Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 24 octobre 2023
-
Vol. 47 N° 32
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés aux opioïdes
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures cinquante minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...plaît! La Commission des relations avec les citoyens
commence... Voyons. Je m'excuse. Ayant constaté le quorum... Pardon, j'étais
déjà sur la fin de l'autre. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Bienvenue à tous et à
toutes.
La commission est réunie aujourd'hui afin
de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 36, Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des
dommages-intérêts liés aux opioïdes.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Bérubé (Matane-Matapédia) est remplacé par M. Paradis
(Jean-Talon).
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter ce matin avec
les remarques préliminaires...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Puis nous continuerons avec les groupes suivants :
maître Louis LeTellier de St-Just, conjointement avec Mme Sandhia
Vadlamudy, j'espère que j'ai bien prononcé votre nom, ensuite, nous allons
poursuivre avec l'Institut national de santé publique du Québec et docteure
Marie-Ève Goyer.
Alors, j'invite maintenant le ministre responsable
des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous
allez bénéficier d'une période de six minutes, et le micro est à vous.
M. Carmant : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bon matin, tout le monde. Merci à nos deux invités
d'être là ce matin. Je tiens à remercier mes collègues d'être présents, la
députée de Soulanges, de Vimont, d'Abitibi-Ouest, de Laviolette-Saint-Maurice
et de Châteauguay. Merci d'être là. Les députés de l'opposition également,
merci beaucoup de vous joindre à nous ce matin pour cette importante
commission.
Mme la Présidente, d'abord, j'aimerais
souligner qu'il s'agit du premier projet de loi que je dépose dans cette
43e législature et que je suis très content d'être ici avec vous dans le
cadre de son étude. J'aimerais aussi prendre le temps de saluer les... Nos
invités de ce matin qui vont avoir une contribution importante, là, à
l'avancement de ce projet de loi. Plusieurs de mes collègues ont eu d'entrée de
jeu de bons mots sur le projet de loi et ses objectifs et je tiens à les
remercier, puis j'espère qu'on va savoir faire avancer ensemble ce projet de
loi le plus rapidement et le plus efficacement possible, Mme la Présidente.
Le sujet visiblement nous touche tous, et
il est important que l'on s'y penche. D'abord, j'aimerais remettre en contexte
rapidement le dépôt de ce projet de loi. Il faut rappeler que cette situation
qu'on reconnaît comme la crise des surdoses n'est pas unique au Québec. En août
2018, la Colombie-Britannique, durement frappée par cette crise, a pris
l'initiative de déposer une demande d'autorisation à exercer une action
collective contre une quarantaine de fabricants et de distributeurs d'opioïdes
ainsi que leurs consultants. Les comportements de ces fabricants et distributeurs
auraient conduit, entre autres, à la mort et à l'hospitalisation de milliers de
Canadiens suite à des surdoses. Aussi il faut faire face à de fausses
représentations quant aux risques de dépendance, aux effets secondaires et aux
symptômes de sevrage. Ces médicaments, normalement utilisés pour les douleurs
aiguës et sévères, sont devenus le traitement physique de douleurs chroniques
de nombreux patients. De ces manquements a résulté un marché inondé de ces
puissantes drogues alors que la demande ne l'a jamais justifié.
Cette crise, au fil des ans, il ne fait
aucun doute qu'elle est maintenant rendue au Québec. Aujourd'hui, on voit de
plus en plus de gens qui ont besoin d'aide à Montréal, mais partout au Québec,
et c'est très préoccupant. En 2020, on comptait 319 décès attribuables à
une intoxication aux opioïdes comparativement à 263 décès en 2016, une
augmentation significative et qui dépasse par exemple les accidentés de la
route, Mme la Présidente. Le problème s'est amplifié. Avec ces centaines de
décès viennent aussi des hospitalisations, des visites aux urgences, des
visites en centre de traitement de dépendances, bref, une charge réelle pour
notre réseau de la santé et des services sociaux.
La présence de la crise au Québec est donc
maintenant une évidence, Mme la Présidente. Aujourd'hui, il est temps pour nous
de déposer ce projet de loi et de mettre en place les mécanismes pour non
seulement soutenir cette action collective de la Colombie-Britannique, mais
aussi à rendre imputables envers les Québécois ces entreprises qui ont causé
tant de dommages.
Ce projet de loi vise notamment à prévoir
un recours direct contre les fabricants et distributeurs d'opioïdes ainsi que
les entreprises de consultation les ayant conseillers afin de recouvrer les
coûts des soins de santé engagés et de faire assumer à l'industrie la
responsabilité de ses agissements, aménager des règles particulières au régime
général de la responsabilité civile qui trouvent habituellement application au
Québec pour cette situation particulière et permettre au Québec d'agir comme
membre d'une action collective initiée par la Colombie-Britannique. Par ce
projet de loi, le Québec rejoint donc les autres provinces, les territoires et
le gouvernement fédéral, qui considèrent tout autant que nous complètement
inacceptables les fautes commises par ces grosses compagnies pharmaceutiques.
Au-delà des aspects plus techniques, c'est
une démarche qui s'inscrit en totale continuité avec l'engagement de notre
gouvernement à lutter contre la surdose des opioïdes. Au printemps dernier, on
annonçait 36,9 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir des
mesures de prévention et de réponse aux surdoses. Ces sommes s'ajoutaient aux
15 millions de la Stratégie nationale de prévention des surdoses de
substances psychoactives 2022-2025. Plusieurs mesures de ce plan visent à
prévenir les surdoses, notamment auprès des personnes vulnérables qui peuvent
souffrir des problèmes de santé mentale ou être en situation d'itinérance. On a
investi pour renverser la tendance de la crise des surdoses dans les dernières
années et pour offrir plus de services aux gens qui en ont besoin, et nous
allons continuer à le faire, Mme la Présidente. Ce projet de loi est un pas, je
crois, dans la bonne direction.
Tout au long du processus, je pense qu'il
sera important de toujours garder une chose en tête, le projet de loi, on le
fait au nom de tous les citoyens qui ont été victimes de la crise des surdoses
et qui en ont souffert...
M. Carmant : ...on le fait pour
les Québécois et leurs proches, c'est important de se le rappeler.
Je remercie donc les équipes qui nous ont
accompagnés dans le cadre de cette démarche, d'abord pour le travail accompli
jusqu'à maintenant et ensuite pour tout ce qu'il reste à faire. Je tiens à
nommer les gens du ministère de la Santé, les gens de la Santé publique
également, qui ont joué un rôle important.
Je suis heureux de pouvoir compter sur mes
collègues de l'Assemblée nationale et sur l'ensemble des personnes concernées
par cet enjeu pour ce qui est à venir dans le processus de bonification du
projet de loi que nous débutons aujourd'hui.
Notre plus grand désir est de poser des
gestes forts et de joindre la parole aux actes pour améliorer de manière
notable et durable la santé des Québécoises et des Québécois.
Aujourd'hui, nous aurons la chance
d'écouter de divers groupes et organismes qui ont développé une expertise
particulière sur le sujet. Je les remercie pour leur présence. Merci de
contribuer aux réflexions et discussions qui entourent ce projet de loi et son
adoption.
Finalement, je tiens à souligner le
travail remarquable des organismes communautaires sur le terrain qui
travaillent en réduction des méfaits, en prévision... et en prévention des
surdoses. Nous aurons évidemment la chance d'en entendre certains aujourd'hui,
en commençant par ce matin, vos organismes sont essentiels, merci pour le
travail que vous faites. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant
la porte-parole de l'opposition officielle et députée de d'Arcy-McGee à faire à
son tour ses remarques préliminaires. Vous avez 4 min 30 s pour
ce faire. Le micro est à vous.
Mme Prass : Parfait, Mme la
Présidente. Je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde, et remercier
tous ceux qui ont contribué à la rédaction de ce projet de loi, et les groupes
que nous allons entendre aujourd'hui et qui vont alimenter notre réflexion.
La crise des opioïdes est une tragédie qui
a provoqué une souffrance généralisée au sein des familles québécoises et qui
n'est pas terminée. Les statistiques sont alarmantes, en 2022, l'Institut
national de santé publique du Québec a enregistré plus de 500 décès liés à une
intoxication suspecte aux opioïdes ou autres drogues. Au cours des six premiers
mois de 2023, ce chiffre a déjà dépassé les 200. Ces décès ne constituent que
la partie invisible de l'iceberg d'une crise qui a également entraîné une
augmentation des hospitalisations et des visites aux urgences, exerçant une
pression de plus en plus insoutenable sur notre système de santé.
Les fabricants, les distributeurs et leurs
conseillers ont minimisé intentionnellement pendant des années les effets des
opioïdes sur la santé des Québécois. Des médicaments conçus à l'origine pour
traiter des douleurs aiguës et sévères ont été prescrits pour des maux de dos
courants, par exemple, sans une compréhension adéquate des risques liés à une
utilisation prolongée. Cette minimisation des risques a eu des conséquences
dévastatrices, piégeant de nombreuses personnes dans la dépendance et la
toxicomanie, avec des répercussions tragiques pour elles, leur entourage et
notre société.
Et donc la raison pour ce projet de loi,
pour que le Québec rejoigne les autres provinces canadiennes dans leur recours
collectif contre plusieurs grandes compagnies pharmaceutiques qui ont menti
intentionnellement pour voir leurs profits augmenter afin de les poursuivre
pour leur présumé rôle dans la crise des opioïdes qui a touché notre province,
notre pays et le monde entier. Depuis l'action initiale de la part de la
Colombie-Britannique, toutes les provinces du Canada se sont jointes à cette
poursuite avec le Québec, étant la dernière province à se joindre à.
Cette crise brise des vies et il est de
notre devoir d'agir pour protéger nos concitoyens. Cette action collective vise
à faire en sorte que l'industrie pharmaceutique assume ses responsabilités, la
responsabilité de ses actes et compense les dommages causés à notre société.
Les gains potentiels de cette action collective en termes de dommages-intérêts
sont actuellement indéterminés, mais il est évident que cela pourrait se
chiffrer en milliards de dollars. Ces fonds pourraient être utilisés pour
soutenir les personnes touchées par la crise des opioïdes pour financer des
programmes de prévention et de traitement et pour alléger le fardeau financier
qui pèse sur nos hôpitaux québécois.
• (10 heures) •
La crise des opioïdes a coûté la vie à
d'innombrables personnes, déchiré des familles et fait peser sur les
communautés le coût social et économique de la toxicomanie, elle a mis à rude
épreuve les systèmes de santé, submergé les forces de l'ordre et laissé les
traces de dévastation dans son sillage. Les personnes qui ont été affectées par
des enjeux de dépendance envers des médicaments d'opioïdes dont ils avaient été
prescrits sont des gens innocents qui ont suivi les conseils de leur médecin et
ont pris des opioïdes pour répondre à des douleurs physiques, mais qui se sont
retrouvées dépendants. Les gens ont été mal informés et n'ont pas été
correctement mis en garde contre le niveau de dépendance et les ravages que les
effets des opioïdes ont eus sur ces communautés.
Au-delà du bilan humain, la crise des pays
a également fait peser une charge énorme sur le système de santé. L'un des
principaux coûts pour le système de santé publique résultant de la crise des
opioïdes est l'augmentation substantielle des dépenses de santé. La dépendance
aux opioïdes et les complications qui y sont associées nécessitent une
intervention médicale importante, notamment des visites aux urgences, des
hospitalisations et des soins de longue...
10 h (version non révisée)
Mme Prass : ...durée. Les
coûts associés aux traitements des affections liées aux opioïdes, telles que
les surdoses, les infections et autres complications, ont explosé ces dernières
années. Il serait intéressant de savoir quelle formule le gouvernement va
proposer pour calculer les coûts encourus à notre système de santé, quels
éléments seront compris dans ce calcul qui est nécessaire pour que le Québec
tire sa part du recouvrement financier... le jugement. De plus, la crise des
opioïdes a nécessité la mise en place et le développement de programmes de
traitement et de réadaptation pour répondre à la demande croissante de services
d'aide aux toxicomanes. Ces programmes, qui comprennent des traitements
médicamentaux, des conseils et des services de soutien, sont essentiels pour
les personnes qui cherchent à rétablir une dépendance aux opioïdes.
Pour conclure, pour lutter efficacement
contre la crise des opioïdes, il faut adopter une approche à multiples
facettes. Il s'agit notamment de tenir les pharmaceutiques responsables de
leurs actes par le biais des procès, de mettre en œuvre des réglementations
plus strictes pour l'industrie pharmaceutique, d'améliorer l'accès aux
traitements de la dépendance.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup.
Mme Prass : Et, pour toutes
ces raisons, nous avons hâte de débattre du projet de loi. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, le temps étant écoulé, je me tourne
maintenant, pour terminer, du côté de la porte-parole du deuxième groupe d'opposition
et députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques... à faire à son tour ses remarques
pour une période d'une minute 30 secondes.
Mme Massé : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, tout le monde. Contente d'être là avec vous pour ce projet
de loi important.
Écoutez, j'ai envie de prendre la minute
qui m'est impartie pour nous rappeler qu'on pose un geste important aujourd'hui,
c'est-à-dire qu'on permet au gouvernement du Québec d'entamer son travail pour
se joindre à... au concert des provinces canadiennes pour mettre au pas, je
dirais, l'industrie pharmaceutique, qui n'a semblé pas trop se préoccuper de la
santé des gens dans les dernières années ou, en tout cas, a omis de dire
certaines choses. Et, dans ce sens-là, je suis très heureuse de pouvoir
participer à ce projet de loi là.
C'est sûr que ma préoccupation est aussi
aux gens qui, malheureusement, ont été victimes de ce silence des
pharmaceutiques. Je vais être portée par, bien sûr, donner les pouvoirs au
gouvernement du Québec de pouvoir s'allier avec les autres provinces, mais je
vais constamment porter la préoccupation des gens qui ont été victimes de ces
«big pharma» et je dirais même plus largement, puisqu'on sait... puis, encore
ce matin, c'est bien ressorti, là, dans une enquête du Devoir, on sait que
plusieurs de ces médicaments-là servent à scraper les drogues qui sont en vente
sur le marché noir, et donc, par conséquent, il faut qu'on agisse absolument
là-dessus, et je vais collaborer à 100 %.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée.
Alors, nous allons entamer les auditions.
Donc, je souhaite à nouveau la bienvenue à Maître Louis Letellier de St-Just et
à Mme Sandhia Vadlamudy. Alors, vous allez bénéficier d'une période de 10
minutes, que vous allez vous partager, et je vous cède d'ores et déjà le micro.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Merci. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la Commission,
bonjour et merci de nous accorder ce temps court, mais ce temps précieux pour
partager avec vous notre vision, notre compréhension de cet important projet de
loi. Et nous allons le faire aussi avec... en insistant sur nos
recommandations.
Vous comprendrez que le mandat et la
mission de l'AIDQ, Association des intervenants en dépendance du Québec, c'est
une mission qui est nationale et, en ce sens-là, bien, évidemment, ça touche à
l'ensemble des régions du Québec, incluant les communautés des Premières
Nations du Québec. Et, à ce titre-là, je tiens à remarquer... à vous faire
remarquer que nous avons, au conseil d'administration, une représentante des
Premières Nations du Québec et c'est une membre de la nation micmaque. Alors,
nous avons un intérêt, donc, national.
On ne s'attardera pas aux éléments plus
techniques, aux éléments de procédure auxquels le projet de loi réfère. Ils
sont importants, ils sont bien faits, et nous les appuyons. Nous allons plutôt
traiter de... du cadre dans lequel le projet de loi nous invite à discuter, c'est-à-dire
celui de la crise des opioïdes. Alors, beaucoup reste à faire. Nous avons une
stratégie nationale, et c'est de ça surtout que nous allons parler.
D'abord, un bravo particulier au
gouvernement, au ministre de la Santé, d'avoir ce courage de déposer aujourd'hui
son tout premier projet de loi et qui fait en sorte qu'on va rejoindre la
cohorte des provinces déjà inscrites dans le recours entamé en 2018 par la
Colombie-Britannique, et c'est un recours qui s'inscrit... un peu comme on l'a
fait dans le cadre de nos aventures avec l'industrie du tabac, mais, cette
fois-ci, c'est différent, cette fois-ci, on s'attaque à un comportement honteux
de la part...
M. Letellier de St-Just (Louis) : ...par
des compagnies pharmaceutiques et de leurs complices, que ce soient les
grossistes, que ce soient leurs consultants, un comportement qui a mis de
l'avant le profit au détriment de la sécurité et de la protection des usagers,
un comportement qu'on pourrait décrire de bien des manières, et le mot
«honteux» est celui qui me vient à l'esprit ce matin. Les gestes fautifs des
pharmaceutiques ont assurément favorisé la normalisation de l'usage d'opioïdes
non prescrits dans les communautés.
M. le ministre, je le répète, avec votre
premier projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, vous marquez un grand
coup et vous le faites avec éclat. Parce qu'il faut rappeler que ce projet de
loi rappelle et reconnaît que nous vivons dans une crise des opioïdes. Ce n'est
pas une politique, ce n'est pas une stratégie qui reconnaissent la crise des
opioïdes, c'est une loi aujourd'hui. Et ça, c'est une étape majeure dans
laquelle nous nous inscrivons avec beaucoup d'enthousiasme. La crise, elle est
réelle, elle a été occultée très longtemps. C'est une crise qu'on avait de la
difficulté, qu'on prononçait du bout des lèvres, mais cette crise-là, même
aujourd'hui, la crise des opioïdes, avec ce que l'on met de l'avant, ce que les
organismes communautaires font sur le terrain, on a encore de la résistance. Je
n'ai pas besoin de le mentionner, vous les connaissez, et c'est à ça que nous
travaillons, et le projet de loi va aider.
Donc, comme première recommandation, dans
le fond, il faut envisager le recours du gouvernement, son projet de loi, ce qu'il
prévoit, comme un outil pour imposer à l'industrie des orientations qui vont
favoriser la réduction des méfaits dans le contexte de la consommation
d'opioïdes et, nécessairement, à court terme, à moyen terme, à long terme,
diminuer le fardeau financier de l'État. Le projet de loi doit provoquer un
changement concret dans le comportement de l'industrie, et c'est pour ça qu'on
vous recommande d'inclure dans le libellé qu'en plus des objectifs de
recouvrement que la loi, elle se veut un instrument pour empêcher la répétition
de ces comportements dommageables de l'industrie. Le message doit être écrit si
l'on veut qu'il soit compris.
Dans ce contexte-là, on fait référence,
bien sûr, de se doter de tout ce qu'il faut pour avoir un portrait précis, en
temps réel, de la vente d'opioïdes, de leur prescription. C'est aussi aux
balises éthiques qui concernent l'industrie, dans leur promotion, dans leur
mise en marché, qu'il faut s'attaquer. Il faut être rigoureux. Il faut
peut-être même les changer, les resserrer, avoir des contrôles. Et je dirais
même aussi d'avoir... avec les corporations professionnelles, dont le Collège
des médecins particulièrement, d'avoir aussi un regard concernant les règles
éthiques chez les prescripteurs.
M. le ministre, dans votre propos
préliminaire, vous avez mentionné l'ensemble des montants importants que vous
avez investis au cours des dernières années, soit à travers la stratégie
nationale ou concernant le soutien aux mesures de prévention. Vous avez oublié
les montants que vous avez accordés aux organismes communautaires de la région
de Montréal cet été aussi. Vous avez été cohérent, cohérent aussi en lien avec
la motion que l'Assemblée nationale a adoptée, reconnaissant le travail des
organismes communautaires dans le contexte de la crise, une motion qui a été
pilotée par vous et votre collègue de Québec solidaire, Mme Massé, et on vous
en remercie. Et, pour ça, on vous demande ces sommes que vous allez recouvrer.
Quand? On ne le sait pas. Est-ce que ce sera à travers des règlements hors
cour? Est-ce que ce sera à travers un long processus qui mènera à un jugement?
On ne le sait pas. Est-ce qu'il y aura des ententes ici et là? C'est à voir.
Mais ces sommes-là qu'on va récupérer, nous vous demandons d'aller, à l'instar
de l'article 58 de la loi sur l'encadrement du cannabis... de prévoir un
ajout dans la loi d'une disposition similaire qui vient ancrer le principe du
réinvestissement d'un pourcentage minimal des sommes recouvrées qui pourront
être attribuées à la réduction des risques, traitement d'usage,
approvisionnement sécuritaire, etc.
• (10 h 10) •
On vous demande aussi comme autre
recommandation, la troisième, d'aller frapper à d'autres portes dans la mesure
où on sait qu'il y a peut-être des montants qui sont encore là. C'est peut-être
le cas à Santé Canada pour la question de la formation des pairs, des
intervenants de... pour l'administration de la naloxone et l'approvisionnement
sécuritaire. Donc, la crise, elle se vit en temps réel, si on veut l'occulter,
si on veut s'y attaquer, ce matin, on a vu un autre article dans Le Devoir qui
fait état d'une autre crise, ça prouve que nous avons beaucoup de travail à
faire. Donc, ce n'est pas une seule action qui pourra permettre de juguler la
crise, mais c'est une pluralité de celles-ci, qui seront réfléchies et qui vont
avoir un impact concret.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Merci,
Louis. Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre. Bonjour à tous les
membres de la commission parlementaire. Merci de nous accueillir ce matin.
Alors, comme Louis vient...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...de
dire, des ressources, il en faudra. Et il faudra nécessairement aussi avoir un
portrait plus détaillé des coûts sociétaux avec plus de données, incluant bien
sûr les données issues des communautés des Premières Nations. Ces données nous
serviront à avoir une meilleure compréhension des enjeux, pensons à toute la
question des prescriptions, des hospitalisations, des traitements, de
l'administration de la naloxone, et j'en passe, mais ces informations-là
pourront être utilisées par la suite pour développer des services qui seront
mieux adaptés.
La démarche va être certes complexe, mais
elle vaut le coup. Elle vaut le coup dans le contexte de l'actuelle poursuite
car ces montants récupérés ici pour le Québec seront proportionnels aussi à la
démonstration des torts causés. Or, et on est beaucoup à le savoir et aussi à
en être fiers, c'est au Québec, grâce à l'amalgame de plusieurs facteurs, que
nous pouvons vivre une crise plus modérée ici qu'ailleurs en Amérique du Nord.
Donc, c'est le leadership québécois qui s'est exprimé par le passé à plusieurs
niveaux qui a sans doute sauvé des centaines de vies et évité également
beaucoup de souffrances à plusieurs familles québécoises. Au Québec, on peut être
heureux d'avoir quand même le taux d'hospitalisations lié aux opioïdes le plus
bas au Canada et la même chose au niveau des prescriptions d'opioïdes, on est à
environ à 50 % des prescriptions ailleurs au pays.
Donc, ce sont deux exemples qui ne sont pas
du tout le fruit du hasard. Ces deux exemples découlent de mesures qui ont été
mises en place dans le cadre du traitement de la douleur et qui nous
distinguerait des autres provinces, selon les experts praticiens, donc la
formation plus élaborée, l'absence de cliniques privées dans le portrait
québécois et la surveillance marquée du marketing qui a entraîné une vigie plus
grande qu'ailleurs.
Donc, en ce sens et avec aussi d'autres
éléments comme des lignes directrices en traitement de la douleur et traitement
opioïdes, le gouvernement s'efforce réellement de prendre ses responsabilités
face à la population, ce qui n'a pas été le cas du tout pour les compagnies
pharmaceutiques. Néanmoins, il y a vraiment place à l'amélioration, et le
contexte actuel des surdoses devrait interpeller le gouvernement à faire plus
et à faire mieux.
La stratégie nationale de prévention des
surdoses, à ce niveau-là... Est-ce que je peux prendre un...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, allez-y, le ministre vous cède un peu son temps de
parole, allez-y. Vous pouvez conclure, allez-y.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : D'accord.
Je vous remercie beaucoup de faire cette petite entorse. Alors, à travers la
stratégie nationale de prévention des surdoses, il y a des orientations qui
sont très louables, mais on a beaucoup à faire pour que la stratégie atteigne
ses objectifs réellement. On doit poursuivre la campagne de prévention, on doit
consolider les formations des pairs et des intervenants en prévention des
surdoses et administration de la naloxone, consolider les services de
consommation supervisée et d'analyse de drogues, implanter des mesures
d'approvisionnement et finalement, et de façon aussi prioritaire, faire la
demande d'exemption à Santé Canada pour décriminaliser la possession simple de
drogues, une mesure essentielle pour diminuer la stigmatisation et faciliter
l'accès aux soins de santé et services sociaux, deux leviers extrêmement
importants pour prévenir les surdoses.
Alors, on souligne le leadership d'une
multitude d'intervenants depuis de nombreuses années, on fait appel à ce même
leadership en continuité à travers les années de l'action civile pour arriver à
une probable entente. On croit que le gouvernement du Québec peut entamer
rapidement cette action tout en demeurant agile avec les mesures qui sont à sa
portée aujourd'hui pour paver la voie...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...la
voie par des actions de prévention et des facteurs de protection à une vraie
sortie de crise. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Ça passe vite 10 minutes, mais ce n'est pas
grave, on entame une période de discussion avec les parlementaires et on va
commencer pour une période d'un petit peu moins de 14 minutes 32 secondes avec
la banquette gouvernementale. M. le ministre. Le micro est à vous.
M. Carmant : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci à nos deux invités pour cette discussion très
intéressante. Deux, je vais me permettre deux questions avant de passer la parole
à mes collègues. Un libellé pour prévenir que ça se reproduise, M. Letellier,
c'est très inspirant, mais comment faire? On a eu les cigarettes, on a fait...
on eu un règlement. Ils se sont retournés, le vapotage est arrivé. On se
retourne, il y a... Donc, comment on peut s'assurer, par un simple libellé, que
la situation ne se reproduira pas? Vous savez, c'est les forces, hein, qui se
confrontent.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Oui, en fait, c'est le principe, puis je suis content que vous me posiez
cette question-là, c'est véritablement le principe. Il ne s'agit pas d'avoir un
article particulier dans le projet de loi, et je pense qu'un ajout dans le
préambule serait un atout précieux, vraiment un atout précieux. Aussi simple
que ce que j'ai mentionné tout à l'heure, le projet de loi, en plus des
objectifs de recouvrement, se veut un instrument pour empêcher la répétition de
ces comportements dommageables de l'industrie, par exemple. On va le
retravailler, mais je pense que, dans le préambule, c'était un message. Parce
qu'on a vu ce que ça a pu produire aux États-Unis, on connaît bien l'affaire
Purdue, il y a eu des retombées ici, hein? Purdue a des tentacules qui viennent
jusque de l'autre côté de nos frontières et... D'abord, il y a eu un règlement
hors cour avec Purdue en Colombie-Britannique, là, quelques centaines de
millions, on ne parle pas des 6 milliards qu'ils ont... qu'ils sont obligés de
débourser, ils sont techniquement en faillite, mais moi, je pense qu'un ajout
dans le préambule serait un atout pour le gouvernement. Et, après ça, bien,
écoutez, c'est au gouvernement à voir quels sont les outils. Je vous ai
mentionné certains de ces éléments-là, avoir un regard très, très, très
rigoureux sur les balises éthiques qui entourent le milieu de la pharmacie, des
pharmaceutiques et la même chose, aussi, chez les prescripteurs, donc le
respect des règles éthiques qui ont été bafouées largement au cours des
dernières années, et c'est la raison pour laquelle le projet de loi voit le
jour. Donc, un libellé additionnel dans le préambule.
M. Carmant : D'accord, merci
beaucoup. Mme Vadlamudy, décriminaliser, on en entend beaucoup parler. Nous,
jusqu'à présent, on a préféré observer ce qui se passait dans l'Ouest, là, à
Vancouver, puis on a vu même que, récemment, ils semblent avoir reculé au
niveau de la consommation dans les lieux publics. Décriminaliser versus
judiciariser qui... pourquoi pas l'un versus l'autre, là? Quelle est votre
position là-dessus? Pouvez-vous m'éclaircir un peu là-dessus?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Oui,
absolument. Pour nous, bien, décriminaliser, c'est enlever le poids de la
stigmatisation, c'est enlever les situations probables où les personnes seront
traitées en tant que personnes judiciaires plutôt que comme personnes ayant
droit à la santé et au bien-être tout comme tout autre citoyen. La question de
l'usage de drogues n'est certainement pas une question de criminalisation, et
c'est de ça dont on veut se distancer.
• (10 h 20) •
Par ailleurs, on apprécie beaucoup le fait
que le gouvernement du Québec ait fait les pas récemment supplémentaires pour
s'ajuster à la déjudiciarisation en cours, depuis près d'un an maintenant, au
niveau fédéral. Donc, c'est un pas, mais le pas supplémentaire à faire, et,
pour retirer le fardeau qui pèse sur les épaules des personnes qui font usage
de drogues, de leurs proches et de la société tout entière, là où on pense
qu'on pourrait faire mieux, c'est en se préparant et en réfléchissant à comment
cette décriminalisation pourrait s'actualiser ici, au Québec. Parce qu'en
Colombie-Britannique il y a une réalité qui est propre à cette région, ici, ce
n'est pas la même réalité. On a eu un bel exemple ce matin, dans Le Devoir, à
quel point les choses aussi évoluent. On doit s'ajuster. Et, pour faire une
décriminalisation réussie, on a déjà identifié plusieurs facteurs de réussite
qui ont été répertoriés par des données probantes à plusieurs...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...sur
la planète et qui nous servent aussi de balises pour mettre de l'avant des
pratiques qui sont à la fois probantes et respectueuses des droits et de la
santé des personnes.
M. Carmant : Mais ne
pensez-vous pas que le recul qu'on vient de voir à Vancouver nous indique qu'on
n'est peut-être pas prêts pour ça?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : De
notre côté, ce recul-là nous indique qu'il y a des choses qui sont allées
peut-être un petit peu rapidement en Colombie-Britannique. C'était nécessaire,
on devait le faire, mais il y avait plusieurs groupes, entités, institutions
qui n'ont pas eu suffisamment de temps pour s'y préparer et pouvoir faire en
sorte que les choses se déroulent de manière plus, bien, respectueuse, en fait,
pour l'ensemble des parties, je dirais. Notamment, pensons à la formation, la
formation des policiers, des agents qui sont en première ligne sur le terrain.
Dans le cadre du projet pilote de décriminalisation en Colombie-Britannique,
les policiers ont eu pour l'équivalent d'environ 45 minutes, si je ne me
trompe pas, de formation pour être en mesure de composer avec leur interaction
quotidienne sur le terrain. C'est évidemment trop peu. Et on peut penser à
plusieurs éléments comme ça qui auraient pu être mieux préparés, en incluant
également les ressources sur le terrain du milieu communautaire et comment on
va faire cette distinction entre la référence vers des ressources et éviter de
judiciariser les personnes.
M. Carmant : Merci beaucoup.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
...
M. Carmant : Oui, allez-y,
complétez si vous voulez.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Si vous le permettez. Très, très brièvement parce que Sandhia a répondu
avec beaucoup de justesse à votre question, M. le ministre. Mais on comprend,
on comprend les réticences, on comprend les enjeux liés à la décriminalisation.
Et vous savez, quand on parle de décriminalisation, ce n'est pas un caprice et
ce n'est pas une vue de l'esprit non plus, il y a des modèles, on en parle, il
y a différents modèles, certains sont plus adéquats que d'autres. La Russie,
par exemple, est une nation ou un pays où on a de la décriminalisation, mais on
n'a pas la même définition de ce que doit être la décriminalisation. On a le...
évidemment le phare qui est le Portugal, mais on ne peut pas importer une
aventure relativement bien réussie qui est celle du Portugal, par exemple, ici,
au Québec, ou ailleurs, il faut ajuster, il faut éviter de faire les erreurs
qui ont été produites ailleurs et faire en fonction de notre propre contexte.
Sandhia, elle l'a mentionné, on vient à
peine, il y a quelques mois, à la fin du mois d'avril... reconnaître qu'il
fallait s'ajuster à la déjudiciarisation qui est en place au Canada depuis le
mois de février ou novembre 2022. C'est quand même un certain temps depuis
l'adoption de la loi canadienne, en fait, la modification de la Loi
réglementant certaines drogues et autres substances, ce n'est quand même pas
banal parce que, comme Sandhia le mentionnait, les premiers acteurs, les
premiers acteurs sur le terrain, dans la déjudiciarisation, ce sont les
policiers. Il faut les former.
On entend beaucoup, au cours des derniers
jours, bon, l'importance de la formation, donner aux policiers les outils pour
leur permettre d'affronter leur travail de la meilleure façon possible pour
respecter les communautés et les problématiques des communautés. Alors, quelles
sont les choses... quels sont les éléments qui vont être mis en place?
Malheureusement, on ne le sait pas, ici au Québec.
Alors, oui, il y a encore beaucoup à faire
dans un contexte de déjudiciarisation, mais comme je le mentionnais à la toute
fin de mon intervention ce matin, il ne faut pas se priver de l'ensemble des
mesures qui sont à notre disposition. Et nous, nous sommes prêts à travailler,
à réfléchir, parce qu'on ne fait pas ça du jour au lendemain, on réfléchit et
on s'entend sur une façon de faire. Et on pense que c'est une autre manière qui
va venir, qui va nous permettre d'atténuer, sinon diminuer la stigmatisation
qui est encore très, très forte. On l'a vu dans les journaux récemment la
stigmatisation des usagers de drogues, elle est très forte, alors il faut se
donner tous les outils nécessaires, et on pense que la décriminalisation serait
une de ces voies-là.
M. Carmant : Mme la
Présidente, je passerais la parole à une de mes collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, il reste 5 min 11 s. Je pense que la députée
de Vimont veut prendre la parole.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence ce matin. Très apprécié de
vous avoir avec nous. La question que je me pose est-ce qu'on...
Mme Schmaltz : ...est-ce
qu'on note les bonnes pratiques dans la prescription des opioïdes? Est-ce qu'il
existe des bonnes pratiques? Et est-ce que les médecins ou le Collège des
médecins est formé ou forment ses médecins ou... Vous comprenez un petit peu?
Est-ce qu'il y a... Parce que c'est sûr, ce qui amène les gens à consommer, à
la base, c'est parce qu'il y a eu prescription.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Bien, écoutez, je l'ai mentionné, je pense que probablement que la docteure
Marie-Ève Goyer va être en mesure de répondre encore mieux que moi à cette...
mieux que nous à cette question-là. Par contre, ce qu'on peut vous dire, je
l'ai mentionné rapidement dans mon intervention, le Collège des médecins,
l'Ordre des pharmaciens, l'ordre des infirmiers et des infirmières du Québec se
sont unis pour mettre de l'avant un guide des bonnes pratiques. Ce guide est
très complet, il s'adresse aux prescripteurs, il s'adresse aux professionnels
qui sont concernés par la consommation d'opioïdes, et, ma foi, c'est un
document qui est bien fait. Je pense que ces ordres professionnels sont tout à
fait conscients de l'ampleur de la crise et de l'importance du guide qu'ils ont
mis de l'avant puisque, cet été, ils en ont fait un rappel. Alors, nous avons.
Maintenant, la formation, quelle en
est-elle? Ça, je vous avoue que je ne pourrais pas vous dire avec précision, je
n'oserais pas me tromper. Il doit sûrement y en avoir, mais je pense qu'on
doit... Et c'est ce que je mentionnais tout à l'heure au docteur Carman, il
faut... il faut vraiment regarder les règles éthiques auxquelles sont
assujettis ces professionnels. Et, pour que les règles éthiques soient bien
comprises et bien appliquées, nécessairement, il y a de la formation.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, je passe la parole à la députée de
Châteauguay.
Mme Gendron : Oui, merci
beaucoup. Bonjour, heureuse de vous rencontrer ce matin. On parle un peu,
depuis tantôt, de ce qui se passe en Colombie-Britannique. Pour l'avoir observé
de mes propres yeux, d'avoir vu des centaines de personnes dans les rues, des
ambulances qui sont là, tout simplement, parce qu'ils sont prêts à aller voir
les gens qui font des overdoses, ça a été très confrontant pour moi de voir ce
qui se faisait ailleurs. Puis, en effet, je pense que les mesures sont
nécessaires pour ne pas que... en fait, le Québec soit à la hauteur de ce qui
se passe ailleurs. Vous l'avez mentionné à plus d'une reprise que c'est le
leadership québécois qui a fait la différence sur certains points en
particulier, donc pas de clinique privée... bon, certains enjeux que vous avez
nommés un peu plus tôt.
Par contre, ce que j'aimerais savoir, dans
le point numéro cinq, vous parlez aussi que ce serait favorable de consolider
les services de consommation supervisés et d'analyse de drogues, donc j'imagine
que ça, c'est une mesure supplémentaire qui pourrait justement renverser un peu
la vapeur, j'aimerais un peu que vous parliez de ce point-là. De quelle façon
concrètement, ça s'appliquerait?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : La
consolidation des services de consommation supervisée et des services d'analyse
de drogues s'applique en fait à travers, notamment, la stratégie de prévention
nationale des surdoses aux substances psychoactives qui est en vigueur
actuellement. Il y a déjà des activités qui se passent dans différentes régions
du Québec. Donc, ce n'est plus seulement concentré à Montréal, on a des
services dans plusieurs régions et dans plusieurs villes. Par contre, c'est là
la nécessité de les multiplier et de diminuer les obstacles à l'ouverture de ce
type de services, parce que la province est grande, elle est multiple, et il
n'y a pas une communauté qui est à l'abri, en fait, de cette crise des
surdoses, elle se passe partout au Québec.
• (10 h 30) •
Donc, on doit pouvoir fournir les outils
partout au Québec pour offrir des lieux qui soient accueillants et propices à
la consommation à moindre risque. L'analyse de drogues permet d'avoir une
information sur la substance que la personne se prépare à consommer. Elle peut,
à ce moment-là, choisir de quelle façon, elle va la consommer, peut-être
va-t-elle la mettre de côté et ne pas l'utiliser du tout pour sa santé, sa
sécurité. Peut-être va-t-elle choisir d'en consommer des toutes petites doses
pour éviter également des conséquences plus graves sur sa santé.
Un élément qui est également important à
retenir, c'est qu'en ce moment, ce qu'on a cruellement besoin, c'est de centres
d'inhalation supervisés. Il y en a très, très peu...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...Et
ce matin encore aussi dans Le Devoir, on voit à quel point l'inhalation
commence à prendre une place prépondérante.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci Beaucoup. Je me dois de vous arrêter, la période
impartie au gouvernement vient de se terminer. On va poursuivre avec l'opposition
officielle pour une période de 12 minutes 23 secondes.
Mme Prass : Merci. Merci pour
votre témoignage ce matin, le travail que vous faites est essentiel. Et pour nous,
c'est très important d'avoir ce point de vue là, donc merci pour tout ça.
Pour faire suite à quelques questions que
le ministre avait pour vous, côté... Pour essayer de s'assurer que justement,
ça ne se répète pas dans le futur, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour éviter
cela, j'imagine que l'idée de proposer des amendes pour les compagnies
pharmaceutiques qui font des énoncées trompeuses, par exemple, pourrait être un
moyen de les dissuader de répéter cette pratique dans le futur?
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Oui, j'imagine qu'on pourrait réfléchir à ce genre de sanctions parce qu'il
faut que ce soit... Vous savez... En fait, je ne vous apprends rien, l'Industrie
pharmaceutique, c'est une industrie très puissante, très riche financièrement,
qui ont les poches profondes. Par contre, évidemment, quand une entreprise, je
faisais référence à Purdue tout à l'heure, avec 6 milliards de
dollars d'argent à rembourser en dommages et intérêts, ça fragilise énormément
ces entreprises. Je ne pense pas que l'idée du gouvernement derrière... Ou des
gouvernements derrière ces lois qui nous permettent d'aller en recours
collectif, je ne pense pas que l'objectif soit de mettre l'industrie
pharmaceutique à terre. Ce n'est pas du tout l'objectif. Par contre, il faut
garder les guides très serrés, et c'est pour ça que je faisais référence à des
règles d'éthique, aux balises éthiques auxquelles elles sont déjà assujetties,
hein?, ces balises-là, elles se sont resserrées avec le temps, Dieu merci, mais
il faut être encore très vigilant. Et, s'il faut aller jusqu'à imposer des
amendes, bien, je pense qu'il faut le faire.
Mme Prass : Donc, une
possibilité. Et justement, dans le cadre de votre travail, j'imagine que vous
serez d'accord pour dire que les ressources ne sont pas à la hauteur des enjeux
dont il faut s'adresser dans la crise. Vous avez dit un manque criant de sites
d'inhalation, que ça soit en prévention, en réadaptation, et cetera. Est-ce que
vous auriez une idée à quelle hauteur il manque, on devrait investir davantage
pour justement vraiment adresser cet enjeu, toutes les personnes qui sont
affectées?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : C'est
une grande question à laquelle, non, malheureusement, je n'ai pas un chiffre à
proposer comme tel. Par contre, comme vous l'avez bien dit, les besoins sont
présents. Les investissements sont toujours nécessaires, et il faut le faire en
continu. Les actions qui sont à court terme, les projets d'un an, même de trois
ans sont souvent à proscrire parce qu'ils nous font reculer dans le temps. On
pense qu'on avance, mais au final, on finit par reculer. Donc, maintenir une
action continue sans avoir de période... en fait, d'attente entre les années
financières. Après ça, bon, les investissements dans le réseau public, en traitement,
en accès pour les personnes qui font usage de substances. Il y a certainement
beaucoup d'investissements à faire. Le milieu communautaire, qui est en
première ligne, a toujours également besoin de ce type d'investissement, et pas
seulement dans les grandes régions, partout... pardon, pas dans les grandes
villes, partout dans toutes les régions, incluant les communautés des Premières
Nations.
Mme Prass : Comme on le voit,
il y a des sites qui sont financés, mais qui ne sont pas financés à la hauteur
de pouvoir ouvrir 24 h sur sept, qui cause justement d'autres enjeux.
Donc, j'imagine que ça serait quelque chose que vous penserez serait nécessaire
également, qu'il y ait accès 24 h-7 à ces sites?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Le
24-7 n'est pas une balise à suivre pour l'ensemble des services,
nécessairement. Je pense que ce qu'il faut se poser comme question, c'est qu'est-ce
qu'on a comme portrait dans notre quartier, notre région, notre ville, notre
communauté, et voir quelle serait la meilleure réponse. Et bien sûr, pour
répondre, on implique les personnes directement concernées, les usagers et les
intervenants du milieu communautaire qui sont présents sur le terrain. Parfois,
le 24-7 peut être une offre pertinente, mais parfois, ça ne l'est peut-être...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...il
vaut mieux aussi avoir des services peut-être de plus petite ampleur mais
disséminés un peu partout, parce que les personnes ne feront pas
10 kilomètres pour aller chercher un service, elles ont besoin d'un service
qui soit accessible en proximité.
Mme Prass : Donc, comme vous
dites, il faudrait avoir des meilleures données pour vraiment faire le portrait
de chacun des territoires pour voir quels sont leurs besoins et comment on
peut, justement, adresser avec les bonnes ressources.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Oui,
bien sûr, et utiliser ces données-là également pour pouvoir chiffrer au moment
où il y aura possiblement règlement. Ce sera des données qui seront fort
pertinentes pour le gouvernement pour répartir équitablement les sommes.
Mme Prass : Là, entre autres,
vous demandez que le ministère de Santé et Services sociaux rende publique la
façon dans... l'annonce du 36,9 millions de dollars sur cinq ans dans
le budget, l'année dernière pour rehausser les ressources de la stratégie
nationale de prévention des surdoses de substances psychoactives. Donc,
j'imagine, sur le terrain, vous ne voyez pas ou vous n'êtes pas sûr de la façon
dont l'argent a été dépensé, donc vous ne voyez pas nécessairement les effets
sur le terrain, si je comprends bien.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
En fait, ce n'est pas pas si évident que ça. Alors, on souhaiterait avoir
un meilleur portrait de la ventilation des montants ou des sommes qui sont
allouées aux organisations et qui sont issues de ces montants du
15 millions de la stratégie nationale, du 36 millions dont le
ministre a parlé tout à l'heure. Donc, on souhaiterait avoir un peu plus
d'information à ce niveau-là.
Je voudrais juste revenir sur la question du
financement. Vous savez, les besoins sont toujours immenses. Les organisations
communautaires demandent... en fait, déposent leurs demandes financières à
chaque année, et ce sont nos instances de santé publique régionales qui
regardent les possibilités qu'elles ont de nous financer à la hauteur de ce que
l'on demande. Bien sûr, on n'a jamais tout ce que l'on demande. Parfois, on se
satisfait de ce qu'on a, parfois on peut être déçu, parfois il y a des
compressions qu'on ne comprend pas. Ce que l'on souhaite, dans le fond, c'est
que ces services puissent être financés en fonction de la réalité à laquelle
chacun s'adresse.
Et vous parliez du 24/7... bien répondu,
dans le sens où ce n'est pas un modèle unique, il peut être... Bon, je prends
l'exemple de Cactus, par exemple. Ça peut être une source de satisfaction qu'on
ait, dans l'entourage, un service 24/7, ce qui était presque le cas à
l'ouverture, on ouvrait jusqu'à 6 h du matin. Donc, aujourd'hui, ce n'est
plus le cas. Pourquoi? Compressions budgétaires. Donc, c'est un peu un
non-sens, mais je vous dis que, par contre, avec les argents que le ministre a
accordés cet été en réponse à ces besoins-là, bien là, écoutez, on a la réalité
en temps réel parce que ces sommes-là nous sont accordées à 100 %. C'est à
nous de décider où nous allons les investir, et ça, c'est une avancée énorme et
on en remercie le ministre.
Mme Prass : Et, dans le même
sens, vous parlez... par exemple, vous faites la référence avec le fonds qui a
été établi dans le projet de loi sur le cannabis pour s'assurer que l'argent
soit remis en prévention, réadaptation, etc. J'imagine que vous voudrez voir
l'entièreté des sommes qui seront récupérées réinvestie à cet effet-là.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Pas
nécessairement l'entièreté, parce qu'il ne faut surtout pas oublier les
personnes qui ont subi les dommages, là, liés à ces pratiques pharmaceutiques
déplorables. Donc, il faut penser à ces personnes, à leurs proches mais, oui,
réserver un montant proportionnel, un pourcentage, qui pourrait être discuté,
déterminé, pour pouvoir réinvestir dans les services et faire en sorte qu'on...
comme je l'ai dit en conclusion, de paver le chemin pour un futur qui soit plus
en santé pour tous.
Mme Prass : Tout à fait.
• (10 h 40) •
M. Letellier de St-Just (Louis) :
D'ailleurs, c'est une recommandation que vous allez retrouver dans d'autres
mémoires, dont celui de la Commission santé et services sociaux des Premières
Nations. Nous, on le fait, et il y a sûrement d'autres qui vont le faire, parce
que c'est un élément, en fait, qui nous apparaît naturel. Donc, si on calque
sur nos aventures avec l'industrie du tabac, ce qu'on a fait avec la loi sur le
cannabis, dans un tout autre contexte, bien, il faut prendre exactement le même
exemple.
Mme Prass : Tout à fait. Et,
comme vous avez dit, la crise n'est pas terminée, donc il faut s'assurer que
les ressources sont toujours à la hauteur. Également, oui, donc là, vous avez
parlé, justement, de la décriminalisation et qu'il y avait certains facteurs de
réussite dans d'autres territoires. Pouvez-vous élaborer un petit peu là-dessus
pour qu'on ait une idée des meilleures pratiques, disons...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...oui,
j'ai nommé d'emblée la formation. Donc, on a la formation des agents policiers
qui sont sur le terrain. Mais la formation des autres acteurs aussi impliqués,
soit dans le réseau de la santé, dans le milieu communautaire également. Il
peut y avoir également, là, les... tous les milieux commerciaux également qui pourraient
avoir de la formation. On pense également en fait à réfléchir la quantité,
hein? On parle de possession simple, donc une quantité qui fait référence à un
usage personnel. Mais comment peut-on chiffrer cette quantité? À partir de quel
moment cette quantité-là, on peut penser à du trafic? Comment peut-on penser
aux personnes qui ont des besoins particuliers, par exemple en consommation,
c'est-à-dire une personne, par exemple, qui habite sur une réserve, qui va
s'approvisionner dans une ville et qui doit ramener une certaine quantité pour
son usage personnel, mais qui va certainement dépasser la quantité quotidienne
acceptée. Donc, ce sont des éléments qui sont importants à réfléchir en amont
pour qu'ils soient cohérents avec la pratique sur le terrain et qu'ils ne
deviennent pas un type de criminalisation 2.0 dans une décriminalisation,
ce qui est parfois le cas en Colombie-Britannique.
Mme Prass : Quand vous parlez
de la stratégie nationale pour prévenir les surdoses d'opioïdes, dans votre mémoire,
vous dites que vous constatez que beaucoup reste à faire pour atteindre les
objectifs, que vous attendez la deuxième mouture. Qu'est-ce que vous voudriez
voir justement dans la prochaine mouture qui ferait en sorte qu'est adressé...
certaines de vos préoccupations à cet égard?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En 30 secondes.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : D'accord.
La prochaine mouture devra d'abord s'inscrire dans les mêmes objectifs qui sont
présents. En ce moment, ce qu'on n'a pas, c'est de plan d'action. Donc, les
acteurs qui sont concernés, qui travaillent à travers la stratégie, on n'a pas
travaillé autour d'un plan d'action commun. Donc, on souhaite le mettre en
place pour pouvoir, après, développer une stratégie qui soit dans les suites et
qui soit adaptée avec la réalité dans laquelle on sera en 2025, au moment de la
fin de la présente stratégie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on termine cette ronde de discussion
avec la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques pour une période de quatre
minutes huit secondes.
Mme Massé : Merci. Merci pour
votre présentation, votre mémoire. Quand vous parlez de potentiellement mettre
un pourcentage à l'intérieur du projet de loi qui réserverait une certaine...
un certain fonds qui serait dédié, avez-vous une idée du pourcentage auquel
vous pensez? Première question, et la sous-question, c'est : Oui, mais, si
le règlement a lieu dans 25 ans, là, c'est aujourd'hui la crise. Avez-vous
pensé à ça aussi?
Des voix : ...
Mme Massé : J'ai quatre
minutes, ça fait que...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Oui,
c'est ça. On va les utiliser. Le pourcentage, en fait, je pense qu'il faut
prendre le temps de réfléchir, hein? On a eu une invitation très rapide à
écrire ce mémoire. Donc, oui, on pense qu'il faut inscrire une partie des
sommes en... pour redonner, réinvestir. Après ça, je pense que ça se discute,
ça se réfléchit, ça ne se décide pas comme ça sur un coin de table. Les données
recueillies vont nous permettre aussi de déterminer ce pourcentage, pour qu'il
soit cohérent avec les informations qu'on aura en main. Après, j'ai oublié la
deuxième question. Je m'excuse.
Mme Massé : C'est... en fait,
ça, ça peut arriver dans 25 ans... maintenant.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Ah!
oui.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
Là dessus, je pense qu'on n'a pas de chance à prendre. Il faut tout de
suite l'insérer dans le projet de loi, dans ce qui sera la loi. Alors, c'est
une protection, on ne peut pas y penser après, on peut toujours amender une
loi, mais on a la chance maintenant de le faire comme on l'a fait avec la loi
sur l'encadrement du cannabis. Faisons exactement la même chose.
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Puis
je dirais qu'il ne faut pas, aussi, oublier les éléments qu'on... les outils
qui sont à notre portée maintenant, comme l'ensemble des éléments qui ont été
nommés, qui font partie de la stratégie nationale maintenant et des objectifs
de décriminalisation qui vont nous...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : ...en
fait, d'installer aussi un climat propice à la déstigmatisation et à la
prévention des surdoses.
Mme Massé : D'ailleurs,
parlons-en, de la décriminalisation. Nous, à Québec solidaire, on est assez en
faveur de ça. Vous avez soulevé des bonnes questions concernant les quantités,
le transport, bon, tout ça, on en parlera quand ça sera le temps. Mais moi, je
me... c'est quoi, les outils qui sont à notre portée collectivement pour
obtenir... parce que ça prend une exemption pour aller là, c'est quoi, les
outils qu'on a ici, au Québec, pour y arriver?
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Alors,
bien, on a des outils très concrets. D'ailleurs, on a déjà l'expérience de
ce... de ces demandes d'exemption à Santé Canada. Les demandes qu'on a faites à
travers les services de consommation supervisée, l'analyse de substances, ce
sont des demandes qui, somme toute, sont similaires à celles nécessaires pour
l'exemption de la décriminalisation. Après ça, on a des outils, en fait, qui
existent aussi déjà au Québec, c'est-à-dire nos outils de concertation, nos
différents comités qui sont déjà en place et notamment, par exemple, à travers
l'Association des intervenants en dépendance du Québec, on a un forum qu'on
a... dont la première édition a eu lieu l'année dernière sur la
déjudiciarisation. On vient de recevoir l'aval, à travers notre financement de
la stratégie, pour produire un deuxième. Et on espère fortement que l'ensemble
des acteurs vont pouvoir y être. Et l'ensemble des acteurs, bien, ce sont les
trois ministères impliqués, les organisations de société civile, les usagers
et, bien sûr, les Premières Nations.
M. Letellier de St-Just (Louis) :
...
Mme Vadlamudy (Sandhia) : Les
policiers qui étaient là, en fait, les deux associations de chefs de police
étaient présentes au dernier forum. Les gens sont mobilisés et souhaitent
avancer vers la décriminalisation. C'était un consensus unanime.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions, Mme
Vadlamudy, Me Letellier St-Just. Il me reste à vous remercier d'avoir pris part
à nos travaux.
Et je vais suspendre quelques instants, le
temps que le prochain groupe s'installe. Bonne fin de journée.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 52)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc l'Institut national
de santé publique du Québec avec ses représentants que j'ai devant moi. Alors,
messieurs, vous allez bénéficier d'une période de temps de 10 minutes,
après ça, on va échanger avec les parlementaires. Mais je vais vous demander
dans un premier temps aussi de vous présenter pour le bénéfice des gens qui
sont ici. La parole est à vous ici.
M. Forest (Pierre-Gerlier) :
Merci beaucoup. M. le ministre, Mme la Présidente, chers membres de la
Commission, je m'appelle Pierre-Gerlier Forest, je suis le président-directeur
général de l'Institut national de santé publique du Québec. Et alors, à
l'évidence, on est très honorés de... par votre invitation, vous faites un
travail très important. On est vraiment très heureux de pouvoir y contribuer.
Je suis accompagné ici de deux excellents collègues qui vont pouvoir répondre
aussi à vous à vos questions dans quelques minutes, vous les présente,
Jean-Bernard Gamache, qui est pharmacien et qui est aussi le chef d'une des
unités de toxicologie de l'Institut, et puis M. François Gagnon, qui est
un conseiller scientifique à l'Institut, qui est un spécialiste des politiques
publiques, qui travaille spécifiquement dans l'unité d'expertise à l'Institut
qui s'intéresse aux substances psychoactives.
Peut-être, pour commencer, quelques mots
sur la mission de l'Institut. C'est... L'Institut, vous le savez toutes et
tous, c'est le principal centre d'expertise et de référence en santé publique
au Québec. Nous sommes une organisation publique. Nous avons pour mission de
soutenir le ministre de la Santé et ses éminents collègues, les autorités
régionales de santé publique, les établissements du réseau dans l'exercice de
leurs responsabilités. Un de nos rôles essentiels, c'est d'informer la
population sur son état de santé et de bien-être, sur les problèmes en
émergence, ce qui explique la longue implication de l'INSPQ dans le dossier qui
nous occupe aujourd'hui, ainsi que sur les déterminants de la santé humaine.
L'Institut se doit aussi, encore une fois en accord avec sa mission, d'éclairer
le gouvernement sur l'impact des politiques publiques et leur impact sur l'état
de santé de la population, en s'appuyant sur les meilleures données
disponibles.
D'entrée de jeu, soulignons que l'INSPQ
salue les objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement en proposant le
projet de loi n° 36. C'est une démarche qui s'inscrit directement dans une
pratique de santé publique qui a été encouragée par l'Organisation mondiale de
la santé et qui vise les déterminants commerciaux de la santé, une démarche qui
invite les autorités gouvernementales à interpeler les acteurs industriels et
commerciaux pour les inviter à partager plus équitablement le fardeau sanitaire
qui est associé à l'usage de leurs produits et à prendre des mesures
d'encadrement de leurs activités commerciales.
En santé publique, nous avons évidemment à
cœur de réduire les impacts sociosanitaires qui sont liés à l'usage des
différentes substances psychoactives. Or, les opioïdes, encore une fois, c'est
une chose que vous savez bien, engendre de véritables drames pour les individus
qui en sont consommateurs, mais également pour leur famille et pour leur
communauté. Nous souhaitons d'ailleurs, là, au début de cette présentation, à
exprimer notre soutien envers les victimes directes et indirectes de cette
réalité et à saluer le travail important et souvent héroïque, quand on pense
aux gens qui travaillent en première ligne sur le front communautaire, des gens
qui travaillent pour résoudre ce problème.
Les faits saillants de notre mémoire
aujourd'hui, trois objectifs. En gros, tout d'abord, exprimer nos
préoccupations quant aux tendances qui sont observées dans notre réalité
québécoise. C'est vrai que le Québec se distingue du Canada et d'autres
juridictions...
M. Forest (Pierre-Gerlier) : ...mais,
dans le fond, il faut peut-être s'en féliciter et mesurer l'effet de ce que
nous avons accompli au cours des années. Ça reste une situation préoccupante,
rappelons-le, chaque semaine, au Québec, les surdoses liées aux opioïdes
provoquent, en moyenne, cinq décès, en moyenne, cinq décès et près d'une
quinzaine d'hospitalisations. Il faut penser à l'accumulation de ces chiffres
au cours des années. Ces données questionnent d'autant qu'elles ne reflètent
probablement qu'une petite partie d'une réalité beaucoup plus complexe.
J'imagine que vous avez lu l'enquête publiée par Le Devoir ce matin. Il est
documenté que les utilisateurs de drogues, pour de multiples raisons, ne se
présentent pas tous ni toujours dans un établissement de santé. Et puis la
façon dont on comptabilise les décès, les hospitalisations, les surdoses qui
impliquent un mélange de substances, dont les opioïdes, peuvent être source de
décès et ne sont pas comptées dans les données que je viens de mentionner.
Par ailleurs, tous les consommateurs de
substances psychoactives ne sont pas égaux devant cette réalité. Les résultats
de... c'est un projet de l'INSPQ, qui est réalisé en collaboration avec les
directions régionales de santé publique et qui s'appelle Projet suprarégional
d'analyse de drogues dans l'urine de personnes qui consomment au Québec. C'est
un titre assez explicite, c'est souvent le cas avec les titres de l'INSPQ.
C'est un projet qui révèle déjà que, parmi les personnes qui ont fait une
surdose involontaire d'opioïdes dans les six derniers mois, il y a une
surreprésentation des personnes sans domicile fixe. La même étude montre aussi
que les individus qui sont en situation d'itinérance sont significativement
sous-représentés parmi les personnes qui possèdent une trousse de naloxone, ce
qui les rend nécessairement beaucoup plus vulnérables à un décès par surdose
d'opioïdes. C'est les éléments importants à considérer pour l'élaboration des
interventions de santé publique.
Notre deuxième objectif, c'est de rappeler
que plusieurs enjeux relatifs aux opioïdes produits et distribués légalement
sont liés directement au contrôle de leur commercialisation. Et le Québec, ici,
ne fait pas exception. Depuis le début des années 2000, comme ailleurs au
Canada et en Amérique du Nord, des acteurs industriels ont fait la promotion
active de l'usage d'opioïdes, à l'extérieur des pratiques médicales, qui,
auparavant, encadrait assez strictement les prescriptions. Il y a une étude
québécoise qui a été menée ici, au Québec, auprès de prescripteurs et qui a
montré que les pratiques de promotion qui étaient rapportées, d'abord, visaient
un très grand nombre de produits, donc pas seulement un produit, mais un très
grand nombre de produits qui étaient présentés aux médecins en clinique, sans
mise en garde adéquate sur les effets des médicaments en question et souvent
associés à des compensations financières directes ou à des invitations à
joindre des activités de prestige, comme la participation à des études, des
comités aviseurs ou des bureaux de conférenciers. Or, là, on est obligé de le
supposer à ce stade, mais ces faits sont avérés dans d'autres juridictions, et
c'est fort probable que ces pratiques commerciales ont participé à la hausse
significative de l'usage des opioïdes depuis le début des années 2000.
Enfin, comme troisième objectif, nous
souhaitons témoigner des ressources déjà mobilisées, des efforts, ensuite, qui
sont à prévoir pour contrer le phénomène. Le premier point, c'est peut-être que
la réponse de la santé publique québécoise et de ses partenaires a mobilisé
déjà beaucoup de ressources. Pensons notamment au déploiement des centres de
consommation supervisée, à la distribution des trousses de naloxone, aux
travaux de vigie et de surveillance, ainsi qu'aux différentes démarches de
sensibilisation et de formation qui visent à encadrer la pratique de
prescription ou contenir les usages et réduire les méfaits. On a documenté un
certain nombre de ces exemples dans notre mémoire. D'autres facteurs de
protection, par ailleurs, pourraient aussi contribuer la différence québécoise.
Il faut continuellement réfléchir sur cette différence et, en particulier, nous
avons attiré l'attention sur le filet de protection sociale ou même sur le
régime d'assurance médicaments qui joue un rôle aussi pour expliquer la
différence au Québec. C'est toujours possible d'améliorer ce qu'on fait, mais
il faut reconnaître que les politiques sociales figurent parmi... du Québec
figure parmi les plus effectives en contexte nord-américain.
• (11 heures) •
En conclusion, les analyses présentées
dans notre mémoire témoignent de la situation préoccupante de l'usage des
opioïdes au Québec. Deux constats qui s'imposent, il faut répéter que les
interventions de santé publique doivent être maintenues, voire amplifiées, les
travaux en cours, surtout, évidemment, à l'institut pour raffiner, étendre,
consolider les indicateurs de vigie, s'inscrivent en complémentarité avec
d'autres initiatives des différents acteurs du milieu. Il faut maintenir ces
efforts dans l'avenir. Ensuite, dans ce contexte, il semble cohérent de faire appel
aux notions de responsabilité corporative et de justice sociale qui répondent,
pour nous, aux considérations éthiques fondamentales de la santé publique, et
c'est dans ce sens-là qu'on a souligné la pertinence du projet de loi n° 36...
11 h (version non révisée)
M. Forest (Pierre-Gerlier) : ...l'institut
espère que ses réflexions, appuyées sur son expertise de plus de 15 ans
dans le dossier des opioïdes, soient utiles et éclairent vos discussions. Il va
me faire plaisir, moi et mes collègues, de répondre à vos questions. Merci
encore une fois, M. le ministre, Mme la Présidente, de l'invitation à
participer aux travaux de cette commission.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, justement,
nous en sommes rendus à la période d'échanges avec les parlementaires. On va
donc commencer avec M. le ministre. Et votre banquette bénéficie d'une période
de 16 minutes 30 secondes.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour cette éloquente présentation. Quelques
questions pour vous. Moi, je suis un peu toujours surpris de voir combien peu
de gens connaissent la naloxone, son effet, surtout quand on compare avec
nos... étant médecins, là, nos collègues de la Colombie-Britannique ou même
dans la population en général. Penseriez-vous qu'une campagne de
sensibilisation pourrait venir nous aider? Est-ce que... Il me semble, je n'ai
jamais vu ça ici? Est-ce que ce serait quelque chose qui serait utile? Quel est
votre point de vue là-dessus?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Le
point de vue de l'Institut, d'abord, la première chose, c'est : on dispose
maintenant d'un instrument de vigie qui s'intéresse à la distribution de la
naloxone. Vous avez probablement vu nos données dans notre mémoire.
Jean-Bernard pourrait peut-être vous parler plus en détail de ce projet et de
notre programme dans ce domaine, mais c'est une question tout à fait
pertinente.
M. Gamache (Jean-Bernard) : Oui,
effectivement. On se rend... on a de différents indicateurs, là, qui permettent
de mesurer la distribution de naloxone. Donc, on peut voir qu'au Québec, autant
à l'échelle des pharmacies communautaires que des CISSS et des CIUSSS qui
distribuent ensuite... on voit une augmentation quand même importante du nombre
de trousses de naloxone qui peuvent être distribuées. Par contre, on aimerait
quand même être capable de développer certains indicateurs pour nous permettre
de raffiner le portrait surtout au niveau de non seulement qu'est-ce qui est
distribué, mais qu'est-ce qui est administré par différents services
préhospitaliers, par exemple. Donc, ça, c'est une chose.
Il y a aussi des données, justement, de l'étude
dont M. Forest vous parlait, qui évoquent qu'il y a certaines communautés qui
sont plus difficiles à rejoindre par ces mécaniques-là de distribution. Donc,
peut-être de s'attarder à cette clientèle vulnérable là notamment, puis de
raffiner le portrait aussi, par la suite, pour identifier d'autres communautés
qu'on a du mal à rejoindre.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup. D'ailleurs, bien, parlant de ces données-là. Est-ce qu'elles sont
présentes sur le site web? Là, tout à l'heure, j'ai été un peu surpris d'entendre
les présentateurs précédents dire qu'il y avait peu de données disponibles.
Moi, je suis les données, bien, surtout des décès, là, sur votre site web.
Peut-être que ça aussi, il faudrait en faire la promotion un peu plus. Puis
quelles données peut-on rajouter pour que les gens soient plus informés sur la
situation? Par exemple, tous les sites de distribution de naloxone sont sur le
site web aussi, surdose des opioïdes, là, sur le site de l'INSPQ. Donc, c'est
important, je pense, d'en faire un peu plus la promotion, et ça aussi, d'avoir
plus d'information possible. Avez-vous des... Avez-vous envisagé des mécanismes
pour faire connaître mieux le site et puis pour avoir plus d'information sur
celui-ci?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Oui...
Encore une fois... Pardon. Encore une fois, vous avez raison. Je pense qu'une
chose qui pourrait être utile, c'est de vous expliquer un petit peu quelles
sont les données qui sont déjà disponibles. Parce qu'on a des données de longue
haleine, là. Encore une fois, l'Institut est impliqué dans la... d'abord, dans
la capture de l'information mais aussi dans son traitement et dans sa diffusion
depuis assez longtemps. Et une partie de ces données, c'est vrai, sont
décidées... sont destinées, pardon, de façon privilégiée pour les décideurs,
mais un certain nombre de ces données sont publiques et disponibles sur notre
site. Jean-Bernard, est-ce que tu te rappelles la liste?
M. Gamache (Jean-Bernard) : Bien,
en fait, bien, on connaît les données qui sont disponibles publiquement sur le
site web, là. Bon, je peux vous le dire, là, les indicateurs qu'on développe et
qu'on diffuse aux autorités de santé publique essentiellement, ça touche les
décès, les hospitalisations, les visites aux urgences, la distribution de
naloxone aussi, les appels au centre antipoison, puis, bon, ça se décline en
différents types d'indicateurs qui permettent d'outiller les décideurs
rapidement avec des indicateurs qui sont peut être plus imprécis mais qui
permettent de déceler les tendances qui sont... qui permettent des
interventions ciblées et rapides lorsqu'un phénomène se déclenche. Puis on a
aussi une série d'indicateurs qui permettent... qui sont plus précis et qui
permettent un portrait plus longitudinal des tendances puis plus précis. Après
ça, il faudrait voir qu'est-ce qui est utile puis qu'est-ce qui est pertinent
de décliner dans des communications qui sont publiques, là.
M. Carmant : Mais, tu sais,
moi, je vous dis ça dans le sens que les gens sur le terrain aimeraient avoir
plus d'informations. Vous en avez. Je pense que ça pourrait être quelque chose
qui devrait être travaillé en partenariat, si ça peut les aider, eux, sur le
terrain, à améliorer leurs interventions. Parce que, moi, sur le...
M. Carmant : ...Web, moi, je
vois juste public, je ne vois que les décès.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Donc,
ça serait tout à fait faisable pour nous de partager ces informations. Bien,
vous savez, on est un endroit où il y a un énorme dépôt d'informations à
l'institut, et donc la question se pose à chaque fois. Il faut nous poser la
question, et après on est tout à fait heureux de travailler, de créer ces
couloirs de transmission d'informations qui sont indispensables pour les acteurs.
Puis évidemment on est très, très ouverts, je pense que je l'ai exprimé dans
mon allocution, à travailler de... au plus près avec les gens qui sont en
première ligne. Après tout, c'est la raison pour laquelle nous existons au
premier chef.
M. Carmant : Ça va me faire
plaisir de travailler avec vous là-dessus. Mme la Présidente, je passerais
peut-être la parole à quelqu'un de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je reconnais la
députée de Vimont. Il reste encore 11 minutes 16 secondes.
Mme Schmaltz : Ah! O.K.
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, d'être là, toujours très
apprécié.
Tantôt, là, vous avez prononcé... vous
avez dit surdose involontaire. Moi, ça m'a frappée parce que, dans ma tête, une
surdose, c'est volontaire, d'une certaine façon, mais je comprends le contexte.
Quel pourcentage ça représente dans les décès, les surdoses involontaires?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Jean-Bernard.
M. Gamache (Jean-Bernard) : Je
n'ai pas la donnée qui permet de discriminer qu'est-ce qui est une surdose
volontaire versus involontaire, mais, lorsqu'on parle d'une... La consommation
puis l'intoxication, si on peut l'appeler de cette façon-là... donc, la
consommation, elle est volontaire. C'est de faire une surdose qui est
involontaire, donc de dépasser le seuil auquel on... Bon, je ne veux pas
m'emmêler dans des débats de sémantique, là, mais c'est... la consommation
demeure volontaire, c'est la surdose qui ne l'est pas.
Mme Schmaltz : O.K. Donc,
finalement, c'est tout le temps des accidents, les gens décèdent par accident,
c'est ça, d'une certaine façon?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : D'une
certaine façon.
Mme Schmaltz : O.K. Quel
pouvoir les pharmaciens ont dans des... vis-à-vis des prescriptions en lien
avec leurs... les clients qui viennent renouveler des prescriptions? Quel est
le lien? Est-ce que... Pas le lien, le pouvoir. Est-ce que vous pouvez, à un
moment donné, décider de ne pas renouveler ou...
M. Forest (Pierre-Gerlier) : La
première chose, c'est que les pharmaciens ont signalé leur inquiétude
professionnelle à l'égard des... de la prescription d'opioïdes, à la fois en
questionnant les raisons pour lesquelles on prescrit, les doses qui sont
prescrites, et on dispose d'assez d'information sur ce sujet-là. Quant à
d'autres interventions...
M. Gamache (Jean-Bernard) : Bien,
en fait, je suis ici, bien évidemment, pour représenter l'institut et non
l'Ordre des pharmaciens du Québec, là, mais, à titre de pharmacien, je peux
vous dire que oui, je veux dire, la responsabilité... le pharmacien dispose
d'une certaine forme de responsabilité, là, à l'égard de ce qui est... de ce
qui est... de ce qui est acheminé au patient. Puis effectivement on a... on a
différents... il y a différents moyens d'intervention, là, pour s'assurer que
le patient reçoive quelque chose qui... un produit qui est sécuritaire, là.
Mme Schmaltz : C'était
justement ma question. Le nalaxone, c'est ça, nalaxone, c'est ce qui
remplaçait... c'est ce qui remplace la morphine? Est-ce que c'est... Non, ce
n'est pas ça, non?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : ...répondre
techniquement.
M. Gamache (Jean-Bernard) : Oui.
En fait, c'est un médicament qui vise à renforcer l'effet d'une surdose, donc
une personne qui vit un épisode de surdose d'opioïdes, de façon très précise,
donc la personne qui est en situation de surdose peut se voir administrer ce
médicament-là pour renverser les effets du... de la drogue ou du médicament
pour... bien, pour éviter les issues négatives. Mais après ça, c'est très
important que ces personnes... L'effet de renversement est temporaire, donc
c'est important que cette personne... la personne qui en est victime puisse
avoir recours à des soins de santé pour la gestion de l'intoxication.
Mme Schmaltz : Dernière
petite question avant de passer la parole à mes collègues, est-ce qu'on a un
profil type de consommateur?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : François,
veux-tu...
M. Gagnon (François) : On va
avoir une réponse à deux volets, je vais laisser Jean-Bernard compléter, mais,
d'emblée, on n'a pas fait de portrait type des consommateurs. Il y a plusieurs
cas de figure. Donc, ça se fait, des portraits types. Donc, on peut le faire,
mais il va falloir nous mandater, il va falloir avoir des ressources pour le
faire. Jean-Bernard va en parler. Mais, donc, les cas de figure sont très, très
différents, là. On peut avoir des gens qui vont avoir des opioïdes qui sont
donnés après une chirurgie, par exemple, ou il y a des gens qui vont déjà avoir
consommé d'autres substances qui vont consommer... commencer à commencer des
opioïdes parce qu'ils sont offerts par un revendeur dans la rue, des gens qui
sont hautement dépendants, là. Donc, il y a plusieurs cas de figure. Pour faire
des typologies, il faudrait faire des travaux supplémentaires.
Mme Schmaltz : O.K.
• (11 h 10) •
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Les
travaux américains montrent aussi que c'est une épidémie qui a connu plusieurs
phases, donc le consommateur type a changé au cours de l'épidémie de façon
assez nette depuis les tout débuts.
Mme Schmaltz : Parfait. Moi,
je n'ai plus de questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre, vous avez une question, allez-y.
M. Carmant : Oui, bien sûr...
M. Carmant : ...Bien sûr.
Alors, tout le monde, je pense, a été un peu surpris de l'article de ce matin
dans Le Devoir... En fait, les deux articles, où on semble même nous... je ne
dirais pas «reprocher» mais nous faire remarquer qu'on met un peu trop
d'emphase sur les opioïdes, sur la crise des surdoses. Moi, ça m'a franchement
surpris de lire ça, parce que je ne sais pas s'il y a plus de décès par rapport
aux stimulants, puis on sait que les stimulants, ce n'est pas réversible comme
par rapport à... Aux opiacés. Donc, quel est votre point de vue par rapport à
la situation entre les stimulants versus les opioïdes?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : C'est
une question complexe. La première partie de la réponse, ma réaction, moi
aussi, en voyant l'article... les articles, ce matin, c'est de me dire que si
on découvrait qu'un... une situation hypothétique, qu'un fabricant
d'automobiles était responsable à travers un modèle particulier d'un grand nombre
d'accidents et de décès, on s'occuperait quand même de ce problème-là, même
s'il y a des accidents et des problèmes avec d'autres fabricants. Et donc la
première partie du raisonnement, comme on l'a signalé, c'est une situation
préoccupante, c'est un véritable problème de santé publique et donc il appelle
une réponse à la fois de la santé publique et de l'État. C'est la... je pense,
la Réponse, la première, qu'il faut donner.
La deuxième, comme je l'ai mentionné dans
mon allocution, c'est qu'il est encore difficile de faire la différence entre
les décès causés par les opioïdes, les décès qui sont causés dans des
situations où les gens ont consommé plusieurs substances, et ça crée aussi un
flou autour des données.
Et puis, le troisième point, qui est probablement
le plus important à long terme pour l'Institut, c'est une invitation à
continuer une vigie large de la question de la consommation de substances
psychoactives. Les opioïdes, c'est peut-être la première étape dans une
transformation du marché des drogues illicites dans lequel on va voir de plus
en plus de médicaments, la France, vous le savez peut-être, en ce moment est
aux prises avec un problème d'utilisation d'un médicament qui était prescrit
autrefois pour l'épilepsie. On voit réapparaître en Europe en ce moment, de
façon vraiment massive dans les drogues de rue, la consommation de la cocaïne,
donc garder un mandat de vigie large. Le fait qu'on s'occupe des opioïdes ne
nous empêche pas de penser aux autres substances psychoactives et de continuer
à faire ce travail qui consiste à regarder en avant et à se demander comment on
va faire en sorte de garder un certain contrôle sur cette situation.
M. Carmant : Je sais que
souvent on parle de décès liés aux opiacés, et puis il y a une colonne qui est
décès aux substances autres. Est-ce que ce serait... avez-vous réfléchi à
partager ces données-là également, comme on parlait tantôt, pour donner plus de
données?
M. Gamache (Jean-Bernard) : Oui,
effectivement, c'est le genre de choses qu'on peut faire. D'ailleurs, le mandat
de vigie, là, en vertu de l'enquête épidémiologique, a été étendu à
l'été 2022 pour caractériser non seulement les opioïdes, mais aussi les
autres substances, dont les psychostimulants. Donc, il y a des façons de ventiler
ces données-là puis de les rendre à la disposition, mais on ne veut quand même
pas... Puis ce n'est pas parce qu'il y a des décès qui sont attribuables à
d'autres causes, notamment les... Les stimulants, pardon, qu'on veut minimiser
la situation avec les opioïdes. Puis on vous le rappelle, là, on documente, là,
cinq décès par semaine, là, c'est significatif.
M. Carmant : O.K. Les
présentateurs précédents, là, les organismes communautaires nous ont
sensibilisés à essayer que la situation ne se reproduise pas. Vous, vous...
pas... vous travaillez là-dessus tous les jours, comment peut-on réfléchir ou
comment peut-on envisager des mécanismes pour éviter que ce type de situation
se reproduise? Par exemple, tu sais, moi, ce que je leur ai dit, ça arrive avec
les cigarettiers, ensuite il y a eu le vapotage, il y a eu les opiacés.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire comme gouvernement ou comme société pour éviter
que ça ne se reproduise? Je suis sûr que vous avez déjà réfléchi à ça.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : François,
c'est une bonne occasion, parce que... là aussi, de faire état, là, d'un long
programme de recherche à l'Institut.
M. Gagnon (François) : Écoutez,
vous parlez en particulier de la promotion, j'imagine, puis du contrôle des
activités de promotion des pharmaceutiques? C'est à ça que vous faites...
M. Carmant : ça peut être un
des points, justement, allez-y. Mais, tu sais, on voit toutes ces drôles
d'annonces qui ne sont pas des annonces, là, de ce temps-ci.
M. Gagnon (François) : On n'a
pas fait de... tu sais, on n'a pas fait de recherche sur qu'est-ce qui s'était
fait ailleurs. Donc les cadres légaux et réglementaires ne sont pas partout
pareils, là, il y aurait peut-être nécessité d'élargir un peu, là. Je crois
comprendre que, dans certains pays, c'est un peu plus encadré au niveau de la
promotion, mais on n'a pas fait de travaux à cet effet-là encore, là, on n'a
pas eu de mandat, on n'en a pas cherché non plus. Donc, on peut faire des
travaux là-dessus.
Sur la situation des surdoses en général,
bien... puis je vais vous rappeler qu'à l'institut on a...
M. Gagnon (François) : ...travailler
sur les surdoses depuis 2007 environ, là, on a publié... notre premier rapport
sur l'avis des services d'injection supervisée, c'était en 2009, donc on a
amorcé les travaux. Donc, ça prend un peu de temps faire les travaux, là, donc
2007... déjà, on a été courant dans les cohortes d'usagers très marginalisés,
là. On travaillait dans une perspective d'ITSS à l'époque. Donc, on était au
courant que la consommation d'opioïdes augmentait, que les surdoses
augmentaient. Donc, ce n'étaient pas des rapports formels qu'on avait à
l'époque, là. Je me rappelle même d'avoir appelé le coroner moi-même pour
savoir qu'est-ce qu'il en était et on n'avait pas... il n'y avait pas d'enquête
à ce moment-là du coroner, là, qui était faite pour conclure à l'attribution,
donc, ou non des surdoses à une substance ou pas, là. Donc, il n'y avait pas
d'enquête qui était faite systématiquement.
Donc, à partir de là, on a développé ces
services-là. Puis après, on a continué en voyant les opioïdes être de plus en
plus impliqués dans... les opioïdes prescrits, notamment, de plus en plus
impliqués dans les pratiques de consommation. On a développé d'autres travaux
autour notamment du matériel... de la révision du matériel d'injection qui
était distribué, là, on fait la distribution de matériel de consommation depuis
la naissance de Cactus, là, je ne me rappelle plus exactement dans quelles
années, autour des années 90, là, que Louis pourrait vous le dire un petit
peu mieux que moi. Mais donc on fait de la distribution depuis longtemps, puis
donc, à ce moment-là, puisqu'il y avait des opioïdes prescrits, bien, qui
étaient de plus en plus là, il se posait des enjeux toxicologiques précis.
Donc, par la suite de ça, en 2016, on a
eu... en fait, en 2015, on a eu un mandat pour faire des travaux d'analyse sur
les services d'analyse de substances. Là, on en a parlé, là, drug checking. On
a fait des programmes de... On a analysé aussi les programmes de distribution
de Naloxone en communauté. Donc, tous ces travaux-là, qu'on a faits à
l'institut, ont soutenu notre réseau, là, c'est notre mandat, soutenir le
réseau dans la prise de décision puis dans le choix, l'analyse, l'implantation
des mesures qu'on connaît aujourd'hui. Donc, on peut continuer, si on... bien,
à travailler sur plein d'enjeux comme ça, là, si on nous mandate puis si on
nous donne les ressources pour le faire.
M. Carmant : Bien, je suis
très... non, non, allez-y.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : ...si
vous vous permettez, qu'une partie de la réponse à votre question, c'est de
continuer à développer une approche large de ces problèmes. Ça ne doit pas se
limiter aux problèmes de santé, ne pas se limiter au problème des coûts de
santé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...terminé pour cette première portion d'échange. Merci
beaucoup, M. le ministre. Merci, mesdames les députées. Je me tourne maintenant
du côté de l'opposition avec la députée de Darcy-McGee pour une période de neuf
minutes 54 secondes.
Mme Prass : Si vous voulez
terminer votre réponse, je vous invite à le faire.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Merci.
C'est très gentil. Ce que je voulais dire, c'est donc tenir compte aussi des
coûts sociaux, des aspects qui touchent le système de justice. Parce que tous
ces problèmes sont intriqués dans les... les problèmes dont on discute
aujourd'hui. Et c'est encore une fois très évident lorsqu'on regarde ce qui se
passe à l'étranger en ce moment. Là, je vous parlais des tendances qui sont
émergentes et on voit que ces problèmes sont toujours liés ensemble. On a parlé
dans votre mémoire, c'est... Le crime organisé, sa transformation joue aussi un
rôle dans la crise dont on parle aujourd'hui, et donc il faut tenir compte de
ça, avoir une vision panoramique si vous voulez du problème auquel on
s'attaque, sinon nos efforts de prévention vont échouer.
Mme Prass : Moi, je vous
demanderai, justement, aussi que les gouvernements qui vont faire partie de ce
recours, justement vont devoir présenter... vont devoir chiffrer les coûts
assumés par... les coûts de santé... intérêts, justement, c'est un petit peu le
but du recours. Vous, quand vous montez vos statistiques, comment est-ce que
vous faites pour déterminer, à part les visites à l'urgence, pour une surdose,
etc., quels sont des cas qui sont liés, justement, à la crise des opioïdes, en
conséquence avec notre système de santé?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je
vais vous décevoir, mais ce n'est pas vraiment le travail possible de
l'Institut, compte tenu des ressources dont on dispose, c'est-à-dire qu'on...
l'institut ne fait pas d'études économiques sur ce genre de dossier. Est-ce
que... si la question est : Est-ce que c'est faisable? Oui, tout à fait.
Et on va être capable de chiffrer encore une fois dans la perspective où on se
trouve au Québec, où on a... le ministre l'a souligné d'ailleurs dans sa
conférence de presse, qu'on n'est pas seulement intéressé aux coûts de santé
ici, on est aussi intéressé aux coûts sociaux vraiment très importants. Je
pense qu'on devrait aussi penser à l'effet sur le système juridique, sur la
sécurité publique, et ainsi de suite. Et c'est un travail qui est tout à fait
faisable, hein, avec des comptables et des économistes. Je suis très optimiste,
en fait, moi, sur la capacité d'arriver à des chiffres assez précis.
• (11 h 20) •
Mme Prass : Et, quand vous
dites... bien, dans votre mémoire vous parlez des troubles liés aux substances.
Est-ce que c'est ça que vous vous faites référence? C'est justement toutes
les... de la société ou c'est vraiment dans le cadre de la santé, parce que...
Mme Prass : ...qu'on voit sur
la santé sont souvent les décès des surdoses, mais on sait qu'il y a plein
d'autres problèmes liés, des symptômes, que ça soit l'hépatite C, VIH, etc.
Donc, j'essaie de juste voir comment vous pourrez déterminer des enjeux... des
visites hospitalières liées à la crise des opioïdes qui n'est pas directement
une surdose ou quelque chose d'aussi évident, si vous le voulez. Parce que
c'est beaucoup plus large que ça, donc, pour vraiment chiffrer les coûts que la
Santé publique a assumés, il faut vraiment faire le portrait de toutes les...
de tous les cas qui auraient pu être liés à la crise.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je
vais laisser répondre François sur le détail, mais c'est une question tout à
fait pertinente. Mais on a accumulé quand même pas mal de connaissances,
d'expérience, parce que ça fait... on ne travaille pas seulement sur ce
dossier-là, on travaille sur toutes sortes d'autres dossiers qui sont liés à
l'utilisation de substances psychoactives dans la société. Et donc il y a une
tradition de recherche, au Québec d'abord, au Canada, dans le monde, qui permet
de chiffrer de façon assez précise les effets de la consommation de ces
substances dans... à l'extérieur des coûts qu'on mesure et dont on parle
aujourd'hui, qui sont liés aux coûts de santé à cause du cadre du projet de
loi. Mais on pourrait tout à fait avoir une discussion plus large sur ces
effets-là. François.
M. Gagnon (François) : Bien,
évidemment, dans le recours collectif, je pense qu'il va y avoir des
évaluations de coûts qui ont été faites par les... qui vont être faites par les
firmes d'avocats qui ont été impliquées, là, mais, en santé publique, on a
quand même des pratiques puis des méthodologies pour évaluer les coûts. Il y a
un grand projet pancanadien qui publie des données régulièrement, qui évalue
les coûts des substances, là. Depuis les 10 ou 15 dernières années, on a
des publications qui se déroulent, puis le projet continue. Donc, dans le cadre
de ces projets-là, il y a des méthodologies qui sont testées, qui sont
validées, qui sont reconnues, là. Donc, on peut en faire usage, on peut s'en
inspirer pour faire des travaux.
Mme Prass : O.K. Là, le
groupe qui a témoigné avant vous, justement, a demandé... bien, a dit que ça
aiderait le déploiement des ressources, etc., d'avoir des portraits plus
spécifiques sur certains territoires. Les besoins ne sont pas pareils
dépendamment, justement, du portrait des usagers, etc. Est-ce que vous serez en
mesure, si vous recevez le mandat, justement, de produire de façon régulière
ces données-là, justement, pour que les... ceux qui sont sur le terrain
puissent vraiment avoir... bien, comprendre quelles sont les ressources qui
sont... dont ce territoire-là a besoin.
M. Gamache (Jean-Bernard) : Oui,
effectivement, ce n'est pas des données qui sont actuellement disponibles sur le
site web, là, mais... ni dans les états de situation qu'on envoie aux décideurs
de santé publique. Par contre, les autorités régionales de santé publique ont
accès à des données ventilées pour leur territoire pour les indicateurs que je
vous ai nommés précédemment. Donc, effectivement, les autorités régionales ont
ça sous les yeux, puis il y a probablement façon de... avec... en partenariat
avec eux autres, là, de diffuser ces résultats-là aux organismes
communautaires, par exemple, ou aux autres parties prenantes de cette
situation.
Mme Prass : Parfait. Parce
que c'est ça que j'ai compris du commentaire du groupe, que, pour l'instant,
les groupes sur le terrain n'ont pas accès à ces chiffres. Donc, ça fait en
sorte que c'est plus difficile pour eux de, justement, comprendre comment
adresser l'enjeu. Donc, si les instances régionales ont accès, ça serait
peut-être intéressant qu'ils puissent être partagés pour qu'il y ait une
cohérence entre le travail qui se fait en santé publique et sur le terrain.
Vous avez dit aussi... vous avez parlé de
l'enjeu de l'itinérance et le naloxone. Là, je comprends qu'au Québec c'est
gratuit dans les pharmacies, sauf qu'il faut avoir une carte de la RAMQ pour
pouvoir y accéder. Et on sait que la population itinérante n'a pas d'adresse
fixe, dont plusieurs n'ont pas leur carte de RAMQ. Est-ce que vous ne pensez
pas que, justement, ça sauverait des vies pour qu'il y ait un accès un petit
peu plus.... bien, pas transparent, mais qu'on facilite l'accès, justement, à cette
population-là, qui est disproportionnée, à faire face à la crise aux opioïdes?
M. Gamache (Jean-Bernard) : Il
semble que la barrière à l'accès ne soit pas la carte de la RAMQ, parce qu'il y
a des modalités qui permettent de distribuer l'antidote malgré le fait qu'on
n'ait pas de... bon, la carte, etc. La barrière d'accès semble être de franchir
la porte de la pharmacie et de savoir, peut-être, qu'il y a un programme de ça.
Il faudrait voir si les campagnes de sensibilisation ont eu lieu ou si l'information
est disponible sur l'accès. Mais je crois que la barrière, principalement,
c'est de rentrer dans les...
M. Gamache (Jean-Bernard) : ...que
ce soit dans les pharmacies communautaires, mais cette réalité-là existe aussi
pour consulter, pour justement... bien, pour différents problèmes de santé
lorsqu'on vit avec un problème de consommation, là, oui. Merci.
Mme Prass : Aussi, vous avez
publié un rapport, en février dernier, justement, à propos... concernant la
décriminalisation, et j'imagine à ce que vous avez fait un petit peu le tour
pour voir quelles sont les meilleures pratiques ailleurs qui pourraient
s'appliquer aussi, qui pourrait faire du sens avec la réalité sur le terrain au
Québec.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Le
rapport, je pense, dont vous parlez, c'est un rapport qui a été publié il y a
peu de temps. Ce qu'un rapport qui montre un peu aussi notre démarche qui
consiste à essayer de définir les termes, de fournir un langage commun pour les
gens qui ont à parler de ce problème, de façon à ce que tout le monde utilise
les mêmes définitions, le même langage qui permet des échanges constructifs.
C'était l'objectif essentiel de ce rapport-là de fournir un lexique de
discussion sur le problème. Et François peut vous parler, ça fait pas mal de
temps maintenant qu'on travaille sur cette question et qu'on regarde à la fois
les meilleures pratiques, l'état de la littérature sur le sujet, ce que les
gens en pensent, de ces problèmes.
Encore une fois, vous voyez, l'institut,
on n'est pas là pour faire des propositions de politique, on est là
essentiellement pour éclairer les décisions qui sont prises par le ministère et
donc de lui fournir l'information qui est nécessaire pour prendre ses
décisions.
M. Gagnon (François) : Il y a
un rapport précédent qu'on a publié à l'institut, qui portait sur les
alternatives à la criminalisation, c'est comme ça qu'on l'a intitulé, là. Puis
essentiellement ça portait sur l'expérience portugaise puis sur ce qu'on
appelle le Law Enforcement Assisted Diversion aux États-Unis. C'est un
programme qui est presque devenu une marque de commerce, là. Mais donc,
essentiellement, c'est les policiers qui sont incités à diriger les personnes
en possession de substances vers des services de santé, des services sociaux de
différentes natures, selon les problèmes qui sont constatés ou les enjeux qui
sont constatés, les besoins qui sont constatés.
Donc, on a identifié là-dedans plusieurs
conditions de succès à ces pratiques-là. C'est une des formes de
décriminalisation, c'est une des formes que la décriminalisation peut prendre,
autrement dit. Puis donc une des premières conditions de succès, je ne veux pas
nommer les autres, là, Sandhia, auparavant, on a nommé une, donc c'est la
formation des policiers pour qu'ils puissent bien comprendre leur rôle dans le
nouveau système. Mais aussi, je pense que la première condition de succès qui
était identifiée, c'est que les ressources soient suffisantes, parce que...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter...
M. Gagnon (François) : ...les
policiers doivent diriger les personnes vers les services sociaux puis de
santé, puis qui n'y ont pas accès...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup...
M. Gagnon (François) : ...un
principe de base qui ne fonctionne pas.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je dois vous arrêter. Je suis désolée, je suis le
maître... la maîtresse du temps. Mais on va continuer avec la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques pour une période de trois minutes 18 secondes.
Mme Massé : Merci. Le groupe,
avant vous, disait avoir du data pour être capable d'agir adéquatement en
prévention, mais aussi pour être capable d'aller chercher notre part du gâteau
qui est adéquate dans ce recours collectif là. Vous avez mentionné que vous
pouviez faire plein de recherches si vous receviez le mandat. Moi, je veux
savoir : Est-ce que vous sentez que vous avez le data nécessaire pour
répondre aux deux questions que j'ai soumises préalablement, et sinon, de quel
mandat vous avez besoin, et qui vous donne ce mandat-là?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Jean-Bernard,
veux-tu répondre...
M. Gamache (Jean-Bernard) : Bien,
je crois que les données existent, les données, les données sont à l'infocentre
de santé publique. Donc, ça, ça va. Après, il faut déterminer les rôles et
responsabilités dans la diffusion des données : Est-ce que cette
responsabilité-là... la responsabilité de les diffuser appartient à l'institut,
ou l'idée, c'est plutôt de laisser l'Institut national de santé publique du
Québec ou la responsabilité de diffusion des données puis l'information aux
populations puis aux groupes communautaires... à la Direction régionale de
santé publique sur le territoire? C'est à définir, mais on peut facilement
déterminer une trajectoire, là, pour arriver à la transmission de cette
information-là.
• (11 h 30) •
Mme Massé : Donc, vous n'avez
pas besoin de plus de mandats, pas là-dessus.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Dans
le fond, pour l'évaluation du fardeau, comme je l'ai expliqué plusieurs fois,
là, je pense que c'est nécessaire d'avoir des mandats clairs et des ressources
pour le faire. Encore une fois, si on veut prendre cette approche large et pas
seulement se concentrer sur les hospitalisations et les frais de santé, mais
tenir compte de l'ensemble des coûts.
Mme Massé : Bien sûr. J'ai
cru comprendre que, dans votre rôle de vigie, il y a une volonté de continuer
de monitorer, là, c'est mon terme à moi, les diverses substances. Est-ce que la
décriminalisation de...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Massé : ...possession simple
serait une façon de pouvoir monitorer mieux?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : François,
qu'en penses-tu?
M. Gagnon (François) : ce n'est
pas... Généralement, ce n'est pas un objectif, la décriminalisation, en tout
cas, pas dans... de mémoire, ce n'est pas dans les pratiques ou ce n'est pas
dans les objectifs qu'on a recensés, là, si on pense aux commissions de
dissuasion au Portugal, où les pratiques leads, là, donc de type leads. Il y
avait d'autres types de programmes aussi, là, mais de mémoire, ce n'est pas...
Ça n'apparaît pas nécessaire pour faire la vigie puis la surveillance, là.
Donc, on a peut-être d'autres outils qui sont déjà déployés partiellement au
Québec, là. Donc, on a un programme d'analyse de substances auquel on
participe, là. Jean-Bernard pourra vous en parler un peu plus. Mais pour savoir
un peu plus qu'est-ce qui se produit aussi, qu'est-ce qui se passe au Québec,
on a aussi des... Dans les services communautaires, il y a des programmes d'analyse
de substances, donc, qui ne sont pas dans l'urine, mais donc les participants
amènent leur substance puis donc, par différentes techniques, on peut essayer
de détecter qu'est-ce qu'il y a. Donc, il y a des limites, mais il y a des
développements technologiques quand même assez intéressants, je pense, qui
pourraient faciliter la collecte, la distribution, l'harmonisation des
substances, là. Mais donc le lien avec la décriminalisation m'apparaît un peu
distant. Mais je pense qu'il y a d'autres façons de faire puis qu'on pourrait
mettre à échelle supérieure, là, pour y arriver. Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, c'est ce qui met fin à cette portion. On
termine avec le député de Jean-Talon pour une période de trois minutes 18 secondes.
M. Paradis : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Très heureux de prendre la parole, là, dans... Sur cet enjeu-là
qui est un enjeu transpartisan, en réalité, de santé publique.
Ici, donc, on a un projet de loi qui vise
à favoriser les poursuites pour récupérer les sommes investies pour gérer la
crise des opioïdes. Vous dites que vous avez des données probantes et que vous
continuez le travail. Dans quelle mesure collaborez-vous déjà avec le ministère
ou avec les autorités de poursuites du Québec pour contribuer à la constitution
de la preuve dans la poursuite? C'est-à-dire, la preuve maintenant peut être
composée notamment de données statistiques, je ne veux pas d'informations
confidentielles, mais je voulais simplement que vous nous assuriez que vous
êtes déjà en collaboration pour que vos données servent au terme des
poursuites.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : D'abord,
on n'est pas encore à ce stade, mais de toute façon, c'est clair que le lien
entre l'Institut et le ministère, c'est un lien quotidien d'information. Tous
les jours, entre le ministère et l'Institut, il y a des échanges qui portent
justement sur ce type de questions, c'est clair. Et donc on verrait tout à fait
comme normal que, quand le gouvernement du Québec va s'engager dans le travail
d'évaluation du fardeau, l'Institut soit mis à contribution. Il le fera avec le
sérieux qui est habituellement le sien.
M. Paradis : Très bien. Vous
dites aussi que vous avez, bon, vous avez établi notamment des données sur les
conséquences socioéconomiques ou sociales de la crise des opioïdes. Est-ce que
vous avez des recommandations ou vous voyez déjà des lignes qui se dessinent
sur ce qu'on pourrait faire avec les sommes qu'on pourrait récupérer au terme
de ces poursuites-là? Je sais qu'on a parlé un peu plus tôt du fait qu'on n'a
pas besoin d'attendre, mais celles qu'on va récupérer, est-ce que vous voyez,
est-ce que vous avez des recommandations là-dessus?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Non,
l'institut ne s'est pas engagé dans cette voie-là. Ce serait, je pense, à l'extérieur
de notre mandat.
M. Paradis : Très bien. Vous
parlez aussi dans votre mémoire de pratiques commerciales et médicales
discutables dans la poursuite qui a été déposée en Colombie-Britannique. En
Fait, on parle de pratiques trompeuses et fautives de la part des compagnies
pharmaceutiques. Là, je parle du mandat relatif à la prévention aussi. Est-ce
que vous pensez que l'étude de ce projet de loi, c'est un moment aussi de
revoir l'encadrement des relations du gouvernement avec les compagnies
pharmaceutiques, compte tenu de ces pratiques que vous décrivez, là, comme
discutables?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : C'est
un moment en tout cas de réflexion qui va être nécessaire sur un certain nombre
de pratiques. Mais vous devriez poser aussi ces questions-là au Collège des
médecins, au Barreau parce qu'ils sont beaucoup mieux placés que nous pour y
répondre. Vous imaginez bien que l'Institut n'a pas de vocation particulière en
matière de... juridique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous restait 20 secondes.
M. Paradis : Bien, il me
restait 20 secondes, je pense que je vais m'arrêter là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Alors, c'était pour les remercier. Alors, je vais
ajouter ma voix à celle du député pour vous remercier d'être venus à notre
commission, d'avoir... de nous avoir éclairés.
Et je vais suspendre quelques instants, le
temps de recevoir notre prochain invité. Merci beaucoup, messieurs. Bonne fin
de journée.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 38)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc la docteur
Marie-Ève Goyer, professeure agréée de clinique, département de médecine de
famille et médecine d'urgence de la Faculté de médecine de l'Université de
Montréal.
Dre Goyer, bonjour, bienvenue à la
commission. Nous allons donc vous laisser une période de 10 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, on va procéder à l'échange avec les parlementaires.
Alors, le micro est à vous.
Mme Goyer (Marie-Ève) : Très
bien. Alors, bonjour, tout le monde. Merci pour cette belle invitation. Comme
vous l'avez compris, moi, je suis avant tout un médecin qui traite la
dépendance aux opioïdes. Et excusez-moi à l'avance si j'ai... de l'image, je
suis actuellement au Burundi et j'ai le privilège, justement, de travailler à
l'instauration d'un premier projet de traitement de la dépendance aux opioïdes
ici, au pays. Alors, je m'excuse à l'avance, si jamais il y a des petits
bogues.
Alors, je ne vous verrai plus. Est-ce que
vous pourriez juste me confirmer que vous voyez bien mon écran et que vous le
voyez défiler?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...problème.
Mme Goyer (Marie-Ève) : Super!
Alors, comme je vous disais, je suis la chef des programmes spécifiques en
dépendance et en itinérance au centre-ville de l'île de Montréal. Et j'ai... on
bénéficie, là, d'un soutien, justement, de fonds publics pour avoir une équipe
de soutien clinique et organisationnel pour tous les services qui touchent les
personnes aux prises en dépendance et en itinérance dans le réseau de la santé
et des services sociaux. Mais, comme je vous disais, je suis d'abord et avant
tout un médecin qui traite la dépendance aux opioïdes depuis presque 20 ans
maintenant.
Je souhaitais quand même, et je m'excuse
si c'est de la redondance pour vous, porter à votre attention, que, dans ce
projet de loi et derrière le chapeau des opioïdes, se cachent beaucoup de
détails qui peuvent quand même être importants dans le cadre de l'actuel projet
de loi. Les opioïdes, vous le savez comme moi, sont des substances qui peuvent
être prescrites, mais qui peuvent aussi être générées complètement du marché
illicite. Vous verrez qu'il y a plusieurs classes différentes.
• (11 h 40) •
Mais ce que je souhaitais porter à votre
attention, c'est les éléments qui sont mis en bleu, c'est-à-dire que, dans la
classe des opioïdes, incluant dans le projet de loi, se cachent deux catégories
complètement différentes, des opioïdes qu'on pourrait consommer de façon
illicite ou utilisés pour la douleur, et le traitement de la dépendance aux
opioïdes que vous voyez un bleu, le... la buprénorphine et la méthadone sont
des traitements pour la dépendance, mais sont les mêmes molécules à la base,
dans la même famille. Ça sera quand même très important, il me semble, là, dans
les nuances à mettre dans le projet de loi...
Mme Goyer (Marie-Ève) : ...j'entendais
mes collègues de l'INSPQ passer juste avant. Nous avons un médicament, et, vous
voyez, c'est le consortium des trois ordres qui nous a fait un rappel en juin
dernier, l'Ordre des pharmaciens, le Collège des médecins et l'ordre des
infirmières nous a rappelé les bonnes pratiques de prescription des opioïdes.
Je souhaite aussi porter à votre attention que toute prescription d'opioïdes
n'est pas pareille par ailleurs. Nous ne souhaiterions surtout pas voir une
sous-utilisation en douleurs aiguës ou en fin de vie pour dire quelque chose,
surtout pas une sous-utilisation des opioïdes pour traiter la dépendance aux
opioïdes. Et, dans des nouvelles procédures qui ont débuté depuis quelques
années, où, dans les cliniques, on fait le traitement de la dépendance aux
opioïdes, on fait aussi de l'approvisionnement plus sécuritaire. Là où le bât
blesse, c'est la surprescription en douleur chronique... où il y a des
prescriptions qui s'étalent sur des années et des années, alors qu'on a très
peu d'études qui nous montrent ou qui ont étudié la prescription à très long
terme. Donc, c'est vraiment au niveau de la douleur chronique qu'il y a eu
beaucoup d'enjeux, beaucoup de surprescription en Amérique du Nord et avec tous
les dommages associés, là, pour lesquels le projet de loi a été fait.
Je souhaite aussi porter à votre attention
que la double crise des... puis des surdoses d'opioïdes dont on parle sans
cesse porte à ses racines quand même deux origines assez différentes mais qui
finissent par se rejoindre au milieu. La première, c'est le changement
progressif du marché illicite depuis les 10 à 15 dernières années. Nous
avions un marché où il y avait soit de l'héroïne assez stable en termes de
qualité ou même des produits pharmaceutiques qui ont dérivé vers le marché
illicite. C'était encore la belle époque, entre guillemets, c'est-à-dire que
les gens consommaient des substances assez stables, peu contaminées, et on
voyait beaucoup moins, donc, de surdoses. Le problème est arrivé quand le
marché illicite s'est mis à produire lui-même ses substances avec le Fentanyl,
le carfentanil, l'isotonitazène, la xylazine, alouette. Et on a vu donc
vraiment reculer l'héroïne, à Montréal, on n'a presque plus d'héroïne, et on a
vu de plus en plus des productions en laboratoire clandestin contaminé avec de
multiples substances. Et pas seulement le marché des opioïdes, mais l'ensemble
du marché illicite a le potentiel, vous l'avez vu, d'être contaminé avec des
opioïdes très, très puissants. Et donc on va le voir dans quelques secondes,
c'est vraiment ce problème-là, actuellement, qui nourrit la crise des surdoses
d'opioïdes.
La seule surprescription, ou la mauvaise
prescription, ou le mésusage des opioïdes prescrits a pu contribuer il y a
quelques années. Effectivement, on a vu arriver, dans nos bureaux de
traitement, une nouvelle clientèle qui arrivait via la prescription et donc qui
avait plus de douleur, plus de comorbidité, plus de maladies concomitantes, et
qui n'avait jamais utilisé le marché illicite. Le danger qu'on voit
actuellement, il y a eu vraiment beaucoup de messages de prévention au niveau
des médecins, mais, effectivement, cette clientèle-là, une fois qu'elles sont
dépendantes aux opioïdes prescrits, si on arrête trop brusquement la
prescription, il y a un danger qu'elles aient recours au marché illicite, et on
a vu quand même ça à plusieurs endroits, et qu'elles se retrouvent donc encore
plus en danger que si elles demeurent dans le bureau médical avec un encadrement
adéquat.
Donc, je pense que vous devez connaître
ces données-là. Vous voyez, le nombre de décès au Canada en 2022 est à plus de
7 000. On est à plus de 38 000 décès depuis 2016. C'est quand
même important de mentionner que 77 % des décès en 2023, l'année n'est pas
terminée, jusqu'à date, ont impliqué des opioïdes de type non pharmaceutiques
dans lesquels on retrouve une très grande fréquence, le fentanyl, et vous voyez
que ce pourcentage augmente. Donc, on n'est pas dans une crise de décès tant
que ça, maintenant, liée à la surprescription des opioïdes, bien qu'elle ait pu
y contribuer initialement. Mes collègues de l'INSPQ ont dû vous présenter ces
données-là pour vous donner une idée, au Québec, on en est à 40 à 50 décès
par mois, quand même par surdoses suspectées aux opioïdes et autres drogues.
C'est donc, bon an mal an, 500 quelques décès. Donc, on est vraiment dans
quelque chose de très, très préoccupant. Moi, j'ai commencé à pratiquer, on
était à la fin de la crise du VIH où on voyait nos patients décédés jeunes très
régulièrement, et on a vu la fin de ça. Et je retombe dans ça, je vois des
patients décédés, actuellement, à tous les mois, des patients jeunes en bonne
santé, par ailleurs, avec beaucoup d'années de vie devant eux qui meurent.
Alors, je souhaite terminer en vous... un
peu des enjeux actuels, et ça pourrait aller dans les recommandations de...
Mme Goyer (Marie-Ève) : ...ce
qu'on peut faire avec l'argent qui sera récupéré avec ce projet de loi là.
C'est sûr que, pour moi, et je prêche pour ma paroisse évidemment, il y a une
priorité à traiter la dépendance aux opioïdes pour les gens qui le souhaitent.
Le traitement de la dépendance est fait, au Québec, majoritairement, par des
médecins de famille. À l'heure actuelle, on en manque partout. Il y a des
listes d'attente partout, il y a des régions où il y a très peu, sinon, aucun
accès au traitement de la dépendance aux opioïdes. C'est une urgence qu'on
puisse prioriser les équipes, l'accès à des médecins qui ne seront donc pas
dans des groupes de médecine familiale, qui seront dans des centres de
réadaptation en dépendance pour traiter ces patients-là, mais aussi on doit
sensibiliser l'ensemble de la population médicale et, à tous les niveaux, les
urgences, les GMF, les centres de réadaptation, qu'on puisse avoir accès en
temps rapide, quand quelqu'un a besoin, c'est dans le dossier, maintenant qu'il
faut... qu'on puisse le prendre en charge.
Mais, effectivement, la sensibilisation
sur la surprescription qu'on a eue au début de la crise a quand même
fonctionné. Et ce qui fait que c'est dur, pour la communauté médicale, de
dire : Mais comment est-ce que je me dépatouille entre ne plus prescrire
en douleur chronique, mais ne pas arrêter quand quelqu'un est rendu dépendant?
Il faut vraiment faire attention au message qu'on nomme actuellement. Parce
qu'on ne voudrait surtout pas balancer des gens vers le marché illicite, et
c'est un peu ce qu'on a vu comme risques dans les dernières années.
Il y a aussi une confusion au niveau des
compagnies pharmaceutiques. Vous le voyez dans le projet de loi, vous l'avez vu
dans ma diapo, tous les opioïdes sont listés sur la même liste, alors qu'ils
n'ont pas les mêmes... ils ne sont pas utilisés pour les mêmes raisons. Et donc
on voit déjà des compagnies pharmaceutiques devenir un peu frileuses à l'idée
de commercialiser des nouveaux opioïdes, qui auraient pourtant comme bénéfices
le traitement de la dépendance. Donc, cette confusion-là, elle n'est pas juste
au niveau des médecins, elle aussi dans les compagnies pharmaceutiques.
Et, bien, comme je vous l'ai montré, je
pense, amplement, on est passés la crise de la surproduction, on est dans une
crise de contamination jamais vue du marché illicite, spécifiquement des
opioïdes. Donc, je pense qu'il faut vraiment... En 2023, à l'heure où on se
trouve, je souhaiterais livrer comme message qu'on doit porter notre attention,
en plus du projet de loi actuel sur les politiques publiques, sur la
criminalisation des drogues, parce que le statu quo, actuellement, est vraiment
dangereux, et vous avez vu les chiffres, là, que je vous ai présenté.
Donc, je m'arrête là-dessus. Si vous avez
envie de voir un peu ce qu'on fait avec mon équipe, vous avez l'adresse de
notre site Internet où rend disponible, pour les équipes cliniques, l'ensemble
des outils, des meilleures pratiques, et vous avez mon numéro de... mon
courriel si jamais vous souhaitez avoir plus d'information.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Goyer, très belle présentation. Si vous
voulez juste retirer... parfait, j'allais dire, si vous voulez retirer votre
présentation, puis on va pouvoir vous voir maintenant. Alors, on commence la
période d'échange. Je me tourne du côté du ministre pour une période de
16 minutes 30 secondes. Alors, le micro est à vous, M. le ministre.
M. Carmant : Bien, merci
beaucoup. Merci beaucoup, Dre Goyer, toujours un plaisir de vous parler. On a
entendu parler beaucoup de réduction des méfaits, mais je sais que vous avez
eu, quand même, une pratique plus globale, qu'est-ce qu'on peut faire, par
ailleurs, pour le traitement de la toxicomanie? Tu sais, au niveau de la
première ligne, au niveau de la prévention, qu'est-ce que... quels sont les
mécanismes à mettre en place, là? Je pense qu'il faut... pour nos... surtout
pour nos prochaines générations, là.
Mme Goyer (Marie-Ève) : Oui,
c'est une très grande question, puis vous me donnez combien de temps pour y
répondre?
M. Carmant : Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est Quinze minutes. Mais il y a d'autres questions, j'en
suis certaine.
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bon,
même au Québec, je pense, du fait que la dépendance a été vue historiquement,
voire même organisée au niveau ministériel comme un problème social, et,
évidemment que c'est le cas, loin de moi l'idée de le dire autrement, mais on
est à récupérer un peu les conséquences du fait qu'il n'y a pas eu
d'imputabilité du réseau de la santé dans ses diverses structures pour prendre
soin, dans les meilleures pratiques, de ces patients-là.
• (11 h 50) •
Donc, pour vous donner un comparable, le
jour où je suis un médecin à l'urgence et que je reçois quelqu'un avec un
diabète, dès qu'on pensait qu'il n'a pas pris ses médicaments ou qu'il n'a
jamais eu accès à ses médicaments, si je lui donnais simplement 10 unités
d'insuline et que je le retournais chez lui sans suivi, sans counseling, sans
médecin pour faire le suivi adéquat, je perdrais mon permis en deux secondes,
et ça ferait les tollés médiatiques. Bien, c'est un peu là où on est au Québec,
donc... et pas parce qu'il y a un manque de volonté, mais parce qu'il y a
vraiment eu des scissions historiques...
Mme Goyer (Marie-Ève) : ...et
des stigmas historiques qui font en sorte que, bien, à l'heure actuelle,
quelqu'un qui fait une surdose peut se retrouver dans une urgence, avoir son
antidote et partir sans traitement, sans suivi et sans rien. Ce stigma-là s'est
rendu jusqu'à... aux bancs d'école, c'est-à-dire que moi, je suis sorti des
bancs d'école, je ne vous dirai pas en quelle année parce que je vais trahir
mon âge, et je n'avais aucune formation en dépendance. Et à l'heure actuelle,
si je ne m'abuse, il n'y a que l'Université de Montréal au niveau de la faculté
de médecine qui oblige une formation minimale en dépendance pour tous les
médecins omnipraticiens et les psychiatres. Donc, c'est vous dire à quel point
on part de loin, mais on ne reconnaît pas cette problématique-là comme quelque
chose dont on doit s'occuper de façon prioritaire.
M. Carmant : Super. Un des
points qu'on a essayé de faire, c'est faire un peu de prévention au niveau des
milieux scolaires, mais encore une fois les intervenants des différents
organismes communautaires qui se rendent faire cette formation-là nous disent
que quand ils identifient des jeunes qui ont des besoins, le lien est difficile
à faire avec la première ligne, qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer ça?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bien,
si vous me donnez une baguette magique, c'est sûr que le levier de première
ligne, entre autres, à part les services généraux, c'est les groupes de
médecine familiale dans lesquels on a investi notre infrastructure, il y a
plusieurs jeunes qui sont suivis depuis longtemps, donc si on pouvait offrir
des services de première ligne et de counseling adéquat par l'ensemble des
intervenants qui travaillent dans un GMF, je pense aux pharmaciens, je pense
aux infirmières, je pense aux médecins, aux travailleurs sociaux, voire même à
avoir des capacités de suivi en première ligne peut-être un peu plus grande, et
là est-ce que c'est un suivi de première ligne? Est-ce qu'on utilise des
services de la psychiatrie? Mais disons pour des cas très, très légers, je
pense qu'on devrait investir de façon assez robuste notre première ligne pour
qu'elle se sente au moins outillée. Est-ce que les opioïdes chez les jeunes
sont un enjeu actuellement? Pas vraiment. Mais on pourrait quand même continuer
cette réflexion-là en disant : On souhaite quand même, je pense par
exemple au cannabis, à l'utilisation de... à la cyberdépendance... Donc, il se
passe quelque chose en termes de non-disponibilité des services en dépendances
pour l'ensemble du réseau de la santé. Donc, on pourrait stratifiée,
effectivement, quel niveau, à quel endroit et s'assurer que les bonnes
pratiques sont en place, pas juste à côté, dans les centres de réadaptation en
dépendance, mais que tout le monde se sente imputable à son niveau d'expertise
et de prestation de services.
M. Carmant : Je vous parlais
de nos jeunes parce que ce matin, là, ici, on a eu des articles qui nous
disaient qu'on parlait un peu trop des opioïdes, pas assez des stimulants, la
crack cocaïne, métamphétamine. Dans votre pratique, est-ce que vous... Quel est
votre expérience par rapport à ça?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bien,
c'est sûr que... les chiffres sont quand même accablants. Quand je vous ai
montré en termes de décès, ce qu'on voit, c'est vraiment un lien avec les
opioïdes. Ne serait-ce que comment la molécule est faite, elle peut induire un
arrêt respiratoire ce que les stimulants ne font pas.
Après, votre question est quand même bonne
dans le sens où, à partir du moment où on se dit que les gens qui produisent
les opioïdes et qui les rendent disponibles sur le marché illicite, c'est le
marché noir, bien, c'est sûr que la personne qui va produire des stimulants va
les produire pas selon les meilleurs standards avec une hotte stérile. Donc,
vous avez un potentiel de contamination de l'ensemble des substances. Et c'est
ça qu'on a vu arriver, on a vu arriver des gens qui pensaient consommer du
crack et qui ont fait des arrêts respiratoires parce qu'il y avait des opioïdes
dedans, mais, si on veut poursuivre cette idée-là, il y a aussi un potentiel
que le crack ne contienne plus de cocaïne et qu'il contienne plein d'autres
choses. On a vu, par exemple, l'INSPQ a fait des rapports qui datent sur le
fait que la cocaïne était contaminée avec un vermifuge pour animaux. C'est ça
l'enjeu de la contamination du marché illicite. Donc, oui, nos jeunes, pas
juste nos jeunes, tout consommateur qui utilise des drogues sur le marché
illicite est actuellement à risque de se trouver avec bien d'autres choses que
ce qu'il pense réellement consommer.
Donc, maintenant, je radote toujours
l'histoire de la roulette russe, mais c'est un peu ça où on est rendus. On ne
pensait pas qu'on se rendrait jusqu'à ce niveau-là, mais c'est un phénomène
qu'on voit en Ontario actuellement très clairement, et la Colombie-Britannique
l'a depuis longtemps.
M. Carmant : Ah, bien, merci
beaucoup. Je pense, ça nous éclaire beaucoup, ce point-là, là, sur la cause de
décès. Mme la Présidente, je passerais la parole à une collègue.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. La députée de Laviolette—Saint-Maurice
m'a demandé la parole. Alors, le micro est à vous, il reste 10 minutes.
Mme Tardif : Merci. Bonjour.
Merci d'être là malgré le décalage horaire aussi. Donc, on est chanceux de vous
avoir. Le ministre a abordé vraiment le fond de ma question et vous soulevez...
Mme Tardif : ...des
problématiques réelles, des enjeux et ça contient aussi certaines solutions.
Vous parlez entre autres du manque de formation pour les médecins par rapport
aux dépendances. Vous parlez de crise de contamination qu'on aborde moins, mais
dont on est parfaitement conscient, et de la criminalisation des drogues. Et
vous avez aussi soulevé un problème qui a été... et qui est quand même assez
choquant. Mais vous-même médecin, vous nommez que les médecins sont parfois à
la solde des compagnies pharmaceutiques. Et l'intervenant précédent est allé
même plus loin en disant qu'il y avait encore... on pensait que ça n'existait
plus, mais qu'il y avait encore des compensations, souvent, que les médecins
reçoivent, c'est assez choquant d'entendre ça, pour encourager la distribution
de ces produits-là, qui sont peu connus et peu maîtrisés par ces médecins-là.
Comment on peut faire, selon vous, pour, au moins avec les médecins, réussir à
avoir une approche qui est plus saine pour les consommateurs?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bien,
c'est encore une fois une grande question. Je pense que le fond, vraiment, si
on veut arriver à se sortir de ça, c'est la formation, incluant l'imputabilité
des universités. Et donc je pense que non seulement les médecins doivent sortir
de l'université avec des bases en dépendance et en douleur chronique, puisque
ce sont deux vases communicants, mais que les autres intervenants avec qui ils
vont travailler couramment, donc je pense entre autres justement au... (Panne
de son) ...de base avec lesquels on doit sortir des universités. Et je pense
que ça aidera aussi beaucoup à diminuer le stigma, parce que... ce qui fait en
sorte aussi qu'on trouve peu de médecins intéressés au traitement de la
dépendance, c'est tout ce qui vient avec la stigmatisation de ces
populations-là.
Après, pour répondre un peu plus à votre
question concernant les compagnies pharmaceutiques, quand moi, j'ai commencé ma
pratique, là, en 2005, c'était pratique courante de voir les compagnies
pharmaceutiques dans certains milieux et ça s'est beaucoup amélioré. À ma
connaissance, et là vraiment, je... tu sais, ce serait quelque chose qu'il
faudrait vérifier, justement, peut-être avec l'INSPQ, et tout ça, on n'a jamais
eu un très grand plaidoyer au Québec des compagnies pharmaceutiques concernant
la surprescription en douleurs chroniques, pas comme on a eu dans le reste du
Canada ou aux États-Unis. Puis c'est peut-être même un enjeu de langue qui nous
a protégés, en quelque sorte, mais on voit... on a vu ces pratiques-là, entre
autres dans le domaine du VIH, de l'hépatite C, des paiements de voyages, des
choses comme ça. Ça s'est beaucoup amendé dans les dernières années. Peut-être
que le ministère peut quand même voir où en sont les réglementations, mais on a
vu vraiment les industries, les compagnies pharmaceutiques se remettre au pas.
Moi, j'étais étudiante en médecine, ils venaient nous porter des lunchs sur les
bancs d'école. C'est vous montrer comment il y avait une pénétration du circuit
pharmaceutique. Alors, tout ça, c'est quand même beaucoup mieux encadré
maintenant.
Je ne suis pas sûre que c'est là qu'il
faut mettre notre énergie, pour répondre à votre question, mais plutôt
s'assurer qu'on sort des bancs d'école ou qu'on a des formations adéquates,
multidisciplinaires, pour la douleur chronique et pour la dépendance. Et je
pense qu'on va devoir se poser plutôt la question : Comment on fait pour
ne pas prescrire des opioïdes en douleurs chroniques? Comment on fait pour
avoir autre chose à offrir? Et là, ça vient à la gratuité et à la disponibilité
des services de physiothérapie, des services de psychologie pour qu'on aille
ailleurs que dans la médicalisation ou la pharmacopée, dans ces... ou, en tout
cas, du moins, que ça soit notre dernier recours, alors qu'en ce moment, bien,
c'est pas mal notre seul outil.
• (12 heures) •
Mme Tardif : Tellement
contente de vous entendre dire ça. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je reconnais maintenant la députée de Châteauguay.
Il reste encore cinq minutes 19 secondes.
Mme Gendron : Merci. Bonjour,
Docteure Goyer, bien heureuse de vous avoir avec nous ce matin. J'aimerais
aussi faire une petite parenthèse du milieu dentaire. Ce sont des cliniques
privées. On reçoit énormément de gens dépendants dans des cliniques dentaires
puis ce n'est jamais très facile à vraiment cerner la douleur. Donc, il y a
également beaucoup de prescription qui est faite ce côté-là. Mais également je
pense que le... au point de vue des pharmaciens, ils veulent quand même...
12 h (version non révisée)
Mme Gendron : ...bien faire le
suivi, mais c'est difficile quand ces consommateurs-là vont dans plusieurs
pharmacies, donc les dossiers ne suivent pas. Mais je veux juste reconnaître l'enjeu
aussi des cliniques dentaires, qui sont devenues une porte aussi pour eux.
Ceci dit, je sais que vous avez une très
grande expérience sur le terrain. J'aurais aimé juste qu'on puisse savoir un
peu votre opinion sur trois points que j'aimerais savoir. Le pourcentage
environ de gens auxquels on prescrit des opioïdes et qui deviennent dépendants,
est-ce qu'on a une image globale, environ?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Je ne
serais pas capable de répondre à cette question-là. Vous voulez dire le
pourcentage de personnes chez qui on a nous-mêmes induit, par notre
prescription... Non. On a des chiffres un peu épars, basés sur pas
grand-chose... (panne de son) ...parce que ça ne me semble pas basé sur les
meilleures évidences, là.
Après ça, pour moi... J'aurais envie de
vous répondre l'inverse, c'est-à-dire le pourcentage de personnes chez qui on n'aurait
pas prescrit d'opioïdes si on avait eu d'autre chose à offrir. Je pense qu'il
faut quand même reconnaître, là, puis c'est un... une grosse... c'est lourd ce
que je vais vous dire ici, mais, dans les cabinets, vous connaissez comme moi
la pression sur le réseau de la santé ou dans une urgence, quand on voit un
patient et qu'on a 15 autres patients et que le patient n'a pas d'assurance
privée pour aller en physiothérapie, n'a pas...
Donc, il faut, je pense, investir un peu
plus sur les approches multidisciplinaires, des cas complexes. Et, par cas
complexes, dans le cas présent, j'entends les patients qui ont de la douleur
chronique, là, depuis longtemps et les patients qui développent une dépendance
ou qui ont une dépendance. On ne peut pas voir ces personnes-là comme on
verrait un suivi d'une hypertension chez quelqu'un qui va bien et qui suit son
dossier. Donc, ça prend des approches multimodales, et là on les a moins, ces
approches-là disponibles. Il y a des vraiment très longues attentes en clinique
de la douleur partout au Québec. Ça fait qu'on se retrouve avec... la douleur
et la dépendance, avec les mêmes enjeux. Très peu de formation en première
ligne, très peu de capacité d'aller très, très loin et des listes d'attente
très, très longues pour les centres spécialisés.
Mme Gendron : Merci pour
votre réponse. J'aimerais aussi savoir le traitement de la dépendance arrive à
quel moment. Est-ce que quelqu'un avant de faire une overdose va nécessairement
vouloir avoir un accompagnement ou souvent c'est le moment où est-ce que ces
gens... le moment où est-ce qu'ils font une overdose, c'est le moment où est-ce
qu'ils vont décider d'aller chercher de l'aide?
Mme Goyer (Marie-Ève) : C'est
une bonne question. Il y a une myriade de réponses à ça, donc il n'y a pas de
réponse unique. On voit de tout. C'est sûr que moi, j'ai un biais, dans le sens
où je vois une clientèle qui est itinérante au centre-ville de Montréal, mais
on voit des gens qui... ou même des médecins qui précocement vont reconnaître
avec la personne, vont lui en parler : Je trouve que ça glisse, serais-tu
intéressé à ce qu'on arrête tes opioïdes prescrits et qu'on aille vers des
molécules plus pour le traitement? Donc, on peut y être très précoce, de là l'importance
de la formation pour reconnaître. Il y a des gens qui rapidement vont sentir
que ça ne va pas ou des familles ou des entourages de gens qui, très
rapidement, vont dire : On ne le reconnaît pas, ça ne va pas. Puis il y a
effectivement des gens qui vont devoir se rendre jusqu'à un événement telle la
surdose, mais ça me semble, effectivement, quand on a des événements
traumatiques majeurs comme ça, des momentums qu'on ne peut pas se passer, en
2023, d'attraper. Et ce n'est pas vrai, là, malheureusement, qu'on a les
capacités, en 2023, actuellement dans les urgences du Québec, de débuter des
traitements même quand les gens le demandent, donc ça veut dire des gens qui
sont en surdose dans une urgence et qui repartent chez eux. Imaginez la
dangerosité puis la vulnérabilité, là.
Je porte quand même à votre attention
aussi le fait qu'on a une surreprésentation de ces clientèles-là dans les
milieux carcéraux aussi et on aurait des occasions en or de débuter des
traitements, mais, encore une fois, par manque de formation et de médecins,
bien, ce n'est pas encore opérationnel dans la très grande majorité des prisons
du Québec.
Mme Gendron : O.K. Donc, je
comprends aussi que la majorité des gens... il y en a certains qui ne vont pas
chercher de l'aide. Donc, j'en conviens aussi qu'il y a certaines personnes, c'était
par manque d'éducation ou de ressources qui... ou qui font le choix simplement
de ne pas aller chercher de l'aide pour leur dépendance.
Mme Goyer (Marie-Ève) : Oui,
en fait, réfléchissez à ça comme une dépendance à l'alcool, qu'on connaît
peut-être un peu mieux, qui est plus fréquente dans notre culture, où, bien, il
y a des gens qui consomment un peu, ils commencent à prendre des risques,
conduire des fois en état d'ébriété, d'autres gens qui, très précocement,
disent : Moi, j'arrête, je sens que c'est en train de... je suis en train
de glisser, et d'autres personnes qu'on connaît, qui consomment de façon très,
très... (panne de son) ...ne vont pas chercher... Donc, on voit... comme en
alcool, on voit une myriade de présentations.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Goyer, on vient de terminer une première portion
d'échanges avec les parlementaires. Je me tourne du côté de l'opposition
officielle pour une période de 9min 54s.
Mme Prass : Merci. Merci,
Docteure Goyer, de vous rendre présente de très loin. Comme vous oeuvrez
justement dans le... vous êtes cheffe adjointe des programmes spécifiques en
dépendance et en itinérance, moi, j'aurai des questions pour vous. Justement,
on parle de surreprésentation puis on sait que, parmi la population itinérante,
la crise est très vivante, très active, on sait que c'est une population, comme
vous avez mentionné, qui, souvent, ne demande pas de l'aide, ils vivent leur
vie, ils continuent dans leur situation. Qu'est-ce que vous voyez, compte tenu
de votre position, qui pourrait se faire pour vraiment adresser cet enjeu-là
ou, à tout le moins, accompagner cette population-là avant de se rendre à
l'étape des surdoses?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Oui,
ça aussi, c'est une très grande question. Je pense que se cachent, dans la
dépendance aux opioïdes, deux choses, qui sont les racines qu'on devrait
regarder. La première, on en a parlé un peu, c'est la stigmatisation, le fait
qu'on a des personnes ultravulnérables, avec des conditions de santé physique,
santé mentale et sociales de loin plus précaires que la majorité de la
population, mais qui reçoit très, très peu de services. Donc, je pense que,
dans une perspective d'équité, il faut se poser la question : Est-ce qu'on
est prêt à mettre nos ressources là où il y a les plus grandes vulnérabilités
puis les plus grandes souffrances, dans une population qui n'est pas,
peut-être, la mieux bien vue au niveau de l'opinion publique. Ça, ça s'appelle
de la stigmatisation.
L'autre chose, c'est qu'il faut faire
attention à tout mettre sur le dos de la dépendance aux opioïdes. Ce que je
veux dire par là, c'est que, quand vous me parlez, par exemple, du centre-ville
et de la population itinérante, on est dans les inégalités sociales de santé et
les déterminants sociaux de la santé. Donc, oui, il y a des choses qui
appartiennent à la consommation, mais, au centre-ville, il y a beaucoup de
choses qui appartiennent à la pauvreté. Il y a beaucoup de choses qui
appartiennent à l'accès au logement. Et, bien, entre vous et moi, mes patients,
à l'heure actuelle, sur l'aide sociale, qui ne sont pas capables de travailler,
ils gagnent en moyenne 780 $ par mois, à Montréal. Donc, je ne sais pas si
vous savez combien ça coûte, un logement à Montréal, mais on se retrouve dans
une boucle infernale où les gens doivent essayer plusieurs mesures pour réussir
à compenser la pauvreté, incluant les larcins, la criminalité, le travail du
sexe pour survivre. Est-ce que ça fait vivre, bien, on peut intégrer de la
consommation, et là vous êtes dans un spectre sans fin.
Donc, peut-être pas réponse facile à votre
question, mais, certainement, peut-être, pour moi, de changer l'optique et de
se dire : On va lutter robustement à la pauvreté et au niveau de l'accès
au logement. Déjà, on aurait fait des... C'est très difficile d'arrêter de
consommer si on n'a pas de toit sur la tête, ne serait-ce que de subir des
symptômes de sevrage d'opioïdes dans la rue, ce n'est pas simple, pour
personne, donc je pense que personne ne veut ça. Ça les met dans un très, très
grand état de vulnérabilité physique et mentale.
Après, quand même, là, pour répondre un
peu plus précisément, on a des modalités qui existent, qui fonctionnent, où on
peut, par exemple, déployer des services dans la communauté, dans les
organismes communautaires, faire des liens entre les organismes communautaires
et le réseau de la santé plus forts. Mais, encore là, on est dans un enjeu
d'allocation des ressources, dans un contexte où le réseau de la santé, vous le
savez mieux que moi, est fini et puis... dans le sens où il y a une finitude,
il n'est pas décédé, là, mais il faut choisir où est-ce qu'on met nos
investissements. On manque d'infirmières partout, on manque de docteurs
partout. Est-ce qu'on est vraiment prêt, comme ministère ou comme population, à
mettre des investissements puis la lumière là où il y a les populations les
plus vulnérables, tu sais?
• (12 h 10) •
Mme Prass : Donc, si je
comprends bien, vous êtes d'avis que, s'il y avait plus de moyens de la part du
gouvernement pour des programmes sociux, que ça soit qu'on s'assure du
logement... Parce que, là, on sait que la cause première pour laquelle... les
raisons pour lesquelles les gens se retrouvent en situation d'itinérance, c'est
les expulsions de logements, donc j'imagine que, tu sais... puis, comme vous
dites, ça devient un petit peu un cercle vicieux. Tout ça fait en sorte que les
gens se retrouvent dans la rue en situation de pauvreté, santé mentale,
opioïdes, etc. Donc, d'après vous, s'il y avait eu plus de soutien de la part
du gouvernement, pour tout ce qui est logement puis lutte contre la pauvreté,
donc, ça serait un problème qui serait moins répandu...
Mme Goyer (Marie-Ève) : ...C'est
difficile pour moi de répondre avec certitude. Mais on sait quand même qu'à la
base de la dépendance se retrouvent... Les personnes qui sont des
professionnels de la santé, les pharmaciens, les médecins qui consomment, bien,
personne n'en entend parler, parce que, bien, les moyens suivent et les
personnes sont... ont de l'entourage, sont capables d'aller chercher les
services dont ils ont besoin, donc ils ont le filet social autour d'eux qui
permet de ne pas avoir toutes les conséquences qui viennent avec. Donc oui,
pour répondre à votre question, je pense que de viser la pauvreté et le
logement, c'est une chose.
L'autre chose qu'il faut reconnaître,
c'est que la grande dépendance dont on parle actuellement, là, moi, c'est dans
ces clientèles-là que je travaille depuis le début de ma pratique, ça vient
avec des histoires d'enfance hypertraumatiques, des ruptures de liens, des
traumas réguliers. Donc, bien sûr, il y aura probablement quelque chose à faire
au niveau de la petite enfance, de la sécurité de la petite enfance pour que...
on revient, tantôt, à ce qu'on disait au niveau de la prévention, qu'on évite, au
niveau de ce qu'on fait justement, au niveau des foyers de groupe, de la
protection de la jeunesse, comment on soutient ces enfants-là pour éviter de
créer des nouvelles personnes qui vont avoir des traumas majeurs, qui vont être
soulagés par la dépendance aux substances.
Mme Prass : Puis pour faire
du pouce sur ce que vous dites, moi, je parle à beaucoup d'organismes qui
oeuvrent en itinérance, puis ce qu'ils nous disent, c'est le trauma, le trauma
de la personne, souvent, qui fait en sorte qu'ils vont se retrouver dans cette
situation-là et que donc souvent, que ça soit une dépendance à l'alcool ou aux
drogues, ça vient d'un enjeu de santé mentale qu'on essaie... auquel on ne veut
pas faire face. Donc aussi, dans le même sens que la dernière question,
pensez-vous que s'il y avait plus de services en santé mentale, justement...
puis là, vous dites, vous avez raison, d'aller rejoindre les personnes quand
elles sont jeunes, mais en général, d'avoir plus de ressources pour que
justement les personnes puissent avoir des thérapies, des services pour
vraiment aller à la racine de leurs enjeux plutôt que d'avoir une dépendance
pour couvrir leur trauma, pensez-vous que ça aurait un impact positif?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Encore
une fois, c'est des grandes questions. C'est sûr que mon expérience de la
dépendance est une expérience de multitrauma et où la dépendance pour soulager
le trauma vient en engendrer d'autres sans le vouloir. Et là, le travail du
sexe embarque, et, bon, on est dans un autre cercle vicieux. C'est sûr que de
l'accès à des services de santé mentale ou de soutien psychologique, c'est
toujours une bonne idée, encore faut-il qu'ils soient adaptés à la lourdeur, à
la complexité de certaines personnes. ... (pane de son) ...de la mobilité, bien,
on rejoint les personnes itinérantes là où elles sont. Donc, ça va faire des
initiatives très bas seuil, très souples, très adaptées.
Mais on dirait que j'ai quand même envie
de rajouter qu'il se passe quelque chose au niveau du trauma qui se fait dans
l'enfance qu'il va falloir qu'on regarde dans les écoles, comment, dans les
familles, dans l'enseignement, il y a quelque chose au niveau plus de... dans
l'éducation, où on va devoir, je pense, là... puis c'est un peu philosophique,
ce que je vous dis là, ça dépasse le champ de mes compétences, mais c'est quand
même ce qu'on voit, c'est qu'on voit que ça se passe en très jeune âge, dans
des familles qui sont dysfonctionnelles, qui n'ont pas eu l'éducation et le
soutien pour bien prendre soin de leurs enfants et que ça brise des enfants qui
vont utiliser des substances par la suite pour se soulager. Alors, il y a
quelque chose là, est-ce que c'est l'école, est-ce que c'est direction de la
protection de la... Ou est-ce que c'est très tôt, très précocement, dans
comment on apprend aux gens à survivre à ça, à se déployer, à être bien dans la
vie. Tu sais, C'est une grande question, qui, pour moi, quand on est rendus en
santé mentale, on est presque trop loin dans le sens où on souhaiterait même
se... toucher les gens avant ça, mais ça, c'est une très grande réflexion
sociétale, là, dont on parle, là.
Mme Prass : Parfait. Et là,
dans votre mémoire, vous faites mention d'un manque d'accès au traitement de la
dépendance aux opioïdes. Une des choses qu'on a entendues aujourd'hui, c'est
justement avec l'argent qui va être récupéré dans le recours collectif qu'on
voudrait voir un réinvestissement de certains fonds justement pour tout ce qui
est prévention, tout ce qui est traitement. Avec votre analyse qu'il y a un
manque d'accès au traitement, qu'est-ce que vous... où est-ce que vous pensez
que l'argent serait le plus utile pour justement adresser cet enjeu-là?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Oui,
il y a un double problème dans ce que... quand on parle de manque d'accès.
C'est-à-dire que, bien sûr, l'argent pour déployer des traitements, soutenir
les organisations communautaires qui vont voir les patients, les amener en
traitement, les soutenir, c'est toujours des bonnes idées, mais il va y avoir
quelque chose...
Mme Goyer (Marie-Ève) : ...il
va y avoir quelque chose aussi au niveau du manque de ressources humaines qu'il
va falloir regarder. Donc, je ne sais pas si l'argent est une réponse là, mais
en tout cas je souhaite quand même le dire, il va falloir qu'on voie si on est
prêts à prioriser financièrement et au niveau des ressources humaines l'accès à
ces traitements-là. Après...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Dre Goyer. C'est une courte... peu de temps pour
cette question, mais on va terminer, on va quand même terminer notre ronde
d'échanges, cette fois-ci avec la députée de Saint-Henri-Sainte-Anne... Non. Je
m'excuse, j'ai mélangé votre circonscription.
Mme Massé : C'est
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, Sainte-Marie-Sainte-Anne... voyons!
Sainte-Marie-Saint-Jacques...
Mme Massé : Ça va venir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...la période est à vous pour 3 min 18 s.
Mme Massé : Oui, bonjour.
Pour mon trois minutes, bien, voulez-vous terminer la réponse que vous étiez en
train de donner?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bien,
il existe quand même plusieurs choses qu'on peut faire en dépendance qui ne
sont pas pleinement déployées, là, au Québec, qui nécessiteraient des
investissements : rendre la naloxone disponible partout dans les écoles,
faire de l'enseignement dans les urgences, dans les cabinets, partout, là où ce
serait pertinent, je pense que ça... c'est quelque chose de base. Vous avez, je
pense, abordé le concept du «drug checking», là, je m'excuse, le terme français
m'échappe, mais les machines qui permettent aux gens de voir. Je pense que,
plus largement, au Québec on devrait se doter d'un système de monitoring des
substances en circulation pour qu'on puisse aviser la population en temps
opportun. Moi, je rêve du moment où on aura le système comme on avait en
COVID : à chaque jour, on a un pop-up sur notre téléphone qui nous
dit : 40 décès par COVID, voici où est-ce qu'ils sont. Pourquoi ne pas
faire ça avec les substances dans le contexte épidémiologique actuellement?
Donc, je pense qu'il y aurait des choses qu'on voit ailleurs dans d'autres pays
qu'on pourrait implanter, là, assez rapidement au niveau financier.
Mme Massé : Merci. Dans le
même sens, comment on pourrait aller de l'avant avec un approvisionnement plus
sécuritaire? Qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Bien,
deux choses que je pense que j'ai envie de dire. La première, c'est que le premier
pas avant peut-être même de rendre disponibles des substances plus
sécuritaires, c'est la décriminalisation, dans le sens où actuellement on
perpétue les cercles vicieux que j'ai nommés tout à l'heure avec la
criminalisation des personnes qui consomment, qui vont se retrouver en prison,
qui vont perdre leur logement en prison, qui vont sortir de prison sans
médicaments, sans traitement, donc il faut qu'on... et qui vont consommer, qui
vont se cacher pour consommer, qui vont faire une surdose seules. Donc, je
pense qu'il est... (panne de son) premier pas qui est... qui ne va pas tout
régler, qu'il va falloir bien regarder, mais je pense qu'il faut qu'on enlève
au moins cette lourdeur-là sur le dos des personnes qui consomment pour leur
dire : Maintenant, ce n'est plus un problème de criminalité, c'est un
problème de santé, c'est un problème de santé publique, vous êtes bienvenus
chez nous, si vous voulez de l'aide on est là, vous n'êtes plus obligés de vous
cacher, vous n'êtes plus obligés de vous sentir mal, et lancer un message fort
au réseau et à la population : C'est votre rôle de vous occuper de ces
gens-là. Ce ne sont pas des criminels, ce sont des gens qui ont besoin de votre
soutien, s'ils sont rendus là dans votre vie. Bon.
Ça ne répond pas tout à fait à votre
question. Pour le volet de l'approvisionnement plus sécuritaire, là, ou le
«safer supply», je ne veux pas lancer une bombe, mais je pense quand même qu'on
a des belles leçons apprises de la légalisation du cannabis au Canada, qui nous
a montré que ça permettait à des gens de faire des choix éclairés quant à leur
consommation, chose qu'on fait avec l'alcool aussi. Les gens sont maintenant
capables de prédire exactement ce qui marche pour eux ou ce qui ne marche pas
pour eux, de décider de leur ratio CBD-THC, d'avoir le counseling nécessaire et
pour... puis ça revient à ce que vous disiez tout à l'heure, que les fonds de
la vente de cannabis ne soient plus dans le marché illicite, mais bien dans les
coffres de l'État.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Dre Goyer. Alors, on va terminer cette ronde avec le
député de Jean-Talon - je l'ai eu. Pour une période de 3 min 18 s, la parole
est à vous.
M. Paradis : Non, puis là, il
n'y a pas de «Saint-Jean-Talon». Merci beaucoup d'être avec nous du Burundi,
Mme. J'aimerais vous ramener... Vous nous avez parlé de crise de contamination.
Et là, je ne vous amène pas sur le point juridique, je vous amène sur le point
scientifique. Je comprends que les opioïdes existent depuis longtemps, mais que
le gros changement est arrivé en 1996, quand Purdue a commercialisé son fameux
médicament qui, par la couverture du cachet, là, permettait à l'opioïde d'avoir
un effet beaucoup plus longtemps et moins grave. Mais, dans les poursuites, on
allègue que les compagnies pharmaceutiques...
M. Paradis : ...et que les
compagnies pharmaceutiques savaient que les cachets, les pilules étaient donc
facilement altérables, et là que l'effet, évidemment, pouvait être très rapide,
et c'est là que, notamment, on peut mélanger les opioïdes avec d'autres
médicaments. Est-ce que, donc, scientifiquement, le fait qu'aujourd'hui on
continue à subir ces effets-là, qu'on est dans une crise de la contamination,
c'est lié aussi à cette pratique commerciale des compagnies pharmaceutiques,
qu'ils savaient que c'était possible de faire ça?
Mme Goyer (Marie-Ève) : Oui.
Je ne sais pas si je suis capable de répondre entièrement à votre question. Ce
que je suis capable de vous dire, c'est qu'en poussant les médecins à la
surprescription, même dans des cas où ils n'auraient pas dû, en négligeant les
données qui s'accumulaient de risque de dépendance, on a longtemps eu comme
message, au niveau médical : si la personne a vraiment de la douleur, elle
ne deviendra jamais dépendante, ce qui est absolument faux, mais ce message-là
a été véhiculé.
Donc, avec ça, ce qui est arrivé, c'est
qu'on a créé une nouvelle cohorte ou une nouvelle génération de personnes
dépendantes aux opioïdes. Ça n'a pas créé la contamination, ça a créé des
nouvelles personnes qui, à partir du moment où elles n'ont plus accès aux
opioïdes prescrits, soit parce que le médecin, ça commence à déraper, bon...
doivent se retourner vers autre chose. Et donc on a créé un bassin de consommateurs
potentiels du marché illicite, point.
Concomitamment à ça, le marché illicite a
bougé, à travers les années, et ça, ça n'a pas tant de lien. J'oserais même
dire, puis là je ne veux pas créer de tollé, mais j'oserais même dire, tant
c'étaient des opioïdes pharmaceutiques prescrits qui étaient... parce que
c'étaient des opioïdes connus, non contaminés, la dose était constante.
Quelqu'un qui disait : Moi, quand je prends cinq milligrammes de morphine,
c'est mon effet, prenait cinq milligrammes de morphine et avait son effet. Il
ne prenait pas, en plus, du Viagra, de la caféine, et du vermifuge, et du
fentanyl sans le savoir. Donc, tant qu'on a eu ce marché-là, ça tenait encore
la route. C'est à partir du moment où le marché s'est mis à... entre autres, en
COVID, quand les frontières ont fermé, on a eu des producteurs qui ont commencé
eux-mêmes à créer des opioïdes qui sont inexistants. Même pour moi, je ne peux
pas les prescrire maintenant, ça inclut même des benzodiazépines. Et donc ils
se sont mis à créer des substances hypertoxiques, hyperpuissantes, et à rentrer
dans un même comprimé qu'on déguise sous le nom de Dilaudid, pour dire quelque
chose, plein de choses qui vont bien au-delà des opioïdes. Donc, ce n'est
pas... voyez-vous, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais on a créé un
bassin de consommateurs pour ce marché-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Goyer, pour votre apport à nos travaux.
Et étant donné qu'on voit le soleil se coucher dans votre coin, alors je vous
souhaite une bonne soirée.
Et, pour nous, ici, je vais suspendre les
travaux jusqu'à 16 h 05. Merci beaucoup. Bon dîner à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 06)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend donc ses travaux. Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 36, Loi sur
le recouvrement des coûts des soins de santé et des dommages-intérêts liés aux
opioïdes.
Alors, cet après-midi, nous avons la
représentante de Spectre de la rue, Mme Alexandra Pontbriand, directrice
adjointe. Bienvenue, Mme Pontbriand. Alors, vous allez bénéficier d'une
période de 10 minutes pour présenter les grandes lignes de votre mémoire,
et, ensuite, nous allons pouvoir échanger avec les parlementaires. Alors, le
temps débute maintenant, le micro est à vous.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bonjour...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...merci
beaucoup. Merci de l'invitation. Étant donné les brefs délais de l'invitation,
on n'a pas pu préparer un mémoire, mais on tenait à participer à la séance,
aujourd'hui, surtout pour répondre à vos questions. Donc, je vais faire une
présentation assez brève de Spectre de rue, particulièrement, là, sur notre
service de consommation supervisée qui... bien que tout l'organisme travaille,
là, avec des personnes qui consomme des opioïdes, je pense que c'est vraiment
ce service-là qui est au cœur du sujet, là, d'aujourd'hui.
Donc, Spectre de rue, c'est un organisme
de Montréal, dans le Centre-Sud. C'est un organisme en réduction des méfaits
qui travaille à faire la prévention des ITSS et des affections VIH, VHC et des
surdoses depuis plus de 30 ans. Ça fait déjà cinq ans, ça fait six ans
cette année, qu'on a un service de consommation supervisée dans les lieux.
Donc, les gens peuvent venir consommer des substances de manière légale à l'intérieur
de Spectre de rue. Et on a du personnel autant infirmier que des intervenants
psychosociaux qui peuvent répondre puis... faire la prévention des surdoses
mais aussi intervenir en cas de surdose et donc sauver la vie de la personne
qui est en surdose. L'année dernière, c'est presque 400 personnes
différentes qui ont utilisé les services de la salle de consommation
supervisée. C'est à peu près 9 000 visites par année, donc
400 personnes qui reviennent, là, 9 000 fois. Et c'est à peu
près... dans les dernières semaines, on va compter à peu près deux surdoses par
semaine, ce qui n'était vraiment pas les statistiques qu'on avait à l'ouverture
il y a cinq ans.
On est beaucoup plus en intervention
maintenant, des interventions qui sont plus longues, donc qui demandent plus de
ressources mais aussi plus de temps et de la proximité de nos services. C'est
une salle qui est très petite. Ça fait en sorte qu'on doit fermer le service le
temps de la surdose, de l'intervention. Ça fait que les personnes ne peuvent pas
avoir accès à ce service-là pendant ce temps-là aussi. Lorsqu'il y a des
surdoses, c'est sûr que nous, on a des protocoles de toujours appeler les
services ambulanciers. Ça fait qu'il y a à peu près, en moyenne, quatre fois
les ambulances qui viennent à Spectre de rue par semaine. Des fois, c'est
beaucoup plus, des fois c'est beaucoup moins, mais c'est des intervenants qu'on
a besoin d'appeler pour pouvoir faire notre travail. Des fois aussi, ça va être
des intervenants plus de justice, donc la police, mais là, pour rester en
santé, on a beaucoup besoin, là, du personnel ambulancier pour nous épauler.
On a aussi créé un service de
télémédecine. Donc, les gens qui viennent à Spectre de rue peuvent voir une
équipe spécialisée pour commencer des traitements de substitution à leur
consommation d'opioïdes. C'est 80 consultations de télémédecine par année,
à peu près, pour que les gens puissent avoir accès à ce traitement-là. Donc,
rencontre du personnel médical également pour tenter de substituer une consommation
à une autre, ou complètement d'arrêter leur consommation. On essaie aussi de
créer des corridors de services avec le personnel de la santé pour avoir des
infirmières dans l'espace public, également des infirmières plus présentes
aussi dans les services de consommation. Puis, bien, j'imagine que vous le
savez, mais tout le matériel qu'on donne, donc les seringues, les tubes pour
fumer par... bien, pour consommer par inhalation, tout ce matériel-là est
également fourni par la santé publique. Puis nous, on n'a pas de limite, là, de
distribution, d'où la mission et la prévention des ITSS. Donc, on n'a pas de
limite de matériel de consommation ou de protection qui sont distribuées. Donc,
ça aussi, pour nous, c'est un... c'est quand même une grosse partie de notre
travail parce qu'on a distribué énormément de matériel par nos services.
Donc, je vais m'arrêter là, je vais plus
répondre à vos questions, si vous en avez. Puis voilà, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est sûr qu'il va y avoir des questions.
Je veux juste me permettre de vous souligner tout le travail que vous faites.
C'est important, ce que vous faites, et, moi, ça me touche beaucoup.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Merci.
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, on va commencer, donc, la période d'échanges avec
les parlementaires. Je me tourne du côté de la banquette gouvernementale avec
le ministre. Et vous avez une période de 16 minutes 30 secondes, M.
le ministre.
M. Carmant : Oui, merci
beaucoup, Mme Pontbriand pour votre travail. J'ai eu la chance de venir visiter
Spectre de rue cet été, quand on a fait l'annonce des fonds supplémentaires.
L'enjeu, c'est : qu'est-ce qu'on a besoin pour aider votre clientèle encore
plus puis renverser la tendance, là, quand on parle de consommation et de
risque de surdose.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
c'est sûr qu'il y a quand même plusieurs choses...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...qui
peuvent être faites. Je pense que la première chose pourrait être de faciliter
l'accès à des traitements de substitution ou à du... on appelle le «safe
supply», c'est de l'approvisionnement sécuritaire, donc ça fait en sorte que
les gens ont accès à leur produit de choix, qui est vraiment un élément
important pour les personnes qui consomment. Ce n'est pas parce qu'une personne
consomme, par exemple, de la morphine, qu'il va être facile pour lui de changer
de médicament, puis d'aller utiliser une autre molécule. Ça fait que, souvent, ce
qu'on voit, et c'est sûr que ça a été facilité au début de la COVID, puis, en
temps de COVID, l'approvisionnement sécuritaire a été facilité, mais ce que les
personnes nous disaient, en fait, c'est qu'eux consommaient de l'héroïne et ont
reçu des 10 lots de prescription. Ce que ça faisait... ça faisait en sorte que
les gens n'avaient pas leur consommation de choix. Après ça, les gens nous
disaient : Bien, moi, pour avoir de l'héroïne, ce que je faisais, je
prenais mes 10 lots, j'allais les vendre dans la rue. Ça fait que, là, on vient
approvisionner le marché illégal en substances légales pour que les
consommateurs aient leurs produits de choix.
C'est vraiment quelque chose qui est
important pour eux, parce que ça peut aider aussi. Toute l'injection, toute la
consommation, c'est vraiment quelque chose de routinier pour les personnes, ça
fait que, quand on essaie de changer des petits, petits, petits, éléments de
l'injection sécuritaire, juste de se désinfecter avant d'aller s'injecter,
c'est quelque chose qui est vraiment difficile. Ça fait que, quand on essaie
d'aider une personne mais qu'on ne lui donne pas son produit de choix, je pense
que ça peut être vraiment dommageable, autant pour les gens qui vont avoir
accès à la consommation dans la rue. Puis la personne, bien, est-ce qu'elle va
se procurer de l'héroïne légale? Probablement pas. Est-ce que ça va la rendre
plus à risque de faire une surdose? Probablement. Donc, je pense que ça, c'est
un élément quand même clé, dans l'approvisionnement sécuritaire, d'écouter les
personnes.
Puis il y a des médecins à qui on parle,
dont, je pense, Marie-Ève Goyer, qui était là ce matin avec vous, elle dit
souvent qu'elle voit les personnes arriver dans son bureau, qui consomment des
doses complètement hors de l'ordinaire, puis elle, justement pour répondre à
leur confort, elle va prescrire quelque chose qui se veut à la hauteur de ce
que la personne demande. Puis ses collègues dans le milieu médical lui
disent : Mais qu'est-ce que tu fais là? C'est complètement, tu sais,
épouvantable de prescrire ça, mais la personne ne sera pas confortable, donc
nécessairement elle va aller chercher à l'être. Ça fait qu'elle va utiliser les
moyens qu'il y a en ce moment, par exemple, le vol, taxer, peu importe, pour
répondre à ça, à cette demande-là de produit de choix.
Ça fait que, si on veut faire de
l'approvisionnement sécuritaire, je pense qu'il faut vraiment répondre à cette
demande-là puis peut-être... là, je ne suis pas médecin, mais d'aller voir
peut-être autour des protocoles médicaux des médecins, comment on fait pour
répondre à cette demande-là pour que les gens aient ce qu'ils ont besoin, même
si, selon nous, ce n'est pas la bonne...
M. Carmant : Absolument. Puis
elle nous a parlé d'impliquer un peu plus les médecins, ce matin,
effectivement. Puis moi, ce que la Santé publique me parle souvent, c'est
l'aspect inhalation. Vous, vous êtes juste de l'injection, c'est ça? Qu'est-ce
que vous en dites, des besoins en site d'inhalation supervisée?
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
effectivement, les quatre services de consommation à Montréal n'ont que de la
consommation par injection. C'est sûr que quelqu'un pourrait sniffer une
substance, dans le sens que la consommation... c'est pour ça qu'on appelle ça
les services de conso et non les services d'injection, parce qu'on veut aller
vers une consommation qui est multiple. Mais, pour l'instant, c'est vraiment un
problème, en fait, de ne pas avoir de salle de consommation par inhalation,
particulièrement dans le centre-ville. C'est un endroit qui... tu sais,
historiquement, il y a toujours eu beaucoup de consommation par inhalation.
Nous, à Spectre de rue, on est à côté du village, le village qui est connu
aussi pour avoir une très grande consommation de crystal meth, donc, par
inhalation. Ça fait en sorte qu'on manque vraiment toute une partie de la
population qui est visée par la mission de prévention des surdoses, ils ne
peuvent pas venir chez nous pour se sentir en sécurité de leur consommation,
puis c'est vraiment ça qu'on veut faire.
Après ça, on a des services de
vérification de substances, maintenant, donc les gens pourraient venir
vérifier, faire vérifier leur substance pour voir qu'est-ce qu'elle contient,
qui est un moyen justement de faire de la prévention, ITSS, des surdoses, et
tout, mais, après ça, il nous manque vraiment ce levier supplémentaire là
d'accueil sécuritaire pour les gens qui consomment, de manière générale. Donc,
pour l'inhalation, c'est vraiment... on est en retard, au Québec, on est en
retard à Montréal. Je pense qu'on aurait besoin d'aide, en fait, pour pouvoir
accélérer ce processus-là, autant pour, tu sais, des enjeux qui sont super
locaux, tu sais, des règlements d'urbanisme...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...dans
Ville-Marie, par exemple, qui va être un enjeu, mais aussi pour l'acceptabilité
sociale. Vous le savez, qu'est-ce qui se passe dans Saint-Henri. C'est vraiment
difficile, mais c'est vraiment des services qui ont prouvé leur efficacité, qui
ont prouvé leur volonté d'être puis qui ont même montré que la criminalité,
dans un rayon de 250 mètres des sites de consommation, est moindre que dans le
reste du quartier. Ça fait qu'on a des données de santé, on a des données
judiciaires. Tu sais, je pense qu'on est vraiment, là... c'est le moment de
dire que, malheureusement, c'est ça que ça prend pour répondre à cette
crise-là. Puis c'est des moyens qui sont accessibles. C'est des installations
qui existent. C'est des installations qui... tu sais, qui demandent juste
quelques «tune-up» faciles à faire. Ça fait qu'on est vraiment là en ce moment,
puis on pourrait vraiment mieux répondre à la crise des surdoses parce qu'on
sait maintenant que les produits sont contaminés. On a vu les neuf personnes
autochtones qui ont fait une surdose en même temps, qui étaient... qui avaient
de la consommation contaminée. Donc, heureusement, ils étaient dans un service
d'hébergement, contrevenaient quand même aux règlements, mais ils étaient à
l'intérieur, ils étaient avec des personnes qui étaient formées pour répondre à
la surdose. Donc, ça, c'est bien. Mais qu'est-ce qu'on fait avec toutes les
autres personnes qu'on échappe dans l'espace public, qui créent des enjeux de
cohabitation aussi? Ça fait qu'on... En fait, en ouvrant ces services-là, on
répond à tout le monde, je crois.
M. Carmant : Bien, moi, je
tends vers ce que vous dites également, mais il y a vraiment une inquiétude par
rapport à la cohabitation. Vous, comment vous... Tu sais, Spectre de rue, on en
entend quand même peu parler dans les... à ce sujet-là. Qu'est-ce que vous
faites de bien et qu'est-ce que vous nous suggérez pour les autres, les autres
sites?
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
je suis vraiment contente de pouvoir vous le dire de vive voix. Là, j'ai
l'impression aussi d'être dans un «one-on-one» avec vous en ce moment.
M. Carmant : Ah! il y en a
une couple qui vous écoutent.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Mais,
à Spectre de rue, on a effectivement eu des enjeux au... à l'ouverture de la
salle d'injection. On est le seul service qui a ouvert six mois plus tard,
presque, que les autres parce qu'il y avait un gros enjeu de cohabitation. Il y
avait un groupe de parents et de commerçants qui étaient vraiment en défaveur
de l'ouverture, qui ont réussi à faire retarder l'ouverture. Donc, nous, on est
né en novembre 2017, comparativement à juin 2017 de nos collègues. Il y a eu un
comité bon voisinage qui a été mis en place. Il y avait des personnes de la
Santé publique, de la justice, tu sais, le SPVM, le poste de quartier, tout le
monde était là avec... parce qu'effectivement on a une école à moins de 250
mètres de notre salle de consommation supervisée. Ça fait qu'on a vraiment mis
les choses en place pour sécuriser le corridor scolaire, pour pouvoir, tu sais,
respecter l'environnement autour.
À ce jour, aucun événement majeur et aucun
événement avec des enfants n'est arrivé à Spectre de rue avec des consommateurs
puis les gens dans l'espace public. Il n'y a rien de majeur qui est arrivé.
Effectivement, il y a eu des vols dans les commerces avoisinants. Il y avait
déjà des vols dans les commerces avoisinants. Il y a eu des plaintes qui ont
été faites au service de police pour des gens qui venaient dans les commerces
faire du saccage. Les personnes ont été retrouvées, ont été identifiées et
arrêtées. Ce n'est pas des personnes qui consomment, c'est des personnes qui
avaient des enjeux de santé mentale. Le comité bon voisinage n'existe plus
parce qu'il n'y a pas de demande du voisinage. Nous, on va en partir un, on va
faire des rencontres sans... On va les faire demain matin si c'est ça qui est
nécessaire. On n'a pas de demande pour réouvrir ce comité-là.
Ça fait que, pour nous, c'est une
réussite, en fait, c'est de dire que les efforts qu'on a mis pour l'espace...
dans l'espace public pour notre voisinage fonctionnent. On est en lien très
proche avec les commerçants qui sont autour, également avec l'école. S'il y a
quelque chose, on est... on va vraiment intervenir rapidement pour remédier à
la situation, pour que tout le monde puisse recevoir les services dont ils ont
besoin, autant les services d'éducation que les services de santé qu'ils
reçoivent à Spectre de rue. Ça fait que ce qu'on fait de bien, en fait, c'est
que... c'est qu'on a un beau record de zéro pour ces événements-là puis on n'a
pas de comité bon voisinage parce qu'on juge... bien, en fait, le voisinage
juge que ce n'est pas nécessaire. Ils ne nous interpellent pas.
M. Carmant : Très heureux
d'entendre ça. Mme la Présidente, je passerais la parole à une de mes
collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, je me tourne du côté de la députée de Soulanges. Il
reste encore six minutes 41 secondes.
• (16 h 20) •
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci pour votre présence...
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bonjour.
Mme Picard : ...en commission
parlementaire avec nous aujourd'hui. Je voulais savoir, parce que ça fait quand
même un petit bout que vous êtes avec l'organisme et que vous connaissez bien
le terrain : Est-ce que, depuis les dernières années, il y a eu une accentuation
de la crise? Est-ce que vous avez vu du changement? Est-ce que c'est resté
somme toute la même chose ou bien vous avez vu une évolution? Et puis comment
vous y faites face, à cette évolution-là...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...il
y a cinq ans, j'étais intervenante en site de consommation supervisée pour
Spectre de rue, ça fait que je pense que j'ai un bon positionnement pour
vraiment voir l'évolution des cinq dernières années, du moins, c'est
complètement différent. C'est vraiment, vraiment différent, autant avec
l'interaction auprès des personnes, que la vie dans un local, puis
l'intervention qui doit être faite auprès de ces personnes-là. Il y a cinq ans,
dans mon un an et demi d'expérience de site de consommation, ah! Spectre de
rue, il a fallu que j'intervienne pour une surdose.
Aujourd'hui, ce qu'on a fait, c'est qu'il
y a des alarmes dans les espaces communs de l'organisme. Donc l'organisme est
mobilisé, s'il y a une surdose, tout le monde a son rôle à jouer. Moi, j'ai le
bon rôle d'aller parler avec les ambulanciers ou la police ou les pompiers,
mais... Donc, tu sais, je suis autant active dans les surdoses que si j'avais
été sur le plancher. Maintenant, tu sais, c'est justement, je coupe des Zoom
parce qu'il y a l'alarme. Je suis toujours, je vais dire, dérangée, là, qui
n'est pas le bon mot, mais je suis dérangée souvent parce qu'il y a des alarmes
de surdoses. Par contre, c'est ça, dans la première année et demie, moi j'en ai
vécu seulement une, aujourd'hui, j'en vis à peu près, c'est ça, deux par
semaine.
C'est des surdoses... En fait, les
substances sont extrêmement contaminées, on parle beaucoup de fentanyl, mais le
fentanyl est particulièrement contaminé avec des benzodiazépines qui est une
autre molécule qui vient affecter la respiration. Et donc la naloxone qui est
utilisée pour l'antidote à la surdose ne va pas fonctionner sur le
benzodiazépine. C'est vraiment l'oxygène à long terme qui va pouvoir ramener la
personne qui va revenir petit à petit, tandis que le naloxone, quand on voit ça
fonctionner, quand on le voit à l'oeuvre, c'est vraiment surprenant, parce que
la personne, elle revient, là, de manière automatique. Tu sais, elle se fait
donner... C'est sûr que ça prend... temps, mais la personne va se réveiller, va
prendre une bouffée d'air. Puis elle revient vraiment à la vie, c'est vraiment
impressionnant. Là, ce qui se passe en ce moment, c'est que les gens sont dans
un dodo qui est... On a l'impression interminable, parce qu'en fait la personne
est en train de mourir, elle est en train d'arrêter de respirer. Ça fait que ça
fait des interventions qui sont beaucoup plus longues.
Il a fallu former notre personnel à
l'administration de l'oxygène, ce à quoi on avait, je vais vous dire
aujourd'hui, de manière transparente, ça nous a pris plus que quatre ans
d'avoir des formations pour donner de l'oxygène de la part du personnel
d'intervention, parce que la Santé publique jugeait que c'était un acte qui
était réservé. Pourtant, si vous êtes un parent qui a besoin de donner de l'oxygène
à votre enfant, vous partez de l'hôpital avec une bonbonne puis un protocole,
puis vous donnez de l'oxygène à votre enfant. Nous, on n'avait pas le droit. Ce
qui faisait aussi que ça mettait aussi tant... Puis, malheureusement, avec la
santé publique, il y a eu découverture de personnel infirmier. Quand on n'avait
pas de l'infirmier sur place, on ne pouvait pas administrer de l'oxygène, ce
qui était un peu une incohérence selon nous. Ça fait qu'on a travaillé fort.
Maintenant, les intervenants sont formés pour administrer de l'oxygène, en plus
de la naloxone, ce qui fait que c'est une réponse qui est beaucoup plus
adéquate à ces situations-là. Ensuite, bien, malheureusement, on a fermé un
cubicule. Donc, avant, on avait quatre places d'injection disponibles,
maintenant, on en a trois, parce que, bien, les gens, quand ils font des
surdoses puis comment le local les fait, ça créait des enjeux avec les
personnes qui venaient consommer. Donc, on a fermé un cubicule, ça fait qu'on
est, bien, un petit peu plus de gens pour moins de personnes qui s'injectent,
donc le ratio de surveillance est peut-être un peu mieux.
Par contre, à Spectre de rue, Il y a de
l'attente, il y a de l'attente tous les matins, tous les jours, les gens
attendent. Donc, pour un consommateur, c'est un peu une incohérence aussi
d'avoir sa consommation dans les poches, son matériel, être prêt à s'injecter,
avoir un besoin physique, puis de devoir attendre peut-être des heures, ce
n'est pas productif. Donc, les gens, malheureusement, vont aller consommer dans
l'espace public, là ils sont en danger de faire une surdose, qu'on ne les
retrouve pas, qu'on ne puisse pas intervenir. Ça fait que c'est sûr qu'on a
créé des protocoles, on a changé nos protocoles pour mieux y répondre. Mais
c'est vraiment... c'est le jour et la nuit complètement d'il y a cinq ans à
aujourd'hui. Il y a cinq ans, on écoutait des films, maintenant, on ne fait
plus ça on fait vraiment de la surveillance à l'injection.
On a de la misère à créer les liens de
confiance avec les personnes. Le lien se crée vraiment par la disponibilité
d'un endroit puis, petit à petit, on crée le lien avec la personne. J'ai
l'impression qu'avant les gens nous connaissaient ou connaissaient l'organisme,
donc venaient utiliser le service, puis après ça...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...le
lien s'est construit, mais là on est vraiment dans un rapport qui est beaucoup
plus utilitaire avec les personnes, donc l'intervention psychosociale, c'est
comme s'il y a moins de place pour ça aussi parce qu'on est vraiment dans une
urgence d'intervention, de santé, de consommation, parce que les personnes sont
beaucoup... bien, leurs habitudes, puis leur dépendance, elle est très présente
puis elle est très forte, ça qu'eux veulent répondre à ça. Ce n'est pas une
situation idéale, mais on fait avec ce qu'on a, puis je pense qu'on a des beaux
résultats quand même, là. Mais c'est sûr que plus de moyens, plus d'accès,
justement, au «self-supply» et avoir plus... des salles qui sont plus grandes,
avoir des salles d'inhalation, c'est dans les leviers qui sont, on dirait, là,
au bout de nos doigts. Donc, nous, c'est vraiment sur ces clous-là qu'on tape.
Merci.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste 20 secondes. Mme la députée de
Laviolette--Saint-Maurice.
Mme Tardif : J'avais une
question, mais mon préambule était un peu long. Mais je vais tout de même vous
remercier pour le travail que vous faites, parce que je sais qu'initialement
vous étiez plus axés vers les maladies transmises sexuellement, donc, depuis
ces dernières années, votre travail a changé énormément, votre clientèle a
changé. Et j'en profite aussi pour remercier tous les organismes de travail de
rue. Ma question visait davantage à tenter de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est malheureusement terminé
Mme Tardif : Merci. C'est ce
que je pensais.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mais les remerciements sont faits. Merci beaucoup, Mme la
députée. Alors, je me tourne du côté de l'opposition officielle avec la députée
de D'Arcy-McGee pour une période de 12 minutes 23 secondes.
Mme Prass : Merci. Alors,
merci de votre présence aujourd'hui et de nous avoir alimentés. Deux choses que
j'ai retenu de votre présentation, que j'ai trouvé très intéressante, la
question des vérifications des substances... Parce que, justement, ce matin, on
a un groupe qui a témoigné qui nous a révélé que 77 % des décès ont
impliqué des opioïdes de types non pharmaceutiques. Donc, moi, ma question,
premièrement : Est-ce que vous trouvez que la majorité des gens qui...
bien, qui viennent, justement, prendre avantage du site vous demandent que
cette vérification soit faite? Et est-ce que c'est quelque chose que, justement,
vous pensez... ne serait pas utile pour qu'on l'étendre dans d'autres points de
service ou sites, si vous voulez, parce que, justement, ça implique tellement
d'aider ces convois?
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
d'emblée, moi, je suis d'accord avec le fait que la vérification devrait être
beaucoup plus accessible, même à Spectre de rue, elle devrait être beaucoup
plus accessible dans le sens que... C'est sûr qu'on essaie que les gens qui
viennent dans la salle de consommation testent leur substance. C'est vraiment
un choix, c'est à leur guise. Ce qu'on s'est rendu compte, parce que ça fait
quelques mois qu'on opère notre service, il y a beaucoup plus de gens qui sont
venus tester des substances comme la MDMA que du fentanyl. Ce que ça nous dit,
c'est que c'est des consommateurs qui sont... parce que les gens viennent...
Bien, nous, c'est beaucoup des consommateurs de rue, là, des gens qui sont en
situation d'itinérance la majorité, donc, qui consomme du fentanyl, qui veulent
consommer du fentanyl, parce que, depuis la COVID, il y a absence d'héroïne,
d'héroïne, tu sais, de qualité du moins, là. Ça fait que les gens se sont
tournés vraiment vers le fentanyl, donc viennent consommer du fentanyl. Ça fait
qu'au début on le testait beaucoup puis on était : Aïe! il y a du fentanyl
dans ta dose, tu sais, fais attention, puis tout ça. Les gens se sont tellement
habitués à consommer le fentanyl que c'est ça qu'ils veulent, donc ils ne vont
pas nécessairement avoir le réflexe de le tester.
Par contre, on ne sait jamais sur quoi on
tombe, là. C'est un peu un réflexe qu'on essaie de leur inculquer, mais, comme
je le disais tantôt, le simple fait de nettoyer son bras avant l'injection, des
fois, c'est difficile à intégrer dans une routine. Les personnes qui consomment...
tu sais, c'est les routiniers, là, qui vont venir consommer, aller quêter pour
consommer, c'est rare qu'ils vont faire tester. On se rend compte qu'ils font
tester après la surdose. Tu sais, c'est un peu ironique, là, mais il y a eu...
tu sais, il y a eu une super grosse surdose il y a deux semaines, puis la
personne a fait tester sa consommation après, ça fait qu'on s'est rendu compte
de ce qu'il y avait dedans, le lendemain, est revenue avec la même
consommation, donc tout le monde s'est mis des gants à son arrivée, puis on
était prêts à injecter la naloxone, là, on était vraiment... Mais, tu sais,
tout le monde a fait ça ensemble, ça fait que c'est ça qui est vraiment bien.
• (16 h 30) •
Mais, encore là, la vérification, c'est
quelque chose qui est quand même long à faire. Ça fait que, si tu viens puis tu
es prêt à consommer, tu ne vas peut-être pas nécessairement aller faire la
vérification avant. Je pense que ce service-là, il est vraiment le fun aussi
pour les consommateurs qui ne sont pas des consommateurs d'opioïdes, qui ne
sont pas des gens qui vont avoir tendance à faire des surdoses non plus, mais
comme la MDMA...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...les
substances qu'on peut avoir dans la rue sont contaminées aussi. Donc, on veut
vraiment que la population générale soit au courant. Après, bien oui,
effectivement, il faudrait tester de plus en plus, mais c'est des logiciels qui
coûtent énormément d'argent. Là, ce matin, justement, j'ai une petite
présentation de mes collègues de la vérification qui disaient que, pour avoir
des résultats beaucoup plus précis, pour pouvoir donner des pourcentages précis
aux personnes, parce que c'est ça que les personnes nous demandent, c'est quoi
la quantité de tel produit puis tel produit? Pour l'instant, on n'est pas
capables de leur dire ça parce que les technologies qu'on a nous ne le
permettent pas. Il y a une technologie qui existe, qui nous le permet, c'est un
frais de 15 000 $ de plus. Malheureusement, ce n'est pas quelque
chose que nous, à Spectre de rue, on va pouvoir se permettre. Par contre, c'est
un outil qui changerait la vérification de substances puis les données qui sont
transmises aux personnes parce que c'est celles-là qu'elles nous demandent, les
personnes, c'est vraiment les pourcentages. Là, en ce moment, on est capables d'avoir
plus une fenêtre, tu sais, de probabilités d'erreurs plutôt que quelque chose
qui coûte malheureusement 15 000 $ qui va pouvoir nous... tu sais,
nous donner des réponses très, très précises, bien, c'est tangible, ça existe,
c'est juste que c'est au-delà de nos moyens. Donc, malheureusement, on ne
pourra pas offrir ça aux personnes.
Mme Prass : Oui. On s'entend
que 15 000 $... une vie vaut beaucoup plus que ça, donc ça serait un
investissement dans le bon endroit. Aussi, vous avez parlé de la télémédecine,
puis j'ai vu le ministre, il se tenait un petit peu... il avait l'air excité, donc
je ne sais pas si c'est un projet pilote que vous faites, mais comment vous
avez établi ça? Parce que je trouve ça très intéressant, très innovateur avec
cette population-là.
Mme Pontbriand (Alexandra) : C'est...
bien, c'est comme un projet qui sort un peu de nulle part, c'est des besoins qu'ils
y avaient pendant la COVID, les gens avaient encore moins accès à leur équipe
traitante. C'est avec l'équipe du CHUM, l'équipe de toxicomanie du CHUM et, si
je ne me trompe pas, ils font également la même chose avec Cactus Montréal.
Donc, c'est Cactus Montréal qui a commencé à offrir la télémédecine à ses
participants. Nous, ensuite, on a embarqué. C'est vraiment un beau projet. C'est
vraiment quelque chose qui fonctionne super bien. Puis ce qui est vraiment le
fun, c'est que les gens, tu sais, arrivent ici, nous, on a les... tu sais, on a
l'ordinateur, on a un bureau, ils peuvent, tu sais, s'asseoir tranquillement
puis vraiment bénéficier d'une rencontre avec un médecin, avec des infirmières,
comme ils auraient eu dans un bureau de consultation. Juste se rendre dans un
bureau de consultation, pour les personnes, là, qui consomment, tu sais, je
vais dire «nos réguliers», là, ceux qui sont à la quête et qui sont un peu à la
dosette comme ça, de se présenter à un rendez-vous dans une clinique médicale,
c'est vraiment un obstacle. C'est vraiment, vraiment difficile. Ça fait que le
fait de pouvoir, justement, venir peut-être faire son injection avant, de
pouvoir être calme, de pouvoir parler correctement avec son équipe traitante.
Il y a un intervenant qui est présent aussi qui va peut-être être capable,
justement, de démystifier certains termes, ou de pouvoir faire des rappels ou
des suivis à la personne, c'est vraiment, vraiment apprécié. Les places sont
toujours pleines, les gens veulent vraiment recevoir des traitements. Les gens
ne veulent pas être des consommateurs actifs, là, ce n'est pas... il n'y a pas
personne qui veut être dans cette spirale-là. Puis de venir à Spectre de rue
tous les jours, plusieurs fois par jour, de devoir dire toutes ces
informations-là sur notre vécu puis de potentiellement mourir, bien, les gens,
ce n'est pas ça qu'ils veulent. Les gens, ils veulent avoir accès à des soins
de santé, mais qui répondent à leurs besoins. Puis c'est ces besoins-là
auxquels il faut qu'on s'adapte parce que, pour l'instant, ça ne fonctionne
pas. Comme je parlais tantôt pour l'approvisionnement sécuritaire, ça ne
fonctionne pas, on ne donne pas les bonnes molécules aux personnes. Ça fait que
c'est sûr que, je veux dire, si je commande des oranges, si je mange des
oranges tout le temps, bien, c'est des oranges que je veux, je ne veux pas des
bananes, là. Tu sais, c'est un peu un peu idiot, là, comme comparaison, mais c'est
vraiment ça, les gens, ils disent : Moi, je consomme de l'héro, pourquoi
vous me donnez de la dilo? Bien, c'est une excellente question.
Mme Prass : Puis dans ce même
sens, on sait que, souvent, l'origine d'un problème de toxicomanie, c'est des
enjeux de santé mentale. Pour la question télémédecine, est-ce qu'il y a aussi
des visites avec des travailleurs en santé mentale ou c'est vraiment plus côté
médecin, côté aspect physique?
Mme Pontbriand (Alexandra) : C'est
vraiment très médecin physique, c'est même très traitement de substitution et
de... c'est ça, traitement de substitution. Donc, on va vraiment commencer un
traitement, par exemple, la méthadone, la suboxone, ce genre de produit-là.
Puis je tiens quand même à ajouter que
oui, il y a énormément de gens qui commencent à consommer par des enjeux de
santé mentale, mais si je prends notre personne type, là, à Spectre de rue, c'est
un homme...
Mme Pontbriand (Alexandra) : ...dans
la cinquantaine qui est en itinérance chronique depuis très, très longtemps, ce
n'est pas des gens qui ont des enjeux de santé mentale, la plupart du temps, ça
s'est créé avec le temps, mais c'est des gens qui ont vécu un divorce vraiment
terrible, ça s'est mal passé, des gens qui... beaucoup, beaucoup de personnes
qui ont eu des accidents de travail, qui ont eu des accidents de la route, qui
se sont fait donner des traitements opioïdes pour la douleur, puis que c'est
comme ça que ça a commencé, toute cette histoire-là, énormément de gens nous
disent que c'est par de la consommation... bien, en fait, de la consommation,
de la prescription légale, qu'ils en sont venus à consommer de manière
problématique. Ça fait que, oui, la santé mentale, mais je ne mettrais pas tout
sur ce dos-là, vraiment.
Mme Prass : Puis justement,
vous parlez de la population itinérante, puis c'est deux enjeux qui se touchent
énormément. Donc, je serais curieuse de savoir votre position sur la
décriminalisation, parce qu'évidemment, là, on voit que ça se fait sur
plusieurs autres territoires. Donc, compte tenu de ce que vous faites, puis que
vous travaillez avec cette population tous les jours, comment est-ce que vous
me verriez ça?
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
c'est sûr que je suis très... bien, à Spectre de rue, on est très en accord
avec ça. Non seulement ça va aider pour des questions de santé, mais ça va
aussi aider énormément sur des questions de justice, sur des questions de
criminalisation. Ça fait qu'on est vraiment sur deux fronts. C'est un des
leviers qu'on a, qui va avoir des effets multiples. Autant ça va aider les
personnes à ne pas être toujours en situation de judiciarisation parce qu'ils
ont de la consommation dans les poches. Après ça, bien, les gens justement qui
ont de la consommation dans les poches vont pouvoir se sentir en sécurité, soit
de venir consommer ici ou de venir consommer... bien, ailleurs, peut-être dans
un endroit illégal, malheureusement, parce qu'on ne peut pas les accueillir
tout le temps, mais ça va les rendre moins stressés, ça va les rendre vraiment
plus... bien, à l'aise de faire leur démarche, malheureusement, là, parce que
les gens se mettent vraiment dans des situations dangereuses, soit pour aller
s'approvisionner ou pour consommer. Ça fait que, si on n'a pas cette
criminalisation-là, qui est comme un peu toujours en arrière-plan, bien, ça va
aider les gens aussi à pouvoir faire leurs choses, ce qui... leurs démarches de
santé ou de logement, ou toutes ces choses-là. Ça fait que je pense vraiment
que la décriminalisation, ça a des opportunités de régler... de régler, d'intervenir
sur plusieurs problématiques. Puis je pense que c'est... on n'a pas le choix,
on n'a pas le choix d'aller là parce que... bien, le statu quo, premièrement,
ça coûte vraiment trop cher. Puis, pour moi, c'est déshumanisant de ne pas
mettre les choses en place pour répondre à cette crise-là. Et puis c'est ça, on
aurait autant de bénéfices au niveau de la santé que sur le... au niveau
judiciaire, d'après moi.
Mme Prass : Parfait. Puis, là
aussi... bien, on a parlé plus tôt ce matin aussi, de l'argent qui va être
récupéré par le gouvernement dans ce recours collectif. On voudrait qu'il soit
réinvesti justement en prévention, réadaptation, etc. Vous qui êtes sur le
terrain, qui voyez ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, qu'est-ce qui manque,
etc., comment est-ce que vous, vous voudriez voir cet argent réinvesti,
réparti?
Mme Pontbriand (Alexandra) : Bien,
c'est sûr que je répondrais aux besoins les plus criants du moment, d'ouvrir un
service de consommation dans l'ouest de la ville, d'ouvrir les services de
consommation actuels en mode 24, sept. Les travailleurs de rue, c'est
vraiment un outil. Bien, je vais dire : Les travailleurs de rue, mais
aussi les pairs aidants qui sont un peu sur le même modèle que le travail de rue,
mais qui sont des personnes qui ont un vécu expérientiel, qui vont à la
rencontre des autres dans l'espace public. C'est un levier supplémentaire pour
amener les gens dans les organismes, des gens qui sont beaucoup plus méfiants,
qui sont dans des situations d'itinérance chronique depuis très, très, très
longtemps. Ils ne vont pas avoir tendance à venir chercher les services de
manière spontanée. Ça fait qu'on a besoin aussi de ces leviers-là pour ramener
les gens vers les services. Mais après ça, moi, je pense que la télémédecine,
d'avoir des infirmières qui sont dans l'espace public avec les équipes de
proximité, c'est des... ça va être des leviers qui vont avoir du succès, c'est
sûr. Oui?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Pas
de problème.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps imparti à l'opposition officielle est terminé.
Merci beaucoup, Mme la députée, mais on va mettre fin à cette discussion avec
le député de Jean-Talon pour une période de quatre minutes huit secondes. Le
temps est à vous, M. le député.
M. Paradis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente, ça va nous permettre de continuer justement sur la question
du financement. Félicitations, d'abord, pour votre travail. Ce sont les
organisations comme la vôtre qui sont en première ligne, là, dans des crises
comme celles-là, donc bravo! Je vais poser trois questions tout de suite pour
vous permettre de répondre aux trois en même temps...
M. Paradis : ...je suis allé
voir sur votre site Internet, sur la question du financement, j'aimerais que
vous nous spécifiiez si vous recevez du financement, vous-même, du gouvernement
du Québec, par exemple, à travers son programme de soutien aux organisations
communautaires.
Deuxièmement, j'aimerais que vous puissiez
nous dire si, vous-même, vous avez senti qu'avec cette crise des opioïdes vous
avez... les besoins ont augmenté... des coûts additionnels, pour vous, en
matière de personnel, en matière de ressources dont vous avez besoin.
Et troisièmement je me demande si vous
avez pensé faire des demandes de financement additionnel, notamment du
financement de base, qui est une question vraiment importante pour les
organisations communautaires. C'est peut-être le temps de le faire parce que,
si le gouvernement, donc, finance de manière additionnelle vos services, vos
ressources, on pourrait l'ajouter aux coûts qui vont être réclamés des
compagnies pharmaceutiques à travers les recours dont on parle dans ce projet
de loi, notamment, à l'article 12.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Merci.
Pour le financement du gouvernement du Québec, effectivement, on en reçoit.
Toute la portion distribution de matériel, on a deux travailleurs de rue qui
sont financés par une mesure, la mesure 12.1, là, qui est en prévention des
ITSS, qui finance aussi des intervenants aux sites de consommation supervisée.
Puis on a des ententes spéciales pour les sites de consommation supervisée,
c'est aussi financé par le gouvernement du Québec.
Bien, les besoins ont augmenté de manière
faramineuse. Ça a effectivement engendré beaucoup plus de coûts. Bien, c'est
une autre opportunité pour moi de vous dire que, dans le milieu communautaire,
les gens ne sont vraiment pas assez payés pour le travail qu'ils font. C'est
vraiment un travail incroyable qu'on fait, avec très peu de ressources. Même
moi, là, je veux dire, je suis dans mon bureau, je suis la directrice adjointe,
mais j'ai trois autres personnes dans mon bureau, j'ai le plafond qui me coule
sur la tête à chaque jour, puis, tu sais, on a des bris, des trous dans les
murs, puis ce n'est pas des choses qu'on peut... bien, nous, on n'a pas les
moyens financiers de pouvoir avoir les locaux qu'on voudrait puis de pouvoir
payer notre personnel à la hauteur qu'on voudrait aussi.
Ça fait que c'est sûr que, dans les
dernières années, on a fait des demandes de financement avec des salaires qui
étaient plus élevés qu'à la normale, d'où... En tout cas, de ce qu'on a compris
avec les discussions avec nos homologues de la Santé publique, c'est qu'ils ne
s'attendaient pas à ce que nos salaires soient si hauts, donc il a fallu qu'ils
coupent dans nos subventions. Ça a fait que, nous, on a perdu des membres de
l'équipe parce qu'on avait augmenté nos salaires. Puis, moi, je trouve que ça
ne fait pas vraiment de sens de faire des appels à projets où, en année deux,
en année trois, en année quatre, il n'y a pas d'indexation des salaires. En
tant qu'organisme, c'est difficile pour moi d'appliquer sur un projet pendant
cinq ans, sachant que je ne vais pas pouvoir augmenter le salaire de mon
équipe, quand je suis dans un organisme qui a une échelle salariale, qui est
syndiqué, qui se doit de répondre à des normes du travail puis à, tu sais, des
obligations. Donc, je me retrouve devant des choix, des fois, de perdre des
services pour pouvoir payer certaines autres personnes. Pour moi, ça ne fait
pas de sens. Tout le monde fait partie du tout de Spectre de rue, puis on
participe, tout le monde, à la mission. Mais ça, c'est pour le personnel. C'est
sûr que oui, ça a augmenté, financièrement.
Après ça, c'est sûr qu'on a énormément de
demandes pour le local, d'avoir un agrandissement de notre salle pour avoir
plus de cubicules pour l'injection, d'avoir une salle d'inhalation aussi. Ça va
venir avec des coûts, c'est des coûts qu'on ne peut pas se permettre. Bien, en
fait, on ne peut pas défrayer ça de nous-mêmes. On en a, des besoins, là, on en
a, c'est des listes et des listes de besoins, des listes, juste de matériel, tu
sais, pour les travailleurs de rue, des manteaux, des bottes, des sacs, tu
sais, pour qu'ils puissent faire leur travail. C'est des choses que, parfois,
on peine à faire financer dans les appels à projets, mais c'est des coûts qui
sont obligatoires, pour nous, donc, d'une manière ou d'une autre, c'est comme
si, à la limite...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
Mme Pontbriand (Alexandra) :
Oh! Désolée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mais oui, écoutez, ça va vite. Ça passe vite, le temps.
Bien, écoutez, je vous remercie infiniment, Mme Pontbriand, pour votre exposé,
pour avoir répondu à nos questions. Alors, il me reste à vous souhaiter une
bonne fin de journée.
Mme Pontbriand (Alexandra) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Et, pour nous, avant de terminer, je vais déposer les
mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus.
Et la commission ayant accompli son mandat
ajourne ses travaux au mercredi 25 octobre 2023, à 8 heures, où elle se réunira
en séance de travail. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 46)