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(Quatorze heures dix minutes)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente des richesses naturelles et des terres et
forêts est réunie aujourd'hui pour entendre divers organismes
concernant l'étude sur l'énergie.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Bérubé (Matane), M.'Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon), M. Forget
(Saint-Laurent) remplace M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet
(Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron
(Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier),
M. Ciaccia (Mont-Royal) qui remplace M. O'Gallagher(Robert Baldwin).
Y a-t-il une suggestion pour un rapporteur, s'il vous plaît? M.
Gilles Grégoire?
M. Grégoire: Non, non.
Le Président (M. Laplante): M. Jacques Brassard.
Adopté. '
Les organismes qui se feront entendre aujourd'hui sont les suivants:
SOQUIP, la Société québécoise d'initiatives
pétrolières, la Compagnie pétrolière
Impériale, l'Association des marchands d'huile à chauffage du
Québec, la Chambre de commerce de la province de Québec.
Je remercie les organismes qui se présentent aujourd'hui. Nous
essaierons de les entendre d'ici à ce soir. Le premier organisme que
j'invite à venir est SOQUIP, en la personne de M. Bernard Clou-tier.
M. Joron: M. le Président, avant de passer à
l'audition des mémoires, si vous le permettez, j'aimerais dire un mot
à la commission. Je pense que nos collègues de l'autre
côté aimeraient le faire également.
Le Président (M. Laplante): Première
expérience.
M. Joron: Puis-je vous demander la parole, M. le
Président?
Le Président (M. Laplante): Oui.
Exposé préliminaire du ministre, M. Guy
Joron
M. Joron: Je vous remercie. Alors, M. le Président,
messieurs les membres de la commission, mesdames, messieurs, nous sommes
réunis aujourd'hui, et pour plusieurs jours, afin d'écouter et
d'interroger les organismes ou groupes invités qui s'intéressent,
à divers niveaux, à l'avenir énergétique du
Québec.
Il faut souligner que c'est là une préoccupation
relativement nouvelle dans nos sociétés industrielles. En effet,
avant ce que l'on appelle maintenant la crise du pétrole de la fin de
l'année 1973, tout le monde, dans les sociétés
industrielles, tenait pour acquis, non seulement que l'énergie,
principalement sous forme de pétrole, était disponible en
quantité illimitée, mais qu'elle l'était également
à très bas prix. Tout cela s'est modifié , radicalement
à partir de la fin de 1973. Du même coup, l'ensemble de la machine
industrielle que nos sociétés avaient construite s'en est presque
trouvé, en quelque sorte, remis en question. C'est un
événement, je pense, d'une importance capitale dans l'histoire de
l'humanité et dont on ne verra, finalement, les répercussions que
dans les années à venir.
Il était donc normal que le gouvernement du Québec, comme
la plupart des gouvernements des pays occidentaux, accorde désormais
à cette question de l'énergie une importance primordiale. C'est
parce que le gouvernement voyait également en l'énergie un
secteur clé du développement de notre société qu'il
a nommé un ministre spécifiquement responsable de ce secteur.
Notre société deviendra de plus en plus dépendante des
sources d'approvisionnement en énergie et les sommes pour les
développer s'avéreront de plus en plus grandes. C'est pourquoi,
à cause de la. taille des enjeux et parce que les choix que nous faisons
aujourd'hui auront des répercussions jusqu'au tournant du siècle,
il est indispensable de considérer cette commission, non pas comme un
débat partisan, mais bien comme un débat public au profit duquel
la collaboration de tous est nécessaire.
Devant le pourcentage croissant que réclame le secteur de
l'énergie du produit national brut et devant les investissements
énormes requis pour répondre à la demande, le
Québec doit faire des choix. Comme je l'ai déjà
indiqué à plusieurs reprises, ma première priorité
sera d'établir un programme d'économie d'énergie. Ce
programme vise, avant tout, à éliminer, dans la mesure du
possible, le gaspillage auquel on assiste. Il serait peut-être
intéressant de souligner, à ce propos, que des pays aussi
industrialisés que le nôtre et dont la production industrielle per
capita ou par habitant, si vous voulez, est même supérieure
à nous... Je pense à la Suède, à titre d'exemple,
dont les conditions de climat ressemblent à celles du Québec et
qui a une consommation d'énergie d'à peu près la
moitié par habitant de celle du Québec. Alors, vous voyez qu'il y
a une marge considérable 'd'amélioration qu'on peut apporter dans
cet exercice de rationalisation de l'utilisation de l'énergie auquel
nous devons maintenant nous attaquer avant d'être obligés de
parler de rationnement.
Parallèlement à ce programme d'économie, il faudra
penser à rendre le Québec plus autarcique en matière
énergétique. Lorsque l'on pense que plus de 75% de
l'énergie consommée au Québec provient de
l'extérieur, surtout des pays exportateurs de pétrole, un
gouvernement responsable se doit de réagir pour éviter les crises
qu'affrontent régulièrement les pays qui en dépendent;
qu'il suffise dé penser, par exemple, aux Etats-Unis, ces
dernières semaines. Il n'est pas souhaitable qu'un pays soit aussi
dépendant de l'extérieur. Il faut se tourner vers l'exploitation
de ressources qu'il peut lui-même produire. C'est pourquoi je
recommanderai des mesures visant à modifier la répartition du
bilan énergétique afin de favoriser une consommation plus
importante d'énergie produite ici, au détriment de
l'énergie importée qui, non seulement coûte très
cher en exportation de devises, mais dont aussi la disponibilité
à l'avenir est aléatoire.
Avant de présenter notre politique énergétique qui
sera rendue publique sous la forme d'un livre blanc, avant la fin de cet
été, pour faire comprendre davantage l'étendue du secteur
énergétique et ses implications, j'ai demandé aux
organismes intéressés de venir nous exprimer leur perception de
la situation énergétique du Québec jusqu'à la fin
du siècle. Les positions de ces groupes, heureusement nombreux, doivent
être connues. Dans l'élaboration d'une politique d'un secteur
aussi crucial, il est important que toute la population soit mise au courant
des divers éléments qui amèneront les choix que le
gouvernement aura à prendre. Non seulement nous avons tenu à en
informer la population, mais nous en avons facilité la participation en
invitant des groupes représentant différentes portions de la
population tant au niveau des associations de consommateurs qu'au niveau des
groupes préoccupés de la protection de l'environnement. Sans
vouloir présumer des réformes qu'entend mettre de l'avant mon
collègue M. Robert Burns, j'ose espérer qu'à l'avenir, les
commissions parlementaires auront un cadre plus large pour en faire de
véritables places publiques où des citoyens pourront être
entendus et se faire représenter.
J'invite donc, individuellement, tous les membres de cette commission
à être particulièrement actifs car l'énergie est
beaucoup plus qu'un dossier. Elle deviendra très rapidement le facteur
d'influence le plus marquant sur notre société et notre
façon de vivre.
J'invite également la population à suivre les travaux de
cette commission parlementaire. Les choix que le Québec aura à
faire en ce qui a trait à une politique énergétique
affecteront, d'une façon ou d'une autre, tous les citoyens. Il sera
alors normal que ces derniers sachent pourquoi ces choix ont été
arrêtés. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. Est-ce
que des membres de l'Opposition officielle veulent prendre la parole?
Commentaires de M. Raymond Garneau
M. Garneau: Oui, M. le Président.
La commission parlementaire qui s'ouvre cet après-midi se place
dans un contexte extrêmement important et l'Opposition officielle entend
bénéficier au maximum des avis qui seront fournis par les
différents experts et groupes intéressés qui viendront
témoigner devant nous.
Tout d'abord prévue pour la mi-novembre, cette commission
parlementaire a dû être remise pour les raisons que tout le monde
connaît. L'ex-ministre, Jean Cournoyer avait convoqué cette
commission pour faire en sorte que dans un secteur aussi vital que celui de
l'énergie, le gouvernement du Québec s'assure de la participation
la plus éclairée possible de tous ceux que la chose
intéresse au premier chef.
Au début de la présente décennie, la question de
l'énergie n'attirait que rarement l'attention de l'opinion publique; la
situation préférentielle dans laquelle nous nous trouvions, de
même que la plupart des populations industrialisées, faisait en
sorte que ce sujet n'était pas de première importance. Le
pétrole et l'électricité qui constituaient nos principales
sources d'énergie étaient disponibles en quantité
suffisante et à des prix relativement bas. Nos approvisionnements
étaient assurés en ce qui concerne le pétrole par une
liberté de commerce qui garantissait la fourniture de cette
denrée de base pour notre développement.
L'utilisation politique des réserves pétrolières
par certains pays producteurs a amené un bouleversement de toute la
situation, et depuis 1973, les règles du jeu ont été
à ce point transformées qu'on a parlé de crise, non
seulement en termes d'approvisionnement, mais aussi en termes
d'équilibre du commerce international, de balance des paiements des
différents pays industrialisés.
Pour trouver des solutions à court terme, les pays consommateurs
et exportateurs se sont formés en association afin d'engager un dialogue
susceptible de ramener un équilibre acceptable, non seulement entre les
pays producteurs et importateurs, mais aussi entre les différents blocs
que l'on appelle communément pays développés et pays en
voie de développement.
Au début des années soixante-dix, le gouvernement du
Québec avait voulu jeter les premiers jalons d'une politique de
l'énergie qui comprenait un certain nombre de facettes et qui
était reliée particulièrement autour des thèmes
suivants: sécurité des approvisionnements, protection des
individus et de l'environnement, augmentation de la valeur rajoutée au
Québec, accroissement des intérêts québécois
dans des activités reliées à l'exploration et à la
distribution.
Les éléments de la politique québécoise de
l'énergie en 1972/73, comme vous pouvez le constater, étaient de
même nature que ceux de la plupart des pays industrialisés. La
crise de 1973 a complètement modifié ces données et il
fallait revoir en profondeur les principaux éléments de cette
politique.
L'article no 1 tournait autour de la sécurité des
approvisionnements qui était mise en exergue par la décision des
pays arabes d'utiliser le pétrole comme arme politique dans leur conflit
avec Israël. Le Québec a vite compris que la solution au
problème qui le confrontait ne pouvait être élaborée
en vase clos. Il fallait donc que la politique énergétique
québécoise soit conçue dans le contexte canadien et
international, à cause des impacts que constituaient, comme je viens de
le dire, l'approvisionnement et aussi les paiements internationaux.
Le Québec a donc participé très activement aux
conférences fédérales-provinciales sur l'énergie
qui ont débouché sur certaines règles de base qui ont
permis à l'Est du Canada de bénéficier d'une politique de
prix qui égalisait davantage les possibilités de
développement sur tout le territoire canadien.
La politique canadienne, en plus de garantir des prix plus bas,
débouchait sur la construction d'un pipe-line de Sarnia vers
Montréal afin de garantir, a moyen terme, un minimum
d'approvisionnements pour le Québec et aussi pour les provinces
maritimes.
Cette politique canadienne de l'énergie, à laquelle le
Québec a participé activement, nous a permis de franchir, en
minimisant le plus possible les inconvénients, les premières
années de la crise énergétique. Nous sommes maintenant
rendus à un point où il nous faut préparer l'avenir en
tenant compte de données nouvelles, c'est-à-dire la
possibilité, à moyen terme, d'une pénurie de
pétrole, l'augmentation extrêmement rapide des coûts de la
production marginale du pétrole et du gaz de même que
l'organisation de son transport, soit en provenance du territoire canadien ou
de l'étranger. Les questions qui se posent aujourd'hui ont plusieurs
facettes et c'est notre intention, nous de l'Opposition officielle, comme je le
disais au début, de profiter de cette commission pour poser aux
différents intervenants des questions sur ce que devrait être la
politique du Québec comme, par exemple: Devons-nous axer les
interventions de l'Etat vers l'autosuffisance, à quel degré et
à quel prix? Compte tenu de l'inflation, qui a engendré une
augmentation rapide des coûts de production de
l'électricité, le Québec a-t-il les moyens d'entreprendre
la construction de nouvelles centrales afin d'accroître substantiellement
la partie électricité dans son bilan
énergétique?
Si le Québec pouvait disposer de capitaux, est-il sage de les
investir dans l'accélération des programmes de
développement de production électrique? En ce qui concerne les
autres aspects qui sont reliés, par exemple, au prix du pétrole
sur le marché canadien, doit-on continuer de favoriser l'augmentation du
prix du baril de pétrole au niveau du prix international? Y a-t-il
avantage pour le Québec à participer à des programmes
canadiens d'exploration et de transport du brut de même que du gaz
naturel? Si, au Québec, nous répondions par l'affirmative
à ces deux questions, devrions-nous, en même temps, accepter
d'appliquer les mêmes politiques en ce qui regarde
l'électricité, c'est-à-dire participer activement à
l'intercommunication des réseaux et supporter une politique canadienne
visant à satisfaire les besoins internes du pays avant de songer
à vendre nos surplus d'électricité aux Etats-Unis?
Parlant d'électricité, devons-nous continuer de favoriser,
d'une façon prioritaire, le développement hydroélectrique
plutôt que la production de cette même électricité
à partir de centrales nucléaires? Peu importe les réponses
qui pourront être apportées à toutes ces questions au cours
de cette commission parlementaire, il y a certainement un point qui doit
rallier tout le monde et c'est celui de la nécessité qu'il y a de
changer notre comportement dans le domaine de la consommation de
l'énergie. Il faut constater et reconnaître que le temps est
révolu où l'énergie était disponible en grande
quantité et à des prix relativement bas. La préoccupation
de tous doit être la conservation de l'énergie et son utilisation
la plus rationnelle possible. A ce chapitre, j'espère que les
intervenants pourront nous dire si c'est par le mécanisme des
marchés que nous pourrons obtenir plus sûrement nos objectifs ou
si d'autres moyens peuvent et doivent être utilisés.
En conclusion, je dirai que l'Opposition officielle entend participer
très activement aux séances de la commission parlementaire. Le
Québec est une société développée et ses
citoyens veulent continuer de profiter du niveau de vie que leur permet leur
appartenance aux grands blocs économiques. C'est pourquoi le défi
énergétique est tellement fondamental pour nous, puisque c'est de
la façon dont nous relèverons ce défi que dépendra
en grande partie le développement futur de notre
société.
Vous me permettrez, en terminant, de dire, dans le contexte politique
particulier qui est maintenant le nôtre, qu'autant je crois à la
nécessité pour le Québec de se donner une politique
énergétique, autant je suis convaincu que cette politique
énergétique québécoise ne peut avoir de chances
raisonnables de succès en dehors du contexte canadien. On fait
présentement bien des efforts, en certains milieux, pour tout ramener
à la seule dimension québécoise. Je crois bien que dans le
domaine de l'énergie, ces efforts sont voués d'avance à
l'échec. Une politique énergétique
québécoise, cela doit assurément exister. Cela ne peut
toutefois pas exister, nous semble-t-il, en mettant de côté la
réalité canadienne.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député de Jean-Talon.
Commentaires de M. Yvon Brochu
M. Brochu: M. le Président, parler d'énergie comme
nous y invite aujourd'hui le ministre n'est en définitive pas une chose
nouvelle. Le Parlement s'y est déjà attardé plusieurs fois
et ce qui frappe, aujourd'hui, disons que c'est que jamais, je pense, nous
n'avons abordé la question dans un contexte aussi global et dans une
perspective aussi large.
L'Union Nationale pour sa part tient à féliciter le
ministre et son gouvernement de cette initiative, d'autant plus qu'il s'agit
d'une promesse électo-
rale qui concorde parfaitement avec son programme politique en
matière de développement de nos richesses naturelles. Le
Québec, à notre sens, doit se doter d'une politique
véritable en matière énergétique. Comme le souligne
si bien d'ailleurs SOQUIP dans son mémoire, il faut que les orientations
et les stratégies de l'énergie que se propose de publier le
gouvernement soient déterminées le plus tôt possible et que
les actions qui en découlent soient engagées sans retard.
Je pense que les couloirs de marge de manoeuvre dans lesquels il nous
est permis d'oeuvrer actuellement sont de plus en plus restreints. Les
échéances, pour peu qu'on analyse la situation, nous apparaissent
de plus en plus clairement proches et des décisions devraient être
rendues assez rapidement. D'ailleurs, l'intérêt réel qu'a
suscité l'annonce de cette commission parlementaire est une preuve
suffisante de l'opportunité, je dirais même de la
nécessité de tenir ce débat à l'heure actuelle.
Nous aurons l'occasion, dans les prochains jours, d'entendre les
analyses et les recommandations des principaux intervenants dans ce domaine,
que ce soient les producteurs, que ce soient les consommateurs ou encore la
multitude de tous ceux qui oeuvrent en tant qu'intermédiaires ou
à demidans l'un ou l'autre des secteurs. Compte tenu de l'ampleur de la
crise actuelle et de son caractère permanent, il faut se rendre à
l'évidence: le débat que nous entamons aujourd'hui ne touche pas
uniquement nos politiques énergétiques comme telles, mais aussi
l'ensemble de nos politiques économiques et de nos possibilités
sociales. Je pense que les décisions qui vont être rendues ont
quand même une série de ramifications dans le vécu
quotidien de toute une population.
En somme, nous recherchons ensemble les moyens d'atteindre un heureux
équilibre entre nos besoins énergétiques, lesquels
contrôlent une bonne partie de notre croissance économique, et une
plus grande qualité de vie, tant au niveau social qu'au niveau
individuel.
Le ministre a raison de dire que nous sommes rendus comme il le
mentionnait il y a quelques minutes à l'heure des choix d'une
portée si globale, je pense, que chaque Québécois, qu'il
soit d'Outremont, qu'il soit de Sainte-Clothilde, dans mon comté ou
d'ailleurs, sera touché par les conséquences, de façon
directe, à long terme qui s'y rapportent.
A titre d'Opposition responsable à l'Assemblée nationale,
nous entendons apporter notre contribution positive aux différentes
étapes qui précèdent ces choix. Le ministre nous a
déjà fait connaître par la voie des media d'information
quelques-uns des objectifs qu'il entend poursuivre et qu'il vient de mentionner
à l'instant. Il a insisté particulièrement sur l'urgence
de procéder à une utilisation plus raisonnable et plus
intelligente de nos ressources énergétiques.
Si nous partageons le souci d'économie du ministre et de son
gouvernement, nous nous interrogeons, cependant, comme tous ceux qui
défileront, je pense dans les prochains jours devant cette commission
parlementaire, sur les moyens à prendre pour conserver l'énergie,
pour exploiter nos ressources potentielles d'énergie, ici même au
Québec, pour développer les nouvelles sources d'énergie,
tout en conservant l'environnement pur et simple. En plus, nous nous
interrogeons également sur les moyens de le faire à un coût
raisonnable, compte tenu du fardeau financier déjà très
considérable actuellement sur le dos des contribuables
québécois. Je pense qu'on doit poser le problème
également dans toute cette dimension.
Le ministre n'a pas encore de réponse à toutes ces
questions et, évidemment, il espère en trouver par le biais de
cette commission parlementaire qui est la première étape dans
l'élaboration de la politique globale de son gouvernement. La prochaine
étape sera, comme il l'a mentionné tout à l'heure, la
publication de son livre blanc dans quelques mois. Ce qui veut dire, par
exemple, à toutes fins pratiques, que le gouvernement ne pourra pas
passer à l'action dans ce domaine avant au moins une année
complète.
Entre-temps, les problèmes on doit le dire
demeureront les mêmes et peut-être certains iront en s'accentuant.
A l'instar de plusieurs personnes qui viendront devant nous bientôt,
j'aimerais savoir ce que le ministre et son gouvernement entendent faire dans
un avenir immédiat pour apporter certains correctifs à des
situations intolérables et qui ne peuvent plus attendre. Je les nomme
à titre d'exemples et non pas ici par ordre d'importance. Par exemple,
le système de facturation discriminatoire et injuste de l'Hydro
Québec envers ses abonnés; les répercussions ou la hausse
prochaine de l'huile à chauffage ou même de l'essence sur les
consommateurs les plus démunis, d'une part, et sur une bonne partie de
nos petites et moyennes entreprises, d'autre part, lesquelles sont
déjà assaillies par la hausse des coûts de production qui
les rend difficilement compétitives même actuellement sur le
marché. Ces problèmes ajoutés à l'ensemble des
situations qu'elles connaissent déjà, seront loin de faciliter
leur expansion et leurs possibilités de faire compétition sur les
marchés.
D'un autre côté, il y a l'existence aussi de mesures
fiscales appropriées ainsi que de subventions suffisantes pour stimuler
les recherches de nouvelles sources d'énergie de la part de nos propres
sociétés, telles que SOQUIP et l'Hydro-Québec, et de la
part de l'entreprise privée. Serait-il nécessaire d'attendre
encore longtemps avant de trouver des solutions équitables et
raisonnables à ces problèmes? Le ministre pourra nous en parler.
Mais, avant qu'il le fasse, je voudrais l'assurer de notre désir, en ce
qui nous concerne, de travailler étroitement avec lui et tous les
Québécois, comme avec les membres de cette commission
parlementaire, pour élaborer une politique énergétique
réaliste, axée sur la conservation de l'énergie, bien
sûr, mais aussi consciente de la position de force du Québec dans
le domaine de l'électricité, d'une part, et également
consciente de notre position de faiblesse, à l'heure actuelle, dans
l'exploitation pétrolière et l'exploitation du gaz naturel.
Consciente également que le système
fédéral canadien, devant les difficultés en
approvisionnement de pétrole et devant la hausse des coûts en la
matière, permet aux provinces de l'est du Canada, donc, au Québec
notamment, de jouir en toute sécurité des stocks suffisants et
des prix équitables qui sont bénéfiques au peuple
québécois et à l'économie générale de
la province.
M. le Président, il y a plusieurs données
générales qui nous permettent d'analyser ou de poser assez
clairement le problème énergétique actuellement: il y a la
durée des réserves encore disponibles du pétrole, du
charbon et des autres possibilités; le coût et les moyens
d'exploiter ces moyens; les dangers, les difficultés que pose encore,
par exemple, tout le secteur du nucléaire; toute la recherche qui reste
encore à faire relativement aux autres sources d'énergie
possibles. Ces mêmes données nous forcent à
reconnaître que ce qu'on appelle actuellement la crise de
l'énergie, dans son sens large, n'est pas un phénomène
passager ou temporaire, mais est bel et bien devenu une réalité
permanente, imbriquée dans notre quotidien en tant qu'individus, en tant
que nation et en tant aussi que citoyens du monde.
Qu'on le veuille ou non, je pense que le mandat de la commission qui
siège aujourd'hui est là pour le prouver, nous sommes maintenant
engagés sans retour dans ce qu'on peut appeler, désormais, la
course à l'énergie, où tous les pays du monde, en
même temps, sont conviés devant le même problème. Par
contre, on doit reconnaître aussi qu'il devient de plus en plus facile,
dans un certain sens, d'identifier les problèmes en matière
énergétique, mais en même temps, par un curieux
phénomène, qu'il devient aussi de plus en plus difficile de
percevoir, peut-être, les solutions adéquates à apporter
à court terme et à long terme également aux
problèmes qui se posent, comme s'il y avait un jeu d'inversement
proportionnel qui jouerait en matière énergétique de sorte
que plus les problèmes deviennent évidents moins les solutions
apparaissent faciles et évidentes.
M. le Président, quant à nous, de l'Union Nationale, nous
souhaitons bonne chance à cette importante commission parlementaire et
nous soulignons que nous voulons apporter, avec beaucoup
d'intérêt, toute la collaboration qu'il nous est possible
d'apporter.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député de Richmond.
Y a-t-il des commentaires de la part d'autres membres de la
commission?
J'inviterais maintenant le premier organisme, SOQUIP, en la personne de
M. Bernard Cloutier, à se présenter, s'il vous plaît. La
seule restriction qu'on impose, c'est d'être clair et bref vu la
quantité assez grande d'organismes à entendre; toutefois, il ne
faut pas se gêner de dire ce que l'on a à dire, ouvertement. Cela
me parait le plus important.
SOQUIP
M. Cloutier (Bernard): Très bien. M. le Président,
MM. les membres de la commission, n'ayant pas l'habitude de ce genre
d'exercice, je dois avouer que j'ai un trac terrible aujourd'hui, non pas
tellement de parler en public, mais de mettre en rapport l'incidence des
décisions qui auront à être prises en conséquence de
l'analyse que l'on commence aujourd'hui, avec les moyens que l'on a à
mettre en oeuvre.
Je me présente devant vous pour vous lire un discours
préparé ce que j'aime peu, parce que cela manque de
spontanéité en collaboration avec M. Jacques Plante,
directeur de l'exploration de SOQUIP et M. André Marier, directeur des
activités industrielles et commerciales. Ces derniers me seconderont
durant la période des questions.
J'ai demandé d'ouvrir le débat de cette commission
parlementaire sur l'énergie, car même si le Québec est
riche en énergie hydroélectrique, je crois que c'est autour de
l'approvisionnement futur en énergie pétrole que doit être
structurée la politique de l'énergie du Québec. Le
Québec, qui dépend de pétrole importé pour 70% de
ses besoins d'énergie, ne peut se permettre de négliger des
avertissements d'un nombre croissant d'experts qui prévoient que l'offre
de pétrole brut, sur les marchés internationaux, ne satisfera
plus la demande d'ici cinq ou dix ans si la reprise de l'accroissement de la
consommation pétrolière mondiale, constatée en 1976, se
confirme en 1977 et se maintient par la suite.
La probabilité de cette éventualité est
élevée si l'on considère que les très fortes
augmentations des prix pétroliers de 1973 et 1974 ont eu relativement
peu d'effet sur les habitudes de la consommation et que les réductions
du taux de croissance de la demande en 1974 et 1975 sont attribuables davantage
à la conjoncture du niveau de l'activité économique
mondiale qu'à l'élasticité des prix pétroliers. En
clair, cela veut dire que les produits pétroliers qui nous paraissent
chers maintenant, et qui le seraient plus si les prix pétroliers
canadiens étaient au niveau mondial, sont appelés à
devenir encore beaucoup plus chers à l'avenir. Cette augmentation pourra
être graduelle si l'on réussit à contrôler
l'accroissement de la demande mondiale, ou elle sera relativement brutale et
elle surviendra dans un horizon rapproché si le maintien de
l'accroissement de la demande mondiale nous conduit à une pénurie
de pétrole avant que des sources alternatives d'énergie n'aient
pu apporter leur contribution de façon significative.
Compte tenu des importants délais de mise en oeuvre dans le
secteur de l'énergie, l'éventualité d'une pénurie
mondiale de pétrole à moyen terme devrait inciter tous les pays
à engager de réels efforts de conservation d'énergie et
accorder une priorité aux sources autochtones d'énergie.
L'époque, maintenant révolue, de pléthore
d'énergie-pétrole à bon marché a produit, chez les
consommateurs, des habitudes de gaspillage. La modification de ces habitudes
dans le sens de l'économie constitue une première réserve
cachée sur laquelle il convient de tirer avant d'augmenter le volume de
la consommation.
Dans le cas du Canada dont les réserves
d'énergie-hydrocarbure sont également partagées
entre le pétrole et le gaz naturel mais qui consomme trois fois
plus d'énergie-pétrole que d'énergie-gaz, l'orientation
vers les sources autochtones d'énergie devrait se traduire par une
augmentation de la part du gaz naturel dans son bilan
énergétique.
Dans le cas du Québec dont le potentiel hydroélectrique
n'est pas encore entièrement aménagé, une priorité
raisonnable devrait être accordée au développement et
à une meilleure utilisation de cette forme d'énergie autochtone
et renouvelable.
Ces orientations très générales peuvent se
traduire, pour le Québec, en un certain nombre de stratégies
spécifiques. Un effort doit être porté vers une meilleure
utilisation de l'énergie disponible de façon à
réduire le gaspillage d'énergie et à nous permettre
d'utiliser l'énergie ainsi économisée à d'autres
fins. Dès l'hiver 1974, certains pays européens ont mis sur pied
des mécanismes de subvention pour inciter leurs industries à
réduire le contenu énergétique des biens qu'elles
produisaient. Un grand nombre de mécanismes spécifiques doivent
être imaginés et implantés car, même si chacun d'eux
n'est que d'une portée réduite, leur effort cumulatif peut
être important.
Mentionnons, par exemple, une tarification de
l'électricité qui pénaliserait les consommations
exagérées; des incitations à la recherche et à
l'application de technologies d'emmagasinage d'énergie permettant
l'utilisation aux heures de pointe d'énergie hydroélectrique
accumulée durant les heures de faible demande, énergie qui,
autrement, serait perdue au fil de l'eau; des normes de construction plus
sévères; des subventions à l'isolation des constructions
nouvelles; l'élimination des taxes sur les matérieux isolants;
des incitations à la recherche et à l'application de technologies
plus efficaces dans les appareils, équipements et procédés
utilisant l'énergie; des normes limitant l'intensité lumineuse de
l'éclairage dans les endroits publics intérieurs et
extérieurs en fonction des besoins réels au cours de la
journée et encore des frais d'enregistrement des véhicules
progressant rapidement avec l'augmentation de leur consommation; la permission
de tourner à droite sur une lumière rouge, etc.
La priorité qui devrait être accordée au
développement de la part de l'énergie hydroélectrique dans
le bilan énergétique du Québec, car il s'agit d'une forme
d'énergie autochtone et renouvelable, doit être
tempérée par le constat des contraintes financières
associées à ce développement et par l'analyse
coûts-bénéfices de cette voie comparativement aux autres
moyens disponibles pouvant réduire la dépendance du Québec
sur le pétrole importé des marchés internationaux.
L'accès du Québec au pétrole canadien par
l'oléoduc Sarnia-Montréal améliore temporairement notre
sécurité d'approvisionnement pétrolier, mais il est
prévu que dès 1982, la production canadienne de brut ne suffira
plus aux besoins des marchés présentement desservis et qu'en
toute probabilité, cet oléoduc sera alors utilisé dans le
sens inverse Montréal-Sarnia.
Le pétrole synthétique des sables bitumineux de
l'Athabaska constitue une réserve d'énergie de première
importance pour le long terme. Mais tout comme l'énergie
hydroélectrique non aménagée du Québec, le
développement de cette source d'énergie se heurte à des
contraintes financières considérables et à des
délais de mise en oeuvre qui reporteront l'échéance d'une
contribution significative de cette source à un avenir lointain.
Il reste le gaz naturel déjà découvert et en ligne
en Alberta, le gaz naturel découvert mais pas encore canalisé
dans le bassin du Mackenzie et dans les îles de l'Arctique, le gaz du
Labrador et enfin, et surtout à long terme, le gaz synthétique
qui sera, un jour, produit à partir des énormes réserves
de charbon de l'Ouest canadien.
La position de SOQUIP devant cette commission et qu'il serait dans
l'intérêt, à moyen terme, des Québécois qu'un
certain nombre de dispositions soient prises très prochainement de
façon à augmenter la part du gaz naturel de provenance canadienne
dans le bilan énergétique du Québec aux dépens du
pétrole importé des marchés internationaux.
Pour atteindre cet objectif, il faut que le gaz puisse concurrencer les
produits pétroliers aux points de consommation et, bien entendu, il faut
qu'il soit disponible à ces points de consommation. Il en résulte
donc certaines dispositions à prendre relativement à la
disponibilité et à la concurrence du gaz.
Premièrement, il pourra rendre le gaz disponible à un plus
grand nombre de consommateurs en développant le réseau gazier du
Québec. Pour assurer ce développement au rythme et de la
façon qui répondent le mieux aux intérêts des
Québécois, il convient que l'initiative des opérations
financières et techniques soit assumée par des
intérêts québécois publics et privés
plutôt que par des entreprises dont les décisions sont prises,
comme il se doit, en fonction d'intérêts et d'opportunités
situés principalement en dehors du Québec.
En conséquence, SOQUIP recommande l'acquisition, par la voie de
négociations commerciales normales, du contrôle des entreprises de
distribution gazière au Québec. C'est ici qu'intervient
l'étude des coûts-bénéfices comparatifs des
sacrifices financiers que le Québec doit consentir maintenant pour
garantir la satisfaction future de ses besoins en énergie et
l'étude de la meilleure allocation budgétaire de ses efforts
entre les diverses formes d'énergie susceptibles de remplacer le
pétrole importé des marchés internationaux.
Deuxièmement, il faut rendre le gaz concurrentiel avec les
produits pétroliers. Sous ce volet, le Québec peut, en un premier
temps, enlever la taxe de vente de 8% applicable à l'énergie-gaz
dont sont dispensées assez curieusement l'énergie-pétrole
et l'énergie électrique. L'effort principal devrait cependant
porter sur des négociations à entreprendre avec l'Alberta et le
gouvernement fédéral afin d'augmenter l'écart de 15% entre
les prix du gaz naturel à l'entrée des villes et le prix du
pétrole brut à l'entrée des raffineries, de
façon à permettre une concurrence réelle des prix
au niveau des consommateurs de ces deux formes d'énergie, y compris les
consommateurs industriels.
L'augmentation de cet écart pourrait être
réalisée en permettant au prix canadien du brut d'augmenter vers
le niveau mondial plus rapidement que n'augmenterait le prix du gaz naturel. La
conjoncture est bonne pour cette négociation car la reprise de
l'exploration en Alberta, au cours des deux dernières années, a
produit un surplus temporaire. La Trans-Canada Pipe Lines Ltd, a
déclaré qu'elle n'achèterait pas de gaz nouveau avant le
1er novembre 1978 faute de développement de ses marchés de l'Est.
La concurrence entre ces deux formes d'énergie, au niveau des
consommateurs, est essentielle si nous voulons réduire notre
dépendance sur le pétrole importé.
A défaut d'obtenir cette concurrence par l'indexation du prix du
gaz à un pourcentage adéquat du prix du brut, il est à
prévoir que nous soyons amenés à imposer une taxe de vente
sur le mazout lourd lorsque deviendra imminente l'éventualité
d'une pénurie du brut sur les marchés internationaux. La question
reste: Aurons-nous alors le temps de modifier notre bilan
énergétique en faveur de formes d'énergie dont la
disponibilité est plus sûre?
Enfin, il faut rendre le gaz naturel disponible en quantité
suffisante, pour permettre le développement de son utilisation au
Québec. C'est sous ce volet que se retrouvent les efforts d'exploration
et de production de SOQUIP. Malgré des résultats positifs en
Alberta et au Québec, les quantités de gaz obtenues par SOQUIP
sont encore suffisantes pour permettre, à elles seules, un
développement sensible du rôle du gaz naturel dans le bilan
énergétique du Québec.
C'est ici où intervient la recommandation que le Québec
obtienne par négociation avec le gouvernement central, l'assurance que
les besoins de gaz naturel des marchés canadiens soient desservis en
priorité avant que ne le soient les marchés d'exportation.
Dans ce contexte, les besoins des marchés canadiens comprennent,
en plus des besoins actuels, les volumes requis pour le développement de
l'utilisation du gaz au détriment du pétrole importé, et
ce, particulièrement au Québec. En effet, si la consommation de
gaz au Québec est gelée au niveau actuel jusqu'à
l'arrivée en grands débits du gaz des frontières,
l'infrastructure de transport, de distribution et d'utilisation n'aura pas
été développée et ce gaz nouveau nous filera sous
le nez vers les Etats-Unis ou l'Ontario.
Les dispositions préconisées en faveur de l'utilisation du
gaz naturel pourraient faire passer à moyen terme la place de cette
forme d'énergie de 5% du bilan énergétique du
Québec à 15%, 20% ou au mieux à 25%. Le Québec n'en
restera pas moins dépendant du pétrole importé pour une
part primordiale de ses approvisionnements en énergie, part que l'on
pourrait situer entre 70% et 50%, selon le degré d'application et le
degré de succès des stratégies visant le transfert du
pétrole au gaz.
Si aucun nuage ne se profilait à l'horizon, en ce qui concerne la
disponibilité et les prix de l'énergie-pétrole, nous
pourrions très bien envisager la décennie à venir en toute
sécurité et s'en remettre aux mécanismes
d'approvisionnement pétrolier présentement en place qui dans le
passé ont été adéquats, sinon en ce qui concerne
les prix, au moins en ce qui concerne la continuité des fournitures.
La position de SOQUIP devant cette commission est que le Québec
ne doit pas prendre le risque de maintenir son niveau actuel de
dépendance sur le pétrole importé et qu'il ne doit pas non
plus s'en remettre aux seuls mécanismes d'approvisionnement
présentement en place, c'est-à-dire les compagnies
pétrolières multinationales, pour la sécurité
d'approvisionnement du solde incompressible d'énergie qui devra
être importé sous forme de pétrole dans les
décennies à venir.
Cette position relative aux risques à prendre ou à
éviter résulte, premièrement, de l'évaluation de la
probabilité d'une pénurie dé pétrole sur les
marchés mondiaux à moyen terme; deuxièmement, de
l'évaluation de l'impact sur la qualité de la vie, dans une
région froide et industrialisée comme le Québec, des
effets d'une réduction de ses approvisionnements pétroliers
lorsque l'offre ne satisfera plus la demande sur les marchés
internationaux du pétrole brut; enfin, de l'évaluation de la
compétitivité d'un Québec acheteur par l'unique entremise
des fournisseurs actuels sur un marché où l'offre ne satisfait
plus la demande. Autrement dit, de l'évaluation du degré auquel,
en cas de pénurie mondiale de brut, les compagnies
pétrolières multinationales seraient motivées à
assurer la fourniture des besoins du Québec mieux que la fourniture des
autres marchés qu'elles desservent.
Cette position nous conduit à recommander de réactiver le
dossier de l'introduction de SOQUIP dans le raffinage et la distribution, non
pas seulement comme secteur témoin de ces activités, mais surtout
comme un outil d'approvisionnement dont pourra disposer le Québec avec
l'assurance d'être le premier servi en cas de pénurie.
La Société québécoise d'initiatives
pétrolières est l'aboutissement d'une longue réflexion
entreprise dès 1962 à la Direction générale de la
planification du ministère des Richesses naturelles.
Le concept d'une société d'Etat dans le secteur
pétrolier, d'abord présenté en 1964, a presque vu le jour
en 1967/68 alors qu'un premier projet de raffinage avait été
élaboré. Ce n'est, cependant, qu'en novembre 1969 qu'était
créée SOQUIP avec le mandat de rechercher, produire, emmagasiner,
transporter et vendre des hydrocarbures bruts, liquides ou gazeux et de
participer au raffinage des hydrocarbures bruts, liquides ou gazeux, à
l'emmagasinage, au transport et à la vente des hydrocarbures
raffinés.
Maintenant, quinze ans après le début des premières
études du Québec sur ses intérêts par rapport au
monde prestigieux du pétrole qui, alors, paraissait mystérieux et
inaccessible et sept ans après le début de SOQUIP, elle est
devenue
une entreprise mature, jouissant d'une excellente réputation dans
le milieu pétrolier nord-américain, particulièrement dans
le secteur exploration-production où elle s'est associée en
opération conjointe avec une trentaine de compagnies privées, des
plus petites aux plus grandes.
Au 31 mars, son actionnaire, le gouvernement du Québec, lui aura
versé $35 millions d'un capital-actions autorisé de $100
millions. Les activités de SOQUIP rendues possibles par cet
investissement commencent à donner des résultats positifs en
Alberta et au Québec. En Alberta, elle contrôle déjà
la disposition d'une réserve de gaz de l'ordre de 55 milliards de pieds
cubes, répartis dans sept gisements. Les 15 milliards de pieds cubes qui
lui appartiennent en propre dans ces gisements représentent, au prix
actuel du gaz à la tête des puits, un actif d'une valeur brute non
actualisée d'environ $1S millions. Ces gisements ont un potentiel de
production de l'ordre de 30 millions de pieds cubes par jour et fournissent
déjà 12 millions de pieds cubes par jour à SIDBEC, pour
lequel le gaz naturel est une matière première essentielle.
Ici, au Québec, SOQUIP a procédé par
élimination à un inventaire exhaustif du potentiel de nos bassins
sédimentaires en faisant la synthèse des données qu'elle a
recueillies par ses propres travaux et des informations qu'elle a obtenues en
s'associant avec presque toutes les compagnies qui ont exploré nos
bassins au cours de la dernière décennie. Ses travaux persistants
lui ont permis d'identifier quelques régions qu'elle considère
encore prospectives pour l'occurrence d'accumulation commerciale
d'hydrocarbures. Il y a un a, SOQUIP a enfin découvert !e premier
gisement gazier important du Québec dans une de ces régions
prospectives, les basses terres du Saint-Laurent, plus
précisément à Saint-Flavien, à 25 milles de la
ville de Québec.
Le forage de puits de développement se poursuit dans ce gisement
mais déjà des réserves de l'ordre de 20 milliards de pieds
cubes ont été mises en évidence. Au prix de $2 les mille
pieds cubes de gaz livré au consommateur, ces réserves
représentent un actif d'une valeur brute non actualisée d'environ
$40 millions, soit au-delà du seuil requis pour engager dès
maintenant la construction d'un gazoduc vers les marchés de la
capitale.
Grâce à l'expérience acquise et à son
intégration dans l'industrie nord-américaine, SOQUIP envisage son
introduction dans le secteur du transport et de la distribution du gaz naturel
avec l'assurance de s'y développer aussi harmonieusement et de
façon aussi efficace qu'elle l'a fait dans le secteur de
l'exploration-production depuis 1970.
A cette époque, comme première société
d'Etat à être créée en Amérique du nord dans
le secteur pétrolier, elle a eu à remonter la côte de
préjugés défavorables et à ouvrir une voie que
d'autres sociétés d'Etat ont depuis lors empruntée.
Compte tenu de la tendance inéluctable de l'accroissement des
responsabilités des gouvernements dans le secteur de
l'énergie-pétrole et gaz naturel, le rôle de SOQUIP est
appelé à s'accroître dans les années à
venir.
SOQUIP remplit son rôle de témoin en vous présentant
la perception spécifique que sa situation de charnière entre
l'Etat et l'industrie, que ses activités et que ses liaisons dans le
monde pétrolier, lui donnent des problèmes auxquels le
Québec aura à faire face dans la décennie à
venir.
Cette perception spécifique peut, dans le cadre d'une
concertation étroite entre le gouvernement, l'administration et SOQUIP,
apporter des éléments utiles à l'élaboration des
stratégies de l'énergie du Québec. Mais, au-delà de
ce rôle mineur de témoin, SOQUIP a maintenant l'expérience,
l'expertise et les relations dans son milieu pour lui permettre d'assumer
pleinement et selon les objectifs qui lui seront assignés son rôle
d'instrument opérationnel du Québec dans l'application du volet
hydrocarbure d'une politique de l'énergie.
Ce résumé avait pour objet de tracer les grandes lignes
des orientations et des stratégies qui s'imposent dès qu'on prend
au sérieux la possibilité d'une pénurie du pétrole
brut sur les marchés mondiaux d'ici une décennie.
Le problème est que l'opinion publique est peu
sensibilisée à cette éventualité qu'il est
difficile d'évoquer de façon nuancée sans paraître
alarmistes.
Les principaux agents économiques du secteur qui disposent des
données techniques du problème, soit les compagnies
pétrolières, sont mal placés pour y faire lumière,
d'une part, car, ayant été taxées par l'opinion publique
de certains pays, à tort d'ailleurs, d'avoir provoqué ou
manipulé la crise de 1973/74 dans leur intérêt, l'annonce
par ces compagnies d'une nouvelle crise beaucoup plus grave serait peu
crédible et mal interprétée et, d'autre part, car l'aveu
de la progression des événements vers une pénurie ne les
favoriserait pas, tant sur le plan de leur image que sur le plan du rôle
qu'elles entendent encore maintenir sur l'échiquier pétrolier
mondial.
Il est désagréable d'être porteur de mauvaises
nouvelles et dangereux de l'être si elles ne se confirment pas.
Après avoir évalué cet inconvénient et pesé
ce risque contre son devoir d'être un témoin dans le secteur
énergie et pétrole, SOQUIP choisit d'ouvrir le débat sur
l'insécurité des approvisionnements pétroliers à
moyen terme et à long terme, tout en sachant, bien entendu, que d'aucuns
n'y verront qu'un moyen intéressé de promouvoir son
développement.
Reconnaissant la faiblesse de la crédibilité populaire de
cette perception pourtant justifiée par les données disponibles,
SOQUIP recommande qu'il est nécessaire de créer un groupe ad hoc
d'une dizaine de personnalités québécoises
désintéressées et jouissant de crédibilité
dont le mandat spécifique serait de recueillir dans les trois mois les
avis des experts qui ont déjà pris position sur l'avenir de
l'offre et de la demande sur les marchés internationaux de façon
à en dégager un consensus utilisable au Québec.
Il ne s'agit pas de cerner de plus près
l'échéance d'une pénurie physique de
pétrole, mais plutôt de reconnaître l'ampleur que pourrait
prendre le problème de l'énergie si cette prévision se
réalise avant que le Québec ait pris les dispositions
nécessaires pour mieux utiliser l'énergie hydroélectrique
dont il dispose, pour augmenter la part du gaz naturel canadien dans son bilan
énergétique et, enfin, pour augmenter la sécurité
d'approvisionnement du pétrole importé dont il devra rester
tributaire.
Dans cette optique, le temps et la continuité de l'effort sont
des éléments essentiels. Le secteur de l'énergie reste
soumis à d'énormes délais de mise en oeuvre, malgré
la volonté la plus déterminée et Jes moyens financiers les
plus importants, qu'il s'agisse de construire des centrales
hydroélectriques ou nucléaires, de mettre en production des
gisements pétroliers ou gaziers ou de changer les habitudes des
consommateurs ou la structure d'un bilan énergétique.
C'est pourquoi SOQUIP recommande que les orientations et
stratégies de l'énergie que se propose de publier le gouvernement
soient déterminées le plus tôt possible et que les actions
qui en découleront soient engagées sans retard.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Clou-tier. M. le
ministre.
M. Joron: m. Cloutier, je voudrais vous remercier et vous
féliciter pour la qualité de votre mémoire. Je pense qu'il
a été présenté dans le sens dans lequel entend
travailler cette commission, c'est-à-dire jetant un éclairage
global sur le problème énergétique.
J'en retiens que le point peut-être fondamental dans votre
argumentation, qui est à la base même de vos recommandations,
c'est cette pénurie prévisible des approvisionnements
pétroliers que vous situez à moyen terme. J'aimerais
peut-être lancer la première question, vous demandant d'essayer de
situer un peu mieux dans le temps ce que vous entendez par moyen terme,
l'ampleur de cette pénurie prévisible et, enfin, d'où vous
viennent ces prédictions.
M. Cloutier: Je reconnais qu'effectivement, les orientations que
je propose s'asseoient principalement sur la sécurité des
approvisionnements du pétrole importé. Il y a déjà
deux ou trois ans, des premiers avertissements se sont faits entendre sur le
problème de l'éventualité d'une pénurie de
pétrole. Ce n'est pas nouveau, parce qu'à plusieurs reprises, au
cours de l'histoire de l'industrie pétrolière, il y a eu de tels
avertissements. Que ce soit dans les années trente ou autres, à
diverses reprises on a dit: Le pétrole n'est pas inépuisable.
C'est une chose qui s'est produite à diverses périodes. Au
début, on a pris cela un peu à la légère en disant:
Encore quelqu'un qui crie au loup. Mais la qualité des groupes et
individus qui commençaient à penser de cette façon portait
vraiment à réfléchir. Déjà, et c'est inclus
dans le mémoire, il y a un an, on pensait à une
possibilité de tension sur les marchés internationaux, dans une
dizaine ou une quinzaine d'années. D'ailleurs, il y a un an, dans un
texte appelé "Réflexions sur les objectifs et orientations d'une
politique de l'énergie", on avait fait mention de cette
possibilité.
Au courant de ces dernières années, un nombre croissant de
chercheurs ou de groupes d'analystes de qualité, répartis
également dans le camp des pays producteurs et des pays consommateurs,
ont posé la question et plus que posé la question, ont
avancé qu'il y avait un risque que l'offre de pétrole sur les
marchés des échanges internationaux ne pourrait pas satisfaire la
demande, plus particulièrement depuis six mois.
Effectivement, la question est réelle parce qu'après le
fléchissement de la demande pétrolière en 1974 et en 1975,
suite aux augmentations, on constate, cette année, une augmentation de
7,6% de la demande mondiale, ce qui est un retour à un niveau plus
élevé que l'accroissement de la demande dans les années
1968 à 1973. A moins qu'une prise de conscience qui dépasse
largement celle que pourrait prendre le Québec, mais une prise de
conscience générale de la plupart des pays, ne mette frein
à cette reprise de l'accroissement de la demande, les calculs que
présentent des groupes qualifiés démontrent que, dans la
décennie des années quatre-vingt, on arrivera à une
demande mondiale sur les marchés des transactions internationales qui ne
pourra pas être satisfaite par les meilleures projections de production
des pays qui sont exportateurs.
Vous avez lu dernièrement, dans le Devoir, le 28 janvier, je
crois, un article dans lequel on rapportant que l'OCDE s'en inquiétait.
Présentement, des études sont en cours par divers groupes et
organismes, et ces études viendront appuyer et reserrer cette
orientation.
C'est très délicat de parler de cette question sans avoir
l'air alarmiste ou avoir l'air d'un ange de la mort, mais je pense, par contre,
qu'il est nécessaire de l'envisager, et si suffisamment d'organismes et
de gouvernements en prennent conscience sérieusement, on peut
effectivement éviter cette éventualité.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît.
M. Forget: M. Cloutier, vous avez établi certaines de vos
recommandations carrément sur la prévision de pénurie dans
le domaine pétrolier. Je pense en particulier à vos
recommandations relativement à l'importance plus grande qui devrait
être accordée au gaz naturel dans le bilan
énergétique. D'autre part, est-ce que, il y a quelques mois ou
peut-être un peu plus d'un an, la Commission canadienne de
l'énergie n'a pas décliné ou refusé de donner suite
à des demandes qui auraient eu pour effet d'accroître les
exportations canadiennes de gaz naturel à destination des Etats-Unis,
parce que, précisément, ces projections de disponibilité
de gaz naturel étaient telles qu'il semblait peu prudent
d'accéder à cette demande.
En faisant la recommandation que vous faites d'accroîtte la part
du gaz naturel dans le bilan énergétique au Québec,
n'êtes-vous pas beaucoup plus optimiste que la Commission canadienne de
l'énergie? L'êtes-vous sur la base de données plus
récentes? Anticipez-vous que cette attitude canadienne, qui a d'ailleurs
été relâchée temporairement cet hiver, ces
dernières semaines, à cause des circonstances spéciales
que l'on connaît, sera éventuellement révisée? De
façon plus générale, l'argument que vous apportez en
faveur du gaz naturel vis-à-vis du pétrole n'est-il pas
basé sur un élément de sécurité
d'approvisionnement qui est encore moins valable quelles que soient les
prévisions faites pour la disponibilité de gaz naturel dans
l'Ouest canadien, étant donné que l'acheminement physique de gaz
naturel, contrairement à l'acheminement de pétrole, rend un
marché consommateur beaucoup plus dépendant d'une source
d'approvisionnement, puisqu'il faut le transporter par pipe-line ou alors
disposer d'une technologie de liquéfaction qui suppose des installations
qui ne s'improvisent pas?
Ne serait-ce pas une stratégie qui, premièrement, pour me
résumer, repose sur une estimation assez douteuse de la
disponibilité de gaz naturel dans l'avenir? Deuxièmement, quelle
que soit la réponse à cette première question, le gaz
naturel n'est-il pas une source d'énergie qui nous lie davantage
à un point d'origine bien déterminé, contrairement
à une stratégie qui repose sur le pétrole pour lequel il y
a de nombreux pays producteurs?
M. Cloutier: Les recommandations que je vous propose maintenant
ont déjà été présentées dans un
mémoire à notre actionnaire en février 1976, donc il y a
un an, mais je les présente, maintenant, avec beaucoup plus de
conviction pour la raison que je viens d'expliquer en ce qui concerne les
perspectives d'approvisionnement du pétrole.
Dans la mesure où le gouvernement canadien voulait avoir et veut
encore avoir une politique de "self-reliance", sans faire un mauvais jeu de
mots, je veux dire de compter sur nos propres moyens, un raisonnement de
boutiquier nous permettrait de dire qu'il faut d'abord faire l'inventaire de
ces moyens.
Le Canada dispose en réserve, prouvées d'une
quantité équivalente d'énergie sous forme de gaz,
c'est-à-dire 57x1015BTU comparativement à 53 x
1015 BTU pétrole, tant dans la catégorie des
réserves prouvées que des réserves exotiques, si l'on
classe comme réserves exotiques le gaz des frontières pour une
quantité de l'ordre de 180 x 1015 BTU, et que le
pétrole synthétique tiré de l'Athabaska pour une
quantité de BTU équivalente.
Donc, ce n'est pas une orientation nouvelle qui arrive d'une
façon dramatique sauf que, maintenant, cela devient peut-être un
peu plus crédible.
Il est clair qu'il y a des inconvénients à chercher la
sécurité de nos approvisionnements plutôt du
côté du gaz. Mais c'est bien dans ce sens que l'orientation que je
propose est le résultat de l'éva- luation relative des
inconvénients qui pourraient résulter du fait de compter sur
l'approvisionnement en pétrole importé. C'est pourquoi
d'ailleurs, conscient du fait que cette question est discutable et qu'elle sera
largement discutée par les autres intervenants, que je proposais que
l'on crée un groupe d'analyse pour bien examiner cette question des
perspectives à long terme de l'approvisionnement.
En ce qui concerne la disponibilité du gaz que vous avez
mentionnée, dans le moment actuel, il y a un surplus disponible en
Alberta. Il y a une capacité de production de l'ordre de 300 millions de
pieds cubes par jour, en Alberta, qui, présentement, n'est pas "shut
in", n'est pas vendue.
Au point de vue du débit, on parle de 300 millions de pieds cubes
par jour. Au point de vue des réserves, on parle de réserves de
l'ordre de 20 mille milliards de pieds cubes de gaz qui ne sont pas
connectés au réseau de "collect".
Ce surplus temporaire est le résultat de l'amélioration
des conditions fiscales en 1975 et 1976, qui ont encouragé
l'investissement dans l'exploration et le développement des gisements
gaziers connus.
La situation actuelle est que l'industrie, ou qu'un industriel, ou
qu'une compagnie qui a un gisement en Alberta capable d'une certaine production
n'est pas encouragée à continuer son effort d'exploration tant
que le gaz qu'il a à vendre n'est pas vendu.
La recommandation d'augmenter l'écart entre le prix indexé
du gaz sur le pétrole brut a pour effet de créer des
marchés, parce que, si ce gaz n'est pas vendu, c'est que le gaz n'est
pas compétitif dans les marchés actuels, et c'est un cercle
vicieux. Vous avez parlé des contraintes de transport, le cercle vicieux
se casse au niveau de l'augmentation des marchés. Il s'agit d'abord
d'ouvrir les marchés en rendant le gaz compétitif, ce qui va
créer des commandes et ce qui va amener la compagnie responsable de la
transmission entre l'Alberta et l'Est canadien à demander à
l'Office national de l'énergie l'autorisation d'augmenter la
capacité de ses facilités de transport. Il est évident
que, tant que la demande n'est pas augmentée au Canada, la compagnie
TransCanada Pipe Lines ne demandera pas d'augmenter sa capacité de
transport.
Il est vrai que dans ce contexte le surplus actuel ne sera pas suffisant
pour assurer tout l'intérim entre l'arrivée du gaz des
frontières. Et c'est là qu'intervient la recommandation que le
principe de desservir les marchés canadiens en priorité inclut
non seulement le niveau actuel de la demande, mais inclut également
l'accroissement désiré de la demande de façon à ce
que, lorsque le gaz des frontières sera disponible, les infrastructures
de transport, de distribution et d'utilisation soient prêtes à le
recevoir et que, compte tenu des quanta économiques nécessaires
pour mettre en exploitation ces gisements de frontière, la meilleure
part de ce gaz nouveau ne doive pas être exportée à
l'étranger. C'est pourquoi SOQUIP recommande que, si nécessaire,
le gouvernement
centra! fournisse l'assurance que les marchés canadiens soient
servis en premier, y compris les quantités de gaz requises pour
atteindre la croissance désirée aux dépens du
marché d'exportation. Les exportations de pétrole ont
été réduites et les exportations de gaz peuvent
l'être également. Dans le texte "Une stratégie canadienne
pour l'énergie", publié par le gouvernement fédéral
au printemps 1976, assez étonnamment on pouvait lire, en fil conducteur
de ce document, la nécessité de passer du pétrole au gaz,
mais la conclusion que le Canada devait effectuer un transfert dans son bilan
énergétique en faveur du gaz et au détriment du
pétrole n'était pas écrite noir sur blanc en conclusion,
en grande partie, à mon avis, à cause de la conséquence de
cette conclusion qui est une réduction des exportations de gaz vers les
Etats-Unis, question qui est d'une sensibilité extrême.
Mais, je crois que, devant l'ampleur du problème, il faut que des
positions soient énoncées clairement et défendues par les
organismes et les gouvernements dont les intérêts sont les
premiers impliqués dans ce sens-là.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, premièrement, je dois
dire que je crois que c'est très approprié que le premier
mémoire nous soit donné par la société SOQUIP,
parce que c'est une société du Québec et,
deuxièmement, elle s'intéresse non seulement au domaine
pétrolier, mais aussi au domaine du gaz naturel. Alors, vous ne semblez
pas avoir des intérêts personnels seulement de ce type de
compagnie qui développe seulement le pétrole ou qui veut
développer seulement le gaz naturel, mais votre ligne de conduite est de
penser aux intérêts du Québec et des citoyens du
Québec.
On peut tirer certaines conclusions. J'aurais quelques questions,
à titre d'information, à vous poser. D'après votre
mémoire, d'après toutes les représentations que vous
faites, il est évident que notre économie, l'ensemble de
l'économie de notre pays est basé de plus en plus sur
l'énergie. On ne peut pas avoir une politique économique sans,
premièrement, avoir une politique énergétique. Cela
s'applique pour l'industrie lourde, cela s'applique certainement dans
l'industrie de la pétrochimie et cela a des retombées dans tous
les domaines de l'industrie au Québec.
Vous avez souligné que vous réalisez que beaucoup de
besoins énergétiques sont produits par l'Hydro-Québec. Il
y a un certain pourcentage, je crois que c'est 20% maintenant, de
l'énergie du Québec que produit l'Hydro-Québec.
Maintenant, le reste, en gros 70%, vient du pétrole. Selon votre
présentation, on ne peut pas se fier entièrement à ces
chiffres. Au début, vous dites qu'il va commencer à y avoir une
pénurie internationale de pétrole dans dix ans et ces chiffres
prêtent donc un peu à interprétation. Le fait est qu'il va
y avoir une pénurie, le fait est qu'en plus de cela, le pétrole
sur lequel nous nous fions maintenant, vient à 40% de l'Alberta:
à peu près 40% du pétrole au Québec vient de
l'Alberta, le reste vient du Vénézuéla, soit des pays
arabes. Au fur et à mesure que le pétrole de l'Alberta, vers
1983, ne sera plus disponible pour les besoins du Québec, on va se fier
sur les marchés internationaux, on va se fier sur des pays qui, pour des
raisons idéologiques ou pour des raisons économiques, pourront en
déterminer non seulement le prix, mais aussi la
disponibilité.
Alors, vous suggérez qu'on établisse un équilibre
dans nos utilisations énergétiques. A part des questions de
conservation, vous voulez distribuer l'énergie entre les produits
hydrauliques et hydroélectriques, le gaz naturel et le pétrole,
et peut-être en chiffres ronds, diviser cela en trois tiers, soit 30% en
hydroélectrique, 25% ou 30% en gaz et, pour le reste naturellement, on
doit encore se fier sur le pétrole.
En examinant le cas du gaz naturel, est-ce que vous avez fait des
études sur la disponibilité du gaz de source, le gaz naturel,
dans les îles de l'Arctique, et avez-vous fait des études sur la
possibilité d'un gazoduc des îles de l'Arctique sur le
côté de la baie James, sur le territoire de la province de
Québec, vers Montréal?
M. Cloutier: II y a beaucoup de questions dans ce que vous m'avez
dit. Je vais essayer de les reprendre à rebours. Au niveau de la
qualité des études sur lesquelles je me fonde pour prendre ces
positions et c'est pourquoi au début j'ai dit que j'avais un trac
énorme non pas à vous parler de ces questions je reconnais
l'ampleur du problème par rapport aux moyens dont SOQUIP a pu disposer
pour rassembler et étayer une position devant la commission, d'autant
plus que cette commission doit éventuellement mener à des
décisions et que ces décisions seront d'une incidence, d'une
importance énorme pour notre bien-être, non pas le bien-être
de nos enfants, notre bien-être à nous. Nous vivrons ces
choses.
Vous avez parlé de la crise de 1973. En évoquant la
pénurie dont je signale la possibilité, je ne dis pas qu'il y
aura une pénurie, je dis que si l'on ne réduit pas la
consommation mondiale, l'accroissement de la consommation mondiale, il y aura
une pénurie qui sera catastrophique. Ce que l'on peut faire au
Québec est déjà quelque chose, mais le problème
n'est pas au Québec, le problème n'est pas un problème
limité au Québec ou au Canada, c'est un problème mondial.
Nous aurons à subir les incidences d'un manque de prévoyance qui
n'est pas seulement notre manque de prévoyance à nous, mais le
manque de prévoyance de plusieurs gouvernements si cette crise se
produit.
L'espoir, c'est que la prise de conscience de la situation et de la
capacité de production des gi-sements connus et à
découvrir amènera des politiques prises individuellement et
indépendamment les unes des autres qui feront que l'on pourra
éviter non pas une mini-crise politique comme celle de 1973, où
il était seulement question de prix, alors qu'il y avait en
réalité une pléthore de pétrole, mais une
réelle crise de l'énergie où tous les gisements, où
les marchés, où l'offre
physique ne répondront pas aux besoins physiques
exprimés.
En ce qui concerne les relations interénergie, c'est dans ce
contexte, je le dis bien, non pas d'une prévision alarmiste de
l'inévitable crise pétrolière, mais de la
possibilité d'une crise, qu'avec les moyens très limités
dont on disposait, par rapport aux études que vous avez
mentionnées, notre position est qu'il serait dans l'intérêt
du Québec de ne pas prendre ce risque.
Que pouvons-nous faire devant le problème? C'est évident
que le Québec ne peut pas avoir une grosse influence sur la situation
mondiale que l'on décrit. On peut, dans une certaine mesure, parer aux
coups en réduisant l'apport de 70% de pétrole importé
actuel à 60%, 50% peut-être. Il est évident que, pour deux
pays ou régions, toutes choses étant égales, une qui est
dépendante à 70% et une autre qui est dépendante à
50%, il est évident que l'une des deux sera moins frappée que
l'autre par l'éventualité que l'on mentionne. Vers quoi
pouvons-nous nous tourner? En un premier temps, on a mentionné la
conservation de l'énergie qui, sûrement, doit avoir une
priorité. Dans un deuxième temps, on a mentionné une
priorité raisonnable donnée aux sources autochtones et
renouvelables, c'est-à-dire l'hydroélectricité. Je dis
raisonnable comme étant le résultat d'une analyse
coût-bénéfice et, dans le temps, des résultats
escomptés d'un investissement en hydroélectricité ou en
gaz. Puis, comme on doit rester de toute façon interdépendant
avec d'autres entités économiques, eh bien, prendre le moindre
des maux qui nous sont disponibles et reconnaître qu'une
dépendance du gaz naturel canadien est un moindre mal à comparer
à une dépendance du pétrole international, envers lequel
les arguments de compétition que pourraient présenter le Canada
et le Québec sont bien faibles à côté des arguments
que pourront présenter des pays qui ont des contreparties plus
importantes à offrir que les contreparties que nous pouvons offrir et
des moyens de pression également plus importants. C'est dans ce sens
qu'une fois que sera considérée sérieusement la
possibilité d'une tension sur les marchés internationaux du
pétrole, l'on voit certaines orientations se dessiner, qui pourraient
amoindrir ou alléger les difficultés auxquelles on aura à
faire face dans cinq, dix, ou quinze ans. Qui sait?
M. Ciaccia: Je pense qu'on dit la même chose, mais
peut-être que je vais le dire d'une autre façon. Je vous ai
questionné au sujet du gaz naturel qui vient d'autres parties du Canada.
Vous êtes d'accord que c'est plus normal et plus sûr de se fier
à ses sources d'énergie que d'essayer de se fier à
d'autres pays qui sont sujets à d'autres pressions. Le Canada est un
exportateur d'énergie.
M. Cloutier: Plus maintenant.
M. Ciaccia: Plus maintenant, mais avec les possibilités de
développement du gaz naturel dans le delta, peut-être par le
pipe-line de la vallée de la
Mackenzie, par les découvertes dans les îles arctiques,
encore par un pipe-line qui peut ou se diriger par le Manitoba et l'Ontario du
côté ouest de la baie James, ou se diriger du côté
est de la baie James, c'est-à-dire le côté du
Québec. Je pense qu'au Canada, on est encore à l'abri des chocs
internationaux. Quand vous dites qu'il y a eu une crise physique en 1973, on
n'a pas subi, malgré la crise physique internationale, au Canada, cette
crise physique, parce que le gouvernement central d'Ottawa a pris des
politiques, il a pris des mesures et, apparemment, il y a des mesures
d'allocation en cas de crise au Canada. Je crois qu'aucun pays au monde n'en
a.
J'en viens à ceci: Je prends vos conclusions quand vous dites: On
ne devrait pas je ne veux pas mettre des paroles dans votre bouche
se fier à 70% seulement sur une source internationale pour
plusieurs raisons, d'accord? Alors, on devrait se diriger vers les sources qui
sont plus fiables, dans notre pays même. Le Canada, c'est encore notre
pays. Il peut avoir des politiques... Avant d'envoyer le gaz naturel à
l'étranger, il va le garder au pays. Je trouve tout naturel et je trouve
que c'est dans l'intérêt de tous les Québécois que
vous fassiez cette recommandation. Mais ça me porte à certaines
conclusions. On sait les problèmes, les discussions qu'on tient
aujourd'hui. Je ne veux pas vous amener dans l'arène politique, parce
que vous êtes apolitique. Mais c'est des conclusions que moi,
après avoir lu votre soumission, je voudrais apporter à
l'attention de cette commission pour prendre en considération les faits
que SOQUIP vient de nous apporter.
On a intérêt non seulement à aller vers le gaz
naturel, mais on a intérêt, pour des retombées
économiques, par exemple, du gaz naturel de l'Arctique, à essayer
de faire un gazoduc sur le côté du Québec, parce qu'il y
aurait des investissements considérables. Ils ont estimé le
coût d'un pipe-line de ce genre à $4 milliards ou $5 milliards. Ce
sont des estimations. On aurait intérêt à faire ça.
Mais ce que je me demande, dans l'atmosphère politique actuelle,
après avoir lu votre mémoire, c'est comment pouvons-nous avoir
cette politique d'énergie que vous préconisez? Admettons qu'on
l'accepte vous avez soulevé des points très impoitants
comment pouvons-nous mettre en vigueur cette politique avant qu'on
décide si on va faire partie du Canada ou non? C'est une question que je
me pose immédiatement en lisant ça, parce que si je suis un pays
étranger, je ne me vois pas aller à Ottawa à genoux, comme
les autres pays, l'Etat du North Dakota, I Etat de Washington et les autres
pays, demander, s'il vous plaît, voulez-vous nous fournir du gaz naturel?
Parce qu'il y a une pénurie aux Etats-Unis, ce gaz naturel peut
être exporté aux Etats-Unis, même dans la crise d'il y a
quelques semaines, il a fallu faire des provisions spéciales. Je suis
porté à la conclusion qu'avant de pouvoir entreprendre une
politique énergétique, même de la façon dont la
société SOQUIP ou même les autres mémoires qu'on a
eu l'occasion de lire, c'est de savoir quelle incertitude nous avons. Comment
allons-
nous pouvoir convaincre le reste du Canada que le gaz naturel devrait
venir ici avant d'aller aux Etats-Unis? Je crois que c'est une conclusion
logique de quelqu'un, un investisseur, qui va vouloir... Parce que ce n'est pas
tout...
Les gouvernements n'ont pas les fonds nécessaires pour faire le
développement de toutes ces politiques. Il faut se fier aussi à
l'entreprise privée. Cela ressort du mémoire de SOQUIP. Cela
ressort aussi des autres mémoires. Il faut se fier à l'entreprise
privée pour faire ces investissements et je voudrais porter à
l'attention du ministre cette question assez importante: Comment pouvons-nous,
premièrement, être sûrs d'avoir ces sources Québec
et, deuxièmement, comment pouvons-nous attirer les capitaux
nécessaires pour que ces investissements et que ces
développements se fassent pour qu'on ne dépende pas pour 70% de
nos besoins énergétiques des pays étrangers?
M. Cloutier: Je constate à l'écouter que je me suis
mal exprimé.
Le Président (M. Laplante): Y aurait-il possibilité
d'être bref, s'il vous plaît, parce que le temps avance et qu'il y
a plusieurs membres qui désireraient poser des questions?
M. Cloutier: Je constate que je me suis mal exprimé. Le
problème de l'énergie est d'une envergure telle qu'il faudra que
tous les gouvernements impliqués réalisent une coordination. Il
ne s'agit pas de voir si, par exemple, le pipe-line passerait du
côté est ou ouest de la baie James ou si le Québec est dans
une situation politique telle ou telle. Les réalités
économiques vont rester, quel que soit l'avenir. Les besoins vont
rester. Les marchés vont rester. Les sources vont rester. C'est dans ce
sens que je pense qu'il est nécessaire d'entamer un examen de la
situation qui soit au-delà de la politique de
Lebel-sur-Quévillon, par exemple. L'intérêt du
Québec par rapport à un gazoduc est d'avoir un approvisionnement
gazier venant de l'Arctique au moindre coût à long terme. On
construit un pipe-line pour 30 ans, 50 ans et les retombées de deux ou
trois ans sur une municipalité quelconque sont et c'est mon avis
moins importantes que l'approvisionnement en énergie à
long terme du Québec.
Je pense qu'il faut situer le débatje reconnais que c'est
subjectif, mais je suis venu pour présenter notre position
à un niveau où on exclut des problèmes qui
amèneront des aménagements, des négociations et en rester
à l'essentiel, c'est-à-dire comment équilibrer la
fourniture d'énergie disponible dans les dix ans ou vingt ans à
venir avec les besoins que l'on peut prévoir et quels sont les
mécanismes à mettre en oeuvre de façon à faire cela
le plus efficacement possible.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. Cloutier, lorsque vous parlez d'accroître la
part du gaz naturel, SOQUIP re- commande l'acquisition du contrôle des
entreprises de distribution gazière au Québec. Cela irait-il
même jusqu'à nationaliser ces entreprises, premièrement?
Deuxièmement, si oui, lesquelles? Et je dirais même,
troisièmement, dans quel délai?
M. Cloutier: Je crois avoir mentionné par la voie de
négociation commerciale normale.
M. Goulet: Si l'éventualité se produit, mais si
elles ne veulent pas aller par les voies de négociation commerciale
normales, à ce moment, cela deviendrait de la nationalisation.
M. Cloutier: II faut commencer par envisager les voies de
négociation commerciale normales.
M. Goulet: Ma question est la suivante: Dans
l'éventualité où cela n'arriverait pas?
M. Cloutier: Vous me posez une question qui ne relève pas
de ma compétence. C'est une recommandation que je faisais.
M. Goulet: I! me semble que, dans votre recommandation, vous
auriez dû mettre un "deuxièmement". C'est simplement une
remarque.
M. Cloutier: Disons que je ne l'ai pas mis. M. Goulet:
Voilà.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Berthier.
M. Mercier: Toute votre thèse repose sur le fait qu'il y
aura rareté. On constate que l'énergie est une ressource
limitée qui le deviendra probablement de plus en plus. De plus en plus
de gens sont sensibilisés à cela. Votre thèse repose
réellement sur l'optique d'une poursuite des habitudes de vie actuelles,
avec certains accommodements. Vous avez fait certaines suggestions, mais, quand
même, cela demeure très limité.
D'autre part, vous situez un niveau de consommation élevé
de 70% à 50% de pétrole pour le Québec et, à partir
de tout cela, vous élaborez une stratégie d'approvisionnement,
compte tenu du fait qu'on a peu de ces ressources ici et qu'on est
dépendant de l'étranger et tout cela. Enfin, compte tenu de
l'urgence de ces problèmes et des difficultés que cela
occasionnera, on pourrait sans doute élaborer d'autres thèses qui
analyseraient peut-être un peu plus en profondeur nos habitudes de vie.
Par exemple, le fait de l'éloignement de plus en plus
considérable des gens qui fuient les grandes villes, qui vont
s'établir à l'extérieur, cet engorgement des principales
artères de communication dans les grandes villes qui sont une perte
d'énergie énorme. Bref, l'analyse de chacune de ces
données qui sont liées à nos habitudes de vie permettrait
sans doute d'en arriver à la possibilité de réduire
sensiblement encore cette dépendance du pétrole étranger.
Si, en bref, on pouvait avoir comme donnée qu'il est possible, modifiant
des changements majeurs dans nos ha-
bitudes de vie, d'arriver à une consommation de pétrole de
30% par rapport à l'ensemble, c'est toute la stratégie qui serait
influencée. A partir de cela, toute notre dépendance des
marchés étrangers, en modifiant peut-être un peu
l'emmagasinage, la proportion étant diminuée, la stratégie
serait tout à fait différente et les applications et les
investissements.
D'autre part, il y a une autre donnée, je pense, dont on ne fait
pas mention, mais qui commence à être une préoccupation de
plus en plus considérable dans les sociétés
industrialisées; c'est l'effet polluant de ces sources d'énergie.
Dans un sens, si on continue ce niveau de consommation d'énergie
polluante, tôt ou tard, ce sont des montants considérables qu'on
aura à dépenser, peut-être plus énormes encore, en
luttes à la pollution, à la qualité de l'environnement.
Bref, je me demandais si, au-delà de cette étude, vous avez
entrevu la possibilité, par des changements un peu plus profonds de nos
habitudes de vie, de diminuer sensiblement encore cette consommation de
pétrole. Tout l'ensemble, tout le problème se pose à
nouveau, mais dans un autre contexte, à mon avis, cette fois.
M. Cloutier: Je suis bien d'accord avec vous que le premier
élément est de moins gaspiller d'énergie. C'est dans ce
sens que je disais que les économies d'énergie que l'on pourra
faire sur l'énergie disponible présentement constituent une
réserve cachée, une réserve cachée sur laquelle on
peut tirer en un premier temps, sans avoir à augmenter le niveau global
de notre consommation d'énergie, mais autant pour toutes les formes
d'énergie. Mais, en somme, je dois vous dire que nos
préoccupations principales à SOQUIP ne sont pas de
réfléchir sur des stratégies à long terme de
l'énergie et que le document que je vous ai présenté ne
trace que des orientations, des grandes lignes et qu'il n'appartient pas
à SOQUIP d'étudier en détail les modalités que vous
soulevez.
M. Joron: M. le Président, avant de poser une autre
question à M. Cloutier, je voudrais peut-être prendre une minute
pour répondre à une question du député de
Mont-Royal. Le député de Mont-Royal a pris un bon bout de temps
pour poser la question des approvisionnements éventuels en gaz au
Québec, en mettant ce problème en relation avec l'éventuel
statut constitutionnel du Québec, à ce moment.
La réponse, heureusement, prend moins de temps que la question
parce qu'elle est, je pense, complètement divorcée des questions
d'ordre constitutionnel. On n'a qu'à jeter un coup d'oeil à la
géographie et on voit clairement que, quand on parle du gaz venant de
l'Arctique, d'une part, qu'il vienne par le côté est ou ouest de
la baie d'Hud-son, le premier marché touché, à ce moment,
c'est le marché du nord de l'Ontario et du Québec, par une
arrivée qui se branche sur un réseau déjà existant.
Un des coûts principaux dans la livraison du gaz, c'est d'installer les
canalisations nécessaires, les gazoducs. On ne peut pas vendre du gaz
à prix concurrentiel s'il faut le transporter pendant quinze mille
milles à travers un pipe-line, c'est évident. Alors, il y a une
limite que la géographie impose, jusqu'où le gaz peut être
vendable ou non. C'est déterminé aussi par les réseaux qui
existent déjà.
Or, je lui rappelle que le réseau Trans-Canada Pipe Lines existe
déjà et que le Québec, du moins la région de
Montréal tout au moins, est raccordé à ce réseau.
Si vous avez du gaz à l'avenir qui descend de l'Arctique, soit par un
côté ou par l'autre de la baie d'Hudson, c'est su: le Trans-Canada
Pipe Lines quelque part, soit dans le nord du Québec ou le nord de
l'Ontario, que le raccordement se fait. Alors, le client est au bout de la
ligne. Là, on parle d'arrivée de gaz dans les années 1982,
1983, 1985, quelque chose comme cela, entre 1980 et 1985. Si on pense à
celui qui arriverait autour de 1990 ou dans les années
subséquentes, venant des côtes du Labrador, la position
géopolitique, si vous voulez, du Québec, est encore plus
favorable parce que là on est en tête de ligne. On est le premier
client servi si on imagine un gazoduc le long de la vallée du
Saint-Laurent vers le centre industriel de l'Amérique. Le premier client
servi, à ce moment-là, c'est évidemment le Québec.
Notre situation géopolitique, à cet égard, est
extrêmement favorable et a peu à voir, finalement, avec un statut
constitutionnel.
Un autre élément qu'il est bon de se rappeler, qui est en
parallèle à tout cela, c'est qu'en même temps, dans les
années 1980, 1985, il ne faut pas oublier que le pipe-line de
pétrole... Là, on parle de diminuer l'importance relative du
pétrole dans notre bilan énergétique pour faire une plus
grande place au gaz, mais le pétrole, on ne pourra pas s'en dispenser
complètement. Evidemment, pour tout le réseau de transport,
l'essentiel de notre réseau de transport, du moins le transport
privé, les automobiles privées et le camionnage étant
fondés sur le pétrole, à moins de refaire, dans un
délai qui est impensable, toute notre structure de transport, ce qui
implique de refaire nos villes, enfin toute notre façon d'organiser,
d'aménager le territoire, on va rester dépendant du
pétrole pour un bon moment à venir. C'est vrai pour nous comme
c'est vrai pour le reste de l'Amérique et le reste du Canada
également. Je veux rappeler que quelque part entre 1980 et 1985 aussi,
le pipe-line Sarnia-Montréal doit servir en sens inverse. On
prévoit l'épuisement des réserves connues actuellement de
l'Alberta, ce qui va rendre l'Ontario en partie dépendante de
pétrole importé "off shore", comme on dit, soit du
Vénézuéla ou du Moyen-Orient. A ce moment-là, ce
pétrole débarque à Montréal, plus haut,
peut-être, par un raccordement, mais il part de Montréal vers
Toronto. L'un contrôle un robinet, un autre en contrôle unautre. La
position de marchandage du Québec, dans ce domaine, m'apparaît
excellente.
Il y a une question que je voudrais poser à M. Cloutier. Une de
ses recommandations c'est la participation de SOQUIP dans le domaine du
raffinage des produits pétroliers et de la distribution des produits
pétroliers, ce qu'on appelle le secteur témoin dont on parle
depuis maintenant plus de dix ans au Québec. Evidemment, la question
se
posait sous un tout autre jour avant 1973. Avant 1973, on n'arrivait pas
à savoir très clairement pour ce qui est des compagnies
multinationales, à cause de leur intégration à partir de
la source même au Moyen-Orient via les réseaux de transport
qu'elles contrôlaient elles-mêmes, via le raffinage pour en venir
ensuite jusqu'à la distribution, où se situait le profit dans
toutes ces opérations et s'il était possible que les
consommateurs québécois aient été
pénalisés par ce qu'on a appelé les profits "off shore".
C'était un des raisonnements de base derrière l'idée du
secteur témoin, en plus, évidemment, de l'à-propos d'une
participation domestique à cette industrie.
Evidemment, depuis que les sources à la production même ne
sont plus contrôlées règle générale,
elles le sont de moins en moins pour ce qui reste par les multinationales dans
les pays producteurs eux-mêmes, la plupart des pays producteurs ayant
nationalisé les puits eux-mêmes l'approvisionnement, le
souci d'approvisionnement ou le rôle des multinationales dans
l'approvisionnement des marchés est passablement différent de ce
qu'il pouvait être avant 1973.
Ma question est la suivante: Sous ce nouvel éclairage et
d'autant plus que si on suivait vos recommandations et qu'on s'orientait
davantage vers le gaz cela équivaudrait, à toutes fins pratiques,
à ralentir considérablement, non seulement ralentir l'expansion
de l'industrie pétrolière au Québec, mais même
à la freiner dans ce cadre, comment voyez-vous aujourd'hui le
secteur de SOQUIP, secteur témoin dans le domaine pétrolier? Vous
avancez un argument. SOQUIP devrait, à cet égard, jouer un
rôle d'outil d'approvisionnement. Ce que je veux vous demander, en
résumé, c'est comment SOQUIP pourrait, si sa taille était
élargie pour inclure le raffinage et la distribution, mieux assurer ce
rôle d'approvisionnement que ne le pourraient les compagnies
multinationales.
M. Cloutier: Voyons. Devant un problème quel qu'il soit,
il me semble raisonnable d'envisager les moyens d'atténuer le
problème auquel on peut faire face en commençant d'abord par les
moyens les moins coûteux et les plus faciles. C'est dans ce
sens-là d'ailleurs qu'en ce qui concerne le prix du gaz naturel, au
point de vue de la compétitivité, je recommandais de commencer
par enlever la taxe de 8%, qui est une chose que l'on peut faire sans avoir des
négociations avec des agents extérieurs.
Devant l'ensemble du problème de l'énergie tel que je vous
le présente, on peut d'abord commencer à gaspiller moins, ensuite
voir les moyens vers lesquels on peut se tourner qui, dans une analyse
coûts-bénéfices, peuvent réduire
l'insécurité à laquelle on prévoit faire face.
C'est dans cet ordre-là que dans notre mémoire on a
présenté une série de stratégies spécifiques
pour faire face aux problèmes que l'on peut prévoir. Il n'en
reste pas moins qu'ayant épuisé ces moyens d'action et admettant
que les stratégies soient adoptées, appliquées et qu'elles
aient un certain succès, le Québec restera tributaire de
pétrole importé des marchés internationaux. C'est
là le fond du pro- blème, problème d'ailleurs qu'il
convient de faire étudier en profondeur et publiquement, de façon
qu'il s'établisse une prise de conscience, non pas chez quelques
individus, mais dans la population en général. Il n'en restera
pas moins que le Québec restera dépendant, pour une part
primordiale de ses besoins en énergie, de pétrole.
Il peut advenir, dans le pire des scénarios, bien sûr,
qu'effectivement la demande mondiale continue à croître, avec le
genre d'imprévisions qu'on a vues aux Etats-Unis; à preuve que
c'est possible, les problèmes qu'ils ont maintenant. Pourtant, ils ne
sont pas bêtes, mais ils ont une organisation qui les a
empêchés d'agir. Viendra le moment où on verra se
rapprocher la capacité de production des gisements et la demande. A ce
moment, on peut prévoir, en un premier temps, une flambée des
prix et au-delà d'une flambée des prix, devant une telle
concurrence comme on le voit déjà maintenant, l'intervention
croissante d'accords de gouvernement à gouvernement, des tentatives
d'harmonisation par l'Agence internationale de l'énergie, mais, devant
les besoins réels d'énergie-pétrole, une véritable
concurrence entre les divers régions et gouvernements pour la
répartition de l'énergie-pétrole disponible.
Dans ce cas, les compagnies multinationales qui, comme le soulignait le
ministre, ont, jusqu'à dernièrement, joui du contrôle des
décisions stratégiques en ce qui concerne les flux
d'approvisionnement pétrolier, les plans de développement de
telle ou telle région, mais qui ont, du fait des
événements que nous connaissons tous, graduellement perdu ce
pouvoir de décision stratégique au profit d'abord des pays
producteurs et, graduellement aussi, au profit des gouvernements des pays
importateurs. Ces compagnies multinationales qui, dans le passé,
pouvaient et étaient en mesure de nous assurer pleinement la
sécurité des approvisionnements ne sont pas, aujourd'hui,
placées dans cette même situation. Les événements et
ces transferts de pouvoir stratégique font que le rôle des
compagnies multinationales je dis, des compagnies multinationales, mais
aussi des grands indépendants qui sont presque des compagnies
multinationales tend à se transformer d'un rôle de pouvoir
de décision stratégique vers un rôle d'entrepreneur au
service des Etats, rôle essentiel d'ailleurs, parce que, au point de vue
de la compétence, de la capacité d'effectuer des
opérations, il ne saurait être question de remplacer l'appareil
gigantesque existant par d'autres organismes, mais la qualité de leur
rôle est modifiée. L'on peut penser que, tout en restant un
élément essentiel de l'organisation mondiale de
l'approvisionnement pétrolier, ces compagnies deviennent,
progressivement, comme je le mentionnais, pour ainsi dire, des entrepreneurs au
service de leurs clients Etats.
On peut penser aussi que, face à une situation de vive
concurrence entre Etats, les Etats qui pourront offrir à ces compagnies
les plus importantes contreparties, que ce soit sur le plan fiscal ou autre, et
où les Etats qui pourront exercer sur ces compagnies les plus vives
pressions seront,
comme il se doit, mieux servis que les clients Etats qui ont de moindres
contreparties et de plus faibles leviers à manier.
C'est dans ce sens que l'on pense, que l'on peut penser, que les Etats
qui sont les pays hôtes de compagnies internationales ou de grandes
compagnies pourront obtenir de leurs entrepreneurs compagnies des services plus
adéquats que des Etats qui n'ont pas ces avantages. Les Etats qui ont
dés compagnies nationales bien établies et puissantes seront
également mieux servis. C'est dans ce contexte et avec ce sens
précis que SOQUIP recommande que soit rouvert le dossier de
l'introduction de SOQUIP dans le domaine du raffinage, non pas comme un secteur
témoin, pour voir ce qui se passe ou mieux comprendre le secteur, mais
bien dans l'optique qu'il pourrait être utile au Québec d'avoir un
outil qui aurait comme priorité de desservir les besoins du
Québec, plutôt que les besoins d'autres pays qui pourraient
exercer de plus fortes pressions et offrir de plus grandes contreparties.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, dans mon introduction
à l'ouverture, je soulevais un certain nombre de questions par rapport
aux principes généraux qui devraient guider une politique
énergétique pour le Québec. Je soulevais la question de
l'autosuffisance. A l'exception d'une remarque que vous faites dans votre
rapport, dans votre mémoire, concernant
l'hydroélectricité, vous suggérez à l'Etat
québécois de mettre une partie de ses oeufs dans le
développement du gaz et aussi dans le pétrole en achetant des
distributions privées actuelles sur une base commerciale et
également en participant à la recherche dans les provinces
voisines, particulièrement en Alberta.
Quand on constate que le produit provincial brut actuellement est de
l'ordre d'à peu près $40 milliards et que la seule source
d'énergie véritablement autochtone que nous ayons est
l'électricité, si l'on suivait et si le Québec suivait la
suggestion que vous faites, il ne pourrait pas disposer, à mon sens, des
capitaux nécessaires pour accroître, dans son bilan
énergétique, la part qui pourrait être liée à
une source d'énergie qu'il contrôle, c'est-à-dire
l'hydroélectricité. On sait qu'il y a une limite là aussi
dans le développement de l'hydroélectricité en termes de
potentiel. Ce potentiel pourrait éventuellement satisfaire aux besoins
du Québec peut-être jusqu'aux années 1990 ou 1995, mais
cela va nécessiter des capitaux énormes. La question est de
savoir si le Québec ne devrait pas favoriser une partie plus grande de
son bilan énergétique dans des secteurs qu'il contrôle,
soit l'électricité, quitte à laisser le marché et
les autres intervenants agir dans les autres domaines
énergétiques, et ainsi pouvoir se placer dans une situation
où la découverte d'énergie nouvelle, qui sera
peut-être de l'énergie solaire, le vent ou d'autres
méthodes, pourra être mise au point et éviter ainsi
peut-être des investissements dans des sec- teurs
énergétiques qui deviendront peut-être désuets dans
vingt ans.
M. Cloutier: Oui.
M. Garneau: Pourquoi n'avez-vous pas voulu aborder ce
problème d'une façon plus directe?
M. Cloutier: Je suis d'accord avec vous qu'intellectuellement et
théoriquement, on devrait accorder une priorité à des
sources autochtones et renouvelables comme l'hydroélectricité. Le
mémoire que nous avons présenté recommande une
priorité raisonnable, c'est-à-dire une priorité qui serait
tempérée par l'ampleur des besoins financiers dont vous faites
état et qui résulterait de l'analyse
coûts-bénéfices en fonction de nos disponibilités
financières de la sécurisation si je peux faire un mauvais
mot de nos approvisionnements pétroliers, soit par la voie du
développement de l'hydroélectricité ou par des
investissements moins importants en termes de dollars par milliards de BTU
sécurisés dans le domaine du gaz.
Cette recommandation s'inscrit dans une prévision que l'on
pourrait qualifier de pessimiste, et, encore une fois, je répète
l'importance d'en faire l'analyse ouverte, publique et de la meilleure
façon possible, et si cette prévision devait être prise au
sérieux, agir en fonction de cette prévision maintenant ne
représente en somme que l'étalement des besoins de
trésorerie sur plusieurs années pour faire face au
problème. Advenant le cas où elle ne soit pas prise au
sérieux maintenant et que l'on reporte le problème en disant que
peut-être le Messie descendra sur terre et qu'on découvrira une
nouvelle source d'énergie révolutionnaire qui ne coûte rien
en dedans de trois ans, et que le problème va s'en aller tout seul, si
le Messie ne vient pas et si on ne découvre pas de nouvelles sources,
nous aurons, à ce moment, à faire face au problème dans sa
totalité et nous n'aurons pas le temps que nous avons devant nous
maintenant pour améliorer la situation dans laquelle nous serons
placés dans une dizaine d'années.
M. Garneau: Actuellement, le système de transport de gaz
pourrait satisfaire une croissance de quel ordre de grandeur dans le bilan
énergétique, si on le prend tel qu'il est là?
M. Cloutier: Dans le moment, les canalisations de Trans-Canada
Pipe Lines sont pleines. TransCanada est présentement en audience devant
l'Office national de l'énergie pour demander un accroissement de ses
disponibilités, mais un accroissement qui est négligeable par
rapport à l'orientation d'une pénétration sensible du gaz
naturel dans nos marchés, à juste titre d'ailleurs, parce que les
marchés ne se développent pas. Alors, n'ayant pas de
marché, la compagnie n'est pas justifiée à demander un
accroissement de sa capacité de transport. Si Ion réussit
à obtenir que le gaz naturel soit indexé à un prix
inférieur au prix des produits pétroliers, le marché se
dévelop-
pera, et, conséquence logique de l'occasion que cela
représenterait pour Trans-Canada Pipe Lines, celle-ci demandera
l'autorisation d'augmenter sa capacité de transport et pourra satisfaire
le marché.
M. Garneau: Développer un marché si vous n'avez pas
de gaz, évidemment, je comprends que c'est le chat qui court
après sa queue, mais...
M. Cloutier: C'est...
M. Garneau: ... même si vous étiez
propriétaire d'une compagnie de distribution de gaz demain matin,
comment pourriez-vous venir me voir... Vous savez, on a eu ensemble le
problème d'approvisionnement de SIDBEC pour ses usines Midrex. On en a
discuté assez longtemps. A un moment donné, vous aviez un
marché. On sait fort bien, vous et moi, et il y en a d'autres que le
savent, que, quand on pensait à une troisième usine Midrex, on se
bloquait sur la capacité de TransCanada Pipe Lines. Là, il y en
avait un, marché. Est-ce que ce n'est pas mettre la charrue un peu
devant les boeufs? Le fond du problème est d'abord au niveau politique;
en établissant, dans une politique énergétique
québécoise ou de l'Est du Canada, une augmentation du gaz, nous
avons là un problème de nature politique qui doit se discuter au
niveau des gouvernements et de l'Office canadien de l'énergie. En effet,
il y a un décalage tel entre le moment où vous décidez
d'accroître la capacité du pipe-line et le moment où le gaz
rentre dans les usines ici, au Québec, dans les parcs industriels, que
ie développement du marché m'ap15 paraîtrait
extrêmement difficile. On a assez parlé du gaz. Je voudrais
plutôt revenir à d'autres aspects.
M. Cloutier: J'aimerais répondre à cette
première partie de votre question. Vous présentez très
bien la nature du cercle vicieux. Par rapport au cercle vicieux dans le cas de
SIDBEC, on a, sinon cassé le cercle vicieux, réduit son
étreinte par le développement de gaz en Alberta qui, maintenant,
est livré à SIDBEC. Il en est de même dans le cas du cercle
vicieux que vous présentez entre la capacité de transport des
canalisations et le développement des marchés. Ce que nous
proposons, c'est que ce cercle vicieux doit être brisé au niveau
de la pénétration du gaz par les conditions de prix.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. Garneau: J'aurais eu une autre question.
Le Président (M. Laplante): C'est parce que ça fait
déjà trois, M. le député de Jean-Talon. Donnez une
petite chance aux autres.
M. Garneau: Non, mais ça dépend à quelle
heure vous arrêtez.
Le Président (M. Laplante): A 4 h 15, j'avais
l'idée, mais il y en a encore deux qui ont demandé la parole.
M. Marcoux: Le ministre Joron a introduit la question que je
voulais soulever surtout en référence à la lettre que vous
lui écriviez le 22 décembre 1976 où vous disiez que votre
principale préoccupation, c'était la sécurité des
approvisionnements. A ce moment-là, vous disiez: Les coordonnées,
les cartes sont changées. Maintenant, les pays producteurs sont
propriétaires de leurs ressources. De plus en plus, les pays
consommateurs deviennent propriétaires de leurs systèmes de
distribution et de transformation et, entre les deux, il y a les
multinationales; leur rôle est rétréci.
Vous avez répondu en partie ou vous avez essayé de
répondre à la question du ministre Joron en disant: Si le
gouvernement du Québec contrôlait ce secteur celui de la
mise en marché des produits pétroliers il serait mieux
placé pour négocier dans une éventuelle crise politique ou
une nouvelle crise d'approvisionnement du pétrole.
La question que je voulais poser précisément, c'est: En
quoi le fait que ce soit plutôt une compagnie d'Etat que des compagnies
privées qui nous approvisionne, change-t-il fondamentalement le rapport
de forces du Québec par rapport aux pays où, vous le dites, ces
multinationales ont leur maison mère et qui, en définitive,
auraient le gros bout du bâton ou de la carotte, comme vous le dites dans
votre lettre? C'est ma première question. Ma deuxième question,
qui est encore liée au secteur témoin: D'après les
informations que vous avez un des objectifs de votre
société, c'était d'être témoin est-ce
qu'il y a une véritable concurrence entre les compagnies multinationales
qui s'occupent du champ du pétrole? Compte tenu de cette réponse,
est-ce que ce serait un des arguments qui pourraient justifier l'existence de
votre société dans ce secteur?
M. Cloutier: D'abord, je dois dire que vous avez
dépassé ma pensée en interprétant mon intervention
comme un souhait du contrôle du secteur du raffinage et de la
distribution des produits pétroliers. Il ne s'agit pas du tout de
ça. Il s'agit que l'on ouvre le dossier pour en faire l'examen non pas
dans le sens seulement d'un secteur témoin, mais dans le sens de voir de
quelle façon SOQUIP pourrait être utile pour matérialiser
des accords possibles, de gouvernement à gouvernement, entre les pays
producteurs et le Québec.
En effet, si vous vous souvenez, en 1973, lorsque le ministre
fédéral de l'Energie, M. Macdonald est allé au Venezuela,
la presse a rapporté qu'il est revenu avec une expression de bonne
volonté de la part dez Vénézuéliens en ce qui
concerne les accords entre le Venezuela et le Canada. Mais M. Macdonald a
dû dire que les Vénézuéliens lui avaient
exprimé que de tels accords devaient se concrétiser par
l'intermédiaire de compagnies
d'Etat et que le Canada, à leur connaissance, n'en avait pas. Ce
à quoi le ministre Macdonald avait mentionné qu'il existait
SOQUIP mais que SOQUIP n'était pas active dans le secteur de
l'approvisionnement. Je crois que face à la réalité
d'aujourd'hui, quand on parle de ce dossier, il s'agit beaucoup plus du dossier
de l'approvisionnement pétrolier que du dossier du raffinage ou de la
distribution.
En ce qui concerne votre deuxième question sur les avantages
d'une compagnie d'Etat par rapport à une compagnie privée, je
n'en vois pas de spécifiques en ceci que si le Québec
était doté d'une compagnie dont les intérêts
étaient essentiellement reliés au Québec, comme pourraient
l'être d'autres Etats qui disposent d'outils ou d'agents
économiques capables de concrétiser les accords dont je vous
parle, ceci pourrait être entrepris par des intérêts
québécois privés.
Enfin, en ce qui concerne la concurrence entre les compagnies, j'ai
exposé qu'en sept ans, SOQUIP, malgré, au départ, des
préjugés idéologiques défavorables à
l'égard de compagnies d'Etat, avait su réaliser son
intégration dans le milieu de l'exploration et de la production. Je
crois que malgré des oppositions au départ, s'il est le choix de
l'actionnaire de SOQUIP que SOQUIP soit présente dans le secteur de
l'approvisionnement, les modalités de cohabitation et de
coopération et de fonctionnement dans le secteur de l'approvisionnement
sauront se développer et s'établir dans une bonne harmonie.
M. Marcoux: Actuellement, est-ce que la concurrence existe?
M. Cloutier: C'est une question qui est fort complexe et qui,
pour avoir une réponse détaillée doit faire intervenir
dans quelles circonstances et à quel niveau. Au niveau de la concurrence
entre les stations-service, c'est très évident qu'elle existe et
qu'elle est violente.
Au niveau de la mise en exploitation des gisements, il y a, bien
sûr, une concurrence, mais il y a aussi une coopération, une
collaboration, une espèce de fraternité qui est la même qui
fait qu'après sept ans, SOQUIP a pu s'associer, tout en étant
compagnie d'Etat, à une trentaine de compagnies privées, des
petites et des grandes, et fonctionner harmonieusement et de façon
efficace.
Alors, il faut définir ce que vous voulez dire par concurrence.
Cela veut-il dire agressivité et à quel niveau?
M. Marcoux: A partir des autres mémoires. Plusieurs autres
mémoires nous affirment qu'il faut conserver le système de mise
en marché actuel parce qu'il assure la concurrence, qu'il assure des
plus bas prix.
M. Cloutier: Je croyais avoir répondu à cette
question en précisant au départ qu'il ne s'agissait pas de
contrôle.
Le Président (M. Laplante): Le dernier intervenant, le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'avais une question
qui s'adressait à M. Cloutier, mais d'autres intervenants m'ont
déjà précédé, mais je me servirai de mon
droit de parole, M. le Président, avec votre permission, pour demander
au ministre de préciser sa pensée lorsque, tout à l'heure,
il a fait des commentaires sur l'intervention de mon collègue de
Mont-Royal.
Avons-nous bien compris que, selon lui, il est indifférent que le
pipe-line d'acheminement du gaz naturel, s'il doit y en avoir un
éventuellement en provenance des îles de l'Arctique, passe d'un
côté ou de l'autre de la baie James?
M. Joron: Non, je n'ai pas dit... Je ne me suis pas avancé
là-dedans. Non, ce n'est pas indifférent, évidemment, mais
à un égard, c'est relativement indifférent. C'est que,
qu'il arrive par un côté ou par l'autre, à un moment
donné, cela se rejoint sous la baie d'Hudson et les premiers
marchés desservis sont ceux du nord de l'Ontario et du Québec. Au
point de vue de l'arrivée, cela n'occasionne pas un transport plus long,
à toutes fins pratiques, dans un sens ou dans un autre. Je n'ai pas
voulu aborder la question. Evidemment, il y a des retombées
économiques autres qu'il faudra considérer. C'est sûr
qu'à bien d'autres égards il y a des avantages à ce que ce
soit du côté est plutôt que du côté ouest pour
le Québec.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie...
M. Brochu: M. le Président, un instant s'il vous
plaît. Je pense qu'on a quand même laissé passer un certain
nombre de questions. En ce qui nous concerne, on a posé une couple de
questions rapidement. J'aimerais, si vous me le permettez, étant
donné que tout le monde a pu s'exprimer quand même un peu,
peut-être avoir la possibilité de poser une dernière
question.
Le Président (M. Laplante): Ce que je ne voudrais pas,
c'est créer un préjudice vis-à-vis des quatre autres qui
avaient déjà demandé la parole avant vous. Si la
commission veut, à l'unanimité, accepter une question de plus de
votre part, je n'ai pas de... Allez-y pour une dernière question.
M. Brochu: J'aimerais aussi souligner en posant ma question
qu'après la lecture du mémoire et les remarques de M. Cloutier,
ce n'est pas être alarmiste, je pense, que de poser le problème
avec réalisme parce que, qu'on le veuille ou non, la
réalité est quand même ce qu'elle est. Cela ne la changera
pas que de ne pas vouloir la reconnaître. Je pense qu'il ne faudrait pas
non plus maintenir ou tomber encore, si vous voulez, dans une espèce de
fausse sécurité dans laquelle plusieurs pays sont maintenus
depuis plusieurs années en ce qui concerne l'énergie et les
ressources,
comme si c'était quelque chose d'inépuisable qui ne
finirait à peu près jamais.
Le problème qui s'est posé, je pense que vous le soulignez
assez pertinemment, c'est que la réalité à laquelle on a
à faire face, c'est une dépendance à un haut degré
vis-à-vis du pétrole actuellement, tant et aussi longtemps qu'il
n'y aura pas vraiment dans les faits des solutions d'appliquées
concrètement qui vont nous permettre de sortir de cette étreinte.
Je pense que l'étreinte que vous avez décrite et qu'on peut
percevoir est double. C'est-à-dire qu'il y a l'échéance
qui est une réalité, l'échéance des réserves
mondiales en ce qui concerne le pétrole. De l'autre côté,
il y a l'éventualité possible de l'utilisation par le bloc des
pays producteurs de la question du pétrole comme facteur d'action
politique sur le plan international. Ce qui pourrait, à un moment
donné, nous amener à devoir rechercher des solutions encore
à plus court terme que prévu dans les réserves en termes
d'années, avant dix ans ou avant quinze ans même. Si, par exemple,
cela devenait une arme politique dans l'échiquier international,
à ce moment, le Québec ou le Canada auraient à prendre des
positions définies ou chercher d'autres moyens très
rapidement.
Devant cette situation, j'aimerais demander: Est-ce que vous croyez
qu'on puisse, en se mettant à la tâche immédiatement,
installer les structures nécessaires à la consommation de gaz
naturel au Québec? Je comprends qu'il y ait des impondérables
dans cette question et je serais même tenté, si le temps me le
permettait, évidemment cela ne me le permet peut-être pas
de greffer à cela la question de Saint-Flavien, du potentiel
là-bas par rapport à notre consommation et au coût que cela
pourrait...
M. Cloutier: Je vais être très bref pour
répondre parce que je me rends compte que j'ai largement abusé du
temps de la commission et je prie les autres intervenants de m'en excuser. Mais
effectivement, j'espère qu'en prenant les positions que nous avons
adoptées, on n'a pas paru alarmistes. Je veux préciser qu'on n'a
fait que signaler la possibilité de problèmes très graves
à moins que n'interviennent des décisions qui ne sont pas
seulement les décisions du Québec tendant à approcher ce
que l'on peut prévoir être nos besoins, ce qu'on peut
prévoir être les disponibilités physiques de
l'énergie-pétrole.
Admettant au départ que le Québec ne peut faire
grand-chose sur le plan mondial, on a tracé certaines lignes
d'orientation qui pourraient alléger le problème au
Québec. Je pense que si les disponibilités financières
peuvent être trouvées, là, c'est avec un grand
réalisme que je dis: Si on peut consentir les sacrifices que cela
représente d'agir maintenant, si on agit maintenant on peut, je crois,
effectivement, se mettre dans une meilleure situation dans cinq, dix ou quinze
ans, peut-être.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Je vous
remercie de l'apport que vous avez voulu apporter à cette
commission.
M. Grégoire: M. le Président, si vous me permettez,
avant que l'on entende le prochain témoin, j'aurais une question
à poser au ministre.
Le Président (M. Laplante): Allez-y.
M. Grégoire: Etant donné la tournure des
explications qui nous ont été données, je voudrais
demander au ministre s'il existe, s'il possède un tableau, une
ventilation, de la consommation des différentes sources d'énergie
par secteurs et des études de possibilité de transformation des
énergies dans un tel secteur en une autre énergie. Par exemple,
quelle est la consommation d'huile pour le chauffage des maisons et la
possibilité que ce soit transformé en chauffage électrique
et quelle consommation d'énergie électrique cela prendrait?
Est-ce que cela existe dans tous les secteurs de consommation?
Et la deuxième partie de ma question, c'est encore un
renseignement qui pourrait nous être fourni et qui nous aiderait. On a
dit tout à l'heure qu'à moins que le Messie nous apporte, d'ici
deux ou trois ans, une source d'énergie qui ne nous coûterait
rien, je voudrais demander au ministre si son ministère se tient au
courant des recherches qui peuvent se faire à l'heure actuelle, que ce
soit aux Etats-Unis, en Europe, au Canada, ou ailleurs, qui permettraient des
développements nouveaux et radicaux dans le domaine de l'énergie,
à moyenne échéance. Est-ce qu'on pourrait être mis
au courant de ces recherches?
M. Joron: Pour répondre très brièvement
à la première partie de la question... en somme, vous voulez
savoir quelle est la répartition du bilan énergétique au
Québec, à l'heure actuelle.
Si on regarde l'utilisation finale de l'énergie consommée,
en gros, c'est 70% en pétrole, 22% en électricité, 5% ou
6% en gaz naturel et le solde en charbon et autres. C'est le partage
actuel.
M. Grégoire: Ce n'est pas dans ce sens. Si on
dépense 70% d'énergie en pétrole, quelle part de ce
pétrole, de ce gaz ou de cette huile va au chauffage des maisons, quelle
part va pour les automobiles, pour savoir dans quel secteur cela peut
être transformé?
M. Garneau: M. le Président, tout à l'heure le
député de Mégantic...
M. Grégoire: De Frontenac.
M. Garneau: ... de Frontenac, cela a changé de nom, de
lire le mémoire de l'Hydro-Québeç et il va avoir toutes
ces réponses-là.
M. Grégoire: Je ne crois pas qu'il contienne toute cette
ventilation.
M. Garneau: C'est dans le mémoire de
l'Hydro-Québec.
M. Joron: On en trouve, effectivement, une très grande
partie dans les rapports. Ce serait
peut-être long de rentrer dans ces... Je n'ai pas d'objection
à y répondre, c'est parce qu'on prend peut-être le temps
de...
M. Garneau: Dans le mémoire de l'Hydro-Québec on le
donne, mais c'est par groupes.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, j'appelle la
Compagnie pétrolière Impériale, M. Roger Hamel.
Compagnie pétrolière
Impériale
M. Hamel (Roger): M. le Président, si vous le permettez,
je vais me présenter ainsi que ceux qui m'accompagnent. Je suis Roger
Hamel, directeur de la Compagnie pétrolière Impériale au
Québec, je suis aussi président de la Compagnie des produits
pétroliers Champlain Ltée et administrateur d'autres filiales de
la compagnie au Québec. Je suis accompagné, aujourd'hui, à
mon extrême gauche, par MM. Paul Donato, directeur de notre raffinerie
à Montréal-Est; Jacques Lefebvre, directeur du transport et de la
distribution pour la compagnie au Québec et R. Sperano, directeur des
ventes à l'automobiliste.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
je n'ai pas l'intention de lire aujourd'hui notre mémoire dont le texte
d'ailleurs a été soumis à cette commission fl y a
déjà une semaine, tel que requis. Je vais me limiter à
vous résumer les faits saillants de notre document et à souligner
à cette commission les recommandations que nous jugeons les plus
importantes. Je me ferai un plaisir de tenter de répondre aux questions
que vous aurez peut-être l'intention de me poser à la fin de cet
énoncé.
La Compagnie pétrolière Impériale, en
réponse à l'invitation du ministère des Richesses
naturelles, est heureuse de présenter un mémoire à
l'occasion de cette séance spéciale de la commission permanente
des richesses naturelles et des terres et forêts.
Notre compagnie y voit l'occasion de faire le point sur plusieurs
aspects du dossier énergétique et, plus particulièrement,
sur la question capitale du pétrole. L'importance de l'énergie
n'a que tout récemment frappé l'attention du grand public. La
guerre du Yom Kippour en 1973 et l'embargo arabe qui suivit mirent en relief la
dépendance de notre bien-être, de notre mode de vie et,
finalement, de tout notre système économique sur
l'énergie.
Si, dans le monde entier, le réveil fut brutal, pour nous,
Québécois, il le fut d'autant plus en raison de notre climat
très rude.
Il existe diverses sources d'énergie: pétrole, gaz
naturel, charbon, énergie nucléaire et énergie
hydroélectrique, domaine où le Québec est un leader
mondial. Aussi, des sources expérimentales d'énergie, telles
l'énergie solaire, la force marémotrice, l'énergie
éolienne et l'énergie géothermique, contribueront
peut-être un jour à notre bilan énergétique.
Toutefois, depuis plusieurs décennies, le pétrole s'est
imposé comme la force d'énergie prédominante. À
cause de ses quantités disponibles, de son bas prix et de sa grande
adaptabilité, le pétrole compte pour 53% de la consommation
mondiale de l'énergie. Au Québec ce chiffre est de 51%, toujours
sur une base d'intrant, comme l'explique notre mémoire. Au niveau de la
consommation le pétrole fournit 70% de nos besoins
énergétiques.
Il faut, cependant, noter un fait primordial. Le Québec ne
dispose d'aucune source de pétrole connue qui puisse être
exploitée économiquement. LeQuébec dépend donc
totalement de l'extérieur pour s'approvisionner. Il en va de même
pour le gaz naturel.
Dans notre mémoire, nous dressons le bilan
énergétique québécois et traitons de l'importance
des hydrocarbures, à la fois sous forme de pétrole brut et de
gaz. Mais, avant d'entrer dans le vif de nos propos, nous voudrions rappeler
brièvement la place de notre compagnie dans ce contexte et dans celui de
l'économie québécoise en général.
L'Impériale, qui. oeuvre ici depuis près d'un
siècle, est un important fournisseur d'énergie et de services
connexes dans toutes les régions du pays. Notre raffinerie de
Montréal-Est, une des plus modernes, a une capacité de plus de
100 000 barils par jour, soit environ le sixième de toute la
capacité de raffinage au Québec.
L'Impériale compte un réseau de 1000 débits
d'essence pour approvisionner l'automobiliste québécois et une
centaine d'agents qui assurent la livraison d'huile de chauffage à ses
quelque 135 000 clients.
Au cours des cinq dernières années, elle a investi plus de
$112 millions dans l'expansion et la modernisation de ses installations au
Québec. Pour alimenter sa raffinerie et distribuer ses produits elle
s'appuie, de plus, sur un réseau moderne de pipe-lines et sur une flotte
imposante de navires, de wagons et de camions citernes. Son matériel
brut et ses produits finis sont entreposés à la raffinerie de
Montréal-Est et dans sept dépôts marins sur les rives du
Saint-Laurent et du Saguenay. Elle utilise, de plus, une centaine de
dépôts secondaires stratégiquement répartis sur tout
le territoire.
La Compagnie pétrolière impériale et ses filiales
québécoises emploient, directement, 2700 personnes auxquelles il
faut ajouter tous ses détaillants, agents et leurs employés. La
direction québécoise de notre compagnie témoigne
clairement de son intégration à la réalité
québécoise, ce dont nous sommes fiers.
Le mémoire que nous présentons aborde les quatre sujets
suivants. Premièrement, les besoins énergétiques du
Québec; deuxièmement, les sources d'hydrocarbures pour le
Québec; troisièmement, l'économie de marché et les
intérêts des consommateurs québécois;
quatrièmement, la protection de l'environnement dans l'industrie
pétrolière.
Permettez-moi de reprendre ces points un à un. D'abord, les
besoins énergétiques du Québec. Pour répondre
à ces besoins, le Québec a traditionnellement compté sur
diverses sources d'énergie constituées principalement
d'énergie hydroélectrique et interne et de pétrole
importé.
En permettant à diverses formes d'énergie d'entrer en
concurrence les unes avec les autres, le Québec a été bien
servi, tant en termes de coût que de continuité de
l'approvisionnement.
Au cours des 20 dernières années, les besoins
énergétiques du Québec se sont accrus de 4,5% par
année et la croissance économique du Québec a connu a peu
près le même rythme. De 1965 à 1973, la demande
énergétique s'est accrue, en moyenne, de 4,8% par année,
légèrement au-dessus de la croissance économique qui s'est
située à 4,3% par année.
L'étroite relation entre la croissance économique et la
demande énergétique a été un trait
caractéristique de l'ensemble du monde occidental. Malgré une
légère progression du gaz en 1975, le pétrole demeure
toujours notre principale source d'énergie, représentant 50% de
l'énergie consommée, toujours sur une base d'intrants. Au niveau
de la consommation, évidemment, c'est 70% de la consommation totale
d'énergie. Peut-être, ici, devrais-je ouvrir une
parenthèse. La définition est dans le texte que nous vous avons
soumis, mais sur une base d'intrants; ce que nous avons fait, pour tracer le
bilan énergétique, c'est convertir toutes les sources en
unités comparables, pour nous, le baril de pétrole. Ce qu'on a
fait pour amener sur le même niveau l'électricité, par
exemple, nous avons décidé du montant de pétrole
nécessaire pour produire le même montant
d'électricité qui est produit maintenant par Manic, par Bersimis,
etc. C'est cela que je veux dire, sur une base d'intrants, le montant de
pétrole qui serait nécessaire pour produire
l'électricité qui est maintenant produite par des sources
hydrauliques.
L'électricité vient au second rang, avec une part de 44%
sur une base d'intrants. La pénétration du gaz naturel a
été modérée, surtout à cause de son
incapacité d'entrer en compétition de façon vigoureuse
avec l'énergie hydroélectrique et le pétrole
importé.
Au cours des 20 dernières années, la croissance de
l'hydroélectricité s'est située à une moyenne de
5,4% et celle du pétrole, de 5,7% par année. Le Québec a
dû recourir à des importations de combustible fossile afin de
répondre à ses besoins énergétiques; les
importations venant d'ailleurs au Canada ou de l'étranger
représentaient, en 1975, 65% de nos besoins énergétiques.
En comparaison, ce même chiffre, pour l'Ontario, s'établit
à 80%. Le Québec a la chance de tirer une contribution importante
de ses propres ressources hydroélectriques. Environ 80% de nos besoins
en énergie électrique sont produits à l'intérieur
de nos frontières.
A l'avenir, nous croyons que la croissance de la demande
énergétique au Québec sera inférieure à ce
qu'elle a été depuis quelques années, en raison des plus
faibles taux de croissance économique ainsi que des réactions
à l'élévation des prix et à la conservation.
Toutefois, avec une croissance économique de 4% par an, une
croissance annuelle de 3% à 4% de la demande énergétique
constituera un niveau raisonnable jusqu'en 1990. Ces projections tiennent
compte de la croissance démographique et économique, des prix
énergétiques et des réactions au programme
d'amélioration du rendement énergétique.
Pendant au moins les 20 prochaines années, le Québec devra
faire grandement appel au pétrole comme une des principales sources
d'énergie. L'Imperial ne croit pas que les énergies
éolienne et solaire puissent être suffisamment
développées pour jouer un rôle important dans
l'approvisionnement énergétique avant cette époque. Et le
prix de l'électricité tiré de l'énergie hydraulique
et nucléaire sera probablement fixé de telle sorte à
accroître sa part du marché.
J'en viens maintenant aux sources d'hydrocarbure pour le Québec.
Les hydrocarbures étrangers, le pétrole et le gaz naturel
canadiens forment les trois principales sources d'hydrocarbures pour le
Québec. Il s'agit là de trois choix possibles pour la
satisfaction de nos besoins énergétiques. Il importe de permettre
leur libre concurrence sur le marché afin d'obtenir l'approvisionnement
énergétique le plus économique ainsi que la
continuité nécessaire de l'approvisionnement.
La perspective d'approvisionnement du Québec en hydrocarbures
doit être évaluée en fonction de la situation future de
l'énergie à l'échelle mondiale. Or, celle-ci laisse
prévoir une rareté d'approvisionnement, un maintien et un
accroissement de la dépendance envers l'OPEP ainsi que des prix à
la hausse. Quant aux approvisionnements en pétrole brut canadien, ils
pourraient bien, d'ici le début des années quatre-vingt, ne plus
suppléer au pétrole importé au Québec.
Cependant, grâce à l'application d'une mise en valeur
accélérée, de nouvelles usines de sables bitumineux et des
approvisionnements venant des régions éloignées
pourraient, à la longue, rétablir cette source
d'approvisionnement. Une exploration et une mise en valeur de pointe de la part
du secteur privé ne pourront se réaliser que si les politiques
gouvernementales sont de nature à appuyer les efforts de l'industrie et
que si elles sont prises au moment voulu.
Aussi, rien ne prouve que la population du Québec serait mieux
servie par l'engagement direct du gouvernement dans l'exploration et la
production du pétrole ou dans l'achat du pétrole importé.
En ce qui a trait aux approvisionnements en gaz naturel, il semble que ceux en
provenance de la région de la mer de Beaufort puissent être
disponibles au début des années quatre-vingt. Ces
approvisionnements contribueront à répondre aux besoins
énergétiques du Québec. Le projet de pipe-line de la
Canadian Arctic Gas, du point de vue de l'Impériale, constitue le moyen
le plus rapide et le plus efficace de transporter le gaz de la région de
la mer de Beaufort jusqu'à nos marchés.
M. le Président, notre mémoire traite en troisième
lieu de l'économie de marché et des intérêts des
consommateurs québécois. L'industrie des produits
pétroliers englobe, d'une part, l'importation de brut et son raffinage
en produits pétroliers finis tels que l'essence, l'huile de chauffage et
les
lubrifiants, et, d'autre part, la distribution de ces produits, leur
mise en marché et d'autres activités connexes.
Cette industrie a toujours regroupé un très grand nombre
de participants. Ainsi, sept raffineries font affaires au Québec,
mettent en vente leurs produits avec leur propre marque de commerce et les
vendent aussi à un important et dynamique secteur de revendeurs
composé d'une douzaine de grandes compagnies et de plus de 500
exploitants indépendants de moindre importance. L'industrie
pétrolière n'est donc monolithique ni du point de vue des
fournisseurs, ni de celui des consommateurs.
La concurrence réelle qui prévaut dans l'industrie
pétrolière du Québec nous suggère qu'il n'est ni
nécessaire, ni dans le meilleur intérêt des consommateurs
de renforcer les contrôles gouvernementaux sur ces activités.
Les contrôles fédéraux du prix des produits
pétroliers furent décrétés en septembre 1973, en
raison de la montée en flèche du prix du brut importé et
canadien. Les indicateurs fédéraux ont permis aux consommateurs
de constater que toute augmentation des prix de gros se justifiait par une
hausse des coûts. Il importe cependant de souligner que, depuis
l'établissement des indicateurs, l'Impériale n'a jamais pu
augmenter ses prix jusqu'au niveau permis, à cause de ja concurrence qui
règne sur le marché.
Finalement, notre mémoire traite de la protection de
l'environnement dans l'industrie pétrolière. A ce chapitre,
reconnaissons que celle-ci a été et demeure un objectif
primordial et une préoccupation constante des gouvernements, de
l'industrie et du public.
Il existe des dangers pour l'environnement et pour la santé des
citoyens, à toutes les phases de l'approvisionnement en énergie
pétrolière, depuis la réception du pétrole brut et
les opérations de raffinage, jusqu'à la distribution des produits
pétroliers et à leur utilisation.
Depuis seize ans, les compagnies qui font partie de l'Association
industrielle Laval, située à Montréal-Est, et incluant
tous les raffineurs qui s'y trouvent, ont dépensé plus de $55
millions pour prévenir et réduire la pollution de l'air et de
l'eau. Au cours de cette période, le volume de production a presque
doublé, alors que le niveau absolu de la pollution a diminué.
Les deux principales sources de pollution de l'eau, les
déversements de pétrole et les eaux de rejet des raffineries ont
été efficacement combattues. L'Impériale et l'industrie
pétrolière ont aussi orienté leurs efforts vers la lutte
contre la pollution de l'air, tant contre les émanations des raffineries
que contre celles des automobiles. La protection de l'environnement agit
fortement sur le coût des opérations des raffineurs du
Québec, qui doivent affronter la concurrence des fournisseurs du monde
entier, en plus d'un excédent de capacité de raffinage dans
l'ensemble de l'Est du Canada. C'est pourquoi les objectifs de la lutte
antipollution doivent représenter un sain équilibre entre les
frais en jeu et les avantages. Quoi qu'il en soit, l'Impériale
poursuivra ses efforts dans ce domaine en collaboration avec le gouvernement du
Québec et les municipalités concernées.
M. le Président, vous me permettrez maintenant de reprendre les
six recommandations contenues dans notre mémoire.
Premièrement, le Québec devrait continuer à
recourir à un ensemble de sources énergétiques diverses en
concurrence les unes avec les autres sur le marché
québécois pour obtenir l'énergie au meilleur prix et
conserver la flexibilité nécessaire à la
sécurité des approvisionnements.
Deuxièmement, le Québec devrait appuyer les politiques qui
favorisent une vigoureuse mise en valeur des approvisionnements canadiens en
pétrole et en gaz qui sont économiquement exploitables aux prix
mondiaux afin de conserver au pétrole canadien la possibilité
d'entrer en concurrence sur le marché québécois.
Troisièmement, le Québec devrait s'assurer d'un climat
d'investissements qui porte le secteur privé à présenter
des propositions de projets visant à répondre aux besoins
énergétiques nouveaux de l'avenir.
Quatrièmement, le Québec devrait développer toutes
les possibilités économiques d'améliorer le rendement de
l'utilisation de l'énergie.
Cinquièmement, avec un minimum de règlements, le
Québec devrait permettre au commerce des produits pétroliers de
continuer, par l'intermédiaire de la concurrence, à remplir les
besoins des consommateurs en services, en qualité et en permanence des
approvisionnements.
Finalement, le Québec devrait continuer de travailler avec
l'industrie pétrolière à résoudre les
problèmes écologiques tout en maintenant un équilibre
entre ce qu'il faut payer pour répondre aux normes et les avantages
qu'en tirent les Québécois.
La Compagnie pétrolière Impériale espère que
les opinions exprimées dans son mémoire aideront à
formuler la politique énergétique qui convient le mieux aux
intérêts des Québécois. M. le Président, MM.
les commissaires, je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: M. Hamel, je voudrais vous demander quelque chose. Vous
nous avez succinctement exposé d'une part les activités de
l'Impériale au Québec, et tout en soulignant dans vos
recommandations, entre autres, qu'à l'avenir, on devrait viser à
s'appuyer sur des sources diverses d'énergie. Vous ne nous avez pas
indiqué précisément quel partage vous voyez entre ces
sources, quelles sont les sources qui seront en expansion, quelles seront
celles qui seront en diminution relative et à quel coût. Vous
évoquez la nécessité de mise en valeur d'autres sources
canadiennes d'approvisionnements et on pense principalement aux sables
bitumineux de l'Athabaska. Finalement, le pétrole qui pourrait en
être tiré et qui pourrait compenser l'épuisement des
sources traditionnel-
les albertaines, par exemple. Il y a un coût à ça.
Cela dépend à quel prix?
En d'autres mots, la question que le Québec doit se poser, c'est
est-ce qu'il faut investir là-dedans? Il faudrait avoir une idée
à quel coût on va sortir un baril de pétrole de là
pour pouvoir juger s'il ne vaudrait pas mieux développer
l'électricité ou je ne sais trop quoi. Pour être en mesure
de faire un choix, il faudrait avoir des coûts comparatifs.
Vous évoquez, comme M. Cloutier avant vous, une
raréfaction des sources d'approvisionnement traditionnelles, mais vous
apportez la possibilité de voir ces sources traditionnelles
remplacées par de nouvelles sources. Moi-même, ce qui me
préoccupe le plus à cet égard, ça, je veux bien,
mais à quel prix? Si c'est à trois ou quatre fois le prix du
pétrole tel qu'on le connaît aujourd'hui, la question se pose
évidemment autrement.
M. Hamel: Comme vous le savez, l'industrie du pétrole est
bien connue pour avoir, dans le passé, fait bien des estimations, et ces
estimations étaient très précises. Je pense qu'on peut
dire, sans se faire contredire, qu'on s'est fait brûler les doigts assez
souvent en faisant' des prédictions du genre. Mais on a un tableau; dans
la section numéro 3, le tableau numéro 3, nous avons
montré graphiquement des estimations. Dans la section gaz naturel, vous
voyez qu'il y a deux parties à ce tableau...
M. Garneau: Quand vous parlez de la section numéro 3, elle
porte quel titre sur le...
M. Hamel: Le titre, c'est: Les besoins énergétiques
du Québec. Chaque page est numérotée en chiffres romains
suivis de chiffres arabes. Je pense que c'est raisonnable que, quand on parle
de pétrole, on se serve de chiffres arabes.
M. Garneau: Cela dépend du prix.
M. Hamel: Je viens seulement d'y penser, oui. Dans ce tableau
111-3, on indique le partage estimé dans le futur, parce que je pense
que la meilleure façon de répondre à votre question, c'est
qu'à notre point de vue, le Québec doit se doter de sources
d'approvisionnement qui soient le premier critère
économiquement rentables. Si on arrivait à un point où les
importations de pétrole du golfe Persique, par exemple, restaient
économiquement rentables à long terme, je pense qu'on devrait
rester avec ces sources.
Mais ce qu'on dit, nous, dans notre mémoire je pense qu'on
essaie de le dire assez clairement c'est que le Québec doit avoir
toutes les options possibles. On a prévu, dans cette partie du
mémoire, les différentes possibilités. On a prévu
les années 1975 jusqu'à 1990, qui est l'horizon dans notre
mémoire, la part, par exemple, de l'hydroélectricité, qui
s'accroît de 23% en 1980, à 24% en 1990. Maintenant, c'est la part
d'une consommation qui est beaucoup plus accrue. On parle, par exemple, en
1980, de 118 milliards de kilowatts-heures. Cela s'accroît, en 1990,
à 180 milliards de kilowatts-heures. Ce n'est pas indiqué sur le
tableau, parce que nous, étant des pétroliers, on a tout converti
ça en barils de pétrole, sur une base d'intrants. A
l'échelle de la consommation, au niveau du consommateur, on voit une
augmentation d'à peu près presque 80% dans la consommation de
l'électricité au Québec, que ce soit
hydroélectricité ou nucléaire ou par l'entremise de
centrales thermiques.
La part du gaz, dans la section des sources d'hydrocarbures, est bien
difficile à déterminer en ce moment. Tout va dépendre du
prix des sources alternatives d'énergie à ce moment-là.
Comme consommateurs québécois, je ne voudrais pas qu'on ait une
politique d'énergie qui préconise le développement d'un
réseau de gaz naturel qui ne soit pas concurrentiel avec le
pétrole importé, par exemple. Je pense qu'on serait
pénalisé par rapport aux autres provinces qui pourraient importer
du pétrole, disons, à ce moment-là, à $15 ou $16 le
baril si le coût équivalent du gaz naturel rendu au Québec
est de $17 ou $18.
C'est à ce moment qu'on devra déterminer... Nous croyons
que le gaz découvert dans le delta du Mackenzie pourra se rendre
jusqu'au marché québécois, mais cette question n'est pas
encore clairement définie.
Comme vous le savez, il y a une enquête à ce moment par
l'Office national de l'énergie qui est en train d'examiner la
rentabilité économique du gaz naturel rendu dans les
différents marchés canadiens.
C'est pour cela que nous disons qu'une politique
énergétique québécoise doit permettre à
l'avenir toutes les options possibles.
M. Joron: M. le Président, j'aurais une question
supplémentaire.
M. Garneau: M. Hamel devrait répondre à la
première.
M. Joron: Pardon?
M. Garneau: J'aurais aimé, M. Hamel, que vous
répondiez à la première, peut-être, d'une
façon un peu plus précise, si vous en étiez capable. J'ai
saisi dans, les propos du ministre qu'il vous demandait à quel prix le
baril de pétrole d'Atha-baska pouvait être escompté. Je
comprends que c'est difficile...
M. Hamel: Le prix du baril de pétrole de l'Athabaska?
Comme vous le savez, notre compagnie a un tiers du projet Syncrude qui est
maintenant en développement et qui sera en production en 1979. A ce
moment-là nous espérons que le prix du pétrole au Canada
sera arrivé au prix mondial, disons $15 le baril. Ce projet est
économiquement rentable à ces niveaux.
Cela répond-il, à votre question? Tout en reconnaissant
que le producteur de pétrole dans l'Ouest canadien ne reçoit
qu'environ 25%, entre 20% et 25% de chaque dollar dans le prix du
pé-
trole. Le reste, soit 75% à 80%, va aux gouvernements, soit
provinciaux ou fédéral.
M. Joron: Ce que vous répondez, en fait, donne le prix de
ce qui va sortir de Syncrude comme tel, mais la mise en exploitation de
l'ensemble du potentiel des sables bitumineux impliquerait des investissements
gigantesques qui modifieraient considérablement le coût. Nous
parlons de 125 000 barils par jour, Syncrude? C'est à peu près
cela. Bon.
M. Hamel: Pour un investissement d'environ $2 milliards, plus les
investissements du provincial pour les pipe-lines, le développement de
la municipalité, etc.
M. Joron: 125 000 barils par jour, c'est déjà bien
petit, eu égard aux besoins de l'avenir, ne serait-ce que ceux du
Québec, sans parler de ceux de l'ensemble du Canada. Mais ce qu'on
cherchait à voir, c'est, s'il fallait produire, je ne sais pas, 1
million de barils par jour des sables bitumineux, à quel prix cela
serait pour sortir 1 million de barils par jour de là.
M. Hamel: Comme je viens de vous le dire, le projet est rentable
pour les compagnies et les gouvernements qui sont partenaires dans le projet en
ce moment il y a trois compagnies et trois gouvernements mais
ceci est mis en doute par d'autres compagnies. Une question de
rentabilité, c'est une question de jugement. Si on emprunte de l'argent
à 11% et qu'on fait du 10%, il y a certaines compagnies qui ne trouvent
pas que c'est tellement rentable et je pense qu'on pourrait débattre ce
point.
Le projet est rentable, mais les questions du partage des revenus du
pétrole ne sont pas finalement décidées encore au niveau
canadien et au niveau des provinces de l'Ouest. Je crois que c'est plutôt
cela que d'autres questions qui empêche d'autres compagnies de
s'embarquer dans des projets de développement des sables bitumineux.
Nous savons qu'il y a des réserves énormes qui sont presque le
double de toutes les réserves de pétrole classique
trouvées au monde. Nous savons aussi qu'il y a probablement 10% de ces
réserves qui pourraient se produire par une technologie connue. Nous
savons que probablement aux deux tiers du prix...
Je vais revenir sur cela. Probablement qu'à un tiers du prix
à l'échelle mondiale les projets seraient très rentables
pour les investisseurs, mais, malheureusement, la formule de partage des
revenus du pétrole ne donne pas aux investisseurs un tiers du revenu.
Elle donne beaucoup moins que cela.
Alors, c'est cela qui a alarmé; parce que, comme vous savez, cela
a été rapporté dans les media et tout cela. D'autres
compagnies étaient intéressées à des projets. Pour
le moment, il semble qu'elles aient abandonné ces projets. Mais nous
sommes très favorisés au Canada, nous avons au moins le potentiel
de développer ces ressources. Il ne faut pas confondre la
rentabilité d'après le prix et le coût, parce que le
coût de l'exploitation des sables bitumineux est bien différent du
prix; parce que le prix inclut toutes les taxes, les redevances, les
impôts, etc. Ce n'est pas le coût du pétrole...
M. Joron: Globalement, l'ensemble de vos suggestions donne un
portrait passablement différent de celui qu'on entendait
préalablement. Par exemple, il implique, comme vous l'avez
souligné tout à l'heure, d'accord, qu'en 1990, la quantité
d'électricité disponible serait de 80% supérieure à
ce qu'elle est aujourd'hui pour équivaloir à une part de 24% de
la consommation. Ce qui n'est pas beaucoup différent des 21%, 22% qu'on
connaît dans le moment. Mais je voudrais simplement vous signaler que,
avec le seul projet de la baie James, dont la fin des travaux, si on en suit ce
que l'Hydro-Québec a déposé jusqu'à aujourd'hui,
est prévue pour 1985, déjà, en 1985, on les aura atteints
les 80% de plus que vous prévoyez pour 1990. Ce qui sous-tend dans votre
raisonnement l'inverse par rapport à l'électricité de ce
qu'on entendait dans la déposition précédente. C'est non
pas une accélération du développement électrique au
Québec, mais c'est même un ralentissement par rapport au
calendrier des travaux que l'on connaît déjà. En somme, ce
que cela vient à dire, c'est que la dernière centrale de la baie
James entrerait en fonction en 1990.
M. Hamel: Moi, je vois...
M. Joron: Si vous me permettez juste pour résumer, pour ne
pas revenir avec une dernière question, vous semblez nous recommander
non pas de mettre l'accent dans le développement des ressources
autochtones, eu égard à ce que je viens de dire, mais davantage
dans le développement de sources de pétrole extérieures au
Québec.
M. Hamel: Non, ce n'est pas cela qu'on recommande. Nous faisons
des hypothèses dans notre mémoire, savoir qu'il faudrait ajouter
environ 15 000 mégawatts aux 14 000 mégawatts qui sont
déjà développés au Québec. Dans cela, on
inclut plus de 10 000 mégawatts pour la baie James et le projet des
Outardes qui est d'environ 450 mégawatts, Manic est de presque 800
mégawatts, etc. On a fait toutes ces hypothèses et on a aussi
ajouté une centrale nucléaire, Gentilly II.
Maintenant, ce sont des hypothèses; mais je pense que, dans notre
texte, on a exprimé assez clairement que le Québec se doit de
développer toutes les sources domestiques, autochtones, d'énergie
possible c'est-à-dire l'énergie hydroélectrique
qui sont économiquement rentables, qui sont viables. Non, je ne
suis pas d'accord avec ce que vous dites. Non, vraiment, nous appuyons cette
philosophie de développer tout ce qu'on a, parce que, même avec
toutes les sources possibles, il est possible qu'on manque de l'énergie,
avant la fin du siècle. On devra continuer d'impor-
ter du pétrole. Si on peut éviter ou réduire les
importations du pétrole, ce sera à l'avantage du consommateur
québécois. Mais il faudra toujours tenir compte des
développements économiques.
M. Joron: J'aimerais vous poser une dernière question, si
M. le Président le permet, sans vouloir abuser du droit des autres
membres de la commission de poser des questions. De quelle manière
Imperial Oil, comme telle, peut-elle nous aider à garantir notre
sécurité d'approvisionnement énergétique pour
l'avenir?
M. Hamel: Je pense que cela se manifeste par notre foi dans le
marché privé, le marché libre. Il y a un marché
important ici. L'Imperiale est au Québec depuis cent ans, ou à
peu près, on a tout un réseau de distribution ici. Nous avons des
investissements considérables, comme je l'ai mentionné dans mon
texte; on a dépensé $60 ou $70 millions depuis deux ou trois ans
au Québec. Nous sommes ici depuis longtemps. On a intérêt
à y rester. Pour rester, il faut continuer d'assurer l'approvisionnement
de pétrole.
On a eu l'avantage, en faisant partie d'une grande société
internationale, ou multinationale, d'avoir des sources d'approvisionnement
variées. C'est peut-être une des raisons. Je pense qu'il y a eu
une enquête aux Nations-Unies qui a prouvé que les compagnies de
pétrole durant la "crise du pétrole", en 1973/74, ont
probablement mieux réussi que les gouvernements auraient pu le faire.
Nous faisons partie de tout ce réseau. On a assuré aux
Québécois, à ce moment la preuve est là
qu'on n'a pas eu de problème au point de vue de
l'approvisionnement.
Nous croyons qu'à l'avenir nous pourrons continuer de l'assurer,
parce que nous avons, disons, l'expérience, nous avons des contrats avec
les pays fournisseurs, nous avons la technologie, nous avons le réseau
d'approvisionnement et de distribution en place. Je pense que la meilleure
façon d'être bons "businessmen", la meilleure façon
d'assurer l'approvisionnement ou la part de l'approvisionnement relative au
pétrole, c'est de continuer d'agir comme on l'a fait dans le
passé dans un marché concurrentiel qui nous intéresse.
C'est pour cela qu'on est ici il n'y a pas d'autre raison comme
dans une place où faire affaire. Je ne vois pas pourquoi cela devrait
changer à l'avenir. Il n'y a pas de pétrole au Québec. On
a fait de l'exploration ici. Je devrais dire: D'après nous. Ce n'est que
notre opinion, mais on a fait de l'exploration pendant des années. On
fait beaucoup d'exploration en ce moment pour trouver de l'uranium au
Québec. Comme vous le savez, on a des équipes un peu partout dans
la province qui cherchent. Si on en trouve, tant mieux. Peut-être que ce
sera une autre source d'énergie domestique pour le Québec. Mais
je pense qu'on peut vous assurer, comme on l'a fait depuis 100 ans, une source
d'approvisionnement en pétrole. Evidemment, essayer de prédire
l'avenir, ce n'est pas possible, mais je pense que laisser les modalités
assurer la concurrence entre les compagnies de pétrole dans un
marché grandissant de 4% par année, à peu près,
c'est la meilleure façon de le faire.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, dans votre mémoire, il
ressort que l'hypothèse pessimiste qu'on a entendue tout à
l'heure, si vous la retenez, vous ne l'exprimez pas aussi clairement. Quand on
regarde votre tableau de la page III-3, dans les proportions, cela m'a l'air
que le pétrole prendrait peut-être peut-être pas deux
fois en 1990, je ne sais pas si ma proportion est bonne environ 800 000
à 900 000 barils par jour, comparativement à la situation en
1975. Est-ce que vous pouvez avoir suffisamment confiance dans la
disponibilité de réserves pour être capable de faire une
projection qui puisse être réalisée?
M. Hamel: Là, encore une fois, nous le croyons puisque,
comme je viens de vous le dire, on vient de moderniser notre raffinerie
ce n'est pas tout à fait complet à un coût de $60
millions. Evidemment, le remboursement de ces investissements ne se fait pas
dans un an ou dans cinq ans. Cela prend plusieurs années. Nous sommes
aussi en train d'investir plusieurs millions de dollars. Les investissements
seront complétés à la fin de 1979, tel que le
prévoit la loi sur l'assainissement ou la purification des eaux de la
raffinerie. Si on ne pensait pas qu'on pourrait récupérer, dans
les années à venir, ces investissements, je peux vous assurer
qu'on ne les ferait pas. C'est cela qui est le jeu du marché
privé, si vous voulez. On croit qu'on va continuer d'avoir
l'approvisionnement nécessaire de pétrole. C'est notre point de
vue, si vous voulez, et c'est sur cela qu'on se base pour faire les jugements
des investissements que nous faisons, qu'on continue de faire.
M. Garneau: Dans cette possibilité où vous admettez
que des réserves de pétrole sur le plan mondial et aussi sur le
plan canadien soient disponibles pour répondre à la demande de
pétrole au Québec, à quelle rapidité croyez-vous
que la politique canadienne de l'énergie devrait atteindre le prix
international? Comment, au Canada, peut-on atteindre le prix international, qui
dépasserait le prix moyen américain? Est-ce que vous croyez que
c'est possible ces choses-là?
M. Hamel: Le prix canadien est encore inférieur au prix
américain de plus de $1 le baril, ce qui fait qu'il y a encore du jeu,
et le prix américain va augmenter parce qu'on importe plus de 50% de la
consommation de pétrole aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont encore le
plus grand producteur de pétrole au monde. Il ne faut pas oublier cela.
Ils sont aussi le plus grand consommateur. Les prix vont augmenter aux
Etats-Unis. Pour répondre à la première partie de votre
question, j'aimerais voir le prix, au Canada, monter au niveau mondial demain.
Je reconnais les facteurs politiques pour
lesquels cela ne se peut pas. Le gouvernement fédéral a
dit que le prix canadien tendrait vers le prix mondial en 1980,
c'est-à-dire que, d'ici deux ou trois ans, le prix canadien atteindra le
prix mondial. _
Cependant, ce qu'on n'a pas semblé reconnaître, c'est que
le prix mondial augmente aussi à chaque année et, au fur et
à mesure que l'on augmente il y a eu une augmentation, de 70
cents le baril le 1er janvier de cette année le prix mondial a
augmenté de $1 environ. On a vraiment perdu un peu de chemin.
M. Garneau: Combien de temps cela prend-il, M. Hamel, pour mettre
sur pied... Evidemment, l'expérience des premières unités
est peut-être plus difficile à faire, mais combien de temps,
pensez-vous, cela prendra-t-il entre la décision d'investir et le moment
où il sortira des barils de pétrole d'autres unités de
fabrication de pétrole à partir des sables d'Athabaska? Quel
décalage de temps y a-t-il?
M. Hamel: Entre six et huit ans.
M. Garneau: Pour produire 125 000 barils par jour? Actuellement,
il y a une unité de production?
M. Hamel: En ce moment, il y a une unité de production qui
est la Great Canadian Oil Sands qui produit 45 000 à 50 000 barils par
jour.
M. Garneau: Et il n'y a pas d'autres unités qui sont
commencées? Cela veut dire qu'on ne pourrait pas compter
là-dessus.
M. Hamel: Sauf le projet Syncrude. M. Garneau: Oui.
M. Hamel: C'est la Great Canadian Oil Sands qui est en production
déjà depuis quelques années. Il y a le projet Syncrude qui
sera en production en 1979. Il n'y a aucune autre usine de prévue pour
le moment.
M. Garneau: Maintenant, pour ce qui est de l'approvisionnement de
Imperial Oil je m'aperçois, M. le Président, que nous
sommes les seuls à employer le mot anglais; j'ai suivi l'exemple du
ministre de l'Energie actuellement, votre pétrole entre aux
raffineries de Montréal par le pipe-line de Portland, ou comment
arrive-t-il à Montréal pour votre compagnie en particulier?
M. Hamel: Nous avons deux sources d'approvisionnement. Il y a
environ 40% du pétrole qui est raffiné à Montréal
qui vient de l'Ouest canadien par l'extension du pipe-line interprovincial et
60% ou presque qui vient de Portland, par le Portland Pipeline et le Montreal
Pipeline.
M. Garneau: Dans combien de temps pensez-vous que la
capacité du pipe-line pourra résister à la croissance de
la demande?
M. Hamel: Lequel?
M. Garneau: Le pipe-line Portland-Montréal?
M. Hamel: Pendant bien longtemps parce que le pipe-line
Portland-Montréal a été construit pour transporter plus de
600 000 barils par jour et il transporte, en ce moment, seulement environ 350
000 barils par jour.
M. Garneau: Est-ce que vous croyez que le transport
pétrolier par bateau, avec les problèmes de pollution qu'il y a
eu, que l'on peut espérer qu'il n'y aura pas de réglementation
quant au transbordement des pétroliers à Portland?
M. Hamel: Evidemment, il y a beaucoup plus d'intérêt
avec ce qui est arrivé depuis quelques mois. Il y a eu une saison
très difficile de navigation. Il y a eu des problèmes avec les
cargos qui ont échoué et tout cela. Je sais qu'il y a des
règlements plus sévères qui ont été
proposés par la garde côtière américaine.
Probablement qu'il y aura aussi des règlements plus
sévères d'inspection au Canada.
Je ne pense pas que cela affecte le transport par Portland. Je ne le
crois pas, mais c'est difficile à dire. Il y a énormément
de cargos qui sont disponibles. Il s'en construit continuellement, etc. Il y a
énormément, aussi, de compagnies de pétrole qui engagent,
qui louent des cargos et tout ça, qui ont peut-être un peu moins
de contrôle et qui, éventuellement, suivront les contrôles.
Je ne prévois pas de pénurie, si vous voulez, de cargos pour
faire le transbordement entre le Venezuela, le golfe Persique, etc. et
Portland.
M. Garneau: L'objet de ma question, c'est de savoir si, dans
l'établissement d'une politique énergétique
québécoise, il aurait été prudent d'aller de
l'avant avec l'établissement d'un port pétrolier quelque part,
sur un niveau rentable, au Québec, pour s'assurer de l'approvisionnement
du pétrole venant de l'extérieur du pays ou si la situation,
telle que vous la connaissez, n'est pas suffisamment alarmante et ne
nécessiterait pas des investissements dans ce secteur.
M. Hamel: On n'en connaît pas assez long en ce moment pour
répondre à cette question. On parle depuis longtemps, au niveau
du gouvernement central et des provinces, de la possibilité d'un
superport dans l'Est du Canada, que ce soit au Québec, au
Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Il est possible que ce port devienne
nécessaire pour d'autres raisons. Comme le ministre l'a mentionné
tantôt, il est possible que le pipe-line Sarnia-Montréal soit
renversé. Je dis possible, parce que ce n'est pas encore sûr.
C'est possible qu'il soit renversé au début des années
quatre-vingt pour approvisionner les raffineries de l'Ontario avec du
pétrole importé de l'étranger.
A ce moment-là et les études sont en marche
on devra décider si le port de Portland sera celui qui devrait
être désigné pour l'importation du
pétrole. C'est vous qui avez posé la question. A ce
moment-là, le pipe-line ne sera certainement pas assez gros pour
transporter le pétrole. Ce sera alors le moment de décider si on
devra construire un nouveau port.
En ce qui concerne l'approvisionnement des raffineries au Québec,
je ne vois pas la nécessité, pour le moment, de construire un
nouveau port, puisque la capacité à Portland et le pipe-line sont
suffisants pour nos raffineries.
Le Président (M. Laplante): Le député du
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, en se plaçant dans
une perspective de pénurie, comme l'expliquait tout à l'heure M.
Cloutier, de SOQUIP, celle-ci arrive à la conclusion que le
système actuel d'approvisionnement n'est pas adéquat, qu'il est
inefficace et qu'il repose, qu'il est assuré par les multinationales. En
admettant qu'il y a pénurie, vous aussi, vous arrivez à une
conclusion complètement différente. Vous prétendez que le
meilleur système d'approvisionnement du Québec c'est le
système actuel, donc le maintien du statu quo. Vous prétendez que
c'est le système le plus sécuritaire et le plus
économique.
Ma question est la suivante: Comment pouvez-vous prétendre que
c'est plus sécuritaire et plus économique alors qu'on sait
pertinemment que les multinationales ont, presque partout dans le monde, perdu
le contrôle et de la production et des prix?
M. Hamel: Bonne question. Il est vrai que... Vraiment, les
compagnies de pétrole, c'est, en partie, un mythe qu'on ait jamais eu le
contrôle du pétrole. Vous savez qu'en Alberta, par exemple, qui
est au Canada, on n'a pas nécessairement le contrôle de ce
pétrole. Les gisements qui se trouvent sous la surface ne nous
appartiennent pas tels quels. On les produit en payant des redevances qui nous
donnent des droits de production. Mais on voit qu'on ne les contrôle pas,
puisque les gouvernements fixent les prix, nous disent combien on a droit de
produire, où on va le transporter, etc.
Alors, depuis quelques années, la formule a changé, dans
ce sens que les gouvernements hôtes, soit le Venezuela, l'Arabie Saoudite
ou l'Irak, ont changé la formule par laquelle le pétrole est
produit. On sait que les compagnies cela a été
mentionné par M. Cloutier, je pense sont encore là qui
dirigent, en bien des cas, la production du pétrole, qu'elles sont
responsables du transport, de la mise en valeur et qu'elles ont accès au
marché du pétrole.
Mais moi, et je vous réponds aussi honnêtement que
possible, je pense que ce serait un désavantage. Je ne sais pas si c'est
là où vous vous en allez avec votre question.
M. Brassard: Pourquoi c'est un avantage, le système
actuel, dans une situation de pénurie, dans une perspective de
pénurie?
M. Hamel: Moi, je pense que c'est un avantage de continuer avec
le système actuel, parce qu'on a énormément plus de
flexibilité. S'il y a une entente, un accord ou des accords entre deux
pays, il n'y a absolument pas de flexibilité dans une situation
semblable, tandis que les compagnies de pétrole, avec leurs
réseaux étendus un peu partout dans le monde, peuvent faire des
échanges continuellement. On sait qu'il y a un cargo qui part d'un
endroit pour aller à un certain port, qui peut être
dévié en cours de route pour aller ailleurs, pour répondre
à un besoin qui est plus urgent, etc., et cela, continuellement.
On assure, on l'a assuré dans une situation actuelle de
crise.
M. Brassard: C'est justement cela qui n'est pas
sécuritaire, monsieur.
Le Président (M. Laplante): Laissez-le
répondre.
M. Hamel: C'est quoi?
M. Brassard: C'est justement cela qui n'est pas
sécuritaire, si vous prétendez que ces échanges peuvent
être détournés. Ce n'est pas très sécuritaire
pour le Québec.
M. Hamel: Je vois cela exactement d'une façon contraire,
c'est qu'on est ici, comme j'ai répondu tantôt, pour servir un
marché. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on est ici, cela fait depuis
presque cent ans. On a toujours servi le marché et on a
intérêt à servir ce marché et à s'assurer
nous-mêmes, comme compagnie, l'approvisionnement. On prend toutes les
mesures nécessaires pour s'assurer l'approvisionnement, pour continuer
le fonctionnement de notre raffinerie et de tout notre réseau de
marketing que nous avons dans la province.
Evidemment, c'est une question d'opinion. Honnêtement, je le crois
et je le préfère, parce que le gouvernement peut toujours venir
par après, s'il y a nécessité de le faire. Il n'y a rien
qui en empêche le gouvernement. Le gouvernement contrôle tout dans
le domaine du pétrole en ce moment, à tous les niveaux, au niveau
du puits et au niveau du marché. Il n'y a rien qui l'empêche, si
c'est nécessaire, de venir par après, mais je ne vois pas
d'avantages à ce que les gouvernements s'introduisent dans la
négociation des contrats d'approvisionnement à ce jour. Je n'y
vois pas avantage du tout, même j'y vois de grands
désavantages.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Pourrais-je ajouter une remarque à la question
du député de Lac-Saint-Jean? C'est que je crois qu'on ne peut pas
envisager que SOQUIP fasse compétition à Imperial Oil. Je ne
pense pas que ce soit le rôle de SOQUIP. L'important, c'est qui va
contrôler la source. C'est pour cela que c'est important et cela me
ramène à la
question que je voudrais poser à M. Hamel, celle de
contrôler la source de pétrole dans le pays qui doit l'utiliser.
Autrement dit, c'est plus avantageux pour le Canada d'avoir ses propres sources
de pétrole, d'énergie. C'est plus avantageux pour le
Québec d'avoir ses propres sources que de se fier à un autre
organisme politique.
M. Hamel: Absolument. On voit le pétrole comme une source
tampon, si vous voulez, d'énergie pour le Québec, non pas comme
la source première. Si on avait du pétrole ici, on ne voudrait
pas en importer, c'est entendu.
M. Ciaccia: Sur la question des coûts, quand on parle de
rentabilité, quand on parle du développement des sables
bitumineux de l'Athabaska en Alberta, on prévoit qu'après 1983,
on va être obligé de se fier totalement à des sources de
pétrole en dehors du Canada pour les besoins du Québec. Si on ne
découvre pas d'autres sources d'énergie, si on n'importe pas de
gaz naturel, même avec la croissance normale de l'Hydro-Québec,
les besoins pétroliers du Québec seront entièrement
comblés par des sources extérieures au Canada. Est-ce que
c'est...
M. Hamel: Je crois que oui, vers le début des
années quatre-vingt.
M. Ciaccia: Cela représente un coût de combien de
dollars par année? Par exemple, ce serait approximativement 500 000
barils par jour?
M. Hamel: A ce moment, parce qu'il y aurait une certaine
croissance d'ici ce temps, si vous voulez, c'est hypothétique, je n'ai
pas de machine à calculer, mais si on a 600 000 barils par jour de
consommation de pétrole au Québec à ce moment le prix est
rendu à $15 le baril...
M. Ciaccia: Cela fait au-delà de $2,5 milliards par
année.
M. Hamel: Cela fait à peu près... M. Ciaccia:
Plus que cela? M. Hamel: $10 millions par jour. M. Ciaccia:
...
M. Hamel: $10 millions par jour. Si vous voulez multiplier cela
par 365...
M. Ciaccia: Cela fait plus de $3 milliards par année.
M. Hamel: Oui. $3 milliards par année.
M. Ciaccia: Cela voudrait dire que si on n'a pas d'autre source
d'énergie que le pétrole et que si on se limite aux besoins du
Québec, on va dépenser à l'extérieur $3,5 milliards
par année. Cela voudrait dire que, dans d'autres domaines, il va falloir
combler ces $3 milliards pour pouvoir les payer.
Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles l'opinion et la
suggestion ont été émises de ne pas se fier totalement sur
le pétrole extérieur; non seulement c'est une question de
rentabilité, mais c'est une question de pouvoir payer. Si ces sources
proviennent du pays, du Canada, ce sera moins un problème sur la
question de déficit de paiement annuel global. Autrement dit, si on peut
en obtenir, comme vous le suggérez, de la mer de Beaufort, par la
Canadian Arctic Gas Pipeline, pour la moitié des besoins, on
réduirait sensiblement le coût au Québec. Dans le pays, on
ne réduirait pas le coût de l'énergie tel quel, mais on
réduirait le besoin de combler les déficits internationaux.
N'est-ce pas une des raisons? Je cite, par exemple, le président de
Canadian Arctic Gas, qui a donné une allocution le 27 janvier. Un des
arguments qu'il utilise pour le développement du gaz naturel, c'est
exactement cet argument. Il dit que, si on ne développe pas le gaz
naturel il prend le pays globalement, les chiffres qui s'appliquent
à tout le Canada il y aurait un déficit de paiements
d'au-delà de $7 milliards par année. Il dit qu'alors, le Canada
ne pourrait pas se permettre un tel taux de paiements déficitaires par
année. A part la question d'être une source d'énergie dans
le pays même, c'est un des arguments qu'il utilise. Alors, cet argument
s'appliquerait quand même de la même façon, j'imagine, au
Québec aussi.
M. Hamel: M. le député, je peux répondre
seulement d'une façon. J'espère que le Québec va
développer toute l'énergie hydroélectrique possible.
J'espère qu'il investira dans la mesure où c'est rentable
ce n'est pas notre domaine dans des centrales nucléaires.
J'espère qu'on aura accès à plus de gaz naturel, surtout
s'il y a la production du delta du Mackenzie, parce que cette production
équivaut à peu près à 400 000 barils de
pétrole par jour. On peut substituer pour le pétrole
importé du gaz naturel en provenance du territoire canadien.
J'espère qu'on en découvrira peut-être même sur notre
territoire; on n'a pas fait de découverte substantielle dans le moment.
Tout ce que je dis, c'est qu'après avoir fait des estimations, des
prévisions, des hypothèses, prenez-les comme vous voulez, aussi
optimistes que possible sur l'approvisionnement domestique et aussi optimistes
que possible sur la conservation, on arrive encore à la
nécessité d'importer du pétrole qui demeure la source
tampon d'énergie pour le Québec.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Je vais poser une question peut-être un peu
globale, parce qu'à la lecture du mémoire, si on le compare au
premier mémoire qui nous a été soumis, il y a vraiment
deux visions différentes qui se dégagent. Dans le premier
mémoire, je dirais qu'il y a une vision clairement pessimiste des
choses, sur la possibilité de s'approvi-
sionner, etc. Lorsqu'on lit votre mémoire, on a une perspective
inverse. On se demande pourquoi la commission elle-même est
convoquée. Il ne semble pas qu'il y ait de problème majeur, donc
qu'il n'y ait pas besoin de changements majeurs. Alors, je vais vous poser une
première question qui va peut-être vous paraître brutale,
mais je pense qu'il faut être franc ici. Pour vous, est-ce qu'il y a de
graves problèmes? Est-ce qu'il y a des changements majeurs importants
qui doivent être apportés à la politique
énergétique actuelle du Québec pour régler ces
problèmes? Ou si les problèmes sont de telle nature que, par les
mécanismes habituels que nous connaissons et qui existent
présentement, ils vont se régler à peu près d
eux-mêmes?
M. Hamel: Peut-être s'il y a un problème entre les
deux mémoires que vous avez entendus cet après-midi, c'est que
l'horizon est un peu différent. Je pense que le mémoire
précédent, celui de SOQUIP, va un peu plus loin dans l'avenir.
Assurément, nous sommes d'accord qu'il y aura un problème
d'approvisionnement de pétrole, que le marché va se resserrer,
que les prix vont au moins augmenter aussi rapidement que le taux d'inflation
et qu'au Québec même, il y a une situation de surplus de
raffinage.
Il y a une disponibilité de pétrole brut, etc. et on
prévoit que, dans le futur, si on voit une courbe de croissance dans la
demande d'énergie, à un moment donné, les courbes vont se
croiser. Il y a la courbe de demande et la courbe de l'approvisionnement. Mais,
au Canada, on a l'avantage, et je dirais en Amérique du Nord, si on
prend les littoraux, etc. on a au moins la possibilité de mettre en
valeur des sommes, des montants importants de pétrole. Les sables
bitumineux ont été mentionnés. Le double du pétrole
connu au monde pourrait se trouver, si on avait la technologie
nécessaire, dans les sables bitumineux de l'Atha-baska, par exemple. Il
y a énormément d'exploration qui se fait encore. On dit
qu'éventuellement, si on veut se choisir un horizon qui est assez
éloigné, le pétrole on sait que ça ne se
remplace pas il n'y en aura plus. Mais pendant les 20, ou 25 ou 30
prochaines années, il faut continuer de dépendre du
pétrole. Cela s'applique aussi au Québec.
Moi, je ne vois pas le problème aussi sombre peut-être que
d'autres, mais on est dans le domaine des opinions. On parle du futur. Qui peut
dire ce qui va arriver demain? On vous donne notre opinion. Il y a
peut-être une question d'emphase ici, mais, par exemple, si on peut
mettre en valeur le gaz naturel qui est déjà découvert
dans le delta du Mackenzie, immédiatement on peut réduire les
importations de pétrole. Le Canada est un exportateur d'énergie
en ce moment.
M. Marcoux: Une deuxième question, très
brève.
M. Hamel: Je pense que je n'ai peut-être pas bien
répondu à votre question, mais je l'ai fait dans la mesure du
possible.
M. Marcoux: Vous avez répondu, mais je pense qu'il y a un
désaccord. Si on regarde votre tableau III-3. qui montre que
jusqu'à 1990, il n'y a pas de problèmes d'approvisionnement pour
le pétrole, la part de consommation du pétrole va encore
être très grande, alors que, tantôt, on parlait
peut-être de 1980, 1985, même de diminution à partir de ce
moment-là, alors que vous parlez peut-être d'une possible
augmentation. Vous dites que vos tableaux sont serrés, justes. Il y a
quand même des problèmes d'interprétation.
Une question qui touche un tout autre aspect, celui de l'environnement.
Dans votre mémoire, vous parlez de la possibilité de vous
soumettre aux normes fixées par le gouvernement fédéral et
le gouvernement provincial. Moi, j'aimerais savoir à partir de quand
l'Impériale va concrétiser ou implanter des équipements
qui vont lui permettre d'appliquer ces normes et ces critères visant
à la protection de la qualité de l'eau et de l'air?
M. Hamel: Pour l'eau, on est en train de faire les
investissements. Vous savez qu'il y avait un délai prévu dans la
loi, parce que ça prend du temps. Ce sont des investissements
substantiels, pour nous, dans notre cas, d'environ $25 millions, pour la
purification des eaux de notre raffinerie qui sont rejetées dans le
fleuve. Ces travaux-là sont en marche.
Deuxièmement, il y a les règlements sur l'assainissement
de l'atmosphère, qui ne sont pas publiés officiellement encore,
des règlements qui sont proposés, qui sont en train d'être
discutés. Et quand les règlements seront publiés,
l'Impériale mettra en marche les projets pour s'assurer qu'on va se
conformer aux normes établies.
M. Marcoux: Par rapport aux autres provinces ou aux autres pays,
est-ce que ces normes, jusqu'à maintenant, sont plus
sévères ou moins sévères?
M. Hamel: Elles sont à peu près pareilles. Il y a
eu certains changements dans certaines régions aux Etats-Unis où
ils ont rendu les normes un peu moins sévères, parce qu'ils ont
vu que c'était très difficile. Ce qu'il faut se rappeler, c'est
que Montréal-Est, par exemple, est la région industrielle la plus
concentrée, pas seulement du Québec mais de tout le Canada. C'est
assez difficile, et on réalise qu'on a réduit la pollution tout
en augmentant la production, en doublant la production. Il y a eu
déjà beaucoup de progrès qui s'est fait. Il y en a encore
à faire. Mais tout ce que je peux faire, c'est de vous assurer que nous
et, je pense, les autres compagnies aussi, je ne suis pas ici pour les
représenter, l'Impériale va se conformer aux normes telles
qu'elles sont établies par la loi dans le délai prévu.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre
Bé-rubé, de Matane.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que le
député de Mont-Royal a mis l'accent sur un pro-
blème qui est réel en soulignant le
déséquilibre, évidemment, de la balance commerciale. Je
pense que c'est certainement le problème majeur que rencontrent les pays
européens, comme la France et l'Allemagne, qui sont amenés
à relever le défi, essentiellement de deux façons, soit
par des mesures d'économie de l'énergie ou par une politique
d'échanges commerciaux qui soient compensateurs avec les pays qui leur
fournissent le pétrole.
Par conséquent, en commentaire, je dirais que dans la mesure
où l'argent quitte le Québec pour aller, soit en Alberta ou dans
les pays arabes, il y a toujours une fuite d'argent. Alors, ce problème
est réel, à moins de trouver des mécanismes
d'échanges commerciaux compensateurs; mais la question que j'aimerais
poser au représentant de la Société impériale a
pour but de me permettre d'avoir une opinion sur ce que vous pensez de la
question.
Je pense que vous avez parlé de l'extraction de pétrole
à partir des sables bitumineux et vous dites qu'il semble qu'un prix de
$15 le baril puisse représenter une valeur économique pour
l'exploitation de ces sables.
Cependant, il se pose un problème avec l'exploitation des sables
bitumineux, c'est la quantité considérable de capital qui est
impliquée. Il faut donc s'assurer un marché presque garanti.
N'est-ce pas significatif que la société Shell se soit
retirée, par exemple, d'un projet semblable peut-être en
soulignant, comme vous l'avez dit, le fait que cela soit d'une
rentabilité marginale? Or, cela ne serait-il pas une stratégie
logique de la part des pays arabes essentiellement de maintenir à un
prix suffisamment bas de manière qu'il ne soit pas rentable de s'engager
dans des projets de ce type, que ce soit la liquéfaction des charbons
américains ou l'extraction de pétrole?
Dans cette hypothèse, quand pensez-vous que se produira le
déséquilibre, c'est-à-dire quand pensez-vous que les pays
arabes ne pourront plus soutenir les prix? Vers quelle date
prévoyez-vous, éventuellement, un véritable
problème de déséquilibre dans l'offre en
pétrole?
M. Hamel: C'est bien difficile. C'est impossible de
répondre à cette question. Le prix du pétrole est
établi par les pays producteurs sur une base de remplacement. Ils ont
regardé, par exemple... on voit qu'à $15 le baril, les autres
sources énergétiques, par exemple, la gazéification du
charbon ou les sables bitumineux, sont seulement rentables. Pour
répondre à votre question, à savoir s'ils pourraient
éventuellement baisser les prix, nous ne le croyons pas, parce que,
malgré qu'ils aient des réserves importantes de pétrole,
ces réserves s'épuisent et je pense que c'est dans leur
intérêt de conserver, parce que le prix est un outil pour
l'allocation des ressources, je crois. Une denrée doit se vendre
à son prix qui est établi par le marché, non pas dans ce
cas-ci du pétrole, mais par le marché de l'énergie. Les
pays membres de l'OPEP et les autres... le Canada, vendent leur pétrole
à un prix qui est concurrentiel, mais pas trop, avec les autres formes
d'énergie.
Je ne le prévoirais pas, parce qu'il n'y aura pas cela a
été dit dans notre mémoire un surplus de
pétrole. S'il était pour en avoir un surplus, s'ils allaient
perdre leur marché traditionnel, ils verraient une possibilité de
retenir leur marché traditionnel. Ils baisseraient les prix.
Nous ne prévoyons pas cela. Au contraire. Nous voyons un
marché qui continue de s'accroître malgré qu'il ne
s'accroît pas aussi rapidement que dans le passé, mais sur une
base encore plus importante, un marché qui va s'accroître
où les pays... il y a un tableau, ici, dans notre mémoire, qui
indique ce que les pays producteurs doivent produire à l'avenir. Il n'y
a pas de raison qui leur permette de diminuer leur prix dans l'avenir. Mais,
qui peut le prédire? Je ne le sais pas.
M. Bérubé: Je veux savoir de votre part, surtout,
quand prévoyez-vous le déséquilibre. Vers quelle
année? Au moment où les pays arabes ne pourront, effectivement,
fournir...
Le Venezuela, cela se rapproche assez rapidement, mais dans le cas des
pays arabes, c'est moins clair.
M. Hamel: Vous voulez dire leur production, la possibilité
de production des pays arabes? Le rapport entre les réserves
prouvées, publiées et la production actuelle... Les derniers
chiffres que j'ai vus étaient de 31 ans.
Ces chiffres n'ont pas tellement changé depuis quelques
années, parce qu'il y a eu de nouvelles découvertes. Par exemple,
la Mer du Nord,la Prudhoe Bay, etc.
Ces chiffres sont publiés, c'est ce qu'on nous dit. En d'autres
mots, on divise les réserves prouvées par la production actuelle.
Les réserves prouvées, c'est toujours entre guillemets. Il n'est
pas possible de savoir exactement... Il y a une certaine formule par laquelle
on évalue quelles sont les réserves. Or, le rapport entre les
réserves et la production, sur l'échelle mondiale, est d'environ
31, 32 ans.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, M. Hamel, en juillet dernier,
il y a eu une hausse du prix du pétrole brut canadien de $1.05 et une
hausse de $0.70 est intervenue, toujours dans le prix du pétrole brut,
le 1er janvier 1977.
M. Hamel: Oui.
M. Forget: En juillet dernier, un délai de 60 jours a
été accordé par les producteurs et distributeurs canadiens
aux consommateurs dans la répercussion de cette hausse. De la même
façon, je crois, que la hausse du 1er janvier sera
répercutée...
M. Hamel: Le 2 mars.
M. Forget: ... aux consommateurs le 1er mars. Est-ce qu'il y a
eu... On se souvient également que,
dans le passé, des actions ont été prises par
certaines provinces pour geler, pendant une période de temps plus
longue, le prix aux consommateurs. Effectivement, le Québec adoptait, en
juillet dernier, une loi permettant au lieutenant-gouverneur en conseil, au
gouvernement d'imposer un plafond pour les prix à la consommation.
Quel est... enfin, je pense que vous avez dans votre mémoire une
certaine allusion au moins indirecte à cette réglementation.
Quelle est la situation, à ce moment, et quels sont les projets ou les
intentions de votre compagnie relativement à l'extension possible de ce
délai de 60 jours?
M. Hamel: Je dois répondre, je pense, d'une façon
très générale au sujet de cette question des prix à
cause des lois sur les coalitions. Je ne peux pas vous dire, par exemple, si on
va augmenter... Mais je peux répondre dans ce sens, qu'effectivement,
à partir, je crois, du 2 mars, en tout cas, c'est 60 jours après
le 1er janvier, les règlements... C'est-à-dire que c'est
volontaire, cette affaire. Les compagnies de pétrole ne reçoivent
pas de subventions qui vont aux consommateurs s'ils n'observent pas cette
condition de geler les prix pendant une période de 60 jours. Et
après 60 jours, les compagnies de pétrole ont le droit, c'est
permis, d'augmenter les prix, soit à partir du 2 mars. Je ne peux pas
vous dire ce que fera notre compagnie, à ce moment.
M. Forget: II serait intéressant, M. le Président,
de savoir si le ministre de l'Energie a l'intention de se prévaloir des
pouvoirs que lui donne la loi no 34 adoptée en juillet dernier.
M. Joron: Je peux répondre au député de
Saint-Laurent qu'il faudra voir quelles seront les positions adoptées,
quand viendra le moment de traverser le pont, justement, comme vient de le dire
M. Hamel, par les compagnies pétrolières.
D'autre part, je pense qu'il faut bien voir qu'en principe nous n'avons
pas d'objection sur le fait que tôt ou tard les prix du pétrole
brut au Canada doivent éventuellement rejoindre les prix internationaux.
On ne peut pas indéfiniment maintenir artificiellement un paradis
protégé et faire croire aux gens qu'ils peuvent
indéfiniment échapper à une fatalité
éventuelle. Je pense que ce serait un mauvais service à rendre
à la population. Tôt ou tard on va rejoindre ces prix-là;
alors, aussi bien le savoir à l'avance et y aller. Evidemment, cela peut
être nuancé, son application peut être nuancée selon
la période où cela se produit et le mois, ainsi de suite. Mais,
comme principe général, je peux vous dire que cela me
paraîtrait un mauvais raisonnement économique que de persister
à vouloir se soustraire aux tendances mondiales des coûts de
l'énergie.
M. Forget: Le problème se porte précisément
sur le rythme auquel cet objectif, à long terme, sur lequel tout le
monde semble s'entendre, va être rejoint. Est-ce que je pourrais demander
au ministre si les discussions amorcées avant le 15 novembre avec les
compagnies sur cette question se sont poursuivies sur ce problème de
rythme d'accroissement?
M. Joron: Non.
Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur.
M. Hamel: Peut-être que je pourrais ajouter une petite
information pour M. le député. On a indiqué ici dans notre
mémoire que nos bénéfices moyens étaient de $0.01,6
le gallon sur les produits vendus, ce qui ne laisse pas tellement de marge.
Même s'ils ont prolongé dans certaines provinces le gel, ils n'ont
pas pu le prolonger pour tellement longtemps parce que, même si on est
une grande compagnie, on ne peut pas absorber indéfiniment le coût
du pétrole brut beaucoup plus élevé sans l'inclure dans le
coût de notre produit. Je pense que cela s'applique à toutes les
institutions.
M. Garneau: Je pense bien, M. Hamel, que vous ne pouvez pas
reprocher à l'Opposition officielle de constater le changement
d'attitude du Parti québécois avant le 15 novembre et
après le 15 novembre. Vous ne pouvez pas nous reprocher de faire
cela.
M. Hamel: Je n'ai pas compris la question, je m'excuse.
Le Président (M. Laplante): C'est une question hors
texte.
M. Garneau: Vous n'étiez pas à l'Assemblée
nationale avant, au moment où l'Opposition officielle, les années
passées, nous blâmait chaque fois que vous augmentiez le prix du
pétrole et exigeait que le gouvernement intervienne. Nous avons
voté une loi. Il arrive un curieux hasard; le parti qui nous a le plus
critiqué va avoir à prendre la décision d'appliquer ses
recommandations ou non. Je constate, aux propos du ministre, qu'il a
changé d'attitude; ce n'est pas celle que son parti avait lorsqu'il
était dans l'Opposition. Ce n'est qu'une constatation.
M. Joron: Je n'étais pas dans l'Opposition à ce
moment-là, d'une part, et ensuite je répondrai: Autres temps,
autres moeurs. A chaque moment...
M. Garneau: Plus ça change plus c'est pareil, comme on
dit.
M. Joron: Non, je ne pense pas. Je pense que les problèmes
changent selon le contexte.
M. Garneau: C'est comme le curé qui confesse son
bedeau...
Le Président (M. Laplante): A l'ordre!
M. Garneau:... quand il change de place, il ne comprend rien.
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le député de Frontenac.
M. Grégoire: J'aurais une courte question sur le
développement des sables bitumineux de l'AIberta.
M. Hamel: Oui.
M. Grégoire: Vous avez mentionné une
différence entre le coût de production et les prix. Je voudrais
vous demander: Est-ce que ce sont les conditions fiscales ou la technologie qui
retarde le plus le développement des sables bitumineux?
M. Hamel: Evidemment, je ne peux pas parler pour les autres
compagnies parce que nous sommes impliqués d'une façon
très importante dans le développement des sables bitumineux en ce
moment mais, d'après moi, ce sont les conditions fiscales, plutôt
que la technologie, qui retardent. Quand j'ai parlé des $15, je parlais
d'un chiffre grosso modo.
Je prédis l'avenir, mais je parlais vraiment des conditions.
D'après moi, ce sont les conditions fiscales qui retardent le
développement plutôt que d'autres conditions. Il y a une
technologie développée. Il y a déjà une compagnie
qui fonctionne depuis plusieurs années, qui produit un montant
considérable, quand on pense à 50 000 barils par jour. Alors, il
y a une technologie et celle-là a évolué depuis ce temps.
Evidemment, il y aura des améliorations dans l'avenir. D'après
moi, ce sont les conditions fiscales plutôt que d'autres conditions
qui...
M. Grégoire: Maintenant, vous sembliez si confiant pour
l'approvisionnement en pétrole. Est-ce parce que vous croyez que les
conditions fiscales seront changées?
M. Hamel: Pour les sables bitumineux? M. Grégoire:
Oui.
M. Hamel: Dans notre texte, on ne parle pas tellement du
développement des sables bitumineux. Je pense que nos prévisions,
les hypothèses que nous avons inclues jusqu'en 1990 sont relativement
minimes pour le développement et la mise en valeur des sables bitumineux
jusqu'en 1990. En d'autres mots, nous ne sommes pas tellement optimistes qu'il
y ait beaucoup de développement du genre.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre,
dernière question.
M. Joron: Je voudrais vous demander... Une partie de votre vision
de l'avenir me semble un peu plus sécuritaire, c'est celle qui
prévoit un accroissement des fournitures de gaz naturel. On sait que
cela existe, le développement des sables bitumineux, parce que les $15
dont on parlait tout à l'heure sont reliés aux barils de
pétrole partant de
Syncrude, en 1979, et non pas à quel prix ou à quel
coût sortirait le pétrole, sept, huit, neuf, dix ans plus tard,
d'autres développements possibles dans les sables bitumineux, ça
je ne pense pas que les $15 s'appliquaient à cette partie-là.
M. Hamel: Vraiment, j'aurais dû répondre que le
pétrole Syncrude se vendra au prix du marché au moment où
il sera en production.
M. Joron: Oui, O.K., je comprends.
M. Hamel: Ce sera $8 le baril ou $25. Ce sera le prix du
marché à ce moment-là, et les compagnies qui participent
au projet n'ont pas demandé de protection à ce
sujet-là.
M. Joron: Bon. La dernière question que je voulais vous
poser a rapport au gaz naturel dont les approvisionnements futurs semblent plus
certains, en ce qui concerne le Canada, en tout cas, que les approvisionnements
de pétrole. Mais pour que la pénétration au Québec,
entre autres, de ce gaz naturel, se fasse, il y a une incidence, une relation
entre le prix du pétrole et celui du gaz naturel. Quelle est votre
position quant à l'indexation, en équivalent calorique, si vous
voulez, du prix du gaz naturel par rapport au pétrole?
M. Hamel: Nous avons toujours dit que le gaz naturel devrait se
vendre au marché je ne sais pas quel est le terme français
en somme, au coût, comme denrée, "commodity value" est le
terme en anglais, et que chaque forme d'énergie devrait se faire
concurrence sur une base calorifique avec des ajustements pour la
commodité, si vous voulez, des différentes formes
d'énergie. Evidemment, le gaz naturel, comme, par exemple, combustible
pour le chauffage est idéal. C'est un combustible très propre, il
se transporte très facilement, etc.
Je pense que le gaz naturel, dans les automobiles ou les avions, on ne
le verra pas servir de carburant avant bien des années, avant qu'il y
ait toute une nouvelle technologie. A ce moment-là, c'est le
pétrole, c'est l'essence. L'électricité aussi a son usage
noble, si vous voulez.
On l'a mentionné aussi dans notre mémoire, le facteur
probablement primordial, la raison la plus importante pour laquelle le
marché du gaz naturel ne s'est pas développé au
Québec, c'est qu'il n'a pas pu faire concurrence au mazout
importé dans la province dans le passé. En d'autres mots,
c'était beaucoup plus rentable pour les industriels d'importer du mazout
lourd que de brûler du gaz naturel. Ce n'était pas le même
cas en Ontario où le gaz naturel, c'était rendu, c'était
concurrentiel avec l'huile à chauffage, avec
l'électricité, etc.; il a pris une grosse part du
marché.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, M. le
ministre.
M. Joron: A cet égard, pour que le gaz soit concurrentiel
au Québec, se situant dans le contexte où les prix sont
fixés par le gouverne-
ment et réglementés par le gouvernement
fédéral, à l'heure actuelle, il y a une relation entre...
Le gaz ne peut pas s'accroître si son prix est rattaché à
celui du pétrole et ce prix est déterminé par le
gouvernement.
En d'autres mots, pour que... Oui, il est à 85%...
M. Hamel: Aujourd'hui, le pétrole se vend, au
Québec, à peu près $4 plus bas que le prix mondial.
Evidemment, le gaz ne peut pas être concurrentiel. Mais si on parle du
gaz, des nouvelles sources de gaz...
M. Joron: Oui.
M. Hamel: ... qui ne seront pas disponibles avant 1982 ou 1983,
comme je l'ai dit tantôt, c'est la politique du gouvernement central de
laisser monter le prix du pétrole avant 1980 au niveau mondial et
là, on verra le rapport entre les deux.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, je vous remercie,
au nom de cette commission, de l'apport que vous avez bien voulu y apporter. La
séance est suspendue jusqu'à huit heures. Avant de partir, je
voudrais m'assurer que l'Association des marchands d'huile à chauffage
du Québec sera ici à huit heures ainsi que la Chambre de commerce
de la province de Québec. Est-ce que vous êtes ici toutes les
deux? Oui? Merci.
M. Garneau: M. le Président, avant de suspendre...
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Garneau: ... est-ce qu'on doit comprendre que ces deux
mémoires sont les deux seuls qu'on entendra ce soir? A quelle heure
avez-vous l'intention de recommencer demain?
M. Joron: A deux heures demain après-midi. Le
Président (M. Laplante): A deux heures.
M. Garneau: A deux heures. Et quels seront les mémoires
qui seront entendus demain?
Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas la liste.
M. Joron: On pourra vous le dire à huit heures ce
soir.
(Suspension de la séance à 17 h 55).
Reprise de la séance à 20 h 8
M. Laplante (président de la commission permanente des
richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La commission continue ses travaux. J'appelle l'Association des marchands
d'huile à chauffage du Québec. M. Doyon.
Association des marchands d'huile à chauffage
du Québec
M. Ducharme (Michel): M. le Président, MM. les membres,
bonsoir. Je vous présente, pour m'assister lors de la période des
questions, M. J.Alphonse Lapointe, vice-président exécutif de
l'Association des marchands d'huile à chauffage du Québec, ainsi
que Me Michel Doyon, notre conseiller juridique.
L'Association des marchands d'huile à chauffage du Québec
fut fondée en 1959. Elle regroupe la majorité des
détaillants indépendants de cet important secteur
économique, qui distribuent annuellement un milliard de gallons et
emploient plus de 5000 personnes en différentes régions du
Québec.
Les travaux de votre commission ont donc pour nous une très
grande importance et nous vous remercions de votre invitation à y
participer. Cependant, nous comprenons que votre principal objectif consiste
à étudier les besoins et les disponibilités
d'énergie au cours des prochaines années, ce qui dépasse
le cadre actuel de nos activités. Comme vous le savez, en effet, le
rôle des distributeurs indépendants fut toujours limité
à la vente au détail, par la volonté des raffineurs qui
nous approvisionnent.
Cette situation, qui existe depuis un quart de siècle, pourrait
bien évoluer rapidement au cours de la présente décennie,
car rien ne nous interdit de penser que les détaillants
indépendants pourront bientôt importer du pétrole brut ou
des produits raffinés. En effet, suivant les recommandations du
ministère des Richesses naturelles et du ministère de l'Industrie
et du Commerce, une centaine de membres de notre association ont
déjà constitué une compagnie dont les objets sont:
acheter, vendre, importer, exporter, raffiner, transformer, entreposer,
distribuer et généralement faire le commerce du pétrole,
ses produits et ses sous-produits; acheter, vendre, importer, exporter et
généralement faire le commerce de tout produit, article ou
marchandise pouvant être utile aux distributeurs de produits
pétroliers.
La réalisation de ce nouvel objectif aurait pour effet de
diversifier les sources d'approvisionnement, d'animer la concurrence et de
protéger la population contre la menace d'une pénurie de
combustible comme celle que les sociétés multinationales ont fait
planer durant l'hiver de 1973/74. Nos rencontres avec les distributeurs
indépendants du nord-est des Etats-Unis et de plusieurs pays d'Europe
nous ont mieux fait comprendre qu'il ne faut pas toujours se fier aux
déclarations et aux conseils des grands experts à
la solde des multinationales. L'expérience démontre, en
effet, qu'elles sont beaucoup plus soucieuses de réaliser des profits
que de protéger l'intérêt national.
A ce sujet, nous citerons la mise en garde que le député
Julien Schvartz, de France, a pris soin d'écrire dans son rapport de la
commission d'enquête parlementaire, publié le 6 novembre 1974:
"L'industrie pétrolière n'offre pas l'exemple d'une
activité s'ouvrant spontanément aux investigations. C'est
toujours avec une grande amabilité que les compagnies communiquent les
renseignements demandés; mais l'on s'aperçoit vite que le
contexte permettant de juger ces informations, ou bien est tronqué, ou
bien est faussé, ou bien fait défaut. Votre rapporteur a
été bien souvent fasciné par des déclarations
présentées par des évidences, des raisonnements donnant
tout à fait l'impression d'être l'expression du pur bon sens, des
affirmations la main sur le coeur ébranlant le plus sceptique des
auditeurs, et qui se révèlent en fin de compte autant de fausses
pistes, autant de traquenards intellectuels, autant d'inexactitudes".
Considérant l'importance de la mission confiée à
votre commission, nous nous permettons de citer un autre témoignage,
extrait du livre publié en 1976 par Anthony Sampson, et
considéré comme une oeuvre maîtresse en son genre. Dans cet
ouvrage intitulé: "Les sept Soeurs", l'auteur écrit: "II n'est
pas permis aux gouvernements occidentaux d'éluder le problème du
contrôle des compagnies pétrolières, comme ils l'ont fait
si souvent dans le passé. Hommes politiques et diplomates ont à
tenir compte de toutes les implications qu'entraîne l'usage de ce
combustible, qui a aidé à construire le monde où ils
vivent, et il leur appartient de raccorder les activités des compagnies
à des systèmes démocratiques de choix et de
contrôle".
Nous comprenons la nécessité pour l'Etat d'agir avec
prudence dans un domaine aussi complexe; mais nous croyons que les
distributeurs indépendants constituent un actif important de ressources
humaines, techniques et matérielles sur lequel le gouvernement doit
compter pour approvisionner les consommateurs dans toutes les régions du
Québec. L'élimination graduelle des indépendants au profit
des sociétés multinationales étrangères qui
exportent leurs bénéfices ailleurs, ne paient que très peu
d'impôts au Québec et ne participent aucunement à la vie
sociale de notre milieu, va à l'encontre des politiques nationales de
l'énergie. De plus, ce phénomène transforme de nombreux
chefs d'entreprises en de simples préposés au service des
multinationales.
Par leurs activités multiples et diversifiées dans chaque
région, les distributeurs indépendants contribuent au
progrès économique et à la vie sociale de leur
communauté et réinvestissent leurs profits dans la
région.
La politique énergétique québécoise doit
permettre aux indépendants de consolider leur position concurrentielle
de façon que le Québec ne se voie pas imposer par les
multinationales des conditions équivalant à un monopole des
approvisionnements et de la mise en marché.
Pour contrer cette action, le gouvernement se doit de collaborer et de
coopérer à la mise en place d'une infrastructure, qui permettra
de rentabiliser les investissements nécessaires à une meilleure
utilisation de ressources actuellement disponibles et le développement
optimal de leurs entreprises.
Cette intervention de l'Etat se justifie d'autant plus que les
entreprises concernées offriront des garanties personnelles que les
dirigeants des sociétés multinationales ne peuvent pas assumer.
S'assurer un approvisionnement à meilleur coût et garantir aux
consommateurs la satisfaction au plus bas prix de ses besoins ne doivent pas
être les seuls critères de référence d'une politique
énergétique au Québec. La conservation et l'utilisation
rationnelle de l'énergie doivent être une préoccupation
majeure dans l'élaboration de toute politique de l'énergie.
Nous croyons qu'il est temps que le gouvernement cesse de s'en tenir
uniquement à des mesures incitatives d'économie d'énergie.
Il doit adopter des politiques aptes à sauvegarder l'énergie sous
toutes ses formes. Ces politiques pourraient prendre différents aspects
tels que réglementation stricte quant aux normes d'isolation de toute
nouvelle construction immobilière, dégrèvements
d'impôts fiscaux sur les dépenses pour amélioration des
constructions existantes en vue de préserver l'énergie, abolition
de taxe sur les matériaux isolants, adoption d'une politique de
transport en commun vraiment efficace au niveau urbain. Il est souhaitable que
SOQUIP, société créée par l'Etat
québécois, développe ses activités dans les
secteurs de la prospection, de l'extraction et du raffinage sans s'immiscer
dans le secteur de la distribution.
Quant à l'Hydro-Québec, autre société
créée par l'Etat québécois, nous croyons qu'il
faudrait limiter toute publicité visant à favoriser une demande
accrue de l'énergie hydroélectrique.
Le gouvernement devrait également créer un office de
l'énergie qui serait chargé d'étudier, réglementer
et appliquer une politique de l'énergie. Parmi les dirigeants de cet
organisme, nous désirons que les multinationales et l'AMHQ aient un
nombre égal de représentants.
Le gouvernement se doit de développer ses propres
compétences dans le domaine de l'énergie plutôt que de
recourir à celles formées par les multinationales.
L'intérêt national est trop important pour qu'une politique soit
établie par des entreprises étrangères qui drainent vers
l'extérieur des capitaux énormes.
En conclusion, le gouvernement québécois se doit d'assurer
sa pleine juridiction dans le domaine vital de l'énergie.
Pour éviter dans l'avenir des situations de pénurie et
garantir aux consommateurs des prix concurrentiels, nous recommandons la
création d'un office de l'énergie dans lequel les raffineurs et
l'Association des marchands d'huile à chauffage du Québec auront
un nombre égal de représentants, qui sera chargé de
vérifier les pratiques commerciales dans le secteur pétrolier et
d'autoriser ou rejeter toute modification des prix de gros
et de détail. On sait que l'Office de la protection du
consommateur n'a aucune juridiction en cette matière.
L'Association des marchands d'huile à chauffage du Québec
offre sa collaboration pour réaliser les études
préliminaires à l'élaboration des politiques et du
programme d'action devant conduire à la rationalisation du marché
pétrolier dans le meilleur intérêt de la population.
La confusion et l'incertitude créées par la crise du
pétrole ont démontré la nécessité d'une
intervention de l'Etat et du rôle des indépendants pour
éviter, à l'avenir, des situations dont les consommateurs
feraient encore les frais.
Nous vous remercions, M. le Président et messieurs les membres de
la commission de l'intérêt que vous accorderez à nos
suggestions et demeurons disponibles pour de nouvelles consultations.
Merci.
Le Président (M. Laplante): Monsieur le ministre.
M. Joron: Je voudrais vous demander, sans avoir fait une liste
exhaustive des questions, votre rapport touche des points fort
intéressants quelques éclaircissements. A la page 5, au
deuxième paragraphe, vous dites: "Pour contrer cette action, le
gouvernement se doit de collaborer et de coopérer à la mise en
place d'une infrastructure qui permettra de rentabiliser les investissements
nécessaires à une meilleure utilisation des ressources,
etc..."
Pourriez-vous nous décrire plus précisément cette
infrastructure que vous évoquez et dire comment vous voyez la
collaboration et la coopération du gouvernement?
M. Ducharme: Puis-je vous demander que Me Doyon réponde
à cette question?
M. Joron: Sûrement.
M. Doyon (Michel): Lorsqu'on parle d'infrastructure, je pense que
nous avions en tête, à l'époque, lorsque nous avons
travaillé à ce mémoire, toute la question de l'actuelle
organisation du secteur pétrolier.
Présentement, il serait quand même très uto-pique de
croire que les compagnies multinationales ne sont pas là pour rester. Je
pense qu'elles font un travail nécessaire. Deuxième des choses:
par leur grandeur et leur force au niveau international, on doit compter sur
elles.
Cependant, nous pensons au domaine de la distribution, au domaine du
raffinage. Nous croyons que le gouvernement québécois devrait
avoir en main des données, puisse avoir des structures qui lui
permettent de connaître exactement quel est le secteur pétrolier,
puisse définir lui-même l'avenir en ce qui concerne les besoins
énergétiques.
Présentement, je crois que l'Etat québécois n'a pas
en main une politique qui lui permette véri- tablement d'être
capable d'axer une politique quant à l'avenir, et ceci nous semble quand
même un peu anormal. Les distributeurs indépendants, par exemple,
lorsque le gouvernement parlait d'un secteur témoin dans son livre de
1972, voulaient, par l'entremise de SOQUIP, que cela soit dans le domaine de la
distribution, du raffinage ou dans le secteur de l'importation, détenir
des données était aussi un des buts de la loi 90 qui
était la Loi sur la commercialisation des produits pétroliers
pour être capables d'obtenir certaines informations, être
aptes à connaître tout le secteur de l'énergie.
Je ne pense pas que la loi 90 ait servi à cela effectivement et
je ne pense pas que l'on ait donné la vocation à SOQUIP de
constituer cette infrastructure qui nous semble nécessaire.
M. Joron: Pourriez-vous essayer de nous faire le dessin
rapidement de la situation idéale que vous entreverriez dans le sens
suivant: quel serait le rôle du gouvernement, quel serait le rôle
des détaillants, quel serait le rôle des raffineurs? Où se
situent les multinationales dans tout cela? Qu'est-ce que vient faire SOQUIP
là-dedans? Selon vous, votre image, de la structure idéale, ce
serait quoi?
M. Doyon: La structure idéale, ce serait assez difficile
à définir. Essayons de voir le rôle que chacun peut jouer.
Je pense que l'énergie...
M. Joron: C'est cela que je veux dire. Quel rôle vous
donner à chacun: aux multinationales, aux raffineurs, aux
détaillants, au gouvernement là-dedans; y a-t-il des rôles
que vous voyez exclusifs à l'un et vous ne voulez pas voir l'autre dans
ce domaine? Comment organisez-vous cela? C'est exactement cela.
M. Doyon: En ce qui concerne le rôle de l'Etat, je pense
que, peu importe, au point de vue politique, pays, Etat ou quoi que ce soit, le
Québec constitue une région géographique où le
froid, la température jouent un rôle considérable. Je pense
que l'énergie chez nous, c'est un besoin essentiel, non seulement pour
des besoins de consommation, mais même pour notre propre protection. Je
pense que l'énergie, on ne peut pas s'en passer. On voit aux Etats-Unis,
lorsqu'on a une crise d'énergie dans l'habitation, comment cela peut
jouer sur le secteur industriel. Chez nous, c'est fondamental, il faut prendre
conscience de cela. Je pense que ceci étant tellement important, un Etat
ne peut faire abstraction de ses besoins énergétiques tant pour
ses données de tactiques, qu'on emploie le mot militaires ou quoi que ce
soit, ou stratégiques. Il doit, je pense, contrôler
l'activité dans le domaine de l'énergie pour les besoins non
seulement de son développement, mais aussi pour sa propre survie, d'une
part.
Donc, le gouvernement se doit de jouer un rôle majeur dans ce
secteur.
En ce qui concerne les multinationales, les multinationales ont
joué et continueront de jouer
un rôle très important par leurs connaissances au point de
vue du "know how", de capacité, de connaissances des gens qui ont
travaillé à l'intérieur des structures, de par leur
connaissance également du monde pétrolier, du monde de
l'énergie, parce que les compagnies multinationales, étant de
l'avant, ont peut-être investi dans d'autres secteurs que
l'énergie pétrolière. Je pense qu'aux Etats-Unis, cela se
voit; elles ont investi dans l'uranium, dans le charbon et continuent à
faire des études dans le domaine énergétique; c'est
fondamental. On croit que, sur le point des multinationales, le soleil, c'est
un droit naturel, il brille pour tous. Sur ce, nous disons: Les distributeurs,
les compagnies multinationales, lorsqu'elles avaient leur richesse aux
têtes de puits, c'est-à-dire lorsqu'elles faisaient leur profit
aux têtes de puits, n'avaient pas à aller dans le secteur du
détail.
Pourquoi? Parce qu'elles pouvaient rentabiliser leur économie par
leur richesse, par les redevances qu'elles retiraient et par les profits
qu'elles retiraient sur les têtes de puits par la suite par le transport,
par la suite par le raffinage, et par le gros et par le détail. Donc, le
détail ne les intéressait pas parce qu'on ne faisait pas assez de
profit. C'est là qu'on a demandé et on a créé, on a
mis sur pied des indépendants parce qu'à ce moment-là on
n'avait pas à faire d'investissements dans le domaine des camions et on
n'avait pas à avoir des problèmes de main-d'oeuvre et
c'était beaucoup moins intéressant.
Par contre, lorsque le monde pétrolier a changé avec la
crise ou l'embargo arrabe dans les années 1973, 1974, à ce
moment-là on a essayé d'évincer les indépendants et
on a voulu aller à l'intérieur du secteur du détail. On
pense qu'avec les outils monétaires elles peuvent jouer, elles peuvent
faire une concurrence très déloyale aux indépendants et
les éliminer.
En ce qui concerne également les indépendants, il faut
dire que ces gens étaient des autochtones qui ont quand même
investi chez eux, qui ont engagé du personnel de chez eux. Avant tout,
leur seul souci était d'essayer de satisfaire le marché de
consommation et d'avoir un rapport direct avec le consommateur. Sur ce, on
pense que le rapport entre le consommateur et l'indépendant était
très facile à établir parce que c'étaient des gens
de chez lui, c'étaient des gens de son milieu et c'étaient des
gens qui pouvaient oeuvrer dans son milieu. Je pense que sur les besoins du
consommateur, l'indépendant est bien placé pour voir cela.
En ce qui concerne SOQUIP, le gouvernement a cru bon, à la fin
des années soixante, de créer SOQUIP. Je pense que l'ancien
gouvernement avait augmenté le budget énormément pour
SOQUIP, parce que SOQUIP, au début, avait un budget restreint à
un point tel qu'à ce moment-là c'était seulement lui dire
d'acheter quelques volumes pour mettre dans sa bibliothèque. On pense
que si l'Etat décide de créer un organisme étatique comme
SOQUIP, on doit lui donner les outils pour être capable de le faire. Je
pense que si SOQUIP peut réussir tout simplement dans le domaine de la
prospection, dans le domaine du fo- rage, soit "off shore", soit à
l'intérieur, ou trouver du gaz naturel et être capable d'exploiter
le gaz naturel, le gouvernement devrait lui donner, quand même, la
capacité de le faire, parce que cela semble quand même très
important. Ce qu'on craint c'est que souvent les compagnies, même
étatiques ou paraétatiques, deviennent des multinationales en
soi. Je pense que le gouvernement français en a eu l'exemple avec ELF et
ERAP lorsque justement les compagnies, même internes, c'est-à-dire
les compagnies d'Etat, on joué le même jeu que les compagnies
multinationales. Alors, on dit: Si la compagnie paraétatique doit
être uniquement une question de profit, là on dirait: Cela ne
devrait pas être le seul champ d'activité de SOQUIP, je pense que
cela devrait être un secteur d'avant-garde pour le gouvernement pour
être capable de contrebalancer les différentes influences.
M. Joron: Est-ce que je vous interprète correctement si je
dis que vous semblez vouloir tracer une ligne entre le raffinage et la
distribution? Quand vous dites que, si SOQUIP, à titre d'exemple,
devenait raffineur, elle ne devrait pas entrer dans la distribution,
appliqueriez-vous, par extension, le même raisonnement aux autres
raffineurs?
En d'autres mots, est-ce que fondamentalement vous considérez
vous ne le dites pas tel quel dans le rapport, mais on le devine un peu
que le raffinage serait une activité et que les raffineurs comme
tels ne devraient peut-être pas aller dans la distribution, la
distribution étant réservée aux détaillants locaux
ou régionaux? Est-ce une interprétation abusive de ce qu'on peut
lire en filigrane dans votre mémoire?
M. Doyon: Je ne pense pas, M. le ministre. Vous savez, je pense
que le représentant qui est venu a dit: II y a nous et les 500 petites
compagnies de moindre importance au Québec. Nous sommes les 500 de
moindre importance au Québec. Véritablement, s'il pouvait y avoir
divorce entre le raffinage et la distribution, c'est ça qu'on
souhaiterait. Pourquoi? Parce que, lorsqu'on parle de liberté de
commerce, il ne faut pas se faire d'illusions parce que la liberté de
commerce n'existe pas. Lorsque vous pouvez jouer sur différentes marges
de profit, la liberté de commerce, pour le petit indépendant qui
a seulement sa marge de profit au détail, entre le gros et le
détail, elle n'existe que par la bonne volonté de la compagnie
multinationale. La compagnie multinationale peut décider, demain matin,
de dire que l'indépendant n'existe plus en augmentant le prix du gros et
en laissant le prix de détail bas ou en le baissant, même si elle
subit des pertes, elle. La vie est très aléatoire pour un
indépendant et ça nous semble quand même fondamental. On se
dit, deuxièmement, qu'on peut constituer un secteur de très
grande importance pour l'Etat. Pourquoi? Parce que ce sont des autochtones, les
distributeurs. Ils vont quand même demeurer ici et ils ne peuvent pas
faire de pressions pour dire: Cela ne nous intéresse pas; s'il n'y a pas
de profits à faire, on s'en va. Je pense que c'est un outil très
grand pour un secteur témoin, pour pouvoir avoir les informa-
tions pour un gouvernement, un secteur comme ça où ce sont
des gens de la place.
M. Joron: Une petite dernière question. En page 5, au
premier paragraphe, vous dites: "La politique énergétique
québécoise doit permettre aux indépendants de consolider
leur position concurrentielle. " Vous venez d'élaborer sur une
façon de la consolider vraiment. Je comprends que le souci est d'assurer
la meilleure compétition possible et que la protection du consommateur
s'en trouve peut-être mieux assurée comme ça, mais comment
reliez-vous ça au problème des approvisionnements, par
contre?
Je comprends que s'il y a 500 détaillants qui se partagent le
marché au Québec et qu'ils se font concurrence entre eux, cela
peut tenir les prix bas aux consommateurs; cela assure véritablement une
situation concurrentielle presque parfaite. C'est une chose, au niveau de la
vente au détail.
Mais comment reliez-vous cela comme ayant un effet sur les
approvisionnements? J'imagine que, quand vous parlez d'approvisionnements, vous
faites allusion aux approvisionnements en pétrole brut pour l'ensemble
du Québec? Quelle est la relation entre les deux? En quoi est-ce que
cette situation concurrentielle optimale nous procurerait de meilleurs
approvisionnements, ou des approvisionnements plus sûrs?
M. Doyon: Disons tout d'abord que s'il y avait une union de tous
les indépendants, en ce qui concerne la consommation, je pense qu'il y a
suffisamment d'indépendants présentement pour une raffinerie de
100 000 barils/jour; parmi les études qui ont été faites
en 1969 par le ministère des Richesses naturelles, il y avait une
étude par un économiste de ce ministère qui
démontrait que les indépendants, à l'époque,
avaient suffisamment de gallonnage pour une raffinerie.
Le problème est le suivant: II faut essayer de consolider le
marché des indépendants de façon à avoir une
certaine autonomie. Le problème des indépendants, c'est le
problème de leur survie. Cette survie ne peut se faire qu'avec un
approvisionnement assuré.
On se dit, à ce moment-là, qu'il faut essayer de
travailler dans des chemins permettant à l'Etat, par l'entremise
d'organismes étatiques tels que SOQUIP, de penser à l'importation
éventuelle d'une certaine gamme de produits et de les écouler,
d'une part, par l'entremise d'indépendants, ou bien par les
indépendants eux-mêmes, à long terme, de faire cet
approvisionnement.
M. Jordon: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Un peu dans la
même ligne de pensée que dénotent les questions que vous a
posées le ministre, les réponses que vous venez de donner, ce qui
serait, selon vous, le monde idéal, m'apparaissent à peu
près se présenter comme ceci, vous me direz si
j'interprète mal vos recommandations. Il me semble que vous
souhaiteriez, pour être très clair et très concret, que
SOQUIP reçoive de l'Etat des fonds suffisants pour lui permettre
d'intervenir directement et à son propre chef dans l'approvisionnement
et le raffinage, au Québec, de produits pétroliers, de
manière que vous puissiez jouir d'une source d'approvisionnement
alternative aux multinationales, et ceci peut-être à des
conditions qui vous apparaissent plus avantageuses. Est-ce que c'est le sens
qu'il faut voir dans les infrastructures dont vous souhaitez la
création? Vous ne souhaitez pas que SOQUIP s'engage dans le raffinage ou
l'approvisionnement?
M. Doyon: SOQUIP ne doit pas être une béquille pour
les indépendants, n'est-ce pas? Lorsqu'on parle tout simplement d'un
rôle de SOQUIP, je pense qu'on le dit, à un moment donné
dans notre mémoire, une politique énergétique doit
être dressée de façon très pensée. On ne peut
aller de façon très urgente pour dresser une politique
énergétique.
M. Forget: La commission, justement, veut savoir ce que vous
mettriez comme ingrédient d'une telle politique. Ne faut-il pas
comprendre de votre part l'intervention de SOQUIP comme raffineur, comme source
d'approvisionnement? Qu'est-ce qu'il faut comprendre?
M. Doyon: II faut le comprendre. M. Forget, vous disiez tout
à l'heure: Est-ce qu'on doit comprendre que SOQUIP doit pouvoir importer
ou avoir les pouvoirs en ce qui concerne le raffinage pour permettre une
concurrence vis-à-vis des multinationales, n'est-ce pas? C'est dans ce
sens. Autrement dit, est-ce que cela ne peut pas être un contrepoids
devant les multinationales pour vous permettre d'aller chercher SOQUIP
plutôt que d'aller chercher aux multinationales, si SOQUIP sert à
faire baisser les prix?
Sur ce sujet, on pense qu'une politique énergétique ne
doit pas être fixée uniquement sur une question de prix
vis-à-vis du détail. C'est pour cela qu'on dit qu'on peut
s'approvisionner à meilleur coût, mais il ne faut pas garantir le
meilleur coût possible au consommateur de façon que les prix
soient bas et qu'on puisse gaspiller l'énergie.
Ce qu'on veut voir de SOQUIP, c'est que SOQUIP puisse construire un
contrepoids vis-à-vis de toutes les activités des multinationales
et puisse avoir les outils nécessaires pour être capable de faire
les différentes recherches ou les investissements dans le domaine de
l'énergie, mais qu'on ne s'appuie pas uniquement sur les compagnies
multinationales.
M. Forget: Si vous me permettez, avant de faire le plaidoyer,
j'aimerais qu'on soit bien sûr de comprendre votre pensée. Vous
semblez confirmer l'interprétation que j'en ai faite, à savoir
que vous souhaitez que SOQUIP intervienne au niveau de l'importation du brut et
du raffinage pour le marché domestique?
M. Doyon: Oui, sur ce point, on ne verra pas cela d'un mauvais
oeil.
M. Forget: Ce que vous avez ajouté à cela
amène ma deuxième question sur le sujet. Votre allusion à
des prix domestiques les plus bas possible et vos protestations à ce
sujet me portent à croire qu'effectivement, si une telle
stratégie était développée et si le Québec,
à frais considérables, s'engageait dans cette voie je ne
sais pas comment il le ferait pour ajouter à une capacité qui est
déjà excédentaire, présumément, c'est par
l'achat d'un producteur existant, d'un raffineur existant, mais enfin, laissons
cela de côté vous semblez ne pas encourager que les
économies qui pourraient résulter, pour vos membres, d'une
nouvelle source d'approvisionnement soient passées au consommateur. Ce
serait peut-être pour vous un moyen de stimuler le développement
des indépendants ou de freiner leur déclin ou le déclin
dans leur part du marché qu'ils occupent au Québec, je pense.
J'aimerais que vous confirmiez cela, parce qu'on l'a eu dans la
présentation précédente, savoir que depuis quinze ans, au
Québec, la part des indépendants a été en
diminution constante. Est-ce un remède à cela que vous cherchez,
soit que l'économie possible venant d'une nouvelle source
d'approvisionnement puisse être récupérée par les
indépendants et leur permettre de tenir le coup dans un marché
qu'ils trouvent peut-être un peu difficile depuis quelques
années?
M. Ducharme: En principe, ce n'est pas une béquille, ce
n'est pas une aide à ce niveau que l'on demande, parce qu'en
définitive, l'indépendant, à l'heure actuelle, n'a pas les
marges nécessaires parce que les multinationales ne les lui donnent pas,
mais par contre, si SOQUIP vient dans ce milieu, vient contrebalancer les
approvisionnements, à ce moment, on va maintenir les prix et la
concurrence va continuer entre les indépendants, parce que de la
concurrence, il va y en avoir. Des indépendants, il y en aura tout le
temps par la suite. Si, par contre, on n'a pas cet appui qui vient aider le
marché, l'indépendant disparaît, la multinationale s'en
vient sur le marché avec ses marges. Elles, elles les auront, ces
grandes marges, par la suite.
M. Forget: J'aimerais à nouveau insister sur ce point.
Vous dites non, mais dans votre exposé vous confirmez ce que j'ai dit.
Vous dites: On va consolider ou contrebalancer l'influence des multinationales.
On va maintenir les prix. C'est exactement ce que j'ai dit. J'aimerais que vous
le niiez si ce n'est pas vrai ou que vous le concédiez si c'est vrai.
Est-ce que effectivement, vous envisagez cela comme une façon de
soutenir... Laissons faire les principes. Vous dites qu'en principe, ce n'est
pas cela. En pratique, si vous obtenez des approvisionnements à meilleur
coût et que vous maintenez les prix actuels je ne vois pas comment
les indépendants pourraient réussir à changer les
conditions du marché, alors qu'ils en occupent dans le fond une faible
part effective- ment, est-ce que ce n'est pas une forme indirecte de
subventions pour l'activité des indépendants?
M. Doyon: M. le ministre, je comprends... Excusez-moi. M.
Forget...
M. Garneau: Le recyclage pour tout le monde...
Une Voix: Adressez-vous au président...
M. Doyon: Lorsqu'on parle de s'assurer un approvisionnement
à meilleur coût, on parle en termes de Québécois, on
ne parle pas en termes d'indépendants...
M. Forget: Pour le consommateur ou pour les
indépendants?
M. Doyon: Là, on parle pour les Québécois en
général, autant le gouvernement que les indépendants.
Lorsqu'on dit...
M. Forget: Oui, mais ce ne sont pas les mêmes
intérêts.
M. Doyon: Pardon?
M. Forget: Les intérêts des consommateurs. Je
comprends que les indépendants sont très importants au
Québec. Je ne veux pas en minimiser l'importance. Il reste que
l'intérêt des indépendants n'est pas nécessairement
l'intérêt de tous les Québécois, du moins pas a
priori.
M. Doyon: Oui, mais il ne faudrait pas oublier une chose. Sur le
marché, si vous remarquez bien, quand vous n'avez pas eu
d'indépendants, c'est très facile après de se
réunir et de jouer sur les prix. On peut voir tout simplement, dans le
domaine où vous avez seulement des multinationales et vous n'avez plus
d'indépendants dans le marché, combien les prix peuvent jouer
dans le détail de l'essence. Vous allez voir que les prix vont fluctuer.
Allez seulement au Nouveau-Brunswick où vous avez une seule raffinerie
qui joue sur tous les prix et vous allez payer votre gallon plus de $1. Ce
qu'on veut, c'est que le gouvernement ou l'Etat québécois
puissent s'approvisionner au meilleur coût possible. Lorsqu'on demande
que SOQUIP puisse intervenir dans ce secteur, ce n'est pas fondamental, parce
qu'on pense nous-mêmes y aller, être capables de le faire. Ce n'est
pas seulement une question de marge de profits, disant: Si SOQUIP peut obtenir
ce prix à meilleur coût et qu'on puisse le vendre au même
prix, donc notre marge de profits au détail va augmenter, on va
être très heureux. Finalement, cela va être une subvention
déguisée, comme vous dites. Ce n'est pas cela qu'on vise. Ce
qu'on vise, c'est qu'on puisse constituer un contrepoids pour que l'Etat ou le
Québec ne soit pas à la merci des importations des
multinationales, et qu'on puisse avoir un outil, si on juge que c'est rentable.
Si on juge que ce n'est pas rentable... Voyez-vous, vous avez
SOQUIP qui est dans le domaine du gaz naturel. Si c'est plus rentable ou
plus intéressant pour la compagnie de s'en aller dans le gaz naturel, on
pense qu'on doit se diriger là et non vers l'importation de brut.
Il ne faudrait pas faire ce que le gouvernement fédéral a
fait il y a quelques années lorsque est arrivée la crise de
l'énergie, achetant à très haut coût. Il ne faudrait
pas quand même partir en peur et dire: On veut tout de suite un appui,
pour être capable de jouer sur notre marge de profits au détail.
Ce n'est pas le cas. On se dit: Si l'Etat ou si le Québec peut
bénéficier de ce secteur secondaire de la part d'une compagnie
d'Etat, on pense qu'il devrait y aller, sinon qu'on n'y aille pas.
M. Forget: M. le Président, une dernière question
sur le même sujet, puisque vous venez de faire allusion à la
possibilité que les indépendants le fassent eux-mêmes. Vous
dites qu'il n'est pas essentiel que SOQUIP le fasse, que peut-être les
indépendants vont le faire eux-mêmes. Vous dites dans votre
mémoire, que vous avez les pouvoirs de le faire, enfin, dans la charte
de l'association ou ses lettres patentes. Qu'est-ce qui vous empêche
pratiquement de vous unir comme les indépendants et d'intervenir
à ce niveau, au niveau des approvisionnements, au niveau de
l'accès aux marchés internationaux du pétrole,
plutôt que de vous approvisionner auprès des multinationales qui
oeuvrent ici au Québec?
M. Lapointe (J. Alphonse): M. Forget, je pense que votre question
nous ramène à l'expression qu'on a utilisée dans le
mémoire, le terme infrastructure, sur laquelle le ministre, tout
à l'heure, nous a questionnés. Il faut d'abord dire parce
que je pense que le public, tout au moins, ne le sait pas que les
indépendants, au Québec, approvisionnent, dans le moment, 70% du
chauffage domestique; c'est tout de même important. Lorsqu'on parle du
chauffage domestique, évidemment on parle du petit consommateur.
Pourquoi les grandes sociétés sont-elles moins
intéressées à ce marché? C'est parce qu'il est
moins rentable probablement. Si on regarde un peu en arrière, on voit
qu'elles se sont plutôt intéressées aux grandes
concentrations urbaines et qu'elles ne se sont tournées vers le
marché rural, qui est plus disséminé, que lorsqu'il est
devenu un peu plus rentable. Je pense que l'histoire des 15 ou 20
dernières années nous démontre qu'elles n'ont pas vraiment
comme premier intérêt, directement, le service aux consommateurs.
C'est un service qui doit être profitable.
Au fond, les indépendants ont la même ambition. Les
indépendants ne resteront pas sur le marché s'ils ne font pas de
profit, mais il ne faudrait pas en tirer une conclusion trop hâtive en
disant que les indépendants demandent au gouvernement de subventionner
leurs profits. Je ne pense pas. Je crois qu'il y a une relation entre cette
infrastructure, qu'on souhaite, et la distribution des produits dans les
prochaines années. Les indépendants pourraient importer
directement. Vous demandez par quel moyen. Je pense que, s'il y a une forme de
collaboration avec le gouvernement, il y a possibilité que les
indépendants conservent leur marché actuel et même
l'accroissent par une politique d'achat qui a déjà
commencé à être examinée.
D'autre part, les indépendants peuvent aussi importer par
l'entremise de SOQUIP ou SOQUIP peut importer et faire des ententes avec les
indépendants pour la distribution, mais la concurrence des
multinationales restera là quand même. C'est-à-dire
qu'elles resteront sur le marché puisqu'elles ont sept raffineries
à maintenir au Québec et on l'a dit avant le souper
je ne pense pas que les multinationales fermeront les raffineries. Elles vont
les maintenir, elles vont chercher, évidemment, à approvisionner
le marché québécois, même si les indépendants
devaient importer et faire des ententes de distribution. Ce qui veut dire que
l'indépendant, au Québec, assure déjà un service
important au moins à la famille québécoise et dans toutes
les régions, mais il pourrait faire davantage et peut-être
être un concurrent plus influent sur les prix s'il y avait
déjà des modalités différentes dans les
mécanismes qui interviennent pour fixer les prix au gros et au
détail. C'est peut-être là le rôle de l'office de
l'énergie que nous souhaitons. C'est qu'actuellement ce n'est un secret
pour personne les contrats les plus importants, qu'ils soient
donnés par les gouvernements, les municipalités, les commissions
scolaires ou ailleurs, les contrats qui impliquent de gros volumes sont, d'une
façon presque totale, alloués aux multinationales. Cela
représente un volume considérable.
Alors, lorsqu'on parle d'infrastructure, je pense qu'il faut
déjà aller sur ce territoire, en ce sens qu'il faudrait que les
indépendants puissent compter davantage sur un marché qui serait,
dans une certaine mesure, non pas garanti mais plus accessible qu'il ne l'est
dans le moment. Je pense que ce serait dans l'intérêt national d'y
penser aussi. Actuellement, ils sont complètement éliminés
de ce marché; donc, ils doivent se contenter du marché
strictement familial.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse, y aurait-il possibilité, vu qu'il est près de 9
heures et qu'il reste encore trois intervenants, de raccourcir un peu les
questions et les réponses, s'il vous plaît?
M. Goulet: Merci, M. le Président. A la suite des propos
du député de Saint-Laurent, vous souhaitez dans votre rapport que
SOQUIP fasse du raffinage. Ce serait une solution de rechange valable pour les
multinationales au point de vue de l'approvisionnement. A un moment
donné, dans votre rapport, on trouve: "La réalisation de ce
nouvel objectif aurait pour effet... d'animer la concurrence et de
protéger la population contre...". A un autre endroit, à la page
6, on trouve "sans s'immiscer dans le secteur de la distribution." Pourquoi
souhaitez-vous que SOQUIP fasse du raffinage, ce qui serait une solution
valable pour les multinationales au point de vue de l'approvisionnement, mais
pourquoi souhaitez-
vous également qu'elle ne fasse pas la distribution? Pour le
consommateur, ce serait également une solution valable.
Pourquoi souhaitez-vous que SOQUIP ne fasse pas de distribution?
M. Lapointe: Je pense qu'il nous apparaît plus
rationnel...
M. Goulet: Pour compléter ma question, cela serait-il un
compétiteur?
M. Lapointe: ... d'utiliser les équipements qui sont
déjà disponibles que d'essayer de doter une société
d'Etat de ces mêmes équipements qui coûtent très
cher. On sait qu'un camion pour distribuer de l'huile peut coûter $40 000
aujourd'hui. On sait que les indépendants ont une quantité de
matériel roulant qui est là. Si, évidemment, la
société d'Etat disait: Je vais m'équiper pour faire la
distribution dans toutes les petites localités de la province de
Québec, je pense qu'il faudrait envisager des sommes
considérables pour qu'elle puisse assurer un service à
l'intérieur d'une période d'années assez courte,
peut-être de deux ans ou de trois ans.
Les équipements sont disponibles. Le réseau de
distribution existe, mais les mécanismes de fixation des prix dans le
moment ne permettent pas à ce réseau de donner sa pleine
efficacité. Je pense qu'il est assez rationel de dire que, lorsqu'on
envisage la planification d'un approvisionnement et d'une consommation
d'énergie, comme on est une des régions du monde où le
taux per capita est le plus élevé en consommation d'huile
à chauffage, il est important de penser qu'on doit se servir au maximum
de ce qui est déjà existant au lieu d'essayer d'investir à
côté dans un équipement concurrentiel.
M. Goulet: Ce que j'avais cru comprendre dans le rapport, c'est
que vous souhaiteriez, je ne dirai pas le mot association, mais vous associer
avec SOQUIP. Elle produirait et vous, vous distribueriez, de façon
à concurrencer les multinationales. Est-ce dans l'ordre? Non.
M. Lapointe: C'est peut-être une modalité de
réalisation quand on parle d'infrastructure. Là, on n'a pas
été très à fond dans l'examen des
différentes hypothèses. Cela pourrait en être une.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'aimerais clarifier ici le rôle de SOQUIP et
le rôle des indépendants. Si je vous comprends bien, votre
perception de SOQUIP est qu'elle est une société d'Etat qui
aidera les gens du Québec et non pas une société qui fera
concurrence aux indépendants. Vous voudriez utiliser les
méthodes, les ressources. Je crois que je suis d'accord avec vous qu'une
société d'Etat ne devrait pas être créée pour
déplacer, pour mettre hors de compétition, mettre hors des
affaires des hommes d'affaires qui sont déjà au Québec. Ce
n'est pas une question d'être subventionné...
M. Lapointe: Bien non.
M. Ciaccia: ... de SOQUIP. Ce n'est pas une question d'utiliser
les ressources de la province pour vous donner un avantage, mais c'est
seulement pour faire un complément. Est-ce que c'est cela, si je
comprends bien? Vous ne voulez pas que SOQUIP fasse concurrence. Vous voulez
que SOQUIP aille dans les domaines qui avantageront toute la province, tous les
Québécois, incluant les marchands indépendants. Est-ce que
je comprends bien cela?
M. Lapointe: C'est cela. SOQUIP peut jouer son rôle au
niveau de la production, mais, lorsque arrive la distribution, il peut y avoir
des ententes qui permettent d'exploiter ce qui est déjà en
place.
M. Ciaccia: Parfois, on a tendance à toujours voir cela
comme un rôle compétitif: SOQUIP, marchands indépendants,
multinationales.
M. Lapointe: Pas comme cela.
M. Ciaccia: Y a-t-il possibilité de jouer un rôle
complémentaire, parce qu'il y a certaines choses, en définitive,
que les multinationales ne peuvent faire et est-ce dans ce sens que vous voyez
le rôle de l'indépendant?
M. Lapointe: Je peux vous dire que, chez les membres de
l'association, je ne crois pas qu'on ait jamais senti que SOQUIP était
une concurrente. Pour le moment, SOQUIP n'a pas tellement été
dans le même champ d'activités que nous, mais jamais, dans nos
discussions, est apparue I'idée que SOQUIP pouvait,
éventuellement, devenir une concurrente. Lorsqu'on a parlé de
SOQUIP, c'est plutôt comme une possibilité de collaboration
éventuelle dans l'avenir, mais qui n'est pas encore
déterminée.
En ce qui concerne les multinationales, il n'est pas question non plus
de parler de concurrence de notre part puisqu'elles nous approvisionnent. La
concurrence vient plutôt du fait que, tout en approvisionnant les
indépendants, elles concurrencent aussi dans le marché de
détail les mêmes clients qu'elles servent.
Alors, je pense que là, la concurrence n'est pas
créée par l'indépendant, mais elle est créée
par le raffineur qui, lui, joue sur les deux tableaux.
Une Voix: Par la situation.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: J'aurais deux questions. Une première qui est
sûrement dans le prolongement des précédentes questions.
Aux pages 1 et 2 de votre mémoire, vous indiquez que c'est sur la
recommandation de deux ministères, les ministères
des Richesses naturelles et de l'Industrie et du Commerce, que vous avez
pensé former une association d'une centaine de vos membres, visant
à acheter, vendre, importer, exporter, raffiner, transformer, etc. Je
voudrais savoir combien il y a d'années que ces deux ministères
vous ont fait cette recommandation? Est-ce qu'il y a des chances dans un avenir
prévisible, c'est-à-dire d'ici quelques mois ou quelques
années, que cette association qui, si je comprends bien, est
actuellement une association qui n'a pas réalisé l'ensemble de
ces objectifs, est-ce qu'il y a des chances, dis-je, à court terme,
qu'elle réalise ces objectifs? Compte tenu de ces deux réponses,
je préciserai peut-être, disons, une troisième
question.
Ma deuxième question, je l'annonce tout de suite sans la
préciser, concernera l'office de l'énergie que vous proposez. Je
la clarifierai tantôt.
M. Ducharme: Cette association a été formée
lors de la crise du pétrole en 1973. Elle a pris forme en 1974.
Actuellement, elle serait presque prête à importer certains
produits finis, mais, actuellement, les subsides ne sont pas en notre faveur
à cet effet.
M. Marcoux: Si je comprends bien, dans le sens des questions qui
ont été posées, vous souhaiteriez finalement que ces
fonctions d'importer, raffiner, transformer et entreposer soient faites par
SOQUIP, vous l'avez presque affirmé tantôt.
M. Doyon: Pas nécessairement. M. Marcoux: Non?
M. Doyon: Je veux dire que les indépendants pourraient le
faire, on y songe, avec le groupe dont on parlait tantôt, qui est une
compagnie qui a été faite à partir d'indépendants,
qui étaient membres de l'association. Ce n'est pas la charte de
l'association qui prévoit d'importer. C'est une compagnie qui a
été formée par un groupe d'indépendants, qui a
décidé d'agir comme grossiste. Or, présentement, elle
existe. Cette compagnie vend actuellement, distribue parmi ses membres plus de
6C millions de gallons et on peut croître facilement. Lorsqu'on parle
d'importation de brut, il faut prendre conscience d'un problème: dans un
baril ou dans un gallon de brut, vous avez une certaine partie qui va faire du
"bunker", une autre partie qui va faire un produit beaucoup plus
raffiné, vous aurez de l'huile à chauffage. Présentement,
l'association distribue de l'huile à chauffage, et dans le domaine de
l'huile à chauffage et non dans le domaine de l'essence, sauf
minoritaire.
Ce qui arrive, cette compagnie agit comme distributrice et approvisionne
des indépendants. On y songe, sauf que vous allez comprendre que cela
exige des coûts très élevés et avant de se lancer
dans ce secteur, il faut se demander si on peut réaliser les objectifs
parce que le "bunker", il faut le vendre après. Le "bunker",
généralement, ce sont des commissions scolaires, les
hôpitaux qui agiront dans ce domaine. Or, comme les multinationales,
souvent, vendent les produits, lors de soumissions publiques, à des prix
inférieurs au prix de gros des détaillants, à ce moment,
il faut faire attention avant de se lancer dans le secteur parce que cela sera
une faillite monumentale. Vous comprenez?
M. Marcoux: Si je comprends bien, cela ne se réalisera pas
dans un avenir prévisible, à court terme?
M. Doyon: Si on parle à court terme, je vous dirais
non.
M. Marcoux: Ma deuxième question porte sur l'office de
l'énergie. Je trouve l'idée intéressante d'avoir un office
de l'énergie. Je vous demanderais, parce que je trouve que vous
êtes bref sur le sujet, de préciser la composition que vous voyez
de cet office, ses rôles, ses fonctions. Vous dites: devrait être
composée à part égale de raffineurs et de
détaillants, de membres de l'association des marchands d'huile. Je
trouve que, pour un office d'énergie, il y a beaucoup plus de monde que
cela d'impliqué dans l'énergie au Québec.
Deuxièmement, sur les rôles et fonctions, vous dites: doit
protéger le consommateur, donc, avoir juridiction sur les prix au
détail et au gros. En plus de cela, est-ce que vous voyez une
composition plus étoffée à cet office, et des rôles
et des fonctions plus polyvalentes?
M. Lapointe: C'est certain... M. Marcoux: Quels
seraient-ils?
M. Lapointe: D'abord, vous avez raison de dire qu'on ne peut pas
penser à constituer un office d'énergie seulement avec des
représentants du secteur pétrolier. C'est évident. On
s'est limité à faire cette suggestion parce que c'est notre
sphère d'activité.
Il est bien certain que si le gouvernement décidait de
créer un tel office, il devra voir à ce que tous les secteurs qui
participent au domaine de l'énergie puissent y être
représentés, s'il adopte cette formule-là. Actuellement,
comme vous le savez, il y a la Régie du gaz et de
l'électricité qui est pourvue de certains pouvoirs concernant les
prix et qui joue un peu le rôle d'un tribunal. Un tel organisme n'existe
pas pour le pétrole. Le champ est libre, pour des sociétés
étrangères qui opèrent au Québec, de fixer les prix
un peu à leur guise et de faire la forme de concurrence qui leur
plaît parce qu'il n'y a aucun organisme qui s'occupe d'intervenir dans le
champ de la fixation des prix.
On croit, nous, qu'il est temps maintenant, puisque le gouvernement a
comme préoccupation majeure d'économiser l'énergie, non
seulement d'approvisionner le Québec mais aussi d'économiser
l'énergie. On croit qu'il va de soi que le gouvernement se dote, le plus
rapidement possible, d'un organisme qui lui permettra justement de
surveiller de façon permanente la fixation des prix et, d'une
certaine mesure, freiner la consommation exagérée. Ce n'est un
secret pour personne dans le moment que les compagnies ou certaines compagnies
multinationales font de tels profits dans l'Ouest du pays qu'elles peuvent se
permettre momentanément de baisser leurs prix au Québec. Mais
cette baisse qui semble actuellement profiter au consommateur peut durer
combien de temps? Je ne crois pas qu'un gouvernement doive se fier aux
aléas de quelques compagnies comme celles-là pour établir
une politique dans l'avenir.
M. Marcoux: ... une façon de protéger les
consommateurs pourrait être de hausser les prix dans des circonstances
particulières?
M. Lapointe: II n'est pas question de hausser les prix. Il
s'agit, pour le gouvernement, je pense, de ne pas être à la merci
des sociétés étrangères qui, elles, peuvent jouer
à leur guise à la hausse ou à la baisse. Le rôle de
l'office serait précisément de surveiller les
intérêts du consommateur ou de l'ensemble de la population. Ce
serait cela le rôle de l'office. Tant mieux si l'office peut surveiller
de telle sorte que les prix soient toujours plus bas que dans les autres
régions. Je pense que tout le monde en serait heureux, et les
indépendants en seraient heureux aussi.
M. Doyon: Cet office-là serait également
consultatif de même qu'un organisme de contrôle,
c'est-à-dire consultatif auprès du gouvernement pour qu'il puisse
faire des études sur la prospection, la récupération,
puisse voir quels seront les besoins. Autrement dit de toujours s'adopter au
niveau énergétique, aux besoins énergétiques du
Québec, donc qu'il puisse voir une politique d'ensemble qui soit
constante, qu'il soit un organisme consultatif auprès des
autorités gouvernementales compétentes.
M. Marcoux: Mais décisionnel également.
M. Doyon: Décisionnel également dans certains
secteurs, c'est-à-dire qu'elle puisse jouer un rôle d'appoint dans
le domaine de l'énergie. Et lorsque vous posez la question: Est-ce que
pour protéger le consommateur on ne devrait pas augmenter les prix? Ce
serait oui aussi dans certains cas. Parce qu'à un moment donné,
le consommateur sera peut-être obligé de se voir imposer des prix
pour être capable de penser qu'il faut protéger l'énergie
à l'avenir. Je pense que les politiques incitatives, dans le domaine de
l'automobile, pour taxer les grosses voitures ou les moteurs ou les
climatisations, sont en ce sens qu'on hausse les prix pour essayer de dire au
consommateur: L'énergie coûte cher, ne la gaspillez pas. Je pense
qu'un office pourrait aller jusque là aussi.
Le Président (M. Laplante): Un dernier intervenant. Le
député de Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, il y a deux aspects des
remarques qui viennent d'être faites sur lesquelles j'aimerais avoir des
précisions. Dans votre formation de l'office de l'énergie qui
serait consultatif et décisionnel, vous parlez de représentants
des gens de l'industrie. Est-ce que vous ne croyez pas qu'en plaçant des
représentants des indépendants ou des multinationales à un
office de l'énergie, on place ces personnes dans un conflit
d'intérêts, surtout si l'organisme est décisionnel, dans un
conflit d'intérêts qui ne serait pas acceptable? C'est comme si on
confiait le rôle de juge à un des accusés. Est-ce que c'est
possible d'envisager la présence d'intervenants qui ont des
intérêts directs à un office qui aurait un pouvoir
décisionnel?
M. Doyon: En tant qu'avocat, je pourrais dire que c'est la
même chose que la nomination des juges. Ce n'est pas parce que quelqu'un
a milité, s'il est nommé juge, qu'il est partisan. Lorsqu'on
parle d'un organisme...
M. Garneau: A ce moment-là ce serait à titre
individuel qu'il serait nommé et non pas à titre de
représentant.
M. Doyon: Oui, c'est à titre individuel et non à
titre de groupe. C'est-à-dire que l'Etat va nommer ses propres
représentants, les multinationales pourraient également avoir des
représentants et également les indépendants, pour qu'on
puisse avoir, quand même, une vue des trois secteurs, qu'on puisse
véritablement les prendre en cause.
M. Garneau: Si c'était consultatif, je serais d'accord
avec vous, mais pas si c'était décisionnel. Je ne peux pas voir
que M. Hamel, qui était ici ce matin, ou que le président de
l'association soit autour de la table pour dire: II y aura une augmentation ou
il n'y en aura pas dans les prix. S'il y a une décision qui doit
être prise, ces gens-là, c'est clair et net, vont être
coincés joliment. Cela a besoin d'être des personnes qui sont
dotées d'une grande capacité d'abstraction de leurs
intérêts pour être capables de prendre une telle
décision. En tout cas, je ne veux pas en faire un débat.
M. Doyon: Je pense que c'est faire abstraction du bon sens.
C'est-à-dire que si on arrive pour une augmentation de gros et, d'autre
part, au même moment où on augmente les prix de gros, la compagnie
multinationale baisse les prix de détail et je vais lui dire: Pourquoi
baissez-vous les prix au détail vis-à-vis des consommateurs et
augmentez-vous les prix de gros? Je ne pense pas... Si vous avez des
augmentations justifiées, elles devraient l'être sur toute la
longueur, n'est-ce pas, autant au prix de détail qu'au prix de gros.
M. Garneau: Je ne voudrais pas aller plus loin là-dedans,
parce que ça m'apparaîtrait assez cocasse de voir des gens cause
et partie. De toute façon, sur l'autre aspect, il est passablement
inté-
ressant, parce que j'ai eu, lorsque j'occupais d'autres fonctions, des
discussions sur le secteur témoin et, chose assez curieuse, à ce
moment-là, les gens qui analysaient cette situation, prévoyaient
justement d'aller jusqu'au bout s'ils investissaient dans le raffinage, et
c'était le cas pour SOQUIP qui devait avoir un système de
distribution. Et même dans certaines des conversations que j'avais eues
dans le temps, on plaçait même la nécessité d'avoir
un système de distribution implanté avant d'investir dans la
raffinerie.
Parce que, imaginez la situation, par exemple, si SOQUIP achète
une raffinerie existante et qu'elle raffine du pétrole brut, qu'elle a
de l'huile à chauffage, c'est fort possible pour des raisons x, y, z,
que le prix de revient de l'huile à chauffage que pourrait faire SOQUIP
serait plus élevé que celui de la société
Impériale. Est-ce que les dépendants vont l'acheter de SOQUIP ou
est-ce qu'ils vont l'acheter de l'Impériale? S'ils ne l'achètent
pas de SOQUIP, elle n'a pas de réseau de distribution, qu'est-ce qu'elle
va faire avec? C'est ça qui est, à mon sens, le hiatus dans votre
analyse. Vous ne pouvez pas, je crois, demander à l'Etat, d'investir des
centaines de millions de dollars dans une raffinerie et placer ces capitaux
à la merci des personnes qui auraient le choix d'acheter ailleurs ou de
ne pas acheter.
Si, par exemple, vous vendez votre huile à chauffage $0.47 le
gallon et que le fournisseur, qui est SOQUIP, vous le vend à un prix
plus élevé que l'Impériale, vous allez l'acheter de
l'Impériale. A ce moment-là, si SOQUIP n'a pas de réseau
de distribution, elle va rester collée avec. C'est ça qui
était le sens de l'analyse et qui incitait les gens qui analysaient la
possibilité d'installer un secteur témoin, d'avoir une
distribution jusqu'au bout, autrement, ils restent collés avec les
produits.
M. Doyon: Je vous répondrai par la négative
à la question que vous me posez parce que, d'une part, il y a
déjà de nos membres, qui, pour aider à la survie, vont
payer plus cher leur prix de gros que d'autres et qui vont quand même
payer plus cher pour assurer leur propre survie. Donc, une entente avec SOQUIP
ne serait nullement irréalisable et à ce moment-là, il ne
faut pas seulement penser au profit à court terme comme vous semblez le
croire et dire: A ce moment-là, si Esso vous le vend moins cher que peut
vous le vendre SOQUIP, vous allez voir Esso et vous allez laisser tomber
SOQUIP. Je pense qu'il y a des questions d'entente qui peuvent être
prises avec des compagnies ou avec une compagnie d'Etat.
Il ne faudrait pas voir uniquement une question de profit à court
terme, d'une part.
Actuellement, ça se fait, de nombreux distributeurs paient
présentement leur prix de gros plus élevé, pour assurer la
survie d'un organisme.
Le Président (M. Laplante): La commission vous remercie,
messieurs, de la coopération que vous avez bien voulu lui apporter.
M. Doyon: Merci.
Le Président (M. Laplante): La Chambre de commerce de la
province de Québec, M. Pierre Morin.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Morin (Pierre): Je m'appelle Pierre Morin. Je suis directeur
général des affaires publiques de la Chambre de commerce de la
province de Québec. Je suis accompagné ce soir, de M. Andrew
Winstanley de notre service de recherche.
Vous avez deux documents qui constituent notre mémoire. Je
voudrais tout simplement vous signaler que le document jaune est une annexe sur
laquelle je reviendrai un peu plus tard. Si vous me permettez, je vais
peut-être aborder immédiatement le texte de notre
mémoire.
D'un obscur thème débattu surtout par les
académiciens, les économistes et les scientifiques,
l'énergie s'est transformée au cours des cinq dernières
années en une brûlante actualité touchant tous les citoyens
individuellement et collectivement.
Pour actuelle qu'elle soit, la question n'en demeure pas moins complexe
et le citoyen appelé, aujourd'hui, à payer l'addition demeure
encore confus devant les questions fondamentales que sont la conservation, la
sécurité d'approvisionnement, les coûts astronomiques
impliqués, les prix continuellement à la hausse et le choix parmi
les sources d'énergie connues et à être
développées. A l'heure où le gouvernement du Québec
a invité ses citoyens à soumettre à cette commission
parlementaire opinions et avis qui pourront servir à
l'élaboration d'une politique québécoise de
l'énergie, quelle contribution peut y apporter la Chambre de commerce du
Québec?
De tous les organismes à vocation économique au
Québec, notre chambre de commerce croit détenir une position
unique que lui confère sa composition. La chambre est la
fédération volontaire des quelque 200 chambres de commerce et
"boards of trade" locaux actifs au Québec, groupant ainsi plus de 31 000
membres individuels, principalement des hommes d'affaires, couvrant ainsi plus
de 85% du territoire habité au Québec.
La chambre représente aussi près de 2600 entreprises
actives au Québec qui y adhèrent volontairement et directement. A
ces deux titres, qui font de la chambre l'organisme le plus
représentatif de la communauté des affaires du Québec,
s'ajoute la dimension pertinente à l'examen de la question
énergétique: nous sommes conscients de représenter les
consommateurs, les distributeurs, les producteurs d'énergie et que
l'énergie est à la base même de notre développement
économique.
La chambre s'est penchée activement, depuis plusieurs
années, sur la question énergétique et plus
particulièrement au printemps 1973, avant la période dite de
crise, afin de cerner les principaux éléments du dossier
énergie et d'établir ses positions.
Elle est intervenue pour communiquer ses pri-
ses de position auprès des gouvernements, lors des
conférences intergouvernementales sur l'énergie, ainsi que par la
réalisation d'une étude sur le prix de l'essence au
Québec, publiée en juin 1976, et par la soumission d'un
mémoire à la commission Berger sur l'opportunité de la
construction d'un gazoduc dans la vallée du Mackenzie.
Il est opportun de souligner que la chambre, dans son examen de la
question énergétique, a procédé à partir du
postulat suivant: comment le mieux servir les intérêts du
consommateur? Ce postulat peut sembler insolite pour un organisme tel le
nôtre. Nous n'avons certes pas la réputation du chevalier sans
peur et sans reproche, défenseur du consommateur. Et pourtant, le choix
de la défense des intérêts du consommateur s'impose aussi
bien dans la question d'énergie que dans la question
générale de fourniture de biens et de services au
consommateur.
Notre raisonnement ici est double. D'abord, le consommateur est la
raison d'être de l'entreprise qui lui fournit biens et services.
Effectivement, l'entreprise est l'organisation dont s'est dotée la
société pour satisfaire aux besoins de ses membres.
Deuxièmement, à même notre membership, nous
représentons petites et grandes entreprises, importatrices et
exportatrices, autochtones et multinationales, productrices et distributrices,
dont les intérêts divergent largement et peuvent même
s'opposer. Le dénominateur commun des intérêts serait donc
fort difficile à établir si, en définitive, la chambre ne
pouvait s'appuyer sur le comment le mieux servir les intérêts du
consommateur.
Cette préoccupation a présidé à l'adoption,
par notre assemblée générale, des politiques suivantes en
matière d'énergie. Je vous cite ici un texte qui est
publié dans un document que tous les députés
reçoivent au moins une fois l'an. Nous en avons tiré des
principes concernant l'énergie. "Les aménagements
hydroélectriques fournissent une partie importante de l'énergie
consommée pour fins domestiques, commerciales et industrielles au
Québec. Il serait cependant important que le gouvernement étudie
tous nos besoins d'énergie et applique une politique globale pouvant
nous assurer dans l'avenir de sources d'énergie sûres,
variées, en quantité et qualité suffisantes, à des
prix compétitifs. Cette politique devra nécessairement tenir
compte de celles qui existent déjà au niveau national et
international, ainsi que des besoins nouveaux de l'industrie. Elle devra
favoriser, chaque fois qu'elle est économiquement rentable,
l'exploitation des ressources énergétiques du Québec."
Par-delà ces principes, vous avez une suite de recommandations
plus précises, adoptées annuellement par le gouvernement. La
première, adoptée lors de notre dernier congrès
c'est pour cela qu'elle n'est pas encore imprimée se lit comme
suit: Encourager l'Hydro-Québec à planifier le
développement de toutes les ressources hydroélectriques connues
dans la province, en plus de poursuivre l'exploration nécessaire pour en
dé- couvrir de nouvelles avant de considérer l'exploitation
d'usines nucléaires.
Une autre: Recommander à la Société de la baie
James et à ses filiales d'intensifier la réalisation de leurs
projets compte tenu des possibilités et des ressources dont elles
disposent et sensibiliser la population aux richesses et aux
possibilités de son territoire par un programme d'information et de
publicité à la grandeur du Québec. 120. En matière
d'énergie: a) Définir clairement ses objectifs il s'agit
bien du gouvernement ici en matière d'énergie; b)
démontrer, préalablement à toute intervention dans le
secteur pétrolier, l'opportunité d'une telle intervention; c)
instituer, pour une utilisation optimale de l'énergie, des normes plus
élevées pour obtenir un meilleur isolement des maisons et des
bâtiments commerciaux et industriels; d) entreprendre un programme
d'éducation visant à informer les consommateurs sur la situation
énergétique au Québec, sur le besoin de conserver
l'énergie et sur les moyens à prendre pour y parvenir. 121.
Intensifier les démarches en vue d'obtenir l'installation du pipe-line
amenant le gaz naturel de l'est de l'Arctique vers les marchés de l'Est
du Canada et des Etats-Unis en suivant un tracé situé au
Québec, à l'est de la baie d'Hudson. 122. Adopter, soit au
gouvernement, soit à l'Hydro-Québec, une politique de
tarification préférentielle de l'énergie électrique
à être accordée, pour une période ou une
quantité limitée, aux industries de transformation de
matières premières qui s'implanteront dans les régions
périphériques de la province. 123. Concernant les structures de
l'Hydro-Québec: a) Faire en sorte que les demandes d'augmentation de
tarifs et d'autorisation de mettre en chantier des projets de
développement soient soumises à un organisme indépendant
et spécialisé devant lequel pourront se produire toutes les
parties intéressées. Après étude, l'organisme
rendra un avis public au gouvernement; b) préciser les orientations
à long terme de l'Hydro-Québec en matière d'occupation du
marché de l'énergie; c)élargir la composition du conseil
d'administration de l'Hydro-Québec et y faire siéger des
administrateurs qui n'ont aucune responsabilité de la gestion
quotidienne de cette société. Ces nouveaux administrateurs
auraient pour mandat de veiller aux intérêts des consommateurs et
voir à ce que l'Hydro-Québec soit aussi bien gérée
que l'entreprise privée. 194. Etablir une politique de l'énergie
en tenant compte des éléments suivants:
A Le prix du pétrole brut Le prix du pétrole
brut produit au Canada devrait tendre à s'accroître graduellement
sur une période de plusieurs années en tenant compte de la
situation mondiale. Entre-temps, les modalités actuelles
d'égalisation des prix devraient être maintenues.
B Le transport. Le coût d'approvisionne-
ment du Québec en pétrole brut canadien par oléoduc
devrait être réparti selon la formule actuellement utilisée
par le gaz naturel.
C Le gaz naturel. Pour leur part, les prix du gaz naturel
devraient pouvoir s'établir graduellement à un niveau de prix
équivalant au pétrole brut produit au Canada afin d'assurer et de
maintenir un équilibre qui encouragera l'utilisation la plus rationnelle
de ces sources d'énergie et des mesures pour leur conservation.
DL'électricité. Le Québec
bénéficiera encore pendant quelque temps d'avantages quant au
prix de l'énergie électrique, étant donné son
potentiel de ressources hydrauliques. Il a intérêt à
capitaliser sur cette situation en limitant l'augmentation du prix de cette
source d'énergie à la moyenne de l'augmentation des coûts
de production et de transport.
E Les revenus gouvernementaux. Les revenus additionnels
gouvernementaux devraient être utilisés pour encourager la
recherche et l'exploration de nouvelles ressources.
Il est peut-être opportun de signaler que ce dernier paragraphe
s'adressait plus particulièrement au gouvernement du Canada dans le
contexte du programme d'égalisation de subventions et de perceptions
additionnelles. 12) Depuis l'adoption de ces politiques, la Chambre a
réalisé une étude d'envergure sur le prix de l'essence au
Québec, étude portant sur le prix aux pompes et les facteurs
pouvant créer et maintenir des disparités. Cette étude est
jointe en annexe. Nous l'avons jointe surtout parce que c'est une étude
relevée comté par comté, faite en avril dernier; c'est le
genre d'étude que fait au moins une fois l'an le ministère des
Richesses naturelles, mais qui n'a jamais, à ce jour, été
rendue publique. Nous avons cru qu'il était opportun de faire une
étude d'une envergure peut-être un peu plus vaste, mais avec un
caractère un peu moins scientifique de façon à informer
les Québécois sur les disparités existant entre les prix
de l'essence un peu partout au Québec et les facteurs qui pouvaient
influencer ces prix.
De plus, la Chambre a soumis un mémoire à la Commission
royale d'enquête sur l'acheminement du gaz naturel dans la vallée
du Mackenzie pour appuyer la construction d'un gazoduc en tenant compte des
droits des autochtones et de la protection de l'environnement. 13)Cette
dernière intervention touchait à deux dimensions ajoutant
à la complexité de la question énergétique. Le
projet de mise en valeur de la baie James a permis au Québec de conclure
une négociation agréable aux divers groupes autochtones
détenteurs de droits sur certaines parties du territoire.
Cette expérience acquise sera, certes, utile dans les
années à venir, mais demeure le problème de la protection
de l'environnement, car l'énergie pollue l'air, la terre, la mer,
visuellement et physiquement. Diminuer la pollution peut diminuer le choix des
sources d'énergie et en faire augmenter le prix.
Sur ces questions, la chambre a fait valoir l'argument de
l'équilibre des inconvénients il s'agit ici, à la
fois, de la question des droits des autochtones et de la protection de
l'environnement c'est-à-dire les inconvénients
occasionnés aux personnes ou à l'environnement sont-ils aussi
grands ou égaux aux inconvénients occasionnés par la
privation d'une source d'énergie ou par les coûts additionnels
encourus?
Les valeurs de notre société évoluent rapidement.
Toute politique de l'énergie devra tenir compte de ces mutations et
incorporer des références assez précises quant à la
protection des droits de certaines minorités et de l'environnement, en
tenant compte de cet équilibre des inconvénients. La chambre,
citant ses politiques d'action, recommande au gouvernement du Québec
d'établir une politique de l'énergie. La demande est de taille,
nous en sommes conscients. Avant, cependant, d'entrer dans les divers
éléments qui pourraient la composer, nous aimerions soumettre une
problématique pour fins de discussions. Résumée en une
phrase, cette problématique serait libellée comme suit: Le
Québec devrait chercher à s'approvisionner en énergie au
meilleur coût possible à moyen et à long termes.
Cette problématique comporte des choix fondamentaux impliquant la
flexibilité et la sécurité d'approvisionnement. En
matière de flexibilité, ceci implique que, face à la
croissance prévisible de la demande d'énergie sur son territoire,
le partage entre les sources d'énergie devra comprendre une bonne marge
de souplesse afin de pouvoir bénéficier des avantages de
coûts qui pourraient se manifester chez d'autres sources. Par exemple,
une fois épuisées les ressources hydrauliques pour la production
d'électricité, plutôt que d'investir exclusivement dans le
nucléaire, il y aurait lieu d'investir aussi dans les centrales
thermiques alimentées au pétrole, au gaz naturel et même,
à la rigueur, au charbon solide ou liquéfié.
M. le Président, si vous me le permettez, je vais ouvrir ici une
petite parenthèse, de façon que les gens de
l'Hydro-Québec, qui souvent nous reviennent après de tels
énoncés, saisissent immédiatement ce que l'on veut dire.
On n'est pas contre le développement nucléaire, entendons-nous.
C'est simplement que, dans la problématique que nous venons de vous
soumettre, il va falloir aller vers le nucléaire. On dit simplement de
ne pas mettre tous nos oeufs exclusivement dans le nucléaire pour la
production d'électricité, une fois épuisé notre
potentiel hydraulique. C'est simplement la portée de ce paragraphe.
De même, pour le pétrole et le gaz naturel, une fois
déterminés leur utilisation la plus noble et leur taux
d'occupation du marché global dans cette utilisation, il y aura lieu de
conserver une marge appréciable de souplesse afin de permettre des
substitutions. Dans cette perspective, des engagements à long terme
d'approvisionnements globaux d'une source unique à prix
déterminé, que ce soit le pétrole des sables bitumineux ou
du Venezuela ou de l'Iran, ne seraient pas conseillés.
La recherche d'une telle souplesse comporte, cependant, des
désavantages, principalement sur le plan de la sécurité
des approvisionnements. Il s'agira, pour le Québec, dans sa politique,
de défi-
nïr la marge de manoeuvre qu'il entend se réserver à
l'intérieur des alternatives que sont souplesse et
sécurité d'approvisionnement. Pour la chambre, l'accent devrait
porter plus sur la souplesse.
Un autre argument militant en faveur de la souplesse nous est
donné dans une étude d'envergure présentement en cours
à la chambre, portant sur une politique québécoise de la
population. Dans un chapitre consacré aux ressources naturelles et
énergétiques, l'étude indique que, dans les conditions
technologiques présentes, la fission nucléaire s'achemine
rapidement vers un cul-de-sac comme source d'énergie à la fois
à cause du danger posé à l'environnement par la
disposition des déchets nucléaires et de la possibilité
d'utilisation du plutonium pour la fabrication de bombes atomiques.
Par ailleurs, la technologie moderne permet déjà
d'envisager la fusion nucléaire comme source d'énergie abondante,
permettant de résoudre les deux principaux problèmes
précités. Il s'agit ici simplement de citer le projet
Phénix en France.
Si on accepte cette hypothèse, il serait donc inopportun de
consacrer trop de ressources à la technologie de la fission
nucléaire pour, éventuellement, se voir pris dans une situation
où nous serions commis à une technologie et à ses
problèmes, alors qu'une autre pourrait s'y substituer
avantageusement.
Le même argument vaut aussi pour le pétrole, mais dans un
autre contexte. Rien n'indique que le prix mondial du pétrole doive
demeurer immuablement fixé artificiellement, tel qu'actuellement. Dans
une perspective d'une génération et plus, les travaux de la
Conférence Nord-Sud, sur un nouvel ordre économique mondial,
peuvent trouver une conclusion heureuse. Les efforts de conservation pourront
avoir un effet déterminant sur la croissance de la demande. La
technologie pourrait permettre l'introduction du charbon liquéfié
à un prix concurrentiel ou d'autres formes de substitutions, chacun de
ces facteurs pouvant permettre la détermination du prix
économique du pétrole. Il ne serait donc pas opportun de chercher
à satisfaire la majorité des besoins pétroliers du
Québec par un contrat d'approvisionnement d'une même source,
à long terme et à prix ferme, même au prix
international.
Enfin, si cette problématique de souplesse vaut pour une
même source d'énergie, elle vaut encore plus dans la
détermination du rapport devant exister entre les sources
elles-mêmes. C'est ainsi que la part du marché que pourrait
occuper l'électricité au Québec, au cours des 20 ou 30
prochaines années, devrait être exprimée entre un plancher
et un plafond, le premier étant le seuil à atteindre et le
deuxième, la marge de flexibilité disponible. Il en irait de
même pour les autres sources d'énergie. C'est dans le contexte de
cette problématique que la Chambre veut élaborer sur ses
politiques d'action citées plus avant dans cette communication.
Les recommandations soumises par la Chambre à l'Etat, tout en
atteignant une certaine cohérence, n'ont cependant pas l'avantage
d'être homogènes. Elles reflètent les principales
préoccupa- tions énergétiques de nos membres au cours des
dernières années. Une préoccupation constante vient
cependant de trouver un élément important de réponse dans
la publication récente du Code québécois de la
construction: la conservation de l'énergie. En effet, si ce code est
effectivement bien adapté aux besoins climatiques du Québec et
institue des normes plus élevées pour obtenir un meilleur
isolement des maisons et des bâtiments commerciaux et industriels, il
permettra une utilisation plus efficace de l'énergie et constituera
ainsi une excellente mesure de conservation.
Il reste cependant beaucoup à faire en matière de
conservation et nous réitérons notre demande pour un programme
d'éducation visant à informer les consommateurs sur notre
situation énergétique, sur les besoins de conserver
l'énergie et les moyens à prendre pour y parvenir. La Chambre
n'est d'ailleurs pas seule à réclamer de telles mesures. Entre
autres, l'OCDE, dans un tout récent rapport publié à Paris
le 25 janvier dernier, souligne l'urgence d'adopter, dans les pays
industrialisés, des mesures de conservation susceptibles de limiter et
même de faire décroître la demande
énergétique. Ceci est particulièrement pressant au
Québec.
Soulignons aussi le programme récemment annoncé par le
gouvernement du Canada d'aider financièrement les citoyens des provinces
atlantiques à améliorer l'isolement thermique de leurs
résidences et édifices. Enfin, dans la recherche d'une politique
de conservation de l'énergie, il faudra aussi examiner
l'opportunité de modifier des comportements du travail et industriels,
entre autres. Un exemple serait de favoriser, par une tarification
préférentielle, la transformation intense de matières
premières la nuit, alors qu'il y a surplus d'électricité.
Les horaires flexibles de travail peuvent aussi favoriser la conservation
d'énergie.
L'hydroélectricité, à part quelques petits puits de
gaz naturel, est la seule source d'énergie actuellement exploitée
sur le territoire du Québec. Il existerait certains dépôts
d'uranium connus, mais aucun n'est encore en exploitation commerciale.
La Chambre favorise le développement maximal de nos ressources
hydroélectriques, à la fois pour leurs caractéristiques
renouvelables peu polluantes et comme sources, à moyen terme, de revenu
d'exportation compensant nos déboursés totaux pour
l'énergie. Pour être clair, il s'agit d'exporter plutôt vers
les Etats-Unis que vers l'Ontario.
Comme tous nos concitoyens, nous sommes hydroquébécois et
l'être apporte beaucoup de fierté, mais aussi des frustrations.
Nos membres se sont adressés à ces frustrations en demandant
à l'Etat du Québec d'apporter des modifications aux structures de
l'Hydro-Québec afin de corriger certaines lacunes au niveau de
l'approbation des augmentations de tarif et de ses plans de
développement, lesquels bénéficieraient de plus de
limpidité que celle témoignée jusqu'à maintenant.
De plus, nous souhaitons voir le conseil d'administration de
l'Hydro-Québec élargi pour y inclure des administrateurs n'ayant
aucune responsabilité pour la gestion quotidienne.
La majorité des grandes corporations invitent
ainsi avantageusement des administrateurs extérieurs, soit des
"outsiders" ou "outside directors", pour une meilleure protection des
actionnaires et des consommateurs.
Quant aux autres sources d'énergie, le pétrole et le gaz
naturel, une bonne partie de nos recommandations est en voie de
réalisation, tout en notant l'accident de parcours actuellement à
l'étude par la Commission canadienne de l'énergie, suite à
la demande d'augmentation des prix du transport du pétrole albertain
à l'est de Sarnia. La chambre espère voir le gouvernement du
Québec s'y opposer vigoureusement.
Le Québec aura prochainement un corridor
énergétique de la baie James à Montréal. Ce
même corridor pourrait servir à acheminer éventuellement le
gaz naturel de l'est de l'Arctique. En matière d'énergie, dix ans
sont très vite écoulés. Déjà d'autres
provinces plus à l'ouest se préparent agressivement à
transporter ce gaz.
Plusieurs projets ont été préparés au cours
des dernières années visant à permettre au gouvernement du
Québec de prendre part aux activités de raffinage et de
distribution du pétrole. Compte tenu des ressources financières
du Québec et du coût qu'impliquerait une telle intervention, la
chambre ne la croit pas opportune. Qui plus est, les sociétés
d'Etat actives dans le secteur du pétrole n'ont certes pas fait la
démonstration qu'elles protégeaient mieux les
intérêts de leurs consommateurs.
Enfin, il est bon de se rappeler qu'historiquement le secteur
privé nous a assurés une très bonne sécurité
d'approvisionnement et des prix relativement avantageux.
Recommander ce qui équivaut à une augmentation, pour les
consommateurs, des prix de l'énergie peut sembler contradictoire avec
notre énoncé de principe. Cependant, lorsque la chambre
recommande la recherche de l'équivalence du prix des diverses sources
d'énergie, elle sait que la conséquence d'une telle mesure
permettra d'équilibrer la demande et permettra un usage plus rationnel
des ressources tout en évitant le gaspillage.
Enfin, en conclusion, si, dans cette communication, la chambre semble
avoir mis plus d'accent sur la relation énergie-consommateur, elle n'a
pas pour autant oublié que l'énergie est à la base
même de notre développement économique.
Sa disponibilité et son prix peuvent faire la différence
entre notre prospérité ou notre stagnation économique. Ce
qui importe fondamentalement dans cette question est de noter que la
problématique et l'argumentation demeureraient les mêmes.
Le Québec a grand besoin d'une politique
énergétique. La chambre est consciente de la taille du
défi auquel le gouvernement du Québec doit s'attaquer. Nous avons
ici certaines considérations, pertinentes fort probablement mais combien
imcomplètes, nous en sommes conscients. C'est dans cet esprit que la
chambre vous soumet ce mémoire, qu'elle vous offre toute sa
collaboration dans la préparation d'une politique
québécoise de l'énergie.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Joron: Je tiens d'abord à féliciter M. Morin et
le remercier du mémoire qu'il présente au nom de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
Il témoigne d'un effort de réflexion assez poussé
et vous vous êtes efforcé, je pense, de couvrir à peu
près tous les points les plus importants.
Votre mémoire contient des suggestions intéressantes. Nous
sommes déjà favorables dès le départ à
plusieurs, mais je voudrais d'abord vous poser trois questions sur trois points
que vous évoquez dans votre rapport et qui m'apparaissent moins bien
soutenus, dont l'argumentation ma paraît plus courte ou insuffisante.
Un premier point est quand vous parlez d'une politique
énecgétique qui doit rester souple et flexible. Si c'était
possible, cela paraît évident, mais il y a une contradiction quand
on pense que les décisions qu'on prend en matière
d'énergie impliquent des investissements dont le résultat
n'arrive que sept ans, huit ans, neuf ans ou dix ans plus tard.
Ainsi, par exemple, si on doit faire le choix de développer telle
ressource hydroélectrique ou tant de mégawatts en telle
année, il faut commencer tout de suite. Là, on perd une grand
partie de notre flexibilité. Si on entreprend la production de X
centrales qui vous arrivent avec tant de mégawatts une année
donnée, vous avez perdu une marge de flexibilité
considérable. Ou alors si on pense qu'on aura, dans quelques
années, des approvisionnements de gaz naturel suffisants et qu'on
décide, pour recevoir ce gaz, de mettre sur pied un réseau de
distribution beaucoup plus élaboré que celui que le Québec
connaît dans le moment, en d'autres mots de faire des gazoducs et toute
une canalisation, pour rentabiliser l'investissement que vous avez mis dans
cette infrastructure, vous êtes lié au gaz, du moins pour une
partie, pour un bon nombre d'années. Cela, c'est...
M. Morin (Pierre): Puisqu'il est question de façons et
puisqu'il y en a trois, et celle-là est déjà fort complexe
en soi, si vous me permettez d'y répondre immédiatement, je vais
tenter d'être assez bref. Ce que l'on dit, M. le ministre, c'est qu'il y
a deux grandes priorités en matière d'énergie. L'une,
c'est une question de prix à moyen et à long termes; il faut bien
s'entendre là-dessus; là, on parle de 20, 25, 30 ans pour le prix
immédiat aujourd'hui, et, d'un autre côté, la
sécurité d'approvisionnement. Or, au cours des trois, quatre
dernières années, l'accent, en termes de priorité, a
surtout été mis sur la sécurité
d'approvisionnement. Lorsque des documents gouvernementaux ont
été publiés à partir de 1973, il s'agissait
surtout, fondamentalement, de mettre en évidence la
sécurité d'approvisionnement. Or, ce que l'on dit, c'est que
notre problématique est taxée précisément sur une
autre priorité, celle de la souplesse, de la flexibilité, de
façon à pouvoir profiter dans le temps de certains
décalages de prix. D'accord? Ceci se traduit un peu plus loin dans notre
mé-
moire lorsqu'on parle, en termes d'objectif, de fixer un plancher et un
plafond en termes d'objectif d'occupation par secteur, c'est-à-dire que,
plutôt que de dire: L'Hydro-Québec devrait occuper 26% du
marché énergétique du Québec, ce serait
peut-être un plancher de 24% à un plafond de 30% et de pouvoir
effectivement jouer et faire la même chose plutôt que de dire que
le pétrole doit nécessairement, même si on cherche comme un
objectif de réduire notre dépendance du pétrole, passer
à 60%; il y aurait peut-être encore là un jeu entre 60% ou
62% et 55%, mais dépendant de ce qu'on peut prévoir.
M. Joron: Oui, je comprends. Il reste quand même que ce
n'est pas facile, ce que vous suggérez. Quand on dit, par exemple, quand
vous dites: L'électricité devrait occuper quelque part entre 24%
et 30% ou 24% et 28%, mettons, plutôt que de fixer un chiffre tel, c'est
que le chiffre sur lequel vous jouez, ce n'est pas la quantité
d'énergie que vous vous engagez à produire pour telle
année, parce qu'il faut approuver les plans de développement
longtemps à l'avance. On sait la quantité d'énergie qu'on
va avoir; on ne sait pas quel pourcentage exact cela représentera dans
le bilan total, parce qu'on est moins en mesure de déterminer quelles
seront la demande et la consommation globales. Celle-là peut varier,
mais la souplesse vient, à ce moment, de
l'imprévisibilité, si vous voulez, de la consommation totale.
M. Morin: Non, pas seulement cela, M. le Président. Elle
vient aussi du fait que si on prend l'hypothèse qu'à un moment
donné, on a épuisé notre potentiel hydro-électrique
et qu'on va dans le nucléaire, pour la production de
l'électricité, il y a différentes options, il y a le
nucléaire, c'en est une; même à l'intérieur du
nucléaire, il y en a deux au moins, il y a deux filières
particulières qui peuvent être suivies. Il y a encore les
centrales thermiques, que ce soit au charbon, que ce soit au charbon
liquéfié, que ce soit au pétrole. Ce qu'on recommande au
gouvernement, c'est de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier,
parce que ce qu'on voit actuellement au niveau des prix du pétrole, on
l'a vu aussi récemment au niveau des prix de l'uranium, qui, tout
à coup, ont monté, ont grimpé énormément.
Remarquez que ce n'est pas tout à fait le même
phénomène en termes de relation directe pour le prix au
consommateur, parce que, par rapport aux installations, c'est un peu moins
important. Mais on peut voir ce même phénomène jouer, on
peut voir aussi des baisses. D'acccrd?
M. Joron: D'accord. Ecoutez, on pourrait poursuivre longtemps
pour savoir quelle est la marge de flexibilité qu'on peut avoir, c'est
sûr que si on peut en avoir une, tant mieux. Personnellement, je doute
qu'elle puisse être très très large...
M. Morin (Pierre): On dit simplement de privilégier une
marge de flexibilité.
M. Joron: D'accord. Des deux autres questions que je voulais vous
poser, une porte sur les tarifs préférentiels pour la
transformation de matières premières qui s'implanteront dans les
régions périphériques. Vous faites une suggestion qui me
paraît fort heureuse quand vous évoquez la possibilité de
tarifs de nuit, c'est-à-dire qu'ils ne viennent pas taxer la demande au
moment de la pointe, qui est très coûteuse, et on pourrait ajouter
aussi en certaines saisons plutôt que dans d'autres, enfin.
Par contre, pourquoi insister sur la transformation des matières
premières comme telles, qui ont eu pour résultat, dans le
passé, bien sûr, d'assurer au Québec une certaine
activité économique, mais aussi d'introduire une faiblesse
structurelle dans l'économie du Québec nous rendant un peu trop
dépendants du secteur primaire et empêchant le
développement du secteur secondaire. C'est curieux, je me serais attendu
que vous auriez parlé peut-être de tarifs
préférentiels favorisant la transformation secondaire et non pas
celle des matières premières; parce que souvent, il arrive que
quand on utilise de l'électricité qui coûte très
cher à produire pour faire une transformation uniquement primaire, ce
qu'on se trouve à exporter, finalement, c'est de l'énergie
principalement. Au prix que l'énergie coûte aujourd'hui, je pense
que c'est le genre de chose que tout le monde veut garder et non pas exporter.
Je n'ai pas vu très clairement pourquoi vous en venez à cela.
M. Morin (Pierre): II ne s'agissait là que d'un exemple
que l'on donnait ici. Non pas pour souligner d'encourager une nouvelle
transformation de matière première, mais bien pour montrer le
problème qui touche les individus, les travailleurs qui, actuellement,
peuvent travailler en équipes où l'emphase est placée le
jour, alors que là peut-être l'emphase serait placée sur la
production de nuit, et cela implique des problèmes humains.
C'était relié au problème de l'information. Effectivement,
l'exemple, surtout venant de nous, aurait peut-être été
mieux choisi au niveau de la transformation ou la fabrication de produits
finis. C'est une optique industrielle; mais le point que l'on voulait porter
à votre attention, ce sont les problèmes humains que cela importe
et que cela comporte aussi, en termes de vouloir modifier un comportement de
travail qui, actuellement, se fait le jour principalement, ou peut se faire
à la journée, mais où l'emphase est surtout mise sur la
production de jour, alors qu'ici, on voudrait changer l'emphase pour la porter
la nuit. Il y aurait peut-être lieu, précisément, dans la
transformation des matières premières, d'examiner assez
rapidement ce qui se fait actuellement aux Etats-Unis en matière de ce
qu'on appelle j'utilise le terme américain
"bioconversion". Il y a une énorme compagnie américaine qui
investit $75 millions pour se servir des résidus d'une matière
qu'on a en grande abondance ici, l'industrie du bois, pour utiliser les
résidus pour former l'énergie, pour servir sa transformation.
C'est aussi d'autres hypothèses. Cela aurait pu
être un autre exemple que l'on aurait introduit ici.
C'était beaucoup plus un problème humain qu'un problème de
transformation.
M. Joron: Ma dernière question... J'en aurais une
quatrième, je vous l'annonce seulement et vous y répondrez plus
tard. Je voudrais savoir comment la Chambre de commerce peut nous aider
auprès de ses membres dans l'application d'un programme
d'économie ou de conservation de l'énergie. Il y a une
collaboration très fructueuse qui, à mon avis, devrait
s'établir entre le gouvernement et la Chambre de commerce pour nous
aider à faire ce programme d'information auquel vous pensez.
La dernière question que je voulais vous poser portait sur
l'intervention de l'Etat au niveau du raffinage et de la distribution. Vous
vous y montrez défavorable dans votre mémoire, mais vous semblez
l'expliquer assez sommairement en disant que des expériences semblables
dans d'autres pays n'ont peut-être pas été au plus grand
bénéfice des consommateurs. Je pense que cela ne m'apparait pas
prouvé, parce qu'en Amérique, d'accord, il n'y a pas eu beaucoup
d'exemples semblables, mais si on pense à certains pays d'Europe,
l'Italie avec l'ENI par exemple, ou la France avec ELF-ERAP, la compagnie
française des pétroles, qui est la plus importante compagnie
française dont l'Etat français détient la majorité
des actions, ou encore même British Petroleum qu'on ne perçoit pas
comme une société d'Etat peut-être, mais dont la couronne
britannique détient 56% des actions, ce sont là toutes des
sociétés d'Etat, je pense, qui ont joué un rôle
considérable dans la sécurité ou l'approvisionnement
énergétique des pays concernés. Alors, pourquoi ne
pensez-vous pas que SOQUIP pourrait être utile au Québec?
M. Morin (Pierre): La considération, M. le
Président, qui nous fait dire cela, c'est qu'en termes des sommes
impliquées, en termes de l'utilisation des sommes impliquées,
actuellement, au Québec, divertir les quelques centaines de millions que
cela prendrait pour s'impliquer dans le domaine, que ce soit simplement le
raffinage, si on y ajoute les autres millions que cela prend pour la
distribution, la question se pose: Est-ce qu'on ne peut pas mieux utiliser cet
argent?
M. Joron: C'est une question d'allocation des ressources...
M. Morin (Pierre): C'est d'abord et avant tout...
M. Joron: ... dans le contexte de contraintes financières
et budgétaires.
M. Morin (Pierre): Oui, mais pas seulement dans
l'immédiat. On peut les examiner sur une base à moyen terme,
même dans une perspective de sept ou huit ans.
C'est le principal point. L'exemple que vous avez donné,
ELF-ERAP, dans le cas précisément de la crise, ou de la
soi-disant crise, qui a été vécue comme crise en Europe, a
eu un comportement semblable aux autres multinationales, auxquelles dans
certains cas elle était associée et avec lesquelles, dans
d'autres cas, elle était en concurrence sur le plan du consommateur
durant la période 1973/74 en France. Pour ce qui est de BP, elle fait
partie de ce qu'on appelle les "Seven sisters " et elle a aussi eu, en ce sens,
un comportement fort semblable à celui des entreprises multinationales.
Là, je ne veux pas dire que le comportement des multinationales
était mauvais, c'est précisément là le point, mais
est-ce qu'on va engager des sommes de l'Etat pour aller faire ce que,
déjà, les autres font, si elles le font bien? D'accord? C'est ce
point-là.
Si on détermine qu'elles le font mal et qu'on ne peut pas le
corriger, là se pose vraiment la question. Mais jusqu'à
maintenant, l'argument que l'on donne, c'est qu'elles ont fait aussi bien que
les autres, non pas nécessairement mieux, mais dans l'ensemble, elles
ont relativement bien fait.
M. Joron: Je ne vous dis pas que je souscris
nécessairement...
M. Morin (Pierre): Non, non...
M. Joron: ... à votre argument, mais je le comprends.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, merci. Vous avez fait
référence tantôt aux problèmes humains.
Habituellement, les mémoires des chambres de commerce ou des compagnies
dans le domaine commercial se limitent aux aspects monétaires de
certains problèmes. Je remarque ici que vous avez fait
référence aux droits des minorités, vous avez fait
référence aux autochtones qui ont conclu l'entente de la baie
James. Je suis agréablement surpris de voir, dans le mémoire de
votre chambre de commerce, que vous êtes soucieux et conscient des droits
des minorités. Je crois que c'est un geste très responsable et je
vous en félicite.
Je voudrais avoir quelques précisions sur des remarques, des
recommandations que vous avez faites. A la page 4, no 44, il y a une
recommandation au sujet de la réalisation des projets
hydroélectriques. Corrigez-moi si je vous interprète mal, mais
est-ce que je peux interpréter cette recommandation en ce sens-ci? Vous
savez sans doute que l'Hydro-Québec développe le projet du
complexe La Grande à la baie James avec un certain
échéancier et a aussi, en planification, le projet NBR, les
développements des rivières Nor-thway, Broadback et Rupert.
Premièrement, est-ce que vous seriez en faveur, quant au projet
La Grande, si j'interprète bien votre recommandation, de maintenir
l'échéancier que l'Hydro-Québec a établi pour ce
projet, d'après les prévisions de la demande
hydroélectrique au Québec? La première question: Est-ce
que j'interprète ça comme une recommandation de votre part, de ne
pas retarder ce projet?
M. Morin (Pierre): M. le Président,
l'interprétation du député de Mont-Royal est exacte, et
même si on pouvait accélérer le développement de la
baie James, nous serions en faveur.
M. Joron: Vous allez nous aider à trouver le
financement?
M. Morin (Pierre): Déjà, M. le
Président...
M. Ciaccia: ... sujet aux contraintes financières, M. le
ministre?
M. Morin (Pierre): Déjà... Si vous me permettez
simplement d'ajouter un commentaire là-dessus, ce que l'on oublie
peut-être, nonobstant les difficultés possibles de financement,
c'est que déjà nous nous sommes adressés à lui et
nous sommes à la disposition du gouvernement pour l'aider.
D'ailleurs, nous avons commencé, indépendamment du
gouvernement, à tenter d'aider à aplanir ces difficultés
de financement.
La mise en marche de ces projets nous procure, même si elle
excède la demande, et lorsqu'on parle de la demande, c'est celle qui est
prévisible au Québec, si on réussit à en vendre,
elle nous procure aussi des devises étrangères. C'est pour cela
tantôt que j'ai fait une parenthèse. J'ai bien dit, en clair,
qu'il s'agit de vendre de préférence aux Etats-Unis qu'à
l'Ontario. Vous vous souviendrez de cette parenthèse que j'ai ouverte un
peu plus tôt. Ces devises étrangères nous permettent,
pendant un certain temps au moins, alors que l'on est tributaire de
l'importation d'autres sources d'énergie, d'amincir un peu le bilan de
nos dépenses énergétiques vers l'étranger.
Alors...
M. Ciaccia: Je comprends. Je n'entrerai pas dans le débat
de la question d'exploitation parce que lorsqu'on à
l'Hydro-Québec, on n'est pas tout à fait certain qu'il va y avoir
assez de surplus de pouvoir hydroélectrique pour exporter, à
moins que ce soit dans les périodes...
M. Morin (Pierre): C'est précisément une de nos
inquiétudes.
M. Ciaccia: ... dites de pointe, au mois de juillet et au mois de
février. Inutile de dire que vous êtes en faveur aussi du
développement du projet NBR, cela va sans dire.
M. Morin (Pierre): Encore là, dans la mesure où,
économiquement, c'est rentable. C'est une qualification que j'apporte
ici, mais...
M. Ciaccia: Plus loin, dans votre mémoire, vous parlez de
l'installation du pipe-line des îles arctiques sur le côté
est de la baie James. Je suis heureux de voir que vous avez pris connaissance
de ce projet qui serait très important pour le Québec. Je me
permets ici, M. le Président, d'apporter une petite clarification aux
remarques de ce matin; à la suite des remarques que j'avais faites, le
ministre a semblé vouloir dire que l'important, c'était que le
pipe-line soit construit. Vous préféreriez, après que mon
collègue, le député de Saint-Laurent, vous l'eut
demandé, vous préféreriez le côté est, le
côté du Québec. Si je me souviens bien, vous avez dit que,
même s'il est construit sur le côté ouest de la baie James,
il va aller dans le Manitoba et dans l'Ontario. Vous semblez dire que ce
serait, comme marché, aussi facile de ce côté-là, de
venir au Québec.
L'argument que j'apportais était que si le pipe-line est
construit du côté est, du côté du Manitoba, il va
être plus...
M. Joron: Du côté ouest.
M. Ciaccia: Du côté ouest, excusez-moi, il va
être plus près des marchés ontariens et américains
que des marchés du Québec.
M. Joron: Pas...
M. Ciaccia: D'après le projet qui est décrit un peu
dans les documents de la compagnie Shell, il démontre que s'il est
construit du côté du Manitoba, physiquement, il va être plus
près du marché américain que du marché du
Québec. Cela ne veut pas dire qu'il va aller au marché
américain. La thèse que j'essayais de faire ce matin,
c'était que c'est encore un autre argument pour ne pas s'isoler du reste
du Canada, parce que ces sources d'énergie, nous en avons besoin.
Je suis fort heureux de voir que vous recommandez qu'on soit dynamique
pour que ce projet soit construit du côté du Québec. Je
voudrais même signaler que dans l'entente de la baie James, à
laquelle vous vous êtes référé, nous avons fait
spécifiquement une prévision pour l'éventuelle
construction d'un gazoduc des îles de l'Arctique au Québec,
passant par le Québec. Pourriez-vous décrire quelques-uns des
avantages, à part le fait d'avoir la source d'énergie plus
près, d'une telle construction sur le côté du
Québec, plutôt que de construire sur les Territoires du
Nord-Ouest, au Manitoba et en Ontario?
M. Morin (Pierre): En plus de terminer la tête de pont, ce
qui actuellement est Montréal, du réseau transcanadien, le
tracé sur l'est de la baie d'Hudson, si les problèmes de
technologie peuvent être résolus parce qu'il y en a encore
pour traverser les grandes étendues d'eau amènerait les
ruptures de charge au Québec. Plus tôt, lorsque M. le ministre
faisait référence à l'avoir d'un côté ou de
l'autre, le point de rupture de charge n'aurait pas été au
Québec. Le point de rupture de charge marque une économie
appréciable permettant, à partir de là, de le diffuser. Je
sais que les gens du Québec attendent impatiemment aussi, pour leur
développement industriel, le gaz naturel. SIDBEC l'attendait dans son
dossier, initialement, et l'attend encore. L'avantage principal est un avantage
économique que d'avoir le point de rupture de charge au Québec,
de façon à bien le diffuser. Cela représente un avantage
économique considérable.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci. M. Morin, vous avez, dans votre mémoire,
basé une partie au moins de votre argumentation sur l'opportunité
d'une stratégie de flexibilité de manière que l'objectif
prioritaire ou l'accent se déplace d'une préoccupation de
sécurité d'approvisionnement vers une préoccupation, dans
le fond, du prix le meilleur, le plus avantageux. Pour cela, pour favoriser une
telle stratégie de prix le plus avantageux, vous avez
suggéré qu'on évite de mettre tous nos oeufs dans le
même panier.
Sans insister davantage sur les difficultés que le ministre a
soulignées quant aux moyens de mettre en oeuvre une telle politique de
souplesse dans une industrie qui implique des investissements massifs et
très discontinus, j'aimerais poser quelques questions au sujet de
l'objectif même de prix minimal. C'est peut-être un peu paradoxal,
puisqu'on peut présumer que, dans toute espèce d'industrie,
l'objectif sur un plan économique soit d'obtenir des approvisionnements
aux meilleurs prix possible.
Cependant, on peut au moins avancer contre cela, dans ce secteur de
l'énergie, un certain nombre de questions, d'interrogations à ce
moment-ci.
En premier lieu, si on regarde du côté des consommateurs,
il est évident qu'on pourra faire toute l'éducation qu'on voudra,
mais, si l'on envisage, à moyen ou à long terme, des
problèmes d'approvisionnement sérieux, parce que, même si
on change la stratégie, cette réalité ne
s'évanouira pas, cette éducation du consommateur se fera d'autant
mieux que les prix s'élèveront graduellement, de manière
que certaines habitudes de vie, de consommation soient changées, mais
peut-être de façon plus significative si l'on envisage l'impact
comme une politique d'énergie à bon marché sur
l'industrie, sur sa capacité concurrentielle. N'est-il pas vrai de dire
que, pour la plupart des industries de transformation, l'industrie secondaire
si l'on veut, la facture énergétique correspond à, je
pense, quelque chose comme 2% ou moins du total des frais de fonctionnement et
que, même l'énergie à très bon marché ne
constitue pas un facteur concurrentiel significatif, sauf pour une certaine
partie de l'industrie secondaire même si elle transforme la
matière première, c'est de l'industrie secondaire qui,
particulièrement dans le raffinage ou l'affinage des métaux,
elle, exige les quantités énormes et où la
disponibilité et le prix de l'énergie est un facteur
déterminant... Cela peut être une politique ad hoc pour des
industries bien déterminées. Donc, sur un plan
général tout comme pour les consommateurs, il semble que, pour
l'industrie, il n'y a pas un avantage marqué à une politique de
prix le plus bas possible.
Finalement, si l'on envisage, comme vous le faites, de stimuler les
exportations afin de gagner des devises nécessaires pour payer certains
éléments du compte énergétique, considérant
les res- trictions qui existent sur les barrières indirectes ou
implicites au commerce international, il y aura des difficultés à
établir une discrimination des prix vis-à-vis des utilisateurs
étrangers en vertu des accords internationaux existants si l'on a, sur
le plan domestique, une politique de très bas prix. Enfin, ce n'est
qu'une qualification. Finalement, il y a aussi une autre implication. C'est
que, si l'on pratique une politique de prix les plus bas possibles, et
particulièrement dans l'énergie hydroélectrique, est-ce
qu'on n'est pas en même temps obligé c'est l'envers de la
médaille d'avoir une politique d'autofinancement des
investissements faits dans le domaine hydro-électrique, politique
d'autofinancement beaucoup plus modeste qu'elle pourrait l'être? Ce qui
veut dire que, finalement, les contribuables paieront indirectement ce qu'ils
n'auront pas payé en tant que consommateurs d'énergie ou, si l'on
veut, ce seront les consommateurs de demain qui paieront pour la consommation
d'aujourd'hui.
A la lumière de tout cela, est-ce que votre objectif de prix
minimum, à ce moment, n'est pas un peu désuet, même si vous
avez peut-être raison d'attirer l'attention sur autre chose que
simplement sur les problèmes d'approvisionnement? Parce qu'on ne s'est
pas beaucoup entendu au début de la journée sur les
différents points de vue ou les différents sons de cloche qu'on a
entendus là-dessus. Pour certains, il n'y a pas de problème. Pour
d'autres, il y en a. Enfin, on réglera cela à un autre moment.
Est-ce que ce n'est pas malgré tout un peu désuet à cause
de toutes ces considérations?
M. Morin (Pierre): M. le Président, c'est peut-être
ici une question d'interprétation.
Ce que nous recommandons au gouvernement n'est pas la politique du plus
bas prix possible, c'est la politique du meilleur prix possible, et cela sur
l'ensemble du bilan énergétique. Je pense que c'est
peut-être une question de nuance, il faut bien se comprendre, il ne
s'agit pas d'encourager, en minimisant le coût de l'énergie, une
consommation plus grande. C'est bien une question d'op-timalité et non
pas du prix minimum dans ce sens-là. C'est l'ensemble du coût de
l'énergie au Québec pour l'ensemble de ses citoyens, aussi bien
les individus que les corporations, les sociétés ou les
industries. Ce n'est pas, par exemple je reviens à l'exemple du
nucléaire en engageant des sommes phénoménales,
parce qu'elles vont être phénoménales. D'ici la
première décennie de l'an 2000, je crois qu'on prévoit la
nécessité d'à peu près 25 centrales
nucléaires. Je ne sais pas si mon information semble... Avec les
coûts impliqués au mégawatt, si le prix du pétrole
revient à un prix non pas artificiellement fixé, mais à un
prix économique qui serait aujourd'hui sensiblement plus bas que le prix
artificiellement fixé, à ce moment, si on a engagé une
trop grande part de notre bilan énergétique dans la production
d'électricité, et qu'on reste effectivement pris avec celle-ci,
on se retrouve à payer pour une partie, peut-être une bonne
partie, de nos ressources
énergétiques un prix peut-être beaucoup trop
élevé. C'est ce vers quoi on milite en parlant du meilleur
coût possible et d'une politique de souplesse. Je ne sais pas s'il y a
encore peut-être une question d'interprétation. Ce n'est pas de
dire: Ecoutez, on peut encore produire de l'électricité moins
cher aujourd'hui avec une centrale à l'essence ou au pétrole.
C'est peut-être vrai aujourd'hui. On sait que, dans le délai qui
est impliqué, peut-être de huit ou dix ans, les chances que ce
soit vrai sont plus ou moins grandes. Mais, si on se lance dans 25 centrales
nucléaires dans cette période et qu'on ne se donne pas de chance
de prévoir le coût du pétrole, pendant ce temps où
on peut amener du gaz, où on peut avoir un prix du pétrole qui
permettrait un meilleur équilibre pour produire la même chose,
c'est à ce moment qu'on paierait peut-être un coût
excédentaire. C'est à ce niveau, et c'est dans ce sens qu'on
emploie le terme "le meilleur prix possible" et non pas le plus bas prix
possible.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Rimouski.
M. Marcoux: J'ai été très heureux à
la lecture de votre mémoire, entre autres en ce qui concerne la
distinction que vous faites entre l'énergie et l'industrialisation pour
les régions périphériques, mais j'ai vite
déchanté dès que le ministre Joron vous a posé une
question et où vous avez, en somme, rapetissé la pensée
qui était énoncée dans votre mémoire.
Je vais faire ma remarque et poser ma question en même temps. Dans
votre mémoire, à la page 4, vous recommandez d'adopter, soit au
gouvernement, soit à l'Hydro-Québec, soit l'un ou l'autre, une
politique de tarification préférentielle de l'énergie
électrique à être accordée, pour une période
ou une quantité limitée, aux industries de transformation
je présume donc que c'est du secondaire de matières
premières qui s'implanteront dans les régions
périphériques de la province. Cela veut dire dans des
régions qu'on appelle régions ressources.
En somme, vous vouliez je pense que c'est assez clair
qu'on se serve de la politique tarifaire de l'électricité pour
faciliter l'implantation industrielle dans les régions
périphériques qui sont des régions-ressources.
Je pense qu'il y a des types de ressources qu'on ne trouvera pas en
plein coeur de Montréal et cela ne donnerait rien de faire des
tarifications spéciales pour Montréal à ce moment. Mais
par définition, les ressources sont dans les régions-ressources,
qui sont des régions périphériques du Québec.
Lorsque le ministre Joron vous a posé la question et qu'il a
associé cela à votre autre suggestion de faire travailler le
monde la nuit dans les régions ou un peu partout, vous avez
mêlé les deux et avez dit: Cela fait un tout. Je concevais que
c'étaient deux choses distinctes. La question de faire travailler le
monde la nuit, cela peut s'appliquer un peu partout selon un certain nombre de
critères.
Mais la question de transformer les ressources, il faudra, autant que
possible, les transformer là où elles sont. Et quand on parle
d'industrialisation des régions, il s agit de savoir si, dans votre
optique, de façon claire et nette, vous pensez que le gouvernement ou
l'Hydro-Québec doit se servir de l'instrument de la tarification comme
facteur pour favoriser la transformation des ressources dans les régions
périphériques.
Si ce n'est pas clair, dites-le. Si votre pensée n'est pas
claire, elle ne sera pas claire, mais si elle est claire, je voudrais qu'elle
soit très claire pour la commission parce que je suis convaincu que ce
sera un des débats importants ou une des quelques pages importantes de
l'éventuel livre blanc.
Deuxième question qui est d'un autre ordre, mais que je peux
énoncer tout de suite... Comme vous préférez.
M. Morin (Pierre): Je préfère répondre
immédiatement à celle-là.
M. Marcoux: Oui.
M. Morin (Pierre): Je voudrais vous souligner à quelle
date cela a été adopté, soit en 1973. On venait de vivre
à la fois le problème récent de Pi-cheney, le dossier de
Picheney, et nous avons, au sein de la chambre, énormément de
gens qui nous viennent, comme vous, des régions-ressources et qui se
sentent parfois défavorisés.
A ce moment, je dois vous dire que c'était très clair et
c'était pour ne pas manquer personne qu'on demandait soit à
l'Hydro-Québec ou au gouvernement parce que lorsqu'on s'adressait
à l'Hydro-Québec, cette dernière nous disait: Demandez
donc au gouvernement. C'est le gouvernement qui devrait le faire. Ce n'est pas
notre travail de subventionner les taux ou de faire subventionner les taux.
Sauf que la situation a évolué depuis ce temps. On peut encore
l'envisager, mais ce que je veux vous dire, c'est qu'aujourd'hui c'est moins
clair parce que, effectivement, et il faut se rallier à ce que le
ministre a dit tantôt.
Subventionner les tarifs d'électricité pour la
transformation de matières premières, si on est pour les
exporter, c'est exporter de l'énergie. Or, il faut se poser la question:
Est-ce qu'on peut d'abord se le permettre et, deuxièmement, est-ce qu'on
peut, en plus de cela, se permettre de subventionner une telle
opération? D'accord? Dans cette perspective, comme la situation a
évolué et que, normalement, on a encore deux ans à
franchir ou un an, tout au moins, avant que soit revue cette politique de la
chambre en assemblée générale, son opportunité
apparaît peut-être un peu plus mise en doute. Je ne voudrais pas
remettre en cause le voeu de nos commettants, mais on doit réaliser
concrètement que l'opportunité de le faire est peut-être un
peu plus mise en doute.
M. Marcoux: Bon, à ce moment, je comprends ce que vous
pensez. C'était clair à ce moment, mais votre pensée
évolue parce que la situation évolue.
M. Morin (Pierre): Oui, effectivement.
M. Marcoux: Mais je vous demanderais, disons, peut-être, au
nom de plusieurs personnes, de réfléchir à ce moment sur
le fait suivant. Vous dites que vous vous préoccupez des consommateurs.
On peut avoir des consommateurs qui vivent de paiements de transfert; on peut
avoir des consommateurs qui vivent de travail. Alors, il faudrait aussi, par
ailleurs, réfléchir sur la façon de faire en sorte que les
consommateurs des régions périphériques ne vivent pas, ne
consomment pas seulement à partir des paiements de transfert.
La deuxième question concerne le gaz naturel. Vous avez
parlé d'une politique de souplesse. Si j'ai bien compris, c'est: Ne vous
embarquez pas seulement dans l'hydroélectricité ou seulement dans
le pétrole, ou seulement dans le gaz naturel.
Ce que vous conseillez au gouvernement, c'est de favoriser une
multiplicité, une polyvalence des moyens pour suffire à nos
besoins d'énergie. Face à cette politique de souplesse, la
question est la suivante. Vous avez un article très clair, à la
page 5, qui dit que le prix du gaz naturel doit au plus tôt rejoindre le
prix du pétrole canadien. Vu que ce mémoire a été
écrit il y a un certain nombre d'années également,
j'aimerais vous demander ceci: Cet après-midi, on a rencontré un
groupe qui nous a suggéré, pour arriver à cette souplesse
parce qu'elle n'existe pas actuellement, il y a environ 4% de notre
consommation d'énergie qui est en gaz naturel d'avoir une
politique claire qui favorise l'établissement d'un réseau de
distribution de gaz naturel, de transport, etc., par un premier moyen en
supprimant une taxe de 8% qui existe actuellement pour ce secteur et non pour
les autres secteurs d'énergie. Eventuellement, il souhaitait qu'on
maintienne, pour une bonne période, en tout cas, un écart de 15%
entre le tarif du pétrole, si j'ai bien compris, et le tarif du gaz
naturel. Qu'est-ce que vous pensez de ces suggestions faites, si je me souviens
bien, par SOQUIP?
M. Morin (Pierre): Excellentes et si, en plus, vous pouviez faire
disparaître la taxe de 8% sur l'électricité qui, à
ma connaissance, a toujours été un bien essentiel comme la
nourriture, on l'apprécierait d'autant plus.
M. Marcoux: Sur le principe de l'écart de prix entre le
gaz naturel et le pétrole, vous êtes maintenant d'accord avec cet
écart?
M. Morin (Pierre): Encore là, c'est une question de temps.
Vous me parlez de quelque chose qui est entre court et moyen termes.
Essentiellement, la poussée du mémoire est beaucoup plus de moyen
à long termes. C'est dans ce sens qu'on dit qu'une fois que ce sera
établi, une fois que ce marché sera accaparé, il faudrait
que les prix s'équivalent, de façon qu'un BTU, essentiellement,
quelle que soit son origine, coûte sensiblement la même chose.
Une fois que les équivalences seront faites aussi, parce qu'on
comprend que ce n'est pas encore réussi.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, ma question sera très
courte. M. Morin, se peut-il que, dans votre rapport, vous fassiez allusion au
fait que notre énergie hydroélectrique soit mal
administrée, sinon mal administrée, elle pourrait être
mieux administrée.
M. Morin (Pierre): M. le Président, non.
M. Goulet: J'aimerais, à ce moment-là, que vous
commentiez la page 5 où vous notez, en parlant de nouveaux
administrateurs à l'Hydro-Québec: "Ces nouveaux administrateurs
auraient pour mandat de veiller aux intérêts des consommateurs et
voir à ce que l'Hydro-Québec soit aussi bien gérée
que l'entreprise privée". Cela veut dire qu'elle pourrait être
mieux gérée qu'elle ne l'est actuellement. C'est vrai que cela a
été décidé à votre congrès de 1973,
mais cela a été dit tantôt.
M. Morin (Pierre): Non, ce n'est pas l'argument que j'invoquerais
dans ce cas-ci, M. le Président. C'est bien plus une question
d'apparence qu'une question réelle; on ne voudrait pas imputer à
Hydro-Québec quelque défaut de gestion, sauf qu'au niveau de la
structure, on a là une des plus grosses sociétés au
Québec, une société d'Etat, qui nous appartient tous, et
qui est gérée en fonction, sensiblement, des normes du secteur
privé. Elle se compare à d'autres sociétés
d'utilité publique, et favorablement, partout en Amérique du
Nord, sinon partout dans le monde. Ce n'est pas contre cela qu'on en a; sauf
que cette société d'Etat pourrait souffrir d'un peu plus de
limpidité, ce que Security and Exchange Commission, aux Etats-Unis,
appelle "disclosure" ou d'ouverture un peu. Ce qu'on constate, avec des fois un
peu d'interrogation, c'est que précisément dans les prospectus,
lorsque l'Hydro-Québec emprunte sur les marchés étrangers,
toutes ses intentions, toute son organisation y est bien étalée,
généralement, à la vue d'investisseurs étrangers et
le consommateur québécois qui, en définitive, en est le
propriétaire, souvent est moins bien informé sur la situation de
l'Hydro-Québec que ne l'est l'investisseur américain. On trouve
cela un peu paradoxal et c'est cela qu'on souhaiterait corriger. C'est à
ce niveau qu'on suggère que soit élargi le conseil
d'administration de l'Hydro-Québec pour y incorporer des gens qui n'ont
pas de responsabilité quotidienne. Ce n'est pas le cas des commissaires
qui sont, à la fois, malgré toute la bonne foi, non pas
malgré, mais avec toute la bonne foi qu'on peut leur donner, on doit le
constater, quelquefois, juges et parties dans les destinées de
l'Hydro-Québec. Ils ont chacun un département pour lequel ils
sont responsables et, ensemble, comme conseil d'administration, décident
des orientations de l'Hydro-Québec. C'est dans cela qu'on croit que cela
pourrait être un peu plus limpide.
M. Goulet: Mais vous admettez tout de même que, dans le
domaine hydroélectrique comme ail-
leurs, normalement, une entreprise privée est mieux
gérée qu'une entreprise d'Etat.
M. Morin (Pierre): Non.
M. Goulet: Non? Alors, c'était écrit.
M. Morin (Pierre): Les objectifs ne sont pas les mêmes.
M. Goulet: C'est très bien. Cela complète pour
moi.
M. Morin (Pierre): On ne peut dire que les performances ne sont
pas nécessairement aussi bonnes, mais ça ne veut pas dire
qu'elles sont moins bien gérées.
M. Goulet: Les performances, ça veut peut-être
dire...
M. Morin (Pierre): Les performances ne sont peut-être pas
toujours aussi bonnes.
M. Goulet: Vous admettez que les performances sont normalement
meilleures. Monsieur, vous le dites?
M. Morin (Pierre): Oui. Je vous dis que les objectifs ne sont pas
nécessairement les mêmes.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre, député de Matane.
M. Bérubé: Deux questions. La première est
en relation avec la discussion qui s'est déroulée à propos
de l'exportation d'énergie essentiellement sous forme d'aide à la
localisation d'entreprises de métallurgie extractives dans les
régions périphériques. Je pense qu'il est vrai que
l'exportation de l'énergie brute n'est certainement pas à
recommander. Par conséquent, dans la mesure où il ne s'agit que
de produire un fer ou alliage, coûteux, par exemple, on pourrait la
remettre en question. Mais je crois quand même que vous acceptez le fait
que c'est la présence d'énergie à très bon compte
qui a permis l'implantation de l'Alcan et en particulier, donc, le
développement d'une région complète. Par
conséquent, l'existence d'une source d'énergie à bas tarif
peut générer tout un développement économique
régional qui est quand même non négligeable. Croyez-vous
donc que l'on puisse quand même faire appel à des tarifs
préférentiels? Et là, je m'explique quand même. Dans
le cas d'une aluminerie, je la vois de préférence à
proximité des barrages, là où le coût de transport
est quand même minimal. Je pense qu'il faut tenir compte de ce facteur.
Je ne pense donc pas à accorder des tarifs à une entreprise, une
aluminerie en plein centre de Montréal. Là, les coûts de
transport de l'énergie électrique sont quand même
considérables.
Ceci étant mis de côté, est-ce qu'on ne pourrait
pas, en dépit de votre évolution, considérer le
financement d'une industrie métallurgique pri- maire dans un but de
développement régional? Moi, je vous...
M. Morin (Pierre): Oui.
M. Bérubé: ... repose la question compte tenu des
remarques que je vous soulignais.
M. Morin (Pierre): Oui, je vous ai dit qu'on était en
situation d'évolution qu'on n'avait pas classé la question.
Fondamentalement, la réponse est oui. On pourrait fort bien envisager de
subventionner, d'avoir un taux préférentiel pour une entreprise
que l'on juge importante pour le développement du Québec, une
industrie de transformation primaire des métaux, par exemple. Avoir un
taux préférentiel, certes.
II n'y a pas d'objection idéologique à la question, au
contraire. Ce n'est pas arrêté. Ce qu'on dit, par contre, c'est
que se lancer dans l'invitation des entreprises à venir transformer nos
richesses naturelles et les exporter avec un fort contenu d'énergie
je parle d'une invitation "at large", c'est peut-être
à repenser. D'accord?
M. Bérubé: J'aurais une deuxième question.
J'ai noté avec beaucoup d'intérêt la méfiance que
vous manifestez vis-à-vis de l'uranium comme source d'énergie. Je
pense qu'elle est partagée dans beaucoup de pays. La question que votre
méfiance suscite cependant dans mon esprit est reliée à
l'importance de gros programmes d'exploration au Québec dans le secteur
de l'uranium, par exemple, par la SDBJ et par SOQUEM. Est-ce que votre
méfiance naturelle pour l'uranium vous inciterait à
réduire l'importance de ces programmes de développement dans le
secteur de l'uranium, toujours dans cet esprit que nous hésitons
à exporter de l'énergie, c'est-à-dire exporter de
l'uranium directement?
M. Morin (Pierre): M. le Président, c'est une question un
peu plus compliquée. Notre méfiance de l'uranium n'est pas une
méfiance naturelle dans ce sens-là. C'est une question d'option,
en termes de filières. Pour être bien précis, ce que l'on
dit, ce que l'on veut dire dans notre mémoire, il faut investir dans le
nucléaire; ce n'est pas une question de ne pas investir dans le
nucléaire, il faut investir dans le nucléaire.
Mais est-ce qu'on doit mettre tous nos oeufs dans le système
CANDU? Est-ce qu'on doit mettre tous nos oeufs dans le système
américain? C'est là où on dit peut-être que dans
cette filière, dans une perspective de 30 ans, c'est un cul-de-sac
technologique, parce qu'il y a la question de la disposition des
déchets, il y a la question de la transformation ultime, de la
possibilité de transformation du plutonium qui en résulte en
bombe atomique.
Il y a d'autres filières. J'ai fait référence au
projet Phénix en France, qui, à ma connaissance, utilise aussi de
l'uranium. Ce n'est pas à l'uranium en soi, mais c'est aux
problèmes occasionnés par une filière par rapport à
une autre et au développement technologique dans ce sens-là.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, M. le
ministre.
M. Bérubé: Non pas pour les programmes
d'exploration, mais...
M. Morin (Pierre): D'accord.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient de la coopération que vous avez bien voulu
leur apporter.
M. Morin (Pierre): Cela nous a fait plaisir.
Le Président (M. Laplante): Ajournement à demain.
Avant d'ajourner, j'aimerais donner la liste des organismes qui seront entendus
demain, à deux heures. Club automobile de Québec, Albert Ethier
Limitée, Aigle d'or Canada Limitée, le Cha- pelier, Pierre, Elf
Hydrocarbures du Québec Limitée, Comité de protection de
l'environnement de Lotbinière. La séance est ajournée
à deux heures demain.
M. Morin (Pierre): M. le ministre délégué
à l'Energie avait une quatrième question. Je voulais tout
simplement lui donner une réponse, pendant que je puis encore
officiellement vous dire que nous sommes à votre entière
disposition pour l'élaboration d'un programme conjoint de notre part
précisément pour encourager au sein des entreprises
québécoises la conservation de l'énergie.
M. Joron: Je vous remercie de votre collaboration. Cela ne tombe
pas dans l'oreille d'un sourd. On aura à s'en reparler.
(Fin de la séance à 22 h 20)