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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

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Le jeudi 23 mars 2023 - Vol. 47 N° 6

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives


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Journal des débats

14 h (version non révisée)

(Quatorze heures et quatre minutes)

La Présidente (Mme Massé) : Alors, à l'ordre, tout le monde, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens et citoyennes, bien sûr, ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente, Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis).

La Présidente (Mme Massé) : Merci beaucoup. J'aurais besoin du consentement de tout le monde pour permettre à la députée de Sherbrooke de pouvoir participer à la séance, est-ce que j'ai votre consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Massé) : Merci. Alors, cet après-midi, nous poursuivons notre mandat et nous entendrons dans l'ordre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Société québécoise des médecins de soins palliatifs et l'Alliance des maisons de soins palliatifs.

Alors, si nous sommes prêtes, mesdames, nous allons commencer. Je vais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Je vous rappelle, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et ensuite on procédera à la période d'échanges avec les différents membres de la commission. Et je vous rappelle de vous présenter lorsque vous commencez votre exposé, ça nous aide ici à faire notre travail. Alors, j'imagine que je passe la parole à M. Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, merci. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la Ministre, Mmes et MM. les députés. Philippe-André Tessier, président de la commission. Je suis accompagné de M. Samuel Blouin, chercheur, et Me Stéphanie Fournier, conseillère juridique, tous deux à la direction de la recherche de la commission.

Je me dois de rappeler tout d'abord que la mission de la commission est d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. La commission assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits...

M. Tessier (Philippe-André) : ...qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Ces deux lois confèrent à la Commission d'importantes responsabilités quant à la promotion et à la défense des droits de l'enfant. Conformément à son mandat, la Commission a examiné le projet de loi n° 11 afin d'en vérifier la conformité à la Charte et faire les recommandations appropriées à cette commission.

Mais, avant de vous faire part de nos commentaires sur ce projet de loi qui traite essentiellement, comme vous le savez, de l'accès à l'aide médicale à mourir, nous estimons nécessaire de rappeler les fondements de la Loi concernant les soins de fin de vie que celui-ci vise à modifier. Cette loi, fruit d'un processus large et transpartisan de consultation, repose sur des bases solides sur lesquelles s'est appuyée la suite de la réflexion collective sur son élargissement. Une avancée majeure de cette loi était de garantir à toute personne dont l'état le requiert le droit de recevoir des soins de fin de vie, incluant les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Ce droit à des soins de fin de vie s'inscrit dans le prolongement de plusieurs droits garantis par la Charte. En ayant pour but d'assurer le respect de la dignité, de l'autonomie de la personne et le soulagement des souffrances, de tels soins sont susceptibles de favoriser la réalisation des droits à la sûreté, à l'intégrité et à la sauvegarde de sa dignité.

En ce sens, les soins palliatifs sont tout autant un enjeu de droits garantis par la charte que ne l'est l'aide médicale à mourir. Or, selon les données disponibles, l'accès aux soins palliatifs demeure insuffisant et inégal au Québec, comme l'ont d'ailleurs déjà tragiquement illustré des articles de presse au cours des dernières semaines. Dans la mesure où les soins palliatifs participent à la réalisation des droits des personnes en fin de vie, la Commission souhaite vivement voir des améliorations à ce chapitre.

En ce qui concerne le projet de loi n° 11, la Commission tient à insister sur l'importance pour le législateur de faire preuve de prudence en matière d'aide médicale à mourir, et ce, à deux niveaux. Premièrement, toute disposition visant à restreindre l'aide médicale à mourir, l'accès à l'aide médicale à mourir doit être envisagée avec prudence. Limiter l'accès à l'aide médicale à mourir de tout un groupe de personnes peut porter atteinte de manière injustifiée à leurs droits, que l'on parle de personnes mineures ou des personnes pour qui un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Une telle exclusion complète et inconditionnelle peut de plus contribuer à reproduire le stéréotype selon lequel ces personnes sont nécessairement et toujours incapables de prendre des décisions appropriées pour elles-mêmes.

Deuxièmement, la prudence est aussi de mise lorsqu'il vient le temps de considérer un élargissement de l'admissibilité de l'aide médicale à mourir. L'accès à ce soin doit se faire sur la base d'un choix véritable et jamais faute de soutien approprié. La Charte garantit d'ailleurs le droit à l'égalité réelle et non le droit à l'égalité formelle impliquant un simple traitement identique à toute personne. Les groupes susceptibles d'être victimes de discrimination, par exemple les personnes aînées ou les personnes en situation de handicap, doivent aussi bénéficier des services suffisants en amont. L'évaluation de leur demande d'aide médicale à mourir doit être également exempte de biais discriminatoires.

Pour parvenir à cet équilibre entre le respect de l'autodétermination des personnes et la protection du droit à la vie en toute égalité, les demandes d'aide médicale à mourir doivent faire l'objet d'une évaluation individualisée, comme nous l'enseigne la jurisprudence. Parce qu'elle a pour objectif de soulager les souffrances constantes et insupportables, l'aide médicale à mourir est considérée comme un soin. Priver une personne d'un soin qui a pour fondement de reconnaître et respecter la dignité et l'autonomie des personnes qui le demandent est susceptible de porter atteinte à certains droits et libertés. Il ressort des jugements Carter et Truchon, rendus respectivement par la Cour suprême et par la Cour supérieure, que les restrictions législatives qui privent certains groupes de l'aide médicale à mourir sont de nature à compromettre leur droit à la vie, la sûreté, l'intégrité, la liberté, la sauvegarde de leur dignité ainsi que le droit à l'égalité qui sont énoncés à différents articles de la Charte. Une telle prohibition est également susceptible de compromettre la liberté de conscience également prévue à la Charte.

• (14 h 10) •

Pour être valides, ces atteintes doivent être justifiées. Elles le seront que s'il est démontré que l'atteinte aux droits garantis est minimale, c'est-à-dire que les moyens retenus leur portent le moins atteinte possible. En l'espèce, il nous apparaît disproportionné de priver une catégorie entière de personnes de l'aide médicale à mourir dans le but de protéger les membres les plus vulnérables de ce groupe qui pourraient être tentés de mettre un terme à leur vie dans un moment de détresse alors que des balises existent pour prévenir de telles situations. Quatre groupes de personnes retiennent tout particulièrement l'attention de la Commission.

D'abord, la Commission salue la proposition de créer un régime de demande anticipée d'aide médicale à mourir pour permettre aux personnes en situation d'inaptitude à consentir à ce soin d'y avoir accès. Un tel régime répondrait d'ailleurs à une recommandation que la Commission avait formulée dès 2013. Nous demeurons néanmoins préoccupés quant à l'absence complète d'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui n'ont jamais été aptes à... consentir aux soins, pardon, ou qui le deviendraient subitement alors qu'elles peuvent aussi vivre...

M. Tessier (Philippe-André) : ...des souffrances insupportables. En plus de compromettre la réalisation de leurs droits, cette exclusion pourrait aussi s'avérer discriminatoire sur la base du handicap.

C'est pour cette raison que la commission recommande de prévoir des moyens supplémentaires de consentement à l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude à consentir à ce soin.

Concernant l'inclusion dans le projet de loi no 11 des personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable, la commission s'interroge sur les effets potentiels de l'adjectif "neuromoteur". En restreignant la portée du terme "handicap", la commission se demande s'il ne risque pas d'exclure des personnes qui répondraient par ailleurs aux conditions d'admissibilité à l'aide médicale à mourir.

Au sujet des personnes pour qui un trouble mental est le seul problème médical invoqué, la commission comprend l'approche prudente qu'a souhaité adopter la commission spéciale sur l'évolution de la loi ne recommande pas leur admissibilité. Elle souhaite néanmoins rappeler que les personnes présentant un trouble mental grave et incurable ont aussi le droit de prendre des décisions par elles-mêmes en matière de soins, comme le prévoit le droit à l'intégrité garanti à toute personne par la charte. Ces personnes doivent avoir le droit de voir leur demande d'aide médicale à mourir être évaluée sur une base individuelle.

C'est donc moyennant l'élaboration de balises et de guides d'exercices cliniques qui tiennent compte de la spécificité de ces troubles mentaux que la commission recommande de permettre l'admissibilité à l'AMM à ces personnes. La commission note également que le projet de loi no 11 maintient l'exigence d'une personne majeure pour obtenir l'aide médicale à mourir. Or, le Code civil prévoit que le mineur de 14 ans et plus peut consentir aux soins lorsque requis par son état de santé. L'enfant, il faut le rappeler, est un sujet de droit qui bénéficie au même titre que les adultes du droit à la vie, la sûreté, l'intégrité, la liberté, la liberté de conscience, la sauvegarde de sa dignité, bref, l'ensemble des droits prévus à la charte.

La Commission comprend que ce sont des arguments de prudence qui ont milité pour l'exclusion des enfants à l'accès à l'aide médicale à mourir lors de l'adoption de la loi en 2014, mais cette prudence ne les immunise malheureusement pas contre les maladies graves et les souffrances constantes, insupportables qui en découlent ainsi... et que l'aide médicale à mourir vise justement à soulager.

Les décisions concernant des enfants doivent toujours être prises dans leur intérêt. Or, la prohibition absolue de l'aide médicale à mourir pour toutes les personnes mineures envoie le message qu'aucun adolescent de 14 ans et plus n'est suffisamment mature ni capable de discernement pour prendre une telle décision, et ce, sans même procéder à une évaluation individualisée de sa situation ou de son aptitude à consentir aux soins. Une telle approche ne peut être dans leur meilleur intérêt, d'autant plus qu'elle omette de tenir compte du droit des enfants d'exprimer leur opinion sur toute question les intéressant prévu à la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié.

C'est pourquoi la commission recommande, comme elle fait depuis 2013, de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes mineures âgées de 14 ans et plus en prévoyant la mise en place de balises basées sur une évaluation individualisée de l'aptitude à consentir de la personne mineure et tenant compte du caractère spécifique et irréversible de ce soin. Ces balises doivent évidemment être en phase avec le régime général de consentement aux soins qui prévoit pour ces personnes le consentement du titulaire de l'autorité parentale lorsque ce soin peut causer des effets graves et permanents, comme l'AMM.

En terminant, la commission tient à souligner que, sous aucun prétexte, l'accès à l'aide médicale à mourir ne devrait dédouaner la société québécoise de la responsabilité d'assurer la réalisation de tous les droits et libertés... compris les droits économiques et sociaux, garantis à toute personne par la charte et le droit international. Je vous remercie pour votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Massé) : Merci beaucoup, Maître Tessier. On voit que vous êtes un habitué, vous êtes rentré dans vos temps. Maintenant, on va passer à la période d'échanges et je passerais la parole à la ministre. C'est à votre tour.

Mme Bélanger : Oui. Madame...

La Présidente (Mme Massé) : Pour, vous le savez peut-être, là, 16 min 30 s

Mme Bélanger : D'accord. Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, maître Tessier, Maître Fournier, Monsieur Blouin, d'être présents ici avec nous. Merci l'excellence de votre mémoire et pour votre présentation. Alors, ma première question concerne le handicap. Je comprends que d'une part, vous êtes favorable au handicap neuromoteur grave et incurable, mais d'autre part vous faites une mise en garde sur ce que cela pourrait avoir comme impact, d'exclure d'autres personnes ayant des handicaps. Est-ce que j'ai bien compris? Puis peut-être juste élaborer à ce niveau-là, la notion de handicap neuromoteur versus handicap.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Bien, vous avez, je pense, quand même bien résumé, là, l'essentiel à notre position. En gros, il faut comprendre que lorsqu'on regarde le texte de la charte, évidemment, à son article 10, la charte prévoit la notion de handicap comme motif de discrimination. Mais cette notion-là est interprétée de façon très large, beaucoup plus large que la définition qu'on vise à retenir dans le...

M. Tessier (Philippe-André) : ...texte d'une loi comme celle qui nous occupe aujourd'hui. Et il y a également, au Québec, comme vous l'a représenté, là, d'autres organismes avant nous, une loi visant à assurer l'exercice des droits des personnes en situation de handicap, qui contient également, elle, une définition de handicap qui est plus restrictive que celle prévue à la Charte, parce que les finalités de ces lois-là sont distinctes, sont différente. Donc, on comprend que les finalités visées par l'aide médicale à mourir ne correspondent pas aux finalités de la Charte. Donc, c'est sûr et certain que, nous, pour nous, l'exercice de définition, il est fondamental, parce qu'on le voit tant dans la Charte que dans la loi visant à assurer l'exercice, mais également dans la loi sur l'aide médicale à mourir, donc la Loi sur les soins de fin de vie, ce qu'englobe ou ce que n'englobe pas cette notion, c'est un élément qui est essentiel, être bien compris évidemment tant par la population, mais pour les personnes qui vont l'administrer.

Mme Bélanger : Et vous conseillez quoi pour, justement, préciser les termes?

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être que, pour cette réponse, je céderais la parole à mon collègue. Blouin.

M. Blouin (Samuel) : Oui, merci pour la question. Donc, on ne s'est pas avancés jusqu'à proposer une définition, mais l'élément qu'on souhaiterait rappeler à votre commission, c'est que le terme handicap peut sembler très large en lui-même, mais qu'il doit aussi être compris en relation avec l'ensemble des critères prévus à l'article 26 pour les demandes contemporaines. Et j'attire, par exemple, votre attention sur le critère selon lequel la situation médicale de la personne doit être caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Donc, ce n'est pas un déclin de la personne ou de sa condition, mais de ses capacités, et celles-ci doivent être irréversibles. Donc, s'il y a encore moyen de travailler, par exemple, à améliorer la situation de la personne au regard de ses capacités, c'est que celles-ci ne seraient pas nécessairement irréversibles. Donc, pris dans le contexte de la loi, le terme handicap est quand même plus restreint que lorsqu'il est pris isolément. C'est un élément qu'on souhaitait vous soumettre, mais on convient qu'il y a des enjeux pas mal importants en lien avec la définition et la terminologie employée.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est ça, d'où notre interrogation dans notre mémoire. On ne formule pas une recommandation spécifique par rapport à ça. On soulève des interrogations comme vous l'avez constaté.

Mme Bélanger : O.K., donc une différence dans les définitions dépendamment de si on est dans la loi sur les soins de fin de vie et l'aide médicale à mourir, qui est une loi de soins versus d'autres lois qui sont des lois de droit, je l'exprime différemment, là, mais je comprends. Et qui seraient les meilleures personnes pour nous aider à définir?

M. Tessier (Philippe-André) : Et, sincèrement, vous avez eu plusieurs groupes qui ont partagé leurs positions devant vous lors de la commission parlementaire ou il y a les des experts qui se sont penchés sur la question. Il y a la commission des soins de vie et la commission spéciale. Bref, il y a beaucoup de gens. Le processus dans lequel on est, c'est un processus, justement, qui vise à s'assurer que si on adopte une définition qui vient exclure des personnes, il faut être bien certain de qui on exclut et pour quelles raisons, parce qu'il faudra le justifier, potentiellement. Parce que, quand on vient exclure le droit à un soin qui vise à soulager les souffrances intenables, etc., bien, il faut pouvoir, comme État, au regard des chartes, venir justifier pourquoi cette catégorie de personnes là n'y aurait pas droit à ce soulagement des souffrances là. On se comprend. Donc, l'idée, c'est de dire : Pourquoi telle personne, elle a droit de soulager ses souffrances puis que telle autre catégorie n'aurait pas droit de soulager ses souffrances.

• (14 h 20) •

Mme Bélanger : Une autre question concernant le trouble mental. Vous l'avez mentionné, là, dans votre présentation, et, bon vous avez vu que nous avons exclu la notion de trouble mental dans notre projet de loi. Et vous mentionnez que les personnes ayant un trouble mental, une maladie mentale devraient avoir les mêmes droits. Moi, j'aimerais ça que vous nous parliez un petit peu plus du trouble mental.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, encore une fois, il faut comprendre le regard de la commission. Le regard de la commission, il est basé sur les droits garantis à la charte d'avoir accès en pleine égalité aux services et aux soins ici dont on parle. Notre mandat n'est pas d'évaluer l'acceptabilité sociale d'une mesure. On comprend qu'il y a des points de vue divergents sur la question des troubles mentaux, mais ces personnes-là sont justement une des minorités que vise à protéger la charte en vertu du droit...

M. Tessier (Philippe-André) : ...puis la non-discrimination. Donc, le rôle de la commission, c'est de s'assurer et c'est de faire porter attention au législateur au fait que les droits de ces personnes-là ne soient pas restreints de façon non justifiée, puis rappeler que ces personnes-là ont aussi le droit de prendre des décisions par elles-mêmes, ont des capacités résiduelles, ont la possibilité de consentir à un soin, ont la possibilité d'exercer ces consentements-là. Et ce qu'on note également, c'est que, par exemple, l'Association des médecins psychiatres du Québec et le groupe d'experts fédéral sur l'AMM, donc, ont tous deux conclu à un élargissement à ces personnes-là. Vous avez eu, d'ailleurs, des témoignages en ce sens-là en commission parlementaire.

Et comme, pour l'AMM, en général, il est possible que ce soit seulement une minorité de médecins qui pratiquent l'AMM dans ces situations, compte tenu des expertises spécifiques requises, bien, ça n'invalide pas la robustesse, là, des mesures qui peuvent être mises en place. Et il faut comprendre également que les positions qui ont été mises de l'avant, il s'agit toujours, évidemment, d'essayer d'avoir le retour à l'aptitude pour les personnes. Donc, ici, c'est également essentiel de comprendre, dans le continuum de soins, où s'inscrit ce trouble-là, et la raison pour l'exclure de l'aide médicale à mourir.

Mme Bélanger : O.K. Peut-être une dernière question pour moi, Me Tessier : Est-ce que, dans le cadre du mandat de la commission des droits de la personne, vous avez eu l'occasion, au cours des 18 derniers mois, d'organiser des forums ou des rencontres avec différentes personnes, différents usagers concernant ce sujet-là, spécifiquement, des soins de fin de vie et de l'aide médicale à mourir?

M. Tessier (Philippe-André) : ...du côté de mes collègues. Vous me demandez si nous avons consulté des groupes? Évidemment, comme la commission a participé, en 2021, à la commission spéciale, avait participé en 2013. Ces mémoires-là sont publics, sont discutés, sont discutés en séances des membres, qui comptent... il y a 13 membres nommés par l'Assemblée nationale... sont discutés également, sont présentés à différents groupes de travail. Je sais que mon collègue M. Blouin est titulaire d'un doctorat, et sa thèse, son sujet de thèse est la question de l'aide médicale à mourir, il a d'ailleurs gagné un prix pour ça.

Alors, je peux vous dire que ces enjeux-là ou ces questions-là, nous, quand on les regarde, on les regarde avec tout le sérieux nécessaire, et également, toute la littérature, les groupes, ce qui a été dit puis ce qui a été écrit, on en prend connaissance avant de formuler les recommandations en commission parlementaire.

Mme Bélanger : D'accord, parfait. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Massé) : Merci, Mme la ministre. Avant de passer la parole à la députée de Vimont, je veux juste aviser tout le monde, les cloches ont sonné. Mais, puisque c'est les discours de réactions au budget, sauf si vos whips vous disent que vous devez y aller, on n'est pas tenus d'y être, on peut poursuivre notre travail. Et je passe donc la parole à la députée de Vimont. Il vous reste 7 min 20 s.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bonjour à vous, merci d'être présents. La commission recommande d'ouvrir l'aide médicale à mourir aux 14 ans et plus, sous certaines conditions, là, de ce que j'ai compris, là, avec certaines balises bien en place, pour s'assurer, bon, du consentement de la personne. Si vous le proposez. J'imagine que vous avez... bien, peut-être pas consulté, mais est-ce que... qu'est-ce qu'en pense la Société canadienne de pédiatrie, entre autres, par rapport à ça? L'idée vient de... J'imagine que l'idée vient parce qu'on vous en a parlé ou parce que vous avez effectué plusieurs recherches sur le sujet?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Peut-être, je ne sais pas si mes collègues veulent compléter, mais ce que je peux vous dire, c'est que cette position-là de la commission, c'est une position, encore une fois, qui avait été exprimée lors de la première comparution de la commission en 2013, en commission parlementaire, sur la première version de la loi.

Il faut se rappeler toujours quel est l'objectif de la loi. L'objectif de la loi, c'est de soulager les souffrances, et le législateur peut prévoir, encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, des exclusions, mais ces exclusions-là doivent être justifiées, doivent être comprises. Et il faut savoir qu'au Québec les personnes mineures de 14 ans et plus ont des droits importants en matière de soins de santé, hein? Donc, ils peuvent consentir à plusieurs soins, sans même le consentement de leurs parents. Ici, on ne parle même pas de ça. On parle, évidemment, d'un soin qui aurait un impact qui est suffisamment grave que le consentement des parents serait nécessaire.

Mais vous avez pu voir également, récemment, je pense, des situations qui ont été médiatisées où un enfant en fin de vie, qui était, donc, un mineur, parce qu'il avait 17 ans et quelques mois, bien, cet enfant-là, lui, s'il avait eu 18 ans révolus, il aurait eu droit aux...

M. Tessier (Philippe-André) : ...et, s'il avait 17 ans et quatre mois, il n'avait pas droit aux soins, et donc on disait : Il faut pouvoir justifier cette distinction-là, la baser sur quelque chose, sur des données, sur des faits. Et cette distinction-là entre le plus 18 ans et moins 18 ans, de ce qu'on a vu et lu et de ce qui a été fourni comme explications et justifications, il n'y en a pas eu beaucoup, et il y a eu peu de discussions même... et de débats même lors de la commission parlementaire actuelle sur la question de l'accès pour les 14 ans et plus, donc pour les personnes mineures, mais de 14 ans et plus. Alors, ça, c'est une question, nous, que l'on soulève puis qui nous... qui continue de nous préoccuper, puis... Mais, comme je vous dis, mes collègues, si vous voulez ajouter quelque chose, n'hésitez pas.

Mme Schmaltz : En fait, je voudrais juste savoir... Juste une dernière petite question : Est-ce que ça se fait ailleurs dans le monde?

M. Tessier (Philippe-André) : Samuel.

M. Blouin (Samuel) : Oui. Oui, c'est le cas en Belgique, notamment. Donc, on parle de quelques mineurs par année qui obtiennent... Oui.

Mme Schmaltz : Oui, je les ai vus, c'est 17 ans et quelques mois. Mais on ne parle pas d'enfants de 14 ou 15 ans.

M. Blouin (Samuel) : Non, mais à ma connaissance ce serait possible. Mais, dans les faits, on parle... ceux qui l'ont obtenu avaient plutôt un âge plus avant... un peu plus avancé, mais en bas de la majorité légale.

Mme Schmaltz : O.K. Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Merci. Il y a maintenant la députée de Châteauguay qui aimerait vous adresser la parole. Mme la députée.

Mme Gendron : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Bienvenue à la commission, merci d'être là. J'avais une petite question : Avez- vous des pistes de réflexion ou de... en rapport aux personnes en situation d'inaptitude? Donc, pas nécessairement des enfants, mais on parle bien d'adultes. Donc, votre recommandation serait un consentement de l'aide à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude. Donc, avez-vous des pistes de réflexion, de quelle façon ça pourrait être amené?

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être...Je ne sais pas si mes collègues veulent proposer une réponse.

Pour les personnes en...

M. Blouin (Samuel) : Stéphanie... Je te laisse commencer?

Mme Fournier (Stéphanie) : Oui. Bien, effectivement, sur la question des...

M. Blouin (Samuel) : ...

Mme Fournier (Stéphanie) : Bonjour. Alors, Stéphanie Fournier, pour la Commission des droits de la personne. En fait, ce qui est écrit dans notre mémoire par rapport à cette question-là, c'est vraiment... c'est d'avoir... que la loi soit en phase avec le régime de consentement aux soins en ce moment. Donc, il y a déjà des règles qui existent avec des mécanismes qui sont prévus à la fois pour s'assurer que les décisions sont prises dans le cas d'un consentement substitué, si on parle d'une personne qui est inapte et qui n'a pas exprimé de consentement préalablement, mais qui vit. Et là, il faut toujours prendre pour acquis qu'on remplit tous les critères prévus à la loi, donc un déclin grave, irréversible d'une situation... de sa maladie, maladie grave et incurable, des souffrances que l'on ne parvient pas à apaiser d'une façon qui soit satisfaisante.

Donc, à partir du moment où tous ces éléments sont rencontrés, la commission, elle, a mis de l'avant cette idée d'avoir un régime qui soit plus en phase avec les règles de consentement substitué qui sont déjà prévues au Code civil, sachant qu'il existe des balises qui sont prévues également d'assurer, là, que les décisions soient prises dans le meilleur intérêt... sachant aussi qu'il y a des balises au niveau judiciaire où le tribunal, dans certaines circonstances, s'avère être le gardien du processus d'examen et du respect des droits fondamentaux des personnes.

Je vais laisser mon collègue Samuel Blouin terminer.

M. Blouin (Samuel) : Oui. Bien, exactement. Donc, la recommandation de la commission, c'est vraiment d'avoir des mécanismes de consentement supplémentaires pour les personnes en situation d'inaptitude. Donc, là, on a déjà des modifications qui ont été apportées en 2021 pour les personnes en fin de vie qui renoncent au consentement final. Maintenant, il y aurait possiblement un régime de directives médicales... de demande anticipée si le projet de loi n° 11 était adopté.

Mais on peut penser aussi à la situation, par exemple, d'une personne qui n'aurait jamais été apte à consentir, mais qui se retrouverait avec un cancer avancé avec des souffrances insupportables et qui remporterait tous les critères, sauf celui de l'aptitude. Donc, là, cette personne-là, il n'y aurait aucun moyen, par exemple, de... pour elle d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça ne veut pas dire qu'on la laisserait souffrir, il y a d'autres soins qui sont possibles de lui prodiguer, mais celui-là ne lui serait pas accessible. Donc, ce serait de s'assurer qu'il y ait des modalités supplémentaires qui tiendraient compte de... on ne dit pas qu'il faut nécessairement calquer le régime général, mais qu'il soit plus en phase avec le régime général, qui tiendrait compte de la spécificité de ce soin-là, qui, on le sait, est irréversible.

• (14 h 30) •

Mme Gendron : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Merci. Il y a la...Mme la députée de Roberval qui voudrait intervenir, mais il reste 1 min 5 s Alors...

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vais faire un petit peu de... un petit bout de chemin sur ce que ma collègue vient de vous questionner. Mais, dans le cas d'une... de quelqu'un qui prendrait une décision pour une tierce personne, on met quoi en place comme mesure de protection...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Mme Guillemette : ...pour ne pas qu'il y ait de dérives. Moi, ça m'inquiète vraiment beaucoup, ce que vous venez de mentionner, là.

La Présidente (Mme Massé) : ...30 secondes.

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être, Samuel, tu peux compléter. C'est sûr qu'il y a tout un régime associé ici. Il a des médecins, ce n'est pas... Il faut toujours comprendre, mais c'est la même chose pour l'ensemble. Ici, on parle de garantie. Le législateur peut mettre également... peut ajouter des balises, peut mettre des directives plus strictes, compte tenu de certains soins. Je vous rappelle, la notion, c'est toujours de dire quand on exclut catégoriquement tout le monde d'une certaine catégorie de gens, c'est ça qui devient plus difficile, c'est de dire : Est ce qu'on peut mettre des exigences différentes? Oui. Par exemple, on vous dit : Le mineur de 14 ans et plus, ça prend un consentement parental. Vous comprenez? Ça peut prendre un troisième médecin. Il y a d'autres modalités qu'on peut mettre dedans.

La Présidente (Mme Massé) : Je vous remercie, Maître Tessier. Le temps est écoulé malheureusement, mais je suis certaine qu'il y aura d'autres excellentes questions. Et je passe maintenant la parole à l'opposition officielle à la députée de Westmount-Saint Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bien, dans le fond, M. Blouin, M. Tessier, je vous laisse continuer à répondre à l'excellente question de ma collègue de Roberval, s'il vous plaît.

M. Blouin (Samuel) : Bien, je pense que l'élément à ajouter, c'est que, bon, donc on peut imaginer que dans la plupart de ces cas-là, l'autorisation même du tribunal serait nécessaire. Et, Stéphanie, si tu veux expliquer davantage les règles dans un cas comme celui-là, mais ce n'est pas quelque chose qui se ferait à la légère du tout. Donc, déjà, c'est des décisions importantes en matière de soins qui peuvent être prises de cette façon-là. Donc, ça en serait une autre, puis il pourrait même y avoir des balises supplémentaires qui pourraient même être ajoutées si législateur l'estimait nécessaire.

Mme Maccarone : Je pensais qu'elle était pour poursuivre, mais... Non? Parce que moi, la question que j'avais... Puis on s'est vus régulièrement en commission, ça fait que je ne suis pas experte dans le Code civil, mais c'est toujours dans la mesure du possible, dans la mesure du possible, dans la mesure du possible. Puis vous m'avez déjà entendu dire, M. Tessier, que je n'aime pas ça, ces mots-là, parce que je trouve que c'est très flou puis ça amène une interprétation qui peut varier. Alors, comment pouvons-nous mettre une telle balise dans cette loi pour faire ce que vous proposez? Puis je pense que tout le monde a un désir de vouloir respecter l'autonomie des gens de faire leurs propres choix, mais on a aussi une responsabilité de protéger les personnes qui se retrouvent aussi en situation de vulnérabilité. Puis on ne veut surtout pas avoir des cas suite à une adoption d'une loi où les personnes qui y sont peut-être... qui souffrent d'une déficience intellectuelle, par exemple, qui souffrent aussi d'une autre maladie grave incurable, où on a de la difficulté de soulager leurs souffrances, mais qu'ils se voient comme un fardeau. Alors, eux, ils lèvent la main parce qu'on ne peut pas amener cette lourdeur à ma famille. Ou l'inverse, la personne qui est responsable dans ce cas-ci, qui peut être le tiers de confiance, par exemple, qui disent : Bien, moi, je ne suis plus capable, puis voilà. Ça fait que, comment voyez-vous ça dans la loi quand, déjà dans le Code civil, c'est toujours, quand on parle d'aptitudes, c'est dans la mesure du possible?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est ça, ma collègue était pour poursuivre tout à l'heure, ça fait que je vais lui céder la parole, Me Fournier.

Mme Fournier (Stéphanie) : Oui. Bien, écoutez, si on revient toujours... le rôle de la mission, c'est d'assurer le respect et la promotion des droits attribués à la charte. Et il ne faut pas perdre de vue les situations que vous énoncez. On voit qu'il y a plusieurs catégories, il y a plusieurs situations. Et le point de vue qu'apporte et réaffirme la commission tout au long de son mémoire, c'est qu'il faut tenir compte des différentes circonstances pour savoir qui on inclut, qui on exclu et être capable de le justifier. Donc, il y a différents types, mon collègue l'a mentionné, il y a les personnes qui sont inaptes de naissance. Il y a des personnes qui vont devenir inaptes à la suite d'un traumatisme. Il y a les personnes qui vont devenir inaptes, bien, dans le cadre d'une maladie qui va leur permettre de donner leur consentement. Donc, ça, ce sont toutes des situations différentes. Ce qui est clair, c'est qu'il a été reconnu par les tribunaux que le fait d'avoir accès ou, plus à l'inverse, de se voir refuser l'aide médicale à mourir, ça avait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux, à la vie, à la liberté, à la sûreté, à l'intégrité, à la dignité, à l'autodétermination, qui est une composante du droit à la liberté. Donc, on sait que si on refuse à certaines personnes, c'est le choix du législateur. Si on le fait, il faut être capable de justifier. Et ce que les tribunaux nous enseignent aussi, et c'est le message qu'envoie la commission, c'est que, dans la justification, il faut être capable de démontrer qu'on a envisagé toutes les solutions et quand on a choisi la solution qui portait le moins atteinte au droit. Et dans bien des...

Mme Fournier (Stéphanie) : ...cas, la solution qui porte le moins atteinte aux droits fondamentaux des personnes, c'est de s'assurer d'une évaluation individualisée. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des mécanismes, il y a un régime de consentement aux soins qui existe qui prévoit déjà beaucoup de balises et beaucoup de mesures. La preuve, c'est que dans certaines situations de consentement substitué on peut décider de cesser des traitements pour une autre personne, on peut prendre cette décision-là, mais tout ce régime-là est bien encadré. Donc, il faut voir dans quelle mesure on peut harmoniser, dans le fond, la Loi concernant les soins de fin de vie, tout ce qui est prévu à cette loi-là, avec le régime actuel pour assurer à la fois l'égalité, mais le respect des droits fondamentaux des personnes.

Il va possiblement y avoir des cas qui vont être exclus. Encore là, il faut être capable de s'assurer qu'on n'exclut que les cas avec lesquels on est certain de ne pas être en mesure de composer. C'est le principe, là, de proportionnalité dans les circonstances, que les effets du refus sont plus grands que l'atteinte aux droits, là, le préjudice qui découle de l'atteinte aux droits. Donc, c'est vraiment l'orientation qu'on veut vous apporter.

Mme Maccarone : Merci, puis je reconnais la complexité de tout ce que vous venez d'expliquer.

Pour revenir aussi... les questions de troubles mentaux, ça aussi... très complexe. Les membres qui ont fait partie de la commission spéciale, ce qu'on a constaté, c'est qu'il n'y a vraiment pas un consensus ni nécessairement une acceptabilité sociale. On a entendu beaucoup d'histoires des gens qui disaient : Voilà 20 ans, si j'avais accès à l'aide médicale à mourir, j'aurais fait la demande. Mais je vois, 20 ans plus tard, bien, les soins ont changé, la pharmacologie a changé, là j'ai trouvé la molécule qui fonctionne pour moi.

Alors, je veux savoir... Dans le rôle dont vous vous occupez à la CDPDJ... Parce que ça fait partie de votre recommandation 3, puis ce n'est pas actuellement dans la mouture de la loi dans son état actuel, puis on sait qu'au niveau fédéral ils ont fait une extension de l'application de la loi au niveau fédéral jusqu'à l'année prochaine. Après qu'une loi en ce qui concerne les soins de fin de vie est adoptée, si on n'inclut pas une mesure en ce qui concerne... troubles mentaux, quel sera l'impact, par contre, sur la CDPDJ? Avez-vous déjà beaucoup de demandes, de plaintes, de cas? Est-ce que ça va augmenter? Est-ce que vous avez une solution pour nous que nous pouvons faire? Parce que, c'est sûr, malgré... si on adopte la loi actuellement, on va avoir un écart puis on va avoir des gens qui vont probablement se présenter devant le tribunal. Que pouvons-nous faire pour assurer que les droits de ces personnes sont aussi respectés, mais aussi être des bons élus puis porter la parole de la population, qui nous disent que peut-être nous ne sommes pas rendus là encore? Est-ce qu'il y a un mi-chemin?

La Présidente (Mme Massé) : Il reste un peu moins de trois minutes.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, c'est sûr et certain. Puis, encore une fois... Puis, lorsqu'on avait effectivement témoigné devant la commission spéciale puis en... Il n'est pas question ici de dire qu'il y a unanimité sur la chose, au contraire.

Mais ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'encore une fois il faut se... c'est quoi, les principes derrière cette loi-là, derrière ces objectifs-là, et il faut reconnaître, puis ça, il y a plusieurs experts qui en ont fait l'explication devant cette commission, c'est que la souffrance causée par un trouble mental, elle peut être aussi grande que par... celle causée par une maladie physique. Et il n'y a pas de certitude quant à l'évolution d'un trouble mental, mais il n'y en a pas non plus pour les maladies physiques, on peut trouver un remède aussi pour une maladie physique, et puis... Bon, c'est ça. Donc, ça, c'est sûr et certain que ces cas de figure là théoriques, ils sont là, puis c'est toujours un élément à tenir en compte.

• (14 h 40) •

Et l'autre chose aussi, puis c'est un élément pour nous qui est quand même assez important, encore une fois, l'approche individualisée nous rappelle qu'il faut regarder les PMSPNI dans ce que c'est, et ces éléments-là, ces évaluations-là se font sur des années, cinq, voire 10 ans pour s'assurer effectivement que ces éléments-là sont mis de l'avant, et que les traitements n'ont pas donné effet, et qu'il n'y a pas... ce n'est pas vu comme étant une solution rapide. Il n'y a aucun expert, il n'y a personne qui prétend ça ici.

Alors, il faut faire attention, parce qu'il faut se rappeler aussi, en 2013, on a adopté la loi, hein, c'était toujours... L'idée, c'était : soins de fin de vie, donc on était en fin de vie. Là, ces critères-là ont été déclarés contraires aux chartes, et donc là, ce qu'on se retrouve, c'est... puis vous l'avez fait... vous y avez fait référence, au fédéral il y a cette clause crépusculaire. Donc, au Québec, on avait pris un peu les devants en anticipant les problèmes ici. Donc, ce qu'on vous dit, c'est...

M. Tessier (Philippe-André) : ...Cette question-là se pose à nous et peut être pourrions nous anticiper les enjeux en se disant que, et c'est un peu là-dessus qu'on revient, avec des balises, des conditions, des règles spécifiques par rapport à ces éléments-là, en se rappelant que la Commission des soins de fin de vie est là, en se rappelant que les critères sont évalués par des experts, il pourrait y avoir des conditions mises de l'avant par rapport à ces enjeux-là. Ça, ce n'est pas de l'expertise de la commission, mais ce sont des outils qui, lorsqu'on regarde, puis ma collègue y faisait référence, lorsqu'on regarde le régime général, que ce soit le consentement aux soins, le consentement, il y a toutes sortes de modalités qui ont été développées, tant par la loi que par la jurisprudence, pour s'assurer qu'on ne pose pas de gestes qui vont à l'encontre de l'intérêt de la personne.

La Présidente (Mme Massé) : Il vous reste 15 secondes, le temps d'une affirmation.

M. Tessier (Philippe-André) : J'aurais dit il y a des collègues qui... Veulent-t-ils ajouter quelques gestes? Je ne sais pas si, en 15 secondes, c'est réaliste.

La Présidente (Mme Massé) : Bien, il en reste surtout juste quatre pour le moment. Je pense que nous allons passer, mais il reste d'autres excellentes questions qui s'en viennent pour vous. Je cède donc la parole à la députée de Sherbrooke pour 3 min 18 s

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Comme organisation, vous traitez des plaintes de personnes qui s'estiment discriminées. Est-ce que ça vous est arrivé de recevoir des plaintes de personnes qui se sentaient discriminées par rapport à l'accès à l'aide médicale à mourir depuis que la loi est en vigueur, par exemple, en raison d'un trouble de santé mentale, d'un handicap, de leur âge? Est-ce que ça vous est arrivé de traiter des plaintes comme ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Je n'ai pas cette information-là pour vous. Je regarde du côté de mes collègues. Non. C'est quelque chose qu'on peut s'engager à vous fournir si c'est le cas.

Mme Labrie : OK. De mémoire, on...

M. Tessier (Philippe-André) :   C'est une bonne question.

Mme Labrie : De mémoire, vous n'avez pas le souvenir que des plaintes aient été portées à votre attention en lien avec la loi qui est en vigueur.

M. Tessier (Philippe-André) :   Non. Puis il faut comprendre aussi l'arrêt Carter, les affaires Truchon. C'est ça aussi. C'est qu'il faut qu'on... En tout cas, c'est un peu technique, là, mais ils sont basés sur les articles 1 à 9 de la charte. La commission... Le système de plaintes de la commission n'applique... On ne vise pas... Ces articles-là visent le droit à la discrimination prévu à 10. Donc, les parties qui veulent se prévaloir de leurs droits fondamentaux doivent s'adresser directement à la Cour supérieure, ne passent pas par la Commission, comme dans le cas Truchon.

Mme Labrie : Vous n'étiez pas habilité à traiter ces plaintes-là dans le fond...

M. Tessier (Philippe-André) : Exactement. Donc pour ça aussi, c'est que... C'est pour ça que je veux juste qu'on se comprenne bien, là, ce n'est pas pour...

Mme Labrie : ...les recommandations que vous nous faites ne sont pas nécessairement en lien avec des dossiers que vous avez eu à traiter. C'est vraiment sur la base, là, des principes que vous avez analysés.

M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait. Oui, c'est ça, de la jurisprudence, là, des rapports d'experts, etc. qui ont été analysés, tout à fait.

Mme Labrie : O.K. Vous, nous... Vous nous proposez d'élargir l'accès aux personnes mineures avec certaines balises. Est-ce que la recommandation que vous faites, c'est pour le projet de loi qui est à l'étude actuellement, ou vous nous invitez à amorcer cette réflexion-là pour une nouvelle mouture éventuellement?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, assurément. Puis à moins que je me trompe, puis corrigez-moi, chers collègues, mais c'est la position du Collège des médecins qui invite à réfléchir à cette question-là, la question de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les mineurs, donc ne prend pas position formellement. Évidemment, encore une fois, nous, c'est toujours le même principe, c'est... Ici, il ne s'agit pas d'une discrimination parce que la loi peut permettre en vertu de 10. Mais évidemment, ici, il s'agit de l'application des droits fondamentaux de ces personnes-là.

Et au Québec on donne et on reconnaît à l'enfant ce droit. On adhère à des conventions internationales. On lui dit que sa parole est importante, que son consentement est important, que son choix est important. Au feuilleton, ce matin, il y avait un projet de loi sur le travail des enfants. Le jeune de 14 à 18, il est réputé majeur pour tout ce qui relève de son travail. Il peut consentir, il peut obtenir des anovulants. Ils peuvent obtenir une interruption volontaire de grossesse, ils peuvent... Le jeune de 14 et plus peut faire beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses au Québec. Et là ce qu'on dit juste, c'est, encore une fois, il y a un régime général de consentement aux soins. Ce régime-là est déjà existant et prévoit, dans le cas de situations problématiques plus graves, comme, on s'entend, l'aide médicale à mourir en est une, le consentement parental. Mais, à tout le moins, on reconnaît la parole, on accepte que le jeune a droit de cité sur lui, ses souffrances, comment il se sent, et tout, et tout. Le tout, évidemment, avec le consentement des parents, plus les médecins experts qui... le régime standard et la Commission des soins de fin de vie.

La Présidente (Mme Massé) : Alors, le temps est terminé.

M. Tessier (Philippe-André) : Donc, ça fait beaucoup de robustesse.

La Présidente (Mme Massé) : On comprend l'esprit de votre... votre réponse.

M. Tessier (Philippe-André) : Désolé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Massé) : Il n'y a pas de faute. Le jeu... Le temps est terminé pour qu'on puisse passer à une autre excellente question, j'en suis certaine, en cédant la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour 3 min 18 s aussi.

Mme Tardif : Merci. Merci beaucoup d'avoir pris le temps d'analyser le projet de...

Mme Tardif : ...de nous avoir déposé ce rapport. Évidemment, rendus à la ixième question, il en reste moins sur ma liste. Mais il y a un point, je crois, qu'on n'a pas abordé avec vous, et que vous abordez dans votre rapport, et qui a trait aux personnes qui ne sont pas aptes, mais qui seraient admissibles selon leur état de santé, et vous parlez de prévoir, dans le projet de loi, des mesures additionnelles pour ces personnes-là qui ne sont pas aptes à consentir. Pouvez-vous nous en parler un peu davantage? Parce qu'effectivement, c'est un très bon point que vous amenez.

M. Tessier (Philippe-André) : Mes collègues veulent répondre à votre question?

M. Blouin (Samuel) : Oui, bien, c'est ce qu'on exposait un peu plus tôt. Donc, quand on parlait de la situation de personnes qui n'ont jamais été aptes ou qui le deviendraient subitement à la suite d'un traumatisme, on estimait qu'il y avait des balises qui devaient être mises en place, comme il y en a pour d'autres soins prévus dans le régime général de consentement aux soins, qui, ultimement, peuvent même requérir l'autorisation du tribunal. Donc, on estimait que c'était nécessaire de prévoir des moyens d'accès pour ces personnes également, moyennant des balises...

Mme Tardif : Mais je voulais savoir de vous quels sont ces moyens, quelles sont ces mesures-là que vous nous suggérez d'ajouter?

M. Blouin (Samuel) : Bien, un exemple qui a été mentionné, c'était le consentement substitué, un mécanisme qui est déjà prévu par le Code civil. Mais le législateur pourrait aussi en imaginer d'autres pour tenir compte de la spécificité de ce soin. Donc, on ne s'est pas avancés à proposer un mécanisme dans notre mémoire, mais juste que la situation de ces personnes-là soit aussi prise en compte suffisamment.

Mme Tardif : C'est tout, merci.

La Présidente (Mme Massé) : Eh bien, je vous remercie pour votre contribution à la commission, vos réflexions.

Je vais suspendre quelques instants pour accueillir l'autre groupe. Bonne fin de journée, merci.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Massé) : Alors, bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et ensuite on échangera...

La Présidente (Mme Massé) : ...et la parole est à vous. Ah! j'oubliais, n'oubliez pas de vous présenter.

Mme Nguyen (Olivia) : Oui. Alors, Mme la ministre, Mme la Présidente, chères députées, tout d'abord, nous sommes très honorées et reconnaissantes d'avoir été invités aujourd'hui pour vous parler de nos réflexions quant au projet de loi n° 11, merci. Je m'appelle Olivia Nguyen, je suis médecin de famille, qui pratique les soins palliatifs depuis près de 15 ans, et j'ai obtenu un certificat de spécialité en médecine palliative du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Je suis présente aujourd'hui à titre de présidente de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, qui représente près d'une centaine de médecins qui oeuvrent en soins palliatifs.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Moi, je suis Marie-Christine Carrier. Je suis également médecin de famille. Je pratique les soins palliatifs au CHUM depuis la fin de ma formation complémentaire en soins palliatifs, en 2016. Je suis cheffe de service, depuis quelques années, à cet hôpital. Je suis présente avec ma collègue cet après-midi en tant que vice-présidente de la Société québécoise de médecins de soins palliatifs, puis nous siégeons également, toutes les deux, au Comité de programme de compétences avancées en soins palliatifs de l'Université de Montréal.

Mme Nguyen (Olivia) : Donc, d'entrée de jeu, nous aimerions vous indiquer qu'environ la moitié de nos membres, ainsi que la moitié de notre exécutif fait de l'aide médicale à mourir. Il est donc important pour nous que le droit à l'accès aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie, dont l'aide médicale à mourir fait partie, soit respecté.

Maintenant, j'aimerais vous raconter brièvement trois histoires. L'histoire de Sophie, 65 ans, qui a un cancer du sein métastatique. Elle a des douleurs depuis plusieurs mois, qui ne font qu'augmenter. Son oncologue et son médecin de famille ne savent plus comment la soulager. Il n'y a pas de clinique de médecine palliative dans son centre. Sophie se détériore. Un jour, elle ne peut plus rester à la maison. Elle se rend à l'urgence. Malgré des tentatives de traitement, le cancer a trop progressé, et Sophie décède sur une civière.

L'histoire de Marc, 80 ans. Marc a une fibrose pulmonaire terminale, il est essoufflé au moindre effort. Il se dit qu'il aimerait recevoir l'aide médicale à mourir lorsqu'il ira moins bien. Marc est alors dirigé en soins palliatifs. Grâce à cette équipe et à l'aide du CLSC, sa qualité de vie s'améliore. Il reste à domicile jusqu'à la fin. Il reçoit son aide médicale à mourir chez lui quelques mois plus tard, comme il le souhaitait, entouré des siens.

Puis l'histoire d'Amélie, 40 ans. Elle est diagnostiquée d'un cancer du poumon qui la fait terriblement souffrir. Elle ne dort plus, elle ne mange plus, elle ne tolère pas les médicaments qui lui sont prescrits. À la demande de son équipe, elle est vue par la clinique de médecine palliative de son hôpital. En quelques semaines, Amélie va mieux, elle peut fonctionner et s'occuper de ses enfants, elle se sent apte à affronter les traitements visant le cancer. Et un an plus tard, Amélie va bien, elle est en rémission, elle a congé des soins palliatifs.

Maintenant, je sais que ce que nous souhaitons tous ici, individuellement et collectivement, tout le monde ici présents à la commission, c'est que, si, un jour, nous ou un de nos proches est atteint d'une maladie grave, nous souhaitons qu'il y ait une équipe qui s'attarde à son bien-être, qui se souciera de ses symptômes, qui la considérera comme une personne à part entière, avec son vécu, ses souhaits, ses proches, qui fera un lien de partenariat, qui souhaitera améliorer sa qualité de vie, pour permettre à cette personne de vivre aussi bien que possible maintenant, indépendamment de ce qui va arriver plus tard. Et cette approche, soucieuse du bien-être des personnes, en respect de ses valeurs, de ses volontés, en interdisciplinarité, qui pourrait améliorer la qualité de vie des personnes et de leurs proches, en plus de diminuer les coûts du système de santé, cette approche, ce sont les soins palliatifs. Cependant, malgré les preuves, la littérature et les recommandations existantes depuis des années quant à l'importance d'avoir accès à des soins palliatifs précoces pour toutes les personnes atteintes de maladies graves, l'accès à des soins palliatifs est toujours limité au Québec.

Mme Carrier (Marie-Christine) : L'aide médicale à mourir répond à un besoin indéniable d'une partie de la population qui est aux prises avec des souffrances intolérables, dans des circonstances spécifiques en constante évolution. Les personnes susceptibles d'obtenir l'aide médicale à mourir sont appelées à croître en nombre avec le projet de loi n° 11, mais, avant d'agir directement sur l'élargissement des critères, nous, la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, voulons réitérer l'importance d'avoir accès à des soins palliatifs et de fin de vie de qualité pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Les personnes atteintes de maladies graves, quelle qu'en soit la nature, un cancer ou une autre maladie chronique, et quel que soit leur milieu de vie, ont le droit de recevoir des soins dignes afin de diminuer leurs souffrances physiques, psychologiques, sociales et spirituelles. L'objectif premier est...

Mme Carrier (Marie-Christine) : ...et leur qualité de vie, que cette personne s'engage ou non dans le présent ou dans le futur, dans un processus d'AMM. Pour ce faire, elle doit pouvoir avoir accès à une équipe soignante qui possède une formation de base en soins palliatifs et une équipe qui détient une expertise en soins palliatifs quand leurs besoins sont complexes ou qu'ils sont non comblés. Nous avons au Québec des équipes de soins palliatifs extrêmement compétentes, que ce soit en centre hospitalier, en maison de soins palliatifs, en soins prolongés ou en clinique ambulatoire. Certaines sont même très innovantes dans leur approche, particulièrement en soins à domicile.

Toutefois, l'offre de service est inégale d'un territoire à l'autre et l'intégration palliative précoce peut être mal comprise et non opérationnelle. De plus, sans le support d'une équipe spécialisée en soins palliatifs, l'expertise s'effrite et les équipes de première ligne et des autres spécialités sont souvent laissées à elles-mêmes.

Maintenant, il faut dire que bien du temps a passé depuis 2015, lors de l'adoption de la Loi sur les soins de fin de vie. Les médecins de soins palliatifs, au départ préoccupés par plusieurs aspects, se sont adaptés et ont évolué aux côtés de leurs patients. Tous sont impliqués auprès de patients souhaitant ou se questionnant sur l'AMM. Plusieurs administrent l'aide médicale à mourir à leurs patients ou à des patients dont le médecin traitant ne souhaite pas s'impliquer. L'aide médicale à mourir est un peu mieux connue des patients, des familles, des soignants, et les mécanismes sont plus fluides. Toutefois, il s'agit d'un processus qui reste complexe sur le plan clinique, administratif, éthique et déontologique. Il est donc impératif que cette tâche ne repose pas que sur les équipes de soins palliatifs.

Mme Nguyen (Olivia) : Une recommandation, donc, pour des soins de fin de vie digne pour toute personne au Québec qui en aurait besoin, que ce soit par l'aide médicale à mourir ou pas, et qui mérite, selon nous, la même assiduité et la même réflexion que le présent projet de loi, sont les suivantes : reconnaître l'expertise des professionnels formés en soins palliatifs, toute profession confondue. Sachez qu'il y a des médecins au Québec qui font une année supplémentaire d'un an en soins palliatifs, qui n'ont pas de poste pour mettre leur expertise à profit. De plus, la spécialité en médecine palliative n'est pas reconnue au Québec, contrairement aux autres provinces. Des médecins formés en soins palliatifs ont dernièrement quitté la province ou sont en voie de le faire en raison des contraintes administratives qu'ils subissent.

S'assurer que chaque région du Québec puisse avoir accès à une équipe interdisciplinaire experte en soins palliatifs lorsque besoin est. S'assurer que les changements de loi quant à l'aide médicale à mourir n'engendrent pas un transfert de ressources déjà insuffisantes des soins palliatifs vers l'aide médicale à mourir. Offrir le soutien nécessaire et du répit aux proches aidants et surtout pour les personnes qui sont atteintes de maladies non cancéreuses parce que la trajectoire de leur maladie est incertaine et prolongée dans le temps. Améliorer et encourager l'implication de tous les acteurs de soins, tant dans l'offre de soins palliatifs que de l'aide médicale à mourir. S'assurer que les professionnels sont aptes à offrir l'aide médicale à mourir de par leur formation, mais aussi émotivement afin que cela ne se fasse pas au détriment des soins aux autres usagers. Bonifier les conditions de travail des professionnels qui oeuvrent à domicile pour s'assurer une meilleure rétention. Améliorer les conditions de travail et la formation en soins palliatifs du personnel en soins de longue durée pour leur permettre d'adapter l'offre de services pour les patients en fin de vie et aussi en amont, en encourageant la planification préalable des soins. Éduquer le grand public quant aux réflexions qu'ils doivent entamer pour éviter une escalade de soins préjudiciables. Et aussi éclaircir l'incompréhension qui perdure au sujet des soins palliatifs, de la sédation palliative continue et de l'aide médicale à mourir. Puis offrir un soutien psychologique plus adéquat aux personnes malades et à leurs proches. Actuellement, ce soutien psychologique est à peu près inexistant s'il ne repose pas sur le soutien des fondations privées. Offrir un soutien psychologique aux personnes qui se font refuser l'aide médicale à mourir. En effet, l'effort d'information à la population a été tellement efficace que plusieurs personnes y voient là l'unique moyen d'apaiser leurs souffrances. Et, lors d'un refus, les réactions psychologiques sont souvent fortes et parfois même inquiétantes. Et tout cela enfin afin d'améliorer l'accès aux soins palliatifs au Québec et surtout à domicile, tel que garanti par la Loi sur les soins de fin de vie.

• (15 heures) •

La Présidente (Mme Massé) : En terminant, Dre Nguyen.

Mme Nguyen (Olivia) : En terminant, nous espérons, Mme la ministre, Mme la Présidente, et chers membres de la Commission, avoir pu éclairer quelque peu votre réflexion. Nous...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Nguyen (Olivia) : ...à coeur comme vous tous le bien-être des personnes gravement malades et de leurs proches. Et nous souhaitons sincèrement contribuer à ce que chaque personne au Québec puisse obtenir les soins palliatifs et les soins de fin de vie appropriés et respectueux de leur volonté.

La Présidente (Mme Massé) : Merci beaucoup.

Mme Nguyen (Olivia) : Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Merci, Dre Nguyen, Dre Carrier. On va commencer l'échange et je vais céder immédiatement la parole à la ministre pour... je ne l'avais pas nommée tantôt, mais 16 min 30 s.

Mme Bélanger : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Nguyen. Bonjour, Dre Carrier. Un grand merci pour votre présentation. Je pense que les trois histoires que vous avez racontées sont très éloquentes et puis nous aide à bien bien comprendre, effectivement.

Ma question concerne en fait... Parce que vous avez parlé beaucoup de l'importance des soins palliatifs, de l'importance de bien structurer, organiser, mettre les ressources nécessaires ici, au Québec, pour avoir les équipes interdisciplinaires compétentes et leur donner les moyens d'accompagner les personnes. Et vous avez mentionné que la spécialité médicale de soins palliatifs n'est pas reconnue au Québec mais, en même temps, vous avez mentionné au début de votre présentation qu'il y avait un programme universitaire, là. Je pense que vous aviez une certification... un programme de compétences avancées, mais... donc, par l'Université de Montréal, mais ce programme de compétences avancé ne fait pas... ne vous reconnais pas comme une spécialiste, là, c'est ce que je comprends. Et ça, c'est au niveau des affaires médicales, là?

Mme Nguyen (Olivia) : Oui, en fait, il y a deux voies pour avoir une expertise chez les médecins en soins palliatifs. Pour les médecins de famille, il y a la possibilité d'avoir une formation supplémentaire de un an et, pour les médecins spécialistes, il y a, via la spécialité, l'opportunité de faire un fellowship qu'on dit de deux ans pour devenir surspécialiste en médecine palliative. Au Québec, les quatre universités ont décidé, pour plusieurs raisons, de ne pas offrir ce fellowship de deux ans. Nous avons toutes les deux une compétence additionnelle en soins palliatifs, et moi, j'ai une... un fellow, en fait, du Collège royal en médecine palliative, mais cela n'est pas reconnu par le Collège des médecins du Québec.

Mme Bélanger : D'accord. Merci pour cette précision.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Si je peux juste compléter.

Mme Bélanger : Oui.

Mme Carrier (Marie-Christine) : En fait, la raison pour laquelle les universités ne donnent pas la formation, c'est parce que le Collège des médecins du Québec ne reconnaît pas la spécialité, donc on ne va pas former des gens qui ne pourront pas pratiquer au Québec.

Mme Bélanger : D'accord, je comprends très bien. Bien, merci. C'est noté, j'ai pris ça en note. Alors, peut-être une autre question. Sur le continuum, là, de soins de fin de vie... Et puis on voit très bien, là, que quelqu'un qui... prenons l'exemple, une maladie qui est incurable, irréversible avec des souffrances qui sont difficilement apaisantes, va vouloir, lorsqu'elle arrive à la fin de sa vie, bien, soulager ses douleurs, être dans un état de confort, c'est juste normal, c'est juste humain, et c'est possible, donc, de bien accompagner les personnes en soins de fin de vie avec la médication mais aussi avec toutes sortes d'approches. Et moi, j'aimerais vous entendre : Où situez-vous l'aide médicale à mourir dans le continuum des soins de fin de vie par rapport aux soins palliatifs?

Mme Nguyen (Olivia) : Une bonne question qui a fait beaucoup parler. Donc, pour nous, les soins de fin de vie comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, qui fait... des soins de fin de vie. Après, la décision de recevoir ou pas l'aide médicale à mourir est très personnelle, intime, individuelle et dépend profondément des croyances et des valeurs de chaque personne. La définition des soins palliatifs implique d'emblée qu'on prenne la personne d'une manière holistique et globale en respectant, avec compassion et empathie, ses valeurs et ses volontés. Donc, si la personne qui est devant nous décide de faire une demande d'aide médicale à mourir parce que c'est son souhait profond, il est certain que chaque médecin de soins palliatifs va ou devrait l'accompagner dans sa demande. Après, il y a les demandes d'appel à... on appelle ça un peu les demandes d'appel à l'aide, donc les gens qui sont excessivement souffrants, qui décident qu'ils préfèrent en finir parce qu'ils sont tellement souffrants, et, si on est capables de les soulager de manière adéquate, là, ils ne veulent plus nécessairement mourir. Et ce sont deux choses différentes. Puis je pense qu'une personne peut tout à fait avoir des souffrances intolérables qui sont, une fois soulagées, bien, continuer à vivre puis demander sa demande d'aide médicale à mourir par la suite. Par...

Mme Nguyen (Olivia) : ...sont profondes. Donc, ce sont deux choses un peu différentes mais qui se regroupent.

Mme Bélanger : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Je vous remercie, Mme la ministre. J'ai maintenant la députée d'Abitibi-Ouest qui a des questions. Juste pour vous situer, il vous reste 11 min 45 secondes.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Merci, docteur... merci, Dre Olivia, parce que je vais vous débaptiser, et Dre Marie-Christine. Alors, moi, ma question, c'est que, tantôt, Mme Marie-Christine, vous avez parlé de soins à domicile, équipe innovante. J'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien, un bon exemple de tout ça, c'est ce qu'on a entendu parler pas mal dans les médias, dans les dernières années, c'est, par exemple, les... donc des équipes de ce qu'on peut appeler les soins intensifs à domicile. Mais il y a plusieurs modèles qui existent au-delà des... qui sont tout aussi intéressants. Mais on voit, par exemple, dans les équipes de cardiologie, qu'ils ont développé des soins palliatifs à domicile très actifs, avec des traitements intraveineux, au besoin, pour que le patient n'ait pas besoin d'aller à l'hôpital chaque fois que la maladie cardiaque décompense puis que les symptômes deviennent plus importants. Donc, tout ça, ça fait partie des innovations, entre guillemets, si on veut.

Actuellement, à Montréal, il y a un projet sur la table pour avoir et même des équipes un peu d'intervention rapide pour aider lorsque le CLSC ne peut pas prendre en charge un patient rapidement qui souhaite retourner à la maison pour une fin de vie. On pense développer, par exemple, des interventions, même des techniques anesthésiques à domicile, des choses comme ça. Donc, le domicile est rendu un plateau très, très, très en ébullition, si je puis dire. Puis on essaie, finalement, de vraiment répondre aux demandes du patient, de le traiter dans l'endroit où lui le souhaite quand il est plus vers la fin de la vie, pour aussi préserver son énergie, parce que les visites à l'hôpital, c'est très énergivore, c'est difficile pour les patients, pour les proches aussi, et ça coûte cher au système aussi. Donc, tout ce qu'on est capable de développer à domicile, on le fait en ce sens-là. Et je ne sais pas, Olivia, si tu as d'autres exemples d'innovations.

Mme Nguyen (Olivia) : Oui, puis je voulais rajouter qu'il y a de beaux efforts de coordination dans les CISSS et les CIUSS qui sont capables de connecter l'hôpital, le domicile, les CLSC pour pour coordonner le mieux les soins. Parce que je ne sais pas si vous avez dû naviguer au système de santé, récemment, mais c'est très difficile de naviguer le système de santé, puis même quand on est dans le système de santé, c'est un casse-tête. Donc, s'il y a de la collaboration pour coordonner le tout, pour que ce soit plus facile pour les personnes, je veux dire, ça, pour moi, c'est un bel effort d'innovation. Puis on ne peut pas passer sous silence les efforts de soins palliatifs à domicile pour les personnes itinérantes, avec la Maison du père et ce genre de choses. Donc, il y a de belles choses qui se passent. Malheureusement, il y a encore trop... c'est disparate, et disparate, au Québec.

Mme Blais : Bien, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de Châteauguay.

• (15 h 10) •

Mme Gendron : Merci, Mme la Présidente. Dre Nguyen, Dre Carrier, contente de vous recevoir ce matin... bien, ce matin, on cet après-midi. J'avais une petite question. Merci pour les trois témoignages, j'ai trouvé ça touchant de vous entendre. Avez-vous au quotidien des patients que vous... qui demandent de l'aide à mourir mais qui ne sont pas admis, mais que, étant donné que la loi, bon, soit mise sur pied, que ça va changer, en fait, qu'ils vont être heureux de l'avoir et puis que ça va être une belle avancée pour eux?

Mme Nguyen (Olivia) : Moi, je ne peux m'empêcher de penser à une patiente que j'ai eue, à qui j'ai donné congé justement parce qu'elle avait un cancer, je l'ai vue pour soulager ses symptômes. Ça a très bien fonctionné. Elle est en rémission de son cancer, et donc je lui ai donné congé. Puis elle a repris rendez-vous un an et demi plus tard parce qu'elle commençait une démence, et c'était très clair pour elle qu'elle voulait entamer des démarches pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour quand sa démence serait plus avancée et qu'elle répondrait à des critères. Puis ça, c'était il y a un an et demi, donc. Donc, on a dû en parler beaucoup, je l'ai envoyée en clinique de la mémoire, puis elle a beaucoup souffert quand je lui ai expliqué que, pour le moment, ce n'était pas possible. Donc, elle attendait avec impatience les travaux pour...

Mme Nguyen (Olivia) : ...si un jour elle pourrait faire sa demande. Et ça, c'est important parce que chaque fois qu'une personne qui souhaite l'aide médicale à mourir ou qui souhaite demander éventuellement pour plus tard l'aide médicale à mourir se fait refuser, ça crée de la détresse chez cette personne-là et ses proches. Et je pense que, malheureusement, on n'a pas de système suffisant en place pour adresser cette détresse-là.

Mme Gendron : Parfait. Merci. J'aimerais poser une seconde question assez rapide. Lors d'une demande anticipée de l'AMM, vous avez rapidement parlé du soutien aux proches aidants. Est-ce que vous considérez que la meilleure personne en fait pour soutenir puis débuter les démarches de l'AMM reste le tiers de confiance?

Mme Nguyen (Olivia) : C'est une bonne question. Je pense que plusieurs personnes se sont déjà positionnées là-dessus. On a l'impression que le tiers de confiance est une personne importante parce que c'est la personne qu'il choisit et donc qui est importante à ses yeux. Est-ce qu'elle est la meilleure personne? Je vous avoue que je n'ai pas l'impression que c'est notre place en tant que Société québécoise des médecins de soins palliatifs pour prendre position là-dessus.

Mme Gendron : Parfait. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Merci, Mme la députée. Il reste cinq... six minutes à la partie gouvernementale. J'ai la députée de Roberval et il y a une autre députée qui aimerait poser une question. Juste vous aviser. Maintenant, Roberval, Mme la députée, c'est à votre tour.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dre Carrier et Dre Nguyen d'être avec nous ce matin. Ce matin? Cet après-midi. On n'a pas de fenêtre ici, hein? Moi, j'aimerais vous entendre sur la question du retrait de la demande et du refus. Vous êtes des médecins qui travaillez présentement en soins palliatifs, et je pense que vos réponses peuvent nous éclairer grandement. Est-ce que quelqu'un qui retire une demande peut refaire une demande par la suite? Est-ce qu'il y a un nombre de demandes maximum qu'on pourrait autoriser ou la personne peut retirer et refaire des demandes aléatoires? Et je voudrais aussi vous entendre sur le refus. Quelqu'un qui est... Parce que, là, le refus, je vous amènerais vers la demande anticipée, quelqu'un qui n'est plus apte et qui a mentionné qu'à cette étape-là moi, je voudrais qu'on administre l'aide médicale à mourir, mais qui manifeste un refus qui manifeste, qui manifeste... Comment on peut gérer ça? Comment peut-on mettre des balises claires, là, pour que vous, sur le terrain, vous soyez à l'aise avec cet aspect-là?

Mme Nguyen (Olivia) : Je réponds ou je laisse Marie-Christine parler?

Mme Carrier (Marie-Christine) : Oui, je peux. O.K. Bien, en fait, pour le premier volet, c'est super simple. On peut faire autant de demandes qu'on veut. On peut changer d'idée à tout moment. Puis ça, ça fait partie... En tout cas, pour ma part, mais, je pense, pour la plupart des médecins que je connais, ça fait partie du speech initial, si je peux dire, qu'en tout temps, le patient, il a le droit de changer d'idée. Puis il n'y a aucun problème, puis on va recommencer le processus si on a besoin de le faire.

Pour le deuxième volet, pour le patient, en fait, qui refuserait mais qui est inapte, si je comprends bien. C'est ça, la question?

Mme Guillemette : En fait, qui manifesterait des refus parce que, bon, en étant inapte, des fois, il n'aime pas ça se faire toucher, il n'aime pas se faire approcher.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Oui, oui, c'est.... On en a un peu discuté entre collègues dans les dernières semaines. Puis c'est vrai que c'est un point qui est vraiment... qui est inconfortable, je pense, pour la plupart des gens. C'est clair qu'il faut faire la part des choses en disant en disant, bien, quand on est rendu là, c'est la maladie qui cause ça, elle même. Alors là... Mais en même temps, nous, il y a un principe en médecine qui est le refus catégorique. Et tout patient, même inapte, a le droit d'avoir un refus catégorique. Puis il faut respecter ça.

Je pense qu'à ce moment-là, l'important dans la loi, ça va être de préciser un mécanisme où peut-être qu'il faudra que ça, ça soit discuté avec le patient au préalable. Si vous répondez aux critères que vous avez énoncés, lorsque vous serez inapte et que, manifestement, à cause de la maladie ou vous avez des réactions, est-ce que vous souhaitez qu'on aille de l'avant pareil? Est ce que vous souhaitez qu'on vous donne de la médication pour procéder, des contentions? Ça, il va falloir que ça soit clair qu'il va... Il va falloir avoir une discussion avec le patient à l'avance. Je pense qu'il va probablement avoir des gens qui vont garder quand même un petit malaise à apporter ce genre de soins à quelqu'un qui ne comprend pas du tout la situation. Mais il va falloir que le mécanisme de tout ça soit...

Mme Carrier (Marie-Christine) : ...bien clarifier dans la loi puis peut-être dans le formulaire aussi, là, de demande anticipée à ce moment-là.

Mme Nguyen (Olivia) : Ça va permettre de diminuer l'anxiété après ou la détresse et la souffrance du personnel soignant qui sera pris à juger. C'est une position difficile.

Mme Guillemette : Oui. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Merci, Mme la députée. Pour les deux dernières minutes, la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Justement, je vais revenir un petit peu sur le formulaire. Pensez-vous qu'une personne qui décrit ses souffrances qu'elle pourra avoir au moment où elle va être inapte... Vous, comme médecins, comment vous... Est-ce que vous pensez que vous allez être capables de... d'après les écrits de la patiente, de vraiment bien cerner la souffrance? Et comment vous voyez ça, là, de... Parce que c'est beau être... c'est un papier, c'est écrit, allez-vous être capables, vous pensez, de faire la part des choses?

Mme Nguyen (Olivia) : Je pense, ça, c'est une excellente question, parce que j'ai l'impression que c'est un point qui nous interpelle tous, c'est-à-dire comment, pour les personnes inaptes, attester hors de tout doute que la personne éprouve objectivement les souffrances décrites? Donc, vous avez certainement... en fait, vous avez entendu parler de l'exemple typique qui est celui de la personne avec une démence dite une démence heureuse. Donc, que se passe-t-il lorsque les manifestations cliniques identifiées dans sa demande anticipée... Par exemple, je ne reconnaîtrais pas mes proches la moitié... je ne reconnaîtrais plus mes proches ou j'aurais de l'incontinence urinaire plus de 50 % du temps. Donc, qu'est-ce qui se passe quand cette manifestation clinique qui a été identifiée ne correspond pas, lors du moment opportun, à des signes de souffrance objectivable? Et moi, je n'ai pas de réponse là-dessus, je ne pense pas que nous ayons de réponse là-dessus. Et on a... En fait, nous sommes inquiets que ce fardeau, donc, qui incombe, en fait, à l'équipe traitante soit lourd à porter. Voilà.

La Présidente (Mme Massé) : Bien, vous avez à tout le moins le sens du timing puisque c'est le temps que vous possédez pour répondre à la députée de Soulanges. Maintenant, je vais passer la parole à la députée de Lotbinière.

Une voix : La Pinière

La Présidente (Mme Massé) : Ah! de La Pinière, bien, j'ai mal écrit mes choses, pour... Vous possédez neuf minutes 54 secondes.

Mme Caron : Parfait. Merci beaucoup, mesdames. Alors, vous avez fait la différence entre les soins palliatifs, la sédation, l'aide médicale à mourir en nous indiquant qu'en fait tout ça fait partie des soins de fin de vie. Est-ce que... Et vous avez aussi mentionné quelque chose qui m'a alertée, si je puis dire, en disant qu'il y a eu tellement de promotions autour de l'aide médicale à mourir, si j'ai bien compris, que les personnes dans la population en général ont tendance à se tourner vers l'aide médicale à mourir peut-être en ayant oublié l'existence des soins palliatifs. Est-ce que vous pouvez nous en parler ou nous dire... Est-ce que mon interprétation est bonne ou est-ce que c'est ce que vous vivez dans le quotidien?

• (16 h 20) •

Mme Nguyen (Olivia) : On a fait un sondage de nos membres en prévision de cet après-midi puis on a l'impression que, sur le terrain, on ressent tous un petit peu la même souffrance que l'aide médicale à mourir est un petit peu devenue, pour plusieurs personnes, la manière de décéder. Les soins palliatifs, cependant, restent avec tout le stigmate de c'est la fin, c'est la mort, alors que les soins palliatifs, depuis près de 10 ans, on est prouvé pour améliorer la qualité de vie, améliorer la qualité de vie des proches, même améliorer la survie lorsque des gens sont atteints de maladies graves, mais les gens pensent toujours : Ah! je viens aux soins palliatifs, donc c'est la fin, et, si fin il y a, bien, peut-être que choisir l'aide médicale à mourir pour contrôler ma mort est le mieux.

Il y a aussi beaucoup de gens qui confondent un petit peu tout cela. En fait, ils parlent d'aide médicale à mourir, mais on réalise que ce qu'ils veulent, ce sont des soins palliatifs en vrai ou une sédation palliative continue. Donc, ce n'est pas toujours clair. Une partie importante du travail des personnes qui oeuvrent en soins palliatifs, c'est de l'éducation, donc expliquer, aider les gens à naviguer vraiment dans le système, essayer de leur faire comprendre quelles sont les différentes options qui s'offrent à eux, où est-ce qu'ils sont rendus dans la phase de la maladie, ce genre de choses, mais oui, malheureusement.

Mme Caron : Merci. Si vous êtes d'accord, Mme la Présidente, je céderais la parole de ma collègue.

La Présidente (Mme Massé) : Bien sûr, si elle la veut. Alors, la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Je vais le prendre, merci. Bonjour, mesdames. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Moi, ma question, c'est : vous avez mentionné plus tôt que vous jugez que les ressources en soins palliatifs sont insuffisantes, et on sait que la notion de la souffrance, c'est justement un élément clé pour déclencher l'administration de l'aide médicale à mourir. Avez-vous une crainte que des...

Mme Prass : ...personne, comme les ressources ne sont pas là en soins palliatifs, que des personnes, qui, si les ressources étaient là, auraient une souffrance moindre que leur souffrance, justement, pour arriver à l'aide médicale à mourir, seraient atteintes d'une façon... plus tôt parce que, justement, on n'a pas les moyens pour les réconforter, donc, que le déclenchement se fasse de façon anticipée parce qu'ils n'ont pas les ressources.

Mme Nguyen (Olivia) : J'aimerais vous dire non, mais malheureusement, oui, on le voit sur le terrain. C'est sûr que nous, on fait partie d'équipes de soins palliatifs qui sont existantes, donc on est biaisé d'emblée parce qu'on voit des patients qui ont accès à nous. Mais on en voit, des patients qui arrivent à l'urgence, sont excessivement souffrants, font des demandes d'aide médicale à mourir, on arrive, on les soulage, puis finalement retirent leur demande. Ou ce qui arrive aussi, puis ça, c'est très malheureux, ce sont des patients qui sont en maison de soins palliatifs, ils vont mieux, et finalement leur pronostic est beaucoup plus long que celui de prévu, et donc ils doivent être relocalisés, et parfois ne peuvent pas retourner à la maison ou n'ont pas d'autres moyens, ils doivent être localisés en CHSLD. Et l'idée d'aller en CHSLD est tellement souffrante pour eux qu'ils préfèrent alors demander l'aide médicale à mourir.

Puis là que vous nous parlez de ressources insuffisantes, si je peux juste faire un point par rapport aux maisons de soins palliatifs, c'est correct? Oui. Par rapport à ce critère-là, donc, on comprend que l'intention du projet de loi, c'est de s'assurer d'éviter des transferts de maisons de soins palliatifs vers l'hôpital, par exemple, pour une aide médicale à mourir, ce qui tout à fait compréhensif. Par contre, on est aussi un petit peu inquiet de l'interprétation qui pourrait être faite de ce changement. Alors, il y a différents cas de figure. Donc, le cas de figure d'un patient qui rentre en maison de soins palliatifs pour des soins palliatifs, puis, en cours de route, décide de demander l'aide médicale à mourir, il faut savoir que la plupart des maisons de soins palliatifs, de nos jours, ont déjà décidé d'offrir ce soin dans leurs services, mais avec le changement, bien, le patient pourra recevoir ses évaluations et son soin en maison de soins palliatifs, ce qui est tout à fait le scénario souhaité. Par contre, imaginons un patient à domicile qui fait une demande d'aide médicale à mourir, qui a ses évaluations, il est admissible, la date est fixée, mais pour plusieurs raisons ne souhaite pas recevoir son aide médicale à mourir à domicile. Cette personne souhaiterait décéder dans une maison de soins palliatifs. Puis ça, c'est un cas de figure qui est très différent. Puis il y a aussi un autre cas de figure, c'est un patient dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, qui, donc, ne serait en général pas admis en maison de soins palliatifs, qui fait une demande d'aide médicale à mourir et souhaite recevoir son aide médicale à mourir en maison de soins palliatifs. Puis là, c'est encore très différent.

Puis on veut juste dire qu'on imagine que l'intention du projet de loi n'est pas que tous les décès par aide médicale à mourir qui ne peuvent se faire à domicile se fassent en maison de soins palliatifs, donc, justement, encore moins de restreindre l'accès déjà insuffisant à des lits de soins palliatifs pour la population qui a besoin de cette expertise. Puis cette population qui a besoin de cette expertise, s'il n'y a pas de lits disponibles, malheureusement, se retrouve à l'urgence. Donc, dépendamment de comment le projet de loi sera interprété, la modification serait interprétée, on a des craintes que ces patients-là se retrouvent mal pris et doivent retourner à l'urgence. Donc, on se disait qu'il serait tout à fait intéressant pour les CISSS et les CIUSSS de faire un partenariat, peut-être avec un hôtel ou une résidence pour personnes autonomes, et de louer à la journée une jolie chambre agréable, confortable, où pourraient recevoir l'aide médicale à mourir les personnes qui ne veulent pas la recevoir chez eux.

Puis j'aimerais souligner encore une fois le projet de loi, parce que la Loi sur les soins de fin de vie est une loi, à mon avis, qui est ancrée dans la compassion, la compassion pour autrui, la compassion pour les personnes, puis le projet de loi et dans ce même esprit de compassion. Donc, si c'est possible de garder cet esprit de compassion en tête pour s'assurer que l'opérationnalisation, en fait, se fasse le plus harmonieusement possible, le plus doucement, pour que toutes les personnes atteintes de maladies graves puissent recevoir les soins palliatifs, les soins de fin de vie, l'aide médicale à mourir en respect de leurs besoins et de leur volonté.

Mme Prass : Merci. Vous avez aussi mentionné l'aspect psychologique, que pour les personnes qui soit leur demande est acceptée ou rejetée, leur famille, et cetera, devrait avoir accès à un tel service. Pensez-vous que, justement... une fois qu'une demande de l'aide médicale à mourir est déclenchée, la demande de remplir la demande pour futur, est-ce que ça devrait être accompagné, justement, d'une évaluation ou d'un soutien psychologique en cas de refus, en cas que ce soit accepté?

Mme Nguyen (Olivia) : Moi, je pense que toute personne qui en a besoin devrait pouvoir bénéficier d'un soutien psychologique, s'ils en ont besoin. Il y a des patients qui demandent l'aide médicale à mourir qui sont très sereins et à l'aise et qui n'en ont pas besoin...

Mme Nguyen (Olivia) : ...mais il y a aussi des patients qui ne demandent pas l'aide médicale à mourir, qui sont dans des détresses très importantes et qui n'ont pas ce soutien psychologique là. Donc, j'aimerais que, pour toutes les personnes qui rentrent dans la catégorie soins palliatifs, sont en fin de vie, un soutien psychologique soit accessible et disponible.

Mme Prass : Également, on a parlé un peu de la notion du refus tantôt. Pensez-vous que, justement, dans la demande anticipée, par exemple, parce qu'on comprend que la personne fait la demande quand ils sont aptes et qu'un refus lors... quand ils sont inaptes, c'est difficile parce que justement la personne n'est plus apte. Donc, est-ce qu'il y devrait avoir, justement, dans le formulaire de demande... pour qu'on puisse préciser si je suis... une fois que j'arrive à l'étape inapte, qu'on ignore le fait qu'un refus soit annoncé de la part de la personne?

La Présidente (Mme Massé) : En 1 min 30 s.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien, en fait, comme j'ai mentionné tout à l'heure, je pense que, oui, Il va falloir que ça soit quelque part sur le formulaire, mais je pense qu'il va falloir que les modalités soient précisées, donc, tu sais, pour que le patient comprenne que ce n'est pas juste s'il dit non, c'est s'il crie, s'il se débat, donc, puis jusqu'où il est prêt à aller, est-ce que... De la contention, de la médication, toutes ces choses-là, il va falloir qu'elles apparaissent au formulaire, oui, à mon avis.

Mme Prass : Et, justement, est-ce qu'il y a d'autres éléments particuliers que vous voudriez voir dans le formulaire, que vous pensez qui devraient être précisés?

Mme Carrier (Marie-Christine) : Je ne suis pas sûre que ça paraîtrait sur le formulaire, mais on en a discuté tout à l'heure, là, la notion de souffrance anticipée versus souffrance contemporaine. Je pense qu'il va falloir au minimum que ce soit abordé avec les patients qui font ce genre de demande là, parce que ça ne sera pas facile d'évaluer la souffrance, rendu là, la souffrance qui était perçue lorsque le patient n'était pas malade versus maintenant. S'il est, par exemple, ce qu'on appelle un dément heureux, il va falloir que tout ça soit minimalement consigné quelque part. Est-ce que ça doit être sur le formage? Je ne sais pas.

Mme Prass : Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Massé) : Merci. Il vous reste des secondes vous... On passe, oui, il n'y a rien à faire avec 10 secondes, hein? Bien, je vais céder la parole à la députée de Sherbrooke, dans ce cas-là, pour 3 min 18 s.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. À deux reprises, vous avez parlé de la détresse que vivent les personnes qui reçoivent une réponse négative à leur demande d'aide médicale à mourir. J'aimerais ça que vous nous éclairiez un petit peu sur ce qui se passe, ce qui est prévu. Est-ce qu'il y en a, un protocole? Comment ça se passe, l'annonce de la réponse à cette demande? Qu'est-ce qui est déployé autour de la personne? Est-ce qu'il y a une réévaluation de ses soins palliatifs? Est-ce que ça dépend du médecin traitant? J'aimerais comprendre ce qui est déployé autour de la personne en cas de refus de l'aide médicale à mourir.

Mme Nguyen (Olivia) : Moi, j'ai l'impression que ça va dépendre des équipes, des milieux et des régions. Il y a des équipes qui ont un GIS, donc le Groupe interdisciplinaire de soutien, qui est très soutenant. Souvent, l'annonce du refus est faite par un des deux médecins qui évaluent la demande, donc le premier médecin, le deuxième évaluateur, puis, après, ça va dépendre des médecins qui annoncent cette mauvaise nouvelle là, avec tact et doigté et empathie, idéalement, puis après le soutien qui vient dépend des possibilités dépendamment des régions. Donc, voilà, ça dépend s'il y a un psychologue en place, s'il y a une travailleuse sociale en place.

• (15 h 30) •

Mme Labrie : Donc, selon la région de la personne qui se fait répondre négativement, c'est de ça que ça va dépendre, finalement, si on a accès à un psychologue, si on a accès éventuellement à des soins palliatifs. Ça va être très variable.

Mme Nguyen (Olivia) : Puis je vous dirais que ce n'est pas juste pour les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir. Je pense que l'accès à un psychologue en soins palliatifs est très variable. Pareil pour les travailleuses sociales. Il y a beaucoup de milieux où ils sont staffés et un demi... à 50 % d'effectifs ou moins. Il y a beaucoup de postes de psychologues qui sont vacants, pour le moment, donc c'est une pénurie qui est partout dans le système comme ça.

Mme Labrie : Est-ce que vous diriez que le libre-choix des patients pour leurs soins de fin de vie est entravé par ça, selon le territoire où ils vivent en ce moment?

Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien, je pense qu'actuellement les patients, pour ce qui est de l'accès à l'aide médicale à mourir, je pense que c'est relativement bien couvert. Et puis, après, pour ce qui est du reste autour...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Carrier (Marie-Christine) : ...oui. Honnêtement, il y a des endroits où avoir accès à des soins palliatifs ou à tout autre autre soin de fin de vie, ce n'est pas garanti. Moi, je l'ai vécu avec mon grand-père il n'y a pas si longtemps que ça, à pas 12 heures de Montréal, là, à trois heures de Montréal. Donc, avoir accès à des soins palliatifs de qualité, ce n'est pas garanti à tout le monde au Québec.

La Présidente (Mme Massé) : Il vous reste 15 secondes.

Mme Labrie : Bien, je vous remercie de votre réponse. Donc, ce que j'en comprends, c'est qu'il y a effectivement des endroits pour lesquels ce choix-là, ce n'est pas les mêmes options qu'ailleurs, là, donc ça oriente plus vers certaines décisions que d'autres.

La Présidente (Mme Massé) : Je vous remercie. Nous allons passer la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice.

Mme Tardif : Bonjour, mesdames. Bonjour, docteures. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier, au nom de l'ensemble de la société québécoise, d'avoir choisi cette profession et pour le merveilleux travail que vous faites. Je pense qu'on ne vous le dit pas assez souvent, mais c'est remarquable, puis on veut que vous restiez dans ce domaine-là aussi, on a besoin de vous.

J'ai bien écouté votre exposé, mais j'avoue que je suis un peu perplexe par rapport à votre position et la position de vos membres, devrais-je dire, là, par rapport à ce que vous pensez des modifications que vont apporter ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Vous avez proposé différents scénarios avant d'en arriver là, bien entendu, vous avez soulevé les disparités des régions. Moi, je représente une région et j'entends qu'il y a beaucoup de travail à faire avec la personne malade avant d'en arriver à l'aide médicale à mourir. Parce que vous réussissez à en sauver, des gens, et à leur redonner le goût de la vie et diminuer leurs souffrances, même pour les personnes qui pensaient qu'elles étaient rendues là. Est-ce qu'il y a des articles dans le projet de loi actuel avec lesquels vous êtes inconfortables? Est-ce qu'il y a des articles de loi que vous nous proposeriez d'ajouter?

Mme Nguyen (Olivia) : On a parlé tantôt des maisons de soins palliatifs. Donc, moi je suggérerais de préciser un petit peu les modalités par rapport aux maisons de soins palliatifs si on ne veut pas que tous les patients qui ne veulent pas avoir leur aide médicale à mourir à domicile se retrouvent en maison de soins palliatifs. Ça, c'est notre opinion.

Il y a des bons coups, selon nous, dans le projet de loi, on est très heureux : des IPS en renfort, le conseil, le bulletin de décès par les infirmières. Dans notre sondage, 100 % des membres étaient ravis, donc c'est parfait. On a parlé un petit peu des balises, un peu, pour la personne qui est inapte, et de nos inquiétudes. Je pense que c'est cela. Je pense que vous avez entendu plusieurs groupes déjà parler des autres critères.

Mme Tardif : Est-ce que, de votre côté, vous êtes confortable avec l'appellation «handicap neuromoteur»?

Mme Carrier (Marie-Christine) : Oui. En fait, je vous dirais qu'on en a... ce n'est pas quelque chose qu'on a beaucoup discuté, à la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, entre autres, parce que c'est une population qui, souvent, ne sera pas vue par les médecins de soins palliatifs, mais plus par les équipes de gériatrie. On s'est un peu moins penchés sur la question, je vous dirais, pis moi, je n'oserais pas, là, prendre la parole au nom de la Société québécoise des médecins de soins «pall» là-dessus parce que je pense qu'on aurait autant de réponses qu'on a de membres.

Mme Tardif : O.K. Puis, par rapport à...

La Présidente (Mme Massé) : Je vous remercie. Votre temps écoulé.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Je peux comprendre l'intérêt d'avoir d'autres questions, mais le temps est écoulé. Dr Nguyên, Dr Carrier, merci de votre présentation, de votre participation à la commission, et je vais suspendre quelques instants pour accueillir le prochain groupe.

Mme Nguyen (Olivia) : Merci à vous.

Mme Carrier (Marie-Christine) : Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

(Reprise à 15 h 42)

La Présidente (Mme Massé) : Alors, bonjour, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et ensuite on fera un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Mme Langlois (Diane) : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre et Mmes les députées. Donc, je suis Diane Langlois, directrice...

La Présidente (Mme Massé) : J'ai peut-être juste oublié... je m'excuse, oublié une chose fondamentale, de vous présenter.

Mme Langlois (Diane) : Oui. Donc, Diane Langlois, directrice de la Maison Desjardins à Rivière-du-Loup, est présidente de l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec. Ma collègue Marie-Lyne Fortin, qui est directrice de la maison de soins palliatifs Au Jardin de Mes Anges, à Alma, et également trésorière de l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec.

Donc, l'Alliance, on représente actuellement 36 maisons sur 37 au Québec, de même que cinq projets de maisons en cours de réalisation. Tout d'abord, rappelons la mission des maisons de soins palliatifs, qui est d'offrir des soins palliatifs sans frais aux personnes des régions où elles sont situées. Elles accomplissent cette mission grâce à des équipes soignantes remarquables, de nombreux et généreux bénévoles, de même qu'à l'implication... à l'importante contribution de donateurs. Donc, le financement des maisons étant assumé à près de 50 % par des sources privées et des activités de financement. L'alliance souhaite aujourd'hui partager son avis sur l'article 9 du projet de loi n° 11.

Donc, depuis l'entrée en vigueur de la loi concernant les soins de fin de vie, nul doute que la position des maisons a beaucoup évolué par rapport à l'administration de l'aide médicale à mourir, donc l'AMM. Aujourd'hui, sur les 34 maisons pour adultes membres de l'alliance, il y en a quatre qui ne rendent pas disponible l'AMM en leurs murs et il y a une maison qui est en période de réflexion et de consultation auprès de ses équipes. Ces dernières font face à des... à différents enjeux, délais et problématiques que l'on doit comprendre et respecter. Ce n'est pas une question ici d'être pour ou contre l'AMM, c'est une question de bien-être organisationnel, de rites et de réalités fragiles.

Parmi les enjeux rencontrés par ces maisons, mentionnons la précarité financière. Donc, il y a certaines maisons qui reçoivent actuellement des contributions qui leur sont importantes, sous condition de ne pas permettre l'AMM en leurs murs. Il y a d'autres aussi qui font face à un enjeu de culture et d'engagement. Donc, si les membres du personnel et les bénévoles quittent en masse nos maisons parce qu'ils vivent un conflit de valeurs, il sera alors impossible pour nous, les maisons, de continuer de réaliser notre mission. Et j'aimerais, à ce stade-ci, céder la parole à ma collègue Marie-Lyne qui va vous partagez son vécu à titre de maison qui a récemment modifié sa position par rapport à l'AMM.

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Donc, depuis sept ans, soit depuis 2015, le Jardin de Mes Anges s'est penché à quelques reprises sur sa position par rapport à l'aide médicale à mourir. On a rencontré quelques enjeux dans notre cheminement, notamment des positions personnelles campées contre l'aide médicale à mourir, la menace du départ de plusieurs membres du personnel et l'anticipation de perdre de généreux donateurs. Les craintes et les enjeux de culture et d'engagement nous ont forcés à mettre la vitesse de recul à quelques reprises. Devoir fermer des lits, faire face à un manque de personnel, l'idée de ne plus réaliser notre mission que pour offrir l'aide médicale à mourir aurait été absurde. Par contre, avec les années, le personnel s'est dit peiné lors de transfert vers des centres hospitaliers pour que des patients reçoivent l'aide médicale à mourir. L'acceptation populaire a crû et ce soin s'est tranquillement installé dans le continuum normalisé des soins palliatifs. Le bien-être organisationnel au sens large a toujours été central dans le processus de réflexion. Ainsi, il nous aura fallu sept ans avant de nous familiariser à l'idée de l'offrir chez nous. Chaque transfert, chaque réflexion aura permis de faire croître notre tolérance, notre intelligence envers l'aide médicale à mourir. Ainsi, c'est en février 2023, sept ans plus tard, que le Jardin de Mes Anges se trouvait désormais dans une position gagnante à tous les points de vue pour modifier son statut. La réflexion a été facile, l'acceptation unanime. Ne croyez pas que la sortie du projet de loi n° 11 a eu une incidence sur notre décision, parce qu'avoir une saine réflexion sur l'aide médicale à mourir, c'est plus que de se mesurer au temps du pendule d'une partie d'échecs. Si sept années ont été nécessaires à notre cheminement, sachez...

Mme Fortin (Marie-Lyne) : ...qu'on estime qu'il faudra deux années additionnelles pour offrir une aide médicale à mourir, tel qu'on le souhaite, parce qu'offrir un soin intimiste, personnalisé, empreint de toutes les petites étoiles qu'on sait y mettre autour de nos services, ça demande du temps.

Mme Langlois (Diane) : Et je poursuis en rappelant l'indépendance et l'autonomie des maisons par rapport à leur processus d'admission. Ce n'est pas parce qu'une personne... ce n'est pas parce qu'une maison permet l'aide médicale à mourir que toutes les personnes qui reçoivent... recevoir ce soin y seront admises. Nos maisons abritent des lits dédiés en soins palliatifs. Les CISSS et les CIUSSS de chacun de nos territoires comptent sur nous pour prodiguer des soins palliatifs. L'alliance et ses membres, on représente 329 lits dédiés en soins palliatifs, donc environ 30 % de l'offre au Québec. Si nos lits deviennent un lieu dédié à l'administration de l'aide médicale à mourir, moi, j'aimerais savoir qui va prendre en charge les personnes nécessitant des soins palliatifs.

Il est faux aussi de penser qu'une maison qui ne rend pas disponible l'AMM en ses murs abandonne une personne à elle-même en ambulance, dans un contexte de souffrance et de détresse pour éviter qu'elle passe ses derniers moments dans une maison. L'administration de l'AMM est un soin qui se planifie et se prépare. Par conséquent, l'équipe soignante accompagne la personne malade et sa famille tout au long du processus de planification et de préparation lié à l'administration de ce soin. L'heure du départ, le moyen de transport, les personnes qui seront présentes et tout le rituel entourant le transfert sont des éléments qui sont planifiés doucement, adéquatement, de façon transparente et en respect de chacun.

Soulignons aussi que, tout au long de cet accompagnement-là, la personne reçoit, et ce, de façon soutenue, des soins personnalisés, de grande qualité, à la hauteur de notre réputation. En aucun cas, il est question d'abandon et de laisser-aller. Et j'aimerais que Marie-Lyne vous partage son vécu à titre de maison qui a eu à organiser à l'occasion un transfert.

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Donc, tel que Diane vous l'a confirmé, c'est inexact de prétendre que les patients sont transférés dans des situations de douleur épouvantables. En fait, c'est mal connaître nos milieux de prétendre qu'on laisserait aller nos patients sans avoir fait tout ce qu'on peut pour eux. Même si les transferts sont exceptionnels, le dernier datant de 2020, chez nous, nos équipes sont suffisamment bien coordonnées pour que nous planifiions les moindres détails d'un patient désireux d'obtenir l'aide médicale à mourir et de bien planifier son transfert. La trajectoire est bien établie. Avant même de l'accueillir, le patient et sa famille sont avisés que l'aide médicale n'est pas offerte en nos murs, mais qu'au moment venu, nous planifierons son transfert vers le centre hospitalier le plus près.

Une fois cette information comprise et entendue, il sera le bienvenu Au jardin de mes anges. Pendant son séjour chez nous, il recevra des soins comme tout autre patient, sera soulagé, accompagné, recevra la visite de l'intervenante en soins spirituels, de la massothérapeute et profitera des talents de nos cuisinières. Sa famille recevra également l'écoute attentive de notre personnel et de nos bénévoles. À aucun moment, son choix de recevoir l'aide médicale à mourir ne le pénalisera dans les soins et services qu'il recevra. Les jours précédant son transfert, l'équipe veillera à mettre en place les meilleures conditions possibles en vue de celui-ci. Parce qu'il est si bien chez nous, nous tâcherons de le garder le plus longtemps possible, de ne le transférer que quelques heures avant de recevoir l'aide médicale à mourir. Accompagné jusqu'à l'ambulance par l'équipe soignante, il pourra même quitter avec un dernier bon repas pour emporter.

Les patients, en situation de souffrance et de douleurs intenses... alors, arrivés chez nous, nous les rencontrons. Le manque d'accès aux soins à domicile est bien plus criant que de propager une analyse erronée des quelques transferts vécus dans les maisons qui n'offrent pas l'AMM.

• (15 h 50) •

Mme Langlois (Diane) : La position de certaines maisons de ne pas rendre disponible l'administration de l'AMM en leurs murs représente, tout simplement, la limite actuelle pour ces maisons quant à la gamme de soins qu'elles sont en mesure d'offrir. Au même titre qu'il y a certains hôpitaux de région qui ont parfois une rupture de service au niveau obstétrique. Donc, quand il y a une femme enceinte qui se présente à l'urgence, il y a une équipe qui est disponible, qui est dédiée à l'organisation du transfert, de façon à ce que cette femme-là puisse recevoir son soin. Il n'y a personne qui remet en question la réalité de ces hôpitaux-là, de même que la qualité de l'accompagnement puis des soins qui sont prodigués.

Pour ces raisons, l'Alliance demande au ministère de respecter la réalité de chacune des maisons, le rythme de réflexion, de cheminement et d'adaptation, et de retirer l'article neuf du projet de loi. La Loi concernant les soins de fin de vie stipule que toute personne a le droit de recevoir des soins palliatifs de qualité et, actuellement, au Québec, il y a de grands besoins à ce niveau-là. L'Alliance tient à rappeler qu'il reste encore beaucoup à faire en matière d'accessibilité en soins palliatifs. Le plan d'action 2025 présente des actions porteuses d'espoir, et nous réitérons que la solution à une meilleure accessibilité, ça ne réside pas dans le nombre de maisons qui permettent l'AMM, mais bien dans l'éducation à la population, le repérage précoce et la formation.

Donc les maisons, elles sont des alliées de taille par le partage et la connaissance... le partage des connaissances et des compétences qu'elles ont pour l'amélioration des soins palliatifs offerts au Québec...

Mme Langlois (Diane) : ...offrir des soins palliatifs de qualité, c'est notre raison d'être, c'est ça qu'on fait le mieux. C'est en prodiguant des soins palliatifs de grande qualité que nous faisons une différence dans la vie des gens qui nous choisissent pour les accompagner. Et l'alliance aimerait réitérer, en terminant, son entière collaboration auprès du gouvernement du Québec et se réjouit de collaborer avec tous les acteurs en soins palliatifs afin de bâtir une société qui répond à l'ensemble des besoins en soins palliatifs de sa population, et ce, de façon exceptionnelle.

La Présidente (Mme Massé) : Je vous remercie beaucoup. Alors, on va entamer cette période de discussion avec la ministre. Et vous avez toujours 16 min 30 s. C'est à votre tour.

Mme Bélanger : Oui, Mme la Présidente. Mme Langlois, Mme Fortin, merci pour le mémoire et pour votre présentation. J'ai... quand même juste informer aussi les membres de la commission, j'ai eu l'occasion d'aller visiter la maison de soins palliatifs à Rivière-du-Loup, et, effectivement, c'est un milieu qui est très bien conçu et qui est très bien ancré dans sa communauté.

Alors, peut-être une petite question, quand même, en lien avec le... Tantôt, ce que vous nous avez expliqué concernant le parcours, vous nous avez donné un exemple d'une personne qui est admise dans votre maison de soins palliatifs et qui... pour toutes sortes de raisons, vous devez procéder à son transfert à l'hôpital pour recevoir l'aide médicale à mourir. Moi, ce que j'aimerais comprendre, c'est : Quels sont les motifs? Pourquoi la personne n'a pas continué... Là, je ne suis pas dans la perspective de l'aide médicale à mourir, mais elle était dans un programme de soins palliatifs, vous étiez dans une perspective de confort, de soulagement de la douleur, de mettre en place des conditions favorables. Pourquoi cette personne-là, finalement, décide de demander l'aide médicale à mourir? Est-ce que c'est que le plan d'intervention ne fonctionne plus? Est-ce que... J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qu'il fait que quelqu'un qui est en soins palliatifs dans une maison de soins palliatifs et qui est si bien dans un si bel environnement, avec toute la compétence des équipes, les attentions... Qu'est-ce qu'il fait que la personne va finalement demander l'aide médicale à mourir?

Mme Langlois (Diane) : Bien, comme l'a mentionné le médecin tout à l'heure, c'est un choix, c'est un choix personnel, alors il appartient à la personne de faire le choix de comment elle souhaite mourir. Puis ce qu'on voit, c'est... les gens qui demandent de l'AMM dans une maison de soins palliatifs, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas bien soignées, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas bien accompagnées, c'est juste un choix personnel, c'est ce qu'elles souhaitent. Marie-Lyne, est-ce que tu as quelque chose à ajouter?

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Oui. Puis, en fait, on ne diminue pas leur droit à recevoir des soins palliatifs entre temps. C'est la raison pour laquelle elles peuvent quand même, ces personnes-là, venir faire un séjour chez nous, mais tout en envisageant un transfert pour recevoir l'aide médicale à mourir.

Mme Bélanger : Vous savez certainement qu'une majorité de maisons de soins palliatifs, maintenant, au Québec, offre l'aide médicale à mourir, c'est la très grande majorité. Et ce que vous nous recommandez, c'est de retirer l'article 9 du projet de loi, malgré le fait que la grande majorité des maisons, maintenant, offrent l'aide médicale à mourir?

Mme Langlois (Diane) : Je pense que c'est important de respecter la réalité de chaque maison, tu sais. On est en train de parler d'accès à l'aide médicale à mourir, donc, tu sais, le rapport annuel d'activités 2021-2022 de la commission rapporte qu'il y a 3663 personnes qui ont reçu l'AMM et il y a seulement 5 % de ces personnes qui l'ont reçue dans une maison de soins palliatifs, même s'il y a une majorité de maisons qui le permettent. Donc, si on contraignait ces quatre maisons-là qui restent à administrer l'aide médicale à mourir, est-ce que ça va augmenter considérablement l'accès à l'aide médicale à mourir? Je ne pense pas. Donc, il y a des réalités qui appartiennent à ces maisons-là, et on se doit de les respecter. Les maisons, elles demandent du temps pour évoluer, elles doivent s'ajuster en respect de leur milieu. Je pense qu'on devrait le respecter.

Mme Bélanger : Dernièrement, dans les médias, est sorti un article d'une maison de soins palliatifs qui avait inscrit sur son site Web qu'il n'offrait pas l'aide médicale à mourir. Et, bon, des citoyens avaient demandé, parce qu'ils ne pouvaient pas rester à la maison, parce que leur maison n'était pas un lieu, je dirais, idéal, avaient demandé pour aller dans cette maison de soins palliatifs pour obtenir l'aide médicale à mourir. Puis là il y a eu une espèce de va-et-vient de dire : Oui, c'était sur le site Web, non, on a retiré du site Web, on donne des dépliants. Il y a eu une confusion par rapport à l'offre de services, ça a été grandement médiatisé, là, je veux quand même le mentionner. Ne seriez-vous pas plus en faveur d'amener un élément dans le projet de loi qui concerne le fait de...

Mme Bélanger : ...dans le fond, le rythme, la mission des maisons de soins palliatifs, au lieu de retirer complètement l'article?

Mme Langlois (Diane) : Dans le fond, ce que vous rapportez, la Maison Pallia-Vie, elle permet l'aide médicale à mourir, donc c'est une maison qui le permet. Sauf que Pallia-Vie, comme toutes les maisons de soins palliatifs, ils ont leurs critères d'admission. Et là...

Mme Bélanger : Justement, c'est ça.

Mme Langlois (Diane) : ...les maisons, on ne peut pas devenir le lieu dédié pour l'administration de l'aide médicale à mourir. Donc, tu sais, selon le rapport, encore, il y a 5,1 % des décès au Québec qui sont liés à l'aide médicale à mourir, mais ça veut dire qu'il reste une majorité de personnes qui meurent et qui nécessitent des soins palliatifs, puis, les maisons, on a été fondées pour ça, c'est ça qu'on fait dans la vie, donc. Et, actuellement, les 329 lits en soins palliatifs, ils sont occupés, donc il n'y a pas de problème, actuellement, d'enjeu d'occupation des lits. Au contraire, il y a plusieurs maisons qui ont des listes d'attente. Donc, nos critères d'admission, ils sont hyperimportants, puis on ne veut pas que les lits dédiés en soins palliatifs de chaque territoire deviennent des lits dédiés pour l'administration de l'aide médicale à mourir. C'est important.

Mme Bélanger : ...pas ça du tout, hein, je veux juste mentionner, là, ce n'était pas le sens de ma question de dire que les lits doivent être dédiés pour l'aide médicale à mourir, là, loin de là. Ce n'était pas ça. C'est juste, par rapport aux critères, que chaque maison ait ses critères d'admission, alors qu'on a une politique nationale sur les soins palliatifs puis qu'il y a un programme national, quand même. Il faut quand même assurer une certaine cohérence dans l'ensemble du Québec pour éviter, justement, certains... je dirais certains contextes, vous l'avez mentionné tantôt, là, lorsque certaines personnes ont des valeurs, et puis chacun a ses valeurs, dans la vie, là, mais quand ces valeurs-là font en sorte qu'une personne ne pourra pas avoir accès à un service, il faut quand même qu'on ait cette responsabilité-là. Puis vous savez qu'il y a une politique nationale avec un programme national de soins palliatifs. Alors, sur les critères d'admission, oui, que chaque maison soit personnalisée, mais il reste que c'est quand même... ça s'inscrit dans un programme québécois, là.

Mme Langlois (Diane) : Oui, tout à fait, mais ça revient à ce que le médecin tout à l'heure parlait, donc, dans le fond, les maisons de soins «pall», nos critères d'admission, c'est être en fin de vie, donc avoir un pronostic de deux ou de trois mois. Et une personne qui voudrait recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui n'est pas en fin de vie ou qui ne veut pas recevoir de soins palliatifs, bien, ça ne cadre pas dans nos critères d'admission.

Mme Bélanger : D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Il reste 9 min 30 s, j'ai la députée de Vimont et la députée de Roberval qui m'ont demandé la parole, et de l'Abitibi-Ouest. Alors, Mme la députée de Vimont, vous avez été la première.

Mme Schmaltz : Bon, bien, merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. J'essaie de comprendre. Tantôt vous avez mentionné que ça prend du temps pour évaluer d'administrer l'aide médicale à mourir dans une maison de soins palliatifs, c'est même mentionné : «...une question de bien-être organisationnel, de rythme, de réalités fragiles». Qu'est-ce qui... c'est quoi, le frein? Qu'est-ce qui empêche les maisons de soins palliatifs d'offrir l'AMM? Il y a un frein, je suppose, il y a quelque chose qui empêche d'aller jusque-là, outre peut-être la mission. Est-ce que c'est d'ordre administratif? Est-ce que c'est parce que c'est les lieux qui ne s'y prêtent pas? C'est quoi, exactement?

Mme Langlois (Diane) : Toutes ces réponses? C'est toutes ces réponses, parce que ça dépend de la réalité de chaque maison. Il y en a que c'est un enjeu financier. Donc, demain matin, je perds mon mécène, qui, lui, veut financer absolument les soins palliatifs, je me retrouve... je ne serai pas capable de réaliser ma mission. Si je perds... moi, chez nous, si je perds 10 bénévoles, je ne suis plus en mesure d'offrir des soins. Nos maisons, elles reposent sur la communauté, sur la contribution financière, sur le bénévolat. Donc, elles ont des réalités fragiles. Si je perds, on a un contexte, on a des enjeux de recrutement, de personnel puis de recrutement de bénévoles hyper importants. Donc, je pense que les maisons doivent aller au rythme de leurs réalités. Les enjeux administratifs, les enjeux financiers, les enjeux d'engagement, de bénévolat, de culture, c'est toutes ces réponses.

Mme Schmaltz : Advenant le cas que tout ça est comblé, à ce moment-là, le problème n'est plus là.

• (16 heures) •

Mme Langlois (Diane) : Absolument. Puis, si on regarde, en 2015, deux maisons permettaient l'aide médicale à mourir. On se retrouve aujourd'hui à 25 puis bientôt 29 parce qu'il y a quatre maisons qui sont en transition. Donc, le temps fait son œuvre. Il faut respecter ce rythme-là et ne pas contraindre ces maisons-là, parce qu'elles évoluent de toute façon. Les maisons, là, on est par la communauté, pour la communauté. Donc, on va s'ajuster aux besoins de nos communautés, mais on a besoin de temps parfois pour le faire, en équilibre précaire avec nos enjeux.

La Présidente (Mme Massé) : Merci. Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci. Il nous reste...

La Présidente (Mme Massé) :7 min 30 s.

Mme Guillemette : Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Merci, d'être avec nous. Merci des services que vous offrez aux citoyens. Parce que, pour avoir vécu...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Guillemette : ...et les soins d'une maison palliatifs avec un membre de ma famille. C'est le patient qui est pris en charge, mais c'est toute la famille aussi qui est prise en charge. Donc, merci beaucoup, puis vous passerez le message à vos équipes.

Une voix : Certainement.

Mme Guillemette : J'aimerais savoir, si on donnait un sursis de 2 ans, 3 ans, vous avez dit que ça a pris sept ans chez vous, est-ce qu'il y aura un nombre d'années, là, raisonnable qui pourrait être intégré pour l'obligation? Et comment on pourrait faire pour bien vous accompagner puis pour vous aider dans cette transition-là, concrètement, là?

Mme Langlois (Diane) : Je peux peut-être passer la parole à Marie-Lyne, elle qui l'a vécu cette transition-là, donc qui est à même de témoigner.

Mme Fortin (Marie-Lyne) : En fait, nous, on est surtout ici pour vous demander de retirer cet article de loi là, mais, comme vous pouvez le voir, ça prend des années. Donc si vous deviez absolument le laisser avec une option de plusieurs années, ça pourrait être l'idéal. Par ailleurs, je tiens aussi à vous dire que l'Alliance a un comité de surveillance de l'AMM. Donc, les maisons qui mettent en place l'aide médicale à mourir, depuis quelques années, sont accompagnées par d'autres maisons qui ont une expérience un peu plus grande, qui ont des procédures et politiques, en fait, qui sont toutes adaptées, qui ont été révisées aussi selon le besoin. Donc, vraiment, j'insiste pour dire que je crois que l'article neuf n'est pas nécessaire. Par contre, au moins, quelques années sont nécessaires pour laisser le temps à tout le monde, là, de s'y mettre.

Et je vais vous donner aussi comme exemple, et c'est Diane qui m'en en parlait, de le faire en famille, en fait, qui est une maison pédiatrique, mais qui accueille quand même des patients qui étaient suivis chez eux un peu plus jeunes, mais qui, désormais, sont adultes. Donc, eux, c'est un défi pour eux que de mettre en place une aide médicale à mourir si, demain matin, cet article de loi là devait passer. Donc, en fait, alors qu'ils ont l'habitude et qu'ils ont une jeune clientèle, ils devraient donc ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir pour leur clientèle adulte qui est connue chez eux.

Donc, je ne sais pas si vous êtes en mesure de vous imaginer que c'est un peu une dichotomie, en fait, qui ne sont pas nécessairement contre d'aller de l'avant, mais que ça peut prendre du temps pour eux.

Mme Guillemette : Le faire en famille, une clientèle adulte aussi.

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Jeunes adultes.

Mme Langlois (Diane) : Oui, c'est ça. Tout à fait. Ils ont une politique d'accueil des jeunes adultes,18-23 ans en fin de vie, donc des jeunes adultes qui sont connus du...

Mme Guillemette : O.K. Merci. Merci, de cet éclaircissement-là. Pour moi, je n'ai pas d'autre question. Ça fait le tour. Puis ce que j'entends, j'entends bien que ce que vous ne voulez surtout pas, puis même pour celles qui offrent présentement, volontairement, l'aide médicale à mourir, c'est que ce soit tout envoyer chez vous. Et je tiens à vous rassurer, ce n'est pas la volonté non plus. Rassurer vos maisons de soins, ça n'est pas la volonté que tout ce qui se fait en aide médicale à mourir se fasse dans les maisons de soins palliatifs, au contraire, on veut que ce soit fait le plus possible en soutien à domicile, dans la résidence, pour que les gens se sentent bien accompagnés à ce moment-là. Merci.

Mme Langlois (Diane) : On va rassurer nos membres, mais il faudra aussi éduquer la population, parce que l'histoire, tout à l'heure, le témoignage de la personne qui pensait pouvoir être admise... à vie. Bien, c'est ça, dans le fond, c'est quand on ne comprend pas bien c'est quoi, les soins palliatifs, quand on ne comprend pas bien, c'est quoi, une maison de soins palliatifs, ou recevoir l'aide médicale à mourir, on peut être frustré de ne pas pouvoir être admis dans une maison alors qu'on ne cadre pas dans les règles, dans les critères d'admission. C'est la même chose quand on ne peut pas être ami parce qu'il manque de place, il y a une frustration liée à ça.

Mme Guillemette : Une petite dernière question...

La Présidente (Mme Massé) : C'est votre collègue de l'Abitibi-Ouest qui ne sera pas heureuse...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Massé) : Mais allez-y, dit-elle.

Mme Guillemette : Merci, merci, chère collègue. Je voudrais vous entendre un peu sur le tiers de confiance parce que vous êtes beaucoup avec les familles. Comment vous voyez ça, le tiers de confiance, la charge émotionnelle puis...

Mme Langlois (Diane) : Écoutez, présentement, je ne pourrais pas vous répondre, parce que je ne pense pas que l'alliance ait la compétence pour répondre sur ce sujet-là pour l'instant.

Mme Guillemette : O.K. Bien, merci, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Massé) : Bien, vous laissez deux minutes 45 à votre collègue d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais : Merci, mesdames. Merci d'être là. Vous savez que vous êtes un atout dans la société. Vous accompagnez des patients en phase terminale, pour le grand voyage qui est sans retour, et ça, avec des moyens exceptionnels parce que vous êtes un OBNL. Alors, à ce que je comprends dans votre...

Mme Blais :...témoignage, l'anxiété que vous avez face aux soins de fin de vie, c'est que vous avez peut-être peur au niveau de votre financement. Vous en avez fait part tantôt.

Mme Langlois (Diane) : Il y a des enjeux financiers, absolument, oui.

Mme Blais : Ça vous inquiète énormément?

Mme Langlois (Diane) : Oui. Il y a certaines maisons qui reçoivent actuellement des contributions qui leur sont importantes sous condition de ne pas recevoir... de ne pas permettre l'AMM. Donc, ça, c'est une réalité de certaines maisons, puis je pense que c'est important de le prendre en considération.

Mme Blais :  Et, lorsque vous vous terminez votre mémoire en disant, et ce, de façon exceptionnelle», que veut dire pour vous exceptionnelle?

Mme Langlois (Diane) : Marie-Lyne? D'offrir l'AMM de façon exceptionnelle.

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Oui. En fait, offrir l'AMM de manière exceptionnelle... Je dis toujours, moi : On ne changera pas la fatalité des gens. Les patients qui arrivent chez nous, en fait, vont vivre quelque chose pour lequel on a peu d'impact, mais on va mettre ça dans un petit nuage de ouate, et c'est ce qu'on essaie de faire également avec l'AMM. Donc, nos milieux, ce sont de petites communautés. On veut mettre l'accompagnement conséquent auprès des familles, on veut se donner le temps de bien faire les choses. Sur le soin clinique, vous serez d'accord avec moi, on a peu d'impact, c'est réalisé par un médecin, mais tout ce qui est autour, on va faire tout ce qu'on peut pour que ce soit à la perfection.

Mme Blais : Bien, merci. Si vous aviez... à part de l'article 9, si vous aviez une autre remarque à faire... être vigilant? Ça serait laquelle?

Mme Langlois (Diane) : Bien, moi, là, le message que je veux vous reteniez aujourd'hui, c'est qu'on doit continuer d'améliorer l'accès aux soins palliatifs au Québec. Donc, l'accès... on en a parlé tout à l'heure, l'accès, ça n'est pas encore acquis pour tous au Québec, et l'Alliance des maisons de soins palliatifs, on demeure un collaborateur de premier plan. On souhaite collaborer avec le ministère pour réaliser le plan d'action puis faire en sorte que les soins palliatifs, ils soient connus, qu'on procède à un repérage précoce, qu'on éduque la population et qu'on forme nos soignants.

Mme Blais : Bien, je vous remercie au nom de la société. Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Merci beaucoup. Nous allons passer, donc, à la députée de La Pinière, de l'opposition officielle, pour 12 min 23 s. Vous en avez regagné.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, mesdames. Merci pour le travail que vous faites et merci aussi d'avoir clarifié la question des transferts en ambulance, parce que ça a été véhiculé dans les médias et c'était quelque chose d'assez frappant, si je peux m'exprimer ainsi.

 Vous avez mentionné dans votre mémoire que vous avez... les membres de l'Alliance couvrent 329 lits et qu'ils offrent à peu près 30 % des soins palliatifs. Les 70 % d'autres soins palliatifs qui se donnent au Québec sont-ils offerts dans d'autres maisons qui ne seraient pas membres de l'Alliance ou bien si c'est plutôt dans les hôpitaux et d'autres...

Mme Langlois (Diane) : Les soins palliatifs, on peut en faire partout. Donc, les 70 %, c'est à domicile, dans les CHSLD, dans un hôpital, donc, les RPA...

Mme Caron : D'accord. Donc, est-ce que vous regroupez... Est-ce que l'alliance regroupe toutes les maisons de soins palliatifs qui existent au Québec?

Mme Langlois (Diane) : On regroupe 36 maisons sur 37, actuellement, et cinq projets de maisons en cours de réalisation.

Mme Caron : D'accord. Parfait. Alors, c'est parce que je voulais voir si vous représentiez l'ensemble des maisons de soins palliatifs. Alors, merci pour cette clarification-là. Vous dites aussi dans votre mémoire que... en fait, vous tenez à rappeler qu'il reste encore beaucoup à faire en matière d'accessibilité à des soins palliatifs pour tous au Québec. Est-ce que vous pouvez nous donner peut-être des exemples concrets de ce qu'il reste à faire pour les soins palliatifs, pour l'accès aux soins palliatifs?

• (16 h 10) •

Mme Langlois (Diane) : Bien, écoutez, on a parlé tout à l'heure que dépendamment des régions, les soins ne sont pas les mêmes, l'accès n'est pas le même. Et Marie-Lyne vous a témoigné le fait que nous, dans nos maisons, là, les conditions inhumaines de transfert, c'est à l'arrivée qu'on les voit. Donc, il y a des patients aujourd'hui encore au Québec qui vont mourir, qui ne sont pas inscrits en soins palliatifs, qui ne reçoivent pas de soins et qui sont dans des conditions de grande détresse. Et nous, on les accueille chez nous dans ces conditions-là, et ils vont mourir dans les heures, dans les jours qui vont venir. Donc, juste le fait d'avoir des équipes qui vont être capables de repérer la clientèle qui nécessite des soins palliatifs... le repérage précoce, ça, là, c'est un pas immense au Québec, donc d'être capable d'identifier cette clientèle-là puis de mettre en place des équipes de soins palliatifs, de s'assurer que les gens vont être suivis, accompagnés. On ne veut pas être accompagné dans les dernières heures, on veut les accompagner depuis le pronostic sombre. C'est comme ça qu'on va améliorer le filet de sécurité, qu'on va pouvoir mieux les accompagner à domicile puis qu'on va s'assurer qu'on n'arrive pas en fin de vie avec des urgences.

Mme Caron : D'accord. Alors, ça rejoint un petit peu...

Mme Caron : ...plus que les précédentes personnes, les deux médecins en soins palliatifs nous disaient, c'est-à-dire qu'elles prônaient pour des soins palliatifs précoces plutôt qu'à un stade avancé où ça devient difficile de contrôler la souffrance, justement.

Est-ce que vous avez... Il y a la question de... toute la question de financement. Est-ce que je... En fait, je comprends deux choses, puis vous me corrigerez si je comprends mal. La difficulté que vous avez avec l'article 9 du projet de loi 11, d'une part, est liée au fait que vous avez du financement privé avec des conditions, la condition étant qu'il ne faut pas que vous offriez l'aide médicale à mourir dans ces maisons-là. Et, si j'ai bien compris, il y avait une autre crainte que l'occupation de lits pour offrir l'aide médicale à mourir pouvait peut-être restreindre le nombre de lits disponibles pour offrir des soins palliatifs. Est-ce que j'ai bien compris ça?

Mme Langlois (Diane) : Oui, tout à fait.

Mme Caron : Puis est-ce que l'aide médicale à mourir est un soin qui prend autant de temps que le soin palliatif, par exemple? Est-ce que le lit serait occupé pour quelques jours comparativement à un soin palliatif où, là, la personne doit occuper... peut occuper le lit pendant peut-être une semaine ou deux semaines?

Mme Langlois (Diane) : Bien, dans le fond, nos maisons, les gens sont admis pour recevoir des soins palliatifs, donc, deux mois, trois mois et moins. Donc, c'est sûr qu'on a la chance de les accompagner sur cette période-là. Maintenant, les gens qui ne veulent pas recevoir l'AMM à domicile, parfois, ont déjà leurs dates établies. Donc, tout à l'heure, on proposait de faire des partenariats avec un hôtel, avec une autre maison qu'une maison de soins palliatifs. Donc, tu sais, j'imagine ces gens-là arriver le matin pour recevoir ce soin-là, parce qu'ils auront été accompagnés tout le long de la maladie ou tout le long du processus par des équipes de soins palliatifs à domicile.

Mme Caron : D'accord. Je vous remercie. Je vais laisser la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Massé) : Et, bien sûr, chère collègue, de D'Arcy-McGee, c'est à votre tour pour 7 min 28 s, quand même.

Mme Prass : 7 min 28 s, parfait. Alors, vous avez mentionné, tantôt et dans votre mémoire, que certaines maisons reçoivent des contributions financières qui leur sont importantes sous condition de ne pas permettre l'aide médicale à mourir entre leurs murs. Si les maisons étaient financées à la hauteur de leurs besoins par la part du gouvernement, ils n'auraient pas besoin de dépendre sur ces contributions-là. Est-ce que vous pensez qu'elles seraient en mesure d'administrer l'AMM qu'elles ne sont pas maintenant?

Mme Langlois (Diane) : Les maisons ne veulent pas être financées en totalité par le gouvernement parce que les maisons sont issues de la communauté. Donc, les maisons sont des organismes à but non lucratif qui appartiennent à la communauté. Donc... Puis le fait d'être financé par la communauté et d'avoir un engagement bénévole, ça donne tout son sens aux maisons de soins palliatifs. Donc, on a besoin d'avoir un équilibre entre la contribution qui provient du ministère puis l'engagement puis la contribution du milieu. Parce que le milieu, là, c'est sa maison de soins palliatifs, elle lui appartient, elle lui est chère, elle va la chérir, elle est engagée dans sa cause. Donc, les maisons, moi, je pense qu'elles doivent appartenir encore aux communautés. On ne souhaite pas que le financement soit à 100 %.

Mme Prass : (Interruption) Excusez-moi. Vous dites que... il y a des ressources insuffisantes, etc., en soins palliatifs. C'est une question que j'ai posée à un groupe tantôt, pensez-vous... Parce que la notion de souffrance est vraiment centrale à l'administration de l'aide médicale à mourir ou le déclenchement du processus, plutôt. Pensez-vous qu'il y aurait des cas où il n'y a pas assez de ressources dans certaines maisons de soins palliatifs qui ferait en sorte que les personnes n'auraient pas les services pour, justement, que la souffrance... qu'ils n'atteignent pas le niveau de souffrance pour administrer l'aide médicale à mourir? Alors, dans ce sens-là, pensez-vous que les maisons ont les ressources et les moyens pour bien administrer... (interruption) ...excusez-moi, les médicaments, les différents services pour amoindrir les souffrances le plus longtemps possible?

Mme Langlois (Diane) : Les maisons, on est des experts en soulagement de la douleur, en accompagnement. On est des experts en soins palliatifs. Moi, je ne doute pas que, dans les 36 maisons membres de l'Alliance, actuellement, les soins, ils sont excellents. Puis les équipes soignantes, elles sont spécialisées. On a parlé de médecins spécialisés. Donc, nos médecins sont spécialisés, nos équipes soignantes sont spécialisées dans le soulagement de la douleur. On est capables d'accompagner, on est capables d'anticiper, on est capables de prendre le temps. On a des équipes bénévoles, également, qui développent un doigté exceptionnel avec cette clientèle-là. Donc, actuellement, moi, je suis... je peux certifier que les soins puis la qualité de l'accompagnement qui est offert dans les maisons de soins palliatifs, elle est A un.

Mme Prass : Là, je vais vous poser une question, vous ne l'avez pas mentionné, sur la notion du refus qui est compris dans les demandes anticipées... bien, pour les demandes anticipées. Donc, quand une personne fait leur demande anticipée, ils sont...

Mme Prass : ...faire, ils remplissent leur formulaire, etc., mais si, une fois qu'ils sont rendus inaptes, ils démontrent... ils font un refus, un refus physique, un refus verbal, etc., pensez-vous que ça devrait être retenu dans le sens que la personne a fait la demande quand ils étaient aptes, et une fois qu'ils sont inaptes, est-ce qu'on devrait accepter le refus, à ce moment-là?

Mme Langlois (Diane) : Bien, écoutez, on est des directeurs de maisons de soins palliatifs, cette question-là, elle est très épineuse, puis, tu sais, je n'ai pas la compétence pour répondre à ça. Marie-Lyne?

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Effectivement, ce n'est peut-être pas tout à fait dans notre cour. Par ailleurs, ce n'est pas nécessairement un enjeu pour les maisons de soins palliatifs, puis, étant donné que ces gens-là n'ont souvent pas un pronostic vital engagé à court terme, donc, peut-être est-ce que ça nous concernera moins.

Mme Prass : Également, vous posez la question, puis, encore une fois, ça a été mentionné tantôt, puis surtout pour les membres de votre personnel, est-ce qu'il devrait y avoir un soutien psychologique qui accompagne ceux... pas seulement les personnes et les familles, mais également le personnel qui travaille pour l'administration de l'aide médicale à mourir?

Mme Langlois (Diane) : On a déjà tout ce soutien-là. Donc, les maisons ont... les maisons qui permettent l'aide médicale à mourir, on a organisé un soutien, donc, on a des programmes de soutien personnel et professionnel. Donc, quand il y a une AMM qui est administrée dans une maison, il y a une rencontre de débriefing, on a nos équipes interdisciplinaires, donc, tu sais, à tous les jours ou presque, on rencontre des enjeux où les gens ont besoin de ventiler, ont besoin d'en parler; on fait des révisions de cas. Donc, c'est quelque chose qui... Notre équipe interdisciplinaire est habituée de se soutenir, puis nous, les gestionnaires des maisons, on est habitués d'aller chercher le soutien à l'extérieur quand on en a besoin. Donc, ça existe déjà dans nos maisons.

Mme Prass : Parfait. Je vais céder la parole à ma collègue de Westmount Saint-Louis.

La Présidente (Mme Massé) : Exactement. Donc, la députée de Westmount Saint Louis va vous adresser quelques questions. Il vous reste 2 min 50 s.

Mme Maccarone : Parfait. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Vous avez mentionné, on va... on va revenir à l'article 9, vous avez fait mention que si jamais la loi est adoptée dans sa forme actuelle, que vous souhaiterez avoir un écart avant l'application de la loi prendra vigueur de deux ans, ça fait que s'il y aura un amendement qui sera introduit dans cette loi, dans les dispositions législatives, qu'après l'adoption de la loi, ce ne s'appliquera pas aux maisons de soins palliatifs avant 24 mois, est-ce que ça, ça vous aiderait?

Mme Langlois (Diane) : Mais, écoutez, ça a pris sept ans à la maison Jardin de Mes Anges. Donc, 24 mois, ça m'apparaît rapide.

Mme Maccarone : Ça fait que 24 mois, ce n'est pas assez. Mais c'est parce que vous avez dit deux ans, si je ne me trompe pas, dans votre exposé?

Mme Fortin (Marie-Lyne) : Ah, bien non. En fait, ce que j'ai dit, c'est qu'il va nous falloir encore deux ans pour offrir l'AMM tel qu'on le souhaite. C'est possible d'y avoir accès dès demain matin si un patient le demandait, mais offrir le soin avec les petites étoiles telles qu'on veut, on se donne encore deux ans pour y arriver.

Mme Maccarone : O.K. Parce que c'est juste une idée qu'on propose parce qu'on... je comprends, puis j'entends ce que vous évoquez comme problématique, puis je pense qu'on est tous des sympathisantes ici, on souhaite vous accompagner dans votre rôle qui est essentiel au sein de la société, mais on comprend aussi qu'il y a un besoin d'assurer des chances égales puis de respecter les droits de tous les citoyens et citoyennes. Alors, de trouver un mi-chemin pour ceci. J'avais pensé que peut-être ce serait un compromis, peut-être 24 mois, ce n'est pas assez. Si jamais c'était quelque chose qui serait acceptable par tous les collègues, mesures pour pallier les difficultés dont vous faites face, que pouvons-nous faire pour vous aider? Si vous faites face d'une perte de bénévole et de financement, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire pour vous aider, entretemps?

Mme Langlois (Diane) : Bien, écoutez, tu sais, on a des enjeux de personnel, on a des enjeux de bénévoles, on a des enjeux financiers, mais, tout ça, c'est la réalité des maisons, puis, tu sais, on devient des experts dans le jeu de serpents, échelles et dans le funambule, là, tu sais, on marche toujours sur la ligne mince. Donc, tu sais, on a une super collaboration actuellement avec l'équipe de soins palliatifs et de fin de vie au ministère, on a des liens très forts qui sont tissés, donc je souhaite que ça perdure, je souhaite que l'on continue de travailler ensemble. Moi, je crois au plan d'action 2025, j'y crois fermement, donc je veux le réaliser avec... avec... avec vous. Puis je pense que ça, ça va nous aider.

• (16 h 20) •

Mme Maccarone : Le but, c'est... je pense que c'est de vous épauler, de vous aider puis pas de dénigrer ou changer votre processus.

Mme Langlois (Diane) : Absolument.

Mme Maccarone : Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke pour 4 min 8s.

Mme Labrie : Quatre minutes?

La Présidente (Mme Massé) : Quatre minutes.

Mme Labrie : Merci. Écoutez, quand vous avez dit que, dans certaines maisons, le financement était conditionnel à ne pas offrir l'aide médicale à mourir, je dois vous dire que moi, ça m'a dressé le poil sur les bras, ça m'a fait penser aux organismes anti-choix en matière d'avortement. J'aimerais savoir est-ce que...

Mme Labrie : ...cette condition-là, elle s'applique aussi... Est-ce que ça a une influence sur la capacité de ces maisons-là de transmettre de l'information aux patients sur l'aide médicale à mourir, de préparer une demande d'aide médicale à mourir?

Mme Langlois (Diane) : Non. Les maisons, on travaille dans l'humain, O.K.? Donc, on est en équilibre précaire avec... Puis, oui, il y a des gens qui financent, qui vont donner des contributions financières, qui ont leurs propres valeurs, leurs propres conditions. Il y a des gens aussi qui souhaitent financer les soins palliatifs et non l'aide médicale à mourir. Donc, ça peut être une question de valeurs. Mais les équipes soignantes, elles, là, elles font abstraction de leurs valeurs personnelles. Quand on accompagne quelqu'un, on fait abstraction de nos valeurs et on accompagne cette personne-là dans tout son être, dans toute sa famille. Donc, les soignants sur le terrain, ils sont très loin de ces enjeux-là, ils accompagnent la personne, puis il n'y a pas de barrière, il n'y a pas d'enjeu avec l'aide médicale à mourir. La preuve, c'est que les maisons ont évolué au cours des sept dernières années.

Mme Labrie : Donc, l'information, elle est transmise, là...

Mme Langlois (Diane) : Certainement.

Mme Labrie : ...dans tous ses détails.

Mme Langlois (Diane) : C'est une loi, et les médecins ont l'obligation d'offrir les possibilités. Donc, certainement que c'est offert.

Mme Labrie : O.K. Moi, quand je lis l'article 9, que vous nous recommandez de retirer ou d'amender, je ne vois pas là d'élément qui viendrait modifier les conditions d'admission que vous avez. Ça vient dire que vous ne pouvez pas exclure l'aide médicale à mourir des soins que vous offrez. Puis même quand on va à l'article 13, là, de la loi actuelle... Dans le fond, la formulation ne viendrait pas du tout vous imposer de changer les modalités d'admission. Est-ce que vous avez la même compréhension que moi?

Mme Langlois (Diane) : Mais, dans le fond, c'est qu'on a une crainte. Donc, il ne faut pas les changer, les modalités, et, c'est ça, on a une crainte. Donc, un peu comme ce qui a été nommé tout à l'heure, il faut le définir ensemble. On ne doit... Les maisons ne doivent pas devenir des lieux dédiés pour l'AMM. Puis il faut que la population le comprenne aussi. On a fait beaucoup d'éducation par rapport à l'AMM, un peu moins par rapport aux soins pal. Donc, tu sais, il nous reste encore beaucoup à faire par rapport à ça. Puis il faut que les gens comprennent, parfois, qu'ils ne pourront pas être admis dans une maison pour recevoir l'AMM. Donc, c'est une crainte.

Mme Labrie : J'entends cette crainte-là que vous formulez, donc... Mais, pour moi, ça relève plus de l'information transmise aux citoyens, cette éducation populaire là qui est à faire, parce que, tel que formulé, l'article ne vous demande pas d'admettre n'importe qui qui demande l'aide médicale à mourir.

Mme Langlois (Diane) : Tout à fait. Tout à fait.

Mme Labrie : Donc, vous pourriez garder vos conditions d'être en fin de vie.

Mme Langlois (Diane) : Il le faut.

Mme Labrie : L'autre question que je veux vous poser... Bon, vous avez cette crainte-là que ça devienne, je vais dire, envahissant, là, dans l'offre de services. Ce n'était pas votre mot, là, c'est le mien. Mais vous nous avez aussi dit qu'il y a très peu de gens qui ont reçu l'aide médicale à mourir, malgré qu'il y a un grand nombre de maisons qui l'offrent. Donc, je ne sais pas comment interpréter cette crainte-là, dans la mesure où, même si c'est offert depuis longtemps dans plusieurs maisons, ce n'est pas... ça n'a pas eu cet effet-là de vous nuire dans l'offre de soins palliatifs ou d'occuper démesurément des lits, à moins que je me trompe. Corrigez-moi.

Mme Langlois (Diane) : Bien, dans le fond, c'est ça, parce que présentement, on est indépendants au niveau du processus d'admission. Puis les maisons, on s'assure d'admettre les personnes qui nécessitent les soins qu'on est capables de prodiguer, qu'on est en mesure de prodiguer. Donc, les maisons qui ne permettent pas l'aide médicale à mourir, bien, ils s'assurent d'admettre des gens qui ont choisi les soins palliatifs puis pour lesquels elles vont répondre à leurs besoins, puis on veut que ça continue comme ça. Donc, présentement, effectivement, il n'y a pas eu d'enjeu, ce n'est pas un enjeu présentement, mais notre crainte, c'est que ça pourrait le devenir.

Mme Labrie : Mais...

La Présidente (Mme Massé) : Ça... Il vous reste 18 secondes...

Mme Labrie : Bien, dans les maisons qui le permettent, est-ce que ça a créé un enjeu?

Mme Langlois (Diane) : Mais ça crée un enjeu parce que, quand il y a quelqu'un qui ne veut pas mourir à domicile puis qui connaît les maisons de soins palliatifs, il voudrait mourir dans les maisons de soins palliatifs. Mais moi, je ne peux pas admettre un patient un matin x pour lui donner l'aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Massé) : Ça fait le tour du temps disponible. Bien, je vous remercie vraiment de votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, j'avise que la commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 28 mars 2023 à 10 h, où on poursuivra notre mandat. Merci, tout le monde.

Mme Langlois (Diane) : Merci.

La Présidente (Mme Massé) : Bonne journée.

(Fin de la séance à 16 h 25)


 
 

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