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Étude des problèmes de
rentabilité
de l'industrie des pâtes et papiers
du Québec
{Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît! Il s'agit de la commission parlementaire des
richesses naturelles et des terres et forêts qui est réunie ce
matin en vertu d'un ordre de la Chambre qui apparaît au feuilleton et qui
se lit ainsi: "Avis est donné que la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts se réunira au salon rouge le
mardi 27 septembre, à 10 heures, afin d'étudier les
problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et
papiers du Québec".
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M.
Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc), M. Russell (Brome-Missisquoi) en
remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M. Landry (Fabre) en remplacement de
M. Grégoire (Frontenac); M. Léger (Lafontaine) en remplacement de
M. Joron (Mille-Îles); M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis
(Matapédia), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) en remplacement de M. Mercier
(Berthier); M. Picotte (Maskinongé) en remplacement de M. O'Gallagher
(Robert Baldwin); M. Gagnon (Champlain) en remplacement de M. Perron
(Duplessis); M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau
(Jean-Talon), M. Mailloux (Charlevoix) en remplacement de M. Giasson
(Montmagny-L'Islet); et M. Gendron (Abitibi-Ouest) en remplacement de M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata).
Il y aurait lieu maintenant de désigner un rapporteur pour cette
commission.
M. Marquis: Je suggère le député
d'Abitibi-Est.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cette
motion sera-t-elle adoptée?
M. Pagé: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Abitibi-Est est nommé rapporteur de cette
commission. Avant d'inviter le ministre et les ministres du gouvernement qui
ont travaillé à ce dossier à prendre la parole de
même que les différents représentants des partis de
l'Opposition officielle et de l'Union Nationale, j'aimerais informer les
intervenants et l'assistance présente que, du consentement de tous les
partis politiques, le temps de présentation des mémoires et des
questions touchant à ces mémoires est limité à deux
heures, ce qui veut dire, en somme, que vous pourrez utiliser 45 ou 50 minutes
pour présenter un mémoire comme vous pourrez en utiliser 15, et
que la période de temps qui restera appartiendra aux
députés des différents partis politiques qui pourront
faire des interventions ou questionner tout simplement les intervenants.
J'aimerais également vous aviser que cette commission
parlementaire suspendra ses travaux à 13 heures et les reprendra
à 15 heures cet après-midi. Elle suspendra ses travaux à
18 heures, les recommencera à 20 heures et les ajournera à 23
heures; en ce qui concerne la journée du mercredi 28 septembre,
c'est-à-dire demain, la commission entreprendra ses travaux à 15
heures et les terminera à 18 heures, conformément au
règlement habituel de la Chambre. En ce qui concerne l'ordre du jour de
la journée de jeudi, je vous en ferai part demain.
Là-dessus, j'invite le ministre des Terres et Forêts
à... Oui, M. le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: C'est deux heures par mémoire, mais le temps
alloué à chaque parti est-il déterminé ou est-ce
une période de questions large?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. En
fait, nous ne voulons pas faire trop de procédure; c'est tout simplement
deux heures pour chaque intervenant, et nous n'avons pas cru bon de diviser Je
temps des partis politiques.
M. Grenier: D'accord. Deuxièmement, est-ce que j'ai bien
compris que demain on siégeait à 15 heures au lieu de 10
heures?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
cela, de 15 heures à 18 heures.
M. Grenier: De combien de membres la commission est-elle
composée au total?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
commission est composée de 17 membres.
M. Grenier: Avec un quorum de dix ou de neuf?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De neuf.
Or, là-dessus, j'invite le ministre des Terres et Forêts à
adresser la parole.
Déclarations préliminaires des
ministres
M. Yves Bérubé, ministre des Richesses
naturelles et des Terres et Forêts
M. Bérubé: M. le Président, la commission
permanente des richesses naturelles et des terres et forêts est
réunie ce matin pour entreprendre l'étude des perspectives
d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. En fait,
cette convocation même laisse supposer que l'on craint pour l'avenir de
cette industrie au Québec, à cause d'une série de
problèmes structurels qui existent
depuis déjà un certain temps mais qui n'ont
été révélés dans toute leur acuité
que tout récemment. Je crois, M. le Président, que je n'aurai pas
à énumérer tous les problèmes qui affligent
l'industrie québécoise des pâtes et papiers, car les
membres de cette commission en sont bien au fait. Ces problèmes ont
d'ailleurs fait l'objet de plusieurs interventions à l'Assemblée
nationale, de même qu'ils ont été décrits assez bien
par les média.
Je dirai simplement, M. le Président, que l'industrie des
pâtes et papiers est d'une importance capitale pour le Québec,
puisque le papier journal compte au premier rang des exportations
québécoises et que les pâtes comptent au huitième
rang.
Ce secteur de l'industrie québécoise permet donc une
importante entrée de devises au Québec. Je dirai également
que, même si la production québécoise a augmenté, la
proportion du marché mondial prise par le Québec n'a cessé
de décroître, et le Québec a perdu peu à peu son
rôle de chef de file quant à la fixation des prix. Cependant,
faut-il souligner d'ailleurs que, même avec une production aussi
importante que celle des États-Unis, l'industrie
québécoise n'a plus accès aujourd'hui qu'au marché
résiduel d'exportation et que, de ce fait, nos producteurs sont devenus
marginaux. J'ajouterai, en contrepartie, M. le Président, que cette
commission parlementaire n'est valable que parce que le Québec
possède toujours plusieurs avantages comparatifs, tels une forêt
abondante, une bonne qualité de fibres, une abondance d'énergie
hydroélectrique et d'eau douce, la compétence de sa
main-d'oeuvre, pour ne mentionner que ceux-là, avantages comparatifs
qui, mis en valeur au maximum et de façon rationnelle, sont de nature
à aider au redressement de la situation.
En fait, M. le Président, ce que le Québec entier doit
réaliser aujourd'hui, c'est que son industrie des pâtes et
papiers, qu'il a toujours considérée comme acquise, est loin de
l'être.
Mais la situation n'est pas désespérée, si ses
principaux problèmes et leurs causes sont bien circonscrits, si les
façons de promouvoir ses points forts sont évalués,
l'industrie québécoise des pâtes et papiers pourra
continuer d'être ce qu'elle est pour l'économie du
Québec.
Je crois, M. le Président, que nous sommes présentement
sur la bonne voie et que la présente commission parlementaire constitue
l'étape la plus importante de tout le processus entrepris depuis
quelques mois, puisqu'elle permettra un échange direct entre les
principaux intéressés.
Permettez-moi, M. le Président, de faire un retour en
arrière qui jettera un peu d'éclairage sur toutes les
étapes qui ont été franchies depuis quelques mois. L'une
des premières constatations du nouveau gouvernement du Québec
devait porter sur l'état précaire de l'industrie
québécoise des pâtes et papiers.
Ce premier constat de la situation de l'industrie des pâtes et
papiers a immédiatement amené un second constat. Le secteur des
pâtes et papiers a toujours été laissé
entièrement à lui-même, ce qui n'est pas mauvais en soi
mais peut poser des problèmes lorsque la situation se présente
comme aujourd'hui. Le ministère des Terres et Forêts,
l'interlocuteur gouvernemental privilégié du secteur des
pâtes et papiers, a toujours été confiné à un
rôle de pourvoyeur de matières premières et ne s'est jamais
vu confier le mandat de suivre l'évolution de cette industrie.
L'État s'est impliqué dans la création de nouvelles
industries papetières ou le sauvetage de celles en difficulté,
mais n'a suivi que d'un oeil distrait les progrès ou les retards de
l'industrie existante. D'ailleurs, le Québec n'est pas le seul
État à s'être comporté de cette façon et
l'action des gouvernements pourrait avoir contribué partiellement
à la déstabilisation de l'industrie existante. De fait, nul ne
peut nier l'étroite interrelation qui doit exister entre l'État,
la population et l'industrie. La forêt apparaît aux
Québécois comme une richesse collective. Le pillage, la
surexploitation mettant en péril l'héritage à
léguer aux générations à venir, ne sont plus
acceptés.
De la même manière, les collectivités locales voient
d'un mauvais oeil leurs forêts coupées pour servir
d'approvisionnement à de lointaines usines alors qu'un taux
élevé de chômage les afflige et que l'approvisionnement de
leurs propres petites scieries s'en voit menacé. Faut-il souligner aussi
le délicat équilibre à maintenir entre forêts
privées et forêts publiques, entre coopératives
forestières et opérations commerciales de coupe? Bref,
l'État doit aujourd'hui se mêler de gestion des forêts et la
grande opération de révocation des concessions ne doit pas
être remise en question.
L'État se voit, cependant, contraint d'intervenir encore plus
avant. L'industrie forestière représente sans nul doute la
principale cause de pollution de nos cours d'eau. Le Québécois
exige des correctifs et l'État devra raffermir ses normes de protection
de l'environnement.
Ainsi donc, toutes ces interventions de l'État ne peuvent manquer
d'influencer la rentabilité de notre industrie, d'une industrie qui peut
aujourd'hui assurer des salaires élevés à ses travailleurs
et qui devra continuer à pouvoir le faire. Le temps est venu de
réconcilier les partenaires de cette industrie, d'examiner ensemble les
forces et les faiblesses de notre industrie et surtout d'assurer pour l'avenir
une concertation de tous les intervenants, de manière à
léguer aux prochaines générations une économie
dynamique bien intégrée à la collectivité
québécoise.
Le gouvernement s'est donc engagé dès le lendemain de son
élection dans un processus de réflexion. Un groupe de travail a
été formé sous la présidence du ministre des Terres
et Forêts et comprenant le ministre d'État au développement
économique, le ministre délégué à
l'environnement et le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Le gouvernement a également autorisé le regroupement, sous
l'égide du ministère des Terres et Forêts, d'une
équipe de onze fonctionnaires de divers ministères
possédant une expérience dans des domaines reliés à
cette activité industrielle, équipe complétée par
l'apport de consultants de l'extérieur.
L'attention de cette équipe interministérielle a d'abord
porté sur une analyse technique, usine par usine, de la situation de
l'industrie des pâtes et papiers. Une bonne partie des données
provenait d'ailleurs d'une analyse détaillée effectuée
récemment pour le compte du MTF par la firme Conibec. En
parallèle, une étude prospective portant sur l'ensemble de
l'industrie forestière a fait ressortir les grandes
caractéristiques de notre industrie et ses perspectives d'avenir. Ces
éléments devaient conduire à une ébauche
synthétique de modernisation de l'ensemble de l'industrie des
pâtes et papiers au Québec. Une telle programmation, reposant sur
des hypothèses, des analyses incomplètes, doit cependant subir le
test de la confrontation afin d'en raffiner les éléments de
solution sinon d'en modifier profondément certains aspects.
Nous en sommes donc rendus, M. le Président, à
l'étape la plus importante, celle du dialogue avec les protagonistes de
l'industrie québécoise des pâtes et papiers. D'ailleurs,
pour amorcer le dialogue avec ces intervenants, je leur ai soumis, il y a
quelque temps, un questionnaire qui a fait l'objet d'une déclaration
ministérielle à l'Assemblée nationale et qui a par la
suite été remis à chaque député.
Ce questionnaire a été élaboré à
partir des éléments de la programmation que j'ai
mentionnés tantôt. On est donc en droit d'espérer que les
mémoires substantiels qui seront soumis à cette commission
ajouteront à notre connaissance de l'industrie et constitueront
l'occasion idéale de contrôler la validité de certaines
données ayant servi de base à notre réflexion.
On est aussi en droit d'espérer que, de ce choc des idées,
jaillira la vérité sur des affirmations véhiculées
de longue date, par exemple des affirmations qui veulent que les salaires
payés aux travailleurs québécois des pâtes et
papiers soient trop élevés, que les coûts de bois soient
également trop élevés, que les réinvestissements
des profits soient insuffisants.
Cette commission parlementaire doit également permettre de
discuter des objectifs de chaque intervenant et en particulier du secteur
privé face aux défis à relever. De cette grande discussion
ouverte, on peut espérer une politique des pâtes et papiers qui
tiendra compte de l'intérêt de chacun des protagonistes de ce
secteur de notre économie qui visera à maintenir, à
améliorer la position mondiale du Québec, qui visera
l'élimination de la pollution engendrée par nos usines et qui
tiendra compte d'un facteur de rentabilité pour la collectivité
québécoise. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le ministre. Je cède maintenant la parole au ministre
délégué à l'environnement.
M. Marcel Léger, ministre
délégué à l'Environnement
M. Léger: M. le Président, la
détérioration de la qualité de l'environnement, que ce
soit l'eau, l'air ou le sol au Québec, justifie une intervention en vue
de donner aux citoyens l'environnement sain auquel ils ont droit. De nombreuses
études ont en effet démontré que plusieurs de nos cours
d'eau ont atteint un niveau de pollution élevé. Le Saint-Laurent,
la Yamaska, l'Outaouais, la Saint-François, le Richelieu, etc., que,
dans plusieurs villes du Québec, il y a des problèmes importants
de pollution atmosphérique: Montréal, Noranda, Beauharnois,
Arvida, et qu'il est nécessaire d'intervenir pour remédier
à cette situation.
L'augmentation rapide de la population vivant dans des centres urbains
de plus en plus concentrés et l'industrialisation sont
considérées comme les principaux facteurs responsables de cette
situation, la large part revenant cependant à l'industrie. Ainsi, en se
basant sur les paramètres généralement utilisés,
à savoir les solides en suspension et la demande biochimique en
oxygène, la DBO, rapport de la pollution d'origine industrielle peut
être considéré comme le plus important. Cependant, cet
apport est encore plus considérable si l'on pense à la pollution
de l'eau causée par différents produits chimiques et souvent
toxiques.
L'industrie des pâtes et papiers est l'industrie la plus
importante au Québec et contribue donc de façon importante
à la pollution de l'eau et de l'air. La rentabilité de
l'industrie des pâtes et papiers passe par une modernisation, et la
modernisation de l'industrie amène, en même temps, une
amélioration de la qualité de l'environnement et la diminution
des pertes de déchets polluants.
Les 59 usines de pâtes et papiers du Québec
déversent donc actuellement dans les cours d'eau environ 700 millions de
gallons par jour d'eau usée comprenant 690 tonnes par jour de
matières en suspension et 1250 tonnes par jour de demandes biochimiques
en oxygène, c'est-à-dire la DBO5. Cette dernière valeur
représente une population équivalant à 18 millions de
personnes, soit environ trois fois la population du Québec, uniquement
par les 59 usines des pâtes et papiers au Québec. De plus, ces
eaux usées contiennent de nombreux autres polluants toxiques. À
cette pollution de l'eau s'ajoute celle de l'air, telle que les mauvaises
odeurs caractéristiques en provenance des usines à cuisson
chimique ainsi que les matières particulaires.
Enfin, aussi, il existe un problème de déchets solides qui
représente un volume assez important à disposer. Mais le
problème principal au Québec est cependant les usines de sulfite
ne possédant pas de système de récupération de la
liqueur usée de cuisson et quelques vieilles usines kraft. Ainsi, ces
quelque 20 usines contribuent pour environ 85% de la charge en DBO aux
effluents. Il en va ainsi pour l'ordre de grandeur des coûts afin
d'apporter des correctifs à cette situation. Comme vous le savez, la
modernisation de l'entreprise amènera, en même temps, une plus
grande rentabilité et une diminution importante de la pollution, cela va
de pair, et des emplois.
Les objectifs des services de la protection de l'environnement sont donc
de réduire les polluants déversés de la façon
suivante: Nous voulons réduire de 70% les matières en suspension
et
de la DBO5, ce qui porterait alors les rejets bruts des 59 usines du
Québec à environ 200 tonnes par jour de matières en
suspension et de 400 tonnes par jour de DBO5. En ce qui concerne ces objectifs
que nous voulons atteindre, le contrôle de la pollution de l'air, les
objectifs sont l'élimination des problèmes d'odeurs, de
SO2, c'est-à-dire d'anhydride sulfureux, et des
matières particulai-res en vue d'atteindre des niveaux de qualité
d'air ambiant acceptables.
Dans les investissements que l'industrie des pâtes et papiers a
faits depuis les 18 dernières années, de 1960 à 1977, dans
le but d'améliorer la productivité et, à
l'intérieur de cela, il y a eu un peu d'investissement pour
l'environnement, mais à peine perceptible une partie de ces
investissements un mémoire de l'association parlait tantôt
de $2 milliards a servi, en réalité, à cinq
nouvelles usines, ce qui veut dire qu'il resterait à peine $750 millions
dans les 17 dernières années qui auraient été
investis dans le domaine de la productivité, ce qui fait à peine
$700 000 par usine par année.
Et du côté des équipements pour protéger
l'environnement, on a investi à peine $90 millions dans les dix-sept
dernières années, moins $11 millions qui ont
bénéficié du programme des droits de coupe qui ont
été rapportés, et ceci veut dire à peine $100 000
par année, par usine, pour la dépollution. Les
possibilités qui s'offrent aujourd'hui pour résoudre les
problèmes les plus aigus des usines à cuisson chimique sont les
suivantes, il y a trois hypothèses: ou bien l'usine choisit de garder le
statu quo de son procédé, mais installe des équipements
antipollution requis, ce qui coûterait très cher. Deuxième
hypothèse: l'usine décide de fermer son atelier de pâte
chimique et installe une nouvellle technologie permettant la fabrication de
pâtes mécaniques produites par raffineur sous pression ou autres.
Et finalement, une troisième hypothèse: l'usine décide de
fermer son usine de pâtes chimiques et installe quelques
éléments de procédé pour la fabrication de
pâtes thermomécaniques et achète un faible pourcentage de
pâtes chimiques sur le marché pour mieux contrôler la
qualité de son produit.
Ces trois possibilités ou la combinaison de ces
possibilités offrent des solutions assurées au problème de
pollution causé par ces usines. D'ailleurs, il y a une usine qui a
déjà commencé à mettre de l'avant une de ces
hypothèses et va récupérer, au lieu de 46% de la
quantité de bois utilisé, jusqu'à 92%. Ce qui veut dire
une perte d'à peine 8%. Ceci améliorera la production et
diminuera les charges polluantes pour l'environnement. Par contre, il devient
beaucoup plus avantageux de s'orienter vers les nouveaux procédés
thermomécaniques qui, en plus de permettre la fabrication prouvée
de produits de qualité, va permettre une utilisation beaucoup plus
rationnelle de la forêt.
En effet, ces derniers donnent des rendements de pâtes de 90%
à 95%, en comparaison actuellement de 50% à 65% pour les
procédés à cuisson chimique. De plus, et je crois que
c'est ici le joint le plus important à mentionner, ce nou- veau
procédé de défibration de la matière ligneuse va
permettre en même temps de satisfaire les normes qui seront requises par
l'environnement sans investissement direct élevé dans le domaine.
Il est donc presque bénéfique que l'application des normes ait
été retardée jusqu'à aujourd'hui puisque la
technologie vous offre maintenant d'heureuses alternatives prouvées qui
apportent des solutions élégantes à vos
problèmes.
J'espère donc, en terminant, que cette commission parlementaire
vous permettra de nous indiquer votre pensée vis-à-vis des
solutions qui doivent être envisagées et qui pourront permettre de
résoudre en même temps les problèmes de pollution et
d'assurer une meilleure rentabilité de vos usines tout en assurant ainsi
une part grandissante sur le marché international qui est important pour
vous et pour le Québec. Sachant que la technologie existe,
appuyés par de nombreux exemples à travers le monde
j'arrive d'un voyage en Suède et en Allemagne où j'ai pu
remarquer ces choses il vous reste à l'adapter dans vos usines
suivant le type de produit fabriqué, permettant ainsi de satisfaire aux
objectifs des Services de protection de l'environnement
précédemment énoncés. Ce qu'il faut pour
l'environnement, et je l'ai toujours dit et je le répète, ce
n'est pas de s'opposer aveuglément au progrès, mais de s'opposer
au progrès aveugle. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
cède maintenant la parole au député de Portneuf.
Remarques de l'Opposition M. Michel
Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le
Président, en juillet dernier, le titulaire du ministère des
Terres et Forêts annonçait, par déclaration
ministérielle, la tenue d'une commission parlementaire sur la situation
de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Dans cette
déclaration, le ministre alléguait que l'industrie
québécoise des pâtes et papiers était en crise,
crise provoquée surtout par un vieillissement des entreprises qui fait
que l'industrie serait moins productive et, par conséquent, moins
compétitive sur le marché international.
Peu de temps auparavant, dans une déclaration rapportée
dans les journaux, l'honorable ministre faisait savoir que 20 nouvelles usines
devraient être construites au Québec, et ce pour la rondelette
somme de $6 milliards. Nous n'avons cependant jamais eu vent de ce plan
Bérubé, depuis, ni trouvé son expression dans un autre
document.
Au moment de ces événements, l'Opposition officielle
réclamait pour sa part la convocation de cette commission pour
étudier en priorité des cas spécifiques: l'usine
Wayagamack, par exemple, la Consolidated-Bathurst au Cap-de-la-Madeleine, la
Domtar de East Angus et, quelques semaines plus tard, le cas de la Canadian
Glassine, ici à Québec, dont la fermeture venait de nous
être annoncée au début du mois d'août dernier.
Le ministre nous répondit alors que c'était son intention
de convoquer la commission non seule-
ment pour étudier ces cas précis et spécifiques
mais aussi l'ensemble du secteur et que les travaux seraient entrepris à
la fin du mois d'août.
Quelques semaines plus tard, le ministre annonçait que les
travaux de la commission ne seraient entrepris qu'à la fin de septembre,
advienne que pourra de Wayagamack ou d'East Angus. Finalement, nous apprenions,
vendredi dernier, et même pas par la voix de la compagnie, mais bien par
celle de M. le ministre, que l'usine de Wayagamack fermera
définitivement ses portes le ou vers le 15 octobre prochain.
Pourquoi, M. le Président, le ministre des Terres et Forêts
a-t-il répondu tout l'été que la présente
commission résoudrait ce genre de problèmes s'il est incapable de
proposer, comme dirait son chef, pour utiliser une expression qui le
caractérise, le commencement du bout de la queue d'une solution dans ce
cas précis? Y a-t-il un plan de relance de l'entreprise? Y a-t-il un
comité de reclassement des travailleurs? Le gouvernement est-il
intervenu auprès de la compagnie pour qu'elle attende au moins les
résultats des travaux de cette commission avant de poser un geste aussi
draconien et définitif? Quels sont les commentaires et opinions du
ministre sur les graves conséquences socio-économiques de cette
fermeture pour la région de Trois-Rivières et du
Cap-de-la-Madeleine?
Il est regrettable, M. le Président, finalement, de constater
que, par l'attitude qu'il a adoptée dans le cas de la Wayagamack, le
ministre risque de discréditer les travaux de cette commission qui, pour
les syndicats, les travailleurs impliqués, ne pourrait être qu'une
vaste supercherie destinée à faire porter l'odieux de cette
fermeture sur leur dos ou sur celui de la compagnie.
L'Opposition officielle, à l'instar de la trentaine d'organismes
et d'individus qui auront à défiler devant cette commission, se
présente ici de bonne foi. Nous entendons écouter ces
interventions et poser beaucoup de questions. Nous entendons aussi poser des
questions au gouvernement. L'Opposition officielle reconnaît l'importance
du secteur des pâtes et papiers dans l'économie du Québec
et entend apporter sa contribution au règlement des problèmes qui
touchent ce secteur.
Soulignons d'ailleurs que la préoccupation des libéraux
pour la question forestière s'était clairement manifestée
par l'adoption de la réforme forestière dont l'actuel ministre a
d'ailleurs reconnu les grands mérites.
Nous espérons aussi que les perspectives, à moyen et
à long terme, qui se dégageront de ces auditions ne sont pas pour
le gouvernement un moyen de se laver les mains dans ce qui peut se
présenter à court terme dans le cas de Wayagamack. M. le
Président, nous formulons le voeu qu'à la lueur des travaux de
cette commission, dans les conclusions de l'étude et de l'analyse que
fera cette commission du problème qui préoccupe actuellement le
secteur des papiers, nous formulons le voeu, dis-je, M. le Président,
que nous pourrons dégager des éléments de solution
concrets et spécifiques à des problèmes aussi particuliers
que ceux que vivent actuellement les travailleurs et la population en
général de certaines régions du Québec, notamment
dans le cas du Cap-de-la-Madeleine, de East Angus et dans le cas de la
région de Québec avec le dossier de Canadian Glassine.
Nous espérons de plus, M. le Président, que, de
façon générale, les travaux de cette commission pourront
nous permettre de jeter une base définitive et de voir plus clair dans
la solution à apporter aux problèmes à long terme que
rencontre l'économie des pâtes et papiers actuellement.
Premièrement, en ce qui concerne la situation
générale, est-ce que le problème se retrouve de
façon générale dans toutes les industries au Québec
ou si ce problème de l'avenir de l'entreprise ne touche que certaines
régions du Québec? Qu'est-ce qui arrivera des concessions
forestières? Quel est le vrai problème des coûts de
production? Quel est le degré de concurrence du Québec
actuellement et dans sa perspective d'avenir? Qu'est-ce qu'il en est, M. le
Président? J'espère que cette commission sera le moment le mieux
choisi pour que nous puissions entrevoir ce qu'il en est du projet qu'on peut
qualifier de projet Bérubé énoncé par le ministre,
il y a quelques mois, et faisant état de la construction
éventuelle de 20 usines pour un coût de $6 milliards au
Québec.
M. le Président, je vous remercie, et j'espère que nous
aurons suffisamment de temps pour entendre toutes les parties. On a
parlé tout à l'heure d'un délai limite de deux heures pour
chacun des mémoires.
J'espère que nous n'aurons pas à nous tirailler sur des
questions de minutes entre les questions qui seront posées, d'une part
et, d'autre part, j'espère qu'à la fin de nos travaux, nous
pourrons faire une déclaration, au nom de chacun des partis, en guise de
conclusion à apporter aux travaux et à l'étude qu'on aura
faits par l'audition des mémoires et des gens intéressés
à venir nous rencontrer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: M. le Président, il n'y a pas de doute, dans
notre esprit, que tous les intervenants dans le dossier de l'industrie des
pâtes et papiers au Québec s'entendent pour reconnaître que
cette industrie est malade. Personne ne se fait plus d'illusions, il n'existe
pas de solution miracle qui pourrait régler, une fois pour toutes, le
sort de cette industrie fortement intégrée et dont les
problèmes se situent à tous les niveaux du système, que ce
soit au niveau de la qualité de la matière première, de sa
distribution, de son exploitation, de sa transformation ou de sa
régénération.
L'Union Nationale voudrait que l'on aborde les travaux de cette
commission avec le plus de réalisme possible. Il ne s'agit plus de
définir les
problèmes: je pense qu'ils sont bien connus. Il faut trouver les
solutions les plus applicables à court terme afin de sauvegarder une des
industries les plus importantes au Québec, tant en termes d'emplois,
d'exportation que de valeur totale de ses expéditions, soit environ $2
milliards. La réunion qui s'amorce aujourd'hui n'est rien d'autre qu'un
sommet économique semblable au mini-sommet tenu récemment par le
ministre d'État au développement économique sauf qu'ici,
les représentants de la majorité de la population du
Québec, c'est-à-dire les partis d'Opposition, auront droit de
parole et droit d'écoute et pourront ainsi participer, tel que leur
devoir le leur commande, aux discussions concernant l'avenir économique
de leur pays.
Je voudrais maintenant aborder la délicate question de la
responsabilité gouvernementale dans le secteur que nous étudions
présentement. Vous savez tous que le parti que je représente ne
favorise pas l'étatisation ou la nationalisation comme solution aux
problèmes de la province. Par contre, nous croyons fermement que, dans
l'état actuel des choses, le gouvernement doit intervenir, et le plus
rapidement possible. La première façon dont il peut intervenir
serait en mettant un peu d'ordre dans la distribution et l'exploitation des
forêts publiques. Toute cette question de l'approvisionnement en
matières ligneuses devrait être révisée.
Actuellement, on sait que 50% environ des ressources disponibles annuellement
sont exploitées. Il ne s'agit pas de viser à accroître
inutilement cette exploitation, mais plutôt de la rationaliser. En effet,
il est illogique de voir des scieries ou des usines de transformation aller
chercher la matière première à plus de 100 milles de son
site d'exploitation alors que, tout près, il existe des concessions non
exploitées.
L'impératif d'une intervention étatique dans ce domaine
est justifié par plusieurs facteurs. Les entreprises de pâtes et
papiers tout comme les entreprises de sciage ont besoin, pour survivre, de,
minimiser les coûts d'approvisionnement et de garantie
d'approvisionnement. Il faudrait également s'assurer que les diverses
qualités de bois sont utilisées aux fins pour lesquelles elles
sont les plus rentables. Si l'État prenait en charge la distribution,
voire l'exploitation des forêts publiques par un organisme tel que
REXFOR, il nous semble qu'un des problèmes importants qu'affrontent les
industries concernées serait partiellement résolu. D'ailleurs, il
est permis de se demander si l'uniformisation de l'exploitation des
forêts du Québec ne permettra pas des économies
substantielles sur le prix de la matière première, ce qui aurait
pour effet de rendre plus concurrentielle l'industrie québécoise
des pâtes et papiers qui doit subir de fortes pressions, surtout de la
part de l'industrie du Sud des États-Unis. N'oublions pas que 50% de la
production est vendue sur les marchés extérieurs, d'où
l'importance de réduire au maximum les coûts de production.
Un autre domaine dans lequel l'État pourrait intervenir est celui
du développement des marchés extérieurs pour d'autres
types de produits que le papier journal. Il ne s'agit pas d'enlever tout
dynamisme aux entreprises comme telles, mais plutôt d'ouvrir, par
négociation, de nouveaux marchés. Et les compagnies devront alors
négocier elles-mêmes sur ces marchés.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur l'ensemble du dossier,
mais nous ne voulons pas utiliser les arguments des futurs intervenants avant
même qu'ils aient témoigné devant la commission. Nous avons
voulu, par ce bref exposé, souligner l'importance d'aborder cette
discussion dans un esprit de réalisme et inviter le gouvernement
à prendre position et à poser des gestes concrets pour
solutionner, dans la mesure du possible, les problèmes auxquels fait
face l'industrie la plus importante du Québec.
Avant de terminer, je voudrais disserter quelque peu, d'abord, sur le
traitement fiscal des entreprises de pâtes et papiers et, ensuite, sur le
problème des relations de travail dans le secteur des usines de
transformation. On note, à la lecture des différents
mémoires, que le taux de taxation des entreprises opérant au
Québec est plus élevé que chez le principal concurrent
américain. Les statistiques indiquent qu'au cours des douze
dernières années l'augmentation de la charge fiscale, en dollars
courants, a été de 153%, soit en valeur courante une augmentation
réelle de 38%.
D'une façon générale, on paie 49% d'impôt sur
le revenu au Canada contre environ 37% aux États-Unis. Les compagnies
qui, sans le faire formellement, reconnaissent qu'on devrait améliorer
les installations de production voudraient voir ce taux d'imposition
allégé. Pour mesurer la véracité de leurs
affirmations, on devrait leur accorder l'allégement fiscal
demandé pourvu qu'il serve à financer une partie de leurs
investissements ici même au Québec. À court terme, cela
permettrait d'activer la relance économique et de sauver les emplois
menacés dans ce secteur. À moyen terme, la position
concurrentielle de l'entreprise devrait s'améliorer, les coûts
diminuant d'autant. Par la suite, les ventes augmenteront et, en valeur
absolue, l'État ne perdrait que très peu de revenus, voire
même, éventuellement, ses revenus pourraient
s'accroître.
Au plan des relations de travail, nous ne pouvons que constater avec
regret que la situation se détériore depuis quelques
années. Les compagnies prétendent que le syndicat est trop
exigeant et qu'il grève la rentabilité de la compagnie en
demandant des salaires trop élevés. À notre avis, trop
souvent, on a vu les compagnies user d'intimidation en menaçant de
fermer l'usine si les travailleurs refusaient les offres de la compagnie.
Nous reconnaissons l'importance pour les compagnies d'être
concurrentielles pour garder leur part de marché, mais tout le monde
sait également que ce n'est pas strictement en grevant le salaire des
ouvriers qu'on y parviendra. Pour revaloriser tout le secteur, il faudra
trouver des moyens d'améliorer les produits et d'accroître les
marchés sans demander aux travailleurs de se sacrifier continuellement.
Ces derniers sauront faire leur part quand ils seront assurés que les
compa-
gnies et le gouvernement ont fait tous les efforts nécessaires
pour remédier à la situation. Les discussions que nous entamons
aujourd'hui devraient éclairer les deux parties sur la situation
réelle de leur milieu de travail.
Enfin, j'espère que sous peu le gouvernement nous fera part des
politiques d'action qu'il entend proposer pour régler les
problèmes du transport du bois et des produits finis, le flottage du
bois sur nos rivières. Il nous presse de connaître les normes de
reboisement et de protection de l'environnement que le ministre veut mettre en
application. M. le Président, il nous presse d'entendre nos
invités que nous avons conviés à cette table.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mégantic-Compton. J'inviterais maintenant
le premier organisme convoqué, l'Association des industries
forestières du Québec Ltée et M. Anatole
Côté, son président, à nous faire part de son
mémoire. Je demanderais à M. Côté de
présenter les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Audition de mémoires
Association des industries forestières du
Québec Ltée
M. Côté: M. le Président, l'Association des
industries forestières du Québec qui se présente devant
vous aujourd'hui groupe une trentaine d'entreprises dont la plupart des
sociétés de pâtes et papiers de la province. Les membres de
ce secteur apprécient hautement l'occasion qui leur est donnée de
soumettre à cette commission parlementaire sur les perspectives d'avenir
de l'industrie des pâtes et papiers du Québec un mémoire
portant sur l'évolution de cette industrie. Permettez-moi maintenant de
vous présenter, à ma droite, M. Stuart Hermon, président
du conseil d'administration de l'association; à mon extrême
gauche, M. Oscar Stangeland, vice-président du conseil d'administration
et, plus près de moi, le Dr Paul Lachance, longuement associé
à l'industrie des pâtes et papiers dans la province et conseiller
de l'association qui sera aujourd'hui notre porte-parole officiel. M.
Lachance.
M. Lachance: M. le Président, comme présentation,
je ne lirai que le résumé du mémoire et les conclusions
que nous trouvons à la fin du mémoire. Le présent
mémoire se propose de montrer le plus fidèlement possible
l'évolution de l'industrie des pâtes et papiers du Québec,
son profil actuel et ses problèmes.
Même s'il n'existe pas d'issue magique on trouve, dispersés
ici et là dans le texte, quelques éléments de solution.
Les moyens d'améliorer la situation sont nombreux et complexes si bien
qu'ils ne peuvent être énumérés de façon
détaillée et exhaustive dans le cadre de ce mémoire.
L'industrie a plusieurs suggestions à faire pour relever ces
défis et elle sera heureuse d'en discuter en profondeur avec les trois
niveaux de gouvernement. En termes socio-économiques, l'industrie des
pâtes et papiers se situe, comme vous le savez, parmi les plus
importantes industries manufacturières du Québec. Elle emploie,
en usine et en forêt, plus de 40 000 ouvriers, tout en créant un
minimum de 25 000 emplois indirects. Elle est bien intégrée
à l'économie québécoise puisque ses importations de
matières premières et d'équipement ne représentent
que 17% de la valeur de ses expéditions. Sa production annuelle de
pâtes et papiers est de 6,8 millions de tonnes et est constituée
de 63% de papier journal, 24% de carton et autre papier et de 13% de
pâtes commerciales.
Les États-Unis sont, de loin, le principal client du papier
journal québécois. La clientèle des cartons et papiers se
trouve au Québec et dans les autres provinces du Canada, alors que le
marché des pâtes commerciales se répartit à peu
près également entre les États-Unis, le Québec et
les autres provinces canadiennes.
L'industrie québécoise des pâtes et papiers en est
une principalement d'exportation. Elle doit donc faire face à la
concurrence de plus en plus vive sur le marché international. La
situation du marché pour les produits québécois des
pâtes et papiers peut se résumer ainsi: Papier journal: Les
États-Unis sont et demeureront notre principal client de papier journal.
L'Europe de l'Ouest, les pays de l'Asie, plus particulièrement le Japon
et l'Amérique latine ont tous tendance à s'autosuf-fire, mais les
États-Unis sont également notre principal compétiteur par
les efforts considérables qu'ils font pour accroître, surtout dans
les États du sud, leur production de papier journal. Bref, le Canada, y
compris le Québec, est devenu un fournisseur de papier journal ayant
surtout accès au marché résiduel d'exportation. Il est
donc le premier à subir les mauvais effets d'une conjoncture
économique défavorable.
Carton et autre papier: Le marché extérieur de ce groupe
de produits est difficile à accaparer. Les États-Unis, principal
consommateur, 40% de la consommation mondiale, ont réussi à
s'autosuffire et même à devenir exportateur.
L'importateur le plus important, la Communauté économique
européenne, 50% des importations mondiales, achète ses produits
du plus grand exportateur au monde, la Scandinavie. Le Japon, auter
consommateur important, a également atteint l'autosuffisance.
Pâtes commerciales: Le Canada est le plus important exportateur de
pâtes commerciales au monde, mais le Québec occupe, pour des
raisons historiques et économiques, une très faible place dans le
marché.
En résumé, la concurrence dans le secteur des pâtes
et papiers est très forte sur les marchés internationaux.
À moins de trouver les moyens de réduire radicalement le
coût de fabrication de ces divers produits par rapport à celui de
ses concurrents, l'industrie québécoise des pâtes et
papiers connaîtra des problèmes économiques de plus en plus
graves dans les années à venir.
Les défis à relever sont nombreux mais, cependant, loin
d'être insurmontables. L'ensemble de l'industrie forestière,
pâtes et papiers, sciage,
déroulage et autres, exploite actuellement au Québec
environ 10 millions de cunits par année, alors que la possibilité
annuelle de coupe pourrait être supérieure à 20 millions de
cunits, selon l'intensité de l'aménagement forestier et la
technologie d'exploitation retenue.
On se trouve donc, en principe, dans une situation confortable face aux
possibilités d'approvisionnement des usines. Cependant, si l'on
distribue ce surplus global par région, tenure, essence, qualité
et produits, et si, de plus, on y introduit des notions d'économique, la
réalité est bien différente. Si l'on fait le bilan de la
situation forestière au Québec, on se rend compte qu'il existe en
effet des surplus de matières ligneuses dont l'importance
dépendra de la technologie d'exploitation et de l'intensité
d'aménagement, mais que ces surplus sont en grande partie
constitués d'essences feuillues de moindre qualité, ont, en
général, une valeur économique marginale et sont surtout
disponibles pour l'industrie des pâtes et papiers ou pour tout nouveau
produit, méthanol, protéine et le reste, à base de fibre
de bois de faible qualité.
Les sources d'approvisionnement en matière ligneuse de
l'industrie ont changé depuis 1960. À ce moment-là,
l'industrie contrôlait 70% de son approvisionnement; elle n'en
contrôle plus que 55% en 1977 et il y a danger que ce pourcentage baisse
à 40% d'ici 1980. Un tel lien de dépendance vis-à-vis des
sources externes d'approvisionnement (bois des forêts privées et
résidus de scierie) prive l'industrie d'un important moyen de
concurrence, soit la diminution du coût de sa matière
première par l'accroissement de sa productivité en forêt.
À titre d'exemple, la matière ligneuse en provenance des scieries
non intégrées sous forme de copeaux et autres résidus lie
l'industrie des pâtes et papiers à la technologie de l'arbre,
(celle des sciages) alors que pour réduire radicalement ses coûts,
elle devra s'orienter de plus en plus vers la récolte de fibre.
En effet, on prévoit, à plus ou moins brève
échéance, qu'on exploitera plusieurs arbres à la fois et
qu'on produira des copeaux sur le parterre même des coupes. Une telle
technologie n'aura pas un impact seulement sur le coût du bois, mais
également sur la possibilité de la forêt publique puisque
les âges de révolution seront considérablement
réduits et/ou que le volume récolté à l'acre sera
augmenté.
À cette forte dépendance d'une technologie qui deviendra
de moins en moins adaptée à ses besoins, l'industrie est soumise,
en regard de ces sources externes, à un système et à des
lois de fixation de prix qui ne tiennent absolument pas compte des
problèmes de concurrence du secteur des pâtes et papiers sur les
marchés internationaux.
L'utilisation optimale de la matière ligneuse et la
rentabilité même de l'industrie forestière supposent une
certaine intégration des secteurs du sciage et des pâtes et
papiers. Bien qu'il n'existe pas, de la part de l'industrie des pâtes et
papiers, de volonté collective de contrôler le secteur des
sciages, elle croit que l'intégration devrait se pro- duire de
façon ponctuelle lorsque deux entreprises jugeront avantageux d'unir
leurs forces pour améliorer leur approvisionnement. L'industrie croit
fermement qu'aucune intervention extérieure ne devrait empêcher de
telles ententes.
La technologie québécoise d'exploitation forestière
et de transport des bois se situe parmi les plus modernes au monde. L'industrie
des pâtes et papiers a accru sa productivité de 5% par
année au cours des 15 dernières années, et elle pense
qu'une technologie révolutionnaire, que l'on voit venir à
brève échéance, pourra accentuer cet accroissement de
productivité.
La production annuelle des usines du Québec est passée de
4,5 millions de tonnes en 1960 à 6,8 millions en 1976, d'où une
augmentation annuelle de 3,5%. Au cours de la même période, sa
productivité en usine passait de 8,5 heures-homme/tonne de papier
journal à 6,10, d'où un gain annuel moyen d'environ 3%.
Entre 1965 et 1976, l'industrie a investi $1,6 milliard en nouvel
équipement et près d'un milliard en frais d'entretien.
Les investissements faits par l'industrie québécoise des
pâtes et papiers dans l'équipement de fabrication de la pâte
mécanique par raffineurs à disques représentent environ
50% de l'ensemble des investissements canadiens dans ce domaine.
Le procédé par raffineur (pâtes
thermomécaniques et autres) étant encore jeune, il possède
quelques inconvénients dont l'un des plus importants, sans doute, est sa
grande consommation d'énergie. Les recherches se continuent dans ce
domaine. D'autres procédés de fabrication de pâte
mécanique à fort taux de rendement sont en voie de
développement ou déjà en exploitation. Ces pâtes
possèdent les mêmes qualités que celle au bisulfite mais
consomment beaucoup moins d'énergie que le procédé par
raffineur.
La main-d'oeuvre forestière d'aujourd'hui vient encore du milieu
rural mais doit être hautement spécialisée. L'industrie
fait de nombreux efforts pour lui fournir une formation adéquate, une
plus grande stabilité d'emploi, des conditions de travail et de vie en
forêt plus faciles et plus agréables, et une diminution des
périodes d'isolement. En raison de son caractère essentiellement
cyclique, l'industrie ne peut toutefois offrir la sécurité totale
d'emploi.
Chaque ralentissement de l'économie, comme celui que nous vivons
présentement, accentue l'exode rural et risque de créer une
grande crise de rareté de main-d'oeuvre forestière à la
moindre reprise de l'économie. Consciente de ces sérieux
problèmes, l'industrie fait partie, depuis quelques années, du
Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt où se retrouvent à
une même table patrons, représentants des ouvriers et
fonctionnaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du
Québec. Le conseil a pour but premier d'élaborer une politique
rationnelle de main-d'oeuvre forestière.
En général, l'industrie n'a guère
éprouvé de difficultés, par contre, à recruter et
à retenir son personnel à l'usine. Les emplois y sont stables et
bien rémunérés.
Jusqu'en 1970, les relations patronales-ouvrières ont
été assez bonnes et les différends se sont
généralement réglés par le système de la
convention collective, sans avoir recours aux grèves. Cependant, la
situation s'est détériorée depuis 1970 et la plupart des
compagnies de pâtes et papiers ont dû faire face à des
grèves prolongées durant la période 1973-1977, suivant en
cela la tendance générale dans l'industrie manufacturière
canadienne. Ces grèves ont été déclenchées
par la combinaison d'un ensemble de facteurs dont quelques-uns se situent en
dehors de l'action de l'industrie et des syndicats.
Les compagnies de pâtes et papiers font de sérieux efforts
pour améliorer leurs relations industrielles en rencontrant des
représentants de leurs principaux syndicats en dehors des tables de
négociations.
L'industrie a élaboré et mis en place des programmes
précis de conservation d'énergie, tant en forêt qu'en
usine.
L'industrie est consciente des problèmes de la protection de
l'environnement et est engagée financièrement dans des programmes
de dépollution, en conformité avec les règlements en
vigueur ou proposés par le gouvernement. Cet engagement financier s'est
élevé à $77 millions au cours des cinq dernières
années. L'industrie croit que le programme de dépollution doit
être appliqué selon un rythme qui ne met pas en péril la
rentabilité des usines et que le gouvernement devrait agir cas par cas,
en tenant compte de l'interaction des facteurs sociaux, économiques,
énergétiques et de l'environnement spécifique à
chaque usine.
L'industrie est également consciente de ses
responsabilités face à la conservation du milieu d'exploitation
forestière et appuie pleinement les efforts consacrés par le
gouvernement à cette question. Elle admet toutefois difficilement
l'application parfois trop rigide de normes qui, selon elle, devraient
être régionalisées.
Le flottage du bois, faible consommateur d'énergie, demeure pour
plusieurs compagnies le moyen de transport le plus économique.
L'industrie souhaite que le flottage ne soit pas interdit dans les
années à venir.
L'industrie achète environ 50% de son équipement au
Québec. Cette donnée n'inclut pas cependant les commandes
placées au Québec d'équipement partiellement
manufacturé au Québec, de même qu'elle ne comprend pas les
commandes placées hors Québec mais dont une partie des
pièces sont manufacturées chez nous, de sorte que l'importance
des achats au Québec est beaucoup plus grande que l'indique le
pourcentage précité.
Les principaux efforts de recherche de l'industrie sont
intégrés dans deux organismes différents, l'Institut
canadien de recherche en génie forestier et l'Institut canadien de
recherche sur les pâtes et papiers, ce dernier ayant atteint une
renommée mondiale par la qualité de ses travaux. De nouveaux
procédés de fabrication inventés au Québec sont
exploités non seulement chez nous, mais dans le monde entier. Les
dépenses globales en recherche ont été d'environ $15
millions en 1976 et ont augmenté en termes de dollars constants de 7%
par année.
Les relations de l'industrie avec les divers niveaux de gouvernement
sont généralement cordiales et positives. Cependant, l'industrie
doit traiter avec une quarantaine de ministères, services ou agences
gouvernementaux, si bien que ses relations avec le gouvernement sont fort
complexes. De plus, avec un tel nombre d'organismes, les gains fiscaux
réalisés dans un secteur particulier, après
présentation par l'industrie des raisons qui militent en faveur d'une
diminution, sont parfois annulés par des augmentations de taxes
décidées par d'autres services. L'industrie se réjouit des
efforts que fait le gouvernement du Québec en vue de rationaliser sa
politique de développement et d'aménagement du secteur forestier
et est très favorable à l'idée qu'il n'y ait qu'un seul
interlocuteur au gouvernement.
L'analyse de la situation économique de l'industrie
québécoise des pâtes et papiers porte surtout sur le papier
journal, son principal produit, et sur des comparaisons avec le sud des
États-Unis, son principal compétiteur.
Cependant, les constatations qu'on fait sont généralement
valables pour les autres produits. Je tiens particulièrement à
attirer votre attention sur l'annexe 4 de ce mémoire qui traite de
l'industrie des papiers fins dont 40% de la production canadienne est
fabriquée au Québec. Elle affronte des problèmes
très sérieux et qui sont présentés et
expliqués dans cette annexe.
Le prix du papier journal sur le marché de New York est
passé de $139 la tonne en 1960, en dollars canadiens, à $318 en
1977, pour les premiers six mois, ce qui, en apparence, constitue une
très forte augmentation. Cependant, si on ramène ces prix en
dollars constants, on constate qu'il n'y a eu aucune augmentation réelle
de prix.
Les investissements de l'industrie québécoise des
pâtes et papiers correspondent à 32% des investissements canadiens
dans le même secteur industriel, ce qui équivaut également
à l'importance relative de l'industrie québécoise par
rapport à l'ensemble canadien.
Les profits de l'industrie suivent évidemment les cycles du
marché. Le taux de rendement sur les actifs nets après
impôt a été en moyenne de 5,8% depuis 1970, ce qui est bien
inférieur au taux de 10% que l'on considère comme minimum pour
engendrer les capitaux nécessaires à la modernisation et à
l'expansion des usines.
Le coût pertinent moyen du bois directement exploité par
les compagnies papetières est d'environ $70 le cunit livré
à l'usine, ou de $56 la tonne de fibre. Celui du bois provenant des
forêts privées est de $61 le cunit, FAB usine, ou de $55 la tonne
de fibre. Le bois des forêts privées a une densité moyenne
plus faible que celui des forêts publiques.
Le prix des copeaux, FAB usine papetière, est d'environ $52 la
tonne, toujours pour l'année 1976. En 1970, le coût du bois du
Québec était de $8 la tonne de papier journal supérieur
à celui du sud des États-Unis, alors que l'écart en 1977,
sept ans plus tard, est d'environ $25 la tonne. La cause de
cet élargissement de l'écart se trouve principalement dans
des augmentations de salaires et de prix supérieures à
l'inflation canadienne, cette dernière étant déjà
supérieure à l'inflation américaine.
Les salaires payés en forêt, excluant les avantages
sociaux, sont de 70% à 75% supérieurs à ceux des
États du sud des États-Unis. L'écart des coûts de
transformation par rapport au sud des États-Unis varie entre 0 et $15 en
faveur de ce dernier pays. Les salaires horaires de la main-d'oeuvre en usine
sont à peu près de 20% supérieurs à ceux des
États-Unis. Cependant, le Québec possède un net avantage
en ce qui concerne le coût de l'énergie, avantage que le
gouvernement devrait voir à conserver à l'industrie dans les
prochaines années.
Le Québec est nettement défavorisé pour ce qui est
du transport par chemin de fer de ses produits finis. Alors que les compagnies
ferroviaires américaines ont fait de nombreux efforts pour maintenir
leurs taux de fret en vue d'augmenter leur volume de transport et de demeurer
concurrentielles par rapport à l'industrie du camionnage, les compagnies
canadiennes n'ont pas fait preuve de la même agressivité et ont
profité de toutes les occasions pour augmenter leurs taux, faisant
supporter, par exemple, les pertes encourues dans le transport du grain par les
revenus provenant d'autres sources et dont les produits forestiers constituent
une large part.
Il découle de tout ceci que le coût de transport par tonne
de produit fini est au Québec de $10 à $15 supérieur
à celui de ses concurrents américains. En résumé,
l'écart entre le coût total d'une tonne de papier journal
fabriquée au Québec et livrée aux États-Unis est
d'environ $45 par rapport à la tonne fabriquée dans les
États du sud américain.
De tous les facteurs qui ont eu un effet négatif sur la
rentabilité de nouvelles usines ou l'expansion d'usines existantes,
l'escalade rapide des prix d'achat de nouveaux équipements a certes
été le plus important.
En effet, le coût d'implantation de nouvelles unités a
quadruplé en dix ans. En 1965, une nouvelle usine constituée
d'une seule machine à papier journal machine moderne de 3000
pieds-minute, 300 pouces de largeur revenait à $70 000 par
tonne-jour, alors que la même usine revient aujourd'hui à plus de
$270 000. Un tel accroissement fait que la rentabilité de nouveaux
projets est très douteuse et qu'aux États-Unis mêmes on a
abandonné, pour cette raison, la réalisation de certains projets
officiellement annoncés.
L'industrie estime que l'accroissement de vitesse de plusieurs machines
existantes peut se réaliser à un coût bien inférieur
à celui d'une toute nouvelle usine, soit environ $140 000 par
tonne-jour. Pour peu que cet accroissement soit bien programmé par
rapport aux conditions du marché, l'augmentation de la capacité
de production des usines existantes comporte l'avantage d'éviter de
sérieux déséquilibres dans l'offre et la demande.
Le taux moyen sur le revenu des sociétés a
été, en moyenne, au Canada, de 46% durant la période
1970-1976, comparativement à 37% aux États-Unis.
Les taxes diverses versées au Québec provinciales
et municipales sont passées de $34,4 millions en 1965 à
$87,1 millions en 1976, soit une augmentation de 153%. Une partie importante de
cet accroissement est due à l'inflation, mais si l'on ramène ces
valeurs en dollars de 1971, il existe une augmentation réelle de
38%.
Au cours de la même période, les profits nets après
impôt des entreprises de pâtes et papiers ont été
très cycliques, mais se sont maintenus, en moyenne, à près
de $100 millions par année. Les revenus réels ont donc
diminué à un taux correspondant à celui de l'inflation,
soit environ 6% par année. On peut donc conclure que le fardeau fiscal
est de plus en plus lourd à porter. Il faudra, avant qu'il ne soit trop
tard, que les gouvernements, et la société en
général, se demandent s'ils ne vivent pas au-dessus de leurs
moyens et s ils ne sont pas en voie de tuer les industries qui assurent leurs
revenus.
Si vous voulez vous reporter à la page 81, maintenant, pour les
conclusions.
L'industrie des pâtes et papiers du Québec a fait preuve de
dynamisme. Elle a accru son volume de production de 4,5 millions de tonnes en
1960 à 6,8 millions de tonnes en 1976, soit un taux annuel
d'augmentation d'environ 3%, je l'ai dit précédemment.
Elle a, dans le domaine forestier et dans celui de l'approvisionnement
en matière ligneuse, exploité la forêt selon les
prescriptions de plans d'aménagement approuvés par le
ministère des Terres et Forêts et conformément aux lois et
règlements de ce même ministère; elle a accru
considérablement son utilisation des résidus des scieries, soit
10% de son approvisionnement en 1965, comparativement à 25% en 1975;
elle a accru également son utilisation des essences feuillues 400
000 cunits en 1965 contre 730 000 cunits en 1976; elle a augmenté
appréciablement la productivité en forêt de ses divers
agents de production 5% par année en dépit de
conditions difficiles d'exploitation; elle a contribué largement au
développement de la voirie forestière et de réseaux
modernes de communication et de transport; elle a investi de fortes sommes dans
la recherche d'une technologie d'exploitation de pointe; elle a acheté,
bon an, mal an, un fort volume de bois des petits propriétaires
forestiers; elle a aménagé intensivement ses propres forêts
privées et, dans plusieurs cas, joué un rôle de pionnier
dans l'établissement de pépinières.
Dans le domaine de la fabrication, elle a amélioré la
capacité moyenne de production de ses machines 42 000
tonnes-année en 1960 contre 63 000 tonnes en 1976 pour le papier journal
et sa vitesse moyenne de 1600 pieds par minute en 1965 contre 2000 pieds par
minute en 1977; elle a augmenté la productivité moyenne de ses
usines en termes d'heures-homme par tonne, soit 8,5 heures en 1960
comparativement à 6 heures en 1976 pour le papier journal.
Et si l'on compare la productivité des usines de pâtes et
papiers du Québec, l'ensemble des usines du Québec,
comparativement à l'ensemble des usines aux États-Unis, en ne
tenant compte que des employés payés à l'heure, pour que
ce soit sur la même base, la comparaison est la suivante: Pour le
Québec, 4,4 heures-homme par tonne. Aux États-Unis, 4,5
heures-homme par tonne. Elle a modernisé ses usines par l'installation
de machines à toile jumelée, par l'implantation graduelle du
procédé de fabrication de pâtes mécaniques par
raffineurs à disques, par le remplacement de machines
désuètes et par la mise en place de nombreux autres moyens
modernes de fabrication.
Elle a investi dans l'industrie du sciage afin de maximiser
l'utilisation de la matière ligneuse et d'être moins
vulnérable en regard des cycles du marché des divers produits
forestiers. Elle a abaissé, de façon appréciable, le
niveau de pollution de ses usines. Elle a investi des capitaux importants dans
la recherche de nouveaux procédés de fabrication.
Dans le domaine de l'énergie, elle a mis en place des programmes
précis de conservation, tant en forêt qu'en usine.
Dans le domaine de la main-d'oeuvre, elle a offert en forêt et en
usine des conditions de travail largement améliorées. Les
nombreux efforts faits en forêt pour améliorer les conditions de
travail et de vie et pour diminuer la durée des périodes
d'isolement sont assez impressionnants.
Elle a formé un groupe d'études pour assouplir ses
relations patronales-ouvrières. Elle a participé activement au
Conseil consultatif de la main-d'oeuvre en forêt, formé de
représentants de l'industrie, des syndicats et du ministère du
Travail, l'objectif premier de ce conseil étant d'élaborer une
politique rationnelle de main-d'oeuvre forestière.
Dans le domaine de ses relations avec les trois niveaux du gouvernement,
elle a toujours accepté avec empressement leurs demandes de consultation
et le dialogue, en général, a été franc, cordial et
positif.
L'industrie a cependant plusieurs défis à relever pour
demeurer concurrentielle.
L'industrie continue d'accorder beaucoup d'efforts aux divers domaines
précités et aux nombreux éléments qui les composent
en vue d'améliorer sa capacité de concurrence et de lui permettre
de jouer son rôle de principal moteur de l'économie
québécoise. Il n'existe, malheureusement, pas de solution magique
aux nombreux problèmes qu'elle affronte. Elle réussira à
reconquérir une plus forte présence sur le marché
international à partir d'un ensemble d'éléments de
solution bien analysés, bien coordonnés, face aux conditions du
marché et aux exigences de notre société moderne. Son
défi majeur consiste évidemment à réduire
radicalement le coût des produits vendus, de façon à
"autogénérer" suffisamment de capitaux qui assurent des
dividendes raisonnables à ses actionnaires et qui lui permettent de
relever les autres défis, tels l'aménagement plus intensif de la
forêt, la protection de l'environnement, la conservation de
l'énergie, la modernisation et l'expansion des usines, l'accès
à de nouveaux marchés.
Les solutions aux problèmes sont nombreuses et nous en avons
déjà souligné quelques-unes dans le cadre de ce
mémoire. Chacune d'elles est cependant fort complexe et exige de ce fait
une étude particulière. On ne peut donc les aborder ici, mais
l'industrie a plusieurs suggestions à faire pour relever ces
défis et sera heureuse d'en discuter en profondeur avec les trois
niveaux de gouvernement ainsi qu'avec les principaux organismes
paragouvernementaux concernés. Les divers mémoires
présentés par les membres de notre association feront d'ailleurs
des recommandations précises relatives à leur cas
particulier.
Nous aimerions, toutefois, souligner quatre points majeurs: a)Eviter
dans l'immédiat l'application de toute mesure législative ou
règlement qui pourrait contribuer à accroître davantage le
coût de nos produits. b) Etudier en profondeur les aspects positifs et
négatifs de tout programme à long terme visant à
résoudre les problèmes de l'industrie et surtout s'assurer au
départ d'être bien au courant des faits.
L'industrie voudra bien collaborer étroitement à ces
programmes, pour autant qu'ils seront élaborés en connaissance de
cause et qu'ils pourront l'aider à résoudre ses problèmes.
c) Concevoir au plus tôt, comme il a déjà été
suggéré, un régime fiscal constructif ayant comme
principal objectif d'encourager l'industrie à relever ses nombreux
défis. d) Instruire correctement et systématiquement le grand
public non seulement sur les problèmes de l'industrie des pâtes et
papiers, mais sur les principaux problèmes économiques de la
société dans laquelle il vit et sur les contraintes
économiques qui se présentent, eu égard au standard de vie
et au services sociaux qu'il désire obtenir.
Les divers niveaux de gouvernement devraient consulter l'industrie avant
de voter des lois qui la touchent de près. Dans le même ordre
d'idées et toujours en vue d'accorder à l'industrie des
pâtes et papiers de meilleures chances de concurrence, il semble opportun
de recommander que les divers niveaux de gouvernement se concertent afin de
trouver un mode de consultation avec l'industrie sur tout projet de loi tant au
niveau du secteur primaire que secondaire qui pourrait avoir certaines
conséquences sur sa rentabilité. À ce sujet, l'industrie a
souvent été placée devant des faits accomplis qui lui ont
été préjudiciables. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, M. Lachance. M. le ministre.
M. Bérubé: Je vous remercie du très
intéressant mémoire que vous nous soumettez ce matin. Je pense
que nous avons choisi un mémoire parti-
culièrement substantiel pour commencer les travaux de cette
commission. Nous aurons sans doute passablement de questions à poser.
Immédiatement, j'aimerais mettre mes collègues, d'ailleurs
mes collègues de l'Opposition le sont déjà au
courant de la technique que nous entendons suivre. Du côté
gouvernemental, comme nous avons travaillé en équipe ces
mémoires, que nous les avons étudiés ensemble, nous avons
cru devoir modifier un peu la tradition des commissions parlementaires et
confier à différents membres de notre députation le soin
de poser les premières questions. En d'autres termes, je céderai
donc mon droit privilégié de parole dans un certain nombre de
mémoires de manière à créer une certaine rotation.
Je pense que si les députés de l'Opposition ne s'opposent pas
à cette technique, cela pourra nous permettre d'avoir un peu plus de
variété dans les questions.
À tout seigneur tout honneur, je me réserve le droit du
premier mémoire. J'aurai donc un certain nombre de questions. Un
commentaire au tout début. Je pense que votre recommandation b) en
particulier ne soulèvera pas beaucoup d'enthousiasme de la part de
l'Opposition libérale, puisque vous demandez d'étudier en
profondeur les aspects positifs et négatifs de tout programme à
long terme, et nous avons très bien remarqué, dans la
présentation de M. Pagé, que, effectivement, il s'agirait
plutôt d'utiliser la technique dite de la queue de veau, qui consiste
à se garrocher dans toutes les directions, chaque fois qu'un
problème est soulevé plutôt...
M. Pagé: Encore de la politique, M. le Président.
Le problème est tellement important. Passez-donc aux choses
concrètes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Portneuf!
À l'ordre! M. le ministre.
M. Bérubé: ... justement que d'étudier...
Par conséquent, j'aurais un certain nombre de questions à vous
poser, en particulier en ce qui a trait au contrôle de
l'approvisionnement. Vous semblez fortement préoccupé par le
contrôle des approvisionnements par les compagnies du Québec. Je
pense que, tout au long de votre mémoire, vous faites des comparaisons
entre la situation au Québec et celle des États-Unis. Ce qui me
frappe cependant aux États-Unis, c'est que, d'après votre
rapport, c'est près de 60% de l'approvisionnement en forêt qui
vient des petits propriétaires forestiers et moins de 10% qui vient de
la grande forêt publique. En d'autres termes, aux États-Unis
essentiellement, ce pays que l'on cite en référence, l'industrie
s'approvisionne essentiellement à la forêt privée,
contrairement à la situation au Québec. Vous utilisez comme
argument que, effectivement, obliger l'industrie forestière à
s'approvisionner au Québec sur la forêt privée pourrait la
dérentabiliser. Pourriez-vous préciser cet aspect de votre
mémoire que j'ai de la difficulté à comprendre?
M. Lachance: Évidemment, M. le ministre, je tiens à
vous rappeler les mémoires qui vous ont été soumis dans le
passé au sujet de ce problème. Ces mémoires étaient
probablement beaucoup plus complets que ce que je pourrais dire ce matin. Ce
que nous recherchons, c'est la stabilité d'approvisionnement à
long terme et à un prix raisonnable, un prix concurrentiel. Quand
l'exploitation se fait chez nous, nous sommes plus maîtres de
l'application de toute nouvelle technique quant à la récolte
qu'à d'autres moyens, transport et autres. Là-dessus, nous
croyons que nous avons un avantage à ce que chaque compagnie exploite
elle-même à long terme les bois dont elle a besoin.
Elle peut mettre à profit toute une mécanisation
coûteuse, mais qui l'aide par contre et qui l'a aidée dans le
passé à augmenter sa productivité.
C'est un des éléments sur lesquels nous insistons et,
évidemment, plus il y a de bois dont elle se sert et qui provient des
sciages ou de la forêt privée, plus le bois qu'elle coupe
elle-même sur ses terrains lui coûte cher, étant
donné l'installation de machinerie et le personnel qui y est
affecté.
Stabilité et coût de production et de transport, c'est ce
que nous recherchons.
M. Bérubé: Dois-je comprendre que
l'approvisionnement en provenance de la forêt publique puisque
vous retirez à peu près 50% de votre approvisionnement en
matière ligneuse sur la grande forêt publique que ces 50%
en provenance de la forêt publique ne sont pas responsables des
coûts élevés de votre matière première, mais
que, au contraire, les bois que vous obtenez sur la forêt publique vous
reviennent à un coût moindre que ceux que vous achetez de la
forêt privée?
M. Lachance: C'est exact que le coût du bois que nous
exploitons est légèrement plus cher que celui que nous achetons
de la forêt privée, mais plus on va augmenter la coupe sur la
forêt privée, plus on augmentera les coûts sur la
forêt publique, justement parce qu'on ne pourra pas couper le volume.
Plus le volume est gros, moins le coût est élevé. Plus on
va couper de bois sur la forêt privée, plus le coût du bois,
dans l'ensemble, sur la forêt publique, va être
élevé, justement pour les raisons que je viens de mentionner.
M. Bérubé: Ce serait dans la période de
transition entre un régime où on privilégie la forêt
privée et un régime où l'on privilégie
antérieurement la forêt publique qu'il pourrait y avoir
augmentation de coût, du fait de machinerie non utilisée dans les
coupes forestières de l'industrie, si je comprends bien.
M. Lachance: Je pense que les toutes dernières
années expliquent à peu près le cheminement qu'on peut
anticiper.
M. Bérubé: Mais cela pourrait ne pas être le
cas à long terme, si je comprends bien. C'est-à-dire, si
l'industrie réduisait le niveau de ses exploitations forestières
sur la forêt publique, à long
terme, le surplus de coût qu'elle encourt du fait d'une mauvaise
utilisation de sa machinerie s'en trouverait réduit, étant
donné qu'évidemment...
M. Lachance: Je ne pense pas que c'est ce qui se passera à
l'avenir parce que je ne crois pas, dans le moment, que nous sachions tellement
bien, que le gouvernement lui-même sache quelle est la possibilité
des terrains privés. Surexploite-t-on la forêt privée? Je
ne le sais pas, je pense que le gouvernement lui-même ne le sait pas dans
le moment, mais ce qu'on sait, par contre, c'est que la forêt
privée à elle seule ne pourra jamais suffire à fournir de
façon constante, stable, avec prévision d'avenir, tous les bois
dont l'industrie a besoin. Il faudra toujours compter, et pour une très
large partie, sur le bois à exploiter dans la forêt publique.
M. Bérubé: J'aimerais que vous soyez
peut-être un peu plus explicite relativement à un régime
fiscal constructif. Je pense que c'est une des recommandations positives de
votre mémoire, la première étant que le gouvernement ne
s'en mêle pas ou intervienne le moins possible, la deuxième
étant que le gouvernement introduise un régime fiscal
constructif. Pourriez-vous détailler ce régime fiscal?
M. Lachance: Là-dessus, je vous avoue qu'il y a des
experts comptables qui nous ont assistés pour en arriver aux chiffres
solides que nous vous avons présentés d'une façon
très globale. Je ne pense pas avoir la compétence pour
m'aventurer dans toutes sortes de suggestions qui pourraient vous aider
à ce sujet, sinon de dire que, de façon générale,
ce que nous recherchons, c'est une diminution du fardeau fiscal, que ce soit
celui de l'impôt, que ce soit celui des taxes et redevances de toutes
sortes auxquelles on est soumis. C'est là le problème. Je pense
qu'il y aurait avantage, à ce sujet, que vous formiez un comité
qui compterait des experts de chez nous qui pourraient vous assister et vous
montrer peut-être de façon plus précise ce qu'on entend par
cela. En plus, je suis certain que les compagnies qui vous présenteront
des mémoires, et je le sais, détailleront le sujet parce que ce
qui peut faire l'affaire d'une, nécessairement, ne fait peut-être
pas l'affaire de l'autre.
Les compagnies, dans les mémoires qu'elles vont vous
présenter, vont faire état de ce qu'elles entendent par le
régime fiscal le moins élevé.
M. Bérubé: Pourriez-vous envisager, par exemple, un
régime fiscal qui permettrait la mise de côté des
bénéfices avant impôt, en d'autres termes, un programme
incitatif de réinvestissement du type de la loi que le ministre de
l'Industrie et du Commerce vient d'adopter? Est-ce que vous envisagez ou bien,
carrément, une réduction des taux d'imposition?
M. Lachance: Non, je pense que le projet de loi d'assistance que
vous avez pour la petite entreprise pourrait fort bien s'appliquer à
quantité de nos membres.
M. Bérubé: Maintenant, vous avez utilisé
beaucoup de données assez intéressantes, je dois dire, des
données comparatives sur les coûts dans le sud des
États-Unis et le Québec. Est-ce que vous pourriez identifier
l'origine de vos coûts, les sources, les références
bibliographiques, étant donné que, dans le cas des sources
québécoises, vous avez toujours plusieurs
références, mais, dans le cas des données
américaines, nous n'avons malheureusement pas pu trouver de
références?
M. Lachance: La question, M. le ministre, ne me surprend pas du
tout parce qu'il est très difficile d'obtenir des coûts des
différents producteurs américains. Nous l'avons fait, de
façon discrète, et nous sommes certains des chiffres que nous
avançons. Maintenant, il y aurait peut-être moyen qu'en
particulier on puisse vous révéler certaines sources, mais je ne
pense pas pouvoir le faire ici en commission parlementaire.
M. Bérubé: Mais, relativement à ces
coûts, vous soulignez l'importance relative des salaires dans le
coût d'une tonne de papier. Selon vous, parce que je n'ai pas pu trouver
dans votre mémoire ailleurs qu'à la page 70 une comparaison entre
le coût de main-d'oeuvre aux États-Unis et au Québec, quel
est le pourcentage du coût représenté par la main-d'oeuvre
dans une tonne de pâte?
M. Lachance: Comme vous le disiez vous-même à la
télévision, il n'y a pas très longtemps, vous savez,
l'apport de la main-d'oeuvre, le coût de la main-d'oeuvre, dans
l'ensemble, peut varier. En fait, il varie. On peut tout de même dire
qu'en général, le coût de la main-d'oeuvre dans le
coût de production est d'environ le tiers. Si vous prenez, par exemple,
près de $2 milliards, pas tout à fait $2 milliards, de valeur aux
expéditions en 1976 et que vous comparez cela aux $600 millions
versés en salaires, vous voyez là qu'on arrive à peu
près à 27% dans l'ensemble, si on prend Statistique Canada, par
exemple. Cela donne déjà un indice de l'apport que peuvent avoir
les salaires sur le coût de production.
Il y a aussi la question de productivité en forêt et
à l'usine, où, si on multiplie cela par la moyenne des salaires,
on en arrive aussi à un chiffre. Mais ce que je peux dire, c'est que le
coût du travail varie suivant les procédés que nous
faisons. Le coût de la main-d'oeuvre pour un papier fin n'est pas le
même que celui d'une pâte mécanique ou d'une pâte
kraft, par exemple, ou de papier journal. Alors, il varie pour chaque type de
produit que nous faisons. Mais, dans l'ensemble, c'est à peu près
le tiers du coût de production.
M. Stangeland: M. le ministre, si je peux ajouter un mot, le
coût de la main-d'oeuvre, disons, dans une tonne de papier journal,
représente approximativement 35%, comme le Dr Lachance l'a
exprimé. Le coût du bois représente aussi à peu
près un tiers du coût d'une tonne de papier journal. Mais, dans le
coût du bois qui constitue un
tiers, la main-d'oeuvre est approximativement la moitié. Si on
prend un tiers par tonne de papier journal pour le coût de la
main-d'oeuvre, et si la moitié du coût du bois est aussi
représentée par la main-d'oeuvre, je crois qu'en
général, pour une tonne de papier journal, on peut dire que 50%
du coût est représenté par le coût de la
main-d'oeuvre.
M. Bérubé: Vous mentionnez également, dans
un autre ordre d'idées, les problèmes de l'intégration du
sciage et de l'industrie de fabrication de pâtes et papiers. En
particulier, vous soulignez que cette intégration doit se faire sur une
base volontaire. Or, un point d'interrogation nous vient tout de suite à
l'esprit, c'est le problème d'un aménagement de la forêt et
surtout de l'exploitation de la forêt en fonction de son potentiel et
donc de la possibilité de diriger au sciage
préfé-rentiellement le bois qui devrait normalement aller au
sciage plutôt que de le diriger vers la pâte de papier.
Quelle serait l'incidence économique d'une politique de ce genre
qui dirigerait au sciage le bois propre au sciage et réserverait les
copeaux et le bois impropre au sciage pour la fabrication de la pâte?
M. Lachance: Je pense que je peux dire là-dessus, M. le
ministre, évidemment, que, dans l'ensemble de l'industrie, il n'y a
peut-être pas d'objection à cela, pour autant que le prix
chargé pour les bois qui iront aux pâtes et papiers correspondra
à la valeur fibre des grosses billes qui s'en iront au sciage, parce que
la manutention devient considérable si seulement les petits bois et les
bois défectueux sont dirigés vers les pâtes et papiers.
Actuellement, c'est un "mixte" de gros bois et de petits. S'il faut que le gros
bois, à un prix égal, soit envoyé au sciage,
c'est-à-dire que si un cunit de gros bois est envoyé au sciage au
même coût que le petit bois est envoyé à l'usine de
pâtes et papiers, cela ne marche pas du tout, car notre coût va
être joliment supérieur, énormément
supérieur, peut-être six ou sept fois supérieur, si on
tient compte de la manutention et du transport.
M. Bérubé: II y a peut-être un dernier
concept. J'aimerais avoir vos réflexions d'ensemble sur le rôle
des petites usines par rapport aux plus grosses entreprises. En d'autres
termes, on peut débattre l'avantage de répartir l'industrie
forestière un peu plus également sur le territoire, d'avoir des
unités de production qui, au lieu d'atteindre 1500 tonnes-jour,
pourraient, disons, osciller autour de 300 à 500 tonnes, de
manière à rapprocher l'usine de la forêt, souvent de
rapprocher l'usine des communautés locales.
Quelle est la philosophie générale des gens de l'industrie
relativement à ce concept? Est-il véritablement
préférable de tendre vers la grosse entreprise ou, au contraire,
ne revient-on pas, présentement, vers le concept d'une unité plus
petite de production?
M. Lachance: Là-dessus, j'aimerais mieux que des experts
se prononcent, mais je peux peut-être vous donner mon idée
personnelle. Évidemment, dans certains coins, on construit de petites
usines, mais étant donné le contexte nord-américain, notre
haut standard de vie, je doute énormément qu'on en arrive
à des usines rentables qui soient de petit calibre. Aux
États-Unis, en Amérique latine même et au Canada, nous nous
aventurons vers des usines de plus en plus grosses. Étant donné
le coût de la main-d'oeuvre surtout, je ne pense pas qu'il soit possible
d'avoir une petite production, et principalement pour le Québec, quand
on considère les distances de transport.
Voyez-vous de petites usines placées à 100 milles, 150
milles, ou 200 milles, ce que serait le transport et les primes
d'éloignement qui seraient exigées par les employés qui
demanderaient évidemment les mêmes salaires que ceux payés
dans les grosses? Personnellement, je ne vois pas d'avenir pour la petite
usine, j'en vois pour les grosses usines, et j'en vois surtout dans la
transformation et l'amélioration des usines en place beaucoup plus que
de nouvelles, quand on considère le coût de la machinerie
aujourd'hui, qui a tellement monté en flèche.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens
à remercier l'association pour la qualité du mémoire
qu'elle nous présente ce matin. Il aurait certainement été
souhaitable qu'on ait plus de temps à vous accorder, afin que la
commission puisse prendre connaissance non seulement du résumé,
mais de tout le mémoire. Je ne commencerai pas mes commentaires, comme
l'honorable seigneur de la commission l'a fait, par des attaques partisanes,
parce que le sujet est trop important pour que cette commission devienne le
véhicule d'attaques purement partisanes et politiques.
Ma question s'adresse à M. Lachance. Vous ne faites pas beaucoup
état, dans le mémoire que vous nous présentez, du
problème du vieillissement des usines au Québec qui semble, dans
plusieurs cas, être le motif de la préoccupation, du
problème qu'on retrouve actuellement. Selon vous, en quoi le
vieillissement de nos usines constitue-t-il le jalon important du
problème que nous connaissons actuellement, c'est-à-dire la
difficulté d'être en concurrence sur le marché
international?
M. Lachance: J'apprécie que vous mentionniez le
vieillissement des usines et non de l'industrie, parce qu'il faut faire une
jolie différence entre cela. Que nous ayons de vieilles usines, je n'ai
pas besoin de vous énumérer les dates de construction, mais je
reviens encore sur la même chose, vous savez, les cadres d'une usine,
qu'elle ait été construite au début du siècle ou
non, n'ont rien à voir avec les renouvellements de la machinerie. Je
pourrais prendre une bonne demi-heure à vous
expliquer tous les changements que moi-même, en 35 ans
parce que, depuis 1940, je m'intéresse à l'industrie des
pâtes et papiers et, depuis 1940, je visite des usines de pâtes et
papiers...
Si je commençais a vous énumérer tous les
changements qui sont survenus dans la machinerie, dans la tuyauterie, dans les
filtres, dans la machine à papier, j'en aurais pour plus d'une
demi-heure. Alors, inutile... On parle de vieillissement d'usines, d'accord. Il
y a certaines usines qui, étant donné leur position
géographique, étant donné l'endroit où elles ont
été construites... Parce qu'au début, il n'y avait pas
d'électricité. Il fallait que certaines usines s'aménagent
à la force des rivières, avec des turbines sur place. On ne peut
pas très facilement demander à ces usines, aujourd'hui, de mettre
en place de l'équipement qu'elles voudraient bien placer et qui
apporterait peut-être une solution, dans certains cas, à des
problèmes de pollution.
Quand on parle de vieillissement, il faut faire attention. Je pense que
le problème, et surtout la question que vous posez, vous pourrez
facilement la poser à certaines compagnies puisque la plupart de nos
compagnies vont présenter des mémoires; elles seront beaucoup
plus en mesure que moi d'apporter des précisions sur certaines de leurs
usines. Dans l'ensemble, il faut faire attention. Je ne pense pas que ce soit
profitable à qui que ce soit qu'on répande dans le public
l'idée que notre industrie est vieille, désuète, que notre
management n'est pas dynamique. Je pense que nous n'avançons pas avec
cela. Au contraire, on se nuit, on nuit à l'industrie, on nuit au
Québec.
M. Pagé: En réponse à la dernière
question que vous a formulée M. le ministre tout à l'heure, vous
avez dit que la solution n'était pas nécessairement dans la
construction de nouvelles usines, ce qui va dans le sens de la réponse
que vous venez de donner. Est-ce à dire que le projet parce qu'il
faut en parler; cela a quand même été énoncé
par un représentant du gouvernement, en l'occurrence M. le ministre des
Terres et Forêts de construction de 20 usines nouvelles au
Québec n'apparaît pas comme une solution réaliste à
votre association?
M. Lachance: Pour notre industrie? M. Pagé:
Oui.
M. Lachance: Pour le moment, sans aucun doute. Je pense qu'aussi
longtemps que les conditions économiques ne se seront pas
améliorées et que l'industrie en place ne sera pas capable de
payer des dividendes intéressants, comparables à ceux des autres
entreprises, je pense que ce serait prématuré, étant
donné les hauts coûts de construction et surtout étant
donné le fait que nous sommes loin d'être certains dans le moment
que la fabrication de pâtes thermomécaniques soit la solution de
tous les problèmes et que, même si on sait très bien que la
production thermomécanique est de nature à améliorer
considérablement le problème de pollution qu'on connaît
dans nos usines de pâte et de sulfite... On le sait que ce sont les
usines qui polluent le plus. Malgré tout, on s'est aventuré au
Québec à investir, dans les pâtes thermomécaniques,
la moitié de ce qui s'investit au Canada. Malgré tout cela, on
est loin d'être certain encore, non seulement nous, mais les Finlandais,
les Suédois, le monde entier est loin d'être certain que la
solution repose dans la pâte thermomécanique. Dans des raffineurs,
d'accord. Dans de nouveaux procédés comme celui que
connaîtra une de nos compagnies prochainement, d'accord.
Là-dessus, je tiendrais non pas à déposer, mais
à porter l'attention des chercheurs sur deux articles qui ont
été publiés dans Pulp and Paper International sur la
pâte thermomécanique, une en juin 1977 et l'autre en juillet 1977,
où on fait rapport d'une réunion qui a eu lieu, je pense,
à Helsinki en Finlande et où l'on mentionne exactement ce que je
viens de dire. Évidemment, le texte est en anglais. Je ne sais pas si je
peux me permettre de le lire. Si oui, je vais vous le lire ici. Merci.
Je cite, à la page 70 d'un de ces articles: "No immediate
technical breakthrough is likely to revolutionize thermomechanical pulping, but
there are indications that chemical pre-treatment may become more important.
Much interest is being shown in the highly secret process that Canadian
International Paper is installing at its Gatineau mill for start up in 1979. If
CIP's claims for the new process proof correct, says Mr. Waldren, it could
completely stop thermomechanical pulp.
Je pense qu'il faut y aller avec prudence, même si on y voit
beaucoup d'avenir, il faut y aller avec prudence.
M. Pagé: Une question bien concrète sur la question
du procédé par fabrication de pâte thermomécanique.
Vous dites qu'en ce qui concerne les raffineurs, c'est possible, c'est bien.
Vous dites, de plus, dans votre mémoire, que dans le cas d'un raffineur,
c'est une consommation plus grande d'énergie. Alors, en quoi la
récente augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec peut-elle
affecter le coût de production avec ce type de mécanisme?
M. Lachance: Dans l'ensemble, pour le problème de
l'industrie québécoise, je ne peux pas vous le mentionner, mais
ce que je peux vous dire, c'est que je connais certaines usines ici au
Québec qui auront à payer $1 million de plus cette année
que l'an dernier.
M. Pagé: Et cela en vertu des récentes ententes,
des nouveaux tarifs?
M. Lachance: En vertu des nouveaux taux et des nouvelles
ententes.
M. Pagé: Au niveau des coûts de production, M.
Lachance, votre mémoire touche plusieurs sujets. On parle du coût
du bois comme tel. On parle de coût de transport. On parle des charges
fiscales. On parle des salaires et des taux de salaire payés aux
employés. Dans vos conclusions, vous faites état qu'il n'y a pas
de solution miracle, et
cela, je pense que tout le monde y souscrit. Croyez-vous qu'une amorce
de solution devrait se concrétiser par une action gouvernementale au
niveau de la gestion des forêts ou plutôt un effort au niveau de la
recherche et de la technologie ou encore strictement au niveau des mesures
gouvernementales comme les charges fiscales, les rentes à payer,
etc.?
Selon vous, à la lumière de l'expérience que vous
avez, des représentations qui vous sont formulées par les membres
de votre association et qu'on aura l'occasion d'entendre dans les jours qui
suivront, à quel niveau de ces différentes questions le
gouvernement devrait-il agir a priori?
M. Lachance: Dans les priorités à donner à
votre énoncé, je commencerais par la fin. Je prétends que
ce qui est important et qui doit être fait au plus tôt, c'est une
étude de la part des gouvernements de notre charge fiscale. Quand
j'entends charge fiscale, c'est l'impôt sur le revenu, ce sont les taxes
et redevances. Je mettrais cela en tout premier lieu. En deuxième lieu,
je placerais la recherche étant donné les sommes que nous
dépensons ici en recherche, $15 millions l'an dernier, et aussi le
travail des chercheurs dans l'industrie des pâtes et papiers. Vous savez
que l'Institut canadien des pâtes et papiers est ici à
Pointe-Claire et c'est à Pointe-Claire que se fait la recherche, non
seulement pour le Québec, mais pour tout le Canada, et c'est reconnu,
c'est un institut de renommée mondiale et j'insiste là-dessus, il
y a un lien tellement serré entre l'institut de recherche de
Montréal, les instituts suédois, finlandais et autres, que, dans
ce domaine, je pense que la recherche est très bien conduite.
Mais qu'ils aient des budgets augmentés et que les gouvernements
contribuent davantage à la recherche, nous sommes tout à fait
d'accord. Quant à la location, eh bien, j'ai énoncé
précédemment ce que j'entends, c'est une stabilité
à long terme d'approvisionnement à des coûts raisonnables,
des coûts comparatifs.
M. Pagé: Au niveau des coûts de production, il y a
souvent un élément qui revient et c'est le sujet du coût de
la main-d'oeuvre. Je pense que tous les membres de la commission en ont entendu
parler, à un moment donné. Souventefois et peut-être trop
souvent, on dit, on veut laisser croire, dans le public ou chez tous ceux qui
sont concernés par cette question importante des pâtes et papiers,
qu'un des éléments importants du problème que l'industrie
connaît actuellement, c'est le coût de la main-d'oeuvre. M. le
Président, je devrais vous dire que je regrette particulièrement,
ce matin, que vous n'ayez pas été en mesure de nous produire des
chiffres comparatifs avec les États américains.
Trop souvent, je le dis, c'est une opinion de l'Opposition officielle,
c'est une opinion personnelle aussi, trop souvent, il est facile de dire que le
problème important réside dans le coût de la main-d'oeuvre.
C'est trop facile, selon moi, d'en faire état comme cela. J'aurais
aimé et j'aimerais avoir vos commentaires sur une affirmation qui est
faite dans un mémoire qui devrait normalement nous être
présenté ce soir de la part de la CSN, c'est un très bon
document, selon moi.
Mais étant donné que vous n'aurez pas l'occasion de
revenir après que ce mémoire sera présenté, c'est
pour cela que je me permets la question tout de suite.
Ce mémoire fait état... Grosso modo, ce qu'il dit, c'est
que le problème n'est pas à ce niveau et que les salaires
payés aux États-Unis sont comparables à ceux payés
au Québec. Il cite entre autres le cas de l'Alabama où le salaire
moyen serait de $6.83.
M. Lachance: De quoi?
M. Pagé: De l'Alabama. De $6.83 comparativement à
$7.07 au Québec. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Je
me dis: Est-ce que c'est possible, est-ce qu'on peut espérer, en tant
que commission, que, d'ici la fin de nos travaux, soit sous l'égide de
votre association ou encore sous l'égide de vos membres et
représentants qui viendront se faire entendre devant nous, on puisse,
une fois pour toutes, vider cette question du coût de la main-d'oeuvre?
Il en a été question tantôt, mais j'aimerais, s'il vous
était possible, avoir davantage de précision. Je suis d'accord
qu'il y a beaucoup de chiffres. On parle de production par rapport à
tonne/homme, production par heure, 35% du coût de la tonne va à la
main-d'oeuvre par rapport à un tiers environ pour le coût du bois.
J'aimerais avoir des précisions en ce sens.
M. Lachance: Je ne pense pas que ce soit une question qu'on
puisse solutionner en commission parlementaire parce que vous savez que, dans
le coût, il y a toujours moyen d'inclure telle chose ou de ne pas
l'inclure. Il faut, pour que les coûts soient comparables, qu'on parle de
la même chose. C'est la même chose quand on parle de
productivité. Il faut que les facteurs entrant en ligne de compte soient
les mêmes, autrement on arrive avec des chiffres différents. Ce
n'est pas surprenant.
M. Stangeland pourrait ajouter quelque chose ici. Je pense tout de
même que, quand il s'agit de comparaison de coûts, ce sont des
choses qui doivent se faire au niveau de gens spécialisés dans
les deux domaines, c'est-à-dire que nos gens spécialisés
dans le domaine des coûts de travail se réunissent avec ceux du
gouvernement et que vous alliez voir ou vérifier certains chiffres qu'on
peut avancer. Je pense qu'il n'y a pas d'autres moyens. C'est très
difficile. On ne prend pas le téléphone pour appeler une
compagnie en Alabama et une autre au Texas. Malgré tout, on a ici une
étude qu'on a présentée, à l'appendice 4-8. Je ne
sais pas si vous avez regardé ce tableau de notre mémoire
où on parle des usines de papiers fins, entre autres, comme exemple. La
compagnie Rolland pourra en discuter. Je pense que ces gens présenteront
à peu près le même genre de tableau.
À l'appendice 4, page 8, vous verrez le tableau
3, les salaires comparés, usines de papiers fins du nord-est et
du centre-nord des États-Unis, comparés à nous. Vous avez
toutes les bases avec... Ce sont les salaires américains ici, avec les
taux de base. Vous avez, à la page 4-7, les salaires au Québec
et, à la page 8, les salaires payés dans plusieurs usines qui
sont mentionnées dans New York, Vermont, New Hampshire, Maryland. Vous
voyez les différences. Si vous comparez, par exemple, la moyenne,
salaires comparés, on en a à la page 7 et c'est en pourcentage.
À brûle-pourpoint comme cela, je ne peux peut-être pas vous
donner la réponse, mais je pense que vous allez trouver les
éléments là-dedans.
M. Pagé: De toute façon, on pourra y revenir avec
chacune des compagnies qui se fera entendre devant nous.
M. Lachance: M. Stangeland aimerait ajouter quelque chose au
sujet de votre question.
M. Pagé: D'accord.
M. Stangeland: Je voudrais dire que je crois que ce n'est pas
seulement le coût de la main-d'oeuvre qui nous préoccupe et sa
croissance, mais la croissance de tous nos coûts. Comme la main-d'oeuvre
représente, comme j'ai dit, pour le papier journal, à peu
près la moitié, on en parle assez souvent. En regardant ce qui
s'est passé dans les derniers quatre ans ou cinq ans ici, dans l'Est du
Canada, je voudrais bien souligner que ce n'est pas un problème
québécois, c'est un problème à travers l'Est du
Canada. Tous les facteurs de coûts ont augmenté d'environ 17%
à 20% par année. On parle de l'inflation et des prix où la
consommation qui montent de 7% à 8% et tout le monde est inquiet.
Je peux vous assurer que l'inflation industrielle est beaucoup plus
inquiétante et c'est justement l'énergie de
l'Hydro-Québec, le coût de l'huile; il y a un taux de croissance
chaque année d'environ 17% à 20%. Cela ne prend pas beaucoup
d'imagination, si on continue dans cette veine. Les prix sont fixés par
les marchés mondiaux, qui varient avec le domaine "supply", mais cela
varie aussi avec les coûts dans chacun de ces pays. Or, notre province et
le Canada font face chaque année à une croissance des coûts
qu'il faut arrêter, si on veut rester concurrentiel. Je pense que
l'industrie parle du coût de la main-d'oeuvre non pas pour parler
seulement de ce coût, mais le fait est que cela représente la
moitié du coût de fabrication d'une tonne de papier journal, et
c'est de tous les coûts qu'on devra se préoccuper.
M. Pagé: D'accord. À l'article 29 du
résumé de votre mémoire, vous dites: "Le taux de rendement
sur les actifs nets, après impôt, est en moyenne de 5,8% depuis
1970". Serait-il possible d'avoir le pourcentage pour la période de 1960
à 1970?
M. Lachance: Je ne peux pas vous soumettre cela par coeur, comme
cela, s'il n'est pas dans le mémoire, mais on pourrait vous le fournir
volontiers, si vous aimez l'avoir.
M. Pagé: Je l'apprécierais, M. Lachance. M.
Lachance: Entre 1960 et 1966? M. Pagé: Entre 1960 et 1970.
M. Lachance: Entre 1960 et 1970.
M. Pagé: Une dernière question. Vous avez, à
plusieurs reprises, fait état du coût du transport, et vous
pourrez me corriger avec la vaste expérience que vous avez. Il
apparaît que le coût du transport est important dans le coût
du produit fini parce que, de plus en plus, l'essence est
éloignée de l'usine de transformation comparativement à
nos concurrents. À la lumière des études que vous faites,
je présume, régulièrement sur les projets gouvernementaux,
pour les usines présentement en opération au Québec, quel
est l'impact de la suspension ou de l'arrêt du flottage du bois sur nos
rivières?
M. Lachance: Très considérable.
M. Pagé: Comment cela se définit-il
concrètement par rapport aux usines déjà existantes
ici?
M. Lachance: Ne prenons qu'une rivière. Quand on
réalise que plus d'un million de cordes de bois circulent sur le
Saint-Maurice, par exemple, et que ce bois provient d'une distance
d'au-delà de 200 milles, vous imaginez-vous, s'il fallait transporter un
million de cordes par camion, quel genre de construction de chemin il faudrait
avoir et le coût que cela demanderait? Les compagnies ont fait et
continuent de faire un effort pour transporter le bois par camion sur de
petites distances; la drave, en général, on n'en fait pas sur
toute rivière d'une longueur de 75 à 80 milles. Tout ce bois est
acheminé à l'usine par camion. Autrefois, on le faisait par la
drave, mais s'il fallait arrêter le flottage sur nos grandes
rivières, le coût du bois exploité dans ces régions
lointaines serait réellement prohibitif.
M. Pagé: Est-ce que votre association, jusqu'à
maintenant, a fait des études particulièrement dans le cas du
Saint-Maurice? Ou encore, les usines concernées ont-elles fait des
études sur l'effet économique de la cessation du flottage du bois
pour les industries de Shawinigan, du Cap-de-la-Madeleine et de
Trois-Rivières?
M. Lachance: Nous l'avons mentionné dans les rapports
déposés à la commission des terres et forêts en
1972. Je ne me souviens pas exactement, je pense que c'était à un
coût douze fois plus élevé, c'était de cet ordre,
c'est mentionné dans l'étude que nous avons soumise en 1972.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je voudrais d'abord vous
remercier de la présentation de votre mémoire. Il est bien
sûr qu'il correspond à la valeur de votre association. Ce
mémoire est vraiment bien étoffé; on s'y attendait,
puisqu'on connaissait la réputation du travail que vous livrez
généralement à de pareilles commissions.
Je voudrais être bien court pour vous poser des questions. Inutile
de vous le dire, c'est peut-être bon de le répéter, c'est
vous autres qu'il faut entendre et non pas les députés, mais les
gens qui viennent en commission, c'est vous qu'on interroge. Vous parlez,
à la page 12 de votre mémoire, et vous reprenez cela
succinctement dans votre résumé, des expéditions au
Royaume-Uni, qui ont augmenté d'environ 70%. Est-ce qu'il y aurait lieu
de savoir pourquoi les autres pays de la Communauté économique
européenne semblent fermés aux compagnies du Québec?
M. Lachance: Je ne sais pas si je peux trouver cela assez
rapidement. En tout cas cela a peu d'importance, je peux vous dire qu'au
Royaume-Uni, il y a énormément d'usines à papier qui ont
fermé depuis dix ans. Je pense que c'est une trentaine, et trois
seulement l'an dernier, en 1976, trois usines complètes ont fermé
leurs portes au Royaume-Uni. Évidemment, si on demande au Royaume-Uni
d'importer davantage, nous sommes bien placés ici pour suffire à
ses besoins. Quant à la Communauté économique
européenne, étant donné les ententes tarifaires qui
existent entre la Communauté économique européenne et les
Scandinaves, le marché ne nous est à peu près pas ouvert,
étant donné les coûts de transport qu'il nous faut assumer
pour y transporter le papier.
Les Scandinaves sont donc très avantagés comparativement
à nous. Ils sont même exempts de certains tarifs qui nous sont
imposés pour livrer des papiers à la Communauté
économique européenne.
M. Grenier: Vous avez parlé, bien sûr, des
politiques fiscales. S'il y avait un changement dans la politique fiscale,
est-ce que cela pourrait permettre à l'industrie d'économiser
suffisamment pour relancer des investissements significatifs?
M. Lachance: II n'y a aucun doute là-dessus. Si vous
regardez le fardeau, en page 78, vous allez voir que, quand on est rendu
à des chiffres comme cela, avec une augmentation de 38%, qu'on est
passé de $34 millions, en 1965, et qu'en dix ans on paie $87 millions,
s'il y a un allégement fiscal, il n'y a aucun doute que cela aidera
l'industrie. Ce ne sera non pas tellement à augmenter ses dividendes.
Peut-être que certaines compagnies en profiteront pour le faire, je ne
les blâmerais pas non plus, mais elles voudront investir davantage. Je
regardais récemment le rapport entre les dividendes payés aux
fonctionnaires et les nouveaux investissements. J'ai été
renversé, même surpris, de voir que les nouveaux investissements,
depuis nombre d'années, je pense qu'on pourrait même remonter
à l'après-guerre, on pourrait remonter à ce temps. J'ai
été étonné dis-je, de voir que les nouveaux
investissements au Québec ont été de deux à trois
fois et même quatre fois supérieurs aux dividendes payés
aux actionnaires.
M. Grenier: Avec ce que vous dites ce matin, vous tombez dans le
vrai, vous tombez dans le coeur du problème, et je pense bien que le
ministre est sensibilisé à vos propos. Est-ce qu'on pourrait
avoir une certitude ou presque, vous êtes placé pour le savoir,
que les compagnies mettront moins dans le bas de laine et voudront davantage
investir? Est-ce qu'il y a une certaine garantie morale au moins qu'on peut
avoir?
M. Lachance: Je pense qu'il est difficile pour moi de me
prononcer là-dessus, parce qu'il faudrait tout de même consulter
les administrateurs, mais je pense qu'il n'y a aucun doute à cela. On
sent le besoin tout autant que vous j'écoutais M. Léger
dans son exposé, que j'ai aimé parce qu'il est plein de
vérité on est tout à fait d'accord avec lui qu'il
faut remédier à l'environnement, améliorer la
qualité de l'eau, la qualité de l'air; nous sommes tout à
fait d'accord, mais il faut avoir l'argent pour le faire. Et pour le faire, il
faut aussi, étant donné que le montant est limité, que le
gouvernement établisse des priorités.
On ne peut pas tout faire à la fois. On ne peut pas moderniser
les usines, on ne peut pas verser dans l'environnement, on ne peut pas
s'occuper de ceci, de cela, tout ensemble. Là-dessus, je pense que les
relations sont excellentes; les comités qui existent fonctionnent bien,
il faudrait peut-être qu'il y en ait davantage.
C'est là qu'on pourra probablement ensemble établir des
politiques qui feront que les allégements d'impôts pourront
profiter à l'ensemble de l'industrie et aux travailleurs.
M. Grenier: J'ai une dernière question. Quand notre tour
reviendra, mon collègue de Brome-Missisquoi, M. Russell, interviendra
bien sûr. Vous parlez dans votre résumé de mémoire,
à l'avant-dernière page, et vous semblez y insister, d'
"éviter dans l'immédiat l'application de toute mesure
législative ou règlement qui pourrait contribuer à
accroître davantage le coût de nos produits ". Vous reprenez cela
à la toute fin et vous dites dans les dernières lignes de votre
résumé, à ce sujet: "L'industrie a souvent
été placée devant des faits accomplis qui lui ont
été préjudiciables". Est-ce que vous pourriez me dire
vous avez touché seulement à certains problèmes
tout à l'heure ce qui serait le plus inquiétant
d'après vous, quel secteur peut être touché par le
gouvernement, par une loi qui pourrait être la plus encombrante,
disons?
M. Lachance: II y en aurait plusieurs, mais je ne pense pas que
je devrais, ou que j'aie la compétence dans le domaine pour vous
indiquer réellement quelles seraient ces priorités. J'aimerais
pouvoir le faire, mais je ne pense pas réellement apporter une
priorité. Je pourrais vous en nommer, mais ce ne sont peut-être
pas les princi-
pales. Encore là, c'est une excellente question qu'on va noter et
qu'on pourra discuter avec le ministre et ses comités en temps et
lieu.
M. Grenier: D'accord, merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dans
l'ordre, le ministre de l'environnement, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, les députés de Berthier, de Maskinongé,
Charlevoix, Brome-Missisquoi et Rimouski. M. le ministre de
l'environnement.
M. Léger: M. le Président, le gouvernement comprend
que les problèmes auxquels votre industrie fait face sont des
problèmes de taille. On n'a pas nécessairement l'intention de
vous demander l'impossible. Cependant, il faut reconnaître que
l'industrie américaine à laquelle vous vous comparez souvent a eu
à faire face aussi aux mêmes problèmes que nous vivons ici,
mais qu'elle y a apporté des solutions, des correctifs.
M. Grenier: Je pense que la salle comprend mal, pourriez-vous
parler de plus près?
M. Léger: M. le Président, à titre d'exemple
des problèmes auxquels l'industrie américaine a dû faire
face et auxquels elle a quand même apporté certaines solutions, je
note qu'une trentaine d'usines de sulfite, sur les 33 qu'il y a aux
États-Unis possèdent des systèmes de
récupération et même un traitement biologique dans
plusieurs cas, alors qu'au Canada seulement quatre industries sur 44
possèdent un système de récupération des liqueurs,
que même au Québec une usine récupère
complètement sa liqueur, vous la connaissez, je ne vais pas faire de
publicité pour elle plus que pour une autre, tandis que d'autres
récupèrent une partie des pertes. Je pense qu'il faut souligner
que plusieurs officiers du gouvernement étudient les problèmes
d'environnement ainsi que d'autres problèmes de votre industrie de
pâtes et papiers depuis de nombreuses années, peut-être une
dizaine d'années, mais spécifiquement d'une façon intense
depuis au moins trois ans.
Il ne faudrait pas repartir à zéro, mais utiliser les
compétences qu'on a pu obtenir par ces rencontres. Il y a des
mécanismes de consultation qui existent actuellement entre le
gouvernement et l'industrie, vous l'avez mentionné tantôt, et je
pense que l'objectif d'échanges de connaissances, comme vous l'avez dit
tantôt, doit continuer.
Cependant, il y a des choses qu'il faut admettre. Vous avez
affirmé tantôt que vous avez mis beaucoup d'efforts sur
l'environnement, mais vous semblez avoir une certaine réserve à
vous lancer dans des expériences comme celles que la CIP veut tenter. On
semble attendre une expérience de la CIP qui offre des avantages
actuellement, qu'elle ait prouvé que c'est parfait, que cela va bien,
etc. C'est correct pour la CIP. Quand on dit qu'on attend actuellement, je sais
qu'il y aura probablement d'autres sources ou d'autres procédés
qui seront en préparation. On dira peut-être encore qu'on va
attendre, qu'il serait peut-être mieux d'attendre, que d'autres sources,
encore meilleures, seront peut-être préférables,
plutôt que de commencer à prendre des méthodes comme celles
que la CIP met de l'avant.
J'ai l'impression, et vous me corrigerez là-dessus, qu'on semble
un peu étirer le temps en alléguant toutes sortes de raisons. On
n'agit pas. Il y a deux ans, on attendait les résultats, comme Domtar
est en train d'essayer de le faire actuellement avec l'expérience de la
pâte thermomécanique.
Ma question est la suivante: Vous semblez craindre des mesures
gouvernementales unilatérales. Cela ne sera pas le cas, mais il semble
que ce soit très lent à réaliser.
J'ai ici un genre de tableau qui démontre que, de 1968 à
1972, il y a eu des correctifs apportés par l'industrie des pâtes
et papiers qui démontrent une baisse de matières en suspension,
en tout cas, et là, on s'est aperçu quand même que
l'attrait premier était la rentabilité puisque cela amenait une
sorte de mariage entre la rentabilité et une diminution de la pollution,
et, de 1972 à 1976, on est resté au même point parce que
là, il aurait fallu qu'il y ait des investissements et qu'ils ne
semblaient pas immédiatement être aussi rentables.
Pour quelles raisons semblez-vous toujours avoir une certaine
réserve à toucher l'aspect de la protection du milieu de vie en
même temps que celui de cette modernisation essentielle?
M. Lachance: Je suis entièrement d'accord avec vous, M. le
ministre, mais je pense que c'est une prudence qui est de bon aloi. À
quoi bon dépenser des millions et des millions si on est obligé
de "scraper" cela pour prendre une belle expression
québécoise dans quelque temps alors qu'on sait qu'il y a
des procédés? Je pense bien que, si le procédé de
CIP était connu de tout le monde, cela susciterait encore beaucoup plus
d'intérêt, mais on ne peut pas en parler, on ne connaît pas
son procédé. Je pense que, quand cela sera connu, on verra percer
un peu partout dans le monde des procédés qui semblent meilleurs
et moins coûteux et satisfaisants. Je pense qu'on va sauter dessus, mais
de là à se lancer dans des changements trop rapides... Je pense
qu'on a fait un bel effort. Si 50%, comme on le démontre, de la force
thermomécanique de tout ce qui se passe au Canada est au Québec,
ce n'est pas si mal, somme toute, mais je pense qu'on agit avec prudence parce
qu'on n'a pas les capitaux voulus pour aller de l'avant plus rapidement que
cela. C'est aussi simple que cela, et je pense que vous avez la réponse
vous-même. Ce que vous dites est vrai, on hésite et on va
hésiter aussi longtemps qu'on n'aura pas les capitaux nécessaires
pour s'aventurer dans quelque chose qu'on sait prometteur.
M. Léger: À la page 50 de votre mémoire,
vous affirmez que, si on construisait aujourd'hui une usine de papier journal,
on utiliserait une technologie différente de mise en pâte qui
minimiserait le coût occasionné par les mesures antipollution. De
quelle technologie s'agit-il? Est-ce de celle qu'on parle actuellement?
M. Lachance: Des raffineurs.
M. Léger: Celle des raffineurs. Pensez-vous que cela
pourrait être utilisé dans les vieilles usines aussi?
M. Lachance: Sans aucun doute, pour la plupart sinon toutes les
usines.
M. Léger: D'accord. Je pense que mon collègue de
l'Industrie et du Commerce a des questions à vous poser aussi.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. Léger. M. Lachance, je
commencerai par l'aspect fiscal. Votre association suggère qu'une
étude soit faite en comité sur la structure fiscale. Vous savez
qu'il y a quatre ou cinq ans, le gouvernement fédéral, en
collaboration avec l'industrie, a fait une étude qui a été
effectuée par Price Waterhouse & Cie au coût de $200 000 qui
comparaît justement les taux d'imposition en Scandinavie, en
Géorgie, au Canada et au Québec et qui est arrivée
à la conclusion qu'il y avait presque égalité entre les
trois régions. La raison pour laquelle il y avait presque
égalité et ceci amène à mettre en doute des
comparaisons de taux d'imposition brute c'est qu'il y a
énormément de taxes qui sont cachées ou connexes, de sorte
que les charges fiscales ne sont pas nécessairement les mêmes que
les taux d'imposition.
Je me demande, à la suite de cette étude, pourquoi vous
recommandez qu'on en fasse une autre.
M. Lachance: Je vous avoue que je n'ai pas la compétence
pour répondre à votre question. Il faudrait d'abord que je revoie
le rapport que vous mentionnez, et je pense que, si vous le désirez,
à n'importe quel moment, nous pourrions regrouper certains de nos gens
compétents en matière fiscale qui pourraient discuter du
problème avec vous avec profit. Vous n'aurez qu'à nous le faire
savoir et nous serons heureux, n'importe quand, de regrouper avec vous
certaines gens capables d'en discuter.
M. Tremblay: On a l'impression, lorsqu'on lit votre
mémoire et ceux des autres organismes, que tout le problème de
l'industrie des pâtes et papiers tourne autour de la capacité
concurrentielle. Il y a un certain paradoxe dans cela puisque vos affirmez que
l'industrie a été très dynamique, etc., au cours des
dernières années. Pourrait-on voir certains indicateurs de ce
dynamisme au niveau des parts de marché, par exemple? Je pense que je ne
les ai pas vus.
Est-ce que l'industrie du Québec a réussi à
maintenir ses parts de marché à l'intérieur du Canada, aux
États-Unis et en Europe, ou si notre industrie a pris une part
décroissante de l'accroissement naturel des marchés des
pâtes et papiers?
M. Lachance: Elle n'a pas réussi à conserver
certains marchés qu'elle avait aux États-Unis, justement à
cause d'une question de prix. Quand les usines du sud pouvaient fournir un
papier journal à meilleur compte que nous dans une ville
américaine quelconque, eh bien, on perdait nos clients. C'était
aussi simple que cela. Alors, graduellement, le marché s'est
rétréci aux États-Unis qui est notre principal client, qui
prend 72% de ce qu'on produit en papier journal, par exemple. Le marché
européen est très difficile à aborder parce que la
Scandinavie est à sa porte et on a des frais de transport par bateau
très élevés. Et même, il a été
très heureux que la Scandinavie se contente, si je peux dire, du
marché européen il y a quelques années et n'envahisse pas,
comme elle l'avait fait dans le passé, certains États
américains.
Alors, c'est une question de concurrence. On n'est pas maître des
prix qui nous sont offerts. Et là-dessus, il faut toujours
réaliser qu'il faut payer les frais de transport. Il n'y a pas à
se surprendre. Vous savez, de façon générale, même
si nous aimerions que la production de nos usines soit beaucoup plus
considérable que 3%, cela nous ferait bien plaisir au gouvernement et
aussi à l'industrie, mais il n'y a tout de même pas tellement
à se surprendre que l'apport des pays producteurs diminue graduellement
quand on connaît l'effort qui se fait dans le monde pour que les pays
qu'on appelle le tiers monde, les pays sous-développés,
produisent eux-mêmes un peu du papier dont ils ont besoin.
La consommation en Afrique, il y a quelques années, était
de trois livres par année. La nôtre est de 350 livres par
année à peu près. Je pense que l'Afrique est rendue
à peu près à douze livres par année, par personne,
per capita, j'entends. On aide ces pays, les États-Unis et le Canada
entre autres, pour nommer seulement ces deux pays. Nous avons de l'aide aux
pays sous-développés. Qu'est-ce qui arrive? C'est que
nous-mêmes nous leur vendons de la machinerie fabriquée à
Montréal, ici, des machines à papier fabriquées à
Montréal pour qu'eux puissent faire du papier en Afrique ou en
Amérique du Sud ou au Mexique. On fait cela depuis nombre
d'années. C'est ce qu'on appelle un certain équilibre dans le
monde. Et je pense qu'on aurait tort de voir d'un mauvais oeil ces pays
sous-développés qui ont besoin, eux aussi, de refaire leur
économie, de les arrêter et de leur dire: Écoutez, nous
autres, on a le "know-how " et vous autres, venez ici acheter le papier,
même si vous n'avez pas tout l'argent qu'il faut. Forcez-vous un peu.
Payez le papier qu'on produit. Non?
C'est un certain équilibre qui s'établit dans le monde et
qu'on va voir de plus en plus prononcé, surtout dans les pays tropicaux
ou semi-tropicaux qui ont la réserve en matière ligneuse. Il faut
essayer tout de même d'être dynamique le plus possible pour garder
le marché américain qui est à notre porte. C'est là
le plus grand atout qu'on puisse avoir. Mais de là, par exemple,
à s'opposer à ce que les pays un peu éloignés et
à standard de vie très bas produisent un peu ce dont ils ont
besoin, je pense qu'on aurait tort de s'y opposer.
M. Tremblay: Si on est d'accord, justement, pour obtenir un
dynamisme continuel de l'indus-
trie, il faut quand même regarder le passé. Vous dites,
à l'article 13 du résumé, que les investissements
effectués par l'industrie de 1965 à 1976 ont été,
en nouvel équipement, d'environ $1,6 milliard alors que les frais
d'entretien représentaient environ $1 milliard. Donc, lorsqu'on a une
industrie qui dépense pratiquement autant dans ses frais d'entretien que
dans ses équipements, est-ce qu'il n'est pas normal qu'il y ait un
retrait des marchés et que l'industrie soit moins dynamique qu'elle ne
le serait si les investissements avaient été plus abondants?
M. Lachance: Vous croyez que l'investissement dans le
renouvellement de la machinerie n'a pas été suffisant?
M. Tremblay: Je vous demande si les investissements dans
l'équipement et dans les nouvelles usines ont été
suffisants. Est-ce que vous avez été suffisamment dynamiques au
niveau des investissements?
M. Lachance: Nous prétendons que nous l'avons
été au maximum de ce qu'il y avait moyen. Maintenant, est-ce
qu'on empêchera malgré tout cela la fermeture graduelle de
certaines usines? C'est un gros point d'interrogation, quand on réalise
que tous les pays producteurs ont fermé certaines de leurs usines.
M. Tremblay: Votre réponse m'amène à vous
demander si vous croyez qu'il est nécessaire pour l'industrie des
pâtes et papiers qu'on mette sur pied un programme de modernisation des
secteurs. Si vous me dites que les investissements ont été
faits...
M. Lachance: Ce programme existe.
M. Tremblay: ... au maximum, est-ce que vous laisseriez entendre
qu'il n'est pas nécessaire de mettre sur pied un programme de
modernisation et d'accroissement des investissements?
M. Lachance: Je pense que le programme de modernisation existe et
que nous le suivons de mois en mois, d'ailleurs, les compagnies vous le feront
certainement valoir dans leurs mémoires. Chaque compagnie est bien
intéressée à augmenter le plus possible sa production et
sa modernisation. Personne ne tient à rester en arrière.
M. Tremblay: II y a un paradoxe. Vous faites allusion au fait que
le taux de rendement est de 5,6%, qu'il n'y a pas suffisamment de capitaux.
J'aimerais vous entendre dire que vous seriez prêts à
accélérer un programme de modernisation, que celui que vous
mettez de l'avant vous-mêmes n'est pas suffisant pour améliorer
votre capacité concurrentielle. On parle d'un problème de
capacité concurrentielle et on dit qu'en termes relatifs notre industrie
des pâtes et papiers recule. Si on veut qu'elle cesse de reculer, on ne
peut pas simplement supposer que ce qui se fait présentement est
suffisant.
M. Lachance: Même si on modernise et qu'on arrive à
une production trop élevée, il faut tout de même penser
à vendre ce qu'on produit. La Scandinavie a connu cela dans les
années 1975, où elle n'a pas modéré. Chez nous, on
a eu des grèves, des ralentissements temporaires aux usines, ce qui fait
que notre production moyenne s'est maintenue à un rythme raisonnable. En
Scandinavie, on n'a pas arrêté la production, et on s'est
retrouvé à la fin de l'année à regorger d'une
quantité énorme de produits non vendus. Il faut toujours que la
production soit conforme à la demande. On ne prévoit pas une
grande amélioration dans la demande d'ici quelques années.
M. Tremblay: D'accord, est-ce que vous prévoyez... Il y a
une augmentation positive?
M. Lachance: II y en a une, mais elle est très faible.
M. Tremblay: Cela est en termes généraux, mais, en
termes de produits spécifiques, par exemple, devant la demande pour les
papiers spéciaux, qui utilisent surtout de la pâte
mécanique, genre de papiers spéciaux qui sont utilisés
dans des magazines comme Time et Readers' Digest, est-ce que vous croyez qu'on
a fait suffisamment d'efforts pour accaparer des marchés
spécifiques comme ceux-là, surtout aux États-Unis, qui
croissent très rapidement?
M. Lachance: Ils sont en demande constante. C'est difficile pour
moi de répondre exactement à votre question. Je pense que
l'industrie s'efforce d'améliorer ses marchés et de trouver des
clients un peu partout, surtout quand on connaît la structure de chaque
compagnie ou de chaque groupe de compagnies qui sont à l'affût de
nouveaux clients. Je doute énormément... D'ailleurs, c'est une
bonne question que vous pourrez poser à des compagnies en particulier,
parce qu'elles sont bien en mesure de répondre. C'est une question trop
spécifique pour moi, pour que je puisse y répondre avec avantage
pour vous.
M. Tremblay: Je vais passer, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Berthier.
M. Mercier: Notre industrie des pâtes et papiers s'est
développés sous le modèle économique de la
très grande entreprise. Ce n'est pas un hasard, mais ce modèle
qui a dominé dans les 20 ou 30 dernières années et il a
été responsable pour la majeure partie de notre croissance
économique non seulement québécoise, mais
nord-américaine, puisque cela présentait des avantages: d'abord,
une plus grande accesssibilité aux marchés, une plus grande
possibilité de contrôler, d'exporter, de prendre place sur les
marchés internationaux, la possibilité de développer une
technologie de pointe, la possibilité de développer du personnel
très spécialisé, mais ceci amène aussi certains
inconvénients. La très grande entreprise amène
aussi une augmentation de certains coûts au niveau de la lutte
à la pollution qu'on constate depuis plusieurs années. Elle
amène également depuis quelques années des
problèmes d'administration de personnel plus considérables, parce
qu'on est en présence d'une masse de travailleurs plus importante.
Également, ce modèle, à cause de son très
grand besoin de matières premières, amène à
travailler sur un territoire de plus en plus vaste. Ma question est la
suivante: Est-ce qu'un modèle économique différent est
envisageable dans le domaine des pâtes et papiers? Pourrait-on concevoir
des industries, non pas des petites boutiques, mais quand même de taille
respectable qui utiliseraient davantage des ressources qui seront devenues plus
coûteuses? Autrement dit, ne faudrait-il pas réviser un peu la
notion d'économie d'échelle qui s'inscrivait dans une optique de
modèle économique de très grande entreprise où la
matière première était bon marché, où
l'énergie était également bon marché, et où,
finalement, on s'inspirait d'une économie de gaspillage? Je voudrais
tout simplement souligner un cas précis qui apparaît dans votre
mémoire pour illustrer ce que je veux dire.
Sur ce modèle de la très grande entreprise, en fait, on
est arrivé à avoir une technologie d'exploitation de la
forêt ultra-moderne, on a fait des coupes à blanc, ce qui
amène la nécessité d'augmenter notre réseau routier
considérablement, d'aller travailler dans des forêts beaucoup plus
éloignées des moulins, avec construction de ponts et tout cela,
ces coûts sont de plus en plus élevés parce que le
coût de la construction a augmenté énormément
pendant ces dernières années, le coût du transport des
matières premières vers l'usine a augmenté
considérablement. Donc, je me demande s'il ne serait pas possible
entre autres, par des coupes sélectives, par une meilleure utilisation
du réseau routier, de l'environnement immédiat de l'usine, en
réévaluant tous ces facteurs de la production, mais dans une
autre optique de concevoir un modèle économique qui
permettrait une rentabilité plus grande des entreprises par une
meilleure utilisation des ressources avec des économies
d'échelle, mais, cette fois, conçu dans une optique de
société de conservation.
M. Lachance: Les études que j'ai consultées
concernent des usines à grande production. Qu'il y ait moyen d'avoir des
usines plus petites qui produiraient des sous-produits, j'entends le
méthanol, par exemple, ou des choses de ce genre, je ne peux pas dire
cela demanderait des études absolument particulières,
à savoir si ce serait rentable parce que je connais des usines
qui transforment des sous-produits, qui extraient des sous-produits qui sont
vendables et leur rentabilité semble assez douteuse dans certains
cas.
M. Mercier: Mais ceci, également, vous a fait ressortir un
autre élément de votre rapport où vous disiez que, dans le
Sud des États-Unis, il y avait une plus grande part d'approvisionnement
sur les forêts privées. Nous, traditionnellement, au
Québec, on a des forêts immenses qui se prêtaient bien
à une exploitation très intensive avec un approvisionnement
considérable sur les forêts publiques, mais cela amène, par
le biais des concessions forestières, l'industrie à assumer des
coûts d'infrastructure qui sont considérables, ce que vous n'avez
pas, par exemple, lorsque vous pouvez vous approvisionner dans des forêts
privées où les gens utilisent plus rationnellement ces...
M. Lachance: Évidemment, aux États-Unis, la tenure
de la forêt est totalement différente. Il y a à peu
près 15% seulement de la forêt des États-Unis qui est la
propriété de l'État, tout le reste est
propriété privée. Les usines du Sud s'approvisionnent
évidemment dans la forêt privée, et chaque compagnie essaie
d'intéresser les propriétaires privés à lui fournir
son bois. Il y a une concurrence absolument libre entre les différentes
usines. Vous allez voir trois à quatre usines pas tellement distantes
les unes des autres, et chacune d'elles a ses fournisseurs, plus ou moins, qui
lui viennent de la forêt privée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, la déclaration du
ministre de l'environnement tantôt nous laisse sans doute voir que le
gouvernement tend vers des objectifs de dépollution et veut
protéger à tout prix l'environnement, ce que, d'ailleurs, je ne
veux pas discuter. De plus, parallèlement, le ministre du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche déclarait en Mauricie dernièrement
qu'il avait l'intention de demander l'interdiction du flottage du bois sur le
Saint-Maurice dans le but de lui donner sa vocation première,
c'est-à-dire sa vocation de rivière à saumons.
Face à ces déclarations et sachant, du moins selon les
rapports, que la Mauricie serait peut-être la région la plus
touchée face au vieillissement des usines en place de pâtes et
papiers, je me suis posé de sérieuses questions.
Déjà, le problème social causé par la fermeture de
la Wayagamack est très aigu et, malheureusement, on n'a pas pu y trouver
de solution à ce jour. J'espère bien qu'on n'aura pas d'autres
problèmes en Mauricie à cause de ce vieillissement des usines et
à cause de l'environnement. À partir de là, j'aimerais
savoir si votre association a déjà brossé un tableau de ce
qu'elle désirait suggérer selon ses capacités
financières, un tableau de ce que dans X temps, à moyen terme ou
à un peu plus long terme, elle pourrait suggérer au
ministère de l'Environnement pour apporter des correctifs à la
pollution du milieu face aux usines de pâtes et papiers. En
deuxième lieu, j'aimerais savoir jusqu'à quel point la
déclaration du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche,
c'est-à-dire la décision d'interdire le flottage du bois sur le
Saint-Maurice pourrait affecter les usines en Mauricie ou ailleurs, peu importe
si on étend cela à toute la province, jusqu'à quel point,
en tout cas, cela pourrait affecter notre milieu?
M. Lachance: Comme je l'ai dit plus tôt, le flottage sur
nos rivières est important, et même si le ministre a dit, je ne
sais pas s'il l'a dit, mais même s'il a mentionné ce fait, je suis
certain qu'il consultera les autres ministres du gouvernement avant de
patronner une suggestion comme celle-là. Quant aux suggestions à
faire au ministère de l'environnement, je tiens à rappeler
à la commission que nous avons eu plusieurs réunions avec les
officiers du ministère de l'environnement et que nous continuerons, je
l'espère, à être en contact avec eux pour apporter le plus
rapidement possible une solution qui, nécessairement, doit être
à long terme. Je ne pense pas qu'on puisse tout faire rapidement, mais
nous sommes d'accord avec les services de l'environnement qu'il faut en arriver
à une solution pour épurer nos eaux et l'air que nous
respirons.
M. Picotte: Par hypothèse, si la première partie de
la question à laquelle vous avez répondu s'avérait vraie,
est-ce que vous seriez en mesure de me mentionner combien d'usines pourraient
être touchées par des décisions semblables, du moins dans
le secteur de la Mauricie?
M. Lachance: Une décision comme celle-là
affecterait toutes les usines de La Tuque, Grand-Mère, Shawinigan et
Trois-Rivières, parce que, quand on considère que 1,2 million de
cordes à peu près flottent sur la Saint-Maurice, toutes les
usines en seraient affectées énormément.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. Lachance, plusieurs ont dit avant moi, ce matin,
que, pour que chacun des partenaires qui sont dans les pâtes et papiers
soit heureux, il faudrait que vous demeuriez concurrentiels. Quand je regarde
devant moi la carte de la localisation des usines, des quelque cinquante usines
que l'on connaît dans le Québec, je demeure un peu perplexe pour
les prochaines décennies et je me demande si des exemples tels ceux
qu'on a connus cet été ne se reproduiront pas dans un avenir
prochain.
Dans votre mémoire, vous soulignez qu'actuellement 10 millions de
cunits sont exploités au Québec alors que c'est 20 millions que
la forêt québécoise pourrait fournir. Dois-je comprendre
que ce surplus de récolte est situé hors du territoire qui
dessert actuellement les usines qui sont connues dans le Québec, comme
le territoire de l'Abitibi ou ailleurs. Est-ce que ce potentiel
supplémentaire que vous n'employez pas peut, à des coûts de
concurrence, servir les territoires où sont situées les usines
actuelles?
M. Lachance: Nous disons bien dans le mémoire que nous
utilisons non seulement nous, mais l'ensemble de l'industrie forestière,
à peu près la moitié de ce qu'on peut
économiquement retirer du Québec. Évidemment, vous avez
raison de dire que l'exploitation de certains bois, au loin, va
présenter des coûts supérieurs, parce qu'il y a toute une
infrastructure qu'il faudra faire.
Mais je pense qu'avec l'aide de la mécanisation, avec de bonnes
routes, des camions plus gros et pas toujours soumis aux règlements en
vigueur dans la voirie publique, je pense que, si on tient compte de toutes ces
choses et de la demande mondiale qui, elle, va continuer à augmenter,
vous savez la population du monde augmente et les gens deviennent de
plus en plus cultivés, le standard de vie augmente dans plusieurs pays
alors, la demande pour le bois va continuer à se faire sentir et
nous sommes chanceux, au Québec, de disposer d'autant de bois,
même si on trouve qu'il nous coûte cher et qu'on voudrait abaisser
son coût. Il y en a qui n'ont pas de bois et qui voudraient bien en avoir
comme il y en a qui n'ont pas de belles rivières comme on en a qui nous
permettent aussi un pouvoir relativement bon marché et qu'on aime
conserver. Il n'y a pas seulement des désavantages au Québec.
Nous avons des avantages et il s'agit d'en tirer profit. C'est ce que nous
essayons de faire et c'est ce que nous nous proposons de continuer à
faire avec le gouvernement, c'est-à-dire essayer ensemble de trouver les
solutions qu'il nous faut pour que l'industrie continue à progresser et
toutes celles qu'on a en place.
M. Mailloux: Mais vu l'éloignement, vous venez d'affirmer
qu'il faudra que le gouvernement vous concède la possibilité de
continuer à vous servir des rivières pour faire flotter le bois
qui vient de très longues distances.
M. Lachance, c'est le deuxième volet de mon interrogation. Vous
faites référence au territoire sud-américain d'où
vient votre principale concurrence et où d'autres essences dont la
valeur de remplacement vient à échéance à peu
près à 25 ou 30 ans, si ma mémoire est fidèle, sont
employées là-bas. Qu'arrivera-t-il dans un avenir prochain, la
forêt renouvelée s'éloignant des usines dont je parlais
tantôt alors que les nouvelles plantations, dans notre climat nordique,
de résineux dont vous vous servez n'arrivent à maturité
qu'entre 75 ans et plus, dans quelle position précaire se retrouveront
les multiples usines construites il y a 75 ans et plus? Quel a
été, dans ce territoire, l'effort qu'a fait l'industrie dans le
reboisement de la forêt publique qu'elle a exploitée depuis ce
temps? Vos recherches vous permettent-elles d'affirmer qu'on trouvera d'autres
essences on connaît le cyprès, dont vous vous servez
également, mais d'autres essences qui viendraient à
maturité dans ce climat nordique plus vite que le sapin et
l'épinette que l'on connaît et qui pourraient vous permettre de
continuer à approvisionner ces usines?
M. Lachance: Je pense que toutes les essences vont devenir
importantes. Que ce soit du bois mou, du bois feuillu, toutes les essences vont
devenir de plus en plus importantes. Vous parliez de croissance dans les pays
nordiques. Il n'y a aucun doute que la révolution, ce qu'on appelle le
temps requis à un arbre pour sortir du sol et être prêt
à être coupé, cela va être très long dans le
nord. On doit parler de 80, 100 et 120 ans avant qu'on soit capable de
retourner dans ces endroits. Il faut
qu'une compagnie tienne compte de l'aménagement global et du
territoire qu'elle dessert pour que le cycle se fasse.
M. Mailloux: Je comprends mal vos affirmations. Vous nous dites
que le potentiel de la forêt québécoise est suffisant pour
que les usines même existantes depuis très longtemps continuent
à survivre devant la concurrence qui est faite par le marché
américain où les usines sont construites, je pense, de
manière plus récente que celles qu'on connaît au
Québec et vous parlez d'un prix de concurrence à garder. Je
comprends que, dans ces usines, vous devrez apporter une technologie
peut-être plus moderne, une machinerie qui soit un peu moins
désuète, mais je comprends mal que vous puissiez, dans les
prochaines décennies, le bois s'éloignant, la matière
ligneuse s'éloignant, réussir à concurrencer le
marché américain qui produit à des salaires, semble-t-il,
moins élevés que ceux du Québec. Vous affirmez que,
malgré tout cela, si l'ensemble des facteurs sont revus, il n'y a pas de
problème pour l'ensemble des usines.
M. Lachance: De concert avec l'État qui est
propriétaire de la forêt publique, on a confiance d'être
capable d'en arriver à un aménagement à long terme et qui
nous fournira suffisamment de bois. Évidemment, n'oubliez pas une chose.
C'est que, dans le régime, si je me reporte au régime de
concessions forestières qui était sous aménagement
soutenu, la plupart de nos compagnies sinon toutes nos compagnies, quand elles
ont ouvert ces territoires, ont commencé à couper,
évidemment, en montant le long des rivières. Le bassin n'a pas
été ouvert par la tête, mais il a été ouvert
par son embouchure.
Il y a quantité de territoires, s'ils nous sont encore
disponibles où, je l'espère, les compagnies vont en revenir
à couper. C'est le mélange de coupes qui va coûter moins
cher, au début des rivières, c'est-à-dire moins loin des
usines, et qui va compenser pour le bois plus éloigné qu'il
faudra couper. Avec cela, on compte aussi sur une technologie différente
qui nous permettra réellement, et je pense que cela s'en vient, de
faucher la forêt et d'utiliser non seulement les fibres, les billes qu'on
connaît aujourd'hui, mais l'écorce y passera, sinon les aiguilles,
quitte à les extraire par après. Quant au mode de coupe, on
s'attend que cela change assez rapidement, pas tout de suite, mais les
études qui se font et l'argent qui se dépense en recherche nous
encouragent en ce sens. On sait très bien que la révolution dans
le nord va être très longue et que cela va prendre des
années et des années avant d'y retourner, mais il y a tout de
même des territoires où la croissance est bonne au Québec,
et c'est sur ces territoires qu'on compte pouvoir couper le bois dont on aura
besoin. Évidemment, il y a bien des hypothèses. On a eu des
épidémies de tordeuse qui nous ont préoccupés
pendant nombre d'années, mais cela semble un peu au ralenti de ce
temps-ci. On ne peut pas tout prévoir. La seule chose, c'est qu'il faut
être dynamique, investir dans la recherche et, là-dedans, le
gouvernement est le bienvenu d'investir davantage s'il le veut, ce sera
très bien vu de l'industrie, j'en suis sûr. Mais, avec la
recherche, avec le dynamisme que l'on connaît chez nos compagnies, je
n'ai pas peur de l'assurer, j'ai confiance en l'avenir.
M. Mailloux: M. Lachance, une dernière question. En
réponse à une question que vous posait le ministre des Terres et
Forêts sur l'intégration possible du sciage aux compagnies de
pâtes et papiers, vous avez répondu que, forcément, si le
bois de meilleure valeur était dirigé vers le sciage, cela
augmenterait davantage les coûts des pâtes et papiers. Je poserai
peut-être également la question sur le sciage, mais est-ce que si
le bois de valeur était dirigé vers le sciage presque au complet,
cela n'apporterait pas une saturation complète du bois de sciage dans le
Québec? Est-ce que le marché d'exportation ou le marché
intérieur serait capable d'accepter que tout ce bois soit dirigé
par le sciage? Je ne le pense pas.
M. Lachance: Votre question est très bonne, mais
j'aimerais mieux, comme vous le dites, que vous la posiez à l'industrie
du sciage parce que j'ai suffisamment à m'occuper de l'industrie des
pâtes et papiers sans trop entrer dans le sciage, même si nous en
produisons à peu près 15% dans le moment. Je ne peux
réellement pas répondre à votre question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, M. Lachance, je vous remercie
d'abord comme mes collègues du mémoire que vous nous avez
présenté, il est très informateur, et merci surtout
d'avoir répondu à plusieurs de nos questions. Vous avez
certainement éclairé les membres de cette commission. Par contre,
j'aurais une couple de petites questions à vous poser sur des points qui
ne semblent pas tout à fait clairs dans mon esprit. En ce qui concerne
d'abord la question du flottage du bois sur le Saint-Maurice. Vous avez dit
tout à l'heure que s'il n'était pas possible de faire flotter le
bois sur le Saint-Maurice, cela augmenterait les coûts de quatre
fois.
Est-ce que vous utilisez ces coûts...
M. Lachance: Dix fois.
M. Russell: Dix fois. Vous utilisez ces baisses de coûts
pour en arriver au moins à dire que le coût moyen du bois de
pâte au cunit coûte $70 sur des territoires publics ou les
territoires qui appartiennent aux compagnies. Je vais reformuler ma question de
cette façon. Si vous n'aviez pas le flottage du bois, quel serait le
coût du cunit au moulin à papier?
M. Lachance: Je ne peux pas répondre à cela par
coeur. Il faudrait simplement appliquer les
frais de transport, parce que seulement les frais de transport seraient
affectés, mais vous pouvez y ajouter plusieurs dizaines de dollars.
M. Russell: La grosse partie du flottage du bois se fait dans la
région du Saint-Maurice?
M. Lachance: Oui.
M. Russell: En dehors de cela, en province, il ne s'en fait pas
tellement.
M. Lachance: Et dans le nord du bassin.
M. Russell: C'est ce que je m'explique mal. Je connais certaines
opérations à l'intérieur de ce territoire du
Saint-Maurice. Lorsque des individus sont prêts à faire de la
coupe pour des compagnies et à rendre le bois à leur usine
à meilleur marché que $70, on refuse de leur payer ce montant. Si
je tiens pour acquis que le bois qui flotte sur cette rivière et qui
arrive à leur usine leur coûte $70, je me comprends mal dans
cet...
M. Lachance: Écoutez, il faut tout de même
considérer l'"overhead" là-dedans. Celui qui coupe du bois
près de chez lui et qui le verse dans la rivière n'a
sûrement pas les frais de transport, les frais d'administration que la
compagnie qui coupe à 2000 milles au nord.
M. Russell: Si je comprends bien votre exposé, M.
Lachance, vous donnez ceci avec les données que vous possédez,
mais si je le comprends bien, si je l'interprète de la façon que
vous le présentez, si le flottage du bois est arrêté sur le
Saint-Maurice, cela voudrait peut-être dire la fermeture de toutes les
usines de cette région, Grand-Mère, Shawinigan,
Trois-Rivières et les autres.
M. Lachance: Cela les mettrait dans une situation très
difficile. Je ne peux pas vous dire si elles fermeraient, mais je vous assure
que cela les mettrait dans une situation très difficile.
M. Russell: Parce qu'on semble dire qu'il n'est pas possible
d'exploiter le bois sur ces limites et le rendre à l'usine à $70
le cunit, c'est cela qu'on semblait dire.
M. Lachance: Pas dans notre mémoire.
M. Russell: Vous ne le dites pas dans le mémoire, mais,
verbalement, est-ce que c'est cela qu'on dit?
M. Lachance: Vous pourrez poser la question aux compagnies qui
sont intéressées parce que les compagnies qui sont sur le
Saint-Maurice vont présenter des mémoires.
M. Russell: D'accord, on le fera certainement si vous nous
remettez à cette commission pour le faire. Dans ce cas, M. Lachance,
vous parliez tout à l'heure d'un investissement de $1,6 milliard en onze
ans. Est-ce que ceci représente beaucoup plus que la
dépréciation que les compagnies prennent sur leur
équipement d'année en année?
M. Lachance: Je ne peux pas répondre non plus à
cela parce que je n'ai pas fait les calculs.
M. Russell: Vous n'avez pas fait les calculs. Par contre, si j'ai
bien compris, le $1,6 milliard comprend aussi l'immobilisation de deux
nouvelles usines installées au Québec, ce qui représente
un montant assez important.
M. Lachance: Absolument, elles sont comprises
là-dedans.
M. Russell: Cette question-ci, je pourrai la poser aux compagnies
pour savoir si cela représente plus.
M. Lachance: Sans aucun doute.
M. Russell: D'accord. Pour mes autres questions, M. le
Président, je vais terminer là-dessus. Je crois que plusieurs ont
été posées. Ce serait éterniser le débat. On
pourra revenir et poser les questions aux compagnies plutôt qu'à
M. Lachance sur certains points qui ne sont pas clairs actuellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rimouski.
M. Marcoux: Je sais qu'il reste très peu de temps; alors,
une première question très brève. Vous avez parlé
de l'augmentation du coût de l'électricité tantôt.
Vous avez dit que le coût de la main-d'oeuvre représente environ
50% des coûts de l'industrie des pâtes et papiers. Le coût de
l'électricité représente quoi dans le coût global
d'une tonne de pâtes et papiers?
M. Stangeland: À peu près 15% pour le papier
journal.
M. Marcoux: Bon. Cela veut dire qu'une augmentation de 27% des
coûts de l'électricité pourrait représenter, en
fait, une augmentation de 4% des frais de production d'une tonne de pâtes
et papiers.
M. Stangeland: Je pense que c'est oui, cela arrive à
cela.
M. Marcoux: Bon. Une deuxième question beaucoup plus
générale ou vaste. Le ministre, dans son introduction, indiquait
qu'un des principaux buts de la commission parlementaire était d'arriver
à une concertation entre l'industrie, les syndicats et le gouvernement
concernant l'avenir des pâtes et papiers. Votre mémoire est ambigu
sur les chances; cela va mal sur certains aspects, cela va bien sur d'autres.
On ne sait plus trop ce qui va arriver, mais je suis porté à
être un peu plus
pessimiste, comme le député de Charlevoix, en indiquant
que, quand on regarde la carte de localisation des usines, où est le
bois, etc., il va certainement y avoir des transformations et, quand on pense
aussi au cas de la Wayagamack, dont on ne peut éviter de parler et que
nous sommes en train de vivre, je me dis: II va falloir aboutir; en tout cas,
l'objectif du gouvernement est d'aboutir à une concertation.
D'après vous, qui êtes le représentant de l'ensemble
des usines de pâtes et papiers, est-ce que l'industrie est prête
à une concertation qui signifierait qu'il y aurait une entente entre
syndicats, gouvernement et industrie sur la vitesse, si vous voulez, de
fermeture de certaines entreprises, sur le moment où seraient ouvertes
d'autres entreprises et sur la localisation de ces nouvelles entreprises, pour
faire en sorte qu'on ne soit pas un peu comme devant un fait accompli, à
deux ou trois mois d'une fermeture, pour ramasser tous les pots cassés
en l'espace de deux ou trois mois? Est-ce que, de votre côté,
est-ce que l'ensemble des usines, de l'industrie est prêt à une
concertation qui signifierait un échéancier d'implantation de
nouvelles usines? Un échéancier de fermeture d'usines, s'il y a
lieu? Un échéancier, également, des investissements
majeurs qui doivent se produire en termes d'investissement,
d'amélioration d'équipement, de dépollution, etc.? Est-ce
que vous êtes prêts à une concertation qui signifierait
pas simplement des mots en somme un plan précis pour les
cinq ou dix prochaines années pour l'ensemble de l'industrie des
pâtes et papiers au Québec?
M. Lachance: Comme association, je dirais non. D'abord, parce que
ce n'est pas possible et, deuxièmement, parce que les compagnies
elles-mêmes le font. Si vous vous reportez en 1975, toutes les fermetures
temporaires d'usines ont été annoncées bien à
l'avance par les compagnies. Alors, je pense qu'il appartient aux compagnies de
faire cette planification et non pas à une association.
M. Marcoux: Cela veut dire que les industries ne sont pas
prêtes à vous donner le mandat à leur place ou avec elles
le mandat de parler au nom de l'ensemble, je ne veux pas seulement dire de
parler, mais de négocier avec le gouvernement ou le syndicat un plan de
développement de l'industrie des pâtes et papiers?
M. Lachance: Pas dans des cas comme ceux que vous mentionnez
là. Cela n'a pas été mentionné et je ne peux pas
dire si ce serait pratique ou non.
M. Marcoux: Pour vous, la concertation se résumerait
à quoi à ce moment-là?
M. Lachance: À des énoncés de faits,
à des énoncés de politique générale comme
celui que j'ai fait ce matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II me
reste deux dernières interventions. J'aurais peut-être besoin de
la collaboration des députés pour dispenser l'association de
revenir cet après-midi. Le ministre de l'environnement avec une question
et le ministre des Terres et Forêts.
M. Léger: M. le Président, seulement une courte
question à M. Lachance. Actuellement, concernant le flottage, on peut
dire qu'il y a une perte d'environ 240 000 tonnes par année de
matières en suspension provenant des écorces à cause du
flottage. Il y a aussi à peu près la même quantité,
environ 240 000 tonnes-année, provenant des pertes des usines. Le
règlement sur l'environnement qui va venir amènerait une
diminution de 240 000 tonnes à 65 000 tonnes-année pour les
pertes des usines. Il resterait encore le même problème des
écorces provenant du flottage. Qu'est-ce que vous pensez
réellement faire pour améliorer cette situation? Entre autres
hypothèses, allez-vous envisager la possibilité d'écorcer
en forêt? Est-ce que vous avez évalué les coûts?
Est-ce une chose qui serait possible pour qu'en même temps que les usines
polluent moins, il y ait aussi une diminution du côté du
flottage?
M. Lachance: M. Léger, votre question est très
intéressante, je ne pense pas pouvoir y répondre. Par contre, on
va l'avoir dans l'énoncé des débats et je pense que cela
vaudrait la peine de répondre par écrit à votre question,
parce que c'est une question qui peut être discutée avec vous et
vos officiers; quelle que soit la réponse que nous apporterons; je pense
qu'elle peut être intéressante. Mais je ne crois pas vous aider en
donnant une réponse qui soit la mienne et qui ne serait peut-être
pas la bonne.
M. Léger: Peut-être y aurait-il d'autres
intervenants qui pourraient me donner une réponse?
M. Lachance: Peut-être que des compagnies pourront aussi
vous en parler.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre des Terres et
Forêts.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. D'une
part, je tiendrais à rassurer M. Lachance à savoir que les 20
nouvelles usines ne sont pas pour demain et que le ministre des Terres et
Forêts, comme d'ailleurs on l'avait reconnu, n'a jamais fait de
déclaration publique. Il a cependant appris quelques tours en politique,
soit de ne jamais citer de chiffres hors contexte parce qu'il retrouvait
toujours ces chiffres, mais hors contexte.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous
voulez vous rapprocher...
M. Pagé: C'est la faute des journalistes!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: Le point que je voudrais soulever, c'est
que vous avez souligné à un moment donné au cours de votre
présentation qu'il y avait eu de gros avantages à ce que la
Scandinavie n'ait pas choisi de concurrencer nos producteurs sur le
marché américain au cours des dernières années,
sinon, nous aurions pu avoir certaines difficultés. Or, je voudrais
terminer par une dernière question. Effectivement, lorsqu'on prend des
chiffres de salaires, et j'avais des chiffres de 1974 et qui sont, semble-t-il,
vérifiés aujourd'hui, toujours, les salaires en Suède sont
supérieurs aux nôtres, c'est-à-dire que pour 1974 j'ai des
chiffres, $5.64 l'heure, en moyenne, contre $5.17 en moyenne au Canada. Le
coût de la main-d'oeuvre est donc supérieur en Suède
à celui du Canada. Mais le coût de la matière ligneuse
également est plus élevé par suite de l'exploitation
intensive de la forêt, puisqu'on dit que le coût est autour de $76
à $86 par tonne de papier alors qu'ici, au Québec, ce serait
autour de $70. Donc, les coûts de la matière ligneuse
livrée à l'usine, qui représentent le tiers des
coûts, tel qu'il a été présenté dans votre
mémoire, sont plus élevés en Suède. Le coût
de la main-d'oeuvre est également plus élevé en
Suède. Le coût de transport, forcément, pour amener du
papier de la Suède au Canada ou aux États-Unis sera
également forcément plus élevé que le même
coût assumé par nos industriels. Par conséquent, on
s'étonne de ce qu'on puisse craindre la concurrence des Suédois
sur le marché américain alors que, finalement, nous avons des
avantages comparatifs absolument remarquables. Je me demande dans quelle mesure
il n'y a pas un problème de productivité et de modernisation dans
notre industrie qui pourrait expliquer pourquoi notre industrie qui, pourtant,
fait face à des avantages comparatifs marqués, n'arrive pas
à concurrencer les Suédois sur le marché américain.
J'aimerais terminer par cette question et voir ce que vous en pensez.
M. Lachance: Évidemment, comme je le mentionnais la grande
part du marché Scandinave est en Europe. Les frais de transport y sont
très minimes. Le marché d'Europe est à sa porte. Il a
comme nous accès à la mer Baltique, la mer de Botnie, qui lui
permet de transporter son papier par bateau à très bon compte. De
plus, il a l'aide des gouvernements dans le transport de ses pro- duits. C'est
le cas pour les Finlandais et la Suède a un régime tel que cela
lui permet de transporter à meilleur compte que nous. Elle a une flotte
marchande qu'on n'a pas. Je pense que c'est plutôt une question de
transport qui a empêché ces pays ou qui les a rendus incapables de
fournir certains papiers aux États-Unis. Ce qui réside là,
je ne pense pas que ce soit dans la productivité. Je pense que c'est
beaucoup plus une question de structure financière, de structure fiscale
et de transport que de productivité.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lachance, et messieurs les membres de l'Association des industries
forestières du Québec, il me reste à vous remercier de
votre participation à cette commission. Avant de suspendre les travaux
jusqu'à 15 heures, vous savez que cette commission parlementaire
siégeait ici ce matin, en vertu d'un ordre de la Chambre. Nous
siégions donc au salon rouge, mais des problèmes d'affluence
à la commission des consommateurs, chargée d'étudier le
projet de loi no 67 font que j'aurais besoin d'un consentement unanime des
membres de cette commission pour, que cet après-midi, à 15
heures, la séance se tienne à la salle 81-A. Est-ce que le
consentement unanime est acquis?
M. Grenier: Est-ce qu'il y aura possibilité de revenir ici
demain à 15 heures, j'imagine, si c'est terminé en haut?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
consentement que je demande est pour la séance de cet après-midi
et de ce soir, quitte à voir pour demain.
M. Grenier: Pas de problème. Nous sommes d'accord.
M. Pagé: D'accord! Une voix: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce
consentement étant acquis, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures, à la salle 81-A.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
Reprise de la séance à 16 h 5
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît!
Il s'agit de la continuation de la séance de ce matin, donc de la
même séance. J'inviterais maintenant la
Confédération des syndicats nationaux et la
Fédération des travailleurs du papier et de la Forêt
à présenter son mémoire. Je demanderais au porte-parole du
groupe de bien vouloir nous présenter ceux qui l'accompagnent.
Confédération des syndicats
nationaux
et Fédération des travailleurs
du papier et de la forêt
M. Morin (Jean-Guy): Mon nom est Jean-Guy Morin,
secrétaire général de la CSN. Je commence par la gauche.
Vous avez Guy Lévesque, du conseil central de Sherbrooke; Georges
Cantin, président de la Fédération des travailleurs du
papier et de la forêt; François Aubry, du Service
économique de la CSN; Etienne Giasson, coordonna-teur à la
fédération du papier et de la forêt; Guy Tétreault,
président du syndicat d'East Angus, et Marcel Roberge,
vice-président du syndicat d'East Angus.
Avant de commencer, je ferais remarquer qu'il va falloir parler assez
fort parce que les travailleurs du papier subissent la pollution par le bruit
dans les usines et ce matin ils avaient de la difficulté à
comprendre. Un autre point, je ne sais pas si c'est le manque
d'investissements, mais la salle est plus petite cet après-midi que
celle de ce matin et on a autant de monde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
pour satisfaire aux besoins d'une autre commission qui avait des
problèmes encore beaucoup plus graves.
M. Morin (Jean-Guy): Oui?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais je
sais que la salle 91 est actuellement dotée de haut-parleur, de telle
sorte que toutes les personnes qui veulent y assister y assistent. Alors,
à vous la parole.
M. Morin (Jean-Guy): L'industrie des pâtes et papiers et
son importance au Québec. Nous ne pensons pas qu'il soit
nécessaire de nous attarder longuement sur l'importance de l'industrie
des pâtes et papiers dans l'économie québécoise. Le
gouvernement, de même que toutes les parties intéressées
comparaissent devant la présente commission parlementaire, peuvent,
à notre avis, s'entendre sur le fait que cette industrie est l'un des
principaux piliers de l'économie. Ainsi, son évolution future
aura un grand effet sur l'état de toute l'économie. Selon une
étude récente de l'Office de planification et de
développement du Québec, l'industrie des pâtes et papiers
occupait, en 1974, le premier rang des industries manufacturières
québécoises quant à la valeur ajoutée. Son impor-
tance a progressé depuis une quinzaine d'années. En 1961,
c'était l'industrie des aliments et boissons qui occupait le premier
rang, alors qu'en 1974 cette industrie a été devancée par
l'industrie des pâtes et papiers.
L'importance de l'industrie des pâtes et papiers est encore plus
capitale pour l'économie québécoise, économie
dépendant des importations de plusieurs nécessités quand
on apprécie le niveau de ses exportations. En 1973, 42,8% des
expéditions de cette industrie étaient destinés aux
marchés internationaux. Durant chaque année, de 1970 à
1975, le papier à imprimerie a constitué le principal produit
d'exportation du Québec, alors que les pâtes de bois occupent le
huitième rang en 1975. Évidemment, perdre ces marchés au
profit d'autres pays producteurs diminuerait de beaucoup la capacité du
Québec d'importer les biens qu'il ne peut produire à
l'intérieur.
Au niveau de l'emploi, l'industrie des pâtes et papiers n'est
dépassée que par deux autres industries en 1974: celle du
vêtement et celle des aliments et boissons. L'état de
mécanisation de l'industrie des pâtes et papiers a donc pour effet
de ramener l'importance de l'emploi dans l'économie en dessous des deux
autres industries dont la valeur ajoutée est moins importante, mais qui,
elles, sont moins hautement mécanisées.
En 1974, l'emploi dans les trois industries était le suivant:
vêtement, 80 900; aliments et boissons, 65 900; papier et produits
connexes, 52 700. Cependant, à cause des salaires plus
élevés qui sont payés dans cette dernière
industrie, la masse salariale dans l'industrie du papier atteint presque le
premier rang dans ce domaine puisque, pour l'industrie des aliments et
boissons, elle est de $510,5 millions; pour le papier et produits connexes,
$505,6 millions et le vêtement, seulement $415,9 millions.
Contrairement à d'autres industries manufacturières qui
sont concentrées dans des régions urbanisées où il
existe beaucoup d'autres sources d'emploi, l'industrie des pâtes et
papiers constitue la base de la vie économique de plusieurs
régions québécoises plus éloignées des
grands centres urbains. Son importance, dans les différentes
régions, a été établie par le ministère de
l'Industrie et du Commerce, dans une étude complétée en
1970, avec des statistiques de 1964, et qui n'a pas été
renouvelée depuis. On pouvait y constater le rang qu'occupe la
transformation des produits forestiers. Ceci inclut l'activité des
scieries et l'industrie du meuble parmi les autres activités
manufacturières du Québec.
En 1964, sept travailleurs industriels sur dix, dans la région de
l'Outaouais, gagnaient leur vie dans l'industrie de transformation des produits
forestiers. Dans le Nord-Ouest, cette proportion dépasse six sur dix.
Dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, c'est plus de cinq sur dix.
Sur la Côte-Nord, près de cinq sur dix, alors qu'en Mauricie et au
Saguenay-Lac Saint-Jean, c'est un travailleur sur trois.
L'importance que l'industrie peut avoir pour la survie d'une
région particulière est devenue mani-
teste depuis l'annonce de la fermeture du moulin Domtar. À part
les 540 employés de Domtar qui seront directement affectés si
l'usine ferme, tous les secteurs économiques de la région seront
touchés: les producteurs de bois, incluant les agriculteurs, les
entreprises de produits chimiques qui approvisionnent le moulin, la
construction domiciliaire, les commerces, les employés des écoles
et de la municipalité. Le directeur régional du centre de
main-d'oeuvre estime que plus de 2000 mises à pied seront
effectuées dans la région d'East Angus si la fermeture, d'abord
annoncée pour le 30 septembre 1977, mais temporairement remise depuis,
se réalise éventuellement.
Cette fermeture entraînerait donc l'effondrement économique
de cette région et probablement l'émigration forcée d'une
bonne partie des habitants de cette municipalité de 5000 personnes. La
situation d'East Angus pourrait se reproduire dans de nombreuses autres
municipalités du Québec où une entreprise de pâtes
et papiers constitue la base économique de la région. Cela
démontre, pour nous, la nécessité et l'urgence d'appliquer
des mesures garantissant la viabilité continue de l'industrie, mais
surtout des communautés qui en vivent actuellement. Il faut constater
que même un déclin partiel de l'industrie des pâtes et
papiers au Québec se traduirait par le déclin économique
total de certaines régions; déclin total dont les effets sont
déjà connus dans certains coins du Québec: chômage
persistant qui peut toucher la majorité des travailleurs en hiver;
émigration des jeunes; bien-être social comme principale source de
revenu.
L'état actuel de l'industrie. Dans la section
précédente, nous avons vu que l'importance de l'industrie des
pâtes et papiers, dans l'économie québécoise, s'est
maintenue et s'est même accrue, en terme de valeur ajoutée et
d'emplois, comparativement à d'autres industries manufacturières.
En effet, l'industrie de papier et produits connexes employait 38 500
personnes, en 1961, et en employait 52 700, en 1974, soit 36,9% de travailleurs
de plus.
Le fait qu'au Québec on ait pu augmenter le nombre d'emplois dans
cette industrie s'explique parce que nous avons bénéficié
d'une expansion nord-américaine de l'industrie des pâtes et
papiers. Mais malgré cette croissance apparente, la situation de
l'industrie au Québec est de plus en plus précaire. Même si
la production totale des pâtes et papiers au Québec s'est accrue
d'une façon plus ou moins constante, l'augmentation
québécoise est plus lente comparativement à celle d'autres
régions productrices.
Au Canada, en 1961, 35,8% de la valeur ajoutée dans l'industrie
du papier et dans les industries connexes provenait des installations
québécoises. En 1974, la part québécoise avait
baissé à 30,3%, c'est-à-dire qu'en treize ans, le
Québec a perdu 5,5% de la production canadienne, un
phénomène qui s'explique en grande partie par l'expansion
très rapide de l'industrie en Colombie-Britannique. Mais le Canada dans
son entier a perdu, durant cette même période, une partie de ses
marchés au profit d'autres producteurs, comme l'indiquent les
statistiques suivantes concernant la production de papier journal, produit qui
constitue la principale exportation de l'industrie et dont la production est
surtout concentrée au Québec. Or, en 1950, 55,4% de la production
mondiale de papier journal se trouvaient au Canada. En 1975, cette proportion
est tombée à 34,7%.
Bien qu'il y eut une augmentation absolue de la production mondiale, on
constate donc que ce sont des pays autres que le Québec qui ont
bénéficié le plus de l'expansion majeure de la
consommation mondiale des produits de papier survenue depuis la fin de la
deuxième guerre mondiale.
Les États-Unis, par exemple, produisaient en 1950 seulement 17,1%
du papier journal consommé à l'intérieur du pays. En 1975,
cette proportion a atteint 39,8%. Inévitablement, la perte pour
l'industrie québécoise d'une partie du marché des
pâtes et papiers entraîne des répercussions sur les
producteurs. Comme l'a noté le ministre des Terres et Forêts, M.
Bérubé, 60% des usines ont plus de 40 ans. Quand il y a beaucoup
de commandes, toutes les usines produisent à pleine capacité
mais, lorsqu'on arrive dans le creux du cycle de la demande, les fluctuations
étant très fortes, on fait face à des fermetures
d'usine.
Dans la période de récession actuelle, deux fermetures
sont déjà annoncées, celles de Waya-ganak et d'East Angus.
D'autres fermetures pourraient survenir avant que le marché ne reprenne
ou, alors, elles surviendront dans trois, quatre ou cinq ans lorsque la demande
sera encore à la baisse. Il est évident que l'industrie
québécoise n'a pas réussi à tenir tête aux
producteurs des autres provinces ou de l'étranger.
Il existe plusieurs points de vue quant aux causes de cette situation,
c'est-à-dire la faiblesse de l'industrie face aux concurrents. Le
présent gouvernement, si on se fie aux déclarations de M.
Bérubé, a lui-même mis de l'avant nombre d'explications
qui, à notre avis, essaient de faire partager par les producteurs du
bois, par les syndicats ouvriers et par l'industrie la responsabilité de
la situation actuelle de l'industrie des pâtes et papiers.
À cause du peu de temps qu'on nous a alloué pour la
préparation du présent mémoire, nous n'avons pu examiner
aussi en profondeur que nous ne l'aurions voulu tous les problèmes de
l'industrie.
Cependant, nous avons examiné trois aspects qui, à notre
avis, sont importants parce que des déclarations publiques, qu'elles
viennent de l'industrie ou du gouvernement, ont laissé certaines
impressions dans l'opinion publique quant aux conditions de l'industrie des
pâtes et papiers au Québec.
Nous nous proposons donc d'examiner, brièvement, les trois points
suivants: Le coût du bois, le niveau des salaires, la
productivité.
Le coût du bois au Québec. On prétend qu'un des
facteurs nuisant à la rentabilité de l'industrie
est le fait que le coût de récolte du bois au Québec
est plus élevé que dans d'autres régions.
Le coût dont on parle n'est pas toujours le prix directement
payé par le producteur de pâtes et papiers puisque la principale
source de bois, ce sont les concessions forestières accordées aux
compagnies.
En effet, c'est le coût de transport du bois de la forêt
jusqu'à l'usine qui est le principal facteur de ce coût. On
prétend que les arbres mettent plus de temps pour arriver à un
point de maturité qu'ils n'en prennent dans les régions telles
que le Sud des États-Unis. On est donc obligé d'aller plus loin
afin de s'approvisionner d'une quantité de bois suffisante avant que les
arbres ne repoussent.
En faisant des comparaisons avec des régions telles que le Sud
des États-Unis, où le climat est moins froid, il serait juste de
spécifier que le bois en question n'est pas tout à fait
comparable. Il est bien connu que le bois québécois est plus
dense en matière ligneuse que ne l'est le bois poussé dans des
conditions sous-tropiques, ce qui rend une corde de bois
québécoise plus productive qu'une corde ayant moins de
densité et rend le bois québécois particulièrement
doué pour la production de certains papiers de haute qualité.
Même si, en tenant compte des différences de
qualité, on peut trouver que les coûts du bois
québécois sont plus élevés que ceux du bois du Sud
des États-Unis, par exemple, cela ne prouve pas, à notre avis,
que la situation ne puisse pas être améliorée.
Or, dans le Sud des États-Unis, on constate que l'industrie du
bois bénéficie d'un reboisement et d'une sylviculture intensifs,
souvent sur d'anciennes terres agricoles et que le bois est
récolté selon une coupe sélective de sorte que les
mêmes terres peuvent être constamment productives. De cette
façon, le coût du transport en est restreint.
Au Québec, par contre, même si on constate que la coupe
à blanc est moins répandue qu'elle ne l'était il y a
quelques années, il y a encore très peu de reboisement fait par
les compagnies, de sorte qu'une très longue période de temps est
nécessaire avant que la forêt ne redevienne productive, dans les
cas où cela est encore possible après l'utilisation de certaines
pratiques destructives.
Contrairement au sud des États-Unis, les forêts
québécoises sont, pour la majeure partie, du domaine public. Ce
sont donc des propriétaires privés qui ont adopté des
politiques de sylviculture donnant aujourd'hui des résultats aux
États-Unis. L'État étant le principal propriétaire
au Québec, il serait tout à fait normal que le gouvernement
québécois gère les forêts publiques et les exploite
de façon à préserver la productivité des
forêts et ainsi diminuer les coûts de transport à l'usine.
À ce sujet, nous apporterons des recommandations concrètes
à la fin du présent mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Morin, excusez-moi, s'il vous plaît, de vous interrompre. Je constate que
votre mémoire a au-delà de 70 pages et je constate
également que vous en faites une lecture intégrale. Je voudrais
simple- ment vous rappeler que deux heures sont allouées à chaque
organisme, et d'après certaines comparaisons que je suis en train de
faire, si vous lisez tout votre mémoire, il ne restera environ que 30
minutes aux membres de la commission pour vous interroger. Évidemment,
vous avez la liberté et la discrétion de lire votre
mémoire en entier et de prendre tout le temps que vous voulez à
l'intérieur des deux heures, mais je voulais tout simplement soumettre
cela à votre considération.
M. Morin (Jean-Guy): Nous avions considéré cette
partie, mais étant donné que la composition du mémoire est
faite, il faut absolument donner tous les détails afin de pouvoir
comprendre toutes nos propositions à la fin. On a choisi de lire le
mémoire intégralement de façon à pouvoir donner
tous les renseignements.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous en
avez le droit, M. Morin.
M. Morin (Jean-Guy): Le niveau des salaires dans l'industrie du
Québec. On va essayer de procéder un peu plus rapidement. On
prétend qu'au Québec les salaires dans l'industrie des
pâtes et papiers sont plus élevés que dans d'autres
régions et qu'à cause de cela, les opérations
québécoises sont moins rentables que celles des régions
à plus bas salaire. Le pays de comparaison préféré,
c'est les États-Unis où, dit-on, les salaires sont
substantiellement moins élevés que ceux payés au
Québec. Quand on compare le coût de la main-d'oeuvre, il ne faut
pas regarder seulement les salaires, mais aussi les primes et autres
bénéfices qui s'ajoutent à ce que coûte un
travailleur pour son employeur.
Il se peut que certains bénéfices comme
l'assurance-maladie qui est sous régime public au Québec, mais
gérée par des agences privées aux États-Unis
coûtent plus cher aux employeurs américains, mais nous
n'étions pas en mesure d'entreprendre une étude exhaustive de
toutes ces questions. Nous nous sommes limités seulement aux salaires et
nous avons des données à vous présenter à ce sujet.
En regardant les salaires payés sur une base horaire, nous pouvons
constater que dans l'industrie papetière le salaire moyen payé
aux États-Unis est plus bas que le salaire québécois. Il y
a cependant beaucoup de variations entre les différents États
aussi bien qu'il y en a entre les différentes provinces canadiennes. On
constate ainsi que le salaire moyen de l'industrie au Québec est
inférieur à la moyenne canadienne pour l'industrie des
pâtes et papiers. Or, des données sur les salaires moyens d'un
pays de plus de 200 millions d'habitants n'ont pas beaucoup de signification.
Nous examinerons donc les données pour certains États
individuellement. Les comparaisons sont souvent faites avec le sud des
États-Unis sur le plan du coût du bois ainsi que pour d'autres
facteurs. Elles devraient être tout aussi bonnes pour ce qui est des
salaires.
Si nous prenons l'État d'Alabama à titre d'exemple, un
État où l'industrie des pâtes et papiers a connu une
croissance rapide depuis la
deuxième guerre mondiale, nous constatons que le salaire moyen
dans l'industrie était de $6.48, soit environ $6.83 en dollar canadien,
cela se compare avec un salaire moyen au Québec dans l'industrie de
$7.07, soit $0.24 de plus qu'en Alabama, un écart qui est loin de
justifier les déclarations alarmantes qu'on entend souvent à ce
sujet. D'ailleurs, nous sommes certains qu'un écart d'au moins cette
envergure se justifie par les différences dans le coût de la vie
entre le Québec et le sud des États-Unis.
Dans d'autres États, on observe que le salaire moyen dans
l'industrie des pâtes et papiers est de beaucoup supérieur au
salaire québécois: $7.59 en Oregon, $7.77 à Washington, en
dollar canadien. L'écart est même plus grand quand on compare le
salaire québécois avec les salaires payés en
Norvège et en Suède ainsi que dans la province canadienne de la
Colombie-Britannique où le salaire horaire était de $8.92 en mars
1977, soit de $1.85 de plus qu'au Québec. Selon l'hypothèse qui
veut que les salaires trop élevés payés au Québec
expliquent la mauvaise posture de l'industrie des pâtes et papiers d'ici,
cette industrie aurait dû disparaître il y a longtemps dans ces
régions; mais cela n'est pas le cas, au contraire, en Scandinavie et en
Colombie-Britannique, ainsi que dans la plupart des États aux
États-Unis où le salaire est plus haut que la moyenne nationale
où l'industrie est en pleine croissance.
Naturellement, les employeurs peuvent bien trouver des régions
à bas salaire pour bâtir des comparaisons qui servent leurs
causes.
Dans l'État du Vermont, par exemple, le salaire moyen payé
dans l'industrie des pâtes et papiers était de seulement $4.97, en
mars 1977. Ceci n'a pas empêché l'emploi total de descendre de
2200 travailleurs en 1947 à 2100 travailleurs en 1975. Malgré des
salaires presque les plus bas de tous les États-Unis, cela n'a pas
signifié l'essor de l'industrie au Vermont. Évidemment, il faut
regarder ailleurs qu'au niveau des salaires si on veut trouver la cause des
problèmes de l'industrie pour pouvoir ensuite trouver des solutions.
Essayer de faire des travailleurs et de leurs organisations syndicales les
boucs émissaires des problèmes actuels de l'industrie n'aidera
pas à trouver les solutions appropriées.
La productivité dans l'industrie des pâtes et papiers au
Québec. Outre le coût des matières premières et de
la main-d'oeuvre, un autre facteur détermine la position concurrentielle
de l'industrie, c'est l'efficacité de la production. L'indice
normalement utilisé pour refléter l'efficacité d'une
industrie est le taux de productivité, la productivité
établissant un rapport entre la production et l'emploi.
Donc, si par personne employée dans une installation
québécoise, la production est inférieure à celle
d'une personne employée dans une autre installation, l'installation
québécoise sera moins rentable, à moins que ce taux de
productivité plus bas ne soit compensé par des économies
dans les coûts de production. On argumente justement que les
installations québécoises sont souvent moins rentables que
d'autres et que les coûts de production ne sont pas moins
élevés, mais, au contraire, sont souvent plus
élevés. Nous avons déjà examiné certaines
prétentions concernant le coût du bois et de la main-d'oeuvre.
Pour éclaircir vraiment la situation au sujet de la
productivité, il faudrait que les compagnies rendent publics les
états financiers de chaque usine, en y incluant les données sur
les ventes et sur les coûts de production. Avec de tels renseignements,
nous serions mieux en mesure d'analyser les problèmes des installations
particulières et d'apporter des recommandations concrètes. Il n'a
pas été dans la politique des sociétés de
pâtes et papiers implantées au Québec de privilégier
les syndicats en fournissant de tels renseignements. Notre discussion sur ce
sujet est donc nécessairement plus générale à cause
de la nature plus globale de données qui nous sont fournies par les
agences publiques et privées.
Des statistiques à la fois complètes et comparables sur le
plan régional sont disponibles pour les provinces canadiennes. Nous
faisons donc notre analyse à partir d'elles. Dans le tableau I, nous
présentons les données sur un indice de productivité, la
valeur ajoutée par employé dans l'industrie du papier et produits
connexes pour les trois grandes provinces productrices. À partir de ce
tableau, on peut constater que, depuis 1961, la productivité de
l'industrie au Québec a été légèrement
supérieure à celle de l'Ontario, contrairement à la
situation dans beaucoup d'autres industries où les travailleurs se font
dire régulièrement par leur employeur qu'ils sont moins
productifs que leurs confrères ontariens. On constate, par exemple,
qu'en 1974 le taux de productivité était de 2,2% plus
élevé au Québec qu'en Ontario.
La Colombie-Britannique, par contre, avait un taux de
productivité qui devançait de loin celui des deux autres
provinces. En 1974, la productivité dans cette province était de
55,3% plus élevée qu'au Québec. Avant de procéder
à l'analyse de ces comparaisons, il est bien de comprendre ce qui peut
causer une augmentation de l'indice de productivité. Or, des
fluctuations dans l'indice de productivité s'expliquent souvent par des
fluctuations dans les ventes totales qui suivent le cycle économique.
Les fluctuations dans les demandes sont particulièrement
élevées dans l'industrie des pâtes et papiers.
Une baisse de la demande explique justement la chute de
productivité subie par l'industrie à travers le Canada en 1967.
L'emploi est resté presque constant, pendant que la valeur
ajoutée passait de $1,48 milliard en 1966 à $1,06 milliard en
1967. Un changement dans la productivité dû à un tel
phénomène n'a rien à voir avec l'efficacité de la
production dans les installations. Le changement ne reflète que les
fluctuations dans le cycle économique, qui sont une
caractéristique de l'économie capitaliste.
Un indice de productivité définit un rapport entre la
production et le travail, mais peut varier selon un troisième facteur
qui n'entre pas dans le calcul: l'équipement et la machinerie qui sont
mis
à la disposition des travailleurs pour effectuer la production.
Évidemment, une entreprise qui possède les installations les plus
modernes, la technique la plus récente produira plus relativement au
nombre de travailleurs qu'une autre entreprise dont les installations sont plus
vieilles, moins mécanisées et sujettes à des bris. C'est
justement à cause de ces différences que, dans l'industrie des
pâtes et papiers, les usines d'une région comme la
Colombie-Britannique ont un niveau de productivité plus
élevé que les usines québécoises. Le tableau II
démontre cet état de choses par des statistiques sur les
investissements effectués par employé dans l'industrie du papier
et produits connexes dans les provinces de Québec et de
Colombie-Britannique. Chaque année, au cours de la période 1961
à 1974, les dollars investis par employé en Colombie-Britannique
sont beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont au Québec. Au
cours de certaines années, les investissements par employé en
Colombie-Britannique représentent plus de quatre fois le niveau des
investissements québécois.
En moyenne, durant la période de 1961 à 1974, pour chaque
dollar investi au Québec il y en avait $2.79 en Colombie-Britannique. On
ne devrait pas se surprendre alors du fait qu'en 1974 la productivité
dans les usines des pâtes et papiers de la Colombie-Britannique soit de
55,3% plus élevée qu'au Québec.
La productivité est plus basse au Québec parce que les
compagnies ont tout simplement refusé de renouveler et de moderniser les
installations d'ici au même rythme que l'ont fait les compagnies
implantées dans une région comme la Colombie.
Par contre, il est évident que la situation financière des
sociétés contrôlant l'industrie des pâtes et papiers
au Québec n'est pas pire que celle des compagnies qui dominent
l'industrie colombienne. En effet, si on regarde les statistiques de 1974, ce
serait plutôt le contraire, comme le témoignent les chiffres
présentés dans le tableau III.
Pour les deux compagnies qui sont fortement implantées en
Colombie-Britannique, MacMillan-Bloedel et Crown-Zellerbach, le rapport entre
bénéfices nets et actif total était de 6,1% et de 7,2%
respectivement; pour les trois compagnies fortement implantées au
Québec: Price, Conso-lidated-Bathurst et Domtar, le rapport était
de 8,8%, 9,8% et 11,8%. Bien que ce soient des données pour une seule
année qui était d'ailleurs plutôt favorable dans l'ensemble
de l'industrie, on peut conclure, à tout le moins, que l'évidence
ne démontre pas que l'état financier des compagnies de
pâtes et papiers québécoises, relativement à
d'autres compagnies, est trop précaire pour permettre des
investissements.
D'ailleurs, les travailleurs dans plusieurs moulins de pâtes et
papiers au Québec savent, par leur propre expérience, que les
compagnies n'ont pas daigné réinvestir ne serait-ce qu'une partie
des profits générés par ces installations, de sorte que
les installations commencent à se détériorer et,
éventuellement, l'existence des usines est mise en cause. C'est le cas,
notamment, au moulin Price de Kénogami, au moulin de Domtar à
Windsor et à East Angus. Dans les deux derniers cas, la CSN,
conjointement avec les travailleurs de ces usines, a récemment
effectué des études sur l'état des usines et l'histoire
des investissements. Cela nous a permis de confirmer que la compagnie n'a
effectué aucun investissement depuis plusieurs années, qu'elle a
systématiquement rejeté toute suggestion d'amélioration
faite par les employés, qu'elle a effectué des réparations
avec de l'équipement usé ou n'a pas fait de réparation du
tout. Dans le cas d'East Angus, elle a même négligé
d'entreprendre l'entretien régulier nécessaire au fonctionnement
de l'usine.
Le résultat de cette politique patronale est que les travailleurs
sont obligés d'exercer leur métier dans des installations qui
sont à la fois inefficaces et dangereuses et, lorsque l'usine n'est plus
rentable, la compagnie menace de la fermer et, ainsi, de mettre fin à
leur source d'emploi, à moins que les travailleurs n'acceptent des
sacrifices importants. C'est le cas, notamment, au moulin d'East Angus comme
nous l'exposons en détail en annexe.
La CSN prétend que c'est le refus des compagnies de pâtes
et papiers de réinvestir leurs profits dans les régions où
ils ont été générés qui conduit à des
situations comme celle vécue actuellement à East Angus. C'est ce
qui constitue le principal problème vécu au Québec. Nous
croyons que toute politique gouvernementale visant à résoudre les
problèmes de l'industrie des pâtes et papiers doit prioritairement
faire en sorte que les profits soient réinvestis dans le secteur, au
Québec, et surtout dans les régions qui vivent de cette
industrie. Nous formulons des propositions concrètes en ce sens, mais
avant d'en arriver là, nous vous proposons d'examiner rapidement la
structure de l'industrie des pâtes et papiers au Québec afin de
comprendre comment peuvent se produire des situations comme celles
décrites ici, situations dues à un refus d'investir.
Les monopoles des pâtes et papiers. En 1971, la CSN et la
fédération ont entrepris une étude sur l'état de
l'industrie forestière au Québec et son avenir. Après
quelque 18 mois de recherches et de consultations auprès des
travailleurs du secteur, on a abouti à la publication, en 1973, d'un
document intitulé: "On est pas pour s'Iaisser passer un sapin", document
qui a connu une diffusion et une étude très large parmi les
travailleurs membres de la fédération. Dans la préparation
et l'étude de ce document, on a constaté que la principale
caractéristique de l'industrie des pâtes et papiers au
Québec en est l'emprise des monopoles. On a constaté qu'un petit
nombre de producteurs possèdent les principales installations de
pâtes et papiers au Québec et contrôlent les matières
premières nécessaires à la fabrication. La concentration
dans l'industrie s'est effectuée depuis le début du XXe
siècle et selon toute probabilité se poursuivra dans
l'avenir.
Les entreprises papetières au Québec sont liées
à des groupes financiers de grande envergure sous la direction des
principales banques
nord-américaines. La plupart des entreprises pa-petières
ont des liens financiers entre elles et plusieurs ont des capitaux industriels
en commun, ce qui forme une toile d'araignée ou un réseau
d'influence d'entreprises interreliées de multiples façons. C'est
pourquoi on peut dire que les compagnies de pâtes et papiers ont plus de
choses en commun que d'intérêts qui les séparent.
En complétant cette étude on a constaté que les
sept plus grandes compagnies de pâtes et papiers employaient 87% des
travailleurs dans les usines, tandis que les quatre grandes qui dominent
l'industrie du Québec, CIP, Consol, Domtar et Price, employaient
près de 70% des travailleurs des pâtes et papiers. Au niveau de la
production, quatre compagnies possédaient 70% de la capacité de
production de papier journal, deux compagnies produisaient 63% de la
capacité de la pâte kraft et deux, 72% de la capacité de
production des papiers de carton et d'emballage. En gros, on constatait que les
quatre grandes contrôlaient 75% de tous les produits des pâtes et
papiers au Québec.
À l'échelle nord-américaine, les entreprises
papetières qu'on trouve au Québec sont loin d'être
négligeables. On notait que CIP était le premier producteur
nord-américain de papier journal, Abi-tibi le troisième et Price
le quatrième. Cette situation a déjà changé avec
l'acquisition de Price par Abitibi en 1974. Abitibi-Price est devenu le
géant mondial du papier journal. Après Abitibi-Price, CIP (avec
l'International Paper, des États-Unis) est maintenant au deuxième
rang sur le plan nord-américain. Une autre des quatre grandes,
Consolidated-Bathurst, se trouve au cinquième rang. Deux autres
producteurs québécois qui ne sont pas parmi les quatre grandes,
Ontario Paper propriétaire de Quebec North Shore et
Kruger, se trouvent respectivement au septième et au neuvième
rang quant à la production nord-américaine de papier journal.
L'autre des quatre grandes au Québec, Domtar, est au douzième
rang, cette compagnie ayant un rang plus important au niveau de la production
d'autres produits des pâtes et papiers.
Au cours de 1974, Abitibi a, en 22 jours, planifié et accompli la
conquête de Price en achetant 60% des actions de cette dernière,
devenant ainsi le premier producteur mondial de papier journal. Cette action de
concentration n'est pas la première dans l'industrie des pâtes et
papiers et, si le gouvernement ne s'y oppose pas, elle ne sera pas la
dernière. Comme dans toute autre industrie importante de notre
économie capitaliste, la propriété se concentre de plus en
plus entre les mains d'un petit nombre de sociétés qui dominent
et qui mènent toute l'activité d'un secteur économique. En
effet, dans l'industrie papetière cette concentration se poursuit depuis
au moins un demi-siècle. La compagnie Consol, par exemple, est
née de la fusion de quatre compagnies en 1928, auxquelles se sont
ajoutées, au cours des années soixante, quatre autres compagnies,
pour s'achever avec la fusion entre Consol et Bathurst en 1967. Aujourd'hui le
groupe Power Corporation, qui contrôle Consol, essaie d'obtenir le
contrôle du groupe Argus et s'approche ainsi de la compagnie Domtar
contrôlée par Argus.
En plus de contrôler la majeure partie de la capacité de
production dans l'industrie, les géants du papier contrôlent
également les meilleures forêts du Québec et
détiennent ainsi l'emprise sur les matières premières.
Quelque 88 000 milles carrés de concessions forestières sur les
forêts publiques ont été donnés par le gouvernement
aux compagnies privées, ces concessions accordant le droit
d'exploitation exclusif à une compagnie. Neuf compagnies
papetières se partagent, à elles seules, 92% des concessions
forestières, tandis que 120 autres concessionnaires des scieries
pour la plupart ont accès aux autres 8%. Et ces chiffres ne
tiennent pas compte de la concession déguisée droit de
coupe exclusif de 26 000 milles carrés, accordée à
la compagnie ITT sur la Côte-Nord.
Nous avons noté un point fondamental concernant les géants
du papier au Québec; le fait qu'ils font souvent partie de complexes
financiers dont l'exploitation des pâtes et papiers au Québec
n'est qu'un intérêt parmi d'autres. En effet, en plus de la
concentration croissante du pouvoir économique, on peut constater aussi
une tendance vers la diverisification, c'est-à-dire l'expansion, par une
même société financière, dans plusieurs
régions et dans plusieurs champs d'activité différents.
Ainsi on constate que plusieurs sociétés papetières
installées au Québec ont acquis des installations de pâtes
et papiers en dehors du Canada. Abitibi et Price, même avant leur fusion,
ont toutes deux investi dans des usines dans le Sud des États-Unis.
Domtar et Consol ont acquis des intérêts dans l'industrie du
papier en Europe. Quant à International Paper, elle possède des
installations de pâtes et papiers dans quatre continents.
Mais ce n'est pas seulement au plan géographique qu'on peut dire
que l'industrie des pâtes et papiers au Québec appartient à
des capitalistes ayant des intérêts diversifiés.
International Paper, par exemple, est liée au groupe financier
Rockefeller dont les principaux instruments financiers sont la First National
City Bank et la Chase Manhattan Bank. Le groupe Rockefeller est aussi
présent chez deux compétiteurs de l'International Paper,
Kimberley-Clark, fabricant de Kleenex, et ITT-Rayonier, mais ses
intérêts s'étendent à beaucoup d'autres secteurs.
Les sociétés suivantes sont toutes liées à l'empire
Rockefeller: Exxon, Boeing, United Aircraft, Colgate-Palmolive, etc. Un autre
groupe financier américain, le groupe Morgan (Bankers' Trust) est
lié à trois sociétés papetières: Scott
Paper, American Can et Crown Zellerbach. Ce même groupe financier a des
liens avec des grandes sociétés industrielles telles que General
Motors et Johns-Manville.
Bien que ces groupes financiers ne soient pas les propriétaires
majoritaires des sociétés en question, souvent ils
détiennent un contrôle sur leur gestion par la possession d'une
proportion prépondérante des actions, par leur présence au
sein des conseils d'administration et par le contrôle de
la ligne de crédit de ces compagnies. Ainsi, ils peuvent
réussir à diriger toutes les décisions importantes
concernant les investissements, les acquisitions, etc. Les mêmes sortes
de liens expliquent l'intégration de Consol au complexe Power
Corporation de Montréal et Domtar au groupe Argus. Power est
présentement dans un bon nombre d'autres secteurs par l'entremise de
sociétés telles que Canadian Steamship, Dominion Glass, La
Presse, Voyageur, Davie Shipbuilding, Kingsway Transport, Laurentide Finance;
Power possède aussi beaucoup de propriétés
immobilières. Argus, pour sa part, est présente dans les
sociétés suivantes: Hollinger Mines, Massey-Ferguson, Dominion
Stores, British Columbia Forest Products, Standard Broadcasting, ainsi que dans
les firmes immobilières.
Il y a d'autres compagnies de papier au Québec qui tombent sous
le contrôle exclusif d'une société mère qui
détient la majorité des actions de la compagnie en question. Il y
a, par exemple, E.B. Eddy, qui appartient à 100% à Weston; Price
qui appartient majoritairement à la compagnie Abitibi de Toronto; QNS,
dont le propriétaire majoritaire est le Chicago Tribune.
Il existe, bien sûr, une certaine rivalité entre les
différentes sociétés de pâtes et papiers ainsi
qu'entre les groupes financiers auxquels elles appartiennent, surtout en ce qui
concerne l'accumulation des profits et l'acquisition des nouveaux
intérêts. On découvre cependant un grand nombre de liens
entre ces sociétés rivales qui laissent penser que ces compagnies
ont assez d'intérêts en commun pour constituer une grande famille
qui monopolise l'industrie et la gère selon ses intérêts.
D'abord, il y a des liens existant par l'entremise des banques. Dans la
recherche qu'on a faite, on constatait que la Banque Royale avait quatre
directeurs en commun avec Abitibi, trois fois la rivale d'Abitibi,
Consolidated-Bathurst, et trois avec son autre rivale, Domtar. D'autres banques
canadiennes, telles que la Banque impériale de Commerce et la Banque de
Montréal ont des liens semblables avec plus d'une société
des pâtes et papiers. Comme déjà mentionné, les
banques peuvent exercer une influence déterminante dans les
décisions concernant des activités importantes comme les nouveaux
investissements en accordant ou en refusant d'accorder une ligne de
crédit. Par exemple, en 1974, c'étaient les dirigeants de la
Banque Royale qui donnaient à Abitibi le mot d'ordre pour
procéder à l'achat de Price en lui accordant un prêt de
$125 millions. Le tableau IV reproduit un graphique démontrant les liens
financiers et administratifs entre les différentes
sociétés des pâtes et papiers. Il est à noter que ce
graphique publié par la CSN en 1973, est déjà quelque peu
dépassé par les événements depuis l'acquisition de
Price par Abitibi, en 1974. Les liens entre les membres de la famille se
resserrent.
À part les liens par le biais des banques, il y a d'autres liens
importants entre les différentes sociétés. Six
sociétés détiennent en commun la société
Canadian Overseas qui est chargée de la vente du papier journal dans les
pays d'outre-mer. Treize compagnies sont organisées dans l'Eastern
Canada Newsprint Group et presque la totalité des entreprises
canadiennes sont regroupées dans l'Association canadienne des
producteurs des pâtes et papiers. Cette association dont le Conseil
producteur des pâtes et papiers du Québec est le prolongement
québécois, dispose d'un personnel d'environ 60 employés
pour compiler des statistiques, entreprendre des études, effectuer une
liaison entre les différentes sociétés, etc.
Les conséquences pour les travailleurs québécois.
La concentration de l'industrie des pâtes et papiers dans les mains d'un
nombre de plus en plus petit des sociétés géantes n'est
pas le fruit du hasard. Ceci est une tendance qui se poursuit dans tous les
grands secteurs économiques et dont l'objectif fondamental est
d'accroître l'exploitation de la classe ouvrière. En tant
qu'ouvriers qui sont obligés de vendre leur force de travail aux
capitalistes, les travailleurs font face à des stratégies
patronales qui ont manifestement fait l'objet d'une concertation entre les
employeurs. Des exemples: La lutte patronale pour enlever le droit acquis de
l'indexation dans tous les secteurs et particulièrement dans les
pâtes et papiers; le déclenchement des lock-out durant les
négociations; et, dernier phénomène au Québec, le
chantage de menacer la fermeture pour forcer un recul dans les salaires et les
conditions de travail.
En tant que consommateurs qui constituent la grande majorité de
la population, les travailleurs font aussi l'objet d'une exploitation qui
augmente avec la concentration accrue de l'industrie. Puisqu'il a la
capacité d'exercer un contrôle monopolistique sur le marché
du papier, le cartel du papier peut restreindre la production totale pour
forcer une augmentation du prix. En juillet 1971, par exemple, alors que
l'industrie était en pleine récession avec un surplus de
production, les géants du papier ont annoncé une hausse de $8 la
tonne de papier journal. Selon la loi de l'offre et de la demande qui, selon
l'idéologie de la libre entreprise, est censée s'appliquer dans
une économie capitaliste, une telle situation de surplus de
capacité aurait dû provoquer une baisse de prix, une augmentation
des ventes et un réembauchage des travailleurs mis à pied.
Au lieu de cela, les prix augmentaient et les mises à pied se
poursuivaient. Au cours de la période de récession
économique qui a débuté en 1975, on fait encore face
à des hausses de prix pendant que certains moulins ferment et que
d'autres travailleurs travaillent sur une base réduite. Qui subit les
frais des crises cycliques que produit l'économie capitaliste est un
fait évident pour les travailleurs de l'industrie des pâtes et
papiers: Les travailleurs sont mis en chômage, les coûts des biens
nécessaires augmentent tandis que leurs employeurs augmentent les prix
pour protéger leurs profits et resserrer leur emprise sur le
marché.
Il serait facile de dire que, si les sociétés des
pâtes et papiers avaient négligé des possibilités de
vente ou d'investissements intéressants, de nouvelles entreprises
auraient pu être formées pour saisir l'occasion de prendre la
place des entreprises existantes. Une appréciation du contrôle
exercé par les géants de l'industrie nous donne la
réponse à une telle spéculation. Nous avons
déjà parlé du contrôle des meilleures forêts
par ces géants, contrôle laissant peu de place à de
nouveaux concurrents. Depuis que la compagnie Kru-ger a acheté le moulin
à Bromptonville, elle se trouve obligée de se rendre à
plusieurs centaines de milles au nord, au lac Relique, pour aller chercher son
bois, alors qu'il y a d'importantes forêts non exploitées dans la
région environnante, les Cantons de l'Est, forêts détenues,
entre autres, par la compagnie Domtar et la compagnie Mégantic
Lumber.
Ces dernières années, deux communautés
québécoises, Cabano et Témiscamingue, ont tenté de
mettre en place des entreprises avec la participation des travailleurs afin de
reprendre les opérations abandonnées par des entreprises de
pâtes et papiers. Dans les deux cas, les travailleurs ont dû
accepter des sacrifices énormes, dépendre de la largesse de
l'État et faire des concessions à des compagnies pour la mise en
marché. Pourquoi de tels problèmes? Parce qu'en plus de
contrôler la matière première, les monopoles des
pâtes et papiers ont l'accès exclusif aux importants
réseaux de vente et ont accès à d'énormes sources
de crédit en payant des taux d'intérêt
privilégiés, pour ne pas parler d'autres privilèges qui ne
sont pas disponibles au nouvel arrivé. La compagnie
Consolidated-Bathurst, par exemple, par ses liens avec Power, contrôle
des forêts et des moulins à papier, transforme ceux-ci en produits
d'emballage par Bathurst et St. Regis, utilise les services de transport
Kingsway et Canada Steamship, vend son papier journal à la chaîne
des journaux TransCanada, à la Presse et à Montréal-Matin,
et peut instantanément avoir accès à plusieurs millions de
dollars de crédit à la Banque Royale.
De la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'à la fin
des années soixante, l'industrie canadienne des pâtes et papiers a
connu une croissance plus ou moins stable dans des conditions assez favorables.
Selon plusieurs observateurs, l'industrie canadienne a eu la vie facile durant
les années soixante, avec des ventes assurées, sans avoir besoin
de moderniser les équipements et sans faire d'innovations sur le plan de
la mise en marché. Une maison de courtage fait remarquer, par exemple,
que "les niveaux peu élevés du dollar canadien pendant les
années soixante ont caché des problèmes structuraux
fondamentaux qui s'accumulaient pendant cette période."
On peut énumérer plusieurs autres avantages dont les
producteurs québécois ont particulièrement joui, non
seulement durant les années soixante, mais depuis leur installation au
Québec. En s'installant au Québec, les producteurs de papier ont
pu bénéficier du bois vierge à la porte du moulin, le
droit de transporter le bois sur les rivières, ce qui implique des
coûts très minimes, et de l'électricité à des
coûts très favorables (surtout pour les compagnies comme Price qui
possèdent leurs propres installations hydroélectriques). Avec ces
avantages "naturels", les producteurs québécois ont pu rester
concurrentiels tout en négligeant le renouvellement et la modernisation
des installations avec des producteurs dans des régions comme le Sud des
États-Unis qui devaient compter sur des usines modernes, l'utilisation
sélective des forêts aménagées et de nouvelles
pratiques de mise en marché pour devenir concurrentiels.
Depuis le début des années soixante-dix, la conjoncture a
changé pour l'industrie québécoise qui a vu l'augmentation
de la demande ralentir, la valeur du dollar canadien remonter par rapport au
dollar américain bien que le dollar ait encore baissé
depuis la fin de 1976 les sources de bois vierge s'éloigner des
usines, le droit de transport sur les rivières aboli à cause des
effets nocifs sur l'environnement, et la perspective de voir les coûts de
l'électricité augmenter. Le fait que ces entreprises ont
fonctionné dans un secteur presque fermé à de nouveaux
investisseurs a certainement contribué aux attitudes négligentes
qui se sont traduites au Québec par une absence de modernisation et un
manque de vigueur sur le plan des innovations techniques et de la mise en
marché. Dans les usines, les travailleurs ont été
conscients d'un changement dans les attitudes des compagnies durant cette
période; au lieu de faire des efforts spéciaux pour produire du
papier de bonne qualité, on a sacrifié la qualité pour
produire la plus grande quantité possible pour un marché en
croissance. Cette politique, bien que temporairement rentable pour les
compagnies, a certainement diminué la réputation
privilégiée du papier québécois et a
également contribué à la perte de fierté dans la
production d'une bonne qualité de papier qu'avaient les travailleurs
antérieurement.
Maintenant qu'existe la concurrence d'autres installations plus
modernes, les compagnies songent à fermer des installations qu'elles ont
le plus laissé se détériorer. Évidemment, les
compagnies se sont protégées en investissant ailleurs, mais les
travailleurs n'ont pas ce luxe; eux, ils subissent les conséquences des
fermetures d'usines. De par sa fonction même, c'est-à-dire
l'accumulation des profits dans des mains privées, l'entreprise
capitaliste n'assume pas les coûts sociaux que ces activités
engendrent, à moins que ses travailleurs ou la communauté ne
forcent l'entreprise, contre sa volonté, à les assumer.
Il n'est pas impossible alors que, dans une société
capitaliste, les effets nuisibles de la pollution ou des maladies industrielles
produits par une entreprise excèdent les effets bénéfiques
de la production utile. Nous ne proposons pas d'entreprendre ce genre de
calculs concernant tous les effets positifs et négatifs engendrés
par l'industrie papetière, mais nous pouvons observer qu'en ce qui
concerne le choix des investissements, les compagnies n'ont aucunement tenu
compte des coûts sociaux dans leurs décisions. À notre
avis, ce problème est accentué par l'intégration des
entreprises papetières dans les empires financiers
diversifiés.
Avant de donner des exemples, nous allons expliquer nos motifs de faire
cette déclaration. Dans un régime de petites entreprises
indépendantes, on peut s'attendre que l'entreprise produise selon les
demandes du marché et réinves-
tisse ses profits dans l'entreprise concernée puisqu'il n'y a pas
d'autre débouché. Mais, aussitôt que l'entreprise est
liée à des réseaux financiers qui sont eux-mêmes
liés à d'autres secteurs, une perte de capitaux vers d'autres
secteurs ou d'autres régions peut se produire. Pour nous, il n'est pas
question de proposer un retour au régime des petites entreprises: Une
telle proposition est illusoire dans la société capitaliste
dominée par les monopoles et ne sert qu'à masquer les vrais
problèmes posés par un régime d'entreprise privée
qui ne peut être réglé que par la collectivisation des
moyens de production. La saignée des profits d'une région ou d'un
secteur pour favoriser l'expansion d'un autre est une autre
caractéristique de l'économie capitaliste sous l'emprise des
sociétés multinationales. Nous avons déjà vu
comment l'industrie papetière au Québec est
défavorisée au niveau de l'investissement par rapport à la
Colombie. Au Québec, le cas d'East Angus, dont nous avons
déjà parlé et dont nous parlerons encore, est un exemple
parfait du peu de cas que l'on fait des conséquences sociales.
En ne tenant aucun compte de ses engagements légaux avec le
gouvernement, Domtar a proposé de fermer le moulin d'East Angus en
même temps qu'elle s'est engagée dans des projets de construction
augmentant la capacité de production à Lebel-sur-Quévillon
et à Oolbeau et impliquant des investissements de plusieurs dizaines de
millions de dollars. Bien que ces pratiques soient peut-être rentables au
niveau de l'entreprise ce que nous demandons pour la grande
majorité québécoise, c'est-à-dire pour les
travailleurs et les contribuables, les coûts d'une telle pratique sont
énormes: assurance-chômage et bien-être social pour 2000
travailleurs, baisse de valeur des propriétés à East Angus
et construction de nouvelles routes, écoles, hôpitaux,
aménagements publics, dans des régions peu peuplées.
Des conséquences de même nature dues à d'autres
pratiques patronales peuvent aussi être mentionnées. À
Drummondville, la compagnie Dennison, qui fabrique des articles de papier,
décide, pour des raisons de marketing, de déménager la
moitié de la machinerie à Bowmanville en Ontario, mettant
à pied une centaine de travailleurs dans une région durement
frappée par le chômage. Après l'achat de Price par Abitibi
en 1974, on décide d'arrêter un projet de rénovation de $18
millions déjà entrepris par la première compagnie, ce qui
démontre peut-être les conséquences de l'intégration
d'une compagnie dans une autre ayant des intérêts
concentrés dans une autre région.
La compagnie Price était contrôlée par des
intérêts étrangers, bien sûr, et avait des capitaux
répartis dans beaucoup de régions, incluant le Sud des
États-Unis, mais, au moins, Price avait son siège social au
Québec et le gros de ses installations y était concentré.
Maintenant que Price est absorbé par Abitibi, le centre de
décision est rendu à Toronto et les capitaux
québécois sont devenus minoritaires dans l'empire. La
possibilité de voir les profits engendrés dans une région
être transférés dans une autre région ou secteur est
encore plus grande quand la compagnie en question a des liens étroits
avec des groupes financiers ayant des intérêts diversifiés
tels que Power, Argus ou le groupe Rockefeller de New York.
Un tel groupe financier peut en effet exercer son influence pour
favoriser l'expansion de certains secteurs aux dépens de certains autres
et il se pourrait que ce soit le secteur du papier, en l'occurence, qu'on
laisse stagner en rapatriant les profits qui pourraient y être
réinvestis pour servir à l'expansion d'industries ou
régions favorisées.
Nous n'entreprendrons pas ici un examen de tous les investissements et
de toutes les acquisitions des trois groupes financiers mentionnés
ci-dessus, mais on a déjà pu voir des exemples de
négligence des installations papetières dans le cas de chacun des
groupes.
L'intérêt premier des groupes financiers auxquels ces
compagnies sont liées, il faut se le rappeler, n'est pas la production
des pâtes et papiers, mais la création de profits et
l'accumulation du capital.
Si un autre secteur que l'industrie des pâtes et papiers
québécoise apparaît temporairement plus alléchant
à ces géants financiers, c'est l'industrie papetière
québécoise qui sera défavorisée et
l'économie québécoise dans son entier qui en souffrira.
Cette situation ne changera pas tant que ces sociétés
continueront de dominer l'industrie papetière
québécoise.
Prévisions pour la production. Avant d'arriver aux propositions
pour de nouvelles politiques gouvernementales, nous suggérons d'examiner
brièvement les possibilités futures de l'industrie quant à
la disponibilité du bois et quant à la progression de la demande.
À notre avis, il est important d'éclaircir ces points parce
qu'évidemment les politiques gouvernementales ne seront pas les
mêmes pour une industrie où les possibilités d'expansion
à long terme sont énormes que pour une industrie où toutes
les matières premières sont épuisées et la demande
en déclin.
Je crois que, dans cette partie, où il y a beaucoup de chiffres,
ce qu'on démontre, c'est qu'il n'y a pas de problèmes en ce qui
concerne les approvisionnements pour l'industrie et qu'il y a des
possibilités d'expansion en conséquence.
Ce qu'on propose. Programme de la CSN pour l'industrie des pâtes
et papiers. De tous les problèmes subis par les travailleurs de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec, celui de
l'insécurité d'emploi est ressenti aujourd'hui comme le
problème le plus aigu. Évidemment, ce n'est pas seulement dans
l'industrie papetière que le travailleur vit constamment sous la crainte
de perdre son emploi: L'insécurité de l'emploi est une
caractéristique du travail dans une économie capitaliste, et les
travailleurs se servent souvent de cette insécurité pour dicter
les conditions de travail. Pour le travailleur, sa force de travail est la
seule possession qu'il a lui permettant de vivre convenablement, et la
possibilité de perdre son emploi pourrait entraîner pour lui une
situation désastreuse, surtout quand le niveau de chômage a
atteint des
niveaux tels que ceux qu'on connaît actuellement. En juillet 1977,
le taux de chômage officiel a atteint 10,3% au Québec.
Mais si l'insécurité de l'emploi caractérise
l'économie capitaliste en général, elle est devenue
particulièrement manifeste dans l'industrie pape-tière à
la suite des politiques de négligence et de refus d'investir
pratiquées par la plupart des compagnies. C'est pour cette raison que la
CSN, dans son programme pour l'industrie des pâtes et papiers, poursuit
comme premier objectif le respect du droit au travail de la classe
ouvrière. On recherche ainsi la protection des emplois et des
communautés qui dépendent actuellement de l'industrie des
pâtes et papiers au Québec.
Nous avons démontré dans le présent mémoire
le sérieux de la menace aux emplois et aux communautés que
présente actuellement l'état de certaines installations de
pâtes et papiers au Québec. Nous avons démontré
ensuite que cette situation découle de l'emprise de l'industrie par des
sociétés géantes liées aux principaux groupes
financiers du continent qui cherchent à agrandir leur emprise sur tous
les secteurs de l'économie aux dépens des travailleurs et des
ressources naturelles.
Après avoir pillé les forêts et les rivières
québécoises pendant de nombreuses années, ces
sociétés ont, durant les récentes années,
négligé le renouvellement et la modernisation de l'industrie pour
arriver aux problèmes qu'on a cités. La CSN considère
qu'un développement rationnel de l'industrie des pâtes et papiers
qui bénéficierait aux travailleurs québécois ne
peut être accompli que par les travailleurs eux-mêmes dans une
économie socialiste.
Tout en reconnaissant les limites d'un gouvernement qui ne remet pas en
cause le régime capitaliste, nous considérons que le gouvernement
actuel est en mesure de prendre des moyens pour favoriser un
développement planifié et auto-centré de l'industrie des
pâtes et papiers où les profits engendrés dans cette
industrie seraient réinvestis dans les régions qui ont
été négligées dans le passé. Ceci est le
deuxième objectif que nous mettons de l'avant. La CSN propose le
programme qui suit comme moyen de poursuivre ces deux objectifs-.
La reprise en main des forêts québécoises par le
gouvernement. Nous considérons que c'est une première
étape essentielle pour l'État, le propriétaire
légal de la plupart des forêts, pour pouvoir planifier
l'utilisation des forêts et négocier efficacement avec les
compagnies. On recommande aussi la révocation de toutes les concessions
forestières accordées aux compagnies et la nationalisation des
gros terrains privés, terrains excédant 2000 acres. Le
gouvernement, par l'entremise de REXFOR ou d'une nouvelle société
proposée ci-dessous, deviendrait l'unique producteur de bois sur les
terrains supérieurs à 2000 acres et serait le vendeur exclusif de
bois aux compagnies.
La monopolisation des meilleures forêts par des géants du
papier donne lieu à de nombreuses situations absurdes dont nous ne
donnons ici que quelques exemples: la compagnie Kruger doit trans- porter son
bois d'une concession située à 400 milles vers le nord
jusqu'à Bromptonville tandis que Domtar et d'autres compagnies
détiennent des forêts non exploitées dans les
régions environnantes; la CIP qui doit traverser les concessions de la
Consol pour expédier son bois de La Trenche au moulin de La Tuque; la
scierie Gagnon et Frères, de Roberval, ne peut pas produire, parce que
même s'il y a beaucoup de bois disponible, il est entre les mains de la
Consol qui détient les limites frontières.
Tous ces cas d'inefficacité et de gaspillage pourraient
être corrigés si une régie gouvernementale était
l'unique exploitant et l'unique vendeur du bois des forêts publiques. La
régie gouvernementale pourrait également mettre fin à la
négligence de certaines compagnies qui abusent des forêts
publiques en coupant des arbres sans égard au gaspillage du bois non
utilisé ou à la détérioration de
l'environnement.
L'ancien gouvernement avait déjà entrepris une politique
de révocation des concessions forestières, mais le gouvernement
actuel est en train de la réexaminer, car il considère que le
prix payé pour l'achat des aménagements est trop
élevé. Nous appuyons les efforts visant à épargner
l'argent des contribuables, surtout dans des circonstances comme celles-ci.
Nous trouvons absurde l'idée de payer les compagnies pour des routes
qu'elles ont construites afin de profiter des forêts publiques, alors que
ces routes n'ont parfois aucune utilité économique
immédiate à cause de l'état de dégradation des
forêts après leur exploitation par ces compagnies. Nous
suggérons, comme formule de remboursement des aménagements, que
le gouvernement déduise de leur valeur le coût de reboisement des
limites révoquées. Nous sommes convaincus que, dans bon nombre de
cas, le gouvernement se verrait obligé de facturer les compagnies,
plutôt que de les payer pour les concessions révoquées.
L'établissement d'une caisse de stabilisation de l'emploi. Pour
éviter la répétition de situations comme celles que les
travailleurs vivent à East-Angus et à Wayagamack et celles qui
sont en train de se produire à Windsor et Kénogami, la CSN
recommande la mise en place d'une caisse de stabilisation de l'emploi, telle
que déjà suggérée par la centrale au Sommet
économique de La Malbaie en mai 1977. Tous les employeurs du
Québec seraient obligés de contribuer à cette caisse
à raison d'un montant par heure-homme travaillée dans leur
entreprise et l'argent accumulé servirait à maintenir les revenus
des travailleurs touchés par des mises à pied, des fermetures
d'usines ou des changements technologiques. Le but principal de cette caisse
serait de forcer les compagnies à réinvestir pour maintenir la
viabilité des installations. Comme nous l'avons expliqué au
Sommet économique, l'organisme administrant la caisse pourrait
"évaluer si un employeur investit suffisamment dans le renouvellement de
sa machinerie, s'il planifie, en temps utile et en accord avec le syndicat, ses
changements technologiques ou s'il réduit inutilement la main-d'oeuvre,
compte tenu de son seuil de rentabilité. Les employeurs
incompétents
pourraient alors être pénalisés par une hausse de
leurs cotisations".
En d'autres mots, un employeur qui menace les emplois de ses
travailleurs en négligeant de réinvestir suffisamment de profits
se verrait imposer une amende par la caisse. Si les pénalités
sont assez élevées, une telle mesure constituerait une incitation
suffisante aux employeurs pour qu'ils évitent la dégradation de
leurs installations en refusant d'investir. Au Sommet économique, nous
avons précisé aussi ce qui suit: "L'organisme, pour s'assurer que
l'argent de la caisse ne soit pas dilapidé, devrait avoir les outils de
vigilance, c'est-à-dire connaître les livres des employeurs, leurs
prévisions afin d'intervenir à temps et réduire au maximum
les coûts publics de ces effondrements".
Il serait essentiel, nous l'avons dit dans le cas d'East Angus, que les
employeurs soient obligés de rendre disponible à l'organisme et
aussi au syndicat directement concerné un bilan financier individuel
pour chaque usine leur appartenant. Cette mesure très simple permettrait
aux parties intéressées de prévoir le développement
de situations comme celle d'East Angus et elle permettrait à la caisse
la stabilisation de l'emploi de mieux accomplir son travail.
Loi pour permettre une ordonnance ministérielle en cas d'urgence.
Une fois mis en place et en fonction, l'organisme suggéré au
point 2 pourrait éviter la répétition de situations comme
celles qu'on connaît à East Angus, à Wayagamack et à
d'autres endroits. Mais en attendant que ce programme ait ces effets incitatifs
qu'on souhaite, plusieurs cas d'urgence se présentent et, en effet,
nécessitent une intervention immédiate. Nous proposons donc que
le gouvernement adopte dans les plus brefs délais une loi qui
comporterait les dispositions suivantes: a) quand une compagnie avise le
gouvernement de son intention de diminuer l'emploi total d'au moins dix
personnes, le ministre de l'Industrie et du Commerce serait engagé
à faire une enquête publique sur la situation de l'entreprise,
enquête où l'entreprise serait obligée de divulguer les
renseignements nécessaires. Aucune réduction du personnel ne
serait permise avant que l'enquête soit complétée. b) sur
la base de l'enquête, le cabinet des ministres peut ordonner à une
compagnie de continuer la production et de maintenir ses employés
à leur emploi pour une période déterminée ou, si
une fermeture ou réduction d'emploi est autorisée, ordonner
à la compagnie de payer une compensation adéquate aux
employés mis à pied. Avec une telle loi, on aurait l'assurance
que les fermetures complètes ou partielles ne seraient pas entreprises
unilatéralement par l'employeur sans que les travailleurs et le public
soient le moindrement au courant des circonstances qui motivent une
fermeture.
Là où les dégâts sociaux et
économiques seraient trop graves pour permettre à la compagnie
d'agir de la façon dont elle l'entend, le gouvernement aurait le droit
d'empêcher temporairement la fermeture ou, au moins, de faire assumer une
partie des coûts sociaux par l'employeur en le forçant à
payer une compensation aux travailleurs affectés.
La mise en place d'une société d'exploitation
forestière. La CSN considère que le gouvernement
québécois devrait s'impliquer plus énergiquement dans
l'industrie des pâtes et papiers à tous ses niveaux si on veut
modifier la situation de négligence et le développement
anarchique qui caractérise l'industrie sous la domination des
sociétés papetières privées. Nous pensons qu'une
société d'État, dont les responsabilités
relèveraient du gouvernement provincial plutôt que d'un complexe
financier multinational, serait plus susceptible de se comporter de
façon à ce qu'elle réinvestisse
régulièrement les profits générés par les
usines et qu'elle tienne compte des coûts sociaux de ses
activités. La société d'exploitation aurait les fonctions
suivantes: a) Elle pourrait se charger des fonctions décrites dans la
première recommandation au sujet de la récolte et de la vente du
bois, fonctions qui, autrement, seraient accomplies par Rexfor. Cette
société serait donc l'unique producteur de bois au Québec,
sauf sur les terrains privés inférieurs à 2000 acres. Elle
serait aussi l'unique vendeur de bois au Québec, même pour celui
provenant des terrains privés dont les propriétaires vendraient
le bois à la société publique qui, à son tour,
alimenterait les entreprises utilisatrices. Cette méthode de vente de
bois éviterait, à notre avis, la concurrence destructrice entre
plusieurs petits propriétaires pour obtenir un contrat de bois d'une
grosse société de papier, cette dernière étant, en
définitive, la seule bénéficiaire de cette
concurrence.
La répartition de la production du bois entre celle de la
société publique et celle provenant d'achats de petits
propriétaires privés est une question délicate que la
Société d'exploitation forestière doit trancher. Nous
croyons que le premier objectif de la société d'État
devrait être de préserver les emplois des travailleurs forestiers
pour qui ce travail est généralement la seule source de revenu.
On constate, par ailleurs, que les propriétaires de petits terrains
privés sont des agriculteurs, pour la plupart, et qu'ils sont
obligés de vendre du bois pour boucler leur budget. En effet, le
piètre état de l'agriculture au Québec depuis quelques
années a entraîné une surexploitation de plusieurs petits
terrains, surexploitation qui mènera inévitablement à un
épuisement de ces forêts. Nous déplorons l'état
actuel de l'agriculture qui force les agriculteurs à couper plus de bois
que les limites naturelles permissibles et nous suggérons au
gouvernement de prendre des initiatives pour permettre aux agriculteurs de
vivre convenablement de leur vocation première, l'agriculture.
Nous proposons, ensuite, que la Société d'exploitation
forestière travaille à l'uniformisation du coût du bois
à travers le Québec. Le bois étant une ressource naturelle
comme l'électricité, une telle politique serait conforme aux
pratiques déjà adoptées dans cet autre secteur
étatisé. L'objectif de cette politique serait d'éviter que
les usines plus vieilles, situées dans le sud de la province, ne
soient pénalisées par rapport aux nouvelles qui
s'établissent dans les régions vierges du nord. Nous croyons que
les coûts sociaux importants qu'impliquent de nouvelles usines dans le
nord (routes, écoles, hôpitaux, services publics, etc.) justifient
pleinement une telle politique d'uniformisation du coût du bois. b) Le
rôle primordial de la Société d'exploitation
forestière serait sa participation dans de nouveaux projets de
fabrication et de transformation des pâtes et papiers. Dans certaines
circonstances, il pourrait s'avérer favorable que la
société d'État s'engage dans des projets conjointement
avec les sociétés privées de façon à pouvoir
bénéficier de l'expérience de la technologie de ces
sociétés. Cependant, nous croyons fermement que la
société d'État devrait toujours être majoritaire
dans de tels projets conjoints. Les pratiques de négligence et les refus
d'investir que nous avons cités dans le présent mémoire
découlent de la fonction même des sociétés
papetières privées, intégrées comme elles le sont
dans des complexes financiers dont les intérêts dépassent
le secteur du papier. De telles pratiques risquent de se répéter,
même dans des projets où le gouvernement serait présent
à titre minoritaire, parce que le pouvoir de prendre des
décisions importantes resterait entre les mains de la
société privée. Dans des projets de fabrication
contrôlés par la société d'exploitation
forestière et dont les autorités répondraient aux
élus du peuple, nous croyons qu'il y aurait une forte tendance de voir
l'entreprise adopter des pratiques tenant compte de ses responsabilités
sociales.
Nous n'avons pas besoin d'expliquer notre opposition complète
à toute forme de subvention à l'entreprise privée afin
d'inciter celle-ci à se comporter d'une façon plus responsable.
Si les entreprises, de par leur comportement, infligent des coûts sociaux
au peuple, c'est à l'entreprise d'en assumer les coûts et non aux
contribuables. Refuser des subventions, cela veut dire également ne pas
accorder aux entreprises participantes aux projets conjoints avec le
gouvernement une part des bénéfices supérieure à la
part du capital total mise dans le projet. c) La société
d'exploitation forestière aurait aussi comme rôle d'examiner les
possibilités de nationalisation des usines existantes et d'effectuer des
rationalisations sur l'ordre du gouvernement. Quant à nous, il n'est pas
question que la société publique agisse comme dépanneur
des sociétés privées en reprenant des usines
délabrées que celles-ci veulent abandonner, en laissant ainsi
leurs responsabilités sociales à la charge de l'État. Deux
critères doivent orienter la société d'exploitation
forestière en matière de nationalisation: 1) Les installations en
question il peut s'agir d'une usine ou de l'ensemble des
opérations québécoises d'une compagnie
démontrent une viabilité économique et complètent
les autres installations appartenant à la société
d'exploitation forestière; 2) l'entreprise propriétaire des
installations en question a systématiquement délaissé ses
responsabilités sociales envers les travailleurs et envers la
population. Nous croyons que le deuxième cri- tère s'applique
facilement à la plupart des firmes présentes dans l'industrie des
pâtes et papiers au Québec.
Pour ce qui est des moyens financiers pour accomplir les points b) et
c), la CSN a déjà fait des propositions concrètes lors du
sommet économique, propositions qui permettraient à l'État
de récupérer les épargnes des citoyens qui servent
présentement les intérêts des multinationales. Comme la CSN
l'a dit, à ce moment-là, actuellement nous empruntons souvent sur
les marchés financiers notre propre argent qui a été
drainé à l'extérieur du Québec et nous payons des
intérêts aux capitalistes locaux ou étrangers. En exigeant
que les épargnes, comme les fonds de retraite privés et les
primes d'assurance soient versés à la Caisse de
dépôt, le gouvernement aurait accès à d'amples
ressources pour effectuer les projets recommandés ici sans avoir besoin
de quêter sur les marchés financiers de New York.
L'autre rôle important de la société d'exploitation
forestière serait de faire la mise en marché des produits
forestiers québécois. Son objectif serait évidemment de
rechercher de nouveaux marchés que les géants du papier n'ont
jamais explorés sérieusement. L'expérience de la
société Kru-ger, une jeune compagnie qui réussit à
vendre beaucoup plus de papier qu'elle n'en fabrique, démontre les
possibilités pour une société ayant une politique de vente
dynamique. Une régie de mise en marché, d'ailleurs, a
déjà été proposée par le gouvernement
précédent et nous avons l'impression que le gouvernement actuel y
est favorable aussi.
Nous croyons, cependant, que la mise en marché de la
société d'État doit surtout être
intégrée avec la production qu'elle a entreprise,
c'est-à-dire mettre en marché ses propres produits. Nous
insistons sur ce point parce que, si la société d'État
faisait uniquement la mise en marché des produits venant d'autres
sociétés, elle ne pourrait jamais compter sur des
approvisionnements stables puisque les autres serviraient d'abord leurs propres
clients et ne voudraient verser à la société d'État
que les surplus de production. Pour réussir à percer dans de
nouveaux marchés, il est impérieux pour la société
d'exploitation forestière de disposer de ressources d'approvisionnement
fiables qu'elle contrôlerait. Les points 1, 2, 3 et 4 constituent les
éléments majeurs du programme pour l'industrie des pâtes et
papiers proposé par la CSN. Les recommandations qui suivent ajoutent
à ces points: L'établissement d'un comité consultatif de
la politique forestière, des projets d'aménagement et de
sylviculture pour développer des activités de loisirs en
forêt, la création d'un institut de recherches forestières,
l'application des normes de pollution, de santé et de
sécurité au travail.
Cette dernière question, je pense qu'il est important qu'on la
développe. C'est prioritaire pour nous, à la CSN. La question de
l'application de normes établies par le gouvernement
québécois concernant les émissions polluantes et
préconisant la santé et la sécurité au travail est
souvent mise en relief dans le cas de vieilles usines de pâ-
tes et papiers. À l'usine de Domtar à Windsor, par
exemple, le syndicat a demandé, aux dernières
négociations, que des améliorations soient effectuées dans
l'usine afin de diminuer les dangers pour la santé et la
sécurité des employés, dangers qui se présentent,
selon un rapport du ministère du Travail, à cause de
l'état détérioré de la machinerie utilisée.
Malgré le fait que l'état de l'usine a déjà
entraîné des morts et des blessures graves, la compagnie a
répondu aux demandes du syndicat que, si on maintenait ces demandes,
l'usine serait fermée.
Un chantage semblable est pratiqué par des compagnies qui veulent
éviter de se conformer aux normes de pollution, normes qui sont connues
depuis plusieurs années déjà et pour l'application
desquelles le gouvernement a déjà accordé plusieurs
années de délai. Si on est obligé d'appliquer les normes
de pollution, disent les compagnies, on va fermer. À East Angus, la
même compagnie Domtar a posé comme exigence de ne pas fermer,
entre autres exigences, que le syndicat l'appuie dans ses démarches
auprès du gouvernement pour avoir le droit de continuer à
empoisonner la population. Évidemment, le syndicat s'est opposé
à cette exigence ainsi qu'à d'autres conditions que la compagnie
voulait imposer.
Nous croyons que le problème de la pollution venant des usines de
pâtes et papiers ainsi que les dangers pour la santé et la
sécurité des travailleurs sont intimement reliés au
problème fondamental de l'industrie souligné dans le
présent mémoire, soit le refus des compagnies d'investir dans le
maintien et la modernisation des usines.
Nous croyons donc que les propositions mises de l'avant par la CSN, pour
forcer un réinvestissement des profits dans les usines,
régleraient ainsi une grande partie des problèmes de la pollution
et des dangers pour la vie des travailleurs. Une usine plus moderne est
à la fois plus productive, moins polluante et moins dangereuse pour ceux
qui y travaillent. En même temps, nous nous opposons fermement à
tout marchandage de la santé et de la vie des travailleurs ou de la
pollution en général, contre le mieux-être financier des
compagnies de pâtes et papiers. Ainsi, la CSN exige l'application sans
aucun délai additionnel des normes légales de pollution, de
sécurité et de santé dans les usines et dans les
forêts.
Considérant que notre devoir est de faire respecter les droits
des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers et
considérant la façon avec laquelle ces droits ont
été violés par les sociétés
pa-petières, les propositions que nous mettons de l'avant
reflètent une modération considérable. D'autre part nous
revendiquons des mesures législatives pour limiter les pratiques
anti-sociales des compagnies papetières, pratiques ayant pour effet de
négliger et ensuite de fermer des entreprises qui constituent la base et
les richesses naturelles locales pendant des générations. D'autre
part, nous proposons un rôle plus actif de l'État pour
l'industrie, ce qui semble rencontrer certains objectifs du nouveau
gouvernement, et, pour ce qui est du point 8, nous demandons tout simplement
l'application des lois déjà en vigueur.
Ces mesures ne régleront pas, évidemment, tous les
problèmes de nos membres, les travailleurs de l'industrie. Même si
des mesures législatives peuvent empêcher des fermetures subites,
elles n'arrêteront pas d'autres formes d'exploitation que les
travailleurs doivent combattre au niveau du lieu de travail en luttant pour des
meilleures conditions de santé et de sécurité, une
amélioration des salaires et d'autres conditions de travail. Si une
société d'État prend une place importante dans
l'industrie, comme nous le proposons, ces problèmes d'exploitation
doivent être combattus de la même façon. Nous ne constatons
pas que les sociétés d'État comme Rexfor, où les
travailleurs forestiers connaissent six mois de chômage par année,
tout comme les employés des compagnies privées, ont mieux
respecté le droit des travailleurs jusqu'à présent. La CSN
entend mener les efforts de ses membres, de combattre l'exploitation
capitaliste au lieu de travail, tout en insistant sur l'adoption des mesures
législatives qui mettront fin aux pratiques les plus abusives des
entreprises privées.
Nous ferons remarquer que ce mémoire a été
préparé en consultation et en collaboration avec les travailleurs
que nous représentons. Pour ce qui reste en annexe, je pense, on va
demander au président de la fédération, de parler de la
situation de East Angus. C'est un cas qui est urgent, c'est un cas sur lequel
on ne voudrait pas avoir des déclarations annonçant la fermeture.
Alors, on aimerait entendre le porte-parole, le président de la
fédération.
M. Cantin (Georges): M. le Président, je ne vous lirai pas
tout le mémoire de East Angus, parce que le temps est avancé, il
est déjà 16 h 20, on voudrait que le monde pose des questions;
alors je vais vous lire le préambule, la vraie situation à East
Angus, et je vous donnerai les grands titres de ce qui se passe à East
Angus dans le moment et après cela on pourra passer aux questions.
Le 16 juin 1977, la CSN et le Syndicat national des travailleurs de la
pulpe et du papier de East Angus et le Syndicat des employés de bureau
de East Angus rencontraient le ministre Yves Bérubé pour lui
faire part tant de leurs inquiétudes en rapport avec la fermeture
éventuelle de l'usine Domtar, à East Angus, que des
réelles possibilités de continuer la production à East
Angus. Ce que nous allons dire ici, et sans doute ce qui est le plus lassant,
est en grande partie déjà connu du ministre. Cela est
déjà connu aussi de la compagnie Domtar, les chiffres
précis, les coûts, les détails, Domtar les a dans ses
dossiers depuis longtemps. Il y a donc là déjà une
première matière à scandale: le secret dont s'est
entourée et continue de s'entourer la compagnie Domtar, comme d'ailleurs
les autres entreprises du secteur des pâtes et papiers, est inacceptable.
Ces compagnies pensent planifier leur croissance et, c'est le cas actuel, leur
fermeture, sans le moins du monde être inquiétées par des
regards qu'elles jugeraient quel scandale, encore une fois
indiscrets. Car au Québec et à East Angus en parti-
culier, il est indiscret de savoir quels sont les profits réels
de l'usine; il est indiscret de savoir à l'avance si la ville de East
Angus vivra ou non; il est indiscret pour les travailleurs de connaître
au jour le jour, l'état réel de l'entreprise qu'ils font vivre
par leur travail.
Nous voici donc en commission parlementaire pour vous redire ce que
Domtar et le gouvernement savent déjà sans doute; pour vous dire
à vous, membres de la commission, et à la population, que les
travailleurs de East Angus et la CSN n'acceptent pas cette situation. Si la
compagnie Domtar met en effet sa menace du 6 mai 1977 de fermer son usine
à East Angus, nous savons que ce sera une fermeture odieuse,
planifiée, décidée, voulue et non pas forcée.
Et autre scandale, même si nous réussissons à percer
une partie du secret, quelle garantie les travailleurs d'East Angus ont-ils?
Qui contrôle leur avenir? Tel est le scandale permanent du contrôle
du développement par des entreprises privées qui n'ont de comptes
à rendre à personne. L'objectif pour East Angus, par exemple,
n'est pas de faire de la pâte et du papier, mais de faire de l'argent le
plus possible sans faire de réinvestissement raisonnable. Les
conséquences d'une éventuelle fermeture vous l'avez vu
dans le mémoire présenté, c'est plus
détaillé dans ce mémoire des milliers d'emplois en
moins. C'est un autre titre à l'intérieur du mémoire.
J'espère que les membres de la commission vont le lire.
Il y a une fermeture préméditée. On raconte
l'historique de la fermeture. On raconte ce qu'ont fait la CSN et la
fédération du papier, lors de la grève de 1968, à
Windsor et à East Angus, ce qui est arrivé là-dedans. Il
en a été question tout à l'heure aussi avec un certain
ministre Gosselin qui nous a fait une bonne bataille là-dedans, qui nous
a fait une bonne lutte favorisant la compagnie. On relate aussi l'historique
d'un certain 14 octobre. Vous allez voir là-dedans l'historique du
mémoire qu'on a préparé en 1970. Ensuite, on a "225
travailleurs confirment". C'est une enquête qui a été faite
dans tous les départements, parmi 225 travailleurs qui confirment la
négligence de la compagnie, la négligence et
l'incompétence des cadres.
Vous allez voir là-dedans des achats faits par la compagnie dont
une fournaise à recouvrement qui n'a jamais donné de
réelle production et qui n'a jamais donné ce qu'elle devait
donner, qui a été même mise à l'abandon en cours de
route. Vous verrez aussi une installation des "nozzles" comme on les appelle en
bon français. Les gars disent cela dans leurs propres mots. Vous verrez
aussi un système antipollution qui n'a jamais fonctionné.
L'incompétence érigée en système, vous pourrez lire
cela. On ne vous donnera pas tous les détails, parce que le temps
manque.
L'incompétence des cadres. On aurait pu ajouter d'autres choses
là-dedans, parce que le gérant du personnel à Domtar
d'East Angus a été pour s'engager pour la même compagnie
à Donnacona, Domtar, et il a été refusé.
On n'a pas eu le temps de l'écrire. Cela a été fait
après. Les travailleurs, lorsqu'ils parlent de l'incompétence des
cadres, ne se trompent pas, puisque la compagnie Domtar elle-même
n'engage même pas ses propres employés. Vous verrez aussi
là-dedans des rapports de la Commission des accidents du travail
à savoir que les accidents ont dépassé la moyenne des
accidents établis à l'intérieur de l'industrie du papier
au Québec, à East Angus. Tout ce que nous disons là-dedans
pour nous autres: Un engagement légal pour continuer la production; le
maintien de l'usine. Attendez, on va essayer de se retrouver. Comment nous
prétendons que l'usine d'East Angus pourrait rouvrir ses portes et
être capable de continuer.
D'abord, l'installation d'une nouvelle fournaise à recouvrement
d'une capacité d'au moins 450 tonnes par jour ou de 140 400 tonnes par
année. Augmenter la capacité des lessiveuses à pâte,
ainsi que les accessoires en conséquence de cette augmentation de
production. Aménager une salle de contrôle adéquate et
moderne pour les moulins à pâtes. Environ un coût de $30
millions.
Augmenter la capacité des bouilloires actuelles et
réaménager l'installation de celles-ci afin d'en améliorer
l'efficacité et, s'il le faut, en installer une nouvelle de bonne
qualité, $300 000. Augmenter la vitesse de la machine no 3 en y
installant une table de treillis moderne, en y installant au bout humide un
système de presses modernes et plus efficaces, en installant des
roulements à billes antifriction sur la chaîne de séchoir,
en modernisant son système de commande et en installant un
système hydraulique sur l'embobineuse primaire au lieu du système
à l'air qui s'y trouve, en augmentant la vitesse de son embobineuse
secondaire, environ $4 millions.
Enfin, certains autres détails moins coûteux devraient
être faits, ce qui permettrait d'augmenter sa vistese d'environ 33%, donc
d'augmenter sa productivité d'autant. Quatrièmement, augmenter la
vitesse de la machine no 4 en modifiant sa "head box" et en y installant un
système de siphon, de section plus efficace et en modifiant
légèrement son système de commande, en modernisant son
système de contrôle, en rendant son système de ventilation
plus efficace, ainsi que son système de séchage de feutre.
Coût: environ $1,5 million.
La machine no 1, qui est la plus ancienne et la plus petite machine,
pourrait aussi augmenter sa vitesse maximum de 600 pieds minute à 800
pieds avec une nouvelle "head box" ainsi qu'une nouvelle embobineuse en passant
par un système pour enfiler la feuille. Coût, environ $1
million.
Quant à la machine à carton, un nouveau système de
"lay boy", dispositif qui sert à recevoir les feuilles et à les
empiler automatiquement, améliorerait sûrement son
opération, ainsi qu'un système de roulement antifriction sur ses
séchoirs et un système d'enroulement du carton. Coût,
environ $2 millions.
Quant aux départements de service, comme les départements
des broyeurs, les départements de finition, etc., il est sûr que
des améliorations seraient bienvenues; les coûts de ces
améliorations ne sont pas énormes, mais nécessaires.
En résumé, nous pensons que l'investissement
immédiat et nécessaire peut être de l'ordre
de $40 millions, en incluant $3 millions pour l'amélioration du
système électrique et la manutention du bois pour placer l'usine
sur un plan très avantageusement compétitif. On nous informe
aussi que pour $40 millions supplémentaires toute l'usine pourrait
être reconstruite de façon plus rationnelle, regroupée d'un
même côté de la rivière sur des terrains que Domtar
possède déjà. On est loin, très loin des $300
millions nécessaires actuellement pour la construction d'une usine
neuve. Tout cela, Domtar le sait et le gouvernement le sait. Nous demandons que
Domtar continue de faire fonctionner son usine à East Angus. Domtar a
pris nos forêts, nos rivières, notre sueur au travail; nous
voulons la sécurité d'emploi, notre ville et notre avenir. Nous
disons non à l'assurance-chômage et à l'assistance
sociale.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Morin et les autres membres de la CSN. J'inviterais maintenant le
député du Lac-Saint-Jean à prendre la parole.
M. Brassard: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier la CSN, de même que la Fédération des
travailleurs du papier et de la forêt d'avoir bien voulu accepter de
présenter leur point de vue à cette commission sur l'industrie
des pâtes et papiers. Je félicite en même temps M. Morin
pour sa performance remarquable de lecteur. Je ne pense pas qu'on puisse vous
reprocher de ne pas être clairs sur les objectifs que l'État
devrait poursuivre et atteindre dans le secteur des pâtes et papiers. Il
me paraît évident que vous souhaiteriez, au fond, la
nationalisation complète de tout le secteur des pâtes et papiers
au Québec, mais que, comme moindre mal, vous vous rabattez, à
court terme, sur la prise en charge par l'État non seulement des
forêts et de leur exploitation, mais aussi de la mise en marché
des produits forestiers québécois, de sorte que c'est
l'État qui contrôlerait le stade primaire du processus par
l'exploitation des forêts et le stade final aussi, soit la
commercialisation des produits forestiers par l'intermédiaire d'une
société d'exploitation forestière.
Ceci étant dit, vous identifiez le faible taux de
productivité, dû à des investissements insuffisants de la
part des entreprises des pâtes et papiers au Québec, comme
étant un facteur déterminant qui explique les difficultés
actuelles de l'industrie ou du secteur des pâtes et papiers au
Québec. C'est à ce sujet que je voudrais poser ma première
question au représentant de la CSN. Vous savez très bien que, si
on procède, au Québec, à une modernisation de l'industrie
des pâtes et papiers, aussi bien au niveau de la mise en place
d'équipements nouveaux que de l'introduction de technologies nouvelles,
cela va nécessairement entraîner des réductions de
personnel. Or, votre mémoire est muet, silencieux sur ce
phénomène quasiment, à mon avis, inévitable de
réduction de personnel dans le cas de modernisation de l'industrie.
Vous parlez de réduction de personnel dans le cas de
sous-investissement ou d'absence d'investissements et vous faites certaines
recommandations, entre autres, la caisse de stabilisation de l'emploi, mais
c'est dans le cas où les entreprises n'ont pas investi, où il y a
eu sous-investissement. Dans le cas où il y aurait des investissements
massifs, c'est-à-dire dans le cas où l'industrie s'engagerait
dans l'application d'un plan de modernisation du secteur des pâtes et
papiers, comment votre centrale et votre fédération se
comporteraient-elles devant un plan de modernisation qui entraînerait
d'une façon presque inévitable des réductions de
personnel, des réductions de main-d'oeuvre? Quelle serait votre
attitude? Est-ce que ce serait une attitude d'opposition systématique ou
de collaboration avec l'entreprise et l'État pour résoudre les
problèmes au niveau de la main-d'oeuvre qui résulteraient de
l'application d'un plan de modernisation? En d'autres termes, vous ne semblez
pas prendre conscience,' ou en tout cas, cela ne paraît pas dans votre
mémoire, qu'en réclamant une plus grande productivité de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec, et donc des
investissements majeurs dans ce secteur, cela risque d'affecter le nombre, non
seulement cela risque mais cela va affecter le nombre de travailleurs dans
cette industrie. Comment allez-vous réagir? Ce serait ma première
question.
M. Morin (Jean-Guy): II est clair pour nous qu'avoir des
investissements et augmenter la productivité n'amène pas
nécessairement des mises à pied, une diminution de main-d'oeuvre.
Dans le secteur des pâtes et papiers, on est au niveau international, on
est au niveau mondial en ce qui concerne la possibilité de prendre des
marchés. C'est pour cela qu'une de nos propositions devient si
importante: que le gouvernement ait eu main mise en marché des produits
fabriqués. La demande mondiale a toujours augmenté, dans ce
secteur. Il y a des fluctuations économiques temporaires qui, comme on
l'a démontré, sont voulues aussi par l'industrie afin de pouvoir
augmenter les prix, même si on est dans une période qui n'est pas
très favorable au niveau économique.
La demande mondiale étant toujours croissante, c'est un des
secteurs, dans la plupart des industries, qui sont favorisés. Une des
raisons pourquoi, au Québec, on pourrait subir des mises à pied,
c'est si on demeure captif du marché américain seulement. Si on
va sur d'autres marchés internationaux, on est capable de faire des
investissements, d'avoir une productivité plus grande et, en même
temps, augmenter l'emploi dans ce secteur. Certaines compagnies m'ont
déjà affirmé, personnellement, qu'elles refusaient
certaines commandes de certains clients parce que les machines à papier
existantes n'étaient pas assez grosses, n'étaient pas assez
grandes, n'avaient pas assez de vitesse, ne produisaient pas assez. Et les
compagnies se sont toujours référées aux marchés
américains et aux États-Unis dès qu'elles n'ont pas besoin
de nous ou qu'elles ont des problèmes chez elles. Elles ne prennent pas
leurs commandes ici, au Québec, elles se servent elles-mêmes chez
elles, tandis que si on était sur d'autres marchés, si on pouvait
faire l'équilibre dans ces marchés, je pense qu'on n'aurait pas
les problèmes que vous mentionnez.
M. Brassard: Si je comprends bien, vous prétendez qu'une
modernisation de l'industrie, une amélioration de la productivité
au niveau de l'industrie des pâtes et papiers permettrait à
celle-ci d'occuper des marchés nouveaux, donc d'accroître
substantiellement ses ventes, ce qui lui permettrait de maintenir à tout
le moins le niveau de l'emploi, même en se modernisant. C'est cela, en
fait.
M. Morin (Jean-Guy): Et même l'augmenter.
M. Brassard: II y a une partie importante de votre mémoire
qui porte sur la monopolisation assez poussée dans le secteur des
pâtes et papiers, et vous affirmez que cette monopolisation, d'ailleurs,
constitue la caractéristique principale de l'industrie des pâtes
et papiers au Québec. Vous parlez des quatre grands, entre autres, qui
contrôlent plus de 70% de la production dans ce secteur.
Dans notre région, je veux parler du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
nous avons vécu, il y a quelques années déjà, une
phase qu'on pourrait qualifier, je pense, de capitale, cette monopolisation,
cette concentration dans le secteur des pâtes et papiers, par l'achat de
Price, des installations de Price au Québec, dont la majorité se
retrouve dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, par Abitibi Paper.
Le Parti québécois avait réclamé, à ce
moment-là, jusqu'à l'élection du 15 novembre, une
commission parlementaire pour connaître à fond les
conséquences de cette transaction au Québec. Le ministre actuel
a, en quelque sorte, répondu, il faut dire, à cette demande,
à cette revendication en élargissant cependant le mandat de la
commission.
Malheureusement, je dois dire qu'il n'y a que la compagnie Abitibi Price
qui traite assez en détail de ce problème-là et de cette
transaction et qui expose, on le comprendra facilement, ce qu'elle
considère, elle, comme étant des avantages. Dans son
mémoire, que la compagnieie déposera dans quinze jours, on peut
dire que dans son mémoire, en tout cas, elle considère comme
très avantageuse cette transaction, cette vente de Price à
Abitibi.
Moi j'aurais aimé que les syndicats, et j'espérais que
cela se produise ainsi, en tout cas les syndicats de la
Fédération des travailleurs du papier et de la forêt du
Saguenay-Lac-Saint-Jean dévoilent à la commission et à ses
membres une autre facette de cette transaction. Je ne pense pas qu'on puisse
demander à la compagnie Abitibi Price de dévoiler cette
facette-là. Et malheureusement vous ne faites qu'effleurer ce
problème à quelques occasions, dans votre mémoire.
Alors, cela amène ma deuxième question, cela explique ma
deuxième question: quelles sont selon vous, les conséquences
néfastes, pour les travailleurs, pour l'économie
québécoise, de cette transaction, de cette prise en main, par
Abitibi, de Price, au Québec? Pour ce qui est des travailleurs et de
leur organisation syndicale, est-ce que vous vous êtes rendu compte d'un
déplacement du centre de décision, au sein du complexe
Abitibi-Price? Est-ce qu'au niveau des travailleurs, au niveau des syndicats,
vous avez perçu, d'une façon néfaste,
désavantageuse, le déplacement du centre de décisions vers
Toronto? Est-ce que, selon vous, cela a eu des effets néfastes en ce qui
concerne les investissements prévus par Price, en particulier dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, au Québec? Est-ce qu'au niveau
des relations patronales-ouvrières vous avez constaté, comme je
me suis laissé dire que c'était le cas, des changements assez
profonds, assez importants, dans le style de négociation? Vous venez
à peine de négocier une convention collective, les travailleurs
de Price dans la région, est-ce que vous avez constaté des
changements fondamentaux dans le style de négociations Price et dans ses
méthodes de négociations, bref des changements dans son
comportement au niveau des relations patronales-ouvrières?
Moi j'aurais aimé que l'on retrouve un peu cela dans votre
mémoire, c'est pour cela que je vous pose la question verbalement.
M. Morin (Jean-Guy): Sur ce point-là, dans la convocation
qu'on a eue nous informant de la tenue d'une commission parlementaire, il
n'apparaissait pas qu'il était question de cette fusion Abitibi-Price.
Alors on a dit l'objet de la commission parlementaire actuellement, fort
probable, ne doit pas toucher à cela ou ce sera dans un autre temps.
Alors cela a été une des premières raisons qui nous ont
amenés à ne pas nous pencher plus directement sur ce
problème.
Sauf que ce qu'on met dans le mémoire qui représente
l'ensemble de l'industrie et le fait qu'il y a eu des fusions de cette
façon et les conséquences que cela a et les intérêts
qui jouent vont autant pour Abitibi-Price que pour les autres qui sont dedans.
D'accord, on ne touche pas de façon plus élaborée la
question d'Abitibi-Price parce que, dans notre convocation, il n'était
pas question de cela. Vous demandez quelles sont les conséquences
néfastes pour l'économie québécoise; il est clair
qu'il faut regarder toute l'opération. Il y a eu des échanges
là-dedans et il y a des contrôles qui se font et les pouvoirs de
décision sont beaucoup moins au Québec, avec Abitibi, qu'ils ne
l'étaient avec Price.
On a pu constater ce déplacement de centres de décision
même localement, à l'intérieur de l'usine. Les travailleurs
nous ont rapporté que, même pour toute demande de
réparation qui exigeait certains investissements en haut d'un certain
chiffre, ils étaient obligés de communiquer à Toronto pour
avoir ces décisions. C'était dans l'opération courante, au
jour le jour. Les effets néfastes: II y avait des projets
d'investissements qui étaient annoncés par la compagnie Price et
qui étaient dus depuis plusieurs années. Depuis le fait qu'il y a
eu la fusion, ces investissements ne se sont pas réalisés et la
compagnie n'a pas encore dit si elle était pour en faire ou pas.
Dans les relations patronales-ouvrières, il est très clair
que cela a amené des changements. On avait eu déjà une
grève avec la compagnie Price; suite au règlement de cette
grève, la compagnie avait dit: On comprend ce que vous voulez comme
groupe et quelle est votre orientation dans les relations
patronales-ouvrières et dans les conditions de travail. On croyait
qu'à la négociation suivante, qui a été la
dernière, nous nous rencontrerions sur la base de ce qu'on avait
décidé lors du règlement de la première
grève. Cela a été tout le contraire. On s'est
frappé à une position de la compagnie... enlever des droits
acquis tels que l'indexation. Il y avait une clause d'indemnité de
licenciement, etc. Il y a eu la grève et il y a eu menace de fermeture
si les gens ne voulaient pas régler aux conditions imposées par
la compagnie.
Il est clair que les relations, actuellement, avec la compagnie sont
très difficiles parce que les pouvoirs de décision ne sont pas au
Québec, ils sont en Ontario.
M. Brassard: Est-ce que vous voulez dire que cette menace de
supprimer certains droits acquis au cours de la négociation est une
conséquence du regroupement Abitibi-Price? En quel sens affirmez-vous
cela? Les conditions de travail des travailleurs dans le complexe Abitibi
étaient moins bonnes que chez Price et il y a une volonté
d'uniformisation?
M. Morin (Jean-Guy): C'est cela. Avec la compagnie Price, on
avait établi, comme j'ai dit, lors de la première grève,
certaines conditions de travail. La compagnie avait dit: Oui on comprend, c'est
vers cela que vous vous orientez. Quand Abitibi a pris le contrôle, elle
avait une autre position et elle avait une autre orientation au niveau de ce
qu'elle donnerait comme conditions de travail aux travailleurs. Elle a mis cela
en pratique. Cela a été complètement à l'encontre
de ce qu'on avait réglé, sur ce qu'on s'était entendu lors
de la première grève avec Price.
M. Brassard: Je voudrais simplement préciser à M.
Morin que, dans la déclaration ministérielle du ministre des
Terres et Forêts sur le thème des impacts sur la
société, la question 6-2, on disait quelles sont les
conséquences des regroupements d'entreprises et on donnait en exemple
Abitibi-Price. Donc, vous auriez pu, je pense, en parler un peu plus en
détail.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. D'abord je
voudrais remercier M. Morin et le groupe de la CSN, de la
fédération qu'ils représentent, pour le mémoire
qu'ils déposent aujourd'hui. Celui-ci témoigne d'une étude
approfondie de la question et, dans plusieurs de ses aspects, il est
très intéressant. M. le Président, j'avais plusieurs
questions à formuler, je vais quand même me limiter à
seulement quelques-unes, en raison du temps limité que nous avons.
M. Morin, je tiens à vous remercier, parce que c'est certainement
une démarche très positive que d'en arriver à des
recommandations précises. On doit dire que, jusqu'à maintenant,
vous êtes les premiers à avoir fourni des recommandations
pré- cises. Somme toute, à l'analyse du document que vous
déposez, vous préconisez une nationalisation des entreprises au
Québec. Quant à la production, en termes de marché, nous
sommes largement tributaires des marchés étrangers,
particulièrement des marchés américains et canadiens. Ne
croyez-vous pas qu'une nationalisation des entreprises impliquerait des
réinvestissements majeurs des compagnies nationalisées ou
expropriées, peu importe le terme qu'on utilise, et que cela pourrait
éventuellement venir couper nos propres marchés de l'industrie
québécoise?
Dans un premier temps, c'est la question que j'ai à vous
formuler. J'aimerais bien avoir vos commentaires sur cette possibilité,
à la lueur des pourcentages qui ont été cités
abondamment depuis le début des travaux de cette commission en ce qui a
trait aux marchés étrangers et au fort pourcentage de notre
production qui est vendue à l'extérieur et du Québec et du
Canada?
M. Morin (Jean-Guy): II y a un premier point, on ne propose pas
la nationalisation de toute l'industrie des pâtes et papiers. On dit
qu'en ce qui concerne les forêts cela nous appartient, cela appartient
déjà à l'État, cela appartient au peuple et on doit
le contrôler. Tout ce qu'on dit c'est qu'on est d'accord avec la position
du gouvernement qu'on ne doit pas payer pour cela. Si on fait un bilan,
là on va demander que les compagnies payent pour le reboisement des
forêts qu'elles n'ont pas fait; elles ont une responsabilité. On
pense qu'en faisant cela les compagnies vont être obligées de
payer pour remettre les forêts. Alors, cela n'est pas nationalisé,
c'est déjà quelque chose qui nous appartient.
En ce qui concerne la partie des ventes, la mise en marché, c'est
un moyen qu'on dit qu'il faut se donner, parce qu'on est dépendant du
marché américain. Si l'on veut réellement prendre les
marchés et ne pas se retrouver dans le problème qui avait
été souligné que, si on augmente la productivité,
on va avoir des mises à pied, il faut aller sur des marchés que
nous on a intérêt, comme Québécois, à prendre
et que les compagnies, elles, n'ont pas intérêt à prendre.
Mais on n'a pas nationalisé grand-chose en faisant cela. L'autre point,
en ce qui concerne l'industrie même, on sait que les compagnies, dans
leurs démarches, ce qu'elles veulent, ce sont des subventions, c'est
qu'on leur donne de l'argent, mais qu'on ne se badre pas de la façon
dont cela fonctionne en dedans. Nous, on dit: Si on est obligé, dans la
situation actuelle on est un régime nord-américain
de mettre de l'argent là-dedans, de l'argent de la population, que le
gouvernement y soit majoritaire. S'il est minoritaire, il ne pourra pas prendre
les décisions qu'il doit prendre.
Alors, il faut qu'il devienne majoritaire, quand on met de l'argent
là-dedans. Puis on ne veut pas que le gouvernement soit mis dans la
situation de prendre seulement les usines qui sont désuètes
aussi. Cela est facile, quand ça n'a pas fonctionné, de les
remettre entre les mains du gouvernement et de dire: Placez de l'argent
là-dedans. Puis là on fait la démonstration que, parce que
c'est le gou-
vernement qui s'en occupe, ce n'est pas rentable. On a vu cela trop
souvent. Les compagnies, on sait bien qu'elles n'accepteront pas de
gaieté de coeur de prendre soin des intérêts de la
population. Si elles ne veulent pas fonctionner là-dedans, si elles
veulent remettre à la population seulement les usines qui sont
désuètes, on doit aller beaucoup plus loin; on va prendre aussi
les usines qui sont payantes, pas seulement celles qui ne sont pas payantes.
Cela c'est la démarche qu'on propose.
M. Pagé: D'accord. Somme toute, vous dites:
Premièrement, révocation des concessions forestières
immédiatement, meilleure gestion des forêts par le gouvernement et
participation du gouvernement du Québec au niveau de la mise en
marché. À quelques reprises déjà, depuis
l'élection du nouveau gouvernement, on a entendu parler de
nationalisation. Iriez-vous jusqu'à dire que le gouvernement devrait
prendre l'initiative, suite à une nationalisation ou autre dans une
partie du secteur, d'agir pour avoir un secteur témoin, un secteur qui
pourrait témoigner des prix, des marchés, des conditions de
travail, etc.? Iriez-vous jusque-là?
M. Morin (Jean-Guy): Oui.
M. Pagé: D'accord. Au début et tout au long de
votre mémoire vous faites état de problèmes sociaux
engendrés par la fermeture d'usines. On a eu l'exemple de East Angus, on
a celui de la Wayagamack, on a plusieurs exemples actuellement. Vous avez des
recommandations précises et particulières, entre autres,
l'établissement d'une caisse de stabilisation de l'emploi et l'adoption
d'une loi qui permettrait une ordonnance ministérielle. Avez-vous
envisagé d'autres possibilités dont le gouvernement pourrait se
doter pour agir dans de plus brefs délais ou de façon plus
particulière lorsqu'on rencontre, en tant que collectivité, des
problèmes comme ceux-là? Personnellement, je souscris à
cela; ayant beaucoup d'usines de pâtes et papiers dans mon comté,
je suis en mesure de saisir toute l'importance que revêt l'existence
d'une usine dans des cas comme East Angus, par exemple, où la fermeture
entraîne un problème social qui se reflète sur toute la
région.
Croyez-vous d'une part, que des efforts autres que ceux proposés
pourraient être mis de l'avant par le gouvernement? D'autre part, vous
formulez le voeu, somme toute, que l'entreprise privée et le
gouvernement s'associent dans des démarches particulières pour
sauvegarder les usines dans les régions. Le deuxième volet de ma
question serait celui-ci: En quoi les employés sont-ils disposés
à s'associer à toute démarche visant à sauvegarder
les entreprises dans ces régions en plus des démarches faites par
les compagnies et par le gouvernement?
M. Morin (Jean-Guy): Quant à la question de la
possibilité de faire d'autres efforts, il s'agirait de savoir lesquels.
Des expériences ont été vécues, l'expérience
Tembec, l'expérience Cabano; il y en a eu une dans le bout de Kingsey
Falls aussi il y a quelques années. Ce type d'opération,
où les travailleurs investissent d'une façon ou de l'autre, soit
en acceptant des conditions de travail moindres que les autres ou en
investissant de l'argent directement, n'a pas donné aux travailleurs ce
qu'ils voulaient. Il est bien clair que dans un système
nord-américain capitaliste, ce genre d'opération n'a pas de
chance de réussir. Certains intérêts vont mettre la main
sur cela, malgré tous les efforts qui auront été faits, et
cela servira les intérêts de quelques-uns encore, seulement. Cela
n'assure pas automatiquement la survie à long terme de ces entreprises
ou d'autres entreprises. Pour nous, ce n'est pas une voie vers laquelle on se
dirige. Ce qui nous préoccupe actuellement, c'est le droit au travail,
c'est la façon dont on peut respecter ce droit. Quant à
l'autogestion ou à la gestion des entreprises, si on était dans
un système d'autogestion, je pense qu'on aurait d'autres suggestions
à faire, mais dans le système actuel, je ne pense pas qu'on
puisse s'embarquer dans un système d'autogestion où c'est
récupéré, pris par quelques groupes qui ramassent tous les
profits alors que d'autres ont fait tous les sacrifices.
M. Pagé: Vous avez attaché, dans votre
mémoire, beaucoup d'importance à la productivité en
alléguant que les compagnies auraient dû réinvestir une
large part des profits dans l'équipement.
Croyez-vous que cette question soit l'élément principal,
ou encore le seul élément, qui fait que nos prix ou le coût
de production n'est plus concurrentiel actuellement?
M. Morin (Jean-Guy): II y a certains points qu'on a
soulevés sur les coûts où se situaient les vrais
problèmes, comme le coût du transport du bois. On avait fait toute
une analyse lors de la présentation de mémoires dans le
passé, sous l'autre gouvernement, concernant les politiques
forestières. En conséquence, beaucoup de monde était
arrivé à la conclusion que c'est le coût du transport du
bois qui était le problème majeur dans la question du coût
du bois, et cela était l'effet des coupes à blanc et que le bois
était éloigné.
Au niveau du coût de la main-d'oeuvre, si j'ai bien entendu ce qui
s'est passé un peu ce matin, il est clair que ce qu'on donne, ce sont
des taux de salaires comparables. On peut prendre les hauts et on peut prendre
les bas, et on peut faire une bataille de chiffres assez longue ici. Un des
critères sur lesquels on peut se baser dans l'industrie privée,
c'est le coût de la main-d'oeuvre par unité de production, sauf
que, comme il est démontré à bien des places dans le
mémoire et comme vous le savez, vous autres aussi, ce n'est pas
l'intention des compagnies d'administrer de façon transparente. Tout est
secret et elles vous l'ont dit ce matin; il n'est pas possible de sortir
certaines données, c'est leur thèse, c'est cela. Mais devant
cela, on n'est pas capable d'obtenir les renseignements réels pour faire
des comparaisons valables; mais on sait, par exemple, que le problème de
l'industrie des pâtes et papiers n'est pas une question de coût de
main-d'oeuvre. Quand, ce matin, on a
mentionné le fait que cela représente 33%, je peux vous
dire que selon Jes connaissances que j'ai, moi aussi...
M. Pagé: 35%!
M. Morin (Jean-Guy): ... c'est 35%. On n'est pas pour se
contredire pour 2% mais, en tout cas, 35%. Il y a assez longtemps que je suis
dans ce secteur, les chiffres que j'avais, quand on était en
négociation, on parlait du coût de la main-d'oeuvre par
unité de production et c'était plutôt de 16%. Cela
dépend sur quoi on se base et quelle sorte de chiffres on prend pour
faire nos relevés, mais quand on vient dire qu'il y a 35% et on ajoute
les 15% de la main-d'oeuvre dans le coût du bois, ce qui monte à
50%, si on augmente le coût de la main-d'oeuvre par rapport à la
machinerie pour additionner un coût, le coût de la main-d'oeuvre
par rapport à l'énergie, par rapport aux bâtisses, au
transport, on va se réveiller à plus de 100% du coût de la
main-d'oeuvre. Je comprends que si on veut pousser à l'extrême
pour démontrer que c'est le coût de la main-d'oeuvre qui est le
problème de l'industrie, on va se réveiller avec ces
données. Cela peut peut-être démontrer, par exemple,
l'importance de la main-d'oeuvre dans tout le processus, et ce n'est pas lui
qui reçoit les bénéfices de ce qui se produit. Je pense
que cela fait cette démonstration; mais ce n'est pas le coût de la
main-d'oeuvre. Au niveau de la productivité, il est bien clair que quand
vous êtes dans une situation et dans le système où on est
actuellement, vous produisez, et ce que vous faites n'est pas productif, vous
êtes dans un état de concurrence dans lequel vous n'êtes pas
capable d'arriver. Et ce qui est bien démontré, c'est que le fait
qu'il n'y a pas eu d'investissements, c'est que la productivité a
diminué. Cela prend absolument des investissements pour remettre
l'industrie où elle doit être.
M. Pagé: Dans les coûts de production, vous faites
état du coût élevé du transport. Je pense que tout
le monde y souscrit et tout le monde accepte ce postulat. Dans les
dernières recommandations que vous avez formulées, celles
relatives à l'environnement, vous dites accepter les mesures mises de
l'avant par le gouvernement du Québec au chapitre des normes qui sont
édictées ou qui pourraient être édictées et
qui visent à protéger l'environnement. À ce
moment-là, quelle est la position de votre organisme sur le flottage du
bois?
M. Morin (Jean-Guy): Sur le flottage du bois, cela a
été la même position de notre part, étant
donné que cela a comme conséquence de polluer, cela doit
être arrêté. Dans le temps, quand des recherches et des
études avaient été faites à savoir si on devait
arrêter le flottage du bois dans certains endroits, on avait clairement
démontré que le flottage du bois n'était pas moins
dispendieux que le transport par camion parce qu'il y a beaucoup de perte dans
le flottage du bois.
Il y a des endroits où on a vidé des rivières et on
s'est rendu compte qu'il y avait plusieurs pieds de bois dans le fond des
rivières. Quelqu'un avait été payé pour couper ce
bois qui avait été transporté pour une certaine partie,
mais il s'en trouvait aussi au fond de l'eau. Cela ne se rendait pas et il se
perdait un peu du potentiel de nos forêts, qui s'en allait au fond des
rivières, au lieu d'être utilisé pour les fins pour
lesquelles on le coupait.
Si on fait du reboisement, aujourd'hui, cela ne prendra pas cinquante
ans, parce que les billes utilisées au niveau de l'industrie des
pâtes et papiers sont beaucoup plus petites qu'anciennement. On peut dire
que, d'ici 25 ou 30 ans, le reboisement sera fait.
Si vous l'avez entendu ce matin, quelqu'un a dit: Si on fait du
camionnage jusqu'à telle distance, on n'a pas besoin de penser au
flottage du bois. On va plutôt choisir le camionnage, parce que cela
coûte moins cher.
M. Pagé: Vous soucrivez à la politique du
gouvernement du Québec de cesser le flottage du bois?
Ma dernière question est relative et spécifique au cas
d'East Angus. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en faire état, d'en
formuler le voeu, dans la déclaration de l'Opposition officielle.
J'espérais que cette commission pourrait, dans un premier temps, avec
des problèmes immédiats comme ceux de la Wayagamack et d'East
Angus, apporter l'ébauche d'une solution particulière à
ces deux cas, en outre de jeter la base des solutions qui peuvent être
envisagées à long terme pour l'ensemble du problème.
C'est simplement une question que je vous adresse, quitte à ce
que M. le ministre puisse y ajouter ses commentaires. La Tribune de Sherbrooke,
du lundi 26 septembre 1977, dit, en manchette: "L'usine sauvée à
East Angus. Lévesque parle d'un plan général de
modernisation à la Domtar et ce, suite aux délibérations
du conseil national du parti qui forme le gouvernement, en fin de semaine, dans
la région de Sherbrooke".
J'aimerais savoir, d'une part, si votre syndicat a été
consulté sur cette question, s'il a été informé, et
comment cela pourra se traduire concrètement dans les faits.
M. Morin (Jean-Guy): On a su cette nouvelle comme bien du monde,
en lisant le journal, quelqu'un nous a apporté le journal, on l'a lu. On
dit que c'est sauvé, mais on ne dit pas comment. Le syndicat n'a pas
été consulté; nous non plus. On ne sait pas comment non
plus cela va se réaliser.
M. Pagé: M. le Président, je ne sais pas si vous me
permettrez une question à M. le ministre, je suis pas mal certain qu'il
me la permettra et que mes collègues me la permettront. Étant
donné l'importance du sujet, j'espère que cette
déclaration n'a pas été faite dans l'enthousiasme d'une
présence du gouvernement dans la région. J'aimerais
peut-être avoir des détails supplémentaires de la part de
M. le ministre.
M. Bérubé: Nous sommes toujours enthousiastes.
À voir d'ailleurs les résultats des sonda-
ges, nous devenons de plus en plus enthousiastes...
M. Pagé: Sur la loi 101, celle-là? Est-ce du
sondage sur la loi 101 que vous faites état?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: Vous regarderez la première page
du Montréal-Matin.
Je pense que non, il est beaucoup trop tôt pour que le
gouvernement se prononce. Comme vous le voyez d'ailleurs, c'est le
résultat de la commission parlementaire actuelle. Il existe une
volonté du gouvernement d'intervenir dans le secteur de l'industrie des
pâtes et papiers, et cette volonté se traduit, au départ,
par une réflexion qui a eu cours à l'intérieur du
gouvernement, qui, maintenant, débouche sur une confrontation avec les
intervenants et qui aboutira finalement à des décisions
gouvernementales. Je laisserai le gouvernement prendre des décisions
nécessaires.
M. Pagé: À long terme, tout cela. Mais,
concrètement, à East Angus, la nouvelle dit: "Usine
sauvée. Le premier ministre Lévesque..." et on cite sa
déclaration. Encore là, vous pourrez peut-être dire que
c'est la faute des journalistes. M. Lévesque aurait
déclaré: Celle-là, nous avons réussi à la
sauver, en parlant de l'usine d'East Angus.
M. Bérubé: J'évite de commenter les
déclarations des journalistes.
M. Pagé: Ce n'est pas un cadeau.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
M. Grenier: M. le Président, je voudrais remercier M.
Morin et la CSN du mémoire présenté ici cet
après-midi. Il était attendu, inutile de vous le dire. Je pense
que la présentation de votre mémoire est tout à fait
correcte et dans l'esprit que vous avez l'habitude de le faire aux
différentes commissions parlementaires, puisque vous présentez,
en général, des mémoires qui collent à des
réalités bien précises. S'il en est un, c'est bien celui
que vous présentez aujourd'hui. Je veux vous en remercier. Tout, dans
cette déclaration, m'a intéressé mais, vous vous attendez
à cela, évidemment, la partie qui m'a davantage
intéressé, comme député, c'est la partie qui porte
sur l'usine d'East Angus, qui est dans ma circonscription
électorale.
Je suis peut-être plus sensible à ce problème,
puisque je le vis plus intensément et j'aimerais vous rappeler que, lors
de l'annonce de la fermeture de cette usine, je me suis personnellement rendu
rencontrer la direction de l'usine pour, ensuite, rencontrer le syndicat local
et, ensuite, les autorités de la municipalité d'East Angus.
Ensuite, a éclos de ces rencontres la formation du comité ad hoc
qui témoignera devant cette commission au cours de la deuxième
semaine d'octobre. Nous serons, bien sûr, plus largement informés
après le dépôt du mémoire de la Domtar, qui viendra
au cours de la deuxième semaine d'octobre, et celui du comité ad
hoc dont j'ai d'ailleurs pris connaissance et qui, sur plusieurs points,
ressemble étrangement au mémoire qui nous est
présenté aujourd'hui par le syndicat. Je pense qu'il y avait de
vos représentants qui ont très bien travaillé à
l'autre comité. On se rendra compte qu'il y a des recommandations qui
sont tellement semblables qu'il serait difficile qu'elles ne soient pas
acceptées du gouvernement.
Évidemment, la déclaration qui a été
commentée tout à l'heure par le député,
personnellement, ne me surprend pas. On est habitué ici à ces
sortes de déclarations. Le premier ministre nous dit une chose et le
ministre, après, dit: Ce n'est pas tout à fait sûr que cela
va être comme cela. Cela fait quelques-unes qu'on vit. Pour East Angus,
je demanderais au gouvernement de faire un peu ce que j'ai fait et d'être
prudent dans ses déclarations. C'est de nature à créer des
appétits ou à encourager les gens. Quand ils sont trop
encouragés par certains, recevoir une douche, cela fait d'autant plus
mal. Dans une même entrevue, le premier ministre déclare que la
question est réglée, que celle-là ne fermera pas. Je pense
que le journaliste est de bonne foi; c'est exclusif à laTribune. Il dit:
"Pas celle-là; nous avons réussi à la sauver. Nous avons
préparé un plan général de modernisation et de
rationalisation. ' C'est bien clair. C'est cité entre guillemets. C'est
le premier ministre qui le déclare. Tout de suite après, on a
rencontré le ministre des Terres et Forêts dans un autre corridor
ou dans le même, et M. Bérubé, à la veille de la
commission parlementaire sur l'industrie québécoise des
pâtes et papiers, a toutefois été plus avare de
précisions. Je cite l'article du journal: "Selon l'évaluation
faite et je pense que c'est assez pondéré par nos
fonctionnaires, a-t-il confié, il y a une possibilité de solution
dans le cas de l'usine Domtar, à East-Angus, vu le potentiel forestier
de la région. La solution que nous envisageons engloberait à la
fois Domtar et East-Angus. Il est trop tôt pour dire s'il s'agit de
modernisation ou de construction nouvelle. De toute façon, selon nos
rapports, il est possible d'avoir une industrie forestière rentable dans
l'Estrie." C'était là la citation du ministre.
M. Bérubé: Bonne citation.
M. Grenier: Oui, excellente. Je vous félicite, à
part cela. Elle est pondérée. Elle va dans l'esprit de celles que
vous faites régulièrement, sauf que celle du premier ministre
n'est pas dans le même sens. Le premier ministre nous dit que c'est
réglé, qu'elle ne fermera pas et que c'est un plan de
rationalisation. C'est peut-être celle-là qui est délicate.
J'aimerais bien que les ministres aient une rencontre, avant de rencontrer les
journalistes, pour dire à peu près la même chose. On
s'attend que les ministres vont déclarer la même chose,
surtout quand c'est le premier ministre. Pour moi, je ne m'en fais pas,
après avoir siégé autour de cette table sur la loi 101 et
avoir entendu le premier ministre dire: On va être humain et on va
être correct, et le ministre dire après: Non, on n'a pas envie de
l'être, on a été habitué à ces
réponses qui n'étaient souvent pas les mêmes,
dépendant du ministre qui la faisait.
J'ai travaillé dans ce dossier avec beaucoup de gens qui sont de
l'autre côté et beaucoup d'autres qui viendront. J'ai toujours
voulu ne pas politiser le dossier de la Domtar et le ministre, je pense bien,
en sait quelque chose. Les discussions qui auraient pu l'être, on les a
faites au moyen de rencontres personnelles. Les questions que j'ai
posées en Chambre n'étaient jamais des questions à
caractère politique, mais bien des questions pour informer la Chambre et
informer les gens du milieu d'East Angus principalement, tant du comité
ad hoc que du comité syndical. Vos réponses étaient
toujours dans l'attente de cette commission. Aujourd'hui, nous sommes à
cette commission.
Nous allons poser une couple de questions aux gens qui sont là.
Bien sûr, à la toute fin de la commission, on tâchera de
faire vérifier cet article pour voir si on se dirige vers quelque chose
de sérieux pour East Angus. M. Morin, sur votre mémoire qui est
bien, j'aimerais quand même avoir une précision. Est-ce que vous
entendez bien?
Du côté des salaires à East Angus, est-ce que,
d'après vous, c'est assez régulier dans le domaine des
pâtes et papiers? Est-ce comparable avec d'autres?
M. Morin (Jean-Guy): Ils sont plus bas qu'ailleurs.
M. Grenier: Ils sont plus bas qu'ailleurs.
M. Morin (Jean-Guy): C'est clair et regardez, on le dit dans
notre mémoire pour d'autres situations aux États-Unis.
Généralement, là où les salaires d'une industrie
étaient plus bas que pour le reste du secteur, normalement, c'est
toujours une industrie où on a eu, après, des problèmes de
fermeture.
M. Grenier: Très brièvement, il y a un autre
chiffre qui nous a été donné ce matin dans un
mémoire qui a été présenté ici par
l'association des industries et qui nous parle de $270 000 par tonne par jour
pour la construction de nouvelles usines. Est-ce que vous trouvez que c'est un
chiffre raisonnable, d'après vous, un chiffre réaliste?
M. Morin (Jean-Guy): II faudrait examiner leurs chiffres; on n'a
pas eu ces mémoires. Prendre ces chiffres et vous dire si c'est valable
ou non, c'est plus compliqué.
M. Grenier: C'est plus compliqué. J'aimerais ça
quand même...
M. Morin (Jean-Guy): II y aurait les sources à
vérifier aussi.
M. Grenier: Oui. Une autre question. Vous parlez de
nationalisation du secteur. Il semble, d'après les chiffres que nous
avons ici, qu'on absorbe, au Québec, 6,3% de notre production en 1976,
si ces chiffres sont exacts. Je sais qu'on peut jouer sur les chiffres. Est-ce
qu'en nationalisant ce serait possible de régler le problème de
la concurrence qui va quand même rester bien présent, même
après la nationalisation, et qui sera peut-être plus aigu à
ce moment-là?
M. Morin (Jean-Guy): Je ne pense pas que la concurrence soit une
question de nationalisation ou pas. Je sais bien qu'au niveau de
l'électricité on peut faire concurrence à pas mal de monde
et aller en vendre à d'autres, à des coûts bien meilleurs
que ce qui est produit ailleurs dans l'industrie privée. Pour nous, il
faut que le gouvernement intervienne, parce que ce sont des compagnies qui
utilisent nos richesses naturelles. Elles n'utilisent pas seulement la
forêt; elles utilisent l'électricité et elles utilisent
l'eau. Il y a beaucoup d'eau utilisée dans les usines à papier.
Elles les utilisent à leurs fins personnelles. C'est clair. Je pense
qu'on n'a pas à "questionner" ça; c'est comme ça que
ça se passe. On dit que le gouvernement doit intervenir de façon
que nos richesses naturelles servent au bien de la population et non au bien de
l'entreprise privée et de quelques personnes qui mettent de l'argent
dans leur poche.
M. Grenier: Merci. Le monsieur qui est là, est-ce qu'on
l'a présenté comme quelqu'un capable de répondre à
nos questions?
M. Morin (Jean-Guy): Le président?
M. Grenier: Alors, je vais prendre le monsieur là-bas. Le
président est-il à la table aussi? M. Té-treault. Le
premier ministre dit dans l'article que c'est un problème de
rationalisation et M. le ministre Bérubé dit que c'est
peut-être un problème de modernisation. D'après vous,
est-ce que c'est plus de la modernisation qu'il faut faire à East Angus
que de la rationalisation?
M. Cantin: Bien sûr qu'à East Angus il s'agit d'une
modernisation complète de l'usine. Dans le mémoire d'East Angus
qu'on n'a pas détaillé à cause du manque de temps, vous
allez vous apercevoir que c'est une modernisation complète de l'usine.
Mais la compagnie dit qu'à l'intérieur, à cause du
vieillissement de l'usine, elle ne peut pas moderniser. Quand on sait que
Kruqer est allée chercher une machine jumelle, la no 3 vous allez
voir ça dans le mémoire, on donne l'exemple qu'elle l'a
transportée à Bromptonville, elle a modernisé et
aujourd'hui, dans l'industrie du papier, Kruger est un des plus gros vendeurs
de papier. Elle est obligée d'aller chercher son bois au lac Relique.
Prendre un char de bois au lac Relique pour le descendre à
Bromptonville, ça prend une semaine exactement de transport.
Quand Kruger est capable de produire et de faire de l'argent, il est
sûr qu'à East Angus, c'est une modernisation complète de
l'usine qu'il faut à
l'intérieur et non pas une fermeture d'usine, comme ça se
fait dans le moment. Il y a possibilité de la moderniser.
M. Grenier: On parle de mises à pied; tout tourne autour
de 570 personnes environ directement impliquées dans la compagnie, comme
on le sait. Cela impliquerait combien d'autres personnes en secondaire,
d'après vous, à East Angus; les mises à pied de combien de
personnes au total? Est-ce que ça doit dépasser 1000
personnes?
M. Cantln: 2000 employés dans la région d'East
Angus sont touchés directement et indirectement.
Dans l'Estrie au complet, pas seulement à East Angus, dans
l'Estrie, il y a des usines où on fournit la chaux à
l'intérieur et des usines qui fournissent des produits secondaires, des
produits chimiques. Toutes ces compagnies seront touchées
automatiquement et les autres usines connexes, comme Domtar Packaging où
ils font des sacs en papier. Je n'ai pas l'impression que cela va rester
longtemps. On a entendu dire qu'il y avait une vente, mais il n'y a rien
d'officiel. Je n'ai rien eu d'officiel encore. Mais Domtar c'est encore une
autre usine qui va être affectée, à East Angus.
M. Grenier: Est-ce que vos 2000 comprennent les personnes
travaillant en forêt pour la compagnie?
M. Cantin: Oui.
M. Grenier: Je ne veux pas parler plus longtemps, je vois qu'on
dépasse l'heure. En terminant, vous dites: Nous voulons la
sécurité d'emploi, notre ville et notre avenir. Nous ne voulons
pas être des assistés sociaux et des gens sur
l'assurance-chômage. Je voudrais bien que votre voix soit entendue par le
gouvernement puisque je pense que c'est là que nous allons trouver des
éléments de solution. Nous aurons certainement l'avantage de lire
d'autres mémoires qui viendront d'East Angus. J'ai eu l'avantage de
rencontrer votre syndicat avant le dépôt du mémoire, de
même que le comité ad hoc. J'ai demandé à ces gens
de continuer leur travail ensuite afin de diversifier, dans une ville comme
celle-là, pour que cela ne devienne pas, comme vous le dites dans votre
mémoire, une autre ville fantôme comme on en a connu une dans la
région du Lac-Saint-Jean. Je vous remercie, M. le Président.
M. Cantin: J'aimerais ajouter quelque chose. Nous ne voulons pas
être des assistés sociaux, comme je l'ai dit tout à
l'heure, et nous ne voulons pas non plus d'une annonce comme celle que le
ministre Bérubé a faite à Wayagamack selon laquelle
l'usine sera fermée. On ne veut pas avoir de ces
commissionnaires-là non plus.
M. Grenier: Le ministre du travail sera chez vous jeudi
après-midi.
Une voix: Cela ne nous dérange pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Trois
dernières interventions, le temps est déjà
écoulé, trois dernières interventions très
brèves, le député de Champlain, le député de
Charlevoix et le ministre des Terres et Forêts.
M. Gagnon: Mon intervention est très brève. Je
voudrais souhaiter bonne chance aux ouvriers d'East Angus. On sait que j'ai eu
le même problème dans le comté de Champlain avec l'usine de
Wayagamack. On a travaillé très fort pour essayer de la sauver,
mais malheureusement on a appris qu'elle doit fermer. J'espère que vous
aurez plus de chance. De toute apparence, cela semble tourner mieux pour vous.
Votre rapport me plaît beaucoup parce que vous avez touché des
points... J'ai travaillé avec un comité de citoyens pour essayer
de sauver la Wayagamack et il y a beaucoup de points que vous touchez dans le
rapport et que j'endosse certainement. Il n'y a qu'une chose que j'aurais
souhaitée, c'est que vous mentionniez ce qu'on doit faire, à
moyen et à long terme, poure redonner à l'industrie des
pâtes et papiers la place qu'elle doit avoir au Québec. J'aurais
aimé voir, dans votre intervention, un moyen à court terme
à suggérer au gouvernement, pour qu'on puisse sauver des usines,
et à ce moment-là, j'aurais espéré encore un peu
pour la Wayagamack. Merci.
M. Morin (Jean-Guy): On dit qu'à court terme, il faut que
le gouvernement passe une loi pour régler ces
problèmes-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. Morin, mes questions seront très courtes.
Je veux d'abord vous féliciter pour la teneur de votre mémoire.
Je pense que le but que vous souhaitez, sauvegarder les emplois de tous les
travailleurs qui s'occupent des pâtes et papiers, est parfaitement
louable. Vous faites certaines suggestions: reprise des concessions, que ce
soit l'État qui soit le seul dépositaire de l'ensemble des
approvisionnements, caisse de stabilisation et autres, modernisation des
usines.
Je voudrais revenir sur un point que vient de toucher mon
collègue, ici à ma gauche. Advenant que, pour une raison ou une
autre, le gouvernement ne réussisse pas à convaincre les
compagnies d'aller dans le sens que vous espérez et qu'il faille
nationaliser. Vous avez vous-même fait le portrait des
intérêts financiers qui sont à l'intérieur des
compagnies qui viennent devant la commission parlementaire aujourd'hui. Les
ramifications financières viennent des États-Unis, de l'Ontario,
d'autres provinces canadiennes, du Québec. Tantôt mon
collègue disait qu'effectivement nous ne consommons que 6,3% de la
production des pâtes et papiers. Devant le portrait des financiers qui
sont autour de ces intérêts, croyez-vous, malgré la
réponse partielle que vous avez donnée tantôt selon
laquelle l'électricité pouvant être vendue au gouvernement
du Québec à meilleur marché s'il devenait possesseur de
certaines de ces usines,
que les rivières lui appartiennent, que le bois lui appartienne
et qu'il puisse mettre en marché du papier à meilleur compte que
d'autres compagnies, devant la faible consommation du Québec, non pas
d'un Québec séparé mais d'un Québec qui doit vendre
à l'extérieur, aux provinces canadiennes ou sur le marché
américain, pensez-vous que ces mêmes intérêts que
vous avez décrits je ne mets pas en doute votre description
permettraient, avec toute la finance et les contrôles dont ils disposent,
que les pâtes et papiers continuent d'être un des
éléments principaux des positions dont nos travailleurs ont
besoin?
Est-ce que vous pensez que ce serait possible de nationaliser et
d'arriver à une concurrence quelconque avec ces gens, avec notre faible
consommation?
M. Morin (Jean-Guy): La question que vous posez peut ouvrir un
très grand débat. Nous autres, on reste convaincus que quand les
entreprises ont besoin de quelque chose, elles sont prêtes à
négocier et à accepter certaines conditions. Il y a d'autres
intérêts dans le monde qui ont aussi besoin de papier. Ce ne sont
pas simplement les Américains qui en ont besoin. Ces autres
intérêts peuvent être aussi puissants, parce que c'est un
rapport de force. C'est bien clair, ce que vous dites. Le fait que les
compagnies sont géantes et monopolisées, que c'est un
système capitaliste et qu'il y a un gros rapport de force, on est
obligé de se soumettre à eux, non. On peut peut-être
établir un autre rapport de force. À ce moment, je pense que les
compagnies, indépendamment de leurs rapports de force, si on est capable
d'avoir d'autres personnes, d'autres gens qui sont intéressés
à avoir ce qu'on produit, elles vont se protéger parce qu'elles
tiennent à avoir ce qu'on a aussi. Cela ne me pose pas de crainte, le
fait que le gouvernement intervienne dans l'intérêt de la
population plutôt que dans l'intérêt de certains groupes
financiers.
M. Mailloux: II faut quand même convenir que même
dans les pays sous-développés actuellement, même en
Afrique, on commence à faire certaines mises en place pour une
autosuffisance. Les pays Scandinaves ont déjà envahi le
marché européen qu'on pourrait convoiter.
J'aurais une suggestion à faire en terminant, si la commission le
permet. Étant donné que les usines de pâtes et papiers
sont, comme à East Angus, comme à Donnacona, comme à
Windsor, dans certaines villes, petites ou moyennes, du Québec, les
seuls moteurs de l'économie, quand le moteur arrête, toute la vie
sociale et économique vient de se terminer. Ce sont des villes
fantômes qu'on vient de créer. Je pourrais peut-être faire
mon mea culpa, comme ex-membre d'un cabinet. Est-ce que le gouvernement ne
devrait pas, dans un premier temps, dans toutes les usines qui ne sont que le
seul moteur d'une ville, se pencher d'abord sur ces usines, regarder
l'état de l'équipement et voir s'il y a un danger de fermeture
dans la décennie qui s'en vient. Cela peut être dans
l'année qui s'en vient, mais aussi dans la décennie qui s'en
vient. Qu'une usine ferme à Trois-Rivières, cela peut être
dramatique, il y a quand même d'autres industries qui peuvent employer
les gens qui sont mis à pied. Qu'on ferme à Beaupré, qu'on
ferme à Donnacona, qu'on ferme à Clermont, la vie vient de
disparaître comme elle va disparaître à East Angus si cela
ferme. Je pense que, dans un premier temps, de concert avec les compagnies,
avec les syndicats, le gouvernement devrait voir, dans ces villes qui
deviendraient des villes fantômes, s'il y a un danger que, dans les
prochaines années, la vie économique et sociale soit
complètement disparue.
M. Morin (Jean-Guy): D'ailleurs, dans la proposition qu'on fait
de la caisse de stabilisation de l'emploi, une des conditions qu'on met
là-dedans, c'est qu'on ait l'information. Que les employeurs, usine par
usine, dévoilent les renseignements afin de prévenir, afin de
voir ce qui s'en vient, de voir l'état actuel et de voir vers quoi cela
s'en va. Dans le cas d'East Angus, ce n'est pas compliqué, ce qui s est
passé, et Windsor non plus. On ne voudrait pas que le gouvernement
bâtisse un autre moulin dans la région là-bas et ferme East
Angus-Windsor et qu'on se ramasse avec 500 emplois, mais avec 1000 mises
à pied. Cela a déjà été un projet de la
compagnie. Le problème s'est soulevé dans le temps quand la
compagnie a investi à Quévillon. Cela a coûté $100
millions. Nous autres, notre position, à ce moment, c'était
peut-être de prendre $25 millions dans le temps, peut-être $15
millions à East Angus et $25 millions à Windsor, et d'investir
là il n'y avait pas d'autres coûts sociaux, les
écoles, les services publics étaient déjà en place
au lieu d'aller à Quévillon. Je pense bien que Domtar
regrette son péché, regrette sa décision d'aller à
Quévillon. Elle a même congédié son
président, à cette occasion. Elle n'a pas fait cela pour
rien.
Ce qu'elle a fait là, au point de vue social, ce n'était
pas la solution, elle aurait été mieux d'investir les sommes
où les profits avaient été générés et
où les travailleurs avaient fait cet argent. Cela n'aurait pas
privé le monde de Quévillon de pouvoir travailler en coupant du
bois qui était nécessaire pour ces usines.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière intervention, M. le ministre.
M. Marcoux: J'invoque le règlement, M. le
Président. Compte tenu de l'importance du mémoire et qu'il reste,
de toute façon, à peine 20 ou 25 minutes, je proposerais aux
membres de la commission que l'on continue de poser des questions durant une
dizaine ou une quinzaine de minutes avant de céder la parole au
ministre. Je pense que tous vont le reconnaître, ceux qui ont
regardé le mémoire; compte tenu du temps qui a dû
être mis pour la préparation de ce mémoire et de la
qualité du mémoire, je pense que cela peut justifier qu'on
dépasse, de 15 ou 20 minutes, le temps alloué à ce
mémoire. En tout cas, person-
nellement, j'aurais quelques questions; mon collègue
d'Abitibi-Ouest, également, a des questions.
M. Pagé: Si ces interventions ou ces questions peuvent
bonifier le débat et peut-être apporter des éléments
de solution à ce que les travailleurs vivent actuellement, notamment
dans le cas d'East Angus, on y souscrit; il n'y a pas de problème, on
peut filer jusqu'à 18 heures avec le dossier de la CSN, quant à
nous.
M. Grenier: M. le Président, je pense que dans le contexte
actuel je serais bien malvenu de dire qu'il faut couper le temps, surtout quand
on voit l'importance du problème à East Angus. Je pense qu'on
devrait peut-être se servir de cette dernière demi-heure pour voir
d'autres éléments de solution qui pourraient nous venir de
l'autre côté de la barre. Alors, bien sûr, on a mon
consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que l'intervention du député de Rimouski n'avait pour but que de
lui permettre de poser une question. Je dois vous dire que nous avons
dépassé notre temps de 15 à 20 minutes. Je comprends que
tous les partis politiques sont d'accord pour accorder cette autorisation; il
n'en reste pas moins que nous avons 30 mémoires à étudier
et, de consentement unanime, tous les partis politiques ont accordé deux
heures à chaque intervenant. À ce stade-ci, je permets une
question au député de Rimouski, et je pense que c'était le
but de son intervention. Après, une dernière intervention du
ministre. Par la suite, nous demanderons au Conseil des hommes d'affaires
québécois de venir présenter son mémoire. M. le
député de Rimouski.
M. Marcoux: Remarquez qu'il est sûr qu'il n'y avait pas de
cachette dans le fait que je sois intéressé au prolongement, mais
j'ai également un de mes collègues qui avait la même
intention.
Une remarque avant de vous poser une question. Vous faites la
démonstration que ce n'est pas le fait que les salaires soient
élevés, au Québec, qui est la cause des problèmes
de l'industrie des pâtes et papiers; je pense que, en quelques pages
à peine, vous défendez bien votre point de vue. Ce sont les
entreprises les plus productives et les mieux équipées, les plus
modernisées qui paient les meilleurs salaires, c'est-à-dire que
le fait d'avoir de bons salaires est un indice de productivité. Si les
salaires étaient encore plus élevés, ce serait un indice,
de façon générale, de meilleur équipement au niveau
de l'économie quoique, dans un cas praticulier, cela peut être
mauvais que des salaires soient beaucoup en dehors d'une certaine grille. Mais,
de façon générale, ce que vous soutenez se défend
très bien comme façon de voir le progrès d'une
économie.
La question que je voudrais vous poser est la suivante: Le ministre
indiquait, au début de la commission que l'un des objectifs de la
commission parlementaire était, autant que possible, d'aboutir à
une concertation entre le gouvernement, les syndicats et les industries, sur
l'avenir des pâtes et papiers. Vous avez abordé chaque cas au
sujet de l'avenir de l'allocation du bois, au niveau de l'équipement, de
la modernisation, au niveau de la conquête des marchés, etc. Voici
ce que j'aimerais savoir. Vous étiez probablement là, j'ai
posé la question aux représentants de l'association des
industries, cet avant-midi. J'aimerais vous voir préciser un aspect de
votre mémoire; vous l'abordez, vous dites que vous souhaitez la
création d'un conseil semblable au Conseil consultatif du travail et de
la main-d'oeuvre qui réunirait chacune des parties impliquées.
Cela est une réponse sur la structure que vous voyez pour atteindre ou
à travers laquelle pourrait s'exprimer cette concertation. Mais
j'aimerais savoir jusqu'où, d'après vous, pourrait ou devrait
aller cette concertation, en répondant particulièrement aux
questions suivantes: Verriez-vous d'un bon oeil ou pensez-vous qu'il serait
possible, du côté des syndicats, de participer à une
concertation qui impliquerait une entente entre le gouvernement, les
entreprises et les syndicats, sur des échéanciers de
modernisation d'entreprises, de fermetures?
Là où il y a de la vie au plan économique, il y a
des disparitions d'emploi et des créations d'emploi.
L'insécurité industrielle, ce que vous appelez les changements,
ou les disparitions d'emploi, les créations d'emploi, vous dites que
c'est lié au système capitaliste. Il y a au moins une bonne
partie de cela qui est liée au système industriel lui-même.
Il y a peut-être des caractéristiques supplémentaires
liées au système capitaliste, mais il y a certainement des
caractéristiques liées au système industriel.
Seriez-vous d'accord pour aboutir à une espèce
d'échéancier sur ces modernisations, lorsqu'il doit y avoir mise
à pied, sur les transferts d'usine à un moment, d'une
région à une autre, en somme sur cette ensemble de
l'évolution dans les dix prochaines années ou, supposons, les
cinq prochaines années, si on veut être plus modeste, de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec? Dans la situation
actuelle que vous avez décrite, il est bien sûr qu'il y a des
décisions qui doivent être prises.
Jusqu'où, en ce qui vous concerne, le syndicalisme est-il
prêt à aller dans cette concertation? Je comprends bien, comme
vous l'avez dit très clairement dans votre mémoire, que votre
pensée est le socialisme; or, ces objectifs de concertation sont des
objectifs à court terme qui sont en fait contradictoires avec vos
objectifs à long terme.
M. Morin (Jean-Guy): II est clair que, pour nous, on ne peut pas
accepter de participer à des comités où il y aurait
concertation de façon que les compagnies fassent plus de profits.
Cependant, il y a des situations de fermetures ou des cas précis
où on est prêt à s'asseoir, non pas pour se concerter, mais
pour présenter réellement les intérêts, les points
de vue des travailleurs et pour protéger leurs intérêts, en
participant à de tels comités, mais on n'ira pas plus loin.
M. Bérubé: Je dois dire, comme mon distingué
collègue de Portneuf, que votre mémoire est
effectivement rempli de très intéressantes suggestions.
Pour autant que je suis concerné, je le trouve très positif. Je
trouve qu'il y a un effort pour régler des problèmes qui sont
réels. On pourra toujours argumenter sur la nature de la solution, mais
je pense que néanmoins il y a un effort qui est très clair.
Je pense à votre caisse de stabilisation de l'emploi, qui
mérite certainement qu'on y réfléchisse. J'aurais
peut-être une question à poser. En particulier, je me demande si
vous avez envisagé l'ordre de grandeur de la contribution par heure de
travail-homme qui serait fournie, donc de combien le coût de la
main-d'oeuvre serait-il affecté? Evisagez-vous qu'une telle caisse ne
soit financée que par l'industrie ou qu'elle soit financée
conjointement par le travailleur, par les retenues sur son salaire, en
même temps qu'elle pourrait l'être par l'entreprise? Donc, il y
aurait un peu de précision de ce côté.
Je pense que les mesures d'urgence dans le cas de fermeture, il y a
peut-être là moyen d'y réfléchir. Votre caisse de
stabilisation aurait quand même déjà une conséquence
considérable dans ce cas.
L'idée de la société d'exploitation
m'apparaît aussi une approche intéressante. J'aurais deux petites
questions relativement à cette société d'exploitation, en
particulier en ce qui a trait à l'existence des coopératives de
travailleurs forestiers qui exploitent la forêt sur le domaine public et
qui, par conséquent, pourraient vouloir continuer à exploiter
d'une façon autonome et pourraient même, je pense, s'assurer un
milieu de travail, à une échelle assez humaine alors qu'une
très grande société d'exploitation des forêts qui
exploiterait tout le bois du Québec pourrait, très rapidement,
devenir assez déshumanisante.
Je retiens, également, le comité consultatif qui
m'apparaît comme une suggestion que l'on pourrait assez rapidement mettre
sur pied. Cela m'apparaît très intéressant.
Donc, il y a plusieurs éléments de solution. Avant d'en
venir à votre rapport comme tel, j'aurais quelques questions. J'aimerais
peut-être avoir réponse à ces réflexions sur vos
suggestions.
M. Morin (Jean-Guy): Quant au montant concernant la caisse de
stabilisation, on n'a pas fixé de montant parce qu'on n'a pas les
données pour connaître quelle est la situation, combien cela prend
pour régler ces problèmes.
Il est clair aussi pour nous que, s'il y a contribution, c'est
simplement une contribution des employeurs, parce que ce sont eux qui sont
responsables de la situation.
En ce qui concerne la société d'exploitation et
l'existence de coopératives, on a eu des expériences de syndicats
coopératifs. Les syndicats coopératifs, pour pouvoir
réussir à oeuvrer dans le système actuel, ont beaucoup de
difficultés, parce qu'ils sont pris dans tout un système de
concurrence auquel ils sont obligés de faire face et ils sont
obligés de prendre les mêmes moyens pour exister que ces
compagnies. Afin de pouvoir s'en sortir, souvent, parce qu'ils ont affaire
à de gros monopoles, et quand on est dans une coopérative, c'est
beaucoup plus petit, alors les moyens de concurrencer vis-à-vis des gros
monopoles sont énormes, les conditions de travail sont moins bonnes, ils
sont obligés de sacrifier certaines de leurs conditions de travail pour
être en concurrence avec les gros monopoles.
Alors, ça prend un pouvoir beaucoup plus grand que ça et
on pense que ce pouvoir plus grand, c'est l'État, c'est le gouvernement.
Ce ne sont pas plusieurs petites coopératives.
M. Bérubé: Relativement à votre
mémoire, on tire certainement une conclusion immédiate, la cause
des problèmes que rencontre l'industrie des pâtes et papiers
présentement, vous l'attribuez à une absence de
réinvestissement des profits dans cette industrie. Vous citez un certain
nombre de chiffres à l'appui de votre thèse, en particulier, vous
comparez la productivité, soit la valeur ajoutée par homme, en
Colombie-Britannique et au Québec. Il m'est immédiatement venu
à l'esprit, en regardant cette comparaison, qu'on comparait des choses
qui n'étaient pas vraiment comparables, puisque l'industrie de la
Colombie-Britannique produit essentiellement de la pâte, alors que
l'industrie du Québec produit du papier journal et que dans l'industrie
de la pâte, évidemment, la productivité est
généralement supérieure à celle que l'on trouve
dans le papier journal. Par conséquent, la comparaison n'est
peut-être pas complètement valable.
D'autant plus que si on considère la valeur des investissements,
on constate qu'au cours d'une période de référence que
j'avais, je n'ai malheureusement pas retenu les noms, 1961 à 1974,
l'industrie a réinvesti de l'ordre de $2 313 000 000 au Québec
contre $2 399 000 000 en Colombie-Britannique, soit à peine 1,5% de
différence entre les deux provinces. Par conséquent, il
m'apparaît à nouveau qu'au niveau de la valeur des
investissements, ça ne supporte pas votre thèse.
D'autre part, ce que l'industrie a invoqué, ce matin, indique
qu'elle réinvestit; malheureusement nous n'avions pas les chiffres qui
démontraient cette prétention de l'industrie. L'industrie
prétend réinvestir de deux à trois fois les
bénéfices qui sont distribués aux actionnaires; donc
déjà, l'industrie effectue un effort considérable de
réinvestissement de ses bénéfices. Un autre aspect, c'est
que le taux de rendement interne de l'industrie des pâtes et papiers nous
a été présenté ce matin comme n'étant que de
5,8% sur une période de dix ans, donc que déjà, depuis
1970, le taux de rendement interne étant très bas,
évidemment l'industrie prétend que c'est tout simplement faute de
pouvoir produire des profits qu'elle n'investit pas.
Par conséquent, est-ce que vous pourriez commenter ces deux
aspects, d'une part, les chiffres que vous avez utilisés et, d'autre
part, ce qui nous a été invoqué ce matin comme
argument?
M. Morin (Jean-Guy): Un des problèmes qu'on a, c'est qu'on
n'a pas les chiffres des entreprises,
alors on est obligé de prendre ceux qui sont disponibles et faire
des comparaisons avec ceux-là. Les porte-parole, ce matin, quand ils ont
fait les déclarations, ils n'ont pas donné de source; c'est
difficile de se prononcer sur de telles choses. Quant à nous, nous
pourrions peut-être essayer de répondre, mais ça ne serait
pas des réponses correctes, parce que tous les chiffres que nous avons
soumis, vous avez leurs sources, vous savez où on les a pris et
d'où ils viennent. Mais ce sont les seuls qu'on peut avoir.
En ce qui concerne la productivité des pâtes, là
aussi, il faudrait qu'ils nous donnent des chiffres, parce que les informations
que les employeurs nous ont données assez souvent, Wayagamack est une de
ces usines ainsi que East Angus et Windsor, or elles produisaient de la
pâte. Leur problème serait avec la pâte beaucoup plus
qu'avec le papier. Il faudrait qu'ils nous donnent des informations plus
claires pour faire la démarcation là-dedans.
En ce qui concerne les bénéfices, à savoir qu'ils
ont investi deux ou trois fois plus que les bénéfices
distribués aux actionnaires, encore là, il faudrait faire la
comparaison. Est-ce que l'autofinancement d'une entreprise est
considéré, de la part des entreprises, comme étant une
dépense, comme étant quelque chose qui ne fait pas partie des
profits? S'ils comparent cela avec les dividendes, si on ne compare pas les
mêmes choses, on ne le saura pas. Sur quelle base va-t-on évaluer
si une compagnie est rentable ou non? Est-ce que c'est sur le capital investi?
Est-ce que le capital investi a été du capital tout simplement
autofinancé ou si c'est du nouveau capital? Je pense que
là-dessus, il y a eu des études, lorsqu'il y a eu la commission
Alleyn sur l'opération en continu dans l'industrie des pâtes et
papiers. Certains sont venus démontrer que le capital investi rapportait
dans l'industrie des pâtes et papiers un pourcentage de l'ordre de
15%.
Je pense qu'il y a des choses qu'ils ont, sauf qu'on n'a pas toutes les
données pour pouvoir réellement en faire l'analyse
correctement.
M. Bérubé: Croyez-vous que s'il devait y avoir une
concertation entre travailleurs, patronat et gouvernement, un des premiers
objectifs de cette concertation serait peut-être justement de chercher
à obtenir ces chiffres, à la satisfaction de toutes les
parties?
M. Morin (Jean-Guy): C'est ce qu'on demande, maintenant. Ce n'est
pas parce qu'on assisterait à certains comités qu'on se
concerterait. C'est bien clair que nos objectifs sont l'emploi; c'est de
protéger le droit au travail. On ne prétend pas que de s'asseoir
à la même table, cela va être nécessairement de la
concertation. Cela va être de pouvoir démontrer et dire où
sont, d'après nous, les vrais problèmes, ce qu'on veut, comme
solution, pour les travailleurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
à M. Morin et à ceux qui l'accompagnaient; merci à la CSN
et à la Fédération des travailleurs du papier et de la
forêt.
J'inviterais maintenant le Conseil des hommes d'affaires
québécois et ses porte-parole à se présenter
à la table, s'il vous plaît.
M. Saint-Amour?
Conseil des hommes d'affaires québécois
M. Saint-Amour (Jean): Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
demanderais de bien vouloir présenter ceux qui vous accompagnent et
d'exposer votre mémoire.
M. Saint-Amour: Si vous voulez, je vais laisser la parole
à notre vice-président, M. René Blanchard.
M. Blanchard (René): M. le Président, MM. les
ministres, MM. les députés membres de cette commission,
permettez-moi d'abord de vous présenter les membres du Conseil des
hommes d'affaires québécois qui m'accompagnent. À ma
droite, M. Normand Paquin, qui est directeur du conseil, administrateur, qui
est le rédacteur de ce mémoire; à ma gauche, M. Jean
Saint-Amour, qui est notre directeur général. Je m'appelle
René Blanchard. Comme M. Saint-Amour vous l'a dit, je suis
vice-président, je remplace ici notre président, Me André
Bélanger, qui a été retenu à Montréal par
ses fonctions professionnelles au Conseil de sécurité de la CUM.
Il s'en excuse d'ailleurs.
Le Conseil des hommes d'affaires québécois, pour faire un
bref historique, a maintenant quatre ans. Il compte 600 membres, qui sont des
hommes d'affaires, des entrepreneurs, à la tête de petites et
moyennes entreprises. Ces professionnels sont directement reliés
à la condition économique des Québécois dans toutes
les régions du Québec.
Signalons que notre organisme est indépendant. Il ne compte que
sur les contributions volontaires des membres, qui sont fixées à
$50. Il ne doit donc rien à qui que ce soit. Si nous avons
demandé à comparaître devant cette commission, c'est que
nous croyons que la solution du problème qui nous occupe tous est
à la fois politique, économique et culturelle. On ne pourra
maintenir, à notre avis, une nation francophone en Amérique si
cette nation ne maîtrise pas son économie et surtout ses
ressources naturelles. C'est une leçon de l'histoire qui s'est
imposée à peu près partout depuis le début de
l'ère moderne.
La reprise en main de notre économie présuppose un
leadership dynamique du gouvernement québécois. Mais encore
faut-il que ce gouvernement possède une volonté et les pouvoirs
nécessaires à l'exercice de ce leadership. On ne pourra bloquer
la concertation et la concentration du pouvoir économique aux mains des
multinationales ni reprendre la part du marché intérieur qui nous
revient et nous ouvrir aux marchés internationaux sans rapatrier au
Québec les pouvoirs qui nous sont nécessaires, et surtout sans
nous doter
d'outils essentiels d'exploitation rationnelle de nos ressources.
Essentiellement, le Conseil des hommes d'affaires
québécois poursuit les objectifs suivants:
Premièrement, promouvoir l'autodétermination
économique du Québec;
Deuxièmement, défendre les intérêts des
entreprises québécoises;
Troisièmement, promouvoir la reprise en main et la transformation
en sol québécois de toutes nos ressources naturelles;
Quatrièmement, favoriser l'accession des Québécois
à des postes de cadre dans les entreprises, particulièrement
celles qui nous occupent aujourd'hui;
Cinquièmement, travailler à établir le
français comme véritable langue de travail et langue officielle
au Québec;
Sixièmement, favoriser les communications entre les employeurs et
les employés en subordonnant les valeurs économiques aux valeurs
humaines;
Septièmement, collaborer à prévenir la vente
d'entreprises et de terres québécoises à des
intérêts détenus par des non-résidents;
Huitièmement, créer des services utiles à nos
membres.
Je sais que l'heure est avancée. Je cède
immédiatement la parole à M. Paquin, qui fera une courte
synthèse du mémoire que vous avez en main, pour nous soumettre
ensuite à de brèves questions.
M. Paquin: Merci, M. Blanchard. Nous tenons d'abord à
remercier votre commission de nous avoir donné l'occasion de nous faire
entendre sur un sujet que nous jugions vital pour l'avenir économique du
Québec. Notre mémoire a été produit dans des
délais assez brefs pour répondre à la première
échéance, qui était alors fixée au 30 juillet. Nous
vous prions donc d'excuser les lourdeurs de style qui s'y sont
insérées et les quelques erreurs de transcription ou d'impression
qui s'y sont glissées.
Par exemple, en page 6 du mémoire, il y a une erreur assez
flagrante qui s'est glissée. Sous la rubrique Domtar, on lit "Argus
Corp. USA", il faudrait évidemment lire: "Argus, Canada", c'est une
compagnie canadienne. En page 12 de notre mémoire, à la rubrique
A, première phrase, on lit: "le problème de coût au niveau
de l'exploitation" et non pas "de l'expédition de la forêt". Il y
a quelques autres petites erreurs qui se sont glissées dans le texte,
mais ce sont des erreurs mineures.
Messieurs, nous n'avons pas l'intention de lire le mémoire, comme
M. Blanchard vous l'a signalé, mais seulement de présenter
l'essence. Le mémoire met en lumière l'opposition entre notre
conception d'un vrai développement économique et la
réalité vécue dans l'industrie des pâtes et papiers.
Le développement économique, cela signifie pour nous, à
moyen et à long terme, l'augmentation de la richesse collective. Cela ne
peut se faire que par un travail en profondeur de transformation au niveau des
produits, des processus de production et de gestion. En d'autres termes, le
développement économique d'un pays, cela signifie le
développement des ressources humaines, le développement de la
technologie et le développement des produits. Cela ne va pas de soi.
Avoir une usine en exploitation au Québec, cela ne signifie pas
développer l'économie du Québec.
Pour développer, il faut d'abord en avoir la volonté, et
cette volonté, elle s'acquiert par la prise de conscience d'un
intérêt pour l'entreprise à développer le pays en
question. En d'autres termes, il faut qu'une entreprise qui est
localisée dans un pays perçoive un intérêt à
ce que le pays se développe. Or, comme nous l'avons mis en
lumière dans notre mémoire, cet intérêt et, par
conséquent, cette volonté de développer un pays se
retrouvent d'une façon inconditionnelle chez les agents
économiques autochtones, et c'est bien compréhensible, alors
qu'il n'en est pas ainsi pour les agents étrangers et multinationaux. Il
n'y a pas de xénophobie dans tout ceci. L'entreprise qui opère
dans plusieurs pays, surtout dans le domaine des richesses naturelles, a une
rationalité différente des entreprises autochtones. L'entreprise
multinationale a un avantage stratégique important par rapport à
l'entreprise autochtone. Elle est mobile à moyen terme. Elle peut aller
produire à l'étranger. En d'autres termes, si elle juge qu'elle
peut faire des économies, notamment dans le secteur des pâtes et
papiers, sur l'extraction, elle peut, à moyen terme, déplacer ses
unités de production. Elle conserve toutefois sa capacité de
distribution dans le pays d'où elle est partie. Nous croyons que c'est
ce qui est en train de se passer dans le domaine des pâtes et papiers. On
"désin-vestit" actuellement au Québec, parce que c'est plus
rentable d'investir ailleurs. C'est tout à fait logique du point de vue
de ces entreprises, mais qu'en reste-t-il au pays qui a fourni sa
matière première et qui a fourni sa force de travail?
Par ailleurs, l'entreprise autochtone n'a pas le choix de faire du
développement. C'est pour elle une condition de survie. C'est dans cette
perspective que nous concluons, devant votre commission, que l'industrie des
pâtes et papiers étant, dans un premier temps, vitale à la
prospérité économique future du Québec et, dans un
second temps, je pense qu'on l'a constaté aujourd'hui, étant dans
un état passablement lamentable, compte tenu de ces deux facteurs, le
gouvernement doit donc prendre des mesures énergiques pour pallier ce
qui n'a pas été fait par les gouvernements
précédents et faire ce qui n'a pas été fait par les
grandes entreprises du secteur. Je vais donc vous résumer ou du moins
vous lire nos recommandations au gouvernement.
Premièrement, nous recommandons que le gouvernement du
Québec investisse dans l'aménagement de la forêt. Cette
recommandation a fait l'objet d'une présentation lors d'une commission
parlementaire en 1974. Deuxièmement, nous recommandons au gouvernement
qu'il confie de plus en plus l'exploitation de la forêt à des
agents économiques québécois, donc des agents
économiques qui ont vraiment un intérêt à
développer le
Québec. Troisièmement, nous recommandons au gouvernement
qu'il fasse scrupuleusement respecter les lois dans le domaine de
l'exploitation forestière.
Deuxième grande recommandation, nous recommandons que le
gouvernement du Québec stimule la recherche dans l'utilisation des
espèces, particulièrement les feuillus, de façon à
augmenter la rentabilité de certaines forêts.
Troisième grande recommandation, le gouvernement du Québec
devra aider à multiplier les expériences de type Donohue, Tembec,
Cabano, etc., de façon à augmenter substantiellement le
contrôle de la transformation du bois par des agents économiques
québécois, de façon à moderniser les
équipements de transformation et de façon à assurer,
à long terme un développement de l'industrie qui tienne compte de
l'évolution de la technologie au niveau international. Cette mesure
rejoint le préambule de tantôt, à savoir que, comme
stratégie à long terme, nous recommandons une reprise en main
progressive par des agents économiques québécois du
secteur des pâtes et papiers. Nous croyons que c'est un secteur trop
vital pour qu'on le laisse sous le contrôle d'étrangers.
Quatrième recommandation, le gouvernement du Québec devra
voir à augmenter la présence des francophones au niveau de la
haute administration des entreprises des pâtes et papiers. À cet
égard, la loi 101 est un outil privilégié qu'il ne faudra
pas hésiter à utiliser.
Cinquième grande recommandation, le gouvernement du Québec
devra voir à ce qu'une recherche dynamique, au niveau des
débouchés, s'effectue, de manière à augmenter la
rentabilité de certaines forêts et des équipements de
transformation. Ce geste aura pour effet, à long terme, de
réduire la dépendance relative du Québec face au papier
journal.
Enfin, sixième et dernière grande recommandation, le
gouvernement du Québec devra mettre en oeuvre des programmes de
recherche, au niveau de la technologie de transformation. Ces programmes
pourraient, dans un premier temps, procéder à un inventaire des
technologies à travers le monde et, s'il y a lieu, en faire des
recommandations au niveau de l'importation de technologie, dans le cas de
nouvelles usines.
Voici, messieurs, le sens de notre mémoire. S'il y a des
questions...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici,
messieurs du cercle ou du Conseil des hommes d'affaires
québécois. Étant donné que la commission doit
suspendre ses travaux jusqu'à 20 heures, et ce, à 18 heures,
avez-vous des objections à revenir à 20 heures ce soir?
M. Saint-Amour: Aucune, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Aucune.
Compte tenu de l'heure avancée, les travaux de la commission sont
suspendus jusqu'à 20 heures, à la même salle 81-A.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
Reprise de la séance à 20 h 5
Le Président: (M. Vaillancourt, Jonquière):
À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît, à l'ordre, non seulement aux membres de la
commission, mais également à toutes les personnes de
l'assistance, toutes les personnes présentes. Le mémoire de
l'association qui est devant nous étant terminé, je demanderais
maintenant au député d'Abitibi-Ouest, au nom du gouvernement, de
prendre la parole.
M. Gendron: Merci, M. le Président. Comme les autres
intervenants, je tiens quand même à remercier le conseil
québécois des hommes d'affaires pour avoir présenté
un mémoire sur cette question.
Je pense que seulement le fait de présenter un mémoire,
quel qu'en soit le contenu, démontre quand même ou témoigne
de votre intérêt à cette question et j'en suis très
reconnaissant.
Essentiellement, le mémoire démontrait bien l'importance
du secteur des pâtes et papiers, et particulièrement l'absence des
francophones dans le secteur.
Une première question que j'aimerais voir approfondir est que,
dans votre mémoire, vous mentionnez que, si l'industrie des pâtes
et papiers veut être compétitive, il serait impératif de
minimiser les frais d'infrastructure, à la page 3 de votre
mémoire.
Pour le bénéfice de la commission, j'aimerais que vous
puissiez expliciter davantage cette idée et donner quelques
précisions. Dans quel sens mentionnez-vous qu'il y aurait lieu de
minimiser les frais d'infrastructure et de quel type d'infrastructure
parlez-vous plus précisément?
M. Paquin: En fin de compte, c'était simplement une phrase
qui visait à dire... On a beaucoup parlé de l'importance des
frais de transport en ce qui concerne, c'est-à-dire des
conséquences des frais de transport en ce qui concerne le prix du
produit fini, les pâtes et papiers. On se référait
simplement à cet exemple, mais cela ne signifiait rien de particulier
qu'on souhaitait développer. Je ne sais pas si mon confrère a
quelque chose à ajouter...
M. Saint-Amour: Je pense que, lorsqu'on a écrit cette
phrase, c'était non seulement de viser de de reprocher continuellement
que les salaires des employés sont trop élevés... On
devrait s'arrêter pour diminuer le coût de production. On devrait
aussi se demander si les salaires versés aux cadres, aux
présidents de ces industries... et le coût de l'exploitation, je
pense que le conseil central qui est passé avant nous la CSN
l'a bien prouvé. Nos forêts sont exploitées par
n'importe qui à part les Québécois, par les
multinationales, et sont laissées dans des états plutôt
lamentables.
Il reste un fait. À peu près 40% des feuillus ne servent
pas. On a même ajouté ce qui m'a surpris qu'on
trouvait du bois dans le fond des rivières, qui avait été
coupé pour servir à des fins autres que celles de pourrir dans le
fond des riviè-
res. Alors, quand on parle d'une nouvelle infrastructure, je pense qu'on
devrait s'arrêter et faire des calculs savants pour arriver à des
résultats heureux et tant que cela sera laissé, à mon
sens, entre les mains de multinationales, tant que le gouvernement ne prendra
pas ses responsabilités et qu'on agira comme on a agi jusqu'à
maintenant, comme colonisés, qu'on se croira obligé d'avoir des
multinationales pour faire une piastre, je pense qu'il y a une
spéculation outrageuse et outrageante qu'on est obligé de
subir.
M. Gendron: Toujours à peu près dans le même
sens... Je ne pense pas que votre mémoire en fasse état, mais
j'aimerais quand même savoir si vous avez eu l'occasion de
réfléchir à cette situation, à la
possibilité de construire de nouvelles usines dans certains secteurs,
où l'allocation de la matière ligneuse est quand même assez
intéressante, ou de penser à des programmes de rénovation
et de remodernisation Avez-vous eu l'occasion d'y réfléchir?
Quelle hypothèse privilégieriez-vous davantage?
M. Saint-Amour: Je pense qu'on a surtout insisté sur le
fait que le Québécois n'est pas représenté à
sa juste valeur dans l'industrie qui nous appartient, dans notre Québec
à nous, c'est tout le monde qui vient nous exploiter et même au
sein de ces industries, les multinationales, quand on a dépassé
le titre de gérant ou je ne sais pas quel titre on donne, dans les
cadres élevés, il n'est pas question des nôtres. C'est
surtout là qu'était notre visée. Je ne sais pas si mon
confrère a autre chose à ajouter au point de vue des chiffres,
mais c'est ça.
M. Paquin: On ne s'est pas penché vraiment sur un choix de
possibilités ou d'options, à savoir construire de nouvelles
usines ou remoderniser les anciennes; dans la mesure où nous ne sommes
pas techniciens, nous ne sommes pas en mesure de le faire.
Le point sur lequel on s'interroge cependant, c'est de savoir qui va
décider de ça. Je pense que si on peut résumer notre
mémoire, il pose le problème fondamental des centres de
décision, c'est-à-dire où se prennent les décisions
d'investir et au profit de qui elles se prennent et en fonction de quel type de
rationalité elles se prennent. Dans notre résumé, on
disait tantôt que l'entreprise qui opère sur des marchés
multinationaux, ayant un horizon international, prend ses décisions en
fonction de critères internationaux; cela va de soi, c'est logique.
Ces critères ne tournent pas nécessairement à
l'avantage du pays d'accueil et c'est d'ailleurs ce qu'on constate maintenant
quand on observe une espèce de transfert qui se fait entre le
Québec et le sud des États-Unis. Évidemment, on n'a pas
vérifié l'hypothèse, mais la CSN disait tantôt que
Domtar a aussi des entreprises dans le sud des États-Unis. C'est une
hypothèse que j'émets, c'est une question que je pose: Qu'est-ce
qui empêcherait Domtar, observant un coût d'extraction de
matière première plus faible dans le sud des États-Unis,
de "désinvestir" au Québec pour investir dans le sud des
États-Unis?
Logiquement, d'ailleurs, elle devrait le faire, si elle est
conséquente. Dans le Devoir du 14 juillet, il y a une espèce
d'entrefilet, dans un article de Michel Vastel, sur les pâtes et papiers,
qui dit entre autres: "Bref, récemment, le président de Domtar
énumérait pas moins de douze bonnes raisons qu'il y aurait
à choisir les États-Unis plutôt que le Canada pour
installer de nouvelles usines."
Si je suis président d'entreprise, si j'ai le pouvoir de
décider où vont mes investissements et si je dis à un
journaliste que j'ai au moins douze bonnes raisons pour me localiser aux
États-Unis, qu'est-ce que vous pensez que je vais choisir? C'est
là tout le sens de notre mémoire, qui pose franchement le
problème du pouvoir de décision par rapport au
développement économique d'un pays. Est-ce que le
développement économique d'un territoire donné peut se
faire? Est-ce que c'est possible de penser à planifier à long
terme quand les centres de décision d'investissement se situent à
l'extérieur de notre territoire? Nous répondons non à
cette question parce que, selon nous, tout vrai développement
économique qui veut, par définition, être à long
terme doit se faire par des agents économiques autochtones.
Quand on se pose la question à savoir s'il faut moderniser ou
créer de nouvelles unités de production, nous ne nous sommes pas
penchés sur cette question, mais nous disons que nous voulons pouvoir
choisir l'alternative.
Je terminerais ma réponse comme ça.
M. Gendron: D'accord. Vous avez mentionné dans votre
présentation qu'une des raisons de comparaître était que,
pour vous, le problème, la situation vous parlez même dans
votre mémoire, à la page 9, de l'état anémique de
l'industrie des pâtes et papiers était d'ordre social,
politique, économique et même culturel. Vous dites que même
les quelques tendances démontrées actuellement pour
améliorer la situation ne sont qu'un prélude, qu'il va falloir y
aller de mesures très énergiques pour contrôler le malaise
immédiatement à sa base. Sans reprendre intégralement vos
propos, je pense que c'est ce que vous mentionnez. En tout cas, vous parlez de
mesures très énergiques pour améliorer une situation que
vous qualifiez de quasi alarmante.
J'aimerais avoir quelques précisions, à part
l'élément qui est très transcendant, qui est manifeste
dans tout votre rapport, sur l'entrée en plus grand nombre des
francophones aux postes de cadres supérieurs. À part cela, est-ce
qu'il y aurait d'autres éléments de suggestion dont vous aimeriez
faire part à la commission, lorsque vous parlez de mesures
énergiques à court terme?
M. Blanchard: Je crois qu'il faudrait tout de même qu'une
bonne étude, faite en profondeur, permette à l'État
québécois de réévaluer sa situation, par rapport
à l'exemple finlandais ou à l'exemple suédois.
Si on prend l'exemple finlandais, on s'aperçoit que les
Finlandais sont en train de rafler tout le marché du papier fin, parce
qu'ils ont su innover; ils ont su, à partir d'une machinerie
fabriquée chez eux, tenant compte de leur spécificité de
production, acheminer tranquillement leurs produits sur des marchés et
conquérir ces marchés.
Si on prend l'exemple suédois, on s'aperçoit bien que
c'est assez différent de ce qu'on retrouve au Québec. On retrouve
en Suède une mesure qui pourrait probablement être adaptée
au Québec; les problèmes y sont sensiblement les mêmes. Il
y a, en Suède, 50% des boisés, des forêts, qui sont
confiés à des producteurs forestiers, à des cultivateurs,
à des Suédois qui sont regroupés en coopératives
locales, en coopératives régionales et en une coopérative
nationale.
Il y a là une loi de la mise en marché qui est très
sévère. La coopérative locale achemine ses produits
à la coopérative régionale et, ensuite, c'est la
coopérative nationale qui s'en empare et qui distribue aux usines, selon
leurs besoins, et à un prix déterminé à l'avance,
la production.
Il y a des exemples qui peuvent être assez éclairants,
même l'exemple américain. C'est exactement la situation inverse.
Alors qu'aux États-Unis 15% des forêts sont entre les mains des
compagnies, vous avez l'inverse au Québec, 90% des forêts sont du
domaine public, mais sont concédées à des compagnies.
Il y aurait peut-être moyen de voir pourquoi la concurrence est si
désastreuse pour le Québec et ce qui, chez nous, étant
tellement différents, nous empêche de rivaliser avec les autres
pays. Je pense que le ministère a envoyé des ingénieurs
forestiers en Finlande dernièrement. Il s'agirait de leur demander leur
rapport. On verrait tout de suite ce qui en est.
M. Gendron: Dans vos solutions, à la fin, vous mentionnez
un premier élément de solution. Il s'agirait de confier de plus
en plus l'exploitation à des agents économiques
québécois. En partant du fait que la situation n'est pas
celle-là au moment où on s'en parle aujourd'hui
vous-même vous acceptez que 90% de la forêt dite publique est
exploitée par des compagnies autres que québécoises
si on retient cette hypothèse, pour vous, est-ce que c'est la
nationalisation pure et simple à court terme, qui réglerait le
problème, de confier l'exploitation à des agents
économiques québécois. Ce que vous préconisez,
autrement dit...
M. Blanchard: II n'y a pas de nationalisation à faire. Si
on reprend l'exemple de la CSN, les forêts appartiennent
déjà à l'État. Il s'agit de savoir qui va les
exploiter et comment, selon quelles normes.
M. Gendron: Bien sûr. Je parlais de la nationalisation, au
niveau de la capitalisation, que l'État, comme tel, se préoccupe
de développer l'exploitation même des forêts. Est-ce que
c'est cela que vous mentionnez quand vous parlez de l'exploiter avec des agents
québécois?
M. Blanchard: Cela peut être par des
coopératives.
M. Gendron: Cela peut être une formule
coopérative.
M. Blanchard: Vous prenez une coopérative
forestière, ensuite, vous apportez une formule qui mène des
coopératives à une plus grande coopérative
régionale et finalement, une coopérative
québécoise, qui serait effectivement l'agent de la mise en
marché de la forêt, pour cette part qui lui serait
réservée, soit 50%. Ensuite, si on reprend l'exemple de tout
à l'heure, en Suède, l'État en possède 25% et les
compagnies en possèdent 25%. On peut juger, à ce
moment-là, des écarts de productivité dans l'un ou l'autre
cas.
M. Gendron: J'aurais une dernière question. Dans votre
mémoire, au tableau I, vous donnez des chiffres concernant le nombre
d'usines, le nombre d'employés et les montants de salaires égaux
dans l'industrie des pâtes et papiers. Entre les années 1973 et
1974, pour une augmentation du nombre d'employés de près de 3000,
il y a quand même une diminution des salaires et gages cette
année.
Je voudrais juste savoir si c'est une représentation du tableau,
ou si vous avez pu observer, à l'intérieur de cette figure ou de
ce tableau, certaines coordonnées comme celles-là qui
m'apparaissent contradictoires si on n'y trouve pas une explication valable,
une augmentation de 3000 employés qui se traduit par une
réduction de salaire entre 1973 et 1974.
M. Paquin: Nous nous sommes penchés sur cette question,
parce que nous trouvions cela bizarre, nous aussi, et on en est venu à
la conclusion nous ne savons pas si c'est la vraie réponse
qu'il y avait peut-être eu des mises à pied assez massives qui
avaient été comptabilisées comme emplois, mais qui avaient
évidemment diminué la masse salariale. C'est l'explication qu'on
avait trouvée à cette situation. Ce n'est peut-être pas la
bonne explication cependant.
M. Gendron: Vous n'avez pas eu d'éléments de
vérification pour voir si c'était la juste explication?
M. Paquin: Non.
M. Gendron: J'ai terminé. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Messieurs, c'est avec beaucoup d'attention que
j'ai lu votre mémoire. Je dois vous dire que votre poésie de
première page m'a particulièrement frappé. Étant
donné que je n'ai aucune compétence particulière dans ce
chapitre de notre littérature, je me limiterai à vous dire
qu'elle contribue notamment à amener une note mélancolique ou
poétique à ce moment-ci de nos travaux.
Ma première question est la suivante. Messieurs, dans votre
mémoire, vous ne faites pas
beaucoup état, ou je n'ai pas pu percevoir d'endroit où
vous faisiez état de la pollution et des mesures à envisager par
le gouvernement pour régler cette question, d'une part, et, d'autre
part, des mesures qui devraient être adoptées par le gouvernement,
possiblement comme soutien à l'entreprise ou comme incitation à
l'amélioration de nos industries, au chapitre de la protection de
l'environnement. J'aimerais connaître votre position
là-dessus.
M. Paquin: En ce qui concerne ce problème, il y a,
premièrement, une question logistique au fait qu'on n'ait pas
traité de cette question. C'est une question de temps parce qu'on a
produit notre mémoire pour la première échéance;
alors, on a un peu brûlé les étapes. Mais nous avons quand
même des opinions là-dessus. Pour aller dans notre ligne de
conduite de donner une plus grande partie du développement
économique du Québec à des agents québécois,
je pense que, premièrement, dans nos conceptions, une entreprise n'est
pas quelque chose de parachuté ou de désincarné. C'est
quelque chose qui s'intègre à un milieu. Lorsque nous parlons
d'un développement réel qui se fait par les gens d'une
région ou d'un pays, cela veut dire, entre autres, que l'entreprise, que
l'organisation se développe en harmonie avec son milieu naturel. En ce
qui concerne les questions d'environnement, il est bien clair pour nous qu'une
entreprise ne doit pas produire ou ne doit pas faire supporter à la
société, à son milieu environnant, des désavantages
ou des coûts. En ce qui concerne cette question, il est bien clair pour
nous que les entreprises de pâtes et papiers, à brève
échéance, devraient tenter de minimiser le plus possible ce qu'on
pourrait appeler le genre de "déséconomie" qu'elles imposent
à la société. Parce que, finalement, c'est un coût
social qu'elles font subir à leur milieu. Évidemment, nous
n'avons pas traité de la question, mais notre principe fondamental est
qu'une entreprise, une organisation doit s'intégrer de façon
harmonieuse avec son milieu. Et cela va de pair avec le concept de
développement.
M. Blanchard: Pour compléter, ce qui nous étonne,
c'est que, si on prend l'exemple du bassin de la Saint-François, on
s'aperçoit qu'il y a trois grands polluants: East Angus, Windsor Mills,
Bromptonville et aussi une autre ville. Il y a là à peu
près 450 emplois. Et il y a 225 000 personnes dans ce bassin qui voient
leur environnement un peu pollué, une rivière qui est
inutilisable aux fins récréatives et des villes qui sont
obligées de payer des sommes épouvantables pour assainir
l'eau.
Si vous calculez tous ces coûts, si vous comparez toute cette
économie, on doit tout de même réaliser qu'il y a là
un manque d'économie sociale et peut-être aussi humaine. Il
faudrait mesurer exactement ce que coûte la pollution des rivières
et savoir exactement qui tire profit réellement de cette
opération. En fait, que les usines polluent encore les cours d'eau au
Québec en 1977 à ce taux, cela nous semble assez inaccepta- ble,
puisque ailleurs... Même la Tamise, à Londres, est maintenant
dépolluée, on y trouve des poissons. Dans la
Saint-François, en 1912, on péchait le saumon, et maintenant, il
n'y a même plus moyen de tirer une barbotte.
M. Pagé: Concrètement, sur cet aspect, sur ce
sujet, la position de votre organisme sur cette question du flottage du bois...
Je donne l'exemple qu'on a soulevé ce matin à l'association dans
le cas du Saint-Maurice. L'association dit: Advenant le cas où on
interdirait le flottage du bois sur le Saint-Maurice, les industries de
pâtes et papiers dans la région de Trois-Rivières, de
Shawinigan, de Cap-de-la-Madeleine et même de La Tuque, leur avenir
pourrait être mis en péril en raison de l'augmentation des
coûts que comporterait le transport du bois. Quelle est votre position
là-dessus? Qu'est-ce que le gouvernement devrait faire face à une
telle possibilité?
M. Blanchard: II faudrait tout de même examiner la
profondeur de billots qu'il y a dans les trois branches du Saint-Maurice et
réaliser que ce n'est peut-être plus la méthode
économique d'acheminer le bois et que les pertes encourues et par
l'environnement et aussi par les compagnies doivent être énormes.
Maintenant, qui va mesurer cette perte, sinon l'État
québécois dans une analyse assez poussée? Il s'agirait
peut-être de mesurer exactement ce que vaut la flottabilité ou ce
que coûterait un autre procédé. C'est d'ailleurs
utilisé dans la plupart des pays d'aujourd'hui. On achemine le bois par
chemin de fer, par bateau ou par camion. D'ailleurs, l'exemple qu'on donnait de
cette usine de Kruger qui est placée à Bromptonville nous montre
bien que le rendement d'une usine, selon son dynamisme, est absolument
indépendant parfois du procédé que l'on utilise pour
acheminer le bois.
M. Pagé: À la page 9 de votre mémoire, vous
affirmez que le problème majeur des pâtes et papiers est la
vétusté des usines. Est-ce que vous vous êtes fondés
sur une étude particulière pour faire cette affirmation?
M. Paquin: Où exactement à la page 9? Pouvez-vous
répéter la phrase? Je n'ai pas entendu.
M. Pagé: À la page 9.
M. Paquin: Oui, mais à quelle phrase faites-vous
allusion?
M. Pagé: On va se relire.
M. Saint-Amour: Si on parle de vétusté.
M. Paquin: Ah bon! D'accord.
M. Saint-Amour: C'est un fait très flagrant que nos
industries de pâtes et papiers manquent d'instruments ou de machineries
adéquats en 1977
pour devenir concurrentes avec d'autres marchés. C'est clair. Si
vous avez visité les usines dont vous faites mention, c'est même
dangereux pour un être humain d'aller travailler sur ces machines. Vous
ne voyez même pas d'employés qui peuvent attendre leur pension de
vieillesse, parce qu'ils respirent toutes sortes d'odeurs. Il y a cette
pollution constante pendant huit heures de temps des employés, II n'y a
même pas le minimum dans ces usines, le minimum de
sécurité. C'est assez facile, même si on n'est pas dans
cette industrie, de constater qu'elles ont besoin d'être
transformées ou d'être au moins rajeunies, et que c'est un danger,
même pour la société, de garder, dans la
périphérie d'une ville ou d'un village, des industries qui
devraient au moins être rajeunies.
M. Pagé: Est-ce que je dois comprendre, par la
réponse que vous nous donnez, par l'affirmation que vous faites, que
vous considérez qu'il n'y a pas de sécurité dans les
usines?
Dois-je interpréter cela comme voulant dire que vous
considérez comme inefficaces les services de contrôle, au chapitre
de la sécurité, qui sont appliqués par le ministère
du Travail?
M. Saint-Amour: Je parle des services de sécurité
pour l'employé d'abord. Au départ, il est mal payé et,
deuxièmement, il travaille dans des conditions qui ne sont pas
sécurisantes, qui sont dangereuses à cause du mauvais outillage
de ces manufactures.
M. Paquin: II n'y a pas seulement l'aspect sécurité
et coup d'oeil, mais on a fait allusion, précédemment,
aujourd'hui, au fait que ça ne semblait pas être le
problème de la main-d'oeuvre qui rendait non rentables certaines
entreprises; cela ne semblait pas être le problème du coût
de la matière première, puisque, ailleurs, on a des coûts
de matière première plus élevés et qu'on est plus
rentable. Ce ne semble pas être les frais de transport, alors, que
reste-t-il? Ce sont peut-être les frais de transformation, et c'est la
conclusion à laquelle on était arrivé en lisant plusieurs
études qui ont été présentées à des
commissions parlementaires précédentes. On n'a pas fait
d'étude sur le terrain pour en arriver à cette conclusion, mais
cela a été le fruit de notre réflexion de nous dire que si
ce n'est pas le coût de la main-d'oeuvre qui rend les entreprises d'East
Angus et de la Wayagamack non rentables, si ce n'est pas le coût de la
matière première et si ce ne sont pas les frais de transport, mon
Dieu, qu'est-ce que c'est? C'est la transformation.
Comme on l'a vu ce matin, la transformation est peut-être fonction
du fait que les investissements n'ont pas été faits en
quantité suffisante ou ont été faits d'une façon
inadéquate. Comme le type de la CSN disait tantôt, on a dit qu'on
avait rénové certaines machines, mais on changeait une
pièce et c'était cela l'investissement de remplacement. Notre
diagnostic à ce sujet, quand on parle de vétusté, c'est
l'inefficacité des équipements à cause d'un investissement
insuffisant.
M. Pagé: Sur ce sujet, je prends note de votre
opinion.
Ailleurs, dans le mémoire, vous souhaitez que le gouvernement du
Québec multiplie les expériences comme celles de Tembec, de
Cabano, de Donohue, etc. Croyez-vous que des propositions comme
celles-là pourraient s'appliquer dans les cas d'East Angus et de
Wayagamack?
M. Paquin: II faut bien s'entendre; quand on parle de multiplier
les expériences de ce type, on ne pose pas de jugement sur les modes de
gestion comme tels, mais plutôt sur le fait que ce sont des
expériences de prise en main de certaines entreprises par des agents
écnomiques locaux. Or, il est bien évident que s'il y avait
moyen, d'une façon ou d'une autre, d'augmenter, soit à
Trois-Rivières ou soit à East Angus, par un moyen quelconque, la
propriété d'agents économiques locaux, on l'appuierait.
Maintenant, on ne se prononce pas sur la formule par laquelle cela pourrait se
faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je serai très bref. Je
crois bien que personne ne met en doute la compétence du personnel qui a
préparé ce mémoire. Je crois qu'il est très
instructif, très informateur, pour la décision à prendre,
chose qui nous est très nécessaire. C'est certainement le but
principal de votre mémoire et le but de la commission.
Par contre, il y a certaines questions qui me laissent un peu
"jongleur"; entre autres, dans votre mémoire, à la page 6,
lorsque vous parlez de Domtar qui est possédée, à 16,9%,
par Argus Corp., U.S.A.
M. Paquin: Oui, mais...
M. Russell: Je m'excuse... Si je comprends bien, il s'agit
là de Domtar, d'une compagnie publique. Les actions de Domtar sont sur
le marché et je pourrais donc je ne dis pas que je le ferais
demain matin, comme Canadien français, aller à la Bourse
de Montréal et acheter les actions de Domtar, si j'avais les fonds pour
le faire, n'est-ce pas?
M. Paquin: J'ai fait une correction au début; ce
n'était pas Argus Corp., U.S.A., c'était Argus, Canada; il y a eu
une erreur de transcription.
Deuxièmement, on sait très bien que, dans le cas de
grosses corporations, le fait de posséder un bloc d'actions de cette
envergure équivaut, en pratique, à un contrôle effectif.
Or, il est bien certain que je peux avoir des actions de Argus ou de Domtar
sans avoir le pouvoir de décision des grandes politiques
d'investissement ou de gestion de cette entreprise.
M. Russell: Si je pouvais acheter 20% des actions de Domtar, je
pourrais être contrôleur de Domtar, n'est-ce pas?
M. Paquin: Oui, seulement je pense que cela vous coûterait
cher.
M. Russell: Cela coûterait cher! Il faut quand même
regarder la situation en face, telle qu'elle est actuellement. Domtar est une
compagnie canadienne.
M. Paquin: Oui.
M. Russell: En majorité, à 85% en chiffres ronds,
ses actionnaires sont des Canadiens, à la Bourse publique. Donc, tout le
monde peut acheter des actions sur le marché. Suis-je dans l'erreur?
M. Saint-Amour: Je me demande pourquoi ce ne seraient pas des
Québécois, des francophones qui achèteraient cela.
M. Russell: Un instant.
M. Saint-Amour: Je suggère au gouvernement actuel s'il n'y
aurait pas moyen c'est là qu'on parle de suggestions que
le gouvernement prenne des dispositions à cet effet.
M. Russell: Remarquez bien que je ne tente pas de défendre
Domtar. Je tente de clarifier une situation en vue d'informer tous les membres
de cette commission. Domtar, si je comprends bien, est une compagnie qui
fonctionne dans le Québec.
M. Paquin: Oui.
M. Russell: Elle a aussi beaucoup d'opérations dans
d'autres parties du Canada.
M. Paquin: Oui.
M. Russell: Donc, c'est une corporation canadienne.
M. Paquin: Oui, mais contrôlée par un groupe de
financiers anglophones de l'Ouest du Canada.
M. Russell: Si on veut poursuivre plus loin cette explication,
j'étais pour vous demander quelle était la partie de
Consolidated-Bathurst qui était détenue par des étrangers.
Avez-vous cette information?
M. Paquin: On n'a pas l'information. On sait que le siège
social, évidemment, est à Montréal.
M. Russell: Oui. Les contrôleurs de Domtar ne sont-ils pas
des Canadiens français?
M. Saint-Amour: Je suis positivement certain que ce ne sont pas
des Canadiens français.
M. Russell: Vous êtes positif? M. Saint-Amour:
Oui.
M. Russell: Quel pourcentage est détenu par des
étrangers?
M. Saint-Amour: Je pense que vous pouvez mettre une proportion de
75% à 80% qui ne sont pas Québécois ici.
M. Russell: Est-ce une affirmation que vous faites?
M. Saint-Amour: Elle n'est pas gratuite. C'est une affirmation
que je fais pour avoir déjà fait des recherches. Vous n'avez
qu'à regarder la composition des conseils.
M. Russell: Pourrais-je vous suggérer de reprendre vos
recherches?
M. Saint-Amour: J'irai à la même université
où je suis allé, soit à l'Université de
Montréal, aux HEC.
M. Russell: Je vous suggérerais de reprendre vos
recherches là-dessus. Mon autre question serait la suivante: En quoi
cela changerait-il la rentabilité de ces compagnies dont on a
parlé cet après-midi, comme East Angus, si elles étaient
détenues totalement par des Québécois, avec le même
équipement?
M. Saint-Amour: Nous, ce qu'on cherche, c'est que le
réinvestissement soit fait à 100% au Québec. C'est cela
qu'on veut.
M. Paquin: La rentabilité à court terme pourrait ne
pas changer, mais la rentabilité à long terme le pourrait dans la
mesure où, lorsqu'on décide de "désinvestir" pour investir
aux États-Unis ou dans l'Ouest du Canada ou dans d'autres secteurs de
l'économie, c'est une décision qu'une entreprise ou qu'un centre
de décision étranger prend, tandis que, si vous avez une
entreprise locale qui se développe localement, elle est
intéressée à réinvestir...
M. Russell: J'accepte vos affirmations et je vais vous poser une
question. Pouvez-vous me donner le pourcentage d'actions que détient
Domtar en dehors du Canada, dans d'autres compagnies, à
l'extérieur des États-Unis? Avez-vous cette information?
M. Paquin: D'actions?
M. Russell: Quel intérêt? Quel investissement?
M. Saint-Amour: On n'a qu'à consulter Moody's et on va le
savoir.
M. Russell: Pardon?
M. Saint-Amour: On n'a pas apporté le livre. On va voir
Moody's et vous aurez tous ces renseignements. Dans le moment, on ne les a
pas.
M. Russell: Dans quelles parties du monde Domtar a-t-elle des
investissements autres qu'au Canada?
M. Saint-Amour: Si vous voulez me laisser 24 heures, je vais vous
répondre. Je vais aller...
M. Russell: Je pense que c'est extrêmement important,
à l'étude de votre mémoire, que les membres de la
commission qui sont de bonne foi, qui sont ici pour prendre note d'une
situation de fait, possèdent ces renseignements parce que cela peut
changer bien des décisions.
Je pense bien que le ministre des Terres et Forêts est
drôlement intéressé de le savoir et surtout le ministre des
Finances.
M. Saint-Amour: Je comprends, mais je pense que le but de notre
mémoire n'était pas de jouer avec des chiffres et de faire du
funambulisme avec des proportions ou des pourcentages. Ce n'est pas cela qu'on
voulait. On voulait vous prouver que le Québécois francophone n'a
pas sa place dans ce genre d'industrie, d'ailleurs, dans presque pas
d'industries.
M. Russell: M. le Président...
M. Saint-Amour: On est chez nous ici. C'est cela qu'on
déplore. Je pense que dans le mémoire, avec les
félicitations que nous a faites M. le député... Je ne me
rappelle pas votre nom, vous m'excuserez.
M. Pagé: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Saint-Amour: Mais il reste une chose.
M. Pagé: M. le ministre se plaint toujours d'être
mal interprété par les journalistes. Je ne voudrais pas avoir
à me plaindre d'être mal interprété par les
interlocuteurs. Ce que j'ai dit, c'est que, sans avoir de compétence au
sujet de la poésie de votre première page, à laquelle je
ne souscris nécessairement pas. je disais que ça pouvait au moins
contribuer à amener une note mélancolique et poétique
à cette heure-ci de nos travaux.
M. Saint-Amour: On n'a pas fait l'erreur du Dr Lachance, on n'a
rien cité en anglais pour respecter le bill 101. C'est tout simplement
ça que je voulais vous dire. Pour continuer, le but de notre
mémoire n'était pas de faire des calculs savants et de vous
présenter un texte d'ingénieur forestier. On ne l'est pas. Mais
on voulait prouver que le Québécois n'a pas sa place au
Québec, et plus précisément dans l'industrie des
pâtes et papiers; au niveau des cadres, encore moins. Il l'a au niveau
des employés, des journaliers et dans des conditions minables; c'est
ça qu'on déplore, c'est tout.
M. Russell: M. le Président, j'ai certainement mal compris
tout à l'heure. Parce qu'à la question que je vous ai
posée, comme c'étaient Domtar et l'autre compagnie dont on
discutait tout à l'heure, le nom m'échappe...
M. Saint-Amour: C'est parce que vous me demandez...
M. Russell: ... un instant, Consolidated, c'étaient des
compagnies à fonds publics. Je pourrais, demain matin, comme
Québécois, Canadien français même si je
possède un nom anglais, je suis natif du Québec, j'ai fait mes
études au Québec; je n'ai pas été longtemps
à l'école cependant je pouvais aller acheter, si j'en
avais les moyens, des actions majoritaires sur le marché et devenir le
Québécois qui contrôlerait Domtar du Canada, pas seulement
du Québec, du Canada. Et je pourrais, comme Canadien, si je voulais, si
j'ai bien compris la situation, même contrôler des usines en
Ontario et dans d'autres parties du Canada comme Québécois.
M. Saint-Amour: Si vous avez une solution... M. Paquin:
... vous le pourrez.
M. Russell: C'est ça, je vous ai posé la
question...
M. Paquin: Potentiellement, vous le pourriez, mais, dans les
faits, on s'aperçoit que ce n'est pas ça. En ce qui concerne les
administrateurs de ces grandes entreprises, vous pouvez consulter ce qu'on
appelle le Pulp and Paper Directory et vous allez vous apercevoir qu'il n'y a
pas beaucoup d'administrateurs francophones dans ces entreprises.
M. Russell: Dans la Consolidated-Bathurst? M. Paquin: Dans
toutes les entreprises.
M. Russell: Je ne sais pas, il va falloir réviser la liste
avec vous.
M. Paquin: Vous dites que vous n'êtes pas
allé...
M. Russell: On va faire ça ensemble. Écoutez, je
connais quelques-uns des administrateurs de Consolidated-Bathurst pour des
raisons que je pourrais vous donner plus tard, mais ceux à qui je me
suis adressé m'ont parlé en français. Pour autant que je
sache, ce sont des Québécois.
M. Paquin: Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas.
M. Russell: Ils sont un peu comme moi, il y en a quelques-uns qui
ont des noms anglais, mais ils sont natifs du Québec, ils ont fait leurs
études au Québec et ce sont des administrateurs. Vous avez dit
vous-même tout à l'heure que le siège social était
à Montréal. Pour autant que je sache, Montréal est encore
dans le Québec. Je tiens ça comme acquis, j'essaie de clarifier
une situation. Je ne
voudrais pas que la commission reste dans l'ambiguïté. Je
veux revenir à une chose que vous avez affirmée tout à
l'heure et ça m'inquiète un peu. Vous avez parlé de
l'usine qui fonctionnait dans des conditions anormales. Je sais qu'il y a des
usines dont le fonctionnement est organisé par un équipement qui
pollue les cours d'eau, je suis d'accord, l'air, la senteur et autre chose.
Mais, lorsque vous parlez d'équipement désuet, dangereux
pour les ouvriers, je me pose des questions, parce qu'on a quand même des
inspecteurs au ministère du Travail qui sont censés
vérifier cela dans ces usines et prendre des mesures lorsque la
compagnie ne veut pas se conformer à des normes de
sécurité pour les employés. Je voulais simplement vous
poser la question suivante: Avez-vous visité ces usines pour vous rendre
compte des faits que vous avez exposés devant la commission? Parce que
c'est une accusation assez grave, à mon sens. Parce que je vais
être obligé de me retourner et de demander au ministre de faire en
sorte que les inspecteurs du ministère du Travail révisent leurs
positions. Si c'est réellement le cas.
En ce qui concerne la pollution, d'accord. En ce qui concerne la
senteur, quand je passe par East Angus, je trouve qu'il y a une drôle de
petite senteur que je n'aime pas; c'est plus fort que le parfum. Mais quand on
parle d'équipement non rentable, je suis d'accord, mais dangereux pour
l'ouvrier, je ne suis pas d'accord. Il y a deux choses qui ne marchent pas. Il
y a quelqu'un qui ne fait pas son travail et, si cette personne ne fait pas son
travail, on doit prendre des mesures. C'est le rôle, le devoir,
l'obligation de la commission de faire en sorte que ces gens prennent leurs
responsabilités et de fermer ces usines.
M. Saint-Amour: Cela fait longtemps que j'ai vu cela.
Peut-être qu'aujourd'hui, avec le gouvernement actuel, ils prennent leur
rôle au sérieux. Mais je peux vous dire qu'il y a deux ans, j'ai
visité trois entreprises, il y avait de la place pour de
l'amélioration et je pense que les inspecteurs ne devaient pas rendre
leur travail efficace.
M. Grenier: Une chance qu'on a eu le 15 novembre.
M. Russell: M. le Président, je m'excuse. Je dis
simplement que s'il y a un danger à ce point-là, on doit le faire
pour chaque usine du Québec. J'espère qu'on est
sévère sur ce point-là. De l'amélioration, il y en
a à faire dans chaque usine. Chaque jour, on doit faire en sorte
d'améliorer les conditions de travail des ouvriers et surtout en ce qui
concerne la protection de l'ouvrier.
M. Saint-Amour: Je peux vous dire que j'ai des parents qui
travaillent à l'usine de Windsor Mills et ils m'ont donné
l'occasion de constater des faits assez durs pour l'ouvrier. Je peux vous le
dire. Ma famille porte un nom à consonnance non française, qui
s'appelle Murphey, c'est aussi dangereux que Johnson, votre nom, je ne le sais
pas.
M. Russell: Russell.
M. Saint-Amour: II reste un fait, c'est qu'on m'a avoué
humblement qu'il y avait de la machinerie qui était même
dangereuse pour l'ouvrier. Moi, je n'irais pas travailler dans des conditions
comme celles-là.
M. Russell: Si je peux m'exprimer ainsi, les Irlandais, tout en
étant des conservateurs, sont quelquefois libéraux en
expression.
M. Saint-Amour: Oui.
M. Russell: M. le Président, j'aurais d'autres questions
à poser, mais comme la commission ne vient que de commencer, je pourrai
me reprendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. M. le député de Rimouski.
M. Marcoux: Je pense qu'il faut prendre votre mémoire pour
ce qu'il est. C'est peut-être davantage un mémoire
idéologique, qui définit un peu des valeurs sur lesquelles vous
voudriez que le gouvernement se fonde pour définir sa politique, qu'un
mémoire technique ou économique comme tel.
Ma question va être un peu dans le même style. Vous voulez
que les Québécois prennent le contrôle du secteur des
pâtes et papiers, contrôle qui leur échappe actuellement.
Mais il y a différents niveaux d'intervention. Supposons que le
gouvernement du Québec ne peut pas arriver à contrôler ou
à donner aux québécois les moyens de contrôler
à la fois la récolte du bois, la transformation de ce bois, au
niveau de la mise en marché, du contrôle des marchés,
à quel secteur d'intervention accordez-vous la priorité parmi les
différents secteurs d'intervention possibles, dans tout ce qui concerne
le secteur des pâtes et papiers? Disons que le gouvernement du
Québec a $500 millions à investir dans le secteur des pâtes
et papiers d'ici trois ou quatre ans, à quel endroit les mettez-vous?
Est-ce que vous les mettez au niveau de la récolte du bois, de la
sylviculture, de l'aménagement, pour faire en sorte qu'il y ait des
approvisionnements sûrs de la reprise, donc le contrôle des
concessions forestières. Est-ce que vous les mettez au niveau de l'achat
ou de la construction de deux, trois ou quatre nouvelles usines de pâtes
et papiers qui seraient la propriété des Québécois?
Vous les mettez au niveau de la création d'une régie de mise en
marché des pâtes et papiers par laquelle toutes les pâtes et
papiers seraient obligées de passer? Quel serait le secteur prioritaire
d'intervention, si vous aviez des choix à faire?
M. Blanchard: Je pense qu'on serait tous d'accord pour
reconnaître qu'il faut repartir, à pied d'oeuvre, une
économie générale de la sylviculture au Québec.
À ce moment-là, qu'est-ce qui empêcherait le gouvernement
de se pencher sur une loi spéciale de la sylviculture, comme on l'a fait
dans d'autres pays?
Le gouvernement n'est pas obligé d'investir tellement. Il s'agit
de normaliser l'entretien des forêts, par exemple, de préserver
les forêts qui sont jeunes, qui sont très mal exploitées,
parfois, qui sont abattues avant même d'arriver à maturité;
de prévoir des coupes sélectives; ce sont des normes que
le pouvoir public peut prévoir de prévoir le drainage des
terrains forestiers marécageux. Si vous allez sur les routes du
Québec, vous remarquerez que, dans bien des coins, il y a des
cimetières forestiers où les souches sont abandonnées et
où il n'y a aucun drainage. Il faudrait définir les
procédés de coupe. On fait des coupes à blanc. C'est une
première mesure à laquelle il faut penser.
M. Marcoux: Je vous interromps.
M. Blanchard: II faut ensuite préciser la dimension des
arbres à couper. Si vous avez déjà vu la machinerie
à l'oeuvre, on rase complètement les gros, les petits et les
moyens. On sélectionne après, dans certains cas. Sur les terres
de l'État, par exemple, qu'est-ce qui empêche l'État de
déterminer lui-même quels seront les arbres à couper?
Qu'est-ce qui empêche les inspecteurs forestiers de déterminer
comment les coupes seront faites?
C'est une loi qui ne demande pas de déboursés
épouvantables, mais c'est une première loi qu'il serait
peut-être sage d'adopter. Pensons aux cultivateurs aussi, à
changer la mentalité des cultivateurs qui ont des boisés et qui
les détruisent actuellement parce qu'ils manquent de ressources. Il
faudrait peut-être transformer peu à peu la mentalité et
considérer qu'un boisé est en fait comme n'importe quelle autre
récolte végétale. On entretient un boisé comme on
entretient un champ de céréales. On prend des mesures qui sont
adaptées à la reproduction de ces productions. Vous avez
là une première phase, quant à moi, qui doit être
faite, qui doit être amorcée par l'État. Dans un
deuxième temps, la modernisation des usines qui sont incapables de se
moderniser par leurs propres ressources. À East Angus, par exemple, la
CSN nous a bien montré ce qu'il y avait à faire. Si cela prend
$40 millions pour moderniser East Angus, pour éviter d'envoyer 300 ou
400 personnes sur le bien-être social, je pense que l'État ne doit
pas hésiter à aborder, avec la compagnie par exemple il ne
s'agit pas d'étatiser une politique de restructuration et de
modernisation.
M. Marcoux: Sous forme de subventions?
M. Blanchard: Pas nécessairement. Si l'État
décide d'investir dans cette entreprise, il peut posséder, comme
le député Russell le signalait, un portefeuille d'actions qui lui
permettra d'aller mieux contrôler les livres de la compagnie, de savoir
exactement à partir de quelles données les statistiques
s'acheminent. La CSN se plaignait de ne pas pouvoir avoir de statistiques, de
ne pas pouvoir vérifier. Peut-être qu'une façon très
simple de le faire serait de prendre des actions et d'aller s'asseoir au bureau
de direction.
M. Marcoux: Si je comprends bien votre pensée,
l'intervention, plutôt qu'au niveau du contrôle de la mise en
marché ou de la transformation, vous préférez que ce soit
au niveau des approvisionnements et de l'aménagement sylvicole, etc.
C'est au niveau primaire, en somme, que l'intervention du gouvernement du
Québec devrait se faire?
M. Blanchard: Cela nous semble pertinent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs les représentants du Conseil des hommes d'affaires
québécois, je vous remercie beaucoup au nom des membres de la
commission pour votre participation et pour votre collaboration.
J'invite maintenant l'Association des manufacturiers de bois de sciage
du Québec et M. Gilbert Chassé, son président, à
venir à la table, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Chassé, je vous demanderais de bien vouloir présenter
les membre qui vous accompagnent.
Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec
M. Chassé: À ma gauche, Jean Perron et André
McNeil, consultants; à ma droite, Napoléon Létourneau,
notre directeur général.
M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire,
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec
désire remercier l'honorable ministre des Terres et Forêts, M.
Yves Bérubé, pour l'invitation qu'il lui a transmise de soumettre
un mémoire devant cette commission et aussi pour le délai qu'il a
bien voulu consentir dans la fixation des dates des réunions de cette
même commission.
En soumettant ce mémoire au nom de l'industrie
québécoise du sciage, notre association espère ajouter sa
contribution à celle des autres participants qui veulent assurer le
redressement de l'économie québécoise et la relance de son
développement industriel. En plus du mémoire que nous avons
déposé devant cette commission, nous avons également
déposé un résumé de ce mémoire que le
directeur général de notre association va maintenant vous
lire.
M. Létourneau (Napoléon): M. le Président,
MM. les membres de la commission parlementaire, avant de faire un
résumé de notre mémoire, qu'il me soit d'abord permis de
situer l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec par
rapport à son caractère représentatif de l'industrie
québécoise du sciage.
Fondée en 1953, l'Association des manufacturiers de bois de
sciage du Québec, plus souvent appelée AMBSQ, existe depuis
près de 25 ans maintenant. Elle doit son origine au désir
légitime d'industriels québécois de sciage de se regrouper
afin de former leur propre association et se donner des services collectifs
propres à leurs besoins particuliers. L'AMBSQ regroupe aujourd'hui la
majorité des principaux industriels québécois de
sciage, membres d'associations reconnues, à savoir 158 membres
sur 185, c'est-à-dire 85%. Elle compte dans ses rangs des scieries
autochtones, des scieries intégrées aux pâtes et papiers,
des scieries appartenant à un organisme paragouver-nemental, des
scieries productrices de bois résineux, de bois feuillu,
communément appelé bois franc, des scieries de bardeaux, de
lattes, de dormants pour chemins de fer, etc.
Ses membres produiront, en 1977, quelque 1,75 milliard de p.m.p. de bois
de sciage, ce qui représente 65% de la production totale
québécoise de bois de sciage. Les industriels
québécois de bois de sciage se sont donné, par leur
association, des services collectifs de contentieux, de relations
industrielles, de contrôle de qualité de leurs produits, de
statistiques et d'économique, de relations publiques et de
communications. Ils ont fait la preuve que des industriels peuvent se regrouper
et se doter de services communs, tout en conservant une parfaite autonomie de
gestion.
Nous avons tenu, MM. les membres de cette commission parlementaire,
à vous renseigner sur le caractère représentatif de
l'AMBSQ, parce que l'invitation transmise à cette dernière de
présenter un mémoire précisait que l'objet principal des
travaux de cette commission consistait à étudier les perspectives
d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers du Québec. En
intitulant son mémoire Prospectives de l'industrie du sciage au
Québec en relation avec celle des pâtes et papiers, l'AMBSQ ne
veut pas déplacer l'intérêt et l'objectif de cette
commission. Cependant, il lui est apparu évident que c'est en adaptant
à l'industrie du sciage les thèmes suggérés dans le
plan de travail attaché à l'invitation qu'elle pourrait apporter
sa contribution constructive et positive aux travaux de cette commission.
Chacun des thèmes suggérés fait l'objet d'un
chapitre de notre mémoire et, en les développant sous l'aspect du
sciage, l'AMBSQ veut montrer que les préoccupations de l'industrie
québécoise du sciage rejoignent à plusieurs égards
celles de l'industrie des pâtes et papiers et qu'il s'établit une
relation profonde entre les deux secteurs dans plusieurs activités
économiques, sociales et techniques. Qu'il suffise de mentionner que les
deux secteurs utilisent la forêt québécoise comme source de
matière première, que les deux secteurs ont des unités de
production disséminées dans toute la province de Québec,
que les deux secteurs ont parfois des opérations analogues et, partant,
une main-d'oeuvre similaire, et, enfin, que les deux secteurs s'appuient
considérablement sur l'exportation dans l'écoulement de leur
production.
Certaines recommandations de notre mémoire traduisent d'ailleurs
cette affinité. Nous nous permettons de vous les citer en guise de
résumé.
Que le ministère des Terres et Forêts confectionne un plan
provincial d'approvisionnement pour les principaux utilisateurs de
matières ligneuses.
Que le gouvernement, par son ministère des Terres et
Forêts, poursuive la révocation des concessions forestières
détenues par les industries papetières et de sciage.
Que les priorités de ce programme de révocation soient
orientées vers celles dont dépendent directement les industriels
de sciage pour leur approvisionnement et que ce même programme de
révocation tienne compte des produits conjoints de sciage tels les
copeaux, sciures et planures et de leur disponibilité.
Que, dans les forêts domaniales, le système d'allocation de
la matière ligneuse, soit le contrat d'approvisionnement, soit maintenu
et que ce contrat ait une durée initiale de dix ans et compte une clause
de renouvellement pour une période additionnelle de dix ans.
Que la politique de droit de coupe présentement appliquée
par le ministère des Terres et Forêts demeure, du moins à
court terme, inchangée. Que les chantiers d'exploitation
forestière fassent l'objet d'une inspection conjointe avant coupe par un
officier du ministère des Terres et Forêts et l'utilisateur afin
de réduire les infractions après coupe et favoriser une meilleure
utilisation de la matière ligneuse.
Que la redevance fixe de $1 par unité de 100 pieds cubes de bois
coupé, présentement demandée à certains
utilisateurs de matière ligneuse, demeure inchangée tant et aussi
longtemps qu'une formule adéquate de répartition des charges de
construction et d'entretien de chemins forestiers publics n'aura pas
été établie entre toutes les parties
concernées.
Que le ministère des Terres et Forêts procède
à l'élaboration des normes et méthodes de mesurage
permettant d'établir le vrai volume de bois destiné à une
usine.
Que le ministère des Terres et Forêts limite l'accès
des groupements forestiers à la forêt publique à des cas
bien précis.
Que le ministère des Terres et Forêts régionalise
davantage l'émission des permis de coupe à des fins commerciales
en commençant par ceux émis dans les forêts domaniales.
Que la réglementation du transport en vrac du bois soit
régie d'une façon particulière et tienne compte des
variables inhérentes au bois.
Que la surcharge permissible de 10% par essieu soit ajoutée
à la charge totale dans les cas de transport du bois brut et des
copeaux.
Que les accords de réciprocité soient rouverts avec les
autres provinces pour abolir les frais inhérents au passage de
transit.
Qu'un comité ad hoc soit formé par un représentant
du ministère des Terres et Forêts, un représentant du
ministère de l'Industrie et du Commerce, un représentant de
l'AMBSQ et un représentant de la région concernée. Ceci
dans le but d'évaluer l'impact de la fermeture de l'usine sur la
région.
Deuxièmement, d'effectuer une prévision de
rentabilité dans le cas où des fonds monétaires pourraient
être prêtés à l'entreprise dirigée par le
gestionnaire précédent ou nouveau.
Que les différents organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux ne soient pas réti-
cents à tout projet de concentration économiquement
fiable. Ceci permettrait l'accessibilité à une meilleur position
concurentielle sur le marché pour les entreprises qui autrement seraient
dans l'obligation de s'éliminer.
Voilà autant de sujets qui, à notre avis,
démontrent une interrelation profonde entre le secteur des pâtes
et papiers et celui du sciage. À cet égard, ce mémoire
rejoint l'objet de cette commission parlementaire. Le secteur sciage et le
secteur des pâtes et papiers sont les deux partenaires les plus
importants dans l'exploitation et l'utilisation de la matière
ligneuse.
L'état actuel du secteur des pâtes et papiers ne laisse pas
indifférent le secteur sciage. Les répercussions de cet
état y sont ressentes profondément.
Le développement même de l'industrie
québécoise du sciage est lié intimement aux solutions qui
seront élaborées pour relancer le secteur québécois
des pâtes et papiers. À ce dernier chapitre, l'industrie
québécoise du sciage soutient qu'elle peut être l'un des
éléments de solution, précisément à cause de
son rôle de partenaire dans l'exploitation et l'utilisation de la
matière ligneuse. En effet, l'industrie québécoise du
sciage, par l'investissement répété de ses profits, se
situe, aujourd'hui, à la fine pointe du développement technique.
Cecte évolution technologique s'est traduite par des opérations
en usine plus rationnelles et surtout par une récupération
beaucoup plus considérable de matière ligneuse issue de l'arbre.
Non seulement la quantité de bois d'oeuvre produite n'a pas
diminué, mais en plus, 50% de l'arbre sont transformés en
copeaux.
Ce dernier élément revêt une dimension
considérable dans l'optique d'une utilisation maximale de la
matière ligneuse et peut s'avérer une solution à la crise
de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers quant au
coût de sa matière première. Ainsi, l'industrie
québécoise du sciage produira, en 1977, quelque 3,1 millions de
tonnes anhydres de copeaux.
D'une part, cette matière première, en tant que source
d'approvisionnement est fiable et stable et, d'autre part, le coût
à la tonne des copeaux produits par les scieries est nettement
inférieur à celui de l'industrie des pâtes et papiers.
Il nous apparaît évident que la solution réside dans
une utilisation en priorité des copeaux de scieries par les pulperies
qui, soit dit en passant, peuvent consommer à plein rendement environ
7,5 millions de tonnes anhydres de copeaux annuellement.
Cela ne saurait se concrétiser et nous nous permettons de
reprendre l'une de nos recommandations qu'à la condition
où le ministère des Terres et Forêts confectionnera un plan
provincial d'approvisionnement pour les principaux utilisateurs de
matière ligneuse.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup. Et je cède la parole, au nom du gouvernement, au
député d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: Je voudrais d'abord remercier, bien sûr,
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, de
s'être intéressée à cette commission en y
déposant son mémoire.
En prenant connaissance du mémoire, il m'est apparu comme
étant un document très bien préparé et
étoffé, comportant plusieurs tableaux comparatifs qui, je pense,
aident à une meilleure compréhension.
Je crois donc que c'est un document qui sera utile à la
commission d'abord et qui pourra servir également à l'avenir
à différents intervenants dans le domaine du sciage.
Une petite remarque ici en passant qui n'est pas
nécessairement un reproche d'ailleurs, vous l'avez
mentionné dans votre résumé également. Votre
mémoire traite bien des six points ou thèmes sur lesquels la
commission doit se pencher, dans les prochains jours, mais les rapports
toujours au domaine du sciage. Évidemment, vous le mentionnez.
Cependant, comme vous le mentionnez également, les
préoccupations du sciage rejoignent tellement celles des pâtes et
papiers que je pense qu'à ce moment, elles peuvent apporter un
élément de solution au problème qu'on veut discuter ici,
soit le problème de l'industrie des pâtes et papiers.
Je crois donc que votre mémoire saura sûrement
éclairer cette commission.
À la lecture de votre document, particulièrement à
la page 121, il m'a semblé que vous favorisiez le regroupement des
usines de sciage. D'ailleurs, si on prend ce qui s'est fait dans le
passé, c'est ce qui est arrivé alors que les usines ont grossi et
se sont regroupées, mais par contre, vous ne semblez pas approuver
l'intégration des usines de sciage aux usines de pâtes et
papiers.
Là-dessus, j'aimerais que vous puissiez expliciter un peu vos
raisons et en pendant à cette question, en prenant l'exemple
d'intégration de la nouvelle usine Donohue à
Saint-Félicien, que pensez-vous d'un tel type d'intégration?
Ce serait ma première question.
M. Létourneau: Pour répondre à votre
question, disons d'abord que l'industrie du sciage désire un secteur
autochtone de sciage fort. Elle mentionne dans son mémoire qu'elle ne
s'oppose pas à l'intégration de certaines scieries aux
pâtes et papiers lorsque ces mêmes scieries seraient
menacées de s'éliminer s'il n'y avait pas intégration.
Dans le cas que vous mentionnez, la Donohue à
Saint-Félicien, l'association ne s'est pas opposée à
l'intégration des trois scieries en tant qu'association parce que si
l'intégration signifie la non-élimination de scieries... L'impact
social d'une scierie peut devenir aussi considérable, s'il y avait
élimination, que la fermeture d'une usine de pâtes et papiers.
Beaucoup de villes de la province de Québec dépendent en
totalité, dans leur main-d'oeuvre, d'une industrie de sciage.
M. Bordeleau: D'accord. Maintenant, vous venez de
répéter le mot. Vous parlez dans votre
mémoire d'entreprise autochtone. Je me demande comment cela peut
s'intégrer...
J'aimerais savoir votre définition d'une entreprise autochtone,
étant donné que vous favorisez le regroupement. Alors, en vue
d'un regroupement, j'imagine qu'à un certain moment, où
s'arrête une entreprise autochtone?
M. Létourneau: Une entreprise autochtone se définit
pour nous comme une entreprise de sciage qui appartient à un
Québécois, qu'il soit francophone ou anglophone, mais elle
appartient à un Québécois.
Disons que notre mémoire ne dit pas que nous nous opposons
à l'intégration.
M. Bordeleau: Vous ne semblez pas la favoriser plus que cela,
mais il n'y a pas d'opposition systématique.
M. Létourneau: Bien sûr.
M. Bordeleau: Pour compléter... Vous venez de me dire...
Si une compagnie est autochtone, elle appartient à un
Québécois. Si c'est une compagnie québécoise qui
aurait éventuellement des actions, même sur le marché,
considéreriez-vous que cela serait une entreprise autochtone?
M. Létourneau: Oui.
M. Bordeleau: Également.
M. Létourneau: Une entreprise autochtone peut regrouper
plusieurs unités de production.
M. Bordeleau: Pour revenir au domaine du sciage, dans votre
mémoire, à la page 51, vous suggérez une formule qui
permettrait de répartir adéquatement les frais de voirie
forestière entre tous les usagers, y compris le grand public. Est-ce que
vous auriez une formule plus précise ou est-ce que vous pourriez
préciser un peu cette suggestion que vous faites?
M. Létourneau: Nous n'avons pas élaboré de
formule, mais nous croyons qu'il y a beaucoup d'utilisateurs de la forêt
québécoise et que, présentement, seuls les utilisateurs de
matière ligneuse proprement dits ont à payer une redevance pour
la voirie forestière. Nous croyons que si on veut ouvrir la forêt
au grand public et en fait à tout le monde, que ce soit le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, on devrait
développer une formule qui permettrait de répartir à
chacun des utilisateurs le coût de la construction et de l'entretien des
chemins forestiers.
M. Bordeleau: Au niveau du transport du bois, là aussi,
vous demandez d'apporter une réglementation spéciale dans le cas
du transport en vrac en ce qui concerne le bois. Est-ce que vous auriez quelque
chose à proposer là-dessus? Vous parlez de 10%, est-ce que vous
parlez aussi d'une formule différente pour le transport du bois?
M. Létourneau: Le bois lui-même peut varier en
poids, à cause de sa densité, des conditions climatiques. Il y a
un tas de facteurs qui vont faire que le bois peut changer de poids au cours de
son transport. Si on fixe une réglementation sur le poids, il se peut
fort bien qu'un transporteur ait une charge variable au départ par
rapport à l'arrivée. On dit qu'il devrait s'établir une
formule beaucoup plus juste, qui tiendrait davantage compte de cette variation
climatique.
M. Bordeleau: À ce moment-là, avec 10%, ce n'est
pas suffisant pour prendre la différence de poids?
M. Létourneau: Actuellement, on a 10% par essieu, on n'en
a pas pour la charge totale. On souhaiterait que ce soit sur la charge totale.
On comprendra facilement qu'il est difficile d'équilibrer une charge et
dire: On a seulement 10% sur un essieu et on ne l'aura pas sur l'autre, mais on
n'aura pas 10% de surcharge totale. Il arrive fréquemment que la
surcharge permissible par essieu de 10% se répercute également
sur la charge totale, on le comprend.
M. Bordeleau: D'accord. Par contre, est-ce que vous auriez une
proposition pour modifier la façon de réglementer, soit par le
volume ou par un autre système que le poids?
M. Létourneau: II y a plusieurs formules qui ont
déjà été élaborées et
présentées par l'association devant la Commission des transports;
on y demandait que ça tienne compte de la densité du bois, des
conditions climatiques, parce que le bois se mesure. C'est un
élément qui se mesure au p.m.p. billot ou encore au p.m.p.
sciage.
M. Bordeleau: Est-ce que ce serait une formule que vous aimeriez
voir accepter.
M. Létourneau: Oui.
M. Bordeleau: D'accord. C'est tout pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Brassard): Le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier les représentants de l'Association des manufacturiers
de bois de sciage pour la qualité du mémoire qu'ils nous ont
présenté. Le seul regret que j'ai, c'est que les membres de cette
commission ne puissent avoir l'occasion de lire ensemble tout le document. Je
comprends, parce qu'il est très volumineux, que, dans un délai de
deux heures, cela aurait été difficile.
Votre association nous apporte plusieurs recommandations auxquelles nous
souscrivons sans vouloir toutes les reprendre. Je dois d'ores et
déjà vous dire que nous sommes solidaires de vos
préoccupations. Nous espérons que le gouvernement saura donner
une suite favorable à vos re-
présentations, notamment celles touchant les routes
forestières et celles du transport.
M. le Président, vous me permettrez de faire état de
l'expérience de mon comté, chez moi et dans Portneuf, où
on a été confronté avec ces problèmes. On a
beaucoup de manufacturiers chez nous et, avec nos routes forestières, je
vous dis que c'est difficile pour ces industriels, bien souvent, dans la
relation qu'ils ont avec le gouvernement.
J'invite le ministre à se pencher dans les plus brefs
délais sur cette question, parce que, aussi surprenant que cela puisse
paraître, j'ai déjà vu chez moi non pas des disputes, mais
pas loin, entre les manufacturiers et le ministère du Tourisme, pour des
routes sur la réserve de Portneuf, et j'ai toujours été
très surpris de voir la position du gouvernement du Québec, par
le biais du ministère du Tourisme, sur des questions comme
celle-là.
J'aurais une première question. Parmi les recommandations que
vous formulez, je vais me permettre de reprendre la 18e. Vous recommandez que,
pour toute demande, pour un nouveau permis d'usine ou un agrandissement d'usine
dans les régions où l'industrie du sciage dépend d'un
approvisionnement outre frontière, principalement en provenance des
États frontaliers américains, ce permis fasse l'objet d'une
analyse économique sur l'ensemble des industries de sciage de la
région concernée.
Je voudrais savoir quel est le pourcentage des industries au
Québec qui peuvent s'approvisionner en dehors du territoire du
Québec? Est-ce un problème général ou si c'est un
problème spécifique à certaines usines seulement?
M. Létourneau: C'est un problème qui se retrouve
principalement sur la rive sud et dans des régions qu'on dénomme
la Beauce et les Appala-ches. On retrouve dans ces deux régions quelque
60 usines de sciage qui, pour leur approvisionnement, dépendent à
84% des États-Unis, principalement de l'État du Maine.
Ces usines, pour leur approvisionnement, n'ont d'autre alternative que
d'acheter du bois en provenance des États-Unis. Certaines de ces usines
font l'exploitation forestière elles-mêmes dans l'État du
Maine; d'autres, par contre, achètent leur bois de fournisseurs
américains.
M. Pagé: L'étude économique que vous
demandez, c'est sur l'effet d'une telle entrée sur les autres usines de
la région, c'est cela si j'ai bien compris la recommandation 18?
M. Létourneau: Présentement, le ministère
des Terres et Forêts, pour émettre un permis d'usine, exige une
garantie d'approvisionnement. Cette garantie d'approvisionnement est
forcément assez aléatoire, parce que c'est un fournisseur qui va
garantir à un industrie de sciage le volume de bois ou son
approvisionnement.
Or, ce même fournisseur peut être à la fois
fournisseur pour trois ou quatre autres usines. À ce moment-là,
on s'interroge à savoir si ce même fournisseur a la
capacité ou le volume nécessaire pour approvisionner autant
d'usines. On demande au ministère, avant d'émettre un permis
d'usine dans ces régions, de considérer l'ensemble de la
région concernée, de façon à pouvoir évaluer
si, en émettant un nouveau permis d'usine, on ne créera pas une
surenchère au niveau de la matière première. En fait, si
la demande devient très considérable par rapport à
l'offre, on sait que le prix de la matière première va
augmenter.
M. Pagé: D'accord. Merci de vos précisions.
À la recommandation 32, vous demandez que le gouvernement vous consulte
avant la présentation du projet de loi sur les parcs. Or, le
gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un
projet de loi-cadre sur les parcs, à la dernière session.
J'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion de formuler des
représentations au ministère du Tourisme sur cette question ou si
vous avez sensibilisé le ministre des Terres et Forêts à
vos préoccupations, eu égard au dépôt de cette
loi.
M. Létourneau: Malheureusement, on n'a pas
été informé. On est au courant qu'un projet de loi sur les
parcs avait été avancé sous l'ancien gouvernement. Sous le
nouveau gouvernement, je ne sache pas qu'on nous ait prévenus de
présenter ou de soumettre un document pour dialoguer sur ce projet de
loi.
M. Pagé: Mais il a présenté le projet de loi
antérieur?
M. Létourneau: Oui.
M. Pagé: Le nouveau gouvernement a présenté
un projet de loi-cadre sur les parcs qui reflète presque à un
iota près l'ancien projet de loi et ce projet de loi est devant
l'Assemblée nationale actuellement.
M. Létourneau: Je dois vous informer que nous ne sommes
pas au courant.
M. Pagé: À la recommandation 43, vous formulez le
souhait que le gouvernement du Québec, par ses maisons à
l'étranger, fasse reconnaître comme officielle la certification de
qualité émise par votre association, laquelle est demandée
à la recommandation 41. Est-ce que vous pourriez vous expliquer
davantage? D'abord, qu'est-ce que c'est que la certification dont vous faites
état, d'une part? D'autre part, j'aimerais savoir ce qui, aux yeux de
votre association, se fait actuellement dans les maisons du Québec
à l'étranger, qu'est-ce qui se fait et est-ce que ce qui se fait
va dans le sens des préoccupations de votre association?
M. Létourneau: Je vais commencer par votre dernière
question parce que je peux y répondre plus rapidement; il ne se fait
rien. Ensuite, pour reprendre votre première question, à savoir
ce qu'on entend par certification de qualité, c'est
qu'on mentionne que le bois de sciage du Québec est
exporté à l'extérieur du pays ou de la province de
Québec. Or, généralement, l'importateur va demander un
certificat de qualité sur le bois de sciage qui lui est livré.
Présentement, l'association délivre de tels certificats de
qualité, mais nous ne disposons pas encore de la reconnaissance
officielle dans tous les pays à l'étranger et nous croyons que,
sous cet angle, le gouvernement pourrait faire reconnaître comme officiel
le sceau de qualité de l'AMBSQ. Ce sceau de qualité, d'ailleurs,
ou cette certification de qualité est agréée aux
États-Unis. Alors, on ne voit pas pourquoi on ne
répéterait pas dans d'autres pays européens ou même
nord-africains le même procédé.
M. Pagé: J'espère que le ministre prend bonne note
de votre requête. À la recommandation 45, en ce qui concerne la
mise en marché, le développement de nouveaux marchés, vous
recommandez que les accords de réciprocités soient rouverts avec
les autres provinces pour abolir les frais inhérents au passage de
transit. Quel serait l'impact pour votre industrie, à court terme, d'une
telle réouverture de dossier?
M. Létourneau: C'est au niveau du coût de transport.
On sait que l'élément transport revêt une importance
considérable lorsqu'on parle d'exportation, et les coûts de permis
de transport sont très élevés. On pourrait citer comme
exemple les moulins de sciage ou les industriels de sciage de l'Abitibi qui
expédient du bois d'oeuvre aux États-Unis et qui doivent passer
par la province de l'Ontario. On se demande pourquoi les transporteurs
Québécois se doivent d'avoir des plaques ou encore un permis de
transport de l'Ontario. Est-ce qu'ils ne pourraient pas, disons, avoir un
passage de transit sans, obligatoirement, avoir des plaques de la province de
l'Ontario?
C'est un coût qui peut devenir assez élevé dans
certains cas et la plupart de nos moulins de l'Abitibi passent par l'Ontario
pour expédier aux États-Unis.
M. Pagé: D'accord. Merci. Cela répond à ma
question. Dernière question, maintenant, M. le Président.
À la recommandation 53, vous demandez qu'une priorité soit
accordée dans l'utilisation du bois du Québec par le
gouvernement, les sociétés paragouvemementales, les
municipalités et les corps publics subventionnés par le
gouvernement. Est-ce à dire que vous demandez l'application de la
politique d'achat qui a été énoncée par le
gouvernement il y a quelque temps parce qu'elle ne s'appliquait pas
jusqu'à maintenant ou quoi?
M. Létourneau: Oui, nous le demandons parce que nous avons
constaté, dans certains cas, qu'on n'achetait pas toujours du bois du
Québec.
M. Pagé: J'espère que M. le ministre en prend bonne
note.
M. Bérubé: M. le ministre rappellera que nous
sommes présentement à mettre sur pied des organismes qui vont
permettre de mettre la politique d'achat en application.
M. Pagé: Continuez, c'est bien. Alors, M. le
Président, en terminant, je voudrais réitérer les
remerciements à l'égard de l'association pour la teneur de son
mémoire qui est bien étoffé et aussi pour sa contribution
aux travaux de cette commission. Merci.
Le Président (M. Brassard): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, simplement quelques
remarques. Je voudrais d'abord remercier l'association pour son
objectivité. Je constate, par son mémoire, qu'elle relate un
problème qu'elle vit peut-être quotidiennement, dans plusieurs
points qui ont été soulevés. Simplement quelques questions
pour clarifier un peu devant la commission la pensée du mémoire.
Est-ce que, par les remarques qui sont faites dans le mémoire, vous
seriez d'accord sur la limitation des scieries en province par le
contrôle du ministère ou tout simplement par région, et,
d'une autre façon, est-ce que vous seriez favorable à
l'élimination de certaines petites scieries qui existent
actuellement?
M. Létourneau: Non, l'association, disons, ne parle pas
d'élimination de scieries. En fait, nous croyons que notre
mémoire démontre qu'il y a effectivement deux catégories
de scieries dans la province de Québec, celles qu'on pourrait appeler ou
qu'on pourrait étiqueter de scieries de service, qui sont
forcément très petites dans leur production et assez artisanales,
et les scieries dites commerciales, qui sont de plus grandes dimensions et qui
sont des unités de production qui, effectivement, fonctionnent à
longueur d'année. L'association ne voit pas de quelle façon on
pourrait éliminer les petites scieries ou limiter les scieries
québécoises.
M. Russell: Vous parlez simplement de contrôle de scieries
dans des régions plutôt éloignées, là
où les territoires forestiers font partie de la vie économique
globale de certaines régions. Si je comprends bien, vous suggérez
qu'il y ait un contrôle afin qu'il ne s'installe pas plus de scieries que
la région n'en peut absorber, au point de créer une disette,
c'est un peu le point que vous voulez faire valoir, je crois.
Maintenant, en parlant d'éléments qui font
évidemment partie intégrale des pâtes et papiers, vous
parlez certainement de copeaux et de sciures qui sont produits par les scieries
et qu'on peut s'empêcher de produire. Pour l'information de la
commission, je sais que, dans le passé, il y a eu plusieurs scieries qui
avaient des surplus de copeaux et qui ne pouvaient pas s'en débarrasser
ou les vendre aux moulins de pâtes et papiers. Y a-t-il eu certains
changements ou y a-t-il encore des scieries qui sont aux prises avec les
mêmes difficultés et qui ne peuvent pas se libérer
actuellement du surplus de leurs copeaux
M. Létourneau: Je demanderais à M. Perron, de notre
délégation, de répondre à cette question.
M. Perron: Question très intéressante, M. Russell.
Je crois que le problème des copeaux au Québec est relié
très intimement à la source d'approvisionnement des compagnies
papetières. Cela représente environ 25% de l'approvisionnement
des usines de pâte et papiers au Québec. C'est pourquoi, dans
notre mémoire, on a parlé beaucoup de plans d'approvisionnement.
À l'occasion, il y a eu des problèmes de copeaux; il y en a
encore actuellement; ce problème est peut-être
régionalisé. Je pense que le problème est un peu plus
grave dans la région du Nord-Ouest. Le Nord-Ouest est une région
un peu plus éloignée; il devient peut-être une
région plus marginale pour fournir les industries de pâtes et
papiers au Québec.
Naturellement, lorsqu'il y a eu une grève très
prolongée dans l'industrie des pâtes et papiers, si les industries
de sciage voulaient continuer de fonctionner, il a fallu qu'elles empilent des
copeaux au sol. Il y a encore des inventaires de copeaux actuellement dans la
région du Nord-Ouest, environ 200 000 tonnes; naturellement, l'industrie
du sciage produit à peu près à sa capacité
actuellement, et les inventaires de copeaux continuent de s'accumuler.
À la fin de 1977, il y aura environ 100 000 tonnes
additionnelles, soit environ 300 000 tonnes de copeaux au sol. Comment
régler ce problème? Naturellement, on a démontré
dans notre mémoire que nous vendons environ 3 millions de tonnes de
copeaux par année, et les industries de pâtes et papiers
consomment à pleine capacité au-delà de 7 millions de
tonnes de copeaux. Naturellement, l'industrie des pâtes et papiers ne
fonctionne pas à 100%, mais, si on fait un calcul rapide, disons
à 80%, on pourrait quand même consommer actuellement 6 millions de
tonnes, c'est-à-dire que les compagnies de papier se produisent
elles-mêmes des copeaux à même les rondins.
On a démontré, et je crois que c'est accepté par
tout le monde, que le copeau est une source de matière première
moins dispendieuse que si les compagnies de papier produisent elles-mêmes
les copeaux avec du bois rond. Même dans le mémoire de ce matin,
l'association a démontré par des chiffres qu'une tonne de copeaux
pouvait coûter environ $52 et qu'une tonne de bois rond
équivalente pouvait coûter $56. Nous avons une matière
première déjà semi-manufacturée tandis qu'à
$56 la tonne, cette même matière première n'est pas encore
semi-manufacturée; il faudrait ajouter quand même un montant
additionnel, ce qui élargit l'écart.
Nous avons naturellement des problèmes parce que les compagnies
de pâtes et papiers ont également des problèmes de
réception, et ces problèmes demandent peut-être des
investissements additionnels pour recevoir des copeaux supplémentaires.
Le problème qui se pose pour les compagnies de pâtes et papiers
également, c'est le fait qu'il n'y a pas de plan d'ensemble
d'utilisation de la matière ligneuse; les contrats de copeaux sont
naturellement pour un an, deux ans, ou peut-être parfois cinq ans, mais,
après cette période, un vendeur de copeaux peut décider de
vendre ses copeaux à une autre usine. Une usine de pâtes et
papiers peut se réveiller, une bonne journée, avec plus ou moins
de copeaux selon que les acheteurs décident de vendre.
Sans plan d'approvisionnement général, c'est toujours une
négociation à reprendre et à recommencer. C'est pourquoi
nous suggérons qu'un plan d'ensemble de la matière ligneuse doit
également inclure les copeaux. Le ministère des Terres et
Forêts doit accélérer son plan et en faire un plan
d'ensemble qui inclura tous les copeaux produits au Québec qui seront
dirigés, en somme, sur une base à long terme, de la même
façon que la matière première sera dirigée à
long terme. C'est pourquoi les compagnies de pâtes et papiers
hésitent énormément avant d'accepter la
rétrocession de leurs concessions. Je crois qu'elles accepteraient la
rétrocession des concessions si elles avaient une garantie
d'approvisionnement en retour. Nous, des sciages, pensons que nous pouvons
fournir cette garantie d'approvisionnement pour autant qu'il y ait un plan
d'approvisionnement.
Il faudra s'asseoir, un groupe de coordonna-teurs, ensemble pour
établir ce plan. Il ne sera certainement pas parfait au début,
mais il va certainement être ajustable en cours de route pour
éliminer justement les frais de transport additionnels. Comme on l'a
démontré dans notre rapport, il y a des copeaux qui voyagent dans
une direction parfois contraire. C'est dans ce sens que nous proposons notre
plan d'ensemble de la matière ligneuse; il n'y a aucune raison pour que
les copeaux ne soient pas utilisés en priorité, parce que cela
représente simplement 50% de tous les copeaux utilisés au
Québec, même lorsque l'industrie du sciage est à pleine
capacité.
M. Russell: C'est-à-dire, si je comprends bien, c'est 50%
de la matière nécessaire pour la pâte à papier?
M. Perron: Le copeau est utilisé de différentes
façons. Il y a des procédés où on n'utilise pas de
copeaux. On peut dire qu'il se consomme actuellement 7 millions de tonnes de
copeaux et l'industrie du sciage en produit 3 millions. Alors, c'est un peu
moins de 50%. C'est-à-dire que les compagnies de pâtes et papiers
se produisent des copeaux à même le rondin. Comme je le disais
tout à l'heure, tant qu'il n'y aura pas cette garantie
d'approvisionnement à long terme, la scierie peut décider au bout
de quelques années de vendre ses copeaux ailleurs. Alors, elle
hésite à s'embarquer dans un programme pour acheter encore plus
de copeaux.
M. Russell: Simplement dans le but d'éclairer la
commission, est-ce que le copeau qui est transporté du nord au sud
coûte plus cher de transport que le bois de papier transporté,
comparativement
tonne pour tonne, ou est-ce qu'il y a des tarifs
préférentiels?
M. Perron: II n'y a pas de tarifs préférentiels.
Naturellement, plus la distance est éloignée, plus que cela
augmente le coût de transport.
M. Russell: D'accord.
M. Perron: II reste quand même un écart assez
appréciable surtout pour les pulperies qui vont, disons, jusque dans la
région de la Mauricie.
M. Russell: À moins qu'il n'y ait eu des changements
dernièrement, je sais qu'il y a quelques années il y avait des
usines à papier du coin qui achetaient du bois de papier qui venait du
nord en cunits et qui achetaient aussi des copeaux. Ma question: Est-ce que les
copeaux coûtent meilleur marché ou plus cher que le bois de papier
à transporter?
M. Perron: Ils coûtent moins cher. Les copeaux
coûtent moins cher à transporter, parce que c'est une
matière plus solide et on peut mettre plus de pesanteur dans les
wagons.
M. Russell: Est-ce qu'à ce moment vous seriez d'accord que
beaucoup de scieries pourraient produire plus de copeaux qu'elles n'en
produisent, s'il y avait des prix raisonnables? Elles pourraient
intégrer la coupe en forêt et faire la mise en copeaux sur place
ou à leur scierie.
M. Perron: Je ne crois pas que l'industrie du sciage pourrait
produire beaucoup plus de copeaux avec les installations, disons, actuelles.
Maintenant, dans certaines régions où il n'y a pas de scierie, je
crois que les industries de pâtes et papiers doivent s'approvisionner
à même le rondin et même il y a des procédés
techniques de pulperie qui ne peuvent pas prendre de copeaux. Ce ne sont pas
tous des copeaux qui sont utilisés dans les pulperies. Les 7 millions de
tonnes, ce n'est qu'une partie. C'est la grosse partie, mais il y a des bois
ronds.
Nous croyons que ce qui se produit actuellement devrait être
utilisé par les pulperies sans problème s'il y a cette garantie
d'approvisionnement à long terme. C'est ce qui est très
important.
M. Russell: Est-ce que vous possédez les chiffres,
à savoir quel est le pourcentage de sciures qui sont utilisées
par les usines à papier actuellement?
M. Perron: Nous avons produit en 1977 quelque 1,2 million de
tonnes de sciures et planures et il en sera utilisé environ 350 000
tonnes. Le reste est brûlé ou jeté aux rebuts.
M. Russell: Est-ce que cela comprend les planures en même
temps lorsque vous parlez de sciures?
M. Perron: Les deux, sciures et planures.
M. Russell: Les deux ensemble. Donc, il y en a moins que 20% qui
sont utilisés actuellement.
M. Perron: 350 000 tonnes par rapport à 1,2 million.
M. Russell: 20%.
M. Perron: Oui.
M. Russell: M. le Président, en ce qui concerne les
questions de transport, je pense que la question a été
posée tout à l'heure, inutile de revenir là-dessus. Cela
me satisfait en ce qui concerne les copeaux. Je pense qu'on voit qu'il y a du
terrain pour travailler et les sciures, je pense, pourraient bien être
utilisées pour faire du papier ou de la pâte plutôt
qu'être brûlées. Autant que je sache, à
l'environnement, ils n'aiment pas cela voir monter la fumée dans les
airs. Cela les agace pas mal. On pourrait peut-être faire un travail de
concertation en sorte que les usines à papier utilisent ces sciures. M.
le Président, je suis satisfait. Je pourrai peut-être revenir tout
à l'heure avec d'autres questions lorsque d'autres présenteront
d'autres mémoires.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: À la page 39 de votre mémoire, vous
mentionnez que le coût du bois en provenance de la forêt
privée a tendance à être plus élevé que celui
produit dans les opérations forestières, bien sûr,
dépendant directement de l'industrie du sciage. J'aimerais savoir
l'ordre de grandeur de ce prix et pourquoi le bois en provenance des
forêts privées, d'après le jugement que vous portez, est
plus cher que celui qui est produit dans les exploitations
forestières?
M. Létourneau: C'est à la suite
d'expériences qu'ont connues certains industriels de régions bien
particulières qui ont à acheter leur approvisionnement à
partir de boisés privés. Des coûts comparatifs ont
démontré que le bois ou l'approvisionnement en provenance des
boisés privés était supérieur à celui de la
forêt publique.
Maintenant, l'ordre de grandeur peut varier selon les scieries et selon
la distance, surtout. Cela peut aller de quelques dollars à environ une
dizaine de dollars.
M. Gendron: L'approvisionnement de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage, en somme, l'ensemble des scieries du
Québec, se fait davantage, je pense, à partir des forêts
publiques. Quelle est la proportion de l'approvisionnement à partir des
boisés privés? Je pense que vous le mentionnez dans le
mémoire.
M. Létourneau: Non, on ne le mentionne pas
spécifiquement dans le mémoire. Il y a un éventail assez
considérable des scieries et il serait assez difficile d'apporter une
précision juste à votre question.
M. Gendron: Oui, mais en gros, la part des boisés
privés, d'après moi je ne sais pas si c'est un jugement de
valeur que je porte est peu significative par rapport...
M. Létourneau: À peu près 25%. M.
Gendron: À peu près 25%.
M. Létourneau: 25%, et 75% est la forêt
publique.
M. Gendron: Au niveau des projets de sylviculture, de reboisement
et tout cela, il me semble avoir lu que vous pensez que cette
responsabilité devrait être davantage dévolue à
Rexfor et, éventuellement, devrait être une responsabilité
gouvernementale. J'aimerais savoir si c'est exact, et si oui, pourquoi ne
croyez-vous pas que les scieries, qui ont des concessions forestières,
devraient avoir certaines responsabilités, elles également, au
niveau des politiques sylvicoles et de reboisement?
M. Perron (Jean): M. Gendron, je ne crois pas que nous ayons
mentionné que Rexfor doit être l'agent responsable de la
sylviculture.
M. Gendron: Résolution 16, page 3, au début, vous
dites: Que le rôle de Rexfor dans la réalisation des travaux
sylvicoles de mise en valeur des forêts publiques soit amplifié.
Tout de suite au début, dans vos recommandations, au numéro
16.
M. Perron (Jean): Je crois qu'on parle plutôt de la
récolte des forêts dans des régions peu accessibles ou non
économiques. Je pense que c'est dans ce sens.
M. Létourneau: C'est dans ce sens-là.
M. Gendron: D'accord, si c'est dans ce sens-là. Quand je
vous posais la question, au départ, je voudrais savoir si c'est
exact.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Voulez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît?
M. Gendron: D'accord. Il me semble avoir lu, à un moment
donné, que vous seriez d'accord pour dévoluer la
responsabilité du reboisement et des travaux sylvicoles davantage au
gouvernement comme tel. Il me semble avoir lu une recommandation à cet
effet. Je voudrais savoir jusqu'à quel point vous pensez que ce serait
de votre responsabilité également; vous avez des concessions
forestières et vous vous préoccupez de reboisement et de travaux
sylvicoles.
M. Létourneau: L'industrie du sciage, en
général, n'est pas réticente au reboisement et elle
pourrait accepter cette charge au niveau du reboisement.
M. Macneill (André): Pour avoir participé à
la discussion à ce niveau, là où ce n'est pas clair, je
peux dire que lorsque l'association a voulu un rôle présent et
amplifié au niveau des travaux sylvicoles, c'est où Rexfor est
présentement présente au niveau de la récolte. C'est
peut-être ce qu'il manque. Dans les autres parties où
déjà les industriels du sciage, par des garanties
d'approvisionnement sur les forêts domaniales, doivent débourser
$0.15 du cunit pour les travaux sylvicoles, je pense que les membres aiment
mieux participer à l'exécution de ces travaux sylvicoles. Ici, il
y a peut-être ambiguïté, le rôle de Rexfor, surtout
qu'elle participe déjà à la récolte, on ne voit pas
d'objection que son rôle, au niveau des travaux sylvicoles, soit
amplifié. Où elle débourse déjà $0.15, elle
aimerait participer à l'exécution. Cette recommandation aurait
peut-être dû être ajoutée.
M. Gendron: Vous mentionnez, à un moment donné, que
l'objectif principal de la présentation de votre mémoire est de
nous faire valoir que vous considérez l'industrie du sciage en
excellente santé et qu'elle offre des perspectives d'avenir très
prometteuses et très intéressantes. Je ne sais pas, mais il me
semble qu'avec ce que vous nous produisez comme document qui, en passant, est
excellent, très bien étoffé et très bien
articulé, on en vient à cette conclusion. Vous ajoutez que
justement parce que c'est comme ça chez vous, dans l'industrie du
sciage, vous auriez des éléments de solution à offrir
à l'industrie des pâtes et papiers qui, elle, est peut-être
dans une moins bonne posture et où les perspectives d'avenir sont moins
intéressantes.
J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions
à ma connaissance, je ne les ai pas vues dans le mémoire
aussi bien articulées que ce qui vous concerne en termes de suggestions
pour aider le secteur des pâtes et papiers à atteindre
peut-être un niveau prospectif aussi intéressant que le
vôtre qui semble être celui des années à venir.
M. Létourneau: Notre élément de solution a
été précisé à un moment donné lorsque
nous avons parlé des copeaux comme source d'approvisionnement de
l'industrie des pâtes et papiers. Il a été mentionné
que les copeaux produits par l'industrie de sciage représentaient un
coût nettement inférieur à celui de l'industrie
papetière. Dans cette optique, nous croyons que l'industrie du sciage
peut être un élément de solution.
M. Gendron: C'est bon. J'aurais une dernière question.
Vous mentionnez un fait, en tout cas Jean en a parlé tantôt. M.
Perron a dit qu'il existait, particulièrement dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, des surplus de copeaux. Non seulement il existe
des surplus de copeaux, mais vous avez ajouté qu'il y aurait lieu de
regarder le plus rapidement possible l'utilisation des sciures et des planures,
éventuellement, au niveau des pâtes et papiers. Est-ce que
l'industrie du sciage a eu un niveau de recherche où il a
été possible pour elle de regarder la possibilité que les
sciures et adve-
nant qu'il n'y ait pas de marché prochainement, au niveau
des pâtes et papiers, que ces essences qui servent de rebuts, si vous
voulez me passer l'expression, soient utilisées comme source
d'approvisionnement énergétique? Jusqu'à quel point
l'industrie du sciage a-t-elle fait de la recherche à ce niveau?
M. Perron (Jean): Naturellement, au niveau des sciures et
planures, il s'est fait du développement et il y a des usines qui
utilisent actuellement des sciures et des planures comme source
d'énergie pour le séchage du bois. Il y a également
l'écorce qui peut être utilisée à ce niveau. Mais je
crois qu'on peut donner une valeur commerciale encore plus forte à la
sciure et à la planure, en surplus de l'énergie. Il y a beaucoup
de possibilités de développer des industries dans le secteur des
panneaux, par exemple.
Mais l'industrie du sciage, même si elle est en bonne
santé, comme on l'a mentionné ce soir, c'est peut-être une
santé précaire. Nous avons tous aussi les mêmes
problèmes peut-être que de l'industrie des pâtes et papiers,
même si notre industrie, en général, a une très
bonne technologie. Je crois que l'industrie du sciage, au Québec, est
peut-être l'orgueil de l'industrie du sciage dans le monde parce que nous
avons réussi à utiliser des billes de très faible
diamètre comme on ne voit pas ailleurs, peut-être. La pousse est
très lente; par contre, nous avons une fibre très dense et la
technologie nous a permis de l'utiliser à bon escient. Mais on a des
problèmes et on en a traversé dans notre industrie aussi. Le
marché, par exemple; nous devons exporter et le marché est
très cyclique. Lorsque la construction domiciliaire fonctionne bien aux
États-Unis et au Canada, les prix fonctionnent bien, mais il y a des
périodes où c'est difficile.
Pour réaliser ces projets, mettre des projets de l'avant,
naturellement cela prend des capitaux. Il faut faire des investissements et
certainement que le ministère de l'Industrie et du Commerce peut, avec
des sociétés peut-être, aider au financement de certaines
entreprises qui ont des projets viables pour développer des industries
de base où les capitaux à investir ne sont peut-être pas
des capitaux astronomiques. J'invite certainement le ministre des Terres et
Forêts à prendre note qu'il y a des projets viables qui pourraient
être utiles au Québec dans le domaine des panneaux, un exemple,
mais c'est toujours un peu le problème des capitaux.
Je crois que les sociétés paragouvernementales peuvent
jouer un rôle. Un exemple, la SDI, la Société
générale de financement ou la Caisse de dépôt
peuvent jouer un rôle dans l'investissement de capital qui permettrait de
développer ces industries.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Oh, je serai relativement bref. Le
problème qui se pose est un problème relié aux redevances
forestières que les compagnies paient présentement lorsqu'elles
sont situées sur des concessions appartenant à des entreprises de
pâtes et papiers. Présentement, il me semble qu'en
général, lorsqu'une scierie est située sur ces
concessions, les redevances que vous avez à payer se situent entre $15
et $25, semble-t-il, suivant les compagnies.
Le problème qui se pose au gouvernement, c'est qu'en effectuant
la révocation des concessions et en prenant à charge la
construction de la voirie, évidemment, les coûts encourus par
l'État vont se rapprocher sensiblement de ces prix. La question que l'on
doit se poser au niveau du gouvernement est à savoir si l'industrie du
sciage est en mesure de défrayer des redevances forestières de
cet ordre. En d'autres termes, j'aimerais savoir, compte tenu des fluctuations
inhérentes au prix du bois de sciage, j'ai l'impression que le diagramme
que vous avez présenté dans votre mémoire est suffisamment
explicite où on voit des variations absolument aberrantes, compte tenu
également qu'il existe de très grandes variations dans la
qualité des bois, j'aimerais savoir si votre association est en mesure
d'obtenir des relevés moyens sur les coûts de production par mille
pieds, par exemple, du bois de sciage, ce qui nous permettrait d'évaluer
en gros la marge moyenne de profit dans l'industrie du sciage et de voir
exactement quelle est la marge de sécurité avec laquelle on peut
jouer. Avez-vous des données de cet ordre?
M. Létourneau: Présentement, M. le ministre, nous
n'avons pas de telles données. Je peux vous assurer que, d'ici quelque
temps, nous disposerons de ces données. C'est une recherche que nous
sommes à faire actuellement parce que nous voulons établir le
prix moyen, le revenu moyen de 1000 pieds de bois de sciage. Dans notre
mémoire, lorsqu'on donne la variation du prix du bois, par exemple, du
2' x 4', ce n'est qu'un article parmi beaucoup d'autres, cela ne
représente pas exactement le prix du bois sur le marché. Nous
voulons connaître ce prix de vente par rapport au coût de
production afin d'établir la marge rentable de l'industrie du
sciage.
M. Bérubé: Et pour quand peut-on attendre cette
estimation d'un prix moyen de production au Québec?
M. Létourneau: Nous souhaitons obtenir cette donnée
avant la fin de la présente année.
M. Bérubé: J'aurais également une autre
question qui est reliée au prix des copeaux. Quel est
présentement le prix des copeaux que vous obtenez au Québec, et
surtout obtenez-vous un prix qui est régionalisé?
M. Létourneau: Le prix actuel est très difficile
à définir. Il fut un temps où on avait un certain
critère qui nous permettait de dire: Le prix est à tel niveau
présentement. Il semble y avoir des écarts, et ces écarts
sont aussi difficiles à préciser.
M. Bérubé: Je vois, vous avez donc les mêmes
problèmes que nous. Une dernière question qui porte sur une
réticence que j'ai observée dans votre mémoire quant
à l'implication des groupements forestiers sur la forêt publique.
Vous semblez voir avec beaucoup d'hésitation les groupements forestiers
opérer sur la forêt publique, et je suppose que vos
réticences doivent s'appliquer aussi aux coopératives
forestières qui travailleraient sur la forêt publique.
Pourriez-vous détailler un peu ces réticences que vous
manifestez?
M. Létourneau: Des expériences, comme je le
mentionnais tout à l'heure, de certains industriels de sciage avec les
groupements forestiers se sont avérées très malheureuses
dans une région qu'on peut facilement identifier, et nous croyons que
les groupements forestiers devraient davantage confiner leur action à la
forêt privée plutôt que dans la forêt publique.
Ce qui amène cette crainte, c'est que nous croyons que les
groupements forestiers pourraient, par une exploitation de la forêt
publique, se créer un certain monopole et développer
eux-mêmes leurs propres scieries. Nous croyons que ce n'est pas une bonne
chose dans l'état actuel de la question.
M. Bérubé: Je comprends. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, à ma première
question, on comprendra que je suis un profane. Ai-je bien compris que
l'association que vous représentez ne s'occupe essentiellement que de
sciage et de rabotage? Les membres que vous représentez, qui font
environ 80% de l'industrie du sciage, ne s'occupent-ils essentiellement que du
sciage et du rabotage? Il n'est pas question de contre-plaqué, de
panneaux, etc.
M. Létourneau: Non.
M. Mailloux: À la page 6, je pense, du mémoire que
vous avez présenté, vous mentionnez la part qui est coupée
sur les forêts publiques et les forêts privées, et vous
donnez, entre la période de 1971 à 1976, un volume plus important
coupé par l'industrie du sciage dans la forêt publique que celle
qui est coupée par les pâtes et papiers. Est-ce exact?
M. Létourneau: Les chiffres que nous mentionnons... Vous
vous référez sans doute au tableau III?
M. Mailloux: Oui, au tableau III.
M. Létourneau: Quant aux chiffres avancés, la
source est mentionnée comme étant le ministère des Terres
et Forêts. Nous croyons devoir nous fier à une telle source.
M. Mailloux: Cela voudrait dire qu'en 1976, quant à
l'importance qu'a votre industrie, vous auriez coupé 3 751 000 cunits
contre 2 680 000 employés par les compagnies papetières. C'est
exact?
M. Létourneau: Coupés par les compagnies
papetières.
M. Mailloux: Je comprends que dans la forêt privée,
c'est l'inverse qui se produit, mais est-ce à dire que l'industrie du
déroulage, le contre-plaqué, etc., serait aussi je
regrette d'employer l'expression insignifiante que le nombre de cunits
qui paraît sur ce tableau, environ 37 000 ou 26 000, ou dois-je
comprendre que les essences dont cette industrie a besoin viennent en partie
d'outre-frontière?
M. Chassé (Gilbert): Dans "autre nature", je crois
comprendre qu'il s'agit ici de sciage de bois franc en même temps que de
déroulage.
M. Mailloux: Mais cela serait seulement le potentiel qui est
coupé dans les forêts.
M. Chassé: Oui, 26 839 cunits.
M. Mailloux: Tantôt, j'écoutais une suggestion de
celui qui est à l'extrême gauche et qui disait que le ministre
devrait penser à du contre-plaqué ou à des panneaux.
Est-ce à cela qu'on faisait référence comme solution de
rechange? Non? On ne parlait pas de cela.
M. Létourneau: Non. On parlait de sciure et de
planure.
M. Mailloux: Pourriez-vous me dire quelle est la proportion
elle paraît peut-être dans le livre, mais je ne l'ai pas
trouvée de votre production qui est vendue dans le Québec,
d'abord, dans les provinces voisines et sur le marché étranger,
disons, outre-frontière?
M. Létourneau: Dans la province de Québec, le
marché domestique représente 40%, le marché de l'Ontario
environ 25%, le marché américain est de l'ordre de 24%. Je me
réfère à des estimations de 1977. Dans les provinces
maritimes, 2% et outre-mer, environ 3%.
M. Mailloux: Aux États-Unis, vous avez dit combien?
M. Létourneau: 24%.
M. Mailloux: 24%. Quand vous avez parlé de copeaux,
tantôt, et que vous avez dit que vous disposiez de trois millions de
tonnes par année, avez-vous dit, en réponse à une question
précédente, qu'annuellement, en fin d'année, une partie de
vos membres restait avec des volumes importants non vendus?
M. Létoumeau: Oui, nous avons mentionné qu'à
la fin de l'année 1977, considérant que l'industrie du sciage
produira 3 100 000 tonnes de copeaux, il en restera environ 300 000 tonnes au
sol, non vendues.
M. Mailloux: Pour 100 000 cunits de bois qui servent au sciage et
au planage et 100 000 cunits de bois qui serviraient à des fins de
pâtes et papiers, en main-d'oeuvre, quelle est la proportion que cela
prend pour faire une tonne de papier et la même proportion en bois de
sciage?
M. Létoumeau: Référez-vous uniquement
à la transformation?
M. Mailloux: Oui.
M. Létoumeau: Les chiffres disent quatre fois.
M. Mailloux: Quatre fois pour?
M. Létoumeau: Pour le sciage.
M. Mailloux: Quatre fois plus pour le sciage que pour la
pâte et le papier?
M. Létoumeau: Oui.
M. Mailloux: Vous faites mention, au début de votre
mémoire, d'une invitation au ministère de l'Industrie et du
Commerce et à celui des Terres et Forêts d'aller dans les missions
étrangères, comme les maisons du Québec à Paris ou
autres, afin de faire davantage de promotion pour votre production. Est-ce
à dire que dans les périodes creuses que vous vivez, vous auriez
besoin d'une promotion très forte à l'étranger pour
éviter ces périodes?
M. Létoumeau: Non seulement dans les périodes
creuses, mais dans toutes les périodes nous croyons que le bois de
sciage produit par le Québec est de très haute qualité et
il peut facilement concurrencer non seulement au niveau du prix, mais au niveau
de la qualité les autres bois en provenance d'autres pays, et même
du Canada, exportés sur ces mêmes marchés.
M. Mailloux: Une question a été posée ce
matin à l'Association des industries forestières par le ministre
des Terres et Forêts.
Il a demandé si cela apporterait des inconvénients majeurs
aux pâtes et papiers, si la partie la plus importante de l'arbre
était dirigée vers le sciage et la moins importante vers les
pâtes et papiers. On m'avait demandé de vous poser la question
directement.
M. Perron (Jean): M. Mailloux, je crois qu'actuellement c'est ce
qui se produit. Je crois que dans la mesure du possible, dans plusieurs cas au
moins, la bille est orientée dans ce sens. Il est tout naturel,
d'ailleurs, que les billes de dimension plus grosse soient propices au sciage
et cela se fait dans plusieurs cas. Maintenant, il y a des régions
où, à cause de position géographique où il faudrait
déplacer le bois sur des distances trop longues, il n'est pas
économique de le déplacer à certains endroits. Je crois
que cette politique existe actuellement.
Peut-être qu'elle pourrait être améliorée dans
certains cas. Il serait peut-être possible également, si la
forêt québécoise pouvait soutenir davantage un potentiel
plus élevé de coupe annuelle, on a dit qu'on utilise environ 11
millions de cunits au Québec et la forêt totale du Québec
peut en utiliser 20 millions. Mais, ces 9 millions additionnels ne sont pas
tous localisés dans des endroits propices. Des fois, c'est dans des
régions très éloignées. Alors, si le
ministère permettait de développer davantage des coupes, eh bien,
certainement que ce devrait être le secteur du sciage qui soit le
premier, car c'est le plus générateur d'emplois et l'industrie du
sciage retourne 50% de sa bille sous forme de copeaux.
M. Mailloux: Quelle est la proportion, dans le volume complet que
vous transformez, de cyprès, d'épinette et de sapin?
M. Perron (Jean): Je crois que c'est très fort en
épinette. Le sapin et l'épinette naturellement sont
classés ensemble, comme essence, soit l'épinette. Maintenant,
comme le bois de sciage, il n'y a pas de distinction. Le pin, le sapin et
l'épinette sont classés ensemble. On ne les sépare
pas.
M. Mailloux: Si je vous pose la question, c'est parce qu'on me
dit que le cyprès vient à maturité un peu plus vite que
l'épinette et le sapin.
M. Perron (Jean): Oui.
M. Mailloux: II y a un avantage marqué pour l'industrie du
sciages qui peut s'en servir de la même façon, avec le même
rendement, parce que la plantation se fait en cyprès pour...
M. Perron (Jean): Naturellement, cela dépend des sols. Il
y a des sols peut-être qui ne sont pas propices à recevoir des
plantations de cyprès, mais je pense qu'il y a eu beaucoup de
plantations dans ce sens actuellement.
M. Mailloux: Quant à la reprise des concessions
forestières par le gouvernement, vous semblez appuyer la mesure. Vous
avez fait une omission assez importante dans le résumé de votre
mémoire. Quand vous vous dites en accord avec la reprise des concessions
forestières, vous ne mentionnez pas de quelle façon cela doit
être fait. Il est indiqué, par contre, dans le volume. Cet
après-midi, on écoutait la CSN qui disait que ce sont des
concessions qui appartiennent à l'État, on doit les reprendre
sans payer. Quant à vous, vous faites la nuance, je pense.
M. Perron (Jean): Je crois qu'il faut faire la nuance et c'est
très important. Parce que les
concessions forestières qui appartiennent, soit aux pâtes
et papiers ou au sciage, ont été payées. Or ces
concessions, naturellement, ont coûté de l'argent aux compagnies
qui, actuellement, les utilisent. Il est tout à fait normal, je crois,
qu'un dédommagement pour les investissements qui ont été
faits dans ces concessions... d'ailleurs, c'est prévu par une loi, on le
mentionne dans notre mémoire, que la rétrocession doit se faire
en relation avec la loi qui a été proposée. Il serait
certainement un moyen pour le ministère, en reprenant les concessions,
de créer un certain dédommagement aux entreprises, soit sous
forme de déduction de droit de coupe, pour permettre justement d'aider
la rentabilité des entreprises et leur permettre de faire un certain
profit pour réinvestir dans leur industrie.
Je crois que la rétrocession ne doit pas se faire
carrément, simplement reprendre, car ces compagnies ont payé des
montants et ont dû les entretenir également. Elles ont des
infrastructures et des routes d'établies. Il serait tout à fait
normal que des montants d'argent, soit sous forme de réduction de droit
de coupe, puissent être accordés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): MM. les
représentants de l'Association des manufacturiers du bois de sciage du
Québec, je vous remercie beaucoup de votre participation à cette
commission parlementaire.
J'invite maintenant le dernier organisme convoqué pour
aujourd'hui je dois vous avouer que ces gens avaient une peur de ne
point être entendus ce soir la Chaîne coopérative du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, et son directeur général, M.
Thomas-Louis Tremblay.
Chaîne coopérative du
Saguenay-Lac-Saint-Jean
M. Tremblay (Thomas-Louis): Merci, M. le Président.
J'aimerais d'abord vous présenter un peu notre équipe. D'abord,
le président de la chaîne, M. Léopold Harvey; le
vice-président de la section forestière, M. Lavoie; le
vice-président de la section agricole qui a dû s'absenter, M.
Jacques Gauthier, qui est notre ingénieur-conseil; M. Paul-Antoine
Laflamme qui est notre directeur des opérations forestières et,
enfin, M. Gilles Poulin qui est notre vice-président de la section
agricole.
J'aimerais d'abord, avant de commencer, vous dire qu'on va
résumer notre mémoire; on ne lira pas tout ce qui est
écrit à l'heure actuelle. La chaîne a un caractère
un peu spécial, un caractère professionnel en ce sens que seuls
les cultivateurs, les forestiers, les coopératives agricoles et les
chantiers coopératifs peuvent en devenir membres. Nous avons donc
à peu près 1500 membres cultivateurs, 450 forestiers, 7 chantiers
coopératifs et une vingtaine de coopératives. Parmi les chantiers
coopératifs qui sont membres de notre entreprise, il y en a quelques-uns
qui font des expériences actuellement et qui produisent
déjà depuis plusieurs années; entre autres, un chantier
qui est associé avec un industriel et qui participe de façon
minoritaire, quitte à devenir majoritaire peut-être lorsque
l'industriel prendra sa retraite. Dans un autre cas, c'est un chantier qui
explore en collaboration avec un industriel aussi d'une façon
différente et, dans d'autres cas, c'est avec des compagnies.
Un autre volet de la chaîne aussi montre pourquoi on
s'intéresse davantage à l'industrie forestière, à
l'exploitation forestière. C'est qu'une bonne partie de nos membres,
qu'on retrouve dans une vingtaine de paroisses, résident dans des
paroisses à vocation forestière surtout. On veut
éventuellement, dans un proche avenir, offrir à certains de nos
membres une alternative dans le secteur des pâtes et papiers. Cette
alternative permettrait à ceux qui ont des boisés de ferme
d'expédier à certaines périodes une certaine
quantité de leur bois qui ne trouverait pas preneur, par exemple, dans
le secteur des pâtes et papiers.
Ceci dit, nous voudrions, en premier lieu, remercier le ministre des
Terres et Forêts pour l'invitation qu'il a adressée à la
Chaîne coopérative du Saguenay qui lui permettra de se faire
entendre à la commission parlementaire sur les perspectives d'avenir de
l'industrie des pâtes et papiers. Veuillez croire que nous
apprécions à sa juste valeur l'opportunité qui nous est
offerte de faire valoir notre point de vue sur un sujet aussi important. Mais,
direz-vous, que vient faire dans cette galère la Chaîne
coopérative du Saguenay, deuxième en importance dans la province
et qui se range parmi les principales entreprises manufacturières du
Québec? Parce que, précisons-le immédiatement, la
chaîne coopérative a fait, en 1973, l'acquisition des actifs du
chantier d'Argenson et se situe, de ce fait, parmi les industries de sciage du
Québec.
Nous parlerons donc ici davantage au nom des mouvements
coopératifs provinciaux et de chantiers coopératifs qu'au nom des
manufacturiers de sciage qui, du moins nous le présumons, doivent
être représentés ici par leur association dont nous faisons
partie. Cependant, notre problème rejoignant sensiblement les leurs,
nous avons l'impression que nous parlerons, sinon officiellement, du moins
officieusement au nom de plusieurs industriels forestiers du Québec qui
n'auront peut-être pas l'opportunité de se servir d'une tribune
aussi prestigieuse.
Par ailleurs et même si les sujets proposés par le ministre
s'adressent manifestement davantage à l'industrie papetière
qu'à celle du sciage, il ne faudrait pas oublier que la participation de
cette dernière à l'exploitation de la forêt
québécoise, d'une part, et l'interaction très
étroite de ses opérations avec la grande entreprise, d'autre
part, la rendent absolument indissociable de toute action visant à
résoudre les problèmes particuliers de l'industrie des
pâtes et papiers.
L'ampleur des intérêts de la petite entreprise, le nombre
d'industriels impliqués et l'importance de la population ouvrière
concernée sont des éléments trop nombreux et trop
sérieux pour qu'on puisse décemment les ignorer. En
conséquence, toute action unilatérale et qui ne tiendrait pas
compte de cette réalité vouerait cette commission
sinon à l'échec du moins au règlement d'un seul
aspect du problème, ce qui, en soi, serait un demi-échec. En
d'autres mots, on ne peut parler de l'avenir des papeteries sans y associer
celui des usines de sciage.
Les problèmes qui confrontent présentement la Chaîne
coopérative du Saguenay sont malheureusement communs à la
majorité des petits industriels forestiers de la province. Voilà
pourquoi l'étude des causes de ces problèmes et leurs
conséquences, ainsi que la suggestion de solutions capables
d'améliorer la situation, nous permettra de faire un pas vers la
guérison d'un mal commun, à condition que les personnes
chargées de tirer des conclusions et de suggérer des
remèdes tiennent compte de nos justes revendications et proposent des
solutions susceptibles de ménager les intérêts, mais aussi
les droits fondamentaux de toutes les parties intéressées.
Nous n'apprendrons rien à personne en affirmant que, depuis un
certain nombre d'années, l'industrie du sciage a radicalement
changé de visage, sinon dans le produit qu'elle livre sur le
marché, du moins dans ses méthodes d'exploitation.
Une main-d'oeuvre jadis apparemment inépuisable, docile et peu
exigeante s'est modifiée peu à peu jusqu'à devenir
aujourd'hui très rare, même si les chômeurs sont plus
nombreux que jamais. Par ailleurs, celle qui est disponible ne l'est plus aux
conditions et dans le contexte d'autrefois. À moins d'une
récession économique qui ferait jeûner très
longuement et très sévèrement toute notre classe
ouvrière, il est impensable de vouloir revenir au "buck saw", même
pas à la scie mécanique.
Pour s'ajuster à cette situation nouvelle, l'industrie a dû
se mécaniser, se spécialiser, se sophistiquer. Les travailleurs y
ont sûrement gagné, mais c'est quand même l'industrie qui a
dû en assumer les frais. Des machines extrêmement coûteuses
ont dû être achetées pour remplacer une main-d'oeuvre
abondante et à bon marché et le cheval est devenu
archaïque.
Fatalement, la multiplication des coûts ainsi encourus a
nécessité des volumes de coupes proportionnellement
élargis, de sorte que le moulin de sciage qui vivait très bien de
5 ou 6 millions de pieds de bois en 1940 ou même en 1950 est devenu, lui
aussi, un archaïsme. Une multitude de petits établissements,
incapables de suivre la marche du progrès, n'ont pas réussi
à se maintenir à flot et ont coulé, entraînant
souvent dans un chômage chronique les travailleurs qui gagnaient chez eux
leur subsistance.
Certains autres ont réussi à surnager et flottent toujours
aujourd'hui, la plupart très péniblement. Pourquoi? D'abord parce
que les investissements nécessaires à leur survie ont, la plupart
du temps, été hors de proportion de leurs réserves. Les
impôts, les taxes, l'inflation sous toutes formes devaient élargir
encore l'écart entre leurs disponibilités réelles et les
immobilisations indispensables à une rentabilité malgré
tout bien aléatoire.
Comme si ce n'était pas encore assez, l'augmentation du volume de
coupes indispensable à amortir de tels investissements et à
recréer un capital de roulement souvent disparu leur a rarement
été consentie. Quand elle l'a été, elle l'a trop
souvent été dans des endroits inaccessibles ou dans des
peuplements de valeur médiocre ou à des distances inacceptables.
De plus, dans certains cas, le remède a été donné
trop tard et la petite industrie était déjà moribonde.
Souvent, les petits industriels ont risqué d'investir leurs
réserves, puis de s'endetter lourdement, sans avoir obtenu au
préalable aucune espèce de garantie d'approvisionnement
adéquat. Ils ont donc risqué tout leur avoir sur un acte de foi
pur et simple à l'endroit de gouvernements qui leur avaient pourtant
toujours marchandé âprement les quantités de bois
nécessaires à rentabiliser leurs entreprises.
Mais il semble que, tout au cours de l'histoire forestière du
Québec, le Canadien français a développé une longue
tradition d'audace, pour ne pas dire d'héroïsme, à moins que
brutalement on admette qu'il a toujours été stupide ou masochiste
ou que, en tout cas, il n'a pas eu le choix.
Cette situation dépend de plusieurs facteurs, dont l'inertie des
gouvernements combinée à la sagesse agissante de la grande
entreprise n'est pas la moindre.
Pendant que l'industrie papetière, avec la
bénédiction de nos gouvernements qui n'avaient pas souvent
d'autres promoteurs à entendre, il faut l'avouer, se taillait des
empires à même nos immenses forêts il fut un temps
où, sur les 72 000 milles carrés de nos concessions
forestières, 60 000 milles carrés étaient détenus
par une quinzaine de compagnies, alors que plus de 100 petits concessionnaires
se partageaient le reste la petite entreprise devait se contenter des
miettes tombées de la table du riche et après beaucoup de
palabres pour les obtenir. Comme si elle avait voulu passer une marchandise
dangereuse en contrebande, plutôt que fournir un appoint indispensable
à la survie de nos régions périphériques.
Cela n'empêchait pas des territoires considérables de
rester fermés à toute exploitation. Ils étaient les fiefs
intouchables de certaines compagnies qui les laissait pourrir debout
plutôt que d'en laisser profiter d'autres qui pourtant en avaient bien
besoin. Nous avons ainsi connu un petit concessionnaire qui coupait 5 millions
p.m.p. sur une concession de 50 milles carrés, alors que sur le
territoire limitrophe d'une grande compagnie quelques centaines de milles
carrés n'avaient pas été exploités depuis plus de
60 ans. Il y tombait chaque année en chablis de quoi doubler facilement
la production de la petite industrie située à quelques milles
seulement du coeur de cette concession. Etrange politique qui nous ferait
songer à une ménagère qui récolterait une fois par
année et à une seule date tous les produits de son jardin,
mûrs ou pas, pourris ou pas.
On pourrait varier très longuement sur ce thème et sur
quelques autres de la même cuvée, mais cela serait superflu.
Chacun sait en effet que nos territoires forestiers n'ont pas toujours
été dis-
tribués judicieusement et qu'on ne les a pas toujours
exploités dans les meilleurs intérêts de l'homme et de la
forêt elle-même.
Souvent, c'est la petite industrie qui en a assumé la note. Elle
a dû investir puis découvrir qu'il n'y avait pas pour elle des
quantités suffisantes de matière première. Ou encore que
les coupes offertes étaient à des distances inacceptables, ou
enfin dans des peuplements tout à fait impropres à des
opérations de sciage intelligemment menées.
Pourtant, à des distances considérablement moindres, on
peut régulièrement voir des camions chargés de bois de 12,
15 ou même 20 pouces de diamètre s'acheminer vers les pulperies,
pendant que d'autres camions les croisent chargés de bois de 6 ou 7
pouces de diamètre moyen en route vers des scieries.
Mais cela n'est pas encore assez de handicaps. Il convient pour faire
bonne mesure d'ajouter que, pour tant de privilèges, la petite
entreprise doit régulièrement payer deux droits de coupe, parfois
même jusqu'à trois. Nous pourrions vous nommer un industriel
d'Alma qui paie $15 les 1000 pieds du bois de cette sorte et qui doit en plus
payer près de $3 les 1000 pieds le "droit" d'emprunter une route qui
aurait, paraît-il, été construite pour tout le monde et
dans les meilleurs intérêts de la population jeannoise.
Voilà une autre des causes du marasme dans lequel s'enlise
l'industrie du sciage. Ajoutons-y une politique routière
extrêmement sévère eu égard aux charges permises;
complétons avec la constatation que les approvisionnements ne sont pas
souvent garantis à long terme, que parfois ils ne le sont même pas
à court et à moyen termes et nous avons tous les
ingrédients d'une salade à la fois indigeste et peu nourrissante
pour les petits industriels forestiers québécois.
Et il y a encore un autre facteur dont l'importance est telle que nous
ne pouvons le passer sous silence. C'est la proximité, dans certaines
régions, de la grande entreprise. Il faut reconnaître que, partout
où elle s'implante, la grande industrie constitue vite l'épine
dorsale de l'économie d'une région. Ainsi, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, des villes entières sont nées des usines
de papier et des alumineries. La grande industrie est donc éminemment
bénéfique, mais elle n'offre cependant pas que des avantages. Un
des premiers périls qu'elle suscite, c'est une indolence placide de la
plupart des populations où elle s'implante. On croit que
l'arrivée d'une usine de papier, par exemple, vient de solutionner tous
les problèmes et on oublie que la petite ou moyenne entreprise doit
occuper une place tout aussi importante dans l'économie
régionale.
On cesse de créer, on arrête de chercher, on s'installe
dans une apathie dangereuse. De plus, et cela est humain, l'employé de
la petite entreprise, attiré par des salaires plus élevés,
par des bénéfices marginaux plus considérables et par une
plus grande stabilité d'emploi, délaisse son patron dès
que l'occasion lui est offerte.
Comment l'en blâmer? Il n'en reste pas moins que c'est la petite
entreprise qui l'a formé et lui a permis d'atteindre la
compétence nécessaire à la grande entreprise. Alors, la
petite entreprise qui veut conserver ses meilleurs éléments n'a
pas le choix; elle doit emboîter le pas et offrir à ses
employés des conditions de travail proches de celles offertes dans la
grande entreprise ou se résigner à former inlassablement une
nouvelle main-d'oeuvre. Voilà qui est excellent pour le travailleur,
mais c'est quand même le petit industriel qui doit payer une facture
qu'il n'a pas toujours les moyens d'assumer. Mais c'est à cette seule
condition qu'il peut continuer de cheminer en compagnie de la grande
entreprise. Devons-nous vous rappeler la fable du pot de terre qui avait
décidé de courir contre le pot de fer? Non, mais avouez que,
depuis un fameux bout de temps, le petit industriel doit se présenter au
bâton avec deux prises et aucune balle contre lui. Qu'il réussisse
parfois à frapper. 300 dans ces conditions confine un peu au miracle,
mais ce n'est sûrement pas une raison pour continuer à en faire
bon marché.
Il est grand temps qu'on étudie adéquatement son
problème et qu'on fasse quelque chose de permanent pour lui, bien
conscient que, ce faisant, on ne sauve pas qu'une barque en danger de sombrer
très bientôt, mais également ses passagers.
En parlant de passagers, analysons brièvement la vie que les
politiques que nous venons d'énumérer les ont forcés
à vivre depuis des décennies. En premier lieu, le nomadisme. Des
chantiers situés à des distances énormes les ont
forcés depuis toujours à se cloîtrer pendant des semaines
entières. Il ne semble plus que le travailleur contemporain ait la vertu
de s'imposer d'être absent de sa famille la plus grande partie de son
existence. En second lieu, le chômage. Là où les volumes de
coupe sont insuffisants, les travailleurs forestiers sont
régulièrement soumis aux arrêts de travail et même
ceux qui travaillent à l'usine ne peuvent y gagner que tant que l'usine
fonctionne. Par ailleurs, il faut bien admettre que le travailleur
québécois n'est pas nécessairement un abruti et qu'il
comprend très bien et très vite les problèmes de son
employeur. Il peut être sympathique ou pas à sa cause, il n'en
sait pas moins très bien que les problèmes de son industrie vont
fatalement lui retomber sur le dos. Il est donc inquiet et de plus en plus
depuis très longtemps maintenant. Il n'en faut pas plus pour en faire un
homme insatisfait et mécontent avec toutes les répercussions
familiales et sociales que cela implique. La seule façon de le garder
dans l'industrie, c'est de lui permettre de gagner beaucoup d'argent et vite
et, encore là, il laissera rarement passer l'occasion de se recycler
ailleurs et particulièrement dans la grande entreprise, si elle est
installée dans les environs.
Voilà la situation. Nous aurions sans doute pu détailler
bien davantage, mais ne nous adressant pas à des profanes, nous croyons
avoir suffisamment expliqué une situation que la plupart connaissent
sans doute aussi bien que nous. Certes, le tableau n'est pas reluisant, mais
aucun observateur objectif et honnête ne pourrait, croyons-nous, infirmer
de façon significative nos affirmations sur l'état de fait que
nous avons
constaté. On pourrait sans doute en nuancer davantage les causes,
mais ce serait bien inutile. N'est-il pas préférable d'admettre
sans plus que la situation n'est pas idéale et de s'ingénier vite
à y apporter les correctifs qui s'imposent?
Les remèdes. Puisque l'État est à la fois base et
catalyseur, il lui appartient de jouer le premier rôle dans cette
pièce où la grande entreprise partagera fatalement la vedette.
Mais que ces deux étoiles n'oubient pas qu'il faut des acteurs de
soutien, à tout le moins un bon souffleur pour assurer le plein
succès de la représentation. La commission, pour sa part, sera en
quelque sorte le public chargé d'applaudir ou de huer le jeu des
protagonistes.
Redistribution des aires de coupes. Mais quel sera le rôle de
l'État? À notre humble avis, il devrait commencer par une
redistribution des forêts québécoises dans l'optique d'une
utilisation maximale des bois mûrs raisonnablement accessibles. Il est
bien entendu que les compagnies pape-tières ont un besoin
considérable de matière ligneuse et ce n'est strictement pas
notre intention de leur contester le droit de l'obtenir.
Par ailleurs, l'État et la grande entreprise, tout autant,
devraient reconnaître le droit de la petite entreprise à des
approvisionnements suffisants, c'est-à-dire permettant la pleine
exploitation de ses usines.
Il fut un temps où une très grande partie de nos
boisés était régie par des systèmes de concessions.
Ce mode de tenure, pour acceptable qu'il ait été, ne
répond plus aux besoins de la masse. Le système de forêts
domaniales, qui visait précisément à corriger cette
situation, fonctionne, à notre avis, trop lentement et trop timidement;
il faudrait accélérer le processus ou penser à un mode de
tenure universel capable de donner satisfaction à chacun sans perdre des
années en négociations et en suppliques aussi stériles
qu'aberrantes. Quant à la forêt cantonale, c'est là, il
nous semble, un concept dépassé. Bref, la forêt
québécoise devrait appartenir à l'État, partant
à tous ses citoyens, dans le respect des besoins de chacun et dans
l'exigence des responsabilités de chacun. En regroupant les divers modes
de tenure, l'État pourrait enfin assurer aux différents usagers
les approvisionnements essentiels et éliminer plusieurs des
inconvénients résultant de la dimension trop grande de certaines
concessions ou de leur localisation gênante pour les petits exploitants
coupés ainsi de leurs sources d'approvisionnement.
Sélectivité à l'intérieur de ce
système. Nous savons qu'en théorie il n'est pas facile de fendre
un cheveu en quatre; en pratique, c'est une autre histoire, mais personne ne
niera qu'il y a place pour beaucoup d'amélioration dans la
sélection des parterres de coupes destinés à l'industrie
du papier. Nous ne souhaitons pas qu'on leur réserve que des peuplements
d'épinette noire, mais il ne faudrait pas non plus qu'on nous les refile
automatiquement. Il nous semble qu'une politique mieux éclairée
devrait tendre à réserver le bois de sciage aux scieries. Cela
peut vous paraître une lapalissade évidente, mais dans les faits
l'industrie de sciage coupe plus souvent du bois à pâte que des
billots. C'est une situation qui doit changer si on veut faire un premier pas
efficace vers un meilleur rendement des scieries, un camionnage moins
onéreux, des coupes moins chères, une meilleure qualité de
produits, bref, une rentabilité nettement améliorée.
En réalité, que perdrait la grande entreprise dans
l'application de cette politique? Rien. Si, en effet, on part du fait que les
2/3 des peuplements devraient être oeuvrés en bois de sciage et
que 50% de ces volumes retournent à la pulperie en copeaux, cette
dernière récupérerait, en réalité, les 2/3
du volume de nos boisés à billots. Cela ferait que la grande,
aussi bien que la petite entreprise, y trouverait son compte.
Suffisance des sources d'approvisionnement. Cela n'est pas assez. Il ne
suffit pas de nous garantir une sélection plus intelligente de nos
sources d'approvisionnement, il faut encore nous les garantir, en
quantité suffisante et à long terme, sinon l'industrie du sciage
va disparaître inexorablement de l'échiquier économique du
Québec. Aux coûts qu'atteignent aujourd'hui les investissements
inévitables à une industrie désireuse de se maintenir
à jour sur le plan de la technologie, il est absolument indispensable
que les sources d'approvisionnement puissent faire marcher l'industrie onze
mois par année et durant assez longtemps pour permettre l'amortissement
des immobilisations et la création de réserves nécessaires
au rajeunissement périodique de la machinerie, de l'outillage et
même des bâtisses. Un profit raisonnable serait aussi un but
louable vers lequel tendre.
Droits de coupe. De plus, le prix de ces coupes doit être
équitable. Nous n'avons aucune espèce d'objection à ce que
UT, par exemple, paie $0.50 le cunit le bois de la Côte-Nord, mais
à la condition que tout le reste de l'industrie forestière paie
le même prix. Qu'on n'essaie pas de nous faire croire qu'une
multimilliardaire n'a pas les moyens de payer plus cher. Surtout, qu'on
n'essaie pas de nous faire avaler du même souffle que le petit industriel
forestier a, lui, les moyens de payer $5 ou $6 le même cunit. Sous
prétexte que les sociétés papetières sont
concessionnaires de la forêt québécoise, ce
privilège ne devrait pas, croyons-nous, leur donner le droit de charger
deux ou trois droits de coupe au pauvre bougre qui exploite les coins les plus
sales de leurs concessions et leur vend ses copeaux par surcroît.
Prix des copeaux. Précisément sous ce titre, il nous
semble injuste, aberrant et infiniment décourageant de n'avoir aucun
accès au libre marché quand il s'agit de vendre nos copeaux. Nous
parlons toujours pour l'ensemble des petits concessionnaires qui, coupant du
bois sur le territoire d'une compagnie donnée, doivent, couteau sous la
gorge, lui restituer les copeaux au prix fixé par elle et sans que le
petit industriel ait tellement voix au chapitre. Cette pratique courante fait
que les grandes compagnies obtiennent ainsi leurs copeaux à 65% ou 70%
de leur propre coût de re-
vient, pendant qu'elles "ménagent" leurs limites, en prolongeant
la durée et récupèrent une bonne partie d'un bois qu'elles
ont déjà vendu très cher, puisqu'en réalité
il ne leur appartient pas plus qu'à n'importe quel autre
Québécois.
L'État devrait donc, du moins nous le croyon laisser le petit
industriel négocier la vente de se copeaux avec qui bon lui semble ou,
mieux, forcer la grande entreprise à l'absorber à un prix
équivalent à celui de sa propre production. Le permis
d'opération devrait être conditionnel à l'exécution
de cette exigence qui n'a rien que de juste et d'équitable.
Voirie forestière. Les chemins d'accès construits par
l'État, mais en premier lieu pour l'industrie devraient demeurer libres
de toute contrainte quant au poids, largeur et hauteur des charges dans les
limites du raisonnable, cela va sans dire. Nous voulons bien croire qu'une
telle politique peut être un peu gênante et astreignante pour
certains autres usagers, mais cela devrait être à eux de
comprendre les impératifs économiques de ces principaux usagers
et non pas à nous de céder à des exigences qui ressemblent
parfois à s'y méprendre à des caprices de vieille fille.
Quand on emprunte |es routes forestières pour chasser, pêcher ou
faire du camping, on ne devrait pas avoir besoin de courir contre la montre,
c'est du moins notre avis, et on devrait entrer en forêt avec, dans ses
bagages, suffisamment de civisme pour admettre que les affaires passent avant
le plaisir.
Nous comprenons que précisément parce qu'elles ont
coûté très cher on doive protéger les routes et les
utiliser avec discernement. Mais allez donc demander au camionneur qui a
investi $50 000 pour l'achat d'une machine et surtout à la compagnie de
finance qui l'a aidé que, parce qu'on est forcé de charger un
camion aux deux tiers seulement de sa capacité portante, les termes et
les intérêts devraient être diminués d'autant.
Si donc on doit diminuer la charge, il faudrait songer à un
palliatif capable d'aider les exploitants à absorber une partie de la
perte sèche qui s'ensuit et qui peut, dans certains cas,
représenter plus de $5 les 1000 pieds. Il faudrait peut-être
également songer à aménager des routes d'accès pour
les industries qui en sont privées et qui en ont besoin pour atteindre
leurs parterres de coupe.
Proximité des parterres de coupe. On devrait encore faire
l'impossible pour que les approvisionnements soient le plus près
possible de l'usine de sciage. Vous nous excuserez de citer un cas
d'espèce dans une étude qui ne devrait comporter que des
considérations générales, mais, dans notre propre cas, le
fait que le gouvernement nous propose des parterres de coupe à un
endroit nommé millage 130 plutôt qu'en un autre nommé
millage 30 représente une différence de coût de transport
de plus de $30 les 1000 pieds; autrement dit, la différence entre une
opération rentable et une faillite aussi certaine que la rotation des
saisons.
Voilà un autre aspect qu'un législateur désireux de
voir fumer des cheminées d'usines plutôt que des tuyaux de HLM
devrait prendre en considération.
Éparpillement des opérations. Il est une autre
constatation facile à vérifier: plusieurs petites entreprises,
surprises par la révolution forestière que nous avons
décrite plus haut, ont réussi à survivre en obtenant des
droits de coupe additionnels. Malheureusement, elles les ont pratiquement
toujours obtenus dans des territoires trop éloignés pour les
exploiter à partir de leur base originale d'opération. On a
dû, en conséquence, construire plus loin d'autres installations et
mettre en place une autre administration, bref multiplier les coûts fixes
par deux. Voilà un autre facteur qui rend l'exploitation de plusieurs
déficitaire.
Nous admettons volontiers qu'il n'est pas toujours possible d'agrandir
un territoire donné dans ses environs immédiats. On ne
crée pas par le vide, du moins pas dans l'industrie forestière,
mais il n'en reste pas moins qu'on devrait exercer une vigilance extrême
dans ce domaine et favoriser un agrandissement pouvant utiliser les
installations de base chaque fois que la chose est possible.
Autres devoirs de l'État. Sans détailler, nous voudrions
quand même souligner quelques autres secteurs où l'action de
l'État est indispensable, en tout cas déterminante et
entraînante également.
Il est notoire que tous les utilisateurs de la forêt en ont fait
bon marché depuis 100 ans. Tous ont joyeusement violé la pauvre
bougresse, tout naturellement, comme cela, parce que papa la troussait de
même et grand-père avant lui.
Peut-on vraiment blâmer nos gens de polluer nos cours d'eau sans
aucune espèce de vergogne? Non, n'est-ce pas, car, quand le mot
"écologie" est réservé aux savants et aux rats de
bibliothèques et que pas un utilisateur de la forêt ne sait ce que
cela veut dire, on ne peut honnêtement pas lui tenir grief de ne pas
l'avoir pratiqué. Voyons, une des conditions du péché,
même véniel, c'est la connaissance du mal que l'on fait et son
acceptation.
Il faudrait donc que l'État continue son travail et l'accentue,
si possible, dans ce domaine précis, mais également dans ceux de
la sylviculture, de la recherche et de l'éducation populaire. Nous
pourrions vous suggérer que cette éducation soit positive. Aussi
positive que dans les pays Scandinaves où on a réussi à si
bien éduquer les citoyens que lorsqu'il y a danger extrême de
conflagration, la radio et la télévision d'État incitent
les gens à circuler en forêt. Ici, on en interdit l'entrée,
on l'interdit même aux forestiers de carrière! Là-bas,
bonne éducation positive et efficace, ici l'empêchement
d'accomplir son devoir de citoyen parce qu'on n'est pas certain que Monsieur
Tout-le-Monde ne soit pas un incendiaire. Pas un criminel, non, mais un
incendiaire quand même.
Sur ce chapître, nous sommes heureux de signaler que la
Chaîne coopérative du Saguenay a toujours été
à l'avant-garde, autant par la reforestation que pour la protection de
la forêt dont on lui a confié la gestion. Peut-être parce
que le mouvement coopératif a toujours mis beaucoup d'emphase sur la
conservation et l'amélioration de nos ressources naturelles. Elle s'est
toujours efforcée d'éduquer ses membres dans cette ligne de
pensée.
Accessibilité aux paliers des décisions. Un autre devoir
de l'État nous paraît être son accessibilité. De deux
choses l'une: ou le ministre peut seul régler les problèmes
sérieux, et alors qu'il se rende disponible, ou il ne peut pas toujours
être accessible, mais alors qu'il délègue des pouvoirs.
Nous nous excusons de citer encore notre cas, mais il nous semble
éclairant et nous paraît également être le lot de
plusieurs. Depuis des mois, nous tentons par tous les moyens de rencontrer le
ministre. Pas, notez bien, que nous tenions plus que cela à
l'importuner, mais puisqu'on nous répète depuis ce temps que lui
seul peut décider de notre cas. Cependant, la décision qu'il doit
prendre met en jeu le sort de 300 travailleurs, autrement dit de toute une
paroisse. Malgré cela, nous n'avons toujours pas réussi à
le rencontrer et, de plus en plus, nous avons l'impression d'être en face
d'un Annapurna, dont seuls les alpinistes de haute voltige peuvent
espérer atteindre la cime.
N'est-ce pas monsieur Lévesque lui-même qui disait,
dernièrement, qu'il voulait, en 1977, décentraliser une
administration devenue lourde et dépersonnalisée? Si on
commençait par la forêt... Et pourquoi pas au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, où la présence de plusieurs grandes
compagnies, mêlée à celle de plusieurs petits
concessionnaires, constitue un terrain de choix pour l'application d'une
politique rénovée et qui devrait avoir pour un de ses objectifs
prioritaires la réduction du coût actuel de la matière
première. Pas seulement pour la grande entreprise, mais pour la petite
également parce qu'il ne faudrait pas perdre de vue que pour la
même consommation de matière première et pour des
investissements infiniment moins élevés, la petite entreprise
forestière est meilleure créatrice d'emplois que la grande.
Le rôle de la grande entreprise. Dans le passé, la grande
entreprise n'a pas toujours eu un respect bien édifiant pour la
forêt. Peut-être justement parce que certaines compagnies
n'étaient pas venues au Québec dans le but d'y rester.
En conséquence, au lieu de récolter seulement les pommes,
on a également arraché le pommier plutôt que de le cultiver
avec un soin jaloux dans un effort louable pour le rendre plus productif
encore. Puis, on s'en est allé sans rendre de compte à personne,
laissant derrière soi des forêts vides, silencieuses et qui le
seront encore pendant 50 ans ou 100 ans.
Voilà un reproche fait, notez-le bien, sans aucune
animosité. Nous constatons un fait qui se voit comme le nez dans le
visage. Nous ne sommes pas plus fiers de notre propre conduite. Nous avons
été peut-être encore moins respectueux que vous d'un bien
dont pourtant la vie de tant de gens dépend. Nous n'avions même
pas l'excuse de pouvoir vider les lieux.
Ceci admis, il nous semble que la grande entreprise devrait
coopérer davantage avec l'État et également avec la petite
entreprise, qui, si elle lui empoisonne parfois l'existence, lui rend souvent
de fiers services.
Elle devrait également, dans l'immense travail de recyclage et de
réjuvénation qu'elle veut entreprendre, prévoir une place
pour la petite entreprise, la place qui lui revient de droit, au droit le plus
strict à une survie dans la dignité des citoyens que nous
espérons, pour parodier la Sagouine, a part entière.
Elle devrait enfin encourager l'amorce d'un dialogue constant,
honnête et constructif, convaincue que, ce faisant, c'est encore elle qui
gagnera le plus à vivre dans une province qui n'a jamais
lésiné à lui offrir le meilleur d'elle-même, et cela
inclut, bien entendu, ses citoyens également.
Le cas de la chaîne. Nous avons, à quelques reprises, fait
allusion au dossier de notre propre firme, même si les présentes
audiences ne devaient, en principe, accepter que les considérations
d'ordre général. Nous croyons néanmoins qu'un cas
d'espèce et qui traduit, croyons-nous, assez fidèlement
l'état de la généralité des industriels du sciage,
ne peut qu'être révélateur et servir de base à des
vérifications pratiques qui ne peuvent qu'éclairer
agréablement et utilement des considérations autrement
terriblement théoriques.
À cet effet, nous joignons aux présentes l'étude
réalisée pour notre firme par la maison Gauthier, Poulin et
Thériault Limitée. Cette étude pose en noir sur blanc les
problèmes avec lesquels nous devons vivre, elle en analyse les
coûts et elle en suggère les remèdes. Elle signale
également l'urgence d'une action positive de la part de l'État
qui, pour agir avec célérité, aura besoin de la
coopération éclairée de la grande industrie.
Il est bien évident que nous comprenons qu'il n'est pas dans les
attributions de la commission de régler notre problème. Elle peut
tout au mieux suggérer les moyens d'améliorer la situation
générale de la petite entreprise.
Nous devons cependant rappeler à l'État que les
contraintes économiques peuvent rarement se mettre en veilleuse. La
Chaîne coopérative du Saguenay, qui se débrouillait assez
bien, merci, dans les différents secteurs agricoles de son
activité, est venue à la forêt dans l'acceptation
consciente et voulue de jouer un rôle dans un secteur difficile, mais
intéressant un grand nombre de ses 2500 sociétaires de même
que ses chantiers coopératifs.
Elle aurait pu rester tranquille à la gestion de ses principaux
intérêts, mais elle a considéré de son devoir de
s'impliquer dans un secteur économique d'autant plus près de ses
membres qu'un grand nombre y trouvent un revenu d'appoint, notamment, dans les
régions à vocation mixte: agriculture-forêt.
Cependant, malgré sa bonne volonté, sa longue patience et
son infinie compréhension, elle devra bientôt fermer ses portes si
une action déterminante n'est pas entreprise dans un avenir
rapproché. La Chaîne coopérative du Saguenay veut bien
aider ses semblables, mais elle n'est tout de même pas une
société philanthropique. Il y a le feu chez nous. Nous voulons
bien que les chimistes continuent d'étudier les propriétés
physiques de l'eau sur le feu, mais, en attendant, nous aimerions qu'ils nous
autorisent à utiliser l'eau, ou, si vous préférez, le
bois, que nous avons en quantité bien suffisante, pour éteindre
l'incendie.
Sinon, et si vous ne nous laissez vraiment pas d'autre choix, nous
utiliserons nous aussi les moyens que nous réprouvons
profondément et auxquels nous hésitons toujours à recourir
parce qu'ils nous paraissent indignes du bon sens et du civisme les plus
élémentaires. Malheureusement,
ils semblent de plus en plus devenir les seuls leviers capables de
soulever l'inertie des gouvernements.
Combien nous préférions une discussion franche et
objective avec un ministre et un chef de grande entreprise qui, ensemble,
trouveraient la solution à un problème grave par ses implications
mais, en somme, pas tellement compliqué dans ses solutions.
En conclusion, vous remerciant encore de votre aimable invitation et
vous assurant de notre entière disponibilité au
règlementdes problèmes où nous pourrions vous être
utiles, nous voudrions souhaiter un franc succès aux assises de cette
commission parlementaire et vous prier d'agréer l'expression de nos
sentiments les plus cordiaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, M. Tremblay, et au nom du gouvernement, je cède la
parole à un député du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je félicite la
Chaîne coopérative du Saguenay pour la qualité de son
mémoire autant que pour la couleur qu'on y retrouve; elle est bien
représentative de nos automnes saguenayens. Comme vous le mentionnez
vous-mêmes, au début, on peut se demander ce que vous venez faire
dans cette galère, mais on comprend mieux, évidemment, lorsqu'on
sait que la Chaîne coopérative du Saguenay a des montants de vente
annuelle de quelque $60 millions et crée, si je me souviens bien,
au-delà de 800 emplois au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tout cela dans le
domaine agricole principalement et que, d'autre part, la région
Saguenay-Lac-Saint-Jean a un potentiel forestier de près de 19,5%. On
sait aussi que le mouvement coopératif se développe et s'est
développé plus facilement peut-être au
Saguenay-Lac-Saint-Jean qu'ailleurs, et le développement de l'industrie
québécoise du sciage est aussi lié intimement aux
solutions qui seront sans doute détaillées pour relancer les
pâtes et papiers.
À partir de ce mémoire que vous nous présentez,
à la page 13, entre autres, quand vous parlez de la
sélectivité à l'intérieur du système, vous
mentionnez qu'une politique mieux éclairée devrait tendre
à réserver le bois de sciage pour les scieries. À ce
moment-là, que pensez-vous de l'idée d'un exploitant forestier
autonome qui sélectionnerait et vendrait ses billes selon une
utilisation rationnelle aux industries du sciage et de la pâte? Et
relié à cette même question, j'aimerais savoir ce que vous
pensez, si des organismes comme les coopératives, par exemple,
étaient intéressés à assumer ce rôle?
M. Tremblay (Thomas-Louis): Voulez-vous reposer votre question,
s'il vous plaît? Je n'ai pas compris.
M. Desbiens: Si vous avez bien saisi, dans la première
partie, je vous demandais ce que vous pensez de l'idée d'un exploitant
forestier autonome qui sélectionnerait et qui vendrait les billes selon
l'utilisation rationnelle à tous les industriels du sciage et des
pâtes? Deuxièmement, le système coopératif serait-il
prêt à s'impliquer dans une telle démarche?
M. Tremblay (Thomas-Louis): Dans la discussion que nous avons eue
lors de la réalisation de la scierie de Saint-Félicien, un genre
d'étude comme cela a été fait, et on avait souscrit, dans
le temps, à l'intégration de notre entreprise si c'est de
ce que vous voulez parler à un genre de "gentleman's agreement"
ou d'une entente semblable avec la compagnie Donohue à
Saint-Félicien. On avait même dit qu'on était
intéressé, à ce moment-là, à des
échanges de fibres, ou quelque chose de ce genre, et je pense bien que,
de ce côté, nous n'avons pas tellement d'objections à des
échanges.
De toute façon, pour l'industrie de Saint-Félicien, on est
relié à elle, parce que notre permis nous oblige à vendre
toute notre production.
M. Desbiens: Je ne sais pas si vous avez bien saisi. Un
organisme, un exploitant forestier, une espèce de régie qui
revendrait ensuite le bois aux usines de sciage ou à l'industrie des
pâtes et papiers, selon le cas.
M. Harvey: Je pense que la Chaîne coopérative du
Saguenay est une entreprise comme toutes les entreprises. Que son bois arrive
d'une façon ou d'une autre à l'usine, c'est assez peu important,
mais ce qui est important c'est le coût de cette matière
première quand elle arrive à l'usine.
Si votre proposition impliquait que par des économies
d'échelles ou par des rapprochements des opérations
forestières, que les coûts du bois rendu à l'usine de la
Chaîne coopérative du Saguenay seraient plus bas qu'ils le sont
aujourd'hui ou plus bas qu'ils le seraient sans une intégration comme
cela, la Chaîne va y souscrire sans aucun problème. Le
corrollaire, de l'autre côté, devient la même chose aussi.
Oui, la Chaîne coopérative du Saguenay ou d'autres
coopératives seraient intéressées à faire du bois
pour d'autres, mais là aussi encore, à condition qu'elles
puissent en tirer leur profit.
M. Desbiens: Je reviens, si vous voulez, maintenant, à la
page 16 du mémoire où vous parlez de l'utilisation des copeaux.
Vous dites: "L'État devrait donc, du moins nous le croyons, laisser
l'industriel négocier la vente de ses copeaux avec qui bon lui semble,
ou mieux, forcer la grande entreprise à l'absorber à un prix
équivalent à celui de sa production." Vous avez de
l'expérience dans le domaine des quotas, dans celui du lait, est-ce que
ce type de marché vous semble être approprié pour la mise
en vente ou en marché des copeaux?
M. Tremblay: Je vous ferai remarquer, dans un premier temps, que
le mémoire a été rédigé en collaboration,
mais surtout par le directeur du Conseil économique d'Alma, M. Bill
Leblanc. Il englobait certains industriels qui ne sont pas
membres de la grande association qui voulaient avoir leur mot
là-dedans. Il y a une différence, en ce qui nous concerne. Ce que
nous voulons dire, du côté de la Chaîne, c'est qu'une clause
comme nous avons dans notre contrat que le gouvernement nous fait passer, qui
nous lie au ministère des Terres et Forêts, nous met en
difficultés en ce sens qu'on n'a pas le choix d'offrir notre bois, ou
même une compagnie sait qu'en achetant nos copeaux, d'ici deux ans ce
sera fermé, c'est l'autre qui aura la priorité absolue. On est
obligé d'aller là. C'est surtout cela qu'on voudrait voir de
notre côté.
Du côté des industriels, les petits industriels qu'on
connaissait à Alma, du fait qu'ils bûchaient, ils prenaient leur
bois d'une compagnie, il fallait nécessairement qu'ils aillent livrer
leurs copeaux à cette compagnie. Ce qu'on voulait dire, c'est que
peut-être on aurait pu même leur laisser le choix de vendre leurs
copeaux indépendamment à une compagnie ou à l'autre,
à une compagnie de papier ou à l'autre.
M. Desbiens: Est-ce que vous croyez qu'il est possible d'avoir un
libre marché au niveau régional ou au niveau national?
M. Tremblay: Je pense que vous avez raison là-dessus. Le
libre marché dans le contexte actuel des copeaux, cela n'existe pas
beaucoup.
M. Desbiens: Est-ce que ce serait possible selon vous?
M. Tremblay: Écoutez, il n'y en a pas beaucoup de
marchés de copeaux.
M. Gauthier: Je pense qu'on est dans le cas où on a
quelques clients et de nombreux fournisseurs. Sans vouloir trop s'avancer sur
un terrain qui est un peu glissant, disons que les copeaux, vous en avez
entendu d'autres qui sont venus avant nous dire que les copeaux sont des rebuts
des usines de sciage. On parle toujours de rebut, de production secondaire. On
ne parle jamais d'un produit. Ce n'est jamais un produit qu'on manufacture.
Quand on regarde les copeaux, si on compare un cunit de bois qui entre dans une
usine, qui coûte $50 du cunit, par exemple, à l'usine de sciage,
si on l'écorce, si on le transforme en copeaux, cela coûte un
autre $7 du cunit.
Cela veut dire que ces copeaux de bois, quand ils partent de l'usine de
sciage, coûtent $57 du cunit et on en obtient $40 sur le marché.
Cela veut dire qu'il y a $17 du bois de sciage qui s'en vont subventionner les
copeaux qui s'en vont aux pâtes et papiers. Les pâtes et papiers le
voient d'une autre façon. "L'overhead" qui est dans la coupe en
forêt est appliqué aussi aux achats, alors qu'on sait très
bien qu'une personne dans un service de "wood band" pourrait acheter tout le
bois en copeaux et le bois de cultivateurs pour une usine complète, une
ou deux personnes. Alors que si la compagnie fait ses propres
opérations, ce sont des bureaux qui en ont 30, 40, des
ingénieurs, des techniciens, tout un "overhead".
Tout cela vient s'appliquer pour que, du côté des
pâtes et papiers, on dise que le bois des copeaux de l'industrie du
sciage coûte aussi cher que notre bois de limite. Nous disons: Bien non,
on vous subventionne. C'est un jeu de comptabilité, dans le fond. C'est
un point de vue assez philosophique, mais cela nous coûte $17 chaque fois
qu'on en envoie un.
M. Desbiens: Est-ce qu'on pourrait imaginer un type de
marché intermédiaire, par exemple, dans lequel il y aurait une
partie des copeaux qui serait fixe et une autre partie qui serait variable et
négociable tant pour le prix que pour la quantité?
M. Gauthier: C'est difficile de jouer entre une position
où on a un marché libre et une position où on a un
marché complètement contrôlé. On essaie de
mélanger deux aspects qui sont assez différents. On doit agir
pour forcer les compagnies de pâtes et papiers à une
compétition vis-à-vis des copeaux et laisser le marché
libre ou on doit avoir un certain contrôle du marché presque
absolu pour forcer un prix pour ces copeaux. C'est difficile d'arriver entre
les deux et d'avoir quelque chose qui se tient.
M. Desbiens: Je sais, M. le Président, que le temps passe,
mais j'en aurais peut-être une petite vite pour finir. Dans le
mémoire précédent, on suggérait que le
ministère des Terres et Forêts limite l'accès des
groupements forestiers à la forêt publique à des cas bien
précis. Avez-vous des réticences là-dessus aussi?
M. Gauthier: On a deux membres de groupements forestiers sur les
cinq qui sont à la table ici; alors, on a peut-être un parti pris.
Je suis membre d'un groupement forestier et le monsieur du bout, là-bas,
est membre d'un groupement forestier. Peut-être que nos réponses
seraient biaisées à ce moment-là.
M. Desbiens: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
brèves questions. À la page 14 de votre mémoire, vous
formulez le voeu que vos usines ou que les petites usines puissent fonctionner
onze mois par année. Je pense que c'est le voeu formulé par tous
ceux qui ont à travailler dans le bois de sciage. Étant
donné que vos opérations sont intimement liées aux
conditions du marché, comment croyez-vous que le gouvernement, par une
démarche, par une mesure ou autrement, pourrait s'assurer que vos
entreprises fonctionnent onze mois par année?
M. Tremblay (Thomas-Louis): J'aimerais faire entendre le
directeur des opérations forestières, M. Paul-Antoine
Laflamme.
M. Laflamme (Paul-Antoine): C'est tout simplement une question de
volumes. Si nous avons assez de matière ligneuse à couper en
forêt, automatiquement, les scieries vont fonctionner onze mois par
année.
M. Pagé: Si vous avez le volume et que vous n'avez pas le
marché?
M. Laflamme: Nous sommes comme tous les autres, le marché
fluctue et nous essayons, autant que possible, d'avoir le maximum. Du bois
invendu, je crois qu'il n'y en a pas tellement actuellement dans l'industrie du
sciage.
M. Pagé: Cela dépend. M. Laflamme:
Pardon?
M. Pagé: II a été une période, il n'y
a pas longtemps, où il y en avait, du bois d'invendu.
M. Laflamme: II y a une situation de prix, qui est difficile,
mais pour la question du volume, il n'y a jamais eu tellement d'encombrement du
marché, que je sache, pour l'écoulement du produit du bois de
sciage dans la province de Québec. Je pense que cela a été
confirmé par d'autres avant nous, au cours de la journée.
M. Pagé: Vous faites longuement état dans votre
mémoire des problèmes rencontrés particulièrement
au chapitre de l'approvisionnement par les petites entreprises. Je pense que
c'est un problème fort épineux qui touche plusieurs entreprises
au Québec. Personnellement, dans ma région, tout au moins, j'ai
de petites entreprises avec des volumes qui ne sont pas élevés et
qui, à chaque programme triennal ou autre du ministère des Terres
et Forêts, assistent à une diminution des permis et des droits qui
leur sont alloués.
Ma question s'adresserait au ministre, si vous le permettez. Le
ministère est-il sensibilisé à ce problème et
est-ce que le ministère envisage d'établir, avant longtemps, un
genre de plan d'ensemble pour assurer la survie de ces petites entreprises?
Comme on l'a dégagé cet après-midi, autant la fermeture
d'une usine, dans le secteur de la production du papier, peut être
dramatique pour un petit pôle urbain, autant peut l'être le fait
qu'une usine de sciage se voie couper son approvisionnement, n'ait aucune
garantie à long terme pour son approvisionnement, d'une part, et par
surcroît, n'ait pas le volume suffisant pour fonctionner onze mois par
année.
Cela peut être tout aussi dramatique pour un petit village, la
fermeture d'une usine comme celle-là, que celle d'une usine productrice
de papier dans un centre urbain de densité moyenne. Est-ce que le
ministère entend en arriver à une politique définie?
Est-ce qu'il y a quelque chose d'amorcé dans ce sens-là? Si oui,
qu'est-ce que c'est?
M. Bérubé: II n'y a pas de politique comme telle
à l'échelle du Québec, si ce n'est que d'une façon
générale on cherche à exploiter les forêts sur une
base de rendement continu, donc en s'as-surant qu'il existera du bois à
perpétuité. Malheureusement, cette situation ne se réalise
pas partout au Québec. Dans certaines régions au Québec,
au contraire, il faut pratiquer des coupes à liquidation, soit que la
forêt soit vieille ou soit carrément qu'ayant été
surexploitée on aura une rupture de stock dans les dix, quinze ou vingt
ans à venir. Donc, dans certaines régions du Québec il
faut carrément sacrifier le stock, c'est-à-dire qu'on doit
également sacrifier à long terme l'industrie en question. Dans
d'autres régions, le problème de rupture de stock ne se pose pas
immédiatement mais il pourrait se poser dans un avenir plus lointain, 40
ans et plus, auquel cas on peut imaginer que des pratiques sylvicoles puissent
améliorer le rendement de la forêt et nous permettre de
répondre au problème. Il existe évidemment d'autres
régions où il y a un approvisionnement adéquat. En
d'autres termes, suivant les régions du Québec, on retrouve des
situations qui varient énormément. La position du
ministère, présentement, à la suite de la
préparation des plans d'aménagement, vise essentiellement
à garantir un rendement soutenu, donc à consolider les scieries
existantes lorsqu'on fait face à un problème d'approvisionnement
en bois et de ne pas, si vous voulez, encourager l'émission de nouveaux
permis qui mettraient en danger les autres usines. En gros, c'est la politique
du ministère, pour autant que nous sommes concernés.
M. Pagé: II n'y aucun programme particulier qui s'applique
actuellement.
M. Bérubé: Régional. M. Pagé:
Régional.
M. Bérubé: Par exemple, dans la Gaspésie
nous venons de terminer un inventaire très sérieux de l'industrie
du sciage; dans la région de Trois-Rivières, également, il
y a une réflexion en cours. Donc, le problème se posant
différemment suivant les régions, il faut plutôt penser
à une politique adaptée aux problèmes locaux plutôt
qu'à une politique dictée par Québec.
M. Pagé: D'accord. Sans vouloir prendre trop de temps,
est-ce que je peux vous recommander, dans l'étude que vous faites dans
la région de Trois-Rivières, d'inclure Portneuf en passant? Si je
le fais publiquement comme cela, c'est peut-être parce que j'ai autant de
difficulté que nos honorables interlocuteurs à rencontrer le
ministre. Cela m'amène à une autre question. À la page 21,
vous nous faites état que vous tentez depuis longtemps de rencontrer le
ministre. En votre nom, je me permettrai une question. M. le ministre, quand
allez-vous les rencontrer? À onze heures?
M. Bérubé: Dans quelques minutes, oui.
M. Pagé: Ah! Vous voyez, l'intervention de l'Opposition
officielle aura certainement été très
utile. Là-dessus, messieurs, étant donné que je
suis certain que vous avez hâte de rencontrer le ministre parce que vous
attendez déjà depuis un bon bout de temps, je tiens à vous
dire que vous avez une très bonne mémoire. J'ose croire et
espérer que le ministre prendra bonne note des recommandations que vous
lui avez formulées à la lueur de la bonne prise de conscience
qu'il y a des problèmes qui touchent particulièrement les usines
de bois de sciage.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, vous me permettrez simplement
quelques remarques, étant donné l'heure avancée. D'abord,
je voudrais me permettre de vous féliciter pour la valeur de votre
mémoire, qui démontre beaucoup de réalisme et qui est fait
par des gens d'expérience dans le métier. Certaines remarques
pouvaient paraître un peu humoristiques mais elles étaient
placées au coin de la réalité. Je crois qu'on peut
affirmer sans se tromper que ce mémoire a été conçu
par des gens qui ont vécu cette expérience d'une façon
pratique.
Brièvement, vous faites mention dans votre mémoire des
droits de coupe de $15 à certains concessionnaires, plus un coût
additionnel de $3, ce qui ferait $18 les 1000 pieds pour ces coupes. J'aimerais
savoir si on oblige en même temps ce même exploitant forestier de
vendre ses copeaux au concessionnaire à son prix. C'est vraisemblable et
cela se produit dans d'autres régions, je pense bien.
Une question a été soulevée lors de la
présentation du mémoire précédent, celle de
l'utilisation de certains déchets de scieries comme les sciures, les
planures et peut-être d'autres déchets qui, aujourd'hui, demeurent
dans les forêts et qui pourraient être utilisés, comme le
disait M. Perron tout à l'heure, par des usines de planches-particules.
Celles-ci pourraient être financées par les organismes qu'il a
mentionnés et être exploitées par un organisme comme le
vôtre ou une scierie rentable.
Est-ce que vous croyez que cela pourrait être réalisable
dans une région comme la vôtre, de façon avantageuse?
M. Tremblay (Thomas-Louis): Actuellement nos sciures sont toutes
vendues. Nos sciures et nos planures sont vendues à 100% à une
usine de papier. La question que vous posez... Cela se pourrait dans une
région comme la nôtre; d'ailleurs je pense qu'il y a une
étude qui se fait au niveau du ministère de l'Industrie et du
Commerce, quelque chose dans ce genre. Cela pourrait aussi s'appliquer dans une
région comme la nôtre, je pense.
M. Russell: Je rejoins la question que posait tout à
l'heure le député de Dubuc en ce qui concerne l'opération
forestière. Est-ce que vous êtes d'accord qu'un exploitant
forestier pourrait faire sa coupe en longueur? Je pense que cela rejoint sa
question. Est-ce qu'il pourrait sélectionner ce qui est
réellement rentable pour une scierie et le reste, le mettre en copeaux
avantageusement et faire la revente à des usines de pâtes et
papiers?
M. Gauthier: Là encore, il y a un problème de
rentabilité. Oui c'est vrai à condition que l'usine de
pâtes et papiers paie le prix que cela lui coûterait
elle-même pour aller chercher le bois, ou un peu plus, mais au moins le
prix que cela lui coûterait. Si l'usine de sciage est obligée
d'aller couper le bois, que cela lui coûte $50 pour le couper, $7 pour le
transformer, cela fait $57 et ensuite la revendre $40 la tonne, cela ne peut
pas marcher. C'est impossible en partant.
M. Russell: Si je comprends bien ce que vous dites, ceci est
réalisable à condition que l'acheteur, qui est le transformateur
de pâte en papier, soit réaliste au point de vue du coût,
qu'il vous paye ce que cela lui coûterait pour faire cette même
quantité de bois ou en l'achetant. Ceci ne vous semble pas possible
à moins qu'il y ait une intervention gouvernementale.
M. Gauthier: Certainement pas avec la structure de prix des
copeaux actuellement.
M. Russell: M. le Président, c'est tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
remercie les représentants de la Chaîne coopérative du
Saguenay. Très rapidement, M. le ministre, d'accord? Avant d'ajourner
les travaux à demain, 15 heures, au salon rouge, j'aurais besoin du
consentement unanime des membres de cette commission pour faire en sorte que le
député d'Orford, mon homonyme parce qu'il y a eu omission
au début de la séance à 10 heures ce matin soit
désigné comme remplaçant pour la présente
séance de M. Larivière, du comté de
Pontiac-Témiscamingue.
M. Pagé: M. le Président, on vous en a fait part
tout à l'heure, M. Vaillancourt a participé à nos travaux
toute la journée.
M. Bérubé: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. M. Vaillancourt, vous avez été membre
rétroactivement de cette commission parlementaire.
M. Vaillancourt (Orford): Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont ajournés à demain
après-midi, 15 heures, au salon rouge.
(Fin de la séance à 23 h 3)