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(Quatorze heures cinq minutes)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
Reprise des travaux de la commission parlementaire pour étudier
la politique énergétique du Québec.
Les membres de la commission, aujourd'hui, seront: M. Baril
(Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Brassard (Lac Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon), M.
Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire
(Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux
(Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin).
Les groupes que la commission entendra aujourd'hui seront:
Hydro-Québec, Sauvons Montréal, Texaco Limitée, Canadian
Coalition for Nuclear, Association québécoise des professionnels
de la communication scientifique, Labrecque, Bissonnette & Lemieux, Taillon
Benoit, Couture Marcel, Gauthier Jean, Théberge Ghislain.
J'appellerais les membres de l'Hydro-Québec à venir
présenter leur mémoire.
Hydro-Québec
M. Boyd (Robert): M. le Président, il serait de mise que
je vous présente ceux qui m'accompagnent pour répondre aux
questions. M. Bourbeau et M. Bolullo, M. Boulet et M. Volders. Ces messieurs
à la période des questions, si nécessaire, m'aideront
à répondre aux questions. M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, la Commission hydroélectrique de
Québec est heureuse d'être associée à tout effort de
réflexion dont le but est de définir les grandes orientations
d'une politique énergétique adaptée aux besoins du
Québec.
La nature de ses activités oblige l'Hydro-Québec à
prévoir son développement longtemps à l'avance. Pour ce
faire, elle doit constamment se tenir à l'écoute de
l'évolution du contexte socio-économique et
énergétique du Québec. Je ne voudrais pas reprendre ici
l'exposé de notre analyse, dont vous avez pu prendre connaissance, dans
le document préparé à cette fin, mais plutôt en
souligner quelques aspects qui nous paraissent fondamentaux.
Toute politique énergétique doit avoir un caractère
de permanence, tout au moins dans les grandes orientations qu'elle propose. Il
importe donc que les buts recherchés par la politique
énergétique fournissent des critères de décision
qui soient clairs et susceptibles d'inspirer l'action sur une longue
période de temps.
Un certain consensus existe aujourd'hui autour des trois thèmes
suivants: Tout d'abord, la disponibilité et la sécurité
des sources d'approvisionnement en énergie. Les pays
industrialisés tentent de se prémunir contre tout risque de
tarissement de leur source d'approvisionnement en énergie, même si
la pénurie ne devait être que temporaire. Il importe qu'une
politique énergétique québécoise favorise une
stratégie de développement axée dans la mesure du possible
sur l'exploitation des ressources énergétiques locales. C'est
particulièrement vrai, s'il s'agit de ressources renouvelables et de
techniques de production dotées d'un haut degré de
fiabilité pour le consommateur.
Un deuxième thème est la sécurité
économique des approvisionnements. Il est important d'obtenir une
certaine garantie de stabilité des prix de l'énergie à
moyen et à long terme. Une politique énergétique fera
utilement référence aux coûts marginaux, pour
apprécier le prix véritable de l'énergie. Un souci de
protection du consommateur empêchera le plus possible que des
fluctuations sans justification économique n'interviennent dans le
système de prix des produits énergétiques.
Un troisième thème couvre la contribution maximale au
développement économique du Québec. En effet, la
croissance énergétique est une composante majeure de tout
développement économique. Le Québec a besoin d'une
économie dynamique et l'énergie doit y jouer son rôle
moteur. Les investissements, dans le secteur énergétique, et le
choix des sources d'approvisionnement peuvent produire un impact
appréciable sur l'économie par leur effet d'entraînement
sur le niveau d'emploi et sur l'activité manufacturière. La
portion des dépenses réinjectée dans le Québec
constitue un facteur important dans le choix des équipements ou des
sources d'énergie; par opposition, des importations massives
d'énergie pèsent très lourd sur la balance des paiements
avec souvent des effets d'entraînement économique
mitigés.
En somme, le développement du secteur énergétique
est lié à la qualité du niveau de vie des
Québécois et est étroitement associé à une
stratégie de développement économique et industriel du
Québec.
C'est guidé par ces considérations que notre analyse a mis
en lumière les deux orientations fondamentales que devrait poursuivre
une politique énergétique adaptée aux besoins du
Québec. Il s'agit, d'une part, d'un meilleur équilibre du bilan
énergétique et, d'autre part, d'un effort concerté
d'économie d'énergie.
Discutons quelque peu de ces deux concepts. Le premier, soit le meilleur
équilibre du bilan énergétique, trouve sa raison
d'être dans les difficultés futures d'approvisionnement en
hydrocarbures. Le Québec, à l'instar de nombreuses autres
régions du globe, fera face à un plafonnement de l'offre
d'hydrocarbures vers la fin du siècle.
Notons l'importance de ne pas arrêter notre analyse en 1990. La
situation des hydrocarbures est encore acceptable à cette date, mais se
détériore très rapidement dans les années qui
suivent. A cette insécurité d'approvisionnement s'ajoute une
incertitude quant au coût futur d'une source d'énergie qui occupe
aujourd'hui une part de plus de 75% dans le bilan énergétique du
Québec. Il est donc souhaitable que la dépendance envers les
hydrocarbures soit graduellement atténuée. Pour ce faire,
l'augmentation de la part de l'électricité dans le bilan
énergétique s'avère la solution appropriée. En
effet, mieux que toute autre forme d'énergie,
l'électricité peut assurer, à la fois la
sécurité des approvisionnements, une certaine stabilité
des prix à long terme et une contribution importante au
développement économique du Québec.
Une analyse de l'évolution des différents secteurs de
consommation nous montre que l'électricité peut occuper une part
de quelque 40% du bilan énergétique vers la fin du siècle.
Ceci apparaît d'autant plus souhaitable que son contrôle appartient
à la collectivité québécoise et qu'elle reste une
ressource, en grande partie, renouvelable. A titre d'illustration,
l'électricité, au Québec, proviendrait à
près de 97% d'installations hydrauliques en 1985, c'est-à-dire
environ 30 000 mégawatts; 91% en 1990 serait hydraulique et 85% en 1995.
En l'an 2000, dans une hypothèse de croissance économique
élevée, ce pourcentage baisserait à un minimum de 66%.
A l'intérieur du rôle joué pour les hydrocarbures,
le pétrole occupera une part moins importante, bien qu'encore
très large dans ce même bilan. Le gaz prendra, quant à lui,
une part aussi grande que possible en fonction de ses disponibilités et
de son coût futur. Il devrait, avant tout, jouer un rôle important
dans certaines applications industrielles où son efficacité est
maximale.
Les énergies nouvelles, enfin, ne sont pas appelées
à occuper une place significative dans le bilan
énergétique de la fin du siècle car il faut une longue
période de temps avant qu'une nouvelle technologie n'arrive à
maturité et se prête à des applications commerciales. Les
initiatives déjà en cours au Québec dans ce domaine,
notamment celles entreprises depuis plusieurs années par l'Institut de
recherche de l'Hydro-Québec, sont encouragées par le
gouvernement.
Il faut également suivre de près les nombreuses
expériences étrangères qui seraient prometteuses pour le
Québec.
Les efforts concertés d'économie d'énergie
constituent la seconde orientation de la politique énergétique.
En effet, les mesures d'économie d'énergie favoriseront une
utilisation plus judicieuse de l'énergie dans les différents
secteurs de conservation. Elles assigneront à chaque source
d'énergie une fonction plus conforme à sa meilleure
efficacité relative. Non seulement les mesures d'économie
d'énergie sont-elles de nature à réduire les
quantités d'énergie requises dans l'avenir, mais encore
allègeront-elles d'autant les besoins d'investissement requis par la
croissance du secteur énergétique.
Il revient à l'Etat de prendre les initiatives en ce domaine et,
le cas échéant, d'assurer une meilleure coordination des efforts
déjà entrepris en ce sens par divers organismes pour en tirer le
maximum d'efficacité. Dans ce domaine, l'Hydro-Québec a
innové depuis plusieurs années prônant et mettant en
application des normes plus strictes dans le domaine de l'isolation des locaux
et des chauffe-eau.
Désormais, le rôle moteur de l'Etat est indéniable
et sans son intervention il est douteux que l'attitude du public fasse
écho à la nécessité de faire une utilisation plus
judicieuse des ressources. Si nous revenons, maintenant, plus en détail,
sur la part de l'Hydro-Québec dans le bilan que nous avons
projeté, il importe de réfléchir aux implications
posées par la situation énergétique actuelle.
Même en présence de plusieurs incertitudes, il n'en faut
pas moins définir, dès maintenant, des orientations suffisamment
précises pour inspirer une action à long terme. Ceci est d'autant
plus important que le temps constitue un facteur majeur dans la
réalisation d'un programme d'équipement. Il en est de même
pour voir apparaître des modifications significatives dans les habitudes
de consommation.
Il s'avère utile de considérer deux horizons dans notre
discussion. Le premier couvre la période 1977 à 1985 et se
prête à la prévision de certaines variations dans la
conjoncture économique, de telle sorte qu'il devient possible
d'identifier des champs d'application de la politique énergétique
à court terme. Durant cette période, la demande
d'électricité croît à un rythme prévisible de
7,75% par année. Le programme d'équipement qui est en cours de
réalisation est principalement basé sur la mise en service de la
baie James.
Le second horizon couvre la période de 1985 à 2000. Les
incertitudes sont trop grandes pour faire ici des prévisions
précises. C'est pourquoi nous utilisons des scénarios qui font
ressortir les grandes orientations du bilan énergétique. Un
scénario se différencie d'une prévision par la
possibilité de changements majeurs dans l'évolution des
différents paramètres étudiés. C'est le cas, par
exemple, de la croissance économique du Québec à long
terme. Nous étudions donc les différentes possibilités
afin de définir la ligne de conduite la plus adaptable possible.
Pour le programme d'équipement de l'Hydro-Québec, les
sites qui ont un intérêt sur le plan hydroélectrique se
faisant plus rares et plus éloignés, l'option nucléaire se
présentera comme la seule forme d'énergie de relais fiable d'ici
la fin du siècle. La stratégie de développement de
l'Hydro-Québec visera à utiliser toutes les ressources
hydrauliques rentables tout en intégrant harmonieusement à ses
équipements les centrales nucléaires requises. Il n'y aura pas
sur le marché de source d'énergie alternative ou nucléaire
d'ici la fin du siècle pour répondre à la demande
d'électricité lorsque le potentiel hydraulique sera
épuisé.
Les énergies nouvelles disponibles et le développement
commercial des technologies douces ne pourrait répondre qu'à un
maximum de 2% à
3% du bilan énergétique vers la fin du siècle. En
fait, l'introduction de l'énergie nucléaire comme nous la
proposons est une approche minimale. Son but est d'assurer un démarrage
progressif d'une technologie nouvelle pour le Québec. Cela implique, en
particulier, la mise en place d'une infrastructure industrielle et la formation
d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Ceci demande du temps et une
coordination des efforts.
Si nous regardons le programme minimum proposé,
l'électricité nucléaire occupe une part de 3% des
installations de l'Hydro-Québec en 1985, soit 1000 mégawatts, de
9% en 1990, soit 4000 mégawatts, et de 15% en 1995, soit 9000
mégawatts. Ces 9000 mégawatts exigeront deux sites additionnels.
Ce n'est qu'en l'an 2000 qu'elle augmenterait à 33%. Ces chiffres se
traduisent par un besoin d'une centrale de quatre groupes en 1990 et d'une
autre en 1995. La réalisation de ce programme nécessite au
maximum deux sites de plus que celui de Gentilly. Nous sommes loind'un grand
nombre de centrales le long du fleuve.
Quant à la dernière tranche, de 1995 à l'an 2000,
elle s'inscrit dans des décisions a prendre au milieu des années
1980. D'ici là, les tendances de croissance actuellement
projetées se seront précisées. Le programme
précisé par l'Hydro-Québec permet d'assurer une transition
progressive dans la production de l'électricité. Ce programme est
suffisant et nécessaire pour répondre aux besoins de
l'introduction sécuritaire d'une technologie exigeante. Il répond
aussi à la qualité primordiale d'un processus de planification
à long terme, la flexibilité. Il lui faut, en effet,
répondre adéquatement aux fluctuations possibles de
l'activité économique. Globalement, les chiffres que j'ai
cités correspondent, jusqu'à 1995, aux besoins en énergie
nucléaire de deux scénarios de croissance, haute et moyenne, que
nous avons étudiés dans notre rapport, l'hydraulique se
prolongeant de quelques années de plus dans le deuxième cas.
Cette approche flexible semble la plus sage pour la collectivité
québécoise. En effet, si les programmes basés sur une
croissance économique faible s'avéraient insuffisants pour
répondre aux besoins à long terme, il serait très
coûteux de les modifier et de redémarrer brusquement un programme
nucléaire. Les conséquences d'une pénurie sur
l'économie du Québec pourraient s'avérer graves.
D'autre part, il serait plus facile, dans le cas où les besoins
prévus seraient plus élevés que les besoins réels,
de ralentir le rythme de développement du secteur électrique pour
l'ajuster aux données d'une telle conjoncture.
En guise de conclusion, je voudrais souligner que notre analyse fait
ressortir la nécessité de modifier le contexte
énergétique québécois. Le volume d'énergie
requis doit être diminué par des efforts concertés
d'économie d'énergie éliminant les gaspillages et
utilisant nos ressources de façon judicieuse. A l'intérieur de ce
besoin d'énergie, le rôle de chaque source doit être
réévalué. L'électricité peut, mieux que
toute autre forme d'énergie, nous assurer à la fois la
sécurité et les approvisionnements, une certaine stabilité
des prix à long terme et une contribution importante au
développement économique du Québec. Elle est, par
ailleurs, la seule source contrôlée par la collectivité
québécoise.
Pour que l'électricité puisse occuper une part importante
dans le bilan de la fin du siècle, il est nécessaire d'allouer
à son développement les investissements requis. Enfin, ceux-ci
maximisent pour le Québec les retombées économiques
liées au secteur énergétique.
Les programmes d'investissement nécessaires au
développement du secteur électrique de 1985 à 2000
équivalent à quelque 15% à 20% des investissements totaux
du Québec. Plus précisément au cours des dix prochaines
années, la part des investissements de l'Hydro-Québec dans les
investissements totaux réalisés au Québec se situera entre
18% et 23%. Puisque la très grande partie des investissements dans le
secteur énergétique du Québec sera affectée au
développement de l'électricité, ceci se compare à
la part des investissements totaux canadiens réservés au secteur
de l'énergie qui oscillera au cours de cette même période,
pour le Canada, entre 32% et 28%.
Cette comparaison nous montre que le fardeau n'est certes pas
disproportionné. Il reste que toute politique énergétique
doit s'intégrer dans un ensemble cohérent de politiques
gouvernementales répondant aux besoins qlobaux de la
société.
Nous espérons que ces réflexions et que la poursuite du
dialogue amorcé pourront y contribuer. C'est avec plaisir que nous
répondrons maintenant aux questions que notre document a pu susciter
parmi vous.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: M. Boyd, je vous remercie. Je voudrais, tout d'abord,
vous dire, en mon nom personnel et peut-être au nom d'autres membres de
la commission également, que nous apprécions la grande
qualité du mémoire qu'a soumis l'Hydro-Québec. Je pense
qu'il est bon de mentionner que c'est peut-être, de ceux que nous avons
entendus jusqu'à présent, celui qui nous présente la
vision la plus globale de la situation énergétique dans son
ensemble. Remarquez qu'on pourrait ajouter qu'on n'en attendait peut-être
pas moins de la plus importante entreprise au Québec, mais, enfin, je
pense que cela méritait d'être souligné.
Par contre, si votre mémoire contient des tas
d'éléments qui sont essentiels à l'élaboration de
notre politique énergétique, il n'en reste pas moins que vous
nous apportez là, parmi toutes les questions soulevées,
passablement d'embêtements aussi, des questions auxquelles il est
compliqué de répondre. Moi, j'en avais relevé un nombre
considérable, mais, comme le temps est limité et qu'on ne doit
pas se livrer à un interrogatoire je ne veux pas monopoliser,
d'ailleurs, le temps de la commission inutilement je vais essayer, dans
une questions synthèse, si vous voulez, qui comporte, bien entendu,
plusieurs sous-questions, de vous en poser une qui me paraît,
peut-être, être la principale qui découle de votre
mémoire.
Un des sujets qui préoccupent, je pense, le plus les
Québécois à l'heure actuelle face à ce
problème de nos sources futures d'énergie, c'est la question du
nucléaire. Vous mentionnez que nous allons y arriver parce qu'il n'y a
pas de source alternative, finalement. Cet énoncé comporte, par
contre, des prémisses qu'on peut remettre en question. D'une part,
j'aimerais que vous puissiez nous expliquer davantage les aspects
sécuritaires d'un programme nucléaire, toutes les questions que
le public, à bon droit d'ailleurs, se pose à l'heure actuelle
quant à la sécurité de ces centrales, à la
disposition des déchets, enfin, tous ces problèmes.
Il y a beau, peut-être, de ne pas avoir d'autre solution, si on
risque l'hécatombe, il y en a une autre solution, c'est qu'on va se
priver d'un peu d'énergie, puis on n'ira pas. C'est un premier point que
j'aimerais vous entendre développer un peu, parce que le mémoire
n'en parle pas beaucoup.
Deuxièmement, quand vous dites qu'il n'y a pas d'autre choix,
cela dépend aussi, au-delà de ces questions de
sécurité, bien sûr, de la part que l'on attribue à
l'électricité dans le bilan global. Si on vise une part moindre,
évidemment, les besoins de production de l'électricité
sont moindres, alors il y a cette question de la part de
l'électricité dans le bilan; mais cela dépend aussi,
surtout, de l'évaluation que vous faites de ce que sera la demande
globale d'énergie à la fin du siècle. Cela
m'apparaît être le point clé de toutes nos discussions,
d'ailleurs non pas seulement celles que suscite votre mémoire, mais, en
somme, de toutes les discussions qu'on a depuis une semaine et qu'on continuera
d'avoir cette semaine.
Quant à la question de cette demande globale que vous reliez
assez directement à la croissance économique selon
différents scénarios de croissance forte, moyenne ou faible, vous
arrivez à dire: Cela prend tant d'électricité, tant
d'énergie en telle année, donc il faut installer tant de
mégawatts de plus, etc. Mais j'aimerais vous poser la question suivante:
Est-ce que cette demande globale est reliée à la croissance
économique, ou plutôt, au type de croissance économique?
Parce qu'on voit dans votre mémoire, et c'est peut-être un des
aspects les plus significatifs, que déjà dans le domaine de
l'électricité, environ 80% de la consommation électrique
vient du secteur industriel et du secteur commercial, l'industriel comptant
pour 53% environ. C'est déjà plus que la moitié seulement
dans le secteur industriel.
Or, on sait aussi que presque les deux tiers de ce secteur industriel
sont bouffés par deux types d'industries: l'industrie des pâtes et
papiers et l'industrie métallurgique primaire; donc, deux
activités économiques très proches des ressources
naturelles. On voit, de plus, ce qui m'apparaît très significatif,
que même si ces deux secteurs à eux seuls bouffent près des
deux tiers de l'électricité consommée dans le secteur
industriel, ces deux secteurs ne représentent, d'autre part, que 16,7%
de la valeur ajoutée dans l'ensemble de l'industrie
québécoise et un pourcentage encore moindre de la main-d'oeuvre.
Alors, toute la question amène à se demander si c'est ce type de
développement industriel que l'on doit poursuivre à l'avenir, et
si tel n'était pas le cas, vous pourriez avoir des variations
considérables sur la demande de l'électricité.
En somme, vos projections si je peux résumer ainsi
de demandes globales d'électricité à telle date tiennent
pour acquis que la structure industrielle du Québec ne se modifie pas
dans l'intervalle.
Si nous adoptions vous pourrez nous en dire un mot soit
par voie de tarifications différentes, de prix différents et
ainsi de suite, des objectifs, quant au type de développement
économique, différents de ce qu'on a fait traditionnellement,
cela pourrait avoir une conséquence considérable sur la demande
globale d'énergie. En d'autres mots, on pourrait s'orienter vers des
secteurs industriels qui consomment infiniment moins d'énergie, mais qui
assurent une croissance économique qui, d'ailleurs, pourrait amener une
structure industrielle québécoise plus solide et moins
dépendante de ses ressources naturelles.
Sur cette question en particulier, j'aimerais vous demander comment se
comparent les tarifs ordinaires industriels de l'Hydro-Québec par
rapport à des tarifs semblables dans les principaux pays
industrialisés du monde? Aussi, parce qu'il y a des tarifs qui
dérogent à la loi, par arrêté en conseil, qui sont
des tarifs préférentiels, comment ces tarifs
préférentiels peuvent-ils se comparer par rapport à
d'autres qui peuvent être accordés ou pas dans d'autres pays? En
d'autres mots, ce que j'aimerais qu'on puisse cerner un peu plus, c'est
à quel point on fait, en quelque sorte, cadeau de notre énergie
électrique.
Finalement, le troisième volet, toujours se rattachant à
la première question, c'est quand vous dites qu'il n'y a pas
d'alternative. Cela peut dépendre aussi non seulement, comme je l'ai
dit, des questions de sécurité, qui est le premier volet;
deuxièmement, du choix que l'on fait du type de développement
économique; troisièmement, cela peut dépendre aussi de
l'effort que l'on consacre à la recherche de formes nouvelles. Vous
dites que selon les connaissances que l'on a dans le moment, on ne peut pas
s'attendre à ce que cela représente un pourcentage significatif
du bilan avant la fin du siècle. Je vous dirai: Si on doublait, si on
triplait ou si on quadruplait les efforts, est-ce que cela ne pourrait pas
représenter plus, est-ce qu'il ne pourrait pas se dégager
là une alternative?
M. Boyd: M. le ministre, je vous remercie des compliments sur le
mémoire. Je vous remercie également de la question. Elle est
complète et a plusieurs volets. Il y a des points sur lesquels je vais
essayer de répondre moi-même et d'autres que je vais passer
à mes copains.
Pour les tarifs préférentiels, on en a quelques-uns qui
datent depuis longtemps dans l'industrie et qu'on essaie de faire
disparaître au fur et à mesure que les contrats se terminent. Dans
la même optique, vous demandiez si c'était le même type de
développement industriel. Notre réponse, celle qu'on a
déjà indiquée, en répondant ici même dans une
commission parlementaire récemment, c'est qu'on ne pensait pas que
c'était la
meilleure façon d'utiliser l'énergie électrique que
de l'employer dans l'énergie primaire, qui consomme beaucoup trop
d'énergie par rapport aux emplois qu'elle crée. D'ailleurs, dans
notre mémoire, vous avez un tableau complet qui indique cela. Donc, si
on l'a mis là, c'est que nous préférons aller du
côté d'industries qui créeront des emplois plutôt que
de créer des demandes. Dans le passé, il en a été
autrement. Historiquement, c'était sans doute la chose à faire,
au début, les pâtes et papiers, les alumineries, etc. Mais je
pense qu'on est rendu au point où l'énergie électrique
doit être conservée pour des sortes d'industrie qui nous
apporteront plus d'emplois par rapport aux kilowatts installés.
M. Joron: M. Boyd, vous faites vos projections de la demande
jusqu'à la fin du siècle. Je comprends que ce n'est pas le
rôle de l'Hydro-Québec de décider des politiques de
développement économique de tout l'Etat, mais ce que vous faites,
en somme, c'est que vous prenez la structure économique actuelle et vous
la projetez selon un taux de croissance historique dans le futur. Voici ce que
je veux dire. Admettez-vous avec moi que, si le gouvernement, par la voie de sa
politique énergétique, qui est un élément
clé et vital de toute une politique de développement
économique, se réorientait d'une façon radicalement
nouvelle, à ce moment la demande pourrait être tout autre que
celle que vous avez prévue?
M. Boyd: Oui, on a divisé notre rapport en deux secteurs,
un qui va de 1977 à 1985 où l'on dit que c'est 7,75% et où
l'on affirme que c'est certain puisque d'ici 1985, on ne peut pas agir assez
rapidement pour transformer ça. De 1985 à l'an 2000, on dit qu'il
y a différents scénarios possibles qui seront évidemment
décidés bien plus par le gouvernement que par les consommateurs
ou le public. Nous prévoyons que de 1985 à l'an 2000, que ce sera
7,5%, mais, dans nos études, on a une fourchette qui dit que la
croissance peut être à 5% ou à 8%, selon des tendances,
selon le contexte politique et économique.
Alors, il est possible que ce soit moins, mais, même à
ça, ce que je veux dire, c'est que, si c'est moins de 7,5% à
partir de 1985, si c'est 5%, supposons, qu'on obtient en moyenne durant cette
période, il arrivera quand même, à un moment donné,
si ce n'est pas en 1990 ou en 1995, il arrivera une période où
nous n'aurons plus de rivières à harnacher.
Quant à moi, j'aimerais bien mieux rester dans cela, car j'ai
fait cela toute ma vie, mais il arrive un moment donné où,
étant donné qu'on doit prévoir le plus longtemps possible
d'avance, il n'y en aura plus. Si c'est en 1995, ce sera en 1995, mais,
à un moment donné, il faudra produire autre chose et nous pensons
que ce sera l'énergie nucléaire. Si du jour au lendemain, il faut
produire beaucoup de nucléaire, sans être passé par une
période de transition que nous appelons une "période très
minimale" dans le programme que nous vous avons donné c'est
très minimal jusqu'en 1995 on n'aura absolument personne, ni au
point de vue technique, ni au point de vue opérationnel, ni au point de
vue manufacturier, qui sera prêt à faire l'effort qui sera
demandé.
Ce que nous proposons, c'est d'y aller graduellement, en utilisant
toutes les méthodes sécuritaires et en apprenant des autres... Ce
qui nous avantage, au Québec, c'est qu'on n'a pas été
obligé de se précipiter dans le nucléaire comme les
Etats-Unis, comme l'Ontario même; on le fait tranquillement et on le fait
avec sécurité. Alors, si on dit: II y aura moins de demande et
vous atteindrez un sommet moins élevé en l'an 2000, donc, il ne
vous faudra pas de nucléaire, bien, il en faudra peut-être moins
en 1995, mais il en faudra peut-être quand même!
M. Joron: Si vous me permettez, je vais vous poser ma question
d'une façon très synthétique. On mentionnait, tout
à l'heure, que, dépendant du choix quant au type de
développement industriel qu'on va poursuivre à l'avenir, cela
pourrait apporter des modifications substantielles à la demande globale.
C'est un point, mais ce n'est pas l'Hydro-Québec, évidemment, qui
le décide. Par contre, j'aimerais, seulement sur ce point, que vous nous
donniez une idée, question d'information aussi pour tous les membres de
la commission, des tarifs industriels actuels de l'Hydro-Québec. Je vous
demanderais: Comment se comparent-ils à des tarifs industriels d'autres
sociétés comme la nôtre, d'une part? Voulez-vous
répondre à celle-là d'abord et, après cela,
je...
M. Boyd: Nos tarifs industriels se comparaient assez bien avec
ceux de l'Ontario. Ils ont, eux aussi, certains tarifs spéciaux pour de
grandes quantités, qu'ils sont en train de faire disparaître,
s'ils ne les ont pas déjà fait disparaître. Aux Etats-Unis,
il y a des tarifs, le TVA par exemple, qui sont des tarifs très
spéciaux pour les grandes industries, mais c'est une chose qui, selon
nous, à l'Hydro-Québec, doit disparaître. Evidemment, avant
de les faire disparaître du jour au lendemain, il faut penser: Est-ce que
cela va fermer des industries ou non? On pense que cela doit être fait de
façon graduelle, pour autant que l'industrie peut l'absorber. Mais on
pense aussi c'est la question que j'avais posée, tout à
l'heure, pour les scénarios que l'industriel va occuper une part
plus importante des 40% en l'an 2000 qu'actuellement. Actuellement, disons en
1974, le résidentiel utilise à 22% l'électricité;
le commercial à 38%;l'indus-triel à 33%. Nos prévisions
sont que le résidentiel sera à 60% à
l'électricité dans la période 1985-2000, le commercial
à 69%; l'industriel à 43%.
Quant aux énergies nouvelles...
M. Joron: Si vous me le permettez, juste avant d'arriver à
cette question de l'inévitabilité du nucléaire il
n'y a pas que la demande globale qui conditionne ou qui déplace dans le
temps cette inévitabilité, il y a deux autres choses qu'il
faudrait peut-être considerer c'est qu'on parle souvent de la puissance
nouvelle qu'il faut installer, mais on parle toujours de la puissance de base.
Si on arrivait à mieux écrêter notre pointe de demande
d'électricité, il y a un surplus considérable
inutilisé pendant une longue période de l'année, si on
arrivait à étaler cela, le besoin d'installation de nouvelles
puissances diminue considérablement. Ainsi, par exemple, si par une
tarification on décourageait la consommation à certaines heures
ou en certaines saisons, peut-être principalement chez les utilisateurs
industriels justement, on pourrait arriver à se dispenser possiblement
de bien des mégawatts qu'on n'aurait pas à installer. Alors le
jeu de cet écrêtement de la pointe, via toutes sortes de
manières d'incitation, d'une tarification refaite, ainsi de suite, peut
avoir pour résultat de reporter encore plus loin dans le temps
l'inévi-tabilité dont on parle. Alors, j'aimerais que vous nous
disiez un mot sur ce qui mijote autour de ce sujet d'écrêter la
pointe à l'heure actuelle, à l'Hydro-Québec, d'une part,
et nous dire un mot aussi... parce que là, vous dites dans votre
mémoire: II y a 15 000 mégawatts hydrauliques
économiquement aménageables qui restent encore. Mais si c'est 20
000 au lieu de 15 000, encore là, cela fait une différence de
bien des années de répit, de plus. Alors, est-ce que cette
quantité de 15 000 mégawatts est finale? Pourriez-vous nous dire
à peu près où elle se trouve?
M. Boyd: Les 15 000, d'après nos estimations des
études actuelles, c'est un chiffre assez maximal au point de vue
rentabilité actuelle. On estime qu'il y a encore 10 000 mégawatts
qui sont dans nos rivières, mais tellement loin, tellement dispendieux
que dans le moment, on pense que ce n'est pas rentable d'aller les
chercher.
M. Joron: Ce qui m'amène une sous-question, parce que tout
dépend de l'évolution des prix dans le temps aussi,
l'évolution du prix de produire du nucléaire, ou la
rivière qui paraît non rentable aujourd'hui, c'est à partir
de prix comparatifs de 1976/77, mais avez-vous une idée de la croissance
des facteurs de coûts entre... l'hydraulique, c'est relativement facile
à projeter en avant, parce qu'on en connaît les
éléments, mais la production nucléaire implique des
éléments qui d'ailleurs, ne sont pas contrôlés
à partir du Québec, de machinerie, d'eau lourde, de toutes sortes
de trucs, d'uranium.
Alors, l'évolution des prix de tout cela est très
incertaine, si bien que les 10 000 mégawatts, au-delà de 15 000
dont vous parlez, qui ne paraissent pas rentables aujourd'hui, peuvent
peut-être fort bien s'avérer rentables dans quinze ans par rapport
à un nucléaire dont le coût sera très
élevé ou par rapport à des barils de pétrole qui
pourraient coûter $30 ou $40 le baril.
M. Boyd: Je voudrais bien. Seulement hier, je demandais des
renseignements à notre directeur général Génie
concernant les 10 000 mégawatts qui seraient dans différentes
petites rivières, éparpillées un peu partout, et il m'a
dit que, pour qu'elles deviennent rentables, il faudrait que le prix
d'aujourd'hui, comparatif, du nucléaire, soit quatre fois plus grand
qu'il ne l'est.
M. Joron: Quatre fois?
M. Boyd: Oui. Ce sont les chiffres qu'on a dans le moment. Par
contre, l'été dernier, lorsqu'on a parlé des coûts
de l'hydraulique, on a démontré ici que, dans les deux
dernières années, le coût du nucléaire avait
augmenté un peu plus que celui de l'hydraulique. Je pense que je
ne voudrais pas l'assurer de façon définitive le
nucléaire avait augmenté de 15% par rapport à
l'hydraulique. C'est un facteur.
Votre première sous-question concernait les pointes. Ce qui
mijote là-dedans, c'est qu'on est justement en train de compléter
une étude sur ce qu'on appelle la conservation de l'énergie ou
l'économie de l'énergie. Lundi dernier, on a pris connaissance
d'un rapport préliminaire qui va être terminé dans quelques
semaines. Contrairement à ce que pensaient, la plupart d'entre nous
depuis quelque temps, les pointes journalières sont beaucoup moins
aiguës qu'avant. Il y a des divergences. C'est évident que
l'été, c'est beaucoup plus bas que l'hiver, mais que, si on prend
une journée, actuellement, on est au point où le facteur
d'utilisation est d'environ 85%. On s'attend, je pense en 1984, 1985, que le
facteur d'utilisation sera à 91,5%. Donc, quand c'est à 91%,
c'est presque plat.
C'est un facteur assez étonnant et nouveau, c'est depuis quelques
années seulement, qu'il devient très apparent par les
études qu'on fait; il va nous amener à changer notre point de vue
sur les pointes. Au lieu d'avoir des usines de pointe qui vont couper juste des
petits bouts de pointes d'une demi-heure, d'une heure, d'une heure et demie ou
de deux heures, ce seront probablement plus des usines de base qu'il faudra que
des usines de pointe.
Ce que je dis, est un peu en avance. Vous m'avez demandé ce qui
se brasse. Je vous dis ce qui se brasse. Je ne vous le dis pas comme une chose
officielle encore, parce que l'étude n'est pas terminée, mais je
voulais répondre à votre question. Voulez-vous que je demande au
Dr Boulet, directeur de l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec de
parler de l'énergie nouvelle et de vous dire ce qu'on a fait à
l'institut depuis qu'il existe, depuis 1965?
M. Joron: Et nous parler aussi peut-être de la
première question de toute, la sécurité des
systèmes actuels de production nucléaire.
M. Boyd: La sécurité nucléaire, j'aimerais
mieux qu'on passe cette question, ensuite, à M. Volders, si vous n'avez
pas d'objection.
M. Boulet (Lionel): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, lorsqu'en 1967, l'Institut de recherche de
l'Hydro-Québec s'est ouvert, l'Hydro-Québec, dans ses objectifs
futurs, pensait déjà aux nouvelles formes d'énergie parce
que c'est dans notre programme de 1967, 1968 et 1969 nous avions
l'idée de faire une étude de l'utilisation de la thermofusion.
C'est le procédé
inverse de la fission nucléaire, c'est-à-dire que c'est la
fusion des deux isotopes de l'hydrogène. Depuis ce temps,
déjà, à l'Hydro-Québec, nous avons
dépensé à peu près $3 millions dans ce domaine de
la fusion thermonucléaire qui serait évidemment la réponse
à tous les maux et à tous les besoins d'énergie dans le
monde. Le principe n'est pas encore prouvé, mais on croit que, d'ici
1981 ou 1982, il sera prouvé et aux Etats-Unis et en Russie où
des chercheurs travaillent, d'ailleurs en collaboration très grande,
avec les bouteilles magnétiques, ce qui est un des
procédés pour utiliser la fusion thermonucléaire.
En plus de cela nous avons des études évidemment sur le
transport, la distribution, l'appareillage électrique, mais nous avons
aussi mis un accent assez prononcé sur les nouvelles sources
d'énergie comme l'énergie solaire.
Dans le cas de l'énergie solaire, nous avons deux programmes. Un
programme aux Iles-de-la-Madeleine, où nous installons actuellement une
éolienne de 400 kilowatts qui fonctionnera à 250 kilowatts pour
le moment, parce que nous allons la faire fonctionner à vitesse
constante. C'est un programme qui se fait en collaboration avec le Conseil
national de la recherche. C'est extrêmement intéressant, parce que
c'est dans ces endroits éloignés qu'on peut peut-être
prendre l'expérience, faire le développement de ces nouvelles
sources d'énergie et, finalement, équiper des sources qui peuvent
être fiables pour les gens. Parce qu'actuellement il n'existe dans ces
domaines, ni au Canada, ni aux Etats-Unis, ni dans aucun autre pays d'Europe,
ni dans les pays de l'Est ni au Japon, aucune source solaire rentable au point
de vue de l'énergie éolienne.
Nous avons aussi un petit programme à l'IREQ, à
Montréal, où nous avons une éolienne de 25 kilowatts. Nous
nous attendons d'être capables de déterminer un circuit de
commande et de contrôle qui nous permettra de retirer le maximum
d'énergie qui existe dans le vent. Comme on le dit toujours,
l'énergie qu'on peut retirer d'une éolienne varie avec le cube de
la vitesse du vent. Il est donc extrêmement intéressant de pouvoir
retirer toute cette énergie.
Ce programme devrait être en exploitation vers la fin de mars,
début avril, et nous pourrons alors en donner les résultats.
Autre forme solaire à laquelle nous contribuons avec tous les
services publics canadiens par l'intermédiaire de l'association
électrique canadienne, celle du développement des maisons
solaires du côté thermique, c'est-à-dire l'absorption
directe par des plaques verticales, la plupart du temps, dans nos climats, de
l'énergie solaire. Nous avons un programme en collaboration avec
l'université McGill, à La Macaza, où nous avons une maison
solaire. Nous évaluons actuellement les résultats des mesures,
quelle est la quantité d'énergie que nous pouvons retirer.
Evidemment, ce programme, qui était fait originalement pour
quatre maisons solaires par les architectes de McGill, est tombé
maintenant à une maison solaire, à cause d'un manque de
fonds.
Il faut penser que la quantité d'énergie solaire dont on
peut disposer est à peu près de l'ordre, en moyenne, de 10 watts
par pied carré ou, si vous voulez, de 100 watts par mètre
carré dans nos régions, tandis que, dans les régions du
sud, c'est à peu près le double, c'est-à-dire 20 watts par
pied carré. C'est une énergie qui est extrêmement diffuse
et, si on veut l'utiliser, il faut donc la concentrer. C'est une énergie
qui demande aussi énormément de stockage parce que le soleil ne
paraît pas tout le temps.
Il y a aussi la concentration des rayons solaires par des lentilles. Il
y a plusieurs pays qui font des expériences. La plus grande
difficulté qui existe, c'est évidemment la grosseur des miroirs
ou la grosseur des lentilles. Pour vous donner un exemple, pour remplacer une
centrale de 1000 mégawatts nucléaires, cela prendrait une
superficie de terrain de l'ordre de 7 à 10 milles carrés au sud
des Etats-Unis et peut-être le double dans nos régions.
Il y a aussi la transformation de l'énergie solaire directement
par l'électricité. D'abord, les rendements actuellement sont de
5% à 6%; il faudrait nécessairement que les rendements augmentent
au moins à 20%, 25%, avant que cela puisse devenir d'une utilisation
pratique. Mais, encore là, les dimensions de ce terrain requises pour
retirer cette énergie, à cause, si vous voulez, de la faible
densité d'énergie par pied carré seraient immenses.
On fait un peu de travail sur les pompes de chaleur. On a une
unité que nous sommes a monter. Evidemment, les pompes de chaleur qui
ont été utilisées jusqu'à maintenant au Canada
étaient des pompes développées par les Américains.
Elles avaient le malheur que la chaleur qu'on retirait du sol contribuait
à geler le sol à sept, huit ou dix pieds de profondeur de telle
façon qu'au mois de juillet, vos voisins avaient des fleurs et vous,
vous aviez encore un terrain gelé!
Maintenant, il y a certainement moyen de combiner les pompes de chaleur
avec l'énergie solaire et de faire certaines expériences; c'est
ce que nous faisons actuellement, en collaboration avec l'Ontario.
Au point de vue de la conservation, évidemment, il y a plusieurs
techniques nouvelles de conservation d'énergie. Nous avons fait
certaines analyses. Par exemple, il semble y avoir possibilité de
récupérer à peu près 25% des eaux usées, de
l'énergie des eaux usées dans une maison et de se servir de cela
pour réchauffer l'eau du chauffe-eau à l'entrée.
Il y a un malheur, c'est que le Code des bâtiments défend
totalement cela parce q'on ne peut pas faire passer par un échangeur de
chaleur l'eau usée avec l'eau pure qu'on va boire, pour éviter
tout danger. Il faudrait aussi changer le Code des bâtiments, mais, de
toute façon, nous allons faire certaines expériences dans ce
domaine.
Evidemment, dans la conservation, il y a deux choses importantes: II y a
les techniques nouvelles, les méthodes de gestion de charge et,
évidemment, il faut développer l'instrumentation ou
les nouvelles utilisations de l'énergie électrique
à meilleur rendement.
Les piles à combustible étaient une transformation assez
intéressante. On pensait, il y a quinze ou vingt ans, qu'on pourrait
utiliser directement le pétrole dans un genre de pile, avec des
électrodes, qui permettrait d'obtenir directement de l'énergie
électrique avec un rendement très élevé. Les seules
piles que nous ayons à l'heure actuelle et sur lesquelles les gens
travaillent sont des piles à oxygène et hydrogène qui
permettent d'obtenir un certain rendement, mais de ! ordre de 30% à 35%.
Mais les piles à combustible, on y pense et nous avons des gens qui font
un peu de travail de base dans ce domaine, pour voir si elles pourraient
devenir un outil ou un élément très utile qu'on pourrait
mettre dans un poste, par exemple, pour produire de l'hydrogène et de
l'oxygène lorsqu'on a un excès d'énergie et, durant les
heures de pointe, utiliser l'énergie produite par la pile à
combustible.
Nous gardons aussi un oeil très ouvert sur la
gazéification du charbon parce qu'on pense qu'il y a peut-être des
choses à trouver dans ce domaine qui pourraient permettre d'utiliser les
tourbières que nous avons en grand nombre dans le Québec.
Finalement, il y a aussi l'énergie dont on parle toujours, la biomasse.
On réunit dans ce domaine tout le traitement des déchets pour
produire la pyrolyse des déchets, l'utilisation d'herbes
spéciales parce que la photosynthèse est évidemment le
processus par lequel on a pu obtenir du soleil le maximum d'énergie. Il
y a beaucoup de laboratoires qui travaillent à l'heure actuelle à
la photosynthèse artificielle, pour tâcher de bien comprendre ce
procédé et, peut-être, de produire de l'énergie dans
ce domaine.
Vous mentionniez tout à l'heure qu'il fallait mettre plus
d'argent dans ces domaines-là. Notre budget actuellement est à
peu près de 10% à 12%, le budget total au Canada dépasse
ou est de l'ordre de $10 millions à $12 millions cette année et
les budgets des Américains dépassent $290 millions pour 1977. Les
Japonais ont un budget, dans leur projet qu'on appelle soleil ou "Sunshine", de
$145 millions, les Européens, à peu près le même
ordre de grandeur. Il existe une liaison internationale entre tous ces
laboratoires, il y a actuellement un échange à peu près
complet entre tous les services publics, parce qu'on vend des électrons,
mais on n'en vend pas aux voisins. Il est possible de collaborer ensemble de
façon à activer cette recherche dans le monde.
M. Joron: Une dernière, brève, sous-question. Quand
vous dites que vous vous attendez, vers 1981, 1982, à ce que le principe
de la fusion nucléaire soit établi une fois pour toutes, si tel
était le cas, en ces années, combien de temps après que le
principe soit établi espérez-vous voir une centrale?
M. Boulet: On espérerait qu'à ce moment-là
cela prendrait à peu près quinze ans pour avoir le premier
prototype d'une centrale qui pourrait devenir une centrale commerciale, mais
qui serait à ce moment-là de 250 mégawatts. L'application
industrielle proprement dite irait après l'an 2000.
M. Joron: Ce qui veut dire que c'est...
M. Boulet: C'est encore un de ces domaines...
M. Joron: Mais le point tournant, c'est d'attendre...
M. Boulet: C'est la preuve...
M. Joron: ...que le principe soit établi. Une fois que
c'est fait, on peut le voir venir.
M. Boulet: On pensait, il y a trois ans, avoir trouvé,
à Chigago, avec le laser, où ils avaient réussi à
faire de la fusion avec des cibles de deuterium, mais malheureusement on s'est
aperçu qu'il faudrait avoir des cibles de beaucoup meilleures. On pense
que dans l'application militaire, ces cibles existent, mais ce sont des choses
tellement secrètes qu'on...
M. Joron: ... Mais d'autre part, l'IREQ et l'Université
Laval sont très avancés dans le domaine des lasers. Est-ce que,
d'abord, le premier laser n'a pas été inventé ici, tout
près, dans la région de Québec?
M. Boulet: Par un Canadien-français, dans la région
de Québec, à Valcartier. Le Dr Beaulieu a inventé le
premier laser, à CO2, à grande puissance.
M. Joron: Est-ce qu'on maintient cette recherche, cette
avance?
M. Boulet: On maintient cette avance-là, mais, enfin, je
ne pense pas qu'on puisse concurrencer les Américains, qui eux,
émettent des lasers à $10 millions, $15 millions, $20 millions ou
$30 millions, avec des puissances énormes. Comme principe, comme
développement, je pense que nos gens continuent à faire un
excellent travail. Il y a une liaison, d'abord, très étroite
entre l'INRS-énergie, l'Université Laval, une excellente
compagnie privée de Québec je ne veux pas lui faire
d'annonce et I'IREQ à Montréal dans tous ces domaines.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, avant de poser mes questions,
je me demande si on ne devrait pas écouter les réponses aux
questions qui ont été posées au début, parce que la
première question n'a pas encore eu de réponse. C'est sur la
question nucléaire.
Une Voix: C'est curieux.
M. Garneau: Nous avons eu ici deux groupes en particulier qui
sont venus nous dire que si on allait établir des centrales
nucléaires, on serait
tous morts, que, si ce n'est pas aujourd'hui, ce serait dans 500 000
ans, parce que, apparemment, la durée, la longueur de vie des effets
radioactifs est incalculable. Avant d'aborder les quelques questions que
j'avais et qui ont déjà été touchées par le
ministre, car il a couvert pas mal grand de terrain, j'aimerais bien mieux
avoir la réponse et, après, peut-être que cela va
éviter d'autres questions.
M. Volders (Robert): M. le Président, évidemment,
c'est une question qui est très large. Je pense que je ne peux pas
prendre trop de temps de la commission. Je vais plutôt donner des points
de repaire, des réflexions, et nous pourrions facilement revenir avec
des sous-questions sur tout ce problème de la sécurité
nucléaire.
Peut-être une remarque générale. Pour commencer, je
m'inspirerais d'une remarque de M. le député de Mont-Royal. Vous
avez dit: Si vraiment ce qu'on a dit ici est vrai, eh bien! c'est terrible, il
ne faudra jamais en faire. Je pourrais dire de façon
générale aussi que les documents qui ont été
présentés je n'entrerai pas dans le détail de les
réfuter point par point contenaient un maximum d'erreurs à
ce niveau, sinon des erreurs de fait, des erreurs d'interprétation. Je
pourrais vous donner quelques exemples, tout à l'heure, qui vous
fixeront un peu le domaine. Je veux juste dire que le sujet est pour le moment
très émotif dans le public. C'est évident. Il y a eu des
émissions de télévision, des débats dans tous les
pays qui ont du nucléaire. Je pense que je vais juste faire des
réflexions factuelles et on pourra y revenir. Le problème de
toute cette question, c'est quand même assez délicat au niveau
technique. Cela prend des spécialistes pour pouvoir expliquer en mots
simples ce qui se passe dans un réacteur nucléaire.
Je peux peut-être commencer par quelques remarques globales qui ne
touchent pas nécessairement le nucléaire, mais ce sont des faits
qui ont été apportés devant la commission. On a
parlé d'agriculture et on a parlé de rejets thermiques. Juste un
point pour préciser. Ce qu'on reprochait à l'agriculture
nucléaire, c'était les lignes de transport qui la traversaient.
Je dirais que pour un barrage, une maison solaire, il y a également des
lignes de transport. C'est donc un problème commun.
Les rejets thermiques; depuis que l'homme a inventé la machine
à vapeur, il se sert de cette façon de fabriquer de
l'électricité. On a besoin de refroidir les centrales. Que ce
soient des centrales thermiques au charbon, au pétrole ou des centrales
nucléaires, c'est exactement le même rejet thermique. Ce n'est pas
un problème spécifique au nucléaire.
Juste pour vous donner une indication, et cela est encore une remarque
globale, toute cette question de sécurité doit être vue
dans un contexte local et non général. Je pense que cela
mêle beaucoup un auditoire quand on vous balance des faits qui peuvent se
passer en Europe, au Japon, aux Etats-Unis et au Canada, avec des
filières américaines, françaises, CANDU. Tout cela est
chaque fois différent. C'est une autre intensité de
problèmes.
C'est la même chose pour les rejets thermiques. Citons l'exemple
de Gentilly, puisque c'est une centrale que nous avons au Québec. Comme
ordre de grandeur, l'eau qui est nécessaire à refroidir Gentilly,
c'est à peu près 1000 pi3 par seconde, et le fleuve
Saint-Laurent, en moyenne, à cet endroit, c'est 145 000; donc, c'est 1
sur 145. On est loin de passer toute la rivière à
l'intérieur du réacteur. Quand la tempéature
s'élève de 10°, à la sortie du réacteur, en
quelques centaines de pieds, l'eau redescend à sa température
moyenne. Simplement la ville de Trois-Rivières, entre le lac
Saint-Pierre et un peu plus en aval, élève la température
de 2°. Donc, ce sont des phénomènes qui sont assez
naturels.
Nous avons la chance, au Québec, d'avoir des rivières, le
Saint-Laurent, nous avons un tas de lacs. Alors, ce problème des rejets
thermiques ne se pose pas de la même façon que dans la
vallée de la Loire, par exemple, où il y a trop peu d'eau. Il n'y
aurait même pas les 1000 pi. 3par seconde.
Encore là, on a déclaré qu'il n'y avait pas de
solution. Mais oui, on fera un détour de refroidissement. Il y a
d'autres solutions à étudier. Mais tout cela est à
étudier dans un contexte particulier.
Pour terminer là-dessus, je dirais que les rejets thermiques, on
peut en faire une utilisation bien plus intelligente que de les rejeter, comme
cela, dans l'environnement. Des pays comme la Suède, qu'on prend souvent
en exemple d'ailleurs dans tous les sens aussi: je ferai remarquer que
depuis l'élection du nouveau gouvernement, on a quand même
décidé de construire quatre ou cinq nouvelles centrales de
même que la Russie, ont réussi, en utilisant ces rejets
thermiques, à monter le rendement des centrales à près de
80%. Que font-ils? Au lieu de rejeter cette eau chaude dans le fleuve, ils
l'utilisent pour des serres ou du chauffage d'habitation. En Allemagne, par
exemple, tout le réseau de chauffage se fait par ces fameux rejets
thermiques. Comme je l'ai dit, cela vient de centrales nucléaires ou de
centrales thermiques.
Vous voyez déjà là que cela déborde un peu
le problème strictement nucléaire ou émotif, c'est que,
pour faire du chauffage de maison avec des rejets thermiques, cela prend toute
une planification du territoire assez intégrée. C'est donc un
problème très large qu'il faut certainement se poser, parce qu'il
y a un potentiel là-bas, qui est majeur.
Pour les rejets, j'arrête-là, on pourra y revenir tout
à l'heure. Je ne vais que prendre deux ou trois points "flash" sur ce
qui a été déclaré. Je peux vous donner quelques
indications sur les accidents nucléaires. On en a parlé
passablement. On a déclaré qu'il y avait des morts, etc. Je vous
parlerai des fameux déchets. C'est le fait d'une question dont il faut
se préoccuper. Je peux vous parler de radiations, de chantage, etc.
Prenons simplement les accidents, seulement pour vous donner une
idée de la façon dont les
éléments vous sont fournis par certaines personnes. On a
parlé, au niveau du Canada, d'accidents dans la chaîne CANDU. Les
deux accidents mentionnés se sont passé dans les années
cinquante. Il n'y en a plus eu depuis. A ces années, c'étaient
des prototypes. Je vous rappelle seulement que toute technologie qui se
développe paie son tribut à une certaine recherche. Des
cosmonautes sont morts pour aller sur la lune. Les pilotes d'essai, c'est un
travail régulier. J'insiste que ce sont des personnes qui étaient
au niveau de cette préparation des réacteurs qui ont
été touchées par des radiations. Il n'y a pas eu de morts
à ce niveau.
Il y a eu des tués cela a été
présenté dans une émission de télévision
récente aux Etats-Unis, encore dans un réacteur prototype,
à Los Alamos, je pense, ou ailleurs, cela n'a pas d'importance, mais, de
toute façon, dans un endroit où on expérimentait,
d'ailleurs également en ce temps, les essais de bombes atomiques.
Cette question des morts, j'affirme qu'aucune personne du public, depuis
que l'industrie nucléaire sert pour des fins commerciales, n'a
été touchée par des radiations au point d'avoir ce
qu'on avait déclaré des pertes de vies humaines.
Peut-être que je peux embrayer là-dessus sur une question
qui est plus fondamentale: Qu'est-ce qu'on fait pour se prémunir de ce
problème général des radiations, des accidents? On a
souligné, dans un mémoire, l'opportunité, peut-être
très valable, d'avoir une commission d'experts qui
réfléchiraient à ces questions. C'est tellement valable
que déjà, en 1920, je pense, c'était mis sur pied, pour
réfléchir aux implications de l'énergie atomique. Des
normes, il y en a; il y a des agences à Vienne; il y a des agences ici,
la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous avons les
services de protection de l'environnement, au Québec. Ce sont des
agences gouvernementales qui sont formées de scientifiques et qui ont
pour mandat c'est leur problème de veiller à ce que
les normes, que ce soit de qualité industrielle ou au niveau
nucléaire c'est la même chose, soient valables,
c'est-à-dire donnent des impacts acceptables pour un public.
On a déclaré que ces normes étaient prises en
dépit du bon sens. D'accord, mais alors qui va les fixer, si un groupe
scientifique neutre déjà en place, ayant cela pour mandat n'est
pas capable de le faire? Est-ce que c'est Monsieur Tout-le-Monde dans la rue?
Je suis docteur en physique nucléaire, je ne m'aventurerai pas à
aller discuter le fait qu'une radiation à telle dose me donne ou non un
effet médical, ce n'est pas mon problème. Le dialogue doit
s'établir entre scientifiques, sinon cela devient un dialogue de
sourds.
Excusez-moi si je me promène d'un sujet à l'autre, mais je
pense qu'il y a une question fondamentale, c'est le rôle du scientifique.
Je pense qu'on en a un peu parlé. C'est vraiment, au niveau de
sécurité propre, un problème de responsabilité
scientifique. Je ne pense pas que ce soit un problème qu'on peut
discuter sur la place publique. Je pense beaucoup plus que ce qui doit
être discuté sur la place publique à ce niveau,
l'initia- tive d'une commission parlementaire comme celle-ci est indispensable
c'est le besoin d'énergie, la façon dont on veut vivre, la
façon dont on veut se servir des différentes ressources qu'on a
à moyen et à long termes. Ce sont des problèmes où
on peut avoir une expression que le gouvernement prend pour, finalement, faire
une politique cohérente. Mais balancer des chiffres à la
tête des gens, dans certains débats que vous avez sans doute vus,
où il n'y a pas de dialogue, je pense que cela ne fait pas avancer
beaucoup le problème.
Je vais seulement dire un mot des déchets. Encore là, les
déchets sont présentés de toutes les façons
possibles sans discuter la filière en question, sans discuter l'endroit
où cela se passe. Je dis qu'il y a une solution aux déchets
radioactifs, spécialement au Québec, parce qu'on utilise la
filière CANDU. Le problème est différent dans la
filière CANDU, vous savez. On utilise de l'uranium naturel,
c'est-à-dire de l'uranium qu'on prend dans une mine et qu'on traite
légèrement sous forme d'oxyde. C'est différent
déjà d'une filière américaine où on enrichit
l'uranium, ce qui pose déjà un problème beaucoup plus
complexe. A ce niveau des déchets radioactifs, on ne vous a donné
que deux solutions: les envoyer sur la lune, dans le cosmos, enfin, et
peut-être la transmutation. Je dirais que ce sont peut-être les
deux solutions les plus folkloriques, parce que personne n'y pense
actuellement. Vous savez comme moi que la probabilité de recevoir une
fusée sur la tête, quand elle a quitté le sol, est quand
même suffisamment grande pour qu'il n'y ait pas un scientifique
sérieux qui essaie de faire de ce moyen un moyen d'éliminer les
déchets radioactifs, en plus du coût, je vous le laisse
imaginer.
Donc, à ce niveau, les problèmes pourraient faire l'objet
aussi de communications. Il y a des groupes de recherche qui se penchent
là-dessus depuis des années. Les rapports sont publics. Je pense
que le plus grand avenir est dans ce qu'on appelle la vitrification
enfin, ce n'est qu'un exemple, il y en a sans doute d'autres des
déchets. On les enferme dans une matrice, puis cela est mis dans des
couches géologiques stables. On parlait de périodes très
longues. De fait, les chiffres de 500 000 ans, etc., sont tellement affolants
que cela n'entre même pas dans notre tête. On se demande un peu...
On ne parvient pas à imaginer une période aussi longue. Dans
l'échelle géologique, les couches dans lesquelles on se propose
d'enfouir certains de ces déchets les plus radioactifs, ce sont des
couches géologiques qui sont stables, peut-être cent ou mille fois
plus que cette période de 500 000 ans. On parle alors en millions
d'années. A ce niveau, le risque est minimisé. Minimisé,
qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il est tout à fait
acceptable comparé à d'autres risques industriels que nous
prenons.
Là, je saute tout de suite sur une autre parenthèse. Il
est important, quand on discute de sécurité nucléaire, de
penser aux alternatives et de penser aux risques que donnent ces alternatives.
On n'a pas besoin de vous rappeler tout ce qui se passe actuellement avec les
pétroliers. Pas besoin
de vous rappeler ce qui s'était passé en Italie ou en
Angleterre quand toute une région a été ravagée par
un nuage chimique. Je ne veux pas faire de comparaison encore là en
termes de valeur, mais je veux seulement ouvrir une voie de réflexion,
impliquant que l'on réfléchisse en termes comparatifs.
Je pense aux déchets. Pourquoi, dit-on, le Canada n'a-t-il pas
encore, au niveau de la Commission de contrôle, une attitude
décidée à cet égard? C'est simplement que les
déchets radioactifs pourraient, dans une filière CANDU
légèrement modifiée, être retraités. Quand on
sort l'uranium des réacteurs, il n'est pas complètement
brûlé. C'est un peu comme les cendres de charbon. On pourrait
éventuellement les repasser avec un brûleur qui aurait une
meilleure capacité. Une transformation de la technique CANDU permettrait
de récupérer les produits radioactifs actuels et de les repasser
une nouvelle fois dans les réacteurs. Actuellement, ce n'est pas
économique. Donc, on dit: On va les garder en stockage intermittent dans
des piscines.
Dès le moment où ce serait prouvé
économiquement, on les retraiterait. Alors, on entraînerait une
chaîne classique. Dès le moment où on n'en aurait plus
besoin, ils seraient disposés de façon sécuritaire
à long terme. Je suis sûrement loin d'avoir épuisé
ce sujet-là. Mais de nouveau, là, je dis: Une information
objective, une discussion objective devrait se tenir entre scientifiques
concernés à ce niveau-là.
J'ai peut-être passé quelques exemples un peu disparates.
Je retiens deux points pour répondre à la question. La question
de sécurité nucléaire comme telle, il faut la poser, je
pense, beaucoup plus largement. Implanter des nucléaires quelque part...
le programme minimum que nous présentons nécessite toute une
série de réflexions, de planification cohérente. J'ai
montré l'exemple de récupération des rejets thermiques, de
la chaleur. Cela implique qu'il faut penser au problème social,
formation de main-d'oeuvre, etc., mais on ne forme pas des gens n'importe
comment. Implantation industrielle... C'est une réflexion sociale,
économique et technique. Elle doit être menée en
parallèle. Ce n'est pas une polémique sur un biais qui va faire
tomber la balance de l'autre bord.
J'insiste sur le rôle des commissions de contrôle, services
de protection de l'environnement. Je pense que leur rôle est d'assurer au
public que, justement, les normes qui sont édictées sont
sécuritaires. Ils ont les moyens de les faire respecter. Si un
réacteur opère en dehors des normes, il est simplement
fermé par un édit de la commission de contrôle. On ne peut
pas y couper. Je ne sais pas si j'ai brossé... S'il y a des
sous-questions, je peux y répondre maintenant.
M. Garneau: Ce n'est peut-être pas la question que je
voulais poser au départ, mais comme on est sur le sujet, ce serait
peut-être aussi bien, M. le Président, d'essayer de la vider et,
après, on pourra parler d'autres choses.
Le Président (M. Laplante): Allez-y!
M. Garneau: Si on se réfère à votre
mémoire, vous dites: En 1985, il y aurait 3% de l'énergie
électrique produite à partir du nucléaire. Qu'est-ce que
cela comporte? Gentilly 1 et Gentilly 2 ou cela comporte-t-il d'autres...?
M. Boyd: En 1985, c'est Gentilly 1 et Gentilly 2. M. Garneau:
1 et 2 seulement?
M. Boyd: Oui. On a fait un chiffre grosso modo de 1000
mégawatts.
M. Garneau: Si vous parlez en termes d'expérimentation et
d'avoir à l'Hydro-Québec et au Québec, de façon
générale, une certaine connaissance, un certain "know how" dans
le domaine de l'énergie nucléaire, deux centrales, soit Gentilly
1 et Gentilly 2, constituent-elles l'équipement nécessaire pour
acquérir ce "know how" et développer des compétences dans
le domaine nucléaire ou cela prendra-t-ii d'autres centrales?
M. Boyd: C'est pourquoi on recommande qu'il y en ait d'autres
d'une façon modérée parce que Gentilly 1 et Gentilly 2,
malheureusement, nos ingénieurs y ont contribué, mais pas
tellement malheureusement parce qu'ils n'étaient pas prêts
à le faire. Nos ingénieurs québécois ne sont pas en
mesure encore de dire: On va construire une centrale Gentilly 3 par
nous-mêmes. C'est donc pour cela qu'on voudrait, pour les années
1985 à 1990, ajouter, sur un autre site qui n'est pas choisi, une autre
centrale. Avant cela, disons à Gentilly 3, on voudrait ajouter une
troisième unité qui permettrait d'impliquer nos
ingénieurs, nos techniciens, tout notre personnel davantage dans la
conception et la réalisation, parce qu'actuellement, notre
compétence est limitée à la partie civile du travail,
à la partie mise en route, et là, ce n'est pas
entièrement... Et même dans la partie exploitation, on a encore
recours, dans le cas de Gentilly 1, à des services extérieurs au
Québec.
C'est donc extrêmement long de former du personnel. Si on est
limité à Gentilly 1 et à Gentilly 2, ceux qui sont
là, qui ne verront plus d'avenir dans le nucléaire et ceux qui
sont à l'université... Dans le moment, à
l'Université de Montréal, il y a tout un groupe qui
s'entraîne. L'Hydro-Québec contribue, en fait, en offrant
certaines bourses et on essaie de préparer des étudiants, des
diplômés qui pourront venir prendre la relève.
Mais si, dès l'université, on se rend compte que le
nucléaire au Québec, c'est fini, ceux qu'on a déjà
qui ont un certain entraînement de cinq ans, dix ans vont s'en aller dans
d'autres domaines ou s'en aller dans d'autres pays où il va s'en faire
du nucléaire. Donc, pour répondre à votre question, il
faut un minimum, et c'est le programme qu'on a proposé ici, de 1000
mégawatts en 1985, 4000 mégawatts en 1990, 9000 mégawatts
en 1995. C'est ce qu'on considère comme un minimum pour garder
l'intérêt, continuer à dévelop-
per notre personnel et surtout développer notre industrie.
Actuellement, la majorité de l'équipement qui entre à
Gentilly 2 vient d'ailleurs parce que les manufacturiers ne sont pas
prêts à faire cet équipement spécialisé.
S'ils se rendent compte qu'il n'y en aura plus au Québec d'industrie
nucléaire, ils ne s'intalleront pas.
Dans l'hydraulique, vous savez, c'est connu depuis longtemps, la
politique d'approvisionnement de l'Hydro-Québec et maintenant la
politique gouvernementale est en grande partie semblable a permis
d'implanter au Québec de nombreuses industries. On espérerait
pouvoir faire la même chose dans le domaine nucléaire.
M. Garneau: Quel mérite, M. Boyd, y voyez-vous? On parle
d'un domaine assez particulier. Je ne suis pas un spécialiste du tout,
je ne connais absolument rien là-dedans, mais j'ai été
passablement frappé par la conviction des gens qui sont venus
témoigner devant nous, qui n'apparaissaient pas, à prime abord,
des imbéciles. Quel mérite voyez-vous de faire... Dans le fond,
on continue un peu ce que je mentionnais l'autre fois. Vous avez Gentilly 1 et
Gentilly 2 en marche. Cela prend d'autres centrales pour avoir plus de
personnel spécialisé et finalement vous embarquez dans un
processus qui nous amène à 3%, à 5%, à 10%, dans
une spirale. Si vous en avez 200 actuellement, vous allez me répondre
ou dans cinq ans aux personnes qui seront membres d'une autre commission
parlementaire, peut-être que vous et moi nous ne serons plus là
dans dix ans que cela en prend 400 parce qu'il y en a dans les
universités qui se préparent et s'il n'y a pas de
débouchés ils vont aller ailleurs. Quel mérite voyez-vous
dans un domaine aussi complexe où, pour le moins, ce qu'on peut dire,
c'est qu'il n'y a pas unanimité de pensée de la part des
scientifiques? Quel avantage voyez-vous au Québec, alors qu'on a
tellement d'investissements encore à réaliser dans le domaine
hydroélectrique, à accélérer ce processus, à
moins qu'on ne nous prouve que ce n'est absolument pas dangereux? Ce qu'on nous
a dit était tellement frappant et tellement épeurant que je dois
vous dire que vous avez une bonne côte à remonter pour me
convaincre. S'il y a une chance comme on nous disait l'autre fois
sur, je ne sais pas, 100 000 et que les conséquences de cette chance
sont tellement énormes, est-ce qu'on a le droit de la prendre? C'est un
peu comme cela que je vois le problème et je dis: S'il est pour y avoir
dans le domaine de la fusion dont vous parlez, des possibilités assez
grandes d'une application du principe dans les années quatre-vingt et
d'une application commerciale quinze ans après cela nous
mène en 1995, l'an 2000 est-ce qu'il n'y aurait pas avantage,
pour le Québec, dans ces conditions, à poursuivre la recherche
avec tous les établissements internationaux qui la font?
Ne pourrait-on mettre l'accent, nous, d'abord, sur le
développement de nos ressources hydroélectriques et ne plus faire
de ces centrales pour être capable de se préparer à ce qui
va prendre le relais des centrales thermonucléaires qu'on connaît
présentement, dans 15 ans ou dans 20 ans, ce qui arriverait un peu
à la jonction de la fin de notre exploitation hydroélectrique,
et, entretemps, essayer de trouver des méthodes de combler les
périodes de pointe, de telle sorte que notre charge de base, dans la
période de pointe, puisse devenir un moyen terme entre la période
d'été et la période d'hiver, et trouver des voies
alternatives en attendant, suivant des processus qui, même s'ils sont
coûteux, sont plus conformes avec des normes de sécurité
qui seraient acceptées par tout le monde. Je ne vois pas de
mérite, en soi, à se lancer, à dire: Développons le
nucléaire parce qu'on a besoin de technologie et de spécialistes.
Je ne suis pas prêt, personnellement, à accepter qu'on
développe des spécialistes dans ce domaine si, dans dix ans, on
va tuer la moitié du Québec avec cela.
M. Boyd: Je suis bien d'accord avec vous.
M. Garneau: J'exagère un peu, mais, quand même,
l'autre jour, ils nous ont fouté une trouille terrible en tout
cas, à moi cela n'avait pas de bon sens, ce qu'ils nous disaient,
en termes de danger. Tout à l'heure, j'ai écouté
l'exposé de monsieur sur ces dangers. Il nous a parlé assez
longuement des rejets thermiques, mais il nous a parlé seulement environ
deux minutes des rejets qui sont radioactifs et c'est cela qui nous
inquiète le plus. En tout cas, je reviens sur le mérite...
M. Boyd: Evidemment, vous avez plusieurs questions...
M. Garneau: II y en a deux, essentiellement. Une sur le
mérite, dans les conditions actuelles, compte tenu des capitaux dont on
a besoin, de vouloir, mordicus, développer une technologie dangereuse,
le moins qu'on puisse dire, à moins que vous nous disiez qu'elle ne
l'est pas du tout.
M. Boyd: M. le Président, ce n'est certainement pas pour
"développer" des étudiants ou des ingénieurs qu'on veut
faire des centrales nucléaires. Ce serait mettre la poule avant l'oeuf,
je ne sais pas trop, mais c'est simplement que, si on utilise tout ce qui est
hydraulique au Québec, tout ce qui est rentable, et que le gouvernement
nous permettrait d'exploiter quand on lui montrerait les chiffres, en 1993, il
n'y en aura plus. 1993, ce n'est pas loin! Cela prend au moins dix ans, douze
ans, entre le jour où l'on décide qu'on équipe telle
rivière et le jour où elle est en exploitation. En 1993, douze
ans, cela fait 1981. En 1981, on aura décidé de la
dernière rivière au Québec. Après, on n'a plus
rien. Les autres formes d'énergie dont vous parlez ne seront pas
prêtes en 1993. La thermofusion... J'ai eu le plaisir de faire un certain
nombre de voyages avec M. Boulet, quand on préparait le laboratoire de
l'Institut de recherche. Je suis allé avec lui à Livermore qui
fait partie maintenant de l'Université de Californie. C'était un
des grands centres de recherche militaire sur la bombe atomique, dans le temps.
Au moment où on y est allé, c'était terminé. Ces
gens faisaient une expérience
en thermofusion qui est la chose qui, on l'espère, va avoir un
débouché en 1981. Peut-être, le premier prototype en l'an
2000 et, peut-être, le premier appareil expérimental en l'an 2025.
Le peu que j'ai vu là, n'étant pas un spécialiste, je vous
dis que j'aurais plus peur de cela que de la centrale Gentilly 2!
C'est ce qui nous attend dans l'avenir. Les gens qui seront là
à ce moment-là seront probablement bien plus
préparés qu'on ne l'est dans le moment à toutes ces choses
et je le leur souhaite. Mais c'est notre rôle de vous dire qu'en 1993, si
on utilise tout l'hydraulique, il n'y en aura plus.
Les autres formes? Il faudrait se retourner et utiliser des carburants,
du pétrole. On vous dit également qu'à partir de 1990 le
pétrole, il n'y en aura pas. Le Canada sera grandement
déficitaire. Quant au gaz, il y en aura une pointe qui va arriver et qui
ne durera pas assez longtemps pour que ce soit valable de bâtir fermement
quelque chose là-dessus.
Qu'est-ce qui va nous rester? Du charbon, on n'en a pas. Les Etats-Unis
ont des problèmes; ils ont arrêté de produire de
l'énergie à partir du charbon à cause de la pollution.
Peut-être que M. Volders peut répondre.
M. Volders: Je peux parler une couple de minutes sur les rejets.
La sécurité des centrales, on va la prendre comme cela. Je vais
diviser cela en deux parties: quand ça marche bien et quand il y a un
accident. Prenons l'accident, tout de suite, c'est le pire qui puisse
arriver.
A ce niveau, il y a une certaine dose de radioactivité qui est
à l'intérieur de la centrale, dans le coeur du réacteur.
Il y a un tas de systèmes de sécurité, il y a un tas
d'enveloppes protectrices. Prenons le cas où tout cela ne marche pas, en
même temps; les barres de sécurité n'arrêtent pas le
réacteur, les cinq enveloppes protectrices successives cassent en
même temps. C'est la fameuse probabilité, qui était
d'ailleurs fausse quand on vous l'a dite, mais c'est encore pire que cela. De
toute façon, c'est tellement grand que cela ne veut quasiment rien dire.
Une fois sur un milliard, on peut penser que même le dôme de
béton qu'on voit se fissure; un certain nuage radioactif peut donc
sortir. Ce sont des gaz. Entre parenthèses, dans le processus de fusion,
vous auriez exactement ce que je décris ici: une possibilité d'un
nuage de gaz de tritium.
Que dit la commission de contrôle à ce moment-là? Je
me réfère à elle. C'est quand même elle qui est
garante actuellement de la sécurité du public. Ce fameux nuage de
gaz radioactif sort du dôme qui vient de claquer. On calcule le maximum
de radioactivité qui est dans le réacteur. On a un inventaire de
l'uranium qui est là, on a un inventaire de ce qui s'est passé;
donc, on peut calculer cela.
Admettons qu'il y a un volume de 100 particules gazeuses radioactives,
c'est le maximum du réacteur. La commission de contrôle exige un
calcul qui prend les pires conditions météorologiques,
c'est-à-dire que, justement ce jour-là, quand tout ce que j'ai
dit avant s'est passé, le vent souffle très fort dans la
direction du premier village. Dans ce village, il y a une certaine
quantité de population. La commission de contrôle exige que l'on
calcule la dilution du nuage. Si les premières maisons sont, disons,
à deux ou trois milles de là, il faut que la dilution soit
suffisante pour que ce qui tombe sur la tête des gens et chacun va
en recevoir une petite dose soit de 5 rems par personne et par an.
Ce chiffre est une unité de mesure radioactive, mais je vais
juste vous le situer par d'autres exemples. La commission de contrôle
dit: Si cela se passe et même le chiffre peut être
vérifié, je vous donne juste la philosophie de l'histoire
qu'est-ce que cela donne? Ce qu'on dit, c'est que cette dose est
médicalement acceptable. On vous a déjà dit à cette
même table que ces normes étaient faites en dépit du bon
sens. Je n'entre pas dans le débat, je ne suis pas médecin. Je
vais juste vous donner des comparaisons.
Si vous vivez toute l'année assis sur la clôture de la
centrale nucléaire vous êtes donc proche de la radiation;
il y en a un peu qui sort vous allez prendre, toujours en unités
dont j'ai parlé, une dose, 5 millirems, on retient ce chiffre.
Si vous buvez toute l'année l'eau qui sort de la centrale
elle est un peu radioactive vous allez prendre une dose qui est à
peu près équivalente à un verre de whisky chaque semaine,
parce que, dans le whisky, comme dans tout, il y a de la radioactivité.
La dose de 5, si je la compare avec un voyage à haute altitude,
Montréal-Vancouver, vous avez pris la même chose. Si vous allez
vous faire faire une radiographie dentaire, vous prenez une dose 50,
comparée à 5. Si vous regardez un programme de
télévision, pendant cinq minutes tous les jours, vous prenez une
autre dose 50. Vous prenez une radiographie aux rayons X... d'ailleurs vous
savez que les dames qui attendent des bébés ne le font pas.
Pourquoi? Parce qu'elles prennent un rayonnement. Elles en prennent 200. Je
pourrais vous donner des exemples comme cela! Cela veut dire que,
continuellement, nous sommes soumis à une atmosphère où il
y a de la radiation. Il y a le fameux rayonnement cosmique qui nous tombe sur
la tête. Il donne, lui aussi, une contribution, c'est ce qu'on appelle le
rayonnement naturel.
L'homme a vécu avec cela. C'est d'ailleurs, en partie, une cause
des mutations qui arrivent, parce qu'on n'est plus les mêmes qu'il y a un
certain temps. Je vous donne les comparaisons. Les normes exigées par la
Commission de contrôle, comme doses maximales, dans le pire cas d'un
accident, avec toutes les hypothèses défavorables que vous
voulez, sont des doses acceptables médicalement. J'affirme aussi que ce
qui vous a été déclaré au niveau effets somatiques
etc., c'étaient des vérités qui étaient dites, sauf
qu'elles sont extrapolées dans le cas de doses qui n'existent pas, parce
que vous ne ramasserez jamais cela sur la tête, même si votre
réacteur craque. Sûrement, s'il y a des réacteurs aux
Etats-Unis, vous n'aurez pas sur la tête les radiations qui viennent de
là. Tout ce que je vous dis là, on peut le vérifier.
C'est seulement pour vous donner un ordre de
grandeur. On prend sur ia tête, par an, quelque chose comme 200
millirems et vous prenez dans une centrale, au pire, 5 millirems. S'il y a
accident, on tolère 500.
C'est donc un peu plus, mais si vous allez faire un séjour de ski
en montagne, pendant quinze jours, vous allez aussi les avoir, à peu
près, les 500.
On est dans un ordre de grandeur de phénomènes acceptables
pour le public. J'ai bien fait la distinction encore. Les normes sont plus
sévères pour les travailleurs de l'énergie
nucléaire, à l'intérieur. C'est un autre risque, c'est le
risque du travailleur de l'industrie nucléaire. Toute l'argumentation
qui vous est faite, c'est sur ce fameux risque du nuage qui sort. Je peux
continuer, mais...
M. Garneau: Sur l'autre aspect des rejets radioactifs...
M. Volders: Ce sont des rejets radioactifs, mon nuage.
M. Garneau: Non, mais dans l'opération normale, on nous
parlait du plutonium, ou je ne sais pas trop quoi, c'est une méchante
bibite.
M. Volders: Ah! oui, d'accord. Là-dessus, on a eu l'air de
dire, si je ne prends pas trop de temps, M. le Président, que l'uranium
se promenait un peu partout dans la centrale. Vous pouvez aller visiter
Gentilly, je suppose qu'il n'y aurait pas d'objection si vous en trouvez, vous
pouvez le garder en souvenir. De façon très stricte, la
Commission de contrôle impose des règles, à savoir comment
véhiculer tous ces produits. Il y a toute une réglementation qui,
à ce niveau, je dis, est sécuritaire.
Je peux vous dire un mot du fameux plutonium, on en parle, on pourrait
voler du plutonium pour faire du chantage. Si vous voulez démolir la
ville de New York, prenez de l'arsenic, cela ira plus vite. D'autre part, on a
des livres qui circulent. Vous pouvez fabriquer votre petite bombe, oui, si
vous disposez d'un laboratoire chimique très évolué pour
aller extraire le plutonium de son déchet radioactif. Si vous y parvenez
et si vous êtes encore vivant.
Enfin, là, je prends un peu un biais qui fait peut-être
moins sérieux, mais je veux seulement dire que la façon dont est
présenté cela continuellement, c'est une façon qui n'est
pas scientifiquement valable. En termes de crédibilité, on a fait
référence au Club de Rome, j'en fais partie. Donc, je n'ai pas
à vendre le nucléaire. Je pense qu'il y a une réflexion
des besoins. Quels sont nos besoins? Comme on vous l'a déjà dit,
on ne propose pas un programme nucléaire pour le plaisir d'en faire. On
n'a aucun intérêt là-dedans, mais on accepte cette
alternative.
M. Garneau: J'avais des questions à poser sur un tout
autre sujet, je ne sais s'il y a d'autres membres de la commission qui veulent
vider la question du nucléaire avant qu'on passe à une autre
question. Je voudrais revenir sur les périodes de pointe dont vous avez
dit quelques mots. Je ne sais pas s'il y en a d'autres... On est
peut-être aussi bien de vider cela et puis...
M. Joron: J'aurais une autre question sur le
nucléaire.
Le Président (M. Laplante): J'aurais encore cinq
intervenants. Il est 3 h 40.
M. Joron: Sur le nucléaire?
Le Président (M. Laplante): Sur le nucléaire, je ne
sais pas s'il y en a d'autres.
M. Garneau: J'aurais d'autres sujets à
compléter.
Une Voix: Sur le nucléaire, une petite question.
Le Président (M. Laplante): Une petite question,
allez-y.
Une Voix: On reviendra à vous.
M. Ciaccia: M. le Président, merci. Les remarques que j'ai
faites sur le nucléaire, c'était une réaction humaine sur
le mémoire qui nous a été présenté. Vous
semblez apporter un autre aspect. Naturellement, nous avons la
responsabilité d'examiner, de vraiment poser ces questions, mais,
à ce que vous dites, d'après les données que vous nous
apportez, que vous avez citées, que penser des faits qui ont
été apportés dans le mémoire, par exemple, du
Comité de la protection de l'environnement de Lotbinière? On y
donne l'exemple d'un accident où des techniciens ont été
tués, les corps ne pouvant, à cause des radiations, être
préparés pour l'enterrement qu'après une attente de vingt
jours, et devant être placés dans des cercueils de plomb afin de
protéger les survivants, etc. Dans les autres exemples d'accidents,
est-ce que vous êtes en mesure de nous dire que vous pouvez contredire
les faits qui nous sont apportés dans ce mémoire et que vous
pouvez nous prouver scientifiquement qu'on n'a rien à craindre? Si c'est
un fait, si vous pouvez prouver scientifiquement qu'on n'a rien à
craindre, je crois bien que l'attitude du gouvernement devrait être
différente. Si c'était une autre opinion, ceci peut donner lieu
à une interpellation; mais peut-être que si vous donnez une autre
opinion, vous minimisez les effets. Est-ce que vous pouvez clairement
contredire ce qui a été présenté et nous dire que
nous n'avons rien à craindre?
M. Volders: Je ne vais pas passer le mémoire page par
page, évidemment, mais, oui, je pourrais contredire à peu
près tous les chapitres qui ont été cités. Ce que
je propose, c'est qu'on le fasse par écrit. L'Hydro-Québec est
capable de répondre à certaines questions. La commission de
contrôle est capable de répondre à certaines questions.
L'industrie nucléaire est capable de répondre à certaines
questions. Je pense qu'il y a des groupes de scientifiques qui sont mis dans
une position
neutre, que ce soient les services de la protection de l'environnement,
etc., qui pourront juger et donner un avis autre. Je dis oui, je peux
répondre à ces craintes.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. O'Gallagher: On vide le nucléaire avant?
Le Président (M. Laplante): On vide le nucléaire,
d'accord.
M. O'Gallagher: C'est encore une question sur les déchets
nucléaires. Dans le moment, à Gentilly, où vont les
déchets, les radioactifs? Pourriez-vous élaborer votre
pensée là-dessus? Vous avez dit dans une matrice, je ne sais pas
trop... sont enterrés dans des fosses géologiques stables.
Voulez-vous expliciter cela, s'il vous plaît?
M. Volders: Oui, pas expliciter trop, parce que je fais de la
planification. Je n'exploite pas la centrale de Gentilly. Je peux vous dire que
les déchets, actuellement, sont mis dans une piscine. C'est une piscine
réelle, qui est à l'intérieur du fameux dôme en
béton, donc, à l'abri de l'extérieur. On y entrepose les
déchets de l'opération régulière du
réacteur. La capacité de cette piscine est prévue pour
tenir 20 ans, quasiment la durée de vie du réacteur ou
approximativement. Pour le moment, à Gentilly II, qui est un
réacteur expérimental, donc qui ne fonctionne pas
continuellement, je pense... Là, je m'avance peut-être, mais, en
tout cas, la quantité de déchets qui en est sortie depuis les
années soixante, soixante-deux, c'est peut-être en pieds cubes,
gros comme la table. Donc, c'est au fond de la piscine, et il n'y a aucun
problème à ce niveau-là actuellement. Ce que j'ai dit,
c'est qu'on ne les enterre pas tout de suite par un procédé
définitif, simplement parce qu'il est possible que, dans quelques
années, la filière CANDU ayant évolué, on puisse
les reprendre, les retraiter et les rentrer encore une fois dans le
réacteur, si ça devient économique. Donc, à
Gentilly, pour le moment, pour vous répondre, les déchets restent
à l'intérieur du réacteur et ne se promènent pas
ailleurs.
Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions
sur le nucléaire? Toujours là-dessus? Le député
d'Anjou.
M. Johnson: J'ai deux questions. La première touche
l'approvisionnement en matières premières dans le cadre d'un
programme nucléaire. Est-ce que, dans l'hypothèse où le
Québec se lance dans un vaste programme nucléaire, il ne serait
pas menacé éventuellement, également, de faire face
à une pénurie du matériel premier? Quelles sont les
projections à ce niveau-là?
M. Boyd: Vous savez que, surtout l'Hydro-Québec, avec
SOQUEM et la Société de développement de la baie James,
avec plusieurs groupes, nous faisons actuellement de la prospection pour de
l'uranium au Québec, et on nous dit qu'il y a de bons indices. C'est
tout ce que je sais dans le moment. Mais la possibilité d'obtenir de
l'uranium au Canada même ou à l'étranger est assez grande.
On espère fortement qu'il y en aura au Québec, parce qu'il semble
que, tout à côté, au Labrador, on en a.
M. Johnson: Une seconde question dans cette perspective. Est-ce
que vous croyez, compte tenu de l'avance considérable de l'Ontario dans
le secteur nucléaire, que si le Québec se lançait dans le
développement du nucléaire vous avez évoqué
tout à l'heure, en parlant des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe, de
budgets qui étaient de l'ordre de 10 et 20 fois plus grands dans le
secteur de la recherche dans le secteur du développement
économique, un programme nucléaire au Québec est viable,
compte tenu de l'avance qui existe en termes de génération d'une
industrie nucléaire, compte tenu de l'avance du reste du Canada, ou
enfin, du continent en gros?
M. Boyd: Si c'était décidé qu'on fait du
nucléaire, beaucoup des appareils qui sont achetés ailleurs
pourraient être faits ici. Les chiffres dont parlait M. Boulet tout
à l'heure, c'étaient des sommes utilisées à des
recherches, la plupart du temps, dans d'autres domaines. Je pense qu'il y
aurait une possibilité d'augmenter le contenu québécois
dans le nucléaire, si on y allait d'une façon assez importante au
point de vue manufacturier.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Joron: Oui, je veux souligner que, jusqu'à maintenant,
les gens qui nous ont proposé le nucléaire ne l'ont pas fait
à cause des mérites en soi du nucléaire. Personne ne nous
a dit que c'était souhaitable, que c'était meilleur
marché, que c'était plus propre, ou quoi que ce soit. Votre
raisonnement est assis sur la prémisse suivante: Non pas parce que c'est
souhaitable, mais parce que c'est inévitable. Vous avez dit: En 93, on
va avoir épuisé l'hydraulique. Vous avez dit: Mon rôle, ou
le rôle de l'Hydro-Québec, c'est de satisfaire à la demande
en telle année, et je sais qu'en 93, telle chose va arriver. C'est vrai
que ça s'est passé comme ça dans le passé. Il n'y a
jamais eu de préoccupation énergétique au niveau du
gouvernement comme tel, et l'Hydro disait: Bon! En projetant la demande
historique, ou la façon dont les choses se sont déroulées
dans le passé, j'arrive à prévoir qu'en telle
année, il me faut tant de mégawatts, et ainsi de suite.
C'est là-dessus que vous assoyez votre raisonnement. Mais je vais
vous poser la question dans un autre contexte complètement
différent qui est celui du contexte actuel et qui est la raison
d'être de cette commission-ci qui est l'amorce d'une politique globale,
d'un livre blanc sur l'énergie qui, pour la première fois, va
dire: Nous, le gouvernement, notre rôle est de choisir combien
d'énergie on a besoin en telle année, combien de mégawatts
dans le cas de l'électricité, parce que j'ai choisi de donner
telle part à l'électricité dans le bilan, parce que j'ai
choisi tel type de
rationalisation aussi de l'utilisation de l'énergie, les mesures
de conservation, etc, et surtout et c'est là l'importance
capitale de la démarche qu'on fait ici, même si cela n'a pas
toujours été apparent et surtout parce que j'ai choisi tel
type de développement économique qui implique un
aménagement du territoire différent de ce qu'on a fait dans le
passé, de nouvelles façons d'imaginer ou de voir le
développement économique du Québec.
C'est le vrai débat dans le fond. C'est curieux parce qu'il n'est
pas vraiment amorcé depuis que la commission siège parce que la
plupart des intervenants nous déposent leurs prévisions de
l'avenir en fonction du passé.
Je comprends que ce n'est pas leur rôle de trancher pour le
gouvernement, mais dans un sens, j'aurais souhaité que plus de gens nous
invitent à réfléchir sur cela. On ne détermine pas
seulement pour "le fun" combien d'énergie on veut en telle année.
On le détermine parce qu'on dit: II faut répondre à tel
besoin. Alors, ce sont des besoins dont il faut parler; c'est du type de
développement économique. C'est tout cela.
Si je vous disais: En l'an 2000, M. Boyd, j'en ai assez de 40 000
mégawatts, me feriez-vous du nucléaire, si je vous disais
cela?
M. Boyd: 40 000 mégawatts?
M. Joron: Oui. Attendriez-vous la fusion à ce moment?
M. Boyd: Si vous me disiez cela, je vous dirais que vous seriez
très chanceux de l'obtenir, mais je ne crois pas que vous
l'obtiendriez.
M. Joron: Comme je vous le dis, cela peut répondre de
toute notre politique de développement économique, de notre
aménagement du territoire, à quel point on est sérieux
quand on parle de rationaliser la consommation actuelle d'énergie, tout
cela. Il y a une marge de manoeuvre très large.
M. Boyd: Je comprends, mais 40 000 mégawatts, cela veut
dire combien d'augmentation par année?
M. Joron: Cela veut dire à peu près... M. Boyd:
En 1985, on va être à 30 000.
M. Joron: Oui. La part de l'électricité dans le
bilan aura augmenté considérablement à ce moment.
M. Boyd: Oui, la part de l'électricité, et vous me
dites: La part de l'électricité augmenterait à 40 000.
C'est ce que vous me dites?
M. Joron: A 40 000 mégawatts, quelle que soit la part que
cela représente à ce moment. En d'autres mots, si je vous disais:
Le rôle du gouvernement est de dire à l'Hydro-Québec:
Combien? Cela ne s'est pas fait dans le passé, mais c'est ce qui va se
faire à l'avenir. On va dire: On veut tant de mé- gawatts en
telle année. C'est cela une politique d'énergie. Si je vous
disais cela, à l'intérieur des 15 000 mégawatts
aménageables économiquement dont on a parlé tout à
l'heure, insisteriez-vous quand même pour que le programme de
développement soit un mélange d'hydraulique et de
nucléaire?
M. Boyd: Evidemment, vous me posez une question
hypothétique à laquelle j'ai beaucoup de difficultés
à répondre parce que je ne crois pas que c'est possible qu'on
atteigne 40 000 en l'an 2000. Mais si c'était la décision et la
chose à faire, vous n'en auriez pas besoin. En l'an 2010, par exemple,
ceux qui seraient là à notre place parce que j'imagine
qu'il n'y a personne de nous qui serait encore là pour décider
auraient un joli problème parce qu'il n'y aurait personne de
prêt pour faire du nucléaire. Il faudrait faire venir, je ne sais
pas, des Japonais ou je ne sais qui, ou il faudrait avoir présumé
que la thermofusion est possible et qu'elle sera un produit commercial. On a vu
que l'énergie solaire va nous donner presque rien.
M. Joron: Je reviens à la question que posait le
député d'Anjou. Pour répondre à cette argumentation
qui veut qu'il faut entraîner notre personnel et qu'il faut avoir un
minimum de "know how", etc. et aussi rattaché aux retombées
économiques que cela peut avoir au Québec, mais si on en fait
seulement un peu, de toute façon, jusqu'en l'an 2000, va-t-on le garder,
ce "know how", ou va-t-on avoir les retombées économiques?
Combien de centrales cela prend-il pour avoir le "know how" et les
retombées économiques?
M. Boyd: Je pense qu'avec le programme minimum qu'on propose on
peut l'obtenir; on ne veut pas aller plus vite, mais on veut qu'il y ait une
continuité. On veut que les gens qui s'engagent là-dedans
veuillent y voir un avenir. S'il n'y a pas de continuité, s'il
était décidé par le gouvernement qu'il n'y en a plus
après Gentilly 2, c'est une discontinuité et tout le monde
abandonne cette histoire. Nous ne serons pas malheureux plus que cela. Parce
que pour nous c'est difficile aussi quand cela fait 40 ans et plus qu'on fait
de l'hydraulique, ce n'est pas facile de dire: On va abandonner l'hydraulique
et on vous suggère du nucléaire. Il y a des tas de gens qui vous
content des bêtises et d'autres gens qui vous disent des
vérités et il y a des savants entre cela qui se contredisent.
Nous venons vous dire: L'hydraulique, on a toujours eu cela près
de notre coeur à l'Hydro-Québec et on est les meilleurs au monde
et on vous conte des tas d'histoires. En même temps, on vous dit: En
1993, messieurs, il n'y en aura plus. On est obligé de vous dire celai
C'est ce que l'on sait, c'est ce que nos recherches nous donnent. On dit:
Après cela, messieurs du gouvernement, qu'est-ce que vous
suggérez? Vous nous dites: On ne pose pas les questions. Je pense qu'on
a posé un tas de questions. On a donné quelques réponses,
mais je pense qu'on a posé plus de questions qu'on a donné de
réponses.
M. Joron: Je ne vous reproche pas de ne pas y
répondre.
M. Boyd: Je pense que c'était le but et ce n'est pas en
deux heures, cet après-midi, qu'on va réussir à vous
donner des réponses qu'on n'a pas nous-mêmes ou qu'ensemble on va
trouver toutes les réponses. Mais nous vous disons qu'en 1993 il n'y
aura plus d'hydraulique. Les autres patentes qui pourraient nous donner de
l'énergie, il y a toutes les choses nouvelles et il y a la thermofusion.
Ce qu'on n'a pas: on n'a pas de gaz et on n'a pas de pétrole, et le
Canada va en manquer dans ces années-là, dans les mêmes
années. Il va peut-être arriver du gaz des régions
frontalières à des prix fantastiques qui va s'épuiser
très rapidement. Je n'ai pas de boule de cristal, mais entre 1993 et
2000, il y a un problème. Il n'y aura plus d'hydraulique et même
si nos maisons sont isolées, avec de la laine comme cela à la
grandeur et qu'il n'y a pas de fenêtre, tout est bouché, qu'on a
tous des petites autos, il va quand même y avoir plus de maisons.
Même si les gens n'ont qu'un poêle, la consommation
d'énergie va avoir augmenté et on ne pourra pas fournir avec les
rivières qu'on possède. C'est notre devoir de vous dire cela! On
a l'air de dire: Malheureusement on n'a pas autre chose à vous offrir
que du nucléaire.
C'est ce qu'on a l'air de dire et c'est vrai que c'est cela qu'on vous
dit. On est des hydrauliciens, mais on pense que le Québec et les
Québécois devraient devenir aussi des gens nucléaires.
M. Joron: Je ne vous reproche pas de nous dire cela. Je
soulignais que cela va être le rôle du gouvernement de dire aux
gens aussi: Peut-être qu'on peut s'en passer si on choisit de consommer
moins d'énergie pour des fins différentes de ce qu'on fait
aujourd'hui, ce qui implique, finalement, de dire: C'est un modèle de
société nouvelle. Ce n'est pas à vous que j'adressais le
reproche, mais je déplorais tout simplement qu'on n'en ait
peut-être pas assez parlé dans cette commission-ci, parce que
c'est cela qui sous-tend toute la politique de l'énergie.
M. Boyd: Je suis bien d'accord avec vous, M. le ministre. Je vous
ai dit qu'on allait sortir, dans quelques semaines, notre rapport sur la
conservation de l'énergie. En fait, on.va changer le mot, on va appeler
cela l'économie de l'énergie, parce que...
M. Joron: Selon les bons usages de la langue française on
devrait parler d'économie.
M. Boyd: ...conservation n'est pas le bon mot. Là, on va
recommander des méthodes auxquelles nous pensons. On va vous fournir ce
qu'on pense comme méthodes pour économiser l'énergie.
Mais, même à cela, il va y avoir une augmentation
inévitable. La croissance zéro de l'énergie, je n'y crois
pas.
Je crois que c'est vous-même qui nous avez parlé de la
Suède. Comment font-ils en Suède pour vivre avec des croissances
inférieures aux nôtres? Le contexte est différent.
M. Joron: Une consommation, per capita, d'énergie beaucoup
moindre et pourtant un niveau de vie supérieur au nôtre.
M. Boyd: Ils paient beaucoup de taxes en tout cas, plus qu'au
Québec. Premièrement, ils sont plus près du Gulf Stream.
Il y a une partie du Québec et une partie de la Suède qui n'ont
pas besoin de toute la chaleur dont on a besoin ici, de la chaleur
artificielle. C'est un pays qui, en bonne partie, est plus chaud que le
nôtre. Deuxièmement, le pays est beaucoup plus petit, les autos
sont plus petites; les transports sont moins longs et ils font de plus petites
voitures. A part cela, ce sont des gens plus disciplinés qu'on ne l'est.
Troisièmement, chez nous, c'est l'industrie primaire qui utilise
beaucoup d'énergie comme on en a parlé au début. Je vous
ai dit que j'étais contre cela. En passant, je peux vous dire que
l'uranium enrichi, on n'en a pas parlé non plus mais peut-être
qu'on pourra en parler. Si c'est fait pour être exporté, je suis
contre cela aussi. Si c'est fait parce qu'on en utilisera, je serai pour cela.
Le fait, c'est que c'est un pays qui est différent du nôtre et je
vous donne trois des raisons pour lesquelles il emploie moins d'énergie
que nous.
M. Joron: Ce n'est pas chaud, au mois de janvier, à
Stockholm.
M. Boyd: Les petites routes, peut-être qu'on peut
rapprocher nos villes, je ne sais pas. On peut diminuer les autos et on peut
mieux isoler nos maisons.
M. Joron: Remarquez là-dessus qu'on se conte bien des
peurs sur la grandeur de notre territoire, parce qu'il ne faut pas oublier que
85% de la population du Québec vit dans un territoire qui n'est à
peu près pas plus grand que la Belgique. C'est encore bien plus petit
que la Suède. On vit bien plus concentré qu'on le pense.
M. Boyd: Malheureusement, M. le ministre, les 15 000
mégawatts qui nous restent...
M. Joron: C'est pour chauffer les autres, cela.
M. Boyd: ... après les 10 000 de la baie James, il y en a
15 000 autres qui sont presque tous dans ce coin-là et plus loin encore.
Il faut aller les chercher.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je pense que les choix
qui devront être faits d'ici quelques années ne sont pas faciles.
Le mémoire qui nous est présenté aujourd'hui
démontre bien la difficulté de l'option que devra prendre le
Québec.
Comme je le mentionnais aussi, au début de la
commission, je pense que les problèmes sont peut-être un
petit plus gros que les solutions qu'on peut y apporter, parce qu'il y a quand
même des voies sans issue là-dedans et des échéances
bien précises sur lesquelles il va falloir prendre des
décisions.
J'aurais une couple de brèves questions, M. le Président,
mais j'aimerais peut-être les faire précéder d'une petite
remarque. C'est que le M. Untel, tout à l'heure, a mentionné
qu'il serait peut-être préférable, en matière
nucléaire, de laisser la décision aux scientifiques. Disons que
je relève un peu ce propos, parce que je pense que la décision
est quand même d'abord politique et pour des raisons bien précises
aussi. M. Untel disait qu'on aurait comme garantie la responsabilité
scientifique, c'est-à-dire les hommes de sciences en la matière,
mais on a eu aussi, à cette même commission, des gens qui sont
venus, qui sont aussi des scientifiques et qui nous ont démontré
qu'il y avait quand même différentes lignes de pensée en
matière de responsabilité scientifique. Devant cela, je pense que
doit s'allumer un petit peu le signal de prudence en ce qui concerne ces
considérations. Je pense que c'est un scientifique ou que ce sont des
scientifiques qui ont inventé, qui ont créé la bombe
atomique et, à ce que je sache, je ne pense pas que ce soit du
matériel pour les arts plastiques des maternelles. Je pense que c'est
quand même une réalité qu'on doit considérer pour
réévaluer peut-être cette notion de responsabilité
scientifique. Il faut bien se placer dans l'optique... Disons qu'il y a des
hommes de science qui vont peut-être conscientiser davantage les
conséquences possibles à moyen et à long terme de
certaines décisions en matière d'énergie et en ce qui
concerne le nucléaire ou le laser ou d'autres sources d'énergie
possible alors que d'autres seront peut-être plus pratico-pratiques
immédiatement, dans le sens qu'on va chercher une rentabilité
immédiate. J'en viens à une question. On dirait qu'à ce
sujet aussi, M. Boyd, vous donnez non seulement l'impression, vous le dites
directement, que la seule alternative possible devient le nucléaire
comme un moindre mal jusqu'à un certain point, c'est-à-dire que
la seule solution viable, à court terme, qui peut nous donner les
sources d'énergie dont on a besoin, serait le nucléaire. Est-ce
que vous admettez aussi, en même temps, que votre responsabilité
comme telle, en tant qu'Hydro-Québec, c'est justement de trouver les
options d'énergie, mais peut-être pas d'avoir cette
première préoccupation de surveiller les autres effets
secondaires qu'il pourrait y avoir aussi, en matière d'initiation
nucléaire. C'est-à-dire que votre première
préoccupation n'est pas de regarder les conséquences
négatives qu'il pourrait y avoir, mais de chercher des solutions
à court terme.
M. Boyd: Je vais répondre à vos deux questions.
Notre responsabilité est de trouver l'énergie qu'il faut pour
répondre à la demande, mais on ne doit pas considérer
seulement le côté négatif, je pense qu'on doit
considérer les deux aspects, le positif et le négatif.
Si on recommande le nucléaire et si on a l'air de le faire un peu
à regret, c'est qu'on aimerait bien mieux pouvoir vous dire: On a du gaz
quelque part ou on a de l'huile ailleurs. Malheureusement, ce n'est pas
possible.
Alors, on dit: l'hydraulique, il n'y en aura plus! Cela fait douze ans
qu'on fait des recherches à l'Institut de recherche et qu'on
dépense des millions pour le faire. J'ai ici un rapport
préparé par un spécialiste du General Electricity Board,
United Kingdom, qui résume tout ce qui se fait dans le monde, en ce qui
a trait aux choses nouvelles. On se tient au courant, on essaie de trouver ce
qui pourrait être mieux.
Celui-ci dit la même chose, ce sont les "fossil fuels" ou bien le
nucléaire. En Angleterre, ces gens sont chanceux, ils viennent d'en
trouver. Ils vont peut-être sortir du pétrin avec cela. Nous, on
n'en a pas.
Les conséquences négatives du nucléaire, on les
considère et on les traite très sérieusement. Il y a
quatre protections, l'une par-dessus l'autre, qui sont prises à Gentilly
1. S'il y en a une qui fait défaut, il y en a une deuxième, une
troisième et une quatrième. Il n'y a presque pas moyen que cela
fasse défaut.
On n'a pas fini de chercher. On ne vous dit pas: Précipitez-vous
dans le nucléaire ou permettez-nous de nous précipiter dans le
nucléaire. Si vous lisez les débats de l'assemblée
précédente de la commission parlementaire des richesses
naturelles, j'ai été un de ceux qui vous ont le plus
recommandé d'aller à l'hydraulique, de continuer avec la baie
James. Je ne veux pas rouvrir ce sujet. On a fait le tour du jardin et du
territoire québécois et l'hydraulique, c'est numéro un. Si
on avait autre chose, on vous le proposerait. Après toutes nos
recherches, c'est le nucléaire.
Quant à la question de savoir si ce sont les savants qui doivent
décider, je pense bien que ce n'est pas cela que M. Volders voulait
dire. Du moins, moi, ce n'est pas comme cela que je l'entends. Je pense que M.
le ministre a parlé d'un référendum à une
séance précédente. Je ne crains pas un
référendum. Il y en a eu ailleurs sur cette question, il y en a
eu au mois de novembre pendant les élections présidentielles aux
Etats-Unis. Dans quatre Etats, on a tenu un référendum sur le
sujet, en même temps qu'on faisait les élections
présidentielles aux Etats-Unis. Dans les quatre Etats où il y a
eu référendum, ceux-ci ont voté en faveur des centrales
nucléaires aux Etats-Unis.
C'est comme cela que cela s'est fait. Cela s'est fait après que
les gens ont été bien renseignés. C'est cela
peut-être qu'il voulait expliquer. Je recommanderais, avant qu'on passe
à la phase d'un référendum, que le problème soit
étudié à fond et sérieusement, qu'on fasse venir
tous les experts qu'on voudra, qu'ils soient pour ou contre, que ces
gens-là étudient et qu'ensuite, on informe. Nous avons
essayé d'informer, à un moment donné, et on a fait peur.
On a fait une erreur. On les a avertis...
M. Brochu: Je vous remercie de l'explication
dans ce domaine-là. J'aurais une deuxième question, si
vous le permettez. Vous avez parié de Gentilly également. Je
pense qu'on n'est pas les seuls à se pencher sur le problème, les
Etats-Unis et d'autres pays dans le monde ont un peu la même
préoccupation actuellement, dans le sens du
référendum.
Je sais qu'aux Etats-Unis, en ce qui concerne les centrales
nucléaires, les gens ont, de par la loi américaine, l'obligation
d'établir des plans d'évacuation en cas de difficultés qui
peuvent survenir à ce chapitre. En ce qui concerne Gentilly, au
Québec, est-ce qu'il existe un plan d'évacuation en cas de
catastrophe ou de problème majeur qui pourrait se produire? Est-ce que
l'Hydro-Québec possède ces plans d'évacuation? Est-ce que
cela a été mis au point?
M. Volders: Je vous répondrai que toute industrie
pétrochimique ou autre et nucléaire, à Gentilly, doit
soumettre un plan d'évacuation. C'est toujours le cas, c'est une
sécurité essentielle. Je suppose que cela répond à
votre question.
M. Brochu: A présent, est-ce que l'Hydro-Québec a
déjà rendu publics ces plans d'évacuation, de sorte que la
population des environs on donne un certain secteur, à un moment
donné, d'évacuation puisse y avoir accès, en cas de
problèmes?
M. Volders: Je dois vérifier, mais je pense que,
légalement, les plans sont déposés à la
municipalité, ce qui me paraît évident. A ce moment, la
décision se fait comme cela.
La collaboration avec la population de Gentilly peut être prise en
exemple. Ce serait intéressant de la visiter, quand vous le
désirerez, pour voir la façon dont les rapports se sont
établis, depuis des années, entre l'Hydro-Québec et les
agriculteurs, etc.
M. Brochu: Je soulève la question parce qu'il semblerait
que, justement, ce plan d'évacuation ne soit pas connu dans la
région. A ce moment, je me posais la question suivante: Pourquoi un plan
d'évacuation, si la population concernée, dans les environs de
Gentilly, n'est pas au courant, y compris la population de
Trois-Rivières?
M. Boyd: Cela devrait faire partie de l'information qu'on doit
donner, si on ne l'a pas donnée. On va la donner.
M. Brochu: L'Hydro-Québec pourrait-elle déposer ce
plan?
M. Boyd: Oui, c'est de l'information qu'on devrait donner et
qu'on va s'engager à donner. C'est une petite partie de l'ensemble de
l'information qu'il va falloir donner à la population par les media.
M. Brochu: Parce que, justement, cela fait partie du fond du
débat. Il y a un plan parce qu'il y a danger; s'il y a danger, on saura
de quelle nature et jusqu'où il y a danger. Cela a sûrement
été étudié, si on a préparé le plan
en conséquence. D'accord.
M. Volders: Excusez-moi, on me donne seulement une
précision. C'est que la sécurité civile et tous les corps
policiers ont ce plan à Gentilly. Il a déjà
été diffusé à ce niveau. L'application de ce plan
est coordonnée par la protection civile qui est organisée.
M. Brochu: Est-ce que c'est un plan unique ou s'il fait appel
à un autre plan d'ensemble pour la région, de sorte que ce ne
soit que certaines données du maître plan qui soient
données aux agents de protection?
M. Volders: Vous voulez dire pour la région?
Excusez-moi.
M. Brochu: Est-ce que les éléments d'information
que vous avez donnés, soit aux corps policiers ou aux différentes
agences de sécurité, sont seulement une partie du plan global
d'évacuation ou si c'est vraiment le plan d'ensemble qui a
été préparé par l'Hydro-Québec?
M. Volders: Cela doit être le plan global, mais je vous
signale seulement que c'est spécifié par la commission de
contrôle, la région qui est sous surveillance.
M. Brochu: Cela englobe, je pense, jusqu'à la ville de
Trois-Rivières.
M. Volders: Cela devrait être à peu près
quarante kilomètres, si je me souviens bien, aux alentours du site,
mais...
M. Brochu: Oui.
M. Volders: ... j'ai eu l'information; elle est donnée aux
protections civiles locales.
M. Boyd: M. le Président, si vous le permettez, on
pourrait répondre par écrit à cette question, en
l'adressant au secrétaire de la commission ou à
vous-même.
M. Brochu: J'apprécierais énormément que le
document soit présenté à la commission dans ce sens.
Merci!
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Plusieurs des questions que je vais aborder ont
déjà été touchées; c'est pourquoi je serai
plus bref. Je voudrais peut-être faire un commentaire, quoique M. Boyd
ait déjà nuancé ou interprété les propos de
spécialistes au niveau nucléaire sur le rôle que la
population pouvait jouer face à une décision concernant le
nucléaire. Pour ma part, il est évident que, si on limite le
dialogue entre les spécialistes, on voit ce que cela donne
jusqu'à maintenant. Là aussi, c'est limité. Je veux
dire: On peut rêver d'une société technocratique où
les spécialistes et les hommes de sciences décident de tout, mais
je pense que ce n'est pas le genre de société qu'on veut
bâtir à l'avenir. Si on prend l'exemple du passé, il y a eu
des spécialistes, dans un tout autre domaine qui, à un moment
donné, ont rêvé de polyvalentes. Tout le monde était
contre, à ce moment. Les professeurs étaient contre; les parents
étaient contre, les dirigeants de commissions scolaires étaient
contre; on a imposé le projet quand même. Depuis ce temps, on se
rend compte que tout le monde avait raison, sauf ceux qui pensaient avoir
raison.
C'est un projet d'un tout autre ordre, mais je ne pense pas que,
déprime abord, la population comme telle doive être laissée
pour compte dans ce débat qui implique, quand même, une certaine
conception qu'on peut se faire de la société et des risques
qu'une société peut prendre.
Le deuxième point que je voulais aborder, c'est la question du
référendum. Vous avez indiqué que l'Hydro-Québec
n'était pas contre le référendum. Je voulais vous poser la
question, parce que c'était lié à la perception, Si on
veut limiter le débat entre les spécialistes, c'est
évident qu'il n'est plus question de référendum, comme le
ministre a émis l'hypothèse qu'il y en ait un s'il fallait qu'il
y ait développement du nucléaire au Québec. Vous avez
également répondu à cette question.
Alors, je me limiterai au troisième point qui est ceci, à
la lecture de votre rapport, je me suis dit: II y a tous les arguments dans
votre rapport pour le détruire lui-même, sur son fondement
même, l'idée de la croissance. Vous dites: Nos prévisions
en besoins pour 1985 et pour 1995 sont fondées sur l'intervalle entre la
croissance moyenne et la croissance maximum. Vous dites: Nous planifions le
développement de l'Hydro-Québec à partir de cette
hypothèse. Si on prend l'autre hypothèse et qu'on planifie le
développement des besoins énergétiques,
spécialement électriques, entre la croissance faible et la
croissance moyenne, le type d'économie qu'on fait à partir de ce
plan, de cette décision, déjà, pourrait peut-être
rendre inutile l'étape de la fission nucléaire. C'est
peut-être nous faire sauver cette étape que d'autres rapports ont
jugé précaire et, disons, très brève dans
l'histoire du développement énergétique.
Egalement, si on ajoute à ceci l'hypothèse d'un changement
de types d'industrialisation du Québec ou de choix d'entreprises
industrielles du Québec, cela pourrait faire économiser pour
l'avenir d'énormes quantités d'énergie. Quand je regarde
vos chiffres, on dit: En 1990, le nucléaire pourrait compter pour 9% du
but, environ 4000 mégawatts. Alors, 4000 mégawatts de plus ou de
moins.
Si on choisit la deuxième hypothèse, combien
économise-t-on en choississant la deuxième hypothèse d'une
croissance entre lente et moyenne, plutôt que l'hypothèse de la
croissance entre moyenne et forte? Cette économie peut peut-être
nous faire économiser l'étape du nucléaire. En somme, je
pousse plus loin ou dans une perspec- tive un peu différente la question
que le ministre Joron soulevait tantôt. Si on choisit un autre type de
croissance avec un autre contenu, est-ce que vous ne pensez pas qu'on peut
économiser cette étape, quand on regarde les chiffres que
contient votre mémoire?
M. Boyd: Evidemment, selon notre rapport, si vous prenez la
croissance économique faible mais je pense qu'il n'y a personne
ici qui voudrait que le Québec ait une croissance économique
faible on pourrait reporter le problème du nucléaire
à plus tard. Je ne pense pas que personne d'entre nous, les
Québécois, veuille une croissance économique faible, du
moins c'est notre interprétation.
M. Joron: Si vous permettez, M. Boyd, je m'excuse de vous
interrompre, je pense que ce que le député de Rimouski voulait
dire, c'est qu'il pourrait aussi y avoir une croissance économique
forte, mais je requérant pas une croissance équivalente de
consommation énergétique, si on change le type de croissance
économique. C'est cela qu'est tout le noeud de la question.
M. Boyd: C'est possible, mais comme je le disais tout à
l'heure, les demandes, les besoins, c'est une question d'interprétation,
d'opinion. A notre avis, ce serait pousser le problème un peu plus loin,
c'est tout. Le problème se poserait quand même avant l'an
2000.
M. Marcoux: Bon, justement. A ce sujet, sur le temps, on raisonne
aujourd'hui comme si la recherche scientifique allait se passer comme dans les
centaines d'années passées. Cela a pris tant de milliers
d'années avant qu'on fasse quelques progrès scientifiques. Dans
l'espace d'une cinquantaine d'années, on a fait des progrès
scientifiques fantastiques. On raisonne encore comme si la courbe des
progrès scientifiques allait avoir une croissance moyenne, alors qu'on
ne peut pas imaginer, d'ici 25 ans, ce qui va être trouvé comme
méthode de profiter des ressources énergétiques. C'est sur
cela que je trouve que votre mémoire est faible. On raisonne comme si la
croissance des progrès scientifiques allait être stable, alors que
si on regarde depuis une cinquantaine d'années, cette croissance n'est
pas stable, elle est plutôt exponentielle.
M. Boyd: M. le Président, là-dessus, M. Boulet vous
a donné des renseignements. On pourrait vous en donner, si vous en
voulez davantage, et si on n'a pas le temps, on vous inviterait à
l'Institut de recherches, ceux qui sont intéressés. On est au
courant de ce qui se passe partout dans le monde, dans les centres de
recherches. EPRl, c'est l'association de toutes les utilités
américaines qui se sont formées ensemble pour faire les
recherches à moindre frais. C'est un centre de recherches pour toutes
les utilités électriques américaines. Je pourrais vous
nommer tous les autres pays. On travaille pour eux et ils travaillent pour
nous. On travaille
avec eux. Donc, on sait ce qui va être possible dans quinze ans
d'ici et on sait ce qui ne sera pas possible avant cinquante d'ici.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre,
député de Matane.
M. Bérubé: J'aurais, essentiellement
peut-être, deux critiques à l'esprit en abordant votre rapport.
C'est relié à l'option que vous nous proposez, l'option du
nucléaire. Ces critiques sont de deux ordres: D'une part, c'est une
critique dans laquelle je reprends essentiellement la position du
député d'Anjou, qui est l'approvisionnement en matière
première nucléaire et, d'autre part, la technologie
nucléaire, qui pourrait être discutable, que vous prenez. Je
m'explique. Je passerai à la question éventuellement.
D'une part, il m'apparaît, alors que vous avez fait une bonne
étude, enfin, rapide, mais quand même suffisamment explicite, sur
les approvisionnements en pétrole, en gaz naturel ou autres pour vous
amener au nucléaire, que la partie qui traite comme telle de
l'approvisionnement en matière nucléaire, en uranium, me semble
assez faible. Il n'y a qu'un paragraphe. Vous nous parlez d'une politique du
fédéral Dieu la bénisse! qui va nous
permettre d'avoir de l'énergie pour 30 ans. Quand on construit une
centrale cependant, étant donné une autre partie de votre rapport
où vous mentionnez la nécessité d'éliminer les
distorsions dans les prix de différentes sources d'énergie, cela
pourrait nous conduire à la situation suivante: En France, on adopte
résolument la filière nucléaire, avec un quadrillage
systématique de l'ensemble du pays. On voit un peu la même chose
en Allemagne. Même les constructions de centrales aux Etats-Unis ont
tendance maintenant à reprendre. Cela veut donc dire qu'il faut
s'attendre, d'ici à un certain nombre d'années, à une
demande considérable en uranium. Moi, je préférerais qu'on
puisse m'amener, au Québec déjà, des réserves
prouvées d'uranium, ce qu'on n'a pas encore trouvé. Par
conséquent, il m'apparaît que cette politique, que vous nous
proposez, repose sur l'hypothèse qu'il existera un approvisionnement en
uranium, ce que, malheureusement, on ne voit pas de façon claire dans
votre rapport. Il me semble que baser une politique de développement de
l'uranium, sans savoir si on a la source, c'est beaucoup plus dangereux,
même que de la bâtir sur la base du gaz naturel, où on sait
qu'il y en a quand même certaines réserves, ne serait-ce que dans
le delta du Mackenzie, mais ne se sont pas encore prouvées
économiques.
Donc, ma première remarque, c'est relié à cette
hypothèse de stabilité des approvisionnements qui me semble
discutable.
La deuxième hypothèse, c'est que vous invoquez comme
nécessité d'entrer dans l'électronu-cléaire
essentiellement la nécessité de se familiariser avec une nouvelle
technologie, qui pourrait être une technologie d'avenir. Or,
évidemment, on base notre système sur le système CANDU. Le
système CANDU, il m'apparaît, à la suite de certaines
lectures, qu'il s'agit effectivement, d'une part, d'une filière
économique; d'autre part, elle ne se prête pas, cette
filière, à la regénération du combustible, sauf, du
moins, pour le thorium, que je ne connais pas. C'est contraire donc à la
filière des sources génératrices du type Phénix
français, par exemple. Cela voudrait donc dire qu'on va prendre une
filière qui peut avoir des avantages immédiats
intéressants pour un pays, qui n'a pas de ressources électriques
et qui doit en chercher désespérément. Donc, on prend une
filière qui est peut-être bien adaptée à la
situation actuelle dans le domaine de l'électronucléaire, en vue
de résoudre un problème de pénurie
d'électricité dans 15 ou 20 ans, au moment où, justement,
cette filière risque de ne pas être rentable, que ce soit les
sources génératrices. Est-ce que ce n'est pas, à ce
moment-là, faire la transition trop rapide? Est-ce que ce ne serait pas
plus avantageux de mettre nos oeufs dans le panier de
l'hydroélectricité et, en fait, d'attendre que la technologie
nucléaire ait suffisamment évolué pour
qu'éventuellement on puisse faire un choix plus rationnel?
Ce sont essentiellement deux questions liées,
premièrement, à l'approvisionnement, et, deuxièmement,
à la technologie que vous adoptez.
M. Boyd: Quant à la deuxième, concernant le
système CANDU, vous êtes sans doute au courant que le CANDU est en
train de mettre au point le CANDU avec uranium légèrement
enrichi, qui va être presque une révolution au point de vue
possibilité de production.
Quant aux approvisionnements, il n'y en a pas de quantité
commerciale connue au Québec, à notre connaissance, à
nous. Il y a cependant plusieurs sites potentiels, et les gens responsables en
font la prospection. Mais dans le monde, il y a beaucoup d'uranium à
l'état naturel et il y en a au Canada pour assez longtemps. Tandis que
le pétrole, on sait qu'il n'y en pas pour longtemps. On sait que dans le
monde, il y a de l'uranium à l'état naturel, et on espère
bien qu'il y en aura au Québec assez pour satisfaire nos besoins. Mais
c'est relativement facile de s'en procurer à l'extérieur du
Canada même, tandis que le pétrole, on sait qu'on ne pourra pas
s'en procurer au Canada, ni ailleurs avant la fin du siècle.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, je comprends qu'en me
redonnant la parole, on met un terme au nucléaire comme tel. C'est cela?
Parce que je voudrais aborder un autre sujet...
Le Président (M. Laplante): Allez-y.
M. Garneau: ... qui nous reporte non pas à l'an 2000, mais
un peu avant dans votre première partie, puisqu'il s'agit d'aller
jusqu'en 1980.
Quand on regarde certains des documents que vous publiez, on constate
que la demande... Je prends cela dans le dépliant que l'Hydro-
Québec émet lorsqu'elle va sur les marchés
financiers. A la page 10 du dépliant d'octobre 1976, on donne ce que
vous appelez le "primary peak requirements". En 1971, il était de 9492
mégawatts et, en 1975, de 14 054 mégawatts, ce qui donne, au
cours de ces cinq années, une augmentation de 48% à peu
près, aux environs de 48%, avec des sauts assez surprenants dans la
croissance annuelle: 1972 par rapport à 1971, 7%; 1973 par rapport
à 1972, 22%; 1974 par rapport à 1973, 1,8%; 1975 par rapport
à 1974, 11%.
Si on prend une moyenne des cinq ans, cela donne 48%. Dans
l'hypothèse d'une projection comme celle que vous faites, je
m'aperçois que lorsque vous parlez de 30 000 en 1985, vous arrivez
à peu près à 50%, c'est-à-dire que cela double
à tous les dix ans à peu près... Vous arrivez à 31
500 ou 30 000 mégawatts en 1985, et ceci est basé sur la
tradition, c'est-à-dire que vous faites l'hypothèse que la
demande qui était laissée à elle seule a crû au
cours des cinq dernières années 1970 à 1975
de 48%.
Si la politique énergétique québécoise
s'oriente d'abord vers une consommation ou une économie d'énergie
par toutes sortes de réglementations et que pour autant que cela soit
possible on demeure dans les hypothèses de pouvoir modifier la structure
industrielle... Je ne sais pas comment on peut l'atteindre, mais, de toute
façon, on semble avoir assez d'optimisme du côté
gouvernemental. Donnons-lui le bénéfice du doute et disons que la
politique qu'on mettra de l'avant pourra restreindre d'un certain pourcentage
la consommation de l'énergie et qu'au lieu de marcher à 48% ou
à 50%, dans cinq ans, on réussisse à couper cela en deux,
en partie à cause des transformations au niveau de la consommation de
l'énergie dans le secteur industriel, qui serait modifiée ou
orientée d'une façon différente et en partie à
cause de la consommation qui serait moindre, soit à cause des mesures
prises pour économiser l'énergie ou encore pour en sauver par des
questions de réglementation dans le cas du bâtiment, et qu'on
fasse une projection à ce moment, moindre je l'estime à
25% on arriverait, sur cette base, en l'an 2000, au chiffre que donnait
le ministre tout à l'heure, à peu près 40 000
mégawatts, 42 900 mégawatts que j'ai obtenus rapidement en
multipliant par 25.
Ne serait-ce pas plus logique et serait-il possible, dans le cadre d'une
disponibilité de capitaux qui est quand même relativement rare...?
Evidemment, on voit le programme d'emprunts de l'Hydro-Québec pour
compléter la baie James et si on fait la projection pour mettre en
marche des centrales qui seraient encore plus dispendieuses parce que
comme vous le disiez, les rivières se font difficiles d'accès
n'y aurait-il pas avantage à ce moment d'orienter la politique de
l'Hydro-Québec vers la fabrication et la production de l'énergie
électrique avec un taux de croissance qui serait plus raisonnable,
quitte à ce que des mesures soient mises de l'avant par le gouvernement
pour restreindre cette demande et, ainsi, répondre à cette
demande des Québécois à partir d'une technologie bien
connue qui a des retombées économiques considérables pour
le Québec et qui s'inscrirait, véritablement, dans une politique
de l'énergie?
Cela me répugne un peu de penser que l'effort de l'ensemble de
l'appareil étatique va s'orienter vers une politique de l'énergie
et qu'on fasse nos projections d'investissements comme si rien n'était
changé. Evidemment, j'ai soulevé ce problème à
d'autres commissions parlementaires, mais cela me frappe assez de voir qu'on
bâtirait notre politique d'énergie à l'avenir comme elle a
été faite au temps où il n'y avait pas de danger,
où personne ne parlait de pénurie d'énergie.
M. Boyd: Premièrement, notre prévision, jusqu'en
1985, n'est pas basée seulement sur la projection du passé. On
utilise la projection du passé, mais on emploie d'autres méthodes
démographiques et économiques qu'on a exposées ici
l'année passée, qui nous donnent les chiffres de notre
prévision. Vous dites: Si le gouvernement nous dit: Au lieu de 7 3/4%,
vous allez croître à 6%. S'il nous le disait, on ferait cela. D'un
autre côté, on propose également que le rôle de
l'électricité augmente dans la province par rapport au gaz et aux
hydrocarbures et surtout au pétrole. On ne peut pas avoir l'un et
l'autre. Si le gouvernement nous dit: Croissez à un taux de 5 1/2%, 6%
par année, je vous dis: On le fait. A ce moment-là, on fait
seulement de l'hydraulique et on aura moins d'investissements à faire.
C'était votre autre point. A ce moment-là, le gouvernement va
devoir essayer aussi de diminuer la consommation totale d'énergie, parce
que dans le moment on représente seulement 22%. On propose qu'on aille
à 40% puisque c'est québécois. Le gouvernement va avoir
à prendre cette décision aussi, ce qui fait que
l'Hydro-Québec va rester à 22% ou va descendre à 12% ou va
aller à 40%; peu importent les chiffres, le gouvernement va avoir une
décision à prendre là-dessus... Il peut nous dire d'aller
à 5% ou 6% par année.
Vous vous inquiétez des investissements de l'Hydro-Québec.
Dans les investissements de l'Hydro-Québec, on vous démontre
depuis longtemps que 70%, 75% des sommes restent au Québec. Donc, cela
crée des emplois dans l'industrie manufacturière. Vous pouvez
aller à d'autre chose, vous pouvez réduire la masse totale
d'énergie qu'il vous faut pour le Québec. Nous prévoyons
que pour l'ensemble du Québec, toute forme d'énergie comprise
il en faut un paquet même s'il y a des mesures gouvernementales et
des mesures de persuasion et toutes sortes de mesures auxquelles tout le monde
voudrait participer pour économiser l'énergie, il va quand
même y en avoir besoin de plus que ce qu'on va produire, parce qu'on va
aller en diminuant à l'Hydro-Québec au lieu d'aller en
augmentant.
On calcule qu'en 1985 l'argent qu'on va sortir du Québec pour
acheter des hydrocarbures va représenter $4 milliards, dans le moment,
avec les courbes actuelles d'énergie. $4 milliards vont donc sortir du
Québec pour acheter des hydrocar-
bures. Et on s'inquiète parce que l'Hydro-Québec va avoir
à emprunter $2 milliards! Les $2 milliards on va aller les chercher et
qui va payer l'électricité, l'énergie? Dans tous les cas
c'est le consommateur qui paie l'électricité. Ce n'est pas le
gouvernement qui subventionne l'Hydro-Québec, jusqu'à maintenant.
Cela n'a jamais été fait. Alors, les consommateurs vont payer
l'électricité et, avec les tarifs qu'il faudra,
l'Hydro-Québec sera en mesure de rembourser ses investissements. D'un
autre côté, il va nous rester quelque chose comme industrie, des
retombées. Vous y allez en hydrocarbures et il vous faut une même
masse d'énergie. Si vous demandez à l'Hydro-Québec d'en
produire moins, elle va en produire moins et vous allez être
obligé d'aller en acheter plus. Vous allez sortir du Québec plus
d'argent et il va être payé par les même gens qui vont avoir
consommé parce qu'ils ont besoin d'énergie.
Evidemment, ce sont des questions assez lourdes de conséquences
et nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses; on pose des
jalons d'après notre expérience et on recommande des choses. Je
sais qu'il y en a plusieurs qui ne les ont pas étudiées à
leurs limites. Il y a aussi une limite à la réduction de la
consommation de l'énergie au Québec.
M. Garneau: J'ai deux autres questions assez courtes, M. Boyd.
Dans ce même document que je citais tout à l'heure, on donne le
"primary peak requirement" qui était 14 000 mégawatts en 1975.
Quelle était la période de la plus basse consommation durant
l'année? Quelle différence y a-t-il entre le bas et le haut de la
courbe de consommation? Tout à l'heure, vous avez fait écho
à une étude qui devait être publiée incessamment
pour donner la répartition de la charge qui est appliquée au
réseau.
M. Boyd: On en a 14 000 en hiver, disons en décembre. Quel
est le maximum d'été?
M. Garneau: C'est cela. Si on avait le chiffre pour 1975, on me
permettrait de faire la comparaison.
M. Boyd: Pour l'été. La pointe d'été
est d'environ 60% ou 65% de la pointe d'hiver.
M. Garneau: Cela veut dire environ 6000 à 6500
mégawatts. 8000?
M. Boyd: Oui. Il y a une différence assez importante.
M. Garneau: Quand on regarde cette période de pointe, la
période de crue de la courbe de consommation, comment cela se
répartit-il dans le temps? Vous nous donnez ces chiffres-là pour
le mois de décembre. Le mois de décembre, c'est la période
de fine pointe, j'imagine, en termes de consommation. Est-ce qu'on peut dire
que la demande d'énergie pour les mois de novembre, décembre,
janvier et février tire à une capacité sem- blable
à celle de décembre ou si la longueur de cette
période...
M. Boyd: Selon certaines courbes qu'on a, c'est environ
décembre, janvier, février. Il n'y a pas tellement de
différence. Le creux est d'habitude en juillet.
M. Garneau: Ce doit être à peu près la
même chose pour les mois de juin, juillet et août, j'imagine?
M. Boyd: Le creux est en juillet et c'est à cause de
toutes les vacances, etc. Les trois mois maximaux, c'est décembre,
janvier et février. Actuellement, quand on a des surplus, on les vend,
comme vous le savez. Il ne faut pas compter qu'on aura toujours
énormément de surplus, parce que, plus on a d'unités, plus
il faut faire de l'entretien. Malheureusement, l'été
passé, on n'a pas pu faire d'entretien tel qu'on devait le faire et on
l'a dit assez souvent. Il y a eu des machines d'arrêtées ou des
unités génératrices, des transformateurs et des lignes
hors de service durant tous les mois d'été, pour
réparation et mise au point. Donc, on ne peut pas assurer qu'une machine
ou que plusieurs machines vont fonctionner à longueur d'année,
mais, jusqu'à aujourd'hui, on a été chanceux, parce qu'on
a eu le réservoir de Manic 5 combiné avec le réservoir de
Churchill Falls. En jouant avec les deux, on a pu vendre de l'énergie
excédentaire à nos voisins, ce qui ne nous coûtait pas cher
et nous permettait de faire de l'argent fort intéressant.
M. Garneau: Mais, entre cette période de haute demande et
de plus basse demande, il y a donc une capacité de production qu'on peut
vendre ailleurs, mais est-ce que l'emmagasinage de l'électricité,
en termes de recherche, c'est une possibilité qu'on peut envisager dans
un avenir plus ou moins rapproché ou si c'est une utopie?
M. Boulet: C'est une utopie si vous parlez d'emmagasiner de
l'électricité comme telle. Si vous parlez d'emmagasiner de
l'énergie sous forme d'hydrogène, par exemple, et de le
réutiliser sous forme de piles à combustible comme on le
mentionnait tout à l'heure, c'est une possibilité.
M. Garneau: Dans le cas de l'hydraulique, l'eau coule et,
actuellement, le processus de produire de l'électricité avec de
l'eau a été de bâtir des barrages et de faire tomber l'eau
sur des turbines. Il n'y a pas d'autres façons? Avez-vous des recherches
là-dedans?
Des expériences ont été faites pour avoir d'autres
turbines qui, au lieu de fonctionner avec la chute, fonctionneraient avec le
courant d'eau d'une rivière, tout simplement, et qu'on pourrait mettre
à tous les 2000 ou 3000 pieds et les faire fonctionner. Vous en avez
déjà parlé dans le temps et, finalement, les
événements qui se sont passés m'ont empêché
de suivre le dialogue. Est-ce que c'est une donnée, au point de vue
scientifique, qui
a du sens? On me dit qu'il y en a qui sont installées quelque
part en Suisse et ailleurs. Ce serait peut-être une...
M. Boyd: Ce n'est pas absolu, cette étude. Il y en a en
France sur la Rance. Ce sont des groupes II qui sont installés à
l'embouchure et qui fonctionnent avec la marée. C'est un type.
M. Garneau: Je ne parle pas de ceux de la marée.
M. Boyd: Mais le type dont vous parlez, qui vous avait
été présenté et qu'on continue de poursuivre, ce
sont de petites centrales. Au lieu de bâtir un barrage complet, on peut
mettre des groupes combinés dans le lit de la rivière et en tirer
de petites quantités d'énergie. Il y en a qui sont en
exploitation en Allemagne depuis très longtemps, depuis le temps de la
guerre. Cette compagnie suisse tente avec des intérêts anglais de
développer un modèle qui pourrait être utilisé ici.
On suit cela. Ils sont censé installer bientôt un modèle
productif et on suit cela.
Cela représenterait des choses intéressantes sur une
petite rivière, mais dans l'ensemble, c'est...
M. Garneau: C'est pour cela tout à l'heure que je parlais
des périodes de pointe. Est-ce que ce n'est pas possible d'avoir,
à partir de l'hydraulique, des possibilités de couvrir ces
périodes de pointe, de telle sorte qu'on soit capable de...
Imaginez-vous avant qu'on soit rendu à consommer 40 000 mégawatts
aux mois de juin, juillet et août, si on était capable d'utiliser
encore l'hydraulique pour couvrir ces périodes de pointe avec des
unités comme cela, est-ce qu'on n'atteindrait pas un objectif qu'on
recherche?
M. Boyd: Le problème, M. Garneau, est que ces
unités qui seraient des unités directement dans la
rivière... cela va fonctionner, il n'y a rien d'anormal à cela,
mais il s'agit de les mettre à point. Il faudrait qu'on les ait dans les
mois de novembre, décembre, janvier et février. Or, ce n'est pas
à ce moment que cela va produire le plus, parce que, très
souvent, on va avoir des problèmes de frasil, de glace et tout cela.
C'est en été que cela va produire le mieux. Au printemps, lorsque
les lacs vont partir et qu'on va avoir les grands courants d'eau, c'est
à ce moment-là que ces centrales vont pouvoir produire le plus et
c'est à ce moment-là qu'on en a le moins besoin, si on ne le
bâtit pas pour revendre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir des questions
courtes et des réponses courtes? Il nous reste six organismes à
entendre et je ne voudrais pas les décevoir en les renvoyant chez
eux.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boyd, je voudrais
revenir au projet de la baie James. Tous les mémoires qui nous sont
présentés, en y in- cluant le vôtre, démontrent la
nécessité d'avoir des sources d'énergie et
d'accélérer ce développement. Cela nous reporte à
l'échéancier du projet de la baie James. Il y a même
certains groupes qui sont venus à la commission pour nous dire que cet
échéancier devrait être accéléré.
Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement quel est
l'échéancier que vous avez établi pour les quatre
centrales de la baie James, les dates et le total de mégawatts qui
seront produits à la fin de cet échéancier?
M. Boyd: Selon l'échéancier qu'on a établi,
la première production est LG-2 en 1980 et la dernière
unité, LG-4 ou LG-1, ce ne serait pas avant 1985. De toute façon,
les quatre centrales de 10 000 mégawatts devraient commencer à
produire en 1980 pour être terminées à la fin de 1985.
C'est l'échéancier que nous avons encore.
M. Ciaccia: Et le projet de NBR, est-ce qu'il est en
planification? Est-ce que vous allez procéder? A quel stade est-il?
M. Boyd: Dans le cas de NBR, il y a eu beaucoup d'études
de faites. On a commencé l'année dernière et on continue
cette année des études, des recherches, des investigations et
surtout des études écologiques.
L'année passée, on a commencé nos études
écologiques et on continue en 1977 les études écologiques,
nos discussions avec les Cris de Rupert et nos investigations des sites. On
examine pour voir s'il n'y a pas possibilité, au lieu de faire NBR, de
faire BRN, c'est-à-dire utiliser la Broad-back au lieu de la Rupert. Au
point de vue études, c'est très actif et on a un montant, dans
notre budget de 1977, comme on en avait un dans le budget de 1976, dans le but
justement de répondre aux désirs exprimés ici
généralement, d'employer ou de bâtir tout l'hydraulique
qu'on peut.
NBR, c'est un des projets sur lesquelles on doit se décider
bientôt. Si ce n'est pas cette année, ce sera l'année
prochaine. Il faudrait prendre une décision et faire des recommandations
au gouvernement. Pour continuer dans cette veine, il y a la Grande-Baleine, au
nord de La Grande, qui est également au même niveau des
études. Il faudrait également prendre des décisions chez
nous et faire des recommandations au gouvernement.
M. Ciaccia: Pourrait-on demander, à ce stade-ci, au
gouvernement si c'est son intention de respecter l'échéancier de
la construction du projet de la baie James, tel qu'il a été
établi par l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie de la baie James?
M. Joron: Compte tenu du fait que signalait M. Boyd
lui-même tout à l'heure que les modifications sur la demande
prennent beaucoup de temps, les mesures que vous prendriez cette année
ou l'année prochaine, dans le but de restreindre ou modifier la
structure de votre demande, en 1985, c'est déjà très court
pour agir sur 1985, à
l'heure actuelle. Après qu'on aura pu vérifier, plus en
détail, dans les mois qui viennent, l'évaluation de cette demande
pour 1985, j'ai l'impression que les modifications au calendrier, s'il y en a,
seraient très mineures.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, est-ce que cela veut dire que
le gouvernement n'accepte pas ou révise les prévisions de la
demande que l'Hydro-Québec a faites dans ses études?
L'Hydro-Québec a basé cet échéancier sur certaines
études.
M. Joron: Non, ce que nous sommes à faire, c'est ceci: on
essaie de mettre sur pied un programme d'économie d'énergie,
d'une part. Il est beaucoup trop tôt encore pour savoir de combien cela
peut faire diminuer la demande en telle année. On va le savoir
éventuellement. C'est une partie du problème.
La deuxième partie, le deuxième aspect, c'est que,
même si on s'aperçoit que l'on pourrait faire réduire cela
considérablement, là on pourrait être porté à
croire à en arriver, avec le calendrier actuel, à des surplus
d'électricité en 1985. Mais si, dans la même
période, il nous faut aussi et en même temps déplacer une
partie de la consommation qui est actuellement en pétrole vers
l'électricité, parce qu'on craint les approvisionnements en
pétrole, entre les années quatre-vingt et quatre-vingt-cinq et
qu'on n'est pas sûr du coût non plus, là on peut dire:
Continuons. C'est de la substitution qu'on fait alors. Ce n'est pas seulement
répondre à la demande telle qu'elle est structurée
aujourd'hui, c'est de la substitution. C'est cela que je veux dire. On est en
train d'étudier deux choses: d'une part, l'effet sur la demande que
peuvent avoir ces programmes d'économie d'énergie, c'est ce qu'on
appelle cette rationalisation de la demande et, d'autre part aussi, la
sécurité des autres types d'approvisionnement.
M. Ciaccia: Excusez-moi.
M. Joron: Je veux dire, la réponse à un des deux
éléments peut vous dire: ralentissez; la réponse à
l'autre élément peut vous dire: accélérez. C'est
pourquoi c'est strictement une impression j'ai l'impression que
l'une et l'autre vont s'aligner et que le calendrier va rester à peu
près le même.
M. Ciaccia: Mais vous n'êtes pas en mesure aujourd'hui de
dire: L'échéancier sera respecté, d'après les
prévisions de l'Hydro-Québec.
M. Joron: Je suis seulement en mesure de dire que je ne vois pas
ce qui pourrait survenir qui le modifierait substantiellement.
M. Ciaccia: Mais dans les capacités que vous avez
prévues, dans le projet de la baie James, est-ce que c'était dans
vos prévisions d'avoir toute l'énergie pour les besoins du
Québec ou est-ce que vous prévoyiez qu'un pourcentage de cette
énergie serait exporté?
M. Boyd: Le programme de la baie James a été
bâti pour les besoins du Québec d'après les
prévisions que nous avons faites. Il y a eu toutes sortes de
déclarations dans le passé à ce sujet. Je n'ai jamais
réussi à démolir ces déclarations qui, à mon
avis, n'étaient pas exactes. La baie James, telle qu'on l'a
conçue, l'échéancier qu'on utilise, c'est pour
correspondre aux besoins tels que nous les avons prévus. Ce n'est pas
pour vendre. Il aurait pu y avoir, comme M. Garneau le disait tout à
l'heure, peut-être dans les années 1980 ou 1985, des
périodes où pendant l'été, d'avril à
octobre, on aurait eu des surplus temporaires à vendre aux voisins. Le
projet, à la base, était pour le Québec.
M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous ne parlez pas trop
des centrales thermiques. Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour
cela? Vous semblez aller plus aux centrales nucléaires qu'aux centrales
thermiques. Est-ce que vous avez une raison?
M. Boyd: Les centrales thermiques utiliseraient comme
combustible, soit le pétrole, soit le charbon, soit le gaz. Le gaz,
c'est très rare qu'on l'utilise à cela, mais on n'a pas de
charbon et on n'a pas de pétrole. Ce ne serait pas économique.
Lorsqu'on a fait des comparaisons, précédemment, au point de vue
du coût, l'hydraulique était le moins cher, le nucléaire en
deuxième. Le pétrole, si on prend les coûts de construction
et surtout d'exploitation, c'est beaucoup plus cher que l'hydraulique et le
nucléaire. L'embêtement, c'est que, dans le cas du pétrole,
on n'aura pas fini de payer la centrale et qu'on n'aura probablement plus de
pétrole pour mettre dedans.
M. Ciaccia: Dans vos prévisions, vous dites que 40% des
besoins énergétiques de la province seront donnés
par...
M. Boyd: Electrique.
M. Ciaccia: ... l'électricité. Si ce chiffre, au
lieu d'être 40%, était, par exemple, 30%, et que la politique
énergétique de la province disait: Nous allons allouer un certain
pourcentage à l'électricité, nous allons explorer la
question du gaz naturel de l'Arctique même ce sont des
recommandations que la Chambre de commerce de la province de Québec a
faites ici on augmenterait de 5% à 30% sur un nombre
d'années l'importation du gaz naturel, à ce moment, est-ce que
cela voudrait dire que vous n'auriez pas besoin de centrales nucléaires?
Vous pourriez prévoir de donner l'électricité seulement
avec vos centrales hydrauliques, si vous donnez seulement 30% des besoins
énergétiques de la province.
M. Boyd: Je ne crois pas. Cela voudrait dire que le besoin du
nucléaire serait reporté plus loin. Au lieu d'en avoir besoin en
1985, en 1990 ou en 1995, on aurait besoin... je ne sais pas les chiffres. Ce
que votre question veut dire, c'est qu'on reporterait à plus tard le
problème.
M. Ciaccia: Ma question voudrait dire qu'on aurait moins besoin
de centrales hydrauliques, mais...
M. Boyd: Oui, vous voulez dire qu'on aurait moins besoin...
M. Ciaccia: Pas question que ce soit plus tard.
M. Boyd: ... d'électricité.
M. Ciaccia: Moins d'électricité, oui.
M. Boyd: Au lieu d'augmenter à 40% le pourcentage de
l'électricité en l'an 2000, on l'augmenterait à 30%.
M. Ciaccia: Pour plusieurs raisons; premièrement, la
question nucléaire qui semble préoccuper beaucoup de gens.
Deuxièmement, il y a aussi la question d'investissement, parce que, si
on allait pour une autre source d'énergie, par exemple, le gaz naturel,
on pourrait prévoir que ce seraient des investissements du secteur
privé plutôt que du secteur du gouvernement. Cela pourrait
libérer certains fonds pour faire d'autres choses. Le gouvernement
pourrait employer ces capitaux dans d'autres domaines, plutôt que
seulement dans le domaine énergétique.
M. Boyd: La solution qu'on a envisagée, M. Ciaccia, on en
parle dans le rapport, mais, si vous regardez les courbes du gaz, à
notre avis, le gaz du Mackenzie ou même celui de Polar Gas, avant qu'il
soit rendu ici... Premièrement, ils n'ont pas les quantités
nécessaires, semble-t-il, encore. Cela approche peut-être, mais il
n'est pas rendu. Cela va coûter cher. Une fois qu'on l'a, les
quantités vont disparaître assez rapidement et, après cela,
il va y avoir un problème.
M. Ciaccia: Une dernière question sur le rôle de
l'Hydro-Québec dans notre politique énergétique. J'ai
l'impression que jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu
d'interférence dans l'administration de l'Hydro-Québec,
société d'Etat, par le pouvoir politique. Il y a eu une ligne de
démarcation. Des décisions politiques pouvaient être prises
par le gouvernement. Mais jusqu'à maintenant, vous avez
été une société pas mal autonome. On discute de
différents changements. Il y a certains mémoires qui sont
présentés ici, à la commission, parlant du rôle de
l'Hydro-Québec, de la question du rôle du gouvernement
vis-à-vis de l'Hydro-Québec. Pensez-vous que, pour apporter votre
contribution aux besoins énergétiques de la province, ce serait
plus avantageux de maintenir cette autonomie de l'Hydro-Québec je
parle d'autonomie dans le cadre gouvernemental, ce n'est pas une autonomie
absolue ou est-ce que vous pouvez prévoir qu'une présence
plus grande des pouvoirs politiques à l'intérieur de votre
société amènerait des améliorations?
M. Boyd: C'est une question pas mal politique, j'en ai peur. J'ai
rencontré le ministre délégué à l'Energie
quelques fois pas assez souvent encore et on a discuté de
toutes les choses dont on vient de discuter. Jusqu'à maintenant, les
communications ont été très bonnes. Quant à tous
les nombreux changements qu'on annonce à l'Hy-dro, depuis 1944, je suis
à l'Hydro-Québec, or, à chaque changement de gouvernement,
on a annoncé des changements, et entre les changements de gouvernement,
on a annoncé des changements. On n'en a pas fait beaucoup encore. Est-ce
qu'on va en faire? Je ne le sais pas. Je n'ai aucune idée.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. Boyd a fait allusion à plusieurs
reprises à des documents concernant les recherches qui se font un peu
partout dans le monde sur les sources d'énergie de quelque genre que ce
soit. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de ce rapport pour savoir où
en sont les recherches? Est-ce que vous pouvez le déposer ici pour que
chacun de nous en ait une copie?
M. Boyd: Certainement. Je n'en ai pas ici, mais on le
déposera au secrétaire de la commission qui vous en fera
parvenir.
M. Grégoire: Ce rapport indique toutes les recherches qui
peuvent se faire dans quelque domaine que ce soit concernant l'énergie
solaire ou...
M. Boyd: Oui.
M. Boulet: II s'agit d'un groupe international qu'on appelle
évidemment, il n'y a pas de nom français
International Electric Research Exchange, formé des Américains,
des Japonais et des Européens. Le groupe européen en est membre
par l'intermédiaire de UNIPEDE et l'Association électrique
canadienne. Il y a un échange quasi complet, et on a les documents dont
on pourra vous fournir des copies.
M. Grégoire: Mercil
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: M. Boyd, vous mentionnez, en page 11, de votre
mémoire, que vous proposez les mesures suivantes: Une action sur le
niveau et la structure des prix, de telle sorte que le consommateur
appréhende le véritable coût de l'énergie. Plus
loin: Dans le domaine de l'électricité, un outil pour ce faire
serait de tendre progressivement vers des tarifs plus élevés. Il
serait souhaitable que toute distorsion injustifiée dans la structure
des prix des différentes sources d'énergie soit
éliminée.
Est-ce qu'il faut comprendre par là que la recommandation dit
ceci: Que les formes pour l'utilisation en BTU équivalentes, mettons, de
l'électricité, du gaz naturel, du pétrole devraient tendre
à
devenir uniformes, de façon que le consommateur ait un
véritable choix entre des sources d'approvisionnement à prix
égal?
M. Boyd: Autant que possible, oui. Le gaz, apparemment,
d'après ce que les gens du gaz ont toujours dit, était
inférieur à cette valeur par rapport au pétrole. Une des
choses qu'on mentionne ici, dans le même texte, c'est que pour
l'électricité, le gaz, on a 8% de taxe de vente que le
consommateur doit payer. Dans un mémoire que vous avez ici, j'aimerais
faire une correction. On disait que le gaz était le seul à subir
cette taxe. Dans ce paragraphe-ci, on dit l'électricité
également; l'huile ne subit pas cette taxe.
M. Joron: Un peu plus loin, dans le même esprit, c'est
relié à la même question... A la page 66, en haut de la
page, vous dites: "Tout indique que le coût du chauffage à
l'électricité continuera d'être inférieur à
celui du chauffage à l'huile d'ici 1985." Il l'est déjà,
d'après ce que vous dites à un autre endroit dans votre rapport,
et vous dites que c'est une situation qui ne devrait pas exister parce que cela
distorsionne la structure des prix dans le domaine de l'énergie en
général. Mais en disant cela, en disant que "tout indique que le
coût du chauffage à l'électricité continuera
d'être inférieur à celui du chauffage à l'huile
d'ici 1985", cela présuppose que vous avez pensé au prix de
l'huile en 1985 et également au prix de l'électricité.
Alors, cet énoncé est fondé sur quelle augmentation
de prix?
M. Boyd: C'est parce qu'on pense que le prix de l'huile va
augmenter plus vite qu'on va pouvoir augmenter l'électricité,
probablement.
M. Joron: Vous dites, d'autre part, qu'en général,
ces prix devraient finir par être équivalents. De combien
faudrait-il donc augmenter les tarifs de l'électricité pour
arriver à cette équivalence et à cette structure
idéale de prix énergétiques?
M. Boyd: Je n'ai pas tous les chiffres avec moi. J'ai un tableau
qui dit qu'en 1966, pour une maison, une grande résidence, par exemple,
le chauffage à l'huile coûtait 74% tandis qu'en 1976, c'est
l'inverse. Cela coûte 116%. C'est-à-dire que le chauffage
électrique est plus économique. D'après les chiffres que
nous avons ici, nous prévoyons qu'en 1985, cela serait 108%,
c'est-à-dire que...
M. Joron: Cela veut dire que vous avez présumé le
pétrole à quel prix et l'électricité à quel
prix?
M. Giasson: ... ce n'est pas cher.
M. Boyd: Evidemment, cela vaut ce que cela vaut. On ne sait pas
ce que l'OPEP va faire.
M. Joron: En gros, cela dépend des cheicks et des
émirs plus que de nous.
M. Boyd: On a présumé que le prix international du
pétrole augmenterait de 7% par année de 1976 à 1980 et de
6% par année par la suite, et que l'électricité
augmenterait...
M. Joron: C'est déjà très conservateur,
votre estimation sur le pétrole, j'ai l'impression.
M. Giasson: Cela sera plus cher que cela.
M. Boyd: Oui, mais vous voyez qu'il commence à y avoir des
craintes ici. L'Arabie Saoudite a dit 5% au lieu de 10%. Les prix de
l'électricité sont ceux que nous avions déposés
à titre exploratoire en commission parlementaire l'été
dernier.
M. Joron: C'était 50% d'augmentation sur trois ans,
répartis en 1978, 1979 et en 1980. C'est cela?
M. Boyd: C'est cela. C'était, à titre d'exemple,
trois fois 17%...
M. Joron: 17%, vous parlez de...
M. Boyd: ... et ensuite, 6% pour le reste de la
période.
M. Joron: Peut-être qu'on ressasse des choses qui ont
déjà été discutées. Je ne veux pas allonger
inutilement le débat, mais, de mémoire, les trois années,
qui sont beaucoup plus rapides que les cinq par la suite, étaient
reliées à la question du financement des emprunts de
l'Hydro-Québec. pour maintenir la couverture pendant la période
d'emprunts massifs pour les travaux de la baie James, pour maintenir la
couverture à 1,25%.
M. Boyd: C'est cela!
M. Joron: C'était cela en gros?
M. Boyd: C'est cela!
M. Joron: C'est de là que venaient les 50%.
M. Boyd: C'est pour augmenter l'autofinancement de
l'Hydro-Québec, maintenir les ratios qui font que la cote de
l'Hydro-Québec a été maintenue à 2-A et on
espère toujours arriver avec un 3-A.
M. Joron: Et même avec des progressions semblables, vous
arriveriez encore, en 1985, à de l'électricité à
meilleur marché que le pétrole, compte tenu que vous avez
déjà une évaluation conservatrice de l'augmentation du
coût du pétrole.
M. Boyd: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse. Il désire seulement une petite information.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Le ministre vient de
dire que nous sommes à mettre sur pied urr programme d'économie
d'énergie. Dans le présent rapport, il est souligné que
désormais le rôle moteur de l'Etat est indéniable et sans
son intervention il est douteux que l'attitude du public fasse écho
à la nécessité de faire une utilisation plus judicieuse
des ressources. Par cet énoncé, vous préconisez,
j'imagine, que le gouvernement devra légiférer quant à
l'économie de l'énergie. Si c'est le cas, j'aimerais, pour le
bien de la commission, savoir d'après vous quand le gouvernement devra
intervenir et de quelle façon il devrait le faire.
M. Boyd: On en parle dans le rapport. Je pense qu'on a dit que
l'endroit où l'économie la plus rapide pouvait être faite,
c'était dans le transport, c'est-à-dire dans les
véhicules. C'est là qu'est le plus gros gaspillage si on veut
parler de gaspillage ou si on veut aller vers de l'économie, c'est dans
le transport. Le deuxième et peut-être aussi important que le
premier, c'est l'isolation des maisons. Les maisons au Québec ne sont
pas du tout isolées pour le climat qu'on a et les infiltrations d'air
par les fenêtres et les portes, c'est certainement un mal. Là
dessus, si M. le Président me permet d'ajouter, cela fait longtemps que
l'Hydro-Québec fait campagne pour une meilleure isolation. On accordait
des plaques, des normes, des certificats de bonne conduite pour ceux qui
mettaient plus d'isolation et même des fois on donnait des contributions
de $200, par exemple, pour celui qui respectait nos normes d'isolation. Cela
fait quatre ou cinq ans qu'on fait campagne dans tout le Canada, toutes les
utilités électriques, chacun des gouvernements. D'abord on s'est
adressé au fédéral pour que les normes du
fédéral soient changées, mais cela n'est pas encore fait.
Je dis qu'au point de vue de l'isolation c'est urgent que le gouvernement fasse
quelque chose. Au point de vue du transport, les véhicules, je ne sais
pas si cela peut se faire aussi rapidement, mais l'isolation, d'après
moi, cela peut se faire rapidement.
M. Goulet: Vous ne semblez pas vous fier au public. Vous croyez
que le gouvernement devra légiférer, devra intervenir par une loi
afin d'économiser l'énergie.
M. Boyd: Vous voyez, cela fait peut-être dix ans que
l'Hydro-Québec fait des pages de publicité: Vos murs devraient
être faits ainsi pour que cela coûte moins cher de chauffage. Ce
n'est pas le gars qui achète la maison. C'est le gars qui la
bâtit, le promoteur. Des fois il ne met rien dans les murs, c'est
épouvantable.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de
cette commission vous remercient. Cela a été un après-midi
intéressant. Merci.
M. Boyd: Merci.
Le Président (M. Laplante): J'appellerais le groupe
Sauvons Montréal.
S'il vous plaît, ceux qui ont affaire dans la salle, restez, mais
les autres veuillez évacuer au lieu de rester dans l'allée. A
l'ordre, s'il vous plaît!
Contrairement à l'Hydro-Québec, vous n'avez que 30 minutes
pour expliquer votre mémoire. Pour le lire, la période des
questions incluse.
Sauvons Montréal
M. Chaussée (Pierre): D'accord. En premier, je devrais
ajouter deux préambules qui n'apparaissent pas sur le document qu'on
vous a fourni. Le premier, je vais plagier...
Le Président (M. Laplante): Veuillez identifier, s'il vous
plaît, les gens qui sont avec vous.
M. Chaussée: D'accord. Cela fait partie du
préambule. Je suis Pierre Chaussée. A ma droite, M. Richard
Vincent et M. Michael Fish et, à ma gauche, Mme Claire Morissette et
Lutz Scheler. Le deuxième préambule, dans ce cas, c'est que je
plagie un autre groupe qui va passer cette semaine qui dit: "Nous avons
accueilli avec satisfaction votre décision d'élaborer le plus
rapidement possible une politique de l'énergie pour le Québec.
Toutefois, nous déplorons la faible couverture qu'ont donnée les
journaux à cette activité. De ce fait, notre groupe a appris
très récemment, par hasard, la tenue des audiences publiques de
la commission parlementaire. Il nous est donc impossible de porter tout l'appui
que nous aurions souhaité lors de vos
délibérations". Fin du préambule .
Le développement urbain et l'énergie. La ville est
manifestement un lieu de consommation. Or, la plupart de cette consommation
constitue un gaspillage d'énergie de ressources et d'hommes.
Il devient de plus en plus clair que l'obsoles-cence est
planifiée et qu'elle fait partie intégrante du
développement. La ville est en train de devenir un énorme
dépotoir.
Grandes compagnies, promoteurs et entrepreneurs n'y cherchent que leur
profit. Les gouvernements y rasent des quartiers entiers afin d'éliminer
les zones esthétiquement déplaisantes aux yeux des banlieusards
de la classe moyenne, et ils encouragent l'envahissement des centre-ville par
un flot d'automobiles assoiffées d'essence. Par le biais de la
publicité et de leurs politiques, les compagnies et les gouvernements
encouragent délibérément le rêve de la vie en
banlieue, ce qui signifie une consommation toujours accrue et la tendance
à un plus grand individualisme.
Les transports. Dans ce domaine, les exemples de gaspillage abondent
à Montréal. L'automobile est sans doute utile pour des
déplacements à longue distance, mais en ville, elle
s'avère une énorme consommatrice d'énergie, ce qui est
d'autant plus désavantageux dans une province comme le Québec qui
doit déjà importer du pétrole.
Un autobus remplace à lui seul 35 voitures, un tramway en
remplace 50 et un train de banlieue 1000. Prenons, par exemple, un terrain de
stationnement de 35 voitures, un autobus n'occuperait que le 1/10 de
l'espace.
L'utilisation du sol. L'automobile est une insatiable consommatrice
d'espace, et si nos politiques actuelles se poursuivent, elle finira par
anéantir complètement nos centres urbains.
Des maisons sont abattues pour faire place à des routes et
à des terrains de stationnement. Plus de 3000 unités d'habitation
ont ainsi été supprimées dans le cas de l'autoroute
Est-Ouest. Des espaces verts sont recouverts de béton et des arbres
arrachés pour les besoins de la circulation. Montréal, la
cité verdoyante et la cité aux bas loyers pour résidents
pauvres, n'est plus. A sa place, voici la cité des vastes terrains de
stationnement. Environ 50% de la surface du centre-ville est vouée d'une
manière ou d'une autre à l'automobile. Entre 1962 et 1972, la
superficie de terrain affectée exclusivement au stationnement a
augmenté de 2 millions à 3,5 millions de pieds carrés.
Les nouvelles constructions. Les logements que l'on démolit pour
faire place au routes, parkings et autres projets de rénovation, sont
remplacés par des gratte-ciel à usage résidentiel et
commercial, qui requièrent de grande quantité d'énergie et
de matériaux pour leur construction, et qui, bien souvent, gaspillent
l'énergie.
Les tours-appartements peuvent très rapidement devenir des
taudis. Un grand nombre sont construites avec des matériaux de mauvaise
qualité afin de durer juste les 25 ans nécessaire à
l'hypothèque, puis il faudra les remplacer.
Le complexe résidentiel et commercial La Cité n'utilise
pas de doubles fenêtres, ce qui va entraîner une consommation
inutilement forte d'énergie pour le chauffage.
L'Hydro-Québec continue à subventionner les
sociétés propriétaires de grands complexes immobiliers et
encourage le gaspillage de l'énergie en appliquant des tarifs
préférentiels aux gros consommateurs
d'électricité.
La démolition de l'hôtel Laurentien avec ses 1000 chambres
est manifestement scandaleuse. Elle constitue un gaspillage énorme
d'énergie et de matériaux et supprime un édifice qui, quoi
qu'en dise la compagnie Marathon, utilisait efficacement son
énergie.
Cette consommation absolument inutile d'acier, de béton et
d'aluminium, sans compter l'énergie nécessaire à la
fabrication de ces produits, illustre bien la mentalité de gaspillage
qui règne dans les milieux d'affaires et dans la société
tout entière qui tolère que Marathon et le Canadien Pacifique se
permettent de détruire pour le seul plaisir de détruire.
L'étalement urbain. Durant les 30 dernières années,
les grosses compagnies ont pris en main le phénomène de la
suburbanisation. De leur côté, le gouvernement
fédéral, par l'intermédiaire de la Société
centrale d'hypothèques et de logement, et le ministère provincial
des Transports, par des in- vestissements routiers, encouragent la formation de
banlieues de type unifamilial où la possession de deux ou même
trois voitures par ménage ainsi que tout l'appareillage ménager
de luxe est considéré comme une nécessité.
La très faible densité et l'étalement de ces
quartiers rendent impossible la mise sur pied d'un réseau de transport
public. Par ailleurs, les promoteurs continuent de bâtir des centres
commerciaux voués à l'automobile et entourés de
gigantesques terrains de stationnement.
Une étude effectuée en 1974 par le gouvernement
américain jette la lumière sur l'ampleur du gaspillage qui
découle de la suburbanisation. On y affirme que les zones
résidentielles de forte densité, où l'on trouve des
maisons en rangées et de petits immeubles d'appartements, coûtent
moins cher à la collectivité et consomment moins d'énergie
que les zones pavillonnaires traditionnelles.
L'étude prouve en particulier qu'une communauté de forte
densité comptant 30 000 personnes sur 3000 acres représente un
investissement initial de 44% moins cher qu'une communauté de faible
densité. De plus, elle occasionne une pollution atmosphérique de
45% inférieure.
Le type de développement suburbain pratiqué par les
sociétés qui entretiennent des liens avec des banques et autres
entreprises intéressées à maintenir une forte consommation
d'énergie per capita est inacceptable pour la société tout
entière.
Le fait que la compagnie Gulf Oil Ltée, qui a forcément
intérêt à accroître la consommation d'énergie,
soit en train de créer une ville nouvelle à Laprairie est
hautement contestable.
Captifs de leurs automobiles, les résidents des banlieues doivent
emprunter les autoroutes ou les artères principales afin de se rendre au
centre-ville. Ce réseau routier, qui est fourni par le gouvernement du
Québec à un coût par passager/mille très
élevé, rend irréalisable le service de transport public
que la Communauté urbaine de Montréal préconise à
un coût par passager/mille bien moins élevé.
En construisant au centre-ville de vastes garages intégrés
aux nouveaux complexes et en utilisant les terrains vacants qu'ils
possèdent pour y installer d'autres parcs de stationnement, les
promoteurs publics et privés accentuent encore cette tendance. Ainsi,
l'étalement par l'urbanisation en banlieue contribue à
détériorer l'animation et la qualité de la vie dans nos
centres urbains.
Sauvons Montréal se réjouit de plusieurs actions
lancées par le nouveau gouvernement. L'arrêt de l'autoroute
Est-Ouest et l'augmentation des taxes sur les véhicules privés,
en particulier sur les grosses voitures, sont des initiatives encourageantes
dans la lutte contre l'automobile.
Les nouveaux règlements de la Commission municipale du
Québec en faveur d'une plus grande densité résidentielle
dans les nouvelles banlieues sont un pas important. Toutefois, la
décision du gouvernement du Parti québécois autorisant la
destruction de l'hôtel Laurentien est regrettable.
II y a beaucoup à faire pour encourager, en milieu urbain, une
société de conservation. Cette conservation ne peut se faire par
petits morceaux. L'ensemble des ressources et des matériaux qui ont
nécessité beaucoup d'énergie doit être
conservé, ainsi que l'énergie elle-même.
Une véritable éthique de conservation doit peu à
peu s'infiltrer dans la vie de tous les Québécois afin que
ceux-ci la mettent en pratique quotidiennement et qu'ils rejettent un
matérialisme ou-trancier.
Voici quelques mesures positives que le gouvernement du Québec
pourrait prendre dans ce sens. 1-Lancer une campagne de publicité pour
contrer la propagande des sociétés qui encouragent la
privatisation et la surconsommation. 2- Donner à la ville de
Montréal le pouvoir de faire cesser toute démolition de
bâtiments dans l'agglomération. 3- Insister pour que tout nouvel
édifice soit construit de manière à conserver le plus
possible l'énergie. Le Code de la construction doit être revu afin
d'assurer une meilleure qualité des immeubles. 4-Encourager le transport
public aux dépens des véhicules privés. Augmenter les
taxes sur les automobiles, l'essence et les terrains de stationnement pour
éliminer les énormes subventions cachées dont
bénéficient actuellement tous les automobilistes. Appliquer le
plus vite possible le système de transport rapide du Bureau
d'aménagement régional de l'express métropolitain,
conçu pour absorber les migrations pendulaires particulièrement
aux heures de pointe. 5-Intégrer la planification des transports au
premier stade de toute planification. Il importe que des développements
résidentiels de forte densité et desservis par le transport
public soient créés dans les banlieues. 6-Eviter la
démolition de l'hôtel Laurentien, en guise de symbole de
l'intérêt porté par le gouvernement à la
conservation des ressources. 7-Stopper la spéculation foncière et
les investissements étrangers dans l'immobilier, car ils
entraînent la destruction de vieux édifices. Un système de
taxation, partiellement semblable à celui actuellement en vigueur en
Ontario, pourrait être instauré. 8-Entreprendre un programme de
rénovation des logements, incluant des équipements d'isolation,
afin de diminuer la consommation d'énergie. Un tel programme devrait
inclure des subventions aux locataires ayant les plus faibles moyens
financiers, ceci pour éviter de faire peser trop lourdement sur eux le
fardeau de la conservation.
Je cède la parole à Claire Morissette du Monde à
bicyclette.
Mme Morissette (Claire): Le mémoire que je vous soumets,
je le fais au nom du Monde à bicyclette qui est un organisme qui veut
promouvoir la bicyclette comme moyen de transport dans les villes. Aussi, au
nom de l'Estrie à bicyclette et de Saint-Hubert à bicyclette, qui
oeuvrent dans le même but, je vais vous parler du véhicule le plus
gaspilleur d'énergie, l'automobile; du véhicule le plus
économe d'énergie, la bicyclette, et des autres choix qui peuvent
aider à créer un autre mode de vie pour ce qui est du
transport.
L'automobile, vous le savez sans doute, consomme en Amérique du
Nord 42% de toute l'énergie, de sa fabrication à son
élimination dans les cimetières d'autos. Elle consomme 50% du
pétrole consommé dans le transport au Québec, pour nous
donner une performance très piètre, 15%, c'est-à-dire que,
sur vingt joules qui sont introduits dans le réservoir de l'automobile,
il y a seulement trois joules qui servent au déplacement réel.
C'est une des industries qui a le moins progressé.
On abuse de l'automobile, c'est-à-dire que 75% des
déplacements sont sur des distances de moins de huit milles. En
général, les automobiles transportent 1,4 personne et restent
stationnées 22 heures sur 24, sans parler de tous les autres
inconvénients qui sont la pollution, le bruit, la mortalité, les
dettes.
Pourquoi ce gaspillage? C'est dû aux politiques provinciales,
fédérales, municipales, qui encouragent l'automobile, qui
encouragent l'achat d'automobiles, qui encouragent les multinationales de
l'automobile et du pétrole, Exxon, par exemple, qui fait $44 milliards
annuellement, ce qui est énorme par rapport au Québec, qui a un
budget d'environ $10 milliards annuellement, et les autres. General Motors,
Ford, Texaco, qui sont des géants beaucoup plus gros que les pays dans
lesquels nous vivons; les gouvernements, en faisant des autoroutes, en faisant
la Transcanadienne, en faisant l'autoroute Dufferin, en faisant l'autoroute
Est-Ouest qui nous a coûté $500 millions, même si on ne
l'utilise que rarement, nous qui n'avons pas de véhicules automobiles;
$750 millions sur les $900 millions du ministère du Transport au
Québec vont au service à l'automobile. Montréal fait sa
part en donnant $83 millions annuellement pour l'entretien des routes.
Il faut contrôler ce véhicule qui est gaspilleur
d'énergie et qui est destructeur. Des mesures comme les taxes sur
l'achat des véhicules sont excellentes. Il faut aller plus loin. Il faut
devenir sévère en ce qui concerne le coût des
stationnements, le bruit, l'obtention des permis. Il faut créer des
péages.
A Singapour, en installant un péage de $1.65 à
l'entrée de la ville, on a coupé de moitié la circulation
des automobiles. Il faut bannir l'automobile de certains secteurs des villes et
donner la place aux piétons. Si on veut contrôler le fléau
automobile, il faut aussi créer des choix, ce qui m'amène
à vous parler de la bicyclette. Quand je parle de bicyclette, je veux
dire ceci: la bicyclette c'est une invention géniale, qui dépense
20 fois moins d'énergie que l'automobile; 2 fois moins que la marche
à pied, qui consomme 80 fois moins d'acier à sa construction, qui
ne consomme pas de carburant, ni d'énergie non renouvelable, qui, au
contraire, utilise une énergie métabolique qui est excellente
pour la santé du cycliste. C'est une
invention qui transporte jusqu'à dix fois son propre poids, qui
donne un service de porte à porte, qui protège l'environnement,
qui est peu coûteuse collectivement, puisqu'il s'agit de simplement
redistribuer de l'espace, et individuellement aussi.
Beaucoup de Québécois ont déjà des
bicyclettes. C'est une ressource qui est déjà disponible. Les
ventes de bicyclettes, l'année dernière, ont
dépassé celles de l'automobile. Pourtant, dans les politiques, on
considère toujours que les milliers de cyclistes qui sont actuellement
au Québec sont une quantité négligeable, qu'ils sont des
marginaux, ou des excentriques, ou des enfants. On considère toujours la
bicyclette comme un jouet, mais la bicyclette, c'est beaucoup plus qu'un sport,
c'est un transport.
Au même moment où, ici, au Québec, on entretient
chaque année 32 000 milles de pistes pour les motoneiges, dans d'autres
villes européennes, on a jusqu'à 25% de la circulation
quotidienne et régulière qui se fait par la bicyclette. A
Anchorage, Alaska, on transforme les pistes cyclables en piste de ski de
fond.
Il suffirait simplement de créer des réseaux complets de
pistes cyclables, sécuritaires, à l'abri des automobiles, de
donner des stationnements à l'épreuve du vol, comme on en trouve
facilement aux Etats-Unis, particulièrement en Californie, de doter les
autres véhicules du transport en commun de certains supports qui servent
à transporter les bicyclettes, qui sont très pratiques, de mettre
des bicyclettes communautaires aux entrées des métros. On
obtiendrait une diminution énorme de la circulation automobile en
ville.
Je pense que nous, ici, qui nous questionnons sur l'économie
d'énergie, qui nous soucions particulièrement de la question de
la conservation d'énergie, nous qui sommes le point de mire actuellement
de la population québécoise à propos de l'énergie,
nous nous devons de donner l'exemple d'un autre style de vie. Aujourd'hui, je
suis venue à cette Assemblée à bicyclette. De
Montréal, j'ai pris l'autobus. J'aurais préféré
prendre le train, mais le Rapido n'accepte pas de bagages (donnez-moi une
raison). J'ai dû venir en autobus et à bicyclette, parce que je
suis une acharnée d'un mieux-vivre.
Je me demande combien d'entre nous ici sont entrés seuls ce matin
dans un énorme stationnement, dans un véhicule beaucoup trop gros
pour leurs besoins réels. Je pense qu'il serait temps que le
ministère de l'Energie donne l'exemple d'un apport personnel et
volontaire que chaque Québécois peut faire. En particulier, tous
les travailleurs du ministère de l'Energie devraient avoir toute
facilité: stationnement, pistes cyclables dans la ville de Québec
pour venir jusqu'à leur travail.
Je vais glisser quelques mots à propos de trois autres moyens de
voyager en économisant l'énergie: le métro, l'autobus et
le train. Le métro, l'autobus et le train consomment à peu
près de deux à quatre fois moins d'énergie que
l'automobile. Ce sont des véhicules qui sont hautement
sécuritaires et qui, aussi, économisent l'espace. On laisse
détériorer continuellement les services de transport en commun.
Le rapport Marcil nous révèle qu'à Montréal, si les
usagers du transport en commun recevaient la même subvention que les
automobilistes, on aurait à payer seulement $0.16 pour notre billet de
métro. On construit des autoroutes parallèles aux axes
ferroviaires avec, évidemment, le résultat d'augmenter la
circulation routière. A Rigaud, récemment, on a annoncé
qu'on coupait le train des banlieusards qui viennent travailler et qui vont
devoir prendre leur auto, risquer leur vie, endurer le stress, etc. On ignore
les innovations comme le train de Bombardier, une fabrication
québécoise, léger, rapide et confortable que les
Américains, eux, s'empressent de mettre en valeur.
Si on pense réellement à économiser de
l'énergie, il est urgent d'améliorer le transport en commun.
Québec nous donne l'exemple de certaines voies réservées
pour les autobus qui dissuadent des milliers d'automobilistes de se rendre
à leur travail en auto. Les abribus aussi sont un exemple à
prendre en note. On devrait avoir des tarifs réduits pour l'autobus, le
métro, le train. On pourrait avoir des abonnements. A Seattle, à
Bologne, le transport en commun est gratuit.
Il faut rationaliser aussi le système de transport en commun
autour de Montréal et investir les sommes nécessaires pour qu'il
n'y ait pas de longues interruptions pendant lesquelles les usagers vont
céder à la pression d'acheter une automobile. Le tramway est
remis en valeur dans nombre de villes américaines. On redécouvre
qu'il est confortable, silencieux, non polluant et très durable. Les
trains, il faut venir au secours des trains. C'est un SOS.
Je conclurai en disant que toutes ces solutions coûtent
très peu, garantissent d'énormes économies
d'énergie et ont des répercussions sur d'autres chapitres
où les questions s'avèrent urgentes. Je ne comprendrais pas qu'il
y ait un délai à appliquer les recommandations, du moins à
la bicyclette. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de
m'exprimer.
Le Président (M. Laplante): Merci, mademoiselle, merci,
messieurs. M. le ministre.
M. Joron: Madame, messieurs, d'abord, je dois commencer par me
confesser. Je ne suis pas venu à bicyclette au parlement, ce matin. Par
contre, j'en ai acheté une, bicyclette, l'année dernière,
avant le déclenchement des élections aussi.
Si la perspective du ministre de l'Energie à bicyclette a fait
sourire, ce n'est pas parce qu'on souriait qu'on ne prend pas très au
sérieux les deux mémoires qui viennent d'être
déposés.
Moi, je déplore le fait, entre autres, que la table des
journalistes se soit à peu près vidée, parce qu'on a ici
un exemple frappant qui se relie à la discussion qu'on avait tout
à l'heure avec les gens de l'Hydro-Québec. Quand on disait: Cela
pourrait peut-être ne pas prendre 70 000 mégawatts en telle
année, mais plutôt 40 000 si on avait un type de
développement économique différent, vous en apportez un
exemple fondamental. Il y a cette liai-
son que les gens font toujours. Ils disent: Croissance
économique, donc croissance du niveau de vie. Donc, il faut absolument
faire ça et ça prend de l'énergie. Croissance
économique? Il y en a de différentes façons. Il peut y
avoir de la croissance pour de la croissance tout simplement, comme un chien
qui court après sa queue. On n'augmente pas le niveau de vie
nécessairement avec n'importe quelle forme de croissance
économique.
Dans ces deux mémoires, vous avez touché un point
fondamental. C'est justement le genre de réflexion qu'on voulait
entendre devant cette commission-ci. Comment une chose, entre autres
l'automobile, fait qu'on dépense énormément
d'énergie. On n'en aura peut-être pas assez pour continuer la
façon de vivre que l'automobile nous a imposée. On pourrait
parler non seulement du gaspillage d'énergie que ça cause, mais
également de ce que ça soustrait aux investissements qui
pourraient aller à d'autres fins. En effet, quand on est embarqué
dans ce système et que ça vous oblige à faire des parcs de
stationnement, des autoroutes, ceci ou cela, ainsi de suite, c'est autant de
fonds que la collectivité ne peut pas investir dans d'autres secteurs,
par lesquels elle pourrait aussi améliorer son niveau de vie. Cela ne
passe pas nécessairement par là.
Vous avez mentionné trois points j'en ai retenu trois
par lesquels l'automobile est au centre de ce type de
société fondée sur le gaspillage de l'énergie. Le
transport. Tout a trait finalement à l'aménagement du territoire.
Le fait que les villes ne soient pas densifiées et la
prolifération des banlieues a des implications sur le transport, parce
que, là, il faut circuler dans ces villes très étendues.
Sans entrer dans l'histoire de l'hôtel Laurentien de toute
façon, ce n'est pas de ma compétence c'est bon de
souligner aussi qu'on gaspille quand on détruit des choses qui sont en
place. Il n'y a qu'à voir la vitesse à laquelle on remplace nos
équipements immobiliers. Ce mémoire l'a bien fait ressortir, il y
a là-dedans une part d'énergie, parce que, pour faire du
béton, je vous garantis que ça coûte cher d'énergie.
Quand on démolit et qu'on recommence tout le temps, on gaspille de
l'énergie en faisant ça. Cela souligne très bien les
répercussions qu'une politique de l'énergie peut avoir. Nous, on
peut bien dire dans notre livre blanc: On veut telle quantité en telle
année, ce qui implique, je le disais tout à l'heure, un type de
développement économique peut-être nouveau, un type de
développement industriel nouveau, mais ce qui implique aussi
c'est vous qui nous donnez l'occasion de le souligner un type
d'aménagement du territoire complètement nouveau.
Le problème est donc bien posé, sauf qu'une fois dit il
n'est pas résolu. Là, je vous retourne un de vos arguments contre
une de vos propositions, dans un sens. Je vous dirai ceci: Ce qu'on investit en
infrastructures de béton pour construire nos banlieues, nos bungalows,
nos autoroutes, nos stationnements, nos parkings et ainsi de suite, si on le
"scrape" tout d'un coup et qu'on recommence, là aussi on va gaspiller de
l'énergie qui a déjà été mise dans ces
choses-là. Donc, il y a une période d'amortissement qu'il faut
entrevoir. Sur combien d'années est-ce qu'on va amortir ce qu'on a
déjà fait et qui est irréversible? On l'a peut-être
fait à tort. Il y a une période assez longue avant que la
mutation se fasse et qu'on économise toute l'énergie que dans 25
ou 30 ans je vais finir ma question comme ça ou 35 ans, on
pourra éventuellement économiser si nos villes étaient
toutes refaites autrement. Il y a cette question.
Vous êtes sûrement conscients aussi que là vous vous
attaquez de front à des schèmes culturels de la population et
à sa façon de vivre, parce que vous dites: Faites de la
publicité, par exemple, pour expliquer cela aux gens. Je veux bien, mais
regardez toute la publicité qui se fait pour dire le contraire,
justement, pour vous proposer ceci, cela, un skidoo, deux autos, trois ci,
quatre ça, un bungalow...
Est-il pensable qu'un seul programme de publicité puisse amorcer
cette espèce de appelons les choses par leur nom
révolution culturelle que sous-tendent vos propositions? Je
m'arrête là. Je pourrais continuer longtemps, mais...
M. Chaussée: Je voudrais répondre à votre
objection de tout démolir le système d'autoroutes. On ne joue
plus dans des carrés de sables depuis plusieurs années. On ne
préconise pas de tout démolir. On est pleinement conscient de
l'inertie du système dans lequel on vit et cela prendra des
années avant d'arriver à une utilisation maximale des transports
en commun.
La première des choses, le système actuel ne le permet
pas. On demande qu'on en conçoive un et qu'on le mette en marche dans X
temps, mais d'accélérer le processus de planification des
systèmes de transport en commun. C'est aussi simple que cela.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Je n'ai pas de question comme telle. Vous vouliez
parler...
M. Fish (Michael): J'ai un excellent exemple de ce qui se passe
actuellement. C'est le train qui vient de Vaudreuil et de Dorion à
Montréal. On voulait couper ce train de douze par jour à deux par
jour, ce qui entraînerait 300 autres voitures au centre-ville dans les
alentours du Dominion Square.
Maintenant, la compagnie de chemins de fer a dit qu'elle va le couper
à seulement six par jour, de douze à six. Rome ne s'est pas
bâtie en un jour, mais on peut commencer avec ce train et, si le
gouvernement du Québec avait une forte opposition et même s'il
voulait augmenter ce service dans les banlieues ouest de la ville, cela serait
un commencement. Nous voyons très peu de commencements concrets. Notre
mémoire n'aime pas beaucoup qu'il y ait du nouveau là-dedans.
Cela prend un peu de courage pour le commencer et les nouvelles habitudes vont
suivre.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Je n'ai pas de question comme telle. C'est
plutôt pour faire un commentaire sur vos deux mémoires qui vont
reprendre, en fait, beaucoup de choses que vient de mentionner le ministre
Joron, parce que je trouve que vos deux mémoires, même s'ils sont
écrits dans des mots très simples et dans des expressions
facilement compréhensibles, posent vraiment le problème
fondamental. Il s'agit, essentiellement, de changer notre mode de vie et,
finalement, votre mémoire aurait dû être
présenté aux quatre ministres d'Etat en plus du ministre de
l'Energie et au ministre d'Etat au développement économique parce
que vous avez mis en question le développement économique.
M. Joron: Mais le fait qu'il ait été
présenté ici témoigne où se trouve la clé de
toute cette affaire.
M. Marcoux: Vous voyez comment tous les ministres tirent la
couverte sur leur côté. C'est très difficile de faire du
développement interministériel parce que tous les ministres ont
raison.
Ceci dit, qui est vrai, pose d'abord le problème du
développement économique. Au lieu de fabriquer des autos, il faut
fabriquer des autobus ou des trains. Il faut fabriquer, en somme, d'autres
types de produits. Cela suppose une réorientation complète de
notre économie.
Vous m'avez rappelé, à la lecture de votre mémoire,
les quatre roues de la fortune l'Alfred Sauvé qui posait tout ce
problème et qui montrait... En fait, il y avait deux choses qui
étaient les piliers de l'économie américaine ou
occidentale. Il y avait la défense nationale et l'automobile les
quatre roues de la fortune. C'est quand même un pilier et cela prend du
temps avant de se changer. Vous avez quand même montré la
nécessité de le changer.
Lorsque vous parlez de l'étalement urbain, vous mettez tout en
question, l'aménagement, toute la conception de l'aménagement.
Les Québécois, par exemple, pendant la phase où ils
édu-quent leurs enfants en bas âge, accepteront-ils dans l'avenir
de vivre, dans des blocs de six, sept ou huit familles au lieu de vivre dans
des maisons unifamiliales comme notre culture américaine actuellement,
nos valeurs... Notre formation fait qu'à l'étape de
l'éducation des enfants on préfère s'en aller en banlieue
dans une maison unifamiliale et revenir en ville après cette
période, comme on y était avant. Cela pose en somme toute la
question de l'aménagement. Cela pose la question de nos valeurs, notre
culture. En somme, il s'agit ici de changer tous nos modes de vie, notre
conception de la croissance, des priorités de nos investissements
économiques et sociaux. Evidemment, je parlais des quatre ministres au
développement, il y a le développement social également.
Lorsque vous parlez des voisins ou de la conception de la vie qu'on a en
banlieue, c'est une autre conception de la vie que celle qu'on a lorsqu'on
décide de choisir de vivre dans une ville à densité
beaucoup plus élevée.
Même si vos mémoires sont brefs et je pense que
c'est intéressant qu'ils le soient j'ai beaucoup
apprécié que vous posiez l'ensemble de ce problème parce
que c'est bien évident que le gouvernement ne pourra pas
éviter... On ne peut pas poser le problème de l'énergie
comme étant séparé de tout le reste de la vie. En fait,
cela met en question toute la conception qu'on peut avoir de notre mode de vie.
Je reviens à cette expression que j'utilisais au début. Je vous
remercie d'être venu nous rencontrer.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Berthier.
M. Mercier: Votre mémoire rejoint très bien mon
ordre de préoccupation principal. Quand vous vous présentez sous
le thème de Sauvons Montréal, c'est un peu tout le Québec,
je pense, que vous impliquez. Depuis plusieurs années, je vis à
la campagne et j'ai constaté ceci. Les villes ne sont plus vivables
à cause du manque d'espaces verts, du manque de rénovation
domiciliaire, à cause de l'automobile. Lorsque les gens vont
s'établir à l'extérieur, en banlieue, et
particulièrement dans le comté où je suis, on constate que
cela commence par des résidences secondaires qui se transforment en
résidences permanentes. Les gens voyagent 50, 60 milles par jour pour
aller travailler et peu à peu exigent des services municipaux,
identiques à ce qu'on a dans les grands centres, d'aqueduc et
d'égout. Tout le reste suit, le chemin à élargir, et toute
l'activité économique est liée à cela. Bref, peu
à peu, on sabote l'environnement de la campagne et, en
définitive, lorsque c'est fait à un endroit on s'en va plus loin
et on recommence exactement le même processus. Sauf que ce à quoi
je n'ai pas trouvé de réponse encore, c'est ceci: A partir du
moment où on a constaté ce problème, comment peut-on
effectuer un réaménagement sans entraîner, par secteur, un
certain chômage alors qu'on en a un taux déjà
élevé? Dès que vous touchez à l'aménagement
urbain, c'est la construction domiciliaire, la construction de routes, la
construction de réseaux d'aqueduc et d'égout et tout l'ensemble
des services qui coûtent extrêmement cher à l'unité
et qu'on ne peut pas toujours se permettre. Comment faire ce passage tout en
gardant un niveau d'activités économiques qui soit acceptable
pour l'ensemble de la collectivité? Sans cela, c'est à peu
près impossible de songer à un réaménagement aussi
fondamental.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais simplement
revenir à un point que ce monsieur a soulevé quant au service
ferroviaire de Vaudreuil-Montréal. C'est vrai que quand il y a
l'intervention du gouvernement provincial, au moins des représentations
qui sont faites, cela peut apporter des résultats. Je veux seulement
vous donner les résultats que nous avons eus l'automne dernier quand on
a fait des représentations au Canadien
National et au ministre des Transports fédéral au sujet du
service ferroviaire Montréal-Deux-Montagnes. Le Canadien National devait
diminuer le service et augmenter les taux. Alors, nous avons, avec le ministre
des Transports de la province, fait des représentations et nous avons pu
obtenir du Canadien National et du ministre des Transports
fédéral qu'ils mettent en suspens, premièrement,
l'augmentation des taux et qu'ils mettent en suspens aussi la diminution du
service jusqu'à ce qu'ils fassent une étude pour voir exactement
les besoins des résidents de ces endroits. Le service
Montréal-Deux-Montagnes a pu être maintenu à un certain
niveau grâce à l'intervention des députés
concernés et avec la collaboration entre la province et le
fédéral. Je crois que c'est une mesure très
concrète que vous suggérez et que c'est quelque chose que les
députés concernés et le gouvernement devraient poursuivre
pour répondre aux besoins des résidents de ces endroits.
Le Président (M. Laplante): M. Morissette.
M. Morissette (Pierre): J'aimerais faire un petit commentaire sur
une remarque que M. le ministre vient de faire, M. le ministre, vous venez de
dire que l'automobile et tout ce que cela implique comme infrastructures
expliquent certains investissements qui ont été faits. Si un
changement venait tout à coup cela ne viendra pas tout d'un coup,
en tout cas, parce que cela prendrait, comme c'était mentionné,
bien des changements dans les attitudes les ressources dans cette
infrastructure seraient gaspillées. Je pense que ces ressources, en
termes réels, ont été investies dans le passé et
que c'est fini. On partait avec le travail et le capital tel qu'il
était. En utilisant l'automobile, comme c'était bien
démontré par Claire Morissette avec les statistiques les plus
récentes, on empire la situation sur le plan de l'énergie.
Là, on parle de l'automobile privée, parce qu'on favorise quand
même l'autobus qui est aussi une automobile. L'automobile privée
est une grande source de gaspillage d'énergie. On est d'accord
là-dessus. En utilisant cette infrastructure, on gaspille
l'énergie. On empire la situation. Si on pouvait rêver, on
pourrait écrire un roman et on pourrait dire: L'année 0 commence
demain et on aura seulement le transport en commun en ville, plus des
bicyclettes et des trains entre les villes. Je pense que cela implique une
épargne d'énergie et pas une perte de ressources, parce que ces
ressources étaient investies dans le passé.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: D'abord, évidemment aussi, je voudrais vous
féliciter pour la clarté et le courage de vos mémoires qui
pourraient peut-être s'inscrire à contre-courant de ce à
quoi normalement on s'attend devant une commission comme celle-ci, quand on
voit, entre autres l'Hydro-Québec qui arrive ici avec des moyens
considérables pour étayer son point de vue. Je vous
félicite de la qua- lité du travail que vous avez fait, compte
tenu de moyens que je présume relativement limités pour le
faire.
Cependant, je suis frappé par le fait que votre mémoire
soulève deux ordres de problèmes. Le premier est celui qui a
déjà été évoqué par mes
collègues; finalement, vous présupposez une espèce de
changement fondamental, une espèce de changement culturel et d'habitudes
de vie sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je pense qu'on se comprend tous
là-dessus.
Le deuxième, c'est que l'ensemble de vos recommandations vise
essentiellement à des interventions étatiques. Je pense que
déjà on a évoqué la difficulté que cela peut
représenter dans certains cas, non seulement parce qu'on prend de front
des habitudes culturelles, mais aussi parce qu'en termes économiques
c'est très difficile pour l'Etat de trancher au couteau des situations
comme celles-là. Je voudrais tout simplement souligner le fait que, dans
cette première partie qui est celle du changement des habitudes d'une
population, des groupes comme les vôtres, qui n'ont rien à voir
avec l'Etat, qui sont issus de préoccupations authentiques de milieux,
d'une réflexion qui révèle carrément un certain
courage, ont un travail énorme à faire à ce niveau,
beaucoup plus que le travail que l'Etat peut faire en termes
d'éducation. L'Etat peut essayer de refléter, je pense, ce type
de préoccupations à travers des décisions plus ou moins
quotidiennes ou plus ou moins à long terme. Je pense que, d'abord et
avant tout, les moteurs de ce changement, ce sont les agents dynamiques
à l'intérieur de la population, à l'exclusion de
l'Etat.
Je voudrais vous dire que vous avez mon respect et celui de l'ensemble
des collègues qui appartiennent au parti que je représente, pour
ce type d'activité autonome. C'est important que vous continuiez en ce
sens-là et que vous ne vous découragiez pas, ne serait-ce
qu'à cause d'une mesure que vous proposez et à laquelle le
gouvernement dirait non.
J'ai aussi une question spécifique. A la recommandation no 8,
vous parlez d'un programme de rénovation de logements, incluant des
équipements d'isolation afin de diminuer la consommation
d'énergie, le tout présupposant peut-être aussi une
modification au niveau du Code de la construction. Vous dites qu'un tel
programme devrait inclure des subventions aux locataires ayant les plus faibles
moyens financiers, ceci pour éviter de faire peser trop lourdement sur
eux le fardeau de la conservation.
Je ne sais pas si vous avez réfléchi en termes concrets
à ce que cela peut signifier comme mesure ou si vous avez une
idée d'un programme de ce type qui existe.
M. Fish: Permettez-moi de commenter ces questions. C'est dans ce
sens qu'il faut faire les premiers changements. C'est exactement ce qui a
été fait à la fin de la deuxième guerre mondiale,
quand on a pris une décision consciente de faire une ville pour
automobiles et pour banlieusards.
Ce qui est nécessaire actuellement, c'est une intervention. Cela
pourrait favoriser n'importe qui, soit des gens de l'entreprise privée,
des coopératives, mais changer les règles de jeu de construire
des maisons. Et la place où commencer avec nos traditions, avec nos
problèmes actuels au Québec, c'est la rénovation des
anciennes maisons, particulièrement au centre-ville
montréalais.
On parle d'éveiller la conscience des gens. On est à peu
près à la fin de cette route. Il y a beaucoup de projets en place
qui n'ont pas de programme gouvernemental. C'est maintenant temps pour le
gouvernement d'agir.
Je pense que tout ce travail de base dans la population, si on vit au
centre-ville montréalais, il y a des problèmes et tous les
résidents en sont conscients et votent "accordingly". On a maintenant
besoin d'actions concrètes des gouvernements et on commencera comme il y
a 30 ans, avec les règles de jeu pour "l'hypothécaire" et pour
les gens qui font un travail.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Matane.
M. Bérubé: Je pense que, comme responsables en
politique, on fait face à des demandes comme les vôtres avec
énormément d'intérêt et, en même temps, avec
une certaine crainte. La plupart des demandes qui me viennent, dans mon
comté, c'est pour l'amélioration du réseau routier,
c'est-à-dire pour l'inverse de ce que vous demandez ici.
Je pense que nous sommes à peu près unanimes pour
reconnaître que le bien-fondé de vos remarques est un
problème profond, parce que cela suppose un changement. C'est à
ce niveau que je fais mon commentaire. Il y a deux façons d'agir sur les
événements. La première, c'est d'attendre que le prix du
pétrole augmente de telle sorte qu'il devienne absolument
irréaliste de continuer le type de société que nous avons
et à ce moment-là, naturellement, les lois de l'économique
devraient tendre à nous ramener une société plus
rationnelle en fonction des besoins.
Or, ce n'est pas cela que vous nous proposez. Ce que vous nous proposez,
c'est de devancer la situation économique de demain pour éviter
le chaos plus tard, et, à l'avance, de modifier les règles du
jeu. C'est à ce niveau que c'est difficile, parce qu'on va à
rencontre d'une mentalité, d'une attitude générale
vis-à-vis des besoins énergétiques. Je pense que c'est
là où votre action est très importante, en créant
un- mouvement dans la population qui nous permet, à ce moment, de
justifier les actions qui vont modifier...
Un exemple typique je vois M. Champagne le centre-ville de
Sainte-Foy, où on avait proposé un plan d'aménagement
extrêmement intéressant où on parlait de promouvoir le
développement et le transport en commun. Mais ce qui frappait, à
prime abord, lorsqu'on regardait le plan, c'est que tout était
axé sur des réseaux de terrains de stationnement et d'autoroutes.
Je ne vois pas quelqu'un qui aurait pris le transport en commun, alors qu'il
peut prendre son automobile si facilement.
La bicyclette, je suis d'accord mais, en plein hiver, en février,
je me rends compte que la population n'est pas prête à prendre
cela. On a un effort considérable à faire. Le transport en
commun, je le vois, mais qui prend le train pour se rendre dans le centre de
Montréal? C'est qu'il y a une sous-utilisation des services de transport
en commun. La seule façon d'y remédier, c'est pratiquement
d'arriver avec une réglementation tellement sévère, des
prix artificiels de l'essence-automobile, enfin, des attitudes gouvernementales
qui vont amener la population à changer son mode de vie, avant que
l'économie l'oblige à faire cela. Ce sont nécessairement
des mesures qui sont très impopulaires. Elles ne peuvent reposer que sur
un appui comme celui que vous nous apportez.
Le Président (M. Laplante): C'est bien. Mademoiselle,
messieurs, la commission vous remercie de ce que vous avez apporté, Le
temps est même dépassé. On voudrait essayer d'en passer un
autre, avant d'aller au lunch. Merci! Excusez-moi, mademoiselle, vous aviez une
question en marche, je crois.
Mme Morissette: Pardon?
Le Président (M. Laplante): La question de M.
Bérubé, vous pouvez y répondre, seulement pour le
satisfaire, parce que je vais me faire faire des reproches.
Mme Morissette: Vous me permettez de répondre?
Le Président (M. Laplante): Oui, allez-y.
Mme Morissette: Ce que je voulais dire, c'est qu'élargir
une rue ou prendre les impôts des citoyens pour déneiger quatre
voies de large d'une autoroute, ce sont des interventions de l'Etat; ce ne sont
pas des interventions de l'éducation, mais de persuasion à
prendre l'automobile.
Je voulais aussi répondre à cet autre monsieur qui parlait
du nombre de travailleurs qu'il y a dans le secteur automobile. C'est
très vrai, les Québécois, en général,
travaillent en moyenne dix heures par semaine pour leur automobile: l'achat,
les assurances, les contraventions, l'essence, l'impôt, la partie des
impôts qui va au déneigement, qui va à la circulation, la
police qui fait la circulation, qui va aux hôpitaux parce qu'on a des
blessés, qui va aux allocations parce qu'on a des invalides permanents.
C'est notre argent, ce sont dix heures de travail par semaine de tous les
Québécois. Si on transformait la situation de façon
à se passer de l'automobile, on pourrait se passer de ces dix heures de
travail supplémentaire, ce qui pourrait amener un début de
solution.
Je pense que vous avez tous les éléments en main et toutes
les compétences pour trouver les solutions.
Le Président (M. Laplante): Merci, mademoiselle.
J'appellerais le Regroupement pour la surveillance du nucléaire.
Excusez, c'est parce que c'est un petit groupe, celui-là; Texaco va
apporter des questions plus longues, probablement. On la passera à 8
heures. Est-ce que le Regroupement pour la surveillance du nucléaire est
ici?
Avant de commencer, est-ce que vous pourriez nous dire à peu
près combien de temps va prendre votre exposé?
Mme Henaut: Je m'appelle Dorothy Henaut. Je suis le porte-parole
de notre groupe qui est peut-être petit, mais les idées ne sont
pas petites.
Le Président (M. Laplante): J'y vais par la grosseur du
mémoire.
Mme Henaut: Je ne sais pas si vous avez vu la taille de notre
mémoire. Il n'est pas plein de verbiage. Il touche beaucoup de points.
Nous n'aimerions, en aucune façon, être coincés par le
temps. Nous pensons que nous avons quelque chose à dire qui va vous
intéresser beaucoup. Nous aimerions alors prendre la place qui nous a
été allouée...
Le Président (M. Laplante): Dans un premier temps,
mademoiselle, pouvez-vous faire votre exposé, et après cela, on
suspendra la séance jusqu'à 8 heures?
Mme Henaut: Oui, je pense que cela prendra de vingt minutes
à une demi-heure pour faire l'exposé.
Le Président (M. Laplante): Ah non! On suspend nos travaux
jusqu'à 8 heures. On recommencera avec Texaco, à ce moment. On va
suivre l'ordre du jour.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
Reprise de la séance à 20 h 6
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux. J'appelle Texaco Canada Limitée. Je vous
demanderais un exposé court, clair, pour que, dans les trois quarts
d'heure, 45 minutes, les membres aient la chance de vous poser des questions
sur votre mémoire. Veuillez maintenant me présenter les gens qui
sont avec vous, s'il vous plaît.
Texaco Canada Limitée
M. Cleyn (Otto): M. le Président, je m'appelle Otto Cleyn,
vice-président pour l'Est du Canada de Texaco Canada Limitée et
directeur régional pour le Québec. Je suis accompagné de
M. Wilfrid Beaudry, à ma gauche, qui est adjoint du trésorier et,
à sa gauche, de Me André Galipeau, conseiller juridique.
Au nom de Texaco Canada Limitée, nous vous remercions de nous
avoir donné l'occasion de nous présenter devant la commission
parlementaire. Vous avez déjà reçu un exemplaire de notre
mémoire relativement à une politique énergétique
pour le Québec. Mais, avec votre permission, j'aimerais vous exposer les
grandes lignes de notre mémoire.
Premièrement, au cours des 20 prochaines années au moins,
les Québécois s'approvisionneront, en majeure partie, en
pétrole comme source d'énergie, soit le brut et le gaz naturel.
Bien que les autres sources énergétiques d'approvisionnement
deviendront de plus en plus importantes, leur exploitation sera lente à
cause des considérations techniques et financières, ainsi que,
probablement, de questions d'environnement.
Deuxièmement, la subordination du Québec au pétrole
brut étranger continuera d'augmenter parce que les gisements
traditionnels de pétrole brut au Canada s'épuisent,
l'acheminement du pétrole brut provenant de l'Ouest canadien vers
Montréal devrait, d'après nous, cesser au début des
années 1980 et, encore une fois, le Québec sera
entièrement dépendant du pétrole brut étranger.
Troisièmement, on s'attend que la concurrence entre les pays
importateurs de pétrole brut s'intensifie au cours des années
à venir.
Quatrièmement, bien que le Canada ait d'énormes ressources
énergétiques encore inexploitées, il y a encore des
possibilités de trouver du pétrole brut et du gaz naturel. Il
dispose de vastes gisements de charbon. Il possède la majeure partie des
gisements de sable bitumineux du monde, et il a de grandes possibilités
au domaine de l'énergie nucléaire.
L'exploitation de toutes ces sources sera, par contre, coûteuse.
Par conséquent, les investissements dépendront grandement de
l'établissement des prix et des politiques adoptées par les
agences gouvernementales.
C'était là les points fondamentaux qui pourraient avoir
des effets néfastes sur la productivité
et la santé de l'économie du Québec. Plus
particulièrement, la subordination accrue aux approvisionnements de
pétrole brut étranger rend la province dépendante des
problèmes suivants, lesquels pourraient avoir des conséquences
désastreuses au niveau social et économique.
Premièrement, la balance commerciale; deuxièmement, la
menace de diminution des approvisionnements et, troisièmement,
l'impossibilité de s'approvisionner en pétrole brut de la
qualité que nous désirons.
En vue d'aider à la mise au point d'une politique, nous
présentons les observations suivantes.
Premièrement, les prix. Si le système de la libre
entreprise basée sur l'énergie doit continuer à
prospérer, il faut que les règles fondamentales en
économie de l'offre et de la demande puissent être
appliquées. Le Québec devrait donc s'abstenir d'établir
des contrôles sur le prix de l'énergie et laisser le marché
agir librement sur l'établissement de prix concurrentiels pour toutes
les formes d'énergie, selon leur valeur. Un marché libre produira
les stimulants monétaires nécessaires pour maintenir les
approvisionnements en énergie et encouragera la distribution de produits
énergétiques pour la meilleure utilisation possible.
Deuxièmement, autres sources d'énergie. Le Québec
doit d'abord se concentrer sur les sources d'énergie maintenant
disponibles et qu'il est en mesure d'exploiter avant de passer à des
sources moins sûres. Par exemple, les projets relatifs à
l'énergie nucléaire devront être examinés de
près. Il faudra prendre beaucoup de précautions en ce qui
concerne les problèmes de sécurité et la façon de
disposer des déchets nucléaires. En outre, de nouvelles
techniques permettant une plus grande utilisation du charbon sont disponibles,
par exemple, la gazéification. Il existe un énorme potentiel
d'énergie dans les sables bitumineux de l'Ouest canadien. Bien que
l'exploitation à grande échelle de telles ressources ne soit pas
possible aujourd'hui à des prix pouvant concurrencer les
approvisionnements d'énergie traditionnelle, les innovations
technologiques et l'augmentation des prix de l'énergie, en termes
à la fois absolus et relatifs, pourraient bien faire en sorte que ces
ressources deviennent des sources clés d'énergie au Canada.
Le Québec devra songer sérieusement à financer de
nouveaux programmes qui aideront à l'exploitation des ressources en
charbon et en sables bitumineux, comme sources sûres d'approvisionnement,
étant donné que l'entreprise privée seule ne peut pas
financer avec célérité de telles sources
énergétiques.
Troisièmement, la conservation de l'énergie. Il s'agit
d'une occasion extrêmement importante pour le Québec
d'améliorer sa position en matière d'énergie, et on
devrait lui accorder la priorité. A l'aide de stimulants
économiques qui conviennent, des mesures devraient être prises
pour décourager le gaspillage de l'énergie dans la province. Les
étapes essentielles à suivre pour stimuler la conservation de
l'énergie, en grandes lignes, seraient d'informer le public sur les
questions d'énergie à l'aide de publications, promouvoir le
recyclage des matériaux en établissant des restrictions sur les
matériaux et contenants non recyclables, offrir des stimulants en
matière d'impôts à ceux qui utilisent l'énergie de
façon raisonnable, stimuler la recherche pour l'utilisation plus
efficace de l'énergie et promouvoir le transport en commun.
Quatrièmement, la planification dans les situations d'urgence. Le
Québec a besoin d'un programme efficace pour le stockage du
pétrole afin que son économie ne soit pas paralysée en cas
d'urgence. En considérant les points suggérés pour une
politique énergétique au Québec, il est évident que
la mise en oeuvre de cette politique nécessitera un raisonnement
objectif et la collaboration des gouvernements ainsi que de l'industrie du
pétrole.
Nous venons de vous donner les grandes lignes de notre rapport mais,
avant de nous mettre à votre disposition pour répondre aux
questions à ce sujet, nous aimerions faire quelques commentaires qui,
nous le croyons, se rapportent à l'ensemble de la situation. Nous sommes
sûrs que le gouvernement québécois ne se fait pas
d'illusion ni n'entretient de faux espoirs quant aux réponses faciles
lorsqu'il se propose de mettre au point un cadre de travail afin
d'élaborer une politique énergétique pour le
Québec. Les conséquences fondamentales et les choix reliés
à la création d'une telle politique ne sont pas simples et
demandent que soient prises des décisions difficiles dont la
portée est très vaste. A ce sujet, il y a quatre points qui
nécessitent une attention particulière.
Premier point. Le coût élevé résultant des
retards dans la prise des mesures. Le principal problème
énergétique auquel fait face le Québec est la
subordination grandissante aux importations de pétrole provenant d'un
nombre relativement restreint de pays propriétaires de la
majorité des gisements du monde et qui ont la possibilité de
contrôler les prix mondiaux pour le pétrole et la production. Par
conséquent, c'est nous exposer à d'importants problèmes
économiques et sociaux qui résulteraient de l'interruption des
approvisionnements. Le prix que nous paierons en réalité demeure
le prix de notre subordination au brut étranger, sans compter les
sorties de fonds canadiens qui en découlent. Toutefois, ceci ne veut pas
dire que le Québec devrait chercher à ne plus importer de
pétrole. Il serait même dans l'intérêt de la province
d'encourager l'industrie pétrolière à continuer d'importer
du brut de ses fournisseurs habituels lorsqu'elle pourra l'obtenir à un
prix raisonnable. Par contre, le Québec devrait reconnaître que la
subordination coûte cher et chercher à réduire cette
dépendance tout en conservant une certaine souplesse pour pouvoir
profiter des approvisionnements les moins coûteux.
A cette fin, il faudrait être en mesure de comprendre à
fond et d'évaluer les diverses possibilités qui se
présentent afin de s'assurer que les coûts, les risques et les
avantages qui en découlent sont vraiment dans l'intérêt du
Québec.
Deuxième point: Ne pas se faire d'illusion. Plusieurs
prétendent que les nouvelles réalisation technologiques apportent
des solutions n'entraî-
nant, en principe, aucun risque, en réponse à nos besoins
énergétiques. Ces solutions peuvent être envisagées,
mais seulement comme possibilité à long terme, car la technologie
moderne ne pourra pas contribuer de façon importante, à court et
à moyen terme, à assurer nos réserves d'énergie. Le
fait qu'il faudra résoudre les principaux problèmes
économiques de sécurité et d'environnement, ainsi que
faire d'importantes découvertes technologiques avant que l'on ne soit en
mesure d'utiliser, à l'échelle commerciale, les sources d
énergie nucléaire et solaire.
Il y a aussi ceux qui croient que l'on peut satisfaire aux besoins
énergétiques d'une population grandissante et en pleine expansion
économique en éliminant le gaspillage de l'énergie. Ils
font remarquer, avec raison d'ailleurs, que l'aboncance d'énergie
à bon prix que nous avons connue par le passé a encouragé
le gaspillage. Sans aucun doute, la conservation peut et doit contribuer
à résoudre nos problèmes en matière
d'énergie. Enfin, dans bien des cas, il coûtera moins cher, sera
plus efficace et moins dangereux pour l'environnement de réduire le
gaspillage que de produire une quantité équivalente
d'énergie pour compenser les pertes.
Toutefois, les effets des mesures de conservation de l'énergie
tarderont à se faire sentir étant donné que les usines
d'aujourd'hui, l'équipement et les produits de consommation qui
emploient beaucoup trop d'énergie, comme les automobiles et les
appareils, ne seront remplacés qu'à mesure qu'ils deviendront
inutilisables.
D'autre part, il est plus important de reconnaître que se fier
uniquement aux mesures de conservation visant à la réduction des
demandes d'énergie pourrait entraîner une baisse du niveau de vie
pour tous et une diminution des réserves d'énergie,
empêchant ainsi un certain nombre de gens de continuer à
travailler de façon productive et intéressante. Nous avons donc
besoin de la technologie, de conserver l'énergie et d'augmenter la
production des ressources actuelles. C'est là un objectif difficile
à atteindre, même dans les meilleures conditions.
Troisième point: le danger d'élargir le rôle du
gouvernement en matière d'énergie. Satisfaire aux besoins
énergétiques du Québec a été et devrait
continuer d'être la principale responsabilité de l'entreprise
privée. Bien que certains soient d'avis que le gouvernement doit
être présent dans toutes les activités de l'industrie
pétrolière, il est nécessaire d'établir des normes
gouvernementales pour évaluer le rendement de l'industrie et les prix,
ou que des subventions gouvernementales sont nécessaires pour maintenir
les prix à un niveau peu élevé, rien ne porte à
croire que de telles mesures sont dans l'intérêt du consommateur.
L'expérience nous a prouvé que les contrôles
gouvernementaux sur l'énergie vont à rencontre des
intérêts des consommateurs.
Quatrième point, établir un équilibre entre les
objectifs divergents. Pour établir une politique en matière
d'énergie, le gouvernement doit se résoudre à
établir l'équilibre entre des objectifs divergents comme les
suivants: Prix peu élevés aux consommateurs par rapport à
des approvisionnements d'énergie appropriés et assurés. En
dépit des désirs des gouvernements et des consommateurs,
l'augmentation des prix de l'énergie est inévitable. Les prix
augmenteront principalement parce qu'ils ont été trop bas par le
passé, parce que les ressources canadiennes actuelles qui coûtent
moins cher s'épuisent et qu'on n'a pas tenu compte des frais pour la
protection de l'environnement en établissant les prix et que les pays
étrangers vendent plus cher leur énergie. Il n'y a tout
simplement pas d'autres sources d'énergie bon marché.
L'augmentation des prix continuera d'être un facteur important si nous
voulons obtenir des approvisionnements appropriés et assurés.
Environnement par rapport à énergie. Etablir le meilleur
équilibre possible entre les objectifs en matière
d'énergie et ceux relatifs à l'environnement est également
un problème épineux. Les objectifs concernant l'environnement
sont importants si l'on veut s'assurer la santé et le bien-être de
la population et protéger les ressources naturelles pour les
générations à venir et améliorer la qualité
de la vie. Par ailleurs, une économie saine, un meilleur niveau de vie
dépendant essentiellement d'une quantité appropriée
d'énergie.
Il sera donc difficile de faire face au dilemme créé du
fait que certaines mesures devant être prises pour atteindre un certain
objectif vont à rencontre des efforts entrepris pour en réaliser
d'autres. Il faudra nécessairement faire des compromis. Nous sommes
certains que la commission comprend les problèmes que présente la
mise sur pied d'une politique en matière d'énergie, car les
points à considérer sont souvent complexes et font l'objet de
controverses.
Par conséquent, nous recommandons qu'avant d'arrêter une
telle politique, toutes les possibilités soient étudiées
de près car les décisions qui doivent être prises sont
d'une importance capitale pour la vitalité de l'économie du
Québec et le bien-être de ses citoyens.
Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant prêts
à répondre aux questions.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie monsieur. M.
le ministre.
M. Joron: Merci. M. Cleyn, votre mémoire soulève
plusieurs points intéressants. Il y en a sur lesquels j'aimerais
m'étendre longuement, mais je pense que je vais plutôt
résister à la tentation et vous poser quelques questions
précises. Il y a deux points, entre autres.
Vous avez soulevé passablement de questions fort
intéressantes et pertinentes, dans ce mémoire, entre autres sur
le rôle du gouvernement et sur ce que doit être la nature des
interventions de l'Etat. Je fais seulement un commentaire sans vous poser une
question. D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul concerné. On l'a
entendu dans la bouche d'autres intervenants avant vous. Je veux seulement
souligner que c'est amusant parfois, parce que l'industrie nous dit: Le
gouvernement ne devrait pas intervenir quand il s'agit de contrôler les
prix, enfin des choses comme cela, mais, d'autre
part, il devrait intervenir quand il s'agit d'assurer à
l'industrie de meilleurs prix, enfin un taux de rentabilité permettant
à l'industrie privée de générer de nouveaux
investissements dans la recherche de nouvelles sources de pétrole.
Parfois, il semble y avoir une petite contradiction: Aidez-nous, s'il
s'agit de nous procurer plus de ressources internes, pour qu'on puisse faire de
l'exploration, mais, d'autre part, n'intervenez pas quand il s'agit de
contrôler les prix. Parfois, cela me semble un peu contradictoire. C'est
seulement une remarque générale. Si vous voulez commenter
davantage, libre à vous.
Il y a une autre chose aussi que vous avez relevée, comme
d'autres aussi. Vous mentionnez que, si on se fie exclusivement à la
conservation ou à l'économie de l'énergie, on pourrait,
à la rigueur et à la longue, entraîner peut-être une
baisse du niveau de vie ou, enfin, une décélération de
l'activité économique. Je conteste cela fortement. J'ai
l'impression que souvent on nous dit: II faut plus d'énergie de
façon à pouvoir réparer telle sorte d'activité que
l'on fait. C'est un peu comme un chien qui court après sa queue. On dit:
Telle sorte d'activité engendre des problèmes. Il nous faut
résoudre ces problèmes. Pour résoudre ces
problèmes, cela prend encore plus d'énergie. On est comme dans un
cercle vicieux. A un moment donné, il y a des gaffes que l'on fait qui
nous amènent à les réparer. Mais, si on accepte
d'embarquer dans cette logique, on va toujours poursuivre des objectifs qui
vont nécessiter de plus en plus des quantités d'énergie
absolument affolantes.
Je ne suis pas sûr du tout qu'une
décélération de la croissance du domaine
énergétique entraîne une baisse du niveau de vie
Je crois, au contraire, que si la collectivité comme telle
consacre moins de ressources au secteur de l'énergie, ce qu'elle se
trouve à faire, c'est libérer à la fois du capital et des
énergies humaines, du capital humain, financier, etc., qui peuvent
être affectés à d'autres sources, à d'autres types
d'activité qui amènent également une croissance
économique et qui peuvent amener finalement un niveau de vie même
supérieur, en qualité, en tout cas, sinon en quantité.
C'étaient des observations de nature générale, parce que
je retraçais cette philosophie dans votre rapport.
J'ai deux questions précises à vous poser. Ce sont les
suivantes: Votre mémoire diffère considérablement de la
plupart de ceux que nous avons entendus avant vous, en ce sens que vous
prévoyez pour 1995 une part très faible du gaz naturel dans le
bilan énergétique du Québec, même que vos
prévisions par rapport à aujourd'hui, où la part du gaz
naturel est de 6%, vous prévoyez en 1995, 4% de gaz naturel, alors que
presque unanimement, tout le monde avant vous, nous a dit qu'il va y avoir des
quantités de gaz extraordinaires qui s'en viennent et qu'il faudrait
monter à 15%, 20% ou 25%, d'autres ont même parlé de 30%
comme devant être la part du gaz naturel dans notre bilan. Vous, vous
nous parlez de 4%. Cela surprend. J'aimerais que vous précisiez
davantage ce sujet.
Deuxièmement, vous accordez une part, non pas très
importante, mais quand même relativement surprenante, au charbon. Vous
accordez 7% en 1995 au charbon, alors que cela compte pour un peu moins de 2%
dans le moment. Vous êtes les seuls à faire cette
prévision. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire sur quoi vous
appuyez ces deux prévisions, à la fois sur le peu d'importance
relative que vous accordez au gaz naturel et l'importance beaucoup plus grande
que vous accordez au charbon?
M. Cleyn: M. le ministre, avant de répondre à ces
deux questions, me permettez-vous de tout simplement toucher brièvement
à vos premières observations concernant le dilemme que vous posez
quand vous dites que c'est assez surprenant qu'on ne prône aucune
intervention gouvernementale dans les prix, dans bien des choses et que tout
d'un coup, on demande l'assistance du gouvernement? Tout ce qu'on veut dire par
cela... Si vous me permettez, je voudrais me servir d'un exemple. Prenez les
sables bitumineux dans l'Ouest canadien. Comme vous le savez, il y a plusieurs
provinces qui ont jugé bon d'investir un certain montant d'argent avec
les entreprises privées pour aider les entreprises privées
à pouvoir prendre de l'avance dans les activités futures
concernant les sables bitumineux.
C'est dans ce domaine que nous voudrions l'assistance du gouvernement.
Pour le reste on l'a prouvé dans le passé on
s'arrange au mieux possible, même dans le meilleur intérêt
du public et de la population, en laissant le marché fluctuer selon les
demandes et le produit qui est disponible.
M. Joron: Si vous me le permettez, ce commentaire me fait penser
à une autre question. Pensez-vous qu'il serait sage pour le gouvernement
du Québec de faire en sorte que le taux de rendement, ou, enfin, la
marge de profit des compagnies pétrolières au Québec soit
suffisamment large pour leur permettre de générer des revenus
internes, une plus grande part d'autofinancement, de façon à leur
permettre d'investir ces profits dans les sables bitumineux de l'Alberta, par
exemple, ou, enfin, de l'Athabaska? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt...
En fait, ce que vous vous trouvez à dire c'est: Permettez aux
consommateurs québécois qui achètent les produits de
pétrole de fournir, par une plus grande marge de profit à
l'entreprise, des sources de financement pour lui permettre de faire de
l'exploration en dehors des frontières du Québec. Est-ce que le
gouvernement ne devrait pas plutôt chercher à retenir le maximum
d'épargne possible au Québec pour financer ses investissements
dans des sources domestiques d'énergie, que ce soit
l'hydroélectrique ou le nucléaire, parce que là, c'est une
question d'envoyer une partie de l'épargne faite ici pour de
l'exploration de sources qui sont extérieures au Québec, alors
qu'on pourrait imaginer que le maximum d'épargne qui pourrait être
généré au Québec devrait plutôt servir
à des investissements dans des sources locales de production
d'énergie?
M. Cleyn: Evidemment...
M. Joron: Evidemment, vous, vous n'êtes pas dans la
production de l'électricité. C'est pour ça que ça
ne vous intéresse pas comme tel.
M. Cleyn: Premièrement et, deuxièmement,
après avoir écouté l'Hydro, je comprends qu'il y a bien
des problèmes dans ce domaine, tandis qu'au point de vue des sables
bitumineux et du pétrole dans l'Ouest, je pense qu'on a un peu moins
d'inquiétude pour le développement éventuel. Au point de
vue sécuritaire, ça va être en Amérique du Nord. Il
n'y a pas le danger des Arabes qui peuvent peut-être couper les
livraisons aux bateaux d'une journée à l'autre. On pense que ce
serait plus sécuritaire d'investir cet argent... D'accord, si on pouvait
prendre le même montant d'argent et l'investir au Québec pour la
découverte de gaz ou d'autres choses, il n'y aurait pas d'argument. Mais
nous, dans nos estimations, nous ne prévoyons oas de possibilités
dans-ce domaine.
En ce qui concerne le gaspillage... Est-ce que vous permettez que... En
ce qui concerne le gaspillage, on est tout à fait d'accord avec vous que
ce n'est pas l'absence de gaspillage qui va réduire le niveau de vie des
gens de la province. Ce n'est pas ça qu'on voulait dire. On voulait tout
simplement dire, dans nos remarques, que couper le gaspillage est seulement une
des mesures pour augmenter l'autosuffisance de l'énergie, du
pétrole ou de quelque source d'énergie que ce soit dans la
province. Il y a la découverte, il y a la recherche, il y a
l'investissement dans de nouvelles sources, ainsi que la réduction du
gaspillage autant que possible. On ne voulait pas dire qu'en arrêtant de
gaspiller, le niveau de vie va baisser, au contraire.
On prône et même on a des suggestions, y compris
l'établissement de pistes de bicyclettes. Je pensais à cela cet
après-midi.
Alors, on est complètement en faveur de ce domaine. La seule
chose est qu'on dit: Arrêter le gaspillage comme tel n'est pas suffisant
et, comme on disait tout à l'heure, il y a les moteurs, les automobiles
qui ont été construites pour consommer énormément
d'essence. Cela va prendre quelques années avant qu'elles sortent du
système, du marché actuel. Je veux revenir, si vous me le
permettez, aux deux questions que vous nous avez posées. En ce qui
concerne nos estimations pour 1995, d'une baisse de 6% de BTU au total du gaz
naturel à 4%, nos prévisions sont peut-être un peu moins
optimistes que celles des autres compagnies que vous venez de citer qui
étaient un peu différentes de nos estimations.
On est moins optimiste en ce qui concerne les possibilités de gaz
naturel dans les territoires de frontière dans l'Ouest. On
prétend que le gaz qui existe actuellement dans l'Ouest canadien
il n'y en a presque pas au Québec les ressources qui existent
actuellement sont insuffisantes pour augmenter le volume qui va venir au
Québec d'une manière considérable.
D'ailleurs, on prétend que, de 89 millions de BTU en 1976, cela
va monter à 108 millions de BTU en 1995 mais, en dépit de cette
augmentation, cela sera une baisse de 6% à 4%.
C'est bien simple. Nous ne sommes pas aussi optimistes peut-être
que les autres compagnies au point de vue des ressources et des
possibilités, premièrement, de vraiment avoir du gaz sur une base
industrielle suffisamment importante pour payer les développements dans
les territoires de frontière dans le nord de l'Ouest canadien. Le
produit qui existe dans le moment, c'est-à-dire le gaz, est insuffisant
pour augmenter au rythme que certains autres le prétendent.
Evidemment...
M. Joron: Si vous permettez, sur ce point du gaz. Votre
conclusion vous amènerait à dire qu'il est vain, qu'il n'est pas
utile de contruire le gazoduc, soit du delta du Mackenzie ou de Polar Gas.
Cette non-confiance dans la quantité des réserves et dans
le prix auquel on pourrait les acheminer ici vous amène-t-elle à
croire qu'il ne vaut pas la peine de contruire le gazoduc?
M. Cleyn: Premièrement, nous ne sommes pas
impliqués dans ces développements ou dans ces prévisions
pour la simple raison que nous n'avons pas la même confiance qu'il y a
vraiment des sources suffisamment rentables dans le nord. Cela peut changer du
jour au lendemain, mais les chiffres que nous possédons aujourd'hui et
des données parfaitement prouvées aujourd'hui créent un
certain doute dans les possibilités immédiates. On prétend
que le seul gaz sur lequel on peut compter est le gaz qui existe aujourd'hui
dans les régions qu'on connaît et ce gaz ne va pas monter en
millions de BTU. Il va baisser au point de vue du pourcentage fourni.
Par contre, tout en prévoyant une augmentation dans le prix de
l'énergie comme telle, nous croyons qu'une fois que ce prix aura atteint
un certain niveau on arrivera au point où cela sera intéressant
de prendre le charbon qui se trouve dans l'Ouest canaadien et le convertir en
gaz et en pétrole ou encore importer du charbon comme tel dans la
province de Québec et s'en servir comme fuel dans les industries.
C'est le charbon, importé comme charbon et comme base
énergétique, ou encore la conversion du charbon dans l'Ouest
canadien en gaz et en pétrole qui, nous le prétendons, dans les
20 prochaines années, va devenir rentable à cause de
l'augmentation du prix de l'énergie globale. A ce moment-là, nous
prévoyons que cela pourra monter de 2% en 1976, de l'énergie
globale du Québec, à 7% en 1995.
M. Joron: Vous estimez que cette source d'énergie, le
charbon, serait à un prix plus élevé qu'aujourd'hui, c'est
bien évident, mais quand même plus économique que le gaz
pouvant venir des îles de l'Arctique ou des côtes du Labrador?
M. Cleyn: Là encore, on a l'incertitude... M. Joron:
Quant à l'approvisionnement.
M. Cleyn: ... quant à l'approvisionnement et c'est pour
cela... On sait que c'est là et on est confiant qu'une fois qu'on est
rendu à un certain prix, cela deviendra rentable.
M. Joron: Est-ce que je peux vous demander, pour que cela
devienne rentable... Je sais bien que la prévision qui est là est
pour 1995. Entre 1976 et 1995, on ne sait pas exactement à quel moment
le charbon intervient.
M. Cleyn: D'accord.
M. Joron: Vous avez dit vous-même que cela dépend de
l'évolution des prix des autres formes d'énergie, pétrole
et autres. Mais à quel prix faudrait-il, selon les données que
l'on connaît aujourd'hui, que le pétrole brut se vende par baril
pour que ce charbon devienne concurrentiel?
M. Cleyn: Grosso modo, dépassant $20 du baril.
M. Joron: Au-delà de $20 du baril. Vous prévoyez
que cela va venir autour de quelle date?
M. Cleyn: La seule estimation qu'on oserait citer, c'est qu'on
s'attend que, vers 1980, on soit autour de $16 à $17 du baril. Alors,
cela prendrait, à un rythme de 7% à 8%, quelques autres
années.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, la question sur le charbon
que je voulais poser, je pense qu'on y a répondu. Il y a seulement un
autre point que je voudrais toucher, c'est la question de la
sécurité. Je crois que c'est la première fois, depuis
qu'on reçoit des mémoires ici, qu'une entreprise aborde d'une
façon aussi directe, comme recommandation, les situations d'urgence.
Est-ce que, dans votre esprit, ce programme, cette planification des situations
d'urgence irait jusqu'à recommander au gouvernement du Québec
d'entreprendre un programme de stockage pour doubler les réserves? On
nous a dit, dans d'autres mémoires, qu'il y avait un stockage d'une
soixantaine de jours. Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que
l'Etat intervienne pour accroître ce stockage et, si oui, quel serait le
nombre de jours qui vous apparaîtrait requis pour ne pas nuire au
développement économique dont vous parlez?
M. Cleyn: Pour répondre, M. le député,
à votre première question, la réponse est oui, c'est cela
qu'on prône. Pour la deuxième question, si vous permettez, je vais
consulter mon assistant. On parle de doubler cette période. En d'autres
mots, de la monter de 60 à 90 ou 120 jours, de deux mois à trois
ou quatre mois.
M. Garneau: L'autre aspect, peut-être que ce sera le
dernier point, M. le Président. Dans votre mémoire, vous
êtes très pessimiste, dans un premier temps, sur les sources
d'approvisionnement en pétrole au Canada et, dans votre bilan
énergétique, quand même, vous maintenez une proportion
assez grande de pétrole. Votre entreprise 60%, quand même,
dans le bilan énergétique, avec une croissance assez importante
en termes de billions de BTU s'approvisionne-t-elle sur le marché
canadien et sur le marché international ou si c'est uniquement sur le
marché international?
M. Cleyn: Vous voulez dire à Montréal? M.
Garneau: Du Québec, oui.
M. Cleyn: Dans le moment, évidemment, nous faisons partie
du groupe qui est approvisionné en partie par le pipe-line de Sarnia
à Montréal à un rythme de 250 000 barils, dans notre cas.
Alors, on a à peu près un tiers de notre approvisionnement actuel
qui vient du Canada et le restant qui est importé du Venezuela, de
l'Arabie Saoudite et de différents autres pays, mais ce sont surtout les
trois sources principales qui nous approvisionnent à
Montréal.
M. Garneau: Quand vous regardez vers l'avenir, avec quelle
assurance votre entreprise considère-t-elle la sécurité de
ses propres sources d'approvisionnement pour sa clientèle? Est-ce que
vous voyez cet avenir avec une certaine hésitation? Vous êtes
relativement conservateur dans vos prévisions et vous semblez,
d'après votre mémoire, miser uniquement sur ce qu'il y a de
prouvé. Comment envisagez-vous l'approvisionnement de votre propre
entreprise, disons d'ici 1995? Avec difficulté? Est-ce que vous avez
suffisamment confiance pour le dire à votre clientèle? J'imagine
que ce serait difficile pour vous de dire le contraire ici aujourd'hui, mais
quand même, quand on regarde la politique énergétique du
Québec, vous demandez au gouvernement de ne pas trop intervenir, mais
quelle assurance pouvez-vous avoir, quelle certitude? Ce sont peut-être
des mots trop forts, mais vous devez certainement avoir, là aussi, une
inquiétude, comme vous semblez en témoigner dans tout le reste de
votre mémoire.
M. Cleyn: Si vous permettez, premièrement, on indique dans
notre mémoire qu'en 1980, les 250 000 barils qu'on reçoit de
l'Ouest arrêteront, parce que le pipe-line va changer de direction. A ce
moment-là, notre approvisionnement global va venir d'outre-mer ou de
l'Amérique du Sud. Mais on a prouvé, en 1973, qu'en dépit
de l'embargo qui a eu lieu aux Etats-Unis, on n'a aucunement manqué de
produits, à aucun moment. Alors, nous sommes confiants jusqu'à un
certain point et nous n'avons aucune inquiétude, nous pouvons assurer la
clientèle qu'elle sera toujours approvisionnée de pétrole,
qu'on sera toujours en mesure d'en trouver.
Par contre, dans notre mémoire, on souligne également la
nécessité pour le Québec d'essayer de diversifier ses
sources énergétiques, pour la simple raison qu'on trouve que 60%,
c'est un chif-
fre énorme, surtout quand ces 60% vont venir d'en dehors du
pays.
On n'est pas trop inquiet mais, par contre, on trouve que ce serait dans
l'intérêt de la province de diversifier et de s'assurer
d'être fournie en énergie plus près de chez nous
plutôt que d'être toujours à la merci des pays
lointains.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: J'ai également noté que vous
étiez les premiers à nous parler de mesures d'urgence. Vous avez
commencé à expliquer votre pensée à ce sujet en
disant qu'il faudrait que le gouvernement prévoie le double des stocks
qu'il a actuellement, et possiblement aussi de réserver des puits qu'on
aurait découverts. Est-ce qu'à votre avis, il y aurait d'autres
moyens que le gouvernement devrait prendre par rapport à des situations
d'urgence, à part ces deux moyens que vous avez mentionnés dans
votre rapport?
M. Cleyn: C'est le seul qu'on prévoit.
M. Marcoux: C'est le seul que vous souhaitez que le gouvernement
prenne. Une deuxième question, brève mais claire: est-ce que
j'interprète bien votre rapport lorsque j'en déduis que le
gouvernement du Québec devrait faire disparaître SOQUIP? Lorsque
je lis, à la page 11, que "le gouvernement québécois
devrait, en particulier, s'abstenir d'intervenir dans l'exploration,
l'exploitation, le traitement, la distribution, la commercialisation de
l'énergie, etc", est-ce que je comprends bien votre rapport en disant
que ce que vous proposez au gouvernement du Québec, c'est de faire
disparaître SOQUIP?
M. Cleyn: Non, ce n'est pas ça qu'on prône.
M. Marcoux: Quelle vocation prônez-vous pour SOQUIP?
M. Joron: Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a M.
Cloutier, assis derrière vous, qui a tremblé un moment.
M. Cleyn: Au contraire.
M. Marcoux: Quelle vocation prônez-vous pour SOQUIP?
Jusqu'à maintenant, plusieurs mémoires ont souligné que si
on voyait une vocation pour la société gouvernementale SOQUIP,
c'était dans l'exploration, peut-être accentuer cet aspect. Mais
j'ai été étonné de voir dans votre mémoire
que même pour l'exploration, vous proposez au gouvernement du
Québec de s'en abstenir.
M. Cleyn: M. le député, évidemment, vous
lisez bien; à la page 11, on dit de s'abstenir d'intervenir dans
l'exploration. Le fait que SOQUIP existe comme telle, d'après moi, ne
veut pas dire que ça intervient, parce qu'elle est déjà
là. Nous, tout ce qu'on veut dire, c'est qu'on ne voudrait pas qu'il y
ait d'autres développements dans ce domaine. Je ne sais pas si je
réponds à votre question.
M. Marcoux: Je vais préciser. En somme, vous ne voulez pas
sa mort, mais... Pour aller plus loin, est-ce que vous accepteriez que SOQUIP
prenne de l'expansion, et dans quel secteur d'activité voyez-vous
qu'elle devrait prendre de l'expansion si tel est le choix du gouvernement du
Québec?
M. Cleyn: Ce serait dans l'exploration. M. Marcoux: Bon,
ça va.
M. Marcoux: Cela va. Une dernière question-commentaire. A
la lecture de votre mémoire le ministre l'a déjà
noté ainsi que le député de Jean-Talon on retient
quand même l'impression générale que vous souhaitez une
limitation de l'intervention gouvernementale en général, que
l'intervention gouvernementale soit au minimum.
Je pense que vous proposez une vue assez négative de
l'intervention gouvernementale dans le processus économique ou
social.
Une deuxième impression qu'on retient sur cette intervention
gouvernementale, c'est que vous proposez que le gouvernement intervienne avec
la carotte pour les compagnies ou pour les entreprises privées et avec
le bâton pour les consommateurs. En somme, vous dites: II ne faut pas que
vous interveniez, mais quand même intervenez. Il y a deux façons
d'intervenir. Du côté de ceux qui exploitent et qui mettent en
marché ce produit qui s'appelle le pétrole ou le gaz, intervenir
avec la carotte, c'est-à-dire que le prix soit le prix international,
avec le moins de contrôle possible, des dégrèvements
fiscaux pour l'exploration. Pour le consommateur, c'est l'inverse; Intervenez
pour limiter sa consommation je comprends votre souci, votre objectif
par des mesures qui ressemblent au bâton.
Est-ce que j'interprète mal l'esprit du rapport?
M. Cleyn: Pour répondre à votre deuxième
question, on serait d'accord avec ce que vous dites, de limiter le
consommateur. On veut tout simplement lui faire voir la réalité
existante aujourd'hui, que l'énergie devient de plus en plus rare.
En ce qui concerne le premier point, non, nous ne prônons pas
l'intervention... Je n'ai pas tout à fait saisi votre première
question.
M. Marcoux: Ce que vous proposez, pour les compagnies, c'est que
l'intervention gouvernementale soit dans le sens de rendre le plus
alléchant possible tout travail, toute exploration des compagnies ou
tout développement de l'entreprise privée, telle qu'elle existe
actuellement, par des dégrèvements fiscaux pour faciliter ce
travail.
M. Cleyn: Je pense que cela a été prouvé par
les faits qu'en laissant le marché fluctuer sur une base libre il va
trouver son propre équilibre. Les prix vont monter, mais c'est dans
l'intérêt éventuel de la province de monter les prix pour
décourager la consommation. On trouve qu'on est...
M. Marcoux: Est-ce que vous pensez vraiment que les prix... Si on
entre dans cette attitude, parmi les différents moyens que peut prendre
le gouvernement pour diminuer la consommation, est-ce que vous pensez que les
prix, c'est le premier ou le principal moyen? Quand on pense que plusieurs
groupes qui sont venus nous rencontrer nous ont dit: Même si les prix du
pétrole ont beaucoup augmenté depuis trois ans, cela n'a presque
pas découragé les gens. Si on enlève Iabaisse
économique qu'il y a eu, qui était là, de toute
façon, en 1973 et 1974, la consommation a continué d'augmenter
à peu près au même rythme.
Vous nous dites qu'un des moyens importants pour assurer ce
contrôle, c'est par les prix. Plusieurs nous ont dit que le moyen des
prix n'est pas un moyen efficace.
M. Cleyn: On ne serait pas d'accord. C'est certain que ce ne
serait pas le seul moyen. Mais, à la longue, nous sommes
persuadés que, lorsque l'essence va être rendue, sans vouloir
prendre un chiffre, à un certain montant, un dollar ou quelque chose
comme cela, cela va certainement affecter le monde. Cela va affecter les gens
dans le choix de la voiture qu'ils vont acheter. Vous voyez, déjà
aujourd'hui, il y a une tendance de plus en plus vers les petites voitures.
Nous sommes persuadés que le prix aura une influence primordiale
à la longue, quoique ce ne sera pas le seul facteur.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
à vos prévisions pour le gaz naturel. Vous prévoyez qu'il
y aura seulement 4%, que cela va aller en descendant; au lieu d'avoir 6%, cela
va aller à 4%. Pourtant, vous devez être au courant des
démarches qui se font maintenant, par exemple, par Canadian Arctic Gas
Pipeline, qui veulent construire un gazoduc du delta pour approvisionner l'Est
du Canada et peut-être les Etats-Unis.
Entre les ressources découvertes, les réserves
découvertes et surestimées, par exemple, d'après les
soumissions qui ont été faites à l'Office national de
l'énergie pour le bassin Beaufort-Mackenzie, c'est de 39 trillions
à 84 trillions de pieds cubes; aux îles de l'Arctique, c'est de 26
trillions à 69 trillions de pieds cubes. Il y en a sur les côtes
de l'Atlantique.
En plus de cela, nous avons même la soumission que SOQUIP a faite.
Elle a suggéré fortement qu'on se dirige vers le gaz naturel.
Autrement, les chiffres que vous nous donnez vont être vrais, savoir
qu'on va se fier à 60% sur le pétrole et, la plupart de ce
pétrole, dans un avenir prochain, viendra des sources en dehors du
Canada. Vous mentionnez vous-mêmes dans votre soumission la balance
commerciale. Il a été établi ici on avait
posé des questions sur les soumissions à Imperial Oil et
même à M. Boyd, ce matin, de l'Hydro-Québec que cela
coûterait $3,5 milliards à $4 milliards par année. Si tous
ces montants doivent aller en dehors du pays, quand je dis du pays, en dehors
du Canada, c'est une chose; quand une portion demeure dans le Canada, c'est une
autre chose totalement différente. Nous avons les
péréquations; nous avons les services dans le même pays, ce
n'est pas la même chose de dépenser $4,5 milliards dans le Canada,
plutôt que de se fier sur les importations, il faut fournir des services
pour le pays.
Même la Chambre de commerce du Québec a
suggéré et recommandé fortement de s'orienter vers le
développement d'un gazoduc des îles de l'Arctique. Elle a
même suggéré qu'on fasse des représentations pour
que ce gazoduc soit construit du côté du Québec.
Avec toutes ces données, avec les soumissions qui ont
été faites à l'Office nationale de l'énergie, avec
les pourcentages que les autres compagnies qui nous ont fait des soumissions
prévoient pour le gaz naturel, avec les recommandations de SOQUIP et les
autres, je trouve votre prévision difficile à comprendre qu'il
n'y aura que 4%. Avez-vous pris tous ces faits en considération?
M. Cleyn: Je reviens un peu, M. le député, à
ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'il y a forcément une
divergence d'opinion. Nous revenons à ce que j'ai dit tout à
l'heure, ces sources supposément de produits ou de gaz dans l'Ouest qui
sont la base de la demande du pipe-line, d'après nous, ne sont pas
suffisamment prouvées pour vraiment justifier la demande du pipe-line,
ou encore, pour se baser sur ce gaz pour compter qu'il vienne au Québec
pour faire sa part dans le pourcentage.
C'est une attitude que nous avons qui est peut-être plus
pessimiste ou plus réaliste, jusqu'à un certain point. Nous n'en
sommes pas convaincus, jusqu'à ce qu'il soit vraiment prouvé
à notre satisfaction entière qu'il existe en effet dans le nord
ou dans les territoires nordiques. Nous hésitons à nous baser
là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Robert-Baldwin.
M. O'Gallagher: M. le Président, apparemment, la seule
alternative au pouvoir nucléaire serait le charbon ou l'huile extraite
des sables bitumineux de l'Athabaska, ou le gaz naturel. En ce qui concerne les
sables bitumineux, quelles sont les quantités disponibles? A quel prix
peut-on les exploiter aujourd'hui, le baril?
M. Cleyn: Je ne sais pas, M. le député, si vous
avez eu une chance de voir le mémoire qu'on a ajouté à
notre soumission. Dans nos pronostics, on prévoit que les sables
bitumineux vont commencer à produire, si vous permettez, pas avant
l'année 1990. C'est un montant que nous prévoyons ici de 500 000
barils à ce moment, dans l'Ouest canadien, mais on ne l'a pas dans les
prévisions du Québec, que la quantité ne sera même
pas suffisante pour fournir les demandes dans l'Ouest du Canada ainsi qu'en
Ontario.
Alors, cela ne vient pas dans le contexte québécois parce
que cela ne serait même pas assez
pour fournir à la demande dans l'Ouest canadien. Pour
répondre à votre question au point de vue du prix, on le voit
à peu près à $25 le baril.
M. O'Gallagher: Ils sont exploités dans le moment.
M. Cleyn: II y a une production de 40 000 ou de 50 000 barils par
jour. C'est une perte continuelle avec des difficultés continuelles. Il
y a une nouvelle installation qui est censée commencer sa production
dans trois ou quatre années à peu près. La construction
est en marche dans le moment, mais avant de voir un baril d'huile brute, cela
va prendre du temps.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: M. Cleyn, j'aurais deux autres questions à vous
poser. Voici la première: Dans vos prévisions pour 1995, vous
nous parlez de pétrole importé, peu du gaz naturel, du charbon
importé d'Alberta, de l'électricité et du
nucléaire. Spécialement par rapport au gaz on vient d'en
parler par rapport aux sables bitumineux aussi, enfin d'autres sources
de pétrole ou de gaz frontalières, vous ne semblez pas
très confiant. Vous avez vous-même dit tout à l'heure que
vous n'aviez pas d'intérêt là-dedans, que c'est parce que
vous n'y croyiez pas que vous n'y étiez pas non plus. Si je comprends
bien, l'exploration de Texaco au Canada n'est pas faite par Texaco Canada
Limited, mais par Texaco Incorporated, la compagnie mère
américaine. Est-ce que c'est exact, Texaco Explorations of Canada n'est
pas une filiale directe de Texaco Canada, mais de Texaco US?
M. Cleyn: C'est bien vrai, M. le ministre, sauf que l'exploration
de Texaco Canada se fait par nous-mêmes.
M. Joron: Ah bon!
M. Cleyn: Une bonne partie des profits qu'on réalise dans
la production de l'huile brute retourne dans l'exploration.
M. Joron: II y a deux entités, il y a deux filiales de
Texaco qui font de l'exploration au Canada?
M. Cleyn: L'une est une compagnie canadienne...
M. Joron: II y a vous directement et Texaco Explorations qui est
une filiale de Texaco US.
M. Cleyn: A 100% contrôlée par...
M. Joron: Qu'est-ce qu'elle fait elle? Où
explore-t-elle?
M. Cleyn: Elle explore dans l'Ouest canadien aussi.
M. Joron: Dans l'Arctique, peu. Dans les régions
frontalières?
M. Cleyn: Pas dans le moment.
M. Joron: D'accord. C'était une question. Voici l'autre.
Toujours dans votre bilan prévisible de 1995, vous nous montrez un bilan
exprimé en BTU. En 1976, on voit que dans le bilan du Québec il y
a 333 BTU, ce qui représente 22% de notre énergie; ce qui,
exprimé différemment, correspond aux 14 000 mégawatts de
puissance installés à l'heure actuelle. En 1995, vous
prévoyez 601 BTU d'électricité, qui représentent
encore 22%, dans un plus grand total, bien entendu. Vous ajoutez 184
nucléaires. Ce que je vous signale, c'est que je suis
étonné de ce chiffre, parce qu'il ne correspond pas à ce
qui est pourtant annoncé ailleurs. Les 333 ou 601 équivalent
à un peu moins que le double, soit une augmentation d'à peu
près 80%. Or, on sait déjà que si le programme de la baie
James est terminé en 1985, et non pas en 1995, nous allons, par rapport
à 1976, doubler la production d'électricité. L'Hydro le
disait cet après-midi, de 14 000 mégawatts qu'on a aujourd'hui,
selon le calendrier actuel, le programme de travail de l'Hy-dro,
déjà, en 1985, on va avoir 28 000 mégawatts, soit
exactement le double. Vous, vous en prévoyez moins que le double, et non
pas en 1985, mais en 1995. C'est dire que, d'une part, vous ralentissez non
seulement les travaux de la baie James dans cette estimation, mais c'est que
vous excluez aussi tout autre développement hydroélectrique par
la suite. Cela me semble découler de votre tableau.
M. Cleyn: La seule réponse que je pourrais vous donner,
c'est qu'il y a une perte d'à peu près 50% dans la production de
l'électricité. Nos chiffres, dans les deux cas, sont basés
sur la production nette de BTU.
M. Joron: D'accord, je le comprends, mais les 333 d'aujourd'hui,
compte tenu des pertes, comme vous dites, ainsi de suite, équivalent
à une puissance installée, à l'heure actuelle, de 14 000
ou de 15 000 mégawatts.
M. Cleyn: D'accord.
M. Joron: Si on prévoit une puissance double
installée, on aura le double de BTU. On sait qu'on va avoir le double de
BTU électriques, hydroélectriques même en 85 et vous, vous
nous en mettez un petit peu moins que le double en 95. J'avoue que je suis
très étonné de...
M. Cleyn: Si vous permettez, je vais consulter notre expert.
M. Joron: Remarquez que je ne veux pas vous affliger des
problèmes de l'Hydro-Québec. Je sais bien que ce n'est pas votre
problème particulier, mais je serais curieux de savoir où vous
aviez pris ces chiffres pour arriver à cette conclusion.
M. Cleyn: J'étais pour dire la plus... Toutes les
données sur l'électricité, on les a prises, au meilleur de
nos connaissances, de l'Hydro-Québec; ce
sont ses données. Est-ce que vous permettez que...
M. Joron: Cela voudrait dire qu'ils ne racontent pas la
même histoire à Texaco qu'au gouvernement. C'est
inquiétant!
M. Cleyn: Ce n'est pas en leur parlant. C'est strictement en leur
demandant leurs données. Mais, M. le ministre, si vous permettez,
plutôt que de vous donner une réponse pas trop claire, on pourrait
peut-être vous donner une explication par écrit sur le fait que,
comme vous dites, d'après l'Hydro, ils doublent, une fois que la baie
James est en pleine capacité, tandis que nous on indique que ça
va prendre 20 années. Si vous permettez...
M. Joron: D'accord! Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de
cette commission vous remercient de l'apport que vous avez bien voulu leur
fournir. Merci!
Regroupement pour la surveillance du nucléaire.
Mesdemoiselles, monsieur, vous avez 30 minutes pour votre exposé,
période de questions incluse. Ne vous surprenez pas si, après 30
minutes, on est obligé de raccourcir. Merci!
Regroupement pour la surveillance
nucléaire
Mme Henaut (Dorothy): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, je m'appelle Dorothy Henaut. Je suis
porte-parole de la coalition ce soir. A ma gauche, c'est Gorgon Edwards et,
à ma droite, Dorothy Rosenberg.
Nous avons préparé le mémoire, car nous sommes des
citoyens et des volontaires. Nous l'avons fait après nos heures de
travail, durant les trois semaines qu'on a eues pour le préparer.
Je vais vous lire d'abord les recommandations. Est-ce que vous avez
reçu les copies de notre mémoire, non pas du
résumé, mais le mémoire même, le gros
épais?
Le Président (M. Laplante): On vient seulement de le
recevoir.
Mme Henaut: Bon! Je vais lire les recommandations et je vais
passer à travers le mémoire en m'arrêtant de temps à
autre.
Recommandations: 1) Que le Québec établisse une politique
de conservation de l'énergie et de développement de sources
d'énergie renouvelable. 2) Que le Québec mandate une commission
en lui donnant pleins pouvoirs pour mener une enquête approfondie, tant
auprès des citoyens que des industries.
Nous sommes ravis de cette commission parlementaire, mais nous pensons
que la question exige une enquête énormément approfondie et
très ouverte au public. 3) Que le Québec déclare un
moratoire, à la fois sur la mise en place des centrales
nucléaires et des complexes géants de captage de l'énergie
hydraulique qui sont écologiquement et économiquement
dévastateurs. 4)Que l'on procède à une analyse comptable
sérieuse de l'énergie, ainsi qu'à des études
économiques à long terme avant de lever le moratoire. 5)'Qu'on
déclare un moratoire sur l'enrichissement de l'uranium au Québec,
et que l'on procède à une enquête là aussi. 6) Que
le Québec attribue immédiatement un budget à un programme
de recherche débouchant sur des actions concrètes dans tous les
domaines de l'énergie renouvelable. Que ce programme soit réparti
géographiquement dans tout le Québec et orienté de
manière à permettre l'apprentissage de la population. 7)Que
Québec procède aux changements institutionnels nécessaires
pour faciliter le financement des projets de conservation. 8)Qu'on
élabore un programme d'information public et de consultation pour aider
les gens à faire les changements que nous prônons et que vous
regardez de près. 9)Qu'on mette sur pied un service de consultation
destiné à aider l'industrie québécoise à
développer une industrie de techniques de l'énergie renouvelable.
Nous pensons qu'il y a là un secteur économique très
intéressant. 10)Que l'industrie et les syndicats de la construction
soient informés des techniques de conservation de l'énergie par
rénovation thermique et des principes de conception des maisons
solaires. 11)Que Québec mette sur pied une politique de transport
cohérente conçue pour économiser au maximum
l'énergie. 12)Que des citoyens qui se sentent concernés soient
représentés au sein des organismes qui ont pouvoir de
décision, tant au niveau des politiques et de leur mise en oeuvre que de
la réglementation ou de l'administration des projets dans tous les
domaines où l'énergie est un facteur important. 13)Et enfin, que
l'on crée un organisme de surveillance de l'Hydro-Québec et des
compagnies privées qui fournissent un service public en matière
d'énergie. Cet organisme devrait représenter les
intérêts des consommateurs.
Nous sommes ravis de voir cette commission s'intéresser tellement
à cette question et nous inviter, en tant que citoyens, à dire
quelque chose.
Nous pensons que ces politiques nous concernent en tant qu'individus,
mais elles affectent également les structures mêmes de la
société dans laquelle nous vivons.
L'énergie est littéralement ce qui fait qu'une
société fonctionne. Elle est le squelette qui fait tenir debout
le corps politique.
C'est seulement lorsqu'il a décidé quelle sorte de
société il désire qu'un peuple peut concevoir, de
façon rationnelle, une politique énergétique qui le
conduira où il veut aller.
Nous sommes peut-être un petit groupe ici, mais nous ne sommes pas
aussi petits que cela.
Nous avons une soixantaine de groupes membres de la coalition et
quelques milliers d'individus qui sont membres de notre groupe dans tout le
Canada.
Nous nous intéressons à nous informer nous-mêmes sur
les questions énergétiques et, ensuite, à informer et les
gouvernants et les gouvernés, nos concitoyens.
Au Québec même, nous estimons urgent de mener une
enquête publique sur la planification énergétique et nous
sommes très conscients que nous avons un choix à faire
maintenant. Il faut choisir l'alternative. Il y a deux possibilités,
soit adopter une politique de l'électricité tout usage, soit une
politique de conservation de l'énergie et d'utilisation des sources
d'énergie renouvelable.
Nous pensons qu'il faut choisir maintenant et nous pensons que cela ne
sera pas possible, finalement, de faire les deux. Si nous mettons assez d'oeufs
dans le panier de l'agrandissement et de l'énergie à tout prix,
nous pensons qu'il n'y aura pas assez à manger pour tout le monde.
Les changements sociaux qui découlent... Je pense qu'il est
évident que, quel que soit le chemin que nous prenions, les changements
sociaux auront lieu. Que nous traînions derrière
l'Hydro-Québec et que nous acceptions encore et toujours les
augmentations de l'électricité ou que nous choisissions le chemin
de prendre parfois l'autobus et les bicyclettes, nous pensons que dans les deux
cas, il y a des changements.
Il y a une illusion à dire comme l'Hydro-Québec. C'est de
suivre une voie qui est déjà tracée, de continuer avec
encore plus que ce que nous avons déjà. Nous pensons que les
changements sociaux à long terme vont être plus forts et plus
néfastes, moins humains, si nous prenons le chemin de
l'agrandissement.
Si nous voulons conserver le monde tel que nous le connaissons... Il
faut que nous regardions de très près ces questions.
Je pense que, dans les deux cas, il va falloir faire un effort dans le
chemin que nous prenons.
C'est un effort de créativité qu'il y a à faire, et
un effort sérieux pour mettre sur pied des choses bien concrètes
aussi, mais c'est un esprit de créativité. Nous avons
remarqué par les réponses de l'Hydro-Québec ou d'autres
groupes qui étaient ici avant qu'ils sont tellement pleins de ce qu'on a
maintenant qu'ils ne sont plus capables de se débarrasser de cela et de
voir quel pourrait être un monde que l'on construirait
différemment.
Nous pensons que pour une qualité de vie, le chemin que nous
prônons serait le meilleur.
Les critères de jugement pour une politique
énergétique, c'est économie, efficacité,
équitabilité et compatibilité avec l'environnement. Chaque
fois qu'on regarde quelque chose, il faudrait prendre toutes ces choses en
considération.
Il nous semblait qu'un des problèmes avec l'attitude du public
envers l'énergie c'est qu'on n'y pense pas vraiment. On ne sait pas
vraiment comment cela marche. On pense à l'énergie, on pense tout
de suite électricité tandis qu'en fait 50% de tous nos besoins
énergétiques sont pour la chaleur de l'espace, comme ici, 50% de
tous nos besoins en énergie. 30% pour les transports. Et il y a les
moteurs, beaucoup de moteurs, 7% de nos besoins en énergie servent
à des moteurs qui, actuellement, marchent à
l'électricité mais qui seraient peut-être beaucoup plus
efficaces si c'étaient des moteurs hydrauliques ou d'autres
systèmes qui sont beaucoup plus précisément
créés pour le besoin précis. Il y a une expression que
j'aime bien: Chauffer une maison à l'électricité c'est
comme couper du beurre avec une scie articulée. Ce n'est vraiment pas
efficace. C'est vraiment du gaspillage.
Quand l'électricité ne peut pas être
remplacée, elle est d'habitude très efficace. Les
télécommunications, par exemple, l'électronique,
même les choses comme l'électrométallurgie ou
l'électrochimie, c'est efficace, c'est bon l'électricité.
Mais lorsqu'on s'en sert pour chauffer des maisons ou pour faire marcher des
moteurs industriels qui seraient beaucoup plus efficaces d'une autre
façon, on la gaspille. Il faut qu'on commence à penser en termes
de l'utilisation avant de décider ce qu'on va utiliser. Je pense que
quand l'électricité ne coûtait pas cher, quand le
pétrole ne coûtait pas cher, on pouvait peut-être se
permettre des inefficacités, mais je ne pense pas qu'on puisse les
tolérer maintenant.
Et on n'acquiert pas forcément un plus grand bien-être
économique parce que l'on consomme beaucoup d'énergie. La
Suède consomme moitié moins d'énergie par habitant que
nous, mais son produit national brut par habitant est pareil et son taux de
chômage est meilleur. C'est un des mythes dangereux qui sont
généralement crus par le public que si on regarde le taux
d'augmentation d'énergie, on est en train de regarder le taux
d'augmentation du bien-être. Je pense que c'est un mythe qu'il faut
absolument détruire et rebâtir quelque chose de plus sensé,
de plus vrai.
Je ne vous lirai pas le cercle vicieux que nous avons conçu pour
l'illustration de la politique de forte croissance de l'Hydro-Québec au
cours des dix dernières années, parce que nous voulons parler
d'un avenir énergétique judicieux pour le Québec et nous
prenons la transition vers la conservation de l'énergie et l'utilisation
de sources d'énergie renouvelable. Cela signifie que si on devait
satisfaire aux augmentations prévues à la demande grâce
à un programme de conservation de l'énergie, plutôt que par
une capacité de production accrue, il faudrait moins d'investissements
en capital. En plus d'économiser de l'argent et de l'énergie, une
utilisation plus efficace de l'énergie augmente la demande totale de
main-d'oeuvre de l'économie, diminue la pollution, réduit les
besoins totaux en capital des fonctions énergétiques futures et
permet à la société d'aborder avec précaution les
sources d'énergie dangereuses ou marginales. Cela vient d'une
étude faite à l'Université de Californie.
Où l'énergie peut-elle être économisée
de façon productive? Dans les transports; je suis sûre que vous
connaissez les moyens. Dans le bâtiment en procédant à la
rénovation thermique des constructions existantes, c'est-à-dire
pas seulement les doter d'une meilleure isolation, mais réduire
l'utili-
sation d'appareils grands consommateurs d'énergie comme les
dispositifs de climatisation et en concevant les nouvelles constructions de
manière qu'elles conservent l'énergie.
Dans l'industrie, en accroissant l'efficacité, en utilisant la
chaleur perdue, en se servant de la vapeur engendrée par certains
procédés industriels pour produire de l'électricité
(actuellement, cette vapeur est complètement perdue) et en faisant
s'alimenter les systèmes de chauffage servant à plusieurs
habitations à la chaleur résiduelle des industries. Ce sont ces
questions qu'il faudrait que les industries regardent pour voir si les moteurs
qu'elles ont sont les plus efficaces pour le travail qu'elles ont. Il y a un
grand travail d'éducation à faire auprès de
l'industrie.
Dans l'agriculture, en réduisant l'utilisation de pesticides et
de fertilisants et en les remplaçant par des produits organiques
renouvelables, en rationalisant aussi l'utilisation de machinerie lourde sur
les fermes. Ceci, incidemment, réduirait le fardeau des engagements
financiers des fermiers et diminuerait peut-être le nombre de ceux qui
quittent les fermes.
Dans l'industrie de l'énergie, le secteur dont la consommation en
énergie s'accroît le plus rapidement, après celui qui
connaît l'augmentation la plus prononcée, le secteur commercial,
c'est celui des industries productrices d'énergie. Le rendement de
l'énergie et du capital investi dans des projets comme la baie James est
de plus en plus lent.
La comptabilité énergétique et les études de
rentabilité énergétique sont quelque chose qu'il faudrait
qu'on commence a savoir faire. Parce qu'économiser de l'énergie,
c'est économiser de l'argent aussi. Il y a énormément
d'études qui ont été faites à ce propos et vous
verrez que nous avons une dizaine...
Le Président (M. Laplante): II vous reste environ douze
minutes.
Mme Henaut: D'accord. En tout cas, il y a cent
références dans notre mémoire et nous les avons toutes
lues. Un exemple, en tout cas, de l'argent qu'on peut épargner; il vient
du Conseil des sciences. Si toutes les maisons au Canada étaient
rénovées (rénovations thermiques) ça
coûterait $4 milliards sur une période de 15 ans. Si on met ce
même capital d'ans la production, pour fournir l'énergie,
ça coûterait $5 milliards, plus les coûts
d'opération. Il ne s'agit pas de s'en passer; il s'agit de faire mieux
avec moins.
Conserver l'énergie ne signifie pas qu'il faille geler dans
l'obscurité. C'est un défi énorme de bâtir un autre
système énergétique, mais nous pensons que c'est possible.
Nous pensons qu'il faut le faire tout de suite et non pas gaspiller notre
capital humain dans d'autres voies qui n'aboutissent nulle part. Nous faisons
remarquer que l'un des avantages des sources d'énergie renouvelable,
c'est qu'elle est décentralisée; donc, il n'y a pas de
problèmes de transport de l'énergie. Un calcul vérifiable,
qui est fait, c'est qu'un kilowatt décentra- lisé, fait la
même quantité de travail, finalement, que 2,2 kilowatts dans le
système centralisé.
Encore une fois, à quoi sert notre énergie et comment
pouvons-nous combler ces besoins par l'énergie renouvelable? Primo, il y
a les alcools de bois, ne serait-ce qu'avec les résidus de l'industrie
des pâtes et papiers au Québec. Le Québec est
énormément bien fourni en matières premières
fournissant de l'énergie. Si on fait des études sérieuses,
on va voir que l'alcool de bois pourrait être en quantité
suffisante, avec les ressources forestières du Québec, pour
satisfaire tous les besoins du secteur des transports. C'est possible
même de l'utiliser en aéronautique.
Les biogaz obtenus par fermentation anaéro-bique ou par pyrolyse
peuvent remplacer le gaz naturel. C'est une bonne façon d'utiliser les
déchets...
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous êtes
intéressée à ce que les membres vous posent des
questions?
Mme Henaut: J'aimerais savoir... Oui, bien sûr. J'aimerais
savoir sur quoi ils vont poser les questions.
Le Président (M. Laplante): Si vous êtes
intéressée, ils ne pourront pas vous poser de questions, car il
vous reste environ six minutes.
Mme Henaut: Si vous voulez. Je vais prendre encore quelques
minutes pour aller aux questions nucléaires, parce que nous n'avons pas
été très impressionnés par l'apport de
l'Hydro-Québec et nous avons des réponses à des choses
qu'ils ont dites, ce qui était très peu d'ailleurs.
Je vais faire juste la liste des principaux problèmes
nucléaires: Nous n'avons pas besoin d'énergie nucléaire.
La demande réelle en électricité, si on fournit simplement
les besoins qui doivent être rendus par l'électricité, on
en a assez avec notre Hydro pour les 50 prochaines années. Le
nucléaire est un trou sans fonds de capitaux. Nous pensons que c'est une
excellente façon d'investir de l'argent sans créer d'emploi. Les
coûts grimpent en flèche et les subventions sont
camouflées. L'appui massif du gouvernement prévient la
banqueroute nucléaire. D'ailleurs, les Américains deviennent
beaucoup plus prudents à ce propos, les compagnies d'énergie
américaines privées sont beaucoup plus prudentes que nous. Elles
ne peuvent pas compter sur le gouvernement pour les aider à sortir de la
banqueroute. L'entreposage des déchets fortement radioactifs. Toutes les
solutions tentées jusqu'à présent ont
échoué.
Les systèmes de sécurité peuvent-ils
prévenir les catastrophes? Nous savons qu'il y a un dialogue très
secret à ce propos dans les milieux nucléaires au Canada et qu'il
y a des questions énormément sérieuses qui se posent.
La prolifération des armements nucléaires, plus il y a de
centrales nucléaires, plus il y a des matières premières
pour des bombes nucléaires.
La surveillance face aux menaces de terro-
risme. Nous pensons qu'étant donné le nombre nous
le faisons observer même de matières dangereuses dans une
centrale nucléaire cela mène vers un Etat policier, parce qu'il
va falloir absolument protéger toutes ces choses de quoi que ce
soit.
La pollution radioactive s'étend. Il y a 450 mineurs de l'uranium
en Ontario qui sont, ou morts ou en train de mourir du cancer. Il y a d'autres
chiffres aussi.
L'épuisement accéléré des réserves
d'uranium. En fait, l'uranium ne durera pas tellement plus longtemps que le gaz
naturel.
Et nous n'aimons pas dépendre d'un clergé technologique.
Nous avons remarqué notre prêtre de la technologie,
l'Hydro-Québec, qui disait que vraiment, ce n'était pas une
affaire pour les gens ordinaires, que personne sauf lui pouvait le comprendre
et qui, en fait, faisait des réponses à vos questions qui
étaient assez précises. Il me rappelait plus le catéchisme
que des réponses scientifiques. Je pense qu'il était là
sous la main, on en parle souvent de ces prêtres. Il était
là.
Je suis navrée que vous allouiez bien moins de temps à des
citoyens qu'à des compagnies, si nous devons nous soumettre, je pense
que c'est tout ce qu'il faut faire. J'aimerais répondre aux
questions.
Le Président (M. Laplante): Vous remarquerez que le
mémoire que vous présentez et celui présenté par
Sauvons Montréal ont beaucoup d'affinités. C'est peut-être
pour cela que vous auriez pu résumer, pour que les membres de la
commission puissent vous poser des questions. Votre mémoire est aussi
intéressant que celui des compagnies, la preuve est que vous avez
beaucoup de groupes de citoyens qui viennent en présenter. Il ne faut
pas que vous partiez sur cette image. M. le ministre.
M. Joron: Madame, je vous remercie pour votre mémoire.
J'allais dire comme M. le président. N'allez pas croire de toute
façon, ce n'est pas au ministre à déterminer l'ordre et
l'horaire des travaux d'une commission parlementaire que nous attachons
moins d'importance à l'opinion des citoyens, comme vous le disiez,
qu'à celle des compagnies. Vous comprendrez, par contre, que le
gouvernement et les parlementaires étaient éminemment
intéressés à poser beaucoup de questions à
l'Hydro-Québec, puisque c'est nous autres qui payons pour cela et qu'on
finance ses investissements qui s'élèvent à peu
près à la moitié de tous les investissements publics qui
se font par année. Cela peut vous expliquer un peu pourquoi on avait
beaucoup de questions à poser à l'Hydro.
Ceci dit, je veux vous dire que vous soulevez plusieurs problèmes
fort pertinents quand vous mettez en cause la croissance de l'énergie
à tout prix, la croissance pour la croissance, quand vous dites que la
croissance de l'énergie n'est pas nécessairement synonyme de plus
grand bien-être ou de meilleur niveau de vie. Je suis parfaitement de cet
avis également. On peut faire mieux avec moins d'énergie; on en a
des exemples, en Suède, comme vous le mentionnez, etc. Cela va.
Je pense que vous avez aussi posé correctement le problème
en disant que le choix qui précède la détermination d'une
politique énergétique est un choix plus global que cela,
finalement. C'est un choix de type de société. Tout cela est
très juste, mais, comme on l'a dit aussi déjà, à la
suite d'autres intervenants avant vous, tout cela ne peut pas se faire du jour
au lendemain. Même si on peut faire plus avec moins, par des programmes
d'économie d'énergie, de rationalisation de la consommation et
tout cela, il reste aussi que, peu importe le délai dans lequel cela se
produira, la population augmente et, finalement, il y a quand même un
minimum de croissance et il y a des choses auxquelles on n'échappera
pas, ne serait-ce, au Québec, que le besoin de se chauffer. Même
si on pouvait se dispenser de tout le reste, il restera au moins cela qui
déjà nécessitera une consommation d'énergie
considérable.
Dans les multiples choses que vous avez soulevées, il y en a une
qui m'a fort surpris, je l'avoue. Que vous proposiez un moratoire sur le
nucléaire, vous n'êtes pas les premiers à le faire, je
comprends pourquoi, mais, vraiment, vous m'avez surpris en proposant
également un moratoire sur les grands projets hydroélectriques.
Je voudrais vous poser quelques questions à cet égard. J'imagine,
quand vous dites grands projets, que vous pensez à des choses comme le
développement de la baie James, par exemple, ou d'autres choses
semblables. Ma question comporte quelques volets. D'une part, doit-on
comprendre de votre demande de moratoire que l'on arrête à ce
moment-ci les travaux de la baie James? D'autre part, je vais vous poser une
question plus large. Qu'on les arrête ou pas, si on doit s'abstenir par
la suite de faire ce que vous appelez de grands projets hydrauliques, sans
même parler du nucléaire, je vous demanderais, à la longue,
comment on va finir par répondre aux besoins.
Si, comme Texaco nous le disait avant vous, on ne peut pas compter sur
le gaz de l'Arctique, si le pétrole s'épuise en moins de deux
générations de la surface de la terre, si on ne fait pas de
nucléaire et si on ne peut plus faire d'hydroélectricité,
ma foi, qu'est-ce qu'il reste? Je veux bien croire à l'utilisation
rationnelle, mais de là à la disparition totale de toute forme
d'énergie, il y a une marge.
Je n'ai pas très bien compris l'ampleur du moratoire que vous
suggérez sur le développement hydroélectrique. Je vous
demanderais, si vous voulez bien, d'apporter des précisions à cet
égard.
Mme Henaut: Chaque fois que vous mettez des capitaux
énormes dans une grande chose comme la baie James, l'argent ne va pas
ailleurs. L'énergie renouvelable, cela ne veut pas dire retourner au
temps de nos grands-mères. Il y a énormément de
systèmes très sophistiqués. Ils me semblent bien plus
intéressants que de grosses choses difficiles à contrôler.
Il y a par exemple les "fluid ice-bed combusters ' qui sont...
M. Joron: What in the world is that?
Mme Henaut: C'est un appareil de la taille d'une cheminée
jusqu'à la taille d'une centrale qui peut brûler... C'est une
technique de brûler les carbones, c'est-à-dire qu'on peut
brûler du charbon pulvérisé, on peut brûler les
déchets forestiers, des déchets municipaux très
efficacement de la taille qu'il convient pour la région, pour la place.
Il y a des choses comme cela qui peuvent se développer et qui peuvent
faire une transition entre le charbon et autre chose. Il y a justement les
produits forestiers. En 1973, il s'est produit autant d'énergie avec du
bois brûlé que par les centrales nucléaires au Canada. On
n'investissait pas des milliards en recherche et développement pour le
bois. Le bois est une source renouvelable. Il y a des techniques très
sophistiquées pour le brûler. D'ailleurs, la Nouvelle-Ecosse et
l'lle-du-Prince-Edouard regardent toutes les deux sérieusement la
possibilité de faire de petites centrales au bois pour certains coins,
au lieu de transmettre l'électricité sur de longues distances. On
pourrait faire une petite centrale à côté de Matane, par
exemple il y a du bois dans le coin une petite centrale seulement
pour eux. Ils n'ont pas besoin... Il y a énormément de choses
dans ce genre.
Lorsque les déchets municipaux sont traités d'une
façon quelconque, il y a énormément de méthane.
Pour l'instant, on s'en sert parfois pour chauffer le centre municipal, mais en
fait c'est surtout brûlé. On pourrait s'en servir comme le
propane. Tous les gens qui ont été à la campagne ont eu un
réfrigérateur au propane ou une cuisinière au propane. Le
méthane, qui est renouvelable, pourrait aussi servir dans toutes les
grandes villes. Je sais que ce n'est pas encore au point. Je sais que cela
coûte probablement maintenant autant que le nucléaire, pas plus,
mais autant. Ce sont des choses qui sont susceptibles d'être
raffinées et d'être à la portée de tout le monde et
partout, en plus. Alors, nous croyons que ce n'est pas seulement artisanal de
vouloir des alternatives.
M. Joron: Non, ce n'est peut-être pas artisanal au point de
vue du chauffage domestique, malgré l'application qu'on peut faire
à Matane; remarquez que 50% ou à peu près de la population
du Québec vit dans la région métropolitaine de
Montréal. On peut imaginer dans des localités plus petites et
décentralisées des solutions qui sont plus difficiles
d'application à Montréal. Même si on pouvait le faire dans
la région métropolitaine de Montréal, il reste de tout
cela qu'on ne parle que du chauffage résidentiel. Or, il y a tout le
problème du transport, de l'industrie, du secteur commercial qui
utilisent beaucoup plus d'énergie que le seul secteur du chauffage
résidentiel. On peut peut-être arriver à régler le
problème du chauffage résidentiel. Nos aïeux s'arrangeaient
avec du bois et ils ne sont pas morts de froid, du moins. Ce n'est pas
là qu'est la grande partie d'énergie qu'on consomme. Comment
fait-on pour répondre à tous les autres besoins, à tous
les autres secteurs?
Mme Henaut: D'abord, la conservation. Cela va étendre ce
qu'on a actuellement sur une plus longue période de temps; autrement
dit, il faut
ménager la transition. Dans les transports, par exemple, je pense
que là encore, du côté agricole et forestier, que ce soit
le gaz ou que ce soit les alcools de bois, c'est réellement possible,
parce qu'on peut replanter les forêts et les aménager comme il le
faut, sur une période de temps, en ménageant ce qu'on a
actuellement. Le transport, c'est énorme, c'est 30% à peu
près de ce qu'on dépense, mais la chaleur, ce n'est pas seulement
la chaleur des maisons, c'est la chaleur industrielle aussi. Ce que je disais,
je parlais du bois en tant que source électrique aussi. C'est possible,
s'il y a un besoin quelque part, éloigné, d'utiliser le bois dans
une centrale électrique. Ma première pensée, à
Montréal, ce serait qu'avec l'industrie et les résidences qui
sont plutôt proches le chauffage par voisinage a énormément
de bon sens. On utilise la chaleur dissipée des industries du voisinage
avec un réservoir d'eau pour garder... Le même réservoir
peut être chauffé par du chauffage solaire lorsque le chauffage
solaire sera un peu plus facile à étendre dans la ville. Mais
c'est très possible, c'est très faisable.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. La semaine
dernière, nous avons reçu des mémoires sur les effets du
nucléaire. Je ne sais pas si vous étiez ici cet
après-midi. J'ai demandé carrément au représentant
de l'Hydro-Québec si les données qui étaient
écrites et avaient été présentées par le
comité de l'environnement de Lotbinière... si le
représentant de l'Hydro-Québec était en mesure de
contredire ce qui était contenu dans le mémoire du Comité
de protection de l'environnement de Lotbinière. Carrément, il a
dit: Oui, on peut contredire ces faits, ils ne sont pas exacts.
Mme Henaut: II ne l'a pas fait, par exemple.
M. Ciaccia: Quelle est votre réaction sur la
réponse que l'Hydro-Québec a donnée?
Mme Henaut: Ma réaction, c'est vraiment que c'était
une profession de foi plutôt que des réponses... Moi, j'aimerais
beaucoup voir un débat entre ces messieurs et Gordon Edwards. Gordon a
fait un débat avec le Dr Edward Teller, à la
télévision anglaise, sur l'utilité des centrales
nucléaires, dans lequel le public, dans le studio de
télévision... Au début, il y en avait 76 qui
étaient d'accord avec Teller pour dire qu'il fallait des centrales
nucléaires et il y en avait 20 qui étaient d'accord avec Gordon
Edwards pour dire qu'il n'en fallait pas. A la fin du débat, il y en
avait 60, dans le public, qui étaient d'accord avec Gordon Edwards. Il
en restait 36 avec Edward Teller.
M. Ciaccia: Ce ne sont pas des choses qui peuvent être
prouvées scientifiquement. On n'est pas dans le domaine de la
philosophie où on peut avoir différentes opinions. Est-ce que
c'est la même chose? Je me souviens, dans les négociations de la
baie James, par exemple, qu'on avait
des organismes de l'environnement, et on pouvait questionner dix
différents professionnels dans le domaine de l'environnement et on avait
onze opinions différentes. Cela allait de tous les côtés,
à tous les extrêmes, de ceux qui disaient qu'on pouvait faire
n'importe quoi dans le domaine de la baie James sans affecter l'environnement
à ceux qui disaient qu'on ne pouvait rien faire du tout. Est-ce qu'on se
trouve dans le même domaine? Est-ce que c'est une question d'opinion?
Est-ce que c'est le même genre de problème que l'environnement ou
si c'est quelque chose qui semble être plus sérieux? Parce que,
quand on nous donne les faits, des accidents, cela effraie un peu le public. Je
sais que, si la décision m'appartenait, je serais pas mal
préoccupé par les données qui sont contenues dans les
différents mémoires. Est-ce que c'est une question d'opinion ou
si ce sont des choses qui peuvent être vraiment certifiées?
Mme Henaut: Chaque fois que... Normalement, les gens qui sont
pronucléaires ne mentent pas tellement, ils laissent de
côté des tas de choses qu'ils ne veulent pas voir. Lorsqu'on leur
fait remarquer ces choses nous avons vraiment une documentation terrible
là-dessus ils disent toujours: Oui, oui, c'est vrai. A certains
moments, ça devient une question d'interprétation. Lui disait, au
sujet des radiations, que, si on va camper dans les montagnes pendant deux
semaines, on en a autant que si on est dans une centrale nucléaire. Dans
notre mémoire, James Watson, qui est le découvreur du DNA, en
génétique, dit qu'il ne comprend pas comment cela se fait que les
humains peuvent mettre autant de choses tellement dangereuses pour la banque
génétique humaine que de construire des centrales
nucléaires. Parce que lui, il a regardé ça de près,
ce que ça fait à la banque génétique humaine. On a
d'ailleurs des tas de choses. Il y a Alvin Wineberg, qui est à la
tête d'un grand laboratoire aux Etats-Unis et qui dit: Nous avons fait un
marché faustien avec la société.
C'est à la société de décider si elle veut
être de l'autre côté d'un marché pareil. C'est une
question... Ils ne nient jamais les faits. C'est l'importance qu'ils leur
donnent.
M. Edwards (Gordon): Puis-je dire quelque chose? Je ne parle pas
tellement français...
M. Ciaccia: Well, go ahead, if you want to address the commission
in English, you go right ahead. You are allowed.
M. Edwards: Can I speak in English? Allright. I will say a little
bit in French and, if I have trouble, I will speak in English.
Il y a des opinions et il y a des faits au sujet du nucléaire. Il
y a beaucoup d'opinions... the people like yourselves who are asked to make
decisions obtained from this gentleman, for example, who is here today from
Hydro-Quebec, opinions, not facts, but opinions that problems can be solved or
the ways problems can be handled.
I think it is extremely important that you, gentlemen, have access to
the facts and the facts are that nuclear energy could be extremely dangerous
because it contains radioactive materials which are equivalent to thousands of
Hiroshima atomic bombs, and these materials are extremely dangerous if they
were allowed to get out into the environment. That is a fact which nobody will
deny whether if he is a responsible scientist, whether he is for nuclear or
whether he is against nuclear, but if he is for nuclear, he will not volunteer
this information to you because he thinks it will frighten you, or it will make
you not wish perhaps to have nuclear energy.
So what we are talking about here is editorial silence where the people
who are pro nuclear decide. They have a screen. They decide what you are going
to hear and they do not want to tell you things which they do not want you to
hear.
The fact of the matter is that here, in Canada right now, as you can see
in our brief if you read it, there are heated disputes about the safety of the
CANDU reactor going on between the Atomic Energy Control Board and Atomic
Energy of Canada Limited.
It is questionable whether the safety devices in the CANDU reactor would
function properly in the case of accident and Ontario Hydro has recently had to
confess that things which they had proved two years ago, they can no longer
prove regarding the safety desire specified.
I am talking here about the possibility of a major accident which would
involve, well, the evacuation of a large city, for example.
So, what we have tried to do, in a very summary form, is to put down in
boxes some opinions of very well-respected scientists, Nobel prize winners,
etc, to let you know that they are people who are extremely technically
competent, who have very negative opinions about nuclear energy.
We have also put down a summary of factual information together with
references which you can check and which I urge you to look into because these
are facts and you will find that people in the Atomic Energy of Canada Limited
or people in the Atomic Energy Control Board will be unable to deny these
facts.
M. Ciaccia: Ce qui me préoccupe de votre soumission est la
question nucléaire. Je voudrais seulement faire une autre remarque. Vous
auriez peut-être pu attirer l'attention de la commission et du public
plus sur le problème nucléaire, si vous aviez concentré
strictly on the nuclear problems.
I do not think that so far all the briefs that have been submitted to
this Commission... I do not think anyone has proved the need for nuclear
energy. And in wiew of the different opinions and the potential consequences,
je serais entièrement d'accord de faire une commission d'enquête
pour régler une fois pour toutes la question: Est-ce dangereux ou non?
Je pense qu'on ne peut prendre ce genre de risque. C'est mieux de
connaître les faits plutôt que de les apprendre quand c'est trop
tard.
L'autre remarque que j'aurais apportée sur vo-
tre mémoire est lorsque vous dites que vous voulez un moratoire
sur les centrales nucléaires, c'est compréhensible, en vue des
différentes répercussions.
Quand vous allez plus loin et que vous dites que vous voulez un
moratoire sur tous les projets qui sont écologiquement
dévastateurs, on est plus dans le domaine de l'opinion à ce
moment.
I think it will do more for yourself by concentrating on what are the
dangers of nuclear energy.
Je ne sais pas si vous êtes au courant des mesures que nous avons
prises pour l'ensemble de la baie James quant à l'environnement.
Je sais qu'il y en a plusieurs peut-être parmi vous qui
étiez contre le projet. I think that Miss Rosenberg, during the debates
on the James Bay, during the legal proceedings, you were part of a group who
was making representations to protect the environment. Nous avons
institué des comités d'environnement, nous avons une commission
sur la qualité de l'environnement au nord du 55e, dont font partie les
Inuit et les membres des gouvernements provincial et fédéral.
Alors, il y a des mesures à prendre dans le domaine de l'environnement
qui sont possibles. Cela serait peut-être plus productif si on se
concentrait sur la question nucléaire. Je crois que ce serait bien
difficile pour le gouvernement ou quelqu'un de refuser de former une commission
d'enquête sur les données que vous présentez. Si la
commission d'enquête trouve que l'Hydro-Québec avait raison, le
public le saura, nous le saurons et nous aurons dégagé notre
responsabilité. Mais je crois qu'il faut M. le ministre, je le
suggère prendre sérieusement les recommandations quant
à la commission d'enquête sur l'énergie nucléaire et
peut-être songer à l'instituer pour "clairer l'air" une fois pour
toutes et pour satisfaire le public.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse, s'il vous plaît.
M. Goulet: Dans le même sens que mon collègue qui
vient de parler, lorsque vous parlez de complexe géant de captage
d'énergie hydraulique, vous faites allusion à la baie James et
vous dites que c'est écologiquement et économiquement
dévastateur. Economiquement, on peut l'évaluer, mais
écologiquement, vous êtes les premiers qui apportez cela ici
à la commission. Egalement, vous dites que, suite aux propos de certains
avant vous, nous devons faire une profession de foi. Egalement, avec ce que
vous apportez, moi, je fais une profession de foi. Vous dites que le monsieur,
cet après-midi, n'a pas répondu aux questions et vous apportez
des arguments. Mais, pour moi, croire à l'un ou à l'autre, c'est
la même chose.
Lorsque vous parlez de production d'énergie par des
méthodes douces, soit solaire, éolienne, deux ou trois
représentants, cette semaine, nous ont apporté des chiffres
à l'effet que ce serait là seulement un faible pourcentage de
production, un très faible pourcentage. Lorsque vous parlez de maisons
chauffées, vous enlevez l'huile, vous enlevez
l'électricité. Au bois, c'est possible, mais je pense que ce
serait revenir pas mal loin en arrière.
Je ne suis pas un scientifique, mais je pense que, sans faire de
rapport, je pourrais affirmer également à cette commission qu'il
faut remplacer l'automobile par la voiture à cheval. Vous parlez de
réduire la machinerie lourde sur les fermes. Si je consentais à
faire les foins à la petite faux, comme on dit communément dans
le métier, ou à traire les vaches à la main ou de remplir
un silo à la mitaine, je pense que je pourrais affirmer, et personne ne
pourrait nier cela, à la commission que nous pourrions réduire
les dépenses d'énergie de 50%, mais je ne crois pas que la
commission se soit réunie pour cela. C'est une vérité de
La Palice. Je pense que tout le monde le savait. On aimerait avoir, je ne sais
pas, des solutions pour remplacer l'électricité ou le
pétrole. Lorsque je parle d'énergie solaire ou éolienne,
c'est un faible pourcentage de production. J'aimerais que vous me disiez,
d'après vous, quel pourcentage cela pourrait apporter, ou encore la
récupération des déchets de la forêt ou ainsi de
suite. Quel pourcentage cela pourrait-il apporter?
Le Président (M. Laplante): Une réponse courte,
s'il vous plaît parce que c'est le dernier intervenant.
Mme Henault: Votre question est justement la raison pour laquelle
nous n'avons pas fait porter notre mémoire seulement sur le
nucléaire, parce que c'est vrai que c'est un monde tout nouveau et on
pense aller en arrière. On pose la question. Il ne s'agit pas de ne pas
avoir de machinerie à la ferme, mais d'en avoir d'une taille et d'une
sophistication appropriée. Au lieu d'aller au plus grand, en venir
précisément à ce qu'il faut. On pense que les vendeurs de
machinerie agricole ont eu les fermiers. Mais on n'a pas fait cela de
façon vraiment appropriée. Il y a des études, une en
particulier, de Amory Lovins que je vous recommande fortement, qui a
été publiée dans un des journaux du Conseil des sciences.
Je vous recommanderais même d'inviter Lovins à venir vous
expliquer un avenir, parce que lui a fait énormément
d'études là-dessus; il travaille pour Friends of the Earth, qui
prouve qu'un avenir extrêmement confortable, je veux dire, aussi, non pas
primitif, est tout à fait possible avec l'énergie
renouvelable.
Je ne peux pas vous lire tout le document de Lovins, mais je vous le
recommande fortement. Nous avons espoir que les choses changent aux Etats-Unis,
parce qu'il est un des conseillers de Carter en ce moment.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Parmi les nouvelles sources possibles
d'énergie, vous avez mentionné celle pouvant provenir de
l'extraction de l'alcool de bois. Il s'agit là d'une ressource
renouvelable, telle que l'eau chez nous, donc c'est une ressource importante.
Vous avez même dit qu'on devrait expérimenter l'alcool de bois
à partir des résidus des pâtes et papiers. Quels seraient
les résidus des pâtes et
papiers qui pourraient être utilisés pour l'extraction
d'alcool de bois?
Mme Henaut: Je ne me souviens plus du nom en français,
"bark"?
M. Giasson: II n'y a pas de bran de scie, il faudrait que ce soit
l'écorce, c'est le seul résidu dans les pâtes et
papiers.
Mme Henaut: C'est ça, l'écorce, ou les autres
industries du bois; quand on passe dans des territoires où il y a
beaucoup de bois, on brûle énormément, il y a des
cônes partout, on brûle ces choses.
M. Giasson: Ce sont des sciures de bois qui sont
brûlées avec des écorces maintenant, parce qu'on a
créé de nouveaux sous-produits dans l'utilisation du bois qui va
à l'industrie du sciage. Mais dans cet esprit, est-ce que vous pensez
qu'on pourrait développer des techniques qui permettraient d'extraire
cet alcool avant d'utiliser le bois à d'autres fins? Autrement dit, au
lieu d'utiliser des copeaux de bois qui servent à la fabrication du
papier ou de composantes dans certains matériaux, est-ce que vous savez
si on pourrait, techniquement, extraire cet alcool avant de procéder
à une autre utilisation des résidus?
Mme Henaut: Je ne sais pas, mais dans nos
références, il y a une étude d'Environnement Canada,
très sérieuse, sur les possibilités commerciales futures
de l'alcool de bois dans notre situation. C'est tout ce que je peux vous dire,
on a fait une étude là-dessus.
Je pense que pour répondre à tous les besoins du
transport, il faudrait couper du bois exprès pour produire de l'alcool
de bois, en plus d'utiliser les résidus, disons, dans un avenir de 50
ans.
M. Giasson: Exprès pour produire l'alcool.
Mme Henaut: Oui. En plus d'utiliser les résidus du bois
qui sont déjà gaspillés en ce moment.
M. Giasson: II faudrait savoir du ministre des Terres et
Forêts si les forêts du Québec ont cette capacité, en
plus d'alimenter l'industrie des pâtes et papiers, d'alimenter
l'industrie du sciage, si nos forêts auraient cette capacité de
produire également pour fins d'alcool de bois. Parce qu'on parle du
nouvel or noir au Québec.
M. Bérubé: Cela semble intéressant, c'est
une hypothèse tout à fait possible. On peut développer
plus de 6000 kilowatts par corde de bois. Comme la production au Québec
est de l'ordre de 50 millions de cordes, on voit immédiatement que c'est
une production potentielle d'énergie calorifique importante et
réelle.
M. Giasson: Vous avez parlé de produire 6000 quoi?
M. Bérubé: 6000 kilowatts par corde, selon une
étude du conseil national.
M. Giasson: Est-ce qu'il s'agit de bois utilisé pour
alimenter des centrales, brûlé pour des centrales?
M. Bérubé: Oui.
Mme Henaut: II y a énormément d'études
à faire, mais nous pensons que c'est très important de pousser
les études, pousser les expériences, de le faire, non pas en
parler seulement.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention
du député de Rimouski.
M. Marcoux: Une première remarque préliminaire. Je
pense que plusieurs membres de la commission auront trouvé que les
opposants du nucléaire ont exposé leurs vues avec plus de
cohérence devant cette commission-ci, depuis la semaine dernière,
que ceux qui ont défendu le nucléaire. Je pense que plusieurs
membres de la commission souhaiteraient que les défenseurs du
nucléaire soient aussi cohérents. Parce que c'est évident
que les quelques personnes qui ont défendu le nucléaire se sont
attaquées souvent, ou ont répliqué aux autres en
s'attaquant aux fioritures, à tout ce qui entoure le sujet plutôt
qu'à l'essentiel ou aux véritables accusations, ou aux
véritables faits très graves qui ont été
signalés devant cette commission. J'espère que d'ici la fin de la
commission, des défenseurs de l'autre point de vue viendront clarifier
ces faits. Depuis le début de la commission, nous avons eu une attitude
de franchise avec l'ensemble des personnes qui sont venues déposer des
mémoires. Je dois vous faire une remarque en ce qui me concerne.
Sous un certain aspect, votre mémoire me déçoit
beauoup lorsque je retrouve des affirmations comme celle-ci, à la page
17: "Au niveau actuel de l'approvisionnement, le Québec dispose
largement d'assez d'hydroélectricité pour satisfaire à nos
besoins véritables au cours des 50 prochaines années, et cela
sans avoir à terminer la baie James ni à construire une seule
centrale nucléaire, à la seule condition que nous fassions
intelligemment coïncider les sources d'énergie et l'utilisation de
celles-ci."
Egalement, lorsque vous dites, dans la recommandation 3 ce qui a
été relevé par plusieurs membres de la commission
que vous proposez de mettre un frein même au développement de
l'énergie hydraulique pour protéger l'environnement, je me dis
que vraiment, ce n'est plus réaliste du tout de croire que... S'il y a
une chose sur laquelle tout le monde s'entend depuis deux semaines, c'est qu'il
va y avoir une croissance de la consommation d'énergie dans les
différents types d'énergie. On peut la diminuer, on peut la
contrôler, mais en nous faisant croire que d'ici les 50 prochaines
années, la production actuelle de l'Hydro-Québec, même en
arrêtant le projet de la baie James, sera suffisante pour les besoins
éner-
gétiques du Québec, je pense bien qu'on touche à la
frontière de l'incroyable.
Sous cet aspect, je pense que des remarques semblables jettent une ombre
assez sérieuse sur la qualité d'ensemble du mémoire.
Lorsque vous dites, à la page 31, que la demande réelle en
électricité diminue, vraiment c'est une trouvaille. Nous
voudrions que vous nous apportiez ces chiffres au plus tôt, parce que les
affirmations de tous les groupes qui sont venus ici sont que la demande en
électricité augmente. L'Hydro-Québec l'évalue
même à 7,75% par année dans une croissance forte, ou entre
moyenne et forte. Même si on la situait dans une croissance lente, ce
serait au minimum de 3% à 4% et cela supposerait toute une
réorientation de la consommation de l'énergie
électrique.
Je pense que sous ces aspects, votre mémoire est décevant,
quoique sur le nucléaire, il reprend beaucoup d'autres choses et
paraît beaucoup plus cohérent.
Une dernière remarque que je voudrais faire ne s'adresse pas
seulement à votre mémoire, mais à plusieurs autres
mémoires. On prend un peu l'Hydro-Québec comme un bouc
émissaire face au développement du nucléaire. Comme le
ministre l'a rappelé cet après-midi, ce n'est pas à
l'Hydro-Québec comme telle à décider du type de
société dans laquelle nous allons vivre. L'Hydro-Québec a
appliqué, jusqu'à maintenant, des orientations définies
par le gouvernement. Peut-être que, dans le passé, il manquait une
politique intégrée de l'énergie. On l'a fait deux ans par
deux ans ou à court terme. Peut-être qu'il manquait une politique
d'énergie à long terme, sur 15 ou 25 ans. Mais il reste que
l'Hydro-Québec, sous cet aspect, ne doit être
considérée par aucun Québécois comme étant
responsable de tous nos maux par rapport à l'avènement du
nucléaire.
Le Président (M. Laplante): Sur ces remarques, on vous
remercie, madame et monsieur. Les membres de cette commission vous remercient
de la coopération que vous avez bien voulu leur apporter. Bonsoir.
Mme Henaut: Nous voulons vous remercier. Vous ne pouvez pas
savoir le plaisir que cela nous a fait, en tant que citoyens; d'être
invités à présenter nos idées devant ce
gouvernement. Cela a même été une joie.
Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle l'Association
québécoise des professionnels de la communication
scientifique.
Mme Henaut: Nous avons certains documents qui peuvent être
intéressants à consulter. Par exemple, la question des besoins
d'électricité, cela vient de l'étude de Lovins.
Le Président (M. Laplante): Vous n'avez qu'à les
déposer. Monsieur va aller les chercher. Vous avez 30 minutes
messieurs.
Association québécoise des
professionnels de la communication scientifique
M. Gagnon (Jean-Marc): Merci. M. le Président, MM. les
ministres, MM. les députés, rassurez-vous, nous ne parlerons pas
longtemps. Nous sommes plutôt spécialisés dans
l'écrit. Le mémoire que nous avons fait parvenir au
secrétariat des commissions parlementaires le 7 février
dernier...
Le Président (M. Laplante): Pourriez-vous vous
identifier?
M. Gagnon (Jean-Marc): Je m'excuse. Mon nom est Jean-Marc Gagnon.
Je suis directeur du magazine Québec Science. L'autre intervenant sera
M. André Delisle, chroniqueur à l'énergie à
l'environnement du magazine. Je disais donc que le mémoire que nous
avons fait parvenir au secrétariat des commissions parlementaires, le 7
février dernier, devait être entériné officiellement
par la nouvelle Association québécoise des professionnels de la
communication scientifique, lors de son assemblée de fondation qui a eu
lieu vendredi dernier.
Malheureusement, faute de temps je puis vous garantir que ce
n'est pas faute d'intérêt l'assemblée n'a pu
être saisie de la question. Ce sont donc les promoteurs du projet, des
représentants du magazine Québec Science, qui viennent
aujourd'hui devant vous pour endosser ce mémoire et témoigner de
la nécessité de mettre le public dans le coup, d'associer les
citoyens à la mise en oeuvre d'une politique énergétique
au Québec. C'est là, selon nous, une question trop importante
pour être laissée entre les mains des seuls scientifiques.
A plusieurs reprises, et ce depuis plusieurs années, notre
magazine a publié des articles de fond dans le but d'inciter les gens
à prendre individuellement et collectivement des mesures pour
économiser l'énergie et ce, à la lumière d'une
information pertinente. Ce sont les réactions à ces articles qui
nous incitent à venir devant vous aujourd'hui. Elles ont
été des plus encourageantes et des plus
intéressées.
Il ne faudrait pas chercher dans le document que M. Delisle va vous lire
dans quelques instants un dossier très étalé. Il s'agit
là d'un domaine réservé aux experts. Les données
techniques y abondent déjà suffisamment.
Il faudrait plutôt y voir un effort pour répondre au
problème fondamental, mis en lumière par les témoignages
divergents des divers intervenants devant cette commission, soit l'absence d'un
consensus, un consensus qui ne touche pas tant la question des choix
énergétiques que celle des choix sociaux, préalables
à la définition d'une telle politique.
A nos yeux, un tel concensus est indispensable pour rendre cette
politique socialement acceptable et, par conséquent, applicable.
Voilà pourquoi notre mémoire se veut modéré en ce
qui concerne les mesures à prendre et, réaliste, quant à
leur possibilité d'application.
M. Delisle (André): Les années d'abondance et de
presque gratuité de l'énergie sont déjà chose du
passé. L'illusion bien québécoise du caractère
inépuisable des ressources énergétiques tarde toutefois
à céder le pas devant la nécessité d'une
utilisation plus rationnelle des ressources disponibles. Le fossé qui
s'élargit entre la disponibilité des diverses sources
d'approvisionnement énergétique et les exigences des multiples
utilisateurs posent, de façon cruciale, la question des choix sociaux,
économiques et politiques pour satisfaire les besoins
énergétiques à venir. Le Québec n'est pas le seul
pays à faire face à de tels choix; tous les pays occidentaux
vivent présentement les mêmes hésitations.
Toutefois, plusieurs caractéristiques du secteur
énergétique québécois rendent ces choix très
difficiles et, forcément, différents des solutions
adoptées dans d'autres pays occidentaux. Les grandes questions à
retenir dans ce contexte particulier du Québec peuvent être
résumées en six sujets principaux:
A. Une stratégie d'autonomie énergétique
québécoise est-elle souhaitable?
B. Les économies d'énergie offrent-elles des avantages
intéressants pour le Québec?
C. La filière nucléaire doit-elle être retenue dans
le contexte québécois?
D. Les énergies alternatives peuvent-elles occuper une place
importante dans la politique québécoise de l'énergie?
E. Dans quel secteur faut-il orienter les efforts de recherche?
F. Enfin, quel rôle le public peut-il jouer dans une telle
politique?
Bien sûr, toutes ces questions pourraient être
subdivisées. Elles pourraient aussi être formulées
très différemment étant liées entre elles. Nous
tenterons néanmoins de faire ressortir certains éléments
soulevés par chacune de ces questions, de même que les liens qui
existent entre eux, éléments qui devront faire l'objet de
décisions claires dans l'expression de la politique
québécoise de l'énergie.
A. Une stratégie d'autonomie. Le Québec ne dispose pas de
ressources pétrolières. L'autosuffi-sance
pétrolière est donc hors de question. Par contre, le
pétrole occupe une place importante dans le bilan
énergétique québécois. Le Québec doit ainsi
viser à s'assurer des approvisionnements stables, à des
coûts moindres, tout en tentant de réduire sa dépendance
face au pétrole, au cas où le prix de ce dernier grimperait
subitement et de façon spectaculaire.
Pour ce, le Québec doit prendre les moyens d'assurer une part
plus importante du bilan énergétique au gaz naturel en
améliorant les réseaux de distribution et en forçant
l'introduction du gaz au niveau des processus industriels à cause, entre
autres, de ses qualités écologiques.
Le développement de nouvelles utilisations est un autre moyen
d'augmenter la part du gaz naturel. L'infrastructure mise en place pourrait,
d'ailleurs, servir au cas où le gaz synthétique, gaz de charbon,
offrirait des possibilités intéressantes à moyen terme.
Quant au secteur hydroélectrique, à court terme, il ne peut
suffire à assurer au Québec l'autonomie
énergétique. Un recours trop rapide à ces ressources
serait d'ailleurs une dépense inacceptable pour les
Québécois tant que les produits pétroliers resteront
disponibles à moindre coût.
Dans cette optique, il faut retarder le développement de
nouvelles ressources hydroélectriques et libérer ainsi les sommes
nécessaires aux efforts dans d'autres secteurs, le gaz, la
conservation.
Les économies d'énergie. L'étude de
l'évolution de la demande énergétique fait ressortir
l'imminence de pénuries ou, du moins, de hausses exorbitantes des
coûts. Dans cette optique, l'axe de la conservation des ressources
énergétiques, par différentes mesures d'économie,
devra occuper une place importante dans la politique énergétique
québécoise. Les effets de mesures de conservation de
l'énergie sont très avantageux du point de vue de l'application
d'une politique énergétique. L'amélioration du rendement
des processus énergétiques et la réduction de la demande
permettent de retarder certains développements trop coûteux et
parfois risqués pour l'environnement. Ces délais ouvrent la porte
à des recherches supplémentaires et à des
découvertes essentielles dans des secteurs énergétiques
aujourd'hui peu développés, solaire et éolien, entre
autres. Une politique de conservation diminue aussi la dépendance d'un
Etat par rapport aux approvisionnements énergétiques provenant de
l'extérieur.
Au chapitre de la conservation de l'énergie, l'Etat ne doit pas
hésiter à explorer des possibilités apparemment
très éloignées de la consommation de l'énergie,
telles que la réorganisation des transports, les
réaménagements des activités sociales, par exemple des
horaires flexibles, et même toute la réorganisation du territoire,
un meilleur aménagement des villes et autres moyens du genre.
La filière nucléaire. Dans les perspectives futures
d'utilisation de l'énergie, la filière nucléaire, fission,
semble devoir occuper une faible part du bilan énergétique
québécois. Toutefois, les craintes par rapport au choix
nucléaire trouvent des supporters tant dans les milieux scientifiques
que dans les milieux politiques et dans toutes les couches de la
société. Sans présumer des fondements de ces craintes, il
semble que les dangers soient tellement importants et la marge d'incertitude
tellement large, concernant les conséquences du recours massif à
l'électricité nucléaire, qu'il faille chercher à
éviter cette filière. Plusieurs arguments d'ordre
économique, écologique, technique ou social pourraient être
apportés en appui à une telle décision. Le fait qu'il
existe des façons d'éviter le recours à une technologie
très risquée et fort peu connue, suffit à suggérer
le refus d'un tel choix, du moins à court terme.
Le recours ou le non-recours à des scénarios
nucléaires reste, par ailleurs, une décision qui appartient
à la société, dans son ensemble, une fois tous les
citoyens bien informés des implications de ces choix.
Les vides laissés par cet arrêt de tout programme
nucléaire pourraient être comblés à court terme
grâce aux provisions produites par un pro-
gramme de conservation efficace. A moyen terme, les nouvelles
disponibilités en gaz naturel et les ressources hydroélectriques
serviraient à remplacer la part habituellement laissée à
l'énergie nucléaire. A long terme, les délais
causés par ces approvisionnements énergétiques de
transition permettront d'ajouter aux sources conventionnelles
d'approvisionnement énergétique les sources aujourd'hui
considérées comme marginales, solaire et éolienne, ou
encore au stade de recherches fondamentales, nucléaire de fusion,
évidemment, après des études d'environnement
adéquates.
Les énergies alternatives. Désigner par le terme
"alternatives" les sources d'énergie non encore exploitées trompe
sur les possibilités réelles de telles sources d'énergie.
Certaines sources telles que le soleil risquent de prendre, à long
terme, une part importante du bilan énergétique des pays
occidentaux. Certaines autres sources, le vent, les marées, la chaleur
terrestre, la biomasse ou l'énergie des déchets, semblent pour
leur part devoir garder une position marginale par rapport aux autres sources
pour une longue période encore.
Toutefois, un certain laps de temps est encore nécessaire pour
développer et multiplier les applications des sources d'énergie
non encore exploitées. Dès maintenant, des efforts importants
doivent être déployés pour préciser les
possibilités réelles de ces sources d'énergie et pour en
faciliter l'implantation dans certains cas.
Les efforts de recherche. Ces possibilités de nouvelles sources
d'énergie suggèrent déjà des orientations pour la
recherche dans le secteur énergétique. Vu les ressources
techniques et scientifiques dans le secteur de la recherche
énergétique au Québec, il faudra réorienter ces
efforts, présentement effectués dans la recherche
nucléaire de fission, dans le secteur de la recherche sur
l'énergie nucléaire de fusion. Déjà, plusieurs pays
développent une expertise dans ce dernier secteur: le Québec doit
déjà préparer ses scientifiques et ses techniciens a la
venue de l'énergie nucléaire de fusion. Ceci ne suppose
évidemment pas le retrait de la recherche en
hydroélectricité, qui occupe déjà une partie
importante des chercheurs québécois du secteur
énergétique.
Des efforts devront aussi être consentis dans des recherches
québécoises sur les énergies solaire et éolienne,
susceptibles de trouver des applications importantes du fait de la situation
"privilégiée" du Québec du point de vue des vents et de
l'ensoleillement dans certaines régions. Ces sources d'énergie
sont particulièrement adaptées dans le cas des régions
éloignées fort coûteuses à approvisionner en
énergie conventionnelle. De plus, tel que mentionné
précédemment, des possibilités nouvelles d'utilisation du
gaz au niveau des processus industriels devront être
développées très rapidement.
Le rôle des citoyens. La plupart des points mentionnés
précédemment supposent la collaboration des consommateurs, qu'ils
soient domestiques ou industriels. L'efficacité de la plupart des choix
proposés est fondée sur le succès du pro- gramme de
conservation de l'énergie, programme basé, bien sûr, sur
des mesures réglementaires, mais surtout sur une participation
volontaire supportée par plusieurs formes d'incitation. Tous les
programmes d'information du public et d'intégration des consommateurs
aux mécanismes d'élaboration de la politique
énergétique québécoise sont ainsi souhaitables dans
ce contexte.
Réciproquement, pour être acceptés par le public,
ces programmes d'information et d'incitation aux économies
d'énergie doivent accompagner un véritable effort national pour
rationaliser l'utilisation des ressources énergétiques. Les
économies alors réalisées se répercuteront surtout
sur la consommation de pétrole et d'électricité, secteurs
où le Québec a intérêt à abaisser le taux
d'augmentation pour éviter l'escalade des prix de l'énergie. Un
échec du programme d'économie de l'énergie signifierait
donc l'impossibilité pour le Québec de décider de
lui-même de son avenir énergétique et, par là, de
valoriser au mieux ses propres ressources.
En conclusion, il convient d'affirmer, malgré son apparente
évidence, la nécessité de consacrer les ressources
humaines, financières et techniques pour pouvoir mettre en place les
mécanismes élaborés dans le cadre de la politique
énergétique. La création de l'Agence
québécoise de conservation de l'énergie est sans doute un
premier pas en ce sens. Toutefois, il faudra aussi libérer les
crédits nécessaires pour encourager la recherche et le
développement des nouvelles sources d'énergie, pour assurer la
mise en place des processus d'information et de participation du public et,
enfin, pour former l'expertise nécessaire à la gestion et
à la coordination de tous les programmes et de toutes les
activités ayant une incidence sur les ressources
énergétiques disponibles. Et ce, à très court
terme.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: Si je me permets de résumer un des points
saillants de votre mémoire, c'est que vous proposez, somme toute,
au-delà d'un programme de conservation d'économie
d'énergie, de sauter l'étape de fission nucléaire pour
attendre la fusion, et vous dites: On peut faire ce saut, ce pont en misant sur
le gaz, entre autres, et sur une croissance, que vous qualifiez de
modérée, du développement hydroélectrique
conventionnel. J'ai deux questions, une par rapport au gaz et l'autre justement
par rapport au développement hydroélectrique.
Vous avez mentionné je ne suis pas sûr de vous avoir
bien compris que des investissements trop massifs dans
l'hydroélectricité, dans le développement des sources
hydroélectriques étaient coûteux.
Il est évident que c'est coûteux en termes
d'investissements. Evidemment, cela enlève une certaine marge de
manoeuvre. Cela soustrait autant à d'autres investissements sociaux qui
pourraient être faits. Par contre, vous rajoutez dans la même
phrase "... tant que le pétrole est meilleur marché."
A ce que je sache, au moment où on se parle, le pétrole
n'est pas meilleur marché. Si on se réfère à ce que
disait l'Hydro-Québec cet après-midi, tout en prévoyant
une certaine augmentation du tarif de l'électricité, on
prévoyait que le pétrole continuerait de devancer, devenant
relativement de plus en plus cher par rapport à
l'électricité. Il m'apparaît y avoir là une
confusion peut-être qui s'introduit et je vous demanderais, si vous le
voulez bien, de l'éclaircir.
Cela est par rapport à l'électricité. Maintenant,
par rapport au gaz, vous nous invitez à miser sur le gaz d'une
façon temporaire, attendant les développements ultérieurs
de la fusion nucléaire ou de sources alternatives, dites douces,
d'énergie, etc. Vous nous invitez, du même coup, à faire
des investissements dans le prolongement du réseau de distribution du
gaz. Le gaz a ceci de particulier c'est une évidence; ce n'est
pas comme le pétrole qu'il ne se transporte pas en petite
quantité facilement. Cela prend des canalisations installées.
Donc, c'est une infrastructure qu'il faut mettre en place qui, elle aussi, est
fort coûteuse. Si on est pour s'en servir seulement pendant quelques
années, cela ne vaut pas la peine de le faire, parce que les
investissements qu'on met dans l'augmentation de tout un réseau de
distribution de gaz, il faut au moins qu'on soit assuré de pouvoir les
amortir sur vingt-cinq ou trente ans.
C'est ma question: Comment peut-on décider d'augmenter un
réseau et de consentir à ces investissements, sans être
déjà sûr des approvisionnements en gaz, non seulement de la
quantité, mais du prix également? Il semble, d'après les
positions qu'on a entendues depuis une semaine et demie, qu'on n'arrive pas
à avoir des réponses précises à l'une ou à
l'autre de ces questions.
Alors, est-il prudent, est-ce faire de bonnes affaires que de
décider d'aller investir dans le prolongement d'un réseau de gaz
sans savoir pour combien de temps ce réseau va servir, d'une part, sans
savoir les quantités de gaz qu'on va pouvoir acheter et qui, de toute
façon, sont à l'extérieur des frontières du
Québec et sans, non plus, savoir le coût de ce gaz?
M. Delisle: Concernant la première question par rapport
à l'électricité et aux investissements nécessaires,
je pense qu'il y a un principe dont il faut tenir compte quand on parle de
dépenses dans le domaine énergétique. Finalement, les
investissements pour l'électricité, ce sont les
Québécois qui les font. C'est une partie du budget
québécois qui passe au développement des ressources
hydroélectriques, tandis que, pour l'achat du pétrole,
actuellement, on n'a pas à investir dans des sources d'approvisionnement
futur. C'est à ce niveau, je pense qu'il y a une différence quand
on dit bloquer une partie du budget québécois pour l'investir
dans quelque chose. Un transfert, on peut le faire de
l'électricité à quelque chose d'autre et non pas du
pétrole parce qu'on n'investit pas vraiment dans le pétrole.
M. Joron: Ce n'est pas exact. Evidemment, les investissements
dans l'hydroélectricité sont très coûteux. Quand on
parle de pétrole, c'est une dépense courante, immédiate et
renouvelable. Chaque fois que tu achètes un baril, tu le paies, tandis
qu'une fois que tu as investi dans un barrage hydroélectrique, tu as de
l'électricité pendant 100 ans. D'accord, il faut que tu
investisses plus tout de suite, mais tu vas en retirer beaucoup plus pendant
beaucoup plus de temps.
Il y a quelque chose de faux à prétendre aussi que...
Même s'il ne faut pas mésestimer la sortie de devises
extraordinaire que cela représente, de paiements
transférés hors du Québec que cela soit vers
l'Ouest canadien ou vers n'importe quel autre marché, cela fait peu de
différence; finalement, c'est une sortie nette de capitaux du
Québec ces montants vont devenir extraordinaires, surtout si on
pense à du pétrole, dans moins de dix ans, à $25 ou $30 le
baril. Mais, dans ce prix du baril de pétrole on en a
discuté la semaine dernière il y a une part qui est le
profit de l'entreprise. Avec toutes les discussions que le député
de Jean-Talon a eues, à savoir si c'était un revenu brut, un
profit brut, un profit avant ceci ou un profit avant cela, il reste qu'il y a
une partie de "cashflow" dans le prix de ce baril qu'on paie qui va à
l'entreprise pour lui permettre un réinvestissement non pas au
Québec dans le réseau de distribution de pétrole, mais
à l'extérieur dans l'exploration pour de nouvelles sources.
En d'autres mots, quand on fait payer un baril de pétrole
à des consommateurs québécois, il y a une partie de ce
paiement qui va à des investissements à l'extérieur du
Québec. Il ne faut pas l'oublier non plus; si bien qu'on finance le
développement énergétique d'autres parties du monde quand
on fait cela. C'est pourquoi je n'accepte pas l'argument aussi facilement que
cela, savoir que le pétrole semble nous coûter meilleur
marché parce qu'il n'implique pas des investissements. Il implique des
investissements. Il y a une partie d'investissements dans le prix courant qu'on
paie pour un baril de pétrole.
M. Delisle: Evidemment, mais je pense quand même qu'en
termes de masse d'argent, on a moins de contrôle sur cette masse
d'investissements qui est une petite proportion sur chacun des barils de
pétrole achetés qu'on a sur la masse d'investissements qu'on
place dans le développement des ressources hydroélectriques.
C'est dans ce sens, je pense, qu'il y a une différence. Concernant
l'investissement d'une certaine infrastructure pour le gaz, je pense aussi que
là, il y a plusieurs possibilités dans le domaine du gaz et non
pas seulement le gaz naturel. Il y a le développement du gaz
synthétique et éventuellement d'autres gaz, que ce soit le gaz de
déchets ou d'autres gaz pour lesquels l'infrastructure pourra servir
aussi dans le sens de sources d'énergie future.
M. Joron: En nous proposant ces investissements dans une
infrastructure, j'imagine que vous avez dû, avant de faire cet
avancé, quand même essayé de voir ou de localiser ou de
quantifier jusqu'à un certain point je sais bien qu'on joue
toujours dans les approximations les sources
disponibles. Le gaz qui entre au Québec aujourd'hui, ce n'est pas
grand-chose, mais si on est pour mettre des centaines de millions à une
extension du réseau, il faudrait être sûr qu'on va en avoir
en jolie quantité.
M. Delisle: On n'a pas tenté de quantifier du tout,
d'ailleurs il n'y a aucun chiffre qui apparaît dans notre mémoire
et ce, volontairement, parce que les chiffres ont plu à la commission
dans le sens de pleuvoir chacun y a mis ses chiffres, ses
prévisions, ses données. Sans avoir les mémoires qui ont
été remis à la commission, selon les dossiers qu'on a pu
faire ou voir, les hypothèses qu'on a pu voir avant, il semble y avoir
des réserves en gaz suffisantes pour justifier une telle approche. Pour
la quantifier, on n'entre pas dans la quantification, et volontairement.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Richmond.
M. Brochu: Pour continuer un peu dans le sens que le ministre
mentionne, actuellement vous suggérez dans votre mémoire de
ralentir un peu le développement de l'Hydro-Québec et d'aller au
profit du gaz naturel de façon assez évidente. Je pose la
question suivante. D'abord j'établis que dans la question de gaz
naturel, les approvisionnements sont quand même douteux, jusqu'à
un certain point. Deuxièmement, il va falloir établir toute une
infrastructure pour la question de la distribution, qui n'est pas en place
actuellement. Je me demande s'il ne serait pas plus logique d'utiliser au
maximum une infrastructure déjà existante en ce qui concerne la
question de la production d'énergie par l'hydroélectricité
alors que c'est déjà là. Pourquoi ne pas l'utiliser au
maximum quitte, en même temps, à développer
parallèlement en prévision des pénuries ou des maximums de
production à atteindre dans ce domaine en même temps qu'on
utiliserait...
M. Delisle: Je pense que quand on parle d'éventuelles
sources d'approvisionnement énergétiques, on est obligé
je parle très globalement de parler de plausibilité
de réalisation. Une chose est certaine, il ne faut pas mettre tous les
oeufs dans le même panier. Si on se fie exclusivement à
l'hydroélectricité et au pétrole, on s'en va vers une
impossibilité vers 1990. Je pense que cela ressort assez des
mémoires qui ont été remis ici. Maintenant,
vis-à-vis des solutions de rechange que l'on a, il y a, entre autres, le
gaz, les énergies alternatives, solaire, éolienne et biomasse, et
il y a, plus loin peut-être, la fusion. Alors, la façon la plus
raisonnable, actuellement, dans une décision actuelle de diversifier, je
pense que c'est d'aller du côté du gaz. C'est dans ce sens que ce
choix est fait.
M. Brochu: Est-ce que je me trompe lorsque...
M. Delisle: Parce que c'est moins incertain que, par exemple, les
possibilités de l'énergie so- laire et encore moins incertain que
les possibilités de l'énergie de fusion. C'est un degré
d'incertitude qui va en augmentant à mesure qu'on avance dans les
solutions de rechange.
M. Brochu: D'accord, mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux
quand même partir de ce qu'on a effectivement, de réseaux
existants tout en développant l'autre à côté, la
question du gaz naturel?
Si je comprends bien, dans le mémoire que vous présentez,
corrigez-moi si je fais erreur vous allez chercher du
côté de l'Hydro-Québec, si vous voulez, les sommes
nécessaires à investir du côté du gaz naturel, en
disant: Ralentissez un peu du côté de la production de
l'énergie électrique pour aller immédiatement à
fond de train dans la question du gaz naturel. En partant de là, si
c'est bien ce que vous avez voulu dire, je me demande pourquoi, étant
donné que tout est installé là, on ne l'utilise pas au
maximum, peut-être, tout en allant au gaz naturel à
côté.
M. Delisle: Dans une optique de rationalisation des ressources
disponibles, ce n'est pas certain qu'il faille actuellement vider
complètement les possibilités de l'hydroélectricité
sans diversifier davantage pour être obligé ensuite de s'engager,
à la fin, qui est très proche, dans une voie que l'on n'aura pas
choisie. C'est dans ce sens qu'on dit vraiment, vous avez bien compris
le mémoire de réserver une certaine partie de
l'économie du Québec pour développer des sources
différentes. Sans que ce soit exclusivement le gaz, le gaz est
sûrement un axe important.
M. Brochu: Est-ce qu'il n'y a pas un certain risque on se
pose la question sur le plan théorique si on réserve
certaines sommes dues au développement de l'Hydro-Québec pour les
mettre du côté du gaz naturel, si on établit toute cette
infrastructure dont on a besoin pour faire la distribution, ainsi de suite, et
qu'à la fin de l'année il s'avérerait non rentable de
travailler de cette façon, ou non efficace, d'être obligé
de revenir à la première structure, d'augmenter de nouveau les
budgets de l'Hydro-Québec? On se retrouverait dans une espèce
d'illogisme de situation où on effectuerait un demi-tour
forcé.
M. Delisle: En pratique, ce que l'on sait, c'est que les
réserves de gaz sont démontrées, les possibilités
d'utiliser ont été mentionnées par plusieurs groupes,
scientifiques ou organismes qui, actuellement, travaillent dans le domaine de
l'énergie. C'est là-dessus qu'on se base pour dire ça.
M. Brochu: A présent, est-ce qu'on pourrait, à ce
stade-ci, poser au sujet de l'utilisation du gaz naturel la question des
habitudes de consommation des gens? Je ne parle pas du secteur de l'industrie,
mais du secteur privé. Parce que l'utilisation même du gaz
amènerait des changements majeurs d'installation. Est-ce qu'il est
possible de
prévoir un laps de temps ou un programme de changement, et est-ce
qu'à l'intérieur de ce programme de changement, on est capable
d'évaluer les comportements des individus par rapport à ces
changements assez radicaux si on axe cela aussi massivement sur le gaz
naturel?
M. Delisle: Sur le premier point, je pense que par rapport au
changement des habitudes de consommation des individus, c'est possible, c'est
long, ça demande un programme très volontaire pour y arriver et
c'est très justifié. Cela peut venir d'un organisme
gouvernemental et pas d'ailleurs.
Maintenant, au niveau du gaz, je ne pense pas que la possibilité
domestique soit la plus grande possibilité. C'est plutôt la
possibilité des processus industriels, pour une bonne raison aussi, qui
est en même temps une raison de saine gestion. C'est-à-dire
qu'actuellement, la société commence à être
obligée d'absorber des coûts très élevés, et
en termes d'énergie et en termes d'argent, pour la lutte contre la
pollution. On n'arrête pas de voir et d'entendre des industries qui se
plaignent des investissements massifs qu'elles sont obligées de faire
pour éviter certaines émissions atmosphériques,
éviter la pollution. A ce moment-là, le gaz offre l'avantage
d'éliminer ce genre de coûts. C'est donc doublement avantageux
pour les processus industriels. C'est pour ça qu'on dirige le gaz
surtout vers les processus industriels.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Sur la question à savoir si c'est plus
rentable par rapport à l'économie du Québec d'investir
soit dans le gaz, soit dans le pétrole ou dans l'hydroélectrique,
l'Hydro-Québec nous fournissait des chiffres cet après-midi qui
indiquent que 76% du coût de l'hydroélectricité est investi
au Québec sous forme d'équipement, main-d'oeuvre, etc., alors que
si on se lançait dans le nucléaire, ce serait environ 65% ou 66%.
Donc, quand on parle des effets économiques de l'investissement dans
l'énergie hydroélectrique, ils sont beaucoup plus grands au
Québec parce qu'on investit dans la recherche. Dans la transformation au
niveau du pétrole, au niveau du gaz, on investit lorsqu'on
l'achète, sauf que ces investissements ne se font pas ou ne se font plus
ici.
Voici la question que je voudrais vous poser. Je voudrais que vous
m'éclairiez à savoir comment vous pouvez concilier vous
dites que l'autarcie n'est pas possible, mais qu'un des objectifs de la
politique énergétique du Québec doit être de
diminuer sa dépendance face à la consommation d'énergie
comment concilier dis-je cet objectif avec les recommandations
générales que vous nous faites d'augmenter notre bilan de
consommation de gaz, de ne pas diminuer notre consommation de pétrole,
tant que les prix seront ce qu'ils sont actuellement, et de ralentir nos
investissements hydroélectriques qui, eux, sont un investissement
interne qui crée de l'emploi ici, etc.?
Comment concilier cela? L'autarcie c'est évident, c'est clair que
c'est impossible, pas plus que le séparatisme est possible. Mais ce qui
est possible, par exemple, c'est de diminuer notre dépendance ou
d'accroître notre degré d'autonomie. Les principales
recommandations que vous nous faites, j'ai l'impression, visent toutes à
diminuer cette autonomie au lieu de l'augmenter.
M. Delisle: Je ne comprends pas vraiment votre question.
M. Marcoux: La question est: Comment pouvez-vous concilier votre
objectif ou l'objectif que vous voulez que le gouvernement poursuive, qui est
de réduire sa dépendance face au pétrole ou aux sources
énergétiques étrangères, tout en recommandant qu'on
diminue ou qu'on n'augmente pas trop la consommation hydroélectrique?
Par contre, en se lançant du côté du gaz, à ce que
je sache, il ne sera pas sur le terrain québécois, il va
être en dehors et il risque d'être contrôlé par
d'autres.
M. Delisle: On n'a pas fait d'objectif unique sur
l'hypothèse de politique qui est là. Il n'y a pas d'objectif
unique de diminuer notre dépendance. Il y a un objectif double qui est
de valoriser nos ressources et diminuer la dépendance. Ce sont des
choses qui ont des conséquences sur les choix qu'on fait par la suite.
On peut prendre comme objectif unique de valoriser nos propres ressources. A ce
moment-là, cela peut ne pas être de diminuer notre
dépendance.
M. Marcoux: Mais, à ce moment-là, votre
deuxième objectif, je suis d'accord que vous faites des recommandations
qui nous permettraient possiblement d'en atteindre une bonne partie.
Pour le premier objectif, je pense que toutes vos interventions sont
contradictoires avec l'objectif. Il vaudrait mieux dire carrément,
à ce moment-là, que l'objectif de diminuer notre
dépendance, vous ne le retenez pas du tout. Je ne vois aucune
recommandation qui va dans ce sens-là.
M. Delisle: Je pense que cela a énormément
d'importance sur la façon dont on va développer, mais pas
nécessairement à court terme. Quand on parle de
développement à court terme, on est pris avec une situation de
fait d'une grosse consommation et d'une infrastructure qui est là et
aussi de développements du secteur énergétique qui sont
à un point donné. Quand on parle à moyen et à long
terme, c'est autre chose. C'est là que cet objectif peut prendre plus
d'importance. Je pense par exemple au genre de positions qui ont
été prises par des intervenants précédents et qui
disaient: A un moment donné, ce qu'il va falloir développer, ce
n'est pas nécessairement des structures ou des moyens massifs de
répondre à la demande énergétique. Il y aura
peut-être lieu de décentraliser la consommation d'énergie,
décentraliser la production d'énergie et c'est dans cette optique
que la diminution de la dépendance par rapport à d'autres devient
un objectif important.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou, une dernière intervention.
M. Johnson: Je m'adresse à vous en tant que communicateurs
scientifiques en présumant que vous avez dû faire le tour de
certaines questions qui touchent entre autres la recherche dans le secteur de
l'énergie.
Vous recommandez, à l'avant-dernière page de votre
mémoire, qu'il faudra aussi libérer les crédits
nécessaires pour encourager la recherche et le développement de
nouvelles sources d'énergie. Vous n'êtes pas sans savoir que ce
matin on a eu des chiffres qui ont été cités par le
représentant de l'Hydro-Québec, à l'effet que des pays
comme les Etats-Unis, des groupements comme le marché commun, les pays
européens en général et le Japon dépensent des
sommes qui sont de l'ordre de 10 et 20 fois supérieures à ce que
l'Hydro dépense dans le secteur de la recherche.
A votre connaissance, dans la mesure où le Québec devrait
se spécialiser dans un domaine de pointe dans le secteur
énergétique comme il l'a fait dans le passé en ce qui
concerne le transport d'énergie à haute tension grâce
à son institut, dans quel secteur des sources alternatives
d'énergie voyez-vous que la recherche devrait être prioritaire?
Dans le solaire, dans l'éolien, le biomasse ou même la
marémotrice?
M. Delisle: Est-ce que vous prenez comme hypothèse qu'il
faut vraiment se spécialiser dans un secteur de pointe?
M. Johnson: C'est-à-dire que la première question
est: Etant donné les ressources relativement limitées, en termes
comparatifs, qui sont à la disposition de l'Hydro, entre autres, et de
l'institut de recherche et éventuellement d'un ministère de
l'énergie, croyez-vous qu'il faut penser à une
spécialisation dans le secteur de la recherche, même si on tient
compte du fait qu'il y a des relations organiques, sur le plan international,
entre ces groupements? Deuxièmement, si oui, dans quel secteur
voyez-vous un secteur de prédilection pour le Québec?
M. Delisle: Si j'avais à répondre à cette
question sans y répondre, je dirais: Vu qu'on a déjà un
secteur de recherche au niveau des énergies conventionnelles, il
faudrait développer le secteur des énergies alternatives. Lequel
parmi ces secteurs développer plus précisément? Je ne
pense pas qu'on doive répondre à cette question; je pense qu'il
faut vraiment les développer de façon concurrente, parce que ces
sources d'énergie sont vraiment prévues dans une utilisation
d'énergie intégrée et efficace, dans le sens que
l'utilisation finale de l'énergie est toujours faite en fonction de la
meilleure utilisation de la source d'énergie.
A ce moment, on ne peut pas dire de développer une chose plus
qu'une autre; le contexte québécois est trop différent,
justement, du contexte américain, pour pouvoir se permettre, par
exemple, d'importer la technologie simplement éo- lienne ou la
technologie même solaire directement dans le contexte
québécois. On a un contexte climatique qui change vraiment toutes
les données par rapport à cela. Il faut vraiment garder une
expertise, non pas générale, mais spécialisée dans
l'énergie alternative.
Le Président (M. Laplante): C'est bien, messieurs. Les
membres de cette commission vous remercient de l'apport que vous avez bien
voulu leur donner. Merci! Le groupe Labrecque, Bisson-nette et Lemieux,
ingénieurs. Est-ce que vous êtes seul?
M. Lemieux (André): Oui, je suis seul.
Le Président (M. Laplante): Comme un grand
garçon.
M. Lemieux: Oui, on va faire cela du mieux qu'on peut.
Le Président (M. Laplante): Vous avez le reste du temps,
jusqu'à 23 heures.
Labrecque, Bissonnette, Lemieux et
Associés
M. Lemieux: André Lemieux, de la firme Labrecque,
Bissonnette et Lemieux, firme qui se spécialise dans la conservation ou
l'économie d'énergie. M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, nous désirons vous remercier de l'occasion
que vous nous donnez d'exprimer nos vues sur la future politique de
l'énergie du Québec.
Cependant, le temps qui nous a été donné pour
préparer ce mémoire nous a empêchés d'apporter
certaines modifications et additions avant sa publication. Aussi, je me
permettrai d'ajouter quelques remarques et, pendant sa lecture, je vous prierai
de les noter.
En tant qu'ingénieurs travaillant activement dans le vaste
domaine de la conservation de l'énergie, nous voulons vous faire
réaliser l'urgence de la situation et ainsi vous amener à prendre
des mesures immédiates pour notre bien-être et celui des
générations futures. Ces mesures qui devront éliminer tout
gaspillage d'énergie auront comme autre avantage d'arrêter en
même temps le dilapidage de plusieurs autres ressources naturelles.
Nous croyons que l'application de telles mesures est nécessaire
pour tendre vers l'autosuffi-sance en matière d'énergie. Une
brève analyse de notre consommation d'énergie primaire ainsi que
de nos disponibilités domestiques d'approvisionnement est
révélatrice.
A la page 3 de notre mémoire, nous produisons deux tableaux
résumant assez bien la situation actuelle. Je n'ai pas l'intention de
vous répéter tous ces chiffres parce que je sais qu'ils ont
déjà été avancés par plusieurs organismes et
correspondent à très peu de choses près.
De toute façon, dans le premier tableau, nous avons la
consommation d'énergie primaire, par
régions, à savoir le pétrole, le gaz naturel,
l'hydroélectrique et autres et, dans le tableau no 2, la
disponibilité d'énergie primaire au Canada et au
Québec.
Bien que le Canada jouisse actuellement d'une situation d'autosuffisance
pour le pétrole, nous pouvons, d'ores et déjà,
prévoir qu'il deviendra déficitaire pour les années
quatre-vingt et quatre-vingt-cinq.
La figure I nous montre le potentiel d'approvisionnement en
pétrole domestique tel que publié dans le rapport no 23 du
Conseil canadien des sciences.
La situation du Canada est encore plus enviable avec le gaz nnaturel. Le
gaz représente environ 26% de l'énergie primaire au Canada qui
possède des réserves qui en feront un pays exportateur pour
plusieurs années dans l'avenir.
Quant à la situation du Québec, elle est
complètement différente car nous importons 100% de notre
pétrole et près de 100% du gaz naturel, ce qui représente
près de 80% de l'énergie primaire consommée au
Québec.
L'hydroélectrique offre de quoi se réjouir, au
Québec, mais là encore, le potentiel futur demeure limité.
Les quelques sites qui restent à développer après la baie
James sont très éloignés des centres urbains et leur
coût de construction, incluant le transport, sera vraisemblablement
très élevé.
En ce qui a trait à l'uranium, nous possédons, avec la
filière CANDU, une des meilleures et des plus sécuritaires
façons au monde de produire de l'électricité à
partir de l'uranium. Je ne veux pas ici m'insérer comme expert dans le
nucléaire. Cependant, son rendement est faible, d'où un
coût de revient élevé de production. La quantité de
chaleur ainsi rejetée dans le fleuve est inadmissible. Nous pourrions
chauffer Trois-Rivières, par exemple, avec la quantité de chaleur
rejetée par Gentilly 1 et 2, et peut-être Drummondville.
Les réserves canadiennes d'uranium sont considérables; on
estime que la production de l'oxyde d'uranium en l'an 2000 sera deux fois plus
grande que la demande domestique. Cependant, les seuls gisements d'uranium
présentement exploités se situent en Ontario et au Manitoba.
Bien qu'on ait découvert la présence d'uranium à
différents endroits au Québec, rien ne démontre
jusqu'à maintenant qu'une exploitation serait rentable sur le plan
commercial. Un vaste programme nucléaire aurait donc pour effet
d'augmenter la dépendance énergétique du
Québec.
Quant au charbon et au bois, ils ne représentent qu'une partie
infime de notre bilan énergétique.
Une politique d'approvisionnement à développer. Bien que,
présentement, près de 80% de notre énergie primaire
provienne de combustible, nous désirons attirer votre attention sur les
disponibilités mondiales de combustible à long terme.
Nous reproduisons, dans la figure II, les résultats d'une
étude préparée par un comité de l'Organisation des
Nations Unies. Plusieurs autres études sur le même sujet dans le
monde ont confirmé que les disponibilités en pétrole et
gaz naturel diminueront rapidement à partir de l'an 2000 si la demande
continue de croître d'ici là.
Avant de pouvoir s'arrêter sur une stratégie en
approvisionnement d'énergie, certaines connaissances sont
prérequises. Quel est le potentiel pétrolier du territoire
québécois? Quel est le potentiel en gaz naturel du territoire
québécois? Quel est le potentiel en uranium du territoire
québécois? Quel est le potentiel hydroélectrique à
venir après la baie James? Quel est le potentiel de l'énergie
solaire et éolienne? Quel est le potentiel des mesures de conservation
ou d'économie d'énergie? Quel taux de croissance de la demande
devons-nous rencontrer pour assurer une certaine croissance
économique?
Pour répondre aux quatre premières questions, nous croyons
que SOQUIP, SOQUEM et Hydro-Québec peuvent y répondre bien mieux
que nous.
Cependant, nous croyons que les efforts développés par le
gouvernement québécois, $7,5 millions en 1976, par
l'intermédiaire de SOQUIP, dans la recherche et l'exploration du
pétrole et gaz naturel, sont nettement insuffisants. A titre d'exemple,
la compagnie Imperial Oil a investi au Canada, en 1975, la somme de $74
millions dans l'exploration et l'immobilisation, le Canadien Pacifique, $50
millions. Nous croyons que le mandat de SOQUIP devrait se limiter à
l'exploration et l'exploitation des ressources énergétiques
fossiles. Le raffinage et la distribution des produits pétroliers sont
dispensés adéquatement par l'industrie privée. SOQUIP
devra aussi jouer un rôle dans la distribution et la mise en
marché du gaz naturel si l'industrie privée ne répond pas
aux aspirations de la structure politique.
Des études devront être réalisées afin
d'établir le potentiel de l'énergie solaire et éolienne,
source d'énergie renouvelable et disponible en quantité
limitée. Déjà, une analyse sommaire nous indique que
l'énergie solaire a un coût de revient inférieur à
celui de la baie James ou du nucléaire.
La terre reçoit en énergie solaire l'équivalent de
5000 fois les besoins estimés de l'humanité en l'an 2000.
Pendant les dernières décades, la demande d'énergie
primaire au Canada a augmenté à un taux annuel moyen de 4,3%. Nos
études en conservation d'énergie nous font croire qu'il est
possible de diminuer ce taux de croissance et même d'atteindre à
court terme un taux de croissance de la consommation et de la demande
d'énergie primaire conventionnelle qui serait égal ou près
de zéro.
La politique de l'énergie du gouvernement québécois
devra s'affairer:
Premièrement, à réduire à long terme, notre
trop grande dépendance du pétrole, en limitant son utilisation au
secteur du transport;
Deuxièmement, multiplier les programmes d'exploration et
d'exploitation, principalement du gaz naturel et du pétrole;
Troisièmement, encourager les programmes de développement
hydroélectrique, source d'énergie renouvelable;
Quatrièmement, favoriser la construction de
centrales thermiques, utilisant le gaz naturel ou l'uranium comme
énergie primaire et conçues selon le concept d'énergie
totale pour fins de chauffage urbain;
Cinquièmement, adopter une politique, des règlements et
des programmes en matière de conservation d'énergie;
Sixièmement, encourager l'utilisation de l'énergie solaire
et éolienne.
Besoins énergétiques. Il est connu que la dose
journalière d'énergie requise sous la forme de nourriture pour
maintenir la vie humaine adéquatement est de 2500 à 3000 calories
par jour. Mais, aujourd'hui, notre société industrielle a
contribué à augmenter notre consommation par habitant au
Québec à plus de un million de calories par jour. Le tableau
suivant nous démontre des différences significatives dans
l'utilisation de l'énergie parmi des pays ayant un niveau de
développement semblable.
Encore une fois, je crois que ce sont des chiffres qui vous ont
été soumis. Je vais passer.
Il semble donc possible de diminuer notre consommation d'énergie
sans diminuer l'activité économique et le nombre d'emplois.
En fait, certaines mesures peuvent avoir un effet positif. Dans une
étude effectuée aux Etats-Unis par Bruce Hannon, Center for
Advanced Computation, University of Illinois, en février 1973, il a
été démontré que, par l'utilisation de contenants
consignés pour les breuvages plutôt que des contenants jetables,
il en résulterait une économie des deux tiers de l'énergie
consommée par cette industrie et la création de 186 000 nouveaux
emplois.
Une analyse de la consommation d'énergie par secteur à
court, moyen et long termes est nécessaire pour l'élaboration
d'une politique de conservation d'énergie.
Les différents secteurs sont: résidentiel, commercial,
industriel et le transport.
Le Conseil canadien des sciences dans son rapport no 23 estime que le
bilan énergétique pour chacun de ces secteurs sera tel
qu'illustré dans la figure 3 pour les 50 prochaines années. La
croissance, de la part du secteur industriel, provient de l'hypothèse
que la présente politique de croissance économique sera
maintenue.
On voit que le secteur industriel prend de l'importance avec le
temps.
Le secteur résidentiel compte pour 25% du bilan
énergétique et on prévoit que la demande doublera d'ici 25
ans.
Le secteur commercial et institutionnel consomme 15% de l'énergie
primaire et croît à un taux deux fois plus rapide que le
résidentiel.
Quant au secteur du transport, il représente 25% du bilan de
l'énergie primaire et a enregistré une croissance de 156% entre
1959 et 1968.
Enfin, le secteur industriel accapare 35% du bilan
énergétique et a connu une croissance de 177% durant la
même période, soit celle de 1959 à 1968.
Pour notre part, nous croyons que la croissance anticipée de la
demande d'ici 1985 peut être absorbée en grande partie par des
mesures d'éco- nomie d'énergie et qu'après cette date
l'énergie solaire et éolienne pourra apporter une contribution
appréciable dans le bilan énergétique.
Politiques de conservation d'énergie. Les politiques de
conservation d'énergie doivent être de quatre catégories
que l'on pourrait décrire comme suit. Premièrement, volontaires,
par des programmes d'éducation et de publicité.
Deuxièmement, prix et tarification, en jouant avec les mécanismes
du marché. Troisièmement, réglementaires en ce qui
concerne la demande maximum, la consommation, le temps d'utilisation, ainsi
qu'en ce qui concerne l'établissement de nouvelles normes de
construction. Quatrièmement, fiscales, par exemple, dans le
résidentiel, en permettant l'amortissement des coûts
d'installation des systèmes solaires sur le revenu des particuliers;
dans les secteurs commercial et industriel, en créant une exemption
fiscale pour les revenus nets additionnels engendrés par des mesures de
conservation d'énergie pour une période de trois à cinq
ans, période nécessaire pour amortir, de façon
générale, ces mesures.
La politique de conservation d'énergie devrait être
élaborée par un comité mixte composé de
représentants du gouvernement, de l'industrie énergétique
et de chacun des secteurs résidentiel, commercial, industriel et du
transport. Ce comité aurait pour tâche d'énoncer des
mesures d'économie d'énergie à court, moyen et long termes
pour chacun de ces secteurs et de déterminer les programmes
d'implantation de ces mesures.
A titre d'exemple, nous vous proposons, pour chaque secteur, des mesures
d'économie d'énergie qui pourraient être implantées
à court terme.
Transport. Le prix du gallon d'essence pour le transport privé
devrait être majoré pour atteindre le prix international ou tout
simplement arrêter de le subventionner. L'argent ainsi
récupéré devrait être entièrement investi
dans la recherche, l'exploration et l'exploitation de nouvelles sources
d'énergie primaire au Québec par l'intermédiaire
d'institutions telles que SOQUIP et SOQUEM.
Tous les véhicules automobiles appartenant aux différents
niveaux de gouvernement, incluant ceux de la police provinciale, des corps de
police municipaux et des organismes paragouvernementaux, devraient rencontrer
une norme de consommation supérieure à 24 milles par gallon
plutôt qu'à 20 milles pour 1980.
Par exemple, un bref calcul nous montre que pour 5000 automobiles
et on sait qu'il y en a plus parcourant en moyenne 50 000 milles par
année, à une consommation moyenne de 24 milles par gallon au lieu
de 14 milles par gallon, cela représente une économie directe
annuelle de 7 440 476 gallons de gazoline. En plus, on économiserait
environ 1000 livres d'acier par automobile, ainsi que l'énergie
nécessaire pour le produire. 3. Développer au maximum les moyens
de transport en commun. 4.Réduire la vitesse à 55 milles à
l'heure, autobus excepté. Ce ne sont pas des listes exhaustives. Ce sont
simplement quelques exemples.
Finalement, bien d'autres mesures peuvent
s'appliquer à ce secteur et de nombreuses études ont
démontré qu'une économie de 10% à 26% était
réalisable à court terme. J'en cite une, entre autres.
Secteur résidentiel et commercial. Réviser les normes de
construction afin de diminuer les pertes de chaleur en hiver et les gains de
chaleur en été par une meilleure isolation, par l'utilisation de
fenêtre doubles, coupe-froid sur les portes, etc.
Réviser les tarifs de l'Hydro-Québec et du Gaz
Métropolitain afin d'encourager la conservation et non la consommation
d'énergie.
Encourager la modernisation des systèmes mécaniques et
électriques dans les immeubles existants et promouvoir des
méthodes d'opération plus rationnelles.
Orienter la construction résidentielle vers des
développements à moyenne et haute densité. Les immeubles
à plusieurs logements nécessitent beaucoup moins de
matières premières et d'énergie par unité
d'habitation pour les construire et les exploiter.
Par exemple, une résidence nécessite environ 20 kilowatts
pour la chauffer et un appartement nécessite entre quatre et cinq
kilowatts.
Le prix du gallon d'huile à chauffage devrait être
porté lui aussi au niveau international. Les sommes ainsi
récupérées devraient être consacrées à
l'implantation de mesures de conservation d'énergie.
Lors du colloque canadien sur l'énergie et les bâtiments au
mois d'octobre dernier, à Toronto, il a été
démontré que dans les bâtiments existants et même
dans ceux assez récents, on utilise beaucoup plus d'énergie que
nécessaire.
La plupart des nouveaux bâtiments peuvent être conçus
pour une consommation d'énergie de moins de 20 kilowatts-heure par pied
carré, par année.
A titre d'exemple, lorsque nous avons commencé à
étudier le complexe G, que vous connaissez bien, à Québec,
ce dernier consommait 68 kilowatts-heure par pied carré, par
année. Lorsque nous aurons complété notre étude et
que nos recommandations auront été implantées, la
consommation annuelle ne devrait pas dépasser 27 kilowatts-heure par
pied carré, par année.
Généralement, il est reconnu que le fonctionnement des
installations mécaniques et électriques des immeubles commerciaux
est plus important du point de vue de l'énergie que les
caractéristiques thermiques de l'enveloppe du bâtiment.
A titre d'exemple, il n'y a aucune modification dans l'enveloppe du
bâtiment au complexe G.
Secteur industriel. Développer des programmes économiques
pour favoriser l'amélioration des procédés et
accélérer le remplacement des équipements désuets
à forte consommation et faible rendement.
Encourager le recyclage par des mesures fiscales, régulatoires et
par des politiques d'achat, par exemple, pour le papier recyclé.
Par nos études et recherches, nous pourrions
énumérer des dizaines de mesures de conservation d'énergie
pour chacun des secteurs, mais nous ne croyons pas que ce soit l'endroit pour
ce faire.
En conclusion, la situation actuelle sera intenable à long terme.
Nous devons donc concevoir, et ce dans les délais les plus brefs, une
politique réaliste et globale de l'énergie.
D'importantes divergences de vues verront le jour. Tout cela est bien
normal. Il n'en reste pas moins que c'est en restant passifs que nous causerons
un tort sérieux au pays.
Un industriel me disait, lors d'un colloque sur l'énergie et
l'industrie: "Ce n'est pas combien coûtera l'énergie qui nous
préoccupe, mais bien de savoir si nous aurons de l'énergie pour
continuer de produire et de croître".
La récente vague de froid aux Etats-Unis a démontré
combien cette observation était justifiée, lorsque plus de trois
millions de travailleurs ont été mis à pied
temporairement, faute d'énergie.
Nous nous réjouissons de ce que le présent gouvernement
réalise l'importance de la conservation de l'énergie et nous
osons croire que le dynamisme et le courage démontrés jusqu'ici
par ce dernier soient le gage que nous verrons se réaliser les
politiques et les programmes de conservation d'énergie qui
s'imposent.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: M. Lemieux, seulement une petite remarque sur une des
dernières suggestions que vous avez faites en mentionnant l'exemple du
complexe G, entre autres. Vous soulignez que très souvent,
jusqu'à maintenant, quand on parle d'économiser l'énergie
par rapport au chauffage, soit des maisons privées ou plus encore dans
ce cas-ci d'édifices commerciaux et d'édifices publics, on a
attaché beaucoup d'importance à l'isolation, aux fenêtres
alors que, finalement, toute la mécanique et le système de
chauffage, de circulation d'air ou d'eau, de regénérescence de
l'air, finalement, sont peut-être un plus grand facteur de gaspillage que
l'isolation comme telle.
C'est une préoccupation qu'un éventuel office ou bureau
d'économie de l'énergie aura. A cet égard, c'était
pour vous dire en passant que nous voyons la question évoquée
dans votre mémoire, mais je veux que cet office ou ce bureau soit en
contact régulier avec ce que j'appellerais les professionnels ou les
techniciens en ces matières. Ainsi, nous serions toujours au fait des
derniers développements de la nouvelle technologie, des nouvelles
techniques, de façon à être en mesure de faire des
suggestions, d'informer le public et d'élaborer des normes,
critères, etc. Je pense que vous aurez, comme tous les autres qui ont un
témoignage intéressant à apporter à l'occasion, la
possibilité de le faire.
La question que je voulais vous poser porte sur un point que vous avez
été le premier à mentionner. Vous avez bien
souligné que n'ayant pas de relation directe on pouvait diminuer notre
consommation d'énergie sans nécessairement arrêter la
croissance économique; au contraire, à
certains égards, une diminution d'énergie peut aboutir
à une accélération de la croissance économique,
parce qu'elle se trouve à générer ou avoir comme
conséquence de nouvelles activités pour pallier celles qu'on
essaie de remplacer. Mais vous êtes allés plus loin que tout autre
avant vous et vous semblez avoir une foi considérable je vous en
félicite, j'en ai une moi aussi dans un programme
d'économie et de conservation d'énergie, pensant même que
ce programme pourrait nous amener à une rationalisation telle de notre
utilisation d'énergie qu'on pourrait en venir à une croissance
zéro dans le domaine énergétique, tout en tirant plus de
moins que ce qu'on a dans le moment, donc permettant une croissance
économique. Je vais vous demander si c'est possible, brièvement,
parce que je vois que l'heure avance, d'élaborer un peu sur ce
point-là. Pouvez-vous nous dire aussi dans quel délai cela
dépendra du sérieux avec lequel on entreprend une politique
d'économie de l'énergie et à quel point le public voudra
bien suivre dans la mesure où il aura été informé
d'une part un programme d'économie d'énergie pourrait
être appliqué pour produire ce résultat d'arriver à
faire baisser à zéro la croissance annuelle de l'énergie
consommée au Québec?
M. Lemieux (André): Premièrement, vous avez
parlé de l'importance. Il y a plusieurs mesures. Vous avez parlé
entre autres de l'importance de l'isolation contre les systèmes
mécaniques. Dans le secteur résidentiel, l'isolation est
très importante, mais dans le secteur commercial et industriel la
mécanique d'entraînement est beaucoup plus importante. Combien de
temps est-ce que cela pourrait prendre pour apporter une croissance
égale à zéro? Evidemment, cela dépend de l'accent
que l'on met sur le programme d'économie d'énergie, mais nous
croyons, par nos études, de façon générale, dans le
secteur commercial, qu'il est assez facile d'aller chercher 20% à 25% de
l'énergie présentement consommée, sans de trop grands
efforts, c'est-à-dire par un programme d'éducation, de
publicité qui pourrait se faire sur une période d'un an. A ce
niveau-là, je crois bien qu'Hydro-Québec pourrait vous donner des
chiffres, des résultats d'une petite campagne de publicité qu'ils
ont faite l'automne dernier. Les résultats ont été
appréciables. Si on continuait une telle campagne, pas simplement dire:
Consommez le moins possible, mais aussi donner des méthodes, je crois
que d'ici 1985 parce que présentement on gaspille tellement, on
pourrait probablement diminuer la croissance pratiquement à zéro,
à court terme et à long terme, je ne crois pas qu'on puisse
conserver cette croissance zéro le solaire et l'éolien
pourront prendre une bonne partie de cette nouvelle croissance.
M. Joron: Si vous me permettez de résumer, vous pensez que
d'ici 1985, on pourrait passer du 5% annuellement en croissance et,
progressivement, l'amener à zéro avec un sérieux programme
d'économie d'énergie. Vous soulevez un point ca- pital
là-dedans qui est d'un intérêt considérable pour
tous les Québécois. Si on réussissait à faire
ça, parce qu'on introduit de nouveaux moyens de transports, de nouvelles
techniques de chauffage, circulation d'air, ainsi de suite, je pense que ce
qu'il faut retenir de ça, dans ces nouvelles activités, c'est la
promesse ou la possibilité d'un développement économique
considérable qui n'existe pas au Québec. Parce que pour mettre en
place ces nouveaux systèmes, pour avoir de meilleurs brûleurs, de
meilleures pompes circulatrices, pour avoir de meilleures scies, pour isoler
les maisons, ainsi de suite, on va faire travailler un joli paquet de monde au
Québec, considérablement.
Je pense que ça vaut la peine d'être souligné
à ce moment-ci, parce que dans l'esprit de bien des gens, comme vous
l'avez souligné et d'autres avant vous, à première vue, il
y a des gens qui voient une contradiction, qui disent: Mon Dieu, si on a une
croissance zéro dans l'énergie, l'économie tombe. La
prétention qui semble se dessiner de vos propos, comme d'autres avant
vous, c'est que tout au contraire, une croissance zéro dans le domaine
de l'énergie pourrait signifier une accélération
même du développement économique au Québec, une plus
grande création d'emplois.
M. Lemieux: A court terme, certainement.
M. Joron: C'est un horizon que vous tracez jusqu'en 1985. Je
pense que c'est fondamental, le point dont on vient de discuter, et ce sera
probablement un des facteurs qui devra orienter les choix du gouvernement en
matière de politique d'énergie. D'autre part, vous dites que
c'est valable pour un certain temps et je le comprends; vous dites:
après 1985... plus loin que 1985, une fois que la rationalisation de
l'utilisation de l'énergie est faite, après ça, quel
pourrait être le rythme de croisière?
M. Lemieux: Après ça, je crois qu'une croissance de
l'ordre de 2,5% à 3%, serait justifiable, pour autant qu'il y ait une
croissance économique correspondante. Par contre, à partir de ce
moment-là, contrairement à certains messieurs de
l'Hydro-Québec qui ont exprimé de grands doutes sur le potentiel
à court terme ou à moyen terme, si vous aimez mieux, en 1985, du
solaire et de l'éolien, je crois qu'après avoir vu tout le
travail qui se fait dans ce domaine aux Etats-Unis, d'ici 1985, on aura un
apport appréciable et, d'ici la fin du siècle, on peut anticiper
une participation de peut-être 10% du bilan énergétique qui
proviendra du solaire et de l'éolien.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. Lemieux, dans votre mémoire, à la
première page, vous dites que les scènes
québécoises et canadiennes sont considérablement
différentes en matière d'énergie et l'option
indépendantiste du gouvernement nous oblige à prendre conscience
de cette situation.
Vous avez absolument raison. Je crois que vous êtes
réaliste au moins en soulignant ce point. Cela a des conséquences
très importantes: premièrement, sur le contrôle des sources
d'approvisionnement; deuxièmement, sur les retombées
économiques. D'après les chiffres de l'Hydro, de l'Imperial Oil,
si nous importons tous nos besoins pétroliers, cela va coûter $4
milliards par année et nous ne sommes pas un important exportateur de
services et de produits manufacturiers. Comment allons-nous payer ces $4,5
milliards? Il faudrait quasiment payer $5 ou $6 le gallon pour l'essence. Il
n'y a aucun doute qu'au point de vue des ressources et des effets
économiques, il faut en prendre conscience. Je ne vous demande pas votre
option. Je vous souligne que c'est important, spécialement dans ce
domaine-ci. Ce n'est pas comme dans un domaine culturel où il peut y
avoir d'autres effets. Mais, dans le domaine énergétique, on ne
peut pas y échapper; il faut en discuter et en voir les
conséquences.
Question de sécurité d'approvisionnement, il n'y aura
sûrement pas de problème, si on fait partie du Canada, à
obtenir les sources d'énergie. On peut se fier. Ce ne sont pas les
mêmes problèmes au niveau international, questions politiques et
autres.
A la fin de votre mémoire, vous donnez l'exemple de la
récente vague de froid aux Etats-Unis, où il y a eu plus de 550
000 travailleurs qui ont été mis temporairement à pied.
Les chiffres varient de 550 000 à 1,5 million.
Lorsque nous aurons surmonté des aspects émotifs des
questions indépendantistes, nous allons être obligés de
nous poser ces questions. Est-ce que nous allons prendre le risque, nous aussi,
de nous placer dans cette situation?
Il est évident qu'on ne peut définir une politique
énergétique, c'est rêver en couleur, à moins qu'on
ne décide, d'une façon ou d'une autre, où nous allons nous
diriger. Toutes les questions qu'on se pose ici, les questions
d'approvisionnement, de méthodes de développement,
d'économie de l'énergie, ce sont toutes des questions qui vont
être subordonnées et on ne pourra pas trouver la réponse,
à moins qu'on ne décide et qu'on trouve la réponse
à la question primordiale que vous avez soulignée dans votre
introduction.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous quelque chose
à répondre?
M. Lemieux: Oui, tout d'abord, j'ai voulu souligner ce fait au
présent gouvernement, parce que je crois qu'il faut être
consistant avec ces options. C'est pour cela que je crois qu'on doit faire
beaucoup plus dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation. C'est
à ce niveau que j'ai souligné les montants qui étaient
consacrés à SOQUIP que je trouvais insuffisants.
Pour ce qui est de la sécurité des approvisionnements
à l'intérieur de la Confédération, en
pétrole, c'est relatif; en gaz naturel, c'est à s'assurer. En
pétrole, c'est relatif. En 1980 et 1985, on prévoit une
pénurie, de toute façon. Le chiffre de 555 000 sans-emplois,
c'est lorsque j'ai écrit le rapport. Trois jours plus tard,
c'était 3 millions. Je crois que cela résume vos trois
points.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: ...c'est relatif, c'est parce que vous ne croyez pas
à un développement rapide des sables bitumineux?
M. Lemieux: Exactement. Entre autres. De toute façon,
même avec le développement tel que prévu par le Conseil
canadien des sciences, entre 1980 et 1985, il y aura un déficit au
Canada, du point de vue pétrolier.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre,
dernière intervention.
M. Joron: Oui. M. Lemieux, vous avez senti le besoin de faire un
préambule constitutionnel à votre mémoire. Je ne suis pas
sûr que cela ait été si important que cela, parce que vous
rendez précaire l'équilibre émotif du député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ce sont les chiffres. Je regarde les chiffres, ce
n'est pas moi qui suis émotif.
M. Joron: Vous risquez de nous garder ici pour quelques minutes
encore.
M. Ciaccia: C'est pour cela que mon intervention était
brève.
M. Joron: Le mienne aussi va être brève et va se
limiter à ceci. C'est à souligner qu'à cet égard je
ne voudrais pas qu'on mélange ces questions dans les débats qui
auront lieu devant cette commission parlementaire ici, parce que, contrairement
au député de Mont-Royal, je pense qu'il n'y a pas là la
relation de cause à effet que lui semble y voir. Il ne faudrait pas tout
mêler, parce qu'il est bien clair que ce n'est pas un statut
constitutionnel ou un papier qui s'appelle une constitution, ce n'est pas la
confédération ou quelque autre type confédéral ou
fédéral qui pourrait apparaître par la suite, qui va faire
apparaître du gaz et du pétrole sur le territoire du
Québec. Il n'y en a pas en dedans ou en dehors de la
confédération, il n'y en a toujours pas. Qu'est-ce que vous
voulez que j'y fasse? La confédération n'a rien à voir
là-dedans.
M. Ciaccia: Mais il y en a dans notre pays, il y en a dans le
Canada. Vous ne pouvez pas échapper à cela.
M. Joron: Là, vous allez plus loin et vous dites: Comme il
n'y en a pas dans le moment, puis qu'il n'y en aurait pas plus si le
Québec était indépendant j'en conviens, il n'y en
aura peut-être pas plus comment va-t-on le payer, dites-vous? Cela
va coûter X milliards par année. Je vais vous répondre bien
simplement: Vous allez le payer de la même façon que vous le payez
aujourd'hui, "cash". C'est simple.
M. Ciaccia: Ce n'est pas exact.
M. Joron: Quand vous achetez du pétrole...
M. Ciaccia: Ce n'est pas exact, parce qu'il y a des
péréquations. Les politiques fédérales donnent des
subventions. Excusez, si on veut faire le débat là-dessus, on
peut sortir des chiffres, mais c'est un peu tard. Ce n'est pas tout à
fait exact.
M. Joron: Le député de Mont-Royal sait très
bien que ceci existe depuis deux ans. C'est une mesure temporaire qui prend fin
en 1980 et, par la suite, c'est le contraire qui risque même de se
produire au niveau du pétrole. Vous savez qu'on va redevenir
importateurs de l'extérieur et que les réserves albertaines de
pétrole seront épuisées quelque part au milieu des
années quatre-vingt. En fait, je ne vaus pas commencer un long
débat là-dessus, mais je pense que les problèmes auxquels
nous avons à faire face, auxquels nous devons répondre comme
gouvernement québécois sont, dans le domaine
énergétique, à peu près exactement les mêmes,
quel que soit le statut constitutionnel du Québec. Alors, je ne pense
pas que c'est là un obstacle qui nous empêche de continuer notre
réflexion et de trouver les réponses qui seraient dans le plus
grand intérêt des Québécois. C'est le seul
critère qui guide notre recherche. On n'essaie pas de faire... En tout
cas, personnellement, je vous le dis tout de suite, je n'essaie pas de faire de
la politique énergétique, un élément dans un
débat constitutionnel. J'essaie ici que l'on puisse étudier la
politique énergétique à son mérite en recherchant
tout simplement comme but la plus grande sécurité possible au
point de vue énergétique, pour les Québécois.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, je vous remercie,
monsieur, de l'apport que vous avez pu donner à cette commission.
M. Lemieux: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, nous ajournons nos
travaux à 1 h 45 demain, avec les organismes suivants: Taillon, Benoit;
Couture, Marcel; Gauthier, Jean; Théberge, Ghislain; Alcan Aluminium,
CSN, BP Canada, Shell Canada, ASHRAE, Canadian Fuel Marketers Ltd,
Société future de Montréal. Il n'y a pas de
changement.
(Fin de la séance à 23 h 13)