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Etude des problèmes de
rentabilité
de l'industrie des pâtes et papiers
du Québec
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission des richesses naturelles et des terres et forêts se
réunit aujourd'hui. Les membres de la commission pour la présente
séance sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M.
Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en
remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Vaillancourt (Orford) en
remplacement de M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Grenier
(Mégantic-Compton) en remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M.
Grégoire (Frontenac), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) en remplacement de M.
Joron (Mille-Iles); M. Mailloux (Charlevoix) en remplacement de M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis
(Matapédia), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin) et
M. Perron (Duplessis).
J'aimerais également donner la liste de nos invités
aujourd'hui; en premier lieu, nous entendrons la compagnie de papier Abitibi
Price Limitée; deuxièmement, la Fédération des
travailleurs forestiers du Québec; troisièmement, F.F. Soucy Inc.
et F.F. Soucy Associés, le Conseil économique d'Amos Inc., la
Corporation de développement industriel et commercial de la
région de Val-d'Or, en espérant que nous pourrons, messieurs,
vous entendre tous.
J'aimerais également rappeler aux membres de la commission que,
suite à un consentement unanime intervenu entre les partis politiques,
une période de deux heures est allouée pour la
présentation du mémoire et les questions à chaque
intervenant.
Là-dessus, j'invite la compagnie Abitibi... Oui, M. le
député de Mégantic-Compton?
M. Grenier: Pour l'horaire de la journée, M. le
Président, je vois qu'on a mis la compagnie Abitibi au début,
puis la Fédération des travailleurs forestiers du Québec,
et on continue; est-ce que je dois me rappeler que ce sont des gens dont on a
remis le tour lors de la dernière réunion ou s'il s'agit de
nouveaux mémoires qu'on amène? Ce ne sont pas des gens qui
étaient en retard, je ne pense pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce sont
des gens déjà convoqués pour le 11 octobre.
M. Grenier: Pour le 11 octobre. Bon! J'ai une information
à demander. J'ai un premier horaire disant que la compagnie Domtar
d'East Angus et le comité ad hoc faisaient partie de l'horaire du 11
octobre et on voit que c'est reporté au 13 octo- bre. Ce qui
m'inquiète, c'est qu'ils sont presque les derniers et avant-derniers.
Est-ce que je peux savoir du président, ce matin, s'il y aura d'autres
journées d'auditions, parce que j'ai peur qu'on accumule assez de retard
aujourd'hui et demain pour en arriver jeudi à ne pas pouvoir entendre
ces mémoires.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, j'ai été
informé que si la commission n'avait pas entendu tous les
mémoires cette semaine, elle siégerait de nouveau la semaine
prochaine.
M. Grenier: Est-ce que vous avez une assurance certaine?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Evidemment, ce n'est pas le président de la commission qui décide
si la commission va siéger ou non, mais j'ai une certaine assurance que
la commission pourrait siéger à nouveau.
M. Grenier: M. le Président, j'aimerais rappeler à
votre attention que je trouve un peu étrange qu'on reporte ces deux
mémoires à la fin des études, non pas que les autres ne
soient pas importants aussi, mais on reporte ces mémoires à la
fin des séances.
Je sais que dans d'autres commissions vous en avez
été témoin, M. le Président il y a des
mémoires tout aussi importants que ceux-là qu'on n'a jamais
entendus. Je ne voudrais pas que ce soit le sort de Domtar d'East Angus et du
comité ad hoc, parce que, ce matin, on jugeait sur les ondes que
c'étaient là des comités jugés très
prioritaires, des comités importants. Je ne voudrais pas que ce soit
leur sort de ne pas les entendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, d'abord, vous devez savoir que
la présidence n'est pas celle qui convoque les organismes selon un ordre
établi, mais, au contraire, le secrétariat des commissions.
D'autre part, on m'assure que la commission continuera à siéger
la semaine prochaine, de telle sorte que nous avons de bonnes raisons de penser
que tous les mémoires pourront être entendus.
M. Grenier: Je vois que le ministre fait signe de la tête.
Est-ce que le ministre pourrait nous rassurer afin que ce soit inscrit au
journal des Débats, qu'on pourra entendre au moins ces deux
mémoires que je rappelle ce matin?
M. Bérubé: Oui, il m'apparaît, effectivement,
que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour entendre au moins ces deux
mémoires. Je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi on ne pourrait pas se
rendre jusqu'à la fin de notre programme.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'invite
maintenant les représentants ou le représentant de la compagnie
Abitibi-Price à prendre la parole et, s'il vous plaît, nous
présenter ceux qui l'accompagnent.
Compagnie de papier Abitibi-Price Ltée
M. Labrecque (Alexandre): M. le Président, c'est avec
plaisir que je serai appelé à présenter le mémoire
du groupe Abitibi-Price formé des compagnies Abitibi et Price. Je
m'assois à cause des exigences du micro, et avec votre permission. A ma
gauche, je vous présente M. Bell, qui est le président du conseil
d'administration de la compagnie de papier Abitibi et il est en même
temps le chef de la direction de la compagnie; à ma droite, je vous
présente M. Charles Tittemore, qui est le président de la
compagnie Price et, en même temps, son chef de la direction; à la
droite de M. Tittemore se trouve M. Harry Rosier qui s'épelle
exactement comme rosier, cela doit venir des îles de la Manche de
toute façon, M. Harry Rosier est le président de la compagnie de
papier Abitibi; à la gauche de M. Bell, se trouve le secrétaire
de la compagnie Price, son nom est M. Le-Bouthillier. M. LeBouthillier aura
comme fonction additionnelle d'interpréter, de traduire vos
délibérations à M. Bell, qui a une connaissance bien
insuffisante de la langue française; M. Marc Parent, qui est
immédiatement à droite de M. Rosier, est le secrétaire
adjoint de la compagnie Price. H remplira aussi les mêmes fonctions
d'interprète, évidemment, dans le plus grand silence, et sans
aucunement déranger nos délibérations, auprès de M.
Rosier, qui, lui, ne connaît rien du français.
M. le Président, messieurs, cette commission parlementaire vient
bien à son heure. La situation du Québec sur les marchés
mondiaux de pâtes et papiers est difficile. Nul doute, comme le dit la
déclaration ministérielle établissant le cadre des
activités de la commission, que nous sommes en présence d'un
effritement constant, depuis quelques années, de ce qui fut autrefois,
il y a 20 ans environ, une position dominante du Québec, surtout dans le
domaine du papier journal. Le gouvernement mérite des
félicitations pour son initiative. Il est temps, il est grandement temps
que toutes les parties intéressées se penchent sur ce
problème de détérioration, s'interrogent sur les causes et
se concertent ensemble sur la nature des remèdes qui s'imposent.
Abitibi et Price vous présentent un mémoire conjoint.
Leurs problèmes, dans le Québec, sont similaires. Leurs
intérêts, partout où ils font affaires dans le monde, sont
beaucoup plus convergents que divergents. Ils désirent éviter
aussi les répétitions d'énoncés qui auraient
résulté de mémoires séparés.
L'invitation de comparaître fut aussi adressée à une
compagnie qui s'appelle Price Wilson. Cette compagnie est une filiale à
100% de Price. L'invitation fut également adressée à la
compagnie Gas-pésia Limitée, qui est la propriété
à 51% de Price et à 49% du New York Times, des Etats-Unis. Le
présent mémoire conjoint du groupe Abitibi-Price est donc un
mémoire présenté au nom de toutes ces compagnies, soit
Abitibi, soit Price, soit Price Wilson, soit Gaspésia.
Messieurs, qui, en fait, sont Abitibi et Price? Vous les connaissez
tous; un peu, j'en suis certain. Mais il me semble à propos de donner
quelques faits qui me paraissent pertinents à vos présentes
délibérations et cela facilitera aussi la compréhension du
mémoire conjoint de ces énoncés, de ces recommandations.
Abitibi, de son vrai nom Compagnie de papier Abitibi Limitée, est une
compagnie fédérale canadienne incorporée en 1914. Ses
actions sont inscrites et se transigent aux bourses de Montréal, de
Toronto et de Vancouver. C'est une compagnie on ne peut plus publique. Elle
dénombre plus de 20 000 actionnaires, dont près de 5000
résident dans notre belle province, dont plus de 95% résident
dans toutes les provinces du Canada, y compris le Yukon et les Territoires du
Nord-Ouest. Il n'y a donc pas un endroit du Canada qui ne participe à la
propriété de la Compagnie de papier Abitibi.
Elle a plus de 25 000 employés, dont 1300 environ au
Québec. Elle fabrique du papier journal, des papiers fins, du papier
d'impression, des pâtes kraft, au bisulfite mécanique, du bois
d'oeuvre, des agglomérés, des contre-plaqués et
revêtements, des contenants en carton ondulé, des enveloppes et
des fournitures pour écoles, bureaux, etc. L'une de ses sept usines de
pâtes et papiers se trouve ici tout près de nous à
Beaupré. Une autre se trouve au Manitoba, à Pine Falls, et,
enfin, une troisième se trouve en Géorgie, aux Etats-Unis. Le
reste se situe en Ontario.
La fabrication d'agglomorés de parements, de revêtements se
fait surtout aux Etats-Unis dans les Etats du Michigan, de la Floride, de
l'Illinois, de la Californie, de I'Indiana, de la Caroline du Nord. Une seule
de ces usines de matériaux de construction se trouve en Ontario.
Son bois d'oeuvre est produit dans quatre scieries, toutes
situées en Ontario. Abitibi détient 40% de participation dans la
mine Mattabi Mines, qui se trouve près de Sturgeon Falls, en Ontario.
C'est une très importante entreprise minière, sise sur les
propriétés de l'Abitibi, produisant surtout du zinc, mais du
cuivre aussi, ainsi que du plomb et de l'argent. A la fin de 1976, les
réserves de minerai s'élevaient à 6,5 millions de tonnes.
Abitibi fait beaucoup d'affaires dans le Québec. Pour ce qui regarde le
secteur des pâtes et papiers, elle est implantée dans le
Québec depuis 1928, alors qu'elle a acquis l'usine que je viens de
mentionner, de Beaupré. Abitibi a son siège social à
Toronto et son conseil d'administration dénombre seize membres.
Price est née à Québec en 1816 dans la ville de
Québec, ici même. Elle y maintient depuis toujours son
siège social. Elle fut fondée par le premier William Price
il y en a eu un autre celui qui fut le premier à apporter le
commerce et l'industrie au Saguenay-Lac-Saint-Jean. D'un commun accord, la
population l'a béni du titre "le père du Saguenay". Cela, la
compagnie ne l'a jamais oublié. Nous voudrions suivre fidèlement
les
traces de celui qui a ouvert cette belle, cette dynamique région
qui parle avec beaucoup plus d'intensité que normalement on s'attendrait
d'une population de 250 000 personnes. Price fabrique du papier journal, du
bois d'oeuvre, des papiers spéciaux à base de pâte
mécanique, une gamme très variée de papier kraft et des
cartonnages, des sacs, des papiers d'emballage, des serviettes, des cartons
pliants et autres articles spéciaux pour l'emballage.
Price possède quatre usines de pâtes et papiers au
Québec, une à Terre-Neuve et détient 50% de participation
dans une machine très moderne, dans une localité qui s'appelle
Deridder, en Louisiane. Elle a trois scieries au Québec, dont la
capacité totale est d'environ 225 millions de pieds. Entre
parenthèses, je dois signaler une erreur de copiste qui a dû faire
mal à l'estimé ministre des Terres et Forêts; on n'a pas
mentionné à la page 9 du mémoire et je vous
prierais de faire la correction qui s'impose une scierie dont nous
sommes bien fiers, sise dans son comté de Matane et qui se trouve dans
le village de Price. Excusez-nous, M. le ministre!
Price a au-delà de 6500 actionnaires dont plus de 95%
résident au Canada, encore une fois dans toutes les provinces du Canada,
y compris le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Ses actions se transigent
sur les Bourses de Montréal et de Toronto. Price emploie 10 000
personnes, plus ou moins, dans le Québec. Elle paie en salaires et gages
environ $90 millions par année. Price, elle aussi, possède une
mine qui a été très active, qui lui a rapporté de
beaux bénéfices au cours des années. Malheureusement, la
mine s'épuise. Le minerai n'existera plus, à moins qu'on n'en
découvre une autre, d'ici la fin de 1978-1979. Cette mine se trouve dans
une aire extrêmement riche, disent les géologues et les
ingénieurs miniers, une des terres minières les plus riches au
Canada. Elle se trouve à Terre-Neuve, au centre. L'on s'évertue
vous me croirez, j'en suis certain très activement depuis
une quinzaine d'années à tenter de trouver de nouveaux
dépôts de minerai.
Je me propose maintenant, M. le Président et les membres de la
commission parlementaire, de vous lire le résumé du
mémoire conjoint qui commence à la page I et qui se continue
jusqu'à la page IX. Ce mémoire d'Abitibi-Price contient des
données de base à l'appui des positions prises et des mesures
recommandées pour que l'industrie et le gouvernement puissent agir d'une
façon positive sur les perspectives d'avenir de l'industrie des
pâtes et papiers du Québec. Abitibi-Price a la conviction que
l'instauration d'un climat de compréhension et de collaboration dans les
relations entre l'industrie et le gouvernement en matière d'inflation,
de relations syndicales, d'environnement, d'approvisionnement en fibres,
d'équité fiscale, etc., permettrait à chaque entreprise de
l'industrie forestière du Québec d'assurer sa position
concurrentielle.
Le mémoire développe les points saillants suivants: 1- Les
augmentations des prix ne peuvent pas à elles seules ramener les
entreprises à un niveau de rentabilité suffisant. Le
désavantage subi par le Québec au point de vue des coûts,
qui s'élève à environ $40 par tonne dans le cas du papier
journal par comparaison au sud des Etats-Unis, est le problème le plus
important qui se pose aux syndicats, à la direction des entreprises et
au gouvernement. Cet effort de réduction des coûts peut englober
la cessation des exploitations non viables, le cas échéant. 2- La
formation de grandes entreprises industrielles, comme celle résultant de
la prise de contrôle de Price par Abitibi, permet d'améliorer le
rapport coût-efficacité par la rationalisation, l'unification des
efforts et le regroupement des ressources humaines, financières et
physiques. De plus, cette entreprise peut s'avérer avantageuse à
la fois pour les employés, les actionnaires, les clients et le public en
général. 3- Pour assurer aux compagnies une source
concurrentielle d'approvisionnement en fibres, le gouvernement pourrait,
notamment: maintenir le flottage comme moyen de transport, sa consommation
d'énergie étant nulle. Autrement, Abitibi-Price devrait
transporter son bois par camion et engager des frais de $8 millions chaque
année, en plus d'immobilisation de l'ordre de $15 millions à $20
millions. Assumer le coût de la construction et de l'entretien des voies
d'accès aux forêts pour réduire les coûts de
l'industrie d'environ $8 le cunit et pour lui accorder des avantages identiques
à ceux dont jouissent nombre de ses concurrents du sud des Etats-Unis.
Eliminer les taxes de route sur l'essence et l'immatriculation pour tous les
véhicules qui ne circulent pas sur les voies publiques.
Accorder des ententes à plus long terme sur la tenure
forestière afin de permettre aux compagnies de planifier les coûts
d'une façon efficace et de les encourager à partager avec le
gouvernement la responsabilité de la gestion des forêts, y compris
la restauration forestière ainsi que la recherche en sylviculture et en
génétique forestière afin d'améliorer le rendement
à l'acre. Travailler en collaboration étroite avec l'industrie
pour tout changement significatif de politique qui pourrait avoir un effet sur
les coûts et l'approvisionnement en fibres.
Dans le domaine des coûts de la main-d'oeuvre et des relations de
travail, l'industrie devrait, à l'instar d'Abitibi-Price et d'autres
entreprises, entamer avec ses entreprises un dialogue franc et permanent, de
façon que les deux parties soient constamment au courant des
problèmes sociaux et économiques plutôt que d'en parler
uniquement pendant les négociations lorsque le climat ne se prête
pas à un examen objectif. On devrait s'opposer à tout
règlement excessif avec les travailleurs du secteur public, compte tenu
de leur effet d'entraînement sur les attentes des employés dans le
secteur privé.
Le vote secret sous surveillance du gouvernement devrait être
obligatoire pour tous les scrutins concernant le règlement ou le
déclenchement d'une grève. Les programmes d'assistance sociale,
tels que l'assurance-chômage, devraient être surveillés
attentivement afin d'éviter les abus qui
entrent en conflit avec les efforts de recrutement des employeurs. Le
gouvernement, les travailleurs et l'industrie devraient discuter des
améliorations à apporter à la législation du
travail dans l'intérêt de toutes les parties et afin de
réduire l'incidence des grèves.
L'avantage de 10% accordé aux usines américaines, il y a
plusieurs années, dans les tarifs de transport international a
augmenté à un tel point qu'une comparaison du prix de transport
du papier journal fabriqué dans le Sud des Etats-Unis avec celui du
Québec donne maintenant un écart d'environ $15 la tonne. Cette
hausse s'est produite en dépit de tous les efforts
déployés par l'industrie et le gouvernement, par des
études sur les modes de distribution et des démarches devant les
tribunaux régissant le transport.
Toutefois, nous devons persévérer et continuer à
faire preuve de vigilance afin que la politique fédérale du
transport impliquant le Canadien national n'entraîne pas
l'établissement de tarifs néfastes pour l'industrie des produits
forestiers.
Le seul avantage concurrentiel du Québec pouvant atteindre
$7 la tonne de papier journal réside dans le prix de
l'énergie hydroélectrique. Les tarifs
décrétés par les autorités devraient
protéger cet avantage. Les compagnies doivent poursuivre leurs
programmes de conservation d'énergie. L'objectif d'Abitibi-Price est une
réduction de 12% de sa consommation d'énergie en 1980 par rapport
à 1972. Toutes les techniques rentables de substitution des
hydrocarbures par des déchets de bois doivent être
exploitées.
La fiscalité est le principal outil dont dispose le gouvernement
pour influencer la position concurrentielle de l'industrie en s'assurant que le
régime fiscal ne pénalise pas les producteurs
québécois par rapport à leurs concurrents. De plus,
Abitibi-Price estime que des stimulants économiques d'ordre
général comme l'élargissement des déductions
fiscales relatives aux investissements, des allégements fiscaux aux fins
de recherche et de développement, de recherches et d'application de
solutions aux problèmes de pollution, etc., correspondent beaucoup mieux
au rôle véritable du gouvernement que les subventions ou d'autres
formes de participation directe dans le secteur privé.
Toute forme de participation directe comporte de sérieux conflits
d'intérêts engendrés par: la partialité à
l'égard de certains projets ou de certaines régions, le
gouvernement devenant effectivement concurrent de l'entreprise privée;
l'injustice subie par les actionnaires, qui sont aussi des contribuables,
lorsque le gouvernement utilise le produit de l'impôt pour s'engager
directement dans la modernisation d'usines ou la construction de nouvelles
installations en faveur de compagnies autres que celles qui appartiennent
à ces actionnaires; l'établissement éventuel de droits
compensateurs par les gouvernements étrangers.
Les problèmes de l'environnement doivent être
traités en collaboration par l'industrie et le gouvernement en essayant,
à long terme, de préserver les emplois existants, tout en
remédiant à ces problèmes.
Pour réaliser ces objectifs, i! faut établir des
priorités et fixer des échéances pour chaque usine, en
fonction des contraintes techniques et financières, ainsi que de la
capacité d'assimilation de l'environnement.
Les différents ministères devraient maintenir un dialogue
constant pour éviter le chevauchement des initiatives individuelles; les
ministères devraient aussi communiquer avec l'industrie, de façon
à identifier et à préciser les tendances qui, sans
intervention, pourraient l'empêcher d'agir en temps opportun ou devenir
des obstacles majeurs au progrès.
Quant au secteur du papier journal proprement dit, lorsque le programme
d'immobilisation de $25 millions, à Jonquière, sera
terminé, toutes les usines de pâtes et papiers d'Abitibi-Price au
Québec auront atteint un niveau concurrentiel au point de vue technique.
Toutefois, la rentabilité des installations de papier journal
d'Abitibi-Price subira, comme le reste de l'industrie québécoise,
l'effet négatif du coût du bois, de la main-d'oeuvre, du transport
et de la fiscalité.
A l'avant-garde des travaux de recherche sur la pâte
mécanique, Abitibi-Price estime que le procédé
thermomécano-chimique permettrait d'améliorer la qualité
du papier et l'efficacité des machines et possède ie potentiel
voulu pour réduire la pollution grâce à la
possibilité d'éliminer la pâte chimique comme composante du
papier journal.
Cependant, toutes les possibilités de ce procédé
thermomécano-chimique n'ayant pas été établies,
l'investissement important nécessaire à son application n'est pas
justifié. Il reste à trouver une solution au niveau
élevé des dépenses en immobilisation et des frais
d'exploitation, surtout en matière de consommation d'énergie,
à accroître son adaptabilité aux procédés
d'impression offset, lithographique et de rotogravure ainsi qu'à rendre
ce papier utilisable sur tous les types de presses à imprimer.
D'après les prévisions d'offre et de demande de papier
journal sur le marché mondial, notre capacité de production sera
suffisante jusqu'en 1985, compte tenu des immobilisations prévues et des
possibilités d'accroître la vitesse des machines à papier.
Seulement pour ces raisons, toute construction de nouvelles installations
serait injustifiée. De plus, pour que de nouvelles installations soient
rentables, le papier journal qui y serait produit devrait être vendu $475
la tonne comparativement au prix actuel de $305 la tonne. Une telle
augmentation serait à la fois irréalisable et
indésirable.
En ce qui a trait au bois d'oeuvre, secteur de portée
internationale, Abitibi-Price estime qu'à cause de la quantité et
de la qualité insuffisante des grumes de sciage du Québec, il
faut faire preuve de prudence face à l'expansion de la capacité
de sciage au Québec et à la poursuite des activités des
usines désuètes au point de vue technologique ou
économique. Le maintien de ces usines mettrait en péril la
situation déjà délicate des scieries rentables et,
conséquemment, l'industrie tout entière, car cela
entraînerait l'utilisation des gru-
mes de sciage de façon inefficace et contribuerait à
maintenir les prix à un niveau insuffisant en période de
surproduction.
En dépit des incidences sociales parfois sérieuses d'une
cessation de production et de l'absence d'une solution toute faite, il faut
également éviter les conséquences économiques
graves qui découleraient de la continuation d'opérations non
rentables avec l'appui du secteur privé ou public. A long terme,
l'industrie québécoise du bois d'oeuvre devra incontestablement
songer à tirer profit des avantages économiques découlant
de l'intégration des scieries avec des usines de pâtes utilisant
des copeaux pour faire face à la concurrence internationale.
M. le Président, messieurs, j'arrive au terme de mes remarques.
Je voudrais tout simplement ajouter le mot de la fin. Notre industrie des
pâtes et papiers au Québec décline graduellement,
per-ceptiblement, depuis des années. C'est notre ferme conviction,
à nous, de l'Abitibi et de Price, que cette détérioration
est due à l'incapacité dans laquelle notre industrie se trouve de
pouvoir concurrencer à armes égales tous les producteurs
mondiaux. Pourquoi notre industrie éprouve-t-elle cette
difficulté de rivaliser avec ses concurrents? Tout simplement parce que
ses coûts de revient et ses coûts de transport
s'élèvent trop rapidement par rapport à ceux de ses
concurrents. On ne le dira jamais assez. La concurrence sur les marchés
du monde est brutale, est intense, et n'a jamais de cesse. Québec,
tantôt, doit faire face à des producteurs étrangers mieux
équipés qu'il ne l'est, ou tout aussi bien équipés,
tantôt à des marchés difficiles d'accès, à
cause du coût de transport trop élevé, tantôt
à une politique de protectionnisme de certains pays. On l'aura
bientôt pour la France. J'ouvre une parenthèse, la France vient de
terminer sa propre commission parlementaire sur les problèmes beaucoup
plus sérieux que les nôtres affligeant son industrie et qui sont
d'une nature tout à fait différente. La France a qualifié
son industrie d'exsangue. Elle s'est penchée, par priorité, sur
la nécessité, dit-elle, d'avoir chez elle sa propre production de
papier journal, de façon à pouvoir desservir les moyens culturels
et tous les moyens d'affaires. L'opinion publique a besoin de papier pour
transmettre et véhiculer ses idées et la France ne veut
être l'esclave d'aucun autre pour son approvisionnement. Alors, la
conclusion à laquelle elle en est arrivée, c'est de promouvoir sa
propre industrie. Pour nous, c'est un client qui devenait de plus en plus
important. Bientôt, nous verrons probablement une politique de
protectionnisme nous fermant ce marché à jamais. Québec
devra donc faire face tantôt à des pays qui implantent chez eux
une production domestique avec les techniques financières de pays
développés tels que le Canada. Le Québec, s'il
désire garder ses marchés et les développer, doit
être en mesure de s'assurer que son coût de fabrication est le plus
bas et, à tout événement, jamais plus élevé
que celui de ses concurrents les plus redoutables.
Voilà, à notre avis, la vérité
première. Vous savez, il y a tellement d'arbres dans ces
problèmes qu'on ne voit pas la forêt. La forêt, la
vérité première, c'est que nos coûts sont trop
élevés. C'est cette vérité première qui doit
guider nos pas dans la recherche des remèdes possibles à cette
détérioration, non pas encore alarmante, mais qui cause
sûrement de l'inquiétude.
Si nous ne souscrivons pas d'emblée à cette
réalité, si nous n'en avons pas la ferme conviction, messieurs,
il vaudrait mieux abandonner la partie, car le problème du redressement,
de la correction des coûts est immense, parce qu'il est varié et
qu'il est complexe. Il y a le coût du bois et de tous les facteurs qui en
constituent les composantes. Il y a le coût de la main-d'oeuvre, tant
forestière que dans l'usine. Il y a le coût de la livraison des
matières premières. Il y a le coût de la livraison du
produit fini. Il y a le coût des taxes. Il y a le coût des
redevances. Il y a le coût de l'inflation. Il y a le coût d'une
productivité accrue. Il y a le coût de la lutte antipollution et
que sais-je encore.
L'attaque doit se mener résolument sur tous les fronts à
la fois, car agir dans un secteur ou quelques-uns d'entre eux ne donnera aucun
résultat tangible. Comme vous le voyez, le problème est vaste, il
est compliqué, mais il est peut être résolu. Il peut
l'être à la condition sine qua non que toutes les parties
intéressées en soient convaincues. Je le répète,
les coûts excessifs sont la cause première de nos
difficultés. Une partie intéressée, qu'il s'agisse de
l'entreprise, de l'employé, de l'employeur, du fournisseur du bois, ne
peut seule suffire à cette tâche. Il faut une concertation des
volontés. Qui obtiendra cette concertation? Qui a la plus grande
crédibilité auprès de toutes les parties
intéressées, avec tous leurs intérêts
contradictoires et divergents? Qui est l'arbitre? Qui peut être le
catalyseur? Je n'en vois pas d'autre que l'Etat. C'est lui seul qui peut
convaincre toutes les parties intéressées qu'il faut, d'un commun
effort, mettre tous l'épaule à la roue.
M. le Président, messieurs, voilà le message qu'Abitibi et
Price désiraient apporter à vos séances d'information et
à vos délibérations. Vous vous penchez actuellement sur un
problème des plus graves pour toute l'économie de la province,
à savoir la survie de sa première et de sa plus importante
industrie. Vos délibérations, je dois vous féliciter, j'y
ai assisté depuis le début, sont marquées au coin de la
plus grande objectivité. Je vous souhaite, au nom des deux compagnies,
un plein succès. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Labrecque. Pour poser les premières questions, je cède la
parole à un fils du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le député du
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Merci, M. le Président. Tout d'abord, une
remarque, en commençant, sans vouloir amorcer avec vous, M. Labrecque,
une controverse sur les origines, l'histoire régionale, je dois quand
même vous signaler que si on peut affirmer à bon droit que la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a été, en grande partie,
ouverte grâce à William Price, il faut peut-être aussi
souligner qu'il
était accompagné d'un bon nombre de bûcherons et de
scieurs de long québécois.
Je vous remercie d'avoir bien voulu déposer un mémoire
devant cette commission. C'est d'autant plus important, pour nous de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de l'équipe régionale
je sais que le président, député du comté de
Jonquière, voudrait sans doute poser les mêmes questions que moi
que, dans la région, depuis 1974, depuis la célèbre
transaction, nous avions réclamé, surtout par la voix du
député de Chicoutimi alors, Marc-André Bédard, la
tenue d'une commission parlementaire afin d'analyser, d'étudier tous les
aspects de cette transaction, d'en étudier et d'en analyser
également l'impact sur les installations de Price en particulier dans la
région.
J'aurais beaucoup de questions à ce sujet, vous le comprendrez.
J'espère obtenir des réponses; je suis convaincu que j'obtiendrai
des réponses, puisque le fait que vous ayez décidé de
déposer un mémoire nous indique que vous avez la volonté
d'apporter tout l'éclairage nécessaire sur ce que vous appelez
cette intégration des activités de Price et d'Abitibi.
Par exemple, mes premières questions portent sur ce que l'on peut
appeler les centres de décision. On sait qu'avant la transaction, la
compagnie Price avait son siège social à Québec. Son
conseil d'administration y siégeait; sa direction et ses cadres y
travaillaient. Suite à ce que vous appelez l'intégration, quels
sont les réaménagements d'ordre administratif qui ont
été apportés? Je sais, par exemple vous me
corrigerez si je me trompe qu'on a créé, je pense, quatre
directions générales pour les deux sociétés, dans
le domaine de l'exploitation, du bois d'oeuvre, du papier journal et des
services. Quels sont les réaménagements administratifs qui ont
été apportés à la suite de cette
intégration, comme vous l'appelez, et quel impact ces
réaménagements administratifs ont-ils eu sur la compagnie Price
comme telle?
M. Labrecque: Votre question, M. Brassard, est bien prise, elle a
plusieurs facettes. Parlons de centres de décision. Je n'ai jamais vu de
définition du mot, mais je pense bien que les termes eux-mêmes
sont suffisamment explicites. Où se trouve le centre de décision
de Price? La réponse: Québec, au siège social où
siège et a toujours siégé l'autorité suprême
de Price, soit son conseil d'administration. La stratégie, les
décisions dans quelque domaine que ce soit, financier ou autre,
relèvent de ce plus haut niveau d'autorité, Québec.
La deuxième facette de votre question, également
très bien prise, M. Brassard: Quelle fut la réorganisation
administrative par suite de ce regroupement Abitibi-Price? Je laisse la parole
à M. Tittemore, notre chef de direction, qui comprend le français
et qui le parle un peu, mais, pour les fins de cet exposé, je pense bien
que vous lui permettrez de s'adresser à vous en anglais.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je lui
permets, M. Labrecque.
M. Tittemore (Charles): M. le Président, with the regard
to the regroupment of the administration of Abitibi and Price, the first thing
that was done to rationalize and best use the efforts of both companies was to
put the sales, newsprint sales, together and this means that where Abitibi and
Price were sometimes selling to the same customers, sometimes Abitibi exporting
from Beaupré overseas and from some other places, export Mills like
Chandler and Grand Falls coming into the United States, we were able to
rationalize the selling.
As a result of putting the sales companies together, we decided that it
would be in the best interest of the company to go further in the areas of
common operations, like newsprint, lumber and woodlands, to put them together
under one administration, and this makes for better efficiency, better
utilization of people, better utilization of services and a rationalization
that would help both companies, and we have identified quite a saving in doing
this.
Now, the policy of the company is to decentralize the decision-making as
much as possible, we are trying to develop mill management which is capable of
handling the day to day problems. We have a vice-president of manufacturing and
a vice-president of woodlands who look after both Abitibi's and Price's
interests in the province of Quebec. These gentlemen have undertaken the
Beaupré operations as well as the Price operations. In doing this, they
are able to handle all but the very highest decisions, which as Mr Labrecque
pointed out, are made by the board of directors of Price company, which meets
in Quebec approximately once every month.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Labrecque, pour le bénéfice des membres de la commission, des
journalistes, des fonctionnaires et de l'assistance, est-ce qu'il y aurait lieu
de résumer, en quelques mots, la réponse de M. Tittemore, s'il
vous plaît?
M. Labrecque: Afin d'obtenir les meilleurs
bénéfices d'une rationalisation des activités communes des
deux compagnies, il fut décidé de mettre en commun les ressources
de vente de papier journal des deux compagnies, entre autres choses la
question ne m'a pas été posée, mais j'en fais le
commentaire heureusement pour Price, parce que son carnet de commandes
en 1974 était déficitaire, n'était certainement pas celui
que l'Abitibi possédait. L'Abitibi a été d'une très
grande utilité pour aider Price en 1975 et en 1976 à traverser
les périodes difficiles, à cause d'un carnet de commandes qui
était quelque peu à la baisse.
Or, toutes les opérations de vente de papier journal ont
été mises en commun et je dois dire que, dans un autre sens, le
centre de décision des ventes de papier journal de tout le groupe
Abitibi-Price n'est pas à Québec, n'est même pas à
Montréal, n'est même pas à Toronto, il est à New
York. La même chose fut faite pour le bois d'oeuvre. On a mis en commun
les ressources des deux
groupements de marketing et le marketing, maintenant, se fait par une
entité commune pour les deux.
En ce qui concerne l'opération des moulins et des forêts,
les choses restent sensiblement les mêmes qu'elles étaient avant
la prise de contrôle par l'Abitibi, à savoir qu'il y a à
Québec, un vice-président à la production qui non
seulement s'occupe maintenant de tous les moulins Price, mais qui s'occupe des
moulins Abitibi. Vous avez un vice-président aux opérations
forestières qui s'occupe, comme autrefois, de toutes les
opérations forestières de Price dans le Québec, y compris
maintenant l'Abitibi.
Maintenant, afin qu'il n'y ait aucun risque de difficulté ou de
conflit d'intérêts dans l'organisation commune de ces ventes, tant
de papier journal que de bois d'oeuvre, ces entités ont chacune une
représentation égale d'Abitibi et de Price au sein de cette
organisation commune. Par exemple, Abitibi Price Sales, les ventes de papier
journal, sont dirigées par un président appuyé,
secondé par un conseil d'administration, dont deux membres viennent de
Price, deux membres viennent d'Abitibi. Il en est ainsi pour le bois
d'oeuvre.
Je pense, M. Brassard, avoir répondu à votre question,
mais s'il y a quelque chose qui n'est pas clair, je me ferai un plaisir de
préciser davantage.
M. Brassard: J'aimerais avoir quelques précisions. Par
exemple, les directions générales regroupant les activités
des deux sociétés, où sont-elles situées? A Toronto
ou à Québec?
M. Labrecque: Les directions générales de
l'adoption des plans de stratégie approuvés par le conseil
d'administration, vous dites? Très bien.
M. Brassard: Les directions générales des deux
sociétés...
M. Labrecque: Le planning, si vous voulez...
M. Brassard: Les grands responsables des secteurs de
l'exploitation, du bois d'oeuvre, du papier, des services regroupant les
activités des deux sociétés...
M. Labrecque:... se trouve à Toronto, je dirais pour la
majeure partie, sauf pour les ventes. Le papier journal, je vous l'ai dit, se
trouve à New York. Pour le bois d'oeuvre...
M. Brassard: Pardon. Excusez-moi. Vous avez dit tantôt que
le centre de décision, pour ce qui est des ventes du papier journal, se
trouve à New York.
M. Labrecque: Oui.
M. Brassard: Cela signifie-t-il que le siège social de
cette entité juridique, parce que vous avez constitué une
nouvelle société, se trouve à New York?
M. Labrecque: Celle qui est chargée de toutes les ventes
mondiales, celle qui est chargée de toutes les ventes, sauf au Canada,
qui sont minimes, de papier journal, a son entité juridique à New
York.
M. Brassard: Le siège social?
M. Labrecque: Le siège social.
M. Brassard: Le siège social est à New York?
M. Labrecque: II est à New York.
M. Brassard: Le siège social d'Abitibi Price Sales
Limited.
M. Labrecque: D'Abitibi Price Sales Corporation.
M. Brassard: Relativement toujours au même sujet, le
ministre des Terres et Forêts recevait récemment d'un groupe
d'employés cadres de Price, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, une lettre dans
laquelle ces derniers s'inquiétaient de divers changements qui sont
survenus au sein du complexe Abitibi-Price et, à partir de là,
j'aimerais vous poser quelques questions bien précises.
Ces cadres affirment en particulier que quatre vice-présidents,
MM. Johnson, Duncan, Neal et Parker, ont été
transférés à Toronto. Est-ce exact?
M. Labrecque: C'est exact. M. Johnson a été
nommé vice-président en charge de toute l'exploitation
forestière mondiale des deux compagnies. C'est un homme appartenant
à la compagnie Price, qui a grandi avec la compagnie, et nous sommes
très heureux pour Price que cet homme ait la gérance et le
dernier mot à dire dans le planning, le tout assujetti évidemment
au conseil d'administration, pour toutes les installations de Price, parce que
c'est un gars de Price.
M. Parker, même chose. Il a été mis en charge des
ventes de bois d'oeuvre pour les deux compagnies ainsi que, selon ce qu'on me
dit, de la fabrication de ce bois d'oeuvre.
M. Duncan était en tête de notre recherche et de notre
ingénierie et il devient pour le groupe le chef de l'ingénierie
et de la recherche du groupe Abitibi-Price. Il est à Toronto.
Quant à M. Neal, c'est un déménagement très
récent. Il s'en va s'occuper des relations publiques de l'Abitibi
à Toronto.
M. Brassard: Est-ce également exact que le
président de la compagnie Price, M.Tittemore, qui est à vos
côtés, est maintenant lui aussi, à Toronto?
M. Labrecque: Oui. Il est à Toronto, à notre
demande. Le conseil d'administration s'est penché sur ce cas. Allait-on
trouver avantage à l'éloignement de M. Tittemore, qui prendrait
feu et lieu à Toronto? Ayant examiné le pour et le contre, le
centre du gros management est à Toronto. Mieux vaut pour Price,
s'est dit le conseil d'administration, que son chef de direction soit là
et puisse participer quotidiennement à toutes les décisions qui y
sont prises.
M. Tittemore a aussi une fonction additionnelle. Il est un
vice-président du groupe Abitibi-Price. Il est un vice-président
senior de la compagnie Abitibi.
M. Tittemore, chef de la direction de Price, nous, chez Price, nous nous
en réjouissons. Il est en charge... C'est lui qui a le dernier mot
à dire dans la délégation des pouvoirs du conseil
d'administration en ce qui concerne toute l'entreprise forestière du
groupe, partout dans le monde.
M. Johnson est sous la responsabilité de M. Tittemore. M. Parker,
chef des ventes et de la fabrication du bois d'oeuvre, dépend de M.
Tittemore et M. Tittemore est aussi en charge de la fabrication des papiers
spéciaux... Non. Il ne l'est pas. C'est un nommé Kochan qui, lui,
est à New York.
M. Brassard: Les cadres affirment également en tout
cas, ils prétendent que te service de la finance, qui se trouvait
à Montréal et qui employait 150 personnes, serait
déménagé à Toronto cet automne. Cette affirmation
est-elle exacte?
M. Labrecque: II est en voie de déménagement et le
déménagement est presque terminé, mais le
déménagement n'est pas à sens unique.
Le déménagement va à Toronto, mais nulle part
à l'Abitibi, pour une partie. Il va à notre filiale à 100%
à Price Wilson et ce déménagement était
déjà décidé avant la prise de position de l'Abitibi
dans la Price.
Autre déménagement. De Montréal
déménage tout le bureau financier pour la province de
Québec, ici à Québec. Le reste, soit surtout des
programmeurs parce que l'ordinateur... Il fut décidé qu'il y
aurait un ordinateur commun pour les opérations d'Abitibi comme pour les
opérations de Price. Il fallait trouver un endroit pour cet ordinateur
et c'est Toronto qui a été choisie.
Les économies dont bénéficieront les deux
compagnies, surtout Price, sont énormes. Ce sont plusieurs centaines de
mille dollars par année. Alors, c'est le seul
déménagement, en somme, qui a eu lieu. Tous ceux qui
travaillaient pour Price à Montréal, M. Brassard, ont, pour la
grande partie, déménagé à Toronto. Ceux qui n'ont
pas voulu déménager... Il y en a d'autres qui sont venus à
Québec. D'autres n'ont pas voulu changer d'emploi. Je parle au niveau
des secrétaires parce qu'elles étaient mariées, etc. Elles
avaient leurs raisons de rester à Montréal. Elles ont reçu
des bénéfices de licenciement très généreux.
Tout le monde semble être heureux et la réorganisation qui a eu
lieu...
M. Brassard: Excusez-moi, M. Labrecque. Combien de
licenciés? Une cinquantaine?
M. Labrecque: "Licencié" est un mot assez fort.
M. Brassard: Oui.
M. Labrecque: C'est plutôt parce qu'ils ont refusé
l'emploi qu'on leur offrait à Toronto.
M. Brassard: Ils ont refusé de... Combien? M.
Labrecque: Environ une douzaine, je crois. M. Brassard: Une
douzaine.
M. Labrecque: Environ une douzaine. Alors, en termes nets, que
veut dire la prise de contrôle majoritaire d'Abitibi sur Price en
fonction d'emplois perdus pour le Québec?
Je dirais moins de 75 employés sur 10 000 employés.
M. Brassard: Une dernière question à ce sujet, M.
Labrecque, relativement au centre de recherche. Vous avez, à
Jonquière, une usine pilote depuis 1966. Les cadres prétendent
aussi qu'il est de plus en plus question que le centre de recherche de l'usine
soit également transféré à Toronto. Cette
prétention est-elle fondée?
M. Labrecque: Je demanderais à M. Tittemore de
répondre. You inderstood the question?
M. Tittemore: Yes. The Price Company, as you know, has always had
a good research organization, mainly on the development side of researching,
introducing new technics into the mills and so forth where Abitibi's research
was more primary. They are more working on laboratories and doing more the
basic kind of research as well as this kind and some areas.
Now, we have no intention of moving that kind of research away from
Kénogami. In fact, it is an ideal place for the research.
We have the installation there and the Pulp and Paper Research Institute
put a refinery there to do research and we intend to leave that installation
and I do not anticipate any change in that at all, but the combination of the
two research departments is going to give us more overall strength.
M. Labrecque: En français, il n'y aura aucune perte du
centre de recherche qui se trouvait à Kénogami, à
Jonquière. Ce n'est pas du tout le problème de l'Alcan. Il n'y
aura aucune perte d'emploi, le bureau reste en fonction, c'est un bureau de
recherches pratiques, tandis qu'à Toronto se trouve un énorme
laboratoire d'Abitibi, dans la périphérie de Toronto, qui fait
non seulement des recherches pratiques, mais de la recherche pure dans le
domaine des pâtes et papiers, matériaux de construction, etc.
M. Brassard: Merci, M. Labrecque. A ce sujet,
comme remarque que je pourrais faire en conclusion c'est une
question d'opinion je pense que les craintes du député de
Chicoutimi d'alors se trouvent, en grande partie, fondées. En ce sens
que si le conseil d'administration de la Price continue toujours de
siéger à Québec, il est un peu vidé de son contenu
puisque les cadres importants, donc ceux qui prennent des décisions
à divers niveaux de l'activité des deux sociétés,
se trouvent à Toronto. Ce sont quand même des changements assez
notables.
Relativement aux investissements, M. Labrec-que, si on passait à
ce chapitre, en octobre 1974, la compagnie Price, dans un communiqué
signé par M. Tittemore, affirmait qu'il y aurait au Québec $47
millions d'investissement. On y prévoyait des investissements importants
à l'usine de Kénogami en octobre 1974. On y prévoyait
également des investissements tout aussi importants à l'usine
d'Alma pour modifier le procédé de fabrication des
pâtes.
Ces $47 millions pour le Québec n'incluaient pas les
investissements prévus pour l'usine de L'Ascension dont les travaux
étaient déjà commencés dès juillet 1974. La
fusion s'est faite, l'intégration, comme vous dites, en novembre 1974,
à la suite d'une espèce de suspense financier et, quelque temps
après, le président d'Abitibi affirmait que rien ne serait
changé; d'une part, le siège social de la Price demeurerait
à Québec et, d'autre part, les investissements qui avaient
été annoncés seraient poursuivis.
Or, ce qui s'est produit par la suite est exactement le contraire,
c'est-à-dire qu'à Alma, où on avait commencé les
travaux, on les a subitement arrêtés et la compagnie a subi
à Alma, on le prétend des pertes assez importantes. A
Kénogami, où il n'y avait rien de commencé, les
investissements ont été reportés à une date
ultérieure. Ce qui me fait dire que, contrairement à ce que vous
affirmez dans votre mémoire en ce qui a trait en tout cas à
l'usine de Kénogami, on peut dire que la fusion, plutôt que
d'avoir sauvé l'usine de Kénogami, a retardé des
investissements déjà annoncés à cette usine.
Une des autres craintes que le député de Chicoutimi
soulignait d'ailleurs au sujet de cette transaction, c'était que les
investissements soient arrêtés ou encore retardés à
la suite de cette transaction. Il a manifesté, je pense, à ce
sujet, pas mal de clairvoyance. Pourtant, le premier ministre du temps, M.
Bourassa, avait obtenu, selon lui c'est ce qu'il affirmait en
réponse à une question à l'Assemblée nationale
des garanties de la part d'Abitibi-Price quant au projet
d'investissement au Québec. Est-ce que c'est exact que vous ayez
donné certaines garanties formelles au sujet des investissements au
Québec après 1974, au gouvernement d'alors.
M. Tittemore: There are several things that happened after 1974;
we had full plans to procède with a capital program in Alma and at
L'Ascension, the sawmill, and with some work at Kénogami, mainly in the
kraft and paperboard operation, but, in 1974, we had the highest earnings in
the history of the Price company, which was approximately $31 millions and, in
1975, we had a strike in many of our mills, in Kénogami, in Chandler and
in Grand Falls. As a result of the strike, we were spending much more than we
could earn. In 1975, we earned $12,4 million and in 1976, only $3,6 million.
But there was a strike carried over in 1976.
So we had projected our capital expenditures on a basis of what we felt
was a reasonable earnings level and, at the same time, there was a recession in
the world markets which influenced at some degree the rate of operation of our
mills, after we did get back to work, aside from the strike.
What happened in detail is I have the figures here that we
went into 1975, this was after the take-over of the majority of Price by
Abitibi, with about $51 million in cash in Price and, in the next two years, up
to the end of 1976, the earnings, plus the depreciation, the total cash-flow
was of $70 million, that, with the $50 million, gave us $122 million, and the
inflow of cash, the outflow of cash during that same period was $128 million,
of which a lot was due to inflation, $35 million we spent $76
million on fixed assets. The result of all of this was that we spent more that
we were earning and we had to cut down somewhere.
The only thing that we did was to put back the installation of refiners
in Alma. We proceeded with every other capital project that we had on the
books. We put in thermomechanical pulping at the kraft and paperboard mill for
shavings from sawmills, we put in the light formers on board machines, we
completed the sawmill at Falardeau we did every other installation that we had
on the books. We retired the one at Alma because part of that was a speed-up of
the mill at Alma and, with the recession that occurred in the market, we did
not need the extraproduction, so we held back on that capital expediture and we
still plan to proceed with it at the appropriate time.
With regard to what we have announced that Kénogami has the
expenditure there, we fully intend to go ahead with that expansion now. If
everything falls apart and the economy recession gets bad in the United States
and we are not able to run, we cannot make a guarantee because we have to get
guarantee earnings in order to guarantee capital expenditures. But we have
every intention in proceeding with this.
M. Rosier (Harry): Mr President, may I supplement with what Mr
Tittemore has just being saying by reminding us that since 1974, since our two
companies have become associated, there has been the worst recession in North
America for the last 30 years, that there has been the longest strike our
industry has ever been exposed to, all in an endeavour to get ourselves in the
cost competitive position. These factors are the basic factors for the changes
in the capital expenditures plans in both Abitibi and Price.
M. Labrecque: M. le Président, en deux mots, ce que
viennent de raconter M. Tittemore et M. Rosier, c'est que le programme
d'investissement de $74 millions dont parle M. Brassard n'a pas
été
poursuivi, uniquement pour des raisons financières, un manque de
liquidité à cause de grèves, on ne peut plus
sérieuses, et à cause d'une récession économique
que M. Rosier qualifie comme étant la plus désastreuse depuis 30
ans.
M. Tittemore nous a dit qu'en caisse et investissement, à court
terme, Price avait, au mois de décembre 1974, la somme de $52 millions.
A la fin de 1975, ces $52 millions avaient diminué et tombé
jusqu'à $14 millions et, à la fin de 1976, ça s'est
traduit par un déficit de $7 millions.
Alors, on a pu penser qu'Abitibi avait émis une instruction, un
contre-ordre de ce programme d'investissements. Veuillez croire, de la part de
nous quatre ici, que ce ne fut que simple coïncidence que ces
grèves, ces récessions économiques aient eu lieu peu
après le "take-over" d'Abi-tibi et Abitibi n'a rien eu à faire
avec le défaut ou le manque d'accomplissement de tout le programme tel
qu'annoncé.
Les trois quarts du programme sont accomplis, M. Brassard. Ascension a
été construite, Kénogami kraft, parce qu'on ne faisait pas
allusion à Kénogami, papier journal, on faisait allusion à
l'usine de cartonnerie. Tous les travaux projetés ont été
faits, sinon en entier, en majeure partie, et celui d'Alma, c'est-à-dire
l'implantation de raffi-neurs à disques, a été
ajourné à cause de la récession et du manque de commandes.
Il n'aurait rien donné à Price d'augmenter la vitesse de ses
machines et la qualité de la pâte vu les difficultés
auxquelles elle faisait face sur les marchés mondiaux.
M. Brassard: M. Labrecque, à la page 12 de votre
mémoire, au dernier paragraphe, on y dit que, depuis 1974, le programme
d'immobilisations au Québec s'est maintenu au même rythme qu'avant
l'intégration et le plan quinquennal ne prévoit aucune diminution
à cet égard.
J'aurais deux questions à ce sujet. Tout d'abord, au même
rythme, cela signifie quoi? C'est au même rythme que celui de Price ou
d'Abitibi?
M. Labrecque: Au rythme de Price.
M. Brassard: Vous dites qu'il s'est investi $250 millions de 1960
à 1974; donc, cela veut dire à peu près $18 millions
à $20 millions par année en moyenne. Cela veut donc dire qu'en
1974, en 1975, en 1976 et en 1977, les investissements d'Abitibi-Price au
Québec se sont situés à peu près à ce
niveau.
M. Labrecque: Je le croirais. Demandons à M. Tittemore.
Did you understand the question?
M. Tittemore: I was looking... The question of Mr Brassard is...
On page 12, we state that our program of capital-investment has been maintained
at the same rhythm as before 1974 and, as we have spent $250 million over the
period 1960-1974, roughly an amount of $18 million to $20 million, and we
continue substantially to spend that amount since 1974, 1975, 1976.
I can mention that as looking out our financial statements anticipating
a question like this and we have actually spent more. We say that we have
maintained the rhythm, but we have really doubled the rhythm, but the capital
spent during the three years and anticipating this year, what we are going to
spend, which will be $26 million... 1975 and 1976 and 1977 will be a hundred
and two million on capital. The three years prior to that was $49 million. So,
we have really doubled it and this is due to the carrying on of the major
program that we announced.
We have, in fact, increased our spending in the three years since
1974.
M. Labrecque: La réponse à la question de M.
Brassard est que le programme d'immobilisation au Québec s'est non
seulement maintenu au même rythme qu'avant l'intégration, mais a
plus que doublé.
M. Brassard: M. Labrecque, la deuxième question
relativement au même sujet est à propos du plan quinquennal.
Pouvez-vous nous indiquer les éléments essentiels de ce plan
quinquennal, sa nature, le montant global? Cela signifie combien par
année, sur cinq ans? Quels investissements sont prévus? Où
sont-ils prévus au Québec? Comme je suis député du
comté du Lac-Saint-Jean, je vous pose une petite question bien
précise: Y a-t-il des prévisions dans ce plan quinquennal pour
Alma?
M. Tittemore: It is difficult for us to say exactly where we are
going to spend the money in this company, because we have mills in
Newfoundland, we have mines and we have a mill in the United States, and what
we will spend in one place in one year. We will have a heavy spending program
like in Kénogami. We will have heavy spending for the next two or three
years.
So we cannot really say just where it is going to be spent, but our
intention and I think that the Price Company has demonstrated the way it
functions in these matters... Take Gaspésie, for example. In 1960, that
was a sulfite mill which had no future at all. We got a partner with the New
York Times. We put in a newsprint machine. We put another one in 1968 and we
have made now the most modern mill in Eastern Canada on the Gaspé Coast,
at Chandler.
Now, we have old machines at Alma, which were obsolete. We took out two
old machines and we put in a new modern high speed machine. We have made Alma
into one of the best mills in Eastern Canada.
Abitibi have done the same with Beaupré. Beaupré has been
improved and speeded up and it is one of the low cost mill in Eastern Canada.
Very competitive mills, all of these mills.
So I think that our record speaks for itself. We are going now to fix up
Kénogami, make it a modern mill in the sense that it can produce quality
ground wood printing paper, we are going to interest specialty market.
So I think that based on our record, there is
no reason why we would change the way that we have gone.
M. Labrecque: Nous n'avons donc pas de programme
spécifique dans le plan quinquennal à annoncer pour votre
région, M. Brassard.
M. Brassard: Sauf les $25 millions pour Ké-nogani.
M. Labrecque: Oui, celui-là est déjà
annoncé.
M. Brassard: Parce que vous parlez de possibilités ici
dans votre mémoire et dans le résumé ou ailleurs... Vous
parlez d'une décision prise. C'est vraiment une décision
prise?
M. Labrecque: La décision est prise, mais elle est
subordonnée, comme on l'a dit dans le temps, c'est-à-dire il y a
environ un mois ou deux, à l'approvisionnement assuré de la
matière première. Elle est subordonnée aussi à...
Quelles étaient les autres conditions? Je ne m'en rappelle pas.
Mais elle est prise au niveau du conseil d'administration.
M. Brassard: ... quand?
M. Labrecque: Cela doit se poursuivre sur une période de
trois ans et on commence presque immédiatement.
M. Brassard: Une autre question, s'il vous plaît, sur
l'énergie, à la page 36. Excusez-moi d'être un peu long,
mais c'est quand même assez important pour l'économie
régionale.
A la page 36, vous affirmez que le seul avantage pour l'industrie
québécoise des pâtes et papiers, est le coût de
l'électricité et vous parlez d'un avantage de $7 pour chaque
tonne de papier.
Or, $7 pour chaque tonne de papier, c'est un avantage. C'est une moyenne
pour l'ensemble de l'industrie des pâtes et papiers du Québec.
Dans votre cas, et particulièrement dans le cas de Price, et plus
particulièrement encore, dans le cas des installations de Price au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, cet avantage est sûrement plus
élevé, compte tenu que vous produisez la plus grande partie de
l'électricité que vous consommez, grâce à sept
centrales que vous possédez dans la région, dont la plus ancienne
remonte à 1912 et la plus récente à 1957. Il y en a
plusieurs qui sont déjà amorties.
Cela signifie que vous êtes à peu près dans la
même situation que l'Alcan dans la région. Votre avantage, au
niveau du coût de l'électricité, est sans aucun doute
très sensiblement supérieur à ce que l'on retrouve chez
les autres entreprises de pâtes et papiers au Québec qui doivent
s'alimenter à l'Hydro-Québec. Quel est cet avantage
précisément? Il est de combien la tonne de papier journal, dans
la région, grâce à vos installations
hydroélectriques?
M. Tittemore: $7.
M. Labrecque: Notre réponse est double.
Premièrement, quand nous avons mentionné $7, nous faisions
allusion à nos propres chiffres d'entreprise, non à ceux de
l'industrie en général. L'avantage pour nous est de $7 la
tonne.
M. Brassard: Pour l'ensemble du complexe Abitibi-Price ou
simplement pour Price dans la région?
M. Labrecque: Simplement pour Price. M. Brassard: Pour
Price, simplement.
M. Labrecque: Deuxièmement, jusqu'au 31 décembre
1976, il eût été beaucoup plus profitable pour nous
d'acheter notre électricité sur les marchés que de la
produire. Ce n'est qu'à partir de cette année, 1977, alors qu'il
y a eu une hausse de taux, que nous y voyons un avantage à
posséder nos propres installations. Nous prévoyons que nous ne
gagnerons pas plus cependant sur le capital déprécié qu'un
rendement de 8%, ce qui est moins qu'une obligation d'épargne du
Canada.
M. Brassard: Quand même, le coût
d'électricité produite grâce à des centrales dont la
plus jeune remonte à 1957 est nécessairement plus bas que le
coût de l'électricité actuellement, en 1977. Je comprends
mal que vous affirmiez que vous n'y voyiez un avantage que tout
récemment.
M. Labrecque: C'est ce que les chiffres de notre production
d'hydroélectricité démontrent, M. Brassard; je ne peux pas
vous en donner plus.
M. Brassard: Le montant de $7 dont vous parlez, c'est exactement
ce qu'affirmait également l'Association des producteurs de pâtes
et papiers du Québec, qui voyaient un avantage se situant à peu
près au même niveau. Je trouve étonnant qu'en
possédant vos propres centrales vous n'ayez pas un avantage plus
marqué au niveau de l'énergie.
M. Labrecque: Notre chiffre est exactement $7.34 la tonne.
M. Tittemore: Vis-à-vis de Deridder, Louisiana.
M. Brassard: J'aurais une dernière petite question, M. le
Président, elle est relative à la transaction qui s'est produite
en novembre 1974; est-ce que c'est exact que la compagnie Price a fait une
proposition précise au gouvernement, dans le but de voir l'Etat
acquérir une portion importante des actions de Price?
M. Labrecque: Nous avons communiqué avec le gouvernement
dans le temps, nous faisions face à une offre de quatre jours pour nos
actions. Nous avons demandé au gouvernement s'il y avait moyen d'obtenir
une extension de ce délai de quatre jours. Ensuite, il y a eu des
pourparlers entre le
gouvernement et le principal actionnaire de la compagnie qui
était Associated Newspapers, de Londres, pourparlers qui n'ont pas
abouti.
M. Brassard: Donc, il y a eu effectivement une offre d'un
actionnaire important de Price au gouvernement pour que ce dernier se porte
acquéreur d'un lot d'actions important?
M. Labrecque: Je pense que le principal actionnaire a
plutôt demandé au gouvernement ce qu'il entendait faire, face
à cette offre d'Abitibi. Est-ce qu'il y a eu des offres de ce principal
actionnaire ou est-ce qu'il y a eu des offres du gouvernement? Je n'en sais
rien.
M. Brassard: Je vous remercie, M. Labrecque. M. Labrecque:
Très bien, M. Brassard.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. D'abord, j'aurai
deux commentaires. Le premier, je suis, d'une part, agréablement surpris
de la teneur de votre mémoire aujourd'hui, parce qu'on y retrouve des
éléments nouveaux.
Je pense, au débat qui est amorcé depuis
déjà deux semaines, trois semaines, dis-je, sur la situation des
pâtes et papiers, en général. Ce qu'on y trouve de nouveau,
ce sont deux aspects, soit, d'une part, la position de votre groupe, qui
demande au gouvernement, tout au moins par ses recommandations c'est ce
qu'on en décèle d'intervenir dans le secteur de
l'industrie, contrairement à certains autres intervenants qui, tout en
souscrivant au principe qu'il y a un problème dans l'industrie
actuellement, demandaient au gouvernement de ne pas trop intervenir au niveau
de l'industrie ou, s'il avait à intervenir, de le faire de façon
bien indirecte. C'est le premier aspect. Deuxièmement, vous proposez des
mesures particulières, concrètes, que vous aimeriez voir se
réaliser. Pour tout cela, je vous remercie.
Mon deuxième commentaire sera à l'égard de mon
honorable collègue du Lac-Saint-Jean. Je tiens à lui faire part
que j'ai bien apprécié la détermination dont il a
témoigné dans les questions qu'il a posées aux
représentants de la compagnie, relativement à la perte de 75
emplois pour le Québec.
Les questions qu'il a posées, je les fais miennes et j'ose
espérer que l'équipe à laquelle vous appartenez pourra
témoigner d'autant de détermination à l'égard des
travailleurs de la Wayagamack et de East Angus, parce que cela totalise non pas
75 employés, mais tout près de 900 à 1000
employés.
M. Labrecque, vous faites ressortir essentiellement le problème
que la grosse question, ce sont les coûts de production, c'est la perte
de pouvoir au niveau de la concurrence et tout cela, sur le marché
international, et vous énoncez différents principes.
Entre autres, à la page 6 de votre résumé, et je
vous cite, vous dites: "L'injustice subie par les actionnaires qui sont aussi
des contribuables, lorsque le gouvernement utilise le produit de l'impôt
pour s'engager directement dans la modernisation d'usines ou la construction de
nouvelles installations en faveur de compagnies autres que celles qui
appartiennent à ses actionnaires".
D'autre part, je constate une certaine contradiction, dans le sens que
vous demandez au gouvernement des assouplissements fiscaux parce qu'un peu plus
loin, dans votre mémoire, vous dites que la fiscalité est le
principal outil que le gouvernement possède actuellement pour intervenir
dans ce problème. Vous favorisez des assouplissements dans d'autres
secteurs, que cela soit au niveau du transport, que cela soit au niveau du
coût du bois, des taxes sur le pétrole, etc.
Vous ne croyez pas qu'une intervention gouvernementale, de quelque
nature qu'elle soit, impliquera nécessairement, probablement tout au
moins, des dépenses gouvernementales, les deniers publics qui
appartiennent, en fait, à tous les citoyens du Québec.
Et je vais donner l'exemple d'une baisse au niveau de la taxe pour le
transport du bois. Ce sont quand même des deniers publics. Ce sont quand
même des deniers des contribuables du Québec. Vous ne craignez pas
que cela vienne contredire ce que vous soulignez à la page 6, à
savoir que, si on parle de transport, par exemple, si une intervention de
l'Etat était concrétisée dans ce champ d'activité,
il y aurait certaines usines qui pourraient être favorisées
comparativement à d'autres, en raison de l'éloignement du bois ou
en raison de plusieurs éléments qui peuvent intervenir?
Je trouve que c'est un peu contradictoire et j'aimerais avoir des
précisions là-dessus, M. Labrecque.
M. Labrecque: En deux mots, M. Pagé, l'intervention
directe, nous nous y opposons, mais jamais à l'intervention sous forme
d'aide non discriminatoire, applicable à tous les producteurs. Nous
sommes bien en faveur de celle-là.
Je ne vois pas ce que je peux ajouter de plus.
M. Pagé: Essentiellement, vous ne favorisez pas
d'intervention directe. Vous êtes favorable à une forme d'aide qui
s'appliquerait à tout le secteur de l'industrie. Cela veut donc dire,
parce qu'il faut appeler les choses telles qu'elles sont: Aidez-nous, mais
n'intervenez pas trop dans l'opération, dans la vie de l'industrie,
quoi. Et je me dis ceci: Quand, à la page 5, vous parlez de la
fiscalité, qui est le principal outil et ailleurs, dans le
résumé dans votre mémoire, vous faites état d'un
train de mesures qui pourraient être éventuellement
adoptées par le gouvernement et qui pourraient réduire ce
coût de production.
Je pense c'est une opinion peut-être personnelle
qu'une intervention gouvernementale comme celle-là, même
indirecte, par le fait qu'elle implique des deniers des contribuables
québécois,
alloués à un secteur de l'industrie qui est quand
même une industrie privée, implique une participation du
gouvernement, en termes de pouvoir, au niveau de l'orientation ou du
fonctionnement de l'industrie. Je ne parle pas que le gouvernement rase tout,
nationalise tout, etc., mais le gouvernement ne peut pas, selon moi, participer
de façon aussi limitative que possible sans que cela implique une
participation de ce gouvernement au niveau du fonctionnement de
l'industrie.
Je donne des exemples. On a fait état, il y a deux semaines de la
possibilité de la création d'une régie pour la mise en
marché du papier journal. Tout le monde est d'accord pour dire que c'est
la principale force du Québec dans l'industrie. Vous faisiez état
tout à l'heure d'une entreprise dont le siège social est à
New York et qui a comme mandat de voir à la commercialisation et
à la mise en marché de votre produit. Ne croyez-vous pas qu'une
intervention de l'Etat, en termes d'argent, pourrait impliquer la
responsabilité pour ce gouvernement d'Intervenir dans des champs
d'activité comme la création d'une régie de mise en
marché des produits, du papier journal, par exemple?
Ma question est celle-ci: Qu'est-ce que vous en pensez?
Deuxièmement, concrètement, eu égard à cette
possibilité de Ja création d'une régie de mise en
marché, quels sont vos commentaires de prime abord?
M. Labrecque: D'abord, la création d'une régie, M.
Pagé, serait une intervention indirecte, en ce sens que le gouvernement,
je suppose, l'Etat prendrait à sa charge toute la commercialisation du
papier journal fabriqué au Québec. Ce serait non discriminatoire,
à tout événement, ce qui rencontre une des normes que nous
énonçons dans notre mémoire.
Cependant, de quel oeil verrions-nous la création d'une telle
régie de marketing du papier journal qui aurait l'exclusivité de
la vente de ce produit partout dans le monde, c'est une autre question. Est-ce
qu'il serait opportun pour le gouvernement d'y procéder? Cela a
été suggéré, je crois, dans le mémoire des
syndicats nationaux.
Sur ce point, je pense que M. Rosier qui est chargé de tout le
marketing, qui a le dernier mot à dire dans tout le marketing du papier
journal Abitibi-Price, pourrait nous faire des commentaires bien utiles.
Harry, they would like to know what you think about the creation of an
exclusive government marketing agency for news-print in the province of
Québec.
M. Rosier: Thank you. Mr President, it is a pleasure to talk of
an area where you are asking questions that you know, may have some
possibilities and recognize that we are all here together trying to make our
industry more viable. I think everything should be explored, including such
things as marketing boards.
This is not foreign to us. Back in 1972, a number of companies including
Abitibi saw the same thing that you see and they went to work to try and find
out all the pros and cons of having a marketing board throughout Canada. It
looked, on the surface, to be something that might be worthwhile, so we really
went hammer and tongs to try to establish the value of it.
A number of conclusions came very prominently out; one was that if there
is to be a marketing board, all companies must be in it. Otherwise, those ones
that are not in it would tend to take advantage. For example, if we had a
marketing board in the east, we found that the west would take advantage of the
fact that we did have this kind of a marketing board, which has some
limitations.
The second thing that became very obvious to us was that our US
customers and believe me, this is our big market are violently
opposed to anything that smacks of a cartel, which a marketing board does. They
are particularly opposed to anything that would be charging a higher price,
even though, some people may argue that they do need our paper and would have
to pay it. Let me point out to you they realize and admit that they would buy
our paper at a higher price only after everybody else was running full.
As you know, the industry in Canada is running around 88%. So, if some
portion of Canada took on a marketing award approach, there is no question but
that the rest of Canada would run at full operating rates whereas that portion,
for example, in the province of Québec, of that industry would run less
full than the rest of Canada.
Even more important than that, I believe, the US industry would
this would hold a number out this would give them the incentive to
produce at more capacity and that, certainly, is the last thing in the world we
want.
Let me remind you, just in line with this, that the Scandinavians as the
Finns have some sort of a marketing board approach in selling in North America.
They found it absolutely necessary to give a discount of $10 to $15 a ton in
order to get their newsprint into North America.
So, I think that tends to tell us that a marketing board designed to
give you a higher price is really not going to work. I submit to you,
gentlemen, that really the problem in our industry is not going to be resolved
by charging a higher price than our competitors. The real solution to our
problem is to get our cost down, so that we are cost competitive with
principally the US but other people in the world.
I think it is basically as simple as this. The lowest cost producers are
the producers that establish the market price. The lowest cost producers are
the ones that run full. The lowest cost producers are the ones which would
expand to take advantage of their position. That should be our objective. It is
to get our costs down in every way possible and to avoid anything that puts us
to a disadvantage in the market place and a board would do just that in our
opinion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Labrecque, brièvement, s'il vous plaît.
M. Labrecque: C'est toute une besogne!
En deux mots, M. Rosier ne favorise pas la création d'un
mécanisme de marketing régi exclusivement par l'Etat et qui
s'occuperait de commercialiser, à l'exclusion de tout autre, la
production de papier journal du Québec. Il dit que cette idée,
que ce concept a retenu l'attention de toute l'industrie canadienne, il y a
quelques années. Après une étude sérieuse et en
profondeur de tous les éléments de ce concept, elle en a conclu
que le concept devait être vite abandonné pour deux raisons.
Premièrement, c'est que l'éditeur américain verrait
d'un très mauvais oeil, il serait violemment opposé à
transiger avec un cartel. Le mot "cartel" est pour lui anathème. On
connaît toute la vigueur que notre grand voisin du sud met dans
l'élaboration, la mise en oeuvre et l'application de ces lois contre les
monopoles.
Deuxièmement, il en résulterait, dit-il, que l'industrie
américaine voudrait profiter de cette attitude québécoise
et verrait à étendre elle-même son outil de production.
Vous saurez que si elle se lance dans la production du papier journal
exclusivement, elle peut produire à elle seule quatre fois ce que le
Canada produit, tellement sa ressource est abandante.
Troisièmement, H dit que les Scandinaves ont en quelque sorte
cartellisé leur commercialisation de papier journal à un moment
donné et ont dû diminuer leurs prix pour pouvoir vendre leur
papier. Ils l'ont vendu, je crois, à perte pour pouvoir le vendre sur le
marché des Etats-Unis.
Je pose une autre question à mon tour, j'ajoute à ce que
M. Rosier vient d'énoncer, je me pose un tas de questions. Très
bien, nous formons une régie de papier journal. Parce que les
Etats-Unis, notre marché important, en ont besoin de 20% ou 30% pour
parfaire leurs besoins, comment allons-nous fixer le prix? Quel prix la
régie fixera-t-elle pour son papier journal? Le prix basé sur
l'usine la moins rentable? En d'autres mots, la régie, le gouvernement,
décide qu'il faut tenir Wayagamack ouvert. Wayagamack produit à
un taux impossible, que ses propriétaires ne peuvent plus envisager.
Politique, causes sociales s'en mêlant, le gouvernement, la régie
dit: Très bien, on va garder Wayagamack à l'oeuvre, on va vendre
son papier. Alors, le papier de Wayagamack coûtera beaucoup plus cher
si le gouvernement veut faire un profit, si Wayagamack veut faire un
profit sur ce papier que le papier de notre usine de Chandler qui est
une des usines les plus modernes au Canada.
Comment réconcilier ces différences? Première
question. Deuxième question: Qu'allez-vous faire de tout le papier de la
Quebec North Shore à Baie-Comeau dont 70% ou 80% je ne sais pas
vont exclusivement au Chicago Tribune et au New York Daily News?
Allez-vous permettre que ce contrat puisse continuer d'exister alors que vous
recevrez des protestations sûrement des compétiteurs de la Quebec
North Shore qui diront à la régie: Si vous permettez à la
Quebec North Shore d'approvisionner le Chicago Tribune et le New York Daily
News, permettez-nous de respec- ter nos contrats avec le New York Times
où nous vendons environ 120 000 tonnes par année. Alors,
qu'allez-vous faire avec Donohue? Quant à Dono-hue, la plupart de son
carnet de commandes est composé de deux ou trois gros éditeurs ou
chaînes de journaux américains. Qu'allez-vous faire dans ces cas?
C'est le problème que je me pose. La régie, en d'autres mots, se
créerait des problèmes qui n'apporteraient aucune solution
à la question, mais qui, au contraire, la compliqueraient
énormément. Je pense avoir répondu à votre
question, M. Pagé.
M. Pagé: Merci, M. Labrecque. Alors, vous ne favorisez pas
cette possibilité d'intervention de l'Etat pour plusieurs facteurs,
plusieurs motifs que vous apportez à l'appui de votre argumentation.
Cependant, outre les interventions indirectes, comme vous les mentionnez, quel
serait le genre d'intervention que l'industrie considère comme
souhaitée de la part du gouvernement, abstraction faite des
interventions à caractère financier au niveau du soutien? Je fais
état d'une participation du gouvernement à l'intérieur de
l'exploitation. D'une part, c'est bien de dire: II y a un problème;
c'est bien de dire: On s'assoit et on s'associe pour tenter de trouver, de
dégager des solutions. Comme je vous le disais préalablement, une
action gouvernementale quelconque implique nécessairement une
intervention de ce gouvernement ou un pouvoir de ce gouvernement au niveau de
l'exploitation comme telle.
Si, au niveau de la création d'une régie de mise en
marché, selon les commentaires que vous formulez, c'est possible, et je
vous donne un exemple, ne croyez-vous pas que le gouvernement dont la
responsabilité sociale qu'il a à l'égard de certaines
régions où, en raison d'un vieillissement des usines et peu
importe pour quel motif, est-ce parce que la compagnie n'a pas suffisamment
investi ou pour d'autres motifs, on pourrait y revenir et on pourrait en jaser
longtemps, mais ne croyez-vous pas que le gouvernement ne pourrait intervenir
directement dans les cas de fermeture éventuelle d'usine en raison d'un
vieillissement des équipements, là, où la fermeture de ces
usines met en cause l'économie de toute une région? Cela pourrait
c'est un commentaire que je fais, je vous demande votre
appréciation devenir la prise en charge par le gouvernement de
certaines usines, créant ainsi un secteur témoin qui pourrait,
selon moi, dans certains cas de toute façon, cela mérite
d'être exploré être profitable au gouvernement au
niveau des prix, des coûts de production, au niveau des marchés,
etc.
M. Labrecque: Mr Bell, do you want to answer that question?
Should a government intervene when a mill is menaced with closure and you are
trying to keep it alive and how would you counterbalance that?
M. Bell: I guess, Mr President, one of the problems we faced in
any industries is the fact that we do have obsolescence. I do not think Abitibi
or Price mills are obsolete and I think there are a few
obsolete mills in this province but that by in large the industries has
kept their mills in excellent shape. We are fating a technological problem that
happened 20 years ago in the United States when they found a way to make
newsprint from solid pine. From then on, we faced a very difficult problem and
it is one strictly of technology. Now there are some places where, I think, you
must face the fact that mills should not be replaced. It might be the woods
operations, it might be access to water, it might be access to power, but there
are places where it does not pay to modernize a mill, and maybe it is better to
put in a place closer to the market.
There are so many factors that enter into the discussion of when a mill
becomes obsolete and should be closed. I do not think it is a place for a
government to intervene. I think the market place and the way an industry or a
company is run, I think that is the place to solve the problem. I know it is
difficult when you have an infrastructure and you have a town that depends on
only one mill, then it is a very difficult decision because it is a social
decision. But you know, our basic problem in this industry, we have not talked
about it much this morning, is to get ourselves competitors. We are not
obsolete, we are just not competitive.
There are quite a few things that we can do and we hope you will help us
doing them. But this is a very tricky problem to say: When do you keep a mill
alive?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Labrecque.
M. Labrecque: Puis-je ajouter un mot à ce que M. Bell
vient de nous dire, que le problème est social. La communauté,
évidemment, subit une perte énorme à cause de la fermeture
de cette usine. Le problème devient un problème à
conséquences sociales. Comment devons-nous le résoudre? Je dirais
que chaque cas est un cas d'espèce. Parlons d'un cas d'espèce qui
n'a rien à faire avec le Québec. Parlons d'une usine qui n'a rien
de désuet ni de vétuste. Elle vient d'être construite. Ce
ne sont pas seulement les usines désuètes ou vétustes qui
ferment, ce sont les usines dont l'outil de fabrication est le plus moderne au
monde. L'exemple que je vous cite est Labrador Liner Board. Parlons-en deux
minutes.
La Labrador Liner Board a été implantée dans
Stevensville, à Terre-Neuve. Le" départ de l'armée
américaine qui occupait les lieux pendant toute la guerre lui a fait un
apport financier communautaire considérable. Maisons, rues, toute une
ville s'est bâtie à Stevensville et l'armée
américaine décide, 1955 ou 1960, de quitter les lieux. Un
désastre communautaire social d'envergure s'annonce. On décide
d'y construire cette usine, une usine de carton-doublure, "liner board". On la
construit, c'est l'entreprise privée qui l'a construite. L'entreprise
privée ne peut pas la terminer, elle est déjà en mauvaises
affaires. Le gouvernement se doit, dit-il, d'en prendre charge. Je pense que
1000 personnes y travaillent M. Tittemore a été
président d'un comité, à la demande du gou- vernement de
Terre-Neuve; il pourrait nous donner plus de détails on y
dépense au-delà de $300 millions; nous avons ce qu'il y a de plus
moderne au monde pour fabriquer le carton-doublure et le gouvernement de
Terre-Neuve l'opère, l'exploite pendant trois ans et perd
régulièrement entre $25 millions et $50 millions par
année. Le gouvernement de Terre-Neuve s'émeut il n'y a
qu'une population de 500 000 personnes et se dit: C'est la faillite qui
s'en vient si je tiens ce moulin en marche. Il décide de le fermer. Il
est fermé à l'heure actuelle. Qu'est-ce qu'on fait avec le
problème social? Je ne sais pas comment Terre-Neuve l'affronte. De toute
façon, il a fallu fermer cette usine. Ce n'est pas une usine
vétuste, ce n'est pas une usine désuète; c'est tout
simplement une usine non rentable. Les études de faisabilité ont
manqué quelque part. Le bois du Labrador, pour l'alimenter, coûte
beaucoup trop cher; même le bois de l'île ne peut suffire a la
tâche. On n'a pas nécessairement un problème de
vétusté; dans ce cas, c'est un problème d'une usine des
plus modernes. Dans les deux cas, on doit fermer.
Chaque cas est un cas d'espèce; vous en avez un: Labrador Liner
Board, on ferme. Vous en avez un autre, encore à Terre-Neuve, avec la
raffinerie de Shaheen; elle ne trouve aucun preneur et elle est là,
immobile, inactive. Vous avez Labrador Liner Board, immobile, inactive.
Qu'est-ce qu'on fait? Je ne sais pas. Moi non plus, je ne le sais pas, et ne me
dites pas que je manque de sympathie pour la communauté qui n'a plus cet
avoir chez elle. J'ai autant de sympathie que n'importe quel autre des citoyens
de cette communauté. Mais, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que le
gouvernement doit intervenir? Est-ce que le gouvernement doit contribuer
à une chose qui, nécessairement, par définition, est
mort-née? Voilà le problème. Comment le résout-on?
Je ne le sais pas.
M. Pagé: D'abord, M. le Président, étant
donné qu'il est midi et dix, je donne mon consentement et je suis pas
mal certain qu'avec l'importance du sujet qu'on débat ce matin, tous les
membres de la commission seront unanimes à accepter qu'on dépasse
un peu notre temps. Quant à moi, j'ai simplement quelques questions qui
s'en viennent et je suis disposé à donner tout le temps aux
autres membres de la commission qui voudront poser des questions.
J'aurais deux brèves questions. A la suite de votre commentaire,
vous faites état de la sympathie de l'industrie relativement à la
responsabilité sociale, compte tenu des fermetures éventuelles,
des problèmes régionaux, etc. Cette sympathie de la part de
l'industrie irait-elle jusqu'à souscrire au principe mis de l'avant par
la CSN, dans son mémoire, dans la recommandation qu'elle faisait au
gouvernement, c'est-à-dire que, par des mesures, soit
créée une caisse de stabilisation de l'emploi,
spécialement pour voir à pallier le problème social
engendré par la fermeture de ces usines dans différentes
régions?
M. Labrecque: Je réponds à votre question. Parlons
donc d'abord de la sympathie, M. Pagé, la
sympathie que l'industrie a à l'endroit de ces fermetures et
prenons un exemple concret. Parlons de Chandler; j'arriverai tantôt
à répondre à votre question de caisse
d'établissement, mais j'aimerais dire toute la sympathie que nous avons
pour ces problèmes. Parlons de Chandler. L'usine de pâte a
été implantée à Chandler en 1914 par des
frères Chandler qui étaient des éditeurs de
Philadelphie.
Pour faire courte une longue histoire, l'usine a passé par six
faillites pour finalement tomber, en 1937, dans les bras de notre filiale Price
Newfoundland Pulp and Paper. Price Newfoundland l'a administrée. Elle a
voulu la fermer et son conseil d'administration n'a pas voulu. Elle perdait de
l'argent régulièrement. Elle n'a pas fait un sou de 1937 à
1951; elle ne perdait pas d'argent, mais n'en faisait pas.
Pendant tout ce temps-là, on s'évertuait à Price
Newfoundland pour tenter de trouver une solution au problème de
Chandler, parce que c'eût été le désastre que ce
moulin fût fermé. En 1951, est arrivée la guerre de
Corée et une rareté incroyable de pâtes au bisulfite. Cette
année-là, Chandler, pour la première fois de son histoire,
a fait un profit de plusieurs millions. En 1952, à la fin de la guerre
de Corée ou, en tout cas, on a trouvé une façon de
s'approvisionner en pâtes ailleurs, les choses ont retombé
où elles étaient. L'usine fonctionnait pour le seul
bénéfice de la communauté de Chandler jusqu'à ce
qu'on trouve cet associé qui est le New York Times qui a consenti, avec
Price Newfoundland, à y mettre les fonds nécessaires pour y
installer une machine à papier en 1962 et les choses allant bien, une
autre machine à papier en 1964 ou 1966.
Alors, voilà la sympathie que nous éprouvons, nous dans
l'industrie, pour ces problèmes. Vous parlez de caisses
d'établissement, telles que suggérées par la CSN. Si je
comprends bien leur concept, on demanderait à l'employeur, si je me
rappelle bien, de verser une contribution de x dollars par heure de travail de
chacun de ses employés dans un fonds qui, lui, servirait à
indemniser les employés de l'usine au cas de fermeture
définitive, si j'ai bien compris la théorie, parce que je ne l'ai
pas lue dans le texte; j'écoutais M. Morin en faire l'exposé. Le
patron, l'employeur ferait uniquement la contribution. La caisse de
stabilisation serait entre les mains de fiduciaires, apparemment sous le
contrôle gouvernemental, et les contributions se feraient seulement si
l'employeur, le patron ne modernise pas, ne se tient pas au courant des
dernières méthodes de technologie du papier, par exemple, si on
parle du papier.
Alors, le défaut de l'employeur de garder son usine parfaitement
moderne l'obligerait à verser ces contributions-là au fonds en
vue d'une fermeture éventuelle de l'usine. Comment les fiduciaires
sauront-ils si un patron modernise ou ne modernise pas? Ah, dit la CSN, il va
falloir leur donner le droit d'avoir accès à tous les
résultats financiers de l'entreprise dans le moindre détail, de
façon à voir si elle n'a pas les moyens pour adopter ou ins-taHer
chez elle cette technologie moderne.
Première objection, connaissez-vous un patron qui, lui, livrerait
tous ces renseignements confidentiels pratiquement au public puisqu'ils vont au
gouvernement et à ses fiduciaires? Je n'en connais pas.
Deuxièmement, qui déciderait...
M. Pagé: Pourtant, entre parenthèses, on a vu cela
il n'y a pas longtemps.
M. Labrecque: ... si le "management" de l'usine a raison de ne
pas implanter telle et telle technologie alors que les fiduciaires sont d'avis
contraire? Qui décidera, les fiduciaires, obligeant une compagnie contre
tout le bon sens et la logique du "management", à faire un
investissement qu'elle trouve, elle, oiseux, non nécessaire? C'est le
fiduciaire qui déciderait, parce que, si la volonté du fiduciaire
ne primait pas, alors l'employeur serait obligé de faire sa contribution
au fonds.
Mais pourquoi la création d'un fonds? Je me le demande. Est-ce la
responsabilité de l'entreprise de créer ce fonds-là? Je
soutiens que, dans notre système de libre entreprise, dans notre
système d'économie tel qu'on le connaît, ce n'est pas plus
l'obligation de l'employeur que l'obligation de l'employé. Ils ont pris
un risque égal. Une compagnie avec ses 20 000 actionnaires, si on prend
l'Abitibi, l'autre avec ses 7000 actionnaires si on prend Price; elles ont
investi dans telle ou telle communauté et ont implanté une usine.
L'employé en retire un bienfait, il en retire du travail. Que faisait-il
avant? Je ne le sais pas. Etait-il chômeur? Il bénéficie de
cette implantation-là. Etait-il cultivateur et voulait-il suivre l'exode
vers les villes? Il a un emploi. Il ne l'aurait pas autrement. Alors, il a
bénéficié de l'implantation de l'usine. Il doit en
même temps en assumer les risques. L'actionnaire sait que son
implantation n'est pas là éternellement. Une journée ou
l'autre, il faudra qu'elle suive le cours des choses. Comme on dit: Les seules
choses certaines sont la mort et les taxes. Une journée ou l'autre,
l'investisseur aura à faire face à une fermeture et possiblement
à la perte de son investissement. Pourquoi l'employé ne doit-il
pas en même temps courir le même risque? Il sait qu'un jour ou
l'autre, cette usine fermera. Rien n'est éternel et il doit courir ce
risque-là.
Troisièmement, on vient ici démontrer que la
difficulté de notre industrie en est une de
non-compétitivité sur les marchés mondiaux. On dit que nos
coûts sont excessifs et la caisse de stabilisation y ajoutera Messieurs,
dans quelle position sera l'industrie des pâtes et papiers?
Quatrièmement, je dis que c'est le devoir du gouvernement d'y
pourvoir, à même ses fonds généraux. Pourquoi
l'assurance-chômage a-t-elle été créée?
Uniquement pour une fermeture temporaire? Non. Elle a été
créée pour suppléer au manque d'ouvrage de
l'employé. Si le principe est consacré que le gouvernement doit
régir ces problèmes sociaux qui sont des problèmes communs
à tout le monde, je dis, en réponse à M. Pagé, que
cela n'appartient pas à l'employeur de créer cette caisse de
stabilisation. Cela lui appartiendrait-il qu'à un titre égal, il
appartient également à l'employé d'y contribuer. Mais, si
vous additionnez ces coûts en plus de tous les coûts d'aide sociale
qu'on paie sous forme de taxes, sous forme
d'assurance-chômage, sous toutes les formes multiples d'aide
sociale, c'est clair que vous jetez votre industrie à terre. Je ne vois
pas d'autres réponses à vous donner.
M. Pagé: M. Labrecque, je vous dirai que je ne suis pas
chanceux avec les propositions que je formule. Cependant, vous semblez... Voici
une petite question et j'espère que la réponse sera aussi
brève que la question; non pas que je veuille vous limiter, mais je
crains que, d'ici quelques minutes, on nous dise qu'on a assez discuté.
La question que je viens de vous poser résultait de la réponse
que vous m'aviez donnée antérieurement. Je vous ai dit que
j'avais deux questions. Dans la réponse que vous me donniez
préalablement, vous avez évoqué le fait que l'avenir de
l'industrie ne touchait pas strictement des usines qui subissent le
problème du vieillissement, des équipements vétustes, etc.
Vous avez mis en relief le cas d'une usine complètement moderne qui
était frappée par une fermeture éventuelle ou qui est
déjà fermée. Est-ce à dire que vous ne souscrivez
pas, mais pas du tout, au principe mis de l'avant par le ministre des Terres et
Forêts, il n'y a pas longtemps, préconisant ou voyant une solution
au problème par la création de 20 nouvelles usines au
Québec?
M. Labrecque: Je pense qu'on serait peut-être dans
là même position que Terre-Neuve si on se lançait aussi
hardiment dans la construction d'autant d'usines.
Mais je suis parfaitement de l'avis du ministre quand il dit: On doit
porter beaucoup d'attention à la modernisation de certaines usines. Je
n'ai aucune querelle avec lui, au contraire, je suis d'accord. Le gouvernement
doit examiner la situation des usines et voir à élaborer de
l'aide, mais non discriminatoire, non préférentielle, pour aider
ces usines à se moderniser. Rappelons-nous qu'en France une des
conclusions de leur très long rapport malheureusement je ne l'ai
pas ici avec moi est celle-ci: en France, selon le conseil
économique, on ne doit jamais aider une usine qui n'a plus d'espoir,
même par considération d'aide sociale.
J'aurai, si je reviens cet après-midi, la citation exacte
à vous donner. Je reviens à notre problème. Je suis
d'accord avec le ministre qu'il y a, dans certains cas, des modernisations
à faire; des programmes d'aide doivent être
élaborés, non discriminatoires, non préférentiels
pour venir en aide à ces usines, à condition qu'une
réhabilitation puisse être prouvée rentable.
Mais je dis, à vous M. Pagé et à M. le ministre,
que là n'est pas la solution miracle. C'est un des nombreux aspects de
la diminution des coûts; évidemment, si vous accroissez la
productivité d'une usine en la modernisant, vous en diminuez les
coûts de fonctionnement. Mais ce n'est qu'un aspect des multiples
coûts que je vous ai cités tantôt. Il faut faire beaucoup
d'autres choses, il faut attaquer le problème sur tous les fronts.
M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez une
dernière question, parce que vous m'avez si- gnifié il y a
quelques minutes que vous aviez l'intention de m'arrêter. Je vais poser
une dernière question. Je vous prierais d'inscrire mon privilège
de poser une question, une fois que mon collègue de l'Union Nationale
aura formulé les siennes. Vous semblez favoriser un effort commun, selon
la lecture de votre mémoire, les réponses que vous nous donnez ce
matin ainsi que les commentaires que vous avez apportés en conclusion.
J'ai découvert beaucoup de bonne foi de votre part quand vous parliez de
la concertation, compte tenu de la situation qui prévaut actuellement.
Vous me corrigerez si je ne vous cite pas exactement. Vous favorisez un effort,
tant du milieu patronal que du milieu ouvrier et du gouvernement.
Je vous cite quand vous disiez: II faudra que tout le monde mette
l'épaule à la roue, etc. Vous y faites une
référence particulière en ce qui concerne la
négociation de conventions de travail en faisant état des
grèves qui ont été préjudiciables à votre
entreprise. Sans remettre en cause votre bonne foi, loin de là, sans
vouloir donner l'exemple de votre entreprise particulièrement, je me
permets le commentaire suivant. J'aurai une question par la suite. Cela fait
plusieurs fois, M. Labrecque, qu'on entend des commentaires comme
ceux-là. Une brève expérience en droit ouvrier et une plus
longue expérience en politique m'ont permis de constater souvent ceci
quant au milieu patronal, au milieu ouvrier, après des conventions
collectives et des négociations assez ardues. Je ne donnerai pas
d'exemple parce qu'on en a régulièrement, mais ça se tape
dans la face bien comme il faut un certain temps pendant la négociation
et on signe une convention collective et on dit: On est tout heureux, on a un
bon contrat de travail. Cela fait six mois qu'on se tape dessus, par exemple.
On dit: II faudrait élaborer ensemble des mécanismes pour faire
en sorte que ça ne se reproduise pas.
Aujourd'hui, vous formulez un voeu, dans le mémoire que vous
déposez, à savoir un meilleur dialogue, de meilleurs
échanges, une meilleure concertation entre les parties en cause. Je me
dis que c'est très bien ça mais, pour votre entreprise, comment
cette formulation peut-elle se concrétiser? Qu'est-ce qui devrait
être fait de la part des gouvernements et qu'est-ce qui fait en sorte que
tout le monde formule ce voeu à tout bout de champ et que la situation
continue à prévaloir avec les problèmes qu'on
connaît?
Concrètement, qu'est-ce qui a été fait chez vous
pour favoriser cette relation la plus intime possible entre le milieu ouvrier
et le milieu patronal, qu'est-ce qui a été fait? A la lueur de
l'expérience que vous avez, qu'est-ce qui devrait être fait et en
quoi le gouvernement, dans une intervention, pourrait-il bonifier, par sa
position, la relation qui existe actuellement?
M. Labrecque: M. Tittemore répondra à cette
question, M. Pagé, qui est bien prise.
M. Tittemore: It has been a primary concern of all of us in the
industry as a result of the strikes that we had in 1975 and 1976, before that,
we had
a strike in 1973, in Price, that we establish better relations with our
employees.
The industry, in general, has been trying to develop a plan of working
together with the unions to try to establish a better climate for negotiations.
We, as a company, have been trying to improve our communications program with
our supervisors and with our employees to get across a point of view that we
are all working for the same thing, to accomplish the same things and that we
should not come to a confrontation situation which leads to a strike. We should
be solving the problems that we have with our employees as we go along and not
come up to an annual or every two years confrontation.
It is our firm intention to follow through on this. We have set up what
we call mutual interest committees with our unions in the mills to discuss
working conditions, to discuss hours, to discuss scheduling. It is our
intention to involve the employees in all matters that concern them and to
involve them to a greater degree in planning and in the things that we intend
to do. That may have some impact on working conditions.
I think we have all recognized that, in the past, we have not done
enough on this and we are going to have to work harder at it in the future.
This is the responsibility primarily of the companies and the unions to work
out this kind of relationship. And, where a government intervention might come,
I guess, if this breaks down, to have some way of not coming into a disaster
like we did two years ago.
M. Rosier: Mr President, may I add to what Mr Tittemore said, I
agree with everything that he said, I agree with the principles and we are all
working very hard to improve these communications. I think there is one step
further that we need to go. I was very hopeful that today we would have this
opportunity. We need you to recognize and to accept the fact that we are paying
more to get product made than we can afford to when we are in competition with
the United States. I think it is necessary that you accept that fact. Then, I
think it is necessary for all of us, governments, unions, union leaders and
management, to convey this to our people, so that they understand it. They know
that the high expectations can lead to insecurity of jobs. We have bandied
about in most of the reports that we are some 20% or 25% higher. We cannot
afford that, because that means $22 or $25 a ton. I have the figures all worked
out here.
You may have been led somewhat astray by looking at industry averages,
the figures that are put out by the US government and the Canadian government.
They tend to show a 24%, but you probably rationalize that. Yes, but the
conditions, you are comparing apples and oranges. What we did to help to
convince you this is a basic problem with us is to take our
machine at Augusta, in Georgia, and our no. 14 machine at Alma. It just so
happens that these two machines are both the same size. The Augusta is slightly
larger and runs at a slightly higher speed, but basically, they are classed as
a no 70 machine. The crews are precisely the same. One machine tender, one
back-tender, one third hand, fourth hand, fifth hand, sixth hand and seventh
hand.
In addition, so that there would be no confusion, we added it in the
fringe benefits. In other words, what we are saying is that the cost to the
company for running one machine versus the other machine turns out to be 19,6%.
That is very specific, if these are facts, but it is also a fact that we cannot
be cost competitive when we are subjected to these kinds. I am not blaming
anybody except ourselves Canadians and all. We are living beyond the means,
beyond the standards that we have earned.
Until we get back to that some of the things we have been talking
about are bandage we need to get back to this fundamental, and all of
us, Canadians, produce so that we are cost competitive in the world.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Rosier. M. Labrecque, très brièvement peut-être pour
permettre au député de Mégantic-Compton et au ministre de
faire leurs interventions.
M. Labrecque: Nous apprécions la question qui nous est
posée. Nous avons souffert de façon désastreuse, tant
l'employeur que l'employé, de récentes grèves, en 1973,
1975, 1976 dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans nos autres usines. Nous
tentons, pour répondre à M. Pagé, de trouver une autre
formule qui puisse mettre fin à ces confrontations désastreuses.
Cette nouvelle formule est une concertation bien avant qu'il soit question de
la renégociation, du renouvellement d'une convention collective; c'est
une concertation avec les chefs de nos employés, nos chefs syndicaux
pour tenter de trouver les points majeurs où il ne peut y avoir
réellement de conflits ou de confrontations. Par exemple, nous avons
poussé ces rencontres si loin qu'elles ont eu pour résultat
vous ne le croirez pas la commandite d'une étude par une
firme new-yorkaise indépendante et impartiale pour le compte des
compagnies et des syndicats concernés, chacun payant son écot.
Les compagnies n'ont pas payé pour cette affaire qui a
coûté au-delà, je pense, de $40 000; le syndicat a souscrit
sa quote-part. Cette firme a été chargée de faire
l'étude comparative des salaires du sud des Etats-Unis avec les salaires
québécois. Alors, les usines ont ouvert leurs livres à
cette firme et lui ont donné tous les standards, les normes de gages,
les salaires payés dans les usines québécoises.
Voilà donc un pas important vers l'avant, une reconnaissance
qu'on puisse accepter un arbitre payé par les deux parties pour
régler des problèmes sur lesquels il ne devrait pas y avoir de
discussions. A cela, M. Rosier ajoute: II va falloir que le gouvernement soit
convaincu aussi... Rien de plus facile pour le gouvernement; il a les moyens de
commanditer toutes les études nécessaires pour s'assurer si ce
que nous disons est exact, à savoir que l'ouvrier
québécois est payé plus cher
que son homologue du sud des Etats-Unis. M. Rosier dit: Nous avons une
usine à Alma, nous avons une usine en Géorgie, nous avons fait la
comparaison des taux horaires à tous les niveaux de nos ouvriers d'usine
pour en conclure que l'ouvrier québécois reçoit 19,6% de
plus en gages que son homologue du sud des Etats-Unis.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, permettez que je remercie la
compagnie Abitibi-Price pour le dépôt de son mémoire. Je
pense bien que ces gens ont compris l'importance pour eux de venir devant cette
commission, et de donner leur version des faits. Je pense que le mémoire
qui nous est présenté est fort étoffé et nous donne
des renseignements qui rendent d'énormes services à la
commission. Vous y faites des suggestions dès le début de votre
mémoire, vous y allez de propositions et on sait combien cela peut
être utile non seulement pour le gouvernement, mais également pour
l'Opposition.
On rencontre là-dedans même des propositions qui font
l'objet de lois qui sont déposées dans le moment mais pas encore
votées et qui ressemblent à des propositions déjà
entendues par des partis d'Opposition. Je constate avec vous l'immense travail
qui est fait pour nous fournir cette pièce de travail qui nous aidera et
qui aidera, bien sûr, le gouvernement, et Dieu sait si, dans le contexte
actuel, on en a besoin. On faisait allusion, tout à l'heure, aux 20
usines qui pourraient s'implanter au Québec ici pour aider à
contrer les difficultés. Je pense que c'est au lendemain d'une
élection. Il ne faut pas en vouloir aux ministres. On est habitué
à des sortes de déclarations auxquelles il ne faut pas attacher
trop d'importance.
Un autre ministre nous a parlé, il n'y a pas si longtemps, d'une
flotte pour le Québec. Un autre nous a parlé de l'armée.
Ce sont des choses sur lesquelles on ne perd pas de temps, mais on s'attaque
réellement aux problèmes qui sont les nôtres. Vous dites
qu'il est impossible, économiquement parlant, de penser à de
nouvelles installations. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui va arriver
en 1985, par exemple, quand la capacité de production sera suffisante ou
sera insuffisante, puisqu'il semble que l'industrie américaine et
l'industrie canadienne soient dans la même situation que le
Québec. Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment, que le
marché sera fixé à jamais?
M. Labrecque: Je voudrais que M. Rosier réponde à
cette question. J'aimerais la lui formuler en anglais. Pourriez-vous le faire
vous-même?
M. Grenier: J'aimerais que vous compreniez ici si c'est possible.
En 1985, quand la capacité de production sera insuffisante et si on ne
prévoit pas qu'il nous soit possible économiquement de penser
à de nouvelles usines, qu'est-ce qui arrivera à ce moment?
M. Labrecque: Harry, the question is: We have said that we are
productive, that production apparatus is sufficient until 1985 for our needs.
We have said so in our brief. Now, in 1985, if it costs too much to put in new
mills or new expansion, what will then happen to Quebec?
M. Rosier: Mr President, we believe that most of the mills
located in the province of Quebec as well as our own in Ontario and other
places all have what we call incomparable opportunities to expand. And this can
be done at something right or less than half of the cost of building brand new
facilities. This will be the next step. What do we do in 1985?
M. Labrecque: Si je comprends bien la réponse de M.
Rosier, c'est qu'on n'implantera pas de nouvelles installations. On verra
à augmenter la vitesse des machines. On verra à tout faire pour
que la production, avec nos installations actuelles, soit accrue.
L'accroissement peut être assez fort en termes de pourcentage. Pour 1985,
c'est difficile de répondre à votre question. C'est beaucoup trop
loin. Quel sera alors l'état des marchés? Quel sera alors le
coût d'implantation? Quelles régions seront nécessairement
favorisées? Il y aura toujours des facteurs militant en leur faveur,
mais 1985 nous porte beaucoup trop loin. Est-ce qu'on se servira encore du
papier journal en 1985? Voilà une question intéressante. Au
Japon, on a réussi à publier tout un journal avec des produits
dérivés d'hydrocarbures.
Le coût en est assommant, mais un jour viendra, si le coût
du papier journal continue de monter comme il monte, où d'autres
solutions pourront être trouvées.
M. Grenier: J'aurais aimé quand même, avoir un peu
d'éclaircissement parce que je ne pense pas que l'avenir soit dans les
produits pétroliers non plus. J'aurais aimé avoir un peu plus
d'éclaircissement pour 1985. Il me semble que 1985, on n'est quand
même pas en 2050. C'est quand même à assez court terme.
Maintenant, pour passer à une autre question...
M. Labrecque: M. Rosier aimerait ajouter...
M. Rosier: In response to your observation on synthetic fibers;
certainly as they are associated with the petrochemical industry, I could not
agree with you more that it is going to be a long long time before they replace
the cellulose wood fiber. I would like to say that in the province of Quebec we
have so many things going for us. We have lots of fiber, we have lots of water,
we have lots of energy and it is cheap energy, let us try to keep that, we have
lots of the greatest people in the world as far as making pulp and paper is
concerned. We have all the ingredients to regain the dominance that the
province of Quebec had in world markets and I think we have the dedication to
doing that and with everybody working together, this can be
accomplished. We are convinced of that and there will be ample room for
the expansion that you talk about once we get our costs in line.
M. Labrecque: Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Grenier: Oui.
Est-ce que vous, Abitibi-Price, seriez capables d'investir pour former
de nouvelles usines. Est-ce que cela est étudié dans le moment?
Est-ce que vous voyez l'opportunité de cela ailleurs qu'au
Québec, par exemple?
M. Labrecque: Harry, do you want to answer that?
Are we interested in looking at new installations in Abitibi-Price, for
news-print?
M. Grenier: Ailleurs qu'au Québec. M. Labrecque:
Anywhere.
M. Rosier: Let me make this observation. The part of my long
range planning and I think that this applies to any company is to
be planning, thinking and trying to determine what is economical and what will
help us to grow, create employment, create prosperity; so, to answer your
question: "Are we giving consideration to this"?, of course we are giving
consideration to this, all the time. Let me hasten to say, however, that the
industry is running at about 88% of capacity and we do not think that it is
going to be much higher than that next year. As somebody observed, there is
enough capacity until sometimes in the early 1980s, so there is ample time to
be making that decision. But, "Are we looking at its"; yes sir, we are looking
at it, we always do.
M. Tittemore: We look at all locations. We have to look where we
have mills in the south of Quebec, Ontario, Western Canada; we have to look at
every thing.
M. Labrecque: M.Rosiera dit, et c'est important, le Québec
est dans une position supérieure. Il a beaucoup de bois, il a beaucoup
d'eau, il a beaucoup d'énergie; il n'y a pas de doute, c'est un gros
avantage, il a un ouvrier très expérimenté dont la
technique ne baisse pavillon devant aucun autre ouvrier étranger
à la province.
Parlons d'énergie. Vous vous demandez qu'est-ce qui arrivera en
1985. Pour nous c'est loin; c'est à très long terme en 1985. On a
parlé de substitution, de dérivé, d'hydrocarbure, etc.
Mais, voici un autre scénario qui se pose avec beaucoup d'acuité
aux Etats-Unis récemment et qui occupe beaucoup les esprits
américains à savoir ce qui va advenir de leurs industries, celles
qui consomment énormément d'énergie dont l'aluminium, dont
les pâtes et papiers. Dans le Nord-Ouest américain
déjà, on a commandé aux fabricants d'aluminium de baisser,
de diminuer leur production de 25% et d'arrêter leur production à
75% de leur capacité.
Ce sont des ordonnances gouvernementales à la suite du manque
d'énergie.
L'industrie des pâtes et papiers, qui est très forte dans
le Nord-Ouest américain, évidemment en faisant concurrence
à nos collègues de la Colombie-Britannique, appréhende ce
qui vient et ce qui vient peut-être à très court terme,
à savoir, les ordonnances gouvernementales les empêchant de
consommer la quantité d'énergie qu'elle consomme à l'heure
actuelle. C'est donc un ciel bleu à l'horizon sous cet aspect pour le
Québec.
L'industrie du Sud dont on vante tellement les facilités et le
coût de production doit faire face au même problème. Notre
usine, nous, a dû cesser d'employer le gaz naturel il y a une couple
d'années et doit cesser de s'en servir l'hiver, de façon à
donner préférence aux résidences et aux habitations.
Alors, on se dit, on se demande, aux Etats-Unis, si le gaz naturel et l'huile
devront cesser d'être employés par l'industrie des pâtes et
papiers pour être remplacés par le charbon dont on a des
quantités énormes aux Etats-Unis.
Déjà certaines ordonnances ont été
émises, ordonnances qui sont plutôt des admonitions qu'autre
chose, mais laissant savoir à toute l'industrie que ses jours d'emploi
de gaz naturel et d'huile tirent à leur fin. Encore là il y a
donc du ciel bleu à l'horizon pour le Québec. On dira que
l'énergie nucléaire viendra remplacer ce manque d'énergie
produite par le gaz naturel et par l'huile, mais les tenants de l'environnement
ne sont pas de cet avis, ne veulent pas de l'énergie nucléaire.
Déjà la Californie s'est prononcée là-dessus. En
somme, le monde tourne tellement vite que répondre à votre
question pour 1985 est très difficile. Il faudrait une boule de
cristal.
M. Grenier: Merci, mais je dois quand même déduire
de vos propos que le Québec est peut-être le mieux placé de
tout ce monde de l'Amérique du Nord pour rester sur le marché
avec des possibilités d'investissements ici qu'on ne trouvera
peut-être pas dans d'autres régions.
M. Labrecque: Vrai.
M. Grenier: Je veux vous en remercier. Et maintenant, quand vous
dites que le ciel est bleu pour l'avenir, moi aussi je suis de votre avis.
J'aurais aimé vous entendre parler d'investissements. Etes-vous
capable de me donner, peut-être pas des chiffres, mais au moins une
appréciation morale de l'investissement, du rendement de
l'investissement qui est fait par exemple en Géorgie ou en Louisiane et
nous donner un point de comparaison avec le Québec. Je vous ai entendu
parler tout à l'heure du côté salaire, je sais
d'après les autres mémoires qu'on a entendus ici, que ce n'est
pas le seul critère sur lequel il faut se fonder, il y a autre chose, et
je pense bien qu'il serait peut-être intéressant de vous entendre
quelques instants.
M. Labrecque: Le rendement de nos installations canadiennes
québécoises, c'est la même
chose est moins de 6% sur le capital investi. Notre concurrent
principal dans le Sud des Etats-Unis s'appelle Southland Paper Mills. Southland
Paper Mills est une compagnie publique, donc qui publie des rapports annuels.
Son rendement moyen, au cours des dernières années, a
été de 12%. Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Grenier: On demande difficilement à la commission la
production de chiffres on l'a fait par voie de motion il y a quinze
jours mais est-ce qu'il y aurait lieu de savoir dans votre compagnie, si
vous comparez bien la Géorgie et la Louisiane, par exemple, par rapport
au Québec...
M. Tittemore: Is is difficult to make a direct comparison because
our investment is different in Louisiana. The mill there was financed by
industrial revenue bonds. It was completely financed by the parish of Beau
regard and it is leased back to the company, so that our investment is very
small, and our return on investment is very large. It is difficult to make a
comparison, but if we are building a new mill in the South of the United
States, because the cost of construciton the cost of material and the way the
mill is build because of the milder climate, it would be less costly than
building in Canada, so we have a disadvantage in construction as well.
M. Grenier: Thank you. Vous avez dit tout à l'heure que
vous fabriquiez vous-même votre électricité. Est-ce qu'il y
a des usines où vous devez acheter votre énergie
électrique?
M. Labrecque: Oui nous l'achetons à Chandler, nous devons
acheter notre énergie électrique à Chandler et à
Beaupré. Oui.
M. Grenier: Maintenant, est-ce que vous avez des taux
préférentiels pour l'achat comme compagnie, du gouvernement?
M. Labrecque: Non, notre électricité nous
coûte plus cher à Chandler que, je crois, la moyenne de toutes les
autres usines du Québec.
M. Grenier: Est-ce que ces deux usines sont assez importantes
pour vous faire entrevoir des difficultés quant au taux d'augmentation
de 20% décrété il y a trois semaines, un mois?
M. Labrecque: Non, mais cela baisse cet avantage naturel que nous
avons. Cela en diminue la portée.
M. Grenier: Si le gouvernement abolissait le droit de flottage,
cela se traduirait par une augmentation de combien sur l'ensemble des
coûts de production par tonne?
M. Labrecque: Par une augmentation de $8 la tonne. Je crois que
c'est dans notre mémoire.
M. Grenier: C'est plus global.
M. Labrecque: Ce n'est pas $8 la tonne, c'est $8 millions.
M. Grenier: C'est plus global.
M. Labrecque: Ces $8 millions donneraient $10 la tonne.
M. Grenier: Est-ce que le fait d'arrêter le flottage
pourrait mettre la survie de certaines de vos usines en danger?
M. Labrecque: Would they jeopardize the life of our mills in
preventive driving?
M. Tittemore: Yes, I guess it would because it would make us less
competitive. So, therefore, our costs would be higher than our competitors,
much higher. And it would be necessary to make large capital investments in
roads, and ways of giving the wood. There is no way to give the wood to the
mill now except by river, unless a good all weather road would be built into
the woods.
M. Labrecque: On peut dire que cela affecterait
sérieusement la rentabilité de certaines de nos usines.
M. Grenier: Vous parlez aussi de l'effritement du marché
québécois des pâtes et papiers. Est-ce que vous pourriez
nous indiquer la perte de marchés, pour Abitibi et Price, au cours des
dernières décennies par exemple?
M. Labrecque: Could you give us an estimate of what we have lost
in the last ten years in newsprint position?
M. Grenier: ... de marché d'abord?
M. Labrecque: Oui, nous étions un des gros fournisseurs en
Afrique du Sud et nous l'avons complètement perdue. Pourquoi? Parce que
l'Afrique du Sud a décidé d'y implanter sa propre production
domestique. Nous étions ici, dans le Québec, probablement le plus
gros fournisseurs canadien, il y a quinze, vingt ans, le plus gros fournisseur
canadien de papier journal dans le Sud des Etats-Unis. Nous l'avons
complètement perdu. Alors, perdre des marchés... Parce que nous
sommes un fournisseur important du Mexique, il y a lieu de craindre la perte de
marchés là-bas parce que le Mexique songe sérieusement, il
y a déjà des moyens de production, à faire une expansion
de son outil de production. Nous étions un des gros fournisseurs avec
nos collègues canadiens de toute l'Australie et de la
Nouvelle-Zélande; il y a vingt ans on a décidé d'y
implanter une papeterie et on l'a agrandie depuis ce temps. Aujourd'hui, le
marché n'est plus ce qu'il était. Il en va de même
continuellement.
M. Grenier: Merci. Deux questions pour terminer. Est-ce que le
taux de grèves au Québec a été plus
désastreux que dans d'autres régions où
vous avez des usines et est-ce que cela vous a davantage nui
qu'ailleurs?
M. Tittemore: I do not think it is any greater in Quebec in the
pulp and paper industry, not greater in Quebec than in Ontario or British
Columbia. It is a problem that we have right across Canada. We had a strike in
Louisiana too.
M. Grenier: La dernière. Vous avez passé un peu
rapidement. Quand je vous entends depuis ce matin, M. Labrecque, sur ce
mémoire, je me rends compte que vous êtes un homme très
prudent, très sage dans vos déclarations; vous ne dites que
l'essentiel. Vous avez fourni des détails sur plusieurs secteurs, et
remarquez que je vous ai admiré sur plusieurs points. S'il y avait une
élection complémentaire, je proposerais même au
gouvernement d'aller vous chercher comme candidat; ce serait bon qu'il y ait un
homme comme vous à l'intérieur du cabinet. Vous êtes
modéré dans vos propos. Mais un sur lequel vous avez
été très limité, cela a été de nous
donner des propositions; c'est peut-être ce dont le gouvernement a le
plus besoin. Comme homme d'une compagnie aussi importante que la vôtre,
quel élément de solution nous donnez-vous pour les cas de
Wayagamack et East Angus que nous allons étudier jeudi matin?
M. Labrecque: Je me récuse. Politiquement, je ne connais
pas assez le problème pour pouvoir m'y immiscer. Tout ce que je peux
dire, monsieur, c'est que j'ai beaucoup d'estime et d'admiration pour le
"management" de Domtar et le "management" de Consolidated-Bathurst. Ce sont des
hommes comme vous et moi, ce sont des pères de famille, ce sont des gens
qui ont commencé de rien, comme vous et moi, qui se sont hissés
au haut de l'échelle dans leur compagnie respective, mais qui n'ont
jamais oublié la parabole du bon Samaritain. S'ils tiennent cette
position, franchement, ça ne doit pas être par dureté de
coeur, ils ont des responsabilités. Pensez un moment; on
s'inquiète du problème social de East Angus et de Wayagamack, et
avec raison. Mais est-ce qu'on s'inquiète au même degré de
cette veuve qui nous écrit constamment: Price, quand allez-vous me payer
un dividende? Cela fait deux ans que j'attends, j'ai de la misère
à mettre du pain sur ma planche. Je n'arrive pas. Combien de
retraités nous écrivent pour nous dire la même chose.
Ceux qui ont la fonction, le "management", d'administrer les fonds qui
leur ont été confiés par ces gens, il faut qu'ils y
songent aussi. Il ne faut pas que cet avoir soit perdu, non plus. Alors, c'est
la seule réponse que je peux vous donner à ce stade-ci.
Si vous permettez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement, M. Labrecque, s'il vous plaît.
M. Labrecque: Si vous permettez, une personne qui pourrait en
parler avec beaucoup plus d'à-propos que moi est M. Charles Tittemore
qui a été nommé président d'un conseil "aviseur"
pour le gouvernement de Terre-Neuve sur les moyens à prendre en ce qui
concerne Labrador Liner Board, à Stevensville, dont je vous ai
parlé tantôt. Il a siégé sans le sou pendant six
mois; les membres ont fait un rapport, ils ont pris uniquement en
considération le problème social, et ont fait connaître
leur avis au gouvernement.
Si vous voulez des détails là-dessus, vous avez des...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Labrecque, il est maintenant 13 heures. Etant donné que la compagnie
Abitibi-Price et ses représentants ont commencé à
présenter leur mémoire à 10 h 15, nous leur avons
accordé deux heures et quarante-cinq minutes; je pense que c'est
suffisant. Mais il y a d'autres intervenants qui attendent. D'autre part, je
pense qu'il serait sage et opportun à ce stade-ci d'avoir le
consentement unanime pour permettre au ministre des Terres et Forêts de
faire les dernières interventions. Est-ce que j'aurais ce consentement
unanime des membres?
M. Pagé: M. le Président, j'ai fait état,
lorsque j'ai commencé à poser des questions, que nous
étions d'accord, compte tenu de l'importance du sujet pour la
région du Lac-Saint-Jean, sur la comparution, ce matin, d'Abitibi-Price.
Nous étions d'accord, nous le sommes toujours.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
pense, M. le député de Portneuf...
M. Pagé: Comme je vous en ai donné préavis,
M. le Président, j'aurais aimé pouvoir poser une dernière
question après que M. le ministre aura posé les siennes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais j'avais reconnu avant vous le député de Mercier, le
député de Robert-Baldwin, le député de
Kamouraska-Témiscouata...
M. Pagé: Le député de Mercier?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
évidemment, je pense qu'à ce stade-ci, le consentement unanime
valait pour les 45 minutes qu'on a déjà prises en surplus. Je
demande un consentement unanime uniquement pour le ministre. Sinon, les travaux
de la commission seront suspendus jusqu'à 15 heures.
M. Pagé: Nous sommes d'accord malgré tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, cinq minutes s'il vous plaît.
M. Pagé: Ah, ça c'est bien, cinq minutes.
M. Bérubé: Je serai très bref. Je voudrais
tout d'abord féliciter M. Labrecque, pour la défense magistrale
du mémoire qu'il vient de nous soumettre, de sa très grande
franchise marquée au coin de l'humour. Je pense qu'il allège les
travaux de cette commission.
J'aurai quelques très brèves questions, en particulier
concernant le réinvestissement. Vous avez souligné que de 1960
à 1974, vous avez réinvesti tout près de $250 millions,
soit 2,5 fois les bénéfices nets de cette période.
J'aimerais savoir comment ces $250 millions se comparent avec la valeur de la
dépréciation de vos actifs pour l'entreprise au cours de cette
même période.
M. Labrecque: C'est deux fois la dépréciation, qui
fut de $137 millions pendant cette période. Merci de vos compliments, M.
le ministre.
M. Bérubé: Dans votre mémoire, vous
soulignez que l'industrie forestière est subventionnée par des
gouvernements, en particulier en Scandinavie, et vous parlez également
d'un appui tacite venant de la Colombie-Britannique en particulier.
Pourriez-vous expliciter ce que vous appelez cet appui tacite et ces
subventions? Est-ce que vous avez des exemples que vous voudriez apporter au
gouvernement?
M. Labrecque: Would you explain, Charlie, what the government aid
is in Scandinavia, in B.C. and in Southern US?
M. Tittemore: Well, one of the big things that the Scandinavian
government did in the last two years was a financial aid to the inventory of
the companies and the mills continued to run and build up that inventory and
the government financed all of their inventory. We are not asking the
government to do this kind of thing, but this is the kind of aid that they
gave, they have special funds that are set aside in good times, out of
taxation; really, the flow from the companies is put into an almost separate
funds, it is such a big part of the economy in those countries and then, in bad
times, they draw from that fund back to the companies instead of paying taxes.
You might say the money is allocated in that way.
In British Columbia, the two things that have, stood out in my mind, I
spent a little time out there, was the B.C. Railway, as the government own the
railway, and it has really been subsidized as to the movement of wood and the
movement of pulp to the market from the interior of British Columbia. They set
quite low rates. The other thing is that they allow the cost of roads to be
offset against stumpage cost to a large degree. So, in effect, the government
is subsidizing the building of roads.
In the Southern United States, I guess, the biggest advantage there is
the way that they had in the past industrial revenue bonds, which was really a
way of financing these mills, they were tax free bonds to the people that had
put up the money. So, then, the government did not get the tax on and this
money went to the development of pulp and paper and other industries in the
Southern United States. This was a big factor in financing Dirrider,
Louisiana.
These are examples.
M. Bell: Mr President, one of our great disadvantages is in
transportation cost and just to give you an example, the transportation cost
from Alma to our market in the United States is $35 a ton and, from the
Dirrider and the Augusta mills in the South, it is $13 a ton. So,
transportation is one very serious disadvantage this industry has to face and
it is not just true in Quebec but all over Eastern Canada.
M. Labrecque: M. le Président...
M. Rosier: Mr President, I would like to add to that that it is
not only the distance that causes the higher cost of transportation to our
market, but our rail rates are considerably higher in Canada than some of the
rail rates in United States. So we have a double problem, and to that extent,
any help that you can give us in getting our rates down, we think, would serve
a good purpose.
M. Labrecque: M. le Président, permettez-moi, en
réponse à M. le ministre, que je vous lise l'extrait suivant
d'une étude faite par le Council on Wages and Prices Stability aux
Etats-Unis en décembre 1976. L'extrait, page 28, se lit comme suit: "The
ordinary tax rate for this type of mill would be 48%. However, a variety of tax
code provisions lower the effective rate paid by paper firms. The 1973 to 1976
average tax rate paid by the paper industry was 34,16%, due, in large part, to
the investment tax credit". Au pays, nous payons 46%.
M. Bérubé: Concernant le problème de la
voirie forestière, vous acceptez, semble-t-il, dans votre
mémoire, le principe que le gouvernement pourrait prendre en charge les
routes principales pour en faire des routes publiques. Evidemment, il faut
défrayer ces frais et la question que j'aimerais vous poser, c'est quels
sont vos coûts, mis sur une base de cunits de bois, quels sont les
coûts que vous encourez présentement à la
société Price pour la construction de la voirie et l'entretien
des chemins forestiers pour vos exploitations? Est-ce que vous avez une
idée ici, à la portée de la main?
M. Labrecque: Je vais demander au vice-président de
l'exploitation forestière, M. Létourneau. Avez-vous une
idée? Cela peut aller jusqu'à $8 le cunit, pour l'entretien des
routes.
M. Bérubé: La construction et l'entretien? M.
Labrecque: Construction et entretien.
M. Bérubé: La dernière question que
j'aimerais vous poser est relative à un exemple que vous donnez à
la page 42 de votre mémoire pour nous convaincre qu'il est
préférable de moderniser les usines plutôt que d'en
construire de nouvelles. Cela a dû faire beaucoup plaisir au
député de Portneuf.
M. Pagé: ... pas parlé de vingt.
M. Bérubé: Je regardais les chiffres que vous
soulignez et vous indiquez $125 millions en particulier pour une usine de 160
000 tonnes. Or, des comparaisons avec l'usine de F.F. Soucy, qui est à
peu près de la même taille, nous indiquent que vous avez des
estimations qui sont peut-être le double de ce que l'on pourrait
rencontrer présentement ici au pays, donc vos coûts de capitaux
sont, il me semble en tout cas, tout près de deux fois le prix normal.
Vos coûts à l'usine évidemment, de $200 la tonne sont
peut-être également forts puisqu'on indique parfois dans certaines
sociétés québécoises des coûts qui sont de
l'ordre de $20 meilleur marché. Enfin j'additionne un certain nombre de
facteurs et je constate qu'avec les 7% d'échange, nous arrivons
peut-être à $325 la tonne. Est-ce que vos $475 n'auraient pas
été un peu gonflés?
M. Labrecque: Question compliquée, je n'ai pas
préparé ce tableau. Il faudrait songer à la
réponse, j'aimerais avoir l'occasion de vous la donner à 15
heures, cela prendrait deux minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, si vous voulez...
M. Labrecque: Parce que je n'aime pas laisser les question sans
réponses.
M. Bérubé: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
M. Labrecque, je vous remercie beaucoup. Je vous invite à revenir
à 15 heures, spécialement pour répondre à cette
question. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 15 h
15.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
Reprise de la séance à 15 h 20
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Labrecque, je vous demanderais de répondre à la
question qui a été posée avant l'heure de la suspension.
Je ne permettrai aucune question supplémentaire et, par après,
nous recevrons la Fédération des travailleurs forestiers du
Québec.
M. Labrecque: M. Tittemore va répondre à M. le
Président.
M. Tittemore: The question was the investment required for a new
machine, a new mill, and our experience based on technology, as we know it, is
that an estimate that we know that has been made in the South of the United
States by competent engineers involving twin wire machine, the latest in
technology on paper machines and refiner ground wood in the South, and this
involves also a refuse burning boiler burning wood waste, it is a capital cost
of $105 million, that is the estimate that we have. Now, we also know of
another mill that is being built by a group of publishers in Dublin, Georgia,
which is based on waste paper and thermo-mechanical pulp, and this mill is
estimated in excess of $120 millions, and it is a one-machine mill.
Now, technology is changing, some of these figures are subject to
change, and all we can do is really make our estimate based on what we know at
the present time, and they change according to the infrastructure that is
required for the hard-top boilers, for the electric power brought in and all
kinds of considerations of that type.
The second part of the question concerns the manufacturing cost, and,
here again, a new technology is coming into play, but as close as we can
assess, based on what we know now and based on operations of an efficient mill
in the province of Quebec, the manufacturing cost is in excess of $200 a ton
without regard to depreciation in the mill cost. So, we do not have all the
answers, but this is what we know, and in the forthrun, a thermo-mechanical
pulping, we have just got one of our mills in Newfoundland running completely
on refiner round wood, and we are learning more as we go along, but these are
the best estimates that we have at this time.
M. Labrecque: M. le Président, en deux mots, en
réponse à la question du ministre qui mettait en doute certaines
assertions que nous faisions à la page 42 de notre mémoire,
d'abord, M. Bérubé se pose un point d'interrogation quant au
coût que nous avions estimé pour un moulin de papier journal d'une
capacité de 160 000 tonnes. M. Tittemore vient de répondre que
nos compagnies sont au courant d'un projet d'implantation d'une machine
semblable dans le Sud des Etats-Unis. Evidemment, tout dépend de
l'infrastructure. Y aura-t-il des bouilloires? Comment pourvoira-t-on à
l'énergie électrique, etc.? Le chiffre donné fut de $105.
millions. Nous sommes également au courant d'un projet d'implantation de
plusieurs édi-
teurs de journaux à Dublin, en Géorgie. Le coût,
pour un moulin semblable, serait de $130 millions.
Maintenant, le ministre aussi se posait une question à savoir le
coût de production de la tonne de papier-journal que nous avions
estimé, à la page 42, à la somme de $200. Cela, dit M.
Titte-more, est moins que la moyenne canadienne que nous connaissons de tous
les moulins, c'est même inférieur à nos meilleurs moulins,
par exemple le moulin de Chandler, qui est un des moulins les plus modernes du
Canada, le coût de $200 est inférieur à la moyenne de
Chandler. Je pense que cela répond aux questions.
J'ajouterais, M. le Président, en ce qui concerne le flottage des
rivières, que le Maine a adopté il y a quelque temps la loi
défendant tout flottage sur les rivières du Maine. Actuellement,
la législature du Maine est saisie d'un projet de loi pour la
révocation de cette loi, à la suite de la pression de ceux qui
avaient fait pression pour faire cesser le flottage, à savoir les
touristes et ceux qui aiment l'environnement.
Ils sont maintenant tellement embourbés dans la poussière
du camionnage qu'ils redemandent à la Législature d'abroger cette
loi. Selon les dernières informations que j'ai elles n'ont pas
été confirmées la Législature du Maine
aurait abrogé la loi prohibant le flottage du bois dans les
rivières.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Labrecque, je vous remercie. Je remercie également ceux qui vous
accompagnent pour leur participation à cette commission
parlementaire.
J'inviterais maintenant la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec et ses représentants, dont M. Louis-Albert
Duguay, à se présenter, s'il vous plaît, à la table
pour présenter leur mémoire.
Le député de Portneuf.
M. Pagé: Je demanderais, M. le Président, le
consentement unanime des membres de cette commission pour pallier l'erreur qui
s'est glissée, ce matin, lorsque je mentionnais que M. Mailloux, de
Charlevoix, remplaçait M. Larivière; j'aurais dû dire que
c'était M. Julien Giasson, député de Montmagny-L'Islet. Je
demanderais le consentement unanime pour ratifier ce remplacement. Je tiens, M.
le Président, à vous faire part que je devrai quitter dans
quelques minutes. Ce sera M. Giasson, une fois, je l'espère, que le
consentement sera donné, qui agira au nom de l'Opposition officielle
dans le dossier des prochains intervenants.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a consentement unanime?
Des Voix: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
consentement unanime étant accordé, M. Giasson,
Montmagny-L'Islet, en remplacement de M. Mailloux, Charlevoix et de M.
Larivière, Pontiac.
M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez, face
à la méfiance exprimée par l'attitude du ministre dans son
visage, je lui dirai que si je dois m'absenter, qu'il ne soit pas inquiet, je
suis en pleine santé, en pleine forme, c'est parce que son gouvernement
ne règle pas tous les problèmes et je dois être absent
quelques minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Cela allait
bien depuis le début. Il faut que cela continue. S'il vous plaît!
Je demanderais à M. Ouguay de bien vouloir présenter ceux qui
l'accompagnent.
Fédération des travailleurs forestiers
du Québec
M. Duguay (Louis-Albert): M. le Président. A mon
extrême gauche, M. Jules Lapointe, membre du Conseil d'administration de
la Fédération des travailleurs forestiers. M. Benoît
Paquet, qui est membre de l'exécutif de la Fédération des
travailleurs forestiers. A mon extrême droite, M. Rosaire Tremblay, qui
est premier vice-président de la Fédération des
travailleurs forestiers du Québec. M. Jean-Marie Vaillancourt qui est
président. Sur ce, je demanderais à M. Vaillancourt de faire la
présentation du présent mémoire, s'il vous
plaît.
M. Vaillancourt (Jean-Marie): M. le Président, M. le
ministre des Terres et Forêts, MM. les membres de la commission
parlementaire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et
papiers du Québec, la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec vous présente aujourd'hui son mémoire
qui est beaucoup plus axé sur les problèmes de la main-d'oeuvre
forestière qui sert à alimenter la matière première
aux usines des pâtes et papiers jusqu'à aujourd'hui. Les
mémoires qui vous ont été présentés
parlaient très peu de l'importance que va avoir le travailleur forestier
dans l'avenir de cette industrie, car même si on fait toutes les
améliorations qui seraient souhaitables pour la modernisation des usines
pour les rendre plus productives, donc, plus rentables, il faudra s'assurer, au
départ, qu'on pourra avoir la matière première
nécessaire pour la bonne marche de l'industrie.
Si on se base sur ce qui s'est passé au cours des
dernières années, il est permis de se poser des questions. Car
même avec le taux de chômage très élevé que
nous connaissons actuellement, il y a un certain manque de travailleurs
forestiers dans quelques régions de la province. Alors s'il se
produisait une vraie relance de cette industrie au cours des prochaines
années, il faut se poser la question à savoir si on pourrait
trouver la main-d'oeuvre forestière nécessaire pour
l'approvisionnement des usines.
Sur ce point d'interrogation, je demanderais à M. Louis-Albert
Duguay de lire notre mémoire. Merci.
M. Duguay: La Fédération des travailleurs
forestiers du Québec est heureuse d'apporter sa
contribution à l'étude, par votre commission
parlementaire, des perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et
papiers du Québec.
La fédération regroupe, depuis l'année 1961, les
syndicats de travailleurs forestiers des régions les plus
intéressées aux problèmes du travail en forêt comme
le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Estrie, Québec, le Bas-Saint-Laurent, le
Nord-Ouest québécois et, de ce fait, couvre une très forte
proportion des travailleurs forestiers du Québec.
C'est la fédération qui concrétisait, en 1961, tous
les efforts faits pour l'organisation de ces travailleurs par l'UCC, l'UPA
aujourd'hui, depuis le début des années trente. Ce n'est plus un
secret pour personne que l'industrie des pâtes et papiers traverse
actuellement une crise très aiguë et cela au détriment de la
population du Québec et plus particulièrement de quelques
régions à vocation forestière telles que le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent et la
Mauricie dont la situation économique repose, en grande partie, sur
cette industrie.
Nous ne voulons pas faire de procès d'intention à
l'égard de qui que ce soit dans le présent mémoire, mais
nous croyons qu'il serait difficile de ne pas faire une certaine analyse de ce
que nous pensons être les causes des problèmes qu'a
occasionnés la situation dans laquelle cette industrie se retrouve
actuellement. Suite à cela, étant donné que notre raison
d'exister consiste à défendre les intérêts des
travailleurs forestiers qui sont à la base même de cette
industrie, nous voulons donner un aperçu de ce que pensent ces
mêmes travailleurs de la situation actuelle. Ils sont en effet les
premiers à souffrir de l'instabilité qui existe depuis quelques
années dans l'industrie des pâtes et papiers et pourtant ce n'est
sûrement pas leurs exigences dans le passé qui en sont ta cause.
Ces constatations seront accompagnées de quelques recommandations qui,
nous l'espérons, seront agréées par cette commission
parlementaire. Nous avons également l'intention de présenter
quelques commentaires sur la transaction Abitibi-Price.
Donc, pour analyser la situation actuelle il est bien évident
qu'un retour en arrière s'impose afin de mieux comprendre le
problème, car personne ou presque n'aurait pu le prévoir il y a
15 ou 20 ans, étant donné que l'industrie des pâtes et
papiers du Québec n'avait pas ou très peu de concurrence venant
des autres pays qui fabriquaient le papier journal. Il n'existait à peu
près pas de problème de marché, de problème
d'approvisionnement de matière première et non plus de
problème de main-d'oeuvre, même si celle-ci était
très instable, la quantité étant là pour
suppléer.
Les premiers symptômes de la crise actuelle ont fait leur
apparition au début des années soixante, mais on se disait que
c'était passager et que le Québec ne pouvait perdre son avance
dans l'industrie des pâtes et papiers et l'on n'a pas été
plus prévoyant que cela. Cependant, en 1971, la crise fut plus
prononcée et même certaines grosses compagnies ont eu des
difficultés financières assez importantes qui les ont
obligées à adminis- trer de façon plus rationnelle leurs
entreprises. Cette crise n'a pas duré puisque, dès 1972, 1973 et
1974, la situation s'était redressée. Mais, encore une fois, cela
était de façon temporaire et en 1977 l'on se rend compte que la
situation se détériore à un point tel que quelques
compagnies ont annoncé la fermeture indéfinie de certaines usines
pour cet automne. Comment se fait-il qu'on en soit rendu à un point de
non-retour pour certaines compagnies et que plusieurs autres parlent de
non-rentabilité à cause de la concurrence de plus en plus forte,
des salaires trop élevés au Québec, en fonction du
rendement, etc.? Comment se fait-il qu'en 1977 on en arrive à une
situation aussi détériorée sans l'avoir prévu ou
presque? Nous n'hésitons pas à affirmer que, sauf pour de rares
exceptions, les compagnies papetières n'ont pas réinvesti, ou
presque pas, pour moderniser leurs usines alors qu'elles faisaient des profits
considérables. Il s'agit là, sans aucun doute, d'une des raisons
majeures de la désuétude actuelle des usines et de la
difficulté de répondre à la concurrence, même pour
les compagnies qui ont 50 à 75 ans d'existence.
Une autre raison des problèmes rencontrés, face à
la concurrence, réside dans le fait d'une gestion plus que douteuse de
la forêt, qui est une ressource naturelle renouvelable, mais pas
inconditionnellement. Les compagnies de pâtes et papiers du Québec
n'ont sûrement pas manqué de territoires de coupe car le
système de concessions forestières était très
généreux à leur égard. Il n'est pas rare de
constater qu'une compagnie avait deux fois plus de territoire de coupe que son
besoin ne le nécessitait. Mais, comme il n'y a à peu près
jamais eu de planification de programme de coupe, à l'exception des
dernières années, nous nous retrouvons avec une forêt qui
est encore immense, au Québec, puisqu'elle n'est pas exploitée au
maximum, mais qui est devenue presque inexploitable à cause de la
mauvaise répartition qui en a été faite et de la mauvaise
exploitation qu'en ont faite certains utilisateurs. Cette abondance a
également fait oublier la nécessité du reboisement des
territoires les plus accessibles. Nous nous retrouvons donc devant une
situation d'infériorité avec d'autres pays producteurs de
pâtes et papiers, mais qui eux ont planifié leur coupe
forestière et également le reboisement de leurs forêts en
fonction d'une meilleure rentabilité. Que dire maintenant du
problème de la main-d'oeuvre forestière? L'industrie des
pâtes et papiers du Québec nécessite l'engagement d'environ
15 000 à 16 000 travailleurs forestiers à chaque année
pour des périodes de travail variant de six à dix mois selon les
besoins de l'industrie.
Depuis les vingt dernières années, il s'est
effectué une transformation majeure parmi cette main-d'oeuvre car,
depuis le début de l'industrie des pâtes et papiers, la
main-d'oeuvre nécessaire à l'exploitation forestière se
recrutait en très forte partie chez les cultivateurs ou les fils de
cultivateurs qui allaient en forêt, une fois la saison des
récoltes terminée, pour se chercher un revenu d'appoint
nécessaire pour boucler leur budget.
Donc, l'exploitation forestière se faisait à par-
tir du début de l'automne jusque tard dans l'hiver et les
salaires qui étaient payés en forêt étaient
nettement inférieurs à ceux qui étaient payés dans
l'usine de pâtes et papiers. Cependant les travailleurs forestiers
n'avaient pas le choix et c'était la politique du crois ou meurs.
Depuis 1955, cette main-d'oeuvre s'est transformée du tout au
tout, de même que l'exploitation forestière elle-même qui
d'une exploitation dite artisanale est devenue mécanisée,
à partir de l'avènement de la scie mécanique.
En effet, le syndicalisme en forêt a eu comme conséquences,
particulièrement, de faire du travail-leurforestier un travailleur
professionnel et de forcer les compagnies papetières à
mécaniser les exploitations forestières et à tenter de
rattraper le temps perdu. Il est à noter que la première phase de
mécanisation, celle de la scie mécanique, a été
totalement réalisée par les travailleurs eux-mêmes et non
par les compagnies. Et pour d'autres phases de mécanisation de
l'exploitation forestière, tel le débardage du bois, c'est encore
le travailleur forestier qui en a fait les frais à presque 100%.
Enfin, pour certaines autres phases, comme le transport et l'abattage
mécanique, une partie très importante de la mécanisation
est assumée également par les travailleurs.
Cela libérait d'autant les deniers nécessaires pour que
les compagnies transforment leur usine, mais nous avons vu qu'elles ne l'ont
fait que dans quelques rares cas.
Donc, depuis 1955, les travailleurs forestiers sont devenus petit
à petit des professionnels de leur métier et ceux qui travaillent
en forêt aujourd'hui le font dans l'espérance d'y gagner leur vie
et d'avoir une certaine stabilité d'emploi, ce qui n'est malheureusement
pas le cas et les travailleurs forestiers ne sont sûrement pas les grands
responsables de la non-rentabilité de l'entreprise.
Ce changement qui s'est effectué dans la main-d'oeuvre
forestière a eu d'autres conséquences , dont celle de la
recherche d'un travail qui tienne compte davantage de l'humain, car les
travailleurs forestiers qui oeuvraient en forêt, avant les années
1955, lorsqu'ils montaient travailler au début de l'automne ne
retournaient dans leur famille qu'une fois la saison de coupe et de char-royage
terminée, alors qu'aujourd'hui, le travailleur forestier voudrait avoir
une vie familiale, comme tous les autres travailleurs, et participer davantage
à la vie sociale de son milieu, ce qui est pratiquement impossible
à cause de l'éloignement de la forêt des villes ou
villages.
Cet éloignement apporte une autre dimension au problème de
l'industrie des pâtes et papiers car, depuis quelques années,
malgré des diminution de coupe assez prononcées dans certains
endroits, il arrive que des compagnies qui exploitent des territoires plus
éloignés que d'autres aient de la difficulté à se
procurer la main-d'oeuvre nécessaire à leurs exploitation
forestière.
Alors, dans l'analyse et l'étude que vous aurez à faire
sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au
Québec, nous vous demandons de tenir compte de ce facteur très
impor- tant que constituent les aspirations des travailleurs forestiers.
Beaucoup de recherches ont été faites, depuis quelques
années, par le Conseil de la main-d'oeuvre forestière du
Québec présidé par le Dr André Lafond. Ce conseil
qui a été mis sur pied par le ministère du Travail et de
la Main-d'Oeuvre s'occupe spécifiquement des problèmes de la
main-d'oeuvre forestière et déjà plusieurs rapports ont
été faits.
Nous croyons qu'il serait peut-être bon que votre commission se
procure les principaux rapports comme, par exemple, l'étude sur la
pénurie de travailleurs forestiers au Québec, Conseil de la
main-d'oeuvre de la forêt, octobre 1973, et également le
résumé des travaux du colloque organisé par ce même
organisme qui s'est tenu en novembre 1975 et qui réunissait les
compagnies, les syndicats ainsi que les ministères du Travail, de
l'Education et des Terres et Forêts.
Dans ce rapport, nous retrouvons la conférence du Dr Louis-Jean
Lussier intitulée: "Pénurie de bras ou de bois", qui est,
à notre avis, une excellente analyse des problèmes de la
main-d'oeuvre forestière et où il est question également
des correctifs possibles. Nous vous suggérons également de
consulter le rapport annuel du conseil depuis sa création en 1971. A la
suite de cette analyse des problèmes que l'industrie des pâtes et
papiers traverse présentement, nous vous soumettons notre point de vue
sur ce que nous croyons être des correctifs valables qui pourraient
être apportés pour que cette industrie devienne un secteur de
pointe très modernisé et pouvant faire face à la
concurrence.
Il nous apparaît de plus en plus évident qu'en tout premier
lieu, le gouvernement du Québec doive s'impliquer résolument dans
la gestion des approvisionnements en bois des compagnies, en procédant
sans plus de délai à un nouveau partage des territoires de coupe
ayant essentiellement comme objectif l'utilisation maximale de la
forêt.
Nous ajoutons, à l'annexe A, un document que nous avons
déjà présenté au ministère des Terres et
Forêts sur le sujet.
Cela doit se faire parallèlement à un vaste programme
gouvernemental de recherche, en collaboration avec les compagnies, concernant
les techniques de transformation et la mise en marché afin de
diversifier les produits à mettre en marché et afin d'utiliser
toutes les essences de bois que l'on trouve dans la forêt
québécoise. L'Etat devra exiger des compagnies qu'elles aient en
conséquence une politique d'investissement pour la modernisation et
l'adaptation de leurs usines et l'Etat devra lui-même avoir une politique
favorisant cette modernisation et cette adaptation.
Dans cet effort d'un partage rationnel des territoires de coupe et de
restructuration des usines de transformation, on devra avoir adopté une
politique de main-d'oeuvre forestière qui tienne compte de l'humain;
autrement dit, il faudra tenir compte des possibilités
d'approvisionnement des usines en matières premières, mais il
faudra aussi
tenir compte des besoins légitimes des travailleurs forestiers,
particulièrement en ce qui a trait à l'éloignement. Il y a
là un impératif pour que l'industrie des pâtes et papiers
puisse compter sur une main-d'oeuvre suffisante et stable.
Tout cet effort devrait également, à notre avis,
être appuyé d'une véritable politique à long terme
de reboisement et de travaux sylvicoles comme on en retrouve dans les pays
Scandinaves et dans le Sud des Etats-Unis.
Si l'on s'est appliqué à éloigner la forêt
pendant si longtemps, il y a lieu de songer à mettre les bouchées
doubles pour la rapprocher, et cela, le plus tôt possible, même si
ce "plus tôt" peut paraître assez lointain.
Des recommandations qui précèdent, et si l'on veut faire
du secteur forestier un secteur prioritaire au Québec, il y a à
faire un investissement massif et ordonné.
Enfin, tel que mentionné au début du présent
mémoire, nous voulons discuter du problème qu'a occasionné
la transaction Abitibi-Price pour certaines régions de la province,
entre autres celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Celle-ci a eu un contrecoup
assez brusque à la suite de cette transaction. A venir jusqu'à
1974, la compagnie Price était reconnue comme le symbole du dynamisme et
de la stabilité de cette région et, pour vous en citer un
exemple, mentionnons qu'en 1966, cette compagnie avait une capacité de
production de 350 000 à 375 000 cunits annuellement, production qu'elle
augmenta graduellement jusqu'à 697 000 cunits en 1974 grâce
à l'addition d'un moulin de bois de sciage situé au lac Lamothe,
soit à environ 10 milles de Saint-David de Falardeau, et à la
modernisation de son usine de pâtes et papiers à Alma. De plus,
cette même année, on commença la construction d'une autre
usine de bois de sciage à l'Ascension qui devait normalement faire
augmenter la production aux environs de 800 000 cunits. Et arriva la fameuse
transaction.
On nous avait donné l'assurance qu'il n'y aurait aucun changement
dans les politiques de la compagnie et que les investissements annoncés
quelques mois auparavant seraient concrétisés. Ce ne fut le cas
que pour le moulin de sciage de l'Ascension qui était déjà
en construction. Ces investissements étaient de l'ordre de $47 millions
au Québec, tel qu'en fait foi le communiqué de presse émis
à cette occasion et que nous produisons en annexe B.
Nous aimerions savoir où sont rendus ces investissements car, de
la production maximale que nous avons mentionnée ci-haut et qui
était supposée augmenter encore, ce ne fut qu'une faible
proportion qui fut produite.
En 1975-1976, en effet, la coupe a baissé à 381 515
cunits. Malgré l'ouverture de l'usine de sciage de l'Ascension en
1976-1977, la coupe fut d'environ 300 000 cunits et, cette année,
d'environ 482 000 cunits. Cette baisse considérable est due à
plusieurs facteurs dont la fermeture presque totale de l'usine de sciage du lac
Lamothe qui est censée être non rentable à cause de la
censée mauvaise qualité du bois. Pourtant, ce n'est pas un
nouveau territoire de coupe puisque la compagnie fait dans ce secteur des
exploitations forestières depuis plus de 50 ans. Il est donc impossible
qu'elle n'ait pas connu la qualité du bois lorsqu'elle a construit son
usine. Nous demandons donc qu'une réponse nous soit fournie sur le sujet
par le ministère des Terres et Forêts.
Concernant les fermetures temporaires mais régulières de
ses usines de papier journal dans la province, nous avons de plus en plus
l'impression qu'Abitibi Paper se sert des usines du Québec comme tampon
pour les fluctuations du marché, ce qui n'était pas le cas avant
1974. Cette situation qui se vit actuellement au Saguenay-Lac-Saint-Jean a
créé une insécurité pour tous les employés
concernés, et particulièrement les travailleurs forestiers qui
ont vu leur période de travail diminuée de quatre à cinq
mois par année en 1975-1976 et 1976-1977. De plus, cette situation a des
répercussions sur toute la vie économique de cette
région.
Devant ces faits, nous devons prendre une attitude très ferme et
faire la recommandation suivante: Que l'Etat du Québec devienne
actionnaire majoritaire de la compagnie Price Ltée par le truchement de
la Société générale de financement pour redonner
à cette compagnie le dynamisme nécessaire à la
prospérité de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
à moins qu'Abitibi & Paper donne des preuves irréfutables
qu'elle entend elle-même donner suite à ses engagements.
Nous terminons ici ce mémoire qui, nous l'espérons, aura
permis à la commission parlementaire de comprendre l'inquiétude
qui existe parmi les travailleurs que nous représentons, désireux
de connaître ce que leur réserve l'avenir dans le secteur
d'activités qui les intéresse. Soyez assurés que notre
seul désir en venant devant vous est de voir l'industrie des pâtes
et papiers du Québec devenir ce qu'elle doit être,
c'est-à-dire l'une des plus efficaces industries de pointe dans la
province.
M. le Président, avant de répondre aux question, je
voudrais ajouter quelques commentaires, principalement sur ce que nous avons
entendu ce matin et sur certains autres mémoires qui vous ont
été présentés depuis l'ouverture des travaux de la
commission parlementaire.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Vous pouvez y
aller.
M. Duguay: Disons d'abord que, sur le problème qui a
été discuté ce matin, la transaction d'Abitibi-Price, je
dois vous dire que nous ne partageons pas l'enthousiasme manifesté par
M. La-brecque sur le bien-fondé des supposés avantages
qu'auraient reçu les gens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean
en fonction de cette transaction. Il y a un point sur lequel je suis d'accord
avec le député, M. Grenier, qui a dit que M. Labrecque aurait
fait un bon politicien. J'ai toujours pensé cela d'ailleurs.
Sur cela, je pense que M. Labrecque a fait un plaidoyer vraiment
très efficace pour la compagnie qu'il représente, mais les
travailleurs forestiers
que nous représentons ne seraient sûrement pas d'accord
avec ce plaidoyer, ayant vécu depuis quelques années ce qu'on a
connu, des périodes de travail de deux ou trois mois, alors qu'on
était habitué de vivre avant des périodes de travail de
cinq, six, sept ou huit mois par année.
Sur ce point, il me semble évident voir la dernière
demande que nous formulons dans notre mémoire suite aux
commentaires qui nous ont été émis ce matin par la
compagnie Price et aux investissements qu'on a annoncés ce que
j'ai pris très politiquement, d'ailleurs le 26 août
dernier, soit un mois et un jour avant la tenue de cette commission
parlementaire, que cette annonce par la compagnie Price a sûrement eu des
effets qui sont méconnus. Certains organismes de la région de
Saguenay-Lac-Saint-Jean avaient déjà manifesté leur
intention de se présenter à la commission parlementaire pour y
présenter un mémoire, mais, suite à l'annonce de la
compagnie Price, qui, je pense, était très à point, les
organismes en question se sont désistés. Ils n'ont pas
daigné se présenter à la commission parlementaire.
Comme stratégie, je pense que c'était à point. On
n'a sûrement pas manqué son coup de ce côté. Pour ce
qui est de cette transaction, vous avez notre point de vue. Ces messieurs de la
compagnie Price nous ont dit, tout à l'heure, que les $25 millions
annoncés comme investissement dans les usines de Kénogami vont se
faire selon certaines conditions. On en a énuméré
quelques-unes.
C'est une décision, d'après ce qu'on nous a dit, qui
était prise. On ne nous a pas nécessairement dit que cela allait
se réaliser si on n'a pas les conditions qui ont été
mentionnées. Ceci est un premier point de vue.
Je pense que, rendu en 1977, une annonce d'investissement de $25
millions n'a pas le même effet qu'une annonce de $25 millions en 1974.
Tous connaissent le taux d'inflation qu'on a connu dans les quelques
dernières années. Il est sûr que $25 millions
répartis sur trois ans, quand on sait que cela aurait peut-être
dû se produire trois ans, auparavant, ce qui avait été
annoncé d'ailleurs... Alors, c'étaient nos commentaires sur ce
que nous avons entendu ce matin.
D'autres commentaires également que nous voudrions formuler. A la
lecture assez rapide des mémoires qui ont été
présentés à la commission parlementaire jusqu'à
présent, il nous apparaît qu'actuellement il y a une constance qui
se dégage et qui nous semble assez dangereuse en tant que syndicat. On
semble vouloir faire actuellement une diversion. On veut attribuer aux salaires
trop élevés au Québec les problèmes pour lesquels
la commission parlementaire a été mise sur pied.
Jusqu'à présent, il n'y a pas un intervenant du
côté des compagnies qui n'a pas fait mention des salaires
très élevés qui sont payés au Québec et qui
font en sorte que l'industrie n'est pas sur une base concurrentielle.
On a fait grand état de cette chose. Cependant, on a
attaché très peu d'importance à une remarque qui a
été faite ici lors de la présentation d'un mémoire,
à savoir que, pour produire une tonne de papier journal au
Québec, cela prend beaucoup plus d'heures-homme qu'aux Etats-Unis. On
n'y a pas attaché tellement d'importance. On a attaché beaucoup
plus d'importance au facteur des salaires qu'à ce facteur.
Il nous apparaît également qu'on tente de vouloir faire
beaucoup de comparaisons. Je voudrais en relever une, entre autres, qui m'a
paru un peu odieuse: on a comparé les salaires des travailleurs
forestiers du Québec avec ceux des travailleurs forestiers du sud des
Etats-Unis. Je ne voudrais pas qu'on fasse un retour si loin en arrière
parce qu'on sait que dans le sud des Etats-Unis, ce n'est pas l'esclavage, mais
bien proche quand on parle des travailleurs forestiers qui ont à couper
le bois dans ce territoire. Egalement, on sait qu'au Québec il n'y a pas
de ségrégation raciale. Il ne faudrait pas pousser trop loin les
comparaisons que l'on fait.
Egalement, il y a un point assez important qui n'a jamais
été mentionné à la commission parlementaire depuis
que j'y assiste. On a beaucoup parlé de productivité. Cependant,
aucun mémoire, jusqu'à maintenant, n'a mentionné que les
travailleurs forestiers, de 1950 à 1977, ont quadruplé leur
production en forêt. Depuis 1967, ils l'ont doublée. J'ai lu
certains mémoires et on faisait mention énormément des
salaires pas énormes que se font les travailleurs forestiers, mais on
mentionnait que, depuis 1967, les travailleurs forestiers avaient
augmenté leur gain quotidien d'environ 16%. On oubliait de dire,
cependant, que, pendant la même période, ils avaient doublé
leur production. Si on lit le mémoire de façon un peu rapide, on
dit: Ces gars, leurs salaires ont augmenté de 16%. Ce n'est pas cela en
réalité. En plus des augmentations de salaires, bien sûr,
qui ont été négociées, les travailleurs paient
eux-mêmes, la mécanisation puisqu'il y a encore 80% des
opérations forestières qui se font sur une base dite
conventionnelle, soit avec des équipes de trois hommes, deux abat-teurs
et une débusqueuse. Alors, la scie mécanique avec laquelle les
deux abatteurs, travaillent, ce sont eux qui la paient et, aujourd'hui, dans
95% des cas, l'opérateur est propriétaire de la
débusqueuse. Cela veut dire que, dans les dix dernières
années, les travailleurs ont doublé leur production. Dans les
vingt dernières années, ils l'ont quadruplée, mais
toujours avec leur mécanisation. Vous allez peut-être me dire, en
contrepartie, qu'il a fallu tronçonner ce bois. Les compagnies ont
investi dans le tronçonnage du bois qui se fait aujourd'hui en longueur
d'arbres.
Egalement, je voudrais signaler à la commission que, de plus en
plus, la machinerie lourde est achetée par les travailleurs forestiers.
Il n'est pas rare de voir aujourd'hui des travailleurs forestiers qui sont
propriétaires d'abatteuses, d'ébrancheu-ses et de
tronçonneuses en même temps. J'ai constaté le cas à
certains endroits. Cela veut dire qu'il y a certains travailleurs forestiers
qui ont des investissements aujourd'hui en forêt qui sont autour de $200
000 à $250 000.
Ce sont les commentaires que je voulais formuler avant de
répondre à vos questions, messieurs. On est disposé.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup de votre
exposé et également pour votre commentaire. Maintenant, je
céderai la parole au député de Berthier.
M. Mercier: Vous dites dans votre mémoire: Nous
n'hésitons pas à affirmer que, sauf quelques rares exceptions,
les compagnies papetières n'ont pas réinvesti ou presque pour
moderniser leurs usines. Suite à cette déclaration, comment
interprétez-vous les données de Statistique Canada, montrant que
l'industrie a investi plus de $3,1 milliards en immobilisations et
réparations de 1960 à 1976?
M. Duguay: Dans l'industrie des pâtes et papiers?
M. Mercier: Oui.
M. Duguay: Evidemment, quand on parle d'investissements majeurs,
quand on fait le tour de cette question, on parle d'investissements qui
auraient pu rendre les usines rentables à ce moment. Il y a
sûrement des montants qui ont été investis au Québec
par les compagnies de pâtes et papiers dans certaines usines. On ne me
fera pas croire qu'on a investi dans celles dont on a annoncé la
fermeture, parce que, si on avait investi pour les rendre rentables et pour
qu'elles continuent à fonctionner sur une base de rentabilité qui
aurait permis aux compagnies de continuer à les exploiter, je pense bien
qu'on ne parlerait pas de les fermer aujourd'hui. C'est vrai qu'il y a eu de
l'argent investi. Il y a eu plusieurs usines construites depuis 1960 au
Québec. Si on parle de Quévillon, cela a été
bâti après 1960. Pour ces usines, il y a eu plusieurs
investissements. Il y a également plusieurs compagnies qui ont investi
pour la modernisation, mais, malheureusement, ce ne fut pas le cas partout.
C'est le reproche que nous formulons.
M. Mercier: D'accord. Vous attribuez la difficulté de
faire face à la concurrence à la désuétude des
usines. Suite aux statistiques que je viens de vous citer sur lesquelles vous
avez fait quelques commentaires, croyez-vous que cette désuétude
soit présente dans toutes les usines? Non. Maintenant, quel degré
d'importance accordez-vous à cette désuétude en ce qui
concerne les difficultés de l'industrie à faire face à la
concurrence comparativement aux autres éléments qui sont les
salaires, le coût du bois et le coût de transport? Dans l'ensemble
de ces coûts, quelle influence attribuez-vous à la
désuétude de l'usine par rapport aux autres coûts?
M. Duguay: Evidemment, c'est une question assez difficile que
vous me posez. Nous ne sommes pas spécialisés dans l'usine
elle-même, dans la fabrication des pâtes et papiers. Il y a un
facteur qui est sûrement évident, c'est que l'éloignement
des forêts y est pour beaucoup dans la rentabilité des industries
de pâtes et papiers au Québec et également pour la
main-d'oeuvre. Comme on en a fait mention, si la forêt était
beaucoup plus pro- che, je pense bien qu'il n'y aurait peut-être
même pas de commission parlementaire qui siégerait ici
aujourd'hui. Il y a ce facteur qui est bien important, l'éloignement de
la forêt de l'usine. Pour ce qui est du pourcentage qui pourrait
être remis pour la désuétude des usines, franchement, vous
me prenez au dépourvu.
M. Mercier: D'accord.
M. Duguay: Je n'ai pas la compétence pour répondre
à votre question.
M. Mercier: D'accord. Dans les mémoires antérieurs,
on a fait mention d'un désavantage variant entre $20 et $25 la tonne de
papier journal attribuable au prix du bois au Québec en comparaison avec
le sud-est américain. D'ailleurs, vous en avez parlé tout
à l'heure. Dans votre mémoire, vous dites: "Nous nous retrouvons
donc devant une situation d'infériorité avec d'autres pays
producteurs de pâtes et papiers qui ont planifié les coupes et le
reboisement". Quelle importance attribuez-vous à l'absence de gestion
forestière dans la différence de ces $20 ou $25, comparativement
à d'autres éléments tels qu'un meilleur taux de
croissance, une meilleure densité, le niveau de salaire des ouvriers
forestiers américains, une meilleure accessibilité à la
forêt et une plus faible distance de transport? Vous disiez tout à
l'heure, entre autres choses, qu'évidemment il n'y avait pas de
ségrégation ici et que si, aux Etats-Unis, les taux de salaire
étaient inférieurs... Enfin, je voudrais ajouter à cette
question le fait quand cela arrive sur le marché, peu importe les
raisons qui existent, qui expliquent que le taux de salaire aux Etats-Unis
puisse être inférieur, il demeure que le consommateur qui
achète le papier l'achète au meilleur coût possible.
M. Duguay: Je suis entièrement d'accord avec vous. Il faut
premièrement admettre que, dans le sud des Etats-Unis, le bois est
à proximité des usines. Deuxièmement, on sait que les
salaires sont inférieurs. Quelle est la proportion des $20 ou $25 de
plus? C'est bien sûr que le salaire y est pour beaucoup, parce que...
M. Mercier: Oui, justement. Il a été
révélé d'ailleurs, dans les mémoires
précédents, que, dans le sud des Etats-Unis, les usines
s'approvisionnent surtout dans les forêts privées, alors qu'ici,
c'est le contraire, c'est dans les terres de la couronne. D'autre part, dans
votre mémoire, à un moment donné, vous semblez avoir des
réticences à ce qu'on accentue l'approvisionnement dans les
forêts privées.
M. Duguay: Non, je ne crois pas qu'on ait manifesté cela
dans notre mémoire.
M. Mercier: Oui...
M. Duguay: Nous mentionnons que nous devrions faire l'impossible
pour rapprocher la forêt des usines. Alors qui dit rapprocher la
forêt de
l'usine peut nécessairement dire que les terres qui pourraient
être reboisées devraient l'être. Alors, qui dit terre parle
de boisé privé, assurément. Il est bien évident que
plus on produira du bois à proximité des usines ce ne
pourra demeurer indéfiniment ce qui se passe actuellement, en fait, que
ce soit le cultivateur, pour le propriétaire de boisé
privé, qui fasse quelques cordes de bois plus on va rapprocher,
plus il va y avoir de la forêt à proximité de l'usine, plus
les travailleurs forestiers vont nécessairement être près
de chez eux, et nécessairement ne travailleront peut-être plus
pour des compagnies forestières, mais peut-être travailleront pour
d'autres organisations, et ils ne s'en porteront peut-être pas plus mal,
d'ailleurs.
M. Mercier: D'accord. Vous citez l'éloigne-ment comme un
élément important du recrutement et de la rétention de la
main-d'oeuvre. Quelle solution proposez-vous à court terme pour pallier
cet éloignement? Vous avez commencé à l'évoquer un
petit peu, je pense bien.
M. Duguay: Je pense que, dans le moment, il n'y a pas à
court terme d'élément de solution pour pallier, si vous voulez,
l'éloignement de la forêt. Il y a eu des expériences de
tentées, il y a eu des villages forestiers qu'on a essayé de
constituer dans certaines régions. Cela a toujours été un
échec. Cela ne sert à rien d'essayer de revenir sur ces choses.
Rapprocher les forêts des usines va prendre plusieurs années. Pour
ce qui est des palliatifs, d'ici à ce temps, je pense qu'il va falloir
que tout le monde participe à un plan de travail quelconque pour essayer
de minimiser les inconvénients que subit un travailleur obligé
d'aller travailler à 125 milles ou à 150 milles de chez lui. Il
n'y a aucun doute là-dessus. Il va falloir... Des solutions miracles, il
n'y en a pas. On a souvent mentionné que l'avion serait un outil
très facilement utilisable. Mais encore là, l'avion a des
problèmes, on les a étudiés également.
M. Mercier: Oui. Parlant de la mécanisation, vous disiez
aussi dans votre rapport que la première mécanisation, ce sont
les travailleurs forestiers qui l'ont assumée. Depuis quelques
années, on a assisté à l'arrivée de machines
extrêmement perfectionnées, mais également très
coûteuses, qui ont été assumées, en partie, par les
entreprises. Maintenant, de plus en plus de travailleurs forestiers
s'organisent et s'équipent. Même des compagnies dans ma
région, c'est le cas ont revendu aux ouvriers ces machines
extrêmement coûteuses.
Les gens qui les ont se rendent compte que les coûts sont
énormes et, parfois, pour travailler quelques mois par année,
c'est une très lourde charge.
Alors, que suggérez-vous? Pensez-vous qu'on devrait encourager de
plus en plus les travailleurs forestiers à posséder et à
travailler eux-mêmes avec ces équipements mécanisés
extrêmement coûteux ou si les entreprises devraient les
fournir?
M. Duguay: Sur ce sujet, nous sommes très
catégoriques, comme nous l'avons toujours été d'ailleurs.
Nous n'avons jamais accepté que les travailleurs forestiers deviennent
les propriétaires, soit de débusqueuse, d'abatteuse ou de
machinerie quelconque.
Nous avons toujours pensé et nous pensons toujours que les
compagnies forestières doivent être les propriétaires de
cette machinerie.
A venir jusqu'à maintenant, cela peut avoir réglé
certains problèmes de main-d'oeuvre, si on pense aux quelques
années passées; l'avenir nous dira, cependant, si ce
problème a été réglé pour longtemps. Mais il
semble que, de plus en plus, cela va devenir un problème.
Ce qui était une amélioration, il y a quelques
années, ce qui avait réussi à régler un
problème de main-d'oeuvre, va devenir un autre problème d'ici
quelques années. Lorsqu'un travailleur est propriétaire d'une
débusqueuse vous avez dit tout à l'heure que ces machines
avaient été revendues par des compagnies lorsque la
compagnie forestière a revendu au travailleur une débusqueuse, on
ne peut pas faire de reproche concernant le prix de vente; comme cette machine
ne dure pas éternellement, à un certain moment, il faut que le
travailleur la change, et alors, il doit faire un investissement de $35 000,
$40 000 et $50 000, après avoir payé les taxes, les
intérêts sur le prêt, etc.
Alors, il est bien évident que cette chose perd son attrait.
Lorsque vous voyez des travailleurs qui, comme dans les années
passées, ont travaillé deux à trois mois par année,
avec un investissement de $35 000 à $40 000 et des termes qui peuvent
aller jusqu'à $1500 et $1800 par mois, ne vous posez pas de question
à savoir ce que le gars fait chez lui pendant la période qu'il
reçoit des prestations d'assurance-chômage. Il se creuse la
tête pour payer ses dettes. C'est la situation qui prévaut. Et on
peut dire qu'actuellement, 95% ou peut-être plus des travailleurs
forestiers sont propriétaires de débusqueuse.
M. Mercier: D'ailleurs, quant à l'introduction de ces
nouvelles méthodes d'exploitation de la forêt, j'ai recueilli
beaucoup de commentaires très contradictoires dans ma région qui
est une région d'exploitation forestière aussi.
Les travailleurs en forêt notamment prétendent que les
débusqueuses et ces équipements détruisent la forêt,
et provoquent des coupes à blanc par opposition à la coupe
sélective. L'utilisation de machineries extrêmement lourdes est un
facteur qui favorise de plus en plus l'éloignement de la forêt,
avec construction de voirie, etc. Tout cela amène également un
gaspillage de bois considérable. Je ne sais pas ce que vous en
pensez.
D'autre part, on rencontre des spécialistes qui disent que ce
n'est pas mauvais, que cela fait un brassage et que la
régénération se fait plus rapidement.
Pensez-vous que notre façon d'exploiter la forêt
présentement amène des coûts, à moyen terme,
supérieurs? Constate-t-on des coûts inférieurs à
court terme? A long terme, qu'en pensez-vous?
M. Duguay: Sauf le bois qu'on laisse sur place actuellement,
entre autres les feuillus. A mon avis, il devrait y avoir beaucoup plus de
recherches de faites. Je ne crois pas, qu'en 1977, on gaspille plus de bois
qu'en 1948, en 1949 ou en 1950.
Alors, il y a eu beaucoup de choses contradictoires qui ont
été dites, concernant ce que vous venez de dire, à savoir
que la machinerie, la dé-busqueuse empêchait la
régénération de se refaire. Cela a été
tellement contradictoire que nous ne nous sommes pas penchés sur ce
problème. Le ministère des Terres et Forêts a fait des
recherches. Certains disaient que cela activait la
régénération. D'autres disaient que cela la retardait.
Jusqu'au moment où ces différentes recherches en viendront
à un consensus, nous, actuellement, ne nous posons pas de questions.
M. Mercier: Vous recommandez au gouvernement d'adopter une
politique de main-d'oeuvre forestière qui tienne compte de l'humain.
Pourriez-vous nous donner un aperçu des éléments qui
feraient partie d'une telle politique de main-d'oeuvre et de quelle
façon elle serait appliquée dans l'industrie?
M. Duguay: Une politique de main-d'oeuvre forestière se
rapprochant de l'humain, je pense que, jusqu'à maintenant,
jusqu'à 1960, les travailleurs forestiers étaient
considérés un peu comme les nègres blancs du
Québec. Ils travaillaient à des salaires nettement
inférieurs. Dans les quelques dernières années, il y en a
eu un certain rattrapage qui s'est fait. Nous considérons que cela n'a
pas été suffisant. Un problème qui se présente,
lorsque l'industrie est en pleine relance, on n'a pas trop de difficulté
à faire valoir le point de vue des syndicats et des travailleurs,
lorsque nous négocions. Disons que ce n'est pas parfait, mais il y a au
moins un effort qui se fait. Lorsque nous sommes en période de
stagnation, comme nous le sommes actuellement, on revit ce qu'on a toujours
vécu. En somme, les compagnies forestières, jusqu'à
maintenant, n'ont à peu près jamais eu de vraie politique de
main-d'oeuvre. Si elles n'en ont jamais eu, ce que nous voudrions, c'est que le
gouvernement ait une politique de main-d'oeuvre pour les travailleurs
forestiers afin qu'elle soit uniformisée. Ici, on a parlé
seulement de la main-d'oeuvre nécessaire à l'industrie des
pâtes et papiers. Dans l'industrie du bois de sciage, le problème
est encore pas mal pire que celui qu'on vit dans l'industrie des pâtes et
papiers. Lorsqu'on vise à une politique de main-d'oeuvre beaucoup plus
humaine, premièrement, et c'est une des priorités que les
syndicats qui travaillent en forêt se sont fixée, c'est qu'un jour
ou l'autre, le travailleur forestier soit mieux payé que celui de
l'usine, parce qu'il est normal que celui qui produit la matière
première soit normalement mieux payé que celui des usines.
Deuxièmement, c'est qu'il y a encore des conditions de travail qui sont,
à toutes fins pratiques, inacceptables en forêt et qu'on voudrait
voir améliorer et qui prennent beaucoup de temps à
s'améliorer.
Ce sont un peu toutes ces choses qu'on voudrait voir se réaliser
dans une politique de main-d'oeuvre que le gouvernement pourrait
élaborer et qui pourrait être étudiée, si ce n'est
pas par la commission parlementaire, sinon par des comités de travail,
peu importe. Il y a un problème qui existe en forêt. Même
cette année, malgré qu'on emploie environ 3000 ou 4000 personnes
de moins chez les compagnies de pâtes et papiers, il y a des
régions où on manque de main-d'oeuvre. Normalement, comme le dit
le mémoire, il y a 15 000 à 16 000 travailleurs forestiers qui
oeuvrent pour les compagnies de pâtes et papiers. Cette année,
d'après les rapports que nous recevons, il y a eu un maximum de 12 500.
Ce qui veut dire qu'il y a 3000 à 3500 travailleurs de moins que les
années passées. Malgré tout cela, on manque de
main-d'oeuvre. S'il y avait une vraie relance, je me demande ce qui se
produirait. C'est à partir de ce moment qu'il va falloir établir
des conditions de travail qui tiennent compte vraiment du travailleur et qu'il
soit le moins éloigné possible de sa famille et de ces choses. Je
ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
M. Mercier: Oui.
M. Duguay: Je ne voudrais pas faire le tour.
M. Mercier: Cela va. Vous soulevez la menace de fermeture de
l'usine de sciage du lac Lamothe, qui serait reliée à une
supposée mauvaise qualité du bois. Est-ce que vos membres qui
oeuvrent dans ce secteur de coupe ont constaté que le bois est en
réalité propre au sciage? Pouvez-vous préciser ce
point?
M. Duguay: C'est un peu comme nous vous le disons dans le
mémoire. La compagnie Price a des opérations forestières
dans le secteur de la rivière Shipshaw, qui sert à alimenter
l'usine de Saint-David-de-Falardeau, au lac Lamothe, depuis au moins 50 ou 75
ans, nous n'avons pas le chiffre exact.
Pour ce qui est de nos travailleurs ils n'ont jamais constaté que
le bois qu'ils coupaient actuellement était de plus mauvaise
qualité qu'il y a 20 ans, ou 15 ans. Deuxièmement, c'est que dans
l'allégation de la compagnie Abitibi-Price, qui nous est arrivée
l'année dernière, lorsqu'on nous a annoncé la fermeture de
l'usine de Lac-Lamothe, c'est qu'on nous disait qu'on avait su que le bois
était de mauvaise qualité. Cependant il y avait un camp en
activité sur la rivière Shipshaw, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, qui sert à alimenter l'usine de
Saint-David-de-Falardeau, qui faisait son bois qui était
transporté pour être transformé à leur usine de
l'Ascension. Alors, on changeait le bois de rivière, de telle sorte
qu'il était dravé sur la rivière Péribonka au lieu
d'être dravé sur la rivière Shipshaw et qu'il était
transformé à l'usine de l'Ascension.
Il n'était pas rentable pour l'usine de Saint-David-de-Falardeau
et il l'était pour celle de L'Ascension. Or, moi je me pose des
interrogations et
à plusieurs reprises, lors de rencontres qu'on a eues avec les
députés de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous
avons demandé que le ministère des Terres et Forêts nous
donne une réponse sur cette affirmation qui avait été
faite, que nous ne croyons pas nous, en tant que syndicat, de par les
réactions de nos membres qui travaillent en forêt.
M. Mercier: Une dernière question. Vous avez
mentionné, dans votre mémoire également qu'Abi-tibi Paper
se sert de ses usines du Québec comme tampon, selon la fluctuation du
marché.
M. Duguay: Disons que nous ne l'affirmons pas, nous nous posons
une interrogation. Dans notre mémoire, nous disons que nous en avons
l'impression, parce que nous n'avons pas fait une enquête poussée
sur ce point-là.
Il y a une chose qu'on a vécue, dont on est sûr, c'est
qu'avant 1974 la compagnie Price Limitée avait toujours
fonctionné sur une base assez régulière. Ce matin on a
entendu qu'en 1973 il y avait eu une grève et qu'à cause de cette
grève la compagnie Price avait dégarni son carnet de commandes
considérablement. Aujourd'hui on peut facilement venir nous dire cela,
en commission parlementaire parce qu'en 1974 est arrivée la transaction
et qu'aujourd'hui il y a des problèmes. Mais il n'y a rien qui nous dit
que, si la compagnie Price avait continué à être
indépendante sans faire partie du groupe Abitibi, cela n'aurait pas
été mieux que c'est là.
Ce ne pouvait pas être pire pour nos travailleurs forestiers, il
n'y a aucun doute là-dessus; pour nos travailleurs forestiers la
situation ne pouvait pas être pire. Pour les gars des usines, j'imagine
que le problème a été le même. Prenons le cas de
Saint-David-de-Falardeau; l'usine a cessé de fonctionner en novembre
1976, a recommencé en mai ou juin 1977 et est censée de refermer
d'ici quelque temps. En passant, il n'y a pas longtemps, la direction locale de
Chicoutimi nous disait que la compagnie serait intéressée
à faire fonctionner dans le contexte actuel l'usine de
Saint-David-de-Falardeau d'une façon plus régulière, mais
on manque d'approvisionnements parce qu'on a arrêté l'exploitation
trop à bonne heure l'année dernière. Alors,
écoutez!
M. Mercier: Est-ce que vous contestez, à ce
moment-là, les chiffres qui apparaissent dans le rapport de la compagnie
Abitibi-Price, qui dit que les usines de Price auraient produit à 84% de
leur capacité, celles d'Abitibi à 82,1%? Cela vous semble
exact?
M. Duguay: Des chiffres on en a entendu un paquet depuis le
début de la commission parlementaire, M. le député. Il y
en a, quand on les regarde comme il faut, des fois, qui portent à
contradiction. Je regardais entre autres, hier soir, dans le même
mémoire, deux pages différentes; on parlait d'une moyenne des
travailleurs forestiers à un endroit de $68 par jour; pour la même
année, à quelques pages plus loin, on parlait de $72. Alors on
peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres, vous savez, dépendamment du
comptable qui les fait.
M. Mercier: C'est tout, je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les représentants de la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec d'avoir voulu traduire devant la commission
parlementaire les appréhensions, les craintes que ces gens-là ont
effectivement vis-à-vis de la situation que nous connaissons dans
l'industrie des pâtes et papiers. Evidemment il s'agit d'un chaînon
très important à l'intérieur de l'ensemble de l'industrie
et nous comprenons assez bien l'inquiétude que vous exprimez à la
commission parlementaire.
Vous faites quelques recommandations au gouvernement, au
ministère, dans tout ce qui devrait être la réforme de
l'industrie des pâtes et papiers, partant du départ jusqu'à
l'exploitation finale.
Cependant, j'ai remarqué que, tout en indiquant des avenues ou
des voies que le ministère devrait emprunter vous n'avez pas pu
indiquer, vous n'avez peut-être pas eu le temps, de façon plus
précise quels devraient être certains choix que le
ministère, le gouvernement comme tel devrait faire. En particulier en
page 7, vous indiquez que l'Etat devra exiger des compagnies qu'elles aient en
conséquence une politique d'investissements pour la modernisation et
l'adaptation de leurs usines et l'Etat devra lui-même avoir une politique
favorisant cette modernisation et cette adaptation.
C'est un voeu que vous exprimez, mais je pense qu'il serait
intéressant que, suite à cette indication que vous nous donnez,
vous nous précisiez les moyens que l'Etat possède et devrait
utiliser en vue de procéder à cette modernisation et à
cette adaptation. Y voyez-vous une intervention directe de l'Etat comme tel ou
si vous voyez le gouvernement face à l'industrie, leur imposer des
règles de jeu nouvelles qui pourraient contribuer à la
modernisation ou au changement qu'on désire dans l'industrie des
pâtes et papiers? Comment pourriez-vous préciser cette action de
l'Etat?
M. Duguay: Je pense que vous répondez en partie à
la question que vous me posez. La façon de procéder peut varier,
à notre avis, selon les cas. L'intervention directe pourrait être
obligatoire dans certains cas, alors que l'intervention du gouvernement ou de
l'Etat pourrait se manifester par une autre forme d'aide dans d'autres cas. Je
pense qu'il est très difficile d'être assez clair à ce
sujet-là. Parce que l'Etat peut faire beaucoup par lui-même et
peut aussi ne rien faire. Jusqu'à présent, l'Etat ne s'est pas
tellement impliqué dans l'industrie des pâtes et papiers, sauf
pour pallier des situations d'urgence, comme des usines qui fermaient
ou d'autres qui étaient au bord de la banqueroute. Jusqu'à
maintenant, c'est de cette façon qu'on a procédé.
Mais on voudrait qu'à partir de cette commission parlementaire,
on soit plus préventif. Suite aux mémoires qui ont
été présentés qui, nous l'espérons, auront
des suites, que chaque cas ou chaque région soit analysé et,
selon des régions et des besoins, que l'Etat intervienne d'une
façon ou d'une autre. Mais être clair sur ce que devrait faire
l'Etat, jusqu'à maintenant, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont
été capables de dire exactement ce que devrait faire l'Etat.
C'est peut-être une réponse floue et qui ne veut pas dire
grand-chose, mais je pense que c'est difficile pour nous d'arriver avec ce
qu'on pourrait appeler une solution, un plat tout cuit. Nous non plus n'avons
pas la formule miracle. On ne la détient pas. Le jour où on la
détiendra, nous serons heureux de venir vous le dire.
M. Giasson: Vous avez signalé que l'Etat est intervenu
dans ce qu'on pourrait appeler des opérations de salut public, de
sauvetage, pour maintenir de l'emploi ou sauver l'industrie dans certaines
régions du Québec. Mais, croyez-vous que, dans un
véritable programme de relance de l'industrie des pâtes et
papiers, l'Etat devrait aller jusqu'à s'implanter lui-même pour
être un des participants à l'industrie comme telle? Voyez-vous
l'Etat propriétaire d'industries, d'usines ou copropriétaire,
participant? Est-ce que cela pourrait aller jusque-là?
M. Duguay: Participant. Je pourrais dire, comme nos amis
français, partenaire.
M. Giasson: C'est une dimension. Maintenant, de quelle
façon verriez-vous l'Etat forcer la main de l'industrie qui existe
traditionnellement dans le secteur des pâtes et papiers, compte tenu du
contexte vécu présentement dans l'ensemble de l'industrie au
niveau national et international?
M. Duguay: C'est une question de $64 000 que vous me posez
là! Il est évident que si on en juge par différents
mémoires qui ont été présentés, il y a des
compagnies qui seraient prêtes à accepter l'intervention de
l'Etat. On a vu ce matin qu'une compagnie entre autres veut l'intervention de
l'Etat, mais pas de façon trop voyante. Par contre, d'autres ont
directement demandé l'intervention de l'Etat. Ce serait donc très
difficile de répondre d'une façon catégorique pour savoir
de quelle façon. Soit qu'on ne nous dise pas toute la
vérité sur ce qui se passe dans l'industrie des pâtes et
papiers et qu'on nous cache certaines choses, s'il y a véritablement un
problème au Québec dans l'industrie des pâtes et papiers,
je ne verrais pas pourquoi il n'y aurait pas un mouvement qui serait
créé pour l'ensemble de toutes les compagnies.
Evidemment, il y en a qui vont être très réticentes,
mais il y en a d'autres qui sont prêtes actuellement. Il faudrait
peut-être commencer par celles qui sont prêtes et continuer au fur
et à me- sure que les autres appareilleront pour s'impliquer en tant
qu'Etat. Il n'y a pas de réponse catégorique qu'on pourrait
donner à votre question sur cet article.
M. Giasson: Parmi les recommandations que vous faites, vous avez
indiqué l'éloignement de plus en plus marqué des usines de
transformation. Vous avez recommandé ou suggéré qu'on
mette les bouchées doubles dans une véritable politique de
reboisement et de pratique sylvicole. Pour mettre les bouchées doubles,
cela suppose que tous les partenaires, tous les intervenants de ce secteur y
participent, posent des actions. Croyez-vous que c'est le temps qui devrait
être le maître d'oeuvre à l'intérieur de
véritables programmes de reboisement ou de pratique sylvicole, ou
jugez-vous qu'il va falloir la présence non seulement de l'Etat, mais
également des propriétaires de boisés privés, des
compagnies qui sont de grands utilisateurs de la matière ligneuse? Pour
y mettre les bouchées doubles, pour mettre un effort réel,
véritable, dans le sens du reboisement en vue de
régénérer les forêts les mieux situées, les
plus près des usines, croyez-vous que l'Etat devrait consacrer des
budgets ou des sommes nettement plus élevés que ce qu'il a fait
au cours des toutes récentes années?
M. Duguay: Votre question a deux volets. Dans un premier, vous
demandez si l'Etat devrait être le maître d'oeuvre d'une politique
de reboisement et de sylviculture. Nous, en tant qu'organisme, nous disons oui.
Pour ce qui a trait à la deuxième partie...
M. Giasson: Les ressources à consacrer à
l'application d'un véritable programme.
M. Duguay: II est certainement clair que jusqu'à
présent, on n'a pas tellement mis de gros budgets à la
disposition du ministère des Terres et Forêts pour servir au
reboisement et à la sylviculture. Nous croyons que, dans les prochaines
années, si on envisage de redonner à l'industrie
pa-petière tout l'élan qu'elle doit avoir, il va falloir en
mettre beaucoup plus qu'on n'en met actuellement. Sans cela, en l'an 2000, on
aura encore une commission parlementaire qui siégera pour étudier
les problèmes de l'industrie des pâtes et papiers.
M. Giasson: A l'annexe a) que vous avez jointe à votre
mémoire, vous nous indiquez que vous avez examiné, suite à
une demande de consultation du ministère, ce qui semble être
l'essentiel d'un plan d'allocation et d'attribution de la matière aux
usines. Vous semblez avoir beaucoup de craintes, vous manifestez des doutes
dans la mise en application de ce programme d'allocation de la matière
ligneuse face aux travailleurs que vous représentez. Ce plan, vous
l'avez examiné, je n'ai pas eu l'occasion de le voir, mais vous l'avez
certainement parcouru et vous avez tenté de découvrir les
implications qui se posent à l'endroit de vos membres, comment
pouvez-vous manifester de telles craintes?
M. Duguay: Le projet de loi qui nous avait été
transmis par le ministre des Terres et Forêts du temps signifiait pour
nousje vais peut-être employer un terme qui a été
utilisé à plusieurs reprises mais il signifiait, pour nos
travailleurs, que les compagnies de pâtes et papiers qui ont des
opérations forestières, ces dernières n'auraient servi que
de tampon à ce qui aurait manqué qui venait d'autres sources,
comme les boisés privés et les copeaux.
D'après le projet de loi qui nous était
présenté, cela signifiait, pour nous, une
insécurité tout à fait totale pour les travailleurs que
nous représentons. Voici ce qui se produit depuis quelques
années. Si vous regardez les chiffres qui sont émis par le
ministère des Terres et Forêts, les compagnies de bois de sciage,
malgré le problème que l'on a connu dans l'industrie au niveau
des ventes, malgré tout cela, a vu monter constamment le nombre de
cunits de bois qui étaient coupés annuellement par les compagnies
de bois de sciage, alors que le nombre de cunits coupés par les
compagnies de pâtes et papiers baissait au même rythme. Ce qui
voulait dire que même en période de récession pour les
compagnies de bois de sciage, on continuait à couper le même
volume de bois et, cependant, ce qu'on coupait de trop, on l'envoyait en
copeaux tout simplement. Ce qui a occasionné un déplacement de
main-d'oeuvre très considérable des compagnies de pâtes et
papiers, et où il y avait, il y a quelques années, une plus
grande sécurité de travail et une plus grande
sécurité de revenu pour les travailleurs forestiers des
compagnies de pâtes et papiers. Le rôle est renversé,
aujourd'hui. Les compagnies de bois de sciage font de l'exploitation sur une
plus longue période, parce que les compagnies de pâtes et papiers
ne font les opérations forestières que pour combler la
différence entre ce qu'elles achètent de copeaux et ce qu'il leur
faut pour la production de leurs usines; ce qui n'était pas le cas il y
a quelques années.
Et c'est pourquoi nous avions une certaine inquiétude face au
projet de loi qui était présenté par le ministre. Nous
avions l'impression que, de plus en plus, les travailleurs au service des
compagnies de pâtes et papiers en forêt auraient eu une
sécurité d'emploi qui aurait été diminuée et
qui aurait été inacceptable pour ces gars-là.
M. Giasson: Mais lorsque vous faites des comparaisons entre les
volumes de bois coupé par les compagnies de pâtes et papiers et
les approvisionnements de copeaux qui proviennent de l'industrie du sciage, je
présume que l'industrie du sciage, en matière de main-d'oeuvre,
fait produire sa main-d'oeuvre dans le même bassin que les compagnies de
pâtes et papiers. Autrement dit, si les industries de sciage augmentent
de façon assez importante le volume d'une année par rapport
à l'autre, c'est un déplacement de main-d'oeuvre qui va partir du
secteur des compagnies de pâtes et papiers qui font moins
d'opérations et qui va aller vers les opérations en forêt
pour alimenter l'industrie du sciage. Peut-on croire que c'est la même
main-d'oeuvre qui se déplace selon les quantités et les volumes
exploités par un type d'industrie par rapport à l'autre?
M. Duguay: C'est sensiblement le même bassin de
main-d'oeuvre, à l'exception que vous pouvez avoir un travailleur qui
est au Saguenay-Lac-Saint-Jean, et qui, parce que la compagnie Abitibi-Price
achète des copeaux et est obligée de réduire ses
opérations forestières, pour retrouver un emploi, il arrive assez
souvent que ce travailleur doive s'exiler dans le Nord-Ouest
québécois, alors que, normalement, il a son emploi au
Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est ce qui s'est produit, en fait, et ce qui se
produit de plus en plus.
Deuxièmement, je vous ai dit tout à l'heure, en
réponse à une question d'un autre député, que quand
on parle de conditions de travail qui se rapprochent de l'humain, j'ai
mentionné que c'est regrettable, mais l'industrie des pâtes et
papiers, actuellement, malgré ce qu'on peut dire, offre de meilleures
conditions de travail, de salaire et de sécurité que les
compagnies de bois de sciage qui, actuellement, ont un très faible taux
de syndi-calisation. De ce fait, le travailleur qui quitte la compagnie de
pâtes et papiers et va travailler au service d'une compagnie de bois de
sciage, gagne moins et, souvent, il est à 200, 300 ou 400 milles de chez
lui; alors que s'il était au service de l'autre compagnie il serait
à 100 ou 125 milles de chez lui.
Ceci explique l'exode des travailleurs. Les bassins de main-d'oeuvre des
compagnies se vident de plus en plus parce que le travailleur forestier qui
demeure au Lac-Saint-Jean et qui est obligé de s'en aller travailler
dans le secteur de l'Abitibi pas parce que c'est un territoire pire
qu'un autre préfère parfois aller chercher un travail dans
un milieu urbain, soit à Montréal ou à Québec.
M. Giasson: Sur ce, M. le Président, je mets fin à
mes questions afin de permettre à d'autres de mes collègues
d'intervenir. Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Quelques questions
restent; bien sûr, on s'informe avec les questions qui sont posées
par les autres députés. Souvent les nôtres passent dedans.
On ne peut reposer ces questions, c'est bien évident. C'est pour cela,
d'abord, qu'on a une commission parlementaire. Je lis votre mémoire et
je ne vous cache pas que j'aurais aimé qu'on amène des
éléments de solution. Remarquez bien que, dans un mémoire,
votre rôle est souvent de faire l'historique, mais je ne vous cache pas
qu'il est important pour nous d'apporter des éléments de solution
à des problèmes.
Je sais que vous en avez. Ce n'est pas parce que vous ne les avez pas
écrites que vous n'en avez pas. Vous êtes dans le milieu où
vous oeuvrez. Vous faites l'historique de cette main-
d'oeuvre en forêt; c'est un secteur que je connais très
bien, si vous ne le savez pas, c'est un secteur dans lequel j'ai longuement
vécu. J'aurais aimé avoir plus d'éléments de
solution en 1977, ce que vous prévoyez pour ce milieu de travailleurs.
J'aimerais savoir, maintenant, le nombre de travailleurs en forêt par
jour. C'est quoi au Québec dans le moment? Avez-vous une idée du
nombre de travailleurs par jour? Combien avons-nous de travailleurs qui gagnent
leur vie à cela? Des bûcherons, peut-être pas en permanence,
mais...
M. Duguay: Dans le secteur des pâtes et papiers, en temps
normal c'est 15 000 à 16 000. Dans l'industrie du bois de sciage, les
chiffres sont difficiles à avoir. On peut situer aux alentours de 8000
à 10 000.
M. Grenier: 8000 à 10 000, ce n'est pas annuel?
M. Duguay: A l'exception de quelques régions, comme le
Nord-Ouest québécois où cela fonctionne dix, onze mois par
année, la plupart du temps c'est de 6000 à 8000. Comme on vous le
mentionnait tout à l'heure, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, on a eu des
périodes de deux mois. Des saisons de deux mois.
M. Grenier: Vous avez parlé de mécanisation du
travailleur en forêt. J'ai connu l'autre période de godendard et
du "bucksaw"; quand la "chain saw" est arrivée, il y avait autre chose.
C'est une moyenne d'investissement de combien par bûcheron? En moyenne,
j'entends, parce qu'il y a quand même du mécanisme.
M. Duguay: Si on prend une équipe de trois hommes avec la
machine nécessaire pour son transport à elle, une équipe
de trois hommes peut vouloir dire un investissement aux alentours de $50 000,
$55 000, si vous prenez une débus-queuse, à son prix d'achat.
Pour certains autres, c'est plus que cela. Si on regarde aujourd'hui, il y a le
transporteur qui va être, si vous voulez, à la mode dans un avenir
assez rapproché; c'est une machine qui coûte aux alentours de $65
000, $70 000. Si vous tombez dans les abatteuses, cela part de $90 000 en
montant.
M. Grenier: Je suis près des forêts
américaines, des forêts du Maine. C'est mon district. J'ai pas mal
d'électeurs de mon comté qui gagnent une bonne partie de leur
argent au Maine principalement. Le salaire moyen payé au Québec
ne semble pas égal à celui du Maine; quand on peut se lancer dans
le Maine, on le fait. Etes-vous au courant des données des deux
côtés des frontières?
M. Duguay: Non, je ne suis pas au courant des deux
données. Je l'ai déjà été, mais
malheureusement je ne l'ai pas en mémoire.
M. Grenier: Cela semble vraiment plus payant de travailler aux
Etats-Unis qu'au Québec. En tout cas, pour les bûcherons qu'on a
dans les régions qui sont en bordure du Maine, du Vermont et du New
Hampshire.
M. Duguay: C'est possible.
M. Grenier: Vous n'avez pas de données...
M. Duguay: Non.
M. Grenier: ... pour démontrer les différences de
salaire qu'il y aurait entre les deux.
M. Duguay: Non. A l'exception que cette année, j'ai su
qu'il y avait certains problèmes à avoir des visas de
travail.
M. Grenier: Dans les plantations, est-ce que vous sentez depuis
quelque temps que les compagnies font du reboisement sur une plus haute
échelle ou si ce n'est pas mieux que c'était il y a dix ans?
M. Duguay: Non, à ma connaissance, je ne crois pas, je
pense que c'est même nul. Je pense que c'est même pire qu'il y a
dix ans parce qu'il y avait certaines compagnies qui, il y a dix ans,
s'intéressaient à des programmes de sylviculture et faisaient des
expériences. Je pense entre autres à Consol pas loin de
Grand-Mère et je pense qu'ils ont diminué considérablement
leur programme à ce niveau.
M. Grenier: Du côté du secteur privé, il me
semble que le ministère a fait des efforts, je ne sais pas, depuis une
dizaine d'années peut-être, pour fournir au secteur privé
des plants de résineux. Est-ce que vous sentez que là il y a une
bonne amélioration?
M. Duguay: Effectivement, dans ce secteur, on sent, actuellement,
que cela bouge et qu'il y a beaucoup de travail qui se fait; il y a des
difficultés, mais il y a beaucoup de travail qui se fait. Plus qu'il y a
dix ans ou même cinq ans. Il y a des programmes qui se font dans pas mal
toutes les régions: le Bas-Saint-Laurent, la région du Saguenay,
l'Abitibi également.
M. Grenier: Aux questions posées par les
députés de Berthier et de Montmagny-L'Islet, vous avez
parlé plus vaguement de la possibilité d'une formule où le
gouvernement pourrait entrer davantage dans le secteur de ces compagnies de
bois. Vous avez certainement entendu parler des formules coopératives de
bûcherons qui existent depuis 1950 et je sais qu'il y en a encore en
Ontario principalement près de Blind River je ne sais pas
s'il en reste encore au Québec, mais je sais une chose, c'est que cela a
été un pas considérable de fait pendant ces années
en faveur du travailleur. Dans le temps, chez les compagnies, quand il n'y
avait pas de poux, c'est parce que les punaises les mangeaient, mais cela avait
été une amélioration à tout point de vue dans
l'atmos-
phère des camps et dans la façon de mieux gagner sa vie.
Ce fut un pas vraiment plus important qu'on ne peut le penser. Est-ce que ces
coopératives existent encore?
M. Duguay: II y a encore des chantiers coopératifs qui
existent, plus particulièrement dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean; il y en a également dans le Nord-Ouest
québécois, il y en a aussi quelques-uns dans la région de
la Gaspésie, mais, depuis quelques années, à cause de
certaines difficultés qu'ont eu certaines coopératives à
avoir les approvisionnements nécessaires, à cause des concessions
forestières, il y en a qui n'ont pas réussi à continuer.
Mais, une chose est sûre, c'est qu'il y a des chantiers
coopératifs qui vont très bien et qui sont en pleine
évolution actuellement.
M. Grenier: Est-ce que c'est un bon nombre de travailleurs qui
sont encore à l'emploi des chantiers coopératifs?
M. Duguay: Je ne croirais pas que ce soit un nombre très
considérable de travailleurs; je possède les chiffres, mais,
actuellement, je ne les ai pas en mémoire.
M. Grenier: Mon collègue de Brome-Missisquoi avait des
questions; alors, je m'arrête ici. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: J'aurais trois questions. La
première concerne le problème de la productivité et vous
avez souligné en particulier le fait que les travailleurs forestiers
avaient tendance, même aujourd'hui, à vouloir se
débarrasser de la machinerie, compte tenu des coûts très
élevés. Effectivement, la Consolidated nous avait
également souligné qu'elle avait dû constater que
l'avènement de la, mécanisation en forêt n'avait pas
affecté de façon, substantielle, de quelque façon que ce
soit je devrais même dire, le coût du bois. Est-ce
qu'effectivement, cela est vérifié par vous, en ce sens que vous
constatez que l'augmentation de productivité du travailleur avec la
mécanisation est presque entièrement compensée par le
coût très élevé de l'équipement?
M. Duguay: Tout dépend de l'équipement dont on fait
mention. Si c'est l'équipement que les travailleurs paient
eux-mêmes, je ne croirais pas que ce serait cela, mais,
évidemment, il y a d'autres équipements. Il est bien clair que la
mécanisation que nous avons actuellement n'a pas semblé
répondre au désir des compagnies, c'est-à-dire diminuer
leur coût de production. Je pense que, sur ce point, on peut être
d'accord; le coût de la mécanisation n'a pas réussi
à faire baisser le coût du bois.
M. Bérubé: Est-ce que c'est exact que, si la
mécanisation ne peut réduire le coût du bois, si, d'autre
part, le coût de transport demeure élevé et le coût
des salaires demeure élevé, il ne resterait finalement,
d'après votre mémoire, que de la sylviculture à
proximité des usines et l'abandon complet de l'exploitation des
forêts au nord, par exemple. Est-ce que c'est cela que vous avez à
l'esprit?
M. Duguay: Non, nous n'avons pas à l'esprit l'abandon
complet des concessions forestières dans le nord, mais il pourrait y
avoir un approvisionnement qui se fait à deux places. Si on se
réfère à la situation, entre autres, de Gagnon et
Frères, de Roberval, on demande au gouvernement d'avoir une forêt
beaucoup plus près de l'usine et une plus loin, pour en arriver à
un prix moyen. Je pense bien que les forêts du nord, pour autant qu'elles
seront exploitables et qu'elles pourront être compensées par une
forêt qui serait beaucoup plus près de l'usine, devront continuer
à être exploitées.
M. Bérubé: Donc, vous ne voyez le rapprochement de
l'exploitation forestière que comme un moyen de réduire les
coûts; vous ne le voyez pas autrement?
M. Duguay: C'est cela.
M. Bérubé: Une question qui m'intéresse
fortement, puisque c'est un problème qui se pose avec de plus en plus
d'acuité, c'est le problème des coopératives
forestières. Dans la réflexion qui a cours au ministère,
on s'interroge sur le rôle que pourraient jouer les coopératives
forestières dans certaines régions pilotes du Québec.
Evidemment, l'exploitation des forêts publiques par les
coopératives forestières pose le problème de la
coexistence avec les syndicats forestiers, donc avec la stabilité de la
main-d'oeuvre.
Quel est le point de vue de votre syndicat quant à l'implantation
de coopératives forestières? Arrivez-vous à vivre en
harmonie avec elles? Les travailleurs verraient-ils d'un bon oeil un
regroupement de leurs activités à l'intérieur de
coopératives forestières plutôt qu'à
l'intérieur d'opérations commerciales relevant des compagnies
pour faire l'exploitation des forêts?
M. Duguay: Actuellement, nous avons une expérience qui se
vit sur un territoire où les travailleurs côtoient une entreprise
coopérative; jusqu'à présent, cela n'a pas
créé de problème. La question, telle que vous la posez, si
je l'interprète bien, est à savoir si dans un avenir
rapproché ou lointain l'exploitation des forêts du
Québec se faisait uniquement par un système coopératif,
nos travailleurs seraient prêts à joindre un tel mouvement. Est-ce
que c'était le but de votre question?
M. Bérubé: Par exemple.
M. Duguay: Si cette solution avait pour but d'améliorer la
situation des travailleurs forestiers, je crois bien qu'ils pourraient donner
leur assen-
timent à un projet semblable. Mais comme c'est assez
hypothétique pour le moment et qu'on tient à consulter nos
travailleurs sur des points aussi importants, je ne pourrais pas vous donner
une réponse catégorique. Il y a un fait bien important; il va
falloir que le système coopératif, quel qu'il soit, n'apporte pas
une diminution des avantages et des conditions qu'on a actuellement, mais une
amélioration très considérable par rapport à la
situation actuelle. S'il y a une amélioration, je ne crois pas que
personne la refuse, surtout pas les travailleurs.
Ma réponse est peut-être hypothétique
également, mais si un jour cela se présentait et qu'il y ait
effectivement une amélioration, soyez sûr qu'on se chargera d'en
faire voir les bons côtés à nos travailleurs.
M. Bérubé: Une dernière question. Vous avez
émis certains commentaires ou certaines réserves concernant un
avant-projet de loi sur l'allocation de la matière ligneuse. Plusieurs
de vos remarques me paraissent bien fondées et méritent
certainement d'être examinées avec beaucoup d'attention. Aussi, je
vous poserais la question suivante. Si une loi d'allocation de la
matière ligneuse prévoyait qu'à chaque fois qu'il y a des
variations dans les besoins en matières ligneuseson peut penser,
par exemple, à une augmentation des ventes de papier ou à une
diminution et qu'elles sont réparties entre les différents
intervenants on peut penser aux scieries, on peut penser aux
travailleurs forestiers, on peut penser aux cultivateurs donc, chaque
fois qu'il y a une variation de la demande, elle est répartie assez
également entre ces différents intervenants. Si, lorsqu'on veut
modifier un certain équilibre par exemple, on peut dire qu'il y a
50% des bois qui viennent de la forêt publique et on pourrait
peut-être tendre à baisser ce pourcentage à 45% ou à
40% cela se fasse de façon graduelle, de manière qu'on
n'ait pas ce que vous avez souligné tantôt, des changements trop
brutaux, qu'une année vous ayez des opérations en forêt qui
permettent aux gens de travailler dix mois et l'année suivante trois
mois, ce qui, évidemment, est contraire à toute politique
forestière intelligente. Donc, si le projet de loi prévoyait ces
deux points importants que vous avez soulignés et compte tenu que
l'objectif du ministère est nécessairement une exploitation
rationnelle de la forêt, y compris la forêt privée
c'est-à-dire qu'il ne faut pas permettre des coupes, en forêt
privée, qui excèdent la capacité si on respectait
ces trois éléments, avez-vous l'impression qu'un projet de loi
sur l'allocation de la matière ligneuse pourrait recueillir votre
accord, votre appui?
M. Duguay: Oui. Si le projet de loi avait pour fonction et
permettait aux travailleurs d'avoir une sécurité d'emploi et
qu'au moment où il y a une surproduction, tout le monde y participe,
sûrement qu'on donnerait notre accord à un projet de loi dans ce
sens. La grande crainte que nous avions manifestée dans le document
qu'on vous a transmis, c'est qu'actuellement, lorsqu'on visite des usines de
sciage, on est à se demander si ce sont des usines de sciage ou des
usines de copeaux. Pourtant, on vient de nous dire que les copeaux ce n'est pas
payant. Pourquoi en fait-on autant si ce n'est pas payant? C'est un point
d'interrogation qu'on se pose, vous savez. En plus de cela, cela crée un
roulement de main-d'oeuvre inimaginable dont personne ne profite. L'industrie
de sciage n'en profite pas, l'industrie des pâtes et papiers n'en profite
pas non plus et le travailleur est toujours le grand perdant dans cette chose,
parce que le temps où vous changez d'employeur, si cela vous prend une
semaine à changer d'employeur, vous perdez cette semaine. Je ne vois
réellement pas où on va en arriver avec la politique actuelle.
Une industrie de bois de sciage normalement utilise 200 000 cunits de bois. Que
le bois ne se vende pas ou qu'il se vende, on l'utilise, on le fait quand
même en opération forestière. Si on ne vend pas le bois, on
le fend en copeaux. J'ai des doutes sur cette façon d'agir.
M. Bérubé: C'est tout. J'en profite pour remercier
en même temps le syndicat des travailleurs forestiers. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député d'Orford, que j'avais reconnu au préalable.
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, pour ma part,
je tiens à féliciter la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec pour la présentation de son mémoire.
Je vois que votre fédération fait beaucoup de travail pour
essayer d'améliorer le sort de nos travailleurs en forêt. Si on
recule de 25 ou 30 ans, lorsque j'étais moi-même bûcheron,
on s'aperçoit qu'aujourd'hui, la vie en forêt est beaucoup
améliorée. Je suis d'accord aussi avec le monsieur qui a lu le
mémoire sur le fait que le travailleur en forêt devrait avoir un
salaire supérieur à celui qui travaille dans les usines de bois
de papier ou les usines de bois de sciage, étant donné qu'il a
à se déplacer, qu'il est éloigné de son travail et
qu'il est privé de sa vie de famille. Maintenant, j'aimerais demander si
vous êtes d'accord avec la compagnie Abitibi-Price à savoir que la
grève de 1974 a empêché les investissements qu'elle avait
annoncés dans son bulletin du 31 octobre 1974.
M. Duguay: Evidemment, ce n'était pas nous autres qui
étaient en cause lors de cette grève. C'était un autre
syndicat. Je pense que c'était à l'usine de Kénogami.
D'abord, la grève a eu lieu en 1973 et elle a eu des
répercussions en 1974. Comme je l'ai dit au début, nous ne sommes
pas tout à fait d'accord avec cette allégation de la compagnie,
pour la simple raison que ce matin, ici, et je pense que cela a
été très bien présenté, on a voulu nous
vendre la transaction Abitibi-Price. Aujourd'hui, on ne peut pas,
évidemment, dire ce qui se serait produit. On nous dit qu'à ce
moment, Price avait perdu certaines ventes dans son carnet, mais il n'y a rien
qui nous le prouve. On dit souvent que le passé est garant de
l'avenir.
A venir jusqu'à 1974, avec la compagnie Price dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il n'y avait jamais eu les
problèmes qu'on a rencontrés depuis 1974. Si je me base sur ce
que je viens de dire que le passé est garant de l'avenir, je suis
porté à croire que, pour les besoins de la cause et pour nous
faire mieux apprécier la transaction, on amplifie le problème.
C'est ma façon de voir les choses. Si vous me dites que le sens de votre
question c'est de savoir si je suis d'accord, c'est non.
M. Vaillancourt (Orford): Alors, si je comprends bien...
M. Duguay: Pas pour être négatif, mais parce que
jusqu'à preuve du contraire, c'est ce que je pense.
M. Vaillancourt (Orford): Si je comprends bien, votre
fédération n'a pas fait d'étude approfondie pour donner
une réponse à Abitibi-Price quant au fait qu'elle n'a pas
procédé à des investissements dans les usines
mentionnées dans son bulletin. Il vous est impossible de dire que c'est
vrai ou que c'est fondé.
M. Duguay: La commission parlementaire, ainsi que le gouvernement
ont toute la misère du monde à avoir des chiffres que vous
voudriez avoir concernant ce qui se passe dans l'industrie des pâtes et
papiers. Je pense bien que vous allez être d'accord avec moi qu'ils ne
les transmettront pas au syndicat non plus, encore moins.
M. Vaillancourt (Orford): Si je vous pose la question, c'est
parce que j'ai trouvé que la compagnie Abitibi-Price, ce matin, avait
donné une assez bonne raison parce qu'elle n'avait pas fait les
investissements qu'elle avait annoncés.
C'est pour cette raison que je vous pose la question, pour
connaître l'autre côté de la médaille et, comme je
peux le constater, vous n'avez pas la réponse exacte.
M. Duguay: Sûrement pas.
M. Vaillancourt (Orford): Vous n'avez pas pu connaître les
chiffres, les profits de la compagnie.
M. Duguay: Je ne suis pas dans le secret des dieux de la
compagnie Price.
M. Vaillancourt (Orford): A la page 3 de votre mémoire,
vous n'hésitez pas à affirmer que, "sauf pour quelques rare
exceptions, les compagnies papetières n'ont pas réinvesti ou
presque, pour moderniser leurs usines, alors qu'elles faisaient des profits
considérables. Il s'agit là, sans aucun doute, d'une des raisons
majeures de la désuétude actuelle des usines et de la
difficulté de rencontrer la concurrence".
Sur quoi vous basez-vous pour affirmer que certaines compagnies font des
profits considérables, étant donné que vous n'avez pas
accès à leurs livres?
M. Duguay: On se base sur ce qui s'est passé il y a
quelques années. Depuis 1970, tout le monde nous dit que les compagnies
ne font pas d'argent. Très bien. On prend les chiffres qui nous sont
donnés, mais, avant 1970, il y a sûrement des compagnies qui ont
fait de l'argent puisqu'on est encore au Québec. Depuis 1900 ou 1925, on
a des usines de pâtes et papiers et on fait du papier journal au
Québec, on a sûrement fait, il y a 20 ans, des profits très
considérables.
Vous l'avez mentionné vous-même tout à l'heure. Vous
semblez avoir déjà été un travailleur forestier.
Vous devez vous rappeler combien étaient payés les travailleurs
forestiers. Alors, si, depuis quelques années, le coût du bois
rendu à l'usine a augmenté considérablement, c'est
peut-être qu'on avait habitué les compagnies à des salaires
qui étaient trop bas pour les travailleurs qui avaient à
travailler en forêt.
Les chiffres qui nous sont transmis sont toujours dans les dix ou quinze
dernières années. Si on ne nous transmet pas les chiffres avant,
c'est parce qu'il y avait sûrement des profits qui se faisaient.
Cela ne fait pas tellement longtemps, non plus, que les compagnies sont
obligées de rendre leurs bilans publics, mais je pense que, si certaines
compagnies ont pris autant d'expansion que certaines en ont pris au
Québec et se sont même permis de construire des usines en dehors
du Québec entre autres, comme on l'a dit, en Géorgie, je
pense et il y en a même qui ont été jusqu'en Allemagne
alors, il y a sûrement des profits qui ont été faits
au Québec et qui ont été investis ailleurs. Maintenant, on
ne peut pas vous dire combien il y a de millions.
M. Vaillancourt (Orford): Vous n'avez pas ces chiffres?
M. Duguay: Non, sûrement pas.
M. Vaillancourt (Orford): Cela répond à ma
question. Maintenant, c'est une suggestion que je veux vous faire. Vous disiez,
tout à l'heure, qu'il manquait énormément d'ouvriers en
forêt et que si la reprise économique avait lieu dans quelques
années ou dans un an ou deux, les compagnies manqueraient de
main-d'oeuvre pour travailler dans la forêt. Ne croyez-vous pas que vous
auriez un rôle à jouer pour aider les compagnies à faire de
la publicité ou à faire des contacts personnels ou à
créer des écoles pour éduquer les jeunes afin d'en faire
des travailleurs de la forêt?
M. Duguay: Vous me posez une question. Disons qu'on pourrait y
répondre d'une façon très catégorique. Il est bien
évident que les syndicats ont un rôle à jouer dans cela,
mais le gros rôle qui doit être joué je pense qu'il est
joué plus par les compagnies. Pour vendre quelque chose à
quelqu'un, il faut avoir quelque chose à lui offrir. Alors, tant et
aussi longtemps qu'on donnera aux travailleurs forestiers une période
d'emploi qui ne correspond pas à leurs besoins, tant et aussi longtemps
qu'on ne leur donnera pas des condi-
tions de travail équivalentes à celles des travailleurs de
l'usine et tant et aussi longtemps qu'on ne leur donnera pas la
possibilité d'être plus souvent dans leur famille, je vous avoue
bien sincèrement que je n'ai pas la prétention d'agir comme un
apôtre et d'aller vendre une chose à laquelle je ne crois pas. Je
ne veux pas être un évangéliste, si vous voulez. Pour
être évangéliste, il faut avoir de quoi à dire et il
faut avoir quelque chose d'intéressant à dire.
Actuellement, je ne crois pas qu'on puisse dire à quiconque dans
la province de Québec qu'un travailleur forestier est un homme heureux
dans son métier actuel. Il y a eu une amélioration, mais
malheureusement, chaque fois qu'il y a un peu d'amélioration, au bout
d'un an ou deux, il y a détérioration. Qu'on aille demander aux
jeunes qui poussent ou à ceux qui sont en chômage actuellement et
qui n'ont pas de travail d'aller travailler en forêt, en tant que
représentant syndical, je vous avoue bien sincèrement que je ne
suis pas capable de le faire, tant et aussi longtemps qu'on offrira ce qu'on
offre actuellement, comme salaires, conditions de travail et conditions de vie
et, surtout, périodes d'emploi. C'est très important.
On ne peut pas aller demander à quelqu'un de tenter de gagner sa
vie et de vivre sur une base décente en travaillant trois ou quatre mois
par année. Je ne le crois pas.
M. Vaillancourt (Orford): Cela veut dire que vous exigeriez un
permis de travail comme il en existe un actuellement dans la construction?
M. Duguay: Non, pas nécessairement. On n'est pas à
ce point. Ce qu'on voudrait, c'est que les compagnies forestières
fassent une planification pour que, quand elles ouvrent leurs exploitations
forestières, ce soit basé sur huit ou neuf mois, selon les
conditions climatiques. On sait qu'on a à faire face à un pays
nordique où il y a de la neige l'hiver et du froid. Les travailleurs en
forêt sont en core à 50% des gars à forfait. Alors, tant et
aussi longtemps qu'ils seront des travailleurs à forfait, la neige et
les froids dérangent considérablement leurs gains. A ce moment,
je pense que, tant et aussi longtemps que cette situation se vivra, cela va
être difficile. Le permis de travail que vous mentionnez,
évidemment, il me semble que cela apparaîtrait dans un contexte
où on aurait un groupe de travailleurs qui feraient le tour des
compagnies pour couper le bois pendant la période où ce serait
nécessaire. Je dis qu'on est capable de planifier les exploitations
forestières. Les travailleurs forestiers ne demandent pas de travailler
douze mois par année. Ils savent que c'est impossible de faire de
l'exploitation forestière au Québec douze mois par année.
On demande au moins un nombre de mois suffisant pour leur permettre de vivre
décemment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, une question a
été posée tout à l'heure et on n'y a pas
répondu; on l'a peut-être oubliée. Quel est le salaire
moyen de l'ouvrier forestier actuellement?
M. Duguay: Le salaire moyen pour les gars à forfait dans
l'ensemble du Québec doit se situer aux alentours de $75 par jour. Pour
le travailleur à taux horaire, le salaire moyen est d'environ $7 l'heure
dans l'industrie des pâtes et papiers. Pardon?
M. Russell: En usine ou en forêt seulement?
M. Duguay: En forêt. Pour l'usine, je n'ai pas les
chiffres.
M. Russell: Ils travaillent huit heures ou neuf heures.
M. Duguay: C'est huit heures par jour, 40 heures par semaine.
M. Russell: Au-delà de $50 par jour. M. Duguay:
Oui, $56 par jour.
M. Russell: Vous avez parlé tout à l'heure de
conditions convenables pour les employés en forêt. Pourriez-vous
donner des exemples d'améliorations qui pourraient être
apportées pour changer les conditions, pour les rendre plus convenables
que celles qui existent actuellement?
M. Duguay: De plus en plus, on s'en va vers des travaux
mécanisés où on a de plus en plus de travailleurs à
taux horaire.
Alors, il est bien clair que, pour les travailleurs à taux
horaire qui ont à demeurer dans des camps... Ils travaillent huit heures
et ils sont seize heures dans des camps. Même s'il y a eu des
améliorations, des camps demeurent des camps. Cela ressemble beaucoup
plus à des camps de concentration qu'à autre chose.
Alors, je ne veux pas être trop malin dans ma remarque, mais, pour
des travailleurs qui ont à passer cinq ou six mois dans une petite
chambre où ils sont deux, où il n'y a pas tellement de loisirs et
où on a, dans plusieurs endroits, beaucoup de difficultés
à avoir la télévision... Ceci est assez
incompréhensible en 1977 quand on sait qu'il y a des gens qui sont
allés sur la lune et que cela a été
télévisé en direct. Ici, dans les camps forestiers, on
n'est pas capable de fournir la télévision aux travailleurs, de
façon qu'ils se tiennent à la fine pointe de l'information parce
qu'aujourd'hui, tous les gens aiment à être informés de ce
qui se passe autour d'eux.
Alors, au niveau des loisirs, il y a beaucoup de choses à faire.
Au niveau d'emplacement des camps, encore, malheureusement, à ce
sujet... On fait encore des camps avec des devantures qui ressemblent
énormément à des choses pas très agréables.
On néglige de donner au travailleur l'ambiance qu'il pourrait retrouver
chez lui, et on voit des camps immenses j'ai souvent appelé
cela, excusez l'expression, des gros bordelsde 350 ou de 450,
où le travailleur devient impersonnalisé...
M. Grenier: Les polyvalentes!
M. Duguay: Pardon?
M. Grenier: Les polyvalentes dans le bois!
M. Duguay: C'est la même chose que les polyvalentes. Alors,
ceci a nui considérablement à l'atmosphère qui existe dans
ces camps et le manque de loisirs pour les gars qui travaillent huit heures...
qui sont seize heures... Supposons qu'ils dorment un autre huit heures. Cela
fait quand même huit heures où ils sont au camp et ils ne savent
réellement pas quoi faire d'eux-mêmes. De ce côté, il
y a beaucoup à faire.
Du côté des transports. On a parlé des routes
forestières. On a dit, ce matin, que les routes actuelles
coûtaient $8 du cunit. Disons que, personnellement, si j'en juge par les
chemins dans lesquels nous avons à voyager, si cela coûte $8 du
cunit actuellement, si on en vient à avoir des chemins qui soient
raisonnables, cela va sûrement en coûter $16 parce que les chemins
sont extrêmement difficiles d'accès. Alors, ce sont des
choses...
On sait que l'éloignement se paie dans bien des cas. Prenez, par
exemple, dans la construction, l'éloignement se paie. En forêt, on
a toujours dit que c'était compris dans le taux forfaitaire, mais, dans
le taux horaire, on ne l'a jamais vu parce que les travailleurs ont un taux
horaire inférieur à celui de l'usine.
Alors, ce sont des choses qui devront être
améliorées. Il faudrait qu'on participe davantage au coût
du transport du travailleur de sa résidence au camp, au lieu de travail,
et je pense qu'il faut se promener dans les chemins forestiers pour savoir
combien cela coûte à un travailleur forestier pour entretenir une
machine, une automobile ou un pick-up appelez-le comme vous voudrez
dans des conditions semblables. Ce sont des coûts prohibitifs
parce que les chemins sont terriblement difficiles d'accès. Je pense que
c'est une chose qui aurait besoin d'amélioration. Quand on parle
d'amélioration, c'est dans ce sens.
M. Russell: Vous n'avez pas fait d'étude pour savoir
combien cela augmenterait le coût en faisant des genres de
théâtre dans le bois ou des façades différentes aux
camps. Vous n'avez pas de moyenne de coût pour savoir combien coûte
le fonctionnement des automobiles?
M. Duguay: Non. On a une étude en cours actuellement au
conseil de la main-d'oeuvre. Malheureusement, je ne sais pas si on va aller
assez loin pour la terminer, mais il y a une étude en cours actuellement
sur les coûts de transport du lieu de résidence au camp, par le
conseil de la main-d'oeuvre forestière du Québec.
M. Russell: Vous avez dit tout à l'heure que cela
coûtait $8 le cunit pour les routes; cela ne m'impressionne pas.
M. Duguay: Moi non plus.
M. Russell: Cela dépend quel genre de route on fait et
à quel endroit. Ce n'est pas un chiffre du tout. C'est bien arbitraire,
$8.
Je vois qu'on est limité dans le temps d'abord, et,
deuxièmement, dans les propositions pour améliorer les conditions
de travail des ouvriers, j'aurais cru qu'une association comme la vôtre
aurait pu nous donner quelque chose ici, à la commission, sur lequel le
ministre pourrait se baser et communiquer avec son collègue du Travail
et de la Main-d'Oeuvre pour tâcher de faire des suggestions en vue
d'améliorer les conditions de travail actuelles.
M. Duguay: A la condition que le nouveau ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre favorise le dialogue et les communications.
M. Russell: Vous n'êtes pas reçu convenablement par
le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre? Cela n'a pas fait de bien de
changer?
M. Duguay: Non, non.
M. Russell: On va le changer. Cela va améliorer. Il y a
une autre question qui m'inquiète un peu, parce que j'ai eu l'occasion
de rencontrer certains travailleurs forestiers pas tous, mais plusieurs
et on m'a indiqué qu'ils préféraient fournir leur
propre équipement. Les raisons qu'ils invoquent: Ils se disent capables
de faire un meilleur revenu parce qu'ils gagnent plus cher lorsqu'ils
fournissent leur équipement que lorsque la compagnie le fournit. Je
parle de scie mécanique et de débusqueuse. Ils
préfèrent la fournir eux-mêmes et gagner plus d'argent.
La raison qu'ils donnaient était celle-ci. Je vous pose la
question pour que vous puissiez la prendre en considération. Ils peuvent
faire un meilleur entretien de leur équipement, l'utiliser d'une
façon plus rationnelle afin qu'il dure plus longtemps, et c'est payant
de le faire.
Je me demande maintenant si ce n'est pas un peu contraire à ce
que vous nous présentez et quelle est la raison pour laquelle vous avez
cette objection?
M. Duguay: C'est parce qu'il y a sûrement des gens qui ont
fait de l'argent en devenant propriétaires de débusqueuse dans
les premiers temps, mais aujourd'hui, je pense que c'est devenu de moins en
moins payant. Il faut s'entendre également en disant que les gens ont
fait de l'argent. On peut faire la comparaison je la fait souvent
d'ailleurs avec un individu qui décide de se bâtir un
restaurant à un certain moment. Il va faire des affaires d'or. Un autre
va ouvrir un restaurant à côté, puis un autre et un autre,
et finalement ils vont tous déclarer faillite. Alors, les travailleurs
forestiers, c'est un peu la même chose. Ce n'est pas
tout le monde qui peut devenir propriétaire d'une
débusqueuse, selon les conditions dans lesquelles on l'offre
également. Il y en a qui ont fait de l'argent et je suis sûr qu'il
y en a qui en font possiblement encore; mais il y a une chose que ces
travailleurs n'ont jamais comptée ou n'ont jamais comptabilisée,
c'est le nombre d'heures qu'ils mettent à la réparation, à
l'entretien de la machine et qui n'apparaît nulle part.
Il est bien sûr que la remarque que vous avez faite voulant qu'il
y ait un meilleur entretien et possiblement, un meilleur emploi du temps, est
vraie. Il y a moins de perte de temps. C'est très possible, je pense que
c'est vrai; mais encore là, ce n'est pas tout le monde non plus, parce
que selon...
Vous savez que conduire une machine... il y en a qui vont passer
à travers une automobile dans un an et il y en a d'autres qui vont faire
dix ans, et elle est encore en excellent état. Une débusqueuse,
c'est la même chose.
Alors, il y a des gens qui n'auraient jamais dû avoir de
débusqueuse, mais comme il n'y a pas eu de sélection de faite
lorsqu'on a décidé de vendre ces machines, on les vendait
à ceux qui en voulaient.
M. Russell: Je suis content de vos remarques, parce que cela
amène quand même un embêtement. J'amène le sujet,
parce que lorsque vous avez des gens syndiqués et que cela fonctionne
par séniorité et que vous avez de l'équipement, du moment
que quelqu'un possède un permis d'exploitation et qu'il sollicite un
emploi, par séniorité, s'il y a une vacance, vous êtes
obligé de lui donner et c'est souvent ce même gars qui passe
à travers son auto assez rapidement. Or, cela peut coûter assez
cher quand ce n'est pas lui qui paie.
C'est un peu, je pense bien, l'inquiétude que certaines personnes
ont, parce que c'est vrai que ce n'est pas tout le monde qui peut conduire une
débusqueuse, ce n'est pas tout le monde qui peut utiliser une scie
mécanique. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire un bûcheron
pas plus que ce n'est pas tout le monde qui peut faire un chauffeur de
camion.
C'était une profession quant à moi. En ce qui concerne son
salaire, le gars qui fait bien son travail doit être compensé s'il
le fait convenablement. Là-dessus, je suis d'accord et je pense qu'il y
a moyen de trouver des solutions. On ne pourra pas le faire aujourd'hui, c'est
certain.
M. Duguay: Non, je ne le crois pas.
M. Russell: II n'y a qu'une autre question à laquelle je
voulais revenir et qui m'inquiète un peu, ce sont les copeaux.
Vous avez laissé entendre qu'il faudrait rationaliser les copeaux
qui vont vers les usines de papier. A ce moment, vous voulez, automatiquement,
limiter les permis de coupe qui vont être donnés pour les
scieries. J'ai cru comprendre que si on avait 100 000 cunits, cela
créerait plus d'emplois aux ouvriers, quand cela allait dans une
scierie, que 100 000 cunits qui allaient dans une usine de pâtes et
papiers.
Je croyais que le ministère se dirigeait dans une bonne direction
en faisant en sorte que le bois passe d'abord par les scieries et que les
résidus aillent dans les usines de pâtes et papiers. Ce serait
d'un meilleur rendement économique pour la province et on pourrait
utiliser beaucoup plus de déchets de cette façon dans les usines
de pâtes et papiers. Cela ne semble pas être votre
raisonnement.
M. Duguay: Non, parce que cela dépend dans quelle optique
c'est fait et du roulement de main-d'oeuvre que cela occasionne, comme je l'ai
expliqué tout à l'heure. S'il y a des copeaux de l'Abitibi qui
s'en viennent au Saguenay-Lac-Saint-Jean et des travailleurs du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui s'en vont travailler en Abitibi, le gars qui va
travailler en Abitibi n'est pas heureux. C'est trop loin.
M. Russell: Cela va dépendre de la façon dont le
ministère va distribuer les permis. Peut-être, plutôt que
d'envoyer les copeaux de l'Abitibi en Mauricie, on pourrait en envoyer à
East Angus pour faire fonctionner l'usine d'East Angus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Brome-Missisquoi. Très brièvement,
M. le député d'Arthabaska.
M. Baril: Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure
quand vous avez dit au député de Brome-Missisquoi que vous ne
pouviez pas dire la différence de salaire qu'il y avait entre un
travailleur d'usine et un travailleur forestier?
M. Duguay: Vous avez bien compris. M. Baril: J'ai bien
compris.
M. Duguay: Je l'ai lu dans un mémoire. Etant donné
qu'à l'usine ce sont tous des travailleurs à taux horaire, je
pense que le salaire horaire moyen à l'usine est encore plus
élevé que le salaire horaire moyen en forêt. Il y a
peut-être une différence de $0.25 à $0.50 l'heure.
M. Baril: Est-ce en tenant compte des investissements que le
travailleur forestier est obligé de faire ou est-ce à part de
cela?
M. Duguay: Quand nous faisons ces comparaisons, ce sont des
comparaisons faites pour travail horaire-travail horaire. Le gars qui a
à investir en forêt, c'est le travailleur qui travaille sur une
base forfaitaire. Sur une base forfaitaire, il est très difficile de
faire des comparaisons avec l'usine parce que, même si la moyenne semble
plus élevée que celle de l'usine, il faut comparer ses
dépenses qui sont beaucoup plus élevées que celles du
travailleur de l'usine.
M. Baril: Depuis le début de la commission, les compagnies
parlent souvent d'une des raisons principales de la situation actuelle qui est
les sa-
laires. C'est une raison. Etes-vous en mesure de dire, quand on parle
des salaires qui sont trop élevés ou qui augmentent trop vite, si
les compagnies tiennent compte des salaires des cadres qui augmentent?
Etes-vous en mesure de le dire?
M. Duguay: S'ils tiennent compte des salaires des cadres?
M. Baril: Si les salaires des cadres augmentent plus vite que
ceux des travailleurs et dans quelle proportion?
M. Duguay: On a toujours eu l'impression que les salaires des
cadres étaient réajustés en fonction des
négociations que nous faisions.
M. Baril: Je ne vous demanderai pas plus d'explications. Dans
votre mémoire, il y a quand même un sujet que vous n'avez pas
abordé. J'en ai discuté souvent avec des travailleurs de la
forêt je ne sais pas si c'est la même chose aujourd'hui
on se plaint souvent du mesurage en forêt, qu'on coupe ni plus ni
moins. Est-ce encore le cas aujourd'hui?
M. Duguay: Disons, au sujet du mesurage, que cela a toujours
été et, à mon avis, tant et aussi longtemps qu'on sera sur
une base forfaitaire, cela sera toujours un sujet de discussions assez
fréquent. Nous n'avons fait aucune recommandation parce que nous ne le
jugions pas nécessaire dans le mémoire actuel. Mais il y a
sûrement une amélioration qui devrait être apportée
au système de mesurage concernant la vérification par le
ministère des Terres et Forêts. Nous n'avons fait aucune
recommandation sur ce sujet. Le mesureur, même si c'est un employé
assermenté qui est censé agir selon son serment et son
honnêteté, il reste toujours que c'est un employé d'une
compagnie pour laquelle il mesure. On peut dire qu'il arrive assez souvent
qu'il soit coincé entre l'arbre et l'écorce. Alors,
dépendant des ordres qui peuvent lui être transmis, il y a une
marge d'erreur, comme on le sait, dans le système de mesurage, qui peut
varier de 2,5 en bas à 2,5 en haut. Cela fait tout de même 5%.
S'il donne 2,5 en haut, j'ai l'impression que le travailleur n'est pas
insatisfait à ce moment-là.
Mais s'il est 2 1/2 en bas, il a 5%, ce qui veut dire que le travailleur
perd 5% de son travail, en fait, que le mesureur lui enlève, non pas
illégalement, mais parce que les lois le permettent. Vous savez, c'est
assez difficile à traiter, ce sujet, parce qu'on ne connaît pas
les ordres qui sont donnés. Ce que nous avons toujours prétendu,
c'est que le mesurage, peu importe à qui appartient la concession
forestière, aurait toujours dû être fait par le
ministère des Terres et Forêts. A ce moment-là, le mesureur
qui fait son travail n'aurait pas eu à rendre compte à
l'employeur directement de son attitude ou de son mesurage.
M. Baril: Vous êtes sûr que le travail serait fait
plus équitablement s'il était fait par un représentant du
ministère des Terres et Forêts?
M. Duguay: Cela ne serait peut-être pas parfait, parce que,
comme je vous l'ai dit au début, tant et aussi longtemps qu'on sera dans
un système où les travailleurs sont payés à
forfait, il y aura toujours de la controverse autour de cette question.
Cependant, nous croyons que la controverse serait beaucoup moins grande si le
mesureur était un homme indépendant de la compagnie pour qui il
mesure le bois. A ce moment-là, ça éliminerait une foule
d'observations et de chicanes à ce niveau.
M. Baril: Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député d'Arthabaska. M. Duguay, ainsi que vos
collègues, merci au nom des membres de la commission de votre
participation. Si vous retournez dans la belle région du Saguenay, je
vous souhaite un beau voyage et un bon voyage.
M. Duguay: Merci, M. le Président.
F.F. Soucy Inc. et F.F. Soucy et
Associés
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'inviterais maintenant F.F. Soucy Inc. et F.F. Soucy & Associés
à se présenter à la table, tout en demandant aux membres
de la commission leur collaboration puisque je pense que nous allons avoir des
chances de terminer notre programme pour ce soir, 23 heures, tout en vous
mentionnant que les quatrième et cinquième groupes viennent de la
région de l'Abitibi et qu'il serait dans l'intérêt de tous
que ces gens puissent présenter leur mémoire.
Voulez-vous vous présenter, s'il vous plaît, de même
que ceux qui vous accompagnent?
M. Carrier (Jean-Paul): Mon nom est Jean-Paul Carrier, directeur
d'usine chez F.F. Soucy. A ma gauche, le contrôleur de la compagnie, M.
Douglas Taylor et M. Gérald Pelletier, qui s'occupe de nos
opérations forestières, autrement dit nos limites, nos achats, le
mesurage du bois, toutes ces choses-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez y aller.
M. Carrier: II me fait extrêmement plaisir, en tant que
directeur d'usine chez F.F. Soucy de venir présenter ce
mémoire.
La compagnie BATO, au nom de F.F. Soucy Inc. et de F.F. Soucy &
Associés, (mentionnés ci-après "Soucy") apprécie
l'occasion de présenter ce mémoire à la commission
parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts de
l'Assemblée nationale du Québec, répondant ainsi à
l'invitation du ministre Yves Bérubé, dans une lettre
adressée à Soucy, en date du 28 juin 1977.
F.F. Soucy Inc. est une filiale à parts entières de la
compagnie BATO une compagnie privée de New York, et F.F. Soucy
Associés est une associa-
tion avec commanditaires, organisée d'après les lois
civiles du Québec, dans laquelle F.F. Soucy Inc. possède des
actions en majorité. Dow Jones Newsprints Company Incorporated et REXFOR
sont des commanditaires limités dans cette entité.
Les opinions et les points de vue énoncés dans ce
mémoire sont ceux de la compagnie BATO et ne sont pas
nécessairement en conformité ou en non-conformité avec
ceux des commanditaires limités.
Soucy a aussi participé aux mémoires de l'Association
canadienne des pâtes et papiers et de l'Association des industries
forestières du Québec en leur fournissant certaines statistiques
ainsi que des données financières et opérationnelles
concernant les opérations papetières de
Rivière-du-Loup.
Contrairement à ces deux organisations qui fournissent un point
de vue global dans leur mémoire, la compagnie BATO, dans son
mémoire, tentera de répondre aux questions soumises dans la
déclaration ministérielle d'un point de vue plus
spécifique, c'est-à-dire qu'elle expliquera pourquoi la compagnie
songe à localiser ses futurs investissements dans le Sud des Etats-Unis
plutôt que dans la province de Québec.
La compagnie BATO est enthousiaste quant aux perspectives d'avenir du
marché du papier journal et l'a démontré par l'acquisition
de l'usine F.-F. Soucy en 1973 et par la construction subséquente d'une
nouvelle machine à papier pour F.-F. Soucy et Associés, qui fut
complétée en 1976. Aussi, à partir d'aucun, moyen de
production, la compagnie BATO, en moins de trois ans a organisé et
construit à Rivière-du-Loup une usine qui a maintenant une
capacité de 185 000 tonnes de papier journal par année, le tout
avec un investissement total d'environ $60 millions.
De plus, la compagnie BATO a réussi les deux plus récentes
innovations développées dans l'industrie des pâtes et
papiers, un système de raffinage de pâtes thermomécaniques
et une machine à papier à toile jumelée. Si l'industrie
forestière a déjà utilisé dans le passé
l'une ou l'autre de ces deux techniques, Soucy fut et est encore la
première compagnie en Amérique du Nord à utiliser ensemble
ces deux nouvelles techniques et à réussir à produire du
papier journal d'une valeur commerciale concurrentielle à partir d'une
pâte à 100% thermomécanique. L'absence totale de pollution
atmosphérique de ce procédé et le minimum de solides en
suspension et de B.O.D. rejetés aux eaux de la rivière du Loup
sont un atout additionnel pour la protection de l'environnement.
La compagnie BATO peut être décrite comme une organisation
avec un marché dynamique qui a développé ses attitudes
durant les nombreuses années qu'elle a survécu et s'est
développée dans une ligne secondaire du papier journal, achetant
des gros producteurs des rouleaux de papier imparfait, les rebobinant et les
convertissant en produits vendus aux petites imprimeries commerciales, aux
éditeurs et aux industries d'emballage de verre dans la région de
New York métropolitain. La preuve que ses ressources pour le
marché ont été à nouveau développées
et amplifiées, c'est que, depuis que le moulin Soucy a été
acheté en 1973, il n'y a eu aucune fermeture de l'usine à cause
du manque de commandes. En fait, en 1977, la compagnie doit acheter du papier
journal des autres fournisseurs au Québec au rythme de 8% de sa
production totale de l'année, afin de répondre à la
demande de ses clients. En passant, ce sera 10% plutôt que 8%.
Maintenant que l'agrandissement total est complété et que
les problèmes mécaniques d,e mise en marche ainsi que les
problèmes du début des opérations ont été
corrigés à Rivière-du-Loup, la compagnie BATO envisage
activement un nouveau programme d'expansion de sa production; en fait, elle a
complété la plupart des études de rentabilité en
vue de la construction d'une usine de papier qui serait localisé dans
l'Etat de Virginie.
La compagnie BATO croit qu'il serait d'un grand intérêt
pour la commission parlementaire de savoir pourquoi elle a
considéré que ses investissements futurs devaient être
faits dans l'Etat de Virginie plutôt qu'au Québec, à
Rivière-du-Loup, et a, par conséquent, décidé de
fournir une version abrégée de cette analyse dans ce
mémoire.
Histoire du développement de la compagnie et de ses
propriétaires. La fabrication de papier journal par la compagnie Soucy a
commencé en 1964, dans un ancien atelier de réparation de
locomotives situé près du centre commercial de la ville de
Rivière-du-Loup. La famille Soucy qui, jusqu'alors, avait
exploité une usine de pâte mécanique au Chemin du Lac
depuis 85 ans, a organisé la nouvelle compagnie, achetant le
procédé technique de raffinage de pâte mécanique de
ce temps-là ainsi qu'une machine à papier usagée de la
compagnie Price, datant de 1930, et a commencé alors sa production de
papier journal à un rythme de 85 tonnes de papier par jour.
En 1965, la nouvelle compagnie fit faillite, mais continua à
fonctionner, avec l'aide d'une fiducie afin de protéger les
investissements des actionnaires. Entre les années 1965 et 1973, des
investissements de capitaux furent continuellement faits, incluant une
dépense majeure de $500 000 pour une nouvelle caisse d'arrivée de
la machine à papier.
Jusqu'à ce que la compagnie soit achetée par BATO en
juillet 1973, la production journalière était d'environ 80 tonnes
de papier journal, d'une pesanteur de base de 32 livres, avec un total de 114
employés, tant opérationnels qu'administratifs. Cette machine
produit aujourd'hui un papier journal d'une pesanteur de base de 30 livres, au
rythme de 125 tonnes par jour.
Les activités de la compagnie BATO Inc., une corporation
privée de New York, jusqu'à l'achat du moulin Soucy, consistaient
en une combinaison d'une usine de conversion de papier journal et d'un
entrepôt, situés à Greenwich, Connecticut.
Le compagnie achetait des rouleaux de papier de différentes
grandeurs, incluant des rouleaux défectueux ou rejetés, des
rouleaux de différentes largeurs non vendus par les compagnies
manufacturières ainsi que des rouleaux de première
qualité
et les rebobinait ou les mettait en feuilles et les revendait aux
imprimeries commerciales, aux éditeurs et aux compagnies d'emballage de
verre de la région du New York métropolitain.
Bato a continué et a développé ses activités
dans cette ligne secondaire du papier journal, achetant, transformant et
revendant environ 25 000 tonnes de papier par année. En moins d'un an
après l'achat de Soucy par BATO, une association avec commanditaires,
limitée à 20 ans, fut formée afin de construire une
nouvelle machine à papier à haute vitesse à
Rivière-du-Loup avec F.F. Soucy Inc. comme principal actionnaire, avec
50,1% des actions, Dow Jones Newsprint Company Inc., avec 39,9% des actions et
un commanditaire spécial, REXFOR, une corporation
québécoise gouvernementale, avec 10% des actions.
La construction d'une nouvelle usine adjacente à l'usine F.F.
Soucy déjà existante commença en juin 1974 et la mise en
exploitation de cette usine eut lieu à la fin d'avril 1976. Le
coût total de cette nouvelle entreprise fut d'environ $50 millions. La
plus récente technologie de l'industrie des pâtes et papiers,
incluant le système de raffinage de pâte thermomécanique et
une machine à papier à toile jumelée, fut
incorporée dans les plans et, depuis la mise en marche, c'est la seule
machine à papier en Amérique du Nord, et je dirais même
dans le monde, qui produit du papier journal d'une valeur commerciale
concurrentielle à partir d'une pâte 100% mécanique.
Depuis le début de la mise en marche, une troisième ligne
de raffineurs thermomécaniques a été ajoutée en
1977 pour un investissement additionnel total s'élevant à plus de
$3 millions. Grâce à cette capacité additionnelle de
pâte, la capacité maximale de production de 140 000 tonnes par
année, pour cette nouvelle machine à papier, devrait être
atteinte en 1978.
En 1975, une nouvelle compagnie, appelée Rivière-du-Loup
Newsprint Ltée, fut formée afin d'effectuer les ventes et les
fonctions administratives pour F.F. Soucy Inc. et F.F. Soucy et
Associés.
Cette compagnie, dont le siège social est à Greenwich,
Connecticut, s'occupe de toutes les ventes au Canada, aux Etats-Unis et aussi
des exportations outre-mer au nom des actionnaires et de F.F. Soucy Inc. Cette
compagnie est détenue à 100% par les deux actionnaires à
parts égales de BATO.
Aujourd'hui, les activités combinées de Soucy à
Rivière-du-Loup emploient 300 personnes dans les activités de
l'usine avec des salaires annuels se chiffrant par plus de $5 millions.
Les autres emplois créés par l'achat de 125 000 cordes de
bois et 45 000 cordes de copeaux des moulins à scie sont
évalués aux environs de 250. La valeur annuelle des produits et
des services locaux payés par Soucy aux fournisseurs
québécois, incluant le bois et le mazout, s'élève
à $25 millions.
Domaine forestier. F.F. Soucy Inc. possède une superficie
d'environ 27 000 acres de terrain forestier en lots variant en grandeur de 15
à 2000 acres, lesquels sont tous dans un rayon de 20 milles de distance
de la ville de Rivière-du-Loup.
La compagnie est à procéder à un inventaire de bois
sur ces terrains et entend négocier des échanges afin de
consolider ses lots en de plus grandes unités. On a déjà
pris contact avec le ministère des Terres et Forêts concernant
certains échanges que la compagnie aimerait faire pour des terrains
équivalents appartenant à la couronne.
Comme la plupart du bois mature sur ces terrains a déjà
été récolté par des propriétaires
précédents, la compagnie n'a pas l'intention,
présentement, ni dans un avenir rapproché, de récolter du
bois sur ces terrains.
F.F. Soucy Inc. a des droits de coupe sur un terrain de la couronne
d'une superficie de 9600 acres; la permission de coupe qui est accordée
sur une base annuelle par le ministère des Terres et Forêts est
limitée à environ 2000 cordes. F.F. Soucy et Associés ne
possède aucun chantier, ni aucune limite forestière appartenant
à la couronne.
Approvisionnement de bois. F.F. Soucy Inc. utilise environ 45 000 tonnes
de copeaux secs annuellement qui sont achetés des 8 moulins à
scie de la région sur une base de contrat annuel. Le prix du contrat
pour le bois livré au moulin à Rivière-du-Loup est de $44
par tonne. F.F. Soucy et Associés possède un contrat de 20 ans
avec l'Office des producteurs de bois de Sainte-Anne-de-la-Pocatière
pour 45 000 cordes de bois par année, l'Office des producteurs de bois
du district de Rimouski pour 55 000 cordes par année et REXFOR pour 25
000 cordes par année ou l'équivalent en copeaux des moulins
à scie.
Le prix que les associés paient pour le bois livré au
moulin, selon les termes de ces contrats, est déterminé par la
moyenne de prix payée par cinq autres moulins pour leur bois
livré par camions. La commission de l'agriculture du Québec
calcule cette moyenne de prix d'après les données reçues
de Domtar, Donnacona; Reed, dans la ville de Québec; Abitibi-Price,
à Beaupré; Kruger, à Trois-Rivières; CIP, à
Trois-Rivières, et Consolidated-Bathurst à
Trois-Rivières.
Le prix pour 1977 est de $53.91 par corde, soit une augmentation de
$2.71 la corde, et le prix pour 1976 est de $6.18 la corde de plus que le prix
de 1975.
A cause de l'anticipation d'une plus grande production que prévue
ainsi qu'à la non-nécessité d'ajouter de la pâte
chimique à notre produit, F.F. Soucy et Associés aura besoin de
15 000 cordes de bois de plus que le montant fourni selon les termes de
contrats des fournisseurs pour l'an 1978.
D'après les termes de contrat d'approvisionnement de REXFOR, les
associés doivent obtenir la permission de REXFOR avant d'augmenter les
contrats avec les producteurs ou d'acheter de nouvelles sources.
Carte de la région d'approvisionnement. Ceci a été
mis là pour votre information.
Informations additionnelles sur le procédé
employé par F.F. Soucy. La compagnie F.F. Soucy, depuis avril
1976, est la première usine à fonctionner avec succès sans
pâte chimique à des vitesses variant entre 2600 et 3000 pieds
à la minute dans le moment, cette machine fonctionne à
2850 avec une machine à papier à toile jumelée
fabriquée par Les Ateliers d'ingénierie Dominion Ltée au
Québec. L'usine reçoit environ 45 000 tonnes de copeaux provenant
des moulins à scie environnants, le reste est en bois de pulpe de quatre
pieds provenant de Rimouski, Sainte-Anne-de-la-Pocatière et de REXFOR
pour un total d'environ 125 000 cordes.
Nous possédons tout l'équipement nécessaire pour
manutentionner ce bois qui est écorcé à sec dans un
tambour écorceur mesurant 12 pieds de diamètre sur 110 pieds de
long. Les copeaux fabriqués à l'aide d'une puissante
déchiqueteuse au rythme d'environ 40 cordes à l'heure sont
dirigés vers notre cour d'entreposage. Ayant un système
automatique de récupération, les copeaux sont dirigés dans
un réservoir; après quoi, ils sont lavés pour enlever le
sable, la terre et autres saletés qui pourraient y adhérer.
Par la suite, ils sont passés dans un tamis incliné qui
enlève l'eau et, de là, les copeaux sont soufflés pendant
quelques minutes dans un cylindre convoyeur ayant une pression d'environ trente
livres de vapeur afin qu'ils deviennent imprégnés d'eau pour
être plus facilement défibrés au premier stage, où
nous employons 9000 CV afin de retenir la longueur naturelle des fibres du
bois. De ce premier stade, les copeaux passent à un deuxième
stade, ayant la même force de moteur, dans un cyclone et, de là,
ils sont transportés dans un convoyeur de type vis sans fin au
deuxième raffi-neur qui, celui-ci, est à pression
atmosphérique.
De là, les pâtes sont envoyées dans une salle de
tamisage comme toutes les usines en papier en possèdent et les rejets
sont défibrés dans deux dé-fibreurs de 6000 CV chacun. La
pâte acceptée au système de tamisage arrive aux machines a
papier où elle est de nouveau passée à travers un tamis et
des épurateurs de type cyclone avant d'atteindre la caisse
d'arrivée.
Après avoir été fabriqué sur la machine, le
papier passe sur une bobineuse Dominion qui peut fonctionner à 8000
pieds la minute. De là, les rouleaux sont transportés sur un
convoyeur jusqu'à la machine à envelopper Lenox qui pousse les
rouleaux sur un système de convoyeur et d'élévateur, les
guidant jusqu'au service de l'expédition, lequel est
équipé de cinq quais de chargement pour camions-remorques et peut
aussi recevoir six wagons de chemin de fer.
Environ 15 000 tonnes de notre production annuelle sont vendues au
Canada, 50 000 outremer et le reste aux Etats-Unis.
Investissement futur dans le papier journal. La compagnie BATO est
confiante dans l'avenir du papier journal et dans la possibilité de
construire techniquement et financièrement de nouvelles facilités
de production qui seront organisées et localisées afin de
répondre aux demandes du marché.
En fait, la compagnie envisage une expansion ultérieure dans le
papier journal et est présente- ment à étudier les
différentes solutions pour un tel investissement. L'effort principal de
cette recherche a récemment été dirigé vers l'Etat
de la Virginie.
Comme guide pour la décision de cet investissement, la compagnie
a développé une liste de certaines exigences essentielles qui
doivent être remplies avant de procéder au projet. La compagnie
BATO croit qu'une discussion des mérites relatifs des deux sites,
Rivière-du-Loup et l'Etat de Virginie, en relation avec ses besoins,
sera utile à la commission parlementaire dans l'exécution de son
mandat.
Premièrement, la recherche d'un actionnaire. Un tel projet doit
comprendre un actionnaire qui serait aussi un grand consommateur de papier.
Soit dit en passant, le commanditaire que nous avons dans le moment emploie
à peu près 40 000 tonnes de nos produits.
Il existe des possibilités autant aux Etats-Unis qu'au Canada
d'attirer un éditeur canadien dans une entreprise
québécoise et un éditeur américain dans une
entreprise en Virginie. Pour des raisons évidentes, un éditeur
canadien ne serait pas intéressé à investir dans un projet
en Virginie. Il devient de plus en plus difficile d'intéresser un
éditeur américain dans une entreprise canadienne.
Jusqu'en 1970, les éditeurs américains étaient
très réceptifs à se joindre à des entreprises
canadiennes, mais depuis les récentes agitations dans les relations
ouvrières qui ont résulté en des interruptions de
production, de transport et de livraison du courrier, les éditeurs
américains sont maintenant désireux de développer des
facilités de production de papier journal dans leur propre pays.
Deuxièmement, situation géographique par rapport au
marché. L'usine devrait être située dans une région
où une grande partie de sa production serait vendue localement, assurant
ainsi un succès de rentabilité.
Les prévisions des futures demandes canadiennes de papier journal
ne sont pas suffisantes pour maintenir les taux de production
désirés pour les usines à papier déjà
existantes au Canada.
Même si les prévisions de futures demandes de papier
journal sont quelque peu optimistes, ceci est limité, principalement sur
le marché d'exportation outre-mer, par la construction de nouvelles
usines et par l'expansion des usines déjà existantes.
Par exemple, l'Afrique du Sud qui jusqu'à récemment
était un importateur de papier journal en totalité, maintenant en
exporte, pendant que les Scandinaves et les Finlandais, les principaux
concurrents du Canada sur le marché exportateur, sont à
construire ou ont annoncé des expansions de capacité de
production qui totaliseront 660 000 tonnes en 1979.
D'autres projets ont aussi été annoncés ou sont
déjà en construction dans des pays tels que le Mexique,
l'Australie et le Japon.
Aux Etats-Unis, le principal marché du Canada, il y aura une
demande additionnelle de papier journal, mais la plupart de ces
augmentations
seront dans le sud et à un degré moindre que dans l'ouest.
Il y a présentement une nouvelle usine à papier en construction
dans l'ouest, d'une capacité de 210 000 tonnes par année, et une
autre usine devrait bientôt être mise en exploitation dans le sud
avec une capacité de 130 000 tonnes.
De plus, un autre manufacturier de papier journal localisé dans
le sud a annoncé la mise en marche d'une nouvelle machine à
papier d'une capacité de 150 000 tonnes. La production de ces usines
tend à réduire jusqu'à un certain degré la
quantité de papier qui jusqu'alors provenait du Canada.
Dans la principale région du marché pour le papier
québécois, les Etats du nord-est et du centre, la demande de
papier journal augmentera aussi, mais sûrement beaucoup plus lentement
que dans les autres parties du pays, reflétant en partie le taux de
croissance à un plus bas niveau, tel qu'anticipé pour ces
régions.
La dislocation des marchés dans les Etats du Sud pourrait bien
vouloir dire une concurrence augmentée dans ces régions entre
tous les moulins canadiens de l'Est. L'augmentation des moyens de production au
Québec ou ailleurs dans l'Est ne feraient qu'aggraver cette situation.
Un moulin à papier situé en Virginie serait situé dans une
région périphérique de marché pour les moulins
existants du Nord et du Sud. Le moulin fabriquant du papier à pâte
vierge le plus près au nord est dans le Maine et le plus près au
sud est dans l'Etat de la Caroline du Sud. Un moulin en Virginie permettrait
à la compagnie BATO de participer à la production dans la
région ayant la plus grande demande du sud et de concurrencer avec
succès les compagnies américaines et canadiennes dans la partie
sud de leur marché.
Facilité d'approvisionnement en matières premières.
La région devrait posséder un approvisionnement adéquat
des ingrédients de base qui sont essentiels à la production du
papier journal, c'est-à-dire bois, énergie électrique, eau
fraîche, que nous pourrions nous procurer à des prix
raisonnables.
Bois. La région que nous étudions présentement en
Virginie, pour situer le moulin, est près d'un approvisionnement
adéquat de pins du sud pour répondre aux besoins du moulin. Ce
bois peut être obtenu à un prix de $20 de moins la corde que celui
que paie Soucy au Québec. Nous ne savons pas s'il existe un inventaire
suffisant de sapin et d'épinette sur la rive sud du Saint-Laurent,
à l'intérieur d'une distance raisonnable de
Rivière-du-Loup pour répondre aux besoins d'une troisième
machine à papier. Nous ne savons pas, non plus quel prix devrait
être payé pour acquérir des approvisionnements de bois
supplémentaires, même si ce bois était disponible. Cette
dernière partie a quelque peu changé à la suite de la
correspondance échangée avec le ministère et grâce
aux inventaires faits par le ministère et la compagnie Soucy. Au moment
où cela a été écrit, c'était vrai, mais
c'est peut-être moins vrai maintenant.
Energie électrique. Il existe des réserves suffisantes
d'énergie aussi bien au Québec qu'en Vir- ginie pour fournir les
nouvelles installations dont les besoins sont estimés à 1 650 000
kWh par 24 heures. Un désavantage majeur du développement en
Virginie est que le prix du kWh est d'environ deux fois plus
élevé qu'au Québec, c'est même un peu plus que deux
fois.
Globalement, et se basant sur des informations partielles seulement, la
compagnie BATO croit qu'aucune des deux régions ne possède un
avantage majeur sur l'autre, relativement à l'approvisionnement en
matières premières.
Comparaison des coûts et de la concurrence. Il devrait y avoir des
avantages de coût, d'exploitation et de concurrence d'une région
relativement à l'autre.
La distribution du produit fini aux clients est la responsabilité
et est aux frais de la compagnie qui fournit ce papier journal dans presque
tous les contrats de vente. Même si le coût de distribution est
quelque peu en relation avec la distance entre le moulin et l'entrepôt du
client, il y a aussi d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte dans le
coût total encouru. La concurrence, entre les différents moyens de
transport: wagons, camions, bateaux, a grandement influencé le prix que
l'expéditeur doit payer.
Comparativement à la situation de Rivière-du-Loup, un
moulin en Virginie ne serait pas seulement plus près des clients
possibles mais serait aussi dans une région où il y a concurrence
active entre les chemins de fer et plusieurs compagnies de transport par
camion.
Le résultat net est que le taux moyen de distribution devrait
être près de 50% plus bas en Virginie que celui payé
présentement à Rivière-du-Loup. On parle toujours de
transport à ce moment-là.
La main-d'oeuvre syndiquée dans les moulins de pâtes et
papiers du sud est de 20% moins élevée que celle de l'industrie
canadienne. Il y a moins de syndicalisation, car la plupart des coupes et
livraisons de bois sont faites par des employés non syndiqués, et
le taux du salaire minimum est substantiellement plus bas, $2.30 l'heure en
Virginie comparativement à $3.15 l'heure au Québec. Le tout
reflète un coût total inférieur payé par les
contribuables des Etats du Sud des Etats-Unis et produit des variantes de base
en impôt.
Les capitaux exigés pour construire un moulin aux Etats-Unis
seraient moins élevés qu'au Canada pour un moulin de même
grandeur, car la plus grande partie de l'équipement requis est
fabriquée aux Etats-Unis et est soumise aux droits de douane lorsque cet
équipement est importé au Canada, et la productivité des
travailleurs de la construction au Québec est moindre que celle de leurs
confrères des Etats-Unis.
Main-d'oeuvre qualifiée et relations patronales-syndicales
stables. Il devrait y avoir une main-d'oeuvre suffisante, avec les aptitudes
nécessaires pour la construction et l'exploitation de ce moulin et une
garantie de relations patronales-syndicales responsables.
Il existe au Québec une main-d'oeuvre très bien
entraînée, tant dans la construction que dans les industries de
pâtes et papiers.
Même s'il existe une main-d'oeuvre adéquate aux Etats-Unis,
le recrutement et l'entraînement de la main-d'oeuvre pour le moulin
à papier seront beaucoup plus difficiles; par contre, les relations
patronales-syndicales en Virginie sont beaucoup plus stables qu'au
Québec.
Atmosphère politique et économique. L'atmosphère
économique et politique devrait être réceptive au projet de
développement de la compagnie et à ses besoins locaux. En se
basant sur les exigences de l'environnement seulement, il est plus difficile de
localiser un moulin de pâtes et papiers n'importe où aux
Etats-Unis qu'au Canada. Toutes les lois fédérales
américaines en relation avec la pollution et celles de la plupart des
Etats sont plus rigides que celles présentement en vigueur au
Canada.
Nécessité des frais d'installation considérables
pour l'équipement de contrôle antipollution pour tout projet d'un
nouveau moulin de pâtes et papiers. Il y a également plus de
groupes locaux protecteurs de l'environnement qu'il en existe au Canada et ils
ont tendance à y mettre plus d'impact. Généralement, la
plupart des villes et communautés des Etats-Unis
préféreraient ne pas avoir de moulins à papier dans leur
région, ce qui est particulièrement le cas en Virginie.
La compagnie BATO envisage beaucoup d'opposition à la
construction d'un nouveau moulin à papier en Virginie,
nécessitant par le fait même des efforts additionnels afin de
démontrer pourquoi il devrait être permis de localiser ce nouveau
moulin dans cette région. Ceci est dû à un secteur
industriel stable dans cet Etat où le niveau d'emploi est
déjà plus élevé que la moyenne nationale et aussi
au désir de ses habitants de ne pas déranger l'équilibre
actuel de leur mode de vie et, par conséquent, leur
désintéressement concernant des occasions d'emplois
additionnels.
La compagnie BATO, d'après sa toute récente expansion
à Rivière-du-Loup, a trouvé une attitude très
réceptive à ce programme, tant au niveau local que provincial. La
compagnie croit que la construction d'une autre machine à papier
à ce même endroit aurait un accueil similaire. Finalement, le
principal problème que la compagnie BATO prévoit en favorisant
Rivière-du-Loup pour ses futurs investissements est celui
préalablement cité à la section I concernant la recherche
d'un éditeur américain désireux d'investir au
Québec.
Ceux avec lesquels la compagnie BATO a, jusqu'à maintenant,
discuté d'un tel projet ont exprimé la crainte d'une
nationalisation possible de leurs capitaux et, par conséquent, sont peu
disposés à participer à un projet conjoint.
La compagnie BATO, dont la plus grande partie des capitaux sont investis
dans la province de Québec, est disposée à envisager un
investissement additionnel à ce même endroit. Afin de le faire,
nous devons avoir l'assurance des dirigeants politiques de la province de
Québec que les investissements d'affaires seront sécuritaires,
qu'ils soient sous forme de prêts garantis ou d'autres engagements
financiers similaires.
Impact sur la société. Projet de l'industrie F.
F. Soucy pour l'utilisation des résidus de bois et des
écorces afin de combler une partie de ses besoins
énergétiques. Cette approche est la plus favorable du point de
vue de la récupération de l'énergie et du contrôle
de la pollution, mais elle demande des investissements très
considérables.
Une estimation de $2,5 millions à $3 millions doit être
considérée pour une telle installation, ce qui amènerait
une économie d'environ $160 000 par année. Si, toutefois, les
exigences des services de l'environnement nécessitaient l'installation
d'une nouvelle cheminée, nous serions dans l'obligation d'investir
environ un autre million de dollars.
Ces chiffres sont basés sur une bouilloire capable de
brûler 60 000 tonnes d'écorce par année, la plus petite
pouvant être fabriquée économiquement. L'usine ne
produisant que 40 000 tonnes d'écorce par année, il faut donc
envisager la récupération des écorces et brans de scie des
moulins à scie environnants pour garantir la rentabilité de ce
système.
La compagnie, étant très jeune et ayant tout
récemment investi une somme considérable à l'usine, ne
peut se permettre d'investir autant pour la récupération des
écorces.
Avec l'aide du gouvernement toutefois, il serait possible de justifier
certaines sommes permettant la récupération des rebuts provenant
des moulins à scie environnants et de F.F. Soucy.
La participation du gouvernement est très justifiée,
compte tenu de l'ampleur du problème de pollution créé par
les moulins à scie de notre région.
Contrôle de la pollution. Se basant sur l'expérience de CIP
à La Tuque et de la compagnie Al-can à Port-Alfred, il faudrait
investir pour des paravents un montant d'environ $400 000 et un autre montant
de $100 000 serait nécessaire, s'il faut, en plus, ajouter des cyclones.
Il faut dire ici qu'il y a de la poussière de bois, à cause de
grands vents à Rivière-du-Loup, qui viennent du Saint-Laurent et
qui sont pratiquement toujours dans la même direction, il y a quelques
propriétaires qui restent de l'autre côté de la
rivière et qui sont affectés par des miettes de bois
emportées par le vent.
La réduction des eaux usées. Même si notre rendement
actuel est de 2% et, certaines journées, moins de 2%, même s'il
est bon, nous devons essayer d'atteindre le 1%. Dans le but de satisfaire aux
exigences des services de l'environnement, nous prévoyons devoir
investir environ $80 000 à $100 000 pour la diminution des particules en
suspension.
Les renseignements additionnels. Disons qu'on a déjà
soumis au ministre Yves Bérubé, le 24 mai dernier, tout un
programme antipollution chez F. F. Soucy.
Recherche et développement. Etant une petite compagnie, nous ne
pouvons nous payer le luxe de faire nos propres recherches, mais, comme nous
faisons partie de l'Association canadienne des pâtes et papiers, nous
contribuons financièrement à l'Institut de recherche des
pâtes et papiers du Canada.
Comme dans toute industrie, il existe, ici aussi, une certaine
difficulté à recruter une main-d'oeuvre qualifiée à
Rivière-du-Loup. Il est évident que nous pouvons trouver
amplement de main-d'oeuvre, mais ces employés doivent recevoir un
entraînement qui devient assez onéreux pour une compagnie.
Les relations patronales-syndicales chez F.F. Soucy sont très
bonnes et nous avons signé un contrat qui va se terminer au mois de
janvier 1979, lequel, je crois, est très bon; et les relations sont
très bonnes.
Commentaires sur la pâte thermomécanique. Nous employons
actuellement une machine à papier ayant une largeur de coupe de 240
pouces qui fonctionne à une vitesse de 2700, 2800 pieds par minute et
nous croyons être capables d'atteindre une vitesse de 3000 pieds par
minute et plus sans utilisation de pâte chimique.
Etant les premiers à employer un système
thermomécanique et, comme tous savent que ce système exige plus
d'énergie électrique je demanderais une correction
soit environ de 20% à 25% de plus, nous étudions
présentement les moyens de récupération de chaleur qui
pourraient diminuer ce désavantage d'environ 50%.
Par ce système que nous sommes à étudier avec des
consultants, il nous faudrait faire un investissement d'environ $1,2 million
c'est une révision parce que ce chiffre a été une
estimation préliminaire, mais l'autre est l'estimation finale
acceptée; si on ne réalise pas le projet tout de suite, cela
augmentera de 1/2% par mois à mesure qu'on s'en va pour
récupérer une partie de la perte de chaleur qui se produit sur
nos trois lignes de raffineurs thermomécaniques. Si ce projet
était réalisable et s'il devenait un succès, ceci voudrait
dire que le système thermomécanique demeurera à
l'avant-garde pour plusieurs années dans l'avenir.
Comme conclusion, ce n'est pas une très bonne conclusion,
peut-être, parce qu'on a préparé cela assez vite.
Nous sommes très heureux jusqu'à maintenant des ententes
que nous avons avec les offices de producteurs de bois de
Sainte-Anne-de-la-Pocatière et de Rimouski ainsi qu'avec REXFOR pour
nous approvisionner en matière première.
Ce système nouveau dans l'industrie des pâtes et papiers
nous donne de très bons résultats.
F.F. Soucy est un peu inquiet pour l'avenir si on s'en tient aux rumeurs
qui veulent qu'une usine de pâtes et papiers soit ouverte à
Val-Brillant car Val-Brillant, comme vous l'avez vu dans la carte qui vous a
été remise, se trouve inclus dans la région
d'approvisionnement de F.F. Soucy Inc. et de F.F. Soucy et Associés.
Ceci nous porte à croire que, si ce projet se réalisait,
nous serions peut-être obligés de nous approvisionner en bois dans
des régions plus éloignées, augmentant ainsi le prix de
notre bois. Sachant que les Etats-Unis peuvent produire une corde de bois
presque à $20 de moins qu'au Québec, si nos coûts
augmentent encore, ceci favorisera l'installation de l'usine aux Etats-Unis
plutôt qu'au Québec.
Donc, il est dans notre intérêt de trouver des moyens afin
de nous moderniser encore plus au point de vue du transport et de la
mécanisation en forêt pour maintenir nos coûts à un
taux équivalant à ceux d'aujourd'hui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup et je cède la parole au député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Levesque (Kamouraska-Témiscouata): A la lumière
de votre rapport, il semble que votre entreprise ne soit pas encore convaincue
s'il est plus avantageux d'investir dans le papier journal dans le sud des
Etats-Unis plutôt qu'au Québec. Pourriez-vous expliciter un peu ce
sujet?
M. Carrier: Comme c'est mentionné là-dedans, on se
cherche un éditeur qui emploierait une assez grande partie de la
production de cette nouvelle unité, de cette nouvelle machine.
Tel que mentionné au cours de la lecture de ce mémoire,
nous avons actuellement, déjà, étant associés avec
Dow Jones, une compagnie qui, on en est assurés, va nous prendre 40 000
tonnes à 42 000 tonnes de papier par année. Même si la
machine en produit 120 000, nous sommes déjà assurés de
vendre le tiers de sa production. C'est ce que nous recherchons. Cela devient
difficile d'essayer de convaincre les éditeurs américains de se
joindre à nous dans un contexte qui les inquiète, d'après
les bulletins de nouvelles ou d'après ce qu'ils voient dans les journaux
et ainsi de suite, la nationalisation ou autre chose comme cela. Ce qu'on
recherche réellement, étant une jeune compagnie et une petite
compagnie, on ne peut pas arriver et dire qu'on va le faire nous-mêmes et
nous en aller. On a besoin d'aide, on a besoin de quelqu'un. C'est pour cela
qu'on parle d'un éditeur qui emploierait une certaine partie du papier
de cette machine. Comme nous le disons dans le mémoire, nous avons
environ 8% à 10% de notre production qui sera fabriquée par
Consolidated-Bathurst, cette année, parce que nous ne pouvons pas le
faire. Cela veut dire que nous avons des commandes, que notre service de
marketing, si je peux me servir de ce terme anglais, pour autant que je suis
concerné, est très bon.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Existe-t-il
une relation d'intérêts entre l'usine Soucy et votre compagnie de
vente, Rivière-du-Loup Newsprint? Si c'est oui, de quel genre?
M. Carrier: II y a seulement deux actionnaires qui sont
propriétaires de Rivière-du-Loup Newsprint Ltée. Ces
deux-là sont aussi parmi les propriétaires de F.F. Soucy Inc.
Mais c'est une affaire familiale.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné l'heure, je pense qu'il y aurait lieu de
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Nous vous convions
à être présents à 20 heures ce soir.
M. Carrier: A 20 heures ce soir. (Suspension de la séance
à 18 h 58)
Reprise de la séance à 20 h 10
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plait!
M. Giasson: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
les représentants de la compagnie F.F. Soucy qui nous ont
présenté un mémoire des plus intéressants. Il est
intéressant dans le sens qu'ils font d'abord l'historique de la
compagnie F.F. Soucy, nous rappelant que la famille Soucy avait exploité
pendant un certain nombre d'années, soit environ 85 ans, une petite
usine de pâtes mécaniques à Notre-Dame-du-Lac pour ensuite
transporter ses pénates à Rivière-du-Loup. Après
cette opération qui fut moins heureuse au plan financier, la compagnie
BATO s'est intéressée au dossier et a décidé de
souscrire du capital-actions en vue d'un développement dans la
région de Rivière-du-Loup.
C'est là un événement heureux. De temps à
autre, nous nous plaignons d'événements moins heureux qui se
produisent mais, dans le cas de la venue de BATO dans le développement
des pâtes et papiers à Rivière-du-Loup, ce fut un
événement heureux puisque cela a permis des investissements de
l'ordre de $50 millions. Cela a contribué à développer de
nouveaux emplois au-delà de ceux que comptait déjà la
famille Soucy et, surtout, cela a créé un potentiel additionnel
pour les propriétaires de bois de la région environnant
Rivière-du-Loup.
Ces gens dépendaient surtout d'usines de pâtes et papiers
situées dans la région de Québec ou vers
Trois-Rivières et l'expansion que vous avez faite là-bas a
contribué énormément à faciliter
l'écoulement de leur produit pour deux offices de producteurs, celui de
La Pocatière et celui de Rimouski.
Donc, au-delà de cet historique, ce qui appa-rait
intéressant dans votre mémoire est que vous songez encore
à de l'expansion. Vous nous avez indiqué que vous êtes
à examiner des situations possibles de développement du
côté du Québec en ajoutant à ce que vous avez
déjà à Rivière-du-Loup et vous nous dites que vous
examinez également des possibilités en dehors du Québec,
soit aux Etats-Unis.
Dans l'analyse des deux projets, vous avez tenté de toucher les
secteurs qui favorisaient l'implantation au Québec vis-à-vis
d'autres secteurs qui favorisaient une implantation en Virginie. Mais, sur
l'ensemble de l'examen que vous avez fait jusqu'à maintenant, est-il
permis de croire que les facteurs favorables sont plus importants et plus
nombreux au Québec que ceux que vous avez face à l'étude
faite dans le potentiel d'investissement en Virginie?
M. Carrier: Ma réponse à cette question se
résume à ceci: Peut-on avoir un éditeur de journaux qui
peut se joindre à nous? J'ai fait remarquer qu'on était une jeune
compagnie ou une petite compagnie qui ne pouvait pas s'en aller seule.
Autrement dit, on se cherche un partenaire, mais il
faut convaincre le partenaire qui est normalement américain, qui
consomme une grande quantité de papier de se joindre à nous dans
une aventure ce n'est pas une aventure dans un programme
d'expansion à Rivière-du-Loup au lieu d'aller aux Etats-Unis. Les
éditeurs ont leurs idées aussi là-dessus.
Dans le moment, on semblerait avoir l'assentiment d'éditeurs qui
seraient prêts à aller avec nous, mais pour un projet aux
Etats-Unis, en Virginie plutôt qu'au Québec.
M. Giasson: Selon vous, vous ne voyez pas de possibilité
de trouver de nouveaux partenaires ou de nouveaux actionnaires en dehors d'un
éditeur américain? Dans l'évaluation des capacités
d'intéresser une autre entreprise ou un autre groupe qu'un
éditeur américain, vous ne voyez pas de possibilité en
dehors de cette hypothèse?
M. Carrier: Dans le moment, on n'en connaît pas. On le
souhaiterait parce qu'il est évident que cela coûterait meilleur
marché de mettre une machine additionnelle à
Rivière-du-Loup pour produire la même quantité de papier
que de bâtir une usine complètement neuve.
M. Giasson: Retenant toujours la première expansion
à Rivière-du-Loup, croyez-vous que la région, devant ce
que vous projetez comme installation additionnelle, peut fournir les
approvisions qui seraient nécessaires pour alimenter une nouvelle
machine?
M. Carrier: D'après les dernières informations
qu'on a eues du ministère, on aurait des possibilités, le bois
est là.
M. Giasson: J'ai cru comprendre des éléments
soulevés dans votre mémoire que tout est conditionné par
une acceptation de la société gouvernementale REXFOR,
c'est-à-dire que vous ne pourriez pas négocier des volumes
additionnels avec les offices de producteurs ou avoir recours à d'autres
sources d'approvisionnement sans avoir la bénédiction de REXFOR.
Est-ce que c'est exact?
M. Carrier: C'est exact, tel que le contrat existe
actuellement.
M. Giasson: Mais est-ce qu'on peut croire que les nouvelles
confirmations que le ministère des Terres et Forêts vous a
données vous permettent de compter sur d'autres sources
d'approvisionnement sans recevoir nécessairement l'approbation de
REXFOR?
M. Carrier: D'après le contrat, non. Il faut qu'elle
marche avec nous, mais, étant une institution gouvernementale, je ne
vois pas pourquoi elle n'embarquerait pas avec nous. La question est d'avoir
une garantie; j'admets qu'à l'heure actuelle, nous avons une garantie de
vingt ans. Est-ce qu'on aura la même garantie à l'avenir pour nos
machines additionnelles? C'est une autre chose à négocier. Dans
le moment, je ne peux pas vous répondre, parce que je ne le sais
pas.
M. Giasson: J'ai remarqué que vous décriviez
également un phénomène dans les possibilités de
mise en marché que vous avez qui va à l'inverse de ce que nous
ont indiqué plusieurs membres de l'industrie des pâtes et papiers
qui craignaient beaucoup une perte de marché à cause de la
concurrence de plus en plus forte de recul sur leurs capacités de mise
en marché. Par contre, chez vous, vous nous indiquez que l'optimisme est
de mise, vous semblez assez sûrs de vous emparer de marchés et de
concurrencer toute autre entreprise, parce que vous vendez très peu au
Canada de votre production, environ 15 000 tonnes, ce qui suppose que le gros
du volume de vos ventes se fait en dehors du pays, en dehors du Canada.
M. Carrier: C'est ça, on a à peu près 50 000
tonnes outre-mer, quand on dit outre-mer, ça veut dire au Mexique, en
Angleterre, un peu en France, un peu en Allemagne.
M. Giasson: Je vous avouerai que j'ai été un peu
surpris par votre optimisme quant aux possibilités de mise en
marché. Vous parlez d'avoir à acheter encore, comme par le
passé, en quantité, d'autres fabricants, d'autres
manufacturiers.
M. Carrier: II faut attribuer ça à notre groupe de
vendeurs, qui sont extrêmement dynamiques...
M. Giasson: C'est difficile de croire qu'il y a d'autres
motifs...
M. Carrier: ... qui ont été capables d'aller
chercher ces quantités. Mais il reste que, pour une nouvelle usine ou
une nouvelle machine qui va produire 130 000 ou 150 000 tonnes de papier par
année, on veut s'assurer au début que quelqu'un va prendre au
moins le tiers de notre production et on va essayer de s'arranger pour vendre
le restant. Si on a déjà 15 000 tonnes de surplus à
l'heure actuelle et que quelqu'un en prend 50 000 tonnes, ça fait 65 000
tonnes, ça fait au-dessus de 50% de la production de la nouvelle machine
qui est déjà vendu. Les chances de succès sont là,
parce que la famille Soucy, vous l'avez vu tout à l'heure, s'il y avait
eu le marketing, même avec la vieille machine, aurait pu passer à
travers. Mais quand on n'a pas les marchés pour la vente, on n'est pas
capable de vendre son produit. Bâtir un moulin, c'est assez difficile,
mais vendre le produit, c'est exactement difficile. Cela prend des
années de travail, de recherche, il faut se faire un nom, ainsi de
suite, avant de pouvoir vendre les produits.
M. Giasson: Vous indiquez également à la fin de
votre mémoire un projet que vous avez en tête, soit celui de
créer de l'énergie chez vous en utilisant les sciures de bois,
les écorces, ces choses-là. Vous appliquez à cette analyse
que vous avez faite des chiffres qui se situeraient à un coût
de
$2,5 millions à $3 millions, mais vous semblez croire que, pour
déboucher dans une décision vers cet investissement, ça
prendrait l'aide et l'approbation du gouvernement. Cette aide, selon vos
études, devrait se fixer dans quel ordre de grandeur?
M. Carrier: Disons qu'au tout début, quelqu'un a fait
allusion au fait que le ministre des Terres et Forêts avait plusieurs
milliards pour moderniser l'industrie des pâtes et papiers. Nous,
à Rivière-du-Loup, ayant une industrie qu'on croit moderne, avec
un nouveau procédé et ainsi de suite, du côté de la
pollution, on avait besoin d'améliorations. Si les autres peuvent avoir
de l'argent pour se moderniser, nous autres, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait
pas avoir de l'argent pour se dépolluer complètement et devenir
une usine modèle?
Actuellement, nous sommes passablement bons. Nous avons des
inconvénients, les gens vont peut-être nous poser des questions
sur la pollution, du ministère de l'environnement, je sais qu'ils sont
venus faire des tests chez nous. Je suis comme vous, je ne connais pas les
résultats.
M. Giasson: Mais, au-delà des milliards dont il a
été question à un certain moment, vous ne comptez tout de
même pas que le gouvernement va assumer seul la note de
l'équipement pour protéger l'environnement...
M. Carrier: Non, pas du tout.
M. Giasson: ... et créer une nouvelle forme
d'énergie chez vous.
M. Carrier: Pas du tout. Nous ne nous attendons pas à
cela. On s'attend peut-être à des formes d'aide, à des
prêts sans intérêt ou à des choses comme
celles-là. Je ne sais pas ce que la commission va décider de
faire. Mais j'avais un problème et je l'ai soumis parce que je me dis
que, lorsque j'aurai réglé cela, j'aurai une usine qui va
répondre à toutes les normes du ministère de
l'environnement et qui sera une usine moderne, rentable, afin qu'à
l'avenir nous n'ayons pas à nous inquiéter de la fermeture de
l'usine. Il s'agit de continuer. On a une vieille machine qu'on a
achetée de la compagnie Price, une machine qui a 50 ans; dans le moment
elle fonctionne à 1750 pieds à la minute et elle est encore
rentable. On a trouvé des moyens pour en augmenter la vitesse et on
vient de l'augmenter encore de 50 ou 60 pieds dernièrement. C'est en
augmentant comme cela qu'on va maintenir la rentabilité. Le but n'est
pas de faire du papier, c'est de finir par faire de l'argent. Mais, pour faire
de l'argent, il faut se moderniser et il faut que la machine tourne. Comme la
grosse machine qu'on a actuellement tourne 2800, on ne s'arrêtera par
là. On va continuer jusqu'à 3000, 3100. C'est cela qui fait la
rentabilité, c'est cela qui fait le succès de quelque chose.
M. Giasson: La possibilité d'implantation d'un nouveau
complexe dans la région de Val-Brillant serait-elle de nature à
empêcher un plan d'expansion pour la région de
Rivière-du-Loup?
M. Carrier: La seule chose qui complique un peu, c'est la
quantité de bois ou la grosseur de l'usine qu'on va installer là.
Cela va amener quoi après? Est-ce que les deux vont être
obligées d'aller chercher du bois plus loin et qui va coûter plus
cher? C'est toujours le transport qui joue contre nous. N'est-ce pas mieux de
prendre de l'expansion à un endroit et payer plus cher pour le bois qui
vient de plus loin ou payer meilleur marché le bois qui vient de plus
près? Je ne sais pas ce que le gouvernement ou la commission va
décider.
M. Giasson: Oui, mais quel que soit le choix qui serait fait,
pour autant que le projet se réalise, vous allez vivre des
problèmes à peu près similaires. Si vous allez chercher du
bois dans la région de Val-Brillant, vous devez assumer des coûts
de transport plus onéreux que pour celui que vous vous procurez dans la
région immédiate de l'usine. Par contre, Val-Brillant va
rapprocher les producteurs ou les fournisseurs de l'usine, et vous devrez
parcourir des distances plus longues pour garantir vos approvisionnements.
M. Carrier: Ce qui nous inquiète d'après la carte,
c'est que cela veut dire qu'à partir de Rimouski en montant on perdrait
toute cette zone d'approvisionnement, ce qui est beaucoup. Il ne resterait plus
que celle-là. Si on prend cette partie-là pour la nouvelle usine,
il va falloir en avoir une autre dans la région de L'Islet.
M. Giasson: Vous seriez obligés, dans ce contexte, de vous
déplacer davantage vers l'ouest pour garantir l'approvisionnement, il
faudrait que vous dépassiez la zone actuelle. D'un autre
côté, si vous allez plus à l'ouest, vous vous rapprochez
des usines de la région de Québec, telles que Beaupré,
Reed et Donnacona.
M. Carrier: C'est cela. On pourrait aller à Anti-costi
comme Consolidated-Bathurst, qui faisait des coupes de bois; mais le bois qui
venait de là était dispendieux à cause du transport. La
même chose s'applique donc chez nous. On peut se moderniser, avoir une
usine plus moderne mais, comme M. Labrecque l'a dit ce matin quand il a
parlé de StevenviHe, une usine très moderne mais non rentable
à cause du coût du bois. Il ne faudrait pas en venir à la
même chose parce qu'à ce moment-là les deux ont des
problèmes: la nouvelle usine et celle qui existe déjà.
M. Giasson: Mais vous vivez une situation un peu
différente des autres fabricants de pâtes et papiers au
Québec en matière de garanties d'approvisionnement. La plupart
des usines importantes exploitent des concessions forestières ou ont des
garanties d'approvisionnement assez importantes venant de la forêt
publique. Si j'ai bien évalué et bien saisi ce que vous nous
indiquez, c'est
que vous dépendez largement de la forêt privée pour
alimenter votre industrie.
M. Carrier: Largement; le mot est là, parce que ça
existe.
M. Giasson: Cela n'a pas été un
élément important dans la décision définitive de
réinvestir à Rivière-du-Loup? Sachant que vous n'aviez pas
de forêt publique importante en superficie qui pouvait vous apporter
cette garantie, vous avez joué le jeu de travailler avec des groupes
comme les offices de producteurs, plus la présence de REXFOR qui peut
venir combler vos besoins par des ajustements sur une base annuelle.
M. Carrier: Vous parlez de la présence de REXFOR. Par
contre, si on est obligé d'aller les consulter avant d'acheter du bois
additionnel, eux aussi ont garanti que, si les deux offices ne pouvaient pas
nous fournir, pour une raison ou pour une autre, la quantité de bois
nécessaire pour faire fonctionner notre usine, ils combleraient la
différence. Ils n'ont pas tout gagné, mais on n'a pas tout perdu,
non plus. Cela a été un échange.
M. Giasson: Suite à l'expérience que vous vivez
depuis 1974, je vais vous poser une question qui peut vous sembler curieuse.
Est-ce que vous croyez que les investissements que vous avez faits à
Rivière-du-Loup ont une rentabilité acceptable?
M. Carrier: Oui.
M. Giasson: Vous le croyez? C'est ce qui vous permet de voir
l'avenir avec assez d'optimisme.
M. Carrier: Assez d'optimisme, il n'y a pas d'erreur. Comme on
l'a dit dans le mémoire, on est la seule usine, non seulement au Canada,
mais au monde qui fonctionne à 100% en thermomécanique. Vous avez
des installations en Suède, en Finlande, que je suis allé
visiter. Ils ont des usines extrêmement modernes, ils ont eu de l'aide du
gouvernement pour avoir dépensé autant d'argent et
modernisé leur usine au point où ils l'ont fait. Il n'y a pas une
industrie privée qui aurait pu faire la même chose. C'est de toute
beauté. Ils ont du bel équipement, de belles machines. Par
contre, ils ont baissé ce qu'on appelle le "man hours per ton", le
nombre d'heures-homme par tonne de papier, à un tel point qu'ils peuvent
venir vendre aux Etats-Unis et couper les prix. Puis, parce qu'ils ont leur
propres vaisseaux, ainsi de suite, ils peuvent atteindre une
rentabilité.
M. Giasson: Je ne sais pas si vous nous avez indiqué dans
le mémoire les prévisions de coûts pour l'installation
d'une nouvelle machine à Rivière-du-Loup?
M. Carrier: Non, on ne l'a pas dit. Je sais que, pour une
nouvelle usine, ce matin, on a calculé des chiffres de $130 millions et
$105 millions. Alors, je peux vous dire que pour une usine telle qu'on a chez
nous, quand on parle de la nouvelle machine, excluant la vieille machine, les
coûts qu'on a donnés ce matin sont de $90 millions à $105
millions pour une usine complète; c'est à peu près ce que
ça va coûter.
M. Giasson: $105 millions pour une capacité de tonnage
additionnel de combien?
M. Carrier: 150 000 tonnes, 160 000 tonnes de papier par
année.
M. Giasson: Additionnel à ce que vous avez
déjà?
M. Carrier: Non, additionnel, ce n'est pas la même chose.
Additionnel, ce serait moins. Parce que chez nous, actuellement, nous avons une
chambre d'écorçage pour le bois; on l'utilise à peu
près aux deux tiers de sa capacité; autrement dit, il nous reste
le tiers et même plus que ça. On l'utilise à peu
près à 60%. Donc, si vous avez une machine neuve, cette partie
existe déjà. Vous avez seulement à travailler sur trois
quarts et le problème est réglé. Autrement dit, vous
n'avez pas besoin de faire un investissement additionnel. Pour une bouilloire
comme celle dont on parle au lieu d'avoir une bouilloire de $3 millions, c'est
évident qu'à ce moment-là on va mettre une de $8 millions
ou $9 millions, mais elle va faire les deux choses qu'on veut qu'elle fasse.
Elle va fournir la vapeur pour sécher le papier, plus brûler les
déchets, ainsi de suite. Mais on va investir.
Ensuite il reste le prix de la machine et les raf-fineurs, etc., parce
que, lorsqu'on parle des Etats-Unis, on a coté des chiffres ce matin de
$130 millions au lieu de $105 millions. C'est parce qu'il y a peut-être
des choses qui n'ont pas été dites.
L'électricité est beaucoup plus dispendieuse qu'au
Québec et, pour arriver avec un coût d'électricité
assez bas, on est obligé de ne pas fonctionner durant les heures de
pointe qui sont le midi et le soir et, à ce moment, cela prend plus
d'équipement, plus de réservoirs, d'écuviers
appelez cela comme vous voudrez pour mettre la pâte en
réserve. Il faut que la machine continue à marcher. A ce moment,
il faut faire un investissement plus grand pour arriver à la même
chose. Il y a un lot de facteurs là-dedans.
M. Giasson: Un de mes collègues d'en face m'indiquait tout
à l'heure qu'il avait une petite question additionnelle. Je veux bien
lui être agréable...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Matapédia.
M. Marquis: Peut-être que mon tour va venir
tantôt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II va
certainement venir.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Je cède la parole à mon voisin de
gauche.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. Le député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: Merci, M. le Président. Je pense qu'on a
répondu à plusieurs des questions que je voulais poser. Par
contre, il en reste une couple qui ne me semblent pas claires. Vous avez
parlé d'immobilisations additionnelles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi, voulez-vous approcher votre micro,
s'il vous plaît.
M. Russell: Je peux faire cela. Vous voulez m'entendre? Vous avez
parlé d'immobilisations additionnelles pour agrandir le moulin actuel.
Ce serait beaucoup moins de $100 millions que vous auriez investi pour
augmenter votre production.
M. Carrier: Notre étude n'est pas assez avancée
pour vous dire exactement combien cela coûterait pour ajouter une
machine, mais j'ai amené quelques points démontrant que cela
coûterait meilleur marché qu'un nouveau moulin complet parce que
vous avez déjà un département de service qui existe; vous
avez déjà un département d'écorcage qui a une
capacité assez grande, qui pourrait suffire à une nouvelle
machine, etc.
Ce sont tous des investissements qui sont déjà faits.
M. Russell: Votre procédé vous permettrait-il
d'utiliser seulement des copeaux et des sciures de moulin?
M. Carrier: Actuellement, pour les sciures, cela prendrait une
autre section séparée parce qu'on ne peut pas traiter les deux
ensemble, mais, c'est évident qu'on pourrait fonctionner avec des
copeaux seulement. Il n'y a pas d'erreur.
M. Russell: Vous pourriez fonctionner seulement avec des
copeaux...
M. Carrier: Oui.
M. Russell: ... si vous aviez assez de copeaux dans la
région pour vous alimenter.
M. Carrier: C'est cela.
M. Russell: Vous avez donné votre prix d'achat des copeaux
à $44 la tonne sèche.
M. Carrier: Oui, c'est ce qu'on paie dans le moment.
M. Russell: C'est ce que vous payez actuellement.
M. Carrier: Cela ne veut pas dire que cela va être ainsi
l'an prochain parce qu'à tous les ans, ces choses sont
renégociables.
M. Russell: Vous avez des bons prix. M. Carrier: Oui.
M. Russell: II y en a qui paient plus cher que cela ailleurs.
Vous parlez aussi de cordes de bois. Ce sont des cunits.
M. Carrier: Non. Chez nous, on marche en cordes parce que les
offices, les cultivateurs et tout le monde est habitué à une
corde de bois. Les cunits de bois, cela ne marche pas.
M. Russell: Dans votre mémoire, vous parlez ici de cunit.
Vous parlez du prix de $53. Est-ce le prix du cunit ou est-ce le prix de la
petite corde?
M. Carrier: On parle toujours de cordes, je pense. Excepté
si j'ai fait une erreur quelque part...
M. Russell: C'est parce que c'est dit de deux façons
différentes. Quand vous avez répondu au questionnaire no 3, vous
parlez de bois rond, vous parlez de cunits, 50 000 cunits. Est-ce 50 000
cordes?
M. Carrier: C'est 50 000 cordes. M. Russell: C'est la
petite corde.
M. Carrier: A moins qu'on ait fait une conversion... Très
bien. Ce sont des cordes. Mais, chez nous, on marche en corde pour cette
raison. Le cultivateur est habitué. Une corde, c'est une corde et nous
l'achetons à la corde.
M. Russell: Quand vous parlez de votre prix d'achat à
$53.91, c'est la petite corde.
M. Carrier: C'est cela.
M. Russell: Cela augmente le prix du cunit de beaucoup.
M. Carrier: Ah, bien oui! Cela fait $66... Combien cela fait-il?
Cela fait $65 ou $66.
M. Russell: $65 ou $66. Est-il possible que vous utilisiez une
autre essence que le bois mou? Pouvez-vous utiliser le bois franc dans votre
procédé?
M. Carrier: Pour le moment, non. M. Russell: Non.
M. Carrier: Cela ne veut pas dire que cela ne serait pas une
chose à développer. C'est comme autrefois. On disait qu'on ne
pouvait pas employer de bois dur du tout et on s'est mis à faire de la
pâte chimique avec du bouleau et du merisier et cela faisait de la bonne
pâte.
M. Russell: Cela va plus loin que cela. Autrefois...
M. Carrier: Mais ce sont des choses qu'il faut
développer.
M. Russell: Si on regarde l'histoire, autrefois, on disait
même qu'on ne pouvait pas utiliser de copeaux. Lorsqu'on a parié
de copeaux la première fois, ils ont ri de nous.
M. Carrier: C'est vrai.
M. Russell: Mais cela a changé depuis ce temps, et je ne
parle pas de si loin que cela. Je parle de 1948.
M. Carrier: C'est vrai. Cela change énormément.
M. Russell: Cela a changé énormément. Dans
beaucoup de forêts et bien des scieries, les copeaux ne sont pas
utilisés, surtout les sciures de scieries. Cela devrait être
utilisé parce que c'est un bon produit pour faire de la pâte.
M. Carrier: Quand vous parlez de sciures, cela demande un
investissement et cela prend un procédé séparé.
Vous ne pouvez pas mélanger les sciures avec des copeaux. A l'heure
actuelle, on ne sait pas comment faire.
M. Russell: L'investissement est-il énorme pour utiliser
les sciures dans un procédé comme le vôtre?
M. Carrier: Quand on parle d'une ligne de raffinage, cela produit
environ 130 à 150 tonnes de papier et cela coûte aux environs de
$3 millions.
M. Russell: Cela prendrait une ligne complètement
séparée?
M. Carrier: C'est cela.
M. Russell: Y aurait-il une économie à faire cela?
Vous avez dit que REXFOR s'était engagée par des contrats
à vous fournir le bois si vous ne pouviez pas l'obtenir de vos
fournisseurs actuels. Ce bois serait-il fourni au prix du marché ou
à ses coûts?
M. Carrier: C'est une bonne question!
M. Russell: Vous avez un contrat, j'espère?
M. Carrier: Oui, on a un contrat. On négocie un prix
à tous les ans et ils sont censés faire affaires au même
prix que les autres. Dans notre contrat, avec cinq compagnies
différentes qui sont la Consol, Reed, Abitibi, Donnacona, CIP à
Trois-Rivières, on dit que nous nous engageons à payer le
même prix que les autres paient.
M. Russell: C'est cela. Cela veut dire ceci: Si REXFOR allait
chercher du bois à l'île d'Anticosti, il lui coûterait $70
ou $75 le cunit et elle serait obligée de vous le vendre à $65 ou
$66...
M. Carrier: Normalement, si on s'en tient au contrat.
M. Russell: ... indépendamment du prix du
marché.
M. Carrier: Mais d'habitude quand on joue avec quelqu'un à
un certain moment, on se fait prendre sur l'autre côté.
M. Pelletier: S'ils sont obligés d'aller en dehors, ils
sont obligés de payer la différence de transport. REXFOR,
actuellement, on parle de la section Appalaches.
M. Russell: Section Appalaches seulement?
M. Pelletier: Oui.
M. Russell: S'ils vont à l'extérieur...
M. Pelletier: S'il y a transport à un coût
supérieur, on doit combler la différence.
M. Russell: Cela pourrait devenir dangereux.
M. Carrier: Dans toute chose, il y a des risques.
M, Russell: Je crois que c'est un point assez important pour le
soulever devant la commission parce que cela veut dire que demain, si vos
fournisseurs actuels ne peuvent pas vous fournir, si REXFOR ne peut pas se
procurer le bois sur le territoire et va à l'extérieur, cela peut
ajouter $10 ou $15 le cunit de plus.
M. Carrier: Mais si M. Emile Ouellet est exact dans les chiffres
qu'il vous a donnés au point de vue de la quantité qu'on peut
avoir dans cette zone d'approvisionnement qu'on a, cela prendrait un bout de
temps avant d'aller en chercher en dehors.
M. Russell: D'accord. Il y a beaucoup d'autres questions, mais je
pense bien qu'on pourrait les poser à d'autres tantôt.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: M. Carrier, je vous remercie d'avoir
présenté un mémoire encourageant, optimiste, je dirais
même joyeux, puisque nous avons enfin des statistiques qui
détonnent un peu par rapport aux statistiques précédentes
qui nous ont été soumises. En particulier et c'est
peut-être une coïncidence il nous faut constater que, dans le
cas de F.F. Soucy, vous soulignez que, pour une augmentation de
capacité, je pense, qui excède 120 000 tonnes-année de
papier journal, le coût a représenté environ $60 millions
alors que ce matin, pour une capacité à peu près
semblable, on avançait des chiffres de l'ordre de $120 millions.
A quoi attribuez-vous le fait que vos coûts soient à peu
près la moitié de ceux que la compagnie Price nous a
présentés ce matin, pour des projets d'ailleurs semblables,
puisqu'il s'agissait de thermomécanique et une machine?
M. Carrier: II y avait beaucoup de choses qui existaient
déjà. Quand vous faites une addition à une usine
déjà existante, vous avez des services qui sont inclus et qui ne
sont pas présentés dans le coût total, mais qui sont
là quand même parce que, si on prend les profits que la compagnie
F.F. Soucy Inc. a faits l'année précédente, c'était
dérisoire comme profit.
Donc, cela veut dire qu'il y a une grosse somme d'argent qui est
allée sur le nouveau projet, mais tout de même une addition
coûte toujours meilleur marché qu'une usine complètement
neuve. Il n'y a pas d'erreur.
M. Bérubé: Et, d'après vous, combien
coûterait une installation comme celle que vous venez d'implanter
à Rivière-du-Loup si c'était à partir de
zéro?
M. Carrier: Si c'était à partir de zéro, si
on n'avait rien du tout, les prix dont on a parlé ce matin, les $105
millions, on dit que cela jouerait entre $90 millions et $105 millions.
M. Bérubé: Maintenant, une autre question. Elle est
reliée aux coûts que vous indiquez dans votre rapport.
Si je comprends bien votre dossier, vous nous soulignez que, ce qui joue
contre le Québec finalement, c'est le coût du bois qui est de $20
la corde plus élevé et là, vous vous accordez avec
les autres intervenants et également le coût de la
main-d'oeuvre qui est de 20% supérieur, ce qui nous permet, compte tenu
des chiffres que vous avez dans votre rapport sur le prix de la corde et
également le montant de la main-d'oeuvre qui est de l'ordre de $5
millions, d'arriver à calculer le coût supplémentaire que
vous encourez pour oeuvrer au Québec, sauf qu'on constate, au point de
vue de l'électricité, que vous soulignez que les bois du Sud des
Etats-Unis et cela était un fait qui m'était nouveau
occasionnent des coûts en électricité qui sont de
l'ordre de 50% plus élevés, simplement à cause de la
quantité d'électricité, alors qu'également, il y a
des coûts supplémentaires qui résultent du fait que les
tarifs d'électricité sont beaucoup plus élevés
là-bas. On me dit que c'est 17 mills et plus du kilowatt contre 9 mills
au Québec.
Par conséquent, les coûts d'électricité font
plus que compenser les deux autres coûts antérieurs, ce qui est
surprenant, et nous arrivons, à ce moment, à un coût
positif qui est de l'ordre d'à peu près $9.40 la tonne meilleur
marché pour produire du papier au Québec.
Ceci est évidemment compensé par les coûts de
transport. Vous soulignez, dans votre rapport, qu'ils sont de 50% plus
élevés. Or, si on se fie à d'autres mémoires qui
nous donnent des coûts moyens de transport de $35, nous aurions donc
à nouveau une différence de $18 et, cette fois-ci, nous tombons
dans le négatif. Donc, nous sommes maintenant $9 plus cher au
Québec, sauf que, si on ajoute maintenant les 7% du dollar canadien, qui
tiennent compte des salaires élevés de nos travailleurs, on
retrouve maintenant, au contraire, $12 meilleur marché pour la
production de papier au Québec.
Donc, j'arrive à la conclusion que, maintenant, on produit du
papier à $12 meilleur marché la tonne au Québec alors que
tous les autres intervenants m'ont dit qu'il en coûtait $40 à $45
plus cher.
M. Carrier: Dans ce que vous dites, il y a beaucoup de vrai, mais
il reste que beaucoup d'industries ou beaucoup d'usines, à cause
justement du dollar canadien, la dévaluation, se sont fiées
à cela, ont continué d'oeuvrer et n'ont pas assez
modernisé leurs usines, avec le résultat que tu ne peux pas
toujours compter sur un échange. J'admets qu'on est
débalancé et c'est pour cela que le dollar canadien vaut moins
que le dollar américain, mais il est arrivé, à l'occasion,
que c'était le contraire ou c'était égal. Cela a
été égal pendant plusieurs années. Donc, je ne
pense pas qu'on puisse s'en aller avec un projet et toujours compter qu'on va
avoir une différence de 8% d'échange ou de telles choses.
M. Bérubé: Peut-on compter que les salaires
québécois seront toujours plus élevés que les
salaires américains...
M. Carrier: Non.
M. Bérubé: ... parce que je pense que le taux
d'échange reflète également les conditions
économiques. Lorsque le taux d'échange favorise le dollar
américain, c'est généralement parce que les conditions
économiques au pays sont défavorables ou que les salaires sont
plus élevés. Enfin, il y a un certain nombre de paramètres
qui entrent en ligne de compte.
En d'autres termes, il y a toujours un effet de balancier et le taux du
dollar canadien reflète généralement ce qui se produit
dans l'économie. Est-ce que, justement, ne faut-il pas, quand on veut
faire le calcul, tenir compte de l'ensemble des facteurs économiques et
ne pas oublier ceux qui nous sont favorables pour ne parler que de ceux qui
nous sont défavorables?
M. Carrier: II est évident qu'il faut tous les amener,
mais, quand vous parlez de votre coût, mon comptable vient de faire des
chiffres. Vous êtes très bon, mais il en a fait lui aussi!
Dans un cas, cela me coûte $10 de plus que dans l'autre, mais vous
avez parlé de $12. Oui, c'est à peu près $12.
Mais un des points qu'on a mis là-dedans, c'est qu'on voulait
avoir un éditeur américain ou un éditeur canadien qui
pourrait investir de l'argent avec nous et aussi nous garantir une certaine
quantité de papier qu'il va prendre, mais, si cela fait comme le
Soleil et la Presse, où il y a une grève, en ce moment... Mais il
n'y a pas toujours des grèves; il faut être assuré d'un
certain montant.
Actuellement, je peux vous le dire, avec celui qui a
décidé d'investir à Rivière-du-Loup et nous
garantit 42 000 tonnes de papier par année. D'accord. La machine va
faire 160 000 tonnes l'an prochain, mais on en a 42 000 qui sont vendues.
Il reste qu'il faut essayer de satisfaire le client, parce qu'il en
prend au total 120 000, donc cela veut dire qu'il prend encore de la
Consolidated-Bathurst, Abitibi-Price et d'autres compagnies. Il faut rivaliser
en qualité ou en quantité. Dans le moment, on tient notre bout.
On a eu des difficultés comme tout nouveau système, mais on tient
notre bout, et je pense que notre coût de fabrication est meilleur
marché que le leur.
M. Bérubé: Je pense qu'on doit vous
féliciter de votre esprit avant-gardiste en ce qui a trait à la
modernisation de vos usines et on y voit peut-être le résultat
d'une attitude un peu plus ouverte au changement.
Je m'en voudrais, cependant, de ne pas souligner un aspect de votre
rapport que je n'ai pas particulièrement apprécié, c'est
celui de votre crainte profonde de la nationalisation.
Je pense que, malheureusement, si on s'était
référé aux dix années de préparation du
programme du Parti québécois, on aurait constaté qu'il
n'est mention nulle part de nationalisation. J'ai été surpris de
trouver dans votre mémoire une allusion à une politique qui n'a
jamais été proposée, ni par les militants, ni par aucune
autorité du parti. C'est une remarque en passant.
M. Carrier: Je suis bien content de vous l'entendre dire. Je vous
remercie de m'avoir donné l'occasion de venir devant la commission
parlementaire, parce qu'étant une petite compagnie, j'ai dit:
Peut-être vont-ils passer par-dessus nous, ils ne s'occuperont pas de
cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Puis-je
vous rappeler, que le simple citoyen peut venir présenter un
mémoire à cette commission? M. le député de
Berthier.
M. Mercier: Je ne veux pas être méchant, parce que
vous avez l'air sympathique, mais, en fin de compte, je suis surpris du peu de
rigueur scientifique qu'on retrouve dans votre rapport. Quand je vois, par
exemple, que vous comparez le salaire minimum de $2.30 aux Etats-Unis et de
$3.15 ici, à ce que je sache, le salaire minimum est assez rare dans
l'industrie des pâtes et papiers, soit ici ou aux Etats-Unis. Je pense
qu'il aurait fallu comparer les salaires moyens payés aux Etats-Unis ou
ici. De la même façon, par exemple, vous évoquez les
difficultés dans le climat des relations de travail, mais, quelques
pages plus loin, vous dites que vous vous entendez très bien avec vos
employés tant mieux.
A ce moment, si vous vous entendez très bien avec vos
employés, je ne vois pas où est le problème, ces deux
choses s'annulent. Il y a aussi les épouvantails à moineaux dont
parlait le ministre à l'instant sur la nationalisation. Il n'en a jamais
été question.
Jusqu'à maintenant et Dieu sait s'il y a des entreprises
qu'on soupçonne d'être plus chatouilleuses sur cet aspect, elles
n'ont jamais évoqué cela; d'autre part, ce que je trouve quand
même un peu inquiétant pour une entreprise de votre taille, en
définitive, quand on lit votre rapport, on voit que vous êtes
tiraillé par une décision extrêmement difficile à
prendre que vous nous apportez, mais ce n'est pas notre rôle de la
prendre, je pense que c'est à l'entreprise de prendre ces
décisions. On aurait compris plus facilement que vous nous disiez: On
s'établit à tel endroit pour telle ou telle raison. A partir de
cela, on aurait pu confronter des éléments à certains
autres, mais, en définitive, je suis un peu déçu et un peu
inquiet, et je pense que c'est votre responsabilité de prendre ces
décisions, ce n'est pas à nous.
M. Carrier: C'est vrai, mais la raison pour laquelle on a
apporté cela, c'est qu'on croyait que cela pouvait aider la commission
dans son programme de modernisation ou de discussion avec l'industrie des
pâtes et papiers.
C'est la seule raison pour laquelle on l'a apporté. Je sais fort
bien que c'est nous qui allons prendre la décision et les risques et qui
nous en irons avec cela; par contre, vu qu'on avait fait une étude, on a
cru bon de l'apporter. Si cela peut rendre service à la commission, tant
mieux. C'est l'idée. On voulait aussi démontrer certaines choses,
parce que tout le monde était un peu sceptique sur notre
procédé, et tout le monde craignait l'entente qu'on a avec les
deux offices pour nous fournir du bois, plus REXFOR, et je voulais dire que,
jusqu'à maintenant, cela va très bien et j'espère que
ça va continuer.
Ce sont des choses qui se sont passées, qui existent; on se
rencontre assez souvent, et on négocie les quantités, les
livraisons, le prix, etc. Jusqu'à maintenant, cela va bien.
Avec nos ouvriers aussi, jusqu'à maintenant, cela va bien.
Ce sont des choses qu'on voulait faire valoir, mais on voulait montrer
aussi les avantages d'installer un moulin en Virginie et ce que
l'éditeur américain, dans le moment, pense ou essaie de
développer, c'est l'achat chez lui. D'ailleurs, on l'a toujours fait.
Les moulins de Virginie ont toujours marché à pleine
capacité et le Canada en subit les fluctuations, parce qu'on est un pays
fournisseur, on n'est pas un pays consommateur, on consomme très peu de
notre bois. La preuve, dans notre cas, cette année, c'est à peu
près 15 000 tonnes au Québec et 50 000 tonnes à
l'extérieur, et le reste, c'est tout aux Etats-Unis.
M. Mercier: Comprenez-vous simplement l'importance que cela peut
avoir quand vous dites, par exemple, qu'il faut investir $100 millions pour
une usine? On veut savoir si on est capable d'avoir avec
l'extérieur un contrat qui puisse nous garantir un pourcentage de
production. D'accord, c'est une donnée très importante, mais,
puisque vous comparez le Québec et la Virginie et que vous les mettez en
balance, je pense que cela aurait été bon, si vous voulez
vraiment faire la comparaison, de le faire de façon rigoureuse, nous
dire, dans ce cas, si, en Virginie, vous avez cette même garantie quant
à un certain pourcentage d'approvisionnement, etc.
On est ballotté entre deux options avec des points
d'interrogation sur chacune et finalement...
M. Carrier: Etant Canadien comme vous, j'aimerais bien être
capable de convaincre un éditeur de venir réinvestir à
Rivière-du-Loup, mais s'il ne veut pas réinvestir à
Rivière-du-Loup, peut-être irons-nous construire
là-bas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Matapédia.
M. Marquis: M. Carrier, vous me permettrez ce commentaire,
étant le représentant du comté de Matapédia, une
région qui exporte sa principale richesse naturelle depuis de
très nombreuses années, soit au Nouveau-Brunswick, soit dans les
autres régions du Québec, comme Trois-Rivières,
Québec, Rivière-du-Loup maintenant et d'autres endroits: ce qui
m'a surpris dans votre mémoire, en plus de votre conclusion, où
vous vous posez des questions sur la possibilité d'une usine à
Val-Brillant, c'est la division de votre territoire sur votre carte, entre les
pages 9 et 10.
Dans le contrat qui vous lie aux deux syndicats de producteurs de bois
de Rimouski et de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, y a-t-il une
délimitation de terrain ou n'est-ce pas simplement un nombre de cordes,
55 000 cordes simplement, sans faire allusion à l'endroit où le
syndicat va aller chercher ce bois?
M. Carrier: Actuellement, ce sont 55 000 cordes avec Rimouski,
parce que ce qui concerne votre projet, c'est plutôt Rimouski. On s'y est
engagé à fournir 55 000 cordes à F.F. Soucy Inc., et
Associés.
M. Marquis: Sans vous dire qu'ils vont aller en chercher
jusqu'à Matane, Amqui, etc.
M. Carrier: Pour l'hiver prochain, on nous a promis de faire la
livraison, même s'il faut prendre le bois dans la cour de Matane. L'hiver
dernier, tout le monde sait qu'on a eu pas mal de neige dans ce coin et on a eu
des difficultés à sortir le bois, même s'il a
été coupé, ou à faire des chemins; pour aller
chercher 10, 15 cordes de bois, cela devient trop dispendieux.
M. Marquis: Compte tenu des possibilités à venir,
parce que la technologie a quand même fait des progrès, on parle
depuis plusieurs jours à la commission parlementaire de l'utilisation de
sciure, de planure, pour les copeaux, c'est déjà fait, on parle
aussi des feuillus, à un certain moment, qui pourraient être
employés. D'après vous, dans les territoires qui sont quand
même voisins, y aurait-il à ce moment, possibilité d'une
usine à Val-Brillant, sans que cela empêche celle de
Rivière-du-Loup d'être rentable et même très
rentable?
M. Carrier: Comme on dit souvent, c'est une question de $64 000,
mais c'est simplement question d'inventaire de bois. Si le bois est là,
je ne vois pas pourquoi cela empêcherait l'un et l'autre; mais, s'il
manque de bois, après que l'inventaire est bien fait, cela veut dire
que, pour les deux, le coût du bois va être plus
élevé, mais...
M. Marquis: Mais justement, parlant de coût du bois, vous
avez introduit la notion de distance; quand je regarde votre carte, vous allez
de Rivière-du-Loup jusqu'à Matane, cela doit donner autour de 140
milles. Jusqu'à Amqui, c'est à peu près la même
chose. A ce moment, si on rapproche justement cette matière
première de l'usine de Rivière-du-Loup ou de l'éventuelle
usine de Val-Brillant, ne coupe-t-on pas beaucoup dans le coût du
transport de sorte que les usines puissent devenir rentables d'une façon
encore plus claire et plus complète?
M. Carrier: Si les quantités sont là, ce que vous
dites est vrai.
M. Marquis: Les chiffres qu'on vous a fournis dernièrement
auxquels vous avez fait allusion, ne sont-ils pas de nature à vous
rassurer?
M. Carrier: J'ai été assez rassuré.
Pourrais-je demander à Gérald...
M. Pelletier: Des chiffres nous ont été fournis
dernièrement sur les approvisionnements...
M. Carrier: ... de faire des commentaires?
M. Pelletier: ... sur les possibilités forestières
de notre secteur. Seulement pour notre secteur Rimouski-Témiscouata et
Rimouski-Rivière-du-Loup, on a une variation en possibilités
forestières de 34 000 à 144 000 cunits, en passant par 52 000, en
passant par 108 000.
Ce sont toutes des possibilités forestières qui ont
été calculées par le ministère. Maintenant,
laquelle est la bonne? Si le chiffre de 34 000 cunits est bon, ce n'est pas
fort. Si le chiffre de 144 000 est bon, c'est très fort.
M. Carrier: II n'y a pas de problèmes. M. Pelletier:
II n'y a pas de problèmes.
M. Carrier: C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour
autant que la quantité de bois est là, il n'y a pas de
problèmes.
M. Marquis: Très bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Robert-Baldwin.
M. O'Gallagher: M. Carrier, dans votre mémoire, vous
mentionnez que les coûts de main-d'oeuvre payés à l'usine
au Québec sont de 20% plus élevés qu'en Virginie.
Cependant, on a eu un autre témoin cet après-midi qui a
mentionné que les bûcherons québécois cherchent des
emplois dans le Maine parce que les salaires sont plus
élevés.
Selon vous, y a-t-il une différence entre les salaires
payés à l'usine et dans les chantiers ici au Québec?
Peut-être est-ce la cause d'un de nos problèmes de
productivité.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Carrier: Quand on parle de productivité, quand vous
allez faire un tour en Virginie et que vous regardez les arbres, ils sont
quatre fois, cinq fois plus longs que les nôtres. Donc, quand vous
abattez un arbre, il y a beaucoup plus de bois dedans, avec le résultat
que cela prend une surface beaucoup moins grande pour être capable de
fournir une usine. L'état des routes ou des chemins que vous allez
faire... Ici, on fait une coupe à tous les 60 ans ou à tous les
70 ans. On a fait des chemins pour faire la coupe, mais, quand on y retourne 60
ans plus tard, il n'y a plus de chemins et il faut recommencer, tandis que le
rendement dans le sud est beaucoup plus grand.
M. O'Gallagher: Même entre votre région,
Rivière-du-Loup, et le Maine, y a-t-il tellement de différence?
Il y a peut-être une cinquantaine de milles.
M. Carrier: Je ne crois pas que la différence soit si
forte, non. Mais je sais que pour livrer leur papier, supposons à New
York, quand vous parlez du Maine, cela leur coûte $8 de moins la tonne
que nous. Tout de suite, ils font $8 de profit avec nous autres et je sais que
les employés d'usine gagnent beaucoup moins cher. Quant aux
employés dans le bois, disons que je suis moins familier. Je ne pourrais
pas répondre adéquatement à votre question.
M. O'Gallagher: C'est fort possible qu'il y ait une
différence ici au Québec entre les salaires payés à
l'usine et les salaires payés dans les chantiers.
M. Carrier: Cela se peut.
M. O'Gallagher: Peut-être un commentaire sur la question
que les Américains craignent d'investir ici au Canada à cause des
menaces de nationalisation. Ils ont certaines raisons parce que le premier
ministre René Lévesque, dans son discours à New York, a
menacé de nationaliser l'industrie de l'amiante à Asbestos. Je
pense que tout le monde a été témoin de cette chose.
L'autre fait, c'est qu'on vient d'adopter des lois telles la loi 101 avec
certaines mesures coercitives, avec des contrôles gouvernementaux, des
empiétements dans les affaires, avec des contrôles sur
l'étiquetage, sur les annonces et même sur qui vous allez
employer.
Nous avons la loi 2 qui ne permet pas aux compagnies de fournir aux
caisses électorales, même avec divulgation et même avec des
limites, et nous avons aussi le projet de loi 45, un projet de loi "antiscabs"
qui aura une influence sur les petites et moyennes entreprises comme la
vôtre.
Quel sera l'effet de la loi "antiscabs" sur votre industrie, M.
Carrier?
M. Carrier: Mon opinion est celle-ci: Ne trouvez-vous pas que les
unions ont assez de force dans le moment sans leur en donner plus? Parce que
cela devient de plus en plus difficile d'administrer. C'est bon de se
rencontrer, de se dire ce qu'on va faire, ce qu'on a l'intention de faire, mais
ce n'est pas tout. Les unions, aujourd'hui, réalisent la force qu'elles
ont et elles ont une très grande force parce que lorsqu'on parle
d'investissements au point de vue mécanique et électrique, on a
un investissement de personnel. On reconnaît que le personnel dans
l'industrie des pâtes et papiers au Québec est extrêmement
qualifié, bon travailleur, mais il ne faudrait pas non plus qu'il puisse
tout contrôler. On a assez de difficulté à vendre le
produit, etc., et il y a le transport. Il y a un lot de problèmes qu'on
a toujours dans les jambes, tous les jours.
On voudrait aussi avoir une stabilité au point de vue de nos
ouvriers. Je pense que nos ouvriers, en général, sont prêts
à travailler comme ils le font aujourd'hui et à continuer, mais
s'ils sentent qu'on leur donne encore plus de force, qu'est-ce qui va arriver?
Je ne le sais pas, mais...
Ce sont des choses à craindre. Il n'y a pas d'erreur.
M. O'Gallagher: Très bien. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Très brièvement, M. Carrier. Vous avez
mentionné, tout à l'heure, dans votre mémoire, qu'une
tonne de copeaux secs pouvait vous coûter aux environs de $43 à
peu près.
M. Carrier: Oui.
M. Grenier: Vous avez justement précisé que
c'était cela, dans le moment, avec des changements possibles, et qu'un
cunit de bois pouvait vous coûter aux environs de $67.
M. Carrier: Environ, oui.
M. Grenier: C'est à peu près cela. Vous nous dites
aussi qu'une tonne de copeaux et un cunit de bois pourraient donner à
peu près la même quantité de pâte.
M. Carrier: Sec? Oui.
M. Grenier: A ce moment, vous nous avez dit qu'il n'y avait pas
de problème à travailler ou bien avec des copeaux ou bien avec du
bois. Y aurait-il possibilité, a ce moment, que vous ne produisiez
qu'avez des copeaux qui pourraient être importés de notre
collègue de l'Abitibi, par exemple, qui en a en trop?
M. Carrier: Quand vous parlez de votre collègue de
l'Abitibi, l'autre jour... parce qu'on aime faire des enquêtes pour
savoir où on va, mais quand on regarde le coût du transport, il
est plus élevé que la valeur des copeaux qu'on va avoir.
Même de lui, en Abitibi, qui va réduire son prix parce qu'il a un
surplus de copeaux, quand on calcule notre transport, cela nous revient plus
cher que ce qu'on...
M. Grenier: Dans le contexte actuel, cela peut vous
coûter...
M. Carrier: ... a actuellement.
M. Grenier: ... $23 de plus la tonne pour transporter vos
copeaux. Cela vous coûterait plus cher que cela pour les transporter.
M. Carrier: L'autre jour, on arrivait à peu près au
même prix.
M. Grenier: Oui.
M. Carrier: $43 pour le transport.
M. Grenier: Combien?
M. Carrier: $43 pour le transport, tonne de sec. S'il les vend
$30, en bas du prix, cela fait $73, quand je les paie $67, et c'est seulement
parce qu'il a un surplus qu'il me les offre à $30. Dans deux mois, ce
sera à $40 ou à $50. A ce moment, cela fait une énorme
différence. C'est là que c'est rentable ou non. Cela devient
extrêmement sérieux.
M. Grenier: II y a peut-être lieu de faire appel à
un mémoire qui nous a été présenté
précédemment où il était question de vous aider
quant au coût de l'essence. Vous devriez peut-être rencontrer Mme
Payette et lui demander une réduction sur le coût du gallon.
Autre chose. Sur le transport du bois, j'aimerais que vous me donniez un
peu d'information. Il y a des gens chez nous qui transportent du bois, qui
partent avec 20 cordes, qui se rendent à la scierie et à qui on
en "colle" trois. Ils finissent par être payés pour 17 cordes.
Y a-t-il un problème réel dans ce secteur? J'aimerais
être informé d'abord pour poser une couple d'autres questions par
la suite.
M. Carrier: Selon les derniers chiffres que j'ai eus, la semaine
dernière, c'est aux alentours de 2,6%, 2,8%...
M. Grenier: ... de coupure.
M. Carrier: De coupure, mais cela veut dire du bois trop petit ou
des coeurs rouges.
M. Grenier: Oui.
M. Carrier: Les coeurs rouges, on peut faire de bonne pulpe avec
cela.
M. Grenier: II faut faire attention à cela quand c'est
rouge! En dehors des farces, le transporteur mérite-t-il d'être
pénalisé? Il prend quand même le bois. Il l'a acheté
de quelqu'un et cela a été accepté par quelqu'un. Il le
met sur son camion et il le transporte.
M. Carrier: II est mieux de le laisser chez nous que de rapporter
ce qui n'est pas bon. C'est évident.
M. Grenier: Cela est sûr. C'est la moindre
pénalisation. Il n'a pas envie de le ramener, c'est sûr. Il n'aime
peut-être pas, non plus, le laisser chez vous quand il s'en fait couper,
mais, en tout cas, il n'a pas le choix.
Mais n'y a-t-il pas lieu de régler ce problème? Pourquoi
transporte-t-il ce bois? Pourquoi cela ne serait-il pas arrêté au
départ, qu'il n'ait pas à le transporter?
M. Carrier: Je sais que le ministère des Terres et
Forêts a des exigences. Si tu coupes un arbre, il faut que tu le sortes.
Tu ne peux pas le laisser dans le bois. Après qu'il est sorti, le gars
le corde et, après qu'il est cordé, il ramasse la corde et il
l'apporte chez nous.
M. Grenier: II est mesuré et il est accepté
à ce moment. Il fut un temps, dans le milieu que j'ai connu, où,
lorsqu'il était "collé", le gars était obligé de
l'enlever et de refaire sa corde, de la refaire au complet avec du bon bois. Ce
n'est plus cela?
M. Carrier: On ne fait pas cela.
M. Grenier: Bon. Alors, il transporte ce bois et il a une coupure
de deux points quelque chose.
M. Carrier: 2,6%, 2,8%. Cela joue là-dedans,
Gérald?
M. Grenier: A ce moment, ils soufflent leur prix, eux aussi, sur
le transport.
M. Carrier: Ce matin, on a référé à
cela. On a référé à 5%, 2,5% sur un
côté et 2,5% sur l'autre. On n'essaie pas de prendre toujours les
2,5% sur notre côté, mais disons que cela arrive comme ça.
C'est pire parfois. Quand vous avez du bois qui est frais coupé, c'est
plus facile de voir les défauts que sur du vieux bois. C'est drôle
à dire, mais, pour faire du bon papier, cela nous prend du bois frais.
Parce qu'on ne le voit pas, on le paie et on pense qu'on a du bon bois, mais
c'est de la pourriture.
A ce moment, cela ne fait pas de la bonne pâte et, si cela ne fait
pas de la bonne pâte, cela
ne fait pas du bon papier. Le client à l'autre bout se plaint et
tu ne peux pas te payer le luxe de perdre un client, le plus petit soit-il,
parce qu'un des avantages de notre compagnie, c'est que, comme cela fait
peut-être 30 ans que la compagnie BATO achète et revend du papier,
elle a énormément de petits clients qui prennent dix ou vingt
rouleaux, etc. C'est cela qui nous aide jusqu'à un certain point. On
vend beaucoup de papier de cette manière, chose que les grandes
corporations ne peuvent pas faire. Nous étions organisés avant
pour le faire. Donc, on a continué.
M. Grenier: Mais on est obligé d'admettre que cela fait un
peu drôle, au moins, d'obliger les transporteurs à transporter du
bois quand ils savent qu'ils vont se le faire enlever une fois rendus à
l'usine. Vous n'avez pas de propositions à nous faire? Oui. Il y a
quelqu'un qui a envie de parler.
M. Pelletier: II y a une chose. Dans nos fournisseurs, il y a
REXFOR, La Pocatière et Rimouski. Rimouski paie le transporteur sur son
mesurage et non sur le nôtre. A ce moment, le transporteur n'est pas
pénalisé. Ce n'est pas la même chose pour ce qui est de
Sainte-Anne-de-la-Pocatière et de REXFOR.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière intervention. M. le ministre.
M. Bérubé: C'est une remarque en passant. Tout
à l'heure, en réponse au député de Baldwin...
M. Pagé: Robert Baldwin.
M. Bérubé: ... Robert Baldwin...
M. Pagé: Je vous en prie. Par respect pour celui qui est
devant notre parlement, près du gazon, ce soir.
M. Bérubé: Donc, à la suite de sa question,
on vous demandait plus précisément si la loi anti-scabs risquait
d'affecter vos opérations. Une question que j'aimerais vous poser est la
suivante: Dans quelle mesure est-il possible pour une entreprise comme la
vôtre de fonctionner lorsque vos travailleurs sont en grève? En
d'autres termes, êtes-vous capable de trouver sur le marché des
travailleurs forestiers et des travailleurs d'usine qui sont capables de faire
fonctionner votre usine, alors que votre syndicat est en grève?
M. Carrier: Cela s'est déjà fait dans le
passé, mais je pense qu'aujourd'hui ce serait extrêmement
difficile. Les syndicats sont tellement forts que ce serait presque impossible
d'aller s'en chercher ailleurs.
M. Bérubé: J'en conclus, en fait, que la loi
antiscabs n'affecterait pas tellement vos opérations.
M. Carrier: Tout de même, vous leur donnez encore plus de
poids. C'est ce que j'ai dit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Pagé: Le ministre a fait un commentaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Laissez-moi vous dire... Quand même, vous
permettrez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf, s'il vous plaît.
M. Pagé: Le genre de questions...
M. Bérubé: Ne faites pas de basse politique.
M. Pagé: Ce n'est pas de la basse politique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît!
M. Pagé: Je vous ferai part de la remarque après.
Vous allez l'apprécier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre se réunira,
je pense, d'ici deux ou trois semaines.
Là-dessus, je vous remercie, M. Carrier, de même que ceux
qui vous accompagnaient pour votre participation à notre commission, et
ce, au nom des membres de la commission. J'invite maintenant le Conseil
économique d'Amos Inc., et son président, M. Claude Perron.
M. Grenier: Qu'est-ce qui arrive de Val-d'Or?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bien,
Val-d'Or est après Amos, peut-être pas sur la carte
géographique, mais sur la liste.
M. Pagé: Pendant que nos invités vont s'installer
pour comparaître, vous me permettrez, M. le Président, de soulever
à ce stade-ci de nos travaux une question de règlement. Je vais
être très bref parce que je sais que le temps de nos
délibérations fuit rapidement.
J'avais l'intention de soulever cette question qui témoigne de
mon privilège de député parce que, comme vous le savez, on
n'a pas le droit de soulever de question de privilège en commission.
J'avais l'intention de la formuler ce matin, mais j'ai
préféré attendre et laisser le temps courir afin qu'on
puisse entendre les parties qui avaient été convoquées
aujourd'hui.
Cette question de règlement, je l'évoquerai par une
question que je vous adresse, M. le Président, dans un premier temps et
par une question que j'adresserai au ministre. Le jeudi, 28 septembre 1977, en
soirée, nous avons adopté ici, les membres de la commission et de
façon unanime, sauf une abstention du ministre sur une des motions
présentées, deux motions qui formulaient des voeux et qui
étaient relatives au cas spécifique de l'usine Wayagamack au
Cap-de-la-Madeleine.
M. le Président, ma question est la suivante: Pouvez-vous
confirmer à cette commission que, suite à l'adoption de cette
motion par les membres, vous avez fait parvenir un télégramme? De
toute façon, êtes-vous entré en communication avec les
dirigeants de la compagnie Consolidated-Bathurst pour leur faire part de la
motion adoptée par les membres de la commission, à savoir, dans
un premier temps, que les membres souhaitaient que l'entreprise puisse demeurer
ouverte pour un délai d'un an, de façon à permettre aux
employés d'étudier des modes de gestion possibles pour garder
l'usine ouverte? Dans un deuxième temps, nous adoptions, à ce
moment, une autre motion où nous formulions le voeu et demandions
à la compagnie d'accepter de déposer tous les chiffres relatifs
aux opérations, à savoir les revenus, les dépenses, la
dépréciation, etc., en fait, tout le portrait financier de
l'usine Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine. D'ailleurs, nous avions
ajouté, suite à un amendement formulé par les membres du
gouvernement, que nous demandions à la compagnie d'accepter de relever
le ministre de la confidentialité, selon l'entente qu'il avait eue avec
la compagnie de garder ces chiffres confidentiels.
M. le Président, la question est la suivante: D'une part,
êtes-vous entré en communication avec les dirigeants de la
Consolidated-Bathurst? Si c'est le cas, d'autre part, j'apprécierais
connaître la réponse suite aux motions et aux voeux qui ont
été ainsi formulés. Dans un deuxième temps,
j'aimerais savoir du ministre, si possible, si lui-même ou des membres de
son cabinet, de ses collaborateurs immédiats, soit le sous-ministre, les
sous-ministres adjoints, en fait tous ceux qui ont à collaborer avec lui
sont entrés en communication avec les dirigeants de la
Consolidated-Bathurst pour voir à la possibilité que ce voeu
émis par la commission puisse se réaliser. Cela ne sera pas plus
long que ça, parce que je ne veux pas retarder les débats.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf, d'abord, je dois vous dire que vos deux
questions s'adressent à la présidence, puisque c'est une
commission de l'Assemblée nationale qui siège ici. Ce sont deux
motions qui ont été adoptées par cette commission
parlementaire et, en conséquence, il appartenait au personnel de la
commission parlementaire, c'est-à-dire à la commission
parlementaire elle-même et non pas au gouvernement ou non pas au ministre
d'entrer en communication avec la compagnie en question.
Or, évidemment, suite à votre demande, les recherches sont
actuellement en cours. Je n'ai pas, à titre de président,
actuellement, les réponses à vous donner, mais je pense les avoir
d'ici une dizaine de minutes au maximum.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'apprécie
la diligence dont vous témoignez. Cependant, vous dites que
c'était à l'Assemblée nationale, c'était à
vous d'agir, que ce n'était pas le gouvernement, mais l'un n'exclut pas
l'autre. Je suis assuré M. le ministre, fort conscient qu'il est et
qu'il était tout au moins du problème, a certainement
donné une suite à la recommandation formulée.
M. le Président, vous allez accepter avec moi...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf...
M. Pagé: Si vous voulez me laisser terminer, j'ai sept ou
huit mots encore à ajouter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Pagé: Je suis convaincu que ce ne serait pas
compliqué pour le ministre de nous donner sa réponse. C'est oui
ou non. Vous faites quelque chose, oui ou non?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf...
M. Pagé: Cela ne rallongera pas le débat.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf, je dois vous dire que je maintiens que ces
deux motions ont été adoptées par la commission
parlementaire et qu'il appartenait à des personnes bien précises
du personnel de la commission parlementaire de communiquer, c'était le
sens des motions, le contenu des motions à la compagnie en question. Je
voudrais vous faire remarquer que dans ces motions, le ministre n'avait
nullement l'obligation de communiquer lui-même avec l'entreprise. Le
ministre n'est pas tenu de répondre puisque ces questions-là ne
s'adressent pas au ministre mais au président de la commission
parlementaire. D'autre part, il est bien entendu que si le ministre veut
répondre, il le peut.
M. Pagé: II le peut et il le doit.
M. Giasson: Nous n'en doutons pas, M. le Président, parce
qu'il représente la transparence... Il va nous livrer cette
information.
M. Bérubé: Merci, messieurs. J'apprécie
votre respect de l'Etat. Le vice-président de la Consolidated-Bathurst,
M. Sauvé, a effectivement demandé à me rencontrer pour
s'informer sur la nature exacte des deux télégrammes qu'il venait
de recevoir de la commission. Ceci répond donc, en un sens, à la
première partie de votre question.
M. Pagé: Vous aidez la présidence, M. le ministre,
vous voyez que c'est utile de répondre.
M. Bérubé: Quant à la deuxième partie
de votre question, je lui ai donné l'esprit dans lequel ces
résolutions ont été adoptées et il les a donc
prises en considération. Il ne m'a pas donné de réponse
jusqu'à présent.
M. Pagé: Cela me permet une question additionnelle
très courte.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pas de
débat. Ecoutez, M. le député de Portneuf...
M. Pagé: Non, pas de débat. Je présume, M.
le ministre que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
été très large en acceptant une question de
règlement sur ce point-là.
M. Pagé: M. le ministre, si j'avais été
à votre place, j'aurais quand même
demandéprobablement l'avez-vous demandé, vous connaissant
vous avez probablement demandé: Quand allez-vous nous donner une
réponse?
M. Bérubé: ... Je ne serai pas transparent à
ce point.
M. Giasson: C'est clair et limpide.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En
terminant, on a eu l'information par la bouche du ministre selon laquelle les
deux télégrammes auraient été reçus. Je ne
pourrai obtenir les preuves effectives ce soir. De toute façon, demain
matin on verra à démontrer aux membres de la commission si le
télégramme a bien été envoyé. Je n'en doute
pas. Je connais la diligence et la compétence du personnel du
secrétariat des commissions parlementaires.
Là-dessus, je souhaite la bienvenue à M. Claude Perron, je
présume, du Conseil économique d'Amos, tout en rappelant, avant
que le député d'Abitibi-Est me le répète, que nous
avons deux organismes venant de l'Abitibi-Témiscamingue qui sont ici et
leurs représentants. Il est 9 h 20 et tout le monde sait que la
commission va ajourner ses travaux à 11 heures. Je ne connais pas le
contenu de tous les mémoires qui vont nous être
présentés, les deux prochains mémoires, mais il faudrait
peut-être faire des efforts pour essayer d'empêcher qu'un des deux
organismes soit obligé d'être reconvoqué par la commission.
S'il faut le faire, le prochain organisme sera reconvoqué et si vous
voulez venir, vous aurez une décision à prendre. Mais si la chose
est possible, évidemment... M. Perron.
Conseil économique d'Amos Inc.
M. Roch (Yvan): Je me présente, je suis Yvan Roch, en
l'absence de mon président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'avais
mal présumé.
M. Roch: Je suis délégué pour
représenter le conseil économique. Comme vous pouvez le voir, je
n'ai pas à vous présenter mon imposante délégation
parce que c'est à partir du principe qui voulait que cette commission
pouvait entendre un simple citoyen, c'est avec les moyens du bord que nous
avons préparé ce mémoire, mais nous avons cru qu'il
était bon de se faire entendre. Je voudrais aussi signaler une petite
chose qui s'est produite. C'est que la décision a été
relativement tardive. Elle a été prise après une visite du
ministre. On nous avait dit qu'on pouvait déposer notre mémoire
avant le 9 septembre, date limite. Même si le rapport n'est pas imposant,
à toute vapeur, nous avons fait notre possible. La commission voudra
bien nous excuser s'il y a de petites erreurs à l'intérieur.
De plus, avant de commencer la lecture de ce mémoire, je voudrais
remercier la firme F.F. Soucy, qui est passée ici, d'avoir mis un peu de
soleil sur la commission. Je pense que cela me facilite la tâche, surtout
qu'elle vient d'une région qui est éloignée des centres de
décision, un peu comme celle à laquelle j'appartiens. Je les en
remercie beaucoup et je sais que vous allez être attentifs à nos
propos parce que c'est dans un sens d'optimisme que nous présentons ce
rapport. On n'a pas la prétention d'avoir présenté une
thèse complète avec une armée de scientifiques, car,
depuis le début de la commission, il y a des groupes qui se sont
présentés avec des armées de scientifiques. Je pense que
cela est normal, depuis le temps qu'ils agissent sur le terrain; s'ils avaient
fait le contraire, on en aurait été surpris.
M. le Président, M. le ministre des Terres et Forêts,
messieurs les membres de la commission parlementaire, mesdames, s'il y en a. En
juin dernier, vous avez invité les sociétés
papetières de notre province, certaines associations et toutes autres
personnes intéressées à présenter des
mémoires sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et
papiers du Québec. Nous désirons profiter de cette occasion que
vous nous offrez pour vous faire connaître officiellement le point de vue
du Conseil économique d'Amos Inc. concernant la place que
l'agglomération d'Amos pourrait éventuellement occuper dans
l'image de l'industrie québécoise des pâtes et papiers.
Le court mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui ne
constitue qu'un exposé de base des principes auxquels nous souscrivons
et il n'a pas la prétention de couvrir d'une façon exhaustive
tous les aspects de la question. Tout ce que nous voulons, c'est inscrire notre
nom à titre de site potentiel intéressant en vue de
l'implantation d'une usine de transformation de produits forestiers. En temps
opportun nous vous fournirons toute l'assistance dont nous serons capables pour
faire évoluer un dossier que nous désirons ouvrir à
l'occasion des séances de cette commission parlementaire.
Nous vous remercions de nous permettre de nous faire entendre et vous
prions de nous croire: le Conseil économique d'Amos Inc., par son
président, Claude Perron.
Lorsqu'il a annoncé son intention de convoquer la commission
parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, M. Yves
Bérubé, ministre des Terres et Forêts, a
révélé ses inquiétudes au sujet du secteur
industriel le plus impor-
tant du Québec, celui des pâtes et papiers. Il a
invité, en premier lieu, les sociétés papetières
à lui soumettre des mémoires afin de faire état de leurs
problèmes, de leurs inquiétudes et aussi de suggérer les
mesures que le gouvernement pourrait adopter afin de leur aider, à tout
le moins afin de les soulager. De plus, le ministre Bérubé a
invité quelques associations spécifiques à soumettre des
mémoires complémentaires, sans doute pour s'assurer qu'il pourra
ainsi connaître les réactions générales des
industriels puisque, dans leur mémoire particulier, ces derniers ne
parlent que de leurs propres problèmes.
Les documents soumis par les organismes actifs, dans le secteur
visé, sont réputés être subjectifs et il ne peut en
être autrement. Pour avoir des opinions différentes, sinon
totalement libres, le ministre a invité les autres personnes
intéressées à expédier leur point de vue,
complétant ainsi l'image réelle d'une industrie jadis
prospère et que l'on dit dans une situation précaire.
Si le ministre a pris la peine de convoquer une commission
parlementaire, nous sommes justifiés de conclure: premièrement,
que le gouvernement admet que les sociétés papetières du
Québec ont des difficultés; deuxièmement, que les
perspectives mondiales, à moyen et à long terme, garantissent des
marchés intéressants pour les pâtes cellulosiques et les
produits qui en découlent; troisièmement, que le Québec
peut figurer parmi les régions productives de pâtes et de papiers,
de carton et d'autres produits dérivés du bois;
quatrièmement, que le gouvernement du Québec est conscient qu'il
a un rôle à remplir pour consolider et améliorer la
situation des sociétés papetières
québécoises et à favoriser la formation de nouvelles
corporations.
Le rôle du gouvernement sera avant tout celui de
législateur et, possiblement, celui d'un investisseur et d'un
maître d'oeuvre, et cela, le gouvernement l'a témoigné par
des communiqués de presse il n'y a pas tellement longtemps.
Situation actuelle au Québec. Nous pourrions reproduire dans
notre mémoire une quantité incroyable de statistiques, même
si nous n'en disposons pas aujourd'hui avec nous dans la petite valise que je
transporte avec moi.
Nous n'aurions qu'à consulter les rapports publiés par les
organismes spécialisés dans ce genre de renseignements et
à vous présenter nous aussi les tableaux que vous avez
déjà en main ou encore qui vous seront remis par d'autres
à l'occasion de ces auditions.
Nous nous contenterons ici de vous soumettre notre réaction
vis-à-vis des tables que tous ont consultées: "A peu près
toutes les statistiques relatives à l'industrie québécoise
des pâtes et papiers indiquant des tendances vers la hausse, qu'il
s'agisse du nombre d'usines, du nombre des employés, des tonnes de
produits manufacturés, des expéditions de la valeur de produits,
etc." Les courbes statistiques peuvent, occasionnellement, afficher des
fléchissements, mais leur allure générale est vers
l'augmentation. "Lorsqu'une courbe indique une diminution constante, il s'agit,
en général, d'un produit particulier, en désuétude,
comme c'est apparemment le cas pour les pâtes au bisulfite." "Alors que
l'ensemble des usines canadiennes d'un type donné démontrent une
tendance vers la hausse, les performances de certaines usines (dont
quelques-unes au Québec) ont une allure différente. Il s'agit
alors d'un cas d'espèce et non d'une situation générale".
Ici, on pourrait parler du cas de East Angus et de la pâte Kraft."
Selon nous, la situation mondiale présente un aspect de
dépression au moment où nous parlons et nous savons que cette
situation dure depuis déjà plusieurs mois. Le Québec ne
peut y échapper et il ne faut pas être trop pessimiste.
L'état de santé de notre industrie des pâtes et
papiers doit être jugé dans un contexte général.
Compte tenu de cette observation, si certaines usines sont en
difficulté, que l'on pourrait qualifier de mortelle, il ne s'agit plus
alors de discuter de l'état de l'industrie, mais de celui d'une
industrie particulière, et ce n'est certes pas le but de cette
commission. On devrait peut-être lire "de cette usine
particulière" dans certains cas.
Structure de l'industrie forestière du Québec. Il n'est
pas dans notre intention de faire l'historique de l'industrie forestière
du Québec. Contentons-nous d'un rapide coup d'oeil sur
l'évolution qui s'est produite depuis le début du XXe
siècle.
C'est en effet à partir de ce point marquant que l'industrie des
pâtes a fait son apparition d'une façon significative dans notre
province. Antérieurement, on parlait surtout du sciage. Les
gouvernements du temps ont jugé qu'il était important d'implanter
une industrie papetière importante chez nous, compte tenu des richesses
forestières disponibles et compte tenu du besoin d'industrialiser la
province.
Pour réaliser un tel objectif, nos dirigeants ont dû se
plier aux exigences des investisseurs et, entre autres choses, ils ont dû
aliéner le territoire.
On a aussi concédé de vastes étendues
forestières et on a permis aux concessionnaires d'hypothéquer le
bien public en faveur d'intérêts particuliers. Cette manoeuvre
avait pour but de mettre nos richesses en valeur, de faire profiter la
population de nos ressources naturelles, de créer de l'emploi pour notre
main-d'oeuvre, de faire circuler l'argent, de développer les
régions.
Ces buts désirables et avoués ont été
réalisés, en partie du moins, mais il y a eu aussi les effets
secondaires résultat du désir de profit de la part de tout
investisseur.
Au fur et à mesure que les gouvernements ont
réalisé que les politiques en vigueur étaient trop
préjudiciables à la population, ils ont modifié les lois
afin de maintenir autant que possible un juste équilibre entre les
bienfaits procurés et les inconvénients subis.
A chaque fois, les industriels ont réagi pour maximiser leurs
bénéfices. C'est normal que chaque partie agisse ainsi, mais il
ne faut pas que l'industriel, par le poids de son influence, empê-
che le législateur d'agir ou le force à agir en sa faveur
aux dépens de la population ou au détriment d'un autre secteur de
l'industrie.
Depuis le début du siècle jusqu'aux années
cinquante, l'industrie papetière était omniprésente au
Québec. Au cours de cette période, l'industrie du sciage montrait
trois caractéristiques principales: elle était en grande partie
autochtone; elle comptait un très grand nombre d'établissements;
en général, ces usines étaient ou petites ou très
petites.
Cette situation fit que le secteur industriel n'a presque pas
évolué. La taille de l'entreprise type n'a presque pas grossi.
Les méthodes de production n'ont pas été
modernisées. Les salaires de la main-d'oeuvre sont demeurés
à un niveau très bas.
Bref, on peut dire qu'on était en face d'une industrie moribonde.
Le mot est peut-être fort, mais ici on se situe toujours avant les
années cinquante. Au début des années soixante, le
gouvernement a admis que le secteur du sciage était traité en
parent pauvre et il a modifié son comportement, non pas en intervenant
directement, mais en fournissant, aux industriels du sciage, l'occasion et
l'opportunité d'évoluer dans un contexte plus favorable.
Les effets n'ont pas été lents à se faire sentir et
on a assisté à une modernisation généralisée
des usines, à une expansion dans la taille des entreprises par des
fusions, des acquisitions, des investissements. A partir de scieurs de bois et
de gaspilleurs de matière première, on a vu naître des
manufacturiers soucieux de la pleine utilisation du bois.
L'industrie papetière ne pouvait rester indifférente
devant cette menace parce que l'industrie du sciage devenait à la fois
un compétiteur inquiétant du côté des forêts
et un fournisseur important de fibres à pâtes. Les
sociétés papetières ont alors commencé à
acheter les scieries des autochtones et les ont intégrées
à leurs structures. On assiste à une intégration sous
forme d'assimilation. Actuellement, une seule région importante dans le
secteur du sciage a échappé à ce phénomène
et c'est le Nord-Ouest du Québec.
Nous croyons que le gouvernement, même s'il est attentif aux
doléances des sociétés papetières, doit prendre
toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder le caractère
actuel de l'industrie du sciage de notre région, le but ultime de ce
rapport. Ce que le gouvernement fera pour l'Abitibi sera
bénéfique pour les scieries des autres régions du
Québec.
Nous reconnaissons que le gouvernement devra poser certains gestes en
faveur de l'industrie des pâtes et papiers si la preuve lui en est faite,
mais, pour aucune considération, son action ne devra être
préjudiciable aux industriels du sciage.
Perspectives à long terme. Tant qu'il y aura des humains sur la
terre, il y aura aussi consommation de matières ligneuses, que ce soit
sous forme de papier de toutes sortes ou qu'il s'agisse de pâtes à
dissolution, qu'il s'agisse de carton ou de fibres d'emballage, ou de
matériaux de cons- truction, qu'il s'agisse d'hydrocarbures
synthétiques ou de nouveaux produits à découvrir. Je pense
que le témoignage de F.F. Soucy le prouve. Cependant, les
événements de toutes sortes qui se produisent au cours des
années font que la consommation se caractérise par des hauts et
des bas, par une diminution per capita compensée par une plus grande
demande à cause de la croissance démographique, par la
concurrence de nouveaux produits et la perte de marché en ces
circonstances, toujours quand on prend la planète et non pas
l'Amérique du Nord ou quelque pays.
Ces phénomènes sont propres à tous genres de
produits et les produits du bois n'y échappent pas. Quoi qu'il en soit,
les décisions de grande envergure doivent toujours être prises sur
des études de marché à long terme, surtout lorsque les
investissements nécessaires sont récupérables sur des
périodes assez longues. Dans l'industrie papetière, on peut
parler de capitaux devant s'amortir dans une période probable de 20
à 30 ans. Il est donc normal que les études de marché
tiennent compte des besoins de la consommation pendant un nombre
d'années correspondant.
Si le gouvernement et les sociétés papetières se
réunissent autour d'une table de travail, comme c'est
présentement le cas, c'est que les perspectives sont favorables et qu'il
y a lieu d'être optimiste au moins jusqu'à l'an 2000. Autrement,
il n'y aurait personne ici. Il ne nous incombe donc pas de faire des preuves de
rentabilité et nous tenons pour acquis que tous, nous nous accordons
pour dire que l'avenir des pulperies du Québec est intéressant.
Il reste à définir à quelles conditions.
Approvisionnement. Il n'y a jamais eu de controverse à ce sujet.
Une usine doit être assurée en matière première. Les
points litigieux se situent au niveau des modalités d'approvisionnement.
Pourtant, en bien des circonstances, on a tenté de détourner
l'attention des vrais problèmes pour rejeter du côté de
l'approvisionnement la responsabilité des difficultés
qu'éprouvent certaines pulperies. Nous espérons que la
lumière se fera à l'occasion des auditions devant cette
commission parlementaire et que l'on ne dira pas que le prix trop
élevé du bois est responsable de la position où se
trouvent les usines vétustes.
L'industrie papetière s'est d'abord approvisionnée dans
les forêts du domaine public qui lui ont été
concédées, comme nous l'avons dit précédemment. Par
la suite, les sociétés papetières ont acheté du
bois provenant des forêts privées, soit parce qu'elles y ont
été contraintes, soit parce qu'elles y ont trouvé leur
profit. Les vendeurs et les acheteurs n'étant pas de même taille,
les luttes normales en affaires n'ont jamais été bien longues et
l'identité du vainqueur n'a jamais laissé de doute jusqu'au
moment où le législateur a dû intervenir pour
protéger le plus faible. Le simulacre de la loi a calmé les plus
bruyants, mais n'a pas vraiment réglé le problème, de
sorte que le législateur laisse entrevoir qu'il sent le besoin
d'intervenir à nouveau en bâtissant un véritable
réseau de lois qui assurerait une mise en marché équitable
du bois provenant des forêts privées.
Depuis le milieu des années cinquante, une nouvelle source
d'alimentation s'est offerte aux pulperies. Il s'agit des fibres à
pâtes résultant de l'usinage du bois, ces fibres étant
offertes sous forme de copeaux, de sciures de planures et d'écorces.
Le potentiel d'approvisionnement que représente ce bois est
d'environ trois millions de tonnes en sciures et planures alors que
l'écorce représente 10% à 15% de la masse de bois
livrée aux usines.
Lorsque les premières tonnes de copeaux firent leur apparition
sur le marché, les sociétés pa-petières
affichèrent beaucoup d'intérêt pour cette marchandise et
ils offrirent un prix alléchant pour les propriétaires de
scieries, quoiqu'inférieur au coût du bois provenant du domaine
public. On achetait des déchets et les vendeurs commençaient
à retirer de l'argent contre de la matière pour laquelle ils
devaient débourser pour s'en débarrasser.
Un tel incitatif ne fut pas long à avoir ses effets et,
bientôt, on assistera à une métamorphose des scieries.
Partout on convertissait les usines de façon à
récupérer ce qui était devenu des résidus de
sciage, si bien que, dorénavant, les scieries ne pourraient plus
manufacturer le bois d'oeuvre sans produire de copeaux. Les écorceurs,
les coupeuses de copeaux, les tamis, les convoyeurs devenaient partie
intégrante de l'usine de sciage.
Que dire des nouvelles scieries? Nul ne construisait ou ne
reconstruisait sans prévoir de fabrication de copeaux. La région
d'Abitibi-Témiscamingue ou nord-ouest n'échappait pas au courant
qui était bon en soi, de sorte que notre région est devenue le
plus gros pourvoyeur de fibres à pâte de notre province. A lui
seul, le nord-ouest du Québec produit environ 1,4 million de tonnes de
copeaux, soit près de la moitié de tout ce qui est
fabriqué dans les scieries et les deux tiers de ce qui est offert sur le
marché par les manufacturiers autochtones.
La sciure et la planure sont toujours boudées par la plupart des
fabricants de pâte. On invoque des raisons technologiques de toutes
sortes pour refuser d'utiliser le bois présenté sous cette forme.
Pourtant, d'autres pays producteurs de pâtes cellulosiques font grand
usage de sciure et de planure et achèteraient tout le bois s'ils
n'avaient pas à le transporter sur de grandes distances pour l'emporter
jusque chez eux.
Il semblerait que des produits tels que la rayonne, le cellophane, pour
ne nommer que ces deux produits, sont aussi bons lorsqu'ils sont
fabriqués à partir de particules de bois au lieu d'être
manufacturés avec des arbres de fort diamètre, qu'on achemine
vers les pulperies pour ensuite les pulvériser et les dissoudre. Les
résultats de cette attitude, c'est qu'en Abitibi il se perd quelque 500
000 tonnes de bois annuellement parce qu'on ne trouve pas preneur.
Nous nous abstiendrons de parler d'écorce, ce paria des produits
de la forêt, et nous nous plaçons dans les rangs de ceux qui se
cachent derrière l'ignorance, seule explication pour justifier le
gaspillage qu'on en fait jusqu'à maintenant, même si des efforts,
dernièrement, ont été tentés en ce sens.
Espérons que nous n'aurons pas à payer trop cher ce gaspillage.
Le prix qu'il nous faut payer pour l'énergie devrait pourtant nous faire
réfléchir et nous assagir.
La qualité de la matière première. Les forêts
du Québec présentent une grande variété d'essences,
tant feuillues que résineuses, chacune ayant ses
propriétés et ses caractéristiques. Dans notre
région du nord-ouest, nous sommes favorisés de la présence
de résineux à croissance lente qu'on ne retrouve que dans les
pays Scandinaves, en Russie et au Canada. Ces essences recherchées se
prêtent à toutes les formes de transformation et peuvent servir
à fabriquer à peu près n'importe quel produit. Le seul
reproche que l'on a pu faire au bois du nord-ouest, c'est qu'il est
éloigné des usines de transformation et que son transport
coûte cher. Malgré cela, il fait la convoitise des pulperies qui
viennent s'y approvisionner juste assez pour en tirer profit, pas trop pour
maintenir une situation de surplus de matière disponible.
Mise en marché des fibres à pâte. Devant les
difficultés de la mise en marché des fibres à pâte
provenant des scieries, toutes sortes de manoeuvres ont été
tentées, tantôt collectivement, tantôt individuellement.
Nous n'avons pas à faire l'historique des mesures adoptées, ni
d'en discuter les effets ou d'en critiquer l'opportunité. Cependant,
nous pouvons tirer nos conclusions. Ainsi, nous nous rendons à
l'évidence, le nord-ouest québécois offre en vente plus de
fibres à pâte que l'industrie papetière ne peut en prendre,
qu'il s'agisse des pulperies construites dans notre région ou qu'il
s'agisse de moulins situés dans d'autres parties du Québec, voire
même à l'extérieur de notre province.
Pour la troisième année consécutive, les
propriétaires de scieries doivent empiler les copeaux au sol et
supporter une écrasante charge financière
représentée par ces produits non vendus. L'évidence saute
aux yeux, il faut chercher de nouveaux débouchés. Encore
là, plusieurs options se présentent: l'exportation chez les
fabricants des autres pays; deuxièmement, l'augmentation de la
consommation dans nos pulperies québécoises actuelles et,
troisièmement, la construction de nouvelles pulperies au
Québec.
Procédons par élimination. Tout en étant
résignés à accepter cette formule en dernier ressort, nous
croyons que les scieries du nord-ouest devront exporter des fibres plutôt
que de continuer à fonctionner au ralenti, comme elles l'ont fait l'an
dernier, ou à gaspiller des fibres en les accumulant comme elles le font
présentement, conscientes que cette marchandise est sujette à se
détériorer.
Nous savons que les pays Scandinaves doivent acheter du bois parce
qu'ils font face à des ruptures de stock dans leur propre forêt.
Est-il logique que nous les alimentions en ces circonstances pour assurer leur
présence sur les marchés que nous essayons de servir?
L'exportation est une solution extrême, mais il faudrait y aller
si le gouvernement et les sociétés papetières du
Québec n'offrent pas de meilleures solutions. Si la voix d'Amos peut se
faire entendre, elle est opposée, en principe, à
l'exportation.
L'augmentation de la consommation de fibres provenant des scieries dans
les pulperies dans la région du Nord-Ouest présenterait une
solution logique, tellement logique même je m'excuse, j'ai
sauté une page; je reviens à la page 9.
Si la voix d'Amos... D'accord? On continue à la page 10.
L'augmentation de la consommation de fibres provenant des scieries dans les
pulperies de la région du Nord-Ouest présenterait une solution
logique, tellement logique même que nous ne comprenons pas comment il se
fait qu'on ne l'ait pas encore réalisée, malgré qu'on
l'ait mentionnée tant de fois.
Nous en sommes venus à la conclusion que cet argument est
utilisé au besoin pour étouffer tout autre projet afin de garder
les scieries sous la férule des acheteurs actuels.
En empêchant la recherche de nouveaux débouchés, on
s'assure d'un contrôle des prix puisqu'il est alors facile de
créer des situations de surplus. Quoiqu'il en soit, les
sociétés papetières qui spéculent dans le
Nord-Ouest ont eu maintes occasions de passer à l'action. A part Tembec,
on peut dire qu'elles s'en sont tenues aux paroles.
Elles ne seront donc pas lésées si les fibres
excédentaires actuellement servent d'abord à l'approvisionnement
d'un autre utilisateur. Une plus grande consommation de copeaux des scieries
d'Abitibi dans les pulperies des autres régions de la province sera
toujours difficile à envisager à cause des distances, argument
souvent invoqué, comme nous l'avons dit antérieurement, et
invoqué au cours de la journée et, dernièrement, par
l'entreprise qui vient de présenter son rapport.
Déjà les industriels du sciage dans notre région
souffrent de coupures dans les quantités prévues au contrat
qu'ils détiennent avec les usines à papier des autres
régions, lorsque ces dernières doivent réduire leur
réception de bois. Le préjudice sera plus grand si les livraisons
à l'extérieur sont majorées et si des contraintes doivent
être imposées.
L'alternative des expéditions hors de notre région n'est
retenue que sous réserve, d'autant plus que les usines qu'on y trouve
semblent faire l'objet de fortes inquiétudes chez ceux qui en parlent
à cause de leur vétusté et de leur
désuétude, que leur modernisation coûterait des centaines
de millions de dollars. La solution que nous retenons est la construction
d'usines modernes dans notre région.
Etudes antérieures. L'idée de la construction d'une
pulperie moderne dans la région du Nord-Ouest québécois
n'est pas nouvelle et elle a fait l'objet de nombreuses démarches au
cours de la dernière décennie. Des gestes concrets ont
été posés mais, pour toutes sortes de raisons, les
résultats se font attendre.
Notre région a souffert des retards et les seuls gagnants de ces
délais, s'il en est. ne viendront certainement pas ici pour
décrire les avantages qu'ils en ont retirés. Dans ces
circonstances, soyons indulgents et disons que tous sont perdants.
Conscients des responsabilités qui leur incombent, les
industriels du sciage du Nord-Ouest sont passés à l'action et,
ici, on n'a pas demandé l'autorisation des industriels pour parler en
leur nom. Alors, vous comprendrez qu'on sait que cela s'est fait.
En 1974, ils se sont cotisés et ils ont commandé une
étude à un bureau d'ingénieurs consultants. Les
résultats de cette recherche démontrent que les scieries
d'Abitibi produisent suffisamment de copeaux pour approvisionner une pulperie
utilisant 500 000 tonnes d'anhydres de bois par année, sans compromettre
l'alimentation des pulperies de la région où elles
expédient présentement.
Forts de cet argument, les propriétaires des scieries se sont
présentés au ministère des Terres et Forêts et au
ministère de l'Industrie et du Commerce afin d'intéresser le
gouvernement à leur projet. Aussitôt, les autorités
gouvernementales ont délégué trois représentants
afin d'aider les industriels du sciage dans leurs démarches. Le
troisième porte-parole gouvernemental était fourni par l'Office
de planification et de développement du Québec.
Quelques rencontres eurent lieu entre les industriels du sciage et les
délégués du gouvernement, qui, apprend-on aujourd'hui,
trois ans après, ont agi plutôt à titre d'observateurs
alors qu'on les percevait comme supporteurs et peut-être même
à titre de responsables éventuels de ce dossier.
Il y eut aussi quelques rencontres avec des investisseurs
européens qui manifestèrent un grand intérêt
à notre région, en particulier à cause des essences
forestières qu'on y trouve. Le gouvernement prit lui aussi l'affaire au
sérieux et, par ses employés, fit mettre à jour les
données contenues dans le rapport soumis par les ingénieurs
consultants. Cette nouvelle étude corroborait les résultats de
cette commandite par les industriels du sciage.
Comportement des industriels. Les difficultés survinrent lorsque
les investisseurs intéressés au projet cherchèrent
à s'assurer un approvisionnement de fibres provenant des scieries
à partir du moment où la nouvelle pulperie entrerait en
production. C'est alors qu'il devint évident qu'aucun industriel du
sciage ne pourrait signer d'engagement à cet effet sans risquer
d'encourir des sanctions de la part des pulperies où chacun livre ses
copeaux actuellement. Là-dessus, il faut les comprendre.
Les usines de sciage sont prises dans un marché captif et ne
peuvent en sortir sans une intervention gouvernementale qui
réglementerait l'approvisionnement de l'industrie forestière. De
même, du côté des investisseurs, aucune ne viendra dans
notre province sauf s'il est assuré de pouvoir se procurer du bois
à partir de sources fiables, et seul, dans ce cas, le gouvernement peut
donner une telle assurance.
Participation du gouvernement. Le ministère
des Terres et Forêts a donc un rôle
prépondérant à remplir dans ce domaine et nous
espérons qu'il prendra ses responsabilités. Nous sommes confiants
qu'il est disposé à agir puisqu'il a manifesté son
intention de favoriser l'implantation d'usines de pâtes dans d'autres
régions de la province qui sont moins bien pourvues que nous en fait de
richesses forestières. L'exemple nous en a encore été
fourni: tout à l'heure, on parlait d'un projet à Val-Brillant et
des problèmes d'approvisionnement pour l'usine de F.F. Soucy. Il ne sera
certes pas sourd à nos représentations, nous
l'espérons.
Le rôle que le gouvernement peut remplir s'identifie à
plusieurs paliers. En plus d'agir dans sa fonction de législateur, en
assurant une mise en marché ordonnée des produits de la
forêt, il doit se manifester dans la recherche et dans la promotion afin
d'identifier les meilleurs produits à fabriquer, afin de trouver des
investisseurs et, si nécessaire, en agissant à titre de
maître d'oeuvre des projets en s'assurant que chacun remplira le
rôle qui lui est dévolu.
Nous vous demandons instamment d'accepter ces responsabilités qui
vous incombent et, pour le bénéfice de notre région de
prendre en main le dossier de l'implantation d'une pulperie dans le Nord-Ouest
québécois.
Amos, site de choix. Ici, je voudrais quand même transmettre
à la commission que même si Amos présente son curriculum
vitae et que vous entendrez au cours de la soirée un autre projet venant
de la même région, soit de Val-d'Or, je peux vous assure que
l'essentiel je pense que la commission ne perdra pas de vue l'essentiel
c'est d'abord la construction d'une pulperie dans le Nord-Ouest et que
le site sera choisi à la suite des études techniques
poussées qui le détermineront. Si vous me le permettez,
laissez-moi me vanter un peu.
En tenant pour acquis que le gouvernement du Québec fait sien le
projet d'implanter une pulperie dans le Nord-Ouest, nous désirons poser
la candidature de l'agglomération d'Amos comme site de premier choix.
Plusieurs arguments plaident en notre faveur et nous les invoquons.
Centre géographique. Les études sur la matière
première originant de notre région font d'Amos le centre de
gravité du bassin d'approvisionnement. Plus de la moitié des 500
000 tonnes de bois nécessaires pour alimenter une pulperie située
à Amos pourrait provenir des scieries situées à moins de
20 milles de rayon de cette ville. Le reste de l'approvisionnement pourrait
être expédié à partir d'usines dont la plus
éloignée est à environ 50 milles.
L'eau nécessaire à la fabrication de pâtes serait
assurée par la rivière Harricana qui coupe nos
municipalités par le milieu. Le débit est plus que suffisant et
un rapide situé au nord de la ville assure la disposition des eaux
vannes sans risque de refoulement par des courants ou par le vent. De plus, il
ne se trouve aucune agglomération d'importance entre Amos et la baie
James.
De plus, l'écoulement des eaux en dehors des régions
à forte concentration de population permet de prévoir une
dilution des matières polluantes avec un minimum de dégradation
biologique.
De plus, la construction d'une pulperie moderne permet de réduire
presque à néant les émanations de produits contaminants,
quel que soit le procédé utilisé, qu'il s'agisse d'odeurs
nauséabondes, de produits toxiques en solution ou d'impuretés en
suspension.
Notre ville et ses environs sont bien pourvus de réseaux routiers
et son accès est facile. Le service ferroviaire est assuré par la
société des Chemins de fer nationaux et nous avons un
aéroport municipal en pleine expansion avec un service quotidien pour
Montréal, assuré par une compagnie de transport locale
licenciée.
Bien que certains procédés modernes de fabrication de
pâtes ne requièrent pas d'électricité, comme c'est
le cas pour le procédé kraft à la limite, notre
région est dotée d'un excellent système d'alimentation
électrique et d'un réseau adéquat de distribution, surtout
si on pense qu'avec le projet de la baie James nous serons reliés au
réseau provincial à partir de 1980. C'est donc dire qu'une usine
de fabrication de pâtes mécaniques avec une grande consommation
d'électricité pourrait s'installer à Amos et y recevoir
toute l'énergie dont elle a besoin.
Depuis les tout débuts de l'Abitibi, Amos a été
étroitement liée à l'industrie forestière en raison
de sa situation géographique. Une main-d'oeuvre hautement
qualifiée s'est développée et un dynamisme constant a pu
être observé. L'implantation d'une usine de traitement de fibres
cellulosiques se ferait à la fine pointe de la technique et
encouragerait nos jeunes à se diriger vers les sphères techniques
et scientifiques. Notre taux de chômage est de beaucoup supérieur
à la moyenne provinciale présentement.
Amos, avec ses 12 000 âmes et son bassin de population, dans les
environs de 30 000 âmes, a besoin d'un projet industriel d'envergure pour
maintenir son dynamisme et parer à la perte des emplois que nous avons
vécue depuis les dix dernières années en raison de la
centralisation des services administratifs du gouvernement provincial dans
d'autres villes et de l'attrait que représentaient des grands centres
comme Québec et Montréal.
Notre agglomération est dotée d'un système
d'alimentation en eau potable reconnu pour sa très haute qualité.
Les quantités d'eau disponibles sont suffisantes pour une ville de 50
000 de population. Pour faire honneur à son titre de pionnière de
l'Abitibi, Amos s'est dotée de structures éduca-tionnelles,
culturelles et sportives de premier choix; la qualité de la vie en fait
une ville où il fait bon vivre et où on vous convie.
Fin des vantardises.
Conclusion. Nous espérons, messieurs, vous avoir convaincus des
points suivants: que le gouvernement a des responsabilités
vis-à-vis de la situation où se trouve actuellement l'industrie
pape-tière; que le gouvernement n'a pas toutes les
responsabilités; que chacun doit accepter d'occuper
la place qui lui revient, soit à cause de son comportement dans
le passé, soit à cause du rôle qu'il sera appelé
à remplir à l'avenir; que la modernisation de certaines pulperies
s'impose, mais que ce n'est pas la panacée à tous les maux; que
la modernisation de l'industrie papetière du Québec ne pourra
peut-être pas empêcher la fermeture d'usines dont le coût de
modernisation est prohibitif; que la modernisation de l'industrie
papetière du Québec sera l'occasion de la construction de
nouvelles usines; que la région du Nord-Ouest du Québec n'a pas
la vocation innée de servir de réservoir de bois pour
dépanner les autres régions épuisées, mais
où se trouvent des pulperies; que la région du Nord-Ouest dispose
actuellement d'un potentiel de bois inutilisé et qu'en
conséquence il s'y perd annuellement des centaines de mille tonnes de
fibres; qu'il est impératif de mettre fin à ce gaspillage; que
les perspectives économiques à long terme sont favorables
à la construction de nouvelles usines de pâtes utilisant les
procédés les plus modernes; qu'en ces circonstances la
région du Nord-Ouest québécois est tout indiquée
pour recevoir le premier projet d'implantation d'une nouvelle pulperie; que
l'agglomération d'Amos est le site par excellence pour l'implantation de
la nouvelle pulperie du Nord-Ouest. Nous vous prions de noter notre
candidature. Nous vous assurons de notre entière coopération et
vous remercions de nous avoir fourni l'occasion de nous faire entendre.
Nous demeurons à votre entière disposition pour vous
fournir tous autres renseignements que vous pouvez désirer et qui sont
de notre compétence.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup, M. Roch. Je cède la parole au député
d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je veux remercier,
au nom du ministre, le Conseil économique d'Amos de sa participation
à cette commission parlementaire. Quoique le rapport soit modeste, comme
vous l'avez mentionné, M. Roch, je pense qu'il est important pour notre
commission d'avoir un son de cloche qui vienne de l'extérieur des
compagnies déjà installées dans le domaine des pâtes
et papiers.
Evidemment, venant de cette région moi-même, j'ai
particulièrement eu l'occasion de regarder votre mémoire et il
m'a intéressé. Une remarque: Je suis tout à fait d'accord
avec vous pour dire que le Nord-Ouest québécois, avec ses
scieries modernes qu'on connaît, est la région où les
scieries sont les mieux organisées. On peut dire que, dans notre
région du Nord-Ouest, il y a beaucoup d'emplois directement
reliés à l'industrie forestière.
Je vais en venir rapidement aux questions, vu que le temps nous presse,
même si j'aurais aimé qu'on puisse en discuter plus longuement,
étant donné qu'on a déplacé des gens d'assez loin
pour se présenter ici.
Vous mettez l'accent sur un surplus de copeaux ou ce qu'on appelle des
résidus du bois.
Bien sûr ce surplus est plus accentué depuis quelques
années, soit depuis la grève dans les pâtes et papiers qui
a fait augmenter les stocks de copeaux de sorte que vous mentionnez, quelque
part, dans votre rapport, qu'on aurait actuellement un surplus de 500 000
tonnes qui se gaspilleraient dans la région. Je veux simplement savoir
votre source de renseignements pour ces 500 000 tonnes de copeaux; est-ce que
cela peut être vérifiable?
M. Roch: Je pense que les rapports qui ont été
fournis pourraient le prouver. C'est une approximation, je peux peut-être
me tromper de 50 000 tonnes, je ne sais pas si les industriels de sciage
eux-mêmes sont capables de l'évaluer. On a juste à penser
à la compaction, on a juste à penser... On part des unités
de fabrication, la quantité possible... Et à regarder les tas de
copeaux, et les ventes qui se font... Un industriel de sciage est assez mal
placé pour dire qu'il a vendu X mille tonnes de copeaux pendant qu'il
n'y a personne qui en vend; alors c'est une approximation et c'est une
approximation d'un organisme de développement.
Maintenant, je pense que les Terres et Forêts pourraient le
mesurer et l'inventaire pourrait être fait de façon assez nette.
On va perdre quelques copeaux finalement, mais en faisant l'arpentage de tous
les tas de copeaux qui trainent, on pourrait le voir. C'est très
près de la réalité. Je pense qu'on ne se trompe pas
tellement.
M. Bordeleau: D'accord.
Parmi les compagnies qui vendent des copeaux actuellement aux deux
usines de sciage qu'on connaît dans la région, est-il possible que
certaines compagnies de bois détiennent des contrats de vente
supérieurs à leur production, de sorte que d'autres compagnies
demeurent avec des tas énormes de copeaux?
M. Roch: Le Conseil économique est au courant qu'une
discussion semblable court dans les corridors et c'est peut-être
possible; on n'a pas à faire la preuve d'une telle chose, mais avec le
jeu des ventes de copeaux, actuellement, si vous me permettez l'expression:
c'est au plus fort la poche; alors on prend tout ce qu'on peut pour ne pas
connaître ce qu'on a déjà connu. C'est de cette
façon que le Conseil économique explique ce qui semble circuler
dans les corridors, mais je ne suis pas en mesure de prouver ce que vous me
demandez.
M. Bordeleau: On pourrait peut-être le demander, tout
à l'heure, à des gens d'autres parties de la région.
Avant de passer à la construction d'une nouvelle usine dans la
région d'Abitibi-Témiscamingue, pensez-vous, vous de la
corporation industrielle, que les usines actuelles pourraient prendre un
montant plus considérable de copeaux, de résidus du bois?
M. Roch: II est mentionné de façon très
claire dans le rapport que ce serait une solution logique.
C'est tellement logique qu'on se pose la question: Pourquoi ne l'ont-ils
pas fait à venir jusqu'à maintenant? Comme ils ne l'ont pas fait
jusqu'à maintenant, il y a d'autres raisons qui motivent à ne pas
le faire. C'est pour cela qu'on dit: Finalement parce qu'à ce
moment il y a toujours la survie des usines de sciage à ce moment
on se dit: on se permettra de doubler la capacité et le jour où
cela ne fera plus l'affaire on va arrêter; donc ce sera toujours l'usine
de sciage qui va le perdre.
M. Bordeleau: Dans le contexte d'une éventuelle
construction, d'une nouvelle construction d'usine. Vous mentionnez d'ailleurs
qu'il y a un problème majeur qui se situe au niveau des garanties
exigées par les investisseurs. Avant d'investir dans une usine
quelconque, les investisseurs demanderaient une garantie d'approvisionnement;
alors il semble que par contre, les compagnies de sciage qui fournissent
déjà des copeaux sont réticentes à donner des
garanties de vente possibles à un éventuel investisseur. Y
aurait-il un mécanisme, d'après vous, qu'on pourrait mettre en
place pour protéger et l'investisseur et le vendeur?
M. Roch: La raison pour laquelle on demande au gouvernement de
s'impliquer c'est justement pour pallier cette situation. On peut en parler et
en parler, le dire, et tout le monde est d'accord. Je pense qu'on est mieux de
parler avec des preuves; parlons de Chibougamau Lumber et demandez à ces
gens parce que nous, on n'a pas le droit de parler au nom de ces gens
de vous expliquer ce qui se passe et je pense que ce sera là que
vous allez vraiment vérifier ce qu'a été leur
problème lorsque Donohue-Saint-Félicien s'est construit, par
exemple. Ici, je me permets de citer je n'ai pas la permission des
industriels du sciage de la région mais lorsqu'un groupe
européen est venu s'intéresser, on a demandé aux
industriels de sciage de signer un tel document.
Il n'y en a aucun et je les comprends les pauvres parce que si on
pouvait construire une usine de sciage préfabriquée, ne pas le
dire à qui que ce soit et l'implanter le lendemain matin, je pense que
les gens embarqueraient là-dedans, mais cela ne se fait pas ainsi.
Alors, la période de construction doit s'échelonner au
moins sur une période de 18 à 24 mois. Pendant les 18 ou 24
mois... Les gens auront la langue longue à la fin et là, on aura
créé un surplus; comment fera-t-on pour fournir... sur
l'approvisionnement régulier?
M. Bordeleau: Vous dites que le gouvernement devrait s'impliquer
là-dedans?
M. Roch: Oui.
M. Bordeleau: Auriez-vous une façon précise? Une
régie, par exemple, ou quelque chose qui délimiterait la
matière ligneuse, où elle doit aller?
M. Roch: On pourrait peut-être aller jusque là, mais
vous comprendrez qu'avec les petits moyens que nous avons, comme conseil
économique, si des sociétés paragouvernementales n'ont pas
trouvé actuellement la solution miracle, il ne faudrait quand même
pas nous en demander trop.
M. Bordeleau: C'est peut-être pour cela... Elles ne l'ont
pas trouvée. C'est peut-être pour cela que le projet...
M. Roch: On est prêt à collaborer...
M. Bordeleau: ... traîne en longueur. Alors, si on avait
une solution...
M. Roch: Pour donner des éléments de solution, on
est prêt à collaborer pour trouver des éléments de
solution. On n'a pas la solution actuellement, excepté ce qu'on vous
propose là-dedans.
M. Bordeleau: D'accord. Evidemment, vers la fin de votre rapport,
vous vantez un peu, comme vous l'avez mentionné d'ailleurs, Amos par
rapport à la région. Vous parlez aussi de la concentration de la
matière ligneuse disponible aux alentours d'Amos. Y a-t-il eu des
comparaisons de faites, par exemple, avec Val-D'or, avec un autre site
possible?
M. Roch: Non, ce qui est fait... Si vous prenez une carte du
nord-ouest; disons qu'aujourd'hui, on a environ 26 scieries ou des gens qui
produisent sur planure et copeaux parce que certains ne produisent pas
de copeaux; ils produisent uniquement des sciures et planures il y en a
26. La concentration des usines se fait sur un axe LaSarre-Senneterre. Prenez
Amos même. Alors, dans la ville, il y en a quatre. Je pense que
là, on a une concentration. Vous allez à dix milles de chaque
côté et vous retrouvez encore deux autres usines et, par la suite,
vous vous dirigez vers Macamic et vers LaSarre. C'est parce que vous avez une
concentration... Sur une distance de 120 milles, Amos est en plein coeur et
c'est pour cela que... C'est la méthode du compas qu'on a prise.
M. Bordeleau: A partir de la page 11 et plus loin, vous parlez
d'abord d'une étude commandée en 1974 par des industriels de la
région, à laquelle ont participé les fonctionnaires du
ministère et vous trouvez, peut-être comme moi d'ailleurs, que
cela a pris un certain temps cela n'a pas débloqué encore
Auriez-vous une suggestion précise à faire au gouvernement
pour dire: Demain matin, le ministère des Terres et Forêts devrait
faire tel mouvement pour accélérer la construction d'une usine
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue?
M. Roch: On a appris cela lors de la visite de M.
Bérubé au mois d'août. Il nous a dit: "On n'a pas tellement
de données. Il n'y a pas grand chose qui s'est fait sur le nord-ouest.
D'accord, on travaille. Les fonctionnaires au ministère des Terres et
Forêts ont des dossiers qu'ils ont montés". A ce
moment, on a dit: "A partir de cette étude... Qu'est-ce qu'on en
a fait?" Là, on a appris que les gens qui étaient en place
on pourrait même citer des noms, on les connaît ont
été identifiés. Il y avait un représentant du
ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y avait un
représentant du ministère des Terres et Forêts et un
représentant de l'OPDQ, et ces trois personnes ont des noms. On nous a
dit qu'elles étaient plutôt observatrices et tous les gens
étaient convaincus qu'il y avait un comité ad hoc de formé
spécialement pour cela.
Ce qu'on demande, en fait... Effectivement, on dit: Que le
ministère des Terres et Forêts, ou de concert avec les autres
ministères, forme le comité ad hoc. On va arrêter d'en
parler. On va le former et en fait, c'est cela notre demande.
M. Bordeleau: Et ce, le plus rapidement possible.
M. Roch: Oui. La commission va sûrement se prononcer sur
cela, va sûrement poser des questions. Il y a des gens qui vont fournir
des réponses et à partir de cela, on espère qu'il va se
passer quelque chose.
M. Bordeleau: Je vous trouve très courageux d'être
venu nous exposer votre mémoire, M. Roch, et je vous remercie
beaucoup.
Quant à moi, cela est terminé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Roch, je tiens
d'abord à vous remercier d'être venu comparaître devant
cette commission, comme vous le disiez au début, tout seul, avec un bon
document.
M. Bordeleau: II n'est pas coupable. M. Pagé:
Pardon?
M. Bordeleau: Vous dites comparaître. Il n'est pas
coupable.
M. Pagé: Ne commencez pas à jouer sur les mots ce
soir. Le fait que quelqu'un comparaisse n'implique pas une
culpabilité.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Pagé: Vous êtes dans quoi, vous?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! Ne perdons pas de temps, messieurs.
M. Pagé: Non, mais vous êtes dans quoi? Avant
d'être député, vous étiez dans quoi?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bordeleau: On s'en parlera tout à l'heure.
M. Pagé: Je vous remercie, votre mémoire est
optimiste et ça fait bon d'avoir des gens qui viennent nous
dépeindre la situation de façon autre qu'en nous donnant un
tableau tout à fait noir. Il y a plusieurs éléments qui
sont assurément tout a fait intéressants. Etant donné, M.
le Président, qu'on est très limité dans le temps,
j'aurais une seule question pour permettre aux autres intervenants du
Nord-Ouest québécois de comparaître ce soir. Vous cernez le
problème de l'écoulement pour un marché de 500 000 tonnes
de produits que ce soient des copeaux, des sciures ou autres et une seule
solution vous apparaît. Je pense que quand vous procédiez par
élimination, à savoir est-ce qu'on doit vendre ce produit sur le
marché étranger, je suis tout à fait d'accord avec vous,
ça viendrait, par le fait même, alimenter nos concurrents, quoi Il
y a l'élément du transport pour les autres usines du
Québec, je pense que c'est bien réel, c'est exact, ce n'est pas
là une solution qui apparaît, tout au moins à court terme,
comme étant valable et concluante.
La solution que vous voyez, c'est l'implantation d'une nouvelle
papeterie au Québec et particulièrement à Amos, que vous
favorisez. Vous semblez affirmer que vous faites face à deux
problèmes: premièrement, l'impossibilité pour les
industriels du sciage de signer des engagements sans risquer d'avoir à
subir des contraintes, je vous comprends en raison du marché captif, et
aussi le fait que les investisseurs ne seront pas intéressés
s'ils n'ont pas de garantie.
Vous dites, je rejoins un peu la question de mon collègue, que le
gouvernement est le seul qui a les leviers suffisants pour apporter des
solutions. A la question du député, à savoir quelle serait
la forme d'action que le gouvernement devrait prendre pour en arriver à
la construction éventuelle d'une nouvelle papeterie, vous dites: on n'a
pas tous les dossiers, tout ça. Mais vous avez quand même
assuré qu'à la lumière de l'étude que vous avez
faite, vous avez dégagé des éléments de solution,
particulièrement au niveau de l'intervention possible de l'Etat.
J'aimerais que vous nous en parliez davantage.
En fait, le problème est là, vous l'avez très bien
cerné, vous dites que c'est au gouvernement à intervenir, c'est
au gouvernement à agir, c'est sa responsabilité. C'est
très bien. Vous êtes dans le milieu, vous vous êtes
penché sur le problème, comment est-ce que ça peut se
faire?
M. Roch: Un élément de solution. On est très
prudent en répondant à ça, je veux bien être
très franc, parce qu'on est des néophytes en la matière,
il ne faut pas parler au nom des industriels du sciage, il faut leur laisser la
parole. Nous, on est un organisme de développement et loin d'être
le porte-parole des industriels de sciage. Il faut voir la présentation
du projet par un organisme de développement qui travaille avec les gens
et qui voit à une action économique très importante de la
part des usines de sciage. Si vous remarquez, là-dedans, on
défend, pour prendre une expression actuelle, "au boutte", nos usines de
sciage,
pour une simple raison, ce sont tous des autochtones. Les gens vivent
avec nous et réinvestissent chez nous. Avant de répondre à
votre question, je voudrais ajouter une petite chose à supposer, par
exemple, qu'une petite scierie ou une scierie qui existe à l'heure
actuelle emploie des gens qui demeurent dans les paroisses, ces gens ne s'en
viennent pas dans un milieu urbain. Il ne s'agit pas de
redéménager les autres scieries, on les laisse là.
Le soir, lorsqu'ils ont fini de travailler à l'usine ou dans la
forêt, ils retournent dans la paroisse. Au lieu de faire ce qu'on a connu
dans les années cinquante et au début des années soixante,
j'en étais un, on allait recevoir notre formation universitaire dans un
grand centre comme Montréal, on y prenait goût, on aimait
ça et on disait, on va y rester. La même chose s'applique au
niveau des paroisses. Nos paroisses se vidaient. Mais si on les
intéresse et s'ils peuvent y vivre, ils vont y demeurer. C'est dans cet
esprit qu'on présente ce mémoire; on veut maintenir nos usines de
sciage, c'est la seule méthode.
Vous avez écouté aujourd'hui des gens qui parlaient de
l'éloignement du travail lorsqu'ils travaillaient pour une compagnie
papetière. Lorsque vous travaillez pour une usine de sciage, je peux
vous dire que dans la région de l'Abitibi, les problèmes sont
moindres. Je parle du travailleur qui est là actuellement. Maintenant,
cela ne veut pas dire que je ne comprends pas le problème des autres,
mais celui-là est là.
Alors à votre question, quelle est la solution d'intervention du
gouvernement, on pourrait peut-être suggérer un nom qui nous vient
à l'esprit: REXFOR. REXFOR assure pendant un certain temps, pendant
trois ans.
Il ne faut pas non plus oublier que les usines qui sont
approvisionnées par les copeaux du Nord-Ouest, il y a des usines qui
doivent aussi continuer à vivre. On dit: On va continuer à les
approvisionner, ceux qui sont là, il ne s'agit pas de les jeter sur le
dos. On va continuer à les approvisionner mais, pour assurer les usines
de sciage, on dit: Si on permettait la construction d'une usine qui emploie
uniquement des copeaux, il n'est pas question de lui accorder des concessions
forestières, uniquement des copeaux. L'industriel en prend pour son
compte et il vend aussi une partie de son approvisionnement sur un autre
marché, mais cela se limiterait à cela. On pourrait
peut-être poser la question: Oui, mais les usines qui sont
alimentées à l'heure actuelle? Les usines qui sont
alimentées à l'heure actuelle pourraient peut-être aller
couper leur propre bois. Ce serait peut-être une chose qui pourrait se
faire. A ce moment, à REXFOR, on dirait: Allez-y pendant un certain
temps la solution que je trouve simpliste vous allez assumer les
différences de transport. Du bois debout ne pourrit pas, des copeaux
restent. Alors on demande à REXFOR: Vous allez assumer les
différences de transport pour prendre les copeaux de l'Abitibi et les
amener dans une usine qui est dans une autre région temporairement,
pendant la construction de l'usine, et à ce moment les compagnies
papetières ne s'énerveront pas trop et tout le monde va
être heureux. Je ne dis pas de couper les approvisionnements des
compagnies papetières; au contraire ce sont celles qui en ont besoin. On
diminue de couper le bois rond, on les approvisionne là-dessus et REXFOR
pourrait peut-être prendre le reste.
Ce n'est pas si facile que cela. En tant qu'organisme de
développement on peut dire: Allons-y, la solution est facile. Mais c'est
un genre d'élément de solution. Je vais vous mentionner un
coût de transport; actuellement je prends un cas, je dévoile un
cas que j'ai vu. On vend le copeau $54 et le bonhomme paie FOB $54,
c'est FOB usine là il est obligé d'aller le porter
à quelque part. Son transport lui coûte $31 la tonne, il lui reste
$23 dans la poche. $23, c'est à peu près équivalent
à ses coûts de production. On peut prévoir la question:
Est-ce que vos coûts de production sont vraiment déterminés
dans les usines de sciage? Là je laisserai les industriels du sciage
déterminer leur affaire. Quand vous parlez d'éléments de
solution, c'est à ce moment qu'on parle de chose semblable, pas plus que
cela.
M. Pagé: M. Roch, votre réponse me satisfait, vous
donnez des exemples concrets de possibilités qui pourraient être
explorées par le gouvernement. J'espère, entre autres, que la
suggestion que vous venez de formuler tombera non seulement dans l'oreille du
ministre, mais aussi dans son coeur.
M. Bérubé: Qu'en termes élégants ces
choses-là sont dites.
M. Pagé: M. le Président, c'était la
dernière question, étant donné qu'il est 22 h 15. Je vous
remercie, M. Roch, de votre mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je voudrais, très
brièvement, remercier le Conseil économique d'Amos de nous avoir
présenté ce mémoire et, comme plusieurs autres, je suis
impressionné par les chiffres que vous nous présentez. Par
contre, je tiens à vous dire que je partage vos vues sur le gaspil qui
se ferait dans le Nord-Ouest, quoique je ne partage pas votre optimisme pour la
construction d'une papeterie à Amos dans le moment. Je ne voudrais pas
vous décourager; c'est évident que, si vous ne la demandez pas,
vous ne l'aurez pas. C'est un peu comme pour la loterie; si vous n'achetez pas
de billet, vous êtes certain de ne pas gagner. Par contre, si c'est
seulement la divergence entre Amos et Val-d'Or, on pourrait peut-être
faire un compromis et installer cela à Rivière-Héva. Cela
réglerait le problème; au moins vous auriez une papeterie dans
des limites raisonnables pour transporter les copeaux.
J'endosse une bonne partie de votre mémoire, même si je ne
partage pas votre optimisme. Je vous souhaite de continuer à travailler
et on
pourra peut-être poser d'autres questions tout à l'heure,
sur l'autre mémoire qui va nous être présenté, dans
les quelques minutes qui nous restent.
M. Roch: II n'y a pas d'autres questions? Je remercie la
commission d'avoir permis...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Roch,
je vous remercie de votre collaboration et j'invite maintenant la Corporation
de développement industriel et commercial de la région de
Val-d'Or et ses représentants.
Corporation de développement industriel et
commercial de la région de Val-d'Or
M. Sureau (Réal): M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs, avant j'aimerais vous aviser que la commission va ajourner ses
travaux à 23 heures. Mais, étant donné que vous allez
avoir le loisir de présenter votre mémoire, vous pourrez
décider de revenir demain matin, si vous le voulez. La commission vous
entendra, si vous le voulez également.
Autrement dit, les gens qui présentent leur mémoire avant
l'ajournement des travaux ont le privilège de terminer le lendemain
matin s'ils le veulent. D'autre part, vous avez également le droit de
manifester l'intention que votre mémoire et les questions y
afférentes soient présentés avant l'ajournement. Comme il
vous conviendra, la commission est à votre disposition.
M. Sureau: Merci, M. le Président, M. le ministre, mon
député, messieurs de cette commission, messieurs les hauts
fonctionnaires. Cela nous fait plaisir de voir que vous nous avez choisis comme
dessert. On va essayer d'être aussi agréable qu'un bon dessert
doit l'être.
Sans plus de discussion, je me présente: Réal Sureau. Je
suis président de la corporation qui existe depuis environ dix ans. J'ai
à mes côtés, MM. Roger Mailhot et Louis Maréchal,
les deux commissaires en permanence à la corporation. Je vais demander
à Louis de lire le mémoire, parce qu'on pense qu'il est bien fait
et il a un message à livrer. Ensuite, vous serez à l'aise de
poser des questions. J'essaierai de répondre aux mêmes questions
qui ont été posées tantôt, si vous voulez.
M. Maréchal (Louis): Avant-propos. Ce document tentera
d'exprimer aux décisionnaires du gouvernement du Québec l'opinion
de la Corporation de développement industriel et commercial de la
région de Val-d'Or sur l'ensemble des thèmes soumis par le
ministre des Terres et Forêts à l'étude de la commission
permanente des richesses naturelles. Il n'a toutefois pas la prétention
de traiter avec expertise de chacun des sujets soumis pour étude, mais
il approfondira certains d'entre eux dont l'impact est plus direct et dont la
portée affecte davantage l'économie de notre région.
Nous espérons que vous accueillerez favorablement les quelques
suggestions contenues dans ce document, considérations que nous jugeons
essentielles au développement ordonné de l'économie de la
région de Val-d'Or et de l'ensemble du territoire du Nord-Ouest
québécois.
Introduction. Le Nord-Ouest québécois constitue l'un des
plus vastes réservoirs de ressources minérales et
forestières du Québec. La région de Val-d'Or doit
d'ailleurs son existence à la mise en valeur de celles-ci par les
développements miniers et l'exploitation forestière qui se sont
succédé au cours des quarante dernières années.
Notre région constitue également un des plus vastes
réservoirs d'approvisionnement en matière ligneuse pour
l'industrie des pâtes et papiers. Le déroulement de l'exploitation
forestière dans la région de Val-d'Or peut être
subdivisé en deux grandes époques: durant et après
l'exploitation de la forêt abitibienne par la Compagnie internationale de
papier.
Nul n'est besoin de revenir sur la prépondérance alors
accordée à la coupe du bois rond pour alimenter l'usine de cette
compagnie à Témiscamingue-Sud ni sur les perturbations d'ordre
socio-économiques reliées à l'annonce de la fermeture de
son usine et l'abandon définitif de son exploitation en 1971-1972. Les
interventions gouvernementales par l'intermédiaire de REXFOR devinrent
alors nécessaires et on assista à la formation de Tembois et
Tembec.
Notons, en outre, que suite à la fermeture de la Compagnie
internationale de papier, des sources d'approvisionnement plus abondantes
furent mises à la disposition des manufacturiers de sciage,
approvisionnements qui ont permis la consolidation et une rentabilité
commerciale accrue d'un secteur industriel majoritairement
contrôlé par des entrepreneurs québécois.
Nous pouvons dès lors conclure que les modifications des
dernières années ont davantage profité aux autochtones,
mais il ne faut pas croire pour autant que l'on a à jamais
consolidé l'exploitation forestière de la région de
Val-d'Or. Suite à une restructuration de l'industrie du sciage et
l'implantation de DOMTAR à Lebel-sur-Quévillon, bon nombre
d'obstacles subsistent qui constituent une menace permanente au niveau
d'emplois pouvant être garantis aux travailleurs forestiers du
Nord-Ouest.
La mise en marché et l'utilisation des copeaux figurent parmi les
plus importants de ces problèmes. Nous aurons l'occasion de traiter,
dans les pages qui suivent, de cette conjoncture particulière et des
solutions que nous y proposons.
L'importance de l'exploitation forestière dans l'économie
du Nord-Ouest peut être succinctement résumée dans les
quelques données qui suivent. Ce secteur, majoritairement dominé
par les activités de sciage et de rabotage, regroupe quelque trente
entreprises possédant des immobilisations de l'ordre de $100 millions.
Les expéditions de ces industries peuvent être
évaluées à quelque $250 millions en 1976. D'une saine
conjoncture de l'économie de ce secteur dépend également
la stabilité de l'emploi de quelque 5000 à 6000 tra-
vailleurs qui se partagent des traitements de l'ordre de $70
millions.
Ce ne sont là que quelques chiffres montrant la place
prépondérante de l'industrie du sciage dans l'activité
économique du Nord-Ouest québécois. Ces données
n'ont toutefois pas la possibilité d'évoquer ce que pourrait
retirer notre région d'une exploitation plus optimale de ses ressources,
de sa forêt.
Val-d'Or est la seule ville d'importance du Nord-Ouest
québécois qui, selon les données préliminaires du
recensement en 1976 de Statistique Canada, a vu sa population croître au
cours des cinq dernières années. De l'évolution des
mouvements migratoires des dernières années se dégage une
tendance au dépeuplement. Qu'il suffise de rappeler qu'un taux de
chômage se maintenant entre 14% et 17% et un taux de sans-emploi pouvant
atteindre 24% au cours des dernières années sont le reflet d'une
activité économique régionale pour le moins
déficiente.
Le développement du parc industriel de Val-d'Or et la
création de quelque 1000 emplois dans ce secteur manufacturier sont
certes au nombre des éléments positifs que l'on doit souligner,
mais, encore là, est-il besoin de rappeler que plusieurs emplois en
usine dépendent directement d'une saine conjoncture dans l'industrie du
sciage et de l'utilisation de ses sous-produits.
Bien qu'elle ait présidé, de concert avec les organismes
gouvernementaux oeuvrant dans le secteur économique, à la
canalisation du dynamisme des industriels de Val-d'Or vers des projets
industriels d'envergure, la Corporation de développement industriel et
commercial de la région de Val-d'Or n'en demeure pas moins
limitée en ressources humaines et financières. Aussi, lorsqu'elle
envisage la mise en route d'un projet moteur pour l'ensemble du territoire du
Nord-Ouest québécois, se rend-elle compte que la collaboration
des autorités et les fonds gouvernementaux lui sont indispensables.
C'est un des motifs de sa participation à la commission permanente des
richesses naturelles, car elle désire faire connaître aux membres
du gouvernement et aux décision-naires des ministères
impliqués l'opinion des membres de son conseil d'administration
concernant la conjoncture de l'industrie des pâtes et papiers au
Québec et certains correctifs pouvant y être apportés.
La récolte des bois. Disponibilité des ressources
forestières. L'abondance de matière ligneuse dans la
région de Val-d'Or et dans l'ensemble du Nord-Ouest
québécois est très bien illustrée dans les cartes
que nous avons présentées ici en annexe. Nous pouvons,
d'ailleurs, y observer que, bien que la majorité des unités de
production de l'industrie de pâtes et papiers se retrouvent au sud ou
à proximité des rives du Saint-Laurent, leurs sources
d'approvisionnement en matière première sont localisées
plutôt au nord, à quelque 30 milles et plus des rives du
fleuve.
L'inventaire forestier de l'unité de gestion de Val-d'Or,
complété en 1975, établit des disponibilités de
quelque 18 millions de cunits de bois répar- tis entre 62% d'essences
résineuses et 38% de feuillus. Le tableau que nous présentons
vous fournit, d'autre part, l'évolution des coupes de bois servant
à alimenter l'industrie des pâtes et papiers et celle du sciage,
au cours des douze dernières années, dans le district de
Val-d'Or. Ces données sont un indice de l'activité de ces
secteurs industriels dans la région et un reflet du marché de
l'emploi durant cette période.
Il se dégage de l'analyse de ces données que, sur une
période de douze ans, quatre années peuvent être
qualifiées de très bonnes, quatre de moyennes à pauvres,
alors que les quatre autres sont nettement le reflet des perturbations
importantes qu'a connues l'industrie dans notre région.
Si l'on considère qu'une bonne utilisation du boisé de ce
district se traduit par la coupe de 150 000 à 170 000 cunits par
année, nous pouvons affirmer que ce potentiel a rarement
été exploité et qu'au cours de cette période c'est
la sous-utilisation qui a prévalu. Ce n'est pas l'unique facteur que
l'on doive considérer; il faut aussi songer au manque à gagner
qui se répercute sur l'ensemble de l'économie et du marché
de l'emploi de la région.
Approvisionnement et utilisation rationnelle de la forêt. Les
principaux exploitants forestiers de notre région possèdent des
volumes annuels garantis d'approvisionnement de plus de 1 960 000 cunits. Comme
nous pouvons le constater, cette compilation exclut les droits de coupe de la
société Domtar à Lebel-sur-Quévillon, ainsi que
certains petits contrats présentement en cours de
négociation.
Les relevés et travaux d'inventaire du ministère des
Terres et Forêts ont confirmé le potentiel des ressources
forestières du Nord-Ouest et nous croyons que cette étape de mise
à jour était indispensable pour le développement rationnel
de l'activité de transformation qui s'y rattache. Nous croyons, de plus,
qu'avec son plan d'allocation de la matière ligneuse et des plans
d'aménagement au niveau des unités de gestion le ministère
des Terres et Forêts entreprend une étape décisive qui
permettra d'atteindre une meilleure utilisation de la matière
première et une récupération plus complète des
ressources de la forêt québécoise.
Nous nous permettons, cependant, d'exprimer le voeu que la durée
des contrats d'approvisionnement puisse être prolongée à un
minimum de dix ans ou plus pour les industriels du sciage. L'organisation
plutôt artisanale des producteurs du sciage et le manque d'informations
adéquates concernant le potentiel de la forêt ont pu justifier
naguère le choix d'une durée de cinq ans. Nous croyons,
toutefois, que les exigences de planification et les sommes investies
aujourd'hui par les producteurs militent en faveur de l'extension de cette
période de garantie. Nous croyons, de plus, que les contraintes
imposées au financement de ces entreprises affectent leur
rentabilité après des crises semblables à celle qu'a
connue l'industrie du sciage en 1974-1975.
Afin d'assurer une meilleure adéquation entre les
impératifs du financement de ces entreprises
qui sont passées de l'organisation artisanale à
l'ère industrielle et leur besoin de garanties, nous suggérons
que l'on tienne davantage compte de ces facteurs dans la détermination
de la durée de celles-ci. De la même façon devrait-on tenir
compte de la nécessité de territoires supplémentaires pour
certains agrandissements d'usine lors de la définition des plans
d'aménagement et de gestion.
Nous croyons que lors du renouvellement des contrats d'approvisionnement
des scieries, on ne devrait pas retenir comme seul critère l'engagement
par contrat de leurs copeaux, mais aussi de la capacité autorisée
par l'émission de permis d'usine du ministère des Terres et
Forêts. Aussi, il ne faudrait surtout pas qu'un marché
nouvellement acquis par une scierie, qui représente un excédent
sur la capacité autorisée, entraîne la diminution de
l'approvisionnement et du niveau d'opération d'une autre scierie, sans
quoi cette dernière serait condamnée à perdre à
brève échéance tout avantage concurrentiel et toute
possibilité de récupérer ses marchés.
L'équation de la possibilité d'un boisé
reconnaît que son potentiel est fonction des différents types
d'utilisation et d'exploitation, ainsi que des industries en place.
L'industriel représente à cet égard le facteur
technologique; du type d'industrie qui coupe le bois en forêt
découle une récupération plus ou moins complète de
la matière première. Les équipements et méthodes
modernes de récupération des scieries bien organisées
permettent de mettre en marché 100% de la matière première
qui leur est livrée: plus de 60% du volume étant offert sous
forme de fibres à pâte, le reste sous forme de bois d'oeuvre.
L'engagement de nombreuses scieries dans un programme de pleine utilisation de
la matière première mérite d'être
signalé.
Le programme d'approvisionnement de chacun des trois principaux secteurs
de l'industrie forestière (déroulage, scierie, pulperie) doit
être basé sur les exigences de ces usines. Il doit
également tenir compte des besoins des usines des autres secteurs. Selon
les impératifs propres à chaque type de production, on comprendra
que la sélection de la matière première doit se faire pour
accomoder en premier lieu les usines de déroulage, puis les scieries et,
finalement, les usines de pâtes et papiers.
Ces principes, s'ils étaient reconnus de fait par le
ministère des Terres et Forêts, devraient assurer la
récupération des sous-produits de déroulage et de sciage
comme priorité d'approvisionnement des pulperies. Ainsi sommes-nous
d'opinion que le ministère des Terres et Forêts doit s'imposer
comme autorité unique au niveau du contrôle des approvisionnements
et assurer le respect et l'exécution des programmes qu'il
établira.
Développement technologique. Le développement de la
technologie et un taux accru de mécanisation des opérations de
récupération du bois en forêt ont complètement
transformé l'image et les compétences exigées de la part
du travailleur forestier. Ces développements n'ont pas été
sans influence sur le niveau de l'emploi créé, ainsi que le
montant des investissements requis pour opérer dans ce nouveau
contexte.
Bon nombre d'entreprises du nord-ouest québécois
possèdent toutefois un taux relativement faible de mécanisation
des opérations de récupération en forêt, mais elles
étudient fréquemment l'opportunité de tels changements en
fonction de la disponibilité et de la productivité de la
main-d'oeuvre ainsi que du montant des investissements requis. Dans l'industrie
du sciage, c'est une des activités susceptibles de connaître les
plus importantes modifications au cours des prochaines années.
Transformation des bois, évolution de l'industrie du sciage. Les
statistiques des années antérieures à 1960 soulignent avec
assez de justesse le caractère artisanal du secteur du sciage. Qu'il
suffise de rappeler qu'en 1961 on comptait 3467 établissements de ce
genre au Canada et que, dix ans plus tard, ce nombre était réduit
à 1631. Cette période de changements majeurs et de regroupements
nombreux nous entraîne devant un fait accompli: en 1975, le secteur du
sciage est désormais caractérisé par un nombre important
d'usines à caractère industriel. Dès lors, nous pouvons
affirmer qu'il a presque perdu son caractère artisanal. En effet, 89% du
bois de sciage du Québec est produit à l'intérieur de
grands groupes forestiers ou d'opérations intégrées. Le
tableau no 2 nous montre l'évolution de cette industrie à l'Est
du Canada et au Québec en 1966-1967. L'évolution de ce secteur et
les mutations qui y prirent place se sont réalisées dans des
circonstances souvent difficiles. C'est toutefois grâce à la
ténacité des industriels du sciage et à l'appui des
autorités gouvernementales qu'il fut possible de préserver le
caractère autochtone de cette industrie. Dans le Nord-Ouest, cette
période fut marquée par l'apparition de nouveaux grands groupes
forestiers tels que Normick Perron Inc., le groupe Forex et Forex-Leroy Inc.,
Barrette et Saucier Ltée.
L'intégration des opérations forestières et
l'utilisation, par les industries des pâtes et papiers, des sous-produits
du sciage ont permis cette consolidation. Pour assurer une pleine utilisation
de la matière première, les industriels du sciage ont consenti
des investissements qui dépassaient bien souvent leur capacité
afin d'installer la machinerie nécessaire à vendre ces
résidus directement utilisables par les papeteries. Ils ont
cherché par la suite à signer des contrats à long terme
assurant les sociétés de pâtes et papiers de volumes
importants de fibres répondant à leurs spécifications.
Nous pouvons déduire de cette évolution que les industriels du
sciage ont, de ce fait, accepté le principe de l'intégration et
qu'ils ont assumé une forte proportion des coûts associés
à cette opération.
L'industrie des pâtes et papiers a encouragé l'action
entreprise par les propriétaires des scieries, car ceci lui permettait
de réaliser de fortes économies sur le coût de
l'approvisionnement.
De plus c'était autant d'immobilisations qu'elle n'avait pas
à réaliser pour fins d'équipe-
ment et de machinerie. Depuis, les investissements
réalisés par les scieries leur permettent d'obtenir des revenus,
maintenant indispensables, de la vente de leurs sous-produits.
Croissance de la production et productivité des scieries. La
production des scieries a connu un accroissement marqué au début
des années soixante-dix; cette hausse importante était
reliée à une demande accrue pour le bois de construction. Comme
nous pouvons l'observer dans les tableaux ainsi que dans les annexes qui
suivent, l'augmentation de ses capacités induites par le marché
florissant de 1972-1973 a permis une augmentation de production de 14% pour
l'ensemble de la province. La chute du marché, en 1974, s'est traduite
par une récession généralisée de 1,5%. Toutefois,
la production du Nord-Ouest québécois fut
caractérisée par un accroissement de + 10,3% durant cette
même période.
Durant cette période, les livraisons de copeaux de bois ont
progressé et la valeur de ces expéditions a augmenté au
Québec, comme partout ailleurs au Canada.
Au Canada, les dépenses d'immobilisation et réparations
sont passées de $169 millions en 1970 à $324 millions en 1974,
alors qu'elles ont été estimées à $304 millions
pour l'année 1976. Toutes ces modifications furent accompagnées
d'un substantiel accroissement de la productivité des scieries
canadiennes, mais, faute de données, nous ne pouvons dégager une
image plus spécifique de la situation au Québec.
Nous pouvons toutefois observer que la valeur des expéditions des
scieries canadiennes par homme-heure payée est passée de $12.62
en 1970 à $18.41 en 1972 pour atteindre $22.50 en 1974.
Evolution du secteur des pâtes et papiers. La déclaration
ministérielle du 26 juin 1977, de M. Bé-rubé, fait
état de deux problèmes majeurs dans l'industrie des pâtes
et papiers, à savoir le vieillissement de certaines usines
québécoises et l'effritement de la position du Québec sur
le marché mondial.
Nul n'est besoin de revenir sur l'âge plus que respectable de la
majorité des usines de production situées au sud du
Québec. C'est un fait reconnu qu'au-delà que 60% d'entre elles
ont plus de 40 ans d'existence. La machinerie et les systèmes de
production et de récupération d'énergie de bon nombre
d'entre elles sont relativement inadéquats, pour ne pas dire tout
à fait désuets. Il devient alors impérieux de
reconsidérer l'emplacement même de ces usines, surtout celles qui
sont situées dans des régions où la matière
première s'est raréfiée, imposant ainsi des contraintes
supplémentaires au fonctionnement économique de leur
opération.
Il est également important d'analyser le type d'investissement
que ces compagnies québécoises ont réalisé au cours
de ces dernières années. Même si globalement, au Canada, la
valeur des immobilisations et réparations n'a cessé de
croître depuis 1970, au Québec, abstraction faite du projet de la
compagnie Donohue à Saint-Félicien, les nouveaux investissements
furent plutôt limités.
Ceci s'explique en partie par le fait que certaines
sociétés du Québec ont préféré
l'Ouest du pays ou l'Amérique du Sud pour leurs nouveaux projets
d'expansion. Nous décelons, dans ces observations, des symptômes
de malaises beaucoup plus profonds parce qu'il faut chercher les causes
ailleurs.
A notre avis, la nécessité d'accroître les volumes
de production pour demeurer concurrentiel à l'échelle mondiale et
les difficultés d'approvisionnement adéquat, en matières
premières, ont été, dans certains cas, des facteurs
décisifs dans la décision de non-réinvestissement.
Les décisionnaires impliqués dans les projets d'envergure
de la fin des années soixante et soixante-quinze ont d'ailleurs reconnu
la primauté de ce facteur en choissant de s'implanter à
proximité des sources de matières premières. C'est le cas
de Domtar, à Lebel-sur-Quevillon et de Donohue, à
Saint-Félicien.
L'autre postulat contenu dans la déclaration du ministre des
Terres et Forêts a trait à l'effritement graduel de la position
concurrentielle du Québec sur le marché mondial. Il s'agit d'un
énoncé que l'on peut difficilement infirmer lorsqu'on
considère que le taux horaire de la main-d'oeuvre au Québec est
de 20% supérieur à la moyenne payée aux Etats-Unis.
Comment en effet conserver une place de choix, lorsque se dégrade
progressivement sa productivité et que l'on perd le contrôle sur
un nombre accru de facteurs de production? Ce sont des données qui font
ressortir l'urgence d'un coup de barre énergique dans cet important
secteur de l'économie du Québec. Nous sommes d'avis que cette
action devrait impliquer à la fois les industriels des pâtes et
papiers et ceux du sciage ainsi que les autorités des différents
paliers de gouvernement.
L'effritement que connaît cette industrie au Québec n'est
certes pas étranger aux facteurs que nous énumérions
antérieurement.
C'est pourquoi nous croyons qu'il est essentiel de corriger certaines
incohérences fondamentales si on désire consolider la position du
Québec dans le secteur des pâtes et papiers. Tant et aussi
longtemps que nous évoluerons dans une conjoncture où des
régions connaîtront des difficultés sérieuses
à vendre les copeaux de leur scierie alors que d'autres usines de papier
devront réduire leur production à cause d'un manque de
matière ligneuse, nous ne pourrons espérer une consolidation
véritable, ni une exploitation rationnelle de notre forêt.
Dans l'ensemble de la conjoncture économique
québécoise, cet enjeu est de taille, mais pour la région
de Val-d'Or et l'ensemble du Nord-Ouest québécois, c'est un
facteur de survie et le pilier d'un développement économique
rationnel.
Mise en marché. Demande pour le bois de sciage.
Indépendamment des frontières, le marché du bois de
construction en Amérique du Nord se caractérise par un grand
nombre de producteurs et un grand nombre d'acheteurs. C'est un marché
qui fluctue constamment et qui est très sensible au jeu de l'offre et de
la demande. Compte tenu de
l'immense potentiel de production au Canada, toute pénurie
à court terme est impossible. En longue période, c'est la demande
générée par le rythme de la construction qui
déterminera le niveau de production, ainsi que le nombre de producteurs.
Compte tenu de la capacité de production en place suffisante et du
faible débours que représente ce matériau dans le
coût total de la construction, environ 4%, nous constatons que la demande
finale est quasi inélastique.
Le prix, point d'équilibre entre l'offre et la demande, est
déterminée selon la conjoncture par l'acheteur ou le vendeur. En
période de faible demande, c'est le prix de l'acheteur qui
prévaut et il tend à baisser. En période de forte demande,
c'est le vendeur qui réussit à imposer son prix et qui induit
généralement une tendance à la hausse. Si les prix du bois
représentent en longue période un niveau d'équilibre entre
l'offre et la demande, en courte période, ils sont souvent sujets aux
fluctuations fréquentes engendrées par la spéculation.
Les producteurs québécois ont présentement raison
de se réjouir de la forte augmentation des prix du bois qu'ils
expédient, mais ils ne peuvent ignorer la nécessité de
disposer des sous-produits du sciage qui représentent une donnée
importante de l'équation de la rentabilité globale de leur
entreprise. Afin de tirer un profit maximum de la vente du bois, il leur faut
trouver preneur pour plus de 60% de la matière ligneuse que constituent
les copeaux, les sciures et les planures.
La demande pour le bois de construction a connu de fortes augmentations
au début des années 70 et il semble qu'elle puisse être
soutenue au cours des prochaines années. Un facteur demeure toutefois
central qui pourrait affecter grandement son expansion dans un avenir assez
immédiat: il s'agit de l'évolution des méthodes et
procédés de construction. Aussi, croyons-nous qu'il est du devoir
des ministères des Terres et Forêts d'entreprendre, conjointement
avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et les autres organismes
impliqués, une étude de l'ensemble de cette industrie et de
publier à brève échéance les résultats de
cette analyse.
La mise en marché du bois du Québec demeure relativement
complexe. Une étude publiée en 1976 par le ministère de
l'Industrie et du Commerce du Québec révèle que 65% du
bois produit au Québec est vendu à l'extérieur de la
province. Comme nous pouvons l'observer, en annexe, les Etats-Unis et l'Ontario
demeurent les principaux clients des producteurs québécois. La
mise en marché des sous-produits de l'industrie du sciage ne jouit
toutefois pas d'un éclairage aussi judicieux.
Les quelques données présentement disponibles ne
permettent pas de connaître avec autant de précision la demande
des prochaines années.
Demande pour les sous-produits du sciage. Environ 60% de la
matière ligneuse des scieries est récupéré sous
forme de sciures, planures et copeaux. Les copeaux constituent sans nul doute
le sous-produit qui a connu la plus forte utilisation au cours de la
dernière décennie. L'adaptation des équipements des
scieries afin de produire des copeaux utilisables par les pulperies a
nécessité des investissements importants.
Nous hésitons aujourd'hui à parler de sous-produits dans
le cas des copeaux car les revenus de la vente de ceux-ci affectent directement
la rentabilité des investissements des scieries. Les sciures et les
planures furent longtemps considérées comme des déchets
sans grande valeur dont il revenait parfois moins cher de disposer en les
brûlant. Cependant, au cours des dernières années, des
études furent entreprises afin de trouver des utilisations plus
rationnelles de cette matière ligneuse. L'apport de technologie nouvelle
a permis d'envisager leur utilisation dans la fabrication de panneaux de
particules, donnant ainsi une valeur économique à ce qui
était naguère considéré comme de vulgaires
résidus.
Dans la région de Val-d'Or, cette nouvelle préoccupation
s'est traduite par l'implantation de Forex-Leroy Inc., entraînant des
investissements de l'ordre de $20 millions et la création de 175
nouveaux emplois directs.
Le marché des copeaux. Selon une compilation effectuée
récemment, les scieries du Nord-Ouest québécois ont des
capacités de production de copeaux qui excèdent 1,4 million
tonnes anhydres par année sans compter les 500 000 tonnes anhydres de
sciures et de planures.
En 1973-1974, les livraisons de copeaux pour l'ensemble du Québec
dépassaient à peine 2 millions de tonnes. Présentement,
les usines de la région, Lebel-sur-Quévillon et Tembec, utilisent
600 000 tonnes anhydres de copeaux par année, ce qui laisse un surplus
de production potentiel de 800 000 tonnes anhydres par an. L'usine de la
Compagnie internationale de papier de La Tuque possède des contrats
fermes d'approvisionnement à court terme pour quelque 300 000 tonnes par
année. Il reste donc un excédent non engagé de plus de 500
000 tonnes anhydres de copeaux, sans compter les sciures et planures. Faute de
trouver preneur, les copeaux s'accumulent dans les cours de plusieurs scieries
dont la rentabilité commerciale se trouve ainsi compromise. Il en
résulte, dans plusieurs cas, des mises à pied de travailleurs,
qui créent conséquemment des problèmes de stabilité
et de compétence de main-d'oeuvre.
Dans la mesure où les sociétés papetières
n'assument pas leurs responsabilités et choisissent plutôt, sous
prétexte d'avoir le contrôle absolu de leurs approvisionnements,
de couper le bois dans leurs concessions, nous croyons que l'intervention du
ministère des Terres et Forêts est justifiable et souhaitable.
Nous croyons, en effet, que l'utilisation de la matière ligneuse des
scieries est prioritaire à toute coupe de bois à partir des
concessions forestières de la forêt publique, lorsque ceci est
économiquement justifiable.
L'augmentation constante des volumes de fibres à pâtes
provenant des scieries au cours des dernières années fait que
cette source d'approvisionnement est devenue le deuxième plus important
fournisseur de matière première des usines de pâtes et
papiers du Québec, soit immédiatement
derrière les forêts publiques. Face à la
nécessité pour les usines de pâtes et papiers de s'assurer
un approvisionnement adéquat, les industriels du sciage ont
accepté de signer des contrats d'approvisionnement de longue
durée. Mais on n'a pas encore résolu les difficultés
reliées à la détermination du prix de ces copeaux lors de
la négociation entre plusieurs petits fournisseurs et un acheteur
puissant. Aussi, croyons-nous souhaitable de soumettre à l'arbitrage
d'une autorité unique le programme global d'approvisionnement des
différentes usines de l'industrie forestière, de transformation
des scieries.
Le coût de transport des copeaux. Comme nous avons pu l'observer
précédemment, les producteurs et utilisateurs de copeaux se
trouvent rarement concentrés dans une même région du
Québec. La meilleure régie de mise en marché des copeaux
ne réussirait certes pas à régler tous les
problèmes associés aux coûts de transport des copeaux, bien
qu'elle pourrait sûrement, dans certains cas, ramener un peu plus de
rationalité dans les sources d'approvisionnement des pulperies. Les
coûts de transport et les augmentations importantes qu'ils subiront
durant les prochaines années se répercutent directement sur le
prix de revient de la matière première, rendant certains
approvisionnements inopportuns et non économiques. Que l'on songe
seulement que le prix d'une tonne de copeaux livrée par camion sur une
distance de 300 milles augmentera à quelque $66 ou $70, alors que sa
valeur initiale n'était que d'environ $40. Le transport
représente dans ce cas un déboursé de $26 à $30 la
tonne. Cet exemple, loin de représenter une situation extrême,
illustre assez bien les contraintes reliées aux sources
d'approvisionnement éloignées et aux hausses constantes du
coût de transport de la matière brute non transformée.
C'est, d'ailleurs, la situation telle qu'elle se présente chaque
fois que l'on songe à approvisionner les usines de pâtes et
papiers du sud du Québec à l'aide des ressources du Nord-Ouest
québécois. Aussi, croyons-nous qu'il est impérieux de
mettre sur pied un groupe de travail ayant pour mission de réaliser
l'étude de "préfaisabilité" de l'implantation d'une usine
de produit cellulosique dans la région de Val-d'Or. L'abondance de
matière ligneuse non engagée, ainsi que la
nécessité d'assurer des débouchés adéquats
pour les sous-produits de notre industrie du sciage justifient pleinement cette
demande. Nous sommes convaincus que l'exportation de notre matière
ligneuse vers les usines du sud ne pourrait être d'un grand secours, car
la consolidation de l'industrie des pâtes et papiers ne peut s'effectuer
sur une base non économique.
De plus, nous sommes d'avis que l'industrie du transport apporte
très peu de retombées et qu'il serait illusoire de compter sur
elle pour procurer de solides assises à notre économie
régionale. Il faut donc envisager la restructuration et la consolidation
de l'industrie forestière de notre région dans le cadre de
l'implantation d'une nouvelle usine qui transforme chez nous l'abondante
ressource forestière du Nord-Ouest québécois.
L'utilisation des écorces. L'utilisation des écorces pour
alimenter la production d'énergie nécessaire aux
opérations des scieries et du séchage du bois est une mesure que
le gouvernement du Québec devrait encourager.
Déjà, certaines études en cours permettent de
croire à l'imminence du seuil de rentabilité de certaines de ces
transformations, pour les usines de sciage de taille industrielle. Dans la
mesure où il cherche à atteindre la pleine
récupération et utilisation du potentiel de la forêt
québécoise, nous croyons que le ministère des Terres et
Forêts devrait suivre de près les développements
technologiques de cette nature et proposer au ministère des Finances des
mesures favorisant l'implantation de tels systèmes dans les entreprises
du Québec. Nous croyons que des avantages fiscaux devraient être
consentis, qui permettraient de déprécier de façon
accélérée l'équipement nécessaire à
ces modifications du système de production d'énergie.
Recherche et développement. Achat d'équipement
québécois. La place de l'équipement conçu et
fabriqué au Québec est très importante dans l'industrie du
sciage. Le regroupement et la standardisation des méthodes de production
des scieries ont permis le développement de machinerie par des
entreprises québécoises. Dans certains cas, bien entendu, il a
fallu faire l'acquisition de brevets, ou fabriquer sous licence. Mais nul ne
peut nier les progrès importants réalisés dans le
développement d'une technologie adaptée aux besoins des
industriels québécois. Le passage du stade artisanal à
celui d'industrie n'a donc pas bénéficié aux seules
entreprises du sciage, il a aussi engendré toute une activité
industrielle connexe dans le secteur de la machinerie.
Il en va de même dans l'industrie des pâtes et papiers,
où l'industrie québécoise de la machinerie et de
l'équipement est capable de satisfaire près de 100% des besoins
des producteurs. Nul doute que dans certains cas, à cause des petites
séries de production ou d'autres facteurs de même nature, les prix
de revient pourront être plus élevés. Mais ce qui importe
davantage, et c'est ce que considèrent naturellement les pulperies du
Québec, c'est la tradition qui persiste dans l'achat de certains types
de machinerie à cause des avantages et de la sécurité
qu'elle représente au point de vue entretien et pièces de
rechange. Nous croyons que, dans la mesure où les prix demeureront
compétitifs et que l'on saura prévoir à temps les besoins
des industries, il sera possible de renouveler l'équipement
désuet de certaines usines ou d'en construire de nouvelles avec du
matériel presque entièrement produit au Québec.
Le secteur relié aux opérations forestières qui a
le moins bénéficié des retombées de l'industrie est
celui des équipements de récupération du bois en
forêt. Dans ce domaine, la place des industries québécoises
est très restreinte et la concurrence américaine et Scandinave y
est très importante. C'est aussi un secteur qui a connu un plus faible
taux de mécanisation de ses opérations. Nous croyons qu'il y a
certains créneaux de ce marché qui pourraient être
avantageusement comblés par
du matériel québécois, mais nous ne croyons pas
qu'il faille attendre l'avènement d'entreprises
québécoises dans ce secteur avant d'entreprendre la consolidation
qui s'impose dans l'industrie des pâtes et papiers.
Nous croyons qu'en abordant la conslidation de ce secteur, il faudra
bien sûr chercher à maximiser les retombées pour
l'industrie québécoise, mais que les impératifs de la
consolidation et la prise en considération de la valeur
économique du bois perdu ou non exploité sont des données
tout aussi importantes qui devront influencer la prise de décision.
Le contrôle de la qualité. Le contrôle de la
qualité des sous-produits du sciage est présentement à la
charge des acheteurs et non des producteurs. C'est une anomalie que plusieurs
industriels du sciage relèvent, et il semblent favorables à
l'établissement de laboratoires dans leurs propres usines. Pareils
développements ne pourront avoir que des effets positifs sur la
qualité du produit québécois, et c'est pourquoi nous
demandons au ministère des Terres et Forêts de favoriser
l'implantation de ces unités de contrôle de la qualité en
fournissant aux entreprises l'expertise technique de son personnel.
Nous souhaitons également que le ministère collabore
à la formation du personnel de ces centres. Nous croyons, en effet, que
toute amélioration apportée à ce niveau ne pourra
qu'augmenter l'avantage concurrentiel du produit québécois.
Main-d'oeuvre. Disponibilité et recrutement. Nous avons
indiqué précédemment que même dans des
régions où un taux de chômage très
élevé persiste, le recrutement de la main-d'oeuvre
forestière peut poser certaines difficultés. En effet, à
certaines périodes, le Nord-Ouest a dû avoir recours à de
la main-d'oeuvre étrangère pour combler des emplois en
forêt. De façon générale, nous pouvons toutefois
nous enorgueillir d'avoir une main-d'oeuvre abondante et compétente dans
des fonctions reliées à l'exploitation forestière.
Très peu de données sont cependant disponibles concernant
la main-d'oeuvre de l'industrie du sciage du Québec, ses
caractéristiques, sa productivité. Les seules informations
spécifiques dont nous disposions ont été recueillies
à l'aide de comités d'adaptation de main-d'oeuvre. Quant aux
perspectives générales offertes dans ce marché de
l'emploi, elles sont très peu connues et n'ont pas reçu une
grande diffusion. Le problème principal rencontré au niveau du
recrutement de la main-d'oeuvre de l'industrie demeure celui de la
compétence. Cette difficulté se pose surtout chez les entreprises
qui doivent effectuer de fréquentes mises à pied de leurs
employés, à cause d'une conjoncture économique mauvaise ou
de la mévente des copeaux.
On comprendra qu'en pareille situation, les travailleurs
qualifiés et motivés au travail chercheront dans d'autres
entreprises ou d'autres secteurs manufacturiers un emploi stable.
L'instabilité créée par les nombreux arrêts
de travail affecte à moyen terme la compétence de la
main-d'oeuvre et, par le fait même, la productivité globale des
scieries.
C'est pourquoi nous maintenons qu'il est urgent que l'on assure la
stabilité d'emploi de ces travailleurs en consolidant dans la
région de Val-d'Or l'utilisation et la transformation de la
matière ligneuse du Nord-Ouest québécois. Il s'agit
là, croyons-nous, d'un début de solution.
Productivité et relations de travail. Les conflits de travail
ruineux qui se sont produits dans l'industrie des pâtes et papiers et
dans certaines industries de sciage n'ont pas été sans
conséquences sur la productivité et la rentabilité de ces
entreprises. Les conditions salariales négociées à la
suite de grèves prolongées ne pouvaient qu'affecter directement
le prix de revient des produits manufacturés au Québec.
Même si les salaires négociés à l'échelle du
Canada sont demeurés relativement uniformes, cela n'a rien changé
sur la position de l'industrie américaine qui continue à verser
des traitements inférieurs de salaires et de charges sociales
diverses.
Le climat des relations de travail demeure, dans bien des cas,
marqué par les lésions subies au cours de ces affrontements.
C'est une des questions à laquelle le gouvernement du Québec
devra accorder une attention prioritaire s'il désire obtenir la
collaboration des industriels du sciage et des pâtes et papiers à
la création d'un climat économique sain. Nous croyons en effet
que l'esprit d'entreprise et d'initiative des hommes d'affaires du Nord-Ouest
doit être appuyé de politiques économiques justes et
réalistes de la part des membres et gestionnaires du gouvernement du
Québec.
Impacts sur la société. Conséquences des fermetures
et des mises à pied. Les fermetures d'usines et les mises à pied,
qu'elles surviennent dans le secteur des pâtes et papiers ou dans le
sciage, engendrent des perturbations sociales et économiques
importantes. Aussi croyons-nous que le gouvernement est justifié
d'intervenir afin de protéger les emplois menacés, mais seulement
dans la mesure où les solutions proposées sont conformes avec le
principe d'une saine gestion de l'économie. Nous avons connu dans la
région de Val-D'Or des problèmes reliés à la
fermeture de l'usine de la Compagnie internationale de papier et l'intervention
de REXFOR dans la mise sur pied de Tembois et Tembec. Cette expérience
nous a montré l'utilité des sociétés
paragouvernementales dans la réorganisation de certains grands ensembles
industriels. Nous croyons cependant qu'à long terme rien ne peut
remplacer la motivation et la ténacité des entrepreneurs locaux
pour assurer la rentabilité d'entreprises évoluant dans une
économie fortement concurrentielle.
Les mises à pied sont demeurées, dans certaines
entreprises du sciage, une pratique beaucoup trop persistante. Bien que les
effets à court terme de telles pratiques soient moins évidents et
alertent moins l'opinion publique, nous croyons que leurs répercussions
à moyen et long termes peuvent être tout aussi dommageables que
les fermetures. Qu'il suffise de rappeler à cet égard
l'instabilité créée chez les travailleurs et les
problèmes de compétence engendrés par cette
conjoncture.
Comme nous le mentionnions précédemment, c'est la
productivité globale et la compétitivité de l'entreprise
qui sont ainsi compromises. Aussi, croyons-nous qu'il est du devoir du
gouvernement du Québec d'agir à ce niveau de façon
prioritaire. Les prérogatives d'un bon gouvernement ne sont-elles pas de
prévoir les situations conflictuelles plutôt que d'avoir à
présider à leur résolution?
Conséquences de l'intégration de l'industrie du sciage
à celle des pâtes et papiers. Les industriels du sciage, se sont,
dans une certaine mesure, largement intégrés au secteur des
pâtes et papiers en acceptant les principes de l'intégration et de
la pleine utilisation de la matière ligneuse. Ils durent aussi en
assumer une forte proportion des coûts. Les investissements qu'ils ont
réalisés afin de rendre leurs résidus directement
utilisables par les papeteries leur procurent aujourd'hui des revenus
indispensables.
Ces mesures ont permis, dans certains cas, de réduire le nombre
de mises à pied dans les scieries et d'atténuer les perturbations
fréquentes des cycles économiques de cette industrie. De cette
intégration est issue une interdépendance accrue entre les deux
secteurs. Les industriels des pâtes et papiers ont, en quelque sorte,
encouragé la modernisation des scieries et contribué à
cette réorganisation en acceptant d'utiliser les copeaux produits par
celles-ci. Ils n'ont toutefois pas accepté de dépendre trop
fortement de celles-ci pour leur approvisionnement et, sous prétexte de
vouloir contrôler leurs sources de matières premières, se
sont lancées elles aussi dans les opérations de sciage.
On reconnaît généralement que les investissements
effectués dans les opérations de transformation forestière
par l'intermédiaire des scieries sont générateurs de plus
d'emplois et d'activités économiques que dans le secteur des
pâtes et papiers. On reconnaît également que les papetiers
ne sont pas nécessairement les meilleurs gestionnaires de scieries et
qu'ils éprouvent de nombreuses difficultés à mettre en
marché leur bois de construction à des conditions aussi
compétitives. Sachant qu'il demeure prioritaire d'utiliser les
sous-produits du sciage et que l'intégration demeure, de l'avis de
plusieurs experts, la façon théoriquement la plus simple de
réaliser cet objectif, nous nous permettons d'exprimer certaines de nos
interrogations à ce sujet.
L'intégration des scieries à l'industrie des pâtes
et papiers doit-elle se poursuivre jusqu'à leur assimilation? Y a-t-il
possibilité de corriger certaines lacunes soulignées au niveau de
la mise en marché de la matière ligneuse par la création,
à cette fin, d'une organisation de mise en marché? Comment
préserver, à l'intérieur des complexes
intégrés, l'élément dynamique que constitue
l'esprit d'entreprise des industriels du sciage et leur entrepreneurship?
Comment réagiraient les employés des petites entreprises du
sciage en apprenant que leur nouvel employeur est désormais une grande
entreprise papetière québécoise? Quel type de
participation gouvernementale est le plus susceptible d'assurer que
l'exploitation de la forêt québécoise se fasse au profit de
ses habitants? Comment assurer la compétitivité de chaque produit
forestier québécois sur le marché mondial, qu'il s'agisse
de bois de sciage, de papier sous toutes ses formes?
Ce sont autant de questions auxquelles nous attendons les
réponses avant de pouvoir nous prononcer en faveur ou contre le
développement d'un complexe intégré dans le Nord-Ouest
québécois. Ces quelques réserves ne remettent nullement en
cause la nécessité de l'implantation d'une nouvelle entreprise de
produits cellulosiques dans la région de Val-d'Or, mais il plairait
à la Corporation de développement industriel et commercial de la
région de Val-d'Or de connaître les vues du ministère,
à savoir qui devrait assurer le leadership de cette nouvelle entreprise
et quels devraient en être les principaux actionnaires. Il s'agit d'un
dossier que nous prendrons plaisir à poursuivre avec les
autorités du ministère des Terres et Forêts au cours du
prochain mois.
Conclusion. Le vaste réservoir de matière ligneuse que
constitue le Nord-Ouest québécois n'a jamais été
exploité à sa pleine capacité. Dans la région de
Val-d'Or et sur l'ensemble du territoire abitibien, ce sont surtout les
industriels du sciage qui ont contribué à la mise en valeur de
cette abondante ressource. Après l'abandon d'exploitation de notre
forêt par la Compagnie internationale de papier, malgré
l'implantation de l'usine de la compagnie Domtar à
Lebel-sur-Quévillon, on n'a pas réussi à assurer, sur une
base permanente, la consolidation de cet important secteur de notre
économie.
Deux problèmes subsistent, soit la mise en marché des
copeaux du bois des scieries et la stabilité de l'emploi de quelque 5000
à 6000 travailleurs de ce secteur. Nous réitérons qu'il
est impérieux de consolider l'exploitation forestière du
Nord-Ouest québécois et d'augmenter la moyenne des années
où l'exploitation fut satisfaisante, moyenne qui s'établit
présentement à peu près à 33% des douze
dernières années.
Comme nous le soulignions antérieurement, cette triste situation
n'est pas sans répercussion sérieuse sur l'ensemble de
l'économie de notre région. Nous croyons que cette consolidation
pourrait se réaliser en prolongeant la durée des contrats
d'approvisionnement des scieries à un minimum de dix ans; en
établissant l'autorité unique du ministère des Terres et
Forêts sur le contrôle de l'approvisionnement et
l'établissement des priorités dans l'utilisation de la
forêt par l'industrie du déroulage, du sciage et des pâtes
et papiers; en favorisant la poursuite d'une saine intégration des
approvisionnements et capacités de production des industries du sciage
et des pâtes et papiers, sans aliéner pour autant le
caractère autochtone des industries du sciage et en créant un
organisme de mise en marché de la matière ligneuse; en favorisant
l'implantation de mesures accroissant la productivité des scieries avec
l'aide des autorités et techniciens du ministère des Terres et
Forêts et en fournissant aux industriels des données pertinentes
sur l'évolution du marché de
leurs produits; en incitant, par des mesures fiscales
appropriées, la récupération et l'utilisation des
écorces pour la production d'énergie; en favorisant
l'implantation de laboratoires de contrôle de la qualité des
sous-produits du sciage.
Nous sommes d'avis que, dans la région de Val-d'Or, la mise en
oeuvre de plusieurs aspects de cette consolidation passe par l'implantation
d'une nouvelle usine de fabrication de produits cellulosiques. En outre, il est
devenu indispensable de rapprocher les unités de production des
pâtes et papiers des sources d'approvisionnement, compte tenu des
impératifs de la concurrence mondiale qui impose aux industriels de ce
secteur d'accroître constamment leur volume de production et le rendement
de leurs unités de production.
En plus de fournir une solution aux deux problèmes que nous
énumérons antérieurement, cette mesure s'avère
d'autant plus nécessaire qu'elle permettrait de rentabiliser les
entreprises de sciage du Nord-Ouest québécois dont la
capacité de production n'a été utilisée qu'à
60% en moyenne au cours des dernières années.
Nous pensons que le dynanisme et l'esprit d'initiative qui
caractérisent les industriels de la région de Val-d'Or justifient
que l'on sollicite leur participation dans l'élaboration de ce plan de
consolidation. Aussi, nous permettons-nous de croire que les autorités
du gouvernement du Québec et du ministère des Terres et
Forêts n'hésiteront pas à associer la Corporation de
développement industriel et commercial de la région de Val-d'Or
à la recherche de solutions et à la mise en application de nos
recommandations.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup, messieurs. Etant donné l'heure tardive, est-ce que vous auriez
objection à revenir demain matin?
M. Sureau: Je vais vous dire franchement, M. le Président,
que j'ai des rendez-vous à Val-d'Or demain matin. Si ça peut
intéresser certains membres de la commission, je suis moi-même un
industriel du sciage. S'il y a des questions pertinentes qui regardent le
sciage, je comprends l'heure tardive, je pense qu'on peut se concerter et qu'un
des deux commissaires peut revenir demain matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Sureau: Parce que je suis un industriel du sciage, si je peux
éclairer les membres de la commission... Je comprends que l'heure est
vraiment tardive.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission ont commencé à 10 heures ce matin, de 15
h à 18 h et de 20 h à 23 h. Le député de Portneuf
me dit qu'il n'a pas soupé. Il aurait pu souper, cependant.
M. Sureau: C'est parce que nous étions convoqués
pour 10 heures ce matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, ce qui est arrivé, c'est qu'il y avait cinq organismes et que
nous avons accordé du temps supplémentaire à certains. Je
demande aux membres de la commission s'ils ont des questions à poser au
président de la corporation qui est un industriel du sciage. Sinon, je
me fie sur la présence d'au moins l'un des deux commissaires industriels
pour demain matin, parce que je pense qu'après cet intéressant
mémoire les députés auraient certainement des questions
à vous poser. Evidemment, vous avez le droit de ne pas revenir.
M. Sureau: On n'aimerait pas ça. On va essayer de faire le
maximum pour voir qui de nous peut rester. Nous revenons demain matin, à
10 heures?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Demain
matin, à 10 heures, à la même salle, 81-A.
M. Sureau: Je remercie les membres de la commission. Il nous a
fait plaisir de déposer le mémoire, parce que vous l'avez
demandé, dans le but d'une recherche de solutions. On propose une
solution, soit d'utiliser chez nous les matières premières qui
sont abondantes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
votre corporation sera représentée demain, ce qui est important.
Je vous remercie beaucoup et les travaux de la commission sont ajournés
à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 2)