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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 17 février 1977 - Vol. 19 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de la situation énergétique du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures six minutes)

Etude de la situation énergétique du Québec

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux de la commission de l'énergie.

Les membres de la commission aujourd'hui sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Vaillancourt (Orford), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Le premier groupe que nous recevons est Gaz Métropolitain Inc., suivi de la Société pour vaincre la pollution, l'Office de Protection du Consommateur, la Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie, STOP et Calex. J'appelle Gaz Métropolitain, s'il vous plaît. Messieurs, vous avez environ 45 minutes pour la présentation de votre mémoire et la période des questions. Si vous voulez identifier, s'il vous plaît, les personnes qui vous accompagnent.

Gaz Métropolitain

M. Beauchamp (Jacques): M. le Président, M. le ministre, messieurs, je représente Gaz Métropolitain, je suis Jacques Beauchamp, président. Les membres qui m'accompagnent, à ma droite, M. Jacques Courtois, président du conseil, à mon extrême gauche, Me Fortier, secrétaire et chef du contentieux, M. Joseph Baladi, vice-président à la planification, à l'approvisionnement et aux ventes, et M. Barbeau, vice-président à l'approvisionnement et à la planification générale. Messieurs, vous n'avez pas d'objection à ce que je reste assis?

Le Président (M. Laplante): Non.

M. Beauchamp: Merci, monsieur. Nous tenons tout d'abord à vous exprimer nos remerciements pour l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui d'exprimer notre point de vue à votre commission sur la définition des orientations que devrait prendre le Québec en matière d'énergie.

A titre d'acteur important dans le secteur ga-zier au Québec, et conscient de l'importance vitale de l'énergie et de son rôle dans presque tous les secteurs d'activité, tant économiques que sociaux, Gaz Métropolitain désire apporter une contribution aux présentes délibérations en se mettant à la disposition de votre commission pour répondre aux diverses questions concernant les activités, les principaux développements ainsi que les perspectives d'avenir et le rôle que devrait assumer notre compagnie dans le secteur énergétique.

Conformément à l'invitation qui nous a été faite le 29 septembre 1976, nous vous avons soumis un mémoire qui se veut être un apport technique aux présentes délibérations. Dans ce document, nous nous sommes principalement attardés aux six points mentionnés dans la lettre d'invitation, à savoir: la sécurité des approvisionnements; la protection du consommateur; le développement économique; l'investissement optimal; le prix de l'énergie, et la protection de l'environnement.

Cependant, et en dépit du fait que notre connaissance porte principalement sur le gaz naturel, nous avons cru souhaitable de situer nos commentaires, sur les six points, dans un cadre théorique élargi.

Le but d'une telle forme de présentation est de montrer l'interrelation qui existe nécessairement entre les différentes formes d'énergie et l'impact qu'elles ont eu et continueront d'avoir, tant les unes sur les autres que sur le développement économique du Québec en fonction des diverses politiques de l'énergie.

Nous avons donc au départ énuméré chronologiquement, jusqu'en 1976, les diverses politiques de l'énergie ayant affecté le secteur de l'industrie énergétique afin de mieux comprendre la situation actuelle et de montrer la nécessité qu'il y a à définir une nouvelle politique de l'énergie pour le Québec.

Par la suite, nous avons tenté de définir les nouveaux objectifs que nous croyons réalistes et souhaitables.

Une nouvelle approche a donc été définie dans ces grandes lignes et nous lui avons adjoint certains moyens à prendre pour la concrétiser.

Nous n'avons pas la prétention de croire que cet exercice soit le meilleur qui existe. Par contre, nous pensons que l'implantation d'une politique cohérente et intégrée de l'énergie au Québec ne peut que servir l'ensemble de la collectivité en permettant une plus grande contribution de l'industrie énergétique au développement provincial.

Avant de passer à certains détails concernant nos propositions sur une politique de l'énergie, j'aimerais, pour un court moment, passer en revue révolution et les réalisations de Gaz Métropolitain.

Nous exploitons présentement un réseau de distribution par canalisation dans le territoire qui nous est accordé par la loi et qui comprend l'île de Montréal, les municipalités ou parties de municipalités situées dans un rayon de 15 milles de l'île, et les comtés de Verchères et de Richelieu qui sont situés sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. De plus, nous exploitons une usine de coke à ville LaSalle.

En prévision du raccordement de notre réseau avec Trans-Canada Pipe Lines Limited et de la conversion du système de distribution pour le rendre apte à l'usage du gaz naturel, Gaz Métropo-

litain construisait, en 1957, 34 milles de canalisation partant d'un point de raccordement à Senne-ville vers l'extrémité est de la ville de Montréal. En 1959, 45 milles de conduite ont été ajoutés pour desservir des zones industrielles, commerciales et résidentielles en pleine expansion sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. En 1962, un nouveau prolongement du réseau nous a amenés à desservir Tracy et Saint-Joseph-de-Sorel, 18 milles en aval de Contrecoeur. En 1969, le réseau était à nouveau augmenté d'une conduite pour desservir le potentiel industriel et commercial dans la région de Valleyfield et enfin, en 1972, Gaz Métropolitain installait un gazoduc d'environ 40 milles pour desservir les installations de réduction du minerai de fer de la compagnie SIDBEC, à Contrecoeur.

Au cours de 1974, la compagnie a parachevé la phase finale de la construction de l'usine de liquéfaction portant sa capacité de vaporisation à 240 millions de pieds cubes par jour. Ces installations d'une capacité d'emmagasinage de 2 milliards de pieds cubes nous permettent de mieux satisfaire la demande en période de pointe et d'assurer une meilleure continuité de service.

Au 31 décembre 1976, le réseau de distribution de la compagnie comprenait 919 milles de conduites d'acier enrobées, 670 milles de conduites de fonte, 25 milles de conduites en plastique et 91 334 branchements de service, dont 2144 en plastique et environ 212 000 compteurs chez les clients.

Le marché et la clientèle. Le territoire que la compagnie est présentement autorisée à desservir comprend une population globale de plus de 3 millions de personnes. Un total de 52 municipalités et les régions hautement industrialisées de la rive sud du Saint-Laurent jouissent du service au gaz naturel.

Nous fournissons le gaz naturel à une clientèle domiciliaire pour la cuisson, le chauffage de l'eau, le chauffage des locaux et autres; à une clientèle commerciale telle que des édifices à bureaux, hôtels, restaurants et magasins et à une clientèle industrielle variée composée de grandes et petites entreprises.

Concurrence et accroissement des ventes. En réaction à l'apparition en 1958 du gaz naturel sur le marché de Montréal, les prix de l'huile ont été ajustés à la baisse, à l'intérieur du territoire accordé à Gaz Métropolitain. Bien que ces réductions aient profité aux consommateurs montréalais, elles ont créé une situation précaire pour l'industrie du gaz naturel. La situation financière de notre société a été encore aggravée en 1961 par suite de la mise en vigueur d'une nouvelle politique nationale du pétrole créant une ligne de démarcation imaginaire — la Ligne Borden — laissant le Québec et l'est du pays tributaires de sources d'approvisionnement étrangères.

Parmi les marchés canadiens du gaz naturel, celui de Montréal a été le seul à subir la concurrence directe des huiles résiduelles et du pétrole brut importés. Jusqu'en 1971, l'avantage concurrentiel de l'huile sur le gaz s'est maintenu entre 15% et 40%. Les faibles taux de pénétration et de saturation du gaz naturel sur le marché montréalais sont les effets de cette concurrence. De plus, au cours de la dernière décennie, est venu se greffer un problème qui ne relevait pas des forces normales du marché libre. En effet, l'huile à chauffage était déjà disponible à prix réduit sur le marché montréalais lorsqu'en 1961 la taxe qui était alors de 6% sur la vente de ce combustible fut abolie, mais non pas sur la vente du gaz naturel utilisé aux mêmes fins. De plus, le 17 mars 1967, cette taxe a été portée à 8%, défavorisant, encore une fois, l'usage du gaz naturel.

En 1975, suite à l'implantation de la Loi sur l'administration du pétrole par le gouvernement fédéral, le prix du gaz naturel à Montréal a été indexé à celui du pétrole brut canadien à Toronto. Cette situation continue à soumettre le gaz naturel à une concurrence encore plus difficile vis-à-vis du pétrole brut importé et des huiles à chauffage excédentaires qui sont couramment commercialisés à Montréal à des prix fortement réduits.

Au cours des quinze dernières années, Gaz Métropolitain a augmenté ses volumes de vente de 315%, passant de 18,4 milliards de pieds cubes en 1961 à 76,4 milliards de pieds cubes en 1976 et dessert plus de 176 600 clients. Mais, malgré cet état de fait, la part du gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec se situe toujours à un niveau extrêmement faible, de l'ordre de 5%.

Approvisionnements de gaz. Le principal fournisseur de gaz à la compagnie des TransCanada Pipe Lines Limited. Cette compagnie prend possession de son gaz en Alberta, à proximité de la frontière de la Saskatchewan, et le livre aux différentes stations de mesurage de Gaz Métropolitain.

Au cours de 1974, Trans-Canada Pipe Lines Limited n'a pas été en mesure de fournir les quantités supplémentaires de gaz dont nous avions besoin. A la suite de négociations fructueuses, Gaz Métropolitain a reçu ses premières livraisons de Pan Alberta Company Limited le 1er novembre 1974. Ces quantités supplémentaires ont porté la demande contractuelle globale de notre compagnie à 256,7 millions de pieds cubes par jour. De plus, le 27 juin 1975, la compagnie a signé une entente avec l'Union Gas d'Ontario pour l'entreposage, dans les installations souterraines de cette dernière, de 2 milliards de pieds cubes de gaz en 1975 et de 4,5 milliards de pieds cubes de gaz annuellement jusqu'au 31 mars 1995. Cette entente nous a permis de raccorder de nouveaux clients et d'atteindre des coefficients d'utilisation quotidiens et annuels plus élevés vis-à-vis de nos approvisionnements et de l'utilisation de notre réseau.

Des volumes additionnels de 16,3 millions de pieds cubes par jour seront livrés, à compter du 1er novembre 1977. La plus grande part de ces volumes a été assignée pour satisfaire les besoins de SIDBEC.

Le premier novembre 1977, la demande contractuelle de Gaz Métropolitain, avec ses fournisseurs, atteindra 273 millions de pieds cubes par jour.

La compagnie s'efforce toujours d'obtenir des

quantités additionnelles de gaz pour desservir son marché en expansion et participe activement aux audiences devant l'Office national de l'énergie sur les demandes présentées par d'autres pour la construction d'un gazoduc, afin d'acheminer le gaz du delta du Mackenzie vers les marchés québécois. Gaz Métropolitain croit qu'une décision prochaine est essentielle pour assurer la disponibilité du gaz frontalier le plus tôt possible, permettant ainsi de pouvoir répondre aux besoins croissants du Québec.

Une nouvelle politique de l'énergie au Québec. Face à la nécessité d'une plus grande participation du gaz naturel au bilan énergétique québécois, Gaz Métropolitain a entrepris, depuis 1967, de nombreuses études de marché pour établir la demande et les moyens nécessaires à prendre pour commencer une extension des réseaux vers l'est de la province, mais le développement s'est heurté principalement à trois problèmes: de 1967 à 1972, une situation concurrentielle difficile; deuxièmement, depuis 1973, des approvisionnements restreints suivis d'une amélioration en 1976; troisièmement, une hausse vertigineuse des prix du gaz naturel suite aux ententes entre les gouvernements fédéral et de l'Alberta, les coûts du gaz étant passés de $0.47 le MPC en 1973 à $1.55 le MPC le 1er janvier 1977.

Gaz Métropolitain a exprimé son désaccord sur le principe de l'indexation particulièrement lorsque le prix du gaz à Montréal est indexé à celui du pétrole à Toronto.

Malgré l'amélioration au niveau des réserves de gaz, nous soumettons qu'il est nécessaire que des ressouces additionnelles soient développées afin de répondre à la demande canadienne et québécoise, en particulier à long terme. Eu égard à cette situation, nous avons continué, en 1976, à appuyer le projet présenté par la compagnie Canadian Arctic Gas Pipeline Limited à l'Office national de l'énergie comme étant l'option la plus techniquement réalisable et économique pour livrer les volumes de gaz disponible des zones frontalières du delta du Mackenzie vers les marchés québécois au début des années 1980.

A cet état de faits sont venus se greffer les changements suivants encourus depuis 1972: 1-Une prise de contrôle accrue par les pays producteurs de pétrole tant au niveau des prix qu'au niveau du flux du produit brut; une situation défavorable quant à la sécurité des approvisionnements pétroliers vis-à-vis du Québec. 2-Un rôle accru du gouvernement fédéral dans toutes les transactions concernant le secteur énergie, soit au niveau du charbon, pétrole, gaz naturel et même exportation de l'électricité. 3-L'énergie prend un rôle de plus en plus important dans l'économie et le développement industriel des provinces. 4- Une croissance à un taux considérable dans l'utilisation de l'électricité au Québec et qui a nécessité des investissements considérables de la part de l'Hydro-Québec.

Ces constatations nous amènent à croire que certains des objectifs de la politique québécoise de l'énergie publiés en 1972 sont peut-être en eux-mêmes toujours valables, mais devraient être modifiés ainsi que les moyens nécessaires à prendre pour atteindre ces objectifs tout en tenant compte du contexte présent et de ce que l'avenir pourrait nous réserver dans le secteur de l'énergie.

Nous soumettons que la nouvelle politique dans le domaine de l'énergie au Québec devrait prendre les orientations suivantes: optimiser les prix des différentes formes d'énergie tout en minimisant le niveau des investissements entrepris par la collectivité québécoise dans le secteur de l'énergie; améliorer le niveau de disponibilité, accessibilité et continuité de nos approvisionnements à moyen et à long termes; atteindre une meilleure répartition entre les différentes sources et formes d'énergie dans le Québec en mettant l'accent sur une pénétration accrue du gaz naturel, une croissance modérée du secteur électrique et une utilisation rationnelle du pétrole; conserver l'énergie par une utilisation rationnelle et s'assurer d'une croissance modérée de la demande, tout en protégeant l'environnement.

Les opportunités et orientations possibles de Gaz Métropolitain.

A ce point-ci, nous aimerions nous attarder quelques instants sur les opportunités et les orientations possibles qui s'offrent à Gaz Métropolitain.

La nécessité d'un programme d'expansion hors du territoire présentement desservi provient de plusieurs exigences immédiates et d'objectifs à long terme. Ces motifs sont les suivants:

Le programme d'expansion que nous projetons dans la province nous permettra de réaliser la croissance qui nous est indispensable afin d'établir une bonne stabilité financière à long terme tout en maintenant le prix de vente du gaz aux usagers du Québec au plus bas niveau possible.

Le programme d'expansion serait conforme à la nouvelle orientation que nous désirons donner à la politique d'énergie du Québec, soit une répartition plus équilibrée entre les différentes sources et formes d'énergie et plus spécifiquement un rôle accru pour le gaz naturel que nous considérons comme une source d'énergie canadienne disponible et assurée aux Québécois.

Notre programme d'expansion vise à rendre le gaz disponible dans le plus bref délai aux différentes industries existantes et projetées et qui sont situées à différents endroits où une expansion pourrait être entreprise sur une base rentable.

Présentement, le Québec dépend en majeure partie du pétrole importé pour satisfaire ses besoins en énergie. Cet approvisionnement se révèle instable à la fois quant à sa disponibilité et à son prix.

Dans cette optique, dès 1973, Gaz Métropolitain a entrepris de difficiles négociations afin d'obtenir des approvisionnements adéquats et a réussi à sensibiliser les autorités responsables, tel que nous l'avons mentionné précédemment. Il est donc important que Gaz Métropolitain obtienne les autorisations nécessaires pour lui permettre d'obtenir ces approvisionnements futurs en gaz et ainsi concrétiser son programme d'expansion.

Nous croyons que ce programme d'expansion pourrait être entrepris avec succès par Gaz Métropolitain. Tel que mentionné précédemment, Gaz Métropolitain sera avantagé sur le plan économique, et ceci se reflétera sur les consommateurs dans le maintien de tarifs avantageux vis-à-vis de la concurrence.

La création de plus d'une entreprise de gaz pour entreprendre un tel programme d'expansion serait moins économique pour les raisons suivantes: 1)Le dédoublement de plusieurs frais irait à rencontre du maintien de tarifs avantageux pour le consommateur; 2)Une répartition équilibrée des ventes de gaz entre les divers groupes de clients étant un élément important, plusieurs petites entreprises ne peuvent établir une répartition adéquate et le coût associé à une telle opération ainsi que la disponibilité du gaz s'en trouveraient affectés au point d'en compromettre la rentabilité. 3)Une entreprise unique pourra plus facilement niveler ses pointes à cause de la flexibilité disponible à même une utilisation accrue de ses installations d'emmagasinage. 4) De plus, Gaz Métropolitain possède le personnel qualifié pour une réalisation rapide et économique d'une telle expansion à travers un réseau intégré.

Cette expansion pourrait amener le gaz naturel à atteindre, d'ici vingt ans, une pénétration de l'ordre de 15% à 20% dans le bilan énergétique de la province de Québec, à l'exclusion du secteur du transport.

Les moyens nécessaires. Ayant établi la nécessité qu'une entreprise unique devrait être la façon la plus rentable de faire l'expansion dans la province, examinons maintenant les moyens nécessaires à mettre en place pour entreprendre une telle expansion et ainsi rencontrer le but visé, soit un développement important du gaz naturel au Québec.

Le gaz naturel offre les garanties d'approvisionnement, soit la continuité, l'accessibilité et la disponibilité. C'est une forme d'énergie canadienne disponible à moyen et long terme. De plus, le système de transmission, partant de l'Alberta et s'acheminant à Montréal, permet de livrer le gaz naturel en n'ayant recours qu'à un minimum d'investissements de la part du consommateur québécois.

Pour le consommateur, les avantages sont nombreux. Aucun stockage n'est requis par le client qui est assuré d'avoir l'énergie disponible par le biais d'un système de distribution souterrain, sécuritaire et continu. De plus, cet investissement qu'entreprend le distributeur pour desservir les clients correspond à une obligation de service à long terme.

Cette participation accrue au bilan énergétique du Québec améliorerait le taux de saturation par marchés et régions desservis. Cela se traduirait par le plus bas coût de service à l'usager, accompagné d'une utilisation efficace du système de distribution.

La protection du consommateur et de l'entreprise. Contrairement à la situation qui prévaut dans l'industrie pétrolière, et à l'instar de toutes les autres compagnies d'industries gazières, nous devons faire approuver nos tarifs par la Régie de l'électricité et du gaz. Cette politique, tout en protégeant le consommateur, permet à Gaz Métropolitain d'offrir à ses clients un approvisionnement assuré en gaz naturel à des tarifs justes et raisonnables.

Des systèmes de réglementation tarifaire doivent non seulement protéger le client des prix injustes ou non raisonnables, mais également le protéger de la perte ou de la baisse de qualité du service due à la détérioration de la situation financière de l'entreprise qui fournit le service.

Le prix du gaz naturel a l'usager. Gaz Métropolitain croit qu'un avantage concurrentiel de 10% à 15%, dépendant des applications, est nécessaire pour établir cette participation accrue du gaz naturel dans le bilan énergétique de la province. Si on veut permettre une croissance souhaitable dans la province, le prix du gaz naturel fixé à l'arrivée au Québec doit être établi selon les caractéristiques des marchés et régions desservis au Québec, et non pas ceux de Toronto, tout en prenant en considération la possibilité d'obtenir un taux de développement pendant une période donnée de la part du transporteur. Ce moyen pourrait toujours être conforme aux dispositions de la Loi sur l'administration du pétrole et ce, jusqu'à ce qu'un équilibre acceptable soit maintenu entre les prix des diverses sources d'énergie.

La conservation de l'énergie. La conservation de l'énergie doit être encouragée par des mesures obligatoires et incitatives.

Recherche et développement. La recherche et le développement devraient être dirigés vers une amélioration dans l'efficacité de l'utilisation, la protection et le transport de l'énergie, tout aussi bien que dans le développement de nouvelles sources d'énergie.

Les investissements entrepris par les utilités publiques dans ce domaine devraient être encouragés et souhaitables; tel que le développement d'appareils à chauffage à meilleure efficacité et, encore plus important, le développement de stockage souterrain dans la province.

Le régime fiscal. Dans le passé et présentement, le régime fiscal semble favoriser certaines formes d'énergie plus que d'autres, tant au niveau des investissements que des profits ou de la vente.

Il est essentiel que les politiques fiscales encouragent les investissements nécessaires pour augmenter la part du gaz naturel dans le bilan énergétique et que les usagers présents et futurs du gaz naturel bénéficient des mêmes avantages que les usagers d'autres formes d'énergie.

Nous recommandons d'abandonner la taxe de vente de 8% sur le gaz naturel.

En conclusion, nous soumettons que le gaz naturel offre aux Québécois l'opportunité d'atteindre une meilleure répartition entre les différentes formes d'énergie, tout en s'assurant d'une plus grande sécurité d'approvisionnement vis-à-vis du

pétrole et de son utilisation et, du même coup, une valorisation de l'environnement, le tout à un coût raisonnable qui reflétera, au fur et à mesure, la croissance au niveau de la consommation.

L'obtention des volumes de gaz requis, le maintien d'une situation concurrentielle favorable qui permettra la pénétration souhaitée, la création et le maintien d'un climat de réglementation favorisant les investissements nécessaires à l'expansion à travers le Québec, à l'exploration et au développement de nouvelles sources de gaz et de zones de stockage souterrain sont tous des points vitaux que Gaz Métropolitain se doit de franchir pour son plein épanouissement et pour amener ainsi le gaz naturel à jouer un rôle accru dans le bilan énergétique du Québec pour en assurer l'expansion économique.

Cependant, les objectifs ne pourront être atteints qu'avec l'appui du gouvernement du Québec, par l'implantation d'une politique de l'énergie pour le long terme, dotée de moyens nécessaires et vitaux à la réussite d'une telle politique.

M. le Président, M. le ministre, je vous remercie. Maintenant, nous répondrons à vos questions.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: M. Beauchamp, avant de peut-être en venir aux questions principales que votre mémoire soulève, entre autres la recommandation de l'expansion considérable du rôle du gaz naturel au Québec, puis-je vous demander quel est, en ce moment, ce qu'on pourrait appeler le coefficient de pénétration du gaz naturel à l'intérieur de la franchise dans laquelle vous opérez en ce moment?

M. Beauchamp: Environ de 25% à 30% de coefficient.

M. Joron: Ce qui veut dire que théoriquement, vous aurez la capacité de presque quadrupler vos ventes à l'intérieur du territoire actuel et avec les canalisations actuelles?

M. Beauchamp: Environ, oui. A l'intérieur de la franchise existante.

M. Joron: Puis-je vous demander ce qui a empêché... Je sais que vous l'évoquez, mais, c'est parce que je vois quelque chose de curieux. Vous nous dites, d'une part: Permettez-nous d'étendre le réseau au-delà de Montréal et de ses environs immédiats vers tout le reste, au moins, de la vallée du Saint-Laurent. Or, il me semble qu'avant d'aller desservir un marché peu dense, j'imagine que cela doit être beaucoup plus coûteux de partir de Montréal, faire un raccordement, s'en aller dans une ville de moyenne importance, je suppose Saint-Hyacinthe pu Sherbrooke, que d'augmenter vos ventes à l'intérieur d'un territoire très dense. D'autre part, vous prévoyez même, dans une vingtaine d'années, de faire une pénétration du gaz à 15% ou 20%. Pourriez-vous nous dire ce qui empêche, depuis un bout de temps, l'expansion à l'intérieur même de la franchise existante?

M. Beauchamp: M. le ministre, ce qui empêche l'expansion de gaz à l'extérieur de notre franchise...

M. Joron: A l'intérieur.

M. Beauchamp: ...à l'intérieur de notre franchise, nous avons atteint présentement un degré de saturation où tout ce que nous pouvons faire, c'est une augmentation limitée à l'intérieur de notre franchise.

M. Joron: C'est en raison de quoi, cela?

M. Beauchamp: Entre autres, les clients se servant d'autres énergies. On n'a pas les moyens incitatifs pour leur faire changer leur système; en un mot, cela prend un investissement quand même assez raisonnable pour changer un système d'un autre type d'énergie au gaz; donc, c'est limité. Tout ce que nous pouvons obtenir à l'intérieur de notre franchise, ce sont les nouveaux projets qui se développent.

M. Joron: Vous avez évoqué aussi le facteur du prix. Les prix ne sont pas concurrentiels vis-à-vis du pétrole ou vis-à-vis du chauffage électrique, par exemple, pour ce qui est des maisons privées. Mais, partant de cela, justement, il me semble qu'il y a une contradiction. On a de la misère à pénétrer à l'intérieur d'une zone, parce que... Et vous évoquez, je pense, à la page 14 de votre mémoire, que, dès 1973, vous avez entrepris de difficiles négociations avant d'obtenir des approvisionnements adéquats et ainsi de suite. Cela n'a pas l'air facile d'avoir des approvisionnements, le prix n'a l'air guère concurrentiel, mais vous nous dites: On va passer de 5% du bilan à 20%. Je trouve qu'à première vue, il y a une contradiction.

M. Beauchamp: M. le ministre, c'est en entreprenant l'expansion à l'extérieur de la franchise, en étendant notre réseau et en même temps en augmentant la saturation dans la franchise existante que Gaz métropolitain va pouvoir justement arriver à cette fin. Autrement, dans la franchise existante, il est impossible d'obtenir une grande croissance lorsque nous sommes obligés d'attendre que les clients soient prêts à changer le système et tout simplement en allant chercher un certain pourcentage des nouveaux projets. Cela reste trop limité, il faut entreprendre éventuellement une expansion pour que Gaz métropolitain parvienne à quelque chose.

M. Joron: D'autre part, pour que le prix soit concurrentiel, vous nous recommandez l'abolition de la taxe de vente sur le gaz. Mais au-delà de cela, il y a un facteur plus fondamental, c'est le fait que le prix du gaz est maintenant indexé à celui du pétrole brut. Le jour où le pétrole brut canadien

va rejoindre les prix internationaux, votre position concurrentielle va suivre. En somme, les deux prix vont se suivre. Ils sont à 85%, à l'heure actuelle, du pétrole brut. Ce phénomène ne relève pas du gouvernement du Québec. S'ils en viennent à 100%, cela va être encore plus difficile à soutenir, la concurrence du gaz naturel.

M. Beauchamp: Oui, ce serait certainement plus difficile. C'est justement ce que nous essayons de débattre devant l'Office national de l'énergie. La relation qu'il fait, 85% sur le marché de Toronto, ne correspond pas à la situation qui existe au Québec. Cette différence est beaucoup plus grande.

M. Joron: Etant donné que l'écart au Québec est plus grand qu'il l'est à Toronto...

M. Beauchamp: C'est cela. En un mot...

M. Joron: ... pour permettre la pénétration du gaz naturel.

M. Beauchamp: Exactement.

M. Joron: II me semble qu'il peut y avoir un certain risque. On parle d'un programme d'expansion qui nécessiterait probablement des investissements considérables. Mais, qu'est-ce qui est la poule et qu'est-ce qu'est l'oeuf? Qu'est-ce qui vient avant? C'est cela que j'ai de la misère à comprendre. D'abord je vais vous demander quelles sont les ressources financières? Comment Gaz Métro penserait financer cette expansion des canalisations, ces investissements, d'une part. C'est une question, le financement de ces investissements. Faut-il commencer ces investissements, même si vous en avez les moyens, sans être sûr de la relation du prix entre le gaz naturel et les autres formes d'énergie, et sans être sûr aussi des approvisionnements? Je vous demanderais d'élaborer un peu sur la garantie d'approvisionnement. Si on parle de tripler et de quadrupler le volume de gaz, il faut être sûr qu'on va en avoir avant de se lancer là-dedans.

M. Beauchamp: M. le ministre, la première chose que nous devons faire, c'est un approvisionnement à long terme de gaz. C'est la première chose.

M. Joron: Voulez-vous expliquer comment cela s'arrange une affaire comme cela? Comment on arrive à avoir un approvisionnement semblable et quelle est la capacité de transport de TransCanada Pipe Line Ltd? Qu'est-ce que cela implique?

M. Beauchamp: D'accord. Lorsque TransCanada ou autres fournisseurs seront en mesure de nous donner ou de nous fournir du gaz à long terme.

M. Joron: Par un contrat...

M. Beauchamp: Par un contrat, absolument.

M. Joron: ... de fourniture à long terme, une garantie.

M. Beauchamp: Un approvisionnement de gaz à long terme, Gaz Métropolitain est en mesure d'entreprendre, à ce moment-là, l'expansion.

M. Joron: Maintenant, que faites-vous, en ce moment, en vue... quelles sont les étapes? Avez-vous commencé ces négociations? Que faut-il pour que le mécanisme s'enclenche?

M. Beauchamp: Présentement, M. le ministre, l'approvisionnement n'est pas disponible. C'est très limité, ce que les fournisseurs peuvent nous donner et ils ne s'engageront pas à long terme. Nous croyons et nous espérons qu'une décision à l'Office national d'énergie pourra faire déboucher cette situation concernant le gaz frontalier.

M. Joron: C'est la clé de toute l'affaire.

M. Beauchamp: Exactement. A ce moment, il n'y a aucun doute que l'Alberta aura du gaz disponible, parce qu'elle le sait, à ce moment, il sera remplacé par le frontalier. Dès ce moment, Trans-Canada ou les autres fournisseurs pourront nous offrir le gaz afin d'entreprendre l'expansion que nous préconisons.

M. Joron: Une fois que vous aurez ce contrat ou cette garantie d'approvisionnement à long terme, le financement devient possible et l'expansion du réseau commence. Alors, finalement, tout est lié à cette décision de faire venir le gaz du Mackenzie ou non? D'ici là, qu'est-ce qu'on fait?

M. Beauchamp: Sinon, Gaz Métropolitain a des disponibilités limitées. Par exemple, nous avons obtenu de Union Gas en Ontario de faire du stockage. Nous avons passé de 2 milliards de pieds cubes à 4,5 milliards de pieds cubes, ce qui nous donne des disponibilités pour augmenter la vente de gaz, mais cela reste quand même limité. Pour entreprendre, on ne peut se fier sur une quantité aussi limitée que celle-là. Nous avons également, par le truchement d'un autre fournisseur, le 1er novembre 1977, une augmentation pour fournir Sidbec, mais les autres fournisseurs, Trans-Canada ou autres, ne nous donnent ou ne sont pas en mesure de nous donner un contrat d'approvisionnement à long terme pour pouvoir entreprendre l'expansion présentement.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur le même sujet que vous avez abordé avec le ministre, cette question de développement, du degré de pénétration du gaz au Québec et dans le bilan énergétique du Québec. Tout le monde en a parlé, en votre absence. Vous êtes les premiers

intéressés et je crois que la discussion d'aujourd'hui nous donne une occasion d'aller un peu plus loin. Jusqu'à maintenant, tout le monde a dit qu'en 1995 il serait souhaitable que le gaz représente non plus je crois que c'est 6% ou 5% du bilan énergétique, mais 15%. Vous êtes plus optimistes que la plupart des observateurs qui ont parlé de vous. Vous parlez de 20%.

Le ministre vient de vous poser la question, est-ce qu'il est physiquement possible de le faire à même votre réseau existant? Avez-vous des réserves? Il y a, bien sûr, du côté des réserves, une restriction. Mais supposons que cette restriction soit levée. Les réponses que vous avez données laissent beaucoup à désirer jusqu'à maintenant. Qu'il s'agisse de votre franchise actuelle ou d'une franchise plus étendue, l'objection que vous avez formulée à l'effet que les utilisateurs, à un moment donné, ont un investissement qui n'est pas complètement amorti dans des installations qu'utilise, par exemple, soit l'électricité, soit le pétrole, et qui ne sont pas intéressés à changer, à faire un investissement majeur, pour devenir des utilisateurs de gaz quand la différence est de seulement 15%, cela vaut autant pour les nouveaux territoires que vous pourriez desservir, bien sûr, que pour le territoire actuel.

Le ministre vous a dirigé, par ses questions, à plaider la cause d'une différence plus élevée entre le pétrole et le gaz naturel. Est-ce que vous rejetez, par cela, implicitement, d'autres possibilités où, dans sa politique énergétique, le gouvernement déterminerait quels sont les secteurs de l'économie québécoise qui peuvent le plus efficacement, dans une optique de conservation d'énergie, utiliser le gaz, et qui consentent non pas une réduction uniforme à tous les utilisateurs, même ceux qui sont déjà reliés au réseau, mais à tous les utilisateurs d'une certaine catégorie qui se raccorderaient au réseau pour la première fois, soit à un taux préférentiel dit de développement ou autre, ou alors, même, une subvention pour les réaménagements en capital, les investissements nécessaires pour la transformation des systèmes? C'est une autre approche qui serait peut-être un peu plus aggressive pour faire du gaz un élément important dans le bilan énergétique. Est-ce que vous rejetez cela ou si cela ne vous apparaît pas pratique ou pas désirable?

M. Beauchamp: Au contraire, M. le député, c'est dans notre mémoire, en fait. Gaz Métropolitain, lorsque nous parlons d'expansion, dans l'analyse d'un marché, doit absolument, sur un certain terme et ceci, par zones, déterminer quelle serait la rentabilité en assumant un degré de saturation domiciliaire, commerciale et industrielle. C'est entendu qu'on ne peut pas entreprendre une expansion vers un district où nous savons qu'il y a, par exemple, strictement un groupe de résidences très limité, sans expansion. Il faut absolument se diriger vers des districts où il y a un potentiel intéressant, mais résidentiel, commercial et industriel.

M. Forget: Oui, je comprends très bien cela, mais ce n'est pas la question que je vous pose. Je comprends bien que, pour rentabiliser un investissement, qu'il s'agisse d'un nouveau réseau ou autre chose, il faut qu'il y ait une certaine densité d'utilisateurs prévue pour le rendre possible. Ce qui me préoccupe surtout, et c'est peut-être cela que le ministre a à l'esprit parce qu'il a suggéré que ce n'est peut-être pas rentable, même sur un plan social, d'encourager votre entreprise ou n'importe quelle autre entreprise à étendre son réseau à travers tout le Québec; donc, on peut voir là l'idée qu'il y a peut-être une nécessité d'un certain zonage énergétique. Un zonage énergétique pourrait prendre la forme, évidemment, d'une restriction de l'accessibilité au gaz naturel dans certaines parties du territoire, mais cela pourrait aussi prendre l'aspect, en allant un peu plus loin, d'une incitation, peut-être même financière, à certains types d'utilisateurs pour transformer les systèmes et devenir des utilisateurs de gaz naturel. Plutôt que de dire: Bien, tout le monde va payer 50% de l'équivalent thermique du pétrole, il va y avoir des subventions pour permettre à certains types d'utilisateurs qui peuvent faire un bon usage du gaz naturel, qui peuvent peut-être écrêter la demande au point de vue d'énergie électrique, sur cela, il y a toutes sortes de calculs qui peuvent se faire, et c'est ceux-là, qu'on va aider à se brancher au réseau de gaz naturel. Dans un contexte comme celui-là, votre compagnie accueillerait-elle cela favorablement ou aurait-elle des suggestions à faire dans ce sens-là?

M. Beauchamp: Oui. En fait, M. le député, dans notre mémoire, à la page 26, justement, nous parlons de cette situation et dans le développement des marchés, l'ampleur des marchés, la localisation des marchés, la vocation des marchés et, finalement, la demande de pointe. Cela veut dire qu'il n'y a pas d'erreur que, par ceci, nous entendons un certain zonage. Autrement, je ne crois pas qu'en entreprenant l'expansion de Gaz Métropolitain nous puissions être en mesure d'aller partout. Ce serait à peu près impossible lorsque l'électricité et l'huile seraient beaucoup plus disponibles, comparativement au gaz, en installant un réseau qui ne pourrait desservir que quelques clients. Donc, un zonage, en ce qui nous concerne, est définitivement la solution.

M. Forget: Dans votre mémoire — cela ne sort pas très clairement — vous faites allusion au fait que, depuis 1972, la situation désavantageuse qui vous a été faite vis-à-vis du pétrole a été renversée à votre avantage. On ne retrouve pas — du moins, je n'en ai pas retrouvé, c'est peut-être parce que j'ai mal lu — d'indications à l'effet que depuis 1972 — cela fait quand même quatre ans — il y ait eu un développement plus marqué de vos ventes à l'intérieur de votre franchise actuelle. La différence a été de 40% en votre défaveur; elle est maintenant de 15% en votre faveur. C'est quand même une très forte marge, 55% de changement dans le ratio. Est-ce que cela a déjà eu un effet sur le marché, dans la franchise que vous occupez?

M. Beauchamp: Oui, cela a eu un effet, mais,

tel que je le mentionnais tantôt, il faut également réaliser que, dans la franchise existant dans le Montréal métropolitain, nous avons atteint quand même un degré de saturation, ce qui veut dire que nous prenons une partie des nouveaux projets. Mais, dans les habitations existantes, nous ne pouvons que les attraper lorsqu'ils sont prêts à changer leur système.

M. Forget: Pourriez-vous nous indiquer, pour la période de 1973 à 1975 ou 1976, justement, par opposition à une période analogue avant 1972, le pourcentage de nouveaux projets que vous avez atteints dans les deux périodes, de façon à voir si, effectivement, sans faire autre chose, il n'y a pas un mouvement naturel qui va nous amener à un taux de saturation plus élevé?

M. Beauchamp: J'aimerais inviter M. Barbeau à vous donner plus de détails sur cela, M. le député.

M. Barbeau (Gilles): Une chose peut-être intéressante à regarder depuis 1969, pour répondre à votre question, c'est l'augmentation de nos ventes. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'effectivement, depuis 1972, on n'avait peut-être pas nécessairement profité d'une situation avantageuse pour nous. Jusqu'en 1972, on a augmenté nos ventes d'environ 2 milliards de pieds cubes par année. C'est à peu près ce qui s'est passé entre 1969 et 1972. Autrement dit, en 1969, on avait vendu 48 milliards de pieds cubes et, en 1972, on en a vendu 54 milliards. En 1973, on en a vendu 60 milliards de pieds cubes, c'est déjà une augmentation, je pense, assez substantielle comparativement aux années précédentes. En 1974, 74 milliards de pieds cubes, comparativement à 60 milliards l'année auparavant et, en 1975, 78 milliards. Déjà, on a certainement profité de la situation et les ventes démontrent ce qui s'est passé. Evidemment, en 1975/76, comme tout le monde le sait, on n'a pas été en mesure d'augmenter nos volumes de gaz contractés avec nos fournisseurs de la même façon qu'on les augmentait auparavant. Alors, c'est peut-être pour cela qu'en 1974 et 1975 la différence n'est pas aussi grande qu'elle ne l'a été en 1972 et 1974. Mais certainement il y a là un avantage marqué et on en a profité, nous, dans la mesure de nos moyens.

Il y a une autre chose que j'aimerais... Oui, pardon.

M. Forget: Avant que vous alliez plus loin pour aider, parce qu'il y a plusieurs chiffres qui viennent rapidement, l'augmentation moyenne de 1973 et 1974 serait de combien de milliards?

M. Barbeau: Je vais vous donner les chiffres, si vous voulez, par année. Peut-être que cela va aider. En 1969, on avait vendu 48 milliards de pieds cubes; en 1970, 49 milliards; en 1971, 52,25 milliards; en 1972, 54,7 milliards; en 1973, 60,8 milliards; 1974, 74,2 milliards et 1975, 78 milliards. En 1976, j'ai les chiffres, même s'ils ne sont pas sortis officiellement, on en a vendu 76 milliards, puis je vais vous dire pourquoi. La seule raison c'est qu'il y a eu, l'été passé — je n'ai pas le mot tellement français pour cela — un dumping d'huile dans les marchés de Montréal à des prix très bas. Evidemment, nous avons eu certains problèmes à vendre notre gaz aux consommateurs en service interrup-tible, comparativement à ce qu'on faisait les années antérieures. Cela a un peu fait fléchir la demande. Maintenant, il y a une chose qu'il ne faut pas oublier dans tout cela, c'est qu'on a quand même augmenté le nombre de nos clients, c'est-à-dire le nombre de nos nouveaux clients, à ce moment.

Je voudrais quand même revenir un peu à la question du ministre Joron, tout à l'heure, sur laquelle vous êtes revenu vous-même, par la suite, concernant la pénétration à l'intérieur des franchises. Vous dites: Oui, vous avez une franchise et vous avez seulement une saturation actuellement de 25% et vous parlez d'aller dans l'ensemble de la province et d'avoir peut-être, encore là, 15% ou 20%. C'est vrai.

Il y a une chose à laquelle il faut penser, si vous regardez toutes les compagnies de gaz dans l'Est du Canada. Je ne parle pas de l'Alberta, où le coût est tellement bas que cela prendrait une personne pas tellement intelligente pour sauter sur d'autre chose que le gaz là-bas. Ici, dans l'Est, il reste que la pénétration dans les provinces est de l'ordre d'à peu près 20%. Cela ne veut pas dire qu'à Toronto, par exemple, il y a 80% de pénétration, s'il y a 30% de pénétration en Ontario. Il y a, à ce moment-là, une pénétration de l'ordre de 30% ou 40% dépendant des régions. Mais vous n'avez pas une pénétration à plein de 80%.

La raison pour cela, évidemment, à Montréal à l'intérieur de notre franchise, nous n'avons pas de lignes partout, un système de distribution. Pour étendre ce système de distribution à l'intérieur de la franchise, vous allez devoir aller dans des secteurs où il y a seulement des domiciles, par exemple. A ce moment-là, ce n'est pas rentable pour nous, pour étendre un système assez loin, je ne sais pas, je vous vous donner un exemple. Il y a seulement le coin de Rivière-des-Prairies, de l'île de Montréal, où nous n'allons pas présentement. Aller là, actuellement, il n'y a pas tellement d'industries dans ce coin. Ce ne serait absolument pas rentable. Cela veut dire que les autres clients paieraient pour cela. Normalement, ce qui favorise l'expansion d'un réseau de gaz, au tout début, c'est un parc industriel où des industries vont prendre un volume considérable pour supporter la ligne jusqu'à temps que vous ayez une pénétration suffisante dans les dix autres secteurs résidentiel et commercial.

A ce moment-là, votre réseau va devenir rentable. Mais il y a une période de temps où il ne l'est pas, il faut quand même que vous ayez un volume intéressant et cela prend de l'industrie pour partir.

Dans la région de Montréal, vous ne trouverez pas beaucoup de parcs industriels ou de régions industrialisées à l'intérieur de notre franchise où le

gaz naturel n'est pas. Nous sommes à Tracy, Contrecoeur, Varennes, Verchères, Candiac, Bou-cherville, Laval. Toutes les places où il y a de l'industrie, on est là. Evidemment, quand on parle d'expansion dans la province, notre premier but serait évidemment de trouver des coins où l'industrie nous faciliterait la tâche.

Il y a une chose qu'il faudrait ajouter, aussi. En 1976, quand je disais que les volumes vendus ont été réduits à 76 milliards, comparativement à 78 milliards en 1975, il y a eu la grève de l'industrie SIDBEC qui nous a quand même empêché de vendre 4,7 milliards. Déjà là, on aurait été au moins à 81 milliards, donc plus élevé que l'an passé à cause de nouveaux clients.

M. Joron: A cette question-là, si le député de Saint-Laurent et le président me le permettent, j'aimerais juste poser une petite sous-question. Vous parlez des volumes vendus des différentes années, le saut considérable qu'il y a de 1973 à 1974, il y a quand même une relation très directe avec les prix.

C'est qu'avant la crise du pétrole et avant que le pétrole passe de deux à dix dollars le baril tout d'un coup, le gaz naturel était resté à un prix très bas et ce n'est qu'un an plus tard qu'il a été ramené en relation avec le nouveau prix du pétrole. Si bien que vous avez joui, pendant presque un an, d'un avantage concurrentiel artificiel qui a fait probablement...

M. Barbeau: Entre autres, et c'est exactement pour cela que M. Beauchamp vous a dit tout à l'heure qu'avec un bon avantage concurrentiel on pouvait pénétrer les marchés.

M. Forget: La réponse que nous venons d'avoir relativement à l'importance d'usagers industriels pour amorcer la pénétration des marchés me porte — c'est ma dernière question, M. le Président — à vous demander de nous expliquer un peu la structure de vos tarifs parce qu'un peu plus tard, aujourd'hui, on aura un autre groupe qui soulèvera le problème de la structure des tarifs. Je sais que c'est un peu en dehors du domaine de la préoccupation de cette commission qui s'intéresse à l'approvisionnement en énergie. Il y a la Régie de l'électricité et du gaz qui est un organisme gouvernemental qui approuve vos taux. Donc, il doit y avoir une raison aux yeux de l'intérêt public qui est valable. Mais, de toute façon, peu importe cette question, je pense que la commission peut au moins faire la lumière sur la question des tarifs imposés aux usagers domestiques contre les usagers industriels. On déclare, dans certains mémoires qui nous ont été transmis, que cette différence est abusive et que ce sont les usagers domestiques qui subventionnent l'usager industriel. Vous avez donné une explication qui est une explication tirée de la nécessité de rentabiliser un nouvel investissement Une fois que c'est rentabilisé, on pourrait peut-être poser la question: Est-ce que le coût relatif de fournitures ou les profils de consommation justifient des différences comme celles-là?

M. Barbeau: Oui, les détails des tarifs, disons que, si vous voulez en parler plus à fond au point de vue du coût dollars par 1000 pieds cubes, M. Baladi a les détails. Il pourrait vous donner toutes les informations que vous voulez là-dessus. Il n'y a qu'un principe en partant que je voudrais mentionner. Les gens disent beaucoup: Les clients domestiques supportent les clients industriels parce qu'ils paient le gaz plus cher. C'est facile à dire, mais c'est faux, pour plusieurs raisons. Premièrement, vous avez un client industriel qui paie moins cher. C'est vrai. Comme quelqu'un m'a déjà dit une fois: Si vous achetez 100 000 chandails chez Eaton, vous les paierez moins cher que si vous n'en achetez qu'un. C'est tout à fait normal.

Maintenant, la question du prix; c'est que les clients résidentiels, actuellement, d'après nos études de coût de service — parce que nous avons nos coûts et nous les répartissons à l'ensemble des abonnés — se supportent à peine, actuellement. Autrement dit, le rendement qu'ils nous donnent est très minime. Alors que le client industriel, même s'il paie son gaz moins cher, actuellement, donne un meilleur rendement, effectivement, dans notre base totale de tarification, et supporte le client résidentiel. C'est l'inverse qui se passe. C'est bien sûr que, si on disait: Même à cela, on n'est pas d'accord pour que l'industriel paie moins cher... Si vous essayez de vendre du gaz à SIDBEC, par exemple, qui en prend 16 millions de pieds cubes par jour, au même prix que le client résidentiel, SIDBEC va fermer ses portes demain matin, parce qu'elle ne sera plus capable de concurrencer qui que ce soit avec son produit. Il y a une question de concurrence pour ces industries et, pour nous, il y a une question de vente de volume suffisant pour supporter notre système.

Le client résidentiel nous apporte la stabilité dont on a besoin pour toujours être sûr d'avoir un volume de gaz vendu régulièrement. L'industriel, lui, nous permet d'étendre notre marché et nous permet aussi de vendre un plus gros volume de gaz qui est un bénéfice, à ce moment, pour tous les usagers. Peut-être que M. Baladi voudrait ajouter quelque chose à cela, concernant les tarifs.

M. Baladi: Seulement, peut-être, un point de détail concernant les études du coût de service que l'on entreprend. Au niveau de l'industriel, le taux de rendement se situe aux alentours de 20% vis-à-vis des investissements qui sont entrepris pour desservir la classe industrielle dans nos tarifs, alors qu'au niveau résidentiel, le taux de rendement se situe aux alentours de 2% à 3%. Au niveau du secteur commercial, le taux de rendement se situe aux alentours de 15%. Donc, même si le client résidentiel paie un taux plus élevé par unité consommée, il ne contribue pas, d'une façon juste et raisonnable, au taux de rendement que la compagnie recherche. Il est, en fait, aidé par la contribution qui est faite par les industries.

M. Beauchamp: C'est pour cela que nous mentionnions tantôt qu'il est impossible d'avoir strictement un groupe résidentiel sans avoir un complexe industriel. Si on prend l'exemple de

Montréal, le domiciliaire nous donne cette stabilité. Pendant douze mois, nous savons qu'il prend chauffage, chauffe-eau et cuisson, ce qui est très limité, mais quand même. L'industriel ne nous donne pas cette garantie du domiciliaire, mais le mélange, la mixture de ces deux groupes donne cette stabilité à la distribution du gaz.

M. Forget: Une question découle de la réponse que vous venez de nous donner. Enfin, j'accepte vos chiffres tels que vous les faites. Cependant, est-ce qu'il n'est pas vrai de dire que quand vous calculez les taux de rendement pour différents types d'usagers dans une industrie comme la vôtre, il y a un certain élément d'arbitraire dans l'imputation des coûts, parce que ce sont des coûts conjoints pour le réseau, etc? Pourriez-vous au moins nous décrire comment vous imputez les coûts d'investissement, les coûts de service pour arriver à des conclusions comme celles-là, parce qu'évidemment, c'est crucial? On peut arriver à des taux de rendement probablement très différents en se servant d'une autre formule d'imputation.

M. Baladi: Si vous me permettez de faire un commentaire là-dessus, les normes ou les critères qui sont utilisés sont des critères qui sont connus dans l'industrie du gaz, et lorsque nous nous sommes présentés devant la Régie de l'électricité et du gaz l'été dernier, nous avons eu un intervenant qui a soumis sa propre étude du coût de service. Or, ces résultats sont encore beaucoup plus défavorables pour l'industriel, c'est-à-dire que sa part du jugement qu'il a émis démontre que l'industriel atteint parfois des taux de rendement allant jusqu'à 50%, et il a fait la preuve que la contribution de l'industriel vis-à-vis du résidentiel est beaucoup plus forte que l'étude qu'on a soumise. Cette étude est présentement devant la régie, en délibéré et on attend un jugement là-dessus.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est que vous liez le programme d'expansion du réseau gazier à un approvisionnement suffisant, comme vous l'avez mentionné tantôt, ce qui n'est pas une condition existante actuellement. Mais vous ajoutez également une autre condition. Cela m'apparaît étonnant de la part d'une entreprise privée, parce que les entreprises privées qui ont défilé devant cette commission ont toutes, jusqu'à maintenant, défendu le régime de concurrence ou de soi-disant concurrence, alors que vous, vous demandez, en fait, et vous liez ça au programme d'expansion, un monopole. C'est à la page 15, de votre mémoire. Cela m'apparaît très clair. Enfin, vous n'utilisez pas le terme monopole, mais cela revient au même.

Vous souhaitez une entreprise unique dans le secteur gazier. Vous trouvez non souhaitable la création de plus d'une entreprise de gaz. Donc, il ne faut pas avoir peur des mots, vous demandez le monopole de la distribution du gaz au Québec, et si la condition de l'approvisionnement suffisant se trouve remplie à un moment ou l'autre, dans les années qui viennent, ce n'est pas l'unique condition à votre programme d'expansion, il y a une autre condition également, c'est que l'on vous accorde le monopole de la distribution du gaz au Québec. Ce qui signifie par conséquent qu'un projet comme celui de SOQUIP — les représentants de SOQUIP en ont parlé quelque peu lorsqu'ils sont venus la semaine dernière— d'exploitation du gisement de gaz de je ne sais où — au sud de Québec, Sainte-Flavie, je pense — pour alimenter la région de Québec, la ville de Québec, vous ne voyez pas cela d'un très bon oeil, parce que, évidemment, cela serait l'apparition d'une deuxième entreprise dans le secteur de la distribution du gaz.

M. Beauchamp: A partir...

M. Brassard: Vous demandez le monopole alors que les compagnies pétrolières qui ont défilé devant nous défendent le régime de concurrence dans le secteur pétrolier. Vous autres, dans le secteur du gaz, vous croyez que la meilleure situation est une situation de monopole.

M. Beauchamp: II faut réaliser que le gaz est réglemepté et que les autres produits ne le sont pas. L'huile, entre autres, n'est pas réglementée, elle est entièrement libre ou à peu près.

D'un autre côté, nous disons qu'à partir d'un réseau comme celui de Montréal, qui est quand même très important, l'expansion se fait certainement plus facilement à partir d'un réseau déjà existant, avec un personnel déjà en place, et nous avons tous les moyens pour entreprendre de l'expansion dans tout le Québec et, naturellement, la création de plusieurs entreprises, il y a des doublages de frais qui seraient, en fait, considérables.

M. Brassard: Cela compromettrait selon vous, plusieurs entreprises dans le secteur du gaz, cela compromettrait une expansion possible de la distribution du gaz au Québec.

M. Beauchamp: Compromettrait, et j'irais plus loin que cela.

M. Brassard: II serait plus difficile d'atteindre les 20% dont vous parliez tout à l'heure, dont vous parlez dans votre mémoire.

M. Beauchamp: Plusieurs petites industries ne pourraient pas et n'auraient pas les facilités d'obtenir les approvisionnements, ne pourraient pas faire une distribution adéquate, obtenir un rendement, comparativement à Gaz Métropolitain qui est déjà en place, et entreprendre une expansion considérable.

M. Brassard: Plusieurs petites, mais deux ou trois moyennes?

M. Beauchamp: Certainement si... Vous avez mentionné SOQUIP. Si SOQUIP voulait le faire au Québec, justement dans la ville de Québec, nous n'aurions aucune objection, parce que, naturellement, dans le plan d'expansion que nous avons, en fait, préconisé, et même déposé devant l'Office national de l'énergie, basé sur la possibilité d'approvisionnement, nous avons déterminé des dates ou des années où, en entreprenant l'expansion, nous pourrions y parvenir. Mais SOQUIP pourrait desservir la ville de Québec si elle décidait de l'entreprendre, avec du gaz indigène, naturellement.

M. Barbeau: D'ailleurs, il faut faire bien attention à cela, si je peux ajouter quelque chose. Evidemment, SOQUIP pourrait actuellement servir une partie de la ville Québec avec les volumes qu'elle a, mais si plusieurs compagnies, même deux, partent dans différentes directions, à un moment donné, lorsqu'il n'y aurait plus d'approvisionnement, ici au Québec... Il reste quand même que le volume de Saint-Flavien est loin d'être énorme. Il n'est même pas la moitié de ce que nous vendons par année, alors il faut y penser sérieusement avant de s'embarquer dans cela. On n'a rien contre, remarquez bien, mais il reste qu'à un moment donné, lorsque les puits sont taris, par exemple, et que vous avez des consommateurs qui sont sur un réseau, qu'est-ce que vous faites? Il faut que quelqu'un décide de rendre une ligne... Vu qu'on parle de possibilités, admettons la possibilité que Montréal soit servie par Gaz Métropolitain, que, par exemple, une partie de Québec soit servie par SOQUIP, et que dans cinq ans il n'y ait plus de gaz. Cela veut dire qu'il y a un pipe-line qui doit se construire de Montréal à Québec s'il n'a pas été fait à ce moment-là. A quel coût, à quelle rentabilité? Il n'y a plus de rentabilité possible. C'est pour cela qu'un plus gros distributeur qui s'étend graduellement, nous pensons que c'est mieux que de commencer à deux extrêmes et ne pas savoir comment faire pour les rattacher à un moment donné. Il faut faire attention à cela. La seule chose qu'on veut faire ici c'est une mise en garde, tout simplement.

Le Président (M. Laplante): M. Marcoux.

M. Marcoux: Ma première question concerne le stockage, dont vous parlez dans votre mémoire. Vous parlez des possibilités de stockage en Ontario. Ce stockage pourrait durer combien de mois, advenant une mesure d'urgence? Parce que, d'autre part, on nous a suggéré de prévoir qu'un des rôles du gouvernement pourrait être de prendre des précautions advenant des situations d'urgence. Les capacités de stockage en Ontario sont pour combien de semaines ou de mois pour le gaz, pour nous approvisionner en ce qui nous concerne? Deuxième question, liée au stockage également. Vous proposez que le Québec prenne des mesures pour faire un stockage souterrain. J'aimerais avoir une idée de ce que ça pourrait coûter. D'après les projets que vous pouvez avoir, ça pourrait être un stockage qui pourrait être bon pour combien de temps, quatre semaines, deux mois, trois mois, quoi?

M. Beauchamp: Le stockage que nous avons en Ontario est un arrangement que nous avons avec l'Union Gas qui nous permet de sortir un volume limité selon l'entente, à partir du 1er novembre jusqu'au 1er avril. C'est la période où nous avons besoin d'un volume additionnel de gaz, ce qui nous a évité de "contracter" du gaz annuel avec Trans-Canada ou un autre fournisseur, en un mot. Aussi bien, d'ailleurs, que les 2 milliards de pieds cubes de gaz liquifié dont nous nous servons en période de pointe. En ce qui nous concerne, le stockage est indispensable et doit servir en périodes de pointe, entre autres. En un mot nous avons 4,5 milliards de pieds cubes, mais le stockage global de l'Union Gas est de 86 milliards, ce qui veut dire qu'elle peut s'en servir douze mois par année.

C'est pour ça que nous disons: Si, au Québec, il y avait possibilité de découvrir justement cette possibilité, on pourrait emmagasiner du gaz et, à ce moment-là, il serait disponible à tout moment, douze mois par année.

M. Marcoux: Deuxième partie de la question: Quelle sorte de coût implique un stockage souterrain?

M. Beauchamp: Nous ne sommes pas en mesure de vous donner un prix pour développer un stockage de cette envergure. Sincèrement, il faudrait vérifier avec, entre autres, Union Gas, mais nous ne sommes pas en mesure de vous donner l'investissement que cela prend.

M. Marcoux: Ce n'est pas un plan...

M. Barbeau: Le problème, c'est qu'on ne sait pas où il est. Pour le développer, il y a des coûts qu'Union Gas connaît, par exemple, mais, nous, du Gaz Métropolitain, nous avons déjà dépensé $1 million près de ville de Laval pour trouver du stockage et on n'en a pas trouvé. C'est $1 million qui est passé vite. Je pense qu'on peut dépenser plusieurs millions avant de trouver un endroit qui peut sembler fournir une bonne formation pour permettre le stockage.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse, dernière intervention.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Dans un précédent rapport, il est recommandé d'étatiser les compagnies de distribution de gaz. Je présume que vous n'êtes pas pour cela. Mais j'aimerais quand même que vous fassiez voir à cette commission les désavantages d'une politique semblable, brièvement.

M. Beauchamp: En premier lieu, les sources d'approvisionnement viennent de l'extérieur. Pourquoi étatiser une compagnie de distribution? Lorsqu'il y aura approvisionnement de gaz, nous

sommes en mesure d'entreprendre une expansion basée sur une politique énergétique établie par le gouvernement. Quel serait l'avantage? Nous ne trouvons aucun avantage à étatiser un distributeur de gaz.

Nous sommes en place et nous pouvons, selon la politique énergétique, lorsque l'approvisionnement de gaz sera disponible, l'entreprendre.

M. Goulet: Vous pouvez affirmer devant cette commission que, pour les mêmes services, il n'y aurait aucun avantage à étatiser?

M. Beauchamp: Aucun avantage.

M. Goulet: Ni pour le consommateur, ni pour le gouvernement?

M. Beauchamp: Nous n'en voyons pas.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient du témoignage que vous avez bien voulu leur apporter.

M. Beauchamp: Messieurs, puis-je me permettre de vous faire parvenir le plus tôt possible les chiffres que nous vous avons rappelés il y a quelques instants concernant notre dernier rapport annuel? Des statistiques y sont incluses. Je peux laisser, entre autres, ces deux rapports et en envoyer un autre groupe demain ou le plus tôt possible.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. Beauchamp: Merci.

Société pour vaincre la pollution

Le Président (M. Laplante): La Société pour vaincre la pollution. Je remarque que vous avez un mémoire assez épais. Il n'y a pas d'introduction, je veux dire, comme résumé. Le résumé qu'on vient tout juste de recevoir contient encore 33 pages. Quarante-cinq minutes, ce n'est pas beaucoup pour lire 33 pages. Je ne sais pas si vous seriez capable de résumer verbalement les principaux points de votre mémoire avec les recommandations.

M. Lacombe (Pierre): On va tenter de résumer le résumé...

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!

M. Lacombe: ... le plus rapidement possible. Je vous présente les personnes qui sont avec moi, à ma gauche, Mme Solange Vincent et, à ma droite, M. Jacques Boucher. Mon nom est Pierre Lacombe. Je suis président de la Société pour vaincre la pollution.

Une courte présentation de ce qu'on est. On se considère des citoyens ordinaires informés, non pas des spécialistes, bien qu'on consulte beaucoup de spécialistes via les livres et les articles qui sont écrits un peu partout dans le monde.

En ce qui concerne le mémoire que vous avez reçu, malgré des délais trop courts et des conditions souvent adverses, nous avons tenu à vous présenter quand même quelques réflexions sur la problématique énergétique du Québec. Vous excuserez les fautes de français et les coquilles, qu'on n'a pas eu le temps de corriger, de même que les sauts que nous vous obligerons à faire quelquefois d'un chapitre à l'autre.

On va tenter, dans la présentation du mémoire, de remédier à ce manque d'enchaînement, parce qu'on est quand même convaincu que les éléments qui y sont présentés sont intimement interreliés.

Vous nous excuserez aussi de ne pas avoir pris un ton effacé à quelques reprises et aussi peut-être de ne pas avoir effacé à plusieurs reprises. C'est que nous avons le sujet à coeur, et comme le temps nous a pressés, le devoir nous a obligés à entrer en scène sans maquillage.

Nous sommes conscients qu'en présentant un mémoire qui laisse les sentiers battus, nous quittons aussi les remparts de la sécurité, ou si vous préférez, nous travaillons sans filet. Nous considérons que l'importance, pour ne pas dire la gravité de la situation nous impose une démarche qui ne se soucie pas de ces risques. D'ailleurs, comme tous les micro-organismes, nous avons la vie dure. Afin d'éviter des redondances inutiles, nous tenterons de faire une présentation actualisée de notre mémoire en insistant surtout sur des points ou des approches qui n'ont pas été soulevés ou approfondis par les précédentes présentations.

Donc, je réfère les gens de la commission au résumé. Examinons tout d'abord rapidement quelques aspects de la situation actuelle. Nous prions ceux qui voudraient en connaître davantage de se référer à la partie 1 de notre mémoire.

D'abord l'utilisation des fonds de recherche. Non seulement les sommes nécessaires à la recherche et au développement de ressources renouvelables ne sont pas engagées au niveau de l'Hydro et de l'IREQ, mais encore ces organismes n'ont jamais envisagé sérieusement cette alternative, puisque c'est le programme d'implantation de centrales nucléaires qui retient toute l'attention et la majorité des fonds. Peut-on compter sur l'INRS pour compenser cette lacune?

L'Hydro, d'un côté, se dit prête à modifier ses objectifs de développement, advenant, par exemple, un moratoire sur le nucléaire, et, de l'autre côté, ne sera même pas en mesure de proposer d'autres solutions étudiées que l'option nucléaire. Dans une situation de monopole entre privilégier une solution et l'imposer, la marge est plutôt mince.

Comment justifier de tels agissements, quand l'option nucléaire est loin de faire l'unanimité et que plusieurs pays et experts envient notre situation énergétique et notre marge de jeu?

M. Haunes Alfven, prix Nobel de physique, nous aide à répondre à cette question: "A l'échelle du monde et à long terme, l'énergie nucléaire

n'est pas nécessaire. Elle est de plus extrêmement dangereuse pour l'humanité. Des sommes considérables et le prestige scientifique ont été investis dans la recherche qui ne visait pas à la découverte des moyens de satisfaire les besoins énergétiques, mais plutôt à trouver comment utiliser la technologie nucléaire qui avait servi à l'élaboration de la bombe atomique. Il en résulte que nous sommes placés dans une situation où la gent nucléaire peut propager l'idée que l'énergie nucléaire est la seule réponse à nos besoins énergitiques".

L'option nucléaire: L'industrie pétrolière, qui n'est pas réputée pour son manque de fonds, n'arrive pas, malgré l'aide des gouvernements, à enrayer les naufrages des pétroliers, et encore moins à réparer les dégâts. Que penser lorsque de grands spécialistes viennent nous dire que les mesures de sécurité, dans le cas du nucléaire, seront telles que tout se passera sans incident pour les 25 000 prochaines années, et que, par conséquent, si nous nous sommes sentis insécurisés durant quelques instants, c'est tout simplement que nous n'étions pas bien informés?

L'exploitation de l'énergie nucléaire au Québec ne comporte pas seulement des dangers, elle présente aussi plusieurs désavantages. Tout d'abord, c'est une technologie qui fait appel à une ressource non renouvelable, l'uranium. Au rythme actuel, les réserves connues et anticipées d'uranium seront épuisées dans moins de 50 ans, mais les déchets radioactifs, eux, nous tiendront compagnie plus longtemps.

Nous dépendons d'autres provinces pour nos approvisionnements en uranium. Nous ne possédons pas, au Québec, la technologie de pointe en matière de nucléaire. Nous serons donc longtemps dépendants d'autres volontés et d'autres pays comme les Etats-Unis, enrichissement de l'uranium, traitement des déchets, surgénérateurs, fusion, etc., même si le CANDU diffère des centrales américaines et françaises. De plus, aux dernières nouvelles, les coûts de construction et l'exploitation des centrales nucléaires sont, eux aussi, soumis à l'inflation. Gentilly 2 coûtera au moins $1,1 milliard. Comme le nucléaire est, pour les financiers aussi, plus risqué que l'hydroélectrique, par exemple, il nous en coûtera d'autant plus cher pour financer le nucléaire. En effet, les banques sont réticentes à financer la construction de centrales nucléaires, entre autres à cause de l'escalade vertigineuse des coûts. Les centrales nucléaires n'ont pas la réputation de créer beaucoup d'emplois à long terme. La transformation de mégawatts thermiques en mégawatts électriques par l'énergie nucléaire est l'une des plus inefficaces qui soient avec des pertes de l'ordre de deux tiers de chaleur. C'est cette chaleur intense qui nous amène le problème du réchauffement des eaux, dont les conséquences écologiques sont encore mal connues.

Les normes sécuritaires strictes qui entourent le maniement de l'atome vont nous amener un renforcement des contrôles et de la surveillance policière, d'où une réduction en conséquence des libertés individuelles et un coût supplémentaire à attacher au nucléaire.

Or, au mois d'août 1976, l'Hydro-Québec annonce le projet de construction de 30 à 40 centrales nucléaires à dômes pour les 25 prochaines années, au coût de — tenez-vous bien! — $51 milliards. Alors, comme l'Hydro-Québec ne s'autofinance qu'à 30% environ, cela signifie des emprunts de l'ordre de $3 milliards par année d'ici 1985, et de l'ordre de $3,5 milliards à $5 milliards par année de 1985 à 1990.

Nous croyons que ce sont des charges démesurées pour les Québécois. Même si on parle de plus en plus de conservation d'énergie, il ne faut pas oublier que le paiement du nucléaire repose non seulement sur une augmentation des tarifs, mais surtout sur une augmentation considérable des ventes d'électricité. De là à dire que programmes de conservation et programmes nucléaires créent une situation conflictuelle, il n'y a qu'un pas, et nous le franchissons, car un programme sérieux et intégré de conservation d'énergie pourrait compromettre, par sa réussite, les entrées de fonds devant servir à payer la facture nucléaire.

Essayons de tirer les leçons qui s'imposent dans le cas du développement hydroélectrique de la baie James, pour les appliquer à nos futures décisions en matière de nucléaire notamment. Nous verrons que plus un projet est ambitieux, plus le temps de construction sera long et plus la période d'exploitation nécessaire pour amortir son coût s'allongera dans le futur, plus les risques d'accidents et de conflits de travail augmenteront, de même que la liste des imprévus, sans oublier les intérêts qui courent, l'inflation qui joue et les probabilités de découvertes technologiques qui rendraient d'autres formes d'énergie plus économiques.

Je saute à la page 6 pour deux rapides citations, la première de M. Amory Lovins, qui nous dit: "C'est pourquoi nous croyons que les avis politiques devraient maintenant commencer à venir de ceux qui ont essayé de prévenir nos difficultés présentes et non uniquement de ceux qui les ont causées et qui dominent encore la planification énergétique. Ceux qui pensent essentiellement en termes d'extrapolation économétrique, de centimes marginaux par kilowatt-heure, et d'électrifica-tion centralisée, ne sont pas les planificateurs qui peuvent traiter de nos problèmes énergétiques de la façon la plus constructive. De plus, les enjeux importants de la stratégie énergétiques ne sont pas techniques et économiques, mais plutôt sociaux et éthiques; ils ne peuvent être convenablement perçus par ceux dont la vision est purement technique". Et, d'ajouter M. Ivan Illich, "leur croyance en l'efficacité de la puissance les aveugle et les empêche de voir la plus grande efficacité de sa non-utilisation."

Page 8: II est évident qu'une politique de conservation de l'énergie doit tenir compte du gaspillage d'énergie relié à notre production de biens non durables, souvent inutiles, que l'on est obligé de ramasser, d'enfouir, de brûler, et qui non seulement épuisent nos ressources naturelles non renouvelables, mais aussi polluent notre environnement, ce qui implique une nouvelle dépense d'énergie pour dépolluer.

Ces habitudes de production qui alimentent et découlent aussi de nos habitudes de consommation doivent absolument être remises en question, sinon toute politique de recyclage et de conservation ne fera que jeter de l'huile sur le feu et reportera le problème fondamental de quelques années, en laissant croire à une manne providentielle. C'est notre système de valeurs, dont les principales caractéristiques sont de ne pas être un système c'est-à-dire de ne pas faire de liens entre ses éléments et de comprendre de moins en moins de valeurs, qu'il faut changer ou créer. La superconsommation individuelle de biens et de services a passé sur nos valeurs et besoins fondamentaux comme un rouleau compresseur. On est tellement occupé à acheter et à utiliser nos bebelles qu'on en oublie notre santé, le calme, la dégradation de notre milieu, les autres, etc. Attention au choc du futur!

Pourtant, la bonne vieille méthode d'essais et d'erreurs nous a appris que nous ne pourrons pas continuer longtemps dans la voie où nous sommes engagés collectivement, surtout au rythme où nous allons.

En fait, notre situation actuelle dépend en grande partie du hasard des inventions du siècle dernier et du début de ce siècle-ci. Or, on tente de nous présenter ce style de développement comme découlant d'une planification qui aurait exploré toutes les avenues de choix possibles pour en déterminer la meilleure. Jusqu'à maintenant, l'homme a réussi tant bien que mal à s'adapter à ses découvertes technologiques. Ceci pourrait changer sous peu car, avec les multiples agressions polluantes et les pressions de notre société de consommation, notre capacité d'adaptation physique et psychique est sérieusement mise à l'épreuve et rien n'indique que nous gagnerons la partie.

Notre conservatisme devient dangereux dans la situation actuelle, car il nous empêche d'envisager ou même d'imaginer une société qui serait différente de celle que nous connaissons maintenant. Une société décentralisée basée sur l'indépendance et l'autosuffisance de groupes moins nombreux pourrait être une solution nouvelle.

Sans élaborer davantage sur cette alternative, retenons que les décisions prises actuellement en matière d'énergie et d'urbanisation vont dans le sens contraire, c'est-à-dire dans le sens d'une dépendance toujours plus grande des citoyens par rapport à leurs sources d'énergie (grandes centrales contrôlées par un petit nombre de personnes, technologie complexe, ressources importées) leur alimentation, leurs services en général. Sans présumer d'une solution, il faut au moins se rendre compte que des choix existent et que des décisions sont prises pour nous tous les jours.

Ce serait une révolution si le public cessait de croire que les gouvernements font une réelle planification à long terme. Dans ce domaine, seules les très grandes entreprises planifient plus loin que cinq ans et, évidemment, en fonction de leur expansion et de leurs intérêts. Entre des gouvernements embourbés dans des impératifs électoraux et des entreprises qui veulent optimiser leurs profits, il ne reste aux citoyens qu'une solution: Prendre leur destinée en main et faire preuve de cohérence et de courage pour résister aux soubresauts de l'actualité quotidienne. Ils devront se servir de leurs représentants, mais s'en méfier aussi. Sinon, que les citoyens ne se surprennent pas de voir leurs rêves s'envoler en fumée et d'assister à une détérioration constante de la qualité de la vie.

Les citoyens doivent donc chercher au fond d'eux-mêmes ce qu'ils considèrent être les valeurs essentielles qui doivent guider leur destinée. Il serait très rafraîchissant pour le Québec d'innover en trouvant et en appliquant des solutions originales aux problèmes posés par les limites à la croissance industrielle. Cela nous changerait de toujours copier ce qui se fait ailleurs sans discerner les bons apports des mauvais.

Si nous laissons aller les choses, nous allons, par notre silence, alimenter un système économique et social basé sur une politique de gaspillage énergétique. Actuellement, le système industriel se frappe à un problème de marché. Il faut produire et vendre toujours davantage à un marché qui a tendance à se stabiliser. Les gens qui crèvent de faim ne sont pas des gros acheteurs de brosses à dents électriques. Donc, il faut que la minorité mondiale qui est capable de se payer les gadgets produits en consomme toujours plus. Vous avez intérêt à ne pas les faire trop solides, messieurs de l'industrie. Outre l'augmentation de la consommation à outrance et du gaspillage énergétique industriel et domestique, l'implantation de dizaines de centrales nucléaires avec tous les dangers et les aléas que nous leur connaissons ainsi qu'une augmentation accélérée de toutes les formes de pollution connues et la "découverte" probable d'autres formes de pollution seront des conséquences directes de l'extrapolation des tendances actuelles.

Arrêter le gaspillage, tout le monde est d'accord, mais il ne faut pas oublier que cela signifie que nous devrons changer radicalement le système actuel qui est basé sur la croissance économique continue, et à tout prix, la croissance de la superconsommation, le jetable après usage, les produits irréparables et l'obsolescence planifiée; donc, le gaspillage.

En terminant, rappelons que notre eau, notre air et notre sol sont nos plus grandes richesses dans un monde où la rareté de l'eau potable, de la nourriture et de l'air non vicié s'accentue dramatiquement chaque année.

La destruction de la nature est un exemple parfait des contradictions de notre système industriel qui, suivant le principe de rareté relative, a réussi à mettre un prix de plus en plus élevé sur les richesses naturelles les plus répandues: l'eau, l'air, le sol. Ceci permet de nous vendre le chalet dans le nord, le grand air, les grands espaces, l'eau propre, les produits "naturels", etc.

En extrapolant continuellement les données du présent et du passé dans l'avenir, il ne faut pas oublier que non seulement on se condamne à répéter les erreurs du passé, mais à les extrapoler aussi.

A ceux qui s'en foutent ou qui trouvent ces propos alarmistes, nous disons: Vous avez la liberté de ne pas participer à la recherche de solutions, mais que des solutions soient trouvées ou non, qui que vous soyez et où que vous soyez, vous n'aurez pas la liberté d'échapper aux conséquences.

Je passerai maintenant la parole à Mme Solange Vincent.

Mme Vincent: Nous avons consacré la première partie de cette présentation à un constat de quelques aspects de la situation énergétique au Québec. Dans cette seconde partie nous tenterons d'introduire de nouveaux choix énergétiques qui découlent d'une vision de la société de demain, basée sur un réaménagement des valeurs prioritaires.

Nouvelles valeurs, nouvelle société. Notre réflexion sur l'ensemble de ce dossier fort complexe nous amène à souligner le fait que nos divergences de vues au niveau des solutions techniques à apporter au problème énergétique des Québécois ne sont que les conséquences de nos divergences sur l'orientation de la société et son développement économique.

Dans une étude intitulée "Réflexions sur les choix énergétiques français," des chercheurs de l'Institut économique et juridique de Grenoble expliquent bien cette chronologie des choix. "Il est impossible de définir à niveau technique une quelconque politique de l'énergie; celle-ci n'a de sens que par rapport au projet politique auquel elle appartient. Nous avons montré en particulier que la demande d'énergie telle qu'elle était prévue actuellement n'était qu'une extrapolation des tendances du passé... Lorsqu'on cherche à prévoir les besoins futurs en énergie, il est fondamental de se demander auparavant quel type de société nous voulons construire, quel type de croissance nous souhaitons, quel type de relations nous voulons établir avec les pays du Tiers-Monde. Ce débat est un débat politique sans lequel aucune politique de l'énergie à long terme ne peut être définie."

Donc, définissons quels pourraient être les principaux traits de ce nouveau visage de la société. Tout d'abord, nous croyons qu'une renégociation du "contrat" entre l'homme et le milieu naturel permettra aux deux parties de maximiser la qualité de leurs relations et d'en tirer des avantages insoupçonnés à long terme. Il faut donc cesser de planifier la destruction du milieu naturel, sinon nous risquons de prendre dramatiquement conscience des limites de la planète.

L'utopie, c'est de croire que l'on pourrait continuer longtemps la façon dont nous fonctionnons présentement. Ensuite, la société future devra être beaucoup plus décentralisée afin que soient ranimées les relations humaines qui s'asphyxient graduellement dans nos grandes agglomérations. Ceci implique une plus grande prise en charge de l'individu par lui-même pour une plus grande autonomie.

De plus, cette qualité de la vie, dont on nous parle tant, doit, selon nous, emprunter le chemin de l'enrichissement du travail. C'est au travail que la majorité des citoyens passent une grande partie de leur vie. Il faut donc que la relation homme travail laisse une trace de satisfaction.

Il faut aussi, dans une société à construire, réhabiliter les mots créativité et motivation, au niveau individuel et collectif, et, en même temps, puisque nous devons réapprendre à marcher, profitons donc de ce nouvel équilibre pour faire les choses plus simplement.

Nous ne prônons pas un retour au passé, mais nous croyons que la démarche vers le futur peut prendre l'allure d'un escalier en colimaçon. On a l'impression de revenir à la même place, mais, en fait, on se trouve à un palier différent de celui que l'on vient de quitter et les nouvelles relations ne peuvent plus être les mêmes que les précédentes.

La conservation. Aucune technologie ou technique ne peut plus sûrement que la conservation nous permettre d'envisager et de résoudre le problème de l'épuisement exponentiel de nos ressources énergétiques non renouvelables. La réduction de la croissance de la demande par la conservation représente justement la clef de voûte énergétique du futur. Ici, je voudrais démontrer que c'est étrange que l'on nous parle de conservation dans le mémoire de l'Hydro-Québec, mais cela ne réduit pas le pourcentage de la croissance de la demande. Alors, ce sera pourquoi la conservation? C'est le même pourcentage de 7 3/4% auquel on se réfère dans le mémoire de l'Hydro-Québec que celui de sa participation à la commission parlementaire de cet été. Alors, la conservation— on a fait une pieuse remarque sur la conservation — cela ne s'est pas reflété dans les investissements proposés, ni dans la réduction de la croissance de la demande.

La conservation nous permet d'envisager le scénario énergétique des cinquante prochaines années d'une façon complètement différente. Les investissements dans la conservation concurrencent, dans cette nouvelle optique, les investissements dans de futurs projets hydroélectriques ou nucléaires. Ceci signifie que la conservation nous permettrait, en ménageant nos sous, de franchir l'étape de transition vers la seule utilisation des ressources énergétiques renouvelables et moins polluantes.

Mais ce n'est pas tout de parler de conservation d'énergie, encore faut-il être consistant entre l'importance du rôle accordé à la conservation dans la politique énergétique et les sommes allouées pour qu'elle puisse remplir ce rôle. Il est certain que la conservation demande des ajustements techniques dans plusieurs domaines et qu'il faudra faire des investissements à ces niveaux.

M. Amery Lovins, physicien et spécialiste des questions énergétiques, arrive à la conclusion que la conservation représente une solution suffisante en elle-même qui nous permettrait de faire l'économie de programmes hydroélectriques ou électro-nucléaires fort coûteux qui doivent être amortis à long terme. M. Lovins, qui affirme que vouloir satisfaire aux besoins énergétiques au jour le jour nous amène à une impasse, utilise une période de cinquante ans pour établir son scénario énergétique. D'après lui, une société de conserva-

tion n'accroîterait sa demande globale d'énergie que de moins de 20% en 50 ans.

Son scénario tient compte de mesures d'isolation, d'amélioration de rendement des appareils électriques, de récupération thermique dans les secteurs commercial et industriel, d'augmentation du transport en commun, de rationalisation des horaires du transport aérien, d'économie des programmes coûteux, d'exploration du pétrole et du gaz.

Cela, c'est une question à laquelle on ne réfléchit pas beaucoup, le bilan énergétique, ce que ça prend d'énergie pour développer des programmes nucléaires. Quand, effectivement, a-t-on un retour d'énergie? Surtout quand il y a accélération de ces programmes nucléaires, avec ce que ça prend pour les construire par rapport à ce que cela donne, et surtout pendant une période de temps donnée. Il est très important de savoir que plusieurs programmes électro-nucléaires en Europe ne donneront de l'énergie, en fait, que vers les années 2000.

M. Lovins prévoit le recours graduel au solaire et l'utilisation d'alcool de bois, méthanol et étha-nol, pour remplacer le pétrole et le gaz. Comme nous sommes en période de transition, M. Lovins prévoit dans son scénario le recours à des équipements énergétiques moins rentables à long terme, mais beaucoup moins coûteux que les superprojets. En effet, des investissements massifs à long terme rendront difficiles la conversion à des ressources renouvelables et à des technologies moins complexes lorsque, techniquement, ces ressources et technologies deviendront plus économiques.

Ce qui veut dire que ce n'est pas vrai qu'on peut faire du shopping et se donner un peu de nucléaire, un peu de toutes sortes de choses. Quand on s'engage dans le nucléaire, ça ferme la porte à d'autres solutions.

M. Robert Boyd, commissaire à l'Hydro-Québec, a déclaré qu'une réduction de la croissance de la demande à 4,5% au lieu de 7,5% pourrait reporter de quelques années l'avènement du nucléaire. Fort bien, c'est de ça que nous avons besoin, de temps. Ce qu'il est important de retenir, c'est la ligne de force qui se dégage des possibilités de la conservation. Il est beaucoup plus rentable, à tous les points de vue, d'épuiser la conservation avant d'épuiser les ressources non renouvelables et avant de se lancer dans des grands projets de développement énergétiques voraces en énergie et en capitaux.

Il ne faut pas oublier, en terminant, que la valeur de la conservation dépend de la philosophie qui l'anime et des objectifs poursuivis. Quand le Conseil des sciences du Canada, par exemple, nous présente sa version de la conservation, on ne peut que s'étonner de l'irresponsabilité de sa démarche. Ces messieurs voudraient bâtir cette société de conservation sur le dos des démunis en réservant aux privilégiés d'ici et du reste du monde occidental l'accès aux ressources en mettant celles-ci hors de la portée des économiquement faibles par le processus d'augmentation abusive des prix.

La SVP veut se démarquer de cette approche de la conservation qui nous semble aberrante. Les hausses des taux d'électricité annoncées par l'Hydro-Québec, 75% en quatre ans, s'inscrivent dans cette approche. Les plus pauvres vont devoir se priver ou même se faire couper le courant alors que cela n'affectera en rien les riches.

Ressources renouvelables et technologies douces.

Est-ce qu'il faut passer plus rapidement, je ne sais pas...

Le Président (M. Laplante): C'est parce qu'il reste dix minutes. Vous avez un rapport drôlement intéressant. Si vous étiez capable de réduire le reste pour qu'on puisse poser des questions.

M. Lacombe (Pierre): On va essayer d'accoucher, M. le Président, dans cette enceinte centenaire. On va essayer de prendre l'avion, même si ce n'est pas très bon, pour survoler.

A la page 16, vous avez les ressources renouvelables et technologies douces. Comme vous pouvez vous en douter, on est un peu pour cela. Le recyclage, on considère que c'est extrêmement intéressant également, d'autant plus que cela permettrait l'apparition de beaucoup d'entreprises québécoises dans ce domaine.

L'optimisation du système actuel, c'est aussi une chose très importante dans une politique énergétique, parce que, comme vous le savez de toute façon, on a évalué à l'heure actuelle qu'il suffit de 70% du réseau actuel pour répondre à la demande de base d'environ 95% de la consommation, alors que 30% de la puissance installée ne servent qu'à fournir 5% des besoins. Tout est là, l'optimisation du système, c'est d'aller vers des centrales dites à réserve pompée, vers l'hydrogène, le stockage d'hydrogène. On rejoint, avec le stockage d'hydrogène, une façon de régler notre problème d'exportation d'énergie vers les Etats-Unis. On pourrait peut-être la stocker ici plutôt que de la leur vendre à des prix très réduits.

Politique de recherche scientifiqe. Rapidement, il faut absolument qu'elle soit réorientée parce que les présentations faites par l'INRS et l'IREQ nous ont laissé, pour le moins, songeurs. Avec la fusion nucléaire, en 2025, on ne va pas tellement loin avec cela. Cela ne résout pas grand-chose et, même s'ils sont en contact avec tous les laboratoires qu'il y a dans le monde, si nous ne sommes pas prêts à faire la transition aux ressources renouvelables, cela ne servira à rien de savoir que les autres les appliquent.

J'en passe une tonne. La fusion, ce n'est pas une panacée. Il y a énormément d'inconnues. Au niveau de la recherche, on ne sait pas ce que cela va donner. Au début, on pensait que le nucléaire allait régler tous nos problèmes. Il ne faut pas tomber dans le même raisonnement, en pensant que la fusion va régler tous nos problèmes. Il y a énormément de points d'interrogation avec la fusion et il faudrait y voir de plus près.

En ce qui concerne les scientifiques, il faut noter qu'au Québec ils ne se manifestent jamais. Tout le monde en parle, tout le monde s'en sert,

mais les scientifiques, on ne les entend que rarement. On trouve qu'il serait important qu'ils jouent leur rôle dans la société et qu'ils se fassent entendre. Quand il y a des décisions qui sont prises, s'ils ne sont pas d'accord, je pense que, socialement, c'est important qu'ils le disent. Il serait peut-être intéressant aussi de s'arranger pour qu'ils ne soient pas dans une situation de conflit d'intérêts permanent.

Vu qu'ils sont obligés de signer certains codes d'éthique, ils ne peuvent rien dire, en fin de compte. Ils sont pris à la gorge, parce que, s'ils commencent à parler, ils ont juste à se chercher un emploi ailleurs.

L'attitude — c'est intéressant — de l'Hydro-Québec quand elle nous parle, par exemple, du problème des déchets radioactifs. Ces gens-là sont certains qu'on va trouver des solutions au problème des déchets. Ils ont une attitude très positive face au problème des déchets, mais ils ont, par contre, une attitude tout à fait différente face aux technologies douces. C'est un peu bizarre. S'ils avaient la même attitude face aux technologies douces, ce serait peut-être intéressant de voir ce qu'on peut faire de ce côté-là.

Décentralisation énergétique. Evidemment, ce n'est pas en faisant le superprojet de la baie d'Un-gava et en essayant de construire des compagnies autour qu'on va aller bien loin. La décentralisation énergétique a énormément d'avantages, entre autres celui que les gens se sentent un peu plus en possession de leurs moyens énergétiques. Ce serait peut-être plus facile de leur parler de conservation que de leur en parler quand ils entendent parler de la baie James où la plupart des gens n'iront jamais, de leur parler d'une production beaucoup plus locale, beaucoup plus près de chez eux. Psychologiquement, le lien se ferait beaucoup plus facilement.

L'autosuffisance énergétique. Encore là, on considère que, en termes d'autosuffisance, il s'agit de voir qu'on dépend du pétrole, du gaz. Il s'agit de se tourner vers des ressources qu'on a ici. Il y en a, ce n'est pas cela qui manque, pour couvrir l'ensemble de nos besoins, d'ailleurs.

Nouvelle optique de tarification. Les critères qui devraient soutenir une nouvelle tarification de l'électricité sont, selon nous: le contrôle de l'offre, l'incitation au développement ou non d'un secteur de notre économie, et la durabilité et/ou l'utilité sociale des biens et services fournis. Evidemment, l'application de ces critères demande qu'une orientation économique et sociale ait été définie avant.

Dans le domaine de l'agriculture, ce serait intéressant, peut-être par une tarification, d'encourager ce domaine parce que c'est en train de péricliter au Québec.

Il est à souligner aussi qu'un des domaines où le gaspillage énergétique est le plus élevé, c'est le domaine de l'alimentation. Vous avez des taux de... Quand vous faites un boeuf, si vous prenez les mêmes grains de provende, vous pouvez nourrir beaucoup plus de gens. Tout le réseau de transport, tout ce qui concerne l'alimentation, cela n'a pas été touche. On n'aura pas le temps d'y toucher nous non plus, mais il y a énormément à faire de ce côté aussi, strictement au point de vue énergétique.

L'évaluation de la durabilité et de l'utilité d'un produit, en accord avec les priorités qui vont être définies, doublées d'une analyse énergétique, quantité d'énergie nécessaire tout au long du cycle du produit, permettrait d'en arriver à avoir des taux d'électricité croissants, plus un produit jugé non-durable ou inutile, d'autant plus si la production de ce produit est énergivore.

Vers une stratégie énergétique québécoise. A la page 28, je pense que cela vous intéresse. Le gouvernement du Québec a annoncé qu'il définirait sa politique énergétique d'ici la fin de la présente année. Mais pour définir une politique énergétique judicieuse et permanente pour les trois ou quatre années à venir, il faut tout d'abord jeter un coup d'oeil à long terme, au moins cinquante ans, pour essayer d'actualiser dans le futur, compte tenu des données et des contraintes connues aujourd'hui, ce que nous voudrions y retrouver quand nous serons rendus là.

Ensuite, nous pourrons établir une politique énergétique consistante en fonction d'où nous voulons aller et non en fonction uniquement d'où nous sommes rendus. C'est pourquoi nous parlons de stratégie énergétique quand nous faisons référence à cette démarche du futur vers le présent, qui est employée d'ailleurs par M. Amory Lovins. Dans cette démarche, il faut distinguer trois étapes: la période présente, la période de transition énergétique et la période d'utilisation de ressources renouvelables, non dommageables pour le milieu naturel et économique.

Il faut donc accepter un chevauchement et une diversification des ressources énergétiques qui tiennent compte de ces étapes en plus d'orienter notre recherche en fonction de ces étapes. Il faut, de plus, ne pas investir tous nos fonds dans des projets qui prennent 10 ans à se construire et de 25 à 30 ans de plus pour s'amortir. C'est assez évident, je pense.

Afin de pouvoir financer la conservation, la recherche et le développement, il faudrait pouvoir peut-être contrôler davantage l'épargne des Québécois et la canaliser vers ces domaines au lieu d'aller emprunter sur les marchés étrangers.

Si le gouvernement veut inciter les citoyens à réduire leur consommation d'électricité en augmentant les prix, nous croyons que cette mesure ne servira pas à grand-chose — on parle des prix domestiques — si nous ne réussissons pas à faire comprendre aux citoyens la nécessité de réduire leur consommation. Si on prend l'exemple de la hausse du prix des paquets de cigarettes ou l'augmentation du prix du pétrole, cela n'a pas empêché les Québécois de continuer à fumer autant, sinon plus, et cela n'a pas empêché GM, en 1976, de vendre de grosses voitures comme elle n'en a jamais vendu. On ne fait pas appel à un calcul rationnel, on fait appel à des habitudes et aussi à une pression publicitaire. Il faut se rendre compte de cela.

Il faut éviter un transfert massif du pétrole à l'électronucléaire ou à l'hydroélectricité, parce

que ces engagements financiers nous mettraient dans une situation d'impossibilité d'action au niveau de la période de transition.

Le pétrole peut être remplacé par les alcools de bois, méthanol, éthanol; le métane, tiré des déchets organiques; l'hydrogène qui nous vient de l'électrolyse de l'eau.

Pour mener à bien une politique énergétique, il faut que le gouvernement ait le contrôle sur la production énergétique québécoise, c'est-à-dire, pour le moment, sur l'Hydro-Québec. Il faut absolument éclaircir la situation de qui contrôle qui, ceci, dans l'intérêt du gouvernement, de l'Hydro-Québec et de tout le public, parce que des guerres internes comme celles qui ont eu lieu lors du projet de développement de la baie James, il ne faudrait pas que cela se reproduise, parce que c'est nettement au-dessus de nos moyens financiers et du temps qui nous reste. C'est une longue marche que nous entreprenons. Le jeu des moyens ne doit pas nous faire oublier la discussion des objectifs. Nous croyons qu'une approche plus humaine des problèmes de production et de conservation d'énergie a toutes les chances de succès dans ce monde de "surhommes" de la consommation et de la technologie.

Le Président (M. Laplante): Bon.

Mme Vincent: ... une petite conclusion. Nous croyons qu'il faut maintenant ouvrir le dossier de l'énergie à toute la population. Nous sommes à une époque décisive de notre histoire dans ce domaine et l'on note une carence importante d'information chez les citoyens à ce sujet. Il est donc urgent de commencer à sensibiliser la population sur les enjeux des décisions que nous allons prendre sur le plan énergétique. Il est important aussi d'en faire un véritable débat public, pas uniquement réservé aux spécialistes, mais ouvert à toute la population, comme il s'en est tenu un en Suède durant deux ans. Nous croyons que cette mission pourrait fort bien être remplie par le futur bureau de conservation de l'énergie, que M. le ministre Guy Joron, a eu le mandat de mettre sur pied. Une telle mission implique que des moyens techniques et des ressources humaines proportionnels à la population visée et à l'importance du sujet seront mis en branle afin de permettre une prise de décision éclairée.

Si on accordait les mêmes sommes à l'information sur les ressources renouvelables que celles dépensées pour la promotion du nucléaire (le tout-à-l'électricité) les Québécois posséderaient une information plus complète pour juger de la situation. En ce qui concerne l'option nucléaire, nous vous rappelons que, d'après l'enquête de l'Association nucléaire canadienne, rendue publique à l'automne, les industriels, les fonctionnaires et les politiciens figurent parmi les gens les moins informés sur cette option et... les plus en faveur. Toujours d'après cette étude, la population possède très peu d'information sur les ressources énergétiques renouvelables et sur les dangers du nucléaire. En effet, 83% des personnes interrogées ont été incapables de mentionner une source d'électricité autre que l'hydroélectricité, les combustibles fossiles et le nucléaire. De plus, seulement 23% de la population interrogée attribue un risque aux déchets radioactifs. Si un référendum sur l'énergie nucléaire se tient, il faudra donc s'assurer au préalable que la population et les dirigeants ont été suffisamment et complètement informés.

De plus, il ne faut pas restreindre le débat public à la stricte question énergétique car les discussions à ce niveau n'ont de sens qu'à la lumière de décisions beaucoup plus fondamentales sur la société et l'économie de demain. Donc, il faut se donner le temps de bien s'informer et de bien informer la population des perspectives énergétiques et de leurs conséquences respectives en termes de coût, de pollution, de dépendance et de type de société engendrée. C'est pourquoi la Société pour vaincre la pollution demande à la population du Québec et à son gouvernement la tenue d'un moratoire sur l'implantation des centrales nucléaires au Québec, de même que sur les superprojets hydroélectriques prévus à la baie d'Hudson, à la baie d'Ungava, avec détournements de rivières et inondations de forêts.

M. Lacombe: C'est dans une période... Trente secondes, M. le Président, on arrive. C'est dans une période où les perspectives économiques sont qualifiées d'inquiétantes qu'il faut prendre conscience de notre richesse, car notre véritable richesse se trouve dans notre manière de façonner l'avenir, dans la créativité dont nous ferons preuve collectivement. C'est aussi dans un moment où le taux de chômage est élevé que nous devons réaliser l'ampleur du travail à accomplir. Cette tâche pourra, par contre, être enrichie par l'amélioration de la qualité des emplois. En ce sens, nous offrons notre collaboration au nouveau gouvernement et aux organisations impliquées dans la solution du problème énergétique, en tant que groupe qui rallie toujours plus de citoyens autour d'une vision de l'avenir qui prend racine dans l'homme et la nature.

Des citoyens qui commencent à trouver important de partager les mêmes valeurs fondamentales et qui sont prêts à ressentir plus définitivement et à vivre une société nouvelle qui aurait affiché "cul-de-sac" sur les avenues de "l'individualisation" et de la cancérisation des structures, de la consommation, de la croissance et de la technologie.

Nous avons dit!

Le Président (M. Laplante): Bon! Je vous remercie. Il y aura trois questions qui seront posées, parce que le temps nous manque actuellement. On aurait aimé, honnêtement, en poser beaucoup plus que ça. M. le ministre.

M. Joron: Madame, messieurs, je comprends que vous aviez énormément de choses à dire et que vous auriez aimé pouvoir les dire toutes in extenso. Je vous comprends d'autant mieux que

moi, je me suis livré un peu au même exercice avant les élections et ai mis trois ou quatre mois pour écrire un petit bouquin sur les mêmes sujets. Peut-être parce que je suis en grande partie d'accord avec ce que vous avez dit, j'allais vous dire que, quant à moi, en tout cas, je prends le risque, même si ça peut peut-être ne pas paraître gentil pour les autres qui ont déposé avant vous, de vous dire mon appréciation personnelle. J'estime que c'est le mémoire le plus intéressant qu'il nous a été donné d'entendre jusqu'à maintenant. Vous n'êtes pas les seuls à avoir tourné autour de la question, mais peut-être les premiers à l'avoir mise carrément sur la table et à en avoir ouvert toutes les facettes.

Vous savez, quand on a convoqué cette commission, d'une part, dans une démarche qui nous conduit à la définition d'une politique énergétique pour le Québec, on a dit, à ce moment — et tout le monde ne l'a pas compris — qu'il ne s'agissait pas d'un exercice pour savoir si on allait avoir trois barils de pétrole de moins, quatre barils de pétrole de plus, si, à l'avenir, il viendrait de telle place ou plutôt de telle autre place, quel prix cela allait coûter, si le taux de croissance allait être de 7,7% ou bien de 6,2%. Finalement, ce n'était pas ça du tout, l'exercice vers lequel on s'en allait. C'est pourquoi, hier soir, d'ailleurs, je qualifiais d'un peu décevants les mémoires des pétroliers, parce que, comme d'autres, tous ces gens prennent tout simplement la situation du passé et la projettent vers l'avenir.

Vous, vous nous dites, en somme, que si on s'apprête, pour la première fois, à définir une politique énergétique au Québec, c'est le problème global de l'orientation future de toute notre société que pose le problème énergétique. Moi, c'est toujours dans ce sens que je l'ai compris. Les travaux de cette commission, de même que les travaux que le ministère entreprendra dans la rédaction de son livre blanc, nous conduisent exactement à ça. Ce qu'on a à débattre, avant qu'on accouche de cette politique énergétique, c'est justement ça. Combien de croissance, quel type de croissance on veut dans l'avenir, quel type de société? Ce qui, comme vous l'avez souligné, implique des enjeux sociaux considérables, une réorganisation de tout l'aménagement de notre territoire, de la façon dont on construit nos villes, nos réseaux de transport, le type de croissance industrielle aussi, de développement économique ou industriel qu'on veut poursuivre. C'est tout ça. C'est ça la grosse question.

La grosse question, en somme, à mon avis, ce n'est pas de savoir si le nucléaire va arriver en 1993 ou en 2003, selon que le taux de croissance aura varié de quelques décimales. La question fondamentale, finalement, porte sur le quantum de l'énergie qu'on veut utiliser. Et quand on a dit que le quantum, la quantité doit être telle, c'est parce qu'on a une idée des besoins, de l'utilisation à laquelle cette énergie va servir. Donc, on a défini les besoins, et, en définissant les besoins, ce qu'on se trouve à faire, finalement, c'est définir un mode de vie et une société.

Vous avez posé le problème de front et je vous en félicite. Ceci dit, ça n'a pas réglé notre problème. On ne sait pas comment on va arriver à tout ça et comment on va l'articuler, cette politique. J'ai des questions à vous poser. Mais avant de vous poser ces questions, je voudrais dire quelques mots à la décharge de l'Hydro-Québec.

Vous êtes très sévère vis-à-vis de l'Hydro-Québec dans votre présentation, et parfois, je pense, un peu injustement. Parce qu'il ne faut pas prendre l'Hydro-Québec pour le ministère de l'Energie. Il ne faut pas lui mettre tous les péchés du monde sur le dos.

L'Hydro-Québec, d'après les pouvoirs que la Loi d'Hydro-Québec lui confère, n'a pour mandat que de vendre l'électricité que les consommateurs lui demandent. C'est tout. Elle n'a pas le mandat de faire la planification énergétique du Québec, ni de décider combien d'électricité on devrait avoir à telle époque. L'Hydro-Québec, selon le principe de l'ancienne loi, n'a qu'à s'organiser pour ne pas manquer d'électricité quand les consommateurs lui en demandent.

Alors, tant que la loi n'est pas modifiée, c'est évident, elle continue de fonctionner selon ce mandat. On ne peut pas lui reprocher de faire des projections de différents taux de croissance, même si cela mène, comme vous le dites, parfois à des investissements financiers d'une telle ampleur que cela devient absolument effarant. C'est une chose que je voulais dire. L'Hydro-Québec sait très bien que, maintenant que nous sommes dans une situation énergétique, depuis la crise des deux ou trois dernières années, radicalement différente, il ne pourra plus en être dans le futur comme il en a été dans le passé.

Elle sait très bien aussi, si vous voulez individualiser la chose, que celui qui détermine la politique énergétique du Québec, ce n'est pas l'Hydro-Québec, mais le ministre délégué à l'énergie. C'est nouveau et, avant d'établir cela, on est ici justement pour définir tous ensemble cette politique.

Seulement une petite chose aussi pour ne pas faire apparaître l'IREQ, l'institut de recherche de l'Hydro-Québec, comme une espèce de boîte à démons qui font des complots nucléaires; il faut bien mentionner que les trois quarts des fonds de l'IREQ vont à des problèmes comme la transmission de l'électricité, les transformateurs, les génératrices, l'étude, l'analyse, les tests de tout cela, les problèmes de transport, de réseaux, de tension et toutes ces choses.

Il n'y a finalement qu'une très faible partie qui va au nucléaire, encore que la principale porte sur la fusion et non pas la fission. Je ne voudrais pas que subsiste l'idée que l'IREQ consacre tous ses fonds à la recherche de la fission nucléaire. Ce n'est pas exact.

Ceci posé, revenons aux questions principales que soulève votre mémoire. Je commencerai par une question très générale, si vous voulez. Vous avez décrit la situation de l'avenir en trois étapes. Partant de la situation actuelle, vous nous dites: II va y avoir une période de transition basée sur la

conservation. La conservation me fait penser à une autre chose, me rappelle une autre chose que vous avez dite au sujet de l'Hydro-Québec. Vous dites: L'Hydro-Québec, tout en nous parlant de conservation, n'a pas l'air d'y croire parce que, d'un autre côté, elle nous dit aussi qu'il y aura un taux de croissance très élevé.

Mais là, il ne faut pas oublier deux choses. Ce n'est pas que l'Hydro-Québec ne croit pas à la conservation. C'est qu'en même temps l'Hydro-Québec vise un pourcentage plus grand dans le bilan énergétique total. Alors, il peut y avoir conservation tout en ayant une croissance considérable de l'Hydro-Québec parce qu'elle pourrait être appelée à remplir un plus grand pourcentage du bilan énergétique total. Ce n'est pas une croissance pour la croissance à ce moment. C'est de la substitution.

Mais je reviens à ma question principale, les trois étapes: l'étape présente, l'étape de transition et l'étape que vous avez appelée la période d'utilisation des ressources renouvelables.

J'aimerais vous demander de les cerner un peu dans le temps. Combien d'années voyez-vous à chacune de ces étapes et, à l'intérieur de chacune de ces étapes, comment se modifient, graduellement, les sources énergétiques qui composent le bilan total énergétique? Comment cela se modifie-t-il entre-temps?

Comment graduellement diminue le pétrole du bilan? Qu'est-ce qui le remplace à partir de telle date, etc? Vous avez été pressé. Si vous aviez eu le temps de tout le lire cela aurait peut-être fourni la réponse à ma question.

Pourriez-vous nous cerner cet aspect de votre mémoire, qui me semble fondamental?

M. Lacombe: Vous relevez le fait qu'on est dur avec l'Hydro-Québec. Permettez-moi de relever le fait que le nucléaire est une technologie dure aussi. En ce qui concerne l'IREQ, on n'a jamais eu d'information à l'effet... Je pense que je me suis peut-être mal exprimé tantôt, mais je parlais effectivement de fusion. Absolument pas de fission.

Les trois étapes. L'étape actuelle, c'est celle où le gouvernement du Québec va établir sa politique énergétique, c'est l'étape de consultation, de mise en branle et de constat de la situation, regarder ce qu'on a et ce qu'on n'a pas. Je vais essayer de donner une réponse courte, parce qu'il y a quand même des éléments assez importants de la réponse qui se trouvent dans le mémoire, pas le résumé, dans le mémoire complet. L'étape de transition devrait commencer le plus tôt possible et se terminer, selon les efforts qu'on va y mettre. Si on veut ménager le chou et la chèvre et qu'on veut faire plaisir à tout le monde et qu'on ne veut pas, par exemple, du point de vue des emplois, fermer des industries extrêmement énergivores et prendre cette énergie pour peut-être créer deux fois plus d'emplois, cela va dépendre du courage — parce que je pense que c'est comme cela que cela va s'appeler — du gouvernement face aux décisions concernant l'énergie.

M. Joron: Si vous permettez, il n'y a pas seulement une question de courage, comme vous dites, là-dedans, il y a la question de savoir, si on enlève quelque chose, en l'enlevant, s'il y a quelque chose qui peut le remplacer tout de suite, parce qu'on ne peut pas laisser le vacuum. Des fois ce n'est pas seulement une question de courage, c'est la question d'avoir un substitut qui prend la place de l'autre affaire tout de suite. On ne peut pas laisser le monde en chômage.

M. Lacombe: D'accord.

Mme Vincent: J'aimerais dire, à ce niveau-ci, que pour faire une conversion c'est possible. La conversion d'une énergie de temps de paix à une énergie de temps de guerre s'est faite en neuf mois aux Etats-Unis. C'est possible quand la volonté y est.

M. Lacombe: Donc, je continue assez rapidement, tout en sachant que la réponse que je vais vous donner est incomplète; ne me le dites pas, je vous le dis.

La période de transition, donc, va dépendre des énergies qu'on va y mettre. On peut l'évaluer peut-être au tournant du siècle. Si on regarde les scénarios de Amory Lovins, si on regarde les scénarios de la fondation Ford, on peut l'évaluer peut-être à 25 ans, mais cela dépend, encore là, de la recherche que nous allons faire ici. Parce que les ressources renouvelables ne peuvent pas s'appliquer du jour au lendemain. On va commencer, on va peut-être en utiliser un centième et ensuite on va grossir, parce que cela prend des expériences. L'expérience de La Macaza est tout à fait intéressante du point de vue du solaire. Cela va dépendre donc des fonds de recherche, parce que ce n'est pas le temps de décourager la recherche et dire: On retourne à la chandelle. C'est justement le contraire. Il faut encourager la recherche et il faut l'orienter. Cela aussi va être un critère très important dans la longueur de la période de transition. Il y a des découvertes importantes à peu près à tous les mois, dans le monde, sur les technologies douces. Les Australiens viennent de sortir quelque chose d'assez révolutionnaire concernant le solaire, qui augmente le rendement du solaire. C'est un impondérable, le rythme de découvertes concernant les technologies douces qui vont se faire dans le monde et qu'on va pouvoir appliquer ici, acheter le "know how" comme on le fait pour le nucléaire. Soit dit en passant, pour le nucléaire, on n'a pas le "know how". On achète tout ou presque à l'extérieur, sauf le mode d'emploi en français qu'on nous donne pour construire les centrales, mais c'est à peu près tout.

Il est difficile d'avancer des chiffres, parce qu'on pose un paquet d'hypothèses, ce qui nous amène peut-être vers 2025 à passer le cap, c'est-à-dire à fonctionner plus avec des énergies nouvelles que des énergies conventionnelles, à basculer, en fin de compte.

Mais des découvertes fondamentales dans les

quinze prochaines années et peut-être deux ou trois crises du pétrole vont simplement accélérer ce phénomène. Parce que quand les Américains ou les Russes ou d'autres vont s'y mettre, ça va aller assez vite.

Je m'excuse d'être obligé de répondre dans ces termes, parce que tout ce qu'on peut faire pour répondre à une question comme ça, c'est de répondre avec un scénario, deux scénarios, dix scénarios.

M. Joron: Si vous permettez, est-ce que je vous résumerais correctement si je disais ceci? A partir d'aujourd'hui ou du moment ou une politique énergétique globale comme ça entre en application jusqu'à la fin du siècle, par exemple, jusqu'en l'an 2000, une génération, ce serait une période de transition où on passerait des énergies dures vers les énergies douces, une période qui serait au départ fondée essentiellement sur l'économie d'énergie, la rationalisation de son utilisation, donc avec un abaissement graduel du taux de croissance, la demande globale énergétique tendant progressivement vers zéro, 1% ou quelque chose comme ça, la nouvelle période commençant avec le XXIe siècle. Ce serait une période pendant laquelle vous nous donnez une génération, en somme, pour modifier nos habitudes, nos valeurs, notre façon de vivre, notre façon d'aménager nos villes, notre façon de bâtir notre économie, de réorienter notre développement économique et de refaire la structure industrielle du Québec. C'est à peu près ça le projet que vous nous tracez jusqu'à l'an 2000?

M. Lacombe: Non, ce n'est pas ça. Si on situe à 2025 la période où la balançoire va changer de bord, ça donne quand même un peu moins de cinquante ans. Or, dans cinquante ans, un peu par construction mentale, on arrive à une période où on fonctionne encore à environ 50% avec des énergies conventionnelles, et j'inclus l'hydroélectricité là-dedans. Cela nous mène à plus... on a le temps de faire plus d'un enfant en 50 ans.

Mme Vincent: J'aimerais ajouter ceci. Pendant cette période, il n'y a pas que la conservation d'énergie, les ajustements techniques et tout ça; il y a aussi l'introduction des technologies douces, comme déjà certaines provinces ont commencé à le faire. La Nouvelle-Ecosse et Nle-du-Prince-Edouard ont refusé de participer à la construction du nucléaire de Pointe Lepreau au Nouveau-Brunswick. A ce moment, elles ont décidé de développer ce qui est particulier chez elles, c'est-à-dire le vent, l'énergie du vent. Les gens peuvent se brancher sur le réseau. De cette façon, c'est économique à la fois au point de vue de l'énergie, mais c'est économique pour les gens, ça leur fait faire des économies. Ils se trouvent à donner de l'énergie au réseau quand il y a des périodes de vent et à en prendre quand ça devient plus calme.

Ensuite, ces technologies douces vont être introduites graduellement. Donc, on ne compte pas seulement sur la conservation pour faire la transition.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président, je vais essayer de prendre le moins de temps possible. Je ne veux pas faire un long exposé, mais j'aimerais quand même dire que j'ai assisté presque sans interruption, depuis le début, à ces séances pendant près de six jours maintenant, et l'impression qui se dégage d'un très grand nombre de contributions, c'est malgré tout un certain pessimisme. On a évidemment des problèmes et des solutions à court terme, qu'il s'agisse de n'importe quelle des formes traditionnelles d'énergie, mais si on se fie à l'ensemble des mémoires — je pense bien que ce n'est pas dû à la fatigue de ceux qui siègent à la commission, mais c'est vraiment un fait observable dans les mémoires — il y a, sur un horizon de 25 ou 30 ans, beaucoup d'incertitude, c'est le moins qu'on puisse dire, peut-être même la probabilité d'une espèce de catastrophe, parce que la demande et les ressources disponibles ne semblent pas compatibles.

Votre mémoire, dans le fond, nous donne une très forte raison d'espérer. Il y a beaucoup d'optimisme qui se dégage de ce que vous dites, puisque vous dites qu'il faut avoir confiance que la recherche, dans les domaines de technologie douce, les nouvelles formules d'utilisation et de production d'énergie, va nous donner une solution à ce qui, autrement, a l'air d'un dilemme absolument irrécupérable.

Je pense que c'est une contribution très valable, ne serait-ce que par les raisons qu'elle nous donne d'espérer que la recherche, en particulier, va nous permettre de trouver une solution...

Je voudrais insister sur le fait que certaines personnes qui vont prendre connaissance de votre mémoire vont être portées à dire: C'est de la rêvasserie, ce sont toutes des hypothèses, des suppositions. Dans le fond, on n'est pas sûr de tout cela. C'est vrai, mais ce n'est pas une critique valable de votre contribution, si je la comprends bien, parce que vous indiquez tout simplement qu'il y a une dimension de futur, d'avenir. Il ne faut pas seulement se fier à ce qu'on connaît, à des méthodes éprouvées et à des vieilles habitudes. C'est absolument essentiel comme ingrédient d'une politique d'énergie.

J'aimerais, dans ce contexte, et pour parler de la période de transition au sujet de laquelle vous avez fait un certain développement, mettre en ordre, en quelque sorte, dans mon esprit, au moins, vos priorités. Il semble assez clair que votre première priorité, ce sur quoi vous insistez au départ, c'est la conservation. Cela va bien. Deuxièmement, comme je le disais tantôt, la recherche, l'expérimentation, le développement de nouvelles technologies qui sont plus respectueuses de l'environnement et qui sont basées sur des ressources renouvelables. Cela va bien aussi.

Mais dans la période de transition, il apparaît assez clairement, du moins je pense, qu'il y a, malgré tout, une perspective de croissance, peut-être réduite mais continue, des besoins d'énergie. Il y a aussi un facteur d'incertitude, il faut bien

l'avouer. Vous avez dit que les scientifiques ne se sont pas beaucoup prononcés. Il y en a malgré tout quelques-uns qui sont venus ici et qui nous ont dit: Ecoutez, les hypothèses sur l'économie possible avec l'utilisation du solaire pour le chauffage des maisons, ce n'est pas si élevé qu'on pense, etc. Donc, il y a une incertitude.

Pour combler l'incertitude quant à la possibilité de se satisfaire des sources traditionnelles sans expansion et de la croissance, malgré tout, problématique à court terme, de nouvelles technologies douces, il y a un ordre de priorités à respecter dans le développement des méthodes plus traditionnelles de produire l'énergie électrique, par exemple.

Dans votre mémoire, il n'apparaît pas très clairement si, oui ou non, vous considérez effectivement sur le même pied l'hydroélectricité et le nucléaire. Vous condamnez les deux à cause de leurs effets sur l'environnement. Est-ce que, effectivement, pour vous, les deux formes de production d'électricité sont aussi nocives ou à rejeter l'une que l'autre?

M. Lacombe: Non. C'est-à-dire, oui pour le nucléaire et non pour l'hydroélectricité. Ce qu'on reproche à l'hydroélectricité, c'est cette espèce de développement sauvage qui se fait. Je ne sais pas si vous êtes allé faire un petit tour à la baie James, pour voir ce que l'aménagement du territoire avait l'air. C'est assez fantastique à voir. Nous sommes surtout contre ces superprojets qui prennent énormément de notre argent, énormément de notre temps aussi, parce qu'il faut les construire. Nous ne sommes pas contre l'hydroélectricité, j'irais même jusqu'à dire qu'on est plutôt pour. Mais on voudrait que ces projets interviennent de façon décentralisée.

Il y a eu un temps, au Québec, avant la nationalisation de l'électricité, où il y avait beaucoup de petits barrages qui existaient et qui fonctionnaient. Peut-être qu'avec des petits barrages, on ne peut pas fournir toute l'électricité nécessaire, mais cela fera au moins cela de rentré.

Il y a des compagnies, par exemple, l'Alcan, qui utilisent des barrages. Je ne vois pas pourquoi des villes n'en utiliseraient pas. Il y a énormément de possibilités, du point de vue de la décentralisation, avec l'hydroélectricité. Si vous n'avez pas un barrage qui fournit des milliers de mégawatts, tout le monde se met à rire et dit que ce n'est pas rentable.

Qu'est-ce que c'est la rentabilité économique? C'est un projet comme la baie James, qu'on annonce à $5,8 milliards et qui va nous coûter $20 milliards? Si c'est cela, il faudrait peut-être se poser des questions. On n'a pas suivi les mêmes cours d'économie par correspondance. Il y a quelque chose qui ne marche pas.

En ce qui concerne les technologies douces, il y a peut-être une chose très importante à souligner; c'est que les technologies douces, dans leur application, sont plus créatrices d'emplois, à long terme, que les technologies dures. Par exemple, vous avez les chauffe-eau solaires. La France, dans les trois prochaines années, entrevoit mettre sur le marché 150 000 chauffe-eau solaires, en France, évidemment. Donc, il faut les produire. Cela prend de la main-d'oeuvre. Vous n'avez pas besoin d'entreprises énormes; simplement avec de petites entreprises, avec des coopératives, vous pourrez produire les éléments nécessaires à la production de ces chauffe-eau solaires, parce qu'il y a différents trucs, des morceaux qui existent, que vous ajoutez à un système et qui vous permettent de conserver l'énergie.

Qu'est-ce qu'on va faire? Va-t-on importer cela ou si on va le produire ici? Je pense qu'on devrait le produire ici. Il y a quelques chômeurs qui traînent encore. Il faut considérer cela, c'est important.

Mme Vincent: Justement, dans cette même ligne d'idée, c'est que, quand on parle de technologies douces, les découvertes ne sont pas toutes à faire. Il y a bien des choses prêtes à être mises en application maintenant. Il y a d'autres moyens aussi, comme les pompes à chaleur, qu'on pourrait mettre sur le marché demain.

M. Forget: Pour revenir à cette question de l'électronucléaire et de l'hydroélectricité, votre opposition à l'électronucléaire est, dans le fond, beaucoup plus fondamentale et profonde. Sur l'hydroélectricité, vous êtes plutôt contre la façon dont certains développements se sont faits plutôt que contre l'utilisation de cette source d'électricité.

J'aimerais enchaîner là-dessus parce que vous avez fait allusion... Dans votre mémoire, il est vaguement question d'une consultation populaire ou d'un référendum sur la question de l'électronucléaire. Je crois que c'est le ministre qui y a fait allusion. D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que les propos fort bienveillants du ministre à votre endroit et à l'endroit de votre mémoire ne devraient pas vous créer d'illusion. Je pense que le ministre a véritablement l'intention de pousser la formule nucléaire; enfin, on le verra. Je ne peux pas m'empêcher non plus de contraster son style très conciliant d'aujourd'hui avec celui d'hier.

M. Joron: Vous m'apprenez des choses, M. Forget.

M. Forget: Enfin, l'avenir le dira! L'explication du comportement du ministre, aujourd'hui vis-à-vis de vous et son comportement d'hier vis-à-vis d'un autre groupe — vous auriez dû le voir hier, il crachait le feu — c'est peut-être qu'hier il consommait de l'énergie dure et, aujourd'hui, il consomme de l'énergie douce. C'est peut-être une démonstration de l'intérêt de changer la source d'énergie. Mais, dans cette consultation populaire, si elle doit se tenir, avez-vous le sentiment que, pour être sûr que ce débat va se faire de façon absolument impartiale, au point de vue de l'information au public, des groupes comme le vôtre ou peut-être un regroupement de sociétés ou de

groupes volontaires comme le vôtre, qui s'opposent à l'électronucléaire, devraient peut-être, à cette occasion, bénéficier d'un certain appui financier gouvernemental pour leur permettre de diffuser auprès de la population un certain nombre de leurs préoccupations et de l'information qui devrait être mise à la disposition du public? Parce que j'ai un peu l'impression que soit l'Hydro-Québec, soit le gouvernement, advenant un tel référendum, serait évidemment mis à contribution pour propager la thèse opposée.

Mme Vincent: Je pense que c'est très important de définir ce qu'on veut dire par de l'information. Ce qui est certain, c'est que la campagne est déjà engagée. On voit, dans les journaux, la propagande de l'Hydro qui est fort bien faite. En cas de panne, c'est encadré dans du noir. La campagne psychologique est déjà à l'oeuvre.

Ce que nous voudrions qu'il existe, c'est justement, oui, la possibilité des moyens. Il faut bien comprendre que, au départ, l'Hydro part avec plusieurs mesures d'avance. C'est possible de dire aux gens: Vous avez besoin d'électricité. Autrement, au gouvernement précédent, on disait: Les hôpitaux vont fermer, les écoles vont fermer. Ils ont fermé quand même, mais ce n'était pas à cause du manque de courant. Ce qui est important dans cette question, c'est que, justement, c'est là que des scientifiques devront apparaître et se découvrir une conscience au lieu d'un contrat. Là, ce serait important.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond, dernière intervention.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Le travail que la société nous présente est considérable. Pour ma part, je le trouve particulièrement intéressant aussi. Je pense que cela nous démontre l'éventail des préoccupations de votre société. En fait, vous élargissez le débat de la question énergétique à tout son ensemble. Vous touchez, par le biais de votre présentation, une foule de points, à la chaîne alimentaire, à l'attitude des consommateurs, à l'agriculture, aux réserves limitées d'énergie habituelle, aux sources d'énergie douce. Vous touchez aussi aux conditions différentes d'un pays à l'autre ou d'un continent à l'autre. Cela touche aussi, je pense, à l'ensemble de la problématique. J'avais mentionné au début de cette commission que c'était peut-être fini la période de douce tranquillité ou de fausse tranquillité où un pays comme les Etats-Unis, avec 6% de la population mondiale, pouvait tranquillement consommer 30% des ressources énergétiques. Je pense que vous avez touché indirectement cet aspect.

Maintenant, dans l'ensemble de votre mémoire, il se dégage que vous faites appel quand même à toute une nouvelle façon de voir la question dans son enveloppe globale, et vous faites en même temps appel, disons-le directement, à un nouveau type de société, en définitive, à cause de tous les aspects que vous touchez, là où vous situez la question. Cela est une nouvelle forme de société et un nouveau type de société complète- ment différent de celui dans lequel on vit actuellement. Ma question serait la suivante: Est-ce possible, dans ce contexte, d'arriver à renverser la vapeur de la situation que vous décrivez dans votre mémoire et qu'on peut aussi compléter par une foule de données qui sont réelles, qui sont autour de nous autres? Est-ce qu'il est possible de renverser cette vapeur dans le sens que vous dites, compte tenu des échéances qui existent dans les différents secteurs auxquels vous touchez? Est-ce que, dans votre optique, c'est possible d'y arriver et, un peu, de quelle façon? Je comprends que cela étend peut-être la question de façon encore plus large, mais j'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

M. Lacombe: Je vais essayer de vous répondre. Vous faites allusion à des possibilités suivant la situation actuelle et une situation qu'on voudrait voir dans le futur, voir un peu ce qui se passerait du point de vue économique. Si on dit qu'on veut renverser la vapeur, en fin de compte, oui, on veut peut-être économiser un peu de vapeur dans toute cette histoire. Dans l'optique qu'on a présentée quand on dit: Nouvelles valeurs, nouvelle société, je pense qu'il y a un point fondamental — probablement que M. le ministre aurait aimé poser cette question — qui rejoint votre point, c'est que parler de croissance économique, suivant le schème traditionnel. Cela peut sembler contradictoire, parce que nous autres, on propose de changer les fondements de ce système. Si on essaie de suivre l'idée, de voir un peu ce que cela peut donner, on affirme qu'après une période d'ajustement la croissance économique réelle suivrait à peu près l'augmentation de la population, mais le taux de consommation d'énergie aurait chuté radicalement auparavant et s'ajusterait ensuite lui aussi à la croissance de la population. Le produit national brut ne voudrait plus dire la même chose, puisqu'on lui aurait substitué une réalité beaucoup plus qualitative. Son augmentation ne serait plus un but en soi. On s'attarderait plutôt à son amélioration. Donc, un nouvel équilibre entre la croissance énergétique et la croissance économique s'établirait selon nous autres à un autre niveau. Durant ce cheminement, la période de transition, par ce nouvel équilibre, on peut raisonnablement penser que la croissance économique telle que définie peut continuer à augmenter en même temps que la croissance énergétique continuera de décroître.

M. Brochu: Tout ceci, d'accord, comme conséquence de la mise en application de ce que vous proposez jusqu'à un certain point, mais ce type de société nouvelle, dasn son ensemble, devra quand même commencer quelque part. Est-ce que, dans votre esprit, cela devrait être par des mesures incitatives au niveau de la publicité d'abord ou par des mesures coercitives qu'on devrait arriver à le mettre en application? Il ne faut pas non plus négliger la réalité où l'ensemble d'une population a ses habitudes de consommation, a également ses schèmes de références en termes d'énergie ou en termes d'habitudes de vie.

Je pense que c'est là que vous situez le point de départ de tout votre changement, et c'est là quand même qu'est le noeud de tout le débat. On fait appel, à ce moment-là, à une conscience populaire dans l'ensemble. Où va-t-on commencer et de quelle façon va-t-on arriver à conscientiser toute une population à un problème donné qui est devant nous pour s'en sortir collectivement?

Mme Vincent: L'information qui doit rejoindre les gens, c'est que les ressources sont épuisables, contrairement à ce qu'on avait cru. Donc, certaines ressources sont épuisables. Il y en a qui sont renouvelables, mais les ressources conventionnelles sont épuisables. Mais ça, je pense que, déjà, c'est amorcé dans la population. Les gens se rendent compte qu'il y a des choses qui ne pourront demeurer. Je pense que, pour le pétrole, c'est connu maintenant, nous arrivons à une période où on peut voir la fin de cette ressource; pas seulement le pétrole, il y a aussi le gaz, il y a aussi l'uranium. Bon! Alors, ce qui est absolument aberrant, c'est de penser qu'avec des ressources qui vont finir on met en place des programmes de développement qui utilisent ces ressources. Cela me paraît curieux. Mais c'est cette information qu'il faut donner au public. D'abord, prendre conscience qu'il y a certaines ressources qui sont épuisables. Après ça, ce qui serait impossible, ce serait de continuer le développement tel qu'il a existé jusqu'à maintenant. Il faut d'abord se rendre compte que ça, c'est impossible. Cette voie-là, elle est bouchée. Donc, il faut en trouver d'autres, mais il faut d'abord prendre conscience de ça. Je pense que, dans certains mémoires que j'ai entendus, on n'en est pas du tout conscient encore.

Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs...

M. Lacombe: Pour compléter la réponse, ce ne sera pas long. Que les mesures soient incitatives ou coercitives, je pense qu'il faut évidemment expliquer cela à la population et, si possible, directement, pas en passant par douze intermédiaires. Il faut lui faire comprendre d'abord et lui faire prendre conscience de ce qui se passe. Mais il faut éviter que ces mesures ne soient injustes. Parce que, si les gens ont l'impression que ces mesures ne sont pas les mêmes pour tout le monde, qu'elles soient coercitives ou qu'elles soient incitatives, elles sont vouées à l'échec.

M. Brochu: M. le Président, si vous me le permettez, pour compléter le sujet rapidement. Compte tenu de ce qu'on nous a dit, ce que différents mémoires nous ont laissé entendre, qu'on avait des limites dans le temps, dans le processus que vous entrevoyez pour l'établissement de cette forme de société nouvelle, est-ce que vous voyez des échéanciers fixes, c'est-à-dire même des points de non-retour à l'intérieur desquels il faudrait absolument manoeuvrer pour transformer cette mentalité? Autrement dit, est-ce que vous vous donnez des délais maximaux, compte tenu des situations auxquelles on a à faire face?

M. Lacombe: Les délais vont nous être imposés par l'épuisement des ressources, et ça, ça ne dépend pas seulement de nous. Encore une fois, comme dans les dizaines d'exemples qu'on a donnés, ça dépend de l'extérieur, ça dépend des pays. On vit sur une planète qui est finie. On ne pourra pas changer de planète. Si l'épuisement des ressources nous amène à des points de non-retour dans 50 ans, ce sera dans 50 ans, mais, comme c'est là, ce ne sera pas dans 50 ans, ça va être dans 25 ans.

M. Brochu: En tout cas, il semblerait être visible. Maintenant, en terminant, est-ce que vous pourriez me dire si vous êtes d'accord — j'imagine que vous le seriez, à ce moment — sur l'éventualité, qui a été soulevée par certains intervenants, d'établir une commission spéciale en matière énergétique? A ce moment-là, est-ce que vous seriez d'accord pour élargir le débat dans son contexte global, tel que vous le proposez actuellement, en faisant venir, par exemple, les scientifiques dont vous faisiez mention tout à l'heure?

M. Lacombe: Oui, je pense que ça peut être une idée intéressante. On n'a pas insisté tellement là-dessus, mais, si vous la proposez et pouvez la défendre, je pense que ça peut être applicable. Cela veut dire qu'il faudrait que cette commission n'oublie pas d'inviter peut-être des agents très importants qui représentent les citoyens. Il ne faut pas que le débat soit seulement scientifique, parce que je pense qu'il y a énormément de choses qu'on peut expliquer si on fait un effort, mais, si on ne va jamais dans ce sens, on va toujours dire: Les gens ne peuvent pas comprendre.

Le Président (M. Laplante): Je regrette, c'est tout. Madame, messieurs, je vous remercie de la coopération que vous avez voulu apporter à cette commission.

M. Lacombe: En terminant, comme c'est l'habitude dans certains pays, on ne vient pas en visite sans apporter de cadeaux. On a apporté aux membres de la commission un petit cadeau et on espère que ça va être utile pour vos discussions avec l'Hydro-Québec, peut-être pour essayer d'épater vos confrères de l'Assemblée nationale.

Ce document s'appelle: "Tout ce que vous aimeriez ne pas savoir sur l'énergie nucléaire et que l'on ne voudrait pas non plus vous dire".

Ce petit cadeau de la SVP sera distribué par...

Le Président (M. Laplante): Monsieur... M. Lacombe: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Laplante): ...merci de votre cadeau. Maintenant, j'appelle le groupe Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie.

Vous pouvez prendre vos places en avant, s'il vous plaît.

Cela fait plaisir aux membres de la commission de vous recevoir. Il y a un autre accueil tout

spécial que j'aimerais faire au nom de tous les membres de la commission. Il y a, dans cette salle, 150 à 200 personnes du club de l'Age d'Or. On vous souhaite la bienvenue. On espère que vous reviendrez à votre gouvernement pour venir voir ce qui se passe. Prenez-en l'habitude. Le chemin entre Montréal et Québec n'est pas long.

Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie

Mme Moorehead (Susan): Nous représentons la Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie. Je m'appelle Susan Moorehead et je vous présente, à ma gauche, Claudette Drennan, et Gérard Lafleur; à ma droite, il y a Mme Maureen Ryan, Linda Vance qui vont présenter notre mémoire et répondre aux questions. Je vous présente également, à mon extrême droite, Yolande Landry qui va faire la traduction des procédures.

Les augmentations des prix de l'énergie concernent tous les travailleurs du Québec, francophones et anglophones. Donc, la Coalition considère important que tous les membres présents ici suivent les procédures.

We represent the Coalition Energy Price Control. Those people on my left and right who I have just introduced will present our brief and answer questions. On my extreme right, Yolande Landry will translate the proceedings. Energy price increases concern all working people of Quebec, both French speaking and English speaking. The Coalition, therefore, considers it important that our members here today follow the proceedings.

Mme Drennan.

Mme Drennan (Claudette): Tout d'abord, nous tenons à dénoncer la façon dont la commission parlementaire est organisée. Nous avons adressé à la commission une demande pour que les audiences soient tenues à Montréal. Cela aurait permis, entre autres, à un plus grand nombre de consommateurs de pouvoir participer à la commission parlementaire et aurait évité une dépense d'énergie considérable occasionnée par le déplacement de 250 personnes qui sont présentes.

Nous croyons que le gouvernement devrait adopter une nouvelle pratique relativement aux commissions parlementaires et tenir des audiences publiques dans les grandes villes du Québec.

Pour un gouvernement qui dit vouloir écouter la population qui l'a élu, c'est le minimum. Compte tenu que le gouvernement n'a pas voulu adopter une nouvelle pratique, soit rendre les commissions parlementaires plus accessibles aux travailleurs, il nous fait plaisir de vous présenter les pétitions de plusieurs milliers de signatures de tous ceux qui auraient été présents à la commission, si les audiences avaient été tenues à Montréal. Nous attachons à ces pétitions la facture des autobus affectés au déplacement des personnes qui ont compris l'importance de cette audience et qui n'ont pas hésité, elles, à laisser derrière elles les responsabilités de jeunes enfants confiés à des garderies, des repas qui ne seront pas préparés à cause de l'absence d'une mère, des travailleurs qui ont choisi de manquer une journée de travail pour venir ici aujourd'hui défendre une cause à laquelle ils croient profondément, c'est-à-dire de geler les prix et non pas le peuple.

Mme Ryan (Maureen): The Coalition for energy price control protests the hearings being held in Quebec City, making the hearings inaccessible and extremely inconvenient to the majority. You realize the hardships imposed upon us, mothers who came, leaving children for dinner and supper to working husbands or otherwise having to pay babysitters. Members who lost work therefore lose money to be here today. That is how important it is for us. We trust it will not fall on deaf wears. Since this venture cost us a lot of money we can ill afford, we have presented you with the bill for our transportation. You would not come to us so therefore there was not any alternative. We also are presenting you with petitions signed by thousands supporting our demands who would have been here had the hearings been in Montreal.

Le Président (M. Laplante): II y a quelques places encore ici dans le côté s'il y a des gens qui veulent s'asseoir.

Une Voix: Est-ce qu'on peut produire nos pétitions?

Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur...

Mme Drennan: Au mois d'avril 1976, plusieurs groupes populaires de la région métropolitaine se sont réunis pour former la Coalition pour le contrôle des prix de l'énergie, dans le but de mettre fin à l'exploitation des consommateurs domestiques de gaz et d'électricité. Cette exploitation, qui s'exerce par des prix croissants et des services décroissants, a servi, par le passé, les intérêts des entreprises de services publics et de l'industrie en général. Le nouveau gouvernement doit se révéler différent de ses prédécesseurs et répondre aux besoins de la population en modifiant la situation. Déjà, le nouveau gouvernement suit les traces de l'ancien gouvernement en permettant à la Régie de l'électricité et du gaz du Québec d'accorder une autre augmentation de 11% à Gaz Métropolitain. Plusieurs des thèses que cette commission entendra et plusieurs des problèmes qu'elle sera appelée à résoudre n'auront que peu impact immédiat sur la population. Ce que nous voulons, toutefois, c'est qu'une attention immédiate soit accordée aux questions qui nous touchent en tant que consommateurs résidentiels. C'est pourquoi notre bref exposé traitera de deux domaines principaux. Premièrement, l'injustice et la discrimination dans les politiques et pratiques des compagnies. Deuxièmement, les structures tarifaires du gaz et de l'électricité et la question de la responsabilité sociale.

Nous savons que le but de cette commission est de former une politique d'énergie à long terme.

En représentant les travailleurs du Québec, nous avons des besoins immédiats et des revendications immédiates à moyen et à court terme auxquels le gouvernement peut donner suite.

Mme Ryan: During your campaign, you presented yourself as the working's men party. Well, we are the workers who voted you in. We trust we will be seing immediate result and not have to wait years for an energy program to be developped before you deal with our essential needs.

The Coalition for Energy Price Control was formed in April 1976 by popular groups from the Montreal area who wanted to put an end to the exploitation of residential consumers of gas and electricity. This exploitation, in the form of increased prices for decreased services, has in past years served the interests of both the utility companies and industry. The new government must show itself to be different from its predecessor and respond to the needs of the people by reversing the pattern. Already, the new government sat idly by while the Gas and Electricity Board gave Gas Metropolitan another 11% increase last week.

Many of the submissions that this commission will hear and problems it will be called upon to solve will have little immediate impact on the population. What we want, however, is that immediate attention be given to the issues which effect us now as residential consumers. Therefore, our brief addresses itself to two main areas, first, discriminatory and unjust policies and practices. Second, gas and electricity rate structures and the question of public accountability.

Mme Drennan: L'injustice et la discrimination dans les politiques et pratiques des compagnies. La conservation de l'énergie et les augmentations de prix. Dans le Devoir du lundi 17 janvier 1977,le ministre délégué à l'Energie déclare que les dernières hausses de tarif annoncées par l'Hydro-Québec peuvent être acceptables parce qu'elles forceront les consommateurs à être plus prudents et plus soucieux d'économiser l'énergie. Cet argument est de toute évidence basé sur une fausse hypothèse: Les consommateurs domestiques sont les seuls responsables du gaspillage de l'énergie. Ce n'est pas vrai. Pour la majorité, l'électricité et le gaz ne sont utilisés que pour des besoins essentiels: le chauffage, la préparation des repas, l'éclairage, l'eau chaude, les appareils ménagers essentiels.

Evidemment, si les prix ne cessent d'augmenter, nous serons forcés "d'économiser", mais ce genre d'économie implique de "geler dans le noir". Plusieurs, sinon la plupart d'entre nous, sont victimes de notre environnement. Dans une ville comme Montréal, où 80% de la population est locataire, nos choix sont limités. Si nos logements sont mal isolés, donc exposés aux courants d'air, tout ce que nous pouvons faire est de fermer une ou deux pièces pendant le jour et augmenter le chauffage.

Rien ne peut inciter un propriétaire à mieux isoler ses logements, même si le locataire ne paye pas directement les coûts du chauffage. Le propriétaire peut très facilement intégrer les augmentations de prix d'huile ou du gaz au coût de location du logement. Par ailleurs, il ne sert à rien de se tourner vers d'autres sources d'énergie quand les coûts de l'une deviennent trop élevés, tous les prix augmentent rapidement dans ce secteur. Que faire alors pour éviter de gaspiller l'énergie? Cesser de prendre des bains, manger des repas froids, lire à la chandelle ou peut-être dormir quatre dans un lit pour se réchauffer? Il est clair que le gaspillage de l'énergie ne s'arrêtera pas simplement à cause de l'augmentation des prix. Les familles riches qui peuvent se permettre l'achat de jeux et de commodités électriques de toutes sortes ont les moyens de payer un prix plus élevé pour leur consommation domestique. Nous ne sommes pas non plus à la veille de voir s'éteindre les lumières des édifices de l'Hydro-Québec, de la place Du-puis et de la place Desjardins durant la nuit.

Nos revendications ne sont pas exagérées: les mesures d'incitation à la conservation de l'énergie, sous forme d'augmentation généralisée des prix, sont à la fois injustes et irréalistes pour les consommateurs domestiques. Les tarifs sont déjà au-dessus de nos moyens. L'Hydro-Québec a augmenté ses prix de 10,3% en 1976, de 9,6% en 1977 et réclame maintenant un autre 17% pour les années 1978, 1979 et 1980. Gaz Métropolitain s'est vu accorder huit augmentations de tarifs depuis 1973, avec l'augmentation du 20 janvier, en plus de la dernière approuvée la semaine dernière, ce qui donne un total de 10.

Les gouvernements libéraux fédéral et provincial ont exercé un contrôle serré de nos salaires, grâce à leurs mesures soi-disant antiinflationnistes. Nous ne sommes pas opposés en principe aux mesures de conservation de l'énergie, nous sommes très conscients du fait que, selon les dernières statistiques, les combustibles fossiles disparaissent rapidement. Nous savons qu'à moins d'une réduction de notre consommation d'énergie ou du développement d'autres sources énergétiques, nous pourrons être obligés de recourir à l'énergie nucléaire.

Nous sommes fermement opposés à cette éventualité. Ce que nous demandons, par conséquent, c'est un programme de conservation de l'énergie bien planifié et cohérent, programme qui verra à partager, de manière juste et pratique, la responsabilité d'une réduction de la consommation d'énergie entre toutes les couches de la population plutôt qu'à élargir l'écart déjà considérable entre les catégories de revenus ainsi qu'entre l'industrie et les consommateurs domestiques.

Mrs. Ryan: Discriminatory and unjust policies and practices. First, conservation and prices increases. In Le Devoir of January 17th 1977 , the Energy minister is quoted as saying that the latest rate increases announced by Hydro-Québec need not be disallowed because they will make consumers more cautious and more inclined to conserve energy. This statement is evidently based on the false assumption that residential consumers are solely responsible for the wasting of energy.

This is not true. For the majority, electricity or gas is used only for essential needs: home, hot water heating, cooking, lighting, necessary appliances, etc. Certainly, if prices rise enormously, we will have to conserve. But that kind of conservation means freezing in the dark. Many, if not most of us, are victims of our environment.

In a city like Montréal, where close to 80% of the population lives in rented dwellings, our choices are limited. If our flats are drafty and poorly insulated, all we can do is shut off one or two rooms during the day and turn up the heat.

There are no incentives for landlords to provide better insulation: even if the tenant does not directly pay for the heating, the landlord can pass on higher fuel costs in the form of higher rents. Nor is there any point in turning to other sources of energy when the cost of one becomes too high, all are rapidly rising in price. What, then, are we supposed to do to avoid wasting energy: forego bathing, eat cold food, read by candlelight and sleep four in a bed?

Those that do waste energy will not stop simply because prices increase: the affluent family that can afford a vast array of electronic entertainments and comforts can afford to pay higher prices to power them. Nor are we likely to see the lights of Hydro-Québec, Place Dupuis and Place Desjardins go out at night.

Our claims are not exaggerated: conservation incentives in the form of across-the-board price increases are unfair and impractical for the average residential consumer. Prices have already risen beyond our means. Hydro-Québec raised our bills by 10,3% in 1976, 9,6% in 1977 and now wants an additional 17% for 1978, 1979 and 1980. Gaz Métropolitain has been granted with the increase of January 20th and the last one approved last week, 10 rate increases since 1973.

Meanwhile, the federal and provincial Liberals have clamped controls on our wages through their so-called anti-inflation measures. We support conservation methods in principe. We are well aware of reports that fossil fuels are rapidly disappearing. We know that unless our energy consumption decreases or other energy sources are developed, we may have nuclear energy forced on us and we strongly oppose that move.

What we are therefore demanding is a coherent, well thought-out conservation scheme which distributes the responsibility for reduced consumption throughout the consuming population in an equitable fashion rather than widening the already broad gap between income groups and between industry and residential consumers.

Mme Drennan: Les coupures de services. La pratique des coupures de services, lorsque les comptes ne sont pas payés, pratique utilisée par l'Hydro-Québec et par Gaz Métropolitain, doit également cesser. D'autres créanciers n'ont pas ce pouvoir unilatéral d'exiger la collecte de leur dû sur un simple avis de 48 heures (Gaz Métropolitain ne donne même pas d'avis) mais ils doivent d'abord inscrire une poursuite devant la cour et, à tout le moins, prouver que la dette existe vraiment. Les fournitures de gaz et d'électricité, qui constituent des services essentiels, devraient être soumises aux mêmes règles, sinon à des règlements plus stricts.

Aux Etats-Unis, les cours de justice ont adopté, depuis quelques années, une politique à l'effet qu'une coupure de services doit être précédée d'une requête devant les tribunaux. Cette requête doit démontrer que non seulement le compte est échu, mais également que le client est en mesure de payer et refuse de le faire sans raison valable.

En Ontario, la loi interdit toute coupure de services entre les mois de septembre et avril. Nous croyons que ces deux positions représentent un pas dans la bonne direction.

Mrs. Ryan: Gas and electricity cut-offs. The practice of cutting off service when accounts are unpaid, employed by both Hydro-Québec and Gaz Métropolitain, must be stopped immediately. Other creditors do not have the unilateral power to force collection of their debts upon 48 hours notice or, in the case of Gaz Métropolitain, with no notice at all, but must first petition the courts, and at least show that the debt really exists. Gaz and electricity, which are essential services, must be subject to the same, if not more stringent requirements.

In the United States, the courts have, in recent years, formulated a policy that no cut-offs can be legally made unless they are preceded by a petition to the courts, which shows not only that the account is overdue but also that the customer is able to pay and has refused to do so without a valid reason. In Ontario, legislation forbids interruption of service between September and April. We feel that both these solutions are a step in the right direction.

Mme Drennan: Les dépôts à Gaz Métropolitain.

Le Président (M. Marcoux): Pourrais-je faire une suggestion? Si vous voulez que les membres de la commission aient le loisir de vous poser des questions, veuillez résumer des parties de votre mémoire ou en lire alternativement une partie en anglais et une partie en français, parce que, si vous prenez tout le temps pour la lecture, il ne restera plus de temps pour les membres qui désirent soulever des questions.

Procédez comme vous voulez, soit en résumant votre mémoire ou soit en lisant une partie en français et une partie en anglais, sinon nous n'aurons pas le temps d'entendre peut-être même tout votre mémoire.

Mme Landry: The President has just said that giving a time structured it will be necessary either to shorten our presentation or else to alternate between French and English in our presentation, rather than reading everything in both languages.

Mme Drennan: D'accord, M. le Président, on va procéder.

Les dépôts à Gaz Métropolitain. En plus de ses tarifs exorbitants, Gaz Métropolitain a trouvé une autre façon tout aussi discriminatoire d'augmenter ses revenus. Les consommateurs domestiques qui demeurent dans des quartiers à faibles revenus sont tenus de payer un dépôt avant l'installation du service. Dans plusieurs cas, ces dépôts peuvent s'élever jusqu'à $100. Si un client ne peut payer ce dépôt, le service ne lui sera pas fourni; s'il le peut, il devra payer les comptes de gaz avant la date limite pendant toute une année pour établir son crédit. Alors seulement il pourra être remboursé de ce montant avec un intérêt de 6%. Seuls les clients à faibles revenus ou les résidents des quartiers à faibles revenus sont obligés de fournir ce genre de prêt bon marché à Gaz Métropolitain. Par conséquent, à Montréal, la Cour provinciale a jugé cette pratique illégale et discriminatoire. Toutefois, parce que les poursuites collectives ne sont pas admises au Québec, cette décision ne concerne qu'un cas particulier et la compagnie a porté la cause en appel. Cette situation exige de toute évidence des mesures législatives.

Mme Ryan: Billing practices. Linked to both cut-offs and deposits are the billing practices of Gaz Métropolitain and Hydro-Québec, which can only be described as sloppy. Both companies often fail to read meters for months at a time. Sometimes estimated bills will be sent, sometimes none at all. When a correct reading is finally taken, the resulting bill can be staggering, and yet the time given to pay it, unless special arrangements are made, is the same as for a regular bill. For a customer who has been forced to pay a deposit to Gaz Métropolitain, inability to pay by the due date means the deposit will not be returned. For both gas and hydro, if the bill is high enough and the customer poor enough, inability to pay may result in a cut-off of service. We see no reason why we should suffer for these companies mistakes.

Residential consumers of gaz and electricity, faced with one of the coldest winters on record, cannot afford to wait months while an energy policy is formulated. Many of our problems can be solved by immediate legislative action, and do not require extensive deliberation.

Therefore, the Coalition for Energy Price Control demands: 1.A freeze on the price of gas and electricity. 2. No cut-offs — gas and electricity are essential services that must be maintained. 3. No deposit — why should we have to provide cheap loan to Gaz Métropolitain? 4.Regular meter readings and regular billings.

Mme Drennan: Les structures tarifaires du gaz et de l'électricité, la question de la responsabilité sociale. Nous sommes conscients que ces deux questions ne peuvent être résolues du jour au lendemain, mais on doit, néanmoins, leur accorder une très haute priorité. On ne peut s'attendre que les consommateurs domestiques continuent de tolérer les conséquences d'une structure tarifaire qui profite de façon évidente à l'industrie, pas plus qu'on ne peut permettre à l'Hydro-Québec de continuer sa mascarade de service public, alors que la population n'exerce aucun contrôle sur ses politiques et ses pratiques.

Les structures tarifaires du gaz et de l'électricité. Pendant que les prix du gaz et de l'électricité augmentent considérablement, l'écart entre les tarifs industriels et domestiques suit la même courbe. En 1974, les consommateurs d'électricité de la catégorie domestique représentent 22,2% des ventes de l'Hydro-Québec et lui assurent, par contre, 34,7% de ses revenus. Nous avons ici des tableaux qui illustrent la structure tarifaire. Si vous voulez les étudier, vous pouvez les trouver dans l'annexe A, intitulée L'histoire du profit.

Le Président (M. Marcoux): Les membres de la commission ont ces tableaux.

Mme Drennan: Parallèlement, les clients de Gaz Métropolitain de la même catégorie représentent 21,4% du total des ventes et versent à la compagnie 33,7% de ses revenus. Les consommateurs de la catégorie industrielle ont utilisé, toutefois, plus d'énergie et déboursé comparativement moins d'argent pour la même période de temps. Les statistiques de l'Hydro-Québec relatives à ce groupe de clients leur attribuent 34,9% des ventes et seulement 25,9% des revenus; pour le gaz, 65,9% des ventes et 50,7% des revenus.

L'injustice est encore plus éclatante lorsque ces chiffres sont exprimés en cents et en dollars. Les abonnés domestiques de l'Hydro-Québec ont payé en moyenne $1.56 par 100 kilowatts-heures, alors que les clients industriels ont payé $0.74. Les consommateurs domestiques de Gaz Métropolitain ont payé $1.69 par 1000 pieds cubes, alors que les industriels ont payé $0.85. Dans les deux cas, les petits consommateurs domestiques paient pratiquement le double du prix du gros consommateur industriel. Dans le cas de l'Hydro-Québec, les tarifs à l'exportation sont aussi discriminatoires et injustes. Plus de 19% des ventes de l'Hydro-Québec en 1974 ont été consacrées à l'exportation, mais la compagnie n'en a retiré que 10% de ses revenus. Le client étranger paie une moyenne de $0.51 par 100 kilowatts-heures, un tiers du prix exigé de l'abonné domestique. Quoique la pratique d'exportation du surplus d'électricité durant les mois d'été puisse être juste en théorie, nous nous demandons pourquoi les prix sont si bas, compte tenu des coûts accrus de transport pour une telle entreprise.

Il y a 20 ans, on aurait sans doute pu justifier l'écart entre ce qu'il en coûte à l'abonné domestique, d'une part, et à l'abonné industriel, d'autre part. A cette époque, les coûts excédentaires, le coût de production d'une unité supplémentaire étaient moins élevés que les coûts moyens. Puisqu'il était ainsi moins coûteux de répondre aux besoins des gros consommateurs, il était logique de leur demander un prix moins élevé. La même logique expliquait la structure de groupe décroissante, servant de base au barème tarifaire

des divers groupes d'abonnés. Maintenant, toutefois, les experts en services publics et les économistes s'entendent, en général, pour affirmer que les coûts excédentaires, particulièrement dans l'industrie de l'énergie électrique, atteignent ou même dépassent le niveau des coûts moyens. Par conséquent, il n'y a plus de raison d'accorder des taux préférentiels aux abonnés industriels ou de baser les prix sur le principe: Consommez plus et payez moins.

Nous avons inclus en annexe une proposition relative à une nouvelle structure tarifaire pour le groupe d'abonnés domestiques. Nous croyons que cette proposition représente plus équitablement les coûts de services aux consommateurs et, par la même occasion, incitent à une utilisation plus économe de l'électricité.

A part la question des coûts, un des arguments les plus souvent utilisés pour justifier les bas tarifs des clients industriels, vu que de tels.ta-rifs encouragent le développement industriel ou, négativement, que des tarifs plus élevés pour le gaz et l'électricité vont forcer les industries à quitter la province. Cette dernière menace, l'exode massif des industries, a maintes fois, par le passé, été agitée comme un épouvantail devant la population québécoise, afin de la rendre plus réticente face aux changements. Mais les changements se sont produits et les industries sont toujours là. Des études menées aux Etats-Unis ont démontré que les coûts de l'énergie ne sont pas un facteur très important dans les affaires. D'ailleurs, dans des régions où les coûts de l'énergie se sont élevés bien au-dessus de la moyenne nationale, aucune fermeture d'usine ni aucune relocalisation n'est attribuable à ce seul facteur. En dernier lieu, même si l'industrie exige éventuellement des subventions pour maintenir une saine situation d'affaires, on peut trouver de meilleures sources de revenu que les portefeuilles des consommateurs domestiques.

Mme Ryan: Public accountability. We believe that since Gaz Métropolitain and Hydro-Quebec have monopolies on essential public services, citizens must have access to all information concerning their operations and be allowed to challenge their rate increases. Hydro-Quebec especially has been immune from public scrutiny for too long. We demand therefore that the government set up public hearings into the operations of Gaz Métropolitain and Hydro-Québec. We propose that all deliberations and hearings be open to the public and be preceeded by public notice; that in any application for rate increases, the effect of such increases on each class of customers be analysed in terms of both financial and social costs and that transcripts of all proceedings relating to increases be made available at nominal cost. We also feel that as consumers we should be given the right to be heard and be allowed to ask questions whenever rate increases are proposed.

Therefore, the Coalition for Energy Price Control demands: 1) A new rate structure under which residential consumers do not subsidize industry and un- der which residential consumers pay according to their ability to pay. 2) Since Gaz Métropolitain and Hydro-Québec have monopolies on essential public services, then: a)That citizens have access to all information concerning the operations of Hydro-Québec and Gaz Métropolitain and b) That public hearings be held annually, at which Hydro-Québec and Gaz Métropolitain would account to the public for their use of our natural resources and that these hearings allow public questioning of these two companies.

Mme Drennan: Voici la conclusion. Durant les années passées, par le biais de ses politiques d'énergie, le gouvernement du Québec a appuyé de façon systématique les consommateurs de la grande industrie dans l'exploitation des travailleurs québécois, consommateurs domestiques de gaz et d'électricité, et ce dans l'intérêt de l'expansion et des profits des corporations. Cette exploitation est nettement manifeste dans les structures tarifaires de Gaz Métropolitain et de l'Hydro-Québec. Ces structures ont été approuvées par le gouvernement du Québec et elles obligent les petits consommateurs domestiques à subventionner la grande industrie. De plus, à cause des politiques d'énergie du gouvernement québécois, Gaz Métropolitain et l'Hydro-Québec ont acquis des privilèges de monopoles au niveau de services publics essentiels. On leur a de plus fourni les moyens de maintenir et défendre leurs pouvoirs: hausses illimitées de prix en dépit des contrôles sur les salaires, exemptions de fait de toute forme de responsabilité sociale, prêts à faible taux d'intérêt sous forme de dépôts, droit d'utiliser des pratiques de facturation qui ne seraient même pas tolérées par la plupart des industries et, bien entendu, l'arme ultime à utiliser contre ceux qui refusent ou qui ne peuvent se permettre de subventionner l'expansion et les profits des corporations, le droit d'interrompre un service essentiel, même en plein hiver. Tout cet arsenal de moyens porte le sceau du gouvernement du Québec.

Tant que le gouvernement et l'industrie, y compris l'industrie de l'énergie, feront passer l'expansion et les profits avant les besoins des travailleurs, cette exploitation se poursuivra. Toutefois, ce nouveau gouvernement est en mesure de corriger quelques-uns des abus les plus flagrants du passé, à condition de répondre rapidement et clairement à nos demandes, qui représentent les intérêts des travailleurs du Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci.

A l'ordre, s'il vous plaît! Merci, mesdames.

Le ministre.

M. Joron: Mesdames, messieurs, je tiens à vous remercier de vous être déplacés pour venir nous faire part des griefs que vous aviez a nous soumettre et je tiens à vous dire qu'on est là, justement, pour les recevoir.

Si on n'a peut-être pas pu, dans les délais assez brefs, depuis le temps des fêtes, qu'on avait

pour organiser les séances de cette commission, qui est quand même, peut-être, la commission qui aura entendu le plus de mémoires depuis de nombreuses années et devant laquelle la participation du public et de nombreux organismes représentant toutes sortes d'intérêts différents dans le public auront eu la chance de se faire entendre...

Dans vos remarques d'ouverture, vous déploriez le fait que cette commission n'était pas itinérante. C'est un peu injuste dans un sens parce que, dans les délais concernés, on n'avait pas le temps d'organiser tout cela et vous vous rendez compte que cela demande une organisation quand même assez considérable pour préparer des commissions itinérantes qui tiennent des auditions un peu partout dans le Québec, mais je veux vous souligner que c'est une intention déjà annoncée du nouveau gouvernement de favoriser au maximum ce genre d'exercice.

Cela ne relève pas, évidemment, de mon ministère. Cela relève du ministère d'Etat à la réforme parlementaire et leader du gouvernement, M. Burns, qui a déjà indiqué qu'on essaie de moderniser la façon de fonctionner de l'Assemblée nationale et, dans cet effort de modernisation, de tenter aussi, par toutes sortes de moyens, dont les commissions itinérantes, de favoriser au maximum la participation du public.

Alors, je veux vous assurer que, même si cela n'a pu être fait dans les brefs délais, encore une fois, que nous avions pour organiser les séances de cette commission-ci, c'est un des premiers soucis du gouvernement. Evidemment, il y a des contraintes de temps, d'organisation, etc. On n'arrivera pas à une situation idéale immédiatement, mais je veux vous assurer que c'est un de nos soucis.

Maintenant, pour reprendre... Je voudrais faire quelques commentaires sur le contenu de votre mémoire. Je commencerai peut-être par une citation que vous relevez d'un reportage du Devoir du 17 janvier, qui donnait suite à une interview que j'avais donnée au Devoir où vous disiez — et vous avez fondé une partie de votre argumentation là-dessus — que je considérais que la hausse de 10% dans les tarifs d'électricité, le 1er janvier dernier, pouvait avoir comme incidence d'amener les consommateurs à économiser davantage l'énergie. Vous en concluez que je faisais de cela la base du principe du programme d'économie ou de conservation que l'on entend engager, en ajoutant que ce raisonnement était fondé sur le fait que les consommateurs domestiques étaient les principaux gaspilleurs d'énergie.

Je pense que c'est une interprétation complètement abusive de ce que j'ai dit et sortie de son contexte parce que j'ai, en fait, dit tout le contraire. Le programme d'économie qu'on envisage n'est pas fondé du tout sur des hausses de prix pour inciter les consommateurs à épargner parce que privés de moyens pour pouvoir se procurer l'énergie.

J'ai indiqué toutes les façons dont on entendait procéder, mesures d'isolation, modifications au Code du bâtiment, réglementation qui va viser les constructeurs, incitation fiscale peut-être aux propriétaires pour faire les transformations nécessaires.

J'ai indiqué que, dans cette politique de conservation, et là, je parle seulement du domaine du chauffage, je ne veux pas m'étendre sur le domaine du transport et des économies d'essence et ainsi de suite, on n'entend pas procéder à partir d'une hausse de prix. C'est par une multitude d'autres moyens qu'on veut amener les gens à une utilisation plus rationnelle et plus économe de l'énergie. J'ai aussi indiqué, dans ce même article, que la tarification allait être modifiée, je ne vous dis pas précisément tel que vous le demandez, mais exactement dans le sens de ce que vous venez de dire. J'ai déclaré souvent que la structure de tarification actuelle, qui n'a pas été changée depuis très longtemps, encourageait justement les gros consommateurs, faisait que, plus on en consommait, moins cela coûtait cher et que c'était cela qu'il fallait renverser. J'ai déjà dit tout cela, exactement ce que vous nous avez servi cet après-midi. C'est une de nos intentions, et cela fait partie de cette politique globale de l'énergie, de revoir complètement la tarification actuelle de l'Hydro-Québec. C'est quelque chose qu'on a l'intention de faire au cours de cette année.

Là, j'essaie d'aller vite, sur quelques points principaux, en essayant de répondre à des griefs que vous avez soumis. Vous avez mentionné, par exemple, la facturation. On sait que l'Hydro-Québec est débordée dans ce domaine-là, à l'heure actuelle. Je sais que ce n'est pas idéal du tout, la façon dont la facturation se fait dans le moment. L'Hydro-Québec a de sérieux problèmes qui datent à peu près de l'été passé; au moment où, à cause de la grève, il y avait un manque de personnel, des retards se sont accumulés et là ils sont débordés, ils n'arrivent peut-être pas à rattraper tout le temps perdu.

Je leur ai demandé de faire diligence le plus rapidement possible pour essayer de régler les cas les plus immédiats jusqu'à ce qu'on puisse en arriver — et l'Hydro-Québec travaille là-dessus en ce moment — à un nouveau système de facturation qui ne serait pas basé, comme le système actuel, sur les estimations et les relevés qui sont faits à des périodes trop distancées les unes des autres. Vous n'avez pas de compte pendant six mois et, à un moment donné, bang, il vous arrive un compte énorme. Evidemment, quand on a un budget familial, je sais très bien que c'est difficile. Ces choses-là sont en voie de correction.

Quant aux mécanismes de participation du public que quelqu'un d'autre évoquait aussi pour pouvoir se faire entendre face aux hausses de tarifs et à ces affaires-là, j'ai également indiqué, sans pouvoir préciser exactement quelle forme cela va prendre, que le livre blanc sur la politique énergétique, que nous voulons déposer cette année, contiendra des mécanismes de protection du consommateur au sens large, mais des mécanismes justement de participation semblable. Je ne suis pas en mesure du tout de vous dire aujourd'hui quel office, quelle régie, quelle structure

va faire cela et comment cela va fonctionner au jour le jour, mais ce souci, nous l'avons et cela va être inclus dans le livre blanc dont j'ai parlé tout à l'heure.

Il y a un dernier point qui me semble peut-être le plus important. En gros, je voudrais vous dire qu'au sujet de la plupart des points que vous avez soulevés nous partageons ces préoccupations. J'ai déjà même annoncé qu'on commençait à travailler dans tous ces domaines pour essayer d'apporter satisfaction quant aux points que vous avez soulevés. Il y en a un, cependant — je voudrais terminer peut-être là-dessus, parce que je ne veux pas, à mon tour, faire un grand exposé — qui se rattache à une de vos recommandations, c'est le gel des prix du gaz et de l'électricité. Le problème est le suivant. Vous savez, théoriquement, cela peut se faire. On peut geler les prix de l'électricité. Plus jamais d'augmentation de tarifs, sauf que bien entendu l'Hydro-Québec va avoir à faire face à des coûts d'opération qui augmentent d'année en année, les salaires de ses employés, les fournitures de matériaux qu'elle achète, ainsi de suite. Alors, ils vont être obligés de les rencontrer d'une façon ou d'une autre. Elle a à faire face aussi à des besoins d'argent pour augmenter la production d'électricité, parce que la demande augmente. Alors, on pourrait imaginer que les tarifs ne bougent plus et que le gouvernement, à ce moment-là, serait obligé de subventionner l'Hydro-Québec ou d'emprunter ou que l'Hydro-Québec serait obligée d'emprunter si elle n'arrive pas elle-même à générer une partie de l'argent dont elle a besoin pour financer les nouveaux barrages et les nouvelles constructions.

On va dire: D'accord on baisse les tarifs, vous n'avez plus cette marge d'autofinancement, donc tout ce que vous allez investir, vous allez l'emprunter exclusivement ou alors le gouvernement va vous subventionner. Mais ça ne changera rien dans la poche du consommateur, parce que ce que vous ne paierez pas en tarif d'électricité élevé à ce moment-là, vous allez le payer en impôt sur le revenu. Si le gouvernement est obligé de subventionner l'Hydro-Québec, il va falloir que le gouvernement trouve l'argent quelque part ou si l'Hydro-Québec est obligée d'emprunter pour payer des intérêts, il va falloir qu'on trouve l'argent quelque part pour payer l'intérêt sur ces emprunts.

Il n'y a pas de façon de s'en sortir facilement. Ce sont ou bien des augmentations de tarif ou bien des augmentations d'impôt, d'emprunts qui équivalent éventuellement à des augmentations d'impôt. C'est illusoire de croire que, si on n'augmente pas les prix aux consommateurs, c'est quelqu'un d'autre ailleurs, par magie, qui va payer la différence. Si on était dans une période où les coûts ne montent pas, où il n'y a pas d'augmentation de salaire d'une année à l'autre, il n'y a pas d'inflation, les prix restent toujours stables et qu'en plus on n'ait pas besoin de bâtir de nouveaux barrages, là, c'est sûr, les prix resteraient gelés pour l'éternité.

Mme Landry: M. le ministre, je m'excuse, je me demande si je pourrais traduire un peu ce que vous avez dit, parce qu'une bonne partie des gens qui sont ici sont de langue anglaise. Ils aimeraient avoir un petit résumé de ce que vous avez dit, parce qu'ils commencent à être un peu impatients.

M. Joron: Si vous voulez, je vais terminer ma phrase...

Mme Landry: Vous achevez.

M. Joron: ... et après ça, si vous voulez le faire, d'accord. J'aurais pu le faire aussi, mais en tout cas, qu'est-ce que vous voulez!

Mme Landry: Si vous voulez le faire vous-même, c'est parfait.

M. Joron: Sur cette question du gel des prix, j'ai l'impression que ça m'apparaît illusoire. Regardez ce qui arriverait, et c'est le point fondamental peut-être. Si on gèle les prix de l'électricité, qui sont déjà meilleur marché au point de vue du chauffage aujourd'hui que le gaz ou le pétrole, si l'électricité n'augmente plus, on ne peut pas geler les prix du pétrole, parce que le pétrole ne vient pas d'ici. Ce sont les Arabes qui décident du prix du pétrole, on n'a pas le contrôle là-dessus. Ces prix-là ont augmenté terriblement depuis quelques années, vous le savez, et ils vont continuer d'augmenter dans l'avenir. Si vous avez des prix d'électricité qui ne bougent plus et des prix de pétrole qui n'arrêtent pas de monter, il n'y a évidemment plus un homme ou une femme sur la terre, au Québec en tout cas, qui voudra se chauffer à l'huile. Ils vont tous vouloir se chauffer à l'électricité. Si tout le monde passe, à cause de cette différence de prix, immédiatement de l'huile à chauffage au chauffage électrique, comment pensez-vous que l'Hydro-Québec peut répondre à toute cette demande? Cela a comme effet immédiat sur l'Hydro-Québec de l'obliger à construire de nouveaux barrages, donc à trouver encore plus d'argent, en emprunter davantage; il y a un cercle vicieux. Comme on dit en anglais, "you can't have your cake and eat it too". C'est l'un ou l'autre.

Sur la question du gel des prix, je pense qu'étant donné un besoin croissant de demandes d'énergie qui nécessite de l'électricité tout au moins, et en partie à cause de la substitution d'autres formes d'énergie, ça appelle automatiquement des investissements nouveaux. Appelant des investissements nouveaux, ça veut dire qu'il faut trouver de l'argent quelque part. Comme je vous le disais, si on ne le prend pas dans la poche des gens qui payent leur compte d'électricité, on va le prendre dans votre poche droite au lieu de le prendre dans la poche gauche, à titre de contribuable. Cela va venir d'une place ou de l'autre. Autrement, on déciderait d'arrêter l'expansion.

En plus de ça, vous vous dites opposé au développement nucléaire et vous nous encouragez à développer de nouvelles sources d'énergie. Développer de nouvelles sources d'énergie, ça veut dire de nouveaux investissements, ça implique des augmentations de tarif.

On est en plus dans un monde où il y a infla-

tion d'une année à l'autre, les salaires augmentent, les prix des biens et des choses augmentent d'une année à l'autre; alors il est inévitable que ces coûts augmentent. Seulement, on veut bien essayer de s'arranger pour que cette hausse soit au minimum, juste pour répondre aux besoins — c'est un objectif, c'est bien sûr — et qu'elle ne pèse pas aussi lourdement sur les usagers les plus faibles économiquement, mais peut-être plus lourdement sur ceux qui ont les moyens de le faire. Comme je disais tout à l'heure, c'est dans cette optique qu'on cherche à revoir toute la tarification de l'Hydro-Québec. C'est vers quelque chose comme ça qu'on s'en va.

For the benefit of the English-speaking people in the audience, I would just like to point this out, I will not translate word for word what I just said, but might I just go to one major point?

One of the principal recommendations in your submission is the freeze on prices for electricity and gas. What I just pointed out is that it is entirely illusory to think that we can freeze prices on electricity forever, for two basic reasons: First, Hydro-Québec has to meet rising costs, operational costs that are forever rising, salaries, wages to its employees, the price it has to pay for the goods and services that it buys every year, etc.

Therefore, to meet those rising operational costs, it needs, year after year, a little more money. That is one thing.

Secondly, because there is a rise in the demand for electricity, even more so now that electric heating has become cheeper than oil heating, which puts a heavier load on the need for new investments in the production of electricity, that means that Hydro-Québec has to raise money to finance not only James Bay, but whatever might come after James Bay.

So, there are two ways of raising money. Either Hydro raises part of its money through profits that it makes on its customers or it borrows the money entirely. But even if it does borrow the money entirely, it still has to pay interests on those loans. Therefore, how are they to finance the payment of those interests?

So, basically, it is a question, as you have two choices. One can think that if there is a total freeze on electric prices, somebody else will pay by magic, for those investments or for those rising operational costs of Hydro-Québec. It would be the government that would have to finance it. And how would the government finance it, if Hydro cannot? By raising taxes.

So, what I am saying basically is that what now comes out of your left pocket, if it does not come out from that pocket, it will have to come out from the right pocket. Basically, it is the people that are financing our collective rising need for electricity.

What I said finally is that what we are working on now is a new tariff structure for Hydro-Québec. We are working on that now, precisely in the sense, in the same vein as one of the recommendations in your submission. What we are working is a new tariff structure that will discourage over- consumption by the fact that the tariff structure now makes it cheeper, the more you consume, the cheeper it is, whereas we could possibly think of the reverse.

Therefore, we are working on that now and I have indicated publicly before that we plan to come out this year with a new tariff structure that, we hope, will impose a lighter load on the shoulders of those that can economically less support it and a heavier load on those who can. That is the direction where we are working now.

I also said at the beginning, but I do not want to come back to all and each individual point that I made, that most of the recommendations in your submission were basically in the same spirit. We are looking at the problems, starting from the same premisses and the same principles. That is what we are working on now, to have a new tariff structure, in the sense that you are talking about. What is it going to be exactly, I could not tell you at this moment, and a conservation program that is not based strictly on raising prices, but that will be based on regulations, incentives and financial assistance for those who would like, for example, better insulate their homes and things like that.

I think, on the whole, we are more or less, more than less, on the same wave-length. I want to assure you that we are looking at the problems that you described in the sense that you presented them to us, except though that I think it is completely impossible to envisage a total freeze on prices of electricity and gas. That, I think, is absolutely impossible, because, like I said before, if the money does not flow to Hydro-Québec to meet its rising demands and rising needs, financial needs, if it does not flow from higher terrace, it will have to flow from higher taxes coming from the Government. So, it is either one or the other.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Robert-Baldwin.

M. O'Gallagher: M. le Président, I sympathize with your concern for those people cut-off supply of gas and electricity, specially during the winter months, I can understand that it can be a terrible catastrophe, as well if it is done by such a drastic measure or such drastic decision was made by a company employee. But, do you have a solution that you could offer to this committee that would prevent any unjustice made to real causes? You can understand that, if we just give free electricity to everyone who did not pay their bills there could be injustice to you and to me and to everybody else who do pay their bills. Do you have any suggestion that you can make to this committee that would alleviate this particular problem?

M. Lafleur: J'aimerais répondre particulièrement aux commentaires qu'a formulés M. le ministre.

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez, pour ne pas se mélanger, on va lui laisser répondre à la question du député de Robert-Baldwin.

Après cela, je vous donnerai un temps pour répondre au ministre. D'accord? Pour ne pas mélanger les...

Mme Landry: J'aimerais donner la traduction en français. Le député de Robert-Baldwin vient de dire qu'il sympathise avec les demandes, quant aux interruptions de service pour les gens qui seraient en retard pour payer leurs comptes, mais qu'il ne voit pas réellement une solution qui serait ouverte à ce qu'une proposition, une solution vienne de nous pour régler ce problème, parce que ce ne serait pas équitable de permettre que les gens ne paient pas leurs comptes.

M. Lafleur: Je peux essayer, si vous voulez, de répondre à l'ensemble des questions, quitte à ce que d'autres complètent. La première réaction, c'est de dire que nous sommes extrêmement heureux de constater que le ministre délégué à l'Energie partage les préoccupations fondamentales des gens qui sont venus présenter le mémoire à la commission parlementaire, à la fois concernant la participation du public aux différentes commissions parlementaires, à la fois sur la nécessité de modifier la tarification; également, sur les procédés de facturation, à la fois à l'Hydro-Québec et à Gaz Métropolitain, ainsi que sur la nécessité de consultations publiques face, par exemple, aux demandes d'augmentation de tarifs de Gaz Métropolitain ou de l'Hydro-Québec.

Concernant la participation du public aux commissions parlementaires, il pourrait être intéressant de rappeler que, sans que ce soient des commissions parlementaires, il y a quand même des initiatives en ce sens qui ont été prises antérieurement, entre autres, par le gouvernement libéral qui, par son ministre L'Allier, avait organisé, à l'époque, une série de consultations régionales au niveau des politiques sur la câblodistribution. Mme Bacon a fait la même chose au niveau des politiques à établir concernant les garderies et Radio-Québec avait procédé de même par rapport à son projet d'expansion et de régionalisation. Il y a des précédents dans ce sens qui ont été créés qui sont très intéressants.

Le message sur ces points — on semble relativement bien s'entendre — qu'on veut laisser cet après-midi, c'est que les gens qui sont venus ici ont compris que le ministre délégué à l'Energie avait les mêmes préoccupations que nous.

Nous sommes venus lui dire que nous allions suivre avec extrêmement d'intérêt, et en attente de politique, nous allons suivre avec beaucoup d'intérêt les initiatives qu'il prendra. Pour nous, ces différentes revendications sont des choses sur lesquelles le gouvernement et le ministre délégué à l'Energie pourraient agir relativement à court terme, d'après nous. Donc, nous sommes en attente et nous allons lire les journaux.

J'aimerais connaître, par ailleurs, peut-être dans une deuxième étape, la position du ministre délégué à l'Energie concernant deux points qu'il n'a pas traités, soit la question des coupures de service par l'Hydro-Québec et par Gaz Métropoli- tain, ainsi que la question des dépôts exigés par la compagnie Gaz Métropolitain.

Concernant le gel des prix, le sens de notre proposition est le suivant: Nous établissons des gains ou des revendications à court terme et des revendications à moyen terme. Quand nous parlons de gel des prix, il est clair pour nous qu'il est impossible de geler les prix définitivement sans que les consommateurs n'aient plus jamais à payer quoi que ce soit de supplémentaire par rapport aux taux d'électricité et de gaz. Cela me semble relativement utopique. Ce que nous disons actuellement, c'est que les taux, les tarifs d'électricité et de gaz sont devenus très élevés et qu'en attendant une nouvelle tarification, celle que le ministre délégué à l'Energie s'apprête à mettre de l'avant, en attendant cette nouvelle tarification qui devrait davantage privilégier le consommateur et davantage permettre aux compagnies de payer une part supplémentaire, en attendant cette nouvelle tarification, nous demandons que, pour les consommateurs résidentiels, les prix soient gelés, quitte à ce que, par la suite, à partir d'une nouvelle tarification beaucoup plus juste, les prix augmentent progressivement, à la fois pour les industries et pour le consommateur résidentiel.

D'autre part, il me semble que le raisonnement qui veut qu'en n'augmentant pas le prix de l'électric ité et du gaz, on en arrive au même résultat, parce que, d'une part, on donne d'une main, et de l'autre part, on reprend de l'autre, je crois que ce raisonnement peut être juste en partie mais, à mon sens, il est faux également en partie, dans la mesure où, en gelant les prix, au fond, ou si je reprends autrement, quand on demande des prix pour l'électricité, on taxe un besoin, alors que, quand on parle d'impôt, à ce moment, on fait appel au revenu. Alors, je ne crois pas qu'il serait juste de dire que l'ensemble des revenus du gouvernement du Québec vienne uniquement des poches des consommateurs résidentiels. Donc, entre une taxe sur le besoin et une taxe sur le revenu, il y a quand même une différence essentielle.

Concernant la question des coupures de service, notre position sur cette question est relativement claire. Nous demandons qu'il n'y ait pas du tout de coupure de service. Il y a des expériences, comme on l'a dit dans le mémoire, qui ont été faites en Ontario où les coupures de service sont défendues à certaines périodes de l'année. Cela n'a pas donné jusqu'à maintenant de résultats désastreux. Nous, on considère qu'il y a une responsabilité sociale que les Québécois ont de payer leurs factures, et il y a une confiance que le gouvernement du Parti québécois doit mettre dans les gens. Les gens vont payer leurs factures.

Maintenant, le problème qui se pose actuellement, c'est que le prix de l'électricité et du gaz sont extrêmement élevés. Il y a des gens qui ne peuvent pas effectivement payer. On a des exemples concrets de familles à très faible revenu qui sont coupées en plein hiver. Evidemment, à l'Assemblée nationale, c'est difficile peut-être de percevoir ces réalités, mais cela existe, des familles de quatre ou cinq enfants à qui, en plein hiver, à 20

ou 30 degrés sous zéro, Gaz Métropolitain a coupé le gaz sans avertissement.

Je pense que ce genre de pratique doit être banni définitivement.

M. Joron: Sur les deux derniers points que vous venez de soulever, les dépôts et les coupures, ce sont des points qui soulèvent des aspects légaux et qui impliquent une action du ministère de la Justice.

M. Lafleur: Excusez-moi! Toujours pour permettre à l'ensemble des gens de suivre le débat, est-ce qu'on pourrait permettre une traduction?

Mme Landry: Au sujet des commissions itinérantes, il a été dit qu'il y a eu des précédents... I'm sorry! About the itinerant commissions that were requested by the committee, it was said that there have been precedents; for instance, when Mme Bacon was minister, she did travel around the province on the subject of day-care centers to solicit opinions from the population.

About all the things that the minister said earlier, this coalition expressed the strong desire that he would put these things into action very soon. About cutting off service and billing problems, there was more disagreement, it seems, with the conclusions. It is clear that we are not so Utopian as to think that there will be no raises, but we do request that, until a new rate structure is built up, as the minister has said would be that the rates be frozen during that interim period, at least for residential consumers, and that also, to talk about the argument of if not out of one pocket, then out of the other, this is partially true and partially false, because people should not be taxed for something that is a need at the same level from their revenue. In other words, there would be other portions of the population that could be taxed.

Now, on cut-offs, this is totally unacceptable, and if Ontario is managing to function having eliminated them, we should trust that most people will pay their bills and that there is a small number who really cannot. This government should pledge itself to eliminate this policy of cut-offs. That is all.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, en réponse.

M. Joron: Deux mots rapidement sur les dernières interventions, sur les coupures et les dépôts. Les dépôts à Gaz Métropolitain. La Loi de la Régie de l'électricité et du gaz n'autorise pas expressément, explicitement, ces dépôts, ce qui a conduit à l'interprétation, par plusieurs... C'est une question juridique. Je ne voudrais pas me mêler des affaires de mon collègue de la Justice. Je ne suis pas trop ferré en droit et dans ces matières, mais c'est ce qui a conduit à l'interprétation que ces dépôts étaient illégaux et pouvaient être contestés. D'autre part, dans le mémoire, vous mentionnez que, malheureusement, le "class action", qu'on appelle, n'existait pas au Québec. Je peux vous dire là-dessus que ça ne relève pas de moi. Cela n'existe pas, c'est vrai, mais ça s'en vient. C'est une des préoccupations que le ministre d'Etat au développement social et le ministre de la Justice ont déjà indiquées. Il va y avoir ce recours.

Quant aux coupures, peut-être aussi que ça implique des aspects légaux, je ne sais pas. Mais je peux vous dire que, effectivement, on est à ce moment-ci à étudier ce qui existe aux Etats-Unis et en Ontario, particulièrement. Encore une fois, on arrivera, en temps utile, au cours de cette année très certainement, avec une position sur ce sujet.

Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, cela nous aurait fait plaisir... Vous voulez une traduction? D'accord, madame.

Mme Landry: The Minister has answered that the law does not explicitly authorize the deposits — this has led to the interpretation they were illegal — as for the class action, which has been mentioned in our brief, that the Ministry of Justice is about to introduce class action as an available means in Quebec which perhaps could be used for this type of complaint, and also that the Government is actively studying legislation of Ontario and United States about the cut off aspect of our complaint and should be coming to some decision on it quite soon.

Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, on aurait aimé vous accorder encore plus de temps. On vous remercie de la coopération que vous avez voulu apporter à cette commission.

Bonsoir.

J'appellerais maintenant l'Office de la protection du consommateur.

M. Meunier. Y aurait-il possibilité pour vous de synthétiser dans dix ou douze minutes votre mémoire pour qu'on puisse suspendre les travaux et revenir à 20 heures?

Voulez-vous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Office de la protection du Consommateur

M. Meunier (Pierre): On va essayer, autant que faire se peut, de synthétiser. On s'est aperçu que cela paraissait être une entreprise difficile. Enfin, on va tout de même essayer.

Je veux tout d'abord vous présenter, à ma droite, M. Jacques Brochu qui est un des huit responsables régionaux de l'Office de la protection du consommateur. C'est le responsable régional pour le bureau de Trois-Rivières et, à ma gauche, M. Rafic Nammour, qui est le directeur de la recherche, M. Daniel Couture, qui travaille au service des plaintes, M. Claude Bélanger, qui est le directeur des relations publiques, et M. Donald Bouchard, qui est du service de l'information.

Je pense qu'après ce que vous venez d'entendre aujourd'hui et après ce que vous avez entendu depuis le début de la commission, la preuve n'est plus à faire que l'énergie constitue un service essentiel.

C'est un peu dans ce contexte qu'à l'office nous avons voulu, puisqu'il s'agit directement, dans un sens, de protection du consommateur, vous présenter un mémoire. Nos fonctions, comme vous le savez, sont de protéger et de représenter le consommateur. Nous avons, entre autres, comme mission prévue par la loi, celle de traiter les plaintes des consommateurs, d'éduquer et de renseigner le consommateur, de faire des études et des recommandations sur la protection du consommateur. A la lumière de ces fonctions que la loi nous assigne, nos préoccupations, face à la politique énergétique du Québec, sont de deux ordres. Tout d'abord, à long terme, les conditions générales de l'aménagement de la consommation de l'énergie et plus particulièrement la conservation, la sécurité, l'accessibilité, la disponibilité, la protection de l'environnement, sujets qui ont été abondamment traités par des groupes et des organisations qui ont probablement une expertise plus poussée que la nôtre sur le sujet. Mais c'est surtout de nos préoccupations à plus court terme que nous voulons vous entretenir, à savoir la protection du consommateur quotidiennement lorsqu'il est lésé à l'occasion de fourniture d'énergie. Pour ce faire, nous voulons aborder rapidement les problèmes qui se présentent au consommateur dans la fourniture d'énergie et les solutions que nous proposons.

Je pourrais peut-être rappeler immédiatement que, depuis le mois d'avril 1976 jusqu'à la fin de janvier 1977, nous avons reçu un total de 1611 plaintes de consommateurs relativement à la fourniture d'énergie, dont 885 concernant l'Hydro-Québec et ce, même si, dans la loi constituante de l'office, nous n'avons pas juridiction directement sur les problèmes de fourniture d'électricité. Or, permettez-nous de réviser les principales catégories de problèmes qui se présentent relativement, d'abord, à la fourniture d'électricité, deuxièmement relativement à la fourniture du gaz naturel, troisièmement à la fourniture de l'huile à chauffage et, quatrièmement, à la fourniture des carburants pour véhicules.

Tout d'abord, dans le cas de la fourniture d'électricité, on doit dire que les plaintes sont nombreuses à toutes les étapes de l'exécution du contrat et ce, particulièrement en ce qui concerne l'Hydro-Québec, d'autant plus que, dans le cas de l'Hydro-Québec, le consommateur ne dispose d'aucun recours administratif puisque, lorsqu'on se plaint à l'Hydro-Québec, celle-ci rend une décision qui est exécutoire, c'est-à-dire qu'elle est à la fois juge et partie.

Dans le cas des compagnies privées d'électricité, c'est la Régie de l'électricité et du gaz qui a juridiction. Je n'insisterai pas plus longuement sur les types de plaintes, mais je vais cependant les énumérer puisqu'elles ont été illustrées, je pense, par le groupe précédent. Tout d'abord, la question de la tarification.

En effet, comme on vous l'a dit et comme vous le savez, les tarifs sont établis par le Conseil exécutif suivant un rapport qui est fait et on peut difficilement se plaindre ou faire des recomman- dations quant à ces tarifs. Quant à la facturation, je pense que l'on vous a soulevé également les problèmes du relevé des compteurs, d'estimations en plus ou en moins que cela pouvait entraîner, de fréquence plus ou moins grande et aussi l'irrégularité de la facturation avec les problèmes que ça peut entraîner.

Le deuxième type de problème que l'on rencontre ou le troisième, c'est celui de la pénalité financière, c'est-à-dire le consommateur qui est lésé ou à qui on impose une pénalité de 10% s'il ne paye pas dans les 14 jours de la réception de la facture. Or, nous avons calculé que, même si on appelle ça des frais administratifs, ça se trouve à être, en d'autres termes, de l'intérêt plus ou moins déguisé et un intérêt d'un taux exorbitant si le consommateur paye le quinzième jour. On pourrait, si on veut calculer le taux d'intérêt du consommateur qui paye le quinzième jour, l'établir à 240%, ce qui évidemment est un peu exagéré.

On peut aussi, dans le cas d'une absence de paiement, en arriver, comme vous le savez, à l'interruption du service. Il s'agit là d'un service essentiel et nous pensons, comme il a été souligné précédemment, que la procédure d'interruption du service doit être révisée.

Finalement, permettez-moi d'ajouter, dans le cas de la fourniture d'électricité, plus particulièrement dans le cas de l'Hydro-Québec, que nous avons reçu plusieurs plaintes sur la qualité du service à la clientèle. Il est difficile dans plusieurs cas, et surtout en milieu urbain, de rejoindre les préposés du service à la clientèle de l'Hydro-Québec. Il est difficile, peu importe l'urgence du problème que l'on a à soumettre à l'Hydro-Québec, de rejoindre les préposés à la clientèle et, de plus, on se plaint régulièrement de longs délais pour l'installation ou les raccordements.

Ce qui m'amène à traiter du deuxième grand titre de fournitures d'énergie, la fourniture du gaz. Il s'agit d'un secteur qui est contrôlé par la Régie de l'électricité et du gaz, où l'on retrouve essentiellement le même type de problème que dans la catégorie précédente, c'est-à-dire qu'on a des problèmes au niveau de la facturation, de la même façon que dans le cas de l'Hydro, les lectures et les envois de factures, la pénalité financière existe là aussi et il y a, dans ce cas-là, et cela a été illustré assez longuement, le dépôt que l'on exige de certains consommateurs, qui va de $15 à $50, et on parlait, au groupe précédent, de dépôts qui allaient jusqu'à $100, alors même que — je pense que le ministre l'a fait remarquer — il n'y a rien dans la loi qui autorise un tel dépôt.

Il y a là aussi le problème des suspensions. Nous avons finalement, dans le cas du gaz naturel, tout le problème des hausses de prix. En effet, plusieurs plaintes sur les hausses de prix sont formulées par les consommateurs et la loi de la régie contraint celle-ci à accepter toutes les augmentations de tarif reconnues nécessaires au bon fonctionnement de Gaz Métropolitain.

Par conséquent, lorsque l'Office national de l'énergie du Canada autorise la compagnie Trans-Canada Pipe Lines qui approvisionne Gaz

Métropolitain à augmenter ses prix, la Régie de l'électricité et du gaz ne peut qu'entériner les augmentations de prix que Gaz Métropolitain reporte automatiquement sur la facture de ses clients.

Troisièmement, les fournitures d'huile à chauffage. Le commentaire principal que l'on peut faire quant à ce type de fourniture d'énergie est qu'il s'agit là d'un secteur qui souffre d'une déficience manifeste de la réglementation et d'une absence de contrôle efficace, de sorte qu'il y a presque autant de pratiques anarchiques qu'il existe d'entreprises de distribution.

On peut mentionner, parmi les types de plaintes que l'on reçoit dans cette catégorie de fournitures d'énergie, des sollicitations de la part des fournisseurs d'huile à chauffage pour des prix inférieurs pour la première livraison, ce qui incite le consommateur à signer un contrat à plus long terme pour un prix différent.

Des difficultés au niveau de la facturation, également, c'est-à-dire l'impossibilité pour le consommateur de faire certaines vérifications, des plaintes également en ce qui a trait à la qualité de l'huile, lesquelles plaintes sont assez difficiles à apporter et pour lesquelles il est assez difficile d'obtenir des poursuites contre la compagnie en question, puisque cela prend des analyses scientifiques poussées et que, même si l'on obtient une condamnation pénale, il n'est pas sûr — c'est loin d'être sûr — que le consommateur obtiendra une réparation civile pour la qualité ou la moins bonne qualité qu'il a eue et, finalement, les problèmes liés à la fourniture du carburant pour véhicules.

Ces problèmes sont surtout de deux types depuis que l'on a adopté non pas la nouvelle loi, mais la loi qui traite du commerce des produits pétroliers. Il s'agit des différences entre les prix qui sont affichés à l'entrée des garages et le prix qui est facturé à la pompe à essence. Il peut y avoir — et il y a eu des plaintes à cet effet — une différence de prix et, de la même façon, dans le cas des libres-services, il y a eu également une différence de prix entre le montant qui était affiché à la pompe à essence et le montant qui était affiché à I intérieur, à la caisse.

Ce problème a été prévu par la loi fédérale qui oblige le détaillant à percevoir du client le moindre des deux prix.

Finalement, pour terminer sur la fourniture de carburant pour véhicules, je pense qu'on peut également traiter du problème qui se pose pour les détaillants d'essence depuis que les compagnies pétrolières intégrées ont pénétré sur le marché de détail en multipliant les libres-services. Cette intrusion sur le marché affecte considérablement la compétitivité des détaillants installés à leur compte et accentue le danger d'amener ceux-ci à compenser ce qu'ils perdent d'un côté par un accroissement proportionnel des prix de leur service d'entretien et de réparation.

En conclusion sur ces problèmes, je pense qu'on peut noter tout d'abord une première déficience en ce qui a trait au contrôle de la distribu- tion de l'énergie, c'est-à-dire l'éparpillement des organismes de contrôle et le morcellement de la loi et de la réglementation en vigueur dans ce domaine.

La deuxième carence, c'est l'absence de mécanismes efficaces de protection du consommateur d'énergie. Pour remédier à cette double situation, nous suggérons un véritable réaménagement d'ordre institutionnel qui nous paraît devoir s'imposer en vue d'établir, d'une part, un pouvoir unique de réglementation sur l'ensemble des réseaux de distribution d'énergie, et d'autre part, une voie unique de recours pour les consommateurs lésés.

Plus particulièrement, nous proposons, tout d'abord, que soit confié a un seul organisme le pouvoir de réglementer et contrôler l'activité de tous les réseaux de distribution d'énergie, y compris l'Hydro-Québec. Cet organisme serait, en quelque sorte, un office québécois de l'énergie.

Deuxièmement, que soit confié à un seul organisme représentatif des intérêts des consommateurs le mandat de recevoir les plaintes. Nous suggérons l'Office de la protection du consommateur, mais l'organisme n'a pas d'importance comme tel. Il importe seulement qu'il y ait un organisme qui puisse être efficace et qui puisse avoir les ressources nécessaires pour pouvoir recevoir les plaintes des consommateurs qui se proient lésés et exercer dans un premier temps une fonction de médiation entre le consommateur et le fournisseur d'énergie. Si aucun accord de règlement n'intervenait à la suite de cette médiation, l'organisme habilité porterait la cause du consommateur devant l'Office de l'énergie et agirait alors en tant que représentant du consommateur.

Les avantages d'une telle consolidation législative et administrative sont manifestes. En plus d'assurer une meilleure cohérence des mesures réglementaires et une homogénéité accrue dans les formes contractuelles, l'intégration faciliterait aux consommateurs lésés les procédures de recours, puisque celui-ci n'aurait qu'à s'adresser à un seul organisme.

Quoi qu'il en soit, il nous paraît extrêmement urgent que des mesures énergiques soient adoptées pour corriger les carences du système actuel et assurer à l'ensemble des citoyens les services d'utilité publique qu'ils sont en droit d'attendre. Les mesures spécifiques que nous proposons ci-après s'inspirent des problèmes de consommation que nous avons relevés brièvement et visent à leur apporter une solution concrète acceptable.

Tant pour la fourniture d'électricité que pour la fourniture du gaz, il y aurait lieu de rendre obligatoire la conclusion d'un contrat en bonne et due forme dans lequel seraient énoncés les droits et obligations des deux parties. Le contrat type serait préalablement approuvé par l'Office de l'énergie.

L'exigence d'un dépôt en argent pour le raccordement au service ou le rétablissement de celui-ci devrait être abolie définitivement et dans tous les cas.

La facturation de l'électricité et du gaz devrait être effectuée à une fréquence régulière, de même

que les relevés au compteur, de façon à éviter les décalages excessifs qu'on connaît actuellement et qui causent tant de problèmes aux usagers. Pour ce qui est des délais de paiement, la pratique en cours devrait être complètement modifiée. Le client devrait avoir droit à un délai de 30 jours et les frais financiers ou administratifs, en cas de dépassement de ce délai, ne devraient pas excéder ceux normalement exigés par les banques ou les établissements commerciaux qui accordent un crédit variable.

Excepté dans les circonstances hors de tout contrôle, il ne devrait pas être toléré que le distributeur interrompe délibérément le service. En cas de refus ou d'incapacité de payer du client, l'organisme habilité pour défendre les intérêts des consommateurs exercerait sa fonction de médiation et, en cas d'insuccès, la cause serait portée devant l'office de l'énergie. En d'autres termes, on ne pourrait interrompre le service des consommateurs avant que la cause ou le problème ait été, finalement, exposé devant cet office de l'énergie ou devant une instance supérieure qui pourrait réviser le cas. Des moyens pratiques de contrôle devraient être élaborés pour éviter que des factures non acquittées par un propriétaire ou un locataire précédent ne soient reportées indûment sur le propriétaire ou locataire suivant, de même que pour éviter qu'un usager ne reçoive des factures pour l'électricité fournie à son ancien logement après son départ. L'exigence d'un contrat formel de service serait tout indiquée à cet effet.

Quant au secteur de la distribution d'huile à chauffage, il devrait être réglementé sévèrement, en imposant tout d'abord un contrat type, ensuite des mesures uniformes de tarification et de facturation. Considérant l'importance vitale du chauffage dans la vie des citoyens, les prix eux-mêmes devraient être contrôlés et sujets à l'approbation de l'office de l'énergie. Ce contrôle devrait même s'étendre aux prix de gros exigés par les compa- gnies pétrolières majeures des distributeurs indépendants, afin de favoriser une saine concurrence dont l'avantage rejaillirait en définitive sur le consommateur.

Nous concluons en espérant avoir réussi à convaincre les responsables de la politique québécoise de l'énergie de l'acuité des problèmes auxquels sont confrontés les consommateurs et de la nécessité d'y remédier le plus rapidement possible, notre souci primordial étant d'en arriver à une distribution des ressources énergétiques qui soit plus efficace et plus respectueuse des droits et des besoins des consommateurs.

Si je puis me permettre d'ajouter un très bref post-scriptum à cette conclusion, parce que nous avions dit que nous concluions, je vous dirais tout simplement que nous avons remarqué, dans les déclarations du ministre aux groupes qui ont précédé la sensibilisation que le ministre avait à ces problèmes. Nous avons quand même cru bon de devoir les répéter étant donné les problèmes qui nous ont été soumis par différents groupes de consommateurs et nous avons également été heureux de savoir que, plusieurs des problèmes soulevés, on travaillait à les résoudre, notamment le cas de la facturation à l'Hydro-Québec.

Dans ce cas, et je pense bien dans tous les autres — et notre présence ici le prouve — je tiens à réitérer notre disponibilité pour collaborer à la solution de ces problèmes.

Je vous remercie.

Le Président (M. Lapante): Merci, M. Meunier. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, et on passera à la période des questions parce que c'est un mémoire trop important qui concerne le consommateur pour le passer à la vapeur. Il y a de bonnes questions à poser.

Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

Reprise de la séance à 20 h 5

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux. Vu l'absence du ministre, je vais laisser la parole au député de Rimouski.

M. Marcoux: Le ministre vous prie d'excuser son absence. En fait, il doit participer à la prolongation de la réunion du cabinet, réunion qui se tient normalement le mercredi et qui est prolongée, ce soir, de 6 h 30 à quelques heures cette nuit, probablement. Il s'excuse de ne pouvoir participer à la séance de ce soir.

Le ministre a déjà précisé, lors du précédent mémoire, dans quelle perspective il abordait les problèmes du consommateur, liés au problème de l'énergie. Je pense qu'il a donné les grands principes sur lesquels il entendait fonder l'attitude de son éventuel ministère ou des organismes qu'il mettrait sur pied, face aux consommateurs qui doivent s'approvisionner en énergie.

Je crois que l'attrait particulier de votre mémoire, c'est que le premier mémoire de tantôt posait très bien les problèmes. Il les posait de façon vécue. On sentait que, sous chaque phrase, il y avait des exemples concrets. Il y avait de la vie humaine. Il y avait quelque chose de senti en arrière de chaque phrase. Ce que vous avez ajouté à ceci, ce sont des hypothèses — il y en avait déjà dans d'autres mémoires également — de solutions qui pourraient rejoindre chacun des cas spécifiques. Je crois que, quant à ces hypothèses de solutions, le ministre a précisé tantôt qu'il en retenait la plus grande partie ou qu'il retenait l'esprit de ces solutions. C'est pourquoi je n'entends pas revenir sur chacun de ces aspects.

J'aurais deux questions à vous poser. Une première concerne le rôle que vous voudriez voir jouer à l'Office de la protection du consommateur dans la défense des consommateurs par rapport à l'énergie. Vous voudriez que l'office reçoive les plaintes des consommateurs, fasse le rôle de consiliation entre l'Hydro-Québec ou la Régie du gaz ou même pour l'huile à chauffage avec les compagnies, etc. Si cette étape échoue, vous deviendriez les défenseurs face à l'éventuel office de l'énergie.

Quel est l'avantage? Vous ne trouvez pas cela ambigu? Si on se place par rapport au secteur du travail, à un moment donné, quelqu'un qui joue le rôle de conciliateur, en tout cas, dans le secteur du travail, ne peut pas jouer, dans une deuxième étape, le rôle de défenseur d'une des parties. Vous prétendez pouvoir jouer ce double rôle de façon utile et efficace.

Est-ce que d'autres hypothèses ne pourraient pas être plus utiles par rapport aux consommateurs que ce double aspect? Deuxième question, je la formulerai par la suite, c'est une question de détail par rapport à l'ensemble.

M. Meunier: Je ne sais pas si vous êtes avocat ou si vous avez de l'expérience en droit du travail. En écrivant le mémoire, nous avons peut-être pé- ché par le choix des termes, c'est l'idée plutôt que le mot comme tel, que ce soit médiation, conciliation ou arbitrage qu'il faut retenir. L'idée, essentiellement, est celle-ci: l'office est un organisme voué à la défense des consommateurs et, comme tel, ce qu'on voudrait, c'est que l'office ou un autre organisme voué à la défense des consommateurs, puisse, dans un premier temps, représenter le consommateur d'énergie, directement, face aux fournisseurs d'énergie. On peut appeler ça, si vous voulez, médiation, conciliation ou d'un autre terme, mais c'est qu'il y ait un trait d'union entre le consommateur et le fournisseur d'énergie, et que ce trait d'union, qui sera un représentant du consommateur, fasse valoir le point de vue du consommateur.

Cette première étape est faite pour qu'on puisse, le plus possible, dégager l'organisme qui siégera, c'est peut-être mal exprimer la chose que de dire en appel, mais l'organisme qui aura la décision finale, pour qu'on puisse régler le cas au niveau d'une discussion avec le fournisseur d'énergie. S'il n'y a pas moyen, à ce moment-là, on passe à la deuxième étape, auprès de l'organisme qui aurait la décision finale dans cette affaire, qui sera possiblement l'office québécois de l'énergie.

On a peut-être appelé ça médiation, il existe, dans ce sens, une formule de médiation en Suède. C'est peut-être de là qu'on s'est inspiré, et on n'a peut-être pas assez inscrit ça dans le contexte québécois, c'est-à-dire la signification du mot médiation ici. Ce que je veux faire comprendre, c'est l'esprit et la procédure, première étape, donc, solution directe avec le fournisseur, un représentant du consommateur qui serait ou l'office ou un autre organisme voué à la défense des consommateurs; si échec, appel ou discussion de la cause devant l'organisme qui a le pouvoir de décision finale.

M. Marcoux: En résumé, vous ne voyez que des avantages au fait que ce soit le même organisme, si on fait l'hypothèse que c'est l'Office de la protection du consommateur, qui joue le rôle aux deux étapes avec le consommateur. Dans la première étape, qui fait de la médiation entre le client et la compagnie et, dans la deuxième étape, entre l'office et le consommateur.

M. Meunier: C'est qu'il nous semble que cela apporterait peut-être une plus grande continuité. L'Office de la protection du consommateur, spécialisé ou non, connaîtrait le dossier et serait en mesure d'aller peut-être plus rapidement défendre le dossier devant cet autre organisme.

M. Marcoux: Ça va. La deuxième question porte sur un point très spécifique. Cela concerne le paiement des factures à l'Hydro ou à la compagnie de gaz. Vous proposez qu'au lieu de quinze jours, le délai soit d'un mois. Je pense que c'est une amélioration normale qui pourrait aller de soi. Ce que vous proposez, dans un deuxième moment, c'est que la pénalité soit équivalente à 1% d'intérêt par mois ou environ 10% par année, quelque chose du genre, au lieu de la pénalité actuelle qui est évidemment beaucoup plus forte.

Je parle d'une réaction, une observation bien simple que j'ai pu faire lorsque j'étais tout jeune. Tout le temps que j'ai été chez nous, je constatais que ma mère, à chaque mois, lorsqu'elle recevait le compte, le mettait sur la tablette. Une chose est certaine, c'est qu'elle n'oubliait jamais, au douzième, treizième ou quatorzième jour, une, deux ou trois heures avant, de payer le compte si elle ne voulait pas payer $2 ou $3 de plus sur un compte, beaucoup plus petit dans ce temps-là, mais cela comptait beaucoup. C'était un "dead line" qui s'imposait et qui était efficace.

Advenant le cas où on prenne votre hypothèse, vous ne croyez pas que la conséquence sera qu'il va falloir que ces compagnies ou l'Hydro mettent sur pied toute une série de moyens ou engagent tout un personnel pour percevoir ou faire des pressions pour finalement recouvrer, parce que la pénalité serait très faible?

En fait, ce que je crains c'est que pour une mesure qui, actuellement, incite peut-être 90% ou 95% des gens — et qui est très efficace — à payer d'eux-mêmes, sans sollicitation supplémentaire, leur compte, et qui cause des problèmes à une partie assez infime de consommateurs de ces produits, la solution que vous proposez risque de causer de sérieux embêtements à l'ensemble des consommateurs.

M. Meunier: Je pense que ces compagnies — je parle des fournisseurs d'énergie — ont déjà un service de perception assez bien outillé, d'une part.

D'autre part, il s'agit d'une exception vraiment particulière dans le cas de fournisseurs de services. A notre connaissance, il n'existe pas d'autres fournisseurs de services qui ont des moyens de représailles de cette envergure. L'interruption dont on a parlé, et évidemment cette pénalité monétaire, on trouve que c'est vraiment exagéré. Si les commerçants dans leur ensemble ne facturent pas des montants de cette nature, pourquoi accorderait-on à des société d'Etat ou d'autres des pouvoirs exorbitants de la vie commerciale normale?

Le Président (M. Laplante): Le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Vous mentionnez dans votre mémoire qu'un contrat en bonne et due forme dans lequel seraient clairement énoncés les droits et les obligations des deux parties devrait être conclu entre le fournisseur d'électricité ou de gaz et le consommateur. Même plus loin également, vous souhaitez un contrat semblable entre le distributeur d'huile à chauffage et le consommateur. Pourriez-vous expliquer un peu ce contrat que vous souhaitez entre les deux parties et que vous souhaitez même obligatoire? Quels seraient les droits et obligations qui pourraient en faire partie?

M. Meunier: Quels seraient les droits et obligations qui pourraient en faire partie? Je pense qu'on pourrait prévoir certaines choses comme...

M. Brassard: La facturation, par exemple.

M. Meunier: ...la facturation, ce qui arrive en cas de délai, préciser les règles du jeu, de façon très claire, dès le début de la fourniture des services, les obligations respectives du consommateur et du fournisseur, de la même façon que cela existe dans un autre secteur d'activité, celui du logement, où il existe un bail type. Il pourrait y exister un contrat type en matière d'énergie.

M. Brassard: Cela faciliterait sans doute le travail de l'Office de l'énergie lorsqu'il aurait à rendre des décisions. Ces décisions se prendraient à partir de ces droits et obligations.

M. Meunier: Oui, cela, je pense, non seulement faciliterait le travail de l'office de l'énergie, mais également la compréhension du consommateur dans les services qu'il achète, d'une part, et, d'autre part, facilitant ainsi la compréhension du consommateur, je pense que cela aurait pour effet accessoire d'améliorer les relations entre consommateur et fournisseur. Cela clarifierait la situation.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Arthabaska.

M. Baril: On dit que les compagnies ou les sociétés n'auraient pas le droit de couper le gaz ou l'huile, et tout cela. Je comprends que pour le client ce n'est pas facile. Au point de vue humain, ce n'est pas drôle non plus. Si on se réfère à un exemple, on sait que les ambulanciers — je connais le problème dans mon comté — ont une énorme difficulté à faire payer leurs factures, leurs comptes. En ayant ce problème, ils savent qu'il y en a qui ne sont pas récupérables. Quelqu'un qui n'a rien, tu ne peux pas le saisir, il n'a rien. Qu'est-ce que tu veux faire? Je ne sais pas à quelle solution vous pouvez penser pour cela. Pour les ambulances, ce sont les bons, ni plus ni moins, qui paient pour les méchants parce qu'ils sont obligés de remonter les tarifs de ceux qui normalement paient pour ceux qui ne paient pas. Je ne sais pas si vous avez une solution miracle à cela ou si ceux qui ont de l'argent doivent payer pour ceux qui n'en ont pas. Je ne sais pas s'il n'y aurait pas aussi, dans un sens, peut-être un abus de ceux qui, ordinairement, ne paient pas.

M. Meunier: Ecoutez, vous êtes bien gentil de penser qu'on pourrait avoir une solution miracle. Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'on n'en a pas. Pour ce qui est, cependant, de la comparaison que vous faites dans le cas des ambulances, je ne veux pas entrer dans ce sujet, parce que ce n'est pas le propos de la commission, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'un problème assez sérieux. Je ne suis pas sûr qu'on le résolve à la satisfaction du consommateur, si on demande au consommateur de payer alors qu'il est étendu sur la route, avant de monter dans l'ambulance. En tout cas, c'est une autre

question. Pour ce qui est de l'interruption des services, on ne dit pas de façon absolue qu'il faut empêcher l'interruption de services. Ce que l'on dit au mémoire, essentiellement, c'est qu'il faudra qu'il y ait eu cette médiation ou cette première étape et il faudra qu'il y ait eu appel à cet organisme décisionnel final.

Cet organisme décisionnel final, et cet organisme déterminera des cas exceptionnels où ça pourra se faire. Mais, même à ça, je pense, ou enfin, j'espère que vous avouerez avec moi qu'il s'agit d'une mesure de représailles draconienne face à un service essentiel, mesure de représailles qui n'existe pas dans d'autres secteurs d'activités commerciales. Et le problème avec lequel on est confronté, c'est qu'il s'agit d'un service essentiel.

M. Baril: Je l'admets, mais ce qu'il faut réaliser aussi, c'est qu'il y en a, parmi la population, qui n'ont pas les moyens de le payer, mais ils trouvent quand même une façon de le payer. Je me dis, moi: Disons qu'on enlève ça, peut-être qu'il y aura des abus, je ne sais pas.

M. Meunier: Ecoutez. Je pense que la soupape pourra exister au niveau de cet organisme, Office québécois de l'énergie, qui pourra apprécier les cas exceptionnels. Mais les inconvénients sont tels qu'il nous faut protéger l'ensemble des consommateurs qui ont peut-être plus à subir d'inconvénients que ceux qui pourraient abuser. Je pense que c'est un peu ça qu'il faut évaluer, et ce sera précisément le rôle, ou enfin, un des rôles de cet organisme. Cela pourrait être un des rôles de cet organisme de décision finale de l'apprécier.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Vous avez fait allusion à la nécessité d'un contrat de services entre ceux qui étaient les pourvoyeurs d'énergie à une clientèle donnée, services qui seraient consentis moyennant telle et telle condition. J'en suis. Mais cependant, à l'intérieur de ce contrat de services, qui sera très bien défini dans le document signé entre les deux parties, est-ce que vous acceptez le principe, tout de même, qu'après un délai donné, si le consommateur fait défaut de respecter ce délai, il y a une pénalité, qui peut être de 10%, de 12%, peu importe. Est-ce que vous acceptez au moins ce principe?

M. Meunier: Bien, écoutez! Je ne vois pas pourquoi vous dites: Au moins, mais, en tout cas, il est bien sûr, je pense bien, que...

M. Giasson: Je dis: Au moins, parce que dans la société qui est nôtre, à moins qu'on la change, cette société, si vous, vous faites défaut de payer vos impôts, vous savez ce qui vous attend. Si vous faites des transactions dans d'autres secteurs et que vous ne respectez pas les délais, vous savez ce qui vous attend. Je sais bien que moi, je fais des affaires, et si, à telle date donnée, je n'ai pas répondu aux obligations auxquelles je m'étais engagé, je paie la note.

M. Meunier: Mais, ce n'est pas ça qu'on dit. On dit que les pénalités pécuniaires qui sont exigées actuellement sont exorbitantes. L'interruption du service est un moyen de représailles exorbitant. On ne dit pas qu'il ne doit pas y avoir une certaine pénalité qui soit exigée. Mais on dit que cette pénalité devrait être au moins...

M. Giasson: Etalée sur un délai plus long ou quoi?

M. Meunier: D'une part, étalée sur un délai plus long et, d'autre part, le taux d'intérêt, même si on ne veut pas appeler cela de l'intérêt, devrait être plus raisonnable.

M. Giasson: Mais quel est le taux d'intérêt raisonnable pour celui qui attend toujours à la dernière minute? Il faudrait prendre les gens tels qu'ils sont. Il y a celui qui attend toujours à la dernière minute, qui attend le dernier délai et qui s'organise pour être obligé de payer une pénalité. Où tout cela s'arrête-t-il?

M. Meunier: Ecoutez, je ne veux pas reprendre...

M. Giasson: Je comprends que vous devez protéger le consommateur contre ceux qui abusent, contre les requins, contre les profiteurs, contre les chevaliers, mais, de temps en temps, ne devriez-vous pas protéger le consommateur contre lui-même, pour un type de consommateur donné?

M. Meunier: Je pense qu'il serait peut-être opportun d'étudier quel serait le taux d'intérêt, si vous voulez parler de taux d'intérêt. Il y a un taux d'intérêt qui peut courir, ordinairement... Vous avez fait allusion à certaines expériences d'affaires ou à d'autres types d'activités, que cela soit l'impôt ou d'autres. Il y a un taux d'intérêt qui court quand on est en défaut, mais le taux d'intérêt n'est pas nécessairement aussi élevé que celui-là. Il y a un taux d'intérêt qui court sur le crédit variable aussi, mais il est loin d'être aussi élevé que celui-là.

On ne dit pas qu'il ne doit pas y avoir de pénalité du tout, mais que cette dernière devrait être ramenée à un taux d'intérêt qui soit plus conforme aux activités commerciales usuelles.

M. Giasson: Je suis bien d'accord, mais si vous mettez votre taux d'intérêt trop bas, vous allez être pris encore avec des gens qui vont profiter d'un taux d'intérêt trop bas parce qu'ils vont toujours attendre le dernier délai.

M. Meunier: D'accord. Il n'est pas question de financer à long terme la fourniture d'électricité. Je pense qu'il est question d'avoir un taux d'intérêt qui puisse être raisonnable dans les circonstan-

ces. C'est tout. Mais vous ne me demandez pas de déterminer un taux précis ici ce soir, je pense bien. Je pense qu'on est à la recherche d'une pénalité qui puisse atteindre un sain équilibre.

M. Giasson: Mais sans le déterminer de façon précise, vous devez avoir un ordre de grandeur.

M. Meunier: On a fait allusion au taux qui est exigé en matière de crédit variable. Sans dire qu'on est d'accord sur cela, cela peut être une indication d'une limite ou cela peut être une balise qu'on peut utiliser qui est beaucoup plus raisonnable, si on peut appeler cela raisonnable, si on le compare au taux actuellement utilisé par ces compagnies.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): M. Meunier, j'aimerais avoir une précision en ce qui concerne le taux d'intérêt qui est exigé sur les factures, soit de gaz ou d'électricité. Je pense que ce n'est pas un intérêt; c'est plutôt un escompte qui est accordé. Si on calcule la facture, il y a tant de kilowatts à tant, celafait X montant. Si vous payez à l'intérieur de tant de jours, on vous donne un escompte de 10%, 15% ou 20%, selon le cas. Est-ce que ce n'est pas plutôt un escompte qu'on perd qu'un intérêt qui est exigé par les compagnies, par l'Hydro?

M. Meunier: Ecoutez, on peut appeler cela un escompte; on peut appeler cela des frais administratifs, mais il n'en demeure pas moins que cela ressemble à un intérêt assez sérieux. La réalité peut être appelée de différents noms; cela peut être appelé intérêt, escompte, frais administratifs. D'après ce qu'on voit, on pense que c'est plus de l'intérêt qu'un escompte.

M. Vaillancourt (Orford): II n'y a pas plusieurs compagnies de distribution d'électricité, mais il y a l'Hydro-Québec et il y a plusieurs villes qui font la distribution de l'électricité. Il y a des villes qui vendent leur électricité à un taux sans escompte et d'autres avec escompte afin de percevoir leurs paiements le plus vite possible. Je pense que c'est plutôt un escompte qu'un intérêt.

M. Meunier: Je vais peut-être laisser la parole à M. Brochu qui vit cela dans sa région.

M. Brochu: J'ai vérifié hier avec l'Hydro-Québec, pour répondre à votre question. C'est qu'après la tarification exacte pour le nombre de kilowatts courus pendant soixante jours, on ajoute 10%. On ne donne pas un escompte. On ajoute 10%. Si on ajoute les 10% pour une période de quinze jours, si le consommateur va au bout de sa période, cela fait 240% d'intérêt. Alors, c'est là-dessus qu'on insiste.

M. Vaillancourt (Orford): Vous l'avez vérifié? M. Brochu: Oui, j'ai vérifié hier moi-même.

M. Vaillancourt (Orford): Cela répond à ma question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Deux questions et un commentaire. Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de rencontrer l'Office de la protection du consommateur .Voici ma première question: Actuellement — ce ne paraît pas lié, mais je pense que c'est un peu lié — votre réseau d'implantation à travers le Québec, c'est quoi? Vous êtes installés, si on exclut Québec et Montréal, dans l'ensemble de l'Est du Québec. Quel est votre réseau?

Une deuxième question qui est liée à votre mémoire. Vous proposez qu'il y ait des contrats — on en a parlé tantôt — établis entre le client et chaque compagnie distributrice d'énergie. Une des choses qu'on entend de plus en plus dire, comme députés, c'est que tout est bureaucratisé et de plus en plus bureaucratisé. Cela prend un contrat pour ceci et pour cela; tu achètes pour $20 et cela te coûte $60 de contrat. Ne pensez-vous pas que des réglementations uniformes et qui s'appliquent de façon générale ne pourraient pas pallier les grands inconvénients et que les cas vraiment particuliers pourraient être réglés autrement? Au lieu de multiplier tous les types de contrat, que ce soit pour le chauffage, l'électricité, le gaz, même si on dit qu'ils sont uniformes, c'est de la bureaucratie. Souvent, on pense protéger les consommateurs, mais ils ont tellement de papier à lire, à un moment donné, qu'ils ne retrouvent rien.

Dernier commentaire, je suis bien conscient que, par nos questions, on a touché des points particuliers, peut-être pas l'essentiel, de votre rapport. Mais je reviens encore à ce qu'on a dit au début. Je pense que tous les membres de la commission sont conscients que tout ce qui s'est dit est lié avec ce qui s'est dit cet après-midi. Vu qu'on avait touché l'essentiel cet après-midi, on s'est peut-être attardé à des points très précis.

M. Meunier: Mais il n'y a pas de difficultés là-dessus.

Je vais répondre à votre dernière question pour commencer. Quand vous craignez la bureaucratie, les exigences additionnelles, les tracasseries additionnelles pour les commerçants d'une part, et, d'autre part, que les consommateurs ne s'y retrouvent plus, je vous suis à 100%. Mais il n'est pas question de ça. Actuellement, sans qu'il y ait de contrat type... je ne vais pas faire de "juridisme" ici, mais vous savez que les contrats peuvent être écrits et qu'ils peuvent être oraux. Il y a toujours un contrat entre un consommateur et un vendeur de quoi que ce soit, c'est un contrat écrit ou c'est un contrat verbal.

Maintenant, il y a moyen de faire des contrats types qui soient simples et faciles de compréhension, même si on n'est pas avocat. C'est comme ça que les contrats devraient être faits, je pense qu'à ce moment-là, ce n'est pas une tracasserie additionnelle, ce n'est pas de la bureaucratie, mais

c'est une oeuvre d'éducation qui permet au consommateur de se retrouver beaucoup plus facilement, de connaître ses droits et de connaître aussi ses obligations.

Je pense que l'expérience, par exemple, du bail type — ce n'est plus une expérience, c'est une réalité maintenant — à cet égard a été assez révélatrice. On peut avoir des restrictions sur certaines clauses qui sont à l'intérieur du bail type, mais chose certaine, elles sont assez bien compréhensibles et, de plus en plus, c'est ça qu'on retrouve dans les baux actuellement au Québec. Les consommateurs commencent à s'habituer, commencent à comprendre un peu plus ce qui se passe. De la même façon, je pense que cela pourrait s'appliquer également aux contrats de fourniture d'énergie.

Pour ce qui est du réseau, malheureusement, je dois vous dire qu'à l'heure actuelle, il est plus réduit qu'on ne le voudrait; mais je vais quand même répondre à votre question et vous dire qu'en plus des bureaux de Montréal et Québec, il y a le bureau de Trois-Rivières qui est sous la responsabilité de Jacques Brochu, à ma droite il y a le bureau de Sherbrooke, le bureau de Hull, le bureau de Jonquière et le bureau de Rimouski. Je pense que je les ai tous nommés, ça fait huit au total, Je m'excuse, j'ai oublié Rouyn-Noranda.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Je pense que dans votre mémoire, vous avez fait allusion à un protocole intervenu entre l'Hydro-Québec et le service de l'aide sociale de la région de Montréal. Depuis que ce protocole existe, avez-vous effectivement reçu des plaintes de consommateurs bénéficiaires de l'aide sociale de la région de Montréal disant que l'Hydro-Québec n'aurait pas respecté ce protocole?

M. Nammour (Rafic): On n'a pas reçu de plaintes directement à ce sujet, mais le protocole s'applique uniquement à la région de Montréal et aux assistés sociaux. On ne peut pas juger vraiment de son impact à l'échelle plus généralisée.

M. Giasson: Mais à l'intérieur de la région de Montréal, depuis l'existence du protocole 72, il n'y a pas de plainte venant de consommateurs bénéficiaires de l'aide sociale?

M. Nammour: II existe des plaintes encore, mais on n'a pas pu les rattacher aux assistés sociaux qui se seraient encore plaints, étant donné qu'il y a déjà un mécanisme pour les aider, mais on continue à recevoir des plaintes au sujet de l'Hydro-Québec, même dans la région de Montréal.

M. Giasson: Par contre, à l'extérieur de la région de Montréal, est-ce que l'Hydro-Québec a des comportements qui provoquent chez vous beaucoup de plaintes dans une attitude radicale à l'ef- fet de couper, sans préavis, le service d'électricité?

M. Meunier: Je pense qu'à l'extérieur de Montréal, les plaintes demeurent et ces plaintes étaient valables aussi pour la région de Montréal. Vous n'avez qu'à vous reporter au témoignage des gens qui nous ont précédés. On n'est pas en mesure actuellement, d'après nos statistiques, de vous dire si les assistés sociaux, comme groupes, ne se plaignent plus à la suite de ce protocole d'entente. On sait qu'on a encore beaucoup de plaintes concernant la fourniture d'énergie à Montréal. Mais vous dire ou vérifier l'impact spécial du protocole sur la population des assistés sociaux à Montréal, on n'est pas en mesure de vous le dire. On peut vérifier et vous fournir la réponse si ça vous intéresse, par exemple.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, le député de Champlain.

M. Gagnon: Je voudrais savoir si vous avez les pourcentages — peut-être que vous les avez donnés au début de votre mémoire, malheureusement, je n'y étais pas cet après-midi — des clients dans une région comme Trois-Rivières, qui sont affectés par la pénalité que vous trouvez exagérée et, dans ce pourcentage, ça se situe à peu près dans quelle classe de la société.

Si, par exemple, il y en a 5%, est-ce que ce sont nécessairement tous des gens qui se retrouvent chez les assistés sociaux ou s'il y a un pourcentage pour qui ce serait tout simplement par négligence? Si vous y avez déjà répondu, je vais me passer de la réponse.

M. Brochu (Jacques): Non, nous n'y avons pas répondu. Cela me fait plaisir d'y répondre, l'honorable député de Champlain. A Trois-Rivières, pour les six derniers mois, nous avons eu 155 plaintes concernant spécifiquement l'Hydro.

Sur ce nombre de plaintes, nous avons eu 85% qui regardent spécifiquement la facturation, un rajustement sur la facturation. Cela veut dire qu'on a facturé le consommateur, on a un exemple dans le mémoire, pour $670. On l'a facturé pour $120 trois fois et on a rajusté par la suite pour en venir à un montant de $670. C'est fréquent. Le montant de $670 est peut-être le plus poussé. Il y a aussi des majorations de $250, $300 ou $400. C'est grave. Aller peut-être un peu plus loin est important aussi. Le pauvre gars qui doit payer $670 d'un coup, qu'il ne s'attendait pas à payer et qui n'a pas les économies pour les payer, voulant économiser les 10% et ne pas se faire couper, qu'est-ce qu'il va faire? Il va emprunter quelquefois à des taux qui sont assez élevés. Cela majore encore le prix.

M. Gagnon: Est-ce que d'après votre expérience ces 155 plaintes, c'étaient des gens qui vivaient surtout de l'assistance sociale?

M. Brochu (Jacques): Malheureusement là-

dessus, je n'ai pas de statistiques spécifiques, mais d'après l'expérience, les rencontres avec les gens avec qui je transige, que je vois, je dirais arbitrairement qu'environ 10% de gens sont assistés sociaux et le reste des plaignants se situerait plutôt dans la classe moyenne. La majorité, c'est dans la classe moyenne.

M. Gagnon: Cela veut dire qu'ils ont été pénalisés à cause d'une certaine négligence?

M. Brochu (Jacques): Exact.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de la commission vous remercient de votre participation. Sachez que cela nous fait toujours plaisir, surtout comme nouveaux députés, de recevoir un office gouvernemental. C'est le premier contact que nous avons avec vous et cela nous a plu énormément.

M. Meunier: Nous de même, M. le Président, nous vous remercions bien.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. J'appellerais maintenant le groupe STOP. Bonsoir messieurs.

M. Roab (Karl): Bonsoir.

Le Président (M. Laplante): Si vous étiez capable de résumer le plus possible votre exposé. Vous disposez d'environ 45 minutes pour nous le présenter, y inclus la période de questions. Je vous remercie. Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît!

Society to Overcome Pollution

M. Roab (Karl): M. le Président, MM. les députés, mon nom est Karl Roab et je suis accompagné ce soir par le Dr John Dealy. Incorporée à Québec en 1970 à titre d'organisme écologique formé de citoyens, STOP oeuvre pour la protection de l'environnement et la rationalisation de l'exploitation et de la consommation des ressources naturelles.

Le temps mis à notre disposition est malheureusement un peu court pour faire notre présentation en français, ce dont nous nous excusons. Il nous fera plaisir de remettre notre texte en français d'ici quelques jours, à M. Guy Joron, pour qu'il le fasse distribuer aux membres de cette commission.

Ce mémoire contient, premièrement, divers aspects de la conservation de l'énergie, deuxièmement, différents modes de protection de l'énergie. Nous terminons notre mémoire par quelques recommandations, notamment sur la nécessité pour tous les services gouvernementaux de travailler étroitement ensemble pour remédier à la pénurie d'énergie qui s'annonce pour le Québec également. M. Dealy.

M. Dealy (John): M. le Président, MM. les députés, we are now faced with an important deci- sion. Will we throw away our natural energy advantage by squandering energy today and letting the financial and environmental costs fall on future generations? Or will we use it as the basis of a uniquely Québécois energy policy which will make it possible to avoid an overwhelming dependence on imported fuels on the one hand and the hazards of nuclear energy on the other?

In the past, increasing our use of energy has been associated with an improvement in the quality of life. Since its founding in 1970, STOP has taken the position that this is no longer true. It is not just a matter of diminished returns, but of negative returns. This view is based not just on the tremendous capital and operating costs of new energy installations of all types, but also on the heavy taxes imposed on our environment by these installations. The Government of Quebec is taking steps to preserve our cultural heritage for the benefit of generations to come. At the same time, it is necessary to take steps to ensure the preservation of the quality of our physical environment so that our children will have pleasant and healthful surroundings in which to enjoy their rich and unique culture.

We believe that it is possible to ensure a reasonable quality of life for ourselves and our children without building nuclear power plants and without increasing our dependence on oil. We believe this can be done by a combination of a drastic reduction in our waste of energy and a development of alternative energy technologies. These steps will require large capital investment, but when compared with the alternative of investing in new energy generating capacity, we feel it is the only logical choice.

Let us look at each section of our society to see what can be done. First, we consider energy use in industry. It is often argued that we should use our energy resources to attract new industry to Quebec, so that new jobs can be created. We believe that this has not always work to the desire advantage. First, those industries which are the most energy intensive tend to be the least labor intensive. Secondly, the attractive utility rates offered to industrial users means that they pay less than their share of the costs associated with increasing our hydroelectric generating capacity. It is the smallest user who pays a disproportionate share of these huge costs.

Those industries now operating in Quebec should be encouraged to reduce their energy consumption. There is lots of room for improvement here. In the United States, the chemical industry sets as its goal the overall reduction in its energy use of 15% by 1980, and a 9% reduction has already been achieved. Here in Quebec, a titanium dioxide manufacturer reduced his large energy requirements to operate a kiln by 8% by use of a small digital computer to control the process. Of course such improvements in energy-use-efficiency require capital investment, but this must be measured against the capital investment in new energy generating capacity. Furthermore, modifications to a plant to increase the efficiency of energy use generates employment and often in-

volves a simultaneous reduction in air or water pollution.

The Government can encourage industrial energy conservation by allowing tax deductions for the capital investment involved, although this should not be necessary in many cases because the return, in the form of cost savings, can often justify the investment. Through its own research laboratories and its program of research grants to universities, the Government of Quebec can promote the development of sophisticated energy saving techniques. This could provide the basis of a lively sector of the Quebec economy because energy conservation is going to be a very big business in the near future.

A seemingly minor point, which is nonetheless important because it involves no capital cost, is the provision in the labor code for a maximum and minimum temperature in the work place. Few people can work comfortably at temperatures much above 21 degrees Celsius. Overheated offices and plants should be outlawed.

Whether the possibilities for Energy Conservation in the Transportation Sector. Transportation offers the chance for important energy savings. The Energy Policy Project of the Ford Foundation estimates that more than one-fifth of the energy savings achievable by the year 2000 are in transportation. Control of the use of private automobiles will be the dominant factor in any successful effort to reduce the energy demand of the transportation sector. Automobiles consume one-fifth of Quebec's imported oil supply.

We usually think of Quebec as being well served by public transport. In 1973, public transport was reported available to a higher percentage of commuters in Quebec than in any other region of Canada. Further, where public transport was available, its use was highest in Quebec. However, Statistics Canada reports that both of these figures are decreasing. Moreover, the rates of decrease in Quebec are far greater than in any other region — more than twice the national average. These decreases in availability and usage of services have been recorded during the three years since the so-called "energy crisis". Quebec must act now to stop both of these regressive trends and indeed reverse them.

Clearly, subsidies must support existing public transport services. New services, however, should be considered very carefully. An expensive underground system may not necessarily attract motorists out of their cars. Rather, it may only provide a more comfortable ride for present public transit users.

A better use of public subsidies would be to invest in innovative, low-cost improvements in existing bus and rail services. This could be done on a short time scale to provide for gradual conversion to more appropriate technologies such as electric trains. Such money would be well spent. Dr. Josef Kates, Chairman of the Science Council of Canada, has predicted that an energy saving of $2 annually could result from every dollar capital investment in public transit.

Provision of public transit services alone will not suffice to increase usage, however. Improvements in services must be accompanied by strong discouragement of private transit commuters. A combination of severe restrictions of access to, and parking in, the city, establishment of buslanes, straggered working hours, significantly increased automobile and fuel taxes, and higher highway and bridge tools are essential elements in any program to increase public transit usage. More efficient use of private automobiles can be achieved by limiting speeds, increasing fuel taxes, changing liability laws to encourage car pooling and imposing fuel economy standards. There is nothing new about these things; they are practiced in cities around the world from Ottawa to Osaka.

Subsidies to private automobile transit are generally not recognized as such. They are hidden in roads, police budgets, health care costs and environmental degradation. These subsidies must be shifted to public transit if we are to reverse the wasteful trends presently developing.

Our society is in many ways structured around the daily use of a private automobile. Long term planning should seek to decrease the reliance on the automobile for recreation as well as for commuting. This means protecting existing urban playgrounds such as Terre des Hommes, cleaning up the rivers and adopting the Un fleuve Un parc concept. All new communities should be planned to prohibit automobile usage in the center. Discouragements are not enough. Many undeveloped lots now dotting Montreal should be converted from parking lots to park or community gardens.

Finally, the leaders of government must indicate a strong, personal commitment to reducing private energy consumption. More can be accomplished by ministers walking, cycling or taking public transit to work, as does the Governor of Massachusetts, than the most eleborate advertising campaigns.

The potentially positive effects of these suggestions upon the quality of the urban environment are obvious. Most new transportation technologies combine both increased energy efficiency and decreased environmental impact. One exception is the supersonic transport. Although its total impact on Quebec's fuel supply would be small, SST service would compromise the credibility of a government commited to energy conservation in the transportation sector.

Now, I would like to discuss briefly the potential for energy savings in the way we design our buildings. The Canada Council has estimated that a 25% saving in space heating can be obtained by retrofitting of existing homes and that 50% can be saved by setting appropriate standards for new housing. Another way in which substantial savings can be made is to increase the efficiency of operation of oil-burning furnaces. Existing units should be able to achieve operating efficiencies of 75%, and the best new furnaces can operate at 90% efficiency. But many furnaces operate with efficiencies as low as 40%. These furnaces were supposedly being maintained by the service departments

of fuel oil suppliers. Steps should be taken to ensure that oil-burning furnaces are properly cleaned and adjusted for maximum efficiency.

Even more dramatic savings are possible in the case of commercial buildings. Buildings recently constructed in our cities have been designed with little attention to the efficiency of energy utilisation. In most cases they are built by one company to be used or operated by another so that the builder has little incentive to invest in systems which will minimize operating costs. An exception to this rule is the new CP Telecommunications building in Montreal. Using the best traditional design technics, this building was designed for efficient use of energy and uses about 20% less energy than buildings designed along traditional lines. Another example of what can be done is provided by the new Ontario Hydro Building in Toronto which uses many advanced energy saving concepts.

While, as has been pointed out above, substantial savings can be achieved by use of existing commercially available technology, we should be developing new technology which will permit further large savings. For example, in the ventilating of a large commercial building, large amounts of energy are lost in the large volumes of warm, relatively moist air which are continually exhausted. Processes for transferring a substantial part of the heat and moisture from the exhaust air to the inlet air have been demonstrated in the laboratory, but commercialization will not come until there is more of an incentive for builders to make the additional capital investment required to use advanced energy-saving concepts.

Whatever the design of our residential buildings, the amount of energy used will be significantly affected by the habits of those who live in these buildings. Each resident must see a tangible relationship between his energy use habit and his energy cost.

Mastermetering of electricity in apartment buildings should be prohibited, as this completely eliminates any such relationship. Hydro rate structures should be revised so that the marginal cost of electricity does not decrease as use increases. I was much encouraged this afternoon to hear the minister annouce that he was already considering such a change. Indeed, to prevent an inequitable allocation of energy costs to low-income families, there should be a minimal rate for the basic amount of electricity needed by a family on a modest income which uses its energy wisely. Such a scheme is called "lifeline" pricing and is already in use in some communities in the United States.

In Selecting appliances, citizens should have the information necessary to choose wisely. It should be made mandatory that all new electrical applicances carry a tag giving their energy requirements in a meaningful way.

Energy intensive packaging techniques must be prohibited. In many cases, this will imply the use of returnable or refillable containers for foods, leverages and other consumer goods. In Oregon, where non returnable beverage containers have been illegal for several years, it is estimated that the annual energy savings are sufficient to heat 50 000 homes. Furthermore, bottle and can litter has been reduced 83%. Did this step result in a loss of jobs in Oregon? On the contrary, it is estimated that it has resulted in a net gain of 365 jobs.

Certain types of energy conservation techniques, particularly waste heat recovery, can only be put into use when there is close coordination between the various sectors of our society. In its most elementary form, this is illustrated by the incineration of municipal solid wastes to generate steam which can be used for space heating or in industry. For example, the solid waste incinerator recently built by the city of Québec sells steam to a neighboring paper-mill. On the other hand, the heat generated by Montreal's modern incinerator is currently used only to heat a municipal garage because it is not part of a coordinated energy complex.

Industrial-urban integration schemes are largely non existent in North America, although well established in Europe. In particular, data available from Sweden indicate the range of savins from fairly simple integrations such as combined heat-electricity systems or combinations involving thermal-generation and industrial use. In other parts of Europe, more complex idustrial-utility-urban integration schemes yield dramatic energy savings, as well as greater value added per unit of energy consumed. Quite aside from the significant increase in the total energy efficiency of the system, the combination provides net positive benefits for each of the partners and reinforces mutual interests. The oil refinery-utility-urban-industry-aquaculture complex in Hamburg is an illustration of what can be done.

The central position of the oil refinery and other industrial partners in these integration schemes derives from the constancy of their energy demand overcoming the purely seasonal demand of residential-commercial heating demands. Almost all the major partners become both producers an consumers of energy. Moreover, the major partners producing fuels or heat and electricity achieve significantly higher orders of efficiency and flexibility.

Now, we turn to the important question of nuclear energy. STOP opposes the construction of nuclear reactors. Our position on this important issue is based not on emotion, but on a consideration of the potential benefits and hazards of this technology. It is not sufficient to say simply that you are "for" or "against" nuclear energy. Therefore, we will review briefly the key arguments for and against.

The CANDU reactor system is an outstanding piece of development work. It has many advantages over competitive reactor systems. For example, as originally conceived, it does not require reprocessing of spent fuel an it can use as fuel natural uranium rather than enriched uranium. However, all large scale nuclear fission operations pose a serious threat to the health of the community in which they are located and CANDU is no exception to this rule.

This is not due to the likelihood of a nuclear

explosion of the type which occurs when a nuclear bomb is detonated, because it is hard to imagine how a critical mass of fissionable material could be assembled as the result of any type of reactor accident. The more likely danger is from the release of radioactive substances in the environment as a result of mechanical failures or human errors. Although few deaths have been attributed directly to nuclear reactors, it is difficult to assess the incidence of disease resulting from the generation and release of radionuclides which inevitably accompany the operation of reactors. That accidental releases of substantial quantities of radioactive materials can and do occur is well documented. There is no way to guarantee that these will not occur except to avoid altogether the operation of nuclear reactors.

A very distressing feature of nuclear power generation, which is not associated with the possibility of an accident at the reactor during operation, is the necessity of disposing of the radionuclides created in the fission process. In its simplest form, this is a problem of storing spent fuel rods under controlled conditions for many years.

However, if the spent fuel is to be reprocessed to extract the plutonium which has been formed in it, as is now proposed in Canada, large volumes of highly radioactive liquids and gases are produced and these are many times more difficult to control than the spent fuel itself. The technology employed in fuel reprocessing is quite unreliable, and in spite of many years of study of the problem, no long-term solution to the waste disposal problem has been found.

The key features of nuclear wastes which make them an especially sinister threat to our health and that of future generations, is that there is no way to limit their effect either geographically or in time. Once released they are easily spread by wind and the movement of river waters. There is no way to "deactivate" them quickly. We can only wait while the natural decay processes ultimately transmute them to stable elements. Depending on what radionuclide is involved, this can take a few days or a few thousands of years.

Then there is the question of worn out reactors. These are projected to have a life of about 20 years, and contain trapped in their structures large quantities of long-lasting radioactive substances. They must be kept under strict security for many years after they are shut down. This will be very costly. Moreover, is there any way we can guarantee that an eartquake or some terrorist act will not result in the release of these dangerous substances into our air and water environments?

Finally, we wish to mention the proposal which has been made to build an uranium enrichment plant in Quebec, mainly to supply a long-term export contract. What would be the effects of venture? A large capital expenditure would have to be made; most of this capital and the technology required would be imported. The gaseous diffusion process requires a very large amount of electric power. Thus the net effect of the operation would be to export huge quantities of Canadian uranium and Quebec electrical energy while crea- ting a relatively small number of jobs. Furthermore, it would contribute to the threat of nuclear arms proliferation, as no security system can guarantee that in the course of the many routine shipments of nuclear materials which would be involved, some of them might not be diverted to an irresponsible or unfriendly power.

What about the role of petroleum? Liquid fuels based on petroleum must continue to play an important role in the Quebec energy picture for the remainder of this century. Even if there were unlimited electrical energy available, there is at present no efficient method for converting it into a liquid fuel for use in motor vehicles. However, our goal should be to reduce our dependence on oil. We can do this by reducing our dependence on the private automobile for transportation and by improving the efficiency of oil-based energy systems.

Meanwhile, the expected availability of oil in the short term can help us to meet our energy needs while we develop the technology required to use alternative, renewable energy sources and to increase our efficiency of use of energy.

But under no circumstances should we permit the construction of a supertanker port on the St. Lawrence River. The many tanker accidents which have taken place recently serve to illustrate that tanker traffic poses an increasing rather than a decreasing threat to our waterways and coastlines. A large spill in the St. Lawrence would be catastrophic. Even if most of the oil could be recovered, it would be impossible to prevent serious and long lasting damage to the shoreline and to Gulf fisheries.

If we are to avoid increasing our dependence on oil and at the same time eschew nuclear energy, we must not only make a large investment in increasing the efficiency of our use of traditional energy sources, we must also start a major program to encourage the use of solar and wind power by individual energy consumers.

While these energy sources are not attractive for central generation of electricity, they have very good potential for supplying energy at the point of use. Specifically, wind power can supply electricity for rermote or widely scattered rural settlements and thus elimitate the high cost of transmission and distribution associated with central station supplies. Solar heating is already an economically attractive method for supplying hot water and space heating needs in residential and office buildings. Of course some form of energy storage must be provided to go along with wind and solar energy devices, but storage methods are available and are currently being improved.

It should be mentioned here that in order to protect the investment of those who install solar collectors on their home or building, it will be necessary to guarantee their "solar rights". That is to say, one must be confident that at some time in the future, a building will not be built on a nearby lot which will blot out his access to the sun, unless he is indemnified for his loss. This will require new legislation.

Another alternative energy source of potential

value here is so called "biomass" energy. This is an indirect form of solar energy in which some relatively fast growing plant is regularly harvested and converted to a liquid fuel such as alcohol.

Before concluding, I want to mention the important matter of citizen participation in energy planning.

According to the Environment Quality Act, and the General Regulation Respecting the Administration of the Environment Quality Act, a certificate of authorization must be obtained from the Environment Protection Services of Quebec in advance of contraction and operation of the following types of energy-related projects.

These is however no provision for citizen participation of any kind in the decision-making process. Furthermore the citizen is denied access to the information contained in the application for a certificate of authorization. Hydro Quebec's Environmental Directorate has clearly stated that its environmental impact studies are not available for public viewing. The Quebec EPS treats all applications and their supporting documents with complete confidentiality. Only the certificate of authorization as issued by the EPS is a public document. The citizen is denied the right to know and the right to participate.

STOP recommends that the Government of Quebec amend the Environment Quality Act to provide its citizens with the right to obtain information and the right of prior public consultation with respect to future energy generation and transmission projects. Public participation must take place before a project becomes a fait accompli.

In concluding this brief I wish to restate our basic position.

We are in danger of spoiling the physical environment for ourselves and for many generations to come so that we can enjoy the luxury of incredible waste frivolous use of energy. If we act now we will be able to achieve an acceptable level of industrial activity and a reasonably comfortable life style with a minimum dependence on non-renewable resources. We must immediately take steps to reduce waste and unnecessary use of energy. At the same time we must invest in the development of alternative energy sources. If this program is not put into effect now, we will lose the chance to select this prudent option and instead will doom ourselves to a futile and destructive attempt to feed our addiction to ever increasing quantities of energy.

STOP applauds the recent announcement by the Minister of Energy that he proposes to create a Bureau de l'Economie d'Energie to rationalize consumption and clarify the decisions which must be made regarding energy use. This is a vital first step towards insuring our future.

Furthermore, STOP believes that any energy policy adopted for Quebec must include provisions for the following actions on the part of the government: 1. Create incentives for increasing the efficiency of energy in industry. 2. Exercise caution in using long-term, low-rate electricity contracts to attract new industries to Quebec. 3.Use government supported research institutes, university research grant programs and industrial contracts to promote the development of new technologies to: a. reduce energy consumption b. improve techniques for using renewable energy sources c. permit storage of electrical energy. 4. Amend the labor code provisions on maximum and minimum temperature in the work place to eliminate overheated work environments. 5.Take immediate steps to improve existing public transit systems while simultaneously implementing disincentives to the use of automobiles for commuting. 6. Promote ownership of more highly efficient automobiles by increasing fuel taxes and fuel economy standards. 7. Establish a long-term goal of diminishing the role of the private automobile in Quebec society. 8. Amend building codes to require a high standard of energy efficiency. 9. Provide subsidies for insulation of existing buildings where it is difficult for the owner to make the necessary investment. 10. Require individual metering of electricity in multiple unit residential buildings. 11. Use electricity rate structures and fuel taxes to encourage individual conservation. 12. Incorporate lifeline pricing into energy rate structures to protect those least able to pay. 13. Discourage energy intensive packaging of consumer goods and require the use of returnable containers wherever an energy saving would result. 14.Require energy-requirement labelling of all new home appliances. 15.Begin planning energy integration systems and promote use of municipal solid waste as an energy source. 16. Cancel all plans for operating nuclear reactors. 17. Prohibit the building of a nuclear fuels reprocessing plant in Quebec. 18. Abandon plans to build a uranium enrichment plant in Quebec. 19.Prohibit the transport of enriched uranium, plutonium and nuclear wastes through Quebec. 20. Enact legislation to protect a property owner's solar rights. 21. Provide, through appropriate legislation, for citizens' rights to information and citizen participation in making decisions about energy-related projects.

Thank you.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Vous n'avez pas soif? M. Dealy: Oui.

Le Président (M. Laplante): Vous êtes bon en lecture. M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je dois d'abord excuser l'absence du ministre, M. Joron, qui doit participer ce soir à la prolongation de la séance du cabinet des ministres qui n'a pu compléter son travail hier.

Mais soyez certain d'une chose, s'il est là-bas physiquement, son coeur et son esprit sont ici. Parce que ce sont les problèmes dont nous discutons ce soir qui le passionnent vraiment.

Première chose que je voudrais indiquer, dans votre présentation, M. Roab, vous avez signalé que c'était un problème interministériel. Dans les premières journées de cette commission parlementaire, nous avons eu l'occasion de signaler — plusieurs mémoires, par les sujets abordés, ont spontanément suscité nos remarques à cet effet — que normalement c'est à la fois le secteur social, le secteur culturel, le secteur économique et le secteur de l'aménagement qui sont touchés par les problèmes liés à l'énergie. Que ce soit par la modification de nos habitudes de consommateurs, par la modification de nos valeurs, par la modification du style d'industrie et de croissance économique qu'on se donne, on touche le développement économique, etc.

Sur cette prise de conscience, c'est très heureux que vous nous le rappeliez, c'est un sujet qui est tentaculaire et qui touche, en somme, à tous les aspects de notre vie sociale, économique et politique. Je pense que les membres de cette commission en sont très conscients et vous faites bien de nous le rappeler.

Un deuxième élément que je voudrais indiquer, je crois que tous les membres de la commission ont été frappés par l'aspect positif de votre rapport et le sérieux des recommandations qu'il contient. Si vous avez participé ou assisté aux autres journées de cette commission, je crois que vous vous rendez compte que, si on voulait proposer un mémoire à lire assez rapidement et qui résumerait la pensée des groupes qui se sont intéressés à un changement de société ici au Québec ou à la protection de l'environnement, ce serait le vôtre. Je crois que votre mémoire résume assez bien les principales suggestions qui ont été faites, soit dans le domaine du transport ou dans le domaine de l'habitation, dans le domaine industriel, à propos du nucléaire également. Je crois que votre mémoire constitue une synthèse très sérieuse et très positive des principales recommandations que la commission a reçues depuis six jours. Je pense que c'était important de le noter.

Compte tenu que votre mémoire est en bonne partie un résumé et que nous avons déjà discuté de plusieurs de ces aspects, je pense qu'ensemble on pourrait profiter des quelques minutes qui nous restent pour approfondir un aspect que la commission n'a peut-être pas eu le temps d'approfondir tellement jusqu'à maintenant. C'est votre dernière recommandation, celle qui concerne la participation des citoyens, l'information — c'est évidemment une nécessité pour pouvoir participer — et on pourrait dire finalement la démocratie qui doit présider à la prise des décisions dans tout le secteur qui concerne la protection de l'environnement, les choix énergétiques que le Québec sera appelé à faire.

La question ou le style de question que je vous poserais, c'est très global. Bon, vous avez un souci de faire participer la population aux décisions qui concernent l'avenir énergétique du Québec. Votre deuxième souci est que le Québec adopte une politique énergétique qui implique des changements fondamentaux au niveau des valeurs des citoyens, des valeurs de comportement, d'attitudes, des opinions, leur mentalité face à la consommation d'énergie, etc., changer les valeurs de l'industrie, en somme, de tous les principaux secteurs de l'activité économique et culturelle.

Ce que j'aimerais savoir, c'est quels sont les mécanismes, d'après vous, qui devraient être mis en place pour pouvoir atteindre ce double objectif de changement. Il y a toujours des résistances au changement; lorsqu'on parle de changement, on parle de résistance au changement en même temps. Mais quel est le double objectif de changement et de participation de la population à ces changements?

Une question limitée, celle que j'ai posée est beaucoup plus générale, est-ce que vous pensez qu'un organisme du style de l'Office national de l'énergie, par rapport au Québec comme tel, serait suffisant pour jouer ce rôle? Ou quel rôle voyez-vous à un éventuel office québécois de l'énergie?

M. Roab: Quant à nous, les difficultés d'effectuer un changement avec participation des citoyens. Je crois que c'est nécessaire, premièrement, de faire une sensibilisation de la population avec un bon programme d'éducation dans les écoles, avec les media. Mais sans des stimulants financiers comme des taxes élevées, nous sommes convaincus que ce n'est pas possible de faire réellement quelque chose dans ce secteur de la conservation de l'énergie.

Concernant la participation et la possibilité d'avoir un organisme comme le National Energy Board, cela dépend. Nous laissons cette décision au gouvernement du Québec pour établir un bon système incorporé de participation des citoyens.

Nous avons aussi entendu que le nouveau gouvernement ou quelques secteurs, celui-ci, celui de l'énergie, le secteur de M. Léger et peut-être d'autres... Nous sommes très heureux d'entendre que ce sera une participation de groupes de citoyens comme le nôtre, mais nous n'avons pas vu les faits. Nous avons compris que ce sera quelque chose pour l'avenir.

M. Marcoux: Sur la question de l'Office national de l'énergie appliqué au Québec, je crois que vous avez répondu.

M. Roab: Oui.

M. Marcoux: Mais sur la question plus globale de la participation des citoyens, si on prend des exemples précis: vous voulez construire une usine

hydroélectrique sur la Jacques-Cartier, vous ne voulez pas développer le nucléaire, vous voulez faire des projets au niveau énergétique, vous voulez établir des politiques, comment voyez-vous cette consultation de la population? Quel mécanisme devrait être mis en place pour que cette consultation soit véritable?

M. Roab: Je peux vous faire remarquer un autre exemple dans le texte complet, que nous avons éliminé ce soir. Cet exemple concerne l'intervention du gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral. C'est une sorte d'intervention,, une sorte de participation qui n'existe... Ici, à Québec, il n'existe aucune possibilité pour le gouvernement de Montréal de faire une intervention dans une politique de l'Hydro-Québec ou dans une politique d'énergie. Je ne crois pas. Nous laissons cette décision, nous sommes optimistes, peut-être plus optimistes. Maintenant que nous sommes optimistes, ce sera possible d'incorporer des possibilités pour les participations dans ces décisions.

Je réfère aux exemples du texte, à la page 18.

M. Marcoux: Vos exemples nous indiquent ce qu'il ne faut pas faire. J'aimerais que vous ayez des exemples qui nous indiquent ce qu'il faut faire.

M. Roab: Excusez-moi, je n'ai pas compris.

M. Marcoux: Les exemples dans votre mémoire...

M. Roab: Oui.

M. Marcoux: ...nous indiquent la façon dont il ne faut pas agir. J'aimerais que vous me donniez un exemple ou deux de la façon dont il faudrait agir. Vous pouvez répondre en anglais si vous voulez.

M. Roab: Actuellement, je n'ai pas un autre exemple. C'est M. Walker qui a préparé cette section de notre mémoire. Je m'excuse.

M. Marcoux: Ça va.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Robert-Baldwin.

M. O'Gallagher: Je voudrais simplement faire un commentaire. Avant-hier, dans la présentation de BP, il y a quelque chose qui m'a frappé et qui n'a pas été signalé.

Je vais lire la partie: "Per capita, l'indépendance du Québec sur des sources extérieures d'énergie est l'une des plus élevées au monde, plus élevée encore que celle du Japon, pays renommé pour son haut niveau d'indépendance sur des sources extérieures d'énergie."

Cela a passé, personne n'a fait de remarques là-dessus, mais je pense que c'est passablement remarquable. Nous autres au Québec, per capita, on dépense plus d'énergie qu'au Japon. Cet écart défavorable est dû, pour un faible pourcentage, à notre climat, numéro 1, mais je pense que le principal gaspillage d'énergie ce sont nos automobiles privées. Je pense que vos recommandations, surtout 5, 6 et 7 sont bien acceptées, on doit faire des efforts pour encourager le transport en commun.

M. Roab: Est-ce une question?

M. O'Gallagher: I just want to say it now that BP Canada presented a report two days ago. In their report, they have figures. Per capita, an expenditure of energy coming from outside of the province is greater than the one in Japan per capita, dependence upon energy coming from outside the province. I think that is a very eloquent statement on our life-style. The big difference is that small measure would be due to our climate difference, but principally, I think the biggest waste is in our life-style, the private automobiles. I think we all feel that we have to put more efforts and more money into public transportation and put penalties on the use of the private cars.

So, I go along with your recommendations 5, 6 and 7 all heartedly.

M. Roab: Comme autre conclusion, je veux dire, à propos de ce secteur-ci du transport, spécialement le transport en commun, que nous ne sommes pas aussi positifs ou aussi optimistes que dans les autres secteurs de construction sur les possibilités de changer notre système pour la construction d'édifices.

Nous sommes actuellement frappés par l'article du Devoir, de notre héros, M. Ford, de ce qui s'est dégagé de cette étude, de ce projet de transport en commun proposé par son organisme pour la région de Montréal. Nous comprenons que c'est un programme très complexe; nous comprenons aussi que nous avons un grand problème avec les citoyens privés qui sont dépendants de leur automobile, mais nous ne sommes pas si optimiste et si positif dans ce secteur.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Montmagny. Est-ce que vous avez eu votre réponse?

M. O'Gallagher: Oui.

M. Giasson: J'ai cru comprendre que, dans votre mémoire, vous recommandez que la Loi sur la qualité de l'environnement soit amendée, modifiée, de manière qu'on permette davantage aux citoyens d'avoir voix au chapitre lorsqu'il y a des problèmes posés pour les questions de l'environnement chez les différentes communautés du Québec. Dans cet esprit, croyez-vous que l'Hydro-Québec, lorsqu'elle doit décider de corridors pour l'installation de ses lignes de transmission, devrait consulter les populations des régions où les lignes de transmission vont passer? Est-ce que cela devrait être prévu dans une loi de la qualité de l'environnement, si c'était votre avis que l'Hydro-Québec devrait consulter les gens, ou si

on devrait retrouver ces dispositions dans la loi qui régit l'Hydro-Québec comme telle?

M. Roab: Comme j'ai compris votre question, M. le député, je crois que vous discutez le problème de Vaudreuil-Soulanges. Est-ce que c'est vrai? Vous voulez notre opinion sur la possibilité de changer la loi pour éliminer ce problème d'un manque de consultation de l'Hydro-Québec.

M. Giasson: On ne peut pas éliminer, dans le contexte actuel, pour le moins, le passage de lignes de transmission pour le transport de l'électricité par l'Hydro-Québec. Cependant, nous savons que l'Hydro-Québec a décidé, de son autorité seule, de choisir des corridors pour l'installation des lignes. Je vous demandais si vous êtes d'avis que, dans l'avenir, l'Hydro-Québec se devrait de consulter les populations là où ses lignes de transmission devront être installées.

M. Roab: Notre réponse, c'est absolument oui. Nous sommes absolument en accord avec les citoyens qui voulaient des informations, premièrement concernant les possibilités d'effets biologiques ou les effets sur les terres, et l'écologie des régions où il n'est pas possible de faire des projets comme cela. A la page 18, nous avons fait une référence à ce problème exactement. Nous avons été très heureux, cela fait un an maintenant, quand cela a été possible pour le Conseil consultatif de l'environnement de faire pression pour forcer l'ancien ministre de l'environnement à publier un rapport, ce qui, comme nous le comprenons, est actuellement son obligation.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, je vous remercie de votre rapport, les membres de la commission aussi. J'appelle le groupe Calex. Monsieur, je sais que vous avez un rapport assez volumineux; vous n'avez pas de résumé qui l'accompagne. Je ne sais pas si vous allez être capable de résumer, parce que, si vous étiez obligé de lire cela, c'est une quarantaine de pages.

CALEX

M. Dulude {Raymond): Le rapport contient seulement 20 pages. Je pense que les annexes, on pourrait les oublier.

M. Sénécal (Pierre): Les annexes, on peut passer par-dessus, oui.

M. Dulude: Les annexes sont très importantes. Vous les avez probablement consultées. On pourrait se limiter simplement au texte.

Le Président (M. Laplante): Au texte. S'il y a possibilité aussi de donner seulement les parties intéressantes, sujettes à des questions surtout.

M. Sénécal: C'est tout intéressant, je pense. C'est important.

Le Président (M. Laplante): J'en conviens. Veuillez vous identifier, s'il vous plaît, et commencer.

M. Sénécal (Pierre): Je suis Pierre Sénécal et mon collègue, c'est M. Raymond Dulude qui est le vice-président de la compagnie.

Je voudrais remercier les membres de la commission de vouloir nous donner la chance de présenter notre mémoire.

M. Dulude: Trois ans après la crise pétrolière qui a secoué le monde industriel et bouleversé profondément l'industrie de l'énergie au Canada, nous accueillons avec beaucoup d'intérêt la nouvelle politique d'ouverture du gouvernement québécois dans ce domaine.

Il est franchement temps que toutes les parties intéressées, surtout l'industrie pétrolière qui, reconnaissons-le, a trop longtemps évolué à vase clos très strict, délèguent des porte-parole officiels, indentifient leurs intérêts et passent enfin à table pour négocier. Car si le gouvernement est vraiment sérieux dans ses efforts pour bâtir une politique globale dans le domaine de l'énergie, cette négociation est appelée à devenir permanente afin d'ajuster le tir aussi souvent que les circonstances le commanderont. C'est pourquoi Cal-oil s'est jointe à d'autres sociétés comme IGS, Metropolitan Petroleum, Elf et Canadian Fuel Marketers pour former l'Association des propriétaires de terminaux marins.

Par contre, un danger guette le gouvernement: Si l'Etat hésite trop longtemps à adopter une politique précise et tarde à clarifier les règles du jeu, comme se sont rendus coupables d'autres gouvernements, cela risque d'hypothéquer l'avenir énergétique de la province et de rompre tout le climat de dialogue et de crédibilité qu'on veut instaurer présentement.

L'avertissement n'est pas fait en vain, car il s'applique à la plupart des gouvernements provinciaux du Canada, de même qu'au gouvernement fédéral qui, malgré ses prétentions, ne nous a offert jusqu'ici qu'une mosaïque d'intentions. Il est toujours plus facile pour un gouvernement de créer des sociétés d'Etat, de bâtir de nouveaux instruments de régie ou de décréter des mesures ponctuelles comme un gel temporaire de prix. Mais lorsque vient le temps d'orchestrer toutes les parties en cause, de susciter un consensus et de définir des objectifs à moyen ou à long terme, on croirait que les retombées politiques et électorales sont beaucoup plus avantageuses.

C'est exactement le dilemme que vit le Canada depuis la création en 1966-67 du premier groupe de hauts fonctionnaires spécialisés dans le domaine de l'énergie autres que l'équipe de la Commission nationale de l'énergie. Cette situation devient encore plus évidente lorsqu'on étudie de près l'incroyable méli-mélo dans lequel s'embourbe Washington depuis dix ans.

Résultat: La direction politique du secteur de l'énergie est menée à deux paliers différents. Les interventions à très court terme viennent des poli-

ticiens alors que l'influence à moyen et long terme est exercée par divers groupes de fonctionnaires qui n'ont peu ou pas du tout intérêt à concerter leurs efforts.

Dans le cas du Québec, la situation est un peu plus dramatique dans la mesure où les normes d'embauche empêchent littéralement de recruter un personnel qualifié, connaissant à fond l'industrie et les besoins des consommateurs, et capable de rallier l'opinion des parties. Cela s'applique aussi bien à la fonction publique qu'aux sociétés d'Etat.

Cette entrée en matière peut paraître longue avant d'aborder les obstacles les plus difficiles qu'aura à surmonter la province au cours des prochaines années, mais le stade où l'on en est et le retard que le Québec a mis jusqu'ici à définir ses besoins et ses objectifs en matière d'énergie commandent justement de partir sur un bon pied.

A cet égard, nous espérons que la nouvelle stratégie de porte ouverte du gouvernement, confirmée par les audiences publiques de cette commission, sera maintenue, car il est toujours délicat de procéder comme on l'avait fait par mémoires confidentiels en 1972 et 1973. Lorsque les procédures de consultation privée monopolisent les échanges d'un gouvernement, il y a toujours des parties en cause qui sont laissées pour compte comme le démontrent particulièrement les sessions de la commission parlementaire à l'égard de l'Hydro-Québec depuis quelques années.

La situation québécoise sur le front énergétique: Pour une province si dépendante de l'énergie pour la transformation progressive de ses abondantes ressources naturelles, il est difficile de comprendre pourquoi le Québec a adopté une telle politique générale de laisser-faire.

Le défaut d'avoir diversifié les sources énergétiques oblige l'industrie pétrolière à ravitailler presque les trois quarts des besoins de la province, une responsabilité particulièrement difficile à assumer en période de crise comme l'illustrent si bien la situation américaine de 1977 et la position de nombreux pays importateurs lors de l'embargo pétrolier de 1973.

L'absence complète d'une politique véritable en matière de compétition pour répondre plus adéquatement aux besoins des consommateurs a réduit le secteur indépendant à sa plus simple expression depuis 1970 et mystifié systématiquement l'activité locale du raffinage au point de mettre plusieurs entreprises en difficultés financières.

Le manque flagrant de rapports suivis et parfois complices avec les provinces exportatrices — après tout, il n'y a pas que l'Alberta qui puisse ravitailler le Québec, mais aussi la Saskatchewan — et potentiellement exportatrices, surtout Terre-Neuve, cette politique du laisser-faire s'est tout naturellement reflétée aussi bien dans les rapports de l'Etat avec toutes les parties en cause qu'au niveau des problèmes économiques, sociaux et écologiques que suscitait la consommation de plus en plus frénétique de l'énergie.

En reprenant chacun de ces points, il deviendra beaucoup plus facile d'identifier des solutions pratiques et disponibles.

La diversification des sources d'énergie. A prime abord, il peut paraître surprenant pour une entreprise pétrolière de se faire l'avocat d'une diversification plus équilibrée des sources d'énergie au Québec. Mais, à bien y penser, les plus grands bénéficiaires d'une telle réorganisation des modes d'approvisionnement seraient directement les consommateurs et les distributeurs indépendants de produits pétroliers.

Comme on pourra le voir plus clairement encore au chapitre de la compétition, les distributeurs indépendants sont actuellement seuls devant un bloc très homogène de vendeurs qui n'ont aucun intérêt à céder leur part de marché aux indépendants tant et aussi longtemps que leur emprise demeurera aussi forte sur les besoins des consommateurs. Si le gaz naturel, qui constitue encore la denrée la moins chère pour les consommateurs au plan du chauffage, occupait 20% du marché, soit quatre fois plus qu'actuellement, l'industrie du raffinage aurait beaucoup plus intérêt à rentabiliser ses activités de transformation plutôt que son réseau de distribution, qui coûte très cher à administrer. Cette industrie concentrerait beaucoup plus ses efforts dans le domaine des produits légers (essence, produits de base pour la pétrochimie, lubrifiants, etc...) plutôt que de continuer à miser sur les produits plus lourds (huile de chauffage et huile industrielle).

Non seulement les consommateurs québécois tireraient-ils avantage d'une concurrence plus ferme entre trois grands vendeurs (électricité, gaz et pétrole), mais l'ensemble de la province profiterait des retombées d'une plus grande transformation de produits de base sur son territoire.

Si la diversification des sources d'approvisionnement énergétique offre des avantages évidents sur le plan de la sécurité du ravitaillement à long terme, elle offre également un meilleur impact économique et un climat plus sain de collaboration qu'on minimise trop souvent.

L'impact économique de la diversification s'explique de la façon suivante: L'industrie du gaz naturel n'a en fait qu'une très grosse saison en hiver puisque son marché se limite principalement au chauffage; durant les mois plus chauds, Gaz Métropolitain doit liquéfier et emmagasiner son gaz pour réduire au minimum les grandes fluctuations de ses besoins en ravitaillement durant l'hiver et profiter du marché très lucratif du gaz en été dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre.

L'industrie pétrolière a une très grosse saison en hiver pour le marché d'huile à chauffage et une très grosse saison en été pour le marché de l'essence, de telle sorte qu'il n'y a réellement jamais de répit pour ce secteur.

Quant à l'électricité, la courbe de consommation ressemble à bien des égards à celle du gaz naturel.

En équilibrant davantage ses sources d'énergie, le Québec pourrait étaler beaucoup plus équitablement durant l'année toute fluctuation subite des prix et différer, par exemple, de trois à six mois, l'impact parfois brutal des hausses de prix du pétrole qui, comme s'il s'agissait d'une fête re-

ligieuse ou d'un anniversaire national, ont lieu systématiquement en juillet depuis trois ans.

Bien qu'Ottawa profite de la même occasion pour majorer les prix du gaz, l'impact de cette hausse ne se fait sentir qu'en décembre, janvier et février sur l'indice des prix à la consommation. Pour l'ensemble des consommateurs, ce système d'étalement faciliterait d'autant la planification budgétaire.

Depuis au moins trois ans, le Québec avait l'occasion d'augmenter substantiellement à moyen terme la part de sa consommation de gaz naturel en prolongeant le réseau actuel de Gaz Métropolitain, mais à dû littéralement céder devant les pressions de plus en plus fortes des gros consommateurs industriels et des distributeurs de l'Ontario qui voyaient naturellement d'un bien mauvais oeil l'arrivée d'un nouveau convive à table.

La stratégie de porte fermée pratiquée par l'ancien gouvernement nous empêche de comprendre toutes les manoeuvres qui se sont déroulées en coulisses. Mais un point demeure très clair: En attendant le parachèvement des travaux d'installation du gazoduc de l'Arctique de l'Ouest pour augmenter sa consommation, comme le suggéraient si habilement les industriels et distributeurs de l'Ontario, le Québec deviendrait perdant. Car, au moment du partage du grand butin, la croissance des marchés de l'Ontario, de l'Ouest canadien et américain et de l'inassouvissable région des Grands Lacs sera telle que ces clients occuperont la première place et le Québec devra encore se satisfaire des miettes.

Pourquoi reporter à plus tard ce qu'il est devenu urgent de réaliser dès aujourd'hui? Et la meilleure façon de procéder ici serait de prolonger le réseau de Gaz Métropolitain ou mieux encore d'introduire un deuxième joueur sur le marché comme il en a été souvent question par les années passées. Ce faisant, le Québec introduirait un élément de concurrence dans l'expansion de son marché gazier.

Le deuxième grand avantage à diversifier est sans doute de réduire la responsabilité incroyable qui pèse actuellement sur les épaules de l'industrie, une responsabilité qui a souvent des effets contradictoires et mine le climat d'échanges et de négociations ouvertes avec le gouvernement.

D'autre part, l'industrie doit constamment négocier des hausses de prix à la consommation pour justifier des dépenses de plus en plus fortes au champ de l'exploration. Ce jeu est compris facilement par les gens du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique qui sont des provinces productrices. Mais il s'explique beaucoup plus difficilement chez les consommateurs québécois qui font la queue aux terminaux des pipe-lines Samia-Montréal ou Portland-Montréal. Il est vrai que les grandes sociétés de production, de raffinage et de distribution se comportent de plus en plus comme des entreprises de service public, cherchant avant tout à maximiser leurs revenus plutôt qu'à minimiser leurs dépenses. Mais tant et aussi longtemps que l'industrie aura à satisfaire 70% des besoins québécois en énergie, elle sera toujours regardée avec méfiance, quand elle n'est pas attaquée de plein front par l'Etat ou les consommateurs. Ses interventions sont de plus en plus jugées avec scepticisme et sa crédibilité est en véritable chute libre depuis 1972-73 au Canada. Or, les principales victimes de cet affrontement sont les indépendants, distributeurs commerciaux ou au détail, et les comptoirs de service qui n'ont jamais retiré les mêmes avantages que la grande industrie. Résultat: le climat de négociation s'est gâté au point que même des gels temporaires de prix créent des mini-crises comme une tempête dans un verre d'eau.

C'est ce climat que toutes les parties en cause devront rétablir avant de s'engager dans un programme concret d'objectifs à court, moyen et long termes.

La compétition sur le marché pétrolier. Là où les consommateurs se sentent le plus lésés, c'est au chapitre de la compétition. Les Québécois n'ont pas complètement tort de penser que la compétition n'est pas ce qu'elle devrait être sur le marché pétrolier. C'est d'autant plus facile à comprendre que les politiques de l'Etat fédéral et provincial, jusqu'ici ont été tour à tour tellement contradictoires qu'elles n'ont fait que renforcer la position déjà imprenable des producteurs-raffineurs-distributeurs. Rappelons quelques faits pour illustrer ce véritable imbroglio. De 1968 à 1974, le principal objectif du Québec a été de susciter l'augmentation de la capacité de raffinage qui s'était stabilisée depuis le début des années soixante au profit de Sarnia, en Ontario. Parmi tous les projets de raffineries et de ports pétroliers en eau profonde qui découlaient d'une véritable euphorie de consommer et de réexporter à tout prix, un seul résultat tangible est sorti de toutes ces tractations, soit la raffinerie Aigle d'Or à Saint-Romuald, qui n'a jamais été exploitée à pleine capacité et qui, sans le support d'Ultramar à Londres, aurait été forcée depuis belle lurette de fermer ses portes, tout comme Shaheen a dû le faire à Come-by-Chance en 1975.

Pendant que le Québec misait à raison sur les sources étrangères (puisque les perspectives de pénurie au Canada même s'annoncent déjà pour 1982/83), Ottawa jouait sur la sécurité intérieure en détournant les exportations traditionnelles aux Etats-Unis vers le marché de Montréal.

En agissant de la sorte, Ottawa se voyait donc contraint de rendre encore plus captif le marché pétrolier de Montréal en protégeant la capacité de production des plus gros raffineurs et en repoussant du coup toute autre initiative d'implantation de raffinerie.

Cette stratégie eut pour effet de lier davantage les mains des indépendants et de fermer pratiquement le marché des importations de produits raffinés. Entre la fin de 1973 et octobre 1976, les importations de produits finis (essence à moteur, huiles de chauffage et huiles industrielles) ont dégringolé de près de 80% au Québec, comparativement à 50% dans le reste du pays, à cause justement d'un système discriminatoire de subven-

tions généreuses pour le pétrole brut et beaucoup plus modestes pour les produits raffinés.

Comble d'ironie, ce régime de protection a permis entre-temps à l'industrie du raffinage de Montréal d'augmenter depuis trois ans d'une capacité de production égale au niveau d'exploitation d'Aigle d'Or et ce, en pleine période de surproduction. En d'autres termes, la politique fédérale, cautionnée au moins en partie par le Québec, mettait directement en péril l'avenir d'Aigle d'Or qui avait pourtant été largement subventionnée par le Québec. La situation était encore plus critique, puisque, tout en protégeant un marché captif et en stimulant en quelque sorte la surproduction, Ottawa limitait, d'autre part, le potentiel d'exportations aux Etats-Unis d'Aigle d'Or sous prétexte qu'il fallait prévenir toute urgence au Canada en maintenant élevés les inventaires d'Aigle d'Or.

Une telle surproduction a, bien sûr, déclenché des guerres de prix, mais ces guerres étaient, pour la plupart, artificielles. En effet, elles découlaient beaucoup plus d'une restructuration de la mise en marché, par l'introduction des libres-services et d'un réflexe de protection du taux minimum de raffinage que d'une volonté réelle d'accaparer une part substantielle du marché. En fait, l'industrie du raffinage contrôle déjà la majorité du marché.

Que voulez-vous retirer alors d'une guerre de prix, à part d'éviter une baisse des ventes durant une période de relocalisation? L'autre volet défavorable de ces guerres temporaires était de stimuler la consommation de produits pétroliers allant carrément à rencontre d'une diversification des sources d'énergie. C'est encore largement le cas des huiles industrielles que les raffineurs produisent en trop grande quantité pour éviter des investissements massifs qui augmenteraient la valeur ajoutée des produits.

De toute évidence, la compétition n'existe plus qu'en principe, non seulement dans le domaine pétrolier, mais à l'échelle de toute l'industrie énergétique au Québec. C'est d'ailleurs ce qui explique que l'équation logique de 5%-gaz, 20%-électricité et 70%-pétrole n'a pas bougé de façon significative depuis dix ans.

Le marché du gaz est sous le contrôle monopolistique de Gaz Métropolitain qui, pour différentes raisons, s'est trouvé incapable d'augmenter substantiellement ses achats de gaz dans l'ouest pour gonfler ses ventes au Québec.

Le marché d'électricité est sous le contrôle monopolistique de l'Hydro-Québec qui se prépare à une seule expansion majeure d'ici l'an 2000, soit celle de la baie James, après quoi son rythme de croissance devrait diminuer de façon radicale.

Le marché pétrolier est sous contrôle oligopo-listique des grands raffineurs de Montréal dont quatre, BP, Petrofina, Shell et Texaco, ont concentré plus de 40% de leur capacité canadienne de transformation au Québec; le pourcentage tombe à 20% chez Imperial Oil et Gulf.

A part cela, il n'y a qu'une poignée d'indépendants, évoluant sur le marché pétrolier, qui assurent un tant soit peu de compétition et qui ont déjà démontré leur volonté de lutter forcément pour conserver leur place en formant différentes associations, que ce soient l'Association des marchands d'huile à chauffage, la nouvelle coopérative Pebec ou encore l'Association des propriétaires de terminaux marins à laquelle s'est jointe Caloil.

Tant au aussi longtemps que ces indépendants seront forcés de se ravitailler auprès des raffineurs de Montréal, ils ne seront pas en réalité de véritables indépendants et ne feront que maintenir une compétition fictive. Le marché des produits raffinés à l'étranger représente leur seule porte de sortie, leur seul atout pour opposer une véritable concurrence, et c'est ici que le Québec devrait intervenir en obligeant Ottawa à modifier sa structure actuelle de subventions.

Vous retrouverez d'ailleurs, en annexe de ce mémoire, des échanges de correspondance avec Québec et Ottawa qui n'ont entraîné aucun changement, de même que des explications détaillées sur le mécanisme canadien de compensation pour l'importation de pétrole brut et de produits pétroliers.

Les rapports avec les producteurs et les futurs producteurs. Au cours des dernières années, le Québec a commencé bien timidement à tisser des nouveaux liens avec les provinces productrices de l'Ouest et les futures provinces productrices des Maritimes. Mais, dans l'ensemble, ces initiatives ont eu peu d'effet à moyen ou long terme sur la position du Québec. Trois grands facteurs expliquent pourquoi la province n'a pas mis plus d'accent dans ses rapports avec ses fournisseurs actuels ou futurs:

A part la Société québécoise d'initiatives pétrolières (SOQUIP) dont le budget d'exploitation reste bien modeste, aucune entreprise vraiment établie au Québec, sauf peut-être Petrofina, n'avait de programme d'exploration au pays; de toute façon, même si les autres raffineurs s'identifiaient davantage au Québec, les échanges entre l'industrie et le gouvernement sur les programmes d'exploration et le développement ont été à peu près nuls jusqu'ici;

Le gouvernement n'a à sa disposition aucune équipe vraiment compétente dans l'exploration et le développement de nouvelles ressources pétrolières et gazières qui puisse à la fois justifier des échanges avec l'industrie et les provinces productrices et indiquer à l'Etat l'évolution possible de ces sources de ravitaillement à l'avenir pour ajuster ses tactiques d'intervention en l'occurrence;

A l'exception de quelques brèves rencontres, il n'y a vraiment pas eu de rapports étroits entre le Québec et des provinces comme le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta susceptibles de modifier le "pattern" historique du ravitaillement québécois;

Du côté des provinces de l'Atlantique, le Québec s'est surtout frotté jusqu'ici à la Nouvelle-Ecosse, qui offre pourtant des perspectives de développement beaucoup moins prometteuses que Terre-Neuve; en s'identifiant à la position relativement souple de la Nouvelle-Ecosse sur toute la question du partage fédéral-provincial des droits

sous-marins, la province s'est légèrement aliéné Terre-Neuve.

Si l'on se fie au refus du Québec de signer récemment l'accord fédéral-provincial, à l'instar de Terre-Neuve, la province change peu à peu son fusil d'épaule et paraît s'orienter dans une avenue plus prometteuse.

Toutefois, il vaudrait la peine d'étudier sérieusement une participation d'un groupe formé de SOQUIP et d'indépendants aux fameux travaux du groupe EASTCAN qui fore depuis trois ans au large du Labrador. Bien que cette participation puisse devenir impossible du simple fait qu'elle soit trop tardive, tout laisse croire, au contraire, qu'en jouant la carte du potentiel commercial qu'offre le Québec, la province obtienne un droit d'entrée.

Pour sa part, Terre-Neuve pourrait ainsi consolider sa position légale vis-à-vis d'Ottawa, basée sur des droits acquis avant son entrée dans la Confédération, et proposer au Québec de nouveaux échanges sur l'électricité des chutes Churchill et le financement à long terme d'un nouveau bassin au sud. Il est déplorable que, sur ce dernier point, le Québec n'ait pas manifesté plus de souplesse pour faciliter à long terme l'échange d'électricité contre du gaz naturel.

Terre-Neuve pourrait également devenir un allié de choix dans les efforts déployés par la province pour obtenir un tracé québécois du gazoduc de Polar Gas dans l'Arctique de l'Est. Pour des raisons qui ont plus d'apparences politiques que commerciales, SOQUIP s'est vu refuser la participation au consortium Panarctic qui est responsable des principales découvertes de gaz naturel dans l'extrême nord-est canadien.

Mais le Québec devrait essayer à nouveau d'obtenir un droit de parole dans ce groupe au nom de SOQUIP, et si l'opération échouait encore, trouver une autre formule de participation d'un groupe d'indépendants à Panarctic qui constituerait sans doute l'instrument le plus précieux du Québec dans ses efforts de diversification.

Une autre méthode dont devrait profiter le Québec à la suite des modifications budgétaires amenées par Ottawa en mai 1976 serait de créer un consortium provincial d'exploration et de développement avec l'aide de différentes institutions financières et la commandite de sociétés pétrolières indépendantes, que ce soit SOQUIP ou toute entreprise qui n'est pas engagée dans le raffinage au Québec. Ce procédé aurait les avantages suivants:

Un tel consortium pourrait facilement doubler ou tripler les efforts québécois dans l'exploration et le développement de nouvelles réserves dans l'Ouest, le Nord et l'Est canadien.

Cet effort n'entraînerait aucun déboursé supplémentaire du Québec au-delà du programme de dotations annuelles de $10 millions à SOQUIP et procurerait d'énormes avantages fiscaux aux institutions financières.

Le Québec canaliserait ainsi l'épargne locale et permettrait à un plus grand nombre de Québécois de se faire la main au jeu de l'exploration et du développement un peu partout au pays.

Si cette formule s'avérait profitable, d'autres consortiums pourraient ensuite être créés avec, cette fois, la participation d'individus.

En plus de démontrer à l'industrie et aux autres provinces sa volonté de participer directement à la découverte de nouvelles réserves de gaz et de pétrole, cette méthode pourrait créer de nouveaux rapports avec les provinces productrices et assainir le climat avec l'industrie.

De tels consortiums mixtes d'exploration constitueraient autant de "secteurs-témoins". Pour sa part, Caloil est prête à participer à de tels consortiums et élargir substantiellement son rôle qui s'est confiné jusqu'ici à la distribution de produits pétroliers.

La sécurité d'approvisionnement au prix le plus bas et non le plus élevé.

La sécurité d'approvisionnement est le premier objectif que toute région consommatrice devrait rechercher, à la lumière du cauchemar qui frappe actuellement nos voisins du sud. Mais pas à n'importe quel prix!

Avec l'ouverture du pipe-line Sarnia-Montréal, le Québec paye un très gros prix pour assurer à peine le tiers de son ravitaillement pétrolier, ce qui représente le cinquième de toute notre consommation annuelle d'énergie. Et ce prix élevé peut ne rien valoir lorsque s'épuiseront les champs pétrolifères en exploitation de l'Ouest canadien durant la première moitié des années quatre-vingt et qu'il n'y aura pas assez d'usines de traitement de sable bitumineux pour combler la différence.

Ce danger n'est pas fantaisiste et menace réellement le pays puisque le cri d'alarme a déjà été lancé il y a trois ans, sans avoir provoqué depuis une correction suffisante du tir. D'autre part, l'exploration et les découvertes se concentrent de plus en plus vers le gaz naturel et, de l'autre, aucune décision majeure ne saurait être prise avant encore un an ou deux sur le célèbre projet de Canadian Arctic Gas. Cela nous reporte donc en 1982-1983 sans aucun espoir de pouvoir assurer le plein ravitaillement pétrolier du pays.

D'ici là, un autre facteur devrait hypothéquer encore plus gravement les réserves de plus en plus ténues du Canada: la crise énergétique des Etats-Unis. Cette crise d'approvisionnement ne fait que commencer et risque, d'ici les années quatre-vingt, d'exercer de plus en plus de pressions sur la politique canadienne. Déjà, après une période systématique de restrictions, on sent, cet hiver, un relâchement de la part d'Ottawa, non pas que le Canada doive rester indifférent à cette crise, mais l'Etat fédéral et les provinces devront s'entendre clairement et rapidement sur les mesures spéciales à prendre, sinon les Canadiens connaîtront des remous encore plus déchirants qu'au cours de l'affrontement fiscal des années 1973-74. Présentement, la politique de réduction graduelle des livraisons de pétrole et de gaz canadien s'avère complètement irréaliste dans le cadre des tensions qui s'annoncent déjà. Le Canada devra forcément réviser sa stratégie et calculer à nouveau les réserves qu'il pourra conserver en banque.

Résultat: La sécurité d'approvisionnement du pipe-line Samia-Montréal deviendra illusoire et le Québec devra encore regarder vers les marchés étrangers.

Il est donc temps de s'y mettre le plus tôt possible et de préparer le jour pas très lointain où les prix canadiens seront complètement dégelés et seront au pair avec les prix du marché international.

C'est dans ce cadre que l'Etat, avec l'appui de l'industrie et particulièrement des indépendants, est appelé à jouer un rôle capital. A ce titre, SOQUIP pourrait aider pratiquement les indépendants en sondant les marchés internationaux, en trouvant des occasions d'importation de produits pétroliers à bas prix ou en concluant les accords pour des indépendants avec des pays exportateurs de produits pétroliers.

Certains souhaiteraient que SOQUIP prenne une participation dans la raffinerie d'Aigle d'Or et constitue un secteur-témoin au niveau de la distribution. Toute une série de rumeurs circulent à cet effet, certaines prêtant même la volonté à SOQUIP de faire un seul et même bloc des raffineries d'Aigle d'Or et de Shaheen. Mais ce serait commettre là bévue sur bévue. Non seulement l'Etat, par l'intermédiaire d'une de ses sociétés, n'aurait-il aucun intérêt à prendre en main une ou deux raffineries non rentables et trop peu sophistiquées pour répondre aux nouveaux besoins du Québec, mais une réorganisation de l'une ou l'autre de ces raffineries coûterait presque aussi cher que l'implantation d'une nouvelle raffinerie qui aurait naturellement le défaut d'augmenter la surproduction.

Pareille aventure coûterait énormément de capitaux, s'ajouterait aux subventions déjà très larges versées à Aigle d'Or et n'apporterait guère de bénéfices aux consommateurs québécois.

A la lumière de ces faits, nous croyons que SOQUIP devrait plutôt exercer un rôle d'assistance au secteur indépendant, tant au chapitre de l'exploration qu'au niveau de l'importation. Nous disposons déjà de structures suffisantes pour servir adéquatement les consommateurs. Le premier souci ne devrait pas être de remplacer ou de dédoubler ce réseau, mais d'en corriger les déficiences.

Une consultation permanente. Le dernier point que nous voudrions aborder est l'urgence de créer un comité consultatif permanent représentant toutes les parties auprès du ministre délégué à l'Energie. Ce comité serait différent de l'organisme consultatif créé à Ottawa en 1968/69, non seulement par sa diversité de représentation, mais, par les instruments particuliers qu'il aurait à sa disposition. Un tel comité disposerait en effet d'un secrétariat permanent, financé à moitié par l'industrie, à moitié par le gouvernement même s'il était accessible aux représentants des consommateurs, des écologistes, des institutions d'enseignement universitaire et des petits marchands de détail. La principale tâche de ce secrétariat serait de faire de la recherche sur l'évolution du marché, de financer la recherche universitaire et d'encourager tout programme de sensibilisation de l'opi- nion publique aux problèmes de l'énergie. En outre, ce secrétariat constituerait un canal d'échanges permanents entre le ministre et toutes les sphères de la population, permettrait à l'industrie de suivre plus attentivement le travail du ministre et donnerait enfin l'occasion aux autres groupes concernés d'être mis constamment au fait des activités de l'industrie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Je pense que vous abordez des questions importantes par rapport à la future politique énergétique du gouvernement du Québec. On retrouve dans votre mémoire des idées qui ont déjà été défendues devant cette commission, par contre, d'autres idées nouvelles. Je pense qu'il y a quand même le ton qu'on doit remarquer et une question de clarté et de franchise dans tout le mémoire.

Les premières remarques que je voudrais faire portent sur la question du laisser faire, dans le passé, je pense que plusieurs gouvernements des pays occidentaux ont laissé faire en ce qui concerne l'énergie. Je crois que tout le monde prend conscience maintenant que la politique du laisser faire ne peut plus durer. Sur cela, vous pouvez être assurés que le gouvernement du Québec entend changer d'attitude à ce sujet de façon générale autant en ce qui concerne les produits pétroliers que le gaz, que les produits électriques, changer notre mentalité de laisser faire.

Deuxièmement, en ce qui concerne les consultations de style privé, je pense que le style de commission parlementaire que nous avons tenu depuis quelques jours et que nous continuerons la semaine prochaine, ainsi que le type de représentants d'organismes que nous avons invités, en passant par la Protection du consommateur jusqu'aux compagnies impliquées à tous les niveaux, indique que ce ne sont pas des consultations privées qui, à l'avenir, se tiendront, en ce qui concerne le secteur de l'énergie, mais ce seront des consultations publiques et ouvertes à l'ensemble des intéressés, que ce soient les consommateurs, les producteurs, ou les distributeurs.

Egalement, je crois que le ministre a déjà indiqué qu'il y aurait des mécanismes de prévus, que ce soit un office de l'énergie ou autre mécanisme, qui feraient en sorte qu'il y ait une consultation permanente, ce que vous souhaitez dans votre rapport. Je pense bien que cette attitude générale que vous proposez au gouvernement, sur ces trois points, le laisser tomber et le laisser faire, que les consultations soient ouvertes et publiques, qu'elles soient permanentes, vous pouvez être assurés d'une attitude positive du ministre face à ces trois recommandations.

Votre mémoire pose plusieurs questions. Je pense à une qui est centrale tout au long de votre mémoire, qui est vitale, c'est celle de vos rapports avec les raffineurs installés ici, au Québec, les grandes compagnies, et votre possibilité ou votre

impossibilité d'importer des produits finis, compte tenu des règles du fédéral, en somme, qui vous pénalisent de $1.50 parce qu'il ne vous rembourse pas totalement sous cet aspect. Vous dites que cela vous pose des problèmes. A ce moment, vous êtes obligés de vous approvisionner davantage chez les raffineurs montréalais. Vous dites que si le marché était devenu libre, cela vous causerait moins de problème. Par contre, on sait que le prix des produits bruts est réglementé de toute façon. Vous ne croyez pas qu'une des conséquences de ce que vous proposez, de libéraliser à nouveau le marché, et que vous receviez les mêmes subventions pour l'importation de produits finis, risquerait de mettre en difficulté l'industrie du raffinage au Québec qui est déjà en difficulté, comme vous le reconnaissez très clairement et très évidemment dans votre mémoire.

C'est la première question, je pense, qui est vraiment capitale pour vous et qu'il faut éclaircir. Un autre aspect qu'on peut aborder, c'est le rôle que vous voyez pour SOQUIP dans l'avenir. Je disais qu'il y avait des choses qu'on retrouvait dans votre mémoire qu'on avait déjà entendues. S'il y a un aspect qu'on n'a pas entendu, c'est bien celui-là, sauf de SOQUIP elle-même. Vous proposez que SOQUIP prenne de l'expansion en ce qui concerne l'exploration et l'approvisionnement en somme, l'importation de produits pour assurer une meilleure concurrence, une meilleure sécurité des approvisionnements. Sur quoi vous fondez-vous pour penser que la sécurité des approvisionnements serait plus grande si une compagnie gouvernementale, en somme, une société gouvernementale entrait dans ce secteur, quand on sait que finalement ce sont les producteurs — si on regarde, en ce qui a trait au pétrole, au gaz — déplus en plus, ce sont les gouvernements qui contrôlent, et les multinationales ne sont maintenant que des intermédiaires entre les pays possesseurs de la matière première et les gouvernements locaux?

J'aurais d'autres questions, mais je pense que ce sont deux questions importantes qu'on pourrait...

M. Dulude: Je vais répondre à la première question au sujet de la différence de $1.50 entre l'indemnité sur le pétrole brut et l'indemnité sur les produits raffinés. Je dois vous avouer que la politique d'indemnité à l'importation a été établie le 1er janvier 1974 et que, du 1er janvier 1974 au 1er juillet 1975, il n'y avait pas de différence. Le produit raffiné pouvait être importé sur la même base que le pétrole brut. Nous convenons avec vous que le prix du pétrole brut doit être réglementé pour éviter une hausse trop immédiate du produit canadien, en comparaison avec le prix mondial. Par contre, ce que nous soulignons, nous, c'est d'éliminer cette injustice qui a été créée par la différence de $1.50 le 1er juillet 1975.

Du 1er janvier 1974 au 1er juillet 1975, il n'y a pas eu, d'une façon pratique, d'importations en produits pétroliers au Québec durant cette période, au niveau de l'essence à moteur et au niveau de l'huile à chauffage no 2. Ainsi, les compa- gnies productrices, qui, incidemment, ont été celles qui ont demandé à Ottawa de réviser la politique de l'indemnité à l'importation, l'ont fait exclusivement pour nous rendre la vie plus difficile, à nous, quelques indépendants. On peut les compter sur les doigts de la main ceux qui importent et ceux qui ont des facilités d'entreposage au Québec. Ils sont très peu nombreux, même au Canada d'ailleurs, parce que les importateurs, au Canada, sont situés soit sur la côte Est, sur la côte Ouest ou au Québec, à cause du Saint-Laurent. Alors, c'était dirigé contre quelques importateurs qui, au cours des 18 premiers mois du programme, n'ont pas importé.

On a dialogué longuement avec les fonctionnaires de l'Office national de l'énergie, et eux-mêmes ont développé — vous en avez quelques extraits à l'annexe — un programme d'indemnité qui pourrait varier par produit. Parce que vous savez que le marché mondial fluctue et ne fluctue pas de la même façon pour tous les produits. A un moment donné, vous pouvez avoir un prix dépressif pour l'huile industrielle, alors que l'essence à moteur coûte très cher. Si vous avez un régime de conpensation uniforme, c'est qu'au moment où le prix de l'essence à moteur est très élevé vous ne pouvez pas l'importer. Nous, ce qu'on dit, c'est que, si on a la possibilité d'importation, ça permet et ça force les raffineurs à vendre à des grossistes comme nous à des prix plus raisonnables. Si on perd la possibilité d'importation, ils nous vendent quand ils veulent nous vendre et au prix qu'ils veulent. C'est là qu'est le danger.

M. Marcoux: Ce qui est en jeu dans ça, je pense bien — on l'a abordé sous un autre aspect hier à propos de l'Alcan — finalement, c'est une volonté de maintenir un certain équilibre de l'emploi dans une région donnée qui s'appelle Montréal.

M. Dulude: Et de maintenir une concurrence.

M. Marcoux: Est-ce que l'objectif de la politique canadienne qui est de faire en sorte que la valeur ajoutée à un produit soit ajoutée ici, au Canada, plutôt que d'importer des produits finis, raffinés, vous le contestez?

M. Dulude: Non, on ne le conteste pas. Nous admettons que...

M. Marcoux: Vous contestez les effets, ce qui revient au même.

M. Dulude: On conteste une partie des effets. Si vous laissez entre les mains des raffineurs toutes les règles du jeu, vous acceptez, de fait, que la concurrence se fasse à l'intérieur de ce réseau, qui est un réseau tout de même très restreint. Ce qu'on dit, c'est de laisser la possibilité de l'importation en cas de besoin. Vous savez que nous...

M. Marcoux: Vous l'avez, la possibilité, comme la marge de manoeuvre...

M. Dulude: On ne l'a pas, là...

M. Marcoux: ...des raffineurs...

M. Dulude: On l'avait.

M. Marcoux: ... est quand même assez limitée elle-même parce que d'après les instructions du ministre Gillespie, ils sont obligés de vous approvisionner.

M. Dulude: Ils sont obligés de nous approvisionner, mais ils ne le font pas. Au cours du mois de février...

M. Marcoux: Pourquoi ne le font-ils pas?

M. Dulude: Parce que dans un moment de crise ou dans un moment de baisse d'inventaire, les raffineurs se protègent. Cela fait deux ans qu'on s'approvisionne chez Imperial Oil, entre autres, parmi certains raffineurs locaux. Nous avons reçu, il y a quinze jours, un avis d'Imperial Oil qu'elle n'avait pas de produits à nous vendre.

M. Marcoux: Si vous acceptiez des contrats... M. Dulude: Qu'est-ce qu'on fait à ce moment?

M. Marcoux: ... fermes, d'une certaine durée avec ces raffineurs, à ce moment, le problème ne serait-il pas résolu?

M. Dulude: Ah! Des contrats fermes.

M. Sénécal: Ils ne nous donnent pas de prix. Il ne faut pas oublier cela. On ne peut pas fonctionner avec la marge de bénéfices qu'ils nous laissent, on ne peut pas fonctionner du tout. N'oubliez pas que $1.50 représente presque $0.05 du gallon de différence avec une compagnie d'huile majeure. C'est impossible de fonctionner avec cette marge de différence. Ils nous éliminent complètement du marché. On a autant d'argent que la compagnie Shell à Montréal. Le petit distributeur qui va s'acheter un camion de $28 000 qu'il doit chez IAC, qui, à tous les mois, doit aller faire son paiement chez IAC, ce petit garçon est bien plus mal pris que la compagnie Shell, même si elle a emprunté $200 millions sur le marché. Nous avons plusieurs dizaines de millions d'investis au Québec et on n'a aucune protection.

Le gouvernement est-il formé pour protéger seulement les raffineurs? A chaque fois qu'ils vont le vouloir, ils n'ont qu'à grossir leur capacité. Il y aura toujours un surplus de raffinage à Montréal et il n'y aura jamais personne qui pourra entrer sur le marché. Le marché restera captif pour eux seulement. Vous vous trouvez à les protéger. On était en affaires à Montréal avant que Canadian Petro-fina ne vienne s'établir.

Le Président (M. Laplante): Pourriez-vous répondre à la deuxième question, le rôle de SOQUIP?

M. Sénécal: La question de SOQUIP? Certainement. Personnellement, nous n'avons pas besoin de SOQUIP pour importer, mais SOQUIP peut venir en aide à d'autres indépendants actuellement, comme Pébec, ces gens-là. Personnellement, je connais tous les marchés. Je vais en Europe régulièrement. Je parcours le monde entier. Je connais tous les distributeurs et les raffineries indépendantes dans le monde, mais par contre, par le gouvernement, ils peuvent avoir une transaction quelconque qui pourrait être avantageuse. A ce moment, on est toujours prêt à négocier avec le gouvernement pour pouvoir se servir des contacts que le gouvernement pourrait avoir dans un pays quelconque et des échanges qu'on ne pourrait pas savoir.

M. Marcoux: II y a un aspect de votre mémoire qui m'a étonné. C'est l'attaque directe, non voilée, que vous faites à la compétence des fonctionnaires, à la fois du gouvernement et des sociétés gouvernementales.

Pouvez-vous illustrer comment s'est manifestée cette incompétence? A la page 2 du mémoire, je crois, vous parlez de groupes. "Les interventions à court terme viennent de politiciens alors que l'influence à moyen et à long termes est exercée par divers groupes de fonctionnaires qui n'ont peu ou pas du tout intérêt à concerter leurs efforts. Dans le cas du Québec, la situation est un peu plus dramatique dans la mesure où les normes d'embauche empêchent littéralement de recruter un personnel qualifié, connaissant à fond l'industrie et les besoins des consommateurs et capable de rallier l'opinion des parties. Cela s'applique aussi bien à la fonction publique qu'aux sociétés d'Etat."

M. Sénécal: Je ne crois pas que dans vos organismes québécois vous ayez les connaissances profondes de Québécois qui peuvent réellement connaître à fond le système d'exploration et tous ses à-côtés.

M. Marcoux: Quand vous parlez de la Fonction publique, ils ne sont pas chargés de faire de l'exploration.

M. Sénécal: Je suis d'accord, mais elle vous recommande, la Fonction publique, elle vous apporte des informations.

M. Marcoux: Mais qu'est-ce que c'est...

M. Sénécal: II va falloir aller discuter avec l'industrie, d'homme à homme, être capable d'avoir la même compétence que ces gens. Ils ne l'ont pas. J'en parlais hier avec le président de Polytechnique, qui va présenter un mémoire la semaine prochaine à Montréal, je crois. Il me disait que cela manquait, dans notre milieu. A Polytechnique, nos ingénieurs quand ils sortent, il n'y en a pas un qui se dirige vers cette industrie qui devrait être très intéressante. C'est une bonne chose et on devrait essayer de penser à cela pour le développer.

M. Marcoux: Comment cela s'est-il manifesté?

M. Sénécal: Bien, écoutez, c'est le besoin, on le voit le besoin du Québec. Je parle avec des gens au Québec. Je vois que les gens d'ici ne sont pas au courant de ce qui se passe dans le pétrole.

M. Dulude: Cela s'est manifesté dans le passé. Pour nous, c'est peut-être dû au fait qu'Ottawa règle toute l'industrie du pétrole. Alors, quand nous avons des problèmes, on se dirige toujours du côté d'Ottawa. On a, dans le passé, essayé d'impliquer le Québec à nos problèmes et nous avons difficilement rencontré, je dirais, une participation spontanée à nos problèmes, non pas que les jeunes n'étaient pas capables, mais ils n'étaient pas impliqués et intéressés, si vous voulez, comme les fonctionnaires de l'Office national de l'énergie le sont. Ils jouent là-dedans tous les jours. Ils contrôlent continuellement les règles du jeu. Nous nous disons qu'il est temps qu'au Québec on développe un peu plus d'intérêt dans ce domaine.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond.

M. Sénécal: Un instant, je vais revenir là-dessus. Moi, je suis déjà venu dans le temps, l'autre côté, rencontrer le premier ministre avec M. Desrochers, dans le temps que c'était M. Bourassa. Il avait envoyé une équipe supposément connaisseuse au Moyen-Orient. Ils sont revenus, les gens n'étaient pas plus avancés que quand ils sont partis, ils n'en connaissaient pas plus long. Ils ne pouvaient pas parler d'une sorte de trouvaille ou d'une autre, de ces connaissances. Que pensez-vous qu'ils ont fait? C'était un voyage de fête ou quoi? Je ne sais pas. Cela n'a pas apporté grand-chose pour le Québec.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais d'abord dire que le mémoire qui nous est présenté ce soir par Calex m'intéresse de façon particulière. J'ap-precie beaucoup le ton direct que vous y mettez et la franchise avec laquelle vous vous exprimez. Je pense que vous avez l'attitude d'hommes d'affaires qui avez l'air à savoir où vous allez et vous êtes impliqués dans le problème à fond.

Ce n'est peut-être pas directement une question que j'ai à vous poser, mais plutôt un commentaire sur deux choses que la commission, à mon sens, devrait peut-être retenir parmi toutes celles que vous proposez. Deux choses qui me paraissent importantes pour les travaux futurs de la commission; d'abord, cet aspect qui vient d'être soulevé, la question du fonctionnarisme et de l'influence plus continue des fonctionnaires en place que des gouvernements, qui eux, sont changea-bles facilement, comme on a pu le constater depuis plusieurs années. C'est-à-dire que les fonctionnaires demeurent là. Ce sont quand même eux qui influencent les hommes politiques en place, qu'on le veuille ou non. Je pense que c'est l'état actuel des choses, d'une part. Il y a aussi, vous l'avez souligné, l'espèce de lourdeur de l'appareil du fonctionnarisme à cause du cloisonnement qui existe, soit d'un ministère à l'autre ou d'un département à l'autre, en ce qui concerne le même problème, celui de l'énergie.

Je pense que ça ne devrait pas nous faire peur d'envisager cette chose de front, parce que c'est peut-être une façon de ne pas régler le problème que de dire: II n'y a pas de problème avec le fonctionnarisme, ce sont tous des gars qui sont bien pratiques et il n'y a pas de théoriciens là-dedans, ça va très bien. Je pense que c'est une façon de se mettre la tête dans le sable et de ne pas regarder le problème en face. J'ai eu personnellement l'occasion de fouiller un peu la question et il faut se rendre à l'évidence, pas parce que c'est peut-être la faute de quelqu'un en particulier, mais l'appareil s'est construit comme ça et par la force des choses, ce ne sont peut-être pas d'abord des praticiens qui sont tout près de ceux qui ont des décisions à prendre en ce qui concerne les politiques.

Ce n'est pas ma petite parole qui peut avoir de l'importance là-dedans; par contre, on a seulement à regarder nos voisins, qui sont un peu plus pesants que nous, qui ont peut-être un peu plus d'expérience que nous, les Etats-Unis. Je pense qu'un des problèmes majeurs que le président Carter affronte actuellement, c'est justement cette espèce de bourbier du fonctionnarisme auquel il se heurte pour mettre de l'avant des politiques nouvelles et sortir du plan théorique pour aller vers des solutions peut-être plus pratico-pratiques immédiates.

Disons que je profite de l'occasion — c'est pour ça que je dis que c'est peut-être plus un commentaire — pour dire que cet élément que vous soulevez, je pense qu'il faudrait peut-être le retenir dans les débats futurs et dans l'instauration des politiques à venir en matière énergétique. Disons qu'en ce qui nous concerne, nous, de l'Union Nationale, on a cette préoccupation d'aller plus du côté pratique; on a vu l'expérience que cela a donné dans le temps passé, mais disons que, là-dedans, la création d'une commission permanente où vous seriez appelées, en tant qu'industries pétrolières, à avoir une part active continuelle, pourrait peut-être assurer un peu l'équilibre. Dans ce sens-là, ça m'apparaît une avenue qu'il faudrait explorer de plus près.

D'une part, c'est le premier point que j'aimerais que la commission retienne; deuxièmement, le fait qu'on ne peut plus calculer de façon absolue les réserves canadiennes de pétrole ou d . gaz, je pense que c'est un élément qui n'a pas été soulevé jusqu'à maintenant et qui mérite d'être retenu, parce qu'on parle toujours un peu en fonction d'absolu. On dit: II n'y a pas de problème, on a de bonnes réserves, c'est seulement la question d'aller les chercher, tout ça, mais on n'a pas tenu compte de l'élément que vous soulevez, c'est-à-dire que les Etats-Unis, à plus ou moins brève échéance, et l'expérience qu'on vient de vivre nous le démontre, vont avoir un appétit beaucoup

plus vorace en ce qui concerne nos matières premières d'énergie.

Je pense que, dans l'évaluation c|u'on a à faire de notre sécurité d'approvisionnement, il faut drôlement en tenir compte. Là-dessus, je vous remercie d'avoir soulevé ce point, je pense qu'il faut le garder comme point de repère dans nos analyses.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jeanne-Mance. Le député de Champlain.

M. Gagnon: Si j'ai bien compris, les difficultés que vous mentionnez viennent du fait — vous venez de répondre à une question tout à l'heure — que, dans certaines périodes de crise, on refuse, les grosses compagnies de Montréal, les grosses raffineries, refusent de vendre aux indépendants ou trouvent moyen de les faire chanter jusqu'à un certain point. A un moment donné, si j'ai bien compris, vous suggérez que SOQUIP et Aigle d'Or aient plus d'ampleur.

M. Sénécal: Non.

M. Gagnon: Ce n'est pas cela.

M. Dulude: Que SOQUIP prenne de l'ampleur dans ce domaine-là.

M. Gagnon: Dans ce domaine-là. M. Dulude: Je vais y revenir.

M. Gagnon: C'est justement dans le but de faire un peu plus de compétition ou, en fait, vous le mentionnez dans le sens de favoriser un peu plus les indépendants. C'est cela?

M. Dulude: Oui, et amener un peu plus de compétition.

M. Gagnon: Un peu plus de compétition.

M. Dulude: Je pense que c'est nécessaire. Si vous laissez l'industrie pétrolière agir seule, elle va faire ce qu'elle veut. C'est ce qu'elle fait d'ailleurs, en définitive. Elle contrôle 70% de l'énergie au Québec; c'est excessivement important.

Pour revenir à la question que vous avez posée tantôt, au niveau de l'exploration, moi, je trouve qu'il serait très sage que le Québec participe à l'exploration, soit par SOQUIP ou par toutes sortes de moyens. Quand vous êtes partiellement propriétaires de certaines ressources, que ce soit à l'extérieur du Québec — il faut que ce soit à l'extérieur du Québec, parce que je pense qu'au Québec on n'en a pas — à ce moment-là, on a un mot à dire dans l'utilisation de ces ressources, je pense. C'est ce que les Anglais appellent eux-mêmes des "fully integrated companies". Les producteurs, comme Imperial Oil et ces gros-là, c'est la façon dont ils fonctionnent. Ils perdent énormément d'argent dans le marketing et subventionnent le marketing avec les profits qu'ils font à l'exploration.

Si, à un moment donné, le Québec pouvait participer à cette exploration, que ce soit au Canada ou ailleurs, mais principalement au Canada au départ, il me semble que ce serait une protection additionnelle. Ce n'est pas à mettre de côté.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny.

M. Giasson: M. le Président, c'était simplement une remarque à la suite des propos tenus par mon collègue de Richmond. Je pense qu'on n'a pas à se surprendre si, au Québec, on n'a pas une équipe de spécialistes dans le pétrole, on n'a pas encore touché à cela. On est à la période de départ, de balbutiements, par la création de notre société d'Etat.

Mais, si on lui donnait une vocation réelle, on pourrait aller en chercher, des spécialistes, il y en a dans le monde, les compagnies en ont formé et il ne faut pas se surprendre qu'on n'ait pas encore une équipe très spécialisée dans ce secteur.

M. Dulude: On peut en développer ici.

M. Sénécal: II y en a de bons hommes. On a des hommes pour. On a simplement à les guider et à les développer.

M. Giasson: Je ne vois pas que ce soit un obstacle véritable pour dire: On ne doit pas explorer ce champ de développement par une société d'Etat, propriété du gouvernement.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, le député de...

M. Sénécal: Excusez. Pour revenir, je voudrais ajouter quelque chose, pour le député de Champlain. Je vais vous raconter quelque chose qui est très simple. Nous avons des réservoirs à Montréal, ELF a des réservoirs, CFM (Canadian Fuel Marketer) a des réservoirs, la compagnie Murphy Oil aussi et personne ne peut avoir du produit des compagnies majeures d'huile l'été pour remplir nos réservoirs.

Elles ne veulent pas qu'on remplisse les réservoirs au cas où on ferait un profit de capital sur les inventaires. Mais eux, ils remplissent tous leurs réservoirs.

M. Gagnon: Au moment où vous en avez besoin?

M. Sénécal: On pourrait remplir nos réservoirs l'été, mais on ne peut pas, c'est un commerce très malsain.

M. Dulude: Ce que M. Sénécal veut souligner, c'est que, depuis trois ans, le fédéral annonce ses augmentations de prix d'avance.

M. Sénécal: Vous l'avez ici pour le mois de juillet.

M. Dulude: C'est le gros pique-nique, les gars s'entendent entre eux. Si vous êtes un homme d'affaires, si vous faites une annonce de prix six mois d'avance vous allez...

M. Sénécal: Des années d'avance, on sait que dans deux ans, ce sera au mois de juillet encore.

M. Gagnon: Vous dites que le problème de l'indépendant est toujours d'acheter...

M. Sénécal: Exactement.

M. Gagnon: ...au plus haut prix et d'avoir la compétition de ces compagnies.

M. Dulude: Etre à la merci des raffineurs de pétrole.

M. Sénécal: Ils le savent. Le raffineur le sait, actuellement, comme on le sait. Le prix est tant sur le marché mondial. Il y a des revues et on l'a à tous les jours. On peut savoir le prêt de l'huile à chauffage no 2 dans les Caraïbes, en Europe. Ils vont dire: Votre huile à chauffage, sur le marché mondial, vaut tant; moins le subside que vous allez avoir, c'est tant. On pourra vous la vendre nous autres aussi au même prix, tant. On est toujours pris à la gorge, on n'a pas d'alternative que d'acheter des raffineurs. Comprenez-vous?

Le Président (M. Laplante): Le député du Lac-Saint-Jean.

M. Sénécal: On n'a pas de "bargaining power" avec eux. Autrefois, lorsqu'on n'avait pas de subside, on avait le même subside qu'eux. On n'importait pas plus, mais on avait du produit, parce qu'on avait du "bargaining power" et on soutenait les prix. Ce sont eux qui ont demandé à l'Office national de l'énergie, à Ottawa, au ministre, d'avoir une différence de $1.50. Aussitôt qu'on a établi cela, au moins de juillet, les prix ont augmenté immédiatement chex les majeurs.

Le Président (M. Laplante): Le député du Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président! Il y a un point central, fondamental dans votre mémoire, c'est l'idée d'une absence totale ou presque totale de concurrence dans le secteur pétrolier. Vous parlez même de concurrence fictive, dans votre mémoire. Les indépendants dont vous faites partie sont défavorisés dans un tel système, dans un tel contexte. Or, vous souhaitez le rétablissement de la concurrence, d'une véritable concurrence. Ce rétablissement de la concurrence vous le souhaitez d'abord en supprimant l'écart qui existe entre la subvention qui est accordée pour l'importation de pétrole brut et la subvention qui est accordée pour l'importation de produits raffinés, premièrement.

Deuxièment, vous proposez également l'introduction des indépendants dans le secteur de l'exploration, avec l'aide de SOQUIP, par exemple, et vous proposez la mise sur pied d'un consortium pour faire de l'exploration. Vous parlez de "secteurs-témoins" dans le domaine de l'exploration, toujours dans le but de rétablir la concurrence. Je ne me trompe pas jusque là?

M. Dulude: Et d'intéresser les Québécois à l'industrie.

M. Brassard: D'accord, on en parlait tout à l'heure.

M. Sénécal: C'est le bout le plus intéressant.

M. Brassard: Très bien. Cependant, ce qui m'étonne et ce que je ne comprends pas dans votre raisonnement et dans votre argumentation, c'est quand on arrive au raffinage, au secteur du raffinage, là, vous ne semblez pas trouver utile de vous introduire dans ce secteur. Vous affirmez même que SOQUIP ne devrait en aucune façon s'introduire dans ce secteur également. Il a été question et il est encore question de l'acquisition par SOQUIP de la raffinerie de Saint-Romuald, vous dites qu'il ne faudrait surtout pas que cela se fasse. C'est ce que je ne comprends pas, étant donné, comme vous venez de l'affirmer précédemment, que ce sont précisément les raffineurs qui vous causent du tort. C'est précisément parce que les grands du pétrole contrôlent le raffinage au Québec, qui fait que vous avez des difficultés dans ce secteur. Pourtant, vous ne semblez pas trouver souhaitable que les indépendants, peut-être aussi que SOQUIP, prennent pied dans le secteur du raffinage. A ce moment, toujours dans le but de rétablir la concurrence... Je vous avoue que là, je ne vous suis pas, je comprends mal votre raisonnement.

M. Dulude: On dit dans le mémoire qu'on voit d'un mauvais oeil que SOQUIP fasse l'acquisition de la raffinerie de Saint-Romuald ou de Come-by-Chance, parce que ces deux raffineries ont des problèmes techniques. C'est dans ce sens, c'est comme quand vous achetez une automobile d'occasion.

M. Brassard: Cela ne veut pas dire que SOQUIP ne devrait pas s'introduire dans le raffinage.

M. Dulude: Non, par contre, elle pourrait s'introduire dans le raffinage, mais actuellement, il y a assurément une surproduction dans l'Est du Canada. Alors, ce n'est peut-être pas le bon moment de le faire. Cela paraît surprenant qu'on vous dise: On doit importer quand même. On revient au jeu de la compétition, a ce moment. Evidemment, s'il y a surproduction et qu'on laisse les raffineurs locaux établir les prix et le jeu de la concurrence seuls, là, on élimine la compétition totalement. Que SOQUIP ou un autre organisme local s'installe dans le raffinage en plus des raffineurs actuels, cela serait, d'une façon économique, préma-

turé actuellement, à cause de la surproduction, à notre avis. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas se faire d'ici quelques années, mais actuellement, ce ne serait pas sage de le faire. Pour revenir aux deux autres raffineries, ce ne sont pas des raffineries qui, à notre avis, pour les montants impliqués, devraient être achetées.

M. Sénécal: Vous savez qu'actuellement, la mise en marché des compagnies d'huile majeure, est faite à l'aide des profits... Dans l'industrie, on appelle ça le "upstream", qui s'en va jusqu'au "crude oil". C'est là que c'est intéressant, c'est l'huile brute, l'exploration. L'argent que les compagnies font, c'est dans l'exploration. Elles ont des chances de déduire aussi des profits qui sortent de là-dedans, l'équipement qu'elles y mettent, les investissements, elles l'ont immédiatement du gouvernement. Elles le ressortent immédiatement du fédéral. C'est là qu'elles vont faire leur argent. Elles tiennent leurs prix assez bas pour le raffinage, pour qu'il n'y en ait pas d'autres qui veulent regarder dans ce département, et elles font juste se maintenir à flot. Elles perdent même de l'argent au point de vue du raffinage et de la mise en marché actuellement.

Le Président (M. Laplante): Bon, messieurs, je pense qu'on a été raisonnable dans le temps.

M. Sénécal: D'accord, cela m'a fait plaisir. Je vous remercie beaucoup.

M. Marcoux: M. le Président, s'il vous plaît, un commentaire ou une question sur un aspect qu'on n'a pas touché, personne, mais qui est quand même très important, dans votre rapport; c'est l'aspect du gaz. Très rapidement. Vous dites que vous recommandez au gouvernement d'accroître la concurrence. Vous dites, en somme, de faciliter l'implantation du gaz davantage au Québec pour accroître la concurrence. Or, on sait qu'il y a une surcapacité de raffinage dans le domaine du pétrole. Alors, comment pouvez-vous recommander ça, en somme, d'accroître la concurrence en introduisant...

Le Président (M. Laplante): En deux mots.

M. Marcoux: ... davantage le gaz, alors qu'on sait qu'il y a une surcapacité de raffinage, ce qui mettrait, normalement, encore plus en péril votre position dans tout ce secteur?

M. Dulude: Oui, on dit — on est réaliste et on est franc — que le gaz naturel coûte moins cher actuellement pour le chauffage, et les 70% que le pétrole couvre, du point de vue du marché au Québec, devraient diminuer. Vous devriez avoir un pourcentage plus élevé que 5% au gaz, pour permettre, justement, s'il y a une augmentation dans le pétrole...

M. Marcoux: Vous êtes conscient que ça met encore davantage en danger votre survie.

M. Dulude: Oui, certainement.

Le Président (M. Laplante): Eh bien, messieurs...

M. Dulude: On est certain... L'avenir de la province...

Le Président (M. Laplante): ... on va clore sur ce sujet.

M. Dulude: Vous en avez à la porte. A Terre-Neuve, il y en a...

Le Président (M. Laplante):... les membres de cette commission vous remercient...

M. Sénécal: Merci. M. Marcoux: ... merci.

Le Président (M. Laplante): Cette commission ajourne ses travaux au mercredi 23 février, 2 heures, avec les organismes suivants: Independent Petroleum Association; Pan Alberta Gas Limited; The Alberta Gas Trunk Line; Commission de contrôle de l'énergie atomique et APA.

Merci!

(Fin de la séance a 22 h 28)

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