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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le jeudi 1 octobre 1970 - Vol. 10 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 8 - Loi de l'assurance-maladie


Journal des débats

 

Commission permanente de la Santé

Bill 8 - Loi de l'assurance maladie

Séance du jeudi 1er octobre 1970

(Quatorze heures trente-cinq)

M. FORTIER (président de la commission permanente de la Santé): A l'ordre, messieurs!

Absence du Dr Robillard

M. BOURASSA: M. le Président, messieurs. Comme vous le savez, j'ai reçu un télégramme du Dr Robillard nous avisant qu'il n'était pas intéressé à témoigner devant la commission parlementaire.

Nous avons cru, avec raison, qu'il aurait été profitable à la commission parlementaire de pouvoir entendre le Dr Robillard sur certaines suggestions qui avaient été faites par lui-même et sur d'autres points qui auraient pu être discutés avec profit par cette commission. En l'invitant, de même que le président de la Fédération des omnipraticiens, le Dr Hamel, le représentant du Collège des médecins et les représentants des autres groupes, je crois que le gouvernement a démontré sa volonté de discuter et de négocier.

Il est faux de dire, comme le docteur l'a prétendu ce matin, que le gouvernement n'est pas prêt à négocier. Nous avons discuté, au cours des derniers jours, au conseil des ministres, des trois points principaux du litige: la liberté professionnelle, le désengagement et les honoraires.

M. Castonguay, le ministre de la Santé, pourra élaborer tantôt sur les clarifications ou sur les autres points que le gouvernement est prêt à discuter.

Historique de la situation

M. BOURASSA: Si on voulait résumer en quelques mots l'historique de la situation, on pourrait dire que la population attend l'assurance-maladie depuis au moins trois ans; que la loi a été adoptée depuis trois mois; qu'environ 80 p. c. des citoyens québécois ont déjà manifesté d'une façon indubitable leur intérêt à l'assu-rance-maladie puisqu'ils ont répondu aux formules envoyées par la Régie de l'assurance-maladie. — Est-ce que 80 p. c. est exact? Merci. — II était normal qu'après l'adoption de la loi le gouvernement accepte, durant une certaine période, de négocier avec les médecins, d'autant plus qu'il n'y avait pas de grève. Cette période normale de négociation a été comprise par toute la population, y compris par les groupements sociaux et par les partis d'Opposition qui ont fait preuve, à cet égard, d'un sens des responsabilités que je veux signaler aujourd'hui. Mais il n'est pas question de poursuivre indéfiniment cette période de négociation. Il n'est pas question, non plus d'écraser les médecins.

Nous sommes conscients de la contribution intellectuelle considérable des médecins au Québec qui fait que c'est l'un des secteurs où les Québécois peuvent se comparer avec tous les pays du monde, y compris les nations les plus avancées.

Mise en vigueur du plan

M. BOURASSA: Par ailleurs, il nous faut protéger la population. Un gouvernement est élu pour gouverner et nous avons l'intention de gouverner. C'est pourquoi, M. le Président, j'annonce aujourd'hui que le gouvernement, tout en étant encore disposé à négocier avec les parties intéressées, a l'intention de prendre les mesures nécessaires pour que le plan d'assurance-maladie soit mis en vigueur le premier novembre prochain.

M. LE PRESIDENT: Monsieur Castonguay.

Commission convoquée

M. CASTONGUAY: M. le Président, nous avons convoqué, tel qu'il avait été mentionné il y a quelque temps, la commission parlementaire de la Santé dans le but exprès d'utiliser tous les moyens possibles de négociation et de discussion. Si la discussion doit porter sur certains aspects de la loi, c'est ici que ceci doit se faire et non à la table des négociations.

La raison première de la convocation de la commission parlementaire de la Santé, c'est d'examiner si, dans tout ce qui a été dit au cours des trois derniers mois, il y a des points qui méritent que des amendements soient apportés à la loi.

Deuxièmement, étant donné l'arrêt des négociations, l'échec de la conciliation entreprise par le juge Montpetit, il apparaissait nécessaire, dans un dernier effort d'en arriver à une entente, de convoquer cette commission.

Si nous avons adressé des invitations uniquement au Collège des médecins, à la Fédération des médecins omnipraticiens et à la Fédération des médecins spécialistes, c'est que, par l'attitude prise par la Fédération des médecins spécialistes, la situation englobait en même temps la Fédération des médecins omnipraticiens. Le Collège des médecins ayant exprimé son désir d'être entendu, nous l'avons invité.

Quant aux optométristes et quant aux chirurgiens-dentistes, avec lesquels nous poursuivons des négociations, celles-ci n'ont pas pris une tournure qui aurait nécessité la convocation de la commission. C'est pourquoi nous ne les avons pas convoqués formellement, mais je propose qu'ils soient également entendus pour répondre au désir qu'ils ont exprimé.

Maintenant, M. le Président, avant que nous demandions aux représentants des organismes qui demandent à être entendus, ou que nous avons convoqués, j'aimerais faire un bref retour sur la nature et les buts du régime de la Loi de l'assurance-maladie, sur la négociation que nous avons poursuivie au cours des derniers mois, aussi bien avant le dépôt de la loi, qu'après l'adoption de cette loi et clarifier certains points qu'il me paraît nécessaire de clarifier.

Le régime d'assurance-maladie

M. CASTONGUAY: En premier lieu, et c'est un des points auxquels on a pu ne pas attacher assez d'importance au cours des dernières semaines, le régime d'assurance-maladie, il est bon de le rappeler, est destiné, en tout premier lieu, à assurer un droit fondamental, c'est-à-dire le droit aux services de santé. La santé est trop importante, la santé d'une personne, d'un individu représente quelque chose de trop important pour que ce droit ne soit pas reconnu dans une société comme la nôtre.

Pour que ce droit soit reconnu de façon concrète, il y a deux aspects dont on doit tenir compte. Premièrement, l'organisation des services de santé. Evidemment, il faut qu'il y ait des services mis sur pied qui fassent en sorte que tous les travailleurs de la santé, que ce soient des médecins, que ce soient d'autres professionnels puissent dispenser leurs services. C'est un aspect.

Un deuxième aspect, c'est que la population doit avoir accès à ces services de la façon la plus libre possible. Une des barrières à l'accès aux services, dans notre système, c'est l'aspect financier. Des études ont révélé de façon très évidente qu'une partie de la population n'a pas un accès suffisant aux services de santé pour diverses raisons. Cela peut être des déficiences au plan de l'organisation des services mais c'est également, et pour un grand nombre, dû à une impossibilité d'accéder à ces services pour des raisons purement d'ordre financier.

Le but de la Loi de l'assurance-maladie est d'abolir cette frontière. C'est une loi qui vise uniquement — nous l'avons dit lorsqu'elle a été présentée — à enlever la barrière financière face à l'accès aux soins. Rien, dans cette loi, ne touche à l'organisation des services. L'organisation des services est régie par d'autres lois: la Loi des hôpitaux, la Loi des unités sanitaires, etc. Rien dans cette loi ne touche au statut du médecin, ou en ce qui a trait à son activité professionnelle.

Le médecin salarié, s'il signe un contrat pour devenir fonctionnaire, s'il signe un contrat avec une compagnie, s'il passe un contrat avec un hôpital, rien n'est modifié par cette loi quant à son statut sur ce plan. Egalement, rien dans cette loi ne vise à modifier le système de contrôle de l'activité professionnelle.

Evidemment, la Régie de l'assurance-mala- die, à qui des deniers publics sont confiés, devra s'assurer que ces sommes sont utilisées pour payer des professionnels pour des services qui ont été rendus. Mais il ne faut pas confondre entre payer pour un service qui a été rendu et contrôler l'activité professionnelle. Si la loi mérite d'être clarifiée sur ces points, sur ce point particulier, il est évident que le gouvernement est disposé à la clarifier. Il est évident, également, que nous aurions pu par le truchement des ententes, lorsque nécessaire ou lorsqu'un groupement représentant des professionnels pouvait penser que le but de la loi était de modifier de quelque façon que ce soit ce contrôle, apporter des garanties additionnelles nécessaires par le truchement des ententes. De toute façon, si la loi mérite d'être clarifiée sur ce point, le gouvernement est disposé à le faire.

Les négociations

M. CASTONGUAY: Maintenant, une fois cette loi de l'assurance-maladie adoptée et même avant que la loi de l'assurance-maladie soit adoptée, quel était le mécanisme prévu pour que le régime prenne effet? Il faut rappeler ici que les médecins se sont syndiqués volontairement au cours des dernières années; qu'ils ont négocié certaines ententes avec le gouvernement au cours des dernières années. Le projet de loi qui a été préparé et qui, sur ce point, était similaire au projet de loi présenté par le gouvernement précédent reconnaissait cette réalité. Nous n'avons pas imposé aux médecins, que ce soit ce gouvernement, le gouvernement précédent ou tout autre gouvernement antérieur, l'obligation de se syndiquer. S'ils l'ont fait, c'est une réalité dont nous avons voulu tenir compte et c'est une réalité, je le signale, qui fait que la situation au Québec est différente de celle des autres provinces.

Cette réalité existant, nous avons donc voulu non pas seulement en tenir compte, mais négocier et épuiser tous les moyens possibles de négociation. Nous avons voulu également tenir compte du fait qu'il s'agissait d'une entente d'une nature particulière. Il ne s'agissait pas du renouvellement d'une convention collective. Il ne s'agissait pas d'un simple contrat de travail. Il s'agit d'une mesure qui touche évidemment une classe, nous l'avons dit, une catégorie de professionnels qui rendent des services hautement spécialisés.

Il s'agit également d'une mesure qui touche l'ensemble des citoyens du Québec; c'est pourquoi nous avons voulu épuiser tous les moyens de négociation.

Voyons maintenant, M. le Président, comment ces négociations se sont déroulées. Pour ce faire, j'ai fait préparer, à l'intention de chacun des membres de la commission, un dossier qui comprend toutes les pièces relatives à la négociation avec les médecins spécialistes et certains documents additionnels. Si c'est le désir du président de la Fédération des méde-

cins omnipraticiens que les documents relatifs à la négociation que nous avons poursuivie avec eux soient rendus publics, nous le ferons avec plaisir. Nous avons voulu respecter, jusqu'ici, l'entente que nous avions prise avec eux de ne pas rendre publics les documents que nous discutions, de telle sorte que la discussion ou la négociation puisse se faire de façon aussi libre que possible et qu'elle ne soit pas transposée sur la place publique inutilement.

Il est évident que ceci ne pouvait être interprété comme un désir de notre part de ne pas faire rapport à la population quant au déroulement des négociations. Mais je ne crois pas que rendre publics tous les points détaillés portant sur une négociation doit être confondu avec la nécessité d'informer la population.

Désir des spécialistes de faire modifier la loi

M. CASTONGUAY: Avec la Fédération des médecins spécialistes, dès le départ, je crois que nous pouvons affirmer aujourd'hui que la négociation n'a jamais réellement été, en ce qui les concernait, un moyen d'en arriver à une entente, mais plutôt un moyen de faire modifier la loi, non pas seulement modifier la loi en ce qui a trait à certaines modalités, mais modifier la loi quant à ses objectifs.

La Fédération des médecins spécialistes a demandé qu'une entente globale soit signée, ou qu'avant que les clauses soient paraphées, nous nous soyons entendus sur une proposition globale. C'était ainsi une façon de ne procéder sur aucun point tant et aussi longtemps que la loi n'aurait pas été modifiée selon leur désir.

En parallèle, la Fédération des médecins spécialistes a mené une campagne d'information auprès de ses membres, et auprès d'une partie de la population. Si l'on examine d'assez près cette campagne, elle était beaucoup plus destinée à faire modifier la loi qu'à renseigner ses membres et la population sur l'objet même de la négociation. Vous pourrez en juger vous-même par les textes qui vous sont remis, et je crois que chacun est en mesure, sur ce point, de porter son propre jugement. Celui que je viens de vous donner est le mien, à titre de ministre de la Santé.

Conciliation

M. CASTONGUAY: II y a quelque trois semaines, ou même déjà un mois maintenant, la Fédération des médecins spécialistes a lancé un ultimatum, au lendemain ou à la veille de son symposium. Elle a sommé le gouvernement d'en arriver à une entente dans les quinze jours qui suivraient; autrement, elle passait à la contestation et, dans les moyens de contestation prévus, le président de la fédération a même fait allusion à la grève.

C'est alors que le gouvernement a proposé de demander au juge André Montpetit, de la cour

Supérieure, d'agir à titre de conciliateur. Le juge Montpetit — je dois le souligner — n'a ménagé aucun effort pour mener à bien le mandat qui lui a été confié, mais, à l'exception d'une séance que j'ai eue avec lui et avec le président de la Fédération des médecins spécialistes, et à l'exception d'une séance que nous avons eue, le premier ministre et moi, avec le représentant de la Fédération des médecins spécialistes — ces deux séances en présence du juge Montpetit — jamais la conciliation n'a vraiment pris le départ.

On en est toujours resté à une question d'interprétation de la portée du mandat du conciliateur. Le temps ayant passé, cette situation ne débloquant pas, et à la suite des rencontres que nous avons eues avec le président de la Fédération des médecins spécialistes, nous en sommes arrivés à la conclusion — et c'est d'ailleurs une conclusion qui a été confirmée peu de temps après par une déclaration du Dr Robillard — que la négociation ne pouvait être poursuivie.

C'est pourquoi, encore une fois, la commission a été convoquée.

Les autres associations

M. CASTONGUAY: En ce qui a trait à la Fédération des médecins omnipraticiens, il n'a pas été nécessaire de recourir à la conciliation, parce que, tout au long des négociations, des progrès ont été accomplis. Au cours des dernières semaines, les progrès ont été beaucoup moins rapides et sensibles. Sur ce point, le Dr Hamel pourra, s'il le désire évidemment, expliquer pourquoi les progrès ont été moins rapides.

En ce qui a trait aux autres associations, comme je l'ai mentionné tantôt, c'est une situation où les négociations se sont poursuivies de façon raisonnable, c'est-à-dire qu'il y a eu du progrès qui pouvait être constaté, de séance en séance. Encore une fois, les représentants de ces associations pourront exprimer leur opinion quant à la possibilité que nous en arrivions à une entente.

Quant à moi, je demeure confiant que nous en arrivions à une entente avec ces trois associations.

Contrôle de l'acte médical

M. CASTONGUAY: II nous faut donc retourner aux points en litige avec la Fédération des médecins spécialistes. J'ai mentionné plus tôt qu'un des points en litige était celui du contrôle de l'acte médical. Sur ce point, il m'apparaît nécessaire de rappeler un communiqué qu'émettait le Collège des médecins-chirurgiens le 7 juillet, c'est-à-dire au moment où l'étude de la Loi de l'assurance-maladie était en voie d'être terminée. Je crois qu'il est important ici d'en citer le texte.

Le communiqué dit ce qui suit: "Le nouveau projet de loi de l'assurance-maladie déposé à l'Assemblée nationale par M. Claude Caston-guay, ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social, est aux yeux du collège nettement supérieur à l'ancien bill 8. Nous reconnaissons que le gouvernement a fait un effort considérable pour présenter un projet de loi acceptable à la population et aux professionnels de la santé qui devront dispenser les soins. Ce projet de loi conserve au gouvernement le pouvoir de légiférer sur les services devant être assurés, confère à la Régie de l'assurance-maladie le rôle strictement administratif qui lui revient et laisse aux corporations professionnelles leur rôle fondamental consistant dans le contrôle de l'activité professionnelle de leurs membres."

Le communiqué poursuit en disant: "Nous croyons, cependant, que le lien prévu entre le collège et la régie pour l'application de cette loi devrait être amélioré." Sur ceci, j'ai déjà fait quelques commentaires. J'ai dit que nous étions disposés, par le truchement des ententes, à améliorer ces mécanismes et, au besoin, nous sommes disposés à le faire par des amendements à la loi.

De toute façon, ce communiqué est clair. Il reconnaît que le but de la Loi de l'assurance-maladie n'a jamais été de modifier le système de contrôle de l'acte médical au Québec.

Voyons maintenant ce qui a été affirmé sur ces points par la Fédération des médecins spécialistes. Il m'apparaît important de le mentionner, étant donné, M. le Président, que des craintes se sont manifestées dans la population. Non seulement on a fait allusion à une modification du contrôle de l'acte médical, mais on a mentionné que, par la Loi de l'assurance-maladie, le gouvernement en viendrait à contrôler, par exemple, le nombre de visites pour une maladie. Trois visites pour une grippe, a-t-on dit. On a dit — et j'ai des documents à l'appui — par exemple, que les visites à domicile ne seraient pas continuées. Alors, c'est par ce moyen que l'on a voulu faire croire que le gouvernement voulait s'approprier le contrôle de l'acte médical ou encore contrôler la pratique médicale par le truchement de la Loi de l'assurance-maladie.

Si je mentionne ce point, c'est que, tout à l'heure, j'ai affirmé que la campagne de la Fédération des médecins spécialistes visait beaucoup plus à faire ouvrir la loi, à remettre ses objectifs en cause, qu'à faire avancer la négociation.

En ce qui a trait à l'attitude de la Fédération des médecins omnipraticiens sur le contrôle de l'acte médical, nous n'avons pas eu de difficultés. J'aimerais laisser la parole, sur ce point, au Dr Gérard Hamel, qui pourra donner des explications et répondre aux questions, s'il le désire.

En ce qui a trait à la position du gouverne- ment, elle est claire, nous l'avons dit. Nous sommes prêts, soit par la voie des ententes, soit par la voie d'amendements à la loi à apporter toute clarification qui pourrait s'avérer nécessaire.

Désengagement et offres monétaires

M. CASTONGUAY: Quant au désengagement et aux offres monétaires, ce sont les deux autres points en litige. Ce sont deux aspects qui sont intimement reliés et il n'est pas possible, à mon avis, de dissocier l'un de l'autre. Ce sont les deux autres points en litige qu'il me paraît nécessaire de discuter ici. La raison pour laquelle ils sont intimement reliés est que, si l'on respecte le principe que ce régime doit être négocié et que l'entente à laquelle une fédération et le gouvernement peuvent en arriver, ou peuvent signer, détermine la rémunération et évidemment les offres monétaires deviennent un des objets importants de la négociation. Si, d'autre part, un médecin peut se désengager d'une entente, ou encore se désengager et aller réclamer à son patient des suppléments d'honoraires, évidemment les offres monétaires deviennent raisonnablement moins importantes, étant donné que si elles sont considérées par un médecin, ou par un groupe de médecins, ou par l'ensemble des médecins, comme n'étant pas adéquates, on peut aller chercher — dans la mesure ou c'est possible — auprès des patients, les suppléments, ou compléments d'honoraires qui, à ce moment-là, pourraient paraître suffisants aux médecins pour obtenir la rémunération qui leur paraît adéquate. Cela n'est pas respecter le principe d'une entente négociée, à mon avis, cela ne respecte pas non plus l'objectif premier du régime que j'ai mentionné au début, c'est-à-dire de permettre le libre accès aux soins en ce qui a trait à tout aspect financier.

Egalement cette question de désengagement n'a, à notre avis, absolument rien à faire avec la qualité des soins. On a dit qu'avec le régime qui a été adopté par l'Assemblée nationale, la qualité des soins serait susceptible d'être diminuée.

Premièrement, rappelons que, quant au contrôle de l'acte médical, cette loi ne modifie absolument rien. Deuxièmement, si la demande de soins augmente, c'est donc signe que présentement une partie de la population n'a pas les soins auxquels elle a droit. Si la demande de soins augmente, pour y répondre, il ne s'agit pas de demander à une partie de la population plus fortunée de payer, mais il s'agit d'organiser différemment nos services de santé, de telle sorte que les citoyens aient accès aux soins.

Rien n'a jamais été écrit, rien n'a jamais été dit qui peut confirmer de quelque façon que ce soit que le paiement d'honoraires par un patient à son médecin ajoute à la qualité des soins qu'il reçoit.

Alors, cette question d'argent concerne strictement l'accès aux soins. Elle n'a absolument rien à faire avec ce qui a trait à la qualité des soins dans le contexte de la loi telle qu'elle est rédigée. Ceci est la position gouvernementale et résume l'objet de la loi sur ce plan.

Supplément d'honoraires

M. CASTONGUAY: Voyons maintenant comment la Fédération des médecins spécialités répond sur ce point. Elle demande depuis le début un supplément d'honoraires que le médecin désengagé pourrait obtenir. Ce supplément d'honoraires, je le répète, est contre l'objectif du régime; il est contre la philosophie de la négociation également. Ce supplément d'honoraires permettrait, en définitive - cela a été, je crois, mentionné, et je l'ai dit plus tôt — d'obtenir un niveau de rémunération plus élevé que celui que les Québécois, par la voie de leur gouvernement, sont en mesure de payer. Au Québec, nous n'avons pas le niveau de vie économique de l'Ontario et nous ne sommes pas en mesure de payer des tarifs aussi élevés qu'en Ontario. C'est une réalité que tous les citoyens du Québec sont obligés de reconnaître et aucun groupe ne peut se dissocier.

Le Conseil économique du Canada, dans un rapport qu'il a rendu public il y a deux semaines et qui n'a absolument pas été sollicité par quelque gouvernement que ce soit, affirmait, d'ailleurs, que le coût des soins, qu'il soit payé par le truchement des fonds publics ou des fonds privés, augmente trop rapidement et qu'il est nécessaire de contrôler l'augmentation de ces coûts. Il ne faut pas confondre ce contrôle, qui est nécessaire, de l'augmentation trop rapide des coûts des soins et une rémunération des soins qui ne serait pas juste pour un groupe de la société, en l'occurrence les médecins.

En ce qui a trait à la Fédération des médecins omnipraticiens, qui groupe des médecins qui le sont au même titre que les spécialistes, n'a jamais demandé de supplément ou de complément d'honoraires. Ses demandes sont peut-être élevées au plan des tarifs, nous aurons l'occasion d'y revenir, mais c'est une question négociable. Nous avons l'intention, tant et aussi longtemps que cela ne mettra pas l'entrée en vigueur du régime en cause, de poursuivre la négociation avec elle sur ce plan.

Le premier ministre a annoncé, il y a quelques instants, que c'était l'intention du gouvernement de mettre le régime d'assurance-maladie en vigueur le 1er novembre. Ceci nous laisse donc une certaine marge pour poursuivre la négociation avec cette fédération. Mais ce qu'il importe de retenir, c'est qu'elle n'a jamais mis en cause le principe ou la nécessité, c'est-à-dire qu'elle n'a jamais exigé qu'il y ait de complément ou de supplément d'honoraires.

Le troisième point c'est celui des offres du gouvernement au plan monétaire. Il ne s'agit pas ici, autour de cette table et au sein de cette commission, de discuter ou de négocier. Ce n'est pas le rôle de la commission parlementaire de la Santé de négocier sur le plan monétaire avec les fédérations. Mais, j'aimerais rappeler ici que nous avons, en ce qui a trait à nos offres monétaires — et vous pouvez trouver les documents dans le dossier — offert 72 p.c. du tarif payé en Ontario, plus les 10 p.c. que, dans cette province, les médecins peuvent obtenir de leurs patients. Si nous enlevons ces 10 p.c, notre pourcentage atteint 84 p.c. de ce qui est payé par le gouvernement aux médecins de l'Ontario.

On ne doit pas oublier ici qu'il n'y aura pas de mauvaises créances pour les médecins, qu'il n'y aura pas de frais de perception, alors qu'en Ontario, pour aller obtenir ces 10 p.c. additionnels, les médecins doivent percevoir des comptes. Cette proposition nous paraît raisonnable. Elle est négociable et elle se situe à un niveau qui n'est pas si différent par rapport à celui de l'Ontario.

Mentionnons également que cette proposition a été faite à partir d'une entente qui a été signée par le gouvernement précédent. Nous croyons que c'était une base de départ qui était logique, mais nous n'avons jamais refusé de discuter la structure des tarifs. Evidemment, si, dans l'application du régime d'assistance médicale qui a servi de base à la formulation de cette proposition, on a constaté que certains groupes de médecins, en particulier les pédiatres, les médecins internistes, ont reçu une rémunération qui parait insuffisante par rapport à celle de certaines autres spécialités, ce sont des points qui sont négociables. Malheureusement, il n'a pas été possible, à la table de négociations, d'aborder ces points.

Enfin, M. le Président, il me reste deux questions à couvrir. On a mentionné à plusieurs reprises que la Loi de l'assurance-maladie du Québec est différente de celle des autres provinces.

Loi différente

M. CASTONGUAY: Premièrement, j'ai mentionné plus tôt qu'elle est différente de celles des autres provinces parce qu'elle prévoit des ententes avec les syndicats. Vous ne retrouvez pas de syndicats dans les autres provinces en ce qui a trait aux professions médicales. C'est une première différence.

Deuxièmement, j'ai mentionné une autre différence: la situation financière, l'état de l'économie au Québec est différent de celui des autres provinces et nous devons en tenir compte. Egalement, l'assurance-maladie est de juridiction provinciale, et si c'est de juridiction provinciale, chaque gouvernement, dans la limite de sa juridiction, doit prendre ses responsabilités et légiférer de la façon qui lui apparaît la plus adéquate en ce qui a trait aux besoins de ses citoyens. Je ne vois pas pourquoi, dans le

domaine de l'assurance-maladie, on contesterait ce droit au gouvernement de légiférer de la façon qui lui apparaît la plus adéquate alors que dans les autres domaines cette question d'uniformité de législation à travers les provinces est réalisée lorsqu'elle apparaît nécessaire ou utile. Mais, lorsqu'elle n'apparaît pas utile ou désirable, on ne conteste jamais le droit d'un gouvernement provincial, de quelque province que ce soit, de légiférer de la façon qui lui apparaît la plus appropriée. Or, c'est ce que nous avons fait avec cette loi.

Enfin, j'aimerais demander une minute avant de terminer pour rappeler à la population — ici, je demanderais la collaboration des représentants de la presse écrite ou parlée — que dans ce régime rien ne vise à faire de la profession médicale une profession conscrite, comme on l'a dit. Rien ne vise à faire de la profession médicale ou de l'organisation des services de santé une médecine d'Etat, comme on l'a dit. Rien ne vise à empêcher un médecin de rendre visite à ses patients à domicile, s'il le désire, d'aller visiter à l'hôpital ou encore de déterminer le nombre de visites qu'il lui apparaît nécessaire de faire dans un cas. On est même allé — et j'ai encore des documents — soit par la voie d'ëditoriaux ou autrement, à déformer tellement les faits que l'on présente l'accès aux soins médicaux sans barrière financière comme étant une privation de la liberté des individus.

M. le Président, sur ce point j'aimerais qu'on nous prouve ici, à cette commission parlementaire de la Santé, comment, en enlevant la barrière financière aux soins médicaux, on prive en quoi que ce soit les individus de leur liberté. Un droit qui n'est plus conditionné par l'argent ou par la capacité financière m'apparaît un droit bien supérieur à celui de pouvoir, dans certains cas, insister pour voir le médecin X parce qu'il exige des montants supérieurs à ceux de ses confrères.

Je souligne en dernier lieu que, tout au long des négociations, même si dans les dernières minutes j'ai pu prendre un ton qui peut vous paraître un peu moins serein que celui que j'ai l'habitude de prendre, mais le refus de la Fédération des médecins spécialistes de se présenter devant cette commission alors qu'elle y a été invitée explicitement est, pour moi, une autre indication de leur refus de négocier dans le cadre de la loi, comme je l'ai mentionné, et ceci depuis le début des négociations. A mon avis, c'est extrêmement malheureux. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

Heureuse décision

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, avant que nous commencions à entendre nos invités à cette commission, je voudrais d'abord faire quelques remarques et dire que je me réjouis de la décision qu'a annoncée le premier ministre, il y a un instant, suivant laquelle le régime d'assurance-maladie entrerait en vigueur le 1er novembre prochain. On pourrait parler quelque temps là-dessus, mais je crois qu'il n'est pas nécessaire de le faire. Tout le monde désire que le régime d'assurance-maladie entre en vigueur le plus tôt possible pour des raisons fondamentales: c'est d'abord, la population qui désire le régime, à preuve les inscriptions qui ont été mentionnées, le débat qui est sur la place publique depuis plusieurs années, les études abondantes qui ont été faites sur le sujet, et plus récemment, évidemment, l'importance qu'ont consacrée au domaine de l'assurance-maladie tous les média d'information dans le Québec. Aussi, évidemment, par rapport aux sommes d'argent impliquées, somme d'argent dont le Québec a absolument besoin. Alors, je me réjouis de cette décision.

Je ne voudrais pas entrer tout de suite dans le fond du problème et apporter des commentaires sur l'exposé complet qu'a fait, il y a un instant, le ministre de la Santé, et sur les événements qui se sont déroulés depuis l'adoption de la loi par l'Assemblée nationale. Devant cette commission parlementaire, ont été invités aujourd'hui les principaux intéressés. Quatre groupes ou quatre associations ont jugé bon de répondre à cette invitation. Par contre, une autre, et sans porter de jugement de valeur sur l'importance de l'association, je dirais que dans le débat actuel, la plus importante association, le plus important groupement n'a pas cru devoir se rendre à l'invitation du gouvernement et de la commission parlementaire de la Santé.

Evidemment, je vous dirai, M. le Président, que c'était à prévoir pour un observateur qui, depuis quelques semaines, suit la situation de près et a enregistré, de part et d'autre, un certain durcissement qui était inévitable quand on arrive près de la solution d'un problème aussi difficile que celui de l'assurance-maladie.

Geste déplorable

M. CLOUTIER (Montmagny): Mais tout de même, je crois qu'il n'y a pas de précédent dans l'histoire des commissions parlementaires, sauf erreur — on me corrigera si je me trompe — qu'un groupement ait refusé une invitation de se faire entendre d'une commission parlementaire. Je crois — je ne voudrais pas être injuste pour qui que ce soit — que le geste que pose la Fédération des médecins spécialistes en ne venant pas devant cette commission parlementaire alors qu'elle est l'une des parties les plus importantes dans le conflit actuel, nous ne pouvons pas l'approuver. Nous le déplorons vivement.

Le gouvernement nous présente un dossier de l'assurance-maladie. Le ministre de la Santé nous a fait parvenir, hier, un dossier complet en ce qui touche les négociations, entre d'une part,

le gouvernement et, d'autre part, la Fédération des médecins spécialistes. Nous le remercions d'avoir mis à notre disposition ces renseignements qui nous sont extrêmement utiles.

D'autre part, comme je l'ai signalé tantôt, depuis l'adoption de la loi, la presse, en général, a fait un effort, qu'on se doit de signaler, pour vulgariser l'information et la rendre compréhensible au grand public. Mais, d'autre part, nous, ici, de l'Opposition officielle — et je crois aussi pouvoir le dire au nom des deux autres groupes à cette table — sommes un peu les arbitres du conflit actuel. Nous avons à porter un jugement sur une situation difficile. Nous avons à porter un jugement sur des propositions et des contre-propositions qui ont été faites à la table des négociations. Nous avons aussi un autre rôle important à jouer — nous avons l'intention de le jouer dans toute la mesure du possible — celui d'apporter des suggestions constructives, toujours dans le but de faciliter la mise en place du régime dont nous avons besoin dans le Québec.

Nous serons appelés — le premier ministre ne l'a pas précisé — d'après les déclarations antérieures à adopter, probablement, une législation spéciale pour mettre en vigueur le régime d'assurance-maladie. Nous aurons besoin, à ce moment-là, de tous les éléments au dossier pour pouvoir porter un jugement de valeur sur cette législation qui nous sera proposée, à savoir si elle contient des éléments trop coercitifs. Est-ce qu'elle n'a pas laissé davantage place à une reprise des négociations? Enfin, ce sont toutes des choses que l'Opposition a besoin de savoir.

Nouvelle invitation aux spécialistes

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais maintenant faire une proposition. Etant donné qu'en vertu de l'article 709 de nos règlements, toute commission parlementaire a le droit d'exiger, devant cette commission, la présence de témoins avec des dossiers et des pièces justificatives, je crois que la Fédération des médecins spécialistes, si nous lui faisions maintenant une invitation dans un bon esprit... Il n'est pas question, ici, de la part des groupements, de la part des parlementaires autour de cette table et de la part de ceux qui assistent à ces réunions, de faire une charge contre quelque groupement que ce soit. Nous voulons poser des questions à la Fédération des médecins spécialistes. Nous voulons voir si véritablement tous les arguments qui ont été avancés par la fédération, dans le cadre de ses négociations avec le gouvernement, ont été suffisamment explorés.

M. le Président, je suggère que cette commission prie instamment la Fédération des médecins spécialistes de revenir sur sa position, étant donné que nous sommes, ici, disponibles. Je ne veux pas mettre en doute la qualité des autres interlocuteurs qui sont ici. Ils ont raison d'être ici et je crois que l'échange que nous, les parlementaires, aurons avec eux, sera fructueux et bénéfique.

Mais, je crois que la Fédération des médecins spécialistes pourra donner un meilleur exemple à la province, celui d'un groupe qui désire dialoguer avec le gouvernement et avec les parlementaires, même si les positions, actuellement, sur les points mentionnés par le ministre de la Santé, sont encore très éloignées, pour ne pas dire plus.

Concernant cet échange à la commission parlementaire — et ce n'est pas un précédent, cela se fait actuellement dans le domaine de la construction, cela s'est fait pour les enseignants — je crois que les médecins spécialistes pourraient revenir sur leur décision et, demain matin ou ce soir, se rendre à notre invitation et venir, devant la commission parlementaire, poser un geste élégant et répondre aux questions auxquelles nous voulons avoir des réponses.

C'est ce que je voulais dire, M. le Président, pour le moment.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le ministre de la Santé est d'accord pour qu'on fasse une autre invitation?

M. CASTONGUAY: L'invitation a été faite par le premier ministre, lorsqu'il a annoncé la convocation de la commission parlementaire de la Santé. Malgré le refus du Dr Robillard de se rendre à cette invitation, je crois que nous aurions bien mauvais gré de ne pas la réitérer. Il ne s'agit pas ici de chercher, sur le plan personnel, quoi que ce soit; il s'agit, comme l'a mentionné le député de Montmagny, d'avoir tous les faits et nous sommes prêts à discuter tous les faits dans cette question.

M. LE PRESIDENT: M. le premier ministre.

M. BOURASSA: M. le Président, je suis d'accord avec l'ancien ministre de la Santé; c'est un geste sans précédent qu'une organisation refuse d'accepter de discuter avec les représentants de la population. Si les autres partis sont d'accord, j'ai l'intention d'insister auprès du président de la Fédération des médecins spécialistes pour qu'il reconsidère sa décision de ne pas se présenter devant la commission parlementaire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le député me permet juste un mot, nous pourrions le forcer à venir, en vertu de l'article 709 qui dit ceci: "Tout comité autorisé à envoyer quérir des personnes, des pièces et des dossiers, peut assigner des témoins au moyen d'ordres signés par le président de ce comité et les requérir d'y apporter des livres, des pièces et des dossiers." Je ne crois pas que nous devrions recourir à cet article qui est à notre disposition, mais j'exprime un voeu : Nous prions instamment la Fédéra-

tion des médecins spécialistes de venir devant la commission parlementaire.

M. BOURASSA: Mais ce n'est pas mauvais que l'article lui-même soit connu comme tel.

M. LAPORTE: M. le Président, il faut d'abord savoir ce qui a été fait jusqu'ici. Il y a l'invitation, que j'appellerais personnelle, du premier ministre, celui-ci ayant contribué avec le président de la commission à la procédure d'invitation pour la séance actuelle. Les membres de la commission ont reçu un télégramme les avisant de la réunion et du but de celle-ci. Ont également reçu ce télégramme, le Dr Raymond Robillard, le Dr Gérard Hamel et le Dr Gustave Gingras. Je constate que le Dr Hamel et le Dr Gingras ont reçu le télégramme, puisqu'ils sont présents, ce dont on doit les remercier. Mais nous avons jusqu'ici, disons, été au-delà de ce qui se fait normalement, en adressant personnellement, au Dr Robillard, un avis de convocation. Est-ce que l'on doit maintenant, tenant compte des règlements de cette commission, avoir recours au subpoena? J'ai l'impression que cela n'avancerait pas la discussion. Que cette commission, et le premier ministre vient de la renouveler, fasse maintenant une invitation pressante de mettre fin à ce boycottage de la commission. Je crois que c'est, pour l'instant, le maximum de ce qui peut être fait, et le député devrait être remercié de sa suggestion.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Les membres de la commission sont-ils d'accord pour que nous entendions nos invités de l'autre côté de la barre? Il y a ici le président du...

M. Bois.

M. BOIS: M. le Président, je vous remercie de nous avoir convoqués à cette séance de la commission. Cependant, il y a tout juste une chose que je regrette à ce moment-ci, c'est que nous recevions l'information détaillée peut-être un peu tard, pour pouvoir en faire une étude ou une revue très complète, quoique je comprenne très bien que l'honorable ministre de la Santé et ses conseillers se sont très bien acquittés de cette tâche.

Il y a une chose que nous n'aimerions pas, au sein de la population, c'est qu'il y ait grève ou abstention. De notre côté, nous n'apprécions pas quelque grève que ce soit, que ce soit fait sous forme de grève perlée, que ce soit fait sous forme d'absence ou de comités d'étude dans des classes. Nous tenons à manifester notre opinion à ce sujet, et il n'y a qu'un point sur lequel nous aimerions que la commission revienne, c'est la question du désengagement. Ici, je réitère notre opinion à savoir que nous ne voulons pas du tout quel soit interprétée comme la protection des honoraires des professionnels. Je voudrais que ça soit bien retenu.

Et en dernier lieu, nous partageons l'avis de l'honorable député de Montmagny à l'effet que l'on reconsidère la possibilité d'inviter le représentant des médecins spécialistes.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN: Je suis très heureux de donner moi aussi mon appui à cette proposition du député de Montmagny. Je crois qu'il s'imposerait, de toute façon, que nous ayons d'une façon élaborée, détaillée, un plaidoyer en faveur de ce livre gris qu'on vient de nous remettre et de toutes les autres propositions auxquelles les conférences de presse ou les journaux ont fait écho.

Je voulais dire aussi que nous sommes extrêmement heureux de la nouvelle que vient de nous annoncer le premier ministre que, de toute façon, le projet d'assurance-maladie sera en vigueur le premier novembre. C'est une chose que nous avons souhaitée depuis longtemps, et nous sommes heureux, malgré les circonstances dramatiques où cela se passe, que la population soit maintenant sûre de pouvoir profiter dans un délai minimum d'un mois des avantages extraordinaires qu'un régime d'assurance-maladie apportera sûrement à la population.

Il est, bien sûr, également malheureux que nous soyons cependant si peu avancés dans la négociation de l'entente entre le gouvernement et les divers corps professionnels intétessés, étant donné que cette négociation, semble-t-il, se poursuit maintenant depuis deux mois et demi. Il serait sûrement intéressant et peut-être même important de se demander pourquoi la situation s'est à ce point détériorée. Nous sommes bien obligés de constater qu'il existe une méfiance considérable entre les deux principaux corps intéressés, c'est-à-dire le gouvernement et un des plus importants corps professionnels, et peut-être même certains autres qui sont indirectement impliqués dans le débat.

Cette méfiance, peut-être serait-il important, à un moment ou à l'autre, d'en analyser les causes, afin peut-être d'en faire disparaître les effets.

Peut-être les deux parties en cause ont-elles raison de se plaindre l'une de l'autre, de se plaindre du climat réciproque qu'ont fait régner des affirmations, ou des prises de position, peut-être un peu trop extrémistes de part et d'autre. Mais je crois que la raison profonde est peut-être le changement radical que va apporter, dans le domaine de la santé, cette première pierre dans le champ de la révolution médicale que constitue l'assurance-maladie.

Perte de privilèges

M. LAURIN: Parce que je suis moi-même médecin, je me rends bien compte que cette

nouvelle façon d'envisager les soins médicaux au Québec, comporte, pour la profession médicale, la nécessité d'un ajustement majeur, radical. Elle constitue certainement une perte de privilèges pour la profession médicale, privilèges quant à une indépendance professionnelle que les médecins ont toujours exercée, avec des qualités qu'il aurait, peut-être, été opportun de souligner davantage tout au long de ce débat et de ces négociations, mais quand même, une indépendance à laquelle ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux, comme certains tiennent encore comme à la prunelle de leurs yeux et qu'il est toujours difficile, pénible de laisser aller.

Perte de privilèges, aussi, en ce qui concerne le statut prioritaire du médecin au sein de l'équipe médicale, au sein de l'équipe de santé, plutôt, faut-il dire maintenant. Et cette perte est sûrement ressentie explicitement, ou implicitement, avec un certain sentiment de défaitisme ou de pessimisme qui est propre, peut-être, à engandrer des frustations et ensuite des revendications. Et enfin, perte de privilèges, aussi, en ce qui concerne les revenus, puisque la médecine libérale, surtout pour certains membres de la profession, montre une échelle de revenus, dont on a parlé dans certains journaux, qui varie, bien sûr, selon les professionnels concernés, mais, qui, justement, à cause de ce fait, touche particulièrement certaines catégories de médecins.

Régime nécessaire

M. LAURIN: II reste malgré tout que cette révolution, que ce changement s'impose. Il s'impose pour toutes sortes de raisons; d'abord, à cause de l'augmentation considérable des coûts de l'hospitalisation, de l'augmentation considérable des coûts de la dispensation des soins médicaux et à cette cause précisément du progrès de la science; il s'impose également à cause de la situation particulière du Québec, qui doit surveiller d'une façon beaucoup plus rigoureuse qu'auparavant les investissements de l'Etat dans le domaine des soins médicaux, quand nous savons que nous avons tellement de priorités auxquelles nous avons à faire face. Ce changement s'impose également à cause des besoins de la population qui est de plus en plus sensible à ses droits, et un de ses droits essentiels est précisément la santé.

Et une fois qu'une population a pris conscience de ses droits, qu'elle voit que ces droits sont respectés dans d'autres provinces, dans d'autres pays nords-américains, elle n'y renonce pas facilement. Ceci va avec la progression de l'éducation, la révolution culturelle, avec la conscience politique accrue de la population et je suis bien sûr que c'est une loi irréversible et qu'on ne pourra pas y revenir.

Par ailleurs, je suis d'accord avec beaucoup des affirmations du ministre de la Santé, que la loi que nous avons adoptée au mois de juillet, sans être parfaite, comportait des caractéristiques qui véritablement peuvent être qualifiées d'un immense progrès pour le Québec. Je ne crois pas, moi non plus, que la loi signifie nécessairement une conscription de la profession médicale. Je ne crois pas que ce contrôle que l'Etat doit nécessairement exercer lorsqu'il s'agit de sommes tellement considérables et d'un domaine aussi important, soit nécessairement incompatible avec un maintien élevé de la qualité des soins.

Quant à la rémunération, il faut tenir compte, comme le ministre l'a dit, de la capacité de payer du Québécois, surtout quand nous nous rendons compte que c'est au Québec où les taxes sont les plus élevées de toutes les provinces du Canada, que c'est là où la dette par tête est la plus élevée, que nous avons énormément de difficultés à trouver les fonds pour la relance économique du Québec. En raison de ces facteurs, je crois qu'il est important, en effet, que le ministre, que le gouvernement se montrent prudents dans la discussion des honoraires, tout en prenant garde cependant de ne pas abaisser à ce point la rémunération, que ceci constitue, pour les membres de la profession médicale, une invite à une mobilité excessive de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire à une fuite relative, ou massive, vers d'autres provinces, d'autres pays, où ils pourraient trouver une rémunération beaucoup plus considérable.

Je crois quand même que ces difficultés qui sont les nôtres, peuvent être réglées par une véritable discussion, une véritable conciliation qui n'a pas pu avoir lieu encore à cause de cette méfiance dont je parlais tout à l'heure, à cause peut-être de ce changement profond qui est impliqué dans la mentalité des professionnels de la santé et qu'il faudra bien faire un jour. Mais je ne crois quand même pas que cela soit impossible. Dans cette optique, je crois qu'il est très important pour nous d'entendre les représentants des divers corps intéressés et peut-être pourrions-nous à la lumière de ce qu'ils nous diront, aider le ministre, aider le gouvernement par nos suggestions, nos propositions à sortir de cette impasse actuelle pour le plus grand bien-être et le plus grand progrès des Québécois.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le président du Collège des médecins et chirurgiens veut prendre la parole maintenant? Dr Gingras.

Le Collège des médecins

M. GINGRAS: M. le Président, M. le premier ministre, permettez-moi d'abord de vous remercier de m'avoir donné l'occasion de présenter quelques doléances et encore quelques avis émanants du Collège des médecins. Qu'il me soit aussi permis de vous aviser que depuis quatre ans le Collège a procédé à une réorganisation complète de ses structures, de son

administration et de ses cadres. Il est devenu, je crois, un collège dynamique qui est prêt — et plus que jamais — à prendre ses responsabilités.

Le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec a été et est en faveur d'un régime d'assurance-maladie et désire sa mise en application le plus rapidement possible. Lors de la présentation de la loi, le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec, par la présentation d'un mémoire au ministre de la Santé, a fait connaître ses vues et fait valoir particulièrement les quatre points suivants.

D'abord, dans le cadre d'un régime d'assurance-maladie, il appartient aux syndicats professionnels de négocier le tarif d'honoraires professionnels. Deuxièmement, le contrôle de l'activité professionnelle devrait relever de la corporation professionnelle. Troisièmement, la protection de la liberté fondamentale du médecin et la protection de la liberté fondamentale du malade devraient être assurées dans la Loi de l'assurance-maladie. Enfin, que le régime d'assurance-maladie respecte les principes de la déontologie médicale.

Or, le bill 8 tel qu'il a été présenté en première lecture n'assurait pas au Collège le contrôle de la pratique médicale et l'établissement de normes de pratique professionnelle. Lors de la discussion du bill devant la commission parlementaire de la Santé, le collège a fait parvenir au ministre de la Santé un second mémoire en faisant des recommandations très précises sur quatre articles du bill 8 et en demandant qu'en aucun temps la régie, une commission d'appréciation des différends ou un conseil d'arbitrage puissent établir des normes de discipline ou de pratique professionnelle. Le bill 8 a alors été adopté sans que le collège puisse obtenir cette garantie. Maintenant, précisons la position du Collège aujourd'hui.

Le contrôle de l'activité professionnelle et l'établissement de normes de pratique professionnelle. Le Collège et la Régie sont deux organismes — nous le savons très bien — créés par l'Etat, dont le premier doit veiller à la qualité de la pratique médicale et le second administrer la Loi de l'assurance-maladie. Ces deux organismes doivent travailler en étroite collaboration pour parvenir à rendre les meilleurs services au public de cette province. La régie a la responsabilité, croyons-nous, de payer ou non les honoraires des médecins.

Par ailleurs, le collège a la responsabilité de répondre aux avis demandés par la régie en ce qui concerne la qualité des soins et les normes de pratique professionnelle. Ces avis et les normes établies par le collège doivent, croyons-nous, lier la régie quant à la qualité des soins. Il appartient par la suite à la régie de décider du paiement des honoraires réclamés. Malgré un avis favorable ou défavorable du collège, la régie devrait pouvoir décider de rembourser ou non les réclamations d'honoraires. Mais, dans le cas d'un avis favorable du collège où la régie déciderait de refuser le remboursement d'honoraires réclamés, il appartiendrait aux syndicats professionnels, par un mécanisme qu'il ne nous appartient pas de décider, de tenter d'obtenir le paiement de ces honoraires.

L'inverse pourait aussi se présenter. Dans le cas d'avis défavorables aux médecins, il appartiendra alors au collège de voir à soumettre aux médecins concernés les corrections qui s'imposent. Une telle façon de procéder ne peut être acceptable au collège que s'il est inscrit dans la Loi de l'assurance-maladie que la régie ou une commission d'appréciation des différends ou le conseil d'arbitrage ou tout autre organisme de la régie ne peut établir des normes de pratique professionnelle et s'immiscer dans le domaine de la compétence du collège, soit le contrôle des activités professionnelles.

Si la régie, à la suite d'expériences vécues, jugeait utile l'établissement de certaines normes de pratique professionnelle, elle devrait s'en référer au collège qui n'hésitera pas, si la demande est fondée, à établir ces normes. En aucun temps, nous semble-t-il, la régie ne doit enquêter auprès des médecins sur des matières de la compétence du collège. Le collège s'oppose également à ce que son rôle en regard du contrôle de l'acte médical et des normes fasse l'objet de négociations.

Enfin, nous demandons publiquement aux deux parties intéressées de bien peser les risques et dangers que comporte une confrontation. Si cependant, à la suite d'une loi spéciale, les négociations devaient se poursuivre et que les questions de la compétence du collège y étaient discutées, nous espérons qu'un représentant du collège puisse y être invité.

Inutile de dire que mes collègues de l'exécutif qui sont tous ici, plus les cadres, sont enchantés que le ministre de la Santé ait mentionné qu'une modification du bill 8 serait possible quant au contrôle de l'acte médical. Le collège, messieurs, a tenté d'établir, au niveau de la régie et au niveau du gouvernement, de nombreux contacts. Il espère que, dans un climat de confiance, ces contacts se renouvelleront et que le gouvernement conseillera le collège mais que, par ailleurs, il puisera au collège les ressources qui sont à sa disposition. Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, à la suite des déclarations que vient de faire le Dr Gingras, président du collège, j'aimerais être plus précis en ce qui a trait aux clarifications. Je le répète, cela n'a jamais été l'intention du gouvernement d'enlever au Collège des médecins le contrôle de l'acte professionnel. Nous sommes disposés à éliminer de la Loi de l'assurance-maladie, comme condition au paiement par la régie du coût des services qui sont rendus par un professionnel de la santé, la

nécessité que ces services aient été rendus conformément aux normes de pratique professionnelle. Il semble, après ces deux ou trois mois de discussions, que le choix de cette expression "normes de pratique professionnelle" n'a pas signifié pour nous exactement la même chose que pour d'autres groupes, en particulier le collège. Il est évident qu'en enlevant cette condition il nous faudra, toutefois, maintenir la possibilité que la régie refuse de payer pour des actes, s'il y a surutilisation. A ce sujet-là, nous avions suggéré, dans nos propositions à la Fédération des médecins spécialistes, qu'il y ait un comité d'appréciation des relevés d'honoraires qui pourrait, avant même que la régie prenne une décision, analyser les relevés d'honoraires où l'on pourrait avoir des doutes sur des questions comme celle-ci.

Deuxièmement, le gouvernement est prêt aussi à indiquer très clairement — même si je crois que la loi telle qu'elle est rédigée n'en sera pas modifiée — que la Régie de l'assurance-maladie ne peut refuser de payer le coût des services assurés pour le motif qu'elle met en doute la qualité d'un acte pour lequel il est demandé paiement. Alors, la régie paiera si le service a été rendu et ne paiera pas si le service n'a pas été rendu. Evidemment, si le collège fait, dans son appréciation d'un acte posé, un jugement à l'effet que cet acte n'était pas médicalement nécessaire ou encore n'était pas d'une qualité suffisante et qu'il recommande à la régie de ne pas payer, la régie qui est chargée de l'administration de fonds publics, ne paiera pas.

Mais, la régie ne pourra refuser de payer parce qu'elle pourrait mettre en doute la qualité d'un acte. Egalement, le gouvernement est prêt à clarifier sa loi encore une fois, de telle sorte que la Régie de l'assurance-maladie ne puisse déterminer la fréquence d'un acte susceptible d'être payé pour un type de maladie. Nous croyons — et d'ailleurs, sur ce point, le Dr Robillard et le Dr Hamel peuvent le dire — qu'il est nécessaire de faire comme cela s'est fait dans les compagnies d'assurance privée pour divers types d'actes. Je prends, par exemple, le cas de la maternité, où il peut y avoir un certain nombre de visites prénatales et postnatales qui sont comprises dans le tarif, en plus du tarif pour l'accouchement; nous croyons qu'il est nécessaire de faire certaines normes, de telle sorte que dans tous les cas réguliers le tarif comprenne les visites et prénatales et postnatales. Ces normes peuvent être négociées, elles peuvent être ensuite transmises au collège qui, lui, verra si, au plan médical, elles sont acceptables. Il pourra les adopter dans ses règlements et elles lieront la régie.

Ceci ne signifie pas qu'on en arrivera à une médecine où chaque cas doit être précisé à l'avance, bien au contraire; l'exemple que je viens de donner est un exemple bien particulier. On peut en trouver quelques-uns de cette nature. Même si ce sont des cas bien particuliers, comme l'accouchement, l'appendicecto-mie, s'il y a des circonstances spéciales, si le cas est bien particulier, il est évident — et cela est prévu dans les préambules des tarifs que nous avons discutés ou que nous avons proposés — que la régie va tenir compte de ces considérations, de ces circonstances spéciales.

En ce qui a trait aux pouvoirs des inspecteurs ou enquêteurs de la régie, leurs pouvoirs sont ceux — et la loi sur ce point le dit — qui sont nécessaires pour apprécier si la régie doit payer ou ne pas payer dans un cas donné. Si le texte de la loi mérite d'être resserré, étant donné qu'on peut craindre que les enquêteurs de la régie dépassent, dans leurs enquêtes, cet objet spécifique, encore une fois le gouvernement est prêt à considérer ces clarifications à la loi.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais rappeler une chose, c'est que dans une négociation, pour qu'elle en arrive à la conclusion d'une entente, il faut que les deux parties soient d'accord. Une négociation peut aussi bloquer, mais non pas parce que les deux parties sont en désaccord ou manquent de confiance l'une dans l'autre. Il s'agit qu'une partie manque de confiance dans l'autre ou qu'elle ne veuille pas, dans un cadre donné, conclure un accord pour qu'il ne soit pas possible d'en arriver à un accord. Je ne veux pas discuter le fond de la question, mais je veux simplement mentionner que malgré tous les désirs du gouvernement d'en arriver à une entente, il peut encore arriver qu'il ne soit pas possible de le faire avec la Fédération des médecins spécialistes.

J'aimerais demander au président du collège ce que, à titre de président, il entend faire au plan du respect de l'éthique et de la déontologie, dans le contexte de la contestation actuelle. En tant que membres du gouvernement, nous savons que nous avons des responsabilités à prendre. La Fédération des médecins spécialistes a dit qu'elle verrait, dans le contexte de ses modes de contestation, à ce que des services soient assurés, des services d'urgence à tout le moins, dans toute la province. J'aimerais demander au président du collège ce que le collège entend faire au plan du respect de l'éthique et de la déontologie, dans le contexte de la contestation actuelle.

M. GINGRAS: Le collège, M. le Président, n'a pas les armes nécessaires pour pouvoir sévir d'une façon physique, si vous voulez, ou même psychologique, au niveau de ses membres qui appartiennent, ne l'oubliez pas, à des syndicats.

D'une certaine façon, le gouvernement permettrait peut-être cette grève ou cet arrêt de travail qui peut arriver. Nous n'y sommes pour rien. De toute façon, nous ne croyons pas que le malade doive souffrir en aucune circonstance d'arrêts de travail de la profession médicale.

Personne parmi nous ne peut le croire un seul instant. Nous allons faire ce qui est nécessaire. Le collège va certainement se réunir, étudier la situation, recevoir des rapports, si la chose est permise physiquement, et nous prendrons les moyens nécessaires pour nous assurer que, du moins, les urgences médicales et chirurgicales sont suivies.

M. BOURASSA: Dr Gingras, vous avez, tantôt, exprimé certaines craintes sur la liberté professionnelle résultant de l'application du bill 8. M. Castonguay a fait, tantôt, certaines clarifications. Est-ce qu'elles vous paraissent de nature à vous rassurer?

M. GINGRAS: D'une certaine façon, M. le premier ministre. Mais ce que nous avons dit en terminant, c'est que, s'il existait des changements au niveau du bill 8, nous espérons avoir le privilège et l'occasion d'être consultés, afin qu'il n'existe pas des quiproquos et des complications. Nous savons exactement ce que nous voulons quant à la surveillance de l'acte médical et nous sommes prêts à collaborer en tout temps.

M. BOURASSA: Est-ce que les modifications ou les clarifications qu'a apportées M. Castonguay répondent à vos craintes? Sinon, en quoi n'y répondent-elles pas?

M. GINGRAS: Elles répondent oralement à mes craintes. Lorsque je les verrai par écrit, je serai plus satisfait, et même j'aimerais bien les voir avant qu'elles ne soient écrites.

M.BOURASSA: Mais là, à première vue, elles paraissent satisfaisantes?

M. GINGRAS: A première vue. M. BOURASSA: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Gingras, en plus des clarifications apportées par le ministre de la Santé, il y a quelques instants, et aussi celles sur la loi actuelle, dans l'éventualité de l'ouverture de la loi, ne pensez-vous pas que la loi médicale, qui doit être retouchée, qui doit être refondue prochainement, ne pourrait pas clarifier davantage et ajouter au respect des prérogatives du Collège des médecins?

M. GINGRAS: Vous avez parfaitement raison. Nous demandons que notre loi soit modifiée, changée, depuis trois ans et demi. Nous espérons que ce projet de loi, qui est chez vous depuis quelque temps, sera bientôt examiné par les commissions spéciales et la Législature. Je dois dire que d'ici une quinzaine de jours je réunirai le bureau provincial afin d'ajuster certains articles de cette loi avec le bill 8, de façon que nous puissions parler le même langage.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une autre question à poser au Dr Gingras. Est-ce que le Collège des médecins a assisté, comme observateur, aux négociations qui se sont poursuivies avec les différents groupes?

M. GINGRAS: Nous avons assisté en fin de journée aux négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement et les médecins spécialistes, une fois. Nous n'avons pas, cependant, assisté aux négociations qui ont eu lieu entre la Fédération des médecins omnipraticiens et le gouvernement.

M. CASTONGUAY: M. le Président, sur ce point, je pourrais mentionner que, dès que cette demande nous a été formulée par le collège, nous y avons donné notre assentiment au moins verbal; nous avions des difficultés au point de vue de la poste dans le temps, mais nous l'avons dit verbalement lors d'une rencontre que j'ai eue avec le président ou le vice-président et les membres du conseil exécutif. Si cette présence aux négociations a tardé, c'est que, d'une part, au début, la Fédération des médecins spécialistes a refusé. Deuxièmement, du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens, pour des raisons que pourra expliquer le Dr Hamel, au début il y a eu refus de la présence, à titre d'observateur, d'un représentant du collège. Par la suite, nous avons dû inviter, au sein de la délégation du gouvernement à la table des négociations, l'observateur du collège. En aucun temps, le gouvernement ne s'est opposé à la présence, dès que cette demande nous a été faite, d'un observateur du collège à la table des négociations.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Dr Gingras, M. Castonguay vous a demandé, tout à l'heure, ce que le collège pourrait faire, au cas où un arrêt de travail, que personne ne souhaite, en arrivait malheureusement à se produire. Vous avez répondu que le collège ne possédait malheureusement pas toutes les armes qu'il fallait pour faire face à la situation. Concrètement, si une fois l'arrêt de travail déclenché, vous receviez au collège 20, 40, 50, 100 plaintes à l'effet que pour certains malades les services essentiels, les services urgents que promet la fédération n'ont pas été rendus, quelle attitude ou quelle prise de position pratique, concrète pourrait prendre le collège?

M. GINGRAS: Selon la loi actuelle, nous ferions une enquête comme dans tous les cas où il y a négligence de la part de nos membres. Si

l'exécutif jugeait qu'il y a matière à discipline, il y aurait discipline dans ce cas en particulier. Je rappelle ici que la discipline est une chose qui a augmenté considérablement au collège.

Cependant, nous ne pouvons, dans les circonstances actuelles, que régler quelques cas, une vingtaine ou une trentaine par année, alors que, si notre loi était changée, était rendue un peu plus malléable, plus facile, nous pourrions procéder beaucoup plus rapidement. Ceci est une parenthèse, mais je tiens à dire qu'il est extrêmement important que la discipline au collège soit menée catégoriquement et de front.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je pourrais ajouter un renseignement au sujet de la présence du collège à la table des négociations. Lorsqu'il y a eu finalement entente avec la Fédération des médecins spécialistes pour qu'il y ait un observateur, le Dr Roy assistait à une séance. Pour la séance suivante, il s'est excusé disant être retenu par une réunion de comité et il n'y a pas assisté.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. André Gauthier, représentant des optométristes, voudrait adresser la parole?

Pour l'information des membres de la commission, M. André Gauthier, optométriste, va adresser la parole; suivront le Dr Labelle, représentant des chirurgiens-dentistes et le Dr Gérard Hamel, représentant des omnipraticiens. Ensuite, s'il y en a d'autres qui demandent la parole...

Alors, M. Gauthier.

Les optométristes

M. GAUTHIER: M. le Président, M. le premier ministre, je remercie la commission de nous permettre de faire entendre devant elle certains points de vue.

L'Association professionnelle des optométristes du Québec est l'organisme syndical qui représente les optométristes aux fins des négociations avec le gouvernement du Québec dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie.

Nous avons appris avec bonheur que le régime entrera en vigueur le 1er novembre. L'intervention et le témoignage que je vais apporter aujourd'hui prennent, à la suite de cette annonce, une certaine importance.

Nous avons commencé nos négociations avec le gouvernement le 2 février 1970. Ces négociations se sont poursuivies jusqu'à maintenant, interrompues cependant par la période électorale et par le changement de gouvernement. Il est arrivé certaines étapes très importantes que je veux souligner immédiatement. D'abord, l'adoption, par l'Assemblée nationale, du bill 8 qui définissait un certain cadre à nos négociations. Nous avons entrepris les négociations et nous les avons maintenues à l'intérieur de la loi. Nous avons marqué, durant ces négociations, d'importants progrès. Nous en sommes arrivés à des ententes de principe. Nous n'avions pas, cependant les moyens d'informer quotidiennement la population des progrès qui se faisaient par le cheminement de la négociation normale. Nous aurions peut-être dû le faire. De toute façon, la postérité jugera. Il n'en reste pas moins que le climat qui entoure les négociations a touché tous les professionnels de la santé, de quelque groupement qu'ils soient. Le professionnel de la santé, qu'il soit optométriste, médecin spécialiste, omnipraticien ou dentiste, est touché par les mesures que le gouvernement adopte. Nous avons déploré, à un certain moment, le fait que le rythme normal des négociations se trouvait interrompu par l'arrivée d'une conciliation ou d'une médiation. En effet, cette conciliation ou cette médiation se faisait sur les mêmes points, sur les principes sur lesquels avaient porté nos propres négociations et sur lesquels nous nous étions entendus et cela, toujours dans le cheminement normal des négociations.

Je voudrais rappeler une chose ici au gouvernement, c'est-à-dire faire une suggestion. Etant donné que le régime d'assurance-maladie va entrer en vigueur très prochainement au Québec, notre association suggère que le gouvernement prenne toutes les mesures pour favoriser et accélérer les négociations avec les groupes qui sont prêts à conclure des ententes. En effet, il y a des professionnels de la santé qui ont opté pour la négociation, qui se sont maintenus dans cette ligne et qui sont prêts à conclure des ententes. Il faudrait donc que le gouvernement accélère les choses et prenne tous les moyens pour en arriver à des ententes.

Deuxièmement, si le gouvernement en arrivait à être obligé, parce que responsable de la santé publique, d'adopter certaines mesures législatives, eh bien, il serait bien normal que ces mesures législatives ne s'adressent qu'aux seuls intéressés, c'est-à-dire que les groupes qui se sont battus d'une façon normale à l'intérieur des négociations ne voient pas tout sauter en l'air parce qu'un des groupes ne veut pas fonctionner dans ce cheminement normal. Que les groupes qui ont opté pour la négociation continuent à négocier et ils vont en venir à des ententes, parce que moi, j'y crois à la négociation. Depuis cinq ans, nous nous sommes préparés à cela.

Sur la question du désengagement, je n'ai pas de "formulette" ou de formule miracle à proposer. Notre association croit que le désengagement est une chose marginale. Nous sommes prêts à nous battre en tant que syndicat pour la participation de nos membres, non pas pour les désengager. Je pense que pour un syndicat, c'est bien normal.

Sur la qualité des soins, nous nous sommes entendus, en principe, sur une foule de points avec le gouvernement. Nous n'avons pas été obligés pour ça de faire des concessions, quelles

qu'elles soient, sur la qualité des soins. Je prétends que la qualité des soins qui vont être offerts au public va être, dans certains cas, supérieure à celle qu'il a connue et non pas inférieure.

J'espère que le témoignage que j'apporte ici et qui se veut très positif pourra faire avancer les travaux de cette commission. Je vous remercie beaucoup, messieurs.

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais poser au président de l'Association des optométristes quelques questions.

Mais avant de le faire, je voudrais souligner qu'il est exact qu'il a été difficile pour le gouvernement de toujours conduire les négociations à un rythme satisfaisant. J'en conviens. Nous avions à mener de front des négociations avec cinq groupes différents. Je rappelle que lorsque nous avons étudié le projet de loi, on nous a demandé d'ajouter la couverture d'autres soins. J'ai mentionné à ce moment-là que ce serait extrêmement difficile pour diverses raisons, entre autres la nécessité de négocier avec un nombre aussi considérable de professionnels.

Il s'agissait de conduire avec cinq groupes des négociations devant mener forcément à des ententes "administrables" — on ne peut pas avoir des ententes de nature tout à fait différente avec chacun des groupes — sans quoi la Régie de l'assurance-maladie n'aurait pas été capable d'administrer un tel régime. Il ne faut pas oublier qu'il y a plus de six millions de population au Québec. Nous avons été dans une situation où il a été impossible d'obtenir des tables conjointes de la part des médecins et de la part des dentistes, ce qui aurait réduit le nombre de tables à trois. Les spécialistes et les omnipraticiens ont insisté pour avoir des tables distinctes. Les chirurgiens-dentistes et les spécialistes en chirurgie buccale ont insisté pour faire de même. Nous avons donc dû poursuivre des négociations avec cinq groupes différents.

De plus, nous ne pouvions pas multiplier le nombre des négociateurs pour cette raison que je mentionnais un peu plus tôt, c'est-à-dire une certaine harmonisation dans les négociations entre les différents groupes parce que — il est bon de le rappeler — les ententes signées avec un groupe peuvent avoir des incidences sur les autres groupes. C'est un peu ce que M. Gauthier a mentionné lorsqu'il a parlé de la conciliation.

Enfin, je dois dire que le genre d'approche qu'a pris la Fédération des médecins spécialistes a exigé de notre part énormément de travail qui aurait pu être utilisé, à mon avis, à meilleure fin si les négociations s'étaient faites dans un climat différent, et nous ne pouvions le prévoir avant que les négociations s'engagent réellement.

Alors sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec M. Gauthier qu'il aurait été bien préférable de pouvoir mener les négociations plus rapidement.

En ce qui a trait aux mesures législatives qui pourraient être prises par le gouvernement, si elles sont prises par le gouvernement, c'est que les possibilités de négociation auront été épuisées avec un groupe ou avec un groupe qui entraîne, par voie de conséquence, un autre groupe dans cette situation. En ce qui a trait, de toute façon, à cette possibilité de loi spéciale, elle a été évoquée, mais tant et aussi longtemps que nous sommes en mesure de poursuivre la négociation, soit ici, à cette table, au sein de cette commission ou encore à la table des négociations, sans compromettre pour autant l'entrée en vigueur du régime, c'est notre intention de poursuivre la négociation.

Enfin, j'aimerais demander au président de l'Association des optométristes s'il a senti, de la part des représentants du gouvernement, des manoeuvres ou une approche qui susciterait de leur part la méfiance quant aux objectifs visés par le gouvernement et qui aurait pu mettre, disons en péril, le succès de ces négociations.

M. GAUTHIER : Nous avons constaté que le gouvernement, en ce qui nous concerne, montrait énormément de bonne foi, montrait une compréhension large des problèmes impliqués. Cependant, si j'ai pu, tantôt, avoir l'air de faire un certain reproche, c'est que la date du régime d'assurance-maladie tombera le 1er novembre et qu'au mois de septembre, nous n'avons eu qu'une demi-journée de négociation; c'est plutôt à cette question que j'en ai.

Quant au climat, nous avons essayé, de part et d'autre, de le maintenir. Ce n'est pas toujours facile. Les négociations, c'est une bataille de l'esprit. C'est une bataille, une négociation. Alors dans une bataille, il y a toujours quelques accrocs, mais nous essayons tout de même d'harmoniser un certain climat. Autrement, nous ne progressons pas. Je pense que le gouvernement, en ce qui nous concerne, a su maintenir, à la table des négociations, un climat de confiance sur une négociation difficile parce que c'était la première fois que des optométristes, dans la province de Québec, participaient à un régime de soins. Alors, il fallait établir toute une nomenclature de services, ce qui n'était pas nécessaire au plan médical. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Gauthier, si je comprends bien, s'il y avait accélération des négociations, votre groupe est disposé à venir à une entente à court terme avec le gouvernement quant au régime d'assurance-maladie. Est-ce exact?

M. GAUTHIER: C'est exact, M. Cloutier. Nous avons eu récemment une assemblée générale de nos membres qui nous ont donné le mandat de poursuivre les négociations. Ils ont

accepté, en principe, le travail qui avait été fait avec le gouvernement jusqu'à maintenant, et ils nous ont donné tous les mandats nécessaires pour conclure une entente. Il nous reste à aborder avec le gouvernement et à discuter la question monétaire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre question, Dr Gauthier, à laquelle vous n'êtes pas obligé de répondre. Est-ce que vous avez exigé la présence d'un ophtalmologiste à la table des négociations?

M. GAUTHIER: Je pense que lorsqu'une unité de négociation se constitue et qu'elle essaie de négocier pour en arriver à une entente, elle essaie d'abord et avant tout de se créer un climat serein pour en arriver à une telle entente.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous ai posé cette question, Dr Gauthier, un peu pour vous taquiner parce que je me souviens que, lors de l'étude des prévisions budgétaires, un député de cette Chambre, qui était optométriste, faisait valoir éloquemment les droits de sa profession.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions à poser au Dr Gauthier? Merci, Dr Gauthier. Est-ce que le Dr Labelle, représentant des chirurgiens dentistes est ici? Le docteur Labelle.

M. LABELLE: M. le Président. M. LE PRESIDENT: Un instant.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse, je voudrais vous interrompre brièvement. J'ai le texte des propositions que j'ai faites relativement au contrôle de l'activité professionnelle. Je demanderais à mon sous-ministre, le Dr Brunet, d'en remettre une copie au Dr Gingras et, au besoin, pour que cela ne soit pas juste un jugement porté sur des paroles, ce qui est toujours assez difficile de retenir, d'en discuter avec le Dr Gingras pour voir s'il peut nous dire avec plus de certitude si ces modifications ou clarifications que nous sommes disposés à apporter à la loi lui apparaissent satisfaisantes.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Labelle. Les chirurgiens dentistes

M. LABELLE: M. le Président, si on a mentionné un peu plus tôt qu'il serait peut-être nécessaire d'employer l'article 709 pour faire comparaître devant la commission parlementaire une association, je puis vous assurer que notre association n'aura pas besoin d'un tel article. Et tout temps, elle est prête à coopérer et, très rapidement, elle se rendra à votre invitation.

Je pense qu'il serait bon de faire une très brève rétrospective pour mentionner qu'au tout début, lors de la présentation du projet de loi, nous avions fait connaître nos vues sur certains points sur lesquels nous étions en désaccord, pour des raisons que nous avions énumérées à ce moment-là. Je pense qu'il suffit de souligner, premièrement, la restriction en milieu hospitalier, c'est-à-dire la clause qui assure les soins dentaires chirurgicaux en milieu hospitalier seulement. Nous aurions préféré que les soins dentaires chirurgicaux soient assurés aussi bien en cabinet privé.

Dans un deuxième temps, nous avions fait aussi quelques commentaires sur l'annexe qui apparaît dans le projet de loi. Nous trouvions que cette annexe aurait pu, ou bien disparaître tout à fait pour assurer tous les soins dentaires chirurgicaux, ou tout au moins être modifiée pour y apporter une grande amélioration. Je ne voudrais pas entrer dans les détails, mais c'étaient là nos priorités et je pense que nous les avons fait connaître. Peu de temps après, à la suite, entre autres, d'une rencontre avec l'honorable ministre Castonguay, nous avons réalisé qu'il était nécessaire de nous conformer à la Loi de l'assurance-maladie et, depuis ce temps, nous avons consenti à négocier au sens de la loi, telle qu'elle nous était, je ne dirais pas imposée, mais soumise.

Si nous avons accepté de négocier à l'intérieur de la loi, il faut bien comprendre que ce n'était pas avec 100 p.c. de plaisir. Il y a peut-être certains articles, comme je vous l'ai mentionné, sur lesquels nous aurions aimé discuter, sur lesquels nous aurions aimé être consultés avant même que le projet de loi existe. Cependant, nous l'avons accepté et nous considérons que nous sommes encore en négociation. Nous sommes encore même au tout début de nos négociations et, jusqu'à preuve du contraire, nous croyons en la négociation et nous voulons continuer de négocier.

Nous sommes bien confiants d'en arriver à une entente dans le plus bref délai. Cependant, comme le Dr Gauthier le mentionnait, je pense que, s'il y avait possibilité d'accélérer le processus des négociations, cela pourrait nous faciliter la tâche.

Permettez-moi simplement de vous mentionner que, depuis les négociations, nous n'avons eu l'occasion de rencontrer le négociateur qu'à trois reprises: le 31 juillet, le 21 août et le 11 septembre. Je puis vous assurer que si, au lieu de trois séances de négociations, on nous avait invités à participer à une dizaine de séances, je pense bien que nous aurions été toujours prêts et nous aurions été présents.

Si nous faisons face, comme cela semble être la situation, à une loi spéciale, ou à une loi d'exception devant mettre en vigueur l'assurance-maladie dès le premier novembre, je pense qu'il faudrait prendre en considération que ceux qui sont de bonne foi, que ceux qui sont prêts à la négociation et désirent en arriver à

une entente, tout en mettant beaucoup d'eau dans leur vin, ne devraient toute de même pas être soumis et subir les conséquences d'une loi d'exception.

Pour l'instant, c'est tout ce que je veux mentionner. Je pense que cela reflète le point de vue des chirurgiens dentistes du Québec. Il y a peut-être un petit point que je voudrais ajouter: M. le ministre disait, tout à l'heure, qu'avec cinq tables de négociations, naturellement, cela présentait certaines difficultés, que la lenteur des négociations pouvait être attribuée un peu à cette raison; je peux souligner que s'il n'en était que de nous seulement, quatre tables de négociations pourraient peut-être faciliter la tâche.

M. le ministre comprend exactement ce que je veux dire puisqu'il y a présentement deux tables de négociations qui discutent exactement des mêmes problèmes, c'est-à-dire des problèmes de chirurgie dentaire.

M. CASTONGUAY: Pourrais-je faire quelques commentaires, M. le Président?

En ce qui a trait aux premières remarques du Dr Labelle, ralativement aux soins dentaires en cabinet privé, nous avons convenu, ici, à la commission parlementaire de la Santé que c'était une couverture qui était incomplète, qu'il était exact que nous ne pouvions laisser la loi telle qu'elle est, de façon permanente, ou même pour une durée assez prolongée. Le gouvernement a d'ailleurs l'intention de modifier la loi sur ce point pour élargir, à la fois, le champ d'application, ou plutôt la couverture du régime, en ce qui a trait aux soins dentaires.

C'est une situation purement temporaire qui provient du fait que dans la loi fédérale sur les soins médicaux, il y a possibilité présentement de partage pour la chirurgie buccale lorsqu'elle est effectuée en milieu hospitalier; et nous modifierons la loi sur ce point. C'est un engagement, ou c'est quelque chose qui a été affirmé à la commission parlementaire de la Santé. Nous n'avons donc pas l'intention de revenir sur ce qui a été dit sur ce point.

Le leader parlementaire, qui a plus d'expérience que moi dans ces questions, me mentionne que si c'est l'intention du gouvernement de la faire à brève échéance, qu'il est bon de le mentionner.

C'est évidemment l'intention du gouvernement de le faire à brève échéance, normalement, lors de la reprise des travaux parlementaires, au cours du mois de novembre.

M. CLOUTIER: Octobre.

M. CASTONGUAY: Bien, octobre ou novembre. Il faut être précis. En ce qui a trait à l'annexe, nous avons également convenu de la difficulté de rédiger une telle annexe, ici, à la commission parlementaire de la Santé. C'est pourquoi le paragraphe c) de l'article 56 a été ajouté lors de la discussion de la loi en commission. Cet article dit que le lieutenant-gouverneur en conseil, etc., peut déterminer les services de chirurgie buccale qui doivent être considérés comme des services assurés aux fins du paragraphe b) de l'article 3, en outre de ceux qui sont mentionnés à l'annexe ou qui sont visés par le paragraphe b) du présent article. Tout ça pour dire qu'on peut l'améliorer, cette annexe. Evidemment, si l'article est là, comme dans toutes les lois, c'est pour qu'on l'utilise lorsqu'il sera clair que l'annexe n'est pas satisfaisante.

Il y a un autre point qu'il m'apparaît nécessaire de mentionner. Je me souviens qu'à la commission d'enquête sur la santé les dentistes avaient insisté fortement sur le fait qu'avant d'être dentistes ils sont médecins. Si cela est exact — et on m'avait signalé les articles de la loi du Collège des chirurgiens dentistes — la question du contrôle de la qualité de leurs actes se pose pour eux de la même façon qu'elle se pose pour les médecins. Je veux signaler ce point, parce que le Dr Labelle a indiqué clairement qu'ils ont convenu de négocier à l'intérieur de la loi. C'est donc dire que les dispositions relatives au contrôle de l'acte professionnel, au désengagement etc., leur conviennent, même s'il a souligné que ce n'était pas nécessairement de gaieté de coeur qu'ils le faisaient.

Nous non plus, nous ne posons pas tous les gestes que nous sommes obligés de poser de gaieté de coeur dans la vie. Enfin, je voudrais aussi rappeler, comme je l'ai fait après les remarques du président de l'Association des optométristes, que lorsqu'il y aura une loi spéciale, s'il y en a une, c'est quand tous les moyens de négociation auront été épuisés ou encore si la négociation met en cause l'entrée en vigueur du régime.

Je ne crois pas que le retard apporté dans les négociations avec les chirurgiens dentistes, compte tenu de la nature des soins qui vont être couverts, puisse mettre en cause l'entrée en vigueur du régime. Alors, je ne crois pas, à moins qu'à un moment donné les négociations bloquent complètement, que, si nous devions en venir à une telle loi spéciale, elle devrait nécessairement toucher l'Association des chirurgiens dentistes.

Maintenant, comme le président de l'Association des optométristes, le président de l'Association des chirurgiens dentistes a fait allusion au nombre assez restreint de séances de négociation, j'ai donné quelques raisons telles que je les ai vécues qui m'apparaissaient comme des facteurs ayant ralenti le progrès des négociations. Avec la permission des membres de la commission, je pourrais demander au chef-négociateur de nous dire pourquoi le nombre de séances n'a pas été plus grand et quelles sont les difficultés qu'il a rencontrées en conduisant cette négociation avec un nombre de tables

aussi élevé et avec cette nécessité d'harmoniser les ententes avec les différents groupes.

M. CORBEIL: M. le Président, peut-être que, pour une meilleure compréhension de la commission, il serait bon de rappeler que les représentants gouvernementaux ont commencé les négociations avec la Fédération des omnipra-ticiens et presque simultanément avec la Fédération des médecins spécialistes.

D'autres groupes suivaient: les chirurgiens buccaux, les chirurgiens dentistes et les optomé-tristes. L'une des raisons — je pense — qui expliquent qu'il n'y a pas eu beaucoup de séances de négociation avec les optométristes et les chirurgiens dentistes, c'est que force nous est de constater — et nous en étions d'ailleurs fort heureux — que, quant à ce que l'on appelle les clauses normatives des conventions collectives, elles avaient une facture tout à fait semblable. Je ne sais pas dans quelle mesure et de quelle façon il pouvait y avoir une consultation, une concertation ou un cartel pour ces trois groupes —je ne choisirai aucun des trois termes — il est certain, cependant, que du fait d'avoir au moins un conseiller technique commun, du fait d'être des groupes qui, semble-t-il, avaient des pensées un peu semblables, nous constatons que les clauses normatives étaient elles aussi semblables et que, lorsque nous avions négocié bon nombre de clauses et que nous avions été d'accord avec la Fédération des omnipraticiens, nous nous rendions compte qu'à une séance ultérieure, soit avec les chirurgiens dentistes, soit avec les optométristes, la discussion était beaucoup plus courte.

Je dois dire que les discussions avec ces groupes ont été assez courtes et de qualité. Nous avons cru qu'il n'était pas nécessaire de faire des séances pour faire des séances. Ce sur quoi, je pense, les groupes concernés étaient à peu près d'accord.

M. LE PRESIDENT: Dr Labelle.

M. LABELLE: II y a seulement deux petits commentaires que je voudrais apporter, si vous me le permettez. Premièrement, je vois que le négociateur en chef a toujours ses qualités habituelles et qu'il remplit bien ses fonctions. Je voudrais tout de même souligner que, jusqu'à présent, à ma connaissance, nous n'avons pas encore soumis nos clauses normatives et que cela ne veut pas nécessairement dire que ce sont les mêmes que celles de la FMOQ. Je voudrais bien souligner qu'elles seront sûrement personnalisées avant d'être déposées à la table des négociations.

Deuxièmement, M. le ministre Castonguay a souligné tout à l'heure — probablement peut-être juste par une petite erreur que je voudrais rectifier ici— que les dentistes étaient d'abord médecins, si j'ai bien compris, avant d'être dentistes, ce qu'a priori je n'accepte pas. J'aimerais avoir quelques explications, si possible.

M. CASTONGUAY: II faudrait vérifier avec le président du Collège des chirurgiens dentistes de l'époque qui s'était présenté devant la commission d'enquête en 1967 et qui, copie en main de la Loi des chirurgiens dentistes, nous a bien rappelé qu'en tout premier lieu le chirurgien dentiste était un médecin spécialisé dans la chirurgie dentaire. C'est d'ailleurs pourquoi le terme de "chirurgien dentiste" continue d'être utilisé et non l'unique terme de "dentiste". Des détails techniques ou du fondement de son argumentation, je ne me souviens plus d'une façon exacte, mais je me souviens très clairement de cette affirmation. D'ailleurs, c'était le fondement de l'argumentation qu'il nous avait présentée par la suite quant à la nécessité de maintenir au Collège des chirurgiens dentistes les pouvoirs qu'il détenait.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le Dr Quen — neville pourrait donner son opinion?

M. QUENNEVILLE: Je me demande si vous pourriez à votre tour préciser le climat qui a existé durant les négociations avec les négociateurs du ministère.

M. LABELLE: Cela sera fait très brièvement parce que je suis impatient de retourner à la réponse du ministre Castonguay. Les relations entre les négociateurs et notre association sont des plus cordiales.

M. QUENNEVILLE: Merci.

M. LABELLE: M. le Président, si vous me le permettez, il ne faudrait sûrement pas modifier la loi dentaire, puisque, je le pense , la loi dentaire dit très bien présentement qu'un dentiste est un dentiste et qu'un médecin est un médecin. Cependant, si on a, dans le passé, par l'intermédiaire d'un président de notre collège, induit en erreur les dirigeants gouvernementaux, je voudrais aujourd'hui faire la correction. Je puis aussi vous assurer que notre association s'en réfère à la loi dentaire, qui dit bien qu'un chirurgien-dentiste n'est pas un médecin.

M. CASTONGUAY: Vous pouvez être assuré que nous ne confondrons pas les deux groupes.

M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai une question à poser au ministre de la Santé sur ce qu'il a dit tout à l'heure, mais j'aurais auparavant une suggestion à faire, c'est que, pour cette question de dentistes-médecins, il y ait une séance de négociations spéciales entre les deux groupes de dentistes et les fonctionnaires du ministère.

Le ministre de la Santé a annoncé tout à l'heure la possibilité d'étendre le régime pour couvrir davantage de soins dans le domaine dentaire. Il dit que, peut-être en novembre, — je ne fais pas de discussion sur la date de la session

— il apportera une modification dans ce sens-là. Ma question est celle-ci: Est-ce que le ministre a déjà entamé des pourparlers avec le gouvernement fédéral? Est-ce que celui-ci — le gouvernement fédéral — consent, par arrêté en conseil, à étendre son régime et à défrayer 50 p.c. du coût?

M. CASTONGUAY: Voici. Il y a une conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé au cours du mois de novembre, je crois, et cette question y sera abordée, c'est-à-dire l'extension de la protection de la loi fédérale sur les soins médicaux. De toute façon, la décision du gouvernement était prise quant à cet élément de son programme législatif, et sans tenir compte nécessairement de cette modification possible à la loi fédérale sur les soins médicaux. Tant mieux, si la loi fédérale est modifiée pour inclure dans le partage des soins dentaires additionnels, mais ce n'est pas ce facteur qui va faire changer quelque chose ou qui va être décisif dans la décision du gouvernement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que nous sommes sur ce sujet-là, je voudrais demander au ministre si, dans le cas des optométristes, le gouvernement fédéral a fait connaître sa réponse quant à l'extension du régime et au partage des coûts.

M. CASTONGUAY: Le fédéral n'a pas encore modifié la loi. Je crois qu'il peut le faire par arrêté en conseil.

M. CLOUTIER (Montmagny): Par arrêté en conseil, oui.

M. CASTONGUAY: II n'a pas encore inclus dans le partage des coûts les soins des optométristes.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Laurin.

M. LAURIN: Est-ce que l'extension ne couvrirait que les actes de chirurgie buccale qui figurent actuellement ou qui figureront à l'annexe dont il a été question en vertu des règlement 56-C?

M. CASTONGUAY: Sans entrer dans tous les détails — et je ne crois pas que ce soit le moment d'entrer dans tous les détails — cela ira plus loin que la chirurgie buccale, cela ira jusqu'aux soins dentaires, en tout ou en partie, pour une partie de la population.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres question à poser au Dr Labelle, nous allons entendre maintenant le Dr Gérard Hamel, président de l'Association des omnipraticiens. Dr Hamel.

Les Omnipraticiens

M. HAMEL: M. le Président, M. le premier ministre, nous tenons à vous remercier en premier lieu d'avoir invité les représentants de notre fédération à venir exposer nos vues et à répondre à vos questions. Cependant, dans le but de rendre nos représentations plus utiles et plus efficaces aux membres de cette commission, compte tenu aussi du fait qu'on vient tout juste de nous remettre deux documents qui nous apparaissent très importants: le dossier pour la Commission parlementaire pour la santé et aussi peut-être celui de la Fédération des médecins spécialistes du Québec concernant l'assurance-maladie et le bill 8, où mes confrères me disent qu'on traite de l'attitude de la Fédération des médecins omnipraticiens, je demanderais la faveur de remettre à la prochaine séance, soit demain matin, l'exposé de l'ensemble de nos vues sur cette question, sauf la question du contrôle de l'activité médicale qui a été développée par le collège des médecins.

Nous aimerions, en présence des représentants du Collège des médecins, exposer nos vues et dissiper, par la même occasion, un malentendu qui depuis un mois ou deux, dans l'intérêt de je ne sais trop qui, a semblé s'élever entre le Collège des médecins et notre fédération. J'aimerais le faire en présence des représentants du Collège des médecins, de façon que nous ne soyons pas mal interprétés, mal cités. A certains moments, je lirai des textes.

Premièrement, nous avons dit à plusieurs reprises, nous l'avons notamment dit dans une conférence de presse, que notre fédération a toujours reconnu les pouvoirs du Collège des médecins tels que définis dans la loi médicale et ses règlements. Elle lui a toujours accordé sa confiance en conséquence. C'est le premier point, et j'espère qu'on ne mettra plus cela en doute. La Fédération des médecins omnipraticiens est un organisme qui oeuvre habituellement à l'intérieur des lois et les respecte, la loi médicale aussi.

Cependant, par la même occasion, permettez-moi de dire que la FMOQ déclare qu'aucune clause dans ses ententes avec le gouvernement n'a pour but ni pour effet de limiter, de quelque façon que ce soit, l'exercice des pouvoirs du collège. Certains aimeraient beaucoup qu'il y ait un certain antagonisme entre le collège et la fédération des médecins omnipraticiens. Quant à nous, nous n'avons aucune aggressivité vis-à-vis de notre collège, nous n'avons que du respect. Nous n'accepterons pas facilement que nous soyons manoeuvres et que nous devenions des adversaires du collège. L'ambiguité a porté, à un moment donné, sur la question suivante: Nous avions dit que, dans l'intérêt des médecins, "les avis que le collège doit donner à la régie dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie ne doivent pas lier cette

dernière quant à ses effets sur le paiement des actes." Nous reconnaissons que les avis du collège sur la déontologie et la discipline doivent lier tout le monde, mais nous avions fait la distinction pour le paiement des actes. D'ailleurs, dans le discours du président du Collège des médecins, qui était antérieur à nos déclarations du 17 avril 1970, à une conférence où j'étais présent et où j'ai été membre du "panel" qui a suivi, j'avais bien entendu — et on peut le lire dans le bulletin du Collège des médecins de juin 1970 — que le président du collège dit que la régie ou la commission de surveillance doit décider en dernier ressort des honoraires à payer. Notre position était conforme à celle qui avait été exprimée publiquement par le président du Collège des médecins, deux ou trois mois auparavant.

Pourquoi avons-nous refusé que les avis du collège lient la régie quant à ses effets pour le paiement des actes? Ce n'est peut-être pas pour les mêmes raisons que celles invoquées par le gouvernement. Nos raisons, les voici. Lorsqu'un médecin veut en appeler d'une décision de la régie, il ne faut pas que la décision de cette régie, par la loi ou en vertu de la loi, soit finale. Sans cela, le médecin n'aurait d'autre recours que devant les tribunaux civils, dont les délais sont bien connus. Donc, pour permettre à un médecin, soit seul ou soit par l'intermédiaire de sa fédération, d'en appeler d'un appel de la régie, il ne faut pas que la décision du collège lie la régie en ce qui concerne le paiement des actes. Si cette question n'est pas assez claire, si on me demande de donner des exemples, après avoir assisté un des rares médecins qui, pendant quatre ans, a eu la chance d'observer à titre de membre de la commission de l'assistance médicale le fonctionnement de ces mécanismes, je prétends que c'est absolument nécessaire pour qu'un médecin puisse, pour en appeler d'une décision, ne pas être lié quant au paiement des actes.

En ce qui concerne les normes, on a accusé à un moment donné la Fédération des médecins omnipraticiens, là encore, de négocier, avec le gouvernement, des normes qui, normalement, devraient faire matière de décisions du Collège des médecins. Or, la nature des normes qui peuvent être négociées entre le gouvernement et notre fédération, ce sont des normes de même nature que celles qui sont dans le préambule d'un tarif. Par exemple: le tarif de la FMSQ. Lorsqu'à la suite d'une entente les. médecins conviennent qu'un médecin sera rémunéré seulement pour trois visites par semaine après un mois d'hospitalisation de son malade, c'est une norme qui est négociable, qui ne concerne pas du tout la qualité des soins. C'est ce type de normes que les fédérations négocient actuellement et qui sont sans rapport avec le contrôle de l'activité professionnelle ou avec le contrôle de la qualité de l'acte médical. Nous négocions ce type de normes conformément au bill 30, les deux fédérations des médecins spécialistes et des médecins omnipraticiens, en présence du collège. Je pense que les deux anciens ministres ici présents peuvent en témoigner, les deux fédérations, en présence du collège, avaient réclamé, le 10 juin 1969, que, dans le bill 30, le contenu de la négociation soit bien déterminé. Ce champ de négociation se lisait comme suit: "Le mode de participation des médecins au régime, les conditions d'exercice des médecins à l'intérieur du régime, et le mode de rémunération des médecins."

Donc, le champ de la négociation contenait les conditions d'exercice de la médecine. Ceci ne veut pas dire que les fédérations et le gouvernement entendent contrôler l'activité professionnelle ou contrôler la qualité de l'acte. Alors il faut faire des distinctions à un moment donné. J'espère aujourd'hui dissiper d'une façon définitive toute ambiguïté sur ce sujet, que les fédérations n'ont pas l'intention de se substituer au Collège des médecins. Elles négocient, là encore, à l'intérieur d'une autre loi et dans le respect d'une autre loi qui est le bill 30, et ceci, d'accord avec la FMSQ.

Donc, j'espère que, devant les représentations du Collège des médecins, on ne reverra plus dans les journaux des attaques vis-à-vis de notre fédération à l'effet qu'elle se vend au gouvernement lorsqu'elle tente de négocier à l'intérieur et dans le respect des lois. Alors, messieurs, M. le Président, nous sommes prêts à nous expliquer sur cette question, et si vous le voulez bien, nous permettre de continuer demain matin, l'exposé sur toutes les questions qui ont commandé la réunion de cette séance.

M. LE PRESIDENT: Alors y a-t-il des questions à poser au Dr Hamel relativement à ce qu'il vient de dire?

Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER: Demain. Etant donné que le Dr Hamel a réservé pour demain matin le principal de son intervention, en ce qui nous concerne, je réserve mes questions pour demain matin.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres personnes qui veulent parler? M. Pepin.

M. PEPIN: Merci, M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission. Je voudrais dire d'abord au point de départ — et je pense bien exprimer l'avis de très nombreux travailleurs dans cette province — que nous sommes bien satisfaits d'apprendre que la loi sera enfin en vigueur le 1er novembre. Je crois que ce qu'a annoncé le premier ministre au début de la réunion, c'est un point qui est de nature à réjouir l'ensemble de la population. Nous souhaitons, cependant, que ce soit le bill qui a été adopté qui soit vraiment celui qui sera en vigueur le 1er novembre.

Aussi, dans ce sens, les arguments invoqués par le ministre de la Santé concernant un des points majeurs, une des pièces maîtresses de la loi sur le non-conventionnement, ces arguments qu'il a utilisés, quant à moi, je suis prêt à les faire miens. D'ailleurs, je crois avoir exprimé des idées assez analogues lors d'une autre séance de cette commission antérieurement, au mois de juillet, lorsqu'il a été question de l'adoption du bill 8.

Ceci étant dit, je voudrais dire deux choses.

Est-ce que les membres de la commission, est-ce que le gouvernement ne pourraient pas nous faire part, si ce travail est déjà fait — je pense qu'il doit être fait — de l'expérience de l'assistance médicale? Vous savez, depuis 1966, il y a une expérience de ce côté. Je crois que le gouvernement a dû calculer ce que cela donnait comme résultat pour les médecins, et aussi, pour la population. Aussi le résultat que cela peut donner, relativement aux abus possibles que cela a pu entraîner de la part de certains médecins, en nombre sans doute très limité. Je présume que c'est un travail qui a dû être fait. S'il n'a pas été fait, bien sûr, vous ne pouvez pas le fournir, mais s'il avait été fait, je pense que, pour l'ensemble de la députation et pour la population en générale, il serait très heureux que nous sachions exactement ce que cela a donné effectivement par rapport aux ententes de 1966 qui se sont renouvelées, je crois, en 1968. C'est le premier point, la demande que je voulais faire.

M. CASTONGUAY: M. le Président, permet — triez-vous que j'interrompe M. Pepin très brièvement, pour dire que la commission de l'assistance médicale a préparé, chaque année, un rapport donnant toutes les données sur le fonctionnement de ce régime et que, pour ma part, je peux en obtenir un certain nombre de copies qui pourraient être distribuées demain? Quant aux membres de l'assemblée et aux membres de la commission, plus particulièrement, ici, ils ont reçu, au moment où l'Assemblée nationale a siégé, le dernier rapport de la commission de l'assistance médicale. Peut-être que M. Cloutier, le député de Montmagny, voudrait ajouter quelques commentaires sur ce point particulier.

M. CLOUTIER: Je n'ai rien de particulier à ajouter. Il est exact que la commission de l'assistance médicale était, responsable auprès du ministre de la Santé et qu'elle devait produire un rapport annuel qui était déposé à la Chambre. Je pense que ce rapport contient — selon mon souvenir — une foule d'informations. Je ne sais pas si cela répondra exactement au désir de M. Pepin, mais il pourra en prendre connaissance.

M. PEPIN : Je vous remercie. Le deuxième point: le ministre de la Santé, dans son intervention, a dit qu'il avait distribué des docu- ments aux députés, aux ministres et aux journalistes. J'en ai moi-même eu, heureusement, une copie. Il a mentionné que, quant au dossier des omnipraticiens, il préférait attendre l'intervention du Dr Hamel pour savoir si on devait, ou non, distribuer le contenu des accords actuels. Pour ma part, je souhaite grandement que ce dossier soit rendu public et j'ose croire que, demain, le Dr Hamel donnera une réponse favorable au ministre de la Santé pour que la population, en général, soit informée du déroulement actuel des négociations.

Ne vous en faites pas, ce n'est rien de nouveau dans le domaine des relations entre parties contractantes. Si vous saviez jusqu'à quel point les négociations dans la construction sont publiques, vous pourriez voir qu'il n'y avait pas de crainte, au moins, à étaler les accords qui sont intervenus entre la Fédération des omnipraticiens et le gouvernement.

Le dernier point que je vais toucher un peu plus longuement, mais en prenant un temps très limité — je ne veux pas retenir votre attention trop longtemps — est le problème du Collège des médecins et le problème des amendements que M. Castonguay a annoncés il y a quelques moments. Il n'est pas toujours très très excellent de venir troubler l'unanimité, ou d'être un peu trouble-fête dans ce domaine. Je comprends qu'il y a un accord qui semble se réaliser entre le collège et le ministre et que la Fédération des omnipraticiens a manifesté tout son grand respect pour le collège. Je peux vous dire que, quant à moi, je n'ai pas à me prononcer sur le respect quant au collège, quant aux hommes qui sont là-dedans, bien sûr. Mais, sur ce problème du Collège des médecins, je n'ai pas d'opposition formelle à ce qu'a proposé le ministre parce qu'il faudrait, pour moi aussi, en tout cas, avant de me prononcer définitivement, voir de plus près les choses. Je voudrais au moins mettre en garde le gouvernement et les membres de cette commission, que le Collège des médecins, quant à nous, quant à moi en particulier — je ne parlerai pas pour les autres — n'a pas toujours représenté et ne représente pas encore nécessairement le summum de ce qui pourrait être fait.

Je crois qu'une bonne partie de la population considère qu'il y a là matière de conflit d'intérêts entre un collège des médecins qui a à administrer, quasiment, la santé au Québec, et le fait que ce ne soient que des médecins qui composent le collège.

D'ailleurs, dans le rapport de la commission qu'il a déjà présidée, le ministre indique qu'il aura des propositions concrètes à faire dans l'avenir pour réformer l'ensemble des corporations, donc aussi la corporation médicale.

Je voudrais me permettre, en parlant de ce problème, de rappeler que, dans un plus récent rapport sur la santé, tome 1, la deuxième partie, vous pourrez voir jusqu'à quel point le collège a fait ou n'a pas fait tout le travail qui devait être

fait. Entre autres, on voit dans ce rapport, que, pour l'espérance de vie, le Canada, avait le neuvième rang alors que le Québec avait le quatorzième rang. Ce n'est pas nécessairement la faute du collège, mais ce sont simplement des indices de ce qui arrive lorsque l'on confie des responsabilités à un organisme privé. Le collège est un organisme privé, même s'il est constitué en vertu d'une loi de l'Assemblée nationale. Je crois que l'on peut aussi noter le cas de la mortalité infantile où le Canada avait le douzième rang et le Québec, le seizième ou le dix-huitième rang. Je me permets de vous rappeler que, dans le même rapport, il est bien mentionné qu'aucun organisme professionnel n'a mis en place les nouveaux modes d'évaluation de qualité. Je pourrais continuer à donner certains exemples de cette nature.

Mais, je voudrais surtout mentionner qu'il m'apparaft que le collège n'agit que sur plaintes, comme si la police n'agissait que sur plaintes. J'ai l'impression que, dans le domaine de la santé, des syndicats, en particulier des syndicats d'infirmières, ont fait au moins autant avec des moyens beaucoup plus limités dans certains champs d'activités que le collège lui-même. Inutile de vous rappeler ici que, s'il y a eu une enquête à l'hôpital Charles-Lemoyne non pas uniquement sur les conditions de vie dans l'hôpital .mais une enquête qui a été ordonnée par M. Cloutier qui était ministre dans le temps, cela a été fait spécialement à la demande de l'Alliance des infirmières. Je sais qu'à Saint-Louis-de-Windsor, le Collège des médecins y a été mêlé. Il semble qu'il y avait un peu de brouille entre quelques médecins à cette occasion. Personnellement, j'ai déjà communiqué avec le collège pour lui demander si dans telle institution hospitalière on pouvait me dire que la qualité des actes médicaux pouvait être acceptable parce que nous avions des recommandations à faire à nos membres. J'ai eu un accusé de réception. Je n'ai jamais eu de réponse effective à cette demande.

Je sais que, dans certaines régions, il y a à peine quelques années, pour des populations identiques quant au nombre, il y avait le double d'opérations dans une région par rapport à une autre, parce que, semble-t-il, il n'y avait pas de pathologiste à l'hôpital. Si vous prenez le bulletin du collège lui-même, vous vous rendez compte qu'il y a sans doute des choses qui peuvent se faire. Mais, je vois, dans une région ici, que le nombre de malades traités dans une semaine normale équivaut à 175 par médecin. Dans cette même région, les heures de travail déclarées sont de 37. Un calcul rapide me permet de dire que ces médecins-là voient leurs malades pendant douze minutes, sans doute le temps de leur donner les médicaments qui s'imposent. Cela, ce sont les propres statistiques du collège.

Je pourrais ajouter aussi le cas des anesthésis-tes, des accouchements. Dans combien d'insti- tutions hospitalières, ce sont les infirmières qui ont fait des pressions, et parfois des pressions publiques, pour n'être pas tenues de faire elles-mêmes l'anesthésiè du patient ou de la patiente! Je pense que c'est important de le souligner, parce qu'il m'apparaft que le collège n'agit que sur plaintes. Il n'a pas la ressource qu'il faut; il n'a peut-être pas la loi qu'il aimerait avoir. Mais, j'ai l'impression que, lorsque l'on s'en va vers un contrôle plus direct de la part du collège, on a une responsabilité de ce côté-là et qu'il faut faire extrêmement attention. Encore une fois, je ne me prononce pas sur les amendements projetés. Je dis uniquement ces choses parce que je pensais que c'était important de les mentionner. En dernier lieu, je souligne que le collège existe, je pense, depuis 123 ans. S'il est encore critiqué à ce point-là, c'est qu'il doit y avoir plusieurs choses à améliorer. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Un bref commentaire, M. le Président. C'est simplement pour rappeler que, tout comme la Loi de l'assurance-maladie ne touche pas à l'organisation des services de santé, elle ne touche pas, non plus, à l'organisation des corporations professionnelles. Lorsque la loi du collège sera soumise pour étude à l'Assemblée nationale, ces questions pourront être reprises.

Mais, à moins qu'on ne rejette le principe des corporations professionnelles — sur ce point, le gouvernement croit que c'est une formule qui doit être conservée — à partir du moment où la corporation professionnelle doit être maintenue, s'il y a lieu d'améliorer son fonctionnement par des améliorations ou des amendements à la loi, je crois que ce sont des questions qui devront être discutées en temps et lieu. Pour le moment, dans le cadre de l'assurance-maladie, il faut s'assurer que les distinctions qui s'imposent sur ce plan se fassent.

En deuxième lieu, je voudrais simplement rappeler, une fois de plus, que même si j'ai été membre d'une commission d'enquête, cela ne veut pas dire que les rapports de cette commission sont nécessairement, par le fait même, des politiques du gouvernement. Le gouvernement devra se prononcer sur ces rapports avant d'en faire sa politique en totalité ou en partie. C'est un point qui mérite, malgré tout, d'être mentionné.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Roy, régistraire du Collège des médecins chirurgiens.

M. ROY: M. le Président, permettez-moi de rétablir quelque peu les faits énoncés par M. Pepin. Je vais le faire d'une façon sereine. Je ne veux pas entamer de polémique. Je crois, par ailleurs, qu'il est important que la Législature,

ses représentants et le public sachent ce qui se passe.

Je ne veux pas faire de démagogie — il serait facile d'en faire — mais je veux quand même répondre à certains arguments de M. Pepin, particulièrement quant à la demande qu'il nous a faite de faire enquête dans un hôpital. Nous avons accusé réception. Nous avons fait enquête dans l'hôpital privé en question, à Montréal. Nous avons fait parvenir copie du rapport au ministre de la Santé de l'époque, et celui-ci a agi en conséquence. Les représentations du collège ont été suivies, en partie, de façon satisfaisante. M. Pepin n'a pas eu de copie du rapport de notre enquête nous ne jugions pas que c'était à lui que cela devait aller, mais plutôt au ministre de la Santé.

Deuxièmement, en ce qui concerne le rapport de l'enquête à l'hôpital Windsor, cette enquête a été demandée par le collège lui-même, parce que le collège a jugé qu'il n'avait pas les moyens nécessaires pour faire l'enquête.

Troisièmement, en ce qui concerne l'hôpital Charles-Lemoyne, l'enquête du collège était commencée avant celle décrétée par le gouvernement. De plus, si vous lisez le rapport de l'enquête à Windsor, un très grand nombre des cas étaient des problèmes d'administration. Quant aux cas médicaux, il y a eu une enquête dans chaque cas et, en plus des huit ou dix cas portés à l'attention du collège par la CSN, nous avons vérifié 2,500 dossiers médicaux par notre propre pouvoir et nous avons amené quatre médecins devant notre conseil de discipline. Je pense que nous avons pris nos responsabilités.

Je dois dire, par ailleurs, que la médecine pratiquée à l'hôpital Windsor était excellente en général, et cela pour rétablir les faits, parce qu'on a fait tort à la réputation d'un grand nombre de médecins.

Je le dis d'autant plus que, chaque fois qu'on parle de problèmes dans un hôpital — et c'est pour cela que le Collège des médecins demande une revision de sa loi — on attaque immédiatement les médecins. Or, les médecins ne sont pas responsables de tout ce qui se passe dans les hôpitaux. Il existe des administrations hospitalières qui ont des prérogatives en vertu de la Loi des hôpitaux et qui doivent les assumer; elles ne doivent pas attendre les médecins pour assumer leurs responsabilités. Que les administrations agissent, elles ont l'autorité pour le faire. Qu'elles prennent leurs responsabilités. Les médecins ne sont que les gens qui prodiguent des soins à l'hôpital; ils n'administrent pas les hôpitaux.

Je pense qu'on ne doit pas faire un procès d'intention au collège pour ce qu'il a fait au cours des 23 dernières années, Je dois dire que le collège fait son devoir, autant que possible. Particulièrement depuis les dix dernières années, à cause de l'évolution de la société, il s'est donné des structures nouvelles.

Le collège n'agit pas seulement sur plainte, mais, par exemple, au cours de la dernière année, il a visité d'une façon systématique et périodique cinquante hôpitaux dans la province. Il a examiné la pratique médicale de 900 médecins, et la pratique médicale de 900 médecins, cela comporte un paquet de dossiers à réviser.

Le collège a fait des recommandations à plusieurs hôpitaux, à plusieurs médecins. Il en a d'ailleurs plusieurs de prêtes actuellement et il attend de rencontrer le ministre de la Santé avant de faire parvenir ces recommandations à certains hôpitaux, parce qu'elles comportent des problèmes de régionalisation et que nous ne voulons pas, par une action de notre part, aller à l'encontre d'une action du ministère de la Santé en ce qui concerne la régionalisation et la distribution des soins.

Nous sommes parfaitement conscients qu'il existe des problèmes dans la province de Québec, qu'il faut améliorer nos taux de mortalité maternelle et infantile. Nous sommes d'accord qu'il y a des améliorations à faire. Nous voulons le faire avec le gouvernement. Nous avons d'excellents médecins dans le Québec. Nous n'avons quand même pas le monopole de la vertu. Je ne pense pas que les syndicats ouvriers l'aient non plus. Par ailleurs, nous sommes prêts à assumer nos responsabilités, à collaborer avec le gouvernement pour améliorer les soins et surtout pour voir à une juste distribution des soins, parce que, dans le Québec actuellement, ce n'est pas tant le nombre de médecins qui est déficient que la mauvaise distribution des médecins et la mauvaise organisation médicale. Cela, nous en sommes conscients et nous voulons faire quelque chose avec le gouvernement. Nous offrons notre collaboration et nous l'offrons d'une façon officielle.

De plus, le Collège des médecins, selon sa loi actuelle, n'est administré que par des médecins. Mais suivant les recommandations du rapport Castonguay-Nepveu — et nous en avons fait part au gouvernement — nous sommes prêts, dans le prochain amendement de notre loi, à avoir à notre conseil d'administration le ministre de la Santé lui-même, le ministre de l'Education lui-même — parce que nous avons des questions d'éducation médicale — un représentant du peuple, le Protecteur du citoyen ou un autre représentant du peuple, pour s'asseoir avec nous et prendre les décisions. Nous sommes conscients que ces gens-là prendront les mêmes décisions que nous lorsqu'ils seront confrontés avec les mêmes problèmes.

Nous sommes ouverts; nous ne sommes pas une chasse gardée. Nous ne limitons en aucune façon l'accès à la profession médicale dans le Québec, ni par le truchement des universités, ni pour ce qui est des médecins étrangers. Je pense que le collège n'a pas de leçon de perfection, n'a pas de leçon d'administration à recevoir des syndicats ouvriers. Nous pensons être capables de nous administrer convenablement. Nous

croyons que nous sommes bien administrés. Nous vous offrons de venir nous visiter, de vous rendre compte par vous-mêmes de ce que nous faisons. Nous vous ouvrirons nos livres si vous le jugez à propos.

M. LE PRESIDENT: Un instant. Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais juste un commentaire à faire. J'ai écouté les plaidoyers. Je ne sais pas si votre plaidoyer va dans le même sens, M. Laberge, mais je voudrais ajouter qu'avec les bonnes dispositions du collège, l'intérêt vif des syndicats, la vigilance de l'Opposition et l'oreille attentive du gouvernement, je pense qu'on peut améliorer la qualité des soins médicaux.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le Dr Gingras est présent? Le président du Collège des médecins? Le Dr Gingras est-il présent?

M. ROY: II est sorti, je ne sais pas si on peut le rejoindre.

M. BOURASSA: Oui, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge, pendant qu'on va faire venir le docteur.

M. LABERGE: M. le Président, M. le premier ministre, messieurs les ministres, messieurs les députés et messieurs les médecins. Je n'essaierai pas de faire la leçon au collège. Probablement que mon ami Marcel a parlé du collège avant son dernier rapport. Je pense que nous devons reconnaître qu'en effet le collège s'est sensiblement amélioré, et surtout depuis quelques années. Nous sommes les premiers à le reconnaître.

Mais, il reste, je pense, comme le registraire du collège l'a mentionné, qu'il y a encore énormément à faire et surtout justement dans la distribution des soins de santé. Cela, c'est extrêmement important. Et quand le ministre de la Santé a parlé de certains amendements dans les règlements ou dans la loi afin d'en venir à une entente, il est bien sûr que nous souhaitons qu'il y ait la plus grande entente possible et couvrant tous les professionnels de la santé.

Toutefois, il serait inquiétant d'aller trop loin dans ce domaine-là. Le Collège des médecins l'a déclaré par la bouche de son président, il n'a pas encore toutes les armes voulues pour voir effectivement à ce que les patients reçoivent les soins auxquels ils ont droit, et c'est pour cela que la régie se doit de garder quand même un certain contrôle, une certaine initiative.

D'ailleurs, le ministre s'est empressé de déclarer que les brillants rapports présentés par nos commissions qui ont fait une enquête poussée dans tous ces domaines n'étaient pas nécessairement les politiques du gouvernement. J'espère qu'il n'a pas changé d'idée et qu'il trouve toujours les rapports de ces commissions aussi excellents qu'ils l'étaient au moment de leur dépôt.

Dans ces rapports, nous lisons un tas de choses intéressantes. Il reste que, sans accuser le collège que quoi que ce soit, le seul organisme qui avait quelque chose à dire sur les soins de la santé était en quelque sorte le collège, et, peut-être plus par ignorance que par autre chose, l'opinion publique rendait le collège responsable des lacunes dans les services de santé.

Si le collège n'est pas équipé pour combler ces lacunes, il faut, je pense, que d'autres le fassent. Le collège vient d'offrir sa collaboration au gouvernement, c'est magnifique. Je pense qu'on peut y faire quelque chose comme, par exemple, tout le système des hôpitaux fermés alors que des médecins ne peuvent pas aller traiter leurs patients dans ces hôpitaux parce que la direction médicale de l'hôpital contrôle l'affaire et garde les lits pour eux, enfin tout ce genre de choses...

M. ROY: ... c'est l'administration, nous ne pouvons pas les mener.

M. LABERGE: Oui, oui. Comme je le dis, je ne sais pas si cela dépend de vous, je ne vous accuse de rien.

M. ROY: Vous ne pouvez pas non plus, ce n'est pas nous.

M. LABERGE: Je fais bien attention de ne pas me tromper. Il me semble que mon pouls faiblit depuis quelques minutes, alors je vais être très prudent. Je regrette, comme tout le monde, je pense, l'absence des médecins spécialistes. Les médecins spécialistes croient qu'ils ont des principes à défendre. Dieu sait que nous avons eu l'occasion de nous faire inviter par le gouvernement à venir expliquer nos doléances. Nous venons parfois à reculons, comme la semaine dernière, nous y reviendrons bientôt à reculons, encore une fois, le 6 prochain, mais nous y serons.

Il est malheureux je pense, que les médecins spécialistes n'aient pas profité de l'occasion, justement, pour bien expliquer aux gens les plus intéressés leur point de vue. Sans doute qu'ils auraient convaincu quelques-uns d'entre nous de la valeur de certains de leurs arguments.

Toutefois, je suis bien heureux, comme l'a dit le président général de la CSN, que le gouvernement se soit enfin décidé à donner à la population du Québec l'assurance-maladie; il était temps. Nous n'avons que trop longtemps attendu. Nous ne voulons pas du tout critiquer la lenteur des négociations. Nous comprenons que c'était extrêmement difficile, extrêmement

complexe. De toute façon, la population désirait avoir l'assurance. Le gouvernement vient de décider que c'est le 1er novembre, bravo!

Quant aux médecins spécialistes, j'espère qu'ils feront comme leurs confrères des autres professions médicales et qu'eux aussi, bien que probablement pas entièrement satisfaits ni de la loi ni de la réglementation, feront comme tout citoyen responsable se doit de faire. Nous avons dû parfois accepter des règlements dans des conflits de travailleurs qui n'étaient pas satisfaisants. Nous les avons acceptés.

Nos gens ont déjà, dans plusieurs cas, été forcés par des lois spéciales de retourner au travail. Nous ne suggérons pas du tout une loi spéciale du même genre. Cela ferait une autre loi que nous aurions à critiquer, mais il reste que, comme citoyens responsables, nous avons respecté ces lois-là, nous sommes retournés au travail et nos gens ont effectué le travail de façon normale. Alors, M. le Président, c'étaient les quelques remarques que je voulais faire. Il reste énormément à faire dans le domaine de la santé. La redistribution des services, toute cette question des hôpitaux fermés, etc. Le collège veut collaborer. Je ne veux pas nécessairement me porter candidat pour siéger à l'exécutif du collège, mais, si vous pensez à moi, j'irais voir ça avec énormément de plaisir. On en apprendrait des choses là-dedans!

De toute façon, encore une fois, je suis bien heureux que nous ayons l'assurance-maladie à partir du 1er novembre.

M. LE PRESIDENT: M. Bourassa.

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais demander au Dr Gingras, puisqu'il a discuté avec le sous-ministre, le Dr Brunet, du texte écrit si, après avoir vu les garanties écrites données par M. Castonguay sur la liberté professionnelle, il est encore satisfait comme il l'était tantôt.

M. GINGRAS: M. le premier ministre, M. le Président. L'exécutif du Collège des médecins a examiné les quatre propositions au sujet des modifications du bill 8. Quant à la première, nous sommes d'accord, sauf les quatre dernières lignes: "II faudrait par contre s'assurer etc.," jusqu'à la fin.

M. BOURASSA: Cela va de soi. D'accord.

M. GINGRAS: Je crois que c'est évident, parce qu'il y aurait contradiction autrement. Quant aux autres, nous sommes d'accord, sous réserve, bien entendu, de la formulation précise en articles de loi. Nous émettons encore le voeu de voir ces articles de loi avant qu'ils soient promulgués.

Notre collaboration, M. le premier ministre, messieurs, vous est acquise. Profitez-en si vous le voulez.

M. BOURASSA: Mais, tel que présenté là, ça vous satisfait. Vous pourriez peut-être le dire aux spécialistes si vous les rencontrez.

M. GINGRAS: En principe.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres personnes voudraient prendre la parole? sinon nous ajournerons nos travaux à demain matin, dix heures et demie.

M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: Demain matin, lorsque nous aurons entendu les personnes ou organismes qui voudront se faire entendre, s'il y en avait d'autres en plus du Dr Hamel et, j'espère bien, du Dr Robillard, il me semble qu'il serait opportun de reprendre la discussion sur la question du désengagement pour voir s'il y a moyen tout en respectant les objectifs du régime d'apporter un amendement qui serait plus satisfaisant, qui donnerait une loi plus satisfaisante. Mais je dis bien: Tout en respectant les objectifs du régime.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que la commission est d'accord pour que son président insiste d'une façon particulière auprès du Dr Robillard afin qu'il soit présent demain à dix heures et demie, afin qu'il reconsidère sa décision de ne pas venir témoigner? La commission est entièrement d'accord? On peut donc exprimer le voeu de la commission que le Dr Fortier communique avec lui pour l'inviter d'une façon toute spéciale demain matin à dix heures et demie.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Ajourné à demain matin, dix heures et demie.

(Fin de la séance: 17 h 8)

Séance du vendredi 2 octobre 1970

(Dix heures trente-trois minutes)

M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A l'ordre, messieurs! M. Bourassa.

Télégramme du Dr Robillard

M. BOURASSA: On me permettra de lire un télégramme envoyé à l'adresse du président: "Avons été informés hier soir — disons que la radio ne devait pas fonctionner à Montréal — du voeu de la commission parlementaire de la Santé d'entendre nos représentations au sujet de la Loi de l'assurance-maladie. Cette invitation ainsi que la rencontre de nos délégués avec le premier ministre, hier soir, seront discutées ce matin au conseil d'administration, qui fera connaître sa décision aujourd'hui à midi. Raymond Robillard, président"

J'ai rencontré hier le Dr Robillard, à sa demande, à mon hôtel à Québec, avec deux autres représentants de la Fédération des médecins spécialistes. Je l'ai invité à venir se présenter devant la commission parlementaire et il a dit qu'il consulterait son exécutif, ce que confirme le télégramme qu'il nous a fait parvenir ce matin. Donc, nous ne pourrons savoir avant ce midi si le Dr Robillard est prêt à venir discuter avec la commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: M. Castonguay, avez-vous une déclaration à faire?

Arrêt de travail

M. CASTONGUAY: M. le Président, nous apprenons par les journaux qu'un certain nombre de médecins quittent la province ou cessent leurs activités normales. A la question que j'ai adressée au président du collège, hier, il m'a dit qu'il n'avait pas les armes nécessaires pour sévir. Mais il s'est dit convaincu qu'aucun malade ne souffrira de l'arrêt de travail. Il dit qu'il entend faire en sorte que les urgences médicales et chirurgicales soient toujours assurées, quoiqu'il arrive.

Il n'est pas question de semer la crainte dans la population; j'ai toutefois des rapports, en tant que ministre de la Santé, à l'effet que dans certaines régions tout est normal, mais dans d'autres endroits le débrayage des médecins est plus généralisé, et cette situation ne peut être ignorée. Nous savons que, par la Loi des hôpitaux, le ministère de la Santé peut, au niveau des unités sanitaires, entrer en communication avec ces institutions, demander leur collaboration, donner des directives, même, au besoin, exercer certains pouvoirs. En ce qui a trait aux médecins, étant donné qu'ils sont régis par une corporation professionnelle, le gouvernement n'a aucun pouvoir sur eux, de façon directe.

Un dernier point qu'il y a peut-être lieu de rappeler, c'est que, parmi les médecins spécialistes, il y a certaines ententes qui sont signées, et encore-là, ces ententes avec le gouvernement ne prévoient pas spécifiquement des conditions de disponibilité. Toutefois les médecins, de façon générale, ont des ententes avec leurs hôpitaux.

Alors, la question que j'aimerais poser, étant donné cette situation dans laquelle nous nous trouvons de par la loi, ce que le Collège des médecins et chirurgiens a pris comme dispositif, est-ce qu'il a rappelé d'abord aux médecins les éléments principaux du code de déontologie dans une telle situation? Est-ce que le collège entend se prononcer lui-même clairement sur ce qu'il croit qui devrait être fait par l'ensemble des médecins et les médecins en particulier dans un tel arrêt de travail? Est-ce que le collège a mis sur pied un comité, comme nous l'avons fait, pour renseigner les institutions sur les moyens qu'ils peuvent prendre pour se tenir au courant de la situation et faire de même vis-à-vis de ses membres? Pour la population qui voudrait avoir des renseignements portant justement sur l'activité de leurs membres, je rappelle que, sur ce point, le gouvernement n'a pas de pouvoirs dans la situation actuelle. Est-ce que le collège a établi un système de communications qui permet assez facilement à la population de s'adresser au collège pour savoir quelle attitude prendre?

Alors, ce sont des questions vis-à-vis de la situation qu'on nous rapporte, qu'il faut clarifier. Il ne s'agit pas, comme je l'ai dit au début, de semer de l'inquiétude, mais il faut malgré tout, comme gouvernement et ici pour les membres de la commission parlementaire de la Santé, avoir plus de renseignements sur cette question, à mon avis.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui veulent adresser la parole? Est-ce que le Dr Gérard Hamel est prêt à...

UNE VOIX: Peut-être que le Dr Gingras pourrait répondre à ces questions?

M. LE PRESIDENT: Dr Gingras.

M. GINGRAS: M. le Président, les questions que l'on me pose aujourd'hui sont simplement les mêmes que celles que l'on nous a posées hier. Et je rejette la responsabilité sur le gouvernement qui ne nous a pas donné les armes nécessaires que nous demandons depuis longtemps au sujet de la loi. Le collège a averti ses membres, je l'ai fait hier publiquement. De plus, l'exécutif se réunira et se réunit tous les jours pour étudier la situation.

Nous avons des membres, n'est-ce pas, des gouverneurs dans toutes les localités de la province de Québec. Lors d'une récente réunion des gouverneurs, il a été entendu que nous

serions tenus au courant, lorsque c'est humainement possible, de ce qui se passe. Nous ferons en sorte d'entrer en communication avec les divers hôpitaux de façon à être avertis des manquements qui peuvent survenir. Ce sont les seules possibilités que nous ayons avec la loi vétuste qui a 140 ans ou plus.

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais demander, M. le Président, en quoi la loi actuelle empêche le collège de rappeler à ses membres quelle attitude ils doivent prendre dans une telle situation, avec le code d'éthique qui existe et qui a été promulgué par le collège, à ma connaissance? Est-ce qu'il y a quelque chose dans la loi qui empêche ou qui aurait empêché le collège au cours des dernières semaines, de mettre sur pied un organisme ou un comité ou un système pour renseigner la population ou encore pour recevoir les plaintes de la population dans une telle situation? Y a-t-il quelque chose dans la loi qui vous empêche présentement de poser, à tout le moins, ces deux gestes-là?

M. GINGRAS: Non, pas celui-là, M. le ministre. Pas celui-là, M. le Président.

M. CASTONGUAY: Est-ce l'intention du collège, M. le Président, de rappeler à ses membres de façon plus explicite quelle attitude ils doivent prendre dans une telle situation, non pas sur la question spécifique de l'assurance-maladie, mais sur la question de la dispensation et du maintien des services par rapport à toutes les normes ou au code de déontologie?

M. GINGRAS: M. le Président, nous l'avons fait hier. Nous allons le refaire, il n'y a pas l'ombre d'un doute, mais, enfin, les événements se déroulent. Nous n'avons pas plus que vous des rapports finaux quant au débrayage des spécialistes, etc. Nous ne savons pas exactement encore ce qui se passe. Est-ce qu'on peut faire plus que se réunir chaque jour pour étudier la situation? Est-ce qu'on peut faire plus que convoquer le bureau provincial de médecine à la moindre alerte? C'est ce que nous avons le dessein de faire.

Le syndicalisme est une réalité acceptée, n'est-ce pas? Ce n'est pas nous qui avons formé le syndicalisme; ce sont les syndicats qui l'ont formé, mais tout de même avec la permission du gouvernement. Le nier dans ses formes d'exercice, c'est, à toutes fins pratiques, le rejeter, à moins de prévoir d'autres mécanismes.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'ai fait allusion, dans aucune des questions que j'ai adressées au président du collège, au syndicalisme ou au droit qu'ont les médecins de se syndiquer.

Je voulais simplement obtenir du Dr Gingras, en tant que président du Collège des médecins, des réponses sur les gestes qu'ils ont pu poser ou qu'ils entendent poser, pour assurer que la population soit protégée. Le collège, et on nous l'a rappelé hier, est là pour la protection de la population. Dans une telle situation, le collège a des responsabilités vis-à-vis de la protection de la population, et c'était uniquement dans ce sens-là que j'ai adressé mes questions. Je pense que mélanger cela au syndicalisme, c'est mélanger deux choses tout à fait différentes.

M. VEZINA: M. le docteur, vous venez de dire que le Collège des médecins va communiquer avec les hôpitaux au besoin, dans la province, et qu'on va vous informer s'il y a des gestes ou des manquements qui doivent être portés à l'attention du collège. Mais qui, à l'autre bout de la ligne, va décider que tel ou tel geste doit être porté à l'attention du collège? Qui va vous informer de cela?

M. GINGRAS: L'administration des hôpitaux est encore, que je sache, la personne morale qui est la dernière autorité et c'est avec elle que nous allons communiquer par l'intermédiaire, j'imagine, des administrateurs et du directeur médical. Ce sont les gens, à mon sens, avec qui nous devons communiquer.

M. VEZINA: Donc, l'administration des hôpitaux. Une fois qu'un geste va être porté à votre connaissance, comment le Collège des médecins peut-il agir et avec quelle rapidité ou quelle non-rapidité le collège peut-il agir?

M. GINGRAS: Je pense avoir dit au moins quatre ou cinq fois, M. le Président, que la loi que nous administrons est tellement lente, tellement complexe que, dans l'utilisation de droits ou dans les situations d'urgence comme celle d'une contestation, la loi médicale ne donne pas au collège des moyens d'action rapide. Je l'ai dit, c'est la quatrième fois que je le répète. Le collège ne peut exercer que des pressions morales sur ses membres.

M. VEZINA: Des pressions disciplinaires, il n'y en a pas?

M. GINGRAS: ... Il se propose, encore une fois, si vous permettez, d'établir et d'étudier sérieusement toutes les plaintes fondées, comme nous le faisons habituellement. Il faut se rappeler, cependant, que l'organisme disciplinaire du collège, tel que prévu dans la loi médicale, est un tribunal judiciaire comportant toutes les longues procédures des tribunaux civils. Nous avons demandé certaines permissions dans le projet de loi qui nous permettraient d'agir immédiatement. Il y a trois ans de cela, nous attendons toujours.

M. LACROIX: Votre corporation est malade.

M. GINGRAS: C'est à cause de vous, monsieur.

M. LACROIX: On va essayer de corriger cela.

M. BOSSE: Dr Gingras, pouvez-vous nous dire si vous avez établi des contacts avec le syndicat des spécialistes afin d'assurer des services, afin de les mettre en garde en ce qui concerne les services essentiels? Nous savons que, dans les autres groupes de syndiqués, quels qu'ils soient, l'élément de services essentiels et tous les organismes responsables entrent en ligne de compte.

Je crois que le collège est un organisme responsable. Dans ce sens, avez-vous établi des contacts pour assurer les services essentiels, pour les mettre en garde vis-à-vis des services essentiels à assurer?

M. GINGRAS: Nous avons envoyé des télégrammes à la Fédération des spécialistes mettant ses membres en garde contre les dangers d'une conflagration et d'un arrêt de travail.

M. BOSSE: Et les informant des conséquences possibles et des mesures disciplinaires qui pourraient...

M. GINGRAS: Exactement.

M. BOSSE: ... être exercées par le collège?

M. GINGRAS: Exactement.

M. BOSSE: Vous pouvez donc, ce matin, assurer la population de votre responsabilité, comme président du Collège des médecins, en ce qui a trait aux services essentiels? La population peut donc être assurée de ces services essentiels dans la mesure où vous êtes concernés?

M. GINGRAS: Nous faisons des recommandations, n'est-ce pas, nous avons un pouvoir moral sur nos membres, je le répète, mais nous n'avons pas de pouvoir coercitif sur eux.

M. BOSSE: Etes-vous conscient que si vous ne prenez pas ces responsabilités, d'autres organismes peuvent les prendre?

M. GINGRAS: II est difficile de prendre des responsabilité que nous n'avons pas, monsieur.

M. BOSSE: Vous vous refusez donc à admettre, comme président du Collège des médecins, que vous avez la responsabilité, vis-à-vis des médecins, de les avertir que s'il survenait des incidents ou des accidents graves, ils en seraient les responsables?

M. GINGRAS: Avec votre permission, M. le Président, est-ce que je peux demander au registraire adjoint, le Dr Lapierre, de vous dire quelques mots exactement sur ce sujet?

M. LE PRESIDENT: Alors, Dr Lapierre.

Qualité et distribution des soins

M. LAPIERRE: M. le Président, je pense qu'il y a ici une nette distinction à faire entre la qualité des soins et la distribution des soins. Le Collège des médecins est responsable d'assurer la qualité de la pratique médicale dans la province de Québec. Il n'est aucunement responsable de la distribution des soins. Quant à la planification de la distribution des soins, je pense que le collège n'a pas les moyens, dans sa loi, d'assurer une saine distribution des services des médecins dans la province. Une politique de saine distribution ne peut être assurée qu'avec le concours de l'Etat. La loi médicale ne nous donne aucune possibilité d'assurer cette distribution.

Quant à la qualité des soins, lorsque nous avons des plaintes et même, actuellement, nous faisons des visites systématiques dans les hôpitaux. Nous avons fait au cours de l'année dernière 50 visites des hôpitaux. Nous avons revisé la pratique d'au-delà de 900 médecins, ce qui veut dire que nous avons révisé à peu près 15,000 dossiers.

Donc, au niveau de la qualité des soins, lorsque l'acte est posé, nous pouvons juger de la qualité des soins. Mais nous ne pouvons présumer de la qualité des soins qui vont être donnés. Je pense qu'il faut absolument faire la distinction entre la distribution et la qualité des soins. La distribution ne relève pas de nous.

M. CASTONGUAY: M. le Président, est-ce que je pourrais faire une précision, ici, de telle sorte que la question discutée soit aussi claire que possible? Il ne s'agit pas, ici, de planification ou de qualité des soins, il s'agit du médecin qui est dans l'exercice de la profession face à son code de déontologie. Ce code de déontologie a été rédigé et adopté par le collège lui-même. Est-ce que, dans ce code, il y a quelques chose qui prévoit que le médecin peut refuser ses services pour des motifs de contestation? Il ne s'agit donc pas de qualité, il ne s'agit pas de planification, il s'agit du médecin en règle avec le collège qui pratique la médecine et il s'agit de savoir s'il peut refuser, pour des motifs de contestation, ses services. Je pense que ce sont ces genres de questions qui doivent être clarifiées de telle sorte que les membres du collège puissent savoir quelle attitude ils doivent prendre dans une telle situation.

M. LAPIERRE: Le code de déontologie qui est actuellement accepté par le Bureau provincial de médecine, mais qui n'est pas accepté par le législateur parce que ce code est à l'essai,

prévoit que le médecin peut cesser de donner des soins à un malade à la condition qu'il en assure la continuité. Aucune règle, aucun règlement ne prévoit un événement comme celui de la contestation.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le point soulevé par le ministre de la Santé est extrêmement important. Il vient d'apporter des précisions; les questions sont très précises. Actuellement, dans le public, étant donné qu'il y a la question des corporations professionnelles et, particulièrement que les pouvoirs du Collège des médecins sont discutés — nous avons été témoins, hier après-midi, d'une discussion à ce sujet — il est extrêmement important que le Collège des médecins, dans le contexte actuel, donne des réponses, d'abord, aux questions qui ont été posées, ici, devant la commission, questions précises et s'examine sur ses responsabilités à prendre dans les circonstances actuelles.

Les questions sont très précises — je le répète— et, pour ma part, j'appuie la position du ministre de la Santé qui, devant cette commission, ce matin, demande au Collège des médecins des réponses précises sur son comportement et son intention d'assumer entièrement ses responsabilités dans le conflit ou dans les problèmes actuels.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN: Je voudrais poser exactement la même question que le ministre a posée. Est-ce qu'il y a, dans le code de déontologie, des articles qui prévoient la conduite que doit tenir un médecin dans un cas d'urgence, que ce soit dans le cadre d'une contestation ou dans le cadre de son action individuelle? La question ne m'a pas semblé trop précise. C'est peut-être dû au fait, comme l'a dit le président tout à l'heure, que le collège manque des pouvoirs dont il aurait besoin en l'occurrence. A ce moment-là, peut-être faudrait-il dès maintenant envisager des mesures législatives d'urgence afin que le collège soit doté des pouvoirs qui lui permettraient d'exercer cette surveillance, cette protection de l'ordre public.

Je voulais ajouter une autre question à celle du ministre. Est-ce que le code de déontologie ne comporte pas quand même des articles assez spécifiques en ce qui concerne la dispensation des soins lorsqu'une urgence se manifeste? Est-ce que les règlements du collège ne prévoient pas non plus des sanctions, des peines, lorsque la preuve est faite qu'un médecin ne s'est pas conformé au code d'éthique en ce qui concerne la dispensation des soins d'urgence?

M. GINGRAS: Certainement, M. le Président. Je l'ai dit hier encore et je le répète. Si on nous apporte un cas patent où un cas d'urgence a été présenté à un médecin et où celui-ci a refusé de le voir, eh bien, nous prendrons les procédures lourdes, longues, que nous prenons habituellement. Cependant, dans notre nouvelle loi, nous avons demandé le droit de suspension immédiate, que nous n'avons pas.

M. LAURIN: Je vais prendre un cas hypothétique. Ce sera peut-être plus facile. Disons qu'un médecin, un gynécologue traite actuellement une femme enceinte qui est rendue à son septième ou huitième mois de grossesse, que les grossesses antérieures ont donné lieu à des complications qui ont requis l'aide du spécialiste et que le spécialiste dise à cette dame: Votre grossesse se poursuit avec certains avatars, bien sûr, mais si jamais cela se complique dans les jours qui viennent, moi, je serai absent. Si la patiente, très inquiète parce que c'est son médecin qui l'a toujours suivie et qui connaît son cas, lui dit: Mais qu'est-ce que je ferai si un accident arrive pendant que vous êtes parti en vacances? Si le spécialiste lui répond: Bien, vous vous adresserez à la salle d'urgence de tel hôpital. Si la patiente lui répond: Là, personne ne va pas connaître mon cas. On ne connaîtra pas tout ce qui s'est passé auparavant. On ne connaîtra pas mon dossier. Cela va m'empêcher de dormir. Si le médecin lui prescrit des somnifères en lui disant: Bon, ça va se régler. C'est quand même une urgence, mais le médecin qui sera à la salle d'urgence pourra suivre votre cas. Est-ce qu'on peut définir dans ce cas précis, hypothétique, qu'un médecin a manqué au code de déontologie?

M. LAPIERRE: M. le Président, d'après la loi médicale, telle qu'elle est conçue actuellement, dans le cas que vous venez de mentionner, tout ce qui peut être fait, c'est de décider de faire une enquête sur ce cas et d'apporter les pièces justificatives devant un tribunal. Il appartient au tribunal, comme à tout tribunal civil, de prendre la décision. Il est difficile actuellement pour le collège de présumer de la décision qui serait prise par le juge. Actuellement, le tribunal est composé de trois médecins, qui ne sont pas gouverneurs du collège, choisis parmi la profession pour leur intégrité.

M. LAURIN: Mais, j'ai bien dit que c'était un cas hypothétique.

M. LAPIERRE: Mais, que ce soit un cas hypothétique ou un cas réel, tout ce qu'il est permis au collège, c'est de faire enquête, d'apporter tous les documents devant un tribunal et de poursuivre le médecin. Il appartient au juge, après, de décider ce qu'il fera et la sanction qu'il imposera. Mais, le collège, le comité exécutif ou le bureau provincial de médecine ne peuvent imposer aucune sanction, si ce n'est par le truchement du tribunal d'arbitrage qui, lorsqu'il est nommé, devient indépendant.

M. LE PRESIDENT: Dr Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il est vrai que la loi médicale, dans sa forme actuelle, ne donne pas au bureau provincial de médecine ou à son exécutif tous les pouvoirs que ce collège voudrait avoir. Il est vrai que les procédures sont lourdes et longues, mais il me semble que, même si le collège avait, en ce moment, le droit d'imposer la suspension immédiate ce n'est pas cette suspension qui réglerait le problème qui se pose à nous aujourd'hui.

Ce que nous voudrions entendre de la part du collège, c'est une déclaration à l'effet que cet organisme ou corporation professionnelle de la médecine a l'intention d'émettre un avertissement solennel à tous ses membres et que, dans tout cas de manquement, quelle que soit la longueur des procédures par la suite, le collège a l'intention d'agir et ne laissera pas passer des choses inacceptables, dans l'intérêt du bien commun.

M. GINGRAS: M. le Président, si les avertissements que nous avons envoyés à la profession depuis quelques jours ne suffisent pas, nous en enverrons un autre à peu près dans les termes qui ont été émis par M. Goldbloom, et nous le ferons aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres membres qui veulent adresser la parole? M. Vézina.

M. VEZINA: Dr Gingras, nous avons un peu l'impression, à entendre les réponses que vous donnez aux différentes questions posées, que le Collège des médecins est à peu près impuissant devant la situation actuelle, si ce n'est qu'il peut dire: Nous vous mettons en garde. Si je comprends bien, c'est l'idée que vous émettez actuellement?

M. GINGRAS: Oui, monsieur.

M. VEZINA: Est-ce que vous avez l'impression que, comme responsable de la médecine, au sujet du code d'éthique, ou des mesures disciplinaires, vis-à-vis de la situation actuelle, vous avez épuisé tous les moyens mis à votre disposition pour assurer — pour reprendre l'idée de mon confrère— la population d'un minimum de garantie de sécurité, en ce qui a trait au côté médical de la vie? Est-ce que vous avez l'impression d'avoir épuisé, non seulement les pouvoirs contenus dans la loi, mais même votre imagination à l'intérieur de cette loi?

M. GINGRAS: Je crois que nous avons utilisé les moyens que nous avons à l'intérieur de la loi et, comme je viens de le dire, nous devons continuer à avertir nos collègues de voir à satisfaire aux urgences médicales et chirurgicales 24 heures par jour.

M. VEZINA: II reste une chose, docteur, vous avez une urgence dans un cas bien précis, non pas hypothétique, mais réel; qui va décider, à ce moment-là, si c'était, ou non, une urgence? Cela va être six mois plus tard que nous saurons si c'était une urgence?

M. GINGRAS: Selon notre loi, c'est exactement ça; nous devrons suivre le cours normal de la loi et, peut-être, six mois plus tard, nous saurons qu'il y avait eu urgence. Dans un changement de loi que nous proposons, les choses seraient différentes.

Mais vous voyez que je vous renvoie toujours la balle, n'est-ce pas?

M. VEZINA: Oui, je vois.

M. LE PRESIDENT: M. Bossé.

M. BOSSE: Dr Gingras, advenant une situation d'urgence où vous ne pouvez procéder, comme collège, qu'à des avis, uniquement, et à des enquêtes qui seront très longues, comme vous l'avez dit, quel organisme, à votre avis, peut procéder de façon urgente et immédiate, ou doit procéder à des mesures urgentes et immédiates?

M. GINGRAS: Le ministère de la Santé, monsieur.

M. BOSSE: Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Bois.

M. BOIS: M. le Président, j'aurais une question à poser à ce stade-ci. Devant les préoccupations du peuple et des divers mouvements au sujet de la santé publique, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de considérer, aussi, la possibilité que, si on doit établir des règlements extrêmement sévères en ce qui concerne les médecins, on en vienne à adopter aussi une attitude extrêmement pratique à l'endroit des débrayages complets de syndicats d'infirmières diplômées et de techniciens de laboratoire dans les hôpitaux de la province?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. le ministre peut répondre? M. Bois, est-ce que vous pouvez reprendre votre question?

M. CASTONGUAY: Je ne croyais pas que la question s'adressait à moi.

M. BOIS: Devant la préoccupation qui existe à l'heure actuelle au sujet de la santé, et devant l'appel que l'on fait au devoir professionnel des médecins, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu — je m'adresse à M. le ministre de la Santé — d'amener certaines exigences en ce qui concerne des débrayages complets dans les hôpitaux de la province par des syndicats d'infirmières diplô-

mées, de techniciens de laboratoire, etc., comme on l'a déjà vu?

M. CASTONGUAY: Si vous vous souvenez, lorsqu'en 1968, il y a eu, ou plutôt en 1967, une grève — ou en 1966 — dans les hôpitaux, le gouvernement de l'époque a mis en tutelle tous les hôpitaux, a nommé un administrateur. Et la loi, même encore là, si elle n'était peut-être pas tout à fait adaptée à ce genre de situation, avait des moyens d'intervenir.

Maintenant, dans le cas de la grève des radiologistes, en 1968, c'était, encore une fois, un problème de nature syndicale, de relations de travail; il s'est réglé sans qu'il soit nécessaire d'adopter une loi spéciale. Mais, encore à ce moment-là, le gouvernement aurait pu, s'il l'avait jugé à propos — sur ce point l'ancien ministre de la Santé pourra commenter s'il le désire — par des dispositions législatives, prendre les moyens qui s'imposaient.

Ce sont des cas qui sont tout à fait d'exception, et je pense qu'à ce moment, on doit avoir recours à des mesures spéciales.

M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville. Ah, pardon!

M. BOSSE: Si vous me le permettez, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: M. Bossé.

M. BOSSE: ... pour l'information de M. Bois. Et en 1966 et à l'occasion de la grève des radiologistes, ces corps responsables qui faisaient la grève avaient tout de même assuré le public et le ministre de la Santé des services essentiels, et effectivement fournissaient les services essentiels.

M. CLOUTIER: Le problème soulevé par le député de Saint-Sauveur, à ce moment-ci, est plus vaste. C'est une situation un peu nouvelle en ce sens que c'est la première fois qu'un groupe de médecins aussi important se trouve impliqué dans un conflit qui met en danger tout le service de distribution des soins. Je pense qu'il y aurait lieu, et le ministre de la Santé l'a certainement noté, de se pencher sur ce problème plus vaste qui est venu devant l'Assemblée nationale, ou qui s'est produit dans le Québec depuis 1966, surtout, et de prévoir des moyens d'urgence, dans le secteur hospitalier, en cas de débrayage partiel d'un secteur de la santé, secteur qui est impliqué dans le réseau de distribution des soins. Je pense que la question valait la peine d'être posée et qu'elle demandera des études et des réponses.

M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville.

M. QUENNEVILLE: Dr Gingras, est-ce que le Collège des médecins est en mesure de préciser, ce matin, de façon bien définie, l'attitude que le collège entend prendre vis-à-vis du moyen de contestation que les spécialistes utilisent actuellement, surtout après l'entente que nous avons eue hier sur le contrôle de l'acte médical?

M. GINGRAS: M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait un rapport. Et si je peux le dire, il est évident qu'on semble rejeter toute la responsabilité de tout ce qui peut se produire dans le domaine de la santé sur le collège, sur un organisme que vous harassez sans cesse, et à qui vous ne donnez pas de pouvoir. C'est un peu ridicule, si on y pense. Je crois que, si vous voulez nous donner les pouvoirs législatifs nécessaires, nous agirons, mais au moins, donnez les nous. Je refuserai de répondre à d'autres questions qui sont toujours les mêmes, qui me demandent de faire des choses que je n'ai pas le droit de faire.

M. LE PRESIDENT: Dr Quenneville.

M. QUENNEVILLE: M. le Président, actuellement on s'adresse justement au pouvoir moral du Collège des médecins, on veut savoir s'il est pour ou contre la contestation.

M. GINGRAS: Mon cher docteur, vous êtes vous-même du collège, vous êtes pour ou contre la grève de la contestation...

M. QUENNEVILLE: Je suis contre depuis longtemps.

M. GINGRAS: Le collège est contre. M. QUENNEVILLE: Merci.

M. LACROIX: Dr Gingras, est-ce que le président de la Fédération des médecins spécialistes parle au nom de tous ses collègues ou s'il parle plutôt en son nom personnel?

M. GINGRAS: II parle comme un président de syndicat, M. le député.

M. LACROIX: Est-ce que...

M. GINGRAS: Donc, il est membre de son syndicat... Enfin, je ne peux pas...

M. LACROIX: Les membres ont-ils voté?

M. GINGRAS: ... imaginer ce que le Dr Robillard dit, c'est son affaire à lui. Je ne peux pas vous interpréter sa pensée.

Mais je comprends, étant spécialiste moi-même, que le Dr Robillard parle pour le syndicat des spécialistes, comme le Dr Hamel parle au nom du syndicat des omnipraticiens. Est-ce assez juste?

M. LACROIX: Avez-vous pensé à faire voter les membres de la fédération?

M. GINGRAS: II faudrait que vous demandiez au Dr Robillard de le faire. Le Dr Robillard nous dit, toujours dans ses déclarations — je crois qu'il a raison — qu'après consultation avec son exécutif telle chose a été décidée. C'est ce que j'entends et je crois que c'est démocratique.

M. LACROIX: J'ai l'impression qu'il aime la démocratie, mais dirigée et qu'il la dirige bien.

M. GINGRAS: Sans commentaires!

M. LE PRESIDENT: Voici la réponse que le Dr Robillard m'a faite par télégramme. "Dr Fortier, président de la commission parlementaire de la Santé, Parlement, Québec: Avons été informés hier soir du voeu de la commission parlementaire de la Santé d'entendre nos représentations au sujet de la Loi sur l'assurance-maladie. Cette invitation ainsi que la rencontre de nos délégués avec le premier ministre hier soir seront discutées ce matin au conseil d'administration qui fera connaître sa décision aujourd'hui, à midi."

Si les autres membres sont du même avis — nous avons encore des gens qui veulent se faire entendre — nous allons terminer nos travaux à midi ou midi et demi et nous les reprendrons à trois heures.

Dr Laurin.

Mesures d'urgence

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de la Santé. Etant donné ce que nous venons d'entendre des autorités du collège sur les limites des pouvoirs qu'ils possèdent dans la circonstance; étant donné qu'un des représentants du collège a dit qu'il ne pourrait agir que si une loi spéciale ou régulière lui donnait plus de pouvoirs; étant donné la conjoncture désastreuse dans laquelle la population risque d'être placée dans un très proche avenir, est-ce que le ministre de la Santé pourrait nous dire si des mesures pourraient être envisagées, soit pour donner au collège les pouvoirs qu'il réclame, soit pour que l'Assemblée nationale puisse prendre les mesures d'urgence qui s'imposent?

M. CASTONGUAY: Je reçois périodiquement des rapports en ce qui a trait à la situation dans les hôpitaux de la province. A ce stade, même si la population peut en subir des inconvénients — je ne peux pas dire, d'après ces rapports si ce sont plus que des inconvénients pour des cas individuels — il ne semble pas que le moment soit arrivé d'aller plus loin que de demander — comme le président du collège vient de le faire — aux médecins d'assurer les services d'urgence, les services essentiels à la population. Si la situation devait exiger un geste de la part du gouvernement, vous pouvez être assuré, docteur, que ce geste sera posé dans les plus brefs délais.

M. LAURIN: Selon vous, M. le ministre, possédons-nous actuellement quelque part, soit au Collège des médecins, soit au gouvernement, les instruments nécessaires pour empêcher la situation de mettre en danger la population ou s'il faudra recourir à des mesures législatives d'urgence?

M. CASTONGUAY: Présentement, il n'y a aucune législation qui oblige un médecin à pratiquer de façon habituelle sa profession, s'il ne désire pas le faire, que ce soit au niveau de la loi du collège ou de toute autre législation dans le domaine de la santé. C'est pourquoi, si l'arrêt de travail se propage trop et que la santé publique vient à être en cause, il faudra intervenir par voie législative.

M. LE PRESIDENT: Dr Gingras.

M. GINGRAS: Je voudrais dire un mot, s'il vous plaît, M. le Président. Lorsque le ministère de la Santé, c'est-à-dire le gouvernement, a étudié, apparemment, me dit-on, les mesures d'urgence à prendre au niveau de la province en cas de conflagration, je tiendrais à dire que le collège, que l'on harasse aujourd'hui, n'a pas été invité à examiner ces mesures d'urgence. Je le répète, car je l'ai dit hier: S'il s'agit d'une loi spéciale de quelque nature qu'elle soit, le collège ose croire qu'avant de se faire écrabouiller il pourra dire son mot.

M. CASTONGUAY: M. le Président, sur ce point, je suis allé rencontrer l'exécutif du Collège des médecins à deux reprises au cours de l'été et je lui ai demandé de se prononcer au sujet de la Loi de l'assurance-maladie. Ce n'est que la veille du symposium qu'il y a eu une déclaration de la part du collège. Sur le texte ou sur le contenu de cette déclaration, je peux laisser parler le Dr Gingras; je ne veux pas lui prêter de paroles qu'il aurait pu ne pas dire. En ce qui a trait aux mesures d'urgence, j'ai bien rappelé tantôt qu'au niveau du ministère de la Santé nous n'avons comme instruments qu'une législation qui touche aux institutions. C'est pourquoi nous avons formé un comité pour renseigner toutes les institutions sur les gestes qu'elles pourraient poser.

Nous avons également envoyé un télégramme à tous les hôpitaux publics de la province, leur rappelant leur rôle dans une telle situation. Enfin, la Fédération des médecins spécialistes a dit qu'elle assurerait elle-même les services d'urgence, c'est-à-dire la disponibilité des médecins. Nous avons envoyé trois représentants du ministère pour prendre connaissance de ces services, de ce plan d'organisation. La Fédération des médecins spécialistes a accepté deux de

nos représentants et a demandé au troisième de ne pas entrer. Je ne sais pas si on avait peur que ce troisième représentant pose des questions plus pertinentes que les autres. De toute façon, deux de nos représentants ont été admis par la Fédération des médecins spécialistes à examiner les mesures qu'ils entendaient prendre. Nous n'avons en aucun moment reçu une demande du Collège des médecins quant au geste que nous aurions pu, nous, croire qu'il devait poser. Nous nous sommes bornés à aller les rencontrer deux fois, j'en conviens, mais ces deux rencontres ayant donné des résultats plutôt minimes, nous n'avons pas communiqué davantage avec eux.

M. LE PRESIDENT: Dr Saindon.

M. SAINDON: On semble vouloir dire qu'il y a danger de discontinuité dans les services rendus par les médecins spécialistes, contrairement à ce qui s'est passé lors de la contestation des radiologistes. A ce moment-ci, qu'est-ce qui vous fait penser qu'il peut y avoir discontinuité des services? Y-a-t-il quelque indication, comme c'est arrivé lors de la contestation des radiologistes, qu'il ne puisse pas y avoir, à ce moment-ci, une assurance de continuité des services de la part des médecins spécialistes? Qu'est-ce qui vous fait penser, à ce moment-ci, que c'est impossible? Tout le monde semble vouloir dire que c'est chose acquise. Qu'est-ce qui vous fait penser cela?

M. CASTONGUAY: Je crois qu'ici il s'agit de s'assurer avant justement qu'une telle situation se présente, que tous les moyens auront été pris pour qu'elle ne se développe pas. Je ne pense pas avoir dit, à aucun moment ce matin, ou que qui que ce soit ait dit que c'était la situation présente.

J'ai dit que présentement la situation ne méritait pas qu'il y ait intervention par voie législative. Mais simplement, comme je l'ai mentionné, j'ai des rapports à l'effet qu'il y a des arrêts de travail de la part d'un certain nombre de médecins. Je crois que c'est une question qu'il nous faut discuter ici ce matin, de telle sorte que si nous devons recourir à une loi spéciale, il soit très clair pour tous à l'avance que c'est le seul moyen qui semble exister, afin qu'au moment où ce sera fait — si ce doit être fait— on ne puisse dire: Bien, est-ce qu'il y aurait eu d'autres moyens? Est-ce que le recours à la législation n'est pas un moyen disproportionné par rapport à la situation?

Je crois que c'était l'objet de la discussion, et en tant que ministre de la Santé, je crois que je devais poser ces questions. Il y a aussi l'inquiétude au sein de la population, qui ne peut être ignorée. Je crois donc que la situation doit être précisée de façon aussi claire que possible.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Saindon a-t-il terminé sa question?

M. SAINDON: S'il y avait, par exemple, assurance que les services seraient continués, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de continuer les pourparlers au lieu de prendre des mesures?

M. CASTONGUAY: Nous avons dit hier que si, à la suite de la discussion à la commission parlementaire de la Santé, ici — comme nous l'avons vu hier après-midi, nous avons fait un certain progrès en ce qui a trait au contrôle de l'acte médical — de nouvelles avenues s'ouvrent, c'est évidemment l'intention du gouvernement de poursuivre la négociation. J'ai rassuré également les associations telles que l'Association des chirurgiens dentistes et l'Association des optométristes en leur disant que, dans le déroulement des négociations jusqu'à présent avec elles, il n'y avait rien qui indiquait qu'on devait recourir à quelque moyen qui puisse arrêter la négociation. Dans ce sens-là, il est évident que nous devrons épuiser tous les moyens de négociation. Je suis totalement d'accord avec vous.

M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé. Parmi les mesures d'urgence, législatives ou administratives, est-ce que le ministre songe à permettre aux médecins résidents qui ne peuvent pas pratiquer pour une question de citoyenneté de le faire, ou aux médecins de l'unité sanitaire, qui ne le peuvent à cause de la convention collective, de pouvoir pratiquer ? Est-ce que ce sont des mesures que le ministre envisage en cas d'urgence?

M. CASTONGUAY: Evidemment, tout dépend des décisions qui vont être prises par le gouvernement par rapport à l'état de la situation. Diverses mesures de ce type peuvent être envisagées, j'en conviens, mais avant que des décisions soient prises, il va falloir d'abord décider s'il y a réellement nécessité d'intervenir par voie législative et, à ce moment-là, quel devra être le contenu. Les possibilités que soulève le député de Montmagny sont des possibilités qui ont été discutées, qui ont été étudiées, mais il n'y aura pas de décision de prise, tant et aussi longtemps que nous ne devrons pas recourir à ce moyen.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suggérerais aussi au ministre d'obliger les députés médecins à pratiquer en cas d'urgence.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre. Ce sont trois questions complémentaires. Tantôt, le ministre disait qu'avec la loi actuelle on pouvait contrôler les institutions, mais qu'on ne pouvait pas sévir contre les médecins. Deuxièmement, quel organisme peut obliger tel ou tel médecin d'être en

service dans une situation d'urgence? Enfin, est-ce que le gouvernement pourrait aller jusqu'à suspendre le médecin qui n'assumerait pas ses responsabilités?

M. CASTONGUAY: Vous m'avez posé trois questions. Pouvez-vous répéter la première, s'il vous plaît?

M. LEGER: La première, c'était si, à l'intérieur de la loi actuelle, le gouvernement pouvait sévir contre les institutions, mais pas précisément contre les médecins.

M. CASTONGUAY: D'accord.

M. LEGER: Est-ce que c'est le cas? Oui. A ce moment-là, quel organisme peut obliger tel ou tel médecin d'être responsable, d'être en service au moment d'une situation d'urgence? Et dans le cas d'un médecin qui serait nommé pour ce service d'urgence, est-ce que le gouvernement peut aller jusqu'à suspendre le médecin qui n'assumerait pas ses responsabilités?

M. CASTONGUAY: A ma connaissance, aucun organisme présentement, pas plus le gouvernement que le collège, ne peut obliger un membre de la profession médicale spécifiquement à donner des services d'urgence.

C'est toujours, comme on l'a indiqué tantôt, par voie d'infractions plutôt ou de manquements au code de déontologie que ceci se fait.

Il faut maintenant rappeler — et je crois que c'est important — que les médecins ont des contrats avec les institutions hospitalières. Quelles sont les dispositions de ces contrats? C'est une autre question. Est-ce qu'il y aura des manquements, des bris de contrats? Est-ce que les contrats demandent des avis, lorsqu'un médecin désire partir? Est-ce que les règlements d'un bureau médical demandent qu'il y ait avis ou qu'on assure la relève, lorsqu'un médecin désire partir? Ce sont toutes des questions qui doivent être jugées par les institutions hospitalières.

Mais il y a une relation entre les institutions hospitalières et les médecins qui travaillent au sein de ces institutions.

M. LEGER: Mais est-ce que ce sont les institutions hospitalières qui déterminent quel médecin devrait être de service à l'occasion d'un climat d'urgence comme celui que nous avons actuellement à prévoir?

M. CASTONGUAY: II y a un contrat, il peut y avoir contrat. Il peut aussi y avoir les règlements du bureau médical. Est-ce que, dans tous ces règlements, c'est prévu? C'est une autre question, cela dépend.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN: Dans la loi 8 que nous avons adoptée en juillet, il y a un article qui, par analogie, pourrait peut-être se relier à la situation présente. C'est l'article 24. "Lorsque le ministre de la Santé estime que le nombre des professionnels qui se sont désengagés de l'application d'une entente dans l'ensemble du Québec ou dans une région du Québec, ou que le nombre de ceux qui exercent un même genre d'activités et qui se sont désengagés de l'application d'une entente est trop considérable pour que les services assurés puissent continuer à être rendus à des conditions uniformes, il doit faire publier un avis dans la Gazette officielle, mais il doit aussi, à compter de la publication de cet avis, prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la loi pour faire en sorte que les services assurés dont il s'agit continuent à être rendus à des conditions uniformes."

Il est bien évident que ceci s'applique à un état que nous n'avons pas encore, c'est-à-dire un état où l'assurance-maladie serait en vigueur, et cela n'a pas encore été promulgué. Mais est-ce que ceci ne montre quand même pas des lignes, une direction dans lesquelles on pourrait peut-être s'engager? Cet article me paraît à moi un article de prévoyance qui fait justement état d'une situation d'urgence possible. Est-ce qu'il est possible de penser qu'il sera opportun, dans les circonstances, que l'Assemblée nationale adopte une loi quelconque, non pas pour la situation d'urgence actuelle, mais pour une situation d'urgence possible, prévoyant des mécanismes à mettre en oeuvre et que nous appliquerions, le moment venu, lorsque le ministre estimerait, conformément aux termes de cet article, que le moment est venu d'appliquer cet article?

M. CASTONGUAY: Comme le député de Montmagny l'a mentionné, je crois, tantôt, ou M. Bois, il y a évidemment dans toute la question des relations entre le gouvernement et les professionnels de la santé qui ne sont pas des salariés, une situation particulière: ils ne sont pas couverts par le Code du travail.

Toutes ces dispositions ou toute cette question, toute cette discussion que nous poursuivons indiquent donc clairement qu'il y a un vide et que ce vide devra être comblé par des dispositions, disons, analogues ou qui visent des objectifs analogues aux objectifs visés par le code du travail: donner un cadre à la négociation; prévoir les étapes en cas d'arrêt de négociations; comment les mesures de pression peuvent être exercées par un syndicat, particulièrement dans un domaine comme celui-ci. Il y a évidemment un vide qui devra être comblé.

Je pense que, dans toute cette question-là, l'élément le plus important qui dépasse toutes les mesures législatives est le sens des responsabilités de chacun des membres de la profession médicale. Lorsque le bill 8 a été adopté, le

député de Montmagny, vous, Dr Laurin, et je crois que c'était M. Samson, chef du Ralliement créditiste, et moi, nous avons fait appel au sens des responsabilités des professionnels de la santé. Je crois que, ce matin, il est important d'évoquer ce rappel qui leur avait été fait. C'est ce qui est le plus important dans une telle situation.

M. LE PRESIDENT: M. Bois.

M. BOIS: M. le Président, est-ce qu'une implication de sévérité conformément à l'article 24 inclurait nécessairement les psychanalistes?

M. CASTONGUAY: C'est une question hypothétique. Le régime n'est pas en vigueur.

M. LE PRESIDENT: M. Bossé.

M. BOSSE: M. le Président, c'est au sujet de la réponse du président de la Fédération des spécialistes. Je suis d'abord surpris de voir qu'on n'ait pu se réunir antérieurement à cette matinée, pendant que la commission parlementaire siégeait. Il me paraît très clair que ceci est de la provocation vis-à-vis d'une commission qui représente l'Assemblée nationale. Je crois que c'est là un très mauvais exemple venant d'un syndicat qui n'est quand même pas le moins représentatif dans la société. C'est un très mauvais exemple d'irrespect vis-à-vis d'une commission parlementaire.

Pour ma part, dès la réouverture des auditions cet après-midi, je pense que cette commission devrait prendre ses responsabilités. Et si la fédération, par la voix de son président — et je doute que cet irrespect témoigné vis-à-vis de cette commission — soit représentatif de chacun des membres du syndicat des spécialistes... Je suggère que dès cet après-midi, cette commission prenne ses responsabilités et agisse conformément à la suggestion ou à la proposition que faisait hier le représentant du comté de Montmagny.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: J'ai posé tantôt, à M. le ministre, trois questions. Aux deux premières, il m'a répondu clairement. A la deuxième, il me disait que c'était l'institution hospitalière qui déterminait quel médecin devait être présent pour un service d'urgence. C'est bien le cas?

M. CASTONGUAY: Excusez, terminez.

M. LEGER: Vous faites appel au sens des responsabilités des médecins. Mais quel médecin se sentira réellement responsable d'accepter d'être celui qui doit être présent, dans un climat d'urgence, à l'hôpital pour ce service? Et si on n'a pas de contrôle là-dessus, de quelle façon pouvons-nous être assurés que le service d'ur- gence va être réellement effectif? Est-ce que le gouvernement peut aller jusqu'à suspendre les médecins qui devraient être responsables de fournir leurs services et remplir leur rôle?

M. CASTONGUAY: Lorsque vous posez la question sur une base individuelle, évidemment, il n'est pas possible de répondre. Mais, je dois rappeler ici que la Fédération des médecins spécialistes — je l'ai mentionné plus tôt — s'est engagée — et c'était d'ailleurs le but de notre visite à la fédération — à maintenir les services d'urgence nécessaires pour que la population ne souffre pas de cet arrêt de travail. Alors, il y a une responsabilité qu'elle a voulu assumer dans ce cas. Si elle l'assume de façon appropriée, adéquate, est-ce qu'il y aura nécessité d'intervenir malgré tout? Si elle ne l'assume pas, comme je vous l'ai mentionné tantôt, ni le collège, ni le ministère n'a les pouvoirs présentement, avec les lois actuelles, d'obliger qui que ce soit de pratiquer la médecine au Québec, s'il ne désire pas la pratiquer.

M. LEGER: M. le Président, étant donné que la Fédération des médecins spécialistes a pris la responsabilité de voir à ce qu'il y ait un service d'urgence, est-ce que le gouvernement peut pénaliser les personnes qui sont responsables s'il y a des abus et des manquements du côté du service d'urgence?

M. CASTONGUAY: C'est encore la même réponse. En fait, vous savez fort bien que dans une situation normale un syndicat — syndicat formé, dans le cas actuel, en vertu de la Loi des syndicats professionnels — a, par sa charte, certains pouvoirs et les exerce. Il n'y a rien qui prévoit, présentement, dans cette loi, la possibilité de sanctions vis-à-vis d'un syndicat. La pire sanction, dans une situation normale, vis-à-vis d'un syndicat, c'est que ses membres le quittent, s'ils ne sont pas satisfaits du rôle que le syndicat joue.

Si nous passons à une situation d'urgence, il faut déterminer quelles sont les obligations qui peuvent être imposées à un syndicat, quelles sont les pénalités qui peuvent être imposées si le syndicat ne s'acquitte pas de ses responsabilités. C'est un peu le même type de situation que vous avez eue lors du bill 38, où des obligations précises étaient dévolues aux syndicats ouvriers, et dans d'autres conflits antérieurs.

M. LEGER: Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: M. le Président, ce qui me dépasse un peu ce matin, c'est que vous semblez, vous, messieurs les membres de la commission, venir tout juste de comprendre que le collège n'est pas là pour protéger le bien public, en dehors de sa responsabilité de contre-

1er la qualité de l'acte médical. C'est la responsabilité du collège. Si le médecin décide de ne pas poser d'acte médical, le collège n'a rien à y voir. Quand on reconnaît qu'un syndicat a le droit de négocier au nom de ses membres, la suite logique, c'est que le syndicat a aussi le droit de faire une grève. Il ne faut quand même pas partir en peur parce que dès qu'une grève commence, ou un mouvement de contestation, cela a des effets. S'il n'y avait pas d'effet, le mouvement ne serait pas efficace.

Alors je pense que ce dont vous avez à vous préoccuper... Le ministre de la Santé l'a dit, jusqu'à maintenant, la situation n'exige pas de mesures spéciales extraordinaires. La Fédération des médecins spécialistes, dans la rencontre d'hier soir, semble assumer ses responsabilités en disant: Nous assumerons la responsabilité des cas d'urgence. Eh bien, au lieu d'essayer de prévoir ce qui arrivera, et au lieu de vous questionner sur les pénalités que vous imposerez à la fédération ou à ses membres, attendons de voir si la fédération assumera ses responsabilités oui ou non. Et je pense que nous pourrions passer à autre chose au lieu de nous interroger à savoir si le monde est pour nous tomber sur la tête.

UNE VOIX: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Dr Hamel, êtes-vous prêt à nous adresser la parole?

M. HAMEL: Oui, M. le Président M. LE PRESIDENT: Dr Hamel.

Etatisation de la médecine

M. HAMEL: M. le Président, M. le ministre, notre présence à cette séance traduit l'intérêt très marqué des médecins omnipraticiens vis-à-vis des travaux et des résultats des travaux de cette commission parce que les décisions qui seront prises par cette commission parlementaire ou par l'Assemblée nationale affecteront nécessairement les médecins omnipraticiens.

Nous avons ce matin deux demandes bien spécifiques à formuler au ministre de la Santé, mais auparavant, vous me permettrez d'exprimer, en même temps que les craintes des médecins omnipraticiens, l'état d'esprit qui les anime.

La médecine libérale telle qu'on l'a connue, qui était caractérisée par la négociation individuelle entre le malade et le médecin, est remplacée, tout à coup, par un régime dans lequel le gouvernement, à la place du malade, fait face au médecin. Ce changement d'interlocuteur, même s'il est devenu nécessaire, n'est pas pour le médecin une promotion sociale. La période de transition que nous traversons est d'autant plus difficile qu'elle baigne dans un climat de méfiance mutuelle qui fait que chacune des parties a de la difficulté à s'éloigner trop rapidement de ses positions premières.

Pour nous, les médecins, de façon générale, ce que nous craignons, c'est l'étatisation de la médecine. Qu'est-ce que cela veut dire, ce mot, pour les médecins? Cela veut dire des décisions unilatérales prises, soit au niveau du cabinet des ministres, soit au niveau du Parlement, soit par la régie, qui peuvent affecter les conditions d'exercice des médecins ainsi que leur rémunération.

Nous nous sommes employés, nous, de la Fédération des médecins omnipraticiens, à éviter ce désastre. Depuis onze mois, nous avons accepté de négocier — et plus particulièrement depuis trois mois — un régime dans lequel on pourrait éliminer le plus possible ces décisions unilatérales de l'Etat ou leur possibilité, et les remplacer par un véritable régime de médecine conventionné et obtenir, aussi, un minimum de garantie du libre exercice de la profession.

En passant, M. le Président, M. Laberge étant le représentant des centrales syndicales, vous me permettrez de lui dire un mot à travers vous.

Dans le passé, les centrales syndicales — nous le déplorons — ont peut-être publiquement exigé trop souvent l'étatisation de la médecine. Les représentants des centrales syndicales qui sont pourtant des syndicalistes avertis, qui s'emploient au cours de leurs négociations avec l'employeur à éliminer toutes les décisions unilatérales de l'employeur concernant leurs ouvriers, eux qui n'aimeraient pas voir l'employeur fixer leurs conditions de travail ni leur rémunération, je trouve qu'ils sont bien mal venus de réclamer l'étatisation de la médecine et d'empêcher les professionnels de la santé de vouloir établir un véritable régime de médecine conventionné. J'espère qu'à l'avenir, nous aurons l'appui de M. Laberge et des autres représentants des centrales syndicales, le même qu'ils donnent actuellement au Collège des médecins, et que je veux bien me faire leur écho en ce sens qu'il ne faudrait pas s'attendre du Collège des médecins qu'il se substitue à l'Etat.

Si nous faisions la contestation — et c'est une chose qui demeure possible — à un moment donné, nous les omnipraticiens, nous nous attendrions que le Collège des médecins soit neutre.

M. le Président, nous avons donc, au cours de ces négociations, tenté d'établir un véritable régime de médecine conventionné.

Je pense que les négociateurs du gouvernement, le ministre, nos médecins omnipraticiens, etc., sont bien au courant des gains que nous avons faits non pas seulement au profit des médecins omnipraticiens, mais aussi au profit de nos confrères les médecins spécialistes qui sauront les apprécier davantage une fois la crise et l'orage terminés.

Contrôle de l'activité professionnelle

M. HAMEL: Mais j'aimerais dire quelques mots immédiatement au sujet du contrôle de

l'activité professionnelle. Les quatre amendements proposés par le gouvernement et qui ont été soumis au Collège des médecins hier, nous les avons étudiés, nous aussi, à la Fédération des médecins omnipraticiens et, tout comme le Collège des médecins, nous accordons un accord de principe. Je ne sais pas maintenant si c'est le Collège des médecins qui vibre sur la même longueur d'ondes que la FMOQ ou si c'est nous qui vibrons sur la même longueur d'ondes que le Collège des médecins, mais je m'en trouve très heureux personnellement.

Je demanderais toutefois — et c'est la première demande formelle que nous exprimons au ministre — que ces amendements proposés, qui semblent améliorer considérablement la question du contrôle de l'activité professionnelle et dissiper des craintes chez les médecins, lorsqu'ils seront formulés d'une façon définitive par le ministre et par le gouvernement, soient l'objet de consultations avec notre fédération, tel qu'il est prévu dans les clauses qui ont été paraphées par les représentants du ministre, de telle façon que le ministre et le gouvernement puissent faire la démonstration à tous les médecins du Québec et à nos omnipraticiens en particulier que le ministre et le gouvernement ont bien l'intention de respecter leur signature et leurs engagements.

Nous renonçons à cette fin aux mécanismes de délais et de procédures qui étaient prévus à notre convention et nous acceptons une procédure d'exception au cours de cette consultation. C'est la première demande que j'exprime au ministre au nom de la fédération, de telle façon qu'on puisse d'une façon définitive s'entendre sur la question du contrôle de l'activité professionnelle et éliminer cette question qui empêche actuellement de régler le conflit avec les médecins et la profession médicale.

Le désengagement

M. HAMEL: En ce qui concerne le désengagement, les vues de notre fédération ne sont pas modifiées. Notre politique est établie depuis dix ans et elle suit une ligne qui est droite, régulièrement. Je voudrais rappeler ici ce que nous avons dit antérieurement à l'effet que pour nous, la question du désengagement, assorti ou non du remboursement, n'est pas une question de principe. C'est une question de choix syndical.

Les omnipraticiens préfèrent obtenir des honoraires justes par voie de négociations plutôt que de compter, pour combler des honoraires insuffisants, sur des suppléments hypothétiques et limités à leur clientèle aisée. La FMOQ est davantage préoccupée du sort de la grande majorité des omnipraticiens qui vont participer au régime, que de celui de l'infime minorité qui a l'intention d'en sortir. Il n'y a pas beaucoup d'omnipraticiens, actuellement, qui menacent la population du Québec de quitter cette province et de s'en aller ailleurs. Us savent tous, nous sommes réalistes, qu'ils vont demeurer au Québec, qu'ils sont au service de la population du Québec.

Cependant, tous les omnipraticiens du Québec ne sont pas insensibles au conflit qui oppose le gouvernement et la FMSQ; 100 p.c. des omnipraticiens entretiennent une sympathie et un sentiment profond de solidarité, sur le plan professionnel, vis-à-vis de leurs confrères.

Un certain nombre d'entre eux sont convaincus que la question du désengagement assortie du remboursement de bonne foi est une question de principe. Un certain nombre d'entre eux aussi sont convaincus, par contre, que ce serait un mécanisme très utile pour aller chercher des dépassements d'honoraires.

Compte tenu que nos confrères, dans le passé, ont précisé à maintes reprises que l'objectif constitué par le désengagement, assorti du remboursement, est une question de principe et non pas de gros sous, compte tenu aussi du fait que nous n'avons aucune raison de mettre en doute leur bonne foi, nous croyons qu'il est encore possible qu'un compromis soit atteint à la satisfaction des représentants de la population et de la FMSQ. Ce n'est pas à nous à introduire, ce matin, la nature de ce compromis. Mais quelle que soit la nature du compromis, nous avons des réserves à formuler.

Il ne faudra pas que ce compromis ait pour résultat de déséquilibrer le régime au point de favoriser les médecins désengagés aux dépens des médecins engagés. C'est un principe fondamental pour notre fédération. Il ne faudrait pas que les conséquences de cette situation aient pour effet de geler les tarifs, éventuellement, et que le seul moyen pour les médecins soit d'utiliser de se désengager pour pouvoir obtenir des honoraires justes. Ces effets seraient désastreux vis-à-vis des médecins des régions rurales qui seraient défavorisés à cet égard et pourraient provoquer une médecine de riches et de pauvres, deux classes de médecins et deux niveaux de médecine.

Ici, nous formulons notre deuxième demande au ministre. Là encore, compte tenu des clauses qui ont été paraphées dans notre convention, qui sont bien connues du ministre et des négociateurs du gouvernement, nous demandons, avant que les amendements à la loi soient apportés sur la question du désengagement, que notre fédération soit consultée.

Evidemment, nous renonçons à tous les mécanismes de délais prévus dans l'entente; là encore, nous croyons à des procédures d'exception.

Les prochains propos que j'ai l'intention de tenir, j'aurais aimé les exprimer en présence du président de la FMSQ. J'ai demandé une faveur, hier, afin de remettre à ce matin mon exposé; je ne peux pas continuer indéfiniment et j'ai l'impression que j'aurai un jour l'occasion, quand même, de m'exprimer en présence du président de la FMSQ.

Nous avons lu, hier soir, le document prépa-

ré par la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui traite de l'Assurance-maladie et du bill 8.

A certains égards, il nous a instruits. En ce qui concerne le désengagement en particulier, on comprend mieux, en lisant ce texte, quelle utilisation on peut en faire, je ne dis pas on veut en faire.

On dit: "Dans toutes les provinces canadiennes, le médecin est libre d'exercer sa profession en dehors du régime gouvernemental, s'il le désire, c'est-à-dire — voici ce que ça veut dire — de ne pas être soumis au contrôle et aux limitations tarifaires du régime gouvernemental".

Accusations

M. HAMEL: A un autre moment, on dit: "Nous savons que le médecin désengagé ne pourra exercer le droit au dépassement d'honoraires que pour une partie très réduite de sa clientèle". Dans ce texte, on parle un peu moins de principes et un peu plus de tarifs. On parle beaucoup de la question de rémunération. Malheureusement, je regrette que certaines accusations à la FMOQ aient été formulées d'une façon indigne, à mon point de vue, de professionnels dans une société comme la nôtre. Je réfère au paragraphe suivant: "On comprend aisément pourquoi le ministre Castonguay a obtenu la collaboration de la FMOQ, il l'a achetée." Au sujet de la "collaboration", nous ne sommes pas nécessairement surpris que, dans le climat de violence où baigne notre société, les méthodes pacifiques de négociation aient moins de valeur que les autres. Ce qui me surprend, c'est qu'à un moment donné conclure une entente avec quelqu'un à l'intérieur d'une loi devienne un crime.

Si, lorsque tous les autres professionnels de la santé négocient avec le gouvernement de bonne foi à l'intérieur d'une loi, on les accuse de collaboration et qu'on en fait un crime, je pense que ceci dépasse la mesure et qu'on ne peut plus dire, comme j'ai dit déjà auparavant, que c'est simplement l'effet d'une tension exagérée et d'un peu de nervosité.

De toute façon, les omnipraticiens apprécieront. En ce qui concerne "acheter", la FMOQ n'est pas à vendre, pas plus qu'elle n'a été vulnérable depuis les trois dernières années au maraudage syndical systématique et périodique de la FMSQ.

Nous avons été accusés publiquement — ce n'est pas la première fois — en 1967 de vendre la profession médicale. A ce moment-là, nous exigions la retenue à la source. Les députés de l'Union Nationale, ici présents, qui étaient ministres auparavant, vous rappelleront la campagne odieuse qui a été menée contre notre fédération qui, à ce moment-là, était accusée de vendre la profession médicale au gouvernement.

Depuis, les médecins résidents ont exigé et obtenu la retenue à la source. Les médecins-fonctionnaires ont exigé et obtenu la retenue à la source. Ce que je trouve assez particulier, c'est que, trois ans après, la FMSQ, dans son régime syndical, exige la retenue à la source.

Ne soyez pas inquiets, quand c'est la FMSQ qui la demande, ce n'est pas dangereux pour la profession médicale; c'est seulement quand c'est la FMOQ qui la demande! Je pense que nous avons fait des efforts particuliers pour négocier avec l'Etat, dans le silence. Pendant deux mois et demi, nous avons été silencieux jusqu'au moment où nous avons été provoqués.

Dernièrement, nous avons fait savoir aux dirigeants de la FMSQ que nous respections leurs positions, même si nous ne les partagions pas, mais nous avons exigé d'eux qu'ils respectent les nôtres parce qu'elles avaient été formulés par la très grande majorité des médecins omnipraticiens du Québec et adoptées à la majorité des seize syndicats affiliés. Je redis publiquement que nous sommes prêts à respecter la FMSQ parce que nous respectons chacun des médecins spécialistes pour lesquels nous avons une grande admiration.

Mais nous trouvons malheureuse cette situation parce que nous sommes convaincus que les médecins spécialistes au Québec ont suffisamment de valeur pour négocier avec le gouvernement avec succès sans qu'ils tentent de le faire en diminuant ou en tentant de diminuer le statut de l'omnipraticien.

Si, au Québec, à l'instar d'autres pays dans le monde, et conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, on accepte de donner à l'omnipraticien la place qu'il mérite, cela ne veut pas dire que, nous, nous voulons prendre la place des médecins spécialistes. Les médecins spécialistes et les médecins omnipraticiens ne doivent pas être concurrents. Il doivent jouer un rôle complémentaire dans cette société. Ce sont les médecins de première ligne qui ont rôle extrêmement important à jouer.

D'ailleurs, le président de la FMSQ, dans son livre, reconnaît que l'omnipraticien doit être un médecin de première ligne. Et si, enfin, l'Etat reconnaît, il ne l'a pas fait encore officiellement, mais une certaine commission a reconnu que l'omnipraticien pouvait jouer un rôle très efficace, je pense qu'on ne doit pas blâmer notre fédération, qui s'est en vain employée depuis dix ans à introduire des réformes dans l'enseignement médical au Québec au niveau de l'enseignement prédoctoral et post-doctoral. Et c'est seulement depuis quelques mois que les facultés de médecine, où ne siège encore aucun représentant des omnipraticiens, ont accepté de collaborer avec nous à cette réforme de l'enseignement qui permettra de donner aux omnipraticiens un enseignement spécifique pour leur permettre d'exercer une médecine dans un champ spécifique.

Nous avons dû nous-mêmes prendre l'initiati-

ve, ici au Québec, de mettre sur pied et de réaliser l'enseignement permanent pour les omnipraticiens qui, maintenant que tout va bien — évidemment, les facultés de médecine sont intéressées à le continuer...

Je ne continuerai pas trop longtemps, je m'aperçois, M. le Président, qu'il est midi, et que vous voulez terminer ce midi. Je pense que j'ai suffissamment fait de mises au point. Je les compléterai en présence du président de la FMSQ, s'il assiste à cette réunion, parce que ce que nous avons à dire, nous pouvons le dire en présence de qui que ce soit. J'aimerais quand même faire allusion aux paroles du ministre au sujet des tarifs.

Les tarifs

M. HAMEL: Nous n'avons pas l'intention de camoufler la question des tarifs derrière des épithètes, des titres, des sous-titres de quelque nature que ce soit. Les omnipraticiens du Québec craignent, M. le ministre et messieurs, que, dans sa loi d'exception qui est possible, on leur impose, d'une façon unilatérale, des tarifs. Nous avons réussi, par voie de négociations, dans notre convention, jusqu'à aujourd'hui à éliminer, autant que possible, toutes les décisions unilatérales de l'Etat, mais nous n'avons actuellement pas de garanties que le gouvernement ne nous imposera pas ou ne fixera pas unilatéralement des tarifs.

Au sujet du niveau des tarifs le ministre a dit, hier, qu'il était impossible d'accorder des tarifs aussi élevés qu'en Ontario. Dans le fond, la question des tarifs, tout le monde le sait, sous-tend actuellement toutes les négociations entre les médecins et l'Etat.

Il faut ici se rappeler que, dans toutes les provinces du Canada, ce sont de véritables régimes d'indemnités, c'est-à-dire que les régimes prévoient des prestations qui sont versées, soit au médecin, soit au malade, mais qui ne sont pas nécessairement paiement final au médecin. Il y a possibilité, dans plusieurs cas, de dépassement d'honoraires ou de complément d'honoraires. Ici au Québec, en se conformant aux aspirations légitimes de la population, le gouvernement a voulu instaurer un véritable régime conventionnel, en vertu duquel les prestations versées au médecin seraient des paiements complets et finaux. Ceci veut dire que le malade n'aurait pas autre chose à payer que sa prime ou sa cotisation lorsqu'il s'adresse à un médecin. C'était là la volonté de la population.

Nous avons voulu faire un effort de coopération avec la population du Québec et le gouvernement qui le représente et négocier dans cette optique. Mais il est clair que les tarifs qui doivent être négociés dans un régime conventionnel ne doivent pas être moins élevés que des tarifs négociés dans un régime d'indemnités. Je donne un exemple pratique ici au Québec: les médecins se foutaient pas mal, jusqu'à un certain point, que les compagnies privées puissent, à un moment donné, payer $5 ou $4 pour une visite au cabinet ou même $2, parce qu'ils pouvaient demander un excédant au malade. A partir du moment où il n'y a plus d'excédent, il faut des tarifs raisonnables et justes, et nous n'avons pas l'intention de camoufler d'aucune façon nos exigences.

Le ministre a dit hier que nos exigences étaient élevées, mais négociables. Nous disons aujourd'hui, que nous sommes capables de les justifier, mais qu'elles sont aussi négociables. Nous croyons à la négociation, nous sommes fiers de négocier et nous allons tenter d'épuiser tous les moyens de la négociation avant de recourir à la contestation, comme notre fédération l'a fait avec le gouvernement depuis 1966. Et je pense que ce n'est pas un crime.

Pour le moment, M. le Président, je vous remercie infiniment de m'avoir permis de faire ces mises au point.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire quelques commentaires. Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens a, je crois, démontré en premier lieu qu'il était possible de négocier avec le gouvernement, que le gouvernement, malgré le fait qu'il ne réponde pas à toutes les demandes qui peuvent être faites à une table de négociations, a fait preuve de bonne foi, et qu'il a été possible de progresser dans ces négociations qui, de l'avis de tous, sont difficiles. Je crois que c'est un point qu'il est nécessaire de souligner.

En deuxième lieu, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens m'a formulé deux demandes. La première est qu'il y ait consultation préalable sur les clauses de la loi touchant au contrôle de l'activité professionnelle, et il a dit qu'il était disposé à ignorer, pour le moment, les clauses qui auraient pu être paraphées quant au délai requis pour de telles consultations.

Je voudrais d'abord le remercier de faire preuve de cette souplesse quant au délai. Je m'engage, pour ma part, à ce que ces clauses — le premier ministre était ici lorsqu'elles ont été discutées, de même que plusieurs des membres du cabinet — à ce que les amendements qui pourraient être apportés à la loi respectent l'esprit de ces objectifs visés dans le texte que nous avons proposé hier. Je voudrais toutefois rappeler simplement qu'il n'est pas possible, dans notre système gouvernemental ou parlementaire, de négocier à l'avance et de donner une garantie sur des dispositions d'une loi.

Je crois que le mécanisme consistant à référer à une commission comme celle-ci un projet de loi et à entendre les représentations de groupements intéressés ou qui demandent à être consultés est la formule la plus heureuse qui ait pu être trouvée, il n'est pas possible, en effet, de prendre un engagement à l'avance sur

un projet de loi, car ce serait nier, par le fait même, le rôle de l'Assemblée nationale.

Alors, je puis vous dire que nous ferons en sorte que les amendements apportés à la loi respectent le texte qui a été proposé hier, qu'il pourra y avoir discussion, évidemment, au préalable, mais que le texte lui-même doit être soumis en tout premier lieu aux membres de l'Assemblée nationale étant donné que ce sont eux qui ont la responsabilité de légiférer.

Je rappelle le mécanisme d'une commission comme celle-ci où la discussion peut être facilitée sur des textes précis de loi. La même chose s'applique en ce qui a trait aux clauses du désengagement si elles devaient être modifiées, évidemment; parce que sur ce point particulier — je l'ai mentionné hier — la Loi de l'assurance-maladie poursuit un objectif. Il ne s'agit pas de remettre cet objectif en cause, il s'agit de voir si ces dispositions peuvent être améliorées.

Enfin, je ne voudrais pas reprendre les divers points soulevés par le Dr Hamel, je crois que d'autres membres de la commission auront des questions à lui poser. Je voudrais simplement dire qu'en ce qui a trait aux offres monétaires du gouvernement et aux demandes de la Fédération des médecins spécialistes, nous avons fait des évaluations des demandes de la fédération et elles nous paraissent élevées — je le répète — elles nous paraissent élevées. Les experts du gouvernement, de même que les experts de la fédération, se sont rencontrés, ont discuté de ces offres et de ces demandes mais à ma connaissance elles n'ont pas encore été négociées à la table des négociations. Nous sommes disposés à entreprendre dans les plus brefs délais, cette négociation sur les offres monétaires, c'est-à-dire sur les derniers points qui restent à vraiment discuter avec la Fédération des médecins omnipraticiens.

Je voudrais mentionner que, étant donné la difficulté de s'entendre de façon définitive sur les bases à partir desquelles, de part et d'autre, nous pouvons évaluer des offres et des demandes, j'ai fait une proposition à la Fédération des médecins omnipraticiens. Je l'ai faite à la Fédération des médecins spécialistes, afin qu'il y ait révision, après un certain nombre de mois, lorsque les données seront disponibles, de telle sorte que si la rémunération réelle qui résulte d'une entente paraît inférieure aux objectifs fixés, ou si elle paraît supérieure ou si elle devient supérieure aux objectifs fixés, on pourrait s'entendre sur les écarts et la négociation pourrait être rouverte. Il me semblait que c'était là une proposition qui protégeait à la fois les professionnels, avec qui nous négocions et les intérêts des contribuables, ou de ceux qui seront appelés à contribuer à ce régime. Cette proposition, jusqu'à ce jour, n'a pas été acceptée, malheureusement. Il me semble que ce serait un pas en avant que d'accepter une telle proposition. Je crois aussi que le fait d'avoir formulé cette proposition démontre, de la part du gouvernement, une souplesse désirable. Nous ne voulons pas — nous l'avons dit — baisser la rémunération des médecins, nous ne voulons pas non plus taxer de façon indue les québécois qui seront appelés à contribuer à ce régime.

Alors, si les donnés disponibles ne permettent pas une entente facile parce que nous sommes dans une situation nouvelle, il me semble qu'il serait possible de rouvrir cette question, lorsque les données le permettront. Aussi bien si le niveau de rémunération est inférieur aux objectifs fixés que s'il est supérieur.

Enfin, au sujet de cette question, afin qu'il n'y ait pas de doute non plus, nous ne sommes pas, comme gouvernement, attachés à des prévisions qui ont pu être faites au cours des années passées. Cela a été mentionné dans le livre gris, ou gris-bleu, du Dr Robillard. Il a dit que le gouvernement était prisonnier d'une hypothèse.

On me dit que M. Dozois, qui était ministre des Finances à l'époque, réfute une affirmation qui a été faite par le président de la Fédération des médecins spécialistes en première page du Devoir et dans d'autres journaux, ce matin, quant au coût qui avait été estimé pour le régime d'assurance-maladie, et qu'il est prêt à le faire publiquement, au besoin.

Alors, nous n'avons pas pris comme point de départ, comme gouvernement, les hypothèses ou les prévisions qui ont pu être faites, soit par la commission d'enquête sur la santé ou le comité de recherche. Nous avons pris comme point de départ l'entente qui a été signée par le gouvernement précédent avec les deux fédérations de médecins. C'est à partir de cette base que notre offre a été formulée.

Alors le gouvernement n'est pas prisonnier d'une hypothèse, il n'y a pas obstination de ma part sur cette question, au contraire.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais d'abord, ce matin, ne faire que quelques remarques, étant donné que nous revenons en commission cet après-midi. Je voudrais féliciter d'abord le Dr Hamel de son exposé complet, serein, et à la fois ferme au sujet de la position de sa fédération. Il y a évidemment des affirmations qui ont été faites et qu'il ne pouvait pas passer sous silence, il les a relevées à juste titre.

Pour ma part, ayant eu l'occasion pendant quatre années de communiquer avec la Fédération des médecins omnipraticiens et avec son président, nous avons eu l'occasion de signer deux ou trois conventions collectives. J'ai toujours noté avec grand plaisir la collaboration de la Fédération des médecins omnipraticiens et son désir d'en venir à des ententes, à conclure des ententes avec le gouvernement par les moyens les plus pacifiques possibles.

Evidemment, la négociation avec les médecins omnipraticiens est plus facile, elle semble se dérouler normalement et devoir aboutir

bientôt à une entente sans qu'il y ait besoin d'une législation d'exception. En ce qui concerne le contrôle de l'activité professionnelle, il semble qu'à la suite de la discussion d'hier et de la déclaration de ce matin du Dr Hamel, il n'y ait pas de difficultés spéciales à prévoir dans ce domaine.

En ce qui concerne le désengagement et la rémunération, il reste un point, il reste deux éléments qu'on ne peut pas dissocier. J'ai noté avec plaisir les remarques faites, il y a un instant, par le ministre de la Santé, à savoir qu'il ne se sentait pas lié, ou qu'il ne se sentait pas prisonnier d'estimations antérieures faites par des commissions d'enquête ou des comités de recherche. J'aurai, pour ma part, cet après-midi, sur cette question, des commentaires à faire et des commentaires qui pourront aller même jusqu'à une suggestion dans l'espoir de dénouer l'impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Pour notre part, nous avons tenu, à l'Assemblée nationale, durant l'étude du bill 8, une position que nous croyons justifiée.

A l'intérieur de la loi actuelle, à l'intérieur du bill 8 tel qu'il a été adopté, je crois qu'il est possible, à condition que la Fédération des médecins spécialistes vienne devant nous cet après-midi et que nous les entendions, je crois qu'il est possible, en respectant les objectifs du régime, de trouver dans ces deux éléments qui restent à résoudre et qui se tiennent — ils sont interdépendants, et on le voit bien par le texte qui nous a été remis hier par la Fédération des médecins spécialistes — de voir véritablement maintenant dans quel contexte se situe la discussion au sujet de ces deux points principaux de l'entente qui sont encore en litige.

Offre insuffisante

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour ma part, je veux dire tout de suite que l'offre monétaire gouvernementale, en ce qui concerne la rémunération, me parait insuffisante, si on la considère dans le contexte canadien et nord-américain. Si on prend la rémunération des médecins comme groupe de professionnels et si on la compare avec d'autres groupes de professionnels et d'autres groupes de travailleurs, il est évident qu'on pourrait conclure que c'est une rémunération satisfaisante. Mais, si on considère le contexte professionnel de l'exercice de la profession médicale, je crois que l'offre de rémunération gouvernementale actuelle pourrait être modifiée, tout en tenant compte des clauses de désengagement qui, comme je l'ai dit tantôt, sans fausser l'objectif du bill 8, pourraient, elles aussi, comporter certains assouplissements.

A la commission parlementaire cet après-midi, après avoir entendu la Fédération des médecins spécialistes, tenant compte des observations qu'a faites le Dr Hamel il y a un instant et tenant compte de tout ce que nous avons entendu depuis le début de cette séance, il serait possible, à l'intérieur d'une proposition qui toucherait les deux éléments qu'on ne peut dissocier, à savoir le désengagement et la rémunération, il serait possible, dans le cadre d'une négociation sérieuse et de bonne volonté entreprise par la Fédération des médecins spécialistes, que cette impasse puisse être dénouée sans qu'il y ait besoin d'une loi d'exception, parce que je crains fort une loi d'exception.

Selon de fortes rumeurs, si j'en juge par des confidences qui m'ont été faites et aussi par le refus de la Fédération des médecins spécialistes de se présenter devant cette commission, il est possible — cela serait malheureux, cependant — qu'une loi d'exception trouve difficilement son application, actuellement. Et ce serait extrêmement regrettable. Et je crois que MM. Pepin et Laberge, s'ils s'exprimaient sur ce sujet, pourraient nous dire, à leur grand regret, qu'une loi d'exception qui ne serait pas observée par un groupe de professionnels les mettrait dans une très mauvaise position dans l'avenir, au cas où une telle loi d'exception pourrait être adoptée dans un secteur qui les concerne.

Avant que l'Assemblée nationale n'adopte une loi d'exception, cette commission parlementaire et les intéressés doivent tout mettre en oeuvre et faire l'impossible pour tenter de régler cette situation de façon normale et pacifique.

Je reviendrai avec d'autres commentaires cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: J'aurais deux questions à poser, la première, au docteur Hamel et la deuxième, au ministre de la Santé.

Je félicite, d'abord, le docteur Hamel d'avoir très bien exprimé la différence qu'il y avait entre la libre négociation entre le patient et le médecin, entre le régime d'indemnités qui ne paie pas complètement ce que le médecin réclame et le régime conventionné qui a été négocié avec le gouvernement. Je vais lui demander, pour répondre à des bobards et à des affirmations gratuites qu'on a vues dans des journaux, s'il y a une grande marge entre un régime conventionné et l'étatisation de la médecine.

M. HAMEL: Les limites de la médecine étatisée et d'un régime conventionné. Je vais vous donner des exemples de régimes les plus étatisés au monde. Cela va en surprendre quelques-uns. Ils se trouvent aux Etats-Unis.

Dans 51 Etats, le Medicare qui protège les personnes de 65 ans et plus. Vous avez le Medicaid qui protège, dans 41 Etats, les personnes qui sont en dessous d'un niveau de revenus donnés, disons, $6,000, dans certains Etats, et $5,000, dans d'autres. Dans tous ces régimes, les médecins ne participent d'aucune façon à l'administration, c'est-à-dire qu'aucun représen-

tant des professions médicales ne participe, à quelque niveau que ce soit, aux décisions concernant l'administration du régime et le paiement des actes.

Les tarifs sont déterminés de façon unilatérale par le directeur du régime. Ils ne sont pas négociés. Ils sont coupés, à certains moments, ou augmentés, etc. Le directeur du régime, dans certains cas, comme dans la ville de New York, peut imposer des conditions qui ne sont absolument pas négociées. A un moment donné, dans la ville de New York, ils ont dit: Seuls les omnipraticiens qui sont membres actifs d'un hôpital seront remboursés par le régime. Alors, j'appelle cela un régime étatisé, un régime dans lequel seul l'Etat prend les décisions, de façon unilatérale et où il n'y a aucune négociation collective.

Ce que nous tentons, nous, d'établir au Québec pour l'avenir, ce sont des mécanismes de négociations à tous les niveaux pour éliminer les possibilités de décisions unilatérales. Il y a un seul niveau où c'est un peu délicat: évidemment, c'est l'Assemblée nationale qui est souveraine, A ce niveau-là, nous avons prévu des mécanismes de consultation, des mécanismes de délais obligatoires et d'autres mécanismes par lesquels le gouvernement s'engage non pas à négocier, mais à consulter; partout ailleurs, c'est de la négociation.

De toute façon, je pense que c'est clair, la médecine étatisée, ce sont des décisions unilatérales de l'Etat à tous les niveaux, alors qu'un régime de médecine conventionné tente d'éliminer ces décisions unilatérales et d'établir des mécanismes nouveaux qui sont applicables à des travailleurs non salariés ou à de nouvelles catégories de travailleurs dans la société, mais qui ne sont pas nécessairement copiés sur ceux des travailleurs salariés. C'est pour ça que la Loi de l'activité professionnelle devra être adoptée par le gouvernement. Nous l'avons préconisée déjà, en 1967, dans notre mémoire à la commission Castonguay. Nous disions: C'est le temps d'adopter une loi de l'activité professionnelle adoptée aux travailleurs non salariés.

Si vous voulez déjà adopter les règles du jeu pour les futures négociations qui interviendront à un moment donné pour le régime général, si, à ce moment-là, on avait adopté les règles du jeu dans une loi à l'activité professionnelle, déjà ces règles du jeu, actuellement, seraient fixées, déterminées. On saurait où on s'en va, cela donnerait une sécurité à chacune des parties et, ce matin, vous n'auriez pas à discuter, à ce moment-ci, de ce qu'il faut faire, de ce qu'il ne faut pas faire, des services essentiels, etc. Ce sont des choses auxquelles on a pensé, qui sont contenues dans des mémoires épais comme cela remis à la commission Castonguay, et qui n'ont pas fait les manchettes des journaux. Ce qui fait les manchettes des journaux, ce n'est pas nécessairement le travail sérieux, c'est plus souvent des accusations gratuites, etc. Je pense que les journalistes ici pourraient faire un peu plus écho à des travaux sérieux qui ont été faits par notre fédération, à certains moments, et qui sont demeurés inconnus du public et souvent même du gouvernement.

M. LEGER: Merci, Dr Hamel.

M. CASTONGUAY: Juste un commentaire, s'il vous plaît. C'est exact que la Fédération des médecins omnipraticiens a proposé ou avait recommandé à la commission une telle loi. J'ai mentionné également ce matin qu'elle aurait donné un cadre dans lequel il aurait été beaucoup plus facile de négocier, mais je ne crois pas qu'il était possible, dans les délais qui nous étaient accordés pour l'établissement de la Loi de l'assurance-maladie, de préparer une telle loi, de la soumettre à la discussion. C'est pourquoi nous nous trouvons présentement dans cette situation. Une telle loi est assez complexe. Nous y travaillons, toutefois, nous y travaillons présentement.

M. LEGER: Merci. La deuxième question est au ministre de la Santé. Dans le mémoire des médecins spécialistes, on dit qu'en prenant comme comparaison le tarif de l'Ontario, les offres gouvernementales offraient une échelle de salaires équivalant à environ 68 p.c. pour les spécialistes et à 88 p.c. pour les omnipraticiens. C'est ce qui faisait conclure à l'accusation, plus bas, que c'est à cause de cela qu'on accusait le ministre Castonguay d'avoir acheté la collaboration de FMOQ. Est-ce que le ministre a quelque chose à répondre là-dessus? Est-ce que ces chiffres sont vrais?

M. CASTONGUAY: J'aimerais mieux que ce soit le Dr Robillard qui commente ces affirmations, mais, au besoin, j'y répondrai.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN: Nous sommes le 2 octobre. Hier, le premier ministre a annoncé que, de toute façon, le régime d'assurance-maladie serait en vigueur le 1er novembre. Cela nous laisse 29 jours. Aujourd'hui, à la commission, plane la possibilité ou la menace d'une loi d'exception qui fixerait les conditions de l'activité professionnelle et de la rémunération de tous les professionnels de la santé. Nous venons d'entendre le Dr Hamel qui craint beaucoup une loi d'exception, justement parce que cela pourrait peut-être, dit-il, amener le gouvernement à imposer, d'une certaine façon, ses conditions d'exercice et un tarif de rémunération. Ma question au Dr Hamel est: Croit-il possible, d'ici le 1er novembre, de compléter les négociations avec le gouvernement, sur tous les points qui restent en litige, de telle façon qu'avant la loi d'exception — ce qui paraît bien difficile — ou avant le 1er novembre, la fédération puisse

donner l'espoir à la population qu'en ce qui la concerne l'entente collective pourrait être complétée?

M. HAMEL: Ma réponse sera brève. Si le ministre peut mettre à la disposition de notre fédération ses négociateurs, à raison de deux séances par semaine seulement, même pour trois ou quatre heures, nous considérons qu'il est possible d'en venir à une entente. Il peut arriver qu'on ne s'entende pas sur les questions d'argent, mais au moins on va savoir si on s'entend ou si on ne s'entend pas. Tandis que là, on ne le sait pas, on n'a pas négocié.

A ce rythme-là, il est sûrement possible de s'entendre avant le 1er novembre.

M. CASTONGUAY: Quant à nous, vous pouvez être assuré que nos négociateurs — je les ai vus hier après la séance — ont des ordres précis de se tenir disponibles pour négocier avec tout la rapidité voulue. S'il n'y a pas eu de discussion, toutefois, à la table des négociations sur les offres monétaires — je ne veux pas lancer d'accusation, ce n'est pas du tout ce que je veux faire — je voudrais mentionner que ce n'est pas par suite d'un refus du gouvernement de discuter cette question à la table des négociations. Nous étions prêts à l'aborder.

Enfin, je me sens, moi aussi, confiant, comme le Dr Hamel, d'en arriver à une entente. Evidemment, comme je l'ai mentionné, il ne s'agit pas seulement d'être disponible, mais il va falloir aussi trouver, sur le plan des offres monétaires, un terrain d'entente.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux à trois heures.

Reprise de la séance à 15 h 3

M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A l'ordre, messieurs! Y a-t-il ici des représentants de la Fédération des médecins spécialistes? Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Représentants des spécialistes

M. LACHAPELLE: Oui, il y a des représentants des médecins spécialistes.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous désirez adresser la parole à la commission?

M. LACHAPELLE: Nous allons d'abord nous identifier, suivant votre suggestion.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LACHAPELLE : Dr François Léger, médecin spécialiste, secrétaire de la fédération. Me Roger David, avocat et procureur de la fédération. Et moi-même, Raymond Lachapelle, avocat.

Merci.

M. BOURASSA: M. le Président, nous allons demander, peut-être que l'on poursuive la discussion avec le Dr Hamel. J'étais simplement intéressé à savoir si la fédération avait répondu au voeu formulé hier, par la commission parlementaire. Je constate, avec plaisir, qu'elle a tenu compte de la suggestion de la commission et nous allons procéder avec le Dr Hamel.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Gingras, président du Collège des médecins et chirurgiens a demandé la parole. Alors, Dr Gingras.

M. GINGRAS: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais faire, j'espère, une dernière mise au point. Je crois comprendre qu'il est possible que le texte que je vais vous lire soit dactylographié afin que vous-mêmes, messieurs de la commission, de même que les journalistes puissent en avoir une copie.

C'est un excellent présage, apparemment, c'est M. Lasanté qui s'occupe de faire les copies.

Position du collège

M. GINGRAS: II me semble, messieurs, absolument essentiel, à la lumière des discussions tenues jusqu'ici, à cette commission sur le bill 8, que l'exécutif du Collège des médecins et chirurgiens, mandaté par le Bureau provincial de médecine, établisse ses positions de façon claire et précise afin d'éviter toute interprétation équivoque.

L'exécutif du collège déclare donc que, premièrement, il a déjà prié instamment les dirigeants de la FMSQ d'utiliser tous les moyens

à leur disposition pour éviter une détérioration grave de la situation présente. Nous avons également fait appel à la conscience professionnelle de tous nos membres devant les conséquences d'un arrêt de travail total ou partiel.

Deuxièmement, le collège reconnaît, comme tout le monde, y compris le gouvernement, la réalité syndicale dans le domaine de la santé.

Troisièmement, le collège regrette toute grève, tout arrêt de travail dans les services publics mais il n'est pas l'organisme compétent pour désavouer ce droit aux syndicats quels qu'ils soient.

Quatrièmement, devant les nombreuses questions posées ce matin — pour ne pas dire accusations — il nous apparaît évident que le rôle du collège n'est pas connu de la majorité des personnes autour de cette table.

Cinquièmement, actuellement on semble imputer tous les reproches que l'on peut faire dans le domaine de la santé au collège.

Sixièmement, nous désirons rappeler que le collège a comme rôle principal de contrôler la qualité de la pratique professionnelle de ses membres, compte tenu de la loi médicale, de ses règlements et du code de déontologie.

Il est important de distinguer, messieurs, dans la situation actuelle, le problème du contrôle de la qualité et celui de la distribution des soins. Le contrôle que le collège peut exercer peut se faire à priori et à posteriori. A priori, il s'agit d'un contrôle qui permet de faire des recommandations au médecin. Le collège ne peut imposer des mesures disciplinaires dans ce cas particulier. A posteriori, il s'agit d'un contrôle une fois que l'acte médical a été posé. Dans ce cas, une sanction disciplinaire ne peut être imposée que par le tribunal de discipline, après avoir suivi une longue procédure.

En ce qui concerne la distribution des soins, nous désirons rappeler que le rapport Caston-guay-Nepveu, volume IV, tome I, mentionne que le régime de santé n'a pas évolué au même rythme que les progrès de la médecine. Ce rapport mentionne aussi l'absence d'un système structuré de soins. La conclusion de ce rapport se résume ainsi: "L'absence d'une politique cohérente de santé est imputable uniquement au ministère de la Santé."

Rappelons que, dans ce domaine de la distribution des soins en milieu hospitalier, les règlements de la Loi des hôpitaux — l'article 38 pour votre information — en confie la responsabilité au conseil d'administration des hôpitaux. Rappelons aussi que le collège n'a aucune autorité sur les administrations hospitalières bien qu'il l'ait demandé avant la promulgation de ses règlements.

Le collège ne peut aucunement imposer à l'un de ses membres de pratiquer sa médecine, ou de la pratiquer dans un milieu donné; il ne peut que contrôler ses actes, une fois qu'il les a posés. Nous désirons faire une mise au point sur les deux visites du ministre Castonguay au collège durant les négociations. M. le ministre, lors de ces deux rencontres, aurait désiré que le collège informe et rassure la population en disant que le contrôle de la pratique professionnelle et le statut du médecin n'étaient pas modifiés par le bill 8. Comme nous ne pouvions à cette date assister comme observateur aux négociations, que nous n'avions aucune garantie que le contrôle demeurerait au collège et que nous faisions face à une nouvelle législation concernant ce même collège, nous avons refusé, et de bon droit, de faire un tel communiqué. Nous n'avons obtenu qu'hier, il faut l'avouer, une telle garantie de principe.

Enfin, face à la situation d'urgence actuelle, le collège offre sa collaboration au ministère de la Santé dans l'établissement d'un service d'urgence. De même, advenant l'élaboration d'une loi d'urgence, le collège, à titre d'organisme créé par l'Etat en vue du bien public, offre encore au ministère de la Santé sa collaboration.

Messieurs, il faut se rendre compte aujourd'hui que ni le ministère de la Santé ni le collège n'ont les pouvoirs suffisants pour obliger les médecins à reprendre intégralement leurs activités professionnelles. Nous émettons le voeu — ceci est extrêmement important à mon sens, au sens du collège — que le rôle de ce dernier puisse être discuté dans un climat plus serein. Merci, M. le Président.

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais simplement remercier le président du collège pour l'offre de collaboration qu'il vient de faire? Nous avons formé — comme je l'ai mentionné - au ministère de la Santé un groupe de travail qui a pour objet de répondre à toute demande de renseignement en provenance de corporations hospitalières ou d'autres organismes. Cela serait, je crois, un acquis pour ce groupe de travail s'il y avait un représentant du Collège des médecins qui pouvait s'y joindre.

En ce qui regarde ma visite au collège, c'est exact, comme le Dr Gingras l'a dit. C'est la demande que j'ai formulée. Mais, il y a une chose qu'il est nécessaire de rappeler, c'est que les négociations se sont toujours déroulées à l'intérieur du cadre de la loi. Sur le reste, je n'ai pas d'autre commentaire à faire. Je crois que la déclaration du Dr Gingras précise un bon nombre de points qui méritaient d'être précisés.

M. LE PRESIDENT: Dr Hamel, président de la Fédération des médecins omnipraticiens, auriez-vous des remarques à faire à la commission?

M. HAMEL: Non, pas à ce moment, M. le Président. J'ai fait mes remarques, ce matin; et je me réserve, au nom de la fédération, si vous daignez l'accepter, un droit de réplique, suivant les circonstances.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser

une question au représentant de la Fédération des médecins spécialistes? C'est le Dr Léger, je suppose, qui est le porte-parole? Est-ce que vous avez pris connaissance, hier, des suggestions que le ministre de la Santé a faites sur la liberté professionnelle et qui ont été acceptées par le Dr Gingras, le président du Collège des médecins?

M. LACHAPELLE: Qu'il plaise au président. La question, je sais, est adressée au Dr Léger, mais j'aimerais indiquer à cette assemblée que le mandat du Dr Léger est spécifique et il aura tout à l'heure l'occasion de vous l'expliquer. Par ailleurs, le mandat des procureurs qui l'accompagnent est restreint et, dans les circonstances, nous ne sommes pas en mesure, malheureusement, de répondre à la question qui nous est posée.

M. BOURASSA: Je ne sais pas quelle distinction vous faites entre un mandat spécifique et un mandat restreint, mais est-ce que vous pourriez dire en quoi votre mandat est restreint et en quoi celui du Dr Léger est spécifique?

M. LACHAPELLE: Le mandat du Dr Léger est spécifique en ce qu'il espère, avec la permission du président et sur son invitation, s'adresser à cette assemblée et, au nom de la FMSQ, faire une déclaration. La mandat des procureurs est restreint en ce sens que, bien qu'ils jouissent généralement de ce mandat présumé que tout procureur possède, pour les fins des circonstances, leur mandat a été restreint par la FMSQ à assister le Dr Léger.

M. BOURASSA: Le mandat spécifique? M. LACHAPELLE: Oui.

M. BOURASSA: Est-ce que le Dr Léger pourrait nous faire part du contenu de son mandat spécifique?

M. LACHAPELLE: Avec plaisir, M. le Président.

Médiation

M. LEGER: M. le Président, le conseil d'administration de la Fédération des médecins spécialistes m'a donné le mandat, que j'exécute, de faire lecture de cette déclaration.

M. le Président, nous avons rencontré, hier soir, le premier ministre de la province qui nous a fait part du voeu de la commission de la Santé d'entendre nos représentations au sujet de la Loi de l'assurance-maladie. Le premier ministre, au cours de l'entrevue qu'il nous a accordée, a clairement indiqué que son gouvernement n'entendait pas modifier ses positions de base à l'égard du désengagement.

La déclaration du ministre Castonguay de- vant la commission de la Santé, hier, confirme cette attitude. Pour ce qui a trait aux autres matières, telle la rémunération, le premier ministre a agréé qu'elle devait faire l'objet de négociations ailleurs que devant la commission parlementaire. Dans les circonstances, le conseil d'administration de la Fédération des médecins spécialistes et les présidents des associations médicales qui lui sont affiliées, réunis en assemblée spéciale ce matin, estiment qu'une audition devant la commission de la Santé dans les conditions où elle nous est offerte et dans le contexte où se déroule le débat ne peut apporter aucun élément valable de solution. Elle ne peut que préparer, conformément à "l'échéancier" annoncé le 11 septembre dernier par le ministre Castonguay, l'étape ultime de la loi spéciale qui doit instaurer d'autorité un régime de médecine d'Etat au Québec.

La fédération a déposé hier, devant la commission de la Santé, un mémoire où sont contenues les vues des médecins spécialistes sur tous les aspects du problème. La fédération en fait aujourd'hui le dépôt formel, laissant à la commission le soin d'en tenir compte. La fédération des médecins spécialistes du Québec prie la commission de la Santé de recommander au gouvernement la seule solution véritable au stade actuel, une médiation portant sur tous les aspects du différend. C'est signé: le Conseil d'administration de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Voici le document, je vous remercie M. le Président de nous avoir accordé l'occasion de venir le déposer.

M. BOURASSA: Est-ce qu'il est dans votre mandat de clarifier certains points de la déclaration que vous venez de faire, puisque vous interprétez une discussion que j'ai eue hier avec le Dr Robillard?

M. LACHAPELLE: M. le Président, le Dr Fernand Léger a exécuté son mandat.

M. BOURASSA: Est-ce que je dois comprendre que les représentants de la Fédération des médecins spécialistes, qui ont donné une interprétation unilatérale de la discussion que j'ai eue hier avec le Dr Robillard et d'autres membres de la fédération, refusent de répondre à toute autre question des membres de cette commission?

M. LEGER: Je dois malheureusement répéter que j'ai exécuté mon mandat tel que.

M. BOURASSA: Mais, puisque vous êtes ici, que vous vous êtes donné la peine de vous déplacer après de longues discussions sur l'opportunité de répondre au voeu du Parlement, est-ce qu'il nous est possible de vous poser des questions ou devrons-nous nous contenter de la lecture de la déclaration que vous avez faite?

M. LACHAPELLE: Je crois que votre dernière interprétation n'en déplaise à M. le président, est la bonne. Dans ces circonstances, nous n'avons même pas le mandat de vous dire que nous refusons.

M. BOURASSA: Si je vous comprends bien, M. Lachapelle, c'est que, du moment que votre déclaration est lue, vous devenez des sourds-muets.

M. LACHAPELLE: Certainement pas des sourds, parce que je vous entends et certainement pas des muets, puisque je vous réponds. Cependant, malheureusement, ainsi que nous l'avons expliqué — on pourrait assez facilement, messieurs, continuer longtemps — j'ai donné la mesure, la portée et la limite du mandat en question. Je m'en sens moi-même...

M. BOSSE: Vous avez mandat de ne rien dire.

M. BOURASSA: D'accord, M. Lachapelle, mais ce que je soumets, bien humblement, c'est qu'on a donné une interprétation unilatérale de ce qui avait été discuté.

J'ai dit mercredi, à une conférence de presse, que nous étions prêts à améliorer la loi si on nous en prouvait la nécessité. Je pense que la commission parlementaire est un endroit ouvert à l'opinion publique. Si vous refusez le débat à la commission parlementaire, si vous ne voulez pas discuter ouvertement, on peut se demander si vous n'êtes pas trop conscients de la fragilité de vos positions. Nous, nous avons insisté — je l'ai fait personnellement, la commission l'a fait unanimement — pour qu'il puisse y avoir un débat.

Je suis d'accord, sur la question de la rémunération, puisqu'elle est extrêmement complexe, que ce n'est peut-être pas l'endroit idéal pour en parler. On l'a déjà fait dans le passé, je n'ai pas d'objection à ce qu'on discute les tarifs ou la rémunération à la commission parlementaire, mais je suis d'accord que ce n'est peut-être pas l'endroit idéal.

En ce qui a trait à la question du désengagement, qui est une question de principe — et je pense que les parlementaires ont intérêt à en discuter — vous avez donné votre interprétation tantôt, j'ai la mienne. Je suis convaincu, moi, qu'une discussion ouverte comme celle que nous pourrions avoir cet après-midi, ou demain s'il le faut, pourrait peut-être éviter un affrontement, brutal dont la population, en fin de compte, serait la première victime.

Je suis étonné et extrêmement déçu, même si je dois constater que vous avez quand même accepté de venir donner votre point de vue, si court soit-il, à la commission parlementaire, je suis extrêmement déçu — et je pense que je parle au nom de tous les membres de cette commission — de voir que vous refusez de dialoguer.

M. LACHAPELLE: Je ne fais pas de discours, M. le premier ministre, vous avez notre réponse.

M. LE PRESIDENT: M. Cloutier.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais souligner au délégué de la Fédération des médecins spécialistes que la commission parlementaire, hier, a exprimé le vif désir que la Fédération des médecins spécialistes soit entendue devant cette commission. Il y a un article de notre règlement, j'en ai fait lecture hier, qui prévoit que le président de la commission peut forcer, peut obliger n'importe quel groupe ou individu à venir comparaître devant la commission, avec documents et pièces. Nous n'avons pas voulu utiliser, c'était le droit de la commission, de le faire, les pouvoirs que donne ce règlement. Le président, à la demande des membres de la commission, a prié instamment la fédération de se présenter devant la commission pour éclairer certains points du débat.

Nous avons dit, à ce moment-là, en ce qui nous concerne, de ce côté-ci de la table, que nous avions besoin d'avoir en main d'autres éléments qui nous permettraient de porter un jugement, ou même d'apporter des suggestions dans le conflit actuel. C'est là, je pense, un des rôles importants des groupes d'opposition, à la lumière des faits et des renseignements que l'on nous fournit , de pouvoir apporter une contribution positive. Je crois que l'attitude de la Fédération des médecins spécialistes, le mandat très restreint qu'on vous a donné cet après-midi, empêche les membres de cette commission et en particulier les groupes de l'Opposition, d'accomplir parfaitement leur mandat. . Nous avons mentionné aussi de façon particulière que c'était un précédent qu'un groupe impliqué dans un conflit refuse de participer aux travaux de la commission. Les représentants des centrales syndicales, qui sont ici depuis hier, nous ont déclaré que, souventefois, elles sont venues devant cette commission, même à reculons, mais elles ont quand même pris cet engagement, elles ont assumé cette responsabilité de venir devant cette commission. On a de nombreux exemples et des exemples récents.

Alors, je crois que dans l'opinion publique, le refus de la Fédération des médecins spécialistes — refus non total puisque cet après-midi, vous êtes délégués auprès de cette commission — d'élargir le mandat, ou ce mandat très restreint que l'on vous a confié, devant l'opinion publique, je crois qu'il sera préjudiciable à la Fédération des médecins spécialistes. C'est cet aspect important que je voudrais faire ressortir parce que nous voulons ici que le débat soit très objectif. Personnellement, nous avions et nous avons des suggestions à apporter de façon à diminuer cette tension et cette pression qui existe dans le moment. Ce que nous

recherchons tous, ici, à cette commission, c'est de trouver ensemble des solutions au conflit actuel parce que personne ne désire, pas plus l'Opposition que le gouvernement, une loi d'exception et surtout à l'endroit des professionnels de la santé.

Vous nous placez dans une situation extrêmement difficile. Je crois qu'il est encore temps de réviser cette position et de ne pas forcer la commission parlementaire à utiliser l'article de notre règlement qui nous donnerait le pouvoir d'imposer à la Fédération des médecins spécialistes de témoigner et de témoigner entièrement. Je crois que c'est le voeu de cette commission, que ce témoignage de votre part soit volontaire, soit fait de plein gré et je crois que cela va contribuer à améliorer le climat actuel.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN : M. le Président, je déplore que la Fédération des médecins spécialistes ait confié un mandat aussi spécifique et aussi restreint à ses représentants, cet après-midi. Ceci nous met dans une situation qui a fait venir dans mon esprit le parallèle d'une certaine bataille, la bataille de Fontenoy, où l'armée anglaise et l'armée française se trouvaient en face l'une de l'autre et où les chefs se disaient, en s'adressant l'un à l'autre: "Tirez les premiers, messieurs les Anglais" ou "Tirez les premiers, messieurs les Français".

J'ai l'impression que c'est une lutte où chaque partie en présence attend que l'autre fasse le geste qui déclenchera les hostilités. Les hostilités, on le sait, c'est un arrêt, un débrayage de plus en plus total de la part des spécialistes, avec tous les inconvénients que cela peut entraîner pour la population. Un peu comme si, dans ce jeu du chat et de la souris, on guettait qui va faire la première erreur, qui prendra sur lui l'odieux du geste qui déclenchera les hostilités. Les deux parties en présence sont déjà prêtes à se blâmer l'une l'autre pour cet arrêt total, définitif de la négociation et pour les conséquences désastreuses qui s'ensuivront pour la population.

Il me semble que nous sommes dans ce climat de guerre. A cette toute dernière minute tragique qui précède ce conflit, je continue d'espérer qu'un moyen peut être trouvé pour qu'une ultime négociation s'engage, car la pire négociation vaut toujours mieux que la meilleure des guerres. Il me semble que la commission pourrait émettre le voeu que les représentants de la fédération prennent le temps d'aller téléphoner à l'exécutif de la fédération, qu'ils lui transmettent le climat de cette commission, l'inquiétude profonde des représentants du peuple devant la situation et qu'ils le prient, avec tous les arguments qu'ils peuvent développer, de modifier sa prise de position et d'élargir leur mandat.

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais ajouter quelques mots à ceux du Dr Laurin. On a soumis un document qui est interprété, de ce côté-ci, comme une mise en accusation personnelle du ministre de la Santé. Il est normal, je pense, si on est conscient de ce qu'on fait, si on est convaincu de ce qu'on avance, qu'on soit au moins prêt à répondre aux questions.

On attaque personnellement le ministre de la Santé avec un document qui est déposé à la commission parlementaire et on refuse, par la suite, de répondre aux questions sur ce document, alors même qu'on est présent. Il y a là une contradiction flagrante de la part des médecins spécialistes qui risque, s'ils persistent dans leur attitude, de jeter dans l'opinion publique le discrédit sur leur organisation.

Alors, je suis d'accord que les représentants de l'organisation demandent de pouvoir dialoguer et discuter. Nous admettons qu'ils soient ici. C'est quand même un signe du respect qu'ils ont pour l'autorité du Parlement. Mais nous voulons dialoguer et nous le voulons d'autant plus que c'est eux qui nous incitent à le faire en présentant des documents comme ceux qu'ils ont présentés cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: M. Bois.

M. BOIS: Quant à nous, nous savons que, depuis des années, la population demande la sécurité. Nous désirons aussi la liberté pour les diverses classes, que ce soient les professionnels, que ce soient les ouvriers, les collets blancs ou n'importe qui.

Je crois fermement qu'il serait de beaucoup préférable que l'on vienne discuter dans la paix, parce que je crois bien que la seule et unique façon d'obtenir sécurité et liberté, c'est encore dans une discussion franche et ouverte.

Il est bien entendu que je ne connais pas personnellement toutes les discussions qui ont été tenues dans le passé, mais je crois qu'il serait préférable qu'il y ait réellement un contact franc ici. Je trouve que ce serait apprécié par le public et que ce serait même certainement de nature à attirer le respect de la population et des autorités en général sur une profession qui a tant fait pour le bien du peuple depuis de très nombreuses années. Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Lachapelle.

M. LACHAPELLE: M. le Président, les représentants de la FMSQ remercient l'assemblée de les avoir reçus et entendus et, dans les circonstances ils vous demandent la permission de se retirer.

M. BOURASSA: Mais est-ce qu'on peut vous demander, M. Lachapelle, si vous avez l'intention de transmettre à l'exécutif la demande que nous vous avons faite et qui, disons, est en partie suscitée par les documents que vous avez

vous-même déposés, de pouvoir discuter avec nous et de pouvoir répondre? Vous nous présentez un document et vous ne voulez pas qu'on vous questionne sur ce document. Comment voulez-vous que nous vous accordions de l'attention, ou comment voulez-vous que ce document soit crédible, si vous refusez de répondre aux questions? Est-ce qu'on peut vous demander de le demander à l'exécutif, pour que nous puissions vous questionner sur ce document? Nous sommes prêts, quant à nous, et sujet à l'approbation de mes collègues, à discuter demain ou ce soir.

M. LACHAPELLE: M. le premier ministre, si je fais référence à une remarque que vous faisiez tantôt, nous ne sommes pas sourds et nous ne serons pas muets. Il n'y a pas de doute, évidemment, que notre rôle nous oblige à transmettre à nos mandats les paroles que nous avons entendues cet après-midi autour de cette table. Mais, vu les circonstances, vous comprendrez, M. le Président, qu'il vaut mieux pour l'instant nous retirer.

M. BOURASSA: Je comprends, M. le Président, et je l'admets. Mais est-ce qu'on peut s'attendre que vous reveniez ce soir, à huit heures, pour donner une réponse sur le document que vous avez présenté?

M. LACHAPELLE: C'est trop demander à l'avocat qui a un mandat restreint.

M. BOURASSA: D'accord.

M. LACHAPELLE: Est-ce que nous pouvons nous retirer?

M. BOURASSA: II y a certains membres de la commission, puisque vous êtes venus, qui voudraient vous poser des questions.

M. LACHAPELLE: Avec plaisir.

M. BOSSE: Est-ce que la commission, M. le président, ne pourrait pas fixer un délai pour obtenir une réponse à la question posée par le premier ministre? Il me semble que ce serait là, au moins, un acte décent de la part de la fédération concernée, d'accepter qu'il y ait un délai.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: M. le Président, vu que les mandataires de la Fédération des spécialistes nous ont dit qu'ils n'étaient pas sourds, ils ne sont pas obligés de parler pour écouter.

Je me demande justement si la commission n'est pas sourde. Je pense que la Fédération des médecins spécialistes, par son attitude, vous fait savoir très exactement ce qu'elle pense, de façon peut-être discutable, mais de façon très claire. Je pourrais même dire très courageuse. Il vous reste de l'être autant.

M. BOURASSA: M. Laberge, quand même ! Mais, je crois encore à la logique, au bon sens. On nous soumet un document qui attaque personnellement le ministre de la Santé qui est l'un des principaux impliqués dans cette affaire. La commission, en fonction d'un bon sens élémentaire, dit: Pouvons-nous vous poser des questions sur ce document? Est-ce que ceci paraît insolite ou anormal? C'est ce que nous voulons savoir des représentants de la Fédération des médecins spécialistes, et nous sommes en droit de savoir s'ils sont prêts à donner des réponses à des arguments qu'ils avancent par écrit et qui peuvent être contestables.

M. BOSSE : M. le Président, je propose que la commission se réunisse à huit heures, et qu'à ce moment-là la fédération nous fasse parvenir une réponse.

M. LE PRESIDENT: Dr Léger,... M. MARCHAND: D'ici une heure.

M. LE PRESIDENT: ... comme les membres de cette commission seraient heureux d'entendre ce que vous avez à dire au sujet de cette réunion, seriez-vous prêt à nous donner une réponse d'ici cinq heures ou après le souper, à entrer en communication avec les membres de votre exécutif afin de savoir si vous êtes prêts à nous donner votre appréciation sur le texte que vous avez soumis, et à répondre à certaines questions qui pourraient être posées par les membres de la commission?

M. LEGER: M. le Président, je ne puis que vous dire que je vais faire mon possible pour entrer en communication avec les membres de l'exécutif qui m'ont envoyé ici. Je ne peux pas prendre sur moi la responsabilité d'un délai.

M. BOURASSA: Alors, disons que nous ajournons à cinq heures cet après-midi, d'accord?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que tous les membres de la commission sont d'accord?

M. BOSSE: Un minimum qui serait exigé, M. le Président, c'est que même si la réponse devait être négative, qu'elle soit communiquée à cette commission.

M. LE PRESIDENT: Les membres de la commission sont-ils d'accord que nous suspendions les travaux jusqu'à cinq heures?

Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à cinq heures.

Reprise de la séance à 17 h 3

M. FORTIER (président de la commission de la Santé): A l'ordre, messieurs! Est-ce que les délégués de la Fédération des médecins spécialistes du Québec sont revenus dans la salle?

M. BOURASSA: Est-ce que le président de la commission a été avisé qu'ils ne viendraient pas?

M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas été avisé.

Refus de dialoguer

M. BOURASSA: M. le Président, il semble bien que les représentants ont décidé de ne pas se présenter devant la commission. Ils ont, quand même, accepté de répondre au voeu que nous avons formulé hier, mais nous devons constater leur refus de dialoguer. Il est donc inutile, pour le moment, de les forcer à dialoguer.

C'est quand même une crainte qui révèle la fragilité de leur position et le discrédit dans lequel ils sont prêts à tomber dans l'opinion publique pour maintenir leur position. J'ai dit tantôt que j'étais intéressé à discuter avec eux parce qu'ils nous avaient soumis un document où ils portaient des accusations personnelles. En toute logique, s'ils nous soumettent un document où dés accusations sont portées contre des membres de la commission, il est normal que nous soyons en mesure de leur poser des questions par la suite, mais ils ne veulent même pas répondre aux questions. Ils se défilent devant une responsabilité qui paraît élémentaire.

M. le Président, à moins qu'un membre de la commission n'exige l'application de la procédure — je serai prêt à appuyer sa proposition, si, à son avis, il croit nécessaire qu'ils soient présents — nous n'avons pas l'intention, quant à nous, de l'appliquer immédiatement. Nous nous réservons le droit, toutefois, de le faire dans l'avenir immédiat, les représentants de la Fédération des spécialistes. Mais, nous avons aujourd'hui là preuve qu'ils ne sont pas prêts, qu'ils ne veulent pas négocier ou dialoguer. C'est dans cette perspective-là que nous entendons prendre nos responsabilités.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

Convocation de l'Assemblée

M. LAURIN: M. le Président, dans ces conditions, je pense que nous n'avons pas d'autre choix que de demander la convocation, le plus rapidement possible, de l'Assemblée nationale, où le gouvernement nous présenterait une loi spéciale qui prévoirait toutes les possibilités pouvant s'ensuivre d'un arrêt partiel ou total du travail des médecins spécialistes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Evidemment, cette commission parlementaire se trouve devant une situation assez inusitée, celle où un groupe directement impliqué dans un conflit refuse une invitation pressante de venir discuter des points en litige et défendre ses positions. Je crois le moment venu, pour le groupe que je représente, de faire cette suggestion dont j'ai parlé ce matin. Cette suggestion est faite dans un bon esprit. Elle est faite — et je crois que c'est le rôle de l'Opposition de la faire — pour soulager ce climat de tension qui existe actuellement. Sans rejeter l'idée de mon collègue, le député de Bourget, à l'effet de convoquer immédiatement l'Assemblée nationale, je crois qu'il doit être tenté une dernière tentative pour rapprocher les parties et les faire retourner à la table des négociations.

Nouvelle proposition

M. CLOUTIER: Ce matin, j'ai commencé à élaborer des éléments de suggestion. Je voudrais brièvement les reprendre. Il me semble que les offres de rémunération du gouvernement apparaissent insuffisantes aux deux fédérations. Elles se basent sur le fait que l'écart entre la rémunération des médecins de l'Ontario, particulièrement et celle qui est offerte à ceux du Québec est trop considérable. J'ai dit, cet avant-midi, que cette rémunération offerte aux médecins, si on l'examine dans le contexte du Québec, si on compare le revenu des professionnels de la santé avec les revenus des autres professionnels dans le Québec et des autres travailleurs du Québec, nous apparaît probablement raisonnable. Mais, si on la situe dans le contexte canadien, dans le contexte nord-américain, il nous apparaît que nous devrions explorer davantage la possibilité de réduire cet écart.

A partir du moment où les offres gouvernementales de rémunération sont plus généreuses, cette question du désengagement, qui est très intimement reliée à la question de la rémunération, prend une autre dimension dans l'esprit des médecins spécialistes.

Je n'en veux pour preuve que ces phrases que je tire du document qu'ils nous ont remis officiellement cet après-midi, où on y dit entre autres: "Le désengagement n'est pas, pour la fédération, une façon d'augmenter les revenus d'un petit nombre de ses membres." Pourrait-on raisonnablement croire, en effet, que tous les médecins spécialistes de la province se seraient ralliés autour d'une idée aussi peu logique?

Et cette autre phrase ici dans ce même document, qui se lit comme suit: "La loi devrait donc contenir une disposition de ce genre: la convention collective doit contenir des dispositions à l'effet que le ministre, après consultation avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec, prendra des mesures spéciales au cas où le désengagement gênerait l'accès universel aux soins médicaux." Et on dit

également: "II ne faudrait pas, dans l'optique où nous situons le désengagement, que le dépassement d'honoraires, qui est un aspect mineur — et je retiens ce mot — dans l'ensemble de ce que nous discutons, devienne pour le gouvernement un problème politique." "Il est évident que le genre de désengagement proposé par la Fédération des médecins spécialistes du Québec suppose un régime d'entente collective raisonnable. Si l'Etat ne devait rembourser, en régime conventionnel, qu'une très faible partie des honoraires médicaux, il est évident que les médecins rechercheraient, par le biais du désengagement, une compensation plus adéquate. Ceci n'est pas l'objectif que nous recherchons, bien au contraire."

Alors, M. le Président, à partir de ces phrases et de cette autre que je voudrais ajouter: "Le désengagement, en effet, dans le contexte des offres monétaires du ministre Castonguay, ne peut être, pour les médecins, qu'un moyen d'échapper au tarif ridiculement bas de l'Etat, en demandant aux malades un supplément d'honoraires," il est bien certain que, dans notre esprit, il n'est pas de notre intention de revenir sur cette question du complément ou du dépassement d'honoraires. Mais, à partir du moment où nous refusons d'accepter ce principe, la question des tarifs et des échelles de rémunération des médecins prend une dimension spéciale. Et c'est pourquoi j'aurais l'intention de suggérer au ministre de la Santé qu'avec ses officiers il étudie une proposition qui pourrait se lire comme suit : "Nul professionnel de la santé ne peut se désengager de l'entente signée par l'association qui le représente aux fins de la conclusion de l'entente selon l'article 18, à moins qu'il n'ait été établi, à la satisfaction du ministre et de ladite association, que les raisons de son désengagement sont d'ordre purement personnel et ne sont pas susceptibles de compromettre, dans la province et dans la région dans laquelle il exerce sa profession, la portée qui lui est applicable et les effets recherchés par la présente loi. Pour chaque professionnel de la santé, le présent, article cesse de s'appliquer à la date de l'expiration prévue à l'entente qui lui est applicable, mais il recommence de s'appliquer dès que l'entente est renouvelée ou qu'une nouvelle entente remplace celle qui est expirée."

Voici donc le contexte dans lequel cette proposition est faite:

A partir du moment où une offre globale de règlement est faite à la table des négociations;

A partir d'un rajustement de l'échelle de rémunération qui est offerte aux médecins spécialistes et à l'ensemble de la profession médicale ;

A partir de ce texte qui contrôle le désengagement avant qu'il ne se fasse, étant donné que les phrases que j'ai citées tantôt indiquent que, dans l'esprit de la Fédération des médecins spécialistes et dans le texte qu'ils ont déposé, le désengagement ;

A partir du moment où la rémunération est suffisante, devient un élément mineur dans la discussion, je crois qu'il y aurait possibilité de revoir tout l'ensemble, et la rémunération et le désengagement ;

A partir d'une classe de médecins qui pourraient être désengagés sans complément, sans supplément d'honoraires, qui, par contre, auraient aussi à rendre compte, comme pour les médecins engagés, de la pratique médicale au collège des médecins et à la régie également, parce que ce sont des fonds publics qui seraient remboursés au malade, il y aurait certainement des contrôles à apporter là.

Je crois donc qu'il y a dans cet ensemble que je viens de mentionner assez rapidement, un élément de solution. Est-ce que cela pourrait aller jusqu'au remboursement à 100 p.c. pour le médecin désengagé? S'il n'y a pas de dépassements et de compléments d'honoraires, si le désengagement des médecins est contrôlé avant, et par la fédération et par le gouvernement pour des raisons sérieuses, est-ce qu'il n'y aura pas, dans tout cet ensemble, Une proposition, une suggestion qui pourrait ramener les parties à la table des négociations? Et, à partir de cette nouvelle proposition, et en y ajoutant ce que le premier ministre et le ministre de la Santé ont déjà proposé à la Fédération des médecins spécialistes, est-ce qu'il n'y aurait pas, dans tout cet ensemble, une proposition qui pourrait rallier les parties, qui pourrait trouver un dénominateur commun? N'y aurait-il pas une proposition qui pourrait être modifiée et qui pourrait, je crois, à assez brève échéance, ramener les parties à la table des négociations et déboucher sur une discussion plus constructive et plus positive? Je suis en effet convaincu que, si nous partons d'ici, de la commission, dans l'atmosphère actuelle, avec les événements qui se sont passés, il y a difficilement progrès. Je crois qu'il est difficile d'enregistrer des progrès dans la négociation avec les médecins spécialistes.

Je fais cette suggestion en toute bonne foi dans l'espérance qu'elle va susciter de l'intérêt au sein du ministère, chez les officiers du ministère, chez le ministre et au cabinet des ministres. J'espère qu'ils vont apporter leur attention à l'étudier pour voir s'il n'y a pas là un élément de solution. Quant aux médecins spécialistes, je regrette qu'ils ne soient pas ici à la reprise de cette séance, mais je crois que cette proposition leur sera aussi communiquée.

Cette proposition, ils pourraient peut-être eux aussi, d'ici quelques heures, en discuter, voir quelles sont les possibilités. Et je crois qu'il pourrait se tenir une séance de négociation sur une suggestion comme celle-là.

M. BOURASSA: M. le Président, je remercie l'ancien ministre de la Santé de sa suggestion

positive. J'allais discuter de la procédure à suivre et demander aux membres de la commission si l'un d'eux voulait qu'on applique la procédure. J'avais exprimé la position du gouvernement pour l'instant, mais j'allais demander si un des membres était prêt à discuter de la procédure pour forcer les membres de l'exécutif à être présents. On me signale qu'ils viennent d'arriver. Je pense donc qu'il serait normal d'entendre leur point de vue.

M. LE PRESIDENT: Dr Léger. Position inchangée

M. LEGER: M. le Président, le conseil d'administration de la Fédération des médecins spécialistes de la province de Québec déclare que la position qu'il vous a communiquée plus tôt cet après-midi, pour les raisons qu'il a alors invoquées, demeure inchangée. Il réitère qu'une médiation sur tous les aspects du différend demeure la seule solution véritable.

M. BOURASSA: Je crois comprendre, M. le Président, à la suite de la déclaration qui a été faite par le représentant de la Fédération des médecins spécialistes, qu'il serait inutile pour les membres de la commission de poser des questions sur le document qu'on nous a proposé. Est-ce que j'ai bien compris?

M. LE PRESIDENT: Dr Léger.

M. LEGER: Je m'excuse, je n'ai pas entendu, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: Je demande au représentant de la Fédération des médecins spécialistes si j'ai bien compris en concluant qu'il est absolument inutile pour les membres de cette commission de poser des questions sur le document que la fédération nous a proposé, à la lumière de la déclaration qu'il vient de faire.

M. DAVID: La réponse, c'est oui. Nous ne sommes pas mandatés pour apporter quelque réponse au document soumis. Par contre, M. le Président, nous avons pris note que le premier ministre se déclarait en désaccord avec l'interprétation donnée par le président de la fédération sur le contenu des pourparlers qu'ils ont eus hier soir.

Dans ce contexte, nous recevrions avec plaisir l'interprétation du premier ministre sur le contenu de ces pourparlers en rapport avec les positions fondamentales et nous en ferions rapport au conseil d'administration de la fédération.

M. BOURASSA: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre ! Est-ce que je peux demander aux journalistes de dégager un peu le premier ministre afin de lui permettre de parler?

M. BOURASSA: Non, ça va. Je suis habitué.

UNE VOIX: Au contraire, il s'agit de lui permettre de s'engager!

M. BOURASSA: J'ai dit tantôt, si on peut résumer une discussion de deux heures, que j'avais discuté de la question du désengagement; que j'avais demandé au Dr Robillard de donner des cas concrets qui pouvaient montrer le problème, l'injustice de la situation actuelle pour les médecins de la Fédération des spécialistes. Les cas concrets qui m'ont été apportés — c'est mon opinion et je respecte la sienne — pouvaient être analysés à la lumière d'une négociation et d'une discussion raisonnable entre les deux parties. C'est pourquoi je ne voyais pas comment le gouvernement, dans l'état actuel de la discussion que j'ai eue avec les représentants de la fédération, devait modifier son point de vue. C'est pourquoi j'ai dit au Dr Robillard et aux autres représentants de la fédération combien il pourrait être utile pour eux de venir devant la commission parlementaire afin que nous puissions discuter de cette question du désengagement.

Le Dr Robillard a admis que l'un des objectifs de la fédération était qu'il n'y ait pas deux classes de soins au Québec. C'est également l'un des objectifs de la position actuelle du gouvernement. Alors, si nous sommes d'accord sur les objectifs, pourquoi serait-il impossible de s'entendre sur les modalités? C'est pourquoi nous voyons l'utilité de ce débat à la commission parlementaire puisqu'il s'agit, en fin de compte, d'une question de modalités.

Sur la question monétaire, j'ai dit que ce n'était peut-être pas l'endroit préférable pour discuter de toute la structure des tarifs mais que je n'avais pas d'objection à ce que ce soit fait à la commission parlementaire. Alors, à mon point de vue, c'est résumer la discussion que j'ai eue hier en présence du Dr Robillard, de deux membres de la fédération et de mon chef de cabinet.

Si vous avez d'autres questions sur cette discussion je suis, moi, disposé à y répondre.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne sais pas si les représentants de la Fédération des médecins spécialistes ont pris connaissance du texte de la suggestion que je viens de faire. J'ai demandé au ministre de la Santé, avec ses conseillers, d'étudier toutes les implications de cette suggestion. Le ministre semble avoir reçu avec bienveillance ma suggestion d'étudier cette proposition pour voir si elle est applicable et si elle répond aux grands objectifs du régime. Je ne lui ai pas demandé de se prononcer immédiatement sur cette suggestion.

Je demande également s'il serait possible que le Fédération des médecins spécialistes regarde si, à l'intérieur de cette suggestion, il n'y aurait pas des points qui permettraient de reprendre une discussion sur les deux principaux points qui restent en litige au sujet de l'application du bill 8. Est-ce qu'il y a possibilité que la Fédération des médecins spécialistes étudie cette suggestion et essaie de voir s'il n'y aurait pas là matière à retourner à la table des négociations?

M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'ai pas voulu commenter la déclaration du député de Montmagny, de l'ancien ministre de la Santé, pour ne pas interrompre le dialogue entre le premier ministre et les membres de la Fédération des médecins spécialistes, mais je peux vous dire que cette suggestion, nous allons l'étudier de façon aussi positive que possible. Nous serons disposés à en discuter en tout moment, si la Fédération des médecins spécialistes veut en discuter avec nous.

Je profite également de l'occasion pour mentionner que nous avons déjà dressé, pour la semaine prochaine, un calendrier relativement lourd de séances de négociations pour les autres associations. Il s'agit de la Fédération des médecins omnipraticiens, de la Fédération des optométristes et de l'Association des chirurgiens-dentistes. Nous ne ménagerons aucun effort pour poursuivre avec eux les négociations de la façon la plus efficace et la plus rapide possible.

Quant aux suggestions du député de Montmagny — j'y reviens pour que ce soit bien clair — je puis vous assurer que nous allons les étudier de la façon la plus objective possible. J'apprécie énormément le fait qu'il ait fait ces suggestions à la table.

M. LE PRESIDENT: Dr Laurin.

M. LAURIN: La suggestion du député de Montmagny me semble partir d'un excellent naturel et je pense qu'elle mérite d'être étudiée à ce titre.

Mais, il semble également, après ce que nous venons d'entendre du représentant de la Fédération des médecins spécialistes, qu'on puisse présumer, pour ne pas dire être certain, que la discussion de cette proposition pourrait prendre beaucoup de temps et, peut-être aussi, on peut présumer, pour ne pas dire être certain, que cette proposition serait probablement refusée par la Fédération des médecins spécialistes. En l'occurrence, il me semble qu'il faut revenir à la suggestion que je faisais tout à l'heure, qu'il faudrait immédiatement que l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités et, dans une réunion qui pourrait avoir lieu la semaine prochaine, au plus tôt, au début de la semaine, qu'une loi soit présentée, qui prévoit les diverses possibilités qui pourraient résulter d'un arrêt partiel ou total du travail de cette catégorie de médecins.

Loi spéciale

M. BOURASSA: M. le Président, je prends bonne note de la suggestion du Dr Laurin. Le cabinet se réunira pour décider des mesures à prendre pour assurer l'application de la loi, le 1er novembre prochain. Nous avions dit, hier, qu'il y a deux moyens, soit la négociation, soit une loi spéciale d'ici le 1er novembre. Le ministre de la Santé, par ailleurs, vient de dire tantôt qu'il y avait plusieurs projets de négociation prévus avec différents groupes de médecins, au cours de la semaine prochaine. C'est donc à la lumière de tous ces faits que nous prendrons la décision pour accélérer la négociation, pour tenter un dernier effort de négociation ou pour procéder par législation, s'il nous apparaît impossible de respecter notre délai du 1er novembre.

Une chose doit être claire, M. le président. J'avertis les représentants de la Fédération des médecins spécialistes que si ceux-ci devaient abuser des pouvoirs qu'ils ont en raison de la nature de leur travail, si la sécurité de la population était mise en péril par l'action du syndicat, le gouvernement n'aurait aucune hésitation à intervenir par tous les moyens nécessaires pour protéger la population. Je demande l'ajournement de la commission parlementaire sine die, en mentionnant toutefois qu'il est possible que cette commission soit convoquée d'une façon spéciale, s'il apparaissait nécessaire et utile de le faire, étant donné l'évolution de la situation. Je remercie les membres de la commission de leur assiduité, de leur contribution et de leur sens des responsabilités.

M. LE PRESIDENT: La commission est ajournée sine die.

(Fin de la séance 17 h 27)

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