir pour les améliorer, non seulement au
ministre des Affaires sociales, mais également à
l'établissement lui-même et à ses médecins. Le
collège a déjà expliqué pourquoi un tel pouvoir lui
était nécessaire lors de sa présentation devant la
commission parlementaire sur le projet de loi 65. On lui a alors signalé
qu'il ne fallait pas mêler les lois les unes aux autres. Aussi,
revient-il à la charge, puisque le temps est venu, pour déclarer
que si les explications fournies devant l'autre commission devaient être
reprises devant celle-ci, il le ferait avec plaisir durant la période de
questions.
Notre sixième commentaire veut attirer l'attention de la
commission sur la question du contrôle de l'exercice professionnel.
Le collège accepte d'emblée les trois aspects du
contrôle de l'exercice professionnel déterminés dans le
code des professions, à savoir un contrôle systématique
d'ordre préventif de l'exercice de chacun de ses membres, un
contrôle particulier de la conduite ou de la compétence d'un de
ses membres et l'examen des plaintes reçues au collège. Le
collège a déjà en place une structure qui répond
à ces trois aspects du contrôle. Il demande, avec insistance, que
le projet de loi 252 maintienne cette structure en l'adaptant fidèlement
aux exigences du code des professions.
De cette manière, un premier comité, dit
d'évaluation professionnelle, serait chargé de l'étude des
plaintes reçues par l'ordre et du contrôle particulier de la
conduite ou de la compétence d'un de ses membres. Ce comité
recevrait les rapports des officiers mandatés à cet effet par
l'ordre.
De plus, comme l'un des membres actuels de ce comité est une
personne non-médecin, nommée sur recommandation du ministre des
Affaires sociales, le bill 252 devrait prévoir la nomination de ce
membre non-médecin par l'Office des professions en conformité
avec ce qui a été recommandé dans les devoirs de
l'office.
Ce comité d'évaluation professionnelle doit
également avoir le pouvoir de diriger un cas au comité de
discipline et de recommander, dans des cas particuliers, des stages de
formation professionnelle.
Un deuxième comité, nommé comité de
l'exercice de la médecine, continuerait à assumer le mandat qu'il
a depuis trois ans, soit celui de la révision systématique de
l'exercice professionnel des médecins de la province. Ce comité
dont le but est préventif, non orienté sur la discipline,
continuerait d'être chargé de l'élaboration des normes
d'exercice et de contrôle professionnel et de l'établissement des
besoins en enseignement continu dans la province.
Ce comité, tout comme le premier, recevrait le rapport des
officiers mandatés à cette fin par l'ordre. De plus, le
collège insiste pour qu'un article particulier de sa loi permette au
comité administratif, en cas d'urgence, de recevoir en lieu et place de
ces deux comités, le rapport d'une enquête. Cette alternative
devient nécessaire à l'occasion et plus particulièrement
en face des demandes de plus en plus nombreuses qui lui sont adressées
par le ministère des Affaires sociales.
Le collège, dans sa représentation sur le bill 65, avait
insisté sur la nécessité d'assurer la protection du
travail de contrôle de l'exercice professionnel accompli par les
médecins dans les hôpitaux. Comme ceci n'a pas été
inclus dans cette loi, nous croyons devoir revenir à la charge ici et
demander que les documents constitués pour les fins de contrôle de
l'exercice
ne soient accessibles qu'aux personnes mandatées pour effectuer
ce contrôle ou le vérifier et que, de plus, les médecins
participant à ce travail comme membres des divers comités
prévus pour ce contrôle ne puissent être poursuivis en
justice pour les actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs
fonctions, ni être contraints de témoigner sur les faits
portés à leur connaissance dans l'exercice de ce
contrôle.
Notre septième commentaire porte sur les pouvoirs d'enquête
que le collège considère nécessaire d'obtenir pour assumer
ses responsabilités, notamment celle qui touche le contrôle de
l'exercice professionnel. A la suite de l'enquête effectuée
à l'hôpital Jean-Talon, une addition a été faite
à la Loi médicale en 1962, accordant au collège un pouvoir
d'enquête assez particulier qui lui a permis d'acquérir une
expérience dans ce domaine. Ce pouvoir d'enquête a
été utilisé à multiples reprises. Plus d'une fois,
les interprétations diverses données au texte de l'article de loi
ont réduit la portée du pouvoir d'enquête et, partant,
l'efficacité du collège. C'est pourquoi le pouvoir
d'enquête très précis demandé dans notre
mémoire est formulé dans les termes où chacun des mots
trouve sa justification et dans l'expérience passée tout autant
que dans le contrôle qui est nécessaire pour assurer la protection
du public.
En terminant ces commentaires d'ordre général, le
collège tient à signaler quelques points particuliers sur
lesquels il insiste dans son mémoire. Dans le but d'assurer la
protection du public, le collège désire obtenir le pouvoir
d'imposer à tous ses membres l'obligation d'être détenteurs
d'une assurance de responsabilité professionnelle. D'accord sur le
bien-fondé de l'existence des syndicats médicaux et sur le
respect de leur rôle, le collège réclame que la Loi
médicale spécifie que toute question relative à
l'élaboration et à l'application d'un tarif d'honoraires
professionnels ne relève d'aucune manière de sa juridiction.
Devant l'évolution rapide des connaissances médicales et
la nécessité pour le public d'être assuré en tout
temps de la compétence des médecins, le collège
réclame le pouvoir de limiter par voie de règlement la
durée de la validité du permis d'exercice de la médecine
et du certificat de spécialiste qu'il délivre. Le collège
est conscient que s'il a pris, au cours des dernières années, une
position d'avant-garde relativement à la dissociation de
l'intérêt de ses membres et de celui du public, il prend encore
ici une position qu'aucune autre corporation, à sa connaissance, n'a
prise. Cette disposition visant à limiter dans le temps la valeur d'un
permis d'exercice n'est pas seulement souhaitable mais devient une chose
essentielle à laquelle aucune corporation ne pourra échapper
à l'avenir.
Enfin, le collège tient à ce qu'il soit clairement
indiqué dans sa loi que le ministre des Affaires sociales est
chargé de l'application de la Loi médicale.
En conclusion, M. le Président, le collège
répète qu'il n'entend pas être un rouage inutile dans le
domaine de la santé au Québec. Si les lois adoptées
devaient conduire à cette conséquence, il insiste
respectueusement pour que le législateur le fasse disparaître
dès maintenant. Par ailleurs, si, comme le laissent entendre le code des
professions et l'ensemble de la réforme proposée pour les
corporations professionnelles, l'ordre des médecins doit assumer des
responsabilités encore plus claires quant à la protection du
public, il soumet tout aussi respectueusement qu'il ne saurait les accepter
qu'en obtenant dans les bills 250 et 252 l'autorité nécessaire
correspondante. Le collège rappelle enfin que les amendements qu'il
propose au bill 252 s'ajoutent à ceux qui sont déjà
proposés au code des professions. En acceptant d'être régi
par un code des professions, le collège est conscient de la
complémentarité de ces deux lois. Les amendements demandés
dans l'une ne sauraient aller sans ceux présentés dans
l'autre.
Aussi tient-il à insister sur le fait que, si pour des raisons
qu'il ne lui appartient pas de discuter certains amendements ne pouvaient
être inclus au code des professions, ils devraient l'être dans le
projet de loi 252. A l'inverse, si le législateur jugeait que certaines
demandes du collège formulées dans son mémoire sur le bill
252 auraient plutôt leur place au niveau du code des professions, le
collège n'y verrait aucune objection. Le collège accepte donc
consciemment et avec confiance la formule d'une loi cadre comme le
désire le législateur et ce pour le mieux-être de la
société. Il croit qu'avec les amendements proposés
à cette loi-cadre et au bill 252 il pourra assumer, pour la protection
du public et avec l'appui de ses membres, une responsabilité
qu'autrement il ne saurait que refuser.
M. LE PRESIDENT: Merci, docteur. Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, avec votre permission, j'aimerais
faire quelques commentaires qui peuvent préciser ou donner des
renseignements, de l'information additionnelle. Je vois le député
de Montmagny, qui semble d'accord.
En premier lieu le collège dans son mémoire nous demande
de lui accorder le pouvoir de désigner les hôpitaux ou les
établissements d'enseignement. Lorsque la loi 65 sur les services de
santé et les services sociaux a été adoptée
et c'est le point que je voudrais faire ressortir il a été
convenu qu'un article devait porter sur cette question-là étant
donné qu'elle touche de façon directe à toute la
planification et au financement des institutions dans le domaine de la
santé et des services sociaux.
On retrouve, dans la loi 65, l'article 88 qui donne au ministre de
l'Education et au ministre des Affaires sociales le pouvoir d'agréer les
contrats d'affiliation passés entre des établissements dans le
domaine de la santé et des
services sociaux et les institutions d'enseignement. C'est la
façon qui a été adoptée lors de l'adoption de la
loi 65 sur cette question de l'agrément des institutions ou
établissements d'enseignement.
Le deuxième des points est un peu de même nature; comme la
question est susceptible de se poser à nouveau, il pourrait être
intéressant de l'adresser à certaines corporations
professionnelles qui vont venir devant la commission; cette deuxième
question a trait à la citoyenneté canadienne. Lorsque le bill 64
a été approuvé, c'était à la suite d'une
consultation entreprise sous l'ancien gouvernement et auprès des
corporations professionnelles qu'il a été poursuivi ou
complété sous le gouvernement actuel. Selon cette
procédure, au lieu d'imposer aux corporations professionnelles
l'élimination des conditions touchant à la citoyenneté
pour l'octroi d'un permis d'exercice, cela a été fait d'une
façon, dans une certaine mesure, volontaire. Le bill 64 ne comprenait
des dispositions que pour les corporations qui avaient accepté que cette
condition soit éliminée.
On a réintroduit dans les présents projets de loi les
dispositions du bill 64, même si ça fait un peu lourd, si
cela apporte une certaine confusion pour que cette procédure soit
maintenue, si, de l'avis des membres de la commission, nous devions, au terme
de nos travaux, éliminer pour toutes les corporations cette exigence,
sauf une ou deux où il peut y avoir des dimensions particulières
à la question. Je pense de façon spécifique au Barreau
où on va nous dire que les membres du Barreau assument certaines
fonctions à caractère particulier. Je ne dis pas au
préalable que cette argumentation est fausse, qui en fait, en quelque
sorte, des officiers publics. Si c'était l'opinion, nous pourrions
reprendre la rédaction des projets de loi pour éliminer toute
cette confusion-là. C'est la raison pour laquelle je mentionne ceci,
parce que ça va se poser pour des lois comme celle de la chiropractie
où on peut, si on ne suit pas tout ce raisonnement-là, dessiner
tout ce qui peut paraître un illogisme.
Je terminerai par une question, plutôt que de faire un
commentaire. C'est la seule question que j'aurais à adresser, parce que
j'ai pris connaissance du rapport et du mémoire et que j'ai
écouté les commentaires qu'on a faits. Nous devons
évidemment l'étudier très attentivement. Cette question a
trait à la remarque qui est faite dans le mémoire, de même
que dans les commentaires, au sujet de la prévention. On nous dit
poliment que c'est faire preuve d'une connaissance absolument erronée de
la médecine de ne pas référer à la
prévention. Tout aussi poliment, je pense que je pourrais retourner la
chose et dire: Cela fait preuve aussi d'une certaine méconnaissance de
la structure de ces lois que de vouloir introduire la prévention dans la
définition du champ d'exercice exclusif. Parce qu'il me semble que tout
citoyen doit s'intéresser à la prévention et peut faire
des exposés pour sensibiliser les autres à la
nécessité de la prévention dans le domaine de la
santé.
Si on en fait un acte exclusif à la profession médicale,
je crois qu'on prive le ministère et le collège d'un apport
considérable qui pourrait venir d'un grand nombre de personnes et
d'organismes intéressés à la prévention. Ma
question est la suivante: Est-ce que le collège a pensé à
cet aspect? Je réalise qu'il nous a signalé que, pour les
infirmières, nous avons inclus dans la définition le mot
"prévention'.. Je crois que nous devrons réviser cette
rédaction parce que, là, il y a évidemment un oubli ou une
erreur qui s'est introduite. Mais, lorsqu'on parle d'un champ exclusif de
pratique, je vois mal comment on pourrait confier exclusivement à la
profession médicale toute la préoccupation touchant à la
prévention.
M. GINGRAS: M. le Président, nous sommes d'accord que toutes les
professions médicales devraient s'occuper de prévention. La
médecine s'en occupe tout de même depuis des centaines et des
centaines d'années et nous nous étonnons avec justesse, je
crois que ceci n'ait pas été mentionné dans la
loi.
Par ailleurs, en toute déférence et avec respect, je dois
apporter un exemple qui nous a été soumis récemment.
Lorsqu'il s'est agi d'établir une loi sur la donation de tissus entre
vifs, on nous a consultés, nous avons donné notre avis, etc.
Mais, dans ce cas particulier, nous n'avons jamais vu la loi, nous n'avons
jamais vu le texte. Même si ça avait été un
avant-texte, nous aurions été enchantés de le voir et nous
aurions peut-être pu prévenir ces discussions qui maintenant
deviennent claires.
M. CASTONGUAY: Très bien. Merci, M. le Président.
M. FOURNIER: Seulement une question.
M. GINGRAS: Il y a peut-être d'autres réponses qu'on
pourrait donner au ministre, si vous nous le permettez, M. le
Président.
M. LEBOEUF: Seulement un mot additionnel sur la prévention. Notre
surprise a été, comme le ministre des Affaires sociales l'a
mentionné d'une part, de ne pas retrouver cet
élément dans la définition de l'exercice de la
médecine mais surtout de la retrouver dans la définition d'une
autre profession à exercice exclusif. Et nous serions d'accord de
convenir du retrait du mot "prévention" de toutes les lois en supposant
que toutes les professions dans le domaine de la santé, et d'ailleurs
tous les individus, font oeuvre ou devraient faire oeuvre de prévention.
L'embêtement nous vient du fait qu'une autre profession ayant dans sa
définition de champ d'exercice exclusif la prévention, il nous
semblerait, et nous l'avons aussi demandé dans notre troisième
mémoire pour les dentistes, nécessaire de l'ajouter. Mais le
retrait dans l'autre loi réglerait le problème.
M. CASTONGUAY: Le point que j'ai voulu faire ressortir, c'est qu'on
avait affirmé de façon tellement catégorique, ce matin,
que ceci provenait d'une connaissance très erronée de la
médecine. Je ne voulais pas laisser passer cette affirmation pour ne pas
discréditer le ministère et ramener cette question à sa
juste proportion qui est une question de technique de rédaction des
projets de loi.
M. LEBOEUF: Nous nous excusons, M. le ministre, du sens insinuant de
cette périphrase.
M. LE PRESIDENT: Le Solliciteur général.
M. FOURNIER: Seulement une question, relativement au programme
d'étude. Le projet de loi 250 prévoit une formule de
collaboration entre les institutions d'enseignement et les corporations
professionnelles à l'article 169 e) pour les programmes d'étude.
Dans votre rédaction, vous demandez que le programme d'études
soit décidé par la corporation elle-même. Est-ce que vous
avez un mécanisme d'entente, ou un mécanisme de collaboration de
prévu entre l'établissement d'enseignement et la corporation
professionnelle, le Collège des médecins?
M. LAPIERRE: M. le Président, je dois dire que les
mémoires du collège ont été rédigés
en collégialité et, pour accélérer le processus, on
a centralisé toutes les données aux questions qui peuvent
être posées cet après-midi dans les mains du Dr Leboeuf et
ce dernier répondra aux questions.
M. LEBOEUF: M. le Président, tout ce sujet du programme des
études a été, je pense, assez abondamment
résumé dans la présentation verbale.
Quant aux motifs qui poussent le collège à demander un
retrait, au fond, de l'article 168, paragraphe e), un retrait de la
façon suivante, on vous a mis face à deux hypothèses. Ou
le contrôle du Collège des médecins sur la
compétence de ceux à qui il est appelé à
émettre un permis se situe après l'obtention d'un
diplôme... Ce matin, on a tenté de vous faire ressortir le
désavantage assez fantastique qui résulterait d'une telle formule
puisque l'évolution de l'enseignement de la médecine est telle
que, ce faisant, on reculerait de quinze ans. Pour éviter de
pénaliser les diplômés, les étudiants, et
éviter un dédoublement de contrôle qui, par certains
points, pourrait être analogue, nous avons cru bon de demander
plutôt ceci en accord, d'ailleurs, avec le comité des
doyens des facultés de médecine de la province de
participer avec eux, d'une part d'accepter l'élaboration qu'ils nous
font des programmes d'études à l'intérieur d'un certain
nombre de normes établies conjointement et, d'autre part, d'approuver le
programme d'études pour ainsi le soumettre au lieutenant-gouverneur en
conseil qui, lui, validant le diplôme, donne réellement par ce
diplôme une ouverture à un permis sans qu'il y ait lieu de faire
des stages supplémentaires, additionnels qui risquent d'être
inutiles et de prolonger indûment le cours de médecine.
C'était le but primordial de cette particularité et les
diverses raisons pour lesquelles on pense que l'étude de la
médecine se distingue de l'étude de certaines autres professions
ont été résumées dans la présentation
verbale. Si elles n'ont pas été suffisamment explicitées,
je les reprendrais en plus grand détail avec plaisir.
M. FOURNIER: La raison de ma question est la suivante: En lisant votre
texte, à l'article 29, paragraphe 22, on voit ceci: "Le programme
d'études des établissements d'enseignement de la médecine
au Québec doit être approuvé par le bureau de l'ordre." Je
me demande quel est le mécanisme de collaboration pour
l'élaboration de ce programme. Il semble catégorique dans
l'article que la décision, la seule décision sera prise par le
Collège des médecins alors que, dans l'article 169, justement
pour parer à certaines difficultés, on prévoyait un
mécanisme d'élaboration conjoint des institutions
d'enseignement.
Je ne parle pas des stages additionnels mais du programme
d'études dans l'institution d'enseignement.
M. LEBOEUF: Je vais répondre à la question après un
commentaire. Tout le point est là. Pour nous, le programme
d'études ne se sépare pas des stages; c'est le point fondamental.
Si l'article 29 ne laisse pas entendre le rôle que les universités
ou les facultés de médecine particulièrement ont à
jouer, il faut se rappeler un certain nombre de points. Le premier, le plus
important, est le fait qu'on a insisté ce matin pour que les quatre
facultés de médecine soient représentées à
part entière au sein du conseil d'administration de l'ordre des
médecins, comme c'est le cas actuellement.
L'élaboration des programmes est faite conjointement, dans le
moment, et demeurera conjointe après. Si ceci apparaissait comme une
lumière nécessaire additionnelle à l'article 29, nous n'y
verrions nulle objection. Nous souhaiterions même qu'il soit dit
clairement que l'élaboration de ces programmes est faite conjointement.
Quant à l'approbation finale du programme avant que le diplôme
soit validé, le collège revendique cette approbation comme
étant sa responsabilité puisque c'est lui qui aura la
responsabilité de répondre de l'équation entre permis et
compétence.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je n'ai pas de commentaire mais j'ai des
questions. Aux articles 15 et 18 de la première proposition du projet de
loi, remplacés par les paragraphes a) et
b) de 19, aux pages 7 et 8 de l'annexe, vous avez fait une modification
qui m'apparaft peut-être importante. Vous dites "le bureau peut", tandis
que, dans la version originale du gouvernement, c'est "le bureau donne son avis
et fait de concert". Etant donné que c'est un secteur où
déjà il y a peut-être des difficultés, est-ce que
vous ne croyez pas que vous affaiblissez votre position?
M. LEBOEUF: C'est possible. L'idée sous-jacente à cette
distinction entre "doit" et "peut" dans le cas présent était
à l'effet qu'il s'agissait d'avis. Le raisonnement ne tient pas d'une
dialectique cartésienne pure. Je pense que l'on pourrait facilement
concevoir un peu dans le sens de l'article 83 du code actuel qu'en outre de ces
pouvoirs-là le bureau "doive". Je pense même qu'il n'a jamais
été dans notre intention nous nous exprimons mal ici si
nous le laissons entendre comme ça de prétendre que le
bureau refuserait au ministre des Affaires sociales un avis sur la
qualité des soins, bien au contraire, et refuserait aux
établissements d'enseignement un avis sur l'enseignement qui s'y donne,
bien au contraire. Je pense que vous avez raison d'attirer notre attention sur
le fait que les paragraphes a) et b) de l'article 19, tel que nous le
proposons, auraient avantage à se retrouver plutôt à
l'article précédent pour en faire non pas un pouvoir mais un
devoir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce cet article qui couvre votre travail en
collaboration avec la direction générale de l'agrément du
ministère des Affaires sociales?
M. LEBOEUF: Oui, je pense qu'il y a là, dans cet article, une
autre addition que vous n'avez pas soulevée à savoir que le
bureau veut donner non seulement son avis au ministre des Affaires sociales
mais aussi et on a ajouté cette périphrase "ou
à l'établissement en question ou à un groupe de ses
membres".
Vous me donnez l'occasion d'ouvrir une courte parenthèse et
d'expliquer le pourquoi de ceci. Lors de notre présentation devant la
commission sur le projet de loi 65, nous avions revendiqué un certain
nombre de pouvoirs nécessaires à notre contrôle externe de
la qualité des soins médicaux fournis dans les
établissements. Avec justesse, le ministre des Affaires sociales nous
avait fait réaliser qu'il fallait éviter dans la mesure du
possible de mêler les textes de lois; d'autre part, la version finale du
bill 65 a, je pense, respecté assez intégralement nos
désirs à cet effet en retirant les pouvoirs d'enquête dans
ce domaine aux offices régionaux et en permettant une
réglementation interne dans chaque établissement
élaborée par le conseil des médecins et dentistes et
approuvée par le conseil d'administration de l'établissement.
Or voici la situation. Quels sont les moyens d'action du collège
pour contrôler effectivement la pratique de ses membres? Il y a deux
niveaux d'envergure provinciale. Un premier est au niveau de la
réglementation générale qui va découler du bill 65.
Encore là, le bill 65, dans sa dernière version, dénote
une nette amélioration puisque les règlements, avant d'entrer en
vigueur, auront été publiés dans un délai de 90
jours et nous aurons l'occasion, nous l'espérons, de nous faire entendre
sur les points qui pourraient ne pas être d'application facile.
Le deuxième endroit où les conséquences sont
importantes, et maintenant, en vertu du nouveau bill 65, au niveau de chaque
établissement, c'est que le conseil des médecins, comme
actuellement, fera sa réglementation interne. Quand nous visitons un
hôpital, particulièrement dans les établissements, ce sont
ceux que nous avons entrepris de visiter, nous réalisons un certain
nombre de déficiences. Il faut absolument que nous ayons une
possibilité d'action autre que celle que prévoit notre organe
disciplinaire qui restera toujours une solution marginale en termes de
quantité de cas à régler. Notre possibilité
d'action que nous utilisons actuellement et que le ministre des Affaires
sociales nous voit utiliser et qu'il approuve, je pense, j'en suis convaincu
même, est de faire parvenir à l'établissement, et
particulièrement aux médecins de cet établissement, les
recommandations nécessaires à l'amélioration de la
qualité de la médecine qu'il pratique quotidiennement
Nous voulons, dans le texte de notre Loi médicale, faire
ressortir l'importance de cet aspect, puisque, pour nous, cela rend le
contrôle de la pratique médicale possible et, sans cela, il est
impossible. Il y aurait lieu, à ce moment-là, d'avoir un nombre
d'enquêteurs tel qu'on ne parlerait plus d'autodiscipline.
M. CLOUTIER (Montmagny): II est intéressant, Dr Leboeuf, de vous
entendre mentionner que la dernière version du bill 65 était
très supérieure aux premières versions. Il en sera
certainement comme ça aussi du projet de loi 250 et des autres, parce
qu'il ne faudrait pas qu'il y ait un autre code des professions pour couvrir
les professions qui ne seraient pas dans le code original des professions.
Alors, il y aura certainement des améliorations importantes
à ce projet de loi. Une autre question, docteur, concernant les articles
33 et 34 de la première version, celle qui est déposée par
le gouvernement. Vous faites des suggestions à l'article 44 ou 45 et
vous gardez la même formulation. Dans le résumé de votre
mémoire, vous parlez des médicaments, de leur substitution.
Evidemment, vous demandez aussi d'être représentés à
certains endroits où se prendront certaines décisions
importantes, telles que la substitution, les médicaments. Alors, est-ce
que, en contrepartie, vous pensez que d'autres professions
intéressées pourraient vous faire des observations à cet
article quant à la
possibilité pour le médecin de distribuer des
médicaments sans aucune restriction?
Evidemment, il s'agit là du champ de pratique des
différentes professions. Il n'y a aucune restriction, à mon point
de vue, à l'article 33, quant aux médicaments fournis par les
médecins.
M. LEBOEUF: Je pense, pour ma part, y voir une restriction en comparant
cet article 33 et le texte du projet de loi 255 sur la pharmacie. A mon sens,
l'importance, dans l'article 33, des mots, à la fin du premier
paragraphe, "à ses patients" fait toute la différence entre le
droit d'exercer prévu au projet de loi 255 et, ici, le droit, pour un
médecin, de fournir des médicaments à ses patients. C'est
tellement le cas, à mon sens, que le médecin n'est
autorisé à fournir des médicaments à d'autres que
ses patients que s'il est enregistré, en règle avec l'ordre des
pharmaciens, tel que le prévoit le bill 255. Il est prévu, si ma
mémoire est bonne, que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra
effectivement faire en sorte qu'un permis d'exercer la profession de
pharmacien, au sens même du bill 255, soit accordé à un
médecin pour des circonstances qui le porteront ou le forceront à
le faire. Mais, il y a une distinction entre fournir à ses patients des
médicaments et fournir des médicaments et les préparer au
sens de la définition de l'exercice de la pharmacie.
Remarquez que c'est comme ça que nous avons compris les textes.
Peut-être que nous les comprenons mal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Periez-vous des distinctions entre la
distribution des médicaments par un médecin ou l'exercice de la
profession par un médecin, dans des circonstances spéciales, et
dans des régions où il y a abondamment des services de pharmacie
et le même exercice des régions où il n'y en n'a pas du
tout?
M. LEBOEUF: Oui, nettement. Le collège a déjà pris
position sur cela. Il nous paraît inconcevable que, dans une ville comme
Québec ou Montréal, à titre d'exemple, des médecins
vendent des médicaments à leurs patients. La difficulté
qui nous a semblé avoir justifié le texte tel qu'il est là
est à l'effet que certains types de médicaments sont
administrés par le médecin qui les fournit. Je ne veux pas tomber
dans la jurisprudence d'interprétation de ces mots-là, mais tous
les injectables sont effectivement des médicaments que le médecin
fournit à ses patients. Nous serions d'accord pour une tournure de
phrase à l'effet que, dans les centres où les services
pharmaceutiques existent et sont adéquats, le médecin soit
limité à fournir à ses patients ceux des
médicaments qu'il ne peut prescrire sur ordonnance à être
remplie par un autre professionnel. Je pense que le collège a
déjà exprimé un avis nettement conforme à cela.
C'est difficile à exprimer dans le texte, il me semble, mais c'est notre
point de vue et je pense que ça répond à votre
question.
M. CLOUTIER (Montmagny): La précision que vous venez d'apporter
est extrêmement importante du point de vue de la rédaction quant
au champ d'application de ces deux professions. Cela va éliminer, je
pense bien, une foule de difficultés. Je pense bien que les
législateurs voudront tenir compte des précisions qui ont
été apportées afin de préciser davantage le champ
d'exercice des deux professions dans le domaine spécifique dont nous
venons de discuter. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je pense qu'aujourd'hui, comme hier, on
tourne encore autour de la même chose: le partage des pouvoirs pour ne
pas dire le partage des contrôles. Qui va contrôler qui et quoi?
Vous faites des recommandations, dans votre mémoire, qui sont assez bien
justifiables. Vous exigez un droit de regard sur l'émission d'abord des
permis et ensuite sur la formation professionnelle. Est-ce que ce principe que
vous exigez, en fait, vous le reconnaissez pour d'autres professions?
M. LEBOEUF: Si on le...?
M. GUAY: Si c'est un principe que vous reconnaissez comme étant
essentiel pour le Collège des médecins. Est-ce que vous
reconnaissez ce principe également pour toute autre profession?
M. LEBOEUF: Le fait de contrôler l'acquisition de la
compétence pour l'émission des permis?
M. GUAY: C'est ça.
M. LEBOEUF : D'abord, la première constatation que nous avons
faite, à la lecture attentive des quelque vingt autres lois qui ont ou
été abrogées et remplacées ou amendées, est
à l'effet que certaines corporations, dans les faits, conservent sur une
étape de l'acquisition de la compétence un contrôle
réel et nous croyons que toute corporation devrait, quand elle a la
responsabilité de la compétence, avoir un contrôle sur une
étape quelconque.
Je me réfère par analogie à la Loi du Barreau qui
n'entend pas exercer de contrôle au niveau du contenu universitaire de
l'enseignement mais qui a, par la dernière année de sa formation,
un contrôle sur la formation du futur avocat. Je me réfère
aussi à la Loi du notariat qui a, par analogie, les mêmes
contrôles. Et je pense que c'est essentiel qu'une corporation ait un
contrôle pour répondre au public de la compétence de ceux
à qui elle émet un permis.
Si nous avons pensé devoir nous singulariser en demandant ce
contrôle avant le diplôme, contrairement à ce qui existe
pour le Barreau et pour le notariat, c'est que l'enseignement de la
médecine était comme l'enseignement du droit il y a quinze ans et
était constitué d'une suite de cours théoriques de tout
près de quatre ans et une année de stage. Mais ce n'est plus
cela; les stages sont commencés maintenant dès la première
année et sont nettement imbriqués au programme d'études.
Et nous disons: Si notre contrôle doit, par analogie avec celui
exercé par le Barreau ou par le notariat, s'effectuer après que
le diplôme validé par le lieutenant-gouverneur en conseil soit
obtenu, nous prolongeons indûment la formation de ces professionnels dont
nous manquons et nous brisons ou risquons fortement de briser la
continuité du cours à l'encontre de l'évolution de
l'enseignement de la médecine dans toute l'Amérique du Nord.
M. GUAY: Cela revient à dire que ça ne doit pas relever du
lieutenant-gouverneur en conseil mais bien de la corporation
concernée.
M. LEBOEUF: C'est-à-dire que l'approbation des programmes
d'étude en médecine, incluant les stages exigibles par l'ordre,
doit être le fait du bureau avant d'être soumis au
lieutenant-gouverneur en conseil pour fins de validation.
M. GUAY: Comme deuxième question, je remarque à la page 22
que le collège insiste pour qu'il lui soit permis de donner son avis non
seulement au ministre mais aussi à un établissement ou à
un groupe de ses membres oeuvrant dans l'établissement sur tout ce qui
regarde la qualité des soins. Vous avez répondu partiellement
tantôt à une question du député de Montmagny,
j'aimerais que vous expliquiez davantage ce paragraphe de la page 22 de votre
mémoire.
M. LEBOEUF: Je ne voudrais pas prolonger, je pense avoir donné
l'essentiel de la réponse à une question de M. Cloutier. Il y a
peut-être, par l'occasion que vous me donnez, l'addition suivante que
j'aimerais faire: le collège demande le pouvoir de réglementer la
durée de validité d'exercice de la médecine. Si le
collège demande cela, il faut donc qu'il prévoie un
mécanisme qui fera qu'à tous les trois, quatre ou cinq ans, selon
le règlement établi, le renouvellement du permis réponde
à certains critères. Les recherches dans ce domaine sont en cours
et une des hypothèses, et la plus retenue, est à l'effet que le
permis sera renouvelé moyennant l'obtention d'un certain nombre de
crédits d'enseignement continu, contrôlé et
agréé à cet effet, comme d'ailleurs le code des
professions nous donne le pouvoir de le faire.
Or, en médecine, une des modalités fondamentales
d'enseignement continu, disponible à tous les médecins
quotidiennement dans les hôpitaux, c'est justement la participation
à ces comités d'appréciation des actes médicaux qui
sont obligatoires de par la loi. Il nous semble que non seulement il y a
là un apport positif à ajouter à la formation des
médecins, mais qu'il y a aussi ce n'est pas négligeable
pour toutes sortes de raisons une motivation positive à donner
aux médecins pour une participation beaucoup plus réaliste et
réelle au bon fonctionnement de ces comités.
M. GUAY: Mais tout cela existe déjà chez vous en quelque
sorte; c'est clairement établi.
M. LEBOEUF: C'est-à-dire que nous faisons actuellement des
recommandations, mais nous allons incessamment commencer l'agrément ou
la reconnaissance de ces travaux faits en comité en termes de
crédits qui n'auront aucune force tant et aussi longtemps que
l'amendement que nous demandons à notre loi ne nous permettra pas de
limiter la durée de la validité du permis.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: A la page 10 de votre mémoire, vous insistez sur la
nécessité d'une collaboration entre l'ordre professionnel et les
facultés de médecine dans la formation professionnelle des futurs
médecins. Dans votre mémoire, au point numéro 3, vous
tirez de cette constatation la conclusion qu'il est absolument
nécessaire que quatre administrateurs nommés par les
facultés de médecine du Québec fassent partie du bureau de
la corporation. Est-ce la seule hypothèse possible? Est-ce qu'il y en a
d'autres que vous avez envisagées, comme la participation de
représentants des facultés de médecine à des
comités d'études médicales? Parce qu'il est bien
évident que, lorsqu'on est administrateur dans un bureau d'une
corporation, c'est pour des fins administratives, c'est pour des fins
générales, des fins d'élaboration de politiques. Comme
vous avez revendiqué pour l'ordre des médecins la
responsabilité finale des décisions en matière de
protection du public, pour autant que les programmes sont concernés,
est-ce que vous ne vous départissez pas d'une certaine façon de
votre pouvoir en nommant quatre ou peut-être bientôt cinq ou six
administrateurs selon que des facultés de médecine plus
nombreuses seraient créées? Est-ce que vous avez songé
à d'autres possibilités de collaboration qui aboutiraient
peut-être au même résultat, sans que vous n'accordiez
à ces représentants des facultés de médecine le
pouvoir d'administrateurs?
M. LEBOEUF: II y a un problème très concret avec lequel
nous étions confrontés, face à une possibilité
d'opter pour une voie différente de celle que nous vivons actuellement.
Au
fond, nous demandons le statu quo. Le problème est que les
textes, tant du code des professions que ceux de notre loi, font en sorte que
c'est le bureau qui devra statuer sur tout ce qui est important. Or, il y a
tellement de choses qui sont importantes sur lesquelles le bureau devra
statuer, pour lesquelles la compétence des facultés de
médecine et de toutes les facultés est nécessaire pour
assurer une coordination des décisions et du résultat qu'il nous
semble à peu près impossible de penser à un autre
mécanisme que de les reconnaître à part entière.
J'ai ici, devant moi, une liste de quinze de ces pouvoirs par voie de
règlements que le bureau devra assumer, tous ayant une connotation
directe avec la formation médicale.
M. LAURIN: Les plus importants?
M. LEBOEUF: Toutes les conditions relatives à l'immatriculation,
à l'émission du permis; tout le problème des stages
à déterminer quant à leur contenu, quant à
l'endroit. J'aimerais, à la fin, revenir sur l'agrément des
milieux de formation. Tout le problème de déterminer les normes
d'agrément de ces milieux de formation; tout le problème
d'agréer effectivement ces milieux-là. Il faut bien
réaliser que trois mois de chirurgie demandés par le
collège n'auront pas la même valeur s'ils sont faits je dis
cela sans préjudice pour aucun hôpital mais, quand même je
vais prendre des extrêmes aux Iles-de-la-Madeleine ou à
l'hôpital Notre-Dame.
M. LAURIN: Ne parlez pas des Iles-de-la-Madeleine ici. C'est trop
dangereux.
M. LEBOEUF: Ah! je m'excuse.
M. LACROIX: Vous pouvez en parler, mais en parler intelligemment.
M. LEBOEUF : Le président me propose de prendre Terre-Neuve.
Le problème, c'est qu'il n'y a là aucun chirurgien, aucune
ressource susceptible de former quelqu'un. Alors, l'agrément du milieu
de formation est intimement relié à la qualité de la
formation reçue. L'approbation des programmes d'études est un
autre exemple d'importance. Les modalités d'évaluation des
candidats. Le collège veut, conjointement avec les facultés et
avec les étudiants, d'ailleurs, se pencher sur les modalités
d'évaluation des candidats. Le problème a suffisamment fait la
manchette des journaux dernièrement pour que vous nous sentiez
conscients du fait.
L'étude en question est entamée avec les trois groupes.
Cet ensemble de situations d'importance, tout le problème de
l'agrément, de la détermination des membres et de la coordination
des programmes d'enseignement continu, ce sont les facultés qui, dans
une bonne part, vont fournir cet enseignement-là. Il nous semble
à peu près impossible, vu la difficulté que le bureau
aurait de déléguer à quelqu'un d'autre les pouvoirs que la
loi lui empêcherait de déléguer, puisqu'il doit les exercer
par voie de règlement. Je vous réfère à l'article
60 du code qui dit que le bureau ne peut pas déléguer, même
au comité administratif, un pouvoir qu'il doit assumer par voie de
règlement. A cause de tout ceci, nous avons envisagé certaines
hypothèses et il nous apparaît impossible de trouver une autre
solution.
M. LAURIN: Est-ce que la présence des représentants de la
faculté de médecine aux divers sous-comités actuels vous
apparaît insuffisante, non pratique, non fonctionnelle pour assurer les
fins que vous recherchez?
M. LEBOEUF: Insuffisante sûrement, très pratique, mais avec
les textes de loi qu'on nous propose, non fonctionnelle.
Par ailleurs, il y a un élément aussi à l'inverse.
Nous pensons que les discussions qui ont lieu au bureau sur des
problèmes non reliés directement à l'enseignement en
apprennent et beaucoup aux doyens ou à leurs représentants, et,
en contrepartie, influencent le type d'enseignement qui est donné. Nous
croyons que la formule vécue jusqu'à maintenant a donné de
bons résultats.
M. LAURIN: A la fin de votre résumé et de votre
mémoire également, vous prononcez des paroles que je
considère extrêmement sérieuses et graves, lorsque vous
dites que si les lois adoptées devaient conduire à cette
conséquence, c'est-à-dire que le collège deviendrait,
selon vous, un rouage inutile, le collège insiste respectueusement pour
demander au législateur de l'abolir dès maintenant. Vous
répétez un peu plus loin que vous ne sauriez accepter que le
projet de loi demeure tel quel dans certaines de ces dispositions que vous
jugez essentielles. Même à la fin, à la toute fin de votre
mémoire, vous dites: Une responsabilité que vous ne feriez que
refuser dans les conditions où elle vous est octroyée,
c'est-à-dire sans les pouvoirs que vous estimez suffisants. J'estime que
vous avez dû bien peser les termes que vous employez. Si vous les avez
bien pesés, jusqu'à quel point seriez-vous prêts à
accepter des concessions? Où est le point où vous demanderiez
d'abolir le collège? Où est le point des concessions que pourrait
faire le législateur qui vous permettraient de les accepter?
M. LEBOEUF: Merci de la question. Effectivement, il y a plus d'un an, le
collège et le président l'a mentionné, je pense, ce
matin a entrepris une tournée de la province pour savoir des
médecins, qui sont quand même les membres de la corporation, ce
qu'ils pensaient de l'avenir de leur corporation. Nous les avons mis devant
cette double hypothèse, entre autres. Il n'y a eu aucune
hésitation, des Iles-de-la-Madeleine, cette fois, à l'Abitibi,
pour dire que c'est
l'une ou l'autre. Quand nous disons: Nous préférons qu'on
nous abolisse plutôt que de nous laisser une responsabilité, sans
l'autorité correspondante, nous sommes bien conscients que le
législateur peut en décider autrement. Notre expérience
acquise, depuis les dernières années, démontre que, s'il
en était ainsi, les membres de la corporation puisque le
collège, ce ne sont pas ceux qui sont ici, mais ce sont les 8,000
médecins de la province dont la motivation actuellement n'est pas
toujours aussi positive que nous le souhaiterions, vont se charger dans les
faits de faire en sorte que la corporation ne donne rien. C'est à cause
de cette prise de conscience du problème que nous disons: II nous faut
une responsabilité claire, quelle qu'elle soit, mais pour
celle-là, l'autorité aussi claire.
Nous avons subi, dans le passé, plus d'un blâme, notre cote
d'amour dans la population, nous le savons, est peut-être meilleure, mais
elle a sûrement été très basse, si elle ne l'est pas
encore et nous pensons qu'en bonne partie cela est relié au fait que
responsables de situations sur lesquelles nous n'avions aucune autorité,
nous en portions quand même le blâme. C'est ce que, dans notre
volume sur l'avenir du collège, nous avons décrit comme
étant un simulacre de contrôle que nous rejetions, sinon dans les
textes de loi, puisque nous n'en décidons pas, du moins dans les faits,
parce que nous savons que c'est ce vers quoi nous nous en allons avec les
médecins de la province, si l'autorité n'est pas en
correspondance avec la responsabilité.
Le point majeur qui sous-tend toute cette discussion, qui nous
éloigne du code des professions de façon particulière,
porte justement sur ce mécanisme d'acquisition de la compétence.
Quant aux mécanismes de contrôle de l'exercice professionnel, je
pense que les relations entre le ministère des Affaires sociales et le
collège depuis un an et demi ont permis d'élucider tant et tant
de points que le consensus se fait de plus en plus facilement et qu'au fond la
formule que nous demandons n'est qu'une des possibilités que nous offre
le code.
Mais sur l'acquisition de la compétence, nous ne pouvons reculer
d'un pouce.
M. LAURIN: Ce sont donc les responsabilités que vous
réclamez en ce qui concerne la vérification du degré de
compétence qui constitue pour le collège le point de non-retour
en deça duquel il ne saurait reculer, Dr Gingras?
M. GINGRAS: D'accord.
M. LEBOEUF: M. le Président, je veux ajouter un mot, étant
donné qu'au tout début M. le ministre des Affaires sociales a
fait un certain nombre de commentaires et que de la prévention on a
quitté le sujet. Je voudrais revenir sur le fait que l'article 88 du
bill 65 ne résout aucunement à nos yeux le problème de
l'agrément des milieux de formation. Cet article statue sur un contrat
d'affiliation qui devra être approuvé par le ministère de
l'Education et le ministère des Affaires sociales avec consultation des
établissements d'enseignement.
Le problème n'est pas là, quant à nous. Et je
reviens à la phrase que j'ai dite tantôt: Sans agrément des
endroits nous le regrettons beaucoup, mais nous ne pouvons pas former un
médecin dans un cabinet privé; il faut le former dans un
établissement de formation, on aura beau exiger des stages avec
des recettes merveilleuses, on n'est aucunement assuré de la valeur du
contenu de la formation obtenue.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): Dans votre mémoire, aux pages 54 et
suivantes, au chapitre VII, vous traitez de la question de l'exercice
illégal de la médecine. Après avoir demandé
d'inclure, dans la première partie des articles de la loi qui traitent
de ce sujet pour ceux qui sont exclus de cette loi, d'autres personnes que les
étudiants en médecine, vous définissez ces autres
personnes.
Il y a deux autres points importants: celui de réserver le titre
de "docteur"uniquement aux médecins, lorsqu'il est employé seul
comme mot, et, deuxièmement, le domaine de la publicité pour
l'exercice illégal de la médecine.
Je pense que la question de "docteur" sans le titre de médecine
est un domaine suffisamment populaire pour que nous n'ayons pas de questions
à vous poser là-dessus. Je pense que tout le monde le comprend
fort bien. C'est une chose qui touche nettement notre milieu et qui ne
s'applique peut-être pas dans d'autres pays.
Mais il y a tous les articles que vous voulez ajouter au sujet de "sont
coupables d'exercice illégal de la médecine ceux qui, a), b),
c)... par quelque moyen de publicité incitent...". Qu'est-ce que vous
entendez exactement par là? Est-ce que vous touchez aux questions de
remèdes ou d'utilisation de remèdes? C'est quoi exactement?
M. LEBOEUF: Je suis très heureux parce que, avec votre
permission, M. le Président, je voudrais que ce texte soit compris comme
étant imparfait. Je vais vous livrer le message que nous avons voulu
livrer par cet article. H arrive que des guérisseurs sont poursuivis
pour exercice illégal, sont condamnés pour exercice
illégal, sont condamnés pour des annonces illégales et que
ces annonces continuent quand même, par la voie des postes de radio, des
postes de télévision et des journaux, à inciter
frauduleusement le public à utiliser leurs services.
Devant ce fait, et nous avons des cas entre autres, nous avons
toute la correspondance au collège, dont j'ai extrait un certain nombre
de lettres et un cas en particulier où nous avons tenté de
rappeler à des postes de télévision et à
des postes de radio le code d'éthique du bureau consultatif de la
publicité au Canada, qui est très clair là-dessus par deux
de ses articles qui demandent à ses membres de ne pas faire une telle
publicité. Le code n'ayant qu'une force morale de persuasion, aucun
résultat n'a été atteint. Et en repensant à la
phraséologie utilisée ici, le message que nous voudrions livrer
est le suivant: "Devraient être coupables d'exercice illégal de
toute profession" et on devrait mettre cet article dans le code des
professions "les propriétaires ou les responsables des media de
diffusion qui accueillent une publicité relative à l'exercice
illégal de cette profession". Il me semble que là nous
protégerions le public qui est malheureusement frauduleusement
incité à utiliser des services que les tribunaux ont
déjà déclaré être un exercice illégal,
donc présumément dangereux.
Nous ne voulons pas revendiquer ce privilège, quant à
nous, pour nous seulement; s'il est là, c'est qu'il est un résidu
de notre projet de loi médical mais, à l'analyse, il nous semble
que le code des professions devrait plutôt contenir une disposition
à cet effet-là.
M. MASSE (Montcalm): Je pense que votre désir est fort louable,
mais c'est difficile de concevoir que les media d'information puissent juger
eux-mêmes si la demande de publicité est conforme à la loi
ou non. Vous en faites une espèce de tribunal judiciaire où ils
décident, eux, que telle publicité est contraire à telle
loi. Je ne pense pas que cela existe dans beaucoup de domaines un pouvoir
semblable.
M. LEBOEUF : Je suis d'accord. Il n'est pas dans notre intention
et, encore là, la formulation pourrait être repensée
de demander aux media d'information, avant d'accepter ou d'accueillir une
annonce, de décider de la légalité de ce qu'ils annoncent.
Il nous semble qu'après avertissement, comme on l'a fait dans le cas,
après copie du jugement rendu pour la même annonce le jugement
d'un tribunal le...
M. MASSE (Montcalm): L'avis viendrait du collège?
M. LEBOEUF: Ou du procureur de la couronne puisque les poursuites
peuvent être intentées en vertu du code tant par l'un que par
l'autre.
M. MASSE (Montcalm): Parce qu'il est difficile dans la loi de dire qu'on
est juge et partie dans l'application, si on applique ou si on n'applique pas
la loi. C'est ce qui est difficile à concevoir.
M. LEBOEUF : Je n'aurais aucune objection, M. le Président,
à ce que ce type d'exercice...
M. MASSE (Montcalm): Le point est intéressant et de tout temps il
y a eu dans le Québec des groupes ou des individus qui ont
pratiqué plus ou moins illégalement la médecine dans le
sens que la loi reconnaît ce qu'est la médecine. Profiter de la
loi du collège pour améliorer la situation, c'est tout à
fait louable. Mais les moyens que vous nous proposez me semblent aller
au-delà de ce que vous recherchez.
M. LEBOEUF: Mais, que ces propriétaires de media de diffusion ne
soient susceptibles d'être coupables d'exercice illégal
qu'après, sciemment, en toute connaissance de cause, aucune objection
à cela.
M. MASSE (Montcalm): Cela pourrait être l'office qui porte plainte
au ministère de la Justice.
M. LEBOEUF: Nous n'aurions pas d'objection, à ce
niveau-là, que ce soit le procureur de la couronne qui intente toujours
les poursuites, pour bien montrer qu'il ne s'agit pas d'un privilège,
encore une fois, qu'une corporation veut recueillir pour elle.
M. MASSE (Montcalm): C'étaient là les questions, M. le
Président.
M. LEBOEUF: On me signale que la loi française exige ce
contrôle de toute façon.
M. LE PRESIDENT: Vous avez d'autres questions?
M. MASSE (Montcalm): Je n'ai pas d'autres questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: On parle d'équivalence de diplômes avec ceux qui
viennent d'universités étrangères. Quel est le
comportement du Collège des médecins à l'endroit des
diplômés des universités autres que celles de la province
de Québec? Je voudrais savoir, aussi, vice versa, quelle est l'attitude
que prennent les autres Collèges des médecins des autres
provinces envers les diplômés de nos universités?
M. LEBOEUF: M. le Président, si vous me le permettez, pour une
des premières fois de la journée, je demanderais au registraire,
qui a un recul et qui a la chance de connaître le Canada d'un
océan à l'autre, de répondre à la question de
façon beaucoup plus complète que je ne saurais le faire et ainsi
éviter à la commission deux réponses successives.
M. BENOIT: Je pense, M. le Président, que le Collège des
médecins a une attitude absolument objective et positive à
l'endroit des médecins de l'extérieur qui désirent exercer
au Québec. En ce qui concerne ceux de l'extérieur du Canada, des
Etats-Unis, nous leur demandons des stages pour les évaluer et des
examens qui sont identiques pour tous. Nous avons
publié des statistiques assez récentes à l'effet
que l'an dernier 40 p.c. des médecins licenciés en 1971 venaient
de l'extérieur du Québec et des Etats-Unis. En ce qui concerne
les médecins des autres provinces, la voie d'admission ici au
Québec est un examen national, qui est celui du Conseil médical
du Canada et que tous les médecins doivent avoir réussi pour
venir exercer au Québec. Il en est de même pour les
médecins du Québec qui veulent aller exercer à
l'extérieur. Ce Conseil médical du Canada existe depuis 1912,
puisque nous y faisons allusion. En même temps, je désire
préciser que je suis actuellement, en 1972, le président du
Conseil médical du Canada. Il est parfois embêtant d'avoir
plusieurs chapeaux; cette fois-ci, j'ai ce chapeau-là. Hier, j'en avais
un autre que je n'ai pu porter. Mais disons que ce conseil qui existe depuis
1912 a eu pour effet d'améliorer considérablement la
qualité de la médecine au pays. Le but primordial du conseil,
lorsqu'il a été créé il a été
créé sur l'insistance d'un médecin du Québec dans
le temps était de promouvoir un examen qui serait le meilleur
possible et qui aiderait les candidats à traverser les frontières
des provinces sans avoir à repasser des examens.
Je pense qu'il est important d'attirer l'attention sur le facteur de
mobilité et aussi sur l'importance de ne pas multiplier indûment
le nombre d'examens que nos candidats ont à passer.
Dans les autres provinces du Canada, à venir jusqu'à il y
a deux ans, toutes les facultés de médecine faisaient passer
à leurs candidats, à leurs étudiants un examen
conjointement avec celui du Conseil médical du Canada qui leur donnait
à la fois le droit de pratique dans la province, le droit de pratique
dans tout le pays et également le diplôme universitaire. Depuis
deux ans, cette solution est plus difficile d'application et elle n'est
à peu près plus possible étant donné le changement
du type d'examen qui, du type ordinaire de la question, est devenu un examen
objectif, à choix de réponses, qui est corrigé de
façon électronique et sur lequel les correcteurs,
évidemment, ne peuvent se pencher.
Les universités utilisent moins cet examen. Si les corporations
l'utilisent encore dans la plupart des provinces du Canada, c'est tout
simplement pour s'acquitter de leur tâche et vérifier les
connaissances des étudiants en médecine des universités
avant de leur donner le droit d'exercice. C'est aussi pour s'assurer que ces
candidats réunissent un minimum de connaissances nécessaires pour
exercer, étant donné que les universités sont
indépendantes et autonomes et qu'elles ont le droit d'organiser des
programmes d'étude à leur convenance, qu'elles ont le droit
d'avoir des périodes électives, qu'elles ont le droit de former
un médecin un peu comme elles l'entendent.
Nous, les corporations, voulons que le médecin ainsi formé
puisse répondre aux besoins de la population et puisse au moins avoir
comme connaissances ce qu'il faut pour exercer la médecine
générale sans danger. Il reste qu'il y a eu certains
problèmes, ici au Québec, récemment qui ont
été mis en lumière par les journaux. Ce n'est pas sans
raison que le Collège des médecins avait demandé, à
partir de l'année prochaine, que tous ses médecins puissent
passer cet examen. Nous sommes à réviser la décision
conjointement avec les étudiants en médecine et les
universités de façon à ne pas multiplier indûment
les examens nous en sommes très conscients mais de
façon à assurer également à la population la
qualité optimale du médecin qu'elle désire et qu'elle a le
droit d'avoir.
Nous sommes conscients de l'utilité des évaluations
subjectives du candidat; son travail auprès des malades est
extrêmement important, non seulement les connaissances doivent-elles
être évaluées, mais aussi les capacités de
fonctionner face à une crise, face à un malade. Nous croyons que
le collège a fait son devoir dans le passé. Les examens, les
règlements que nous demandons ne sont pas extravagants, ils sont
conformes en tous points à ce qui se passe dans les autres provinces du
Canada. Nous ne multiplions pas les étapes, au contraire, nous sommes
actuellement à peu près le collège qui facilite le plus
l'admission de nos médecins dans la province.
M. BOIVIN: Est-ce que le Collège des médecins est
consulté pour la programmation des études dans les autres
provinces?
M. BENOIT: Vous voulez parler de l'examen. Je vais en dire un mot
rapidement. Le Conseil médical du Canada est une corporation
fédérale composée de représentants de chaque
collège des médecins du Canada et de chaque université du
Canada plus trois représentants nommés par le gouvernement
fédéral. Ces personnes s'élisent un bureau d'examinateurs,
un bureau d'étude et différents comités dont un
comité qui s'occupe exclusivement du choix des questions d'examen.
Comme je l'ai mentionné, c'est un examen objectif. Les questions
sont prises à partir d'un bloc de questions qui nous est fourni par le
National Board of Medical Examinors des Etats-Unis, le seul organisme au monde
qui a mis sur pied un système semblable d'examens. Nous lui demandons de
nous fournir des questions, nous les choisissons nous-mêmes et, une fois
choisies, nous déterminons le degré de passation des questions de
façon que la correction soit raisonnable.
Les universitaires et les collèges de toutes les provinces
participent au choix des questions, c'est une chose nationale.
C'est de nature à faire en sorte que les médecins du
Québec soient aussi bons que ceux du Canada. Je pense que la population
n'accepterait pas que nos médecins soient inférieurs à
ceux des autres provinces.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. LAURIN: J'ai une question additionnelle. N'y-a-til pas un autre
aspect à considérer ici? Est-ce que ce n'est pas, quand
même, une façon pour le Conseil médical du Canada d'exercer
un contrôle parallèle au contrôle donné à la
corporation provinciale, c'est-à-dire le Collège des
médecins?
M. BENOIT: Le Conseil médical du Canada ne donne pas le droit de
pratique. Il n'accepte à ses examens que les candidats qui lui sont
référés par les collèges des médecins d'une
façon volontaire. Donc, il ne force en aucune façon ni les
candidats, ni les collèges à faire appel à ses services.
Le but du Conseil médical du Canada est d'avoir un examen du plus haut
calibre possible. Etant donné que le calibre est très
élevé, les collèges, d'eux-mêmes, font appel
à l'examen d'une corporation qui est totalement indépendante de
tous groupements.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Dr Leboeuf, à la page 46 de votre mémoire,
vous demandez l'addition d'une section nouvelle qui serait intitulée
"Enquête et immunités". Vous vous appuyez, pour demander cela, sur
l'expérience vécue depuis l'addition de l'article 61, concernant
ces pouvoirs d'enquête, à la Loi médicale actuelle. Est-ce
que ce sont des pouvoirs d'enquête dans les institutions
hospitalières ou à l'endroit des médecins?
M. LEBOEUF: C'est un pouvoir d'enquête qui devrait s'exercer et
s'exerce effectivement actuellement partout où un médecin
pratique, quant à sa compétence, quant à sa conduite et,
éventuellement, quant à son état de santé, avec
l'amélioration que le code des professions propose. La raison
d'être de cette affirmation ou de cette mention de notre
expérience, c'est que nous sommes conscients de ne pas redemander
exactement le même pouvoir d'enquête. Pourquoi avons-nous
changé ceci dans la demande de projet de loi que nous vous soumettons?
C'est que, depuis 1962, certains handicaps nous sont apparus de plus en plus
encombrants dans le texte actuel de l'article 61. Je veux en signaler juste
quelques-uns. Cet article-là, pour une part, est dans la section de
discipline, de sorte qu'il est interprété comme devant être
prédisciplinaire. L'objet de l'enquête n'est pas
précisé de façon à être suffisamment clair et
à inclure la compétence des médecins. L'état de
santé, non plus, n'est pas mentionné comme objet
d'enquête.
L'article 61 permet à l'exécutif du Bureau provincial de
médecine d'autoriser un membre; un seul donc, les autres ne sont
possiblement pas couverts par le terme, quoique des interprétations
différentes sont données sur ceci. Il ne peut autoriser personne
d'autre qu'un membre, alors que nous demandons la possibilité, au
contraire, qu'un médecin puisse se faire assister dans une enquête
par un non-membre de la profession et ceci, dans des cas très
particuliers, nous serait fort utile, surtout quand il y a possibilité
de fraude dans les réclamations fournies à la Régie de
l'assurance-maladie, qui nous sont soumises, ou quant à la
vérification de la nécessité des soins. Il y a un certain
nombre de témoignages à recueillir et des gens beaucoup plus
habilités que des médecins à oeuvrer dans de telles
enquêtes nous aident actuellement à en faire.
Un des points majeurs, c'est que l'article 61 parle de l'obligation qu'a
tout le monde, lors d'une enquête tous ceux que l'article
mentionne de nous exhiber des documents. Or, le mot "exhiber" a
été interprété par plusieurs des juristes de
façon assez restrictive et "exhiber" n'inclut pas la remise d'une copie.
Ceci a créé des embêtements qui nous ont fait voyager,
à l'occasion, 400 milles dans la province pour aller chercher
nous-mêmes les informations dans un dossier parce que nous ne pouvions
obtenir copie du dossier en vertu de notre article.
On a donc pensé profiter de la nouvelle Loi médicale pour
corriger, à la lumière notre expérience, ces handicaps qui
ont nui à notre fonctionnement, et ceci pour la moins bonne protection
du public.
M. FORTIER: Merci.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous allons procéder au
résumé du mémoire à propos des lois 254, 255, 256,
265, 269, 271, 272 et 273.
M. GINGRAS: M. le Président, je demande au Dr Lapierre de
procéder à la lecture du résumé.
Corporations de la santé
M. LAPIERRE: M. le Président, à peu de chose près,
toutes ces lois particulières se ressemblent en ce qu'elles
définissent l'exercice de chacune des professions concernées;
elles identifient certaines caractéristiques propres à chacune de
ces professions en les soumettant toutes au code des professions au sujet
duquel le collège vous a fait ses commentaires ce matin.
Comme la principale difficulté de chacune des lois
particulières ci-dessus mentionnées réside dans la
définition de l'exercice de chacune de ces professions, les commentaires
du collège sur ces lois se rapportent principalement à la
définition et aussi à l'imprécision de certains termes ou
à l'omission de certains faits essentiels. Le collège a
délibérément évité, dans son mémoire,
tout commentaire sur les professions qui ne sont d'aucune façon
reliées au domaine
de la santé et pour lesquelles des projets de loi ont
été déposés.
Depuis cette date, cependant, il a eu l'occasion de lire un certain
nombre de mémoires qui sont parvenus à la présente
commission, de la part de certaines corporations et dans lesquels certaines
d'entre elles demandent de ne pas être assujetties au code des
professions.
Nous désirons attirer l'attention du législateur sur le
fait que le code doit demeurer une loi-cadre applicable à toutes les
corporations sans exception. Ceci dit, nous revenons aux corporations de la
santé et nous les révisons une à une.
Loi des dentistes
M. LAPIERRE: Sur la Loi des dentistes, le seul commentaire que nous
avions à faire portait sur l'aspect préventif et à la
suite des explications fournies, nous retirons ces commentaires.
Loi sur la pharmacie
M. LAPIERRE: Quant à la loi sur la pharmacie, le bill 255, ce
projet de loi pose le problème de la substitution des
médicaments. Conscient des conséquences économiques
occasionnées par le coût des médicaments, le collège
ne peut cependant se dissocier d'un problème tout aussi important qu'est
celui de la qualité de ces médicaments. La solution de ce double
problème relié à la substitution et en regard du respect
de la liberté de prescription du médecin réside dans
l'élaboration de la liste de médicaments telle que prévue
à l'article 7 de cette loi.
Cette liste sera, selon le bill, préparée par le
Collège des pharmaciens, après consultation du Conseil
consultatif de pharmacologie formé récemment par le bill 69, soit
la Loi modifiant la loi de l'Assurance-maladie et la Loi de la Régie de
l'assurance-maladie. Le collège est d'accord pour accepter qu'un
pharmacien puisse substituer un médicament à un autre, à
même cette liste de médicaments prévue dans la Loi sur la
pharmacie, à deux conditions qui sont les suivantes: 1) Que cette liste
soit établie conjointement par le Collège des pharmaciens et le
Collège des médecins; 2) Que le médecin, dans des cas
particuliers et pour des raisons précises, puisse indiquer sur son
ordonnance son opposition toute substitution.
Si l'on veut respecter le principe de la liberté
thérapeutique du médecin et si l'on veut assurer le malade d'une
qualité égale de tout substitut possible, nous considérons
que les médecins, qui ont la responsabilité de
l'évaluation clinique des traitements prescrits, participent à
part entière à la préparation de cette liste de
substituts.
Par ailleurs, même la liste la plus parfaite ne doit pas
empêcher un professionnel de signifier expressément, sur son
ordonnance, son opposition à toute substitution, dans un cas particu-
lier. Le professionnel qui abuserait d'une telle disposition devrait devoir en
répondre devant sa corporation.
Loi sur l'optométrie
M. LAPIERRE: En ce qui concerne la Loi sur l'optométrie, dans son
mémoire, le collège a proposé une définiton de
l'exercice de l'optométrie différente de celle proposée
par le bill. Comme cette définition proposée est reliée
à un aspect très technique de l'exercice, tant de
l'optométrie que de l'ophtalmologie, le collège a dû se
fier, comme il le fait pour toutes les disciplines médicales, sur des
experts en la matière. Ces experts, qui sont des ophtalmologistes,
pourront répondre à toutes vos questions sur cette
définition lorsque ces médecins se présenteront devant la
commission pour faire entendre leurs commentaires.
Un deuxième commentaire sur cette loi réfère
à l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers le
médecin. Il existe, entre l'exercice de l'ophtalmologie et l'exercice de
l'optométrie, une zone grise sur laquelle ni les ophtalmologistes, ni
les optométristes, ni le lieutenant-gouverneur en conseil, par la
création de comités mixtes, n'ont pu s'entendre.
Il apparaît cependant essentiel que l'optométriste
réfère à un médecin les cas de pathologie qu'il
peut déceler dans sa pratique. Pour résoudre ce problème,
le collège, quant à lui, fait confiance à la Corporation
des optométristes et suggère que leur projet de loi
prévoie pour cette corporation l'obligation d'inclure dans son code de
déontologie une article établissant le principe
général de l'orientation obligatoire des cas pathologiques au
médecin.
La réglementation découlant de cet article devra
prévoir dans toute la mesure du possible les cas pathologiques qui, pour
la protection du public, devraient ainsi être
référés au médecin. L'optométriste qui
dérogerait à un tel article de son code aurait à en
répondre devant le comité de discipline de sa corporation.
Loi des techniciens en radiologie
M. LAPIERRE: En ce qui concerne les techniciens en radiologie, la
définition de l'exercice de cette profession ne décrit pas de
façon suffisamment complète le champ d'activité de ces
professionnels et, d'autre part, elle mêle certaines notions. Le
collège propose en page 8 de son mémoire une définition
plus complète et plus précise dans les termes suivants:
"Constitue l'exercice de la profession de technicien en radiologie et en
médecine nucléaire tout acte qui a pour objet l'exécution
d'un travail technique comportant soit l'utilisation de rayons en vue de la
production de radiographies ou en vue de l'application de traitements
radiothérapi-ques, soit l'utilisation de radioéléments en
vue de la production d'examens ou de l'application de traitements en
médecine nucléaire".
Le collège tient cependant à faire remarquer que des
techniciens de laboratoire et des infirmières travaillant dans des
laboratoires ou dans les départements de médecine
nucléaire des hôpitaux procèdent à l'heure actuelle
à des injections ou prélèvements en vue d'examens de
laboratoire et utilisent à cette fin des isotopes sous la surveillance
du médecin responsable de ce laboratoire ou département. D y
aurait lieu de s'assurer que l'interprétation donnée à la
définition de l'exercice du technicien en radiologie ne puisse avoir
comme conséquence de mettre ces personnes dans une situation
illégale.
Dans notre mémoire sur le bill 250, nous avons mentionné
que l'exercice de la radiologie devait être réservée aux
médecins, aux dentistes et aux médecins
vétérinaires. Le collège s'oppose donc à ce qu'un
technicien en radiologie puisse exercer sa profession sous la surveillance d'un
quelconque détenteur d'un permis de radiologie ou de
radiothérapie délivré conformément à
l'article 173 actuel du code des professions.
Loi sur la chiropraxie
M. LAPIERRE: En ce qui concerne la chiropraxie, le collège a
déjà, à plus d'une reprise, fait connaître sa
position sur la chiropraxie et ne voit aucune raison de la modifier.
Considérant de son devoir d'assurer le maintien et la défense
d'une médecine de qualité en vue de la protection du public, il
ne peut recommander au législateur de reconnaître ce que la
médecine elle-même ne reconnaît pas. Aussi, le
collège considère comme inutile et déplacé de faire
quelque autre commentaire sur l'un quelconque des articles de ce projet de loi.
Il tient toutefois à rappeler avec insistance au législateur le
danger d'autoriser l'utilisation d'appareils de radiologie par des personnes
n'ayant aucune connaissance dans ce domaine. Ce danger a d'ailleurs longuement
été étudié et commenté dans le rapport de la
commission d'enquête sur la chiropraxie présidée par le
juge Lacroix.
Loi sur la podiatrie
M. LAPIERRE: En ce qui concerne la podiatrie, le collège favorise
la reconnaissance d'un statut légal de cette profession. Il est
cependant conscient de la difficulté de donner une définition
précise de la podiatrie, étant donné qu'il existe
actuellement trois groupements différents qui semblent avoir de la
podiatrie un concept allant de la pédicurie à la chirurgie du
pied et qui ont une formation aussi différente. L'exercice de la
podiatrie par ces professionnels varie selon l'un ou l'autre de ces concepts et
selon la formation qu'ils ont reçue.
Dans l'attente de pouvoir mieux identifier la formation et la
compétence qui seront exigées des membres de cette corporation,
le collège demande donc au législateur de définir la
podiatrie en des termes qui se réfèrent par analogie à
ceux qui sont utilisés dans la définition de l'exercice de la
profession d'infirmière ou d'infirmier. L'application de cette
définition devra ainsi se référer à l'usage et
être reprise ultérieurement si nécessaire pour fins de
précision. Cette définition apparaît en page 13 de notre
mémoire. IL y aurait possiblement lieu d'y ajouter et ceci
n'apparaît absolument pas dans notre mémoire comme pour la
définition que nous proposons de l'exercice infirmier, que le podiatre
peut appliquer un traitement même si l'affection est reliée
à une maladie du système, pourvu que ce traitement soit fait sur
l'ordonnance d'un médecin.
Par ailleurs, le collège s'oppose à ce qu'un permis de
radiologie ou de radiothérapie soit accordé à ces
professionnels.
Il ne reconnaît pas aux podiatres la compétence de
procéder à des examens radiologiques. Il reconnaît que les
podiatres pourraient être autorisés par leur loi à demander
des consultations en radiologie à des médecins qualifiés
dans cette discipline. Ceci suppose, cependant, que la formation minimale
requise pour les membres de cette corporation soit telle que ceux-ci
comprennent et acceptent les mêmes principes scientifiques auxquels se
réfèrent la radiologie médicale, puisque c'est seulement
dans cette hypothèse qu'une consultation saurait être possible
entre les professionnels des deux groupes.
Le collège suggère, en troisième lieu, avant de
constituer le premier bureau de cette corporation, qu'on exige de chacun de
ceux qui se réclament du titre de podiatre un dossier complet
établissant sous serment la formation et l'expérience acquise, ce
qui permettrait de constituer plus facilement un bureau provisoire
adéquat à partir du groupe de candidats qui répondraient
à des exigences minimales. Enfin, comme dans le cas des
optométristes, le collège recommande qu'un article de cette loi
oblige la corporation à inclure dans son code de déontologie un
article imposant aux podiatres l'orientation obligatoire vers un médecin
de tout corps reconnu pathologique par eux et ne relevant pas de la podiatrie.
Le podiatre qui dérogerait à cet article devrait en
répondre devant un comité de discipline de sa corporation.
Loi des physiothérapeutes
M. LAPIERRE: En ce qui concerne les physiothérapeutes, le
collège a fait sur cette loi certaines remarques,
particulièrement sur la définition de l'exercice, à
l'article 7, en soulignant que les termes "exercices physiques" doivent
être reliés à la notion de leur utilisation
thérapeutique; en soulignant aussi que la définition omet
certains moyens thérapeutiques reconnus et qu'enfin
l'ergothérapie doit être traitée à part la
physiothérapie. Le collège propose donc une formulation de
l'article 7 dans son mémoire. Le collège souligne aussi que la
physiothérapie, qui ne constitue qu'une partie du traitement global,
exige l'établisse-
ment d'un diagnostic et qu'en conséquence l'exercice de la
physiothérapie ne doit se faire que sur ordonnance médicale.
Loi des infirmières et infirmiers
M. LAPIERRE: En ce qui concerne le bill 273 ou la Loi des
infirmières et infirmiers, le collège signale la
difficulté de définir ce qui constitue l'exercice de cette
profession, compte tenu de l'absence de définition valable actuellement
disponible à l'échelle mondiale, compte tenu de
l'évolution constante à laquelle est soumise cette profession et
compte tenu de la grande variété d'exercices selon le milieu et
selon les ressources.
Le collège a tenté avec les infirmières d'abord et
par lui-même d'établir une nouvelle définition de
l'exercice de cette profession. Il s'est rendu compte que la meilleure
définition était encore celle proposée dans le bill 273,
à condition de lui apporter certains amendements. Le collège
souligne, en premier lieu, la nécessité de prévoir par
cette définition une solution à certains problèmes
causés actuellement par le fait que, dans certaines circonstances, les
infirmières sont appelées à poser des actes qui ne sont
pas, hors de tout doute, des actes d'infirmiers. L'évolution actuelle de
l'exercice de la médecine et de la profession d'infirmière exige
que la délégation de certains actes soit possible si on
établit dans quelles circonstances cela pourrait être fait. Le
collège propose donc un amendement à cet effet dans la
définition qui apparaît dans son mémoire.
En deuxième lieu, le collège souligne que la promotion de
la santé ne peut pas être l'apanage exclusif d'une seule
profession. Elle constitue un devoir pour toutes les professions de la
santé et même particulièrement pour le ministre des
Affaires sociales. Cette notion n'a donc pas à apparaître dans
cette loi en particulier. H en serait de même de l'aspect de
prévention. La définition suggérée par le
collège apparaît, comme je l'ai dit, à la page 20 et
pourrait se lire comme suit: "Constitue l'exercice de la profession
d'infirmière ou d'infirmier, tout acte qui a pour objet d'assumer ou de
dispenser des soins infirmiers que requiert la maladie, le traitement des
malades et la réhabilitation de ceux-ci."
L'infirmière ou l'infirmier peut contribuer aux méthodes
de diagnostic et aux moyens de traitement déterminés par un
médecin qui agit dans les limites prévues aux règlements
de sa corporation.
Ergothérapeutes, prothésistes et
orthésistes
M. LAPIERRE: Un corollaire s'ajoute à notre mémoire et
porte sur les ergothérapeutes, les prothésistes et les
orthésistes.
Le collège, ayant recommané que les ergothérapeutes
soient exclus du groupes des phy-siothérapeutes, souligne au
législateur la nécessité de protéger ces
professionnels contre l'exer- cice illégal d'une autre profession, en
attendant de la reconnaître par une autre loi.
Le collège considère aussi que le public serait mieux
protégé si une loi incorporait les prothésistes et
orthésistes, les personnes ayant la formation nécessaire pour
agir ainsi, et serait prêt à faire connaître ses
commentaires sur une telle loi, le cas échéant.
En conclusion de ce mémoire, le collège, tout en
étant d'accord pour éviter toute hiérarchisation des
professions, doit souligner, après un examen attentif de tous les
projets de loi reliés au domaine de la santé, qu'un
dénominateur commun réunit la majorité d'entre elles et
détermine leurs interrelations. En effet, les professionnels
visés par plusieurs de ces projets de loi, doivent exercer leur
profession sur ordonnance d'un autre professionnel. Le collège
considère qu'il est nécessaire de maintenir ce
dénominateur commun, pour assurer la coordination et la
continuité des divers services professionnels offerts au public et
permettre à ce dernier d'obtenir les meilleurs services possibles, tout
en étant assuré du travail d'une équipe et non d'individus
indépendants les uns des autres. Ce dénominateur commun se
retrouve ou devrait se retrouver dans la loi de chacune des professions
suivantes: Corporation des orthophonistes et audiologistes, Corporation des
acousticiens en prothèses auditives, Corporation des podiatres,
Corporation des denturologistes, Corporation des physiothérapeutes,
Corporation des opticiens d'ordonnance, Corporation des infirmières, du
moins pour certains actes qu'elles sont autorisées à poser, et
Corporation des pharmaciens, du moins pour certains actes qu'ils sont aussi
autorisés à poser.
Le collège considère que, dans le domaine de la
santé, le citoyen doit être assuré que la personne à
qui il s'adresse, en premier lieu, a la compétence requise pour poser un
diagnostic. Par la suite, il doit également être assuré
qu'il sera traité avec compétence ou orienté vers un autre
membre de l'équipe de santé qui aura les qualifications requises
pour appliquer un traitement plus spécifique.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions. La
première a trait à la Loi sur la pharmacie. Je voudrais
simplement mentionner, en ce qui a trait à la demande du collège
relativement au Conseil consultatif de pharmacologie, que la présidente
de ce conseil, qui assistait ce matin à la séance, Mme
Leclerc-Chevalier, me faisait part du fait qu'il a dressé une liste de
conseillers composée de 103 médecins qu'il a consultés
dans leurs travaux et qu'il entend continuer de consulter. Je pense que c'est
une information assez importante à ajouter, étant donné le
caractère de cette demande.
Le collège fait des remarques, des commentaires, des propositions
quant au problème de la
substitution. Ce qui est proposé est clair, je crois, et devra
faire l'objet d'étude. Il y a un autre problème que j'ai soumis
au collège. Il est fort probable qu'il en soit question, lors de
représentations qui nous seront faites par d'autres organismes je
pense en particulier à des associations représentant les
pharmaciens d'officines. Il s'agit du problème extrêmement grave
de la "surconsommation" des médicaments ou des abus dans la consommation
des médicaments dont nous sommes témoins présentement. Il
semble qu'une partie de ce problème je ne dis pas l'ensemble,
parce que je suis bien conscient que la publicité joue un rôle,
qu'il y a d'autres facteurs qui interviennent provient aussi de
certaines pratiques qu'ont les médecins relativement à leur
façon de prescrire, ordonnances par téléphone abondantes,
absence de dispositions dans les prescriptions relativement au renouvellement
des ordonnances.
Compte tenu du fait que ces représentations vont nous être
faites, j'en suis assuré, et que nous étudions
présentement la Loi médicale en même temps que la Loi sur
la pharmacie, que j'ai soumis il y a déjà quelques mois cette
question au collège, je crois qu'il serait extrêmement
intéressant ou important que les membres de la commission puissent
connaître les vues du collège sur cette question, à savoir
s'il y aurait lieu d'ajouter à la Loi médicale des dispositions
plus précises et contraignantes relativement à cette question de
la prescription.
M. GINGRAS: M. le Président, je remercie le ministre des Affaires
sociales d'aborder ceci, quoique ce ne soit pas une question; je me permets
d'apporter des commentaires. Nous avons déjà commencé,
à la suite d'une réunion que nous avons eue avec le ministre des
Affaires sociales et quelques-uns de ses collaborateurs, une campagne que nous
allons faire auprès de nos collègues, via notre bulletin, via les
moyens de communications que vous connaissez, pour empêcher et
restreindre le plus tôt possible et le mieux possible la surutilisation
des médicaments. Vous pouvez être assurés de notre
collaboration dans ce champ d'action.
M. CASTONGUAY: Est-ce que, au moment où nous discutons en
même temps de la Loi médicale, il y aurait lieu de songer à
des dispositions plus précises touchant cette question, faisant
obligation aux médecins de respecter certaines normes quant à la
prescription de médicaments?
M. LEBOEUF: Etant donné que cet aspect-là n'était
pas prévu dans le projet de loi, mais que nous sommes conscients de son
importance, une des solutions techniques dans tous ces textes qui
m'apparaftraient comme valables comme suggestion de la part du collège,
serait que la Loi médicale impose au collège l'obligation
d'établir dans son code de déontologie un certain nombre de
références en termes de guide de solution à ce
problème-là pour pouvoir agir, par son mécanisme
disciplinaire, dans les cas où, nonobstant toute campagne, toute
tentative positive de conviction, on puisse effectivement arriver à des
résultats concrets.
Me Payette, à ma gauche, me signale que déjà dans
notre code de déontologie certains articles qui pourraient être
utilisés n'ont peut-être pas été conçus
strictement dans cette optique-là. Il y a peut-être lieu de les
réviser, mais je pense que sur le plan des lois pour le moment, c'est ce
que le ministre des Affaires sociales recherche, c'est une possibilité
d'en arriver à arrêter les abus par un texte auquel tout le monde
pourrait se référer. Et je pense que le collège serait
heureux d'avoir de ces références.
Cependant j'attire l'attention sur le fait qu'étant donné
que certains des articles de notre code de déontologie touchent,
j'oserais dire, par la bande à ce problème-là, je soumets
très respectueusement la demande qu'on nous permette d'étudier
cet aspect-là et de peut-être soumettre à la commission,
par voie d'une lettre officielle, nos recommandations à cet
effet-là.
M. CASTONGUAY: Très bien. Il y a un commentaire, une petite
nuance que j'aimerais apporter en ce qui a trait à la question de
l'établissement de normes pour la référence des cas
pathologiques. Le Dr Lapierre mentionnait que les optométristes, les
ophtalmologistes et le lieutenant-gouverneur en conseil n'avaient pu en arriver
à une entente sur cette question. Je voudrais faire remarquer et
je pense que le député de Montmagny va être d'accord sur ce
point que le lieutenant-gouverneur en conseil n'a pas pu faire d'accord
pour la bonne raison que les discussions ne se sont jamais engagées de
façon valable. Mais je pense que le lieutenant-gouverneur en conseil en
a assez pris depuis ce matin sans qu'il prenne ça en plus.
M. GINGRAS: M. le Président, si vous me permettiez, je pourrais
peut-être dire que nous devrions changer notre texte en effet et y lire
à la place: "Nonobstant les efforts considérables du gouvernement
précédent et du gouvernement présent, nous n'avons pu
malheureusement en arriver à une solution définitive."
M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous ajoutiez cela, nous pourrions dire,
nous aussi: "Nonobstant la collaboration du Collège des médecins
qui a accepté de déléguer des membres à cette
commission".
M. CASTONGUAY: Ma question suivante, M. le Président, a trait
à la Loi des physiothéra-peuthes. Nous avons examiné
attentivement la législation dans d'autres juridictions et, à
moins d'erreur de notre part, nous n'avons pu à ce moment-ci identifier
de juridiction où les ergo-thérapeuthes sont formés en
corporation distincte. C'est une des raisons pour lesquelles
nous avons cru, sans vouloir insulter les ergothé-rapeuthes ou
les physiothérapeuthes, pouvoir les inclure dans la même loi.
Même si la formation n'est pas tout à fait la même, si les
techniques ne sont pas tout à fait les mêmes c'est
d'ailleurs le cas dans la médecine de retrouver des
spécialités où la formation n'est pas tout à fait
la même, ni les techniques nous croyons pouvoir éviter
ainsi la multiplication de corporations professionnelles,
particulièrement dans un secteur où il nous semble qu'à la
fois les physiothérapeuthes et les ergo-thérapeuthes doivent
travailler de façon très proche les uns des autres. Je sais que
ceci a soulevé des réactions. Nous avons reçu plusieurs
représentations et, comme vous reprenez vous-même la question dans
le mémoire, je crois qu'il serait important que vous nous donniez vos
vues sur cette question, particulièrement dans ce contexte où
nous croyons ne pas devoir multiplier les corporations professionnelles, comme
c'est le cas pour la profession médicale. Je crois qu'il y a de grands
avantages à le faire. Je crois qu'il serait mauvais d'avoir autant de
corporations qu'il y a de spécialités médicales. C'est
dans cet esprit que je pose la question parce que nous devrons prendre une
décision sur la question, compte tenu de toutes les
représentations qui ont été faites.
M. GINGRAS: M. le Président, je me permets de répondre
à cette question puisque c'est un peu dans mon champ d'action. Les
ergothé-rapeuthes ne sont peut-être pas reconnus au Canada parce
que c'est une profession relativement jeune et une profession relativement
jeune dans la province de Québec en particulier. Il n'y a pas tellement
d'années, n'est-ce pas, que nous avons ces professionnels. Le cours des
ergothé-rapeuthes et des physiothérapeuthes a des dominateurs
communs quant à l'anatomie, la physiologie et certaines sciences de
base. Mais au bout de la première année, il y a une bifurcation
absolue entre les deux spécialités. D'autre part, au moins 50
p.c. à 60 p.c. du travail des ergothérapeuthes dans la province
de Québec, présentement, et dans le reste du Canada, s'exerce
dans les hôpitaux psychiatriques, dans le traitement psychiatrique des
patients ou comme adjuvant psychiatrique au traitement des patients. Ceci n'a
rien à faire avec la physiothérapie dans les hôpitaux
où on travaille dans le champ de la psychiatrie. Par ailleurs, il y a
reconnaissance de cette profession dans le Royaume-Uni et dans plusieurs autres
pays.
M. CASTONGUAY: Nous retrouvons, par exemple, à l'Institut de
réhabilitation des accidents du travail, des ergothérapeuthes qui
travaillent là. Je comprends que leur nombre n'est pas tellement grand.
Il s'est peut-être développé davantage dans le secteur des
hôpitaux psychiatriques, comme vous le mentionnez, mais est-ce que cette
tendance ou leur présence à l'Institut de réhabilitation
est susceptible de s'accentuer dans d'autres institutions? Remarquez que pour
moi, sur le principe, si on trouve qu'il semble préférable
à tout point de vue de les dissocier l'un de l'autre, je ne vois pas
pourquoi on ne devrait pas le faire au plan de leur corporation
professionnelle. La raison pour laquelle je pose les questions, est de voir
s'il y a avantage à le faire par rapport aux avantages que
présenterait leur présence au sein d'une même
corporation.
M. GINGRAS: M. le Président, dans tous les organismes qui ont les
services d'ergothérapie et de physiothérapie le ministre
des Affaires sociales lui-même a visité en ma présence un
hôpital où existent ces deux services ces deux services
sont complètement séparés, physiquement
séparés. Qu'il y ait des symbioses lorsqu'il s'agit de traiter
certains malades et que l'un collabore avec l'autre, d'accord. Mais il y a tout
de même une différence énorme entre le travail qu'un
ergothérapeuthe peut faire pour un patient ou une patiente et celui que
le physiothérapeute peut faire pour un patient.
Cette différence est tellement grande que, dans certains cas, une
prescription est faite en ergothérapie uniquement, dans d'autres cas, en
physiothérapie uniquement et, dans d'autres cas, dans les deux à
la fois.
Je crois que ces deux professions sont reconnues d'une façon
universelle. Il existe un organisme international qui groupe les
ergothé-rapeutes de tous les pays, comme il existe une
fédération internationale qui groupe tous les
physiothérapeutes. Aux Etats-Unis, c'est la même chose et, au
Canada, il y a deux associations nationales bien distinctes, comme il existe
deux associations provinciales, québécoises, bien distinctes
l'une de l'autre, avec des buts qui visent, de toute façon, au plus
grand bien du malade, mais par des moyens différents.
M. CASTONGUAY: Merci. Ma dernière question a trait à la
Loi des infirmières et infirmiers. Vous avez mentionné, à
juste titre, la difficulté de définir de façon claire ce
qui constitue l'exercice de la profession d'infirmière, surtout, par une
telle définition, de toucher à un contenu. Vous avez fait une
proposition d'addition à la définition qui apparaît dans le
projet de loi, qui mérite certainement d'être analysée
très sérieusement. Elle vise, dans une certaine mesure, à
donner un peu plus d'ouverture à la définition que nous avions
proposée.
Compte tenu du fait que le médecin travaille de façon
très étroite avec l'infirmière, croyez-vous qu'il y aurait
danger ou que ce serait mauvais, pour une infirmière travaillant dans un
établissement, que son champ de pratique ne soit pas défini, mais
que ce soit son titre qui soit réservé comme c'est le cas pour
d'autres professions, de telle sorte que la difficulté que vous soulevez
soit contournée et que l'infirmière soit beaucoup plus libre,
dans son travail,
d'évoluer, comme ce fut le cas au cours des vingt
dernières années?
Je ne pose pas la question à Mlle Dumouchel; je vous la pose,
docteur.
M. GINGRAS: Ce n'est pas moi qui réponds, M. le
Président.
M. LEBOEUF: M. le ministre, c'est évidemment dans un certain
nombre de lois que nous avons re'visées, une question qui nous est venue
à l'esprit, nous référant aux critères de l'article
21 du code, d'une part, et au flou de la définition possible du champ
d'exercice, d'autre part, de certaines corporations.
Il est extrêmement difficile, vous en avez convenu tantôt,
de définir de façon parfaite, même proche de la perfection,
le champ d'exercice de l'infirmière. Je pense que tout le monde convient
de la raison; c'est l'évolution de ces professionnels, tant dans leur
formation que dans les actes qu'ils posent, qui fait qu'au fond, au moment
où on pense les cerner dans une définition, ils s'envolent. Sans
jeu de mots, étant donné les infirmières en cause.
Evidemment, la dernière phrase que nous proposons d'ajouter
à la définition donne ouverture à la question que vous
posez, montrant qu'on veut décloisonner le système. Nous sommes
d'accord sur cela, d'autant plus que, lorsqu'on lit, dans cette loi, les
articles concernant les personnes soustraites à l'exercice
illégal de la profession d'infirmière ou d'infirmier, on ne peut
qu'être frappé par le fait qu'au fond tout le monde y est
soustrait.
Je pense, sans vouloir enlever aux infirmières l'occasion de
faire valoir leur point de vue, qu'elles ont été très
conscientes de cela puisque, dans leur mémoire devant la commission,
elles vont faire un certain nombre de commentaires sur cet aspect. Je les
laisserai les faire, si vous me le permettez. Je ne voudrais pas me mettre
à expliquer les autres mémoires.
Fondamentalement, votre question reste encore à poser. Les deux
réponses, à notre sens, sont encore possibles, compte tenu des
commentaires et explications que les infirmières, je pense, pourront
fournir devant la commission.
M. CASTONGUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny) : M. le Président, à la page 1,
à l'introduction de votre mémoire, vous dites, au dernier
paragraphe: "Le collège a délibérément
évité tout commentaire sur les professions qui ne sont d'aucune
façon reliées au domaine de la santé et pour lesquelles
des projets viennent d'être déposés. Cependant, il
réalise que certains privilèges leur ont été
accordés." Pourriez-vous nous donner des précisions
additionnelles ou un exemple qui vous aurait surpris agréablement ou
non?
M. LEBOEUF: Je vais tout simplement donner l'exemple, je suis sûr
que vous allez déduire de l'élément, de la qualité
et de la surprise. Je vais référer à un exemple qui touche
tellement de lois, à tout l'aspect de l'examen pour le contrôle de
la compétence. J'ai ici un certain nombre de lois pour lesquelles
spécifiquement l'examen est prévu par la corporation avant
l'émission d'un permis d'exercice. Et la podia-trie contient cette
clause-là et la Loi sur la chiropraxie; les médecins
vétérinaires l'avaient et la conservent de même, le
notariat, le Barreau, les arpenteurs, les architectes, les agronomes et les
denturologistes.
Je comprends que dans certains cas, il y a des raisons très
particulières parce que certaines de ces corporations sont nouvelles. Il
n'en est pas moins vrai que cela leur est acquis dans leurs lois et cela nous
met dans une situation difficile. A une première lecture du bill 252,
voyant les mots "conditions et formalités" que le bureau pouvait
imposer, nous avions pensé que cela pouvait permettre de comprendre
qu'une des conditions soient effectivement un contrôle par examen. A la
lecture des autres lois, il nous est apparu impossible d'interpréter le
mot "condition" dans ce sens-là, étant donné que dans des
lois je réfère entre autres à la Loi de l'agronomie
qui a été complètement refaite les conditions et
formalités sont aussi mentionnées mais dans un paragraphe plus
bas que le précédent évidemment et qui parle, lui,
d'examen.
Je me dis que si le législateur, dans sa sagesse, spécifie
dans une loi, en deux temps d'abord "examen" puis "conditions et
formalités", dans notre loi, "conditions et formalités" ne
doivent pas, aux yeux du législateur, impliquer l'examen.
Voilà un exemple de ce qu'on a appelé privilège,
même si on aurait dû mettre le mot entre guillemets parce qu'on le
considère dépassé, qui a été maintenu ou
ajouté dans certaines lois.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y aurait suffisamment d'exemples
pour faire une séance spéciale de la commission?
M. LEBOEUF: Non, M. Cloutier.
M. CLOUTIER (Montmagny): Nous avons parlé tantôt de la
difficulté de définir le champ de pratique de chacune des
professions et de donner une définition exacte de chacune des
professions. C'est là véritablement pour le législateur la
pierre d'achoppement. Chacune des professions qui va se présenter devant
la commission va avoir l'occasion de donner son point de vue sur la
définition contenue dans le projet de loi, ou sur les
améliorations qu'elle voudrait y voir apporter. Est-ce que vous
êtes d'opinion qu'une définition pour une profession en
particulier pourrait éventuellement conduire à la disparition de
cette profession?
M. LEBOEUF: Comme profession à exercice exclusif?
M. CLOUTIER (Montmagny): Je prends le cas de l'optométrie. On
pourrait parler d'autres secteurs. Je ne parle pas de la chiropraxie parce
qu'apparemment votre mémoire n'en discute pas cet après-midi.
Dans le cas de l'optométrie, vous avez élaboré
passablement la définition. Vous avez même dit dans vos
commentaires, Dr Leboeuf, que cette définition vous a été
suggérée par des experts que sont les ophtalmologistes. Vous
n'avez qu'une opinion, celle des spécialistes dans ce domaine
précis de la médecine. D'autre part, il est certain que les
optométristes, devant la commission, feront valoir l'opportunité
d'une autre définition ou d'une définition plus complète.
Pour les raisons qu'on a mentionnées tantôt, étant
donné que la discussion élaborée de cette
difficulté n'a jamais pu se faire entre les deux groupes malgré
les nombreuses tentatives qui ont été faites ces dernières
années, est-ce que vous croyez qu'une définition pourrait
éventuellement conduire à des difficultés telles pour une
profession qu'elle pourrait disparaître?
M. LEBOEUF: Sur le conditionnel de votre question, sur le plan
théorique, je pense que je ne peux pas ne pas répondre oui, sans
me référer d'aucune façon à un texte de loi ou
à une loi en particulier.
Mais je peux répondre au nom du collège et le
texte, s'il ne le dit pas explicitement, le dit implicitement que le
collège ne souhaite nullement, bien au contraire, la disparition de la
Corporation des optométristes, puisque le problème de conflit
entre les deux groupes dont on a fait mention tantôt, quant à nous
et c'est clairement dit dans le mémoire est que nous
voulons faire confiance à la Corporation des optométristes et
leur permettre d'établir une solution dans leur propre code de
déontologie et d'en répondre devant le bureau de discipline de
leur corporation. Je pense que cette simple affirmation prouve que jamais le
collège n'a eu l'intention de vouloir faire disparaître la
corporation.
Est-ce que la définition telle qu'on la propose pourrait avoir
comme conséquence de faire disparaître la corporation? C'est une
autre façon de prendre la question. Je pense que je dois,
malheureusement, pour la première fois de la journée, vous
admettre que mon ignorance est suffisamment importante en la matière
dans un domaine aussi technique et vous demander au meilleur de votre sagesse
d'écouter les deux parties et de décider.
Nous avons, à dessein, mentionné tantôt dans notre
résumé qu'il s'agit là d'un domaine, d'une technique,
d'une technicité et d'une connaissance surspécialisés tels
que seuls ceux qui s'y connaissent s'y comprennent. Or, ceux qui s'y
connaissent n'ont pas l'air de s'y comprendre. C'est là le
problème.
M. CLOUTIER (Montmagny): Nous questionnerons abondamment les
professionnels concernés quand ils viendront devant la commission. M. le
Président, nous aurions énormément de questions à
poser sur les différentes lois mais je pense que nous en profiterons
plutôt quand les professionnels concernés viendront devant la
commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aurais d'abord une petite question
à poser tout de suite. A la page 20 du mémoire, à la fin
du premier alinéa, le collège demande le retrait de l'expression
"la promotion de la santé" dans la définition de l'exercice de la
profession d'infirmier. Tout court, pourquoi?
M. LEBOEUF: Je pense que le ministre des Affaires sociales l'a
mentionné tantôt ou on le mentionne dans une définition
à champ d'activité exclusif; alors, il faut le mentionner dans
les autres, ou on ne le mentionne pas, puisque la prévention est le
propre de plus d'une profession.
M. GUAY: Ne serait-il pas plus logique de demander cette expression dans
les autres secteurs d'activité?
M. LEBOEUF: Parlez-vous de prévention ou de promotion de la
santé?
M. GUAY: De promotion de la santé.
M. LEBOEUF: Au niveau de la promotion de la santé, je vous avoue
que nous avons été très surpris de retrouver ces mots dans
la Loi des infirmières et infirmiers parce que, selon notre conception,
dans la promotion de la santé, le premier responsable, pour nous, c'est
le ministre des Affaires sociales; or, nous avons cru qu'il y avait là
une confusion, parce que la promotion, quant à nous, se
réfère à un concept qui relève des autorités
les plus élevées.
M. GUAY: Une deuxième question, en ce qui a trait à la Loi
des techniciens en radiologie. Vous demandez également que cette
pratique soit réservée aux médecins dentistes ou
médecins vétérinaires. Contrairement au groupe que nous
avons eu l'occasion d'interroger avant, le Conseil interprofessionnel, l'avait
mentionné et il en a même fait une recommandation en disant: A
l'exception d'un médecin, d'un dentiste, d'un chiropraticien ou d'un
vétérinaire. Pourquoi avez-vous cru bon de ne pas accorder aux
chiros le droit à cet outil nécessaire pour eux?
M. LEBOEUF: M. le Président, je vais répondre à
cette question.
M. LE PRESIDENT: Pour clarifier, je pense que, dans le dernier
résumé, le conseil a retranché le mot "chiro". Il laisse
tomber le mot "chiro" du dernier résumé.
M. GUAY: Alors, c'était une erreur qui s'était
glissée dans le mémoire précédent?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. GUAY: Maintenant, maintenez-vous toujours qu'ils ne devraient pas y
avoir droit?
M. LEBOEUF: Je vais répondre en deux temps à la question
et ce sera très court, M. le Président. Je pense que certaines
positions que le collège semble prendre actuellement sur certaines lois
peuvent paraître dures mais nous sommes bien conscients d'être ici
au nom du Collège des médecins pour aider la commission à
comprendre les problèmes sur lesquels elle a à se prononcer, et
nous ne pouvons le faire qu'au nom de la médecine et de ses principes.
Donc, le tout dans le respect de la protection du public à
l'intérieur de ces principes.
Deuxième commentaire, les explications quant à la
radiologie, reliée à la chiropraxie sont, je pense, assez
largement commentées et développées dans le
mémoire, dans les pages qui traitent de la chiropraxie, on y expose les
principaux points qui, aux yeux du Collège des médecins, se
référant aux principes fondamentaux de la médecine, ne
peuvent pas lui permettre de conseiller au législateur d'attribuer de
tels permis.
Aux autres de faire valoir leur point de vue. Nous ne sommes ici que
pour vous aviser au nom de la médecine et, au nom de la médecine,
nous nous opposons avec véhémence.
M. GUAY: Au sujet de la Loi sur la chiropraxie, à la page 10, je
peux relever ceci, que je pourrais prendre quand même comme une
affirmation gratuite: "II tient toutefois à souligner avec insistance au
législateur le danger d'autoriser l'utilisation d'appareillage
radiologi-que par des personnes n'ayant aucune connaissance dans ce domaine".
Est-ce que je peux interpréter cela au sens le plus large du mot? Est-ce
vrai que ces gens-là n'ont aucune connaissance dans le domaine?
M. LEBOEUF: Peut-être qu'on aurait dû, M. le
Président, changer de feuille et intituler cette page "Dangers de la
radiologie". Cette phrase est quasi textuellement extraite du rapport Lacroix,
qui signale, sous forme de principe très général et
le collège le soumet très respectueusement sous forme de principe
très général qu'il y a danger d'autoriser
l'utilisation d'appareils radiologiques par des personnes qui n'ont pas une
connaissance dans ce domaine. Et c'est tout le danger des radiations. C'est un
principe. La raison pour laquelle la médecine, par ses radiologistes en
particulier, ne peut collaborer à une radiologie d'une autre nature se
référant à d'autres principes me semble évidente,
pour ce que j'ai dit tantôt.
M. GUAY: Ceci m'amène à poser une autre question. Un
médecin a combien d'heures d'étude avant l'obtention d'un permis
d'utilisation d'appareils radiologiques?
M. LEBOEUF: Je m'excuse, le nombre d'heures?
M. GUAY: D'étude, par exemple, que doit faire un médecin
avant l'obtention d'un permis d'utilisation d'appareils radiologiques.
M. LEBOEUF: Les médecins en pratique générale n'ont
pas la formation pour utiliser des appareils radiologies. La formation d'un
médecin radiologiste est de quatre années au minimum. Les
règlements de la Loi des hôpitaux ont effectivement permis de
cerner le contrôle de l'exercice de la radiologie en imposant
l'obligation d'une surveillance de tout service de radiologie par un
radiologiste et non par un médecin.
M. GUAY: Si je posais cette question c' est parce que j'ai lu à
la page 9 "que cet exercice devrait être réservé aux
médecins au sens le plus large du mot dentistes et
médecins vétérinaires".
M. LEBOEUF: D'accord, Moi, je me réfère à ce
moment-là au texte de l'article 171 du code qui dit " à
l'intérieur de la loi et des règlement qui le
régissent."
Nous devrons donc, et le plus vite possible, faire des normes de
protection du public quant à l'utilisation de la radiologie par nos
membres, normes d'ailleurs sur lesquelles le ministère des Affaires
sociales s'est penché et avec lequel nous sommes prêts à
collaborer pour trouver une solution.
M. GUAY: Est-ce qu'il y a déjà des normes
d'établies?
M. LEBOEUF: Je viens de répondre implicitement puisque je dis
qu'on va...
M. GUAY: Vous dites qu'il y a des études, que le ministère
s'est penché...
M. LEBOEUF: Non, la loi acutelle des techniciens en radiologie
médicale se réfère non pas à un médecin mais
à la surveillance d'un radiologiste. Nous sommes parfaitement conscients
de la nuance de l'article ici qui ne parle plus de radiologistes mais de
médecins. Et j'en conclus que le Collège des médecins
hérite d'une responsabilité supplémentaire, soit celle de
s'assurer de façon très claire et nette que seuls ceux qui ont la
compétence nécessaire pour faire de la radiologie sans danger
pour le public en fassent. Mais la loi empêchait avant les techniciens en
radiologie de le faire sous la surveillance d'un non-radiologiste.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y a pas certaines tolérances qui peuvent
être admises par le Collège des médecins lorsque, par
exemple, dans un milieu donné, il n'y a pas de radiologiste?
M. LEBOEUF: Certainement, M. Paul, et je pense que c'est tout le
problème qui se pose au collège chaque fois qu'on tente
d'établir des normes d'exercice. On part aisément d'un principe
idéal, mais, dans l'application et après la connaissance
concrète de toute la province que nous avons, nous devons faire des
nuances et permettre, pour le mieux-être du public, sinon pour sa
protection idéale, du moins sa protection maximale, des droits et
privilèges particuliers. C'est un fait que les règlements de la
Loi des hôpitaux prévoient, d'ailleurs.
M. PAUL: Est-ce que vous n'exigez pas une préparation
particulière avant de permettre à un médecin d'être
radiologiste?
M. LEBOEUF: Actuellement, non, mais on devra le faire puisque le mot
"radiologiste" a été remplacé par le mot
"médecin".
M. GUAY: J'aurais une question supplémentaire. Est-ce qu'il y a
eu, au Collège des médecins, des plaintes formulées
à l'effet que, des personnes incompétentes ayant utilisé
ces appareils, on a relevé des indicents quelconques?
M. LEBOEUF: Bien, il y a eu une poursuite. Je ne sais pas si c'est celle
à laquelle vous faites allusion, sûrement. Le médecin a
été condamné et, nonobstant le fait que le juge, dans son
jugement, blâmait la corporation de n'avoir pas agi, la corporation avait
déjà, bien avant le jugement final, cité l'individu devant
le conseil de discipline et pris ses responsabilités.
Il est effectivement retiré de la profession médicale,
dans le moment.
M. GUAY: Est-ce que l'une de ces plaintes, puisqu'il semble y en avoir
plusieurs, provenait, par exemple, de l'utilisation de ces appareils par un
chiropraticien?
M. LEBOEUF: A ma connaissance, les plaintes contre les chiropraticiens
n'entrent pas au collège, à moins que la registraire, qui a le
monopole de la première enveloppe du courrier, n'ait des informations
à cet effet-là.
M. ROY: Je pense immédiatement cela me vient à
l'esprit à une poursuite récente contre un chiropraticien
de Montréal, qui était connu dans la vie publique
également. Il a été poursuivi pour fraude dans
l'utilisation de rayons X qu'il ne prenait pas et qui étaient
truqués. Il a été condamné et, évidemment,
il a cessé depuis de pratiquer la chiropraxie. Le cas est assez bien
connu; cela a fait la manchette des journaux durant plusieurs mois il y a une
couple d'années.
M. GUAY: Ce que j'essaie de savoir, c'est si réellement ces
gens-là sont incompétents dans le domaine ou si c'est
prouvé qu'ils ne peuvent pas utiliser ces appareils. Evidemment, c'est
la preuve que je cherche.
M. LEBOEUF: La formation nécessaire pour utiliser ces
appareils?
M. GUAY: Je veux savoir, si les chiropraticiens sont vraiment
incompétents pour utiliser ces appareils-là, s'ils n'ont pas la
formation nécessaire.
M. LEBOEUF: M. le député, je pense que notre texte est
clair. Il nous est impossible de juger d'une incompétence qui n'a rien
de commun avec la compétence que nous possédons.
M. GUAY: Merci, c'est ce que je voulais savoir.
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question?
Dans les nombreux mémoires et exposés que vous avez faits
et que j'ai personnellement beaucoup appréciés, il paraît
évident que vous vous êtes penché longuement et
scrupuleusement sur le problème des professions à champ exclusif
et à champ réservé. Au cours de votre étude, est-ce
que vous en êtes arrivé à définir des
critères qui permettent de classer une profession dans une profession
à champ exclusif et dans une profession à champ
réservé?
M. LEBOEUF: Malheureusement, non. Je dois dire que nous avons, à
plus d'une reprise dans notre étude, senti le besoin de faire
connaître, à un moment donné, et le moment est venu, nos
éloges à l'endroit de celui qui a réussi à trouver
tant de définitions qui, quand même, se tiennent bien. Il n'en
reste pas moins que je pense que l'évolution va faire que de moins en
moins des professions auront des champs d'exercice exclusifs.
Les critères que le code des professions nous fournit à
l'article 21 ne réfèrent pas à des professions à
exercice exclusif, mais aussi à des professions à titre
réservé. D n'y a ni dans le code ni dans le fruit de notre
travail de critère supplémentaire qui pourrait, de façon
claire et nette, guider le législateur avec facilité dans la
décision difficile de venger une corporation dans l'annexe 1 ou l'annexe
2.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Relativement à la définition que vous
voulez donner à l'optométrie, je remarque que dans la
définition, au bas de la
page 6, vous avez fait disparaître le terme "vision". Est-ce qu'il
y a une raison particulière à cela?
M. LEBOEUF: M. le Président, je pense que, dans le
résumé verbal que nous avons donné de nos commentaires sur
cette loi, il était clairement dit que, comme Collège des
médecins, nous nous devions de consulter les experts, membres de la
corporation en ce domaine, et que ces experts pourraient répondre
à toutes les questions que la commission voudrait poser dans un domaine
dont la technique échappe à des permanents travaillant pour la
corporation.
M. SAINT-GERMAIN: Quelle est la raison de l'inclusion de cette
définition dans votre mémoire ou est-ce qu'elle doit être
interprétée comme étant celle, non pas du Collège
des médecins mais de l'Association des ophtalmologistes?
M. LEBOEUF: Le Collège des médecins est une corporation et
ne peut avoir la compétence scientifique dans l'une ou l'autre des
disciplines médicales. Face à une question de cette envergure ou
de cet ordre, comme d'ailleurs face à la question de la physiatrie ou de
la physiothérapie, il s'est adressé à ceux de ses membres
qui ont une compétence dans le domaine et â ceux de ses membres
qui, avec l'expérience qu'ils ont, sont capables de l'aviser, et il se
doit de donner suite à une recommandation que les gens les plus
compétents, et se référant à la médecine
dont le Collège des médecins essaie de défendre le
principe, nous recommandent.
M. SAINT-GERMAIN: II serait fondé d'affirmer que cette
définition a eu comme source l'Association des ophtalmologistes?
M. LEBOEUF: C'est clair, c'est dans le texte.
M. SAINT-GERMAIN: A la page 7, vous soumettez au législateur
l'idée qu'au point de vue de la déontologie le Collège des
optométris-tes devrait inclure dans son code un article qui obligerait
l'optométriste à déférer un cas pathologique au
médecin, ou du moins un patient qui montrerait certains signes qui
laisseraient croire qu'il peut souffrir de certaines maladies. Est-ce que vous
croyez que par ce moyen vous résoudriez toute cette question de
relations entre les ophtalmologistes et les optométristes?
M. LEBOEUF: Je pense que, pour le bien du public, il faut trouver une
solution à cette orientation nécessaire des cas pathologiques,
orientation dont la Commission d'enquête sur la santé et le
bien-être a fait état, et orientation sur laquelle se sont
penchés, malheureusement sans succès, les deux groupes ensemble.
Je pense que la solution de confiance que le Collège des médecins
recommande est de de- mander au Collège des optométristes de
statuer dans son code de déontologie en la matière et de juger
les infractions à son code de déontologie selon les
procédures prévues au code des professions. Cela ne
réglera pas tous les problèmes entre l'optométrie et
l'ophtalmologie. Le problème n'est pas là, il s'agit des cas
pathologiques à diriger ailleurs pour la protection du public. Je pense
que la confiance du Collège des médecins, même si elle
était susceptible de nous être reprochée par certains de
nos membres, est évidente dans la proposition que nous faisons.
M. SAINT-GERMAIN: Pour la protection du public, il est bien que les cas
de pathologie soient envoyés aux médecins. En contrepartie,
est-ce que le collège, pour la bonne relation entre les deux groupes,
serait prêt à obliger le médecin auquel un de ses patients
est envoyé, surtout s'il est envoyé spécifiquement
à lui, à faire un certain rapport pour confirmer ou infirmer si
un tel patient est un cas pathologique ou non?
M. LEBOEUF: Sûrement, M. le Président, je pense qu'il y a
une disposition qui a été ajoutée dans l'article 7 du bill
65 bonifié, qui donne d'ailleurs le droit strict à tout patient
d'obtenir qu'un établissement transfère les informations
contenues à son dossier à un médecin ou dentiste qui le
demande.
Par extension, je ne vois pas au contraire d'objection
à ce que ce droit fasse partie en référence de l'article
84 et du droit du patient à son dossier, avec les nuances qu'il faudra y
mettre. Je pense qu'une des premières obligations de tout professionnel
est de collaborer pour le mieux-être de son patient entre professions
oeuvrant dans des champs qui sont pour le moins connexes.
M. SAINT-GERMAIN: Je vous le demande parce que, bien souvent, en
pratique ça ne se fait pas, mais vous ne serez pas prêt, au point
de vue des règlements à avoir, en contre partie de cette
obligation qu'a un optométriste, une obligation pour le médecin
de faire rapport à cet optométriste du résultat de ses
examens?
M. LEBOEUF: L'article 84 du code des professions, au paragraphe 4),
parle de l'obligation pour toute corporation d'établir "des dispositions
concernant le droit d'un client d'un professionnel à prendre
connaissance du dossier qui le concerne et à obtenir des copies des
documents contenus dans ce dossier". Nous avons quand même dans notre
mémoire formulé une nuance de style et de fond sur cet article,
mais je pense que la première disposition qui saute aux yeux pour
respecter le droit du patient, c'est l'obligation que tout professionnel a. de
communiquer à un autre professionnel qui le demande les informations qui
sont pertinentes.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que chez vous, au collège, c'est une
règle de déontologie?
M. LEBOEUF: Nous n'avons aucune règle de déontologie
actuellement qui oblige un médecin à autre chose qu'à ses
relations avec ses confrères ou la population. La disposition du
paragraphe 4) m'apparaît comme étant une ouverture et une
ouverture obligatoire non pas pour le Collège des médecins
strictement, mais pour toutes les corporations à
développer un mécanisme d'interrelation beaucoup plus propice
à une meilleure protection du public.
M. PAUL: Docteur, comment expliquer que dans certaines régions,
par exemple, il arrive que certains omnipraticiens conseillent à leur
patient: Va donc voir un ophtalmologiste, ou un opticien, ou un
optométriste? Est-ce que le médecin commet un acte, je ne dirais
pas dérogatoire à la dignité professionnelle, mais est-ce
que le Collège des médecins condamne une telle attitude?
M. LEBOEUF: Pas du tout. Il est dit dans le code de déontologie
qu'un médecin doit tenir compte, dans l'exercice de sa profession, de
ses capacités, de ses connaissances, de leurs limites, ainsi que des
moyens à sa disposition. Il doit, le cas échéant,
consulter ou orienter ailleurs son malade.
M. PAUL: Comment expliquer qu'un médecin va dire tout bonnement
à un patient, je ne dis pas que c'est quotidien, mais ça se
produit assez régulièrement dans certaines régions: Va
donc voir un optométriste pour ton examen de la vue?
M. LEBOEUF: Je pense qu'il arrive régulièrement qu'un
médecin recommande à son patient d'aller voir un
optométriste. Je pense que c'est dans le commun de la situation. Je
pense aussi que dans des occasions particulières...
M. PAUL: L'inverse se produit fréquemment aussi.
M. LEBOEUF: Certainement, et je ne voudrais pas donner l'impression que
les relations entre les deux groupes se sont maintenues à un niveau
noir. Au contraire, je pense que les efforts du lieutenant-gouverneur en
conseil et des deux ministres qui se sont succédé ont quand
même réussi à faire rapprocher les deux corporations,
nonobstant le fait que les textes écrits n'ont pas
concrétisé le tout. Je pense que la réforme qui est devant
la présente commission est une excellente occasion de donner un
élément d'accélération à cette bonne
relation entre les diverses corporations. Elle ne réglera pas du jour au
lendemain tous les problèmes.
M. LE PRESIDENT: Je pense que cela termine l'exposé du
Collège des médecins.
M. GINGRAS: M. le Président, avant que vous terminiez la
séance, je voudrais, au nom du Collège des médecins et de
toute la profession médicale, remercier les ministres qui étaient
présents ici ce matin et les membres de la commission de nous avoir
écoutés avec beaucoup d'intérêt, c'était
évident, et de nous avoir posé des questions pertinentes qui, de
notre côté, ont certainement augmenté le bagage des
connaissances que nous devons avoir afin de vous rencontrer davantage, si la
chose est nécessaire. J'espère que vous avez constaté que
nous étions tout de même bien préparés à vous
affronter ou à causer avec vous, et je ne peux que féliciter les
membres de nos cadres, en particulier le Dr Leboeuf, pour le travail formidable
qu'ils ont fait pour venir vous rencontrer.
M. le Président, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier la
délégation pour le mémoire qui a été bien
présenté. Je constate que vous avez près de vous deux
membres d'une autre corporation qui vous ont aidés à
préparer ces mémoires. J'espère que les prochaines
séances de cette commission se dérouleront avec la
tranquillité et l'intelligence qui ont prévalu aujourd'hui.
En ce qui concerne l'autre mémoire que nous devions entendre
aujourd'hui, celui de la Chambre des notaires, nous constatons que ces
mémoires sont très élaborés et très
importants et je pense qu'à cette heure tardive il serait impossible de
leur accorder l'attention qu'ils méritent. Pour ces raisons, nous
n'entendrons pas les représentants de la Chambre des notaires
aujourd'hui; nous les convoquons à une autre séance dont nous
ignorons la date exacte. Mais il est assuré qu'ils seront
convoqués dans un avenir très rapproché et ils seront les
premiers ce jour-là. La commission ajourne maintenant ses travaux
jusqu'au 14 mars à 10 h 30.
M. FOURNIER: A moins d'avis contraire.
M. LE PRESIDENT: A moins d'avis contraire pour des raisons
particulières.
(Fin de la séance à 16 h 52)