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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 5 juin 1979 - Vol. 21 N° 116

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 121 - Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 121

(Vingt heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Il s'agit de la commission des richesses naturelles qui se réunit pour étudier, article par article, le projet de loi no 121.

Les membres de la commission pour la présente séance sont — s'il y a des changements, je demanderais de m'en aviser, s'il vous plaît — M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants: M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), en remplacement de M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. O'Gallagher (Robert-Baldwin), remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Paquette (Rosemont) et M.Samson (Rouyn-Noranda).

Il y aurait lieu, s'il vous plaît, de nommer un rapporteur pour les travaux de la commission.

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer le député de Beauce-Nord?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Beauce-Nord, ça va, comme rapporteur de la commission.

Avant de... A l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de commencer les travaux de la commission, j'aimerais vous préciser que le mandat que nous avons reçu de l'Assemblée nationale est d'étudier, article par article, le projet de loi no 121, qui a été adopté en deuxième lecture et vous rappeler que notre règlement nous interdit, de façon générale — c'est bien sûr que c'est parfois difficile de respecter ça à la lettre — de revenir sur les principes mêmes du projet de loi en question, mais que notre but, notre devoir est ici d'étudier, article par article, le projet de loi qui est devant nous.

A moins que les partis politiques représentés n'aient chacun une déclaration d'ouverture à faire, j'appellerai l'article 1 du projet de loi.

M. Bérubé: Non, M. le Président. Nous avons été mandatés par l'Assemblée nationale pour étudier le projet de loi article par article et, par conséquent, je me contenterai simplement d'aborder l'article 1 quand vous l'appellerez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

Remarques préliminaires

M. Forget: M. le Président, nous abordons l'étude article par article, comme vient de dire le ministre, d'un projet de loi. Il est bien évident que nous allons nous conformer à notre règlement et éviter soigneusement de remettre en question le principe de ce projet de loi, dont il a été question au niveau de la deuxième lecture, abondamment du reste. Il est remarquable qu'à ce niveau, le gouvernement n'ait pas réussi à faire la preuve de la nécessité de l'introduction d'un tel projet de loi à ce moment-ci, puisque le gouvernement prétend que la porte est encore ouverte à des négociations, à des règlements de gré à gré. Donc, le gouvernement lui-même est incertain, quant à la nécessité d'apporter ce projet de loi. Mais son incertitude ne l'empêche pas d'être impatient de le voir adopter malgré tout.

Nous ne reviendrons pas encore là-dessus; nous ne sommes pas d'accord qu'il soit nécessaire ni urgent d'adopter ce projet de loi. Nous ne faisons qu'observer que, jusqu'à maintenant, le débat de deuxième lecture ne nous a pas permis de nous convaincre du contraire, n'a pas permis à qui que ce soit, d'ailleurs, de se convaincre du contraire, le gouvernement ayant soigneusement évité de le faire, étant encore persuadé qu'il pourra faire durer le suspense pendant peut-être encore quelques semaines, qui sait, peut-être encore quelques mois.

Après tout, il y a deux ans et demi que nous avons commencé ce débat sur l'amiante — en décembre 1977 — et il pourrait bien se prolonger pendant encore un an ou un an et demi. Au rythme où vont les choses, il ne faut s'étonner de rien du côté gouvernemental.

Mais on doit bien laisser ces gens à leur stratégie, puisque c'est une dimension que, l'Assemblée nationale, comme telle, ne contrôle pas.

Ce que nous allons essayer de faire, au cours de ce débat article par article, c'est essentiellement de limiter les dégâts, de minimiser les risques que comporte le projet de loi dans sa rédaction actuelle.

C'est un projet de loi qui comporte un pouvoir, très largement défini, d'expropriation. Il y a, bien sûr, un certain nombre de procédures qui sont envisagées, quant à la formation d'un conseil d'arbitrage, quant à l'enregistrement des titres de propriété, au greffe, chez le protonotaire, des dispositions administratives de cette nature, mais les articles essentiels du projet de loi ne comportent aucune disposition de nature à protéger les intérêts des contribuables dans une adjudication par un tribunal d'arbitrage. Il n'y a absolument aucune limite, aucune balise fournie dans ce projet de loi qui serait susceptible de limiter, à l'intérieur d'un cadre assez bien délimité, les décisions qui pourraient éventuellement être prises par un conseil d'arbitrage.

On sait que l'écart qui sépare, jusqu'à preuve du contraire, encore aujourd'hui les parties est considérable et est évalué à $60 l'action. Quand

on multiplie ça par 2 500 000 ou 2 600 000 actions, on se rend compte qu'il s'agit d'une somme très considérable qui dépasse de loin l'objet de la plupart des mesures législatives qui sont adoptées à l'Assemblée nationale. Encore une fois, rien ne nous permet de croire que la décision d'un arbitre ne serait pas infiniment plus rapprochée des prétentions du vendeur, de l'exproprié que des prétentions du gouvernement. Il est remarquable que le gouvernement n'ait pris aucune précaution pour s'assurer que ce soit plutôt sa thèse qui prévale ou, du moins, qu'il essaie de rétrécir l'écart, le rendre plus prévisible.

Ce sera donc notre but au cours de cette discussion article par article et nous avons l'intention de présenter un certain nombre d'amendements explicites qui auront pour but non pas de retarder le projet de loi, M. le Président, parce qu'en dépit des appréhensions du côté ministériel, on se prépare probablement à un long siège et même votre présence parmi nous, M. le Président, est une indication du sérieux avec lequel on considère ce débat à la présidence de l'Assemblée nationale.

Malgré toutes ces précautions du côté ministériel comme du côté de la présidence, je voudrais vous assurer à savoir que notre but n'est pas de prolonger indûment le débat, mais de s'assurer que les amendements que nous allons apporter, qui sont des amendements spécifiques sur quelques articles limités de ce projet de loi, nous procurent justement cette sécurité et cette protection des intérêts du contribuable, auxquelles s'intéresse apparemment fort peu le gouvernement.

Nous aurons également pour but dans le débat — parce que le débat est censé produire cet effet-là — de favoriser une meilleure connaissance par le public des dimensions de la décision économique que le gouvernement s'apprête à prendre au nom de tout le monde. Il y a eu très peu d'information qui a été rendue disponible par le gouvernement. Il y a eu une déclaration ministérielle en décembre. Il y a eu des photocopies d'arrêtés en conseil permettant à la Société nationale de l'amiante de faire des mises de fonds et de s'organiser. Il y a eu des documents comme la copie du contrat, par exemple, qui a été conclu avec Kidder-Peabody il y a déjà au-delà d'un an, il y a eu une copie de son évaluation, mais sur la marche des négociations, sur les perspectives d'avenir de l'industrie et même sur les évaluations qu'avait faites le gouvernement lui-même avant d'amorcer le processus, on a eu un silence systématique de la part du gouvernement.

Au départ, lorsque nous avons débattu le projet de loi 70, le ministre se souviendra qu'il avait délibérément omis de déposer un chapitre d'une étude que, par ailleurs, il avait distribuée aux membres de la commission parlementaire des richesses naturelles. C'était le chapitre qui traitait de l'évaluation qu'avait faite le gouvernement, une évaluation maison du prix d'acquisition. Je pense qu'étant donné tout ce qui s'est passé depuis, cela a d'ailleurs été mentionné au niveau de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le temps serait venu que le gouvernement soit un peu plus candide quant à ses propres évaluations du prix de cette acquisition.

De toute façon, sur le plan de l'information du public, il y a énormément de choses qui ont encore besoin d'être dites. Au-delà de la rhétorique du ministre, il a droit à sa rhétorique, je ne peux pas le condamner pour ça, mais il reste qu'il y a des éléments de fait, il y a une analyse spécifique qui a été retirée, un chapitre, tout le monde en connaît l'existence, le ministre lui-même en a reconnu l'existence. C'est un exemple, parmi d'autres, de ce qui pourrait être rendu public, mais il y a d'autres éléments que nous mentionnerons en temps et lieu.

Donc, essentiellement, deux objectifs, des amendements précis pour contenir à l'intérieur d'un cadre un peu plus prévisible l'envergure des engagements financiers qu'implicitement, l'Assemblée nationale prend par l'adoption d'un tel projet de loi et de façon subsidiaire, mais également très importante, l'alimentation de l'information disponible au public, l'alimentation du débat, si on veut, la connaissance que le public a, en général, des implications de cette décision, des informations qui sont disponibles dans les tiroirs du gouvernement et que le gouvernement persiste à garder pour d'autres occasions plus propices.

Je pense que l'occasion est désormais arrivée, au niveau de cette étude article par article. Je m'en voudrais d'aborder tout de suite l'étude, article par article, sans mentionner une réserve sérieuse que nous avons, et je ne voudrais pas que le ministre prenne ça personnellement: nous abordons cette étude de façon très détendue, mais sans le condamner personnellement, il demeure vrai de dire, comme nous l'avons fait au moment de la deuxième lecture, que ce n'est pas le bon ministre qui défend ce projet de loi. Le ministre des Richesses naturelles, c'est un fait qui est connu, n'est pas responsable de l'acquisition de la société Asbestos. Il a délégué tous ses pouvoirs, pour autant qu'il ait des pouvoirs dans ce domaine, toutes ses responsabilités du moins, à son collègue le ministre des Finances, qui a été le porte-parole du gouvernement durant l'année que nous venons de traverser à l'Assemblée nationale. Toutes les questions lui étaient adressées. C'est le ministre des Finances qui a fait une déclaration ministérielle et c'est à la suite d'un constat d'échec, dans la négociation faite par le ministre des Finances, que nous avons ce projet de loi.

Pour répondre à des questions, quant à des articles précis qui font suite à ce constat d'échec et qui cherchent à y remédier en prenant un autre moyen pour discuter de ces articles précis, nous n'avons pas devant nous celui qui pourrait faire le point, nous dire pourquoi tel ou tel mécanisme. (20 h 30)

Nous avons fait une analyse comparative de cette loi d'expropriation avec d'autres lois antérieures adoptées par l'Assemblée nationale, portant sur l'expropriation de certains biens privés, qu'il s'agisse, par exemple, de la nationalisation qui est à l'origine de l'Hydro-Québec, dès 1944, ou

d'autres mesures analogues, il reste qu'il y a des différences. Ces différences, on doit présumer qu'elles ont des raisons et ces raisons trouvent leur origine dans une négociation et dans les circonstances particulières à l'industrie en question, aux positions respectives des parties, aux enjeux sur le plan économique et financier.

Encore une fois, il s'agit de données sur lesquelles le ministre des Finances s'est penché puisque c'était lui qui était responsable de la négociation. Je ne m'explique pas que le leader du gouvernement nous ait confié aux bons offices du ministère des Richesses naturelles, sans au moins que le ministre des Richesses naturelles se fasse accompagner — cela s'est vu dans d'autres commissions parlementaires — d'un collègue, de manière que tous les aspects soient couverts.

Nous n'aurons pas d'autres occasions. Bien sûr, le débat de deuxième lecture a permis de faire allusion aux grands thèmes, aux grandes questions. Mais on sait que le débat est assez limité au niveau de la deuxième lecture. C'est plus une série de monologues qu'un véritable débat. C'est ici que nous voudrions voir apparaître le ministre des Finances. Je ne sais pas si, se voyant déjà dans la ligne directe de succession au trône, à la suite des acclamations dont il a bénéficié en fin de semaine, il considère qu'il est en dessous de son prestige et de son standing social au sein du parti gouvernemental que d'apparaître en commission parlementaire pour défendre ses positions, un peu à la façon des chefs de parti qu'on ne voit pas en commission parlementaire. Ils ne sont pas normalement présents, parce qu'ils sont censés être un cran plus haut, ils dominent le débat, ils donnent des directives à leurs subalternes. Je ne sais pas si c'est le rôle que joue ici le ministre des Richesses naturelles.

Plaisanterie mise à part, M. le Président, tout en tenant compte de la fatuité naturelle du ministre des Finances, je pense qu'il pourrait condescendre à venir expliquer un projet de loi dans ses détails, alors que ce projet de loi représente la première initiative depuis plusieurs années sur le plan de la participation gouvernementale dans le secteur économique.

On a eu, bien sûr, des initiatives qui sont parties de zéro dans le domaine, par exemple, agricole, agro-alimentaire, mais ce sont des entreprises modestes au départ, qui, essentiellement, partaient de zéro. Je pense qu'il faut se reporter à plusieurs années en arrière, peut-être à la création de SIDBEC. Je ne veux pas faire d'allusion malveillante, M. le Président, mais peut-être qu'il faut se reporter à la création de SIDBEC pour voir un investissement qui, dès le départ, se chiffre par quelques centaines de millions d'une industrie existante. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de décisions qu'est appelé à prendre le Conseil des ministres qui ont une pareille répercussion et de pareilles conséquences pour l'avenir, sur le plan économique et financier en particulier pour le Québec.

M. le Président, je pense que vous comprendrez que je fais cette demande informellement au ministre des Richesses naturelles par votre intermédiaire. Je ne sais pas s'il applaudira ou s'il promettra sa collaboration. Sincèrement, je pense que cela pourrait aider à la discussion, que cela pourrait peut-être l'accélérer et, de toute façon, de rendre plus intelligible d'avoir la participation du ministre des Finances. S'il nous promettait sa collaboration, je pense qu'on pourrait, étant donné qu'il n'y a pas eu de préavis au ministre des Finances, attendre qu'il puisse être parmi nous demain, par exemple, ou peut-être à la fin de la soirée. Je me contenterais facilement d'une assurance à cet égard du ministre des Richesses naturelles. Je ne présume pas du tout qu'il s'opposera à cette suggestion. Enfin, on verra.

Là, je fais une brève pause, M. le Président, sans interrompre mon droit de parole, pour demander au ministre des Richesses naturelles s'il consentirait à s'engager auprès de nous à voir à ce que son collègue soit présent avec lui en commission parlementaire pendant les quelques heures dans le fond que va nous prendre l'étude article par article de ce projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est une suspension du droit de parole pour quelques minutes du député de Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Bérubé: Vous êtes sûr que c'est une suspension du droit de parole?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce qu'il lui restait cinq minutes et j'ai compris qu'il voulait revenir par la suite.

M. Grégoire: M. le Président, si le député de Saint-Laurent est consentant, nous sommes prêts à accepter peut-être un compromis. Il y a des articles du projet de loi qui peuvent être directement reliés aux questions que le député voudrait poser au ministre des Finances ou aux renseignements qu'il voudrait demander au ministre des Finances. Il y a d'autres articles, par contre, qui ne toucheraient pas du tout des points sur lesquels il voudrait demander des renseignements au ministres des Finances. On pourrait peut-être séparer ces articles. Que le député de Saint-Laurent nous fasse la liste des articles et nous pourrons étudier et adopter les autres articles, tout en réservant ceux-là pour la fin.

Nous allons nous enquérir et même demander au ministre des Finances s'il ne pourrait pas venir pour une séance. A ce moment, nous suspendrions les articles sur lesquels le député de Saint-Laurent a des questions si ce ne sont pas tous les articles, s'il nous arrive avec tous les articles, peut-être qu'on pourra revenir un peu sur l'idée, mais si ce sont quelques articles et si c'est une séance, on pourra adopter les autres et en suspendre certains. Dès demain, on pourra avoir approché le ministre des Finances et le dire au député de Saint-Laurent. Il s'agirait d'abord d'étudier les autres articles, d'adopter les autres articles et de réserver ceux-là; qu'il nous fasse la liste de ceux

qu'il veut réserver. On va en suspendre l'étude et on demandera au ministre des Finances de venir pour ceux-là.

M. Forget: Ecoutez, c'est une suggestion très constructive. Je voudrais bien qu'on se comprenne, cependant. On est prêt à faire l'exercice. Je ne m'attendais pas à cette suggestion aussi rapidement. Je n'ai pas devant moi la liste départageant les articles en deux catégories, mais c'est un exercice auquel on peut se livrer au cours des prochaines heures. Certainement que pour demain matin, on pourrait vous donner cela. Je voudrais être bien sûr que si on est pour faire cet exercice, on ne le fasse pas seulement pour la forme, pour s'amuser, mais qu'on ait, du côté gouvernemental, une intention sérieuse de s'engager de ce côté, parce qu'effectivement, on peut procéder de cette façon. Je n'ai pas d'objection.

M. Grégoire: Evidemment, je ne prends pas un engagement au nom du ministre des Finances. C'est une suggestion, mais on ne l'a pas consulté. Nous allons lui demander et essayer d'insister, du moins, je vais insister pour qu'il puisse venir à une réunion. On ne sait jamais. On pourrait, dès demain après-midi, donner la réponse au député de Saint-Laurent.

M. Lalonde: II va trembler, le ministre des Finances.

M. Forget: Cela nous rassurerait si votre collègue de Matane était aussi coopératif et faisait des pressions dans le même sens.

M. Bérubé: Le député de Frontenac et moi-même n'avons qu'une seule voix et, par conséquent, les démarches...

M. Lalonde: Cela s'améliore... le député de Frontenac.

M. Bérubé: Les démarches que pourrait accomplir mon distingué collègue de Frontenac auprès du ministre des Finances auront évidemment mon entier appui, il ne fait aucun doute et, d'ailleurs, je pense que vous avez raison de vous attendre à ce que j'intervienne personnellement auprès du ministre des Finances. Je pense personnellement que ma conviction auprès du ministre des Finances sera peut-être directement proportionnelle à la coopération que l'on découvrira au fur et à mesure que nous étudierons ensemble un certain nombre d'articles.

M. Forget: Bon!

M. Brochu: M. le Président, est-ce que le député de Saint-Laurent me permettrait une question?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant! Il lui restait quelque quatre ou cinq minutes de son droit de parole.

M. Bérubé: Oui, vous pouvez vous joindre à la famille.

M. Forget: Oui, allez!

M. Brochu: Une question dans le sens...

M. Forget: ... pas des journalistes.

M. Brochu: ... du désir qu'il exprime et qui semble être bien reçu de l'autre côté. J'aimerais qu'il nous dise peut-être le sens de ce qui aurait pu même faire l'objet d'une motion pour demander au ministre des Finances d'être présent. On peut sans doute éviter cette motion par entente. Maintenant, est-ce que ce serait uniquement pour avoir la présence du ministre des Finances sur certains articles ou si ce serait pour avoir en même temps, par exemple, le contenu des négociations ou certains comptes rendus sur les négociations, s'il y a eu des négociations entre Asbestos Corporation et le gouvernement du Québec ou si c'est plus strictement au niveau de la technique des autres projets de loi?

M. Forget: C'est une excellente question du député de Richmond. Il est bien sûr que si on veut le ministre des Finances parmi nous, ce n'est pas simplement pour le plaisir de sa compagnie, ce qui est un avantage certain déjà; il reste que nous voulons aussi lui poser des questions sur des sujets pertinents à l'étude du projet de loi parmi lesquels on retrouve évidemment une évaluation, toute subjective quelle soit, de la part du gouvernement sur l'état des négociations ou des non-négociations.

M. Grégoire: II n'y a pas de problème là, sous réserve, toutefois, que nos règlements disent que, lorsqu'un ministre déclare que, telle chose ou telle documentation, il n'est pas d'intérêt public de la dévoiler ou d'en faire part au public, sous réserve de ce point de notre règlement qui permet au ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence jugera, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: ... de dire, sous réserve de... M. Lalonde: Cela s'annonce bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, la présidence jugera.

M. Grégoire: Ce règlement existait dans le temps du gouvernement libéral et il existe encore aujourd'hui.

Une Voix: Laissez-nous faire notre motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Voilà des précautions qui ne rassurent pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, un à la fois! Un à la fois!

M. Grégoire: Ce règlement existait du temps du gouvernement libéral et il existe encore aujourd'hui...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît!

M. Grégoire: ... on s'en est servi depuis 30 ans, 40 ans.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Je crois que c'est normal que ça continue comme ça.

M. Raynauld: Non, le problème, c'est... M. Lalonde: On peut le changer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: M. le Président, notre demande est faite de bonne foi, c'est-à-dire que nous ne cherchons pas par cela à créer des difficultés artificielles, mais tout le monde sait très bien, c'est de fait de notoriété publique que c'est lui qui s'est occupé de cet aspect. C'est normal, c'est essentiellement une transaction financière. Ce n'est pas une opération reliée, comme telle, aux Richesses naturelles. Ce n'est pas diminuer le ministre des Richesses naturelles que de l'affirmer, tout le monde le sait, mais c'est également très pertinent.

Maintenant, jusqu'à quel point une demande faite de bonne foi de notre côté est-elle acceptée de bonne foi de l'autre côté? Si le ministre des Finances a l'intention de venir et de nous opposer constamment des arguments d'ordre public pour ne pas répondre, je pense que ce serait aussi bien de nous dire franchement qu'il ne veut pas venir. Mais je suppose qu'il voudra donner de véritables réponses au moins plus souvent qu'autrement.

M. Bérubé: Je suis absolument convaincu, cependant, que les réponses du ministre des Finances ne sauraient absolument pas satisfaire le député de Saint-Laurent, après l'avoir vu fonctionner pendant plusieurs mois.

M. Forget: II ne faut présumer de rien, M. le Président. Il ne faut pas se livrer tout de suite à des imputations de motifs, ce que je n'ai pas fait, remarquez-le. Non, on pourra être satisfait. On ne demande pas la lune. On demande simplement des choses relativement factuelles. De toute manière, on demande aussi de savoir où le gouvernement se loge quant à un certain nombre de choix et d'options qu'il prend. Cela, je pense que c'est... On pourra manifester notre désaccord par rapport à ces options, mais je pense qu'il est essentiel qu'on puisse poser les questions au moins et avoir les réponses, quitte à différer d'avis sur leur interprétation et leur valeur, le moment venu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, je vous incite fortement à vous entendre en ce sens, parce que vous savez qu'une motion ne peut qu'inviter un ministre à se présenter. C'est certainement un voeu pieux et, lorsque la présidence constate qu'il y a une entente de ce genre, elle est très contente.

Avant de céder la parole au député de l'Union Nationale, j'aimerais... Je sais que le député de Saint-Laurent a dit, sur un ton probablement blagueur: "Je ne sais pas si les ministériels ont des appréhensions", je ne sais pas si les Oppositions ont des appréhensions, mais ce que je tiens à dire, c'est que ma présence ici est simplement causée par le fait que mon employeur, qui est l'Assemblée nationale, m'a désigné pour être ici. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement quelques remarques, également, en commençant l'étude de ce projet de loi. J'écoutais les discussions avec beaucoup d'intérêt et on se retrouve — plusieurs en conviendront — un peu dans la même situation que celle qu'on a vécue lors du projet de loi 70. Cela nous rappelle ces souvenirs de l'époque et ces discussions presque épiques à certaines occasions, sauf que, maintenant, nous sommes rendus à une autre étape dans le processus que s'est donné le gouvernement, par rapport aux objectifs qu'il s'est lui-même fixés.

Nous arrivons à l'étape de l'étude article par article du projet de loi 121, dans une position un peu particulière et un peu spéciale qu'on ne retrouve pas souvent dans l'étude article par article de nos projets ds loi, puisque, au même moment où on demande à la commission parlementaire d'étudier le projet de loi qui vise à l'expropriation des actifs ou de certains actifs de l'Asbestos Corporation, il semble que, de l'autre côté, on continue quand même d'essayer d'en arriver à une entente de gré à gré. Il semblerait même, par ce qu'on peut voir par le biais de certaines déclarations de certains ministres, que le scénario auquel se prête la commission actuellement sert, d'abord et avant tout, Ce moyen de pression pour continuer les négociations qui sont en cours et pour permettre au gouvernement, dans un effort ultime, d'atteindre son but et d'en arriver à une entente de gré à gré avec l'entreprise, s'il y a moyen.

Je pense que les déclarations qui ont été rendues publiques par le ministre des Finances récemment à ce sujet ne sont pas équivoques. Ce qui nous fait dire qu'on se trouve dans une situation un peu particulière puisque, à toutes fins utiles, on n'étudie pas nécessairement un projet de loi qui va se traduire, dans les faits, par une réalité, mais c'est un projet de loi dont l'étude, ici en commission parlementaire comme à l'Assemblée nationale, va peut-être donner un poids de

négociation au gouvernement pour en arriver à une entente de gré à gré. On ne sait même pas d'avance quelle va être la conclusion finale, le cheminement vers la conclusion finale dans ce dossier. On se prête au jeu parce que les lois de la démocratie et les lois de l'Assemblée nationale sont ainsi faites, mais je tenais à souligner que cette situation ne se présente pas tellement souvent, puisque, habituellement, lorsqu'on étudie un projet de loi article par article, devant la commission parlementaire, c'est pour en arriver finalement, à l'étape d'une troisième lecture, à une décision finale qui va se traduire dans des actes concrets du gouvernement, dans la façon et dans la nature même des discussions qu'il y a eu et des décisions qui ont été prises. Alors que ce qu'on fait maintenant, c'est simplement pour préparer le terrain à une entente parallèle qui peut arriver. Si jamais elle n'arrivait pas, évidemment, le gouvernement pourrait se servir de cette arme en dernier ressort. (20 h 45)

J'aimerais aussi rappeler, au début des travaux de cette commission, que nous avons eu l'occasion de poser un certain nombre de questions, dans le cheminement de ce dossier, auxquelles nous n'avons pas encore eu de réponses. Je me permets simplement d'y revenir très brièvement, pour indiquer — je pense que ça souligne le bien-fondé de la présence du ministre des Finances qui lui-même est négociateur du côté du gouvernement dans ce dossier — que j'ai posé la question à l'Assemblée nationale pour savoir si vraiment — je pose la question sérieusement — il y a eu négociation ou non dans le dossier, puisque j'ai eu l'occasion de relever de façon concrète dans les déclarations contradictoires qu'il y avait eu de part et d'autre.

J'ai cité à l'occasion plusieurs déclarations formelles qui ont été faites soit par l'entreprise ou soit de la part du gouvernement du Québec, ce qui nous permettait de tirer la conclusion qu'il n'y avait à peu près pas eu de négociations puisque les positions étaient diamétralement opposées, que les déclarations étaient diamétralement opposées, tant et si bien, par exemple, qu'on arrivait au fait que General Dynamics ou l'Asbestos Corporation disait de son côté: II n'y a pas eu de négociations et le gouvernement du Québec, durant ce temps, suite aux questions qu'on posait à l'Assemblée nationale, nous disait régulièrement: On est en négociations. Même le ministre des Finances a lui-même déclaré, suite à une de mes questions à l'Assemblée nationale: "Je m'implique directement dans le dossier, j'ai l'intention de rencontrer l'entreprise, etc." Encore par après, on a pu voir dans les journaux des déclarations disant qu'il n'y avait pas eu de négociations. Alors, est-ce qu'il y a un problème de terminologie entre les deux? Que se passe-t-il exactement dans cette situation? On reste, je pense, sur notre appétit et nous n'avons pas eu les réponses aux questions qui ont été posées.

J'ai eu l'occasion en deuxième lecture, de poser ces questions précises, étayées par des documents, par les déclarations, d'un côté d'As-bestos Corporation et, de l'autre, du ministre des Finances, et on ne m'a pas répondu. Le ministre des Finances non plus dans son discours à l'Assemblée nationale n'a pas donné réponse à ces questions.

L'Asbestos Corporation avait proposé certaines associations avec le gouvernement. Là-dessus, je dois être honnête, on a répondu en partie, le gouvernement a répondu en partie à certaines affirmations qui avaient été faites par l'entreprise.

Par ailleurs, au niveau des offres telles quelles, on pourra relever toute la série des déclarations qui ont été faites. Le gouvernement du Québec disait avoir fait des offres alors que l'Asbestos Corporation s'est toujours, d'après les documents qui me sont disponibles, défendue d'avoir reçu une offre quelconque de la part du gouvernement, tant et si bien que depuis le début, le gouvernement et l'Asbestos Corporation sont restés sur les mêmes positions, ce qui me fait dire qu'il n'y a pas eu de négociations puisque dans un dossier de négociations, il y a toujours un quelconque rapprochement quelle qu'en soit la nature ou le degré entre les parties, à partir d'une position initiale, mais ça n'a pas été le cas dans le présent dossier, puisque depuis le début, le gouvernement est resté assis sur une soi-disant "offre", entre guillemets, alors que General Dynamics n'a jamais bougé de son côté non plus. Il n'y a donc pas eu, par la définition même des négociations et d'un rapprochement à l'intérieur d'une négociation, un quelconque mouvement qui nous permette de croire qu'effectivement, il y a eu des approches, des discussions, des offres et des contre-offres et un rapprochement quelconque.

Encore là, j'ai posé la question de façon bien précise. Je n'ai reçu de réponse ni de la part du ministre des Richesses naturelles, ni de la part du ministre des Finances qui aurait pu prendre certaines opportunités à l'Assemblée nationale pour répondre à ces questions tout à fait pertinentes dans le dossier, puisque c'est la porte ouverte à ce projet de loi-là, c'est l'entrée à ce projet de loi de l'expropriation, à savoir s'il y a entente ou non, s'il y a eu négociations ou non.

Donc, c'est dans ce climat un peu particulier qu'on entreprend les travaux de la commission parlementaire, étant sur un terrain passablement mouvant quant aux négociations, n'ayant pas eu de réponse réelle. C'est pourquoi j'avais d'ailleurs l'intention même de le faire sous forme de motion, mais j'accepte l'entente qu'il y a eu autour de cette table. Je maintiens et je souligne l'importance de la présence du ministre des Finances afin qu'il puisse justement faire la lumière sur cette question pour rendre compte, dans les grandes lignes du moins, de ce qui s'est vraiment passé, s'il s'est passé quelque chose, pour savoir sur quel terrain nous avons à discuter et sur quel terrain nous avons à travailler maintenant.

J'ai posé également d'autres questions sur lesquelles on aura l'occasion de revenir au cours de la discussion article par article du projet de loi. J'ai demandé, entre autres, au gouvernement, et je

n'ai pas eu de réponse non plus, à savoir de quelle partie des actifs de l'Asbestos Corporation le gouvernement avait l'intention d'atrophier son projet puisqu'il semblerait qu'en cours de route, on laisse tomber possiblement la mine de l'Ungava et ce secteur-là. Je n'ai pas encore eu de réponse en ce qui concerne cette partie de la question qui est reliée directement avec les installations, comme on le sait, de General Dynamics à Nordenham.

J'espère pouvoir obtenir quelque chose de ce côté. Ce sont des questions que je considère comme fondamentales, puisqu'au début, le gouvernement se faisait fort de vouloir faire adopter son projet comme un tout, sans vouloir le morceler d'aucune façon, sans vouloir en abandonner une partie en cours de route. Mais, maintenant, on le voit par le libellé du projet de loi, on laisse entendre qu'on peut laisser tomber certaines parties de l'acquisition de certains des actifs de l'Asbestos Corporation.

Est-ce qu'il y a eu des changements en cours de route, est-ce qu'on a vu la non-rentabilité de certains secteurs ou est-ce qu'on a vu l'impossibilité d'acquérir certains secteurs? Est-ce qu'on a, par exemple dans le cas de l'Ungava, eu peur d'avoir à reconstruire une usine pour traiter cette fibre de nature spéciale qu'on extrait là-bas, si jamais on devait couper les marchés de Nordenham. Ce sont des questions que j'ai posées, pour lesquelles on n'a pas eu de réponse. J'espère qu'au cours de la discussion, on pourra avoir des réponses là-dessus.

Autant le gouvernement s'est fait fort de vouloir faire accepter son projet comme un tout, autant ça nous surprend aujourd'hui de le voir, d'un côté, laisser la porte ouverte pour laisser tomber des actifs aussi importants que ceux de l'Ungava dans son projet initial. Ce sont autant de questions fondamentales qu'on a lieu de se poser à ce stade-ci, qui n'ont pas eu de réponse depuis le début de la deuxième lecture et qui devraient trouver preneur au niveau du ministre des Richesses naturelles ou du ministre des Finances maintenant, pour donner à la commission parlementaire la possibilité d'avoir des réponses claires et nettes avant de se prononcer sur le projet de loi.

On sait, d'une façon générale, que le gouvernement a fait son lit, sa marque de commerce est clairement établie. En ce qui concerne l'Union Nationale, on a également fait notre marque de commerce, on a posé des questions, on a posé des gestes, on a pris des décisions en fonction des choses auxquelles on croit. Maintenant, il nous reste, en tant qu'Opposition responsable, à tenter de bonifier, selon ce qui nous paraît le meilleur, les articles du projet de loi qui sont devant nous pour discussion.

Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin dans mes remarques, simplement finir par une remarque humoristique au ministre, en disant qu'hier soir, son exposé était tout à fait au point. Même ses remarques m'ont frappé, ses connaissances techniques dans le domaine médical et dans le domaine chirurgical, il n'apprend rien à personne puisqu'il est spécialisé dans ce domaine. La seule chose qui m'a frappé, c'est lorsque vous avez indiqué — je ne conteste pas l'étude, je pourrai la lire au passage — que même le président de l'Assemblée nationale, dans son "jogging" quotidien, aurait peut-être plus de risques d'acquérir certaines fibres d'amiante au niveau de ses poumons que le travailleur en usine où les installations sont modernes.

C'est vraiment une déclaration qui peut aller loin, parce qu'à ce moment-là, on pourrait inviter les populations à se réfugier dans les usines d'amiante pour se protéger. Le ministre est allé assez loin.

M. Bérubé: A condition qu'elles ne fassent pas de "jogging".

M. Brochu: On pourrait les prévenir dans ce sens. M. le Président, je termine mes remarques là-dessus en indiquant que j'aurai à revenir, au niveau de l'étude article par article, sur certaines recommandations et certaines modifications que nous aimerions voir apporter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. J'appelle l'article 1 et je vous dis immédiatement que, comme l'article 1 comprend plusieurs sous-articles, en vertu de l'article 160, nous allons étudier chacun de ces articles séparément et chacun des députés membres de la commission aura droit à vingt minutes sur chacun, 20, 21, ainsi de suite.

M. Forget: M. le Président, avant que vous n'appeliez l'article 1 qui serait l'article 20, si je comprends bien...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est l'article 1 que j'appellerai.

M. Forget: ... ou l'article 1, paragraphe 20, j'aimerais faire des représentations auprès des membres de la commission relativement à des renseignements qui, semble-t-il, devraient être débattus à la commission, de manière que nous sachions plus précisément de quoi nous parlons. Je pense en particulier aux évaluations qui ont été faites, de part et d'autre, par la société Kidder, Peabody, pour le compte du gouvernement, et par la société Lazard Frères, pour le compte de General Dynamics.

On est en présence de deux thèses opposées, on est réuni ici pour déterminer une modalité d'arbitrage de ces deux thèses opposées, mais les deux thèses en question, nous les connaissons fort imparfaitement. Bien sûr, le gouvernement a déposé l'étude qu'il a lui-même commanditée, mais la compréhension d'une étude comme celle-là, quand on sait qu'il en existe une autre avec des conclusions tellement différentes, peut difficilement se faire à moins de disposer d'une analyse comparative, de pouvoir faire nous-mêmes une analyse comparative. Il nous semble que pour comprendre véritablement de quoi il est question, entre quoi et quoi l'arbitre — et dans le fond avant

cela l'Assemblée nationale — doit trancher, il serait important de savoir quelles sont les thèses en présence.

Il s'agit essentiellement d'avoir un exposé technique, mais malgré tout, vulgarisé, pour les membres de la commission, de la part de chacun des organismes qui ont fait ces études et qui se sont basés, pour arriver à des conclusions différentes, sûrement sur soit des faits qui ne sont pas les mêmes, soit des hypothèses ou des méthodes de calcul qui sont divergentes.

Ce serait intéressant, à la suite de la lecture que nous aurons faite de ces deux analyses, de poser des questions aux auteurs de l'une et de l'autre, parce qu'il y a certaines divergences qui sont mystérieuses. Je comprends que ce sont des experts, mais s'ils arrivaient à la même conclusion, on pourrait dire: Tout va très bien dans le meilleur des mondes, fions-nous aux experts, ils vont régler ce problème, très rapidement. Mais précisément, ils arrivent à des conclusions très différentes. On a pu retracer, dans les deux analyses, ce qui semble être les raisons de ces écarts. Mais ce qu'on n'a pas, ce sont les raisons des raisons, si vous voulez. Pourquoi, par exemple, adopte-t-on des méthodes de calcul différentes? Pourquoi et comment justifie-t-on l'utilisation de taux d'escompte différents? Pourquoi, dans certains cas, rejette-t-on une méthode de calcul? Quelle est l'argumentation qui justifie de mettre de côté une méthode de calcul?

Autrement dit, il s'agit d'avoir une certaine compréhension, une certaine perception du genre d'augmentation qui va inévitablement être présenté devant le conseil d'arbitrage ou le comité d'arbitrage, de manière que les différentes formations politiques de l'Assemblée nationale se forment une opinion. Où est la balance des probabilités et des improbabilités, de manière qu'on sache un peu plus où on s'en va, quelle est la zone d'inconnu, où sont véritablement les risques, qui est véritablement le plus persuasif dans son argumentation, de manière qu'on ne se réveille pas, dans six mois, dans neuf mois ou dans un an, avec un résultat du conseil d'arbitrage qui est complètement contraire aux attentes et aux espoirs qu'on formule tous, c'est-à-dire que ce soit un règlement avantageux pour le Québec.

On aimerait bien pouvoir se faire une idée là-dessus, pendant qu'il en est encore temps. Il serait utile de questionner ces experts. On ne leur demande pas, M. le Président, de nous communiquer quoi que ce soit, de nature confidentielle, parce qu'il s'agit, bien sûr, de comparer leurs hypothèses de travail, de comparer leur projection de l'avenir. Ce sont des jugements qu'ils ont dû poser indépendamment de leurs sources de renseignements. Ce sont des experts. Ils n'ont quand même pas pris le témoignage des parties en présence à leur face même. Ils ont dû poser un jugement d'expert et cela, ce n'est pas confidentiel. Ce sont des gens qui ont une expérience dans ce domaine, qui vont pouvoir nous justifier les choix qu'ils ont faits, dans leur méthode de travail, dans leurs hypothèses, dans leur projec- tion d'avenir, basés sur des renseignements qui sont essentiellement à caractère public.

Mais on ne peut pas reproduire leur raisonnement. Il faudrait comprendre comment ils y sont arrivés, mesurer leur crédibilité respective, en quelque sorte, voir s'il n'est pas possible de trouver le chaînon manquant, dans tous ces raisonnements, qui permettrait... Mais on n'ira même pas aussi loin que de supposer qu'on est capable de les réconcilier. Je pense qu'ils s'y sont essayés et qu'ils n'y sont pas parvenus. Mais au moins, il serait intéressant pour les membres de la commission d'avoir ces témoignages.

Je pense que les députés de l'Assemblée nationale, on peut leur en accorder le crédit, le sujet étant suffisamment important, vont se pencher sérieusement sur ces questions. Je pense que des deux côtés de la table, il y a des gens qui sont capables de comprendre l'argumentation technique qui est présentée, et de faire, quant à eux-mêmes, l'analyse de ce que ces raisonnements impliquent. Nous, de notre côté, du moins, on est prêts à tenter l'effort. Je pense que cela en vaut la peine. Il me semble qu'une fois qu'on se sera livrés à ce travail, un travail d'élucidation des hypothèses, on sera beaucoup mieux placés quand on viendra, un peu plus loin, à différents articles qui prévoient un rôle pour le comité d'arbitrage, un rôle pour la détermination des indemnités, la prise en charge du passif, etc. On saura un peu plus de quoi on parle, parce que, dans le moment, on a des opinions basées sur l'examen des dossiers techniques, mais la confrontation n'a pas été possible.

Je pense que c'est de cette confrontation des experts qu'on peut tirer le maximum de renseignements, parce que j'ai le sentiment, quant à moi, que, pour certaines objections qu'on pourrait faire à l'une ou l'autre des séries d'experts, il n'y aurait peut-être pas de réponses ou il n'y aurait peut-être pas de réponses très convaincantes.

Dans les rapports, il y a des affirmations. Cela a beau être des experts, il reste qu'en définitive, à un moment donné, ils sont obligés de se baser sur un certain nombre d'affirmations non justifiées dans le corps du rapport lui-même.

Pour ce qui est de l'Opposition libérale, on serait intéressé à poser des questions sur ces points-là. Pourquoi dites-vous cela? Pourquoi faites-vous telle affirmation? Pourquoi prenez-vous telle hypothèse de travail dans vos calculs? Quel effet avez-vous constaté que cela faisait quand au montant total de l'évaluation auquel vous arrivez? Je pense que cela serait extrêmement éclairant. C'est ce qui nous pousserait, M. le Président — je ne sais pas si je tombe sur un terrain où on peut s'entendre à l'amiable comme tout à l'heure — à faire une motion formelle, mais je vais la lire en se souvenant...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous incite d'ailleurs à le faire, puisque, même si je ne veux pas être formaliste, je tiens quand même à dire aux membres de cette commission qu'à partir du moment où leur droit de parole de vingt

minutes est expiré, si vous ne présentez pas de motion, vous vous trouvez à avoir parlé sur une motion qui est inexistante, qui n'existe pas. C'est pour cela que je vous inviterais ou bien à tâter les membres de la commission, ou bien à présenter votre motion, puisque...

Motion pour convocation d'experts

M. Forget: Très bien. Je vais la faire, M. le Président, formellement, de manière qu'on soit très clair quant au sens de mes remarques. C'est une motion qui se lirait de cette façon: Que cette commission invite les représentants des firmes Kidder, Peabody and Company et Lazard Frères à discuter avec les membres et les intervenants à cette commission de leurs méthodes respectives d'évaluation de la valeur de la société Asbestos Ltée, le mardi 12 juin 1979 à 20 heures.

La raison du délai, c'est que, semble-t-il, il s'agit d'une exigence de notre règlement, quand on convoque des gens en vertu de l'article 118a, de convoquer des personnes en leur donnant au moins sept jours avant la réunion où elles se feront entendre. C'est dans cet esprit-là. Si ces gens pouvaient être ici demain matin, on n'y a pas d'objection, mais je pense qu'étant donné qu'il s'agit de deux firmes dont les bureaux principaux sont aux Etats-Unis, il serait peut-être nécessaire de prévoir quelques jours de délai et peut-être que, par consentement, ils peuvent être ici dès vendredi ou dès jeudi, mais, quoi qu'il en soit, dans une motion, formellement, je pense qu'on est obligé d'au moins respecter les formes quant aux délais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je déclare la motion recevable.

M. Grégoire: M. le Président, je pourrais peut-être dire un mot sur la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez beau, mais vous n'aurez pas beaucoup de chances de succès.

M. Grégoire: M. le Président, je vais vous dire qu'un point de vue a peut-être échappé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement.

M. Grégoire: M. le Président, avant, j'aurais une question de règlement. Peut-être que vous avez raison, peut-être que vous avez oublié un point, mais je dois vous faire remarquer que c'est la première fois, en douze ans de vie parlementaire, avec des orateurs et des présidents de la Chambre des communes aussi bien cotés que Allan McNaughton, Marcel Lambert, Lamoureux et autres, que je vois un président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me flattez en me comparant...

M. Grégoire:... lorsque quelqu'un demande la parole sur la question de la recevabilité d'une motion, répondre a priori: Vous pouvez parler, mais mon idée est faite d'avance. Je n'ai jamais vu cela en douze ans de vie parlementaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est au moins la deuxième fois que je le fais.

M. Grégoire: M. le Président, si vous avez décidé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac, je ne voudrais pas...

M. Grégoire: C'est peut-être choquant, mais je voudrais que vous me le laissiez dire quand même.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, j'ai déclaré la motion recevable. J'ai déclaré de semblables motions recevables des dizaines de fois depuis deux ans et demi. Elle est recevable puisque c'est une motion préliminaire qui a pour but, avant d'entreprendre l'étude du projet de loi, de donner un éclaircissement supérieur aux membres de la commission. C'est dans ce sens-là qu'elle est recevable, mais elle ne serait pas recevable si elle avait pour but de demander à nos invités de venir dire s'ils sont pour ou contre l'expropriation, parce que cela irait contre le principe. Je vous rappellerai que ce n'est qu'une invitation, que ce n'est pas une réquisition, que ce n'est pas un subpoena, que ce n'est pas une assignation, que c'est une invitation et je la déclare recevable et je la considère recevable. J'empêcherai tout député de revenir sur une décision qui est prise, puisque cela vaà l'encontre d'un article de notre règlement qui dit que les décisions du président ne sont pas appelables.

M. Grégoire: M. le Président, je ne voudrais pas intervenir dans votre décision.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, je vous rappelerai que pour tout le temps que je serai ici, je ne m'engage pas à entendre, à chaque fois qu'une motion sera présentée, des arguments sur la recevabilité, lorsque personnellement, je serai convaincu qu'ils sont recevables ou irrecevables, mais il est vrai que je respecterai généralement ce droit lorsqu'il y aura des doutes dans mon esprit. Lorsqu'il n'y en a pas, lorsque ce sont des choses qui se passent couramment, je vais les déclarer recevables.

M. Grégoire: M. le Président, j'invoque l'article 96 pour...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M. le député de Frontenac, s'il vous plaît!

M. Grégoire: L'article 96, on ne peut pas l'invoquer. On ne peut pas invoquer un règlement!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce que vous n'avez pas encore prononcé de discours. Donc, vous ne pouvez pas vous servir de l'article 96.

M. Grégoire: J'ai parlé tantôt et je crois avoir été mal interprété. Je voudrais, en vertu de l'article 96, le spécifier et le clarifier. Si je n'ai pas le droit d'invoquer le règlement, je me demande où... Est-ce que j'ai le droit d'invoquer l'article 96?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, parce que cela s'applique à un député qui a pris la parole et qui a fait un discours. Or, la présidence n'a pas fait de discours.

M. Grégoire: J'ai parlé tout à l'heure et j'ai dit que vous avez mal interprété ce que j'ai dit. C'est ce que je voudrais rectifier. Est-ce que j'ai le droit?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous permets de rectifier très brièvement.

M. Grégoire: M. le Président, tantôt, dans ce que j'ai déclaré, je n'ai pas dit que la motion était recevable ou non, je vous laisse le décider. J'ai dit que c'était la première fois qu'on me permettait de parler sur la recevabilité d'une motion en me disant: Vous pouvez parler, mais c'est décidé d'avance. C'est la première fois que j'entends cela, et c'est ce que je veux spécifier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, je tiens à vous dire que le président a le droit de faire parler sur la recevabilité, mais qu'il n'en a pas l'obligation. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, nous devrons rejeter cette demande de l'Opposition sans doute pour plusieurs raisons, mais une qui est évidente, je pense. D'abord, parce qu'elle està l'encontre du règlement. En effet, le but du présent projet de loi est de prévoir un mécanisme d'arbitrage qui va établir une juste valeur pour l'entreprise en question. Ce n'est donc pas à la commission de chercher à savoir si l'évaluation de Kidder Peabody est plus juste que celle de Lazard Frères. Il n'appartient pas à cette commission de faire cette évaluation. Il appartient à cette commission de décider du mécanisme en vertu duquel un tel arbitrage pourrait être réalisé. Par conséquent, nous devons en revenir au sujet à débattre, c'est-à-dire essentiellement: Quelle doit être la méthode à utiliser pour évaluer quel est le juste prix? Soyez certain que je ne crois pas que l'Opposition libérale soit en mesure de nous indiquer quel doit être le juste prix. Nous n'avons d'ailleurs pas prévu dans le mécanisme d'arbitrage une nomination à l'intérieur du Parti libéral, même s'il devait avoir quelque lumière particulière lui permettant de pénétrer le secret des choses et des coeurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais aimé que le ministre des Richesses naturelles accepte avec un peu plus de sérieux cette motion du député de Saint-Laurent. Il a terminé en faisant des blagues, naturellement partisanes. Je comprends un peu sa position, étant donné que ce n'est pas lui qui est responsable des négociations. Il a probablement été laissé dans l'obscurité la plus totale par son collègue, le ministre des Finances. Autrement dit, très poliment, il ne sait pas de quoi il parle, quand on parle de l'évaluation. Le ministre des Finances, d'ailleurs, son collègue, qui a avec beaucoup d'attention maintenu un mystère artificiel sur les évaluations qui ont été faites. Il a même affirmé en Chambre qu'il avait dû signer — imaginez-vous — un engagement de confidentialité en ce qui concerne l'étude de Lazard Frères, étude que le chef de l'Opposition officielle a obtenue sans signer quelque papier que ce soit. Je ne sais pas si le ministre des Richesses naturelles est dans l'ignorance la plus totale qu'a tenté de maintenir le ministre des Finances à l'égard des autres membres de l'Assemblée nationale sur le rapport de Lazard Frères. Naturellement, il n'est pas celui qui a présidé aux pseudo-négociations. Il a rejeté du revers de la main l'occasion d'éclairer la commission parlementaire. Là où son jupon dépasse, M. le Président, c'est qu'il aura beau dire que le principe du projet de loi est adopté, le principe, c'est le pouvoir d'exproprier et le projet de loi contient des mécanismes pour en établir la valeur.

Or, on serait absolument malhonnête en ignorant le fait qu'il y a eu deux études officielles faites, d'un côté, par le gouvernement, c'est-à-dire pour le gouvernement par Kidder, Peabody, étude qui a été déposée à l'Assemblée nationale, et l'autre faite par le propriétaire de la société Asbestos, ou pour le propriétaire par Lazard Frères. Cette étude de Lazard Frères, c'est surtout celle-là, naturellement, qu'on ne connaît pas, le ministre des Finances ayant refusé de nous la communiquer, lui-même ayant dû, apparemment, se soumettre à un engagement de confidentialité, mais officiellement, l'Assemblée nationale ne la connaît pas, cette étude, la commission parlementaire, officiellement, ne la connaît pas. C'est une espèce de mystère entretenu artificiellement par le gouvernement pour tromper les parlementaires qui sont appelés à voter ce projet de loi. C'est ça qui est malhonnête, M. le Président.

Là où le bât blesse, c'est que le projet de loi dit que quelqu'un devra déterminer le prix. Quand j'ai dit en deuxième lecture que ce gouvernement, le Parti québécois, est en train de voter aveuglément pour un prix qu'il ne connaît pas en votant hier soir, ou ce matin, pour ce projet de loi, les députés péquistes de l'autre côté ont voté pour n'importe quel prix, parce que ce ne sont pas eux qui vont déterminer le prix si le projet de loi reste tel quel. C'est une tierce personne, à qui on n'a pas donné de coordonnées, ni de critères, sauf très généraux et c'est réellement malhonnête intellectuellement de la part des députés péquistes de se fermer les yeux et d'ignorer qu'il y a deux études dont une dit que c'est $42 l'action, alors que l'autre dit que c'est $100 l'action.

Le ministre des Richesses naturelles, qui préside à la représentation du gouvernement ici, ne l'a peut-être pas vue, cette étude. On va attendre ce qu'il va en dire. Peut-être que le ministre des Finances a signé son engagement de confidentalité en se proposant de ne pas la montrer au ministre des Richesses naturelles, mais il reste qu'on ne peut ignorer... C'est important. On est des législateurs ici. On représente la population et de notre vote va dépendre si le gouvernement, donc la population, va payer $40 l'action ou $100 l'action ou quelque chose entre les deux. C'est malhonnête actuellement, M. le Président, de la part du gouvernement de refuser à cette commission parlementaire le loisir de prendre connaissance de l'étude, d'interroger ceux qui ont fait les deux évaluations pour savoir sur quels critères ils se sont fondés, quelles sont les normes qu'ils ont adoptées pour arriver à des chiffres aussi disparates, aussi différents que $42, d'une part, et $100, d'autre part.

C'est là que, inconsciemment, peut-être, mais bêtement sûrement, le gouvernement est en train d'autoriser l'achat de l'Asbestos Corporation à n'importe quel prix.

Le gouvernement a fait son lit. Il a décidé d'exproprier. Le principe est adopté. On n'a pas le droit d'y revenir, mais il y a une chose, par exemple, qu'on doit faire comme législateurs, c'est de s'assurer que le Québécois, lui, le contribuable ne paiera pas n'importe quel prix pour ça. A ce moment-là, c'est au niveau de l'étude article par article qu'on doit injecter dans le projet de loi des critères, des balises, des normes qu'on ne peut connaître qu'en examinant les deux évaluations, en interrogeant les deux évaluateurs pour savoir comment il se fait que l'un arrive à $42 l'action, alors que l'autre arrive à $100. Le gouvernement sait très bien, par exemple qu'en vertu de son attentisme dont il a fait preuve depuis deux ans sur ce dossier, c'est seulement après le référendum que le prix va être déterminé éventuellement par une tierce partie, pas élue, qui ne répondra pas à la population. (21 h 15)

C'est là encore un degré additionnel de malhonnêteté, de la part du gouvernement, qui sait très bien que c'est après le référendum que le prix va être connu. A ce moment, ce sera peut-être $70 l'action; trop cher, il n'y a pas un député de l'autre bord de la table qui s'est levé pour dire qu'il est prêt à payer $100 l'action. Hier soir, j'ai posé la question à l'Assemblée nationale à deux députés, dont un ministre: tous les deux m'ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à payer $100 l'action. Pourtant, en votant pour, ils ont donné un chèque en blanc au gouvernement de payer n'importe quel prix pour Asbestos Corporation. Ce qu'on veut éviter, ici, c'est justement ça et c'est la chance qu'on donne au ministre, actuellement, en invitant les deux évaluateurs à répondre à nos questions pour nous dire comment ils en sont arrivés à ces prix, pour faire la comparaison entre les deux études, entre les normes, entre les critères, les coordonnées qu'ils ont pris pour arriver à leur conclusion.

Il me semble qu'il n'y a pas un ministre responsable, ici, à cette Assemblée nationale, il n'y a pas un député responsable qui devrait refuser d'être éclairé là-dessus. En fait, ça participe de l'entêtement le plus partisan que j'aie jamais vu, parce que, au fond, une fois que le principe est adopté, on ne peut plus dire: On refuse le pouvoir d'exproprier; c'est adopté par l'Assemblée nationale, on est lié par ça. Mais, à l'intérieur de ce cadre très restreint, de ce corridor très étroit d'expropriation, il y a une chose qu'on peut faire, c'est rendre service aux Québécois pour dire à l'arbitre: Vous allez prendre telle, telle et telle norme, vous n'allez pas payer plus cher que tant.

Quand j'ai dit que le Parti québécois est en train de faire un cadeau à General Dynamics, à ce moment-là, c'est vrai, et ce n'est même pas inconsciemment, M. le Président, c'est par pure bêtise, parce qu'il ne veut pas voir la vérité, il ne veut pas voir quelle est la voie qu'on doit adopter comme parlementaires, ici, à cette Assemblée nationale, à cette commission dont les pouvoirs sont quand même limités. Il s'agit simplement d'inviter les gens au bout de la table et de leur dire comment il se fait que vous arrivez à $100 l'action. Qu'avez-vous évalué qui vaille si cher que ça? Quel taux d'escompte avez-vous adopté? 13%, 11%, 10% ou 15%? Qu'est-ce que vous avez escompté de si élevé dans les profits à venir? Pourquoi? Est-ce que ça n'a pas de bon sens? Quelles sont les normes généralement acceptées dans l'industrie? Ce sont toutes des questions qu'on doit se poser actuellement, et il me semble que le ministre et les députés ministériels ne sont pas plus bêtes que les autres. Naturellement, je suis très optimiste, mais, quand même, ils peuvent parler de ces critères et, en toute honnêteté, dire: Ecoutez, c'est vrai, on ne devrait peut-être pas aller plus qu'un tel taux d'escompte pour tel titre, tel chapitre du bilan. A ce moment, l'inclure dans la loi, de sorte que l'arbitre sera lié, dans une certaine mesure, à ne pas faire payer n'importe quel prix aux Québécois pour une folie du gouvernement. C'est déjà une folie; ça, on l'a dit nous, mais ça, c'est fini, le débat est terminé, le principe est adopté. Mais, une fois que le principe est adopté, le minimum qu'on puisse faire, comme député, il me semble... Je fais appel au député de Frontenac, il connaît ça les affaires lui, il sait qu'il va l'avoir, son Asbestos, il va planter son drapeau. Il va le planter son drapeau, mais à quel prix voulez-vous faire payer aux Québécois votre drapeau que vous allez planter sur l'Asbestos Corporation le 24 juin? Quel prix? N'importe quel prix? $100 l'action? Est-ce que le député de Frontenac peut me répondre maintenant? Est-il prêt à faire payer $100 l'action?

Il fait signe que non, M. le Président, il n'est pas prêt, mais pourtant, en votant et en refusant actuellement la motion, c'est ce qu'il fait. Il affirme, par son vote d'hier soir, il affirme, par son refus d'adopter la motion du député de Saint-Laurent, qu'il est prêt à faire payer n'importe quel prix pour l'Asbestos Corporation, alors que ce sont les Québécois qui vont payer pour ça.

M. Grégoire: M. le Président. Est-ce que je pourrais poser une question?

M. Lalonde: Oui.

M. Grégoire: Je crois que le député de Marguerite-Bourgeoys a dit, tout à l'heure, que le chef de l'Opposition avait une copie du rapport de la firme Lazard Frères qui avait été demandé par General Dynamics. J'ai bien compris le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: Le chef de l'Opposition, dans son discours de deuxième lecture, hier soir, a affirmé avoir eu communication du rapport de Lazard Frères.

M. Grégoire: Est-ce que le député de Marguerite-Bourgeoys peut nous dire de qui il a reçu cette copie du rapport?

M. Lalonde: Je l'ignore, M. le Président, il ne l'a sûrement pas eue du laitier ni du ministre.

M. Grégoire: Du ministre...

M. Lalonde: Non. Cela veut dire que c'est facile à avoir et que si on invitait Lazard Frères ici actuellement dans une semaine ou moins il serait au bout de la table avec le rapport et les députés présents autour de la table pourraient être éclairés, les députés qui vont décider par leur vote à savoir...

M. Ouellette: Pas du prix...

M. Lalonde: On ne peut peut-être pas décider du prix, mais décider des critères qui vont être adoptés. Comment se fait-il qu'on arrive à $42 d'une part par un expert qui s'appelle Kidder, Peabody et $100 d'une autre part? Parce que des experts évaluateurs ont adopté des normes, des critères différents, mais il me semble qu'on devrait connaître ça nous autres. On devrait savoir comment il se fait qu'il y a un écart si grand, surtout que la loi que le gouvernement est en train de nous "bulldozer" actuellement nous empêche de déterminer un prix, au moins un plafond.

Si le gouvernement veut absolument acheter l'Asbestos Corporation, s'il veut absolument couvrir d'un grand chapeau l'amiante du Québec, il me semble qu'une fois que c'est décidé, même si on n'est pas d'accord, on devrait avoir comme première préoccupation que ça coûte le moins cher possible, que ce ne soit pas un cadeau qu'on va faire à General Dynamics et un cadeau qui va être décidé non pas par vous, là, l'autre bord de la table.

C'est vous qui menez actuellement, mais ce ne sera pas vous qui allez mener une fois que vous aurez adopté ça en troisième lecture si vous ne changez pas la loi. Ce sera quelqu'un d'autre, un tiers qui va être tenté, sans présumer, sans préjuger de sa décision, de couper la poire en deux. Entre $40 et $100, il y a $60. Prenez la moitié, ça fait $30. Est-ce que le député de Frontenac est prêt à payer $70 l'action pour l'Asbestos Corporation?

M. Grégoire: Non, je ne serais pas prêt à vous nommer arbitre.

M. Lalonde: Bon, il n'est pas prêt...

M. Grégoire: Si vous décidez avant le temps en coupant la poire en deux, je ne vous nommerai pas arbitre. Je ne serais pas prêt à ça.

M. Lalonde: Est-ce que vous êtes prêts à payer $70 l'action? Est-ce que le député de Frontenac est prêt à payer les $70, à faire en sorte que les Québécois paient $70 l'action pour acheter l'Asbestos Corporation? C'est ma question au député de Frontenac.

M. Grégoire: Je vais répondre au député de Marguerite-Bourgeoys qu'en expropriant l'Asbestos Corporation on n'achète pas les actions, on achète l'actif et non pas les actions.

M. Lalonde: Oui, mais, c'est l'actif naturellement qui fait déterminer le montant des actions. Je ne suis quand même pas pour apprendre à faire des grimaces au député de Frontenac. Il connaît les affaires. Il sait très bien que s'il achète une maison, ce n'est pas la brique qu'il achète, c'est tout ce qu'il y a à l'intérieur. C'est le rendement, ce sont les profits qu'on va pouvoir espérer faire en fonction d'un marché, en fonction d'une force de production, en fonction du "cash flow" — II sait ce que c'est naturellement — en fonction de la trésorerie.

M. Grégoire: Les citoyens vont garder leurs actions.

M. Laplante: L'achèteriez-vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: J'entends du bruit du côté de Bourassa, mais...

M. Laplante: Mais l'achèteriez-vous à $70?

M. Bérubé: On entend du bruit de l'autre côté, mais c'est du bruit continu et informe.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Non, il n'est pas informe. Est-ce que le député de Frontenac est prêt à payer l'équivalent pour les actifs à acheter, l'équivalent de $70 l'action pour l'Asbestos Corporation?

M. Grégoire: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je voudrais quand même dire au député de Marguerite-Bourgeoys qu'à chaque fois qu'il pose des

questions au député de Frontenac, et qu'il répond, ça va sur son temps.

M. Lalonde: Mon temps n'est pas important.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Vous le saviez?

M. Lalonde: Ce qui est important, M. le Président, ce n'est pas tellement mon temps.

M. Bérubé: Le député de Frontenac voudrait répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac.

M. Bérubé: Combien reste-t-il de temps au député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Grégoire: Je vais vous dire ceci. Le député de Marguerite-Bourgeoys me demande si je suis prêt à payer $70 l'action. Voici, il y a un tribunal d'arbitrage qui sera nommé avec des experts, et à ce moment-là...

M. Lalonde: M. le Président, je reprends la parole parce qu'il est en train de me faire un chapitre pour essayer d'éviter la réponse. Il ne veut pas répondre parce qu'il sait très bien que c'est trop cher $70 l'action de toute façon.

M. Grégoire: Alors, on le dira au conseil d'arbitrage. On le dira au tribunal d'arbitrage que c'est trop cher...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est ça. Il veut se laver les mains comme Pilate a fait et on sait ce que cela a donné.

M. Bérubé: Question de règlement, j'aimerais savoir qui a le droit de parole présentement. S'agit-il du député de Frontenac qui répond à une question du député de Marguerite-Bourgeoys ou le député de Marguerite-Bourgeoys qui l'a interrompu?

M. Lalonde: C'est moi qui ai le droit de parole; c'est sur mon temps. Sa réponse est terminée, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: II n'a pas voulu répondre, tant pis pour lui.

M. Grégoire: On ne m'a pas laissé répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! Vous savez tous combien il y a eu d'expériences récentes qui nous ont démontré que lorsque personne ne veut obéir au règlement, la présidence n'y peut rien. Je vous incite a le respecter. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je reprends mon droit de parole. M. le Président, j'ai essayé d'avoir un oui ou un non de la part du député de Frontenac, à savoir s'il est prêt à payer $70 l'action, je présume qu'il n'est pas prêt à le payer, quand son gouvernement, son ministre des Finances, ses ministres autour de lui, qui l'entourent très bien, qui lui donnent des coups de coude de temps en temps pour ne pas qu'il réponde longuement, disent qu'ils ne veulent pas payer plus que $42, le premier ministre l'a dit lui-même, $42 ou autour de $42. S'il refuse la motion du député de Saint-Laurent, le député de Frontenac vient de dire aux électeurs de Frontenac qu'il est prêt à leur faire payer n'importe quel prix. C'est ça qu'il vient de dire, oui, c'est ça.

Même s'il le nie douze fois, toute la nuit, c'est ça que son vote voulait dire, hier soir et c'est ça que son vote va vouloir dire tout à l'heure. S'il ne veut pas que dans la loi, M. le Président...

M. Grégoire: Est-ce que je pourrais soulever une question de règlement?

M. Lalonde: ... on injecte, on imprime les critères qui vont permettre une évaluation juste et non pas une évaluation en fonction de normes absolument inacceptables, c'est lui qui sera responsable et lorsque le jugement du tribunal d'arbitrage sortira et qu'il ne sera pas conforme à ce que la politique de son gouvernement lui dicte, $42 l'action, à ce moment-là, j'irai le voir et j'irai voir ses électeurs aussi, M. le Président.

M. Grégoire: Bienvenue.

M. Lalonde: Probablement qu'il ne sera plus député, mais ça ne fait rien, il sera responsable, par son incurie et sa négligence importante, parce que ça va être des dizaines de millions de dollars que son refus va coûter aux Québécois. C'est ça. Mais rentrez-vous ça dans la tête, de l'autre côté. Ecoutez, il s'agit de dizaines de millions de dollars que vous refusez d'empêcher les Québécois de payer en trop. Si vous dites oui à notre motion, on va avoir des gens au bout de la table qui vont nous dire pourquoi c'est $100. On va peut-être dire oui, on va peut-être dire non, on agira en connaissance de cause.

Actuellement, vous vous abriez dans le drapeau de l'amiante, simplement pour des fins politiques, des fins partisanes et ça va coûter beaucoup plus cher aux Québécois et vous en serez responsables.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Je suis étonné de la motion présentée par le député de Saint-Laurent. Je ne la trouve pas irrecevable et je pense que je serais assez malvenu de prétendre le contraire, mais je la trouve hors de propos, non pas impertinente, mais non pertinente à tout le moins.

Les notes explicatives du projet de loi sont claires, on dit que ce projet de loi vise à donner au gouvernement le droit d'exproprier, au nom de la Société nationale de l'amiante des biens de la société Asbestos Limitée et de prévoir un mécanisme d'arbitrage afin d'établir un coût le plus juste possible, j'imagine, de ces installations.

La motion du député de Saint-Laurent, si je l'interprète correctement, viserait à permettre à l'Assemblée nationale de fixer elle-même le coût de ces installations puisqu'en faisant venir devant nous les techniciens spécialistes de Lazard Frères et de Kidder, Peabody, on viserait sans doute à faite des députés qui entendraient ces intervenants des gens un peu plus compétents dans l'art d'évaluer ce que l'on veut exproprier.

Mais le projet de loi ne dit pas du tout qu'on a l'intention de ramener cette décision sur le parquet de l'Assemblée nationale. Elle dit tout simplement que le gouvernement pourra créer un conseil d'arbitrage formé de gens compétents, capables de faire ce travail à notre place. Je pense que le gouvernement, ce faisant, démontre qu'il respecte grandement la société, la multinationale détentrice des actions de l'Asbestos Corporation, puisqu'un des membres de cette commission ou de ce conseil d'arbitrage sera désigné par General Dynamics, un autre par la Société nationale de l'amiante et un troisième par le gouvernement, mais en accord avec les deux, ce qui veut dire qu'agissant ainsi, je pense qu'on intervient pas du tout de façon négative à l'endroit de la société dont on a l'intention d'exproprier les actifs.

Une chose m'étonne toutefois dans ce qui a été dit, je pense par le député de Marguerite-Bourgeoys et le ministre en a fait allusion tout à l'heure, de même que le député de Frontenac, si je suis bien informé, il y aurait eu un accord de confidentialité entre General Dynamics et le gouvernement du Québec, à savoir qu'on ne dévoilerait pas certaines choses, notamment les rapports produits par les deux sociétés expertes qui ont fait des études, de part et d'autre. (21 h 30)

Et pourtant, les gens de l'Opposition, du Parti libéral, disent être en possession... — Et c'est leur chef hier soir, à l'Assemblée nationale qui, sans ambiguïté, pour une fois, a révélé cette réalité. Je me demande... je pense qu'honnêtement, je vais corriger mon "pour une fois". C'est la deuxième fois, la première étant lorsqu'il a jugé le Parti québécois; dans certains éditoriaux, on a vu qu'il pouvait avoir un esprit très clair et très lucide. Aujourd'hui, il le regrette toutefois.

Mais je suis un peu étonné que le Parti libéral se dise en possession de documents qui ont fait l'objet d'un traité de confidentialité entre les deux intervenants. C'est donc dire qu'il y a eu des fuites. Et on a admis tout à l'heure, je pense, sans ambages, que cette information ne pouvait pas venir du ministre. Donc, d'où vient-elle? C'est un point d'interrogation. Et je m'arrête là-dessus en rappelant que je suis toujours étonné de voir une telle motion qui ne vise absolument pas le but visé par le projet de loi lui-même.

M. Forget:... une compagnie qui communique des informations au gouvernement ne les communiquerait pas à l'Opposition?

M. Ouellette: Je m'excuse, je n'ai pu entendre votre question.

M. Forget: En quel honneur une compagnie qui communique des renseignements au gouvernement ne les communiquerait pas à l'Opposition?

M. Ouellette: Le gouvernement, à ma connaissance, est partenaire dans cette discussion, alors que l'Opposition ne l'est pas. Vous êtes assez adulte, M. le député, pour savoir qu'il y a quand même une nuance entre le gouvernement et le Parlement.

M. Forget: II faut se rendre compte que le gouvernement n'a pas intérêt à rendre les chiffres publics.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, à l'ordre!

M. Ouellette: C'est tout, M. le Président.

M. Forget: Vous embobinez tout le monde beaucoup plus facilement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense qu'il s'agit d'abord d'un projet de loi et d'un article 1 qui, comme le ministre des Richesses naturelles l'a dit tout à l'heure, portent sur les modalités d'expropriation éventuelle.

Or, la motion qui nous est soumise par le député de Saint-Laurent porte justement sur ce problème, porte justement sur les mécanismes d'expropriation. Et parmi les mécanismes d'expropriation, je pense que le premier, c'est la façon dont on va déterminer les prix. S'il s'agit d'un projet de loi portant sur des modalités d'application, sur des mécanismes, la motion qui nous est présentée est justement faite pour examiner ces mécanismes.

On sait tous maintenant qu'il y a au moins deux estimations différentes et qui sont très largement différentes. Je pense qu'il serait utile, sinon nécessaire, que la commission parlementaire, si elle veut se prononcer sur ce projet de loi, en toute connaissance de cause, je pense qu'il va de soi qu'on devrait pouvoir interroger les gens qui ont préparé ces études, qu'on devrait pouvoir leur demander des éclaircissements sur les jugements qu'ils ont portés...

M. Grégoire: Question de règlement sur la pertinence du débat. Je crois que la motion en discussion, c'est le dépôt du rapport et non pas de le présenter, d'interroger les personnes...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. S'il vous plaît! M. le député de Frontenac. Je vais relire la motion. La motion n'a aucunement rapport...

M. Grégoire: C'est correct. Je l'admets.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme vous le savez, la présidence n'a pas toujours tort. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, c'est une interruption absolument inutile comme souvent il arrive au député de Frontenac de le faire. Il s'agit donc d'une motion qui a pour objet d'inviter les gens à venir devant la commission parlementaire répondre à des interrogations que nous avons, à des questions que nous voulons leur poser.

La raison de cela, c'est que les différences qui existent, à l'heure actuelle, dans les estimations, n'ont pas trait seulement à des questions purement techniques et purement arithmétiques. Nous savons que la principale source de différences dans les estimations provient de ce que l'on pense que l'amiante vaudra sur le marché international au cours des 15, 20 ou 25 prochaines années.

Il s'agit là de questions de jugement.

M. Bérubé: Et votre étude est fiable. M. Raynauld: Je n'ai pas d'étude.

M. Bérubé: Oui, vous avez dit que vous avez votre étude.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Bérubé: L'étude de votre compagnie. M. Raynauld: Ce n'est pas notre compagnie.

M. Bérubé: Ce n'est pas votre compagnie? Ah!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Raynauld: II existe deux études. Et vous avez payé $500 000 pour en avoir une, vous devriez le savoir.

M. Bérubé: Pardon?

M. Raynauld: Vous avez payé $500 000 pour l'avoir.

M. Grégoire: On l'a déposée.

M. Raynauld: Vous l'avez déposée. Les membres d'une commission parlementaire auraient peut-être le droit, pour $500 000 de fonds publics, d'interroger les gens qui ont fait l'étude. Je pense que c'est parfaitement recevable, c'est parfaitement raisonnable et normal que la commission parlementaire puisse se rendre compte par elle-même des estimations qui sont présentées, des jugements que les experts ont posés, de la probabilité qu'il y a, suivent les considérations qu'ils ont eux-mêmes utilisées pour arriver à ce jugement-là, et que nous soyons capables d'examiner et de nous faire une opinion nous-mêmes, comme le gouvernement aurait dû se faire une opinion, sur la probabilité qu'il y a que les conditions de marché de l'amiante pour les vingt prochaines années soient d'une augmentation des prix absolument nulle, comme dans le cas d'une des études, ou qu'elle augmente en termes réels de 2,5% à 3% par an. Je pense que c'est tout à fait normal et raisonnable de la part d'une commission parlementaire que de demander aux experts qui ont préparé ces études de venir nous dire dans quelle mesure ces estimations sont fermes, dans quelle mesure ces estimations sont assujettis à un pourcentage d'erreur plus ou moins élevé.

Pour ce qui concerne ensuite la deuxième source principale des différences dans les estimations, il s'agit du taux d'escompte, là encore ce ne sont pas des formules mathématiques qui règlent le choix d'un taux d'escompte, on a aussi la possibilité, on devrait aussi avoir la possibilité d'interroger des experts sur les raisons pour lesquelles ils ont utilisé un taux d'escompte plutôt qu'un autre, pourquoi la firme qui a travaillé pour le gouvernement du Québec a utilisé un taux d'escompte inférieur, faisant à ce moment-là que la valeur des actifs de l'Asbestos Ltée était le plus élevée dans le cas de l'étude de la General Dynamics et une valeur présente plus faible dans le cas de Kidder, Peabody. Ces choix de taux d'escompte, encore une fois, reposent essentiellement sur des jugements qui sont faits. Là encore, il ne s'agit pas de choses tellement techniques qu'on doive accepter les résultats sans discussion. Ces deux raisons que je viens de donner sont plus que suffisantes à mon avis pour justifier l'adoption de la motion qui nous est présentée.

En troisième lieu, je pense que c'est également le devoir du gouvernement d'informer la population. Mon collègue de Marguerite-Bourgeoys y a fait allusion. Il s'agit ici d'une décision que le gouvernement prend et à laquelle il attache un prix d'environ $112 millions, soit $40 l'action. Il dit à la population que cette décision qu'il prend va coûter $112 millions environ à la population.

Or, les estimations alternatives qui sont présentées, estimations qui peuvent être discutables, mais estimations qui sont également préparées par des experts dans le domaine, établissent que le prix pourrait monter à $280 millions. Je ne sais pas si vous vous rendez compte. Dans un cas, une estimation dit $112 millions, dans l'autre cas, $280 millions. C'est cela que veulent dire les $40 par action et les $100 par action, donc une différence de $168 millions. On voudrait nous faire croire que la commission parlementaire n'aurait pas de raisons particulières de s'interroger sur un sujet comme celui-là. Le gouvernement, cela fait bien son affaire de ne pas en parler, parce qu'il dit

à la population que cela va coûter $112 millions, mais, lorsque la décision sera finalement prise — et je reviendrai tout à l'heure sur la "mécanique" de cette prise de décision — s'il arrivait que le prix n'était pas de $112 millions, mais de $280 millions ou de quelque chose entre les deux, le gouvernement, que dirait-il à ce moment-là à la population? Il dirait: Nous sommes trop avancés, nous sommes devant un fait accompli. Nous ne voulions pas payer plus que $40 par action. Nous ne voulions pas payer $112 millions, mais on nous impose en quelque sorte de payer jusqu'à $280 millions, jusqu'à concurrence de $280 millions.

Là, on voudrait nous placer, non pas seulement la population, qui aurait peut-être le droit de savoir combien une décision comme celle-là va lui coûter, mais on voudrait même nous imposer cela à nous, les membres de la commission parlementaire. Nous non plus, nous n'aurions pas le droit de poser des questions. Nous non plus, nous n'aurions pas le droit d'interroger des experts pour que nous nous fassions une idée du prix réel que le gouvernement devra payer pour exproprier l'Asbestos Corporation. Quand on en arrive ensuite à la mécanique de la prise de décision, mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a entièrement raison d'affirmer devant la commission parlementaire et devant la population du Québec, il a entièrement raison de dire que la mécanique est telle que cette décision ne sera pas prise par le gouvernement du Québec, qu'elle sera prise éventuellement par un conseil d'arbitrage dont il aura nommé les membres suivant les formules qui sont proposées dans le projet de loi. La décision finale va appartenir à un conseil d'arbitrage.

Ce n'est donc pas le gouvernement qui va décider si cela va être $280 millions ou $112 millions. Il aura beau jeu, le gouvernement, à ce moment, de dire: Ah! Ce n'est pas nous qui avons décidé cela. Nous avons simplement établi une mécanique, établi une procédure. Nous nous lavons les mains de l'engagement de fonds publics qui peut aller jusqu'à $168 millions, la différence entre les deux estimations à l'heure actuelle. Qu'est-ce qu'on dirait aujourd'hui si on prenait une décision comme celle-là en toute connaissance de cause? Il faudrait dire à la population que cette expropriation pourra coûter jusqu'à $280 millions, puisqu'il existe une estimation qui donne ce montant. Il n'y a même rien qui empêche le conseil d'arbitrage, entre maintenant et le moment où il va prendre sa décision, d'en arriver à une décision où le prix sera encore supérieur à celui-là. Il n'y a rien.

Dans la loi, à l'heure actuelle, on dit que le conseil d'arbitrage devra se fonder sur une notion de juste valeur marchande. Justement, la juste valeur marchande! Il y a eu deux entreprises d'experts qui se sont penchés sur le problème pour justement arriver à évaluer quelle était la juste valeur marchande et leur estimation passe de $112 millions à $280 millions. C'est plus que le double. C'est le simple au double et demi. Comme différence d'estimation, c'est quelque chose! On va nous dire que la juste valeur marchande, c'est un critère suffisant à donner à un conseil d'arbitrage, éventuellement, pour établir le prix.

Je dis que le gouvernement se plaît à faire cela, parce que c'est la meilleure façon qu'il a de cacher à la population les conséquences du geste qu'il veut poser. Il veut le cacher. Il veut aussi s'abriter derrière l'existence d'un conseil d'arbitrage comme celui-là pour éventuellement refuser d'endosser la responsabilité de payer un certain prix pour l'expropriation de l'entreprise.

Je dis donc qu'il est non seulement souhaitable, mais je pense qu'il est même nécessaire... Si on veut être franc et honnête vis-à-vis de la population, il est nécessaire que cette commission parlementaire, si le gouvernement ne veut pas prendre ses responsabilités, qu'au moins, la commission prenne ses responsabilités. Qu'on fasse venir ici les experts, qu'on puisse les interroger et qu'on en arrive à la fin, idéalement, à se faire une idée de la probabilité qu'il y a que la juste valeur marchande se situe à un certain niveau. C'est cela qu'il faudrait dire à la population. Si nous faisons nos travaux sérieusement, nous devrons dire à la population que, selon nous, le prix ne sera pas $42 l'action, ne sera peut-être $100 l'action, cela pourra peut-être être $90, cela pourra peut-être être $80. C'est cela qu'il faut dire à la population.

A l'heure actuelle, le gouvernement, non seulement se cache derrière la confidentialité des études, non seulement il fait cela, mais il n'a jamais dit à la population qu'en confiant à un conseil d'arbitrage la détermination du prix, ce prix, basé sur ce que nous savons à l'heure actuelle, basé sur ce que le gouvernement sait à l'heure actuelle, pourrait monter et impliquer des sommes qui sont plus de deux fois celle que le gouvernement lui-même dit avoir choisie comme interprétation et comme montant. (21 h 45)

Je pense que ce gouvernement a établi justement le mécanisme qu'il lui fallait de façon à ne pas avoir à rendre des comptes quand c'est le moment, c'est-à-dire avant que la décision soit prise et ensuite, il nous dira: Nous n'y pouvons rien. Cela a été fait par des experts. Cela a été fait par un juge de la cour chargée des expropriations au Québec. Nous avons choisi les meilleures personnes pour faire un tel jugement. On ne peut pas nous accuser, à ce moment-là, d'être biaisés en faveur de l'une ou de l'autre des parties. On dira aux Etats-Unis aussi: Ce n'est pas le gouvernement du Parti québécois qui a décidé. Mais non, c'est un conseil d'arbitrage et sur la base de quelle directive, de quelle orientation la juste valeur marchande des actifs de l'entreprise...

Or, il existe déjà deux estimations et ces deux estimations ont été faites par des experts, ces deux estimations se défendent et, par conséquent, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de raison de déclarer, de façon péremptoire, que le gouvernement s'engage dans une opération qui n'engagera pas les fonds de la province de Québec pour plus de $112 millions. Il n'a aucun fondement pour dire une chose comme celle-là, étant donné le mécanisme d'arbitrage qu'il a prévu dans le projet de

loi. Il faudrait donc que ce gouvernement, s'il était honnête, dise à la population du Québec: Cela peut aller jusqu'à $112 millions. Cela peut aller aussi jusqu'à $280 millions et peut-être même au-delà puisque, encore une fois, il n'y a pas de limite et que cette décision est prise par une tierce partie. La seule façon que nous ayons, nous, d'exercer notre travail convenablement, c'est précisément d'adopter la motion du député de Saint-Laurent et de faire venir ici les experts qui ont préparé ces études pour qu'au moins nous soyons en mesure d'évaluer nous-mêmes, en tant que membres de la commission parlementaire, quelles sont les chances qui existent que le coût de cette expropriation puisse être, soit plus proche de $112 millions ou plus proche des $280 millions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, sans perdre mon tour, si M. le ministre veut avoir le droit de répondre tout de suite aux...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Il y a eu quelque chose de semblable qui s'est passé en Chambre l'autre jour, lorsque le député de Drummond a cédé son droit de parole au premier ministre et il perdait son tour; je devrai le reconnaître plus tard.

M. Lalonde: Consentement, peut-être pas pour le tour, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a consentement selon lequel vous donnez...

M. Laplante: Non, c'est...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... votre droit de parole au ministre pour revenir immédiatement après et, par la suite, le député de Mont-Royal.

M. Laplante: Merci, M. le Président. M. Lalonde: Excellent, c'est bon.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Lalonde: On va être éclairé.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

M. Ouellette: C'est un cas de jurisprudence.

M. Bérubé: Je dois dire que c'est avec beaucoup de tristesse que j'ai écouté l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Bravo!

M. Bérubé: Beaucoup de tristesse, parce qu'évidemment, parfois, on s'envoie certaines pe- tites accusations de part et d'autre. Evidemment, elles ne sont pas toujours sérieuses. Elles font partie du décorum de l'Assemblée nationale et constituent un élément piquant du débat qu'il faut évidemment excuser, sachant que, de toute façon, elles fusent de part et d'autre.

Il faut néanmoins un thème que nous avons, il faut reconnaître, exploité au lendemain des révélations de la commission Malouf et qui portait sur l'association traditionnelle entre les grandes multinationales et le Parti libéral et plusieurs...

M. Raynauld: La pertinence du débat, M. le Président.

M. Bérubé: Je serai pertinent, puisque je parlerai spécifiquement de l'intervention. Donc, nous avions développé ce thème en nous interrogeant. Or, à ma surprise le député de Marguerite-Bourgeoys vient de nous indiquer qu'effectivement, le Parti libéral détient l'étude de Lazard. Evidemment, il a...

M. Forget: Vous aussi. M. Lalonde: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: II a également souligné qu'il ne l'a pas obtenue du ministre des Finances, ce qui m'eût étonné dans la mesure où le ministre des Finances a bel et bien signé un accord de confidentialité...

M. Lalonde: ...

M. Bérubé: ... et nous a confirmé qu'il va la déposer demain à l'Assemblée nationale, ce qui permettra à tous et chacun de bien voir cet accord de confidentialité rédigé par la société General Dynamics et dont la société a exigé signature du ministre des Finances, ce qui explique pourquoi nous n'avons jamais pu déposer des études techniques qui reposaient sur de l'information privilégiée que l'entreprise avait mise à notre disposition.

Donc, ce n'est certainement pas le ministre des Finances qui a fourni cette information et, de toute évidence, si ce n'est pas le ministre des Finances, il y a une autre partie.

Notez que, lors du débat sur la loi 70, à un moment donné, dans une intervention où j'avais peut-être souligné la collusion potentielle entre l'Opposition et la société General Dynamics, le député d'Outremont s'était levé, furieux, pour ne pas dire furax, et il devait dire: Je n'ai que du mépris pour le ministre des Richesses naturelles qui insinue des choses absolument inadmissibles.

M. Raynauld: Je n'ai pas changé d'idée, M. le Président.

M. Bérubé: II devait donc quitter cette commission et, effectivement, disons que j'allais à la

pêche. Cependant, l'hameçon vibrait puisque, à un autre moment, lors d'une autre partie du débat, le député de Mont-Royal devait souligner que la société Asbestos payait $8 millions en Allemagne. Or, comme la société ne publie que des états consolidés, le ministre des Richesses naturelles le sait, puisqu'il doit percevoir les impôts, et le ministre des Finances le sait également ou toute autre personne qui a accès à tous les chiffres confidentiels de l'entreprise, entreprise qui refuse de divulguer cette information à tort et à travers.

Par conséquent, déjà on sentait se dessiner ce lien très étroit entre cette grande multinationale, assez semblable à ITT finalement. On a connu ITT, à de nombreuses reprises, pour ses interventions politiques dans le monde, au Chili ou ailleurs. General Dynamics, un marchand de canons, a sans doute également des liens avec la plupart des partis politiques qui ont besoin de financement de temps à autre. Par conséquent, on pouvait se douter de ce lien très étroit entre le Parti libéral et les multinationales. Le député de Marguerite-Bourgeoys, malheureusement, vient de nous souligner que, de fait, ils sont en lien tellement étroit avec la société General Dynamics qu'ils obtiennent de cette société tous les renseignements nécessaires.

Mais, M. le Président...

M. Lalonde: En voulez-vous d'autres?

M. Bérubé:... qu'il dépose les études. En fait, la population sera renseignée, puisque nous avons pu déposer tout ce que la société nous permettait de déposer; quant à vous, à moins que vous n'ayez été liés par un accord de confidentialité — ce qui serait tout à fait possible, puisque...

M. Lalonde: On ne se serait pas soumis à ça, nous!

M. Bérubé: ... les accords de confidentialité sont connus de longue date, vous n'avez jamais divulgué vos sources de financement; il faut généralement des enquêtes publiques pour nous permettre de savoir où vous vous financiez dans le passé. Vous aviez donc des accords de confidentialité avec ces compagnies, nous le savions dans le passé.

Mais vous venez, finalement, de révéler ce que tout le monde savait au Québec, mais que vous avez le culot maintenant de dire publiquement, ce n'est certainement pas à votre honneur.

M. Lalonde: Article 96, M. le Président. M. Grégoire: Le chat est sorti du sac!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous avez... Un instant, à l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que vous avez terminé votre intervention, M. le ministre?

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, très brièvement sur l'article 96.

M. Raynauld: Vous n'avez pas parlé du projet de loi ou de la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'est pas sur le projet de loi, mais sur une motion. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Oui, parce qu'à l'article...

M. Raynauld: II n'a pas parlé de la motion.

M. Lalonde: M. le Président, je veux faire une correction...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement, sur l'article 96.

M. Lalonde: ... je n'ai pas révélé, comme le ministre semble d'ailleurs surpris de l'entendre, que le Parti libéral avait eu communication de l'étude Lazard Frères. Le chef de l'Opposition officielle, député d'Argenteuil, hier, dans une intervention officielle, à la télévision, en Chambre dans son discours de deuxième lecture du projet de loi piloté, par personne interposée, par le ministre des Richesses naturelles, a dit qu'il avait eu communication, qu'il avait obtenu le document et que, lui, il n'avait pas été obligé de se plier en quatre pour signer un accord de confidentialité. Il a refusé l'accord de confidentialité et il a eu l'étude aussi.

M. Grégoire: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: De qui?

M. Lalonde: D'accord? Il a eu l'étude.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Lalonde: Qu'est-ce que c'est votre problème? Vous êtes donc suspicieux, vous êtes donc pessimistes! On ne fait pas de séparatisme ici.

M. Grégoire: De qui? Vous ne voulez pas répondre!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Lalonde: Je ne le sais pas, mais j'ai écouté et je l'ai entendu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre!

M. Bérubé: Déposez-la! Cela va d'ailleurs permettre à nos députés de la lire.

M. Lalonde: Je suis sûr que le ministre aimerait en avoir communication parce que le ministre des Finances ne l'a sûrement pas tenu au courant. On voit qu'il est en pleine ignorance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa, à vous la parole.

M. Laplante: Lorsqu'on lit cette motion: Que cette commission invite les représentants de la firme Kidder, Peabody et de la compagnie Lazard Frères à discuter avec les membres et les intervenants de cette commission de leurs méthodes respectives d'évaluation de la valeur de la société Asbestos Corporation, le mardi 12 juin 1979, à 20 heures; je me demande, ce sur quoi la commission a été invitée, par l'Assemblée nationale, à étudier, sinon le projet de loi 121 article par article.

Dans la déclaration que le ministre faisait tout à l'heure, je trouve drôle moi-même que le Parti libéral ait pu obtenir de Lazard Frères ou d'autres qu'ils n'ont pas nommés l'étude de cette maison, soit de General Dynamics ou d'autres, mais à cause de l'accord de confidentialité, le ministre ne peut renier sa signature parce que c'est une signature officielle du gouvernement. Peut-être — je me pose la question — que General Dynamics avait mis cette signature là-dedans. On se demande qui peut être traitre à ce moment-ci à cause justement de ces signatures.

Lorsqu'on entend le député de Marguerite-Bourgeoys dire qu'on veut les avoir en avant de nous autres pour négocier ce prix, parce qu'en somme c'est ce qu'il voudrait faire, je me demande la capacité de compréhension du député de Marguerite-Bourgeoys. On se souvient très bien qu'il faisait partie aussi du comité olympique, où il n'a jamais été capable de savoir— c'est lui-même qui l'a déclaré à la commission Malouf — comment coûteraient les Jeux olympiques. Et, aujourd'hui, il va se mêler de projets comme ça? Je trouve ça drôle, d'autant plus...

M. Forget: C'est ça, votre façon de procéder.

M. Laplante:... qu'il faisait partie de ce gouvernement aussi, lorsque les prévisions de la baie James sont sorti et que, comme gouvernement, nous depuis ce moment on a même baissé le coût de la baie James, malgré une inflation, depuis 1976 de $1,2 milliard...

M. Forget: Vous en faites moins aussi.

Le Président M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Comment voulez-vous que ces gens soient capables de discuter avec ces deux firmes avec Kidder, Peabody et Lazard Frères? Je me pose de drôles de questions sur le sérieux de leur motion. Il me semble qu'il aurait pu prendre des moyens comme le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour convoquer Commonwealth

Plywood. A ce moment-là, c'était justement une commission pour questionner Commonwealth Plywood et tous les intéressés. Aujourd'hui, on arrive avec l'étude article par article et on découvre tout d'un coup qu'il faudrait parler à ces gens. Jamais on n'a demandé une commission parlementaire pour étudier ces deux rapports. Pour des gens qui sont des habitués de la haute finance, avec la rue Saint-Jacques, je ne vous trouve pas sérieux non plus de vouloir faire venir ces deux firmes ici devant nous pour commencer à parler de prix, de modalités techniques, pour savoir comment il se fait qu'un tel est arrivé avec un tel prix. Vous savez tous, comme je peux le savoir, qu'il y a des actions en Bourse, qu'il y a eu une fluctuation d'actions en Bourse, qui sont parties d'environ $20, qui sont montées à $50 et sont revenues à un peu plus bas...

M. Ciaccia: C'était causé par qui, causé par quoi?

M. Laplante:... je serais même tenté de croire aussi, vu l'insistance tout à l'heure du député de Marguerite-Bourgeoys, que lui-même serait déjà prêt à donner $70 l'action. Je ne trouve pas ça responsable pour un ancien ministre de la Justice, un ancien ministre des Affaires sociales, des gens responsables d'un autre gouvernement, de venir à cette table aujourd'hui pour l'étude de ce projet de loi et de poser les questions que vous posez. Cela ne dénote pas une responsabilité d'administration publique. Si c'est comme ça que vous avez administré le gouvernement de 1970 à 1976, on n'a plus de question à se poser aujourd'hui sur la défaite que vous avez subie. Si on regarde dans ces années tout l'argent qui s'est écoulé au Québec avec le peu d'intérêt que cela a pu donner aux travailleurs du Québec, ce n'est pas surprenant que vous arriviez à ça. Tout ce que je demande, M. le Président, c'est d'être sérieux une fois pour toutes et de commencer l'étude de ce projet. Qu'ils soient contre, c'est leur droit, je ne le nie pas, mais de là à poser ce qu'on apporte comme motion aujourd'hui, ça ne fait pas sérieux. J'aimerais que cette motion soit présentée d'une façon claire à la presse et dire pourquoi, dire le sérieux que l'Opposition met actuellement dans un tel projet de loi, lorsqu'on engage des millions au nom des Québécois. (22 heures)

L'Opposition a un rôle à jouer que personne ne peut nier, le rôle de chien de garde du pouvoir. Si on se fie à la façon dont vous êtes le chien de garde du pouvoir actuellement, la population peut être inquiète. Je le serais, parce que ce n'est pas sérieux ce que vous faites actuellement. Il faudrait revenir à du sérieux, ouvrir le projet de loi. Vous avez des amendements que vous avez annoncés dès le début de la commission, il faudrait dire: Oui, on a quelques amendements à faire qui feraient peut-être notre affaire si vous vouliez les accepter. Mais pourquoi ne les présente-t-on pas, ces amendements, article par article, pour voir avec quel sérieux vous êtes capables d'étudier un projet de loi?

Sur ce, M. le Président, je demande la coopération de l'Opposition pour qu'on puisse commencer l'étude de ce projet de loi article par article. Merci.

M. Lalonde: Article 96, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Article 96, très brièvement, comme le dit l'article.

M. Lalonde: Oui, très brièvement. Les propos du député de Bourassa m'obligent à faire une rectification. Il a dit que j'ai déclaré que j'étais prêt à ce que le gouvernement paie $70 l'action; c'est complètement faux, je n'ai jamais dit ça, au contraire. J'ai dit que c'était le minimum possible et ça donne à peu près la mesure des propos du député de Bourassa et de sa contribution à la commission parlementaire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a eu quatre ou cinq interventions jusqu'à maintenant sur la motion...

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Le député de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde:... est-ce que le député de Frontenac vient de dire que je l'ai déjà dit? Non? Quand ça?

M. Grégoire: Quand vous avez dit...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît; à l'ordre; tous les deux, à l'ordre!

M. Lalonde: Jamais, M. le Président, au contraire, c'est le minimum.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre. Vous êtes en train d'enlever le droit de parole au député de Mont-Royal à qui j'allais le donner. Je voudrais vous dire ceci: Actuellement, nous avons une motion qui invite des gens à venir devant nous. Tous les membres sont libres de voter pour ou contre, mais je ne voudrais pas que, dans vos interventions, que quelque membre que ce soit, de quelque côté que ce soit, laisse supposer que cette motion était irrecevable; elle était recevable. Vous pouvez voter pour, vous pouvez votre contre, mais, en ce qui concerne la recevabilité, elle est déclarée recevable et on a le droit de la débattre. J'aimerais que les membres de la commission — je sais que c'est difficile — essaient de dire: Nous sommes pour qu'ils soient invités, nous sommes contre, et les raisons qui militent en faveur de leur décision de voter pour ou contre.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'aurais bien aimé entendre ces remarques à la suite de la motion du député de Saint-Laurent, parce que je suis entièrement d'accord avec vous. Il y a une motion devant nous et on devrait donner les raisons pour ou contre, mais, parmi tous les intervenants — je veux porter ça à votre attention — du côté ministériel, il n'y en a pas un qui a parlé sur le fond de la motion. Ce qu'ils ont fait...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...

M. Ciaccia: J'en fais, M. le Président, et je vais répondre à quelques-uns des propos qui ont été soulevés par le côté ministériel. Ils se sont contentés de tourner cela en ridicule, de parler à côté de la motion, même le ministre; je l'inviterais, en toute sincérité... On est au début de la discussion sur le projet de loi 121 et vous semblez prendre toutes les suggestions, toutes les motions, toutes les discussions à la légère. Vous ne donnez pas de sérieux à ces discussions; on parle d'un projet de loi, de l'expropriation d'une société qui peut entraîner $280 millions. Cela mérite un peu que vous preniez ça au sérieux. Quand le député de Saint-Laurent a fait la motion d'inviter les représentants de Kidder, Peabody et Lazard Frères, la réaction que vous avez eue a été le rejet du revers de la main, ce n'était pas nécessaire.

Pas une fois vous n'avez donné une réponse à une question sur le fond, pourquoi ils devraient être invités ou non. Vous vous êtes contenté de faire le lien entre les multinationales et le Parti libéral; je ne trouve pas ça sérieux. Le document de confidentialité que votre gouvernement a signé par rapport au rapport de Lazard Frères, à qui ça va bénéficier, cette affaire de confidentialité? Ce n'est pas au public que ça va bénéficier; ça peut bénéficier à General Dynamics ou au gouvernement. Si on veut rendre publiques certaines informations, ce n'est pour protéger General Dynamics, c'est pour donner l'information au public. Quand le ministre des Richesses naturelles a eu le front de dire qu'au projet de loi 70, j'ai dévoilé que le profit d'Asbestos Corporation, de ses opérations du Québec n'étaient pas de $20 millions, mais qu'il y avait $8 millions payables en Allemagne. A qui cela a-t-il bénéficié? Cela n'a pas bénéficié à General Dynamics. Cela n'a pas bénéficié à Asbestos Corporation. Cela réduit la valeur de la compagnie, de la société. Les chiffres du ministre augmentaient General Dynamics.

Ne commencez pas à nous accuser d'avoir des liens avec les multinationales. Même si vous ne vous en apercevez pas, cela peut être par pure incompétence, cela peut être strictement pour des raisons de politique partisane, d'essayer d'accuser le Parti libéral. Mais vos démarches ont l'effet d'aider seulement les sociétés que vous prétendez vouloir exproprier. Elles n'aident pas le public. Et le but de cette motion, c'est d'inviter ces gens-là à venir ici. S'il y a une question de confidentialité, Lazard Frères et Kidder, Peabody ont simplement besoin de ne pas venir, si vraiment, ils prétendent qu'il y a confidentialité. C'est une invitation. Ce n'est pas une obligation. Et ce n'est pas une

demande de rendre public le rapport. Il s'agit de les inviter pour qu'on puisse les interroger sur leur méthode d'évaluation et d'autres informations que nous considérons pertinentes.

La question que je pourrais poser au parti ministériel est la suivante: Quel intérêt cachez-vous? Pour quelles raisons refusez-vous d'inviter Kidder, Peabody ou Lazard Frères, afin qu'on puisse obtenir les informations, qu'on puisse les interroger pour démontrer les mécanismes, pour démontrer certains chiffres qui vont faire bénéficier la population? Quel intérêt avez-vous à ne pas les inviter ici? Vous avez quelque chose à cacher? Est-ce que vous avez des objectifs à cacher?

C'est seulement une invitation. Et si vous ne les invitez pas, la seule conclusion qu'on peut en tirer, c'est que certainement, vous avez d'autres objectifs, vous avez quelque chose à cacher.

Vous dites que le but du projet de loi est pour établir des mécanismes. Ecoutez. Le but de la motion du député de Saint-Laurent est afin de nous aider à obtenir les informations pour que les mécanismes qui sont très vagues dans votre projet de loi puissent être adaptés à une expropriation de $280 millions. Est-ce que c'est clair?

Ce n'est pas un lopin de terrain à Laval, que vous expropriez, où vous pouvez avoir un conseil d'arbitrage formé de trois personnes, le président, qui va être nommé par la Cour provinciale. Vous parlez de $280 millions. Vous parlez d'une valeur marchande. Qu'est-ce c'est la valeur marchande? Quand il y a un écart de $42 à $100, peut-être qu'on a besoin de restreindre et d'avoir des critères sur cette valeur marchande. C'est pour cette raison qu'on veut interroger, non seulement Lazard Frères ou Kidder, Peabody, pour voir pourquoi cet écart entre $42 et $100. Et si on a cette information, cela va nous permettre de bonifier votre projet de loi. On sait que le principe d'expropriation a été accepté par le gouvernement. Mais on a une responsabilité envers la population. On ne peut pas laisser les définitions, les termes de votre projet de loi, aussi vagues qu'ils le sont. C'est un chèque en blanc. Comprenez-vous? C'est un chèque en blanc. Il faut poser des restrictions pour que des termes comme "valeur marchande" puissent être définis.

Le conseil d'arbitrage, de la façon que vous l'avez nommé, vous laissez à une personne, soit le président, le soin de prendre la décision. Peut-être que pour une société qui n'est pas aussi complexe, une industrie aussi complexe qu'Asbestos Corporation... On parle d'un montant de $280 millions. Ce n'est pas le mécanisme. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas la façon de constituer un conseil d'arbitrage.

Les rapports parlent de certains montants qui sont alloués pour se conformer aux normes de salubrité. Il y a des différences dans ces montants. Pourquoi doit-il y avoir une différence? Ce devrait être quelque chose qui devrait être établi à l'avance, assez objectivement. On veut interroger ceux qui ont fait le rapport. Un rapport requiert certaines normes du gouvernement, certains règlements, plus, en considération d'autres, peut-être que ce ne sont pas les mêmes règlements. Il pourrait y avoir une série de questions et grâce aux renseignements obtenus on pourra discuter du projet de loi, article par article, de façon plus intelligente, mieux informés, non seulement pour nous, mais pour la population.

Il semble que le côté ministériel... Ce n'est pas nous qui ne sommes pas sérieux, M. le député de Bourassa, c'est vous qui passez à côté des questions. C'est votre ministre qui ne veut pas répondre sur le fond des motions, qui veut passer à côté. Vous passez votre temps à insulter le Parti libéral, mais je vais vous dire une chose: Ce n'est pas en insultant le Parti libéral ou l'Union Nationale ou d'autres que vous allez prendre les intérêts de la population dans ce projet de loi 121. Après toutes les insultes que vous aurez lancées aux partis, aux individus, quand le conseil d'arbitrage ou quand les évaluations vont monter à $100 millions, $150 millions ou même $280 millions, c'est la population qui va payer la note et vous devrez vous en rendre compte. Vous devrez avoir un peu plus le sens des responsabilités que vous n'en avez maintenant. Je crois que c'est même honteux, la façon dont vous traitez des questions qu'on soulève.

Vous avez le droit de dire: Non, on ne veut pas inviter Kidder, Peabody et Lazard Frères. C'est votre droit, vous êtes plus nombreux que nous, mais vous avez l'obligation de nous dire pourquoi vous ne voulez pas les inviter ici, non pas seulement en insultant les députés qui ont obtenu certaines informations. Vous ne savez même pas comment on les a obtenues. Les informations que nous avons obtenues n'ont pas été utilisées de façon favorable aux sociétés, elles ont été utilisées contre elles. Ce sont vos démarches à vous, durant les débats du projet de loi 70, qui ont fait monter les actions de $22 à $42. On vous disait: La compagnie, cela ne vaut pas cela. On vous donnait toutes les raisons pour lesquelles vous ne deviez pas acheter cette mine. Le ministre a passé six mois à dire à la population et à General Dynamics comment elle était bonne, cette compagnie-là.

Sur les marchés financiers, qu'est-ce que vous pensez est arrivé? Si le ministre, celui qui va acheter la compagnie — c'est une façon de négocier cela — passe six mois à vanter les bénéfices, les avantages, la valeur de cette compagnie, c'est bien certain que le prix va monter. Ce n'est pas par accident que cela a monté de $22 à $42 dans l'espace de temps où vous avez discuté du projet de loi 70. Apprenez donc par vos erreurs. Vous avez commis cette erreur dans ce temps-là, durant les débats sur le projet de loi 70. Au moins, ayez la responsabilité, maintenant qu'on étudie le projet de loi 121, de nous donner les informations et de ne pas laisser la porte ouverte à une autre spéculation ou à la possibilité encore que la population, le contribuable paie des prix exorbitants pour une compagnie, pour une société. Si les précautions étaient prises maintenant, si l'information était donnée maintenant, on pourrait éviter et on pourrait réduire ce montant-là considérablement peut-être.

Je pense, M. le Président, qu'il faudrait établir l'esprit dans lequel nous allons discuter de ce projet de loi. On ne veut plus que chaque fois qu'on

fait une suggestion, que ce soit en proposant un amendement ou une motion, on procède par des insultes, en prenant cela à la légère et en ridiculisant tout ce qui est dit ici.

Ce sont des suggestions positives. Je voudrais encore que... Il y en a parmi vous qui n'ont pas parlé, ayez donc le courage de nous dire pourquoi Kidder, Peabody et Lazard Frères ne devraient pas être invitées ici. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord, au début de mes propos, indiquer pourquoi, dans le fond, on se trouve ici, en commission parlementaire, à étudier ce projet de loi sur l'expropriation éventuelle des actifs de l'Asbestos Corporation. C'est d'abord parce qu'il n'y a, à toutes fins utiles, pas eu entente jusqu'à maintenant entre le gouvernement du Québec et l'Asbestos Corporation. Sur quoi n'y a-t-il pas eu entente? Il n'y a pas eu entente sur les prix, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, au point de départ. Il y a eu une évaluation qui a été faite à $42 par une firme à l'emploi du gouvernement et il y a eu une évaluation qui a été faite à $99.75 l'action, je pense, par une firme engagée par Asbestos Corporation. Même à l'intérieur de cela, comme je l'ai indiqué aussi, on n'est pas sûr s'il y a eu vraiment négociation, parce que rien n'a avancé, tout est resté gelé comme au tout début du processus de cette approche du gouvernement envers la société en question.

C'est pour cela essentiellement qu'on se trouve ici, parce qu'il n'y a pas eu jusqu'à maintenant, entente et parce qu'on est resté assis sur les prix de départ, sur les prix qui ont été fixés par les deux firmes chargées, de part et d'autre, de fixer l'évaluation des actions de l'entreprise en question, soit l'Asbestos Corporation. (22 h 15)

Pourtant, je tiens à le souligner aussi, de toute façon, c'est quelque chose de public, ce sont deux firmes sérieuses, deux firmes dont la renommée n'est pas à faire. Ce ne sont pas des débutantes dans le domaine de l'évaluation, ni l'une ni l'autre. Ce sont des firmes reconnues. Pourtant, on arrive à un écart aussi considérable que celui qui est devant nous actuellement, qui a été rendu public, soit $42 d'un côté, et $99.75 de l'autre côté. Un écart aussi considérable de deux firmes différentes, aussi sérieuses qu'elles le sont, c'est là un sujet sur lequel on peut se poser des questions fondamentales, en particulier au niveau des méthodes d'évaluation, des critères d'évaluation, ce sur quoi on s'est basé, de quelle façon on a approché le problème pour en arriver à des résultats semblables. Si l'une des firmes avait été reconnue, dont la notoriété n'était plus à faire, mais que l'autre firme était douteuse, on pourrait dire, à ce moment: II y a des raisons qui peuvent expliquer théoriquement un écart aussi grand entre les évaluations, mais tel n'est pas le cas. Donc, il y a eu quelque chose dans l'approche qui a été différent. Il y a eu quelque chose dans les critères de base qui a été différent. Il y a eu quelque chose dans la méthode d'évaluation qui a été foncièrement différent. C'est ce qu'on ne sait pas fondamentalement, à ce stade de nos discussions. C'est ce qu'on ignore complètement. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a eu une offre de départ faite par le gouvernement à $42, qu'il y a eu une évaluation faite par l'entreprise de l'Asbestos Corporation à environ $100. C'est tout ce qu'on sait, et qu'à partir de ce moment, malgré les mois qui se sont écoulés, malgré les tentatives de négociation, il n'y a rien qui a bougé en partant de ce fait.

On se retrouve donc, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer à d'autres occasions, dans une situation passablement floue dans laquelle on a très peu d'indications valables — il faut employer l'expression dans un tel contexte — sur lesquelles on peut s'appuyer avec certitude pour prendre une décision sérieuse en ce qui concerne ce projet de loi qui est assis sur le fait qu'il n'y a pas entente et qu'il y a un écart aussi grand. On n'a pas de données valables sur lesquelles on peut vraiment sérieusement, faire une analyse en profondeur, établir les comparaisons qui s'imposent et tirer les conclusions logiques de données factuelles. Ce n'est pas du tout le cas de la situation dans laquelle on se trouve actuellement. Au contraire, on ne sait même pas si, fondamentalement, il y a eu des négociations. J'espère qu'on aura des réponses à ce sujet. On ne sait pas tout à fait ce que sont encore, dans l'ensemble, les intentions du gouvernement. On ne sait même pas fondamentalement les critères sur lesquels on s'est basé pour arriver à des interprétations ou à des évaluations aussi diamétralement éloignées l'une de l'autre que celles qui sont devant nous actuellement.

C'est ce qui nous fait encore souligner que tout le projet du gouvernement n'est pas autre chose fondamentalement qu'une aventure financière non fondée, non réaliste, non appuyée sur des données factuelles sur lesquelles on peut être en mesure de s'asseoir pour prendre une décision raisonnable et raisonnée, qui produise à ce moment les effets désirés. Si on ne contrôle pas les facteurs de début, dans une démarche comme celle qu'on entreprend actuellement, comme celle que le gouvernement du Québec entreprend actuellement, comment peut-on prétendre espérer contrôler une quelconque atteinte des objectifs, alors que les facteurs même essentiels au point de départ ne sont même pas contrôlés et qu'on n'en connaît même pas l'ampleur?

Je pense que c'est l'essentiel, c'est le squelette ou le corps principal du débat actuellement, ce qui me fait dire que la motion qui est présentée actuellement par le député de Saint-Laurent est tout à fait justifiable. Non seulement elle doit être, comme elle l'a été, jugée recevable, mais jugée recevable au niveau de son contenu même et adoptée par les membres de cette commission, si

on veut faire un travail sérieux et amorcer la discussion sur des données vraiment factuelles alors qu'au niveau de la méthode pour évaluer les prix, on ne sait vraiment pas ce qui en est d'un côté comme de l'autre.

Pour bien situer mon intervention, j'aimerais me référer aussi a un article de la Presse que j'ai eu l'occasion de lire en attendant les opinants qui m'ont précédé sur cette question, qui est un article de collaboration spéciale, sous la plume de Marie-Josée Drouin,, dans la Presse du 10 mai 1979, chapeauté par le titre suivant: "L'expropriation de la société Asbestos. ' Les préoccupations de la personne qui signe cet article vont exactement dans le sens de cette motion qui est devant nous actuellement, à savoir d'avoir plus de renseignements sur les méthodes d'évaluation et les critères sur lesquels on s'est appuyé, sur le secteur, en fait, toute la zone grise qui est devant nous actuellement à cause du fait qu'on n'a pas ces données fondamentales qui expliquent l'écart aussi considérable qui existe entre l'évaluation de Lazard Frères et celle de Kidder, Peabody.

J'aimerais, pour bien situer mon intervention, M. le Président, citer une partie de cet article du journal La Presse. On dit ceci: "Du point de vue économique, par ailleurs, c'est la confusion générale. Le gouvernement provincial se fonde sur une étude faite par la firme new-yorkaise Kidder, Peabody, laquelle évalue à $42 la valeur d'une action de la Société Asbestos. Toutefois, l'étude d'environ 300 pages est gardée bien jalousement par le gouvernement, qui n'en a publié qu'une version expurgée. Pour sa part, la General Dynamics refuse de rendre publique l'étude faite par une autre firme new-yorkaise, Lazard Frères. Selon Lazard Frères, les actions de la société, comme je l'ai dit tout à l'heure, vaudraient $99.75. Pourquoi cet écart? C'est ça, le noeud du problème. Comment deux firmes aussi réputées ont-elles pu tirer des conclusions aussi différentes?" C'est la question qui est posée dans cet article et je pense que c'est fondamental dans le noeud de la motion qui est en discussion devant nous actuellement.

M. Bérubé: Dans la chronique des lecteurs de quel journal?

M. Brochu: Non, le ministre a toute liberté de faire l'humour qu'il veut avec les articles de journaux qu'on peut citer. J'aimerais lui rappeler, pour sa bonne information, qu'il s'agit d'une collaboration spéciale au journal La Presse, qui est sous la plume...

M. Bérubé: Ah! de Marie-Josée Drouin.

M. Brochu: ... de Marie-Josée Drouin. Je pense que le ministre en a peut-être déjà pris connaissance. Le ministre pourra retourner à sa discussion ou à sa lecture, comme il le faisait depuis quelques minutes. On doit quand même poser cette question, parce que la réponse, on ne l'a pas eue et je doute même, M. le Président, en voyant l'attitude du ministre actuellement, qu'on puisse avoir cette réponse au cours des débats de cette commission parlementaire qui est chargée d'étudier, article par article, ce projet de loi.

Pourtant, on sait que ça implique des fonds considérables qui devront être défrayés par nos concitoyens de la province de Québec; pourtant, quand même, au même moment, on va refuser, c'est clair par l'attitude des ministériels qui sont en face, de permettre à cette commission parlementaire, qui est ici pour faire un travail sérieux, de pouvoir, même au point de départ, avoir une vue d'ensemble sur les méthodes d'évaluation qui ont été employées pour arriver à un écart aussi considérable. Cela, c'est l'aspect démocratique, peut-être, de la question. On pourrait se référer... Je ne le ferai pas, mais on pourrait retourner à la transparence, à ce moment-là, M. le Président, qui a été invoquée à plusieurs reprises par le parti d'en face, par le gouvernement, en ce qui concerne son administration, qui n'avait rien à cacher, que c'était vraiment ouvert et qui pouvait s'asseoir sur des bases solides, mais, maintenant, on se rend compte que les questions qu'on pose, lorsqu'elles sont fondamentales comme celle-là, demeurent sans réponse. Tout ce qu'on reçoit, à toutes fins utiles, c'est simplement un trait d'humour qui permet un aparté dans une conversation que le ministre peut continuer à entretenir avec le président de la Société nationale de l'amiante.

M. le Président, je reviens donc à cet article que le ministre a eu l'occasion de lire...

M. Bérubé: Je vous écoute d'une oreille.

M. Brochu: Je m'aperçois que le ministre a remis en activité sa demi-oreille de la commission qui a étudié le projet de loi no 70.

M. Bérubé: C'est ça.

M. Brochu: II a une bonne mémoire. On doit lui reconnaître cet aspect.

M. le Président, je reviens donc à la citation de cet article et à la question fondamentale qui était posée ici. Mme Drouin dit ceci: "Comment deux firmes aussi réputées ont-elles pu tirer des conclusions aussi différentes? N'ayant aucun accès aux études dans leur version intégrale, l'observateur n'a pas la tâche facile. Toutefois, divers indices servent à expliquer l'écart dans une certaine mesure."

Alors, si, M. le Président, dans l'ensemble, même pour l'observateur, on ne peut tirer de conclusions en ce qui concerne les raisons fondamentales qui motivent un écart aussi grand entre les deux évaluations, de la même façon, la commission parlementaire est tout à fait mal placée pour être capable d'évaluer, sans avoir les données fondamentales nécessaires, de faire une évaluation normale pour arriver à des conclusions logiques, normales, lorsqu'elle n'a pas les outils fondamentaux pour le faire et, en l'occurrence, l'ouverture, si vous voulez, pour nous indiquer quelles ont été vraiment les méthodes d'évaluation dont on s'est servi, de part et d'autre, pour être capable

de faire la comparaison avec les éléments essentiels que ça comprend, pour être capable de faire la comparaison entre les deux et de tirer les conclusions qu'on doit tirer dans une telle circonstance.

Je continue un peu plus loin. Vers le milieu de cet article, la personne en question continue en disant ceci: "Dans la partie de l'étude rendue publique par le gouvernement du Québec ' — donc, l'étude n'a pas été publiée, même dans son ensemble. Elle a été peinturée, elle a été un peu triturée et présentée d'une autre façon. Le gouvernement a sûrement ses raisons pour le faire, mais j'aimerais également le savoir. Je continue la citation. "Dans la partie de l'étude rendue publique par le gouvernement du Québec, on ne fait qu'esquisser la méthode de calcul utilisée. On ne va pas en profondeur pour indiquer vraiment tous les paramètres dont on s'est servi, quelle a été vraiment la méthode complète qui a été utilisé pour qu'on puisse effectuer des comparaisons en profondeur.

Pourquoi le gouvernement, qui se prétend ouvert et transparent, a-t-il choisi de garder secrets ces chapitres de l'étude? Autre interrogation: L'étude du gouvernement du Québec tient-elle compte des fonds de roulement? A l'heure actuelle les actifs, à court terme, de la société Asbestos dépassent les passifs. Le niveau des inventaires est très élevé. On évalue à près de $20 l'action la valeur du fonds de roulement. Cela porterait-il le calcul du gouvernement à $62 l'action, par exemple, plutôt qu'à $42? Se rapprocherait-on d'une solution de compromis dans ce cas?

On continue et je termine là-dessus: "Le débat sur le projet d'expropriation devrait également nous éclairer quant à une foule de questions plutôt ésotériques comme le calcul des dépenses en capital, le taux de croissance de l'offre et de la demande, etc."

C'est donc dire, M. le Président, qu'on a posé, dans cet article, comme j'ai voulu le faire le plus honnêtement et le plus simplement possible, des questions fondamentales auxquelles on n'a absolument aucune réponse actuellement. La personne qui a signé cet article pose également la question: "Le débat sur l'expropriation devrait nous éclairer..." Mais si on considère l'attitude première du gouvernement, en ce qui concerne cette première motion, j'ai l'impression que l'éclairage va être assez faible. J'ose espérer qu'il y aura une réévaluation de l'approche gouvernementale dans ce sens, pour qu'on puisse accepter cette motion, qu'on puisse recevoir, de la part des deux firmes, les indications générales dont on a besoin pour être capable de tirer des conclusions sur un écart aussi considérable entre les évaluations et nous faire tirer, peut-être, une autre forme de conclusion générale dans le projet d'ensemble du gouvernement que celui d'être une aventure financière non fondée dont on cherche, actuellement, à cacher même les méthodes d'évaluation premières dont on a besoin pour être capable de procéder à la deuxième étape, soit l'étude article par article du projet de loi.

C'est donc avec plaisir et avec intérêt que je vais appuyer cette motion présentée par le député de Saint-Laurent, parce qu'elle est tout à fait justifiée et qu'elle permettrait tout simplement à la commission parlementaire de jouer son rôle de façon responsable, de façon efficace et ensuite d'arriver aux conclusions qui s'imposent, tout en informant, évidemment, — comme c'est le rôle de la commission parlementaire — le public dans quoi on est en train de l'engager par ce projet de loi du gouvernement dont des zones majeures restent tout à fait obscures, parce que, justement, on ne fait pas la lumière complète sur ce qu'on demande actuellement.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, pour en venir au sujet de la motion: Pourquoi ne pas inviter les représentants des firmes Kidder, Peabody et Lazard Frères? On nous dit surtout que cette invitation consisterait à leur demander leurs méthodes d'évaluation, puisque leur évaluation arrive à des résultats différents.

J'ai, ici, M. le Président, le rapport de la firme Kidder, Peabody. J'imagine que les députés de Saint-Laurent, de Richmond et de Marguerite-Bourgeoys ont dû lire le rapport; ils ont dû y voir, décrites très clairement et très nettement, les méthodes d'évaluation de cette firme, concernant l'Asbestos Corporation. Ils ont dû y voir, entre autres, qu'on se sert de la méthode d'analyse des investissements de General Dynamics dans l'Asbestos Corporation et c'est très bien décrit.

On a également la méthode basée sur les primes offertes pour obtenir le contrôle de la compagnie, la méthode d'évaluation basée sur les primes offertes ou à offrir pour obtenir le contrôle de la compagnie. On y voit les méthodes d'évaluation basées sur l'évaluation de l'équité de la compagnie. On y voit les méthodes d'évaluation basées sur les prix par rapport aux profits d'Asbestos Corporation. On y voit les méthodes basées sur le "cash flow" et toutes ces méthodes sont très bien expliquées dans l'étude de Kidder, Peabody. Je suis convaincu que les députés de Marguerite-Bourgeoys et de Richmond ont dû lire cette étude.

Alors, quand ils veulent savoir sur quelles méthodes s'est basée la firme Kidder, Peabody, ils les ont clairement ici. (22 h 30)

Reste le rapport de la firme Lazard. Le ministre des Finances en a une copie. Il l'a clairement expliqué lui-même à l'Assemblée nationale lors du débat en deuxième lecture de ce projet de loi, lorsqu'il a dit que cela avait pris pas mal de temps avant que General Dynamics accepte de fournir le rapport préparé par la firme Lazard Frères. General Dynamics ne voulait pas fournir ce rapport-là. Le ministre des Finances ne l'aurait pas eu, il aurait dû se contenter de s'entendre dire: L'action vaut $100, sans savoir sur quoi General Dynamics se basait. On a retardé à le remettre au ministre des Finances, celui-ci a insisté, alors General

Dynamics a dit: Très bien. En utilisant leur en-tête à papier, les représentants de General Dynamics ont préparé un accord de confidentialité disant: Voici, vous voulez l'étude, savoir sur quoi on se base, dites-nous que vous allez maintenir ce document secret et on va vous le remettre, mais signez comme quoi vous vous engagez à le garder secret.

On nous demandait tout à l'heure pourquoi le ministre des Finances a signé ça? Parce que, justement, General Dynamics ne voulait pas remettre le rapport de sa firme Lazard Frères sans être assurée de la confidentialité du rapport et ça se comprend très bien de la part d'une firme comme General Dynamics, qui est en concurrence avec d'autres compagnies d'amiante et qui n'a pas à étaler sur la place publique, et surtout devant les autres compagnies minières comme Johns-Manvil-le ou Lake Asbestos ou Bell Asbestos ou Canadian Carey, ses rapports d'évaluation, ses profits, ses équités, ses "cash flows" et le reste. Le ministre des Finances a dû signer cet accord de confidentialité. Il l'a observé et il l'a maintenu parce qu'il l'avait signé.

Nous apprenions hier, M. le Président, de la bouche même du chef de l'Opposition, qu'il l'a, lui, le rapport. Le député de Marguerite-Bourgeoys nous dit: Nous avons, nous, le rapport. General Dynamics avait insisté, avant de remettre le document, pour faire signer le ministre des Finances, sans quoi elle ne le lui remettait pas. Elle a retardé pour le remettre au ministre des Finances plusieurs mois parce que c'était confidentiel. Voilà que l'Opposition l'a en main. Très bien, elle l'a en main.

M. Bérubé: Déposez-le.

M. Grégoire: Oui, on peut dire: Déposez-le. On peut se dire aussi: Si vous demandez de faire comparaître les gars de Lazard Frères, c'est que leur étude n'est pas claire; parce que celle de Kidder, Peabody, sur les méthodes d'évaluation de l'Asbestos Corporation, est claire et le gouvernement n'a pas hésité à la publier. Si l'autre n'est pas publiée, que General Dynamics ne veut pas la publier, mais que vous, vous l'avez et que vous demandez que ce soit rendu public, c'est donc que ce n'est pas clair, si vous voulez les faire comparaître pour demander des renseignements. Si ce n'est pas clair, c'est fort probablement, à n'en pas douter, parce que cette étude-là n'a pas été faite sérieusement et que la compagnie General Dynamics est arrivée en disant: Ça vaut $100 et, pour ne pas faire un chiffre rond, on dit à peu près $99. On dit que ça vaut ça. Et vous ne trouvez pas claires leurs méthodes d'évaluation.

Il y a ceci de surprenant dans leurs méthodes d'évaluation, c'est que, du jour au lendemain, immédiatement après l'annonce du premier ministre que le gouvernement du Québec était prêt à acquérir l'Asbestos Corporation, les réserves de fibres d'amiante dans le sous-sol des terrains appartenant à l'Asbestos Corporation ont doublé en valeur. Jusque là, on les maintenait basses parce que la dépréciation qu'on prenait à chaque année étant encore plus élevée, puisque la mine était supposée fermer plus vite, on payait moins d'impôt. Cependant, dès qu'on sait qu'on est pour être acheté, on double les évaluations de réserves du jour au lendemain.

Mais vous l'avez vous autres et vous trouvez que le rapport n'est pas clair, le rapport Lazard Frères...

M. Forget: Ni l'un ni l'autre.

M. Grégoire: Celui de Kidder, Peabody vous ne l'avez pas lu parce qu'il est très clair. Il est clair et il est lumineux même. Il est frappant et il est très bien fait. Vous avez l'autre et vous ne le trouvez pas clair.

C'est pourquoi tantôt vous n'avez pas hésité...

M. Lalonde: Vous aimeriez le voir? Alors invitez-les.

M. Laplante: J'aimerais le voir.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre!

M. Ciaccia: Qu'on invite Lazard Frères.

M. Lalonde: Demandez cela au ministre des Finances.

M. Laplante: Passez-nous votre copie.

M. Grégoire: Et, en ramassant toutes ces données, je vais vous dire pourquoi vous voulez les faire comparaître.

Les méthodes d'évaluation sur lesquelles vous voulez avoir des renseignements sont ici, très claires dans l'étude Kidder, Peabody. L'étude de Lazard, vous l'avez: claire ou pas claire, vous l'avez. Tout-à-coup, vous dites encore, malgré tout ça, malgré que vous ayez les deux études: On veut avoir des renseignements. Eh bien, la raison pour laquelle vous voulez les faire parvenir, ça découle clairement de tout ce qui a été dit, elle est simple, il s'agit de se demander quel est le lien qui existe entre General Dynamics, c'est ce que vous allez nous dire, et l'Opposition actuelle. Quel est le lien? Comment se fait-il que vous refusiez de dire comment vous avez eu un rapport que General Dynamics a considéré comme tellement confidentiel qu'il n'a pas voulu en remettre des copies, si ce n'est quelques mois plus tard, en faisant signer le ministre des Finances au nom du gouvernement?

Vous l'avez demandé, vous l'avez obtenu...

M. Forget: Vous ne vous en êtes pas rendu compte.

M. Lalonde: Vous ne l'avez pas vu, vous êtes jaloux.

M. Ciaccia: On l'a.

M. Grégoire: ... vous ne voulez pas dire à qui vous l'avez demandé et de qui vous l'avez obtenu...

M. Lalonde: Vous êtes jaloux qu'on l'ait demandé.

M. Grégoire: Vous ne voulez pas dire de qui vous l'avez obtenu.

M. Lalonde: On ne l'a pas demandé au laitier, vous savez.

M. Grégoire: Vous ne voulez pas dire de qui vous l'avez obtenu. Si General Dynamics était si jalouse d'en garder la confidentialité et qu'elle vous en a remis une copie, aussi vite que ça, quel est le lien qui existe entre les deux?

M. Bérubé: Ils ont deux négociateurs, Lazard et eux autres.

M. Grégoire: On se demande à ce moment-là...

M. Forget: ... le ministre des Richesses naturelles.

M. Lalonde: ... le ministre des Finances.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, à l'ordrel La parole est toujours au député de Frontenac!

M. Grégoire: Je pense que je touche le point sensible de l'Opposition. On se demande alors quel est le lien. Je dis que ce lien est directement rattaché à votre désir de faire comparaître ces firmes, alors que l'un a un rapport très clair, que l'autre n'est pas si clair, puisque vous voulez poser davantage de questions.

M. Forget: Le ministre de l'amiante, est-ce qu'il l'a vu?

M. Grégoire: Vous l'avez vu, vous ne l'avez pas trouvé si clair et c'est pourquoi vous voulez les faire comparaître. L'autre est clair. Je me dis à ce moment-là que le seul objectif que vous poursuivez, considérant les liens qui vous rattachent à General Dynamics, c'est d'obtenir encore des délais de trois mois, de six mois et d'un mois, pour continuer dans la lignée d'Alexandre Taschereau qui disait, il y a 50 ans: Profitez-en pendant que c'est le temps, parce qu'avant longtemps, vous serez nationalisés. Profitez-en...

M. Forget: II s'est trompé, cela a pris 50 ans.

M. Grégoire: ... Ils en ont profité, vous voulez qu'ils en profitent encore. Pour pouvoir en profiter, cette grosse multinationale vient justement trouver l'Opposition, pour essayer d'obtenir des délais et l'Opposition joue ce jeu, l'Opposition tombe dans ce piège et se fait ni plus ni moins que la valetaille d'une compagnie multinationale qui, après avoir profité pendant une décennie de nos richesses naturelles, veut continuer à en profiter.

M. Lalonde: Et vous allez le payer à gros prix!

M. Grégoire: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys dit que nous allons payer le gros prix tantôt il l'a dit, et ça me surprend de la part d'un éminent avocat, compétent, comme je connais le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le Président, vous qui êtes aussi avocat, vous allez trouver que le député de Marguerite-Bourgeoys a certainement erré lorsqu'il a dit: Quand un juge arbitre reçoit d'un côté une offre de $40 et, de l'autre côté, une demande de $100, évidemment, il coupe la poire en deux et donne $70. C'est à ce moment-là que le député de Marguerite-Bourgeoys a dit: ça va être $70.

M. Forget: Cela s'est vu souvent.

M. Grégoire: Oui.

M. Forget: C'est ça...

M. Lalonde: A la Salomon.

M. Grégoire: Cela s'est peut-être vu, mais bien souvent, ça ne s'est pas vu non plus. Je comprends mal... Une Voix: C'est là le danger. M. Lalonde: Vous comprenez mal, d'accord.

M. Grégoire: M. le Président, je comprends maintenant quand je vois la manière dont le député de Marguerite-Bourgeoys veut continuer à faire peur à la population, toujours dans la même ligne, faire peur, ça va coûter $70, le juge va couper la poire en deux.

Mais, quand on considère — et j'espère que vous l'avez lu — le rapport Kidder, Peabody, j'espère que vous l'avez lu... J'ai demandé au député de Saint-Laurent et au député de Marguerite-Bourgeoys, et aucun d'eux n'a voulu répondre qu'il l'avait lu. Et je voudrais leur demander réellement... Vous qui voulez juger des évaluations, avez-vous lu le rapport Kidder, Peabody, M. le député de Saint-Laurent? L'avez-vous lu? Le député de Marguerite-Bourgeoys l'a-t-il lu?

M. Forget: J'ai lu les deux rapports.

M. Grégoire: Et celui de Kidder, Peabody également?

M. Forget: Les deux. Et j'ai des questions à poser, contrairement à vous.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous êtes jaloux, vous aimeriez ça les avoir lus tous les deux!

M. Grégoire: S'il l'avait lu, M. le Président, il ne serait pas ici à demander qu'on fasse compa-

raître ces gens pour nous donner leur méthode d'évaluation. Tout est indiqué Ici et presque le tiers du rapport sert justement à indiquer leur méthode d'évaluation.

M. Forget: Heureux les crédules.

M. Grégoire: Ceci est la preuve que vous ne l'avez pas lu. Vous avez peut-être lu l'autre parce que cela faisait votre affaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: M. le Président, je pense bien que, lorsque le député de Saint-Laurent a parlé, au début, je ne l'ai pas interrompu; je l'ai peut-être fait un peu au député de Marguerite-Bourgeoys, parce que j'aime cela le taquiner. Mais pas le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est le piquant qui stimule nos conversations.

M. Grégoire: Je lui demanderais de me rendre la même politesse. S'il veut commencer toute la discussion en commission parlementaire avec ce style, on pourra peut-être continuer aussi et l'interrompre, si c'est permis.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Parlez donc à votre ministre, en parlant de style.

M. Grégoire: M. le Président, je termine en disant ceci: Vouloir continuer à retarder inutilement, pour essayer de favoriser encore davantage une multinationale comme la General Dynamics aux dépens des Québécois, vouloir continuer à retarder encore continuellement ce projet de loi, remettre au 12 juin l'audition de témoins, après quoi on nous arrivera en disant: On veut encore d'autres auditions, je crois que cela montre que l'Opposition est à court d'arguments, qu'elle n'a qu'un seul but, celui de retarder inutilement le développement du Québec, de retarder inutilement la prise en main par les Québécois du développement de leurs richesses naturelles.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Depuis quand même assez longtemps, j'écoute les interventions des députés de l'Opposition. Je vous avoue que leurs propos ne m'ont pas encore convaincu du bien-fondé de cette motion, quoique l'intervenant de l'Union Nationale, qui faisait la lecture d'un extrait de presse, lui, au moins, situe le problème au niveau où le proposeur de la motion aurait dû le situer. C'est-à-dire qu'il nous a fait savoir qu'il souhaiterait entendre des représentants des deux compagnies d'experts qui ont fait le travail, d'une part, pour le gouvernement et, d'autre part, pour General Dynamics, afin de connaître le contenu d'un des deux rapports qui lui a échappé.

Je ne reviendrai pas sur la démonstration que vient de faire le député de Frontenac, à savoir que les membres du Parti libéral sont en possession des deux rapports, et le député de Saint-Laurent vient d'ailleurs de l'affirmer sans ambages, puisqu'il déclare avoir lu les deux rapports.

Je pense que cette déclaration enlève à peu près tout le bien-fondé de cette motion, puisqu'il nous déclare qu'il est intéressé à entendre les représentants de ces deux compagnies d'experts, dans le but de leur poser des questions.

Compte tenu de ce que le ministre a révélé tout à l'heure, à savoir qu'il y avait eu un protocole de confidentialité entre General Dynamics et le gouvernement et que le Parti libéral avait réussi, malgré cette entente signée de part et d'autre, à obtenir une copie de ce document, j'imagine que ce lien très étroit qui peut exister entre la multinationale et le Parti libéral devrait au moins lui servir à trouver le numéro de téléphone dont il aurait besoin pour prendre les informations qu'il aimerait entendre devant cette commission.

Il y a une question que je me pose et c'est celle-ci. Je la pose au député de Saint-Laurent qui pourra y donner réponse tout à l'heure, lors d'une autre intervention. C'est celle-ci: Y a-t-il une seule chose que vous pourriez apprendre au cours de la venue, du dialogue qu'on engagerait devant ces deux intervenants, ces deux firmes d'experts, que vous ne pourriez pas apprendre lors des auditions, que j'imagine publiques, que le conseil d'arbitrage tiendra?

Autrement dit, est-ce que vous êtes certain d'apprendre des choses devant cette commission que vous ne pourrez pas apprendre au cours des délibérations du conseil d'arbitrage?

M. Forget: Est-ce que je peux répondre? M. Ouellette: Je vous le permets.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est-à-dire que cela prend...

M. Ouellette: Remarquez, M. le Président, que les consensus du côté ministériel sont faciles à obtenir.

M. Grégoire: Vous allez consentir à le prendre sur votre temps?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne reste plus de temps, justement. C'est pour cela que je demandais le consentement. Il y a consentement. Très brièvement, M. le député de Saint-Laurent, vous pouvez répondre.

M. Ouellette: Très brièvement, s'il vous plaît! (22 h 45)

M. Forget: M. le Président, c'est bien simple, c'est que je ne peux pas, en fait, personne ne peut

présumer de la façon dont le conseil ou le tribunal d'arbitrage va conduire son enquête, quelles sont les questions qui seront posées. Il est bien sûr qu'on ne pourra assister, à supposer que ce soit public, qu'à titre de spectateur. Il n'y a donc aucune assurance que les questions précises que soulèvent les deux rapports... Dans l'esprit de n'importe quel lecteur impartial, il y a des différences qui sont inexplicables. Ni l'un ni l'autre ne me satisfont complètement, et c'est seulement en posant des questions très spécifiques que je pourrai être satisfait ou non des réponses. Je n'en sais rien, mais je serai au moins satisfait des questions, parce que je pourrai les poser. Je les ai mentionnées tout à l'heure. Ma réponse serait trop longue, mais j'y reviendrai, si vous le voulez, un peu plus tard.

Il y a une deuxième raison, c'est qu'au moment du conseil d'arbitrage, il sera trop tard pour connaître véritablement les implications financières de la décision qu'on aura déjà prise, parce qu'à ce moment-là, la loi sera déjà adoptée. Ce que nous voulons essentiellement à travers les questions posées aux deux experts, c'est obtenir des engagements de la part du gouvernement qu'il ne paiera pas plus qu'un certain prix. Or, nous avons été jusqu'à maintenant dans l'incapacité d'obtenir des engagements. C'est une roulette russe. On sait que cela ne coûtera pas moins que $42 l'action, mais on ne sait pas combien cela peut coûter de plus. Quand on regarde les deux rapports, il y a au moins une probabilité, malheureusement, une probabilité, parce que ce ne sont pas des fous. Les deux rapports sont quand même très vendables et persuasifs par certains aspects. Il y a une probabilité qui est supérieure à zéro. Il y a une probabilité réelle, positive, que le prix sera jugé plus haut, adjugé plus haut par un tribunal d'arbitrage, que $42, malheureusement.

Si le gouvernement nous disait: Non, ce n'est absolument pas possible, et pouvait en faire la démonstration, on dirait: Bravo! Mais c'est une démonstration que le ministre a évitée depuis le début. Le ministre des Finances de même que le premier ministre ont dit: Cela va coûter au moins $42. C'est cela le problème qui est devant nous et, on se dit: II faut faire la lumière justement là-dessus. Il faut nous donner les raisons, et on va peut-être trouver les façons de restreindre les risques. C'est un jeu de roulette russe dans lequel on s'engage.

M. Ouellette: M. le Président, je regrette d'interrompre le député de Saint-Laurent, mais la brièveté de sa réponse me paraît étirée quelque peu.

M. Forget: Oui.

M. Ouellette: Sans doute qu'il sera l'auteur de l'art d'être bref en 45 volumes. Si j'étais le moindrement méchant, je dirais ceci:

M. Lalonde: Comme vous ne l'êtes pas, vous ne le direz pas.

M. Ouellette: Je vais faire comme le député de Saint-Laurent, je vais l'insinuer. Personne, je pense, du côté ministériel, enfin personne de cette table n'a mis en doute tout à l'heure la recevabilité de cette motion, mais quand j'écoute la deuxième raison que donne le député de Saint-Laurent, je me demande si lui, dans ses intentions, n'aurait pas dû la juger irrecevable, parce qu'il conteste le fait qu'un conseil d'arbitrage puisse avoir la compétence nécessaire pour établir un juste prix, n'est-ce pas?

M. Forget: Oui.

M. Ouellette: Pourtant, l'objet de ce projet de loi, c'est justement de remettre à un conseil d'arbitrage la responsabilité d'établir ce juste prix. Si vous souhaitez faire intervenir des représentants des deux maisons spécialisées dans l'établissement de ce juste prix, c'est que vous reconnaissez que le projet de loi n'atteindra pas son objectif et vous le contestez, ce qui revient à dire que votre motion vise à contester un des principes fondamentaux du projet de loi qu'on a devant nous, mais de toute façon, on ne reviendra pas là-dessus.

Je voulais simplement insister sur le fait que le gouvernement a choisi une méthode d'acquisition de la compagnie Asbestos Corporation en confiant à une firme d'experts le soin d'évaluer ce qu'il voulait acheter, laissant également le soin, aux propriétaires de cette compagnie, d'en faire autant.

Le gouvernement a souhaité que des négociations s'engagent entre les deux firmes d'experts et qu'une entente intervienne sans qu'on soit pour autant, nous du gouvernement, obligés de trancher la question et d'exproprier littéralement cette entreprise-là.

L'expérience nous démontre qu'après négociation entre les deux firmes d'experts, il n'a pu y avoir d'entente, et qu'un écart fort important demeure. Le gouvernement a donc décidé de trancher la question en créant, via le projet de loi 121, un conseil d'arbitrage et ce conseil d'arbitrage, nous lui faisons confiance à l'avance, ce que ne fait pas, justement, l'Opposition.

M. Forget: C'est là le problème.

M. Ouellette: On aurait pu procéder comme l'a fait le Parti libéral en 1963, c'est-à-dire donner mandat à l'Assemblée nationale tout simplement de fixer elle-même le prix, ce qui aurait eu pour effet, je pense, de provoquer du mécontentement du côté des propriétaires actuels en disant: On remet à des gens qui ne sont pas parfaitement compétents — c'est normal — le soin d'établir ce prix, ou encore, en confiant à une seule firme d'experts mandatée par le gouvernement le soin d'établir ce prix. Vous auriez été probablement, malgré votre expérience de 1963, les premiers à crier à l'injustice face à une multinationale. Le gouvernement a choisi une autre méthode beau-

coup plus démocratique, beaucoup plus juste qui consiste à créer un conseil d'arbitrage formé de gens compétents, qui devront, au cours de délibérations publiques, fixer ce prix. Je ne vois pas pourquoi on exigerait que préalablement, l'Assemblée nationale soit une espèce de "préjuge" dans une décision qui devra être rendue par un conseil d'arbitrage créé par la loi qui est actuellement devant l'Assemblée nationale. C'étaient là mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, il est évident que du côté ministériel, ils n'ont pas compris. Avec le projet de loi 121, vous n'expropriez rien avec cela. Vous vous donnez le droit d'exproprier. C'est cela le problème, parce qu'en donnant le droit d'exproprier, vous ne fixez pas de prix, vous êtes vagues sur la façon dont le prix va être fixé. Il n'y a pas de critère. Le conseil d'arbitrage est-il suffisant? Votre définition de juste valeur marchande... On nous accuse de vouloir attendre, de vouloir reporter. On ne veut pas faire attendre. Ce ne sont pas des délais, le 12 juin. L'attente, c'est venu du gouvernement. Le premier ministre a déclaré le 22 janvier 1977 qu'il était pour nationaliser et il n'a rien fait. Ce n'est pas nous qui l'avons fait attendre, ce n'est pas nous qui l'avons empêché de négocier ou de déposer le projet de loi. Quand vous avez créé votre Société nationale de l'amiante par le projet de loi 70, vous n'avez pas fait de l'expropriation. Ce n'est pas nous qui vous avons fait attendre. Ne tournez pas à côté du problème en disant qu'on veut vous faire attendre. Ce n'est pas l'objectif de cette motion du député de Saint-Laurent.

Quand le député de Frontenac dit: Vous avez les rapports, les deux, lisez-les. Avec un tel raisonnement, M. le Président, vous êtes avocat, vous savez comme nous qu'on n'aura pas besoin de faire des causes. On déposerait un rapport en cour et on ne poserait pas de question. Ce n'est pas assez de faire un rapport. Il y a des questions qui sont soulevées par ce rapport. C'est pour cela qu'on veut inviter ceux qui l'ont écrit. Je vais vous donner un petit exemple. Quant aux montants fixés dans les deux rapports, pour rétablir la norme de salubrité, dans un rapport, c'est $22 millions, et dans l'autre $15 millions. On ne sait pas pourquoi il y a cette différence. Cela fait $7 millions de différence seulement sur cet aspect. Si vous capitalisez cela, cela peut faire une grande différence dans le prix d'achat. D'après vous, c'est clair. Vous ne comprenez pas le rapport, si c'est ce que vous dites. Vous lisez, mais vous ne comprenez rien. Quand on lit un rapport, qu'on est deux et qu'on voit des différences, il y a des questions qui sont soulevées et ces questions vont nous permettre de fixer des critères, non seulement pour donner l'information à la population, mais des critères sur la façon de procéder à l'évaluation. C'est cet écart entre $42 et $100, des questions là-dessus qu'il est absolument essentiel de poser à ceux qui ont préparé les rapports. Qu'on ne nous donne pas l'excuse de la "confidentialité". Je ne pense pas que vous comprenez la question de la "confidentialité"; vous ne la comprenez pas du tout. Vous ne comprenez pas qui cela protège, parce que l'invitation qui est faite... Les deux compagnies peuvent refuser de venir s'il y a vraiment une "confidentialité".

M. le Président, parce qu'on veut essayer de fixer, essayer de ne pas donner un chèque en blanc... Le conseil d'arbitrage et la façon de fixer la valeur marchande, c'est absolument trop vague. Par la question que le député de Beauce-Sud a posée au député de Saint-Laurent, cela explique tout.

Une Voix: Beauce-Nord.

M. Ciaccia: Beauce-Nord, excusez-moi. Quelle différence y aura-t-il d'attendre le conseil d'arbitrage? Vous allez obtenir les renseignements, mais à ce moment, il va être beaucoup trop tard.

M. Ouellette: Vous avez des lignes directes. Une Voix: Voyons donc!

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais proposer un amendement à la motion du député de Saint-Laurent. "Que la motion en discussion soif amendée en remplaçant, dans la quatrième ligne, le mot "de" par les mots "et des écarts considérables concernant". La motion se lirait comme suit: "Que cette commission invite les représentants des firmes Kidder, Peabody and Company et Lazard Frères à discuter avec les membres et intervenants de cette commission de leur méthode respective d'évaluation et des écarts considérables concernant la valeur de la Société Asbestos Limitée le mardi 12 juin 1979, à 20 heures."

M. Lalonde: Est-ce que vous voulez entendre les...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, pour faire plaisir au député de Frontenac.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant!

Une Voix: Vous voulez nous entendre sur la recevabilité?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais un représentant par parti et pas plus.

M. Lalonde: M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui? Est-ce que je pourrais avoir la motion telle qu'amendée, s'il vous plaît?

M. Lalonde: M. le Président, c'est l'article 70, je pense, qui doit nous guider dans la décision, à

savoir si cette motion d'amendement est recevable. Cet article se lit comme suit: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée"... Il me semble que la motion d'amendement du député de Mont-Royal se rapporte directement à l'objet de la motion proposée par le député de Saint-Laurent. Quand elle dit: "... et des écarts considérables", elle fait référence au rapport et à l'invitation des deux firmes, Kidder, Peabody et Lazard Frères.

L'article 70 continue: Un amendement "ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres". On remplace le mot "de" par d'autres. On continue à l'article 70, on dit: "II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement"... Bon!

Alors, on n'écarte pas la question principale. On y ajoute une précision qui, d'après le député de Mont-Royal, est importante parce que ce sont les écarts, justement, entre les deux évaluations qui semblent être le point que le député de Mont-Royal veut soumettre à l'attention de cette commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond? M. le député de Bourassa?

M. Laplante: M. le Président, j'aurais beaucoup de difficulté à la juger recevable pour la considération suivante: la motion d'amendement qu'on présente a la même valeur exactement que la motion principale.

Lorsque vous lisiez la motion principale, à savoir que cette commission invite les représentants de la firme Kidder, Peabody and Company et Lazard Frères à discuter avec les membres et intervenants de cette commission de leurs méthodes respectives d'évaluation et de la valeur de la société, le mot "valeur" avait la signification, M. le Président, à savoir qu'il y avait déjà un écart qui existait au moment de la demande de cette motion. Ce n'est pas pour rien que la première motion est venue, parce qu'on considérait déjà qu'il y avait là deux critères, à savoir discuter des méthodes et discuter de la valeur, parce qu'il y avait déjà une différence. Le règlement ne nous permet pas de poser, de formuler deux motions qui veulent dire la même chose. Il faudrait, à ce moment-ci, M. le Président, voter sur la première motion afin qu'on puisse présenter une autre motion qui dise autre chose que ce qu'elle dit. C'est la même motion, à mon avis.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Monsieur... D'accord?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, vous ne voulez pas intervenir?

M. Brochu: Cela va.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, je tiens à vous dire tout d'abord que je trouve original et subtile votre façon de voir les choses. Effectivement, cela aurait pu être le cas. Si je regarde la motion principale "de leurs méthodes respectives d'évaluation de la valeur", le mot "valeur" veut dire pour moi relativement à l'établissement de la valeur de... Mais cela n'implique pas nécessairement, tel que stipulé dans la motion principale, qu'il y avait des écarts considérables, de telle sorte que la motion d'amendement ne vient pas contrecarrer la motion principale. Elle vient ajouter quelque chose et elle n'est pas identique à la motion principale, de telle sorte que je la déclare recevable. (23 heures)

M. Grégoire: Pourriez-vous la relire? On n'en a pas eu de copie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle se lirait comme suit, si elle était adoptée: "Que cette commission invite les représentants des firmes Kidder, Peabody & Co. et Lazard Frères à discuter avec les membres et intervenants à cette commission de leurs méthodes respectives d'évaluation et des écarts considérables concernant la valeur de la société Asbestos Ltée le mardi 12 juin 1979 à 20 heures."

M. Grégoire: Pourrions-nous en avoir une copie?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, on va faire notre possible, M. le député de Frontenac.

M. Forget: Désirez-vous suspendre la séance en attendant la copie?

M. Bérubé: Non, quant à perdre notre temps, on va le faire en vous écoutant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non? Alors, sur la motion d'amendement, M. le ministre.

M. Grégoire: J'aurais une demande de directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander une explication sur la motion? On dit: "... de leurs méthodes respectives d'évaluation..."; évaluation de quoi? Elle n'est peut-être pas en français compréhensible.

M. Ciaccia: Pas en italien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "...et des écarts considérables concernant la valeur

de la société Asbestos Ltée." On va essayer de faire photocopier l'amendement.

Vous comprendrez que, même si elle n'est pas identique, elle ajoute quelque chose à la motion principale. Ça va être très difficile d'empêcher les membres de ne pas parler de l'amendement et de ne parler que du sous-amendement, de telle sorte que je vous demanderais, à tout le moins, de rester à l'intérieur et de la motion principale et de la motion d'amendement, et de ne pas sortir de ces deux sujets.

M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, c'est avec étonnement que nous prenons connaissance de cette motion d'amendement puisque, de fait, cette motion d'amendement ne change à peu près pas la motion principale, elle ne fait que l'expliciter, elle est dans la ligne de toutes les interventions que nous avons pu entendre de la part de l'Opposition au cours de la dernière heure et demie. Par conséquent, elle pouvait le présenter dès le début. Elle ne l'a pas fait. Néanmoins, vous remarquerez que le député de Saint-Laurent a bien dit que ce n'était pas son intention de retarder indûment les débats. On reconnaît bien là sa bonne foi classique et cou-tumière, d'ailleurs, à laquelle nous nous sommes habitués depuis bon nombre d'années.

M. Forget: Vous n'aviez qu'à accepter notre proposition.

M. Ciaccia: Votez oui.

M. Bérubé: En d'autres termes, il a tout le temps eu l'intention de présenter amendement sur amendement; tantôt il va ajouter une virgule... il pourrait mettre la virgule à la bonne place dès le début, mais non, il va attendre encore cinq minutes avant de mettre la virgule de manière à pouvoir à nouveau entreprendre un débat de 20 minutes, à savoir si on doit, oui ou non, déplacer la virgule ou s'il a fait, oui ou non, une faute de français en la rédigeant. Evidemment...

M. Ouellette: II y en a une!

M. Bérubé: II y a une faute de français? Bon, alors, il faudra sans doute l'amender. Néanmoins, ne l'amendons pas tout de suite, puisqu'il faut quand même permettre à l'Opposition de représenter tantôt un amendement sur le déplacement de la virgule, ce qui va lui permettre de parler 20 minutes.

Une Voix: Une erreur sur le fond. M. Ciaccia: Toujours sur le fond! M. Grégoire: Elle n'est pas française.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Donc, M. le Président, essentiellement, on parle de problèmes d'écarts, alors que nous affirmons qu'il nous faut discuter ici de méthodes pour décider du prix juste à payer. Voilà ce que nous devons discuter ici: A quelle méthode doit-on faire appel pour décider du montant que l'Etat doit payer pour la mine.

Je comprends que, pour l'Opposition, c'est clair. J'écoutais le député de Mont-Royal, il y a quelques instants, alors qu'il nous disait: Vous allez payer $280 millions pour cette mine; il l'a répété à plusieurs reprises et, de fait, c'est clair dans l'esprit de l'Opposition, parce que l'Opposition libérale se dit: II y a 2 800 000 actions, comme ça vaut $100, donc il va en coûter $280 millions. C'est le raisonnement que fait l'Opposition. A noter que, implicitement, elle indique à nouveau son appui total et entier à la position prise par General Dynamics, puisque c'est General Dynamics qui parle de $100 l'action. C'est donc la position défendue par les libéraux, puisque, continuellement, ils nous parlent de $280 millions, ce qui indique, dans leur esprit, qu'ils ont carrément décidé de défendre le point de vue de General Dynamics. C'est leur droit et je pense que c'est indéniable; il faut simplement leur rappeler de temps en temps qu'ils sont en fait les défenseurs de cette pauvre petite compagnie misérable, opprimée par ce puissant Etat du Québec qui est en train d'écraser ce marchand de canons.

Essayons de voir comment on peut déterminer la valeur d'une société minière. Je me réfère par exemple à la loi créant la corporation de développement de la potasse de la Saskatchewan pour tenter de comprendre quelle approche a été suivie. A l'article 45 de cette loi on dit: "Subject to this section, the fair market value — vous noterez les termes, il s'agit essentiellement de la même approche adoptée par le gouvernement du Québec — of the assets expropriated is the amount that would have been paid for the assets if, at the time of expropriation, the assets had been sold free and clear of all encumbrances, lands, etc." Sur un marché ouvert...

M. Ciaccia: La loi ne dit pas ça.

M. Lalonde: Votre projet de loi ne dit pas ça.

M. Bérubé: Certainement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Bérubé: C'est la juste valeur marchande. Donc...

Une Voix: In so many words.

M. Lalonde: C'est épouvantable, mentir comme ça.

M. Bérubé: ... c'est exactement la même définition. Donc, la loi de la Saskatchewan... Oui, mais certainement, M. le Président. Puis-je demander à l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys de retirer ses paroles puisqu'il m'a traité de menteur?

M. Lalonde: M. le Président, je ne l'ai pas traité de menteur. J'ai dit: "C'est épouvantable de mentir comme ça". Si ça...

M. Bérubé:... subtile, M. le Président.

M. Lalonde: Je voudrais savoir quels mots il veut que je retire? Les mots "comme ça" ou "épouvantable"...

M. Bérubé: Epouvantable...

M. Lalonde: Le mot "épouvantable" alors je vais dire "effrayant", M. le Président.

M. Ouellette: II confond parlementaire et "par-lementeur"...

M. Bérubé: Effectivement, dans le cas de la Saskatchewan, on ne définit pas le montant, on définit un principe et de façon même, je dirais, moins précise que notre étude. Nous pourrions, par exemple, décider que c'est la valeur de remplacement que nous allons payer. A titre d'exemple, un gisement d'Abitibi, par exemple, est évalué à peu près à $400 millions et c'est un gisement capable de produire à peu près 250 000 tonnes-année. Sur la base de la valeur de remplacement, donc pour un gisement nouveau à développer, les mines de la société Asbestos qui produisent environ 300 000 tonnes-année vaudraient $480 millions. Ceci serait la valeur de remplacement pour une nouvelle installation. Il va de soi que nous avons bien clairement prévu dans la loi que le juge ne peut pas utiliser cette méthode d'évaluation. Nous lui imposons un principe, celui de la juste valeur marchande. C'est d'ailleurs beaucoup plus clair que la loi d'expropriation. La loi générale d'expropriation au Québec dit: "L'indemnité est fixée d'après la valeur du bien exproprié ". Elle ne parle pas de la juste valeur marchande sur un marché libre. Donc la loi d'expropriation est déjà beaucoup plus ouverte, beaucoup plus dangereuse pour l'Etat, mais, néanmoins, c'est la loi en vigueur au Québec dans tous les cas d'expropriation. On voit donc que dans le présent projet de loi, nous avons défini un certain nombre de balises. Il va de soi que nous ne pouvons pas commencer à fixer des taux d'actualisation que nous ne pouvons pas commencer à fixer, des paramètres qui servent aux calculs en ce cas, ce serait exactement l'équivalent de fixer carrément le prix. Nous pouvons fixer la méthode de calcul. C'est là tout ce que nous pouvons fixer. Donc, nous avons choisi une méthode et, c'est la méthode que vous retrouvez dans le présent projet de loi. Donc, dire que le gouvernement peut être appelé à payer n'importe quoi, c'est faux. Le gouvernement va devoir payer la juste valeur marchande de l'entreprise si elle se vendait sur le marché libre.

Le député de Richmond s'est interrogé à juste titre sur les causes de l'écart. Le ministre des Finances y est allé de certaines explications — je le conçois — générales, dans la mesure où il est lié par le secret de confidentialité, il ne pouvait pas entrer dans les détails.

Je suis convaincu d'ailleurs que le député de Saint-Laurent, je suppose que son maître lui a passé l'étude en question, que son maître n'était pas lié par une promesse de "confidentialité" et que son maître lui a permis, j'imagine, de déposer cette étude, ce qui serait très avantageux, ça permettrait à tous les députés, y compris les députés de notre formation, d'avoir le point de vue de Lazard Frères. Comme nous avons déposé l'étude de Kidder, Peabody, cela nous permettrait évidemment d'entrer dans les détails d'une discussion. Ce serait intéressant. Je vous suggérerais de téléphoner à votre patron, je pense que c'est à San Francisco qu'il est installé. Si vous voulez le numéro de téléphone, nous pourrions certainement vous aider.

M. Forget: Vous le connaissez, nous ne le connaissons pas.

M. Bérubé: Ils l'ont déjà, bon. Vous pourrez donc communiquer avec votre patron, M. Fiske ou un autre, je ne sais pas lequel, vous ne devez sans doute pas dépendre du président, mais peut-être du troisième vice-président ou peut-être même d'un balayeur de General Dynamics, cela ne m'étonnerait pas particulièrement. Vous pourriez peut-être demander l'autorisation de déposer cette étude.

Mais de fait, le ministre des Finances a indiqué des sources de différence. Par exemple, Kidder, Peabody utilise un taux d'actualisation, du "cash flow" qui est essentiellement de l'ordre de 15%, je pense que ceci est public. Est-ce que celui de Lazard est public? Je l'ignore, je ne prendrai pas de chance. Quant à celui de Lazard, disons tout au plus qu'il est inférieur. Lorsque nous demandons 15%, ça veut dire, en pratique, que nous demandons pour l'argent que nous investissons 15% de rendement en dollars constants; si on veut l'avoir en dollars courants, il faut ajouter l'inflation, c'est donc dire que nous demandons un rendement sur notre investissement de l'ordre de 21%, en dollars courants, essentiellement.

En d'autres termes, le ministre des Finances emprunte à 10% et il demande du 21%, compte tenu du risque. Vous vous doutez sans doute que celui qui cherche à vendre va dire: Mais non, ce n'est pas risqué l'amiante, il n'y a pas de raison d'aller chercher un taux de rendement sur votre investissement du double de ce que vous payez quand vous empruntez de l'argent. La vérité est sans doute quelque part entre les deux, sachant la très grande sécurité d'une obligation du Québec, on se rend bien compte qu'il y a probablement moyen de négocier. C'est ce que le ministre des Finances a dit dès le début, qu'il y avait possibilité de chercher à négocier un terrain d'entente à cet égard.

Mais le taux de 15% est cependant une valeur extrêmement fiable. En effet, pour quiconque travaille dans l'industrie minière, ces taux d'actualisation sont des taux connus, d'ailleurs, dans l'in-

dustrie forestière aussi. Lorsque le gouvernement a décidé de subventionner le démarrage de l'usine de Donohue-Saint-Félicien au Lac Saint-Jean, on a ajusté la subvention de manière que le taux de rendement sur l'investissement soit de 15%. C'est un taux couramment en vigueur. De fait, dans l'industrie minière, c'est le taux normal utilisé chaque fois qu'on doit prendre une décision d'investissement, le taux minimal. Très souvent, on va plus loin que ça. Par exemple, dans de nouvelles mines, on peut même aller jusqu'à 30%, compte tenu du risque encore plus élevé.

Donc, le taux de 15%, on le retrouve, en littérature, à peu près partout; il est couramment utilisé. Par conséquent, nous estimons que le jugement qui pourrait être rendu va être très près de 15%. Il aurait pu être plus élevé que 15% et abaisser encore le prix. Notre consultant nous a dit que 15% paraissait une moyenne juste, compte tenu de la très grande expérience qu'ils avaient acquise dans le secteur et du très grand nombre de cas qu'ils avaient à leur disposition, qu'ils avaient pu analyser.

Nous acceptons 15%, c'est un point de différence. Nous reconnaissons que le taux de rendement interne proposé par Lazard, je suis convaincu d'ailleurs que nos "cireux" de bottes de General Dynamics pourraient peut-être nous présenter le taux utilisé par Lazard, ça éviterait cette discussion en l'air, puisque ça vous permettrait de dire: Ecoutez, Lazard a utilité tel taux, nous le savons, ils nous l'ont dit.

Deuxième élément de différence: l'escalade des prix. La société General Dynamics estime que les prix vont monter très rapidement, beaucoup plus vite que l'inflation. Evidemment, ils ne tiennent pas compte de la substitution, mais, néanmoins, c'est une hypothèse. Ils la postulent, parce qu'ils disent: Nous nous dirigeons vers une pénurie d'amiante. D'ailleurs, on peut se demander d'où vient cette pénurie d'amiante dans la conception de General Dynamics. (23 h 15)

Je pense que, sans vouloir entrer dans le détail de cette analyse, on a un certain nombre de faits qui nous permettent d'imaginer la stratégie corporative de General Dynamics quant à son usine de Thetford Mines.

En effet, lorsque la mine de King Beaver est passée au feu, on n'a pas reconstruit. Beaucoup de mineurs se demandent comment il se fait que la compagnie n'a pas reconstruit. Peut-être qu'on ne veut pas réinvestir.

Lorsqu'on a décidé de dépoussiérer l'usine, il est à peu près uniformément admis dans l'industrie — et nous en avons abondamment discuté lors du débat de la loi 70 — qu'il est difficile de dépoussiérer une usine, sans d'abord moderniser les installations. C'est ce que la société Johns-Manville a fait. C'est ce que la société Lake Asbestos a fait. C'est ce que la société Bell Asbestos a fait.

En d'autres termes, il est préférable de moderniser l'équipement d'abord, pour avoir une plus grande productivité, pour avoir des caractéristiques de fonctionnement, des niveaux de dégage- ment de poussières plus faibles. A ce moment-là, on ajoute un système de dépoussiérage.

N'est-il pas intrigant que la seule compagnie en désaccord avec cette approche, soit Asbestos Corporation, qui prétend simplement installer des systèmes de dépoussiérage, sans modifier l'équipement, pour atteindre les normes du Québec. En d'autres termes, la société estime qu'elle ne devrait peut-être pas trop investir.

Là, on comprend. Lorsque l'intention d'une entreprise est de vider rapidement un gisement, en investissant le moins possible, et de maximiser son profit, évidemment, elle peut parler d'une pénurie de fibre, puisqu'elle sera la cause de cette pénurie de fibre. Elle n'a pas l'intention de faire de développement. Voilà une stratégie corporative intéressante. Il serait intrigant de savoir sur quelle base la compagnie Lazard Frères a fait ses études. Je serais curieux de le savoir.

Une Voix: On le sait.

M. Bérubé: Mais, comme vous les avez en main, vous n'avez pas besoin de présenter de motion, vous n'avez qu'à déposer cette étude.

M. Forget: Vous aussi, vous les avez en main et vous êtes curieux.

M. Lalonde: Le député de Frontenac, je ne le sais pas.

M. Bérubé: On aimerait le savoir.

M. Ciaccia: Ce sont des questions quand même.

M. Bérubé: On aimerait savoir dans quelle mesure cette compagnie — je suis convaincu que les membres du Parti québécois, je suis convaincu que le représentant de l'Union Nationale, aimeraient connaître cette stratégie corporative de développement, il n'est pas du tout impossible que l'idée de General Dynamics soit de siphonner le plus rapidement possible les teneurs les plus élevées du gisement, d'extraire le plus rapidement possible les réserves les plus attrayantes et de nous laisser avec les trous, la poussière et les résidus. Notez bien que, grâce au génie inventif de la Société nationale de l'amiante, demain, les gisements pourraient valoir beaucoup plus cher que l'amiante. Néanmoins, c'est un calcul qu'elle ne pouvait pas prévoir. D'ailleurs, je m'inquiète. J'ai demandé à la Société nationale de l'amiante de cesser le développement trop rapide des résidus d'amiante parce que, demain, elle va actualiser la valeur des résidus, cela pourrait nous coûter énormément cher. Je lui ai demandé de ralentir le développement, de manière qu'on ne paie pas trop cher, trop rapidement.

M. Lalonde: C'est une belle acrobatie. M. Forget: Ah! pour l'effort.

M. Bérubé: Je dois dire que l'humour du député de Saint-Laurent égaie certainement les travaux de cette commission et je l'encourage à continuer.

Ceci pour dire, M. le Président, que, parmi les causes des écarts de prix, il y aura la pénurie de fibre, pénurie de fibre à laquelle General Dynamics compte bien participer, en s'organisant pour ne pas produire, à long terme, de la fibre et donc provoquer une rareté. Je dois souligner d'ailleurs que les partenaires de la société Asbestos se demandent présentement quelle est la stratégie de mise en marché de la société Asbestos. On a beaucoup de points d'interrogation quant à cette stratégie. Elle est contraire, présentement à tout ce qui pourrait s'appeler les règles de l'art dans le domaine.

Et on peut se demander si ce n'est pas la poursuite du même objectif. En d'autres termes, la société General Dynamics pourrait avoir comme intention non pas d'approvisionner une industrie de transformation à elle sur la base d'un rendement continu mais de vider rapidement les réserves d'amiante les plus riches, de les vendre au plus haut prix possible, grâce à une rareté créée artificiellement, de manière à maximiser le retour sans investir un cent dans ces installations, ce qui me faisait dire, lorsqu'on disait que l'achat d'As-bestos ne créait aucun emploi: Si cela ne crée pas d'emplois aujourd'hui, cela risque d'en protéger un joli nombre pendant longtemps, alors que la stratégie de la General Dynamics pourrait être justement, rapidement, de réduire le niveau de ses activités. C'est un élément dont on ne tient pas compte, mais qui est capital et qui explique les différences potentielles entre les deux études, mais nous disons bien dans notre approche que c'est basé sur "a growing concern" dans notre projet de loi. En d'autes termes, le siphonage des réserves du Québec n'est pas jugé acceptable pour le gouvernement du Québec comme méthode d'évaluation de l'entreprise.

Voilà des raisons des différences entre les deux évaluations. Elles sont, je pense, capitales, mais l'objectif de cette commission n'est pas d'essayer de savoir si c'est $100, comme le proposent les libéraux, ce qu'ils demandent au gouvernement de payer, ou $30 ou $40, ce que pourraient être d'autres études telles que celles de la société Kidder, Peabody a publiées. Ce n'est pas là le but de cette commission. Cette commission doit présentement définir une méthode d'évaluation et c'est le but de cette commission.

Par conséquent, les motions que nous avons à discuter présentement sont purement et simplement des motions dilatoires, amendées, sous-amendées, avec des déplacements de virgules, en avant, en arrière, avec la danse des virgules que nous connaissons, mais, néanmoins, elles ne changent rien au fond du problème. Nous sommes ici pour discuter de la méthode et non de l'écart entre les deux évaluations.

M. Ciaccia: Article 96, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement.

M. Ciaccia: Oui. Au début de son intervention, le ministre m'a imputé des propos concernant les $100 payables, d'après l'étude de Lazard Frères. Il a prétendu que j'avais dit que c'est le chiffre que le gouvernement devrait payer et qu'apparemment, j'aurais appuyé totalement et entièrement la position de la General Dynamics. C'est absolument faux, M. le Président, je n'ai pas dit cela du tout. Ce que j'ai dit au gouvernement, c'est que, s'il procédait de cette façon, il courait le risque de payer les $100.

Une Voix: C'est cela.

M. Ciaccia: Mais les suggestions que j'ai faites, les suggestions que l'Opposition officielle a faites visent à éviter ce risque-là. Ce n'est pas pour appuyer la General Dynamics, c'est pour protéger la population, les contribuables qui seront appelés à payer la note.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, étant donné que passablement d'eau ou de paroles ont coulé sous les ponts depuis ma dernière intervention, j'aimerais revenir brièvement à un point qui a paru étonner les ministériels, c'est-à-dire la façon dont l'étude de Lazard Frères vous est parvenue. J'ai indiqué tout à l'heure au député de Frontenac que tout ceci s'était déroulé sous ses yeux, lorsqu'au début du discours de deuxième lecture, j'ai personnellement blâmé la société General Dynamics de n'avoir pas été suffisamment sensible à la dimension politique d'un débat qui l'oppose au gouvernement.

Il est clair que, du point de vue d'une société privée, on peut s'imaginer, on peut croire que le débat politique n'a aucune importance et que, finalement, ce sont les rapports des experts et éventuellement les cours de justice ou le tribunal d'arbitrage qui va faire foi de tout. Il reste qu'il y a une dimension politique évidente dans un projet comme celui-là. Même en tenant pour acquis le fait, consacré d'ailleurs par la loi 70, la création de la Société nationale de l'amiante, que le gouvernement allait décider d'acquérir d'une façon ou d'une autre la société Asbestos, même en tenant compte de cela, la question politique suprême qui demeure pertinente, qui demeure centrale, c'est de savoir jusqu'à quel point il est possible d'obtenir, relativement au prix de cette acquisition, les engagements gouvernementaux, dans le sens que cela ne dépassera pas un certain niveau.

Actuellement, on a une situation paradoxale, c'est qu'on a une garantie gouvernementale que cela va coûter au moins $42 l'action. Cela va coûter au moins $100 millions. Le genre de garantie qu'on cherche, ce n'est pas une garantie de plancher, c'est une garantie de plafond. On dit:

Donnez-nous des assurances que cela na coûtera pas plus cher qu'un chiffre donné. Mentionnez n'importe quel chiffre, mais autant que possible un chiffre qui ne soit pas le double ou le triple de celui que vous mentionnez comme un minimum. C'est là la question politique centrale de ce débat. Nous voulons nous assurer que le gouvernement du Québec n'entraîne pas derrière lui la population dans un investissement qui, s'il était très modique, pourrait être justifié, mais qui, s'il se fait à un prix inconsidéré, à un prix maximum, ne va certainement pas jouer à l'avantage du Québec, mais à l'avantage du propriétaire actuel. Il est bien évident qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre l'affirmation de General Dynamics, à savoir qu'elle n'est pas intéressée à céder la société Asbestos. Comme on sait, dans le secteur privé, on ne fait pas beaucoup d'idéologie là-dessus. On est prêt à vendre n'importe quoi pourvu qu'on ait le bon prix. Il est évident que le gouvernement, dans toute sa démarche jusqu'à maintenant, n'a pas pris la précaution de s'assurer que ce ne serait pas aux conditions en quelque sorte dictées par General Dynamics que l'acquisition se ferait, mais que se serait à des conditions qui soient justes, acceptables, raisonnables, compte tenu de ce qu'on peut en retirer comme avantage, nous, au Québec.

Voilà le débat politique. On est dans le coeur du débat politique. Est-ce qu'il est possible d'avoir de ce gouvernement un engagement quelconque quant au montant maximum qu'il s'engage à ne pas dépasser? C'est bien joli qu'il nous dise: On va payer au moins $42, mais ce n'est pas vraiment là qu'est la pression. Personne n'essaie du côté de General Dynamics de lui faire payer seulement $30. On sait très bien qu'il n'a pas à résister à une pression à la baisse. La pression à laquelle il doit résister de la part de General Dynamics, c'est une pression à la hausse. Très curieusement, à travers tout ce dialogue qui dure depuis des mois, dans le fond, d'une façon ou d'une autre, jamais le gouvernement ne s'est compromis, de manière à dire: Ecoutez, on va faire cette acquisition, mais rassurez-vous, on est sûr que cela n'atteindra pas le niveau de $99.75. Vous savez, on a deux rapports d'experts. Qui sait si devant le comité d'arbitrage, on ne produira pas un troisième rapport d'experts avec un prix de $125? Tout est permis. Il n'y a aucune espèce de limite supérieure. Il n'y a pas de plafond. On est dans une cuvette. On sait qu'il y a un fond, mais il n'y a certainement pas de couvercle. Il n'y a pas de limite supérieure. Le ministre encore aujourd'hui refuse de s'engager.

M. Grégoire: Ce n'est pas le stade olympique. Ce n'est que l'Asbestos Corporation.

M. Forget: C'est l'équivalent du stade olympique dans des conditions qui ne le justifient pas...

M. Bérubé: ... on ne demandera pas au député de Marguerite-Bourgeoys de contrôler les coûts.

M. Grégoire: Ce n'est pas le stade olympique.

M. Forget: ... parce qu'on n'est pas dans un contexte qui oblige à travailler selon un échéancier serré. Le gouvernement y met tout son temps. Il met deux ans et demi pour aller des premières intentions au début même d'une réalisation. Il y met tout son temps. Il n'a pas d'échéancier serré. En vertu de quoi ne nous engagerions-nous pas dans cette aventure avec un minimum de garanties du côté gouvernemental qu'on ne fera pas de folies? Justement, n'avez-vous rien appris, à partir d'expériences antérieures où un gouvernement s'engage sans mesurer suffisamment l'étendue de ses engagements possibles?

Nous avons du côté du ministre l'affirmation — ce n'est qu'une affirmation... M. le Président, est-ce qu'on peut obtenir un peu de décorum à cette commission? Nous avons écouté, de façon religieuse, le ministre. Je pense qu'il peut le...

M. Bérubé: ... le Parti libéral depuis quelque temps. Je me demande pourquoi, d'ailleurs.

M. Grégoire: M. le Président, le député...

M. Forget: Je demanderais la même considération.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent sait qu'il m'a interrompu continuellement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Tout ce que je disais, c'est que ce n'était pas le stade olympique.

M. Forget: Le député de Frontenac a une juste base pour se plaindre, mais il a aussi, à l'occasion, interrompu... Dans le cas du ministre, on a été absolument...

M. Bérubé: Je vois, d'ailleurs, l'auréole de sainteté autour de votre tête, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Nous n'en demandons pas tant, M. le ministre. Nous n'avons, contrairement à vous, aucune espèce de prétention à la sainteté ou à l'omniscience.

M. Bérubé: C'est vrai?

M. Forget: II demeure que nous avons posé des questions.

M. Bérubé: Intéressant désaveu de votre chef.

M. Forget: II demeure que nous avons posé des questions. Le ministre nous a fait l'affirma-

tion... Je ne sais pas si on doit demander au ministre un minimum de savoir-vivre ou de politesse. Je pense que l'on tolère assez largement ses sautes d'humeur, son esprit qui n'en est pas, d'ailleurs, mais au moins, il pourrait avoir un minimum de savoir-vivre. On ne lui demande pas grand-chose. On lui en demande beaucoup sur le fond, mais sur la forme... (23 h 30)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: ...on ne lui demande pas grand-chose. Mais je pense, M. le Président, qu'on pourrait demander ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est 23 h 30 et il faudrait que ça continue comme c'est parti...

M. Forget: M. le Président... Une Voix: Jusqu'à 2 heures?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Jusqu'à minuit, en vertu du règlement.

M. Forget: Oui.

M. Grégoire: ... consentement jusqu'à 6 heures.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Alors, M. le Président, on a posé une question. Le ministre nous a fait une affirmation au départ. Il a dit: Ce que l'on veut déterminer par la loi, c'est une méthode de détermination des prix. Là-dessus, déjà on n'est pas d'accord. Ce n'est pas une méthode, c'est une procédure qu'il y a dans le projet de loi. C'est une procédure. La méthode, ça fait référence à des méthodes de calcul, à savoir si, par exemple, la valeur de remplacement est une méthode appropriée pour déterminer la juste valeur marchande. On sait que ce sont des hypothèses qui sont examinées dans le rapport Kidder, Peabody, cette méthode, celle du "price-earnings ratio", etc.; laquelle des méthodes? Il n'y a pas de choix dans la loi, on détermine une procédure.

Or, c'est justement sur le terrain des méthodes que nous voudrions engager le gouvernement, parce que c'est de ce côté-là que le gouvernement peut s'engager, peut limiter les dégâts possibles. De ce côté-là, il nous dit: II y a un certain nombre de possibilités. Il fait, d'ailleurs, d'une façon très intéressante, allusion à deux des causes principales des écarts de prix. Ceci est de notoriété publique. Il y a, d'une part, le taux d'escompte, qu'il a mentionné; il y a, d'autre part, la question des évaluations quant aux prix futurs, l'évolution des prix futurs de l'amiante.

M. Bérubé: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permettrait une question?

M. Forget: A la fin, si vous permettez, M. le ministre.

Je note cependant que dans le cas de l'exposé du ministre, il a fait un plaidoyer pour ce que l'on retrouve dans le rapport Kidder, Peabody, c'est-à-dire, par exemple, un taux d'escompte réel de 15%. Fort bien! S'il est si sûr que ça que 15% est la limite, est-ce qu'il est vraiment prêt à prendre un engagement, à savoir qu'il est inconcevable, plus, qu'il est impossible qu'un comité d'arbitrage — parce qu'il connaît, lui aussi, comme nous la connaissons, l'étude de Lazard Frères. Il connaît les précédents qui ont été créés lors d'autres expropriations d'industries liées à l'exploitation, à l'extraction de ressources naturelles. Est-ce qu'il peut nous garantir, au nom du gouvernement, que ce taux d'escompte réel de 15% ou de 20% si on ajoute l'inflation que, d'ailleurs, les deux parties estiment également à 6% — de toute façon, on ne connaît pas l'avenir personne; c'est une hypothèse qui en vaut une autre — ne sera pas dépassé dans aucune circonstance, dépassé par l'autre bord, bien sûr, qu'il n'y aura pas, de la part d'un conseil d'arbitrage, une décision voulant que ces 14% ou que ces 12% ou que ces 11% ou que ces 10%, en termes réels — on pense toujours en termes réels — c'est un taux de rendement qui est trois ou quatre fois plus élevé que le rendement moyen de la plupart des instruments financiers, on le sait, en longues périodes, compte tenu de l'inflation, c'est donc un taux de rendement fort élevé. C'est un taux d'escompte fort élevé. Est-ce qu'il peut nous donner l'assurance qu'un conseil d'arbitrage ne descendra pas plus bas que 15%, qu'il n'adoptera pas 14%, 13% ou 12%? Il y a des dizaines de millions d'affectés là-dessus. C'est un engagement qui sera important!

Est-ce que le ministre peut nous dire, étant donné la connaissance qu'il a du dossier des expropriations dans le domaine des ressources naturelles effectuées au Canada depuis dix ans, que, effectivement, il est absolument impossible qu'un autre taux que 15% soit retenu? Qu'il nous fasse cette affirmation au nom du gouvernement et, déjà, nous serons un peu plus satisfaits, un peu plus rassurés. Relativement à l'évolution des prix, est-ce que le ministre n'est pas conscient que depuis environ 1974, 1975... D'ailleurs, dans la revue publiée par son ministère, le numéro de février, je pense, ou quelque chose du genre, il y a, à deux reprises dans cette revue, un tableau de l'évolution du prix moyen de la fibre. Est-ce qu'il n'est pas conscient que ce prix, depuis une période d'environ quatre ans, s'est multiplié par un facteur qui se situe entre 3% et 3,5%? Ce n'est évidemment pas en dollars constants, mais en dollars nominaux; de toute façon, l'inflation, tout le monde sait bien que, même si elle est élevée, on n'a pas eu une inflation de 300% depuis quatre ans. Il y a donc une augmentation du prix réel moyen de la fibre fort considérable depuis trois ans. Est-ce qu'on peut maintenant nous assurer, du côté gouvernemental, que c'est fini, que ça ne se reproduira plus? Est-ce qu'il peut nier que la plupart des produits substituts à l'amiante, qui déterminent donc, les substitutions, qui détermi-

nent la possibilité d'une augmentation du prix réel, sans qu'il y ait substitution, ont augmenté plus rapidement que l'indice des prix de gros, que l'indice des prix à la consommation, à plus forte raison au cours des dix ou vingt dernières années? Est-ce qu'il peut nier qu'un élément comme celui-là risque d'être utilisé par un conseil d'arbitrage pour dire: Non, messieurs du gouvernement, votre hypothèse d'une stabilité absolue des prix n'est pas justifiée?

Est-ce qu'il peut nier qu'une partie très importante de l'écart des coûts entre les deux études est due justement à cela? S'il ne peut pas le nier, s'il ne peut pas nous donner d'assurance là-dessus, comment peut-il nous donner l'assurance que ce n'est pas $260 000 000 qu'on devra payer? S'il ne peut pas nous donner d'assurance là-dessus, pourquoi s'étonner que l'on cherche justement à poser ces questions-là aux experts, parce que c'est bien sûr qu'en lisant ces deux rapports il y a un tas d'incongruités?

Il y a d'abord deux maisons qui ont une réputation internationale, Lazard Frères, ce n'est pas né d'hier. Ce ne sont pas des gens qui, parce qu'ils ont un contrat d'une société, à un moment donné, vont jeter par-dessus bord une, deux ou trois générations d'expertise dans le domaine financier en disant: Peu importe, on peut dire n'importe quoi et les gens vont continuer à nous faire confiance.

Ils ne peuvent pas le faire, donc il y a une certaine crédibilité, a priori, il y a quand même quelque chose de sérieux là-dedans et, quand ils font une affirmation qui est contredite par un autre rapport, est-ce qu'on va nécessairement croire que c'est Kidder, Peabody? Tant mieux si Kidder, Peabody avait raison, le contribuable ne s'en trouvera que mieux.

Mais est-ce que le gouvernement peut vraiment nous donner cette assurance en toute sécurité? Est-ce que le contribuable qui est devant un tel silence de la part du gouvernement peut dire: Oui, tout va très bien, le gouvernement a vraiment les choses en main? Il y a des contradictions entre les maisons d'experts, mais lui nous dit que ses experts sont les meilleurs.

C'est le fin mot de l'histoire, on va se coucher sur nos deux oreilles et on est sûr qu'on ne dépensera pas plus que $100 millions. Si le ministre ne peut pas nous donner ces assurances, comment s'étonner qu'on demande que nous, nous posions les questions pour essayer de comprendre où est la faille?

Du côté de l'étude de Lazard, il y a certainement des choses qui ne me satisfont pas. Je peux même, après une lecture rapide, dire: II y a des choses qui, à première vue, ne sont pas justifiées. J'aimerais bien pouvoir poser ces questions.

Dans l'étude de Kidder, Peabody, la même chose, il y a des choses qu'on écarte du revers de la main, sans vraiment le justifier. On dit: Telle méthode de calcul, on ne la retient pas. Dans le fond, peut-être est-ce parce que ça produit un chiffre trop élevé, mais, de toute façon, la jus- tification ne s'y trouve pas. Peut-être y a-t-il d'excellentes raisons. Tant mieux s'il y a d'excellentes raisons, mais, à moins qu'on nous le dise, on ne pourra jamais le croire à moins de faire un acte de foi et, quand il s'agit de $150 millions ou $200 millions, les actes de foi, écoutez, laissez-les pour les autres, parce que, quant à moi, ce n'est pas le genre d'attitude que je trouve rassurante.

Je ne m'étendrai pas, M. le Président, sur les accusations de mauvaise foi dont on fait un abondant usage de l'autre côté. Des accusations de mauvaise foi, on pourrait en faire aussi, de notre côté, avec une égale facilité. On pourrait s'amuser à retracer, dans les déclarations que le ministre de Richesses naturelles a faites, depuis un an et demi, un certain nombre d'affirmations qui sont, disons pour employer un mot poli, paradoxales, pour ne pas dire davantage, des affirmations qui sont — je m'excuse — contredites par des faits.

Quand il nous a fait en commission parlementaire des affirmations qui sont contredites par ses propres actions, ce n'est même pas une prédiction quant à ce que d'autres pourraient faire, ce sont des prédictions quant à ses propres actions qu'il a contredites carrément quelques mois plus tard. Ce sont des affirmations qu'il a faites au moment de la deuxième lecture et qui sont contraires à la vérité. Nous mettons ça au compte de l'enthousiasme excessif, de la chaleur et de la vivacité du débat, de tout ce qu'on voudra.

On n'irait pas l'accuser de mauvaise foi, du désir de tromper la population ou l'Opposition officielle, non, pas du tout. Nous sommes prêts à lui donner une certaine marge pour faire des affirmations qui, parfois, forcent un peu la réalité; c'est, apparemment, une tournure d'esprit qu'il trouve qui peut probablement nous maintenir en éveil, nous alerter toujours, on est toujours en train de surveiller ce qu'il va dire, parce qu'on ne sait jamais si on ne trouvera pas une perle. Cela peut contribuer, évidemment, à animer nos débats et peut-être à nous divertir, selon la théorie qu'il exposait tout à l'heure.

Il reste qu'on ne veut pas lui faire grief de tout ceci, mais il doit reconnaître que les questions qu'on lui pose, relativement à des garanties gouvernementales, quant au plafond sur le coût, ce sont des questions absolument légitimes, ce sont des questions auxquelles le gouvernement n'a pas fait de réponse jusqu'à maintenant.

Il se lave les mains de la question du coût, il se décharge de toute cette responsabilité sur un juge de la Cour provinciale. J'ai énormément de respect pour tous les juges de la Cour provinciale sans exception et je ne sais pas d'avance lequel de ces illustres juristes sera choisi pour déterminer le montant qu'on devra payer pour l'acquisition d'actifs miniers. Je ne sais pas quelle est l'expérience et les connaissances particulières dont disposera un juge de la Cour provinciale pour se retrouver et arbitrer de façon vraiment impartiale entre deux rapports qui sont épais de plusieurs pouces chacun et qui traitent de questions assez ésotériques à certains moments, surtout dans la perspective d'un juriste. J'espère que tout ceci se

fera de la façon la meilleure possible. Il demeure que c'est une responsabilité énorme qu'on place sur le dos d'un homme; ensuite, on pourra dire: Ecoutez, c'est une procédure qui a été retenue par l'Assemblée nationale, on ne savait pas d'avance ce que ça donnerait, on a pensé en toute candeur, en toute bonne foi que notre étude était la meilleure, on n'avait pas pensé que peut-être, effectivement, un précédent serait invoqué par les avocats très célèbres et très bien payés qui seront retenus par la société General Dynamics qui ont découverts, justement, qu'il y avait un pattern qui s'était établi dans ces questions-là, que ce n'est pas la première fois qu'il se fait des expropriations et que, finalement, les hypothèses de Lazard Frères étaient les plus courantes en Amérique du Nord dans ces questions-là, étaient les plus appropriées pour l'étude. Malheureusement, ça nous a coûté $150 millions de plus, mais, que voulez-vous, c'est la fatalité, c'est la même fatalité que celle dont nous a parlé souvent le ministre des Finances quand il parle de la fiscalité. Il nous a dit: Ecoutez, cela fait partie de la fatalité. Il faut se résigner, il y aura toujours des impôts; il y aura toujours des pauvres aussi; comme nous dit le ministre des Affaires sociales. Ce sont les fatalités avec lesquelles l'Etat se débat.

Mais, à notre avis, ce n'est pas véritablement fatal qu'on doive payer $270 millions ou $280 millions à la société General Dynamics parce qu'il y a des jugements à porter. Ce ne sont pas des jugements purement techniques. La question de savoir quelle est la méthode appropriée, ça repose essentiellement sur des jugements qui ne peuvent pas être pris seulement sur une base technique. Quand on fait une expropriation d'un terrain pour passer une autoroute, on peut bien comprendre qu'il s'agit de déterminer si, dans la région, pour des terrains de même qualité, situés à peu près de la même façon, c'est $0.05 le pied carré ou $0.45 le pied carré ou quelque chose entre les deux, je n'en sais rien. A ce moment-là, de toute manière, l'intérêt supérieur de l'Etat n'est pas en jeu. Il s'agit de savoir si on va payer $25 000 pour un bout de terre ou si on va en payer $37 000. Ce n'est véritablement pas majeur; il est tout à fait légitime de dire: L'Etat n'a pas besoin de prendre parti là-dedans de façon excessive, qu'il confie à un juge la détermination de ça. La preuve sera faite par les parties et, même s'il y a une erreur et que ça nous coûte un peu plus cher, malgré tout, il y a là une question de transiger avec des parties qui sont dans une situation de disproportion. Il y a l'Etat d'un côté et il y a un citoyen. Le processus judiciaire d'arbitrage d'expropriation est tout à fait approprié. Mais, quand on prend des décisions qui supposent qu'on porte des jugements sur tout l'avenir d'une industrie, tout l'avenir d'une ressource naturelle que nous avons au Québec, ce n'est pas simplement le jugement froid d'un investisseur. Il y a toutes sortes de suppositions qu'il faut faire et c'est presque impossible d'imaginer que ça peut se faire par une mécanique d'arbitrage absolument impartiale, neutre, sans qu'il y ait une implication politique, sans que le gouvernement se mouille de ce côté-là.

Ce que je trouve le plus curieux, M. le Président, c'est que le ministre qui nous a vendu le projet de l'amiante en parlant de pénurie, en parlant de l'immense avantage qu'on avait à contrôler cette ressource-là, quand il s'agit ensuite, par personne interposée, par le ministre des Finances, d'évaluer ce que ça vaut, il dit: Ecoutez, non, ce n'est plus le même tableau...

Est-ce qu'on s'est demandé pour un instant — je ne veux pas me prononcer sur la valeur de l'argumentation du ministre, on l'a fait à d'autres occasions — est-ce qu'on s'est demandé pour un instant ce qu'il arriverait devant le conseil d'arbitrage si la société General Dynamics reproduisait de la transcription des débats en commission parlementaire seulement la partie du témoignage du ministre des Richesses naturelles, l'an dernier? Il est le meilleur témoin de General Dynamics, il est la source privilégiée de son information pour ce qui est de savoir quelles sont les perspectives de cette industrie aux yeux du gouvernement, on va le citer abondamment. Il va être mis dans une situation impossible. (23 h 45)

Je pense bien d'ailleurs que c'est pour cette raison qu'il ne négocie pas, c'est sûrement une des raisons. Il ne veut certainement pas être mis en contradiction avec lui-même. Vous pouvez vous attendre que si les avocats qui sont employés par la société General Dynamics valent la moitié des honoraires qu'ils vont exiger, ils vont citer abondamment le ministre des Richesses naturelles qui s'est exprimé là-dessus pendant des heures entières, en disant que c'est une ressource essentielle à notre développement qui est promis à un avenir fantastique et que c'est essentiel de le contrôler, parce qu'il y a une pénurie qui nous guette. Tout ça vaut de l'argent et il va le payer, parce qu'il ne s'est pas engagé, comme gouvernement, à limiter les risques.

M. Bérubé: Cela fait baisser les prix.

M. Forget: C'est le but de la motion, M. le Président.

M. Grégoire: On vous a assigné comme témoin...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: M. le Président, ça fait presque quatre heures déjà que j'écoute et comme, personnellement, je suis pour les méthodes concises et courtes dans mes interventions, j'ai un point de vue différent là-dessus. Si la firme Lazard Frères a demandé un accord de confidentialité au ministre des Finances, je vois mal qu'elle vienne ici pour briser elle-même cet accord, à la suite d'un voeu de la commission. Depuis le début, toute parole dite ici est inutile et n'a été dite que dans le but de retarder l'étude article par article de ce projet de loi.

C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, l'introduction de la motion de sous-amendement du député de Mont-Royal touche à un point important qui devrait, il me semble, allumer au moins une lumière jaune, sinon une lumière rouge dans l'esprit des députés ministériels; c'est l'écart entre les deux, c'est ce qui frappe l'imagination, c'est ce qui devrait être un signal d'alarme. Il me semble qu'on est aveugle, plus qu'aveugle même, on se ferme les yeux et on ne veut pas voir le message qui est transmis par cette situation de fait entre deux évaluations faites d'une façon qui semble compétente ou, enfin, par des gens qui ont prouvé leur compétence dans le passé, qui ont une réputation à soutenir. Je n'ai pas à défendre ni les uns ni les autres, mais j'aimerais bien avoir l'occasion de poser des questions aux uns et aux autres.

M. le Président, le député de Bourassa tantôt et d'autres s'amusaient à parler des Olympiques. On m'a dit tantôt: Le député de Marguerite-Bourgeoys, qu'est-ce qu'il a contrôlé dans les Olympiques? On a parlé de la commission Malouf, vous avez laissé s'exprimer le député de Bourassa sans invoquer l'article 99, 4e paragraphe, alors vous allez me laisser dire ceci, M. le Président. Si le député de Bourassa — il a quitté, mais il pourra lire ces propos — a suivi attentivement le déroulement de la commission Malouf, il aura remarqué qu'après avoir témoigné pendant une journée complète, en octobre l'an dernier, j'ai été rappelé au mois de mars pour établir, avec un autre témoignage d'un permanent du comité dont je faisais partie, qu'en janvier et dans les premiers mois de 1974, la ville de Montréal était en possession d'évaluations partielles, mais d'évaluations sur les travaux à faire sur le Stade olympique et que ces évaluations, dans certains cas, étaient deux ou trois fois plus élevées que le budget préliminaire de la ville de Montréal.

Il a été établi aussi que ces évaluations ont été cachées au comité dont je faisais partie et que connaissance nous en a été donnée seulement il y a quelques semaines, lorsque j'ai été appelé à témoigner.

M. le Président, sans préjuger de ce que la commission Malouf dira des conséquences de ces gestes pour la ville de Montréal, il me semble qu'il y a quand même un parallèle à tirer ici. On a devant nous deux évaluations, dont une est plus de deux fois plus élevée que l'autre. On a l'occasion de les voir. On connaît leur existence, contrairement au comité dont je faisais partie il y a quelques années, qui ne connaissait pas l'existence de ces évaluations qui auraient pu nous dicter des décisions importantes, parce que c'était avant le commencement de la construction, alors qu'on a connu la première évaluation véritable seulement après le commencement de la construction.

Si on est éclairé, si on tire leçon du passé — et je n'ai pas objection à ce qu'on parle des Olympiques, au contraire, il me semble que cela nous coûte assez cher pour qu'on en tire une leçon.

M. Bérubé: C'est vraiment le seul mot juste de la soirée.

M. Lalonde: A ce moment-là, devant le parallèle d'une situation où on ne connaissait pas des évaluations, parce qu'elles avaient été cachées, ici, non seulement elles ne sont pas cachées, on en connaît l'existence, mais le ministre ne veut pas les voir.

M. Grégoire: Vous les avez.

M. Lalonde: II ne veut pas permettre à cette commission parlementaire, qui est appelée à décider du contenu de ce projet de loi, donc de la loi lorsqu'elle sera adoptée, ce gouvernement ne veut pas permettre à la commission de s'informer sur le contenu des évaluations que le ministre connaît, que d'autres députés connaissent et la commission parlementaire comme telle n'aura pas l'occasion, à cause du refus du ministre et du gouvernement, de poser des questions. J'aurais bien aimé connaître les évaluations de la ville de Montréal en janvier et février 1974, pour avoir l'occasion de demander aux ingénieurs pourquoi c'était trois fois plus cher. A ce moment-là, on aurait pu faire de la projection et dire: Cela ne coûtera pas $250 millions, vos Olympiques, mais $1 milliard. On n'a pas eu cette occasion, mais, ici, on l'a'. Prenez donc la leçon qu'on paie cher tout le monde. Prenez-la et donnez-nous l'occasion ici, en commission parlementaire, de poser des questions à savoir pourquoi c'est plus de deux fois plus cher dans un cas que dans l'autre. Où est l'erreur? Qui a fait l'erreur? En identifiant le cheminement de la pensée de chacun des deux évaluateurs, nous allons pouvoir trouver les méthodes, les normes, les critères dont se sont servis l'un et l'autre pour décider, mettre dans la loi quels critères, quelles normes l'arbitre devra suivre, puisque le gouvernement ne veut pas prendre ses responsabilités et mettre un plafond, comme le demande le député de Saint-Laurent depuis tantôt, dans son plaidoyer qui, il me semble, était très clair.

C'est cela qu'on demande. C'est pour cela que le sous-amendement du député de Mont-Royal est très utile. Cet écart entre les deux évaluations, prenez-en la leçon, s'il vous plaît. Ce n'est pas votre argent, c'est l'argent de la population. Là, on a la chance d'avoir ces évaluations avant le fait, avant la décision. Laissez-nous interroger les deux évaluateurs et leur demander pourquoi. Que ce soit un taux d'actualisation de 15% ou de 10% ou de quelque part entre les deux, à ce moment-là, on pourra le dire et inscrire dans la loi les critères qui pourront servir à l'arbitre pour ne pas dépasser un plafond acceptable. Il y a une incohérence que le Parti québécois va payer cher naturellement, M. le Président, mais surtout que les Québécois vont payer cher, une incohérence dans le geste des ministériels.

Je posais la question hier — je reviens là-dessus, parce que c'est important — à des députés lors du débat en deuxième lecture: Est-ce que vous êtes prêts à payer $100 l'action? Non, on n'est pas prêt. Le ministre des Transports m'a dit:

On n'est pas prêt. Si on était prêt, on ne serait pas ici avec ce projet de loi. Mais, si vous n'êtes pas prêts, mettez dans la loi ce qu'il faut pour ne pas payer $100. C'est cela qu'on leur demande. C'est une cohérence de dire: Nous autres — comme le premier ministre a dit — c'est $40 ou $42 ou autour de cela, sinon, cela ne marche pas, et de présenter un projet de loi qui n'a pas de plafond et qui ne forcera pas l'arbitre à respecter un plafond, que ce soit un plafond absolu, en termes de dollars, que ce soit un plafond auquel on devra se soumettre, auquel l'arbitre devra se soumettre nécessairement en incluant dans le projet de loi des critères et des normes auxquels l'arbitre devra se soumettre, parce que l'arbitre n'aura qu'un maître, vous savez, c'est la loi. Au-delà de la loi, ni les voeux du Parti québécois, ni les voeux du premier ministre dans ses réponses, ni les voeux du ministre des Richesses naturelles tantôt n'auront force de loi. Aucun de ces voeux ne liera l'arbitre, l'arbitre n'aura devant lui que la loi qui sera son maître, et c'est seulement en vertu de la loi. Quand vous regardez la loi, la valeur marchande est un concept qui est quand même très large. Il faut admettre qu'un avocat pourra facilement témoigner, facilement plaider que la valeur marchande, c'est $100 ou peut-être même $120, selon les circonstances qui pourront changer d'ici ce temps-là. Le Parti québécois, comme les députés d'en face qui veulent — et je respecte leur opinion — que le Québec achète cette compagnie — je ne partage pas cette opinion-là, mais je la respecte. Elle a été exprimée par l'Assemblée nationale, maintenant; c'est le projet de loi. Enfin, le principe est accepté.

Je respecte maintenant cette décision de l'Assemblée nationale, même si je ne la partage pas. Votre réveil va être brutal, vous savez. Si vous avez refusé d'aller au-delà de $42, donc si vous avez refusé de continuer à négocier avec General Dynamics pour l'achat de l'Asbestos Corporation parce que ces gens veulent plus que $42 et que vous vous retrouvez, dans un an, avec un jugement de tribunal qui dit que c'est... Je ne sais combien, le ministre de l'énergie avait parlé de $60. Il faudrait savoir, mais enfin... Ni moi, ni vous, ni personne autour de cette table ne pouvons dire: Cela va être $40, $42, $60, $80 ou $100 ou plus. C'est seulement la loi qui peut permettre à un tribunal d'arbitrage de dire: Cela va être pas plus que tant. C'est tout ce qu'on demande. La façon pour nous de l'inscrire dans la loi de façon correcte et sûre, c'est d'inviter ici les gens qui sont les seuls que l'on connaisse qui ont fait une évaluation... S'il y en a une troisième, qu'on l'invite. La seule façon, c'est de les inviter et de leur demander pourquoi ils arrivent avec un écart aussi considérable, quasiment inexplicable. Le ministre s'est attardé sur la question du taux d'actualisation, du "cash flow". C'est probablement une des raisons. On sait que, si on prend un taux de 15%, c'est tant. Si on en prend un de 14% ou de 13%, comme disait le député de Saint-Laurent, ce sont des millions et des dizaines de millions de différence. C'est peut-être là qu'est le problème. On aimerait le savoir, et demander: Pourquoi 15%? Pourquoi 11%? Est-ce que 11%, c'est accepté généralement dans l'industrie? S'ils nous disent: Oui, c'est accepté, 11% ou 10%, je ne sais combien, à ce moment, il va falloir commencer à y penser. Cela veut dire que le tribunal d'arbitrage va peut-être pencher vers cela. Il va falloir mettre un plafond ici, dans la loi. C'est tout ce qu'on vous demande. Prenez donc les leçons! S'il vous plaît, prenons donc les leçons qui nous coûtent cher. C'est vrai! C'est un stade olympique que vous êtes en train de faire, mais pire que l'autre. Vous avez actuellement les moyens de le contrôler, mais vous ne voulez pas le faire.

M. Grégoire: ... au moins.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est pour cela que je trouve absolument incroyable l'attitude du ministre qui parle avec ses fonctionnaires, qui se fout parfaitement de tout ce qui se passe ici, qui attend simplement que minuit arrive, alors qu'il est en train d'empêcher les élus de la population de prendre connaissance des véritables problèmes de l'évaluation — au fond, c'est tout ce qui nous reste à changer dans cette loi, les modalités d'évaluation. Je trouve incroyable et aberrante l'attitude du ministre actuellement, inacceptable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui?

M. Forget: J'aurais juste une information à donner, très brièvement. Le ministre a demandé qu'on identifie les articles pour lesquels nous aimerions bénéficier de la présence du ministre des Finances...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Forget: On l'a fait dans le cours de la soirée, et je pourrais faire l'énumération. Elle est très brève, d'ailleurs. Ce sont les articles pivot, au point de vue de la décision et de la détermination de la valeur. Les paragraphes 20, 21, 27, 29, 31, 44, 45, 46 et 48.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous les avez pris en note? Oui?

M. Bérubé: 20, 21, 27, 29, 31, 44, 45, 46 et 48. M. Forget: C'est bien ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Là-dessus, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 23 h 59

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