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Commission permanente de la Santé
Bill 8 - Loi de l'assurance maladie
Séance du jeudi 1er octobre 1970
(Quatorze heures trente-cinq)
M. FORTIER (président de la commission permanente de la
Santé): A l'ordre, messieurs!
Absence du Dr Robillard
M. BOURASSA: M. le Président, messieurs. Comme vous le savez,
j'ai reçu un télégramme du Dr Robillard nous avisant qu'il
n'était pas intéressé à témoigner devant la
commission parlementaire.
Nous avons cru, avec raison, qu'il aurait été profitable
à la commission parlementaire de pouvoir entendre le Dr Robillard sur
certaines suggestions qui avaient été faites par lui-même
et sur d'autres points qui auraient pu être discutés avec profit
par cette commission. En l'invitant, de même que le président de
la Fédération des omnipraticiens, le Dr Hamel, le
représentant du Collège des médecins et les
représentants des autres groupes, je crois que le gouvernement a
démontré sa volonté de discuter et de négocier.
Il est faux de dire, comme le docteur l'a prétendu ce matin, que
le gouvernement n'est pas prêt à négocier. Nous avons
discuté, au cours des derniers jours, au conseil des ministres, des
trois points principaux du litige: la liberté professionnelle, le
désengagement et les honoraires.
M. Castonguay, le ministre de la Santé, pourra élaborer
tantôt sur les clarifications ou sur les autres points que le
gouvernement est prêt à discuter.
Historique de la situation
M. BOURASSA: Si on voulait résumer en quelques mots l'historique
de la situation, on pourrait dire que la population attend l'assurance-maladie
depuis au moins trois ans; que la loi a été adoptée depuis
trois mois; qu'environ 80 p. c. des citoyens québécois ont
déjà manifesté d'une façon indubitable leur
intérêt à l'assu-rance-maladie puisqu'ils ont
répondu aux formules envoyées par la Régie de
l'assurance-maladie. Est-ce que 80 p. c. est exact? Merci. II
était normal qu'après l'adoption de la loi le gouvernement
accepte, durant une certaine période, de négocier avec les
médecins, d'autant plus qu'il n'y avait pas de grève. Cette
période normale de négociation a été comprise par
toute la population, y compris par les groupements sociaux et par les partis
d'Opposition qui ont fait preuve, à cet égard, d'un sens des
responsabilités que je veux signaler aujourd'hui. Mais il n'est pas
question de poursuivre indéfiniment cette période de
négociation. Il n'est pas question, non plus d'écraser les
médecins.
Nous sommes conscients de la contribution intellectuelle
considérable des médecins au Québec qui fait que c'est
l'un des secteurs où les Québécois peuvent se comparer
avec tous les pays du monde, y compris les nations les plus
avancées.
Mise en vigueur du plan
M. BOURASSA: Par ailleurs, il nous faut protéger la population.
Un gouvernement est élu pour gouverner et nous avons l'intention de
gouverner. C'est pourquoi, M. le Président, j'annonce aujourd'hui que le
gouvernement, tout en étant encore disposé à
négocier avec les parties intéressées, a l'intention de
prendre les mesures nécessaires pour que le plan d'assurance-maladie
soit mis en vigueur le premier novembre prochain.
M. LE PRESIDENT: Monsieur Castonguay.
Commission convoquée
M. CASTONGUAY: M. le Président, nous avons convoqué, tel
qu'il avait été mentionné il y a quelque temps, la
commission parlementaire de la Santé dans le but exprès
d'utiliser tous les moyens possibles de négociation et de discussion. Si
la discussion doit porter sur certains aspects de la loi, c'est ici que ceci
doit se faire et non à la table des négociations.
La raison première de la convocation de la commission
parlementaire de la Santé, c'est d'examiner si, dans tout ce qui a
été dit au cours des trois derniers mois, il y a des points qui
méritent que des amendements soient apportés à la loi.
Deuxièmement, étant donné l'arrêt des
négociations, l'échec de la conciliation entreprise par le juge
Montpetit, il apparaissait nécessaire, dans un dernier effort d'en
arriver à une entente, de convoquer cette commission.
Si nous avons adressé des invitations uniquement au
Collège des médecins, à la Fédération des
médecins omnipraticiens et à la Fédération des
médecins spécialistes, c'est que, par l'attitude prise par la
Fédération des médecins spécialistes, la situation
englobait en même temps la Fédération des médecins
omnipraticiens. Le Collège des médecins ayant exprimé son
désir d'être entendu, nous l'avons invité.
Quant aux optométristes et quant aux chirurgiens-dentistes, avec
lesquels nous poursuivons des négociations, celles-ci n'ont pas pris une
tournure qui aurait nécessité la convocation de la commission.
C'est pourquoi nous ne les avons pas convoqués formellement, mais je
propose qu'ils soient également entendus pour répondre au
désir qu'ils ont exprimé.
Maintenant, M. le Président, avant que nous demandions aux
représentants des organismes qui demandent à être entendus,
ou que nous avons convoqués, j'aimerais faire un bref retour sur la
nature et les buts du régime de la Loi de l'assurance-maladie, sur la
négociation que nous avons poursuivie au cours des derniers mois, aussi
bien avant le dépôt de la loi, qu'après l'adoption de cette
loi et clarifier certains points qu'il me paraît nécessaire de
clarifier.
Le régime d'assurance-maladie
M. CASTONGUAY: En premier lieu, et c'est un des points auxquels on a pu
ne pas attacher assez d'importance au cours des dernières semaines, le
régime d'assurance-maladie, il est bon de le rappeler, est
destiné, en tout premier lieu, à assurer un droit fondamental,
c'est-à-dire le droit aux services de santé. La santé est
trop importante, la santé d'une personne, d'un individu
représente quelque chose de trop important pour que ce droit ne soit pas
reconnu dans une société comme la nôtre.
Pour que ce droit soit reconnu de façon concrète, il y a
deux aspects dont on doit tenir compte. Premièrement, l'organisation des
services de santé. Evidemment, il faut qu'il y ait des services mis sur
pied qui fassent en sorte que tous les travailleurs de la santé, que ce
soient des médecins, que ce soient d'autres professionnels puissent
dispenser leurs services. C'est un aspect.
Un deuxième aspect, c'est que la population doit avoir
accès à ces services de la façon la plus libre possible.
Une des barrières à l'accès aux services, dans notre
système, c'est l'aspect financier. Des études ont
révélé de façon très évidente qu'une
partie de la population n'a pas un accès suffisant aux services de
santé pour diverses raisons. Cela peut être des déficiences
au plan de l'organisation des services mais c'est également, et pour un
grand nombre, dû à une impossibilité d'accéder
à ces services pour des raisons purement d'ordre financier.
Le but de la Loi de l'assurance-maladie est d'abolir cette
frontière. C'est une loi qui vise uniquement nous l'avons dit
lorsqu'elle a été présentée à enlever
la barrière financière face à l'accès aux soins.
Rien, dans cette loi, ne touche à l'organisation des services.
L'organisation des services est régie par d'autres lois: la Loi des
hôpitaux, la Loi des unités sanitaires, etc. Rien dans cette loi
ne touche au statut du médecin, ou en ce qui a trait à son
activité professionnelle.
Le médecin salarié, s'il signe un contrat pour devenir
fonctionnaire, s'il signe un contrat avec une compagnie, s'il passe un contrat
avec un hôpital, rien n'est modifié par cette loi quant à
son statut sur ce plan. Egalement, rien dans cette loi ne vise à
modifier le système de contrôle de l'activité
professionnelle.
Evidemment, la Régie de l'assurance-mala- die, à qui des
deniers publics sont confiés, devra s'assurer que ces sommes sont
utilisées pour payer des professionnels pour des services qui ont
été rendus. Mais il ne faut pas confondre entre payer pour un
service qui a été rendu et contrôler l'activité
professionnelle. Si la loi mérite d'être clarifiée sur ces
points, sur ce point particulier, il est évident que le gouvernement est
disposé à la clarifier. Il est évident, également,
que nous aurions pu par le truchement des ententes, lorsque nécessaire
ou lorsqu'un groupement représentant des professionnels pouvait penser
que le but de la loi était de modifier de quelque façon que ce
soit ce contrôle, apporter des garanties additionnelles
nécessaires par le truchement des ententes. De toute façon, si la
loi mérite d'être clarifiée sur ce point, le gouvernement
est disposé à le faire.
Les négociations
M. CASTONGUAY: Maintenant, une fois cette loi de l'assurance-maladie
adoptée et même avant que la loi de l'assurance-maladie soit
adoptée, quel était le mécanisme prévu pour que le
régime prenne effet? Il faut rappeler ici que les médecins se
sont syndiqués volontairement au cours des dernières
années; qu'ils ont négocié certaines ententes avec le
gouvernement au cours des dernières années. Le projet de loi qui
a été préparé et qui, sur ce point, était
similaire au projet de loi présenté par le gouvernement
précédent reconnaissait cette réalité. Nous n'avons
pas imposé aux médecins, que ce soit ce gouvernement, le
gouvernement précédent ou tout autre gouvernement
antérieur, l'obligation de se syndiquer. S'ils l'ont fait, c'est une
réalité dont nous avons voulu tenir compte et c'est une
réalité, je le signale, qui fait que la situation au
Québec est différente de celle des autres provinces.
Cette réalité existant, nous avons donc voulu non pas
seulement en tenir compte, mais négocier et épuiser tous les
moyens possibles de négociation. Nous avons voulu également tenir
compte du fait qu'il s'agissait d'une entente d'une nature particulière.
Il ne s'agissait pas du renouvellement d'une convention collective. Il ne
s'agissait pas d'un simple contrat de travail. Il s'agit d'une mesure qui
touche évidemment une classe, nous l'avons dit, une catégorie de
professionnels qui rendent des services hautement
spécialisés.
Il s'agit également d'une mesure qui touche l'ensemble des
citoyens du Québec; c'est pourquoi nous avons voulu épuiser tous
les moyens de négociation.
Voyons maintenant, M. le Président, comment ces
négociations se sont déroulées. Pour ce faire, j'ai fait
préparer, à l'intention de chacun des membres de la commission,
un dossier qui comprend toutes les pièces relatives à la
négociation avec les médecins spécialistes et certains
documents additionnels. Si c'est le désir du président de la
Fédération des méde-
cins omnipraticiens que les documents relatifs à la
négociation que nous avons poursuivie avec eux soient rendus publics,
nous le ferons avec plaisir. Nous avons voulu respecter, jusqu'ici, l'entente
que nous avions prise avec eux de ne pas rendre publics les documents que nous
discutions, de telle sorte que la discussion ou la négociation puisse se
faire de façon aussi libre que possible et qu'elle ne soit pas
transposée sur la place publique inutilement.
Il est évident que ceci ne pouvait être
interprété comme un désir de notre part de ne pas faire
rapport à la population quant au déroulement des
négociations. Mais je ne crois pas que rendre publics tous les points
détaillés portant sur une négociation doit être
confondu avec la nécessité d'informer la population.
Désir des spécialistes de faire modifier la loi
M. CASTONGUAY: Avec la Fédération des médecins
spécialistes, dès le départ, je crois que nous pouvons
affirmer aujourd'hui que la négociation n'a jamais réellement
été, en ce qui les concernait, un moyen d'en arriver à une
entente, mais plutôt un moyen de faire modifier la loi, non pas seulement
modifier la loi en ce qui a trait à certaines modalités, mais
modifier la loi quant à ses objectifs.
La Fédération des médecins spécialistes a
demandé qu'une entente globale soit signée, ou qu'avant que les
clauses soient paraphées, nous nous soyons entendus sur une proposition
globale. C'était ainsi une façon de ne procéder sur aucun
point tant et aussi longtemps que la loi n'aurait pas été
modifiée selon leur désir.
En parallèle, la Fédération des médecins
spécialistes a mené une campagne d'information auprès de
ses membres, et auprès d'une partie de la population. Si l'on examine
d'assez près cette campagne, elle était beaucoup plus
destinée à faire modifier la loi qu'à renseigner ses
membres et la population sur l'objet même de la négociation. Vous
pourrez en juger vous-même par les textes qui vous sont remis, et je
crois que chacun est en mesure, sur ce point, de porter son propre jugement.
Celui que je viens de vous donner est le mien, à titre de ministre de la
Santé.
Conciliation
M. CASTONGUAY: II y a quelque trois semaines, ou même
déjà un mois maintenant, la Fédération des
médecins spécialistes a lancé un ultimatum, au lendemain
ou à la veille de son symposium. Elle a sommé le gouvernement
d'en arriver à une entente dans les quinze jours qui suivraient;
autrement, elle passait à la contestation et, dans les moyens de
contestation prévus, le président de la fédération
a même fait allusion à la grève.
C'est alors que le gouvernement a proposé de demander au juge
André Montpetit, de la cour
Supérieure, d'agir à titre de conciliateur. Le juge
Montpetit je dois le souligner n'a ménagé aucun
effort pour mener à bien le mandat qui lui a été
confié, mais, à l'exception d'une séance que j'ai eue avec
lui et avec le président de la Fédération des
médecins spécialistes, et à l'exception d'une
séance que nous avons eue, le premier ministre et moi, avec le
représentant de la Fédération des médecins
spécialistes ces deux séances en présence du juge
Montpetit jamais la conciliation n'a vraiment pris le départ.
On en est toujours resté à une question
d'interprétation de la portée du mandat du conciliateur. Le temps
ayant passé, cette situation ne débloquant pas, et à la
suite des rencontres que nous avons eues avec le président de la
Fédération des médecins spécialistes, nous en
sommes arrivés à la conclusion et c'est d'ailleurs une
conclusion qui a été confirmée peu de temps après
par une déclaration du Dr Robillard que la négociation ne
pouvait être poursuivie.
C'est pourquoi, encore une fois, la commission a été
convoquée.
Les autres associations
M. CASTONGUAY: En ce qui a trait à la Fédération
des médecins omnipraticiens, il n'a pas été
nécessaire de recourir à la conciliation, parce que, tout au long
des négociations, des progrès ont été accomplis. Au
cours des dernières semaines, les progrès ont été
beaucoup moins rapides et sensibles. Sur ce point, le Dr Hamel pourra, s'il le
désire évidemment, expliquer pourquoi les progrès ont
été moins rapides.
En ce qui a trait aux autres associations, comme je l'ai
mentionné tantôt, c'est une situation où les
négociations se sont poursuivies de façon raisonnable,
c'est-à-dire qu'il y a eu du progrès qui pouvait être
constaté, de séance en séance. Encore une fois, les
représentants de ces associations pourront exprimer leur opinion quant
à la possibilité que nous en arrivions à une entente.
Quant à moi, je demeure confiant que nous en arrivions à
une entente avec ces trois associations.
Contrôle de l'acte médical
M. CASTONGUAY: II nous faut donc retourner aux points en litige avec la
Fédération des médecins spécialistes. J'ai
mentionné plus tôt qu'un des points en litige était celui
du contrôle de l'acte médical. Sur ce point, il m'apparaît
nécessaire de rappeler un communiqué qu'émettait le
Collège des médecins-chirurgiens le 7 juillet,
c'est-à-dire au moment où l'étude de la Loi de
l'assurance-maladie était en voie d'être terminée. Je crois
qu'il est important ici d'en citer le texte.
Le communiqué dit ce qui suit: "Le nouveau projet de loi de
l'assurance-maladie déposé à l'Assemblée nationale
par M. Claude Caston-guay, ministre de la Santé, de la Famille et du
Bien-Etre social, est aux yeux du collège nettement supérieur
à l'ancien bill 8. Nous reconnaissons que le gouvernement a fait un
effort considérable pour présenter un projet de loi acceptable
à la population et aux professionnels de la santé qui devront
dispenser les soins. Ce projet de loi conserve au gouvernement le pouvoir de
légiférer sur les services devant être assurés,
confère à la Régie de l'assurance-maladie le rôle
strictement administratif qui lui revient et laisse aux corporations
professionnelles leur rôle fondamental consistant dans le contrôle
de l'activité professionnelle de leurs membres."
Le communiqué poursuit en disant: "Nous croyons, cependant, que
le lien prévu entre le collège et la régie pour
l'application de cette loi devrait être amélioré." Sur
ceci, j'ai déjà fait quelques commentaires. J'ai dit que nous
étions disposés, par le truchement des ententes, à
améliorer ces mécanismes et, au besoin, nous sommes
disposés à le faire par des amendements à la loi.
De toute façon, ce communiqué est clair. Il
reconnaît que le but de la Loi de l'assurance-maladie n'a jamais
été de modifier le système de contrôle de l'acte
médical au Québec.
Voyons maintenant ce qui a été affirmé sur ces
points par la Fédération des médecins spécialistes.
Il m'apparaît important de le mentionner, étant donné, M.
le Président, que des craintes se sont manifestées dans la
population. Non seulement on a fait allusion à une modification du
contrôle de l'acte médical, mais on a mentionné que, par la
Loi de l'assurance-maladie, le gouvernement en viendrait à
contrôler, par exemple, le nombre de visites pour une maladie. Trois
visites pour une grippe, a-t-on dit. On a dit et j'ai des documents
à l'appui par exemple, que les visites à domicile ne
seraient pas continuées. Alors, c'est par ce moyen que l'on a voulu
faire croire que le gouvernement voulait s'approprier le contrôle de
l'acte médical ou encore contrôler la pratique médicale par
le truchement de la Loi de l'assurance-maladie.
Si je mentionne ce point, c'est que, tout à l'heure, j'ai
affirmé que la campagne de la Fédération des
médecins spécialistes visait beaucoup plus à faire ouvrir
la loi, à remettre ses objectifs en cause, qu'à faire avancer la
négociation.
En ce qui a trait à l'attitude de la Fédération des
médecins omnipraticiens sur le contrôle de l'acte médical,
nous n'avons pas eu de difficultés. J'aimerais laisser la parole, sur ce
point, au Dr Gérard Hamel, qui pourra donner des explications et
répondre aux questions, s'il le désire.
En ce qui a trait à la position du gouverne- ment, elle est
claire, nous l'avons dit. Nous sommes prêts, soit par la voie des
ententes, soit par la voie d'amendements à la loi à apporter
toute clarification qui pourrait s'avérer nécessaire.
Désengagement et offres
monétaires
M. CASTONGUAY: Quant au désengagement et aux offres
monétaires, ce sont les deux autres points en litige. Ce sont deux
aspects qui sont intimement reliés et il n'est pas possible, à
mon avis, de dissocier l'un de l'autre. Ce sont les deux autres points en
litige qu'il me paraît nécessaire de discuter ici. La raison pour
laquelle ils sont intimement reliés est que, si l'on respecte le
principe que ce régime doit être négocié et que
l'entente à laquelle une fédération et le gouvernement
peuvent en arriver, ou peuvent signer, détermine la
rémunération et évidemment les offres monétaires
deviennent un des objets importants de la négociation. Si, d'autre part,
un médecin peut se désengager d'une entente, ou encore se
désengager et aller réclamer à son patient des
suppléments d'honoraires, évidemment les offres monétaires
deviennent raisonnablement moins importantes, étant donné que si
elles sont considérées par un médecin, ou par un groupe de
médecins, ou par l'ensemble des médecins, comme n'étant
pas adéquates, on peut aller chercher dans la mesure ou c'est
possible auprès des patients, les suppléments, ou
compléments d'honoraires qui, à ce moment-là, pourraient
paraître suffisants aux médecins pour obtenir la
rémunération qui leur paraît adéquate. Cela n'est
pas respecter le principe d'une entente négociée, à mon
avis, cela ne respecte pas non plus l'objectif premier du régime que
j'ai mentionné au début, c'est-à-dire de permettre le
libre accès aux soins en ce qui a trait à tout aspect
financier.
Egalement cette question de désengagement n'a, à notre
avis, absolument rien à faire avec la qualité des soins. On a dit
qu'avec le régime qui a été adopté par
l'Assemblée nationale, la qualité des soins serait susceptible
d'être diminuée.
Premièrement, rappelons que, quant au contrôle de l'acte
médical, cette loi ne modifie absolument rien. Deuxièmement, si
la demande de soins augmente, c'est donc signe que présentement une
partie de la population n'a pas les soins auxquels elle a droit. Si la demande
de soins augmente, pour y répondre, il ne s'agit pas de demander
à une partie de la population plus fortunée de payer, mais il
s'agit d'organiser différemment nos services de santé, de telle
sorte que les citoyens aient accès aux soins.
Rien n'a jamais été écrit, rien n'a jamais
été dit qui peut confirmer de quelque façon que ce soit
que le paiement d'honoraires par un patient à son médecin ajoute
à la qualité des soins qu'il reçoit.
Alors, cette question d'argent concerne strictement l'accès aux
soins. Elle n'a absolument rien à faire avec ce qui a trait à la
qualité des soins dans le contexte de la loi telle qu'elle est
rédigée. Ceci est la position gouvernementale et résume
l'objet de la loi sur ce plan.
Supplément d'honoraires
M. CASTONGUAY: Voyons maintenant comment la Fédération des
médecins spécialités répond sur ce point. Elle
demande depuis le début un supplément d'honoraires que le
médecin désengagé pourrait obtenir. Ce supplément
d'honoraires, je le répète, est contre l'objectif du
régime; il est contre la philosophie de la négociation
également. Ce supplément d'honoraires permettrait, en
définitive - cela a été, je crois, mentionné, et je
l'ai dit plus tôt d'obtenir un niveau de
rémunération plus élevé que celui que les
Québécois, par la voie de leur gouvernement, sont en mesure de
payer. Au Québec, nous n'avons pas le niveau de vie économique de
l'Ontario et nous ne sommes pas en mesure de payer des tarifs aussi
élevés qu'en Ontario. C'est une réalité que tous
les citoyens du Québec sont obligés de reconnaître et aucun
groupe ne peut se dissocier.
Le Conseil économique du Canada, dans un rapport qu'il a rendu
public il y a deux semaines et qui n'a absolument pas été
sollicité par quelque gouvernement que ce soit, affirmait, d'ailleurs,
que le coût des soins, qu'il soit payé par le truchement des fonds
publics ou des fonds privés, augmente trop rapidement et qu'il est
nécessaire de contrôler l'augmentation de ces coûts. Il ne
faut pas confondre ce contrôle, qui est nécessaire, de
l'augmentation trop rapide des coûts des soins et une
rémunération des soins qui ne serait pas juste pour un groupe de
la société, en l'occurrence les médecins.
En ce qui a trait à la Fédération des
médecins omnipraticiens, qui groupe des médecins qui le sont au
même titre que les spécialistes, n'a jamais demandé de
supplément ou de complément d'honoraires. Ses demandes sont
peut-être élevées au plan des tarifs, nous aurons
l'occasion d'y revenir, mais c'est une question négociable. Nous avons
l'intention, tant et aussi longtemps que cela ne mettra pas l'entrée en
vigueur du régime en cause, de poursuivre la négociation avec
elle sur ce plan.
Le premier ministre a annoncé, il y a quelques instants, que
c'était l'intention du gouvernement de mettre le régime
d'assurance-maladie en vigueur le 1er novembre. Ceci nous laisse donc une
certaine marge pour poursuivre la négociation avec cette
fédération. Mais ce qu'il importe de retenir, c'est qu'elle n'a
jamais mis en cause le principe ou la nécessité,
c'est-à-dire qu'elle n'a jamais exigé qu'il y ait de
complément ou de supplément d'honoraires.
Le troisième point c'est celui des offres du gouvernement au plan
monétaire. Il ne s'agit pas ici, autour de cette table et au sein de
cette commission, de discuter ou de négocier. Ce n'est pas le rôle
de la commission parlementaire de la Santé de négocier sur le
plan monétaire avec les fédérations. Mais, j'aimerais
rappeler ici que nous avons, en ce qui a trait à nos offres
monétaires et vous pouvez trouver les documents dans le dossier
offert 72 p.c. du tarif payé en Ontario, plus les 10 p.c. que,
dans cette province, les médecins peuvent obtenir de leurs patients. Si
nous enlevons ces 10 p.c, notre pourcentage atteint 84 p.c. de ce qui est
payé par le gouvernement aux médecins de l'Ontario.
On ne doit pas oublier ici qu'il n'y aura pas de mauvaises
créances pour les médecins, qu'il n'y aura pas de frais de
perception, alors qu'en Ontario, pour aller obtenir ces 10 p.c. additionnels,
les médecins doivent percevoir des comptes. Cette proposition nous
paraît raisonnable. Elle est négociable et elle se situe à
un niveau qui n'est pas si différent par rapport à celui de
l'Ontario.
Mentionnons également que cette proposition a été
faite à partir d'une entente qui a été signée par
le gouvernement précédent. Nous croyons que c'était une
base de départ qui était logique, mais nous n'avons jamais
refusé de discuter la structure des tarifs. Evidemment, si, dans
l'application du régime d'assistance médicale qui a servi de base
à la formulation de cette proposition, on a constaté que certains
groupes de médecins, en particulier les pédiatres, les
médecins internistes, ont reçu une rémunération qui
parait insuffisante par rapport à celle de certaines autres
spécialités, ce sont des points qui sont négociables.
Malheureusement, il n'a pas été possible, à la table de
négociations, d'aborder ces points.
Enfin, M. le Président, il me reste deux questions à
couvrir. On a mentionné à plusieurs reprises que la Loi de
l'assurance-maladie du Québec est différente de celle des autres
provinces.
Loi différente
M. CASTONGUAY: Premièrement, j'ai mentionné plus tôt
qu'elle est différente de celles des autres provinces parce qu'elle
prévoit des ententes avec les syndicats. Vous ne retrouvez pas de
syndicats dans les autres provinces en ce qui a trait aux professions
médicales. C'est une première différence.
Deuxièmement, j'ai mentionné une autre différence:
la situation financière, l'état de l'économie au
Québec est différent de celui des autres provinces et nous devons
en tenir compte. Egalement, l'assurance-maladie est de juridiction provinciale,
et si c'est de juridiction provinciale, chaque gouvernement, dans la limite de
sa juridiction, doit prendre ses responsabilités et
légiférer de la façon qui lui apparaît la plus
adéquate en ce qui a trait aux besoins de ses citoyens. Je ne vois pas
pourquoi, dans le
domaine de l'assurance-maladie, on contesterait ce droit au gouvernement
de légiférer de la façon qui lui apparaît la plus
adéquate alors que dans les autres domaines cette question
d'uniformité de législation à travers les provinces est
réalisée lorsqu'elle apparaît nécessaire ou utile.
Mais, lorsqu'elle n'apparaît pas utile ou désirable, on ne
conteste jamais le droit d'un gouvernement provincial, de quelque province que
ce soit, de légiférer de la façon qui lui apparaît
la plus appropriée. Or, c'est ce que nous avons fait avec cette loi.
Enfin, j'aimerais demander une minute avant de terminer pour rappeler
à la population ici, je demanderais la collaboration des
représentants de la presse écrite ou parlée que
dans ce régime rien ne vise à faire de la profession
médicale une profession conscrite, comme on l'a dit. Rien ne vise
à faire de la profession médicale ou de l'organisation des
services de santé une médecine d'Etat, comme on l'a dit. Rien ne
vise à empêcher un médecin de rendre visite à ses
patients à domicile, s'il le désire, d'aller visiter à
l'hôpital ou encore de déterminer le nombre de visites qu'il lui
apparaît nécessaire de faire dans un cas. On est même
allé et j'ai encore des documents soit par la voie
d'ëditoriaux ou autrement, à déformer tellement les faits
que l'on présente l'accès aux soins médicaux sans
barrière financière comme étant une privation de la
liberté des individus.
M. le Président, sur ce point j'aimerais qu'on nous prouve ici,
à cette commission parlementaire de la Santé, comment, en
enlevant la barrière financière aux soins médicaux, on
prive en quoi que ce soit les individus de leur liberté. Un droit qui
n'est plus conditionné par l'argent ou par la capacité
financière m'apparaît un droit bien supérieur à
celui de pouvoir, dans certains cas, insister pour voir le médecin X
parce qu'il exige des montants supérieurs à ceux de ses
confrères.
Je souligne en dernier lieu que, tout au long des négociations,
même si dans les dernières minutes j'ai pu prendre un ton qui peut
vous paraître un peu moins serein que celui que j'ai l'habitude de
prendre, mais le refus de la Fédération des médecins
spécialistes de se présenter devant cette commission alors
qu'elle y a été invitée explicitement est, pour moi, une
autre indication de leur refus de négocier dans le cadre de la loi,
comme je l'ai mentionné, et ceci depuis le début des
négociations. A mon avis, c'est extrêmement malheureux. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
Heureuse décision
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, avant que nous
commencions à entendre nos invités à cette commission, je
voudrais d'abord faire quelques remarques et dire que je me réjouis de
la décision qu'a annoncée le premier ministre, il y a un instant,
suivant laquelle le régime d'assurance-maladie entrerait en vigueur le
1er novembre prochain. On pourrait parler quelque temps là-dessus, mais
je crois qu'il n'est pas nécessaire de le faire. Tout le monde
désire que le régime d'assurance-maladie entre en vigueur le plus
tôt possible pour des raisons fondamentales: c'est d'abord, la population
qui désire le régime, à preuve les inscriptions qui ont
été mentionnées, le débat qui est sur la place
publique depuis plusieurs années, les études abondantes qui ont
été faites sur le sujet, et plus récemment,
évidemment, l'importance qu'ont consacrée au domaine de
l'assurance-maladie tous les média d'information dans le Québec.
Aussi, évidemment, par rapport aux sommes d'argent impliquées,
somme d'argent dont le Québec a absolument besoin. Alors, je me
réjouis de cette décision.
Je ne voudrais pas entrer tout de suite dans le fond du problème
et apporter des commentaires sur l'exposé complet qu'a fait, il y a un
instant, le ministre de la Santé, et sur les événements
qui se sont déroulés depuis l'adoption de la loi par
l'Assemblée nationale. Devant cette commission parlementaire, ont
été invités aujourd'hui les principaux
intéressés. Quatre groupes ou quatre associations ont jugé
bon de répondre à cette invitation. Par contre, une autre, et
sans porter de jugement de valeur sur l'importance de l'association, je dirais
que dans le débat actuel, la plus importante association, le plus
important groupement n'a pas cru devoir se rendre à l'invitation du
gouvernement et de la commission parlementaire de la Santé.
Evidemment, je vous dirai, M. le Président, que c'était
à prévoir pour un observateur qui, depuis quelques semaines, suit
la situation de près et a enregistré, de part et d'autre, un
certain durcissement qui était inévitable quand on arrive
près de la solution d'un problème aussi difficile que celui de
l'assurance-maladie.
Geste déplorable
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais tout de même, je crois qu'il n'y a
pas de précédent dans l'histoire des commissions parlementaires,
sauf erreur on me corrigera si je me trompe qu'un groupement ait
refusé une invitation de se faire entendre d'une commission
parlementaire. Je crois je ne voudrais pas être injuste pour qui
que ce soit que le geste que pose la Fédération des
médecins spécialistes en ne venant pas devant cette commission
parlementaire alors qu'elle est l'une des parties les plus importantes dans le
conflit actuel, nous ne pouvons pas l'approuver. Nous le déplorons
vivement.
Le gouvernement nous présente un dossier de l'assurance-maladie.
Le ministre de la Santé nous a fait parvenir, hier, un dossier complet
en ce qui touche les négociations, entre d'une part,
le gouvernement et, d'autre part, la Fédération des
médecins spécialistes. Nous le remercions d'avoir mis à
notre disposition ces renseignements qui nous sont extrêmement
utiles.
D'autre part, comme je l'ai signalé tantôt, depuis
l'adoption de la loi, la presse, en général, a fait un effort,
qu'on se doit de signaler, pour vulgariser l'information et la rendre
compréhensible au grand public. Mais, d'autre part, nous, ici, de
l'Opposition officielle et je crois aussi pouvoir le dire au nom des
deux autres groupes à cette table sommes un peu les arbitres du
conflit actuel. Nous avons à porter un jugement sur une situation
difficile. Nous avons à porter un jugement sur des propositions et des
contre-propositions qui ont été faites à la table des
négociations. Nous avons aussi un autre rôle important à
jouer nous avons l'intention de le jouer dans toute la mesure du
possible celui d'apporter des suggestions constructives, toujours dans
le but de faciliter la mise en place du régime dont nous avons besoin
dans le Québec.
Nous serons appelés le premier ministre ne l'a pas
précisé d'après les déclarations
antérieures à adopter, probablement, une législation
spéciale pour mettre en vigueur le régime d'assurance-maladie.
Nous aurons besoin, à ce moment-là, de tous les
éléments au dossier pour pouvoir porter un jugement de valeur sur
cette législation qui nous sera proposée, à savoir si elle
contient des éléments trop coercitifs. Est-ce qu'elle n'a pas
laissé davantage place à une reprise des négociations?
Enfin, ce sont toutes des choses que l'Opposition a besoin de savoir.
Nouvelle invitation aux spécialistes
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais maintenant
faire une proposition. Etant donné qu'en vertu de l'article 709 de nos
règlements, toute commission parlementaire a le droit d'exiger, devant
cette commission, la présence de témoins avec des dossiers et des
pièces justificatives, je crois que la Fédération des
médecins spécialistes, si nous lui faisions maintenant une
invitation dans un bon esprit... Il n'est pas question, ici, de la part des
groupements, de la part des parlementaires autour de cette table et de la part
de ceux qui assistent à ces réunions, de faire une charge contre
quelque groupement que ce soit. Nous voulons poser des questions à la
Fédération des médecins spécialistes. Nous voulons
voir si véritablement tous les arguments qui ont été
avancés par la fédération, dans le cadre de ses
négociations avec le gouvernement, ont été suffisamment
explorés.
M. le Président, je suggère que cette commission prie
instamment la Fédération des médecins spécialistes
de revenir sur sa position, étant donné que nous sommes, ici,
disponibles. Je ne veux pas mettre en doute la qualité des autres
interlocuteurs qui sont ici. Ils ont raison d'être ici et je crois que
l'échange que nous, les parlementaires, aurons avec eux, sera fructueux
et bénéfique.
Mais, je crois que la Fédération des médecins
spécialistes pourra donner un meilleur exemple à la province,
celui d'un groupe qui désire dialoguer avec le gouvernement et avec les
parlementaires, même si les positions, actuellement, sur les points
mentionnés par le ministre de la Santé, sont encore très
éloignées, pour ne pas dire plus.
Concernant cet échange à la commission parlementaire
et ce n'est pas un précédent, cela se fait actuellement
dans le domaine de la construction, cela s'est fait pour les enseignants
je crois que les médecins spécialistes pourraient revenir sur
leur décision et, demain matin ou ce soir, se rendre à notre
invitation et venir, devant la commission parlementaire, poser un geste
élégant et répondre aux questions auxquelles nous voulons
avoir des réponses.
C'est ce que je voulais dire, M. le Président, pour le
moment.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le ministre de la Santé est d'accord
pour qu'on fasse une autre invitation?
M. CASTONGUAY: L'invitation a été faite par le premier
ministre, lorsqu'il a annoncé la convocation de la commission
parlementaire de la Santé. Malgré le refus du Dr Robillard de se
rendre à cette invitation, je crois que nous aurions bien mauvais
gré de ne pas la réitérer. Il ne s'agit pas ici de
chercher, sur le plan personnel, quoi que ce soit; il s'agit, comme l'a
mentionné le député de Montmagny, d'avoir tous les faits
et nous sommes prêts à discuter tous les faits dans cette
question.
M. LE PRESIDENT: M. le premier ministre.
M. BOURASSA: M. le Président, je suis d'accord avec l'ancien
ministre de la Santé; c'est un geste sans précédent qu'une
organisation refuse d'accepter de discuter avec les représentants de la
population. Si les autres partis sont d'accord, j'ai l'intention d'insister
auprès du président de la Fédération des
médecins spécialistes pour qu'il reconsidère sa
décision de ne pas se présenter devant la commission
parlementaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le député me permet juste un
mot, nous pourrions le forcer à venir, en vertu de l'article 709 qui dit
ceci: "Tout comité autorisé à envoyer quérir des
personnes, des pièces et des dossiers, peut assigner des témoins
au moyen d'ordres signés par le président de ce comité et
les requérir d'y apporter des livres, des pièces et des
dossiers." Je ne crois pas que nous devrions recourir à cet article qui
est à notre disposition, mais j'exprime un voeu : Nous prions instamment
la Fédéra-
tion des médecins spécialistes de venir devant la
commission parlementaire.
M. BOURASSA: Mais ce n'est pas mauvais que l'article lui-même soit
connu comme tel.
M. LAPORTE: M. le Président, il faut d'abord savoir ce qui a
été fait jusqu'ici. Il y a l'invitation, que j'appellerais
personnelle, du premier ministre, celui-ci ayant contribué avec le
président de la commission à la procédure d'invitation
pour la séance actuelle. Les membres de la commission ont reçu un
télégramme les avisant de la réunion et du but de
celle-ci. Ont également reçu ce télégramme, le Dr
Raymond Robillard, le Dr Gérard Hamel et le Dr Gustave Gingras. Je
constate que le Dr Hamel et le Dr Gingras ont reçu le
télégramme, puisqu'ils sont présents, ce dont on doit les
remercier. Mais nous avons jusqu'ici, disons, été au-delà
de ce qui se fait normalement, en adressant personnellement, au Dr Robillard,
un avis de convocation. Est-ce que l'on doit maintenant, tenant compte des
règlements de cette commission, avoir recours au subpoena? J'ai
l'impression que cela n'avancerait pas la discussion. Que cette commission, et
le premier ministre vient de la renouveler, fasse maintenant une invitation
pressante de mettre fin à ce boycottage de la commission. Je crois que
c'est, pour l'instant, le maximum de ce qui peut être fait, et le
député devrait être remercié de sa suggestion.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Les membres de la commission sont-ils
d'accord pour que nous entendions nos invités de l'autre
côté de la barre? Il y a ici le président du...
M. Bois.
M. BOIS: M. le Président, je vous remercie de nous avoir
convoqués à cette séance de la commission. Cependant, il y
a tout juste une chose que je regrette à ce moment-ci, c'est que nous
recevions l'information détaillée peut-être un peu tard,
pour pouvoir en faire une étude ou une revue très
complète, quoique je comprenne très bien que l'honorable ministre
de la Santé et ses conseillers se sont très bien acquittés
de cette tâche.
Il y a une chose que nous n'aimerions pas, au sein de la population,
c'est qu'il y ait grève ou abstention. De notre côté, nous
n'apprécions pas quelque grève que ce soit, que ce soit fait sous
forme de grève perlée, que ce soit fait sous forme d'absence ou
de comités d'étude dans des classes. Nous tenons à
manifester notre opinion à ce sujet, et il n'y a qu'un point sur lequel
nous aimerions que la commission revienne, c'est la question du
désengagement. Ici, je réitère notre opinion à
savoir que nous ne voulons pas du tout quel soit interprétée
comme la protection des honoraires des professionnels. Je voudrais que
ça soit bien retenu.
Et en dernier lieu, nous partageons l'avis de l'honorable
député de Montmagny à l'effet que l'on reconsidère
la possibilité d'inviter le représentant des médecins
spécialistes.
Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN: Je suis très heureux de donner moi aussi mon appui
à cette proposition du député de Montmagny. Je crois qu'il
s'imposerait, de toute façon, que nous ayons d'une façon
élaborée, détaillée, un plaidoyer en faveur de ce
livre gris qu'on vient de nous remettre et de toutes les autres propositions
auxquelles les conférences de presse ou les journaux ont fait
écho.
Je voulais dire aussi que nous sommes extrêmement heureux de la
nouvelle que vient de nous annoncer le premier ministre que, de toute
façon, le projet d'assurance-maladie sera en vigueur le premier
novembre. C'est une chose que nous avons souhaitée depuis longtemps, et
nous sommes heureux, malgré les circonstances dramatiques où cela
se passe, que la population soit maintenant sûre de pouvoir profiter dans
un délai minimum d'un mois des avantages extraordinaires qu'un
régime d'assurance-maladie apportera sûrement à la
population.
Il est, bien sûr, également malheureux que nous soyons
cependant si peu avancés dans la négociation de l'entente entre
le gouvernement et les divers corps professionnels intétessés,
étant donné que cette négociation, semble-t-il, se
poursuit maintenant depuis deux mois et demi. Il serait sûrement
intéressant et peut-être même important de se demander
pourquoi la situation s'est à ce point détériorée.
Nous sommes bien obligés de constater qu'il existe une méfiance
considérable entre les deux principaux corps intéressés,
c'est-à-dire le gouvernement et un des plus importants corps
professionnels, et peut-être même certains autres qui sont
indirectement impliqués dans le débat.
Cette méfiance, peut-être serait-il important, à un
moment ou à l'autre, d'en analyser les causes, afin peut-être d'en
faire disparaître les effets.
Peut-être les deux parties en cause ont-elles raison de se
plaindre l'une de l'autre, de se plaindre du climat réciproque qu'ont
fait régner des affirmations, ou des prises de position, peut-être
un peu trop extrémistes de part et d'autre. Mais je crois que la raison
profonde est peut-être le changement radical que va apporter, dans le
domaine de la santé, cette première pierre dans le champ de la
révolution médicale que constitue l'assurance-maladie.
Perte de privilèges
M. LAURIN: Parce que je suis moi-même médecin, je me rends
bien compte que cette
nouvelle façon d'envisager les soins médicaux au
Québec, comporte, pour la profession médicale, la
nécessité d'un ajustement majeur, radical. Elle constitue
certainement une perte de privilèges pour la profession médicale,
privilèges quant à une indépendance professionnelle que
les médecins ont toujours exercée, avec des qualités qu'il
aurait, peut-être, été opportun de souligner davantage tout
au long de ce débat et de ces négociations, mais quand
même, une indépendance à laquelle ils tenaient comme
à la prunelle de leurs yeux, comme certains tiennent encore comme
à la prunelle de leurs yeux et qu'il est toujours difficile,
pénible de laisser aller.
Perte de privilèges, aussi, en ce qui concerne le statut
prioritaire du médecin au sein de l'équipe médicale, au
sein de l'équipe de santé, plutôt, faut-il dire maintenant.
Et cette perte est sûrement ressentie explicitement, ou implicitement,
avec un certain sentiment de défaitisme ou de pessimisme qui est propre,
peut-être, à engandrer des frustations et ensuite des
revendications. Et enfin, perte de privilèges, aussi, en ce qui concerne
les revenus, puisque la médecine libérale, surtout pour certains
membres de la profession, montre une échelle de revenus, dont on a
parlé dans certains journaux, qui varie, bien sûr, selon les
professionnels concernés, mais, qui, justement, à cause de ce
fait, touche particulièrement certaines catégories de
médecins.
Régime nécessaire
M. LAURIN: II reste malgré tout que cette révolution, que
ce changement s'impose. Il s'impose pour toutes sortes de raisons; d'abord,
à cause de l'augmentation considérable des coûts de
l'hospitalisation, de l'augmentation considérable des coûts de la
dispensation des soins médicaux et à cette cause
précisément du progrès de la science; il s'impose
également à cause de la situation particulière du
Québec, qui doit surveiller d'une façon beaucoup plus rigoureuse
qu'auparavant les investissements de l'Etat dans le domaine des soins
médicaux, quand nous savons que nous avons tellement de priorités
auxquelles nous avons à faire face. Ce changement s'impose
également à cause des besoins de la population qui est de plus en
plus sensible à ses droits, et un de ses droits essentiels est
précisément la santé.
Et une fois qu'une population a pris conscience de ses droits, qu'elle
voit que ces droits sont respectés dans d'autres provinces, dans
d'autres pays nords-américains, elle n'y renonce pas facilement. Ceci va
avec la progression de l'éducation, la révolution culturelle,
avec la conscience politique accrue de la population et je suis bien sûr
que c'est une loi irréversible et qu'on ne pourra pas y revenir.
Par ailleurs, je suis d'accord avec beaucoup des affirmations du
ministre de la Santé, que la loi que nous avons adoptée au mois
de juillet, sans être parfaite, comportait des caractéristiques
qui véritablement peuvent être qualifiées d'un immense
progrès pour le Québec. Je ne crois pas, moi non plus, que la loi
signifie nécessairement une conscription de la profession
médicale. Je ne crois pas que ce contrôle que l'Etat doit
nécessairement exercer lorsqu'il s'agit de sommes tellement
considérables et d'un domaine aussi important, soit
nécessairement incompatible avec un maintien élevé de la
qualité des soins.
Quant à la rémunération, il faut tenir compte,
comme le ministre l'a dit, de la capacité de payer du
Québécois, surtout quand nous nous rendons compte que c'est au
Québec où les taxes sont les plus élevées de toutes
les provinces du Canada, que c'est là où la dette par tête
est la plus élevée, que nous avons énormément de
difficultés à trouver les fonds pour la relance économique
du Québec. En raison de ces facteurs, je crois qu'il est important, en
effet, que le ministre, que le gouvernement se montrent prudents dans la
discussion des honoraires, tout en prenant garde cependant de ne pas abaisser
à ce point la rémunération, que ceci constitue, pour les
membres de la profession médicale, une invite à une
mobilité excessive de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire à une
fuite relative, ou massive, vers d'autres provinces, d'autres pays, où
ils pourraient trouver une rémunération beaucoup plus
considérable.
Je crois quand même que ces difficultés qui sont les
nôtres, peuvent être réglées par une véritable
discussion, une véritable conciliation qui n'a pas pu avoir lieu encore
à cause de cette méfiance dont je parlais tout à l'heure,
à cause peut-être de ce changement profond qui est impliqué
dans la mentalité des professionnels de la santé et qu'il faudra
bien faire un jour. Mais je ne crois quand même pas que cela soit
impossible. Dans cette optique, je crois qu'il est très important pour
nous d'entendre les représentants des divers corps
intéressés et peut-être pourrions-nous à la
lumière de ce qu'ils nous diront, aider le ministre, aider le
gouvernement par nos suggestions, nos propositions à sortir de cette
impasse actuelle pour le plus grand bien-être et le plus grand
progrès des Québécois.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le président du Collège des
médecins et chirurgiens veut prendre la parole maintenant? Dr
Gingras.
Le Collège des médecins
M. GINGRAS: M. le Président, M. le premier ministre,
permettez-moi d'abord de vous remercier de m'avoir donné l'occasion de
présenter quelques doléances et encore quelques avis
émanants du Collège des médecins. Qu'il me soit aussi
permis de vous aviser que depuis quatre ans le Collège a
procédé à une réorganisation complète de ses
structures, de son
administration et de ses cadres. Il est devenu, je crois, un
collège dynamique qui est prêt et plus que jamais
à prendre ses responsabilités.
Le Collège des médecins et chirurgiens de la province de
Québec a été et est en faveur d'un régime
d'assurance-maladie et désire sa mise en application le plus rapidement
possible. Lors de la présentation de la loi, le Collège des
médecins et chirurgiens de la province de Québec, par la
présentation d'un mémoire au ministre de la Santé, a fait
connaître ses vues et fait valoir particulièrement les quatre
points suivants.
D'abord, dans le cadre d'un régime d'assurance-maladie, il
appartient aux syndicats professionnels de négocier le tarif
d'honoraires professionnels. Deuxièmement, le contrôle de
l'activité professionnelle devrait relever de la corporation
professionnelle. Troisièmement, la protection de la liberté
fondamentale du médecin et la protection de la liberté
fondamentale du malade devraient être assurées dans la Loi de
l'assurance-maladie. Enfin, que le régime d'assurance-maladie respecte
les principes de la déontologie médicale.
Or, le bill 8 tel qu'il a été présenté en
première lecture n'assurait pas au Collège le contrôle de
la pratique médicale et l'établissement de normes de pratique
professionnelle. Lors de la discussion du bill devant la commission
parlementaire de la Santé, le collège a fait parvenir au ministre
de la Santé un second mémoire en faisant des recommandations
très précises sur quatre articles du bill 8 et en demandant qu'en
aucun temps la régie, une commission d'appréciation des
différends ou un conseil d'arbitrage puissent établir des normes
de discipline ou de pratique professionnelle. Le bill 8 a alors
été adopté sans que le collège puisse obtenir cette
garantie. Maintenant, précisons la position du Collège
aujourd'hui.
Le contrôle de l'activité professionnelle et
l'établissement de normes de pratique professionnelle. Le Collège
et la Régie sont deux organismes nous le savons très bien
créés par l'Etat, dont le premier doit veiller à la
qualité de la pratique médicale et le second administrer la Loi
de l'assurance-maladie. Ces deux organismes doivent travailler en
étroite collaboration pour parvenir à rendre les meilleurs
services au public de cette province. La régie a la
responsabilité, croyons-nous, de payer ou non les honoraires des
médecins.
Par ailleurs, le collège a la responsabilité de
répondre aux avis demandés par la régie en ce qui concerne
la qualité des soins et les normes de pratique professionnelle. Ces avis
et les normes établies par le collège doivent, croyons-nous, lier
la régie quant à la qualité des soins. Il appartient par
la suite à la régie de décider du paiement des honoraires
réclamés. Malgré un avis favorable ou défavorable
du collège, la régie devrait pouvoir décider de rembourser
ou non les réclamations d'honoraires. Mais, dans le cas d'un avis
favorable du collège où la régie déciderait de
refuser le remboursement d'honoraires réclamés, il appartiendrait
aux syndicats professionnels, par un mécanisme qu'il ne nous appartient
pas de décider, de tenter d'obtenir le paiement de ces honoraires.
L'inverse pourait aussi se présenter. Dans le cas d'avis
défavorables aux médecins, il appartiendra alors au
collège de voir à soumettre aux médecins concernés
les corrections qui s'imposent. Une telle façon de procéder ne
peut être acceptable au collège que s'il est inscrit dans la Loi
de l'assurance-maladie que la régie ou une commission
d'appréciation des différends ou le conseil d'arbitrage ou tout
autre organisme de la régie ne peut établir des normes de
pratique professionnelle et s'immiscer dans le domaine de la compétence
du collège, soit le contrôle des activités
professionnelles.
Si la régie, à la suite d'expériences
vécues, jugeait utile l'établissement de certaines normes de
pratique professionnelle, elle devrait s'en référer au
collège qui n'hésitera pas, si la demande est fondée,
à établir ces normes. En aucun temps, nous semble-t-il, la
régie ne doit enquêter auprès des médecins sur des
matières de la compétence du collège. Le collège
s'oppose également à ce que son rôle en regard du
contrôle de l'acte médical et des normes fasse l'objet de
négociations.
Enfin, nous demandons publiquement aux deux parties
intéressées de bien peser les risques et dangers que comporte une
confrontation. Si cependant, à la suite d'une loi spéciale, les
négociations devaient se poursuivre et que les questions de la
compétence du collège y étaient discutées, nous
espérons qu'un représentant du collège puisse y être
invité.
Inutile de dire que mes collègues de l'exécutif qui sont
tous ici, plus les cadres, sont enchantés que le ministre de la
Santé ait mentionné qu'une modification du bill 8 serait possible
quant au contrôle de l'acte médical. Le collège, messieurs,
a tenté d'établir, au niveau de la régie et au niveau du
gouvernement, de nombreux contacts. Il espère que, dans un climat de
confiance, ces contacts se renouvelleront et que le gouvernement conseillera le
collège mais que, par ailleurs, il puisera au collège les
ressources qui sont à sa disposition. Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.
M. CASTONGUAY: M. le Président, à la suite des
déclarations que vient de faire le Dr Gingras, président du
collège, j'aimerais être plus précis en ce qui a trait aux
clarifications. Je le répète, cela n'a jamais été
l'intention du gouvernement d'enlever au Collège des médecins le
contrôle de l'acte professionnel. Nous sommes disposés à
éliminer de la Loi de l'assurance-maladie, comme condition au paiement
par la régie du coût des services qui sont rendus par un
professionnel de la santé, la
nécessité que ces services aient été rendus
conformément aux normes de pratique professionnelle. Il semble,
après ces deux ou trois mois de discussions, que le choix de cette
expression "normes de pratique professionnelle" n'a pas signifié pour
nous exactement la même chose que pour d'autres groupes, en particulier
le collège. Il est évident qu'en enlevant cette condition il nous
faudra, toutefois, maintenir la possibilité que la régie refuse
de payer pour des actes, s'il y a surutilisation. A ce sujet-là, nous
avions suggéré, dans nos propositions à la
Fédération des médecins spécialistes, qu'il y ait
un comité d'appréciation des relevés d'honoraires qui
pourrait, avant même que la régie prenne une décision,
analyser les relevés d'honoraires où l'on pourrait avoir des
doutes sur des questions comme celle-ci.
Deuxièmement, le gouvernement est prêt aussi à
indiquer très clairement même si je crois que la loi telle
qu'elle est rédigée n'en sera pas modifiée que la
Régie de l'assurance-maladie ne peut refuser de payer le coût des
services assurés pour le motif qu'elle met en doute la qualité
d'un acte pour lequel il est demandé paiement. Alors, la régie
paiera si le service a été rendu et ne paiera pas si le service
n'a pas été rendu. Evidemment, si le collège fait, dans
son appréciation d'un acte posé, un jugement à l'effet que
cet acte n'était pas médicalement nécessaire ou encore
n'était pas d'une qualité suffisante et qu'il recommande à
la régie de ne pas payer, la régie qui est chargée de
l'administration de fonds publics, ne paiera pas.
Mais, la régie ne pourra refuser de payer parce qu'elle pourrait
mettre en doute la qualité d'un acte. Egalement, le gouvernement est
prêt à clarifier sa loi encore une fois, de telle sorte que la
Régie de l'assurance-maladie ne puisse déterminer la
fréquence d'un acte susceptible d'être payé pour un type de
maladie. Nous croyons et d'ailleurs, sur ce point, le Dr Robillard et le
Dr Hamel peuvent le dire qu'il est nécessaire de faire comme cela
s'est fait dans les compagnies d'assurance privée pour divers types
d'actes. Je prends, par exemple, le cas de la maternité, où il
peut y avoir un certain nombre de visites prénatales et postnatales qui
sont comprises dans le tarif, en plus du tarif pour l'accouchement; nous
croyons qu'il est nécessaire de faire certaines normes, de telle sorte
que dans tous les cas réguliers le tarif comprenne les visites et
prénatales et postnatales. Ces normes peuvent être
négociées, elles peuvent être ensuite transmises au
collège qui, lui, verra si, au plan médical, elles sont
acceptables. Il pourra les adopter dans ses règlements et elles lieront
la régie.
Ceci ne signifie pas qu'on en arrivera à une médecine
où chaque cas doit être précisé à l'avance,
bien au contraire; l'exemple que je viens de donner est un exemple bien
particulier. On peut en trouver quelques-uns de cette nature. Même si ce
sont des cas bien particuliers, comme l'accouchement, l'appendicecto-mie, s'il
y a des circonstances spéciales, si le cas est bien particulier, il est
évident et cela est prévu dans les préambules des
tarifs que nous avons discutés ou que nous avons proposés
que la régie va tenir compte de ces considérations, de ces
circonstances spéciales.
En ce qui a trait aux pouvoirs des inspecteurs ou enquêteurs de la
régie, leurs pouvoirs sont ceux et la loi sur ce point le dit
qui sont nécessaires pour apprécier si la régie
doit payer ou ne pas payer dans un cas donné. Si le texte de la loi
mérite d'être resserré, étant donné qu'on
peut craindre que les enquêteurs de la régie dépassent,
dans leurs enquêtes, cet objet spécifique, encore une fois le
gouvernement est prêt à considérer ces clarifications
à la loi.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais rappeler une
chose, c'est que dans une négociation, pour qu'elle en arrive à
la conclusion d'une entente, il faut que les deux parties soient d'accord. Une
négociation peut aussi bloquer, mais non pas parce que les deux parties
sont en désaccord ou manquent de confiance l'une dans l'autre. Il s'agit
qu'une partie manque de confiance dans l'autre ou qu'elle ne veuille pas, dans
un cadre donné, conclure un accord pour qu'il ne soit pas possible d'en
arriver à un accord. Je ne veux pas discuter le fond de la question,
mais je veux simplement mentionner que malgré tous les désirs du
gouvernement d'en arriver à une entente, il peut encore arriver qu'il ne
soit pas possible de le faire avec la Fédération des
médecins spécialistes.
J'aimerais demander au président du collège ce que,
à titre de président, il entend faire au plan du respect de
l'éthique et de la déontologie, dans le contexte de la
contestation actuelle. En tant que membres du gouvernement, nous savons que
nous avons des responsabilités à prendre. La
Fédération des médecins spécialistes a dit qu'elle
verrait, dans le contexte de ses modes de contestation, à ce que des
services soient assurés, des services d'urgence à tout le moins,
dans toute la province. J'aimerais demander au président du
collège ce que le collège entend faire au plan du respect de
l'éthique et de la déontologie, dans le contexte de la
contestation actuelle.
M. GINGRAS: Le collège, M. le Président, n'a pas les armes
nécessaires pour pouvoir sévir d'une façon physique, si
vous voulez, ou même psychologique, au niveau de ses membres qui
appartiennent, ne l'oubliez pas, à des syndicats.
D'une certaine façon, le gouvernement permettrait peut-être
cette grève ou cet arrêt de travail qui peut arriver. Nous n'y
sommes pour rien. De toute façon, nous ne croyons pas que le malade
doive souffrir en aucune circonstance d'arrêts de travail de la
profession médicale.
Personne parmi nous ne peut le croire un seul instant. Nous allons faire
ce qui est nécessaire. Le collège va certainement se
réunir, étudier la situation, recevoir des rapports, si la chose
est permise physiquement, et nous prendrons les moyens nécessaires pour
nous assurer que, du moins, les urgences médicales et chirurgicales sont
suivies.
M. BOURASSA: Dr Gingras, vous avez, tantôt, exprimé
certaines craintes sur la liberté professionnelle résultant de
l'application du bill 8. M. Castonguay a fait, tantôt, certaines
clarifications. Est-ce qu'elles vous paraissent de nature à vous
rassurer?
M. GINGRAS: D'une certaine façon, M. le premier ministre. Mais ce
que nous avons dit en terminant, c'est que, s'il existait des changements au
niveau du bill 8, nous espérons avoir le privilège et l'occasion
d'être consultés, afin qu'il n'existe pas des quiproquos et des
complications. Nous savons exactement ce que nous voulons quant à la
surveillance de l'acte médical et nous sommes prêts à
collaborer en tout temps.
M. BOURASSA: Est-ce que les modifications ou les clarifications qu'a
apportées M. Castonguay répondent à vos craintes? Sinon,
en quoi n'y répondent-elles pas?
M. GINGRAS: Elles répondent oralement à mes craintes.
Lorsque je les verrai par écrit, je serai plus satisfait, et même
j'aimerais bien les voir avant qu'elles ne soient écrites.
M.BOURASSA: Mais là, à première vue, elles
paraissent satisfaisantes?
M. GINGRAS: A première vue. M. BOURASSA: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Gingras, en plus des clarifications
apportées par le ministre de la Santé, il y a quelques instants,
et aussi celles sur la loi actuelle, dans l'éventualité de
l'ouverture de la loi, ne pensez-vous pas que la loi médicale, qui doit
être retouchée, qui doit être refondue prochainement, ne
pourrait pas clarifier davantage et ajouter au respect des prérogatives
du Collège des médecins?
M. GINGRAS: Vous avez parfaitement raison. Nous demandons que notre loi
soit modifiée, changée, depuis trois ans et demi. Nous
espérons que ce projet de loi, qui est chez vous depuis quelque temps,
sera bientôt examiné par les commissions spéciales et la
Législature. Je dois dire que d'ici une quinzaine de jours je
réunirai le bureau provincial afin d'ajuster certains articles de cette
loi avec le bill 8, de façon que nous puissions parler le même
langage.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une autre question à poser au
Dr Gingras. Est-ce que le Collège des médecins a assisté,
comme observateur, aux négociations qui se sont poursuivies avec les
différents groupes?
M. GINGRAS: Nous avons assisté en fin de journée aux
négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement et les
médecins spécialistes, une fois. Nous n'avons pas, cependant,
assisté aux négociations qui ont eu lieu entre la
Fédération des médecins omnipraticiens et le
gouvernement.
M. CASTONGUAY: M. le Président, sur ce point, je pourrais
mentionner que, dès que cette demande nous a été
formulée par le collège, nous y avons donné notre
assentiment au moins verbal; nous avions des difficultés au point de vue
de la poste dans le temps, mais nous l'avons dit verbalement lors d'une
rencontre que j'ai eue avec le président ou le vice-président et
les membres du conseil exécutif. Si cette présence aux
négociations a tardé, c'est que, d'une part, au début, la
Fédération des médecins spécialistes a
refusé. Deuxièmement, du côté de la
Fédération des médecins omnipraticiens, pour des raisons
que pourra expliquer le Dr Hamel, au début il y a eu refus de la
présence, à titre d'observateur, d'un représentant du
collège. Par la suite, nous avons dû inviter, au sein de la
délégation du gouvernement à la table des
négociations, l'observateur du collège. En aucun temps, le
gouvernement ne s'est opposé à la présence, dès que
cette demande nous a été faite, d'un observateur du
collège à la table des négociations.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Dr Gingras, M. Castonguay vous a demandé, tout
à l'heure, ce que le collège pourrait faire, au cas où un
arrêt de travail, que personne ne souhaite, en arrivait malheureusement
à se produire. Vous avez répondu que le collège ne
possédait malheureusement pas toutes les armes qu'il fallait pour faire
face à la situation. Concrètement, si une fois l'arrêt de
travail déclenché, vous receviez au collège 20, 40, 50,
100 plaintes à l'effet que pour certains malades les services
essentiels, les services urgents que promet la fédération n'ont
pas été rendus, quelle attitude ou quelle prise de position
pratique, concrète pourrait prendre le collège?
M. GINGRAS: Selon la loi actuelle, nous ferions une enquête comme
dans tous les cas où il y a négligence de la part de nos membres.
Si
l'exécutif jugeait qu'il y a matière à discipline,
il y aurait discipline dans ce cas en particulier. Je rappelle ici que la
discipline est une chose qui a augmenté considérablement au
collège.
Cependant, nous ne pouvons, dans les circonstances actuelles, que
régler quelques cas, une vingtaine ou une trentaine par année,
alors que, si notre loi était changée, était rendue un peu
plus malléable, plus facile, nous pourrions procéder beaucoup
plus rapidement. Ceci est une parenthèse, mais je tiens à dire
qu'il est extrêmement important que la discipline au collège soit
menée catégoriquement et de front.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je pourrais ajouter un
renseignement au sujet de la présence du collège à la
table des négociations. Lorsqu'il y a eu finalement entente avec la
Fédération des médecins spécialistes pour qu'il y
ait un observateur, le Dr Roy assistait à une séance. Pour la
séance suivante, il s'est excusé disant être retenu par une
réunion de comité et il n'y a pas assisté.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. André Gauthier,
représentant des optométristes, voudrait adresser la parole?
Pour l'information des membres de la commission, M. André
Gauthier, optométriste, va adresser la parole; suivront le Dr Labelle,
représentant des chirurgiens-dentistes et le Dr Gérard Hamel,
représentant des omnipraticiens. Ensuite, s'il y en a d'autres qui
demandent la parole...
Alors, M. Gauthier.
Les optométristes
M. GAUTHIER: M. le Président, M. le premier ministre, je remercie
la commission de nous permettre de faire entendre devant elle certains points
de vue.
L'Association professionnelle des optométristes du Québec
est l'organisme syndical qui représente les optométristes aux
fins des négociations avec le gouvernement du Québec dans le
cadre de la Loi de l'assurance-maladie.
Nous avons appris avec bonheur que le régime entrera en vigueur
le 1er novembre. L'intervention et le témoignage que je vais apporter
aujourd'hui prennent, à la suite de cette annonce, une certaine
importance.
Nous avons commencé nos négociations avec le gouvernement
le 2 février 1970. Ces négociations se sont poursuivies
jusqu'à maintenant, interrompues cependant par la période
électorale et par le changement de gouvernement. Il est arrivé
certaines étapes très importantes que je veux souligner
immédiatement. D'abord, l'adoption, par l'Assemblée nationale, du
bill 8 qui définissait un certain cadre à nos
négociations. Nous avons entrepris les négociations et nous les
avons maintenues à l'intérieur de la loi. Nous avons
marqué, durant ces négociations, d'importants progrès.
Nous en sommes arrivés à des ententes de principe. Nous n'avions
pas, cependant les moyens d'informer quotidiennement la population des
progrès qui se faisaient par le cheminement de la négociation
normale. Nous aurions peut-être dû le faire. De toute façon,
la postérité jugera. Il n'en reste pas moins que le climat qui
entoure les négociations a touché tous les professionnels de la
santé, de quelque groupement qu'ils soient. Le professionnel de la
santé, qu'il soit optométriste, médecin
spécialiste, omnipraticien ou dentiste, est touché par les
mesures que le gouvernement adopte. Nous avons déploré, à
un certain moment, le fait que le rythme normal des négociations se
trouvait interrompu par l'arrivée d'une conciliation ou d'une
médiation. En effet, cette conciliation ou cette médiation se
faisait sur les mêmes points, sur les principes sur lesquels avaient
porté nos propres négociations et sur lesquels nous nous
étions entendus et cela, toujours dans le cheminement normal des
négociations.
Je voudrais rappeler une chose ici au gouvernement, c'est-à-dire
faire une suggestion. Etant donné que le régime
d'assurance-maladie va entrer en vigueur très prochainement au
Québec, notre association suggère que le gouvernement prenne
toutes les mesures pour favoriser et accélérer les
négociations avec les groupes qui sont prêts à conclure des
ententes. En effet, il y a des professionnels de la santé qui ont
opté pour la négociation, qui se sont maintenus dans cette ligne
et qui sont prêts à conclure des ententes. Il faudrait donc que le
gouvernement accélère les choses et prenne tous les moyens pour
en arriver à des ententes.
Deuxièmement, si le gouvernement en arrivait à être
obligé, parce que responsable de la santé publique, d'adopter
certaines mesures législatives, eh bien, il serait bien normal que ces
mesures législatives ne s'adressent qu'aux seuls
intéressés, c'est-à-dire que les groupes qui se sont
battus d'une façon normale à l'intérieur des
négociations ne voient pas tout sauter en l'air parce qu'un des groupes
ne veut pas fonctionner dans ce cheminement normal. Que les groupes qui ont
opté pour la négociation continuent à négocier et
ils vont en venir à des ententes, parce que moi, j'y crois à la
négociation. Depuis cinq ans, nous nous sommes préparés
à cela.
Sur la question du désengagement, je n'ai pas de "formulette" ou
de formule miracle à proposer. Notre association croit que le
désengagement est une chose marginale. Nous sommes prêts à
nous battre en tant que syndicat pour la participation de nos membres, non pas
pour les désengager. Je pense que pour un syndicat, c'est bien
normal.
Sur la qualité des soins, nous nous sommes entendus, en principe,
sur une foule de points avec le gouvernement. Nous n'avons pas
été obligés pour ça de faire des concessions,
quelles
qu'elles soient, sur la qualité des soins. Je prétends que
la qualité des soins qui vont être offerts au public va
être, dans certains cas, supérieure à celle qu'il a connue
et non pas inférieure.
J'espère que le témoignage que j'apporte ici et qui se
veut très positif pourra faire avancer les travaux de cette commission.
Je vous remercie beaucoup, messieurs.
M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais poser au
président de l'Association des optométristes quelques
questions.
Mais avant de le faire, je voudrais souligner qu'il est exact qu'il a
été difficile pour le gouvernement de toujours conduire les
négociations à un rythme satisfaisant. J'en conviens. Nous avions
à mener de front des négociations avec cinq groupes
différents. Je rappelle que lorsque nous avons étudié le
projet de loi, on nous a demandé d'ajouter la couverture d'autres soins.
J'ai mentionné à ce moment-là que ce serait
extrêmement difficile pour diverses raisons, entre autres la
nécessité de négocier avec un nombre aussi
considérable de professionnels.
Il s'agissait de conduire avec cinq groupes des négociations
devant mener forcément à des ententes "administrables" on
ne peut pas avoir des ententes de nature tout à fait différente
avec chacun des groupes sans quoi la Régie de l'assurance-maladie
n'aurait pas été capable d'administrer un tel régime. Il
ne faut pas oublier qu'il y a plus de six millions de population au
Québec. Nous avons été dans une situation où il a
été impossible d'obtenir des tables conjointes de la part des
médecins et de la part des dentistes, ce qui aurait réduit le
nombre de tables à trois. Les spécialistes et les omnipraticiens
ont insisté pour avoir des tables distinctes. Les chirurgiens-dentistes
et les spécialistes en chirurgie buccale ont insisté pour faire
de même. Nous avons donc dû poursuivre des négociations avec
cinq groupes différents.
De plus, nous ne pouvions pas multiplier le nombre des
négociateurs pour cette raison que je mentionnais un peu plus tôt,
c'est-à-dire une certaine harmonisation dans les négociations
entre les différents groupes parce que il est bon de le rappeler
les ententes signées avec un groupe peuvent avoir des incidences
sur les autres groupes. C'est un peu ce que M. Gauthier a mentionné
lorsqu'il a parlé de la conciliation.
Enfin, je dois dire que le genre d'approche qu'a pris la
Fédération des médecins spécialistes a exigé
de notre part énormément de travail qui aurait pu être
utilisé, à mon avis, à meilleure fin si les
négociations s'étaient faites dans un climat différent, et
nous ne pouvions le prévoir avant que les négociations s'engagent
réellement.
Alors sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec M. Gauthier
qu'il aurait été bien préférable de pouvoir mener
les négociations plus rapidement.
En ce qui a trait aux mesures législatives qui pourraient
être prises par le gouvernement, si elles sont prises par le
gouvernement, c'est que les possibilités de négociation auront
été épuisées avec un groupe ou avec un groupe qui
entraîne, par voie de conséquence, un autre groupe dans cette
situation. En ce qui a trait, de toute façon, à cette
possibilité de loi spéciale, elle a été
évoquée, mais tant et aussi longtemps que nous sommes en mesure
de poursuivre la négociation, soit ici, à cette table, au sein de
cette commission ou encore à la table des négociations, sans
compromettre pour autant l'entrée en vigueur du régime, c'est
notre intention de poursuivre la négociation.
Enfin, j'aimerais demander au président de l'Association des
optométristes s'il a senti, de la part des représentants du
gouvernement, des manoeuvres ou une approche qui susciterait de leur part la
méfiance quant aux objectifs visés par le gouvernement et qui
aurait pu mettre, disons en péril, le succès de ces
négociations.
M. GAUTHIER : Nous avons constaté que le gouvernement, en ce qui
nous concerne, montrait énormément de bonne foi, montrait une
compréhension large des problèmes impliqués. Cependant, si
j'ai pu, tantôt, avoir l'air de faire un certain reproche, c'est que la
date du régime d'assurance-maladie tombera le 1er novembre et qu'au mois
de septembre, nous n'avons eu qu'une demi-journée de négociation;
c'est plutôt à cette question que j'en ai.
Quant au climat, nous avons essayé, de part et d'autre, de le
maintenir. Ce n'est pas toujours facile. Les négociations, c'est une
bataille de l'esprit. C'est une bataille, une négociation. Alors dans
une bataille, il y a toujours quelques accrocs, mais nous essayons tout de
même d'harmoniser un certain climat. Autrement, nous ne progressons pas.
Je pense que le gouvernement, en ce qui nous concerne, a su maintenir, à
la table des négociations, un climat de confiance sur une
négociation difficile parce que c'était la première fois
que des optométristes, dans la province de Québec, participaient
à un régime de soins. Alors, il fallait établir toute une
nomenclature de services, ce qui n'était pas nécessaire au plan
médical. Est-ce que cela répond à votre question?
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Gauthier, si je comprends bien, s'il y avait
accélération des négociations, votre groupe est
disposé à venir à une entente à court terme avec le
gouvernement quant au régime d'assurance-maladie. Est-ce exact?
M. GAUTHIER: C'est exact, M. Cloutier. Nous avons eu récemment
une assemblée générale de nos membres qui nous ont
donné le mandat de poursuivre les négociations. Ils ont
accepté, en principe, le travail qui avait été fait
avec le gouvernement jusqu'à maintenant, et ils nous ont donné
tous les mandats nécessaires pour conclure une entente. Il nous reste
à aborder avec le gouvernement et à discuter la question
monétaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre question, Dr Gauthier, à
laquelle vous n'êtes pas obligé de répondre. Est-ce que
vous avez exigé la présence d'un ophtalmologiste à la
table des négociations?
M. GAUTHIER: Je pense que lorsqu'une unité de négociation
se constitue et qu'elle essaie de négocier pour en arriver à une
entente, elle essaie d'abord et avant tout de se créer un climat serein
pour en arriver à une telle entente.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous ai posé cette question, Dr
Gauthier, un peu pour vous taquiner parce que je me souviens que, lors de
l'étude des prévisions budgétaires, un
député de cette Chambre, qui était optométriste,
faisait valoir éloquemment les droits de sa profession.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions à poser au Dr
Gauthier? Merci, Dr Gauthier. Est-ce que le Dr Labelle, représentant des
chirurgiens dentistes est ici? Le docteur Labelle.
M. LABELLE: M. le Président. M. LE PRESIDENT: Un instant.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse, je voudrais vous interrompre
brièvement. J'ai le texte des propositions que j'ai faites relativement
au contrôle de l'activité professionnelle. Je demanderais à
mon sous-ministre, le Dr Brunet, d'en remettre une copie au Dr Gingras et, au
besoin, pour que cela ne soit pas juste un jugement porté sur des
paroles, ce qui est toujours assez difficile de retenir, d'en discuter avec le
Dr Gingras pour voir s'il peut nous dire avec plus de certitude si ces
modifications ou clarifications que nous sommes disposés à
apporter à la loi lui apparaissent satisfaisantes.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Labelle. Les chirurgiens dentistes
M. LABELLE: M. le Président, si on a mentionné un peu plus
tôt qu'il serait peut-être nécessaire d'employer l'article
709 pour faire comparaître devant la commission parlementaire une
association, je puis vous assurer que notre association n'aura pas besoin d'un
tel article. Et tout temps, elle est prête à coopérer et,
très rapidement, elle se rendra à votre invitation.
Je pense qu'il serait bon de faire une très brève
rétrospective pour mentionner qu'au tout début, lors de la
présentation du projet de loi, nous avions fait connaître nos vues
sur certains points sur lesquels nous étions en désaccord, pour
des raisons que nous avions énumérées à ce
moment-là. Je pense qu'il suffit de souligner, premièrement, la
restriction en milieu hospitalier, c'est-à-dire la clause qui assure les
soins dentaires chirurgicaux en milieu hospitalier seulement. Nous aurions
préféré que les soins dentaires chirurgicaux soient
assurés aussi bien en cabinet privé.
Dans un deuxième temps, nous avions fait aussi quelques
commentaires sur l'annexe qui apparaît dans le projet de loi. Nous
trouvions que cette annexe aurait pu, ou bien disparaître tout à
fait pour assurer tous les soins dentaires chirurgicaux, ou tout au moins
être modifiée pour y apporter une grande amélioration. Je
ne voudrais pas entrer dans les détails, mais c'étaient là
nos priorités et je pense que nous les avons fait connaître. Peu
de temps après, à la suite, entre autres, d'une rencontre avec
l'honorable ministre Castonguay, nous avons réalisé qu'il
était nécessaire de nous conformer à la Loi de
l'assurance-maladie et, depuis ce temps, nous avons consenti à
négocier au sens de la loi, telle qu'elle nous était, je ne
dirais pas imposée, mais soumise.
Si nous avons accepté de négocier à
l'intérieur de la loi, il faut bien comprendre que ce n'était pas
avec 100 p.c. de plaisir. Il y a peut-être certains articles, comme je
vous l'ai mentionné, sur lesquels nous aurions aimé discuter, sur
lesquels nous aurions aimé être consultés avant même
que le projet de loi existe. Cependant, nous l'avons accepté et nous
considérons que nous sommes encore en négociation. Nous sommes
encore même au tout début de nos négociations et,
jusqu'à preuve du contraire, nous croyons en la négociation et
nous voulons continuer de négocier.
Nous sommes bien confiants d'en arriver à une entente dans le
plus bref délai. Cependant, comme le Dr Gauthier le mentionnait, je
pense que, s'il y avait possibilité d'accélérer le
processus des négociations, cela pourrait nous faciliter la
tâche.
Permettez-moi simplement de vous mentionner que, depuis les
négociations, nous n'avons eu l'occasion de rencontrer le
négociateur qu'à trois reprises: le 31 juillet, le 21 août
et le 11 septembre. Je puis vous assurer que si, au lieu de trois
séances de négociations, on nous avait invités à
participer à une dizaine de séances, je pense bien que nous
aurions été toujours prêts et nous aurions
été présents.
Si nous faisons face, comme cela semble être la situation,
à une loi spéciale, ou à une loi d'exception devant mettre
en vigueur l'assurance-maladie dès le premier novembre, je pense qu'il
faudrait prendre en considération que ceux qui sont de bonne foi, que
ceux qui sont prêts à la négociation et désirent en
arriver à
une entente, tout en mettant beaucoup d'eau dans leur vin, ne devraient
toute de même pas être soumis et subir les conséquences
d'une loi d'exception.
Pour l'instant, c'est tout ce que je veux mentionner. Je pense que cela
reflète le point de vue des chirurgiens dentistes du Québec. Il y
a peut-être un petit point que je voudrais ajouter: M. le ministre
disait, tout à l'heure, qu'avec cinq tables de négociations,
naturellement, cela présentait certaines difficultés, que la
lenteur des négociations pouvait être attribuée un peu
à cette raison; je peux souligner que s'il n'en était que de nous
seulement, quatre tables de négociations pourraient peut-être
faciliter la tâche.
M. le ministre comprend exactement ce que je veux dire puisqu'il y a
présentement deux tables de négociations qui discutent exactement
des mêmes problèmes, c'est-à-dire des problèmes de
chirurgie dentaire.
M. CASTONGUAY: Pourrais-je faire quelques commentaires, M. le
Président?
En ce qui a trait aux premières remarques du Dr Labelle,
ralativement aux soins dentaires en cabinet privé, nous avons convenu,
ici, à la commission parlementaire de la Santé que c'était
une couverture qui était incomplète, qu'il était exact que
nous ne pouvions laisser la loi telle qu'elle est, de façon permanente,
ou même pour une durée assez prolongée. Le gouvernement a
d'ailleurs l'intention de modifier la loi sur ce point pour élargir,
à la fois, le champ d'application, ou plutôt la couverture du
régime, en ce qui a trait aux soins dentaires.
C'est une situation purement temporaire qui provient du fait que dans la
loi fédérale sur les soins médicaux, il y a
possibilité présentement de partage pour la chirurgie buccale
lorsqu'elle est effectuée en milieu hospitalier; et nous modifierons la
loi sur ce point. C'est un engagement, ou c'est quelque chose qui a
été affirmé à la commission parlementaire de la
Santé. Nous n'avons donc pas l'intention de revenir sur ce qui a
été dit sur ce point.
Le leader parlementaire, qui a plus d'expérience que moi dans ces
questions, me mentionne que si c'est l'intention du gouvernement de la faire
à brève échéance, qu'il est bon de le
mentionner.
C'est évidemment l'intention du gouvernement de le faire à
brève échéance, normalement, lors de la reprise des
travaux parlementaires, au cours du mois de novembre.
M. CLOUTIER: Octobre.
M. CASTONGUAY: Bien, octobre ou novembre. Il faut être
précis. En ce qui a trait à l'annexe, nous avons également
convenu de la difficulté de rédiger une telle annexe, ici,
à la commission parlementaire de la Santé. C'est pourquoi le
paragraphe c) de l'article 56 a été ajouté lors de la
discussion de la loi en commission. Cet article dit que le
lieutenant-gouverneur en conseil, etc., peut déterminer les services de
chirurgie buccale qui doivent être considérés comme des
services assurés aux fins du paragraphe b) de l'article 3, en outre de
ceux qui sont mentionnés à l'annexe ou qui sont visés par
le paragraphe b) du présent article. Tout ça pour dire qu'on peut
l'améliorer, cette annexe. Evidemment, si l'article est là, comme
dans toutes les lois, c'est pour qu'on l'utilise lorsqu'il sera clair que
l'annexe n'est pas satisfaisante.
Il y a un autre point qu'il m'apparaît nécessaire de
mentionner. Je me souviens qu'à la commission d'enquête sur la
santé les dentistes avaient insisté fortement sur le fait
qu'avant d'être dentistes ils sont médecins. Si cela est exact
et on m'avait signalé les articles de la loi du Collège
des chirurgiens dentistes la question du contrôle de la
qualité de leurs actes se pose pour eux de la même façon
qu'elle se pose pour les médecins. Je veux signaler ce point, parce que
le Dr Labelle a indiqué clairement qu'ils ont convenu de négocier
à l'intérieur de la loi. C'est donc dire que les dispositions
relatives au contrôle de l'acte professionnel, au désengagement
etc., leur conviennent, même s'il a souligné que ce n'était
pas nécessairement de gaieté de coeur qu'ils le faisaient.
Nous non plus, nous ne posons pas tous les gestes que nous sommes
obligés de poser de gaieté de coeur dans la vie. Enfin, je
voudrais aussi rappeler, comme je l'ai fait après les remarques du
président de l'Association des optométristes, que lorsqu'il y
aura une loi spéciale, s'il y en a une, c'est quand tous les moyens de
négociation auront été épuisés ou encore si
la négociation met en cause l'entrée en vigueur du
régime.
Je ne crois pas que le retard apporté dans les
négociations avec les chirurgiens dentistes, compte tenu de la nature
des soins qui vont être couverts, puisse mettre en cause l'entrée
en vigueur du régime. Alors, je ne crois pas, à moins qu'à
un moment donné les négociations bloquent complètement,
que, si nous devions en venir à une telle loi spéciale, elle
devrait nécessairement toucher l'Association des chirurgiens
dentistes.
Maintenant, comme le président de l'Association des
optométristes, le président de l'Association des chirurgiens
dentistes a fait allusion au nombre assez restreint de séances de
négociation, j'ai donné quelques raisons telles que je les ai
vécues qui m'apparaissaient comme des facteurs ayant ralenti le
progrès des négociations. Avec la permission des membres de la
commission, je pourrais demander au chef-négociateur de nous dire
pourquoi le nombre de séances n'a pas été plus grand et
quelles sont les difficultés qu'il a rencontrées en conduisant
cette négociation avec un nombre de tables
aussi élevé et avec cette nécessité
d'harmoniser les ententes avec les différents groupes.
M. CORBEIL: M. le Président, peut-être que, pour une
meilleure compréhension de la commission, il serait bon de rappeler que
les représentants gouvernementaux ont commencé les
négociations avec la Fédération des omnipra-ticiens et
presque simultanément avec la Fédération des
médecins spécialistes.
D'autres groupes suivaient: les chirurgiens buccaux, les chirurgiens
dentistes et les optomé-tristes. L'une des raisons je pense
qui expliquent qu'il n'y a pas eu beaucoup de séances de
négociation avec les optométristes et les chirurgiens dentistes,
c'est que force nous est de constater et nous en étions
d'ailleurs fort heureux que, quant à ce que l'on appelle les
clauses normatives des conventions collectives, elles avaient une facture tout
à fait semblable. Je ne sais pas dans quelle mesure et de quelle
façon il pouvait y avoir une consultation, une concertation ou un cartel
pour ces trois groupes je ne choisirai aucun des trois termes il
est certain, cependant, que du fait d'avoir au moins un conseiller technique
commun, du fait d'être des groupes qui, semble-t-il, avaient des
pensées un peu semblables, nous constatons que les clauses normatives
étaient elles aussi semblables et que, lorsque nous avions
négocié bon nombre de clauses et que nous avions
été d'accord avec la Fédération des omnipraticiens,
nous nous rendions compte qu'à une séance ultérieure, soit
avec les chirurgiens dentistes, soit avec les optométristes, la
discussion était beaucoup plus courte.
Je dois dire que les discussions avec ces groupes ont été
assez courtes et de qualité. Nous avons cru qu'il n'était pas
nécessaire de faire des séances pour faire des séances. Ce
sur quoi, je pense, les groupes concernés étaient à peu
près d'accord.
M. LE PRESIDENT: Dr Labelle.
M. LABELLE: II y a seulement deux petits commentaires que je voudrais
apporter, si vous me le permettez. Premièrement, je vois que le
négociateur en chef a toujours ses qualités habituelles et qu'il
remplit bien ses fonctions. Je voudrais tout de même souligner que,
jusqu'à présent, à ma connaissance, nous n'avons pas
encore soumis nos clauses normatives et que cela ne veut pas
nécessairement dire que ce sont les mêmes que celles de la FMOQ.
Je voudrais bien souligner qu'elles seront sûrement personnalisées
avant d'être déposées à la table des
négociations.
Deuxièmement, M. le ministre Castonguay a souligné tout
à l'heure probablement peut-être juste par une petite
erreur que je voudrais rectifier ici que les dentistes étaient
d'abord médecins, si j'ai bien compris, avant d'être dentistes, ce
qu'a priori je n'accepte pas. J'aimerais avoir quelques explications, si
possible.
M. CASTONGUAY: II faudrait vérifier avec le président du
Collège des chirurgiens dentistes de l'époque qui s'était
présenté devant la commission d'enquête en 1967 et qui,
copie en main de la Loi des chirurgiens dentistes, nous a bien rappelé
qu'en tout premier lieu le chirurgien dentiste était un médecin
spécialisé dans la chirurgie dentaire. C'est d'ailleurs pourquoi
le terme de "chirurgien dentiste" continue d'être utilisé et non
l'unique terme de "dentiste". Des détails techniques ou du fondement de
son argumentation, je ne me souviens plus d'une façon exacte, mais je me
souviens très clairement de cette affirmation. D'ailleurs,
c'était le fondement de l'argumentation qu'il nous avait
présentée par la suite quant à la nécessité
de maintenir au Collège des chirurgiens dentistes les pouvoirs qu'il
détenait.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le Dr Quen neville pourrait donner
son opinion?
M. QUENNEVILLE: Je me demande si vous pourriez à votre tour
préciser le climat qui a existé durant les négociations
avec les négociateurs du ministère.
M. LABELLE: Cela sera fait très brièvement parce que je
suis impatient de retourner à la réponse du ministre Castonguay.
Les relations entre les négociateurs et notre association sont des plus
cordiales.
M. QUENNEVILLE: Merci.
M. LABELLE: M. le Président, si vous me le permettez, il ne
faudrait sûrement pas modifier la loi dentaire, puisque, je le pense , la
loi dentaire dit très bien présentement qu'un dentiste est un
dentiste et qu'un médecin est un médecin. Cependant, si on a,
dans le passé, par l'intermédiaire d'un président de notre
collège, induit en erreur les dirigeants gouvernementaux, je voudrais
aujourd'hui faire la correction. Je puis aussi vous assurer que notre
association s'en réfère à la loi dentaire, qui dit bien
qu'un chirurgien-dentiste n'est pas un médecin.
M. CASTONGUAY: Vous pouvez être assuré que nous ne
confondrons pas les deux groupes.
M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai une question à poser au ministre de
la Santé sur ce qu'il a dit tout à l'heure, mais j'aurais
auparavant une suggestion à faire, c'est que, pour cette question de
dentistes-médecins, il y ait une séance de négociations
spéciales entre les deux groupes de dentistes et les fonctionnaires du
ministère.
Le ministre de la Santé a annoncé tout à l'heure la
possibilité d'étendre le régime pour couvrir davantage de
soins dans le domaine dentaire. Il dit que, peut-être en novembre,
je ne fais pas de discussion sur la date de la session
il apportera une modification dans ce sens-là. Ma question
est celle-ci: Est-ce que le ministre a déjà entamé des
pourparlers avec le gouvernement fédéral? Est-ce que celui-ci
le gouvernement fédéral consent, par
arrêté en conseil, à étendre son régime et
à défrayer 50 p.c. du coût?
M. CASTONGUAY: Voici. Il y a une conférence
fédérale-provinciale des ministres de la Santé au cours du
mois de novembre, je crois, et cette question y sera abordée,
c'est-à-dire l'extension de la protection de la loi
fédérale sur les soins médicaux. De toute façon, la
décision du gouvernement était prise quant à cet
élément de son programme législatif, et sans tenir compte
nécessairement de cette modification possible à la loi
fédérale sur les soins médicaux. Tant mieux, si la loi
fédérale est modifiée pour inclure dans le partage des
soins dentaires additionnels, mais ce n'est pas ce facteur qui va faire changer
quelque chose ou qui va être décisif dans la décision du
gouvernement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que nous sommes sur ce
sujet-là, je voudrais demander au ministre si, dans le cas des
optométristes, le gouvernement fédéral a fait
connaître sa réponse quant à l'extension du régime
et au partage des coûts.
M. CASTONGUAY: Le fédéral n'a pas encore modifié la
loi. Je crois qu'il peut le faire par arrêté en conseil.
M. CLOUTIER (Montmagny): Par arrêté en conseil, oui.
M. CASTONGUAY: II n'a pas encore inclus dans le partage des coûts
les soins des optométristes.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Laurin.
M. LAURIN: Est-ce que l'extension ne couvrirait que les actes de
chirurgie buccale qui figurent actuellement ou qui figureront à l'annexe
dont il a été question en vertu des règlement 56-C?
M. CASTONGUAY: Sans entrer dans tous les détails et je ne
crois pas que ce soit le moment d'entrer dans tous les détails
cela ira plus loin que la chirurgie buccale, cela ira jusqu'aux soins
dentaires, en tout ou en partie, pour une partie de la population.
M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres question à poser au Dr
Labelle, nous allons entendre maintenant le Dr Gérard Hamel,
président de l'Association des omnipraticiens. Dr Hamel.
Les Omnipraticiens
M. HAMEL: M. le Président, M. le premier ministre, nous tenons
à vous remercier en premier lieu d'avoir invité les
représentants de notre fédération à venir exposer
nos vues et à répondre à vos questions. Cependant, dans le
but de rendre nos représentations plus utiles et plus efficaces aux
membres de cette commission, compte tenu aussi du fait qu'on vient tout juste
de nous remettre deux documents qui nous apparaissent très importants:
le dossier pour la Commission parlementaire pour la santé et aussi
peut-être celui de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec concernant l'assurance-maladie et le bill
8, où mes confrères me disent qu'on traite de l'attitude de la
Fédération des médecins omnipraticiens, je demanderais la
faveur de remettre à la prochaine séance, soit demain matin,
l'exposé de l'ensemble de nos vues sur cette question, sauf la question
du contrôle de l'activité médicale qui a été
développée par le collège des médecins.
Nous aimerions, en présence des représentants du
Collège des médecins, exposer nos vues et dissiper, par la
même occasion, un malentendu qui depuis un mois ou deux, dans
l'intérêt de je ne sais trop qui, a semblé s'élever
entre le Collège des médecins et notre fédération.
J'aimerais le faire en présence des représentants du
Collège des médecins, de façon que nous ne soyons pas mal
interprétés, mal cités. A certains moments, je lirai des
textes.
Premièrement, nous avons dit à plusieurs reprises, nous
l'avons notamment dit dans une conférence de presse, que notre
fédération a toujours reconnu les pouvoirs du Collège des
médecins tels que définis dans la loi médicale et ses
règlements. Elle lui a toujours accordé sa confiance en
conséquence. C'est le premier point, et j'espère qu'on ne mettra
plus cela en doute. La Fédération des médecins
omnipraticiens est un organisme qui oeuvre habituellement à
l'intérieur des lois et les respecte, la loi médicale aussi.
Cependant, par la même occasion, permettez-moi de dire que la FMOQ
déclare qu'aucune clause dans ses ententes avec le gouvernement n'a pour
but ni pour effet de limiter, de quelque façon que ce soit, l'exercice
des pouvoirs du collège. Certains aimeraient beaucoup qu'il y ait un
certain antagonisme entre le collège et la fédération des
médecins omnipraticiens. Quant à nous, nous n'avons aucune
aggressivité vis-à-vis de notre collège, nous n'avons que
du respect. Nous n'accepterons pas facilement que nous soyons manoeuvres et que
nous devenions des adversaires du collège. L'ambiguité a
porté, à un moment donné, sur la question suivante: Nous
avions dit que, dans l'intérêt des médecins, "les avis que
le collège doit donner à la régie dans le cadre de la Loi
de l'assurance-maladie ne doivent pas lier cette
dernière quant à ses effets sur le paiement des actes."
Nous reconnaissons que les avis du collège sur la déontologie et
la discipline doivent lier tout le monde, mais nous avions fait la distinction
pour le paiement des actes. D'ailleurs, dans le discours du président du
Collège des médecins, qui était antérieur à
nos déclarations du 17 avril 1970, à une conférence
où j'étais présent et où j'ai été
membre du "panel" qui a suivi, j'avais bien entendu et on peut le lire
dans le bulletin du Collège des médecins de juin 1970 que
le président du collège dit que la régie ou la commission
de surveillance doit décider en dernier ressort des honoraires à
payer. Notre position était conforme à celle qui avait
été exprimée publiquement par le président du
Collège des médecins, deux ou trois mois auparavant.
Pourquoi avons-nous refusé que les avis du collège lient
la régie quant à ses effets pour le paiement des actes? Ce n'est
peut-être pas pour les mêmes raisons que celles invoquées
par le gouvernement. Nos raisons, les voici. Lorsqu'un médecin veut en
appeler d'une décision de la régie, il ne faut pas que la
décision de cette régie, par la loi ou en vertu de la loi, soit
finale. Sans cela, le médecin n'aurait d'autre recours que devant les
tribunaux civils, dont les délais sont bien connus. Donc, pour permettre
à un médecin, soit seul ou soit par l'intermédiaire de sa
fédération, d'en appeler d'un appel de la régie, il ne
faut pas que la décision du collège lie la régie en ce qui
concerne le paiement des actes. Si cette question n'est pas assez claire, si on
me demande de donner des exemples, après avoir assisté un des
rares médecins qui, pendant quatre ans, a eu la chance d'observer
à titre de membre de la commission de l'assistance médicale le
fonctionnement de ces mécanismes, je prétends que c'est
absolument nécessaire pour qu'un médecin puisse, pour en appeler
d'une décision, ne pas être lié quant au paiement des
actes.
En ce qui concerne les normes, on a accusé à un moment
donné la Fédération des médecins omnipraticiens,
là encore, de négocier, avec le gouvernement, des normes qui,
normalement, devraient faire matière de décisions du
Collège des médecins. Or, la nature des normes qui peuvent
être négociées entre le gouvernement et notre
fédération, ce sont des normes de même nature que celles
qui sont dans le préambule d'un tarif. Par exemple: le tarif de la FMSQ.
Lorsqu'à la suite d'une entente les. médecins conviennent qu'un
médecin sera rémunéré seulement pour trois visites
par semaine après un mois d'hospitalisation de son malade, c'est une
norme qui est négociable, qui ne concerne pas du tout la qualité
des soins. C'est ce type de normes que les fédérations
négocient actuellement et qui sont sans rapport avec le contrôle
de l'activité professionnelle ou avec le contrôle de la
qualité de l'acte médical. Nous négocions ce type de
normes conformément au bill 30, les deux fédérations des
médecins spécialistes et des médecins omnipraticiens, en
présence du collège. Je pense que les deux anciens ministres ici
présents peuvent en témoigner, les deux
fédérations, en présence du collège, avaient
réclamé, le 10 juin 1969, que, dans le bill 30, le contenu de la
négociation soit bien déterminé. Ce champ de
négociation se lisait comme suit: "Le mode de participation des
médecins au régime, les conditions d'exercice des médecins
à l'intérieur du régime, et le mode de
rémunération des médecins."
Donc, le champ de la négociation contenait les conditions
d'exercice de la médecine. Ceci ne veut pas dire que les
fédérations et le gouvernement entendent contrôler
l'activité professionnelle ou contrôler la qualité de
l'acte. Alors il faut faire des distinctions à un moment donné.
J'espère aujourd'hui dissiper d'une façon définitive toute
ambiguïté sur ce sujet, que les fédérations n'ont pas
l'intention de se substituer au Collège des médecins. Elles
négocient, là encore, à l'intérieur d'une autre loi
et dans le respect d'une autre loi qui est le bill 30, et ceci, d'accord avec
la FMSQ.
Donc, j'espère que, devant les représentations du
Collège des médecins, on ne reverra plus dans les journaux des
attaques vis-à-vis de notre fédération à l'effet
qu'elle se vend au gouvernement lorsqu'elle tente de négocier à
l'intérieur et dans le respect des lois. Alors, messieurs, M. le
Président, nous sommes prêts à nous expliquer sur cette
question, et si vous le voulez bien, nous permettre de continuer demain matin,
l'exposé sur toutes les questions qui ont commandé la
réunion de cette séance.
M. LE PRESIDENT: Alors y a-t-il des questions à poser au Dr Hamel
relativement à ce qu'il vient de dire?
Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER: Demain. Etant donné que le Dr Hamel a
réservé pour demain matin le principal de son intervention, en ce
qui nous concerne, je réserve mes questions pour demain matin.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres personnes qui veulent parler? M.
Pepin.
M. PEPIN: Merci, M. le Président, M. le ministre, messieurs les
membres de la commission. Je voudrais dire d'abord au point de départ
et je pense bien exprimer l'avis de très nombreux travailleurs
dans cette province que nous sommes bien satisfaits d'apprendre que la
loi sera enfin en vigueur le 1er novembre. Je crois que ce qu'a annoncé
le premier ministre au début de la réunion, c'est un point qui
est de nature à réjouir l'ensemble de la population. Nous
souhaitons, cependant, que ce soit le bill qui a été
adopté qui soit vraiment celui qui sera en vigueur le 1er novembre.
Aussi, dans ce sens, les arguments invoqués par le ministre de la
Santé concernant un des points majeurs, une des pièces
maîtresses de la loi sur le non-conventionnement, ces arguments qu'il a
utilisés, quant à moi, je suis prêt à les faire
miens. D'ailleurs, je crois avoir exprimé des idées assez
analogues lors d'une autre séance de cette commission
antérieurement, au mois de juillet, lorsqu'il a été
question de l'adoption du bill 8.
Ceci étant dit, je voudrais dire deux choses.
Est-ce que les membres de la commission, est-ce que le gouvernement ne
pourraient pas nous faire part, si ce travail est déjà fait
je pense qu'il doit être fait de l'expérience de
l'assistance médicale? Vous savez, depuis 1966, il y a une
expérience de ce côté. Je crois que le gouvernement a
dû calculer ce que cela donnait comme résultat pour les
médecins, et aussi, pour la population. Aussi le résultat que
cela peut donner, relativement aux abus possibles que cela a pu entraîner
de la part de certains médecins, en nombre sans doute très
limité. Je présume que c'est un travail qui a dû être
fait. S'il n'a pas été fait, bien sûr, vous ne pouvez pas
le fournir, mais s'il avait été fait, je pense que, pour
l'ensemble de la députation et pour la population en
générale, il serait très heureux que nous sachions
exactement ce que cela a donné effectivement par rapport aux ententes de
1966 qui se sont renouvelées, je crois, en 1968. C'est le premier point,
la demande que je voulais faire.
M. CASTONGUAY: M. le Président, permet triez-vous que
j'interrompe M. Pepin très brièvement, pour dire que la
commission de l'assistance médicale a préparé, chaque
année, un rapport donnant toutes les données sur le
fonctionnement de ce régime et que, pour ma part, je peux en obtenir un
certain nombre de copies qui pourraient être distribuées demain?
Quant aux membres de l'assemblée et aux membres de la commission, plus
particulièrement, ici, ils ont reçu, au moment où
l'Assemblée nationale a siégé, le dernier rapport de la
commission de l'assistance médicale. Peut-être que M. Cloutier, le
député de Montmagny, voudrait ajouter quelques commentaires sur
ce point particulier.
M. CLOUTIER: Je n'ai rien de particulier à ajouter. Il est exact
que la commission de l'assistance médicale était, responsable
auprès du ministre de la Santé et qu'elle devait produire un
rapport annuel qui était déposé à la Chambre. Je
pense que ce rapport contient selon mon souvenir une foule
d'informations. Je ne sais pas si cela répondra exactement au
désir de M. Pepin, mais il pourra en prendre connaissance.
M. PEPIN : Je vous remercie. Le deuxième point: le ministre de la
Santé, dans son intervention, a dit qu'il avait distribué des
docu- ments aux députés, aux ministres et aux journalistes. J'en
ai moi-même eu, heureusement, une copie. Il a mentionné que, quant
au dossier des omnipraticiens, il préférait attendre
l'intervention du Dr Hamel pour savoir si on devait, ou non, distribuer le
contenu des accords actuels. Pour ma part, je souhaite grandement que ce
dossier soit rendu public et j'ose croire que, demain, le Dr Hamel donnera une
réponse favorable au ministre de la Santé pour que la population,
en général, soit informée du déroulement actuel des
négociations.
Ne vous en faites pas, ce n'est rien de nouveau dans le domaine des
relations entre parties contractantes. Si vous saviez jusqu'à quel point
les négociations dans la construction sont publiques, vous pourriez voir
qu'il n'y avait pas de crainte, au moins, à étaler les accords
qui sont intervenus entre la Fédération des omnipraticiens et le
gouvernement.
Le dernier point que je vais toucher un peu plus longuement, mais en
prenant un temps très limité je ne veux pas retenir votre
attention trop longtemps est le problème du Collège des
médecins et le problème des amendements que M. Castonguay a
annoncés il y a quelques moments. Il n'est pas toujours très
très excellent de venir troubler l'unanimité, ou d'être un
peu trouble-fête dans ce domaine. Je comprends qu'il y a un accord qui
semble se réaliser entre le collège et le ministre et que la
Fédération des omnipraticiens a manifesté tout son grand
respect pour le collège. Je peux vous dire que, quant à moi, je
n'ai pas à me prononcer sur le respect quant au collège, quant
aux hommes qui sont là-dedans, bien sûr. Mais, sur ce
problème du Collège des médecins, je n'ai pas d'opposition
formelle à ce qu'a proposé le ministre parce qu'il faudrait, pour
moi aussi, en tout cas, avant de me prononcer définitivement, voir de
plus près les choses. Je voudrais au moins mettre en garde le
gouvernement et les membres de cette commission, que le Collège des
médecins, quant à nous, quant à moi en particulier
je ne parlerai pas pour les autres n'a pas toujours
représenté et ne représente pas encore
nécessairement le summum de ce qui pourrait être fait.
Je crois qu'une bonne partie de la population considère qu'il y a
là matière de conflit d'intérêts entre un
collège des médecins qui a à administrer, quasiment, la
santé au Québec, et le fait que ce ne soient que des
médecins qui composent le collège.
D'ailleurs, dans le rapport de la commission qu'il a déjà
présidée, le ministre indique qu'il aura des propositions
concrètes à faire dans l'avenir pour réformer l'ensemble
des corporations, donc aussi la corporation médicale.
Je voudrais me permettre, en parlant de ce problème, de rappeler
que, dans un plus récent rapport sur la santé, tome 1, la
deuxième partie, vous pourrez voir jusqu'à quel point le
collège a fait ou n'a pas fait tout le travail qui devait être
fait. Entre autres, on voit dans ce rapport, que, pour
l'espérance de vie, le Canada, avait le neuvième rang alors que
le Québec avait le quatorzième rang. Ce n'est pas
nécessairement la faute du collège, mais ce sont simplement des
indices de ce qui arrive lorsque l'on confie des responsabilités
à un organisme privé. Le collège est un organisme
privé, même s'il est constitué en vertu d'une loi de
l'Assemblée nationale. Je crois que l'on peut aussi noter le cas de la
mortalité infantile où le Canada avait le douzième rang et
le Québec, le seizième ou le dix-huitième rang. Je me
permets de vous rappeler que, dans le même rapport, il est bien
mentionné qu'aucun organisme professionnel n'a mis en place les nouveaux
modes d'évaluation de qualité. Je pourrais continuer à
donner certains exemples de cette nature.
Mais, je voudrais surtout mentionner qu'il m'apparaft que le
collège n'agit que sur plaintes, comme si la police n'agissait que sur
plaintes. J'ai l'impression que, dans le domaine de la santé, des
syndicats, en particulier des syndicats d'infirmières, ont fait au moins
autant avec des moyens beaucoup plus limités dans certains champs
d'activités que le collège lui-même. Inutile de vous
rappeler ici que, s'il y a eu une enquête à l'hôpital
Charles-Lemoyne non pas uniquement sur les conditions de vie dans
l'hôpital .mais une enquête qui a été ordonnée
par M. Cloutier qui était ministre dans le temps, cela a
été fait spécialement à la demande de l'Alliance
des infirmières. Je sais qu'à Saint-Louis-de-Windsor, le
Collège des médecins y a été mêlé. Il
semble qu'il y avait un peu de brouille entre quelques médecins à
cette occasion. Personnellement, j'ai déjà communiqué avec
le collège pour lui demander si dans telle institution
hospitalière on pouvait me dire que la qualité des actes
médicaux pouvait être acceptable parce que nous avions des
recommandations à faire à nos membres. J'ai eu un accusé
de réception. Je n'ai jamais eu de réponse effective à
cette demande.
Je sais que, dans certaines régions, il y a à peine
quelques années, pour des populations identiques quant au nombre, il y
avait le double d'opérations dans une région par rapport à
une autre, parce que, semble-t-il, il n'y avait pas de pathologiste à
l'hôpital. Si vous prenez le bulletin du collège lui-même,
vous vous rendez compte qu'il y a sans doute des choses qui peuvent se faire.
Mais, je vois, dans une région ici, que le nombre de malades
traités dans une semaine normale équivaut à 175 par
médecin. Dans cette même région, les heures de travail
déclarées sont de 37. Un calcul rapide me permet de dire que ces
médecins-là voient leurs malades pendant douze minutes, sans
doute le temps de leur donner les médicaments qui s'imposent. Cela, ce
sont les propres statistiques du collège.
Je pourrais ajouter aussi le cas des anesthésis-tes, des
accouchements. Dans combien d'insti- tutions hospitalières, ce sont les
infirmières qui ont fait des pressions, et parfois des pressions
publiques, pour n'être pas tenues de faire elles-mêmes
l'anesthésiè du patient ou de la patiente! Je pense que c'est
important de le souligner, parce qu'il m'apparaft que le collège n'agit
que sur plaintes. Il n'a pas la ressource qu'il faut; il n'a peut-être
pas la loi qu'il aimerait avoir. Mais, j'ai l'impression que, lorsque l'on s'en
va vers un contrôle plus direct de la part du collège, on a une
responsabilité de ce côté-là et qu'il faut faire
extrêmement attention. Encore une fois, je ne me prononce pas sur les
amendements projetés. Je dis uniquement ces choses parce que je pensais
que c'était important de les mentionner. En dernier lieu, je souligne
que le collège existe, je pense, depuis 123 ans. S'il est encore
critiqué à ce point-là, c'est qu'il doit y avoir plusieurs
choses à améliorer. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Un bref commentaire, M. le Président. C'est
simplement pour rappeler que, tout comme la Loi de l'assurance-maladie ne
touche pas à l'organisation des services de santé, elle ne touche
pas, non plus, à l'organisation des corporations professionnelles.
Lorsque la loi du collège sera soumise pour étude à
l'Assemblée nationale, ces questions pourront être reprises.
Mais, à moins qu'on ne rejette le principe des corporations
professionnelles sur ce point, le gouvernement croit que c'est une
formule qui doit être conservée à partir du moment
où la corporation professionnelle doit être maintenue, s'il y a
lieu d'améliorer son fonctionnement par des améliorations ou des
amendements à la loi, je crois que ce sont des questions qui devront
être discutées en temps et lieu. Pour le moment, dans le cadre de
l'assurance-maladie, il faut s'assurer que les distinctions qui s'imposent sur
ce plan se fassent.
En deuxième lieu, je voudrais simplement rappeler, une fois de
plus, que même si j'ai été membre d'une commission
d'enquête, cela ne veut pas dire que les rapports de cette commission
sont nécessairement, par le fait même, des politiques du
gouvernement. Le gouvernement devra se prononcer sur ces rapports avant d'en
faire sa politique en totalité ou en partie. C'est un point qui
mérite, malgré tout, d'être mentionné.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Roy, régistraire du Collège des
médecins chirurgiens.
M. ROY: M. le Président, permettez-moi de rétablir quelque
peu les faits énoncés par M. Pepin. Je vais le faire d'une
façon sereine. Je ne veux pas entamer de polémique. Je crois, par
ailleurs, qu'il est important que la Législature,
ses représentants et le public sachent ce qui se passe.
Je ne veux pas faire de démagogie il serait facile d'en
faire mais je veux quand même répondre à certains
arguments de M. Pepin, particulièrement quant à la demande qu'il
nous a faite de faire enquête dans un hôpital. Nous avons
accusé réception. Nous avons fait enquête dans
l'hôpital privé en question, à Montréal. Nous avons
fait parvenir copie du rapport au ministre de la Santé de
l'époque, et celui-ci a agi en conséquence. Les
représentations du collège ont été suivies, en
partie, de façon satisfaisante. M. Pepin n'a pas eu de copie du rapport
de notre enquête nous ne jugions pas que c'était à lui que
cela devait aller, mais plutôt au ministre de la Santé.
Deuxièmement, en ce qui concerne le rapport de l'enquête
à l'hôpital Windsor, cette enquête a été
demandée par le collège lui-même, parce que le
collège a jugé qu'il n'avait pas les moyens nécessaires
pour faire l'enquête.
Troisièmement, en ce qui concerne l'hôpital
Charles-Lemoyne, l'enquête du collège était
commencée avant celle décrétée par le gouvernement.
De plus, si vous lisez le rapport de l'enquête à Windsor, un
très grand nombre des cas étaient des problèmes
d'administration. Quant aux cas médicaux, il y a eu une enquête
dans chaque cas et, en plus des huit ou dix cas portés à
l'attention du collège par la CSN, nous avons vérifié
2,500 dossiers médicaux par notre propre pouvoir et nous avons
amené quatre médecins devant notre conseil de discipline. Je
pense que nous avons pris nos responsabilités.
Je dois dire, par ailleurs, que la médecine pratiquée
à l'hôpital Windsor était excellente en
général, et cela pour rétablir les faits, parce qu'on a
fait tort à la réputation d'un grand nombre de
médecins.
Je le dis d'autant plus que, chaque fois qu'on parle de problèmes
dans un hôpital et c'est pour cela que le Collège des
médecins demande une revision de sa loi on attaque
immédiatement les médecins. Or, les médecins ne sont pas
responsables de tout ce qui se passe dans les hôpitaux. Il existe des
administrations hospitalières qui ont des prérogatives en vertu
de la Loi des hôpitaux et qui doivent les assumer; elles ne doivent pas
attendre les médecins pour assumer leurs responsabilités. Que les
administrations agissent, elles ont l'autorité pour le faire. Qu'elles
prennent leurs responsabilités. Les médecins ne sont que les gens
qui prodiguent des soins à l'hôpital; ils n'administrent pas les
hôpitaux.
Je pense qu'on ne doit pas faire un procès d'intention au
collège pour ce qu'il a fait au cours des 23 dernières
années, Je dois dire que le collège fait son devoir, autant que
possible. Particulièrement depuis les dix dernières
années, à cause de l'évolution de la
société, il s'est donné des structures nouvelles.
Le collège n'agit pas seulement sur plainte, mais, par exemple,
au cours de la dernière année, il a visité d'une
façon systématique et périodique cinquante hôpitaux
dans la province. Il a examiné la pratique médicale de 900
médecins, et la pratique médicale de 900 médecins, cela
comporte un paquet de dossiers à réviser.
Le collège a fait des recommandations à plusieurs
hôpitaux, à plusieurs médecins. Il en a d'ailleurs
plusieurs de prêtes actuellement et il attend de rencontrer le ministre
de la Santé avant de faire parvenir ces recommandations à
certains hôpitaux, parce qu'elles comportent des problèmes de
régionalisation et que nous ne voulons pas, par une action de notre
part, aller à l'encontre d'une action du ministère de la
Santé en ce qui concerne la régionalisation et la distribution
des soins.
Nous sommes parfaitement conscients qu'il existe des problèmes
dans la province de Québec, qu'il faut améliorer nos taux de
mortalité maternelle et infantile. Nous sommes d'accord qu'il y a des
améliorations à faire. Nous voulons le faire avec le
gouvernement. Nous avons d'excellents médecins dans le Québec.
Nous n'avons quand même pas le monopole de la vertu. Je ne pense pas que
les syndicats ouvriers l'aient non plus. Par ailleurs, nous sommes prêts
à assumer nos responsabilités, à collaborer avec le
gouvernement pour améliorer les soins et surtout pour voir à une
juste distribution des soins, parce que, dans le Québec actuellement, ce
n'est pas tant le nombre de médecins qui est déficient que la
mauvaise distribution des médecins et la mauvaise organisation
médicale. Cela, nous en sommes conscients et nous voulons faire quelque
chose avec le gouvernement. Nous offrons notre collaboration et nous l'offrons
d'une façon officielle.
De plus, le Collège des médecins, selon sa loi actuelle,
n'est administré que par des médecins. Mais suivant les
recommandations du rapport Castonguay-Nepveu et nous en avons fait part
au gouvernement nous sommes prêts, dans le prochain amendement de
notre loi, à avoir à notre conseil d'administration le ministre
de la Santé lui-même, le ministre de l'Education lui-même
parce que nous avons des questions d'éducation médicale
un représentant du peuple, le Protecteur du citoyen ou un autre
représentant du peuple, pour s'asseoir avec nous et prendre les
décisions. Nous sommes conscients que ces gens-là prendront les
mêmes décisions que nous lorsqu'ils seront confrontés avec
les mêmes problèmes.
Nous sommes ouverts; nous ne sommes pas une chasse gardée. Nous
ne limitons en aucune façon l'accès à la profession
médicale dans le Québec, ni par le truchement des
universités, ni pour ce qui est des médecins étrangers. Je
pense que le collège n'a pas de leçon de perfection, n'a pas de
leçon d'administration à recevoir des syndicats ouvriers. Nous
pensons être capables de nous administrer convenablement. Nous
croyons que nous sommes bien administrés. Nous vous offrons de
venir nous visiter, de vous rendre compte par vous-mêmes de ce que nous
faisons. Nous vous ouvrirons nos livres si vous le jugez à propos.
M. LE PRESIDENT: Un instant. Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais juste un
commentaire à faire. J'ai écouté les plaidoyers. Je ne
sais pas si votre plaidoyer va dans le même sens, M. Laberge, mais je
voudrais ajouter qu'avec les bonnes dispositions du collège,
l'intérêt vif des syndicats, la vigilance de l'Opposition et
l'oreille attentive du gouvernement, je pense qu'on peut améliorer la
qualité des soins médicaux.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le Dr Gingras est
présent? Le président du Collège des médecins? Le
Dr Gingras est-il présent?
M. ROY: II est sorti, je ne sais pas si on peut le rejoindre.
M. BOURASSA: Oui, s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge, pendant qu'on va faire venir le
docteur.
M. LABERGE: M. le Président, M. le premier ministre, messieurs
les ministres, messieurs les députés et messieurs les
médecins. Je n'essaierai pas de faire la leçon au collège.
Probablement que mon ami Marcel a parlé du collège avant son
dernier rapport. Je pense que nous devons reconnaître qu'en effet le
collège s'est sensiblement amélioré, et surtout depuis
quelques années. Nous sommes les premiers à le
reconnaître.
Mais, il reste, je pense, comme le registraire du collège l'a
mentionné, qu'il y a encore énormément à faire et
surtout justement dans la distribution des soins de santé. Cela, c'est
extrêmement important. Et quand le ministre de la Santé a
parlé de certains amendements dans les règlements ou dans la loi
afin d'en venir à une entente, il est bien sûr que nous souhaitons
qu'il y ait la plus grande entente possible et couvrant tous les professionnels
de la santé.
Toutefois, il serait inquiétant d'aller trop loin dans ce
domaine-là. Le Collège des médecins l'a
déclaré par la bouche de son président, il n'a pas encore
toutes les armes voulues pour voir effectivement à ce que les patients
reçoivent les soins auxquels ils ont droit, et c'est pour cela que la
régie se doit de garder quand même un certain contrôle, une
certaine initiative.
D'ailleurs, le ministre s'est empressé de déclarer que les
brillants rapports présentés par nos commissions qui ont fait une
enquête poussée dans tous ces domaines n'étaient pas
nécessairement les politiques du gouvernement. J'espère qu'il n'a
pas changé d'idée et qu'il trouve toujours les rapports de ces
commissions aussi excellents qu'ils l'étaient au moment de leur
dépôt.
Dans ces rapports, nous lisons un tas de choses intéressantes. Il
reste que, sans accuser le collège que quoi que ce soit, le seul
organisme qui avait quelque chose à dire sur les soins de la
santé était en quelque sorte le collège, et,
peut-être plus par ignorance que par autre chose, l'opinion publique
rendait le collège responsable des lacunes dans les services de
santé.
Si le collège n'est pas équipé pour combler ces
lacunes, il faut, je pense, que d'autres le fassent. Le collège vient
d'offrir sa collaboration au gouvernement, c'est magnifique. Je pense qu'on
peut y faire quelque chose comme, par exemple, tout le système des
hôpitaux fermés alors que des médecins ne peuvent pas aller
traiter leurs patients dans ces hôpitaux parce que la direction
médicale de l'hôpital contrôle l'affaire et garde les lits
pour eux, enfin tout ce genre de choses...
M. ROY: ... c'est l'administration, nous ne pouvons pas les mener.
M. LABERGE: Oui, oui. Comme je le dis, je ne sais pas si cela
dépend de vous, je ne vous accuse de rien.
M. ROY: Vous ne pouvez pas non plus, ce n'est pas nous.
M. LABERGE: Je fais bien attention de ne pas me tromper. Il me semble
que mon pouls faiblit depuis quelques minutes, alors je vais être
très prudent. Je regrette, comme tout le monde, je pense, l'absence des
médecins spécialistes. Les médecins spécialistes
croient qu'ils ont des principes à défendre. Dieu sait que nous
avons eu l'occasion de nous faire inviter par le gouvernement à venir
expliquer nos doléances. Nous venons parfois à reculons, comme la
semaine dernière, nous y reviendrons bientôt à reculons,
encore une fois, le 6 prochain, mais nous y serons.
Il est malheureux je pense, que les médecins spécialistes
n'aient pas profité de l'occasion, justement, pour bien expliquer aux
gens les plus intéressés leur point de vue. Sans doute qu'ils
auraient convaincu quelques-uns d'entre nous de la valeur de certains de leurs
arguments.
Toutefois, je suis bien heureux, comme l'a dit le président
général de la CSN, que le gouvernement se soit enfin
décidé à donner à la population du Québec
l'assurance-maladie; il était temps. Nous n'avons que trop longtemps
attendu. Nous ne voulons pas du tout critiquer la lenteur des
négociations. Nous comprenons que c'était extrêmement
difficile, extrêmement
complexe. De toute façon, la population désirait avoir
l'assurance. Le gouvernement vient de décider que c'est le 1er novembre,
bravo!
Quant aux médecins spécialistes, j'espère qu'ils
feront comme leurs confrères des autres professions médicales et
qu'eux aussi, bien que probablement pas entièrement satisfaits ni de la
loi ni de la réglementation, feront comme tout citoyen responsable se
doit de faire. Nous avons dû parfois accepter des règlements dans
des conflits de travailleurs qui n'étaient pas satisfaisants. Nous les
avons acceptés.
Nos gens ont déjà, dans plusieurs cas, été
forcés par des lois spéciales de retourner au travail. Nous ne
suggérons pas du tout une loi spéciale du même genre. Cela
ferait une autre loi que nous aurions à critiquer, mais il reste que,
comme citoyens responsables, nous avons respecté ces lois-là,
nous sommes retournés au travail et nos gens ont effectué le
travail de façon normale. Alors, M. le Président,
c'étaient les quelques remarques que je voulais faire. Il reste
énormément à faire dans le domaine de la santé. La
redistribution des services, toute cette question des hôpitaux
fermés, etc. Le collège veut collaborer. Je ne veux pas
nécessairement me porter candidat pour siéger à
l'exécutif du collège, mais, si vous pensez à moi, j'irais
voir ça avec énormément de plaisir. On en apprendrait des
choses là-dedans!
De toute façon, encore une fois, je suis bien heureux que nous
ayons l'assurance-maladie à partir du 1er novembre.
M. LE PRESIDENT: M. Bourassa.
M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais demander au Dr Gingras,
puisqu'il a discuté avec le sous-ministre, le Dr Brunet, du texte
écrit si, après avoir vu les garanties écrites
données par M. Castonguay sur la liberté professionnelle, il est
encore satisfait comme il l'était tantôt.
M. GINGRAS: M. le premier ministre, M. le Président.
L'exécutif du Collège des médecins a examiné les
quatre propositions au sujet des modifications du bill 8. Quant à la
première, nous sommes d'accord, sauf les quatre dernières lignes:
"II faudrait par contre s'assurer etc.," jusqu'à la fin.
M. BOURASSA: Cela va de soi. D'accord.
M. GINGRAS: Je crois que c'est évident, parce qu'il y aurait
contradiction autrement. Quant aux autres, nous sommes d'accord, sous
réserve, bien entendu, de la formulation précise en articles de
loi. Nous émettons encore le voeu de voir ces articles de loi avant
qu'ils soient promulgués.
Notre collaboration, M. le premier ministre, messieurs, vous est
acquise. Profitez-en si vous le voulez.
M. BOURASSA: Mais, tel que présenté là, ça
vous satisfait. Vous pourriez peut-être le dire aux spécialistes
si vous les rencontrez.
M. GINGRAS: En principe.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres personnes voudraient prendre la
parole? sinon nous ajournerons nos travaux à demain matin, dix heures et
demie.
M. Castonguay.
M. CASTONGUAY: Demain matin, lorsque nous aurons entendu les personnes
ou organismes qui voudront se faire entendre, s'il y en avait d'autres en plus
du Dr Hamel et, j'espère bien, du Dr Robillard, il me semble qu'il
serait opportun de reprendre la discussion sur la question du
désengagement pour voir s'il y a moyen tout en respectant les objectifs
du régime d'apporter un amendement qui serait plus satisfaisant, qui
donnerait une loi plus satisfaisante. Mais je dis bien: Tout en respectant les
objectifs du régime.
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que la commission est
d'accord pour que son président insiste d'une façon
particulière auprès du Dr Robillard afin qu'il soit
présent demain à dix heures et demie, afin qu'il
reconsidère sa décision de ne pas venir témoigner? La
commission est entièrement d'accord? On peut donc exprimer le voeu de la
commission que le Dr Fortier communique avec lui pour l'inviter d'une
façon toute spéciale demain matin à dix heures et
demie.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Ajourné à demain matin,
dix heures et demie.
(Fin de la séance: 17 h 8)
Séance du vendredi 2 octobre 1970
(Dix heures trente-trois minutes)
M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A
l'ordre, messieurs! M. Bourassa.
Télégramme du Dr Robillard
M. BOURASSA: On me permettra de lire un télégramme
envoyé à l'adresse du président: "Avons été
informés hier soir disons que la radio ne devait pas fonctionner
à Montréal du voeu de la commission parlementaire de la
Santé d'entendre nos représentations au sujet de la Loi de
l'assurance-maladie. Cette invitation ainsi que la rencontre de nos
délégués avec le premier ministre, hier soir, seront
discutées ce matin au conseil d'administration, qui fera connaître
sa décision aujourd'hui à midi. Raymond Robillard,
président"
J'ai rencontré hier le Dr Robillard, à sa demande,
à mon hôtel à Québec, avec deux autres
représentants de la Fédération des médecins
spécialistes. Je l'ai invité à venir se présenter
devant la commission parlementaire et il a dit qu'il consulterait son
exécutif, ce que confirme le télégramme qu'il nous a fait
parvenir ce matin. Donc, nous ne pourrons savoir avant ce midi si le Dr
Robillard est prêt à venir discuter avec la commission
parlementaire.
M. LE PRESIDENT: M. Castonguay, avez-vous une déclaration
à faire?
Arrêt de travail
M. CASTONGUAY: M. le Président, nous apprenons par les journaux
qu'un certain nombre de médecins quittent la province ou cessent leurs
activités normales. A la question que j'ai adressée au
président du collège, hier, il m'a dit qu'il n'avait pas les
armes nécessaires pour sévir. Mais il s'est dit convaincu
qu'aucun malade ne souffrira de l'arrêt de travail. Il dit qu'il entend
faire en sorte que les urgences médicales et chirurgicales soient
toujours assurées, quoiqu'il arrive.
Il n'est pas question de semer la crainte dans la population; j'ai
toutefois des rapports, en tant que ministre de la Santé, à
l'effet que dans certaines régions tout est normal, mais dans d'autres
endroits le débrayage des médecins est plus
généralisé, et cette situation ne peut être
ignorée. Nous savons que, par la Loi des hôpitaux, le
ministère de la Santé peut, au niveau des unités
sanitaires, entrer en communication avec ces institutions, demander leur
collaboration, donner des directives, même, au besoin, exercer certains
pouvoirs. En ce qui a trait aux médecins, étant donné
qu'ils sont régis par une corporation professionnelle, le gouvernement
n'a aucun pouvoir sur eux, de façon directe.
Un dernier point qu'il y a peut-être lieu de rappeler, c'est que,
parmi les médecins spécialistes, il y a certaines ententes qui
sont signées, et encore-là, ces ententes avec le gouvernement ne
prévoient pas spécifiquement des conditions de
disponibilité. Toutefois les médecins, de façon
générale, ont des ententes avec leurs hôpitaux.
Alors, la question que j'aimerais poser, étant donné cette
situation dans laquelle nous nous trouvons de par la loi, ce que le
Collège des médecins et chirurgiens a pris comme dispositif,
est-ce qu'il a rappelé d'abord aux médecins les
éléments principaux du code de déontologie dans une telle
situation? Est-ce que le collège entend se prononcer lui-même
clairement sur ce qu'il croit qui devrait être fait par l'ensemble des
médecins et les médecins en particulier dans un tel arrêt
de travail? Est-ce que le collège a mis sur pied un comité, comme
nous l'avons fait, pour renseigner les institutions sur les moyens qu'ils
peuvent prendre pour se tenir au courant de la situation et faire de même
vis-à-vis de ses membres? Pour la population qui voudrait avoir des
renseignements portant justement sur l'activité de leurs membres, je
rappelle que, sur ce point, le gouvernement n'a pas de pouvoirs dans la
situation actuelle. Est-ce que le collège a établi un
système de communications qui permet assez facilement à la
population de s'adresser au collège pour savoir quelle attitude
prendre?
Alors, ce sont des questions vis-à-vis de la situation qu'on nous
rapporte, qu'il faut clarifier. Il ne s'agit pas, comme je l'ai dit au
début, de semer de l'inquiétude, mais il faut malgré tout,
comme gouvernement et ici pour les membres de la commission parlementaire de la
Santé, avoir plus de renseignements sur cette question, à mon
avis.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui
veulent adresser la parole? Est-ce que le Dr Gérard Hamel est prêt
à...
UNE VOIX: Peut-être que le Dr Gingras pourrait répondre
à ces questions?
M. LE PRESIDENT: Dr Gingras.
M. GINGRAS: M. le Président, les questions que l'on me pose
aujourd'hui sont simplement les mêmes que celles que l'on nous a
posées hier. Et je rejette la responsabilité sur le gouvernement
qui ne nous a pas donné les armes nécessaires que nous demandons
depuis longtemps au sujet de la loi. Le collège a averti ses membres, je
l'ai fait hier publiquement. De plus, l'exécutif se réunira et se
réunit tous les jours pour étudier la situation.
Nous avons des membres, n'est-ce pas, des gouverneurs dans toutes les
localités de la province de Québec. Lors d'une récente
réunion des gouverneurs, il a été entendu que nous
serions tenus au courant, lorsque c'est humainement possible, de ce qui
se passe. Nous ferons en sorte d'entrer en communication avec les divers
hôpitaux de façon à être avertis des manquements qui
peuvent survenir. Ce sont les seules possibilités que nous ayons avec la
loi vétuste qui a 140 ans ou plus.
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais demander, M. le Président,
en quoi la loi actuelle empêche le collège de rappeler à
ses membres quelle attitude ils doivent prendre dans une telle situation, avec
le code d'éthique qui existe et qui a été promulgué
par le collège, à ma connaissance? Est-ce qu'il y a quelque chose
dans la loi qui empêche ou qui aurait empêché le
collège au cours des dernières semaines, de mettre sur pied un
organisme ou un comité ou un système pour renseigner la
population ou encore pour recevoir les plaintes de la population dans une telle
situation? Y a-t-il quelque chose dans la loi qui vous empêche
présentement de poser, à tout le moins, ces deux
gestes-là?
M. GINGRAS: Non, pas celui-là, M. le ministre. Pas
celui-là, M. le Président.
M. CASTONGUAY: Est-ce l'intention du collège, M. le
Président, de rappeler à ses membres de façon plus
explicite quelle attitude ils doivent prendre dans une telle situation, non pas
sur la question spécifique de l'assurance-maladie, mais sur la question
de la dispensation et du maintien des services par rapport à toutes les
normes ou au code de déontologie?
M. GINGRAS: M. le Président, nous l'avons fait hier. Nous allons
le refaire, il n'y a pas l'ombre d'un doute, mais, enfin, les
événements se déroulent. Nous n'avons pas plus que vous
des rapports finaux quant au débrayage des spécialistes, etc.
Nous ne savons pas exactement encore ce qui se passe. Est-ce qu'on peut faire
plus que se réunir chaque jour pour étudier la situation? Est-ce
qu'on peut faire plus que convoquer le bureau provincial de médecine
à la moindre alerte? C'est ce que nous avons le dessein de faire.
Le syndicalisme est une réalité acceptée, n'est-ce
pas? Ce n'est pas nous qui avons formé le syndicalisme; ce sont les
syndicats qui l'ont formé, mais tout de même avec la permission du
gouvernement. Le nier dans ses formes d'exercice, c'est, à toutes fins
pratiques, le rejeter, à moins de prévoir d'autres
mécanismes.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'ai fait allusion, dans
aucune des questions que j'ai adressées au président du
collège, au syndicalisme ou au droit qu'ont les médecins de se
syndiquer.
Je voulais simplement obtenir du Dr Gingras, en tant que
président du Collège des médecins, des réponses sur
les gestes qu'ils ont pu poser ou qu'ils entendent poser, pour assurer que la
population soit protégée. Le collège, et on nous l'a
rappelé hier, est là pour la protection de la population. Dans
une telle situation, le collège a des responsabilités
vis-à-vis de la protection de la population, et c'était
uniquement dans ce sens-là que j'ai adressé mes questions. Je
pense que mélanger cela au syndicalisme, c'est mélanger deux
choses tout à fait différentes.
M. VEZINA: M. le docteur, vous venez de dire que le Collège des
médecins va communiquer avec les hôpitaux au besoin, dans la
province, et qu'on va vous informer s'il y a des gestes ou des manquements qui
doivent être portés à l'attention du collège. Mais
qui, à l'autre bout de la ligne, va décider que tel ou tel geste
doit être porté à l'attention du collège? Qui va
vous informer de cela?
M. GINGRAS: L'administration des hôpitaux est encore, que je
sache, la personne morale qui est la dernière autorité et c'est
avec elle que nous allons communiquer par l'intermédiaire, j'imagine,
des administrateurs et du directeur médical. Ce sont les gens, à
mon sens, avec qui nous devons communiquer.
M. VEZINA: Donc, l'administration des hôpitaux. Une fois qu'un
geste va être porté à votre connaissance, comment le
Collège des médecins peut-il agir et avec quelle rapidité
ou quelle non-rapidité le collège peut-il agir?
M. GINGRAS: Je pense avoir dit au moins quatre ou cinq fois, M. le
Président, que la loi que nous administrons est tellement lente,
tellement complexe que, dans l'utilisation de droits ou dans les situations
d'urgence comme celle d'une contestation, la loi médicale ne donne pas
au collège des moyens d'action rapide. Je l'ai dit, c'est la
quatrième fois que je le répète. Le collège ne peut
exercer que des pressions morales sur ses membres.
M. VEZINA: Des pressions disciplinaires, il n'y en a pas?
M. GINGRAS: ... Il se propose, encore une fois, si vous permettez,
d'établir et d'étudier sérieusement toutes les plaintes
fondées, comme nous le faisons habituellement. Il faut se rappeler,
cependant, que l'organisme disciplinaire du collège, tel que
prévu dans la loi médicale, est un tribunal judiciaire comportant
toutes les longues procédures des tribunaux civils. Nous avons
demandé certaines permissions dans le projet de loi qui nous
permettraient d'agir immédiatement. Il y a trois ans de cela, nous
attendons toujours.
M. LACROIX: Votre corporation est malade.
M. GINGRAS: C'est à cause de vous, monsieur.
M. LACROIX: On va essayer de corriger cela.
M. BOSSE: Dr Gingras, pouvez-vous nous dire si vous avez établi
des contacts avec le syndicat des spécialistes afin d'assurer des
services, afin de les mettre en garde en ce qui concerne les services
essentiels? Nous savons que, dans les autres groupes de syndiqués, quels
qu'ils soient, l'élément de services essentiels et tous les
organismes responsables entrent en ligne de compte.
Je crois que le collège est un organisme responsable. Dans ce
sens, avez-vous établi des contacts pour assurer les services
essentiels, pour les mettre en garde vis-à-vis des services essentiels
à assurer?
M. GINGRAS: Nous avons envoyé des télégrammes
à la Fédération des spécialistes mettant ses
membres en garde contre les dangers d'une conflagration et d'un arrêt de
travail.
M. BOSSE: Et les informant des conséquences possibles et des
mesures disciplinaires qui pourraient...
M. GINGRAS: Exactement.
M. BOSSE: ... être exercées par le collège?
M. GINGRAS: Exactement.
M. BOSSE: Vous pouvez donc, ce matin, assurer la population de votre
responsabilité, comme président du Collège des
médecins, en ce qui a trait aux services essentiels? La population peut
donc être assurée de ces services essentiels dans la mesure
où vous êtes concernés?
M. GINGRAS: Nous faisons des recommandations, n'est-ce pas, nous avons
un pouvoir moral sur nos membres, je le répète, mais nous n'avons
pas de pouvoir coercitif sur eux.
M. BOSSE: Etes-vous conscient que si vous ne prenez pas ces
responsabilités, d'autres organismes peuvent les prendre?
M. GINGRAS: II est difficile de prendre des responsabilité que
nous n'avons pas, monsieur.
M. BOSSE: Vous vous refusez donc à admettre, comme
président du Collège des médecins, que vous avez la
responsabilité, vis-à-vis des médecins, de les avertir que
s'il survenait des incidents ou des accidents graves, ils en seraient les
responsables?
M. GINGRAS: Avec votre permission, M. le Président, est-ce que je
peux demander au registraire adjoint, le Dr Lapierre, de vous dire quelques
mots exactement sur ce sujet?
M. LE PRESIDENT: Alors, Dr Lapierre.
Qualité et distribution des soins
M. LAPIERRE: M. le Président, je pense qu'il y a ici une nette
distinction à faire entre la qualité des soins et la distribution
des soins. Le Collège des médecins est responsable d'assurer la
qualité de la pratique médicale dans la province de
Québec. Il n'est aucunement responsable de la distribution des soins.
Quant à la planification de la distribution des soins, je pense que le
collège n'a pas les moyens, dans sa loi, d'assurer une saine
distribution des services des médecins dans la province. Une politique
de saine distribution ne peut être assurée qu'avec le concours de
l'Etat. La loi médicale ne nous donne aucune possibilité
d'assurer cette distribution.
Quant à la qualité des soins, lorsque nous avons des
plaintes et même, actuellement, nous faisons des visites
systématiques dans les hôpitaux. Nous avons fait au cours de
l'année dernière 50 visites des hôpitaux. Nous avons
revisé la pratique d'au-delà de 900 médecins, ce qui veut
dire que nous avons révisé à peu près 15,000
dossiers.
Donc, au niveau de la qualité des soins, lorsque l'acte est
posé, nous pouvons juger de la qualité des soins. Mais nous ne
pouvons présumer de la qualité des soins qui vont être
donnés. Je pense qu'il faut absolument faire la distinction entre la
distribution et la qualité des soins. La distribution ne relève
pas de nous.
M. CASTONGUAY: M. le Président, est-ce que je pourrais faire une
précision, ici, de telle sorte que la question discutée soit
aussi claire que possible? Il ne s'agit pas, ici, de planification ou de
qualité des soins, il s'agit du médecin qui est dans l'exercice
de la profession face à son code de déontologie. Ce code de
déontologie a été rédigé et adopté
par le collège lui-même. Est-ce que, dans ce code, il y a quelques
chose qui prévoit que le médecin peut refuser ses services pour
des motifs de contestation? Il ne s'agit donc pas de qualité, il ne
s'agit pas de planification, il s'agit du médecin en règle avec
le collège qui pratique la médecine et il s'agit de savoir s'il
peut refuser, pour des motifs de contestation, ses services. Je pense que ce
sont ces genres de questions qui doivent être clarifiées de telle
sorte que les membres du collège puissent savoir quelle attitude ils
doivent prendre dans une telle situation.
M. LAPIERRE: Le code de déontologie qui est actuellement
accepté par le Bureau provincial de médecine, mais qui n'est pas
accepté par le législateur parce que ce code est à
l'essai,
prévoit que le médecin peut cesser de donner des soins
à un malade à la condition qu'il en assure la continuité.
Aucune règle, aucun règlement ne prévoit un
événement comme celui de la contestation.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le point soulevé
par le ministre de la Santé est extrêmement important. Il vient
d'apporter des précisions; les questions sont très
précises. Actuellement, dans le public, étant donné qu'il
y a la question des corporations professionnelles et, particulièrement
que les pouvoirs du Collège des médecins sont discutés
nous avons été témoins, hier après-midi,
d'une discussion à ce sujet il est extrêmement important
que le Collège des médecins, dans le contexte actuel, donne des
réponses, d'abord, aux questions qui ont été
posées, ici, devant la commission, questions précises et
s'examine sur ses responsabilités à prendre dans les
circonstances actuelles.
Les questions sont très précises je le
répète et, pour ma part, j'appuie la position du ministre
de la Santé qui, devant cette commission, ce matin, demande au
Collège des médecins des réponses précises sur son
comportement et son intention d'assumer entièrement ses
responsabilités dans le conflit ou dans les problèmes
actuels.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN: Je voudrais poser exactement la même question que le
ministre a posée. Est-ce qu'il y a, dans le code de déontologie,
des articles qui prévoient la conduite que doit tenir un médecin
dans un cas d'urgence, que ce soit dans le cadre d'une contestation ou dans le
cadre de son action individuelle? La question ne m'a pas semblé trop
précise. C'est peut-être dû au fait, comme l'a dit le
président tout à l'heure, que le collège manque des
pouvoirs dont il aurait besoin en l'occurrence. A ce moment-là,
peut-être faudrait-il dès maintenant envisager des mesures
législatives d'urgence afin que le collège soit doté des
pouvoirs qui lui permettraient d'exercer cette surveillance, cette protection
de l'ordre public.
Je voulais ajouter une autre question à celle du ministre. Est-ce
que le code de déontologie ne comporte pas quand même des articles
assez spécifiques en ce qui concerne la dispensation des soins
lorsqu'une urgence se manifeste? Est-ce que les règlements du
collège ne prévoient pas non plus des sanctions, des peines,
lorsque la preuve est faite qu'un médecin ne s'est pas conformé
au code d'éthique en ce qui concerne la dispensation des soins
d'urgence?
M. GINGRAS: Certainement, M. le Président. Je l'ai dit hier
encore et je le répète. Si on nous apporte un cas patent
où un cas d'urgence a été présenté à
un médecin et où celui-ci a refusé de le voir, eh bien,
nous prendrons les procédures lourdes, longues, que nous prenons
habituellement. Cependant, dans notre nouvelle loi, nous avons demandé
le droit de suspension immédiate, que nous n'avons pas.
M. LAURIN: Je vais prendre un cas hypothétique. Ce sera
peut-être plus facile. Disons qu'un médecin, un gynécologue
traite actuellement une femme enceinte qui est rendue à son
septième ou huitième mois de grossesse, que les grossesses
antérieures ont donné lieu à des complications qui ont
requis l'aide du spécialiste et que le spécialiste dise à
cette dame: Votre grossesse se poursuit avec certains avatars, bien sûr,
mais si jamais cela se complique dans les jours qui viennent, moi, je serai
absent. Si la patiente, très inquiète parce que c'est son
médecin qui l'a toujours suivie et qui connaît son cas, lui dit:
Mais qu'est-ce que je ferai si un accident arrive pendant que vous êtes
parti en vacances? Si le spécialiste lui répond: Bien, vous vous
adresserez à la salle d'urgence de tel hôpital. Si la patiente lui
répond: Là, personne ne va pas connaître mon cas. On ne
connaîtra pas tout ce qui s'est passé auparavant. On ne
connaîtra pas mon dossier. Cela va m'empêcher de dormir. Si le
médecin lui prescrit des somnifères en lui disant: Bon, ça
va se régler. C'est quand même une urgence, mais le médecin
qui sera à la salle d'urgence pourra suivre votre cas. Est-ce qu'on peut
définir dans ce cas précis, hypothétique, qu'un
médecin a manqué au code de déontologie?
M. LAPIERRE: M. le Président, d'après la loi
médicale, telle qu'elle est conçue actuellement, dans le cas que
vous venez de mentionner, tout ce qui peut être fait, c'est de
décider de faire une enquête sur ce cas et d'apporter les
pièces justificatives devant un tribunal. Il appartient au tribunal,
comme à tout tribunal civil, de prendre la décision. Il est
difficile actuellement pour le collège de présumer de la
décision qui serait prise par le juge. Actuellement, le tribunal est
composé de trois médecins, qui ne sont pas gouverneurs du
collège, choisis parmi la profession pour leur
intégrité.
M. LAURIN: Mais, j'ai bien dit que c'était un cas
hypothétique.
M. LAPIERRE: Mais, que ce soit un cas hypothétique ou un cas
réel, tout ce qu'il est permis au collège, c'est de faire
enquête, d'apporter tous les documents devant un tribunal et de
poursuivre le médecin. Il appartient au juge, après, de
décider ce qu'il fera et la sanction qu'il imposera. Mais, le
collège, le comité exécutif ou le bureau provincial de
médecine ne peuvent imposer aucune sanction, si ce n'est par le
truchement du tribunal d'arbitrage qui, lorsqu'il est nommé, devient
indépendant.
M. LE PRESIDENT: Dr Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il est vrai que la loi
médicale, dans sa forme actuelle, ne donne pas au bureau provincial de
médecine ou à son exécutif tous les pouvoirs que ce
collège voudrait avoir. Il est vrai que les procédures sont
lourdes et longues, mais il me semble que, même si le collège
avait, en ce moment, le droit d'imposer la suspension immédiate ce n'est
pas cette suspension qui réglerait le problème qui se pose
à nous aujourd'hui.
Ce que nous voudrions entendre de la part du collège, c'est une
déclaration à l'effet que cet organisme ou corporation
professionnelle de la médecine a l'intention d'émettre un
avertissement solennel à tous ses membres et que, dans tout cas de
manquement, quelle que soit la longueur des procédures par la suite, le
collège a l'intention d'agir et ne laissera pas passer des choses
inacceptables, dans l'intérêt du bien commun.
M. GINGRAS: M. le Président, si les avertissements que nous avons
envoyés à la profession depuis quelques jours ne suffisent pas,
nous en enverrons un autre à peu près dans les termes qui ont
été émis par M. Goldbloom, et nous le ferons
aujourd'hui.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres membres qui veulent adresser la
parole? M. Vézina.
M. VEZINA: Dr Gingras, nous avons un peu l'impression, à entendre
les réponses que vous donnez aux différentes questions
posées, que le Collège des médecins est à peu
près impuissant devant la situation actuelle, si ce n'est qu'il peut
dire: Nous vous mettons en garde. Si je comprends bien, c'est l'idée que
vous émettez actuellement?
M. GINGRAS: Oui, monsieur.
M. VEZINA: Est-ce que vous avez l'impression que, comme responsable de
la médecine, au sujet du code d'éthique, ou des mesures
disciplinaires, vis-à-vis de la situation actuelle, vous avez
épuisé tous les moyens mis à votre disposition pour
assurer pour reprendre l'idée de mon confrère la
population d'un minimum de garantie de sécurité, en ce qui a
trait au côté médical de la vie? Est-ce que vous avez
l'impression d'avoir épuisé, non seulement les pouvoirs contenus
dans la loi, mais même votre imagination à l'intérieur de
cette loi?
M. GINGRAS: Je crois que nous avons utilisé les moyens que nous
avons à l'intérieur de la loi et, comme je viens de le dire, nous
devons continuer à avertir nos collègues de voir à
satisfaire aux urgences médicales et chirurgicales 24 heures par
jour.
M. VEZINA: II reste une chose, docteur, vous avez une urgence dans un
cas bien précis, non pas hypothétique, mais réel; qui va
décider, à ce moment-là, si c'était, ou non, une
urgence? Cela va être six mois plus tard que nous saurons si
c'était une urgence?
M. GINGRAS: Selon notre loi, c'est exactement ça; nous devrons
suivre le cours normal de la loi et, peut-être, six mois plus tard, nous
saurons qu'il y avait eu urgence. Dans un changement de loi que nous proposons,
les choses seraient différentes.
Mais vous voyez que je vous renvoie toujours la balle, n'est-ce pas?
M. VEZINA: Oui, je vois.
M. LE PRESIDENT: M. Bossé.
M. BOSSE: Dr Gingras, advenant une situation d'urgence où vous ne
pouvez procéder, comme collège, qu'à des avis, uniquement,
et à des enquêtes qui seront très longues, comme vous
l'avez dit, quel organisme, à votre avis, peut procéder de
façon urgente et immédiate, ou doit procéder à des
mesures urgentes et immédiates?
M. GINGRAS: Le ministère de la Santé, monsieur.
M. BOSSE: Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Bois.
M. BOIS: M. le Président, j'aurais une question à poser
à ce stade-ci. Devant les préoccupations du peuple et des divers
mouvements au sujet de la santé publique, est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de considérer, aussi, la possibilité que, si on doit
établir des règlements extrêmement sévères en
ce qui concerne les médecins, on en vienne à adopter aussi une
attitude extrêmement pratique à l'endroit des débrayages
complets de syndicats d'infirmières diplômées et de
techniciens de laboratoire dans les hôpitaux de la province?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. le ministre peut répondre? M.
Bois, est-ce que vous pouvez reprendre votre question?
M. CASTONGUAY: Je ne croyais pas que la question s'adressait à
moi.
M. BOIS: Devant la préoccupation qui existe à l'heure
actuelle au sujet de la santé, et devant l'appel que l'on fait au devoir
professionnel des médecins, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu je
m'adresse à M. le ministre de la Santé d'amener certaines
exigences en ce qui concerne des débrayages complets dans les
hôpitaux de la province par des syndicats d'infirmières
diplô-
mées, de techniciens de laboratoire, etc., comme on l'a
déjà vu?
M. CASTONGUAY: Si vous vous souvenez, lorsqu'en 1968, il y a eu, ou
plutôt en 1967, une grève ou en 1966 dans les
hôpitaux, le gouvernement de l'époque a mis en tutelle tous les
hôpitaux, a nommé un administrateur. Et la loi, même encore
là, si elle n'était peut-être pas tout à fait
adaptée à ce genre de situation, avait des moyens
d'intervenir.
Maintenant, dans le cas de la grève des radiologistes, en 1968,
c'était, encore une fois, un problème de nature syndicale, de
relations de travail; il s'est réglé sans qu'il soit
nécessaire d'adopter une loi spéciale. Mais, encore à ce
moment-là, le gouvernement aurait pu, s'il l'avait jugé à
propos sur ce point l'ancien ministre de la Santé pourra
commenter s'il le désire par des dispositions
législatives, prendre les moyens qui s'imposaient.
Ce sont des cas qui sont tout à fait d'exception, et je pense
qu'à ce moment, on doit avoir recours à des mesures
spéciales.
M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville. Ah, pardon!
M. BOSSE: Si vous me le permettez, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: M. Bossé.
M. BOSSE: ... pour l'information de M. Bois. Et en 1966 et à
l'occasion de la grève des radiologistes, ces corps responsables qui
faisaient la grève avaient tout de même assuré le public et
le ministre de la Santé des services essentiels, et effectivement
fournissaient les services essentiels.
M. CLOUTIER: Le problème soulevé par le
député de Saint-Sauveur, à ce moment-ci, est plus vaste.
C'est une situation un peu nouvelle en ce sens que c'est la première
fois qu'un groupe de médecins aussi important se trouve impliqué
dans un conflit qui met en danger tout le service de distribution des soins. Je
pense qu'il y aurait lieu, et le ministre de la Santé l'a certainement
noté, de se pencher sur ce problème plus vaste qui est venu
devant l'Assemblée nationale, ou qui s'est produit dans le Québec
depuis 1966, surtout, et de prévoir des moyens d'urgence, dans le
secteur hospitalier, en cas de débrayage partiel d'un secteur de la
santé, secteur qui est impliqué dans le réseau de
distribution des soins. Je pense que la question valait la peine d'être
posée et qu'elle demandera des études et des réponses.
M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville.
M. QUENNEVILLE: Dr Gingras, est-ce que le Collège des
médecins est en mesure de préciser, ce matin, de façon
bien définie, l'attitude que le collège entend prendre
vis-à-vis du moyen de contestation que les spécialistes utilisent
actuellement, surtout après l'entente que nous avons eue hier sur le
contrôle de l'acte médical?
M. GINGRAS: M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait un
rapport. Et si je peux le dire, il est évident qu'on semble rejeter
toute la responsabilité de tout ce qui peut se produire dans le domaine
de la santé sur le collège, sur un organisme que vous harassez
sans cesse, et à qui vous ne donnez pas de pouvoir. C'est un peu
ridicule, si on y pense. Je crois que, si vous voulez nous donner les pouvoirs
législatifs nécessaires, nous agirons, mais au moins, donnez les
nous. Je refuserai de répondre à d'autres questions qui sont
toujours les mêmes, qui me demandent de faire des choses que je n'ai pas
le droit de faire.
M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville.
M. QUENNEVILLE: M. le Président, actuellement on s'adresse
justement au pouvoir moral du Collège des médecins, on veut
savoir s'il est pour ou contre la contestation.
M. GINGRAS: Mon cher docteur, vous êtes vous-même du
collège, vous êtes pour ou contre la grève de la
contestation...
M. QUENNEVILLE: Je suis contre depuis longtemps.
M. GINGRAS: Le collège est contre. M. QUENNEVILLE: Merci.
M. LACROIX: Dr Gingras, est-ce que le président de la
Fédération des médecins spécialistes parle au nom
de tous ses collègues ou s'il parle plutôt en son nom
personnel?
M. GINGRAS: II parle comme un président de syndicat, M. le
député.
M. LACROIX: Est-ce que...
M. GINGRAS: Donc, il est membre de son syndicat... Enfin, je ne peux
pas...
M. LACROIX: Les membres ont-ils voté?
M. GINGRAS: ... imaginer ce que le Dr Robillard dit, c'est son affaire
à lui. Je ne peux pas vous interpréter sa pensée.
Mais je comprends, étant spécialiste moi-même, que
le Dr Robillard parle pour le syndicat des spécialistes, comme le Dr
Hamel parle au nom du syndicat des omnipraticiens. Est-ce assez juste?
M. LACROIX: Avez-vous pensé à faire voter les membres de
la fédération?
M. GINGRAS: II faudrait que vous demandiez au Dr Robillard de le faire.
Le Dr Robillard nous dit, toujours dans ses déclarations je crois
qu'il a raison qu'après consultation avec son exécutif
telle chose a été décidée. C'est ce que j'entends
et je crois que c'est démocratique.
M. LACROIX: J'ai l'impression qu'il aime la démocratie, mais
dirigée et qu'il la dirige bien.
M. GINGRAS: Sans commentaires!
M. LE PRESIDENT: Voici la réponse que le Dr Robillard m'a faite
par télégramme. "Dr Fortier, président de la commission
parlementaire de la Santé, Parlement, Québec: Avons
été informés hier soir du voeu de la commission
parlementaire de la Santé d'entendre nos représentations au sujet
de la Loi sur l'assurance-maladie. Cette invitation ainsi que la rencontre de
nos délégués avec le premier ministre hier soir seront
discutées ce matin au conseil d'administration qui fera connaître
sa décision aujourd'hui, à midi."
Si les autres membres sont du même avis nous avons encore
des gens qui veulent se faire entendre nous allons terminer nos travaux
à midi ou midi et demi et nous les reprendrons à trois
heures.
Dr Laurin.
Mesures d'urgence
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de la Santé. Etant
donné ce que nous venons d'entendre des autorités du
collège sur les limites des pouvoirs qu'ils possèdent dans la
circonstance; étant donné qu'un des représentants du
collège a dit qu'il ne pourrait agir que si une loi spéciale ou
régulière lui donnait plus de pouvoirs; étant donné
la conjoncture désastreuse dans laquelle la population risque
d'être placée dans un très proche avenir, est-ce que le
ministre de la Santé pourrait nous dire si des mesures pourraient
être envisagées, soit pour donner au collège les pouvoirs
qu'il réclame, soit pour que l'Assemblée nationale puisse prendre
les mesures d'urgence qui s'imposent?
M. CASTONGUAY: Je reçois périodiquement des rapports en ce
qui a trait à la situation dans les hôpitaux de la province. A ce
stade, même si la population peut en subir des inconvénients
je ne peux pas dire, d'après ces rapports si ce sont plus que des
inconvénients pour des cas individuels il ne semble pas que le
moment soit arrivé d'aller plus loin que de demander comme le
président du collège vient de le faire aux médecins
d'assurer les services d'urgence, les services essentiels à la
population. Si la situation devait exiger un geste de la part du gouvernement,
vous pouvez être assuré, docteur, que ce geste sera posé
dans les plus brefs délais.
M. LAURIN: Selon vous, M. le ministre, possédons-nous
actuellement quelque part, soit au Collège des médecins, soit au
gouvernement, les instruments nécessaires pour empêcher la
situation de mettre en danger la population ou s'il faudra recourir à
des mesures législatives d'urgence?
M. CASTONGUAY: Présentement, il n'y a aucune législation
qui oblige un médecin à pratiquer de façon habituelle sa
profession, s'il ne désire pas le faire, que ce soit au niveau de la loi
du collège ou de toute autre législation dans le domaine de la
santé. C'est pourquoi, si l'arrêt de travail se propage trop et
que la santé publique vient à être en cause, il faudra
intervenir par voie législative.
M. LE PRESIDENT: Dr Gingras.
M. GINGRAS: Je voudrais dire un mot, s'il vous plaît, M. le
Président. Lorsque le ministère de la Santé,
c'est-à-dire le gouvernement, a étudié, apparemment, me
dit-on, les mesures d'urgence à prendre au niveau de la province en cas
de conflagration, je tiendrais à dire que le collège, que l'on
harasse aujourd'hui, n'a pas été invité à examiner
ces mesures d'urgence. Je le répète, car je l'ai dit hier: S'il
s'agit d'une loi spéciale de quelque nature qu'elle soit, le
collège ose croire qu'avant de se faire écrabouiller il pourra
dire son mot.
M. CASTONGUAY: M. le Président, sur ce point, je suis allé
rencontrer l'exécutif du Collège des médecins à
deux reprises au cours de l'été et je lui ai demandé de se
prononcer au sujet de la Loi de l'assurance-maladie. Ce n'est que la veille du
symposium qu'il y a eu une déclaration de la part du collège. Sur
le texte ou sur le contenu de cette déclaration, je peux laisser parler
le Dr Gingras; je ne veux pas lui prêter de paroles qu'il aurait pu ne
pas dire. En ce qui a trait aux mesures d'urgence, j'ai bien rappelé
tantôt qu'au niveau du ministère de la Santé nous n'avons
comme instruments qu'une législation qui touche aux institutions. C'est
pourquoi nous avons formé un comité pour renseigner toutes les
institutions sur les gestes qu'elles pourraient poser.
Nous avons également envoyé un télégramme
à tous les hôpitaux publics de la province, leur rappelant leur
rôle dans une telle situation. Enfin, la Fédération des
médecins spécialistes a dit qu'elle assurerait elle-même
les services d'urgence, c'est-à-dire la disponibilité des
médecins. Nous avons envoyé trois représentants du
ministère pour prendre connaissance de ces services, de ce plan
d'organisation. La Fédération des médecins
spécialistes a accepté deux de
nos représentants et a demandé au troisième de ne
pas entrer. Je ne sais pas si on avait peur que ce troisième
représentant pose des questions plus pertinentes que les autres. De
toute façon, deux de nos représentants ont été
admis par la Fédération des médecins spécialistes
à examiner les mesures qu'ils entendaient prendre. Nous n'avons en aucun
moment reçu une demande du Collège des médecins quant au
geste que nous aurions pu, nous, croire qu'il devait poser. Nous nous sommes
bornés à aller les rencontrer deux fois, j'en conviens, mais ces
deux rencontres ayant donné des résultats plutôt minimes,
nous n'avons pas communiqué davantage avec eux.
M. LE PRESIDENT: Dr Saindon.
M. SAINDON: On semble vouloir dire qu'il y a danger de
discontinuité dans les services rendus par les médecins
spécialistes, contrairement à ce qui s'est passé lors de
la contestation des radiologistes. A ce moment-ci, qu'est-ce qui vous fait
penser qu'il peut y avoir discontinuité des services? Y-a-t-il quelque
indication, comme c'est arrivé lors de la contestation des
radiologistes, qu'il ne puisse pas y avoir, à ce moment-ci, une
assurance de continuité des services de la part des médecins
spécialistes? Qu'est-ce qui vous fait penser, à ce moment-ci, que
c'est impossible? Tout le monde semble vouloir dire que c'est chose acquise.
Qu'est-ce qui vous fait penser cela?
M. CASTONGUAY: Je crois qu'ici il s'agit de s'assurer avant justement
qu'une telle situation se présente, que tous les moyens auront
été pris pour qu'elle ne se développe pas. Je ne pense pas
avoir dit, à aucun moment ce matin, ou que qui que ce soit ait dit que
c'était la situation présente.
J'ai dit que présentement la situation ne méritait pas
qu'il y ait intervention par voie législative. Mais simplement, comme je
l'ai mentionné, j'ai des rapports à l'effet qu'il y a des
arrêts de travail de la part d'un certain nombre de médecins. Je
crois que c'est une question qu'il nous faut discuter ici ce matin, de telle
sorte que si nous devons recourir à une loi spéciale, il soit
très clair pour tous à l'avance que c'est le seul moyen qui
semble exister, afin qu'au moment où ce sera fait si ce doit
être fait on ne puisse dire: Bien, est-ce qu'il y aurait eu
d'autres moyens? Est-ce que le recours à la législation n'est pas
un moyen disproportionné par rapport à la situation?
Je crois que c'était l'objet de la discussion, et en tant que
ministre de la Santé, je crois que je devais poser ces questions. Il y a
aussi l'inquiétude au sein de la population, qui ne peut être
ignorée. Je crois donc que la situation doit être
précisée de façon aussi claire que possible.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Saindon a-t-il terminé sa question?
M. SAINDON: S'il y avait, par exemple, assurance que les services
seraient continués, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de continuer les
pourparlers au lieu de prendre des mesures?
M. CASTONGUAY: Nous avons dit hier que si, à la suite de la
discussion à la commission parlementaire de la Santé, ici
comme nous l'avons vu hier après-midi, nous avons fait un certain
progrès en ce qui a trait au contrôle de l'acte médical
de nouvelles avenues s'ouvrent, c'est évidemment l'intention du
gouvernement de poursuivre la négociation. J'ai rassuré
également les associations telles que l'Association des chirurgiens
dentistes et l'Association des optométristes en leur disant que, dans le
déroulement des négociations jusqu'à présent avec
elles, il n'y avait rien qui indiquait qu'on devait recourir à quelque
moyen qui puisse arrêter la négociation. Dans ce sens-là,
il est évident que nous devrons épuiser tous les moyens de
négociation. Je suis totalement d'accord avec vous.
M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse
au ministre de la Santé. Parmi les mesures d'urgence,
législatives ou administratives, est-ce que le ministre songe à
permettre aux médecins résidents qui ne peuvent pas pratiquer
pour une question de citoyenneté de le faire, ou aux médecins de
l'unité sanitaire, qui ne le peuvent à cause de la convention
collective, de pouvoir pratiquer ? Est-ce que ce sont des mesures que le
ministre envisage en cas d'urgence?
M. CASTONGUAY: Evidemment, tout dépend des décisions qui
vont être prises par le gouvernement par rapport à l'état
de la situation. Diverses mesures de ce type peuvent être
envisagées, j'en conviens, mais avant que des décisions soient
prises, il va falloir d'abord décider s'il y a réellement
nécessité d'intervenir par voie législative et, à
ce moment-là, quel devra être le contenu. Les possibilités
que soulève le député de Montmagny sont des
possibilités qui ont été discutées, qui ont
été étudiées, mais il n'y aura pas de
décision de prise, tant et aussi longtemps que nous ne devrons pas
recourir à ce moyen.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suggérerais aussi au ministre
d'obliger les députés médecins à pratiquer en cas
d'urgence.
M. LE PRESIDENT: M. Léger.
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. Ce
sont trois questions complémentaires. Tantôt, le ministre disait
qu'avec la loi actuelle on pouvait contrôler les institutions, mais qu'on
ne pouvait pas sévir contre les médecins. Deuxièmement,
quel organisme peut obliger tel ou tel médecin d'être en
service dans une situation d'urgence? Enfin, est-ce que le gouvernement
pourrait aller jusqu'à suspendre le médecin qui n'assumerait pas
ses responsabilités?
M. CASTONGUAY: Vous m'avez posé trois questions. Pouvez-vous
répéter la première, s'il vous plaît?
M. LEGER: La première, c'était si, à
l'intérieur de la loi actuelle, le gouvernement pouvait sévir
contre les institutions, mais pas précisément contre les
médecins.
M. CASTONGUAY: D'accord.
M. LEGER: Est-ce que c'est le cas? Oui. A ce moment-là, quel
organisme peut obliger tel ou tel médecin d'être responsable,
d'être en service au moment d'une situation d'urgence? Et dans le cas
d'un médecin qui serait nommé pour ce service d'urgence, est-ce
que le gouvernement peut aller jusqu'à suspendre le médecin qui
n'assumerait pas ses responsabilités?
M. CASTONGUAY: A ma connaissance, aucun organisme présentement,
pas plus le gouvernement que le collège, ne peut obliger un membre de la
profession médicale spécifiquement à donner des services
d'urgence.
C'est toujours, comme on l'a indiqué tantôt, par voie
d'infractions plutôt ou de manquements au code de déontologie que
ceci se fait.
Il faut maintenant rappeler et je crois que c'est important
que les médecins ont des contrats avec les institutions
hospitalières. Quelles sont les dispositions de ces contrats? C'est une
autre question. Est-ce qu'il y aura des manquements, des bris de contrats?
Est-ce que les contrats demandent des avis, lorsqu'un médecin
désire partir? Est-ce que les règlements d'un bureau
médical demandent qu'il y ait avis ou qu'on assure la relève,
lorsqu'un médecin désire partir? Ce sont toutes des questions qui
doivent être jugées par les institutions hospitalières.
Mais il y a une relation entre les institutions hospitalières et
les médecins qui travaillent au sein de ces institutions.
M. LEGER: Mais est-ce que ce sont les institutions hospitalières
qui déterminent quel médecin devrait être de service
à l'occasion d'un climat d'urgence comme celui que nous avons
actuellement à prévoir?
M. CASTONGUAY: II y a un contrat, il peut y avoir contrat. Il peut aussi
y avoir les règlements du bureau médical. Est-ce que, dans tous
ces règlements, c'est prévu? C'est une autre question, cela
dépend.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN: Dans la loi 8 que nous avons adoptée en juillet, il y
a un article qui, par analogie, pourrait peut-être se relier à la
situation présente. C'est l'article 24. "Lorsque le ministre de la
Santé estime que le nombre des professionnels qui se sont
désengagés de l'application d'une entente dans l'ensemble du
Québec ou dans une région du Québec, ou que le nombre de
ceux qui exercent un même genre d'activités et qui se sont
désengagés de l'application d'une entente est trop
considérable pour que les services assurés puissent continuer
à être rendus à des conditions uniformes, il doit faire
publier un avis dans la Gazette officielle, mais il doit aussi, à
compter de la publication de cet avis, prendre les mesures spéciales
qu'il estime nécessaires et qu'il est autorisé à adopter
en vertu de la loi pour faire en sorte que les services assurés dont il
s'agit continuent à être rendus à des conditions
uniformes."
Il est bien évident que ceci s'applique à un état
que nous n'avons pas encore, c'est-à-dire un état où
l'assurance-maladie serait en vigueur, et cela n'a pas encore été
promulgué. Mais est-ce que ceci ne montre quand même pas des
lignes, une direction dans lesquelles on pourrait peut-être s'engager?
Cet article me paraît à moi un article de prévoyance qui
fait justement état d'une situation d'urgence possible. Est-ce qu'il est
possible de penser qu'il sera opportun, dans les circonstances, que
l'Assemblée nationale adopte une loi quelconque, non pas pour la
situation d'urgence actuelle, mais pour une situation d'urgence possible,
prévoyant des mécanismes à mettre en oeuvre et que nous
appliquerions, le moment venu, lorsque le ministre estimerait,
conformément aux termes de cet article, que le moment est venu
d'appliquer cet article?
M. CASTONGUAY: Comme le député de Montmagny l'a
mentionné, je crois, tantôt, ou M. Bois, il y a évidemment
dans toute la question des relations entre le gouvernement et les
professionnels de la santé qui ne sont pas des salariés, une
situation particulière: ils ne sont pas couverts par le Code du
travail.
Toutes ces dispositions ou toute cette question, toute cette discussion
que nous poursuivons indiquent donc clairement qu'il y a un vide et que ce vide
devra être comblé par des dispositions, disons, analogues ou qui
visent des objectifs analogues aux objectifs visés par le code du
travail: donner un cadre à la négociation; prévoir les
étapes en cas d'arrêt de négociations; comment les mesures
de pression peuvent être exercées par un syndicat,
particulièrement dans un domaine comme celui-ci. Il y a
évidemment un vide qui devra être comblé.
Je pense que, dans toute cette question-là,
l'élément le plus important qui dépasse toutes les mesures
législatives est le sens des responsabilités de chacun des
membres de la profession médicale. Lorsque le bill 8 a été
adopté, le
député de Montmagny, vous, Dr Laurin, et je crois que
c'était M. Samson, chef du Ralliement créditiste, et moi, nous
avons fait appel au sens des responsabilités des professionnels de la
santé. Je crois que, ce matin, il est important d'évoquer ce
rappel qui leur avait été fait. C'est ce qui est le plus
important dans une telle situation.
M. LE PRESIDENT: M. Bois.
M. BOIS: M. le Président, est-ce qu'une implication de
sévérité conformément à l'article 24
inclurait nécessairement les psychanalistes?
M. CASTONGUAY: C'est une question hypothétique. Le régime
n'est pas en vigueur.
M. LE PRESIDENT: M. Bossé.
M. BOSSE: M. le Président, c'est au sujet de la réponse du
président de la Fédération des spécialistes. Je
suis d'abord surpris de voir qu'on n'ait pu se réunir
antérieurement à cette matinée, pendant que la commission
parlementaire siégeait. Il me paraît très clair que ceci
est de la provocation vis-à-vis d'une commission qui représente
l'Assemblée nationale. Je crois que c'est là un très
mauvais exemple venant d'un syndicat qui n'est quand même pas le moins
représentatif dans la société. C'est un très
mauvais exemple d'irrespect vis-à-vis d'une commission
parlementaire.
Pour ma part, dès la réouverture des auditions cet
après-midi, je pense que cette commission devrait prendre ses
responsabilités. Et si la fédération, par la voix de son
président et je doute que cet irrespect témoigné
vis-à-vis de cette commission soit représentatif de chacun
des membres du syndicat des spécialistes... Je suggère que
dès cet après-midi, cette commission prenne ses
responsabilités et agisse conformément à la suggestion ou
à la proposition que faisait hier le représentant du comté
de Montmagny.
M. LE PRESIDENT: M. Léger.
M. LEGER: J'ai posé tantôt, à M. le ministre, trois
questions. Aux deux premières, il m'a répondu clairement. A la
deuxième, il me disait que c'était l'institution
hospitalière qui déterminait quel médecin devait
être présent pour un service d'urgence. C'est bien le cas?
M. CASTONGUAY: Excusez, terminez.
M. LEGER: Vous faites appel au sens des responsabilités des
médecins. Mais quel médecin se sentira réellement
responsable d'accepter d'être celui qui doit être présent,
dans un climat d'urgence, à l'hôpital pour ce service? Et si on
n'a pas de contrôle là-dessus, de quelle façon pouvons-nous
être assurés que le service d'ur- gence va être
réellement effectif? Est-ce que le gouvernement peut aller
jusqu'à suspendre les médecins qui devraient être
responsables de fournir leurs services et remplir leur rôle?
M. CASTONGUAY: Lorsque vous posez la question sur une base individuelle,
évidemment, il n'est pas possible de répondre. Mais, je dois
rappeler ici que la Fédération des médecins
spécialistes je l'ai mentionné plus tôt s'est
engagée et c'était d'ailleurs le but de notre visite
à la fédération à maintenir les services
d'urgence nécessaires pour que la population ne souffre pas de cet
arrêt de travail. Alors, il y a une responsabilité qu'elle a voulu
assumer dans ce cas. Si elle l'assume de façon appropriée,
adéquate, est-ce qu'il y aura nécessité d'intervenir
malgré tout? Si elle ne l'assume pas, comme je vous l'ai
mentionné tantôt, ni le collège, ni le ministère n'a
les pouvoirs présentement, avec les lois actuelles, d'obliger qui que ce
soit de pratiquer la médecine au Québec, s'il ne désire
pas la pratiquer.
M. LEGER: M. le Président, étant donné que la
Fédération des médecins spécialistes a pris la
responsabilité de voir à ce qu'il y ait un service d'urgence,
est-ce que le gouvernement peut pénaliser les personnes qui sont
responsables s'il y a des abus et des manquements du côté du
service d'urgence?
M. CASTONGUAY: C'est encore la même réponse. En fait, vous
savez fort bien que dans une situation normale un syndicat syndicat
formé, dans le cas actuel, en vertu de la Loi des syndicats
professionnels a, par sa charte, certains pouvoirs et les exerce. Il n'y
a rien qui prévoit, présentement, dans cette loi, la
possibilité de sanctions vis-à-vis d'un syndicat. La pire
sanction, dans une situation normale, vis-à-vis d'un syndicat, c'est que
ses membres le quittent, s'ils ne sont pas satisfaits du rôle que le
syndicat joue.
Si nous passons à une situation d'urgence, il faut
déterminer quelles sont les obligations qui peuvent être
imposées à un syndicat, quelles sont les pénalités
qui peuvent être imposées si le syndicat ne s'acquitte pas de ses
responsabilités. C'est un peu le même type de situation que vous
avez eue lors du bill 38, où des obligations précises
étaient dévolues aux syndicats ouvriers, et dans d'autres
conflits antérieurs.
M. LEGER: Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: M. le Président, ce qui me dépasse un peu ce
matin, c'est que vous semblez, vous, messieurs les membres de la commission,
venir tout juste de comprendre que le collège n'est pas là pour
protéger le bien public, en dehors de sa responsabilité de
contre-
1er la qualité de l'acte médical. C'est la
responsabilité du collège. Si le médecin décide de
ne pas poser d'acte médical, le collège n'a rien à y voir.
Quand on reconnaît qu'un syndicat a le droit de négocier au nom de
ses membres, la suite logique, c'est que le syndicat a aussi le droit de faire
une grève. Il ne faut quand même pas partir en peur parce que
dès qu'une grève commence, ou un mouvement de contestation, cela
a des effets. S'il n'y avait pas d'effet, le mouvement ne serait pas
efficace.
Alors je pense que ce dont vous avez à vous préoccuper...
Le ministre de la Santé l'a dit, jusqu'à maintenant, la situation
n'exige pas de mesures spéciales extraordinaires. La
Fédération des médecins spécialistes, dans la
rencontre d'hier soir, semble assumer ses responsabilités en disant:
Nous assumerons la responsabilité des cas d'urgence. Eh bien, au lieu
d'essayer de prévoir ce qui arrivera, et au lieu de vous questionner sur
les pénalités que vous imposerez à la
fédération ou à ses membres, attendons de voir si la
fédération assumera ses responsabilités oui ou non. Et je
pense que nous pourrions passer à autre chose au lieu de nous interroger
à savoir si le monde est pour nous tomber sur la tête.
UNE VOIX: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Dr Hamel, êtes-vous prêt à nous
adresser la parole?
M. HAMEL: Oui, M. le Président M. LE PRESIDENT: Dr Hamel.
Etatisation de la médecine
M. HAMEL: M. le Président, M. le ministre, notre présence
à cette séance traduit l'intérêt très
marqué des médecins omnipraticiens vis-à-vis des travaux
et des résultats des travaux de cette commission parce que les
décisions qui seront prises par cette commission parlementaire ou par
l'Assemblée nationale affecteront nécessairement les
médecins omnipraticiens.
Nous avons ce matin deux demandes bien spécifiques à
formuler au ministre de la Santé, mais auparavant, vous me permettrez
d'exprimer, en même temps que les craintes des médecins
omnipraticiens, l'état d'esprit qui les anime.
La médecine libérale telle qu'on l'a connue, qui
était caractérisée par la négociation individuelle
entre le malade et le médecin, est remplacée, tout à coup,
par un régime dans lequel le gouvernement, à la place du malade,
fait face au médecin. Ce changement d'interlocuteur, même s'il est
devenu nécessaire, n'est pas pour le médecin une promotion
sociale. La période de transition que nous traversons est d'autant plus
difficile qu'elle baigne dans un climat de méfiance mutuelle qui fait
que chacune des parties a de la difficulté à s'éloigner
trop rapidement de ses positions premières.
Pour nous, les médecins, de façon générale,
ce que nous craignons, c'est l'étatisation de la médecine.
Qu'est-ce que cela veut dire, ce mot, pour les médecins? Cela veut dire
des décisions unilatérales prises, soit au niveau du cabinet des
ministres, soit au niveau du Parlement, soit par la régie, qui peuvent
affecter les conditions d'exercice des médecins ainsi que leur
rémunération.
Nous nous sommes employés, nous, de la Fédération
des médecins omnipraticiens, à éviter ce désastre.
Depuis onze mois, nous avons accepté de négocier et plus
particulièrement depuis trois mois un régime dans lequel
on pourrait éliminer le plus possible ces décisions
unilatérales de l'Etat ou leur possibilité, et les remplacer par
un véritable régime de médecine conventionné et
obtenir, aussi, un minimum de garantie du libre exercice de la profession.
En passant, M. le Président, M. Laberge étant le
représentant des centrales syndicales, vous me permettrez de lui dire un
mot à travers vous.
Dans le passé, les centrales syndicales nous le
déplorons ont peut-être publiquement exigé trop
souvent l'étatisation de la médecine. Les représentants
des centrales syndicales qui sont pourtant des syndicalistes avertis, qui
s'emploient au cours de leurs négociations avec l'employeur à
éliminer toutes les décisions unilatérales de l'employeur
concernant leurs ouvriers, eux qui n'aimeraient pas voir l'employeur fixer
leurs conditions de travail ni leur rémunération, je trouve
qu'ils sont bien mal venus de réclamer l'étatisation de la
médecine et d'empêcher les professionnels de la santé de
vouloir établir un véritable régime de médecine
conventionné. J'espère qu'à l'avenir, nous aurons l'appui
de M. Laberge et des autres représentants des centrales syndicales, le
même qu'ils donnent actuellement au Collège des médecins,
et que je veux bien me faire leur écho en ce sens qu'il ne faudrait pas
s'attendre du Collège des médecins qu'il se substitue à
l'Etat.
Si nous faisions la contestation et c'est une chose qui demeure
possible à un moment donné, nous les omnipraticiens, nous
nous attendrions que le Collège des médecins soit neutre.
M. le Président, nous avons donc, au cours de ces
négociations, tenté d'établir un véritable
régime de médecine conventionné.
Je pense que les négociateurs du gouvernement, le ministre, nos
médecins omnipraticiens, etc., sont bien au courant des gains que nous
avons faits non pas seulement au profit des médecins omnipraticiens,
mais aussi au profit de nos confrères les médecins
spécialistes qui sauront les apprécier davantage une fois la
crise et l'orage terminés.
Contrôle de l'activité
professionnelle
M. HAMEL: Mais j'aimerais dire quelques mots immédiatement au
sujet du contrôle de
l'activité professionnelle. Les quatre amendements
proposés par le gouvernement et qui ont été soumis au
Collège des médecins hier, nous les avons étudiés,
nous aussi, à la Fédération des médecins
omnipraticiens et, tout comme le Collège des médecins, nous
accordons un accord de principe. Je ne sais pas maintenant si c'est le
Collège des médecins qui vibre sur la même longueur d'ondes
que la FMOQ ou si c'est nous qui vibrons sur la même longueur d'ondes que
le Collège des médecins, mais je m'en trouve très heureux
personnellement.
Je demanderais toutefois et c'est la première demande
formelle que nous exprimons au ministre que ces amendements
proposés, qui semblent améliorer considérablement la
question du contrôle de l'activité professionnelle et dissiper des
craintes chez les médecins, lorsqu'ils seront formulés d'une
façon définitive par le ministre et par le gouvernement, soient
l'objet de consultations avec notre fédération, tel qu'il est
prévu dans les clauses qui ont été paraphées par
les représentants du ministre, de telle façon que le ministre et
le gouvernement puissent faire la démonstration à tous les
médecins du Québec et à nos omnipraticiens en particulier
que le ministre et le gouvernement ont bien l'intention de respecter leur
signature et leurs engagements.
Nous renonçons à cette fin aux mécanismes de
délais et de procédures qui étaient prévus à
notre convention et nous acceptons une procédure d'exception au cours de
cette consultation. C'est la première demande que j'exprime au ministre
au nom de la fédération, de telle façon qu'on puisse d'une
façon définitive s'entendre sur la question du contrôle de
l'activité professionnelle et éliminer cette question qui
empêche actuellement de régler le conflit avec les médecins
et la profession médicale.
Le désengagement
M. HAMEL: En ce qui concerne le désengagement, les vues de notre
fédération ne sont pas modifiées. Notre politique est
établie depuis dix ans et elle suit une ligne qui est droite,
régulièrement. Je voudrais rappeler ici ce que nous avons dit
antérieurement à l'effet que pour nous, la question du
désengagement, assorti ou non du remboursement, n'est pas une question
de principe. C'est une question de choix syndical.
Les omnipraticiens préfèrent obtenir des honoraires justes
par voie de négociations plutôt que de compter, pour combler des
honoraires insuffisants, sur des suppléments hypothétiques et
limités à leur clientèle aisée. La FMOQ est
davantage préoccupée du sort de la grande majorité des
omnipraticiens qui vont participer au régime, que de celui de l'infime
minorité qui a l'intention d'en sortir. Il n'y a pas beaucoup
d'omnipraticiens, actuellement, qui menacent la population du Québec de
quitter cette province et de s'en aller ailleurs. Us savent tous, nous sommes
réalistes, qu'ils vont demeurer au Québec, qu'ils sont au service
de la population du Québec.
Cependant, tous les omnipraticiens du Québec ne sont pas
insensibles au conflit qui oppose le gouvernement et la FMSQ; 100 p.c. des
omnipraticiens entretiennent une sympathie et un sentiment profond de
solidarité, sur le plan professionnel, vis-à-vis de leurs
confrères.
Un certain nombre d'entre eux sont convaincus que la question du
désengagement assortie du remboursement de bonne foi est une question de
principe. Un certain nombre d'entre eux aussi sont convaincus, par contre, que
ce serait un mécanisme très utile pour aller chercher des
dépassements d'honoraires.
Compte tenu que nos confrères, dans le passé, ont
précisé à maintes reprises que l'objectif constitué
par le désengagement, assorti du remboursement, est une question de
principe et non pas de gros sous, compte tenu aussi du fait que nous n'avons
aucune raison de mettre en doute leur bonne foi, nous croyons qu'il est encore
possible qu'un compromis soit atteint à la satisfaction des
représentants de la population et de la FMSQ. Ce n'est pas à nous
à introduire, ce matin, la nature de ce compromis. Mais quelle que soit
la nature du compromis, nous avons des réserves à formuler.
Il ne faudra pas que ce compromis ait pour résultat de
déséquilibrer le régime au point de favoriser les
médecins désengagés aux dépens des médecins
engagés. C'est un principe fondamental pour notre
fédération. Il ne faudrait pas que les conséquences de
cette situation aient pour effet de geler les tarifs, éventuellement, et
que le seul moyen pour les médecins soit d'utiliser de se
désengager pour pouvoir obtenir des honoraires justes. Ces effets
seraient désastreux vis-à-vis des médecins des
régions rurales qui seraient défavorisés à cet
égard et pourraient provoquer une médecine de riches et de
pauvres, deux classes de médecins et deux niveaux de
médecine.
Ici, nous formulons notre deuxième demande au ministre. Là
encore, compte tenu des clauses qui ont été paraphées dans
notre convention, qui sont bien connues du ministre et des négociateurs
du gouvernement, nous demandons, avant que les amendements à la loi
soient apportés sur la question du désengagement, que notre
fédération soit consultée.
Evidemment, nous renonçons à tous les mécanismes de
délais prévus dans l'entente; là encore, nous croyons
à des procédures d'exception.
Les prochains propos que j'ai l'intention de tenir, j'aurais aimé
les exprimer en présence du président de la FMSQ. J'ai
demandé une faveur, hier, afin de remettre à ce matin mon
exposé; je ne peux pas continuer indéfiniment et j'ai
l'impression que j'aurai un jour l'occasion, quand même, de m'exprimer en
présence du président de la FMSQ.
Nous avons lu, hier soir, le document prépa-
ré par la Fédération des médecins
spécialistes du Québec qui traite de l'Assurance-maladie et du
bill 8.
A certains égards, il nous a instruits. En ce qui concerne le
désengagement en particulier, on comprend mieux, en lisant ce texte,
quelle utilisation on peut en faire, je ne dis pas on veut en faire.
On dit: "Dans toutes les provinces canadiennes, le médecin est
libre d'exercer sa profession en dehors du régime gouvernemental, s'il
le désire, c'est-à-dire voici ce que ça veut dire
de ne pas être soumis au contrôle et aux limitations
tarifaires du régime gouvernemental".
Accusations
M. HAMEL: A un autre moment, on dit: "Nous savons que le médecin
désengagé ne pourra exercer le droit au dépassement
d'honoraires que pour une partie très réduite de sa
clientèle". Dans ce texte, on parle un peu moins de principes et un peu
plus de tarifs. On parle beaucoup de la question de rémunération.
Malheureusement, je regrette que certaines accusations à la FMOQ aient
été formulées d'une façon indigne, à mon
point de vue, de professionnels dans une société comme la
nôtre. Je réfère au paragraphe suivant: "On comprend
aisément pourquoi le ministre Castonguay a obtenu la collaboration de la
FMOQ, il l'a achetée." Au sujet de la "collaboration", nous ne sommes
pas nécessairement surpris que, dans le climat de violence où
baigne notre société, les méthodes pacifiques de
négociation aient moins de valeur que les autres. Ce qui me surprend,
c'est qu'à un moment donné conclure une entente avec quelqu'un
à l'intérieur d'une loi devienne un crime.
Si, lorsque tous les autres professionnels de la santé
négocient avec le gouvernement de bonne foi à l'intérieur
d'une loi, on les accuse de collaboration et qu'on en fait un crime, je pense
que ceci dépasse la mesure et qu'on ne peut plus dire, comme j'ai dit
déjà auparavant, que c'est simplement l'effet d'une tension
exagérée et d'un peu de nervosité.
De toute façon, les omnipraticiens apprécieront. En ce qui
concerne "acheter", la FMOQ n'est pas à vendre, pas plus qu'elle n'a
été vulnérable depuis les trois dernières
années au maraudage syndical systématique et périodique de
la FMSQ.
Nous avons été accusés publiquement ce n'est
pas la première fois en 1967 de vendre la profession
médicale. A ce moment-là, nous exigions la retenue à la
source. Les députés de l'Union Nationale, ici présents,
qui étaient ministres auparavant, vous rappelleront la campagne odieuse
qui a été menée contre notre fédération qui,
à ce moment-là, était accusée de vendre la
profession médicale au gouvernement.
Depuis, les médecins résidents ont exigé et obtenu
la retenue à la source. Les médecins-fonctionnaires ont
exigé et obtenu la retenue à la source. Ce que je trouve assez
particulier, c'est que, trois ans après, la FMSQ, dans son régime
syndical, exige la retenue à la source.
Ne soyez pas inquiets, quand c'est la FMSQ qui la demande, ce n'est pas
dangereux pour la profession médicale; c'est seulement quand c'est la
FMOQ qui la demande! Je pense que nous avons fait des efforts particuliers pour
négocier avec l'Etat, dans le silence. Pendant deux mois et demi, nous
avons été silencieux jusqu'au moment où nous avons
été provoqués.
Dernièrement, nous avons fait savoir aux dirigeants de la FMSQ
que nous respections leurs positions, même si nous ne les partagions pas,
mais nous avons exigé d'eux qu'ils respectent les nôtres parce
qu'elles avaient été formulés par la très grande
majorité des médecins omnipraticiens du Québec et
adoptées à la majorité des seize syndicats
affiliés. Je redis publiquement que nous sommes prêts à
respecter la FMSQ parce que nous respectons chacun des médecins
spécialistes pour lesquels nous avons une grande admiration.
Mais nous trouvons malheureuse cette situation parce que nous sommes
convaincus que les médecins spécialistes au Québec ont
suffisamment de valeur pour négocier avec le gouvernement avec
succès sans qu'ils tentent de le faire en diminuant ou en tentant de
diminuer le statut de l'omnipraticien.
Si, au Québec, à l'instar d'autres pays dans le monde, et
conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la
santé, on accepte de donner à l'omnipraticien la place qu'il
mérite, cela ne veut pas dire que, nous, nous voulons prendre la place
des médecins spécialistes. Les médecins
spécialistes et les médecins omnipraticiens ne doivent pas
être concurrents. Il doivent jouer un rôle complémentaire
dans cette société. Ce sont les médecins de
première ligne qui ont rôle extrêmement important à
jouer.
D'ailleurs, le président de la FMSQ, dans son livre,
reconnaît que l'omnipraticien doit être un médecin de
première ligne. Et si, enfin, l'Etat reconnaît, il ne l'a pas fait
encore officiellement, mais une certaine commission a reconnu que
l'omnipraticien pouvait jouer un rôle très efficace, je pense
qu'on ne doit pas blâmer notre fédération, qui s'est en
vain employée depuis dix ans à introduire des réformes
dans l'enseignement médical au Québec au niveau de l'enseignement
prédoctoral et post-doctoral. Et c'est seulement depuis quelques mois
que les facultés de médecine, où ne siège encore
aucun représentant des omnipraticiens, ont accepté de collaborer
avec nous à cette réforme de l'enseignement qui permettra de
donner aux omnipraticiens un enseignement spécifique pour leur permettre
d'exercer une médecine dans un champ spécifique.
Nous avons dû nous-mêmes prendre l'initiati-
ve, ici au Québec, de mettre sur pied et de réaliser
l'enseignement permanent pour les omnipraticiens qui, maintenant que tout va
bien évidemment, les facultés de médecine sont
intéressées à le continuer...
Je ne continuerai pas trop longtemps, je m'aperçois, M. le
Président, qu'il est midi, et que vous voulez terminer ce midi. Je pense
que j'ai suffissamment fait de mises au point. Je les compléterai en
présence du président de la FMSQ, s'il assiste à cette
réunion, parce que ce que nous avons à dire, nous pouvons le dire
en présence de qui que ce soit. J'aimerais quand même faire
allusion aux paroles du ministre au sujet des tarifs.
Les tarifs
M. HAMEL: Nous n'avons pas l'intention de camoufler la question des
tarifs derrière des épithètes, des titres, des sous-titres
de quelque nature que ce soit. Les omnipraticiens du Québec craignent,
M. le ministre et messieurs, que, dans sa loi d'exception qui est possible, on
leur impose, d'une façon unilatérale, des tarifs. Nous avons
réussi, par voie de négociations, dans notre convention,
jusqu'à aujourd'hui à éliminer, autant que possible,
toutes les décisions unilatérales de l'Etat, mais nous n'avons
actuellement pas de garanties que le gouvernement ne nous imposera pas ou ne
fixera pas unilatéralement des tarifs.
Au sujet du niveau des tarifs le ministre a dit, hier, qu'il
était impossible d'accorder des tarifs aussi élevés qu'en
Ontario. Dans le fond, la question des tarifs, tout le monde le sait, sous-tend
actuellement toutes les négociations entre les médecins et
l'Etat.
Il faut ici se rappeler que, dans toutes les provinces du Canada, ce
sont de véritables régimes d'indemnités,
c'est-à-dire que les régimes prévoient des prestations qui
sont versées, soit au médecin, soit au malade, mais qui ne sont
pas nécessairement paiement final au médecin. Il y a
possibilité, dans plusieurs cas, de dépassement d'honoraires ou
de complément d'honoraires. Ici au Québec, en se conformant aux
aspirations légitimes de la population, le gouvernement a voulu
instaurer un véritable régime conventionnel, en vertu duquel les
prestations versées au médecin seraient des paiements complets et
finaux. Ceci veut dire que le malade n'aurait pas autre chose à payer
que sa prime ou sa cotisation lorsqu'il s'adresse à un médecin.
C'était là la volonté de la population.
Nous avons voulu faire un effort de coopération avec la
population du Québec et le gouvernement qui le représente et
négocier dans cette optique. Mais il est clair que les tarifs qui
doivent être négociés dans un régime conventionnel
ne doivent pas être moins élevés que des tarifs
négociés dans un régime d'indemnités. Je donne un
exemple pratique ici au Québec: les médecins se foutaient pas
mal, jusqu'à un certain point, que les compagnies privées
puissent, à un moment donné, payer $5 ou $4 pour une visite au
cabinet ou même $2, parce qu'ils pouvaient demander un excédant au
malade. A partir du moment où il n'y a plus d'excédent, il faut
des tarifs raisonnables et justes, et nous n'avons pas l'intention de camoufler
d'aucune façon nos exigences.
Le ministre a dit hier que nos exigences étaient
élevées, mais négociables. Nous disons aujourd'hui, que
nous sommes capables de les justifier, mais qu'elles sont aussi
négociables. Nous croyons à la négociation, nous sommes
fiers de négocier et nous allons tenter d'épuiser tous les moyens
de la négociation avant de recourir à la contestation, comme
notre fédération l'a fait avec le gouvernement depuis 1966. Et je
pense que ce n'est pas un crime.
Pour le moment, M. le Président, je vous remercie infiniment de
m'avoir permis de faire ces mises au point.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire quelques
commentaires. Le président de la Fédération des
médecins omnipraticiens a, je crois, démontré en premier
lieu qu'il était possible de négocier avec le gouvernement, que
le gouvernement, malgré le fait qu'il ne réponde pas à
toutes les demandes qui peuvent être faites à une table de
négociations, a fait preuve de bonne foi, et qu'il a été
possible de progresser dans ces négociations qui, de l'avis de tous,
sont difficiles. Je crois que c'est un point qu'il est nécessaire de
souligner.
En deuxième lieu, le président de la
Fédération des médecins omnipraticiens m'a formulé
deux demandes. La première est qu'il y ait consultation préalable
sur les clauses de la loi touchant au contrôle de l'activité
professionnelle, et il a dit qu'il était disposé à
ignorer, pour le moment, les clauses qui auraient pu être
paraphées quant au délai requis pour de telles consultations.
Je voudrais d'abord le remercier de faire preuve de cette souplesse
quant au délai. Je m'engage, pour ma part, à ce que ces clauses
le premier ministre était ici lorsqu'elles ont été
discutées, de même que plusieurs des membres du cabinet
à ce que les amendements qui pourraient être apportés
à la loi respectent l'esprit de ces objectifs visés dans le texte
que nous avons proposé hier. Je voudrais toutefois rappeler simplement
qu'il n'est pas possible, dans notre système gouvernemental ou
parlementaire, de négocier à l'avance et de donner une garantie
sur des dispositions d'une loi.
Je crois que le mécanisme consistant à
référer à une commission comme celle-ci un projet de loi
et à entendre les représentations de groupements
intéressés ou qui demandent à être consultés
est la formule la plus heureuse qui ait pu être trouvée, il n'est
pas possible, en effet, de prendre un engagement à l'avance sur
un projet de loi, car ce serait nier, par le fait même, le
rôle de l'Assemblée nationale.
Alors, je puis vous dire que nous ferons en sorte que les amendements
apportés à la loi respectent le texte qui a été
proposé hier, qu'il pourra y avoir discussion, évidemment, au
préalable, mais que le texte lui-même doit être soumis en
tout premier lieu aux membres de l'Assemblée nationale étant
donné que ce sont eux qui ont la responsabilité de
légiférer.
Je rappelle le mécanisme d'une commission comme celle-ci
où la discussion peut être facilitée sur des textes
précis de loi. La même chose s'applique en ce qui a trait aux
clauses du désengagement si elles devaient être modifiées,
évidemment; parce que sur ce point particulier je l'ai
mentionné hier la Loi de l'assurance-maladie poursuit un
objectif. Il ne s'agit pas de remettre cet objectif en cause, il s'agit de voir
si ces dispositions peuvent être améliorées.
Enfin, je ne voudrais pas reprendre les divers points soulevés
par le Dr Hamel, je crois que d'autres membres de la commission auront des
questions à lui poser. Je voudrais simplement dire qu'en ce qui a trait
aux offres monétaires du gouvernement et aux demandes de la
Fédération des médecins spécialistes, nous avons
fait des évaluations des demandes de la fédération et
elles nous paraissent élevées je le répète
elles nous paraissent élevées. Les experts du
gouvernement, de même que les experts de la fédération, se
sont rencontrés, ont discuté de ces offres et de ces demandes
mais à ma connaissance elles n'ont pas encore été
négociées à la table des négociations. Nous sommes
disposés à entreprendre dans les plus brefs délais, cette
négociation sur les offres monétaires, c'est-à-dire sur
les derniers points qui restent à vraiment discuter avec la
Fédération des médecins omnipraticiens.
Je voudrais mentionner que, étant donné la
difficulté de s'entendre de façon définitive sur les bases
à partir desquelles, de part et d'autre, nous pouvons évaluer des
offres et des demandes, j'ai fait une proposition à la
Fédération des médecins omnipraticiens. Je l'ai faite
à la Fédération des médecins spécialistes,
afin qu'il y ait révision, après un certain nombre de mois,
lorsque les données seront disponibles, de telle sorte que si la
rémunération réelle qui résulte d'une entente
paraît inférieure aux objectifs fixés, ou si elle
paraît supérieure ou si elle devient supérieure aux
objectifs fixés, on pourrait s'entendre sur les écarts et la
négociation pourrait être rouverte. Il me semblait que
c'était là une proposition qui protégeait à la fois
les professionnels, avec qui nous négocions et les intérêts
des contribuables, ou de ceux qui seront appelés à contribuer
à ce régime. Cette proposition, jusqu'à ce jour, n'a pas
été acceptée, malheureusement. Il me semble que ce serait
un pas en avant que d'accepter une telle proposition. Je crois aussi que le
fait d'avoir formulé cette proposition démontre, de la part du
gouvernement, une souplesse désirable. Nous ne voulons pas nous
l'avons dit baisser la rémunération des médecins,
nous ne voulons pas non plus taxer de façon indue les
québécois qui seront appelés à contribuer à
ce régime.
Alors, si les donnés disponibles ne permettent pas une entente
facile parce que nous sommes dans une situation nouvelle, il me semble qu'il
serait possible de rouvrir cette question, lorsque les données le
permettront. Aussi bien si le niveau de rémunération est
inférieur aux objectifs fixés que s'il est supérieur.
Enfin, au sujet de cette question, afin qu'il n'y ait pas de doute non
plus, nous ne sommes pas, comme gouvernement, attachés à des
prévisions qui ont pu être faites au cours des années
passées. Cela a été mentionné dans le livre gris,
ou gris-bleu, du Dr Robillard. Il a dit que le gouvernement était
prisonnier d'une hypothèse.
On me dit que M. Dozois, qui était ministre des Finances à
l'époque, réfute une affirmation qui a été faite
par le président de la Fédération des médecins
spécialistes en première page du Devoir et dans d'autres
journaux, ce matin, quant au coût qui avait été
estimé pour le régime d'assurance-maladie, et qu'il est
prêt à le faire publiquement, au besoin.
Alors, nous n'avons pas pris comme point de départ, comme
gouvernement, les hypothèses ou les prévisions qui ont pu
être faites, soit par la commission d'enquête sur la santé
ou le comité de recherche. Nous avons pris comme point de départ
l'entente qui a été signée par le gouvernement
précédent avec les deux fédérations de
médecins. C'est à partir de cette base que notre offre a
été formulée.
Alors le gouvernement n'est pas prisonnier d'une hypothèse, il
n'y a pas obstination de ma part sur cette question, au contraire.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais d'abord, ce
matin, ne faire que quelques remarques, étant donné que nous
revenons en commission cet après-midi. Je voudrais féliciter
d'abord le Dr Hamel de son exposé complet, serein, et à la fois
ferme au sujet de la position de sa fédération. Il y a
évidemment des affirmations qui ont été faites et qu'il ne
pouvait pas passer sous silence, il les a relevées à juste
titre.
Pour ma part, ayant eu l'occasion pendant quatre années de
communiquer avec la Fédération des médecins omnipraticiens
et avec son président, nous avons eu l'occasion de signer deux ou trois
conventions collectives. J'ai toujours noté avec grand plaisir la
collaboration de la Fédération des médecins omnipraticiens
et son désir d'en venir à des ententes, à conclure des
ententes avec le gouvernement par les moyens les plus pacifiques possibles.
Evidemment, la négociation avec les médecins
omnipraticiens est plus facile, elle semble se dérouler normalement et
devoir aboutir
bientôt à une entente sans qu'il y ait besoin d'une
législation d'exception. En ce qui concerne le contrôle de
l'activité professionnelle, il semble qu'à la suite de la
discussion d'hier et de la déclaration de ce matin du Dr Hamel, il n'y
ait pas de difficultés spéciales à prévoir dans ce
domaine.
En ce qui concerne le désengagement et la
rémunération, il reste un point, il reste deux
éléments qu'on ne peut pas dissocier. J'ai noté avec
plaisir les remarques faites, il y a un instant, par le ministre de la
Santé, à savoir qu'il ne se sentait pas lié, ou qu'il ne
se sentait pas prisonnier d'estimations antérieures faites par des
commissions d'enquête ou des comités de recherche. J'aurai, pour
ma part, cet après-midi, sur cette question, des commentaires à
faire et des commentaires qui pourront aller même jusqu'à une
suggestion dans l'espoir de dénouer l'impasse dans laquelle nous nous
trouvons actuellement.
Pour notre part, nous avons tenu, à l'Assemblée nationale,
durant l'étude du bill 8, une position que nous croyons
justifiée.
A l'intérieur de la loi actuelle, à l'intérieur du
bill 8 tel qu'il a été adopté, je crois qu'il est
possible, à condition que la Fédération des
médecins spécialistes vienne devant nous cet après-midi et
que nous les entendions, je crois qu'il est possible, en respectant les
objectifs du régime, de trouver dans ces deux éléments qui
restent à résoudre et qui se tiennent ils sont
interdépendants, et on le voit bien par le texte qui nous a
été remis hier par la Fédération des
médecins spécialistes de voir véritablement
maintenant dans quel contexte se situe la discussion au sujet de ces deux
points principaux de l'entente qui sont encore en litige.
Offre insuffisante
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour ma part, je veux dire tout de suite que
l'offre monétaire gouvernementale, en ce qui concerne la
rémunération, me parait insuffisante, si on la considère
dans le contexte canadien et nord-américain. Si on prend la
rémunération des médecins comme groupe de professionnels
et si on la compare avec d'autres groupes de professionnels et d'autres groupes
de travailleurs, il est évident qu'on pourrait conclure que c'est une
rémunération satisfaisante. Mais, si on considère le
contexte professionnel de l'exercice de la profession médicale, je crois
que l'offre de rémunération gouvernementale actuelle pourrait
être modifiée, tout en tenant compte des clauses de
désengagement qui, comme je l'ai dit tantôt, sans fausser
l'objectif du bill 8, pourraient, elles aussi, comporter certains
assouplissements.
A la commission parlementaire cet après-midi, après avoir
entendu la Fédération des médecins spécialistes,
tenant compte des observations qu'a faites le Dr Hamel il y a un instant et
tenant compte de tout ce que nous avons entendu depuis le début de cette
séance, il serait possible, à l'intérieur d'une
proposition qui toucherait les deux éléments qu'on ne peut
dissocier, à savoir le désengagement et la
rémunération, il serait possible, dans le cadre d'une
négociation sérieuse et de bonne volonté entreprise par la
Fédération des médecins spécialistes, que cette
impasse puisse être dénouée sans qu'il y ait besoin d'une
loi d'exception, parce que je crains fort une loi d'exception.
Selon de fortes rumeurs, si j'en juge par des confidences qui m'ont
été faites et aussi par le refus de la Fédération
des médecins spécialistes de se présenter devant cette
commission, il est possible cela serait malheureux, cependant
qu'une loi d'exception trouve difficilement son application, actuellement. Et
ce serait extrêmement regrettable. Et je crois que MM. Pepin et Laberge,
s'ils s'exprimaient sur ce sujet, pourraient nous dire, à leur grand
regret, qu'une loi d'exception qui ne serait pas observée par un groupe
de professionnels les mettrait dans une très mauvaise position dans
l'avenir, au cas où une telle loi d'exception pourrait être
adoptée dans un secteur qui les concerne.
Avant que l'Assemblée nationale n'adopte une loi d'exception,
cette commission parlementaire et les intéressés doivent tout
mettre en oeuvre et faire l'impossible pour tenter de régler cette
situation de façon normale et pacifique.
Je reviendrai avec d'autres commentaires cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: M. Léger.
M. LEGER: J'aurais deux questions à poser, la première, au
docteur Hamel et la deuxième, au ministre de la Santé.
Je félicite, d'abord, le docteur Hamel d'avoir très bien
exprimé la différence qu'il y avait entre la libre
négociation entre le patient et le médecin, entre le
régime d'indemnités qui ne paie pas complètement ce que le
médecin réclame et le régime conventionné qui a
été négocié avec le gouvernement. Je vais lui
demander, pour répondre à des bobards et à des
affirmations gratuites qu'on a vues dans des journaux, s'il y a une grande
marge entre un régime conventionné et l'étatisation de la
médecine.
M. HAMEL: Les limites de la médecine étatisée et
d'un régime conventionné. Je vais vous donner des exemples de
régimes les plus étatisés au monde. Cela va en surprendre
quelques-uns. Ils se trouvent aux Etats-Unis.
Dans 51 Etats, le Medicare qui protège les personnes de 65 ans et
plus. Vous avez le Medicaid qui protège, dans 41 Etats, les personnes
qui sont en dessous d'un niveau de revenus donnés, disons, $6,000, dans
certains Etats, et $5,000, dans d'autres. Dans tous ces régimes, les
médecins ne participent d'aucune façon à l'administration,
c'est-à-dire qu'aucun représen-
tant des professions médicales ne participe, à quelque
niveau que ce soit, aux décisions concernant l'administration du
régime et le paiement des actes.
Les tarifs sont déterminés de façon
unilatérale par le directeur du régime. Ils ne sont pas
négociés. Ils sont coupés, à certains moments, ou
augmentés, etc. Le directeur du régime, dans certains cas, comme
dans la ville de New York, peut imposer des conditions qui ne sont absolument
pas négociées. A un moment donné, dans la ville de New
York, ils ont dit: Seuls les omnipraticiens qui sont membres actifs d'un
hôpital seront remboursés par le régime. Alors, j'appelle
cela un régime étatisé, un régime dans lequel seul
l'Etat prend les décisions, de façon unilatérale et
où il n'y a aucune négociation collective.
Ce que nous tentons, nous, d'établir au Québec pour
l'avenir, ce sont des mécanismes de négociations à tous
les niveaux pour éliminer les possibilités de décisions
unilatérales. Il y a un seul niveau où c'est un peu
délicat: évidemment, c'est l'Assemblée nationale qui est
souveraine, A ce niveau-là, nous avons prévu des
mécanismes de consultation, des mécanismes de délais
obligatoires et d'autres mécanismes par lesquels le gouvernement
s'engage non pas à négocier, mais à consulter; partout
ailleurs, c'est de la négociation.
De toute façon, je pense que c'est clair, la médecine
étatisée, ce sont des décisions unilatérales de
l'Etat à tous les niveaux, alors qu'un régime de médecine
conventionné tente d'éliminer ces décisions
unilatérales et d'établir des mécanismes nouveaux qui sont
applicables à des travailleurs non salariés ou à de
nouvelles catégories de travailleurs dans la société, mais
qui ne sont pas nécessairement copiés sur ceux des travailleurs
salariés. C'est pour ça que la Loi de l'activité
professionnelle devra être adoptée par le gouvernement. Nous
l'avons préconisée déjà, en 1967, dans notre
mémoire à la commission Castonguay. Nous disions: C'est le temps
d'adopter une loi de l'activité professionnelle adoptée aux
travailleurs non salariés.
Si vous voulez déjà adopter les règles du jeu pour
les futures négociations qui interviendront à un moment
donné pour le régime général, si, à ce
moment-là, on avait adopté les règles du jeu dans une loi
à l'activité professionnelle, déjà ces
règles du jeu, actuellement, seraient fixées,
déterminées. On saurait où on s'en va, cela donnerait une
sécurité à chacune des parties et, ce matin, vous n'auriez
pas à discuter, à ce moment-ci, de ce qu'il faut faire, de ce
qu'il ne faut pas faire, des services essentiels, etc. Ce sont des choses
auxquelles on a pensé, qui sont contenues dans des mémoires
épais comme cela remis à la commission Castonguay, et qui n'ont
pas fait les manchettes des journaux. Ce qui fait les manchettes des journaux,
ce n'est pas nécessairement le travail sérieux, c'est plus
souvent des accusations gratuites, etc. Je pense que les journalistes ici
pourraient faire un peu plus écho à des travaux sérieux
qui ont été faits par notre fédération, à
certains moments, et qui sont demeurés inconnus du public et souvent
même du gouvernement.
M. LEGER: Merci, Dr Hamel.
M. CASTONGUAY: Juste un commentaire, s'il vous plaît. C'est exact
que la Fédération des médecins omnipraticiens a
proposé ou avait recommandé à la commission une telle loi.
J'ai mentionné également ce matin qu'elle aurait donné un
cadre dans lequel il aurait été beaucoup plus facile de
négocier, mais je ne crois pas qu'il était possible, dans les
délais qui nous étaient accordés pour
l'établissement de la Loi de l'assurance-maladie, de préparer une
telle loi, de la soumettre à la discussion. C'est pourquoi nous nous
trouvons présentement dans cette situation. Une telle loi est assez
complexe. Nous y travaillons, toutefois, nous y travaillons
présentement.
M. LEGER: Merci. La deuxième question est au ministre de la
Santé. Dans le mémoire des médecins spécialistes,
on dit qu'en prenant comme comparaison le tarif de l'Ontario, les offres
gouvernementales offraient une échelle de salaires équivalant
à environ 68 p.c. pour les spécialistes et à 88 p.c. pour
les omnipraticiens. C'est ce qui faisait conclure à l'accusation, plus
bas, que c'est à cause de cela qu'on accusait le ministre Castonguay
d'avoir acheté la collaboration de FMOQ. Est-ce que le ministre a
quelque chose à répondre là-dessus? Est-ce que ces
chiffres sont vrais?
M. CASTONGUAY: J'aimerais mieux que ce soit le Dr Robillard qui commente
ces affirmations, mais, au besoin, j'y répondrai.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN: Nous sommes le 2 octobre. Hier, le premier ministre a
annoncé que, de toute façon, le régime d'assurance-maladie
serait en vigueur le 1er novembre. Cela nous laisse 29 jours. Aujourd'hui,
à la commission, plane la possibilité ou la menace d'une loi
d'exception qui fixerait les conditions de l'activité professionnelle et
de la rémunération de tous les professionnels de la santé.
Nous venons d'entendre le Dr Hamel qui craint beaucoup une loi d'exception,
justement parce que cela pourrait peut-être, dit-il, amener le
gouvernement à imposer, d'une certaine façon, ses conditions
d'exercice et un tarif de rémunération. Ma question au Dr Hamel
est: Croit-il possible, d'ici le 1er novembre, de compléter les
négociations avec le gouvernement, sur tous les points qui restent en
litige, de telle façon qu'avant la loi d'exception ce qui
paraît bien difficile ou avant le 1er novembre, la
fédération puisse
donner l'espoir à la population qu'en ce qui la concerne
l'entente collective pourrait être complétée?
M. HAMEL: Ma réponse sera brève. Si le ministre peut
mettre à la disposition de notre fédération ses
négociateurs, à raison de deux séances par semaine
seulement, même pour trois ou quatre heures, nous considérons
qu'il est possible d'en venir à une entente. Il peut arriver qu'on ne
s'entende pas sur les questions d'argent, mais au moins on va savoir si on
s'entend ou si on ne s'entend pas. Tandis que là, on ne le sait pas, on
n'a pas négocié.
A ce rythme-là, il est sûrement possible de s'entendre
avant le 1er novembre.
M. CASTONGUAY: Quant à nous, vous pouvez être assuré
que nos négociateurs je les ai vus hier après la
séance ont des ordres précis de se tenir disponibles pour
négocier avec tout la rapidité voulue. S'il n'y a pas eu de
discussion, toutefois, à la table des négociations sur les offres
monétaires je ne veux pas lancer d'accusation, ce n'est pas du
tout ce que je veux faire je voudrais mentionner que ce n'est pas par
suite d'un refus du gouvernement de discuter cette question à la table
des négociations. Nous étions prêts à l'aborder.
Enfin, je me sens, moi aussi, confiant, comme le Dr Hamel, d'en arriver
à une entente. Evidemment, comme je l'ai mentionné, il ne s'agit
pas seulement d'être disponible, mais il va falloir aussi trouver, sur le
plan des offres monétaires, un terrain d'entente.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux à trois
heures.
Reprise de la séance à 15 h 3
M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A
l'ordre, messieurs! Y a-t-il ici des représentants de la
Fédération des médecins spécialistes? Voulez-vous
vous identifier, s'il vous plaît?
Représentants des spécialistes
M. LACHAPELLE: Oui, il y a des représentants des médecins
spécialistes.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous désirez adresser la parole
à la commission?
M. LACHAPELLE: Nous allons d'abord nous identifier, suivant votre
suggestion.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LACHAPELLE : Dr François Léger, médecin
spécialiste, secrétaire de la fédération. Me Roger
David, avocat et procureur de la fédération. Et moi-même,
Raymond Lachapelle, avocat.
Merci.
M. BOURASSA: M. le Président, nous allons demander,
peut-être que l'on poursuive la discussion avec le Dr Hamel.
J'étais simplement intéressé à savoir si la
fédération avait répondu au voeu formulé hier, par
la commission parlementaire. Je constate, avec plaisir, qu'elle a tenu compte
de la suggestion de la commission et nous allons procéder avec le Dr
Hamel.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Gingras, président du Collège des
médecins et chirurgiens a demandé la parole. Alors, Dr
Gingras.
M. GINGRAS: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais faire,
j'espère, une dernière mise au point. Je crois comprendre qu'il
est possible que le texte que je vais vous lire soit dactylographié afin
que vous-mêmes, messieurs de la commission, de même que les
journalistes puissent en avoir une copie.
C'est un excellent présage, apparemment, c'est M. Lasanté
qui s'occupe de faire les copies.
Position du collège
M. GINGRAS: II me semble, messieurs, absolument essentiel, à la
lumière des discussions tenues jusqu'ici, à cette commission sur
le bill 8, que l'exécutif du Collège des médecins et
chirurgiens, mandaté par le Bureau provincial de médecine,
établisse ses positions de façon claire et précise afin
d'éviter toute interprétation équivoque.
L'exécutif du collège déclare donc que,
premièrement, il a déjà prié instamment les
dirigeants de la FMSQ d'utiliser tous les moyens
à leur disposition pour éviter une
détérioration grave de la situation présente. Nous avons
également fait appel à la conscience professionnelle de tous nos
membres devant les conséquences d'un arrêt de travail total ou
partiel.
Deuxièmement, le collège reconnaît, comme tout le
monde, y compris le gouvernement, la réalité syndicale dans le
domaine de la santé.
Troisièmement, le collège regrette toute grève,
tout arrêt de travail dans les services publics mais il n'est pas
l'organisme compétent pour désavouer ce droit aux syndicats quels
qu'ils soient.
Quatrièmement, devant les nombreuses questions posées ce
matin pour ne pas dire accusations il nous apparaît
évident que le rôle du collège n'est pas connu de la
majorité des personnes autour de cette table.
Cinquièmement, actuellement on semble imputer tous les reproches
que l'on peut faire dans le domaine de la santé au collège.
Sixièmement, nous désirons rappeler que le collège
a comme rôle principal de contrôler la qualité de la
pratique professionnelle de ses membres, compte tenu de la loi médicale,
de ses règlements et du code de déontologie.
Il est important de distinguer, messieurs, dans la situation actuelle,
le problème du contrôle de la qualité et celui de la
distribution des soins. Le contrôle que le collège peut exercer
peut se faire à priori et à posteriori. A priori, il s'agit d'un
contrôle qui permet de faire des recommandations au médecin. Le
collège ne peut imposer des mesures disciplinaires dans ce cas
particulier. A posteriori, il s'agit d'un contrôle une fois que l'acte
médical a été posé. Dans ce cas, une sanction
disciplinaire ne peut être imposée que par le tribunal de
discipline, après avoir suivi une longue procédure.
En ce qui concerne la distribution des soins, nous désirons
rappeler que le rapport Caston-guay-Nepveu, volume IV, tome I, mentionne que le
régime de santé n'a pas évolué au même rythme
que les progrès de la médecine. Ce rapport mentionne aussi
l'absence d'un système structuré de soins. La conclusion de ce
rapport se résume ainsi: "L'absence d'une politique cohérente de
santé est imputable uniquement au ministère de la
Santé."
Rappelons que, dans ce domaine de la distribution des soins en milieu
hospitalier, les règlements de la Loi des hôpitaux
l'article 38 pour votre information en confie la responsabilité
au conseil d'administration des hôpitaux. Rappelons aussi que le
collège n'a aucune autorité sur les administrations
hospitalières bien qu'il l'ait demandé avant la promulgation de
ses règlements.
Le collège ne peut aucunement imposer à l'un de ses
membres de pratiquer sa médecine, ou de la pratiquer dans un milieu
donné; il ne peut que contrôler ses actes, une fois qu'il les a
posés. Nous désirons faire une mise au point sur les deux visites
du ministre Castonguay au collège durant les négociations. M. le
ministre, lors de ces deux rencontres, aurait désiré que le
collège informe et rassure la population en disant que le contrôle
de la pratique professionnelle et le statut du médecin n'étaient
pas modifiés par le bill 8. Comme nous ne pouvions à cette date
assister comme observateur aux négociations, que nous n'avions aucune
garantie que le contrôle demeurerait au collège et que nous
faisions face à une nouvelle législation concernant ce même
collège, nous avons refusé, et de bon droit, de faire un tel
communiqué. Nous n'avons obtenu qu'hier, il faut l'avouer, une telle
garantie de principe.
Enfin, face à la situation d'urgence actuelle, le collège
offre sa collaboration au ministère de la Santé dans
l'établissement d'un service d'urgence. De même, advenant
l'élaboration d'une loi d'urgence, le collège, à titre
d'organisme créé par l'Etat en vue du bien public, offre encore
au ministère de la Santé sa collaboration.
Messieurs, il faut se rendre compte aujourd'hui que ni le
ministère de la Santé ni le collège n'ont les pouvoirs
suffisants pour obliger les médecins à reprendre
intégralement leurs activités professionnelles. Nous
émettons le voeu ceci est extrêmement important à
mon sens, au sens du collège que le rôle de ce dernier
puisse être discuté dans un climat plus serein. Merci, M. le
Président.
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais simplement remercier le
président du collège pour l'offre de collaboration qu'il vient de
faire? Nous avons formé comme je l'ai mentionné - au
ministère de la Santé un groupe de travail qui a pour objet de
répondre à toute demande de renseignement en provenance de
corporations hospitalières ou d'autres organismes. Cela serait, je
crois, un acquis pour ce groupe de travail s'il y avait un représentant
du Collège des médecins qui pouvait s'y joindre.
En ce qui regarde ma visite au collège, c'est exact, comme le Dr
Gingras l'a dit. C'est la demande que j'ai formulée. Mais, il y a une
chose qu'il est nécessaire de rappeler, c'est que les
négociations se sont toujours déroulées à
l'intérieur du cadre de la loi. Sur le reste, je n'ai pas d'autre
commentaire à faire. Je crois que la déclaration du Dr Gingras
précise un bon nombre de points qui méritaient d'être
précisés.
M. LE PRESIDENT: Dr Hamel, président de la
Fédération des médecins omnipraticiens, auriez-vous des
remarques à faire à la commission?
M. HAMEL: Non, pas à ce moment, M. le Président. J'ai fait
mes remarques, ce matin; et je me réserve, au nom de la
fédération, si vous daignez l'accepter, un droit de
réplique, suivant les circonstances.
M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser
une question au représentant de la Fédération des
médecins spécialistes? C'est le Dr Léger, je suppose, qui
est le porte-parole? Est-ce que vous avez pris connaissance, hier, des
suggestions que le ministre de la Santé a faites sur la liberté
professionnelle et qui ont été acceptées par le Dr
Gingras, le président du Collège des médecins?
M. LACHAPELLE: Qu'il plaise au président. La question, je sais,
est adressée au Dr Léger, mais j'aimerais indiquer à cette
assemblée que le mandat du Dr Léger est spécifique et il
aura tout à l'heure l'occasion de vous l'expliquer. Par ailleurs, le
mandat des procureurs qui l'accompagnent est restreint et, dans les
circonstances, nous ne sommes pas en mesure, malheureusement, de
répondre à la question qui nous est posée.
M. BOURASSA: Je ne sais pas quelle distinction vous faites entre un
mandat spécifique et un mandat restreint, mais est-ce que vous pourriez
dire en quoi votre mandat est restreint et en quoi celui du Dr Léger est
spécifique?
M. LACHAPELLE: Le mandat du Dr Léger est spécifique en ce
qu'il espère, avec la permission du président et sur son
invitation, s'adresser à cette assemblée et, au nom de la FMSQ,
faire une déclaration. La mandat des procureurs est restreint en ce sens
que, bien qu'ils jouissent généralement de ce mandat
présumé que tout procureur possède, pour les fins des
circonstances, leur mandat a été restreint par la FMSQ à
assister le Dr Léger.
M. BOURASSA: Le mandat spécifique? M. LACHAPELLE: Oui.
M. BOURASSA: Est-ce que le Dr Léger pourrait nous faire part du
contenu de son mandat spécifique?
M. LACHAPELLE: Avec plaisir, M. le Président.
Médiation
M. LEGER: M. le Président, le conseil d'administration de la
Fédération des médecins spécialistes m'a
donné le mandat, que j'exécute, de faire lecture de cette
déclaration.
M. le Président, nous avons rencontré, hier soir, le
premier ministre de la province qui nous a fait part du voeu de la commission
de la Santé d'entendre nos représentations au sujet de la Loi de
l'assurance-maladie. Le premier ministre, au cours de l'entrevue qu'il nous a
accordée, a clairement indiqué que son gouvernement n'entendait
pas modifier ses positions de base à l'égard du
désengagement.
La déclaration du ministre Castonguay de- vant la commission de
la Santé, hier, confirme cette attitude. Pour ce qui a trait aux autres
matières, telle la rémunération, le premier ministre a
agréé qu'elle devait faire l'objet de négociations
ailleurs que devant la commission parlementaire. Dans les circonstances, le
conseil d'administration de la Fédération des médecins
spécialistes et les présidents des associations médicales
qui lui sont affiliées, réunis en assemblée
spéciale ce matin, estiment qu'une audition devant la commission de la
Santé dans les conditions où elle nous est offerte et dans le
contexte où se déroule le débat ne peut apporter aucun
élément valable de solution. Elle ne peut que préparer,
conformément à "l'échéancier" annoncé le 11
septembre dernier par le ministre Castonguay, l'étape ultime de la loi
spéciale qui doit instaurer d'autorité un régime de
médecine d'Etat au Québec.
La fédération a déposé hier, devant la
commission de la Santé, un mémoire où sont contenues les
vues des médecins spécialistes sur tous les aspects du
problème. La fédération en fait aujourd'hui le
dépôt formel, laissant à la commission le soin d'en tenir
compte. La fédération des médecins spécialistes du
Québec prie la commission de la Santé de recommander au
gouvernement la seule solution véritable au stade actuel, une
médiation portant sur tous les aspects du différend. C'est
signé: le Conseil d'administration de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec.
Voici le document, je vous remercie M. le Président de nous avoir
accordé l'occasion de venir le déposer.
M. BOURASSA: Est-ce qu'il est dans votre mandat de clarifier certains
points de la déclaration que vous venez de faire, puisque vous
interprétez une discussion que j'ai eue hier avec le Dr Robillard?
M. LACHAPELLE: M. le Président, le Dr Fernand Léger a
exécuté son mandat.
M. BOURASSA: Est-ce que je dois comprendre que les représentants
de la Fédération des médecins spécialistes, qui ont
donné une interprétation unilatérale de la discussion que
j'ai eue hier avec le Dr Robillard et d'autres membres de la
fédération, refusent de répondre à toute autre
question des membres de cette commission?
M. LEGER: Je dois malheureusement répéter que j'ai
exécuté mon mandat tel que.
M. BOURASSA: Mais, puisque vous êtes ici, que vous vous êtes
donné la peine de vous déplacer après de longues
discussions sur l'opportunité de répondre au voeu du Parlement,
est-ce qu'il nous est possible de vous poser des questions ou devrons-nous nous
contenter de la lecture de la déclaration que vous avez faite?
M. LACHAPELLE: Je crois que votre dernière interprétation
n'en déplaise à M. le président, est la bonne. Dans ces
circonstances, nous n'avons même pas le mandat de vous dire que nous
refusons.
M. BOURASSA: Si je vous comprends bien, M. Lachapelle, c'est que, du
moment que votre déclaration est lue, vous devenez des sourds-muets.
M. LACHAPELLE: Certainement pas des sourds, parce que je vous entends et
certainement pas des muets, puisque je vous réponds. Cependant,
malheureusement, ainsi que nous l'avons expliqué on pourrait
assez facilement, messieurs, continuer longtemps j'ai donné la
mesure, la portée et la limite du mandat en question. Je m'en sens
moi-même...
M. BOSSE: Vous avez mandat de ne rien dire.
M. BOURASSA: D'accord, M. Lachapelle, mais ce que je soumets, bien
humblement, c'est qu'on a donné une interprétation
unilatérale de ce qui avait été discuté.
J'ai dit mercredi, à une conférence de presse, que nous
étions prêts à améliorer la loi si on nous en
prouvait la nécessité. Je pense que la commission parlementaire
est un endroit ouvert à l'opinion publique. Si vous refusez le
débat à la commission parlementaire, si vous ne voulez pas
discuter ouvertement, on peut se demander si vous n'êtes pas trop
conscients de la fragilité de vos positions. Nous, nous avons
insisté je l'ai fait personnellement, la commission l'a fait
unanimement pour qu'il puisse y avoir un débat.
Je suis d'accord, sur la question de la rémunération,
puisqu'elle est extrêmement complexe, que ce n'est peut-être pas
l'endroit idéal pour en parler. On l'a déjà fait dans le
passé, je n'ai pas d'objection à ce qu'on discute les tarifs ou
la rémunération à la commission parlementaire, mais je
suis d'accord que ce n'est peut-être pas l'endroit idéal.
En ce qui a trait à la question du désengagement, qui est
une question de principe et je pense que les parlementaires ont
intérêt à en discuter vous avez donné votre
interprétation tantôt, j'ai la mienne. Je suis convaincu, moi,
qu'une discussion ouverte comme celle que nous pourrions avoir cet
après-midi, ou demain s'il le faut, pourrait peut-être
éviter un affrontement, brutal dont la population, en fin de compte,
serait la première victime.
Je suis étonné et extrêmement déçu,
même si je dois constater que vous avez quand même accepté
de venir donner votre point de vue, si court soit-il, à la commission
parlementaire, je suis extrêmement déçu et je pense
que je parle au nom de tous les membres de cette commission de voir que
vous refusez de dialoguer.
M. LACHAPELLE: Je ne fais pas de discours, M. le premier ministre, vous
avez notre réponse.
M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais souligner
au délégué de la Fédération des
médecins spécialistes que la commission parlementaire, hier, a
exprimé le vif désir que la Fédération des
médecins spécialistes soit entendue devant cette commission. Il y
a un article de notre règlement, j'en ai fait lecture hier, qui
prévoit que le président de la commission peut forcer, peut
obliger n'importe quel groupe ou individu à venir comparaître
devant la commission, avec documents et pièces. Nous n'avons pas voulu
utiliser, c'était le droit de la commission, de le faire, les pouvoirs
que donne ce règlement. Le président, à la demande des
membres de la commission, a prié instamment la fédération
de se présenter devant la commission pour éclairer certains
points du débat.
Nous avons dit, à ce moment-là, en ce qui nous concerne,
de ce côté-ci de la table, que nous avions besoin d'avoir en main
d'autres éléments qui nous permettraient de porter un jugement,
ou même d'apporter des suggestions dans le conflit actuel. C'est
là, je pense, un des rôles importants des groupes d'opposition,
à la lumière des faits et des renseignements que l'on nous
fournit , de pouvoir apporter une contribution positive. Je crois que
l'attitude de la Fédération des médecins
spécialistes, le mandat très restreint qu'on vous a donné
cet après-midi, empêche les membres de cette commission et en
particulier les groupes de l'Opposition, d'accomplir parfaitement leur mandat.
. Nous avons mentionné aussi de façon particulière que
c'était un précédent qu'un groupe impliqué dans un
conflit refuse de participer aux travaux de la commission. Les
représentants des centrales syndicales, qui sont ici depuis hier, nous
ont déclaré que, souventefois, elles sont venues devant cette
commission, même à reculons, mais elles ont quand même pris
cet engagement, elles ont assumé cette responsabilité de venir
devant cette commission. On a de nombreux exemples et des exemples
récents.
Alors, je crois que dans l'opinion publique, le refus de la
Fédération des médecins spécialistes refus
non total puisque cet après-midi, vous êtes
délégués auprès de cette commission
d'élargir le mandat, ou ce mandat très restreint que l'on vous a
confié, devant l'opinion publique, je crois qu'il sera
préjudiciable à la Fédération des médecins
spécialistes. C'est cet aspect important que je voudrais faire ressortir
parce que nous voulons ici que le débat soit très objectif.
Personnellement, nous avions et nous avons des suggestions à apporter de
façon à diminuer cette tension et cette pression qui existe dans
le moment. Ce que nous
recherchons tous, ici, à cette commission, c'est de trouver
ensemble des solutions au conflit actuel parce que personne ne désire,
pas plus l'Opposition que le gouvernement, une loi d'exception et surtout
à l'endroit des professionnels de la santé.
Vous nous placez dans une situation extrêmement difficile. Je
crois qu'il est encore temps de réviser cette position et de ne pas
forcer la commission parlementaire à utiliser l'article de notre
règlement qui nous donnerait le pouvoir d'imposer à la
Fédération des médecins spécialistes de
témoigner et de témoigner entièrement. Je crois que c'est
le voeu de cette commission, que ce témoignage de votre part soit
volontaire, soit fait de plein gré et je crois que cela va contribuer
à améliorer le climat actuel.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN : M. le Président, je déplore que la
Fédération des médecins spécialistes ait
confié un mandat aussi spécifique et aussi restreint à ses
représentants, cet après-midi. Ceci nous met dans une situation
qui a fait venir dans mon esprit le parallèle d'une certaine bataille,
la bataille de Fontenoy, où l'armée anglaise et l'armée
française se trouvaient en face l'une de l'autre et où les chefs
se disaient, en s'adressant l'un à l'autre: "Tirez les premiers,
messieurs les Anglais" ou "Tirez les premiers, messieurs les
Français".
J'ai l'impression que c'est une lutte où chaque partie en
présence attend que l'autre fasse le geste qui déclenchera les
hostilités. Les hostilités, on le sait, c'est un arrêt, un
débrayage de plus en plus total de la part des spécialistes, avec
tous les inconvénients que cela peut entraîner pour la population.
Un peu comme si, dans ce jeu du chat et de la souris, on guettait qui va faire
la première erreur, qui prendra sur lui l'odieux du geste qui
déclenchera les hostilités. Les deux parties en présence
sont déjà prêtes à se blâmer l'une l'autre
pour cet arrêt total, définitif de la négociation et pour
les conséquences désastreuses qui s'ensuivront pour la
population.
Il me semble que nous sommes dans ce climat de guerre. A cette toute
dernière minute tragique qui précède ce conflit, je
continue d'espérer qu'un moyen peut être trouvé pour qu'une
ultime négociation s'engage, car la pire négociation vaut
toujours mieux que la meilleure des guerres. Il me semble que la commission
pourrait émettre le voeu que les représentants de la
fédération prennent le temps d'aller téléphoner
à l'exécutif de la fédération, qu'ils lui
transmettent le climat de cette commission, l'inquiétude profonde des
représentants du peuple devant la situation et qu'ils le prient, avec
tous les arguments qu'ils peuvent développer, de modifier sa prise de
position et d'élargir leur mandat.
M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais ajouter quelques mots
à ceux du Dr Laurin. On a soumis un document qui est
interprété, de ce côté-ci, comme une mise en
accusation personnelle du ministre de la Santé. Il est normal, je pense,
si on est conscient de ce qu'on fait, si on est convaincu de ce qu'on avance,
qu'on soit au moins prêt à répondre aux questions.
On attaque personnellement le ministre de la Santé avec un
document qui est déposé à la commission parlementaire et
on refuse, par la suite, de répondre aux questions sur ce document,
alors même qu'on est présent. Il y a là une contradiction
flagrante de la part des médecins spécialistes qui risque, s'ils
persistent dans leur attitude, de jeter dans l'opinion publique le
discrédit sur leur organisation.
Alors, je suis d'accord que les représentants de l'organisation
demandent de pouvoir dialoguer et discuter. Nous admettons qu'ils soient ici.
C'est quand même un signe du respect qu'ils ont pour l'autorité du
Parlement. Mais nous voulons dialoguer et nous le voulons d'autant plus que
c'est eux qui nous incitent à le faire en présentant des
documents comme ceux qu'ils ont présentés cet
après-midi.
M. LE PRESIDENT: M. Bois.
M. BOIS: Quant à nous, nous savons que, depuis des années,
la population demande la sécurité. Nous désirons aussi la
liberté pour les diverses classes, que ce soient les professionnels, que
ce soient les ouvriers, les collets blancs ou n'importe qui.
Je crois fermement qu'il serait de beaucoup préférable que
l'on vienne discuter dans la paix, parce que je crois bien que la seule et
unique façon d'obtenir sécurité et liberté, c'est
encore dans une discussion franche et ouverte.
Il est bien entendu que je ne connais pas personnellement toutes les
discussions qui ont été tenues dans le passé, mais je
crois qu'il serait préférable qu'il y ait réellement un
contact franc ici. Je trouve que ce serait apprécié par le public
et que ce serait même certainement de nature à attirer le respect
de la population et des autorités en général sur une
profession qui a tant fait pour le bien du peuple depuis de très
nombreuses années. Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Lachapelle.
M. LACHAPELLE: M. le Président, les représentants de la
FMSQ remercient l'assemblée de les avoir reçus et entendus et,
dans les circonstances ils vous demandent la permission de se retirer.
M. BOURASSA: Mais est-ce qu'on peut vous demander, M. Lachapelle, si
vous avez l'intention de transmettre à l'exécutif la demande que
nous vous avons faite et qui, disons, est en partie suscitée par les
documents que vous avez
vous-même déposés, de pouvoir discuter avec nous et
de pouvoir répondre? Vous nous présentez un document et vous ne
voulez pas qu'on vous questionne sur ce document. Comment voulez-vous que nous
vous accordions de l'attention, ou comment voulez-vous que ce document soit
crédible, si vous refusez de répondre aux questions? Est-ce qu'on
peut vous demander de le demander à l'exécutif, pour que nous
puissions vous questionner sur ce document? Nous sommes prêts, quant
à nous, et sujet à l'approbation de mes collègues,
à discuter demain ou ce soir.
M. LACHAPELLE: M. le premier ministre, si je fais
référence à une remarque que vous faisiez tantôt,
nous ne sommes pas sourds et nous ne serons pas muets. Il n'y a pas de doute,
évidemment, que notre rôle nous oblige à transmettre
à nos mandats les paroles que nous avons entendues cet après-midi
autour de cette table. Mais, vu les circonstances, vous comprendrez, M. le
Président, qu'il vaut mieux pour l'instant nous retirer.
M. BOURASSA: Je comprends, M. le Président, et je l'admets. Mais
est-ce qu'on peut s'attendre que vous reveniez ce soir, à huit heures,
pour donner une réponse sur le document que vous avez
présenté?
M. LACHAPELLE: C'est trop demander à l'avocat qui a un mandat
restreint.
M. BOURASSA: D'accord.
M. LACHAPELLE: Est-ce que nous pouvons nous retirer?
M. BOURASSA: II y a certains membres de la commission, puisque vous
êtes venus, qui voudraient vous poser des questions.
M. LACHAPELLE: Avec plaisir.
M. BOSSE: Est-ce que la commission, M. le président, ne pourrait
pas fixer un délai pour obtenir une réponse à la question
posée par le premier ministre? Il me semble que ce serait là, au
moins, un acte décent de la part de la fédération
concernée, d'accepter qu'il y ait un délai.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: M. le Président, vu que les mandataires de la
Fédération des spécialistes nous ont dit qu'ils
n'étaient pas sourds, ils ne sont pas obligés de parler pour
écouter.
Je me demande justement si la commission n'est pas sourde. Je pense que
la Fédération des médecins spécialistes, par son
attitude, vous fait savoir très exactement ce qu'elle pense, de
façon peut-être discutable, mais de façon très
claire. Je pourrais même dire très courageuse. Il vous reste de
l'être autant.
M. BOURASSA: M. Laberge, quand même ! Mais, je crois encore
à la logique, au bon sens. On nous soumet un document qui attaque
personnellement le ministre de la Santé qui est l'un des principaux
impliqués dans cette affaire. La commission, en fonction d'un bon sens
élémentaire, dit: Pouvons-nous vous poser des questions sur ce
document? Est-ce que ceci paraît insolite ou anormal? C'est ce que nous
voulons savoir des représentants de la Fédération des
médecins spécialistes, et nous sommes en droit de savoir s'ils
sont prêts à donner des réponses à des arguments
qu'ils avancent par écrit et qui peuvent être contestables.
M. BOSSE : M. le Président, je propose que la commission se
réunisse à huit heures, et qu'à ce moment-là la
fédération nous fasse parvenir une réponse.
M. LE PRESIDENT: Dr Léger,... M. MARCHAND: D'ici une heure.
M. LE PRESIDENT: ... comme les membres de cette commission seraient
heureux d'entendre ce que vous avez à dire au sujet de cette
réunion, seriez-vous prêt à nous donner une réponse
d'ici cinq heures ou après le souper, à entrer en communication
avec les membres de votre exécutif afin de savoir si vous êtes
prêts à nous donner votre appréciation sur le texte que
vous avez soumis, et à répondre à certaines questions qui
pourraient être posées par les membres de la commission?
M. LEGER: M. le Président, je ne puis que vous dire que je vais
faire mon possible pour entrer en communication avec les membres de
l'exécutif qui m'ont envoyé ici. Je ne peux pas prendre sur moi
la responsabilité d'un délai.
M. BOURASSA: Alors, disons que nous ajournons à cinq heures cet
après-midi, d'accord?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que tous les membres de la commission sont
d'accord?
M. BOSSE: Un minimum qui serait exigé, M. le Président,
c'est que même si la réponse devait être négative,
qu'elle soit communiquée à cette commission.
M. LE PRESIDENT: Les membres de la commission sont-ils d'accord que nous
suspendions les travaux jusqu'à cinq heures?
Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à cinq heures.
Reprise de la séance à 17 h 3
M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A
l'ordre, messieurs! Est-ce que les délégués de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec sont revenus dans la salle?
M. BOURASSA: Est-ce que le président de la commission a
été avisé qu'ils ne viendraient pas?
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas été avisé.
Refus de dialoguer
M. BOURASSA: M. le Président, il semble bien que les
représentants ont décidé de ne pas se présenter
devant la commission. Ils ont, quand même, accepté de
répondre au voeu que nous avons formulé hier, mais nous devons
constater leur refus de dialoguer. Il est donc inutile, pour le moment, de les
forcer à dialoguer.
C'est quand même une crainte qui révèle la
fragilité de leur position et le discrédit dans lequel ils sont
prêts à tomber dans l'opinion publique pour maintenir leur
position. J'ai dit tantôt que j'étais intéressé
à discuter avec eux parce qu'ils nous avaient soumis un document
où ils portaient des accusations personnelles. En toute logique, s'ils
nous soumettent un document où dés accusations sont
portées contre des membres de la commission, il est normal que nous
soyons en mesure de leur poser des questions par la suite, mais ils ne veulent
même pas répondre aux questions. Ils se défilent devant une
responsabilité qui paraît élémentaire.
M. le Président, à moins qu'un membre de la commission
n'exige l'application de la procédure je serai prêt
à appuyer sa proposition, si, à son avis, il croit
nécessaire qu'ils soient présents nous n'avons pas
l'intention, quant à nous, de l'appliquer immédiatement. Nous
nous réservons le droit, toutefois, de le faire dans l'avenir
immédiat, les représentants de la Fédération des
spécialistes. Mais, nous avons aujourd'hui là preuve qu'ils ne
sont pas prêts, qu'ils ne veulent pas négocier ou dialoguer. C'est
dans cette perspective-là que nous entendons prendre nos
responsabilités.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
Convocation de l'Assemblée
M. LAURIN: M. le Président, dans ces conditions, je pense que
nous n'avons pas d'autre choix que de demander la convocation, le plus
rapidement possible, de l'Assemblée nationale, où le gouvernement
nous présenterait une loi spéciale qui prévoirait toutes
les possibilités pouvant s'ensuivre d'un arrêt partiel ou total du
travail des médecins spécialistes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, cette commission parlementaire se
trouve devant une situation assez inusitée, celle où un groupe
directement impliqué dans un conflit refuse une invitation pressante de
venir discuter des points en litige et défendre ses positions. Je crois
le moment venu, pour le groupe que je représente, de faire cette
suggestion dont j'ai parlé ce matin. Cette suggestion est faite dans un
bon esprit. Elle est faite et je crois que c'est le rôle de
l'Opposition de la faire pour soulager ce climat de tension qui existe
actuellement. Sans rejeter l'idée de mon collègue, le
député de Bourget, à l'effet de convoquer
immédiatement l'Assemblée nationale, je crois qu'il doit
être tenté une dernière tentative pour rapprocher les
parties et les faire retourner à la table des négociations.
Nouvelle proposition
M. CLOUTIER: Ce matin, j'ai commencé à élaborer des
éléments de suggestion. Je voudrais brièvement les
reprendre. Il me semble que les offres de rémunération du
gouvernement apparaissent insuffisantes aux deux fédérations.
Elles se basent sur le fait que l'écart entre la
rémunération des médecins de l'Ontario,
particulièrement et celle qui est offerte à ceux du Québec
est trop considérable. J'ai dit, cet avant-midi, que cette
rémunération offerte aux médecins, si on l'examine dans le
contexte du Québec, si on compare le revenu des professionnels de la
santé avec les revenus des autres professionnels dans le Québec
et des autres travailleurs du Québec, nous apparaît probablement
raisonnable. Mais, si on la situe dans le contexte canadien, dans le contexte
nord-américain, il nous apparaît que nous devrions explorer
davantage la possibilité de réduire cet écart.
A partir du moment où les offres gouvernementales de
rémunération sont plus généreuses, cette question
du désengagement, qui est très intimement reliée à
la question de la rémunération, prend une autre dimension dans
l'esprit des médecins spécialistes.
Je n'en veux pour preuve que ces phrases que je tire du document qu'ils
nous ont remis officiellement cet après-midi, où on y dit entre
autres: "Le désengagement n'est pas, pour la fédération,
une façon d'augmenter les revenus d'un petit nombre de ses membres."
Pourrait-on raisonnablement croire, en effet, que tous les médecins
spécialistes de la province se seraient ralliés autour d'une
idée aussi peu logique?
Et cette autre phrase ici dans ce même document, qui se lit comme
suit: "La loi devrait donc contenir une disposition de ce genre: la convention
collective doit contenir des dispositions à l'effet que le ministre,
après consultation avec la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, prendra des mesures spéciales au
cas où le désengagement gênerait l'accès universel
aux soins médicaux." Et on dit
également: "II ne faudrait pas, dans l'optique où nous
situons le désengagement, que le dépassement d'honoraires, qui
est un aspect mineur et je retiens ce mot dans l'ensemble de ce
que nous discutons, devienne pour le gouvernement un problème
politique." "Il est évident que le genre de désengagement
proposé par la Fédération des médecins
spécialistes du Québec suppose un régime d'entente
collective raisonnable. Si l'Etat ne devait rembourser, en régime
conventionnel, qu'une très faible partie des honoraires médicaux,
il est évident que les médecins rechercheraient, par le biais du
désengagement, une compensation plus adéquate. Ceci n'est pas
l'objectif que nous recherchons, bien au contraire."
Alors, M. le Président, à partir de ces phrases et de
cette autre que je voudrais ajouter: "Le désengagement, en effet, dans
le contexte des offres monétaires du ministre Castonguay, ne peut
être, pour les médecins, qu'un moyen d'échapper au tarif
ridiculement bas de l'Etat, en demandant aux malades un supplément
d'honoraires," il est bien certain que, dans notre esprit, il n'est pas de
notre intention de revenir sur cette question du complément ou du
dépassement d'honoraires. Mais, à partir du moment où nous
refusons d'accepter ce principe, la question des tarifs et des échelles
de rémunération des médecins prend une dimension
spéciale. Et c'est pourquoi j'aurais l'intention de suggérer au
ministre de la Santé qu'avec ses officiers il étudie une
proposition qui pourrait se lire comme suit : "Nul professionnel de la
santé ne peut se désengager de l'entente signée par
l'association qui le représente aux fins de la conclusion de l'entente
selon l'article 18, à moins qu'il n'ait été établi,
à la satisfaction du ministre et de ladite association, que les raisons
de son désengagement sont d'ordre purement personnel et ne sont pas
susceptibles de compromettre, dans la province et dans la région dans
laquelle il exerce sa profession, la portée qui lui est applicable et
les effets recherchés par la présente loi. Pour chaque
professionnel de la santé, le présent, article cesse de
s'appliquer à la date de l'expiration prévue à l'entente
qui lui est applicable, mais il recommence de s'appliquer dès que
l'entente est renouvelée ou qu'une nouvelle entente remplace celle qui
est expirée."
Voici donc le contexte dans lequel cette proposition est faite:
A partir du moment où une offre globale de règlement est
faite à la table des négociations;
A partir d'un rajustement de l'échelle de
rémunération qui est offerte aux médecins
spécialistes et à l'ensemble de la profession médicale
;
A partir de ce texte qui contrôle le désengagement avant
qu'il ne se fasse, étant donné que les phrases que j'ai
citées tantôt indiquent que, dans l'esprit de la
Fédération des médecins spécialistes et dans le
texte qu'ils ont déposé, le désengagement ;
A partir du moment où la rémunération est
suffisante, devient un élément mineur dans la discussion, je
crois qu'il y aurait possibilité de revoir tout l'ensemble, et la
rémunération et le désengagement ;
A partir d'une classe de médecins qui pourraient être
désengagés sans complément, sans supplément
d'honoraires, qui, par contre, auraient aussi à rendre compte, comme
pour les médecins engagés, de la pratique médicale au
collège des médecins et à la régie
également, parce que ce sont des fonds publics qui seraient
remboursés au malade, il y aurait certainement des contrôles
à apporter là.
Je crois donc qu'il y a dans cet ensemble que je viens de mentionner
assez rapidement, un élément de solution. Est-ce que cela
pourrait aller jusqu'au remboursement à 100 p.c. pour le médecin
désengagé? S'il n'y a pas de dépassements et de
compléments d'honoraires, si le désengagement des médecins
est contrôlé avant, et par la fédération et par le
gouvernement pour des raisons sérieuses, est-ce qu'il n'y aura pas, dans
tout cet ensemble, Une proposition, une suggestion qui pourrait ramener les
parties à la table des négociations? Et, à partir de cette
nouvelle proposition, et en y ajoutant ce que le premier ministre et le
ministre de la Santé ont déjà proposé à la
Fédération des médecins spécialistes, est-ce qu'il
n'y aurait pas, dans tout cet ensemble, une proposition qui pourrait rallier
les parties, qui pourrait trouver un dénominateur commun? N'y aurait-il
pas une proposition qui pourrait être modifiée et qui pourrait, je
crois, à assez brève échéance, ramener les parties
à la table des négociations et déboucher sur une
discussion plus constructive et plus positive? Je suis en effet convaincu que,
si nous partons d'ici, de la commission, dans l'atmosphère actuelle,
avec les événements qui se sont passés, il y a
difficilement progrès. Je crois qu'il est difficile d'enregistrer des
progrès dans la négociation avec les médecins
spécialistes.
Je fais cette suggestion en toute bonne foi dans l'espérance
qu'elle va susciter de l'intérêt au sein du ministère, chez
les officiers du ministère, chez le ministre et au cabinet des
ministres. J'espère qu'ils vont apporter leur attention à
l'étudier pour voir s'il n'y a pas là un élément de
solution. Quant aux médecins spécialistes, je regrette qu'ils ne
soient pas ici à la reprise de cette séance, mais je crois que
cette proposition leur sera aussi communiquée.
Cette proposition, ils pourraient peut-être eux aussi, d'ici
quelques heures, en discuter, voir quelles sont les possibilités. Et je
crois qu'il pourrait se tenir une séance de négociation sur une
suggestion comme celle-là.
M. BOURASSA: M. le Président, je remercie l'ancien ministre de la
Santé de sa suggestion
positive. J'allais discuter de la procédure à suivre et
demander aux membres de la commission si l'un d'eux voulait qu'on applique la
procédure. J'avais exprimé la position du gouvernement pour
l'instant, mais j'allais demander si un des membres était prêt
à discuter de la procédure pour forcer les membres de
l'exécutif à être présents. On me signale qu'ils
viennent d'arriver. Je pense donc qu'il serait normal d'entendre leur point de
vue.
M. LE PRESIDENT: Dr Léger. Position inchangée
M. LEGER: M. le Président, le conseil d'administration de la
Fédération des médecins spécialistes de la province
de Québec déclare que la position qu'il vous a communiquée
plus tôt cet après-midi, pour les raisons qu'il a alors
invoquées, demeure inchangée. Il réitère qu'une
médiation sur tous les aspects du différend demeure la seule
solution véritable.
M. BOURASSA: Je crois comprendre, M. le Président, à la
suite de la déclaration qui a été faite par le
représentant de la Fédération des médecins
spécialistes, qu'il serait inutile pour les membres de la commission de
poser des questions sur le document qu'on nous a proposé. Est-ce que
j'ai bien compris?
M. LE PRESIDENT: Dr Léger.
M. LEGER: Je m'excuse, je n'ai pas entendu, M. le premier ministre.
M. BOURASSA: Je demande au représentant de la
Fédération des médecins spécialistes si j'ai bien
compris en concluant qu'il est absolument inutile pour les membres de cette
commission de poser des questions sur le document que la
fédération nous a proposé, à la lumière de
la déclaration qu'il vient de faire.
M. DAVID: La réponse, c'est oui. Nous ne sommes pas
mandatés pour apporter quelque réponse au document soumis. Par
contre, M. le Président, nous avons pris note que le premier ministre se
déclarait en désaccord avec l'interprétation donnée
par le président de la fédération sur le contenu des
pourparlers qu'ils ont eus hier soir.
Dans ce contexte, nous recevrions avec plaisir l'interprétation
du premier ministre sur le contenu de ces pourparlers en rapport avec les
positions fondamentales et nous en ferions rapport au conseil d'administration
de la fédération.
M. BOURASSA: M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre ! Est-ce que je peux demander aux
journalistes de dégager un peu le premier ministre afin de lui permettre
de parler?
M. BOURASSA: Non, ça va. Je suis habitué.
UNE VOIX: Au contraire, il s'agit de lui permettre de s'engager!
M. BOURASSA: J'ai dit tantôt, si on peut résumer une
discussion de deux heures, que j'avais discuté de la question du
désengagement; que j'avais demandé au Dr Robillard de donner des
cas concrets qui pouvaient montrer le problème, l'injustice de la
situation actuelle pour les médecins de la Fédération des
spécialistes. Les cas concrets qui m'ont été
apportés c'est mon opinion et je respecte la sienne
pouvaient être analysés à la lumière d'une
négociation et d'une discussion raisonnable entre les deux parties.
C'est pourquoi je ne voyais pas comment le gouvernement, dans l'état
actuel de la discussion que j'ai eue avec les représentants de la
fédération, devait modifier son point de vue. C'est pourquoi j'ai
dit au Dr Robillard et aux autres représentants de la
fédération combien il pourrait être utile pour eux de venir
devant la commission parlementaire afin que nous puissions discuter de cette
question du désengagement.
Le Dr Robillard a admis que l'un des objectifs de la
fédération était qu'il n'y ait pas deux classes de soins
au Québec. C'est également l'un des objectifs de la position
actuelle du gouvernement. Alors, si nous sommes d'accord sur les objectifs,
pourquoi serait-il impossible de s'entendre sur les modalités? C'est
pourquoi nous voyons l'utilité de ce débat à la commission
parlementaire puisqu'il s'agit, en fin de compte, d'une question de
modalités.
Sur la question monétaire, j'ai dit que ce n'était
peut-être pas l'endroit préférable pour discuter de toute
la structure des tarifs mais que je n'avais pas d'objection à ce que ce
soit fait à la commission parlementaire. Alors, à mon point de
vue, c'est résumer la discussion que j'ai eue hier en présence du
Dr Robillard, de deux membres de la fédération et de mon chef de
cabinet.
Si vous avez d'autres questions sur cette discussion je suis, moi,
disposé à y répondre.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne sais pas si les
représentants de la Fédération des médecins
spécialistes ont pris connaissance du texte de la suggestion que je
viens de faire. J'ai demandé au ministre de la Santé, avec ses
conseillers, d'étudier toutes les implications de cette suggestion. Le
ministre semble avoir reçu avec bienveillance ma suggestion
d'étudier cette proposition pour voir si elle est applicable et si elle
répond aux grands objectifs du régime. Je ne lui ai pas
demandé de se prononcer immédiatement sur cette suggestion.
Je demande également s'il serait possible que le
Fédération des médecins spécialistes regarde si,
à l'intérieur de cette suggestion, il n'y aurait pas des points
qui permettraient de reprendre une discussion sur les deux principaux points
qui restent en litige au sujet de l'application du bill 8. Est-ce qu'il y a
possibilité que la Fédération des médecins
spécialistes étudie cette suggestion et essaie de voir s'il n'y
aurait pas là matière à retourner à la table des
négociations?
M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'ai pas voulu commenter la
déclaration du député de Montmagny, de l'ancien ministre
de la Santé, pour ne pas interrompre le dialogue entre le premier
ministre et les membres de la Fédération des médecins
spécialistes, mais je peux vous dire que cette suggestion, nous allons
l'étudier de façon aussi positive que possible. Nous serons
disposés à en discuter en tout moment, si la
Fédération des médecins spécialistes veut en
discuter avec nous.
Je profite également de l'occasion pour mentionner que nous avons
déjà dressé, pour la semaine prochaine, un calendrier
relativement lourd de séances de négociations pour les autres
associations. Il s'agit de la Fédération des médecins
omnipraticiens, de la Fédération des optométristes et de
l'Association des chirurgiens-dentistes. Nous ne ménagerons aucun effort
pour poursuivre avec eux les négociations de la façon la plus
efficace et la plus rapide possible.
Quant aux suggestions du député de Montmagny j'y
reviens pour que ce soit bien clair je puis vous assurer que nous allons
les étudier de la façon la plus objective possible.
J'apprécie énormément le fait qu'il ait fait ces
suggestions à la table.
M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.
M. LAURIN: La suggestion du député de Montmagny me semble
partir d'un excellent naturel et je pense qu'elle mérite d'être
étudiée à ce titre.
Mais, il semble également, après ce que nous venons
d'entendre du représentant de la Fédération des
médecins spécialistes, qu'on puisse présumer, pour ne pas
dire être certain, que la discussion de cette proposition pourrait
prendre beaucoup de temps et, peut-être aussi, on peut présumer,
pour ne pas dire être certain, que cette proposition serait probablement
refusée par la Fédération des médecins
spécialistes. En l'occurrence, il me semble qu'il faut revenir à
la suggestion que je faisais tout à l'heure, qu'il faudrait
immédiatement que l'Assemblée nationale prenne ses
responsabilités et, dans une réunion qui pourrait avoir lieu la
semaine prochaine, au plus tôt, au début de la semaine, qu'une loi
soit présentée, qui prévoit les diverses
possibilités qui pourraient résulter d'un arrêt partiel ou
total du travail de cette catégorie de médecins.
Loi spéciale
M. BOURASSA: M. le Président, je prends bonne note de la
suggestion du Dr Laurin. Le cabinet se réunira pour décider des
mesures à prendre pour assurer l'application de la loi, le 1er novembre
prochain. Nous avions dit, hier, qu'il y a deux moyens, soit la
négociation, soit une loi spéciale d'ici le 1er novembre. Le
ministre de la Santé, par ailleurs, vient de dire tantôt qu'il y
avait plusieurs projets de négociation prévus avec
différents groupes de médecins, au cours de la semaine prochaine.
C'est donc à la lumière de tous ces faits que nous prendrons la
décision pour accélérer la négociation, pour tenter
un dernier effort de négociation ou pour procéder par
législation, s'il nous apparaît impossible de respecter notre
délai du 1er novembre.
Une chose doit être claire, M. le président. J'avertis les
représentants de la Fédération des médecins
spécialistes que si ceux-ci devaient abuser des pouvoirs qu'ils ont en
raison de la nature de leur travail, si la sécurité de la
population était mise en péril par l'action du syndicat, le
gouvernement n'aurait aucune hésitation à intervenir par tous les
moyens nécessaires pour protéger la population. Je demande
l'ajournement de la commission parlementaire sine die, en mentionnant toutefois
qu'il est possible que cette commission soit convoquée d'une
façon spéciale, s'il apparaissait nécessaire et utile de
le faire, étant donné l'évolution de la situation. Je
remercie les membres de la commission de leur assiduité, de leur
contribution et de leur sens des responsabilités.
M. LE PRESIDENT: La commission est ajournée sine die.
(Fin de la séance 17 h 27)