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Etude des problèmes de
rentabilité
de l'industrie des pâtes et papiers
du Québec
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont
M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M.
Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en
remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M.
Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M.
Grégoire (Frontenac), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) en remplacement de M.
Joron (Mille-Iles); M. Vaillancourt (Orford) en remplacement de M.
Larivière (Pontiac); M. Gosse-lin (Sherbrooke) en remplacement de M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M.
Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert
Baldwin), M. Perron (Duplessis).
Messieurs de la compagnie Masonite, je m'excuse de ce retard, le quorum
venant seulement d'être atteint; le quorum de la commission, pour votre
information, comprend neuf membres avec la présidence.
M. Grenier: Est-ce qu'on peut avoir l'horaire de la
journée, si ce n'est pas trop demander? Est-ce qu'on peut avoir au moins
les dossiers de la journée, si on ne peut pas avoir ceux de la
semaine?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
finirons d'entendre le mémoire de la compagnie Masonite Canada
Limitée. Par la suite, nous entendrons le Comité ad hoc pour la
survie de l'usine d'East Angus, Domtar Limitée, le Centre de recherches
en pâtes et papiers de l'Université du Québec à
Trois-Rivières, la compagnie de papier Q.N.S. Limitée et la
compagnie de papier Rolland Limitée.
Le programme de la journée me semble passablement chargé;
pour cette raison, je demanderais à nos interlocuteurs de bien vouloir
commencer immédiatement, s'il vous plaît.
Masonite Canada Limitée (suite)
M. Laroche (Bruno): M. le Président, hier, nous avons fait
la lecture d'une partie de notre mémoire qui pourrait peut-être se
résumer ainsi: La compagnie Masonite Canada Limitée est un des
plus grands manufacturiers de produits dans l'industrie de la construction au
Canada; elle utilise en grande partie les produits secondaires des scieries en
plus de faire le déroulage de plusieurs essences de bois, la plus
importante, pour la rentabilité de l'usine, étant le bouleau.
Nous fabriquons également le contre-plaqué de bois franc.
Les allocations de bois franc, pour la production du placage de bouleau,
ne sont pas suffisantes et nous avons suggéré que seuls les
usagers les plus efficaces puissent s'approvisionner en bois de
déroulage sur les terres publiques et, deuxièmement, qu'on
considère sérieusement l'adoption de méthodes
d'exploitation forestière intégrées susceptibles de donner
un meilleur rendement en produits de haute valeur; troisièmement, que
les spécifications, pour la classification des billes de
déroulage, soient révisées.
Dans le passé, Masonite utilisait surtout le bois rond
d'épinette, de pin gris et de bouleau jaune pour approvisionner ses
usines. Le bois à pâte était transformé en copeaux
pour la fabrication de panneaux rigides et isolants et les billes de bouleau
étaient transformées en placage et en contre-plaqué. Avec
la technologie actuelle, tous les bois mous, sauf le cèdre, peuvent
être utilisés dans la production des panneaux rigides, mais aucun
bois franc; par contre, pour la production de panneaux isolants, les bois
francs et les bois mous peuvent être utilisés soit sous forme de
copeaux ou de sciure. Le bois mou est préféré à
cause de sa faible densité et sa proportion est maintenue à 70%
ou plus pour des raisons de qualité du produit.
A l'avenir, puisque la compagnie ne peut utiliser les copeaux de bois
franc pour la fabrication des panneaux rigides, elle aura, à court
terme, des difficultés à obtenir l'approvisionnement
nécessaire en copeaux de bois mou provenant des scieries locales qui
produisent à la fois des copeaux de bois dur et mou. Ceci est un
problème de peu d'importance lorsqu'il est comparé à la
prévision du manque d'approvisionnement en bouleau de
déroulage.
Pour le moment, il ne semble pas y avoir beaucoup de possibilités
de substitution acceptables pour ce genre d'approvisionnement. L'érable,
qui en est une, ne peut servir que pour une qualité inférieure de
placage et sa disponibilité est sérieusement limitée par
la minéralisation et par les difficultés de mise en marché
de ce bois. Ceci signifie que la valeur du placage de bouleau devrait augmenter
et que les bois francs du Japon, de l'Amérique du Sud et de l'Afrique
vont probablement prendre une part plus importante du marché.
Concernant les méthodes d'approvisionnement, Masonite ne fait pas
d'exploitation forestière. La CIP s'occupe de la production du bois de
rond et de l'achat de toute matière ligneuse nécessaire à
l'approvisionnement des usines. La plupart des copeaux sont achetés en
vertu d'un contrat à court terme (moins de deux ans) avec les
industriels du sciage. Il n'existe pas de contrat pour les sciures provenant
des scieries ou pour les billes achetées des propriétaires de
forêts privées.
La grande partie des billes de déroulage est allouée
à Masonite par le gouvernement pour des périodes de trois ans.
Masonite ne prévoit aucun changement dans ses méthodes
d'approvisionnement pour l'avenir.
Quant au contrôle de l'approvisionnement, Masonite ne
possède ni ne loue aucun territoire forestier et n'a aucun contrat ferme
d'approvisionnement avec le gouvernement. Toutefois, son approvisionnement en
bois provenant des terres publiques est assuré en vertu d'un plan
d'allocation de la matière ligneuse établi par le gouvernement,
après discussion avec les concessionnaires pour des périodes de
trois ans.
Concernant le coût du bois, celui-ci représente en moyenne
38% du coût du placage dans l'usine de placage et de
contre-plaqué, 23% dans l'usine de panneaux rigides et 6,4% dans l'usine
de panneaux isolants.
Le coût du bois de placage est élevé parce qu'il
provient du bois rond et non des sous-produits ou des résidus et parce
que la quantité d'approvisionnement disponible est limitée.
Les coûts de transport représentent environ 10% du
coût du bois dans le cas des billots de déroulage, 25% dans le cas
des copeaux de scieries et 85% dans le cas des sciures et autres rebuts de
bois.
Examinons maintenant les divers aspects de la fabrication. Les
installations de la compagnie sont situées à Gatineau, elles
occupent une superficie totale de quelque 810 000 pieds carrés, incluant
l'aire d'entreprosage des matières premières et des produits
finis et les usines. Les usines de production elles-mêmes occupent
quelque 520 000 pieds de plancher, et sont complètement desservies et
protégées par un système élaboré de
protection contre le feu.
Masonite jouit d'excellentes conditions de transport; ses usines sont
toutes accessibles par camion ou par chemin de fer. L'approvisionnement en
électricité, en gaz naturel et en vapeur est sûr et
pourvoit à tous les besoins.
Les bâtiments eux-mêmes sont en excellente condition,
grâce à un programme continu d'entretien. Les eaux usées
dont toutes canalisées vers le système de clarification de la
CIP.
Les cours à bois sont adéquates; elles sont munies d'un
système central de mesurage et desservies par des pièces mobiles
d'équipement lourd.
Une installation pour le déchargement des camions de copeaux a
été mise en service récemment et le procédé
de déchiquetage est en voie d'être modifiée à
l'usine de panneaux rigides, afin de nous permettre d'utiliser une plus grande
partie de rebuts de bois.
Toutes les billes de déroulage sont protégées
durant les mois d'été, dans la cour de l'usine de placage et
contre-plaqué, par un système d'arrosage.
Masonite n'a aucun plan immédiat d'expansion de ses usines.
Cependant, ta compagnie se propose de continuer à investir quelque $300
000 à $400 000 par année pour maintenir les usines dans leur
état actuel.
Dans le budget d'investissement, quelque $450 000 seront affectés
à l'amélioration des cours à bois et de
l'équipement au cours des trois prochaines années. Nous ne
pouvons dire qu'une grande partie de l'équipement de base est
très spécialisée. Lorsqu'une pièce
d'équipement n'est pas disponible dans la province, elle est
achetée dans une autre province ou dans le pays d'origine. Lorsqu'elle
est disponible et que les autres aspects de l'achat sont comparables, on
achète la pièce produite au Québec.
Les programmes de modernisation comme tels ne garantissent pas
automatiquement le succès. On pourrait citer des exemples d'usines
modernes qui ont connu des problèmes financiers
considérables.
Toutefois, dans le mémoire, nous avons décrit en
détail les plans que nous avons établis en vue de moderniser
l'équipement des trois usines, au cours des cinq prochaines
années. Quant au processus de transformation, nous traiterons
successivement de l'utilisation des résidus, de l'énergie, du
personnel et de la recherche. Au niveau de l'utilisation des résidus et
des matériaux recyclables, Masonite fait présentement une
étude concernant le potentiel d'utilisation des boues, dans la
fabrication des panneaux rigides et des panneaux isolants.
Les solides en suspension qui proviennent de la fabrication de panneaux
rigides passent actuellement par le clarificateur d'eaux usées. Pour le
moment, nous n'entrevoyons pas la possibilité d'utiliser ce
matériel à l'usine de panneaux rigides, mais il y aurait
probablement moyen de le récupérer, du moins en partie, à
l'usine de panneaux isolants principalement dans la fabrication de
revêtements isolants. Cette question est à l'étude avec le
projet d'utilisation des boues.
La compagnie utlise actuellement le papier journal recyclé dans
la fabrication des panneaux de laine minérale. Lorsqu'un nouvel
équipement de mélange sera installé, des quantités
beaucoup plus grandes de ce matériel seront utilisées.
Présentement, les possibilités d'utilisation des matériaux
recyclables sont limitées dans la fabrication des panneaux rigides,
compte tenu de la technologie actuelle et du système de
préparation des stocks. Cependant, toutes les retailles, toutes les
sciures et tous les rebuts de cette opération sont recyclés.
Au niveau de la conservation de l'énergie, nous avons des
programmes qui nous ont permis de réduire la consommation de la vapeur
dans nos usines, et nous continuerons à y investir des sommes
nécessaires afin de continuer à nous améliorer dans ce
domaine.
Concernant les recherches de nouvelles sources d'énergie, on
croit que les résidus, l'écorce et les boues, présentent
de grandes possibilités.
Même si Masonite n'est pas un producteur d'énergie, la
vapeur étant achetée de l'usine de papier journal de CIP, la
compagnie s'intéresse à cette question à titre de
consommateur important de vapeur. Masonite travaille à un projet
conjoint pour bâtir une chaudière additionnelle pouvant consommer
le plus grand volume de ces sous-produits.
Au niveau du personnel, Masonite Canada Ltée dépense
beaucoup de temps, d'efforts et d'argent. Une grande partie des gains de
productivité au cours des années récentes est due
direc-
tement à l'amélioration et à la compétence
de tout son personnel au moyen des programmes de formation à tous les
niveaux et à l'implication directe des travailleurs dans une approche
collective à la solution des problèmes.
Le recrutement et la stabilisation de la main-d'oeuvre n'ont posé
aucune difficulté majeure jusqu'ici pour les raisons mentionnées
plus haut. Actuellement, la main-d'oeuvre, au Québec, est
constituée de 881 personnes.
En général, les relations entre la direction et les
ouvriers sont excellentes dans les trois usines de Gatineau. Les
employés de l'usine de placage et contre-plaqué, quoique moins
bien rémunérés, en moyenne, que ceux des usines de
panneaux rigides et de panneaux isolants, reçoivent tout de même
les plus hauts taux horaires dans cette industrie au Québec.
Un programme complet de modernisation pour la fabrication du placage a
été appliqué au cours des neuf dernières
années à l'usine de placage et de contre-plaqué, et
celle-ci est devenue une des usines les plus modernes et les plus efficaces du
genre en Amérique du Nord. La productivité y augmente
constamment.
Bien que l'équipement de base à l'usine de panneaux
rigides soit essentiellement le même que celui qui fut installé il
y a quelques années, la productivité y a aussi augmenté de
façon constante au cours des cinq ou six dernières années.
En fait, elle est probablement l'une des usines de panneaux rigides les mieux
entretenues au Canada. La simplification des lignes de produits, les
investissements, en particulier dans la finition du produit, et une
main-d'oeuvre très motivée ont contribué à
l'augmentation constante des niveaux de productivité.
Dans l'usine de panneaux isolants, la productivité est aussi
à la hausse. L'approche, dans cette usine, a consisté à
développer d'abord une équipe de direction forte à
résoudre les problèmes de base de production avant de
procéder à la modernisation. La tendance à la hausse de la
productivité a été surtout, jusqu'ici, le résultat
d'améliorations des horaires et de la planification du travail, et de la
grande motivation de la direction et des travailleurs.
Le coût de la main-d'oeuvre a un effet significatif sur la
rentabilité. Exprimé en pourcentage du coût direct de
fabrication, il est présentement de 25% à l'usine de panneaux
rigides, 28% à l'usine de placage et contre-plaqué, et 39%
à l'usine de panneaux isolants.
Au niveau de la recherche et du développement, Masonite jouit
d'excellentes possibilités et les efforts, dans ce domaine, sont
coordonnés par le directeur de la recherche et du développement
de la compagnie. Il lance des projets de recherche et maintient des liens
étroits avec la direction de la compagnie. En retour, il est soutenu par
le personnel technique de chaque usine.
Les programmes de recherche de Masonite Canada Ltée se composent
essentiellement de vérification de la qualité de la production,
de recherche de nouveaux marchés et d'essai de nouveaux produits.
L'investissement annuel dans ce domaine est de l'ordre de $400 000. Finalement,
considérons la mise en marché des usines de panneaux rigides et
de panneaux isolants de masonite produits pour le marché canadien
seulement. D'une part, les possibilités de pénétration sur
le marché américain ou le marché international avec les
produits québécois à base de fibre sont limitées
à cause des économies d'échelle et du coût
élevé des matières premières, des salaires, du
capital et des tarifs douaniers.
D'autre part, l'importation de ces produits cause encore plus
d'inquiétudes parce qu'elle pourrait même compromettre l'existence
des usines en place. Les produits pour plafonds sont importés en grande
quantité et l'importation de panneaux rigides et de recouvrement
extérieur, empiète sur le marché canadien à
certains endroits. Pour maintenir un niveau de profit raisonnable, il faudra
faire des efforts de mise en marché intensifiés, augmenter les
ventes au Canada, développer de nouveaux produits et maintenir un
programme continu de contrôle des coûts basé sur les
dépenses en capital et l'utilisation efficace des ressources humaines et
naturelles.
A cet égard, le coût de transport est un facteur limite.
Une politique d'égalisation des tarifs de fret pour les
expéditions vers l'Ouest, aux provinces des Prairies et en
Colombie-Britannique serait un avantage. Actuellement, les coûts de fret
vers l'Ouest sont environ 25% plus élevés qu'ils ne le sont vers
l'Est. Une bonne partie du placage est exportée et un marché
d'exportation pour le contre-plaqué est en voie de développement.
Quoique Masonite ait des installations modernes, sa capacité de
concurrence sur les marchés internationaux est basée
principalement sur sa capacité de fournir des essences
forestières non disponibles sur ces marchés.
Ses produits offrent de bonnes possibilités d'expansion des
exportations pourvu que la disponibilité des billes de bouleau soit
suffisante. En conclusion, la compagnie Masonite Canada Ltée est l'un
des plus grands fabricants de matériaux de construction au Canada. Elle
existe dans la province de Québec depuis 50 ans. Ses 880 employés
ne souhaitent la fermeture d'aucune de ses usines, ce qui pourrait avoir un
impact néfaste sur la ville de Gatineau et sur tous ceux qui
dépendent indirectement de ses usines. Pour contrer une telle
éventualité, Masonite tente de garder sa part du marché
canadien et de vendre ses produits aux Etats-Unis. Elle a investi pour
moderniser ses installations et projette d'investir encore plus à
l'avenir. Ses opérations sont intégrées aux industries de
pâtes et papiers et de sciage qui récoltent les billes de sciage
et de déroulage, et desquelles elle achète les sous-produits.
Deux de ses trois usines n'utilisent que des copeaux et des résidus.
Dans le but de permettre au gouvernement d'identifier les facteurs qui
menacent sa rentabilité et sa position concurrentielle et qui peuvent
faire l'objet de son attention particulière, la compagnie soumet quatre
recommandations: 1) Compte tenu du fait que la rentabilité et la
survie de l'usine de placage et de contre-plaqué sont
menacées par une pénurie de billes de bouleau, Masonite
recommande: a) que le gouvernement, dans son allocation de matières
premières, favorise d'abord les usines les plus efficaces et celles qui
font un usage intégré de bois rond et de fibre de bois; b)que le
gouvernement alloue prioritairement le bois en fonction de sa plus haute valeur
finale; c)que le gouvernement favorise les méthodes
intégrées d'exploitation forestière, susceptibles de
donner un meilleur rendement en produits de haute valeur, et une meilleure
utilisation de la ressource. 2) Compte tenu du fait que le coût de
transport est élevé, Masonite recommande: que les limites de
chargement soient portées de 57 000 livres à un niveau plus
élevé. Ceci devrait au moins être considéré
lors de la préparation de spécifications pour de nouvelles routes
et au moment où des réparations importantes sont
planifiées pour les routes existantes. Les principales artères
devraient être considérées en priorité; 3) Compte
tenu du fait que l'industrie des pâtes et papiers a toujours eu un
avantage au Québec sur ses concurrents ailleurs au Canada et aux
Etats-Unis au point de vue du coût de l'énergie électrique,
Masonite recommande que le gouvernement s'assure que le coût de
l'électricité demeure moins élevé au Québec
qu'ailleurs. 4). Compte tenu du fait que le coût du transport des
produits finis est un élément critique pour la
pénétration du marché canadien, Masonite recommande que
les tarifs applicables aux expéditions par chemin de fer soient les
mêmes que ceux applicables aux chargements qui se dirigent vers l'ouest
ou vers l'est.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup.
Je cède la parole au député d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: M. le Président, je voudrais remercier,
évidemment, la compagnie Masonite d'avoir présenté son
mémoire. Je considère que son mémoire est d'autant plus
important que les usines de cette compagnie s'approvisionnent en grande partie
de résidus d'aciérie ou de résidus de bois. Quand on pense
qu'on gaspille dans la région d'Abitibi-Témiscamingue des
montagnes de ces résidus, je trouve cette sorte d'industrie d'autant
plus importante.
Vous mentionnez dans votre rapport que, dans le passé, vous vous
êtes approvisionnés, en grande partie, à la CIP et
également à l'usine de pâte de Gatineau. Vous avez
modifié vos approvisionnements de sorte qu'aujourd'hui les
résidus ou les copeaux proviennent en grande partie d'usines de sciage
dont la moitié environ sont en Abitibi. Ceci a contribué,
évidemment, à augmenter les distances de transport et tout cela.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer si cette nouvelle politique vous a permis de
réduire considérablement vos coûts de production?
M. Laroche: A l'usine de panneaux rigides, cela nous a permis de
réduire nos coûts apprécia-blement.
M. Bordeleau: Est-ce que vous pouvez m'in-diquer de quelles
compagnies, de quelles scieries provient votre approvisionnement en copeaux de
l'Abitibi, quelles sont vos sources d'approvisionnement?
M. Wolstenholme (W.S.): On a des contrats avec une compagnie dans
le moment.
M. Bordeleau: Seulement une?
M. Wolstenholme: Un type de Val-d'Or.
M. Bordeleau: D'accord.
A cause de l'insuffisance d'approvisionnement disponible dans la
région, si, à un moment donné, vous étiez
obligés de vous approvisionner entièrement de copeaux ou de
résidus en provenance de l'Abitibi, est-ce que vous considéreriez
que vos coûts seraient quand même concurrentiels, assez bas,
étant donné que vous êtes déjà
équipés, je pense, pour recevoir ces copeaux? Est-ce que c'est
une possibilité que vous avez déjà envisagée?
M. Laroche: Si les coûts de transport étaient un
facteur important dans le coût du bois, il est évident que cela
augmenterait d'une façon importante le coût total des
exploitations. Cependant, je crois qu'on peut affirmer que, même dans ce
cas, l'utilisation de copeaux de scieries serait encore moins onéreuse
que l'utilisation du bois rond.
M. Bordeleau: Vous parlez également à la page 6, un
peu plus loin, de la concurrence dans les sous-produits des scieries. Est-ce
que vous parlez d'une concurrence locale ou d'une concurrence qui viendrait de
l'extérieur?
M. Laroche: C'est simplement qu'on n'a pas dans notre technologie
actuelle la facilité de prendre tous les sous-produits. Les scieries
locales vont chercher des clients qui peuvent acheter l'ensemble des
sous-produits avant de les diviser en parties. C'est à cause de
celà qu'on ne peut pas suppléer en totalité aux scieries
locales, parce qu'elles produisent du bois mou et du bois dur, alors qu'on n'a
pas encore la possibilité d'utiliser le bois dur.
M. Bordeleau: Cela veut dire que cette concurrence vous
viendrait...
M. Laroche: Non. Ce sont d'autres clients locaux ou d'autres
compagnies de pâtes et papiers qui peuvent acheter les copeaux de bois
dur et de bois mou d'un même producteur, alors que nous n'avons pas cette
possibilité.
M. Bordeleau: Vous souhaitez, toujours dans votre régime,
à la page 10, que des spécifications
pour les classifications soient révisées, au niveau du
plan d'allocation des feuillus.
Si on ne tient pas compte des spécifications actuelles, selon
vous, quel serait le diamètre minimal que vous pourriez utiliser pour
votre usine de déroulage? Quels changements aimeriez-vous voir
apporter?
M. Laroche: Encore là, cela va dépendre de la
disponibilité et de la valeur du placage qu'on peut produire.
Techniquement, avec nos équipements, nous pourrions nous rendre
jusqu'à huit pouces. Pour en revenir aux spécifications, on croit
à l'heure actuelle que pour les billes de déroulage, il n'y a que
trois catégories: a, b et c. Nous croyons qu'il pourrait y avoir plus de
catégories.
M. Bordeleau: D'accord. Maintenant, en termes de coût, vous
mentionnez différents pourcentages de coût de production,
particulièrement en ce qui regarde la matière première et
la main-d'oeuvre. Au niveau de l'énergie, pouvez-vous me dire quel
pourcentage le coût de l'énergie électrique
représente dans votre coût de production?
M. Laroche: Malheureusement, M. le député, je n'ai
pas cette information. On pourrait vous la faire parvenir si cela pouvait vous
aider.
M. Bordeleau: D'accord. C'est tout pour moi. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Orford.
M. Vaillancourt (Orford): Premièrement, je tiens à
remercier Masonite Canada pour son mémoire que j'ai trouvé
très intéressant à lire et qui nous permet de
connaître une autre catégorie d'usine que nous avons dans la
province et au Canada. Depuis le début, nous avons entendu des
mémoires traitant des pâtes et papiers, mais ce matin nous avons
entendu un mémoire complètement différent, ce qui est
très utile pour l'expansion de toute la construction dans la province de
Québec. A la page 12, on dit que la compagnie Masonite a peur de manquer
de bois dans les années à venir. Etant donné que vous avez
des contrats d'approvisionnement qui sont de deux ans pour les copeaux et de
trois ans pour les billes de déroulage, ne croyez-vous pas que c'est une
incertitude pour votre compagnie au cas où vous manqueriez
d'approvisionnement en bois, en copeaux ou en billes?
M. Laroche: Certainement, on s'inquiète. C'est d'ailleurs
le message qu'on a essayé de passer dans ce mémoire.
M. Vaillancourt (Orford): De quelle manière croyez-vous
pouvoir régler le problème pour donner à votre compagnie
la certitude de ne pas manquer d'approvisionnement en bois dans les
années à venir? Etant donné que vous dites qu'il y a des
bois que vous n'utilisez pas, comme le bois dur, le cèdre, avez-vous des
laboratoires qui font des recherches pour, éventuellement, utiliser ces
bois?
M. Laroche: Ce n'est pas dans la technique de déroulage
que le problème se situe, c'est au niveau des marchés. Les
clients désirent un certain produit. A l'heure actuelle, ils ne veulent
pas de placage d'érable ou de chose du genre.
M. Vaillancourt (Orford): C'est parce que le bois dur ferait des
panneaux de placage trop lourds ou est-ce la durabilité qui est en
cause? Est-ce que cela ferait des panneaux qui pourriraient plus vite, qui se
détérioreraient plus vite?
M. Laroche: Le placage de bois dur est utilisé pour faire
les faces du contre-plaqué. L'âme du contre-plaqué est
toujours à la base de bois mou, que nous déroulons
d'ailleurs.
M. Vaillancourt (Orford): Disons que vous n'avez pas
répondu à ma première question. Est-ce que vous avez une
solution pour vous permettre d'avoir moins d'inquiétude pour l'expansion
ou ia continuité de votre compagnie? Est-ce que vous avez une formule de
rechange?
M. Pinard: Si vous me le permettez, M. le député,
la question du déroulage dans la province de Québec est
axée principalement sur le bouleau jaune et le bouleau blanc. Ce n'est
pas unique à Masonite. Même cette priorité pour cette
essence de qualité est aussi populaire à l'industrie du sciage.
Actuellement, nous avons déterminé à l'aide
d'études très sérieuses et très poussées les
disponibilités qui existaient dans les territoires forestiers dont nous
avons la gestion et nous avons établi des quotas de disponibilité
par année et sur une période d'un certain nombre
d'années.
Les artisans des plans d'allocation, pour des raisons qu'ils pourront
vous donner, ont misé davantage, ont établi des
disponibilités supérieures quant à ce qui pouvait
être extrait des forêts, ce qui a comme résultat de diminuer
la période d'utilisation de cette essence très populaire et qui
demeurera toujours populaire, je le répète, le bouleau et le
merisier. Il est probable que, dans quelques années, le bouleau et le
merisier deviendront une essence rare et peut-être exotique.
J'ose croire que, d'ici ce temps, la technologie nous permettra de
développer d'autres moyens pour l'utilisation d'autres essences. Si le
déroulage et même le sciage actuellement dans la province de
Québec continuent d'être axés sur l'utilisation de ces deux
essences, merisier et bouleau, nous allons sûrement faire face à
une pénurie dans quelques années. Des usines comme Masonite
feront face aussi à ce problème. Ce n'est pas de tout repos.
Il reste, M. le député, que nous cherchons actuellement
nous sommes en pourparlers avec les officiers du ministère
à ce sujet d'autres sources d'approvisionnement. Vous savez que
Masonite s'est approvisionnée, jusqu'à maintenant principalement
des territoires de la CIP. Ces mê-
mes territoires ont approvisionné aussi d'autres usines de
déroulage, au cours des 10, 12 ou 15 dernières années.
Actuellement, nous regardons, avec les officiers du ministère, la
possibilité d'obtenir d'autres sources d'approvisionnement qui
donneraient à Masonite les quantités dont elle a besoin pour
fonctionner de façon rentable. Cela ne veut pas dire que Masonite
déroule seulement du placage de bouleau et de merisier. Elle
déroule aussi d'autres essences, mais c'est axé sur le
déroulage de merisier et de bouleau.
M. Vaillancourt (Orford): C'est la majorité des bois que
vous employez, le bouleau et le merisier?
M. Pinard: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce la raison pour laquelle vous
dites à la page 16 de votre mémoire que Masonite n'a aucun plan
immédiat d'expansion de ses usines? Cela veut dire quoi au juste? Est-ce
que cela veut dire que, dans deux ou trois ans, vous croyez qu'il y aura
possibilité d'expansion de vos usines? Est-ce que vous avez des
études qui sont faites actuellement, soit pour l'agrandissement des
usines actuelles ou pour l'implantation d'autres usines dans la province de
Québec ou ailleurs?
M. Laroche: Comme on vous l'a dit, nos usines desservent les
marchés canadiens. A l'heure actuelle, au niveau des panneaux rigides et
des panneaux isolants, il y a amplement de capacité de fabrication au
Canada pour satisfaire ces besoins. Quant à l'usine de placage et de
contre-plaqué, c'est la disponibilité des billes qui
empêche de fonctionner à un plus haut rendement parce qu'on
n'utilise pas ces équipements à plus de 40% à l'heure
actuelle.
M. Vaillancourt (Orford): Combien avez-vous d'usines au
Canada?
M. Laroche: Quatre.
M. Vaillancourt (Orford): Vous en avez quatre et, si je comprends
bien, ces quatre usines ne fonctionnent pas à 100%. Alors il y a de la
place pour un marché additionnel?
M. Laroche: Nous croyons que nos usines, avec d'autres usines qui
produisent les mêmes produits au Canada, ont suffisamment de
capacité de production pour satisfaire aux besoins de ces marchés
dans les années à venir.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce qu'il y a d'autres usines qui
fabriquent les mêmes produits que Masonite Canada Ltée?
M. Laroche: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Au Canada?
M. Laroche: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): II y en a d'autres? M. Laroche:
Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Vous avez donc des
compétiteurs?
M. Laroche: Oui.
M. Vaillancourt (Orford): Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je serai très bref.
Est-ce que vos usines de panneaux rigides et d'isolants fabriquent à
pleine capacité actuellement?
M. Laroche: Vous parlez d'aujourd'hui? M. Russell: Oui,
dans le moment. M. Laroche: Non.
M. Russell: Est-ce que c'est à cause du manque de
matières premières ou du marché?
M. Laroche: C'est le marché.
M. Russell: C'est le marché. Donc, vous avez assez de
matières premières pour répondre au marché actuel.
Vous n'avez aucune inquiétude?
M. Laroche: Non.
M. Russell: Vous n'avez pas de projets d'agrandissement, parce
vous n'êtes pas compétitifs pour aller sur le marché
étranger?
M. Laroche: C'est exact.
M. Russell: Exactement. Je remarque que vous avez aussi dans vos
approvisionnements les copeaux de bois mou, les copeaux de bois dur, les
sciures de bois mou et de bois dur. Est-ce que ceci est utilisé dans vos
usines d'isolants et de panneaux rigides?
M. Laroche: Nous utilisons les copeaux à l'usine de
panneaux rigides et nous utilisons les sciures et les rebuts de bois de
même que les découpures de placage à l'usine de panneaux
isolants.
M. Russell: Pouvez-vous produire toute la quantité dont
vous avez besoin?
M. Laroche: A l'heure actuelle, nous n'avons eu aucun
problème d'approvisionnement.
M. Russell: M. le Président, je remarque dans une autre de
vos recommandations que vous proposez, que vous souhaitez que les charges des
camions soient augmentées. Elles sont actuelle-
ment de 57 000 livres. Quelles raisons motiverait votre
recommandation?
M. Laroche: Les limites actuelles de chargement pour camion sont
présentement de 57 000 livres. Ce qu'on note, c'est que les coûts
de transport sont toujours plus élevés; s'il y a moyen
d'aménager les routes ou de prévoir des aménagements ou
des améliorations de routes pour permettre d'augmenter les charges, on
croit que ce facteur pourrait avoir tendance à réduire les
coûts de transport.
M. Russell: Si je comprends bien, le transport à 57 000
livres est fait par des camions à dix roues, comme on dit chez nous.
Vous pouvez vous servir de "vans" ou de "trailers" et dépasser ces
quantités. Je ne sais pas en quoi cela affecterait votre production
parce que, à part de vos copeaux, votre sciure peut être
transportée par des "trailers" qui peuvent aller jusqu'à 110 000
livres si les essieux ont la résistance voulue. Je ne vois pas en quoi
cela pourrait améliorer votre situation, sauf peut-être celle des
camions qui transportent les billes pour le contre-plaqué.
M. Wolstenholrne: Ce sont exactement des camions à dix
roues qui transportent les billes pour le contre-plaqué. Ce ne sont pas
des "semitrailers".
M. Russell: Sur quelle distance ces camions voyagent-ils?
M. Wolstenholrne: Cela peut varier entre 75 et 125 milles et cela
peut aller plus loin.
M. Russell: Si je comprends bien, les quantités
transportées sont d'environ 10 000 pieds de bois au maximum.
M. Wolstenholrne: Je pense que 57 000 livres, c'est le poids net.
Ce n'est pas le poids...
M. Russell: 57 000 livres, c'est le poids total. M.
Wolstenholrne: Non, non. M. Russell: Dix roues?
M. Wolstenholrne: 57 000 livres, je pense que c'est...
M. Russell: C'est la charge totale. La quantité totale que
vous transportez en 1000 pieds, si je comprends bien, est d'environ 10 millions
de pieds par année?
M. Wolstenholme: Non.
M. Russell: Dans votre rapport, vous évaluez votre
production de bouleau jaune à 4,9 millions et l'autre à 4,5
millions, ce qui nous donne un peu plus de 9 millions. Transportez-vous la
totalité de ces billes ou les faites-vous transporter? Les coupez-vous
sur vos limites?
M. Wolstenholme: II y a une partie qui est transportée par
des entrepreneurs. La plus grosse partie est transportée par des camions
de la compagnie.
M. Russell: En moyenne, sur quelle distance ces charges
sont-elles transportées sur les routes provinciales?
M. Wolstenholme: Environ 90 à 100 milles.
M. Russell: Donc, cela affecterait simplement vos usines de
contre-plaqué.
M. Wolstenholme: Oui.
M. Russell: Cela n'affecterait pas les autres. D'accord! M. le
Président, vous avez une autre question ici, une autre recommandation
sur l'électricité. Je pense bien que vous vous
référiez directement à ces coûts et que vous
souhaitiez que les coûts d'électricité soient maintenus
plus bas ou pas augmentés, du moins, pour permettre une meilleure
rentabilité. Dans votre coût, quel pourcentage représente
l'électricité?
M. Laroche: Un autre député a posé la
question et, malheureusement, on n'avait pas la réponse à cette
question.
M. Russell: Si on fait une recommandation, je regrette, mais je
pense qu'il serait important que la commission ait cette réponse.
M. Laroche: On peut vous la faire parvenir.
M. Russell: C'est difficile, pour nous, de se prononcer, c'est
qu'on n'a pas une réponse à moins que vous nous imposiez de faire
des recherches. Merci.
M. Laroche: On vous la fera parvenir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Je n'aurais, messieurs, qu'une seule
question à vous poser. A peu près tous connaissent, au
Québec, vos produits et vos matériaux de construction puisque je
pense que votre marque de fabrique est devenue presque un peu comme la marque
Kleenex, une marque de commerce qui est identifiée au produit. Sachant
à quel point vous êtes bien implanté dans le marché
canadien et le marché américain, j'aimerais savoir dans quelle
mesure dans les lignes de produits que vous avez les
marchés européens vous sont ouverts. Quel pourcentage de vos
ventes avez-vous fait sur le marché européen? Comment avez-vous
essayé d'ouvrir ces marchés de manière peut-être
à augmenter vos capacités de production?
M. Laroche: M. le ministre, nous n'exportons pas en Europe
à l'heure actuelle, et la raison principale, c'est qu'il y a
d'importants fabricants de
ces produits en Europe et en Scandinavie et également dans des
pays d'Europe de l'Est. De fait, les pays d'Europe de l'Est importent souvent
ces panneaux à des prix beaucoup plus bas que les nôtres
même ici, au Canada.
M. Bérubé: On constate que plusieurs de nos
scieries québécoises commencent à effectuer des
exportations sur le marché européen pour le bois de sciage.
Croyez-vous à la possibilité de constituer un genre de consortium
de vente de matériaux de construction qui regrouperait certaines
scieries, qui pourrait regrouper votre entreprise de manière à
pouvoir pénétrer plus facilement le marché
européen? Quels seraient les problèmes que vous verriez dans
l'organisation d'un tel groupe de vente?
M. Laroche: Je m'excuse. Nous croyons que l'idée de
consortium est une idée probablement valable pour les matériaux
de scierie. Cependant, nos produits ont été
développés en fonction des besoins canadiens, et, souvent, ces
besoins sont très différents des besoins européens. Si
l'on prend nos produits de revêtement extérieur, en Europe, ils
construisent avec de la brique. Alors, le marché, comme tel, est
extrêmement différent.
M. Bérubé: Mais vous n'êtes pas sans savoir
qu'une société américaine comme Levitt Canada
Limitée a eu un succès assez remarquable avec la construction de
maisons de type américain en banlieue de Paris, par exemple, et que
c'est peut-être là un marché pour lequel on n'a fait aucun
effort de pénétration. Cet effort de pénétration ne
pourrait-il pas vous permettre d'ouvrir de nouveaux marchés, vous
permettre de fonctionner à pleine capacité? N'y a-t-il pas un
manque de dynamisme, en d'autres termes, de notre part quand il s'agit d'ouvrir
des marchés?
M. Laroche: Peut-être.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Juste une question bien brève. J'aimerais que
vous me disiez quels sont d'abord vos principaux concurrents au Canada?
M. Laroche: Domtar, Abitibi, Canfor.
M. Grenier: Dans le placage, le contre-plaqué et dans le
bois franc, ce sont quelles compagnies? Je pense que vous avez assez de
concurrence...
M. Laroche: Ce serait surtout... Il y a plusieurs compagnies dans
cette industrie.
M. Grenier: Oui, mais les principales.
M. Laroche: Warehouser, qui est certainement une des plus
grandes, UOP et Commonwealth.
M. Grenier: Quand vous tombez dans les deux autres
catégories, les panneaux rigides et les panneaux isolants, pourriez-vous
me dire votre part du marché dans ce secteur?
M. Laroche: Dans les panneaux rigides nous desservons environ 50%
du marché canadien. Dans les panneaux isolants c'est environ 20%.
M. Grenier: Ce qui fait un total de 70%. Est-ce que je dois
comprendre cela?
M. Laroche: Ce sont deux usines différentes.
M. Grenier: Dans les panneaux rigides quels sont vos principaux
concurrents?
M. Laroche: Canfor et Abitibi.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs de la compagnie Masonite du Canada Limitée, je vous remercie
beaucoup au nom des membres de la commission pour votre collaboration et votre
participation à cette commission parlementaire.
J'inviterais maintenant le Comité ad hoc pour la survie de
l'usine d'East Angus et ses représentants à se présenter
à la table, s'il vous plaît.
Est-ce que le porte-parole du groupe pourrait se présenter et
présenter également ceux qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Comité ad hoc pour la survie de l'usine d'East
Angus
M. Turcotte (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, je me nomme Claude Turcotte et je suis le
président d'un comité ad hoc qui a été mis sur
pied, au cours du mois de mai dernier, à East Angus, afin d'assurer
autant que faire se peut la survie d'une usine de pâtes et papiers
à East Angus.
Avant de procéder à la lecture de notre mémoire,
dont vous avez, j'imagine, pris connaissance avant aujourd'hui, j'aimerais vous
exposer un peu de quelle façon nous entendons nous exprimer pour que ce
soit le plus enrichissant de part et d'autre et de façon qu'on puisse au
moins passer le message qu'on a à faire passer. Dans un premier temps,
je vous présenterai les membres de notre comité, ceux qui sont
ici présents et d'autres que je ne pourrai pas présenter
évidemment, mais que je nommerai parce qu'ils ont contribué d'une
façon assez substantielle à la rédaction et au travail qui
entoure ce mémoire.
Par la suite, je demanderai à une personne de notre comité
de bien vouloir procéder à la lecture du mémoire, qui sera
suivie, si c'est possible, de certaines réflexions dont j'aimerais vous
faire part, parce que, depuis le dépôt de ce mémoire, il
s'est écoulé un certain laps de temps où la situation chez
nous a quand même évolué. C'est afin de vous permettre
d'avoir le reflet exact de la réalité, telle qu'elle subsiste
actuellement à East Angus.
La composition du comité ad hoc est la suivante: II y a M. Claude
Turcotte, qui est, en ma personne, président du comité ad hoc.
Egalement,
M. Marcel Bisson, qui est notre vice-président, qui est un
représentant des travailleurs, un exsecrétaire du syndicat local
pour les années 1972-1973, de même qu'un membre du comité
de négociation syndical au cours de l'année 1973. Faisaient
également partie de notre comité, M. Oscar Fournier, qui est un
travailleur du papier, aujourd'hui à la retraite, secrétaire et
relationniste du comité ad hoc, secrétaire du syndicat local de
1960 à 1970 et secrétaire à la Fédération
nationale des pâtes et papiers de 1963 à 1970. M. Roger Couture
faisait également partie de notre comité; il est actuellement le
maire d'East Angus et le président de l'Association des cités et
villes du district de Saint-François. M. Yvon Vincent, conseil municipal
d'East Angus. M. Wells Coates, maire de Westbury, également
préfet du conseil de comté et président du syndicat des
producteurs de bois de l'Estrie. M. Luc Gosselin, président de la
chambre de commerce. M. Guy Tétreault, actuel président du
syndicat des employés de l'usine. Mlle Michèle Tanguay,
présidente du syndicat des employés de bureau. M. Jean-Guy
Beaulieu, représentant des cadres. M. Gaétan Côté,
personne-ressource, qui est administrateur régional au ministère
des Terres et Forêts, de même que M. Gaston Bachand, directeur
général du Conseil régional de développement des
Cantons de l'Est, qui est également une personne-ressource pour notre
comité.
Excusez-moi d'avoir procédé de cette façon à
la présentation des membres. Cela m'apparaissait important pour vous
donner l'éventail et la composition de l'équipe que l'on est, de
façon à vous situer par rapport aux questions que vous auriez
envie de nous poser. Je demanderais à M. Bachand de bien vouloir
procéder à la lecture du mémoire que vous avez
actuellement en votre possession.
M. Bachand (Gaston): Si vous le permettez, nous allons
procéder à une lecture au complet du mémoire. On
évalue que cela prendra à peu près 20 à 25 minutes.
Le document est ainsi fait qu'il comprend quatre parties. Dans la
première, nous avons vu la composition du comité. Nous allons
revoir le mandat. Il y a un mot d'introduction. Dans la première partie,
on parle de la situation géographique, de la population et des
caractéristiques de l'emploi, assez sommairement. En deuxième
partie, nous traitons de l'état de la situation à l'usine Domtar
d'East Angus sous l'angle particulier de l'approvisionnement, de l'état
de l'usine en termes de machinerie, des normes pour l'environnement, du
marché, des relations de travail.
En troisième partie, nous allons parler des principaux impacts de
la fermeture de l'usine et de l'impact partiel des pâtes et papiers sur
le secteur manufacturier. Nous allons voir, par exemple, les emballages Domtar,
les emballages Bonar et la menuiserie d'East Angus. En quatrième partie,
la vie de la population d'East Angus et, finalement, résumé et
conclusion. Au total, 27 pages.
Le mandat, très sommairement, est d'assurer une survie à
long terme d'une usine de pâtes et papiers à East Angus. En guise
d'introduction, le sens du mémoire: Le comité ad hoc pour la
survie de l'usine d'East Angus a choisi de présenter dans ce
mémoire l'opinion d'une population face à la perte
éventuelle de son gagne-pain.
Ce document ne se veut pas strictement une analyse technique de la
situation actuelle même si une telle approche s'avère
nécessaire pour introduire le sujet et aussi pour en saisir toute son
importance. Le comité ad hoc préfère plutôt attirer
l'attention des membres de cette commission parlementaire sur le
côté humain de la situation en leur faisant connaître les
sentiments de la population d'East Angus et de la région, ainsi que les
éléments de solution qu'elle préconise.
Situation géographique et population. La municipalité
d'East Angus est située à 13 milles à l'est de Sherbrooke,
le long de la rivière Saint-François. En 1976, sa population
était estimée à 5000 habitants, en plus de fournir des
services et d'exercer une attraction sur quelque 15 000 habitants des
régions avoisinantes.
Caractéristiques de l'emploi. Le secteur industriel d'East Angus
se compose actuellement de 10 industries évoluant dans 7 secteurs
manufacturiers. Domtar domine avec 77% des emplois masculins et 24% des emplois
féminins. Parmi les 540 employés menacés de perdre leur
emploi, 123, dont 22 cadres, ont plus de 55 ans. La moyenne d'âge est de
42 ans et la moyenne d'années de service est de 19 ans. Il est aussi
à noter que 85% des employés sont propriétaires
fonciers.
Etat de la situation à l'usine Domtar. Premièrement,
l'approvisionnement. L'usine d'East Angus s'approvisionne en majeure partie des
copeaux résineux provenant des scieries de la région des Cantons
de l'Est ainsi que de la sous-région de la Beauce. Ces usines de sciage
ont une capacité de production suffisante pour approvisionner l'usine
d'East Angus en presque totalité. Dans un document produit par le
Syndicat des producteurs de bois de l'Estrie, on affirme, et je cite, "que les
usines de sciage de la région produisent annuellement 120 000 tonnes
anhydres de copeaux d'essences résineuses équivalant à 111
000 cordes de bois." Cependant, fait remarquer le Syndicat des producteurs de
bois, "le bois servant à la production de ces copeaux provient à
80% de limites américaines et il n'y a pas lieu de croire actuellement
que ces sources d'approvisionnement des scieries seront modifiées au
cours des prochaines années ".
Il y a également possibilité de diversifier
l'approvisionnement de l'usine d'East Angus en utilisant le potentiel forestier
des petites propriétés privées. Dans le même
document, le Syndicat des producteurs de bois mentionne que le potentiel annuel
de production de la région de l'Estrie pour le bois résineux,
d'après le ministre des Terres et Forêts, est de 100 000 cordes,
sans compter les volumes disponibles en provenance des territoires couverts par
les cinq autres plans conjoints de la rive sud du fleuve Saint-Laurent et sans
compter également la part des grandes propriétés
privées de la compagnie Domtar.
En considérant la ressource de tout le territoire sud du
Québec et tenant pour acquis que les importations actuelles de
matières premières en
provenance des autres régions du Québec et des Etats
américains limitrophes vont continuer à alimenter les usines de
pâtes et papiers et de sciage de la région, il ne se pose pas de
problème quant à l'approvisionnement de l'usine d'East Angus,
même en tenant compte d'une augmentation substantielle de la
capacité de production actuelle. Actuellement, l'usine utilise environ
10% de son approvisionnement en essences feuillues et il y a tout lieu de
croire que cette proportion pourra augmenter dans l'avenir. On sait que les
essences feuillues de qualité de pâte sont sous-utilisées
et même en état de perdition dans les Cantons de l'Est.
L'état de l'usine. De l'avis de tous les groupes
rencontrés (gérance, contremaîtres, exécutif du
syndicat) l'usine d'East Angus peut facilement continuer ses opérations
avec un minimum d'investissements et ce pour une période dite de court
terme, soit de sept à dix ans. Le rapport des contremaîtres
à ce sujet est particulièrement éloquent et il touche les
principaux points allant de la chaudière de recouvrement aux normes de
pollution. Notons, en passant, l'installation en 1970 d'un système
complet de fabrication de pâte de bois dur d'une capacité de 170
tonnes par jour, qui est utilisé à temps partiel à 120
tonnes par jour pour l'usinage du papier ondulé. Cette lessiveuse
à production continue permet l'utilisation des essences feuillues dans
une région où celles-ci prédominent et demeurent
sous-utilisées. Cela, à nouveau, pour dire qu'à court
terme la machinerie peut très bien n'être exploitée et ne
requérir que quelques centaines de milliers de dollars pour fonctionner
de façon rentable.
Pour une période dite de long terme, au-delà de dix ans,
il y a lieu de trouver une solution de remplacement à la
chaudière de recouvrement et ses annexes dont les coûts
estimés sont de l'ordre de $30 millions.
En somme, il est particulièrement frappant de noter, sur les
groupes directement concernés, une communauté de vues, avec des
variantes, bien sûr, si on entre dans les détails, mais une
communauté de vues quant à l'état de santé de
l'usine et quant aux solutions envisagées pour sa prolongation à
court et à long terme.
Les normes pour l'environnement. Dans le rapport des
contremaîtres, il est aussi fait mention des règlements
provinciaux édictant les normes à respecter pour la protection de
l'environnement. Voici, décrite, la situation actuelle pour les pertes
de solides en suspension. II y a là un bref tableau . Au
niveau de l'usine à papier, les pertes estimées sont de l'ordre
de 2,5%, tandis que la norme provinciale est de 1,25%. Si on voulait corriger
la situation, cela implique une dépense de l'ordre de $300 000. A
l'usine à carton, les pertes sont de 3%, la norme provinciale est de
0,75%, et au niveau des dépenses requises, il n'y a pas de solution
comme telle à court terme. Pour l'usine à pâte, les pertes
sont de l'ordre de 4,5%, la norme provinciale est de 0,8% et les
dépenses requises sont de l'ordre de $500 000.
Ce qui est énuméré ici représente
l'état actuel ou à venir concernant les pertes de solides en
suspension. Toutefois, afin de se conformer entièrement au
règlement, non encore public, il faudrait faire les aménagements
suivants: Reconstruire les émissaires au moulin à papier afin que
les effluents soient évacués par un seul émissaire;
ériger des bassins-tampons afin de prévenir des
déversements soudains ou causés par des bris
d'équipements; construire un ou deux bassins pour oxygéner l'eau
de procédé et la liqueur noire afin de pouvoir rencontrer la
norme DBO5 dont la mise en application est prévue pour le 31
décembre 1978. Les pertes actuelles de DBO5 sont environ le
double de ce qu'elles devraient être pour se conformer au
règlement.
Pour ce qui est de la pollution de l'air, un règlement
provincial, qui a pour objectif de régir les émissions de gaz et
de particules, est en voie de préparation et il faudra attendre sa
publication pour évaluer les conséquences.
Le marché, maintenant. De l'avis de tous les experts
rencontrés, il n'y a aucun problème quant au marché des
produits de l'usine Domtar d'East Angus. D'ailleurs, toutes les
expéditions de l'usine se font presque exclusivement au Canada, et sauf
pour l'année 1975, 70% des expéditions restaient au
Québec.
Pour les années à venir, une étude de l'Institut
canadien de recherche des pâtes et papiers, publiée en juin 1975,
démontre clairement que la tendance qui a prévalu jusqu'à
maintenant se continuera dans les années à venir.
Ici, je vais citer brièvement un texte en anglais pour respecter
la pensée de l'auteur. "In general, the panel expected the historically
rising trends in the production of pulp and papers to continue at much the same
rate in the future as in the past. The only major exception was sulphate pulp
exports which could show a moderation in the rate of growth in the
1989s..."
Au chapitre des relations de travail, maintenant. Le comité ad
hoc d'East Angus a soumis un mémoire au ministre Bérubé le
10 juin 1977 dans lequel il présentait la situation telle que
perçue alors. Permettez-nous de citer un passage du texte: "La
convention de travail à East Angus est échue depuis le mois de
mai 1976 et la longue période de négociations a connu un
aboutissement avec l'arrêt des opérations, le 1er avril 1977.
Depuis l'annonce de la fermeture de l'usine par la compagnie Domtar, le 6 mai
1977, syndicat et employeurs tentent d'en venir à une entente à
la satisfaction des deux parties. Les employés ont repris le travail le
16 mai. "Il n'est pas du ressort du comité Ed hoc de commenter le
processus de négociation de la convention de travail. Cependant,
à la lumière des témoignages entendus lors des
séances de consultation, le comité en vient à la
conclusion que le climat de travail à l'usine est malsain et
guère propice au maintien et à l'expansion des activités
de l'usine. Les témoignages font ressortir le fait que ce climat existe
depuis longtemps et il est attribué tantôt à la mauvaise
gérance, tantôt à la
mauvaise volonté des travailleurs. Par ailleurs, personne ne met
en doute la tradition de compétence des papetiers d'East Angus."
C'était la situation au début du mois de juin 1977, telle
que perçue par les membres du comité ad hoc et basée sur
une consultation dans les milieux intéressés.
Depuis ce temps, les événements se sont
précipités, amenant de part et d'autre des changements d'attitude
qui nous laissent croire en la possibilité réelle d'une poursuite
des activités de l'usine, à court terme, et d'une recherche de
solution à plus long terme. Voici ces nouveaux éléments
après la rentrée du 16 mai 1977: Signature d'une convention de
travail pour la période du mois de mai 1976 au 30 septembre 1977;
présentation, à la haute direction de la compagnie, par les
employés cadres de l'usine, d'une proposition de relance après le
30 septembre 1977, moyennant une réduction du personnel cadre et
syndiqué et un gel des salaires. La haute direction accepte et soumet
l'offre au syndicat via la gérance locale au mois de juin 1977.
Le syndicat des employés consent à ces sacrifices et signe
une entente, vers juillet et août 1977. L'entente prévoit la mise
sur pied d'un comité de communications où employeurs et
employés feront régulièrement le point sur la situation
par, notamment, l'étude des statistiques et des chiffres de la
compagnie.
La compagnie procède au réaménagement de la
main-d'oeuvre selon l'entente et il est permis de croire qu'il y aura
stabilisation d'ici la fin du mois de décembre 1977.
Ces faits servent à illustrer l'évolution rapide de la
situation à East Angus et les changements d'attitudes de part et
d'autres qui ont permis la poursuite des opérations de l'usine
au-delà du 30 septembre 1977. Une première étape cruciale
vient donc d'être franchie, basée sur un type de relations de
travail nouveau, mais précaire, et il faut souhaiter la bonne foi,
l'ouverture d'esprit et une volonté irréductible des deux
côtés à la fois pour maintenir le court terme et pour
chercher une solution stable pour l'avenir. Le comité ad hoc offre sa
collaboration pour le court et long terme.
Au niveau des principaux impacts de la fermeture de l'usine:
D'après le document de la conférence administrative
régionale de l'Estrie, les effets de la fermeture de l'usine se
diviseraient en deux phases. La première se caractériserait par
une diminution importante de mille emplois dans le secteur manufacturier et le
secteur primaire. La seconde, résultant de la première,
s'allongerait dans le temps et affecterait à divers degrés les
secteurs du primaire, du secondaire et du tertiaire dans un rayon pouvant
s'étendre sur une bonne part de la région de l'Estrie. Les pertes
d'emplois de cette deuxième phase pourraient être
l'équivalent de 50% de celles de la première, soit 500
emplois.
On a quelques petits tableaux où on indique qu'au niveau des
effets directs à East Angus, toujours par une fermeture
éventuelle, c'est la perte d'emplois à l'usine Domtar comme
telle, 540 em- plois. La perte estimée dans l'industrie du sciage et du
rabotage est de 10 emplois pour un total de 550 emplois concernés
directement.
Les effets dans la région d'East Angus. La perte d'emplois dans
le domaine de l'exploitation forestière, incluant le transport, est
évaluée à 420 emplois. Les autres effets: augmentation du
coût de la matière première, principalement à cause
de l'augmentation dans le transport et l'entreposage chez les entreprises des
sacs de papier de plastique. A East Angus comme tel, et Les Emballages Domtar,
126 emplois, Les Emballages Bonar Limitée, 100 emplois; à
Windsor, Les Emballages Domtar Limitée, 174 emplois. Les pertes de
salaires découlant de la disparition d'emplois à East Angus et
dans les environs est de l'ordre de $10 millions, comprenant l'usine Domtar et
l'exploitation forestière.
L'impact de cette disparition de revenus sur la demande en biens et
services dans la région: les ventes au détail taxées dans
les municipalités d'East Angus étaient en 1974/75 de l'ordre de
$7,2 millions. Il y a 137 personnes qui travaillent dans le secteur du commerce
au détail et 42 dans celui dé la construction. Certains de ces
emplois seront touchés dans le temps par la fermeture de l'usine
Domtar.
Il y a également, en termes d'impact, la nécessité
pour un bon nombre de petits producteurs de copeaux et autres produits
manufacturiers, de se trouver un nouveau marché plus
éloigné que celui d'East Angus. Le coût du transport,
devenu plus élevé, ils feront face à un dilemme, soit de
vendre à un prix plus élevé ou de diminuer leur marge de
profit.
Autre impact: la perte de l'autonomie financière de la
municipalité. Toujours dans les impacts, les impacts partiels des
pâtes et papiers sur le secteur manufacturier. Il y a trois industries
manufacturières d'East Angus qui sont intégrées au secteur
des pâtes et papiers. Les Emballages Domtar, la division des sacs, de 85
employés, on y fabrique les sacs d'épiceries entre autre. Son
approvisionnement provient à 80% de l'usine d'East Angus. Les avantages
qu'elle pourrait perdre, au niveau d'une ristourne sur l'"input ":
l'entreposage du papier dans les wagons appartenant à Domtar, East
Angus, l'utilisation de la locomotive.
Dans le cas de la fermeture, Les Emballages Domtar serait obligée
de considérer le problème de l'entreposage. Une solution à
court terme consiste à louer des entrepôts à Sherbrooke et
transporter régulièrement à East Angus. Des coûts
additionnels de $1000 par mois sont impliqués.
Au niveau de Les Emballages Thomas Bonar Limitée, il y a 125
employés. On y fabrique les sacs industriels, et la compagnie
s'approvisionne à 75% de Domtar, East Angus. Il y a des avantages
marginaux, si je peux dire, d'utilisation de la locomotive de l'usine. Thomas
Bonar a des projets d'agrandissement à l'heure actuelle, notamment au
département de l'entreposage. A court terme il n'y aurait pas trop de
problèmes avec la fermeture de l'usine d'East Angus car l'usine Bonar
peut s'approvisionner ailleurs. Cependant, les coûts de
transport, à la longue, pourraient représenter beaucoup,
soit $100 000 par an, et compromettre un projet d'expansion des
opérations.
Il y a une note qu'on considère importante. Les emballages Domtar
et Bonar achètent dix jours de production par mois de t'usine des
pâtes et papiers Domtar d'East Angus.
La menuiserie d'East Angus souffrirait également d'une
éventuelle fermeture. Il y a 18 employés. On y fabrique les
palettes de bois franc en d'autres mots les "skids". Son débouché
est de 60% de son chiffre d'affaires avec Domtar East Angus. Bien sûr,
les gens seraient obligés de chercher de nouveaux
débouchés, mais il y aurait diminution du nombre d'emplois, soit
dix, certainement, dans l'immédiat.
En somme, au niveau de l'impact, on se rend compte que, s'il y avait
fermeture, il y aurait une atteinte directe aux trois niveaux de l'emploi, soit
l'extraction, la transformation et les services, qui pourrait se traduire par
une perte d'emplois de l'ordre de 1500 à 2000 emplois, selon les avis
soit de la conférence administrative régionale ou, par exemple,
du directeur régional du Centre de main-d'oeuvre du Canada qui, lui,
estime à 2000 ces pertes au niveau régional.
Nous sommes rendus à la quatrième partie qui est l'avis de
la population. Les membres du comité ad hoc pour la survie voudraient
ici faire connaître aux membres de cette commission parlementaire la
façon dont la population locale envisage et entend solutionner le
problème.
Il y a, en fait, différentes façons de régler le
problème, mais plusieurs solutions qui semblent, de prime abord,
apporter un remède à la situation, ne règlent rien du
tout.
Parmi ce genre de solutions, le comité voudrait en mentionner
quelques-unes afin de faire bien saisir toute l'acuité de la situation
actuelle: - Domtar a révisé sa décision de fermer l'usine
et il y a continuation des opérations après le 30 septembre, mais
sans garantie d'investissement ni d'amélioration à l'usine; - Une
autre hypothèse. Un acheteur ou un groupe d'acheteurs pourraient
acquérir la propriété de l'usine et n'y apporteraient
aucun investissement pour rajeunir l'usine.
Ces solutions, pour le court terme, semblent régler le
problème, mais il n'en n'est rien, car il est très clair pour la
population d'East Angus qu'aucune solution à court terme qui ne
déboucherait pas vers une solution à long terme ne serait
aucunement acceptable et ne ferait que retarder l'échéancier
d'une autre fermeture.
Les citoyens d'East Angus et de la région ne veulent pas vivre
sous la menace d'une fermeture éventuelle, ce qui laisserait toujours la
population dans l'insécurité. Il est bien évident, pour
que cette menace cesse définitivement, que l'usine d'East Angus doive
devenir rentable et compétitive avec toute autre usine du même
genre.
Et pour que cette rentabilité soit assurée, il faut que
l'on investisse dans l'usine actuelle. Le comité, dans la
deuxième partie de son mémoire, a démontré, en
s'appuyant sur le rapport des contremaîtres, que des investissements
à court terme de quelques centaines de milliers de dollars pourraient
assurer le fonctionnement de l'usine actuelle. Pour le long terme, les sommes
sont plus considérables et on parle de $30 millions au bas mot. Pour ce
qui est des normes exigées pour la protection de l'environnement, le
comité croit sincèrement qu'il pourrait y avoir un moratoire de
quelques années afin de laisser le temps d'effectuer les travaux
nécessaires au remplacement de la fournaise et de ses annexes.
Le comité a essayé de démontrer dans son
mémoire que l'usine, quoique vieille, pourrait être rajeunie et
devenir rentable avec de bons investissements, mais il demeure que les membres
du comité ne sont pas des experts. De plus, nous croyons, à titre
d'hypothèse de travail sérieuse, que la population d'East Angus
et de la région ne trouvera une sécurité tangible que dans
la construction d'une nouvelle usine orientée plus spécifiquement
vers l'utilisation des essences feuillues.
La matière première est là, abondante et il existe
un bon réseau de producteurs. La ville possède déjà
toutes les infrastructures d'une ville bien organisée. Il y a des
emplacements vacants qui seraient très avantageux, tous les services y
sont offerts. L'accès par route y est facile et sa situation près
des marchés lui donne un avantage certain.
En somme, la population n'est pas prête à jeter aux orties
ce qui est encore bon et ce qui peut être amélioré
moyennant certains investissements. Elle a consenti plusieurs sacrifices pour
garder ses emplois et elle veut maintenant assurer sa sécurité en
scrutant sérieusement toutes les avenues possibles de solution.
Résumé et conclusion.
Nous avons vu l'impact socio-économique funeste d'une fermeture
d'usine appréhendée dans une région (L'Estrie)
déjà gravement atteinte.
Nous avons constaté l'état de l'usine et les besoins en
investissements pour garantir les opérations durant un court terme. (7
à 10 ans environ).
L'approvisionnement en matière première est assuré
comme stipulé au chapitre de l'approvisionnement.
Les relations de travail se sont améliorées et les deux
parties sont convenues d'une entente garantissant le court terme.
Cette entente amène immédiatement une baisse des
coûts de production et la direction de la compagnie a été
à même de constater une hausse de productivité depuis le
retour au travail du 16 mai 1977. Cependant, il faut noter le caractère
très fragile d'une entente qui ne fournirait pas plus de garanties et de
perspectives d'avenir aux travailleurs. Le comité de communication
prévu dans l'entente doit s'avérer l'outil par excellence pour
établir une saine communication entre l'employeur et les employés
et ainsi éviter les escalades inutiles et l'aboutissement dans un
cul-de-sac tel que déjà connu.
L'employeur conserve ses droits de même que l'employé.
Cependant, on cesse de jouer à cache-cache et on fait état de la
situation réelle de part et d'autre afin d'adopter la meilleure
solution. Une
solution à plus long terme réside dans le rajeunissement
des installations de l'usine d'East Angus et le comité n'écarte
pas l'idée d'une usine neuve qui exploiterait davantage les essences
feuillues. Enfin, le comité est d'avis que le gouvernement, via sa
commission parlementaire, fera la lumière sur l'industrie des
pâtes et papiers et saura trouver une solution adéquate en
comptant sur la collaboration de toutes les parties. Merci, M. le
Président.
M. Turcotte: Avec la permission de la commission, j'aimerais, au
risque de me répéter, ajouter certains commentaires. Excusez-moi
si le texte n'est pas là et que je doive parler à bâtons
rompus. Cela m'apparaît quand même important. Si ce ne
l'était pas, ne vous gênez pas pour me le dire. On passera
à autre chose. Ceci dit, vous réalisez qu'il y a quand même
beaucoup de choses qui ont été faites à East Angus en ce
qui a trait à une solution à court terme. Je veux dire que les
ouvriers se sont pris en main, les ouvriers syndiqués et les cadres
aussi.
Avant de quémander au gouvernement actuel, j'ai l'impression que
la population a bien compris qu'elle devait elle aussi s'impliquer
là-dedans et essayer de voir ce qu'elle pouvait faire. Cela n'a pas
été une mince tâche. Cela a été très
laborieux. Cela s'est fait avec beaucoup de déchirements dans une petite
population comme la nôtre où il a dû y avoir des prises de
position à tous les niveaux. Finalement, est sortie une solution qui
nous a évité de fermer le 30 septembre. Peut-être que
certains membres de la commission du gouvernement actuel seraient portés
à croire que, par cette espèce de non-fermeture au 30 septembre,
tout est réglé et qu'on doive maintenant se croiser les bras.
Nous, du comité ad hoc, sommes ici ce matin pour vous mettre en
garde. Car il est bien évident que si, d'une part, les ouvriers,
après mûre réflexion, se sont rendus presque aux conditions
de la compagnie Domtar pour continuer les activités, d'autre part, ils
n'ont pas fait ces sacrifices d'une façon vaine, c'est-à-dire
qu'ils les ont faits dans la perspective suivante: C'est que ces sacrifices se
devaient d'être suivis le plus rapidement possible d'une solution
à long terme adéquate. Quant à la solution à long
terme adéquate, vous imaginez facilement que nous n'avons pas la
compétence pour l'élaborer comme cela. Cependant, on a
peut-être des éléments de solution très vagues, mais
quand même indispensables.
Avant de m'avancer là-dedans, j'aimerais, à ce moment-ci,
vous lire des réflexions que nous considérons quand même
comme importantes, qui pourraient également vous servir à ce
moment-ci et qui sont des réflexions que nous avons faites au cours des
dernières semaines, suite à toutes ces discussions et ces
problèmes qu'on a rencontrés afin d'éviter une fermeture
au 30 septembre. D'une réunion tenue à Montréal, le 20
juillet 1977, entre les représentants des cadres supérieurs de
Domtar et du Comité ad hoc pour la survie de l'usine à East
Angus, il ressort: Que si les travailleurs acceptent de ne pas avoir de perte
d'encaisse se traduisant par des gestes positifs et concrets de la part de
ceux-ci, les dirigeants de la société sont prêts à
coopérer et à s'assurer que l'équipe de gestion locale
fera tout en son possible pour continuer l'exploitation de l'usine.
Cependant, l'avis légal de fermeture ayant été
servi le 6 mai dernier, nous sommes informés que selon le comportement
des travailleurs quant à la productivité ou l'impondérable
des marchés, quant à la demande du produit, l'usine pourrait
être fermée dans un délai de 30 jours.
Il est bien évident que la population ne peut vivre
indéfiniment avec une telle menace suspendue comme une
épée de Damoclès. Ainsi, il semblerait indiqué que
certaines exigences salariales seraient mieux appropriées si elles
étaient déterminées par les moyens de financement de
l'usine plutôt que sur l'ensemble de la corporation ou sur la moyenne des
salaires et des bénéfices marginaux de l'industrie canadienne.
Toutefois, une telle procédure s'avérerait, à la longue,
impraticable parce qu'elle entraînerait un décalage important des
revenus des travailleurs de diverses régions québécoises
ou canadiennes.
Rappelons que pour assurer la survie, à court terme, de l'usine
Domtar à East Angus, les travailleurs ont accepté le gel de leur
salaire pour une période d'une année. Ils seront, de plus, soumis
à une importante réduction de personnel, ouvriers et cadres. Cela
se traduit actuellement par une diminution de personnel qui se chiffre, je
crois, dans les 124 personnes. Ils verront le retrait de clauses
prérequises en rapport avec une garantie de travail applicable à
l'exploitation continue de sept jours. Il est évident qu'un tel
arrangement peut, même en faisant preuve de bonne volonté,
être à la source de graves conflits, et il serait illusoire
d'imaginer qu'il puisse être érigé en système.
Or, il nous paraît important de vous signaler que, d'une part, si
on est conscient qu'on ne peut éviter la fermeture, d'autre part, on
sait très bien qu'il s'agit de quelque chose de très
précaire, et qu'à toutes fins pratiques, c'est de l'inédit
en ce qui a trait au principe des syndicats, et que cela s'est fait
laborieusement. C'est-à-dire que ce n'est pas sans difficulté que
bien des ouvriers ont dû, tout d'un coup, pour assurer une certaine
survie, renoncer à des efforts qu'ils avaient faits au cours des 30
dernières années de syndicalisme.
J'ajoute il est peut-être intéressant que vous le
sachiez que nous croyons que les problèmes, à
première vue, insolubles, pourraient être en partie résolus
si patrons et ouvriers collaboraient loyalement à l'étude des
bilans financiers de l'entreprise et à la recherche des moyens propres
au redressement de situations désastreuses pour les travailleurs et la
population. Un tel comité de communication fonctionne à East
Angus, encore, cependant, à l'état embryonnaire. Ce comité
devrait cependant être tripartite: employeur, employés et
citoyens, vu que tous sont solidaires dans la prospérité comme
dans la perte de leur gagne-pain Jorsqu'ils sont aux prises avec un conflit
d'envergure qui peut se résumer à la fermeture de l'usine. Il
sera toujours difficile, voire im-
possible, d'obtenir une collaboration durable des travailleurs tant que
la méfiance sera à la source de leurs actions et qu'ils auront la
certitude que leur travail sert à enrichir un groupe de
possédants qui cède de moins en moins à leurs demandes
sans jamais prouver qu'elles sont financièrement irréalistes et
inacceptables.
Des cours d'éducation économique et administrative
pourraient être mis à la disposition des travailleurs leur
permettant de discuter d'égal à égal avec l'employeur et
de connaître la situation réelle et la possibilité
financière de l'usine où ils passent le tiers de leur vie. Ces
cours de formation ouvrière seraient une initiative du gouvernement qui
inciterait le plus grand nombre à y assister en permettant
peut-être un allègement fiscal intéressant pour ceux qui y
seraient inscrits. Or, ces remarques nous apparaissent importantes parce que
nous avons eu, avant de solliciter l'aide du gouvernement, ce que nous ferons
évidemment, avant la fin de notre rencontre, à essayer de
régler quelque chose et on s'est buté, probablement, aux
mêmes réalités que le gouvernement lorsqu'il s'agit
d'envisager une réforme ou une relance économique dans le secteur
des pâtes et papiers, c'est-à-dire, d'une part, à des
prises de position catégoriques du monde ouvrier par ses centrales
syndicales et du monde industriel qui, sous le couvert de la rentabilité
et de bien d'autres raisons, ne veut pas d'intervention gouvernementale.
Nous avons donc eu à nous frotter à ce problème
nous aussi. Heureusement, pour solutionner notre petit problème, qui
était à court terme d'éviter la fermeture du 30 septembre,
il fallait, à toutes fins pratiques, que nous nous assoyions autour
d'une même table et que nous acceptions, une fois pour toutes, de jouer
franc jeu. Cela a été fait en partie. Le comité de
communications dont nous vous faisons part dans ces dernières
réflexions oeuvre actuellement. Nous y voyons de grands espoirs. Pour
nous, d'East Angus, c'est peut-être l'occasion unique de faire avec nos
gens une espèce d'éducation économique,
c'est-à-dire une espèce d'éducation à ces
réalités économiques qui ne sont malheureusement pas la
hache des Canadiens français, même s'ils travaillent depuis "x"
années au service de compagnies ou d'entreprises privées. Ce sont
des occasions, pour nos ouvriers, de connaître un peu cette
réalité dans laquelle ils ont toujours vécu. C'est
très enrichissant de part et d'autre. Cela permet évidemment
à la compagnie Domtar de comprendre davantage les préoccupations
très humaines que tous ces gens ont, bien au-delà de leur
allégeance à des groupes syndiqués.
Cela dit, il est bien évident que nous attendons de toute urgence
une intervention du gouvernement. Cette intervention du gouvernement on la
verrait de la façon suivante, c'est-à-dire que, dans les plus
courts délais, on élabore une politique de modernisation d'usines
de pâtes et papiers modernisables. On sait que le gouvernement sait qu'il
y a bien des usines au Québec dont le rajeunissement est
nécessaire et dont la rentabilité est très
précaire. Face à de telles réalités, on s'ima- gine
mal que vous allez faire indéfiniment le jeu de l'autruche et que vous
allez assister béatement à des fermetures d'usines, qui
s'espaceront d'année en année, mais qui se feront quand
même. On sait que le temps semble arrivé pour l'élaboration
d'une politique de modernisation d'usines. Mais on voit mal de quelle
façon le gouvernement pourrait faire cela sans la participation à
la fois des syndicats, des ouvriers et surtout des entreprises. C'est
peut-être très naïf de notre part, ce que je vais vous dire
ici; par contre, c'est la réalité que nous connaissons. Quant
à East Angus, le temps est peut-être fini où Domtar, qui
est présente là, devra essayer d'elle-même, suite au
verdict qui nous a été rendu, de perpétuer cette usine
dans le temps, c'est-à-dire de la rendre rentable. J'imagine que, selon
leurs critères de rentabilité, que nous n'avons pas à
discuter et que nous acceptons, il n'est plus question d'investissements. Je
crois que vous êtes au courant de cela. L'usine, à leurs yeux, ne
faisant pas ses frais, on nous laisse nous débattre seuls. Compte tenu
de cela, il est bien évident qu'on voit mal le gouvernement en arriver
avec une politique de modernisation d'une usine semblable, sans avoir à
affronter cette compagnie, sans avoir à lui faire comprendre un devoir
social qu'elle a envers cette population, sans avoir à formuler entre
eux, avec beaucoup d'imagination et de tact, une espèce d'aide
financière qui n'irait pas les choquer, qu'on a de la difficulté
à imaginer sans que vous vous assoyiez ensemble, ce qu'on
soupçonne ne pas avoir encore été fait,
malheureusement.
On voit également, dans cette politique, la
nécessité que les syndicats, tels qu'on les connaît,
cessent peut-être un peu d'avoir un syndicalisme de principe et aient un
peu plus un syndicalisme d'affaires dans une situation aussi délicate.
On voit également la participation des ouvriers qui devront s'impliquer
dans ces endroits où la population est impliquée à partir
du moment où toute l'activité économique d'une
région gravite autour d'une même industrie. On voit très
mal que les ouvriers assistent à cela sans participation. Le
problème majeur à ce niveau est peut-être, par contre, ce
climat de méfiance que tout le monde identifie un peu partout et qui
dépend, évidemment, de l'espèce d'ignorance de ces
réalités économiques. Vous savez comme moi je n'ai
pas de leçon à vous faire là-dessus qu'on peut
charrier bien des gens qui sont ignorants. Lorsqu'on a à prendre des
décisions comme les gens en ont eu à prendre chez nous, si nous
ne pouvons pas nous-même avoir une idée de la rentabilité
d'une usine, on risque d'être à la merci de bien des
idéologies et on passe à côté du
problème.
Malheureusement, je ne sais pas ce qui a manqué dans le
passé, mais ni les syndicats, ni les compagnies n'ont cru bon
d'éveiller, de sensibiliser les employés je ne dirais pas
tous les employés, ce n'est peut-être pas nécessaire que ce
soit tous les employés, mais au moins les cadres à ces
réalités économiques qui sont très importantes dans
les périodes de crise qu'on connaît. Dans une réforme,
j'imagine que le gou-
vernement fera place à cette espèce d'éducation
qu'on se doit de faire pour sortir de l'obscurité. On a bien des pas
à faire dans ce sens.
Vous avez entendu, depuis un certain temps, bien des industries
comparaître devant vous. Vous connaissez bien des choses à leur
sujet, vous savez qu'ils ont souvent invoqué comme argument, quant
à la situation pénible qu'ils avaient à affronter, que les
demandes salariales étaient bien souvent irréalistes et
exorbitantes et que les ouvriers exagéraient bien souvent. Sachez
qu'à East Angus il y a une étape qui a été franchie
quant à cela; ce qui était souhaité hier dans certains
mémoires d'industriels respectables à East Angus, cela a
été fait. Cela a été fait récemment, on a
accepté un gel des salaires qui équivaut même à une
diminution de salaire. On a même accepté une diminution du
personnel. Par contre, l'insécurité demeure absolue, autant
qu'elle l'était avant. C'est-à-dire qu'on se retrouve, à
toutes fins pratiques, sans vouloir diminuer les efforts qui se sont faits,
s'il n'y a pas d'investissement majeur qui se fait, dans une situation
identique à celle de la Wayagamack. Vous devez le savoir. Vous devez
savoir qu'on le sait et on vous le dit ici, ce matin.
Cette situation qui se vit actuellement, il est bien évident
qu'elle ne peut pas être tolérée indéfiniment parce
que, économiquement, ce n'est pas sain. On assiste malheureusement
à un exode de bien des personnes capables qui quittent notre
région faute de travail; on ne peut pas se payer le luxe d'attendre
indéfiniment. On demande au gouvernement je réitère
cette demande d'intervenir avec une politique qui pourrait toucher East
Angus de même que toutes ces autres usines que vous pouvez identifier
comme étant des usines modernisables et qui envisagent, à plus ou
moins court terme, des fermetures qui vont s'avérer
inévitables.
Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer de cette façon.
Excusez-moi peut-être du manque de logique, mais j'espère qu'il y
a des idées qui vont attirer votre attention, des idées qui
dépassent le texte, bien souvent, ce qu'il nous paraissait important de
vous soumettre, Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup. Là-dessus, je cède la parole à M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Parmi les remarques que M. Turcotte vient de faire,
j'ai cru comprendre que certaines étaient manuscrites. Vu leur
importance et leur à-propos, ne pourrait-on pas en avoir des copies?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
parlez des remarques à la suite du mémoire?
M. Turcotte: Oui, les réflexions qu'on avait mis par
écrit. Cela me ferait plaisir, on en a une dizaine d'exemplaires. S'il y
a un service de photocopie ici, il n'y a aucune objection à ce que cela
circule.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, il
y a un service de photocopie.
M. Turcotte: Alors, il me fait plaisir de vous les faire
parvenir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Là-dessus, la parole est au député de Sherbrooke.
M. Gosselin: Au début, je voudrais remercier et saluer la
contribution considérable que ce comité de travail
bénévole a pu réaliser dans les quelques dernières
semaines face à la situation d'urgence qui prévalait à
East Angus. J'aimerais signaler que ce qu'il amène ici aujourd'hui
concerne effectivement toute la région de l'Estrie et l'importance
considérable des pâtes et papiers chez nous, tant par l'usine
d'East Angus que par l'usine de la Domtar à Windsor, qui a un effet
secondaire important sur toutes les autres municipalités alentour.
A cet égard, je voudrais également saluer les gens qui
sont ici et qui forment une délégation importante de la
municipalité de Windsor; en quelque sorte, ils appuient la
démarche du comité ad hoc d'East Angus parce qu'on sent que
l'annonce de la fermeture de l'usine d'East Angus pourrait se reproduire
également à Windsor, compte tenu qu'on traite avec la même
compagnie. Là-dessus, j'aurais plusieurs questions à poser,
sûrement les autres membres de la commission aussi, sur le travail que
vous avez effectué.
J'aimerais d'abord savoir si vous avez obtenu tous les renseignements
dont vous pouviez avoir besoin pour votre travail, mandatés par la
population pour tenter d'assurer la survie de l'usine à East Angus;
est-ce que vous avez pu obtenir toute la collaboration de la compagnie Domtar
et tous les renseignements dont vous auriez pu avoir besoin pour votre
travail?
M. Turcotte: Vous demandez, strictement, au niveau de Domtar.
Disons que ce n'est un secret pour personne qu'à la compagnie Domtar,
comme d'autres compagnies de pâtes et papiers 'imagine qu'elles
respectent toutes la même ligne de conduite, elles ont toutes la
même ligne de conduite là-dessus on n'a pas eu accès
au circuit d'information priviligié auquel peut-être le
gouvernement a eu accès. Cependant, il est bien évident que les
cadres locaux, de même que la gérance locale se sont mis à
notre disposition pour nous fournir, quant à la production locale, des
choses qui, en d'autres temps, seraient considérées comme
confidentielles, ce que nous avons fort apprécié.
Maintenant, on n'a pas été dans le secret des dieux quant
au reste, je veux dire.
M. Gosselon: Autrement dit...
M. Turcotte: D'ailleurs, on n'a pas demandé ou fait appel
à cette information de façon systématique non plus, mais
je ne crois pas qu'on aurait eu accès à ce circuit d'information
privilégié.
M. Gosselin: Voici le point que je voudrais faire ressortir. On
ne retrouve pas cela dans votre analyse, peut-être parce que vous n'avez
pas eu le temps; vous n'aviez pas, justement, ce type de renseignement. On ne
trouve pas, dans votre analyse, un énoncé des investissements
dans le temps que la compagnie Domtar a pu faire à East Angus pour
moderniser ses équipements. Est-ce qu'elle a pu investir, pour
correspondre aux normes anti-pollution, des bénéfices locaux
qu'elle a pu tirer de ses exploitations? C'est parce que vous n'aviez pas ces
données?
M. Turcotte: II y a un rapport des cadres, des
contremaîtres qui nous avait été soumis au tout
début de notre travail et qu'on a d'ailleurs déposé ici
lors d'une rencontre avec le ministre des Terres et Forêts. Il ne fait
pas partie intégrante du mémoire qu'on vous soumet aujourd'hui,
mais il a été possible à la mesure des moyens du bord,
évidemment quand je parle des moyens du bord, ce sont des moyens,
des efforts de cadres locaux d'évaluer approximativement,
grâce à lui, les sommes qui auraient été
consacrées pour se soumettre aux normes antipollution et au
rajeunissement de certaines parties de notre usine.
Cela a été recueilli. Maintenant, il est bien
évident, encore une fois, qu'on est à la merci de tout cela. Cela
provenait d'informations locales auxquelles on a confiance et auxquelles on
conserve confiance. Est-ce la réalité? Je ne suis pas en mesure
d'évaluer tout cela. On n'a pas cru bon, étant donné cette
vulnérabilité à laquelle se prêtaient ces
informations, d'en faire part dans ce dernier mémoire. Ici, des gens me
soumettent un mémoire des contremaîtres, si cela peut vous
intéresser. Je ne suis pas familier avec.
M. Gosselin: Est-ce qu'on pourrait demander qu'il soit
également déposé?
M. Turcotte: Pardon? Oui, il est possible qu'il soit
déposé et je pourrais peut-être demander à un des
membres de notre comité de vous informer là-dessus parce que je
reconnais que je ne suis pas le plus familier avec ce type d'information.
Est-ce qu'il y aurait un membre des cadres, M. Beaulieu, peut-être? Il y
a une lettre assez exhaustive qui fait partie de ce document des cadres. Ce
serait fastidieux de lire cela, mais tout a été retracé
par ces gens, ce qui a été remplacé, les pièces qui
ont été rajeunies dans une terminologie très technique.
Pas d'évaluation, évidemment, en chiffres et en argent.
M. Beaulieu, s'il vous plaît, peut-être que vous pouvez
ajouter...
M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le député ou M. le
ministre, nous avons soumis un rapport au comité ad hoc avec tout ce qui
a été investi, si vous voulez, ou installé ou
renouvelé, mais les prix ne sont pas au bout. C'est cela que vous voulez
dire. J'avais un document ici avec tout ce qui a été fait.
M. Gosselin: Ils ne sont pas au bout.
M. Beaulieu: Le prix n'y est pas.
M. Gosselin: Mais voici ce que je veux amener. On peut produire
des listes d'équipements qui ont pu être renouvelés au
cours des années. Mais est-ce qu'il vous semble que la compagnie Domtar
au cours des cinq, dix dernières années, a agi, dans sa politique
d'investissements, selon une stratégie de renouvellement continu et
progressif de ses équipements?
La compagnie n'était pas sans savoir la durée de sa
chaudière, la détérioration de ses équipements.
Est-ce qu'elle a agi, à votre point de vue, selon un processus continu,
à partir des analyses que vous avez faites, si sommaires
soient-elles?
M. Turcotte: L'on sait que la compagnie avait identifié
les problèmes d'équipement depuis longtemps. Elle a bien souvent
eu l'intention de moderniser certaines pièces importantes, mais ne l'a
pas fait. On peut vous dire cela. Elle ne l'a pas fait pour des raisons de
rentabilité, rentabilité dont on a discuté ici hier, pas
moi, mais d'autres en ont discuté avec vous.
On sait qu'ils le savent, qu'ils ont vu la détérioration
des équipements, qu'ils ont fait tout leur possible pour assurer une
rentabilité locale, justifiant leur présence, mais guère
au-delà de cela. Ce n'est pas un investissement majeur, assurant
à notre usine une survie à long terme. Absolument pas...
Par contre, de là à dire qu'il y a eu négligence
je ne suis pas en mesure de l'évaluer je ne le croirais
pas, mais il y a quand même eu identification de pièces
d'équipements désuètes et déficientes depuis un
certain temps, et on n'a pas fait grand chose d'important quant à cela.
Cela a entraîné la situation grave que l'on connaît
où une pièce, à savoir une chaudière de
recouvrement, a été considérée par plusieurs comme
condamnable. Cela a entraîné des baisses de production dramatiques
qui ont conduit au problème de fermeture qu'on connaît.
M. Gosselin: Cela veut dire que vous n'êtes vraiment pas en
mesure d'évaluer la part respective d'investissement, à
même les bénéfices, que Domtar a pu réaliser
localement, la part relative de réinvestissement de ces
bénéfices, eu égard à ses autres plans ou aux
autres projets de développement qu'elle pourrait avoir à
l'extérieur.
M. Turcotte: Absolument pas.
M. Gosselin: Vous n'êtes pas en mesure d'évaluer le
prorata du réinvestissement local.
M. Turcotte: Absolument pas.
M. Gosselin: Très bien. L'opinion générale
de la population d'East Angus c'est peut-être une question
d'interprétation que je vous pose à l'égard de la
contribution sociale de la compagnie à la vie des citoyens, à la
survie de la population locale... Vous avez signalé dans votre
mémoire
que 77% des travailleurs masculins dépendaient directement de la
compagnie. On sait également que la compagnie contribue dans un
pourcentage assez imposant à la taxation municipale. Je crois que c'est
37%. Il semble que de ce côté, au cours des années, depuis
1970 je ne sais pas si ces chiffres apparaissent dans votre document ou
si je les tiens d'ailleurs la compagnie ait joui progressivement de
dégrèvements fiscaux de plus en plus avantageux. On payait
à la municipalité d'East Angus aux alentours de $272 000 en taxes
annuelles, d'après les données qui m'ont été
fournies. Je voudrais que cela soit vérifié. Actuellement, cela
baisserait progressivement. Est-ce exact?
M. Turcotte: Je demanderais à M. le maire de
répondre à cette question.
M. Couture (Roger): M. le Président, messieurs les
députés, disons qu'il est réel que l'évaluation de
la compagnie Domtar d'East Angus, au point de vue foncier, se situe aux
alentours de $5 millions présentement.
En 1972, le chapitre 50 de la loi 48 disait que la machinerie
industrielle devrait être retirée du rôle
d'évaluation. Alors cela a représenté chez nous un retrait
de machinerie d'une valeur d'environ $6.9 millions, déductible
annuellement pendant une période de 15 ans.
Rien que cette partie de la machinerie va enlever à la ville
d'East Angus, pendant cette période, environ $1 million de taxes. En
plus, en 1972, la ville d'East Angus a procédé à la
réfection de son rôle d'évaluation scientifique. Nous avons
été à même de voir que l'évaluation des
immeubles de l'usine Domtar avait été réduite tandis que
celle des citoyens avait été deux fois et demie à trois
fois plus élevée.
La ville a été obligée de réduire le taux de
taxation, vu l'augmentation de l'évaluation totale. En 1971, le taux de
taxation à East Angus était de $2.30 les $100. A cause de la
restriction du rôle, nous avons réduit le taux à $1.30 les
$100. Domtar, à ce moment, en plus de voir son évaluation
réduite, a bénéficié d'une réduction de $1
de son taux de taxation.
M. Gosselin: Autrement dit, la compagnie aurait normalement eu
toutes les facilités et tous les encouragements possibles pour
s'organiser d'une manière plus expansionniste, pour assurer le
développement et les réinvestissements de son entreprise. Elle ne
l'a pas nécessairement fait.
M. Couture: Je pense que la loi 48 avait comme but d'aider
l'industrie. Nous n'avons rien contre cela. Nous sommes contre le fait que ce
soit la ville seule qui participe à cela.
M. Gosselin: En principe, la fermeture avait été
annoncée légalement le 6 mai pour le 30 septembre. Voilà
qu'au mois de juin les cadres, ou la direction locale, proposent au
siège social de Domtar un plan par lequel, moyennant un gel des salaires
et une diminution du personnel... Donc moyennant une série de sacrifices
demandés aux travailleurs, la direction locale demande à la
maison mère la permission ou la possibilité de continuer les
exploitations après le 30 septembre. Il y a alors des assemblées
syndicales, des propositions dans ce sens sont faites aux travailleurs.
Effectivement, l'ensemble des employés consent à tous ces
sacrifices, qui s'avèrent relativement considérables. La
contrepartie, du côté de la compagnie, c'est que les
opérations continueront après le 30 septembre, mais sans garantie
qu'il n'y aurait pas, dans un ou deux mois, fermeture. Est-ce exact?
M. Turcotte: C'est exact. La contrepartie qu'offrait Domtar,
c'est qu'on continuerait si on se rendait à ces offres.
Actuellement, pour que ce soit clair pour tout le monde, on est en
instance de fermeture à tous les jours, c'est-à-dire moyennant
avis de 30 jours. On prétend je parle de direction locale
qu'on peut faire, suivant la production qui a quand même
été accrue en dépit de la diminution du personnel, qui est
encore très bonne en dépit du climat d'angoisse et de
difficulté qu'on connaisse, de trois à cinq ans, possiblement.
Mais il est bien évident que dans l'éventualité d'un
événement de force majeure on chavire royalement et qu'on soit
obligé d'envisager une fermeture. Sur le plan économique, il n'y
a rien de pire à affronter, soit le fait de savoir que l'on peut fermer
du jour au lendemain. Humainement parlant, c'est un martyre que de vivre avec
cette incertitude.
M. Gosselin: Malgré cette situation très
pénible qui prévaut comme contexte de travail de la part des
travailleurs qui restent dans le circuit, parce qu'il y en a une centaine qui
ont dû accepter le sacrifice de leur emploi, quel est le niveau de
productivité? Cela a été un des gros griefs dans le
passé ou une des grandes argumentations de la compagnie à savoir
la productivité de son entreprise. Avez-vous des indices quant à
la productivité actuelle?
M. Couture: Je demanderais à un travailleur du groupe de
répondre à la question car il est certainement plus au courant de
ce fait. M. Bisson, ou M. Beaulieu, deux personnes qui se frottent à ces
réalités quotidiennement.
M. Beaulieu: La productivité par tonne à East Angus
se situe peut-être aux environs de 7,8 hommes par tonne, comparativement
aux pays Scandinaves qui peut être de 3,5 à 4. Je parle toujours
d'il y a à peu près trois ou quatre mois passés.
M. Gosselin: Ce qui serait excellent. Comparativement aux pays
Scandinaves, comparativement aux Etats-Unis ou comparativement à
d'autres places que vous avez ailleurs au Québec, comment
établissez-vous ces comparaisons?
M. Beaulieu: La productivité était à la
baisse.
M. Gosselin: Oui.
M. Beaulieu: Depuis peut-être deux ou trois mois, il y a
une légère augmentation. Si vous demandez le pourcentage exact,
je regrette, mais je ne peux pas vous le dire. Je ne le sais pas au juste.
M. Gosselin: Pour l'instant, ce sont à peu près les
seules questions, sauf cette dernière. Vous signalez la
responsabilité du gouvernement à agir dans ce dossier. Vous
suggérez que la manière dont le gouvernement devrait agir serait
de s'asseoir avec la compagnie, avec les travailleurs, avec les instances
intermédiaires de la population d'East Angus pour chercher ensemble la
solution. Pourriez-vous nous indiquer plus clairement quelle attitude le
gouvernement devrait adopter face à la compagnie Domtar? Est-ce une
attitude de subvention face aux investissements requis pour la modernisation,
une attitude de contribution au capital-actions, une attitude de contrainte
légale ou autre? Avez-vous fouillé ces avenues?
M. Turcotte: Evidemment, on a fouillé ces avenues par
intérêt, mais vous pouvez être certain que le comité
ad hoc comme tel n'y peut rien. Sauf, si nous étions le gouvernement,
permettez-nous les suggestions suivantes.
On voit mal que vous mettiez de côté une compagnie comme
celle-là. En d'autres mots que vous pensiez quant à East Angus de
prendre l'affaire en main. Dans un premier temps on verrait cela très
mal. Il y a des démarches préliminaires importantes à
faire.
On ne croirait pas vain que vous puissiez rencontrer les hautes
instances de cette compagnie avec la gérance locale pour justement
étudier, parce qu'il y a nécessité de plusieurs millions
de dollars pour assurer à East Angus une survie à long terme, une
vocation nouvelle qu'ensemble vous pourriez déterminer. Je dis qu'il ne
faut pas les mettre de côté. C'est bien simple.
C'est une compagnie qui nous apparaît, jusqu'à preuve du
contraire, compétente en dépit de bien des problèmes
qu'ils nous occasionnent, à savoir qu'on a à vivre avec les vices
d'une société capitaliste comme celle-là, par les temps
qui courent, cela ne leur enlève pas leur compétence sur ce plan.
Dans cette démarche, dans un premier temps, vous auriez, je crois,
intérêt à vous asseoir, tout le monde ensemble, pour autant
qu'au départ, il y ait cette attitude positive de faire des concessions
de part et d'autre. Je veux dire que le syndicat aussi est dans le coup, c'est
une autre partie importante, la participation ouvrière.
Si cela ne marchait pas, j'imagine que le gouvernement devra se montrer
courageux, quant à nous, pour agir parce qu'on sait que le gouvernement,
quand même, a une position de force face à ces compagnies, dont il
doit se servir à un moment donné, et le moment donné est
à partir du moment où, j'imagine, vous constatez que c'est beau
être rentable et c'est le devoir des compagnies et de l'entreprise
privée d'être rentables et de faire de l'argent, mais vous, comme
gouverne- ment, vous avez une vocation plus élevée que
celle-là. C'est que la rentabilité n'a aucun sens dans une
société si c'est pour moins de bonheur humain, et, à
partir du moment où il y a moins de bonheur humain, vous devez vous
interroger sur les façons de rendre une usine rentable et de classer ces
problèmes, tel qu'on est en train de le faire actuellement. Vous devez
intervenir en tant que gouvernement, selon moi, et, dans ces étapes
à franchir, il est bien évident que vous ne vous devez pas de
sauter irrespectueusement par-dessus les compagnies qui sont là, les
mains là-dedans, et des gens qui trempent là-dedans. Vous auriez
tout intérêt à faire des mini-sommets du style de ceux que
vous connaissez, que vous expérimentez et qui s'avèrent utiles,
j'imagine, d'une certaine façon.
C'est une espèce de nouveau contrat social qui est proposé
à East Angus. Sans cela, à East Angus comme ailleurs, à
tous ces endroits où c'est modernisable, où c'est vieillot et
où, pour des hommes d'affaires qui envisagent une rentabilité
d'abord et avant tout, c'est injustifiable, comme disent les compagnies, de
mettre de l'argent là-dedans, en plus, il va falloir qu'à un
moment donné, le gouvernement intervienne pour faire valoir cette
espèce d'obligation morale envers une population. Aussi bien le faire
assis autour d'une table et, si cela ne marche pas, aussi bien intervenir avec
les pouvoirs que vous avez et vous n'ignorez pas que vous les avez, je le sais,
et dont vous devrez vous servir, malheureusement. Cela demande du courage, on
vous en souhaite énormément, on vous épaule
là-dessus.
Je verrais mal une compagnie convoquée à discuter de ces
problèmes avec les ouvriers ne pas le faire, ne pas essayer de relever
ce défi. C'est énorme, c'est gigantesque comme défi. On a
senti que la population d'East Angus était prête à sortir
des sentiers battus pour s'en tirer pour le 30 septembre, tel qu'on l'a fait,
et j'imagine qu'elle est capable d'aller plus loin. Il y a un
précédent unique qui mérite une certaine réflexion
et une certaine analyse et qui peut conduire à l'élaboration
d'une politique de modernisation d'usines vieillottes et modernisables.
Evidemment, il va falloir que des spécialistes se penchent sur
l'utilité de moderniser, sur telle et telle analyse; ils auront des
décisions malheureuses à prendre, mais il va falloir que cela se
fasse par quelqu'un et je crois que c'est le temps de le faire plus que jamais.
Les gouvernements passeront et cela continuera; on ne peut pas se fermer les
yeux indéfiniment. Chez nous, en tout cas, c'est le temps plus que
jamais que vous affrontiez la réalité, et ailleurs aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurai tout
d'abord deux commentaires. Me Turcotte, je tiens tout d'abord à vous
remercier et je tiens particulièrement à vous rendre hommage,
vous et votre groupe. Qu'un groupe de citoyens comme celui-là, non
directement concerné par un problème, mais
suffisamment sensibilisé et touché indirectement, joigne
ses efforts en commun et mette l'épaule à la roue pour contribuer
à la solution d'un problème aussi aigu dans votre
région...
Le deuxième commentaire, c'est que vous avez, à un moment
donné, dans votre exposé, fait état des objectifs que vous
recherchiez et de ce que vous souhaitiez. Vous avez mentionné, vous avez
dit: Nous sommes peut-être naïfs de souhaiter que... lorsque vous
parliez de la mise en commun de tous les efforts, de tous les groupes et de
toutes les parties en présence, mais je tiens à vous dire, Me
Turcotte, que, si vous êtes naïf, quant à moi, je le suis
aussi, parce que, depuis le début des travaux de cette commission, je
pense qu'unanimement, nous avons souhaité que les travaux de cette
commission deviennent vraiment une mise en commun des efforts et vraiment un
forum d'échanges du toutes les parties; d'une part, les partis
politiques en présence, parce qu'on constatera qu'il n'y a pas eu de
flèches partisanes qui ont été lancées, ni d'une
part ni de l'autre, et aussi des groupes qui ont comparu devant nous.
Nous considérons que la solution au problème
épineux que vous vivez, plus particulièrement à East
Angus, et qui est ressenti dans plusieurs autres régions du
Québec, la solution ne pourra résulter que d'un forum positif de
la part du milieu syndical, du milieu patronal, des associations, des groupes
de citoyens comme vous et des partis politiques.
J'aurais quelques questions assez brèves, parce que le temps
passe et je voudrais évidemment laisser à d'autres
collègues la chance d'intervenir. Une question technique au
départ. Lorsque vous parlez de l'alimentation en bois, vous faites
état que sur 84% des bois servant à la production de copeaux, 80%
proviendraient des limites américaines. Lorsque vous parlez de
l'approvisionnement éventuel, vous faites de plus état qu'il ne
semble pas y avoir de problèmes au niveau de l'alimentation sur une base
régionale, que vous avez suffisamment d'essence dans la région,
dans les régions des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie, dans la
sous-région de la Beauce, pour l'alimentation à long terme de
l'entreprise. Advenant le cas où l'alimentation dans les limites
américaines deviendrait impossible par quelque mesure gouvernementale
que ce soit, que ce soit de l'état du Maine, du gouvernement
américain ou autre, avez-vous la garantie certaine de
l'approvisionnement avec les essences ici au Québec et plus
particulièrement dans votre région? Cette garantie vous
vient-elle du gouvernement, dans les communications que vous avez eues avec le
ministère des Terres et Forêts? Cette question a-t-elle
déjà été soulevée?
M. Turcotte: Cela a évidemment été
soulevé. Cela a été un point sur lequel nous nous sommes
longuement interrogés. A partir des informations-que nous a transmises
le ministère des Terres et Forêts à ce sujet, dans notre
région, à savoir la région des Cantons-de-l'Est comme
telle, ce qui veut dire Nicolet, Mégantic, Québec-Sud, le sud de
Montréal et Lotbinière. Il y a apparemment là une
possibilité en matière résineuse qui pourrait suffire
à alimenter une usine à production quotidienne de l'ordre de 400
tonnes. Si ce que vous me dites s'avérait juste à un certain
moment il y a un facteur "x", les Etats-Unis décident que les copeaux et
le bois se coupent ici, du jour au lendemain nous avons cette
possibilité de retourner aux billots dans notre milieu. Pour suffire
à l'alimentation d'une usine avec une capacité de 400 tonnes de
production par jour; actuellement, chez nous, ce sont à peu près
200 ou 210 tonnes en matière résineuse, mais il faut aussi
considérer qu'il y a Windsor Mill à côté qui utilise
peut-être un petit pourcentage de matières résineuses parce
qu'on y utilise surtout le feuillu. On est vulnérable, mais pas tant que
cela. A notre connaissance, on ne l'est pas du tout si ceci arrivait. Par
contre, il ne faudrait pas s'illusionner. Les Américains font couper du
bois ici, on garde les copeaux, mais nous aussi nous en faisons couper
là-bas, un moment donné dans le bout de la Gaspésie, et il
y aurait peut-être lieu que le gouvernement intervienne si cela se
produisait. Ce ne seraient peut-être pas des politiques de bon aloi, mais
on pourrait jouer là-dessus. On sait que cela se fait aussi au
Nouveau-Brunswick. Il ne faut pas craindre le pire à ce sujet et
même si le pire arrivait, il y aurait moyen de trouver une solution de
rechange valable. Le retour aux billots, comme cela s'est fait durant plusieurs
années chez nous et nous sommes équipés pour le faire.
M. Pagé: En fait, le gouvernement a les leviers suffisants
pour s'assurer de l'approvisionnement de l'usine si jamais
l'éventualité de l'alimentation en bois à
l'extérieur du Québec...
M. Turcotte: A notre connaissance, oui. M. Pagé:
D'accord.
M. Turcotte: Si je me trompe, j'aimerais qu'on me corrige
immédiatement.
M. Pagé: Relativement à la négociation du
dernier contrat de travail, et Dieu sait si on a entendu parler à
plusieurs reprises de cette question des salaires, du taux de
productivité, la comparaison des salaires payés ici, au
Québec, avec d'autres pays européens ou encore avec des
états américains. Dans la négociation question bien
concrète pour l'information des membres de la commission
avez-vous eu l'occasion de comparer si ce qui était demandé
spécifiquement à East Angus, était comparable à ce
qui était acquis ou confirmé dans des conventions collectives
dans d'autres usines de la même compagnie, je donne l'exemple de
Donnacona, de Windsor?
M. Turcotte: Notre comité ad hoc n'a absolument pas fait
ce genre de travail. Nous ne voulions pas nous immiscer dans le problème
de négociation de convention collective où juridiquement nous
n'avions rien à faire et où nous n'avions aucun droit.
J'imagine que vous comprenez très bien que nous nous occupions du
problème de l'extérieur, que nous visions à sensibiliser
la population à recueillir des informations, à faire participer
le plus de gens possible. Mais on n'a jamais voulu cela a
été difficile et on a peut-être manqué à
notre désir intervenir à ce titre dans la
négociation de la convention collective. La question que vous me posez
n'a donc jamais été discutée comme telle au comité,
même si on l'a soumise de temps en temps. Il serait bon qu'on fasse des
vérifications salariales.
S'il y avait, parmi les membres de notre comité, quelqu'un
d'informé là-dessus, je demanderais qu'il se prononce. Il y en a
peut-être, mais je n'ai pas l'impression qu'on ait fait des
comparaisons.
M. Pagé: D'accord. Je présume que le gros argument
de la compagnie, en annonçant sa fermeture, était certainement la
rentabilité. Si on tient compte du fait que les 70% de la production
vous le confirmez dans votre mémoire seraient vendus et
livrés au Canada, ce n'est certainement pas un problème de
marché! C'est donc un problème de rentabilité, un peu
comme les autres problèmes liés au coût de production par
rapport au marché international. Vous dites, sur une question du
député de Sherbrooke, que vous n'avez pas eu les chiffres en main
pour vraiment avoir le tableau le plus fidèle possible de l'usine comme
telle, c'est-à-dire les investissements depuis certaines années,
les dépenses en amélioration d'équipement et en
modernisation, la dépréciation fiscale invoquée par la
compagnie auprès des différents paliers de gouvernement, etc.
Mais, quand même, à la page 10 du mémoire, vous
alléguez qu'à court terme, la machinerie peut très bien
être exploitée et ne requérir que quelques centaines de
milliers de dollars pour exploiter de façon rentable. J'aimerais revenir
à cette fameuse question de rentabilité, parce que, quand on
parle de rentabilité, il faut parler avec les chiffres devant soi, et
vous avez fait état que vous n'aviez pas pu avoir les chiffres de la
compagnie. Je présume que le ministère des Terres et Forêts
a ces chifres, et j'aimerais savoir, dans un premier temps, si vous vous
êtes enquis auprès de ce ministère pour les avoir. Dans un
deuxième temps, je tiens à vous faire part que la commission est
habilitée à les enquérir de la part de la compagnie. Quant
à moi, je me propose, si ce n'est pas déjà fait, d'en
faire part à la compagnie Domtar cet après-midi. Est-ce que vous
vous êtes enquis auprès du ministère des Terres et
Forêts pour avoir le tableau financier le plus exact possible de la
compagnie à East Angus? Deuxièmement sur quoi vous fondez-vous
pour alléguer, à la page 10 de votre mémoire que
l'entreprise sera en mesure avec seulement quelques centaines de milliers de
dollars d'investissement, d'exploiter de façon rentable pour une
période approximative de dix ans?
M. Turcotte: Quant à votre première question, il
n'y a pas eu de demande formelle à cet effet au- près du
ministère des Terres et Forêts. Par contre, lors d'une rencontre
ici, et au cours de certains échanges téléphoniques et
verbaux que j'ai eus avec des membres du ministère, M. Gilbert et M.
Verret, on a formulé le voeu, à plusieurs reprises, d'avoir ces
données. On nous a dit: On va vous les communiquer en autant que faire
se peut. On ne les a jamais eues.
Une Voix: Quand cela a-t-il été fait?
M. Turcotte: Notre comté a été
constitué vers le 11 juin. Il est bien évident que cela aurait
été un éclairage important, pour répondre à
une question comme la vôtre, éclairage fondamental qu'on se doit
d'avoir pour considérer ce problème dans sa totalité.
L'autre élément de votre question, c'est-à-dire
votre deuxième question plutôt, quelle était-elle au juste?
Voulez-vous la répéter?
M. Pagé: En l'absence de chiffres?
M. Turcotte: Comment se fait-il qu'on en a conclu...
M. Pagé: Oui.
M. Turcotte: Pour cela, évidemment, il a fallu faire
confiance à quelqu'un. En l'absence de chiffres, on fait confiance
à quelqu'un. On n'est pas à ce point méfiants des
données de nos gérants locaux et des cadres qui ont quand
même une certaine expérience et qui ne se laissent pas si
facilement charrier qu'on pourrait le croire. C'est à partir de cela
qu'on en est arrivé à la conclusion que, sans investissement
majeur, c'est-à-dire en refrénant peut-être les revenus
provenant annuellement de notre entreprise, on pourrait arriver à faire
durer cela de trois à cinq ans, six à sept ans, on ne le sait
pas. Apparemment, les expectatives les plus optimistes, les plus
réalistes seraient de cinq ans. Ce sont les cadres qui nous ont permis
d'élaborer cette thèse; ils ont justifié que tel et tel
morceau n'était pas si tragique que cela. Il est bien évident
qu'on est à la merci de forces majeures et de poussées
inflationnaires qu'on connaît tous et que cela peut réduire nos
données de trois à un an ou de cinq à trois ans.
Je ne vous ai peut-être pas dit cela tout à l'heure, mais
il y a une affaire qui nous trotte dans l'esprit. C'est qu'il ne faudrait pas
et cela pourrait devenir, s'il n'y a pas intervention gouvernementale ou s'il
n'y a pas prise de position catégorique de la part de l'Etat, cela
pourrait devenir une agonie très lente de notre affaire. Je veux dire,
on peut assister à un pillage de tout ce qui reste de bon chez nous, en
équipement, et au profit de qui? Il semblerait, et on ose
l'espérer, que les revenus qu'on pourrait générer, suite
au nouyel accord des systèmes de comité de communication, ces
revenus pourraient être réinvestis chez nous.
C'est à vérifier. Jusqu'ici, il n'y a rien qui nous permet
de conclure négativement ou positivement là-dessus. Mais, si
Domtar a l'intention de décen-
traliser l'administration de son usine d'East Angus, de laisser carte
blanche à la gérance locale, comme elle l'a déjà
dit plus ou moins clairement, peut-être qu'on aurait un droit de regard
sur les revenus qu'on va générer suite à tous ces
sacrifices et peut-être qu'on va les investir dans notre usine pour
moderniser. Mais, même avec ces revenus, il est bien évident que
c'est insuffisant pour assurer à long terme une survie. Maintenant,
qu'on a dit que l'usine n'est pas rentable, cela ne veut pas dire qu'il ne se
fait pas des revenus annuellement.
Encore une fois, je me base sur quoi? Je fais confiance en du monde. Si
j'ai pu comprendre quelque chose des contacts qu'on a eus avec ces gens, c'est
que ce n'est pas rentable dans le sens suivant: c'est que cela ne justifie pas
un investissement majeur de plusieurs millions pour régler les fameux
problèmes d'équipement identifié. C'est-à-dire, le
rendement du capital investi serait ridicule et dérisoire. Il est bien
évident qu'ils ne mettront pas d'argent là-dedans. C'est de cette
façon qu'on arrive à la conclusion d'accepter, d'une certaine
façon, que c'est non rentable.
Ce qui ne veut pas dire que l'usine, actuellement, fonctionne à
perte. Si elle fonctionnait à perte, elle fermerait demain matin. C'est
aussi simple que cela. Domtar nous l'a dit clairement. Il faut faire nos
frais.On est poigné avec cela et on a fait notre possible pour les faire
nos frais. Il y a du monde qui ne travaille plus et les autres travaillent plus
fort, etc., avec tous les sacrifices que cela veut dire, des
déchirements et des bouleversements sociaux. Jusqu'à quand cela
va durer? On ne le sait pas.
M. Pagé: Cette question de rentabilité... On l'a
constaté d'ailleurs dans le dossier de la Wayagamack, dans le premier
trimestre, il a quand même été démontré que
la compagnie avait fait des profits et que ce n'était pas une perte
d'argent comme telle.
Vous avez fait état de communications avec le ministère
des Terres et Forêts, et je présume que depuis votre existence,
depuis la formation du comité, vous avez dû être en
relations quand même assez étroites avec le ministère des
Terres et Forêts. D'accord que le ministère n'a pas donné
suite au voeu que vous aviez formulé de divulguer les chiffres et le
portrait financier de l'entreprise.
Là-dessus, je tiens à vous souligner que vous n'êtes
pas le seul à ne pas avoir de réponse au voeu, parce qu'on en a
formulé récemment en commission et apparemment, on n'en a pas eu
encore. D'autant plus, le ministre n'a pas voulu se prononcer là-dessus.
Mais, dans ces communications avec le ministère des Terres et
Forêts, une dernière question, c'est qu'il y a quelques semaines,
dans la Tribune de Sherbrooke, suite à la visite du premier ministre
dans la région, il y avait une belle manchette à savoir que
c'était réglé et j'espère, en tout cas, que ce
n'était pas l'enthousiasme d'une tournée électorale, mais
dans cet article, on a fait état d'un plan de rationalisation et de
modernisation.
J'aimerais savoir si vous avez été consulté et si
ce qui a été évoqué, à l'époque, soit
le 26 ou le 27 septembre, était suffisamment sérieux pour, je
parle, vous encourager. Cette consultation est-elle allée jusqu'à
de la participation de la part de votre comité ou encore du
comité de communication qui est formé de ce projet ou dans ce
programme de rationalisation et de modernisation?
M. Turcotte: Nous autres, le programme de rationalisation et de
modernisation, on en a entendu parler comme vous autres, pas plus que cela. Ce
qu'on savait que le gouvernement faisait, c'est qu'il y avait une commission
parlementaire. Ce que l'on sait qu'il a fait, c'est qu'il a
dépêché chez nous des équipes de fonctionnaires et
même une firme privée pour faire une évaluation. On sait
qu'il a fait cela. Par contre, on n'a jamais, en aucun moment, participé
à l'élaboration d'une politique de rationalisation ou de
modernisation. Ni les cadres, ni nous, j' en suis à peu près
convaincu. S'il y a une "game" qui se joue ailleurs, on aimerait bien le savoir
comme vous autres parce que nous aussi, cela nous a agréablement
surpris, cette déclaration. Cela nous a étonnés. Si on
disait...
La précision que j'ai faite tout à l'heure,
peut-être parce qu'ils ont su que cela ne fermait pas le 30 septembre
contrairement à la Wayagamack qui, elle, est fermée,
peut-être ont-ils dit: Ils ont réglé leur problème.
On voulait s'assurer que vous le compreniez aujourd'hui.
M. Pagé: D'accord.
M. Turcotte: Peut-être aussi que le gouvernement a
préparé, par des rencontres en coulisse avec Domtar ou ailleurs,
un plan de rationalisation. Peut-être ne l'a-t-il pas contactée,
mais il est sur le point de faire des contacts dans l'esprit qu'on vous
décrivait tout à l'heure, je ne le sais pas.
Par contre, il ne faudrait pas conclure de cela que le ministère
des Terres et Forêts a été à ce point absent; au
comité, il y avait une personne-ressource, qui était un M.
Côté, directeur à Sherbrooke, qui a été
hebdomadairement avec nous pour nous rendre tous les services qu'on voulait. On
n'a peut-être pas su l'utiliser mais, encore une fois, ça prenait
tout notre petit change pour savoir ce qui se passait chez nous. On se disait:
S'il y a quelque chose d'important qui se passe ailleurs, ils vont nous le
dire, ils vont nous faire signe à un moment donné. On leur a fait
confiance à cet égard. On a trouvé étonnante la
déclaration du premier ministre et on aimerait en connaître plus
long, c'est bien évident.
M. Pagé: D'accord. Me Turcotte, je vous remercie. Le temps
passe et je vais laisser ma place, par délicatesse, à mon
collègue de Mégantic-Compton qui, à plusieurs reprises,
lui et moi avons soulevé votre problème ici, à
l'Assemblée nationale. Je suis certain que tout comme vous et tout comme
moi il espère que cette commission sera peut-être le tremplin
à une solution à long terme au problème qui vous
préoccupe actuellement.
Avant de céder la parole à mon collègue de
Mégantic-Compton, je voudrais quand même aviser le ministre que
j'aimerais bien que celui-ci puisse répondre, dans la déclaration
ou le commentaire qu'il fera après l'intervention du
député de Mégantic-Compton, aux deux questions suivantes.
Si les chiffres, le tableau ou le portrait financier de la compagnie Domtar,
à East Angus, n'ont pas été rendus publics ou tout au
moins dévoilés au comité, est-ce à la suite d'une
entente avec la compagnie? S'il n'y a pas eu d'entente avec la compagnie,
entend-il déposer ces chiffres?
La deuxième question, à laquelle j'aimerais bien que
celui-ci réponde, est la suivante: Est-ce que le ministère des
Terres et Forêts entend s'associer les gens du milieu, et
particulièrement le Comité ad hoc pour la survie de l'usine
à East Angus, dans son programme de rationalisation et de modernisation?
Il pourrait profiter de l'occasion pour faire état de ce fameux
programme. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Le journal La Tribune,
le 20 juillet dernier, publiait un éditorial signé par Jean
Vigneault, un excellent éditorialiste fort connu dans la région
des Cantons de l'Est, qui s'interrogeait sur la Commission industrielle de
Sherbrooke qui ne prenait pas part ou qui ne prenait pas position quant
à l'éventuelle fermeture de Domtar. Il disait de cette
commission: "Mais elle pose un diagnostic incomplet et elle oublie le fait que
d'autres intervenants politiseront le problème sans se faire de scrupule
tandis que les personnes les plus concernées, les travailleurs, n'auront
peut-être pas de porte-parole pour défendre leur cause."
Je suis heureux aujourd'hui, M. le Président, de constater avec
vous que les politiciens, que ce soit le ministre ou le député du
comté concerné, ont été au-dessus de la politique
dans le problème d'East Angus. Les travailleurs ont trouvé, dans
ce comité ad hoc qui est ici ce matin, les meilleurs défenseurs
qu'il m'a été donné de rencontrer dans des formations
semblables. Vous avez ici, ce matin, un comité qui, avec les moyens du
bord, a fait une excellente analyse de tout le tableau de la région
d'East Angus; un comité de bénévoles qui a
été largement supporté par la ville d'East Angus,
financièrement, pour lui permettre d'en arriver à ces conclusions
que nous avons ce matin. Ce fut un comité où toute la population
s'est impliquée. Ce que vous voyez autour de vous ce matin,
au-delà des gens présents à la table, c'est toute la
population d'East Angus.
A la table, il y a des gens qui représentent des groupes, que ce
soit la ville ou des hommes d'affaires ou les travailleurs eux-mêmes,
mais derrière ces gens il y a ce comité de citoyens, il y a tout
le monde qui ne veut pas qu'East Angus devienne dans l'esprit le Val-Jalbert du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Je voudrais d'abord féliciter le comité ad hoc pour ce
magnifique travail; il a mérité la confiance de toute la
population de la région.
Cela s'est fait sentir dans nos media d'information tant francophones
qu'anglophones. Je voudrais que ces media d'information soient remerciés
pour avoir su sensibiliser la population d'East Angus à ces
problèmes. Cela a été fait d'une façon vraiment
dépolitisée. Nous avons eu pendant les débats, pendant le
travail qu'a préparé ce comité, la visite du ministre du
Travail, M. Johnson. Ce dernier s'est rendu à East Angus il y a une
quinzaine de jours, et lui aussi a compris que ce n'est pas l'endroit pour
politiser le débat. Il a eu une rencontre avec le comité ad hoc
et les autorités.
Je veux également remercier le syndicat local qui a fait un
véritable travail à deux niveaux. Un au comité de la CSN,
lequel nous a été présenté ici, et également
un à ce comité ad hoc. Après l'ajustement du début,
on peut vous dire que cela a été une franche collaboration de
part et d'autre.
Vous avez ce matin, comme vous l'a si bien signalé tout à
l'heure le notaire Turcotte en se faisant le porte-parole de ce comité,
un comité fort original et fort nouveau qui veut qu'on parte dans une
ère nouvelle, qui veut qu'on fasse des choses qui ne se faisaient
peut-être pas dans le passé, que l'éditorialiste de la
Tribune n'avait peut-être pas pressenties, comptant que les politiciens
demeurent toujours d'anciens politiciens qui ne veulent faire que de la
politique et pensent que les travailleurs ne peuvent pas être
sauvegardés.
Ce comité a des limites, des limites de suggestions. On vous les
fait ici ce matin dans un rapport qui est tout à son honneur. Ce
comité a des hommes et des femmes qui représentent cette
population. Je voudrais, en tant que représentant de cette
circonscription, qu'on comprenne que ce comité dépasse ce matin
et transcende peut-être tous les comités qui sont venus ici et les
représentants qui sont ici. C'est la vie d'une ville qui est au bout de
cela.
Quand il s'agit de la vie d'une ville, c'est plus important que les
autres comités qui viendront nous donner des informations dont on a
besoin. Que le ministre ait dit les jours précédents combien cela
était utile pour la commission, je suis bien d'accord que tous ces
comités qui sont venus ont rendu de grands services à la
commission, mais ce matin ce comité revêt une importance bien
différente des autres. Il dit là-dedans tout ce qu'on a besoin de
savoir avec les limites de recherches qu'il avait. Les autres nous viendront
cet après-midi de la compagnie Domtar et à la fin de la
journée du ministre.
Je dois vous informer immédiatement, M. le Président, que
les questions que je poserai cet après-midi à la Domtar et celles
que je poserai au ministre à la fin de ce débat devront donner
à East Angus non pas une lueur d'espoir, mais des
éclaircissements sur sa situation afin de permettre, avant d'ouvrir de
nouvelles villes ailleurs et de fonder des usines ailleurs, de penser qu'on
doit garder à East Angus celle qui fait la vie de ces gens depuis qu'ils
existent là.
Je voudrais, M. le Président, poser une première question
au notaire Turcotte. C'est une question importante que l'on retrouve dans un
mémoire qui sera proposé cet après-midi auquel vous ne
pourrez plus revenir puisque, bien sûr, votre rapport sera
déposé. Dans un mémoire qui nous sera donné cet
après-midi, nous lisons une phrase qui est un peu tragique. Vous avez
certainement analysé l'ampleur de cette déclaration. On sera en
mesure de l'analyser en profondeur cet après-midi, mais j'aimerais
savoir immédiatement ce que vous pensez de ce texte qui nous est
donné. Y aura-t-il des réactions possibles de la part du
gouvernement et de la compagnie ou des changements possibles qui pourront
être apportés?
Nous dirons cet après-midi: "Nous considérons tout
investissement additionnel dans cette usine comme injustifiable. La
prolongation des exploitations sur une base déficitaire ne fait que
grever notre capacité d'ensemble à obtenir des capitaux
additionnels requis pour tirer davantage d'autres occasions d'investissements
plus productives."
M. le Président, je me demande si on pourra ajuster cela. Je
voudrais bien que ce ne soit pas une phrase finale, un paragraphe final.
J'aimerais bien savoir s'il reste des possibilités d'investissements,
que ce soit, comme on l'a dit, des subventions, que ce soit des
dégrèvements, que ce soit des prêts, ou je ne sais quoi
qu'on trouvera pour East Angus.
Avez-vous prévu, vous du comité ad hoc, qu'il y aurait une
possibilité de continuer l'exploitation de l'usine de East Angus? Si
oui, c'est laquelle ou lesquelles?
M. Turcotte: J'imagine que vous devancez un peu. Vous faites
appel au mémoire que déposera Domtar cet après-midi. Ce
que vous venez de me dire là, c'est du déjà dit, du
déjà vu de la part de Domtar; c'est leur verdict. Quant à
East Angus, le verdict est donné depuis un certain temps: on disparait
du tableau. C'est un effort de dernière heure d'un groupe qui s'est
levé dans les broussailles et qui dit: Aïe, ne partez pas, on a
quelque chose à faire, nous autres encore avec vous autres, restez
là. Ils ont accepté, ils ont composé avec cela, mais il
est bien évident que, dans leur façon de faire que vous
connaissez, qui est le langage des compagnies, rentabilité, etc., East
Angus, cela ne justifie plus rien.
Maintenant, nous autres, on veut justement prouver l'inverse. On fait
allusion, je crois, au fait que nos produits sont périmés
à East Angus, qu'on ne fait pas nos frais, bien des choses semblables.
Je trouve cela un peu malheureux, parce que, si les produits qu'on fait sont
périmés, je me demande pourquoi on les fait, puis à qui on
les vend. Si on ne fait plus nos frais, je me demande pourquoi on a
continué après le 30 septembre. Si ce verdict que vous venez de
nous lire, qui fait partie du mémoire Domtar, est vrai, on se demande
pourquoi on continue, quelle carte on joue, dans quelles mains on est et
qu'est-ce qui se joue en coulisse. On se demande si on ne fait pas partie d'une
grosse "game" qu'on ne comprend pas et qu'on n'a jamais comprise. Ce sont des
choses qu'on aimerait savoir, nous autres aussi.
On sait, par contre, contrairement à eux, que le produit qu'on
fait n'est peut-être pas si périmé que cela, parce qu'il
semble que ce qu'on fait est vendu et qu'il y a des demandes. C'est cela.
Les comptes de la gérance locale nous révèlent
qu'on fait un peu d'argent chaque mois et que peut-être, dans les
années à venir, il y aura une hausse de demande du produit kraft
due au coût exorbitant des produits pétroliers qui sont à
la base des sacs de plastique qu'on voit de plus en plus. Peut-être qu'il
y aurait un revirement de demande. Je ne sais pas, je pense que ce sont des
arguments massues qui sont vrais d'une certaine façon, mais qui ne
devraient pas être plus concluants qu'il ne le faut. J'ai bon espoir
qu'il y a possibilité d'investir chez nous non seulement pour rendre
service à la population d'East Angus, mais pour rendre service aussi aux
gens. On pourrait donner une vocation particulière à East Angus
au chapitre des pâtes et papiers et avoir des installations rentables qui
feront profiter toute notre société.
On disait, tout à l'heure, qu'il y avait dix jours de
consommation qui s'étaient vendus à East Angus même. Dix
jours sur 26, ce n'est pas pire. On fait le papier, puis on le vend à
deux industries voisines, l'autre bord de la rue. 70% de notre consommation
sont vendus au Québec. Je comprends que cela va mal, mais de là
à ne plus envisager d'investissements... Peut-être que dans un
contexte où Domtar a plusieurs industries c'est facilement explicable et
on le conçoit très bien.
Il y aurait lieu peut-être que vous ayez des
éclaircissements là-dessus de Domtar comme telle. Je ne peux pas
aller plus loin que cela; je ne connais pas leur mémoire.
M. Grenier: M. Turcotte, je vous remercie de cette
précision. Ce sont, bien sûr, des questions que vous avez
brassées depuis quelque temps dans votre comité. D'autres vous
ont été posées tout à l'heure et d'autres viendront
cet après-midi. J'imagine que votre comité assistera une partie
de la journée à cet autre mémoire qui suivra et aux
réponses que le ministre nous donnera à la fin de la
journée.
Dans votre mémoire, à la page 13, vous avez dit qu'il y
avait eu mauvaise gérance et mauvaise volonté des travailleurs.
Plus largement que cela, c'est quoi, d'après vous, les causes de cette
fermeture éventuelle? Parce que ce n'est quand même pas nouveau;
je pense qu'en 1968 on a parlé de fermeture déjà. C'est
quoi, actuellement, les trois ou quatre causes les plus valables?
D'après vous, est-ce qu'il y a lieu d'y remédier?
M. Turcotte: Voici, je ne veux pas me répéter et je
ne veux pas, non plus, vous répéter des litanies que vous avez
entendues.
M. Grenier: Un instant. Comprenez bien que vous autres, vous
êtes dedans depuis quelques mois et la population d'East Angus qui est
ici est
renseignée sur tout cela, mais les membres de la commission,
c'est peut-être la première fois qu'ils en entendent parler
à part ce qui s'est passé en Chambre. C'est tout à fait
normal qu'ils veuillent connaître ces choses, parce qu'ils auront quand
même des questions à poser au ministre et à la compagnie,
cet après-midi.
M. Turcotte: Justement, selon les impressions qu'on a recueillies
des milieux consultés, permettez-moi d'identifier deux causes majeures.
D'abord, il y a un problème de rentabilité. Je pense que vous en
avez entendu parler depuis que siège votre commission. Il s'agit de
rentabilité selon l'approche d'hommes d'affaires que toutes les
compagnies de pâtes et papiers ont lorsqu'elles pensent à faire
des sous. C'est, d'ailleurs, leur raison d'être, le facteur
rentabilité qui ne justifie pas un investissement majeur actuellement
pour rentabiliser l'usine chez nous.
Dans le contexte actuel des pâtes et papiers que vous connaissez
depuis un certain temps, depuis que cela siège également, cela
s'explique et cela se comprend, si on respecte et accepte le langage d'hommes
d'affaires que ces compagnies utilisent. On est conscient que c'est primordial.
Si c'était rentable chez nous, on ne serait probablement pas ici
aujourd'hui.
Par contre, il y a une autre cause qu'il ne faut pas sous-estimer, ce
sont les relations de travail. Quant à nous, on fait mention d'une
mauvaise gérance; on fait également mention de climat malsain.
C'est un fait que cela existe, et je pense qu'au Québec, cela existe
à bien des endroits où il y a un syndicat d'implanté
depuis plusieurs années, qu'il y a une mentalité syndicale qui a
été durement forgée.
Chez nous, peut-être qu'on a le mérite d'avoir eu de bons
syndicats et on est obligé de vivre avec les problèmes d'avoir
vécu avec les bons syndicats. On est des gens endoctrinés
à mort, et cela crée des problèmes aux cadres qui sont
poignés avec cela. Eux ne sont évidemment pas syndiqués.
En d'autres mots, avec le temps, quand cela fait 30 ans qu'une industrie est
là et que cela fait plus longtemps que cela, même, qu'il y a un
syndicat, il se crée, avec le temps, des affrontements qui ouvrent des
plaies qui ne sont pas cicatrisées et qu'on traîne. Et dans une
petite population comme chez nous, il est bien évident que cela joue et
que cela a joué.
La mauvaise gérance est due peut-être au fait qu'en 1974,
à un moment donné on a eu une hausse de production, comme dans
toutes les usines de pâtes et papiers, et un personnel énorme, des
cadres énormes, et, finalement, le réajustement s'est fait pour
des raisons x d'une mauvaise façon. On a vu qu'il y avait cinq cadres,
c'est-à-dire une proportion, en tout cas, inouïe, trop de cadres
pour les employés, cinq cadres pour cinq hommes, dans certains services.
Il est bien évident qu'on ne peut pas qualifier cela de bonne
gérance. Peut-être que cette situation a persisté parce
qu'on espérait qu'il y ait une bonne demande de papier, à un
moment donné, et que ces gens al- laient servir davantage, comme dans la
période de 1974 où la productivité était à
son meilleur. Peut-être. Toujours est-il que ces gens étaient dans
les jambes des autres. Finalement, cela a occasionné des coûts, et
ce n'était pas plus efficace qu'il fallait parce que tout le monde
pensait qu'un tel donnait les ordres à un autre tel, etc.
Avec la mentalité syndicale établie et vous la
connaissez mieux que moi, la mentalité syndicale, syndicalisme de
principe, habituée à demander ceci et cela avec énergie
cela crée des affrontements et cela fait qu'il y a des relations
patrons-ouvriers qui sont pénibles dans les situations comme
celles-là et qui contribuent, d'une certaine façon, à des
malaises, et qui peuvent peut-être provoquer plus rapidement des
fermetures qu'on ne le croit dans des situations aussi critiques que la
nôtre. C'est un fait que cela a joué, c'est bien évident,
et que cela doit jouer ailleurs aussi.
On se dit qu'il est grandement temps que ces gens sortent, qu'ils
s'assoient, qu'ils se parlent et qu'ils échangent, ce n'est pas si
malin. Peut-être que le syndicat pourrait mettre de l'eau dans son vin.
Le syndicalisme de principe pourrait peut-être, pendant un certain laps
de temps, compte tenu de la situation précaire des pâtes et
papiers chez nous, être remplacé par un syndicalisme d'affaires.
Le syndicat pourrait peut-être éduquer un peu ses gens à
ces réalités économiques et d'affaires. On aurait beaucoup
à apprendre et peut-être verrait-on des gars comprendre les bilans
et qui diraient: Je fais partie d'une compagnie qui s'appelle Domtar et j'ai
envie d'acheter des actions. Je peux être participant et parler. Je
serais curieux de savoir chez nous combien d'employés ont des actions
dans la Domtar. C'est pour vous montrer jusqu'à quel point, nous qui
dépendons de cette compagnie, nous avons passé à
côté du problème, d'une certaine façon. C'est
possible d'être participant dans la Domtar et de parler aux
assemblées d'actionnaires. Mais il y a quelqu'un qui devra entreprendre
cette éducation et dire aux gens qui travaillent qu'ils font partie
d'une grosse affaire et qu'ils peuvent avoir leur mot à dire ailleurs
que dans les temps de crise, au syndicat, et faire des marches et des ci et des
ça.
Nous devons sortir de la noirceur. Il est grand temps.
M. Grenier: M. Turcotte, il y a une autre question qui est
au-dessus de toute la commission, ce matin, et à laquelle il est
difficile de répondre. Tout tourne autour. Il y a un article, toujours
de notre journal quotidien des Cantons de l'Est, la Tribune, qui disait, en
date du 22 juillet: "Le ministre a aussi précisé que Domtar avait
accepté que des représentants du gouvernement aillent jeter un
coup d'oeil sur ses livres et les conditions techniques. Cela se fera la
semaine prochaine". C'était au mois de juillet.
C'est donc dire que le ministre aura sans doute en main des chiffres et
qu'il sera capable de répondre à plusieurs questions,
après que nous aurons interrogé la compagnie.
Vous disiez tout à l'heure à cette commission qu'il s'est
joué une "game" à laquelle vous n'avez pas participé, et
j'ai l'impression que vous n'avez même pas pu acheter de billets pour y
assister. Je le déplore avec vous. Alors qu'on a travaillé pour
la formation de ce comité ad hoc, on s'est rendu compte qu'on ne vous a
pas donné tous les outils nécessaires pour fournir un rapport
complet. J'aurais aimé pouvoir vous poser la question et je vous la
poserai cet après-midi si le gouvernement ou le Parti libéral ne
la pose pas. Je vais vous dire une chose. Quand j'arriverai, en
troisième lieu, si la question n'a pas été posée,
je devrai demander à la compagnie, tel qu'elle le dit dans un
communiqué que j'ai ici, émis le 29 juillet, ce qu'elle a investi
depuis un an, et je devrai lui demander ce qu'elle a investi depuis 20 ans. Et
là nous serons en mesure de nous faire un jugement autour de la table
ici.
J'ai été dans le domaine de l'enseignement et dans le
domaine des affaires sociales. Il est évident que, lorsque le
gouvernement paie quelque part, il doit être présent. Il y a des
compagnies qui se financent avec des banques et qui acceptent que des gens de
la direction de la banque soient membres du conseil d'administration. Il faudra
donc savoir si le gouvernement pourra être présent dans une
compagnie quand il donne à cette compagnie des droits qui
équivalent à de bonnes sommes d'argent. A partir de là,
comme vous avez le droit de savoir le salaire que j'avais lorsque
j'étais directeur d'un centre d'accueil, de même nous devrons
aussi savoir si la compagnie a fait de l'argent ou n'en a pas fait durant les
dernières années, savoir quelle sorte d'investissements elle a
fait. Il est évident qu'un compagnie ne fera pas affaires à East
Angus ni ailleurs si elle ne fait que changer quatre trente sous pour une
piastre. Une compagnie n'est pas une société de dames de
Sainte-Anne, mais il faudra quand même, aujourd'hui, avoir la
réponse à la vraie question, celle qui plane au-dessus des
membres de la commission, savoir pourquoi on peut demander aujourd'hui la
survie d'East Angus, pourquoi on a droit à cela, nous les membres de la
commission et vous du comité ad hoc. Il faut le savoir cet
après-midi. J'espère que nous n'aurons pas à
procéder par une motion cette fois-là pour le savoir.
Ces documents qui sont demandés et qui sont publiés dans
un journal d'ici, j'espère qu'on y aura accès cet
après-midi et qu'on pourra faire la lu- mière que le syndicat
attend, que le comité ad hoc attend, que la population attend et
à laquelle la commission a droit. Non seulement une bribe d'information
comme celle qu'on a ici en date du 29 juillet. C'est bien évident que,
si le gouvernement n'aide pas ces compagnies, on n'a pas affaire
là-dedans. Mais j'ai l'impression qu'on fera la preuve que le
gouvernement aide, et c'est normal.
M. Turcotte: Permettez-moi de faire une mise au point. J'ai
l'impression qu'on peut interpréter nos propos d'une façon que
nous ne voulions pas. Le fameux problème d'information, on sait que le
gouvernement a eu, du moins on le souhaite et on l'espère, à
travailler à avoir accès à ce circuit d'information
privilégié dont je parlais tout à l'heure. On n'a pas
insisté à ce point. On l'a demandé quelques fois, en tout
cas une fois. C'est un voeu pieux qu'on a formulé à un certain
moment pour les avoir. Par contre, presque tout est par terre dans cela, et
nous ne sommes pas sans le savoir. Déjà là, il y a une
forme d'intervention de l'Etat et si nous n'avons pas insisté c'est que
nous ne voulions pas, d'une certaine façon, compromettre tout cela parce
que nous sentons qu'il devra y avoir une façon d'établir un
contact qui est très délicate à formuler. Je ne sais pas
s'ils ont reçu des informations. Chose certaine, c'est que jusqu'ici
cela nous aurait probablement servi, mais il est grandement temps, si elles ont
été reçues, qu'on en connaisse la teneur. Il est bien
évident qu'il est grandement temps qu'on en connaisse la teneur. Mais,
cette approche délicate et ce tâtonnement que le gouvernement peut
être en train de faire pour intervenir d'une certaine façon dans
ce secteur où l'entreprise privée a toujours eu carte blanche,
cela peut expliquer ces lenteurs. S'ils les ont, il est bien évident que
nous apprécierions énormément les connaître, et
c'est un devoir pour tout le monde de les communiquer.
M. Grenier: Si je savais que c'est la fin des questions, je
dirais qu'on a terminé mais, s'il y en a d'autres, je reprendrai cet
après-midi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est
pas la fin des questions puisque le ministre est le prochain sur la liste. Je
donne rendez-vous à tout le monde à 15 heures. Les travaux de la
commission sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
Reprise de la séance à 15 h 15
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Puis-je me permettre de dire à tous les partis politiques et
à tous les membres de cette commission que je suis extrêmement
déçu? Pour la nième fois cette semaine, nous
commençons à 15 h 20 et je dois avertir les membres de la
commission que je n'entends pas accorder une minute supplémentaire
à quelque syndicat ou intervenant ou compagnie que ce soit, puisque je
pense qu'il y a des gens qui, à la fin de la semaine, vont être
pénalisés parce que les membres de la commission n'auront pas
fait preuve de diligence. Ici, je ne fais aucune personnalité,
même si le député de Mégantic-Compton vient
d'entrer. Tout le monde est en retard aujourd'hui, sauf le président qui
est arrivé à 14 h 58. Je pense que les paroles de la
présidence passent par des oreilles de sourds, depuis lundi en tout cas.
J'ose espérer que, ce soir, cela va s'améliorer, puisque vous
savez que le quorum se présume. Ce soir, à 20 heures
précises, la commission commencera ses travaux, même s'il n'y a
que deux ou trois députés; à moins que, sur le quorum, la
question de règlement ne soit soulevée, la commission reprendra
ses travaux.
Je pense qu'à ce stade-ci, il est bon de dire ces
choses-là. Nous avons une salle qui est pleine, qui est attentive. Nous
avons des intervenants qui veulent se faire entendre. Il y en a qui, ce soir,
ne passeront probablement pas, en raison du fait, partiellement en tout cas que
nous avons perdu beaucoup de temps au cours de la semaine.
Là-dessus, une dernière intervention. Le ministre des
Terres et Forêts, avec un maximum de dix minutes.
M. Bérubé: M. le Président, je vous rassure
immédiatement. Je ne prendrai pas les dix minutes. Je voudrais tout
d'abord ajouter ma voix à celles de mes collègues du gouvernement
et de l'Opposition pour vous féliciter de l'esprit avec lequel vous avez
présenté un mémoire. Je ne vous cacherai pas que j'ai
trouvé votre mémoire extraordinairement objectif; face à
une situation qui est certainement pénible et qui est pleine
d'implications pour la survie de votre ville, vous trouvez néanmoins le
moyen de faire la part des choses, d'essayer d'évaluer les
responsabilités de tous et de chacun sans chercher à noircir
aucun des intervenants et je pense que c'est peut-être la base qui va
finalement nous permettre de trouver une solution.
J'essaierai peut-être uniquement de répondre à une
question et, après cela, je vous poserai peut-être une question
difficile sur le climat qui prévaut présentement à East
Angus. D'un côté, je ne vous cacherai pas qu'en ce qui a trait au
problème de East Angus, la fermeture de l'industrie nous a certainement
pris par surprise. Je pense qu'il est de notoriété que, dans le
passé ce n'est pas une critique vis-a-vis de l'ancien
gouvernement; c'est une critique générale vis-à-vis de
tous les gouvernements antérieurs les gouverne- ments n'ont pas
cru bon de s'occuper du développement de leur industrie
forestière et, forcément, à ce moment-là, il n'y
avait que très peu de ressources humaines à l'intérieur de
nos fonctionnaires pour s'occuper des problèmes de l'industrie, du
développement industriel. Le rôle du gouvernement n'était
donc pas défini. Il nous a fallu, je pense, commencer par nous
préoccuper de ce problème. C'est à ce moment-là
qu'évidemment, le problème de East Angus, le problème de
la Wayagamack nous est arrivé sur les bras et il nous a fallu agir assez
vite.
Déjà, nous avons demandé, au début de juin,
à nos fonctionnaires d'aller examiner la situation dans l'usine et vous
avez fait état de cette visite. En juillet 1977, on me remettait un
mémoire dans lequel on faisait part de possibilités de survie de
votre entreprise. Dans la mesure où on reliait la survie de East Angus
à un autre problème on pourra en discuter sans doute cet
après-midi lors de la présentation de la société
Domtar, on reliait le problème de la survie de votre entreprise avec
celle de Windsor qui semble-t-il, n'est guère ne meilleure position. Il
fallait donc regarder du côté de la consolidation
simultanée des deux entreprises, tout probablement.
A la suite de ces réflexions que me faisait notre groupe de hauts
fonctionnaires, au ministère, nous avons donc rencontré les
dirigeants de l'entreprise, M. Hamilton à ce moment-là, nous lui
avons fait part de notre inquiétude et, en particulier, nous lui avons
demandé quelles seraient les conditions qu'il envisageait d'imposer pour
que l'entreprise puisse au moins continuer de fonctionner. Les seules
conditions, à ce moment-là, que la société Domtar
nous avait soulignées étaient que l'entreprise ne perde pas
d'argent; dans la mesure où elle faisait ses frais, et vous l'avez
souligné, ces gens étaient prêts à
reconsidérer la situation. Ils nous ont dit également qu'ils
seraient prêts à rendre public l'état financier de la
société sur une base mensuelle et je crois comprendre que, d'ici
quelques semaines, vous pourriez commencer à avoir ces états
financiers, si je comprends bien.
Par conséquent, je pense qu'il y a certainement eu de la part de
l'entreprise un véritable effort, au moins pour donner une survie
à l'entreprise d'un côté, et probablement, permettre au
gouvernement peut-être de se retourner et de commencer à
préciser sa pensée quant au problème de l'industrie des
pâtes et papiers. Vis-a-vis de cette ouverture d'esprit de l'entreprise,
je dois dire que vous avez peut-être plus que tout autre donné
l'exemple de l'ouverture d'esprit, puisqu'on n'a pas vu d'attaque contre la
compagnie, on n'a pas vu d'attaque contre le gouvernement. Vous auriez
certainement de bonnes raisons de le critiquer en différents points,
mais vous avez, au contraire, cherché à faire ce que vous pouviez
en tant que collectivité pour résoudre le problème de
votre entreprise, au moins sur une base temporaire. Ce que vous pouviez faire,
vous l'avez fait. Personne ne pourra jamais vous reprocher de ne pas avoir fait
jusqu'au plus grand sacrifice, parce
que je crois que les travailleurs d'East Angus ont effectivement
sacrifié beaucoup de leurs conditions de travail pour sauvegarder leur
usine. Ceci, je pense, nous impose, du côté du gouvernement, une
responsabilité, beaucoup plus grande, parce que face à une
population qui prend ses responsabilités, un gouvernement peut
difficilement éviter de les prendre lui aussi. En ce sens, vous
êtes un exemple pour le gouvernement. Je tenais à le
souligner.
Maintenant, la seule question que j'aimerais peut-être poser, que
c'est une question que j'ai entendue à plusieurs reprises dans la bouche
de certains dirigeants syndicaux, c'est une accusation à l'effet que la
société pourrait utiliser la négociation en cours comme
une méthode de chantage, si vous voulez, faire baisser les salaires des
travailleurs, diminuer la qualité de leurs conditions de travail, dans
un but simplement d'augmenter leur profit. J'aimerais savoir si, dans votre
esprit, vous avez l'impression que vous avez subi un certain chantage de la
part de l'entreprise ou si, au contraire, vous avez eu l'impression
jusqu'à maintenant, dans vos rencontres avec les dirigeants de
l'entreprise qu'il y avait un effort réel de la part de tous les
intervenants de chercher une solution.
M. Turcotte: En ce qui concerne la politique de chantage qui
aurait pu être exercée sur nous pour que les ouvriers acceptent ce
gel de salaire ou se fassent à l'idée d'une diminution de
personnel, dans nos relations qui ont été très distantes
quand même avec les cadres supérieurs de la société
Domtar, il n'y a absolument rien qui puisse nous faire conclure de telles
choses. Je veux être très clair là-dessus. Le chantage...
En ce qui nous concerne en tant que comité ad hoc, nos vues à
nous, qui sont peut-être très faibles parce qu'on n'était
pas dans le secret des dieux, vous le savez, ne permettent pas de conclure
ceci, c'est-à-dire que c'est une forme de pression de façon que
les ouvriers acceptent ce qu'ils n'auraient jamais accepté en d'autre
temps. Je vous dis cela pour la raison suivante: Les gens de Domtar, depuis le
6 mai 1977, c'est-à-dire à l'époque où ils ont
annoncé qu'ils fermaient chez nous, n'ont pas reculé d'un pouce
là-dessus. S'ils poursuivent leurs activités, c'est à la
condition qu'on fasse nos frais. Cependant, il y a peut-être une forme,
je n'oserais pas dire de chantage, qui s'exerce à un autre niveau, qu'on
a pu sentir, qu'on peut quand même difficilement analyser, mais cela fait
partie justement de ce qu'on a senti bien souvent qu'il y avait une rencontre
colossale ailleurs que chez nous qui n'était pas vraiment
identifiée. Bien souvent, on se demandait jusqu'à quel point,
dans notre démarche qui se faisait très honnêtement, je
parle de toute la population d'East Angus, tous ceux qui ont travaillé
soit au comité ou ailleurs, nous n'étions pas, les parties
impliquées les vraies parties impliquées, c'est le
gouvernement et c'est la compagnie Domtar et le syndicat charriés
un petit peu face à un affrontement qu'on recule d'année en
année, lequel affrontement, évidemment, vous ne pourrez pas
éviter avant longtemps
On prépare quelque chose qu'on ne veut pas identifier.
Peut-être à ce moment pourrait-on, au comité ad hoc, aller
jusqu'à dire, pas qu'il y a eu un chantage qui s'est fait sur notre dos
par les autorités de Domtar, absolument pas, mais qu'on n'a pas tout
dit. Les autorités de Domtar ne nous ont pas tout dit quant à
leur vision de l'industrie des pâtes et papiers au Québec.
Probablement qu'elles se réservent... Ces choses-là sont
très confidentielles, me semble-t-il. Le genre de dialogue qu'on est en
train d'établir avec notre population apparaît peut-être
difficile. De lancer cela comme cela... Cela nous fait dire qu'il y a
peut-être quelque chose de très grand qui se passe ailleurs.
Domtar voudra peut-être préparer une rencontre avec le
gouvernement pour être en meilleure position, on ne le sait pas. On ne le
sait pas, on le sent seulement. C'est très obscur. Je ne le sais pas.
C'est assez délicat de discuter de cela. C'est une espèce de
réflexion qui vient avec bien des inconnues. Ce sont bien souvent des
questions sans réponses qu'on a eues à force de tripoter le
dossier. On s'est demandé, par honnêteté vis-à-vis
des gens qu'on défendait, jusqu'à quel point justement on ne
servait pas à des fins qu'on ignorait. On a eu peur, à un moment
donné, de servir, malgré nous, à des fins qu'on ne
connaissait pas. Ce n'est pas honnête, selon nous, de participer à
cette "game", qui n'est pas claire à nos yeux. Il serait grandement
temps que ça devienne très clair. Que les principales parties
impliquées, les véritables, à savoir l'Etat, cette
compagnie, ou bien d'autres, et les syndicats, disent ce qu'elles sont
prêtes à faire. Cela en découle, cette espèce de
prise de conscience qui ne s'est pas encore faite de façon tripartite.
C'est un climat d'obscurité, qui parfois, peut nous laisser croire qu'on
sert à des fins qu'on regretterait, malheureusement.
C'est à peu près le plus que je puis en dire. Quant
à la première partie de ma réponse je reviens
là-dessus concernant East Angus, je ne pense pas que ce soit une
forme de chantage pour faire accepter une diminution de salaire. Je pense que
c'est une fermeture tout simplement. Je reviens sur ce que j'ai
déjà dit tout à l'heure: N'eût été de
cette démarche finale qui s'est faite à partir des cadres, chez
nous, qui a été acceptée par les ouvriers de chez nous, je
pense que c'en serait fait, ce serait fermé. Je veux dire qu'il
n'était pas question de diminuer ou de ne pas diminuer les salaires. A
mes yeux, pour autant que nos informations ont été valables,
c'est ce qu'on peut en conclure.
M. Bérubé: D'accord. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me
Turcotte et vos collègues, au nom des membres de la commission, nous
vous remercions beaucoup pour la collaboration que vous avez apportée
à la commission parlementaire. J'inviterais maintenant la compagnie
Domtar Limitée et ses représentants à venir nous
présenter leur mémoire.
La compagnie Domtar Limitée et ses représentants, s'il
vous plaît!
Y a-t-il un représentant de la compagnie Domtar dans la
salle?
Pour la troisième fois, les représentants de la compagnie
Domtar Limitée...
Une Voix: Ils s'en viennent, ils étaient dans le corridor
et ils n'avaient pas de place pour entrer, c'est seulement question de les
notifier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
A l'ordre, s'il vous plaît! Sont-ils arrivés?
Une Voix: Ils sont allés les aviser.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils sont
allés les aviser!
Les travaux de la commission sont suspendus pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 33)
Reprise de la séance à 15 h 35
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puis-je
demander au porte-parole de la compagnie de se présenter et de
présenter ses collègues également?
Domtar Limitée
M. Hamilton (Alec): M. le Président, mon nom est Alec
Hamilton. Je suis le président de Domtar Limitée, une entreprise
à 99% propriété de Canadiens, possédant des
exploitations dans toutes les provinces à l'exception de
l'l!e-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve, et employant 17 000 Canadiens. Mes
collègues sont M. Raymond Pinard, à ma gauche,
vice-président directeur général des pâtes Domtar
Limitée. M. Andrew Fleming, vice-président de la
société forestière Domtar Limitée, à
l'extrême droite; M. John Gossip, directeur général des
relations publiques, en arrière; M. Roger Martin, vice-président
des relations industrielles et des ressources humaines, à ma droite.
Nous sommes heureux de profiter de l'occasion qui nous est offerte de
nous présenter devant cette commission parlementaire. Nous soutenons
l'initiative du gouvernement qui l'a créée. Nous vous assurons de
notre collaboration. Le sujet à l'étude est d'une importance
capitale pour l'économie de la province de Québec de même
que pour l'ensemble du Canada et les recommandations de la commission auront
d'importantes répercussions sur la croissance et le rendement de cette
industrie dans les années à venir. Notre société a
présenté un mémoire et nous nous sommes associés
aux mémoires adressés à votre commission par l'Association
québécoise de l'industrie forestière et par l'Association
canadienne des producteurs de pâtes et papiers. Mon intention n'est pas
de vous lire notre mémoire, mais je me tiens prêt à en
expliquer toute partie.
Avant d'en arriver là, j'aimerais faire quelques remarques
préliminaires à titre de rétrospective. Tout d'abord,
j'exposerai mes pensées sur le résumé du ministre au sujet
de la situation actuelle des pâtes et papiers dans la province de
Québec. De façon générale, je pense qu'il cerne la
plupart des facteurs prépondérants qui nuisent à cette
industrie. Il est cependant très important de reconnaître que ce
n'est qu'une généralisation. Il y a d'importantes divergences par
rapport à la normale entre les différentes unités de
production et les divers secteurs de l'industrie. Par exemple, les
problèmes reliés à la fabrication du papier kraft ont
certains points communs avec les problèmes reliés à la
production de la pâte commerciale Kraft à base de résineux,
mais il existe également quelques dissimilitudes. L'affirmation voulant
que les procédés soient désuets est le seul point
principal de désaccord que j'aurais avec ie résumé du
ministre. L'industrie des pâtes et papiers est en pleine maturité.
La plupart des procédés employés sont techniquement
similaires a ceux utilisés dans le monde entier. L'équipement
utilisé et l'échelle d'exploitation sont les deux variables qui
peuvent influer sur l'économie du procédé. Le
résumé du ministre omet deux points importants sur lesquels
j'aimerais attirer votre attention. Premièrement, aucun critère
n'est identifié en matière d'élaboration de politique
concernant cette industrie. De tels critères qui engloberaient des
facteurs comme l'emploi, la rationalisation, les normes de lutte contre la
pollution, les gammes de produits, pour n'en nommer que quelques-uns, sont
nécessaires afin d'identifier l'attitude du gouvernement.
Deuxièmement, aucune mention n'est faite de l'environnement dans lequel
fonctionne l'industrie.
Je me permets de suggérer que, pour mettre au point des plans et
des programmes afin de rétablir l'industrie des pâtes et papiers
comme un apport efficace à l'économie canadienne et
québécoise, la commission doit examiner l'environnement dans
lequel cette industrie a fonctionné et fonctionne actuellement.
Aussi, elle devrait baser ses recommandations sur ce que la commission
identifierait comme l'environnement futur probable. A cet égard,
j'aimerais traiter de plusieurs facteurs relatifs à l'environnement qui
sont d'importance capitale. Chacun de ces facteurs possède de nombreux
sous-éléments. Je me propose de ne traiter que globalement de ce
sujet.
Je considère l'inflation comme étant le premier et le plus
important facteur ayant eu des effets néfastes sur l'industrie des
pâtes et papiers dans le passé. Il est plus que probable que
l'inflation demeurera avec nous à l'avenir et je recommande fortement
que la commission étudie ses répercussions sur l'industrie et
élabore ses recommandations en conséquence.
A ce sujet, j'aimerais référer la commission au Report of
the Ontario Committee on Inflation Accounting, plus particulièrement au
chapitre relatif
aux effets de l'inflation sur l'érosion du capital, "La
déformation de la notion du revenu imposable et la différence
entre les bénéfices nets déclarés et les
bénéfices redressés pour tenir compte du milieu
inflationniste." Par exemple, les entreprises canadiennes de produits chimiques
et de produits dérivés du bois ont déclaré pour la
période de 1971 à 1975 un revenu net de $1,39 milliard sur lequel
elles ont payé des impôts. Si ces revenus nets avaient
été redressés pour tenir compte de l'inflation, les
bénéfices nets auraient été ramenés à
$250 millions.
Le redressement des bénéfices de l'entreprise pour tenir
compte de l'inflation n'est pas encore une méthode comptable
précise. Il existe des divergences d'opinion quant aux meilleures
méthodes pour tenir compte avec précision du rendement des
affaires dans un environnement inflationniste. Même en tenant compte de
tels problèmes, il ne fait aucun doute que l'inflation a
été l'un des principaux facteurs qui a empêché les
entreprises de réaliser les fonds nécessaires à la
modernisation, à l'amélioration de la technologie, à
l'entretien des usines existantes et au financement de fonds de roulement
soumis aux pressions de l'inflation.
Le deuxième facteur qui nous préoccupe est la
compréhension du public vis-à-vis du monde des affaires. Il n'est
généralement pas compris que les entreprises travaillent en
fonction de règles très strictes établies par le
gouvernement et les marchés financiers. Les gouvernements ont
établi des règlements de comptabilisation fiscale et des taux
d'imposition qui enlèvent jusqu'à 50% de tous les surplus de
revenus par rapport aux dépenses dans une année donnée.
Ils ne tiennent pas compte de facteurs tels que l'inflation, les besoins en
fonds de roulement et les capitaux nécessaires aux investissements dans
l'entreprise. Les marchés financiers exigent que le rendement à
long terme soit proportionnel à l'investissement. A l'heure actuelle,
par suite de ces résultats médiocres en matière de
bénéfices, Domtar ne peut plus emprunter d'autres capitaux
à long terme.
Une grande partie du blâme pour ce manque ce compréhension
du public incombe certainement à l'industrie. Des mesures
énergiques doivent être prises pour essayer de redresser la
situation. Cependant, il est irréaliste de s'attendre que ces efforts
soient récompensés à court terme.
Il est dans l'intérêt de tous les organismes reliés
à l'industrie, comme le gouvernement et les syndicats, qu'on arrive
à une parfaite compréhension de l'économie des affaires et
que les doutes quant à la crédibilité des renseignements
financiers soient éliminés chaque fois que cela sera
possible.
Nous espérons que la partie de notre mémoire traitant des
décisions d'affaires d'ordre financier sera soigneusement
étudiée. L'une des principales retombées
bénéfiques du travail de la commission parlementaire pourrait
être d'aider à rétablir une meilleure compréhension
du grand public de l'économie de l'industrie des pâtes et papiers
et, par le fait même, de toutes les industries.
Le troisième important facteur qui influe sur l'environnement
dans lequel évolue notre industrie est la tendance dans les relations du
travail. Au niveau des usines, les relations ont généralement
été bonnes, malgré les grèves ou désaccords
entre l'industrie et les syndicats sur les principaux facteurs reliés
aux règlements salariaux.
Le problème des relations du travail est très complexe.
Une négociation collective ne peut être menée à bien
que lorsqu'il y a égalité raisonnable à la table de
négociation et lorsque les deux parties reconnaissent partiellement
leurs forces et leurs faiblesses. Les accords conclus pour résoudre les
problèmes de relations du travail impliquent presque
inévitablement un coût, même si celui-ci est indirect.
La tendance actuelle, particulièrement dans la province de
Québec, vient du renforcement du pouvoir des syndicats sans leur
demander de comptes et les répercussions des négociations
collectives dans le secteur public et le secteur privé ont des effets
contraires sur l'environnement dans lequel oeuvre l'industrie des pâtes
et papiers.
Les attentes du public et des particuliers sont le dernier facteur que
j'aimerais mentionner comme ayant une influence prépondérante sur
l'environnement. Cette attente a été très
élevée dernièrement au Canada; la situation
économique actuelle semble indiquer qu'il devrait y avoir une tendance
à la baisse de l'attente du public, quant à ce que
l'économie peut allouer aux particuliers.
Nous, Canadiens, avons un niveau de vie qui n'est dépassé
que par deux, ou, au plus, trois autres pays. La tendance semble fermement vers
des demandes croissantes au gouvernement, aux affaires et à nos
institutions pour le compte de personnes ou de groupe de particuliers et ce,
avec un manque d'appréciation de la nécessité du rendement
individuel dans notre société.
Il ne fait aucun doute que l'industrie des pâte-set papiers est,
dans une certaine mesure, responsable de l'existence de ces problèmes.
Nous n'avons pas été assez diligents, ou n'avions pas
l'expérience voulue pour les résoudre avec succès. Je me
permets de suggérer qu'il existe d'autres groupes et institutions qui
doivent assumer également une part de responsabilités pour que le
public en arrive à une vue d'ensemble raisonnable de nos
problèmes économiques et sociaux et des solutions
anticipées.
L'économie est en péril dans les secteurs de la
fabrication et des ressources. L'élaboration de politiques doit en tenir
compte.
La commission parlementaire a pour but d'élaborer des politiques
qui auront pour effet de permettre à l'industrie des pâtes et
papiers de contribuer de façon plus substantielle à
l'économie que cela n'a été le cas dans le
passé.
J'aimerais proposer que le travail de la commission soit axé de
façon à: premièrement, découvrir les moyens de
réduire les répercussions sur une entreprise industrielle, plus
particulièrement du point de vue de la réalisation de l'encaisse
disponible pour les investissements en immobilisations et fonds de roulement;
deuxième-
ment, établir les moyens de garantir la crédibilité
des renseignements d'ordre économique et financier afin de rendre le
public pleinement conscient de la contribution que l'entreprise privée
peut faire à l'économie; troisièmement, prendre des
mesures afin de garantir que les deux parties engagées dans les
conventions collectives soient responsables à long terme de l'accord
conclu; quatrièmement, éviter, dans le secteur politique, de
susciter des attentes irréalistes de la part du public ou de tout le
secteur du public; cinquièmement, évaluer de façon
réaliste la position concurrentielle de l'industrie en Amérique
du Nord et sur les marchés mondiaux, plus particulièrement dans
le cadre des négociations tarifaires de Tokyo; sixièmement,
établir le plus tôt possible des critères précis
pour les politiques gouvernementales et le rendement de l'industrie afin de
réduire l'incertitude actuelle concernant ces politiques.
Avant de terminer, j'aimerais tenter de définir nos vues en ce
qui a trait à la responsabilité sociale. Ce dernier point a
été soulevé par d'autres groupes qui se sont
présentés devant cette commission. Elle est presque devenue un
mot de ralliement. En tant qu'entreprise, l'on nous a exhorté à
faire face à nos responsabilités sociales à East Angus.
Personne n'a défini ce que l'on entendait par faire face à ses
responsabilités sociales. Il en résulte que l'on s'attend que
nous fassions tourner cette usine à n'importe quel prix et ce à
perpétuité. Une telle suggestion ou une telle définition
de la responsabilité sociale est irréaliste.
Puis-je me permettre de faire remarquer qu'une entreprise telle que
Domtar est composée de personnes aussi bien que d'installations
matérielles? Notre direction est pleinement consciente des
problèmes auxquels doit faire face la société et travaille
ferme pour prendre des décisions qui soient justes et responsables
vis-à-vis de toutes les personnes intéressées. Je
prétends que l'on doit assumer ses responsabilités sociales
lorsque, premièrement, l'on recherche de façon constructive
à participer à l'élaboration de politiques
économiques et sociales dans la collectivité;
deuxièmement, lorsque l'on se conforme à l'esprit et ta lettre de
la loi; troisièmement, lorsque l'on considère dans les limites de
ses connaissances et de ses compétences l'ensemble des implications des
décisions sur ses employés, la collectivité et la
société avant de les prendre; quatrièmement, lorsque l'on
maximise la contribution à l'économie canadienne en utilisant
effectivement les ressources tant humaines que matérielles dont on
dispose; cinquièmement, lorsque l'on cherche à communiquer au
public et à ses employés les réalités du rendement
dans les secteurs d'exploitation, des finances et des relations avec la
collectivité.
La responsabilité sociale dans notre société
canadienne actuelle doit être assumée tant par les particuliers
que par les entreprises. Aucun organisme ne peut se dissocier de sa
responsabilité sociale et aucun organisme ne peut être tenu
à lui seul responsable de l'évolution sociale. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Hamilton. M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense que le député de
Portneuf m'avait adressé deux questions. J'avais malheureusement omis
d'y répondre, je m'en excuse. Je vous remercie infiniment de votre
très obligeante amabilité. Concernant le portrait financier,
d'une part je dois dire que l'excellente collaboration que la
société avait offerte au gouvernement en ce qui avait trait au
portrait financier nous a été offerte dans un contexte
légèrement différent de celui que nous connaissons
maintenant, c'est-à-dire qu'à ce moment, c'était le
ministre de l'Industrie et du Commerce qui était essentiellement
responsable de tous les secteurs industriels au Québec, incluant les
pâtes et papiers. A ce moment, ce sont donc des fonctionnaires du
ministère de l'Industrie et du Commerce qui ont pris contact avec la
société. Je dois dire que je n'ai pas personnellement pris
connaissance de ces chiffres, mais je suppose que M. Tremblay, s'il a obtenu
des chiffres, les a obtenus sans doute sur la même base que ceux que j'ai
l'habitude d'obtenir. Donc, je pense que la réponse que je devrais
malheureusement vous offrir, c'est peut-être une fin de non recevoir. Je
m'explique: Je pense que le syndicat comme le comité ad hoc ce matin se
sont plaints de ce qu'il est extrêmement difficile de voir la
lumière dans une situation comme celle d'une industrie que nous avons au
Québec, des pâtes et papiers, dans la mesure où nous
n'avons pas en main les chiffres, nous n'avons pas en main de données et
que, par conséquent, on suppute continuellement les mauvaises ou les
bonnes intentions de l'autre intervenant.
Il est donc extrêmement important pour un gouvernement qui
voudrait avoir une vue assez claire de la situation dans cette industrie,
d'avoir accès à des renseignements qui, normalement, ne lui sont
pas accessibles. Evidemment, le ministre du Revenu les a, mais toujours sur une
base strictement confidentielle à laquelle nous n'avons,
évidemment, pas accès. Par conséquent, dans le but
d'établir ce climat de confiance, il arrive parfois que l'industrie
accepte que des comptables du gouvernement ou engagés par le
gouvernement fassent un inventaire de l'état financier des entreprises
uniquement afin de nous permettre de mieux connaître le problème.
Je pense que ceci est fait dans un esprit de collaboration et une telle
collaboration serait absolument impossible à obtenir dans l'avenir si,
évidemment, comme ministre, je m'engageais à divulguer les
chiffres que l'on me confie. Par conséquent, je pense que ce ne serait
pas à l'avantage du Québec de faire en sorte que le gouvernement
soit coupé de toutes sources de renseignements en prenant comme habitude
de les divulguer dès qu'on les lui soumet. C'est la seule et unique
raison pour laquelle, en fait, j'invoque une raison d'Etat pour ne pas publier
des chiffres.
Quant à associer la population et le comité ad hoc
à notre démarche, je pense que ce n'est pas
tombé dans l'oreille d'un sourd. Je pense que si, à ce
jour, nous n'avons peut-être pas travaillé d'aussi près que
nous aurions voulu avec le comité ad hoc, cela peut s'expliquer de la
façon suivante: Nous-mêmes n'étions pas en mesure d'avoir
une idée suffisamment claire pour avoir quoi que ce soit à
proposer. Je pense que la situation évolue relativement rapidement, et
qu'à la suite de la commission parlementaire, nous aurons
déjà des idées passablement plus claires. Il faut donc
prévoir que d'ici décembre ou janvier prochain, le gouvernement
aura en main un certain nombre de documents qui nous permettront, à tout
le moins, d'avoir une vue d'ensemble de l'industrie des pâtes et papiers
sur laquelle nous pourrons commencer à bâtir. Je pense que c'est
à ce moment qu'il faut envisager véritablement une collaboration
avec la population, parce que nous serons un intervenant qui a quelque chose
d'intéressant à dire. Je pense que lorsque le comité ad
hoc demande à travailler avec le gouvernement, il demande à
travailler avec des gens qui ont des éléments de solution en
main; sinon des éléments de solution, du moins des données
du problème en main, ce qui n'était pas le cas jusqu'à
très récemment, je dois dire.
M. Hamilton j'entends un "ouais" dubitatif venant de l'Opposition
dans votre mémoire, vous reprochez au gouvernement et on
peut peut-être le reprocher au gouvernement du Québec, puisqu'il a
joué un certain rôle là-dedans d'être
intervenu dans la construction de nouvelles usines. Dans votre rapport, vous
soulignez en particulier que le gouvernement américain a financé
des études dans le sud des Etats-Unis. Je pense que d'autres industriels
canadiens m'ont déjà parlé de Le Pas. Je pense que c'est
la Consol qui nous a parlé de Labrador Liner Board. On nous a
donné une série d'exemples où le gouvernement est
intervenu dans la construction de nouvelles usines,
déséquilibrant ainsi le marché.
La question que j'aimerais vous poser est peut-être un peu
traîtresse. J'aimerais savoir comment votre société
réagirait si, plutôt que d'investir des fonds publics dans la
construction de nouvelles usines on peut penser, par exemple, à
Saint-Félicien, Donohue, où le gouvernement contrôle
près de 60% de l'investissement le gouvernement acceptait de
s'associer aux usines existantes? Est-ce que je dois supposer que l'industrie
québécoise que l'on connaît accepterait volontiers que le
gouvernement prenne des participations, à titre d'exemple, Domtar, ou
prenons une autre société, si ça vous fait davantage
plaisir?
M. Hamilton: C'est une question d'envergure très vaste, M.
le ministre. Vous me posez la question à savoir quelle serait ma
réaction à une tentative du gouvernement de s'associer à
la Domtar? Cela dépendrait des conditions dans lesquelles vous nous
approchez. C'est la réponse. C'est toujours une question de
critères, de modalités qu'on peut établir. Mais, en
théorie et en pratique, on n'a pas du tout une réaction
négative à une approche de n'importe quelle personne pour
participer à une entreprise, à une partie d'une entreprise dans
laquelle nous avons des responsabilités en ce moment. Ce n'est pas un
problème.
Je vais peut-être ajouter quelque chose ici. Si vous ne me
comprenez pas, si mon français n'est pas assez exact, ce n'est qu'une
question de répéter, et j'essaierai de mieux m'exprimer.
M. Bérubé: Je trouve qu'il est excellent pour le
moment.
M. Hamilton: D'accord.
M. Bérubé: A titre d'exemple, je pense qu'on peut
peut-être citer les cas de Windsor et d'East Angus. Là, je pose
une hypothèse absolument gratuite, mais pour placer le problème.
Si on supposait qu'il faille, pour moderniser East Angus et Windsor, un
investissement massif, est-ce que la société Domtar,
considérant que, d'après votre mémoire, vous manquez de
liquidité, vous avez des problèmes de financement, accepterait de
s'associer au gouvernement dans un projet?
M. Hamilton: Ma réponse est simplement oui, mais,
après ça, il faudrait discuter des résultats des
études, à savoir si c'est un projet rentable, quelles sont les
modalités, etc. Mais, en théorie, si vous nous approchez, pour me
répéter et vous dites: Voulez-vous vous associer au gouvernement?
Alors, nous allons examiner la question en profondeur et avec toute l'ouverture
d'esprit possible.
M. Bérubé: Evidemment, je parle toujours sur une
base d'affaires je pense qu'on s'entend. On accepte les principes sur
lesquels vous vous guidez...
M. Hamilton: La question est de savoir si vos idées en
affaires et les siennes sont tout à fait parallèles, mais c'est
une question qu'on peut régler.
M. Bérubé: Mais, si je comprends bien votre
affirmation, si vous aviez le choix entre vous associer au gouvernement dans un
nouveau complexe du type de Saint-Félicien ou dans un complexe qui
remplacerait East Angus et Windsor, vous préféreriez vous
associer dans un complexe qui n'augmente pas la capacité de production
québécoise à l'heure actuelle, et vous estimez que c'est
notablement plus rentable ou, au moins, beaucoup plus sécuritaire.
M. Hamilton: Je vais peut-être faire un commentaire.
Pourquoi avons-nous une attitude négative à ce moment par rapport
à une expansion dans le domaine de la pâte, du papier journal et
du papier kraft? C'est parce que, à notre avis, à ce moment, les
ouvertures sur le marché sont très restreintes. C'est pourquoi
nous avons une perception peut-être pessimiste de l'avenir pour ces
produits. Mais, après avoir identifié une gamme de produits qui
seraient peut-être rentables, d'accord, c'est une bonne idée, on
peut examiner la situation.
M. Bérubé: Ce matin, j'avais le plaisir de recevoir
l'ambassadeur du Danemark et nous avons eu l'occasion de parler un petit peu
d'industries de pâtes et papiers et, en particulier, des problèmes
du marché.
Il semble que, présentement, la situation sur le marché
européen soit une situation relativement bonne puisqu'on prévoit
des expansions de l'ordre de 3% par année à plus long terme et
qu'on prétend que la Suède et la Scandinavie en
général ne sont peut-être pas en mesure de remplir toute
cette nouvelle demande des années à venir, je pense sur les cinq,
dix ou quinze prochaines années.
Envisagez-vous qu'éventuellement notre industrie pourrait
concurrencer les marchés européens, compte tenu que les
coûts de production en Scandinavie semblent certainement comparables aux
nôtres?
M. Hamilton: Premièrement, avec votre permission je veux
demander à mon collègue Ray. Pinard de faire des commentaires sur
la situation européenne, particulièrement les relations du
marché entre les Scandinaves et les Européens. Il revient
d'Europe.
M. Pinard (Raymond): Les pays Scandinaves sont actuellement en
difficulté financière très sérieuse. Il n'y a pas,
je crois, d'exception; chaque société perd
énormément d'argent actuellement. Le marché de la
pâte en Europe est une pagaille indescriptible et qui amène une
pagaille semblable dans les papiers fins, les papiers d'écriture. Je
voyais justement hier une compagnie suédoise qui s'appelle Uddeholm, le
gouvernement a dû lui faire un prêt de 600 millions de couronnes
suédoises pour lui permettre de survivre cette année. Il y a
surproduction dans les pays Scandinaves; on y a procédé
massivement à des modernisations dans les dix dernières
années. On a énormément investi. Celui qui va visiter les
pays Scandinaves est émerveillé, mais, avec plusieurs
confrères, on regardait cela en se disant: Cela a plutôt l'air
d'édifices construits pour loger des bureaux de poste, des monuments.
Les investissements n'ont pas toujours été judicieux, le fardeau
financier y est très élevé. La politique gouvernementale
en est venue à moderniser à gauche et à droite, avec le
résultat qu'il y a beaucoup de surproduction, surtout dans la pâte
et le papier journal. On n'anticipe pas que les pays Scandinaves opèrent
à pleine capacité dans le papier journal d'ici cinq ans.
Actuellement, les fabriques de papier journal en Scandinavie opèrent
à perte, même à 75% de capacité, dans la pâte
à 65%, et il y a de nouvelles usines en démarrage actuellement et
dans la pâte et dans le papier journal. Il y a donc un problème
très sérieux de ce côté.
Les perspectives de développement de marché qu'on lit
très souvent sont celles publiées et assemblées par le
groupe FEO de l'UNESCO. On vient de faire une révision de ces chiffres
et on a baissé de beaucoup les pronostics qui avaient été
établis suite à la très grande demande de 1974, mais,
encore là, il est très difficile de déterminer quelle va
être la croissance des pâtes et papiers dans les années
à venir parce que, dans le passé, la demande était
complètement "inélastique" au prix, on pouvait charger le prix de
production et on n'avait jamais été frappé d'augmentation
de prix supérieure à l'indice moyen du coût de la vie.
Maintenant que nous avons eu ce choc d'inflation 1975-1976, il va
s'établir, de toute nécessité, une nouvelle relation entre
la consommation des produits des pâtes et papiers et la croissance du
produit national brut. A ce point de l'économie, il est très
difficile de prédire quelles vont être les demandes futures parce
que les données historiques sont changées. On est dans une courbe
discontinue.
M. Hamilton: Pour la deuxième partie de votre question, M.
le ministre, est-ce qu'on pourrait expédier les papiers aux
marchés européens? En ce moment, l'industrie canadienne
expédie un gros tonnage de papier journal, un gros tonnage de
pâtes kraft, écrue et blanchie, etc. La société
Domtar expédie du papier fin, le papier spécialisé. La
concurrence est difficile. Nos expéditions ne sont pas grosses. Nous
essayons de trouver un coin dans le marché qui serait rentable pour
nous. Nous avons une barrière tarifaire d'environ 12%. C'est vrai que le
rapport entre les devises canadiennes et les devises allemandes et
européennes est changé en notre faveur, mais nous ne pouvons pas
faire une forte concurrence en Europe en ce moment. Ce n'est pas possible. Nous
essayons, mais c'est très difficile, de trouver une gamme de produits
qui soient rentables.
M. Bérubé: Pour reprendre une idée que vous
venez d'émettre concernant la modernisation excessive des usines en
Scandinavie, et en Suède en particulier, je reprends les chiffres de
votre rapport où vous soulignez qu'à Dolbeau, je ne sais pas sur
quelle période, vous avez réinvesti tout près de $42
millions en modernisation. J'essayais en gros de voir dans quelle mesure cela
pouvait se comparer. Or, vous soulignez que sur ces $42 millions, il y a $21
millions qui représentent de la dépréciation et vous
soulignez également que vous avez une augmentation de 19% de
capacité. Or, si on accepte les chiffres de CIP et de l'Association de
l'industrie forestière du Québec voulant qu'il en coûte
$140 000 à $150 000 par tonne-jour, je constate que seulement
l'augmentation de capacité de votre usine devrait vous avoir
coûté autour de $25 millions. C'est donc dire que si je soustrais
$25 millions causés par l'augmentation de capacité, il m'en reste
tout juste, à peine assez, pour couvrir la dépréciation.
En d'autres termes, comme il s'agit d'argent qui a été investi
sans doute il y a un certain nombre d'années, et s'est
dévalué considérablement, il m'apparaîtrait que les
$42 millions cités en exemple comme un effort de modernisation de
Dolbeau, ne seraient même pas suffisants pour maintenir un dollar
constant investi dans vos usines.
Estimez-vous que ces $42 millions sont encore inférieurs à
un seuil normal de modernisation dans l'industrie ou non? Est-ce que vous voyez
un
peu le raisonnement que je fais? Je pars de $42 millions, je soustrais
le montant qui doit servir à l'augmentation de capacité, que
j'évalue grosso modo à $25 millions, il me reste $17 millions
pour la dépréciation des installations existantes. Or, $17
millions, c'est sensiblement égal aux $21 millions que vous
prétendez avoir investis, donc, je retrouve en gros la
dépréciation. Mais ce qui m'inquiète là-dedans,
c'est que la dépréciation est peut-être en dollars de 1955,
1960 ou 1972, au moment où ils ont été investis. En
d'autres termes, le dollar ayant perdu beaucoup de sa valeur, ce montant n'est
certainement pas suffisant pour au moins maintenir l'équipement dans
l'état où il est.
M. Hamilton: A mon avis,, si je comprends
précisément la question, vous avez raison. C'est le point que
j'ai essayé de souligner dans mes remarques et qui est accentué
dans notre présentation à la commission. Basés sur les
dollars historiques, la dépréciation, l'amortissement de nos
investissements ne sont pas suffisants pour combler les demandes sur le
capital, parce que la chose qui est toujours oubliée par tout le monde,
ce sont les demandes pour les fonds de roulement. Si vous avez
étudié notre rapport annuel pour l'année 1974, on pourra
remarquer que Domtar a augmenté ses bénéfices d'environ
$50 millions je rappelle ces chiffres et qu'il y avait une
augmentation dans les exigences pour les fonds de roulement d'environ $53
millions ou $54 millions.
Toute l'augmentation des bénéfices a été
absorbée par les fonds de roulement. On a perdu quelque chose. C'est un
très bon exemple de l'entreprise qui essaie de faire marcher ses
exploitations pendant une période inflationniste. C'est une "zero sum
gain", comme nous disons en anglais. On ne peut pas gagner. C'est pourquoi nous
essayons d'attirer votre attention sur l'importance de modifier les
règles fiscales pour que nous puissions retenir l'argent
nécessaire pour le développement de notre industrie. Sans une
telle modification, les tendances qui sont bien établies à ce
moment vont continuer.
M. Bérubé: Quand vous parlez de...
M. Pinard: M. le ministre, je viens de trouver la
référence que vous faites à notre mémoire; le
montant de $41 millions, c'est entre Dolbeau et Donnacona. L'amortissement
durant cette période a été de $21 millions. Alors,
ça représente seulement 52% des dépenses en
immobilisation. Autrement dit, 50% du financement des dépenses de
Dolbeau et de Donnacona durant ces 17 années sont venues de
l'extérieur, en dehors de la dépréciation. Je crois que
les chiffres que vous avez mentionnés pour la construction d'une
nouvelle usine aux nouvelles capacités sont supérieurs à
$175 000 par tonne-jour; ils sont plutôt de l'ordre de $250 000 ou $275
000.
M. Bérubé: Pour des nouvelles, mais pas pour des
agrandissements.
M. Pinard: Ah, des agrandissements, oui. Autour de $150 000
à $175 000.
M. Hamilton: C'est intéressant ici d'attirer votre
attention sur les politiques de Domtar dans le domaine du papier journal dans
le passé. Nous avons décidé, en 1962, que notre usine
à Trois-Rivières n'était pas rentable et que nous avions
besoin de capitaux à nos usines de Donnacona et Dolbeau. C'est pourquoi
nous avons vendu cette usine pour récupérer les fonds de
roulement et pour obtenir le prix d'achat pour investir à Donnacona et
à Dolbeau. C'était une décision basée sur les
tendances que nous avons vues durant l'année 1972. C'était
l'impact de l'inflation et du manque de rentabilité des usines et de
l'industrie du papier journal.
M. Bérubé: Dans un autre ordre d'idées, pour
aborder le problème de la commercialisation, je pense que vous soulignez
que, dans le domaine des papiers fins en particulier, la concurrence est
extrêmement difficile et, comme il existe déjà des tarifs
protectionnistes pour la production canadienne dans ce secteur, le fait que
vous ayez de la difficulté à concurrencer les Américains
sur notre propre marché ici indique donc que vous êtes
difficilement concurrentiels.
La question que j'aimerais vous voir expliciter un peu porte sur les
avantages qu'il pourrait y avoir à une certaine rationalisation de la
mise en marché. On me dit, et je ne peux malheureusement pas le
vérifier, qu'il existe tout près de 300 types différents
de papier fin mis sur le marché donc, il y a une gamme
étendue de produits que les lignes de production de nos
industries sont toujours des lignes très courtes, étant
donné le très grand nombre de produits que l'on cherche à
fournir et que, par conséquent, la productivité dans ces usines
est lamentable. Est-ce qu'il n'y aurait pas avantage à regarder du
côté d'une vente en commun, d'une régie de mise en
marché ou d'un consortium de vente ou d'une société
spécialisée dans la vente qui permettrait, par exemple, à
Domtar, de se spécialiser dans quelque ligne et, à ce
moment-là, d'être véritablement concurrentiel, sinon
d'aller vendre sur le marché américain, au moins de conserver le
marché canadien?
Quelle est votre opinion là-dessus, sur cette difficulté
que l'industrie semble rencontrer dans le domaine des papiers fins qui fait
que, sans les tarifs et ces tarifs sont remis en cause par les
négociations présentement vous ne puissiez
carrément survivre?
M. Hamilton: Sous les lois fédérales qui existent,
ce n'est pas possible de faire une telle rationalisation. Il y a cinq ou six
ans, nous avons étudié ce problème de papier couché
d'autre qualité. Il y avait trois producteurs du Canada, avec une
capacité d'environ 65 000 à 70 000 tonnes par an, pour un
marché d'environ 40 000 à 45 000 tonnes par an. L'idée est
d'organiser la production, de sorte que les trois vendeurs de cette gamme de
produit, le papier couché, auraient toute leur production
en provenance de seulement deux usines. C'était une très
bonne idée, mais nous avons eu des rencontres avec les gendarmes
d'Ottawa et après, ils ont refusé de donner leur accord à
un tel argument.
C'est possible que, si le projet de loi reste maintenant
actuellement il a été retiré pour la troisième
fois, je crois ...II y a un projet de loi qui, dans les trois premiers
brouillons, a indiqué un adoucissement de la part du ministère
fédéral de la Justice pour que nous puissions faire un tel
arrangement.
Mais sous la loi qui existe en ce moment, ce n'est pas possible. Cela a
été examiné en profondeur, je peux vous l'assurer.
M. Sérubé: Remarquez bien que dans le cas du projet
de loi fédéral, peut-être; on pourrait peut-être
envisager, au niveau du Québec, une rationalisation. Je me demande dans
quelle mesure cela serait justement possible, en vertu de la Constitution. Nos
collègues du Parti libéral ont sans doute leur idée
là-dessus et nous aurons les nôtres.
J'aimerais reprendre une autre question reliée au problème
de votre usine de Lebel-sur-Quévillon. Vous soulignez, dans votre
mémoire, la difficulté de recruter de la main-d'oeuvre à
Lebel-sur-Quévillon et vous observez, en particulier, que la
rentabilité de ces investissements a nécessité
passablement d'attention de votre part. Vous soulignez même un programme
d'investissement. Je suppose donc que le problème n'est pas
résolu.
Ceci souligne donc peut-être le problème des exploitations
en forêt, à très grande distance des centres et la
difficulté de recruter de la main-d'oeuvre. La question à
laquelle j'aimerais vous voir répondre est la suivante: Dans la mesure
où, dans la région d'East Angus et de Windsor, s'il existait une
matière ligneuse disponible, n'y aurait pas justement beaucoup plus
d'avantages a tenter de consolider une industrie des pâtes et papiers
à proximité des centres qui, sans doute, n'ont pas les
problèmes de main-d'oeuvre que l'on peut avoir à
Lebel-sur-Quévillon? Et, de cette façon, vous augmenteriez la
rentabilité des opérations. En d'autres termes, n'y a-t-il pas
avantage à opérer dans la région des Cantons de l'Est?
M. Hamilton: II y a beaucoup d'avantages à faire
opérer les usines dans les Cantons de l'Est, c'est vrai. Il y a d'autres
facteurs que la disponibilité du bois résineux. Il faut avoir un
marché. Il faut avoir une provenance du bois résineux assez
grosse, assez grande, pour qu'on puisse prendre avantage de l'économie
de l'échelle. M. Fleming peut en discuter en profondeur, mais je suis
informé qu'en ce moment, il n'y a qu'une quantité de bois
résineux dans les Cantons de l'Est, disponible pour les usines d'East
Angus et de Windsor, pour une production de pâtes d'environ 90 000 tonnes
à 100 000 tonnes par an.
Ce n'est pas une capacité d'usine assez grande maintenant, pour
réduire les coûts de transformation. Il faut avoir une
installation beau- coup plus grande que cela. Mais ce sont les faits. Votre
ministère, je crois, est bien au courant de la disponibilité du
bois. C'est mon information en ce moment.
L'autre question des lignes de produit, la question du marché,
etc., avant de prendre la décision si on doit établir une
nouvelle usine dans les Cantons de l'Est... C'est une question très
complexe.
M. Bérubé: Vous soulignez qu'à votre usine
de Lebel-sur-Quévillon, vous avez des problèmes
d'approvisionnement. Vous faites un cas important des problèmes
d'approvisionnement en copeaux venant des scieries puisque vous dites qu'on
surexploite déjà la forêt. Dans votre rapport, vous
soulignez également que vous-même avez construit une scierie
à Lebel-sur-Quévillon pour approvisionner votre usine.
Excusez-moi, j'ai volé la question de quelqu'un d'autre.
M. Hamilton: Une réponse... D'une pierre, deux coups.
M. Bérubé: Pourriez-vous m'expliquer si, du fait
qu'il y a un surplus de copeaux dans la région et que vous
prévoyez avoir des problèmes d'approvisionnement, il n'y aurait
pas eu avantage à intégrer vos opérations en signant des
contrats d'approvisionnement en copeaux à long terme plutôt que de
construire votre propre scierie.
M. Hamilton: J'essaierai de répondre à votre
question, M. le ministre. C'est encore une question très complexe. Il
faut revenir à l'année 1964, quand on a pris la décision
d'établir une usine de pâte à Quévillon. La
société Domtar a considéré cette option et a
décidé de procéder. Elle a aussi décidé
d'établir quelque chose de nouveau à Quévillon. Son
idée était d'établir une ville située au centre des
limites dans laquelle pourraient demeurer les hommes travaillant à
l'usine et les hommes travaillant dans la forêt, avec l'intention que
tous les hommes travaillant dans la forêt aient la possibilité
d'utiliser les facilités d'enseignement, tout à fait
parallèlement aux enfants des hommes travaillant à l'usine. Je
crois que c'était une expérience sociale aux intentions
impeccables. Ce qui est arrivé, c'est que, après l'installation
de l'usine, il y a eu l'installation de beaucoup d'autres scieries. Il y a eu
des pressions de la part d'institutions non nommées afin que la
société Domtar réduise son exploitation forestière
de telle sorte qu'elle puisse acheter les copeaux des scieries. Cela a eu pour
effet de réduire notre exploitation forestière et nous avons subi
une perte considérable de capital que nous avions investi, non seulement
dans nos opérations forestières, mais aussi dans les
facilités de la ville pour les hommes qui travaillaient dans la
forêt. On a subi des pressions au sujet du prix et le résultat a
finalement été un pipe-line pour le transport des fibres à
l'usine de Quévillon très complexe et sans avantage du tout pour
Domtar, peut-être avantageux pour les scieries, mais pas avantageux pour
Domtar. On ne pouvait rien faire
d'autre que d'accepter ces pressions. Nous avons subi d'autres pressions
dans le but d'augmenter, en même temps qu'on nous demandait de prendre
plus de copeaux des scieries, la production du bois de nos concessions
forestières. C'est pourquoi nous avons installé une scierie de 2
X 4, seulement pour augmenter la production du bois de nos concessions
forestières, avec l'idée que nous pourrions les protéger.
C'est peut-être une décision mal prise, mais c'est pourquoi nous
l'avons prise.
M. Bérubé: On a souligné, en particulier le
comité ad hoc et certains représentants syndiqués, qu'un
des problèmes qui se posent à l'industrie présentement
dans ses relations avec les syndicats, en particulier, c'est la très
grande difficulté pour les travailleurs de savoir vraiment la situation
financière de l'entreprise avec laquelle ils négocient. Ces
raisons sont sans doute personnelles aux entreprises, mais,
généralement, elles tiennent du désir de garder cette
information confidentielle dans le but de protéger une certaine
compétitivité de l'entreprise. Les dirigeants des entreprises
n'aiment pas voir des bilans financiers, des analyses trop
détaillées de la rentabilité de ces entreprises circuler
particulièrement, peut-être, entre les mains du syndicat.
Néanmoins, il pourrait se produire que le fait d'avoir ce renseignement
permettrait, dans l'esprit où vous l'avez souligné
précédemment, de mesurer l'importance que l'on ait une certaine
initiation à l'économique et que la population en
général soit consciente des problèmes de la
rentabilité économique des entreprises. Est-ce qu'il n'y aurait
pas justement, compte tenu de cela, avantage à ce que vous ouvriez plus
librement peut-être les livres aux dirigeants syndicaux de votre
entreprise de telle sorte que travailleurs et patrons aient une meilleure
idée de la situation financière de l'entreprise, de telle sorte
aussi que les négociations se fassent en toute connaissance de cause
dans un certain climat de confiance. Comment voyez-vous ce type
d'interre-lation entre syndicat et industrie?
M. Hamilton: Je n'ai pas du tout d'argument. C'est très
évident que les syndiqués et les autres intéressés
veulent savoir en détail la situation financière d'entreprises
comme Domtar. Nous avons déjà pris la décision de publier
en détail le résultat de nos opérations dans chaque usine.
Ces chiffres ne sont pas encore publics. Il y a une raison à cela.
C'était très évident, quand nous avons pris cette
décision et quand nous avons examiné comment on peut le faire
d'une façon efficace, que la plupart de nos cadres n'avaient pas encore
une appréciation des chiffres. Avant d'informer tout le monde, on doit
avoir la politesse de renseigner nos cadres, de les informer de la situation et
aussi de la définition des termes un peu complexes. C'est pourquoi on
n'a pas encore publié ces chiffres, mais la première étape
sera franchie avant la fin de ce mois, car dans le cas d'East Angus, nous nous
sommes engagés à dévoiler la situation la performance de
cette usine avec tous les hommes qui travaillent dans l'usine. Ce sera un
échantillon, si vous voulez, des politiques de notre
société pour l'avenir.
M. Bérubé: C'est passablement intéressant.
Je dois vous avouer que cette remarque tranche passablement avec la
réaction d'autres entreprises.
M. Pagé: C'est pas mal différent.
M. Hamilton: C'est une autre remarque...
M. Bérubé: Ecoutez, je pense que j'ai passablement
épuisé l'ensemble des questions que je voulais poser. Je vais
donner l'occasion à d'autres de vous interroger. Je vous remercie
infiniment, monsieur.
M. Hamilton: Merci, M. le ministre.
Le Président (M!. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Hamilton, je
vous remercie, ainsi que le groupe Domtar, du document que vous produisez cet
après-midi devant nous.
M. Hamilton: C'est difficile de vous entendre. Est-ce qu'on peut
parler à plus haute voix, s'il vous plaît?
M. Pagé: Je suis pénalisé, vous savez. Je
suis petit et j'ai des gens qui sont corpulents à côté de
moi. Je vais parler plus fort.
M. le Président, je vous remercie. M. Hamilton, je vous remercie
de votre mémoire, du document que vous déposez cet
après-midi. Le seul regret que j'ai, c'est qu'on n'ait pas pu y
consacrer plus de temps, parce qu'il est très étoffé. J'ai
remarqué plusieurs choses. A la page 4 de votre mémoire, vous
faites état que les nouvelles usines ont été pourvues des
techniques et des machines les plus avancées sur le plan de
l'exploitation à l'échelle internationale, ce qui a eu pour
résultat d'entraîner un accroissement de la productivité de
la main-d'oeuvre, et ce, à des coûts inférieurs
d'exploitation. Nos usines se sont modernisées et je pense que toutes
les entreprises ont été unanimes à dire que la
productivité, pendant ces années, a augmenté et de
beaucoup.
M. Hamilton: Nos usines?
M. Pagé: Oui. A la page 4 de votre mémoire, vous
faites état de l'accroissement de la productivité de la
main-d'oeuvre à des coûts inférieurs d'exploitation. On
parle en termes de productivité, homme-heure-produit. Par rapport
à il y a vingt ans, c'est certain que la production est meilleure, mais,
par contre, vous avez eu une augmentation très sensible au niveau des
coûts de production, de sorte que le problème existe aujourd'hui.
Tout le monde convient que le Canada est dans une position précaire sur
le marché international au chapitre de la concurrence.
A plusieurs reprises, lorsqu'on invoque cette augmentation des
coûts de production, on cite évidemment le coût du bois; on
fait état de toute cette question du transport; on fait état du
Kennedy Round. Vous faites état, dans votre mémoire, des
impôts qui sont quand même assez appréciables, car ils sont
de quelque $108 millions, si ma mémoire est fidèle vous
pourrez me corriger pour les cinq dernières années.
Evidemment, on fait état de la main-d'oeuvre. J'aimerais que vous me
disiez si vous avez les chiffes sur l'augmentation du coût de la
main-d'oeuvre en termes de pourcentage, au cours des cinq dernières
années.
M. Hamilton: Pour nos usines en particulier?
M. Pagé: Oui. Deuxièmement, vous comparez le revenu
payé dans les usines du Québec avec celui des usines
américaines. J'aimerais que vous me fassiez part de vos sources
d'information, parce que vous avez certainement dû constater qu'on a des
arguments contraires provenant de l'industrie, qui allègue que le
salaire moyen payé au Québec est plus élevé que
celui payé dans certaines usines américaines. On a eu des
allégations contradictoires, contraires, dans le cas de la CSN, qui est
arrivée avec des chiffres et des statistiques alléguant que le
taux de salaire payé au Québec est facilement comparable à
celui payé dans d'autres Etats américains.
M. Hamilton: C'était seulement dans l'Etat du Vermont...
c'était leur comparaison.
M. Pagé: Des différences très minimes avec
d'autres Etats.
M. Hamilton: C'est une situation tout à fait
différente si on fait des comparaisons. Comme vous le comprenez bien,
j'en suis sûr, quand on fait usage de chiffres et de comparaisons, on
peut généraliser. Dans une généralisation, il y a
une gamme de chiffres. On peut dire qu'au Canada, en général, le
niveau des salaires est celui-ci et que aux Etats-Unis, il est celui-là.
Il y a une gamme de salaires au Canada, d'ici à ici et aux Etats-Unis,
il y a une gamme de salaires entre ici et ici. On peut trouver au Canada des
situations où les salaires sont plus élevés dans une usine
en particulier que dans une autre mais, en général, les chiffres
disponibles de la part de Statistique Canada et du service de la main-d'oeuvre
des Etats-Unis indiquent qu'il y a un décalage entre le salaire moyen
payé aux Etats-Unis, et le salaire moyen payé au Canada, celui-ci
en faveur des Etats-Unis. On peut trouver aux Etats-Unis une usine qui paie
plus qu'une autre usine au Canada, mais il faut examiner la gamme de produits
particuliers à chaque usine. Si on veut parler du papier journal qui
n'est pas fabriqué dans l'Etat du Vermont, je suis d'accord qu'en
général, le niveau des salaires au Canada est beaucoup plus
élevé que le niveau des salaires aux Etats-Unis.
M. Pagé: Oui.
M. Hamilton: On peut discuter si c'est 12%, 14% ou 15% ou 18%,
mais c'est appréciable.
M. Pagé: Je comprends que c'est très discutable et
vous allez aussi comprendre qu'il nous est très difficile de prendre
position sur les affirmations qui sont faites, car, somme toute, on peut faire
dire beaucoup de choses aux chiffres. Je comprends que si on veut comparer ce
qu'il en coûte au Canada par rapport aux Etats-Unis, il faut comparer la
même chose et ne pas regarder seulement le salaire brut qui est
payé, mais également les avantages sociaux, etc.
J'espère qu'à la lumière des travaux de cette
commission, où on a fait état à plusieurs reprises depuis
le début, de toute cette question du taux de salaire, le gouvernement,
par le biais du ministère des Terres et Forêts, en collaboration
avec d'autres ministères, pourra affecter des fonctionnaires du
ministère ou du gouvernement pour étudier vraiment cette question
afin qu'on en arrive, une fois pour toutes je pense que ce serait autant
utile au gouvernement qu'aux parlementaires, qu'au milieu patronal et qu'au
milieu syndical je pense que c'est possible à savoir
exactement ce qui en est de la comparaison des salaires, sur une base
comparable.
Il y a une autre question, celle du pourcentage d'augmentation des
salaires payés dans vos usines depuis cinq ans.
M. Hamilton: Nous avons cette information et on peut la fournir
à la commission. Elle n'est pas disponible à ce moment-ci, mais
on peut s'organiser pour vous la donner.
M. Pagé: D'accord. Vous allez la fournir à la
commission?
M. Hamilton: Toutes les questions auxquelles nous ne pouvons pas
répondre, j'estime que nous avons l'obligation d'obtenir l'information
pour la donner à la commission.
M. Pagé: D'accord, merci.
On a évidemment fait état à plusieurs reprises
pendant les travaux de cette commission de cette importante question des
relations patronales-ouvrières. M. le ministre, tantôt, a
touché un aspect qui m'intéresse particulièrement, sur
lequel je me proposais d'intervenir.
Tout le monde souhaite de meilleures relations de travail, tout le monde
est unanime à formuler le voeu que les parties patronales puissent
davantage comprendre le problème des ouvriers. Les syndicats souhaitent,
eux, que les entreprises soient davantage ouvertes à l'égard des
syndicats en ce qui a trait à l'information de toute nature, et M. le
ministre faisait référence tout à l'heure à la
possibilité de divulgation de vos profits auprès de vos
syndicats. Je sais que depuis les conflits ouvriers que l'industrie des
pâtes et papiers a connus, il y a quelques années, un
comité permanent a été créé, regroupant six
producteurs importants de papier journal au Québec.
D'ailleurs, la Quebec North Shore qui aura à comparaître ce
soir j'espère qu'on aura le temps
de l'entendre fait état de ce comité dans le
mémoire qu'elle présentera ce soir. Ce comité a comme
objectif d'étudier les moyens pour améliorer les relations du
travail et les méthodes de négociation des conventions
collectives.
J'aimerais savoir si le groupe Domtar participe à ce
comité de travail.
M. Hamilton: Oui, nous y avons participé depuis le
commencement de ces efforts pour améliorer les relations du travail.
M. Pagé: D'accord. Vous pourrez confirmer ou infirmer
l'information que j'ai eue selon laquelle vous vous seriez
particulièrement penchés, à l'intérieur de ce
comité, sur la possibilité que les compagnies puissent vraiment
s'associer les syndicats, par le biais de l'information qu'elles pourraient
éventuellement leur donner, dans la prise de conscience du
problème que vous connaissez actuellement.
J'aimerais être informé de ce qui a été fait
jusqu'à maintenant. Quelles sont les perspectives que vous analysez et
que vous étudiez pour que le milieu syndical puisse être non
seulement pleinement conscient du problème que vous connaissez, mais
puisse s'y associer?
M. Hamilton: J'aimerais répondre à cette question,
M. le député. Franchement, j'aimerais mieux répondre avec
un représentant du syndicat impliqué ici présent, parce
que c'est une fleur très fragile que nous essayons de faire pousser et
je ne veux pas dire quelque chose qui ait un impact contraire sur ces
relations. Je préférerais répondre à la commission,
si vous voulez, avec un représentant du syndicat impliqué ici
présent, pour que nous puissions vous informer précisément
de la situation. Il faut comprendre que je suis tout à fait au courant
de ces positions, de ces négociations, de ces démarches et je ne
veux pas "rock the boat". C'est quelque chose auquel tout le monde est
très sensibilisé.
J'essaierai de répondre à votre question, mais j'aimerais
beaucoup que vous la retiriez et la reposiez quand j'aurai un
représentant, de sorte que nous pourrons répondre ensemble.
M. Pagé: D'accord.
M. Hamilton: Vous pourrez apprécier pourquoi je fais
cela.
M. Pagé: Je comprends que c'est assez précaire et
je comprends aussi que la fleur est peut-être fragile et qu'on ne vient
pas de la couper parce qu'elle est peut-être...
M. Hamilton: Cela pousse lentement, mais nous
avançons.
M. Pagé: D'accord. Je comprends votre position
là-dessus. Il ne faudrait quand même pas que des questions
posées ici nuisent au travail positif de ce comité, mais je vous
encourage à continuer et à explorer le plus loin possible les
avenues et les moyens qui pourraient permettre une collaboration étroite
et une association vraiment efficace entre le milieu patronal et le milieu
syndical sur les objectifs à atteindre.
M. Hamilton: Vous me permettrez de disserter un peu sur un point
de votre question. Vous avez toujours mentionné les mots profit et
rentabilité; que nous informions le public de la rentabilité.
C'est plus que cela et c'est ce que nous avons essayé d'accentuer dans
notre soumission et dans nos remarques. Ce n'est pas seulement une question de
rentabilité. La rentabilité est un terme de comptabilité,
un terme très technique. La chose importante est très simple.
C'est une question mathématique très simple. Ce que nous
dépensons, il faut le recevoir, à long terme. C'est la même
chose pour une famille, c'est la même chose pour une entreprise. Ce n'est
pas une question de rentabilité pour une période de douze mois.
Nous sommes mesurés par les agents de fiscalité, nous sommes
mesurés par la bourse sur une période comme celle-là. Mais
la performance d'une entreprise comme Domtar exige qu'on ait un revenu aussi
élevé que nos dépenses sur une période de dix ans
peut-être, mais au moins dix ans. C'est pourquoi je veux revenir à
la question de rentabilité. C'est quelque chose qui est fixé dans
l'esprit du public, la rentabilité de quelque chose. Ce n'est pas cela.
C'est l'équilibre entre les dépenses et les revenus sur une
période à long terme, c'est cela qui est important et c'est la
difficulté de l'industrie des pâtes et papiers en ce moment. C'est
le manque d'équilibre. Si vous examinez nos chiffres dans notre rapport
annuel, vous pourrez remarquer qu'avant d'emprunter environ $100 millions, nous
avions une perte en caisse, pour une période de trois mois, d'environ
$90 millions. C'est le problème.
M. Pagé: Pas de remarque là-dessus. Toujours sur la
question des relations patronales-ouvrières, est-ce que j'ai bien
compris tout à l'heure, lorsque le ministre a fait état que d'ici
la fin du mois, à East Angus, vous seriez en mesure de rendre publics
tous les chiffres faisant foi du tableau financier de l'usine
là-bas?
M. Hamilton: Nous avons l'intention d'informer nos
employés. C'est la même chose que les rendre publics, je
crois.
M. Pagé: Je présume. Mais cela amène une
question. Si vous avez l'intention de les rendre publics ou de les fournir
à vos employés, je présume que vous seriez disposé
à relever le ministre de son obligation de confidentialité
à votre égard?
M. Hamilton: La confidentialité de quels documents?
M. Pagé: Des informations ou des dossiers que le ministre
a actuellement. Parce que tout à l'heure, le ministre, à une
question que je lui avais
préalablement posée, lorsque le comité ad hoc est
intervenu ce matin...
M. Hamilton: C'est très difficile pour moi...
M. Bérubé: Excusez-moi, M. Hamilton, dans le cas
présent je pense que je ne tiens pas à être relevé
de la confidentialité. Je pense que si l'entreprise veut déposer
les chiffres, elle est libre et quant à moi, je tiens à garder la
réputation de fiabilité que j'ai et je ne tiens pas à ce
que sous les pressions politiques de quelque parti que ce soit, on puisse
amener quelqu'un à vouloir me forcer à me relever.
M. Pagé: Ce ne sont pas des pressions politiques. Personne
n'a fait de politique depuis le début et on commence à en faire.
Si vous voulez qu'on en fasse, vous allez constater que cela peut se faire
à deux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf, s'il vous plaît! A l'ordre!
M. Pagé: A la page 18 de votre mémoire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: C'est vrai, parce qu'on n'a pas fait, M. le
Président, de politique jusqu'à maintenant. Cela va bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Pagé: II ne faudrait pas commencer à se chicaner
aujourd'hui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Pagé: Continuons. A la page 18, vous dites: "Si le
gouvernement force des investissements injustifiables du point de vue
économique dans des usines de pâtes et papiers, il en
résultera un gaspillage de ressources financières,
matérielles et humaines qui pourraient être utilisées
ailleurs de façon plus efficace." D'ailleurs, vous faisiez état
tantôt que la solution n'était pas nécessairement dans le
fait de se lancer dans la modernisation etc. D'ailleurs, vous en faites
état à la page 6, lorsque vous parlez de la surcapacité de
production actuelle avec les équipements que nous avons. Qu'est-ce qui
est interprété, par le groupe Domtar, comme étant
possiblement des investissements injustifiables?
M. Hamilton: Quelle est la question?
M. Pagé: Page 18, vous parlez d'investissements
injustifiables.
M. Hamilton: Oui. M. Pagé: Pardon?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Voulez-vous reposer la question, M. le
député de Portneuf, s'il vous plaît?
M. Pagé: A la page 18 de votre mémoire, vous parlez
d'investissements injustifiables.
M. Hamilton: Oui.
M. Pagé: Et je m'en réfère à votre
propos de la page 6, lorsque vous dites que la surcapacité de production
actuelle, dans l'industrie des pâtes et papiers, surtout les stocks
élevés de pâte commerciale, etc., je présume que vos
usines au Québec, actuellement, peuvent faire face à la demande.
Tout à l'heure, dans l'échange que vous avez eu avec M. le
ministre, vous en avez fait état et vous avez tenu compte de projets
éventuels de modernisation au niveau des solutions. Vous parlez
d'investissements injustifiables. Que voudraient dire "des investissements
injustifiables" dans le contexte actuel?
M. Hamilton: Qui ne sont pas justifiés par l'état
du marché, par la rentabilité, par la disponibilité du
bois, par la disponibilité d'une technologie. Il y a beaucoup de
modalités que l'on doit prendre en considération avant de prendre
une décision d'investir. J'aime beaucoup vous référer
à notre discussion sur une décision, le processus de la prise de
décision d'une entreprise.
C'est cela qui est, je crois... Peut-être que cela pourrait
répondre à votre question et indiquer le processus
nécessaire, les facteurs qu'il faut identifier, les décisions
qu'il faut prendre avant de faire un investissement. Notre point de vue est
pour n'importe quelle raison, pour les raisons non valables. On est
forcé d'investir nos ressources financières dans une telle
situation, cela sera, si elles sont injustifiables par définition, un
gaspillage des ressources financières. Je ne sais pas si j'ai bien
compris le sens de votre question. Peut-être que ma réponse n'est
pas appropriée.
M. Pagé: Dans le contexte du problème que tout le
monde rencontre actuellement, les coûts de productions étant tels
qu'on n'est pas concurrent sur le marché international, les groupes qui
sont intervenus devant nous ont formulé plusieurs recommandations, que
ce soit dans certains cas de l'intervention de l'Etat par la prise en charge de
certaines entreprises, que ce soit des assouplissements fiscaux, que ce soit
l'intervention de l'Etat au niveau du coût du bois ou de la gestion des
forêts, etc., il y a toute une gamme de recommandations qui ont
été formulées ici. A la lueur de l'expérience que
vous avez, quelles seraient les actions immédiates? D'abord, est-ce que
vous favorisez une intervention gouvernementale ou si vous croyez que
l'industrie à elle seule peut passer à travers ce
problème-là, abstraction faite des actions gouvernementales
relatives aux relations du travail?
M. Hamilton: Nous avons maintenant beaucoup d'interventions
gouvernementales. Ce n'est pas quelque chose de nouveau.
M. Pagé: D'accord, mais je parle d'intervention
gouvernementale je veux bien qu'on se comprenne en termes
d'investissements, en termes de prise en charge de capital-actions de certaines
entreprises où cela ne va pas bien. Je parle d'interventions de cette
nature-là. Parce que cela va de soi que le gouvernement intervient dans
vos affaires comme dans les affaires de tout le monde.
M. Hamilton: Nous acceptons que le gouvernement doive intervenir
dans l'économie de l'Etat et plus particulièrement dans une
industrie, ou dans la globalité des industries. Nos idées, nos
opinions, sont que si, le gouvernement veut intervenir, il doit intervenir
d'une façon générale, pour que toutes les unités
d'une industrie puissent regarder l'intervention du gouvernement et prendre
leurs décisions.
Nous rejetons l'idée que le gouvernement doive intervenir
spécifiquement dans telle ou telle usine. Si le gouvernement veut
arrêter tous les investissements de la part des industries des
pâtes et papiers, il n'a qu'à commencer à faire les
démarches spécifiques dans une usine de papier journal, une usine
de papier fin, une autre usine de papier kraft, parce que l'industrie ne veut
pas faire concurrence au gouvernement. On ne serait pas capable.
M. Pagé: Qu'est-ce que vous favorisez comme mesure
éventuelle?
M. Hamilton: C'est une question d'établir un environnement
favorable pour l'industrie, qui...
M. Pagé: Et vous favorisez des mesures...
M. Hamilton: Favoriser... Et toutes les mesures sont disponibles
pour tout le monde. Dans un tel environnement, si le gouvernement peut
réussir à établir un tel environnement favorable à
l'industrie, on aura des décisions positives de la part de l'industrie.
Mais les décisions spécifiques doivent ralentir pour ne pas
empêcher l'investissement de la part de l'industrie.
M. Pagé: D'accord. Deux brèves questions pour
terminer. Vous faites état, dans votre mémoire, qu'au cours des
cinq dernières années, $88 millions ont été
retournés aux actionnaires. C'est le cas?
M. Hamilton: Probablement que oui.
M. Pagé: Cela implique quel rendement, en termes de
pourcentage, sur les actions?
M. Hamilton: Les bénéfices non répartis,
l'équité de l'actionnaire, je le rappelle, c'est d'environ $345
millions, je crois. Le rapport était environ 4,5% ou 4%. 3,8%
peut-être. C'est le rendement sur l'équité des actionnaires
que vous voulez établir.
M. Pagé: Et c'est?
M. Hamilton: 3%. Environ 3%. M. Pagé: Merci.
M. Hamilton: C'est avant l'impôt pour les actionnaires.
M. Pagé: En plus. Vous me permettrez une dernière
question, M. Hamilton. Vous savez que je représente le comté de
Portneuf où vous avez des...
M. Hamilton: Je m'excuse, monsieur. C'est 5,8%; un rendement
annuel de 5,8% de la valeur de l'investissement des actionnaires, avant
l'impôt.
M. Pagé: Je vous remercie. Une dernière question.
Vous savez que je suis député de Portneuf. Vous avez des
installations dans Portneuf. C'est apprécié non seulement par la
collectivité, mais aussi par le député. On a eu des
problèmes. Quand je dis qu'on a eu des problèmes, c'est... Vous
en avez eu des problèmes, les travailleurs en ont eu, vous venez de
vivre un conflit qui a été très douloureux pour tous ceux
qui ont eu à subir cette grève très longue de sept ou huit
mois.
Je m'étais promis de vous poser cette question: Quel est le
portrait financier de l'usine Dom-tar à Donnacona?
M. Hamilton: En détail?
M. Pagé: Comment ça va à Donnacona?
M. Hamilton: Pardon?
M. Pagé: Comment ça va à Donnacona? Est-ce
que cela va bien? Les perspectives d'avenir sont-elles encourageantes?
M. Hamilton: Maintenant? Aujourd'hui?
M. Pagé: Oui. Et les perspectives d'avenir. Je suis
d'accord que pour certains, le ciel dans l'avenir était bleu, mais je
voudrais savoir si c'est le cas pour vous autres, à Donnacona.
M. Pinard: Depuis le départ de l'usine de Donnacona, il y
a eu des difficultés de mise en marche. Le bois avait vieilli
considérablement durant ces huit mois, et nous en subissons encore les
conséquences. Alors, dans les premiers mois d'activité, nous
avons eu des pertes d'encaisse très considérables, peu importe la
façon dont on les regarde. Nous arrivons actuellement à peu
près au point de "break even", mais nous avons été
touchés très fortement au point de vue du marché. Nous
avions consacré énormément d'efforts à Donnacona
pour développer de nouveaux produits et, durant cette période,
nous avons perdu certainement 20% du marché. Heureusement, actuellement,
les éditeurs américains augmentent leur consommation de papier
journal pour augmenter leur inventaire saisonnier et cela nous a permis
d'avoir, jusqu'à ce jour, seulement une fermeture de dix jours. Mais,
sur les comman-
des qui devraient aller normalement à Donnacona, sur son dû
à elle dans le marché, nous avons des commandes pour fonctionner
seulement à 75% de la capacité. C'est la plus grosse
difficulté à laquelle une compagnie doit faire face, surtout
quand elle s'empare d'un nouveau marché, la développe et qu'elle
est absente pendant huit mois. On a des concurrents qui ont pris avantage de la
situation, parce que, durant cette période, beaucoup d'usines
fonctionnaient au ralenti. Alors, nous avons une dure courbe à remonter.
Ces facteurs, j'ai eu l'occasion d'en discuter personnellement avec le
personnel local, incluant l'exécutif syndical, et j'ai été
très heureux de la coopération de part et d'autre.
L'atmosphère est réellement très bonne actuellement.
L'effort des travailleurs est très bon, et les choses vont en
s'améliorant, mais nous avons énormément de travail
à faire au point de vue de l'amélioration de l'efficacité
de l'usine, de la qualité du produit et d'un regain du marché.
C'est une chose très diffile de regagner un marché dans un tel
environnement. C'est toujours la chose qui est très difficile à
mettre en relief et à compter lors d'un gros conflit comme cela. Ce sont
des dommages à long terme. Nous travaillons à résoudre les
problèmes. Mais il y a progrès très
appréciable.
M. Pagé: Merci, messieurs!
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, à entendre les
questions du ministre tout à l'heure et les réponses de la
compagnie, j'ai l'impression qu'il y a une "game" qui s'est jouée
quelque part et on n'avait pas de billets pour y assister.
Je pense qu'il y a un bout de chemin de fait, un bout de chemin vraiment
intéressant et, loin de mettre l'intégrité du ministre en
jeu, je pense qu'il a fait un bon boulot cela me donne cette impression
dans ce dossier, et les réponses que vous avez fournies au
ministre nous donnent de l'espoir. Mais je voudrais bien que cet espoir ne se
traduise pas uniquement dans des termes... Je voudrais qu'on précise,
s'il y avait lieu, dans un court délai... On l'a mentionné ce
matin. Je ne sais pas si vous avez eu l'avantage d'entendre les gens de la
région qui ont témoigné ici, ce matin, mais j'aimerais
qu'on rassure ces gens. Vous vous êtes donné, pour la production
des documents, d'ici à la fin du mois. On voit des commentaires qui sont
donnés par votre gérant à East Angus, commentaires assez
récents puisqu'ils datent du 27 septembre, qui donnent de l'espoir
à East Angus.
Vous venez de répondre au ministre et de nous dire que vous
n'aviez pas d'objection, en attendant une négociation plus profonde,
d'une part gouvernementale dans votre usine, pour le cas qui nous
intéresse à East Angus; à condition de négocier pas
mal de choses. Cela reste quand même des termes assez larges qu'on ne
précisera pas à la table aujourd'hui.
Ce n'est pas mon intention de blâmer qui que ce soit et les
quelques questions que j'ai à poser tenteront de faire de la
lumière parce qu'à partir de ce soir, sera laissé à
ces représentants de chez vous, c'est-à-dire le comité ah
hoc, le soin de continuer à avoir de l'information. Comme on l'a fait
aujourd'hui, sans doute ce comité jouera un rôle des plus
importants une fois la journée terminée, étant
assuré maintenant qu'il aura une excellente collaboration qui
d'ailleurs n'a pas manqué mais une collaboration plus vigilante
de la part du gouvernement et même de la compagnie. Je voudrais vous
inciter à avoir une collaboration étroite avec ces gens. La ville
d'East Angus a fourni un rapport on ne peut plus mesuré et
répondant exactement à la demande de la population.
Vous avez tenté d'aborder une définition de votre
rôle social tout à l'heure. Bien sûr que ce n'est pas
d'exploiter une compagnie avec perte à East Angus. Je pense que ce n'est
pas cela que le comité demande et ce n'est pas cela que personne veut
non plus. Je l'ai signalé cet avant-midi, votre compagnie n'est pas une
communauté de dames de Sainte-Anne; vous êtes là pour faire
de l'argent, et le jour où il ne se fera pas d'argent, vous n'aurez plus
votre raison d'être à East Angus. Mais les chiffres que vous venez
de nous fournir, la partie qui nous a été fournie le 29 juillet
et les chiffres que vous venez de confirmer en réponse à des
questions posées par le député de Portneuf et le ministre,
témoignent que c'est encore viable. Je pense que le rôle social
que vous avez à jouer à East Angus... On ne vous demandera pas de
travailler à perte, la compagnie ne pourra pas faire cela, mais je pense
que dans le contexte actuel, vous réalisez que vous êtes les seuls
ou à peu près les seuls à tenir la ville d'East Angus en
haleine. A partir de là, votre investissement à East Angus est
plus important que peut-être dans toute autre ville, au moins dans notre
province.
Si vous m'affirmez que cette industrie d'East Angus est encore rentable
je ne parle pas de donner des 6%, 7% ou 8%, mais si votre compagnie est
encore rentable à East Angus, je pense que la définition de votre
rôle social c'est que tant et aussi longtemps que votre compagnie
à East Angus pourra produire sans être déficitaire, elle
doit le faire; c'est ce que la population vous demande dans le moment; au moins
à court terme. A long terme, les propos du ministre étaient tout
à l'heure encourageants et vos réponses l'étaient tout
autant.
Mais, j'aimerais vous demander; à court terme on a des
déclarations de différentes sortes, on en a de M. Pelletier,
votre gérant d'East Angus, qui sont fort encourageantes, et on voudrait
savoir de vous ce que vous entendez faire en attendant ces
éléments de solution puisque dans votre rapport vous nous dites
que, si vous annoncez une fermeture, vous allez le faire avec six mois d'avis,
alors qu'on a vu qu'il y a eu une fermeture d'annoncée. Avec les
documents qui m'ont été fournis, j'ai pu constater que ce
n'était pas avec six mois d'avis. Je pense que cette population qui a
été un excellent serviteur depuis de nombreuses
années...
C'est peut-être votre rôle social que de tenir
l'exploitation tant et aussi longtemps qu'elle sera un peu rentable. Je sais
que vous n'aurez pas le contrôle sur tous vos actionnaires, à
savoir que le jour où cela ne rapportera que .5%, il n'y a pas beaucoup
de gens qui voudront continuer à investir chez vous; mais je pense que
c'est peut-être votre rôle de donner un mot d'ordre à savoir
qu'à court terme vous avez une politique qui peut être rendue
publique, peut-être même aujourd'hui. A long terme il y a une
amorce de faite avec le ministre, qui pourra être rendue publique dans un
mois ou deux. Je pense qu'on n'a plus le droit de tenir la population d'East
Angus comme cela. C'est dur dans tous les secteurs. C'est pénible dans
tous les secteurs et d'abord pour les travailleurs.
M. Hamilton, je voudrais vous demander ce qui nous attend à East
Angus, à court terme?
M. Hamilton: Je ne suis pas un prophète. Les tendances en
ce moment sont très bonnes. Nous sommes encouragés par les
résultats, mais je veux établir fermement et clairement la
position, de la société Domtar. Nous n'avons pas l'intention,
nous n'avions pas le désir de fermer n'importe quelle usine. Ce n'est
pas le désir de la part d'une société telle que Domtar,
pas du tout. Le problème dans sa totalité a été
démontré dans notre rapport annuel. Nous avons cette politique
d'examiner chaque unité sur sa propre base. Il y a d'autres
opérations de Domtar, eh Ontario, en Colombie-Britannique, etc., qui
sont dans des situations très précaires.
Nous avons perdu tout espoir, pendant le mois d'avril, de faire marcher
l'usine d'East Angus sans une perte d'encaisse. C'est pourquoi nous avons
informé le public et le gouvernement que nous allions fermer l'usine
parce que nous subissons une perte d'encaisse. Nous n'avons pas les ressources
financières des autres sections de Domtar, des autres divisions de
Domtar, pour subventionner ou pour soutenir une situation comme celle qui
existe à East Angus. C'est pourquoi nous avons pris cette mesure.
Notre communication n'a peut-être pas été assez
bonne, peut-être pourrait-on la refaire d'une façon plus positive,
plus constructive, si on a l'occasion de la répéter. Je ne veux
pas supposer que nous étions tout à fait parfaits, mais le fait
est que nous ne pouvons pas subir une perte d'encaisse.
Nous avons informé le gouvernement de la situation. Il nous a
demandé de continuer à faire fonctionner l'usine. Nous avons
répondu que s'il désirait nous appuyer dans nos pertes, s'il
voulait garantir ces pertes d'encaisse, d'accord, nous continuerions, mais le
fait est que, après ces événements, il y a eu une
meilleure appréciation, de la part du public et de nos employés
qui travaillent à East Angus, des réalités de la vie du
monde des affaires.
Nous avons maintenant une opération je suis
informé, cela marche très bien les attitudes parmi les
cadres, entre les cadres et les employés j'en suis informé
sont assez bonnes. Les tendances sont très favorables.
Vous me posez la question: Quel est l'avenir à court terme? Je
suis optimiste, mais nous n'avons pas les ressources pour subventionner East
Angus. Si elle reste rentable, si les demandes pour les capitaux dans les fonds
de roulement ne sont pas excessives, si les demandes pour les remplacements
d'équipements, qui demandent du capital, ne sont pas excessives et si on
peut continuer maintenant avec la marge qu'on a entre les revenus et les
dépenses, on pourra continuer de faire fonctionner cette usine, mais
cela dépendra des secteurs du marché, de l'économie,
etc.
Ce n'est pas une bonne réponse. Je ne peux pas vous assurer que
nous allons faire quelque chose. Notre position, c'est de réagir aux
événements. Nous ferons notre possible pour continuer de faire
fonctionner cette usine, mais c'est tout ce qu'on peut faire. On n'a pas les
ressources financières pour la subventionner, pas du tout.
M. Grenier: La compagnie Price, qui était ici il y a
quelques jours, nous a dit que ce n'était pas nécessairement un
problème de vieillissement des industries ou de vétusté de
la machinerie. Souven-tefois, ce n'est pas cela; c'est le marché, la
rentabilité. Pourriez-vous me donner les trois raisons principales qui
font qu'on a dû annoncer une fermeture à East Angus, les trois ou
quatre raisons?
Il faut bien reconnaître que, dans la région, vous
êtes assez bien servis en bois ou en copeaux, d'après tout ce
qu'on a entendu d'un côté et de l'autre. Presque un tiers des
ventes, si les chiffres sont vrais, se font sur la galerie de l'usine, ou
à peu près, dix jours par mois. Du côté des
employés, on tient le renseignement que les salaires ne dépassent
pas la moyenne des employés de ce secteur. On apprend qu'ils sont
gelés pour une certaine période. Alors, qu'est-ce qui pourrait
permettre un bon fonctionnement, au moins, à court terme?
M. Hamilton: Peut-être peut-on répondre comme ceci:
Les facteurs les plus importants sont, premièrement, le marché,
la demande. Cela peut dépendre des actions de nos concurrents canadiens
et de la concurrence américaine. C'est probablement le facteur
majeur.
Deuxièmement, c'est la productivité de l'usine. C'est cela
qui a été augmenté sensiblement à la suite des
événements de l'été passé. Cette tendance
est très bonne, mais c'est très important. Troisièmement
probablement est-ce associé actuellement à la
productivité c'est le niveau de qualité des produits
fabriqués à East Angus. C'est très important, parce
qu'elle a un effet majeur sur nos clients. Ce sont ces deux raisons.
Le troisième facteur, c'est le problème du capital. Cela
peut dépendre du niveau des prix. Cela peut dépendre des demandes
pour les remplacements d'équipements. S'il y a une très grande
demande pour le capital, pour les fonds de roulement ou pour le remplacement
d'une presse d'une machine à papier ou de n'importe quel
équipement de l'usine, cela va nuire à l'avenir de cette usine.
C'est la question des bénéfices qu'on peut
obtenir des opérations de cette usine. Si la marge est assez
grande, on peut dépenser du capital.
Je regrette de ne pas être plus précis, mais c'est
impossible de l'être plus. Il y a trop de facteurs dont je n'ai pas le
contrôle, que la société Domtar ne peut pas
contrôler. Est-ce que c'est adéquat pour vos...
M. Grenier: Oui, cela va. Maintenant, j'aimerais savoir, au sujet
de la référence que je faisais ce matin, si vous maintenez
toujours votre décision de ne pas investir, parce que ce livre
d'une excellente couleur, bleu dit que ce n'est pas votre intention
d'investir. Ce matin, j'ai posé la question au comité ad hoc,
à savoir si ce n'était pas rentable d'investir à East
Angus.
M. Hamilton: C'est une généralisation. Il y a six
ans, Domtar a fait une grande étude concernant l'usine d'East Angus.
Nous avons évalué les marchés, nous avons
évalué les ressources en bois résineux. Nous avons
évalué la technologie, tout l'équipement. Il y a eu une
recommandation de la part de la gestion de notre division du papier kraft
d'investir dans l'usine d'East Angus pour la moderniser et augmenter la
production. Après avoir étudié en profondeur tous les
facteurs, la décision, qui était ma décision, a
été de ne pas investir cet argent à East Angus.
Est-ce que c'est une bonne décision pour les citoyens d'East
Angus? Probablement non. Pour la société Domtar, c'est sans doute
une très bonne décision. On peut regarder les chiffres d'affaires
de Manitoba Forest Products, par exemple. Le problème, c'est que, pour
les gammes de produits que nous avons considérés comme
peut-être rentables, à East Angus, il n'y a pas un marché
assez grand.
Et, plus particulièrement, nous attendions les
négociations tarifaires de Tokyo. Elle n'étaient pas
déjà commencées, mais on parlait de ces
négociations comme un deuxième "Kennedy round". Ces
négociations tarifaires auront un effet formidable sur l'avenir d'une
telle usine, parce que ça va probablement diminuer la protection
tarifaire ici, au Canada, de 50% à 60%. C'est la politique de tous les
grands pays industrialisés. On peut en faire la remarque.
M. Grenier: Bon! Vous n'êtes pas surpris, j'imagine, qu'on
vous questionne davantage sur East Angus que sur votre compagnie, puisque c'est
le problème crucial...
M. Hamilton: Oui, monsieur, j'aime beaucoup répondre
à ces questions. Si tout le monde accepte que ces questions s'appliquent
à l'ensemble de l'industrie canadienne des pâtes et papiers. C'est
un très bon échantillon du problème de l'industrie. C'est
un microcosme du problème, et si les tendances continuent, les tendances
qui sont bien établies, nous aurons sans doute beaucoup de
répétitions de la situation d'East Angus. C'est pourquoi c'est
très bon d'examiner tous les facteurs qui ont créé la
situation à East Angus.
M. Grenier: Est-ce que je peux vous poser une question
indiscrète, que vous allez sans doute nous rendre compte dans un mois?
Est-ce qu'on peut dire qu'actuellement à East Angus, c'est encore
rentable un peu? Ne le dites pas fort; on ne le dira pas.
M. Hamilton: Je vais me réfugier dans la technologie des
comptables. Par définition, s'il n'y a pas une perte d'encaisse, c'est
rentable, dans le sens de la comptabilisation.
M. Grenier: Merci.
M. Hamilton, j'ai discuté depuis quelques jours avec
différentes personnes, et plusieurs qui avaient lu votre mémoire
disaient que c'était un excellent mémoire et qu'il faisait des
analyses, très froides, de la situation; on s'est rendu compte
qu'à la page 14, vous parlez de la francisation des industries et vous
parlez évidemment de la menace de séparation du Québec du
Canada.
On lit ceci, à cette page, la possibilité d'embaucher...
Je n'ai pas besoin de vous dire que cette loi vient d'être votée
et vous l'analysez ici; pour la première partie,
c'était......existant depuis un bout de temps... Mais je reprends le
paragraphe pour la bonne compréhension des gens qui n'ont pas le
mémoire en main: "La possibilité d'embaucher librement"
c'est à la page 40 "et de muter des employés hautement
qualifiés venant d'autres parties du monde ne peut être
déniée à ce genre d'entreprises. Les pâtes et
papiers sont dans ce cas. De par ses perspectives, Domtar est une entreprise
d'envergure internationale, et bien que nous pensions avoir été
à l'avant-garde des sociétés établies au
Québec en matière de politique de francisation, nous
prévoyons des difficultés accrues à court comme à
long terme, relativement à l'embauche du personnel. "Une grande partie
de l'opinion publique est d'avis que la loi 101 est inutilement
sévère pour les minorités du Québec. Il est certain
que cette réaction défavorable déteindra sur la
pensée des investisseurs internationaux de même que sur les
employés en puissance".
On n'a pas besoin de vous dire que cela a fait l'objet d'un article de
loi qui a fait couler énormément d'encre, et beaucoup de choses
ont été dites à cette même table il y a quelques
semaines.
Vous continuez ici, et je cite, à la page 41 : "La menace de
séparation du Québec du Canada a refroidi le climat des
investissements, car il demeure trop d'inconnues dans des domaines tels que les
politiques en matière de main-d'oeuvre, programmes sociaux,
nationalisation d'entreprises, politiques fiscales. Le gouvernement provincial
actuel porte ainsi une responsabilité particulièrement lourde
relativement à l'établissement d'un climat d'investissement sain
qui garantirait à la population du Québec le maximum d'occasions
pour mener une vie prospère et productive dans l'avenir".
M. Hamilton, j'aimerais que vous précisiez un peu ces deux
paragraphes qui font partie de votre mémoire.
M. Hamilton: C'est le mieux que je puisse faire, monsieur. C'est
assez clair, je crois. S'il y a quelque chose qu'on ne peut pas comprendre,
j'essaierai d'éclaircir...
Une Voix: C'est clair et on est d'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: J'imagine que vous répondez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: ... en vous tenant à votre texte; c'est une
réponse que j'attendais remarquez bienj Est-ce que...
M. Hamilton: Est-ce que vous m'informez que je suis un "fault
guy"?
M. Grenier: Non, j'aurais aimé qu'il y ait un peu de
précision, quoique si vous avez assisté au débat, du moins
par la voie des media d'information, vous avez eu plus de détails qui
ont sorti autour de cette table à l'occasion du débat de la loi
101.
Une dernière question. Avez-vous envisagé de vendre
l'usine d'East Angus?
M. Hamilton: S'il y a quelqu'un qui veut l'acheter, elle est
disponible à un prix. Toutes nos unités sont disponibles à
un prix. Avez-vous quelqu'un dans votre poche qui...
M. Grenier: Je pense que le ministre l'achèterait...
M. Bérubé: Une nouvelle!
Une Voix: Une déclaration à la presse.
M. Grenier: J'aimerais poser une toute dernière question
au ministre. Suite à la déclaration, qu'on reprend aujourd'hui
étant donné que nos gens sont ici faite à
Sherbrooke, la semaine dernière, y aurait-il lieu de préciser
celle du premier ministre et la vôtre relativement à Domtar d'East
Angus? Vous avez mentionné, comme vous êtes toujours sage et
toujours pondéré dans vos propos, en gros, que la question
était à l'étude et qu'on verrait mieux après les
débats de la commission des richesses naturelles. Par ailleurs, à
l'affirmation voulant que l'usine d'East Angus ferme prochainement, René
Lévesque a déclaré sur un ton catégorique: "Pas
celle-là, nous avons réussi à la sauver".
J'aimerais savoir, M. le ministre, si vous pouvez nous informer comment
on l'a sauvée.
M. Hamilton: M. Bérubé, voulez-vous que je
réponde?
M. Bérubé: J'allais effectivement répondre
qu'il fallait faire attention à une expression oratoire qui peut
être mal interprétée. On peut parfois dire: Nous avons
sauvé quelque chose et cela ne veut pas nécessairement dire que
c'est nous. Dans le cas présent, je pense que c'est assez évident
que les gens qui ont sauvé à ce jour l'usine d'East Angus, c'est
la population, le syndicat et la compagnie présentement; ce n'est pas le
"nous" au sens du gouvernement, c'est le "nous" au sens du Québec.
M. Hamilton: Je veux employer cette réponse, elle est
très à point.
M. Bérubé: Quant à la deuxième
affirmation que M. Lévesque a faite, selon laquelle il existait
présentement un programme de modernisation qui avait été
élaboré à l'intérieur du ministère; c'est un
fait qu'il y a un programme de modernisation d'industries qui a
été élaboré à l'intérieur du
gouvernement, c'est également un fait que présentement nous
soumettons nos opinions, pour étude, aux industries, aux syndicats, aux
producteurs de bois et c'est ce que nous sommes en train de faire à la
commission parlementaire. En temps et lieu, le gouvernement pourra
répondre aux très nombreuses demandes que nous avons de la
plupart des intervenants qui demandent que le gouvernement effectivement
intervienne. A ce moment nous pourrons dire dans quelle mesure nous devons
intervenir et nous interviendrons à la lumière des connaissances
que nous aurons acquise au cours de ces séances et à la
lumière des connaissances que nous acquerrons à la compilation
d'un certain nombre de dossiers.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Lac-Saint-Jean. C'est une dernière intervention,
le temps étant déjà expiré et puisque nous avons
encore trois intervenants qui attendent de passer d'ici à 23 heures ce
soir. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, avant de poser quelques
questions sur le problème de l'environnement, j'aimerais revenir sur un
élément nouveau que vous introduisez dans la liste des raisons
invoquées par votre entreprise pour expliquer le retard à
investir. Cet élément qui fait tellement plaisir à mes
collègues d'en face et qu'on ne retrouve pas dans les autres
mémoires venant des entreprises, parmi les raisons, pour expliquer les
retards apportés à la modernisation, vous invoquez le
référendum à venir, qui a, selon vous à la
page 100 "plongé dans un climat d'incertitude, les
décisions relatives aux investissements."
C'est là un élément intéressant, parce que
c'est un couplet nouveau dans la chanson triste que nous chantent en choeur,
depuis le début des travaux de cette commission, les entreprises des
pâtes et papiers.
M. Grenier: C'est parce que c'est vrai.
M. Brassard: Peut-être parce que c'est un cliché qui
est familier à nos collègues de l'Opposi-
tion. En tout cas, cela ne me satisfait pas. Vous avez affirmé
tantôt que le message était clair, je ne le trouve pas clair du
tout. J'aimerais que vous précisiez ce climat d'incertitude. J'aimerais
que vous énumériez avec précision les effets
dévastateurs du référendum sur les investissements. Est-ce
aussi destructeur que la tordeuse de bourgeons de l'épinette? En effet,
si on tient compte des derniers chiffres émanant de Statistique Canada
sur les prévisions de dépenses en immobilisation par province, le
Québec est en deuxième place, après I'Alberta, et la
variation annuelle en pourcentage est la deuxième plus
élevée et est plus élevée que la moyenne
canadienne, qui se situe à 10,5%. Au Québec, c'est de 14,3%.
J'aimerais que vous m'expliquiez et que vous me précisiez les effets
dévastateurs du référendum sur les investissements dans le
secteur des pâtes et papiers. Est-ce que cela va entraîner la mort
des épinettes au Québec?
M. Grenier: La mort du gouvernement!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: Oui, à l'ordre! Vous avez parlé tout
à l'heure, c'est maintenant mon tour.
M. Hamilton: II n'y a probablement qu'un facteur majeur, pour
répondre à votre question, c'est l'incertitude dans l'avenir. Si
une société veut investir dans une usine de pâtes et
papiers, c'est pour un long terme, pas pour une semaine, c'est pour quinze
à vingt ans. Il y a une incertitude. Que va-t-il arriver ici au Canada,
d'ici cinq ans, dix ans? Il y a une incertitude qui n'existait pas il y a cinq
ans, qui n'existait pas il y a dix ans. Mais elle existe maintenant, parce que
s'il y a une séparation, une séparation totale, quelles seraient
les règles du jeu ici au Québec? Je ne sais pas si vous pouvez
m'informer, mais si vous pouvez me dire quelles seront les règles du
jeu, alors, je saurai quelque chose. Quel sera l'effet sur nos clients du reste
du Canada, sur ceux des Etats-Unis, sur les prêteurs américains
qui financent Domtar? Ce sont des facteurs majeurs qui influencent nos
décisions. On ne peut pas identifier l'impact de cette incertitude, mais
cette incertitude existe en ce moment. Vous pouvez l'accepter ou non, mais cela
existe. Je n'aime pas être trop dogmatique ici, mais c'est la
réponse directe à votre question.
M. Brassard: C'est-à-dire que c'est une question tout
à fait imprécise. Vous me répondez par des questions. Je
vous demande quels sont les effets réels et précis du
référendum et vous me posez des questions. Vous me demandez quel
est l'effet sur vos clients, quel est l'effet sur vos emprunts, quel est
l'effet sur... Vous me posez des questions!
M. Hamilton: Parce que je ne sais pas les réponses
à ces questions. C'est pourquoi il y a une incertitude. C'est
l'incertitude qui cause le ralentissement des investissements.
M. Brassard: Ce n'est pas ce que Statistique Canada dit en tout
cas.
M. Hamilton: Monsieur, ces décisions ont été
prises il y a deux ans. Attendez encore un an pour regarder les chiffres.
M. Brassard: M. Hamilton, vous avez une usine dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Dolbeau, qui fonctionne
bien, semble-t-il.
M. Hamilton: Oui.
M. Brassard: Vous savez très bien qu'Abitibi Price a des
installations dans la région. Elle vient de commencer des
investissements de l'ordre de $26 millions à Kénogami pour
rajeunir et moderniser son usine.
M. Hamilton: D'accord. C'est sa décision.
M. Brassard: C'est sa décision. Peut-être a-t-elle
un meilleur service d'information?
M. Hamilton: Peut-être, mais peut-être en a-t-elle un
encore plus mauvais?
M. Brassard: Peut-être êtes-vous mal
informés?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: Parce que, quand vous précisez ou que vous
posez la question: Quelles sont les règles du jeu dans l'industrie des
pâtes et papiers, cela n'a rien à voir avec le
référendum ou la décision des Québécois face
à leur destin politique. Les règles du jeu, on est en train, en
commission parlementaire, d'essayer de les examiner et le gouvernement du
Québec va en élaborer sans doute de nouvelles avec la
collaboration des partis. Que le Québec soit indépendant,
souverain, ou qu'il demeure dans le cadre fédéral, cela
n'empêche pas le gouvernement actuel, et c'est précisément
son intention, d'élaborer de nouvelles règles du jeu dans ce
domaine-là.
M. Hamilton: C'est possible, nous les attendons.
M. Brassard: Cela n'a rien à voir avec le
référendum.
M. Hamilton: Oui, cela a beaucoup à voir avec le
référendum. On fait les règles du jeu dans le contexte
d'une séparation ou dans le contexte d'une présence dans la
fédération canadienne. C'est tout à fait
différent.
M. Brassard: Quels sont les effets de l'accession du
Québec à l'indépendance ou à la souveraineté
sur la qualité du papier?
M. Hamilton: Quelles seront les règles du jeu de la
fiscalité? Est-ce que vous pouvez m'informer
là-dessus? Le seul point que je veux préciser, c'est
l'incertitude. C'est parce que nous ne pouvons pas évaluer l'avenir.
M. Brassard: Est-ce que vous pouvez évaluer l'avenir quant
à la demande du papier?
M. Hamilton: Oui.
M. Brassard: Tantôt, vous avez dit: L'usine d'East Angus,
son avenir dépend de ce qui va arriver sur les marchés,
dépend de sa rentabilité, dépend de la
productivité. Donc, tout est incertain, d'après vous, dans
l'économie.
M. Hamilton: Tout est incertain, mais il y a des choses qui sont
plus incertaines que d'autres choses.
M. Brassard: C'est-à-dire que le référendum,
c'est une certitude. Il va se tenir.
M. Hamilton: Non. Je ne sais pas. C'est une certitude,
d'accord.
M. Brassard: C'est une certitude qu'il va se tenir, cela, vous
pouvez le prendre.
M. Hamilton: Oui, il y aura un référendum, mais je
ne suis pas au courant, en ce moment, des résultats.
M. Brassard: Non, c'est sûr.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Maintenant, vous êtes sur la même longueur d'onde.
M. Hamilton: Nous sommes d'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
sûr que personne ne connaît le résultat. Là-dessus,
M. Hamilton et vos collègues, au nom des membres de la commission, je
vous remercie énormément de votre collaboration et j'inviterais
l'Université du Québec à Trois-Rivières et ses
représentants à venir nous présenter leur mémoire,
s'il vous plaît.
M. Hamilton: Avant de partir, M. le Président, je veux
vous remercier de votre attention et je veux répéter l'assurance
de notre collaboration dans vos délibérations. Nous sommes
disponibles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup.
A l'ordre, s'il vous plaît! La commission n'a aucunement suspendu
ses travaux. S'il y a des journalistes qui ont des questions à poser,
s'il vous plaît, faites-le à l'extérieur. S'il vous
plaît. M. Boulet?
Université du Québec à
Trois-Rivières
M. Valade (Jacques): Non, je vais faire les
présentations.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à l'ordre! Silence dans la salle.
M. Valade: M. Gilles Boulet est le recteur chez nous. En fait,
les présentations seront assez simples. Mon nom est Jacques Valade et je
viens présenter, au nom de l'Université du Québec à
Trois-Rivières et de son centre de recherches, le mémoire sur
l'avenir des pâtes et papiers au Québec. Je lirai des extraits du
mémoire, ce qui veut dire que, normalement, pour 18 heures, on devrait
avoir terminé la partie de la lecture. Vous pourrez décider de ce
qui arrivera à 20 heures.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce sera
la période des questions à 20 heures.
M. Valade: Parfait. M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire, nous voudrions, dans un premier temps, remercier le
ministre des Terres et Forêts de nous avoir permis de présenter un
mémoire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et
papiers.
Les mémoires précédents reflètent divers
points de vue sur les six thèmes proposés, thèmes sur
lesquels, entre autres, cette commission entend obtenir des informations.
L'Université du Québec à Trois-Rivières, par
l'entremise de son centre de recherche en pâtes et papiers,
espère, par le mémoire qui vous est présenté,
contribuer à cette commission parlementaire en ce qui touche l'aspect
recherche et développement dans le secteur de la transformation des
bois, en prenant garde toutefois...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! Monsieur, est-ce que vous pourriez aller avertir les gens
à l'extérieur, s'il vous plaît, de parler moins fort.
Excusez-nous, monsieur. Allez-y.
M. Valade:... en prenant garde toutefois de ne pas dissocier de
ce volet recherche et développement, l'aspect formation et
perfectionnement des professionnels en exercice oeuvrant dans ce secteur, ceci
compte tenu des compétences des professeurs et chercheurs oeuvrant
actuellement à l'intérieur de notre centre de recherche en
pâtes et papiers. La présentation de cet après-midi se fera
donc comme suit: un bref historique concernant le centre de recherche en
pâtes et papiers en fonction des activités actuellement en cours
à l'intérieur du centre, la problématique qui s'en
dégage, de même que les objectifs actuels du centre. Un coup
d'oeil sur sa programmation et, finalement, les recommandations
adressées à cette commission parlementaire.
C'est en 1972 que les professeurs de la défunte section
génie chimique de l'Université du Québec à
Trois-Rivières ont effectué un premier regroupement de leurs
efforts de recherche dans le secteur des pâtes et papiers. A cette date,
les réalisations scientifiques des professeurs impliqués
s'effectuaient en bon nombre et en majeure partie dans le prolongement de leur
thèse de doctorat, ce qui ne permettait pas d'aborder une
problématique globale par rapport au secteur pâtes et
papiers. Toutefois, l'opportunité de l'intervention
souhaitée obtenait graduellement les faveurs des organismes
subventionneurs, de même que celles de l'université, permettant
ainsi la consolidation de l'équipe de recherche impliquée et
l'élargissement de la problématique de recherche.
L'Université était donc amenée à
reconnaître institutionnellement les travaux poursuivis par ses
professeurs dans le domaine des pâtes et papiers et à instituer un
groupe de recherche. Il apparaît important de souligner ici qu'un des
facteurs importants de la reconnaissance par l'institution d'une ou de
plusieurs équipes de recherche à titre de centre, est
l'adéquation des travaux de cette équipe aux axes de
développement institutionnel.
A la suite d'une évolution graduelle et de la consolidation de
ses effectifs et de ses programmes, le groupe de recherche fut donc
accrédité comme centre par notre conseil d'administration le 1er
septembre dernier. Par ses programmes de recherche et de formation, le centre
se préoccupe principalement, sur le plan scientifique et technologique,
de contribuer à une efficience accrue de l'industrie des pâtes et
papiers du Québec.
En tant qu'elle oriente nos programmes, nos travaux et la formation
professionnelle que nous assurons, cette efficience est abordée dans
notre contexte selon trois dimensions différentes, également
importantes et complémentaires, à notre avis, soit le
dépistage et la solution des problèmes qui ralentissent le
développement des industries de pâtes et papiers au Québec,
les conditions technologiques et de formation professionnelle qui pourraient
aider ces industries à retrouver une position compétitive sur le
marché international et, en troisième lieu, la protection et le
renouvellement, tant quantitatif que qualitatif, des ressources
forestières du Québec qui sont utilisées en majeure partie
par le secteur industriel des pâtes et papiers.
Pour assurer l'efficacité des interventions que visent à
apporter au sein des industries des pâtes et papiers les recherches que
réalise notre centre, il est primordial que les professionnels en
exercice de ces industries bénéficient d'une préparation
qui les amène, d'une part, à une meilleure compréhension
des problèmes auxquels ils doivent faire face, par exemple la
modernisation, la pollution, et, d'autre part, à un approfondissement de
leurs connaissances sur le plan technologique.
Ce perfectionnement impliquera la mise en oeuvre d'une étroite
collaboration entre l'industrie et les organismes de formation
concernés.
Outre ces dimensions de modernisation des usines et des
procédés et de la qualification professionnelle des travailleurs
du secteur, il faudra également tenir compte de la protection du
renouvellement et d'une utilisation plus complète et rationnelle de la
même ressource, tout en se préoccupant de la conservation de
l'énergie.
Partant de la problématique plus haut définie et dans la
ligne des préoccupations qui y sont énoncées, nous
présentons donc trois programmes de recherche destinés à
la consolidation et la mise en valeur de nos industries de pâtes et pa-
piers et produits connexes du Québec. Ces programmes visent, de
façon plus spécifique, deux objectifs: premièrement,
améliorer l'efficience des industries de pâtes et papiers et
produits connexes au Québec, de façon à maintenir
compétitif le secteur de l'industrie; deuxièmement, favoriser un
développement des industries des pâtes et papiers et produits
connexes au Québec, qui tienne compte de la nécessité de
maintenir la qualité de l'environnement.
Le premier objectif s'adresse à la fois au rendement quantitatif
et qualitatif de l'industrie des pâtes et papiers. Il comporte
également une volonté d'assurer au sein de cette industrie un
développement technologique adéquat.
L'amélioration de l'efficience des usines de pâtes et
papiers et produits connexes soulève des problématiques
particulières concernant, entre autres, la modernisation des usines et
les stratégies d'investissements adoptées, l'augmentation du
niveau de production, un meilleur contrôle de la qualité des
produits fabriqués à des coûts moindres, une plus grande
souplesse souhaitée dans la gamme des produits qui vont être
fabriqués, le développement de nouveaux produits ou des
utilisations nouvelles pour des produits existants.
Le deuxième objectif tient à la qualité de
l'environnement et sous-tend une volonté de permettre à
l'industrie des pâtes et papiers de répondre aux normes
québécoises concernant l'environnement, de protéger le
renouvellement de la ressource naturelle forestière qui est responsable,
pour une large part, et compte tenu de la superficie qu'elle occupe au
Québec, de l'équilibre naturel de l'environnement.
Dans le prolongement des visées générales
identifiées plus haut au plan des objectifs, il apparaît important
de souligner que les présents programmes de recherche s'articulent
également autour de deux sous-objectifs menant à des actions
particulières. Il s'agit, d'une part, de questions pédagogiques
et, d'autre part, de questions de services à notre collectivité
et à l'industrie.
Sur le plan pédagogique, compte tenu du problème
déjà soulevé de la présence, dans l'industrie des
pâtes et papiers, d'une main d'oeuvre qualifiée et adaptée
aux nouveaux besoins, l'Université du Québec à
Trois-Rivières dispense présentement le seul programme de
maîtrise professionnelle en sciences appliquées, pâtes et
papiers, à l'intention des professionnels québécois en
exercice au sein de l'industrie des pâtes et papiers.
Les présents programmes de recherche se soucient largement
d'appuyer dans leurs travaux, l'enseignement du français à ce
niveau. Cet appui est réalisé de façon plus
particulière sur le plan de l'encadrement des étudiants
impliqués dans le programme de maîtrise en question. Les projets
de mémoires des étudiants qui concernent la solution de
problèmes à caractère industriel sont, de fait,
exécutés dans le cadre des problématiques du centre de
recherche. Ceci favorise un état de symbiose entre les études
avancées et la recherche, les unes alimentant l'autre, et vice versa, ce
qui ne
peut être que des plus avantageux au développement des deux
types d'activités.
Sur le plan des services à la collectivité et à
l'Industrie, dans les différentes réalisations, nos programmes
s'axent sur une volonté de participation concrète à
l'essor économique et technologique québécois, dans le
domaine des pâtes et papiers et des produits connexes. La collaboration
effective entre l'université et l'industrie est recherchée et
stimulée, de même que la recherche au plan de l'économie de
la ressource.
Sans revenir sur les exemples proposés
précédemment, soulignons que notre apport essentiel à la
collectivité et à l'industrie, proviendra de la qualité de
la formation que nous aurons pu donner à nos professionnels en exercice
et à nos jeunes chercheurs dans le domaine.
Afin de répondre à l'objectif général
d'amélioration de l'efficience des industries de pâtes et papiers
et produits connexes au Québec, les activités de recherche du
centre ont été subdivisées en trois programmes.
Ces programmes sont à la fois distincts au niveau des
activités qui y sont regroupées et complémentaires dans le
sens où ils se veulent, à différents niveaux, une
contribution à l'atteinte de l'objectif général qui leur
est commun. Le premier de ces programmes de fabrication et d'utilisation des
papiers vise à l'amélioration de l'efficience de l'industrie des
pâtes et papiers et des produits connexes. Les deux programmes de
traitement antipollution et de ressources forestières sont davantage
orientés vers le maintien de la qualité de l'environnement. Etant
donné que nous disposons de ressources fort limitées et qu'il est
important de concentrer nos efforts, ces trois programmes n'ont pas atteint le
même degré de développement. Actuellement, le programme des
traitements antipollution est le plus avancé, suivi du programme de
conservation des ressources forestières, et enfin de celui de la
fabrication et de l'utilisation des papiers.
Cet ordre qui fut imposé, en grande partie, par la conjoncture
n'est pas nécessairement lié aux priorités actuelles quant
au progrès de l'industrie et de l'économie nationale. Comme il
représente cependant la réalité c'est cet ordre que nous
allons suivre pour décrire brièvement les travaux que nous
réalisons dans notre programmation actuelle.
Le premier programme est celui du traitement antipollution. Ce programme
est orienté vers le développement d'une technologie et vers la
proposition de solutions économiques relatives à des
problèmes concernant l'environnement dans l'industrie des pâtes et
papiers et les industries connexes, comme le traitement par système de
boues activitées de liqueurs résiduaires provenant de la cuisson
au bisulfite, et l'étude des mécanismes de réaction. La
récupération et l'utilisation des produits contenus dans ces
liqueurs occupent une place spéciale dans la fabrication de nourriture
animale, l'extraction de protéines et de vitamines et les techniques de
greffage de nature physicochimique sur la lignine afin de développer de
nouveaux produits.
Le programme de conservation des ressources forestières est
orienté vers l'économie de la ressource primaire d'abord par une
utilisation plus rationnelle, soit l'utilisation accrue de certaines parties de
l'arbre, l'utilisation d'espèces boisées à faible valeur
commerciale jusqu'à maintenant et l'augmentation du rendement de
certains procédés de cuisson, de même que par
l'amélioration de la qualité des pâtes produites,
comportant l'amélioration des moyens de contrôle de cette
qualité.
Les activités du programme de fabrication et d'utilisation des
papiers concernent plus directement les usines québécoises et
leur stratégie d'investissements. Elles s'intéressent à la
fabrication de papier fin en utilisant de nouvelles pâtes. L'objectif
principal de ce programme se veut une contribution économique à
l'amélioration de la qualité et à la production du papier.
Il comprend deux travaux qui n'en sont présentement qu'à la phase
de démarrage et de développement théorique, soit
l'utilisation de pâtes mécaniques dans les papiers fins. Les buts
industriels ainsi visés par le premier programme sont de remplacer
complètement ou en partie, dans les papiers fins, certaines pâtes
plus coûteuses et de trouver de nouveaux débouchés pour les
nouvelles pâtes mécaniques.
L'inventaire et l'analyse des problèmes de modernisation qui se
retrouvent dans la production des pâtes et papiers au Canada font partie
d'un programme présentement arrêté, car il existe,
semble-t-il, des études qui ont été faites au
ministère des Terres et Forêts et qui pourront être
dévoilées ultérieurement.
Pour résumer, il est à remarquer que, dans le programme de
traitement antipollution, nous en sommes rendus à l'étape
d'expérimentation où les recherches sont de nature plutôt
interventionniste. Dans le second programme celui de la conservation des
ressources forestières, nous sommes à terminer la mise en place
des instrumentations requises. Par contre, dans le programme de fabrication et
d'utilisation des papiers, l'état actuel des travaux se situe au niveau
de la théorie, celle-ci conduisant cependant à des recherches de
nature appliquée.
Nous appuyant sur les objectifs, les programmes et les services
spécifiques de formation, de perfectionnement et de recherche
technologique dans notre centre de recherche en pâtes et papiers, nous
recommandons, premièrement, au plan de la croissance et du
développement de l'industrie québécoise des pâtes et
papiers, l'organisation par le ministère des Terres et Forêts d'un
système d'échange permettant le passage d'hommes de science, de
technologues et de professionnels entre le gouvernement, l'industrie et
l'université, afin de permettre et d'accentuer le transfert
technologique. L'industrie, précisons-le, porte une
responsabilité importante dans la réalisation de ce
système qui ne peut être maintenu sans une contribution
significative de sa part.
Deuxième recommandation. Au plan de la formation disciplinaire,
une concertation des ministères des Terres et Forêts et de
l'Education afin de garantir la mise sur pied, le soutien et la conti-
nuité de programmes d'enseignement supérieur à tous
les niveaux pour rendre accessible une formation technique avancée et
adaptée aux besoins du Québec dans le domaine des pâtes et
papiers.
Troisième recommandation. Au plan du perfectionnement, la mise
sur pied d'un système de soutien, d'encadrement financier, etc.,
permettant aux travailleurs de ce secteur de se maintenir à jour et de
participer au développement technologique. La réalisation de ce
système exigerait l'implication des divers partenaires du secteur,
compagnies, syndicats, gouvernement et universités.
Quatrième et dernière recommandation. Au plan de la
recherche scientifique et technologique, la planification et la programmation
suivant des priorités clairement établies de recherche dans les
secteurs désignés par le ministère des Terres et
Forêts. A notre avis, un de ces secteurs devrait être la
transformation des bois, l'économie de la ressource et la conservation
de l'énergie entre autres.
Comme conclusion, la commission parlementaire sur les perspectives
d'avenir dans l'industrie des pâtes et papiers se préoccupe
présentement d'obtenir des informations sur la situation de ce secteur
majeur pour la croissance future du Québec. Dans le présent
mémoire, nous avons tenté de vous faire part de nos
préoccupations fondamentales et des contributions principales que notre
centre de recherche entend apporter quant à l'efficience de notre
industrie des pâtes et papiers. Située dans une région qui
a été reconnue comme un centre mondial du papier, notre
université s'est préoccupée dès sa fondation
d'intervenir dans ce secteur tant sur le plan de l'enseignement que de la
recherche. Depuis cinq ans en particulier, nos professeurs ont mis sur pied
diverses actions visant le dépistage et la solution des problèmes
de développement de l'industrie des pâtes et papiers, de
même que les conditions et modalités de formation professionnelle
de la main-d'oeuvre en exercice. C'est en réponse à ces objectifs
que notre université a donc développé des études de
deuxième cycle et favorisé le regroupement de ces chercheurs dans
un centre de recherche en pâtes et papiers. C'est dans ce contexte,
enfin, et à titre d'intervenants dans ce dossier de la croissance et de
la mise en valeur de notre industrie des pâtes et papiers, que nous nous
sommes permis de vous soumettre ce mémoire. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup, monsieur. Avant de suspendre les travaux, te député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurais une
question à poser relativement à l'ordre de nos travaux et au
calendrier de nos travaux. J'ai été informé ce matin,
qu'il était possible que la commission ajourne ses travaux sine die,
sans procéder à l'audition des huit ou dix mémoires qu'il
resterait à étudier. Je voudrais bien qu'on me dise ce qui en est
des autres groupements qui ont été invités à se
présenter devant cette commission. Par contre, de façon
contradictoire, cet après-midi, on m'a informé que des organismes
avaient été convoqués pour jeudi après-midi
prochain. J'aimerais savoir ce qu'on entend faire des mémoires qu'il
restera à entendre après nos délibérations de
demain. Quant à moi, je crois qu'il serait nécessaire de
procéder à l'audition de tous ceux qui ont bien voulu acquiescer
à l'invitation que le ministre leur a formulée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que la question s'adresse à la présidence.
M. Pagé: A la présidence et au ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n'ai
aucune information en ce sens. En ce qui me concerne, à moins de
recevoir des informations contraires, je pense que c'est du leader du
gouvernement que les instructions viennent, en vertu du règlement.
M. Pagé: On a vu cela hier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
d'avoir des instructions contraires, j'ajournerai les travaux au mardi 18
octobre.
M. Pagé: On peut quand même connaître les
intentions du ministre, parce que, ce matin, on en avait fait état, lui
et moi, et je me suis informé cet après-midi des groupes qui ont
été convoqués pour jeudi de la semaine prochaine.
J'aimerais donc savoir ce qui en est du calendrier de nos travaux.
M. Bérubé: Pour l'instant, le calendrier de nos
travaux n'est en rien modifié. Nous avons effectivement eu une
conversation avec des représentants du Parti libéral ce matin et
de l'Union nationale cet après-midi concernant une
hypothèse je pense qu'il est important de spécifier que
c'est une hypothèse selon laquelle certains intervenants
pourraient choisir de ne pas se présenter devant la commission. Dans la
mesure où les travaux de l'Assemblée nationale vont reprendre
très bientôt, comme vous le savez, et que l'ordre du jour est
chargé, plusieurs commissions parlementaires devront siéger et il
y a évidemment risque que les travaux de cette commission soient
appelés à se prolonger sur une période de temps assez
longue, puisqu'il faudra sans doute reporter certains travaux à cause
des ajournements perpétuels de temps de session; cela risque de
prolonger les travaux de cette commission sur une période
peut-être plus longue que prévue. Si certains intervenants
décidaient de ne pas présenter verbalement leur mémoire,
nous essaierions de condenser l'ensemble des mémoires restants pour
mardi, mercredi et jeudi. Enfin, nous essaierions de les condenser dans les
quelques jours qui suivront mardi prochain.
M. Pagé: En quelque sorte, M. le ministre, vous me donnez
l'assurance que ceux qui ont ma-
nifesté le désir de se faire entendre, même si
plusieurs éléments ont été débattus lors des
auditions de cette commission, ceux-ci vont se faire entendre.
M. Bérubé: Oui, nous entendrons tout intervenant
qui insisterait pour se faire entendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 10
Le Président (M. Marquis): A l'ordre, messieurs!
La commission élue permanente des richesses naturelles et des
terres et forêts reprend ses travaux concernant l'étude des
perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au
Québec. Au moment de l'ajournement, nous en étions au
mémoire présenté par le Centre de recherche en pâtes
et papiers de l'Université du Québec à
Trois-Rivières, et la parole va immédiatement au
député de Champlain.
M. Gagnon: C'est M. le ministre.
Le Président (M. Marquis): M. le ministre désire
parler en premier. Alors, M. le ministre.
M. Bérubé: J'ai pu remarquer, dans votre rapport,
en particulier, une suggestion concernant l'échange d'hommes de science,
de technologues et de professionnels, et je serais heureux de connaître
un peu l'expérience que vous avez connue dans vos échanges avec
l'industrie présentement. On sait, par exemple, que l'Université
McGill a eu énormément de contacts avec Papery Can, la
société montréalaise qui fait la recherche pour l'ensemble
de l'industrie des pâtes et papiers. Quel genre d'échanges
avez-vous, en ce moment, avec l'industrie papetière au Québec,
à l'Université de Trois-Rivières même?
M. Valade: Avant de répondre à votre question, M.
le ministre, je voudrais mentionner que j'ai déposé le
résumé de notre présentation au secrétariat des
commissions parlementaires, résumé qui sera distribué
incessamment.
Maintenant, au point de vue des échanges, en fait,
l'Université du Québec a été favorisée. J'ai
pu, par exemple, bénéficier d'un congé et aller pendant
deux ans dans l'industrie, c'est déjà un échange entre
l'université et l'industrie. D'autre part, nos projets de recherche
s'effectuant sur des problématiques industrielles; en fait, nous sommes
dans l'obligation de discuter constamment avec les personnes des industries
concernées. Ceci veut dire, en termes concrets, qu'on a, par exemple,
une trentaine de mémoires qui se réalisent présentement en
industrie; ce sont des professeurs qui dirigent ces mémoires, mais, en
fait, on pourrait dire conjointement avec les directeurs de service des usines
concernées.
D'autre part, lorsque, sur certains problèmes, on a besoin d'une
expertise, c'est très facile de prendre le téléphone et
d'avoir des renseignements; je peux mentionner que, quant aux usines avec
lesquelles nous avons des contacts intéressants, l'industrie est ouverte
à cela.
M. Bérubé: En particulier, pour élucider
davantage ce point, quand vous dites 30 mémoires, s'agit-il de
mémoires de fins d'études de vos élèves
ingénieurs, ou s'agit-il de mémoires de licence ou de
mémoires de doctorat?
M. Valade: Ce sont des mémoires de maîtrise, ce qui
veut dire que toutes ces personnes possèdent déjà un
diplôme d'ingénieur ou, au moins, un diplôme de premier
cycle.
M. Bérubé: Quel est l'ordre de grandeur des
contrats que vous obtenez présentement de l'industrie des pâtes et
papiers sous forme de projets de recherche financés par l'industrie pour
répondre à des demandes spécifiques?
M. Valade: En fait, l'ordre de grandeur est assez facile.
Présentement, il est approximativement de 0%.
M. Bérubé: Comment financez-vous vos programmes de
mémoires réalisés dans l'industrie, dans ce cas?
M. Valade: En fait, nos programmes de mémoires ne
coûtent absolument rien, l'industrie y collabore. Nous effectuons,
parallèlement à cela, d'autres recherches à
l'intérieur de notre centre, et ces recherches sont
subventionnées, en pourcentage, à 20% par le gouvernement
provincial, à 60% par le gouvernement fédéral, et à
20% par l'Université du Québec, ce qui veut dire qu'au point de
vue chiffres, en 1972, nous avions $100 000 de subventions; en 1976-1977,
présentement, nous sommes rendus à $180 000. C'est la partie des
in-tras, au point de vue des subventions de recherche, pour alimenter le
personnel qu'on a au centre.
M. Bérubé: Mais quand vous parlez d'un centre, vous
parlez de combien de professeurs, par exemple, d'impliqués dans ce
centre, de combien d'ingénieurs de recherche, et, en gros, de combien
d'étudiants?
M. Valade: Les professeurs impliqués directement dans le
centre sont au nombre de cinq: il y a six professionnels l orsque je dis
professionnels, ce sont des chimistes ou des ingénieurs, avec
maîtrise et doctorat il y a quatre techniciens; il y a 38
étudiants au niveau de la maîtrise; à cela, on peut greffer
actuellement des contributions partielles de quatre ingénieurs
professeurs en génie industriel et de quatre économistes.
M. Bérubé: Si vous deviez définir les
principaux champs de la recherche auxquels vous vous attaquez
présentement, vous serait-il possible, en quelques phrases, de nous
dire, en gros, les secteurs dans lesquels vous effectuez de
l'expérimentation, les objectifs que vous poursuivez?
M. Valade: II y a trois programmes de recherche qui fonctionnent
à des rythmes plus ou moins rapides. Le premier programme est un
programme de traitement antipollution où nous nous intéressons
principalement aux résidus provenant des liqueurs bisulfitiques,
à la production de nourriture animale à partir de ces
résidus, en fait, à certains modèles mathématiques
pour des traitements de bois de scierie. Donc, c'est un premier programme.
Il y a un second programme qui s'appelle conservation des ressources
forestières. Ce qui nous intéresse dans ce programme, c'est
l'utilisation plus complète de l'arbre, la caractérisation des
pâtes mécaniques, l'utilisation des aiguilles de pin pour la
fabrication de protéines ou la fabrication de pâtes.
Finalement, un troisième programme s'appelle "fabrication du
papier" et se divise en deux parties: les papiers fins pour lesquels on
s'intéresse au remplacement de certaines pâtes coûteuses par
des pâtes moins coûteuses comme la pâte mécanique et
thermomécanique. Un programme est presque au repos, c'est une question
de stratégie d'investissement dans les usines de pâtes et papiers.
Ce programme a démarré à peu près en 1975, mais il
est arrêté présentement sachant que vous avez des rapports
assez intéressants et que nous ne pouvons nous permettre, avec les
ressources actuelles, d'obtenir les mêmes informations.
M. Bérubé: Concernant un de vos programmes de
recherche, celui sur l'utilisation des aiguilles de pin pour la fabrication de
mouka ou de protéines alimentaires, j'aimerais savoir où en sont
vos recherches et qu'est-ce que vous voyez comme potentiel de cette
application?
M. Valade: En fait, nous en sommes au début. Nous avons
déterminé partiellement qu'on retrouvait entre 6% et 16% de
protéines. D'autre part, c'est une ressource qui n'a pas
été utilisée, ou presque pas, au Canada, par contre, la
technologie est développée en Russie. Elle l'est aux Etats-Unis
et dans plusieurs pays. Il y a donc un potentiel énorme en ce qui
concerne la nourriture pour animaux dans ce domaine. C'est un projet qui date
d'un an, un an et demi.
M. Bérubé: En êtes-vous présentement
à une étude de rentabilité pour voir les paramètres
économiques du procédé ou étudiez-vous
carrément la possibilité d'appliquer ce genre de technologie
à nos essences résineuses du Québec?
M. Valade: En fait, ce que nous sommes en train de
compléter, c'est la partie expérimentale: Est-ce qu'on peut
extraire ce qui nous intéresse? De quelle façon on peut
l'extraire? L'étape suivante, c'est une étude de
praticabilité.
M. Bérubé: Quand vous parlez d'une concertation
MTF-Education afin de garantir la mise sur pied, le soutien et la
continuité des programmes d'enseignement de recherche, est-ce que vous
pourriez expliquer un peu sur ce que vous attendriez du ministère? En
d'autres termes, si je retournais au ministère, demain matin, et que je
devais dire: Voici ce que nous devons faire de concert avec l'Université
du Québec à Trois-Rivières, qu'est-ce que vous me
recommanderiez?
M. Valade: Si on exprime cela en différents termes, nous
jugeons opportun d'avoir un programme de baccalauréat formant des
ingénieurs papetiers. Présentement on forme des ingénieurs
forestiers, mais la partie transformation des bois, on l'a toujours
oubliée. Les usines engagent des spécialistes, que ce soit en
génie chimique, métallurgique ou autres. Mais on ne forme pas de
spécialistes proprement dits. Cela pourrait être une des
recommandations, l'instauration d'un programme en génie papetier. Il
pourrait aussi y avoir l'instauration d'un troisième cycle, enfin, un
programme de doctorat, dans le domaine de la transformation des bois, de
même qu'un programme de bourses assez substantielles de type jeune
administrateur, qui permettrait à des ingénieurs en usine de
venir oeuvrer dans notre centre de recherche pendant un an, un an et demi et
d'acquérir de nouvelles connaissances ou un certain
perfectionnement.
M. Bérubé: En gros, donc, si je comprends bien,
pour autant que le gouvernement est concerné, c'est au niveau des
bourses.
Si je comprends vos recommandations, un programme de formation
d'ingénieurs papetiers, c'est quelque chose que vous pouvez, dans le
cadre même de votre université, mettre sur pied, de même que
le troisième cycle; si je comprends bien, vous pouvez aussi le mettre
sur pied, cela dépend essentiellement des orientations que vous voudrez
bien choisir.
M. Valade: Partiellement. Il ne faut pas oublier que tout
programme, maintenant, doit être approuvé par le Conseil des
universités et soumis à des expertises des différents
ministères ou des organismes appropriés, ce qui veut dire que ce
type de programme demande un appui complet.
M. Bérubé: A votre avis, quel est le pourcentage de
francophones occupant des postes de cadre ou de gérance dans l'industrie
papetière au Québec et comment ces cadres ont-ils
été formés? D'après vous, puisqu'il n'y a pas de
formation de papetiers au Québec dans les universités, ils ont
dû prendre leur formation quelque part.
M. Valade: Ils ont été formés comme je l'ai
été, en partie par de la transmission orale, en partie en
effectuant des travaux demandés par la compagnie. Avec cette
méthode de formation les ingénieurs en place ont souvent tendance
à se scléroser assez rapidement.
M. Bérubé: Existe-t-il des programmes semblables
dans des pays européens où on pourrait acquérir une
certaine expérience? Est-ce le cas, par exemple, de la Suède, de
la Finlande ou de la Scandinavie?
M. Valade: Un modèle intéressant est l'Ecole
française de la papeterie de Grenoble, la seule école en France
formant des ingénieurs papetiers. C'est peut-être un des
modèles à suivre. Les pays Scandinaves, l'Allemagne ou les
Etats-Unis for- ment des spécialistes, mais dans une optique un peu
éloignée de la formation nord-américaine.
M. Bérubé: Je vous remercie beaucoup,
messieurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Valade, je
tiens à vous remercier de votre participation aux travaux de cette
commission. Les gens de la recherche, malheureusement, on ne les voit pas
toujours à l'avant-scène des questions qui sont débattues.
C'est tellement important, la recherche, surtout dans un secteur comme celui
des pâtes et papiers!
Dans les recommandations que vous formulez, je me permets de vous citer:
"Le centre de recherche recommande l'organisation, par le ministère des
Terres et Forêts, d'un système d'échanges permettant le
passage d'hommes de science, de technologues et de professionnels entre le
gouvernement, l'université et l'industrie". Je croyais que cela se
faisait jusqu'à maintenant. On constate, à la lueur des
échanges qu'on a eus avec les différentes entreprises, que la
très grande majorité de celles-ci, les grosses compagnies, ont
quand même des services de recherche assez développés,
assez importants. Je présumais, quant à moi, que la collaboration
avec votre centre de l'Université du Québec était
très étroite.
J'aimerais que vous nous donniez plus d'explications que celles que vous
avez données au ministre tout à l'heure. Le ministre est
peut-être plus familier du fait qu'il est ingénieur. J'aimerais
savoir exactement quel est le tableau de la recherche, quel est le portrait de
la recherche actuellement? Est-ce que la collaboration est étroite?
Est-ce qu'on fait référence à l'Université du
Québec régulièrement? Est-ce que certaines entreprises ne
se prévalent pas du tout ou se prévalent seulement
occasionnellement de vos services? Le sens de votre recommandation va-t-il
jusqu'à proposer au ministère des Terres et Forêts une
concentration, en quelque sorte, des services de recherche sous l'égide
de l'université que vous représentez?
M. Valade: Votre question a de multiples facettes.
M. Pagé: Oui.
M. Valade: Ce qu'on recommande au ministère des Terres et
Forêts, c'est l'établissement d'un conseil supérieur de la
recherche en science papetière et forestière, conseil qui aurait
en main toutes les informations, du point de vue de la recherche, de ce qui se
fait au niveau national. Cela permettrait d'établir des priorités
qui pourraient ensuite, à l'aide de subventions, nous permettre
d'atteindre les objectifs visés.
C'est sûr qu'il s'échange de l'information. Ce que nous
visons par une telle recommandation, ce sont les échanges physiques.
Se parler au téléphone, assister à des
congrès scientifiques, c'est intéressant, mais il serait
préférable que les fonctionnaires aillent en industrie un an ou
deux, que des types de l'industrie aillent dans des postes aux Terres et
Forêts ou ailleurs. C'est ce qu'on vise par nos échanges. Nous, on
peut le faire en tant qu'université, on peut aller dans les
ministères ou en industrie, mais on aimerait que le triangle soit
complété physiquement.
M. Pagé: D'accord.
Quand vous parlez de priorités, je présume, sans
être un spécialiste évidemment, que les priorités
doivent cependant être les mêmes pour toutes les entreprises, si on
parle du papier journal, par exemple. J'imagine que les compagnies productrices
ont les mêmes priorités qu'un centre de recherche comme le
vôtre. J'imagine que s'il n'y a pas de meilleure coordination que ce dont
vous faites état, il est possible que tous et chacun travaillent chacun
de son côté sur des orientations ou des projets définis et
que, somme toute, l'intervention gouvernementale pourrait favoriser et de
beaucoup une meilleure concentration, une meilleure coordination des efforts
qui sont faits.
Mais j'aimerais savoir du ministre ce qu'il en pense; tantôt, il a
dit: Qu'est-ce que vous me recommanderiez si j'avais à agir demain matin
dans ça? J'aimerais savoir ce qui est fait au ministère et la
collaboration qui est offerte aux entreprises ou à un centre de
recherche comme celui-là, jusqu'à maintenant, et jusqu'où
le ministère peut coordonner les efforts qui sont faits de part et
d'autre.
M. Bérubé: L'impression très nette que j'en
ai, mais il faudrait peut-être que je consulte nos hauts fonctionnaires
au ministère, c'est que l'effort même de recherche au
ministère est surtout au niveau de l'écologie forestière.
Le ministère a aussi subventionné par exemple, pendant des
années, et le fait encore, le fonds de recherche de l'Université
Laval et, à nouveau, il s'agit là de recherche
forestière.
Dans le secteur industriel, celui dont on parle présentement,
celui des pâtes et papiers, j'ai la très nette impression que ce
secteur n'est présentement pas très vigoureux et ne reçoit
pas beaucoup d'appui de la part du gouvernement.
M. Pagé: Monsieur, on ajoute notre voix à la
vôtre pour espérer que ce secteur reçoive plus d'appui de
la part du gouvernement.
M. Valade: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Bien brièvement, M. le Président, votre
école est vieille de moins de cinq ans encore, sentez-vous bien
sûr qu'il y a bien des coins qui sont encore à organiser
que vous pouvez déjà rendre des services à des personnes
ou à des groupes?
M. Valade: En fait, l'université date de 1969, nos
recherches ont démarré en 1970. En 1972, en fait, il y a eu une
démarcation. Si on ne pouvait pas rendre des services à
l'industrie, je pense qu'on ne serait pas ici aujourd'hui.
M. Grenier: Je n'ai pas bien saisi.
M. Valade: On n'aurait pas présenté de
mémoire si on ne se sentait pas la capacité de pouvoir effectuer
des recherches qui seront intéressantes pour la province.
M. Pagé: D'accord.
M. Grenier: Est-ce que les industries font appel à votre
école, à votre université dans ce secteur?
M. Valade: Très peu, ai-je répondu, mais encore
faut-il qu'on soit connu.
Je pense qu'il était sage pour nous de nous préparer, de
préparer nos arrières avant de montrer nos titres.
M. Grenier: C'est effrayant comment vous avez raison.
Vous avez parlé de personnel et le ministre a posé des
questions qui étaient fort pertinentes là-dessus. Votre
personnel, est-ce qu'il y a une formation de Canadiens qui sont là ou si
ce sont des Européens qui sont à la tête du personnel
qualifié que vous avez là?
M. Valade: Je suis à la tête du centre de recherche.
Je me considère encore Québécois.
M. Grenier: Oui.
M. Valade: Parmi les professeurs chez nous, je puis dire que tous
nos membres d'une part sont Canadiens et que plus de la moitié sont
Québécois.
M. Grenier: Remarquez bien que je ne suis pas chatouilleux, c'est
seulement pour savoir jusqu'à quel point on est préparé
pour cela.
M. Valade: Non, mais je peux vous dire que c'est
présentement moitié-moitié en ce qui concerne le personnel
scientifique.
M. Grenier: Oui.
M. Valade: En ce qui concerne nos étudiants, près
de 70% sont des québécois francophones.
M. Grenier: Oui. C'est donc dire qu'on avait des gens
qualifiés déjà, des gens préparés pour
prendre la direction d'une telle entreprise.
M. Valade: On en a quelques-uns.
M. Grenier: Oui, comme toute chose qui commence d'ailleurs.
M. Valade: Ceux qui sont qualifiés et qui nous
intéressent sont dans l'industrie, présentement.
M. Grenier: Vous faites du recrutement. M. Valade: C'est
cela.
M. Grenier: Les écoles de foresterie qui sont
rattachées à des polyvalentes sont-elles indirectement
rattachées à votre université?
M. Valade: Tout ce qui est sylviculture et foresterie est
laissé à nos collègues forestiers.
M. Grenier: Vous n'avez aucune autorité sur la
qualification de ces personnes?
M. Valade: On ne peut pas oeuvrer dans tous les domaines et nous
avons décidé d'oeuvrer dans la transformation des bois.
M. Grenier: A la page 1 de votre mémoire, vous parlez de
dépistage et des solutions à des problèmes c'est un
de vos objectifs qui ralentissent le développement des industries
de pâtes et papiers; vous tentez de trouver des éléments de
solution. Avez-vous déjà fourni à des industries, à
des gens du ministère, des recommandations?
M. Valade: Sans fournir des recommandations, la façon dont
on aborde le problème c'est via nos mémoires ou nos recherches,
avec nos professionnels, recherches qui s'effectuent en industrie. Lorsque le
patron ou le directeur d'un département est d'accord pour qu'un de ses
ingénieurs se penche sur un problème donné, c'est en fait
du dépistage de problèmes qui devrait aider, si on y trouve une
solution, à améliorer l'ensemble des industries des pâtes
et papiers. C'est notre contribution directe.
M. Grenier: A l'université, est-ce que votre budget dans
ce secteur est appelé à se développer? Vous avez quand
même des prévisions...
M. Valade: On a des rêves.
M. Grenier: Oui, mais en dehors des rêves, vous avez
également des prévisions selon lesquelles d'ici dix ans vous
occuperez un champ d'action plus important. Est-ce prévisible?
M. Valade: Oui.
M. Grenier: Ce n'est quand même pas de
l'impondérable...
M. Valade: Non, ce n'est pas de l'impondérable. En fait,
nous avons une excellente collaboration de l'université.
L'université a démontré qu'elle s'intéressait aux
pâtes et papiers et elle est prête à nous appuyer pour
l'augmentation du corps professoral, pour l'augmentation de professionnels
scientifiques, ou techniciens. On peut prévoir que d'ici cinq ans on
pourrait peut-être doubler le personnel chez nous. C'est facile de passer
de 15 à 20 ou 25.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord en profiter pour remercier l'université du Québec
à Trois-Rivières pour le travail qu'elle fait dans le milieu et
surtout je voudrais en profiter pour présenter deux autres membres de
l'université qui sont ici en plus de M. Valade. Vous avez M. Jacques
Parent qui a travaillé grandement sur le comité de citoyens pour
la sauvegarde de la Wayagamack, et M. White, ils sont au coin.
Si l'université du Québec à Trois-Rivières a
inauguré son département de papeterie, c'est certainement
à cause de la vocation de La Mauricie, une vocation de pâtes et
papiers. Tout au cours du problème qu'on a vécu avec la fermeture
éventuelle de l'usine Wayagamack, on a senti un intérêt
très fort de la part de l'université à essayer d'apporter
des solutions et malheureusement, ces solutions vont faire en sorte que l'usine
va fermer quand même, mais on va tout de même essayer de trouver le
moyen de sauver les autres usines. Ce serait là ma première
question. Compte tenu de la situation qu'on vit en Mauricie avec la fermeture
de l'usine Wayagamack, l'université, en plus des recherches, aurait-elle
certaines recommandations vis-à-vis des autres usines? Avez-vous eu
l'occasion de voir certaines possibilités pour conseiller les autres
usines en Mauricie, pour faire en sorte de sauver au moins l'usine de
l'île. Y a-t-il des recherches qui ont été faites
concernant l'usine de l'île de la Consol?
M. Valade: Des études qui ont été faites sur
l'île directement, non. Mais nous avons de l'information je l'ai
mentionné en ce qui concerne beaucoup d'usines
québécoises. C'est un de nos projets d'essayer de prédire
ou de rationaliser de quel genre d'investissement, dans quel genre de
département cela pourrait se faire. Ceci est pour les usines
québécoises en général. Cela fait partie de nos
priorités.
M. Gagnon: Vous avez dit que vous travaillez sur les traitements
antipollution. Est-ce uniquement les traitements de la pollution en usine, ou
si vous allez aussi au niveau de la forêt? On entend beaucoup parler du
flottage du bois. Avez-vous fait des études dans ce domaine?
M. Valade: Non. Au point de vue du flottage du bois, on n'y
touche pas présentement. Au point de vue du traitement antipollution,
nous nous préoccupons de l'aspect de l'environnement. Nous rattachons
à l'aspect du traitement antipollution la fabrication, par exemple, de
la nourriture animale. C'est encore un autre projet qui devrait
éventuellement apporter des résultats assez
intéressants.
M. Gagnon: Vous faites aussi, je crois, des études pour
essayer de récupérer au maximum les résidus du bois, entre
autres l'écorce, ou enfin vous avez un travail de fait sur les copeaux.
Où en êtes-vous rendus là-dedans?
M. Valade: Sur les copeaux, ce qui nous intéresse
présentement, ce sont, d'une part, la question de raffinage des copeaux
dans des mélanges où on pourrait utiliser certaines essences, par
exemple du tilleul, du merisier, du bouleau ou du tremble, et examiner le tout
en fonction de différents procédés de cuisson et regarder
si les rendements de cuisson sont intéressants, et d'autre part,
regarder si la qualité de la pâte produite est aussi admissible
pour la fabrication de papier journal ou de papiers spéciaux.
M. Gagnon: Justement, en ce qui concerne les essences dont on ne
se sert à peu près pas actuellement et qui se gaspillent, en
êtes-vous arrivés jusqu'à présent à certaines
conclusions qui laissent croire qu'éventuellement, on pourrait se servir
d'autres essences? En êtes-vous rendus à des conclusions?
M. Valade: Non, mais je pourrais dire que, sur cet aspect, on a
une série d'essais. Présentement, les essais ne sont pas
concluants.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Je n'aurais, en fait, qu'une question.
J'aimerais revenir à la charge. Vous m'avez un peu surpris tantôt
quand vous m'avez souligné que vous ne receviez absolument aucun
montant, aucune subvention venant de l'industrie. Il m'apparaît qu'un
centre de recherche à caractère appliqué comme celui que
vous voulez réaliser ne peut survivre sans des subventions venant de
l'industrie, non seulement parce que c'est un apport d'argent, mais parce que
c'est un apport d'idée. D'une façon générale,
lorsque l'industrie finance un projet de recherche, c'est que le sujet
l'intéresse et, par conséquent, il y a véritablement un
échange dynamique entre le chercheur et l'industriel. Pouvez-vous me
dire quels moyens vous comptez prendre pour, finalement, convaincre l'industrie
de fournir un certain montant? La plupart des entreprises qui nous ont
visités ont souligné l'importance des fonds qu'ils consacraient
à la recherche soit dans leurs laboratoires, soit dans les laboratoires
de Montréal, de l'institut. Par conséquent, dans quelle mesure,
justement, les compagnies n'accepteraient-elles pas de financer ensemble un
certain nombre de projets? Les avez-vous déjà pressenties et, en
général, quelle est la réaction de l'industrie?
M. Valade: La réponse est très simple. On n'a
jamais fait de demande à l'industrie. On a attendu d'être
prêt. Les compagnies peuvent s'attendre très bientôt
à certaines demandes. On a certaines expertises qu'on peut offrir et
certains services. Ce sont les prochaines étapes. C'est aussi simple que
cela comme réponse.
M. Bérubé: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Valade, au nom des membres de la commission, je vous remercie infiniment pour
votre collaboration et plus particulièrement pour la collaboration que
vous avez apportée il y a quinze jours en permettant au syndicat de la
Wayagamack de prendre votre place pour présenter son mémoire.
Cela a été un beau geste. Nous vous en remercions au nom des
membres de la commission.
M. Valade: Cela a été fait du fond du coeur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. Pagé: Par ailleurs, M. le Président, il faut
dire que les gens de l'Université du Québec à
Trois-Rivières ont dû attendre tout près de 20 minutes ce
soir, contrairement à ce que vous nous aviez personnellement
recommandé cet après-midi, avant de commencer les travaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En
raison de...
M. Pagé: D'un manque de quorum, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ah! bon.
D'accord.
M. Pagé: Ce n'est pas moi qui le dis.
M. Brassard: II manquait, entre autres, le président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
remplacement du président avait été désigné
avant 18 heures puisque je savais que je serais en retard. J'avais une bonne
raison. Le repas était excellent.
M. Grenier: Je n'en doute pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'inviterais la compagnie de papier Quebec North Shore Ltée, et ses
représentants à venir présenter leur mémoire.
M. Pagé: M. le Président, nos amis de Quebec North
Shore vont s'installer. Vous n'êtes certainement pas sans savoir
qu'à quelques reprises, j'ai eu l'occasion de soulever, à
l'Assemblée nationale, la question qui affecte l'avenir de
l'exploitation d'une entreprise, ici, sur le territoire de la ville de
Québec, et c'est le cas de la compagnie Canadian Glassine; pour le
bénéfice de mes amis d'en face, Canadian Glassine, c'est
cela.
M. Bérubé: La loi 101 commence à porter
fruit.
Motion pour convoquer
le syndicat des travailleurs
de Canadian Glassine
M. Pagé: J'ai vu cela avec Domtar et tout cela, cet
après-midi. Sérieusement, M. le Président,
cette entreprise est frappée par une fermeture éventuelle,
et compte tenu que les délais courent de plus en plus; compte tenu qu'il
est devenu de plus en plus incertain que cette entreprise puisse continuer
à fonctionner ici, dans la région de Québec; compte tenu,
de plus, qu'environ 125 travailleurs de la ville de Québec seront
directement affectés par cette fermeture; compte tenu aussi,
évidemment, qu'on a eu l'occasion de soulever cette question et de
sensibiliser le ministre des Terres et Forêts à cette question,
lequel m'a référé, à l'époque et on
s'en rappellera, on aura d'ailleurs l'occasion d'en parler demain, je
l'espère au ministère de l'Industrie et du Commerce dans
une recherche de solution à ce problème qui touchait ces
travailleurs; compte tenu que la compagnie Canadian Glassine a
déjà eu ou a encore de toute façon, on pourra en
discuter demain matin des liens très étroits avec la
compagnie Reed, ici, à Québec, je propose que cette commission
soit d'avis qu'en raison de la situation précaire de la Canadian
Glassine, et devant l'éventualité de sa fermeture imminente, les
représentants du syndicat de cette entreprise soient entendus le
vendredi, 14 octobre 1977, lors de la séance de 10 heures.
J'espère, M. le Président, étant donné qu'on a
créé un précédent auquel nous avons souscrit parce
que nous l'avions d'ailleurs formulé et proposé à ce
moment-là, lorsqu'il a été question d'entendre le syndicat
des travailleurs de la Wayagamack, tout le monde, je pense, avait
été unanime, au lendemain.
On se rappellera que le soir, la partie gouvernementale avait
été un peu hésitante parce que, supposément, il n'y
avait pas eu de mémoire, mais le lendemain, tout le monde avait
été unanime à accepter le dépôt du
mémoire présenté par le syndicat des travailleurs de la
Wayagamack. J'espère qu'à la lumière de ce
précédent qui a été créé, on sera en
mesure d'entendre les travailleurs de la Canadian Glassine demain.
Motion jugée irrecevable
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, M.
le député de Portneuf, effectivement, il y a eu un
précédent, et je vais rendre la même décision que
j'ai rendue à ce moment-là, avec les mêmes étapes.
Premièrement, je vais déclarer la motion irrecevable, pour le
moment...
M. Pagé: D'accord, M. le Président, cela part
bien!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
puisque je n'ai reçu, jusqu'à maintenant, selon les
renseignements du personnel de la commission, aucun mémoire. Donc, elle
est prématurée pour le moment, mais et j'y arrivais
le précédent qui a été créé est le
suivant: la motion avait été déclarée
également irrecevable parce que prématurée, mais si demain
matin le mémoire de cet intervenant était parvenu à la
commission et s'il y avait consentement unanime des membres de la commission,
votre motion pourrait certainement être acceptée. C'est exactement
la même décision que celle rendue il y a environ quinze jours.
Alors, je déclare la motion prématurée, donc, irrecevable,
mais si un mémoire est entre les mains du personnel de ia commission,
elle pourra, à ce moment-là, être déclarée
recevable, et la commission, comme elle est maîtresse de ses travaux,
pourra décider d'entendre cet intervenant.
M. Pagé: M. le Président, vos commentaires me
portent à dire que votre sagesse est remarquable et devrait servir
d'exemple aux gens à votre droite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et que
ma jurisprudence est constante et stable.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cher
collègue et confrère. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Pour préciser ce point, cela
m'intéresse d'une façon particulière parce que je n'y
serai pas. J'aurais voulu savoir... Si demain vous recevez cette motion pour
inviter la compagnie, après, à se présenter dans la
journée je serai pour la motion, bien sûr, je serai en
faveur de faire venir la compagnie mais j'aimerais bien qu'elle ne vienne pas
demain puisque j'aimerais mieux la recevoir mardi prochain, s'il y a lieu. Mais
quelle est la décision, exactement?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
décision, c'est qu'il n'y a pas de motion, cette dernière est
irrecevable parce que prématurée.
M. Grenier: Et si demain, elle devait être jugée
recevable parce que le mémoire serait déposé, est-ce que
cela veut dire que, sur-le-champ, vous pourriez inviter la compagnie à
se présenter?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout
d'abord, je dois vous dire ici que cela va prendre un consentement unanime,
premièrement, comme l'autre jour, parce qu'il y avait un délai
pour la production des mémoires. Cela nous prend un consentement unanime
pour l'acceptation du mémoire puisque c'est en dehors des délais.
Une fois que la motion aura été déclarée recevable,
parce qu'il y a un consentement unanime des membres de la commission, à
ce moment, est-ce que cette motion sera adoptée en vue d'entendre ce
groupe demain plutôt qu'une autre journée? C'est la commission
qui, majoritairement, décidera, par un vote positif ou
négatif.
Mais, si je me rappelle bien, dans le cas des travailleurs de la
Wayagamack, motion déclarée irrecevable parce que
prématurée, le matin, un mémoire a été
présenté de consentement unanime. Par après, il y eu
désistement de l'Université du Québec à
Trois-Rivières qui céda sa place au syndicat de la Wayagamack.
Demain, même s'il n'y a pas de consentement de la troisième partie
en
cause, il peut arriver que la motion soit adoptée ou
rejetée. Mais, cela va me prendre un mémoire. Actuellement, je
n'ai pas de mémoire.
Donc, pour moi, actuellement, il n'y a pas de motion.
M. Grenier: Je vous reconnais. Des motions
prématurées, vous connaissez cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis
très heureux d'être votre président. Je demanderais au
porte-parole de la compagnie de se présenter et de présenter ses
collègues, s'il vous plaît.
Quebec North Shore Ltée
M. Schmon (Robert): Merci. M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, mon nom est Robert Schmon,
président et chef de direction de la Compagnie de papier QNS
Ltée. J'ai le plaisir de vous présenter, à ma gauche, M.
Jack Simons, vice-président, domaine forestier, et, à sa gauche,
M. Phil Sénéchal, vice-président à l'exploitation.
A ma droite est M. Bernie Panet-Raymond, vice-président exécutif,
et, à sa droite, M. Bernard Baril, directeur du groupe technique.
J'aimerais, M. le Président, exprimer d'abord notre
appréciation de l'intérêt que cette commission
parlementaire porte à l'étude des perspectives dans l'avenir de
notre industrie au Québec. Nous voulons participer à cette
étude d'une façon active et positive. Même si l'industrie
des pâtes et papiers au Québec, comme, d'ailleurs, partout au
Canada, fait face à de sérieux problèmes depuis quelques
années, je suis convaincu que son avenir est prometteur et qu'elle
continuera sa large contribution à l'économie du Québec.
Ces problèmes, dont nous faisons état dans le mémoire que
nous soumettons à votre commission, sont loin d'être
insurmontables.
La solution deviendra plus facile et plus rapide si les trois grands
secteurs impliqués, les gouvernements, les dirigeants d'entreprises et
les syndicats, unissent leurs efforts pour renforcer l'industrie et non
l'affaiblir. Avant de présenter le sommaire de notre mémoire, je
crois bon de vous dire quelques mots de notre compagnie. La Compagnie de papier
QNS Ltée est une filiale d'Ontario Paper Co. Ltd., laquelle est à
son tour une filiale de Tribune Co. de Chicago. Notre compagnie fait affaires
sur la Côte-Nord du Québec depuis 1915. En 1937, nous avons mis en
marche une usine de papier journal à Baie-Comeau. C'était la
première grande entreprise sur la Côte-Nord.
Au début des années 1950, nous avons construit une
centrale hydro-électrique sur la rivière Manicouagan, dans le
double but de pourvoir à nos propres besoins et d'attirer d'autres
industries dans la région de Baie-Comeau Hauterive. C'est grâce
à cette décision de notre compagnie et à la politique du
gouvernement du temps qu'une fonderie d'aluminium s'est installée
à Baie-Comeau en 1958, représentant un investissement d'environ
$100 millions dans ce temps-là. En 1964, nous avons augmenté
notre capacité de production en installant une troisième machine
à papier journal. En 1970, nous avons complété un
programme de modernisation et d'expansion de $60 millions qui comprenait
l'installation d'une quatrième machine à papier journal. La
production annuelle de QNS à Baie-Comeau est de 460 000 tonnes de papier
journal. Nous avons 2800 employés dont le total des salaires
dépasse $42 millions.
Enfin, la QNS est partenaire minoritaire de REXFOR dans une scierie de
100 millions de p.m.p. à Pointe-aux-Outardes, près de
Baie-Comeau, dont la production doit commencer au début de 1978.
J'aimerais terminer ces quelques commentaires en soulignant le fait que
le développement des exploitations de la QNS à Baie-Comeau, et de
l'Ontario Paper à Thorold a été autofinancé en
grande partie grâce à la politique de la Tribune Company qui
consiste à réinvestir au Canada la majeure partie des
bénéfices qu'elle réalise dans ce pays.
Maintenant, M. le Président, je vais demander à mon
associé et ami, M. Bernie Panet-Raymond, de vous présenter le
sommaire de notre mémoire et nos recommandations. Merci beaucoup.
M. Panet-Raymond (Bernie): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, le mémoire que nous soumettons
à la commission parlementaire se compose des quatre
éléments suivants: un résumé des activités
actuelles ainsi qu'un historique de la compagnie de papier QNS Limitée
dont M. Schmon vient de vous donner les grandes lignes, et une
élaboration sur les cinq principaux domaines qui préoccupent
notre compagnie en ce qui concerne l'avenir de son exploitation. Ces cinq
domaines de préoccupation sont la position concurrentielle,
l'environnement, l'approvisionnement en fibres, les relations ouvrières
et le climat d'investissements. Nous vous présentons aussi un sommaire
et nos recommandations, et en dernier lieu, nous avons répondu aux
questions posées dans la déclaration ministérielle du 28
juin 1977 du ministre des Terres et Forêts.
Maintenant, M. le Président, j'aimerais vous soumettre notre
sommaire et nos recommandations, qui commencent à la page 28 de notre
mémoire.
Bien que la compagnie de papier QNS ait investi depuis 15 ans à
Baie-Comeau près de deux fois et demie ses bénéfices pour
la modernisation et l'expansion de ses exploitations, le rendement sur le
capital utilisé a été insuffisant. Il est
intéressant de considérer que nous avons investi, au cours des 15
dernières années, soit de 1962 à 1977 un montant de $147
millions; la dépréciation pour cette même période
s'élevait à $65 millions et les bénéfices
étaient de $61 millions. Le rendement moyen, encore pour cette
même période, était de 3,78%. Le rendement pour
l'année 1976 se chiffrait à 2,43%.
Si on réévaluait nos actifs pour prendre en
considération l'inflation qui a eu lieu en 1976, le
bénéfice serait diminué à 1,31%.
Des facteurs autres que la désuétude créent les
problèmes graves auxquels non seulement la QNS, mais toute l'industrie
des pâtes et papiers doit faire face. Les plus importants de ces facteurs
sont: les désavantages importants sur le plan des coûts
d'exploitation, soit le bois, la main-d'oeuvre et le transport, par rapport
à la concurrence du Sud des Etats-Unis; l'imprévisibilité
des facteurs régissant les taux de change; la diminution sensible, de la
part de l'industrie québécoise, du marché des pâtes
et papiers. J'aimerais souligner encore une fois, qu'au Canada, nous sommes
maintenant devenus ce qu'on appelle des fournisseurs marginaux et, comme tels,
nous sommes soumis aux fluctuations de la demande sur le marché
américain. Le marché américain emploie d'abord la
production américaine et complète ses besoins avec la production
canadienne. Cela cause des fluctuations et certainement de temps à autre
des fermetures temporaires d'usines.
Ensuite, il y a les charges fiscales plus lourdes, les taxes
municipales, scolaires et d'affaires payées à Baie-Comeau par QNS
en 1976 sont parmi les plus hautes dans l'industrie et se chiffrent à
$1,6 million. Enfin, il y a les conditions d'investissement qui sont
défavorables.
Nous croyons que l'industrie des pâtes et papiers est capable de
relever ces défis si on lui accorde le temps requis et un climat
favorable aux affaires. Ses perspectives d'avenir reposent autant sur les
politiques des gouvernements que sur sa propre capacité à diriger
et à planifier les opérations et sa croissance future. La QNS
soumet les recommandations qui suivent en vue de résoudre les
problèmes pressants au chapitre du contrôle de l'environnement, de
l'approvisionnement en fibres, des relations ouvrières et quant au
climat d'investissement.
Au sujet de l'environnement, la QNS est en mesure de se conformer aux
exigences des normes actuellement à l'étude sur les solides en
suspension; toutefois, nous sommes profondément préoccupés
par les programmes et les échéances que nous pourrions être
obligés de respecter pour nous conformer aux normes sur la demande
d'oxygène biologique. Les recherches soutenues effectuées par
notre compagnie ont permis d'identifier plusieurs solutions de rechange viables
qui répondraient aux normes prévues. Cependant, toutes ces
solutions ne sont pas acceptables en ce qui concerne nos exploitations à
Baie-Comeau.
Compte tenu que nous avons fait récemment l'expérience de
l'implantation de nouveaux systèmes, nous devons nous assurer que la
solution choisie est non seulement technologiquement viable, mais aussi qu'elle
est compatible avec les conditions qui nous sont propres à Baie-Comeau.
Dans ce contexte, l'état actuel de nos recherches indiquerait que la
conversion à la pâte thermomécanique, par exemple, ne
présente pas la solution à nos problèmes en vue des
coûts élevés en capital, de la mise au rancart des
installations actuelles de pâte au bisulfite et de pâte
mécanique, des besoins énergétiques accrus et de
l'efficacité douteuse de l'exploitation de nos machines à grande
vitesse. Nous voulons donc poursuivre nos recherches afin de nous prononcer
d'une façon définitive.
Ce dont nous avons le plus besoin, c'est du temps requis pour examiner
attentivement toutes les solutions de rechange et en vérifier la
technologie. Nous avons aussi besoin d'aide pour amortir l'impact des
coûts en capital et l'élimination possible d'un matériel
utile. Nous faisons donc les recommandations suivantes: 1) Que les
représentants des différents ministères
intéressés travaillent en collaboration étroite avec notre
compagnie pour établir des programmes et des échéances qui
cadrent avec les réalités propres de la QNS; 2) Qu'on accorde
à la compagnie des allégements afin qu'elle puisse réduire
les effets des coûts élevés en capital et ces
allégements pourraient consister, entre autres, à différer
le paiement des droits de coupe, à accorder des emprunts sans
intérêt ou à faible taux d'intérêt, à
maintenir l'amortissement rapide du capital ou d'autres mesures
appropriées; 3) Qu'on adopte une disposition permettant d'amortir
immédiatement tous les prêts occasionnés par le
contrôle de la pollution. On devrait aussi considérer la
possibilité de prolonger indéfiniment les dispositions
d'amortissement des catégories 24 et 27. La catégorie 24 vise des
installations antipollution concernant les eaux et la catégorie 27 vise
les installations antipollution quant à l'air.
Ces deux catégories doivent expirer à la fin de 1977. Ou
encore un amortissement de plus de 100% pour les coûts occasionnés
par le contrôle de la pollution. Au sujet de l'approvisionnement en
fibres, une garantie qualitative et quantitative à long terme de
l'approvisionnement en fibres de bois est essentielle si on veut
répondre aux besoins actuels ainsi qu'à ceux qui pourraient se
manifester en cas de changement technologique ou d'accroissement de la
capacité de production.
La QNS fait les recommandations suivantes:
Premièrement, qu'une formule de droit de coupe variable soit
établie pour compenser l'incidence sur les coûts de la
topographie, du climat, de l'éloignement et de la livraison du bois;
Deuxièmement, quand les concessions de la QNS seront
rétrocédées, qu'un contrat de garantie d'approvisionnement
en bois puisse prévoir, en plus d'accorder un droit de coupe sur pied
pour une période initiale de 20 ans renouvelable, que les territoires
sous réserve couvrent l'approvisionnement de l'usine pour une
période minimale de 60 ans, et l'attribution de réserves dans le
plan d'aménagement pour répondre à l'augmentation future
des besoins en fibres.
Comme le soulignait M. Schmon il y a quelques instants, la QNS est
partenaire minoritaire de REXFOR dans une série de 100 millions de
p.m.p. à Pointe-aux-Outardes. A partir de 1979, la compagnie QNS recevra
de la scierie jusqu'à 25% de ses besoins en fibres sous forme de
copeaux.
Au sujet des relations ouvrières, en même temps qu'elle
investit des sommes importantes
pour améliorer la productivité, la QNS est en train
d'étudier en profondeur les moyens à prendre pour
améliorer les relations entre la direction et les salariés. Ceci
implique aussi la possibilité de nouveaux modes de négociation
collective dans l'exploitation de l'usine. Les progrès ont
été encourageants à cet égard et tout indique que
les résultats bbénéficieront non seulement à la
compagnie et à ses salariés mais encore à toute
l'industrie. Il est à espérer que cette formule puisse être
adoptée avec les travailleurs forestiers.
Le rôle du gouvernement dans les relations patronales-syndicales
devrait être celui d'un catalyseur, premièrement, en encourageant
des discussions et des consultations productives entre ces deux secteurs;
deuxièmement, en développant une meilleure compréhension
basée sur les faits économiques fondamentaux qui affectent
l'avenir de l'industrie et, troisièmement, en encourageant
l'établissement de centrales syndicales industrielles plutôt que
de reconnaître une multitude d'unités de négociation
appelées à représenter les employés d'une
même opération industrielle; ceci améliorerait les
relations entre les syndicats et les employeurs et faciliterait le processus
des négociations collectives.
J'aimerais ajouter un mot sur la disponibilité de la
main-d'oeuvre en forêt. Comme l'indique notre mémoire, nous
éprouvons certaines difficultés que nous croyons pouvoir
être sérieuses à l'avenir, pour recruter la main-d'oeuvre
en forêt. Cette difficulté est causée principalement par
l'éloigne-ment du lieu de travail et le fait qu'il y a de plus en plus
d'employeurs qui font le recrutement de leur main-d'oeuvre dans le même
bassin de main-d'oeuvre, environ 65% de nos gens employés en forêt
viennent de la rive-sud.
Comme remède, nous anticipons évidemment d'augmenter la
mécanisation au maximum. Toutefois, cette mécanisation est
limitée à 25% de nos limites. Il y a aussi l'amélioration
du milieu de travail qui nous préoccupe.
Enfin, nous accélérerons ou tenterons d'augmenter les
cours d'entraînement pour nos employés.
Sur le sujet "climat d'investissement", on peut dire qu'aujourd'hui les
fonds nécessaires à la modernisation et à l'expansion de
l'industrie sont énormes. Nous ne pourrons attirer ces fonds que si le
climat est favorable et qu'il y a une possibilité de rendement
raisonnable à long terme. Les gouvernements jouent un rôle
clé dans l'établissement et le maintien de ce climat non
seulement en prenant des mesures qui s'appliquent particulièrement
à l'industrie, mais aussi en créant dans la société
une compréhension du rôle du système de la libre
entreprise.
Les gouvernements, à tous les niveaux, peuvent apporter des
contributions importantes en prenant des mesures touchant trois domaines
essentiels. 1) En réaffirmant l'importance du secteur privé dans
le développement global de l'économie; 2) En votant des lois et
des règlements qui soient conformes aux besoins et à la
capacité de production de la société; 3) En
établissant un forum de consultations régulières entre le
gouvernement, l'industrie, le monde ouvrier et le public, pour encourager la
compréhension des questions ayant trait au développement
économique et social.
M. le Président, nous sommes maintenant prêts à
répondre aux questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, M. Panet-Raymond. M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je remercie d'abord
la Quebec North Shore d'avoir répondu à notre invitation de se
présenter à cette commission. Je crois que son analyse de la
situation ainsi que ses recommandations constituent un apport précieux
aux travaux de la commission.
A la page 16 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous
parlez de l'utilisation du procédé thermomécanique; vous
semblez ignorer l'importance de la réduction en fibres pour le
même tonnage de papier journal. Si on se reporte aux difficultés
d'approvisionnement en fibres que vous mentionnez par ailleurs, la pâte
thermomécanique n'offrirait-elle pas des attraits qui compenseraient le
coût de capital élevé et l'augmentation des besoins en
énergie?
M. Panet-Raymond: Ce point de vue est pris en
considération évidemment dans les études que nous faisons
à ce sujet. Je vais demander à M. Baril, qui est notre directeur
du groupe technique, de répondre plus en détail à cette
question.
M. Baril: M. le Président, nous avons examiné cette
question en détail depuis déjà quelques années.
Nous reconnaissons la valeur et l'intérêt du procédé
thermomécanique. Nous sommes d'accord pour dire que c'est un
procédé qui va jouer un rôle important dans l'industrie des
pâtes et papiers à l'avenir. Il faut examiner la situation de
chaque usine en particulier. Une solution qui se prêterait à une
usine n'est pas nécessairement la meilleure pour une autre usine. Il
faut se rappeler que, nous avons fait à Baie-Comeau des investissements
considérables pour agrandir, moderniser en 1964 et agrandir de nouveau
nos installations en 1970. Si on appliquait le procédé
thermomécanique pour éliminer la pâte au sulfite, il
faudrait éliminer ou rejeter une grande partie de ces installations qui
ne se sont pas dépréciées. Cela rend le rendement de ce
procédé assez marginal au point de vue économique.
Dans notre cas, il faudrait avoir un mélange de pâte
thermomécanique et de pâte "groundwood " ordinaire. Nous croyons
que ce mélange ne serait pas suffisant pour éliminer la
pâte de sulfite. Nous n'aurions pas une pâte assez forte pour faire
fonctionner nos machines à papier à grande vitesse à un
rendement convenable. Nous croyons qu'il faudrait probablement varier le
procédé thermomécanique.
M. Desbiens: Sur lequel vous le mentionnez d'ailleurs
vous faites des recherches actuellement.
M. Panet-Raymond: Oui. A l'heure actuelle, nous avons plusieurs
solutions de rechange qui sont à l'étude; comme nous l'avons
indiqué dans notre mémoire, nous avons besoin de temps pour
confirmer nos résultats et être certains que nous adoptons la
formule de rechange la plus rentable et qui donnera les meilleurs
résultats possibles à tous les points de vue.
M. Desbiens: Je passe à un autre domaine. A la page 19, au
deuxième paragraphe, vous mentionnez qu'une des façons de
compenser les conditions d'exploitation particulièrement difficiles de
territoires comme les vôtres serait d'établir une formule variable
de droits de coupe. D'après vous, quel serait le taux maximal de droit
de coupe, ou, autrement dit, quel taux aimeriez-vous voir appliquer dans des
conditions idéales de récolte? Est-ce que ce serait quelque chose
de semblable à la Colombie-Britannique?
M. Panet-Raymond: Nous avons eu l'occasion, M. Desbiens, de
discuter de cette question avec le ministère des Terres et Forêts
il y a déjà quelques années, en raison de la
difficulté topographique de l'endroit où nous faisons nos
exploitations forestières. Nous avons fait certaines suggestions pour
que, au-delà d'un certain niveau, d'un certain parallèle, le
droit de coupe soit diminué, et, plus précisément, qu'il
soit réduit de 50%, et nous parlions du parallèle 50.
Il y a différents éléments à
considérer, il y a la difficulté du terrain,
l'éloignement, évidemment, et le coût de transport, qui,
croyons-nous, devraient être inclus dans la considération d'une
telle formule variable.
M. Desbiens: Donc, cette formule serait déjà entre
les mains du ministère des Terres et Forêts, je dirais
plutôt ces suggestions.
M. Panet-Raymond: Non, j'ai dit que nous avions fait une
suggestion dans ce sens, et nous nous appliquons à développer une
formule que nous serions en mesure de présenter au ministère des
Terres et Forêts.
M. Desbiens: Un peu plus loin, à la page 25, au sujet de
l'embauche, au deuxième paragraphe, je crois, vous prévoyez des
difficultés croissantes d'embauche de main-d'oeuvre forestière.
C'est un problème que vous mentionnez. Ne serait-ce pas un
problème de rétention de la main-d'oeuvre ouvrière dans le
Nord plutôt qu'un problème d'embauche?
M. Panet-Raymond: Non. Notre taux de "turn-over", pour employer
l'expression anglaise, est assez bas. Toutefois, la difficulté que nous
avons, comme je le mentionnais plus tôt, c'est l'éloignement du
milieu de travail, la réticence de la part d'employés qui
pourraient accepter du travail à s'éloigner de leur famille; j'ai
dit que 65% de nos employés en forêt viennent de la
Côte-Sud; avec le climat ce sont autant de facteurs qui rendent le
recrutement de la main-d'oeuvre difficile, en plus du fait que, de plus en
plus, le nombre de producteurs qui recherchent la main-d'oeuvre dans ce
même bassin augmente et rend le recrutement d'autant plus difficile.
M. Desbiens: On constate, à la lecture de votre
mémoire, que vous dépensez quand même annuellement des
sommes importantes pour faciliter l'embauche et le recrutement, j'imagine,
surtout des gens éloignés. Dans ce cas, y a-t-il des efforts de
la part de votre compagnie pour intéresser les gens de la
Côte-Nord même à se trouver du travail dans l'industrie
forestière?
M. Panet-Raymond: Oui, nous avons tenté différentes
approches pour faciliter l'accès au lieu de travail, par avion, par
exemple; de grands efforts ont été faits. Malgré tout,
nous avons encore beaucoup de difficulté à faire le recrutement
nécessaire.
M. Desbiens: Evidemment, ce n'est pas la première fois que
le problème d'embauche est mentionné ici. N'avez-vous pas d'autre
solution pour essayer d'intéresser davantage les gens?
M. Panet-Raymond: Nous faisons tout ce que nous pouvons pour
améliorer le lieu de travail, pour en faciliter l'accès, pour
spécialiser et entraîner la main-d'oeuvre de façon qu'elle
puisse s'attacher à son travail, surtout dans le domaine de la
mécanisation. Nous espérons, grâce à ces efforts,
que nous pourrons recruter le nombre d'employés dont nous avons besoin,
mais c'est tout de même un domaine qui nous préoccupe.
M. Desbiens: Un peu plus loin, à la page 27, au sujet des
relations ouvrières, pour atteindre une meilleure compréhension
entre les principaux intervenants et permettre de prendre des décisions
bénéfiques pour tous, vous suggérez l'établissement
d'une saine base de discussion entre le gouvernement, le monde des affaires et
le monde ouvrier. Mais il existe déjà au Québec ce qu'on
appelle le Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Est-ce qu'il
ne remplit pas ce rôle?
M. Panet-Raymond: Le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre
remplit ou est appelé à remplir un rôle très
efficace et très important. Toutefois, ce Conseil consultatif couvre
toute l'industrie, pas seulement les pâtes et papiers, mais toute la
gamme des industries au Québec et je crois qu'il est assez difficile
pour ce comité d'atteindre ce que nous recommandons ici. Ce que nous
recommandons, c'est une consultation plus intense entre les trois secteurs, le
gouvernement, le monde ouvrier et les dirigeants d'entreprises, concernant
l'industrie des pâtes et papiers, de façon que les trois secteurs
puissent d'abord s'en-
tendre sur les points de base, parce que s'il n'y a pas entente sur les
points de base, il est bien difficile d'avoir une consultation quelconque.
Au fur et à mesure que ces points de base sont établis,
discutés et acceptés, on ne pourra faire autrement qu'augmenter
la crédibilité d'un secteur vis-à-vis des autres.
M. Desbiens: Si je comprends bien, vous le voyez au niveau de
toute l'industrie ou au niveau de chaque société?
M. Panet-Raymond: D'abord au niveau de l'industrie des
pâtes et papiers. Je dirais, par exemple, dans le secteur du papier
journal, car c'est celui qui nous implique à ce moment-ci.
M. Desbiens: Peut-être une autre question. Aux pages 41 et
42, vous avez un tableau et vous dites au deuxième paragraphe que la
modernisation ne constitue qu'une réponse partielle à la
possibilité de demeurer compétitifs. Vous y faites une revue des
éléments du tableau de la page 43 montrant que le coût net
d'une tonne de papier journal provenant d'une papeterie du Québec est de
$40 de plus que celui d'une tonne de papier produit dans une usine du Sud des
Etats-Unis. Est-ce que vous avez des chiffres qui vous aideraient à
déterminer quelle réduction de cet écart de $40 la tonne,
par exemple, dans les études que vous faites, pourrait vous permettre
une modernisation de vos usines?
M. Panet-Raymond: II y a certainement des choses qui peuvent
être faites, d'abord, sur le coût du bois. L'emploi de copeaux, par
exemple, ou un emploi plus considérable de copeaux pourrait être
de nature à réduire la différence qui existe au chapitre
du bois. Ceci nous vaudrait un plus haut rendement que celui de 65% que nous
avons à l'heure qu'il est. Notre objectif, avec le procédé
que nous avons, est d'atteindre 70%. Il y aurait donc une amélioration
dans le coût, à ce même chapitre. Il y a le chapitre de la
main-d'oeuvre, qui en est un autre où il y a un écart assez
considérable. L'augmentation de la productivité dans les
exploitations pourrait être une source de réduction de
l'écart entre le Québec et le sud des Etats-Unis.
M. Desbiens: J'ai peut-être une dernière question,
M. le Président. A la page 52, vous énoncez au troisième
paragraphe que les usines du Québec et surtout celles de votre compagnie
j'imagine, sont bien situées pour exporter vers l'Europe. Par contre,
l'industrie canadienne maintient souvent que les producteurs Scandinaves
bénéficient d'avantages marqués quant au coût de
transport sur le marché européen. Dans le cas de votre compagnie,
ces avantages, comme le coût du bois, de la main-d'oeuvre, et votre
position sur la Côte-Nord, sur le fleuve, ne vous permettraient-ils pas
d'exporter davantage?
M. Panet-Raymond: Nous exportons, à l'heure actuelle,
environ 40 000 tonnes outre-mer. Ces 40 000 tonnes représentent environ
25% de ce que nous vendons sur le marché autre que pour nos propres
journaux. 35% de notre production sont vendus sur le marché et, de ces
35%, 40 000 tonnes, soit environ 25%, sont expédiées
outremer.
M. Desbiens: Est-ce que c'est déjà beaucoup plus
que d'autres compagnies ou pourriez-vous faire davantage, vu la position que
vous occupez?
M. Panet-Raymond: Nous sommes toujours actifs même
dynamiques dans nos efforts de commercialisation et nous tentons de faire
toutes les ventes possibles, évidemment, d'une façon
rentable.
M. Desbiens: Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Schmon, M.
Panet-Raymond, je vous remercie ainsi que vos collaborateurs. A la page 12 de
votre mémoire, vous établissez le défi que, collectivement
nous avons à relever, soit celui de produire à des coûts
beaucoup plus bas. Evidemment, vous formulez différentes recommandations
dont quelques-unes ont pu être reprises par d'autres groupes ou
associations. A cette période-ci de nos travaux, après six ou
sept journées d'audition, plusieurs éléments de solution
ont été discutés. Certains groupes qui sont intervenus
n'ont pas favorisé d'intervention gouvernementale directe; j'aimerais
savoir si vous favorisez une intervention directe du gouvernement. Et, si vous
êtes favorable à une intervention du gouvernement, est-ce que vous
croyez que cette intervention devrait s'appliquer à l'industrie en
général ou aux entreprises qui font face à un
problème très aigu de rentabilité, selon les commentaires
de M. Hamilton, cet après-midi? On a cru percevoir, à la
lumière de certains mémoires, que le problème ne serait
pas d'envergure générale. Certains mémoires semblaient
privilégier une action à l'égard de certaines usines,
celles qui sont peut-être les plus frappées actuellement. Alors,
à la lumière de votre expérience, est-ce que vous
favorisez l'action gouvernementale? Est-ce que cette action gouvernementale
devrait s'étendre à toutes les entreprises plutôt
qu'uniquement aux entreprises qui ont plus de difficultés? Si vous
favorisez une action gouvernementale à l'égard de l'industrie en
général, vous ne croyez pas que la recommandation relative au
droit de coupe variable, dont vous faites état à la page 31,
pourrait briser cette équité à l'égard de toutes
les entreprises, dans le sens que cela impliquerait nécessairement une
foule de normes, et qu'évidemment, ces normes favoriseraient des groupes
ou des industries par rapport à d'autres?
Ne croyez-vous pas que le droit de coupe variable, qui est un exemple
bien spécifique, bien particulier, viendrait peut-être briser le
jeu de
l'équité de la part du gouvernement à
l'égard de l'industrie en général dans une mesure
concrète et aussi spécifique que celle-là?
M. Panet-Raymond: L'intervention directe du gouvernement
d'ailleurs, notre mémoire en fait état d'un bout à l'autre
nous la voyons dans la possibilité d'augmenter notre fonds de
roulement, les différentes méthodes à employer de
façon que le fonds de roulement soit augmenté, de façon
à nous permettre de faire certaines modifications dans le
procédé, etc. C'est une intervention directe que nous
recommandons; elle peut se faire, en différant les droits de coupe, elle
peut se faire sous forme de prêts sans intérêt ou à
bas intérêt ou encore par une façon de
déprécier plus rapidement les installations, surtout celles qui
ont trait à la lutte à la pollution.
Quant à la question de savoir si cela devrait s'appliquer
à l'industrie en général ou dans des cas particuliers, je
crois qu'il y a un mélange des deux. Vous avez parlé
d'équité et je crois qu'il doit y avoir une équité.
Si une compagnie, par exemple, fait des investissements considérables ou
si elle en a fait au cours des années, je crois que cette compagnie ne
doit pas être pénalisée au point de vue concurrentiel par
des subventions, des allégements ou une participation, directe ou
indirecte, du gouvernement ailleurs où, peut-être, ces efforts
n'auront pas été faits. Il y a une question
d'équité. Tout de même, il y a certains cas où
certaines compagnies, individuellement, mériteraient qu'on tienne compte
de façon spéciale de leur situation.
Vous demandez si une formule de droit de coupe variable manquerait
à l'équité. Je crois que les points que nous avons
soulignés, pour justifier un droit de coupe variable sont basés
sur l'équité. En d'autres termes, les facteurs que nous
avançons pour justifier un droit de coupe variable sont des facteurs qui
ne créent pas un manque d'équité entre les
différentes compagnies. Prenons, par exemple, l'éloignement.
M. Pagé: D'accord, compte tenu du caractère propre
de chacune des entreprises et de son alimentation.
M. Panet-Raymond: C'est cela.
M. Pagé: D'accord. Mais, concrètement et
spécifiquement, vous avez fait état d'un des
éléments les plus urgents, soit augmenter le niveau du fonds de
roulement des entreprises. Est-ce à dire que l'action que vous
privilégeriez, si vous étiez le gouvernement, serait au niveau de
la fiscalité dans un premier temps? La question, on doit se la poser. Il
est probable, en tout cas, il est possible que cette commission aboutisse
à une position gouvernementale précise. J'espère que ce
sera dans les plus brefs délais. Je suis certain que le gouvernement
aura à choisir à l'intérieur de tout un train de mesures
qui auront été formulées ou tout au moins discutées
et envisagées ici, lors des travaux de cette commission.
La mesure la plus urgente, ou encore celle qui serait de nature à
remédier à la situation dans des délais quand même
assez brefs je ne dis pas de régler tout le problème
quelle serait-elle? Quelle serait la plus facilement réalisable,
dans de brefs délais, et qui aurait un effet sur toute l'entreprise?
Serait-il mieux d'aller du côté fiscal d'une façon aussi
directe que cela? Prenons, par exemple, le transport. Dans votre cas, vous
favorisez une intervention au niveau de la fiscalité?
M. Panet-Raymond: Au niveau de la fiscalité qui affecte
tout le monde de la même façon. Il n'y a pas de manque
d'équité là-dedans. C'est la façon la plus
effective et la plus rapide de créer l'augmentation de fonds de
roulement dont l'industrie a besoin.
M. Pagé: Je vous remercie et j'espère que notre
ministre pourra faire part au ministre des finances de ce point
particulier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de...
M. Pagé: Excusez, je n'ai pas terminé. Je suis
certain que M. Panet-Raymond était ici lorsqu'on a procédé
à l'audition des gens de Domtar et j'ai eu l'occasion cet
après-midi de faire état du comité des six compagnies qui
a été formé suite aux événements
préjudiciables à l'industrie en général, de 1975 et
1976. A une question que j'adressais à M. Hamilton, celui-ci me faisait
part que l'effort tenté était encore trop faible pour pouvoir
faire état actuellement des travaux et des avenues tracés par le
comité en question, qui a pour but d'améliorer les relations de
travail et les conditions de négociation de conventions collectives.
Ceci a été dit à plusieurs reprises là-aussi, dans
nos travaux, et je pense que tout le monde est d'accord pour constater la
nécessité d'une association réelle en termes d'objectif du
milieu syndical et du milieu patronal. J'aimerais bien que vous me le
confirmiez, je présume de toute façon que vous ne voulez pas
parler du rapport et du travail du comité comme tel, tout comme la
Domtar mais on m'a dit que votre compagnie était avant-gardiste
au chapitre des relations du travail dans le sens de l'effort qu'elle
déploie pour améliorer vraiment les conditions et les relations
de travail chez vous. J'aimerais savoir ce qui est fait et si ce qu'on m'a dit
est fondé.
M. Panet-Raymond: Je n'étais malheureusement pas
présent au moment où M. Hamilton a fait son commentaire cet
après-midi et je n'aimerais pas répondre dans le vague.
M. Pagé: D'accord. Je vais résumer très
vite. D'abord, vous avez un comité qui est formé des six plus
grosses compagnies au Québec depuis 1975, Quebec North Shore en est une,
et ce comité permanent étudie les voies à prendre pour
améliorer les conditions de travail. J'ai posé la question
à Domtar. Domtar m'a dit que cela allait
bien mais qu'elle n'était pas suffisamment avancée pour en
faire état dans le public, que c'était trop fragile. D'accord
pour le comité permanent. Mais, en ce qui concerne votre compagnie plus
particulièrement, y a-t-il des efforts autres que ceux
déployés dans le cadre de ce comité permanent qui sont
déployés par votre entreprise? Si je pose cette question, c'est
parce qu'on m'a dit que la Quebec North Shore était très
favorable à une relation intime et étroite entre le milieu
syndical et le milieu patronal. On m'a dit que vous étiez
avant-gardistes à ce chapitre.
M. Panet-Raymond: Cela a toujours été la politique
de notre compagnie de faire des efforts hors de l'ordinaire concernant nos
relations patronales-syndicales. Nous croyons évidemment
sincèrement et entièrement dans les bienfaits de la consultation
plutôt que la confrontation. C'est notre orientation et notre philosophie
dans le domaine syndical. Nous tentons d'améliorer partout où il
y a lieu d'améliorer les relations et d'éliminer les sujets de
friction qui pourraient s'élever entre les différentes
parties.
M. Pagé: Comment cette consultation se traduit-elle?
Avez-vous des exemples particuliers?
M. Panet-Raymond: Je peux vous donner un exemple qui n'est pas
seulement en vigueur dans notre compagnie, il y a les comités conjoints
sur la sécurité, sur les bénéfices sociaux. Nous
avons six comités conjoints très actifs sur différents
sujets.
M. Pagé: Est-ce que les...
M. Panet-Raymond: Lorsqu'il y a un sujet qui se présente
et qui, nécessite une étude conjointe, un comité est
formé.
M. Pagé: D'accord. Merci pour cette réponse sur les
relations du travail. Je vous souhaite de continuer au niveau du comité
permanent. Je crois qu'on peut envisager une solution à ce chapitre.
Ma dernière question porte sur la révocation des
concessions forestières. Hier, nous avons eu l'occasion de discuter avec
la Compagnie internationale de papier, et j'avais utilisé le terme
je m'en souviens "amer" à l'égard des
révocations de concessions. On s'est tout au moins entendu sur le terme
suivant, c'est-à-dire que la compagnie n'était pas favorable aux
révocations.
Dans votre mémoire à la page 31, vous faites état
de cette question de révocation des concessions forestières. Vous
n'y semblez pas trop défavorables. Si la révocation des
concessions forestières est rattachée à une garantie
d'approvisionnement à long terme la période minimale de 60
ans m'a un peu surpris, mais on ne parlera pas du chiffre tout de suite
est-ce qu'une garantie d approvisionnement, pour une entreprise comme la
vôtre, peut vous permettre quand même d'atteindre les objectifs que
vous pouvez atteindre actuellement que ce soit en termes d'opération de
gestion de la forêt? Pouvez-vous atteindre les mêmes objectifs avec
une garantie d'approvisionnement à long terme que ceux que vous pouvez
atteindre actuellement avec les concessions forestières?
M. Panet-Raymond: La question de rétrocession nous
apparaît comme déjà acquise. Plutôt que de nous y
opposer, nous avons dit que nous nous conformerions à ces vues.
Toutefois, notre objectif est d'obtenir, sous une nouvelle forme de tenure, les
mêmes avantages que nous avons sous la forme actuelle et qui consistent
en une bonne qualité de fibres et la quantité requise à
des taux acceptables pour une période à long terme. Ce sont les
quatre objectifs de base. Si la formule de rétrocession ou de
révocation répond à ces objectifs, on est d'accord.
M. Pagé: Vous y souscrivez?
M. Panet-Raymond: Et nous ne sommes pas amers.
M. Pagé: C'est bien cela. C'est encourageant! Pourquoi la
période de 60 ans?
M. Panet-Raymond: Je crois que je vais demander à mon
collègue, Jack Simons, de l'exploitation forestière, de
répondre parce que, sans cela, il va me prendre pour un mauvais
forestier.
M. Simons: Si nos concessions sont rejetées,
évidemment, nous allons accepter les propositions du gouvernement. Nous
sommes prêts à les accepter pour une période de 20 ans
renouvelable pour des périodes de dix ans. Nous estimons toutefois qu'il
serait essentiel que nous sachions d'où vient notre bois dans le futur.
C'est une question primordiale pour nos investisseurs, nos clients et aussi
pour la sécurité de notre fibre. Ce n'est pas une question
d'avoir un contrat de 60 ans, c'est une question de savoir d'où vient
notre bois pendant une rotation.
M. Pagé: Je vous comprends. Vous pourriez avoir en quelque
sorte une réserve actuelle et une réserve future avec un
programme d'approvisionnement bien déterminé, quitte à ce
que cela puisse être assujetti à une négociation tous les
dix ans. Quant à moi, je serais favorable à cette formule. Cela
pourrait permettre au gouvernement d'avoir un peu plus de pouvoir et une
meilleure position de négociation, compte tenu des efforts que
l'entreprise aurait pu déployer ou aurait dû déployer
pendant cette période de dix ou quinze ans. Je comprends votre argument
en ce qui concerne la réserve future. Messieurs, je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président, M. Schmon, M.
Panet-Raymond, je vous remercie, au nom de notre parti d'avoir accepté
de présenter un
mémoire au nom de Québec North Shore. Celui-ci nous
informe largement sur votre administration dans votre secteur.
Une Voix: ...
M. Grenier: Non. Dans leur coin, on a envoyé les premiers
ministres et on n'en n'enverra plus. Ce n'est pas l'endroit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Pagé: Nous étions occupés à des
choses sérieuses. On aimerait cela rigoler un peu nous aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'heure
n'est pas à la rigolade. Allons aux choses sérieuses. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président.
A la page 4 de votre mémoire, vous parlez du climat, de
même qu'à la page 26, dans vos résolutions, à la
fin. Vous dites, au tout début: "Un climat social ouvrier et politique
stable est essentiel pour que l'investisseur et le client sentent que leur
confiance est bien placée."
A la page 26, vous revenez, au niveau des recommandations, dans le
secteur de l'investissement, et vous dites: "En réaffirmant leurs
positions sur le rôle à ce moment-là, vous parlez
des gouvernements de l'entreprise privée dans l'avenir de
l'industrie des pâtes et papiers", et vous continuez: "Certains
commentaires rassurants ont été faits à ce sujet
dernièrementje ne sais pas lesquels, j'aimerais que vous me
précisiez quels commentaires ont été faits et par qui
dernièrement mais l'inquiétude demeure chez les clients et
les investisseurs."
J'aimerais d'abord vous voir préciser les commentaires rassurants
on en cherche, nous aussi ensuite l'inquiétude chez le
client et l'investisseur. Cela nous a été dit cet
après-midi par une autre compagnie importante, et cela revient une
deuxième fois. Alors, j'aimerais bien, pour en assurer les membres de
cette commission, que vous en démontriez l'importance. On ne parle pas
avec des pelleteurs de nuages, on parle avec des gens qui sont dans les
affaires, et c'est important pour nous.
M. Panet-Raymond: M. le député, les commentaires
ont tout d'abord été faits au sommet économique par le
premier ministre, en réaffirmant le rôle de l'entreprise
privée, et ces commentaires ont été
réaffirmés à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue
avec le ministre des Terres et Forêts, M. Bérubé, et M.
Landry.
M. Brassard: Ils n'ont pas lu ces commentaires.
M. Grenier: On avait lu celui de New-York, et il ne
l'était pas trop.
M. Brassard: II était clair.
M. Grenier: II n'aurait peut-être pas dû être
aussi clair que cela. Cela n'a pas aidé.
M. Brassard: II n'était pas question des pâtes et
papiers dans le discours de New-York.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député du Lac-Saint-Jean et M. le député de
Mégantic-Compton, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Pouvez-vous répondre à la
deuxième partie de ma question?
M. Panet-Raymond: Au sujet de l'inquiétude? M. Grenier:
Au sujet de l'inquiétude, oui.
M. Panet-Raymond: II y a plusieurs facteurs qui créent de
l'inquiétude parmi les investisseurs et les clients, dont certains sont
au Québec et d'autres à l'extérieur du Québec.
A l'extérieur du Québec, par exemple, les contrôles
anti-inflation, les contrôles sur les investissements, sont des facteurs
qui causent de l'inquiétude, qui ne sont pas propices à
l'investissement au Canada. Ce sont ces facteurs auxquels nous faisions
allusion, le climat... Maintenant, un autre facteur très important qui
cause de l'inquiétude, c'est l'aspect des relations
ouvrières.
Comme vous le savez, l'an dernier, le Canada obtenait le premier rang
dans le monde occidental pour le nombre d'heures perdues en conflits
patronaux-syndicats. Ce sont toutes des choses qui ne sont pas de nature
à encourager l'investissement au Canada.
M. Grenier: Merci. Vous avez parlé des fluctuations, et
vous avez dit que notre marché, du côté des Etats-Unis,
était devenu marginal. Est-ce que la politique canadienne pourrait avoir
certaines ressemblances avec la politique américaine afin de conserver
chez nous notre marché?
M. Panet-Raymond: C'est l'achat chez nous, en fait, que nous
rencontrons, non seulement au Canada mais aux Etats-Unis et dans les autres
pays. On favorise d'abord nos concitoyens, ensuite, les autres, pour autant que
les coûts et les prix sont abordables.
M. Grenier: A la page 30 de votre mémoire, vous parlez de
dépollution de l'environnement et vous demandez une extension, en fait,
de l'article 24, qui porte sur l'air, et de l'article 27, qui porte sur l'eau.
Vous demandez une extension puisque le tout doit se terminer vers la fin de
1977. Cela a fait l'objet de plusieurs commentaires ici depuis le
début.
Tout le monde, bien sûr, théoriquement, doit être en
faveur de la vertu et contre le vice, et tout le monde voudrait bien voir
dépolluer le plus vite possible, mais quelle extension pourrait vous
paraître normale pour le secteur dans lequel se trouve votre
compagnie?
M. Panet-Raymond: Aussi longtemps que les normes antipollution
établies par les gouvernements n'auront pas été
atteintes.
M. Grenier: Oui, mais pour en arriver à cela, vous
demandez quand même une période qui va au-delà de 1977. On
est tous d'accord que les normes établies par le gouvernement doivent
être atteintes. On voudrait tous que ce soit le plus tôt possible,
mais on ne voudrait pas, par là, non plus faire végéter
les compagnies. Vous semblez demander une extension ici, le problème se
pose ailleurs.
M. Panet-Raymond: Si on parle de normes à être mises
en place dans dix ans, alors les sections 24 et 27 devraient être
extensionnées pour cette même période.
M. Grenier: Bien. J'étais un de vos employés, vous
ne devez pas vous en souvenir parce qu'il y a longtemps.
Le flottage du bois sur la rivière des Anglais, se fait-il encore
dans ce secteur?
M. Panet-Raymond: Sur la rivière des Anglais? Non.
M. Grenier: Baie-Comeau? Vous n'avez plus cela. Est-ce que votre
compagnie fait encore du flottage?
M. Panet-Raymond: Sur la rivière Manicoua-gan.
M. Grenier: Oui. Maintenant, à cause du système de
dépollution, si on devait discontinuer le flottage, est-ce que ce serait
un handicap important pour votre compagnie?
M. Panet-Raymond: J'ai des chiffres à ce sujet, que je
pourrais peut-être vous donner. D'abord, si on éliminait le
flottage et qu'on substituait le transport par camion, cela
représenterait pour nous un coût additionnel de $5.40 par cunit.
Cela représenterait en plus une dépense de 700 000 gallons
d'huile diesel. Maintenant, c'est compris dans les $5.40, mais c'est une
dépense d'énergie additionnelle. Evidemment, ces chiffres sont
basés sur l'expérience que nous avons à d'autres usines.
On ne peut pas vous dire que c'est un chiffre exact, mais basé sur notre
expérience. En Ontario, cela reviendrait approximativement à ces
chiffres.
Maintenant, pour aller un point plus loin, pour éviter la
pollution de l'eau, en flottant, si nous faisions l'écorçage dans
le bois, nous aurions un coût additionnel d'environ $8 par cunit. Aussi,
il y aurait une perte d'énergie, parce que nous ne brûlerions pas
l'écorce à l'usine. Nous écorçons le bois lorsqu'il
arrive à l'usine par flottage. L'énergie que nous produisons en
brûlant l'écorce représente 16% de la vapeur totale que
nous produisons. En d'autres termes, 16% de la vapeur que nous produisons
provient du brûlage des écorces.
M. Grenier: La rivière sur laquelle vous flottez dans
votre coin est certainement, en tout cas, moins embarrassante par sa pollution
que le Saint-Maurice? Avez-vous fait des recommandations qu ministère
pour que les étapes là-dedans soient peut-être au
ralenti?
M. Panet-Raymond: Spécifiquement, M. Grenier, il n'y en a
pas eu de faites. Tout simplement, une de nos recommandations, dans notre
mémoire, consiste en une plus étroite discussion entre notre
compagnie, les ministères intéressés à voir quelles
devraient être les normes ou les échéanciers à
être appliqués dans notre cas en particulier, étant
donné que nous ne sommes pas dans un endroit comme d'autres pourraient
l'être, daus un centre industriel plus populeux que celui où nous
sommes.
M. Grenier: A la page 31, vous parlez de la possibilité de
nouveaux modes de négociations. La question vous a été
posée antérieurement par le député de Portneuf et
vous êtes venu près de répondre à 100%, mais vous
vous êtes retenu, vous en avez conservé un peu. J'aimerais
connaître la forme de négociations que vous avez, qui semble
être pas mal plus efficace. Je pense que le gouvernement aurait
peut-être avantage à entendre un peu plus de précisions sur
votre paragraphe de la fin de la page 31 et du début de la page 32.
M. Panet-Raymond: Jusqu'à présent, M. Grenier, le
mode général de négociations consiste au mode "crise". En
d'autres termes, les deux secteurs montent en épingle, c'est une
négociation de crise. Un des aspects qu'on a considérés et
qu'on considère d'ailleurs depuis des années et pas
nécessairement celui que nous adoptons mais qui pourrait en être
un qui serait applicable, ce serait d'échelonner la négociation
sur une plus longue période, de façon à ne pas arriver
à la dernière minute et puis laisser les émotions prendre
le dessus sur la raison et faire des règlements qui, dans bien des cas,
ne sont pas les meilleurs, ni pour les employés, ni pour les
employeurs.
En d'autres termes, qu'il y ait plus de raisons et moins
d'émotions.
M. Grenier: On dirait que vous avez assisté aux
réunions que tenait M. Biron en province, l'année
passée.
M. Panet-Raymond: Je n'ose pas vous donner mon âge
après cette remarque.
M. Grenier: M. Raymond, vous avez parlé, tout à
l'heure, d'un sujet qui a été touché par d'autres
personnes, la mécanisation pour vos employés en forêt. Je
n'ai pas saisi, tout à l'heure, si c'était la compagnie qui se
porterait acquéreur des machines pour les bûcherons ou si vous
aideriez d'une certaine façon ces bûcherons à se procurer
des machines fort onéreuses?
M. Panet-Raymond: Non, ce que j'ai indiqué, c'est qu'une
façon de contrecarrer les difficultés
de recrutement serait d'augmenter la mécanisation de nos
exploitations. Toutefois, nous sommes limités à 25%, à
cause du terrain, etc. Sur la question d'entraînement, un
entraînement plus intensif auquel peut-être des agences
gouvernementales pourraient pendre part pour l'entraînement des
spécialistes dans le domaine des activités forestières.
C'est un sujet que nous nous proposons de discuter avec les agences
gouvernementales.
M. Grenier: Vous avez, à la toute fin de votre
mémoire, à la page 33, fait une recommandation pour le climat de
l'investissement. Je pense que si vous aviez été avec nous cet
après-midi, alors qu'on a reçu ici deux excellents
mémoires d'un comité qu'on a appelé le comité ad
hoc d'East Angus et la compagnie Domtar... On s'est rendu compte que dans cette
salle, on a suivi presque intégralement votre recommandation de la page
33. C'est incroyable comme des gens qui s'assoient à une même
table peuvent parfois s'entendre et être moins méfiants les uns
à l'égard des autres. Je pense que la recommandation que vous
donnez là vaut, non seulement pour votre compagnie, mais vaut pour le
gouvernement et les formes de négociations nouvelles qu'on devrait
adopter. C'est bien sûr qu'elle sera à retenir.
En "terminant, la formule coopérative qui a été
expérimentée pour votre compagnie, il y a quelques années,
les bûcheurs en forêt, est-ce qu'elle continue encore?
M. Panet-Raymond: On me dit que non.
M. Grenier: C'est parce qu'on a posé la question à
d'autres compagnies qui ont semblé fort intéressées aux
formules coopératives. J'aurais aimé entendre votre point de vue
là-dessus puisqu'il est assez important. Il y a eu cette
expérience pendant quelques années chez vous et cela semblait
répondre aux désirs des bûcherons du temps.
M. Panet-Raymond: Je vais demander à M. Jack Simons de
répondre à cette question, M. Grenier.
M. Simons: Les coopératives ont travaillé à
Baie-Comeau dans les années quarante et cinquante. Dans les
années cinquante, elles ont abandonné les affaires. Cela a l'air
qu'il y a eu des problèmes internes.
M. Grenier: Elles fonctionnent encore. Etes-vous au courant
qu'elles fonctionnent en Ontario, à Blind River, principalement?
M. Simons: Je ne sais pas, je ne suis pas au courant.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Merci, M. le Président. Ma pre- mière
question porte sur un avantage que vous avez et dont la certitude ne saurait
être mise en doute. L'avantage est le suivant: Vous êtes une des
rares entreprises de pâtes et papiers au Québec à
posséder vos propres centrales hydroélectriques sur la
rivière aux Outardes et sur la Mani-couagan; vous le soulignez
d'ailleurs dans votre mémoire, à la page 6. Vous faites
également état, dans la partie constituée de feuilles
jaunes de votre mémoire, d'une étude faite par l'industrie des
pâtes et papiers qui affirme que l'avantage de l'industrie des
pâtes et papiers du Québec, quant au coût de
l'énergie électrique, est de $4 la tonne de papier, en
moyenne.
Dans votre cas, je suis convaincu que c'est plus de $4 la tonne puisque
vous possédez vos propres centrales; vous êtes dans la même
situation que la compagnie Price dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quel est le coût de l'énergie
électrique que vous utilisez à votre usine de Baie-Comeau, et
comment cela se traduit-il? Par combien de dollars par tonne de papier
journal?
M. Panet-Raymond: Je ne suis pas en mesure de vous donner le
coût en dollars, mais je peux vous dire que cela représente 3,2%
du coût total de la production d'une tonne de papier.
M. Brassard: C'est quoi, d'abord, pour les autres
sociétés? Puisque la moyenne est de $4 pour l'ensemble de
l'industrie au Québec, chez vous, cela se traduit par combien?
Abitibi-Price a affirmé ici que cela se traduisait, chez elle, par $7.34
par tonne de papier, comme avantage.
M. Panet-Raymond: C'est dans la même proportion, il n'y a
pas une grosse différence.
M. Brassard: C'est du même ordre?
M. Panet-Raymond: C'est du même ordre.
M. Brassard: Vous n'avez pas, actuellement, de chiffres
précis là-dessus?
M. Panet-Raymond: Non, pas de chiffres précis. Mais on
pourrait les fournir à la commission.
M. Brassard: Serait-il possible d'avoir ces
précisions?
M. Panet-Raymond: Oui, on peut vous les fournir.
M. Brassard: Très bien. Deuxième question. Vous
êtes aussi, au Québec, l'une des rares entreprises qui a investi
suffisamment dans la lutte contre la pollution pour respecter les normes
gouvernementales, en particulier quant à la quantité de
matières en suspension, puisque vous possédez, si mes
informations sont bonnes, deux clarifi-cateurs à Baie-Comeau, deux
bassins de clarification. Je voudrais d'abord vous féliciter
d'être à l'avant-garde dans ce domaine au Québec et je
voudrais vous demander, puisque je constate que vous n'avez pas encore
déclaré faillite, si le fait de respecter ces normes, quant aux
matières en suspension parce que cela semble poser un
problème quasiment insurmontable pour les autres entreprises qui ont
comparu devant nous depuis le début des travaux de cette commission
et d'investir dans la lutte contre la pollution a affecté
dangereusement votre rentabilité, votre situation financière.
M. Panet-Raymond: Deux commentaires, M. Brassard, à ce
point de vue. D'abord, l'installation d'un des clarificateurs a
été possible assez tôt en regard des ordres en conseil qui
ont été adoptés...
M. Brassard: En 1970, je pense.
M. Panet-Raymond: ... oui, en 1970, qui permettaient de
différer le paiement des droits de coupe, ce qui nous a permis de
procéder à cette installation plus rapidement que nous n'aurions
pu le faire autrement. Deuxièmement, cela a eu un effet définitif
sur notre rentabilité.
M. Brassard: Un effet néfaste...
M. Panet-Raymond: Néfaste, parce que ce sont des
installations dont on ne retire que peu ou aucun bénéfice. Alors,
cela ne peut pas être favorable.
M. Brassard: Les exigences gouvernementales à ce chapitre
n'étaient pas d'une sévérité telle qu'elles
mettaient en danger votre survie même en tant que société
productrice.
M. Panet-Raymond: Les ordres en conseil qui ont été
adoptés nous permettaient de prendre avantage d'une augmentation de
fonds de roulement pour fins d'installation, à ce moment.
M. Brassard: Donc, c'était assorti d'avantages.
M. Panet-Raymond: Certainement que cela a été un
avantage; sans cela, on n'en aurait pas.
M. Brassard: Par conséquent, votre conclusion, c'est que,
si l'on veut que les entreprises au Québec en arrivent à
respecter les normes antipollution, il faudrait que ce soit assorti d'avantages
de nature financière ou fiscale de la part du gouvernement. C'est
cela?
M. Panet-Raymond: Je crois qu'il ressort de notre mémoire
qu'il doit y avoir des allégements fiscaux visant les programmes
antipollution, de façon à pouvoir les faire et,
deuxièmement, à pouvoir les faire plus rapidement en
créant un fonds de roulement plus considérable.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Matapédia.
M. Marquis: Simplement une remarque, messieurs de la compagnie
Quebec North Shore. A la page 60, quand vous parlez de main-d'oeuvre, vous
dites que la majorité de cette main-d'oeuvre provient de la rive sud du
Saint-Laurent. Or, je représente, avec M. le ministre, un des
comtés de cette rive sud, et nos comtés représentent un
certain réservoir de main-d'oeuvre pour votre compagnie; vous donnez les
causes de cette réduction de main-d'oeuvre, de cette difficulté.
Je les accepte, elles sont vraies. Je suis d'accord avec vous pour toutes les
causes, sauf une, parce que vous dites: On manifeste aussi, de plus en plus, le
désir de subsister grâce aux chèques de l'assistance
sociale. Je voudrais, comme député de Matapédia,
m'inscrire en faux contre cela. Celui qui m'a précédé au
siège de Matapédia a déjà déclaré que
ses électeurs étaient des paresseux. Il a reçu sa
leçon le 15 novembre. C'est tout simplement cela que je veux vous dire.
Pour 140 emplois, on reçoit 1400 demandes dans le comté de
Matapédia; je ne suis pas prêts à avaler d'un coup, comme
cela, votre affirmation que je viens de mentionner. C'est tout simplement la
remarque que je voulais faire. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
M. Panet-Raymond: M. Marquis, on s'excuse de vous avoir
créé des embêtements. Tout simplement, le commentaire a
été fait parce que cela nous a été donné.
Maintenant, jusqu'à quel point c'est vrai et à quel niveau, je
suis prêt à ravaler moi aussi sur ce point.
M. Marquis: Cela a pu être vrai, mais cela a tendance
à se résorber.
M. Panet-Raymond: Je suis très heureux d'apprendre cette
nouvelle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière intervention, M. le ministre.
M. Bérubé: Nous avons tantôt abordé en
votre compagnie le problème de la taxation et vous nous avez
parlé du fardeau très élevé de taxation.
Etant donné que vous êtes associé à des
chaînes de journaux américains, je suppose que vous êtes
relativement bien au courant du régime de taxation américain. Au
Québec, nous avons la taxation fédérale, provinciale, et
municipale. Au niveau provincial, 25% de vos taxes vont à Québec
et 75% au fédéral. Vous avez de plus la taxation municipale. A
quel niveau trouvez-vous la taxation trop élevée? Est-ce que
c'est la taxation municipale qui est substantiellement plus
élevée aux Etats-Unis ou la partie impôts sur les profits?
Quelle est la partie qui vous blesse le plus?
M. Panet-Raymond: Je crois que la principale serait au niveau
municipal. La deuxième serait au niveau fédéral. Au
fédéral, c'est 47% ou 48%. Aux Etats-Unis, c'est 37% ou 38% (taux
effectifs).
M. Bérubé: Et les taxations municipales, est-ce que
vous avez une idée de leur importance par rapport à celles des
Etats-Unis? En quel pourcentage sont-elles supérieures?
M. Panet-Raymond: Nous n'avons pas fait d'études
comparatives, M. le ministre, avec les Etats-Unis; nous en avons fait une au
Canada. Comme je le mentionnais tout à l'heure, le niveau de la taxation
municipale, pour QNS, est le plus élevé au sein de l'industrie.
Quant à la comparaison avec les Etats-Unis, nous ne l'avons pas
faite.
M. Bérubé: Vous avez également abordé
la question des moyens fiscaux que le gouvernement pourrait utiliser pour
compenser vos investissements dans la lutte contre la pollution. Dans un
programme comme celui-ci, il y a parfois des investissements
intéressants. Entre autres, nous avons eu la présentation de F.F.
Soucy, au cours de laquelle nous avons pu constater que l'utilisation d'un
procédé thermomécanique faisant appel à plus
d'électricité, par exemple, avait de réels avantages.
D'une part, il semble bien que les coûts de production du papier sont
plus bas; d'autre part, du fait que l'accent porte surtout sur
l'électricité et que les tarifs d'électricité au
Québec sont substantiellement inférieurs à ceux du Sud des
Etats-Unis, on en arrive finalement à la conclusion inverse de votre
rapport, c'est-à-dire que la compagnie F.F. Soucy arrive à
démontrer qu'il lui en coûte, en gros, $12 de moins cher pour
produire du papier au Québec, compte tenu de la dévaluation de $7
du dollar canadien.
Donc, dans votre cas particulier, étant donné que vous
produisez votre électricité, vous avez donc encore plus avantage
à passer au thermomécanique. Or, il peut se produire que vous
n'ayez pas les moyens financiers pour vous lancer dans ces programmes, n'ayant
pas fait assez de profits, tel que vous l'indiquez dans votre
mémoire.
A ce moment-là, je me pose la question, à savoir sous
quelle forme le gouvernement devrait-il participer? Il apparaît parfois
difficile à un gouvernement d'accepter de donner des subventions, de
différer des droits de coupe ou de réduire l'impôt, compte
tenu d'ailleurs que l'impôt du Québec ne représente que 25%
des impôts, même pas 25%, que vous payez, probablement 15%, en
fait. On pourrait les réduire presque à néant sans que
cela ait un impact tellement considérable sur la profitabilité de
vos entreprises.
Donc, les réductions d'impôt ne semblent pas non plus la
solution. A ce moment-là, on peut penser à des formules de fonds
de relance de type suédois ou du type de celle qui a été
introduite par la loi 48. La question cependant qui nous préoccupe,
c'est: Est-ce que le gouvernement, qui devrait investir dans des cas comme
ceux-là, devrait continuer à investir quand les taux de rendement
dépassent 10%, 11%, 12% et 13%, comme cela semble le cas dans un certain
nombre d'investissements? En d'autres termes, sous quelle forme le gouvernement
devrait-il intervenir quand il y a un manque de liquidité de la part de
la compagnie, tout en reconnaissant que l'investissement est
économiquement rentable et sain pour vous?
M. Panet-Raymond: Dans un cas de manque de liquidité, je
crois que le prêt sans intérêt, ou à très bas
intérêt, serait la façon la plus pratique et effective dans
les cas où cela est requis.
M. Bérubé: Mais, si le taux de rendement interne
sur un investissement dans le thermomécanique est de 15%, 16%, 17% ou
20% posons l'hypothèse et qu'on a eu les réponses
d'une entreprise qui disait: Nous n'avons pas les moyens présentement,
mais pour 1981, on envisage sérieusement d'implanter du
thermomécanique. On pourrait certainement, comme gouvernement,
suggérer que l'implantation se fasse avant, compte tenu des normes de
protection de l'environnement, compte tenu d'un certain nombre d'avantages,
mais l'entreprise va répondre, à ce moment: Nous n'avons pas la
liquidité, en dépit du fait que l'investissement est
intéressant. Alors, vous nous dites que, même à ce moment,
quand l'investissement est intéressant, vous voulez que le gouvernenent
y aille sous forme de prêt sans intérêt. Est-ce que c'est
une banque de financement? Est-ce qu'on pourrait avoir une banque comme la
banque fédérale de développement qui pourrait être
disponible à l'industrie des pâtes et papiers et qui pourrait
répondre à ce besoin, mais évidemment prêt avec
intérêt?
M. Panet-Raymond: II y a probablement d'autres formules
financières. Malheureusement, je ne suis pas un expert en finance, mais
si, par exemple, un prêt était fait sans intérêt pour
une période de... et ensuite l'intérêt... comme d'ailleurs
cela a été fait dans les frais différés sur les
droits de coupe; à un certain moment les intérêts entrent
en jeu et peuvent avoir un certain rapport avec le rendement, ce serait une
formule à étudier.
M. Bérubé: Est-ce que, par exemple, un prêt
convertible en actions, si le taux de rendement excède un certain seuil,
est une formule qui peut être envisagée avec l'industrie?
M. Panet-Raymond: Pour ceux qui ont des actions à offrir,
oui.
M. Bérubé: Je reviendrai également sur une
idée intéressante que vous émettez dans votre
mémoire, celui du droit de coupe variable. C'est un concept
intéressant et je pense qu'avec la révocation des concessions, on
est presque immanquablement amené à l'envisager puisqu'il faut
reconnaître qu'au moment où on fait l'allocation de la
matière ligneuse, certains seront privilégiés par rapport
à d'autres. Je pense que cela est impossible à éviter et
que par conséquent, à la suite d'une décision
gouvernementale, une entreprise pourra faire plus de profit et une autre moins,
simplement parce qu'elle est plus près.
La question que j'aimerais vous poser c'est: En gros, combien vous
coûtent vos concessions forestières au cunit? En d'autres termes,
présentement, quand vous envoyez des scieurs sur vos concessions,
d'après les chiffres qu'on me cite maintenant, les droits de coupe
imposés par les compagnies varient entre $15 et $22, à peu
près; si
l'on suppose que l'industrie charge effectivement ce que lui
coûtent ses concessions, on arriverait à des droits de coupe qui
seraient peut-être entre $15 et $20 du mille pieds, donc autour de $10 du
cunit. Ce que je voudrais savoir c'est: Dans votre cas, quel serait le droit,
la redevance qui correspondrait à peu près à ce que vous
défrayez en administrant vos propres concessions?
M. Panet-Raymond: A l'heure qu'il est, M. le ministre, nos
coûts au cunit sont de $8.50, plus le coût de construction et
d'entretien des routes qui représente $1.70, pour un total de $10.20. De
ce montant, il y a évidemment $5 pour les droits de coupe, $0.52 pour la
rente foncière, protection contre les feux de forêt; chemins
d'accès: $1, et le plan de gestion qui représente $0.25, pour un
total de $8.50 plus $1.70 pour la construction des routes.
M. Bérubé: Je suppose qu'un montant de $10.20
serait, en gros, le droit de coupe moyen. Ce que j'aimerais voir avec vous
c'est comment ce droit de coupe devrait varier avec la distance en
s'éloignant de l'usine? Est-ce que vous auriez un droit de coupe de $20
lorsque vous êtes à proximité de l'usine et après
cela, il varierait de $0.25 au mille? Comment envisagez-vous cette variation en
fonction de la distance?
M. Panet-Raymond: Cela devient un peu technique, M. le ministre,
je vais me rabattre sur mon collègue, M. Jack Simons.
M. Simons: M. le ministre, ce n'est pas tout à fait la
distance entre le lieu de la coupe et notre usine, c'est... Excusez-moi. C'est,
par exemple, le nombre de cunits par acre, le nombre de tiges par cunit.
l'éloignement, la main-d'oeuvre, le climat et ces
difficultés.
M. Bérubé: Le climat, cela pourrait peut-être
être difficile à quantifier.
M. Simons: Mais c'est un facteur...
M. Bérubé: La densité de la forêt,
l'éloignement seraient des facteurs... Il y a possibilité...
Voici une question que l'on s'est posée: Prenons deux
entreprises, l'une, par exemple, l'usine de Lebel-sur-Quévillon, qui se
rapproche de la ressource, et l'autre qui, au contraire, se tient à plus
grande distance et qui amène son bois. Si on tient compte de la
distance, il va falloir tenir compte également de l'expédition du
papier, parce que le fait de se rapprocher de la ressource fait que vous
êtes obligés d'expédier du papier. Comment en tient-on
compte?
En d'autres termes, celui qui a la sagesse de s'approcher du bois,
comment va-t-on le compenser par rapport à celui qui, au contraire, se
tient loin, est à une grande distance?
M. Simons: Je crois que nous n'avons pas toujours le choix
à savoir où nous allons couper notre fibre. Dans notre cas, notre
usine est sur le fleuve Saint-Laurent. Nous sommes assez loin de nos
marchés et nos opérations forestières se trouvent à
une centaine de milles au nord de notre usine. C'est sûrement un facteur,
mais ce n'est pas le seul.
M. Bérubé: Oui. Bon! Je vois.
Une autre considération concernant les relations du travail. La
société Domtar semble accepter, au moins à titre d'essai,
parce que j'ai l'impression que la décision n'est pas définitive,
la possibilité d'ouvrir les livres à ses employés. En
d'autres termes, pratiquer une certaine transparence de la comptabilité
ceci, dans un but... Je savais que vous apprécieriez l'expression.
M. Pagé: Vous voudriez.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: Pas du genre de la vôtre, toujours, parce
qu'il n'y aurait pas grand-chose.
M. Bérubé: Je m'excuse, j'ai des problèmes
de...
M. Grenier: ...vous excuser.
M. Bérubé: Donc, Domtar ouvrirait ses livres dans
un but, justement, de permettre aux travailleurs d'être beaucoup plus
conscients des données économiques à l'intérieur
desquelles évolue l'entreprise.
J'aimerais savoir si, dans votre réflexion avec les syndicats
la réflexion qui est en cours à l'intérieur de
votre compagnie vous avez abordé ce concept et j'aimerais savoir
ce que vous en pensez?
M. Panet-Raymond: C'est un concept, M. le ministre, que nous
avons déjà mis en vigueur depuis une quinzaine d'années
dans différents secteurs comme, par exemple, les fonds de pension, les
bénéfices marginaux. Depuis l'année 1962, nous donnons une
information complète à nos employés, aux syndicats et,
dans nos études, c'est un aspect que nous considérons, à
l'heure qu'il est. en groupes, d'établir les bases d'une certaine
transparence pour revenir à M. Grenier de certains
états de notre comptabilité.
M. Bérubé: Donc, en fait, vous n'êtes pas
opposé non plus à cette approche qui consiste, dans la mesure du
possible, à ouvrir au maximum la comptabilité, de telle sorte que
la négociation se fasse sur la base véritablement de la
rentabilité de l'entreprise.
M. Panet-Raymond: Pour autant que cela nous est permissif, on est
complètement en faveur de cette approche.
M. Bérubé: Qu'est-ce que vous entendez par "pour
autant que cela nous est permissif"?
M. Panet-Raymond: II y a certains aspects qui pourraient
être gardés encore sous le sceau de la confidentialité. Je
parle d'un groupe d'organisations, dont certaines pourraient avoir des
renseignements qu'elles tiennent à garder confidentiels. Je ne pourrais
pas dire qu'il y avait accord à rendre tout transparent. Mais c'est
certainement la partie essentielle à laquelle les employés sont
intéressés.
M. Bérubé: Une de vos remarques
intéressantes porte sur les possibilités d'exportation sur le
marché européen. Plusieurs sociétés ont
souligné qu'effectivement le marché européen pourrait
être intéressant, peut-être pas dans l'immédiat,
puisqu'on sait que la conjoncture économique en Europe n'est
peut-être guère plus favorable que la nôtre et que ce n'est
peut-être pas le marché idéal pour l'instant, mais dans une
perspective d'expansion des marchés. Est-ce que vous auriez une
idée des coûts d'expédition par cargo sur un port
européen? Combien coûte l'expédition à la tonne du
papier vers l'Europe? Une livraison FOB port d'Anvers ou...
M. Panet-Raymond: M. le ministre, nous n'avons pas les chiffres
dont vous parlez à la main, mais il nous fera plaisir de vous les faire
parvenir.
M. Bérubé: Je vous en saurais gré. Je vous
en remercierais infiniment. Le président fatigue visiblement et je pense
que je vais donc lui céder la parole, mais j'en profite pour vous
remercier de votre très intéressante présentation. Merci,
messieurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Panet-Raymond, merci à vos collègues pour votre collaboration
à la commission parlementaire. J'inviterais maintenant notre dernier
invité, il faut le dire, la compagnie de papier Rolland Limitée,
à venir présenter son mémoire.
M. Panet-Raymond: Merci, messieurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grenier: Pendant que la compagnie Rolland va s'installer
à la table, je voudrais, M. le Président, simplement vous
informer que je vais me retirer pour d'autres obligations et je ne voudrais pas
que vous pensiez, à ce moment-là, que c'est à cause de la
participation de la compagnie Rolland. Si vous me permettez, pour justifier mon
absence, je pourrai vous rapporter, mardi, un mémoire de la compagnie
Eddy de Hull que je vais rencontrer ce soir et je peux vous rapporter cela si
cela peut compenser pour la commission. Sérieusement, je m'excuse...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît.
M. Brassard: Vous n'avez pas à vous excuser pour cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bonsoir,
messieurs. Je demanderais au porte-parole, s'il vous plaît, de bien
vouloir se présenter et de présenter ses collègues.
Compagnie de papier Rolland Limitée
M. Rolland (Lucien): M. le Président, mon nom est Lucien
Rolland. Je suis président directeur général de la
compagnie de papier Rolland Limitée. Mes collègues sont M. Jean
Chalet, président exécutif de la division des papiers fins,
à mon extrême droite, M. Jean Elie, secrétaire de la
compagnie et M. Alphonse Saint-Jacques, vice-président et
trésorier de la compagnie.
Je voudrais vous faire grâce de la lecture du mémoire dans
son entier, mais je voudrais par contre vous présenter deux volets de ce
que nous avons inclus dans le mémoire, en résumé. Tout
d'abord, nous voudrions vous présenter notre industrie, ses
problèmes, les mesures adoptées par la compagnie Rolland et je
demanderais à M. Jean Elie de s'acquitter de cette tâche.
Après cela, je tirerai les grandes conclusions de notre
présentation. En attendant, je lui demanderais de commencer la
présentation. M. Jean Elie, secrétaire de la compagnie
Rolland.
M. Elie (Jean): Merci, M. Rolland. Peut-être qu'avant de
commencer on pourrait situer brièvement la compagnie de papier Rolland
Limitée. Il s'agit d'une entreprise dont les origines remontent à
1882. Donc, c'est une compagnie qui a plus de 90 ans et c'est une compagnie qui
trouve ses origines assez profondément enracinées au
Québec. C'est une compagnie de taille intermédiaire au sens que
son chiffre de ventes consolidées excède $100 millions, du moins
si je me base sur l'exercice financier du 31 décembre 1976, se terminant
à cette date. Les activités de la compagnie Rolland sont
diverses. Elle s'occupe directement, ou par l'entremise de ses filiales, parce
que nous avons des filiales, tout d'abord de la fabrication et de la vente de
papier fin, de papier couché et d'autres papiers
spécialisés que je qualifierai tout à l'heure.
Elle s'occupe également, dans un autre temps, de la distribution
en gros de ces papiers, c'est une autre activité. Enfin, depuis deux
ans, elle s'est lancée dans l'impression et la distribution de papiers
de transmission par la chaleur, de papiers imitation de bois et de papiers
industriels.
Brièvement, au chapitre des employés, nous avons des
activités importantes en Ontario et au Québec. Au total, nous
avons un peu plus de 1300 employés et dans nos activités au
Québec, nous en avons environ de 1150 à 1200 et la masse
salariale excède $17 millions au Québec.
Une remarque, M. le Président. Jusqu'à maintenant,
à cette commission, vous avez été plus occupés par
le secteur du papier journal, le secteur du bois et, évidemment, le
secteur de la pâte. Comme vous l'avez constaté, ce sont des
secteurs qui sont axés sur les marchés internationaux. Ce sont
des activités qui sont essentiellement à vocation
d'exportation.
Vous avez été, par le même biais,
préoccupés de la capacité de ces compagnies ou de leurs
filia-
les québécoises d'accroître leur part de
marché à l'étranger et, dans des cas où il y avait
des problèmes, de pouvoir faire concurrence à d'autres
fournisseurs étrangers tels que les Suédois, les Japonais ou les
Américains.
Le secteur auquel nous, la compagnie de papier Rolland et certains de
nos concurrents, consacrons nos activités, le secteur des papiers fins,
est extrêmement différent de ces secteurs. Il s'agit, au contraire
des secteurs que je viens de décrire, d'une activité nationale,
une activité à vocation domestique. Que ce soit aux Etats-Unis,
que ce soit en Europe, que ce soit en Australie je pourrais nommer
d'autres coins du monde la fabrication des papiers fins est
essentiellement conçue comme une activité domestique, qui est
vouée à la satisfaction d'une consommation intérieure.
C'est ainsi que les différents pays du monde abritent leur
industrie des papiers fins derrière une barrière tarifaire dont
le pourcentage varie évidemment. Cette réalité est
tellement vraie, si vous me permettez l'expression, que, dans les pays en voie
de développement, les jeunes nations aujourd'hui, dès qu'il y a
une demande suffisante pour justifier un marché local, vous allez voir
une usine s'installer et vous allez voir une barrière tarifaire qui,
souvent, peut se chiffrer, s'élever à 25% dans certains cas.
Même dans le cadre d'un mouvement de libération des
échanges dont nous allons traiter tout à l'heure, nous sommes
quand je dis nous, je parle en général
témoins de représentations, par exemple, de l'Association des
manufacturiers ou des fabricants de papiers fins européens la
Communauté européenne est quand même assez
considérable qui vient de demander à la commission
chargée de la négociation des accords dans le cadre du GATT ou de
ce qu'on appelle le "Tokyo Round" de bien vouloir maintenir le statu quo des
tarifs sur l'entrée des papiers fins dans la Communauté
européenne, tarifs qui se chiffrent par 12%.
Donc, ce n'est pas essentiellement une question propre au Canada, c'est
la vocation de cette industrie à travers le monde. Pourquoi ce
caractère domestique? Brièvement, je vais vous l'exposer.
D'abord, parce que la fabrication des papiers fins est une industrie du type
secondaire. Deuxièmement, parce que cette activité ajoute une
valeur de plus de 100% à la pâte de bois, qui constitue la
matière première la plus importante. La troisième raison,
cette activité offre un contenu élevé de
main-d'oeuvre.
En général, par exemple, une tonne de pâte va exiger
de trois à quatre heures-homme pour sa fabrication, une tonne de papier
journal de six à sept heures-homme et, en général, en
moyenne, une tonne de papier fin de quinze à dix-sept heures-homme. Je
dis en moyenne, parce que si vous prenez, par exemple, une usine typique au
Canada qui produit une gamme de produits, quelquefois on peut parler de 50
à 100 produits, on prend une moyenne. On peut parler de quinze à
dix-sept heures-homme. Cette proportion, évi- demment, varie aux
Etats-Unis où, comme nous le verrons tout à l'heure, les usines
sont horriblement spécialisées.
La quatrième raison pour laquelle on a ce caractère
domestique ou ce caractère national, c'est que, si cela exige un contenu
de main-d'oeuvre élevé, elle fait appel à une
main-d'oeuvre spécialisée, ce qui entraîne des taux de
rémunération évidemment assez élevés et qui
bénéficie à l'économie de ces régions.
Autre raison pour laquelle c'est une activité domestique, c'est
que, dans le fond, les papiers fins ou l'industrie des papiers fins
assurent l'approvisionnement des besoins nationaux des secteurs de
l'édition, de l'éducation et des communications,
c'est-à-dire les activités et les besoins culturels d'une
société.
Enfin, autre raison qui, si vous voulez, nous distingue de l'industrie
du papier journal, parce que je vous ai donné les raisons comme
industrie secondaire, mais il y a une autre chose qui nous distingue du papier
journal ou de la pâte dont vous avez parlé tout à l'heure,
c'est la multiplicité des produits qu'englobe le secteur des papiers
fins.
Pour résumer, le marché mondial est ainsi structuré
qu'on nous permet la libre circulation, c'est-à-dire sans tarifs
douaniers, de la pâte de bois, dont la transformation est laissée
aux différents pays, aux différentes économies. Pour ce
faire, on érige des barrières tarifaires. J'insiste beaucoup
là-dessus, il s'agit d'une caractéristique qui n'est pas propre
au Canada, qui n'est pas propre aux Etats-Unis, qui est une
caractéristique de cette industrie à travers le monde, et ce sont
les règles du jeu qui ont donné naissance à des
industries, à des secteurs économiques, et ces règles du
jeu valent encore aujourd'hui.
Si on n'a pas cette perspective, évidemment, l'analyse que nous
allons faire ensemble, une analyse brève évidemment, et les
conclusions que nous allons tenter de créer avec vous vont prendre une
autre signification.
Ces réserves étant faites je m'excuse si cela a
pris quelques minutes qu'est-ce que c'est que le papier fin?
Techniquement, les papiers fins sont des papiers qui sont fabriqués avec
moins de 50% de pâte mécanique et qui sont utilisés pour
les communications écrites. C'est savant. En termes plus
immédiats, les papiers fins, c'est cette gamme de papiers qui est
utilisée dans l'impression de livres, par exemple, d'étiquettes
sur les boîtes d'épicerie, dans la fabrication des enveloppes que
vous utilisez, pour vos formulaires d'impôt, pour vos chèques,
pour vos papiers à correspondance et je pourrais continuer, cela
pourrait peut-être intéresser les gens, les billets de loterie, et
le papier-monnaie. Les papiers fins, c'est cette gamme de choses avec
lesquelles on vit tous les jours.
Ces papiers fins sont distribués tantôt par les fabricants
eux-mêmes, tantôt par l'intermédiaire de grossistes, selon
les besoins. Pour des gens qui se sont penchés sur des millions et des
millions de tonnes de consommation, évidemment, le papier
fin est très différent, et le marché canadien
consomme seulement 715 OOO tonnes par année, ce qui n'est pas beaucoup.
Il s'agit d'un petit marché. Le chiffre que je vous donne en passant est
le chiffre de l'année 1976.
Cette consommation est alimentée à 80% par les fabricants
canadiens et à 20% par les fabricants américains, quoique ce
pourcentage ait atteint, en 1975-1976 jusqu'à 35%. Le marché
canadien des papiers fins est un marché, à cause de sa nature,
qui est intimement lié à l'économie. Il ne faut donc pas
s'attendre à un marché ou à une consommation qui
évolue en flèche, par exemple, comme dans d'autres domaines, il
s'agit d'un marché très stable qui va avec la santé
économique un peu partout dans le monde.
Pourquoi ce secteur est-il important au Québec? Très
simplement, messieurs, parce qu'on retrouve ici sur le sol
québécois 40% de la capacité canadienne. Evidemment, une
des grandes caractéristiques du marché canadien est sa
proximité du marché américain, qui est sans doute l'un des
plus importants et des plus spécialisés au monde, tel que je le
disais tout à l'heure. Cette caractéristique m'amène
à traiter des problèmes, selon le point de vue où vous
voulez le prendre, des défis que notre industrie doit relever. On va
trouver l'inventaire de ces problèmes aux pages 18 et suivantes de notre
mémoire et je vais essayer de les esquisser brièvement.
Des difficultés de l'industrie canadienne des papiers fins, la
première, ce sont les tarifs douaniers. La réduction des tarifs
douaniers consentie par le gouvernement fédéral sur tous les
papiers fins lors des négociations du Kennedy Round en 1967 et avec
laquelle, je suis sûr, certains d'entre vous, sinon la plupart, sont
familiers, a changé le contexte de notre industrie alors que,
traditionnellement, cette dernière avait pu se développer
à l'abri d'une barrière tarifaire qui était de 22,5%, et,
je vous demanderais de retenir ce chiffre, elle s'est vue soudainement aux
prises avec un tarif de 12,5%. On parle de 22,5% à 12,5%, soit une
réduction de 44% devant s'appliquer progressivement sur cinq ans; du
moins, c'était l'intention initiale.
Malheureusement, les fabricants canadiens n'étaient pas
préparés aux conséquences d'un accord pour lequel on ne
les avait consultés qu'à la toute dernière minute et qui
changeait les règles du jeu de leur existence et encore moins à
la décision que devait prendre en juin 1969 le ministre des Finances
d'appliquer sur le champ les nouveaux tarifs, éliminant ainsi la
période de transition de cinq ans dont j'ai fait état il y a
quelques secondes. Donc, les fabricants canadiens se trouveraient en
concurrence avec les papiers fins fabriqués aux Etats-Unis et qui
étaient disponibles au Canada à des prix inférieurs
à ceux que devaient exiger les usines canadiennes. C'est une
caractéristique qui va revenir tout au long de notre
présentation, cette différence.
C'est ainsi que ces importations de papiers américains, qui
représentaient 5% de la consommation canadienne en 1967, lorsque les
tarifs ont été modifiés, sont passées à 33%
en 1973. On an- ticipe que cette proportion va être ramenée de 20%
à 24% en 1977. Ce qui rend la concurrence américaine d'autant
plus onéreuse, c'est que les fabricants américains peuvent
compter sur une population nombreuse, sur une consommation per capita
très élevée et des marchés concentrés, ce
qui leur permet de rationaliser leur production et obtenir des économies
de taille fort avantageuses, qui sont des concepts sur lesquels vous vous
êtes penchés.
L'industrie canadienne, tout en desservant un territoire aussi vaste au
point de vue géographique, dépend d'un marché beaucoup
plus restreint. Alors qu'une usine canadienne doit en moyenne fabriquer plus de
cent qualités de papiers fins, la spécialisation d'une usine
américaine dans la production de quelques produits seulement est chose
courante. En d'autres termes, au Canada, une usine doit fabriquer cent
produits; aux Etats-Unis, vous allez voir une usine en fabriquer quatre ou
cinq. La raison: au Canada, il y a 22 millions ou 23 millions d'habitants, aux
Etats-Unis, il y en a dix fois plus.
A titre d'exemple de cette espèce de différence entre des
économies de taille, en 1976, l'industrie américaine a
expédié 12,4 fois plus de papiers fins que l'industrie
canadienne. En 1974, on comptait aux Etats-Unis une compagnie, une seule
compagnie, qui a produit plus de 1 million de tonnes de papiers fins.
Souvenez-vous qu'au Canada, on en a consommé 715 000 tonnes. Donc, une
usine à elle seule aux Etats-Unis fabrique 1 million de tonnes. On
trouve également deux compagnies qui ont fabriqué chacune 700 000
tonnes, donc deux compagnies qui fabriquent autant que ce que l'on consomme au
Canada. Finalement, un autre chiffre, si ça peut vous intéresser,
il y a sept compagnies qui fabriquent chacune, à elles seules, aux
Etats-Unis, 60% de ce que nous consommons. Vous voyez tout de suite la
disparité ou l'écart qui existe.
Tout récemment, une compagnie bien connue aux Etats-Unis, qu'on
appelle la compagnie Weyerhaeuser, a annoncé la mise en opération
d'une nouvelle machine, seulement une machine, pouvant fabriquer plus de 175
000 tonnes de papier, c'est-à-dire 20% de la consommation canadienne.
Alors, vous voyez encore une fois.
Donc, le premier problème auquel nous faisons face, la
première réalité, ce sont les tarifs douaniers. La
seconde, si vous voulez, c'est tout le chapitre des avantages concurrentiels
qu'ont les fabricants américains vis-à-vis des fabricants
canadiens. Le premier est celui de la main-d'oeuvre, vous en avez entendu
parler dans d'autres secteurs, mais je dois le répéter pour le
nôtre.
Une analyse comparative que vous retrouvez en annexe 7, avec le nom de
toutes les compagnies et les taux utilisés, parce que j'ai
remarqué que c'est une question que vous posiez souvent,
révèle que le taux de rémunération totale
payée aux employés horaires canadiens dans le secteur des papiers
fins est de plus de 21% supérieur à celui qui est versé
à leurs collègues américains. On parle de
rémunération et non pas de salaire,
c'est-à-dire que cela inclut les bénéfices
marginaux ou les bénéfices sociaux. Ce chiffre de 21% est
vraiment un minimum, parce qu'on pourrait parler de 25%, mais je crois qu'il
faut demeurer quand même conservateur.
Depuis 1969, la rémunération horaire moyenne dans les
usines canadiennes a augmenté de 145% en regard d'une augmentation du
coût de la vie qui était, comme vous le savez, de 58% pour la
même période. La rémunération totale, au cours de
cette période, des employés de nos deux usines du Québec,
parce que, comme j'aurais peut-être dû le souligner au
début, les activités de la compagnie en ce qui a trait à
la fabrication du papier fin à laquelle est consacré notre
mémoire sont les usines de Saint-Jérôme et Mont-Rolland,
alors ces deux usines au Québec, la rémunération qu'on y
verse exprimée en pourcentage de notre dollar de vente, pour la
même période, a augmenté de près de 3%. Cette
augmentation de nos coûts, en comparaison des coûts
américains, représente une baisse correspondante de notre marge
de profit avant impôt.
Quand je dis que les taux ont augmenté de 3% en pourcentage de
notre dollar de vente. Cette augmentation, qui est substantielle, est
causée par notre impossibilité d'inclure dans nos prix de vente
la différence croissante entre la rémunération de nos
employés et celle de leurs collègues américains, et
peut-être pour anticiper une question que vous allez poser tout à
l'heure, à savoir ce que ça veut dire, 3%, disons, pour ramener
ça à une dimension que vous allez comprendre, que, si on devait
payer, par exemple, à la compagnie Rolland, le même niveau de
rémunération que celui qui est payé à nos
collègues américains et si on compare à la marge
traditionnelle que nous avons de 8% avant impôt, cette différence
représente une diminution de l'ordre de 40% dans les
bénéfices de notre société avant impôt. Comme
nous sommes la seule compagnie qui ne fait, essentiellement, que du papier fin,
je pense qu'on risque d'être représentatif de tout ce secteur.
Donc, on a parlé de la main-d'oeuvre. Il y a également un
autre problème qui nous différencie des Etats-Unis, ou une autre
caractéristique, c'est celle de l'intégration des usines.
Nombre d'usines américaines sont situées tout à
côté d'une usine de pâte, ce qui élimine les
coûts reliés au séchage et au transport de la pâte.
On estime à 14% du prix de la pâte l'économie qui en
résulte. Cela, c'est une autre différence que vous ne retrouvez
pas ici au Québec, parce qu'il n'y a, en fait, qu'une usine et ce n'est
pas une usine énorme, qui est intégrée, donc, qui
fénéficie de cet avantage.
A la main-d'oeuvre et à l'intégration des usines, on doit
évidemment aussi ajouter le coût des impôts et des taxes;
les impôts, et plus particulièrement les taxes payées par
l'industrie américaine des pâtes et papiers sont inférieurs
à ceux qui frappent les fabricants canadiens. Je ne m'attarderai pas sur
ce sujet parce que plusieurs autres collègues dans l'industrie se sont
chargés de vous en faire part.
Il y a également le coût d'une usine, le coût de
construction d'une nouvelle machine à papier fin qui, je le sais, est
une possibilité qu'on regarde. Intégrer une usine de pâte
se chiffre par environ $350 000 pour chaque tonne produite quotidiennement aux
Etats-Unis, alors que, au Canada, on peut parler de $400 000. Evidemment,
à cette différence s'ajoutent certains coûts d'exploitation
moins élevés aux Etats-Unis, en raison des conditions
climatiques.
Il y a également les frais du financement qui nous distinguent
des Américains. Un taux d'intérêt ainsi que des mesures de
financement beaucoup plus souples et une plus grande disponibilité de
fonds favorisent les manufacturiers américains tout en diminuant le
niveau des risques.
Il y a aussi les avantages fiscaux. Je vous référais
à la page 22 de notre mémoire où nous avons fait
état de certaines mesures que les Américains ont adoptées
au début de la décennie actuelle, 1970, qu'on appelait la
Domestic International Sales Corporation, et qui permettaient, si vous voulez,
à un exportateur américain d'être doté d'un avantage
de 6% par rapport à son concurrent canadien quant au prix de vente qu'il
pouvait réclamer pour son produit. Je ne parlerai pas davantage
là-dessus.
En d'autres termes, si on regarde les différentes questions de
main-d'oeuvre, d'intégration, etc., le manufacturier canadien voit une
portion importante du marché national envahie de plus en plus par des
produits importés à des prix généralement
inférieurs à ceux qu'il doit exiger. Cet avantage peut être
encore plus accentué selon que les usines américaines produisent
en deçà de leurs capacités, phénomène que
l'on a retrouvé en 1975 et en 1976, alors que l'économie
américaine connaissait une période de faible croissance et que,
par surcroît, les usines canadiennes étaient paralysées par
une grève dont, je suis sûr, vous avez entendu parler, qui a
duré six mois et qui forçait les distributeurs canadiens à
s'approvisionner aux Etats-Unis.
La conclusion de tout ça, messieurs, c'est que les prix canadiens
pour les papiers fins ne sont pas fonction des besoins ou des coûts
d'exploitation ou des normes de rentabilité des usines canadiennes ou
des usines québécoises, mais sont fonction des prix
américains, et ça, pour une industrie qui est vouée
à une vocation domestique.
Je vais vous citer certaines statistiques reliées à
l'inflation rapide des coûts pour prendre conscience de l'ampleur de ce
que cela signifie. Depuis 1969, la division des papiers fins de la compagnie a
subi des augmentations, au chapitre de la matière première et des
frais variables et semi-variables, de 124% et de 207% respectivement. Pendant
la même période, toutefois, la concurrence
étrangère, c'est-à-dire les Américains, ne lui
permettait d'augmenter ses prix de vente que de 75%, si bien que les
bénéfices ont connu une chute de plus de 220%, entraînant
ainsi une perte en 1976.
Il y a également un autre problème, c'est celui de
l'infrastructure de l'industrie. Vous vous sou-
viendrez que l'industrie canadienne s'est développée pour
satisfaire un marché national restreint qui nécessitait et qui
nécessite encore la fabrication et la commercialisation d'une
multiplicité de produits à petite consommation, 715 000 tonnes,
comparativement aux Américains, 22 millions d'habitants, comparativement
à une population qui est dix fois plus grande.
Ce n'est qu'en 1968 que cet environnement a brusquement changé,
comme je vous l'ai dit tout à l'heure, et que nous nous sommes vus en
concurrence avec les Américains.
En 1976, il y avait 35 machines à papiers fins au Canada, dont
quatorze au Québec. De celles-ci, trois peuvent être
qualifiées de modernes, et rivaliser, en partie, en ce qui concerne le
coût de fabrication, en tout cas, avec certaines machines
américaines. Trois de ces machines modernes qu'on retrouve ici, au
Québec, une à la compagnie E.B. Eddy et deux à la
compagnie de papier Rolland, à Saint-Jérôme, qu'on appelle
communément les machines sept et huit.
Les autres machines, qu'elles soient installées chez Rolland ou
chez ses concurrents, sont petites, plus lentes et beaucoup moins larges.
Evidemment, ces petites machines ne sont pas pour autant inutiles, puisqu'elles
sont axées vers la fabrication de produits spécifiques et dont la
consommation est plus faible, tel le papier monnaie ou le papier pour les
chèques. Quant aux grosses machines, évidemment, elles sont
axées sur la fabrication de papier à grande consommation. C'est
le cas des trois machines dont je vous ai parlé.
Plusieurs critiques rattachent tous les maux de l'industrie des papiers
fins à la vétusté de l'équipement. Pourquoi, de
dire ceux-ci, ne pas remplacer ces vieilles installations par des machines
modernes et axer la production sur les marchés d'exportation?
L'exportation massive ne saurait pas se faire facilement et rapidement,
même si, sur le plan de la technologie, comme je viens de vous
l'indiquer, certaines machines peuvent rivaliser avec plusieurs machines
américaines au point de vue de la production, purement et simplement. Le
coût d'exploitation des usines canadiennes, les tarifs, les transports,
interdisent l'accès à la plupart des marchés
d'outre-mer.
Pour ce qui est des Etats-Unis, le réseau de distribution des
papiers fins étant extrêmement fermé, vous vous souviendrez
que les papiers fins sont distribués, soit directement par les
fabricants, ou par l'intermédiaire de grossistes et aux Etats-Unis,
c'est extrêmement fermé, notamment à cause du
contrôle de plusieurs distributeurs américains par les grands
manufacturiers.
Il est extrêmement difficile de s'y implanter et encore moins
d'écouler des centaines de milliers de tonnes qui proviendraient des
usines canadiennes, dans l'hypothèse où on devrait axer tout sur
l'exportation.
Un investissement important dans un système de distribution et
des coûts de promotion élevés serait requis. En d'autres
termes, il ne semble pas avantageux de vendre aux Etats-Unis, compte tenu du
niveau élevé de nos coûts et des prix de vente pouvant
être exigés dans ce marché. Et souvenez-vous: industrie
domestique, non conçue pour l'exportation.
La solution à court et à moyen terme réside bien
plus, non pas dans la création de ces énormes machines, mais dans
l'amélioration de quelques machines existantes, dans la
réorientation ou l'abandon de certaines autres machines mais
parlons surtout de la réorientation d'autres machines et dans la
rationalisation et la spécialisation de la production.
Nous avons donc traité, au chapitre des difficultés, de la
question de notre incapacité à contrôler nos coûts,
les coûts de main-d'oeuvre, de l'intégration. Il y a
évidemment d'autres problèmes dont je vous fais grâce, ceux
de la spécialisation et de la législation sur les coalitions,
celui des normes antipollution, dont M. Rolland parlera dans ses
conclusions.
Voilà brièvement l'inventaire des problèmes qui
minent notre industrie. Certains critiques ont, en partie, expliqué
l'état de l'industrie des pâtes et papiers. J'ai pu en entendre
ici et donc celui des papiers fins, parce que nous y appartenons, par une
certaine satisfaction de la part de ses membres et le non-renouvellement de son
équipement.
Je crois, M. le Président et MM. les membres de la commission,
que les mesures prises par notre société sont à l'encontre
de ces critiques et prouvent qu'à moins d'un respect du caractère
de ce secteur, l'industrie des papiers fins risque son avenir à court
terme. Je vais vous expliquer les mesures que Rolland a adoptées dans ce
contexte.
D'abord, au chapitre de la capacité, nous avons installé
une nouvelle machine à papier pouvant produire plus de 40 000 tonnes par
année, au début des années soixante-cinq, et en 1975,
malgré tous les problèmes, nous avons mis sur pied un programme
visant à augmenter cette capacité une fois de plus. Ce dernier
projet, malheureusement, a dû être abandonné à cause
de difficultés financières dont je vous ai fait part et la perte
énorme que nous avons subie en 1976.
Au chapitre de l'efficacité, nous avons mis sur pied un programme
visant à réduire nos coûts variables, programme important,
qui nous a d'ailleurs amenés à être des pionniers dans le
domaine du contrôle des machines par ordinateurs.
Sur un autre plan, grâce aux efforts de nos équipes
techniques, les formules de fabrication ont été peu à peu
modifiées, permettant une plus grande utilisation de la pâte de
bois feuillu qui est moins dispendieuse. Depuis dix ans, par exemple, cette
utilisation est passée de 30% à 60%. Sur le plan de
l'efficacité de la productivité, évidemment, le programme
se poursuit.
Quant aux nouveaux produits, si la compagnie se soucie d'accroître
sa capacité de fabrication, elle ne demeure pas moins consciente de la
désuétude progressive de certaines de ses machines dont je vous
ai parlé. Un choix s'impose, éliminer ces équipements de
fabrication qui sont rempla-
ces par des machines plus modernes, fabriquées aux Etats-Unis, et
les utiliser à d'autres fins. L'objectif étant de fabriquer un
produit dont la valeur ajoutée est beaucoup plus considérable,
c'est la solution dont je vous parlais tout à l'heure. Dès 1974,
notre société a décidé de spécialiser
l'usine de Mont-Rolland pour ceux d'entre vous qui la connaissent, c'est
une petite usine dans la fabrication de papier industriel plutôt
que d'envisager la fermeture éventuelle de cette usine qui devenait
inévitable. Nous avons, à travers tous ces projets, depuis 1960,
donc en 15 ans, investi plus de $30 millions dans ces usines. N'oubliez pas que
nous sommes une compagnie vendant $100 millions. Dans la dernière
décennie, soit de 1967 à 1977, les dépenses en
immobilisation consolidées de la compagnie se sont chiffrées par
$22 millions en regard de bénéfices nets consolidés de
$11,7 millions. En d'autres termes, nous avons investi deux fois nos
bénéfices. Exprimés sous une autre forme, ces
investissements représentant 189% des bénéfices nets de la
compagnie pendant cette décennie.
Malgré cet effort et un programme de compression des frais fixes
que nous avons dû entreprendre, dernièrement, la
rentabilité des opérations de fabrication des papiers fins dans
l'ensemble est insatisfaisante et nous a empêchés de terminer
l'accélération de notre plus grosse machine dont je vous parlais
tout à l'heure. Au chapitre de la diversification, nous ne nous sommes
pas contentés simplement de rester dans la fabrication, nous nous sommes
diversifiés. C'est ainsi que nous avons investi substantiellement dans
un autre secteur, celui de la distribution des papiers fins, tant au
Québec qu'en Ontario. Tout dernièrement, en 1976, de concert avec
une société américaine, nous nous engagions dans une
nouvelle aventure, celle de l'impression et de la distribution des papiers de
transmission par la chaleur, des papiers imprégnés, des papiers
inhibiteurs, c'est-à-dire tous les papiers qui sont utilisés dans
l'industrie textile, l'industrie électrique, l'industrie du
revêtement du bois et des panneaux muraux. Alors, vous voyez que,
malgré toutes ces difficultés auxquelles nous avons fait face,
une compagnie comme la nôtre, qui est très représentative
du secteur des papiers fins, s'est quand même retournée, a investi
deux fois ses bénéfices, a diversifié ses
opérations, a augmenté sa capacité, elle peut être
considérée comme possédant deux des machines les plus
modernes de papier fin au pays et au Québec, évidemment, et elle
s'est même lancée dans des domaines de pointe quant à la
fabrication de papier industriel.
C'est un peu le tableau de nos problèmes et ce qu'une compagnie
telle que la nôtre a fait. Malgré cela, je vous ai dit que nous
avons encouru des problèmes sérieux quant à la
rentabilité.
Quelles conclusions peut-on tirer de cela parce qu'après
tout, comme commission, c'est ce qui vous intéresse quelles sont
les recommandations qui peuvent en découler? Je pense que mon
président, M. Rolland, va se charger de vous en faire part. Merci,
messieurs.
M. Rolland: M. le Président, M. le ministre, si vous me le
permettez, en résumé, nous croyons que l'industrie canadienne des
papiers fins connaît depuis quelques années une crise qui menace
son existence même. La situation découle de la structure de
l'industrie qui s'est développée à l'instar des industries
semblables à travers le monde sur une échelle nationale, en
fonction des besoins d'un marché restreint de consommateurs
dispersés à travers un vaste pays. Devrait-elle être
axée sur le marché international? Ses moyens de fabrication
seraient alors conçus d'une façon bien différente et
feraient sans doute partie d'une industrie de papiers fins
nord-américaine dominée par les Etats-Unis et située en
majeure partie au sud de nos frontières. La réduction de la
barrière tarifaire traditionnelle en 1968 a facilité les
importations de papiers fins fabriqués dans les usines axées sur
un marché dix fois plus important que le marché canadien. Depuis,
les fabricants canadiens, désavantagés au niveau des taxes, des
impôts, de la productivité, des coûts de la main-d'oeuvre,
ont perdu une partie toujours grandissante du marché national et voient
de plus le prix de leurs produits devenir fonction des prix américains
plutôt que de leurs coûts. Il s'ensuit un niveau de
rentabilité inacceptable et qui, s'il devait être maintenu, ne
pourrait justifier de nouveaux investissements. Les résultats de la
compagnie Rolland pour les années 1970 à 1973, et tout
récemment, pour les années 1975 et 1976, en sont un reflet. En
1975, nous accusions un léger bénéfice d'exploitation de
$54 000 et une perte de $2,5 millions l'an dernier. Le rendement sur le capital
est seulement de 4,6% au cours des dix dernières années.
Comment, dès lors, corriger cette situation ou, du moins,
éviter qu'elle ne s'aggrave à court terme?
Tout d'abord le pays doit s'interroger sur le bien-fondé d'une
industrie canadienne de papiers fins. Son existence mérite-t-elle
d'être sauvegardée ou préférerait-on s'en remettre
à des fabricants étrangers pour alimenter nos besoins?
La compagnie de papier Rolland croit que l'existence d'une industrie
canadienne de papiers fins est essentielle pour assurer un approvisionnement
sûr et à long terme de tous les besoins en papiers au Canada et au
Québec. Parce que cette industrie a pris une importance
économique dans les régions où elle s'est
implantée, sa disparition causerait un dommage économique
sérieux, semblable à celui dont vous avez entendu parler ce matin
ou plus tard, avant que nous passions.
Nous recommandons que des mesures soient prises et que des attitudes
soient adoptées par l'industrie, les syndicats et le gouvernement pour
assurer la rentabilité à long terme de cette industrie que
j'appelle une industrie secondaire.
A cette fin, la Compagnie de papier Rolland Ltée recommande,
premièrement, que le gouvernement provincial exige des autorités
fédérales la négociation pour le maintien des tarifs
douaniers au niveau actuel. Tant et aussi longtemps que les fabricants
canadiens ne bénéficieront pas des
mêmes avantages, au chapitre des coûts d'exploitation, que
les fabricants américains... La façon technique de le faire,
c'est de placer les papiers fins sur la liste d'exceptions du Tokyo Round dans
les négociations du GATT.
Nous recommandons également que le gouvernement provincial
insiste auprès des autorités fédérales pour la
négociation du libre accès des papiers fins canadiens au
marché américain.
La réduction des tarifs consentis par le Canada en 1967, lors des
négociations du Kennedy Round, reflétait une philosophie voulant
que les fabricants canadiens orientent progressivement leur production vers le
marché international, du moins, vers le marché
nord-américain. Or, c'est le contraire qui est arrivé, ce sont
les Américains qui ont envahi le marché canadien.
Eussent-ils disposé d'une infrastructure capable de rivaliser
avec les usines américaines, cette stratégie, sans doute, aurait
été méritoire.
Tant et aussi longtemps que les fabricants canadiens ne
bénéficieront pas des mêmes avantages que les fabricants
américains et, de ce fait, qu'ils ne pourront leur faire concurrence,
nous devrons, au minimum, maintenir les tarifs au niveau actuel. Nous devrons,
du même coup, négocier le libre accès des papiers fins
canadiens au marché américain. D'ailleurs les exportations
canadiennes ne causeront aucun préjudice aux fabricants
américains, la capacité totale canadienne ne représentant
qu'approximativement que 7% de la consommation américaine.
L'industrie du papier fin, aux Etats-Unis, est plus grosse et plus forte
que l'industrie du papier journal au Canada.
De nombreuses discussions ont eu lieu entre les représentants de
l'industrie, les autorités fédérales et les
négociateurs canadiens aux assises du Tokyo Round j'y suis
allé personnellement mais on ignore toujours la position
qu'adoptera le Canada en cette matière.
Cet état de fait est d'autant plus sérieux que
l'industrie, en proie à des difficultés financières, peut
ainsi difficilement planifier à long terme.
Une réduction importante des tarifs aurait pour effet, à
long terme, de rendre le Canada dépendant des Etats-Unis ou de tout
autre pays pour l'obtention du papier nécessaire à l'impression
de ses manuels scolaires, de ses livres, de ses revues. On se souviendra des
problèmes d'approvisionnement qu'ont connus, en 1974, les imprimeurs et
les distributeurs du Québec qui avaient choisi de s'approvisionner chez
les Américains et qui se sont retrouvés soudainement face
à une carence de produits importés.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial
incite les autorités fédérales à favoriser les
ententes permettant aux fabricants canadiens de rationaliser et de
spécialiser leur production. Selon la loi qui est actuellement
proposée par le gouvernement fédéral, si cette chose
arrivait, on perdrait la production tarifaire automatiquement. Imaginez ce qui
nous arriverait!
Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial
adopte des mesures pour restreindre la psychologie inflationniste qui a cours
et pour encourager les syndicats à revendiquer des conditions de travail
compatibles avec les moyens de l'entreprise, sans quoi l'écart
marqué de plus de 21% qui existe entre la rémunération
totale d'un ouvrier canadien dans l'industrie du papier fin et celle d'un
ouvrier américain risque d'être accentué. Si ce niveau des
salaires est le résultat de conventions collectives
négociées entre syndicats et employeurs, il n'en reflète
pas moins une expectative qui est nourrie par des traitements accordés
aux membres de la fonction publique et des organismes parapublics.
Les différents niveaux de gouvernement et de nombreux employeurs
du secteur privé ont trop souvent, depuis plusieurs années,
abdiqué leur rôle en accordant rapidement à leurs
employés des hausses de salaires et des conditions de travail qui
étaient incompatibles avec leurs moyens financiers.
Comment, dès lors, dans un tel environnement, inciter les
employés à aligner leurs demandes sur la capacité de payer
de l'entreprise et sur ses besoins financiers pour assurer le maintien du
niveau des emplois. Le Canada et le Québec vivent tous deux
au-delà de leurs moyens. Il est urgent que le gouvernement provincial
adopte des mesures pour restreindre la psychologie inflationniste qui a cours
et pour encourager les syndicats à revendiquer des conditions de travail
compatibles avec les moyens de l'entreprise.
J'ai trois recommandations fiscales: Que le gouvernement provincial
maintienne le régime d'amortissement accéléré,
approuve dès l'année d'imposition 1977 une allocation de 3% de la
valeur des inventaires d'une société au début d'un
exercice financier comme le fédéral le fait, et accepte pour fins
d'imposition l'amortissement indexé des immobilisations d'une
entreprise. Les fabricants canadiens doivent bénéficier des
mêmes avantages que leurs concurrents américains. Nous souscrivons
donc au maintien du régime d'amortissement
accéléré, des dégrèvements d'impôt
spéciaux accordés aux entreprises dans leur coût de
remplacement des inventaires et des autres actifs qui ont été
frappés par l'inflation.
Huitièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial
fixe des échéanciers ayant trait à l'assainissement des
effluents industriels en tenant compte des moyens financiers des entreprises et
des programmes imposés aux municipalités qui ne sont pas
toujours compatibles et synchronisés pour les effluents
domestiques et, de plus, qu'il accorde un dégrèvement
d'impôt pour tout investissement qui sera fait dans ce secteur.
Neuvièmement, nous recommandons que le gouvernement provincial
mette sur pied un programme visant à encourager les fabricants de papier
fin à spécialiser leur production, à diminuer leurs
coûts de fabrication par la modernisation de certaines machines
existantes et à réorienter leurs plus vieilles machines vers la
fabrication de produits dont la valeur ajoutée sera encore plus grande.
Nous avons déjà commencé cela à
Mont-Rolland, comme mon collègue vient de vous le dire, à
un coût d'environ $5 millions. Cette aide gouvernementale doit se faire
au moyen de dégrèvements d'impôt pour investissements
disponibles pour tous, ou de subventions dont les critères sont
fixés soigneusement et consacrent le rôle moteur du secteur
privé dans la direction de ces projets. Le rôle principal du
gouvernement devrait être de créer un climat politique et social
favorable au développement économique. La création d'une
super usine spécialisée pouvant rivaliser avec les géantes
industries américaines pourrait déclencher, à court terme,
une guerre de prix, sans assurer à long terme, aux consommateurs
canadiens, l'approvisionnement de nombreuses qualités de papier.
Finalement, nous recommandons que le gouvernement provincial encourage
l'achat de produits fabriqués au Canada, par le biais de tous les
ministères et organismes relevant de sa juridiction, telles les
commissions scolaires, les municipalités, les sociétés de
la couronne, etc. Je dois vous dire qu'à l'occasion des fêtes de
la Saint-Jean-Baptiste nous avons reçu différentes lettres
d'organismes qui se servaient de papier américain pour nous encourager
à bien célébrer la Saint-Jean.
Nous appuyons les politiques visant à encourager l'achat des
produits fabriqués au Canada. Au chapitre des papiers fins, toutefois,
cette politique ne nous semble pas toujours suivie. Certaines commissions
scolaires du Québec ne distribuent-elles pas à leurs
élèves des textes imprimés sur du papier
étranger?
Avant de terminer cette présentation, je désirerais
commenter très brièvement les avantages permanents dont nous
bénéficions et qui peuvent nous permettre de profiter des
occasions qui s'offrent à nous. D'abord, l'existence du marché
national axé sur Toronto et Montréal, deux centres d'accès
faciles pour nos usines. Ensuite, les machines à papier raisonnablement
modernes, surtout nos deux dernières machines, 7 et 8, installées
en 1957 et 1965. Troisièmement, le personnel de cadre, les
employés horaires dont les connaissances techniques sont inestimables.
Finalement, le coût favorable de l'électricité. Dans
l'immédiat, deux facteurs favorables nous permettent d'éliminer
progressivement la série de déficits trimestriels la plus longue
et la plus critique de l'histoire de notre compagnie. Je réfère
en premier lieu à la baisse importante du dollar canadien qui
représente une barrière temporaire qui nous protège contre
les importations en provenance des Etats-Unis.
Il ne faut pas ignorer, cependant, que la chute du dollar canadien est
une indication certaine, de la part du monde extérieur, que nous vivons
au-dessus de nos moyens.
Le deuxième facteur favorable récent, découlant
quand même un peu du premier ainsi que du raffermissement du
marché américain, fut une augmentation de nos prix de vente, la
première depuis novembre 1974, soit depuis plus de deux ans et demi. De
concert avec le gouvernement sur les points que nous lui avons soumis, nous
tenterons de résoudre chaque problème. La menace de diminution de
tarifs, l'inflation, notre tendance comme individus, comme industries, comme
gouvernement et comme nation à vivre au-dessus de nos moyens demeurent
dans notre esprit, comme étant les plus importants.
Nous comptons que les actions du gouvernement du Québec, dans le
secteur des papiers fins, tiendront compte des caractères particuliers
et différents de notre industrie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs, je vous remercie beaucoup. Il est maintenant 23 h 10, ou presque. La
commission se doit d'ajourner ses travaux. Auriez-vous objection à
revenir demain matin, à 10 heures, pour la période des
questions?
M. Rolland: Non, cela nous ferait plaisir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela
vous ferait plaisir. Je vous donne rendez-vous demain matin à 10 heures.
Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 23 h 7)