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Etude des problèmes de rentabilité de l'industrie des
pâtes et papiers du Québec
(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Séance de la commission des richesses naturelles et des terres et
forêts chargée d'étudier les perspectives d'avenir de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont M.
Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane) M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond) est remplacé par M. Grenier
(Mégantic-Compton); M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en
remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M.
Goulet (Bellechasse) est remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi); M.
Grégoire (Frontenac) est remplacé par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean); M. Jo-ron (Mille-Iles), M. Larivière (Pontiac), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M.
Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert
Baldwin) et M. Perron (Duplessis) est remplacé par M. Gagnon
(Champlain).
Je constate que les représentants de la compagnie
Consolidated-Bathurst son présents. Ils sont devant nous à la
suite de la motion de convocation adoptée par la commission
parlementaire en date du 18 octobre dernier. Cette motion parlait
également de la production de documents. Je remercie les
représentants de la Consol d'avoir donné suite aux voeux et
à l'ordre de la commission. En outre, je demanderais aux
représentants de la Consol s'ils ont effectivement des documents
à déposer?
Comparution Consolidated-Bathurst pour la division
Wayagamack
M. Stangeland (Oscar): Oui, M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, la compagnie Consol est ici ce
matin faisant suite au télégramme reçu hier matin à
nos bureaux et répétant la motion adoptée par la
commission, mardi soir.
A ma droite, j'ai ici M. Guy Dufresne, vice-président en
marketing du groupe des pâtes et papiers. A ma gauche, j'ai M. Dick
Solomon, qui est le contrôleur et mon assistant financier pour le groupe
des pâtes et papiers. Mon nom est Oscar Stangeland et je suis
vice-président exécutif responsable du groupe des pâtes et
papiers.
Nous avons composé hier, après avoir reçu le
télégramme, un état financier pro forma basé sur
les données que nous avons sur les résultats de l'usine du
Cap-de-la-Madeleine, incluant les années 1968 jusqu'à 1976. J'ai
quinze copies ici que je vous soumettrai en dépôt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné que la commission va terminer ses travaux à 13 heures, et
ce de façon définitive, étant donné
également que la Consol a déjà passé devant la
commission, je demanderais la collaboration de tous les membres de la
commission afin que les questions soient non seulement pertinentes, mais
qu'elles soient limitées parce que nous devons absolument entendre nos
deux autres invités ce matin.
A qui dois-je céder la parole en premier?
M. Stangeland: M. le Président, j'aimerais
expliquer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
explication, peut-être, oui.
M. Stangeland: ... que nous avons ici les résultats des
années 1968 à 1976 inclusivement, ce qui représente neuf
années de fonctionnement de cette usine. La dixième année,
l'année 1967, n'est pas ici parce qge nous avons changé nos
méthodes de comptabilité durant l'année 1967, après
la fusion avec la compagnie Bathurst. C'est pour ces raisons que nous
n'étions pas capables de vous donner les dix ans, tel que
demandé. On vous donne les résultats pour les neuf ans qui sont
disponibles.
Tous ces documents contiennent des données qui sont parmi les
états financiers, les bilans de la compagnie Consolidated-Bathurst
Limitée et de ses filiales. Il y en a de 40 à 50, de ces
filiales. Ces données sont sorties sur une base de comptabilité
qu'on croit exacte. Si la commission, par la suite, désire engager une
firme de comptables qui pourraient venir à nos bureaux pour
vérifier les données ou regarder les livres actuels, nous serions
prêts à offrir cette collaboration.
Nous sommes un peu inquiets parce que nous sommes dans un domaine
où nous considérons ces chiffres comme confidentiels; cela
pourrait avoir des répercussions sur le côté
concurrentiel.
Malgré le fait que cette usine soit fermée depuis le 15,
c'est encore des résultats et des informations qu'en principe nous ne
sommes pas prêts à divulger publiquement.
Dans les circonstances de tous les événements qui se sont
passés et suite à votre ordonnance, nous les soumettons avec un
esprit ouvert, et nous sommes prêts à répondre à des
questions là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Stangeland, je
tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir donné suite à
la motion que cette commission a adoptée mardi soir dernier. Est-ce que
vous pourriez, de façon sommaire vous avez déposé
un document qui était confidentiel, vous avez allégué
le fait que, pour une entreprise comme la vôtre, divulguer de tels
chiffres était très délicat, parce que vous êtes
quand même dans une situation de concurrencecompte tenu du fait que
votre entreprise est fermée depuis samedi dernier, est-ce que vous
pourriez nous donner plus d'explications sur chacun des articles,
particulièrement au niveau des dépenses? Vous mentionnez des
coûts variables, les ajustements en pâte, l'entretien. On constate
que les dépenses d'entretien ont un taux de croissance assez comparable
à chaque année, les frais fixes, les frais d'administration qui,
aussi, ont subi un taux de croissance proportionnel.
Les bénéfices avant amortissement, ce serait
peut-être opportun de connaître les amortissements que vous avez
pris et, en termes fiscaux, qu'est-ce qui a été
allégué comme amortissements par votre entreprise au
Cap-de-la-Madeleine. Vous faites état des bénéfices avant
impôt, est-ce qu'il y aurait lieu de connaître les
bénéfices après impôt et, somme toute,
compléter un peu les informations qui nous sont livrées et mettre
un peu de chair là-dessus, et peut-être un sommaire des
explications et des documents et des chiffres que vous déposez ce
matin?
M. Stangeland: Oui.
M. Grenier: Un instant. M. Stangeland a fait non pas allusion
mais a clairement dit que ces données rendues publiques pourraient nuire
considérablement à leurs affaires. Maintenant, nous avons devant
nous un texte, les députés autour de la table, c'est
peut-être cela l'information qu'on a demandée pour les
députés. Mais il y a également la presse qui est ici. Si
on accepte de répondre, on pose des questions, c'est évident que
la presse est au courant. Est-ce qu'on a divulgué ces documents à
la presse également? Si oui, je n'ai pas d'objection, sinon je tiens
compte de la demande que fait monsieur, ici. Il faudrait peut-être...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ecoutez,
il est bien sûr qu'à partir du moment où la compagnie
accepte de remettre ces chiffres, en principe, ces chiffres deviennent publics.
Mais je sais qu'il y a des dispositions, dans le règlement, qui
prévoient le huis clos dans certains cas. Je ne sais pas si les
règles du huis clos pourraient s'appliquer dans ce cas, mais ce que je
sais c'est que, s'il n'y a pas de huis clos, la commission est publique et en
conséquence les questions et les réponses sont publiques.
M. Stangeland: Je crois qu'en disant que nous croyons qu'en
principe ce genre d'informations ne doit pas être public nous acceptions
que, dans les circonstances actuelles et dans l'ensemble de la situation, ces
chiffres soient publics.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. En supposant même que la commission soit à huis clos, il
n'en reste pas moins que tout ce qui est dit ici est retranscrit
intégralement dans le journal des Débats. Tout citoyen du
Québec peut se procurer le journal des Débats moyennant une somme
annuelle de $8, de telle sorte que cela serait rendu public quand
même.
Une Voix: Pour $0.10 la copie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
monsieur, vous pouvez répondre à la question.
M. Stangeland: M. Pagé, en général,
j'aimerais dire que dans les neuf dernières années il y a eu des
résultats contraires à cette usine du Cap-de-la-Madeleine. Nous
avons eu une perte dans huit des neuf dernières années, avant
impôt. Le montant variait de $275, en allant à $1,2 million de
pertes en 1970; $2,2 millions en 1971; $1,9 million en 1972; $2,4 millions en
1973; $2,6 millions en 1974; $1,4 million en 1975 et $500 000 en 1976. Les
ventes durant cette période ont augmenté de $11 millions, en
allant jusqu'à $23 millions en 1976. Ce sont les revenus nets
après avoir payé le coût du transport. C'est pour les
ventes du papier journal de cette usine.
Dans les dépenses, les coûts variables sont les coûts
qui changent avec chaque tonne de production de papier journal. Dans ces
coûts on retrouve le coût du bois, de la main-d'oeuvre, de
l'énergie, des produits chimiques qui sont ajoutés à la
pâte ainsi que d'autres coûts qui varient avec chaque tonne de
production.
L'ajustement du prix de la pâte est le deuxième article.
Cet article est pour ajuster au prix du marché la pâte qui est
transférée de l'usine de Wayagamack sur l'île à
Trois-Rivières. Ceci est basé sur le nombre de tonnes qui ont
été transférées de cette usine au
Cap-de-la-Madeleine et qui représentent un coût additionnel pour
les résultats de l'usine du Cap-de-la-Madeleine.
L'entretien c'est évident concerne la maintenance,
la réparation de la machinerie. On voit le chiffre qui commence dans les
environs de $800 000 pour l'année 1968 et qui augmente
considérablement pour les trois dernières années. Ce
chiffre donne un peu le point de vue que j'ai exprimé l'autre semaine
ici devant la commission. Nous avons un problème très
sérieux de coûts qui augmentent à un niveau d'à peu
près 17% par année pour les quatre dernières
années.
Les autres frais fixes sont les coûts fixes qui comprennent les
taxes, l'assurance, tout ce genre de coûts qui sont payés par
l'usine, même si cette dernière ne fonctionne pas. Ce sont des
coûts établis. S'il y a d'autres questions pour avoir plus de
détails, j'aimerais que M. Solomon explique un peu ces
détails.
Les frais d'administration comprennent les frais d'administration, les
frais de vente du produit, les frais d'intérêt et les frais du
siège social de la compagnie. Ces coûts sont repassés parmi
chaque division et chacune des opérations de la compagnie.
On voit qu'après avoir déduit ces dépenses, nous
nous trouvons avec un bénéfice, avant l'amortissement de
l'équipement et des bâtisses. Pour ce qui est des neuf
années pour lesquelles
cet état financier vous donne les données, nous avons une
perte pour sept de ces neuf années.
Nous voyons aussi, ensuite, I'amortissement qui est calculé selon
les résultats financiers, chaque année, et qui varie de $400 000
jusqu'à $287 000 en 1976. Comme je l'ai expliqué auparavant, on
voit le bénéfice avant impôts qui est de notre
côté, le barème pour juger nos résultats. C'est sur
cette base que les résultats de notre groupe sont comparés et
jugés.
Finalement, nous avons noté, dans l'état financier, les
dépenses en immobilisations pour chaque année. Ce sont les sommes
que nous avons dépensées pour le nouvel équipement, pour
le changement d'équipement. Sur une base de "cash-flow", soit l'argent
qui entre et l'argent qui sort, on peut déduire l'amortissement qui ne
représente pas d'argent en caisse et on voit que sur une "cash-flow
basis", il y a aussi eu des pertes dans huit des neuf dernières
années.
M. Solomon, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Solomon: Non. Si on a des questions, je serais prêt
à y répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Au chapitre des dépenses en
immobilisations, dans la note que vous joignez, de 1972 à 1976, les
dépenses se chiffrent par $1 332 000. A quoi ces dépenses
ont-elles servi? Si on regarde l'année 1976, par exemple, vous avez $593
000 en immobilisations; qu'est-ce qui a été fait dans
l'usine?
M. Stangeland: II y a eu des améliorations dans le "ground
wood-mill", les meules; je crois que les "screens" et les "deckers" sont assez
modernes et en place. Je crois qu'une bonne partie de ces sommes a
été dépensée dans ce secteur.
M. Pagé: Lors de votre comparution le 29 septembre
dernier, vous avez soutenu que, depuis quatre ans, votre entreprise songeait ou
envisageait tout au moins la perspective de fermer l'usine du
Cap-de-la-Madeleine.
C'est donc dire que, même si vous songiez, à
l'époque, à fermer, il était absolument obligatoire pour
vous d'investir $1 332 000 au chapitre des immobilisations pour maintenir
l'usine en fonctionnement.
M. Stangeland: C'est depuis l'année 1974, quand nous avons
décidé de commencer notre grand programme d'expansion à
Port-Alfred que nous avons eu l'impression que l'usine du Cap-de-la-Madeleine
était pour fermer. Les dépenses dans les années 1974, 1975
et 1976, qui sont d'à peu près $1 million, sont attribuables au
fait que pour produire le papier dans ce temps nous avons cru nécessaire
de continuer avec un modeste programme d'immobilisation, dans les
circonstances. Aussi, je crois que cela reflète le coût
d'inflation considérable que nous avons eu pour l'équipement.
Je crois que si on prend les chiffres de $300 000 en 1975 et $252 000 en
1974, c'est beaucoup moins que les mêmes sommes dépensées
en 1971 ou en 1969. Nous avons eu un taux d'inflation sur tous nos projets
d'investissement de capitaux d'à peu près 18% à 20% par
année commençant en 1973. Je crois que cela donne un peu
l'explication et la raison pour laquelle le montant en dollars peut sembler
assez élevé, mais, en réalité, il ne l'est pas
trop, comme montant. Je serai obligé de vous répondre par lettre
pour vous donner des précisions sur exactement quelle section du moulin
nous avons dépensé cette somme.
M. Pagé: D'accord, on l'apprécierait. Merci pour
cela. Vous avez fait état, tout à l'heure, dans les coûts
variables, des pâtes chimiques. Etant donné la
nécessité de l'usine de la Wayagamack de se pourvoir en
matériel d'autres moulins vous avez parlé des pâtes,
tout à l'heure, que des pâtes partaient de l'île pour venir
à l'usine du Cap le prix payé pour la matière qui
provenait d'autres de vos usines, ce prix est-il au taux du marché ou si
un prix préférentiel était accordé parce que
c'était, somme toute, vendu à une de vos usines?
M. Stangeland: Je crois que dans le domaine du prix de transfert
dans la compagnie, il y a plusieurs produits qui se transfèrent d'une
section à l'autre. Je peux vous dire que c'est dans ce domaine que
peut-être on a plus d'arguments sur quel prix à payer que dans
d'autres secteurs. La politique générale de la compagnie en
rapport avec le coût de transfert de produits est que le coût est
chargé à une section de la compagnie par celui qui fournit et le
prix du marché. Cela s'applique pour le carton doublure et cela
s'applique pour le carton ondulé et pour le "box board".
Dans le cas de la Wayagamack, il y a deux usines qui comprennent une
division. A cause d'une longue histoire et d'une longue pratique, les
résultats de cette gérance unique ont fait que, pour les deux
usines, on a toujours chargé le coût actuel pour la pâte
chimique qui a été transférée à l'usine de
Cap-de-la-Madeleine. Pour que nous ayons des résultats financiers qui
démontrent vraiment la situation et pour être conforme avec la
politique générale dans le secteur de coût de transfert,
nous avons fait un ajustement pour chacune de ces années.
M. Pagé: Si on regarde en général le
tableau, après 1972, on constate qu'il y a trois exercices financiers
qui sont déficitaires. On remarque cependant qu'en 1973, par rapport
à 1972, les ventes nettes en termes de revenus ont augmenté
sensiblement, passant de $12,9 millions à $15 252 000 et il y a un taux
de progression assez accéléré aussi de 1974 par rapport
à 1973, où on passe de $15 millions à $19,5 millions. A ce
moment, compte tenu d'une augmentation aussi sensible au chapitre des ventes,
l'entreprise n'a pas songé
à mettre de l'avant un programme quelconque pour tenter de
redresser la situation? Somme toute, même si les revenus étaient
progressifs, vous avez quand même eu à vivre des déficits
au cours de ces années. Je présume que vous vous êtes
certainement interrogés sur la situation et je présume de plus
que vous avez probablement tenté d'élaborer un plan de
redressement. J'aimerais savoir ce qui a été fait. Est-ce qu'il y
a quelque chose qui a été fait dans ce sens ou si, dès que
vous avez constaté que même si les ventes augmentaient et que vous
aviez des déficits, vous avez tenu pour acquis qu'éventuellement
l'entreprise devait fermer?
M. Stangeland: Le papier journal est un des produits où,
même si les coûts ont augmenté assez subitement, le prix
pour le papier journal, dans les années 1973, 1974 et 1975, a connu une
augmentation à cause du fait qu'il y avait beaucoup de demandes et
à cause du fait que le prix augmentait à peu près au
même rythme que les coûts. On voit que les revenus de nos ventes
ont augmenté d'à peu près $2,2 millions en 1973, sur
l'année précédente, et encore de $4,5 millions en 1974,
comparativement à 1973.
Mais, quand on regarde le coût de nos dépenses, on voit le
même phénomène. En 1973 et 1974,on voit que nos coûts
ont augmenté d'à peu près $3 millions et, entre 1972 et
1973, on voit la même augmentation. Les ventes ont augmenté
d'à peu près $2,3 millions et nos coûts ont augmenté
d'à peu près $2,8 millions. Cela veut dire que, malgré
l'augmentation dans les revenus, c'était presque déjà
dépensé dans le coût de fabrication de nos produits. Cela
reflète la période inflationniste sur la base industrielle que je
crains et que j'ai beaucoup commentée, il y a trois semaines. C'est la
période anormale des trois années 1973, 1974, 1975, et aussi
1976.
M. Pagé: Si on se réfère aux deux
dernières années, on constate qu'il y a quand même une
amélioration assez sensible des résultats dans le sens que les
pertes diminuent. En 1974, le chiffre des pertes s'évalue à
environ $2,6 millions; en 1975, à $1 449 000; en 1976, à $528
000. Pourquoi fermer alors que, somme toute, cela semble vouloir
s'améliorer, même si on parle toujours de pertes, à ce
niveau-ci?
M. Stangeland: On a dit que ces neuf années sont
représentatives, qu'elles donnent un portrait des résultats de
l'usine. Vers la fin de 1976, il y a eu quelques bénéfices du
fait qu'on était... Quant aux conditions financières, ce
n'était pas une bonne année pour la compagnie. Nous avons
essayé de couper nos coûts d'entretien, partout où on le
pouvait, et malgré cette performance, nous avons eu une perte moins
importante que celles de 1974 et 1975, mais qui est encore assez
significative.
Il y a aussi le fait qu'en 1976 l'industrie sortait d'une grève
générale dans l'Est du Canada, qui a commencé au mois
d'octobre et qui a continué jusqu'au mois de mars ou avril dans
certaines usi- nes de l'Est du Canada. L'usine du Cap-de-la-Madeleine et les
autres usines de papier journal de la Consol ont terminé leur
grève plus tôt que les autres compagnies ou les autres usines, en
général. Nous étions la deuxième à revenir
au travail après la grève générale; cela veut dire
que dès que l'usine a commencé à produire le papier
journal je crois que c'est le 5 février 1976 nous avons eu
des commandes substantielles et nous avons fonctionné à pleine
production toute l'année. C'est pour ces raisons aussi que la perte pour
l'année 1976 a été moins importante que les deux
années précédentes. Mais les résultats n'ont pas
été satisfaisants, ne sont pas acceptables et cela n'a pas
changé notre idée qu'une fermeture était la seule option
éventuelle.
M. Pagé: Une dernière question, M. Stangeland. Au
chapitre des frais d'entretien, on constate qu'entre 1968 et 1972 les chiffres
sont stables, c'est-à-dire qu'ils variaient entre $700 000 et $800 000.
Comment expliquer que les coûts, au chapitre de l'entretien, aient
doublé de 1973 à 1975? D'accord, il y a eu l'inflation, mais
c'est quand même le double, c'est plus que 100% d'augmentation dans le
sens qu'en 1973, au chapitre de l'entretien, les chiffres sont de $1 034 000
et, en 1976, de $2 133 000.
M. Stangeland: II y a deux explications. Il y a celle de
l'inflation dans les coûts, que vous avez mentionnée, et il y a
aussi le fait que les années 1970, 1971 et 1972, pour l'industrie des
pâtes et papiers, étaient quasiment une répétition
peut-être plus sévère de ce qu'on connaît à
l'heure actuelle. Les résultats de la compagnie ont été
très mauvais.
La valeur de nos actions en Bourse est descendue de $25, $29
jusqu'à $6 l'action. Nous avons eu dans toute la compagnie une perte
substantielle. Dans ces conditions, nous pouvions, pour une période de
deux ans, réduire nos dépenses et couper extrêmement nos
coûts. L'entretien est un secteur où on peut réduire nos
coûts pour une période assez courte. Mais, après avoir fait
cela pendant deux ou trois ans, nous sommes obligés, quand les
années s'améliorent et que les résultats
s'améliorent, de dépenser un peu plus que la normale pour
remettre la machinerie en état de produire. Je crois que ce sont ces
deux raisons, l'inflation des coûts au cours des quatre dernières
années et aussi le fait que nous avons pincé un peu trop dans les
années 1970, 1971 et 1972; nous avons été obligés
de dépenser un peu plus que la normale pour l'entretien dans les trois
ou quatre dernières années.
M. Pagé: M. Stangeland, je vous remercie. Nous allons,
évidemment, regarder avec beaucoup d'attention les documents que vous
déposez ce matin parce qu'ils nous intéressent. Je pense qu'on
vous l'a démontré dans les différentes positions
adoptées par la commission. Je retiens le fait que votre compagnie est
disponible pour fournir des explications supplémentaires si jamais la
commission ou encore des membres de la
commission étaient désireux, suite à l'étude
des documents que vous déposez, de vous demander des renseignements
additionnels.
M. Stangeland: Oui, M. Pagé. M. Pagé: Merci
beaucoup. M. Stangeland: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
très rapidement, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Merci, monsieur, de
nous avoir fourni ces chiffres. Vous vous rendez compte avec nous que c'est
ainsi qu'on peut faire une discussion intelligente autour de la table, quand on
a des données qui nous sont fournies. Je pense qu'au nom de la
commission, je puis dire que c'est un document qui était important pour
nous.
Je remarque que, dans le domaine de l'immobilisation, si on fait le
total des années, l'immobilisation se maintient, c'est environ $4
millions. Incluant l'immobilisation et ce que vous avez fait comme
installations, est-ce que vous trouvez que ce montant de $4 millions
répartis sur neuf ans est un chiffre juste par rapport à
l'investissement premier que vous avez fait au Cap-de-la-Madeleine?
M. Stangeland: Je crois que le chiffre démontre que
pendant ces années, nous n'avions pas beaucoup confiance à long
terme dans l'usine du Cap-de-la-Madeleine. On était dans une "holding
attitude". On dépensait, mais il n'y avait pas une grande attention de
faite... Comme je l'ai expliqué il y a trois semaines, nous avions vingt
machines à papier journal; il fallait choisir l'usine où le bon
sens disait que c'était mieux d'investir notre argent.
Nous avons commencé en 1965 à Grand-Mère, nous
avons déménagé à Shawinigan en 1971 et, là,
en 1974, nous sommes rendus dans le Saguenay. C'est dans cette optique que le
montant n'est pas trop substantiel, $4 millions dans neuf ans.
M. Grenier: II est sûr que vous pouviez être, comme
vous l'avez dit, dans une période d'incertitude, mais je pense que c'est
un peu de l'oeuf à la poule aussi. Si vous étiez dans une
période d'incertitude, vous n'investissiez pas, mais, si vous aviez
investi... On voit les chiffres de 1975 et 1976; pour un investissement qui est
le double en 1976, soit $593 000 par rapport à $300 000 en 1975, vous
avez diminué votre perte de presque les trois quarts dans une seule
année. Je ne sais pas si ces données sont exactes, mais il me
semble que, si on avait eu un investissement régulier... En tout cas
cette donnée pour 1975 et 1976 m'indique que, pour un investissement qui
est le double, vous avez réduit votre perte considérablement. Il
y a sûrement d'autres éléments.
M. Stangeland: Je pense que M. Dufresne a une réponse
là-dessus.
M. Dufresne: Oui. Je ne crois pas qu'il y ait relation directe de
la réduction des profits par l'investissement qui s'est fait là.
Je pense que M. Stangeland a mentionné, que, quand on remplace des tamis
ou qu'on arrange des meules pour qu'elles continuent de fonctionner un certain
temps, ce n'est pas un investissement pour générer des profits,
c'est un investissement pour garder l'usine en marche.
Il y a certaines données de base qui ont été
communiquées à la commission lors de notre premier passage et
qu'il serait peut-être bon de revoir. Par exemple, au
Cap-de-la-Madeleine, cette usine comprend trois machines dont la
capacité est de 100 000 tonnes par rapport à une usine
compétitive de nos jours qui se situe à 300 000 tonnes. On
produit seulement de la pâte mécanique là, alors que, dans
les usines compétitives, c'est ordinairement de la pâte
mécanique et de la pâte chimique. Troisièmement, un facteur
très important dans le choix de modernisation que nous avons fait, c'est
que ces machines sont des machines de 150 pouces, alors que les machines
modernes sont de 225, 300 et 360 pouces. Les machines, à l'usine du
Cap-de-la-Madeleine, fonctionnaient à une vitesse d'environ 1300 pieds
par minute, alors qu'une machine moderne fonctionne jusqu'à 3500 pieds
par minute. Techniquement, ces machines sont étroites et
désuètes. Elles se situaient parmi les plus vieilles machines au
Canada, un peu comme celles que nous avions à Grand-Mère en 1966,
que nous avons fermées et remplacées. C'est un processus
continuel.
M. Grenier: Cette usine était rentable jusqu'à 1967
ou 1968; on n'a pas les années d'avant. Mais je ne vous cache pas que
cela m'apparaît nettement insuffisant. Ce qui s'est fait là, ce
sont des pièces de remplacement de l'ordre de $4 millions
répartis sur neuf ans et on n'a pas fait d'investissements. On sait que
l'inflation a commencé vers les années 1972. Avant cela, on n'a
pas de témoignages selon lesquels les chiffres aient été
plus éloquents dans ce secteur-là. Et si c'était bon
jusqu'en 1967 ou 1968, est-ce que, pendant ce temps, si on avait les chiffres
antérieurs, on découvrirait qu'il n'y a pas eu assez
d'investissements, que cela a encore été du remplacement de
pièces?
M. Stangeland: Je crois que nous avons fourni un état de
toutes les dépenses que nous avons faites en immobilisation,
comparées avec un amortissement que nous avons eu comme compagnie. Je
crois que nous avons dépensé plus de deux fois l'amortissement
que nous avons. D'où viennent les investissements? Ils viennent des
profits ou d'argent prêté. Nous sommes dans une situation
où nous avons prêté pas mal d'argent, mais cela prend des
profits avant d'investir. C'est un peu la situation de l'industrie en
général.
M. Grenier: Je comprends qu'en 1971 et 1972, il est difficile
d'être exigeant à cause de l'inflation. Mais j'aimerais que vous
me donniez les profits réalisés avant 1968, globalement, depuis
les opérations du Cap-de-la-Madeleine. Ce serait peut-être un
chiffre intéressant à connaître.
M. Solomon: Je ne peux pas vous les dire exactement, mais ce
n'est pas un chiffre important. N'eût été une grosse
demande de papier journal tout de suite après la guerre, l'usine du Cap
n'aurait peut-être pas été rouverte après sa
première fermeture.
M. Stangeland: Nous allons vous donner les informations sur les
profits avant 1968, tels qu'ils sont dans nos livres. Nous allons vous donner
une lettre supplémentaire là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très rapidement, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Où devrait se faire l'investissement majeur
dans une usine? D'après vous, où aurait-on dû faire
l'investissement pour la rendre plus rentable?
M. Stangeland: Au Cap-de-la-Madeleine, il n'y avait pas une
section où on pouvait dire: On va faire cela et cela va améliorer
les choses. C'était une usine qui n'avait pas d'allure comme conditions
d'amélioration. Nous étions pris avec une usine avec trois
anciennes machines, pas de pâte chimique du tout, la seule action de
l'usine qui avait du bon sens c'était la bouilloire. A notre point de
vue, il aurait été obligatoire de refaire à neuf partout,
de rebâtir le moulin, de le rebâtir à neuf, avec une usine
de pâte, avec une grosse machine d'une largeur de 300 pouces et avec un
investissement d'au moins $50 millions.
M. Grenier: Depuis combien d'années exploitez-vous au
Cap-de-la-Madeleine?
M. Stangeland: Depuis 1916. Cela fait 61 ans.
M. Grenier: Pouvez-vous me dire pourquoi les coûts
variables n'ont pas changé en 1974, 1975 et 1976? Pourquoi se sont-ils
tenus à peu près dans les mêmes données, à
savoir les dépenses des coûts variables en 1974, 1975 et 1976?
M. Stangeland: Les coûts variables varient avec la
production de cette usine.
M. Solomon: Oui, c'est une coïncidence. Les taux
inflationnistes étaient moins forts pendant cette période. Nous
avons produit approximativement la même production pour chacune de ces
années. Naturellement les coûts suivent la production.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dernière question, M. le député.
M. Grenier: D'accord, j'ai terminé. Vous nous assurez que
vous allez nous fournir globalement les chiffres des bénéfices
avant impôt pour les années antérieures à 1967?
M. Stangeland: Si c'est possible de les sortir.
M. Solomon: On va faire notre possible pour les sortir.
M. Stangeland: On va certainement faire notre possible.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dernière intervention, M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je vous remercie
d'avoir bien voulu accepter cette demande de la commission qui permet de
déposer des chiffres qui, à mon point de vue, éclairent
certainement la situation et contribuent à éliminer une bonne
partie des quiproquos qui auraient pu se produire quant à
l'interprétation de votre décision.
Je dois dire à cette commission qu'à première vue,
puisque je n'ai évidemment pas les chiffres sous les yeux, les chiffres
que vous venez de nous présenter confirment exactement ceux que nous
avons fait vérifier par une firme de vérificateurs qui est,
évidemment, allée beaucoup plus en détail. Ceci nous a
donc permis, comme gouvernement, d'avoir effectivement accès à
cette information, je dois même dire à une information plus
complète concernant l'ensemble de l'entreprise. Par conséquent,
je dois dire à l'intention des membres de cette commission
qu'effectivement les chiffres qui sont ici, dans la mesure où nous avons
pu les vérifier, nous apparaissent exacts.
J'ai une question que j'estimerais extrêmement importante, que
j'aimerais poser à la société Consol et que
malheureusement nous n'avons pu poser à la FTQ puisque cette
dernière a choisi de faire essentiellement un débat un peu
politique sur la fermeture et de ne pas présenter son point de vue sur
la modernisation. Je regrette infiniment de n'avoir pu connaître la
position de la FTQ sur ce sujet.
La question que j'aimerais poser est celle-ci. Les syndicats avec qui
vous négociez ont-ils, dans le passé, cherché à
négocier un programme de modernisation? En d'autres termes, lorsqu'un
syndicat fait des demandes, il demande des augmentations de salaires, des
conditions de travail supérieures. Ont-ils également tenté
de négocier un certain investissement dans la modernisation qui aurait
pu garantir leur emploi, c'est-à-dire peut-être échanger
certains avantages contre d'autres qui auraient pu assurer leur emploi? Le
syndicat n'a-t-il jamais pris cette attitude face à votre compagnie?
M. Stangeland: Non, M. le ministre. Le syndicat, dans ses
demandes de renouvellement de conventions et je parle des quinze
dernières années dont j'ai eu une connaissance personnelle
faisait des demandes qui affectaient les sa-
laires, les bénéfices marginaux et aussi les conditions de
travail. Dans ce domaine il y avait des demandes d'amélioration des
conditions de travail qui, une fois consenties et convenues entre les parties,
ont eu l'effet d'occasionner des dépenses substantielles pour
améliorer les conditions de chaleur, d'humidité, afin de changer
tout cela.
Il y a eu dans nos négociations avec les syndicats de temps
à autre une pression ou des demandes pour un salaire garanti et un
emploi garanti. Cela a porté sur les demandes, mais pas de changer
l'investissement dans une usine. Certainement on a eu des demandes de salaire
garanti et d'emploi garanti.
M. Bérubé: Est-ce que votre compagnie, par exemple,
aurait accepté dans le cas d'une négociation collective
de négocier, comme élément d'un contrat, des
montants qui auraient été affectés au
réinvestissement, de manière à garantir la
pérennité de vos usines?
M. Stangeland: Je crois que notre position, jusqu'à
maintenant, c'est que, dans le domaine de l'investissement des fonds, la
compagnie est prête à en discuter, mais elle croit que c'est une
décision qu'elle devra prendre dans l'optique des circonstances. De
notre côté, nous ne sommes pas dans une situation où nous
pouvons négocier les investissements de capitaux dans nos
entreprises.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Stangeland, je vous remercie beaucoup ainsi que vos compagnons d'avoir
accepté de vous présenter ce matin et d'avoir
déposé ce document. C'est un signe de très grande
collaboration. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais joindre ma
voix à la vôtre pour remercier les représentants de la
Consolidated Bathurst de s'être rendus ici ce matin, d'une part, et,
d'autre part, je puis vous assurer, M. Stangeland, que nous entrerons en
communication avec vous par le biais de nos re-cherchistes pour avoir beaucoup
plus de détails à la suite des questions qu'on se pose concernant
le document que vous nous déposez ce matin. En terminant, un dernier
commentaire auquel vous pourrez me répondre par oui ou non, M.
Stangeland. Est-ce vrai qu'il y a eu $119 000 de profit au cours du premier
trimestre de l'année 1977, tel qu'évoqué
préalablement lors des travaux de cette commission?
M. Stangeland: Je crois qu'on peut donner des chiffres qui
démontrent des profits pour l'année 1977, pour les cinq premiers
mois, mais on peut aussi établir un état financier qui
démontre que les mêmes conditions qui s'appliquaient aux neuf
années étudiées par l'état que j'ai
présenté ce matin s'appliquent aussi pour l'année
1977.
Pour l'entretien de l'usine, depuis l'annonce de la fermeture, au mois
de mars, nous avons dé- pensé $1,1 million de moins que le
budget. Nous n'avons eu aucune dépense pour le "dredging" qui est fait
annuellement dans cette usine et nous n'avons aucune dépense pour la
manutention du bois, ce qui veut dire que sî on avait
préparé les chiffres et les documents pour l'année 1977
sur une base d'exploitation normale, cela aurait été le
même genre de perte que nous avons démontré en 1976.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière question, très brève.
M. Grégoire: Très brièvement,
accepteriez-vous de vendre l'usine de la Wayagamack à une compagnie qui
voudrait y fabriquer du papier journal?
M. Stangeland: Ce ne serait pas notre choix. Je suppose que tout
a un prix, mais comme la compagnie Steinberg ne vend pas un terrain
situé à côté d'un de ses magasins à un de ses
concurrents, et comme la compagnie d'essence Esso ne vend pas l'autre coin
à une compagnie comme Shell, nous ne sommes pas intéressés
à ce qu'une autre compagnie fabrique du papier journal dans nos
usines.
M. Grégoire: Accepteriez-vous, par contre, de vendre
à quelqu'un qui voudrait y faire du papier journal? Oui ou non?
M. Stangeland: Tout dépendrait des conditions, mais je
pense que la réponse, en général, serait non.
M. Grégoire: Si les conditions sont bonnes, ce serait
oui?
M. Stangeland: C'est difficile de répondre à des
questions hypothétiques, mais de mon point de vue, je ne suis pas
prêt à faire une recommandation de vendre à un acheteur qui
fabriquera du papier journal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Stangeland, merci beaucoup. J'invite maintenant la société des
pâtes et papiers Kruger Limitée et ses représentants
à venir présenter leur mémoire. Puis-je demander au
porte-parole de la compagnie de bien vouloir se présenter et de nous
présenter également ceux qui l'accompagnent?
Société des pâtes et papiers
Kruger Ltée.
M. Geoffrion (Henri): M. le Président, mon nom est Henri
Geoffrion, vice-président des bois et forêts. J'ai, à mon
extrême droite, M. Frank Faludi, vice-président administratif; M.
Andy Swan, vice-président, ingénierie et à la
planification; M. Rolland Cyrenne, vice-président à la production
des deux usines de papier journal. A mon extrême gauche, M. Jack Lang,
directeur du personnel et des relations industrielles. M. Paul Fournier,
vice-
président à la finance, et M. Bill Kruger,
président et chef de l'administration.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
la Société des pâtes et papiers Kruger Ltée remercie
M. le ministre Bérubé d'avoir bien voulu nous inviter à
présenter un mémoire devant cette commission parlementaire. Nous
allons vous lire un résumé du mémoire que nous vous avons
soumis. Après quoi, nous sommes à votre disposition pour
répondre, dans la mesure de nos connaissances, aux questions que vous
voudrez bien nous poser.
La société Kruger diffère en plusieurs
façons des sociétés multinationales géantes qui
dominent l'industrie papetière car elle est une société
privée. Elle est détenue et exploitée par les membres
d'une famille du Québec intéressée au commerce du papier
depuis trois générations. Son personnel de direction se compose
d'un groupe restreint de personnes étroitement liées, qui
contraste avec le nombreux personnel requis par les grosses entreprises et les
gouvernements. Elle a connu beaucoup de succès dans les 75 années
de son histoire au Québec. Depuis 1950, elle a remis en marche deux
usines de papier journal: l'une à Bromptonville avait été
fermée pendant deux ans et l'autre à Trois-Rivières qui
avait presque abandonné les affaires. La Société a, de
plus, mis sur pied une nouvelle usine de papier et une usine de boîtes de
carton ondulé à Montréal. Toutes ces installations sont
maintenant productives et rentables.
La société Kruger s'occupe principalement de la
fabrication et de la vente de papier journal. Elle produit aussi du papier
à base de pâte mécanique destiné aux publications,
du carton doublure recyclé et des boîtes de carton ondulé.
Pratiquement toute sa fabrication se fait au Québec. La famille Kruger
oeuvre aussi dans les pâtes et papiers en Amérique du Sud et en
Italie.
Le papier journal est fabriqué à deux usines dont la
capacité totale est d'environ 1500 tonnes par jour, compte tenu des
papiers destinés aux publications. De 10% à 15% de cette
capacité n'a pas été utilisée en 1977 et on ne
prévoit pas beaucoup d'amélioration à cet égard en
1978.
Entre 60% et 65% du papier journal de Kruger sont vendus aux Etats-Unis
et presque tout le reste l'est outre-mer. Nous ne vendons pratiquement pas de
papier journal au Canada.
La société s'inquiète vivement de l'érosion
subie par ses marchés aux Etats-Unis et dans des pays d'outre-mer,
érosion due aux facteurs du marché et aux tendances
économiques.
Facteurs du marché. Principalement, les propriétaires de
journaux ont adopté des politiques visant à économiser le
papier journal, telles des pages réduites et des marges plus
étroites. Le nombre de journaux imprimés dans le nord-est des
Etats-Unis, principal marché de Kruger, a diminué à la
suite de fusions et de fermetures. Le nombre de journaux indépendants a
diminué du fait que plusieurs chaînes importantes les ont
remplacés.
Les facteurs économiques. Les facteurs économiques
responsables de l'érosion du marché du papier journal se
retrouvent presque tous dans les coûts élevés de
fabrication et de transport.
Le coût du bois est élevé pour plusieurs raisons,
dont les suivantes: les forêts sont lointaines; le climat nordique
ralentit la croissance et produit des arbres plus petits et moins nombreux
à l'acre; l'équipement est coûteux; la construction de
routes est onéreuse; la main-d'oeuvre est chère; il en
coûte beaucoup pour la formation et pour répondre aux besoins
sociaux des travailleurs forestiers car, pour plusieurs, ce n'est pas là
un emploi très attrayant; le coût du transport du bois de la
forêt aux usines est élevé.
Le coût du bois en provenance des fermiers et des
propriétaires de petites terres à bois relativement près
des usines est artificiellement maintenu à un niveau élevé
car les Offices des marchés agricoles répondent plutôt aux
pressions politiques qu'aux réalités économiques.
Les salaires des travailleurs à l'usine sont plus
élevés que dans d'autres pays de 15% à 20% plus
élevés qu'aux Etats-Unis.
Les coûts en immobilisation sont élevés au
Québec et proviennent des facteurs climatiques, du coût
élevé de la main-d'oeuvre en construction ainsi que de la faible
productivité de cette main-d'oeuvre.
Les frais en intérêt sont plus élevés au
Canada qu'aux Etats-Unis.
Le fardeau fiscal des entreprises est plus élevé au
Québec que dans la plupart des pays.
Du fait du coût élevé de la construction et de
l'exploitation des usines au Québec, on n'y construit pas de nouvelles
usines de papier journal. On en construit principalement dans les autres pays
où les coûts sont moindres, comme dans le sud des Etats-Unis et
dans les pays moins développés. Il semble probable que ces
nouvelles installations ne feront pas qu'absorber la faible croissance que l'on
prévoit dans la demande de papier journal, mais qu'elles
déplaceront les marchés auxquels est offerte la production du
Québec, causant ainsi certaines fermetures d'usines au Québec et
des productions réduites à d'autres usines.
Par le passé, le papier journal ne pouvait être produit
qu'à partir du bois provenant des forêts du Nord. Ce n'est plus le
cas, et plusieurs matériaux peuvent maintenant être
utilisés comme, par exemple, le pin du sud, l'eucalyptus, etc. La
technologie et l'équipement touchant la fabrication du papier journal
sont très mobiles et ne connaissent pas de frontières.
La réputation que la Société Kruger s'est
gagnée par la haute qualité de son papier journal a
été bâtie sur l'utilisation d'un mélange de bois
tiré en quantités à peu près égales des
forêts du nord du Québec de l'épinette noire surtout
et de petites terres à bois plus rapprochées des usines
sapin baumier, épinette de moindre densité. Ce
mélange est essentiel et ne doit pas être changé par
l'utilisation d'une plus grande proportion de bois local. La
Société Kruger est déjà l'un des principaux
acheteurs de bois local.
Recommandations. Premièrement, le gouvernement du Québec
doit accepter le fait que la fa-
brication du papier journal au Québec ne connaîtra
vraisemblablement pas d'expansion, mais qu'elle diminuera.
Deuxièmement, le gouvernement ne devrait pas essayer de maintenir
en opération des usines qui ne sont plus économiquement
concurrentielles. En ce faisant, il ne rendrait que plus difficile le maintien
de la viabilité des autres usines et pourrait bien causer la fermeture
d'autres usines très probablement au Québec. Le gouvernement
devrait plutôt régler les problèmes des gens mis à
pied, lors de telles fermetures, et essayer de stimuler les industries des
autres secteurs.
Le gouvernement ne devrait pas intervenir en apportant une aide massive
dans des situations particulières ou en mettant sur pied de nouvelles
entreprises. A quelques exceptions près, les interventions
gouvernementales dans l'industrie pape-tière se sont soldées par
des échecs.
Si le gouvernement croit qu'il doit aider notre industrie, il devrait le
faire d'une façon qui aide tous les producteurs d'une façon aussi
équitable que possible, comme par exemple, la réduction ou
l'élimination du droit de coupe; une aide accrue dans la construction et
l'entretien des voies d'accès en forêt; l'élimination de la
charge de $1 par cunit actuellement imposée à cette fin; la
réduction ou l'élimination des taxes d'affaires et de vente dans
l'industrie; l'offre de subventions ou de prêts à long terme et
à faible intérêt pour les dépenses visant à
diminuer la pollution; le rôle actif que le gouvernement pourrait jouer,
à long terme, dans les programmes de reboisement, de façon
à rebâtir des forêts plus rapprochées des usines
existantes.
Le gouvernement pourrait, de plus, utiliser son influence pour faire
diminuer les coûts de transport tant du bois à l'usine que du
papier vers les marchés, puisque ce sont là des
éléments fondamentaux du coût des produits livrés
à nos clients.
Avant de terminer et de passer à la période des questions,
nous désirons souligner l'inquiétude qui existe chez nos clients
acheteurs de papier journal au sujet d'approvisionnements à long terme.
Afin de les rassurer, nous apprécierions que le ministre des Terres et
Forêts fasse, dans le plus bref délai possible, une
déclaration publique au sujet de la politique que le gouvernement entend
suivre pour l'industrie des pâtes et papiers.
Nous vous remercions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
vous remercions, M. Geoffrion. Le ministre ayant dû s'absenter pour une
dizaine de minutes, je cède la parole au député de
Berthier.
M. Mercier: Je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire. Evidemment, étant donné que vous passez vers la
fin de la commission, beaucoup des questions que vous évoquez ont
déjà été longuement débattues dans les
mémoires précédents de sorte que je n'ai pas beaucoup de
questions à vous poser, sauf sur certains éléments
nouveaux que vous apportez, particulièrement quand vous dites, par
exemple, que de 60% à 65% du papier sont vendus aux Etats-Unis et
presque tout le reste outre-mer. Plusieurs compagnies ont évoqué
cette difficulté d'entrer sur les marchés outre-mer étant
donné la concurrence des pays Scandinaves. Comment expliquez-vous que
vous réussissiez à avoir un certain succès sur ces
marchés?
M. Geoffrion: Si vous me le permettez, je vais demander à
M. Kruger de répondre à cette question, c'est notre expert
vendeur.
M. Kruger: Avec la permission de la commission, me serait-il
possible de répondre en anglais?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'allais
vous l'offrir. Vous pouvez parler en anglais et un de vos collègues se
chargera, je présume, de traduire pour le bénéfice de tout
le monde.
M. Kruger: Merci. I understood the question to be: Why are we
more successful in the overseas market than perhaps some of our colleagues or
competitors? I do not know if that is a statement of fact; the overseas market
is a very small one and, as we are perhaps smaller producers, our tonnages have
a different quantity. The other thing was that we started really going after
the overseas market historically in 1954 I would say and we had a
long term relationship. But, percentagewise, I do not think that we have a
greater tonnage than our competitors in overseas market at the most.
M. Geoffrion: Etant donné que nous sommes de plus petits
producteurs que la majorité des autres compagnies, c'est plus facile
pour nous de passer le tonnage extra qu'on a en Europe. On a commencé
à avoir des relations en Europe en 1954 et nos relations ont toujours
été très bonnes avec les gens de l'Europe. Etant
donné que notre tonnage est beaucoup plus petit que les autres, c'est
plus facile de le passer.
M. Mercier: Est-ce que vous réussissez quand même,
sur ces marchés, à avoir des coûts concurrentiels ou si
c'est simplement les excédents de leurs besoins qu'ils achètent
chez vous? Je ne sais pas dans quelle mesure vous arrivez à concurrencer
les coûts des usines Scandinaves. Pourriez-vous préciser cette
question des coûts? Vous évoquez une petite quantité, mais
est-ce pour des besoins occasionnels qu'ils ont qu'ils achètent chez
vous ou si c'est vraiment attrayant pour eux d'acheter même cette petite
quantité?
M. Kruger: No, no, we have very long term contracts. It is no
secret, we have long term contracts in England, in Holland, in Germany and
these contracts have been historically long term. We built a very good
reputation during the shortage of 1950-1954 where we supplied these countries
at the market prices. And the relationship carries on. Dumping paper has never
been our policy, it is sold at the world prices and it
is a commodity that must be handled properly. A great disaster would
happen in the world markets if people dump, which has happened at times. The
newspapers exist on the supply of news-print and this can never be a one track
deal.
I would just like to state one thing to the Member, to the deputy, that
there are three sources for the publisher. He takes the home mills, those are
the mills of the country; he then takes those that are closest to him, quality
wise and with the least transportation, and then he takes it on the open
market.
M. Geoffrion: Les journaux achètent le papier d'abord de
leur propre pays, ensuite ils achètent le papier dans les pays qui sont
le plus rapprochés et ensuite ils vont au loin, tout en conservant la
même qualité. Notre marché a été surtout
bâti lorsqu'il y a eu un manque de papier en Europe, pendant les
années 1952-1954. Depuis ce temps, on a toujours conservé des
contrats à long terme et des relations à long terme avec ces
gens-là.
M. Mercier: Maintenant, il y a une autre question que je me suis
posée tout au cours de l'audition des mémoires qu'on a entendus
et que vous évoquez un peu de votre mémoire sous cette forme.
Vous parlez de l'économie du papier journal et des pages réduites
dans les journaux. Je vais évoquer tout simplement un certain nombre de
relations et j'aimerais que vous précisiez. C'est que dans une
période d'expansion économique comme celle qu'on a connue depuis
quelques années, bien sûr, toutes les entreprises ont une attitude
plus agressive à l'égard du marché, c'est-à-dire
qu'elles investissent davantage dans la publicité sous toutes ses
formes, particulièrement la publicité par circulaires, par toutes
sortes de choses semblables. Dans le secteur du papier, je pense qu'on constate
qu'il y a des produits qui sont essentiels et qu'il y en a d'autres qui sont
accessoires.
Alors, dans une période de récession économique
comme celle que nous connaissons depuis un certain temps en Amérique du
Nord, il semble peut-être y avoir cet effet que vous pourrez me
préciser, d'une protection des marchés déjà
existants, consistant à modifier la stratégie des compagnies et
peut-être insister davantage sur la protection de leurs marchés
déjà existants tout en diminuant un peu les frais accessoires.
L'industrie du papier journal, de quelle façon peut-elle être
affectée par une période de récession économique et
comment cela peut-il se manifester sur les entreprises? Autrement dit, est-ce
que les productions de papier refiées précisément à
la publicité des mass media ou le nombre de pages des journaux et
d'annonces, cela aura pour effet une contraction, une diminution de la demande
de papier et, à ce moment-là, aura un effet sur l'offre, sur la
capacité de production des usines de papier journal? De quelle
façon est-ce que vous feriez la relation entre ces différents
secteurs? C'est-à-dire comment se comporte l'industrie du papier journal
dans une période d'expansion et comment peut- elle être
affectée pendant une période de récession?
M. Geoffrion: Je vais demander à M. Cyrenne de
répondre à cela.
M. Cyrenne (Rolland): Si nous regardons les statistiques et aussi
tout ce qui a été fourni devant cette commission, nous remarquons
que le comportement de l'industrie des pâtes et papiers est en
parallèle avec le comportement de l'économie en
général.
Si l'économie se porte bien, l'industrie des pâtes et
papiers se porte bien. Si l'économie en général a des
difficultés, cela se reflète dans le comportement de l'industrie
des pâtes et papiers. Pour ce qui est de votre question sur la
consommation par les imprimeurs, cela a aussi été
démontré devant cette commission que la croissance a
été très restreinte et qu'il y a eu des efforts faits par
les consommateurs de papier pour réduire leur consommation par toutes
sortes d'actions, incluant la réduction des marges et des formats.
M. Geoffrion: M. Kruger voudrait ajouter quelque chose.
M. Kruger: In a time of economic depression, you find that
advertising is one of the first things that goes down and this reduces the
number of pages in the newspapers.
M. Geoffrion: Durant les périodes de dépression
économique, la première chose qui diminue, c'est, justement, les
annonces dans les journaux. Cela nous affecte donc aussi.
M. Mercier: A Bromptonville, vous produisez du papier journal
avec des pâtes mécaniques produites par meule et par raffineur et
aussi des pâtes chimiques kraft achetées, pour à peu
près 10% à 12% de la composition du papier journal. A la page 17
de votre mémoire, vous mentionnez qu'il est impossible de produire
économiquement du papier journal avec 95% de pâte mécanique
raffinée et 5% de pâte kraft achetée, car cet achat de
pâte kraft augmenterait vos coûts de production et réduirait
votre marge de profit, voire même vos marchés. Il semble y avoir
contradiction et une explication pourrait peut-être être
formulée.
M. Geoffrion: M. Cyrenne va répondre. C'est notre
spécialiste.
M. Cyrenne: Ces informations sont fournies dans le contexte
où nous ferions des investissements très considérables
pour installer une usine de pâtes thermomécaniques. Lorsque nous
faisons des investissements, il faut qu'il y ait un retour sur
l'investissement. Cela devient une dépense. Dans ce contexte, si nous
dépensions de l'argent pour installer une usine de pâtes
thermomécaniques et, en plus, avions à utiliser 5% de pâte
kraft achetée, le retour sur l'investissement ne serait pas
intéressant.
M. Mercier: Une dernière question, maintenant. Vous avez
évoqué également, comme beaucoup d'autres compagnies, la
question de l'exploitation forestière, c'est-à-dire que les
forêts près des usines sont moins productives et que vous devez
vous éloigner continuellement, avec le coût croissant de
construction de routes et de chemins d'accès, également avec le
coût croissant de l'énergie qui vous affecte directement.
Autrement dit, comment verriez-vous une véritable politique de remise en
valeur des forêts, de reboisement? Avez-vous l'impression que les
compagnies pape-tières, dans ce domaine, ont fait face à leurs
responsabilités?
M. Geoffrion: Premièrement, au sujet du reboisement
près des usines, il n'y a aucun doute qu'on préférerait
recevoir du bois de 30 milles de l'usine que de 400 milles, comme on en
reçoit à l'heure actuelle. D'un autre côté, il faut
que nous conservions un certain mélange d'épinettes noires qui
viennent du nord, aujourd'hui cela vient de très loin, avec ce qu'on
peut recevoir près des usines, qui est du sapin à 70%, le reste
étant de l'épinette blanche. Maintenant, au sujet du reboisement,
si je ne me trompe pas, vous voulez parler du reboisement dans les forêts
publiques. Or, aujourd'hui, notre exploitation forestière est faite dans
des forêts publiques et nous n'avons aucune concession.
Nous sommes disposés, d'ailleurs nous le disons dans le
mémoire, à participer à un programme de sylviculture avec
le gouvernement en autant que ce soit un programme qui soit raisonnable. Je
peux vous dire que cette année on nous a fait planter du pin gris. Or,
notre usine n'emploie pas de pin gris. C'est pas mal onéreux pour nous
de faire cela quoique c'était le ministère qui défrayait
les dépenses à la suite du $0.15 par cunit qu'on paie depuis
quatre ans. La réponse à cela c'est parce que c'était la
seule graine qui était disponible. C'est une espèce qui pousse
plus vite que l'épinette noire. Comme je vous le dis, on est prêt
à collaborer. D'ailleurs on paie pour. On donne $0.15 du cunit qu'on
coupe pour participer au programme de sylviculture. Tout de même, il faut
que ce soit des programmes raisonnables. Dans notre cas, on n'a pas
trouvé cela très raisonnable parce qu'on n'utilise pas le pin
gris.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. MM. Geof-frion,
Kruger, messieurs, je vous remercie pour la présentation du
mémoire. Nous avons quelques questions, évidemment.
Votre entreprise vous en faites état dans votre document
a remis en marche deux usines au Québec, soit une à
Bromptonville et une à Trois-Rivières. Deux usines qui, somme
toute, avaient été préalablement fermées par
d'autres entreprises. Je sais, entre autres, que dans le cas de
Trois-Rivières, c'est une usine qui a été exploitée
précédemment par Domtar.
On a eu souvent à débattre, pendant les travaux de cette
commission, la fameuse question de la possibilité, pour des entreprises,
de procéder à de la modernisation, à des investissements
pour s'assurer la survie de l'entreprise, une meilleure productivité ou
encore une production à des meilleurs coûts.
Evidemment, à plusieurs reprises, on a eu à
échanger ou à faire état de la participation des
différents paliers de gouvernements, soit en termes de participation
directe sous forme de subventions ou autres ou encore participation indirecte
par allégements fiscaux, etc.
Les deux entreprises que vous avez remis en marche ma question
s'inscrit dans le cadre de ce sujet d'une part, j'aimerais savoir si
vous avez eu de l'assistance financière de la part des paliers de
gouvernement dans les cas de Bromptonville et de Trois-Rivières.
D'autre part, j'aimerais connaître votre attitude dans le
problème que connaît actuellement le Québec. Favorisez-vous
une intervention directe de l'Etat? Vous avez formulé plusieurs
recommandations. Je constate qu'au chapitre des subventions vous en faites
état seulement et uniquement pour ce qui est des obligations de vous
soumettre à de la modernisation pour la lutte contre la pollution. Alors
ma question est essentiellement celle-ci: Croyez-vous, compte tenu de la
situation actuelle, que le gouvernement devrait élaborer un plan de
relance globale qui s'appliquerait à toutes les entreprises et qui se
traduirait par une intervention directe de l'Etat? Le témoin le plus
fidèle d'une situation comme celle-là, c'est peut-être
votre entreprise, quand vous avez eu à reprendre les usines de
Bromptonville et de Domtar pour en faire ce qu'elles sont aujourd'hui.
M. Stangeland: Je demanderais à M. Paul Fournier, notre
vice-président aux finances, de répondre à votre question,
M. le député.
M. Fournier: D'aller de nos acquisitions de Bromptonville et de
Trois-Rivières à une intervention globale et
générale du gouvernement dans l'industrie, c'est un grand
pas.
Nous avons acquis Bromptonville sans aide gouvernementale,
Trois-Rivières, du côté pratique, sans assistance
gouvernementale. La seule assistance que nous avons eu en ce qui concerne
Trois-Rivières, c'était du côté ouvrier, pour la
formation de la main-d'oeuvre.
Nous avons eu remise, un droit de coupe différé, mais le
montant de ce droit différé, cette année, est rendu, je
pense, à $500 000. Ce n'est pas ce qui nous a facilité l'achat de
ces usines.
Dans notre mémoire, nous ne sommes pas favorables à une
intervention directe dans des situations particulières. Il faut dire
cela dans le sens que chaque situation est complètement
particulière, et c'est très difficile de
généraliser. Il faut que je m'en tienne à ce que nous
avons mis dans notre mémoire.
M. Pagé: En fait, si j'interprète bien la
réponse que vous me donnez, c'est que vous n'êtes pas fa-
vorables à une intervention directe dans le sens de la prise en
main de certaines entreprises, ou encore de subventions directes à des
entreprises qui pourraient être placées dans une situation
précaire. Ce que vous favorisez plutôt et cela va dans le
sens de vos recommandations ce sont des mesures qui pourraient
s'appliquer éventuellement à toute l'industrie, et non seulement
à certaines entreprises spécifiquement.
On a échangé beaucoup sur la question de l'alimentation en
bois des compagnies. On a eu à faire état de la révocation
des concessions forestières, et, évidemment, on a eu à
lire non seulement votre résumé mais on a pris connaissance de
votre mémoire. Même si l'Opposition officielle a des moyens
beaucoup plus réduits que le ministre avec tous ses collaborateurs qui
sont très compétents... Pardon?
M. Grenier: Une chance qu'ils étaient là.
M. Pagé: Oui, dans certains cas, une chance qu'ils sont
là, certainement. Nous avons quand même eu l'occasion d'obtenir
des renseignements de la presque totalité des entreprises qui ont
comparu devant nous. Vous aviez une concession forestière on a eu
l'occasion d'en faire état et ce que certaines entreprises
disaient, c'est qu'elles n'étaient pas favorables à la
révocation des concessions parce qu'en même temps elles
n'obtenaient pas de garantie d'approvisionnement à long terme sur des
territoires déterminés. Somme toute, pour elles, il n'y avait pas
moyen d'atteindre les mêmes objectifs, c'est-à-dire avoir un
contrôle au niveau de la gestion de la forêt, de l'utilisation, du
fonctionnement, de la planification, etc. On a révoqué certaines
de vos concessions; à la lumière de l'expérience que vous
avez, cela a donné quoi en termes de résultat? Seriez-vous
favorables au programme global de révocation, avec la garantie,
toutefois, d'approvisionnement à long terme pour vos entreprises?
M. Geoffrion: Avant de prendre possession de l'usine de
Trois-Rivières, nous avions une concession forestière de 250
milles carrés, ce qui était suffisant pour l'usine de
Bromptonville, étant donné qu'on achetait du bois des producteurs
des environs. A l'occasion d'une demande d'approvisionnement plus
élevé afin de pouvoir suffire à l'usine de
Trois-Rivières, la concession a été
rétrocédée sans compensation, et on nous a donné
une garantie d'approvisionnement de 300 000 cunits par année. Avec la
nouvelle loi sur l'utilisation des bois que le ministère des Terres et
Forêts veut soumettre, nous croyons que cette garantie va
disparaître parce que le ministère peut nous forcer à
prendre des approvisionnements de bois là où il décidera.
Cette décision va se faire d'abord par la demande qu'on fera, et,
deuxièmement, par des pressions qu'il aura de la part des producteurs de
bois.
A l'heure actuelle, on l'a expliqué dans le mémoire, dans
le résumé, il faut absolument qu'on fasse un mélange
d'environ 50% du bois qui vient des concessions parce que, comme on l'a
expliqué, ce bois est fort en épinette noire.
Si le ministère a le contrôle des approvisionnements des
usines, cela veut dire qu'ils ont le contrôle de la qualité. Or,
la qualité, c'est nous qui devons la contrôler si on veut
contrôler le produit fini qui sort de nos usines. Nous sommes
complètement opposés à la loi du ministère des
Terres et Forêts pour contrôler les approvisionnements.
M. Pagé: Somme toute, vous n'êtes pas
défavorables à la révocation, pour autant que vous ayez
une garantie d'approvisionnement à long terme, d'une part, et que,
d'autre part, vous puissiez non seulement être consultés, mais
participer étroitement au type d'exploitation à
l'intérieur de cette garantie d'approvisionnement qui sera
donnée.
M. Geoffrion: Pour la garantie d'approvisionnement à long
terme le ministère peut nous dire: On va vous le garantir avec du bois
qui vient des producteurs de bois. Probablement qu'ils peuvent le faire. Mais
la garantie que nous désirons c'est pour les espèces. Comme on
vous le répète, il faut absolument, pour pouvoir vendre notre
papier, avoir le mélange qu'on fait.
M. Pagé: En termes de qualité... M. Geoffrion:
Justement.
M. Pagé: D'accord. Sur ce sujet, les producteurs qui
alimentent vos usines à partir des boisés privés, vous
faites état dans votre mémoire du coût du bois des
boisés privés non pas selon les réalités
économiques, mais selon une réalité politique. Quand
j'entends ce terme dans un mémoire, cela me chatouille les oreilles.
J'aimerais bien savoir ce que vous voulez dire par là et ce qu'est la
situation qui prévaut dans votre cas. Qu'est-ce que vous recommandez
à la commission eu égard à ce problème, si
problème il y a?
M. Geoffrion: Voici, on l'a mis intentionnellement parce qu'on
savait que cela chatouillerait certaines personnes.
M. Pagé: C'est chatouillant aussi.
M. Geoffrion: Dernièrement, il y a eu un surplus de
production de la part des boisés privés, dû à des
grèves dans certaines usines, dû à des ralentissements dans
la production. Ce qui est arrivé, c'est que le producteur de
boisé privé a produit comme il faisait autrefois et il y a eu un
surplus. Peut-être à cause d'un manque de communications entre les
compagnies, le gouvernement et les producteurs. De toute façon, ce qui
est arrivé, c'est qu'on a été forcé de prendre plus
de bois des boisés privés qu'on devait en prendre. Non seulement
le volume était augmenté, mais on a exigé aussi à
chaque année depuis 1975, ou 1976, cette année et je suis
certain qu'en 1978 on va l'exiger encore une augmentation sur le
prix.
Cela ne suit pas du tout l'offre et la demande, premièrement.
Deuxièmement, c'est que nous recevons aussi des offres de
régions voisines, entre autres, des Etats-Unis pour l'usine de
Bromptonville c'est assez proche même jusqu'à
Trois-Rivières. Je peux vous dire que livré à
Trois-Rivières, pour une même distance, on nous offrait du bois,
en 1976, à $6 la corde de moins. Or, ce même bois qui venait du
Maine, qui nous était offert du Maine, était produit par nos bons
Canadiens français de la Beauce. On se demande s'il n'y a pas une
espèce de coût qui est certainement fictif dans cela.
M. Pagé: En fait, ce que vous soulevez, c'est le pouvoir
conféré aux offices des producteurs de négocier des prix
annuels avec les compagnies, situation qui ne reflète pas
nécessairement l'offre par rapport à la demande.
M. Geoffrion: Absolument pas. Quand on parle de négocier
avec les syndicats de producteurs, ce ne sont pas des négociations parce
que dès l'instant où l'offre qu'on leur fait n'est pas
agréable pour eux, la réponse qu'on reçoit est qu'ils vont
aller voir le ministre. Alors, il ne se fait rien autour de la table.
M. Pagé: Ah! on va voir le ministre. Vous recommanderiez
quoi? D'accord, c'est bien de cerner le problème.
Je comprends que vous ne recommandez pas cette pression politique et que
tout le monde soit dans le bureau du ministre. Mais qu'est-ce que vous
recommanderiez concrètement pour que l'assise de cette relation entre
les producteurs, l'office, les compagnies et le gouvernement, somme toute, soit
plus solide, que le débat soit plus objectif et qu'il reflète le
problème que vous soulevez ce matin?
M. Geoffrion: II y a une Régie des marchés
agricoles. Si on ne s'entend pas autour de la table, on peut aller devant la
régie et s'entendre, plaider chacun sa cause. Maintenant, lorsqu'on veut
nous imposer des volumes, la régie n'a pas de juridiction sur les
volumes. Alors, c'est le ministère qui impose les volumes. On nous les
impose en réduisant nos demandes de permis de coupe sur nos concessions
ou sur les terrains qui nous ont été alloués pour la
garantie d'approvisionnement.
M. Pagé: Une dernière question, M. Geoffrion. Dans
votre mémoire, vous faites état d'une inquiétude
cela aussi, évidemment, me chatouille les oreilles des acheteurs
quant à l'approvisionnement à long terme que vous pourriez leur
garantir. Vous formulez un voeu à la fin de votre mémoire,
à savoir que vous désireriez, pour suppléer à cette
inquiétude de vos acheteurs, que le ministre des Terres et Forêts,
au nom du gouvernement du Québec, fasse, dans les plus brefs
délais, une déclaration publique sur la politique que le
gouvernement entend suivre dans l'industrie des pâtes et papiers.
Je constate que M. le ministre est absent et pour cause. Je suis
convaincu que ses collègues seront en mesure de lui transmettre le voeu
que vous avez formulé ce matin. Il a l'air bien occupé. On m'a
dit qu'il était en train de faire une conférence de presse sur la
Wayagamack; j'espère qu'il va régler le problème.
Quand vous parlez d'inquiétude de la part des acheteurs, est-ce
que vous vous référez à vos approvisionnements ou encore
si vous vous référez à une possible intervention de
l'Etat, directement reliée au fonctionnement de vos entreprises?
M. Geoffrion: Voici, la garantie d'approvisionnement de bois sur
les terrains publics, c'est une garantie à laquelle on tient beaucoup,
parce que c'est un moyen pour nous de garantir le financement que l'on fait. Il
n'y a personne qui va nous prêter de l'argent, à moins qu'on ne
puisse leur garantir qu'on va recevoir du bois à l'usine pour
produire.
Deuxièmement, nos acheteurs éventuels sont inquiets de
signer un contrat à long terme avec nous, à la suite de tout ce
qu'ils ont lu et entendu par les media d'information. Ils s'inquiètent
de signer un contrat à long terme d'achat de papier journal parce qu'ils
ont peur que, dans un an ou deux, ils ne fassent plus affaires avec nous. C'est
cela, l'inquiétude et on demande au ministre de faire une
déclaration au plus vite afin de rassurer tous ces gens.
M. Pagé: J'espère, M. Geoffrion, que le voeu que
vous formulez ce matin, comme je l'ai déjà dit, ne tombera pas
dans l'oreille d'un sourd. J'ose croire que M. le ministre, fort conscient
qu'il est de l'importance de cette question face au marché, face
à la capacité de vente de nos entreprises qui désirent
détenir des contrats de vente à long terme, dans un geste
spontané, sera en mesure de prendre en considération la
recommandation que vous formulez et d'y donner suite de façon
positive.
Cela termine mes questions, monsieur. Je vous remercie beaucoup et
c'était bien agréable d'échanger avec vous.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Bien rapidement,
plusieurs questions ont déjà été discutées
autour de la table à d'autres séances de la commission, on vous
l'a signalé tout à l'heure. Egalement, plusieurs des
recommandations qu'on retrouve dans votre résumé de
mémoire nous ont été transmises par d'autres. On
n'allongera pas la discussion sur ce point.
Vous parlez, à la page 17 de votre mémoire,
d'investissements, des raisons du retard dans la modernisation, et vous dites
qu'il semble que Kru-ger soit à la fine pointe des investissements. Vous
ne prévoyez pas avoir à vous reprocher, dans dix ans, de ne pas
avoir modernisé vos industries. Vous semblez nous dire que ce que vous
faites,
c'est peut-être plus que la moyenne des industries. Ce n'est pas
dit textuellement, mais peut-on en déduire que c'est au-dessus de la
moyenne ou dans la moyenne des investissements que font les industries de votre
secteur?
M. Fournier: Comme vous le voyez, messieurs, notre... Parlons du
passé. Parfois, on peut déduire du passé ce qui va se
dérouler dans l'avenir. Nous étions les premiers, à
Bromptonville, à installer une machine un "type reformer"
qui avait été développée par Dominion Engineering
et par Pulp and Paper Research Institute of Canada. C'est peut-être l'un
des avantages d'une compagnie familiale où les décisions peuvent
être prises, où les risques peuvent être
évalués rapidement. Nous avons fait suite à cela à
Trois-Rivières en installant une machine complètement nouvelle;
cela nous a coûté un peu plus cher qu'on le prévoyait, cela
nous a causé aussi beaucoup d'ennuis, mais la chose est maintenant
rentable.
Nous étions les premiers, à Bromptonville, à
introduire une pâte semi-mécanique et semi-chimique qui a fait
l'évolution et la rentabilité de ce moulin pendant plusieurs
années. Nous avons maintenant discontinué ce
procédé à cause de la pollution.
Mon problème personnel, étant l'homme des finances de la
compagnie, est que pour chaque dollar dépensé, on a deux
idées. Ce sera plus facile dans l'avenir, une fois que la politique du
gouvernement sera mieux connue et lorsque les choses se stabiliseront un peu.
Je ne dis pas que les choses ne sont pas stables, mais si les gens croient
qu'elles ne sont pas stables, elles ne le sont pas. Si les marchés pour
nos produits ou si les sources de financement ont des craintes, c'est plus
difficile pour nous d'avancer. Notre compagnie, dans le passé, ne s'est
pas fait attendre pour faire des investissements visant à rendre nos
usines, nos fabriques rentables. Dans l'avenir, entourés d'un
atmosphère raisonnable, nous continuerons exactement la même
politique.
M. Grenier: D'accord, merci. Vous avez fait un investissement qui
me semble important dans la région de Trois-Rivières. Votre
approvisionnement, pour la région de Trois-Rivières, est-il plus
éloigné que Consol, par exemple, du Cap-de-la-Madeleine?
M. Geoffrion: Franchement, je ne peux pas vous le dire. Je sais
que pour le bois local, on a les mêmes fournisseurs; pour leur bois de
forêt publique, c'est plus proche, mais eux flottent le bois.
M. Grenier: Ce serait moins dispendieux, d'après les
mémoires qu'on a eus. Cela donne un gros coup de main à une
compagnie, normalement.
M. Geoffrion: Dépendant de la distance. Plus vous allez
flotter de loin, moins ça va vous coûter cher. Il faut tenir
compte qu'il y a une perte pour le bois qui cale. Si vous êtes
loin...
M. Grenier: Vous n'en avez pas, vous autres? M. Geoffrion:
Non, pas du tout.
M. Grenier: On a interrogé d'autres personnes qui sont
venues ici et qui nous ont dit que c'était rentable de flotter du bois
et que ce serait une perte assez importante si le gouvernement, dans son
programme d'environnement, enlevait cela.
M. Geoffrion: Sûrement.
M. Grenier: Ce que je vois, c'est qu'à
Trois-Rivières vous fonctionnez et cela semble bien aller. On a juste
à traverser la rivière et il y a une autre compagnie qui va mal,
de l'autre côté. Cela va si mai qu'à moins d'une nouvelle
bien fraîche du ministre... Je ne pense pas qu'il ait annoncé une
réouverture, il nous l'aurait dit. A distance d'une rivière,
alors que l'approvisionnement semble le même, après avoir investi,
vous trouvez que cela va bien, et à un mille et demi de chez vous,
ça va mal! J'aimerais bien qu'on trouve la différence qui permet
de dire pourquoi à la Consol ça ne va pas, et à la Kruger
ça va bien. Ou bien on va changer les administrateurs!
M. Geoffrion: C'est peut-être un peu comme dans la vie
politique. Pourquoi les gens votent-ils pour le parti péquiste, pourquoi
votent-ils pour les libéraux, pourquoi votent-ils pour l'Union
Nationale?
M. Pagé: Ils ne se feront pas prendre la prochaine
fois.
M. Grenier: Vous avez créé tellement d'espoir!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Du côté...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Pagé: II va revenir de ce côté-ci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! On n'a pas de temps à perdre, messieurs.
M. Grenier: En votre absence, M. Geoffrion s'est plaint que le
gouvernement lui avait donné des pins bleus; en tout cas il avait des
beaux pins, puis une belle couleur si cela ne faisait pas leur affaire. Ils
manquaient de graines.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
C'étaient des pins gris.
M. Grenier: Ah des pins gris, j'avais cru que c'étaient
des pins bleus; cela aurait été très bien, je pense.
M. Bérubé: J'ai l'impression que M. Grenier est
daltonien; c'est d'ailleurs ce qu'on a toujours cru comprendre à ses
interventions.
M. Grenier: Pardon?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Bien je ne l'ai pas entendu, je l'aurais compris
sûrement, parce que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à l'ordre!
M. Grenier: Les propos du ministre, je les laisse passer à
l'occasion. Il aime s'amuser.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est
midi moins dix et nous avons un autre invité qui attend.
M. Grenier: Ce n'est pas le plus habile politicien du Parti
québécois. M. le Président, selon la page 18, vous semblez
aussi vous conformer aux normes de l'environnement.
M. Cyrenne: A notre usine de Bromptonville, nous n'avons pas de
département de pâte chimique; alors nous ne répondons pas
trop difficilement aux normes d'environnement. A notre usine de
Trois-Rivières, pour nous conformer aux normes qui seront rendues
publiques prochainement, nous croyons qu'il nous faudra faire certains
investissements assez considérables.
M. Grenier: A la page 5 de votre résumé, je l'ai
mentionné un peu tout à l'heure, vous faites des recommandations
qui sont celles qu'on a perçues chez d'autres témoins qui sont
venus ici. Vous recommandez au gouvernement différents
procédés qui permettraient un fonctionnement plus
élevé dans vos industries. Vous en avez une autre à la
page 4, vous dites que, dans la question de la fermeture d'usines, le
gouvernement devrait plutôt régler les problèmes des gens
mis à pied, lors de telles fermetures, et essayer de stimuler les
industries dans les autres secteurs. Je n'ai pas besoin de vous dire que la
stimulation dans les industries, on en a besoin, vous l'avez senti. C'est vrai
dans l'immeuble, c'est vrai dans tous les secteurs qu'on a touchés
à ce jour et ce sera toujours vrai; le problème n'est pas
récent non plus, il n'est pas vieux d'un an, il est vieux d'il y a
longtemps.
Mais vous ne donnez pas d'éléments de suggestion, comment
recycler le même monde dans le même secteur. Les employés,
par exemple Domtar chez nous, à East Angus, les recycler dans d'autres
secteurs c'est déjà un travail, mais pourquoi ne pas trouver
plutôt des éléments de solution dans le même secteur?
Vous ne faites pas de proposition dans ce sens.
M. Cyrenne: Je crois qu'il a été
démontré assez clairement que la croissance de la consommation du
papier journal est presque nulle. Alors la question qui se pose est: Pourquoi
garder une vieille usine en marche pour continuer à faire de la
production qui va être perdue ailleurs? Alors c'est...
M. Grenier: C'est votre problème de mise en marché,
et on se rend compte que la mise en marché est pénible dans le
secteur du papier, on nous l'a dit avant; M. Kruger en a fait état tout
à l'heure, pour l'Europe. Mais je pense bien que là il y a des
efforts à faire aussi et j'aurais aimé avoir des recommandations
dans votre secteur. Je ne suis pas de cette option, moi, de vouloir
transférer les employés d'un secteur à l'autre, les entrer
dans un autre secteur qui va encore le faire déborder, et j'aurais
aimé trouvé des éléments de solution. Vous
êtes quand même une compagnie qui semble fonctionner avec aisance,
qui semble aller bien. J'aurais aimé que vous nous fassiez des
recommandations plus positives pour garder chez nous nos gens, arriver avec
quelque chose, nous donner des éléments de solution, et on compte
là-dessus avec des gens comme vous.
M. Cyrenne: Nous ne croyons pas que ce soit seulement une
question de mise en marché, c'est une question de consommation mondiale
du produit. Alors, même si nous sommes plus efficaces dans un secteur,
d'autres vont souffrir, ce qui amène de la concurrence. Nous ne croyons
pas qu'on puisse résoudre le problème en augmentant ou en
maintenant dans l'industrie des pâtes et papiers un nombre
d'employés qui n'est pas requis pour la consommation
nécessaire.
M. Grenier: Vous mentionnez à la toute dernière
question, à la page 5 également, que le gouvernement pourrait de
plus utiliser son influence pour faire diminuer le coût de transport. On
va avoir un dernier mémoire qui va nous être
présenté par l'ANCAl dans quelques minutes, l'Association des
camionneurs artisans...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Tembec.
M. Grenier: Tembec. Alors ce rapport nous sera donné tout
à l'heure; j'ai l'impression qu'ils ne seront peut-être pas du
même avis que vous autres. Ils auront d'autres commentaires à nous
donner. Ce n'est pas sûr que c'est là-dedans qu'on va trouver des
éléments de solution au bon fonctionnement de vos usines. Je vous
remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Messieurs, je vous remercie de votre
mémoire, dans la mesure où il vient d'une société
qui a relancé déjà deux entreprises dans le secteur des
pâtes et papiers. J'y ai trouvé une certaine contradiction et vous
pourrez sans doute y répondre. A la page 4, vous soulignez que le
gouvernement ne devrait pas essayer de maintenir en fonctionnement des usines
qui ne sont plus concurrentielles économiquement. Evidemment, dans le
cas de l'usine de la Domtar que vous avez récupérée
à Trois-Rivières, et même dans celle de Bromptonville que
vous avez reprise après deux années d'arrêt, il pouvait
apparaître, de prime abord, que ces usines étaient non
concurrentielles
puisqu'elles étaient fermées. J'aimerais savoir comment
vous conciliez la suggestion que vous nous faites là de ne pas nous
impliquer dans des usines non concurrentielles avec le fait que vous le faites
avec tant de succès.
M. Geoffrion: Voici...
M. Pagé: Enfin une bonne question. La meilleure des
travaux de la commission. C'en est une bonne, enfin!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Geoffrion: Tout d'abord, Bromptonville et
Trois-Rivières n'avaient pas les ventes pour maintenir l'usine en
fonction. C'est la même chose aujourd'hui; vous avez des usines qui
fonctionnent à la moitié de leur rendement. Finalement, avec le
peu de revenus que ces usines retiraient, elles ont été
obligées de fermer. Je vais vous passer M. Cy-renne. Il va...
M. Cyrenne: La réponse, M. le ministre, est que nous avons
réussi à revitaliser deux vieilles usines parce que nous avions
le marché, qui est la condition première du développement
de toute industrie. Nous réalisons aujourd'hui que le marché est
saturé, ce qui change la situation.
M. Bérubé: Vous estimez donc que ce qui
était possible il y a quelques années l'est de moins en moins? Je
pense que M. Kruger veut intervenir lui aussi.
M. Kruger: M. le ministre, I have something that I would just
like to say. You must realize that the marketplace was completely different at
the time where we bought, which is what they said. But at that time that we
have bought Bromptonville, they were not making news-print in the United States
and when we bought Trois-Rivières, we were under the impression that the
same thing was happening and it was only after we bought Trois-Rivières
that the sudden upsurge of mills being built in United States occurred. I am
talking about news-print mills.
M. Bérubé: J'aimerais savoir si vous avez des
projets de modernisation à l'esprit présentement et, si vous avez
des projets de modernisation, quels seraient les obstacles que vous devez
rencontrer ou éliminer avant de pouvoir annoncer un programme de
modernisation. Quels sont les problèmes de modernisation de vos usines
et comment voudriez-vous les voir régler?
M. Fournier: Après la petite conférence,
excusez-nous. Comme je le disais tout à l'heure, en votre absence, je
crois que mon problème en tant que directeur des finances chez Kruger,
mon problème personnel est que pour chaque dollar que nous avons
à dépenser il y a deux idées. Il y a plusieurs
idées qui nous viennent de nos ingénieurs, de nos gérants
d'exploitation. Malheureusement, dans l'industrie des pâtes et papiers,
quand on parle d'investissements, c'est rarement en dessous d'une somme
énorme: $5 millions ou $10 millions semblent disparaître assez
facilement.
Je crois que la première chose requise comme conditions qui nous
permettraient de démarrer avec ces projets, ce serait l'assurance qu'on
pourrait donner à nos clients qu'il sera possible pour nous de livrer le
journal ou le produit quelconque, ce qui veut dire un peu indirectement
qu'est-ce que la province va décider de faire en ce qui concerne
l'industrie des pâtes et papiers?
En ce qui concerne le financement, ce n'est pas un secret maintenant que
c'est assez difficile, que les gens hésitent, que ce soit bien
fondé ou non, les gens de New York ont plus de questions à poser
qu'ils n'en avaient dans le passé.
La question de la garantie d'approvisionnement, comme point de
départ, est très importante. Je me rappelle que, dans le
passé, M. Kruger avait plus de difficulté à vendre du
papier journal, quand nous avions seulement Bromptonville. Les clients lui
demandaient: Qu'est-ce qui arrive si vous avez une grève? Notre source
d'approvisionnement n'est pas sûre. Les choses sont maintenant plus
faciles avec deux usines.
La source d'approvisionnement reste donc très importante. Les
gens des finances ou nos clients veulent être assurés qu'on soit
en position de remettre les sommes d'argent que nous avons empruntées ou
de livrer du papier journal. C'est plutôt une question
d'atmosphère et de réalité. On ne peut pas,
malheureusement, séparer les deux. Est-ce que cela répond
à votre question, M. le ministre?
M. Bérubé: Vous soulignez donc que c'est un
problème d'approvisionnement en bois. Les éléments, je les
ai peut-être perçus moins clairement. Ce serait tout simplement en
gros un problème de financement d'emprunts sur les marchés?
M. Fournier: Reprenons. Apprivisionnement en bois. Je ne suis pas
aussi familier que mon ami, M. Geoffrion, avec ce qui se passe ces jours-ci,
mais nous avons une entente avec le gouvernement qui nous garantit un
approvisionnement de 300 000 cunits par année, ce qui représente
60% de notre approvisionnement.
M. Geoffrion: Oui.
M. Fournier: Est-ce que cette entente va être
changée du côté législatif ou est-ce que cette
entente reste ferme? C'est la première question.
Je pars du commercial et du pratique pour aller peut-être en
terrain politique. Deuxième question, quelle sera la politique de la
province concernant l'intervention et à quel degré se fera-t-elle
dans l'industrie? Est-ce que le client à New York, à Philadelphie
ou à Trenton va transiger avec Kruger dans deux, trois ou cinq ans ou
avec la province de Québec avec un groupe de vente qui fait partie du
gouvernement? Le plus tôt il y aura des réponses à ces
questions, le plus tôt on pourra retourner à nos affaires pour
faire du papier et le vendre.
M. Bérubé: Merci. C'est tout, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Messieurs, je vous remercie beaucoup au nom de
l'Opposition officielle. M. le Président, je tiens à m'excuser,
à ce stade-ci de nos travaux, car je dois quitter pour me rendre
à la commission parlementaire chargée d'étudier le projet
de loi no 53.
M. le Président, je suis informé que nous sommes sur le
point de compléter nos travaux. Vous avez certainement reçu un
avis de la part de différents groupes, entre autre de l'Association
nationale des camionneurs artisans indépendants qui a
déposé ce matin un mémoire et qui était
désireuse de comparaître devant nous. Quant à moi, je tiens
à vous faire part, M. le Président, que nous apprécierons
que ceux-ci puissent intervenir et déposer leur mémoire. Je tiens
à indiquer que, d'ici la fin de la séance, M. Larivière,
de Pontiac-Témiscamingue, et notre bon ami, M. Vaillancourt, du
comté d'Orford, agiront pour l'Opposition officielle.
En terminant, M. le Président, fort conscient que nous
terminerons dans une heure des travaux qui se sont prolongés depuis
déjà le 26 septembre, je me déclare bien satisfait du
déroulement de nos travaux. Comme j'ai eu l'occasion d'en faire
état préalablement, cela s'est fait dans un esprit de
collaboration très étroite.
C'est devenu vraiment un forum d'échanges pour tenter de
dégager des avenues possibles qui nous permettront de trouver des
solutions à la situation qui prévaut actuellement dans les
pâtes et papiers. Je suis certain que le ministre et je termine
là-dessus, M. le Président sera fort heureux et aura
certainement apprécié, je l'espère, à sa juste
valeur la participation constructive et positive de l'Opposition officielle. Je
tiens à lui faire part que l'Opposition officielle sera en mesure de lui
formuler des recommandations bien spécifiques à la suite des
travaux de cette commission et j'espère qu'elles seront retenues par son
gouvernement.
M. le Président, je vous remercie beaucoup. Bonjour
messieurs!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Geoffrion, nous vous remercions ainsi que vos collègues. A l'ordre, s'il
vous plaît! Nous vous remercions de votre participation aux travaux de
cette commission parlementaire. J'inviterais maintenant le dernier intervenant,
Produits forestiers Tembec Inc. et ses représentants à
déposer leur mémoire, s'il vous plaît.
D'autre part, j'aimerais aviser les membres de la commission que le
mémoire des Produits forestiers Tembec Inc. sera le dernier
mémoire entendu, et que, d'autre part, je vais faire distribuer à
l'instant deux mémoires aux membres de la commission pour que vous en
preniez connaissance tout simplement.
J'allais dire que j'allais faire distribuer copie du mémoire
présenté par l'ANCAl, mais si l'ANCAl est présente et si
Les Produits forestiers Tembec Inc. ne sont pas présents, je vais
demander à l'ANCAl de se présenter.
M. Grenier: II vient de sortir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
Produits forestiers Tembec Inc. Est-ce que les représentants de l'ANCAl
étaient ici tout à l'heure?
M. Grenier: Oui, le président et un conseiller
étaient ici il y a une seconde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais
faire distribuer le mémoire de la CSD, la Centrale des syndicats
démocratiques, qui ne pourra venir présenter son mémoire.
Je vais demander qu'on en distribue un exemplaire à chaque membre de la
commission. D'autre part, j'allais dire qu'on allait distribuer
également le mémoire de l'ANCAl. Puisque Les Produits forestiers
Tembec sont absents, je demanderais aux représentants de l'ANCAl de
venir présenter leur mémoire, et la période des questions
suivra jusqu'à 13 heures.
Association nationale des camionneurs artisans
Inc.
M. Dufour (Alphonse): Merci, M. le Président. Je vous
assure que je suis pris au dépourvu parce que je m'attendais à
passer cet après-midi ou demain.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
commission va certainement terminer ses travaux à 13 heures.
M. Dufour: En tout cas, je vais faire les constatations
moi-même. J'ai eu l'occasion de suivre la commission parlementaire
presque au complet. Nous avons présenté un mémoire parce
que j'avais cru que le transport en forêt était une
nécessité. Couper la forêt, si on ne la transporte pas, ne
rapporte pas beaucoup de revenus. Je me demande si je devrais lire les points
soulevés dans le mémoire. Il y a des recommandations qui sont
plutôt à la fin, mais comme il ne s'agit pas d'un gros contenu, je
vais le lire.
Le présent document ne sera pas un mémoire comme tel mais
plutôt la présentation de remarques que l'Association nationale
des camionneurs artisans inc. a dégagées à la suite de la
lecture des mémoires présentés par les différents
intervenants. L'ANCAl désire s'excuser du retard à intervenir
auprès de la commission. Ce retard est dû au fait que l'ANCAl n'a
reçu aucune invitation à se présenter devant la
présente commission.
L'ANCAl doit être présente à la commission
parlementaire sur l'avenir des pâtes et papiers puisqu'elle regroupe 4000
propriétaires de véhicules qui font du transport en vrac, et
parmi ces 4000, plus d'un tiers ont l'équipement spécial pour
effectuer du transport en vrac en forêt.
L'ANCAl est convaincue que la majeure partie des problèmes de
transport en forêt pourrait être facilement solutionnée si
les compagnies forestiè-
res acceptaient de dialoguer avec les associations de transport en
vrac.
Le mesurage. Les taux fixés sur les transports en forêt
sont des taux à la corde apparente; or, les compagnies
forestières continuent toujours d'utiliser la notion de cunit et
d'enlever aux transporteurs les rebuts et la fausse "cull".
La pensanteur. Il existe un problème majeur dont les
transporteurs sont les victimes, soit les limites de charge auxquelles
actuellement la loi les assujettit.
Ceci s'explique surtout par le fait que les transporteurs n'ont pas le
contrôle sur le chargement et que les lois ne sont pas adéquates
au phénomène du transport en vrac.
Le coût des camions. Les transporteurs sont équipés
de véhicules très dispendieux; les normes de
sécurité et la nécessité d'augmenter la production
sur le transport ont contribué à favoriser l'achat de ces
équipements. En retour, les compagnies forestières n'ont pas
amélioré les conditions qui entourent les exigences du
transport.
Les négociations. Les compagnies forestières sont
très réticentes à négocier avec les associations de
transport en vrac.Elles préfèrent négocier avec des
individus et c'est d'ailleurs ce que la CIP a déclaré
publiquement par l'intermédiaire de ses représentants devant la
présente commission.
Les véhicules propriété des compagnies
forestières. Ces compagnies forestières sont propriétaires
de véhicules qui sont utilisés exclusivement sur le beau
transport. Cette situation favorise une meilleure production des
véhicules appartenant aux industries forestières par rapport
à la production des véhicules des transporteurs en vrac qui ont
à faire du transport dans des conditions plus difficiles.
Recommandations. 1. Qu'un dialogue sérieux soit instauré
entre les associations de transport en vrac et les compagnies
forestières. 2. Que le système de mesurage soit basé
exclusivement sur les cordes apparentes. 3.Que les lois concernant la pesanteur
soient modifiées en fonction de nouveaux critères. 4. Que les
compagnies forestières améliorent les conditions qui se
rattachent au transport.
Conclusion. Nous remercions la commission parlementaire sur l'avenir des
pâtes et papiers d'avoir permis à l'ANCAl de se présenter
et d'expliquer le présent document. Une note à remarquer à
la fin. L'ANCAl préconise énergiquement comme une
cinquième clause la création d'un organisme indépendant
des compagnies forestières et transporteurs qui serait chargé
exclusivement du mesurage du bois qui est transporté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: M. Dufour, je crois...
M. Dufour: Si vous aimez avoir des copies, j'en ai ici. Cela
s'est fait tellement vite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
autres aussi on l'a.
M. Desbiens: Nous vous remercions de vous être
présentés. Il y a deux points particulièrement dans votre
mémoire, c'est le système de mesurage et la question de la
pesanteur des charges permises. Vous préconisez que le système de
mesurage soit basé exclusivement sur les cordes apparentes. Dans le cas
du camionneur, que se passe-t-il exactement à ce sujet?
M. Dufour: Dans le cas du mesurage, actuellement, le
règlement 12 avait marqué une certaine amélioration
à ce sujet, à savoir que la Commission des transports
déterminait des taux au sujet des cordes apparentes. Mettons, par
exemple, que vous avez un camion avec une plate-forme de seize pieds qui a huit
pieds de hauteur sur la plate-forme, ce qui fait qu'ils donnaient, par exemple,
quatre cordes et demie, quelque chose comme cela. Grosso modo, la corde
apparente, c'est le contenu de son camion. Mais on n'a pas encore fait
d'amélioration là-dessus parce qu'on se sert encore plutôt
du cunit que de la corde apparente. En plus de cela, nous réclamons que
le transport soit payé suivant le contenu de notre camion.
J'ai des chiffres à l'appui avec des preuves officielles venant
directement des mesureurs du gouvernement. Trois mesureurs sont venus sur les
lieux sur recommandation des ministres du temps, Forêts, Travail et
Transports. Sur un camion, par exemple, un semi-trailer de 27 cordes de bois,
il manque six cordes et demie sur son camion. Ce sont toutes des choses qui
font que le taux n'est jamais assez élevé parce que, quand on n'a
pas le contenu de son transport, il n'y a pas de taux pour être capable
d'y arriver. Nous considérons qu'il faudrait qu'il y ait quelque chose
qui soit fait pour améliorer la situation.
M. Desbiens: Est-ce que vous jugez que ces six cordes et demie,
dans l'exemple que vous venez de mentionner, c'est une perte réelle pour
tout le monde, c'est-à-dire que pour la compagnie, c'est du bois "cull"?
Qu'est-ce que c'est?
M. Dufour: Ce n'est certainement pas une perte pour la compagnie,
parce que la compagnie, si on en retient une bûche on a
déjà fait des expériences allait jusqu'à
nous enlever les quatre petites bûches de trois pouces qui sont
considérées comme des "culls", parce que sur le contrat,
habituellement, c'est quatre pouces en montant, pour allonger nos piquets en
arrière, pour faire un chargement plus égal. On nous les fait
retourner sur le tas en disant que cela ne nous appartient pas, qu'il faut les
livrer. Si on maintient quatre bûches de trois pouces, quand on a
gardé une corde et demie sur un mesurage, il y en a certainement qui
retournent à la compagnie.
M. Desbiens: Ils s'en servent, ils les utilisent quand
même.
M. Dufour: Justement. J'ai eu déjà la
réflexion d'un surintendant d'une compagnie, tout en discutant avec lui
pour essayer de trouver une solution,
me disant qu'on avait notre part à faire sur le bois qui cale,
lors du flottage.
M. Desbiens: Vous ne voudriez en aucune façon être
payés différemment que sur le cunit...
M. Dufour: Bien, le cunit, si on marche sur une corde apparente,
d'abord quand on fait les prix, dans une négociation de transport, que
la compagnie fait son prix, majoritairement, ce qu'on a trouvé, c'est
qu'on nous payait pour une corde de quatre par huit, 128 pieds de bois, puis le
cunit c'est l'équivalent d'une corde et quart. Tout de suite en partant
on vient de perdre un cordon sur chacune des cordes qui est à bord du
camion.
M. Desbiens: Dans la remarque qui est à la fin
complètement de votre mémoire, vous préconisez
énergiquement la création d'un organisme indépendant des
compagnies forestières et transporteurs qui serait chargé
exclusivement du mesurage du bois qui est transporté. Vous dites que
vous ne réussissez d'aucune façon à vous entendre avec les
compagnies à ce sujet.
M. Dufour: Comme je suis un des plus vieux dans l'association,
j'ai entrepris à peu près toutes les démarches qu'il y
avait à faire au niveau du ministère des Terres et Forêts,
au niveau du ministère des Transports et je n'ai pas encore
trouvé quelqu'un qui pouvait me donner une réponse à
savoir de qui cela relevait. Le ministère des Terres et Forêts
cela ne relève pas de lui. Les compagnies, elles, cela ne relève
pas plus d'elles parce qu'elles disent que la loi a été faite par
le gouvernement, ainsi que le système de mesurage, et nous, comme nous
ne sommes pas des mesureurs, nous sommes des transporteurs... S'engager des
hommes ce sera encore une guerre à lancer dans une compagnie. J'ai eu
l'occasion, à quelques reprises, d'aller sur des chantiers, sans nommer
aucune des compagnies... Je voudrais faire remarquer ici que l'idée de
l'ANCAl n'est pas de venir faire de la critique, parce qu'on vit
déjà trop dans de la critique; c'est d'essayer d'apporter de la
collaboration au niveau de la commission pour que vous puissiez avoir plus de
facilité à travailler dans l'ensemble de la besogne que vous avez
à accomplir. On n'a pas à critiquer les compagnies, chacune tire
de son côté.
Par exemple, on a approché différentes compagnies. Or,
quand il n'y a pas de surveillance les cordes diminuent dans nos camions.
Dès l'instant où j'ai eu l'appui à quelques
reprises du ministère des Terres et Forêts, à la
suite des pressions qu'on avait faites amicalement, dans les jours qui
suivirent le mesurage s'améliora sur nos camions. On a
toléré jusqu'à maintenant, mais cela ne peut pas se
tolérer indéfiniment. On dit qu'il y a une atmosphère
invivable au Québec. Il y a tellement de cas qu'on pourrait souligner
démontrant avec raison que c'est invivable. On n'est pas pour engager
une police pour surveiller une police, jamais je ne croirai.
M. Desbiens: Sur la recommandation no 3, à savoir que les
législations concernant la pesanteur soient modifiées en fonction
de nouveaux critères, est-ce que vous avez des suggestions
précises?
M. Dufour: La suggestion que nous avons, et on a tenté de
la mettre en vigueur il y a un comité qui a été
formé à ce sujet c'est que nous préconisons un
contenu dans un camion, parce qu'il n'y a pas une corde de bois qui est de la
même pesanteur. Vous allez prendre une corde d'épinette noire qui
a été prise sur le dessus d'une montagne, pour le voyage du
matin, elle est pas mal plus légère qu'un voyage de sapin bleu
qui est pris dans le fond d'une montagne ou aux entourages d'un fond de
cèdre, quelque chose comme cela, ou d'épinette blanche. Par
rapport aux conditions atmosphériques, le camionneur le matin, met un
voyage de bois sec et son affaire a du bon sens, cela va bien. Pour le
deuxième voyage dans la matinée, il charge dans le fond de la
montagne, dans le bas de la montagne, avec du bois gelé jusqu'au coeur.
Il faudrait qu'il mette la moitié de son chargement. Ce sont toujours
des mesures à l'oeil.
Puis, à chaque chargement j'ai des factures entre les
mains, encore aujourd'hui je vous assure qu'on a des infractions
jusqu'à $600 pour un camionneur parce qu'il a dépassé la
pesanteur. Si un voyage lui rapporte $70, qu'il rencontre un policier et que
cela lui coûte $600 pour avoir fait ce voyage, il charrie plus que dans
la gratuité! Cela ne peut pas s'équilibrer, à moins que
les compagnies c'est encore, à mon point de vue, une exigence
trop forte aient des balances aux endroits de chargement et non pas,
comme on le voit trop souvent, dans le système de transport de là
voirie, par exemple, au déchargement. Comment voulez-vous corriger
l'erreur? Quand on décharge, on n'a plus besoin de se peser. Si on a
réussi à éviter la police, on est correct.
M. Desbiens: Vous suggéreriez d'être jugés au
volume?
M. Dufour: Jugés au volume. Disons qu'une corde de bois
pèse 4800 livres. Alors, qu'on se base sur la pesanteur d'une corde de
bois de 4800 livres, qu'on prenne un camion de dix roues, par exemple, ou un
semi-trailer" et qu'on mette une charge de camion sur une plate-forme de 16
pieds. On est prêt, nous, à en faire l'expérience. Selon
4800 livres, cela donne 57 000 livres pour un camion. Si cela donne neuf cordes
dans le camion, on n'a qu'à faire des marques de peinture à la
hauteur du camion et celui qui a une plate-forme de 16 pieds, cela lui donne 7
pieds sur son camion.
N'importe quel officier de circulation qui le verrait passer avec des
marques semblables n'a pas à s'en faire, le camion est chargé
suivant les normes. S'il est chargé en sapin bleu, il va peut-être
avoir quelques livres de plus que la pesanteur normale, mais, pour l'autre
voyage, il sera peut-être chargé en bois sec. Il aura le
même chargement, mais il sera plus léger. Ce serait plus facile
à
contrôler. Entre-temps, on continuera de travailler et chacun fera
sa part pour trouver d'autres moyens, mais je pense qu'il n'y aura pas d'autre
moyen que celui-là .
On a parlé avec les compagnies à quelques reprises. On
parlait de couper le bois un an à l'avance pour qu'il puisse
sécher. C'est encore un moyen, mais je me demande ce qui va se produire
si on le coupe un an à l'avance. Dans le cas du sapin bleu qui est dans
le pied de la montagne, près d'un fond de cèdre, je vous assure
que, même s'il séchait durant un an, il va être cordé
dans l'eau, parce qu'ils n'iront pas le corder sur la montagne. Il ne
séchera pas beaucoup durant cette année. Celui qui est sur la
montagne, lui, sèche naturellement. Il y aurait encore une
déviance extraordinaire. J'en ai parlé avec des
représentants assez importants du ministère des Terres et
Forêts et c'est à peu près la solution qui serait la plus
recommandable.
Nous serions prêts à en faire l'expérience, à
fournir les camions en question et à essayer cela pour chacune des
plates-formes. D'abord, il n'y a pas 25 sortes de plates-formes. On va prendre
un semi-trailer" avec une plate-forme de 30 pieds ou de 40 pieds; on va prendre
une plate-forme, sur un camion de dix roues, de 16 pieds ou de 14 pieds et on
va les conduire sur une balance. On en assumera les frais. On aura les hauteurs
et, après, celui qui ne se conformera pas aux hauteurs, suivant les
normes, en subira les conséquences. Personne ne sera pris comme on l'est
aujourd'hui. Encore la semaine dernière, je suis allé porter pour
$7000 de "tickets" à quelqu'un qui m'avait dit de les lui apporter et
qu'il allait essayer d'étudier cela plus a fond. S'il faut les payer,
soyez assurés que vous aurez besoin d'agrandir la prison d'Orsainville
parce qu'on va tous y aller; on n'est pas capable de payer. On a plus de
"tickets" qu'on a gagné d'argent.
M. Desbiens: Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Pontiac-Témiscamingue.
NI. Larivière: M. Dufour, je tiens à vous remercier
pour la présentation du mémoire de l'ANCAI. Vous mentionnez,
à la page 3, que les compagnies forestières sont très
réticentes à négocier avec les associations de transport
en vrac; elles préfèrent négocier avec les individus.
D'après vous, quelles en sont les raisons et que proposez-vous pour
qu'il y ait un meilleur dialogue?
M. Dufour: II n'y a pas tellement longtemps que notre association
existe et il ne faut pas se cacher que, dans le Québec, la formule
syndicale est entrée presque par la porte d'en arrière; elle
n'est pas entrée par la porte d'en avant. Les deux grosses centrales qui
existent depuis nombre d'années ont réussi à s'implanter
dans les compagnies forestières et elles aimeraient garder le monopole,
si on peut dire, des négociations. Il y a deux compagnies
forestières, dont je ne cite pas les noms, avec lesquelles on a
certaines approches plus faciles. On leur a offert des conditions de transport
et elles ont été émerveillées de nos conditions de
transport, de même que des prix offerts. On est même allé
jusqu'à leur livrer le bois dans le "drum" pour faciliter leur travail.
Cela a éliminé énormément de machines qui devaient
empiler le bois, etc. Elles ont été éliminées. Pour
nous, ce n'est pas pire de "dumper" notre voyage de bois tout près du
"drum" quand la négociation fonctionne bien et qu'il y a 45 camions au
service de cette compagnie. Ce ne sont pas des camions qui font le transport du
gravier; ce sont des camions spécifiquement équipés pour
la forêt.
Dans d'autres compagnies, ils sont pris avec la Fraternité des
charpentiers et menuisiers d'Amérique, qu'on me dit, compagnie qui
négocie pour les travailleurs en forêt, qui ne parle jamais un mot
des camionneurs, qui ne connaît pas leurs problèmes. Mais on dit
que les compagnies négocient quand même avec cette
association.
On a eu des preuves à l'appui déjà, dans un
arrêt de travail, et on leur a demandé de venir défendre
nos intérêts. En plus de cela, cela nous oblige à payer
deux cotisations comme étant un membre d'une association. Le premier
dollar qu'on gagne, il faut le donner à la Fraternité des
charpentiers et menuisiers d'Amérique comme étant un membre en
forêt, mais quand vient le temps de discuter de notre cas! Moi je ne
comprends pas qu'on puisse discuter de notre cas quand il n'y a pas
d'intéressés qui sont autour de la table.
On n'est jamais autour des tables pour la négociation, alors on
ne peut pas parler de transport, cela ne s'est jamais fait. Les deux compagnies
que je vous ai nommées, on a réussi à les approcher, de
loin, vous allez me dire, mais on s'aperçoit tout de suite qu'il y a
possibilité d'amélioration. Nous on a la possibilité
d'améliorer les taux de transport aussi, en autant qu'on puisse
être autour de la table. Il n'y a pas que les taux qu'on peut
considérer dans le transport, il y a des conditions de transport
aussi.
Moi je suis bien prêt d'avoir $20 la corde pour transporter du
bois à six milles, mais si je n'en transporte pas de corde, j'aime mieux
n'avoir que $2.50 et transporter des cordes. Cela prend des conditions,
conditions de chargement, conditions de chemin aussi. On est pris avec la
question des assurances, cela va pas mal plus profond que le monde le pense,
notre affaire, nous autres. On nous impose des conditions de
sécurité routière à l'extrême. On nous impose
des assurances disant qu'on est des gens qui créons des problèmes
au niveau assurance sur les questions routière. Mais quand on est 45
camions sur une route, par exemple, qui transportent en forêt l'hiver,
puis que c'est tellement glacé par rapport à la chaleur de pneus
du haut chargement puis au nombre de voyages que le chauffeur ne peut
même pas débarquer de son camion, c'est un "suif", puis on nous
oblige à transporter là-dessus.
Même, on demande du sable. On demande du sable, cela ne
coûte pas cher du sable, le "loader" est dans le "pit", bien souvent. Il
y a un vieux ca-
mion qui est là, qui attend dans le "pit". On demande un voyage
de sable pour une mauvaise courbe et on ne nous en donne pas. On nous
lâche de même. On est sorti plusieurs, nous, par morceaux, de nos
cabines de camion, seulement par rapport à cela. Prenez
l'été. C'est encore pareil, la sécurité
routière, l'été, quand on charroie dans la
poussière et qu'on ne se voit pas à 50 pieds. On n'a pas à
se surprendre qu'il y ait des accidents graves et mortels. C'est mieux de
prévenir l'accident, d'après moi, que d'attendre que les gens
sortent du camion par morceaux.
M. Larivière: Oui, l'ANCAl, comme vous le mentionnez,
préfère négocier avec des individus. Est-ce parce qu'il y
a des meilleurs conditions ou...?
M. Dufour: Oui. C'est entendu, le gars qui est pris avec un
camion qui coûte $45 000 puis que la finance est à ses trousses,
il s'imagine qu'il va trouver une solution à son problème. S'il a
un voyage à transporter, il va le faire, peu importe le prix, il n'est
pas question de prix, mais il va peut-être pouvoir passer les termes. La
compagnie de finance va l'entendre, elle, parce que le fait qu'il est
déjà à l'ouvrage, elle va dire: II travaille, le camion,
on a une chance d'avoir des termes, sans s'informer si, réellement, il
travaille à un prix pour être capable d'en donner. On en a
plusieurs de ces cas-là qui sont disparus de la carte par rapport
à cela. Au niveau d'un mouvement, il faut essayer d'équilibrer
afin que le transport se fasse avec partage uniforme et avec un système
de rotation, comme on l'a déjà équilibré dans tout
le Québec.
Je comprends que la rotation n'est pas trop avantageuse, quand il n'y a
pas de travaux, mais elle est toujours plus avantageuse que quand ce ne sont
que les mêmes qui travaillent.
M. Larivière: Cela veut dire que si le contrôle
était donné à l'ANCAl, pour le bois, est-ce que,
d'après vous, cela pourrait régler le problème,
partiellement, du moins?
M. Dufour: Moi, personnellement, d'après mon
expérience depuis 35 ans dans le camionnage, je suis convaincu qu'on
résoudrait le problème à 75%.
M. Larivière: Merci, M. Dufour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président, je veux vous
remercier, M. Dufour, d'avoir présenté ce court mémoire.
Il ne témoigne pas, bien sûr, des heures que vous avez
données pour la préparation de ce mémoire et à
notre association. Tout le monde vous connaît assez, je pense, ici,
autour de la table, tant du gouvernement que de l'Opposition, pour savoir que
vous êtes un homme tenace. On sait que votre apparition, le printemps
dernier, avec l'Association des camionneurs, ici, a témoigné de
la nécessité pour vous de se faire reconnaî- tre par le
gouvernement, de faire accepter certaines données que vous vous
étiez fixées il y a quelque temps.
Je connais bien votre association, d'abord parce qu'elle a vu le jour
chez nous, dans mon comté, avec son premier président. Et ce sont
les 4000 membres que vous avez là, qui se sont dits unanimes, au
printemps, qui témoignent encore des mêmes revendications mais,
cette fois, au niveau du transport du bois.
Vous parlez, dans votre mémoire, de beau transport que les
compagnies se réservent. Est-ce que je pourrais avoir une brève
explication sur ce que vous entendez par beau transport?
M. Dufour: Beau transport, c'est que la compagnie commence au
printemps à faire de la coupe et à placer son bois sur les grands
chemins, sur les routes principales, les routes subventionnées,
pourrait-on dire, au niveau de la voirie forestière. Durant la saison
d'été, ce bois est transporté par les camions qui sont la
propriété de la compagnie ou de l'entrepreneur. Ce qui fait qu'il
y a une bonne majorité du bois qui est toujours avantageux. La raison
qu'on donne, c'est qu'à l'apparition des neiges à l'automne il va
falloir faciliter l'enlèvement de la neige. Cela fait que c'est
intéressant de transporter du bois sur une belle route de gravier; et,
encore un autre avantage, c'est qu'on transporte avec des numéros, ce
qui fait qu'on ne transporte pas sans mesurage. C'est très
intéressant.
M. Grenier: Les compagnies se gardent l'avantage de prendre le
beau transport et elles vous passent ce qu'il reste.
M. Dufour: Elles gardent la préférence en ce sens
qu'on nous demande en hiver, quand le bon Dieu a commencé à poser
son asphalte. On nous demande d'urgence, on demande 250 camions, quand, bien
souvent, 100 camions pourraient suffire. Mais on demande cela au hasard, par
des individus. Sans contrôle. Le type qui part de la région de la
Mauricie, pour descendre sur la Côte-Nord ou pour aller en
Gaspésie, il n'est pas au courant qu'il y a déjà quinze
camions qui sont partis de Charlevoix. Personne n'est au courant. On se
retrouve là, j'ai même vu dans un chantier au printemps des
camionneurs de la région des Bois-Francs, près de Sherbrooke,
laisser leurs pneus de rechange et leurs coffres d'outils après avoir
travaillé durant un mois et demi. Ils n'avaient pas été
capables de se faire assez d'argent pour remonter parce que cela aurait pris
à peu près 50 camions pour le chantier et qu'on en avait 125. Le
gars a toujours essayé d'améliorer son sort.
M. Grenier: Merci. Vous avez fait allusion, tout à
l'heure, aux amendes payées je peux vous dire que je suis un de
ces collectionneurs; il y a pas mal de camionneurs qui m'expédient leur
demande et je transfère cela au ministre de la Justice y a-t-il
des arrangements qui ont été pris? Y a-t-il des gens qui ont
dû payer leur amende en ce moment ou est-ce encore en attente et que le
ministre maintient toujours le statu quo?
M. Dufour: L'information que j'ai présentement, et je l'ai
récupérée quand nous avons manifesté devant le
parlement, c'est que toutes les amendes que j'aurais en main, je devrais aller
les porter à un responsable du ministère des Finances. Pour le
moment, il y aurait encore entente avec le ministre à savoir qu'il
étudiait une solution et ne lancerait pas encore l'affaire. Depuis ce
temps, je dois avoir au moins une trentaine de milliers de dollars de
déposés. Je n'en ai pas eu d'autres échos jusqu'à
maintenant, mais j'en ramasse encore. Il va falloir qu'un bon matin cela...
M. Grenier: C'est envoyé au ministère de la
Justice?
M. Dufour: Oui, justement.
M. Grenier: Ils vont vous donner une bénédiction.
Ils en ont déjà donné dans d'autres secteurs, je suis pas
mal convaincu qu'ils vont vous en donner une.
La nouvelle loi sur l'assurance automobile de Mme Payette est-elle en
mesure de vous aider considérablement dans votre secteur?
M. Dufour: Dans le moment, nous prévoyons que cela va nous
aider d'une certaine façon! C'est que nous allons payer à deux
endroits pour nous assurer parce que nous payons déjà à la
Commission des accidents du travail pour être protégés, et
là il va falloir payer à l'assurance de la mutuelle. Un autre
point que nous trouvons assez désavantageux, c'est qu'aujourd'hui nous
avons, avec l'association, une compagnie qui s'est spécialisée
dans l'assurance des camionneurs artisans et qui a le coeur assez large pour
attendre, sans intérêt, la prime du membre suivant le travail
qu'il est en train d'effectuer. Là, avec la nouvelle loi, nous allons
être obligés d'aller chercher nos plaques d'immatriculation
à $800, ou l'équivalent, l'un ou l'autre, à la caisse
populaire et par la même occasion prendre notre assurance. La caisse
populaire va peut-être nous l'avancer, mais certainement en payant des
intérêts. Tandis que là nous...
M. Grenier: Vous n'y voyez pas beaucoup d'avantages?
M. Dufour: Pas pour le moment.
M. Grenier: C'est étrange parce qu'elle avait dit que cela
avantagerait tout le monde. Cela me surprend!
M. Dufour: J'ai d'ailleurs présenté un
mémoire et j'ai eu à le commenter pour Mme Payette, le ministre.
Elle m'avait demandé de fournir un autre document qui pourrait donner
plus de détails sur les informations que je donnais tout à
l'heure au sujet des recommandations que nous avions faites dans le domaine de
la forêt par exemple, comme je le soulignais tout à l'heure, et en
même temps dans le domaine de la poussière, qu'on pouvait
prévenir ces choses-là et que c'était très facile.
Je n'en ai pas eu d'échos et cette fois-ci nous n'avons pas encore eu
d'invitation.
M. Grenier: M. Dufour, je dois vous remercier. J'aurai une
question à poser au ministre, mais comme cela ne concerne pas M. Dufour,
mais plutôt uniquement les pâtes et papiers, puis-je
réserver ma question pour quand M. Dufour aura terminé?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Orford.
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Pour ma
part, M. Dufour, je tiens aussi à vous remercier de défendre la
cause des nombreux camionneurs qui font partie de votre association.
Pourriez-vous me dire, parmi les 4000 camionneurs qui sont propriétaires
de véhicules, ceux qui font du transport en vrac, combien il y en a qui
font du transport de bois de pulpe?
M. Dufour: On en a un gros tiers des 4000.
M. Vaillancourt (Orford): Un gros tiers des camions qui font du
transport forestier.
M. Dufour: Justement. Dans le moment on vit dans
l'insécurité. On en a énormément qui ont de
l'équipement forestier et qui ont aussi de l'équipement gravier.
Encore là c'est un point qui est bien important chez nous par rapport au
capital investi. Il faut avoir, toujours avec l'insécurité, un
équipement forestier parce qu'on a des demandes en forêt et qu'on
n'a rien à faire dans le gravier. On se dit donc qu'on va aller gagner
en forêt. On s'organise en équipement.
Chez nous on a toujours prétendu que si on trouvait une
sécurité assez intéressante on pourrait... Il y a des gens
qui se spécialisent dans le travail forestier. Pour commencer,
aujourd'hui, avec les chargeuses, la mécanisation nous crée des
problèmes aussi. On se spécialise en travail forestier, mais les
chargeuses sont rendues aujourd'hui à $40 000, $45 000. Les compagnies
nous demandent d'avoir une chargeuse qui a environ 26 ou 27 pieds de "boom",
qui peut faire le bois de quatre pieds, de huit pieds ou le bois à la
longueur.
Si on a une chargeuse qui est en deçà de ces normes, les
compagnies nous disent que c'est trop petit. Nous, on va s'en acheter une. On
va s'acheter une Drott. Je comprends qu'elles sont en mesure de s'en acheter.
Je connais les compagnies. Je suis allé sur les lieux. Je les ai vues.
J'ai fait le tour de la machinerie: j'ai vu huit, dix machines de $100 000 ou
$150 000 qui ont été livrées sur les lieux et qui n'ont
pas commencé de travailler en forêt encore. Cela fait un an
qu'elles sont là. On peut s'organiser. C'est très facile de
"dégrever" avec de la machinerie. Nous, on en a seulement une en main.
Cela ne "dégrève" pas avec extravagance. Lorsque ces machines
arrivent et qu'on n'a pas l'équipement voulu, les compagnies nous disent
qu'elles ne peuvent pas prendre les camionneurs. Ils ne sont pas
équipés. Quand on
sera assurés d'une sécurité de travail et de la
quantité de cordes de bois qu'on pourra négocier, je me charge,
avec le mouvement, de leur garantir le service qu'elles attendent; un service
qu'elles n'ont peut-être jamais eu. On peut tous porter des blâmes
là-dessus, mais on est en mesure de donner le service. On a la
machinerie en main pour le faire.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que votre association
négocie les prix pour le transport du bois avec les compagnies ou avec
les commerçants...
M. Dufour: On ne peut pas négocier avec les
compagnies.
M. Vaillancourt (Orford):... les offices de mise en
marché? Avec qui négociez-vous les prix du transport pour vos
membres?
M. Dufour: Dans le moment, on a tenté, avec la commission
des transports de fournir des mémoires, avec des preuves à
l'appui qu'un taux de transport aujourd'hui, avec le coût de la
machinerie était., je ne peux pas vous donner cela de mémoire, on
a cela sur document. Ce sont ces taux qui sont présentés. Comme
nous nous sommes battus à la Commission des transports pour avoir des
taux étudiés avec preuves à l'appui, on ne peut pas aller
en bas de ces taux pour le moment. Justement, on avait déjà des
taux qui avaient été obtenus après avoir été
débattus, et des membres sont venus individuellement s'offrir à
des prix moindres. On n'a pas été capable de baisser en bas des
taux de la commission par respect pour cette dernière. On a perdu des
quantités de transport assez importants.
D'ailleurs, il se fait du transport illégal. On en a un qui se
fait actuellement entre parenthèses, ce n'est pas dans la
forêt allez-vous me dire, mais cela a été prouvé par
les officiers de circulation qui est hors des normes de la Commission
des transports... Il se transporte 150 000 tonnes de minerai, qui partent de
Charlevoix pour Bécan-cour, par une compagnie qui n'a pas le droit de le
transporter. On passe par dessus. Nous on est devant les cours. Il faudrait
faire la guerre. Or on n'est pas des guerriers, vous le savez car on vous l'a
prouvé ici à Québec en avant du parlement. Cela aurait
été facile pour un de nos camionneurs de se tromper, de "cramper"
du mauvais bord, descendre des lampadaires et toutes sortes de choses avec les
machines de 40 pieds qu'on avait. Comme on n'a pas cela dans le sang, on a agi
comme des honnêtes hommes. C'est la même chose qu'on fait encore.
On respecte les normes de la commission. On perd du transport. On voudrait que
les gens se penchent là-dessus. Vous devez le savoir.
M. Vaillancourt (Orford): Tout à l'heure, vous parliez de
la formule du calcul pour le chargement. Au lieu que ce soit à la
pesanteur, que ce soit à la mesure...
M. Dufour: A la mesure apparente. M. Vaillancourt (Orford):
... apparente.
M. Dufour: Tel que la Commission des transports l'a
décidé.
M. Vaillancourt (Orford): Avez-vous commencé un dialogue
avec le ministère des Transports pour qu'une telle formule soit
acceptée sur les...
M. Dufour: Cela a été commencé
l'année dernière, ce dialogue, par l'ancien ministre des
Transports qui avait nommé quelqu'un qui a fait le rapport Frigon.
D'ailleurs, cela a commencé par un blocage sur la balance de Charny et,
là, cela a été bloqué, arrêté. Mais,
la semaine dernière, j'apprenais, par ses fonctionnaires que le ministre
avait l'intention de remettre le rapport Frigon à l'étude, ce
serait la continuation du rapport Frigon.
M. Vaillancourt (Orford): Vous êtes encore en
négociation. Si je comprends bien, ce n'est pas encore
accepté.
M. Dufour: Non, nous ne sommes pas en négociation, mais
c'était l'intention du ministre et cela s'est
présenté au bureau que le rapport Frigon devait se
poursuivre.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que le comité Frigon
étudie ce problème actuellement pour faire des recommandations au
ministre des Transports ou s'il n'y a absolument rien qui se fait dans le
moment?
M. Dufour: Non, dans le moment, ils ne l'étu-dient pas. Il
n'y a rien dans le moment; il doit y avoir des rencontres prochainement.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que de telles formules existent
dans d'autres pays ou dans d'autres provinces?
M. Dufour: Là, je ne pourrais pas vous dire si cela
existe, par exemple.
M. Vaillancourt (Orford): Votre association n'a pas fait ces
recherches.
M. Dufour: On a quelqu'un. Me Béliveau, notre conseiller
juridique avait fait une tournée à cet effet. Si ma
mémoire est bonne, je pense qu'il m'avait dit qu'il n'avait
rencontré absolument rien qui était régi par un genre
d'association comme le nôtre.
M. Vaillancourt (Orford): Mais sans que ce soit une association,
vous n'êtes pas au courant si la formule visant à se baser sur la
quantité pour calculer un chargement au lieu de se baser sur la
pesanteur, existe ailleurs, dans d'autres provinces ou aux Etats-Unis.
M. Dufour: Je ne suis pas au courant du tout.
M. Vaillancourt (Orford): Vous savez, si le gouvernement met en
application une telle politique de chargement, il y a des camions qui ont
à traverser certaines frontières et il peut y avoir des dangers
de chargements trop lourds.
M. Dufour: Si on s'en tient à ce dont j'ai pris
connaissance en rapport avec la loi des pesanteurs, on dit que le Québec
permet déjà quelques 100 livres de plus que les pesanteurs
exigées par les autres provinces.
M. Vaillancourt (Orford): Cela donne une certaine latitude.
M. Dufour: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Merci, je n'ai pas d'autres
questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, au nom des membres de la commission, de votre participation
à cette commission parlementaire. Vous pouvez être
considéré comme le dessert de la commission, puisque c'est le
dernier intervenant à présenter son mémoire. Comme le
ministre a droit à une déclaration de fin de commission, je
cède la parole au ministre des Terres et Forêts.
M. Grenier: M. le Président, si vous me le permettez,
puisque le ministre est le dernier intervenant, je voudrais lui poser une
question qui regarde les pâtes et papiers. Je pourrais la garder pour la
Chambre cet après-midi, mais j'aimerais avoir les renseignements tout de
suite. On vient de m'informer que le bag-mill de Domtar, à East Angus,
se propose de fermer; cette partie de l'usine emploie 125 employés. Une
réunion est convoquée pour ce soir et on voudrait regrouper
à Windsor l'usine de sacs à papier de Domtar d'East Angus.
Avez-vous eu un avis de fermeture ou aimez-vous mieux prendre connaissance de
la question et me répondre cet après-midi?
M. Bérubé: C'est la première information que
j'ai. Il y a une négociation de vente pour la partie concernant la
fabrication de sacs.
M. Grenier: Oui, elle s'est faite à Atlantic, Domtar a
vendu à Atlantic, c'est fait mais maintenant, Atlantic se prépare
à fermer et transporter son personnel, pas le personnel,
peut-être, mais ses machineries à Windsor pour tâcher
d'exploiter à Windsor en modernisant, j'imagine, un peu
là-bas.
M. Bérubé: Ecoutez, cela se limite à des
rumeurs parce qu'effectivement, nous n'avons eu aucune information à cet
effet.
M. Grenier: Que cela a été fermé.
M. Bérubé: La seule information que nous avons,
c'est la vente de la...
M. Grenier: C'est acquis. C'est fait. Mais vous n'avez pas d'avis
de fermeture d'Atlantic pour sacs à papier Domtar.
M. Bérubé: Pas à ma connaissance. M.
Grenier: Merci.
Conclusions
M. Bérubé: M. le Président, nous venons de
vivre, je crois, une dizaine de jours très denses qui nous ont
obligés à nous pencher sur un secteur vital de notre
économie. C'est le secteur de l'industrie des pâtes et papiers. Je
pense qu'il convient, à la fin de cette commission, de tenter de revoir
rapidement peut-être les aspects clés de cette commission, de
tirer un certain nombre de conclusions qui ne sont pas nécessairement
vérifiées, mais qui sont au moins basées sur les
mémoires qui nous ont été soumis.
Je crois qu'en cette fin de commission, il nous faut reconnaître
un certain nombre de problèmes. D'une part, je crois que l'industrie des
pâtes et papiers au Québec n'a pas saisi l'occasion, il y a
quelques années, alors que le Québec contrôlait les prix,
de faire de notre industrie une industrie plus moderne et agressive qui aurait
pu s'assurer la large part du marché qu'elle occupait il y a 25 ans.
Nous devons reconnaître que les exportations québécoises
sont stables, en particulier sur les marchés européens et
latino-américains puisque nous occupons, sur ces marchés, environ
1% de la demande, et cela depuis 1965 jusqu'à nos jours.
Donc, nous n'avons pas véritablement effectué de
percée significative sur ces marchés. De la même
façon, aux Etats-Unis où, de 1968 à 1976, la part du
marché que nous occupons est toujours limitée à 30%, il
faut souligner que, de 1950 à 1976, cette part est passée d'une
cinquantaine de pour cent à 31%. Quant aux Américains, depuis
1968, la part du marché qu'ils ont développée est
passée de 31% à 36%. On peut même souligner, à des
chiffres qui nous ont été soumis, qu'en fait c'est bien
l'industrie québécoise, canadienne et non
québécoise qui a supporté, en fait, le gros de la
récession de 1974-1975.
Face à cette situation de l'industrie québécoise,
nous avons assisté à une montée de l'industrie Scandinave.
Ces producteurs se sont graduellement retirés des marchés
américains puisque s'ils fournissaient 3,1% de la demande en 1968, ils
n'en fournissent, en 1976, que 0,6%. La même chose en Amérique
latine. Par contre, on peut affirmer qu'ils ont littéralement pris le
contrôle du marché européen, du Royaume-Uni, où
leurs volumes d'exportation sont six fois plus élevés aujourd'hui
qu'en 1955.
Les causes de ce recul relatif de l'industrie québécoise,
je pense, nous ont été soulignées par la plupart des
intervenants. Ainsi, on nous a rap-
pelé que les coûts du bois ceci ne peut pas
être nié depuis 1973, ont augmenté de 15,7% par
année, que le bois rond coûte aujourd'hui $65 le cunit sur la
forêt publique québécoise contre, pour le pin du Sud des
Etats-Unis, un prix de $37 le cunit. Donc, au niveau de l'approvisionnement en
bois, le Québec semble défavorisé face à son
concurrent important du Sud des Etats-Unis.
Quant aux prix des copeaux, il est de $55 la tonne ceci nous a
été souligné au Québec contre environ $14 la
tonne dans le Sud des Etats-Unis. Il semble donc probablement juste de dire que
la matière ligneuse au Québec représente de $20 à
$25 de plus par tonne.
Quant au problème de la main-d'oeuvre, il nous faut souligner
aussi que, depuis 1973, ce coût est augmenté de 16% par
année. En 1966, les salaires canadiens étaient d'environ 3%
inférieurs aux salaires américains. Ils étaient nez
à nez en 1969 et ils les ont dépassés de 29% en 1976.
Donc, à productivité égale, sans doute, l'assertion par la
plupart des industries qui ont témoigné ici est juste en ce sens
que la main-d'oeuvre au Québec doit représenter peut-être
de $15 à $20 la tonne de plus qu'aux Etats-Unis.
Cependant, le coût d'énergie qui est augmenté,
depuis 1973, de 21,5% par année ne semble pas un problème majeur,
pour autant que l'industrie est concernée, puisque les chiffres qu'on
nous a présentés soulignent que l'énergie
électrique demeure deux fois moins chère ici que dans la
majorité des Etats américains, dont la Virginie, ce concurrent
dont on s'est plu à rappeler les avantages comparatifs. Donc, dans le
domaine de l'énergie, pour autant que les procédés actuels
sont concernés, nous bénéficions toujours d'un avantage
comparatif qui représente de $5 à $10 la tonne.
Egalement pour l'instant, mais doit-on s'en vanter? Les coûts pour
la protection de l'environnement sont moins élevés au
Québec que partout ailleurs au monde, du moins en Scandinavie et aux
Etats-Unis, pour la simple raison que nos normes sont moins
sévères; et, non seulement sont-elles moins
sévères, mais elles ne sont pas respectées en plus.
Nous avons également à faire face à des coûts
de transport. Pour la plupart des industries et, peut-être de
façon plus spécifique, la compagnie de M. Lemaire, à
Canano, nous l'a rappelé en détail les coûts de
transport semblent substantiellement plus élevés au Canada qu'ils
ne le sont aux Etats-Unis. Néanmoins, on souligne qu'un jugement rendu
le 16 décembre 1975 par l'Interstate Commerce Commission n'a pu
démontrer que les tarifs de transport exigés par les compagnies
de chemin de fer américaines étaient supérieurs ou
inférieurs pour les usines canadiennes par rapport aux usines
américaines.
Donc, ce problème du transport n'est peut-être pas
définitivement résolu, mais il nous paraît néanmoins
que les plaintes qui nous sont adressées doivent être
vérifiées et doivent certainement faire l'objet de rencontres et
de discussions avec le gouvernement canadien et avec les compagnies de chemin
de fer impliquées.
Une remarque de l'industrie qui est revenue continuellement est que
l'industrie ne génère pas suffisamment de profits pour justifier
des programmes d'investissement. L'industrie se plaint de ne pouvoir emprunter
que ce qui est suffisant pour augmenter sa capacité de production; quant
au simple entretien des usines existantes, elle arrive tout juste à
réinvestir la dépréciation. Or, comme la
dépréciation, évidemment, en dollar constant,
représente chaque année une valeur qui décroît, cela
veut donc dire qu'à part les augmentations de capacité,
l'industrie québécoise, aux dires des industriels et
d'après les chiffres qu'ils nous ont soumis, serait dans une situation
telle que leurs usines continuent de vieillir.
L'industrie s'est plainte d'un rendement moyen sur les actifs de l'ordre
de 5,8%, mais il faut néanmoins souligner que ce rendement sur les
actifs n'est pas tellement différent du rendement moyen sur les actifs
d'autres industries. Probablement que si le rendement avait été
calculé sur l'avoir des actionnaires, on aurait trouvé des
chiffres qui ne sont peut-être pas si différents d'un placement
dans une banque ou d'un placement à long terme sur une obligation. Donc,
cet aspect de la rentabilité de l'industrie mérite d'être
fouillé à la lumière des chiffres qu'on nous a fournis; je
pense que nous devrons nous y pencher et vérifier l'assertion de
l'industrie.
Néanmoins, l'industrie semble bien souligner qu'elle n'arrive pas
à emprunter ce matin, l'entreprise de M. Kruger a
réitéré cette assertion pour moderniser et elle ne
semblerait pas capable de générer suffisamment de profits pour
moderniser.
Cependant, tous les éléments qui nous ont
été présentés ne nous permettent pas d'adopter une
attitude absolument pessimiste. Plusieurs aspects positifs ressortent de cette
commission. Ainsi, il me paraît que le problème des relations du
travail pourrait s'améliorer dans l'avenir. J'ai apprécié,
en particulier, le fait que deux compagnies Domtar et QNS
acceptent de donner accès à des données financières
à leurs employés. Cette demande a été faite par un
syndicat comme la CSN et je pense qu'elle est fondée.
Il me paraît extrêmement difficile et cette
commission l'a prouvé en demandant à la société
Consol de bien vouloir déposer un bilan pro forma pour qui que ce
soit, syndicats comme parlementaires, comme gouvernement, de porter un jugement
sur la situation d'une industrie et de négocier en connaissance de
cause, si on n'a pas en main les éléments nous permettant de
savoir si nous allons trop loin ou si nous n'allons pas assez loin dans une
négociation. Donc, cela m'apparaît un geste positif de la part de
certaines entreprises; il ne fait aucun doute que d'autres entreprises ne
partagent pas cette attitude.
Egalement, je pense qu'Abitibi-Price nous parle d'un programme de
communications permanentes pour améliorer le dialogue avec les
employés. Effectivement, ce problème de la communication
permanente nous paraît essentiel. Egalement, je pense que je me dois de
revenir sur un avantage économique important qu'a soulevé la
société F.F. Soucy, soit celui de transformer nos usines
de production de pâte, en adoptant de nouveaux procédés qui
maintenant ont fait leurs preuves et qui sont mûrs.
M. Lemaire, au nom de la société Cabano, devait nous
souligner que, si dans certains secteurs, comme le séchage, il y avait
peut-être encore place pour de l'amélioration technologique, dans
le domaine de la production de pâtes on peut penser au
thermomécanique ou à des procédés comme celui que
la CIP est en train d'implanter à Gatineau il y a place pour de
nouveaux procédés qui utilisent jusqu'à 40% moins de
matière ligneuse, donc qui ramèneraient nos coûts de
matière ligneuse à un coût comparable à celui du sud
des Etats-Unis, puisque nous aurions des usines consommant moins de bois. Si
notre bois coûte plus cher, ceci compense.
Egalement, nous aurions des usines qui pollueraient moins, qui
pourraient répondre aux objectifs des services de protection de
l'environnement, qui auraient une productivité supérieure et qui,
par conséquent, nous permettraient tout probablement de
bénéficier d'avantages comparatifs importants. En effet, la
société F.F. Soucy devait souligner que, dans ses nouveaux
procédés, étant donné l'élimination de
coûts de produits chimiques, en particulier l'électricité
prenait une part importante et on pouvait uniquement, dans les conditions
actuelles du marché donc, compte tenu de l'avantage que nous
donne le dollar canadien produire du papier au Québec à
$12 moins cher qu'un compétiteur américain, ce qui était
contraire à l'assertion d'à peu près toutes les autres
compagnies.
Donc, il existe présentement des possibilités de
transformation de nos usines en adoptant des procédés modernes et
je pense que là-dessus il y a une ouverture pour l'avenir.
Quant au problème des relations du travail, je pense que non
seulement l'industrie, du moins certaines industries semblent manifester un
début d'ouverture. Je pense que, du côté du syndicat, de
ceux que nous avons entendus, du moins, il existe également une
ouverture, une ouverture d'esprit. Je crois que la démarche du
comité ad hoc d'East Angus fait ressortir un esprit nouveau qui veut
que, désormais, l'industrie soit une part intégrante de
l'activité d'une communauté, que l'industriel ne peut pas se
départir d'une certaine responsabilité sociale, mais
également que c'est toute la société qui a des
responsabilités face au développement économique et que ce
n'est pas simplement l'industriel.
Les travailleurs, dans le cas de la East Angus, ont accepté des
sacrifices considérables, et ceci impose à l'industrie une
certaine responsabilité face aux sacrifices qu'acceptent les
travailleurs. La CSN a offert sa participation à un comité
permanent qui sera un genre de comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Cela aussi m'apparaît fondamental. Je pense que le
dialogue doit être poursuivi en impliquant le gouvernement et en
impliquant toutes les parties. Il nous apparaît qu'il faudrait prolonger
ce type de relations.
Il semble donc exister non pas une unanimité des intervenants, ce
serait faux de vouloir prétendre à une telle unanimité,
mais il semble exister une bonne volonté de rechercher des solutions en
ce qui concerne cette industrie extrêmement vitale pour notre industrie.
Les syndicats demandent à être informés, certaines
industries proposent d'informer. Nous sommes peut-être au tout
début d'une ère nouvelle dans ce domaine. L'industrie
québécoise doit reprendre sa place de chef de file sur le
marché mondial.
Nous devons certainement réfléchir au problème du
coût de la main-d'oeuvre, non pas nécessairement en
réduisant les salaires, mais peut-être en augmentant la
productivité. Nous devons certainement réfléchir aussi
à des échelles de salaire qui tiennent compte de la
productivité de notre industrie, et que nos salaires doivent être
compatibles avec notre compétitivité, sinon on ne peut
éviter les fermetures. Il est donc absolument inutile de se voiler la
face, de parler de modernisation, de s'opposer à des fermetures d'usines
et, en même temps, de réclamer des conditions de travail ou des
conditions de prix de bois ou autres qui dérentabilisent notre
industrie. C'est donc par l'ensemble des intervenants qu'on peut arriver
à rendre notre industrie compétitive et il faut, je pense, en
toute lucidité, examiner les problèmes tels qu'ils nous sont
posés.
Concernant le coût du bois, il me paraît assez
évident qu'il faut rapprocher les usines de la forêt, de
manière à diminuer le coût du transport et à
diminuer le coût du bois livré à l'usine.
Il nous faut continuer à stimuler la recherche technologique de
manière que notre industrie reste à la fine pointe. Il nous faut,
dans le cas des papiers fins, je pense, commencer à examiner le
problème de la rationalisation de la production et sans doute, pour
l'instant, en tous les cas, rechercher une protection tarifaire, au moins un
maintien des barrières tarifaires existantes, de manière à
ne pas sacrifier les usines que nous avons.
Il nous faudra profiter le plus possible des avantages que nous offre le
coût de l'énergie au Québec. Il nous faudra penser à
utiliser également les papiers rebuts.
En gros, je pense que la solution de l'industrie des pâtes et
papiers a paru, au cours de cette commission, comme devant relever de trois
intervenants: de l'industrie, sans doute au premier chef, des travailleurs,
mais également du gouvernement. Celui-ci devra sans doute intervenir, si
on veut passer un cap difficile, mais qui doit être passé, si on
veut que demain nous puissions bénéficier à nouveau d'une
industrie dynamique qui soit à l'origine d'un développement
économique prospère au Québec.
M. Grenier: Juste avant de terminer je voulais, au nom de
l'Opposition officielle... Je pense que, si le ministre avait eu deux minutes
de plus, il aurait remercié l'Opposition pour son travail autour de la
table, et je sais qu'il aurait dit sûrement comment l'Opposition a
été positive dans ses suggestions. Pour ma part, je peux vous
dire que cette
commission dirigée par le ministre était non seulement
utile, mais essentielle aux membres de cette commission. L'éclairage que
nous avons, qui nous est venu des compagnies et des employés, de tous
ceux que nous avons rencontrés, était nécessaire pour en
arriver à faire des propositions au gouvernement.
Nous avons voulu, de ce côté-ci de la table, y aller de
suggestions régulièrement et de permettre au gouvernement d'avoir
un éclairage plus important sur les problèmes qu'ensemble nous
envisageons. Je veux vous remercier, au nom de notre parti, pour ces
exposés qui nous ont été faits et d'avoir permis de
fournir à l'ensemble des Québécois des
éléments de solution aux problêmes qu'ensemble nous
envisageons. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et en ce
qui me concerne, avant d'ajourner sine die les travaux, merci à tous les
membres de la commission pour la collaboration que vous avez apportée
à la présidence. Merci beaucoup.
Les travaux de la commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 13 h 4)