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Etude du projet de loi no 121
(Quinze heures seize minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Il s'agit de la reprise des travaux de la
commission des richesses naturelles chargée d'étudier article par
article le projet de loi no 121.
Les membres de la commission pour la présente séance sont
M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu
(Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M.
Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt
(Saint-François) et M. Raynauld (Outremont) remplacé par M.
Ciaccia (Mont-Royal).
Les intervenants sont M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre); M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Paquette
(Rosemont) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Lorsque nous avons ajourné hier soir à 24 heures, nous
étions en train de discuter sur l'amendement du député de
Mont-Royal à la motion principale du député de
Saint-Laurent. C'était le député de Marguerite-Bourgeoys
qui, à ce moment-là, avait la parole.
M. Forget: II est retenu à l'Assemblée nationale
sur le débat sur la loi 25, M. le Président, alors, je pense
qu'on va devoir l'excuser pour un temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
informe que le député de Saint-Laurent a épuisé son
temps sur l'amendement, que le député de Saint-François
n'a pris qu'une minute, que le député de Marguerite-Bourgeoys a
encore sept minutes et je donnerai la parole à celui qui la demandera en
premier.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Bérubé: II n'avait pas épuisé tout
son droit de parole à ce que j'ai cru entendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mont-Royal n'est pas encore intervenu, sur
l'amendement. Il n'a fait que la motion.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois que pour
résumer un peu les discussions...
M. Bérubé: Vous allez résumer?
Motion pour la convocation d'experts (suite)
M. Ciaccia: Oui, résumer, essayer de convaincre le
côté ministériel de la nécessité de con-
voquer ou d'inviter les représentants de Kidder Peabody et de Lazard
Frères à venir discuter avec nous et à être ici pour
donner l'occasion, non seulement à l'Opposition officielle, mais aussi
au côté ministériel de poser des questions pertinentes et
d'obtenir l'information nécessaire quant aux rapports qui ont
été préparés par ces deux firmes. On a parlé
beaucoup sur la question de la confidentialité, M. le Président,
et je crois qu'une manière de vraiment se débarrasser de cette
question de confidentialité... Nous prétendons que cela joue en
faveur du gouvernement et en faveur de certains aspects des rapports, en faveur
de General Dynamics.
Les ministériels, même ce matin, ont lancé certaines
accusations non fondées auxquelles ont très bien répondu
mon collègue le député de Saint-Laurent et aussi le chef
de l'Opposition. Mais, pour dissiper cette confusion, ou pour démontrer
vraiment que la question de confidentialité, on va laisser ça sur
les épaules de Lazard Frères ou de General Dynamics,
émettons cette invitation. Alors, qu'est-ce qui pourrait arriver? Il
pourrait arriver que Lazard Frères va dire: Non, je ne peux pas venir,
parce que General Dynamics ne veut pas que nous rendions cette étude
publique. A ce moment, ça va dégager le gouvernement de sa
responsabilité, il aura démontré vraiment que ce n'est pas
le gouvernement lui-même qui insiste sur la question de
confidentialité ou que la confidentialité ne
bénéficie pas au gouvernement. A ce moment, on sera en mesure de
faire la vérité sur la question de la confidentialité.
C'est un point.
Les autres points qui ont été soulevés, quant aux
écarts des deux prix, affectent non seulement la question de ces
écarts, mais ils affectent le projet de loi; ils affectent les
mécanismes du projet de loi; ils affectent la composition du conseil
d'arbitrage; ils affectent la définition de juste valeur marchande.
Le ministre, hier soir, nous a cité certaines définitions
de juste valeur marchande qui étaient contenues dans d'autres projets de
loi. Je crois qu'il avait cité la définition de juste valeur
marchande qui avait été employée pour l'expropriation des
mines de potasse en Saskatchewan. Il prétendait que cette
définition était la même qui a été incluse
dans le projet de loi.
M. le Président, je crois que la définition que le
ministre nous a donnée hier soir n'est pas la même. Elle allait
plus loin que celle qui est discutée, celle qui est contenue dans le
projet de loi. On parlait de "willing buyer" et "willing seller". On voit
certains éléments essentiels qui sont omis, qui sont exclus, qui
ne sont pas inclus dans le projet de loi. Si nous avions l'occasion de
questionner les représentants de Kidder, Peabody et de Lazard
Frères sur les différents aspects de la situation pour savoir
comment ils sont venus à leur conclusion, pourquoi l'un est venu
à une conclusion de $42 et l'autre à une conclusion de $100, nous
serions en mesure, M. le Président, de peut-être apporter des
modifications, premièrement, quant à la composition du conseil
d'arbitrage, deuxième-
ment, à la définition de juste valeur marchande. II a
apporté certains critères, mais c'est trop vague en ce moment, on
a fait le point hier que c'est trop vague. C'est donner un blanc-seing, sans
savoir où nous allons. Je crois que serait de la responsabilité
du gouvernement d'assurer à la population que toute l'information
nécessaire nous soit fournie, afin qu'une fois que le projet de loi est
adopté, il y ait certaines limites, que ce ne soit pas un blanc-seing,
qu'il y ait certaines limites pour protéger le contribuable.
Si nous laissons le projet de loi tel qu'il est maintenant, si nous ne
savons pas pourquoi il y a ces différences entre le montant de $42 et
celui de $100, cela va agir seulement au bénéfice de General
Dynamics. Qu'on arrête de nous dire qu'on travaille et qu'on a une
"ligne" avec General Dynamics. Que le gouvernement le réalise ou non, le
projet de loi, tel qu'il est rédigé, peut
bénéficier seulement à la compagnie qui est
expropriée. Il ne peut pas bénéficier à la
population, il ne peut pas bénéficier au gouvernement. Vous ne
mettez pas un plafond à votre expropriation, vous mettez une base. Vous
dites: Nous sommes prêts à payer $42 ou environ, au moins $42. Et
votre étude démontre $42. Vous mettez un minimum.
Franchement, c'est la première fois que je vois une expropriation
où le gouvernement procède de cette façon. Il ne met pas
un plafond, il met un minimum. Il n'existe même pas un plafond de $100,
parce qu'il n'y a rien qui va nous dire étant donné que
l'étude est confidentielle que General Dynamics ne produira pas
une autre étude. Il n'y a rien qui empêche la production d'une
autre étude par General Dynamics, qui pourrait démontrer que,
pour le gouvernement, la valeur des biens expropriés pourrait être
au-dessus de $100.
C'est une drôle de façon de procéder. On commence
avec un minimum de $42, accepté par le gouvernement par son étude
et accepté par les déclarations du premier ministre à
l'Assemblée nationale, et on ne met pas de maximum. Et on ne nous donne
pas l'occasion de voir pourquoi il y a ces différences entre $42 et
$100. J'ai donné seulement un exemple hier soir, soit le coût des
améliorations pour se conformer aux normes de salubrité. Il y a
un écart assez considérable dans les deux études. Dans une
étude, je crois que cela se chiffre à $15 millions et, dans
l'autre, c'est $22 millions. Le fait que c'est inclus dans l'étude, ce
n'est pas assez pour nous donner les informations. Nous devons avoir l'occasion
de poser des questions et de savoir vraiment pourquoi ces études
arrivent à ces deux chiffres. Et c'est un des points les plus
élémentaires, les plus simples. Imaginez-vous les autres
éléments de capitalisation, les autres éléments
d'évaluation, les autres éléments afin de savoir pourquoi,
dans l'avenir, on projette certaines ventes, on projette certains prix dans une
étude et non dans l'autre? Imaginez-vous le genre d'information qui est
nécessaire pour nous et qu'on pourrait obtenir si nous avions la chance
de poser les questions nécessaires à ces
représentants?
M. le Président, je crois que ce serait seulement une
façon, pour le gouvernement, d'agir d'une façon responsable que
d'envoyer cette invitation et d'accepter la motion que j'ai faite pour
permettre à ces représentants de se présenter devant la
commission parlementaire.
M. Forget: M. le Président, avant qu'on aille plus loin,
à la fin de nos travaux, hier soir, j'avais mentionné, à
la demande du ministre la liste des articles pour lesquels nous souhaiterions
avoir la présence du ministre des Finances, parce que ce sont des
articles qui sont clairement reliés à l'opération
financière de la prise de contrôle. Le ministre a dit qu'il se
ferait le porte-parole des membres de la commission pour obtenir la
participation du ministre des Finances, pourvu qu'on lui indique justement les
articles qui exigeaient ou appelaient sa participation. Pourrait-on avoir une
indication quant au moment où le ministre des Finances pourra se joindre
à nous?
M. Bérubé: Le ministre des Finances a
été retenu, ce matin, comme vous le savez, par les travaux de
l'Assemblée nationale...
M. Forget: Oui.
M. Bérubé:... d'une part et, par conséquent
il est présentement au Conseil des ministres. Il lui apparaissait donc
difficile de se joindre à nous aujourd'hui. Il m'a souligné
néanmoins qu'il accepterait de venir. Il a trouvé la suggestion
que nous avions faites hier fort valable, c'est-à-dire celle de
s'attaquer à certains articles qui sont non litigieux et de
procéder et qu'il essaierait dans les jours qui viennent de se joindre
à nous pour au moins une séance de manière que nous
puissions expédier peut-être les articles litigieux.
M. Forget: "Dans les jours qui viennent" ce qui veut dire que le
ministre des Finances croit que cela nous prendra plusieurs jours pour regarder
les articles non litigieux.
M. Grégoire: Cela va dépendre de vous autres.
M. Forget: Je comprends, mais faut-il poursuivre l'étude
des articles non litigieux jusqu'à ce que le ministre des Finances
annonce sa disponibilité?
M. Grégoire: Non, selon l'entente qui avait
été prise hier, je crois, on procédait à l'adoption
de tous les autres articles non litigieux, c'est-à-dire que ceux que
vous n'avez pas mentionnés comme devant requérir la
présence du ministre des Finances et, quand nous arriverons à ces
huit articles pour lesquels vous avez demandé la présence du
ministre des Finances, à ce moment-là, il viendra.
M. Forget: Je vois.
M. Grégoire: C'est l'entente qui a été prise
hier.
M. Forget: On verra. Je voudrais faire une très
brève mise au point. Le député de Frontenac nous dit qu'il
y a eu une entente, il n'y a pas véritablement eu d'entente, il y a eu
une suggestion faite par le député de Frontenac ou
peut-être le ministre des Richesses naturelles dans le sens qu'on
pourrait prendre les articles autres que ceux que j'ai mentionnés hier
en premier lieu. De toute façon, on n'avait pas indiqué, je pense
bien, que nous étions d'accord ou non. Cela s'est fait en dehors des
séances des travaux de la commission. De façon
régulière, il faudrait que, si on voulait respecter totalement le
règlement, si je comprends bien, le député de Frontenac ou
le ministre fasse une motion de suspension d'un certain nombre d'articles. Je
sais que le député de Frontenac a eu un succès fort
remarqué dans ses motions de suspension lors de l'étude du projet
de loi 70, mais, s'étant fait la main une fois, il peut peut-être
faire une motion formelle, mais, indépendamment de cela, on peut aussi
procéder par consentement. (15 h 30)
Une Voix: Cela peut se donner par consentement.
M. Forget: Mais, ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas
la procédure régulière. On veut bien consentir pourvu
qu'on sente qu'il y a un désir véritable du ministre des Finances
d'assister à nos travaux au moment où on discutera de ces
articles-là.
En terminant, là-dessus, je voudrais souligner que, même si
on consent, parce que, de toute façon, on n'a pas beaucoup le choix...
Si on ne consent pas, de toute façon, cela veut dire qu'on n'aura pas le
ministre des Finances et qu'on va étudier les articles dans l'ordre dans
lequel ils se présentent. Il reste que le gouvernement, en prenant cette
attitude, s'expose à une situation un peu ridicule dans le fond,
où les articles les moins importants de la loi vont faire l'objet d'un
débat alors que ceux qui sont le pivot de la législation sont
remis à plus tard.
Je n'ai pas examiné avec cette préoccupation en tête
l'ensemble des articles qui restent quand on exclut les huit en question pour
savoir si c'est vraiment pratique de procéder de cette façon. Il
se peut qu'à l'occasion cela soulève des problèmes
où on ne puisse pas trancher sur un des autres articles. A ce moment, on
se réserve le droit je pense bien que cela va de soi de toute
manière, mais j'aime mieux prendre cette précaution à ce
moment pour ne pas être taxé de mauvaise foi que si on
découvrait qu'un autre article est incompréhensible, à
moins d'avoir pris connaissance et d'avoir participé à un
débat sur les autres de suspendre celui-là aussi.
Je ne pense pas que ce soit le cas, mais cela n'est pas du tout
impossible. Encore une fois, je n'ai pas fait une étude de
bénédictin de tous les articles avec ce genre de
préoccupation à l'esprit.
M. Bérubé: La difficulté venait de ce
qu'ayant terminé nos débats assez tard hier soir et que, ce
matin, le ministre était retenu, il nous a donc été
impossible d'organiser son horaire de manière qu'il puisse se joindre
à nous ce matin. Cependant, son chef de cabinet est au courant et nous a
souligné qu'il prendrait les moyens pour dégager une
période de temps nécessaire. Ce qui veut dire que M. Parizeau
pourrait donc m'aviser de la période à laquelle il pourra se
joindre à nous. Il me fera plaisir, à ce moment, de vous le
signaler. D'ailleurs, on pourrait peut-être, au cours de la
séance, trouver un moyen de s'absenter et voir directement auprès
du cabinet de M. Parizeau si on a déjà identifié une
période qui serait acceptable.
M. le Président, si vous me donnez la parole trente secondes pour
répondre au député de Mont-Royal, je crois que le
député de Mont-Royal a malheureusement interprété
un peu trop rapidement certaines paroles que j'ai dites. En effet, j'ai
comparé le principe d'expropriation à la loi de la Saskatchewan
où on parle de "fair market value". J'ai comparé également
la présente loi 121 ou le projet de loi 121 avec la loi
générale d'expropriation du Québec, où on ne parle
pas de valeur marchande juste, mais où on parle au contraire de valeur
juste, si je ne m'abuse, de juste valeur.
J'aimerais bien souligner que ce principe de la valeur marchande, c'est
un principe qui est tout de même bien connu en termes juridiques.
J'aimerais vous donner ici le texte d'un jugement entre Southdown Incorporated
& McGinnis, en Colombie-Britannique, qui a porté plus
spécifiquement sur cette interprétation de ce qu'on appelle "fair
market value"; c'est exactement la juste valeur marchande, en anglais. "The
amount of money at which property could be shares of capital stock would most
probably exchange between a buyer willing to buy and a seller willing to sell,
both buyer and seller being fully knowledgeable about the enterprise, but under
no compulsion to buy or sell, and both buyer and seller contemplating the
retention of all facilities involved at their present location for a
continuation as a part of the existing business enterprise."
En d'autres termes bien juridiques, c'est exactement ce que je dis. Il
fallait donc ne pas tenter d'interpréter mais peut-être se
référer aux décisions de cour qui m'ont permis
d'énoncer la définition de la juste valeur marchande, non pas en
termes juridiques, mais en termes laïques, en essayant de comprendre un
peu le fonctionnement de nos institutions juridiques. C'est donc le
présent projet de loi et là nous nous engageons directement dans
la discussion d'un article, ce qui m'apparaît un peu
prématuré.
C'est donc assez évident que le présent projet de loi a
défini clairement ce qu'était une juste valeur marchande.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la
motion d'amendement, parce qu'il va falloir la liquider à un moment
donné, si vous voulez aborder d'autres sujets.
M. Ciaccia: Oui, sur la motion d'amendement. Je crois qu'il me
reste encore du temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, il
vous reste du temps.
M. Ciaccia: M. le Président, on peut définir la
valeur marchande juste selon ce qu'a cité le ministre: "willing buyer
and a willing seller, knowledgeable and not under constraint to sell or to
buy". Cet écart entre $42 et $100 vient renforcer nos arguments pour que
nous ayons l'occasion de questionner ceux qui ont produit les rapports. Le
ministre vient de nous dire que le conseil d'arbitrage pourrait, en prenant la
définition qu'il vient de nous donner, donner une sentence, un jugement
qui fixerait l'indemnité à $280 millions. C'est ce que le
ministre vient de nous dire.
Si on laisse les choses telles quelles, le risque pour le Québec,
pour le contribuable, selon la définition que le ministre vient de
donner, c'est que le conseil d'arbitrage entendons-nous bien tel
qu'il est constitué maintenant, il y va avoir un représentant du
gouvernement et un représentant des compagnies... Ils vont naturellement
représenter les personnes qui les ont nommés et toute la
responsabilité va incomber au président qui sera un juge de la
Cour provinciale.
Nous avons fait le point: Votre définition de valeur marchande
juste, on pourrait la laisser à un conseil d'arbitrage qui serait le
juge d'une Cour provinciale, si on parlait d'un lopin de terre du nord de
Montréal ou du Nord du Québec. On connaît les règles
du jeu. On sait combien ça pourrait coûter aux contribuables, si
vous expropriiez un terrain, soit pour une route ou pour une autre raison
d'ordre public; il y a certains précédents. On sait ce qui se
peut se passer et les risques maximaux qu'on peut courir.
Mais ce n 'est pas la situation ici ; ce n 'est pas une situation
ordinaire. C'est une situation assez complexe. Les rapports qui ont
été préparés démontrent qu'il y a des
problèmes assez complexes. Concernant le risque dont vous nous parlez,
vous êtes prêt à dire: Oui, je suis prêt à ce
que le Québec prenne le risque que la valeur marchande soit de $280
millions et que le conseil d'arbitrage nous donne cette sentence, sans prendre
aucune précaution, sans nous donner l'occasion d'essayer de
réduire cet écart ou de connaître les critères
importants pour lesquels il y a cette différence. Le seul but de poser
des questions sur les rapports, c'est d'essayer de protéger la
population en démontrant ou en essayant de faire ressortir de ces
représentants pourquoi il y a ces différences et quelles sont les
risques que nous prenons. Si nous connaissons les risques, on peut
prévoir dans le projet de loi comment on va les contrer, les
limiter.
On ne peut pas dire maintenant, comme le ministre vient de nous le dire
par sa définition: Oui, on est prêt à prendre le risque que
ça aille jusqu'à $280 millions. Si on voit vraiment, après
examen, après avoirquestionné les représentants de Lazard
Frères, que vraiment il y a ce risque et que ça se peut qu'on
paie $280 000 000, deux choses vont se produireàce moment; ou on va
mettre des restrictions dans le projet de loi, ou, après que toute cette
information sera dévoilée, le gouvernement changera
peut-être d'idée et dira: Je ne ferai pas adopter un projet de loi
qui, dans deux ou trois mois ou quand le temps viendra de donner la sentence,
le jugement arbitral impliquera peut-être $280 millions.
La population a le droit de le savoir maintenant et le gouvernement en a
la responsabilité. D'après la direction que le ministre semble
vouloir prendre, ce n'est pas un risque pour lui, c'est tout à fait
normal pour lui. Cela ne l'est pas et nous avons la responsabilité de le
savoir maintenant. On doit minimiser les risques. On le sait bien, on ne sait
pas dans quel but faire venir ces représentants. Ce n'est pas
d'établir le prix, ce n'est pas de négocier le prix, mais c'est
de savoir où et dans quelle direction nous allons, quels sont les
risques d'un côté ou de l'autre afin qu'on puisse prévoir
les précautions à prendre et les mesures qu'il sera
nécessaire d'inclure dans le projet de loi afin de réduire le
risque aux contribuables, à la population.
Je crois, M. le Président, que les raisonnements et la
définition que le ministre vient de nous donner de la valeur marchande
renforcissent nos arguments et nous donnent encore plus de raisons pour que le
gouvernement accepte notre motion et invite les représentants qui ont
préparé ces deux rapports à se présenter à
la commission parlementaire pour nous donner l'occasion de les questionner.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a d'autres intervenants sur la motion d'amendement du
député de Mont-Royal?
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Mont-Royal a épuisé son temps de
parole.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, il
n'a pas encore épuisé...
M. Bérubé: S'il ne l'a pas encore
épuisé, dans ce cas je m'abstiendrai de parler M. le
Président.
Mise aux voix de la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion d'amendement du député de Mont-Royal sera
adoptée?
M. Grégoire: Non, M. le Président. M. Forget:
Vote enregistré.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane)?
M. Bérubé: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau (Abitibi-Est)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brochu (Richmond)? M. Forget (Saint-Laurent)?
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grégoire (Frontenac)?
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ouellette (Beauce-Nord)? M. Rancourt (Saint-François)?
M. Rancourt: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors la
motion d'amendement du député de Mont-Royal est rejetée.
Nous revenons donc à la motion principale du député de
Saint-Laurent au sujet de laquelle il avait, je pense, épuisé son
droit de parole avant même de proposer la motion d'amendement.
M. Forget: Je pense que cela pourrait être
argumenté, mais je ne l'argumenterai pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
d'accord.
M. Forget: On peut prendre le même vote.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
vrai que cela pourrait faire l'objet d'un point. Or, est-ce qu'il y a
consentement pour le même vote sur la motion principale?
M. Grégoire: II y a consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a
consentement, alors la motion principale du député de
Saint-Laurent est rejetée. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi
121. Je tiens pour acquis qu'il y a un consentement unanime, sans motion, pour
que les articles 21, 27, 29, 31, 44, 45, 46 et 48 du projet de loi...
M. Grégoire: 44, après 44? Acquisition par voie
d'expropriation
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): 44, 45,
46 et 48, que ces paragraphes de l'article 1 que je viens de mentionner sont
suspendus de consentement unanime, que nous allons étudier les autres
paragraphes par ordre numérique et que, par la suite, nous reprendrons
l'étude de ces articles en commençant par le paragraphe 20 avec
la présence du ministre des Finances. Tout le monde est d'accord avec
cette interprétation?
Or, j'appelle donc le paragraphe 22 de l'article 1 et je tiens à
préciser à tous les députés de cette commission que
l'article 160 s'applique ici, de sorte que chaque député a un
droit de parole de 20 minutes sur chacun des paragraphes, chaque paragraphe
étant considéré à toute fin que de droit comme un
article. Est-ce que le paragraphe 22 de l'article 1 sera adopté? M. le
député de Saint-Laurent. (15 h 45)
L'expropriation
M. Forget: Nous avons des questions relativement à cet
article parce qu'il contient un terme dont l'extension est un peu
imprécise, surtout si on tient compte d'un certain nombre de questions
qui ont été soulevées à l'Assemblée
nationale par le député de Richmond qui n'est pas ici avec nous,
mais qui a souvent soulevé le problème de l'usine de Nordenham et
comme on sait, la société Asbestos est propriétaire non
seulement des installations physiques de la mine de Thetford Mines mais de
celle de Baie-Déception dans l'Ungava. Elle est également
propriétaire cela apparaît dans ses états financiers
et c'est ce que je vérifiais il y a un instant à 100% de
filiales, donc trois filiales. Si je peux trouver la bonne page, je vais les
mentionner. Il s'agit de Anchor Holdings Ltd. qui est constitué en vertu
des lois des îles Bahamas, le 25 janvier 1962. Je pense, sans être
absolument sûr, qu'il s'agit d'une société qui est
utilisée comme un holding, peut-être comme un holding de certaines
participations de la société Asbestos en Europe continentale. Je
pense qu'ils sont propriétaires de Eternit Genoa, qui est une petite
manufacture de tuyaux de béton à Gênes en Italie et
d'installations de ce genre-là peut-être ailleurs, mais il s'agit
d'un intérêt assez peu important, mais malgré tout je pense
qu'il mérite d'être mentionné. Il y a la
société Asbestos Corporation, GMBH, c'est-à-dire une
société à responsabilité limitée
incorporée en vertu des lois de la république
fédérale de l'Allemagne et qui est propriétaire de l'usine
de Nordenham qui emploie un certain nombre de travailleurs et qui surtout
fournit un débouché, le seul débouché qui existe
pour le minerai partiellement traité qui provient de la mine de Baie
Déception. Finalement, il y a Minorex Ltd. qui est constituée en
vertu des lois du Canada. Je vous avoue que je ne me souviens pas de quoi il
s'agit, si je l'ai jamais su d'ailleurs. Je ne serais pas étonné
que ce soit une corporation qui n'a pas d'activité.
De toute façon, ma question porte essentiellement sur le sens
qu'il faut attribuer à l'article 22 que je lis; il n'a que quatre
lignes: Un bien appartenant à une corporation qui est une filiale
contrôlée de la société Asbestos Ltd, au sens que
donne à cette expression l'article 1 de la Loi sur les impôts, est
réputé appartenir à la société Asbestos Ltd
aux fins des articles 23 et 29 à 54. Une filiale contrôlée,
d'après la Loi sur les impôts, signifie une corporation dont plus
de 50% du capital-action émis, ayant plein droit de vote en toutes
circonstances, appartient à la corporation
dont elle est la filiale. La Loi des impôts contient
également la définition du mot "bien". Un bien signifie un bien
de toute nature, réel ou personnel, corporel ou incorporel et comprend
également une action et un droit de quelque nature qu'il soit.
Donc, il semblerait, d'après l'analyse de ces textes, que le
pouvoir d'expropriation s'étend également non seulement aux
actifs physiques, immobiliers, les mines, les usines, le matériel
roulant qui se trouve là, les camions, etc, mais cela s'étend
également à des actions dans la mesure où ce sont des
actions dans des sociétés qui sont des filiales
contrôlées par la société Asbestos. Or, il ne fait
pas de doute que dans le cas d'Asbestos Corporation, GMBH de la
société allemande de l'ouest, c'est une filiale
contrôlée.
Avec tout cela, on peut conclure que la loi 121 permet, semble-t-il, au
gouvernement du Québec, d'exproprier les actions de la
société Nordenham, et ceci je le mets d'un côté de
l'argument. De l'autre côté de l'argument, il y a les
réponses qui ont été faites à l'Assemblée
nationale par le ministre des Finances où on a dit très
clairement, à plusieurs reprises, à au moins deux reprises
il serait facile de retrouver les citations, cela date du mois de
février et mars de cette année que la question de l'usine
de Nordenham c'était une autre affaire, que l'expropriation serait
essentiellement l'expropriation des actifs qui sont situés au
Québec et qu'on verra après s'il est opportun d'acheter, de
gré à gré, de négocier l'achat de la
société Nordenham ou de toute façon la
société de Nordenham en Allemagne est captive, en quelque sorte,
de sa source d'approvisionnement et que par conséquent on n'a pas besoin
de se poser ce problème. On va laisser tomber.
Ce que je demande dans le fond au ministre, c'est de clarifier pour nous
deux choses: premièrement, est-ce que la lecture que l'on peut faire de
cet article permet de conclure qu'au moins théoriquement, sur le plan
légal, sur un plan législatif, il existe dans la loi 121 le
pouvoir de prendre le contrôle de la société allemande de
l'ouest; sinon qu'il nous explique pourquoi le gouvernement en vient à
une conclusion différente de celle qui semble se dégager au moins
superficiellement de l'analyse de ces textes. Si la réponse à
cette question est affirmative, si effectivement il y a un pouvoir
d'expropriation, je demanderais au ministre de réaffirmer en quelque
sorte l'attitude gouvernementale relativement à cette
société. Est-ce que, oui ou non, on va utiliser ce pouvoir, s'il
existe? Si on n'a pas l'intention de l'utiliser, sur quel raisonnement se
base-t-on pour ne pas l'utiliser, étant donné que
l'interdépendance entre la mine de Baie Déception, en Ungava, et
l'usine de traitement de ce minerai en Allemagne de l'Ouest joue dans les deux
directions? Cela n'est pas une route à sens unique, c'est une
dépendance qui joue dans les deux directions. De la même
façon qu'il n'y a pas d'autres usines, d'autres sources
d'approvisionnement qui vendent du minerai seulement partiellement
traité, comme le fait la mine de Deception Bay, il n'y a pas non plus
d'autre usine au monde qui soit située près d'un port de mer et
qui soit disponible pour la finition du traitement d'un minerai
excédentaire par rapport à la production locale. Je vois mal le
minerai de Baie Déception être acheminé par bateau vers
Québec et transporté par camion à Thetford Mines pour
être traité, même s'il était vrai qu'il existait une
capacité de traitement du minerai d'amiante excédentaire, ce qui
n'est pas nécessairement le cas dans les installations de la
société Asbestos.
Alors, on a une interdépendance qui va dans les deux directions.
Il est clair que le gouvernement va être placé dans une situation
délicate si, après l'expropriation, il a une mine pour laquelle
il n'est pas évident qu'il dispose d'un débouché
accessible. Le ministre peut être tenté de dire: Bien oui, mais le
problème se pose de la même façon pour la
société General Dynamics. Si c'est sa seule réponse, on
verra, parce que nous avons aussi d'autres hypothèses qu'on peut
facilement formuler. Quoi qu'il en soit, je pense que je vais me limiter
à ceci, sans épuiser pour autant mon droit de parole sur cet
article. J'aimerais que le ministre réagisse à cette double
question pour l'instant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: II est indéniable que l'article,
tel que rédigé, permettrait d'exproprier des actions, comme des
hypothèques ou tout titre de propriété immobilière
qui seraient détenus par la société Asbestos ici au
Québec ou par une des filiales qu'elle contrôle. Par
conséquent, dans le cas de Nordenham, c'est absolument indéniable
que, si la société Asbestos avait l'amabilité de bien
vouloir déposer les actions dans son coffre-fort de Thetford ou de
Montréal et de les laisser là jusqu'au moment de l'expropriation
pour nous permettre d'aller les récupérer, il nous serait
possible d'exproprier Nordenham, c'est-à-dire d'exproprier les
actions.
Cependant, il va de soi qu'un principe fondamental un juriste qui
m'accompagne m'a dit qu'il s'agit de l'application territoriale des lois, si je
ne m'abuse fait qu'un gouvernement ne peut passer des lois d'application
extérieure à son territoire. Par conséquent, nous ne
pourrions exproprier les actifs comme tels de Nordenham, nous ne pourrions
qu'exproprier les actions détenues au Québec. Il va de soi que le
simple transfert de ces actions à l'extérieur du Québec
ferait en sorte que nous ne pourrions plus les obtenir.
Par conséquent, les actions...
M. Ciaccia: On écoute...
M. Bérubé: Parfait, c'est simplement que je ne
voulais pas vous déranger dans votre conversation.
M. Ciaccia: Comme vous voudrez.
M. Forget: C'était une consultation légale.
M. Bérubé: Par conséquent, il va de soi que
l'expropriation d'actions apparaît comme quelque
chose d'extrêmement difficile à réaliser. Il faut
donc envisager davantage l'expropriation purement et simplement d'actifs, donc,
d'actifs situés au Québec et à cet égard il ne
serait donc pas possible d'exproprier Nordenham dans les limites que je viens
de souligner.
Quant à la décision à savoir si on doit exproprier
Nordenham ou non, elle peut tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Je
vous en indique un, à titre d'exemple. Présentement,
l'exploitation d'Asbestos Hill fait face à un certain nombre de
décisions qui doivent être prises rapidement je l'ai
d'ailleurs souligné dans mon discours de deuxième lecture
dans la mesure où l'entreprise a choisi
délibérément de maintenir des angles de pentes assez
aigus. Présentement, si on voulait foncer davantage la carrière
en profondeur, il faudrait nécessairement élargir ou amoindrir
l'angle des pentes de manière à ce que les risques d'effondrement
des parois soient moins prononcés. C'est un choix que l'entreprise a.
Elle a un deuxième choix, soit celui d'aller carrément en
profondeur et d'aller miner du minerai souterrain. On peut donc parler quasi du
développement d'une nouvelle mine, avec des investissements qui sont
substantiels.
Donc, on peut se demander au moment de l'expropriation s'il vaut la
peine de s'engager dans l'expropriation d'une mine à développer,
littéralement parlant, ou si l'on ne doit pas se contenter, purement et
simplement, de Thetford Mines. Il est donc possible, comme gouvernement, que
l'on choisisse de ne pas exproprier les gisements d'Asbestos Hill et de laisser
à la société Asbestos le soin de se débrouiller
avec son gisement d'Asbestos Hill qu'elle devra développer et de se
débrouiller à ce moment avec l'approvisionnement du moulin de
Nordenham.
Il existe également une autre possibilité qui est la
suivante et qui est très réelle aussi. En effet, puisque le
gisement en profondeur présente des réserves nous
différons légèrement d'opinion avec la compagnie
évidemment quant à la durée de ces réserves
nous supposons donc un gisement intéressant. Nous avons le choix d'aller
développer l'Abitibi si nous arrivons à démontrer la
rentabilité de gisements ou d'aller en profondeur et de
développer le gisement d'Asbestos Hill.
Il va de soi que si nous ne possédons pas les installations de
Nordenham, cela présente un inconvénient possible d'avoir
à développer le gisement en profondeur d'Asbestos Hill, d'une
part, et de se retrouver avec de la fibre à expédier dans la
région de Thetford, dans un moulin à construire. Remarquez bien
que cela permettrait de créer des emplois, qui était un de mes
arguments soulevés à quelques reprises au cours du débat.
C'est donc possible de construire une usine au Québec, pour traiter ce
minerai ou c'est également possible pareillement de se diriger du
côté du développement du gisement en Abitibi. C'est
également une hypothèse tout à fait défendable.
Donc, tel que rédigé nous ne pouvons pas exproprier les
actifs de Nordenham, c'est évident. Il est cependant tout à fait
possible, pour la compa- gnie, qu'elle juge bon face à cette menace
d'expropriation de vendre directement Nordenham. En effet, cette usine a
été conçue pour finir le traitement de concentré de
minerai de l'ordre de 30% à 35% en fibre, concentré qui n'existe
malheureusement pas sur le marché libre.
Il est évidemment douteux que l'on puisse obtenir un tel
approvisionnement à moins de développer une nouvelle mine
d'amiante, parce que la vente d'un concentré qui n'est pas fini se fait
à une valeur marchande beaucoup moindre et il est douteux que même
les Russes soient intéressés à vendre un
préconcentré de fibre à bas prix plutôt que de
terminer la transformation puisqu'ils ont de toute façon les
installations pour le faire et de vendre ce concentré à
plus fort prix. (16 heures)
S'ils décidaient de vendre ce concentré grossier à
la société Asbestos à Nordenham, évidemment, ils
devraient le faire, à ce moment-là, à un prix
proportionnellement plus élevé de manière à ne pas
trop perdre de la vente de ce concentré. La conséquence en serait
évidemment que la fibre de Nordenham vendue sur le marché
définitif serait très coûteuse et pourrait difficilement
concurrencer les autres fibres vendues sur le marché international.
Donc, on se rend compte que ce n'est peut-être guère plus
avantageux pour la compagnie de se retrouver avec Nordenham, et la
possibilité de ne pas pouvoir exproprier Nordenham peut même
servir d'instrument de pression sur la compagnie pour l'amener à
négocier avec le gouvernement.
Mais dans l'article 22, si nous ne pouvons pas exproprier les actifs de
Nordenham, je dois dire que ce ne sont pas véritablement ces actifs que
nous visons dans cet article; ce que nous visons ce sont essentiellement des
baux détenus par Hudson's Strait Bay Co. dans le nord du Québec,
des baux associés à l'exploitation du gisement d'Asbestos Hill.
En d'autres termes, il ne nous est donc pas permis, en vertu de cette loi
essentiellement, de prendre possession de ces baux, de cette
propriété minière advenant le cas où nous voudrions
le faire.
M. Forget: M. le Président, il y a vraiment des
affirmations très importantes que vient de faire le ministre et avec
lesquelles nous devrons signifier que nous sommes loin d'être d'accord,
tant sur le plan de l'analyse du texte que, ce qui est plus important encore,
sur les conséquences pratiques de ce qui vient d'être dit.
Pour ce qui est du texte, la question d'extra-territorialité,
l'application extra-territoriale des lois, dans ce cas-ci, c'est une
interprétation, c'est une limitation qui n'est pas réelle dans
l'interprétation de cet article, parce qu'il ne s'agit pas vraiment
d'appliquer, de manière extra-territoriale, l'article 22. N'oublions pas
que la société Asbestos dont on exproprie les biens, est une
société qui a son siège social au Québec, qui est
incorporée selon les lois du pays, qui est donc un sujet de droit local
et qui peut faire l'objet de mesures d'expropriation quant à tous ses
biens. Que les
titres de créance ou même que les titres de
propriété soient situés dans une voûte à New
York ou à Hong Kong n'a absolument rien à voir avec l'application
de la loi, parce qu'il est bien clair que si le gouvernement du Québec
décidait d'exproprier les actions que détient la
société Asbestos dans la société Asbestos
allemande, il pourrait, simplement, par un avis prévu par la loi,
décréter une telle expropriation et si la société
ne délivre pas les titres, il a des mesures d'exécution
ordinairement accessibles à n'importe quel créancier d'une
obligation, c'et-à-dire qu'il peut retenir paiement, mettre en demeure,
utiliser tous les moyens prévus par le Code civil et le Code de
procédure civile pour s'assurer que la société Asbestos
livre les titres pour les actions qui ont déjà été
expropriées par le simple fait de l'émission d'un avis en vertu
de la loi 121. Il n'est donc absolument pas question...
La même argumentation d'extra-territorialité vaudrait pour
les titres de propriété; il y a quand même des actes
notariés quelconques qui existent quelque part relativement aux terrains
à Thetford Mines. Est-ce qu'il suffirait que la société de
Thetford Mines aille déposer cela dans une banque à Hong Kong ou
à Zurich pour que tout à coup cela devienne hors d'accès,
que cela échappe à l'application des lois du Québec?
Absolument pas. On peut exproprier ces biens, on peut les acheter, on peut
voter une loi qui dit: C'est maintenant la propriété du
gouvernement du Québec et après, tout ce qu'il s'agit de faire,
c'est de prendre une injonction ou faire une mise en demeure. Enfin, il y a
toute une panoplie d'instruments juridiques pour s'assurer qu'on va livrer la
marchandise. Il s'agit simplement, à ce moment-là, d'avoir les
titres physiques, les morceaux de papier qui sont la preuve de la
propriété, que la propriété aura déjà
changé de mains par le simple fait qu'un avis a été
émis en fonction de l'article 21 de la loi. La propriété a
changé de mains et ces titres appartiendraient désormais au
gouvernement du Québec. Il pourrait les réclamer comme
propriétaire. C'est aussi simple que cela et l'argument ne tient
absolument pas.
L'argument juridique à savoir qu'on ne peut pas exproprier des
actions d'une société contrôlée, d'une filiale
contrôlée, ça ne tient absolument pas. Il s'agit d'un
paravent, M. le Président, pour justifier ou expliquer une
décision qui semble déjà prise. Le ministre a ouvert le
voile aujourd'hui plus largement qu'il ne l'a fait à aucun moment dans
le passé, relativement aux intentions véritables du gouvernement,
quant à l'acquisition des actifs.
Le ministre des Finances a laissé planer un doute
considérable sur ce que seraient les intentions du gouvernement
relativement à l'usine de Nordenham et il n'était même pas
question, à ce moment, de ne pas exproprier ou de ne pas acquérir
de gré à gré la mine de Baie Déception. Est-ce que
c'est une retraite ou tactique stratégique du gouvernement? On dit tout
à coup: Cela va vraiment coûter trop cher, on va en exproprier
seulement une partie. Il y a des implications considérables, en
particulier, je sais très bien qu'il n'est pas pour, parce qu'il y en a
qui m'en ont parlé. Il y a des travailleurs qui sont impliqués
dans les activités, les cadres, les travailleurs, ils sont environ 400
personnes qui travaillent à Deception Bay, pas tous pour la
société Asbestos. Certains sont des sous-traitants; il y a tout
le personnel d'entretien, de cuisine, etc., ce ne sont pas des employés
de la société Asbestos, mais leur présence s'explique par
la présence d'une mine. Tous ces gens se demandent bien quelles sont les
intentions du gouvernement du Québec relativement à
ça.
Il semble que nous venions d'apprendre que le gouvernement du
Québec n'achètera probablement pas la mine de Deception Bay et
n'a pas l'intention, par conséquent, de se porter acquéreur non
plus de l'usine de transformation en Allemagne de l'Ouest. Les deux
décisions n'en font qu'une seule, dans le fond. Ce qu'il a l'intention
d'acquérir, c'est quelque chose de beaucoup plus modeste: les
opérations de Thetford Mines seulement.
Quant à moi, c'est une nouvelle, M. le Président. Je n'ai
jamais vu le gouvernement définir clairement son attitude
là-dessus. Ce que je trouve paradoxal, M. le Président, c'est que
l'Assemblée nationale est actuellement en face d'un texte qui est
censé décréter l'expropriation de la société
Asbestos et on apprend à 16 heures, ce 6 juin, que ce n'est pas la
société Asbestos qui serait expropriée, c'est une des
mines de la société Asbestos. Ce n'est pas l'ensemble des actifs
impliqués dans l'extraction de...
M. Bérubé: Ou des mines.
M. Forget: M. le Président, l'interruption du ministre est
caractéristique. On est aujourd'hui le 6 juin, on est censé
passer une loi d'expropriation. Tout le monde à travers le
Québec, depuis un an, est sous l'impression qu'on négocie l'achat
de gré à gré de l'ensemble des actifs et certainement de
l'ensemble des actifs situés au Québec et, aujourd'hui, on
apprend que ce n'est plus ça. Est-ce qu'au moins au moment d'adopter
cette loi, le gouvernement est prêt à indiquer clairement ses
intentions? Qu'est-ce que vous avez négocié avec la
société Asbestos? On ne parle même plus de prix. C'est quoi
l'objet de la négociation? Est-ce que c'est l'usine de Thetford, la mine
et les moulins de Thetford Mines? Est-ce que c'est l'ensemble des installations
au Québec ou est-ce que c'est l'ensemble des installations
minières et de transformation de finition du minerai qui sont
situées non seulement au Québec, mais en Allemagne de l'Ouest?
C'est quoi l'objet de la négociation et c'est quoi l'objet de
l'expropriation? On est encore en train, au 6 juin 1979, de parler
d'hypothèses: Peut-être qu'on va faire ça, peut-être
qu'on ne le fera pas. On se pose encore des questions...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: On vous dérange?
M. Bérubé: Non, pas du tout.
M. Forget: Ah bon! Excusez-nous si on est ici. On ne voudrait pas
déranger le député de Matane.
Une Voix: II mange son dessert.
M. Bérubé: C'est un député de ma
formation qui me demandait un renseignement sur les actifs que nous avions
l'intention d'exproprier.
Une Voix: On peut parler quand même.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Forget: Je sais qu'on peut parler quand même, parce que,
de toute façon, vous n'écoutez pas et quand vous écoutez,
vous ne comprenez pas.
M. Grégoire: C'est parce que vous êtes difficile
à comprendre.
M. Forget: De toute façon, on n'a pas besoin de votre
permission, mais on voudrait quand même savoir des choses du ministre et
non pas du député de Frontenac pour qui ces problèmes
n'existent pas. Sa conscience n'est pas encore éveillée à
ça. Mais, du côté du ministre, est-ce qu'on peut au moins
savoir de quoi on est en train de parler dans le moment? C'est aussi bête
que ça! De quoi est-on en train de parler? Est-ce qu'on est en train de
parler encore de la société Asbestos ou est-ce que vous
êtes en train peut-être de changer de compagnie? On ne sait jamais,
peut-être que vous allez arriver au mois de juillet et dire: Ecoutez, on
a bien pensé à notre affaire et ce n'est finalement pas ça
qu'on va exproprier. C'est Carey ou c'est Johns-Manville. C'est aussi ridicule
que ça. On est encore, après deux ans et demi de discussion, en
train de se poser la question, à savoir: Cela va peut-être
être ceci et ça va peut-être être ça.
Je suis sûr qu'il y a énormément de gens, et parmi
les militants du parti au pouvoir, qui sont persuadés que le
gouvernement va y aller largement avec cela. Maintenant, même
vis-à-vis de la société Asbestos, voici qu'on laisse
tomber une installation qui est vouée à Dieu sait quoi. Si on
achète la mine de Baie Déception et qu'on n'achète pas
l'usine de Nordenham, on semble indiquer du côté du ministre qu'on
serait prêt à fermer Baie Déception. On l'achèterait
pour la fermer.
M. Bérubé: M. le Président, le débat
a tendance, à mon avis, à diverger, je voudrais le souligner ici.
Plus loin, au cours du débat, nous allons discuter du mode de
sélection des actifs à exproprier par voie de soustraction ou par
voie d'addition. Or, l'article 22 nous dit tout simplement qu'un bien qui
appartient à une corporation qui est une filiale de la
société Asbestos est réputé appartenir à la
société Asbestos. C'est tout ce que nous disons. Nous ne disons
pas que nous allons exproprier tel actif ou tel autre actif, cela fait l'objet
d'un autre article. Or, serait-il donc possible...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: ... de s'en tenir à la pertinence
finalement de cet article qui porte sur la propriété par la
société Asbestos des biens appartenant à des filiales.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Effectivement, vous avez théoriquement
raison, M. le ministre, mais, étant donné que vous-même,
dans votre intervention, vous avez manifesté des propos à ce
sujet, la porte était ouverte, je ne peux la fermer actuellement.
Même si vous avez théoriquement raison, l'article 22 n'est qu'une
définition d'un mot, en fait, qui est "un bien est réputé
appartenir", sauf que vous avez émis des propos dans ce sens. Je me dois
de permettre la même chose au député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Vous êtes Salomon
en personne.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sauf que
je dois vous dire que votre droit de parole achève.
M. Forget: Je suis heureux que le ministre signale qu'on aura
l'occasion de revenir sur la question de savoir quels sont les biens qui sont
inclus et exclus. Certainement qu'on va y revenir et abondamment, parce qu'il
est à peu près temps que le gouvernement se mouille un peu
après deux ans et demi, qu'il nous dise ce qu'il a l'intention
d'acheter. C'est tragique de se rendre compte qu'il n'a même pas
d'idée précise sur le prix limite qu'il est prêt à
payer et à ne pas dépasser. Voici maintenant qu'on ne sait
même pas ce qu'il veut acheter exactement. Vraiment, on est très
loin d'une réalisation et d'actions précises. Ce n'est
certainement pas l'adoption de la loi qui nous empêche de passer aux
actes.
Relativement à l'argument qui se rapproche le plus du coeur de
l'article 23, nous ne pouvons pas accepter l'explication du ministre que cet
article ne lui donne pas le pouvoir d'acquérir les actifs situés
en Allemagne de l'Ouest les actifs dont la propriété est
indispensable, si l'on veut que la mine de Baie Déception ne soit pas
une espèce d'éléphant blanc ou ne soit pas un actif qu'on
acquiert dans le simple but de la fermer. Cette argumentation n'est pas
gratuite, parce que le ministre lui-même a indiqué que,
plutôt que de continuer les opérations à Baie
Déception, plutôt que de s'en aller en souterrain, dans
l'exploitation d'une mine souterraine à Baie Déception, il
préférait probablement exploiter la mine dans la région de
l'Abitibi, ce qui veut dire, dans le fond, qu'on achète un actif, non
pas pour s'en servir, on achète un actif qu'on va payer un prix X
stric-
tement pour mettre la clé dans la porte. C'est une indication
fort intéressante, mais il serait temps que le ministre définisse
ses intentions. Il ne pourra pas le faire en prenant excuse du fait que la loi
ne lui donne pas le droit d'exproprier la mine en Allemagne. L'usine
d'Allemagne peut être expropriée. Il n'y a aucun obstacle
juridique à son expropriation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui veulent intervenir sur l'article 22?
Une Voix: Adopté.
M. Ciaccia: Un instant, M. le Président!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.
Une Voix: II me semblait qu'il avait tout dit, M. le
député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Je ne sais pas si j'ai bien compris le ministre dans
son explication de la définition de "biens", telle qu'elle est incluse
dans l'article 22. Est-ce que le ministre nous dit que, parce que des actifs
d'une filiale sont situés hors du Québec, le gouvernement ne
pourrait pas devenir propriétaire de ces actifs hors du Québec
par cette loi-ci en expropriant selon les termes de cette loi. Est-ce que c'est
ça qu'il nous dit? Je vais vous donner un exemple... (16 h 15)
M. Bérubé: D'accord. Je voudrais d'abord savoir du
député de Mont-Royal s'il entend défendre le point de vue
contraire, c'est-à-dire celui du député de Saint-Laurent,
selon lequel le gouvernement du Québec devrait pouvoir exproprier des
biens à l'extérieur du Québec. Est-ce un pouvoir que vous
aimeriez que l'on mette dans la loi?
M. Ciaccia: Non, ce n'est pas la question d'inclure un pouvoir
d'expropriation. Vous ne pouvez pas avoir un pouvoir d'exproprier des biens qui
sont en dehors du Québec, à moins que vous ne le fassiez de la
façon dont vous l'avez fait dans cette loi-ci. Vous me posez la
question, je vais vous donner la réponse d'après votre projet de
loi. Je pense que vous devez connaître votre loi. Je vais me
référer à l'article 20. Malheureusement, M. le
Président, on a suspendu l'étude de l'article 20, mais,
brièvement, pour expliquer l'article 22, on ne peut pas éviter de
faire référence à l'article 20. L'article 20 vous donne le
pouvoir d'exproprier les biens de toute nature qui sont utiles à la
réalisation des objets de la société et dont la
Société Asbestos Ltée ou une filiale de celle-ci est
propriétaire le 15 décembre 1978.
Alors, si l'Asbestos Corporation est propriétaire de trois
filiales, d'après ce rapport-ci, vous avez le droit, vous vous donnez le
droit, d'après l'article 20 et d'après la définition de...
L'article 22 doit aussi se lire par rapport à l'article 20. Vous vous
donnez le droit d'exproprier les actions de l'Asbestos Corporation. Les biens,
y inclus actions. Vous pouvez exproprier le terrain, les biens, mais vous
pouvez exproprier aussi les actions de la société. Parce que la
définition de "biens"... Excusez. Je vais vous donner la
définition de "biens" d'après la Loi sur les impôts. "Bien"
signifie un bien de toute nature réelle ou personnelle, corporelle ou
incorporelle et comprend également une action et un droit de quelque
nature qu'il soit".
Si, d'après l'article 20, vous vous donnez le droit d'exproprier
les biens de l'Asbestos Corporation, vous vous donnez le droit d'exproprier les
actions, non seulement les actifs, mais les actions et si, dans les actions de
l'Asbestos Corporation, il y a des filiales elle est propriétaire
de trois filiales. Les noms sont: Anchor Holdings Ltd; l'Asbestos Corporation
en Allemagne et Minorex Ltd. vous vous donnez le droit d'acquérir
toutes ces filiales. Le fait que les biens sont en dehors du Québec,
c'est vraiment une incidence, vous n'expropriez pas les biens tels que les
biens en dehors du Québec, vous expropriez les biens de l'Asbestos
Corporation qui sont les actions et, par ce moyen, vous devenez
propriétaire des biens en dehors du Québec. Est-ce que c'est
l'intention du gouvernement de se donner ce droit? Ce n'est pas une question de
rhétorique. Il y a des questions de rhétorique...
M. Bérubé: On avait l'impression que vous faisiez
un discours, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Non, mais...
M. Bérubé: Oui, mon distingué
collègue de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, le
député de Mont-Royal croit à l'expropriation des
actions.
M. Ciaccia: Je ne le crois pas, je vous lis ce que votre projet
de loi...
M. Grégoire: Oui, mais le projet de loi, justement...
M. Ciaccia: ... c'est tel que décrit. M.
Grégoire: ... parle des biens.
M. Forget: Selon la loi des impôts à laquelle on
fait référence, les biens incluent les actions.
M. Grégoire: Oui, seulement...
M. Bérubé: ... celles qui sont au
Québec...
M. Grégoire: Oui... M. le Président, le projet de
loi a pour but d'exproprier les actifs, non pas les actions, parce que nous
savons fort bien que
les actions de General Dynamics, compagnie américaine qui
détient 54% des actions de l'Asbestos Corporation, par le fait
même qu'elles sont situées en dehors du territoire du
Québec, ne sont pas ex-propriables; c'est justement là qu'on n'a
qu'à consulter la Loi sur la territorialité.
M. Forget: On ne parle pas des actions... M. Grégoire:
Oui.
M. Forget:... dans la société Asbestos, on parle
des actions détenues par la société Asbestos dans d'autres
sociétés.
M. Grégoire: Par la société Asbestos, dans
d'autres...
M. Forget: Cela, c'est expropriable.
M. Bérubé: Là encore, sont-elles
géographi-quement...
M. Forget: Peu importe. Cela n'a pas d'importance.
M. Ciaccia: Peu importe. L'action peut être à la
Banque Chase Manhattan, à New York, si c'est la propriété
de l'Asbestos Corporation à Québec, vous pouvez l'exproprier, peu
importe où se trouve l'action.
M. Grégoire: Non, ce ne sont pas les actions qui sont
expropriées, ce sont les actifs possibles.
M. Ciaccia: Non, mais, M. le Président, je conseillerais
au député de Frontenac de consulter ses juristes.
M. Bérubé: Si vous me permettez d'intervenir ici,
je pense qu'il y a un quiproquo qui traduit, d'ailleurs, très
fréquemment une certaine méconnaissance, de la part des
libéraux, de la constitution canadienne. C'est d'ailleurs la principale
raison pour laquelle ils sont ravis du statu quo; ne la comprenant pas,
évidemment, ils ne veulent pas la changer.
Mais, M. le Président, je pense qu'il faut revenir, pour analyser
la question du député de Mont-Royal, à deux principes.
D'abord, il y a évidemment le problème de la limitation
territoriale de nos lois.
L'article 92 stipule qu'une loi provinciale ne peut s'appliquer que sur
le territoire de la province.
M. Forget: C'est une loi canadienne, elle ne peut pas s'appliquer
en Chine! Il ne s'agit pas de ça du tout, M. le ministre.
M. Bérubé: Pardon?
M. Ciaccia: Ce n'est pas la trouvaille du siècle que vous
venez de nous dire.
M. Grégoire: Oui, mais c'est ce que vous aviez
oublié.
M. Bérubé: Pardon, c'est un article de la
constitution qui dit qu'une loi du Québec ne peut pas avoir une
portée extraterritoriale, alors qu'une loi fédérale...
M. Forget: Tout le monde sait ça!
M. Bérubé:... peut avoir une portée
extraterritoriale, mais elle est difficile d'application. C'est un argument
d'un tout autre ordre.
Donc, lorsqu'on parle des actions, il va de soi qu'une personne morale,
comme la société Asbestos, qui détiendrait des actions de
Nordenham que nous aurions décrites dans notre avis d'expropriation et
que nous pourrions saisir sur le territoire du Québec, nous pourrions
les exproprier.
Cependant, des actions qui seraient à l'extérieur du
Québec, nous ne pourrions les exproprier ou les saisir, dans la mesure
où une loi du Québec ne peut pas avoir de portée
extraterritoriale. C'est essentiellement la raison en vertu même de la
constitution et, pour cette raison, évidemment, on ne peut pas avoir une
loi qui s'applique à l'extérieur, par exemple, dans le cas de
Nordenham, d'une part.
D'autre part, l'application est impossible, c'est également le
deuxième argument.
M. Ciaccia: D'après la Loi des compagnies, peu importe
où se trouve l'action, si c'est une compagnie du Québec, le lieu
de l'action est au Québec, parce que c'est l'Asbestos Corporation qui
est propriétaire de cette action. La filiale appartient à
l'Asbestos Corporation et vous vous donnez le droit, dans l'article 20,
d'exproprier les biens, qui incluent les actions, et devenir
propriétaire de la filiale. Si vous expropriez les actions, vous
mettez... Peut-être puis-je donner un exemple, ce sera plus facile
à comprendre: quand vous expropriez les actions détenues par
Asbestos Corporation...
M. Bérubé: ... qui sont détenues par des
Québécois.
M. Ciaccia:... qui sont la propriété de l'Asbestos
Corporation, pas des actions de General Dynamics ou d'une autre, vous vous
mettez juridiquement à la place d'Asbestos Corporation. Vous pourriez
même garder le nom, parce que vous avez exproprié les actions.
M. Bérubé: Non, on ne peut pas.
M. Ciaccia: M. le Président, j'inviterais le ministre
à inviter le ministre de la Justice. On voit ici que non seulement ils
ne sont pas au courant des négociations du ministre des Finances, mais
ils ne sont pas au courant des principes juridiques qui sont inclus dans ce
projet de loi. Je demanderais que le ministre de la Justice soit
présent.
M. Forget: Est-ce qu'on peut suspendre pour quelques minutes.
M. Bérubé: Non, on n'a pas besoin de
suspension!
M. Ciaccia: Oui, mais sur les principes fondamentaux, vous nous
citez la constitution. L'expropriation des actions, des biens n'a rien à
voir avec la constitution.
M. Bérubé: Cela ne peut être que les biens
situés au Québec, parce que le gouvernement du Québec ne
peut pas adopter une loi dont l'application...
M. Ciaccia: Mais si c'est une corporation du Québec, the
actions are deemed to be situated in Québec. Comprenez-vous
ça?
M. Bérubé: Non, parce que la
société...
M. Forget: Vous confondez le type de propriété, le
support physique, le morceau de papier avec la qualité de
propriétaire, et vous pouvez exproprier la société
Asbestos et tout ce qu'elle possède, après, elle est
débitrice d'une obligation, de vous remettre les titres.
M. Bérubé: Nous ne pouvons pas exproprier la
société Asbestos, parce que, pour exproprier la
société Asbestos, il faudrait exproprier les actionnaires
américains de la société Asbestos, ce qui n'est pas
possible, puisqu'ils ne sont pas situés sur le territoire
québécois. Par conséquent...
M. Forget: Les biens de la société Asbestos. M.
Bérubé: Justement.
M. Forget: Parmi ces biens, il y a des titres mobiliers.
M. Bérubé: Les biens de la société
Asbestos situés au Québec, en vertu de la constitution, on voit,
de toute évidence, que vous ne connaissez pas cette constitution.
Mettez-vous à son étude.
M. Ciaccia: M. le Président, pourquoi le ministre des
Richesses naturelles n'a-t-il pas une réponse à une question?
Non, ce n'est pas simple, changez votre loi, elle est assez ambiguë. Elle
vous donne des pouvoirs que vous nous dites que vous n'allez pas exercer, mais
que vous avez. La population ne sait pas ce que vous allez faire,
d'après ces articles. L'article 20, je répète, vous donne
ce pouvoir d'exproprier les actions que l'Asbestos Corporation détient.
Ici, il y a trois filiales. Par l'entremise, par le moyen de l'article 20, vous
allez devenir propriétaires des trois filiales détenues par
l'Asbestos Corporation. Si ce n'est pas votre intention, si vous n'allez pas le
faire, je vous suggère fortement non pas d'aller changer la constitution
du Canada, ce n'est pas ça qui a besoin de changement, c'est votre
approche et votre projet de loi qui ont besoin d'être changés.
M. Bérubé: M. le Président, je vais essayer
d'éclairer la lanterne de l'Opposition. Je vais supposer que la
société Asbestos possède un bureau à New York et
que je veux exproprier les biens de la société Asbestos. De toute
évidence, je ne serai certainement pas capable d'éclairer la
lanterne de l'Opposition... Non, le député de Mont-Royal
écoute.
Je suppose un édifice situé à New York, appartenant
à la société Asbestos, et je décide d'exproprier
les biens de la société Asbestos. Evidemment, au Québec,
je ne peux saisir l'édifice américain, il va de soi, pour la
simple raison que, n'étant pas situé au Québec, l'article
92 de la constitution ne me permettant pas d'adopter une loi ayant une
portée extra-territoriale, je ne peux donc pas exproprier un
bâtiment situé en dehors du Québec. C'est vrai pour un bien
physique. C'est donc dire que la société Asbestos n'est pas une
personne physique établie au Québec, c'est une personne morale
dont la propriété est répartie entre un grand nombre
d'actionnaires, tant étrangers que canadiens ou québécois.
Donc, si la société Asbestos possède aux Etats-Unis une
chambre forte et détient des actions, je ne peux saisir ces actions
à cause de la portée extra-territoriale que je voudrais
conférer à la présente loi, ce qui est interdit en vertu
de la constitution.
Donc, je ne peux exproprier que les biens de la société
Asbestos qui sont au Québec. Il ne fait aucun doute que des biens, des
créances hypothécaires, que des actions qui seraient
détenues au Québec par la société, je pourrais les
exproprier, c'est vrai. Nous n'en avons pas l'intention, puisque ce serait
beaucoup trop compliqué, puisqu'il suffirait à la compagnie de
transférer ses papiers à l'extérieur du Québec pour
que je ne puisse plus mettre ma loi en application. Il va de soi que ce que
nous allons exproprier, ce seront des actifs physiques, immobiles, que nous
sommes en mesure de saisir, et non évidemment des bouts de papiers que
nous ne pouvons absolument pas contrôler.
M. Forget: Est-ce que le ministre serait prêt à
déposer un avis juridique à savoir que, d'après lui, sa
loi interdit la prise de propriété, la prise de contrôle
des filiales de la société Asbestos. On aime bien les
interprétations légales, mais il n'appartient pas au ministre
comme tel, ex cathedra, de définir le droit. Est-ce qu'au moins, un avis
juridique... (16 h 30)
M. Bérubé: Un avis juridique verbal de Me
Brière vous suffirait-il?
M. Forget: Nous voulons un avis écrit.
M. Lalonde: C'est sûrement mieux que l'avis du
ministre.
M. Bérubé: II ne fait aucun doute que dans le
domaine, sa compétence n'est plus à établir.
M. Lalonde: Dans n'importe quel domaine. M. Grégoire: Tu
as fêté à midi? M. Lalonde: Non.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
l'article 22?
M. Lalonde: Qu'est-ce que Me Brière dit? M.
Bérubé: II dit qu'il n'a pas le droit. M. Lalonde:
Oui, on peut. Consentement. M. Grégoire: Consentement.
M. Bérubé: Si Me Brière ne veut pas se
prononcer sur la question, il est tout à fait libre de ne pas se
prononcer sur la question.
M. Lalonde: Ah! L'avocat refuse de donner un avis. Ce n'est pas
rassurant.
M. Ciaccia: J'aimerais poser une autre question au ministre. Il
semble qu'il y ait une certaine ambiguïté dans
l'interprétation, non seulement de l'article, mais des intentions du
ministre. Et je me demande... Il est en train de parler. Je vais attendre qu'il
finisse son entretien avec son collègue.
Est-ce que je pourrais demander au ministre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y.
A l'ordre, s'il vous plaît! Sinon, nous allons suspendre les travaux, si
personne ne veut parler.
M. Bérubé: ... M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ou il mange une tablette de chocolat, ou il parle
à quelqu'un. Qu'il essaie donc de suivre un peu les
délibérations de la commission.
Serait-il possible que le ministre spécifie, dans le projet de
loi, les vraies intentions du gouvernement? Est-ce que c'est son
intention...
M. Bérubé: Ce n'est pas la pertinence du
débat.
M. Ciaccia: Je sais que ce n'est pas pertinent. Le ministre ne
considère pas pertinent d'avoir un projet de loi qui n'est pas ambigu,
et qui devrait refléter les intentions que le gouvernement a, s'il a
vraiment des intentions d'exproprier ou non.
M. Grégoire: Vous allez trouver cela à l'article
21.
M. Ciaccia: Si ce n'est pas l'intention du gouvernement
d'exproprier les actions, même si elles sont la propriété
d'Asbestos Corporation, pourquoi donner une définition de biens, tel
qu'inclus à l'ar- ticle 22? Cette définition de biens inclut
aussi les actions d'Asbestos Corporation.
M. Grégoire: Vous allez l'avoir à l'article 21.
M. Lalonde: II y a un problème qui n'est peut-être
pas le même que celui qui a été soulevé. Je vais
laisser le député de Saint-Laurent enchaîner avec le
problème qu'il a soulevé avant que j'arrive.
Mais j'aimerais savoir du député de Frontenac, l'assistant
du ministre, ou de la part du ministre, peut-être, lorsqu'il nous
accordera son attention, ce qu'on recherche par l'article 22, à savoir
qu'un bien appartenant à une filiale est considéré comme
un bien de la société Asbestos, pour les fins des articles 23 et
29 à 54.
Est-ce qu'il pourrait nous dire pourquoi cet article a été
inclus dans la loi? Est-ce qu'il pense qu'une filiale contrôlée
par Asbestos Corporation, qui serait à l'extérieur du
Québec, ou à l'extérieur du Canada, serait obligée
de livrer les biens qui seraient désignés dans un avis
d'expropriation, puisque son bien, donc appartenant à une corporation
qui est une filiale contrôlée, est sensé, est
réputé appartenir à la société Asbestos?
Donc, pour les fins d'expropriation, si le bien appartient à l'Asbestos
Corporation, le gouvernement pourrait l'inclure dans son avis d'expropriation,
dans les biens qu'il veut acquérir...
M. Bérubé: A une condition.
M. Lalonde: Quand j'ai vu cela, je me demandais quel était
le but de cet article.
M. Bérubé: Je pense que nous avons malheureusement
dévié, à la suite de l'intervention du
député de Saint-Laurent qui, comme à l'accoutumée,
a pris une tangente qui l'a éloigné considérablement du
sujet de l'article 22, ce qui, finalement, nous a entraînés dans
ma réponse et également à l'extérieur du
Québec. Le président estimait qu'étant donné que
nous avions déjà pris la tangente, il ne pouvait pas nous ramener
à l'ordre. Par conséquent, nous sommes rendus très loin du
sujet de l'article 22. L'article 22 vise un objectif précis. Nous ne
voulons pas, au moment de l'expropriation d'actifs de une, deux, trois, ou
quatre filiales établies, avoir à négocier avec une, deux,
trois ou quatre filiales, à faire appel à un, deux, trois ou
quatre tribunaux d'expropriation, nous voulons n'avoir à faire qu'une
seule opération.
Donc, aux fins des procédures judiciaires, de la
représentation de l'exproprié, du calcul de l'indemnité,
de la sentence, à ces fins juridiques, ce que nous disons, c'est qu'il
n'y a qu'une seule personne morale représentant la
propriété, c'est la société Asbestos. C'est tout ce
que nous disons. Ceci nous permet donc de n'avoir à discuter qu'avec la
société Asbestos et non avec des filiales de la
société Asbestos.
L'exemple que j'ai donné, c'est celui des daims
possédés par Hudson's Bay Company dans le Nord du Québec.
Cette filiale est contrôlée par
la société Asbestos. Or, au moment où nous
exproprions une mine, nous ne voudrions pas être obligés
d'exproprier d'une part, la mine, les installations, d'autre part, les daims
d'une autre filiale et de devoir à ce moment négocier
également avec cette filiale. Ce que nous disons, c'est que tous les
biens appartenant soit à la société mère, soit
à des filiales, sont considérés comme appartenant à
la société mère, ce qui nous donne un intervenant.
M. Lalonde: Je comprends le but de cette espèce de
création juridique qui peut faciliter les opérations. Mais
l'exemple qui a été donné par le ministre, c'est un
exemple, les daims, sont des daims situés sur le territoire
québécois, alors que l'article 22 ne précise pas que les
mines sont situées au Québec.
Si le but est celui que le ministre vient de décrire, je n'ai pas
de problème, je n'ai pas d'objection, dans l'avis d'expropriation, on va
décrire un certain nombre de biens. Ou bien la loi donne le pouvoir au
gouvernement d'exproprier les biens de la société Asbestos plus
une description, une liste d'autres sociétés qui seraient ses
filiales contrôlées, ou bien on procède de la façon
décrite dans l'article 22. Cela ne crée pas de problème,
l'une ou l'autre. Sauf que il faut bien le dire ce sont des biens
situés au Québec. Si l'intention du gouvernement était de
forcer les filiales contrôlées par la société
Asbestos à livrer des biens qui seraient à l'extérieur du
Québec, à ce moment, ce serait illusoire. Il faut le
préciser, ne serait-ce qu'au nom de la rigueur, la rigueur de la
rédaction.
Je m'excuse d'interrompre les sourires du ministre, mais... Bon, alors,
le ministre a compris.
M. Bérubé: Oui.
M. Lalonde: II y aurait lieu de préciser que ce sont des
biens situés au Québec, appartenant à une corporation qui
est une filiale contrôlée. Ce n'est pas nécessaire? Bien,
je vous jure qu'à la première...
M. Bérubé: L'article 21 permet, dans l'avis, de
spécifier quels sont les biens que le gouvernement a l'intention
d'exproprier et ceux que le gouvernement n'a pas l'intention d'exproprier.
M. Lalonde: Oui, mais il ne faut pas faire...
M. Bérubé: L'article 21 permet donc de faire cette
distinction dans l'avis d'expropriation, mais je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de décrire les biens mêmes dans la loi, laissant
au gouvernement le soin de le spécifier dans l'avis.
M. Lalonde: Je remercie beaucoup le député de
Frontenac de son avis bien rassurant, sauf que chez lui, il y a une distinction
qu'il ne fait pas entre le gouvernement et la loi. La loi, c'est l'institution
démocratique par excellence. C'est notre maître à tous.
Parfois on a confiance, parfois on n'a pas confiance au gouvernement.
Actuellement, il y a au-dessus de 60% des gens qui n'ont pas confiance, mais
ça, c'est une chose qui va être corrigée aux prochaines
élections.
Ce que je veux dire, c'est que c'est la loi qui doit régler, qui
doit être le but, l'intention du législateur, cela n'est pas le
gouvernement. Que le gouvernement décrive ce qu'il veut, en vertu de
l'article 21, c'est son problème; il fera tout simplement une autre
erreur. Mais c'est la loi qu'on écrit. A l'article 22, on dit: "Un bien
appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée
de la société Asbestos Limitée est réputé
appartenir à la société Asbestos aux fins de l'article
23." Je regrette, c'est faux. Ce serait vrai seulement pour les biens qui sont
situés au Québec, qui sont assujettis à leur juridiction.
De la façon dont on le dit, cela n'est pas vrai, cela n'est pas exact,
ou enfin c'est illusoire. C'est strictement, je pense, de mauvaise
rédaction et c'est pour cela que je demande au ministre de le changer.
Simplement dire: Un bien situé au Québec, c'est aussi simple que
cela. Si vous le préférez: Situé dans la province de
Québec.
M. Bérubé: Cela n'est pas nécessaire, M. le
Président. Comme je le soulignais et je vais me contenter de relire un
certain nombre de choses, d'avis juridiques que nous avions à notre
disposition au moment de la rédaction. Il est bien dit que la
compétence juridique des provinces est fondamentalement limitée
au territoire de la province. L'introduction de l'article 92 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, de même que chaque paragraphe de
l'article stipule cette limite territoriale. Evidemment, le
député de Marguerite-Bourgeoys, pas plus d'ailleurs que le
député de Mont-Royal et peut-être le député
de Saint-Laurent, cependant, ne réalisent ces implications de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
En conséquence, une loi provinciale de nature extra-territoriale
serait non seulement difficile à mettre en oeuvre c'est ce que
nous disions tantôt mais également et surtout invalide
parce que relative à un objet hors des limites provinciales et en
conséquence à un objet qui n'est pas attribué à la
province. En d'autres termes, la constitution dit bien qu'une loi ne peut pas
avoir une portée extra-territoriale.
Suivant la jurisprudence la plus constante fondée sur
l'arrêt de Royal Bank of Canada versus the King, une loi provinciale aura
un effet extraterritorial et sera, en conséquence, invalide lorsqu'elle
prétendra nier à un individu le bénéfice de droits
qui lui sont conférés hors de la province. En d'autres termes, si
lors de la présentation du décret par le gouvernement, celui-ci
devait spécifier des actifs qui sont situés en dehors du
Québec, ces actifs pourraient être contestés en cours en
vertu même de la constitution.
M. Lalonde: Donc, le gouvernement n'a pas l'intention
c'est ce que vous voulez? par la voix de son ministre, le gouvernement
déclare
ne pas avoir l'intention d'exproprier de biens qui se situent à
l'extérieur du Québec.
M. Bérubé: Ce serait anticonstitutionnel, vous
connaissez très bien notre respect...
M. Lalonde: Oui, mais vous avez déjà fait des
choses anticonstitutionnelles.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: Permettez-moi de ne pas être rassuré par
cette déclaration.
M. Bérubé: Vous connaissez notre respect.
M. Lalonde: J'ai déjà vu un autre ministre, ici,
faire des gestes, proposer des articles à la loi 101 entre autres,
où l'anticonstitutionnaKté était le dernier de son
problème. Donc, vous appartenez à un gouvernement qui est
dangereux à ce sujet. C'est pour cela...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La loi
121, s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'était de 101 dont je parlais. D'accord
121.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
c'est 121.
Une Voix: Cela n'est pas loin...
M. Lalonde: Non, mais on est encore sensible, M. le
Président. Vous avez sûrement eu connaissance de ces débats
et des jugements de cour qui ont déclaré des chapitres complets
de la loi 101 anticonstitutionnels. Cette inquiétude exprimée par
le ministre sur la constitutionnalité, il faudrait lui expliquer que
cela ne nous rassure pas. J'aimerais mieux une déclaration à cet
effet, puisqu'il ne veut pas le mettre dans la loi. Remarquez que les
déclarations du ministre ne sont pas toujours rassurantes, on en a
tellement de contradictoires. Mais cela ne fait rien, on pourra toujours pour
la postérité dire: Voici, le ministre a dit telle chose. Tout le
monde va rire, mais cela ne fait rien, on aura au moins une déclaration
quelconque.
Si je comprends bien, le ministre nous dit que le gouvernement n'a pas
du tout l'intention, au contraire, d'inclure dans son avis d'expropriation des
biens qui appartiendraient à des filiales ou à la
société Asbestos et qui seraient situés à
l'extérieur du Québec.
M. Grégoire: II y a deux choses dans votre
déclaration. A la première occasion, vous avez dit: II n'est pas
dans l'intention du ministre d'exproprier. Le ministre a dit non. Mais
d'inclure dans l'avis, s'il y a consentement mutuel, si c'est d'un commun
accord et qu'il n'y a pas de contestation, cela peut être tout aussi bien
inscrit dans l'avis.
M. Lalonde: Alors, cela n'est pas une expropriation.
M. Grégoire: Cela n'est pas une expropriation.
M. Lalonde: C'est ce que je veux dire une expropriation, on parle
d'expropriation ici. Vous savez, on est en train de faire un
épouvantail, au cas où le député ne s'en
souviendrait pas, c'est un épouvantail qu'on fait. On va montrer cela
à l'Asbestos Corporation pour lui faire peur. S'ils n'ont pas peur et
qu'on est obligés d'exproprier, à ce moment, c'est
l'épouvantail qui va agir. Ils vont mettre des portraits dessus. Je peux
vous en suggérer quelques-uns.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, il vous reste neuf minutes.
(16 h 45)
M. Ciaccia: J'ai seulement une question. J'aurais quelques autres
commentaires sur le paragraphe 22. Est-ce que le ministre a mentionné
une autre filiale de l'Asbestos Corporation? Il en a mentionné quatre,
cinq.
M. Bérubé: Non, c'est essentiellement une que nous
avons à l'esprit.
M. Ciaccia: J'ai cru entendre du ministre le nom d'une filiale
qui n'est pas incluse dans le rapport annuel, Hudson Strait. J'ai posé
une question au ministre.
M. Bérubé: II n'y a pas vraiment de question. Vous
pouvez consulter le rapport financier que vous avez comme nous. Nous avons
aussi le rapport financier. Vous avez des listes de filiales comme nous.
M. Forget: Le ministre a quand même cité un nom qui
ne figure pas dans le rapport annuel de la compagnie, d'où notre
curiosité.
M. Bérubé: Voilà, le 31 décembre
1977, Hudson Strait Asbestos Limited était une filiale qui a
été réintégrée depuis à
l'intérieur, mais il reste encore d'autres filiales de la
société. L'entreprise est en train, semble-t-il, d'en
réintégrer certaines, mais on ne peut pas prévoir quelles
seront ces filiales, si elles seront toutes réintégrées
à la société mère ou non et cet article-là,
à ce moment-là, tient. Si on décidait la semaine prochaine
d'ouvrir une nouvelle filiale et de lui vendre un certain nombre d'actifs,
à ce moment-là, on serait en mesure... C'est un article de
portée générale.
M. Lalonde: Réintégrées, cela veut dire que
la société aurait acquis les actifs de cette filiale et fait
disparaître la filiale.
M. Bérubé: Hudson Bay... Oui, il s'agit d'une
société, semble-t-il, qui aurait été
constituée essentiellement pour profiter de certains avantages
fiscaux.
M. Lalonde: Une filiale entière. M.
Bérubé: Oui.
M. Ciaccia: M. le Président, on a demandé au
ministre tantôt s'il pouvait clarifier l'article 22 pour s'assurer qu'il
exercerait le pouvoir d'expropriation d'une façon qui s'applique
seulement aux biens qui sont situés au Québec. Sur la
façon dont cet article est rédigé, souvent on s'est
interrogé, à savoir si le gouvernement avait vraiment l'intention
d'exproprier. Est-ce que vraiment il a l'intention de se porter
acquéreur de tous ces actifs ou de tous ces biens? Cela a affaire avec
la façon dont l'article 22 est rédigé. On pourrait
très bien voir le scénario suivant: Vous appliquiez l'article 22
littéralement et vous exproprieriez des biens qui sont situés
hors du Québec. Ceci entraînerait seulement la contestation de la
part de l'exproprié. Il dirait: Vous n'avez pas le droit de le faire. A
ce moment-là, encore une fois, ce serait un retard. Le
député de Frontenac nous accuse toujours de retarder les choses.
Ce serait un autre retard qui vous permettrait encore de faire de la
démagogie, d'argumenter sur les intentions du Québec et de ne pas
procéder à l'expropriation. Premièrement, pour que le
projet de loi ne soit pas ambigu et, deuxièmement, qu'on ferme la porte
à ce genre de contestation, il me semble que l'article 22 devrait
être amendé pour clairement spécifier qu'il vous donne les
pouvoirs et seulement ces pouvoirs que vous avez légalement.
M. Bérubé: C'est une question hypothétique,
M. le Président, à laquelle nous n'avons pas à
répondre.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent, à moins de... J'ai bien de la
misère à tenir le temps puisque...
M. Forget: II me reste une minute, selon notre
comptabilité très fidèle et détaillée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous
reste une minute selon la vôtre... Puisque mon angle est
différent, je vous donne la minute.
M. Forget: Très brièvement, M. le Président,
j'aimerais présenter une motion, parce qu'à notre avis, il est
capital qu'on soit très clair sur la base sur laquelle on achète
ou on n'achète pas l'usine qui se trouve située en Allemagne,
parce que ceci a des implications considérables pour d'autres
décisions qui doivent être prises relativement, par exemple,
à la mine dans le Nouveau-Québec et, pour être sûr
qu'il s'agit là, comme nous le prétendons, d'une décision
gouvernementale et non pas d'une fatalité imposée par la
constitution ou par la loi, nous tenons à ce qu'il y ait le
dépôt d'un avis juridique, pour être bien sûr de notre
base, qu'on ait une base commune quant à la signification de la loi,
qu'un avis juridique soit déposé qui nous démontre qu'il
ne s'agit pas là d'une décision du gouvernement, mais qu'il
s'agit là d'une nécessité à laquelle il doit se
plier sans avoir de possibilité de choix. La motion se lirait de la
façon suivante: "Que cette commission invite le ministre des Richesses
naturelles à distribuer aux membres de cette commission un avis
juridique écrit sur le pouvoir d'exproprier les actions dans la filiale
Asbestos Corporation, GmbH filiale, comme on le sait, qui est incorporée
en Allemagne de l'Ouest, de la Société Asbestos Ltée, dans
les plus brefs délais."
Nous prétendons, M. le Président, qu'il est possible,
étant donné la définition des mots dans l'article 22, la
définition des mots dans la Loi sur l'impôt, de soumettre ces
actions à la loi 121, parce que la société Asbestos est un
sujet de droit au Québec, qu'elle peut être rendue
débitrice d'une obligation de livrer des titres de
propriété, d'un bien qui serait inclus dans un avis émis
en vertu de l'article 20 de la loi 121. Le ministre prétend le
contraire. S'il a raison, il est bien clair qu'il s'agit là d'une
nécessité, qu'on n'exproprie pas l'usine en Allemagne, il s'agit
là d'une nécessité.
Si nous avons raison et qu'on n'achète toujours pas l'usine en
Allemagne, il s'agit là d'une décision gouvernementale et d'un
choix. Donc, cet avis juridique est extrêmement pertinent pour
découvrir le sens réel qu'il faut donner à l'article 22 et
le sens réel qu'il faut donner également à la façon
dont le gouvernement a l'intention d'appliquer la loi. C'est la raison de la
motion, M. le Président. Comme je n'ai pas plus de droit de parole, je
dois me borner à ceci.
Oui, je peux la relire: "Que cette commission invite le ministre des
Richesses naturelles à distribuer aux membres de cette commission un
avis juridique écrit sur le pouvoir d'exproprier les actions dans la
filiale Asbestos Corporation GmbH, de la société Asbestos
Ltée dans les plus brefs délais."
M. Bérubé: D'accord.
Une Voix: ... pas d'objections.
M. Forget: Pas d'objections? Bon!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je
comprends que, ou bien la motion est adoptée, ou il y a un
consentement.
M. Lalonde: Elle est adoptée.
M. Forget: Elle est adoptée unanimement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion du député de Saint-Laurent est adoptée?
M. Lalonde: Adoptée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y aurait donc consentement pour suspendre l'article 22, en toute
logique?
M. Bérubé: Pourquoi suspendre l'article 22?
M. Grégoire: Pourquoi le suspendre? On va
déposer...
M. Bérubé: Nous l'adoptons et...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais...
M. Forget: On ne peut pas l'adopter, M. le Président, sans
savoir...
M. Bérubé: La motion n'a rien à voir
avec...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Oui, peut-être qu'on peut faire un amendement,
M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Ce que j'aimerais... M. Forget: A la suite de
l'avis... M. Laplante: M. le Président...
M. Forget: ... il n'y a pas nécessité d'un
amendement.
M. Lalonde: Le député de Bourassa réclame
votre attention, M. le Président. Il veut nous éclairer.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Laplante: Je me demande actuellement je vous pose la
question si on peut légalement adopter, à ce moment-ci,
l'article 22 ou le rejeter, du fait qu'on n'a pas appelé l'article 1 et
on n'a pas de suspension de l'article 1 après en avoir pris
connaissance, parce que c'est le principe même du projet de loi,
l'article 1. Il n'a pas été appelé. Il faut s'entendre sur
cet article. On est allé de consentement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa, l'article 1 a été
appelé. L'article 1 a été dûment appelé.
M. Lalonde: II a été appelé hier.
M. Laplante: Non, il n'a pas été appelé
hier. Hier et ce matin...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Aujourd'hui, on a parlé seulement sur le
préambule du projet de loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît, M. le
député de Bourassa! Ou bien vous étiez absent, ou bien
vous étiez... Mais je me rappelle fort bien le journal des
Débats est là d'avoir appelé l'article 1, d'avoir
suspendu, de consentement unanime, certains articles, et d'avoir appelé
le paragraphe, parce que l'article 1 est composé de plusieurs
paragraphes. Donc, j'ai appelé l'article 1. J'ai suspendu, de
consentement unanime, certains paragraphes de l'article 1 et nous en sommes
à étudier le paragraphe 22 de l'article 1.
M. Laplante: Je m'en excuse, M. le Président. Je devais
être sorti à ce moment-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Probablement.
M. Laplante: C'est au moment où je suis sorti.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je
tiens pour acquis que la motion du député de Saint-Laurent est
adoptée.
Maintenant, à moins d'un consentement pour la suspension, ce que
la présidence ne peut imposer, je remets la discussion sur l'article 22.
M. le député de Richmond.
M. Brochu: Sur l'article 22, M. le Président, vous me
permettrez de revenir sur un point que j'ai eu l'occasion de soulever en
deuxième lecture et sur les questions que j'ai posées. Pour des
motifs indépendants de ma volonté, je n'ai pu assister aux
premiers moments de la commission parlementaire. Il en a peut-être
été question. J'avais demandé au ministre d'indiquer
à l'Assemblée nationale quelles étaient les intentions
précises du gouvernement en ce qui concerne les mines de l'Ungava, en ce
qui concerne Baie Déception, puisque le gouvernement avait
indiqué son intention d'exproprier l'ensemble des actifs de l'Asbestos
Corporation, incluant évidemment le secteur de l'Ungava.
Maintenant, il semble qu'il y ait une porte qui s'entrouve pour laisser
tomber en cours de route les actifs d'Asbestos Corporation en ce qui concerne
plus précisément la mine de Baie Déception.
J'aimerais entendre de la bouche du ministre quelles sont les intentions
du gouvernement ou de son ministère en ce qui concerne cette mine. On
sait que cela a certaines implications un peu particulières puisque la
production de cette mine va, comme cela a été souligné,
vers les usines de Nordenham en Allemagne à cause de la nature
même de la fibre qu'on extrait du sous-sol du Nord-Ouest
québécois en matière d'amiante. Donc, la mine de l'Ungava
et l'usine de General Dynamics en Allemagne sont directement reliées
à cause de la nature même de la fibre et de l'installation des
usines de Nordenham. Cette question est tout à fait importante puisque,
au point de départ, le gouvernement voulait faire un tout de son projet,
incluant les mines de l'Ungava. Main-
tenant, on semble vouloir laisser tomber ou, tout au moins, ouvrir la
porte à laisser tomber l'Ungava.
J'avais posé cette première question: Est-il exact que le
gouvernement a l'intention de laisser tomber ce secteur de son projet et, si
c'est exact, y a-t-il eu, d'une certaine façon, une évaluation du
coût en ce qui concerne ce qu'on pourrait appeler, entre guillemets, la
rentabilité de tout le projet, puisque ça représente quand
même un volume assez important d'exportation vers les marchés
européens? Cela implique également la porte d'entrée de
nos produits d'amiante en ce qui concerne le territoire européen, compte
tenu surtout, et je l'ai souligné à différentes reprises,
de l'entente intereuropéenne qui existe entre l'Europe des neuf, qui
devient maintenant l'Europe des dix, pour protéger les produits qui sont
manufacturés ou ouvrés dans le territoire de l'un des pays
membres de la Communauté économique européenne.
Je rappelle les paramètres de la discussion pour bien situer ma
question et bien en souligner l'importance également, puisque, si on est
prêt maintenant du côté du gouvernement à atrophier
le projet original de cette partie aussi importante qui s'appelle la mine de
l'Ungava qui alimente le marché européen par le biais de l'usine
de Nordenham, il doit y avoir des raisons majeures de le faire. Si vraiment on
s'apprête à laisser tomber cette production minière du nord
du Québec, je voudrais savoir pourquoi et je voudrais connaître
les impacts sur la rentabilité de tout le projet, comme je voudrais
connaître également les impacts au niveau de l'emploi, puisque,
d'un autre côté, si jamais on exproprie ou on s'approprie les
actifs de cette mine du Nord-Ouest québécois et qu'en même
temps on perde le marché européen de Nordenham, il faudra
reconstruire une autre usine ayant un outillage spécial pour être
capable de traiter cette fibre, ce qui a été
évalué, je pense, à environ $70 millions, si on veut
conserver les 500 emplois qui sont tributaires de ces installations
minières du nord du Québec.
D'un côté comme de l'autre, on voit qu'il y a des
implications assez importantes, assez considérables dans cette question
de la mine de l'Ungava. Je résume donc en reposant mes questions au
ministre.
Je termine là-dessus, M. le Président, je n'ai pas
l'intention de prendre le temps de la commission. Est-ce exact que le
gouvernement a l'intention de laisser tomber la question des mines de l'Ungava?
Si oui, y a-t-il eu une étude d'impact par rapport à son projet
réel et, s'il a l'intention de laisser tomber, a-t-il
évalué ce que ça pourrait créer en termes de
diminution d'emplois? S'il a l'intention d'acquérir la mine mais qu'il
n'est pas sûr du marché en ce qui concerne l'Allemagne, qu'est-ce
que ça peut avoir comme impact sur l'emploi qui en est tributaire?
J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, je vais vous donner le même droit que
j'ai donné au député de Saint-
Laurent, mais je continue à dire et à maintenir que,
théoriquement, la pertinence du débat relativement à
l'article 22 me semble lointaine. Etant donné que le ministre avait
déjà parlé de ces propos, que le député de
Saint-Laurent en a lui aussi parlé, je vous donne rétroactivement
ce droit et je demande au ministre de répondre au député
de Richmond. (17 heures)
M. Bérubé: Le drame, M. le Président, c'est
que, de fait, si on ne répond pas aux questions de l'Opposition,
l'Opposition s'empresse aussitôt de nous accuser d'arrogance. Cependant,
si nous répondons aux questions de l'Opposition, on pourrait nous
accuser d'impertinence. C'est à vouloir osciller entre l'impertinence et
l'arrogance qu'on finit par se demander s'il est préférable de
choisir l'impertinence ou l'arrogance.
Silence!
De fait, M. le président, c'est à l'article 21 qu'on
indique: "Si les biens du propriétaire ne sont expropriés qu'en
partie, l'avis d'expropriation contient soit la description des biens qui ne
sont pas expropriés, soit la description de ceux qui le sont." C'est
donc lorsque nous aborderons l'article 21 que nous pourrons vraiment discuter
du sens de cet article, de l'intérêt d'exproprier certains biens,
en totalité ou en partie, situés au Québec. Cependant, je
reviens à l'article 22; il s'agit simplement de considérer qu'une
filiale de l'As-bestos Corporation, ayant des actifs au Québec, est
considérée comme une seule et même personne morale,
c'est-à-dire comme la société Asbestos.
Il n'y a pas d'autres éléments dans cet article 22 que cet
élément que je viens de décrire. En d'autres termes, ce
que l'on dit, c'est que la filiale, si nous avons à exproprier certains
biens ou la totalité de ces biens situés au Québec,
cède sa place à Asbestos pour la défense de ses
intérêts. C'est ce que nous venons de dire. Par conséquent,
cela ne s'applique pas comme tel aux installations d'Asbestos Hill, si ce n'est
par le biais de Hudson's Strait Bay Company qui, en 1977, était une
filiale détenant des baux exploités par la société
Asbestos à Asbestos Hill. Cependant, cette filiale était en voie
d'être réabsorbée par Asbestos et, effectivement, il me
semble qu'en 1978, ou du moins d'après le bilan financier publié
par la compagnie, cette société aurait été
absorbée par Asbestos. En d'autres termes, la question ne se poserait
plus puisque, maintenant, il s'agirait bel et bien d'une seule et même
personne morale.
Il existe quand même d'autres filiales et, comme on ne peut pas
présumer de l'intention de la société Asbestos qui
pourrait créer demain 25 filiales au Québec, par
conséquent, l'article en question fait simplement prévoir de
telles circonstances. C'est tout. Ce serait vraiment vagabonder très
loin du thème que de vouloir attaquer tout de suite l'article 21, alors
que nous avons convenu que la présence du ministre des Finances nous
permettrait d'aborder cet article en détail.
M. Brochu: M. le President, j'en conviens, je pourrai revenir
à ma question lorsqu'on arrivera à l'article 21.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Mont-Royal.
Est-ce que vous avez terminé, M. le député de
Richmond?
M. Brochu: II y aurait peut-être une autre petite
question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, allez-y.
M. Brochu: Dans la question soulevée tout à l'heure
par le député de Saint-Laurent en ce qui concerne
l'expropriation, c'est-à-dire, plus spécifiquement, au niveau des
actions et des difficultés que ça peut créer, parce qu'il
y a certains actionnaires qui sont à l'extérieur du Québec
et ainsi de suite... Est-ce qu'il n'y a pas eu certains
précédents qui ont été créés dans ce
domaine? Quand le problème s'est posé au niveau de la potasse, en
Saskatchewan, est-ce qu'il n'y a pas eu un problème similaire qui s'est
posé à ce moment-là dans le domaine? D'après les
informations que j'ai pu avoir, il pourrait y avoir une certaine similitude
entre la situation présente et celle de la potasse, où il y avait
des actionnaires qui étaient de l'extérieur. Evidemment, je n'ai
pas la proportion ou le pourcentage, mais, si un problème similaire a pu
être vécu à l'extérieur, en Saskatchewan, ces gens
vivent à l'intérieur du même chapeau de la
Confédération canadienne, avec les mêmes dispositions
législatives; ils sont aux prises avec les mêmes exigences. A ce
moment-là, cela pourrait peut-être être une avenue nous
conduisant un peu au corridor dans lequel on va se retrouver pour manoeuvrer
avec cette question. Est-ce que le ministre aurait certaines indications
à nous donner là-dessus?
M. Bérubé: L'indication que je pourrais vous donner
en ce sens est que la Saskatchewan n'a eu à exproprier aucune des
compagnies. Il y a eu règlement hors cour dans tous les cas. En effet,
il est peu intéressant, sur le plan fiscal, pour une entreprise de se
laisser exproprier et lorsqu'on lui donne le choix entre l'expropriation et la
négociation de gré à gré, elle
préfère généralement négocier de gré
à gré. Ceci explique pourquoi la Saskatchewan n'a jamais eu
à faire appel à sa loi d'expropriation, sa loi
générale d'expropriation, dans le cas des mines de potasse et, en
conséquence, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il serait advenu d'une
décision gouvernementale d'exproprier des actions appartenant à
une filiale.
Mais je dois dire qu'en général ces mines étaient
plutôt des divisions de sociétés américaines. Je
pense à International Mineral, en particulier. Il s'agissait de
divisions et non de filiales et, par conséquent, je pense que le
probème ne se posait même pas.
M. Brochu: Ceci voudrait dire en d'autres termes que, si on
pouvait en arriver à une entente de gré à gré avec
l'entreprise, tout ce problème juridique tomberait en
désuétude automatiquement et, par le fait même, on se
retrouverait dans la même situation que la Saskatchewan s'est
retrouvée à ce moment-là: la voie est ouverte.
Je voulais dire tout simplement qu'à toutes fins utiles, s'il
pouvait y avoir une entente de gré à gré, on
éviterait tout ce chaos légal dans lequel on se trouverait
autrement, s'il devait y avoir non-entente entre les parties, d'un
côté comme de l'autre, d'ailleurs, et pour l'entreprise, et pour
le gouvernement.
M. Bérubé: Cela ne fait aucun doute. Et c'est pour
cela que la passation de cette loi rapidement nous permettrait sans doute
d'atteindre très rapidement une entente avec General Dynamics.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le député de
Saint-Laurent a fait une motion à savoir que le ministre dépose
un avis juridique sur l'article...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Invite
le ministre.
M. Ciaccia: Invite le ministre à déposer un avis
juridique sur l'article 22.
Une Voix: C'est un jeu.
M. Ciaccia: C'est plus qu'un jeu à ce moment-ci, parce que
cela a été accepté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
cela.
M. Bérubé: C'est un voeu pieux compte tenu de la
nouvelle mentalité qui prévaut dans le Parti libéral.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: C'est un voeu pieux du ministre, à son
égard. J'espère que sa piété sera
respectée.
M. Grégoire: La main de Dieu...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je crois, M. le Président, qu'on ne peut pas
se prononcer vraiment sur le fond de l'article 22, avant qu'on ait la
possibilité d'examiner cet avis juridique. Je ferais motion pour
suspendre l'étude de l'article 22, à moins que ce soit
déjà décidé de suspendre. Je demande formellement
que cette commission suspende l'étude du paragraphe 22 de l'article 1 et
procède immédiatement à l'étude du paragraphe 23 de
l'article 1.
M. Bérubé: Pour la gouverne du député
de Mont-Royal, l'avis juridique n'aura vraiment de poids que lors de la
discussion de l'article 20 portant sur l'expropriation comme telle. L'article
22, comme je me tue à vous l'expliquer...
M. Lalonde: Vous avez la mort lente.
M. Bérubé: Vous n'avez pas allumé vos
lumières aujourd'hui, malheureusement. Je me tue à vous
l'expliquer, cet article porte effectivement sur le fait qu'une filiale de la
société Asbestos...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vu que
c'est un argument de fond, je déclare d'abord recevable la motion.
Discutez-en si vous n'êtes pas d'accord. M. le ministre.
M. Ciaccia: Est-ce que je peux demander si le ministre accepte
cette motion?
M. Bérubé: On ne peut pas l'accepter puisque
l'article 22 n'a rien à voir avec l'avis juridique que vous allez
recevoir. L'avis juridique va être d'importance pour la discussion de
l'article 20, mais il n'a rien à voir avec l'article 22, puisque
l'article 22 se contente uniquement de dire qu'une filiale de la
société Asbestos, contrôlée par la
société Asbestos, est assimilable à la
société Asbestos, aux fins de la présente loi. C'est tout
ce qu'il dit.
Par conséquent, cela ne dit absolument rien concernant la
localisation des biens, cela ne dit absolument rien concernant le
caractère de territorialité attaché à cette loi,
cela ne dit absolument rien de cela. Ce sont les articles 20 et 21 qui vont
déterminer ces conditions.
Nous aurons le temps de déposer cet avis juridique qui va
être prêt rapidement. On pourra, à ce moment, l'appliquer
à cette question. Vous pourriez appliquer l'avis juridique en question
à n'importe quel article qui n'a rien à voir avec l'avis
juridique que vous allez recevoir. Je demande simplement un peu de
cohérence.
M. Ciaccia: Je me demandais pourquoi le ministre avait consenti
à déposer l'avis juridique sur l'article 22, sans aucune
discussion. Je vois maintenant pourquoi il l'a fait, parce qu'il vient de nous
dire que l'avis juridique, qu'il va déposer, ne sera pas un avis
juridique sur l'article 22. Cela va dire très peu et cela va porter sur
l'article 20, je ne sais pas quelle sorte de raisonnement vous nous faites.
M. Bérubé: Nous allons bientôt
retourner...
M. Ciaccia: Je crois que c'est important pour nous d'examiner cet
avis juridique, parce que nous avons une certaine interprétation de
l'article 22 qui n'est peut-être par partagée par le ministre. Si
l'article 22, tel que nous le lisons, donne le droit au gouvernement
d'exproprier un bien qui n'est pas nécessairement situé au
Québec, mais qui peut être situé hors du Québec, tel
que l'article 22 se lit littéralement, à ce moment, même si
le gouvernement nous dit que ce n'est pas son intention, nous ne sommes pas
prêts à accepter les déclarations d'intention du
gouvernement. Nous voudrions être très spécifiques quant
à la définition du mot "bien". On va nous dire que ce n'est pas
l'article 22 qui donne le droit à l'expropriation, mais l'article 22
définit le mot "bien": C'est un bien appartenant à une
corporation qui est une filiale contrôlée de la
société Asbestos Limitée, au sens que donne à cette
expression l'article 1 de la Loi sur les impôts, réputé
appartenir à la société Asbestos. Alors, l'implication
claire, c'est que dans les acquisitions des biens de la société
Asbestos Limitée, on peut inclure un bien qui n'est pas situé au
Québec. Le bien peut être une action ou un actif. Si c'est
l'intention du gouvernement de se prévaloir de cette définition
et d'exproprier les biens qui ne sont pas nécessairement au
Québec, là, on va entrer dans toutes sortes de contestations, de
divergences d'opinions. Cela ouvre la porte à
l'illégalité. Nous voulons fermer la porte à
l'illégalité. Si l'avis juridique sur l'article 22 nous dit
clairement que la définition de "bien" est limitée seulement
à ce qui se trouve au Québec, que ce soit par voie d'actions, que
ce soit par voie d'actifs, nous agirons en conséquence.
Premièrement, nous avons besoin de préciser l'article 22.
On ne peut pas ouvrir la porte à la contestation. C'est bien beau pour
le ministre de nous citer la constitution, mais je me souviens, relativement
à d'autres projets de loi, on l'a citée et on est
alléà l'encontre de la constitution. Cela n'a pas eu l'air
d'ennuyer le ministre concerné à ce moment. Je ne pense pas qu'on
puisse se fier aux intentions du gouvernement. On peut se fier au fait que le
gouvernement va interpréter l'article 22 en accord avec la constitution,
mais selon l'option du gouvernement, il ne croit pas à cette
constitution. D'une façon, il nous dit: Ecoutez, on veut
renégocier 1867. Le ministre au développement culturel dit: C'est
le peuple qui va décider de la constitution. Ici, on entend le ministre
des Richesses naturelles nous citer la constitution. Je ne pense pas qu'on soit
satisfait.
M. le Président, pour ces motifs, on devrait suspendre toute
autre discussion sur l'article 22 jusqu'à ce qu'on puisse avoir
l'occasion de prendre connaissance de l'avis juridique. Je ne comprends pas
pourquoi le ministre refuse notre motion, parce que c'est lui-même qui a
accepté de nous faire part de cet avis juridique. Pour ces raisons, je
crois qu'on devrait suspendre l'étude du paragraphe 22 et
procéder à l'étude du paragraphe 23 de l'article 1.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion du député de Mont-Royal sera adoptée?
M. Ciaccia: Non, M. le Président. J'aimerais
intervenir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant, M. le député de Frontenac, sur la motion de
suspension.
M. Grégoire: M. le Président, il est évident
que cette motion, telle qu'elle est présentée à l'heure
actuelle, est faite simplement dans le but de retarder. On nous demande de
suspendre l'article 22 jusqu'à ce que le ministre des Richesses
naturelles ait déposé un avis juridique écrit, sur le
pouvoir d'exproprier les actions dans la filiale Asbestos Corporation. Tout
ça va être traité à l'article 20 et non pas
l'article 22. Le ministre l'a très bien expliqué tout à
l'heure, et je dis que la motion pour suspendre l'article 22 n'est faite que
pour retarder le débat. L'Opposition officielle, à l'heure
actuelle, sert très bien ses maîtres, les marchands de canons
américains. Cela explique très bien la déclaration du chef
de l'Opposition officielle, qui disait ce matin: On nous fait confiance
à General Dynamics sur la politique de la tape sur l'épaule;
entre bons amis, on s'entend; deux larrons en foire, quoi, l'acoquinage des
marchands de canons avec la caisse libérale.
M. le Président, je vais vous dire que c'est il faut tout
de même le dire, faire la jonction que c'est
précisément une telle compagnie, on s'en souvient, qui avait
donné des pots de vin, je ne porte pas d'accusation, mais je voudrais
tout de même rappeler les pots de vin remis par cette compagnie,
lorsqu'il s'agissait de vendre des avions de guerre aux quatre pays: le
Danemark, la Belgique, le Luxembourg et la Hollande, que c'est même
allé jusque sur les marches du trône de la Hollande et c'est la
même compagnie, aujourd'hui, qui traite d'ami à ami, avec la
confiance on se fait confiance; la tape sur l'épaule, comme je le
disais tout à l'heure larrons en foire. C'est la même
compagnie, aujourd'hui, qui fait de l'acoquinage, qui traite avec le Parti
libéral, et quand j'ai parlé d'acoquinage, j'ai mentionné
caisse électorale, parce que ça me rappelle un peu ce qui s'est
produit en Europe, justement, dans ces quatre pays qui ont eu à acheter
des avions de guerre de General Dynamics, où General Dynamics
soumissionnait pour des contrats afin de vendre des avions de guerre. Cela se
rapproche.
Quand je vois le Parti libéral nous arriver avec des motions
dilatoires aussi flagrantes que celles que nous avons présentement, il y
a des choses qui me passent par le cerveau, M. le Président, je ne vous
le cacherai pas. Oui, c'est déjà "pas pire".
M. Lalonde: ... c'est peut-être une nouveauté...
M. Grégoire: On dit: c'est déjà "pas pire".
Quand le député de Marguerite-Bourgeoys dit: c'est
déjà pire, on pourrait rappeler alors d'autres
événements encore plus présents. Il n'y a pas tellement
longtemps, on voyait c'est drôle, ce sont toujours des firmes
d'ingénieurs, de techniciens ou des gros entrepreneurs ou des grosses
compagnies comme celles-là, intéressées à...
Cela a été déclaré devant les tribunaux: les
souscriptions, les subventions de $500 000 et de $250 000 qui sont
tombées tout d'un coup, flop! dans la caisse électorale.
C'est justement la pertinence. Je relie la pertinence à ceci:
c'est que cette motion dilatoire devient trop flagrante et met en
lumière, tout à coup, cet acoquinage dont je parlais, des
marchands de canons avec les caisses électorales. Merci M. le
Président.
Une Voix: C'est tout?
M. Grégoire: Je pense que vous avez dû
comprendre.
Une Voix: Ce n'est pas plus que ça?
M. Grégoire: Vous êtes allés témoigner
pour ça devant la commission Malouf.
Une Voix: Alors, c'est un représentant de la filiale de
General Dynamics qui va nous adresser la parole.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Forget: M. le Président, on pourrait faire abondamment
des points de règlements au sujet du style d'intervention du
député de Frontenac, des allusions du député de
Bourassa et de l'encouragement manifeste du ministre, vis-à-vis une
certaine façon de conduire un débat sur un sujet
d'intérêt public. On peut peut-être s'imaginer de l'autre
côté que ce genre de discussion, je ne sais pas, on essaie de nous
intimider peut-être, on essaie de couper court au débat, en
rendant l'atmosphère très désagréable. Est-ce qu'on
pense sérieusement qu'on va se laisser intimider par des attaques
grossières qui n'ont absolument aucune justification et qui n'ont pour
but que de faire dévier le débat vers des engueulades ou des
styles de débat qui ne sont pas susceptibles d'éclairer la
population? Dieu sait que la population a besoin d'être
éclairée, parce que le gouvernement, dans cette histoire, est
loin d'être au-dessus de tout reproche.
J'espère que les insinuations que fait le député de
Frontenac ne se retourneront pas un jour contre le gouvernement qui, dans toute
cette affaire, a procédé de façon très
négligente. Je n'ai pas l'intention de me livrer aux mêmes
exercices de mauvais goût que ceux du député de
Frontenac.
Il reste que, si le gouvernement était si pressé il
nous dit depuis deux ans et demi qu'il est pressé n'est-ce pas
remarquable qu'un gouvernement, qui n'est pas un gouvernement minoritaire quant
au nombre de ses députés, prenne deux ans et demi pour
réaliser une action aussi simple que l'achat d'une mine? Comment se
fait-il, quand ils ont présenté le projet de loi 70, qu'ils n'ont
pas inclus un droit d'expropriation qui est l'enfance de l'art pour un
gouvernement qui dit que,de toute façon, de gré à
gré ou par expropriation, il va acquérir des actifs qu'il a
désignés d'avance dès le 22 janvier 1977? Comment se
fait-il qu'ils n'ont pas pensé qu'il fallait inclure un droit
d'expropriation dans la loi 70 qui a été débattue il y a
un an? Il ne faut quand même pas être absolument aveugle
à
ses propres égarements. Si on ne l'a pas fait, c'est qu'on
voulait perdre du temps. Le gouvernement, à de nombreuses reprises
depuis deux ans et demi, a pris tous les moyens possibles pour allonger les
délais. A l'heure actuelle, on est aujourd'hui, en commission
parlementaire, dans une situation assez paradoxale, où on pressent
déjà, d'après les déclarations du ministre, un
nouveau recul. Jusqu'à maintenant, on a misé sur le calendrier,
allongé les délais, pris le plus de temps possible,
suscité des débats qui n'avaient pas besoin d'être
soulevés.
Lorsque le ministre des Finances a soulevé toutes sortes
d'objections pour empêcher le déroulement normal des
négociations avec General Dynamics, cela faisait son affaire.
C'était pour ne pas avoir à vivre avec les conséquences
d'une décision partisane et politique qui a été faite aux
Etats-Unis par le premier ministre, dans l'euphorie qui a suivi la victoire de
1976, une décision qui n'avait aucune espèce de base, aucune
espèce de justification. On a plongé dans le vide et
après, on s'est donné le plus long temps possible pour essayer de
retomber sur ses pieds. En octobre, il a refait une annonce, cette fois
à Thetford Mines, mais il n'y avait pas plus, à ce moment, de
justification. Il n'y avait pas plus de base. Il n'avait pas encore
d'évaluation entre les mains pour savoir combien lui coûterait
cette aventure. Il a donc multiplié les délais. Il a fait des
évaluations beaucoup plus élaborées qu'il n'était
strictement nécessaire de le faire. Il s'est ainsi placé sur le
terrain de ses adversaires, de façon délibérée,
mais, de toute façon, cela avait un avantage formidable, cela
prolongeait les échéances.
Le ministre des Finances, la dernière chose qu'il veut faire,
c'est d'acheter l'Asbestos Corporation. En fait, c'est probablement la
dernière chose qu'il va faire avant de quitter le pouvoir, si la
Providence peut lui venir en aide de ce côté.
On se rend compte, par les déclarations du ministre des Richesses
naturelles, qu'on essaie de trouver une porte de sortie. On se rend compte que,
pour les échéances, finalement, on est rendu un peu au bout du
rouleau. On ne peut plus prolonger tellement longtemps, on est rendu à
la deuxième loi sur le même sujet. Cela commence à
être gênant, après un an, deux ou trois déclarations,
des conférences de presse, etc. A un moment donné, il va falloir
accoucher. Le ministre des Richesses naturelles commence à entrouvrir le
voile d'une deuxième stratégie de retraite. Bien sûr, on va
acheter l'Asbestos Corporation. Si elle avait un chalet d'été
quelque part, je pense bien qu'on se contenterait peut-être d'exproprier
ce chalet. On dirait: On ne l'a pas acheté cher.
M. Bérubé: On voulait se limiter à la
bicyclette du président!
M. Forget: On se réfugie derrière la loi ou une
interprétation fantaisiste de la loi pour dire: Vous savez, les actifs
en Allemagne, on ne peut pas les acheter. C'est hautement subjectif, hautement
fantaisiste. De toute façon, même de gré à
gré, on n'est pas sûr si on a négocié pour les
acheter ou non. Même si le gouvernement, jusqu'à maintenant,
après un an de soi-disant négociations, ne s'est même pas
compromis pour dire s'il essayait de les acheter ou non. Il a essayé de
créer de la confusion là-dedans. Là, il essaie de
créer de la confusion en disant: C'est la loi qui nous empêche. La
constitution nous empêche d'acheter les actifs en Allemagne. C'est une
très belle excuse, parce qu'après cela, une fois qu'on n'aura pas
acheté les actifs en Allemagne, l'usine de transformation, on dira:
Comme on n'a pas l'usine pour transformer le minerai, on n'achètera pas
la mine dans le Nouveau-Québec non plus, parce qu'on ne peut pas avoir
la mine si on n'a pas l'usine. On n'est pas intéressé à
faire des investissements nouveaux. Ce qu'on ne dit pas, c'est justement que
les investissements nouveaux qui sont nécessaires à Baie
Déception sont de l'ordre d'à peu près $50 millions. C'est
$50 millions dont le ministre des Finances voudrait bien faire
l'économie. La meilleure façon, c'est de ne pas acheter à
Baie Déception. Au plus, si on l'achète, on va mettre la
clé dans la porte. On va dire: On l'a acheté, maintenant, on est
sûr qu'on a fait une acquisition, mais, au moins, on n'aura pas de
concurrents entre les jambes. On n'est pas prêt à mettre $50
millions là-dedans, on va plutôt développer une mine, un
jour, quand le marché sera approprié en Abitibi. C'est une
opération de retrait, mais ce qui est plus probable, bien sûr,
c'est qu'on n'achète pas du tout la mine dans le Nouveau-Québec
et qu'on se serve de ça pour dire: Voyez! Ce n'est pas vrai ce que
l'Opposition a dit qu'il fallait payer $280 millions pour les actifs de la
société Asbestos. On va peut-être les avoir pour $75
millions, encore une fois, si on réussit à enlever assez de
morceaux, si on réussit à acheter seulement le moulin ou
seulement une des deux mines qu'il y a Thetford Mines. Il est possible,
évidemment, qu'on épargne de l'argent et qu'on handicape encore
plus de libertés pour éliminer un certain nombre de choses. On
pourrait dire, après tout: Le gouvernement, à strictement parler,
n'a besoin que d'une des quatre mines de Thetford Mines, parce que pour son
approvisionnement des usines de transformation, une mine sur quatre, c'est
suffisant.
Je pense que c'est une autre opération de retrait de la part du
gouvernement. On ne veut pas admettre qu'on s'est fourvoyé il y a deux
ans et demi. Evidemment, un gouvernement trouve toujours difficile l'admission
d'une erreur. On ne veut pas admettre qu'on s'est fourvoyé. Alors, on
est en train de nous annoncer en douce que l'opération est sur une
échelle moindre. Elle est à l'échelle réduite.
Cela, c'est une décision, c'est une réorientation que les
contribuables ont le droit de savoir, parce qu'ils ont le droit de savoir aussi
que si on leur arrive avec un chiffre, finalement, qui va avoir l'air
raisonnable pour l'achat, ce n'est pas parce qu'on aura négocié
de façon intelligente. Ce n'est pas parce que la loi donne des garanties
que le coût ne sera pas excessif. C'est attribuable au fait qu'on
n'achètera pas la même chose qu'on avait promis d'acheter au
départ. Cela, c'est une décision
du gouvernement. C'est une décision qui devrait être
transparente. C'est une décision sur laquelle on devrait pouvoir avoir,
au mois de juin 1979. deux ans et quatre mois après l'annonce initiale
du premier ministre, de la part du ministre, des indications fermes. C'est
curieux. Ce gouvernement-là ne semble pas savoir où il s'en va du
côté de l'amiante. Il ne peut pas nous dire quels sont les actifs
qu'il veut acheter ou qu'il veut exproprier, il ne veut pas nous dire, de
façon ferme et définitive, s'il va acheter ou non. Même si
la négociation de gré à gré, soi-disant qu'elle
n'est pas terminée, malgré qu'on adopte une loi sur
l'expropriation, la négociation de gré à gré n'est
pas terminée, est-ce que la négociation porte sur l'acquisition
des actifs en Allemagne? Sinon, est-ce qu'on va, malgré tout, acheter la
mine dans le Nouveau-Québec? Là-dessus, on a eu des
"peut-être", on achète ou on n'achète pas, alors, des
scénarios différents, aucune espèce d'indication
précise.
Il est bien évident que tant qu'on n'aura pas cet avis, M. le
Président, tant qu'on n'aura pas un avis pour savoir si, oui ou non,
l'excuse qu'invoque le ministre est basée sur une interprétation
de la loi et de la constitution et tout ce que vous voudrez, tant qu'on n'aura
pas une interprétation ferme, on ne peut pas savoir s'il s'agit d'une
décision gouvernementale ou d'une fatalité. Nous, encore une
fois, on a l'impression très ferme qu'il s'agit d'une décision
gouvernementale.
On est en train d'essayer de se sortir du pétrin et n'importe
quel argument va faire l'affaire, n'importe quel argument. Cela a à peu
près la même valeur que ce qu'a dit le ministre au cours des
débats sur la loi 70, alors qu'il disait: Mon dieu! vous savez,
l'emplacement du siège social de la société de l'amiante,
on en a parlé ici, pendant probablement plusieurs heures et on s'est
fait dire: Ecoutez, on ne mettra pas ça dans la loi. Ce n'est pas une
décision politique cela. C'est une décision qui doit être
prise par le conseil d'administration. Le conseil d'administration va prendre
une décision d'affaires, en toute objectivité, dans le meilleur
intérêt de la compagnie.
Qu'est-ce qui est arrivé? La décision a été
prise le même jour par le Conseil des ministres. On a nommé les
membres du conseil d'administration et, le même jour, le Conseil des
ministres a désigné Thetford Mines comme siège social.
Cela, c'est le genre de vérité, c'est le genre
d'honnêteté auquel on peut s'attendre de la part du ministre des
Richesses naturelles. Il nous avait affirmé dur comme fer que ce serait
une décision du conseil d'administration. Quelques mois après, il
faisait exactement le contraire; c'était une décision politique.
C'était une décision prise par le Conseil des ministres. On n'a
rien contre Thetford Mines. On avait même suggéré un
amendement qui voulait que Thetford Mines soit le siège social. Il reste
que le ministre nous a menti. Il n'y a pas d'autre mot. Il nous a menti. Il
nous a dit: Non, ce sera une décision prise par le conseil
d'administration et on sait très bien, en vertu des documents
déposés à l'Assemblée nationale, que ça n'a
pas été une décision du conseil d'administration.
Il y a un nom pour ça, M. le Président. Il s'agit de voir
dans n'importe quel dictionnaire, c'est une affirmation contraire aux faits. Ce
n'était pas n'importe quelle affirmation. C'était l'affirmation
d'un ministre qui, devant le Parlement, dit: Voici comment ça sera fait
et, deux ou trois mois après, il le fait exactement de façon
contraire. (17 h 30)
Quand il nous dit: C'est la loi qui nous empêche d'acheter les
actifs en Allemagne, on n'a pas de raison de le prendre au sérieux, on
n'a pas raison de prêter un caractère d'infaillibilité
à ses remarques, on a vu ce que ça valait. Il devient
évident que le gouvernement cherche à limiter les pertes, cherche
à limiter les enjeux. Une des façons, c'est d'acheter le moins
possible de l'As-bestos Corporation. Encore une fois, si celle-ci avait un
chalet d'été dans la région de l'amiante, on se
résoudrait peut-être à dire... Je vais faire une
suggestion; elle a un club social pour les cadres, un club de golf. Achetez
donc le club de golf, ça ne vous coûtera pas cher...
M. Lalonde: II y a beaucoup de drapeaux là, il y a au
moins 18 drapeaux que vous pourrez mettre là!
M. Forget: Vous pourriez en faire le siège social du Parti
québécois, dans la région de l'amiante, avoir des
réceptions, etc. Cela, franchement, ce serait peut-être le
meilleur investissement que vous pourriez faire pour les contribuables, parce
que les pertes ne sont quand même pas énormes là-dessus.
Même si c'est financé par le gouvernement, ça ne pourra pas
coûter des millions, alors que, le reste, on n'en sait rien.
M. Bérubé: On pourrait le remettre aux
travailleurs, c'est le club privé des libéraux qui
disparaîtrait.
M. Forget: On n'en sait rien, ce que ça va coûter,
mais c'est un peu le genre de raisonnement auquel on semble se livrer du
côté gouvernemental. Qu'est-ce qu'on pourrait enlever dans les
actifs de la société Asbestos, qu'est-ce qu'on pourrait ne pas
acheter, de manière à avoir un prix raisonnable en fin de compte
de façon à pouvoir regarder l'Opposition officielle en face,
quand elle nous dit qu'on va payer n'importe quelle somme, on va lui
démontrer que ça ne coûte pas cher? Si le golf n'est pas
assez convaincant, on va quand même limiter ça aux mines de la
région de Thetford Mines. Pour ce qui est des inquiétudes
exprimées par les travailleurs qui vont dans la région de Baie
Déception et pour ce qui est des possibilités d'expansion de ce
côté, comme on n'achète pas des mines d'amiante, la
société Asbestos va continuer ses activités au
Québec et va continuer à vendre sa fibre en Allemagne. C'est
peut-être une façon de s'entendre, c'est peut-être un
"gentlemen's agreement" que, finalement, le gouvernement va pouvoir
définir avec la société General Dynamics; on va en acheter
seulement la moitié, garder l'autre et, de cette façon, on a la
possibilité de faire bonne figure, on tient nos
engagements politiques, dirait le gouvernement et ça ne
coûtera pas cher, alors, on est protégé contre toutes les
critiques.
Si c'est ça qu'on est en train de faire, M. le Président,
on est en droit de savoir que, au moins, ce n'est pas parce que la loi
empêche le gouvernement d'aller plus loin, c'est parce qu'il avait fait
une erreur.
Déjà, on commence à voir l'aveu de l'erreur, par
une stratégie comme celle-là. C'est la raison pour laquelle on ne
s'y attendait pas et, en toute bonne foi, on a dit: Les articles 20, 21, etc.,
c'est ceux qu'on devrait discuter avec le ministre des Finances. Mais
là, il ne s'agit pas seulement d'une transaction financière, il
s'agit de la conception même de l'objectif.
Qu'est-ce que le ministre des Richesses naturelles veut faire avec les
actifs miniers et autres de la société Asbestos?
Indépendamment du prix qu'il veut payer, qu'est-il en train de
négocier, qu'est-il en train d'acheter exactement? Qu'il ne nous dise
pas qu'il est en train d'acheter seulement ce que la loi lui permet d'acheter.
Quelles sont les véritables décisions du gouvernement, quant
à l'étendue des actifs qu'il veut acheter? C'est ce qu'on veut
savoir et je pense qu'il est temps qu'on le sache. On n'essaie pas de faire ici
l'argumentation qui sera faite devant le comité d'arbitrage sur le prix;
peu importe le prix. Pour l'instant, pour le bénéfice de
l'étude de cet article, peu importe le prix, mais dites-nous ce que vous
voulez acheter, ce que vous voulez exproprier.
Encore une fois, si vous achetez moins que la totalité,
jusqu'à quel point cette décision vous est-elle imposée
par la loi? A notre avis, elle ne vous est pas du tout imposée par la
loi. La loi est formulée en termes très généraux.
La société Asbestos est une société qui est
incorporée selon une loi canadienne, elle a son siège social au
Québec, elle est un sujet de droit au Québec. Une loi du
Québec peut lui imposer des obligations, elle peut dire que les biens
dont elle est propriétaire, elle n'en est plus propriétaire. Elle
est propriétaire de ces biens au Québec, parce que son
siège social est au Québec, elle n'est pas propriétaire de
ces biens aux Etats-Unis ou en Allemagne, elle est propriétaire des
actions, ici, parce que c'est ici qu'elle a son siège social. On peut
donc la forcer à céder, par une loi d'expropriation, son droit de
propriété.
Pour ce qui est d'exécuter une telle loi, si les titres ne sont
pas ici, le ministre sait très bien qu'il y a toutes sortes de
possibilités, sans même recourir à l'exécution
forcée en territoire étranger. Il ne s'agit pas du tout de
ça; il n'est pas du tout nécessaire de faire ça. Il est
clair qu'une mise en demeure serait probablement suffisante, jointe au fait de
l'exécution partielle des autres obligations qui incombent au
gouvernement, c'est-à-dire le paiement d'une indemnité, on peut
dire: On paiera une indemnité complète au moment où le
débiteur des obligations, l'autre partie dans cette affaire-là,
la société Asbestos, aura exécuté elle-même
ses obligations et, parmi ses obligations, il y a celle de livrer les titres
immobiliers, celle de livrer les titres mobiliers, il y a toute sorte de
choses. Mais il ne s'agit pas d'envoyer un huissier dans une banque
new-yorkaise, il n'est pas du tout nécessaire de procéder de
cette façon-là. Tant qu'on procède par des moyens qui se
situent à l'intérieur du territoire québécois, qui
s'adressent à un sujet de droit qui est présent au Québec
et qui est incorporé en vertu des lois canadiennes, il n'est pas
question d'extra-territorialité. Nous ne voyons pas pourquoi le
gouvernement se crée des limites artificielles. S'il ne veut pas aller
aussi loin que ça, c'est une décision qu'il prend, qui est l'aveu
de son erreur initiale au moment où il a annoncé sa
décision.
Justement, c'est pour faire ressortir cette décision et cette
erreur que nous insistons sur le rapport, sur cet avis juridique, avant de
procéder à l'étude de l'article 22. J'avais prévenu
le ministre en toute bonne foi qu'il pouvait y avoir d'autres articles
où il deviendrait apparent qu'un report serait nécessaire. Il a
accepté sans difficulté le report des articles 20 et 21. Tout ce
qu'on lui dit, c'est: Faisons la même chose pour 22, puisqu'il semble que
cela suscite une question fondamentale. Je ne pense pas que le même
problème j'en suis même sûr sera soulevé
dans l'article 23. Il s'agit là d'un délai de signification, etc.
Il est bien clair que, pourvu que ce soit régulier, c'est un article qui
peut être adopté facilement.
On se trouve ici devant quelque chose de beaucoup plus fondamental. Il
n'y a pas de raison de ne pas accepter notre motion de report, M. le
Président. C'est sûr que c'est dilatoire, il ne faut pas
être un phoenix pour trouver ça. N'importe quoi qui cherche
à reporter à plus tard une action ou une
délibération, c'est dilatoire, c'est le dictionnaire qui le dit.
Le problème n'est pas de savoir comment ça s'appelle, c'est de
savoir si c'est justifié ou pas. Et c'est justifié parce qu'il
nous manque un élément essentiel, élément que le
ministre a accepté de nous donner. Dans le fond, implicitement, le
ministre est d'accord avec le fait que c'est un élément pertinent
à la compréhension de cet article-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. Laplante: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Si je comprends bien, le ministre a dit qu'il
donnerait l'avis, mais sur l'article 20. Tout de même le
député de Saint-Laurent disait tout à l'heure que le
député de Frontenac n'était pas sérieux dans ce
qu'il disait. Je ne crois pas non plus qu'il ait fait ses remarques de
façon tout à fait sérieuse tout au long de l'exposé
qu'il vient de faire.
Il fait une comparaison, il dit que cela a pris du temps entre la loi 70
et la loi 121. C'est vrai, que cela a pris du temps. Il est vrai aussi qu'en
gouvernement démocrate, on a voulu donner la
chance aux deux groupes de se parler, General Dynamics et le
gouvernement, pour qu'ils s'entendent sur une formule d'achat de l'Asbestos
Corporation.
Il y a aussi un phénomène qu'il ne faut pas oublier dans
tout ça, pour expliquer le temps que cela a pris, c'est qu'au moment
où la compagnie s'est formée, où on a exprimé le
désir d'acheter de General Dynamics une compagnie d'amiante, tout de
suite, il y a eu une déclaration de la compagnie selon laquelle elle ne
vendrait jamais. Elle n'était pas à vendre. Tout de suite, on
partait sur un pied négatif.
Par contre, lorsque le député de Saint-Laurent...
M. Lalonde: ...
M. Laplante: ... mais il y avait des études à
faire. On a eu la chance chacun de son côté de faire une
étude pour enfin dire: On va s'asseoir. Mais on arrive avec une
proposition tellement négative que c'est une fin de non-recevoir
actuellement vis-à-vis du gouvernement. Si, lors de l'étude de la
loi 70, on avait suivi le conseil du député de Saint-Laurent qui
nous disait: Pourquoi n'avez-vous pas mis justement des articles de loi pour
exproprier ou acheter General Dynamics, connaissant le langage intellectuel du
député de Saint-Laurent, tout de suite, on se serait fait
comparer à l'Ouganda. On aurait dit: Ce sont des communistes, des
socialistes, des fascistes.
M. Forget: II n'y a pas d'amiante là.
M. Laplante: C'est ce que vous auriez tout de suite
commencé à crier. Même lors de la loi 70,
déjà, il y avait des mots semblables qui étaient
prononcés dans les discours que vous faisiez.
M. Forget: Citez-les précisément.
M. Laplante: On s'en allait vers le socialisme.
M. Lalonde: Ah oui!
M. Ciaccia: Vous l'admettez?
M. Laplante: Vous avez même écrit dans un certain
journal, où vous avez eu des réponses peu flatteuses. Sur...
M. Forget: Article 96, M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Seulement à la fin de l'intervention, à moins du consentement du
député. D'ailleurs... à l'ordre.
M. Forget: Est-ce que le député consent... M.
Laplante: C'est un peu l'habitude... M. Lalonde: Cela prend la
majorité... M. Laplante: C'est un peu l'habitude du
député de Saint-Laurent, sur tout ce qui ne fait pas son affaire
face au gouvernement...
M. Lalonde: Cela prend le pouvoir de décider pour
consentir.
M. Laplante: ... de traiter à peu près de tous les
mots de la terre qui peuvent passer. Pour nous autres...
M. Forget: Vous avez dit que vous aviez changé
d'idée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Laplante: Pour nous autres, notre lit est fait...
M. Forget: Preuve d'intelligence. M. Laplante: ... dans
le... non...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante:... on va coucher dedans et on va coucher volontiers.
On sera bien couché, parce que c'est là la volonté du
peuple québécois de vouloir prendre...
M. Lalonde: Vous allez vous endormir pour longtemps.
M. Laplante: ... pour une fois ses choses en main. Vous parlez
depuis 70 ans au moins des menaces libérales, à partir du
gouvernement de Taschereau, si vous ne voulez pas retourner 70 ans en
arrière, la promesse était faite, les menaces étaient
là chaque fois. Les seuls qui aurait eu l'occasion de s'emparer de ces
mines, ç'aurait justement été vous autres, de 1970
à 1976, lors des actifs que General Dynamics voulait écouler,
lorsqu'ils ont vendu...
M. Forget: C'est faux cette affirmation.
M. Laplante: ... Canadair.
M. Forget: C'est faut, prouvez-le, c'est faux.
M. Laplante: Ces actifs, ils les ont offerts au gouvernement
Bourassa à ce moment-là.
M. Grégoire: L'enfer.
M. Forget: Non, c'est faux.
M. Laplante: Pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas voulu, à ce
moment-là, c'est la première fois...
M. Forget: C'est faux, c'est absolument faux.
M. Laplante: ... qu'on reçoit un démenti
là-dessus.
M. Forget: C'est absolument faux.
M. Laplante: C'est la première fois qu'on reçoit un
démenti là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Laplante: On vous le dit, ça fait à peu
près vingt fois qu'on vous le dit.
M. Forget: Vous parlez à travers votre chapeau, c'est
faux.
M. Laplante: Je ne sais pas où vous allez prendre la
négation de ça, mais pour nous autres, ça fait encore une
vérité.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: M. le Président, sur une question de
règlement. Je pense bien que pour le député de
Saint-Laurent tout à l'heure, on a été poli et on l'a
laissé parler. Lui et le député de Mont-Royal hurlent,
crient, clament, jappent à travers leurs micros; je me demande s'ils ne
pourraient pas être polis.
M. Forget: Vous ne pouvez pas attribuer des gestes ou des paroles
que vous n'avez pas faits; on nous dit que le précédent
gouvernement a reçu une offre de vente, c'est absolument faux.
M. Grégoire: M. le Président, j'étais sur
une question de règlement.
M. Forget: C'est absolument faux. M. Ciaccia: ...
M. Forget: C'est une pure fabrication. M. Grégoire:
Qui a la parole?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
laissais faire, ç'a l'air que la présidence n'existait plus.
M. Lalonde: On ne veut pas vous...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa, à vous la parole.
M. Laplante: II n'y a jamais personne qui a démenti que le
gouvernement Bourassa a été sensibilisé à
l'acquisition de General Dynamics, au moment où General Dynamics a vendu
Canadair.
M. Forget: Si on niait toutes les rumeurs fausses, on ne ferait
que ça.
M. Laplante: J'aimerais aussi, je ne sais pas si on peut nous le
dire, connaître la façon dont SIDBEC s'est achetée. On peut
comparer avantageusement l'achat de General Dynamics aujour- d'hui, à
SIDBEC. A ce moment-là, on achetait de DOSCO une usine
désuète, un tas de ferrailles, qui était tout à
reprendre, mais j'aurais aimé avoir à ce moment-là, les
débats faits à l'Assemblée nationale, j'aurais dû
aller les chercher pour voir le Parti libéral du temps, ce qu'il disait
de ça.
M. Forget: On n'était pas favorable à ça,
ç'a été l'Union Nationale qui a fait ça.
M. Laplante: Je n'ai rien vu là-dedans qu'aujourd'hui,
vous contesteriez. Lorsqu'il avait pris le pouvoir tout de suite après,
vous avez recontinué à mettre de l'argent dedans, à
essayer de faire un complexe intégré.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
êtes en train de me faire regretter de ne pas être assez strict sur
la pertinence du débat.
M. Laplante: M. le Président, si...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'un
côté comme de l'autre, d'un côté comme de l'autre, je
tiens à le dire.
M. Laplante: Si vous avez été tolérant pour
l'Opposition...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais
l'être pour vous, M. le député de Bourassa
également.
M. Laplante: J'apprécierais beaucoup que la même
tolérance... Une Voix: Laissez-le aller. M. Laplante: ...
puisse...
M. Forget: On n'a pas parlé de Taschereau, nous.
M. Laplante: ... s'étendre au député de
Bourassa et aux membres du gouvernement.
M. Forget: Je ne suis pas son héritier.
M. Lalonde: Ce n'est pas de la tolérance, c'est de la
magnanimité.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Je me demande un peu si dans l'Opposition on a pu
parler, divaguer, souventefois, en vingt minutes sur des motions dilatoires
auxquelles ils ne croyaient pas eux-mêmes, pourquoi...
M. Lalonde: Vous avez le droit de divaguer, allez-y.
M. Laplante: ... est-ce qu'on n'essaierait pas d'éclaircir
justement ce que l'Opposition ne semble pas avoir compris jusqu'à ce
jour.
Peut-être qu'ils sont un peu jaloux de ne pas l'avoir fait entre
1970 et 1976. C'était une de vos ambitions de le faire aussi,
peut-être. Mais il n'y avait pas assez d'accord au Conseil des ministres
j'en sais quelque chose entre les membres du Conseil des
ministres à ce moment-là...
M. Forget: Comment j'en sais quelque chose... quand même,
quand même...
M. Lalonde: ...
M. Laplante: ... sur différents projets.
M. Forget: Qu'est-ce qu'il en sait? Qu'est-ce que sait le
député de Bourassa sur ce qui s'est passé au Conseil des
ministres entre 1970 et 1976.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: A l'ordre, M. le Président. Ils ne sont
même pas capables de respecter... quand un autre parle.
M. Lalonde: Lavez-vous "buggé " le Conseil des
ministres?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Vous aimez ça?
M. Laplante: J'en ai connu. (17 h 45)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! Allez-y.
M. Laplante: A ce moment-là, ils n'étaient
même pas capables de s'entendre sur les pouvoirs qu'ils avaient en main.
Je pourrais vous nommer un ministre, qui, pour les garderies... le
député de Saint-Laurent était là comme ministre, il
sait très bien ce que je veux dire.
M. Forget: Non, pas du tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa. Je comprends que je suis large, mais...
M. Lalonde: Ne faites pas un filibuster, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Saint-Laurent, effectivement, s'est
éloigné du sujet, mais a au moins toujours parlé
d'amiante.
M. Laplante: II nous a parlé des terrains de golf,
à un moment donné, M. le Président.
M. Ciaccia: Oui, mais il y a de l'amiante alentour.
M. Laplante: Ils sont allés sur les terrains de golf pour
poser de petits drapeaux.
M. Forget: Propriété de la société
Asbestos.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais il
n'a joué qu'un trou.
M. Forget: C'est une suggestion de votre collègue
d'ailleurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Laplante: Vu que l'Opposition a encore des choses à
dire sur sa motion, on va lui donner la chance d'en dire encore un peu plus.
J'avais envie de prendre 20 minutes moi-même pour voir l'effet que cela
fait de prendre 20 minutes pour entendre parler de n'importe quoi. Ce n'est
qu'un exemple que je leur donne actuellement. Ce qu'ils ressentent
actuellement, cela fait longtemps qu'on le ressent ici, et on l'a ressenti tout
au long de la loi 101, de la loi 70. Il a fallu entendre leurs conne-ries tout
ce temps-là, sans en arriver à des choses concrètes.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Bourassa m'a fait regretter bien des choses.
M. Laplante: J'avais un petit bout pour vous, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys et je ne l'ai pas
donné.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Sur la motion de suspension, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si cela a été aussi douloureux pour les
députés ministériels de nous entendre, que cela vient de
l'être pour nous d'entendre le député de Bourassa, je
regrette bien des choses, M. le Président. Si c'était possible de
refaire le passé.
C'est une motion dilatoire, comme le député de
Saint-Laurent l'a dit...
M. Grégoire: C'est ce que General Dynamics a
demandé.
M. Lalonde: Mais savez-vous une chose, M. le Président? Si
la motion dilatoire avait été acceptée au départ,
on aurait déjà fait avancer le débat. On aurait
déjà l'article 23 d'adopté, possiblement, peut-être
24.
M. Grégoire: Oh oui.
M. Lalonde: On aurait pu adopter les articles qui sont
susceptibles d'être adoptés rapidement.
M. Grégoire: Toute la loi serait adoptée.
M. Lalonde: Et l'entêtement du gouvernement fait qu'on est,
une heure après la présentation de la motion du
député de Mont-Royal, encore à discuter de la sagesse de
la commission parlementaire d'adopter cette motion. Ce qui est dilatoire a
été l'entêtement du gouvernement de nous imposer
l'étude de l'article 22 actuellement, alors qu'il nous a promis
d'emblée, et avec un geste tout à fait généreux,
enthousiaste, quasiment joyeux...
M. Grégoire: Magnanime.
M. Lalonde: ... de nous donner une opinion qui va nous
éclairer, éclairer la commission, sur la portée de
l'article 22. La cohérence, je ne la vois pas. Le gouvernement va nous
donner un avis juridique qui va nous donner une idée plus juste sur la
portée de l'article 22, mais il veut qu'on l'adopte avant d'avoir
l'avis. Est-ce que le gouvernement craint le contenu de l'avis? Est-ce que, au
contraire, il accorde un mépris universel et souverain à l'avis
de ses avocats qui vont nous le donner, à la commission parlementaire,
à savoir que cela ne vaudra même pas le papier sur lequel il va
être écrit?
M. le Président, cette incohérence est absolument
incroyable. Et pourtant l'avis qu'on attend, que le gouvernement a
accepté de donner, a une portée fondamentale sur la
décision que nous allons prendre, nous, comme députés de
cette commission, de voter en faveur ou non de l'article 22. L'article 22
contient des obscurités. J'en ai déjà soulevé une,
à savoir si un bien appartenant à une corporation, qui est une
filiale contrôlée de la société Asbestos
Limitée, inclut les biens qui sont à l'extérieur. Est-ce
que la loi, une fois adoptée, telle qu'elle est, dans tout l'appareil
législatif de la province, permettrait au gouvernement d'exproprier les
actions de la filiale allemande?
C'est une décision importante, parce que si on ne peut pas
acquérir la filiale allemande alors, qu'est-ce qu'on fait avec la mine
de l'Ungava? Est-ce qu'il va falloir construire une usine ici? A quel prix? Ou
est-ce qu'on va fermer simplement la mine? Est-ce qu'on va créer du
chômage? Est-ce que l'acquisition par le gouvernement de la
société Asbestos ou de ses actifs va commencer par se solder au
début par la mise à pied des travailleurs à cette mine? Ce
sont toutes des questions qui vont tenir à la portée de l'article
22. Je voudrais que le gouvernement nous dise actuellement, avant qu'on
n'adopte l'article 22, quelle est son intention là-dessus. C'est
important. Naturellement, je ne ferai pas toute l'histoire que le
député de Bourassa a résumée assez rapidement en
disant qu'ayant voulu donner le loisir aux deux parties de se parler il
voulait expliquer les délais de deux ans et demi depuis l'annonce
la société General Dynamics, tout de suite, a dit: On ne veut pas
vendre. Il me semble que logiquement le gouvernement aurait dû dire
immédiatement: On exproprie puisque justement on dit: On aimerait mieux
acheter qu'exproprier. Parfaitement. Une fois qu'on a décidé de
l'acquérir on n'est pas d'accord sur cela mais une fois
que la décision est prise, je suis parfaitement d'accord avec le
gouvernement que c'est mieux de l'acheter que de l'exproprier. Quand on
exproprie, il y a un tas de tracasseries, de problèmes. On ne sait pas
quel prix, on va le savoir seulement à la fin. C'est parfait.
M. Laplante: J'aurais une question à poser au
député. Une question sérieuse.
M. Lalonde: Cela va faire changement. Allez-y donc.
M. Laplante: Sur le coup de la colère, est-ce qu'il vous
arrive de dire des choses qui dépassent votre pensée?
M. Lalonde: Sûrement.
M. Laplante: C'est la même chose pour General Dynamics. Sur
le coup de la colère, cela a dépassé sa pensée.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! La question a été posée,
la réponse a été donnée.
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Bourassa vient de changer sa déclaration...
Une Voix: ... son état d'âme.
M. Lalonde: ... ce n'était pas un refus, M. le
Président, c'était un refus coléreux. A moins que le
député de Bourassa fasse partie de cette catégorie de gens
exceptionnels, une colère c'est temporaire. Je n'ai jamais vu quelqu'un
qui est en colère deux ans et demi sans arrêt. Alors, si la
colère de General Dynamics continue après deux ans et demi et est
la seule inspiration de son refus, à ce moment-là, M. le
Président, je pense que le député de Bourassa devrait
retourner à ses classes, il devrait retourner à ses livres et
demander au ministre ce qu'il y a au juste dans le fond de l'affaire.
M. Laplante: Je suis un cours, encore, deux soirs par
semaine.
M. Lalonde: Non, je parle de ce dossier-là. M.
Laplante: Ah! sur ce dossier.
M. Lalonde: Non, je ne voulais pas mettre en doute la
scolarité du député, qui d'ailleurs a été
dans le domaine scolaire comme commissaire à la Commission des
écoles catholiques de Montréal.
M. Laplante: Je ne regrette pas le passage, pas du tout.
M. Lalonde: Vous, sûrement pas.
M. Laplante: On n'est pas tous intellectuels de la même
façon ni arrogants de la même façon, mais cela se
complète.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: M. le Président, on vient de m'in-sulter. On
m'a dit que j'étais intellectuel. Sérieusement, M. le
Président, pourquoi la société Asbestos a-t-elle dit non
à la demande de négociation? Ce sont ses affaires, c'est son
affaire. Il me semble que, dans un régime de libre entreprise, on doit
quand même reconnaître le droit du propriétaire d'une
entreprise de vouloir la garder. A moins que de ce côté-là
de la table on n'admette pas cela. A ce moment-là, ce n'est plus du
socialisme, c'est pire, et je ne parlerai pas de l'Ouganda. Je vais parler du
Québec et de certains Québécois.
M. Laplante: Cela doit vous tenter.
M. Lalonde: II y a des exemples qui sont plus proches et qui ne
sont pas plus beaux, M. le Président. Pourquoi elle a dit non? Parce
qu'elle ne veut pas vendre, mais là où c'est inexplicable, c'est
que pendant deux ans et demi le gouvernement s'est installé les bras
croisés devant General Dynamics qui a dit non et qui a attendu. Il a
voté une loi, il a fait des déclarations, des "parties" à
Thetford-Mines, des conférences de presse, des étendards, des
processions...
M. Grégoire: Trois industries nouvelles.
M. Lalonde: Oui, des industries nouvelles de transformation, M.
le Président, là on est d'accord avec le gouvernement: Faites-en,
bravo! On n'a pas besoin d'exproprier, vous avez cela avant l'acquisition,
avant l'expropriation.
M. Bérubé: On pourrait vous présenter le
président qui est à l'origine de tous ces nouveaux projets et qui
en a de nouveaux chaque semaine; il m'accompagne justement.
M. Forget: N'exagérons rien, il y a 52 semaines dans
l'année.
M. Lalonde: Chaque semaine de travail.
M. Bérubé: J'ai parlé de projets. M.
Forget: II y en a un par trimestre.
M. Lalonde: J'espère que ce n'est pas chaque semaine de
travail, parce que je suis sûr que le président travaille plus
longtemps que cela.
M. Grégoire: C'est mieux que vous autres, vous n'en avez
pas construit une.
M. Lalonde: Plus sérieusement, M. le Président, le
gouvernement s'entête actuellement à vouloir imposer à la
commission l'étude de l'article 22 alors qu'on attend un avis juridique
sur la portée de l'article 22. C'est aussi simple que cela. S'il avait
dit oui tout de suite, comme il avait dit oui pour 20 et 21, à ce
moment-là on serait déjà à 23, 24, peut-être
qu'on serait rendu à 25 et 26. C'est à lui-même, à
son entêtement, à son incurie, à sa négligence que
le gouvernement doit l'heure perdue que nous venons de passer à
débattre une motion qui n'est pas dilatoire, qui n'est que de suspendre
l'article 22, pour passer immédiatement. Au contraire, non seulement ce
n'est pas dilatoire, mais c'est pour accélérer les travaux. On
suspend l'article 22 pour passer immédiatement à l'article 23
où peut-être qu'il n'y a pas de problème. On verra à
l'article 23. Il est fort possible qu'il n'y ait aucun problème. Je l'ai
lu rapidement et je serais antiréglementaire si j'en discutais, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît.
M. Grégoire: Est-ce qu'il y a des problèmes
à l'article 23? Je donne mon consentement. Est-ce qu'il y a des
problèmes à l'article 23?
M. Lalonde: Vous voulez passer à l'article 23? M.
Grégoire: Non.
M. Lalonde: Là, M. le Président, qu'il fasse son
lit. Ou on suspend l'article 22 ou on ne le suspend pas. Si vous voulez qu'on
suspende on va aller à 23 et on va vous le dire tout de suite. Vous
voulez le savoir? Vous ne voulez pas savoir s'il y a des problèmes
à l'article 23. On va rester à l'article 22.
M. Grégoire: Je sais que vous êtes capable de parler
pendant une heure pour me dire rien en fait.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: M. le Président, c'est décourageant.
Cela fait un quart d'heure que j'essaie de persuader le député de
Frontenac en particulier qui avait démontré, lors de
l'étude du projet de loi 70, une certaine bonne volonté au
départ et qui avait accepté d'emblée une de nos motions
d'entendre justement les parties et les organismes intéressés. Je
me demande ce qui l'a fait changer d'idée. Est-ce que ce sont les
retards dans l'acquisition, dans l'expropriation? Je sais qu'il pose des
questions en Chambre des fois au ministre des Finances. Quand est-ce que vous
allez exproprier? Cela fait deux ans et demi que le pauvre député
de Frontenac promet ce drapeau. Il veut le planter le 24 juin. Le 24 juin s'en
vient, on est rendu le 6.
M. Laplante: Ils vous l'ont vu à la
télévision. M. Bérubé: C'est un 18 trous
d'ailleurs.
M. Lalonde: Si le député de Frontenac avait
accepté tout de suite de suspendre l'article 22, on aurait adopté
ce projet de loi avant le 24 juin. Cela va lui permettre de planter tous les
drapeaux qu'il va vouloir. Le député de Bourassa, je reviens
à lui, parce que c'est assez rare qu'on l'entende...
M. Bérubé: II y a le député de
Saint-Laurent qui bâille, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. Le député de Saint-Laurent bâille.
Peut-être que vous devriez être plus intéressant, plus
animé, plus stimulant. Je le vois presque totalement endormi.
M. Lalonde: Si j'étais assis à sa place, voir ce
que je vois devant moi, je ne bâillerais pas, je dormirais.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Je me voilerais la face, parfois, pour ne pas
voir.
M. Grégoire: Etre à votre place, je la voilerais
aussi.
M. Lalonde: M. le Président, on est rendu dans des
considérations très basses. Mais le député de
Bourassa, tantôt, a quand même... parce que c'est la
première fois que je le vois intervenir si souvent et si vaillamment
dans une commission parlementaire.
M. Laplante: Je commence.
M. Lalonde: Je ne sais pas si ce sont ses nouvelles fonctions qui
l'ont inspiré, mais je ne peux pas dire que j'ai été
impressionné par...
M. Forget: II est mieux nourri maintenant.
M. Lalonde: M. le Président, il reste une chose, c'est que
si on ne peut pas acheter la filiale d'Allemagne, qu'est-ce qu'on fait avec la
mine de l'Ungava? Est-ce que le député peut me le dire? Le
ministre n'était pas intéressé, mais du
député de Frontenac, est-ce que son intérêt pour
l'amiante dépasse les frontières de Thetford Mines.
M. Bérubé: On achète la mine et on construit
une usine à Matane.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: La réponse du ministre est qu'il achète
la mine et construit une usine à Matane. C'est cela. C'est une
décision gouvernementale, M. le Président? C'est combien pour
l'usine, est-ce que le ministre pourrait nous le dire?
M. Bérubé: Cela crée des emplois nouveaux au
Québec.
M. Lalonde: Oui, bravo!
M. Bérubé: C'est ce que vous nous dites, vous nous
dites de créer des emplois nouveaux au Québec. Vous dites:
L'inconvénient d'acheter une mine c'est que cela ne crée pas
d'emplois. Dans le cas présent c'est exactement ce qu'on fait: on
crée des emplois.
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a une évaluation de cette mine?
De cette installation que le ministre vient de nous annoncer à Matane,
est-ce que le gouvernement a fait une évaluation ou la
Société nationale de l'amiante?
M. Bérubé: Mais comme filiale de General Dynamics,
le Parti libéral peut certainement avoir toute l'information
nécessaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20
heures.
Suspension de la séance à 18 heures
Reprise de la séance à 20 h 18
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
C'est la continuation de la même séance que cet
après-midi. Les travaux de la commission sont recommencés. C'est
le député de Marguerite-Bourgeoys qui... Je ne sais pas s'il
avait terminé. Il vous restait...
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
prendre tout mon temps. J'ai tenté de convaincre le ministre qui est en
conciliabule actuellement. S'il ne nous écoute pas, c'est assez
difficile...
M. Forget: Après cela, il va nous accuser d'agir dans son
dos.
M. Lalonde: A sa place, je ferais attention.
M. Bérubé: Oui, et avec le député de
Saint-Laurent, il ne faudrait surtout pas lui tourner le dos.
M. Lalonde: Vous ne sentez pas une petite douleur?
M. le Président, j'ai donc tenté de convaincre le
gouvernement de la sagesse de suspendre l'article 22 en attendant l'opinion qui
nous a été promise, mais c'est peine perdue. C'est encore de
l'entêtement systématique de la part du gouvernement. Je vais
garder pour d'autres débats les contributions que je pourrais faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion de suspension sera adoptée?
M. Bérubé: Quelle motion de suspension? Une
Voix: Adopté.
M. Bérubé: Absolument pas, M. le Président.
Je dois intervenir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus.
Suspension de la séance à 20 h 20
Reprise de la séance à 20 h 21
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Tout à l'heure, on n'avait pas quorum, mais j'avais
présumé que le député de Marguerite-Bourgeoys
était membre. De toute façon, on présume qu'il y a quorum
au début d'une séance après une suspension et, tant que
l'absence de quorum n'est pas soulevée...
M. Lalonde: On pourrait commencer.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez commencer. Est-ce que la motion de suspension du député de
Mont-Royal serait adoptée?
M. Forget: Oui, adopté.
M. Bérubé: Rejeté, M. le Président.
On pourrait peut-être demander...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion de suspension est rejetée.
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur
division. Nous retournons à l'article 22, du projet de loi. Est-ce que
l'article 22 serait adopté?
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 22 est adopté sur division. J'appelle donc le paragraphe 23 de
l'article 1. M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire
sur cet article?
M. Bérubé: Je pense que l'article est suffisamment
explicite. En effet, sur avis d'expropriation, décidé par le
gouvernement, la Société nationale de l'amiante doit, dans les 30
jours suivant la signification, offrir une indemnité en compensation de
la prise de possession des biens en question. Nous accordons un délai
très court à la société pour transmettre ce montant
d'indemnité envisagé, d'une part. Il faut cependant souligner
qu'il est important de laisser un certain délai dans la mesure où
certaines pièces d'actifs, certaines modifications à l'ensemble
des biens et équipements de l'entreprise peuvent être survenues
entre le moment où la décision a été prise et le
moment où la possession est effective et, par conséquent, il peut
s'avérer nécessaire d'effectuer une vérification pour
cette raison-là. Il nous paraît normal d'assurer au moins un
délai de 30 jours.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je n'ai pas de question particulière, M. le
Président, quant à moi du moins.
M. Lalonde: J'avais une question. On retrouve cela n'a pas
été expliqué naturellement, parce qu'on n'a pas vu
l'article 20, ni 21, mais on doit . présumer qu'on les connaît.
C'est le gouvernement qui exproprie pour le compte de la SNA, mais c'est le
gouvernement d'après l'article 20. A l'article 21, on ne dit pas qui
envoie l'avis, par exemple. On dit: L'expropriation s'effectue par la
signification à un propriétaire d'un avis, soit le gouvernement,
soit la SNA. On arrive à l'article 23 et à ce moment-là
c'est la Société nationale de l'amiante qui offre
l'indemnité. Quelle est la raison de cette ambiguïté, de ce
passage de l'un à l'autre. Pourquoi est-ce que ce n'est pas la
Société nationale de l'amiante qui exproprie, qui envoie l'avis
et qui offre l'indemnité, ou pourquoi le gouvernement ne fait-il pas les
trois?
M. Bérubé: Pour plusieurs raisons, mais
peut-être que la véritable raison c'est que, comme nous le verrons
plus loin, au moment de l'expropriation, la Société nationale de
l'amiante prend automatiquement possession des actifs et effectue les
installations d'usine. La Société nationale de l'amiante a donc,
à ce moment, en main, tous les éléments pour pouvoir
évaluer le prix à offrir, l'indemnité à offrir,
alors que le gouvernement lui-même... Evidemment, on aurait quand
même pu dire: La Société nationale de l'amiante, ayant
l'information, la transmettrait au gouvernement qui, lui, ferait une
proposition.
Cependant, une façon peut-être plus rapide, plus
élégante, est encore de faire en sorte que la
Société nationale de l'amiante, qui à ce moment-là
gérera l'entreprise, pourra émettre elle-même l'avis,
compte tenu de l'information qu'elle aura. Cela peut limiter les délais.
C'est ce que je peux avoir comme raison. En fait, si vous voulez, c'est le
gouvernement qui prend la décision d'expropriation. C'est assez
évident, ce n'est pas une société qui décide.
Cependant, dès que la Société nationale de l'amiante a
pris possession des actifs et qu'elle exploite l'usine, c'est elle qui,
à ce moment-là, devient la partie devant le tribunal d'arbitrage,
qui gère l'entreprise, qui fait l'offre. En d'autres termes, dès
ce moment où le gouvernement a envoyé l'avis d'expropriation,
c'est la Société nationale de l'amiante qui prend la
relève.
M. Lalonde: II y a une certaine anomalie, M. le Président,
et une espèce d'incohérence dans la politique du gouvernement
là-dessus. Le gouvernement a cru bon créer la
Société nationale de l'amiante et je ne veux pas revenir
sur le débat qui a duré quand même plus d'une
cinquantaine
d'heures, je pense, sur le projet de loi 70 on a posé des
questions qui trouvent leur écho ici. Pourquoi une Société
nationale de l'amiante? On avait dit: Si c'est pour acheter Asbestos, vous
pourriez la faire acheter par le Société générale
de financement. On a un tas de mécanismes qui existent au gouvernement.
Non, on a voulu bien identifier un organisme, créer un instrument
d'action en matière d'amiante au Québec, soit l'extraction, la
transformation, la planification et tout ce que vous voulez. On a
créé un conseil d'administration et, tout à coup, le
gouvernement, qui est le seul actionnaire, naturellement, le
propriétaire de la Société nationale de l'amiante,
l'actionnaire, dit: II serait bon que ma société devienne
propriétaire de tels actifs, et il lui donne les pouvoirs de
procéder par expropriation. C'est ce qui est assez exceptionnel, j'en
conviens. Mais pourquoi ne pas laisser la décision à la
société nationale, puisqu'on a pris la peine de la créer,
parce qu'il y a certaines sociétés, régies d'Etat qui ont
le pouvoir d'exproprier. Ce n'est pas extraordinaire. L'Hydro-Québec
exproprie proprio motu, ne demande pas la permission au gouvernement chaque
fois. Est-ce que l'Hydro-Québec n'a pas le pouvoir d'exproprier? Elle a
le droit d'exproprier. Ce n'est pas une décision gouvernementale
à chaque bout de terrain qu'elle exproprie.
M. Bérubé: Oui, elle a besoin de l'autorisation.
Dans le cas d'Inter-Port, par exemple, cette société a le droit
d'exproprier, cependant, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui doit
l'autoriser.
M. Lalonde: Admettons, étant donné les
implications, surtout du point de vue financier et les risques, que le
gouvernement soit impliqué dans l'autorisation, mais pourquoi est-ce le
gouvernement, dans ce cas-ci, à l'article 20 qui donne l'avis
d'expropriation, qui doit donc, j'imagine, décider quels actifs,
ensuite... C'est-à-dire qu'il donne l'avis, non, qui a le pouvoir
d'exproprier. Ensuite on ne sait pas qui donne l'avis, à l'article 21,
mais on verra quand on y arrivera. J'espère qu'il y aura une
clarification, que l'avis est envoyé soit par le gouvernement, soit par
la Société nationale de l'amiante, parce qu'il faut qu'il y en
ait une si le gouvernement veut faire une transaction opération propre.
Même si on est en principe contre l'expropriation ou l'acquisition par le
gouvernement de cette histoire-là, on ne veut pas que cela traîne
devant les tribunaux pendant dix ans. Il faut que la loi soit claire, que cela
ne puisse pas être contesté simplement sur une formalité
comme cela. L'avis est envoyé par le gouvernement. Tout à coup,
on pourrait contester cela de la part de General Dynamics ou le
propriétaire ou un autre intéressé, un créancier et
dire: Non, cet avis n'a pas été envoyé conformément
à la loi. Il faut que ce soit clarifié. J'espère
qu'à l'article 21 on va le faire. Mais pourquoi est-ce que l'on passe du
gouvernement à la société nationale? Je pensais qu'il y
avait un plan là-dedans, bien cohérent. Il semble qu'on ne se
soit pas posé la question. (20 h 30)
M. Bérubé: De toute façon, quelle que soit
la loi de l'expropriation, le gouvernement doit autoriser l'expropriation. Que
ce soit le gouvernement qui, ayant autorisé l'expropriation, envoie un
avis directement à la société expropriée ou que ce
soit la Société nationale de l'amiante qui, suite à
l'approbation par le Conseil des ministres, envoie cet avis, je pense que c'est
un peu bonnet blanc, blanc bonnet. La différence première,
cependant, dans ce cas-ci, c'est que le gouvernement prenant la
décision, et comme il s'agit là d'un acte politique je
pense que c'est une des conséquences de la politique de l'amiante
il est important, peut-être, de faire en sorte que le gouvernement assume
ses responsabilités, sa responsabilité politique de la prise de
décision. C'est lui qui a décidé de prendre le
contrôle de la société Asbestos, ce n'est pas la
Société nationale de l'amiante. La Société
nationale de l'amiante a été constituée en vertu d'un
pouvoir de l'exécutif mandaté par l'Assemblée nationale.
Donc, la Société nationale de l'amiante n'a pas été
créée comme telle pour exproprier les entreprises; c'est une
société commerciale. C'est le gouvernement qui a
décidé d'exproprier la société Asbestos. Cependant,
dès que ses actifs deviennent la propriété du
gouvernement, il va de soi que notre mandataire c'est la Société
nationale de l'amiante, ce qui explique pourquoi la Société
nationale de l'amiante prend possession de ces actifs, ce qui n'est pas
indiqué à cet article, mais qui apparaîtra plus loin, et
à l'article 23, ce qu'on indique c'est que désormais la
Société nationale de l'amiante prend la relève en ce qui a
trait à la gestion de l'entreprise.
M. Lalonde: Ce n'est pas la gestion, c'est l'indemnité,
parce que là il y a une incohérence. Le ministre vient de faire
son lit, il dit: C'est le gouvernement qui va décider d'exproprier.
J'accepte cela comme prémisse. C'est le gouvernement qui va
décider, la société n'est pas habilitée à
exproprier, d'accord. On peut prendre cela au point de départ. Alors,
pourquoi n'est-ce par le gouvernement qui détermine l'indemnité
à ce moment-là? Il me semble qu'une des grandes
responsabilités, un des éléments importants dans
l'expropriation comme dans l'acquisition, c'est de payer, c'est de
déterminer ce que cela vaut. C'est l'offre. La façon dont c'est
fait, le gouvernement décide d'exproprier, il y a un avis qui est
envoyé par les anges et là c'est la société
nationale qui décide combien on va payer. Il me semble qu'il y a une
incohérence là-dedans. Je ne veux pas en faire un cas. Il me
semble que la préparation de ces trois articles, en tout cas,
m'apparaît un peu illusoire. Il me semble que le gouvernement n'a pas
démontré qu'il a réellement réfléchi sur
tout le mécanisme, le mécanisme qui va être utilisé
pour procéder à l'expropriation. D'un côté, c'est le
gouvernement qui décide d'exproprier. Si c'est cela la décision
du gouvernement parfait.
On aurait pu aussi donner le pouvoir à la Société
nationale de l'amiante d'exproprier une entreprise, pas
généralement, je suis d'accord il faut être prudent,
pour ne pas qu'ils se mettent à
exproprier n'importe qui mais on a choisi que ce soit le
gouvernement qui décide, parfaitement, mais l'avis cela va être
quelqu'un qui va l'envoyer, on ne sait pas qui. Il faudrait corriger cela.
C'est une question de technique, de libellé d'article. C'est la
société nationale qui n'a pas le pouvoir d'exproprier qui, elle,
va déterminer l'indemnité. Cela m'apparaît
incohérent. J'espère que le projet de loi n'est pas truffé
d'incohérences comme cela. J'espère qu'on s'est appliqué
à le rédiger de façon beaucoup plus rigoureuse.
Déjà, cela laisse à désirer.
Je pose la question au ministre. Pourquoi est-ce la
société nationale qui va engager les fonds? C'est la
société nationale qui va engager les fonds des
Québécois parce que c'est la société nationale,
d'après l'article 23, qui est devant nous, actuellement, qui va
déterminer combien on paie alors que c'est le gouvernement qui
décide d'exproprier. Est-ce que la société nationale a
besoin de l'autorisation du gouvernement? Cela n'apparaît pas ici. Est-ce
que le gouvernement veut démissionner? Il a déjà
démissionné de sa responsabilité de déterminer le
prix en recourant à un arbitre, à un tribunal d'arbitrage, et
là, il va même démissionner de sa responsabilité de
faire l'offre. Il va donner cela à un conseil d'administration qui n'est
pas élu par la population. Cela ne m'apparaît pas tout à
fait cohérent.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que quelqu'un d'autre
a quelque chose à ajouter? M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, il faut indiquer
qu'à cet article 23 il s'agit d'un avis de la Société
nationale de l'amiante, concernant le montant de l'indemnité que la
société est prête à payer. Il va de soi qu'il
pourrait s'agir d'un montant symbolique de $1 puisque de toute façon la
loi prévoit un mécanisme pour la détermination du prix
basé essentiellement sur un arbitrage. Par conséquent, c'est tout
simplement un point de départ à la discussion qui tient compte
à la fois de l'analyse que le gouvernement a faite de la valeur de
l'entreprise et de changements qui auraient pu subvenir dans les actifs de
cette entreprise, entre le moment où le gouvernement a fait son
évaluation et le moment où la Société nationale de
l'amiante prend possession desdits actifs.
Par conséquent, il s'agit d'une première position qui peut
servir de base à la discussion en arbitrage. De toute évidence,
ce n'est pas le gouvernement comme tel qui sera équipé de toute
façon pour aller faire la vérification dans les usines en
question afin de savoir s'il y a eu une variation importante des actifs. C'est
la Société nationale de l'amiante; par conséquent, c'est
un point de départ. Cela se défend très bien.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys;
M. Lalonde: M. le Président, c'est absolument incroyable.
Le ministre au nom du gouvernement vient de donner un avis au tribunal
d'arbitrage que l'offre en vertu de l'article 23 n'est pas sérieuse,
c'est un point de départ. C'est seulement pour ouvrir les
discussions.
M. Ciaccia: Cela peut être $1.
M. Lalonde: II me semble selon la loi d'expropriation
jusqu'à maintenant que le législateur devrait traiter une telle
question avec beaucoup plus de sérieux que cela. La loi de
l'expropriation prévoit que l'expropriant ou l'expropriante des
organismes, des sociétés d'Etat ou des régies, offre une
indemnité, mais c'est censé être sérieux,
censé être fondé sur le montant qu'il est prêt
à payer sur une valeur qu'il a déterminée et non pas
simplement des arrhes. Ce n'est pas un "down payment", comme on dit dans le
langage de Shakespeare. J'espère que c'est plus sérieux que cela.
Si c'est censé être sérieux, si c'est censé
être la valeur qui est établie par la société
nationale, il me semble qu'à ce moment-là le gouvernement devrait
continuer à se mouiller. C'est lui, au fond, qui va être
appelé à payer. Ce n'est quand même pas la
société nationale seule avec son crédit qui va pouvoir
financer ces acquisitions à moins que le ministre, au nom du
gouvernement, ne s'engage à ce que les fonds publics ne soient pas du
tout, mais pas du tout engagés dans cette transaction,
c'est-à-dire que le gouvernement n'offrira pas sa garantie, ne sera pas
appelé à garantir les emprunts que la Société
nationale de l'amiante devra faire pour payer les actifs qu'elle
achètera.
Si le ministre nous dit: Non, c'est entendu, jamais le gouvernement ne
va être impliqué financièrement, à ce
moment-là on va dire: C'est correct. On est moins concernés. La
société nationale va financer cette acquisition comme toute autre
société qui achète des actifs, va trouver un banquier
accueillant et sympathique et va faire les emprunts nécessaires, lequel
banquier va espérer être remboursé à même les
profits que les actifs vont engendrer au cours des années. Si le
ministre est prêt à nous dire que jamais le gouvernement ne va
accepter de garantir les emprunts de la Société nationale de
l'amiante, d'accord, à ce moment-là, M. le Président, on
va fermer tout de suite l'article 24 et malgré ces incohérences,
avec l'article 21, à ce moment-là on va passer à autre
chose. Mais est-ce que le ministre est prêt à prendre cet
engagement-là?
M. Bérubé: On vérifie un point de la loi
70.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: En attendant, j'aimerais attirer l'attention des
membres de la commission sur le sens qu'on peut peut-être donner à
l'article 23 qui dépasse de beaucoup, dans le fond, ce qui est apparent
à première vue. Dans l'article 23, on parle de l'offre initiale,
dans le fond, de l'indemnité offerte initialement. Quand on lit
l'article 30, on se rend compte que l'offre initiale peut
amener deux conclusions. Elle peut nous amener dans le cas d'absence
d'entente à un arbitrage et à ce moment-là l'explication
que vient de donner le ministre à savoir que dans le fond cela n'a
aucune importance quel montant est offert et que c'est finalement un juge de la
Cour provinciale qui va décider combien cela va coûter. C'est un
peu académique de se demander si c'est la société qui
décide ou le gouvernement. De toute manière, c'est un tiers qui
va déterminer en toute liberté. Alors, on peut offrir $1, on peut
offrir $10 millions, $50 millions, $100 millions, il reste que la
décision n'appartient pas à la société ni au
gouvernement. Mais, il y a une autre circonstance possible, qui est
envisagée par l'article 30. On dit: L'indemnité que doit payer la
société est celle dont conviennent la société et le
propriétaire antérieur. C'est seulement à défaut
d'entente que l'indemnité est déterminée par un conseil
d'arbitrage. Ce qui veut dire que la façon d'amorcer la
négociation, c'est qu'il y a eu là une négociation entre
le gouvernement et General Dynamics.
A un moment donné, le gouvernement dit: Nous, on arrête de
négocier avec General Dynamics et on invoque la Loi d'expropriation,
sauf que la Loi d'expropriation, comme telle, peut amener à une
deuxième négociation. La deuxième négociation se
déroule non pas entre le gouvernement et General Dynamics, mais entre la
Société nationale de l'amiante et General Dynamics. A ce
moment-là, évidemment, le gouvernement aurait bien pu dire qu'il
ne paiera pas plus que $40 ou $42. Il peut avoir raison. Il peut sauver les
apparences et dire: Ecoutez, finalement, on a payé $70, mais ce n'est
pas nous qui avons payé $70. Cela, c'est une négociation à
laquelle est partie la Société nationale de l'amiante. C'est une
décision d'hommes d'affaires. C'est un peu comme l'implantation du
siège social. Cela n'a rien à voir avec le Conseil des ministres.
C'est une décision technique prise selon des critères purement de
rentabilité et, effectivement, il a été
décidé qu'il fallait payer $70.
Alors, s'ils ne sont pas présents au moment de l'offre,
évidemment, ils ne peuvent pas continuer. Alors, l'article 23, si je
comprends bien, ouvre la porte à une deuxième négociation
qui pourrait produire n'importe quel résultat et dont le gouvernement
pourra se laver les mains en disant: Ecoutez, là, c'est maintenant le
conseil d'administration de la Société nationale de l'amiante qui
décide. Il a jugé bon que l'offre gouvernementale n'était
pas suffisante et que, pour obtenir un accord, il fallait
l'accroître.
A ce moment-là, je comprends. Je pense que c'est une
réaction limpide qui nous permet de voir qu'il y a autre chose
là-dedans que simplement faire une offre qui déclenche un
arbitrage. Il y a aussi le fait de faire une offre initiale dans une nouvelle
négociation.
M. Lalonde: M. le député de Saint-Laurent, si vous
permettez, M. le Président, j'ai justement une question...
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous
plaît! M. le ministre m'avait demandé la parole, à moins
que ce soit...
M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre à ma
question? Parce que je voulais poser la question au député de
Saint-Laurent...
M. Forget: II reste encore du temps...
M. Lalonde: ... est-ce qu'il n'est pas d'accord que si le
gouvernement s'engage à ne pas garantir les dettes de la
Société nationale de l'amiante, à ce moment-là,
l'intérêt devient moins grand pour nous autres...
M. Forget: Sans doute. Je suis tout à fait d'accord,
mais...
M. Lalonde: C'est-à-dire qu'à ce moment-là,
le risque du gouvernement sera simplement les montants investis comme
capital-actions.
M. Forget: L'ennui, c'est que la Loi de l'amiante prévoit
que c'est un agent de la couronne.
M. Bérubé: J'espère que vous avez tous le
droit de parole, messieurs, je croyais que le président m'avait
accordé le droit de parole.
M. Lalonde: On était en conciliabule. M. Forget:
Oui, c'est ça.
Le Président (M. Bordeleau): En effet, j'avais reconnu M.
le ministre, si vous permettez.
M. Bérubé: S'il n'y avait pas d'objection.
Excusez-moi de déranger cet intéressant duo, d'ailleurs...
M. Forget: Nous, au moins, on a des réponses. Quand on se
pose des questions l'un à l'autre, on se répond.
M. Bérubé: Deux violons, d'ailleurs, mal
accordés, chacun évidemment formant des accords faux...
M. Lalonde: On attend le trombone.
M. Bérubé: ... dissonants et assez
désagréables à l'oreille. Enfin, après cet exercice
de style assez vide de sens, je pense que...
M. Forget: Oui, c'est vrai, vous le reconnaissez.
M. Bérubé: ... je vais vous ramener tout simplement
à la loi 70, c'est-à-dire au projet de loi no 70, qui est la Loi
constituant la Société nationale de l'amiante, et vous
référer à l'article 16 de ladite loi, qui dit que la
société ne peut, sans l'autorisation du gouvernement, sous
réserve des exceptions et conditions prévues par
règlements du gouvernement, acquérir des entreprises poursui-
vant les mêmes fins ou des fins similaires ou des actions formant
le fonds social de pareilles entreprises.
En d'autres termes...
M. Ciaccia: ... le gouvernement...
M. Bérubé: ... si vous me permettez, M. le
député de Mont-Royal-Mi. Ciaccia: Non... M.
Bérubé: En d'autres termes...
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez la parole, M. le
ministre.
M. Bérubé: Oui. En d'autres termes, M. le
Président, aucune proposition pouvant être faite par la
Société nationale de l'amiante ne peut être faite
évidemment sans l'autorisation du gouvernement, tel que le
prévoit la loi constitutive de la Société nationale de
l'amiante, ce qui fait que toute cette gymnastique sur une corde raide n'a
finalement entraîné qu'un petit cassage de gueules de la part de
l'Opposition puisque, à nouveau, on n'a finalement que peu fait
évoluer le dossier.
M. Forget: Non, parce qu'il y a une différence...
M. Lalonde: Cela ne répond pas à ma question.
Autoriser la société...
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre!
M. Lalonde: ... à acheter, c'est une chose. Mais garantir
les dettes, c'est une autre chose.
M. Grégoire: Soyez donc polis!
M. Lalonde: Non...
M. Forget: On est très poli.
M. Grégoire: Laissez donc le droit de parole à ceux
qui l'ont.
M. Bérubé: Donc, M. le Président,
essentiellement, ce qu'il faut dire...
M. Lalonde: II ne nous provoque pas, au moins.
M. Bérubé: ... c'est que le gouvernement prend la
décision d'exproprier dès l'avis d'expropriation. La
Société nationale de l'amiante prend le contrôle des
opérations de la société Asbestos et doit, dans les 30
jours, signifier un avis d'indemnisation à la société
Asbestos.
M. Forget: Et peut ensuite négocier.
M. Bérubé: A une condition, c'est que le
gouvernement l'y autorise, aux conditions qu'il jugera bon.
M. Forget: Elle est autorisée par la loi. Est-ce qu'elle
n'est pas autorisée de façon permanente par la loi à
négocier? Qu'est-ce qui l'en empêche? (20 h 45)
M. Bérubé: C'est qu'elle ne peut, sans
l'autorisation du gouvernement, acquérir des entreprises poursuivant les
mêmes fins.
M. Forget: Oui, mais ça, c'est à la fin de la
négociation. Le gouvernement intervient pour ratifier un fait accompli,
une négociation qui s'est déroulée, mais elle n'a pas
besoin d'une autorisation préalable.
M. Brochu: C'est dans les prévisions de la loi 70.
M. Forget: La loi 70 ne dit pas qu'elle doit préalablement
recevoir un mandat de négociation, elle dit que doit être
approuvée une acquisition. L'acquisition se fait à la fin de la
négociation, une fois que tout est réglé, on signe les
actes de vente.
M. Bérubé: M. le Président, l'Opposition
patine sur de la glace épouvantablement mince et je
préfère ne pas la suivre. D'ailleurs elle va être
conseillée...
M. Lalonde: Vous allez voir, il va nous répondre!
M. Bérubé: ... d'ailleurs par le
député de Laval.
M. Lavoie: Ce serait superflu!
M. Bérubé: Je pense qu'elle en a
désespérément besoin, elle est effectivement à
court d'arguments, on cherche présentement la punaise avec un microscope
qui devrait grossir au moins 1000 fois. Par conséquent, j'ai
énormément de difficulté à suivre la punaise suivie
par les libéraux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Alors...
M. Forget: La punaise, c'est la possibilité, pour la
société, de s'engager dans une deuxième
négociation, une fois que le gouvernement aura décidé
qu'il n'y a pas de négociation possible et qu'il faut exproprier.
Malgré tout, votre loi permet de s'engager dans une
deuxième négociation, après ce constat d'échec.
Expliquez-nous ça; c'est une punaise d'une moyenne grandeur? A l'article
30, on dit qu'il y a une adjudication par le tribunal, seulement si les parties
ne s'entendent pas. Or, les parties dont il est question n'existent qu'à
partir du moment où il y a un avis d'expropriation, parce que la
société n'est nulle part, actuellement, dans la
négociation, sauf à titre de conseiller, mais, légalement,
elle n'est nulle part, elle ne devient partie à la négociation
qu'après l'avis d'expropriation, il y a donc une deuxième
négociation qui est envisagée. Si le ministre nous donne
l'assurance qu'il n'y en aura pas, tant mieux.
M. Grégoire: Pas à l'article 23, M. le
Président, à l'article 30.
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, M. le
député de Frontenac!
M. Forget: A l'article 23, c'est là qu'on amorce une
deuxième négociation. Je demande au ministre de nous donner
l'assurance qu'il n'y aura pas une deuxième négociation, c'est
tout.
M. Bérubé: M. le Président, je crois que le
député de Saint-Laurent a raison, c'est une punaise, c'est une
punaise dite libérale d'ailleurs, en termes bien connus, c'est une
punaise dite "de sacristie".
M. Forget: Pourquoi, M. le ministre, vous acharnez-vous à
faire durer un débat? Dites-nous, oui ou non, qu'il y aura une
deuxième négociation et on va passer à autre chose.
Qu'est-ce que c'est que cette cachette?
M. Lalonde: Oui, au lieu de faire des blagues; c'est
sérieux ça.
M. Forget: Est-ce que vous savez au moins la réponse
à la question?
M. Bérubé: L'article de loi est absolument
explicite. Il indique clairement que la Société nationale de
l'amiante va faire une proposition d'indemnisation, dans la mesure où
tous les actifs qui ont fait l'objet de la négociation, jusqu'à
maintenant, entre le gouvernement et General Dynamics, ne seront pas
nécessairement inclus à l'intérieur de la
négociation qui peut avoir lieu, c'est bien évident, d'ailleurs,
l'article de loi est absolument explicite, vous vous êtes vous-même
référé à l'article 30, c'est clair depuis le
début que l'indemnité que doit payer la société
à l'article 30 est celle dont conviennent la société et le
propriétaire antérieur, à défaut d'entente,
l'indemnité est déterminée par un conseil d'arbitrage.
Il va de soi que s'il manque un camion dans l'ensemble de
l'opération minière et qu'on décide de soustraire $30 000
du prix, ça peut se négocier et, à ce moment-là, la
Société nationale de l'amiante, qui a en main les actifs, peut
faire une proposition, seulement, elle ne peut pas le faire sans l'autorisation
du gouvernement. C'est tout.
M. Forget: Ce que vous nous dites est important, ce n'est pas une
punaise. Vous nous dites que l'offre que fera la Société
nationale de l'amiante, dans le contexte de l'article 23, sera, dans le fond,
identique à la meilleure offre ou à l'offre finale qu'aura faite
le gouvernement dans ses propres négociations, qu'elle ne reprendra pas,
autrement dit, la négociation dans un autre contexte en disant: On
recommence, on est prêt à faire une autre offre soit sur les
mêmes biens qui sont l'objet de la négociation on ne sait
pas encore lesquels, remarquez, M. le Président, parce que le ministre
n'a pas précisé ça non plus ou en disant: Ecoutez,
le gouvernement a négocié avec vous pour l'achat à la fois
de Thetford Mines et du Nouveau-Québec, de l'Ungava, nous, on va
négocier seulement pour Thetford Mines et on vous fait une offre
d'indemnité basée seulement sur l'objet réduit. C'est ce
qu'on veut savoir. Est-ce qu'on s'engage dans un nouveau processus de
négociation, avec peut-être un objet différent et donc une
indemnité différente, ou s'il s'agit, pour la
Société nationale de l'amiante, de reproduire la dernière
offre gouvernementale et d'attendre pour voir si la société
General Dynamics a changé d'idée dans l'intérim? C'est
quand même d'intérêt public de poser cette question, parce
que si vous répondez oui à la question et qu'on recommence le
processus, peut-être avec un nouvel objet défini
différemment, ce n'est pas en juin ou en juillet de cette année
que va avoir lieu l'expropriation pour vrai, elle peut avoir très bien
lieu en juin et juillet 1980. Je pense que vous êtes conscients de
cela.
M. Grégoire: M. le Président, je me demande si le
député de Saint-Laurent est au courant des affaires courantes,
des affaires qui se mènent, mais je vais donner un exemple au
député de Saint-Laurent. On offre d'acheter de gré
à gré l'Asbestos Corporation. Au moment où on fait
l'offre, il y a un "cash flow" de X. Voilà qu'entre le moment où
l'offre de gré à gré d'achat a été faite au
mois d'octobre 1977, après coup, une compagnie d'assurances verse $21
millions à l'Asbestos Corporation pour un incendie qui avait eu lieu en
1975 à l'usine de la King Beaver. Est-ce que les $21 millions sont
encore dans le "cash flow"? Est-ce qu'il est toujours prévu? M. le
Président, est-ce que j'ai interrompu le député de
Saint-Laurent? Bon, laissez-moi finir.
M. Forget: Est-ce que vous me posez une question?
M. Grégoire: Non.
M. Forget: Ah bon! Je pensais que vous me posiez une question, je
suis désolé. Cela avait l'air d'une question.
M. Grégoire: Je pose la question de la façon qu'on
doit se la poser. On se pose la question, alors. Est-ce que les $21 millions
auront été distribués entre les actionnaires, tel que cela
a pu être mentionné? Et, tel que cela a été
mentionné, ou est-ce qu'ils seraient encore dans le "cash flow"? Est-ce
qu'il y aura eu des terrains vendus depuis ce temps-là, entre autres les
terrains situés dans le canton de Bécancour, comme on dit qu'ils
ont été vendus? Et, à ce moment-là,
évidemment que les négociations recommencent sur les actifs, le
"cash flow", et les choses de l'Asbestos Corporation au moment où l'avis
d'expropriation est donné. C'est parfaitement normal, et si le
député de Saint-Laurent ne comprend pas ça...
M. Lalonde: Est-ce que le député pense que vous
allez exproprier un "cash flow"? N'oubliez
pas que si vous n'achetez pas les actions, vous allez acheter les
actifs, les "fixed assets" qu'on appelle...
M. Grégoire: Non, mais ça doit faire longtemps que
le député de Notre-Dame-de-Grâce, pardon de
Marguerite-Bourgeoys, n'a pas été dans ça...
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. Lalonde: J'ai été là beaucoup plus
longtemps que vous.
M. Grégoire: ... quand vous expropriez, au moment
où vous donnez l'avis, ce n'est pas nécessairement...
M. Lalonde: ...
M. Grégoire: ... le "cash flow" que vous expropriez, vous
expropriez les actifs, mais dans les actifs, il y a le "cash flow".
M. Lalonde: Bien non.
M. Grégoire: Si le député de
Marguerite-Bourgeoys ne comprend pas ça...
M. Lalonde: Voyons donc! M. Grégoire: Comment?
M. Lalonde: Vous ne pouvez pas exproprier un compte de banque
quand même.
M. Forget: Vous allez changer quatre pièces de $0.25 pour
$1, comme dit votre collègue.
M. Grégoire: Quand vous expropriez les actifs, ce qui est
contenu dans les entrepôts ne fait pas partie des actifs que vous
expropriez.
M. Forget: Vous n'allez pas faire une offre pour le compte de
banque?
M. Lalonde: Oui, l'entrepôt, mais pas le compte de
banque.
M. Bérubé: M. le Président. M.
Grégoire: Voyons donc! M. Bérubé: ... j'ai
écouté...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que M. le
député de Frontenac a terminé? Oui?
M. Bérubé: ... soigneusement le
député de Saint-Laurent. Je pense que la réponse à
la question qu'il a posée, c'est oui.
M. Forget: II y a une autre négociation?
M. Bérubé: Je n'ai pas dit qu'il y avait une autre
négociation, mais...
M. Forget: Ah bon! C'est oui ou c'est non.
M. Bérubé: ... la loi telle que
rédigée permet une autre négociation.
Une Voix: M. le Président...
M. Forget: Ce n'est pas ma question. Je n'ai pas demandé
si la loi telle que rédigée en permet une. Je le sais, je suis
capable de lire le français moi aussi.
M. Bérubé: Bon, parlez-moi de ça, parce
que...
M. Forget: Le ministre est membre du gouvernement, j'imagine
qu'il passe au Conseil des ministres de temps à autre, il prend des
décisions. C'est vraiment incroyable, on dirait qu'il vient de Sirius.
Est-ce que, comme ministre du gouvernement qui se prépare à
exproprier ces actifs, il peut nous dire si, oui ou non, il envisage que la
société va recommencer la négociation à son propre
compte, tel qu'elle pourrait le faire en faisant une autre offre, un offre
différente? Il m'a parlé d'un camion qui manquerait, et l'autre
d'un terrain au coin d'une rue. Ce n'est pas vraiment ça. Si la
société General Dynamics refuse une offre de $110 millions, ce
n'est pas parce qu'il manque un camion que la négociation va reprendre.
Substantiellement, est-ce qu'on envisage de repenser une espèce de
novation de tout le processus de négociation, peut-être en le
faisant porter sur un autre objet ou, alors, c'est un secret d'Etat. Je
m'excuse de le demander, c'est un secret d'Etat. On va passer une loi, mais il
ne faut surtout pas poser de question, parce que c'est un grand secret, on ne
peut pas savoir si la négociation va recommencer. Est-ce que ce sera
exproprié en juillet prochain ou en juillet de quelle année? Si
vous commencez une autre négociation, il y en a une qui n'est pas finie
et qui a duré un an. Si vous en commencez une deuxième, ça
va encore durer un an présumément.
M. Grégoire: On l'aura à ce moment-là. M.
Forget: Ah bon! c'est un secret d'Etat.
M. Bérubé: Non.
M. Grégoire: C'est la question qui n'a pas de bon
sens.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre s'il vous
plaît! J'ai reconnu M. le député de Mont-Royal.
M. Grégoire: C'est la question qui n'a pas de bon sens,
c'est bien évident.
M. Ciaccia: M. le Président. M. Lalonde: C'est
épouvantable.
M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent
devrait retourner faire ses études.
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Frontenac, s'il vous
plaît!
M. Forget: Le fer dans la plaie...
M. Lalonde: II tourne le fer dans la plaie...
M. Grégoire: Je comprends pourquoi le peuple l'a battu
à la dernière élection.
M. Forget: Non, mon cher, il ne m'a pas battu, la preuve c'est
que je suis ici.
M. Grégoire: Cela a été la cause principale
de la défaite de son gouvernement à part ça, et il le
sait.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Bérubé: On oscille entre l'impertinence et
l'arrogance, d'après ce que je peux voir.
M. Ciaccia: ... le ministre vient de nous montrer par un autre
exemple comment un article de ce projet de loi peut être
interprété et sera sûrement interprété par
les avocats de General Dynamics en faveur de General Dynamics. Dans
l'explication qu'il a donnée au début quand le
député de Marguerite-Bourgeoys le lui a demandé la
société va transmettre une déclaration indiquant le
montant de l'indemnité, l'explication que le ministre a donnée,
ça peut être une indemnité de $1, ça peut être
n'importe quel montant.
M. Lalonde: Un point de départ.
M. Ciaccia: C'est un point de départ. Non seulement un
point de départ, mais c'est contraire à toute procédure
d'expropriation quand l'offre initiale d'expropriation est une offre
sérieuse. Alors, quand elle n'est pas acceptée par l'autre
partie, vous allez devant un conseil d'arbitrage, vous faites face à une
offre sérieuse et l'autre partie ne peut pas accuser le gouvernement de
dire: Ecoutez, on va mettre de côté totalement cette offre du
gouvernement, elle n'est pas sérieuse. Mais c'est exactement comme cela
que ça peut être interprété. On va faire sortir le
journal des Débats pour trouver les paroles du ministre et n'importe
quelle offre que la société va donner, la réponse de
General Dynamics va être: Ecoutez, le ministre, le 6 juin 1979, a dit
telle ou telle chose.
M. Lalonde: C'est un point de départ.
M. Ciaccia: II faut totalement mettre ça de
côté. Ce n'est pas une offre sérieuse. C'est un point de
départ, ce n'est même pas quelque chose qui est près de la
valeur que le gouvernement considère pour ça. C'est ce qu'il
vient de nous dire.
M. Lalonde: C'est un point de départ.
M. Ciaccia: Ecoutez, quand le ministre parle...
M. Grégoire: Vous n'avez rien compris.
M. Ciaccia: Ces gens de l'autre côté ne semblent pas
réaliser que, quand ils font des déclarations, c'est
enregistré...
M. Grégoire: Je vous sens plutôt les avocats de
General Dynamics. Je vous sens prendre le parti de General Dynamics.
M. Ciaccia: Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le
Président?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Mont-Royal, vous avez la parole.
M. Lalonde: N'interrompez pas.
M. Ciaccia: Je ne dirais pas même...
M. Bérubé: Vous avez la parole, vous pouvez la
garder.
M. Ciaccia: ... que c'est l'interprétation du
député de Frontenac, sans manquer de respect au
député de Frontenac, ce n'est pas le ministre. Ce serait
difficile pour l'avocat de General Dynamics de dire... mais il va citer un
ministre de la couronne, un ministre du gouvernement, qui a donné son
interprétation à savoir comment ça peut se
dérouler. Et ça va être utilisé par General
Dynamics, sûrement, contre les intérêts du gouvernement,
contre les intérêts du Québec.
M. Grégoire: Cela fait votre affaire, ça.
M. Ciaccia: On essaie de vous montrer comment... Non, ça
ne fait pas notre affaire. M. le Président...
M. Grégoire: Oui, la caisse va grossir.
M. Ciaccia: ... je suis écoeuré de ces accusations,
on travaille, chaque fois qu'on essaie de bonifier quelque chose, on fait des
suggestions, ils nous accusent... Ce sont eux qui travaillent pour General
Dynamics.
M. Grégoire: C'est vous qui le laissez entendre, vous
travaillez pour General Dynamics.
M. Ciaccia: On vous dit comment spécifier, comment
bonifier le projet de loi...
M. Grégoire: Votre chef nous l'a dit cet
après-midi.
M. Ciaccia: Vous nous accusez d'être impolis, M. le
député de Frontenac, franchement... vous êtes non seulement
impoli, mais insultant.
M. Lalonde: Vous nous imputez des motifs qui ne sont pas
acceptables. Je pense que le règlement ne le permet pas.
M. Grégoire: La vérité choque.
M. Lalonde: Quand même, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Pour revenir au point que je voulais faire, M. le
Président, c'est que, si l'article 23 est laissé tel quel,
ça va travailler, ça va oeuvrer, ça va être
interprété en faveur de General Dynamics et ça peut
seulement mal servir les intérêts du gouvernement qui va vouloir
exproprier. C'est simple comme ça.
Le Président (M. Bordeleau): Pas d'autre demande de droit
de parole? Est-ce qu'on peut adopter l'article 23?
M. Lalonde: M. le Président, simplement une autre
question, parce que j'essaie de trouver des cohérences.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On parle, à l'article 21, du fait que les
biens d'une filiale contrôlée sont réputés
appartenir à la société Asbestos. On fait l'offre à
tout le monde. Est-ce qu'on peut nous expliquer, parce qu'on parle du
propriétaire antérieur, ça veut donc dire qu'il peut y en
avoir plusieurs, d'ailleurs, avec les filiales, il n'y a aucun doute que non
seulement des actifs de société Asbestos, mais aussi des actifs
de filiales contrôlées de la société Asbestos
pourront être inclus dans la description des biens expropriés.
Chaque point d'actif va porter un prix, j'imagine, va être
évalué, mais c'est étrange, que d'une part, on dise que
c'est une construction de l'esprit, je l'admets, pour les fins de la loi, tous
les biens des filiales contrôlées sont censés appartenir
à la société Asbestos. (21 heures)
Mais, d'un autre côté, on fait l'offre d'indemnité
aux propriétaires antérieurs. Cela peut donc être plusieurs
propriétaires. Est-ce qu'on peut m'expliquer la cohérence
là-dedans?
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député de Marguerite-Bourgeoys? M. le
ministre.
M. Bérubé: Oui. C'est vrai que tous les biens
appartenant tant à la société Asbestos qu'à ses
filiales sont réputés n'appartenir qu'à la
société Asbestos, mais en autant que certains articles de la loi
sont concernés. En d'autres termes, si nous revenons à l'article
précédent, c'est aux fins des articles 23, et 29 à 54.
M. Lalonde: Nous sommes à l'article 23.
M. Bérubé: Aux fins de l'article 23, cela signifie
que la société transmet à la société
Asbestos qui se trouve à agir comme propriétaire, en
l'occurrence, de tous les biens des filiales qu'elle contrôle, aux fins
de l'article 23.
M. Lalonde: Pour être bien sûr d'avoir compris le
ministre, il vient de dire que la Société nationale de l'amiante
transmet à la société Asbestos la déclaration
indiquant le montant d'indemnité. C'est ce que vient de dire le
ministre?
M. Bérubé: Ses biens à elle et les biens de
ses filiales.
M. Lalonde: C'est vrai? C'est ce que vous venez de dire.
M. Bérubé: Oui.
M. Lalonde: Vous n'allez pas vous dédire tout à
l'heure? Voulez-vous relire maintenant l'article 23? "La société
transmet aux propriétaires en place..." Pourquoi ne pas dire à la
société Asbestos, à ce moment-là? Si vous
n'employez pas la société Asbestos, cela veut dire que la
Société nationale de l'amiante devra transmettre à chacun
des propriétaires antérieurs une déclaration indiquant le
montant d'indemnité, dans chaque cas.
M. Bérubé: On pourrait, puisque l'article 22 disait
qu'un bien appartenant à une corporation quelconque est
réputé appartenir à la société Asbestos. A
partir du moment où un bien...
M. Lalonde: Cela va éviter toutes les
ambiguïtés que vous allez laisser dans la loi. Vous le savez, quand
quelqu'un ne veut pas se faire acheter, il peut recourir aux tribunaux pour
faire annuler votre avis, pour faire annuler votre déclaration, tout
cela. Mettez-le donc et faites donc une loi qui a du bon sens.
M. Bérubé: Le projet de loi est clair. Je ne vois
pas l'intérêt.
M. Lalonde: Vous vous souviendrez de cela. C'est écrit, ce
que vous dites. Je vous enverrai une copie de vos propres déclarations
si jamais il y a des contestations en cour, là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a d'autres interventions sur l'article 23?
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté sur division. J'appelle le paragraphe 24 de
l'article 1. M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à
dire sur le paragraphe 24?
M. Bérubé: Non. Le paragraphe 24 fait simplement
indiquer que dès la signification de l'avis d'expropriation, c'est la
Société nationale de l'amiante qui devient propriétaire
des biens. Et on m'indique qu'à ce moment-là, ces
propriétés doivent être enregistrées au bureau
d'enregistrement, tant pour les propriétés immobilières
que pour les propriétés minières.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: II y a premièrement une règle qui
s'applique en cas d'expropriation. Etant donné qu'il y a une prise de
possession immédiate, cela se retrouve, de façon
générale, dans la Loi d'expropriation. Il y a prise de possession
immédiate, sauf une possibilité d'exception prévue un peu
plus loin, où la société pourrait dire qu'il y aurait un
dommage irréparable qui serait fait s'il y avait une prise de possession
immédiate on pourrait revenir à cela tout à l'heure
mais supposons que cette objection ne soit pas faite ou qu'elle ne soit
pas retenue par la cour, il y a prise de possession immédiate. Ceci veut
dire que le lendemain de l'avis, à toutes fins pratiques, la
Société nationale de l'amiante devient administratrice de la mine
de Thetford Mines, par exemple. Les employés de la société
Asbestos, au moins ceux qui sont affectés directement à la
production de fibres, deviennent les employés de la
Société nationale de l'amiante.
Dans un contexte comme celui-là, il serait normal que, pour
démontrer le sérieux de l'offre d'indemnité, pour
démontrer qu'elle n'est pas faite seulement pour lancer un autre
processus de négociation, pour donner de la crédibilité
à l'offre qui est faite de manière à augmenter son poids
devant le tribunal d'arbitrage que la même règle qui s'applique
normalement en cas d'expropriation, s'applique dans ce cas, c'est-à-dire
que la société qui devient propriétaire fait un
dépôt judiciaire d'une certaine proportion de la somme offerte
comme indemnité, et si celui qui est exproprié accepte le montant
de l'indemnité, il peut immédiatement toucher cette partie.
Ceci serait approprié, non seulement parce que ça pourrait
donner du poids et un peu plus de crédibilité à l'offre
d'indemnité, mais cela pourrait peut-être favoriser, dans le fond,
l'argumentation gouvernementale devant le conseil d'arbitrage qui penserait
alors: Voici quelque chose qui n'a pas été fait à la
légère. C'est une véritable offre sérieuse...
M. Lalonde: ... y a-t-il moyen d'écouter. Il y a quelque
chose...
M. Forget: ... et on a déjà fait un
dépôt judiciaire qui démontre que nous sommes prêts
à nous exécuter. De toute manière, comme il y a un
avantage immédiat, c'est-à-dire la prise de posses- sion
immédiate, qu'il y ait un paiement immédiat au moins d'une
partie, pas nécessairement de la totalité, parce qu'il peut y
avoir intérêt à retenir une certaine partie de la somme
pour s'assurer que l'autre partie, l'exproprié accomplit toutes ses
obligations, délivre les titres, fournit les preuves de droits de
propriété, etc., livre l'inventaire complet de
l'équipement, etc. Donc, il peut y avoir intérêt à
retenir une partie de la somme de manière à ce qu'on puisse faire
un état complet de la situation.
Mais il me semble que ce serait plus normal et, sur le plan de la
réputation du Québec, il reste quand même un fait, c'est
qu'une fois qu'on s'est assuré qu'on paie le moins cher possible
c'est certainement l'intérêt primordial du Québec de payer
le moins cher possible il faut également s'assurer que dans tout
ceci, le Québec n'ait pas l'allure, ne donne pas à sa
démarche une allure inutilement agressive. Cela pourrait
préjudicier les intérêts du Québec dans d'autres
opérations, les opérations de financement à
l'étranger, etc., et les milieux financiers, normalement,
considéreraient normal d'assortir la prise de possession
immédiate avec un dépôt judiciaire, par exemple, de 70% de
l'indemnité. C'est la règle normale dans notre droit, de toute
façon.
Dans la loi de l'expropriation, si le ministère de la Voirie, ou
enfin, des Transports maintenant, exproprie des terres pour les fins d'une
route, il va faire une offre, il va s'emparer de la terre, il va commencer sa
construction le lendemain, s'il le veut, mais il va faire un dépôt
judiciaire. Il va y avoir un certain quiproquo.
M. le Président, je vous distribue le texte d'un amendement
à cet effet: que le premier alinéa du paragraphe 24, l'article 1,
soit modifié, en remplaçant dans la première ligne les
mots "dès" par le mot "après" et en ajoutant dans la
deuxième ligne, après le mot "expropriation", les mots "et
dès que la société a versé à
l'exproprié ou pour le compte de celui-ci au greffe de la Cour
supérieure, une indemnité provisionnelle dont le montant doit
être au moins égal à 70% de l'offre de l'expropriant,
prévu à l'article 23.
Alors l'alinéa amendé se lirait comme suit: "La
société devient propriétaire des biens après la
signification de l'avis de l'expropriation et dès que la
société a versé à l'exproprié pour le compte
de celui-ci, au greffe de la Cour supérieure, une indemnité
provisionnelle dont le montant doit être au moins égal à
70% de l'offre de l'expropriant, tel que prévu à l'article
23."
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
déclare la motion recevable.
M. Lalonde: Lisez l'article 48 de la Loi de l'expropriation. Cela
se trouve là-dedans, l'évaluation municipale; mais il y a des
actifs qui ne sont pas évalués municipalement, je veux dire
l'inventaire et tout ça.
M. Forget: Cela peut être un montant, dans le fond, plus
faible que l'évaluation municipale. Cela dépend du sérieux
de l'offre.
M. Lalonde: Mais, de toute manière, on ne veut pas revenir
à un argument circulaire. On a présenté cet argument plus
tôt. Mais si l'offre est sérieuse, le paiement, le versement
d'une...
M. Grégoire: Une question de règlement, M. le
Président. J'admets que vous avez déclaré la motion
recevable, mais est-ce que je peux vous faire remarquer une chose: dès
qu'il s'agit de verser de l'argent ou de payer, que l'Opposition ne peut jamais
présenter une motion impliquant des versements d'argent; même pas
un député du côté du pouvoir n'est autorisé
à présenter une motion impliquant des paiements ou des
versements; seul un ministre ou le ministre des Finances peut le faire.
M. Forget: Sur ce point de règlement, j'aurais une
intervention.
M. Grégoire: Oui, c'est un règlement reconnu, une
norme reconnue par tous, dès que cela implique un versement ou un
paiement d'argent. Je ne sais pas trop quel article du règlement, mais
si vous regardez, vous allez le trouver.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, je
connais l'article. Je l'ai déjà invoqué comme membre d'une
commission, avec insuccès d'ailleurs. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je reconnais... M.
Bérubé: Oui, mais la présidence varie. M. Lalonde:
Insuccès ou un certain succès?
M. Forget: Je reconnais le principe en vertu duquel seuls les
membres du Conseil des ministres peuvent présenter des motions qui ont
pour effet de susciter des dépenses publiques, effectivement, parce que
le contrôle du budget revient à l'exécutif et que les
membres de l'Assemblée nationale comme telle, même s'ils sont du
côté ministériel, pourvu qu'ils ne soient pas ministres, ne
sont pas en mesure de proposer des dépenses nouvelles. La loi
prévoit déjà le paiement d'une indemnité. Ce n'est
rien de nouveau. C'est déjà dans la loi. C'est comme si la loi
disait: Les paiements doivent être faits un mercredi, et qu'on faisait un
amendement pour proposer qu'ils devraient être faits un jeudi. Je pense
qu'il n'y aurait rien là qui pourrait susciter une objection de forme
quant à la recevabilité. C'est à peu près la
même chose. Si le gouvernement offre une indemnité, c'est
sûr qu'elle va être payée un jour. Le seul problème
est de savoir quand.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent, je pense que j'allais justement soulever
l'argument que vous avez vous-même soulevé. Effectivement, dans
l'article 23, on admet déjà le paiement d'une indemnité.
Tout ce que vient ajouter l'article en question, c'est de faire, au moment de
l'offre, un paiement qui est déjà prévu à l'article
23, un simple dépôt, un versement, un acompte. C'est recevable, et
précisément, en vertu de ce qui a été
invoqué par le député de Saint-Laurent que je
m'apprêtais à invoquer avant même qu'il ne le fasse, je m'en
fais le témoin et je demande donc la discussion sur la motion
d'amendement.
M. Bérubé: Evidemment, ce sera non. Maintenant, il
faut trouver des bonnes raisons. J'ai au moins deux raisons que je pourrais
invoquer.
M. Lalonde: Apparemment, vous ne voulez pas, vous n'êtes
pas d'accord.
M. Bérubé: La première raison est
effectivement juste. La deuxième, c'est que je ne suis pas d'accord pour
au moins deux raisons. On m'en suggère une troisième... Enfin,
elle est possible.
La première raison, c'est que dans le cas présent le
gouvernement ou la Société nationale de l'amiante assume les
dettes de l'entreprise. En effet, une bonne partie des actifs de toute
entreprise en exploitation est financée par le biais d'une dette
importante. En prenant ces actifs, le gouvernement assume les dettes, les
créances qui y sont reliées. De ce fait, il devient donc
dangereux de verser à l'entreprise un montant sans tenir compte des
dettes qui y seraient reliées. Donc, première difficulté:
On ne peut donc pas, a priori, dire que l'on doit payer 75%, 80% ou 50% de la
valeur des actifs, compte tenu que la valeur des créances n'est pas
connue, d'autant plus que cet aspect de dette à long terme peut
évidemment varier continuellement, puisque l'entreprise demeure en
pleine possession de ses usines, mais elle peut modifier son rapport
dette-équité continuellement, et par conséquent, il nous
faudra prendre possession d'une entreprise à un moment
déterminé avec un niveau de dette sur lequel nous n'avons pas de
contrôle. (21 h 15)
Donc, premier problème, c'est la prise en charge des
créances par le gouvernement ou par la Société nationale
de l'amiante, qui nous oblige à tenir compte des dettes pour le paiement
à la société. Deuxièmement, dans un autre article,
on verra que le gouvernement paie rétroactivement, à la date de
prise de possession, l'intérêt sur les sommes ainsi dues à
l'entreprise. Par conséquent, que l'on paie en un seul montant ou que
l'on paie une rente associée à la valeur capitalisée des
actifs, cela m'apparaît être exactement une seule et même
chose et, par conséquent, cela montre la bonne foi du gouvernement et
indique en même temps qu'il est un bon payeur. On me souligne un
troisième argument qui est relié, cette fois-ci, à une
mauvaise rédaction de l'amendement proposé par l'Opposition
libérale. Je n'en blâme pas le député de
Saint-Laurent, je pense qu'il pourra toujours gronder son recherchiste ce soir
ou demain matin, mais il est indiqué dans cet amendement que la
société devient propriétaire des biens après la
signification de l'avis d'expropriation, et elle devient propriétaire
dès que la société
a versé à l'exproprié ou pour le compte de celui-ci
au greffe de la Cour supérieure. Comme notre société prend
possession immédiatement des biens, mais qu'elle a 30 jours pour
indiquer au moins un montant d'indemnité, cela voudrait donc dire que la
société deviendrait propriétaire deux fois.
Peut-être que les députés de l'Opposition pourraient
arriver à démêler cet incongruité et tenter
d'expliquer ce qui se passe.
M. Forget: II n'y a pas d'incongruité, après la
signification, et dès le paiement, c'est assez clair. M. le
Président, relativement aux arguments utilisés par le ministre,
il y a deux remarques qui me viennent immédiatement à l'esprit,
c'est que, premièrement il dit: II n'y a pas besoin de verser une avance
sur l'indemnité parce qu'on prend charge de toutes les dettes. Je pense
qu'il se rendra compte, quand on sera en présence du ministre des
Finances, à cet article, que nous avons un certain nombre de reproches
à lui faire quant à la façon extrêmement vague,
généreuse, et même assez peu prudente avec laquelle il
prend charge de toutes les dettes. Ce n'est certainement pas la façon
dont on procéderait. On aura des amendements spécifiques
là-dessus. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des dettes, il demeure
qu'à sa face même, et même tenant compte du caractère
très vague que le gouvernement entend prendre vis-à-vis des
dettes et de l'engagement, encore une fois, qu'on juge imprudent, il demeure
une question: Qu'est-ce que cela veut dire, concrètement, que d'assumer
les dettes à court terme? Dans le court terme, la Société
nationale de l'amiante prend une mine qui fonctionne; elle assume donc des
dettes à long terme, bien sûr, dettes qui ne sont pas dues avant
l'expiration de douze mois. Donc, cela ne veut strictement rien dire. On a des
dettes qui seront exigibles, mais qui ne sont pas exigibles dans
l'immédiat et qui, d'ailleurs, sont remarquablement faibles par rapport
à la valeur totale des actifs, dans le cas de la société
Asbestos. C'est un ratio de dettes à acquitter qui est remarquablement
bas, je pense que c'est explicable pour des raisons historiques, etc., mais il
reste que c'est un fait. Donc, les dettes à long terme sont très
modestes et ne constituent pas une obligation que le gouvernement doit
rencontrer rapidement. D'ailleurs, je regarde, dans les états
financiers, à la note 6, pour ce qui est des dettes à long terme,
et on se rend compte que $13 millions de la dette à long terme ne sont
dus qu'en 1990.
M. Grégoire: Mais ils sont dus.
M. Forget: Oui, mais en 1990. Alors, vous avez le temps de
régler l'arbitrage d'ici ce temps-là avec un peu de chance. Cela
va peut-être vous prendre cela, mais avec un peu de chance, en 1990, cela
devrait être liquidé de part et d'autre.
M. Bérubé: On n'est pas pressé.
M. Forget: II reste donc les dettes à court terme. Les
dettes à court terme ne sont pas prises isolément. Ce n'est pas
un cadeau que la Société nationale de l'amiante fait à la
société Asbestos en prenant les dettes à court terme,
parce que quand on parle des dettes à court terme, il faut aussi
regarder les actifs à court terme. Quand on regarde la balance des
actifs à court terme et des dettes à court terme, on se rend
compte que ce n'est pas du tout le prépaiement d'une indemnité
dont il est question.
Regardons encore une fois le bilan financier au 31 décembre 1978.
On se rend compte que les actifs à court terme se chiffrent à
$116 millions. Il y a là-dessus des comptes en banque pour un peu plus
de $1 million, il y a des comptes à recevoir pour presque $49 millions,
il y a des inventaires, c'est-à-dire des stocks de fibre, des stocks de
minerai en différents stades de traitement, et il y a des impôts
payés d'avance, etc. Tout ceci se chiffre à $116 millions. Donc,
on prend tout ça en même temps que les actifs physiques parce que
les inventaires, les comptes à recevoir, ça se suit, cela suit la
propriété des actifs physiques. On prend, bien sûr, des
dettes à court terme. Mais des dettes à court terme, au total, y
compris un emprunt à la banque, y compris des comptes payables et des
comptes qui sont accrus, mais non pas exigibles immédiatement, il y en a
pour $27 millions, au total, il y a $47 millions de passif, à court
terme. $47 millions de passif à court terme, et on met la main sur $116
millions d'actif à court terme. L'opération est loin d'être
déficitaire, à l'intérieur d'une année, la
soi-disant avance sur l'indemnité, c'est en fait un profit net,
seulement sur une base de court terme, de $116 millions, moins $47 millions, si
je sais compter, c'est un surplus de $70 millions. On met la main sur $70
millions et le ministre dit: Vous voyez, on n'a pas besoin de payer une avance
sur l'indemnité, on assume leurs dettes.
D'accord, qu'est-ce que vous voulez, on ne calcule pas tous de la
même façon, j'imagine, mais enfin, on peut vouloir rouler les
gens, je comprends, je suis assez vieux pour comprendre ça, au moins, il
faut appeler un chat un chat. Dans ce cas-ci, le chat en question, c'est qu'on
appelle une avance sur un paiement, effectivement, faire main basse, sur $70
millions. A ce rythme, je promets au ministre un avenir financier très
intéressant, parce que, quand il s'imagine payer des dettes,
effectivement, il récupère $70 millions. Mais ce n'est pas
ça, la réponse à notre amendement et, encore une fois, le
ministre peut s'amuser là-dessus. Je ne sais pas s'il est prudent, s'il
est sage. Etant donné la réputation du Québec qui est en
jeu là-dedans, c'est une opération financière quand
même importante, ce n'est pas la fin du monde, on n'achète pas le
canal de Suez, je suis bien d'accord, mais c'est quand même une
opération financière importante.
Quand un gouvernement décide d'exproprier, décide de faire
une offre d'indemnité, dont il a la plus entière
discrétion de déterminer que ce sera $1 ou $125 millions, est-ce
qu'il ne serait pas normal que, s'inspirant des lois générales
relatives
à l'indemnisation, étant donné qu'il prend
contrôle immédiatement, dès qu'il décide que c'est
le moment de le faire, il dise: Je vais donner 70% de cette somme, je vais les
déposer à la Cour supérieure et, si General Dynamics
décide d'accepter mon offre, elle se paiera tout de suite de 70%? De
toute façon, comme je le dis, sur une base de court terme, en regardant
simplement le bilan, je pense bien que n'importe quelle banque pourrait avancer
au ministre des Richesses naturelles quelque chose comme $50 millions pour
l'aider à faire ce premier paiement.
Il y a là un surplus de $70 millions et toutes ces choses
exigibles ou payables en dedans d'un an. Alors, ce n'est pas malin tout
ça. Il s'agit seulement de savoir lire. Encore une fois, il ne s'agit
pas de dépenser plus d'argent, d'offrir plus, il s'agit de rendre
crédible, plus crédible, plus sérieuse la position du
gouvernement, qui va peut-être s'en aller en arbitrage. Il me semble
qu'il pouvait le faire en disant: Ecoutez, non seulement on a fait une offre
sérieuse, on a fait un dépôt judiciaire, c'est la
règle générale, on est au-dessus de tout reproche, alors,
on demande d'être considéré devant l'arbitrage, j'imagine
que ce sera un juge qui a une certaine expérience de ce genre de
question, on demande d'être considéré devant l'arbitrage
comme ayant fait une proposition sérieuse et responsable, pas d'avoir
seulement mis le pied dans la porte.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de plaider plus
longtemps, il est transparent que les explications données par le
ministre n'en sont pas du tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, est-ce que vous voulez intervenir?
M. Brochu: Non, merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Grégoire: M. le Président, j'ai
écouté le député de Saint-Laurent et je trouve
cette motion tout à fait inacceptable. Je vais donner un premier exemple
au député de Saint-Laurent qui nous dit: Oui, mais il y a $70
millions d'équité ou d'actifs de surplus.
Dans le rapport de l'année 1978, qu'il nous a cité, il y a
$63 millions comme stocks. Moi, je reçois régulièrement
des rapports d'employés, de mineurs, de contremaîtres et de cadres
de l'Asbestos Corporation qui me disent que, à l'heure actuelle, les
stocks sont baissés à zéro, qu'ils ont vidé les
entrepôts, que la compagnie fait tout transporter ailleurs et que le
stock de fibre est rendu pratiquement nul. Donc, il y a $63 millions que le
député de Saint-Laurent calculait dans les valeurs de l'Asbestos
Corporation et qui sont pratiquement éliminés. C'est un
élément. Malgré ça, le député de
Saint-Laurent, jugeant d'après un rapport fait il y a six mois, ne
sachant pas que les stocks sont écoulés, ne sachant pas et
ça le député de Saint-Laurent ne le sait pas qu'il
y a encore des effets à recevoir ou des débiteurs pour un montant
de $48 millions, en plus des $63 millions, le député de
Saint-Laurent ne le sait pas, le député de Saint-Laurent ne sait
pas si le passif ou la dette à court terme ou la dette bancaire est
toujours à $14 millions; il ne le sait pas, ça fait six mois.
Mais, malgré tout, il arrive et il dit: Déposez 70% de l'offre
que vous faites. Un homme d'affaires qui ferait ça, un administrateur de
compagnie qui voudrait faire une telle chose, je pense qu'il ne recevrait pas
longtemps la confiance de ses patrons.
Si vous agissiez comme ça, lorsque vous étiez ministre, je
comprends que vous n'ayez pas eu longtemps la confiance de vos patrons, parce
que vous voulez arriver et dire... Je vais prendre un exemple personnel; j'ai
acheté un immeuble dernièrement...
M. Lalonde: Un autre?
M. Grégoire: Oui, j'ai acheté un immeuble
dernièrement je vais donner un exemple frappant ...
M. Lalonde: Cela paie?
M. Grégoire: Oui, ce sont mes affaires, je suis content de
les faire, au moins, je suis capable de les faire.
J'ai payé $120 000, ce n'est pas un gros immeuble, c'est un
petit. Si j'avais versé, en faisant mon offre d'achat, 70%, ça
veut dire entre $75 000 ou $80 000 comptant, je me serais ramassé sur le
derrière, parce qu'il y avait $115 000 d'hypothèques et, moi,
j'aurais été verser $75 000 comptant pour acheter un immeuble
$120 000, quand il y a $115 000 d'hypothèques? C'est ça que vous
demandez au gouvernement de faire. Là, vous avez oublié de
regarder plus loin que votre nez. Vous avez dit: Oui, mais il y a $63 millions
de stocks de fibre; il n'y en a plus, la compagnie a tout
écoulé.
Vous pourriez me dire: II y a des actifs, le club de golf; elle vient de
l'offrir à la ville de Thetford pour $1 et c'était dans ses
actifs pour au-delà de $2 millions. Où avez-vous regardé
avant de dire: On dépose 70%?
M. le député de Saint-Laurent, demandez les conseils d'un
avocat, vous en avez un à côté de vous; demandez des
conseils à d'autres, mais n'allez pas offrir 70%.
M. Laplante: II a déjà fait un trou de $700
000...
M. Grégoire: Je vais comprendre certaines choses, mais je
pense bien que le député de Richmond va comprendre comme moi que,
lui aussi, s'il va acheter une maison de $30 000, il n'ira pas donner 70%
comptant, s'il y a une hypothèque. Il se ferait avoir et le
député de Richmond ne se ferait pas avoir de la sorte.
Mais, là, vous nous dites: C'est bon, l'Asbes-tos, il y a $63
millions de stocks.
M. Bérubé: C'est quand même l'argent des
Québécois.
M. Grégoire: M. le député de Saint-Laurent,
je sais ce sont des cadres de l'Asbestos Corporation qui nous l'ont dit
qu'il n'y a plus de stocks, qu'on écoule tout.
M. Forget: C'est pas pourri, cette affaire-là, n'est-ce
pas?
M. Grégoire: Je vais dire comme vous, votre amendement est
pourri, bien fort!
Une Voix: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Quand le député de Matane
disait: On assume les dettes...
M. Forget: N'achetez pas ça, si ça ne vaut
rien!
M. Grégoire: C'est vrai; mais ne vous fiez pas à ce
qu'il y a là. Quand on dit qu'on peut l'acheter, vous savez que, dans
j'achète un immeuble de $120 000 sur lequel il y a $115 000
d'hypothèques, je ne vais pas verser $75 000, je verse l'autre tranche
de $5000, parce que j'assume une hypothèque de $115 000 sur un immeuble
qui vaut $120 000; j'ai bien payé, j'ai bien acheté, j'ai fait
une bonne affaire. Mais si j'ai donné $75 000 comptant et que j'assume
une hypothèque de $115 000, pour un immeuble qui en vaut $120 000,
là je me suis fait "fourrer". Là, vous voudriez que le
gouvernement se fasse "fourrer" avec cela. (21 h 30)
C'est dans la ligne de pensée de tout ce qui se produit depuis
qu'on étudie cette loi. Quelle est la ligne directe qui existe entre les
fabricants de canons et la caisse électorale où on a vu tomber,
il n'y a pas tellement longtemps, un autre montant de quelque $700 000? C'est
encore dans la ligne. Vous voulez essayez de "fourrer" le gouvernement, mais
vous ne réussirez pas. Soyez avec vos petits amis, vos petits "chums",
parlez-leur, qu'ils vous montrent leurs livres, qu'ils fassent tout ce qu'ils
voudront, mais on ne marchera pas dans ce jeu. C'est garanti.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il faut de temps en temps
laisser le député de Frontenac...
M. Grégoire: Dire la vérité! M. Forget:
Vider sa bile!
M. Lalonde: ... vider sa bile, et, naturellement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: ... il n'y a aucun doute que la commission a
profité de l'expérience de notre propriétaire foncier. Je
le remercie beaucoup de nous avoir instruits sur ses expériences en
affaires. Il n'y a aucun doute...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: ... que la motion d'amendement du
député de Saint-Laurent s'inscrit strictement dans la loi
ce que les péquistes aiment beaucoup, je vais leur dire normale.
C'est normal. Ils aiment cela, les normaux.
M. Grégoire: Non, monsieur.
M. Lalonde: C'est normal que 70%, parce que c'est prévu
dans notre loi d'expropriation, à l'article 48, soit
déposé comme mesure de bonne foi. A part cela, c'est pour ne pas
lier inutilement une personne qui perd le bénéfice de ses actifs
et dont l'indemnité va être déterminée
peut-être un an, deux ans, trois ans après. C'est tout à
fait naturel, désirable. La question ici, c'est que ce n'est pas une
histoire ordinaire. On exproprie des actifs qui ne sont pas
nécessairement habituels. Lorsque le ministre dit qu'il faut tenir
compte des dettes, il a entièrement raison. Lorsque le
député de Frontenac dit qu'il faut tenir comptes des dettes, il a
entièrement raison!
M. Grégoire: J'espère!
M. Lalonde: Lorsque le député de Saint-Laurent
prend comme exemple les états financiers vérifiés
c'est un vérificateur, naturellement, j'imagine...
Une Voix: Six mois.
M. Lalonde: Oui, je sais. Six mois, ce n'est pas très
vieux. Admettons qu'il a pu se passer tous les changements que le
député de Frontenac a décrits, c'est fort possible, ce
sont des actifs très mobiles.
M. Grégoire: Ou stock de fibre.
M. Lalonde: On voit d'ailleurs, à l'intérieur de
douze mois, des stocks qui peuvent baisser presque à zéro et
monter, selon les saisons ou les marchés, les dates de livraison et tout
cela. C'est parfaitement normal, comme disent les péquistes. Lorsque le
député de Saint-Laurent donnait les chiffres du bilan,
c'était pour illustrer jusqu'à quel point la proposition ne
crée pas de problème. Je suis parfaitement d'accord que
l'indemnité et que
la proposition du député de Saint-Laurent ne créent
pas de problème non plus là-dessus, que l'indemnité ou les
70% d'indemnité soit l'excédent des actifs sur les passifs qui
sont reliés à ces actifs, de sorte que, dans le cas du bilan, en
assumant que ce serait la situation au moment où la prise de possession
est faite, une prise de possession au moment de l'avis, il y a trente jours, ce
n'est pas très long pour étudier, mais j'imagine que vous
connaissez un peu la compagnie. Vous envoyez tout de suite vos
vérificateurs et des experts évaluer des stocks, faire les
vérifications nécessaires pour arriver à des chiffres.
Là, vous allez arriver peut-être à une situation comme
cela, peut-être pas, mais peut-être.
Dans le cas où il y aurait un excédent des actifs à
court terme sur les passifs, un excédent même des actifs
immobiliers, non pas seulement les actifs à court terme, s'il y a des
immobilisations, par exemple, évaluées ne prenons pas les
évaluations du bilan, vous allez avoir vos évalua-teurs
à $50 millions, pour les fins de la discussion et qu'il y a $20 millions
de dettes les dettes sont encore plus faciles à relier, parce que
ce sont des hypothèques sur les immeubles à ce moment, si
vous avez un excédent de $30 millions et que vous avez établi
cela à $50 millions... La compagnie a dit: Non, ce n'est pas $50
millions, on dit que c'est $200 millions. Vous dites que c'est $50 millions,
qu'il y a $20 millions de dette. Il y a déjà $30 millions
d'excédent, d'après votre propre évaluation. Qu'est-ce qui
vous empêcherait de déposer 70% de cet excédent? Vous
assumez la dette ou vous calculez 70% de toute la valeur moins la dette et vous
déposez la différence. Il y a bien des façons de faire le
calcul.
Est-ce que le député de Frontenac comprend ce que je veux
dire?
M. Grégoire: Oui, mais c'est justement...
M. Lalonde: Les dettes, il faut en tenir compte.
M. Grégoire: ... oui, mais, M. le Président, je
prends son argument sérieusement, si vous voulez, juste un mot...
M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Oui.
M. Grégoire: Vous avez raison, si la société
nationale prend le temps d'aller examiner les livres, l'actif, le passif,
l'"équité" et veut verser 70%. Mais là où vous n'y
êtes peut-être pas, c'est que cet article dit que la
société devient propriétaire dès la signification
de l'avis d'expropriation. A la signification de l'avis d'expropriation, elle
le prend tout de suite. Donc, elle n'a pas encore eu le temps de faire
l'analyse et elle n'a pas encore eu les trente jours pour faire l'analyse de
l'actif, du passif, en résumant I'"équité". Donc, elle ne
peut pas verser 70%.
M. Lalonde: Ce n'est pas à ce moment-là, c'est au
moment de l'indemnité.
M. Grégoire: Ce que vous...
M. Lalonde: II faut quand même déterminer
l'indemnité pour calculer 70%.
M. Grégoire: ... là où on en est, c'est sur
l'article 24 qui dit: La société devient propriétaire
dès la signification de l'avis d'expropriation. Ce que je dis, c'est
qu'à la signification de l'avis d'expropriation, la
société n'a pas eu le temps de faire l'analyse de l'actif, du
passif et de résumer I'"équité". Elle devient
propriétaire en faisant l'avis de signification, elle ne peut donc pas
verser 70%.
M. Lalonde: Non, naturellement.
M. Grégoire: Plus tard... C'est ce que votre amendement
veut dire. Vous dites: Non, c'est évident...
M. Forget: Voulez-vous suggérer un sous-amendement?
M. Grégoire: Regardez bien, relisons votre amendement.
M. Lalonde: Non, écoutez.
M. Grégoire: Relisons votre amendement, il dit: "La
société devient propriétaire des biens après la
signification de l'avis d'expropriation et dès que la
société a versé à l'exproprié"... A
l'exproprié, on ne dit pas en dépôt, parce que la Loi
générale de l'expropriation ne dit pas de verser à celui
qu'on exproprie, mais de verser un dépôt. Dans le cas de la voirie
que vous avez invoqué, le dépôt doit rester au greffe
pendant six mois. Vous dites: "Dès que la société a
versé à l'exproprié" alors que la Loi
générale de l'expropriation dit: "a déposé au
greffe et ce pour six mois" j'entends la nouvelle loi "ou pour le
compte de celui-ci au greffe de la Cour supérieure." Vous donnez donc le
choix, une indemnité provisionnelle; donc, dans ce que vous
suggérez, la société ne deviendrait pas
propriétaire dès l'avis de l'expropriation. Elle deviendrait
propriétaire dès l'avis d'expropriation, mais aussi après
que... Comme elle n'est pas propriétaire à l'avis
d'expropriation, mais qu'il y a un délai pour qu'elle puisse analyser,
pendant qu'elle fait l'analyse, rien n'empêche l'exproprié de
faire des changements à son actif et à son passif, de telle sorte
que le résumé de l'"équité" ne soit plus du tout le
même.
A ce moment-là, je dis que votre amendement n'est plus bon parce
que vous voulez que deux choses arrivent en même temps, devenir
propriétaire en donnant l'avis et verser en même temps. Vous
empêchez la Société nationale d'amiante d'avoir le pouvoir
et la possibilité d'analyser l'actif, le passif et de résumer
I1 "équité". Cela, on ne peut pas l'admettre.
M. Lalonde: M. le Président, j'avais le droit de parole et
j'ai été interrompu, mais je l'ai laissé terminer.
M. Grégoire: On ne peut pas admettre que vous admettiez
ça.
M. Lalonde: Naturellement, quel que soit le libellé de
l'amendement...
M. Grégoire: II est mauvais.
M. Lalonde: ... le principe...
M. Grégoire: II faut admettre qu'il est mauvais.
M. Lalonde: ... l'amendement a tenté de...
M. Grégoire: On ne vous en veut pas, mais il est
mauvais.
M. Lalonde: ... reproduire le mécanisme que l'on retrouve
à l'article 48 où l'expropriant ne prend possession qu'au moment
où il verse les 70%, s'il a versé à l'exproprié
70%.
Dans ce cas-ci, je n'aurais pas de problème à ce que la
prise de possession se fasse au moment de l'avis et qu'à ce
moment-là, l'évaluation... Si vous donnez trente jours pour
envoyer la déclaration d'indemnité, c'est que vous croyez que
vous êtes en mesure, dans trente jours, d'évaluer les actifs que
vous avez expropriés. Sans ça, on ne peut pas présumer
votre mauvaise foi. Sans ça, vous seriez de mauvaise foi si, d'avance,
vous disiez: Non, trente jours, on n'en a pas assez pour évaluer.
Donc, je présume que c'est vous qui avez choisi, c'est le
gouvernement qui a choisi le délai de trente jours pour envoyer la
déclaration d'indemnité; alors, j'accepte cela. Dans trente
jours, vous déterminez la valeur qui vous permet de faire l'offre que je
dois présumer être une offre sérieuse, même si le
ministre dit que c'est un point de départ et, à ce
moment-là, vous connaissez donc la valeur des actifs, la valeur des
dettes le montant des dettes ... Bien oui, puisque vous faites
une offre. J'espère qu'au moment où vous allez faire l'offre,
vous allez connaître les dettes. J'espère que dans 30 jours vous
serez assez rapides pour envoyer vos vérificateurs évaluer tous
les stocks...
M. Grégoire: Oh non, non, non.
M. Lalonde: ... les immeubles et prendre connaissance des...
M. Grégoire: ...
M. Forget: II faut que vous fassiez rapidement, parce que vous
faites une offre sur la base de la valeur de la société quand
vous en prenez possession...
M. Grégoire: Oh! Oh!
M. Forget: ... pas huit ans après.
M. Grégoire: Attendez un peu...
M. Lalonde: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
M. Grégoire:... parce que vous ne voulez pas avoir
d'explication sur le cours normal des affaires, mais vous êtes
complètement en dehors du cours normal des affaires.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac, il vous reste onze minutes, vous pourrez revenir tout à
l'heure.
M. Forget: Oui, c'est une expropriation...
M. Lalonde: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
M. Forget: Ce n'était peut-être pas dans le cours
des affaires.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Une fois que l'indemnité est
déterminée, on est censé connaître ça. Je
présume que le gouvernement est de bonne foi et qu'il connaît la
valeur des actifs pour faire l'offre...
M. Grégoire: Mais pas des passifs.
M. Lalonde: Comment? Alors là vous allez être...
M. Forget:... vous ne connaissez pas le passif.
M. Lalonde: ... comme vous disiez tantôt, sur le
derrière. Parce que si vous offrez $100 millions et que tout à
coup vous vous apercevez qu'il y a $200 millions de dettes attachées
à ça, vous allez faire exactement ce que vous, comme
propriétaire foncier, avez eu la sagesse de ne pas faire.
C'est-à-dire vous allez...
M. Grégoire: Je vais vous répondre.
M. Lalonde: ... offrir plus que ce qui est dû. Donc, je
présume et il faut présumer qu'au moment où
le gouvernement ou la Société nationale de l'amiante va faire sa
déclaration d'indemnité, elle va être au courant de la
valeur nette, donc, la valeur, moins les dettes attachées aux actifs
expropriés. Quant au calcul de 70%, un enfant d'école peut le
faire. Soit que ce soit 70% de l'excédent, soit que ce soit 70% de la
valeur totale, moins les dettes et s'il y a 70% de dettes, il n'y a plus de
dépôt d'indemnité de 70%, parce qu'il est mangé par
les dettes. Autrement dit, ça devient strictement de la technique et je
ne pense pas que ça devrait faire beaucoup de difficultés
ici.
M. Grégoire: Est-ce que je pourrais me permettre de
répondre... Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Au
bout de 30 jours, vous connaissez 70% de l'excédent...
M. Forget: Ce n'est pas le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Lalonde: Ce n'est pas grave.
M. Grégoire: De Marguerite-Bourgeoys, excusez-moi.
M. Bérubé: On ne voit vraiment pas la
différence.
M. Lalonde: Merci, cela m'honore.
M. Grégoire: J'avais la tête dans son
raisonnement.
Vous dites qu'au bout de 30 jours la société va
connaître l'excédent et pourra verser 70% de l'excédent. Je
dis ceci: Dans le cours normal des affaires, alors que certaines dettes peuvent
être connues et d'autres non, ce qui compte, ce n'est pas le fait qu'il y
a $200 millions de dettes et $100 millions d'actifs. On sait que ce n'est pas
le cas dans une compagnie comme celle-là. Ce qu'on ne sait pas, par
exemple, en 30 jours, parce qu'il peut se produire en 30 jours... il peut y
avoir des comptes, des endettements qui ne sont connus qu'en 90 jours et 120
jours, c'est la raison d'ailleurs pour laquelle plusieurs compagnies qui sont
achetées sans... vont devenir, par exemple, les produits Dragon 1977 et
étant achetée, la compagnie s'appelle les produits Dragon 1979
parce qu'il y a une autre incorporation qui vient éliminer les dettes
précédentes pour les mettre sur le dos du créancier
précédent personnellement et non pas sur le dos de
l'acquéreur. Vous ne pouvez pas réaliser en 30 jours quel est
l'excédent de l'actif et du passif et verser 70% de toute la valeur sans
savoir quel est l'excédent de l'actif et du passif. Je dis que c'est
d'une imprudence inqualifiable que d'aller verser 70% de l'actif sans savoir
quel est l'excédent et vous ne pouvez pas le savoir en 30 jours. Cela
peut prendre trois mois, quatre mois, mais vous ne pouvez pas le savoir en 30
jours, à moins que vous ne changiez l'incorporation de la compagnie et
que vous laissiez le propriétaire antérieur complètement
responsable des dettes non déclarées, je dis que c'est d'une
imprudence inqualifiable que d'aller verser 70% de l'actif sans connaître
l'excédent et vous ne pouvez pas le savoir en 30 jours.
M. Lalonde: L'imprudence inqualifiable, sa-vez-vous où
elle est? Elle est dans la loi.
M. Grégoire: Elle est dans votre raisonnement.
M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Elle est dans la loi, je vais
vous dire pourquoi. Elle est dans la loi parce que vous venez de
m'éclairer. J'espère que vous avez tort, en fait, je vais
continuer à discuter de ce projet de loi en assumant que vous êtes
complètement dans les patates, parce que si vous faites une offre
d'indemnité avant de connaître les dettes, vous pou- vez acheter
une compagnie en faillite, parce que dans un autre article de la loi on dit que
la société assume les dettes reliées aux actifs. Si vous
faites une offre sans même connaître cette dette, vous pouvez
et vous êtes déjà devenu propriétaire... (21
h 45)
M. Grégoire: Vous changez le sens de mon intervention.
M. Lalonde: C'est le projet de loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est moi qui parle. Vous avez déjà
déterminé les actifs dans votre avis. Ces actifs, vous les
connaissez. Vous les évaluez, vous faites une offre. Vous dites qu'au
moment de faire l'offre, trente jours après, vous ne reconnaîtrez
pas les dettes, mais, étant donné que la loi force la
Société nationale de l'amiante à assumer les dettes
relatives à ces actifs, si vous ne les connaissez pas au moment de
l'indemnité, c'est le monde à l'envers! C'est un gouvernement
absolument irresponsable qu'on a! Cela veut dire qu'avant même de
savoir...
M. Grégoire: Ce n'est pas ce que j'ai dit. M. Lalonde:
C'est dans la loi!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Vous n'avez pas dit cela, mais j'en conclus
que...
M. Grégoire: C'est mal conclure.
M. Lalonde: Ce que vous avez dit et je vous donne la
chance de tout recommencer c'est qu'au moment de la déclaration
de l'indemnité, trente jours après la prise de possession, vous
ne connaîtrez pas les dettes, c'est ce que vous avez dit.
M. Grégoire: Non, j'ai dit l'excédent de l'actif
sur le passif.
M. Lalonde: Est-ce que vous allez connaître le passif?
M. Grégoire: Ecoutez, 20% de marge, c'est important quand
vous arrivez avec 70%.
M. Lalonde: Je ne vous parle plus, parce que je vais
êtreà l'encontre du règlement.
M. Grégoire: 20% d'écart quand vous versez 70%
à l'avance, c'est très grave.
M. Lalonde: Je vais êtreà l'encontre du
règlement, M. le Président, mais je vais m'adresser à
vous, comme le règlement l'exige. Si je connais, trente jours
après la prise de possession, la valeur
des actifs et si je connais la valeur du passif relativement aux actifs,
je pense que je peux demander à mon petit garçon de 14 ans de
faire la différence.
M. Grégoire: C'est fou, votre affaire!
M. Lalonde: Si je connais la différence, à ce
moment, je sais si c'est...
M. Bérubé: Question de règlement! J'ai
demandé la parole depuis longtemps. On se passe la parole, sans aucun
respect des priorités.
M. Lalonde: Lorsque j'aurai terminé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est
pas tellement cela, sauf que je m'apprêtais à vous donner votre
droit de parole tout à l'heure, mais vous l'avez cédé,
peut-être pas verbalement, mais par un geste, à votre
collègue de Frontenac qui voulait répondre aussitôt au
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Grégoire: Je l'ai pris malgré...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II l'a
pris, avec votre consentement exprès ou tacite.
M. Grégoire: Non, je l'ai pris sans son consentement.
M. Lalonde: Je ne serai pas long, je vais terminer
là-dessus. Je vais passer la parole au ministre qui va nous
éclairer, j'en suis sûr, à sa façon objective. Quand
la Société nationale de l'amiante va faire la déclaration
d'indemnité, je présume qu'elle va être satisfaite,
à ce moment, qu'elle connaît la valeur marchande des actifs et
qu'elle connaît plus que l'étendue des dettes, mais
spécifiquement chacune des dettes et le montant des dettes relatives
à chacun de ces actifs.
M. Grégoire: Trente jours après la prise de
possession.
M. Lalonde: C'est trente jours après la prise de
possession. Si la Société nationale de l'amiante connaît
cela, elle connaît l'excédent, s'il y en a un. Si c'est $100
millions d'actifs et $100 millions de dettes, à ce moment, elle dit: Je
vous offre $100 millions, mais j'assume les dettes, donc vous n'avez pas une
piastre. Si c'est $200 millions d'actifs et $100 millions de dettes, elle est
capable de dire: Je vous offre $200 millions, j'assume $100 millions de dettes,
il reste $100 millions et je vous donne 70% de cela. Il n'y a pas de risques de
pris, parce qu'elle connaît les dettes. Ce qui m'a inquiété
tout à l'heure et je vais laisser le député de
Frontenac, après le ministre, rectifier ses propos c'est quand il
a dit qu'au moment de la déclaration de l'indemnité, la
Société nationale de l'amiante ne connaîtrait pas les
dettes. J'espère que la Société nationale de l'amiante va
être aussi prudente que le député de Frontenac lorsqu'il a
acheté sa maison, parce que je suis sûr que lorsqu'il a
acheté sa maison, il est allé voir au bureau d'enregistrement
pour savoir quel était le montant de l'hypothèque qui
était due sur la maison.
M. Grégoire: Question de règlement, à
l'article 96.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement, M. le député de Frontenac,
à l'article 96. Le ministre attend la parole.
M. Grégoire: Sur l'article 96, le député de
Marguerite-Bourgeoys a tout contrefait mes paroles.
M. Lalonde: Excusez-moi!
M. Grégoire: L'avis d'expropriation, le
député de Marguerite-Bourgeoys voudrait que le gouvernement verse
70% lors de l'avis d'expropriation de la prise de possession.
M. Lalonde: Non, lors de l'indemnité, trente jours
après.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Ce n'est pas son amendement. M. Lalonde:
Ce n'est pas mon amendement.
M. Grégoire: Votre amendement ne dit pas cela du tout.
Vous reniez l'amendement?
M. Lalonde: Non.
M. Grégoire: Vous reniez l'amendement? C'est tout.
M. Lalonde: N'essayez donc pas de distraire...
M. Grégoire: Si vous le reniez, c'est d'accord. Vous dites
que ce n'est pas le vôtre, que vous ne l'acceptez pas, qu'il est mauvais,
c'est d'accord.
M. Lalonde: Je comprends que vous vouliez faire oublier vos
propos de tout à l'heure.
M. Grégoire: Si l'amendement est mauvais, c'est d'accord,
on vous admet.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Effectivement, le député de Frontenac a parfaitement raison.
C'est un amendement mal foutu, dans un état pitoyable. Comme je le
suggérais au député de Saint-Laurent, il pourrait voir
à gronder son recherchiste ultérieurement, à temps perdu,
ou peut-être changer de recherchiste. Ce ne serait peut-être pas
mauvais.
Néanmoins, soyons généreux, soyons
généreux, je pense qu'il a fait son métier, mais je dois
avouer qu'il n'est pas très bien encadré et je pense que c'est ce
qui explique pourquoi ces amendements mal foutus, mal structurés,
incohérents, illogiques, nous sont soumis à cette table.
J'aimerais cependant m'attaquer à certains aspects de cet
amendement. Je me demande pourquoi il vaut la peine de s'acharner dessus,
puisque, effectivement, on a tous convenu, y compris...
M. Grégoire: II l'a renié!
M. Bérubé: II l'avait renié, n'est-ce pas?
Il a souligné à quel point il était mauvais. Mais on
pourrait peut-être finir de l'enfoncer un peu plus creux, alors,
amusons-nous quelques instants.
D'une part, pour une filiale de General Dynamics, je suis surpris que
vous preniez si peu les intérêts de cette société et
que vous vous engagiez dans une opération fort coûteuse au
demeurant.
En effet, vous nous indiquez que nous pourrions verser, pour le compte
de la société Asbestos, au greffe de la Cour supérieure,
donc au fonds consolidé de la province, en d'autres termes, vous nous
suggérez de prendre le montant et de le verser au fonds consolidé
de la province et d'attendre, tant et aussi longtemps que nécessaire,
que tout soit réglé avant que le montant soit versé
à l'entreprise, mais sans intérêt.
M. Lalonde: C'est épouvantable.
M. Bérubé: Autrement dit, pendant toute cette
période, la société General Dynamics va perdre des
intérêts importants qui devraient normalement lui être
versés de ce versement de 70% que vous avez prévu dans votre
amendement.
Contrairement à l'approche suivie par le gouvernement, qui
propose une indemnité, ce qui est un point de départ,
subséquemment, nous avons tout le temps nécessaire pour
évaluer les dettes et l'article 48 du projet de loi est
très explicite à cet égard à ce
moment-là, dans le règlement final, on déduit les dettes
de la proposition d'indemnité.
Il est donc très clair, pour autant que le gouvernement est
concerné, qu'on a tout le temps voulu pour bien soupeser l'importance du
passif et en tenir compte avant le versement final. Mais, pour ne pas
pénaliser l'entreprise, nous versons le montant...
M. Laplante: ... directement...
M. Bérubé: Non pas directement à la
remise...
M. Lalonde: Le député de Bourassa a un amendement
à proposer!
M. Bérubé: ... symboliquement et nous nous mettons
à comptabiliser les intérêts, d'ailleurs à un taux
prévu dans la loi, ce que l'amendement, mal foutu, ne prévoit
pas.
En d'autres termes, cette pauvre société multinationale,
ce marchand de canons qui a financé à ce point le Parti
libéral, se voit totalement débouté, voit ses
intérêts mal défendus par cette filiale de General
Dynamics.
Non, M. le Président, je pense qu'il nous faut rejeter cet
amendement. Je pense d'ailleurs que le député de
Marguerite-Bourgeoys l'a dit, il va voter contre, alors, il va rester le
député de Saint-Laurent qui, je pense par solidarité pour
son recherchiste, voudra le soutenir jusqu'au bout. C'est une détestable
habitude d'ailleurs de toujours soutenir ses recherchistes, quand ils font un
mauvais travail mais il faut...
M. Lalonde: Vous devez avoir cette habitude, vous en avez
d'autres détestables aussi!
M. Forget: II en sait quelque chose.
M. Bérubé: J'aimerais d'ailleurs... Je ne voudrais
pas enfoncer un peu plus l'amendement sous terre, parce que j'ai l'impression
que, bientôt, il va falloir creuser un puits pour aller le chercher.
Je voudrais souligner, d'abord, que l'évaluation des stocks
comme on le disait tantôt est très aléatoire,
même si le député de Saint-Laurent nous a fait un brillant
exposé, disant que les actifs à court terme dépassaient de
beaucoup les passifs à court terme et que, par conséquent, l'Etat
ferait des affaires d'or lors de la transaction. Le député de
Saint-Laurent, évidemment, n'a peut-être pas regardé un
ensemble de rapports financiers. En 1975, je trouvais dans les inventaires: $34
millions; en 1976: $36 millions; en 1977, je trouve $57 millions et en 1978:
d'ailleurs vous deviez nous citer un chiffre $63 millions. Donc,
cela varie d'une année à l'autre.
Deuxièmement, il s'agit ici d'inventaires au 31 décembre.
Or, comme on sait, la mine d'Asbestos Hill ne peut pas produire l'hiver, il est
donc nécessaire d'accumuler des stocks importants à Nordenham
pour permettre à cette usine allemande de fonctionner durant la
période d'arrêt des opérations à Asbestos Hill.
Fort généreusement, le député de
Saint-Laurent nous offre de payer 70% des inventaires accumulés en
Allemagne, sachant pertinemment de la discussion que nous avons eue
antérieurement que, de toute façon, nous ne pouvons pas
les exproprier. Par conséquent, nous payons pour des stocks dont nous ne
pouvons même pas prendre possession. Alors, là, je concède
que, d'une part, il a été très imprudent en
défendant l'entreprise, mais que, d'autre part, il s'y est admirablement
repris en s'organisant pour fourvoyer le gouvernement dans une impasse
détestable. Vous gronderez votre recherchiste, je pense qu'il est bon
pour la douche!
M. Lalonde: C'est facile de s'attaquer à quelqu'un qui ne
peut pas se défendre!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion d'amendement sera...
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je remarque que le ministre recourt à ses
plaisanteries habituelles, pour éviter de répondre au fond du
problème. Sa prétention voulant qu'il soit impossible
parce que ça doit rimer à ça, tout son cinéma de
tout à l'heure de verser une partie de l'indemnité, que ce
soit non seulement impossible, pour des raisons d'ailleurs non
expliquées, mais que ce soit peu souhaitable, parce que ça
défavoriserait la société General Dynamics, ce n'est pas
très convaincant. Il me semble qu'il y a des arguments qui pourraient
être invoqués et qui sont plus sérieux que
ceux-là.
M. Bérubé: Vous en avez trouvé d'autres pour
détruire votre propre résolution!
M. Forget: Je m'étonne, M. le Président, que le
ministre ne considère pas avec suffisamment de sérieux le
problème du versement d'une partie d'indemnité et qu'il voie
comme un avantage le fait de garantir le paiement d'un intérêt sur
l'indemnité, à partir du moment de l'avis jusqu'au moment du
règlement final.
Je ne sais pas s'il s'est interrogé sur l'effet de tout ce
système, sur les possibilités de faire durer, peut-être, de
manière excessive, les obstacles juridiques des difficultés avec
la société. Autrement dit, il dit à la
société General Dynamics: C'est un placement, cette
négociation. Je ne vois pas en quoi il protège en cela les
intérêts du gouvernement du Québec et les
intérêts des contribuables. Il me semble qu'il y a un
intérêt, de la part du gouvernement, dans une procédure
d'expropriation, de donner des raisons pour une conclusion
expéditive.
Dans le fond, je n'ai pas fait la théorie de nos lois sur
l'expropriation, mais j'ai un peu le sentiment qu'il y a un ensemble de
dispositions, dans ces lois, qui cherche à donner des raisons aux
expropriés de hâter le règlement, parce qu'autrement, on
peut faire des poursuites, on peut faire des procès pendant des
années et, finalement, ça gêne le processus et ce n'est
certainement pas l'objectif du ministre d'encourager les procès. Ou
peut-être est-ce l'objectif du gouvernement, sait-on jamais?
La théorie que j'ai développée plus tôt.
Voulant que le gouvernement cherche des délais, pourrait peut-être
faire son affaire d'une situation où, finalement, la
société General Dynamics, pratiquement aux frais du gouvernement,
s'engage dans un long processus, une longue guerre de procédure, de
procès, ou Dieu sait quoi, sur les imperfections de la loi, étant
assurée qu'elle va... C'est comme de l'argent en banque, puisque tout
ça est placé à un taux, dans le fond, convenable et c'est
payé à partir du moment où le gouvernement a
décidé d'agir.
Est-ce qu'il n'y a pas un mécanisme qui va hâter le
règlement? Est-ce que le ministre ne craint pas qu'en s'engageant dans
un processus comme celui-là, contre un adversaire qui est quand
même de taille, il ne prend pas suffisamment de précautions? S'il
est satisfait de faire ça comme ça et s'il est satisfait de la
protection qu'il s'est vanté d'accorder à General Dynamics tout
à l'heure... Il nous a fait reproche de ne pas défendre
suffisamment bien General Dynamics, alors je pense bien que c'est lui qui va
assumer ce rôle désormais.
C'est une façon assez paradoxale de traiter les choses. Ce n'est
pas impossible qu'il y ait des difficultés, mais il me semble que le
ministre est très satisfait de la situation. S'il est satisfait, M. le
Président, nous, on faisait une suggestion peut-être que,
sur le plan du libellé... Il est fort possible, on ne
bénéficie pas de cinq ou six conseillers payés aux frais
des contribuables pour raffiner les textes de loi; lui en
bénéficie dont le sens était d'aller dans la
direction de l'intérêt du gouvernement de deux façons:
premièrement, de créer un contexte qui soit propice à un
règlement rapide, qui n'incite pas General Dynamics à prolonger
l'agonie, en quelque sorte et, deuxièmement, d'une façon de
procéder qui soit en accord avec les règles
générales d'expropriation, et qui permette au gouvernement du
Québec de dire... Surtout que les ministres du gouvernement font des
visites aux Etats-Unis; ils en font à un rythme vraiment sans
précédent dans l'histoire du Québec. (22 heures)
II n'y a jamais eu autant de ministres du gouvernement qui font des
pèlerinages aux Etats-Unis. Le premier ministre lui-même y va une
fois ou deux par année; plusieurs des ministres font des
pèlerinages réguliers, ils vont partout. Ils vont avoir à
répondre à des questions sur la façon dont ils se
comportent dans ce mécanisme d'expropriation. Il est peut-être
plus facile, pour leurs nombreuses négociations sur d'autres plans
je ne sais pas exactement ce qu'ils vont négocier, mais ils
doivent aller là pour quelque chose et non seulement comme touristes
il serait peut-être plus facile de leur dire: Ecoutez, nous avons
suivi relativement la procédure d'expropriation, l'esprit qui nous anime
dans nos procédures générales d'expropriation. On veut
créer un régime d'exception? Ce sera au ministre de le
défendre et il le défendra. En créant un régime
d'exception, je pense qu'on donne toutes sortes de raisons à la
société General Dynamics de prolonger la période de temps
pendant laquelle on va être dans une situation d'impasse ou de litige
quelconque.
Si le ministre veut se contenter de ça, tant mieux; il a
montré ses couleurs, pour lui, c'est le régime idéal.
C'est sa loi, qu'il l'adopte comme il l'entend, M. le Président, mais je
pense qu'il se fourvoie, je suis même convaincu qu'il se fourvoie
là-dedans, comme il se fourvoie dans un certain nombre d'autres mesures
de cette loi qui est beaucoup trop lâche, beaucoup trop
généreuse, quand il s'agit d'assumer des obligations et qui
manque énormément de rigueur. Dans un domaine comme
celui-là, il pourrait avec avantage s'aligner sur un
régime plus général plutôt que de chercher
à faire des règles spéciales, simplement parce qu'il
s'agit d'une mine.
Alors, on peut procéder au vote.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent sera
adoptée?
Des Voix: Rejeté.
M. Forget: Sur division encore une fois.
M. Grégoire: M. le Président, je demanderais le
vote enregistré là-dessus.
M. Lalonde: Vous voulez voir comment je vais voter?
M. Grégoire: Oui, j'aimerais ça.
M. Lalonde: Je suis intervenant!
M. Grégoire: C'est de valeur, M. le Présidentl
M. Lalonde: Mais si j'avais le droit de vote, M. le
Président, je voterais pourl
M. Grégoire: Ah! si le député de
Marguerite-Bourgeoys pouvait voter!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous maintenez votre demande de vote enregistré?
M. Grégoire: Dans les circonstances, non. J'aurais voulu
réellement, après que le député de
Marguerite-Bourgeoys nous eut dit qu'il reniait cette motion, le voir voter
pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion d'amendement de M. le député de Saint-Laurent est
rejetée sur division.
M. Lalonde: J'aurais une question à poser sur cet article
seulement. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il prévoit qu'il y
aura des actions de sociétés qui feront partie des actifs
expropriés? Dans les filiales, par exemple.
M. Bérubé: Non. De fait, si on me demande ce que
nous prévoyons pour l'instant, non. En effet, il est assez difficile,
comme notre débat de cet après-midi l'a démontré,
d'identifier clairement le situs d'une action. Le danger c'est que les actions
que nous avions envisagé exproprier puissent être
transférées à l'extérieur; par conséquent,
ce serait beaucoup trop compliqué.
Donc, notre intention n'est, en fait, que d'exproprier les actifs
physiques, des stocks, des immeubles, des propriétés.
M. Lalonde: Naturellement, la question devient moins importante
quoique, par prudence, il y aurait peut-être lieu, étant
donné que le lieu de l'action là, il y a une question
d'opinion pourrait être dans la juridiction du siège social
de la société qui a émis ces actions.
Dans le cas des filiales dont le siège social est au
Québec, pour permettre la prise de possession des actions sans devoir
procéder à toutes sortes de procédures, il aurait
peut-être été possible d'inclure dans la loi que non
seulement le registra-teur des immeubles ou le registraire en chef des "daims",
mais que le secrétaire des sociétés dont les actions
seraient expropriées soit aussi obligé d'inscrire le nom de la
Société nationale de l'amiante dans le registre, de sorte que le
papier lui-même, le certificat d'actions n'a plus d'importance.
C'est une proposition que je fais pour que ce soit plus clair. Le
gouvernement n'est alors pas obligé de courir après les
certificats d'actions qui sont peut-être quelque part à New-York.
D'après la Loi des compagnies, le secrétaire est obligé
d'inscrire dans le registre le propriétaire de l'action. Alors, ce
serait peut-être une suggestion pour bonifier la loi et rendre plus
claire l'action du gouvernement, l'expropriation.
Maintenant s'il n'y a pas d'actions d'une société
incorporée au Québec ou ayant son siège social au
Québec, même si elle est incorporée au
fédéral, ça devient plus académique.
M. Grégoire: Tout dépend de la localisation des
actifs, si l'actif est à l'extérieur du Québec.
M. Lalonde: Non, cela n'a rien à voir avec les actifs.
M. Bérubé: II semble, d'après les
états financiers, qu'il n'y en a pas actuellement.
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que le paragraphe 24 sera adopté?
M. Grégoire: Adopté. M. Forget: Sur
division.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Paragraphe 24 adopté sur division. Paragraphe 25.
Une Voix: Est-ce que le paragraphe 24 est adopté?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire sur le paragraphe
25?
M. Bérubé: M. le Président, je pense que cet
article est explicite. En effet, dans la mesure où la
Société nationale de l'amiante prend possession d'une entreprise
et qu'elle doit continuer les opérations, évidemment les plans et
devis et tous les documents qui servent à l'exploitation d'une
entreprise, doivent rester entre les mains du nouveau propriétaire, dans
la mesure où leur
reconstitution pourrait représenter des délais et des
pertes importantes. Par conséquent, cet article de loi prévoit
que tous les documents nécessaires à la gestion de l'entreprise,
tels que livres comptables, doivent rester entre les mains du nouveau
propriétaire.
M. Forget: M. le Président, je demanderais au ministre,
étant donné qu'il nous a parlé beaucoup
d'extra-territorialité cet après-midi, qu'est-ce qui arrive si
ces livres, documents, titres et registres se trouvent à
l'extérieur du Québec?
M. Bérubé: On ne peut pas les saisir. Il s'ensuit
donc des pertes résultant, par exemple, de l'absence de tels documents
et de telles pertes pourraient être soustraites de l'indemnité
à verser.
M. Forget: Donc, c'est le même raisonnement qui est fait
dans le cas des actions. Même les titres immobiliers, les titres de
propriété, s'ils sont dans une voûte d'une banque new
yorkaise, vous ne pourrez pas les récupérer.
M. Bérubé: ... l'entreprise, le propriétaire
antérieur doit fournir ses livres comptables, donc il doit les faire
venir de New York, s'ils y sont. S'il ne les fait pas venir, il ne respecte pas
l'article de la loi et il peut être poursuivi et condamné pour
dommages et intérêts.
M. Forget: Pourquoi les règles de droit sont-elles
différentes dans le cas de ces documents que pour les autres documents
dont nous parlions cet après-midi?
M. Grégoire: C'est-à-dire qu'il y a une distinction
à faire. Si le siège social...
M. Forget: S'il vous plaît, je pose la question à
quelqu'un de responsable, je ne demande pas l'avis du député. Je
demande une question au ministre.
M. Grégoire: Non, mais... M. le Président, il y a
tout de même une distinction légale à faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
que le ministre n'y consente.
M. Grégoire: Si le député de Saint-Laurent
ne veut pas avoir de réponse...
M. Forget: Non, je veux avoir une réponse que je peux
croire.
M. Grégoire: ... question...
M. Bérubé: Je pense que l'interprétation la
plus rigoureuse obligerait à retourner à un article... Où
est-ce le "growing concern" excusez-moi l'expression anglaise...
Oui... 44... L'indemnité est calculée par le conseil selon
la juste valeur marchande des biens établie en fonction de
l'exploitation continue au moment où la société en est
devenue propriétaire. Or, si l'on veut continuer d'exploiter une
entreprise, il va de soi que les documents techniques de quelque nature que ce
soit doivent être disponibles. Par exemple, plans et devis pour
l'exploitation minière.
Advenant leur non-livraison par la société Asbestos qui
pourrait les avoir mis à l'étranger, il ne fait aucun doute que
l'on ne peut pas faire exécuter le jugement d'une cour qui les
réclamerait.
Cependant, c'est au niveau de l'indemnité qu'il nous serait
possible de déduire les pertes résultant de la non-livraison de
ces biens.
M. le Président, je profite du fait que j'ai la parole pour dire
ceci. On a sans doute remarqué l'arrivée parmi nous du ministre
des Finances, qui, effectivement, m'avait souligné antérieurement
mais je ne voulais pas l'annoncer, étant donné qu'on
n'était pas absolument certain de l'heure et de fait, c'est
peut-être un peu plus tard qu'il était disponible de 23
heures à 7 heures demain matin et nous avons pensé faire appel
à ses services pour peut-être discuter de certains articles qui
intéressent plus précisément l'Opposition qui attendait sa
venue.
Je dois peut-être proposer, puisque j'ai mon droit de parole, de
suspendre l'étude de l'article 25 pour que nous puissions y revenir,
à moins que l'Opposition juge bon de l'adopter immédiatement.
M. Forget: On va le suspendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De
consentement unanime, suspension de l'article 25 pour revenir à
l'étude de l'article 20. Je présume qu'il y a consentement
unanime pour que le député de L'Assomption et ministre des
Finances devienne...
M. Grégoire: M. le Président, je propose que le
ministre des Finances soit nommé membre intervenant pour avoir droit de
parole à la place de Bernard Landry.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il y a
consentement unanime, effectivement le ministre des Finances pourra devenir
intervenant à la place de Bernard Landry, député de
Fabre.
M. Forget: Je ne vois pas d'objection.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. M. le député de L'Assomption et ministre des Finances
intervenant à la place du député de Fabre.
J'appelle donc l'article 20. A moins que le ministre des Finances n'ait
quelque chose à dire sur l'article 20 en guise d'introduction, je
céderai la parole au député de Saint-Laurent. M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: L'article 20 me paraît clair, M. le
Président, je n'ai pas de présentation particulière.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: II nous paraît clair aussi, M. le
Président, ce qui ne veut pas dire que la conclusion s'ensuit quant
à son adoption.
Effectivement, on se souviendra que lors du débat qui a
précédé l'étude article par article, nous avons
soulevé un voeu qui a été rejeté par le
porte-parole du gouvernement, qui était d'entendre les experts, qui,
pour les deux parties en présence, ont procédé à
l'évaluation, de manière que les doutes, les zones grises qui
surgissent immédiatement à l'esprit de l'analyse comparative des
deux documents, puissent faire l'objet de questions et presque de
contre-interrogatoire, si c'était possible d'aller jusque-là, de
manière à éclairer les membres de la commission et le
public sur la zone d'incertitude qui demeure quant à la
détermination du prix éventuel des actifs qu'on veut
exproprier.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander une directive, si le député de Saint-Laurent me le
permet?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Allez-y.
M. Parizeau: Je me pose la question simplement quant à la
pertinence du débat. Le rapport des deux consultants porte sur le prix
des actions, c'est-à-dire que je ne vois pas vraiment quel rapport il y
a entre ce que le député de Saint-Laurent vient de dire et la
portée de l'article 20, qui, elle, s'applique à des actifs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
toute une directive que vous demandez là. Sauf que je peux dire
qu'à l'article 1, paragraphe 20, nous retrouvons, je pense, ce qui est
le principe du projet de loi 121 qui est le pouvoir d'expropriation. Evidemment
que la discussion que les parlementaires doivent avoir doit être à
l'intérieur, justement... d'abord ne doit pas contester ce principe de
pouvoir d'expropriation qui a été adopté par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture mais peut, par contre,
amener les parlementaires à discuter des modalités prévues
à l'article 20, non pas sur le pouvoir d'expropriation, mais comment se
fait l'expropriation, etc. (22 h 15)
M. Parizeau: Est-ce que je peux argumenter...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Parizeau:... sur la question avant que vous preniez une
décision?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Parizeau: II est absolument interdit, sur un plan
constitutionnel là, entendons-nous bien, c'est une interdiction
légale pour le gouvernement du Québec, d'exproprier les
actions de I'Asbestos. Il n'y a aucun moyen par lequel nous pouvons exproprier
des actions de cette compagnie. Nous ne pouvons exproprier que des actifs
physiques. Donc, quand le député de Saint-Laurent veut faire
intervenir les rapports des deux consultants qui ne portent que sur les
actions, à l'occasion de l'article 20, je prétends
respectueusement qu'il nous demande de procéder à une
opération qui est à la fois illégale et
anticonstitutionnelle. Il n'y a aucun moyen par lequel nous pouvons exproprier
des actions, aucun moyen.
M. Forget: Sur cette question de règlement, je n'entrerai
pas sur le terrain sur lequel veut nous entraîner le ministre des
Finances, quant à savoir si la constitution permet d'exproprier telle ou
telle catégorie de biens et non pas telle ou telle autre
catégorie de biens. Il demeure que là n'est pas la question.
Cette loi parle d'expropriation, on va exproprier des actifs physiques et
même des biens qui n'ont pas cette qualité. Je ne reviendrai pas
non plus sur la discussion que nous avons eue cet après-midi.
Pour ce qui est de l'évaluation, il est faux de prétendre
que l'évaluation à laquelle ont procédé des experts
pour chacune des parties jusqu'à maintenant n'a rien à voir avec
la valeur des actifs en cause. La valeur des actions, justement, découle
de la valeur des actifs; elle ne découle pas des marées ou des
mouvements de la lune, elle découle directement de la valeur des actifs.
Si on exproprie les actifs plutôt que les actions qui sont des titres de
propriété dans ces actifs, c'est bonnet blanc et blanc bonnet,
à moins que le ministre ne nous dise que les biens qu'on veut exproprier
n'ont rien à voir avec la société Asbestos, qu'il s'agit
d'exproprier une autre société. Comme le nom de la
société est mentionné dans l'article 20, je pense que
c'est un argument qu'il pourra difficilement présenter. Donc, il s'agit
bien de la même société, il s'agit des mêmes biens;
qu'on les exproprie directement plutôt que d'exproprier des titres de
propriété sur ces biens, c'est une question de technicité.
Finalement, on devra déboucher sur une valeur, une évaluation.
Est-ce que cette évaluation est pertinente à la loi? C'est
peut-être la seule question véritablement importante dans
l'étude de ces lois, savoir combien ça coûte. Comme des
études ont été faites pour déterminer combien
ça coûtera, il est clair que l'examen de ces études,
l'examen de ces expertises serait pertinent à l'étude de la
loi.
De plus, M. le Président je terminerai là-dessus
parmi les méthodes de calcul de la valeur des actions qui sont
utilisées par les deux groupes d'experts, il y a, bien sûr, des
méthodes qui sont basées strictement sur la valeur des actions,
les ratios financiers observés entre le prix de vente des actions et
leur rendement, etc. Là-dessus, l'argument du ministre pourrait avoir
une validité limitée quant à la méthode de calcul.
Il y a aussi d'autres méthodes de calcul utilisées dans ces
études qui dépendent d'une analyse du fonc-
tionnement de l'entreprise en question, indépendamment du prix
des actions sur les marchés boursiers.
Dans le fond, c'est à ces évaluations qu'on doit se
référer lorsqu'il s'agit d'expropriation puisqu'il s'agit,
directement, d'évaluer les actifs soit, encore une fois, en
évaluant les rendements financiers de l'entreprise, ses coûts, les
projections de coûts, de revenus, pendant une certaine période de
temps, soit en évaluant ce qu'il faudrait dépenser aujourd'hui
pour remplacer ces actifs physiques, réels, ces actifs de production,
acquérir une nouvelle mine, construire de nouveaux moulins; alors, il
s'agit essentiellement du sujet dont traite ce projet de loi et ce n'est rien
d'autre. C'est essentiellement pertinent.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais
seulement porter à votre attention que dans le paragraphe 20 on ne parle
pas d'actifs, on parle de biens. Dans le paragraphe 22 on donne une
définition de ce bien; on le réfère à la Loi sur
les impôts. La définition de bien dans la Loi sur les impôts
signifie un bien de toute nature, réel ou personnel, corporel ou
incorporel et comprend également une action et un droit de quelque
nature qu'il soit. Alors, le projet de loi lui-même ne parle pas des
actifs, il parle des biens et les biens incluent les actions.
M. Parizeau: M. le Président, je vous rappellerai ici que,
sur un plan strictement juridique, nous n'avons pas le droit d'exproprier les
actions. A cet égard, s'il faut fournir des avis juridiques, on fournira
tous les avis juridiques possibles et imaginables. Vous noterez dans l'article
20, M. le Président, qu'il n'est même pas question d'exproprier
tous les actifs de l'Asbestos. On les choisit. Je vous signalerai que ni dans
le rapport Lazard, ni dans le rapport Kidder, Peabody, on établirait de
distinction spécifique entre une expropriation qui porterait sur
Thetford Mines seulement, sur Thetford Mines plus l'Ungava, étant bien
entendu qu'en tout état de cause nous n'avons aucun moyen d'exproprier
l'usine allemande. C'est là qu'on se rend compte à quel point on
ne peut pas toucher aux actions. Il n'y a aucun moyen d'ailleurs, le
député de Richmond l'a déjà fait remarquer en
Chambre pour nous d'exproprier l'usine allemande d'Asbestos.
Vous noterez, M. le Président et moi, à l'occasion
de passablement de discussions que j'ai pu avoir avec General Dynamics, je sais
bien que chaque fois que l'on discute avec eux de l'expropriation ou de
l'évaluation d'actifs physiques qui ne sont pas la totalité de la
compagnie, il faut reprendre les études, il faut reprendre les
évaluations parce que les évaluations des deux rapports sont des
évaluations d'actions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
merci tout le monde. D'abord, je voudrais vous dire que la présidence
n'est pas la Cour suprême du Canada et n'a pas à décider si
une chose ou un sujet de discussion est constitution- nel ou non. Il est certes
déjà arrivé dans cette glorieuse enceinte que des
parlementaires discutent de choses qui aient pu, à l'occasion,
être anticonstitutionnelles ou ultra vires de la constitution et soyez
assurés que celui qui préside cette commission n'a pas la
prétention de vouloir porter un jugement à cet effet. D'ailleurs,
ce n'est pas mon devoir.
Mon devoir est de regarder si, en vertu des règlements de
l'Assemblée nationale, les discussions qui ont cours ici vontà
l'encontre de ce règlement ou de ces règlements. Or, un article
qui doit nous guider plus particulièrement, surtout après la
deuxième lecture, c'est l'article qui dit que les parlementaires ne
peuvent pas revenir dans la discussion sur le principe du projet de loi. Dans
certains projets de loi il y a un principe; dans certains autres il y a
plusieurs principes.
Il apparaît clair à la présidence, du moins dans ce
cas-ci, que l'un des principes, s'il y en a plusieurs, est
définitivement le pouvoir d'expropriation qui est accordé. Bien
sûr, je défendrai toute discussion à savoir s'il est bon ou
non d'exproprier parce que cela iraità l'encontre du principe. D'autre
part, à part cet article qui est l'article 154, je pense, les
discussions peuvent avoir cours et permettre aux parlementaires de cette
assemblée de proposer des amendements à l'article 20, amendements
qui seront recevables à partir du moment où ils n'écartent
pas la motion principale qui est le pouvoir d'expropriation.
D'autre part, la présidence ne peut ignorer que... D'abord, je
dois dire que la présidence n'a pas pris connaissance de ces deux fameux
rapports dont elle entend parler depuis plusieurs semaines, mais la
présidence, d'autre part, étant tenue par un avocat,
connaît la définition du mot "bien". Le mot "bien" n'est pas
limitatif à un actif physique. Ce peut être un droit. Ce peut
être une créance et ce peut être bien d'autres choses comme,
d'ailleurs, le Code civil le définit. Ce peut être une action
également.
Donc, pour toutes ces raisons et uniquement en vertu de nos
règlements, sans vouloir porter de jugement en matière
constitutionnelle, je permets donc qu'une discussion s'engage sur l'article 20
conformément à notre règlement, pour autant que personne
ne remette en question, dans ces discussions, le pouvoir d'expropriation qui a
été adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture. Le tout respectueusement soumis à votre
attention avec l'espoir qu'il n'y aura pas d'appel de ma décision.
M. Parizeau: M. le Président, j'accepte votre
décision volontiers. Je voudrais simplement, cependant, rappeler
l'article 21 qui dit: "Si les biens du propriétaire ne sont
expropriés qu'en partie. " J'aimerais qu'on m'explique comment des biens
expropriés en partie peuvent être des actions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. En terminant, j'aimerais redire une autre fois que toutes les
décisions qu'a à prendre la présidence doivent
l'être en vertu de notre règle-
ment. Le seul grand principe qui doit nous guider en deuxième
lecture ou le plus important principe qui doit nous guider après la
deuxième lecture, lors de l'étude article par article, c'est de
ne pas permettre de discussions qui aillentà l'encontre du principe du
projet de loi. Mais notre règlement est traditionnellement très
souple, non seulement la lettre, mais son esprit. En conséquence, je
pense que je dois permettre une discussion sur l'article 20, du moment qu'on ne
touche pas au principe du projet de loi.
M. Forget: Avant cette interruption, j'avais le droit de parole,
M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais bien le reprendre. J'ai
écouté avec un certain étonnement cette espèce de
plaidoyer de non-recevabilité vis-à-vis d'une motion qui
n'était même pas exprimée. Quelles que soient les
conclusions auxquelles on a pu arriver grâce à votre aide, M. le
Président, je me demande encore de quoi on parlait puisque, encore une
fois, je ne faisais que le rappel d'une discussion qui est survenue cet
après-midi. Justement pour faire une distinction entre la discussion que
nous avons eue cet après-midi et celle que je me propose de commencer ce
soir en présence du ministre des Finances, c'est relativement à
l'article 20 cette fois-ci.
Fort heureusement, cependant, le ministre des Finances, dans son
intervention, m'a démontré que la motion que je me propose de
faire est encore plus nécessaire qu'il n'était apparent à
première vue puisqu'il a déclaré que, dans le fond, quel
qu'ait été l'objet de sa négociation et des
évaluations qui ont été faites jusqu'à maintenant,
la question de l'expropriation repose de novo, en quelque sorte, tout le
problème est de savoir quels biens sont visés par l'expropriation
et quelle valeur doit s'attacher à ces biens. Si je comprends ces
remarques, comme il s'agit d'exproprier une partie des biens de la
société Asbestos, qu'il s'agisse de le faire dans un contexte
différent de celui qui a entouré la première série
de négociations qui est à son terme, si je comprends bien
maintenant, il va falloir reprendre l'exercice, faire une nouvelle
évaluation de manière à savoir où on s'en va
puisqu'il s'agit maintenant d'actifs partiellement expropriés
plutôt que de l'acquisition de gré à gré de
l'ensemble des actions.
Ce sont deux problèmes distincts, différents, d'envergure
complètement différente. D'ailleurs, je suis heureux que le
ministre des Finances nous en dise autant parce que, depuis des heures, nous
essayons de faire avouer au ministre des Richesses naturelles que l'objet de
l'expropriation, les biens visés par l'expropriation ne sont pas
nécessairement tous les biens de la société Asbestos,
même pas tous les biens au Québec de la société
Asbestos. Le ministre des Finances vient de nous annoncer qu'effectivement il
faut s'attendre à une restriction du champ visé. (22 h 30)
Si cela est vrai, M. le Président, je pense qu'il est
évident que nous devons avoir un peu plus d'éclairage sur cette
valeur, sur la valeur que le gouvernement va attacher à des biens qu'il
veut exproprier et que cette valeur doit être connue avant que la
décision d'exproprier ne soit prise de façon irrévocable
parce qu'on sait que cette décision, une fois prise, entraîne une
prise de possession immédiate, déclenche un processus qui est
essentiellement irréversible puisqu'une fois que ce serait
administré par la Société nationale de l'amiante, ne
serait-ce que pendant deux mois, l'ensemble ou une partie des opérations
de la société Asbestos, il est fort à parier que la
société Asbestos ne voudra pas simplement se faire restituer dans
sa situation de propriétaire original; au contraire, elle voudra pousser
la filière de la compensation et même des dédommagements
jusqu'à sa logique ultime.
Donc, avant de poser un tel geste irréversible, il est normal,
puisqu'il s'agit d'un geste qui n'a plus de commune mesure, d'après le
ministre des Finances, avec l'exercice de négociation et d'acquisition
de gré à gré des actions, il s'agit d'avoir, une bonne
fois, une évaluation de ce qu'il en coûtera au gouvernement du
Québec, au moins de façon estimative, en tenant compte qu'il
s'agit de l'évaluation du gouvernement, mais, malgré tout, d'une
évaluation dont on doit disposer pour savoir quelle est l'envergure des
coûts envisagés, quels sont les objets envisagés de cette
expropriation.
Dans ce sens, M. le Président, je pense savoir que c'est une
pratique qui n'est pas sans précédent. Je pense que dans la
province de Saskatchewan le ministre des Finances est très bien
documenté là-dessus et voudra peut-être nous informer
davantage ou me corriger si je fais erreur avant que la décision
ne soit formellement prise, il y a eu un tel effort pour éclairer
l'opinion publique quant au coût de l'opération et quant à
ses dimensions. Le ministre des Finances ne peut pas tabler désormais
sur le rapport qu'il a publié de Kidder, Peabody puisqu'il vient de nous
dire qu'il s'agit de l'évaluation d'actions et de l'ensemble des actifs
de la société Asbestos et que l'expropriation,
nécessairement, ne vise pas l'ensemble de cela puisqu'il a dit, soit
parce qu'il ne le peut pas, en droit, soit parce qu'il a choisi de ne pas
l'exercer, qu'il n'avait pas l'intention d'exproprier les actifs situés
en Allemagne de l'Ouest. Donc, il s'agit d'une autre évaluation, il
s'agit d'une autre étude, il s'agit de quelque chose
d'entièrement différent, et nous sommes d'accord.
Donc, il va falloir que cette évaluation soit faite. Nous
exigerions qu'elle soit publiée et qu'elle soit déposée
à l'Assemblée nationale avant que le gouvernement ne franchisse
le Rubicon que constitue l'avis donné d'exproprier certains biens
désignés dans l'avis, avec toutes les conséquences que
j'ai soulignées tout à l'heure.
Dans cet esprit, nous avons préparé un amendement qui nous
permet d'ajouter des mots dans l'article 20 spécifiant justement des
obligations nouvelles pour le gouvernement préalablement à
l'exercice de son droit d'expropriation. L'amendement se lirait comme suit: Que
le paragraphe 20
de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la première
ligne du premier alinéa, après le mot "peut", les mots
"après avoir créé un conseil d'évaluation dont les
résultats auront été communiqués à
l'Assemblée nationale, et", et en ajoutant après le premier
alinéa, l'alinéa suivant: "Ce conseil, composé de trois
experts, doit examiner les méthodes et les hypothèses
utilisées par les parties dans le calcul de la valeur marchande des
biens expropriés on pourrait peut-être dire plus justement,
je précède peut-être les remarques du député
de Frontenac qui est fort soucieux de la forme des biens à être
expropriés ou devant être expropriés, mais de toute
façon, je pense qu'on se comprend et exprimer ses commentaires
quant à la nature des divergences observées, leur importance dans
l'explication de l'écart dans les évaluations faites par chacune
des parties ainsi que ses propres conclusions quant à ces divers
éléments." Autrement dit, lui donner un tableau basé sur
ce qui peut déjà exister comme élément
d'évaluation, de l'ordre de grandeur, le "ball park figures" si on veut,
dans lequel devrait se situer le coût d'acquisition des biens que le
gouvernement s'apprête à exproprier.
Comme je l'ai dit au début de mes remarques, nous avions
cherché à introduire, d'inviter l'Assemblée nationale, la
commission des richesses naturelles à recevoir, en quelque sorte, un
contre-témoignage des experts. J'admets que l'évaluation portait
sur les actions et qu'on s'intéresse maintenant aux actifs, mais comme
je l'ai indiqué dans mes remarques sur la recevabilité d'une
motion, d'ailleurs, qui était inconnue, à ce moment, il demeure
qu'il y a énormément d'éléments communs dans tout
cela. On n'a pas évalué les actions par rapport, encore une fois,
à des événements sur la lune, mais par rapport à
une entreprise dont les différentes composantes sont connues, les
différentes composantes aux ventes, aux profits, aux coûts, etc.,
sont connues et ont dû être prises en cause par les
évaluateurs.
Quoi qu'il en soit, si l'Assemblée nationale n'est pas
jugée suffisamment digne d'une telle responsabilité par le
gouvernement, si le gouvernement veut se réserver le soin de faire
l'évaluation, au moins, que lui la fasse et qu'il la rende publique
avant de procéder à un geste qui va allier tout le monde
jusqu'à la fin des temps, parce qu'il semble bien qu'une fois ces
décisions prises, il y a bien des difficultés à les
réviser, même par des gouvernements subséquents. Quoi qu'il
en soit, qu'il fasse cette étude par des experts qu'il désigne,
qu'il la publie et qu'il dise: Bien voici, nous nous proposons de nationaliser,
d'exproprier tels et tels biens, nous les avons désignés
nous-mêmes, nous avons demandé à ce conseil
d'évaluation, ces experts, ce "task force" si vous voulez, peu importe
son nom, de faire une évaluation la plus sérieuse possible,
tenant compte des écarts observés, comme il s'agit de documents
qui sont accessibles au ministère des Finances, au ministre des
Finances, ils sont donc accessibles à des experts qu'il nomme, de
manière que les deux points de vue soient pris en considération
quant aux perspectives d'avenir sur le plan des ventes, au taux d'escompte, aux
méthodes de calcul, enfin, tout ce qu'on voudra, et qu'on en vienne
à un rapport qui ferait ressortir ces hypothèses quant à
l'avenir, quant aux différentes méthodes de calcul et qui conclut
que selon ces experts, voici la valeur des biens qu'on se prépare
à exproprier. Muni de cette information, le gouvernement décidera
ou non d'agir. S'il décide d'agir, il présente d'abord à
l'Assemblée nationale le fruit de ce travail et c'est dans un contexte
de pleine connaissance des faits que s'amorce une décision
légitime d'un gouvernement d'aller à l'expropriation. Mais,
encore faut-il un minimum d'information.
Actuellement, le ministre nous dit: Nous avons le rapport Kidder,
Peabody, mais il nous avoue dans le même souffle qu'il n'est plus
pertinent, parce qu'il se rapporte au prix d'action qu'on n'a pas l'intention
d'exproprier.
M. Laplante: M. le Président, j'invoque une question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Laplante: On ne s'est pas encore prononcé sur la
recevabilité et il fait un discours comme s'il était
recevable.
Je préférerais qu'on se prononce sur la
recevabilité. Après cela, il fera ses remarques. Je serais
prêt à me prononcer là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'attends que vous me guidiez, M. le député de Bourassa,
j'attends vos propos.
M. Laplante: Non, je croyais qu'il allait arrêter avant
cela, mais il était parti dans une envolée habituelle.
M. Forget: J'ai présumé de la recevabilité,
étant donné la discussion qu'on a eue tantôt par
anticipation.
M. Laplante: C'est bien cela. C'est drôle, je ne la
jugerais pas recevable. Pour moi, elle n'est pas recevable parce qu'elle change
en somme l'effet de l'article 20 tel qu'il est présentement. L'article
20, tel qu'il est, réfère selon les règles prévues
à une section spéciale qui traite de la façon
d'exproprier. En plus d'ajouter un paragraphe, on change ici le sens de
l'article 20 en constituant un conseil additionnel qui est, en somme, on
pourrait dire, une dépense additionnelle qu'on ferait faire au
gouvernement par son engagement d'experts, ce qui fait que l'article 20, tel
que le projet de loi l'entendait aux règles prévues dans un
chapitre spécial, ne contient pas, est défait par les amendements
du député de Saint-Laurent.
Pour ces raisons, M. le Président, à mon avis, ce n'est
pas recevable.
M. Grégoire: ...
M. Laplante: Des délais additionnels, il y a tout cela,
c'est sûr.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y,
M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais reprendre
un peu les termes. L'article 64 du règlement dit justement: "Une motion
ne peut être présentée que par un représentant du
gouvernement après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil
lorsqu'elle a pour objet direct l'allocation de subventions, l'engagement des
experts, la création de ce conseil d'experts et, troisièmement,
l'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les
contribuables."
Je crois que, justement, engager une série d'experts, faire faire
une évaluation, faire faire ces commentaires et toutes ces
dépenses, constituera justement une dépense publique
additionnelle, ce qui ne peut être fait comme motion que par un
représentant du gouvernement, après recommandation du
lieutenant-gouverneur en conseil.
Je dis également que l'amendement vient en contradiction avec
l'article 20 et en change complètement le sens. L'article 20 donne le
pouvoir c'est un pouvoir donné directement au gouvernement
d'exproprier, tandis que l'article 20 dit ceci: Peut exproprier, mais
après, et laisse entre les mains des trois experts le soin de
déterminer les modalités et les clauses de l'expropriation.
Une Voix: Et le temps.
M. Grégoire: Et le temps, ce qui change
complètement le sens de l'article 20. En vertu de la loi,
présentement, dès l'adoption de la loi, il ne suffira que d'un
avis d'expropriation donné par le gouvernement à la
société Asbestos pour que, immédiatement, les biens
d'Asbestos Corporation tombent entre les mains de la Société
nationale de l'amiante.
En vertu de cet amendement, il faut maintenant non plus attendre la
décision du gouvernement, mais attendre les rapports des experts et
mettre le facteur temps entre les mains de ce comité d'experts. Pour ces
deux raisons, M. le Président, je crois que c'est nettement irrecevable,
si jamais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
que les experts soient prêts à travailler gratuitement.
M. le député de Saint-Laurent, très
brièvement sur la recevabilité.
M. Forget: Ce sont des objections qui sont manifestement
superficielles et sans substance parce que le député de Frontenac
lit dans l'amendement des choses qui ne s'y trouvent pas. Nous ne
suggérons pas dans cet amendement l'engagement de qui que ce soit. Il y
a, je pense, quelque chose comme 55 000 ou 60 000 fonctionnaires à
l'emploi du gouvernement du Québec. Il est plau- sible de supposer qu'au
ministère des Finances, au Conseil du trésor ou au
ministère des Richesses naturelles, il existe au moins trois personnes
qui seraient capables d'analyser la situation de la société
Asbestos, ses actifs, son fonctionnement. Il ne s'agit pas d'une étude
de trois ou quatre ans, il s'agit de savoir ce que cela vaut. Je ne peux
m'imaginer que le gouvernement s'apprête à dépenser $100
millions, $200 millions sans avoir, parmi ses 55 000 fonctionnaires, ne
serait-ce que trois personnes qui ne puissent même lire le rapport
d'experts, de l'extérieur. C'est évident que si on nous dit qu'il
n'y a pas, parmi ces 55 000 fonctionnaires, trois personnes qui puissent agir
comme experts, on s'en remet pieds et poings liés aux experts qu'on
engagera de l'extérieur. De toute façon, on n'a pas besoin,
à l'Assemblée nationale, de discuter de cela. Nous ne demandons
pas l'engagement de qui que ce soit, nous disons tout simplement: Que le
ministre désigne un comité d'experts; on pourrait dire parmi ses
fonctionnaires, mais cela va de soi. Etant donné que la motion vient de
l'Opposition, on n'a pas le droit de demander autre chose. Cela va de soi, il
n'y a pas de changement dans l'application du paragraphe 20, c'est une
modalité et cela ne met en péril aucun délai parce que
l'article 20 ne pourra être invoqué qu'en 1990, si le gouvernement
décide d'attendre jusque-là. Il n'y a absolument aucune limite de
temps. Alors, cela ne change rien, c'est une modalité additionnelle.
On aurait pu prévoir que l'avis en question doit être
envoyé par lettre recommandée ou Dieu sait quoi, cela n'aurait
rien changé au principe de l'article. Ce serait, de la même
façon que notre amendement, un amendement recevable.
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant. M. le député de Mont-Royal...
M. Parizeau: ... sur une question de règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur une
question de règlement, oui.
M. Parizeau: Si je comprends bien...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non pas
sur la recevabilité, mais sur une question de règlement. Si c'est
sur la recevabilité, je vais permettre au député de
Mont-Royal de s'exprimer.
M. Parizeau: Je vais vous demander une directive parce que ce
peut être l'un ou l'autre. Si je comprends bien, il s'agit d'un conseil,
tel que l'a expliqué le député de Saint-Laurent, qui est
maintenant, pour ne pas engager de dépenses publiques, composé de
trois fonctionnaires qui feraient rapport à l'Assemblée nationale
et non pas à leur ministre. Cela me paraît tout à fait
contraire à la fois à nos lois et au fonctionnement des
ministères.
M. Forget: Cela non plus ne se trouve pas dans l'amendement.
M. Parizeau: Je ne sache pas que des fonctionnaires fassent
rapport à l'Assemblée nationale, sauf ceux qui sont nommés
par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le Vérificateur
général, le président des élections, etc.
Est-ce une question de règlement ou une question de
recevabilité?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
C'était une question de recevabilité, je pense.
M. le député de Mont-Royal, très brièvement.
(22 h 45)
M. Ciaccia: Brièvement, sur l'interprétation de
l'article 64. Si le but principal de l'amendement était d'apporter des
dépenses additionnelles, mais c'est seulement le résultat
ancillaire, parce que beaucoup d'amendements peuvent avoir comme effet
ancillaire de produire certaines dépenses. Le but principal de la motion
d'amendement de mon collègue, le député de Saint-Laurent,
n'a pas pour but de faire une dépense, mais seulement de créer ce
conseil.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis
sûr que vous ne m'en voudrez pas si je vous permets de dialoguer ensemble
pendant quelques minutes sans que ce soit enregistré. Je suspends la
séance pendant cinq minutes.
Suspension à 22 h 46
Reprise à 22 h 56
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné que deux arguments principaux ont été
soulevés, j'aimerais répondre à chacun de ceux-ci. Je
commencerai tout d'abord par le député de Bourassa qui a
parlé, je pense, en premier sur la recevabilité. Comme je l'ai
déjà dit, il m'apparaît très clair que le principe
du projet de loi regardons simplement l'article 20 que la motion
principale puisqu'un article ou un paragraphe est, en vertu de notre
règlement, une motion principale que le paragraphe 20 en tant que
tel est une motion principale et que la motion d'amendement qui est
présentée par le député de Saint-Laurent n'a pas
pour but d'écarter le principe de cette motion principale qui est de
donner au gouvernement la possibilité ou le pouvoir d'expropriation.
D'ailleurs, l'article 70 de notre règlement dit qu'un amendement doit se
rapporter directement au sujet de la motion proposée et il ne peut avoir
que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par
d'autres. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la motion
principale ou la question principale. La question principale étant la
possibilité d'expropriation, je constate que l'amendement n'a pas pour
but d'enlever cette possibilité d'expropriation, mais tout simplement de
prévoir une étape préalable à l'exercice de ce
pouvoir ou de cette possibilité d'expropriation. Donc, l'amendement ne
vient pas à l'encontre de la motion principale, ne l'écarte pas,
ne va pasà l'encontre du principe de l'article 20 ou du projet de loi.
Par conséquent, je rejette, pour ce seul motif, l'argument
invoqué par le député de Bourassa.
M. le député de L'Assomption et ministre des Finances a
invoqué, quant à lui, l'argument que des experts n'ont pas
à rendre compte à l'Assemblée nationale. Après
avoir lu attentivement l'amendement proposé par le député
de Saint-Laurent, je constate que, sinon sa lettre, du moins son esprit est de
faire en sorte que le gouvernement, après avoir reçu ce rapport,
ferait rapport à l'Assemblée nationale. Par conséquent, je
me dois bien respectueusement de rejeter également cet argument.
Si j'ai suspendu les travaux, même si mes décisions
étaient prises avant même de les suspendre, c'était pour
donner une réponse à un argument qui a été
employé à deux reprises ce soir, que j'ai déjà
moi-même employé comme membre de commission: c'est l'argument du
député de Frontenac sur l'article 66. Dans notre
règlement, c'est l'article 64 et je vous fais grâce de la lecture
de l'article 64. L'article 64, dans son sens et dans son esprit, c'est de
défendre à un député quel qu'il soit, du parti
ministériel ou de l'Opposition, de présenter une motion ou un
projet de loi qui a pour but direct la dépense des deniers qui
créerait des charges additionnelles pour l'Etat. Donc, un
député, un simple député ne pourrait pas, à
l'Assemblée nationale, proposer un projet de loi privé qui
amènerait des charges additionnelles qui taxeraient le contribuable
québécois. C'est le sens de l'article 64 de notre
règlement.
Il est bien sûr que si la motion était adoptée elle
aurait peut-être pour conséquence, en créant un conseil
d'évaluation, d'amener une charge additionnelle à l'Etat. Mais je
pense que tel n'est pas le fondement principal de la motion du
député de Saint-Laurent. Son fondement principal, je pense, est
de prévoir une étape préalable à l'exercice de la
possibilité d'expropriation. (23 heures)
Son but fondamental n'est pas d'amener une dépense à
l'Etat, n'est pas de taxer encore davantage le contribuable, mais bien de
prévoir une modalité qui n'était pas prévue
à l'article 20 qui pourrait être adoptée, ou
pourrait être rejetée. Mais en ce qui concerne la
recevabilité, je pense que l'article 64, aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5,
6 et suivants, ne s'applique pas puisque l'essence de cette motion d'amendement
n'est pas de taxer, mais de créer un conseil qui aura peut-être
comme conséquence d'amener des dépenses supplémentaires,
mais l'esprit de la motion d'amendement et son sens n'est pas de créer
des dépenses additionnelles à l'Etat, mais au contraire, dans son
esprit, de prévoir un conseil d'évaluation.
Donc, pour toutes ces raisons, et en vous demandant encore une fois
votre collaboration... Si j'ai tenu à suspendre les travaux, c'est que
je voulais éclaircir une fois pour toutes l'article 64 de notre
règlement afin que cet article... Je voudrais vous donner un exemple que
j'ai moi-même vécu à l'assurance-automobile. Je ne voudrais
pas trop m'avancer là-dessus, mais qu'on pourrait voir dans d'autres...
Un gouvernement propose que pour la fracture d'une jambe, on donne $10 000
d'indemnité. Est-ce que l'article 64 empêcherait un quelconque
député de l'Assemblée nationale, en commission
parlementaire, de prévoir que l'indemnité soit de $12 500? Je
pense que tel n'est pas l'esprit de l'article 64, quoique cet argument soit
employé de façon subsidiaire.
Je pense que le député de Saint-Laurent a
présenté sa motion d'amendement. Alors, je cède la parole
au ministre des Richesses naturelles.
M. Laplante: M. le Président, je ne voudrais dire que
quelques mots. En fait, je voudrais que vous le voyiez dans un sens constructif
parce que je ne voudrais pas contester d'aucune façon la décision
que vous venez de rendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'espère. Je suis sûr que telle n'est pas votre intention.
M. Laplante: Si, dans l'argumentation que vous venez de donner,
il y avait une intention de retarder la mise en vigueur du projet de loi
disons que l'Assemblée nationale termine ses travaux aujourd'hui,
sachant très bien qu'elle ne reprendrait pas ses travaux avant octobre
qu'est-ce qui pourrait arriver à ce moment-là? C'est ce
vide, actuellement, que je ne comprends pas, de par l'article 20, parce qu'on
donne...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Bourassa, je vais vous répondre très
directement. Il n'est pas de la tâche de la présidence de juger
pour quelle raison une motion est présentée. La présidence
n'a qu'à constater si elle est recevable ou non en vertu de notre
règlement. Les arguments que vous invoquez, si vous les croyez, vous
pourrez les employer à défaire la motion, si vous le jugez
à propos.
M. le ministre des Richesses naturelles.
M. Bérubé: M. le Président, étant
donné que le ministre des Finances est avec nous ce soir et que,
évidemment, il ne passera pas deux semaines avec nous, j'éviterai
d'intervenir longuement sur ces motions de manière à permettre au
ministre des Finances de dire ce qu'il a à dire sur chacune d'entre
elles. Je voudrais simplement rappeler que sa présence parmi nous ne
sera pas de trop longue durée et que, par conséquent, il aurait
peut-être été intéressant de mettre l'accent sur les
questions qui venaient à l'esprit des députés de
l'Opposition et qui auraient pu impliquer le ministre des Finances dans sa
négociation.
Pour cette raison, il me semble approprié qu'on mette l'accent
sur de tels genres de discus- sions, sinon, évidemment, on devra
reprendre la discussion des autres articles sans avoir eu l'occasion d'entendre
les réponses du ministre des Finances aux questions que vous lui aurez
posées. Aussi, je pense que pour le bien des travaux de notre
commission, compte tenu que nous avons tout de même un certain effort de
conciliation, il serait peut-être important d'essayer de mettre l'accent
sur ce type d'intervention. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
question est posée, et je pense que c'est à l'Opposition d'y
répondre. La présidence est là, et lorsqu'il y a des
consensus, elle va les constater.
M. Lalonde: M. le Président, c'est le leader du
gouvernement qui nous a demandé de siéger ici, ce soir. Ce n'est
pas nous qui forçons le ministre des Finances à venir
discuter.
M. Grégoire: ... que vous avez faite et à laquelle
le ministre des Finances a consenti, mais c'est vous qui l'avez
demandée. On sait que si on passe sur cet amendement nous avons
trois députés de l'Opposition ici, ils seront
intéressés à parler 20 minutes, évidemment, ou
à peu près, ils y ont droit nous serons rendus à
minuit et il n'y aura peut-être pas eu d'autres interventions, sauf sur
cet amendement.
Comme vous nous avez demandé de suspendre huit articles,
étant donné que vous avez peut-être des questions sur ces
huit articles, nous consentirions à vous laisser parler et poser vos
questions sur les huit articles pour le reste de la soirée. On
suspendrait la motion, on aurait les commentaires du ministre sur la motion et
on vous laisserait poser des questions sur les huit articles, quel que soit
celui que vous vouliez, pour vous permettre de poser toutes les questions que
vous voulez au ministre des Finances. Si vous êtes prêts à
accepter cela, on suspend le règlement pour vous permettre d'y aller sur
huit articles en même temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je me rends compte que tout le
monde intervient de l'autre côté, soi-disant qu'on est
pressé. Je me bornerai à dire tout simplement qu'il appartient
à l'Opposition de déterminer quelle motion elle va
présenter et on ne pense pas que ce soit impertinent de poser au
ministre des Finances la question, à savoir est-ce qu'avant de prendre
sa décision, il va dire à la population combien cela va
coûter. Je pense qu'il est peut-être celui qui est le mieux
placé pour répondre à cela. J'ai encore le temps, je pense
bien, sur la motion, je ne l'épuise pas, il ne s'agit pas d'en parler
jusqu'à minuit. Au contraire, mes collègues et moi, on serait
enchanté de se taire et de savoir si le ministre des Finances est
capable de s'engager.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Si le ministre des Finances est capable de s'engager
et de nous dire: Cela ne va pas coûter plus de tant. Il y a un plafond,
ou alors on va dire à la population combien cela va coûter avant
de le faire. C'est cela qu'on cherche.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici.
Je comprends qu'il y a une proposition qui est faite par le parti
ministériel selon laquelle en vertu du règlement on est tenu
d'étudier les articles les uns après les autres, mais est-ce
qu'il y a un consensus ou pas pour... C'est ce que la présidence doit
constater tout simplement.
M. Forget: II faut bien prendre les sujets les uns après
les autres. On a l'article 20 et l'article 21 qui ont été
suspendus. Je pense qu'on pourra en faire la discussion ce soir. Maintenant,
nous demander de discuter en l'espace d'une heure, des huit articles qui ont
été suspendus, c'est assez transparent du côté
gouvernemental. On aimerait bien dire à minuit ce soir: C'est fini,
c'est dans le sac, l'affaire est réglée. On soupçonne les
amendements qu'on a à proposer relativement à l'article 27, et
à l'article 44 en particulier. Si on voulait seulement commencer
à réfléchir là-dessus, ils sont suffisamment
difficiles pour nécessiter une autre séance avec le ministre des
Finances.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
revenons au débat sur l'amendement. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, ce qu'on nous propose,
à toutes fins utiles, c'est l'une ou l'autre des deux choses, si j'ai
bien compris à la fois la lettre et l'esprit de l'amendement: ou bien un
certain nombre de fonctionnaires du ministère des Finances et du Conseil
du trésor qui seraient constitués en une sorte de conseil qui
ferait rapport sur les évaluations des coûts. Je prends cela en un
certain sens comme une sorte de proposition un peu injurieuse. D'abord, il y a
beaucoup plus de trois fonctionnaires qui travaillent là-dessus. D'autre
part, le type d'évaluation qu'on a à faire, soit selon l'achat de
gré à gré des actions, soit sous forme d'expropriation des
actifs, a été étudié depuis fort longtemps. S'il
s'agit de cela, je ne peux prendre la proposition que comme une mesure
dilatoire.
S'il s'agit au contraire de faire un conseil composé de trois
experts de l'extérieur du gouvernement, je pense simplement qu'à
toutes fins utiles on veut une sorte de préarbitrage. J'imagine que,
pour que trois experts nommés à l'extérieur du
gouvernement soient crédibles, l'un devrait être nommé par
le gouvernement, l'autre par la compagnie et le troisième ou bien de
gré à gré ou alors par les tribunaux, ce qui est
exactement ce que nous suggérons plus loin dans le projet de loi. On ne
va pas se taper un double arbitrage, un avant et un après. Si c'est cela
qu'on nous propose, là encore c'est une mesure essentiellement dilatoire
qui consiste à faire en sorte que l'expropriation ne puisse pas se
produire avant des délais plus ou moins longs.
Qu'il s'agisse de la première hypothèse ou qu'il s'agisse
de la seconde, je ne vois pas de quelle façon le gouvernement peut
accepter ce conseil. C'est tout ce que j'ai à dire sur cet
amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Cela a été assez court, non seulement en
termes de temps mais en termes de contenu aussi. Prétextant que la
procédure ne lui convient pas, le ministre des Finances nous dit dans le
fond: Décidons d'abord à l'Assemblée nationale qu'on va
exproprier, c'est un pouvoir d'exception.
On demande au public d'appuyer une mesure comme celle-là et, de
toute façon, cela ne regarde que le gouvernement de savoir combien
ça va coûter. Vous le saurez bien le moment venu, au moment
où il sera temps de payer. Quand l'arbitrage sera fini, dans un an, dans
quinze mois ou dans dix-huit mois, on saura bien combien ça va
coûter. Pourquoi se donner le mal de le savoir d'avance? J'espère
que le ministre des Finances ne se livre pas à ce genre de manoeuvres
impulsives de façon générale comme président du
Conseil du trésor. J'imagine qu'il veut savoir d'avance combien
ça coûte. Ce que nous lui demandons, étant donné
qu'il s'agit d'une loi et qu'il ne s'agit pas d'un arrêté en
conseil, c'est de le dire en public.
Le ministre des Finances peut me corriger là-dessus, mais je
pense savoir que lorsque la Saskatchewan a exproprié ou a adopté
cette loi sur le développement des ressources de potasse, ils ont fait
une espèce de préarbitrage, ils ont créé une
espèce de panel qui a eu pour mission d'évaluer quel était
approximativement, selon le gouvernement, l'ordre de grandeur de ce qui
attendait le gouvernement de la Saskatchewan dans cette histoire. Après,
bien sûr, il y a eu des négociations, il y a eu un
résultat. Je pense que c'est quelque chose dans ce genre qui s'est
produit. De toute manière, comment refuser de fournir au public une
évaluation alors que le ministre des Finances a avoué tout
à l'heure que, quelle qu'ait été l'évaluation, la
valeur de l'évaluation qu'il a déposée à
l'Assemblée nationale relativement aux actions, cela n'avait aucune
espèce de rapport, à son avis, avec le coût éventuel
de l'expropriation puisqu'il s'agit d'une partie des biens, puisqu'il s'agit
d'un contexte différent et qu'il faut donc recommencer. S'il faut
recommencer, il va falloir aussi recommencer à le dire; il ne faudra pas
seulement recommencer à le faire pour le seul bénéfice du
ministre des Finances et peut-être, s'il est ainsi gratifié de sa
bienveillance, de son collègue des Richesses naturelles.
Il faudrait peut-être le dire publiquement aussi. Il faudrait
peut-être également dire publiquement ce qu'on veut exproprier.
C'est un mystère complet! Le collègue du ministre des Finances
nous a alimentés d'hypothèses cet après-midi. Il a dit:
Peut-être qu'on va exproprier tous les actifs au Québec,
peut-être qu'on ne les expropriera pas tous. De toute façon, cela
aussi fait partie des
secrets d'Etat. Pourquoi? Au nom de quoi cette information est-elle
secrète? En quoi les intérêts du Québec sont-ils
menacés par la divulgation des intentions gouvernementales et de
l'estimation du coût selon l'évaluation du gouvernement?
M. Parizeau: Question de règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances, sur une question de règlement.
M. Parizeau: Je ne comprends pas...
M. Forget: Quel article du règlement le ministre des
Finances invoque-t-il maintenant?
M. Grégoire: Question de règlement. M. Parizeau:
La pertinence.
M. Forget: La pertinence? La pertinence de quoi? On parle de
l'amendement qui est relatif à la divulgation des coûts.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre!
M. Grégoire: Attendez d'entendre la question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!
M. Bérubé: On ne parle pas de votre impertinence
personnelle, mais de l'impertinence de vos propos!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre!
M. Forget: Vous n'avez pas demandé la parole, M. le
ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
parole est au ministre des Finances sur une question de règlement.
M. Parizeau: Les questions que posent le député de
Saint-Laurent n'ont, à mon sens, rien à voir avec le
conseil...
M. Forget: Ce n'est pas une question de règlement, le
ministre des Finances essaie d'argumenter. En vertu de l'article 96 il pourra,
à la fin de mes remarques, donner les réponses qu'il voudra.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
qu'il est également de mon devoir, avec tout le respect que j'ai pour
les membres de l'Assemblée nationale, avant de juger si c'est une
question de règlement ou non, de l'entendre à tout le moins.
M. Parizeau: Je soumets que de déterminer quelle partie
des actifs serait expropriée ou non n'a rien à voir avec la
composition ou la création d'un conseil.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis
prêt à rendre une décision. Il est toujours difficile de
dire ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Effectivement, en ce qui
concerne les biens à être ou à ne pas être
expropriés, cela concerne l'article 21. On y verra à ce
moment-là. Le but de l'amendement vise la composition du conseil.
J'invite les membres de la commission à parler pour ou contre la
création d'un conseil et pour quelles raisons.
M. Forget: On a soulevé une question de règlement,
M. le Président, et vous avez tranché très rapidement.
J'attirerais votre attention sur le deuxième paragraphe de l'amendement
qui mentionne très bien qu'il ne s'agit pas seulement de créer un
conseil; il a aussi un mandat, ce conseil. Le mandat du conseil est d'examiner
les méthodes et les hypothèses utilisées par les parties.
On a des parties en présence et j'imagine qu'on n'a pas besoin de les
décrire. Les parties sont, d'une part, General Dynamics et, d'autre
part, le gouvernement. Dans le calcul de la valeur marchande des biens
expropriés, les biens expropriés, il faudrait savoir lesquels ils
sont. Cela fait partie du mandat. (23 h 15)
C'est quoi le mandat de ce conseil? C'est de donner la valeur des biens
expropriés. Il s'agit, je pense, d'un élément essentiel
dans cette motion d'amendement. Le ministre nous dit que les biens
expropriés ne seront pas la totalité des biens. Donc, il s'agit
de faire un rapport sur la non totalité des biens. Il faudra bien que le
conseil, justement, dans son mandat sur les instructions gouvernementales,
dise: Nous avons évalué les biens que le gouvernement
s'apprête à exproprier. Cela fait partie de son mandat. Alors, je
ne vois pas en quoi la discussion actuelle est non pertinente.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je ne relève pas tout
ce que le député de Saint-Laurent me met dans la bouche à
l'heure actuelle, j'aurai l'occasion de le faire quand il aura fini son
intervention. Mais, nulle part dans cet amendement, on indique que le conseil
doit déterminer quels biens doivent être expropriés. Donc,
je maintiens encore une fois mon opposition à l'intervention du
député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me
rendez tous la tâche difficile parce que là, j'en suis rendu
à regarder quel est, dans l'amendement, ce qui est essentiel et ce
qui... Je pense que vous me demandez beaucoup.
M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de
règlement. Je comprends que le ministre des Finances est un homme
important et que son temps est précieux. Il est venu ici ce soir, on
essaie de faire rapidement, mais cela fait cinq minutes qu'on passe sur
une question de règlement. Mais vous souvenez-vous que depuis le
début de cette commission, vous avez interprété de
façon très large la pertinence? S'il avait fallu adopter la ligne
de pensée du ministre des Finances depuis le début des travaux,
on ne serait pas rendu au début de la première motion.
M. Parizeau: M. le Président, puisqu'il y a eu une
intervention de ce genre qui n'a rien à voir avec la question de
règlement, je dis simplement que je suis ici ce soir, j'y reviendrai,
j'y retournerai. Je ne vois pas pourquoi l'Opposition devrait se sentir
bousculée ou pressée de quelque façon que ce soit.
M. Lalonde: Maintenant, soyons larges dans
l'interprétation.
M. Parizeau: Non, M. le Président. Je ne vois pas en quoi
l'un découle de l'autre.
M. Lalonde: C'était la conclusion de ma question de
règlement.
M. Parizeau: Comme coq-à-l'âne, c'est parfait.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai posé ma question;
j'ai dit essentiellement au-delà de toutes ces questions de
procédure et de formalisme derrière lesquelles on dirait que le
ministre des Finances cherche à se réfugier, en quoi est-il
contre l'intérêt public qu'un groupe d'évaluateurs experts
qu'il désignera lui-même, et auquel il dira: Voici les biens qu'on
a l'intention d'exproprier, donnez-nous-en une évaluation la plus
objective possible que nous publierons après par son dépôt
à l'Assemblée nationale, en quoi cela est-il si gênant?
Qu'est-ce qui empêche le ministre des Finances de dire: Oui, nous allons
dire, effectivement, avant d'agir: Voici ce que nous voulons faire et voici ce
que cela va coûter. Quel est l'obstacle? Je ne le décèle
pas, et chaque fois que j'arrive à cette question, dans un sursaut
d'énergie, le ministre des Finances soulève un point de
règlement, et voici qu'on va appeler un vote ou Dieu sait quoi, cela va
encore lui permettre de dire: On y répondra plus tard. En quoi consiste
essentiellement son objection sur le fond?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
envoyé quelqu'un vérifier si c'était un vote ou un quorum.
M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: L'intervention du député de
Saint-Laurent est terminée, si je comprends bien?
M. Forget: Pour l'instant, oui.
M. Parizeau: Bon. Alors, j'aimerais seulement rectifier un
certain nombre de choses, M. le Président. D'abord, je n'ai pas dit
qu'on rationaliserait ou qu'on exproprierait des morceaux de l'Asbestos
Corporation; j'ai dit que c'était possible. On peut tout exproprier au
Québec ou on peut en exproprier une partie. Qu'on ne me fasse pas dire
ce que je n'ai pas dit. Deuxièmement, pour ce qui a trait à
l'évaluation des coûts, tout dépend, évidemment, de
ce qu'on exproprie; le prix va varier. Nous avons un certain nombre
d'estimations à ce sujet. Troisièmement, M. le Président,
il ne faut pas être grand clerc pour savoir que si on expropriait
si, je répète, si; on ne peut quand même pas dire que
j'affirme que c'est un morceau un morceau, le coût serait
sûrement inférieur à l'évaluation de Kidder
Pea-body, c'est-à-dire $40 à $42 multipliés par le nombre
des actions. Il arrive fort fréquemment, M. le Président, que
nous créons des sociétés d'Etat, que nous lançons
des programmes en disant: Le gouvernement pourra dépenser jusqu'à
un montant de... Il est évident que si on expropriait un morceau, cela
coûterait moins cher que le tout. Je suis certain que je viens de dire
quelque chose de profondément original, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va
suspendre les travaux jusqu'à la prise du vote.
Suspension à 23 h 20
Reprise à 23 h 35
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission parlementaire recommencent. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le ministre des Finances me fait dire
qu'il a eu un appel téléphonique et qu'il allait descendre
immédiatement après pour se joindre à nous...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Bérubé: ... pour continuer les travaux. Une
Voix: Alors, si vous voulez y aller. M. Bérubé: On
peut y aller, pas de problème. M. Forget: On va attendre
si...
M. Bérubé: Non. Il ne faut pas attendre. Bon!
allons.
M. Forget: M. le Président, le ministre des Finances nous
avait instruits sur le tout et la somme des parties. Il est fort
intéressant de voir cela confirmé par le ministre des Finances
parce que, parfois à voir les impôts et la façon dont ils
sont dépensés, on se prend à douter des plus
élémentaires règles de l'arithmétique. Mais
ceci étant dit, on peut renouveler la question.
On n'a pas prétendu que le ministre s'était engagé
à exproprier seulement la partie ou seulement le tout. Le grand
problème, M. le Président, c'est que le ministre ne s'est
engagé à rien. Il n'a rien dit de substantiel quant aux
intentions gouvernementales. C'est cela le grand problème. On ne demande
pas qu'il le fasse immédiatement parce qu'on se rend bien compte qu'il
est incapable de le faire. Il n'a pas pris toutes les décisions qui
s'imposent. Il serait dans un embarras considérable de nous dire quelles
sont ses véritables intentions.
Ce que l'on demande, cependant, par cette motion, c'est qu'il prenne le
soin, avant de poser le geste irréversible de l'expropriation, avant de
s'engager dans cet engrenage, de s'engager d'avance à le dire à
ce moment-là de façon très claire à dire,
grâce à un travail, à une évaluation experte
attribuable au labeur de gens qu'il aurait lui-même
désignés, selon le mandat qu'il leur aurait précisé
quant aux biens qu'il a l'intention d'exproprier à ce moment-là,
combien cela va coûter, aussi simplement que cela. Est-ce qu'il est
prêt à s'engager à le faire avant d'exproprier?
On aimerait, bien sûr, qu'il nous le dise ce soir, mais c'est
assez évident qu'il ne le fera pas. Il se défend d'avoir
même suggéré qu'il pourrait faire une chose ou l'autre. On
prend note de cela, on est tout à fait d'accord avec lui. Il n'a rien
dit qui nous permettrait de deviner ses intentions, ni de près ni de
loin. On ne sait absolument rien de ses intentions. On ne sait absolument pas
ce qu'il va faire, ni quand, ni pourquoi, ni comment, ni combien. On l'accepte.
Ce qui fait qu'on ne sait rien. On est dans le noir le plus total et on sait
qu'on va rester dans le noir le plus total. Tout ce qu'on demande au ministre,
c'est ceci: Juste au moment d'agir, est-ce qu'il va au moins, là, dire
tout ce qu'il est important de savoir et, en particulier, combien cela va-t-il
coûter?
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: ... le député de Saint-Laurent...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que je pourrais rappeler les députés à l'ordre, s'il vous
plaît, des deux côtés, au bout particulièrement?
M. Parizeau:... a un sens je vais utiliser un mot que je
n'utilise pas très souvent, mais enfin, c'est mon premier filibuster; je
trouve cela fort amusant du bobard absolument extraordinaire. Il dit: On
ne sait rien des intentions du ministre des Finances. Comment, on ne sait rien
des intentions du ministre des Finances? J'ai répété
à l'Assemblée nationale, autant comme autant, avant que le projet
de loi d'expropriation soit présenté en première lecture,
après qu'il a été présenté en
première lecture, après qu'on ait abordé la
deuxième lecture, que mon objectif était d'en arriver à
une entente de gré à gré et que j'étais
disposé à laisser toute espèce de porte ouverte parce que,
à mon sens, si on peut en arriver à une entente de gré
à gré, c'est infiniment préférable à
n'importe quelle autre solution. Je l'avais suffisamment assez affirmé
et on me dit: II n'a jamais rien dit sur ses intentions. Oui, c'est très
clair, j'ai toujours dit cela. Je continue de répéter la
même chose. Mais on se trouve en face d'une compagnie, M. le
Président, qui a besoin qu'on l'incite à discuter un peu. Alors,
nous l'incitons, M. le Président, nous l'incitons fortement.
D'autre part, quant au coût que cela pourrait représenter,
aux estimations qu'on puisse faire... Comment, on n'a pas fait faire
d'estimés? Mais on a rendu public le rapport de Kidder Peabody sur
l'objectif que nous avons en tête, c'est-à-dire d'acheter les
actions si c'est possible. On a déposé cela en Chambre. Il y a
longtemps d'ailleurs. Dans un certain sens, qu'est-ce que le
député de Saint-Laurent veut de plus? Une déclaration
d'intentions? Oui, si on peut acheter de gré à gré, on va
acheter de gré à gré.
M. Forget: Quoi?
M. Parizeau: Acheter de gré à gré les
actions. C'est clair?
M. Forget: Mais on parle d'expropriation.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas interrompre le
ministre, mais tantôt il a invoqué le règlementà
l'encontre des propos du député de Saint-Laurent. Pouvez-vous
rappeler au ministre des Finances que nous, pauvres députés de
cette commission, membres ou intervenants, ne sommes pas appelés
à étudier un projet de loi pour l'achat de gré à
gré mais pour exproprier? Or, l'expropriation, d'après le
ministre lui-même, ce sont des actifs, non pas des actions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je vous rappellerai votre
argument de tout à l'heure: la présidence a toujours
été souple et elle continuera de l'être. M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, ai-je dit, il y a quelques
instants, qu'il fallait inciter fortement la compagnie? Il me semblait que,
justement, l'objet de ce projet de loi, c'était d'inciter la compagnie.
Le fait est que depuis que c'est déposé en première
lecture, on a eu l'étude Lazard. Nos amis de l'Opposition ont
réussi à l'avoir aussi par la suite, c'est un
à-côté. Je ne sais pas si le chef du Parti libéral,
à l'heure actuelle, a une copie entre les mains ou a pu en consulter
une, mais c'est justement parce que le projet de loi a été mis
sur la table en première lecture... avant cela personne ne l'avait, sauf
General Dynamics.
Donc, les évaluations quant à une transaction de
gré à gré qui reste notre objectif si c'est
faisable les évaluations sont faites. Les
évaluations quant aux actifs ont été assez longuement
examinées au ministère des Finances. Il est évident,
cependant, que, si on ne peut pas le faire de gré à gré,
on doit fixer la valeur des actifs qu'on veut exproprier et l'autre partie ne
sera pas nécessairement d'accord. On ouvre alors un tribunal
d'arbitrage. C'est la formule normale de fonctionnement.
Est-ce qu'on n'a jamais vu le ministère des Transports ou le
ministère des Travaux publics dire avant d'exproprier quelque chose: Je
vais organiser un conseil d'évaluation? On exproprie et, dans la mesure
où l'exproprié n'est pas d'accord, cela va au tribunal
d'expropriation.
Le projet de loi que nous avons ici, puisqu'il ne porte pas sur des
immeubles à des fins d'administration publique, est une loi
différente, distincte des pouvoirs d'expropriation normaux du
gouvernement, mais qui suit exactement le même genre de démarche
de toute forme d'expropriation par un corps public: premièrement, on se
donne le pouvoir d'exproprier, deuxièmement, on fixe la valeur qu'on
croit devoir établir et, troisièmement, un tribunal est
prévu pour trancher le débat s'il y a lieu. Dans ce sens, le
conseil me paraît totalement superfétatoire.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je comprends que, lorsqu'on exproprie un terrain pour
construire une route, on ne déclare pas à l'Assemblée
nationale quel est le prix que le gouvernement entend payer pour le terrain.
Quand on construit des routes, on donne un budget pour la construction de la
route, et cela comprend le prix qu'on va payer pour les terrains.
Le problème ici, c'est qu'on n'exproprie pas les actifs de la
société Asbestos camion par camion et morceau de mine par morceau
de mine, c'est l'équivalent d'exproprier toute l'emprise de la route et
on voudrait savoir quel est le budget de la route au moment où le
gouvernement décidera d'utiliser son pouvoir d'expropriation. Le
ministre dit: Quelles sont nos intentions? C'est facile, nos intentions sont
d'acheter toutes les actions de la société Asbestos de gré
à gré.
Encore une fois, le député de Marguerite-Bourgeoys l'a
dit, ce n'est pas une loi pour faciliter la négociation qu'on approuve
actuellement, c'est une loi d'expropriation. Si le ministre des Finances veut
vraiment donner des raisons à General Dynamics pour négocier de
gré à gré, encore faut-il que son intention d'exproprier
aille au-delà des simples mots utilisés dans la loi, il faut que
ce soit une intention qui semble au moins sérieuse. D'où la
question à laquelle je reviens: Lorsque le gouvernement décidera
que le moment est venu d'exproprier il faut bien considérer cette
hypothèse, autrement on parle pour rien, on n'a pas besoin du texte de
loi. Il faut donc supposer que ce moment peut venir... Ce que nous demandons au
ministre des Finances, c'est de s'engager, à ce moment-là,
à dire d'avance quel est le budget de la route, c'est-à-dire
quelle est la somme qu'il envisage devoir débourser pour cette
acquisition. (23 h 45)
II ne s'agit pas simplement acheter le magasin du coin, c'est un achat
important et nous voulons être sûrs que l'opinion publique soit
bien renseignée sur les implications financières de cette
décision. Pas six mois après qu'elle aura été
prise, au moment où elle va être prise, quelques jours avant
qu'elle ne soit prise, on veut que l'opinion publique soit saisie de cette
évaluation. Encore une fois, qu'est-ce qui fait de cette question un
secret d'Etat? Relativement à l'intention éventuelle
d'exproprier, je répète encore une fois, en dépit des
dénégations du ministre des Finances et en mettant de
côté son affirmation que tout ce qu'il veut, c'est négocier
de gré à gré l'acquisition des actions, qui, si on en
vient à l'expropriation, on ne sait pas aujourd'hui ce que le
gouvernement a l'intention d'exproprier s'il en vient là, quel
délai il se donne, comment il va procéder et quel prix il pense
devoir offrir pour ce qu'il veut exproprier.
Nous sommes dans l'obscurité la plus totale. On sait très
bien qu'il y a le rapport Kidder, Peabody. En arrivant ici, le ministre des
Finances a dit: Ecoutez, c'est non pertinent. Il en a même fait une
question de règlement. Il a dit: Le rapport Kidder, Peabody, la valeur
des actions, c'est impertinent. Cela ne nous aide pas à connaître
la valeur des actifs, parce qu'on peut très bien n'exproprier qu'une
partie des actifs. Il ne faudrait pas qu'il utilise le contraire de
l'argumentation de tout à l'heure pour nous dire qu'on sait tout. Il
nous a dit qu'on ne savait rien. Il nous a dit qu'on ne savait rien de
pertinent relativement à la valeur des actifs. Qu'il s'engage à
le dire un jour. Au moins, s'il ne veut pas le faire ce soir, qu'il le fasse au
moment et avant, si possible, le moment où il va exproprier. Ce n'est
pas un secret d'Etat.
M. Parizeau: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: Le contraire de pertinent, ce n'est pas impertinent.
Je n'ai pas dit que quoi que ce soit était impertinent. Il y a une chose
évidente, c'est que dans l'hypothèse où nous
exproprierions tous les actifs situés au Québec de I'Asbestos
Corporation, nous ne paierions pas autant que ce que nous paierions pour les
actions de la compagnie. Cela va de soi, puisqu'il y a des actifs qui sont
à l'extérieur du Québec et auxquels on ne peut pas
toucher.
Donc, le montant dont parle le député de Saint-Laurent
sera inférieur inévitablement à ce qui serait offert par
le gouvernement. Quant au tribunal d'arbitrage, c'est une autre paire de
manches, mais quant à ce qui serait offert par le gouvernement, cela ne
pourrait pas être ce qu'il serait disposé à payer pour les
actions de la société. Cela va de soi.
Je reviens encore sur ce que je disais tout à l'heure. Nous
adoptons une foule de lois où nous fixons des sortes de maximums. Tout
ce que je dis à l'égard de la valeur des actifs, c'est que
manifestement les actifs c'est différent des actions, mais si on
exproprie seulement les actifs au Québec, cela ne va pas
représenter la même valeur que les actions totales de la
compagnie.
M. Forget: Le malheur, M. le Président...
M. Parizeau: Je m'excuse, je n'ai pas terminé, M. le
Président.
D'autre part, l'article 23 donne la réponse à une question
que soulevait le député de Saint-Laurent: Dans les 30 jours de la
signification de l'avis d'expropriation, la société transmet au
propriétaire antérieur une déclaration indiquant le
montant de l'indemnité. Si je comprends bien le député de
Saint-Laurent, ce qu'il me demanderait de faire, c'est qu'au lieu de laisser
courir 30 jours avant de déclarer le montant, je le fasse au moment
où l'avis d'expropriation serait signifié. Remarquez que je
prends ici les 30 jours comme étant 30 jours au maximum. Si cela sort au
bout de 18 jours ou de quinze jours, j'allais dire tant mieux pour tout le
monde, mais je prends ici le sens de l'article 23 comme étant 30 jours
au maximum.
M. Forget: Le malheur de l'explication du ministre, son analogie
avec les lois qui permettent une dépense maximale, c'est que cette loi,
tout ce qu'elle permet, c'est une dépense minimale. Dans le contexte des
évaluations gouvernementales, tout ce qu'on sait, c'est que le conseil
d'arbitrage qui va éventuellement décider de ce que cela va
vraiment coûter n'ira certainement pas plus bas que l'offre faite par le
gouvernement. Dans l'hypothèse où ce serait la totalité,
ce qui est une hypothèse, bien sûr, qui n'est pas totalement
applicable, étant donné les intentions présumées du
gouvernement de ne pas tout acheter, ce serait $42 l'action. On est sûr
que cela ne coûtera pas moins cher que cela, multiplié par le
nombre d'actions. Mais on n'est absolument pas sûr du maximum. Il n'y en
a pas de maximum dans ce projet de loi. C'est "open ended". On sait qu'on va
payer au moins $42 l'action ou au prorata si on en achète moins que la
totalité, mais on peut payer à peu près n'importe quel
prix au-delà de cela. Donc, l'analogie n'est pas applicable.
Pour ce qui est de la référence à l'article 23, si
le ministre des Finances avait été ici au moment où son
collègue le ministre des Richesses naturelles s'est prononcé sur
l'article 23, il nous a très bien dit que l'indemnité qui serait
offerte dans les 30 jours suivant l'avis prévu par l'article 20,
ça pouvait être n'importe quoi. C'était un pied dans la
porte, c'était une façon d'amorcer une deuxième
négociation et, si c'est une façon d'amorcer une deuxième
négociation, ça peut être $1 nous a-t-il dit, ça
peut être n'importe quelle somme dans le fond. Il s'agit simplement de se
conformer à la lettre de la loi qui dit que le gouvernement doit dire:
Je vous offre $100, une valeur symbolique. Il a d'ailleurs utilisé cette
expression-là, ça peut être un montant symbolique,
ça n'a pas besoin d'être une véritable évaluation.
Ce qui veut dire que si le ministre des Finances reste sur sa position de
traiter toute cette question comme n'étant pas d'intérêt
public, comme étant son domaine privé et comme si c'était
son argent propre plutôt que l'argent des contribuables, on ne saura pas
avant 18 mois après la décision du gouvernement combien cette
aventure-là va coûter aux contribuables
québécois.
Il ne le dira pas avant. Le chiffre qu'il va donner comme
indemnité en vertu de l'article 23 est un chiffre fictif et choisi au
hasard qui n'a aucune ressemblance nécessaire avec la
réalité, et c'est seulement quand l'arbitre et essentiellement le
juge de la Cour provinciale Dieu ait son âme qui aura
à se prononcer en définitive entre les parties, qu'on saura enfin
quel est l'ordre de grandeur de l'obligation qu'on contracte en adoptant cette
loi-ci. Si c'est là le fin mot de l'explication du gouvernement, on est
bien prêt à prendre acte de ça. Tout ce qu'on peut faire
c'est de constater qu'ils n'ont rien à nous dire quant à leurs
intentions véritables et qu'ils ne sont pas prêts à prendre
d'engagement ni sur le quoi, ni sur le combien, ni sur le quand, ni sur le
comment.
Le public jugera du sérieux d'un gouvernement qui procède
de cette façon-là, non pas pour acheter un bout de route, non pas
pour acheter un terrain, mais pour acheter toute une industrie, toute une
entreprise qui vaut quand même certainement $100 millions dans son
état actuel c'est le moins qu'on puisse dire puisque c'est le
minimum de l'évaluation ou n'importe quel chiffre au-delà
de celui-là. C'est une attitude qui n'est pas sérieuse, qui n'est
pas responsable. Une fois qu'on l'a constaté, M. le Président
je n'ai pas l'intention de passer trois semaines sur le sujet il
reste que c'est assez paradoxal de se faire dire par le ministre des Finances:
Ecoutez, dans le fond, non pas en toutes lettres, mais par implication,
attendez, ce n'est pas le moment de poser des questions embarrassantes au
gouvernement. D'ailleurs, peut-être le gouvernement ne sait-il pas
lui-même où il s'en va. D'après les réponses qu'on
reçoit, on est porté à croire que finalement cette
imprécision-là est non seulement acceptée comme un
bienfait, mais qu'elle est voulue, qu'elle est recherchée. On cherche
probablement à noyer le poisson parce que cette obligation d'acheter la
société Asbestos j'en suis de plus en plus persuadé
c'est une opération politique manquée du gouvernement
actuel. C'est une opération où on cherchait à
recréer l'euphorie de la nationalisation de l'Hydro-Québec et
l'euphorie ne s'est pas manifestée. Alors on est pris maintenant
simplement avec la douloureuse nécessité de liquider une
opération électorale manquée.
Pour ce qui est du ministre des Finances qui a d'autres soucis et
Dieu sait que je sympathise avec lui dans les circonstances actuelles
plus ça va prendre de temps, mieux c'est, moins on s'engage, mieux
c'est, parce que moins on s'en-
gage, moins on aura l'embarras éventuellement d'avoir l'air de
manquer à ses obligations. Plus on ouvre de portes à une
perpétuation de l'espèce d'état de fluctuations,
d'incertitude ou de négociations interminables, mieux c'est, dans le
fond, parce que les échéances reculent d'autant.
On a appris tout à l'heure qu'une autre négociation va
s'ouvrir. Une fois cette loi adoptée ce n'est plus le ministre des
Finances qui va négocier, ce sera officiellement la
société nationale, parce que la société nationale,
en tout temps, a le droit de convenir avec General Dynamics d'un prix
quelconque pour l'acquisition d'une partie ou de la totalité des actifs.
Alors il faudra bien laisser la chance aux coureurs, comme on dit. Si cela a
pris une année pour faire une quasi-négociation, ça va
bien prendre une bonne année pour en faire une vraie. A ce
moment-là, on ne peut que constater, devant le silence du ministre des
Finances, devant même son extrême réticence à aborder
le sujet, Dieu sait le nombre de questions de règlement qu'il a
faites, d'argumentations pour dire que rien n'était recevable de ce qui
était pertinent dans le fond à ce qui est central à ce
projet de loi, combien cela va coûter ça nous force
à conclure que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas répondre
qu'on ne donne pas de réponse, c'est parce qu'il n'y en a pas de
réponses.
On ne le sait pas où on s'en va du côté
gouvernemental. Mais ce qu'on souhaite, c'est qu'on aille le moins loin
possible et le plus lentement possible. Si c'est cela, on n'est pas
fondamentalement en désaccord avec le gouvernement. On souhaiterait
même les encourager dans cette voie de prudence extrême. C'est
quand même assez paradoxal, M. le Président, qu'on se donne le mal
de passer deux projets de loi en l'espace de deux ans, de faire des
simagrées, de dépenser probablement près de $1 million
pour avoir l'air de faire l'acquisition de la société Asbestos et
de se retrouver, deux ans et demi après la déclaration initiale
du premier ministre, Gros-Jean comme devant, pas plus avancés qu'on ne
l'était, dans une incertitude aussi complète, peut-être
même plus complète, parce que le 23 janvier 1977, en regardant nos
journaux, on avait quand même l'impression qu'un jour, le gouvernement du
Québec serait propriétaire de la société Asbestos,
telle qu'on la connaît.
Maintenant, on n'a même plus cette certitude. Le gouvernement du
Québec sera peut-être un jour propriétaire de quelque chose
qui se rapporte de près ou de loin aux activités actuelles de la
société Asbestos. C'est déjà une réussite
que d'avoir réussi à dégonfler le ballon comme cela, pour
le gouvernement. C'est un ballon dont il ne veut manifestement pas.
Quant à moi, M. le Président, je ne peux que constater que
ce n'est pas une objection que j'ai avec le ministre des Finances, je ne peux
que constater l'absence d'orientation, l'absence de précision, l'absence
probablement de politique, dans le fond.
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: Je voudrais simplement signaler, avant qu'il ne soit
minuit, deux choses. Si je comprends bien le député de
Saint-Laurent, il voudrait que j'émette des directives c'est la
seule conclusion que je peux en tirer au tribunal d'arbitrage, pour que
je puisse lui dire combien cela va coûter finalement, il faudrait qu'on
dise dans la loi: Voici comment, et à partir de quelles directives, le
tribunal d'arbitrage va fonctionner.
Cela, soit dit en passant, arrive dans d'autres pays. C'est vrai. Cela a
un petit air de république de bananes de premier ordre, c'est vrai. Mais
il est évident qu'on ne va pas fonctionner comme cela et qu'on ne va pas
dire au tribunal d'arbitrage: Vous n'arbitrerez pas au-delà de tel
montant.
Quand le député de Saint-Laurent dit: Vous ne savez pas
combien va coûter l'expropriation, finalement, c'est vrai. Cela
dépend du tribunal d'arbitrage, M. le Président.
Deuxièmement, il dit: Vous n'êtes pas pressés.
Là, je ne vois vraiment pas ce qu'on fait ici. Le gouvernement a
décidé qu'il ferait passer cette loi avant la fin de la session.
J'imagine que d'ici la fin de la session, on va avoir beaucoup de
séances comme celle de ce soir, qui consiste à tourner autour du
pot. Mais l'intention du gouvernement est suffisamment claire. On veut faire en
sorte que cette loi soit passée le plus rapidement possible, parce qu'on
se rend compte qu'à l'égard de la compagnie qui contrôle
l'Asbestos Corporation, c'est-à-dire General Dynamics, eux, ne sont pas
pressés. On a fait, je pense, des efforts louables, pour s'entendre avec
eux, mais on arrive à un point où il Taut passer à la Loi
d'expropriation, pour faire en sorte que cela déboule un peu de leur
côté.
Le député de Saint-Laurent disait: Une nouvelle
négociation va s'engager. J'ai eu l'occasion de dire à
l'Assemblée nationale, M. le Président, que déjà,
de nouvelles avenues ont été explorées depuis quelque
temps, justement parce que nous sommes passés en deuxième
lecture. La première lecture aura contribué à leur faire
sortir leurs papiers. La deuxième lecture les aura amenés
à commencer à discuter sérieusement. Cela va très
bien. Cela vient très gentiment, M. le Président.
L'important, cependant, c'est que la loi aboutisse à un moment
donné. Quant à ouvrir une nouvelle négociation
après la loi, on est dans les négociations à l'heure
actuelle. C'est extraordinaire de voir à quel point, d'ailleurs, un
projet de loi comme celui-là incite à toute espèce
d'ouverture d'esprit.
Dans ce sens, je ne comprends pas l'argument du député de
Saint-Laurent qui dit que le gouvernement veut retarder. Il ne veut pas
retarder du tout. Le gouvernement ne veut pas retarder, il veut que cela
aboutisse. Mais l'Opposition est en train de nous faire un joyeux filibuster
pour faire en sorte que cela passe le plus tard possible.
Dans ce sens, il ne faut pas se faire d'illusion. L'Opposition et
General Dynamics ont exactement
le même genre d'attitude. S'il faut que cela vienne, Seigneur, le
plus tard possible. Le gouvernement, lui, dit: Cela a assez duré, cette
histoire, il faut que cela aboutisse. M. le Président, j'entends la
cloche de minuit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'ajourne les travaux sine die.
Fin de la séance à minuit