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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 10 août 1976 - Vol. 17 N° 118

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Programme d'investissements de l'Hydro-Québec


Journal des débats

 

Commission permanente

des richesses naturelles

et des terres et forêts

Programme d'investissements de l'Hydro-Québec

Séance du mardi 10 août 1976

(Dix heures cinquante minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts, première séance, le mardi 10 août 1976. L'ordre du jour de cette séance se lirait comme ceci, d'après la convocation qui nous est parvenue: cette commission siégera aux fins d'entendre les administrateurs de l'Hydro-Québec relativement au programme d'investissements de cette société.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont M. Houde (Limoilou), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bellemare (Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. Carpentier (Laviolette), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cournoyer (Robert Baldwin), M. Faucher (Nicolet-Yamaska), M. Morin (Sauvé), M. Malouin (Drummond), M. Houde (Abitibi-Est), M. Perreault (L'Assomption), M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le rapporteur sera...? Qui?

Une Voix: Carpentier.

M. Morin: Je propose M. Carpentier si les membres de la commission sont d'accord.

Le Président (M. Séguin): M. Carpentier (Laviolette). D'accord?

Des Voix: D'accord.

Le Président (M. Séguin): Le ministre des Richesses naturelles.

Exposé préliminaire du ministre, M. Jean Cournoyer

M. Cournoyer: M. le président de l'Hydro-Québec, M. le président de la Société d'énergie de la baie James, il me fait plaisir aujourd'hui, à titre de ministre des Richesses naturelles, de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue parmi les politiciens.

Si vous avez été convoqués ici aujourd'hui, c'est que la commission parlementaire, pour nous, joue un rôle précis et particulier dans le système démocratique dans lequel nous vivons. Elle permet, en effet, aux représentants de la population, au nom de leurs commettants, de poser des questions précises sur la façon dont un organisme public ou parapublic remplit son mandat, en vertu des exigences du législateur.

Elle permet aussi de faire le point sur l'état de cet organisme, de même que sur les objectifs et les moyens qu'il entend prendre afin de satisfaire les besoins ou les désirs d'une population.

C'est dans cette optique que la commission se propose de discuter comment l'Hydro-Québec entend satisfaire les besoins du Québec en électricité en l'an 2000. Ainsi la commission parlementaire commencera dès aujourd'hui à étudier avec vous les programmes généraux de l'Hydro-Québec à ce sujet et, le 24 août prochain, nous prévoyons commencer d'étudier de façon plus précise les programmes d'investissements particuliers à la Baie James.

Avant toutefois d'analyser en détail les questions que soulève cette commission, je propose que nous remontions dans le temps afin de retrouver le fil directeur qui a motivé la société québécoise à prendre, à diverses étapes de son évolution, ses intérêts en mains. Ce n'est pas par hasard si l'énergie électrique fut à plusieurs reprises au centre des débats importants, car tous appréciaient depuis longtemps l'importance de l'énergie électrique dans le développement industriel du Québec.

En effet, chacune des périodes suivantes suscita des débats houleux. Tout d'abord, les recommandations de la commission Lapointe, en 1935, qui concluaient à la nécessité d'étatiser le service de l'électricité en fonction de l'intérêt public; ensuite, les enquêtes de la Régie des services publics en 1940 et 1941. La lutte du Bloc populaire, pendant la deuxième guerre mondiale, qui engendra dans une certaine mesure, en 1943, le bill 17, d'Adélard Godbout, qui créait la Commission hydro-électrique du Québec.

Ces actions politiques successives permirent au Québec d'amorcer la défense de ses intérêts dans un secteur précis. Il fallut toutefois attendre quinze ans, soit à la fin du régime de M. Duplessis, pour que l'action timide, selon les critères d'aujourd'hui, de notre société se concrétise de façon rationnelle et ferme dans une politique cohérente de gestion de l'électricité.

L'élection de 1962, plus qu'un simple référendum sur un thème populaire, amenait la population à rendre jugement en fonction des intérêts collectifs, en permettant la nationalisation totale de l'électricité.

Je trace là une revue bien sommaire, évidemment, des événements survenus pendant un quart de siècle, période pendant laquelle est étroitement liée la volonté politique du Québec à un souci de développement autochtone de ses ressources.

Une analyse plus détaillée de cette période nous permettrait de dégager une constante qui guide de façon continue les actions de la société québécoise dans ce secteur.

En effet, que l'on revoie les objectifs de la commission Lapointe en 1935, ceux de la Régie des services publics en 1940, ceux du Bloc populaire entre 1942 et 1945, les objectifs d'Adélard Godbout, de Jean Drapeau, du Parti libéral respectivement en 1943, 1959 et 1962, tous sont motivés au nom de l'intérêt québécois, et lorsqu'ils proposent des réformes, ils le font au nom de la rationalité et de l'optimalité, qu'elles soient techniques, économiques ou politiques.

Ces critères font sonner à nos oreilles les arguments, les thèmes de la nationalisation de 1963: l'uniformisation des services et des tarifs; la diminution des frais fixes; la coordination des investissements; l'usage optimum des eaux; l'intégration des réseaux; la création d'un vaste pouvoir d'achat au profit du Québec; la formation et la promotion de cadres supérieurs canadiens-français.

Nous pouvons constater aujourd'hui, et tous au Québec s'en ressentent de façon directe ou indirecte, que ces objectifs ont été atteints, souvent, de façon intégrale.

La disponibilité, l'uniformité, les bas prix de l'énergie électrique sont en 1976 une réalité de tous les jours qui souvent masque des avantages plus profonds qui ont découlé de cette nationalisation, comme, par exemple, l'expertise technique qu'ont acquise nos ingénieurs canadiens-français et qui leur donne une réputation mondiale dans ce domaine. La réalisation de cette volonté politique ne s'est pas faite sans sacrifices, bien sûr. Les coûts financiers de la nationalisation ne sont qu'un exemple du renoncement que le Québec a dû s'imposer, de façon souvent indirecte, pour contrôler et gérer de façon optimale un secteur important de son développement économique et de son bien-être social.

Aujourd'hui, en 1976, treize ans se sont écoulés depuis que le Québec a senti le besoin de donner un coup de barre dans la direction de l'intérêt public.

Pendant cette période, l'Hydro-Québec, respectant les exigences du législateur, a bien assis sa mission, qui était de fournir de façon générale aux Québécois toute l'énergie dont ils pouvaient avoir besoin, tel que défini dans la Loi de l'Hydro-Québec et principalement par les articles 22 et 23: "22. La commission a pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière. "Elle doit établir le tarif applicable à chaque catégorie d'usagers suivant le coût réel du service fourni à cette catégorie en autant que cela est pratiqué. "Les taux et les conditions auxquels l'énergie est fournie sont fixés par règlement de la commission ou sont déterminés par des contrats spéciaux intervenus entre, d'une part, la commission et, d'autre part, les municipalités, les coopératives d'électricité ou les entreprises industrielles ou commerciales, selon le cas. Ces règlements et ces contrats doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil."

Et l'article 23: "La commission est tenue de fournir de l'énergie en gros à toute municipalité qui lui en fait la demande et se conforme aux dispositions de la Loi de la municipalisation de l'électricité, chapitre 186, à moins que cette municipalité ne soit dans un territoire que la commission n'est pas alors en mesure de desservir économiquement. "Elle doit également, sous la même réserve, fournir l'énergie en gros à toute coopérative d'électricité qui en fait la demande. La commission doit fournir à toute municipalité qui désire se prévaloir des dispositions du premier alinéa du présent article tous les renseignements requis pour l'étude du projet."

Il apparaît évident à tous aujourd'hui que les dirigeants de l'Hydro-Québec ont respecté à la lettre l'esprit de cette loi, de sorte qu'actuellement, nous avons au Québec une disponibilité d'électricité et une structure de prix qui font l'envie de tout pays industrialisé.

L'analyse rapide de quelques données, soit le taux de croissance de la demande, le programme d'équipement, les investissements et les emprunts pendant les dix années qui ont suivi la nationalisation de 1963, permet à la fois de mesurer de façon chiffrée le progrès de notre société d'Etat mais surtout de placer en perspective son avenir lié de près à notre bien-être social.

Ainsi, la puissance installée globale en service en 1963 au Québec était de 6200 mégawatts. Le taux de croissance de la demande d'électricité augmentant au rythme d'environ 7 3/4% pendant la période de 1963 à 1973, l'Hydro-Québec dut la satisfaire en doublant sa puissance installée. Celle-ci passant en effet de 6200 MW à 11 000 en 1973, mais à plus de 14 000 de puissance disponible si on inclut la part de Churchill Falls dans le bilan.

La mise en place de ces programmes d'équipement de nature hydroélectrique, pour l'essentiel, entraîna des investissements qui, dans le contexte actuel, nous apparaissent très raisonnables.

En effet, de 1963 jusqu'à 1973, les investissements annuels moyens de l'Hydro-Québec s'élevaient à moins de $350 millions par année ou totalisaient $3,5 milliards pendant cette période de dix ans. Sur ce, $300 millions en moyenne étaient empruntés annuellement pour financer les programmes d'équipement de l'Hydro-Québec.

Si je peux me permettre de conclure cette période en la rattachant à l'avenir, nous constatons qu'à un taux de croissance constant, identique à la période 63-73, on devra dorénavant investir dix fois plus d'argent annuellement que pendant la décennie que nous venons d'examiner. En effet, et comme nous le verrons dans quelques instants, un taux de croissance constant de 7 3/4% exigera maintenant des investissements annuels d'au moins $3 milliards dans les années futures.

Qu'est-il survenu depuis 1973 à aujourd'hui qui puisse justifier une telle disproportion entre deux périodes? L'inflation semble y jouer un très grand rôle, comme nous l'expliquera sans doute la Société d'énergie de la baie James le 24 août prochain lors de la session de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, sur les coûts du projet hydroélectrique de la baie James.

D'autres facteurs, bien entendu, tels l'éloi-gnement des centres de production, l'augmentation des coûts de la main-d'oeuvre, les effets de la

crise pétrolière qui augmenta, dans une certaine mesure, la pression sur la demande d'électricité, etc., contribuèrent aussi à expliquer l'ampleur des investissements dorénavant requis.

Cependant, auparavant, il convient de revoir en détail les caractéristiques de développement qui entraînent ces investissements.

Selon Hydro-Québec, le taux de croissance de la demande sera généralement le même dans le futur, soit 7 3/4%.

Si cette prédiction s'avérait correcte, elle exigerait, comme par le passé, que la capacité installée double environ tous les dix ans.

On se rappellera qu'elle avait doublé entre 1963 et 1973, passant de 6000 MW à environ 11 000 MW. Elle augmenterait donc à 22 000 MW en 1983, soit dans sept ans, et, par conséquent, à 40 000 MW en 1990.

Comme on le constate à la lecture des prévisions de l'Hydro, même un tel accroissement de capacité n'entraîne pas de surplus prévisible. De fait, d'ici 1983 il est possible qu'au cours des trois années l'appel du réseau soit supérieur à la capacité installée.

Du côté de l'offre, on prévoit satisfaire à la demande à la fois par des installations hydroélectriques, des centrales nucléaires et des centrales de pointe.

D'ailleurs, l'Hydro-Québec aura l'occasion, au cours de la journée, de vous expliquer les caractéristiques de l'offre de l'électricité, au moins jusqu'en 1990.

Les implications financières de tels besoins sont, comme je vous l'ai mentionné plus tôt, extrêmement importantes.

Ainsi, à compter de 1978, la société d'Etat, de même que la Société d'énergie de la baie James, bien entendu, devra investir $3 milliards par année et ce, jusqu'en 1985. De 1985 à 1990, afin d'installer 15 000 MW de puissance, ce qui correspond à un peu plus que toute la puissance installée actuellement au Québec, l'Hydro prévoit qu'elle devra investir au rythme de $5 milliards par année.

Si l'on suppose un pourcentage d'autofinancement de 30%, ce qui est relativement élevé, l'Hydro-Québec devra emprunter de $2,5 milliards à $3,5 milliards par année, d'ici 1990.

Face à l'ampleur et surtout aux implications d'un tel rythme de croissance, les gouvernements, quels qu'ils soient, s'interrogent, et ce non seulement au Québec, puisque le problème se retrouve avec une intensité diverse un peu partout dans les pays industrialisés.

Ainsi, à la grandeur des Etats-Unis, du Federal Power Commission à la moindre régie d'Etat, on cherche des moyens de ralentir la demande, de la déplacer en périodes de pointe, d'améliorer l'efficacité des formes de production d'énergie, enfin, de réduire les investissements.

L'Ontario, bien qu'ayant une structure et une situation énergétique sensiblement différente de celle du Québec, a dû réduire sérieusement les programmes d'investissements de l'Hydro-Ontario et tout particulièrement dans le secteur nucléaire.

Les préoccupations de l'Ontario se sont d'ailleurs traduites par la création d'une Commission royale d'enquête, au début de 1975, afin de clarifier et de définir, en fonction de l'intérêt public, quels devront être le rôle et les objectifs de l'Hydro-Ontario dans l'avenir.

Comme je considère que les préoccupations de l'Ontario reflètent largement nos propres préoccupations, je me permets de vous lire intégralement le mandat de cette commission. "The Royal Commission on Electric Power Planning, has been empowered and instructed to: 1) Examine the long range electric power planning concepts of Ontario Hydro for the period 1983-1993 and beyond and to report its findings and recommendations to the Government, so that an approved framework can be decided upon for Ontario Hydro in planning and implementing the electrical power system in the best interests of the people of Ontario; 2) Inquire comprehensively into Ontario Hydro's long-range planning program in its relation to provincial planning; to domestic, commercial and industrial utilization of electrical energy to environmental, energy and socio-economic factors, including but not limited to matters such as electric load growth, systems reliability, management of heat discharged from generating stations, interconnecting and power pooling with neighbouring utilities, export policy, economic investment policy, land use, general principles on the siting of generating stations and transmission corridors, efficient utilization of electrical energy and wise management of primary energy resources; power generation technology, security of fuel supplies and operational considerations; 3)Deal primarily with the broader issues relating to electric power plannig, and thus serve to alleviate the need for re-examination of these issues at subsequent hearings of other hearing bodies on specific details such as siting, rates, etc.; 4)Consider and report on a priority basis on the need for a North Channel Generating Station, a second 500 k.V. line from Bruce, a 500 k.V. supply to Kitchener, a 500 k.V. line from Nanticoke to London, and a 500 k.V. line in the Ottawa-Cornwall area, and other projects as may be directed by the Lieutenant Governor in Council."

Comme vous le voyez, les préoccupations du gouvernement ontarien sont essentiellement les nôtres, bien que l'Ontario ait choisi, à date, un mécanisme différent pour clarifier la situation et recommander des solutions.

Au Québec, cette commission parlementaire vise essentiellement le même objectif, celui d'examiner comment l'Hydro entend satisfaire la demande d'électricité en l'an 2000.

Il apparaît cependant que le cadre d'examen des activités de l'Hydro-Québec déborde largement le secteur de l'électricité.

Alors que, dans la période qui suivit la nationalisation, le but premier de cet organisme était de donner une cohérence et une vitalité au secteur de l'électricité, la période qui vient pose de nouveaux défis qui sont ressentis tout aussi bien par population en général que par le gouvernement, et qui exigent la définition d'objectifs et l'élaboration de priorités nouvelles.

La croissance prévue de l'Hydro-Québec pose, en effet, des défis importants, qu'ils soient d'ordre économique ou financier, ou qu'ils mettent en cause la protection de l'environnement.

Je vous ai donné brièvement plus haut un ordre de grandeur des investissements nécessaires pour la satisfaction de la demande des Québécois dans l'avenir. Face à ces chiffres dont l'importance ne peut être jugée que par les investissements d'autres secteurs comme l'éducation et les affaires sociales, par exemple, la population s'interroge et avec raison, d'ailleurs. Car en définitive elle paie. Elle doit donc être rassurée et certaine, que ses représentants la représentent adéquatement en sachant mesurer l'impact des objectifs ou des programmes poursuivis par les organismes gouvernementaux.

Sous l'aspect de l'environnement, deux questions majeures retiennent l'attention des Québécois. La première, quels seront les dommages causés dans l'avenir par la mise en place de l'infrastructure nécessaire à l'acheminement et à la distribution de l'électricité vers les consommateurs?

Cette préoccupation des Québécois est relativement récente. Elle date du projet désormais célèbre, au moins en électricité, de la rivière Jacques-Cartier. Elle s'étendit par la suite à d'autres régions, tout particulièrement aux alentours de Montréal où les projets de l'Hydro-Québec dans les secteurs de Rigaud et de Châteauguay suscitèrent et suscitent encore de nombreuses protestations. C'est, je crois, une prise de conscience saine, mais qui pose des contraintes qui se traduisent souvent par des augmentations de coût, que cette même société doit, une fois de plus, absorber.

Deuxièmement, au niveau technique, il semble bien que les Québécois entretiennent les mêmes craintes, fondées ou pas, que la population d'autres pays, face à la filière nucléaire.

Au rythme où nous sommes tenus d'aménager notre hydroélectricité, il semble, comme l'illustre le programme de développement de l'Hydro-Québec, que nous devons nous résoudre à remplir nos besoins avec de l'énergie nucléaire au Québec, malgré les craintes et les interrogations, non seulement de la population, mais de certains experts.

Les préoccupations majeures de la population se sont traduites au niveau gouvernemental par une série d'actions administratives que je voudrais vous résumer.

De façon graduelle et sectorielle, le gouvernement a, au cours des années récentes, posé des gestes administratifs visant à respecter les nouvelles exigences de la population.

Par exemple, dans le secteur de l'environnement, le gouvernement votait, il y a déjà quelques années, une loi qui exige, entre autres, que l'Hydro-Québec obtienne un permis du directeur des Services de protection de l'environnement avant de construire toute ligne d'un voltage supérieur à 315 kV. Lorsque le directeur a la preuve que les études d'impact effectuées par l'Hydro-

Québec définissent la solution optimale, il accorde à ce moment un permis de construction.

D'autre part, nous mettions récemment sur pied un comité technique interministériel chargé d'étudier tout projet majeur de l'Hydro-Québec. Ce comité composé de membres permanents, soit les Services de protection de l'environnement, l'Office de planification et de développement du Québec et le ministère des Richesses natuelles, auxquels s'associent d'autres ministères, selon les caractéristiques des projets, devra à l'avenir recommander une solution optimale sur tout projet majeur de l'Hydro-Québec. Suite à leurs recommandations examinées par le comité interministériel permanent de l'aménagement du territoire, un arrêté en conseil pourra être émis à l'Hydro-Québec afin de lui permettre d'entamer des procédures d'expropriation nécessaires et la mise en chantier de ces ouvrages.

Au niveau financier, l'approbation des budgets et des investissements de l'Hydro-Québec se fait bien sûr de façon annuelle et ce, depuis fort longtemps. De même, depuis déjà un certain temps, un comité interministériel de fonctionnaires étudie les programmes de développement à moyen terme de l'Hydro-Québec et leurs implications.

Ces procédures qui paraissaient satisfaisantes encore tout récemment sont remises en question face à l'ampleur et à l'importance des implications tant financières que sociales des budgets futurs nécessaires au développement de l'électricité au Québec.

Ce problème qui n'est pas nécessairement particulier au secteur de l'électricité, mais qui se retrouve à divers degrés d'importance dans d'autres secteurs de l'activité économique du Québec, a amené récemment le premier ministre Bourassa à rencontrer les dirigeants des principales sociétés d'Etat et organismes paragouvernementaux au Québec afin de coordonner davantage les objectifs de développement de la société québécoise. Lors de cette rencontre, le premier ministre a demandé à chacune des sociétés de présenter et de faire approuver, annuellement, son programme de développement afin de s'assurer que les objectifs de développement de chacune de ces sociétés s'intègrent parfaitement dans les objectifs généraux de développement poursuivis par la société québécoise. Ce mécanisme ou cette procédure, non plus sectorielle mais générale, répondra certainement mieux à toute action ponctuelle de l'administration gouvernementale. C'est un premier pas vers un meilleur contrôle tant des orientations que des investissements des sociétés paragouvernementales financées par les deniers publics.

Mais toutes ces mesures, toute cette procédure, ne seront efficaces que lorsque nous aurons fait un choix entre deux possibilités. Nous pouvons continuer notre développement électrique de façon traditionnelle ou nous pouvons l'orienter différemment.

Nous constatons aujourd'hui qu'au rythme de croissance de la demande d'électricité nous épui-

sons très rapidement nos réserves hydroélectriques.

A l'avenir, selon l'Hydro-Québec, nous devrions remplacer l'énergie hydroélectrique par de l'énergie nucléaire. Comme conséquence, nous perdrons la seule hégémonie énergétique que nous détenions jusqu'à maintenant, puisque nous ne contrôlerons aucune des étapes ou des facettes du développement nucléaire ou de la technologie nucléaire, dans l'avenir.

Même si nous développons l'énergie nucléaire, il nous apparaît évident que nous ne disposerons que d'une quantité limitée d'électricité. Il faudra donc en faire l'allocation. Nous devons choisir entre une allocation vers le secteur industriel et commercial ou une allocation vers les besoins domestiques et le secteur résidentiel.

Au niveau financier, comme vous l'avez vu, nous devrons investir environ $5 milliards par année bientôt, pour être en mesure de satisfaire la demande régulière d'électricité, soit la moitié du budget global actuel du Québec. Un tel investissement aura évidemment des répercussions dans d'autres secteurs de l'activité québécoise.

Malgré cela, le programme de développement que nous propose l'Hydro-Québec est peut-être le programme qui répond le mieux à l'intérêt québécois. Il est possible que les investissements publics dans le secteur de l'électricité soient plus rentables que dans d'autres secteurs.

Il est aussi possible que nous voulions, face aux changements survenus dans les valeurs de notre société depuis 1963, reformuler les priorités d'investissements du Québec.

De toute façon, la question doit être posée. Devrions-nous poursuivre en 1976 les mêmes objectifs de développement dans le secteur de l'électricité que nous avions définis et poursuivis depuis 1963?

C'est à cette préoccupation que les travaux de cette commission devraient ou devront s'attarder aujourd'hui.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le ministre. Le chef de l'Opposition.

Remarques de M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin: M. le Président, en dépit de la convocation tardive de cette commission, nous nous réjouissons de la voir enfin se réunir. Nous la réclamons depuis des mois.

Elle devra se pencher sur les causes, mais également sur les conséquences de la récente augmentation de $4,3 milliards dans le projet d'aménagement de la rivière La Grande.

La demande, certes, doit être satisfaite, elle augmente sans cesse, mais, dans l'esprit des questions que le ministre se posait à la toute fin de son exposé et aux questions que j'aurais attendues dès le début de son exposé, nous devons nous demander si cette demande doit être satisfaite à n'importe quel coût. N'y a-t-il pas d'autres besoins, au Québec, d'autres besoins sociaux, notamment, qui sont également importants, dont on doit mesurer l'importance par rapport au développement hydroélectrique?

Quelles sont les conséquences sociales des investissements massifs dont l'Hydro et dont le ministre viennent de nous entretenir? Dans le cas de l'augmentation dont on nous a fait part ces jours-ci dans le coût de la rivière La Grande, il s'agit d'une nouvelle hausse vertigineuse, ce n'est pas la première, hausse qui amplifie l'escalade effrénée et régulière des coûts depuis le lancement du projet en avril 1971.

Le ministre disait tout à l'heure que le programme de développement que nous propose l'Hydro-Québec, et dont la Baie James n'est qu'un aspect, ne constitue qu'un aspect, et peut être le programme qui répond le mieux à l'intérêt québécois. Mais, il ajoutait que, devant les changements survenus dans l'échelle de valeurs des Québécois depuis un certain temps, il est également possible que nous voulions repenser, puis reformuler les priorités d'investissements du Québec. J'accepte tout à fait cette façon de poser le problème. Je pense que les dirigeants de l'Hydro voudront également se placer dans cette perspective au cours des heures qui viennent.

Depuis plus d'un an, l'Opposition officielle demande qu'une commission parlementaire soit convoquée pour étudier en particulier la question de l'augmentation des investissements sur la Grande, car il est évident que si ce grand projet devait entraîner une hausse de coûts sans fin, cela serait de nature à compromettre ou en tout cas à soulever de très graves questions sur les autres projets d'investissement. Déjà, en juillet 1975, il nous était apparu incompréhensible que le gouvernement ne rende pas publique une nouvelle estimation des coûts. Dans la perspective d'une saine allocation des fonds publics, dans la perspective d'un examen global des besoins en énergie, mais également des besoins sociaux et économiques du Québec, il est inadmissible qu'un gouvernement ayant la responsabilité d'un projet de l'ordre de $16 milliards, soit près de deux fois le budget annuel du Québec, agisse de façon aussi contraire aux règles les plus élémentaires de la saine gestion. Comment réagir autrement, M. le Président, quand on sait que depuis deux ans, c'est-à-dire depuis l'été 1974, le ministre des Richesses naturelles nous a dit à plusieurs reprises qu'il n'avait aucune idée du coût du projet de la baie James? Dans ces conditions, il nous paraît évident que le gouvernement actuel joue mal son rôle d'ultime responsable de la bonne gestion des fonds publics et que pour cette somme de $16 milliards qui doit être investie par les Québécois dans le projet, nous risquons fort, malheureusement, de voir se répéter à ce sujet les événements que nous avons connus à propos des Jeux olympiques. Je pense que ce serait de nature à discréditer les efforts qui sont faits pour assurer l'alimentation en énergie du Québec dans l'avenir que s'installe dans l'esprit des Québécois le soupçon qui pèse sur les Jeux olympiques et sur l'avenir de l'utilisation de ces magnifiques installations.

Par suite du refus de rendre publique une nouvelle estimation en juillet 1975, cette commis-

sion a d'abord été promise, vous vous en souviendrez, pour la fin de 1975. Dès février 1976, le président de la Société d'énergie de la baie James nous apprenait qu'il était prêt et disposé à rencontrer une commission parlementaire qui pourrait rendre publics les coûts, mais ce n'est qu'en ce mois d'août, plus de deux ans après la dernière estimation de $11,9 milliards, que nous avons été appelés à siéger pour examiner la hausse des coûts. Non seulement ces délais nous paraissent-ils incompatibles avec une saine gestion des fonds publics québécois, mais encore faut-il souligner que sous ce gouvernement se pratiquent des efforts concertés, semble-t-il, pour dissimuler des données aussi fondamentales que celles-là. Il est inadmissible, par exemple, qu'on ait soutenu devant cette commission, il y a à peine un an, que l'estimation de $11,9 milliards tenait toujours et qu'un an plus tard on nous arrive avec une augmentation de $4 milliards.

Depuis le tout début de ce projet, dont les coûts ont quadruplé depuis 1971, il semble bien que le gouvernement ait mal piloté un projet qui avait été lancé, on s'en souviendra au début, beaucoup plus dans une ambiance politique que dans une ambiance plus favorable à l'examen objectif des données du problème.

Dès le départ, nous l'avons répété à plusieurs reprises, le gouvernement a entraîné l'Hydro-Québec dans une décision précipitée alors que les études de base non seulement n'étaient pas terminées, mais n'existaient tout simplement pas dans le cas de la rivière La Grande. Cette absence de planification, cette façon désordonnée, foncièrement désordonnée de procéder a été reconnue, même implicitement, à tout le moins, par le ministre des Richesses naturelles qui a confirmé, lors de sa récente conférence de presse, que le manque d'études préparatoires a occasionné de nombreuses modifications dans le projet et, par le fait même, de très substantielles réévaluations à la hausse.

Cette absence de prospectives, cette absence de planification n'a pas manqué, d'ailleurs, d'être soulignée par le seul organisme scientifique, organisme qui d'ailleurs n'était pas impliqué directement dans le projet et donc un peu libre de dire ce qui devait être dit, je veux dire le Conseil des sciences du Canada qui estimait que de substantielles économies allant jusqu'à 25% auraient pu être réalisées dans des conditions optimales de planification des investissements.

En second lieu, M. le Président, à peine quelques mois après le lancement du projet, le gouvernement, par la présentation du projet de loi no 50, créait une structure nouvelle, la SDBJ. Et à cette époque, vous vous souviendrez que cela n'avait pas peu contribué à rendre fort tendus les rapports entre l'Hydro-Québec et le gouvernement.

Le moment était fort mal choisi puisqu'il était évident que, de toute façon, l'Hydro-Québec serait appelée à jouer un rôle de premier plan dans le développement de la baie James ou de tout autre projet hydroélectrique au Québec étant donné que l'Hydro était le seul organisme compétent, de toute évidence, pour diriger un tel projet. Il ne fait aucun doute que tous ces tiraillements et la création rapide, improvisée d'une nouvelle structure administrative non rodée et surtout d'une structure qui ne recevait pas, du moins dans sa forme originale, l'assentiment de l'Hydro-Québec, ont nuit à la planification du projet.

J'aurais aimé que le ministre, tout à l'heure, dans l'étude qu'il faisait des motifs qui ont entraîné l'augmentation des coûts, fasse état de ces réalités. En tout cas, nous l'avions fait à l'époque et nous allons certainement continuer de le rappeler parce que ces tiraillements du début n'ont pas fini de porter leurs conséquences.

En troisième lieu, nous demeurons convaincus qu'au nombre des erreurs commises par le gouvernement dans ce dossier, dans sa façon de piloter ce projet, se trouve la conception même de la formule de gérance et de gestion du projet. Dès le début, le gouvernement a, comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs, tenté de réduire le plus possible le rôle de l'entreprise publique. Dès le départ, il était évident, et nous l'avons dénoncé à l'époque, qu'on voulait réserver la plus grosse part possible du gâteau à l'entreprise privée. La décision de faire des firmes de consultants privés, et principalement de Bechtel, les éléments fondamentaux, principaux de la gérance constituait à nos yeux une erreur dont on n'a pas fini de se remettre.

Nous continuons de penser que la société Hydro-Québec était la mieux placée pour accomplir efficacement et à moindre coût cette tâche fondamentale.

La présence, pour ne pas dire l'omniprésence de l'entreprise privée, les conditions fort pénibles dans lesquelles certains contrats ont été négociés et accordés, alors qu'à peine deux ou trois soumissionnaires étaient sur les rangs, nous ont toujours inquiétés et continuent de nous inquiéter.

Encore tout récemment, dans le Soleil du 10 septembre, on rapportait les propos d'un dirigeant de la SEBJ qui aurait affirmé — et nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur cette question au cours des heures qui viennent — que le fait de faire de l'Hydro le maître d'oeuvre du projet, aurait pu permettre des économies de l'ordre de 20% du total des coûts. Quand on ajoute cela aux considérations du Conseil des sciences du Canada, on voit à quelle conclusion nous sommes conduits.

Ces avis ne sont pas toujours parfaitement scientifiques, peut-être. Ces chiffres qui ont été avancés, d'économie de l'ordre de 25% ou de 20%, ne donnent peut-être qu'un ordre de grandeur, mais ils n'en demeurent pas moins révélateurs à l'égard de la conception qu'ont certaines personnes de l'intérieur de l'Hydro, de la façon dont la gérance a été conçue par le gouvernement.

Et nous continuons de penser que depuis le tout début de ce projet, le gouvernement porte une très lourde responsabilité tant sur le plan de la conception, de la gestion administrative, que sur le plan de la planification dans cette augmentation insatiable des coûts.

Il y a sûrement peu de premiers ministres qui

ont annoncé des projets d'une telle envergure, non seulement en se trompant de rivière — puisque La Grande est située à 200 milles au nord du site original NBR — mais également en se trompant de quelques petits $12 milliards.

Il y a également très peu de gouvernements qui aient piloté un projet de $16 milliards sans avoir, pendant plus de quatre ans, un ministre responsable, vraiment responsable, au fait du projet, qui en suive l'évolution, et qui soit en mesure d'informer la Chambre, et donc, l'opinion publique, de révolution des coûts de mois en mois.

Nous aurons certes l'occasion d'étudier longuement les causes et les répercussions de la récente hausse de $4,3 milliards. A première vue, je vous dirai tout de suite, M. le Président, que cette hausse nous paraît excessive. Elle ne peut s'expliquer par une augmentation significative de la capacité installée, comme on l'a plaidé ces jours-ci, qui passe de 10 070 MW à 10 190 MW, si ma mémoire est bonne, soit une augmentation d'à peine 1%. Ce n'est pas en plaidant l'augmentation de la puissance installée qu'on va pouvoir justifier une augmentation de cet ordre dans les coûts.

La hausse ne peut, non plus, s'expliquer uniquement par les taux d'inflation. J'entendais le premier ministre, ces jours-ci, nous dire: Comment voulez-vous qu'avec des niveaux de hausse de l'ordre de 300% ou 400% dans la construction ou dans l'ensemble du Canada, cela n'augmente pas de la même façon à la baie James?

Je crois que c'est induire les Québécois en erreur que de plaider des chiffres de cet ordre. D'après Statistique Canada, le taux d'inflation observé depuis 1971, dans les coûts de construction des centrales hydroélectriques est de l'ordre de 55%, mais pas davantage; ceci, pour toute la période de quatre ans.

Je voyais dans la Presse d'hier, le 9 août, que le premier ministre voulait justifier justement la nouvelle estimation de $16,2 milliards et considérait qu'avec ces augmentations de l'ordre de 300% à 500%, on ne devait pas s'étonner de l'augmentation du coût de la baie James.

C'est parfaitement ridicule et c'est faux. Depuis quatre ans, c'est bien 55% d'augmentation dont nous avons été témoins et ceci, spécifiquement pour ce genre de construction. Cela nous en dit long, M. le Président, sur le genre d'administrateur et d'économiste qu'est le premier ministre.

Au lieu de chercher à améliorer la gestion du projet, au lieu de chercher, comme nous devons le faire dans cette commission parlementaire, à limiter l'augmentation des coûts, il s'efforce tout au plus de trouver a posteriori des justifications qui nous paraissent complètement loufoques. C'est prendre les Québécois pour des imbéciles que de leur proposer des explications comme celles-là. Si les coûts avaient augmenté de 400% ou 500% au lieu de 300% il aurait trouvé encore le moyen, sans doute, d'affirmer que partout au Canada les coûts avaient augmenté de 500% à 700%. On dit n'importe quoi pour justifier une situation inexcusable.

M. le Président, les facéties du premier ministre ne permettent pas d'expliquer l'escalade effrénée des coûts depuis le début, d'autant que les évaluations antérieures contenaient déjà ce qu'on appelait des réserves quant à l'inflation future: 15% pour l'année 1974 et 9% pour l'année 1975. Donc, dans les évaluations antérieures se trouvaient déjà des mécanismes d'augmentation en fonction de l'augmentation des coûts. Donc, en plus de ce qui était déjà prévu, qu'on vienne nous proposer des explications aussi saugrenues que celles-là, cela dépasse proprement l'entendement. Nous ne manquerons certainement pas de revenir là-dessus par la suite.

M. Cournoyer: J'espère que vous allez revenir le 24, puis que vous allez donner une chance aux gars de l'Hydro-Québec de vous expliquer cela...

M. Morin: J'espère bien que nous allons y venir d'ailleurs avant le 24. Je vous ai écouté patiemment...

M. Cournoyer: Moi j'avais quelque chose de...

M. Morin: ... pour en venir aux questions fondamentales à la toute fin de votre exposé.

M. Cournoyer: C'est exposé là...

M. Morin: Moi j'essaie d'en venir tout de suite aux questions fondamentales.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: Bien non, vous êtes dans la baie James par-dessus la tête.

M. Morin: Ecoutez-moi.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: Vous vous trompez.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: M. le Président, il se trompe.

M. Morin: Bien.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Les corrections se feront en temps et lieu.

Une Voix: Vous avez droit à votre opinion.

M. Cournoyer: Non, votre opinion, je ne voudrais quand même pas que mon ancien professeur...

M. Bellemare (Johnson): Soyez donc patient.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): Vous allez être patient pour moi.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: Vous, vous aimez cela le re-

garder se tromper, moi je n'aime pas cela, c'est mon ancien professeur.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas cela que je dis.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Le chef de l'Opposition, continuez.

M. Morin: Merci, M. le Président.

Il y a bien d'autres sujets que nous allons devoir aborder et fouiller à fond au cours de ces prochaines séances. Il y a tout d'abord les prévisions de la demande et, en particulier, la baisse pour ainsi dire continue dans la croissance de la demande au cours des dernières années, baisse qui, à nos yeux, soulève d'importantes questions quant au taux utilisé par l'Hydro-Québec pour prévoir les investissements requis au cours des quinze prochaines années.

Et j'attire l'attention de la commission sur le fait qu'une différence de 2% sur quinze ans signifie quatre ou cinq Manic 5. Donc, nous traitons de choses extrêmement importantes. Et une sous-évaluation comme une surévaluation de la demande peut entraîner des conséquences financières considérables. Je vois que le ministre est d'accord avec moi pour une fois et j'espère qu'il va continuer de l'être.

M. Cournoyer: Sur la dernière phrase, pas sur ce qui a été dit avant. Sur la dernière phrase, je suis d'accord.

M. Morin: J'aurais pu, à plusieurs reprises, interrompre le ministre des Richesses naturelles; j'aurais pu l'interrompre à plusieurs reprises durant son exposé à l'occasion d'un certain nombre d'inexactitudes dont il nous a fait part.

M. Cournoyer: J'aurais bien voulu voir cela.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin: Je ne l'ai pas fait.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: Donnez-moi la chance, vous allez le voir.

M. Morin: Je ne l'ai pas fait parce que j'estimais que le ministre avait le droit d'être entendu jusqu'au bout. De même, l'Opposition a le droit d'être entendue jusqu'au bout.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Vous alliez bien, continuez donc jusqu'au bout.

M. Morin: Merci, M. le Président.

M. Cournoyer: II m'a interpellé, j'ai répondu.

M. Morin: Le programme d'équipement pour les années 1985 à 1990 où, pour la première fois, nous voyons apparaître deux changements majeurs, est également l'une des questions que nous avons l'intention d'aborder. Près de la moitié des nouveaux équipements seront de pointe. La fin de la décennie des années quatre-vingt verra apparaître une centrale nucléaire par année. Nous ne sommes pas mécontents de constater que nos préoccupations nucléaires, qui n'ont jamais, d'ailleurs, éclipsé nos préoccupations dans le domaine hydraulique, ont fini par retenir l'attention des spécialistes de l'Hydro-Québec. Ce sont deux sujets qui avaient fait l'objet de nombreuses questions et de nombreuses interpellations de l'Opposition dans le passé. Nous avons l'intention d'y revenir longuement avec l'Hydro.

Enfin, il est un autre sujet — j'annonce un peu les couleurs de l'Opposition pour que ces messieurs de l'Hydro sachent sur quelles questions nous avons l'intention d'insister — c'est la décision du National Energy Board et ses conséquences économiques pour l'Hydro-Québec et pour ses clients, les Québécois.

Nous aurons donc l'occasion de nous pencher sur toute la question de ce qu'on appelle les interconnexions et de demander au président de l'Hydro ce qui aurait pu inciter le premier ministre du Québec à défendre et même à favoriser, à promouvoir, semble-t-il, l'interconnexion avec les Maritimes, alors qu'il est bien évident, à nos yeux, qu'il est beaucoup plus rentable de transiger directement avec nos voisins du sud. Enfin, nous aurons, certes, l'occasion de discuter à fond d'un certain nombre d'autres sujets importants dont nous avons discuté à chaque commission dans le passé, c'est-à-dire les emprunts de l'Hydro, les tarifs, à la lumière évidemment de la nouvelle estimation des coûts dans le cas de la baie James, des lignes de transmission, etc. Aussi, pour simplifier le travail de cette commission, voudrais-je proposer que nous procédions comme nous l'avons fait au cours des années passées et que nous nous donnions une sorte d'ordre du jour que nous pourrions peut-être modifier chemin faisant, mais qui pourrait nous servir de cadre de discussion et qui permettrait, tant aux députés membres de cette commission qu'aux représentants de l'Hydro-Québec de préparer leurs interventions et leurs réponses.

Je proposerai donc, comme par les années passées, que nous suivions l'ordre du jour suivant: tout d'abord, la demande; en toute logique, je pense bien qu'il faut commencer par cela. Ensuite, le programme d'équipement et les coûts, en particulier, naturellement, l'augmentation des coûts de la rivière La Grande. Ensuite, la question de la gérance, en particulier, la question de savoir s'il y a eu un nouveau contrat, comme on nous l'avait laissé entendre au cours des dernières réunions de cette commission. Ensuite, les tarifs; ensuite, toute la question de l'exportation des ressources hydroélectriques.

Je proposerais donc que nous abordions ces questions dans l'ordre proposé, mais assez rapidement de façon à en venir le plus tôt possible à la

question qui intéresse à l'heure actuelle le plus les Québécois, il faut bien le dire, qui est celle des coûts. Si même on pouvait aborder la question des coûts aujourd'hui même, j'avoue que, pour ma part, je m'en réjouirais. Etant donné que nous avons déjè attendu deux ans pour obtenir cette nouvelle estimation, je pense que les Québécois ont le droit d'être informés rapidement sur les causes de cette augmentation et sur ses conséquences.

Enfin, j'aurais une dernière proposition à faire, qui n'intéresse pas la séance d'aujourd'hui, mais celle de demain. Là-dessus, je pense que, sans doute, je pourrais avoir l'appui aussi bien des collègues du côté de la majorité que de mes collègues de l'Opposition. L'un des problèmes qui dominent, à l'heure actuelle, l'actualité, lorsqu'on parle de l'Hydro-Québec, c'est évidemment la question des relations du travail. Je m'en voudrais de ne pas permettre à cette commission de se pencher sur ce problème. Je ne pense pas, en tout cas, que nous puissions ajourner les travaux de cette commission sans en avoir parlé. Je proposerais — c'est une proposition distincte de celle que je viens de faire quant à l'ordre du jour — que nous nous réunissions dès demain matin pour étudier cette question des rapports de travail à l'Hydro-Québec.

Je sais que mon collègue, le député de Maisonneuve et leader de l'Opposition en Chambre, M. Robert Burns, l'a suggéré à plusieurs reprises, l'a demandé à plusieurs reprises, sans que nous obtenions de réponse de la part des ministres concernés.

Il me semble qu'il serait utile, qu'il ne serait pas inutile d'explorer le problème. Bien sûr qu'on va me dire que la partie syndicale est absente, mais elle pourrait également être convoquée dans les meilleurs délais par la suite pour que nous puissions entendre toutes les parties. Il me semble donc que, dès demain matin, on pourrait déjà entendre les représentants de l'Hydro-Québec au sujet de ce grave problème syndical qui est en train de créer, qui a déjà créé et qui pourrait encore créer de très graves perturbations au Québec.

Le ministre, ces jours-ci, nous a fait part de ses jérémiades habituelles. Il a, semble-t-il, échoué. Il faudrait donc que la commission...

M. Cournoyer: M. le Président...

M. Morin: Je m'excuse. Vous aurez votre tour pour intervenir et pour nous faire part des conséquences de votre échec. Pour l'instant, je me contente de dire que cet échec appelle l'intervention de la commission parlementaire. Je pense que c'est dans le meilleur intérêt des Québécois. Partout, dans le Québec, on est aux prises avec les conséquences de cette grève qui sont pénibles pour plusieurs et non seulement dans les villes.

J'arrive d'une tournée. J'ai eu l'occasion de constater à quel point ces événements ont eu pour la classe agricole des conséquences fort désagréables et économiquement peu rentables.

C'est la raison pour laquelle je me permets de proposer que, dès demain matin — je ne le fais pas pour aujourd'hui, parce que je me rends compte que la commission ne serait pas prête à en discuter — nous abordions ce problème. M. le Président, j'ai terminé.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, est-ce que l'on discute de la proposition d'abord?

Le Président (M. Séguin): Un instant! Je me demande si le chef de l'Opposition fait une motion de ce qu'il avance.

M. Morin: Je ne voudrais pas empêcher mon collègue, le chef de l'Union... Pardon!... l'ancien chef de l'Union Nationale...

M. Bellemare (Johnson): Cela ne me froisse pas.

M. Morin: J'aurais pensé que, dans les circonstances actuelles, vous seriez tenté de reprendre du poil de la bête!

M. Cournoyer: Ah! Vous ne pensiez pas qu'il ne l'avait pas perdu!

M. Bellemare (Johnson): Ne faites par le prophète pour rien.

M. Morin: Non, mais je ne voudrais pas vous empêcher de faire votre exposé. Je serais prêt, si les membres de cette commission veulent, bien y consentir, si vous n'y voyez pas d'objection de procédure, à suspendre mes deux propositions, parce qu'elles sont distinctes, jusqu'à ce que le...

M. Bellemare (Johnson): ... le député de Johnson.

M. Morin: ... député de Johnson ait terminé son exposé.

Le Président (M. Séguin): Si vous aviez combiné vos deux propositions, je ne serais pas prêt à les recevoir. Dans le cas présent, vous avez suggéré une procédure au point de vue de l'étude du détail de ce qu'on doit faire.

Si vous présentez la motion — la première partie, équipements, coûts, gérance, tarifs, exportation, je pense que c'est dans cet ordre que vous l'aviez faite, toutefois, vous aurez votre texte à suggérer, si c'est cela, cela devient tout simplement une motion. Si la motion est recevable — et je la crois recevable — même si notre convocation a été dans le but d'entendre les représentants de l'Hydro-Québec relativement au programme d'investissements, on peut peut-être rapprocher ces choses de la raison d'être de la commission, en pliant un peu les coins.

Si vous la présentez comme motion, je l'accepte comme motion. Nous entendrons ceux qui auront à dire quelque chose sur votre motion. Il y aura vote et la commission décidera.

M. Morin: Vous voulez donc qu'on en discute maintenant?

Le Président (M. Séguin): Si vous présentez votre motion sous forme régulière, je donnerai la parole à ce moment au ministre et ensuite au député de Johnson.

M. Cournoyer: Etant donné que le député de Johnson...

M. Bellemare (Johnson): Je ferai ma déclaration...

M. Cournoyer: J'espère que vous n'aurez pas de motion pour amender cette motion à la fin.

M. Bellemare (Johnson): Sauf...

M. Cournoyer: Je suis assez impatient de vous entendre, vous savez.

M. Bellemare (Johnson): Rien qu'à vous regarder, je sais que vous allez comprendre.

M. Cournoyer: Vous allez me comprendre, vous, mais lui, j'ai de la misère.

Le Président (M. Séguin): Je demanderais au chef de l'Opposition de présenter sa motion.

M. Bellemare (Johnson): Sur la question de procédure...

Le Président (M. Séguin): Seulement un instant, s'il vous plaît! Il va présenter sa motion officiellement. Nous aurons le texte de la motion...

M. Bellemare (Johnson): Avant que le chef de l'Opposition ne présente sa motion, j'aurais une objection fondamentale, parce qu'il y a deux choses bien distinctes. D'abord, il y a la question de demande, le programme des équipements et des coûts de la baie James. Cela, c'est le 24 août, c'est dans sa motion.

Mais il y a aussi les relations du travail qui comprennent actuellement la grève de l'Hydro. Je voterais pour cela. Mais la première proposition, vu que nous allons revenir le 24 août pour discuter de la demande des programmes d'équipement de la Baie James, je serais porté à voter contre cela. Parce que sa proposition va contenir, comme vous le voulez, les relations du travail...

Le Président (M. Séguin): II y aurait deux motions.

M. Bellemare (Johnson): Deux motions.

Le Président (M. Séguin): C'est la seule façon qui me permettrait d'accepter la première. S'il combine les deux, je ne peux la recevoir.

M. Bellemare (Johnson): D'accord.

Le Président (M. Séguin): Vous voterez pour ou contre...

M. Bellemare (Johnson): D'accord.

Le Président (M. Séguin): ... une fois que la motion sera présentée.

M. Bellemare (Johnson): Je suis prêt.

M. Morin: II est bien possible que le ministre et le côté ministériel acceptent la proposition d'emblée, auquel cas on pourra tout de suite entendre le député de Johnson.

M. Cournoyer: C'est peu probable.

M. Morin: Je propose donc... C'est ce que nous avons fait dans le passé et je vais la formuler.

M. Cournoyer: Vous vivez dans le passé et moi je vis dans l'avenir.

M. Morin: Ah!

Le Président (M. Séguin): La motion.

M. Morin: Ce n'est pas ce genre de blague qui va vous tirer d'affaire.

M. Cournoyer: Ce n'est pas une blague.

Le Président (M. Séguin): La motion.

Motion sur l'ordre du jour

M. Morin: Je propose que la commission procède dans l'ordre suivant, au cours de la présente séance et des séances subséquentes.

Premièrement, la question de la demande d'électricité. Deuxièmement, la question du programme d'équipement et des coûts qui s'ensuivent. Troisièmement, la question de la gérance du projet de la Baie James, en particulier. Quatrièmement, la question des tarifs. Cinquièmement, la question des emprunts. Et enfin, sixièmement, la question de l'exportation de l'électricité hors du Québec. Je ferai ma seconde proposition par la suite, si vous le voulez bien.

Le Président (M. Séguin): II y a cette motion. Y en a-t-il qui veulent s'exprimer sur la motion?

M. Bellemare (Johnson): Voici mon opinion.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Je serais bien d'accord si la première question dé sa motion portant sur la demande d'électricité, comme la deuxième, qui comprend le programme d'équipement et les coûts de la Baie James, pouvaient être reportées au 24 août, parce que cela va être une redondance pour rien, on va en parler le 24. Quant à la gérance, quant aux tarifs, quant aux emprunts, quant à l'exportation des ressources hydroélectriques du Québec vers l'Ontario, Terre-Neuve ou vers New York, je pense que cela pourrait être acceptable. C'est justement les deux premières questions qui vont peut-être me forcer, à cause de la séance de

commission parlementaire du 24 août, un peu à voter contre; mais quand il s'agit des quatre autres articles, je la crois véritablement de mise, aujourd'hui, et c'est un ordre qui pourrait être fort bien suivi par les membres de la commission.

La gérance, c'est sûr et certain qu'on va en parler aujourd'hui, les tarifs aussi et les emprunts contractés. C'est dans l'ordre du jour, comme l'exportation de ressources hydroélectriques vers les autres provinces ou les autres pays. Cela créerait un certain ordo, je pense, qui serait de mise. Quant à la demande d'électricité et ce que cela a dû produire comme programme d'équipement, et particulièrement les coûts, cela pourrait être facilement reporté au 24 août, je pense, puisqu'il y a une convocation qui est faite pour le 24.

M. Morin: Le député de Johnson me permettrait-il une question? N'estime-t-il pas qu'il serait plus logique de discuter des coûts et du programme d'investissement avant de parler des emprunts et des tarifs? Parce que l'un découle naturellement, dans une large mesure, de l'autre. Deuxièmement, n'est-il pas conscient du fait que le 24 août, dont il a été question dans certaines déclarations du ministre, ne lie pas cette commission. Le ministre pense que cela devrait venir le 24 août, mais je pense que cela devrait venir avant.

M. Cournoyer: On va le demander, on va voter là-dessus.

M. Morin: Bon, alors, moi, j'estime, en tout cas, qu'on pourrait demander aussi à ces messieurs de l'Hydro-Québec s'ils sont disposés à nous parler des coûts du programme d'investissements, aujourd'hui. Je pense que, quant à eux, ils doivent être tout à fait prêts à répondre à peu près à n'importe quelle question dès maintenant.

M. Cournoyer: Oui.

Le Président (M. Séguin): C'est très bien. Là, vous êtes en train de justifier votre motion.

M. Bellemare (Johnson): C'est-à-dire qu'il m'a posé une question, vous devriez me laisser répondre.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Bellemare (Johnson): C'est peut-être à moi de dire si je consens ou non puisque la question m'est posée directement.

Je dis que le chef de l'Opposition semble vouloir faire un certain ordo qui, dans l'ensemble, est raisonnable; sauf que s'il y a une promesse formelle de la part du ministre et de la part des autorités gouvernementales qu'on siège le 24 août au sujet de la baie James, je dis que cela va être de la redondance. C'est sûr et certain que ce qu'on va dire aujourd'hui, on va le répéter le 24 août.

La motion serait acceptable si, pour plaire à tout le monde, on parlait de gérance, de tarifs, d'emprunts, d'exportation. Ce sont quatre articles qui vont prendre beaucoup plus que la journée. Cela établirait un certain ordo dans la procédure parlementaire.

Le Président (M. Séguin): M. le ministre.

M. Cournoyer: M. le Président, dans l'exposé préliminaire que j'ai fait, j'ai indiqué jusqu'à un certain point une volonté assez déterminée du gouvernement de procéder du général au particulier. Je comprends que c'est une procédure que le chef parlementaire de l'Opposition n'accepte pas, celle qui veut procéder du général au particulier. Nous avons demandé à l'Hydro-Québec de se préparer, ce matin, pour indiquer les prévisions générales de la demande, celles qu'elle prévoit et qui, en fait, motivent tout le programme d'équipement qui est en dessous. Là-dessus, je suis d'accord avec l'expression du chef de l'Opposition qui dit: On va commencer par la demande, les prévisions de la demande que l'Hydro-Québec entrevoit dans le futur, je dis jusqu'à l'an 2000, ce qu'on prévoit d'augmentation de la demande jusqu'à l'an 2000 et, ensuite, le programme d'équipement d'ici aussi l'an 2000. Ce que le chef de l'Opposition implique, c'est qu'il tombe immédiatement à la baie James, alors qu'il ne veut même pas parler du général d'abord.

M. Morin: Non, je veux bien.

M. Cournoyer: Alors, le général, pour moi, il est très important.

M. Morin: Quand je parle du programme d'équipement, d'investissements, je parle de l'ensemble du programme.

M. Cournoyer: Ce qui est arrivé, et je continue après cela, l'autre article qui se dégage de l'exposé que j'ai fait, c'était que les implications financières de ce programme devaient être clairement indiquées. Les implications financières, cela dépend de ce que l'on fait avec l'électricité, les surplus, si on les vend ou si on ne les vend pas, les empêchements qu'on peut avoir à les vendre; ce sont des sous-articles, en définitive, que je retrouve dans le programme proposé par la motion du chef de l'Opposition. Si le chef de l'Opposition veut dire que nous allons entendre l'Hydro-Québec sur les prévisions de la demande d'ici l'an 2000, ou 1990, si c'est impossible de le faire d'ici l'an 2000, mais en appliquant le même schème économique — même si, moi, je ne suis pas économiste, je peux parler des schèmes économiques, cela fait gentil dans les salons, cela fait beau — ce schème économique, vous pouvez le projeter jusqu'à l'an 2000 assez facilement en pesant sur un bouton de IBM.

M. Morin: Cela vous rend aussi brillant que le premier ministre.

M. Cournoyer: Vous savez, avant de vous atteindre, cela va être long, parce que... Testament! une chance que je veux être poli avec vous.

M. Morin: II va me ressortir encore l'histoire du...

M. Bellemare (Johnson): Vous êtes vindicatif, ce matin.

M. Cournoyer: Je suis très vindicatif.

M. Bellemare (Johnson): Relaxez donc, comme nous.

M. Cournoyer: Oui, mais moi je n'ai pas deux chefs.

M. Bellemare (Johnson): II faut s'habituer à la critique un peu.

M. Cournoyer: Je n'ai pas deux chefs, je n'en ai qu'un.

M. Bellemare (Johnson): Comment deux chefs? Je n'en ai qu'un, moi.

M. Cournoyer: C'est encore vous, n'est-ce pas?

M. Bellemare (Johnson): C'est votre meilleure.

M. Cournoyer: Ce que je cherche effectivement, c'est d'amener une présentation de la part de l'Hydro-Québec et des questions qui se situent justement au niveau partisan auquel le chef de l'Opposition voudrait amener le débat... Je ne veux pas ouvrir ce débat à ce moment-ci. S'il y a un débat à titre partisan qui pourrait avoir lieu sur la gérance du projet de la baie James, la façon dont on entrevoit de régler les problèmes à la baie James, c'est prévu pour la semaine prochaine. La semaine prochaine, ce n'est qu'une partie...

M. Morin: Vous dites que vous allez être partisan la semaine prochaine, mais ce n'est pas cela du tout dans notre esprit.

M. Cournoyer: Je vais me défendre, monsieur, de la même façon que vous attaquez le gouvernement.

M. Morin: Ce n'est pas partisan. Il s'agit d'un débat technique.

M. Cournoyer: Laissez-le donc dans le domaine technique. Vous avez posé des jugements tantôt sur l'Hydro-Québec sans même avoir posé une désespoir de question à l'Hydro-Québec.

M. Morin: ... poser des questions. Cela fait trois ans qu'on lui pose dès questions.

M. Cournoyer: Vous dites: Voici, voici, voici. Vous les avez devant vous et vous allez voir qu'effectivement si vous leur posez des questions, dans le général et que vous dites: A quelle place est-ce que vous situez cette chose-là... J'ai compris M.

Boyd, tantôt, quand je vous ai écouté, quand il dit qu'il n'aime pas les politiciens. Là, j'ai compris.

M. Morin: Je pense qu'il vous a rencontré beaucoup récemment.

M. Bellemare (Johnson): Alors, qu'est-ce qu'on décide, monsieur?

M. Cournoyer: M. le Président, je dis que si la motion du chef de l'Opposition veut dire: Prévision de la demande d'ici l'an 2000 ou prévision de la demande autant que possible par l'Hydro-Québec, discussion formelle sur ce problème; après cela, le programme d'équipement général de l'Hydro-Québec, dans lequel se situe nécessairement le programme de la baie James, mais comme un élément de programme, il n'est pas tout seul le programme de la baie James d'ici l'an 2000 et, troisièmement, les implications financières pour les Québécois de tous ces programmes et de cette demande si on y répond. Je suis convaincu que cela comporte tout ce qui est inscrit dans le domaine de ce que le chef de l'Opposition suggère.

Le chef de l'Opposition s'inspire du passé. Dans le passé, vous n'étudiiez pas en passant du général au particulier. J'ai voulu dire cette année: On va commencer par étudier des choses générales. On va arriver après... Si vous le voulez, ça peut être très rapide, ça dépend de ce qui vous préoccupe. Si vous n'êtes pas préoccupé par la prévision de la demande, ce dont je doute fort, il n'y aura pas du tout de problème de financement. On n'en parlera pas ici, ça ne vaut pas la peine d'en parler.

Bien non, si vous n'êtes pas préoccupé par la demande et les explications qu'on va vous donner qui sont intimement reliées à ça, effectivement...

M. Morin: Je vous propose de commencer par ça. Qu'est-ce que vous proposez si vous n'acceptez pas ma proposition?

M. Cournoyer: Je propose... Je ne peux pas amender votre proposition. On va voter contre et on va en faire une autre.

M. Morin: Laquelle?

M. Cournoyer: Dans celle que je vais proposer, cela va être, premièrement, les prévisions de la demande d'ici l'an 2000.

M. Morin: C'est ça que je viens de proposer.

M. Cournoyer: Ce n'est pas ça que vous proposez. C'est aussi bien de le prendre tout de suite.

M. Bellemare (Johnson): II y a seulement un point sur lequel vous ne vous entendez pas, c'est celui de la baie James, le no 2. Que le chef de l'Opposition enlève le deuxième point, les articles 3, 4 et 5 sont admissibles aujourd'hui selon l'ordre désigné par la commission.

M. Cournoyer: Ecoutez, si je ne connaissais pas maintenant le chef de l'Opposition, je ne me querellerais pas avec des termes comme ceux-là. Je désire — c'est un désir que la commission peut rejeter, comme l'a si bien mentionné tantôt le chef de l'Opposition parlementaire — qu'on parle des prévisions de la demande d'ici l'an 2000, pas de n'importe quelle prévision de la demande jusqu'à l'année prochaine. C'est celles d'ici l'an 2000 qui motivent le deuxième article à l'ordre du jour, le programme d'équipement total de l'Hydro-Québec d'ici l'an 2000.

M. Morin: C'est ce que j'ai proposé.

M. Cournoyer: Ce n'est pas ça que vous avez proposé.

M. Morin: Ah non? Je voudrais qu'on relise la proposition, M. le Président.

M. Cournoyer: Très bien.

M. Morin: Relisez la proposition.

M. Cournoyer: Le troisième point, les implications financières de ce programme. La semaine prochaine ou le 24, on ira dans les choses précises, particulières. La convocation est pour la baie James; j'imagine qu'on aura un certain éclairage général aujourd'hui. S'il y a des questions de détail, à savoir si ce sont les gérants, si ce sont les contrats à forfait, ou les entrepreneurs qui ont coûté cher ou si c'est parce que le gouvernement a mal agi, on verra ça le 24 en étudiant la baie James.

M. Morin: Je maintiens ma proposition, M. le Président, parce qu'en somme c'est à peu près ça que j'ai dit.

M. Cournoyer: Moi...

M. Morin: Sauf que, quand on va discuter du programme d'équipement d'ici l'an 2000, comme dit le ministre, on va forcément parler un peu, à l'occasion, de la baie James.

M. Cournoyer: Je n'empêcherai pas ça non plus, mais ce ne sera pas seulement de ça. J'aimerais ça que les Québécois se préoccupent de tout le programme et pas seulement de ce dont vous voudriez qu'ils soient préoccupés aujourd'hui.

M. Morin: Vous allez voter pour ma proposition, si j'ai bien compris?

M. Cournoyer: Je vote contre votre proposition et je vote pour la mienne.

M. Morin: Mais, si les deux propositions sont semblables, vous ne voyez pas un léger exercice d'illogisme là-dedans?

M. Cournoyer: Elles ne sont pas semblables jusqu'au moment où je découvre qu'en plein milieu du débat vous allez prendre votre proposition, pour dire: Ecoutez, la gérance, M. Cournoyer, c'est important, il faut en parler tout de suite. La gérance de quoi, d'Hydro-Québec? La gérance de la Société d'énergie de la baie James, celle de la société de développement, celle du gouvernement ou s'il s'agit du contrat de gérance de la baie James?

M. Morin: M. le Président, est-ce qu'on peut relire ma proposition?

Le Président (M. Séguin): La relire serait assez difficile, à moins que vous n'ayez le texte. La motion consisterait à dire ceci: Que la commission procède de la façon suivante, au point de vue de ce que nous avons à faire aujourd'hui: la demande d'électricité, équipement, coûts, gérance, tarifs, emprunts, exportations hors du Québec."

M. Morin: Bon, c'est ça ma proposition. Si le ministre n'est pas d'accord, qu'il nous dise pourquoi.

M. Cournoyer: Moi, c'est parce que je suis d'accord avec ce que j'ai dit. Si c'est pareil à ce que vous avez dit, je ne vois pas pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec le ministre.

M. Morin: Qu'il fasse un amendement à ma proposition.

Vote sur la motion

Le Président (M. Séguin): On a déjà des membres de la commission qui se sont prononcés pour ou contre. Je vais quand même prendre le vote sur la motion telle que présentée. Que ceux qui... Non, il faut faire un appel. M. Assad, pour ou contre? M. Bédard (Chicoutimi)? M. Bellemare (Johnson)?

M. Bellemare (Johnson): Je suis obligé de votre contre.

Le Président (M. Séguin): M. Bérard (Saint-Maurice)? M. Carpentier (Laviolette)?

M. Carpentier: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert-Baldwin)?

M. Cournoyer: Cela me fait plaisir de voter contre.

Le Président (M. Séguin): M. Faucher (Nicolet-Yamaska)?

M. Faucher: Je ne suis pas obligé, ça me fait plaisir. Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lessard (Saguenay)? M. Malouin (Drummond)?

M. Malouin: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Houde (Abitibi-Est)?

M. Houde: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Perreault (L'Assomption)?

M. Perreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Picotte (Maskinongé)?

M. Picotte: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je m'excuse vis-à-vis de la commission, au début, je n'ai pas mentionné M. Assad (Papineau) qui est membre permanent de la commission des Richesses naturelles. Je l'ai nommé au début? De toute façon, il n'y est pas.

Je n'ai pas appelé M. Morin. M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): La motion est rejetée. Contre: Neuf. Pour: Un.

M. Morin: Maintenant, j'ai hâte d'entendre la proposition du ministre.

Le Président (M. Séguin): La motion est rejetée. Est-ce qu'il y a d'autres propositions? Sinon, je donne la parole immédiatement au député de Johnson. Le député de Johnson.

Remarques de M. Maurice Bellemare

M. Bellemare (Johnson): Je vous remercie, M. le Président. Devant les dossiers d'une telle amplitude financière et technique, les députés se sentent souvent démunis, submergés, inutiles et c'est pourquoi ils s'agitent souvent sur des questions de procédure et de politique.

On en a véritablement un exemple ce matin, par ce qui vient de se passer. C'est signé par un grand éditorialiste qui dit qu'il y a des problèmes qui sont énormes dans ces discussions que nous avons à entreprendre aujourd'hui.

Mais je crois, M. le Président, que pour assurer un bon parlementarisme, moi qui ai vécu quelques années dans le Parlement, on devrait plutôt attaquer ces questions, qui sont d'une grande importance, avec une sérénité qui nous permette de mettre de côté cet esprit partisan qui fait qu'on assiste à des débats qui sont futiles et qui ne donnent rien à la population.

Le parlementarisme veut qu'il y ait une Opposition officielle et un gouvernement. Le gouvernement, c'est celui qui dirige, quand il en a la force, et qui donne le ton à la législation en général.

L'Opposition officielle d'abord et les autres oppositions par la suite sont là pour exercer un certain contrôle, surveiller certains travaux et faire certaines indications qui sont propices à l'intérêt public. C'est cela le parlementarisme.

Si, autour d'une table, on donne l'exemple de gens qui se chicanent, qui politisent certains débats, il n'en sortira sûrement rien de bon. Les élections vont avoir lieu à la date que fixera le gouvernement. A ce moment-là, on règlera cela sur la place publique.

Mais ici, aux commissions parlementaires, comme de l'autre côté, à la Chambre, je pense que l'Opposition a le droit de formuler certaines critiques contre le gouvernement, critiques qui sont d'ailleurs répétées, en bien des circonstances, par les journalistes et par les media d'information.

M. le Président, j'entreprends ces séances de la commission avec beaucoup d'objectivité, vous le verrez par mon exposé. Je ne veux pas blesser le gouvernement, mais il y a des choses que le gouvernement et les messieurs de l'Hydro doivent nous dire.

Ce document qui nous a été remis et qui a été lu par l'honorable ministre des Richesses naturelles pourrait être signé par M. Giroux, sauf certaines restrictions. J'y vois là les aspirations d'un ministre vers une nomination possible. On lui dit: Ne vous pressez pas, M. le ministre.

On a actuellement, dans la province de Québec, un président qui nous fait honneur par sa compétence et particulièrement par son expérience qui a produit d'heureux résultats pour la nation québécoise. Je vous incite, M. Giroux, à ne pas vous départir de votre siège. J'ai fait cela un jour et je l'ai regretté par la suite.

M. Cournoyer: Quel siège?

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, puisque nous revenons à des questions d'ordre public particulièrement très sérieuses — parce que la vôtre l'est pas mal moins — le 12 juillet 1976, messieurs de la commission et messieurs de l'Hydro-Québec, le gouvernement fédéral, par la voix de la Cour suprême du Canada, émettait un jugement sur la loi anti-inflation, jugement d'une très grande importance surtout pour nos ressources naturelles car l'article 109 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, notre constitution, nous réserve des droits exclusifs dans le domaine des ressources naturelles.

Le gouvernement se fait dire par la Cour suprême, même sur des questions appréhendées, pour assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement du pays, que le fédéral pourrait unilatéralement procéder quant à l'article 109 et décréter que les richesses naturelles n'appartiennent plus à la province ou procéder de manière que les riches-

ses naturelles soient applicables différemment de l'article 109. Cela est mon premier point.

Je crois, M. le Président, que c'est une question extrêmement grave. Celle-là n'est pas politisée; dans l'intérêt de tous les Québécois, en vertu de notre constitution, elle devrait être préservée avec tous les arguments, toutes les prises de position possibles. Je n'entends pas critiquer aujourd'hui le gouvernement, mais je crois que le gouvernement devrait faire face à ce jugement qui est très important pour nous autres au point de vue des ressources naturelles. Ce qui est arrivé dans l'Alberta peut se reproduire chez nous. Et c'est un pouvoir qui est certainement discrétionnaire à pareille date. Cela est un jugement de la Cour suprême qui dit qu'unilatéralement le gouvernement pourrait agir, même pas pour un fait d'ordre public comme la paix, le bon ordre, la sécurité et le bon gouvernement; même un fait appréhendé, dit le jugement.

Je me lève avec toute la force et l'énergie dont je suis capable pour défendre ces richesses naturelles et particulièrement l'Hydro-Québec, qui est la plus grande et la plus belle ressource naturelle des Québécois. Elle ne devrait jamais être influencée ou ne devrait jamais, par un acte unilatéral du gouvernement fédéral, être changée telle qu'elle existe aujourd'hui dans la constitution canadienne.

Maintenant, M. le Président, il y a un facteur important sur lequel je voudrais attirer l'attention des membres de l'Hydro-Québec. Le chef de l'Opposition a dit que demain il y aurait peut-être une séance sur les relations du travail en ce qui regarde la grève de l'Hydro-Québec, grève extrêmement déplorable. Tout le monde se demande véritablement ce que fait l'Hydro-Québec, pourquoi l'Hydro-Québec n'agit pas, pourquoi l'Hydro-Québec ne plie pas, ne se rend pas à leur demande. Il y a un fait certain, c'est que, le 19 décembre 1975, le gouvernement du Québec a fait sanctionner une loi provinciale concernant les mesures anti-inflation. Selon les règlements adoptés en vertu de cette loi, l'Hydro-Québec n'est pas soumise à la Régie créée par la loi anti-inflation. C'est clair pour ce qui regarde ses prix et ses marges de bénéfice, mais elle l'est, par exemple, en vertu d'un règlement, quant au contrôle de la rémunération. Cela est écrit en toutes lettres dans la réglementation de la loi que nous avons adoptée le 19 décembre 1975. Je me dis que peut-être l'Hydro-Québec s'est branchée, a pris cet article du règlement pour dire: Je ne peux pas dépasser la loi anti-inflation, peut-être. Mais il y a tellement, dans les négociations qui sont en cours, d'autres sujets qui pourraient être réglés aussi de façon non arbitraire. Le gouvernement a donné la preuve que dans plusieurs conflits d'intérêt public, dans les services parapublics, par la conciliation, par la négociation, en cédant peut-être par certains artifices à certaines demandes, il a obtenu un règlement. Qu'on pense que déjà plus des trois quarts de tous les employés du secteur public et du secteur parapublic ont signé des conventions collectives. Pourquoi l'Hydro-Québec ne ferait-elle pas un effort particulier? S'il y a une commission parlementaire demain, je ne sais pas, si elle n'existe pas demain cette commission, je voudrais donner mon avis, c'est que...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Je voudrais prévenir le député qu'il est dangereusement hors du sujet à ce moment.

M. Bellemare (Johnson): Je vais me remettre méticuleusement dans le sujet en disant ceci: La Loi anti-inflation est grave, pour l'Hydro comme pour tout le monde, je le comprends, parce que si les policiers de toute une région, en vertu d'un jugement rendu par les juges arbitres ont décidé, mon cher monsieur, que la rémunération des policiers de toute une section de la province allait à l'encontre de la Loi anti-inflation, et que les policiers sont obligés aujourd'hui, en vertu de ce décret, de rembourser...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): ... je dis que l'Hydro, je reviens à l'Hydro...

Le Président (M. Séguin): Oui. Je vous ai corrigé sur la question des...

M. Bellemare (Johnson): Non, mais je dis que l'Hydro a un problème syndical. C'est un problème...

Le Président (M. Séguin): Oui, mais on ne passera pas aussi à la police.

M. Bellemare (Johnson): Non, mais écoutez, M. le Président, vous êtes tellement indulgent pour les autres, je vous demande simplement...

Le Président (M. Séguin): Oui, mais je l'ai été joliment dans votre cas.

M. Bellemare (Johnson): Oui, je vous en remercie. Laissez-moi terminer, ce ne sera pas long, même si cela peut être un peu...

Le Président (M. Séguin): La pertinence du débat.

M. Bellemare (Johnson): La pertinence du débat, c'est que l'Hydro devra véritablement, pour une fois négocier, vu qu'il y a intérêt public. Il y a des cultivateurs qui perdent énormément, il y a des industries qui sont arrêtées. Il y a dans la responsabilité de l'Hydro véritablement un point capital. Je demande s'il n'y aurait pas possibilité de négocier au plus tôt. Je le demande à la partie syndicale aussi. Vous savez, j'ai eu trois grèves avec l'Hydro, quand j'étais ministre du Travail. C'était diacre sous diacre. Il y en avait une pardessus l'autre. On a fini par régler dans des termes qui étaient réellement très encourageants pour les deux parties. Demain, c'est la population qui souffrira de ce bris de bonnes relations entre les em-

ployés et l'employeur. Cela aura des répercussions terribles sur l'industrie et particulièrement sur les investissements futurs. Le Québec ne peut pas se développer sans investissements futurs. A partir de là, il y a un point d'interrogation sur les relations du travail et particulièrement sur l'Hydro, sur l'électricité qu'on fournit aux manufactures. Dans mon comté, particulièrement, on a été arrêté trois jours à la Peerless, et cela a causé un dommage de plusieurs milliers de dollars.

Maintenant, je reviens à la pertinence du débat. Dans votre texte, M. le ministre, vous avez dit: Ces critères font sonner à nos oreilles les arguments, les thèmes de la nationalisation de 1963, et particulièrement l'uniformisation des services et des tarifs. Deuxièmement, vous avez dit de la diminution des frais fixes: Nous pouvons constater aujourd'hui, et tout le Québec s'en ressent de façon directe et indirecte, que ces objectifs ont tous été atteints.

Je m'élève assez fortement contre cela, parce que les tarifs qu'on paie aujourd'hui, que paie le consommateur, sont augmentés considérablement depuis trois ans, 10% par année, quand, en vertu de la loi de la nationalisation, les grands prêcheurs du temps disaient: Vous allez devenir les coopérateurs, les possesseurs de l'industrie de l'Etat, de l'électricité. Vous allez être les maîtres chez nous.

Je me souviens de ces grands discours faits en 1963. Ils disaient: On va baisser les taux de consommation partout, vous allez être bien, vous allez être des coopérateurs dans cette grande industrie.

Ce n'est pas ce qui est arrivé. Les taux ont augmenté terriblement depuis trois ans, 10% par année et ils vont continuer d'augmenter. Aujourd'hui, une famille ordinaire — et c'est dans le rapport de la compagnie que j'ai devant moi — consomme à peu près 700 kilowatts/heure par mois. Pour payer $15 par mois, il faut, je pense, dépenser 1000 kilowatts/heure. Une famille ordinaire, cela lui coûte $12 par mois. Mais, avec les augmentations possibles, graduelles, tous les ans, il n'y a pas une famille dans le Québec qui ne paiera pas d'ici 1980 au moins $30 par mois, c'est-à-dire $1 par jour, pour l'électricité qui devait baisser. Non, je n'ai pas besoin de réponse, l'Hydro va me répondre. C'est sûr et certain.

M. Cournoyer: Non, mais si vous me citez...

M. Bellemare (Johnson): Non, je ne vous cite pas du tout. M. le Président, ne me dérangez pas, restez tranquille pour deux minutes. Je dis que l'électricité va sûrement, pour une famille ordinaire qui consomme de 700 à 1000 kilowatts/heure par mois, coûter $30.

Vous allez me répondre, c'est sûr, et les représentants de l'Hydro-Québec aussi: Mais, monsieur, c'est l'inflation. Tout doit coûter plus cher. On s'en va vers une progression d'équipement.

Il est sûr et certain que cela est bien logique, mais ceux qui nous ont dit, cependant, en 1964, que le coût de l'électricité allait baisser... Ecoutez, les familles sont déçues un peu et attendent la réaction populaire. C'est un autre problème qu'on réglera en dehors d'ici.

Je m'étonne fortement, dans la lecture qu'a faite le ministre de ses épopées valeureuses... Ce n'est pas vous qui avez écrit cela?

M. Cournoyer: Non. Je parle de mes épopées.

M. Bellemare (Johnson): II y a même des termes que vous aviez de la difficulté à prononcer comme, par exemple, ce qu'a fait l'Union Nationale lorsqu'elle était au pouvoir. Le Rapide 7, la Manicouagan, le barrage Beauharnois, la Bersimis, ce n'est pas vous qui avez fait cela. Vous n'en avez pas parlé du tout. Cela devrait être dit cela aussi.

M. Cournoyer: Bien, dites-le!

M. Bellemare (Johnson): Je le dis, là! Je pensais qu'il y aurait une page pour le barrage Johnson, mais il n'y a rien. Je rétablis les faits. L'Union Nationale a fait véritablement plus que n'importe quel gouvernement en ce qui concerne le projet de la baie James, avant. C'est l'Union Nationale qui a donné le plus gros quota d'énergie électrique dans la province en construisant tous ces barrages, le Rapide 7, la Manicouagan, le Beauharnois, le barrage Johnson, et qui a changé le 25 cycles pour le 60. C'est important. C'est une grosse oeuvre. Vous ne l'avez pas dit, cela. Cela ne fait rien. Je le dis.

Ce que je trouve assez extraordinaire dans votre texte est que je lis à la page 11: "Si l'on suppose un pourcentage d'autofinancement de 30%, ce qui est relativement élevé..."—j'admets cela — " ...l'Hydro devra emprunter de $2,5 milliards à $3,5 milliards par année d'ici 1980."

Dans un rapport que nous fait l'Hydro-Québec, on dit qu'en ce qui regarde cet autofinancement, on ne peut dépasser actuellement plus qu'elle ne s'était fixé, soit 20%. Si vous êtes bien pratique, vous aviez 20% ou aux alentours. Je pense qu'actuellement l'autofinancement est de 21% ou de 22%. C'est ce que nous retrouvons actuellement dans vos états financiers. Mais pour atteindre 30%, je trouve que c'est forcer la note énormément, surtout en autofinancement.

Quand on regarde surtout les alliances, les contrats intervenus avec l'Ontario, Terre-Neuve et la PASNY à New York, on se demande véritablement où vous allez chercher votre autofinancement, surtout pour 30%.

Donc, si vous ne réalisez pas les 30%, tel que prévu, cela sera sûrement encore une augmentation assez extraordinaire. C'est une de mes questions.

Une autre de mes questions serait la suivante: Si l'Ontario, qui a un contrat pour 1000 "méganowatts", "mégawatts"...

M. Cournoyer: Mégalowatts...

M. Bellemare (Johnson): ... mégalowatts de...

Cela ne vous fait rien si j'ai de la difficulté à dire ces mots? C'est en anglais, je pense!

M. Cournoyer: Moi, c'est "Manicouaganne" qui m'aurait achalé!

M. Morin: Ce n'est pas en anglais.

M. Bellemare (Johnson): Mais si je considère que le gouvernement de l'Ontario a un contrat pour 50 ans qui se termine cette année, au mois d'octobre, de 1000 mégalowatts, je dis que ce contrat devra être renouvelé. A quelles conditions? Quand, particulièrement? On apprend par les journaux que la PASNY à New York, au mois de juin 1976, en déposant devant l'Office national de l'énergie un nouveau contrat d'échange d'électricité et d'assistance mutuelle, qui a été conclu la veille avec la Power Authority of the State of New York, change complètement l'équilibre qui existait, ce qui influencera énormément le contrat que vous aurez à renouveler avec l'Hydro-Ontario? C'est une question à laquelle les représentants de l'Hydro-Québec nous donneront la réponse.

Comment ajuster le nouveau contrat avec l'Ontario et comment ne pas suivre le contrat de PASNY? S'ils sont vrais, comme d'ailleurs le contrat de Terre-Neuve, autant on n'a pas le droit de changer le contrat de Terre-Neuve, autant on n'avait pas le droit de changer le contrat de l'Hy-dro, même si c'était deux cents le kilowatt. On n'avait pas le droit de changer pendant 50 ans ce contrat qui nous avait coûté énormément cher, en installant la Beauharnois, et qui nous avait coûté une fortune. Mais le contrat disait: Pendant 50 ans, on vous vendra à deux cents. On n'a pas eu le droit de le changer, pourquoi aurions-nous le droit aujourd'hui? Pourquoi l'honorable M. Moores aurait-il le droit de changer le sien, parce qu'il paie $2 300 000 par année?

Je dis qu'en ce qui regarde les contrats, 2 552 000 kWh. Celui-là est-il correct? M. le Président, en partant de la mise en place de mon investissement qui force à 22% d'autofinancement, je me demande comment on va faire pour autofinancer la différence de 3 500 000 000 par année? Quand on ne peut pas atteindre aujourd'hui plus que 20, 21 ou 22% actuellement, comment va-t-on s'autofinancer pour l'avenir? Je pense que pour le moment j'attendrai certaines réponses et j'aurai aussi certaines questions.

Je dois m'excuser auprès de la commission et des membres de l'Hydro d'être absent cet après-midi. Ce n'est pas bien important pour l'Opposition, ni pour le gouvernement, mais j'ai contracté un engagement avec M. Rouleau, l'homme extraordinaire des Jeux Olympiques à qui je rends ici un témoignage particulier. M. Rouleau nous a convoqué à Drummondville pour étudier notre budget de voirie. Vous savez que pour les députés ruraux, un budget de voirie, c'est important. On doit y être, pour voir si toutes les particularités des priorités sont bien établies.

M. Morin: Ce n'est pas $16 milliards.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas $16 milliards, non. Mais, pour nous autres, cela vaut bien des votes aussi. Je m'excuse pour cet après-midi, je serai obligé de m'en aller. La réunion est à 4 heures, à Drummondville.

M. Cournoyer: Vous ne pouvez pas vous faire remplacer par M. Choquette?

M. Bellemare (Johnson): J'ai bien l'intention d'accomplir ma mission moi-même.

M. Cournoyer: Non, mais après-midi, juste en attendant.

M. Bellemare (Johnson): D'abord, premièrement ce n'est pas de vos affaires. Vous n'êtes pas dans le caucus. Deuxième chose, s'il avait à y être, il y serait ce matin. Je rends un témoignage particulier à tous les membres de l'Hydro et particulièrement à son président qui, suscité peut-être, de la convoitise, de ce temps-ci, la présidence. Mais je vous supplie, monsieur, ne laissez pas votre job pour rien au monde, attendez! Merci, M. le Président.

M. Cournoyer: Attendez, M. le Président, il m'aime ici, il m'aime mieux comme ministre des Richesses naturelles que comme président.

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux.

M. Morin: M. le Président, avant que vous ne suspendiez. Une seconde. Est-il bien clair que la seconde motion que j'avais l'intention de faire pourra revenir devant la commission dès la reprise de la séance, à l'effet que nous devrions, demain matin, étudier la question des relations du travail à l'Hydro?

M. Bellemare (Johnson): Celle-là, je vais voter pour, sûrement. Je n'y serai peut-être pas cet après-midi, mais je vous dis d'avance que je voterai pour.

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 15 h 15

M. Séguin (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Avant de céder la parole au président de l'Hydro-Québec, est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui désirent s'exprimer? M. le chef de l'Opposition.

Motion pour l'étude du conflit de travail, à l'Hydro

M. Morin: M. le Président, je voudrais revenir très brièvement sur la proposition que je faisais ce matin, la seconde proposition, qui avait reçu l'appui, vous vous en souviendrez, du député de Johnson. Il nous paraît en effet que le gouvernement devrait convoquer, sans délai, une séance de la commission parlementaire de cette même commission, puisque nous avons l'honneur d'avoir les dirigeants de l'Hydro-Québec devant nous, pour entendre les parties au conflit qui sévit depuis déjà plusieurs semaines à l'Hydro-Québec. Je ne suis pas le seul à avoir fait cette demande. On se souviendra qu'à plusieurs reprises le député de Maisonneuve, M. Robert Burns, n'a pas manqué de le faire.

Il serait normal, à nos yeux, que la commission parlementaire étudie à fond ce dossier de conflit de travail en vue de rechercher les moyens d'en arriver à une solution négociée. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que dans plusieurs conflits récents il a fallu avoir recours à des lois d'exception pour régler des conflits de travail, ce qui n'est qu'une demi-solution, parce que cela laisse toujours des traces difficiles à effacer dans le sillage de telles lois lorsqu'elles sont adoptées par l'Assemblée nationale.

Il serait plus normal, me semble-t-il, que les députés puissent prendre, en profondeur, connaissance du dossier des relations du travail à l'Hydro-Québec de façon que nous soyons en mesure de porter un jugement éclairé sur la question. L'occasion, me semble-t-il, est propice, les dirigeants de l'Hydro sont là. J'imagine que les dirigeants syndicaux ne doivent pas être bien éloignés non plus. Il me semble que ce serait l'occasion de permettre, non seulement aux députés, mais à travers eux, à la population, de se familiariser avec les tenants et aboutissants de ce conflit qui n'en finit plus. C'est pourquoi, ce matin, j'ai proposé, pour ne prendre personne par surprise, que nous consacrions la séance de demain matin à l'étude de ce dossier de relations ouvrières à l'Hydro-Québec. J'en fais une proposition formelle de la façon suivante: il est proposé que la commission parlementaire des richesses naturelles consacre sa séance du 11 août, à l'étude de la question du conflit de travail de l'Hydro-Québec.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur la motion?

M. Cournoyer: Moi, je peux en faire un commentaire. D'abord, la raison pour laquelle nous avons convoqué l'Hydro-Québec ici, c'est une tout autre raison que celle de discuter de la façon dont elle administre les relations de travail avec ses employés. D'autre part, comme tout le monde le sait, je pense que personne n'a à s'offusquer du fait que les travailleurs de l'Hydro-Québec exercent aujourd'hui le droit qui leur est reconnu par la loi de faire la grève quand ils ne s'entendent pas avec leur employeur.

Le chef de l'Opposition me dit qu'il voudrait voir en profondeur les points de litige. Sans aller dans les détails et sans dire pourquoi, j'aimerais lui montrer que ça peut être long, la profondeur et, après ça, lui montrer aussi que le ministre des Richesses naturelles s'occupe d'une certaine manière — il n'a jamais dit qu'il réussirait à convaincre les syndicats, pas plus que l'Hydro-Québec — de ce conflit. Si, effectivement, la motion pouvait être faite, elle devrait être faite à la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration et non pas à la commission des richesses naturelles.

D'abord, parce que, précédemment, cela a toujours été la commission du travail et de la main-d'oeuvre qui s'est préoccupée des problèmes de relations de travail entre toutes les sociétés, y inclus celles de la société d'Etat, HydroQuébec. Mais ce serait un mauvais argument s'il était le seul.

Je ne l'utiliserai pas non plus, mais je le rappelle au chef parlementaire de l'Opposition. A toutes fins utiles, il semble bien que la meilleure commission pour étudier le problème des relations du travail à l'Hydro soit celle qui s'occupe des relations du travail.

J'ai, hier, avec le syndicat, convenu que des négociations directes, à ma demande, pourraient être tenues entre l'Hydro-Québec et les syndicats représentant ses employés, parce qu'il y a quatre syndicats impliqués, comme le chef de l'Opposition le sait sans doute, sur une liste de points où les syndicats considèrent qu'il n'y aurait pas lieu de faire intervenir le ministre là-dedans et à plus forte raison la commission parlementaire. Cette liste de points est assez longue et je n'ai pas l'intention de la relire au complet, mais je vous dis qu'elle existe et fiez-vous-y.

Quant au reste, sur des points majeurs comme ceux qui ont été mentionnés par le chef officiel de l'Union Nationale, il est clair qu'une fois les premiers points mis de côté par les deux parties le syndicat reviendra auprès du ministre pour discuter davantage sur un certain nombre d'autres points.

Malheureusement, moi, je ne crois pas qu'il soit utile au conflit, à ce moment-ci de l'étude des problèmes généraux de l'Hydro quant à son programme d'investissements pour le futur, de nous attarder aujourd'hui à l'étude d'un problème de relations du travail qui pourrait être réglé d'ici peu de temps, si on en croit les rumeurs à cet effet.

M. Morin: M. le Président, je voudrais bien être aussi optimiste que le ministre des Richesses naturelles. Je crains que nous ne soyons au

contraire devant une nouvelle convocation d'urgence, en vue de l'adoption d'une loi spéciale.

On se souviendra — j'attire l'attention du ministre là-dessus — que dans le passé les réunions de la commission parlementaire avaient contribué grandement, il y a quelques années, au règlement d'un conflit de travail à l'Hydro-Québec.

C'est dans cette perspective qu'ayant devant nous ces messieurs je pensais qu'il était bon d'en profiter et de ne pas attendre d'être acculés au pied du mur, comme nous l'avons fait dans d'autres conflits de travail. C'est l'esprit dans lequel j'ai fait cette proposition et je la maintiens.

M. Cournoyer: M. le Président, pour en répondre, puisque nous allons sans doute voter là-dessus, je tiens à rappeler au chef officiel de l'Opposition que les interventions de la commission parlementaire, dans le cas de l'Hydro-Québec en particulier, ont été très utiles, j'en conviens, mais pour forcer les parties à négocier entre elles, ce qu'elles ont accepté de faire ce matin.

Elles vont négocier, et nous nous retrouverons sans doute ici le 24 août. Mais si effectivement, le 24 août ou avant — parce qu'il n'y a rien qui nous empêche de continuer à siéger, M. le Président — les parties ne rapportent pas progrès, il sera toujours temps, à cette commission — quoique je préférerais que c'en fût une autre, celle du travail et de la main-d'oeuvre — ou à une autre, de continuer l'étude du problème, ou encore de faire pression sur les parties.

M. Morin: A ce moment-là, nous serons devant ces messieurs de la Société d'énergie de la baie James et pas devant l'Hydro-Québec. Vous me direz: On n'a pas les...

M. Cournoyer: M. le Président, avec tout le respect que je dois aux gens de la Société d'énergie de la baie James, celle-ci, comme vous le savez tous, y inclus le chef de l'Opposition, est une filiale à part entière de l'Hydro-Québec. C'est l'Hydro-Québec qui comparaît devant nous, avec son président et son vice-président, qui est aussi président de la Société d'énergie de la baie James.

Les coûts de la baie James ne touchent pas qu'aux coûts de la construction de la baie James qui, eux, sont absorbés par la Société d'énergie, mais ils touchent aussi aux coûts des lignes de transport d'énergie qui, eux sont absorbés totalement par l'Hydro-Québec. C'est un projet conjoint d'une seule entreprise finalement, qui s'appelle l'Hydro-Québec, et, lorsqu'elle sera ici, je souhaite que le conflit entre l'Hydro-Québec et le syndicat de ses employés soit réglé. S'il n'était pas réglé, compte tenu de la possibilité qu'a le chef de l'Opposition de faire une autre motion à cette époque pour dire qu'il ne semble pas y avoir grande différence dans les hommes qui sont en face de nous, qu'ils spnt tous dans la même entité juridique, est-ce qu'on pourrait étudier le problème des relations de travail de l'Hydro-Québec et de ses employés? Nous y verrons. Mais, au moment où je vous parle, l'Hydro-Québec et ses employés, à la demande du ministre, devraient normalement reprendre les négociations. Si le chef de l'Opposition veut s'aventurer dans des discussions sur la sécurité syndicale, la libération des employés de corps, des enquêtes officielles, deux membres payés pour arbitrage, comité de négociation et conciliation avec solde, arbitrage de mésentente, erreurs techniques dans la présentation d'un grief, intérêt sur le rétromonétaire, de sanction dans les quinze jours de l'infraction, ancienneté dans les locaux 1500, 2000 PLTCL, salaires dans les locaux 1500, 2000 PLTCL, évaluation des emplois, etc., etc. Si le chef de l'Opposition veut voir tout ça en profondeur, je l'invite à convoquer lui-même le syndicat et discuter avec le syndicat.

J'ai passé deux jours, la semaine dernière, deux longues journées, à me faire expliquer chacune des clauses que les syndicats avaient en conflit avec l'Hydro-Québec; cela a pris deux jours. Avec tout le respect que je dois au chef parlementaire de l'Opposition, je n'ai pas l'impression qu'il faille que la commission parlementaire aille dans le détail de l'administration journalière de l'Hydro-Québec, pas plus que le ministre n'a l'intention d'y aller. C'est cela le conflit. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, quand les parties — que cela s'appelle l'Hydro-Québec et les trois ou quatre syndicats, c'est trois syndicats qu'il y a — vont se rasseoir ensemble et examiner ce qui fait que l'Hydro-Québec, dans l'image du public, ne rend plus les services qu'elle devrait rendre, malgré les mandats qu'ont les deux parties, quand elles vont faire cela toutes les deux, elles vont s'asseoir et vont régler leurs problèmes avec la possibilité que le chef de l'Opposition n'ait pas utilisé la balle qui lui restait dans son canon, c'est-à-dire une commission parlementaire. La minute où vous allez utiliser cette arme, M. le Président, il ne va en rester qu'une autre, c'est le Parlement. Je n'ai pas l'intention de passer à cette étape.

Au moment où on se parle, M. le Président, les relations sont assez bonnes entre le ministre et le syndicat, même si cela choque le chef de l'Opposition de temps en temps; elles sont encore assez bonnes pour que je puisse indiquer au chef de l'Opposition que le syndicat est totalement d'accord avec la procédure que j'ai suggérée.

M. Morin: Est-ce que le ministre peut prendre l'engagement, si le conflit n'est pas réglé au moment où la séance du 24 se tiendra, de procéder à entendre les parties? Vous avez mentionné cela, mais j'ai un peu...

M. Cournoyer: Non.

M. Morin: ... l'habitude de vos propos et de vos promesses et je ne me fie guère à tout ce que vous pouvez dire. Les probabilités deviennent des possibilités, les possibilités deviennent quelquefois de simples hypothèses, et les simples hypothèses disparaissent. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous pouvez vous engager à ce que la commission en discute le 24, si le conflit n'est pas réglé.

M. Cournoyer: Jamais je ne m'engagerai à une telle entreprise, étant donné que j'ai mentionné, au point de départ de mes remarques, que normalement les conflits de travail relèvent de la commission du travail et de la main-d'oeuvre, et non pas de la commission des richesses naturelles.

M. Morin: C'est bien ce que je pensais.

M. Cournoyer: Vous ferez votre motion dans ce temps, et on peut espérer qu'elle pourra peut-être dire que la commission du travail et de la main-d'oeuvre doive se réunir. Ce sera probablement la place où vous pourrez faire votre discours. Cela ne me fait rien que vous fassiez votre discours quelque part. Je vous avertis, j'ai hâte de l'entendre.

M. Morin: Ce n'est pas une question de faire un discours, c'est une question de tenter de régler un conflit qui est de plus en plus grave et qui risque d'avoir des conséquences très sérieuses pour l'ensemble de la population, comme le ministre le sait très bien.

M. Cournoyer: ... préoccupations.

M. Morin: Je maintiens ma proposition.

M. Cournoyer: Je maintiens mes objections.

M. Perreault: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Oui, sur la motion.

M. Perreault: ... je ne puis être pour la motion pour la bonne raison que la commission parlementaire des richesses naturelles n'est pas l'endroit pour négocier une convention de travail. Les points en litige sont très nombreux, ainsi que le ministre l'a mentionné. Je pense que cela n'avancerait à rien qu'on vienne déballer tous les problèmes en cause. C'est pour cette raison que je voterai contre la motion.

Décision du président

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Je suis d'abord prêt à vous dire, messieurs, ce que j'aurais pu vous dire tout à l'heure, mais je voulais entendre les débats et les raisons données, de chaque côté, pour ou contre cette motion. Je dois la déclarer non rece-vable pour les raisons suivantes: ce matin, dès l'ouverture de la séance, j'avais fait part aux membres de la commission et au public ici présent, à l'Hydro-Québec en particulier, que selon le mandat de la commission, il s'agissait d'entendre les administrateurs de l'Hydro-Québec relativement au programme d'investissements de cette société.

A ce moment-là, il y eut une motion faite par le chef de l'Opposition pour faire une présentation peut-être plus détaillée que ce qu'il en était dans la motion principale. C'était acceptable d'après notre mandat. Mais puisque les négociations ne sont pas terminées et que les négociations continuent toujours, je vois mal — que ce soit la bonne commission ou que ce ne soit pas la bonne commission — l'ingérence d'une commission parlementaire à ce moment-ci à l'intérieur des négociations, ce qui ne s'est jamais produit, à ma connaissance, dans le passé. C'est dire que non seulement on modifie notre raison d'être en proposant cette façon de procéder à l'intérieur des négociations, mais on néglige complètement de poursuivre le but pour lequel la commission a été demandée.

Sans plus de commentaire, je cède donc la parole au président.

M. Morin: M. le Président... Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Morin: ... au sujet de votre décision sur la question de procédure, je veux simplement faire observer que si la commission y avait consenti, je ne pense pas qu'il y aurait eu d'objection à ce que le mandat de la commission soit modifié pour que nous procédions de la sorte. Cela s'est fait dans le passé, chemin faisant, et vous le savez comme moi, nous aurions pu procéder. Si vous ne voulez pas mettre ma motion aux voix et la déclarer rece-vable, je n'ai d'autre chose à faire que de m'incliner, mais je fais cette réserve pour que ce soit clairement indiqué au journal des Débats.

Le Président (M. Séguin): Tout commentaire que je pourrais ajouter à ce moment-ci fait partie d'un débat auquel je n'ai pas le droit, d'après le règlement, de participer. Il y a deux côtés tout de même — je dois le mentionner pour les membres de la commission — à ce que nous discutons. Il y a le côté hydroélectrique, soit les membres de la commission qui sont ici et qui ont été convoqués pour une raison bien spécifique, bien spécifiée et, de l'autre côté, il y a les membres de la commission qui, peut-être, eux, peuvent changer le mandat. Mais je peux vous assurer, M. le chef de l'Opposition, qu'à l'occasion où j'ai présidé ces commissions, je n'ai jamais, jusqu'à présent, à ce que je me souvienne, permis une modification ou un changement ou un revirement de la raison pour laquelle la commission a été appelée en premier lieu.

Sans plus de commentaire, je passe donc la parole... Oui, M. le ministre, excusez.

M. Cournoyer: Je ne voudrais pas oublier la motion de ce matin qui réfère à l'ordre du jour. Je la refais. J'espère qu'on n'aura pas trop de discussions dessus. L'article 1 est la prévision de la demande d'ici l'an 2000.

Le Président (M. Séguin): Une nouvelle motion?

M. Cournoyer: Oui, oui.

Le Président (M. Séguin): Là, vous faites une nouvelle motion.

M. Cournoyer: C'est ce qu'on avait dit ce matin, que je faisais une nouvelle motion là-dessus.

M. Morin: Voulez-vous que je vous passe le texte de ma motion pour que vous puissiez la lire?

M. Cournoyer: Non, M. le Président, non. Non, je vais vous relire ce que j'avais dans les mains.

M. Morin: Parce que vous avez déjà voté contre.

M. Cournoyer: Je n'ai pas plus confiance en vous que vous n'avez confiance en moi, mon cher chef de l'Opposition.

M. Morin: C'est peu, alors!

M. Cournoyer: Les prévisions de la demande d'ici l'an 2000, le programme d'équipement d'ici l'an 2000, les implications financières de ce programme sont les trois sujets, dans l'ordre, que nous aimerions voir discuter avec les représentants de l'Hydro-Québec.

M. Morin: Si je comprends bien, la différence d'avec ma propre motion est que le ministre laisse tomber les tarifs, la question des emprunts et l'exportation de l'électricité. C'est bien cela?

M. Cournoyer: Non. Je suis beaucoup plus large que le chef de l'Opposition. Je ne limite pas le débat aux emprunts, au coût et aux tarifs.

M. Morin: Bien, expliquez-vous.

M. Cournoyer: Les implications financières de ce programme dépassent et de beaucoup la tarification. Cela dépasse et de beaucoup le seul problème de l'exportation de l'électricité. Quant à l'exportation d'électricité, ce n'est pas parce qu'on aime les gens à qui on exporte de l'électricité, c'est parce que cela paie. Ce sont les implications financières de ce programme. Les programmes d'emprunt sont inclus dedans et je n'en ai pas oublié une.

M. Morin: Autrement dit, la différence entre la motion que vous venez de faire et celle qu.e j'ai faite ce matin est que, dans les implications financières, vous incluez tout ce que je détaillais sous forme de coût, d'emprunt, de tarif.

M. Cournoyer: II y en avait d'autres et ils sont dedans aussi.

M. Morin: Mais la question de l'exportation?

M. Cournoyer: Je vous jure que l'exportation a des implications financières, parce que l'Hydro-Québec ne fait pas autrement. Ce n'est pas une entreprise qui vend de l'électricité aux Etats-Unis pour le plaisir d'en vendre, parce qu'elle a un surplus quelconque et que cela l'aide; parce que selon la dernière argumentation que j'ai eue sur la tarification — les tarifs — l'an passé, l'Hydro-Québec espérait vendre ou exporter beaucoup plus d'électricité compte tenu de ses nouvelles installations. C'est tout intimement relié, mais c'est intimement relié au programme et le programme lui-même est immédiatement conséquent à la demande et à son évolution et ce sont des choses que j'ai voulu ne pas limiter à la baie James, contrairement...

M. Morin: Voyons donc.

M. Cournoyer: La gérance... Qu'est-ce que vous vouliez dire dans la gérance?

M. Morin: il s'agissait de la baie James.

M. Cournoyer: Bon. Alors, on en reparlera la semaine prochaine. Non, l'autre semaine après.

M. Morin: M. le Président...

M. Cournoyer: Maintenant je parle de choses générales et après cela, la semaine prochaine, on parlera du particulier.

M. Morin: Si je comprends bien, le seul point sur lequel il y a désaccord, c'est sur la question de la gérance, parce que pour le reste, la motion du ministre reprend foncièrement exactement ce que j'avais proposé ce matin. Ce n'était pas la peine...

M. Cournoyer: Si cela satisfait le chef de l'Opposition et si on peut entendre les représentants de l'Hydro-Québec avant qu'ils ne partent, on va dire: D'accord.

M. Morin: Mais, en attendant, y aurait-il moyen que le ministre accepte, pour éclairer tout le monde, pour qu'on sache où on va, qu'à l'intérieur des implications financières on distingue coût, tarif, emprunt et qu'on procède dans cet ordre? C'est ce que j'avais proposé ce matin.

M. Cournoyer: Si je comprends bien, le chef de l'Opposition voudrait se limiter à ces seuls articles.

M. Morin: Non, mais c'est pour mettre de l'ordre dans la discussion et qu'on sache dans quel ordre on peut s'attendre à avoir une discussion.

M. Cournoyer: Je ne voudrais pas faire une discussion de sémantique. Chaque fois qu'il va être question d'implications financières, je ne dirai pas un mot. Si je mets des ordres et des ordres, remarquez bien que, même si j'ai eu des discussions avec l'Hydro-Québec, là-dessus, il n'y en a pas eu. Je dis: L'Hydro-Québec est convoquée ici en vertu d'une convocation générale. C'est écrit ici: le programme d'investissements de l'Hydro-Québec.

M. Morin: M. le Président...

M. Cournoyer: On demande à l'Hydro-Québec de nous indiquer quelles sont ses évaluations de la demande et, immédiatement après, quel est le programme qu'elle prétend avoir à établir pour pouvoir rencontrer cette demande, ce que cela va coûter et quelles sont les implications financières de cela.

M. Morin: Procédons. Nous avons déjà suffisamment perdu de temps là-dessus. J'observe simplement que le ministre a battu la motion ce matin pour le plaisir de la battre. Procédons.

Le Président (M. Séguin): Je constate que les commentaires du ministre ressemblent trop à vos commentaires de ce matin. Or, votre motion, M. le chef de l'Opposition, a été battue ce matin. Je trouve que déjà nous avons refusé une motion semblable, dès ce matin; donc, cette motion, je ne devrai pas la recevoir cet après-midi. Je voudrais m'en tenir, à moins que la commission n'en décide autrement par vote, au fait que nous allons entendre l'Hydro-Québec relativement au programme d'investissements de cette société. C'est la raison pour laquelle la commission a été convoquée. L'ordre du jour est très simple, relativement au programme d'investissements de cette société. M. Giroux.

Exposé de M. Roland Giroux

M. Giroux: M. le Président, messieurs, les commissions parlementaires ont toujours fourni l'occasion de discuter le bilan de l'Hydro-Québec. Aujourd'hui...

M. Morin: Pourrait-on avoir le texte? Auriez-vous des textes disponibles?

M. Giroux: Oui, il est supposé être distribué. M. Morin: Merci.

M. Giroux: Aujourd'hui, nous avons été invités à parler de l'an 2000. Voilà bien un sujet qui peut sembler de la science-fiction, mais à l'Hydro-Québec nous construisons déjà les centrales pour 1985 et nous planifions pour l'an 2000. Voilà pourquoi il me fait plaisir d'aborder ce sujet avec vous. Il montrera aux Québécois de quelle façon nous planifions l'avenir. Il montrera aussi ce que les gens du Québec peuvent attendre de nous et ce que nous attendons d'eux.

Si quelques-uns parmi vous désiraient consulter notre bilan de 1975, nous avons apporté à votre intention des rapports annuels et des rapports d'activité au cas où vous n'auriez pas eu l'occasion de les consulter.

Je voudrais rappeler, M. le Président, que la prévision est encore plus importante pour l'Hydro-Québec que pour la majorité des autres entreprises québécoises. Entre le moment, par exemple, où l'Hydro-Québec décide qu'une cen- trale sera nécessaire et celui où cette centrale commence à produire, il peut s'écouler de six à dix ans à cause des délais d'ingénierie, sans parler des délais d'acceptation et de construction qui s'allongent avec les années.

Là où dans d'autres types d'entreprises on peut se contenter de penser pratiquement jusqu'à cinq ans d'avance au maximum, l'Hydro-Québec doit penser dix ou quinze ans d'avance et, dans certains domaines, jusqu'à 25 et 30 ans, c'est-à-dire jusqu'à l'an 2000 et au-delà.

Nos constructions, évidemment, attirent beaucoup l'attention parce qu'elles sont spectaculaires. Mais elles sont, en réalité, la conclusion de longues études qui ont demandé beaucoup de temps et de travail. Ces études sont mal connues du public. Pourtant, M. le Président, elles sont passionnantes, car elles permettent de planifier l'avenir.

Nos dernières prévisions indiquent que la demande d'électricité croîtra à un rythme de 7 3/4% par année au cours des prochaines années. Je dis bien "un rythme moyen". Pour un observateur un peu pressé qui regarderait une année en particulier, ce taux pourrait apparaître contestable. Voyons l'année 1975, par exemple. A cause du contexte économique difficile dont nous parlons dans le rapport annuel, la demande d'énergie électrique n'a augmenté que de 1%. S'il fallait nous fier à ce taux de croissance, nous aurions dû arrêter notre programme de construction. Nous aurions fait une grave erreur. En effet, les résultats des cinq premiers mois de 1976 nous indiquent une augmentation des ventes d'énergie de 13,4% sur les ventes des cinq premiers mois de l'année dernière. Devons-nous adopter ce taux de 1% ou celui de 13,4%?

En réalité, la courbe historique de la demande d'énergie électrique est relativement stable si nous prenons un peu de recul. Je comparerais ce recul à celui des astronautes pour qui les montagnes et les précipices disparaissent lorsqu'ils s'éloignent dans leur navire spatial. Les tempêtes et les ouragans deviennent insignifiants. Il en est de même pour la courbe de la demande d'énergie.

Le choix de ce rythme de croissance de 7 3/4% résulte de conditions énergétiques, économiques et démographiques. M. Robert-A. Boyd, commissaire responsable de la planification générale, aura sans doute l'occasion de vous fournir les explications additionnelles qui seraient requises à ce propos lors de ses interventions.

La période allant de 1990 à l'an 2000 étant relativement éloignée, l'Hydro-Québec n'a pas à ce prononcer de façon définitive, dans l'immédiat, sur l'ensemble de son programme d'équipement pour ces dix années. Nous pouvons donc encore considérer différents scénarios de croissance selon les mêmes variables dont j'ai fait mention, c'est-à-dire la croissance démographique, la croissance économique et la croissance énergétique.

Les principaux facteurs qui affecteront la croissance économique du Québec, entre 1990 et l'an 2000, sont, premièrement, le rythme de crois-

sance de la population; deuxièmement, le niveau de productivité de la main-d'oeuvre; troisièmement, le développement industriel; quatrièmement, le progrès technologique et, cinquièmement, la disponibilité de l'épargne pour fins d'investissement. Enfin, dernier facteur qu'il ne faudrait pas oublier, la conservation.

Selon l'influence de ces facteurs, la croissance réelle du produit national brut pourrait être plus ou moins forte, ce qui, évidemment, influencerait la consommation d'énergie.

Le taux de croissance de 7 3/4% que nous avons adopté pour les prochaines années portera notre puissance installée à plus de 75 000 mégawatts en l'an 2000. De ces 75 000 mégawatts que nous prévoyons pour l'an 2000, combien sont destinés aux Américains? Voilà une question que plusieurs ne manqueront pas de nous poser. Pourtant, nous avons répondu souvent, la réponse est: Aucun. Notre réseau est conçu exclusivement en fonction des besoins du Québec.

Alors, demanderez-vous, si le réseau est conçu pour les besoins du Québec, où donc pourrons-nous trouver l'électricité pour l'exportation?

Ces surplus sont une cause directe des problèmes relatifs à l'implantation d'un programme d'équipement. Ces surplus peuvent provenir du rythme même de construction, de la surabondance temporaire de réserves hydrauliques, de la mise en service des premiers alternateurs ou encore d'une consommation d'énergie inférieure aux prévisions pour une période significative.

Il importe aussi de savoir que la plupart de ces causes ont leur contrepartie. Nous pouvons concevoir une situation de pénurie découlant de circonstances défavorables. Dans un tel cas, il nous faudrait d'abord tirer le maximum de nos réservoirs, puis mettre en marche nos centrales thermiques, acheter des réseaux voisins ou même limiter les livraisons d'électricité.

Heureusement pour nous, nous avons surtout connu des périodes d'abondance et notre problème consiste à disposer avec avantage de ces kilowatts-heure.

Il serait donc souhaitable d'utiliser tous ces surplus d'énergie chez nous. Mais qui veut d'un produit dont le fournisseur peut interrompre la livraison à volonté? Car n'oublions pas que l'Hydro-Québec se réserve le droit d'interrompre ses ventes d'électricité excédentaire. Nous l'avons d'ailleurs fait cette année.

A part les chaudières électriques industrielles qui permettent à leur propriétaire d'économiser d'importantes quantités de mazout, aucun débouché ne se présente chez nos abonnés québécois. Seul un autre réseau électrique utilisant de façon importante les centrales thermiques peut acheter nos surplus et payer un prix intéressant, tout en réalisant des économies de combustible. Or, nos voisins immédiats, l'Ontraio, le Nouveau-Brunswick et les Etats-Unis possèdent justement des réseaux de cette sorte d'où l'intérêt pour nous de transiger avec eux.

Etant donné la nature incertaine des surplus d'énergie, l'acheteur étranger peut hésiter à inves- tir les sommes nécessaires à l'établissement de lignes de transport requises. Aussi, les interconnexions voient-elles généralement le jour à l'occasion d'une transaction majeure comportant un bloc garanti de puissance ou d'énergie. Par exemple, l'évolution du réseau de New York, dont la pointe de consommation se situe en été, c'est-à-dire au moment où nous consommons le moins d'électricité, nous a amenés à négocier avec nos voisins du Sud la vente de puissance d'été, que nous appelons puissance de diversité.

Cette puissance que nous pouvons garantir pour plusieurs années, puisqu'elle n'exige aucune nouvelle source de production et qu'elle n'est pas requise encore par notre réseau, s'accompagne, pour les premières années, d'un bloc limité d'énergie.

Une fois cette liaison en place, nous aurons une autre ouverture pour écouler nos surplus éventuels vers les marchés les plus intéressants, compte tenu, bien sûr, des exigences de l'Office national de l'énergie en matière d'exportation. Il a été clairement établi devant cet office — je le rappelle — que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick possèdent d'importantes interconnexions avec les Etats-Unis. Ce sont ces interconnexions qui leur ont permis de revendre nos surplus aux Américains avec profit.

Les revenus que nous prévoyons retirer de nos exportations prendront une importance croissante dans les prochaines années et nous aideront à réaliser notre programme d'équipement. J'aimerais toutefois insister sur ce point: La production d'énergie excédentaire n'est pas, en soi, un objectif de l'Hydro-Québec, mais une conséquence inévitable de la place qu'occupe l'hydroélectricité dans notre réseau. Profiter de cet avantage, c'est utiliser au maximum nos installations. C'est donc aussi alléger le fardeau tarifaire de nos abonnés puisque d'autres les aident à amortir le coût des équipements en les utilisant aux périodes où nous n'en avons pas besoin.

Notre objectif d'améliorer la condition de vie des Québécois nous conduirait, en l'an 2000, à occuper quelque 45% du marché de l'énergie au Québec, si nous acceptons l'hypothèse de croissance moyenne.

Nous vivons dans un climat rude. Et si nous aimons nous rappeler la vie austère de nos ancêtres, nous aimons aussi profiter du confort que notre travail nous a procuré. Ce confort exigera, dans l'avenir, de plus en plus d'électricité. Nous n'avons pas l'intention d'en priver les gens du Québec.

Une autre considération qui nous pousse à adopter cet objectif est le rôle moteur de l'Hydro-Québec dans l'économie. Prévoir un taux de croissance de la demande d'électricité inférieur aux besoins réels équivaut à transformer un pays prospère en un pays — je ne veux pas faire ici de démagogie — moins prospère.

Nous avons l'assurance, en suivant cette voie, de travailler au bien de la communauté. Pour la première fois, grâce à ses richesses énergétiques, le Québec peut espérer jouer un rôle de "leader" dans l'économie canadienne.

D'ailleurs, M. le Président, advenant le cas où nous prendrions la décision de ralentir notre rythme d'investissement, il n'est pas certain que cela serait bénéfique pour le Québec. Ainsi, non seulement l'implantation de l'industrie serait-elle moins favorisée, mais les Québécois s'approvisionneraient à d'autres sources d'énergie. Le fardeau des emprunts serait moins lourd, bien sûr. Mais n'oublions pas que le pétrole et le gaz viennent de très loin. Il y aurait tout simplement un déplacement de notre richesse nationale si nous préférions actuellement le pétrole à l'électricité.

Toutefois, nous encourageons la découverte au Québec de pétrole, de gaz et d'uranium. Quand les richesses hydrauliques seront complètement épuisées, il faudra bien regarder ailleurs. Alors, pour conserver notre autonomie, nous devrons trouver d'autres sources d'énergie. Voilà pourquoi nous consacrons un budget pour la recherche d'uranium avec SOQUEM et que nous étudions les demandes d'aide pour la recherche de gaz avec SOQUIP.

Ce taux de 7 3/4% d'accroissement est un outil de gestion et non un chiffre miraculeux auquel nous nous accrochons. C'est un outil de gestion au même titre que la nouvelle direction Planification générale dont nous venons de mettre au point la structure. Et nous travaillons continuellement à raffiner ces outils et à en créer d'autres quand le besoin s'en fait sentir.

Nous sommes à mettre au point, M. le Président, un programme de construction dont je peux déjà vous livrer les grandes orientations.

D'abord, un mot des nouvelles techniques de production d'énergie dont on parle beaucoup.

L'Institut de recherche de l'Hydro-Québec, dont la réputation se répand de plus en plus dans le monde, consacre annuellement un budget d'au-delà de $1 million à l'étude de ces nouvelles sources d'énergie. Nous n'avons pas intérêt à privilégier une forme d'énergie plutôt qu'une autre, et c'est pourquoi nous suivons continuellement l'évolution des recherches dans ce domaine: énergie solaire, énergie de fusion, énergie marémotrice, fusion, géothermie, piles à combustible et utilisation de l'hydrogène.

Toutes ces technologies nouvelles ou anciennes nous intéressent.

Evidemment, à cause de notre contexte géographique, l'énergie éolienne sera peut-être utilisée avant toute autre. Notre institut a entrepris cette année un important programme d'étude à cet effet.

Un nouveau modèle d'éolienne, pouvant entraîner une génératrice, sera bientôt mis à l'essai avec le concours du Conseil national des recherches du Canada aux Iles-de-la-Madeleine. C'est là, ainsi que dans certaines régions du Grand Nord québécois, que nous avons les plus grands espoirs de voir utiliser cette forme d'énergie.

C'est aussi là qu'elle serait vraisemblablement la plus rentable. Une autre éolienne sera installée sous peu à l'IREQ même. Signalons également que, de concert avec l'université McGill, l'IREQ et notre service de la clientèle poursuivent une expé- rience d'utilisation de l'énergie solaire à des fins de chauffage de quatre habitations domiciliaires à La Macaza. Sans ces expériences, les prévisions de rentabilité économique de ces sources d'énergie ne sont que pures spéculations.

Mais, de toute évidence, l'énergie hydraulique et l'énergie nucléaire joueront un rôle de première importance d'ici l'an 2000. Voilà pourquoi nous poursuivons nos études pour connaître avec précision le potentiel hydroélectrique que nous pouvons utiliser de façon économique.

Entre 1985 et l'an 2000, nous croyons pouvoir aménager une bonne partie du potentiel d'origine hydraulique pour répondre à la demande de base. Mais les données montrent que, compte tenu de la technologie actuelle et des contraintes écologiques, quelques 15 000 mégawatts seulement pourraient être aménagés à un coût inférieur ou égal à celui de centrales nucléaires équivalentes.

Pour les prochaines années, nous mettrons l'accent sur l'aménagement du potentiel hydroélectrique. Mais une première constatation s'impose. L'aménagement du potentiel dont dispose encore le Québec ne réussira à répondre qu'à 30% de l'augmentation des besoins d'énergie électrique prévus en l'an 2000. Il faudra donc faire appel de plus en plus à l'énergie nucléaire après 1985. Notre but, dès lors, est d'assurer une transition harmonieuse et sans heurt entre l'hydroélectricité et l'énergie nucléaire.

M. Guy Monty, commissaire responsable du programme d'équipement, pourra vous fournir de plus amples renseignements sur cette question en temps voulu.

Je crois cependant utile de souligner qu'à première vue il pourrait sembler séduisant d'aménager d'abord tous les sites hydrauliques dont le coût d'aménagement est plus faible que celui de centrales nucléaires équivalentes. Cette option permettrait peut-être de réaliser des économies dans l'immédiat, mais globalement elle constituerait une erreur. En effet, une fois épuisées les ressources hydrauliques rentables, il faudrait d'un seul coup fournir des efforts énormes sur tous les plans à la fois pour arriver à lancer un programme nucléaire d'une importance considérable.

Ce rythme accéléré serait impossible à soutenir. L'Hydro-Québec ne disposerait pas des ressources humaines nécessaires et les possibilités de production de l'industrie québécoise, et même de l'industrie canadienne dans son ensemble, ne seraient pas suffisantes pour répondre aux besoins.

Même en procédant de manière progressive, l'importance du programme nucléaire pose le problème du recrutement et de la formation d'un personnel d'ingénierie, d'exploitation et de construction compétent et suffisamment nombreux. Comme nous devons, en ce domaine, compter essentiellement sur nos propres ressources, l'Hydro-Québec a déjà mis sur pied un programme de recrutement et de formation.

Ce programme de perfectionnement, nous devrons l'accélérer si nous voulons avoir un nombre de techniciens suffisant dans les années à venir.

A titre d'exemple, le personnel d'exploitation affecté aux centrales nucléaires atteindra 400 personnes vers 1990, 1100 vers 1995 et 2700 en l'an 2000. Pour assurer l'ingénierie des centrales, on estime qu'il faudra plus de 4000 hommes vers 1990. Quelque 17 000 travailleurs, pour la plupart spécialisés, seront requis pour la construction des centrales nucléaires.

Pour former un seul technicien spécialisé dans le domaine de l'énergie nucléaire, il faut compter jusqu'à quinze ans. C'est pourquoi nous avons déjà des techniciens qui se perfectionnent dans ce domaine, en Ontario. Vous pouvez vous imaginer, M. le Président, tous les mérites qui leur reviennent.

Maintenant que vous connaissez les délais auxquels nous avons à faire face, vous comprendrez qu'il n'est pas question de construire une centrale demain matin, même si nous étudions un emplacement aujourd'hui. Actuellement, nous sommes en train de dresser un inventaire des sites où il serait possible de construire des centrales, autant hydroélectriques que nucléaires. Nous devons aussi, dès maintenant, faire des études du sol et du système écologique de ces emplacements.

Je voudrais enfin ajouter que nous étudions actuellement la technologie des réacteurs CANDU et son évolution future. Et pour nous tenir au courant des dernières découvertes dans le domaine, nous étudions également les autres filières. D'ici quelques années, des progrès techniques importants interviendront. Nous devrons en tenir compte.

Parallèlement, au cours des années à venir, nous installerons des équipements spéciaux pour répondre à la demande de pointe. Il s'agira essentiellement de centrales à réserve pompée et de turbines à gaz. Le suréquipement d'installations hydroélectriques pourrait également offrir certaines possibilités intéressantes. La proportion optimale des divers types d'installations sera déterminée en tenant compte des facteurs de rentabilité et du respect de l'environnement.

Ces équipements de pointe constitueront également des équipements de réserve qui peuvent aider à assurer la continuité du service si des installations de production tombent en panne. Il ne faut pas oublier, qu'après 1985, l'accroissement du nucléaire exigera une plus grande quantité d'équipement de réserve. Ceci pour que la fiabilité du service puisse être la même qu'avec les installations hydroélectriques.

Ce n'est pas tout de produire l'électricité, il faut aussi la transporter aux centres de consommation, puis la distribuer.

D'ici l'an 2000, le choix des corridors de transport deviendra de plus en plus complexe et constituera un élément déterminant dans l'élaboration des programmes de production. On visera à minimiser le nombre de corridors additionnels afin d'assurer au maximum le respect de l'environnement. Cet impératif influencera aussi le choix des sites et l'ordre d'aménagement des centrales de production.

D'ici la fin du siècle, une autre question sera examinée sous un éclairage nouveau, celle des interconnexions avec les réseaux voisins. Des comités ont été formés par le gouvernement afin d'analyser cette question. Ces comités étudieront diverses possibilités dont l'opportunité de constituer une réserve commune, c'est-à-dire une réserve à laquelle peut recourir, au besoin, chacun des réseaux interconnectés.

L'avènement de la production nucléaire modifiera la situation. Comme les centrales nucléaires ont actuellement un taux de panne plus élevé que les centrales hydroélectriques, nous aurons peut-être besoin d'une réserve beaucoup plus forte. Il pourrait devenir intéressant d'établir des interconnexions avec des réseaux qui ont déjà une réserve considérable, particulièrement avec ceux dont la demande de pointe ne coïncide pas avec la nôtre.

Dans le domaine de la répartition et de la distribution, les modifications qui seront apportées dans les années à venir dépendront, pour une bonne part, de l'importance croissante du respect exigé de l'environnement qui demande des coûts additionnels.

Dans les grandes agglomérations, d'autre part, nous espérons, grâce à des améliorations techniques, mettre en service des postes de dimensions réduites qui seront plus compatibles avec l'environnement.

N'oublions surtout pas que l'évolution du réseau doit nécessairement s'insérer dans le contexte énergétique et socio-économique du Québec.

Les choix d'investissement dans le domaine énergétique et la détermination du rôle de l'électricité dans le développement du Québec sont une responsabilité du gouvernement lui-même. Quelle part de notre richesse collective devons-nous consacrer au développement de nos richesses naturelles, et, en particulier, au développement de l'électricité? Voilà une question à laquelle le gouvernement devra répondre le plus rapidement possible. Car, il faut le dire, quel que soit le programme envisagé, les enjeux financiers sont considérables.

A l'Hydro-Québec, nos besoins, jusqu'ici, ont été comblés par l'autofinancement et par le recours aux emprunts. Ces mêmes emprunts continueront de combler une bonne partie de nos besoins en ressources financières. L'idéal serait qu'une tarification plus audacieuse nous permette de percevoir des revenus suffisants pour maintenir ou peut-être même accroître notre participation au financement des projets.

Nos abonnés ont aussi une large part de responsabilité dans la définition du futur qu'ils souhaitent pour l'entreprise. C'est eux, en définitive, qui par leurs actions quotidiennes, définissent des besoins que nous avons pour mandat de satisfaire. Il leur appartient de faire un usage rationnel des ressources à leur disposition. Nos campagnes d'information les aideront à trouver les meilleurs moyens à suivre.

Puisque l'Hydro-Québec appartient à l'ensemble des Québécois, il leur revient de définir, avec nous, l'avenir qu'ils souhaitent. C'est dans cette

perspective, par exemple, que nous avons déjà amorcé un dialogue avec la population locale susceptible d'être affectée par certains projets. C'est aussi la voie que nous aimerions maintenir dans les années à venir. Je voudrais enfin souligner qu'avec ce passage de l'hydroélectrique au nucléaire, les Québécois de l'an 2000 verront l'Hydro-Québec jouer un rôle important au niveau international.

En effet, la disparition progressive de nos richesses hydrauliques nous permettra d'exporter l'expérience unique au monde que nous avons gagnée dans ce domaine. Les ingénieurs et les techniciens québécois participeront aux grands travaux de construction de barrages et de réseaux électriques à travers le monde. D'autres, qui auront été chercher leur expérience à l'étranger dans le domaine nucléaire, reviendront construire le Québec du siècle prochain.

Ce développement économique privilégié qui attend le Québec est relié directement à la disponibilité de notre énergie électrique, la seule qui nous appartienne. Nous croyons, messieurs, que ce serait une grave erreur de ne pas en profiter.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a des questions? Le chef de l'Opposition.

Prévision de la demande

M. Morin: Même si l'ordre du jour que vous nous avez indiqué tout à l'heure est des plus imprécis, je pense qu'il faut tout de même commencer par l'étude de la demande. Le président de l'Hydro-Québec y a, d'ailleurs, fait allusion longuement dans l'exposé qu'il vient de faire. Comme, sur ce point, le ministre était d'accord avec moi dans la proposition, imitée de la mienne, qu'il a soumise à la commission tout à l'heure, je pense que nous serons tous d'accord pour aborder cette première question.

A coup sûr, il faut répondre à la demande, mais est-ce un critère absolu? C'est la première question que je voudrais explorer, tout en me rendant compte que la réponse à cette question n'appartient peut-être pas tellement aux gens de l'Hydro-Québec qu'à un gouvernement qui a dans l'esprit une certaine planification des objectifs sociaux du Québec. Si, par hypothèse, les ressources hydrauliques étaient limitées ou si elles venaient à être utilisées complètement et que nous devions avoir recours à des sources plus coûteuses, peut-être beaucoup plus coûteuses, n'en viendrions-nous pas à faire des choix sociaux et à nous demander si répondre à la demande serait le critère ultime?

Je ne suis pas le seul à penser comme cela. Je voyais, récemment, des propos du ministre lors de sa conférence de presse du 3 mars 1976 qui sont au même effet. J'aimerais explorer cela brièvement avec vous, messieurs, avant d'examiner le taux de croissance que vous avez choisi, ce taux de 7 3/4, à la lumière des chiffres des dernières années. Je me permets de citer certains passages extrêmement intéressants et pénétrants du ministre des Richesses naturelles lors de sa conférence de presse. "Nous pensons, disait-il, qu'il y aurait lieu de réviser la structure des tarifs de l'Hydro pour diminuer les obligations que nous avons maintenant d'avoir des installations qui soient de nature telle qu'on rencontre une pointe artificielle, pensées en fonction de réduire la pointe plutôt que d'augmenter l'énergie de base pour atteindre la pointe. Je ne sais pas si on se comprend, ajoutait-il. L'Hydro-Québec ne m'aime pas quand je parle de même. Disons que jusqu'ici on a établi la pointe de demande. Là, on a construit des barrages pour arriver le plus près possible de cette pointe. Ils coûtent cher, les barrages, aujourd'hui. Ils ne coûtent pas ce qu'ils coûtaient il y a vingt ans. Plus on en fait à cause de la pointe, plus la pointe tend à s'éloigner. "Nous pensons, ajoutait le ministre— c'est toujours sa pensée que j'essaie de rendre le plus fidèlement possible — qu'au lieu de s'en aller vers une construction de barrages qui se rapprochent davantage de la pointe on devrait peut-être influencer la pointe pour qu'elle descende." Nous sommes dans la question de la demande. "Une tarification, par exemple, qui dirait qu'en hiver, si vous utilisez de l'électricité aux heures de pointe dans l'industriel..." Suivent trois points de suspension et une pensée profonde du ministre qui se lit comme ceci: "L'individu, qu'est-ce que tu veux, ne peut pas décider quand il va aux toilettes ou quand il n'y va pas." Vous observerez le niveau auquel se place d'emblée le ministre dans ce débat. "C'est d'une autre forme d'énergie, disait-il, que je parle; ce que je veux dire, c'est qu'on peut dire à l'industriel, par exemple: Quand vous utilisez de l'énergie au-delà d'un certain montant, dans les journées de pointe prévisibles à l'avance, qui sont prévisibles, elle va vous coûter trois fois plus cher, cette énergie-là."

J'achève en citant le paragraphe qui est peut-être le plus important de cette intervention: "On peut constater qu'aujourd'hui il y a un taux dégressif. Plus tu en prends, moins ça te coûte cher. Effectivement, cela devrait être l'envers. Je ne dis pas que cela devrait, mais les gens, chez nous, étudient la possibilité de mettre cela à l'envers. Plus vous allez l'utiliser, plus cela va vous coûter cher, ce qui change totalement ton comportement comme industriel. J'imagine aussi comme consommateur."

Et la question que je me pose est celle-ci: Dans votre analyse de la demande, vous êtes-vous demandé si, par moment, il n'y aurait pas certaines demandes qui sont plus importantes que d'autres? Il y a peut-être des choix à faire. Je reconnais que c'est plus au gouvernement de faire ces choix qu'à vous, que votre mandat est de fournir, de trouver de l'électricité, de répondre à la demande.

Mais est-ce que vraiment ce critère de la demande est l'ultime critère? Est-ce cela qui détermine tous vos choix? C'est ma première question.

Après cela, nous pourrons entrer dans une étude plus détaillée de votre pourcentage de 7 3/4% que vous appelez la demande historique.

N'avez-vous pas, au moins par hypothèse, étudié la possibilité de faire des choix de cet ordre et d'imposer, pour certains types de consommation qui ne sont peut-être pas socialement aussi utiles que d'autres, des tarifs qui ne soient pas dégressifs, mais qui soient, au contraire, des tarifs pénalisant certaines consommations pour en favoriser d'autres ou, sans aller jusqu'à les pénaliser, tendant à les décourager pour en favoriser d'autres?

M. Giroux: Le ministre disait qu'on ne peut pas toujours choisir le temps pour aller aux toilettes; je vais prendre le temps de répondre à la question avant d'y aller. Il y a deux points qu'il faut bien regarder.

Nous n'avons aucune objection à ce que les tarifs de pointe soient augmentés, mais l'expérience et l'étude des réseaux qui ont utilisé tous ces moyens prouvent que cela ne baisse pas la consommation.

Je peux vous citer ici un cas qui m'avait frappé énormément. Lors d'une visite en Suisse, j'ai rencontré les plus grands fabricants d'appareils de contrôle et je leur ai demandé s'ils ne seraient pas intéressés à venir nous expliquer tous les contrôles qu'on peut exercer sur les pointes. Ils avaient étudié notre marché nord-américain, surtout notre marché canadien. Ils ont dit: Vous n'êtes pas assez disciplinés pour vous servir de ces choses.

En deux mots, on peut demander à la population d'acheter des appareils qui réduiront leur pointe, mais cela impliquera une dépense. On leur fera dépenser leur argent et les abonnés ne sont pas prêts à le faire. Ils aiment mieux payer l'électricité.

L'augmentation des coûts pour faire baisser une demande, est, par expérience, très exagéré. Il y a un an, on indiquait à la population que le pétrole coûterait tellement cher que les voitures iraient au ralenti. C'est le contraire qui est arrivé et pourtant le prix de l'essence est monté de façon draconienne.

On a pris des mesures gouvernementales pour réduire l'importation des grosses voitures. Le seul résultat pratique dans le marché économique actuellement est que les seules livraisons en retard concernent les grosses voitures, les voitures de luxe.

On l'a étudié. On peut le regarder. Il y a le choix que le public doit faire ou qui peut être dicté par le gouvernement. On répond à une certaine demande ou on prive les gens d'énergie, mais remarquez bien qu'au point de vue du tarif et à tout point de vue on ne s'oppose pas du tout à ce que le tarif soit augmenté à ces heures. Le résultat pratique, tout ce que cela va faire est que cela va aider l'autofinancement, mais cela ne baissera pas la pointe.

M. Morin: M. le Président... M. Cournoyer: Un instant. M. Morin: C'est bien.

M. Cournoyer: J'avais bien sûr donné à titre d'exemple les possibilités qui s'offraient à nous. Je conviens avec le président de l'Hydro-Québec que les augmentations de coût ne sont pas nécessairement les seules choses qui peuvent nous inviter à diminuer notre consommation, surtout si on continue de s'enrichir par ailleurs. On ne fait qu'augmenter le coût d'une denrée essentielle ou que l'on considère comme essentielle.

Il y a certainement, cependant— c'est à cause des discussions que j'ai eues antérieurement— une expérience, soit celle de Bell Canada, qui a changé les habitudes des gens, strictement en mettant un tarif très bas pour les appels du dimanche.

Aujourd'hui, on a peut-être des difficultés à appeler le dimanche, car le monde appelle plutôt le dimanche parce que cela coûte pas mal moins cher. Cela, très certainement d'après les informations qu'on possède. Remarquez bien que ce n'est pas l'Hydro-Québec. L'électricité, t'en as toute la semaine, t'arrêtes pas cela le dimanche. Ce que nous croyons — parce que nous croyons et on peut en d iscuter longuement — c'est d'abord, et le président de l'Hydro-Québec a totalement raison, que cela ne relève pas de l'Hydro-Québec de déterminer cela. J'ai fait exprès ce matin de lire l'article qui régit l'Hydro-Québec, l'article en vertu duquel l'Hydro-Québec est obligée de fournir l'électricité à ceux qui en demandent. Une fois cet article changé, je suis convaincu que c'est une toute autre forme d'obligation que l'Hydro-Québec a devant elle, si jamais nous avions le courage comme société — non pas rien que comme gouvernemen t— d'accepter qu'il y ait un changement dans ces obligations de l'utilité publique.

En fait, toute cette discussion que nous avons, je comprends que le chef de l'Opposition voudrait qu'elle se situe au niveau intellectuel auquel il est habitué. Malheureusement, l'immensité de la population n'a pas été à l'université. Il est préférable parfois de lui indiquer des exemples qui sont un peu choquants pour l'oreille chaste du chef de l'Opposition. Mais, il reste une chose c'est qu'on ne choisit pas le temps où on va aux toilettes. C'est un exemple qui frappe sur certaines situations que nous avons au Québec. On ne choisit pas le temps où on se chauffe, non plus. Lorsqu'on se chauffe, le moteur électrique qui chauffe une fournaise doit marcher en hiver, en particulier.

Quand on regarde les conséquences actuelles — chez les cultivateurs en particulier — del'arrêt de courant que nous avons vécu dans les six ou sept dernières semaines, peut-être bien six ou sept derniers mois aussi, pour être plus juste à l'endroit de la société, il est bien entendu qu'il faut changer profondément un certain nombre d'habitudes avant d'espé-rer une diminution non pas des besoins mais de l'augmentation prévisible des besoins. De 7 3/4, pour descendre aujourd'hui, M. le Président, je suis totalement d'accord avec vous, pour descendre de 1%, il y a un paquet de choses qu'il faut changer dans le comportement des gens et dans les expectatives qu'ils ont.

Je le dis avec toute la sincérité et la naïveté dont je suis capable, nous y avons peut-être contribué, comme Québécois, en disant que nous en avions en

masse. Et nous en avions en masse, de l'électricité, à partirde l'hydroélectricité. Il reste encore un certain nombre de mégawatts à faire. Le problème que nous avons, comme société, c'est cela qui est très sérieux, c'est que leschoix.nous devons les faire maintenant, parce que nous ne voudrions pas, je pense, nous retrouver dans la situation d'autres pays qui deviennent totalement dépendants ou presque totalement dépendants des autres formes d'énergie, parce qu'il y a déjà longtemps qu'ils ont épuisé leur hydroélectricité.

Je conviens avec le président qu'il faille à plus ou moins brève échéance faire face à une demande qui dépassera les possibilités de l'hydraulique — je le sais, tous les chiffres mènent à cela pour éviter que cet accroissement continue d'être au rythme où il est actuellement. Et pour bien illustrer ce que je pense — c'est naïf, je ne suis pas un technicien, je suis un politicien, avec toute la déférence que je dois à ceux qui n'en sont pas. Je suis un politicien— quand je vois, par exemple, les chiffres que les techniciens mettent à ma portée, je les interprète avec mes yeux de politicien.

On me dit 2000 mégawatts multiplié par 2, cela ne fait que 4000 mégawatts. Mais 4000 multiplié par 2, cela ne fait que 8000 mégawatts. Et 8000 multiplié par 2 cela ne fait que 16 000 mégawatts. Ce sont des cniff resqui se multiplient bien par deux à tous les dix ans. Quand vous êtes rendus à avoir de la difficulté, non pas parce que vous êtes politicien ou technicien, à les prendre tels qu'ils nous sont donnés à nous, les caves, on prend cela de même et on dit, C'était facile, M. Cournoyer, de multiplier par 2 5000 mégawatts. Mais en multiplier 30 000 par 2, cela va être pas mal plus dur. Comme par hasard, cela me frappe dans le front, comme politicien. 10 000, ce n'est pas grave. C'est comme un gars qui dit je n'ai qu'un enfant, je vais multiplier par deux, ça ne va être que deux demain matin. Encore une fois, j'intellectualise le débat. Mais quand j'en ai 5 et je dis je vais en avoir deux fois plus la semaine prochaine, cela fait dix. On n'élève pas cela de la même façon dix enfants et deux enfants. Je m'excuse d'avoir intellectualisé le débat encore, mais...

M. Morin: Ce n'est pas si mal.

M. Cournoyer: II reste que c'est ce genre de préoccupation qui frappe le commun des mortels. C'est l'analyse de ces chiffres qui... Je comprends qu'on doive être rassuré par les techniciens, mais ces chiffres, pour nous, même si nous ne sommes pas politiciens, si nous représentons la population de la façon la plus naïve possible, cela nous étonne et cela nous poigne de front. On se dit: Où est-ce qu'on s'en va? Je n'aime pas le genre de parallèle qu'on fait avec les Olympiques. Mais, M. le Président, comme vous le savez, en face des multiplications de coûts dont on parlera le 24 août, à la séance sur la baie James, si on se fie à ce qui s'est produit dans une ou presque une décennie qui vient de passer, quant aux modifications d'évaluation de coûts que les ingénieurs-conseils peuvent nous donner, si on se fie à cela, est-ce qu'effectivement, dans la prochaine décen- nie, on aura l'assurance que les milliards qu'on fait se promener dans l'esprit des gens, ce sera réellement cela? Je n'ai pas l'impression que cela le sera moi non plus. C'est pour cela que, même quand on me parle d'un certain nombre de milliards, il s'agit de scénarios à partir d'hypothèses, et c'est ce que j'aimerais que l'Hydro-Québec, cet après-midi, indique clairement. Nous sommes dans le domaine strictement hypothétique et nous faisons ce qu'il est convenu d'appeler des scénarios. Or, des scénarios, pour vous et pour moi, M. le Président, on comprend ce que c'est. Mais, à l'occasion de la commission parlementaire, j'aimerais que vous vous abaissiez au niveau des politiciens pour expliquer aux politiciens ce que c'est premièrement qu'un scénario, ce que c'est que la puissance et ce qu'est l'énergie. Je vous jure qu'on va vous écouter comme il faut.

M. Giroux: C'est ce qu'on a l'intention de faire. J'espère que vous comprendrez. Prenons le point que vous mentionniez tantôt. On regarde souvent des statistiques qui nous frappent, comme la question de Bell Canada. Bell Canada n'a pas publié de statistiques. Elle a peut-être des raisons. Je pense qu'elle demande des augmentations de tarifs. Mais n'oubliez pas une chose. Les compagnies américaines qui ont accordé l'escompte qu'elles donnent le dimanche ont publié aussi qu'elles augmentaient le tarif de leurs appels interurbains journaliers. Cela s'est avéré une chose très rentable pour les compagnies de téléphone et n'a pas contribué à en baisser l'usage. Elles ont redistribué et certaines compagnies de téléphone ont conservé les lignes beaucoup plus ouvertes pour les appels d'affaires, qui étaient à un taux beaucoup plus haut et qui ne servaient pas le dimanche. Mais, en électricité, c'est un peu différent. Quand on demande à son épouse de ne pas se servir de la cuisinière à cinq heures ou à six heures, c'est plus embêtant. On dit que cela se fait dans certains pays, mais cela va prendre beaucoup de temps avant qu'on s'habitue à cela, à moins que ce nous soit imposé. Du côté de l'Etat de New York, par exemple, à cause du manque d'énergie, on a imposé ce qu'on appelle communément des "brown-outs". Il n'y en avait pas, mais cela n'a pas mis les gens tellement de bonne humeur.

A ce propos, je crois que nous devons émettre strictement des scénarios et des hypothèses qui décrivent ce que l'avenir peut refléter pour fournir l'énergie que les abonnés ont été habitués à avoir. Si une autre imposition est faite, cela ne peut provenir de l'Hydro qui doit Ta faire. Il a été clairement établi ce matin que cela doit être fait par le gouvernement. Cela est arrivé dans d'autres provinces où le gouvernement a dit: Ces programmes ne se feront pas. Là, on nous saute sur le dos pour avoir de l'énergie, mais on n'a pas fait, par ce geste, disparaître la demande.

Si vous le permettez, je vais demander à M. Boyd de faire l'exposé du programme, tel qu'on le conçoit, on fera toutes les corrections requises.

M. Cournoyer: Le programme est basé essentiellement sur la demande?

M. Giroux: Oui.

M. Cournoyer: Forcément. Avant de passer immédiatement au programme, tout en acceptant la décision du président, il faudrait peut-être avoir épuisé la demande.

M. Morin: A mon avis, ce serait plus sage, plus logique en effet. Depuis quelques instants, je me retrouve assez au même diapason que le ministre.

M. Giroux: Je m'excuse. Je pense que j'ai dit "programme", mais c'est "demande".

M. Boyd (Robert-A.): J'aimerais vous parler de la demande. Nous avons les mêmes préoccupations à l'Hydro-Québec en général et à la planification générale en particulier, dont je suis responsable auprès de la commission, que vous avez exprimées, que M. Giroux a exprimées, au sujet de la demande et de nos moyens d'y satisfaire.

On reconnaît aussi depuis toujours que notre mission à l'Hydro-Québec est de répondre à la demande et non pas de la susciter. Je peux cependant vous expliquer que dans le passé, pendant un certain temps, on a fait de la promotion. Je pense qu'on peut justifier cette période, parce que la compétition la suscitait d'une façon extravagante. On peut dire qu'on a essayé de faire face à cette promotion d'une façon que j'appellerais modérée, la raison étant que si on ne l'avait pas fait, plusieurs rues, dans nos municipalités, auraient été munies d'éclairage seulement. Tous les autres appareils, chauffage, cuisinière, eau chaude auraient été au gaz ou à l'huile. L'électricité aurait entraîné des coûts très élevés pour l'abonné.

De toute façon, le contexte énergétique a changé, et depuis un certain temps on fait la promotion de la conservation. On a une certaine publicité faisant la promotion de la conservation.

Pour revenir à la question du départ, j'aimerais rappeler que, dans le domaine industriel et commercial, on a ce qu'on appelle la demande ou le facteur demande avec des compteurs à demande qui sont là justement pour inciter l'industrie et le commerce à contrôler leur pointe. Lorsque ces abonnés établissent une demande, ils sont pénalisés pour un certain temps à payer un facteur de demande. Du côté de la consommation résidentielle et, en fait, du côté de la consommation en général, à la Planification générale, nous avons maintenant formé un comité d'étude qui va étudier les différentes méthodes qui peuvent encourager ou entraîner le contrôle de la consommation.

Ce n'est pas notre rôle principal, mais je pense qu'on peut, avec notre personnel, aider dans ce sens à la planification de l'entreprise. En plus de ça, vous avez remarqué, on en parle dans notre programme, qu'on a déjà planifié des usines de pointe, qu'on n'a pas réussi encore à installer, mais dans le programme proposé, vous allez constater qu'on installe une quantité importante d'usines de pointe, précisément pour pallier le problème qu'entraîne cette demande de pointe.

Notre fonction à nous n'est pas d'avoir les plus gros chiffres possibles, d'avoir des 7 3/4% alors que les autres ont des 7% ou des 6 1/2%. Notre problème est de répondre à la demande. Les hypothèses qu'on a employées qui nous donnent 7 3/4% sont des hypothèses moyennes, je vais vous les montrer sur le tableau tout à l'heure. C'est ce qu'on pense qui va arriver. Actuellement, à moins que des coups de barre formidables soient donnés, à moins que le public accepte volontairement de contribuer à ces coups de barre, — on aura des problèmes — il y a une masse globale d'énergie qui est requise au Québec. L'électricité en représente le quart, grosso modo. Le reste est surtout du mazout ou de l'huile, un peu de gaz et très peu d'autre chose. Si, par des mesures on peut réussir à faire descendre la consommation globale d'énergie, c'est un bon point de gagné. Ensuite, il restera à savoir vers quoi les gens vont tendre, évidemment, par des contrôles ou des méthodes. C'est ce qu'on regarde au comité de consommation. Dans nos hypothèses, nos scénarios, appelez-ça comme vous voulez, ce sont des hypothèses, on pense que notre part du marché sera de 40%, au lieu de 25%.

On n'a rien contre le fait qu'il y ait quelque chose qui fasse que le public accepte que ce soit 20% au lieu de 25%. Si c'était 15%, ce n'est pas notre problème. Mais il faut être prêt à faire face au problème. Cela peut aller à 40% comme à 15%, notre part du fardeau de l'énergie.

C'est pour cela que notre demande est basée sur des périodes de dix ou quinze ans d'avance; on regarde même jusqu'à l'an 2000. C'est révisé annuellement. On fait des tendances, on étudie le passé, les facteurs économiques, démographiques, etc., et annuellement, on révise nos projections, on les corrige vers la hausse ou la baisse, selon ce qui s'est passé l'année précédente.

Quant à nos programmes d'équipement, on est toujours en mesure de les modifier. Les accélérer, c'est très difficile, quelquefois impossible. Les réduire, c'est plus facile. Les étaler sur une plus longue période les rend plus coûteux. Si la demande n'était pas là, il y a toujours moyen de réduire des programmes. Mais le malheur, c'est que si on n'a pas prévu, d'ici quelques hivers, les abonnés seront forcés de se chauffer à tour de rôle, il en sera ainsi pour la possibilité de prendre son bain, quand on aura de l'eau chaude sur telle rue, il n'y en aura pas sur telle autre, ce sera un problème.

Mais, nous sommes conscients du fait que les programmes qui sont basés sur nos prévisions de la demande vont être considérables et vont demander des investissements considérables.

Par contre, si la part de l'électricité reste à 25%, cela prend les programmes qu'on a là, pour le moment. Si elle passe à 40%, il faudra peut-être accélérer. C'est un problème considérable qu'il faut envisager.

J'aimerais vous montrer, si vous le permettez, quelques tableaux...

M. Morin: M. Boyd, est-ce qu'on pourrait vous poser une ou deux questions?

M. Boyd: C'est M. le Président qui décide.

Le Président (M. Séguin): Certainement, allez-y.

M. Morin: Je me rends parfaitement compte que vous êtes un peu prisonnier des choix des politiques gouvernementales en fait d'énergie. Quant à vous, vous êtes obligés, de par la loi, de répondre à la demande, que vous aimiez cela ou que vous n'aimiez pas cela. C'est votre tâche.

Mais je m'étonne un peu de votre 7 3/4%. Je voudrais juste vous poser une question là-dessus. Vous avez établi cette prévision de demande sur l'hypothèse d'un taux de croissance annuel de 7 3/4%. On retrouve ce chiffre tel quel dans l'exposé du ministre, ce matin, qui tenait pour acquis qu'un tel taux de croissance demeurerait constant et donc, justifierait des investissements annuels d'au moins $3 milliards, nous disait-il.

J'aimerais vous demander si, à la lumière de la demande au cours des cinq dernières années, ce 7 3/4% demeure réaliste, demeure aussi fondé. Je prends les dernières années. Les taux de croissance observés ont été les suivants: 1971: 3,6%; 1972: 5,8%; 1973: 8%; 1974, qui a été une année record: 10,4%; en 1975, cette chute à laquelle le président de l'Hydro a fait allusion tout à l'heure, à 1% et, enfin, en 1976, cette reprise spectaculaire qui durera ou ne durera pas, on n'en sait rien.

Quand on fait la moyenne de 1971 à 1975, on obtient un taux moyen de 5,7% et non pas de 7 3/4%. Une première question qui me vient à l'esprit. Comment avez-vous procédé — peut-être vos tableaux vont-ils nous donner justement une partie de la réponse — pour établir cette moyenne? Est-ce que vous vous êtes fondés sur une consommation de mémoire d'homme, depuis des dizaines d'années? Ou est-ce que vous n'auriez pas eu tendance à vous fier surtout à la croissance des dernières années qui, peut-être, nous donne une meilleure indication de ce que sera l'avenir?

Pour ma part, j'avoue que le très faible taux de croissance en 1975, qui est dû, à ce qu'on nous a dit, à une chute de la demande industrielle, une chute de 13,6% dans la demande industrielle, me laisse fort perplexe sur vos hypothèses, sur vos projections et sur ce chiffre de 7,75%.

M. Boyd: Peut-être qu'avant de passer au tableau je devrais vous référer au document qu'on vous a distribué et qui s'appelle "prévision de la demande". Est-ce que vous l'avez en votre possession?

Dans ce document, à la page 1, on vous dit qu'en considérant les périodes de quinze années consécutives incluses dans l'intervalle de 25 ans qui va de 1951 à 1975 on obtient des taux moyens d'accroissement annuel qui varient de 7,7% à 8%.

C'est notre expérience. Si vous prenez 1975 pour faire votre moyenne, je pense que le chiffre que vous obtenez est faux, parce que...

M. Morin: J'en conviens, M. Boyd, mais prenons 1971 à 1975.

M. Boyd: Oui, oui. En 1975, il y a eu un fléchissement de 14% dans les demandes industrielles. Si la demande industrielle avait augmenté de seulement 4,6%, comme on prévoyait qu'elle devait augmenter à ce moment, on aurait eu une demande totale augmentée de 8% pour 1975. Pourquoi ce fléchissement? Ce sont les nombreuses grèves dans l'industrie lourde qui emploie beaucoup d'électricité, l'amiante, la pétrochimie, les pâtes et papiers, etc. C'est cela qui a fait baisser la demande.

M. Morin: J'en conviens.

M. Boyd: Par contre, dès maintenant, je pense que M. Giroux l'a dit, on constate que, depuis le début de l'année 1976, c'est monté à 13,4%, l'augmentation globale. Donc, tout de suite, on est en train de rattraper ce qu'on a manqué en 1975. Et on prévoit que pour 1976 la demande va avoir augmenté de près de 10%. Donc, on ne peut pas s'attacher à une année ou deux années.

M. Morin: Mais cinq années, M. Boyd, 1971 à 1975.

Ce sont les années où on a connu un essor spectaculaire de la consommation électrique.

M. Cournoyer: Je constate que le chef de l'Opposition est d'accord avec mon premier ministre pour la première fois de la journée.

M. Morin: Nous n'avons jamais contesté cela, M. le Président.

M. Perreault: Cela traduit les activités économiques.

M. Morin: Bien, dans une certaine mesure ou bien le chauffe-eau.

M. Perreault: Cela traduit les activités économiques.

M. Morin: Pas nécessairement, la preuve en 1975.

M. Perreault: C'est cela.

M. Boyd: Je pense que nous ne sommes pas les seuls à penser de cette façon au Canada, parce qu'évidemment on a des contacts entre les différentes commissions provinciales et les taux annuels moyens de croissance de la demande interne de puissance prévue de 1977 à 1995 pour chacune des provinces sont les suivants: l'lle-du-Prince-Edouard, 9,3%; Nouveau-Brunswick, 8,2% — ce ne sont pas des provinces bien ri-

ches — la Nouvelle-Ecosse, 7,4%; le Québec, 7,7%; Terre-Neuve, 8,4%; en Ontario, ils ont des problèmes et ce n'est pas rapporté ici.

M. Morin: II y a là des provinces qui sortent du bois dans certains cas, qui viennent de découvrir l'électricité. Je ne sais pas si c'est un critère bien rassurant. Moi, j'avoue que les cinq dernières années, M. Boyd, paraissent donner une bonne indication.

M. Boyd: On me donne ici les chiffres; un taux de croissance annuel moyen de 7,3% pour la période de 1970 à 1974. C'est à peu près ce que vous voulez avoir. 7,3%, c'est quand même proche de ce qu'on propose.

M. Cournoyer: 1975.

M. Morin: Est-ce que nous avons les mêmes chiffres pour 1971, 3,6%.

M. Boyd: Je parle de 1970 à 1974.

M. Morin: Quel était le chiffre pour 1970?

M. Boyd: J'ai la moyenne ici. Vous l'avez à la page 3 du document sur la demande.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Evidemment, j'espère que vous acceptez ces chiffres comme étant des chiffres qui sont valables.

M. Cournoyer: II parle de 1971, lui.

M. Boyd: Oui, bien, c'est cela; c'est ce que j'essaie d'expliquer.

M. Cournoyer: Ce n'est pas la même date.

M. Boyd: Oui, c'est cela. C'est ce que j'essaie d'expliquer. Si vous partez de 1971 à 1975, l'année 1975 n'est pas représentative; 1971 ne l'est peut-être pas non plus. Quand vous parlez de 25 ans, je pense que vous avez une meilleure image.

M. Morin: Quand même, cela ne vous a pas amené à vous poser des questions sur vos hypothèses de 25 ans, ces cinq dernières années?

M. Boyd: On s'en pose toujours des questions. Annuellement, on revoit cela. On l'augmente ou on le baisse. On ajuste notre tir constamment. Dans le moment, on pense que, pour les années 1970 à 1975, c'est 7,2%. Ce n'est quand même pas si loin. De 1971 à 1973, c'est 14,7% pour cette dernière année. Je pense que, comme on dit, c'est une hypothèse. Basés sur notre expérience passée, on a étudié les différents facteurs qui peuvent nous instruire là-dessus. On a étudié trois scénarios que vous avez sur le tableau et que j'aimerais vous expliquer tout à l'heure. Il y a un scénario faible, un moyen et un fort. Vous retrouvez également cela dans le texte ici.

Est-ce que vous voyez bien? Si vous ne voyez pas... Est-ce que vous voyez?

Le Président (M. Séguin): Vous pouvez rapprocher.

M. Boyd: Je vais rapprocher. De toute façon, vous l'avez à la page 18 du texte qui s'appelle La prévision de la demande. C'est pour la période 1990 à 2000. Vous avez un scénario faible, moyen et fort. Une croissance démographique de 0,4%; une croissance économique de 3,5%. Je pense bien que ce n'est pas tellement fort. Une croissance des besoins énergétiques de 3,5%. Je ne pense pas que ce soit exagéré non plus. En ce qui concerne la croissance des besoins d'électricité pour le réseau provincial de l'Hydro-Québec, nous pensons, d'après nos hypothèses, qu'on va avoir un pourcentage d'augmentation de 7%.

Pour le scénario moyen, une croissance démographique de 0,5%; une croissance économique de 4%; une croissance des besoins énergétiques de 3,75%. Cela nous donne, d'après nos hypothèses, 7,75% d'augmentation annuelle de l'électricité. A ce moment, on prévoit, à moins que les règles du jeu ne changent, que les gens vont avoir opté pour l'électricité et que l'électricité va représenter dans cette période 45% de la demande globale d'énergie. Pour le scénario fort, 0,6% pour la croissance démographique; la croissance économique, 5%; la croissance des besoins énergétiques, 4,5%; la croissance des besoins d'énergie, 8,5%. A ce moment, la part d'électricité représente seulement 40% du marché. Avant qu'on me demande comment II se fait que cela descend à 40%, j'ajoute la demande serait tellement forte qu'on pense ne pas pouvoir toute la satisfaire, qu'on serait obligé de se contenter d'un pourcentage moins important dans l'énergie globale du Québec.

Je ne pense pas qu'on puisse mettre tellement en doute les facteurs énoncés. On peut critiquer ceux-là, si on veut, mais ce ne sont pas des facteurs très forts dans les concepts économiques.

M. Morin: Prenons votre scénario faible sur le plan démographique. Il n'est pas aussi faible que la réalité.

M. Boyd: Des indications nous prouvent que c'est en train de changer, d'après les renseignements qu'on a obtenus. Cela change dans le moment. La pilule est moins effective ou je ne sais quoi mais, apparemment, les naissances tendent à remonter.

M. Morin: Vous ne trouvez pas que votre chiffre de 0,4 est un peu fort pour un scénario faible?

M. Boyd: C'est notre hypothèse.

M. Cournoyer: ... il y en a d'autres qui ne sont pas capables.

M. Morin: La question est que j'aimerais bien

qu'on nous dise, par exemple, quelle a été la croissance démographique réelle depuis dix ans, par exemple. On verrait si le chiffre 0.4 a du sens. Je pense que la réalité a été beaucoup moins que cela. Il y a même des années où c'était 0.

M. Boyd: Sans doute notre personnel peut fournir les chiffres.

M. Morin: J'aimerais cela.

M. Boyd: Si on leur donne quelques minutes, je pense qu'ils ont les statistiques pour nous le dire. On pourra revenir à celui-ci, si vous voulez.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Je ne le mets pas loin, juste ici.

M. Morin: D'accord. Parce que si votre scénario faible ne correspond pas à la faiblesse réelle sur le plan démographique, aux chiffres que j'ai pu voir récemment, on peut se demander ce que devient votre scénario moyen et ce que devient votre scénario fort. Cela peut mettre en doute un certain nombre de vos hypothèses. J'ai hâte d'entendre l'explication de vos experts.

M. Boyd: D'accord. Si on traduit les trois scénarios en graphique, on voit ici les années. Vous avez 1975 à l'an 2000. Cela fait des milliers de mégawatts. Si on part de 1990 et qu'on applique les trois scénarios, on voit quand même que l'influence n'est pas tellement considérable. Dans le cas du scénario faible, nous anticipons une demande de 76 915 mégawatts, pour le scénario moyen, 82 480, pour le scénario fort, 88 404 mégawatts. Donc, dans les trois cas, ce sont des chiffres importants.

Mais supposons que ce soit 6 1/2 au lieu de 7 3/4. A partir d'ici, l'influence n'est pas tellement considérable. Nous, on ne la retient pas, parce que nous ne pensons pas que cela va arriver à moins qu'il y ait des coups de barre très importants donnés par le gouvernement pour diriger les besoins vers autre chose et que les gens acceptent aussi de réduire leur consommation d'énergie globale, c'est une chose, et, ayant accepté de la réduire, qu'on la conduise vers autre chose que l'électricité.

Une Voix: C'est intéressant.

M. Boyd: Oui, c'est intéressant. C'est dans le prospectus que l'Hydro-Québec dépose lors de ses emprunts. Celui-là est tout à fait récent. Cela a été déposé en novembre 1975 et ce sont les chiffres qu'on obtient du gouvernement du Québec. De 1970 à 1974, en utilisant le 1er juin comme point de repère de chacune des années, le taux annuel moyen est de 0,5%. C'est la réalité qu'on nous rapporte ici, elle est de 0,5%.

M. Morin: A un moment donné, cela a été presque 0.

M. Boyd: Notre chiffre de 0,4 est faible. On était en bas du chiffre de 0,5 qui est rapporté ici.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Le chiffre de 0,5 est exactement ce qui est rapporté ici de 1970 à 1974. Vous avez un astérisque ici qui dit que la croissance aura été supérieure à cette valeur au cours de la période de 1976 à 1990, d'après nos indications.

M. Morin: Cela, c'est pour le scénario moyen.

M. Boyd: On a des chiffres qui datent de plus loin. Prenons la population du Québec au 1er juin, le taux d'accroissement annuel moyen, de 1964 à 1975, a été de .94% et, de 1971 à 1975, de .57%. En 1975, il a été de .88%. Quant au nombre de nos abonnés cela augmente beaucoup plus vite parce que les gens ont deux résidences, certains, plus chanceux, en ont trois, les jeunes partent de la maison, etc. Donc, de 1964 à 1975, le nombre de nos abonnements, en moyenne, a augmenté de 3,32% par année; de 1971 à 1975, de 3,02% et, en 1975, de 2,82%.

M. Morin: C'est une façon de réconcilier nos chiffres. Votre 0.4% du scénario faible inclut l'immigration et non seulement la natalité.

M. Boyd: Toute la croissance démographique.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Les immigrants aussi...

M. Morin: Ils consomment de l'électricité, c'est bien sûr.

M. Boyd: Je pense qu'en utilisant 5, on est en deça de l'expérience passée. On utilise la moyenne des dernières années, de 1970 à 1974, tel que rapporté ici dans le dépliant de l'Hydro-Québec qui est fondé sur les renseignements fournis par la province. Alors, c'est ce que cela nous donne.

On me donne une autre statistique qui peut être intéressante. C'est la consommation d'énergie par abonnement moyen et par classe. Le domestique et l'agricole ont varié. En plus des abonnements additionnels, chacun, en moyenne, a augmenté de 3,9% en 1970; de 3,6% en 1971; de 6,9% en 1972; de 7,4% en 1973; de 9,5% en 1974 et de 5,5% en 1975.

A cela, il faut ajouter l'augmentation des abonnements.

De toute façon, j'insiste beaucoup pour dire que ce sont des hypothèses basées sur des données qui sont réalistes. Cela peut être erroné. Cela peut l'être en plus ou en moins. Il y a toujours une possibilité de corriger parce qu'on fait cela annuellement.

Mais le but de l'exercice n'est pas de commencer tout de suite à construire pour cette période; c'est de nous indiquer, à nous d'abord.

de l'Hydro, ce qu'on aura à prévoir si c'est ainsi et à vous, messieurs, au gouvernement, ce qui s'en vient.

On s'est toujours fait reprocher de ne pas avoir dit ce qui s'en venait. Ici, on vous le dit. On pense que c'est cela et on a de bonnes raisons de penser que c'est cela. Cela peut être moins, mais il y aura toujours moyen, à ce moment, d'ajuster notre tir ainsi si c'est ainsi.

M. Morin: M. Boyd, une ou deux questions. M. Boyd: Oui.

M. Morin: Vous nous avez mentionné des taux de croissance anticipée dans d'autres provinces canadiennes, particulièrement celles de l'Atlantique. Avez-vous les chiffres pour les Etats de la Nouvelle-Angleterre, en particulier l'Etat de New York, qui seraient peut-être des points de référence plus probants?

M. Boyd: J'en ai déjà eu. Sans doute qu'on doit les avoir.

M. Morin: Sur quelle hypothèse travaillent-ils en ce moment?

M. Boyd: Dans le moment, je ne le sais pas parce qu'ils ont eu des... On vous montrera, tout à l'heure, ce qu'ils paient pour l'électricité. Si on allait à cela, d'un seul coup, pour nous aussi cela ferait pencher la balance, mais on ne pense pas que notre public est prêt à payer de tels prix.

En fait, puisqu'on en parle, je ne sais pas s'il est là...

M. Morin: C'est parce que vous avez mentionné des taux de croissance dans les autres provinces...

M. Boyd: Oui.

M. Morin: ... et je pense que l'Ile-du-Prince-Edouard est une mauvaise référence pour autant que le Québec est concerné. Ce n'est pas la meilleure que vous puissiez donner, en tout cas.

M. Boyd: D'accord. Ce n'est pas important. En Colombie-Britannique, c'est au moins de 8% à 9%. C'est plus fort que nous, en tout cas.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Exactement. On peut me le préciser, mais je sais que c'est plus fort que ce que l'on prévoit, et en Ontario, c'est plus fort que ce qu'on prévoit ou égal. Là, ils ont des problèmes majeurs et j'aime autant ne pas me baser sur ce qui se passe dans le moment, parce que ce n'est pas significatif. Mais en Colombie-Britannique, c'est pas mal élevé et pas mal prospère. Cela se développe vite et c'est plus fort que nous dans le moment, de notre pronostic.

M. Morin: II y a une croissance démographique autrement plus sérieuse que la nôtre.

M. Boyd: Cela croît plus vite.

M. Morin: Si vous aviez des chiffres pour les Etats de la Nouvelle-Angleterre, cela compléterait le tableau.

M. Boyd: On a un certain nombre de chiffres pour répondre. On utilise les chiffres de 1974. La consommation moyenne domestique en 1974, au Québec était de 9520 kWh. American Electric Power, là-bas, c'est 9246 kWh; pourtant il fait moins froid que par ici. L'année 1964 étant l'indice 100, et on parle de dix ans, c'est maintenant de 179%, donc cela a augmenté de 79% en dix ans. Southern Company, en Californie également: 9825 kWh; l'indice, 182.

M. Morin: Oui, mais la Nouvelle-Angleterre?

M. Boyd: J'essaie d'en trouver. Consolidated Edison, 150%.

M. Morin: New York?

M. Boyd: Oui. La ville de New York, 150%.

M. Morin: Sur quoi basent-ils leurs prévisions d'avenir? Sur quoi fondent-ils leurs investissements? Sur quel genre de taux? Avez-vous cela?

M. Boyd: Non, je ne l'ai pas. Mais il faut admettre que, premièrement, ils ont beaucoup plus de gaz que nous en avons, et de l'huile aussi. C'est un facteur. A part cela, les tarifs d'électricité qu'ils ont à payer ne sont pas tout à fait pareils. Cela aussi a une influence.

M. Morin: Je le sais, parce qu'ils n'ont pas conservé et maintenant ils sont aux prises avec de très graves problèmes.

M. Boyd: Pour une consommation mensuelle de 1000 kWh, l'usage domestique, nous nous en allons tout de suite aux Etats-Unis, à l'Hydro-Québec, c'est $17.60. La note, ici, dit: Pour le Canada, ce sont des tarifs en vigueur depuis juillet 1976. Aux Etats-Unis, ce sont les tarifs en vigueur en mars 1976. A New York, cela coûte $75.59. C'est un facteur, dans la poche du citoyen. A Philadelphie, $49.24; à Détroit, Michigan $36.53; à Chicago, $38.32; Portland, $18.67; San Francisco, $26.33; au Tennessee, Chattanooga, — c'est le TVA—$24.09. Si on revient au Canada, dans les villes typiques importantes, dans leur province: Saint-Jean, Terre-Neuve, $22.84; Charlottetown, $42.24; Halifax, Nouvelle-Ecosse, $27.24; Monc-ton, Nouveau-Brunswick, $24.53; Toronto, $17.62 — on les bat par deux cents; Winnipeg, $20.00. On a souvent parlé de Winnipeg dans le passé. On disait qu'ils étaient plus bas que nous. Maintenant, ils viennent de nous dépasser. Régina, $18.93; Edmonton, $20.55; Vancouver, $24.98. L'Hydro, $17.60. C'est un facteur qui nous influence...

M. Morin: Seulement pour compléter les ren-

seignements que vous nous donnez, M. Boyd et qui sont fort intéressants, est-ce que vous avez des chiffres comparables et aussi exacts pour l'ensemble de la province de Terre-Neuve, l'ensemble de la Nouvelle-Ecosse, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique?

M. Boyd: Oui. On peut les obtenir d'eux directement ou peut-être qu'on les a ici, je ne sais pas.

M. Morin: De même pour l'ensemble de l'Etat de New York et pas seulement la ville de New York, l'ensemble du Michigan, etc.

M. Boyd: Oui, on peut avoir tous ces chiffres-là. Je ne sais pas si on les a tous ici.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: C'est certain que la ville de New York a le tarif le plus élevé dans l'Etat de New York.

M. Morin: Bien sûr.

M. Boyd: A cause du coût de la distribution, etc.

M. Morin: Oui, c'est pour cela que je vous demandais des chiffres qui soient plus étendus que ceux-là.

M. Boyd: Voulez-vous que je vous donne des chiffres plus complets sur le taux de croissance de la population? Par exemple, je vous ai donné de 1971 à 1974. C'était .5%.

M. Morin: .5%.

M. Boyd: De 1971 à 1975, c'est .7%. Donc, cela remonte. Au Nouveau-Brunswick, on déclare que de 1971 à 1975 cela a été de 1,5%. Toutes les statistiques que vous avez demandées, je ne sais pas si je les ai. Vous en avez demandé plusieurs, mais on peut certainement vous les fournir à un autre moment, si vous le voulez.

M. Morin: En particulier, ce tableau qui me paraîtrait peut-être plus éloquent, qui donnerait non pas seulement New York, mais l'Etat de New York.

M. Boyd: D'accord.

M. Morin: Cela nous donnerait peut-être une moyenne mieux étalée.

M. Boyd: Est-ce qu'il y en a d'autres pour nous guider dans...

M. Morin: C'est surtout la Nouvelle-Angleterre qui m'intéresse, parce que c'est peut-être les gens qui sont le plus près de nous, avec lesquels on peut établir les comparaisons les plus probantes. D'aller se promener à Portland, Oregon, ou en Californie, je trouve cela moins probant comme chiffres.

M. Boyd: C'est un voyage intéressant, mais à part cela...

M. Morin: Oui, bien sûr. Sur le plan touristique, vous avez parfaitement raison.

M. Boyd: A Portland, Oregon, ce qui est intéressant, c'est qu'on a un réseau majoritairement hydraulique encore. C'est pour cela qu'on a un tel tarif.

M. Morin: Oui, $18.67.

M. Boyd: C'est un facteur...

M. Cournoyer: M. Boyd, il y a une affaire qui m'énerve un peu. Il y a déjà un bout de temps que je suis en discussion avec le gouvernement fédéral et apparemment l'Ontario en arrache bien gros en électricité. Etes-vous capable de m'expliquer comment à Toronto on paie $17.62 et l'Hydro-Québec $17.60 alors que nous sommes à peu près à 99% d'hydraulique, donc avec les avantages de l'hydraulique, alors qu'en Ontario, les gens n'ont absolument pas le même avantage hydroélectrique que nous avons ici. Comment est-ce que cela arrive à $17.62 par rapport à $17.60 au Québec?

M. Boyd: L'explication qu'on peut donner, c'est qu'à Toronto c'est un réseau municipal qui a des contrats avec l'Hydro-Ontario à des conditions qui sont peut-être plus favorables que d'autres, parce que c'est Toronto. Toronto achète l'électricité en gros à haut voltage et il y a un réseau qui est probablement amorti en grande partie, et on peut encore vendre à ce taux-là. Ils viennent de l'augmenter. Tandis que nous, l'Hydro-Québec, $17.60 s'appliquent aux Iles-de-la-Madeleine, à la Gaspésie, l'Abitibi, au Lac-Saint-Jean et partout. Il n'y a qu'un tarif maintenant pour le secteur domestique. C'est un tarif moyen. En Ontario, il y a au-delà de 300 réseaux municipaux, des commissions — la plupart s'appellent des commissions municipales — qui toutes achètent l'énergie en gros de l'Hydro-Ontario. Si vous voyiez le système de tarification, c'est effarant de voir cela, à l'Hydro-Ontario. L'Hydro-Ontario est obligée de surveiller la tarification de toutes ces municipalités. J'espère que jamais au Québec on ne tombera dans un piège comme celui-là. Ce qui fait qu'en Ontario, tous ces réseaux municipaux ont des tarifs différents. On a pris celui-là, parce que c'est ce qui se compare le mieux avec l'Hydro-Québec. Remarquez qu'on n'a pas mis Montréal, c'est la différence.

M. Houde (Abitibi-Est): Avez-vous un coût moyen des tarifs de l'Hydro-Ontario pour l'ensemble de l'Ontario?

M. Boyd: Peut-être qu'on l'a; c'est une autre chose qu'on pourrait vous fournir au besoin.

M. Morin: C'est ça que je demandais tout à l'heure; ce serait peut-être plus révélateur.

M. Cournoyer: M. le Président, juste une ques-

tion dans la même ligne de pensée. Notre $17.60 est applicable à tous les consommateurs d'énergie à basse puissance.

M. Boyd: Quel pourcentage?

M. Cournoyer: On parle toujours ici de l'usage domestique.

M. Boyd: Ce sont des tarifs typiques domestiques, oui.

M. Cournoyer: On essaie de vérifier l'affirmation que j'ai faite ce matin. Domestique, c'est $17.60; l'industriel se situe à quel niveau actuellement?

M. Boyd: C'est moins que ça.

M. Cournoyer: C'est moins que ça.

M. Boyd: Mais ce n'est pas facilement comparable d'un autre côté, parce qu'ici on ne parle que de kilowatts-heures, tandis que, dans l'industriel, vous avez des compteurs à demande qui peuvent être très importants pour la facture à la fin du mois. Le tarif...

M. Cournoyer: Chaque contrat industriel...

M. Boyd: ... moyen industriel, je pense qu'on peut le trouver dans le rapport annuel de l'Hydro-Québec.

M. Cournoyer: Le tarif moyen industriel.

M. Boyd: Le tarif moyen industriel, oui. Mais autrement, comme vous le savez, il y a des contrats industriels qui datent d'un certain nombre d'années. Il y en a qui sont renouvelés, etc. Vous avez des contrats de différente importance; pour arriver à quelque chose de comparable à ça, ce serait très difficile. Tout ce qu'on peut trouver de plus facile pour répondre rapidement, c'est que, dans l'industriel, en 1975, le revenu moyen par kilowatt-heure à l'Hydro-Québec, pour le service domestique et agricole, était de $0.01,68; le service commercial incluant le municipal était de $0.01,64; le service industriel énergie, souscrite, était de $0.891.

Evidemment, on dira tout de suite que c'est bien moins cher, mais il faut se rappeler que c'est de l'énergie qui est livrée à haute tension, ça peut être 12, 25, 110, 300 kV. Notre loi à l'Hydro prévoit qu'on doit livrer l'énergie le plus près possible du prix coûtant. Donc, la différence entre ce prix moyen, le prix domestique et l'industriel, devrait normalement représenter la différence de vente d'énergie à l'abonné à 100 volts et à l'abonné haute tension.

M. Cournoyer: J'imagine que ce sera une autre discussion à un moment plus éloigné parce qu'on est encore dans la demande et on est tombé facilement dans le domaine du coût et de la tarification.

M. Boyd: Je regrette, mais...

M. Cournoyer: Je ne voudrais pas me laisser entraîner, c'est un exemple que vous avez donné quant à la demande.

M. Boyd: ...c'était pour expliquer une des raisons qui font que ces gens ont été ralentis à un moment donné. C'est un facteur de ralentissement, quand c'est trop fort.

M. Perreault: Le coût maintenant pour mille kilowatts-heures pour nos réseaux municipaux? On a encore quelques réseaux municipaux dans la province qui font la distribution.

M. Boyd: En général, les quelques réseaux municipaux qu'on a...

M. Perreault: Joliette, par exemple.

M. Boyd: On pourra vous le donner. Je pense qu'à Joliette les tarifs sont légèrement plus élevés que ceux de l'Hydro-Québec.

M. Perreault: J'aimerais les avoir.

M. Boyd: Si vous voulez prendre note de ça, on pourra vous le donner.

M. Perreault: Merci.

M. Morin: M. Boyd, vous nous dites que vous vous fondez sur une hypothèse d'un taux de croissance annuel de 7 3/4%. Voulez-vous nous rappeler, pour les cinq dernières années, quelles ont été vos prévisions antérieurement? Autrement dit, en 1971, quelle était votre estimation? Quelle était votre hypothèse de travail? En 1972, et ainsi de suite. J'aimerais voir si vous avez adapté vos hypothèses de travail avec une certaine souplesse à la conjoncture, à l'évolution de la croissance de la demande.

M. Boyd: On les modifie annuellement. On refait cela annuellement. En 1971, c'était peut-être 7,5%, quelque chose comme cela.

M. Morin: Peut-être? Ou...

M. Boyd: Je dis cela de mémoire. On a certainement les chiffres. Le facteur exact...

M. Cournoyer: La moyenne de 1963 à 1973 a été effectivement de 7 3/4%.

M. Boyd: Mais les prévisions qu'on a faites en 1970, pour 1971, on a cela. Cela a pu avoir varié légèrement.

M. Morin: Ce n'est pas de cela que je parle. Je ne parle pas de vos prévisions en 1970, pour 1971. Je parle de votre hypothèse de travail pour les prochaines années.

M. Boyd: Pour dix ans? Pour cinq ans?

M. Morin: Oui. Quelle était-elle en 1970, en 1971, en 1972? Avez-vous un...

M. Boyd: Oui, on a cela, mais je peux vous dire que c'est à peu près la même chose qu'on vous donne là. C'était peut-être 7,9% en fait. En 1971, 1972, on a planifié, on a discuté des programmes, de nos besoins, et on a décidé d'aménager La Grande pour nous produire l'énergie nécessaire entre les années 1980 et 1985.

J'arriverai tout à l'heure à une autre courbe pour illustrer le fait des surplus dont on parle beaucoup. Il n'y en a pas tellement. La Baie James a été construite spécifiquement pour répondre aux besoins du Québec, basés sur une demande prévue dans les années 1980 à 1985.

Entre les années 1980 à 1985 il nous fallait ajouter 10 000 MW. On a choisi, à ce moment-là, de les prendre à la baie James.

Une Voix: ...

M. Morin: Oui.

M. Boyd: On peut mentionner le mot tragique. C'était basé sur environ 7,5%, je pense.

M. Houde (Abitibi-Est): M. Boyd, entre...

M. Boyd: Excusez.

On a ici un tableau indiquant les écarts entre nos prévisions et la réalité depuis 1963; certaines années sont en moins et d'autres sont en plus. Si on fait la somme de tous ces plus et de tous ces moins, pour les années comprises entre 1963 et 1974, l'équation moyenne vous donne 4,6% d'erreur.

M. Houde (Abitibi-Est): D'erreur, en plus.

M. Boyd: D'erreur, en plus, mais sur une période de douze ans. Ce n'est pas beaucoup par année.

M. Morin: Mais vous me parlez là des prévisions seulement pour l'année suivante, en 1970, pour 1971? Ou vous me parlez du taux que vous teniez pour acquis peut-être pour l'avenir?

M. Boyd: C'étaient les taux de prévision qu'on avait et qu'on corrigeait annuellement.

M. Morin: Bon. Est-ce que vous avez, par hasard—je vois que vous avez un tableau— le taux de croissance prévu en 1970, en 1971 et pour les diverses années?

M. Boyd: Je ne les ai pas dans le moment. On les obtiendra. Certainement qu'on les a au bureau.

M. Morin: J'aimerais obtenir cela si c'était possible.

M. Boyd, nous étions passés à un autre sujet, nous étions passés au coût du kWh pour usage domestique, ce qui est relié naturellement à la demande, mais qui est quand même un sujet un peu différent.

M. Boyd: Oui.

M. Morin: J'aurais une autre question à vous poser. Supposons que, par pure hypothèse, je voudrais essayer de mesurer ce que pourrait signifier un écart de 1% dans le taux de croissance moyen que vous avez projeté dans l'avenir.

Si, par exemple, c'est une question purement hypothétique, qui nous permettrait de mesurer simplement les conséquences de cela, au lieu de 8% ou de 7,75%, on avait un taux de...

M. Boyd: A partir de maintenant ou à partir d'ici?

M. Morin: Bien, on peut envisager les deux hypothèses, si vous voulez, moi, j'aimerais bien entendre votre réponse aux deux questions. Prenons de 1975 à 1980...

M. Boyd: Je vais répondre à la première. Nous pensons que c'est impossible de penser à cela pour le moment, et il est très tard pour influencer la demande d'ici dix ans.

M. Morin: Alors, d'ici 1980?

M. Boyd: On est figé pas mal, il n'y a pas moyen de mettre la pédale douce.

M. Morin: II n'y a pas d'élasticité là-dedans, j'en conviens.

M. Boyd: Pas beaucoup. M. Morin: D'accord.

M. Boyd: Ce serait donc à partir d'ici. Je ne sais pas si on l'a ici, mais je connais les exercices qu'on a faits. Si, au lieu de 7,75% ou de 7,50%, on avait 6,75% ou 6,50%... on a fait ces exercices. Voulez-vous ces chiffres?

On les aura, mais on ne les a pas ici.

M. Morin: Oui.

Je prends un exemple très hypothétique pour illustrer mon propos. Mettons une croissance de 6% au lieu de 7,75%, pourriez-vous nous dire de quel pourcentage cela réduirait le programme d'équipements requis? D'après ce que je peux avoir sous les yeux, cela signifierait, cette différence de 6% à 7,75%, une réduction de l'ordre de 25% dans le programme d'équipements requis. Donc, les erreurs de 1% ou de 2% peuvent avoir des conséquences extrêmement importantes pour le programme d'équipements.

M. Boyd: Je suis d'accord avec vous, mais je vous ai bien signalé que, de 1975 à 1985, il était trop tard...

M. Morin: Je suis d'accord.

M. Boyd: Pour les années à venir, je suis entièrement d'accord avec vous que 1,50% et 1,75%, cela peut avoir une très grande influence, c'est cumulatif, on n'a pas d'objection à cela. Si c'était 6%, je n'aurais pas d'objection non plus, mais, pour information, on va vous fournir les chiffres.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: C'est évident qu'au lieu d'être comme cela, je ne sais pas, cela peut être de même, mais même cela, c'est beaucoup.

M. Morin: Ce serait considérable, et si c'était tel que vous l'indiquez, je pense que la baisse dans le programme d'équipements serait encore plus considérable que 25%.

M. Perreault: Je vois, M. Boyd, à la page 15, d'ailleurs, à votre hypothèse faible, que à la courbe entre votre hypothèse faible et votre hypothèse forte, il y a 7% et 8,5%. Dans l'hypothèse forte, vous avez 8,5% de croissance annuelle et 7% dans l'hypothèse faible.

M. Boyd: Oui, cela est un taux de croissance, comme on a dit tout à l'heure, de 8,5%...

M. Perreault: Ce qui donnerait 1,5%.

M. Boyd: Puis, celui-là, c'est de 7%. On a là l'effet de 1,5%.

M. Perreault: Sur la baie James.

M. Boyd: En fait, on a quasiment directement la réponse là. A ce niveau, 1,5% fait cela.

M. Perreault: C'est sur la baie James.

M. Boyd: Et 88 404 mégawatts puis 77 000 mégawatts, cela fait l'équivalent de la Grande.

M. Perreault: 8000 mégawatts. M. Morin: C'est cela.

M. Boyd: Oui, oui, on n'est pas contre cela. On est d'accord sur cela. Si, on fait cela pour avoir une indication et, en fait, pour informer de l'état de ce que ce pourrait être, je tiens à rappeler que si on avait ceci ou que si on avait cela, ce serait encore beaucoup, mais cela dépendrait d'un tas de facteurs. Peut-être qu'on aurait une croissance démographique négative, peut-être qu'au lieu de 3,5% de croissance économique, on s'en irait dans la dèche, des tas de choses, mais, malgré tout, on continuerait de prendre plus d'énergie, mais on aurait bien de la difficulté à atteindre cela. Personnellement, mon opinion, c'est que, le gouvernement de l'Ontario, qui a décidé que cela va être 5,5% à l'avenir, se met un doigt dans l'oeil jusqu'en arrière. Cela va lui créer des problèmes.

M. Morin: Mais il y a une commission d'étude sur les besoins...

M. Boyd: II y en a plusieurs commissions royales et autres et, de l'une à l'autre, il n'a pas encore trouvé la solution à ses problèmes. Cela dépasse...

M. Cournoyer: M. le Président, j'espère bien qu'on comprend que, lorsque le gouvernement de l'Ontario a pris cette décision, il a décidé de donner l'ordre a l'Hydro-Ontario de trouver les moyens pour persuader la population qu'il n'augmenterait pas la production d'électricité à plus que tant, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement un "dream" qu'il a fait. Même si vous vouliez changer demain matin les comportements des gens, ce n'est pas par ordre du gouvernement que cela se ferait.

M. Morin: Non, ce n'est pas par ordre du gouvernement, mais c'est par un certain nombre de choix sociaux exprimés publiquement et qui ont l'appui ou qui n'obtiennent pas l'appui de la population, mais encore faut-il que le gouvernement, à un moment donné, se décide, serait-ce, par des options sociales, qu'il en fasse part à la population. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas au Québec. Forcément, il est pris à essayer de mesurer.

M. Cournoyer: Ne faites pas exprès, là. C'est sérieux, l'affaire.

M. Boyd: Je pense, M. Morin, lorsqu'on fait des courbes de cette sorte et qu'on les fait en couleur, à part cela, et qu'on met cela dans un rapport, on signale, on donne l'indication de ce que cela peut être. On dit que cela pourrait être comme cela aussi. Si on est rationné dans l'huile au Québec et dans le gaz, si les prix que nous donnent les gens qui les contrôlent font que n'importe quelle forme d'électricité, peu importe la source, si c'est encore plus économique pour le Québec, je pense qu'à ce moment, les gouvernements, qui seront là, seront obligés de dire: Ce n'est pas cela qu'il faut, il va falloir cela. Ce n'est pas ce qu'on pense. On pense que cela va être la moyenne ici. Les hypothèses sont aussi bonnes comme cela que comme cela. On n'a pas beaucoup de contrôle sur les prix de l'huile ici et les prix du gaz.

M. Cournoyer: Si les politiciens ont pris cela, vous n'avez plus le contrôle sur rien.

M. Boyd: C'est cela.

M. Houde (Abitibi-Est): M. Boyd, quand vous faites vos courbes, vous tenez compte, naturellement, des sources de remplacement de l'énergie, le pétrole ou l'énergie nucléaire ou d'autres formes d'énergie?

M. Boyd: On a supposé qu'à cette période, l'électricité, au lieu d'occuper 25% du champ, occuperait 45% du champ.

M. Morin: M. Boyd, il y a divers facteurs qui ont été mentionnés dans les exposés jusqu'ici, qui

peuvent nous permettre de croire que peut-être la demande future pourrait être encore plus forte, vous avez fait allusion aux courbes encore plus fortes. Est -ce que vous avez calculé ce que cela représenterait si d'ici 1990, par exemple, le nombre de foyers chauffés à l'électricité passait — je pense que c'est une possibilité qui a été évoquée— de 15% à 60%?

M. Boyd: Je pense que ce serait assez phénoménal. Je ne sais pas si on pourrait rencontrer cette demande, parce qu'actuellement, avec le nombre de nouvelles résidences qui se construisent, le chauffage électrique représente environ de 60% des nouvelles résidences. Dans l'ensemble du Québec, c'est entre 15% et 20%, peut-être 15% ou 16%...

M. Morin: C'est votre propre texte qui nous dit, à la page 14, le texte sur la demande...

M. Boyd: Oui.

M. Morin: Vous l'avez à la page 14. D'ici 1990, c'est de façon marquée que l'électricité se substituera aux autres formes d'énergie pour le chauffage des habitations. Elle devrait occuper en 1990, si les tendances actuelles se maintiennent, environ 60% du marché du chauffage pour les secteurs domestiques et agricoles...

M. Boyd: Oui, si elles se maintiennent. Je vous l'ai dit, depuis quelques années, depuis deux ou trois ans, les nouvelles résidences sont à 60% électrifiées, dans le moment. On dit: Si cela se maintient jusqu'en 1990, on aura atteint 60%, parce que d'ici 1990, cela fait quinze ans. Si cela continuait comme cela, on occuperait le marché en grand. Je ne dis pas que c'est l'idéal, mais je dis que c'est une possibilité.

M. Morin: Qui n'est pas souhaitable.

M. Boyd: Evidemment, je parle des nouvelles résidences. Il y a beaucoup de gens qui convertissent de vieilles résidences. C'est un problème très sérieux en ce moment, les gens qui convertissent de vieilles maisons à l'électricité. Souvent, cela amène des factures très élevées, parce qu'elles ne sont pas isolées, comme on le recommande. Quand on parle de conservation, cela fait déjà plusieurs années qu'à l'Hydro, on incite les abonnés à conserver l'énergie.

En fait, les facteurs d'isolation qu'on a toujours exigés pour le chauffage électrique, dans le sens de la conservation, puisque le gouvernement fédéral l'exige dans le moment et puisque même le gouvernement provincial, par sa Société d'habitation, l'exige. Cela, c'est à travers le Canada, l'Association canadienne de l'électricité. Cela fait au moins trois ou quatre ans qu'on fait la promotion de ces normes. On demande aux différents gouvernements d'utiliser ces normes pour conserver l'énergie. Une des grosses utilisations d'énergie au Canada est le chauffage; il y a bien des cas où on chauffe le dehors. Il y a des tas de maisons qui sont construites, avec des hypothèques de différentes formes, qui ne sont même pas isolées pour chauffer à l'électricité, au gaz, à l'huile ni à rien. C'est très mal isolé. C'est peut-être le facteur où on peut réagir le plus vite pour la conservation; cela et les automobiles.

M. Morin: Là, je prends votre propre texte. Vous nous dites que si les tendances actuelles se maintiennent, cela veut dire environ 60% du marché du chauffage pour les secteurs domestique et agricole alors qu'actuellement c'est de l'ordre de 15%. Dans quelle mesure ces 60% modifient-ils vos courbes? En avez-vous tenu compte dans l'hypothèse forte, par exemple?

M. Boyd: Oui.

M. Morin: Est-ce que l'hypothèse forte reflète...

M. Boyd: Dans l'hypothèse forte, il y a certainement beaucoup de chauffage et aussi du transport en commun à l'électricité.

M. Morin: Y a-t-il 60% du marché du chauffage?

M. Boyd: Je ne sais pas qui a fait... Oui, je l'ai dit tout à l'heure. La pénétration actuelle est 60%. En plus de cela, il y a de la conversion.

M. Morin: Je ne voudrais pas qu'on se méprenne sur...

M. Boyd: II y a une question: Dans l'hypothèse forte où on parle de 8 1/2%...

M. Morin: Oui, c'est cela. Je veux savoir si cela inclut...

M. Boyd: ...est-ce que le chauffage, à ce moment-là, a pénétré à 60%?

M. Morin: C'est cela.

M. Boyd: Je dirais qu'il y a de grosses chances que ce soit le cas, mais on peut vérifier.

M. Morin: Si c'était possible de vérifier.

M. Boyd: Oui, on peut vérifier et on vous donnera la réponse.

M. Morin: Pourriez-vous me donner un petit renseignement encore sur la question de la demande? Il a été un temps où l'équipement en chauffe-eau, avec toute la publicité qui a été faite autour de cette amélioration des conditions de vie, a constitué un facteur de croissance important; est-ce que cela demeure un facteur de croissance important ou est-ce que, maintenant, la plupart des maisons étant équipées de la sorte, cela plafonne comme facteur de croissance?

M. Boyd: C'est encore un facteur de croissance important, mais moins que cela ne l'a été. Autrefois, le chauffage de l'eau était au gaz ou à l'huile. Dans bien des cas, c'étaient des chauffe-eau qui n'étaient pas isolés, alors on chauffait les sous-sols avec le chauffe-eau. Cela a été un facteur important. On a fait de la promotion un bout de temps et je pense que c'était justifié. Je voudrais insister là-dessus un peu. Je l'ai mentionné tout à l'heure. Il y a eu une période où l'huile et le gaz faisaient une promotion très forte pour les chauffe-eau et le chauffage pour les nouveaux projets. Ce qui voulait dire que si on restait assis et qu'on ne faisait rien pour essayer, dans certains cas, de pénétrer nous aussi avec ces deux sources, on était quand même obligé de bâtir des réseaux de distribution, et tout ce qu'il y aurait eu de raccordé dessus, c'est l'éclairage.

L'éclairage est un faible consommateur d'énergie. Les abonnés auraient été obligés de payer plus cher pour leur 10 kWh d'électricité pour amortir les installations qui auraient été presque identiques à celles qu'on a maintenant pour des charges plus importantes. C'est-à-dire qu'au kWh cela aurait coûté beaucoup plus cher. Pour maintenir une certaine concurrence dans nos tarifs, il a fallu faire une certaine promotion. Dans le contexte énergétique qu'on a connu et aussi le contexte économique, on a décidé d'abandonner ces promotions.

Une Voix: II y en a qui continuent quand même.

M. Boyd: II y a des gens qui continuent quand même parce qu'ils trouvent que c'est une meilleure forme d'énergie, que c'est plus propre, que c'est plus flexible, que c'est moins dangereux pour le feu. Il y a toutes sortes d'avantages en faveur de l'électricité. En plus, dans le moment, cela coûte moins cher que l'huile.

Même avec nos trois augmentations de 10% de suite, cela coûte moins cher chauffer à l'électricité dans le moment que chauffer à l'huile. Je pense que c'est un autre facteur dont il faut se souvenir.

M. Cournoyer: Sauf aux Iles-de-la-Madeleine. Non. Cela coûte moins cher pas mal aux Iles-de-la-Madeleine.

M. Boyd: Aux Iles-de-la-Madeleine... M. Cournoyer: Pas mal moins cher.

M. Boyd: ... ils paient la même chose qu'à Montréal. Et nous, livrer de l'énergie aux Iles-de-la-Madeleine, cela nous coûte dix fois ce qu'ils paient. C'est pour cela, M. Cournoyer, que cela a de l'influence sur les tarifs de l'Hydro-Québec.

M. Morin: M. Boyd, au sujet de vos taux de croissance projetée, si je comprends bien, d'ici 1990, il y a très peu d'élasticité. Vous êtes déjà engagé dans un processus...

M. Boyd: Surtout 1985, 1990, cela aurait peut-être un certain effet, mais d'ici 1985...

M. Morin: Mais après 1990, vous êtes encore en mesure de refaire vos projets d'équipement dans la mesure où vos prévisions pourraient être affectées à la hausse ou à la baisse.

M. Boyd: Certainement. Tout à l'heure, on vous parlera du programme d'équipement qu'on prévoit. De 1976 à 1985, c'est un programme d'équipement qui est approuvé par la commission à l'Hydro. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre là-dedans. Il faut marcher avec cela. De 1985 à 1990, M. Monty, je crois, vous expliquera ce qu'on envisage comme programme d'équipement, comme programme témoin ou type. Ce n'est pas encore un programme approuvé. Il faudra prendre des décisions dans certains cas, avant longtemps, mais c'est un programme type.

Alors, s'il y avait des changements, on peut le changer le mois prochain ou l'année prochaine.

M. Morin: De sorte que vos 7,75% sont une hypothèse de travail, mais vous êtes prêt à les remettre en question, selon les circonstances et pour... Laissez-moi terminer ma question. Et en ce qui concerne le programme d'équipement, donc il peut être adapté, du moins, après 1985. Cela n'a pas de conséquence catastrophiques du point de vue équipement, du point de vue coût. S'il y a hausse ou baisse, il est encore temps de s'ajuster.

M. Boyd: Oui et on fait cela annuellement. On fait des ajustements chaque année.

M. Morin: Pourrais-je vous poser...

M. Cournoyer: Seulement une précision parce que je voudrais bien qu'on comprenne bien la remarque du chef de l'Opposition. Et surtout, la discussion porte toujours sur une évaluation de la demande, de laquelle, évaluation, l'Hydro-Québec n'est pas maître. Elle dit: Voici l'évaluation que nous faisons de la demande en basant le raisonnement sur un certain nombre de facteurs ou de données. Avec cette demande, on entendra parler bientôt du programme d'équipement prévu.

Au moment où on se parle, il est question de demande, toujours, et on reste dans le domaine de la demande. Cela ne veut pas dire que l'Hydro-Québec doit ou a dans ses plans de rencontrer les pointes que nous voyons là, selon l'un ou l'autre des scénarios. Elle établit la demande et on verra très certainement plus tard le programme d'équipement.

M. Morin: J'ai bien entendu, mais le programme d'équipement reflète bien sûr les hypothèses des taux de croissance.

M. Cournoyer: L'évaluation de la demande. Oui, mais les taux de croissance qui sont ici, ce n'est pas l'Hydro-Québec qui est maîtresse de cela. C'est une constatation.

M. Morin: C'est juste. C'est à partir des données objectives de la situation...

M. Cournoyer: C'est cela.

M. Morin: ... qu'ils essaient de tracer un tableau des taux de croissance. Là-dessus, il n'y a pas de querelle. Je pense que c'est clair. Je ne pense pas qu'il y ait des questions sur la demande, M. le Président.

M. Boyd, si vous voulez, on va s'éloigner un peu des tableaux. Je ne sais pas si vous pourriez répondre à une ou deux autres questions pour ce qui est de la demande de pointe en 1975. Je ne sais pas si c'est à vous que je devrais poser la question, mais elle a été, en décembre, de 12 478 mégawatts, d'après votre rapport d'activités, à la page 10. N'eût été la grève des pâtes et papiers qui représentait 350 mégawatts de moins, l'Hydro-Québec était-elle en mesure de répondre à cette demande?

M. Boyd: Oui. Nous aurions été en mesure d'y répondre.

M. Morin: Parce que, sans Tracy, vous disposiez de 12 644 mégawatts. Je ne sais pas si mes chiffres sont exacts.

M. Boyd: Peut-être que M. Villeneuve peut répondre à cela plus directement. C'est lui qui dirige le réseau.

M. Morin: C'est pour cela que je me demandais si c'était à vous que je devais poser la question.

M. Boyd: Je pourrais y répondre aussi, mais lui, il a les chiffres tous les jours. Peut-être pourrait-il vous répondre.

M. Cournoyer: Je choisirais de répéter la question que j'ai posée au président Giroux tantôt. On a peut-être posé trop de questions en même temps. M. Villeneuve pourrait-il faire la différence entre la puissance installée et ce qui est demandé à un moment donné, donc l'énergie fournie; ce qui a été fourni à la date qui est précisée ici, mais par rapport à la puissance installée, ne fût-ce que pour les minutes? Je sais que le chef parlementaire de l'Opposition sait tout cela, mais...

M. Morin: Je n'ai rien dit.

M. Cournoyer: Non, mais je sais que vous savez tout cela.

M. Morin: Je vais entendre les explications avec autant d'intérêt que vous. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on les donne.

M. Cournoyer: Merci.

M. Boyd: On a parlé de surplus tout à l'heure. En fait, je peux en parler?

M. Cournoyer: Oui, s'il vous plaît. M. Boyd: Pendant que...

M. Cournoyer: Cela porte à peu près sur le même sujet, de toute façon.

M. Boyd: Pardon?

M. Cournoyer: C'est sur le même sujet.

M. Boyd: Oui. On va vous répondre dans un instant. M. Villeneuve cherche. Ici, si vous vous référez au texte, à la page 21, on parle des surplus d'électricité. Si on voit cela vite, à la page 21, il y a deux types de surplus: les surplus de puissance — cela répond peut-être un peu à la question du ministre tout à l'heure — quand la puissance installée excède temporairement la puissance requise pour satisfaire la demande, tout en assurant une certaine marge de sécurité ou réserve et en permettant l'entretien des installations. Il y a ensuite les surplus d'énergie — ce sont deux choses assez différentes — qui se produisent quand les réserves d'eau et éventuellement de combustible sont supérieures aux réserves requises pour satisfaire le besoin d'énergie électrique souscrite des abonnés québécois de l'Hydro-Québec.

Pourquoi avons-nous des surplus à l'Hydro? Vous avez les raisons, ici. Je crois qu'il y en a cinq qui font que, l'Hydro-Québec étant surtout un réseau hydroélectrique, on a des surplus.

M. Perreault: Les principales causes par ordre d'importance?

M. Boyd: Je vais les citer toutes les cinq. Elles sont en gros et facile à lire dans le texte. La demande de la clientèle québécoise de l'Hydro-Québec est beaucoup plus forte en hiver qu'en été.

M. Morin: On pouvait s'en douter.

M. Boyd: C'est un des facteurs importants et tout le monde le sait; on en a assez parlé dans les journaux, etc. Deuxièmement, l'hydraulicité dépasse à certains moments la capacité d'emmagasinement des réservoirs. Quand les réservoirs sont pleins, c'est de l'argent en banque, mais, plutôt que cela déborde, on cherche des gens qui peuvent l'utiliser. Troisièmement, la demande peut être inférieure à ce qui avait été prévu. On en a parlé tout à l'heure; on se corrige automatiquement. Quatrièmement, d'importants blocs de puissance et d'énergie deviennent disponibles en un bref délai lors de la mise en service de nouvelles installations hydroélectriques. De plus en plus, les unités sont considérables; il y en a de 200 mégawatts, 300 mégawatts qui entrent rapidement au rythme de leur construction. Pour une période qui est souvent assez courte, on en a de trop. Cinquièmement, il est souvent justifié du point de vue

économique de devancer l'installation de certains équipements de production.

Là-dessus, si on était assez riche, je pense que l'idéal serait de construire le plus vite possible et on trouverait toujours des gens pour l'acheter. Mais c'est un autre problème. C'est un facteur qui serait intéressant. Il y a eu des cas, comme à Churchill Falls, où il a été possible de devancer l'installation des machines et, avec cela, nous avons eu de l'énergie où on a fait de l'argent. Ici, on a beaucoup parlé de vente à l'extérieur et de vendre le surplus. J'ai voulu faire graphiquement une illustration du peu d'importance relative que cela aura. Vous avez la légende, ici. Evidemment, le trait plein, c'est l'énergie souscrite vendue aux abonnés québécois. Le cercle ici, c'est l'électricité souscrite vendue hors du Québec. Le bleu, c'est l'électricité excédentaire vendue hors du Québec et le rouge, c'est l'électricité excédentaire vendue au Québec. Vous voyez que relativement c'est peu et plus on avance dans le temps, moins c'est important, relativement.

En 1980, vous voyez que notre production devrait atteindre 92 000 ou 93 000 gigawatts-heures alors que l'énergie excédentaire est très faible, l'énergie vendue hors du Québec également. On voit qu'on est passé par une pointe, ici, d'énergie souscrite, vendue hors du Québec et qu'on s'en va en diminuant à presque rien. C'était ici les contrats d'énergie vendue, souscrite à l'Hydro-Ontario et l'énergie souscrite au Nouveau-Brunswick. Alors, pour l'énergie vendue à l'Hydro-Ontario, le contrat se termine à la fin de 1976 et je ne pense pas qu'il y ait renouvellement. Le contrat d'énergie souscrite 300 mégawatts au Nouveau-Brunswick se termine en 1977. Donc, le peu qui reste ici va se terminer probablement en 1982, ce sont les 800 mégawatts qui sont vendus en période d'été seulement à l'Etat de New York.

Graphiquement, je pense que cela remet dans sa perspective ce qui est vendu en dehors du Québec, choisi une année en particulier qui est l'année 1980. C'est par hasard que j'ai pris 1980. Vous voyez, cela déborde et cela sort de la carte. Ce sont les fantaisies des relations publiques qui nous ont fait cela.

M. Morin: Ce n'est pas gentil, M. Boyd, ce que vous dites-là. Je suis sûr qu'ils ont voulu vous aider avec leur petit dépliant.

M. Boyd: Oui, si je l'ai laissé, c'est parce que je trouvais cela impressionnant.

Alors, vous avez l'énergie vendue à l'extérieur du Québec, qui représente environ en 1980, 8000 gigawatts-heures, alors que l'énergie souscrite vendue au Québécois, à ce moment-là, est de 93 800 gigawatts-heures. J'espère qu'avec cela on réalisera que les ventes hors du Québec ne sont pas un facteur important. On a toujours planifié notre réseau pour la consommation des Québécois mais, occasionnellement, on a eu des surplus et on essaye d'obtenir le maximum possible pour ces surplus.

M. Morin: On y reviendra, M. Boyd, au mo- ment où on parlera, justement, d'exportation d'énergie.

M. Boyd: D'accord.

M. Morin: Je compte bien qu'on explorera cette question plus à fond ensemble.

M. Boyd: Puisqu'on parlait de demande, je voulais...

M. Morin: C'est lié à la demande, d'accord. M. Boyd: Peut-être que M. Villeneuve est prêt.

M. Villeneuve:: Si je me souviens bien, la question était de savoir si on aurait pu fournir les 350 mégawatts de demande additionnelle qui aurait apparu sur le réseau si les industries en grève avaient fonctionné. C'était le sens de la question.

M. Morin: Du fait que le 19 décembre, la demande de pointe était de 12 478 mégawatts.

M. Villeneuve: Très juste. Vous avez la réponse dans le rapport d'activité, à la page 10: Analyse de la pointe, où l'on dit qu'au moment où nous avons alimenté cette charge, la centrale de Tracy était au repos. Cette centrale a une puissance de 600 mégawatts. Ce qui veut dire que si nous avions prévu la veille, par exemple, que la charge devait s'élever à une valeur sensiblement plus élevée, nous aurions démarré les groupes de la centrale de Tracy. Mais comme solution à très court terme, s'il apparaît, au cours d'une journée, une demande supérieure aux prévisions, cela nous est plus facile d'utiliser la clause de coupure des charges interruptibles, ce qui peut se faire à quelques heures, ou quelques minutes d'avis, alors que la centrale de Tracy ne peut produire qu'après 24 heures d'avis.

M. Perreault: M. Boyd, sur votre tableau précédent, je vois qu'à partir de 1978, il n'y a plus l'électricité excédentaire vendue au Québec. Est-ce parce que vous préférez que ce soit vendu à l'extérieur seulement à meilleur prix?

M. Boyd: Effectivement. C'est parce qu'on n'a pas de contrat dans le moment qui prévoit la vente d'énergie excédentaire au Québec. Comme ce n'est pas un facteur dans la détermination de notre demande ni de nos programmes, il est évident que si on en a, on va d'abord offrir cette énergie excédentaire aux bouilloires des pâtes et papier. Il est fort probable qu'on aura des ventes comme on en a déjà eu. Cela n'a jamais été plus important que cela. La seule utilisation qui peut être faite à ce jour de cela, ce sont les bouilloires électriques, par exemple, dans les pâtes et papier où ils partent leurs bouilloires quand on a de l'énergie à très bon marché à leur offrir et arrêtent d'autres formes de production de vapeur.

Pour répondre à votre question, il est fort probable qu'on en aura ici, mais comme on ne sait pas ce que cela va être, puisqu'il n'y a pas de

contrat le prévoyant à ce moment, on n'a pas voulu l'indiquer. Mais ce serait sensiblement, je pense, comme les années précédentes.

M. Perreault: Vous voulez dire que vos contrats se terminent en 1977 pour la plupart?

M. Boyd: Ce sont des contrats à court terme et souvent des contrats annuels que nous avons.

M. Cournoyer: M. Boyd, actuellement, il y a dans les airs, des situations qui sont assez en-( nuyeuses au point de vue politique. Je sais que' vous n'aimez pas parler de cela, mais, d'un autre côté, on est ici pour cela.

Par exemple, une possibilité. Je dis possibilité parce qu'il y a une demande de la part du gouvernement de Terre-Neuve de rapatrier 800 mW. Il y a donc 800 mW qui font partie, si j'ai bien compris, du bilan hydroélectrique québécois, c'est-à-dire qu'on les a dans notre bilan. D'autre part, il y a des projets, encore une fois, strictement hypothétiques, concernant une usine d'uranium enrichi pour lesquels on parle d'un nombre de rnW qui irait de rien à peut-être 2 500mW.

M. Boyd: Je dirais que c'est au moins 2 500 mW.

M. Cournoyer: II y a aussi certains autres projets qui sont plus près de nous pour lesquels on parle de 500 mW. Je parle en particulier des possibilités d'une usine d'aluminium qu'on installerait dans les environs.

Quels seraient les effets de décisions soit gouvernementales, soit d'ordre politique sur la demande de l'introduction de ces trois facteurs par rapport à ce que vous avez comme installation? Si on dit que vous répondez aux besoins des Québécois avec les installations que vous avez et avec l'électricité que vous avez achetée de Churchill Falls Corporation, si vous avez soudainement une réduction de 800 mW en énergie que vous devriez fournir, plus 2 500 mW, peut-être, plus loin— disons qu'on parlait de 1985 tantôt— et encore 500 mW dans le cas d'une aluminerie, qu'est-ce que vous auriez l'air dans les courbes que vous nous montriez tantôt?

M. Boyd: II nous en manquerait. Pour être plus précis, les 800 mW que Terre-Neuve veut nous reprendre, c'est évident qu'ils sont inclus dans nos programmes actuels. Ils vont être là pour répondre à la demande. Mais, s'ils n'étaient plus là, il faudrait les remplacer par autre chose. J'ai donné mon opinion, parce que les vendre au prix qu'ils veulent les avoir et les remplacer par quelque chose au coût d'aujourd'hui ou de 1980, cela n'a pas beaucoup de sens. Concernant l'autre point, l'usine d'uranium enrichi consommant 2500 mégawatts on a toujours dit que cela n'était pas inclus dans nos prévisions et qu'il faudrait construire autre chose pour répondre à cela.

M. Morin: J'ai une petite anecdote à vous ra- conter là-dessus, M. Boyd. Vous savez que le gouvernement de Terre-Neuve a commencé à creuser un tunnel de part et d'autre, du détroit de Belle-Isle, pour faire passer éventuellement les fils de transmission d'électricité. Du côté de ce qu'on appelle joliment la Pointe-aux-Amours, au Labrador, le trou est déjà rendu à une cinquantaine de pieds de profondeur. Je suis allé voir cela l'autre jour, parce que je voulais me rendre compte...

M. Cournoyer: Du trou.

M. Morin: ... de l'avancement des travaux. De l'autre côté, du côté de Terre-Neuve, on a fait sauter quelques coups de dynamite, pour impressionner la population. Toujours est -il que je suis arrivé sur les lieux au moment où on commençait à boucler les opérations et à fermer les travaux.

J'ai demandé à l'ingénieur ce qui se passait. Pourquoi abandonner un si beau et si vaste projet de transport d'électricité sous le détroit de Belle-Isle? Il m'a répondu: "Well, it is the fault of the French Government." Voilà comment on nous juge à Terre-Neuve. J'ai tenté de lui expliquer, mais j'ai vu que c'était très difficile d'expliquer pourquoi l'exportation de ces 800 mégawatts, pour le Québec, représentait un problème.

Mais il semble, à toutes fins pratiques, que le gouvernement de M. Moores se soit rendu à l'évidence et ait décidé de suspendre la construction du tunnel. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais...

M. Boyd: Ce devrait être un vrai Newfee que vous avez rencontré.

Pour répondre à votre troisième point, concernant l'aluminerie, je ne pense pas qu'on ait spécifiquement cela dans nos plans, mais s'il fallait le faire... Au cours des années passées, on a toujours tenu compte de certains facteurs ou de certaines charges importantes. 500 mégawatts, c'est peut-être plus que les charges habituelles, mais, dans nos prévisions, en nous fondant sur l'expérience, on a régulièrement des charges de 50 100, même de 200 et 300 mégawatts qui arrivent.

Je pense qu'on pourrait s'accommoder, si c'était jugé économique et rentable de le faire par le gouvernement. Les questions de tarifs, c'est une autre affaire.

M. Cournoyer: Etant donné qu'on est dans le domaine de Terre-Neuve et que ce domaine m'intéresse, comme vous le savez, je voudrais en sortir le plus rapidement possible pour remettre cela aux gars qui connaissent cela. J'aimerais quand même essayer de rappeler, pour ceux qui ont lu la Presse de samedi, que l'intervention du ministre des Richesses naturelles du Québec n'est venue qu'en réponse à l'intervention de M. Crosby et de M. Moores, que je ne suis jamais intervenu dans les relations entre l'Hydro-Québec et la compagnie Churchill Falls Corporation, à quelque niveau que ce soit. La déclaration, comme elle était faite, j'avais l'air du gars qui était en fait le gars poigné.

II est entendu que, politiquement, je ne peux pas accepter ce que l'Hydro-Québec semble avoir drôlement refusé à Churchill Falls Corporation. Là-dessus, je veux bien qu'il soit précisé, pour le bon entendement de tout le monde, que dans ce domaine en particulier — pour d'autres on s'en reparlera — l'Hydro-Québec a refusé avant le ministre des Richesses naturelles de changer les termes du contrat.

M. Morin: Mais il y a un contrat.

M. Cournoyer: Mais l'Hydro-Québec a d'abord refusé de changer les termes du contrat. A ce qu'on m'a dit, et là-dessus je ne veux pas mettre en doute la parole des officiers de l'Hydro-Québec, c'est qu'on aurait dit: C'est d'accord, si cela ne fait pas avec vous autres, on va aller régler cela à l'échelon politique. Et c'est dans ce contexte que j'aimerais replacer la déclaration de M. Boyd de la semaine passée, II y a des gens qui peuvent politiser un problème, puis il y en a d'autres qui doivent subir la politisation du problème. Dans ce cas en particulier je la subis avec plaisir.

M. Morin: Là-dessus, il n'y a pas de très grande différence entre l'attitude qu'a prise le gouvernement et celle que nous prendrions. Il y a un contrat. Et même si le Newfee, qui, en l'occurrence était un ingénieur, M. Boyd, comprenait mal la situation, je pense que tous les Québécois sont du même avis.

M. Cournoyer: ...Valéry Giscard d'Estaing.

M. Morin: Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?

J'aurais peut-être une autre question portant sur la livraison des 325 mégawatts qui fait l'objet d'un contrat avec le Nouveau-Brunswick, lequel expire, si j'ai bien compris, le 31 octobre 1976. Je crois que vous y avez fait allusion...

M. Boyd: Je pense que c'est en 1977. M. Morin: ...tout à l'heure.

M. Boyd: C'est celui avec l'Ontario qui se termine en novembre. Celui du Nouveau-Brunswick, je pense que c'est en...

M. Morin: D'après ce que j'ai, c'est le 31 octobre 1976.

M. Boyd: D'accord, oui.

M. Morin: Puis il y a aussi le contrat de 1000 mégawatts avec l'Ontario qui expire le 31 mai 1977. Dans le calcul de vos prévisions de demande, est-ce que vous avez tenu compte du fait que l'Hydro-Québec n'est plus liée de fournir ces quelques 1320 mégawatts à partir de 1976 et 1977?

M. Boyd: Avec le Nouveau-Brunswick, c'est 300.

M. Morin: C'est 325.

M. Boyd: Pour répondre à votre question, dans notre programme d'équipement on ne prévoit pas vendre de l'énergie à l'Ontario ni au Nouveau-Brunswick.

M. Morin: Autrement dit, la réponse précise à ma question c'est que, ces contrats venant à expiration, vous n'avez pas l'intention de les renouveler?

M. Boyd: D'accord.

M. Morin: Je regardais votre programme d'équipement justement et, entre l'appel, qui est la première ligne en haut, et le surplus ou le déficit qui constitue la dernière ligne en bas, les marges de manoeuvre sont très serrées.

M. Boyd: C'est cela.

M. Morin: Donc, la continuation de ces contrats serait de nature à causer des soucis, je pense bien.

M. Boyd: C'est cela, d'accord.

M. Morin: Bon.

M. Boyd: En fait, si vous avez le programme d'équipements, vous allez voir qu'en 1978, on achète 200 mégawatts du Nouveau-Brunswick. C'est cette province qui vient nous aider pour une année.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: Je pense que c'est en 1978.

M. Morin: 1979, M. Boyd, 199 mégawatts. Bien. A partir de 1982, avez-vous tenu compte du fait que Pasny devra, à la demande de l'Hydro-Québec, vous retourner en hiver, évidemment, si le contrat est mis en oeuvre, si on y donne suite, les 800 mégawatts livrés par l'Hydro-Québec durant la période d'été?

M. Boyd: C'est de l'énergie excédentaire dans les deux cas à ce moment. C'est excédentaire lorsqu'on lui en vend l'été, c'est excédentaire lorsqu'elle nous en vend.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: On ne peut pas en tenir compte dans nos prévisions.

M. Morin: Voulez-vous dire que vous ne pouvez pas en tenir compte parce que vous ne pouvez pas compter dessus?

M. Boyd: C'est cela. C'est trop aléatoire. Dans son cas, cela l'est, dans le nôtre aussi. Pasny serait intéressée à prendre cette énergie en été, lorsqu'on en aurait, parce qu'elle utiliserait cette énergie à la place d'autres formes. Peut-être qu'au

point de vue économique, cela serait intéressant pour elle. Au point de vue énergétique, cela le serait certainement.

M. Morin: Oui.

M. Boyd: L'hiver, si Pasny avait des surplus d'énergie, surtout dans ces années où on aura besoin d'énergie, cela pourrait être intéressant pour nous d'en disposer, mais nous n'en tenons pas compte dans nos prévisions, parce que ce n'est pas sûr!

M. Morin: Si j'ai bien compris, ce contrat va prévoir que vous garantissez la livraison d'un certain nombre de mégawatts. Vous allez donner une garantie d'un certain bloc.

M. Boyd: Oui, c'est très peu. M. Villeneuve est notre témoin expert sur la question.

M. Morin: D'accord, je veux bien.

M. Villeneuve: Si vous me permettez, M. Morin, je pense avoir déjà expliqué, lors d'une commission parlementaire précédente, que l'obligation de Pasny de retourner l'énergie ne comporte pas d'obligation de mettre la puissance à notre disposition. Autrement dit, l'énergie qu'elle a prise en été, elle est tenue de nous la retourner en hiver, mais pas forcément au moment de notre pointe. Ceci veut dire que si elle a pris une assez forte quantité durant l'été, elle peut facilement nous la retourner au cours des fins de semaine, ou durant la nuit, en hiver.

Si elle faisait appel aux 800 mégawatts continuellement pendant les sept mois d'été, elle serait alors forcée, pour avoir le temps de nous retourner toute l'énergie, de mettre 800 mégawatts à notre disposition pendant les cinq mois d'hiver. Je pense que si nous lui disons, comme il est prévu au contrat, que nous n'avons pas d'énergie a vendre d'une façon finale, elle se gardera bien de prendre les 800 mégawatts en été continuellement. A ce moment-là, le retour de l'énergie se fera sans garantie de sa part quant à la puissance.

M. Morin: A ce moment-là, est-ce que ne disparaît pas l'un des motifs principaux, l'un des intérêts principaux d'un tel échange d'énergie, qui serait de vous permettre de réduire vos investissements?

M. Villeneuve: C'est sûrement vrai, en tout cas jusqu'à un certain point, mais n'oubliez pas que, dans le contrat de base que nous avons signé, Pasny va payer l'Hydro-Québec pour cette puissance que nous mettons à sa disposition l'été...

M. Morin: D'accord, et cela est un autre avantage.

M. Villeneuve: Oui, et l'échange d'énergie va être nul. S'il avait été convenu que la puissance était mise à la disposition de l'Hydro-Québec en hiver, on aurait pu facilement s'entendre sur des versements pécuniaires nuls. Nous aurions vendu une quantité X en été que Pasny nous aurait retournée en hiver, les deux se faisant au moment des pointes respectives des deux réseaux, mais tel n'est pas le cas, telle n'est pas l'entente.

Nous avons tout de même signé depuis une convention d'interconnexion, laquelle prévoit de l'assistance en cas d'urgence. Nous avons des indications que si nous avons besoin d'un bloc de puissance, Pasny pourra facilement en disposer en l'obtenant, si nécessaire, des autres réseaux auxquels elle est raccordée. A ce moment-là, évidemment, nous paierons un prix fixé par jour et par semaine pour l'assistance en question.

M. Morin: Je veux bien comprendre. Est-ce que cela ne vous permet pas de réduire la réserve et donc, indirectement, les investissements?

M. Villeneuve: Cela pourrait être le cas si nous avions envisagé le contrat dans ce sens-là, au moment de négocier le contrat de base, ce qui n'a pas été fait jusqu'ici. A l'avenir, il n'est pas exclu qu'on convienne, par exemple, pour une année donnée — peut-être pas pour une longue période, mais pour une année donnée — de retarder un investissement. Ou encore, s'il arrivait qu'un projet soit retardé, pour toutes sortes de raisons, nous pourrions facilement, à court terme, négocier l'achat de Pasny d'une puissance allant jusqu'à 800 mégawatts pour passer une période de pointe d'un hiver donné, par exemple. C'est une chose qui est très possible.

M. Morin: M. le Président, je vois qu'il est dix-huit heures. J'aurais encore une ou deux questions sur la demande, mais peut-être pouvons-nous les remettre à tout à l'heure.

M. Cournoyer: Les membres du parti gouvernemental m'ont exprimé le désir de ne pas siéger ce soir.

M. Morin: Pour quelle raison?

M. Cournoyer: Ecoutez une minute. Ils ne sont pas obligés de vous dire les raisons.

M. Morin: Bien.

M. Cournoyer: C'est une chose très claire que les membres du parti au pouvoir m'ont demandé de ne pas siéger ce soir. Comme je n'avais pas été très agréable envers le chef de l'Opposition quand il m'a demandé de ne pas siéger aujourd'hui, j'ai voulu ne pas être désagréable envers les membres de la majorité. Comme je leur dois plus que je ne dois au chef de l'Opposition, j'ai accepté ce que les membres de la majorité m'avaient demandé, ce qui veut dire, M. le Président, que je proposerais l'ajournement à demain matin, dix heures, en espérant que tous les députés, membres de cette commission, soient là à dix heures.

M. Morin: J'avoue que je ne vois pas de raison de ne pas continuer ce soir. Cela veut dire qu'on va ajouter, quand tout sera dit, une journée entière, peut-être, au temps que nous demandons, que nous exigeons déjà des représentants de l'Hydro-Québec.

Je ne suis pas d'accord. Je le dis, mais visiblement, ce n'est pas moi qui vais décider cela ce soir. Alors, c'est au président à trancher la question.

En ce qui me concerne, je pense que nous devrions travailler ce soir. Cela coûte une fortune, chaque jour, à ces messieurs de l'Hydro pour venir ici.

Le Président (M. Séguin): La commission ajourne ses travaux à demain...

M. Morin: Nous poserons toutes les questions que nous avons à poser.

Le Président (M. Séguin): ... dix heures, à la salle 91-A, soit à l'étage inférieur. Pas ici, en bas.

(Fin de la séance à 18 h)

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