Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
jeudi 23 mars 2023
-
Vol. 47 N° 6
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
Aller directement au contenu du Journal des débats
14 h (version non révisée)
(Quatorze heures et quatre minutes)
La Présidente (Mme Massé) : Alors,
à l'ordre, tout le monde, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des relations avec les citoyens et citoyennes, bien
sûr, ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente, Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis).
La Présidente (Mme Massé) : Merci
beaucoup. J'aurais besoin du consentement de tout le monde pour permettre à la
députée de Sherbrooke de pouvoir participer à la séance, est-ce que j'ai votre
consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Massé) : Merci.
Alors, cet après-midi, nous poursuivons notre mandat et nous entendrons dans l'ordre
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la
Société québécoise des médecins de soins palliatifs et l'Alliance des maisons
de soins palliatifs.
Alors, si nous sommes prêtes, mesdames,
nous allons commencer. Je vais souhaiter la bienvenue aux représentants de la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Je vous rappelle, vous
avez 10 minutes pour faire votre exposé et ensuite on procédera à la
période d'échanges avec les différents membres de la commission. Et je vous
rappelle de vous présenter lorsque vous commencez votre exposé, ça nous aide
ici à faire notre travail. Alors, j'imagine que je passe la parole à M. Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
merci. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la Ministre, Mmes et MM. les députés.
Philippe-André Tessier, président de la commission. Je suis accompagné de M.
Samuel Blouin, chercheur, et Me Stéphanie Fournier, conseillère juridique, tous
deux à la direction de la recherche de la commission.
Je me dois de rappeler tout d'abord que la
mission de la commission est d'assurer le respect et la promotion des principes
énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. La
commission assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le
respect et la promotion des droits...
M. Tessier (Philippe-André) : ...qui
lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Ces deux lois
confèrent à la Commission d'importantes responsabilités quant à la promotion et
à la défense des droits de l'enfant. Conformément à son mandat, la Commission a
examiné le projet de loi n° 11 afin d'en vérifier la conformité à la
Charte et faire les recommandations appropriées à cette commission.
Mais, avant de vous faire part de nos
commentaires sur ce projet de loi qui traite essentiellement, comme vous le
savez, de l'accès à l'aide médicale à mourir, nous estimons nécessaire de
rappeler les fondements de la Loi concernant les soins de fin de vie que
celui-ci vise à modifier. Cette loi, fruit d'un processus large et
transpartisan de consultation, repose sur des bases solides sur lesquelles
s'est appuyée la suite de la réflexion collective sur son élargissement. Une
avancée majeure de cette loi était de garantir à toute personne dont l'état le
requiert le droit de recevoir des soins de fin de vie, incluant les soins
palliatifs et l'aide médicale à mourir. Ce droit à des soins de fin de vie
s'inscrit dans le prolongement de plusieurs droits garantis par la Charte. En
ayant pour but d'assurer le respect de la dignité, de l'autonomie de la
personne et le soulagement des souffrances, de tels soins sont susceptibles de
favoriser la réalisation des droits à la sûreté, à l'intégrité et à la
sauvegarde de sa dignité.
En ce sens, les soins palliatifs sont tout
autant un enjeu de droits garantis par la charte que ne l'est l'aide médicale à
mourir. Or, selon les données disponibles, l'accès aux soins palliatifs demeure
insuffisant et inégal au Québec, comme l'ont d'ailleurs déjà tragiquement
illustré des articles de presse au cours des dernières semaines. Dans la mesure
où les soins palliatifs participent à la réalisation des droits des personnes
en fin de vie, la Commission souhaite vivement voir des améliorations à ce
chapitre.
En ce qui concerne le projet de loi n° 11, la Commission tient à insister sur l'importance pour
le législateur de faire preuve de prudence en matière d'aide médicale à mourir,
et ce, à deux niveaux. Premièrement, toute disposition visant à restreindre
l'aide médicale à mourir, l'accès à l'aide médicale à mourir doit être
envisagée avec prudence. Limiter l'accès à l'aide médicale à mourir de tout un
groupe de personnes peut porter atteinte de manière injustifiée à leurs droits,
que l'on parle de personnes mineures ou des personnes pour qui un trouble
mental est le seul problème médical invoqué. Une telle exclusion complète et
inconditionnelle peut de plus contribuer à reproduire le stéréotype selon
lequel ces personnes sont nécessairement et toujours incapables de prendre des
décisions appropriées pour elles-mêmes.
Deuxièmement, la prudence est aussi de
mise lorsqu'il vient le temps de considérer un élargissement de l'admissibilité
de l'aide médicale à mourir. L'accès à ce soin doit se faire sur la base d'un
choix véritable et jamais faute de soutien approprié. La Charte garantit
d'ailleurs le droit à l'égalité réelle et non le droit à l'égalité formelle
impliquant un simple traitement identique à toute personne. Les groupes susceptibles
d'être victimes de discrimination, par exemple les personnes aînées ou les
personnes en situation de handicap, doivent aussi bénéficier des services
suffisants en amont. L'évaluation de leur demande d'aide médicale à mourir doit
être également exempte de biais discriminatoires.
Pour parvenir à cet équilibre entre le
respect de l'autodétermination des personnes et la protection du droit à la vie
en toute égalité, les demandes d'aide médicale à mourir doivent faire l'objet
d'une évaluation individualisée, comme nous l'enseigne la jurisprudence. Parce
qu'elle a pour objectif de soulager les souffrances constantes et
insupportables, l'aide médicale à mourir est considérée comme un soin. Priver
une personne d'un soin qui a pour fondement de reconnaître et respecter la
dignité et l'autonomie des personnes qui le demandent est susceptible de porter
atteinte à certains droits et libertés. Il ressort des jugements Carter et
Truchon, rendus respectivement par la Cour suprême et par la Cour supérieure,
que les restrictions législatives qui privent certains groupes de l'aide
médicale à mourir sont de nature à compromettre leur droit à la vie, la sûreté,
l'intégrité, la liberté, la sauvegarde de leur dignité ainsi que le droit à
l'égalité qui sont énoncés à différents articles de la Charte. Une telle
prohibition est également susceptible de compromettre la liberté de conscience
également prévue à la Charte.
• (14 h 10) •
Pour être valides, ces atteintes doivent
être justifiées. Elles le seront que s'il est démontré que l'atteinte aux
droits garantis est minimale, c'est-à-dire que les moyens retenus leur portent
le moins atteinte possible. En l'espèce, il nous apparaît disproportionné de
priver une catégorie entière de personnes de l'aide médicale à mourir dans le but
de protéger les membres les plus vulnérables de ce groupe qui pourraient être
tentés de mettre un terme à leur vie dans un moment de détresse alors que des
balises existent pour prévenir de telles situations. Quatre groupes de
personnes retiennent tout particulièrement l'attention de la Commission.
D'abord, la Commission salue la
proposition de créer un régime de demande anticipée d'aide médicale à mourir
pour permettre aux personnes en situation d'inaptitude à consentir à ce soin
d'y avoir accès. Un tel régime répondrait d'ailleurs à une recommandation que
la Commission avait formulée dès 2013. Nous demeurons néanmoins préoccupés
quant à l'absence complète d'accès à l'aide médicale à mourir pour les
personnes qui n'ont jamais été aptes à... consentir aux soins, pardon, ou qui
le deviendraient subitement alors qu'elles peuvent aussi vivre...
M. Tessier (Philippe-André) :
...des souffrances insupportables. En plus de compromettre la réalisation
de leurs droits, cette exclusion pourrait aussi s'avérer discriminatoire sur la
base du handicap.
C'est pour cette raison que la commission
recommande de prévoir des moyens supplémentaires de consentement à l'aide
médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude à consentir à ce
soin.
Concernant l'inclusion dans le projet de
loi no 11 des personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable,
la commission s'interroge sur les effets potentiels de l'adjectif
"neuromoteur". En restreignant la portée du terme
"handicap", la commission se demande s'il ne risque pas d'exclure des
personnes qui répondraient par ailleurs aux conditions d'admissibilité à l'aide
médicale à mourir.
Au sujet des personnes pour qui un trouble
mental est le seul problème médical invoqué, la commission comprend l'approche
prudente qu'a souhaité adopter la commission spéciale sur l'évolution de la loi
ne recommande pas leur admissibilité. Elle souhaite néanmoins rappeler que les
personnes présentant un trouble mental grave et incurable ont aussi le droit de
prendre des décisions par elles-mêmes en matière de soins, comme le prévoit le
droit à l'intégrité garanti à toute personne par la charte. Ces personnes
doivent avoir le droit de voir leur demande d'aide médicale à mourir être
évaluée sur une base individuelle.
C'est donc moyennant l'élaboration de
balises et de guides d'exercices cliniques qui tiennent compte de la
spécificité de ces troubles mentaux que la commission recommande de permettre
l'admissibilité à l'AMM à ces personnes. La commission note également que le
projet de loi no 11 maintient l'exigence d'une personne majeure pour
obtenir l'aide médicale à mourir. Or, le Code civil prévoit que le mineur de
14 ans et plus peut consentir aux soins lorsque requis par son état de
santé. L'enfant, il faut le rappeler, est un sujet de droit qui bénéficie au
même titre que les adultes du droit à la vie, la sûreté, l'intégrité, la
liberté, la liberté de conscience, la sauvegarde de sa dignité, bref,
l'ensemble des droits prévus à la charte.
La Commission comprend que ce sont des
arguments de prudence qui ont milité pour l'exclusion des enfants à l'accès à
l'aide médicale à mourir lors de l'adoption de la loi en 2014, mais cette
prudence ne les immunise malheureusement pas contre les maladies graves et les
souffrances constantes, insupportables qui en découlent ainsi... et que l'aide
médicale à mourir vise justement à soulager.
Les décisions concernant des enfants
doivent toujours être prises dans leur intérêt. Or, la prohibition absolue de
l'aide médicale à mourir pour toutes les personnes mineures envoie le message
qu'aucun adolescent de 14 ans et plus n'est suffisamment mature ni capable
de discernement pour prendre une telle décision, et ce, sans même procéder à
une évaluation individualisée de sa situation ou de son aptitude à consentir
aux soins. Une telle approche ne peut être dans leur meilleur intérêt, d'autant
plus qu'elle omette de tenir compte du droit des enfants d'exprimer leur
opinion sur toute question les intéressant prévu à la Convention relative aux
droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié.
C'est pourquoi la commission recommande,
comme elle fait depuis 2013, de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux
personnes mineures âgées de 14 ans et plus en prévoyant la mise en place
de balises basées sur une évaluation individualisée de l'aptitude à consentir
de la personne mineure et tenant compte du caractère spécifique et irréversible
de ce soin. Ces balises doivent évidemment être en phase avec le régime général
de consentement aux soins qui prévoit pour ces personnes le consentement du
titulaire de l'autorité parentale lorsque ce soin peut causer des effets graves
et permanents, comme l'AMM.
En terminant, la commission tient à
souligner que, sous aucun prétexte, l'accès à l'aide médicale à mourir ne
devrait dédouaner la société québécoise de la responsabilité d'assurer la
réalisation de tous les droits et libertés... compris les droits économiques et
sociaux, garantis à toute personne par la charte et le droit international. Je
vous remercie pour votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme Massé) : Merci
beaucoup, Maître Tessier. On voit que vous êtes un habitué, vous êtes rentré
dans vos temps. Maintenant, on va passer à la période d'échanges et je passerais
la parole à la ministre. C'est à votre tour.
Mme Bélanger : Oui.
Madame...
La Présidente (Mme Massé) : Pour,
vous le savez peut-être, là, 16 min 30 s
Mme Bélanger : D'accord.
Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, maître Tessier, Maître Fournier,
Monsieur Blouin, d'être présents ici avec nous. Merci l'excellence de votre
mémoire et pour votre présentation. Alors, ma première question concerne le
handicap. Je comprends que d'une part, vous êtes favorable au handicap neuromoteur
grave et incurable, mais d'autre part vous faites une mise en garde sur ce que
cela pourrait avoir comme impact, d'exclure d'autres personnes ayant des
handicaps. Est-ce que j'ai bien compris? Puis peut-être juste élaborer à ce
niveau-là, la notion de handicap neuromoteur versus handicap.
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Bien, vous avez, je pense, quand même bien
résumé, là, l'essentiel à notre position. En gros, il faut comprendre que
lorsqu'on regarde le texte de la charte, évidemment, à son article 10, la
charte prévoit la notion de handicap comme motif de discrimination. Mais cette
notion-là est interprétée de façon très large, beaucoup plus large que la
définition qu'on vise à retenir dans le...
M. Tessier (Philippe-André) : ...texte
d'une loi comme celle qui nous occupe aujourd'hui. Et il y a également, au
Québec, comme vous l'a représenté, là, d'autres organismes avant nous, une loi
visant à assurer l'exercice des droits des personnes en situation de handicap,
qui contient également, elle, une définition de handicap qui est plus
restrictive que celle prévue à la Charte, parce que les finalités de ces
lois-là sont distinctes, sont différente. Donc, on comprend que les finalités
visées par l'aide médicale à mourir ne correspondent pas aux finalités de la
Charte. Donc, c'est sûr et certain que, nous, pour nous, l'exercice de
définition, il est fondamental, parce qu'on le voit tant dans la Charte que
dans la loi visant à assurer l'exercice, mais également dans la loi sur l'aide
médicale à mourir, donc la Loi sur les soins de fin de vie, ce qu'englobe ou ce
que n'englobe pas cette notion, c'est un élément qui est essentiel, être bien
compris évidemment tant par la population, mais pour les personnes qui vont
l'administrer.
Mme Bélanger : Et vous
conseillez quoi pour, justement, préciser les termes?
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être
que, pour cette réponse, je céderais la parole à mon collègue. Blouin.
M. Blouin (Samuel) : Oui,
merci pour la question. Donc, on ne s'est pas avancés jusqu'à proposer une
définition, mais l'élément qu'on souhaiterait rappeler à votre commission,
c'est que le terme handicap peut sembler très large en lui-même, mais qu'il
doit aussi être compris en relation avec l'ensemble des critères prévus à l'article 26
pour les demandes contemporaines. Et j'attire, par exemple, votre attention sur
le critère selon lequel la situation médicale de la personne doit être
caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Donc, ce
n'est pas un déclin de la personne ou de sa condition, mais de ses capacités,
et celles-ci doivent être irréversibles. Donc, s'il y a encore moyen de
travailler, par exemple, à améliorer la situation de la personne au regard de
ses capacités, c'est que celles-ci ne seraient pas nécessairement
irréversibles. Donc, pris dans le contexte de la loi, le terme handicap est
quand même plus restreint que lorsqu'il est pris isolément. C'est un élément
qu'on souhaitait vous soumettre, mais on convient qu'il y a des enjeux pas mal
importants en lien avec la définition et la terminologie employée.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça, d'où notre interrogation dans notre mémoire. On ne formule pas une
recommandation spécifique par rapport à ça. On soulève des interrogations comme
vous l'avez constaté.
Mme Bélanger : O.K., donc une
différence dans les définitions dépendamment de si on est dans la loi sur les
soins de fin de vie et l'aide médicale à mourir, qui est une loi de soins
versus d'autres lois qui sont des lois de droit, je l'exprime différemment, là,
mais je comprends. Et qui seraient les meilleures personnes pour nous aider à
définir?
M. Tessier (Philippe-André) : Et,
sincèrement, vous avez eu plusieurs groupes qui ont partagé leurs positions
devant vous lors de la commission parlementaire ou il y a les des experts qui
se sont penchés sur la question. Il y a la commission des soins de vie et la
commission spéciale. Bref, il y a beaucoup de gens. Le processus dans lequel on
est, c'est un processus, justement, qui vise à s'assurer que si on adopte une
définition qui vient exclure des personnes, il faut être bien certain de qui on
exclut et pour quelles raisons, parce qu'il faudra le justifier,
potentiellement. Parce que, quand on vient exclure le droit à un soin qui vise
à soulager les souffrances intenables, etc., bien, il faut pouvoir, comme État,
au regard des chartes, venir justifier pourquoi cette catégorie de personnes là
n'y aurait pas droit à ce soulagement des souffrances là. On se comprend. Donc,
l'idée, c'est de dire : Pourquoi telle personne, elle a droit de soulager
ses souffrances puis que telle autre catégorie n'aurait pas droit de soulager
ses souffrances.
• (14 h 20) •
Mme Bélanger : Une autre
question concernant le trouble mental. Vous l'avez mentionné, là, dans votre
présentation, et, bon vous avez vu que nous avons exclu la notion de trouble
mental dans notre projet de loi. Et vous mentionnez que les personnes ayant un
trouble mental, une maladie mentale devraient avoir les mêmes droits. Moi, j'aimerais
ça que vous nous parliez un petit peu plus du trouble mental.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, encore une fois, il faut comprendre le regard de la commission. Le
regard de la commission, il est basé sur les droits garantis à la charte d'avoir
accès en pleine égalité aux services et aux soins ici dont on parle. Notre
mandat n'est pas d'évaluer l'acceptabilité sociale d'une mesure. On comprend
qu'il y a des points de vue divergents sur la question des troubles mentaux,
mais ces personnes-là sont justement une des minorités que vise à protéger la
charte en vertu du droit...
M. Tessier (Philippe-André) : ...puis
la non-discrimination. Donc, le rôle de la commission, c'est de s'assurer et
c'est de faire porter attention au législateur au fait que les droits de ces
personnes-là ne soient pas restreints de façon non justifiée, puis rappeler que
ces personnes-là ont aussi le droit de prendre des décisions par elles-mêmes,
ont des capacités résiduelles, ont la possibilité de consentir à un soin, ont
la possibilité d'exercer ces consentements-là. Et ce qu'on note également,
c'est que, par exemple, l'Association des médecins psychiatres du Québec et le
groupe d'experts fédéral sur l'AMM, donc, ont tous deux conclu à un
élargissement à ces personnes-là. Vous avez eu, d'ailleurs, des témoignages en
ce sens-là en commission parlementaire.
Et comme, pour l'AMM, en général, il est
possible que ce soit seulement une minorité de médecins qui pratiquent l'AMM
dans ces situations, compte tenu des expertises spécifiques requises, bien, ça
n'invalide pas la robustesse, là, des mesures qui peuvent être mises en place.
Et il faut comprendre également que les positions qui ont été mises de l'avant,
il s'agit toujours, évidemment, d'essayer d'avoir le retour à l'aptitude pour
les personnes. Donc, ici, c'est également essentiel de comprendre, dans le
continuum de soins, où s'inscrit ce trouble-là, et la raison pour l'exclure de
l'aide médicale à mourir.
Mme Bélanger : O.K. Peut-être
une dernière question pour moi, Me Tessier : Est-ce que, dans le cadre du
mandat de la commission des droits de la personne, vous avez eu l'occasion, au
cours des 18 derniers mois, d'organiser des forums ou des rencontres avec
différentes personnes, différents usagers concernant ce sujet-là,
spécifiquement, des soins de fin de vie et de l'aide médicale à mourir?
M. Tessier (Philippe-André) : ...du
côté de mes collègues. Vous me demandez si nous avons consulté des groupes?
Évidemment, comme la commission a participé, en 2021, à la commission spéciale,
avait participé en 2013. Ces mémoires-là sont publics, sont discutés, sont
discutés en séances des membres, qui comptent... il y a 13 membres nommés par
l'Assemblée nationale... sont discutés également, sont présentés à différents
groupes de travail. Je sais que mon collègue M. Blouin est titulaire d'un
doctorat, et sa thèse, son sujet de thèse est la question de l'aide médicale à
mourir, il a d'ailleurs gagné un prix pour ça.
Alors, je peux vous dire que ces enjeux-là
ou ces questions-là, nous, quand on les regarde, on les regarde avec tout le
sérieux nécessaire, et également, toute la littérature, les groupes, ce qui a
été dit puis ce qui a été écrit, on en prend connaissance avant de formuler les
recommandations en commission parlementaire.
Mme Bélanger : D'accord,
parfait. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Massé) : Merci,
Mme la ministre. Avant de passer la parole à la députée de Vimont, je veux
juste aviser tout le monde, les cloches ont sonné. Mais, puisque c'est les
discours de réactions au budget, sauf si vos whips vous disent que vous devez y
aller, on n'est pas tenus d'y être, on peut poursuivre notre travail. Et je
passe donc la parole à la députée de Vimont. Il vous reste
7 min 20 s.
Mme Schmaltz : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, bonjour à vous, merci d'être présents. La commission
recommande d'ouvrir l'aide médicale à mourir aux 14 ans et plus, sous certaines
conditions, là, de ce que j'ai compris, là, avec certaines balises bien en
place, pour s'assurer, bon, du consentement de la personne. Si vous le
proposez. J'imagine que vous avez... bien, peut-être pas consulté, mais est-ce
que... qu'est-ce qu'en pense la Société canadienne de pédiatrie, entre autres,
par rapport à ça? L'idée vient de... J'imagine que l'idée vient parce qu'on
vous en a parlé ou parce que vous avez effectué plusieurs recherches sur le
sujet?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Peut-être, je ne sais pas si mes collègues veulent compléter, mais ce que je
peux vous dire, c'est que cette position-là de la commission, c'est une
position, encore une fois, qui avait été exprimée lors de la première
comparution de la commission en 2013, en commission parlementaire, sur la
première version de la loi.
Il faut se rappeler toujours quel est
l'objectif de la loi. L'objectif de la loi, c'est de soulager les souffrances,
et le législateur peut prévoir, encore une fois, comme je l'ai dit tout à
l'heure, des exclusions, mais ces exclusions-là doivent être justifiées,
doivent être comprises. Et il faut savoir qu'au Québec les personnes mineures
de 14 ans et plus ont des droits importants en matière de soins de santé, hein?
Donc, ils peuvent consentir à plusieurs soins, sans même le consentement de
leurs parents. Ici, on ne parle même pas de ça. On parle, évidemment, d'un soin
qui aurait un impact qui est suffisamment grave que le consentement des parents
serait nécessaire.
Mais vous avez pu voir également,
récemment, je pense, des situations qui ont été médiatisées où un enfant en fin
de vie, qui était, donc, un mineur, parce qu'il avait 17 ans et quelques mois,
bien, cet enfant-là, lui, s'il avait eu 18 ans révolus, il aurait eu droit
aux...
M. Tessier (Philippe-André) : ...et,
s'il avait 17 ans et quatre mois, il n'avait pas droit aux soins, et donc on
disait : Il faut pouvoir justifier cette distinction-là, la baser sur
quelque chose, sur des données, sur des faits. Et cette distinction-là entre le
plus 18 ans et moins 18 ans, de ce qu'on a vu et lu et de ce qui a été fourni comme
explications et justifications, il n'y en a pas eu beaucoup, et il y a eu peu
de discussions même... et de débats même lors de la commission parlementaire
actuelle sur la question de l'accès pour les 14 ans et plus, donc pour les
personnes mineures, mais de 14 ans et plus. Alors, ça, c'est une question,
nous, que l'on soulève puis qui nous... qui continue de nous préoccuper,
puis... Mais, comme je vous dis, mes collègues, si vous voulez ajouter quelque
chose, n'hésitez pas.
Mme Schmaltz : En fait, je
voudrais juste savoir... Juste une dernière petite question : Est-ce que
ça se fait ailleurs dans le monde?
M. Tessier (Philippe-André) : Samuel.
M. Blouin (Samuel) : Oui.
Oui, c'est le cas en Belgique, notamment. Donc, on parle de quelques mineurs par
année qui obtiennent... Oui.
Mme Schmaltz : Oui, je les ai
vus, c'est 17 ans et quelques mois. Mais on ne parle pas d'enfants de 14 ou 15
ans.
M. Blouin (Samuel) : Non,
mais à ma connaissance ce serait possible. Mais, dans les faits, on parle...
ceux qui l'ont obtenu avaient plutôt un âge plus avant... un peu plus avancé,
mais en bas de la majorité légale.
Mme Schmaltz : O.K. Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Merci.
Il y a maintenant la députée de Châteauguay qui aimerait vous adresser la
parole. Mme la députée.
Mme Gendron : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous trois. Bienvenue à la commission, merci d'être là.
J'avais une petite question : Avez- vous des pistes de réflexion ou de...
en rapport aux personnes en situation d'inaptitude? Donc, pas nécessairement
des enfants, mais on parle bien d'adultes. Donc, votre recommandation serait un
consentement de l'aide à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude.
Donc, avez-vous des pistes de réflexion, de quelle façon ça pourrait être
amené?
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être...Je
ne sais pas si mes collègues veulent proposer une réponse.
Pour les personnes en...
M. Blouin (Samuel) : Stéphanie...
Je te laisse commencer?
Mme Fournier (Stéphanie) : Oui.
Bien, effectivement, sur la question des...
M. Blouin (Samuel) : ...
Mme Fournier (Stéphanie) : Bonjour.
Alors, Stéphanie Fournier, pour la Commission des droits de la personne. En
fait, ce qui est écrit dans notre mémoire par rapport à cette question-là,
c'est vraiment... c'est d'avoir... que la loi soit en phase avec le régime de
consentement aux soins en ce moment. Donc, il y a déjà des règles qui existent
avec des mécanismes qui sont prévus à la fois pour s'assurer que les décisions
sont prises dans le cas d'un consentement substitué, si on parle d'une personne
qui est inapte et qui n'a pas exprimé de consentement préalablement, mais qui
vit. Et là, il faut toujours prendre pour acquis qu'on remplit tous les
critères prévus à la loi, donc un déclin grave, irréversible d'une situation...
de sa maladie, maladie grave et incurable, des souffrances que l'on ne parvient
pas à apaiser d'une façon qui soit satisfaisante.
Donc, à partir du moment où tous ces
éléments sont rencontrés, la commission, elle, a mis de l'avant cette idée
d'avoir un régime qui soit plus en phase avec les règles de consentement
substitué qui sont déjà prévues au Code civil, sachant qu'il existe des balises
qui sont prévues également d'assurer, là, que les décisions soient prises dans
le meilleur intérêt... sachant aussi qu'il y a des balises au niveau judiciaire
où le tribunal, dans certaines circonstances, s'avère être le gardien du
processus d'examen et du respect des droits fondamentaux des personnes.
Je vais laisser mon collègue Samuel Blouin
terminer.
M. Blouin (Samuel) : Oui.
Bien, exactement. Donc, la recommandation de la commission, c'est vraiment
d'avoir des mécanismes de consentement supplémentaires pour les personnes en
situation d'inaptitude. Donc, là, on a déjà des modifications qui ont été
apportées en 2021 pour les personnes en fin de vie qui renoncent au
consentement final. Maintenant, il y aurait possiblement un régime de directives
médicales... de demande anticipée si le projet de loi n° 11 était adopté.
Mais on peut penser aussi à la situation,
par exemple, d'une personne qui n'aurait jamais été apte à consentir, mais qui
se retrouverait avec un cancer avancé avec des souffrances insupportables et
qui remporterait tous les critères, sauf celui de l'aptitude. Donc, là, cette
personne-là, il n'y aurait aucun moyen, par exemple, de... pour elle d'avoir
accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça ne veut pas dire qu'on la laisserait
souffrir, il y a d'autres soins qui sont possibles de lui prodiguer, mais
celui-là ne lui serait pas accessible. Donc, ce serait de s'assurer qu'il y ait
des modalités supplémentaires qui tiendraient compte de... on ne dit pas qu'il
faut nécessairement calquer le régime général, mais qu'il soit plus en phase
avec le régime général, qui tiendrait compte de la spécificité de ce soin-là,
qui, on le sait, est irréversible.
• (14 h 30) •
Mme Gendron : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Merci.
Il y a la...Mme la députée de Roberval qui voudrait intervenir, mais il reste
1 min 5 s Alors...
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vais faire un petit peu
de... un petit bout de chemin sur ce que ma collègue vient de vous questionner.
Mais, dans le cas d'une... de quelqu'un qui prendrait une décision pour une
tierce personne, on met quoi en place comme mesure de protection...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Guillemette : ...pour ne
pas qu'il y ait de dérives. Moi, ça m'inquiète vraiment beaucoup, ce que vous
venez de mentionner, là.
La Présidente (Mme Massé) : ...30 secondes.
M. Tessier (Philippe-André) :
Peut-être, Samuel, tu peux compléter. C'est sûr qu'il y a tout un régime
associé ici. Il a des médecins, ce n'est pas... Il faut toujours comprendre,
mais c'est la même chose pour l'ensemble. Ici, on parle de garantie. Le
législateur peut mettre également... peut ajouter des balises, peut mettre des
directives plus strictes, compte tenu de certains soins. Je vous rappelle, la
notion, c'est toujours de dire quand on exclut catégoriquement tout le monde d'une
certaine catégorie de gens, c'est ça qui devient plus difficile, c'est de dire :
Est ce qu'on peut mettre des exigences différentes? Oui. Par exemple, on vous
dit : Le mineur de 14 ans et plus, ça prend un consentement parental.
Vous comprenez? Ça peut prendre un troisième médecin. Il y a d'autres modalités
qu'on peut mettre dedans.
La Présidente (Mme Massé) : Je
vous remercie, Maître Tessier. Le temps est écoulé malheureusement, mais je
suis certaine qu'il y aura d'autres excellentes questions. Et je passe
maintenant la parole à l'opposition officielle à la députée de Westmount-Saint
Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bien, dans le fond, M. Blouin, M. Tessier, je vous laisse
continuer à répondre à l'excellente question de ma collègue de Roberval, s'il
vous plaît.
M. Blouin (Samuel) : Bien, je
pense que l'élément à ajouter, c'est que, bon, donc on peut imaginer que dans
la plupart de ces cas-là, l'autorisation même du tribunal serait nécessaire. Et,
Stéphanie, si tu veux expliquer davantage les règles dans un cas comme celui-là,
mais ce n'est pas quelque chose qui se ferait à la légère du tout. Donc, déjà,
c'est des décisions importantes en matière de soins qui peuvent être prises de
cette façon-là. Donc, ça en serait une autre, puis il pourrait même y avoir des
balises supplémentaires qui pourraient même être ajoutées si législateur l'estimait
nécessaire.
Mme Maccarone : Je pensais qu'elle
était pour poursuivre, mais... Non? Parce que moi, la question que j'avais...
Puis on s'est vus régulièrement en commission, ça fait que je ne suis pas
experte dans le Code civil, mais c'est toujours dans la mesure du possible,
dans la mesure du possible, dans la mesure du possible. Puis vous m'avez déjà
entendu dire, M. Tessier, que je n'aime pas ça, ces mots-là, parce que je
trouve que c'est très flou puis ça amène une interprétation qui peut varier.
Alors, comment pouvons-nous mettre une telle balise dans cette loi pour faire
ce que vous proposez? Puis je pense que tout le monde a un désir de vouloir
respecter l'autonomie des gens de faire leurs propres choix, mais on a aussi
une responsabilité de protéger les personnes qui se retrouvent aussi en
situation de vulnérabilité. Puis on ne veut surtout pas avoir des cas suite à
une adoption d'une loi où les personnes qui y sont peut-être... qui souffrent d'une
déficience intellectuelle, par exemple, qui souffrent aussi d'une autre maladie
grave incurable, où on a de la difficulté de soulager leurs souffrances, mais
qu'ils se voient comme un fardeau. Alors, eux, ils lèvent la main parce qu'on
ne peut pas amener cette lourdeur à ma famille. Ou l'inverse, la personne qui
est responsable dans ce cas-ci, qui peut être le tiers de confiance, par
exemple, qui disent : Bien, moi, je ne suis plus capable, puis voilà. Ça
fait que, comment voyez-vous ça dans la loi quand, déjà dans le Code civil, c'est
toujours, quand on parle d'aptitudes, c'est dans la mesure du possible?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
c'est ça, ma collègue était pour poursuivre tout à l'heure, ça fait que je vais
lui céder la parole, Me Fournier.
Mme Fournier (Stéphanie) : Oui.
Bien, écoutez, si on revient toujours... le rôle de la mission, c'est d'assurer
le respect et la promotion des droits attribués à la charte. Et il ne faut pas
perdre de vue les situations que vous énoncez. On voit qu'il y a plusieurs
catégories, il y a plusieurs situations. Et le point de vue qu'apporte et
réaffirme la commission tout au long de son mémoire, c'est qu'il faut tenir
compte des différentes circonstances pour savoir qui on inclut, qui on exclu et
être capable de le justifier. Donc, il y a différents types, mon collègue l'a
mentionné, il y a les personnes qui sont inaptes de naissance. Il y a des
personnes qui vont devenir inaptes à la suite d'un traumatisme. Il y a les
personnes qui vont devenir inaptes, bien, dans le cadre d'une maladie qui va
leur permettre de donner leur consentement. Donc, ça, ce sont toutes des
situations différentes. Ce qui est clair, c'est qu'il a été reconnu par les
tribunaux que le fait d'avoir accès ou, plus à l'inverse, de se voir refuser l'aide
médicale à mourir, ça avait pour effet de porter atteinte aux droits
fondamentaux, à la vie, à la liberté, à la sûreté, à l'intégrité, à la dignité,
à l'autodétermination, qui est une composante du droit à la liberté. Donc, on
sait que si on refuse à certaines personnes, c'est le choix du législateur. Si
on le fait, il faut être capable de justifier. Et ce que les tribunaux nous
enseignent aussi, et c'est le message qu'envoie la commission, c'est que, dans
la justification, il faut être capable de démontrer qu'on a envisagé toutes les
solutions et quand on a choisi la solution qui portait le moins atteinte au
droit. Et dans bien des...
Mme Fournier (Stéphanie) : ...cas,
la solution qui porte le moins atteinte aux droits fondamentaux des personnes,
c'est de s'assurer d'une évaluation individualisée. Donc, nous, ce qu'on dit,
c'est qu'il y a des mécanismes, il y a un régime de consentement aux soins qui
existe qui prévoit déjà beaucoup de balises et beaucoup de mesures. La preuve,
c'est que dans certaines situations de consentement substitué on peut décider
de cesser des traitements pour une autre personne, on peut prendre cette
décision-là, mais tout ce régime-là est bien encadré. Donc, il faut voir dans
quelle mesure on peut harmoniser, dans le fond, la Loi concernant les soins de
fin de vie, tout ce qui est prévu à cette loi-là, avec le régime actuel pour
assurer à la fois l'égalité, mais le respect des droits fondamentaux des personnes.
Il va possiblement y avoir des cas qui
vont être exclus. Encore là, il faut être capable de s'assurer qu'on n'exclut
que les cas avec lesquels on est certain de ne pas être en mesure de composer.
C'est le principe, là, de proportionnalité dans les circonstances, que les
effets du refus sont plus grands que l'atteinte aux droits, là, le préjudice
qui découle de l'atteinte aux droits. Donc, c'est vraiment l'orientation qu'on
veut vous apporter.
Mme Maccarone : Merci, puis
je reconnais la complexité de tout ce que vous venez d'expliquer.
Pour revenir aussi... les questions de
troubles mentaux, ça aussi... très complexe. Les membres qui ont fait partie de
la commission spéciale, ce qu'on a constaté, c'est qu'il n'y a vraiment pas un
consensus ni nécessairement une acceptabilité sociale. On a entendu beaucoup
d'histoires des gens qui disaient : Voilà 20 ans, si j'avais accès à
l'aide médicale à mourir, j'aurais fait la demande. Mais je vois, 20 ans plus
tard, bien, les soins ont changé, la pharmacologie a changé, là j'ai trouvé la
molécule qui fonctionne pour moi.
Alors, je veux savoir... Dans le rôle dont
vous vous occupez à la CDPDJ... Parce que ça fait partie de votre
recommandation 3, puis ce n'est pas actuellement dans la mouture de la loi dans
son état actuel, puis on sait qu'au niveau fédéral ils ont fait une extension
de l'application de la loi au niveau fédéral jusqu'à l'année prochaine. Après
qu'une loi en ce qui concerne les soins de fin de vie est adoptée, si on
n'inclut pas une mesure en ce qui concerne... troubles mentaux, quel sera
l'impact, par contre, sur la CDPDJ? Avez-vous déjà beaucoup de demandes, de
plaintes, de cas? Est-ce que ça va augmenter? Est-ce que vous avez une solution
pour nous que nous pouvons faire? Parce que, c'est sûr, malgré... si on adopte
la loi actuellement, on va avoir un écart puis on va avoir des gens qui vont
probablement se présenter devant le tribunal. Que pouvons-nous faire pour
assurer que les droits de ces personnes sont aussi respectés, mais aussi être
des bons élus puis porter la parole de la population, qui nous disent que
peut-être nous ne sommes pas rendus là encore? Est-ce qu'il y a un mi-chemin?
La Présidente (Mme Massé) : Il
reste un peu moins de trois minutes.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, c'est sûr et certain. Puis, encore une fois... Puis, lorsqu'on avait
effectivement témoigné devant la commission spéciale puis en... Il n'est pas
question ici de dire qu'il y a unanimité sur la chose, au contraire.
Mais ce qu'il faut se rappeler, c'est
qu'encore une fois il faut se... c'est quoi, les principes derrière cette
loi-là, derrière ces objectifs-là, et il faut reconnaître, puis ça, il y a
plusieurs experts qui en ont fait l'explication devant cette commission, c'est que
la souffrance causée par un trouble mental, elle peut être aussi grande que
par... celle causée par une maladie physique. Et il n'y a pas de certitude
quant à l'évolution d'un trouble mental, mais il n'y en a pas non plus pour les
maladies physiques, on peut trouver un remède aussi pour une maladie physique,
et puis... Bon, c'est ça. Donc, ça, c'est sûr et certain que ces cas de figure
là théoriques, ils sont là, puis c'est toujours un élément à tenir en compte.
• (14 h 40) •
Et l'autre chose aussi, puis c'est un
élément pour nous qui est quand même assez important, encore une fois,
l'approche individualisée nous rappelle qu'il faut regarder les PMSPNI dans ce
que c'est, et ces éléments-là, ces évaluations-là se font sur des années, cinq,
voire 10 ans pour s'assurer effectivement que ces éléments-là sont mis de
l'avant, et que les traitements n'ont pas donné effet, et qu'il n'y a pas... ce
n'est pas vu comme étant une solution rapide. Il n'y a aucun expert, il n'y a
personne qui prétend ça ici.
Alors, il faut faire attention, parce
qu'il faut se rappeler aussi, en 2013, on a adopté la loi, hein, c'était
toujours... L'idée, c'était : soins de fin de vie, donc on était en fin de
vie. Là, ces critères-là ont été déclarés contraires aux chartes, et donc là,
ce qu'on se retrouve, c'est... puis vous l'avez fait... vous y avez fait
référence, au fédéral il y a cette clause crépusculaire. Donc, au Québec, on
avait pris un peu les devants en anticipant les problèmes ici. Donc, ce qu'on
vous dit, c'est...
M. Tessier (Philippe-André) :
...Cette question-là se pose à nous et peut être pourrions nous anticiper
les enjeux en se disant que, et c'est un peu là-dessus qu'on revient, avec des
balises, des conditions, des règles spécifiques par rapport à ces éléments-là,
en se rappelant que la Commission des soins de fin de vie est là, en se
rappelant que les critères sont évalués par des experts, il pourrait y avoir
des conditions mises de l'avant par rapport à ces enjeux-là. Ça, ce n'est pas
de l'expertise de la commission, mais ce sont des outils qui, lorsqu'on
regarde, puis ma collègue y faisait référence, lorsqu'on regarde le régime
général, que ce soit le consentement aux soins, le consentement, il y a toutes
sortes de modalités qui ont été développées, tant par la loi que par la
jurisprudence, pour s'assurer qu'on ne pose pas de gestes qui vont à l'encontre
de l'intérêt de la personne.
La Présidente (Mme Massé) : Il
vous reste 15 secondes, le temps d'une affirmation.
M. Tessier
(Philippe-André) : J'aurais dit il y a des collègues qui...
Veulent-t-ils ajouter quelques gestes? Je ne sais pas si, en 15 secondes,
c'est réaliste.
La Présidente (Mme Massé) : Bien,
il en reste surtout juste quatre pour le moment. Je pense que nous allons
passer, mais il reste d'autres excellentes questions qui s'en viennent pour
vous. Je cède donc la parole à la députée de Sherbrooke pour
3 min 18 s
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Comme organisation, vous traitez des plaintes de personnes qui
s'estiment discriminées. Est-ce que ça vous est arrivé de recevoir des plaintes
de personnes qui se sentaient discriminées par rapport à l'accès à l'aide
médicale à mourir depuis que la loi est en vigueur, par exemple, en raison d'un
trouble de santé mentale, d'un handicap, de leur âge? Est-ce que ça vous est
arrivé de traiter des plaintes comme ça?
M. Tessier
(Philippe-André) : Je n'ai pas cette information-là pour vous. Je
regarde du côté de mes collègues. Non. C'est quelque chose qu'on peut s'engager
à vous fournir si c'est le cas.
Mme Labrie : OK. De
mémoire, on...
M. Tessier
(Philippe-André) : C'est une bonne question.
Mme Labrie : De mémoire,
vous n'avez pas le souvenir que des plaintes aient été portées à votre
attention en lien avec la loi qui est en vigueur.
M. Tessier
(Philippe-André) : Non. Puis il faut comprendre aussi l'arrêt
Carter, les affaires Truchon. C'est ça aussi. C'est qu'il faut qu'on... En tout
cas, c'est un peu technique, là, mais ils sont basés sur les articles 1 à
9 de la charte. La commission... Le système de plaintes de la commission
n'applique... On ne vise pas... Ces articles-là visent le droit à la
discrimination prévu à 10. Donc, les parties qui veulent se prévaloir de leurs
droits fondamentaux doivent s'adresser directement à la Cour supérieure, ne
passent pas par la Commission, comme dans le cas Truchon.
Mme Labrie : Vous
n'étiez pas habilité à traiter ces plaintes-là dans le fond...
M. Tessier
(Philippe-André) : Exactement. Donc pour ça aussi, c'est que... C'est
pour ça que je veux juste qu'on se comprenne bien, là, ce n'est pas pour...
Mme Labrie : ...les
recommandations que vous nous faites ne sont pas nécessairement en lien avec
des dossiers que vous avez eu à traiter. C'est vraiment sur la base, là, des
principes que vous avez analysés.
M. Tessier
(Philippe-André) : Tout à fait. Oui, c'est ça, de la jurisprudence,
là, des rapports d'experts, etc. qui ont été analysés, tout à fait.
Mme Labrie : O.K. Vous,
nous... Vous nous proposez d'élargir l'accès aux personnes mineures avec
certaines balises. Est-ce que la recommandation que vous faites, c'est pour le
projet de loi qui est à l'étude actuellement, ou vous nous invitez à amorcer
cette réflexion-là pour une nouvelle mouture éventuellement?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, assurément. Puis à moins que je me trompe,
puis corrigez-moi, chers collègues, mais c'est la position du Collège des
médecins qui invite à réfléchir à cette question-là, la question de l'accès à
l'aide médicale à mourir pour les mineurs, donc ne prend pas position
formellement. Évidemment, encore une fois, nous, c'est toujours le même
principe, c'est... Ici, il ne s'agit pas d'une discrimination parce que la loi
peut permettre en vertu de 10. Mais évidemment, ici, il s'agit de l'application
des droits fondamentaux de ces personnes-là.
Et au Québec on donne et on reconnaît à
l'enfant ce droit. On adhère à des conventions internationales. On lui dit que
sa parole est importante, que son consentement est important, que son choix est
important. Au feuilleton, ce matin, il y avait un projet de loi sur le travail
des enfants. Le jeune de 14 à 18, il est réputé majeur pour tout ce qui relève
de son travail. Il peut consentir, il peut obtenir des anovulants. Ils peuvent
obtenir une interruption volontaire de grossesse, ils peuvent... Le jeune de 14
et plus peut faire beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses au Québec. Et là ce
qu'on dit juste, c'est, encore une fois, il y a un régime général de
consentement aux soins. Ce régime-là est déjà existant et prévoit, dans le cas
de situations problématiques plus graves, comme, on s'entend, l'aide médicale à
mourir en est une, le consentement parental. Mais, à tout le moins, on
reconnaît la parole, on accepte que le jeune a droit de cité sur lui, ses
souffrances, comment il se sent, et tout, et tout. Le tout, évidemment, avec le
consentement des parents, plus les médecins experts qui... le régime standard
et la Commission des soins de fin de vie.
La Présidente (Mme Massé) : Alors,
le temps est terminé.
M. Tessier
(Philippe-André) : Donc, ça fait beaucoup de robustesse.
La Présidente (Mme Massé) : On
comprend l'esprit de votre... votre réponse.
M. Tessier
(Philippe-André) : Désolé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Massé) : Il
n'y a pas de faute. Le jeu... Le temps est terminé pour qu'on puisse passer à
une autre excellente question, j'en suis certaine, en cédant la parole à la
députée de Laviolette-Saint-Maurice pour 3 min 18 s aussi.
Mme Tardif : Merci.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps d'analyser le projet de...
Mme Tardif : ...de nous avoir
déposé ce rapport. Évidemment, rendus à la ixième question, il en reste moins
sur ma liste. Mais il y a un point, je crois, qu'on n'a pas abordé avec vous,
et que vous abordez dans votre rapport, et qui a trait aux personnes qui ne
sont pas aptes, mais qui seraient admissibles selon leur état de santé, et vous
parlez de prévoir, dans le projet de loi, des mesures additionnelles pour ces
personnes-là qui ne sont pas aptes à consentir. Pouvez-vous nous en parler un
peu davantage? Parce qu'effectivement, c'est un très bon point que vous amenez.
M. Tessier (Philippe-André) : Mes
collègues veulent répondre à votre question?
M. Blouin (Samuel) : Oui,
bien, c'est ce qu'on exposait un peu plus tôt. Donc, quand on parlait de la
situation de personnes qui n'ont jamais été aptes ou qui le deviendraient
subitement à la suite d'un traumatisme, on estimait qu'il y avait des balises
qui devaient être mises en place, comme il y en a pour d'autres soins prévus
dans le régime général de consentement aux soins, qui, ultimement, peuvent même
requérir l'autorisation du tribunal. Donc, on estimait que c'était nécessaire
de prévoir des moyens d'accès pour ces personnes également, moyennant des
balises...
Mme Tardif : Mais je voulais
savoir de vous quels sont ces moyens, quelles sont ces mesures-là que vous nous
suggérez d'ajouter?
M. Blouin (Samuel) : Bien, un
exemple qui a été mentionné, c'était le consentement substitué, un mécanisme
qui est déjà prévu par le Code civil. Mais le législateur pourrait aussi en
imaginer d'autres pour tenir compte de la spécificité de ce soin. Donc, on ne
s'est pas avancés à proposer un mécanisme dans notre mémoire, mais juste que la
situation de ces personnes-là soit aussi prise en compte suffisamment.
Mme Tardif : C'est tout,
merci.
La Présidente (Mme Massé) : Eh
bien, je vous remercie pour votre contribution à la commission, vos réflexions.
Je vais suspendre quelques instants pour
accueillir l'autre groupe. Bonne fin de journée, merci.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 14 h 51)
La Présidente (Mme Massé) : Alors,
bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de la Société
québécoise des médecins de soins palliatifs. Je vous rappelle que vous avez 10
minutes pour faire votre exposé, et ensuite on échangera...
La Présidente (Mme Massé) : ...et
la parole est à vous. Ah! j'oubliais, n'oubliez pas de vous présenter.
Mme Nguyen (Olivia) : Oui.
Alors, Mme la ministre, Mme la Présidente, chères députées, tout d'abord, nous
sommes très honorées et reconnaissantes d'avoir été invités aujourd'hui pour
vous parler de nos réflexions quant au projet de loi n° 11, merci. Je
m'appelle Olivia Nguyen, je suis médecin de famille, qui pratique les soins
palliatifs depuis près de 15 ans, et j'ai obtenu un certificat de spécialité en
médecine palliative du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Je
suis présente aujourd'hui à titre de présidente de la Société québécoise des
médecins de soins palliatifs, qui représente près d'une centaine de médecins
qui oeuvrent en soins palliatifs.
Mme Carrier (Marie-Christine) : Moi,
je suis Marie-Christine Carrier. Je suis également médecin de famille. Je
pratique les soins palliatifs au CHUM depuis la fin de ma formation
complémentaire en soins palliatifs, en 2016. Je suis cheffe de service, depuis
quelques années, à cet hôpital. Je suis présente avec ma collègue cet
après-midi en tant que vice-présidente de la Société québécoise de médecins de
soins palliatifs, puis nous siégeons également, toutes les deux, au Comité de
programme de compétences avancées en soins palliatifs de l'Université de
Montréal.
Mme Nguyen (Olivia) : Donc,
d'entrée de jeu, nous aimerions vous indiquer qu'environ la moitié de nos
membres, ainsi que la moitié de notre exécutif fait de l'aide médicale à
mourir. Il est donc important pour nous que le droit à l'accès aux soins
palliatifs et aux soins de fin de vie, dont l'aide médicale à mourir fait
partie, soit respecté.
Maintenant, j'aimerais vous raconter
brièvement trois histoires. L'histoire de Sophie, 65 ans, qui a un cancer du
sein métastatique. Elle a des douleurs depuis plusieurs mois, qui ne font
qu'augmenter. Son oncologue et son médecin de famille ne savent plus comment la
soulager. Il n'y a pas de clinique de médecine palliative dans son centre.
Sophie se détériore. Un jour, elle ne peut plus rester à la maison. Elle se
rend à l'urgence. Malgré des tentatives de traitement, le cancer a trop
progressé, et Sophie décède sur une civière.
L'histoire de Marc, 80 ans. Marc a une
fibrose pulmonaire terminale, il est essoufflé au moindre effort. Il se dit
qu'il aimerait recevoir l'aide médicale à mourir lorsqu'il ira moins bien. Marc
est alors dirigé en soins palliatifs. Grâce à cette équipe et à l'aide du CLSC,
sa qualité de vie s'améliore. Il reste à domicile jusqu'à la fin. Il reçoit son
aide médicale à mourir chez lui quelques mois plus tard, comme il le
souhaitait, entouré des siens.
Puis l'histoire d'Amélie, 40 ans. Elle est
diagnostiquée d'un cancer du poumon qui la fait terriblement souffrir. Elle ne
dort plus, elle ne mange plus, elle ne tolère pas les médicaments qui lui sont
prescrits. À la demande de son équipe, elle est vue par la clinique de médecine
palliative de son hôpital. En quelques semaines, Amélie va mieux, elle peut
fonctionner et s'occuper de ses enfants, elle se sent apte à affronter les
traitements visant le cancer. Et un an plus tard, Amélie va bien, elle est en
rémission, elle a congé des soins palliatifs.
Maintenant, je sais que ce que nous
souhaitons tous ici, individuellement et collectivement, tout le monde ici
présents à la commission, c'est que, si, un jour, nous ou un de nos proches est
atteint d'une maladie grave, nous souhaitons qu'il y ait une équipe qui
s'attarde à son bien-être, qui se souciera de ses symptômes, qui la considérera
comme une personne à part entière, avec son vécu, ses souhaits, ses proches,
qui fera un lien de partenariat, qui souhaitera améliorer sa qualité de vie,
pour permettre à cette personne de vivre aussi bien que possible maintenant,
indépendamment de ce qui va arriver plus tard. Et cette approche, soucieuse du
bien-être des personnes, en respect de ses valeurs, de ses volontés, en
interdisciplinarité, qui pourrait améliorer la qualité de vie des personnes et
de leurs proches, en plus de diminuer les coûts du système de santé, cette
approche, ce sont les soins palliatifs. Cependant, malgré les preuves, la
littérature et les recommandations existantes depuis des années quant à
l'importance d'avoir accès à des soins palliatifs précoces pour toutes les
personnes atteintes de maladies graves, l'accès à des soins palliatifs est
toujours limité au Québec.
Mme Carrier (Marie-Christine) : L'aide
médicale à mourir répond à un besoin indéniable d'une partie de la population
qui est aux prises avec des souffrances intolérables, dans des circonstances
spécifiques en constante évolution. Les personnes susceptibles d'obtenir l'aide
médicale à mourir sont appelées à croître en nombre avec le projet de loi
n° 11, mais, avant d'agir directement sur l'élargissement des critères,
nous, la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, voulons réitérer
l'importance d'avoir accès à des soins palliatifs et de fin de vie de qualité
pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Les personnes atteintes de maladies
graves, quelle qu'en soit la nature, un cancer ou une autre maladie chronique,
et quel que soit leur milieu de vie, ont le droit de recevoir des soins dignes
afin de diminuer leurs souffrances physiques, psychologiques, sociales et
spirituelles. L'objectif premier est...
Mme Carrier (Marie-Christine) : ...et
leur qualité de vie, que cette personne s'engage ou non dans le présent ou dans
le futur, dans un processus d'AMM. Pour ce faire, elle doit pouvoir avoir accès
à une équipe soignante qui possède une formation de base en soins palliatifs et
une équipe qui détient une expertise en soins palliatifs quand leurs besoins
sont complexes ou qu'ils sont non comblés. Nous avons au Québec des équipes de
soins palliatifs extrêmement compétentes, que ce soit en centre hospitalier, en
maison de soins palliatifs, en soins prolongés ou en clinique ambulatoire.
Certaines sont même très innovantes dans leur approche, particulièrement en
soins à domicile.
Toutefois, l'offre de service est inégale
d'un territoire à l'autre et l'intégration palliative précoce peut être mal
comprise et non opérationnelle. De plus, sans le support d'une équipe
spécialisée en soins palliatifs, l'expertise s'effrite et les équipes de
première ligne et des autres spécialités sont souvent laissées à elles-mêmes.
Maintenant, il faut dire que bien du temps
a passé depuis 2015, lors de l'adoption de la Loi sur les soins de fin de vie.
Les médecins de soins palliatifs, au départ préoccupés par plusieurs aspects,
se sont adaptés et ont évolué aux côtés de leurs patients. Tous sont impliqués
auprès de patients souhaitant ou se questionnant sur l'AMM. Plusieurs
administrent l'aide médicale à mourir à leurs patients ou à des patients dont
le médecin traitant ne souhaite pas s'impliquer. L'aide médicale à mourir est un
peu mieux connue des patients, des familles, des soignants, et les mécanismes
sont plus fluides. Toutefois, il s'agit d'un processus qui reste complexe sur
le plan clinique, administratif, éthique et déontologique. Il est donc
impératif que cette tâche ne repose pas que sur les équipes de soins
palliatifs.
Mme Nguyen (Olivia) : Une
recommandation, donc, pour des soins de fin de vie digne pour toute personne au
Québec qui en aurait besoin, que ce soit par l'aide médicale à mourir ou pas,
et qui mérite, selon nous, la même assiduité et la même réflexion que le
présent projet de loi, sont les suivantes : reconnaître l'expertise des
professionnels formés en soins palliatifs, toute profession confondue. Sachez
qu'il y a des médecins au Québec qui font une année supplémentaire d'un an en
soins palliatifs, qui n'ont pas de poste pour mettre leur expertise à profit.
De plus, la spécialité en médecine palliative n'est pas reconnue au Québec,
contrairement aux autres provinces. Des médecins formés en soins palliatifs ont
dernièrement quitté la province ou sont en voie de le faire en raison des
contraintes administratives qu'ils subissent.
S'assurer que chaque région du Québec
puisse avoir accès à une équipe interdisciplinaire experte en soins palliatifs
lorsque besoin est. S'assurer que les changements de loi quant à l'aide
médicale à mourir n'engendrent pas un transfert de ressources déjà
insuffisantes des soins palliatifs vers l'aide médicale à mourir. Offrir le
soutien nécessaire et du répit aux proches aidants et surtout pour les
personnes qui sont atteintes de maladies non cancéreuses parce que la
trajectoire de leur maladie est incertaine et prolongée dans le temps.
Améliorer et encourager l'implication de tous les acteurs de soins, tant dans
l'offre de soins palliatifs que de l'aide médicale à mourir. S'assurer que les
professionnels sont aptes à offrir l'aide médicale à mourir de par leur
formation, mais aussi émotivement afin que cela ne se fasse pas au détriment
des soins aux autres usagers. Bonifier les conditions de travail des
professionnels qui oeuvrent à domicile pour s'assurer une meilleure rétention.
Améliorer les conditions de travail et la formation en soins palliatifs du
personnel en soins de longue durée pour leur permettre d'adapter l'offre de services
pour les patients en fin de vie et aussi en amont, en encourageant la
planification préalable des soins. Éduquer le grand public quant aux réflexions
qu'ils doivent entamer pour éviter une escalade de soins préjudiciables. Et
aussi éclaircir l'incompréhension qui perdure au sujet des soins palliatifs, de
la sédation palliative continue et de l'aide médicale à mourir. Puis offrir un
soutien psychologique plus adéquat aux personnes malades et à leurs proches.
Actuellement, ce soutien psychologique est à peu près inexistant s'il ne repose
pas sur le soutien des fondations privées. Offrir un soutien psychologique aux
personnes qui se font refuser l'aide médicale à mourir. En effet, l'effort
d'information à la population a été tellement efficace que plusieurs personnes
y voient là l'unique moyen d'apaiser leurs souffrances. Et, lors d'un refus,
les réactions psychologiques sont souvent fortes et parfois même inquiétantes.
Et tout cela enfin afin d'améliorer l'accès aux soins palliatifs au Québec et
surtout à domicile, tel que garanti par la Loi sur les soins de fin de vie.
• (15 heures) •
La Présidente (Mme Massé) : En
terminant, Dre Nguyen.
Mme Nguyen (Olivia) : En
terminant, nous espérons, Mme la ministre, Mme la Présidente, et chers membres
de la Commission, avoir pu éclairer quelque peu votre réflexion. Nous...
15 h (version non révisée)
Mme Nguyen (Olivia) : ...à
coeur comme vous tous le bien-être des personnes gravement malades et de leurs
proches. Et nous souhaitons sincèrement contribuer à ce que chaque personne au
Québec puisse obtenir les soins palliatifs et les soins de fin de vie
appropriés et respectueux de leur volonté.
La Présidente (Mme Massé) : Merci
beaucoup.
Mme Nguyen (Olivia) : Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Merci,
Dre Nguyen, Dre Carrier. On va commencer l'échange et je vais céder
immédiatement la parole à la ministre pour... je ne l'avais pas nommée tantôt,
mais 16 min 30 s.
Mme Bélanger : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Nguyen. Bonjour, Dre Carrier. Un
grand merci pour votre présentation. Je pense que les trois histoires que vous
avez racontées sont très éloquentes et puis nous aide à bien bien comprendre,
effectivement.
Ma question concerne en fait... Parce que
vous avez parlé beaucoup de l'importance des soins palliatifs, de l'importance
de bien structurer, organiser, mettre les ressources nécessaires ici, au
Québec, pour avoir les équipes interdisciplinaires compétentes et leur donner
les moyens d'accompagner les personnes. Et vous avez mentionné que la
spécialité médicale de soins palliatifs n'est pas reconnue au Québec mais, en
même temps, vous avez mentionné au début de votre présentation qu'il y avait un
programme universitaire, là. Je pense que vous aviez une certification... un
programme de compétences avancées, mais... donc, par l'Université de Montréal,
mais ce programme de compétences avancé ne fait pas... ne vous reconnais pas
comme une spécialiste, là, c'est ce que je comprends. Et ça, c'est au niveau
des affaires médicales, là?
Mme Nguyen (Olivia) : Oui, en
fait, il y a deux voies pour avoir une expertise chez les médecins en soins
palliatifs. Pour les médecins de famille, il y a la possibilité d'avoir une
formation supplémentaire de un an et, pour les médecins spécialistes, il y a,
via la spécialité, l'opportunité de faire un fellowship qu'on dit de deux ans
pour devenir surspécialiste en médecine palliative. Au Québec, les quatre
universités ont décidé, pour plusieurs raisons, de ne pas offrir ce fellowship
de deux ans. Nous avons toutes les deux une compétence additionnelle en soins
palliatifs, et moi, j'ai une... un fellow, en fait, du Collège royal en
médecine palliative, mais cela n'est pas reconnu par le Collège des médecins du
Québec.
Mme Bélanger : D'accord.
Merci pour cette précision.
Mme Carrier (Marie-Christine) : Si
je peux juste compléter.
Mme Bélanger : Oui.
Mme Carrier (Marie-Christine) : En
fait, la raison pour laquelle les universités ne donnent pas la formation, c'est
parce que le Collège des médecins du Québec ne reconnaît pas la spécialité,
donc on ne va pas former des gens qui ne pourront pas pratiquer au Québec.
Mme Bélanger : D'accord, je
comprends très bien. Bien, merci. C'est noté, j'ai pris ça en note. Alors,
peut-être une autre question. Sur le continuum, là, de soins de fin de vie...
Et puis on voit très bien, là, que quelqu'un qui... prenons l'exemple, une
maladie qui est incurable, irréversible avec des souffrances qui sont
difficilement apaisantes, va vouloir, lorsqu'elle arrive à la fin de sa vie,
bien, soulager ses douleurs, être dans un état de confort, c'est juste normal,
c'est juste humain, et c'est possible, donc, de bien accompagner les personnes
en soins de fin de vie avec la médication mais aussi avec toutes sortes d'approches.
Et moi, j'aimerais vous entendre : Où situez-vous l'aide médicale à mourir
dans le continuum des soins de fin de vie par rapport aux soins palliatifs?
Mme Nguyen (Olivia) : Une
bonne question qui a fait beaucoup parler. Donc, pour nous, les soins de fin de
vie comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, qui fait...
des soins de fin de vie. Après, la décision de recevoir ou pas l'aide médicale
à mourir est très personnelle, intime, individuelle et dépend profondément des
croyances et des valeurs de chaque personne. La définition des soins palliatifs
implique d'emblée qu'on prenne la personne d'une manière holistique et globale
en respectant, avec compassion et empathie, ses valeurs et ses volontés. Donc,
si la personne qui est devant nous décide de faire une demande d'aide médicale
à mourir parce que c'est son souhait profond, il est certain que chaque médecin
de soins palliatifs va ou devrait l'accompagner dans sa demande. Après, il y a
les demandes d'appel à... on appelle ça un peu les demandes d'appel à l'aide,
donc les gens qui sont excessivement souffrants, qui décident qu'ils préfèrent
en finir parce qu'ils sont tellement souffrants, et, si on est capables de les
soulager de manière adéquate, là, ils ne veulent plus nécessairement mourir. Et
ce sont deux choses différentes. Puis je pense qu'une personne peut tout à fait
avoir des souffrances intolérables qui sont, une fois soulagées, bien,
continuer à vivre puis demander sa demande d'aide médicale à mourir par la
suite. Par...
Mme Nguyen (Olivia) : ...sont
profondes. Donc, ce sont deux choses un peu différentes mais qui se regroupent.
Mme Bélanger : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Je
vous remercie, Mme la ministre. J'ai maintenant la députée d'Abitibi-Ouest qui
a des questions. Juste pour vous situer, il vous reste 11 min 45 secondes.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente. Merci, docteur... merci, Dre Olivia, parce que je vais vous
débaptiser, et Dre Marie-Christine. Alors, moi, ma question, c'est que, tantôt,
Mme Marie-Christine, vous avez parlé de soins à domicile, équipe innovante.
J'aimerais vous entendre sur ça.
Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien,
un bon exemple de tout ça, c'est ce qu'on a entendu parler pas mal dans les
médias, dans les dernières années, c'est, par exemple, les... donc des équipes
de ce qu'on peut appeler les soins intensifs à domicile. Mais il y a plusieurs
modèles qui existent au-delà des... qui sont tout aussi intéressants. Mais on
voit, par exemple, dans les équipes de cardiologie, qu'ils ont développé des
soins palliatifs à domicile très actifs, avec des traitements intraveineux, au
besoin, pour que le patient n'ait pas besoin d'aller à l'hôpital chaque fois
que la maladie cardiaque décompense puis que les symptômes deviennent plus importants.
Donc, tout ça, ça fait partie des innovations, entre guillemets, si on veut.
Actuellement, à Montréal, il y a un projet
sur la table pour avoir et même des équipes un peu d'intervention rapide pour
aider lorsque le CLSC ne peut pas prendre en charge un patient rapidement qui
souhaite retourner à la maison pour une fin de vie. On pense développer, par
exemple, des interventions, même des techniques anesthésiques à domicile, des
choses comme ça. Donc, le domicile est rendu un plateau très, très, très en
ébullition, si je puis dire. Puis on essaie, finalement, de vraiment répondre
aux demandes du patient, de le traiter dans l'endroit où lui le souhaite quand
il est plus vers la fin de la vie, pour aussi préserver son énergie, parce que
les visites à l'hôpital, c'est très énergivore, c'est difficile pour les
patients, pour les proches aussi, et ça coûte cher au système aussi. Donc, tout
ce qu'on est capable de développer à domicile, on le fait en ce sens-là. Et je
ne sais pas, Olivia, si tu as d'autres exemples d'innovations.
Mme Nguyen (Olivia) : Oui,
puis je voulais rajouter qu'il y a de beaux efforts de coordination dans les
CISSS et les CIUSS qui sont capables de connecter l'hôpital, le domicile, les
CLSC pour pour coordonner le mieux les soins. Parce que je ne sais pas si vous
avez dû naviguer au système de santé, récemment, mais c'est très difficile de
naviguer le système de santé, puis même quand on est dans le système de santé,
c'est un casse-tête. Donc, s'il y a de la collaboration pour coordonner le
tout, pour que ce soit plus facile pour les personnes, je veux dire, ça, pour
moi, c'est un bel effort d'innovation. Puis on ne peut pas passer sous silence
les efforts de soins palliatifs à domicile pour les personnes itinérantes, avec
la Maison du père et ce genre de choses. Donc, il y a de belles choses qui se
passent. Malheureusement, il y a encore trop... c'est disparate, et disparate,
au Québec.
Mme Blais : Bien, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Merci,
Mme la députée. Mme la députée de Châteauguay.
• (15 h 10) •
Mme Gendron : Merci, Mme la
Présidente. Dre Nguyen, Dre Carrier, contente de vous recevoir ce matin...
bien, ce matin, on cet après-midi. J'avais une petite question. Merci pour les
trois témoignages, j'ai trouvé ça touchant de vous entendre. Avez-vous au
quotidien des patients que vous... qui demandent de l'aide à mourir mais qui ne
sont pas admis, mais que, étant donné que la loi, bon, soit mise sur pied, que
ça va changer, en fait, qu'ils vont être heureux de l'avoir et puis que ça va
être une belle avancée pour eux?
Mme Nguyen (Olivia) : Moi, je
ne peux m'empêcher de penser à une patiente que j'ai eue, à qui j'ai donné
congé justement parce qu'elle avait un cancer, je l'ai vue pour soulager ses
symptômes. Ça a très bien fonctionné. Elle est en rémission de son cancer, et
donc je lui ai donné congé. Puis elle a repris rendez-vous un an et demi plus
tard parce qu'elle commençait une démence, et c'était très clair pour elle
qu'elle voulait entamer des démarches pour faire une demande anticipée d'aide
médicale à mourir pour quand sa démence serait plus avancée et qu'elle
répondrait à des critères. Puis ça, c'était il y a un an et demi, donc. Donc,
on a dû en parler beaucoup, je l'ai envoyée en clinique de la mémoire, puis
elle a beaucoup souffert quand je lui ai expliqué que, pour le moment, ce
n'était pas possible. Donc, elle attendait avec impatience les travaux pour...
Mme Nguyen (Olivia) : ...si
un jour elle pourrait faire sa demande. Et ça, c'est important parce que chaque
fois qu'une personne qui souhaite l'aide médicale à mourir ou qui souhaite
demander éventuellement pour plus tard l'aide médicale à mourir se fait
refuser, ça crée de la détresse chez cette personne-là et ses proches. Et je
pense que, malheureusement, on n'a pas de système suffisant en place pour
adresser cette détresse-là.
Mme Gendron : Parfait.
Merci. J'aimerais poser une seconde question assez rapide. Lors d'une demande
anticipée de l'AMM, vous avez rapidement parlé du soutien aux proches aidants.
Est-ce que vous considérez que la meilleure personne en fait pour soutenir puis
débuter les démarches de l'AMM reste le tiers de confiance?
Mme Nguyen (Olivia) : C'est
une bonne question. Je pense que plusieurs personnes se sont déjà positionnées
là-dessus. On a l'impression que le tiers de confiance est une personne
importante parce que c'est la personne qu'il choisit et donc qui est importante
à ses yeux. Est-ce qu'elle est la meilleure personne? Je vous avoue que je n'ai
pas l'impression que c'est notre place en tant que Société québécoise des
médecins de soins palliatifs pour prendre position là-dessus.
Mme Gendron : Parfait.
Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Merci,
Mme la députée. Il reste cinq... six minutes à la partie gouvernementale. J'ai
la députée de Roberval et il y a une autre députée qui aimerait poser une
question. Juste vous aviser. Maintenant, Roberval, Mme la députée, c'est à
votre tour.
Mme Guillemette : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dre Carrier et Dre Nguyen d'être avec nous ce matin.
Ce matin? Cet après-midi. On n'a pas de fenêtre ici, hein? Moi, j'aimerais vous
entendre sur la question du retrait de la demande et du refus. Vous êtes des
médecins qui travaillez présentement en soins palliatifs, et je pense que vos
réponses peuvent nous éclairer grandement. Est-ce que quelqu'un qui retire une
demande peut refaire une demande par la suite? Est-ce qu'il y a un nombre de
demandes maximum qu'on pourrait autoriser ou la personne peut retirer et
refaire des demandes aléatoires? Et je voudrais aussi vous entendre sur le
refus. Quelqu'un qui est... Parce que, là, le refus, je vous amènerais vers la
demande anticipée, quelqu'un qui n'est plus apte et qui a mentionné qu'à cette
étape-là moi, je voudrais qu'on administre l'aide médicale à mourir, mais qui
manifeste un refus qui manifeste, qui manifeste... Comment on peut gérer ça?
Comment peut-on mettre des balises claires, là, pour que vous, sur le terrain,
vous soyez à l'aise avec cet aspect-là?
Mme Nguyen (Olivia) : Je
réponds ou je laisse Marie-Christine parler?
Mme Carrier
(Marie-Christine) : Oui, je peux. O.K. Bien, en fait, pour le premier
volet, c'est super simple. On peut faire autant de demandes qu'on veut. On peut
changer d'idée à tout moment. Puis ça, ça fait partie... En tout cas, pour ma
part, mais, je pense, pour la plupart des médecins que je connais, ça fait
partie du speech initial, si je peux dire, qu'en tout temps, le patient, il a
le droit de changer d'idée. Puis il n'y a aucun problème, puis on va
recommencer le processus si on a besoin de le faire.
Pour le deuxième volet, pour le patient,
en fait, qui refuserait mais qui est inapte, si je comprends bien. C'est ça, la
question?
Mme Guillemette : En
fait, qui manifesterait des refus parce que, bon, en étant inapte, des fois, il
n'aime pas ça se faire toucher, il n'aime pas se faire approcher.
Mme Carrier
(Marie-Christine) : Oui, oui, c'est.... On en a un peu discuté entre
collègues dans les dernières semaines. Puis c'est vrai que c'est un point qui
est vraiment... qui est inconfortable, je pense, pour la plupart des gens.
C'est clair qu'il faut faire la part des choses en disant en disant, bien,
quand on est rendu là, c'est la maladie qui cause ça, elle même. Alors là...
Mais en même temps, nous, il y a un principe en médecine qui est le refus
catégorique. Et tout patient, même inapte, a le droit d'avoir un refus
catégorique. Puis il faut respecter ça.
Je pense qu'à ce moment-là, l'important
dans la loi, ça va être de préciser un mécanisme où peut-être qu'il faudra que
ça, ça soit discuté avec le patient au préalable. Si vous répondez aux critères
que vous avez énoncés, lorsque vous serez inapte et que, manifestement, à cause
de la maladie ou vous avez des réactions, est-ce que vous souhaitez qu'on aille
de l'avant pareil? Est ce que vous souhaitez qu'on vous donne de la médication
pour procéder, des contentions? Ça, il va falloir que ça soit clair qu'il va...
Il va falloir avoir une discussion avec le patient à l'avance. Je pense qu'il
va probablement avoir des gens qui vont garder quand même un petit malaise à
apporter ce genre de soins à quelqu'un qui ne comprend pas du tout la
situation. Mais il va falloir que le mécanisme de tout ça soit...
Mme Carrier (Marie-Christine) : ...bien
clarifier dans la loi puis peut-être dans le formulaire aussi, là, de demande
anticipée à ce moment-là.
Mme Nguyen (Olivia) : Ça va
permettre de diminuer l'anxiété après ou la détresse et la souffrance du
personnel soignant qui sera pris à juger. C'est une position difficile.
Mme Guillemette : Oui. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Merci,
Mme la députée. Pour les deux dernières minutes, la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Justement, je vais revenir un petit peu sur le
formulaire. Pensez-vous qu'une personne qui décrit ses souffrances qu'elle pourra
avoir au moment où elle va être inapte... Vous, comme médecins, comment vous...
Est-ce que vous pensez que vous allez être capables de... d'après les écrits de
la patiente, de vraiment bien cerner la souffrance? Et comment vous voyez ça,
là, de... Parce que c'est beau être... c'est un papier, c'est écrit, allez-vous
être capables, vous pensez, de faire la part des choses?
Mme Nguyen (Olivia) : Je
pense, ça, c'est une excellente question, parce que j'ai l'impression que c'est
un point qui nous interpelle tous, c'est-à-dire comment, pour les personnes
inaptes, attester hors de tout doute que la personne éprouve objectivement les
souffrances décrites? Donc, vous avez certainement... en fait, vous avez
entendu parler de l'exemple typique qui est celui de la personne avec une
démence dite une démence heureuse. Donc, que se passe-t-il lorsque les
manifestations cliniques identifiées dans sa demande anticipée... Par exemple,
je ne reconnaîtrais pas mes proches la moitié... je ne reconnaîtrais plus mes
proches ou j'aurais de l'incontinence urinaire plus de 50 % du temps.
Donc, qu'est-ce qui se passe quand cette manifestation clinique qui a été identifiée
ne correspond pas, lors du moment opportun, à des signes de souffrance
objectivable? Et moi, je n'ai pas de réponse là-dessus, je ne pense pas que
nous ayons de réponse là-dessus. Et on a... En fait, nous sommes inquiets que
ce fardeau, donc, qui incombe, en fait, à l'équipe traitante soit lourd à
porter. Voilà.
La Présidente (Mme Massé) : Bien,
vous avez à tout le moins le sens du timing puisque c'est le temps que vous
possédez pour répondre à la députée de Soulanges. Maintenant, je vais passer la
parole à la députée de Lotbinière.
Une voix : La Pinière
La Présidente (Mme Massé) : Ah!
de La Pinière, bien, j'ai mal écrit mes choses, pour... Vous possédez neuf
minutes 54 secondes.
Mme Caron : Parfait. Merci
beaucoup, mesdames. Alors, vous avez fait la différence entre les soins
palliatifs, la sédation, l'aide médicale à mourir en nous indiquant qu'en fait
tout ça fait partie des soins de fin de vie. Est-ce que... Et vous avez aussi
mentionné quelque chose qui m'a alertée, si je puis dire, en disant qu'il y a
eu tellement de promotions autour de l'aide médicale à mourir, si j'ai bien
compris, que les personnes dans la population en général ont tendance à se
tourner vers l'aide médicale à mourir peut-être en ayant oublié l'existence des
soins palliatifs. Est-ce que vous pouvez nous en parler ou nous dire... Est-ce
que mon interprétation est bonne ou est-ce que c'est ce que vous vivez dans le
quotidien?
• (16 h 20) •
Mme Nguyen (Olivia) : On a
fait un sondage de nos membres en prévision de cet après-midi puis on a
l'impression que, sur le terrain, on ressent tous un petit peu la même
souffrance que l'aide médicale à mourir est un petit peu devenue, pour
plusieurs personnes, la manière de décéder. Les soins palliatifs, cependant,
restent avec tout le stigmate de c'est la fin, c'est la mort, alors que les
soins palliatifs, depuis près de 10 ans, on est prouvé pour améliorer la
qualité de vie, améliorer la qualité de vie des proches, même améliorer la
survie lorsque des gens sont atteints de maladies graves, mais les gens pensent
toujours : Ah! je viens aux soins palliatifs, donc c'est la fin, et, si
fin il y a, bien, peut-être que choisir l'aide médicale à mourir pour contrôler
ma mort est le mieux.
Il y a aussi beaucoup de gens qui confondent
un petit peu tout cela. En fait, ils parlent d'aide médicale à mourir, mais on
réalise que ce qu'ils veulent, ce sont des soins palliatifs en vrai ou une
sédation palliative continue. Donc, ce n'est pas toujours clair. Une partie
importante du travail des personnes qui oeuvrent en soins palliatifs, c'est de
l'éducation, donc expliquer, aider les gens à naviguer vraiment dans le
système, essayer de leur faire comprendre quelles sont les différentes options
qui s'offrent à eux, où est-ce qu'ils sont rendus dans la phase de la maladie,
ce genre de choses, mais oui, malheureusement.
Mme Caron : Merci. Si vous
êtes d'accord, Mme la Présidente, je céderais la parole de ma collègue.
La Présidente (Mme Massé) : Bien
sûr, si elle la veut. Alors, la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Je vais le
prendre, merci. Bonjour, mesdames. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Moi, ma
question, c'est : vous avez mentionné plus tôt que vous jugez que les
ressources en soins palliatifs sont insuffisantes, et on sait que la notion de
la souffrance, c'est justement un élément clé pour déclencher l'administration
de l'aide médicale à mourir. Avez-vous une crainte que des...
Mme Prass : ...personne, comme
les ressources ne sont pas là en soins palliatifs, que des personnes, qui, si
les ressources étaient là, auraient une souffrance moindre que leur souffrance,
justement, pour arriver à l'aide médicale à mourir, seraient atteintes d'une façon...
plus tôt parce que, justement, on n'a pas les moyens pour les réconforter,
donc, que le déclenchement se fasse de façon anticipée parce qu'ils n'ont pas
les ressources.
Mme Nguyen (Olivia) : J'aimerais
vous dire non, mais malheureusement, oui, on le voit sur le terrain. C'est sûr
que nous, on fait partie d'équipes de soins palliatifs qui sont existantes,
donc on est biaisé d'emblée parce qu'on voit des patients qui ont accès à nous.
Mais on en voit, des patients qui arrivent à l'urgence, sont excessivement
souffrants, font des demandes d'aide médicale à mourir, on arrive, on les
soulage, puis finalement retirent leur demande. Ou ce qui arrive aussi, puis
ça, c'est très malheureux, ce sont des patients qui sont en maison de soins
palliatifs, ils vont mieux, et finalement leur pronostic est beaucoup plus long
que celui de prévu, et donc ils doivent être relocalisés, et parfois ne peuvent
pas retourner à la maison ou n'ont pas d'autres moyens, ils doivent être
localisés en CHSLD. Et l'idée d'aller en CHSLD est tellement souffrante pour
eux qu'ils préfèrent alors demander l'aide médicale à mourir.
Puis là que vous nous parlez de ressources
insuffisantes, si je peux juste faire un point par rapport aux maisons de soins
palliatifs, c'est correct? Oui. Par rapport à ce critère-là, donc, on comprend
que l'intention du projet de loi, c'est de s'assurer d'éviter des transferts de
maisons de soins palliatifs vers l'hôpital, par exemple, pour une aide médicale
à mourir, ce qui tout à fait compréhensif. Par contre, on est aussi un petit
peu inquiet de l'interprétation qui pourrait être faite de ce changement.
Alors, il y a différents cas de figure. Donc, le cas de figure d'un patient qui
rentre en maison de soins palliatifs pour des soins palliatifs, puis, en cours
de route, décide de demander l'aide médicale à mourir, il faut savoir que la
plupart des maisons de soins palliatifs, de nos jours, ont déjà décidé d'offrir
ce soin dans leurs services, mais avec le changement, bien, le patient pourra
recevoir ses évaluations et son soin en maison de soins palliatifs, ce qui est
tout à fait le scénario souhaité. Par contre, imaginons un patient à domicile
qui fait une demande d'aide médicale à mourir, qui a ses évaluations, il est
admissible, la date est fixée, mais pour plusieurs raisons ne souhaite pas
recevoir son aide médicale à mourir à domicile. Cette personne souhaiterait
décéder dans une maison de soins palliatifs. Puis ça, c'est un cas de figure
qui est très différent. Puis il y a aussi un autre cas de figure, c'est un
patient dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, qui, donc, ne serait
en général pas admis en maison de soins palliatifs, qui fait une demande d'aide
médicale à mourir et souhaite recevoir son aide médicale à mourir en maison de
soins palliatifs. Puis là, c'est encore très différent.
Puis on veut juste dire qu'on imagine que
l'intention du projet de loi n'est pas que tous les décès par aide médicale à
mourir qui ne peuvent se faire à domicile se fassent en maison de soins
palliatifs, donc, justement, encore moins de restreindre l'accès déjà
insuffisant à des lits de soins palliatifs pour la population qui a besoin de
cette expertise. Puis cette population qui a besoin de cette expertise, s'il
n'y a pas de lits disponibles, malheureusement, se retrouve à l'urgence. Donc,
dépendamment de comment le projet de loi sera interprété, la modification
serait interprétée, on a des craintes que ces patients-là se retrouvent mal
pris et doivent retourner à l'urgence. Donc, on se disait qu'il serait tout à
fait intéressant pour les CISSS et les CIUSSS de faire un partenariat,
peut-être avec un hôtel ou une résidence pour personnes autonomes, et de louer
à la journée une jolie chambre agréable, confortable, où pourraient recevoir
l'aide médicale à mourir les personnes qui ne veulent pas la recevoir chez eux.
Puis j'aimerais souligner encore une fois
le projet de loi, parce que la Loi sur les soins de fin de vie est une loi, à
mon avis, qui est ancrée dans la compassion, la compassion pour autrui, la compassion
pour les personnes, puis le projet de loi et dans ce même esprit de compassion.
Donc, si c'est possible de garder cet esprit de compassion en tête pour
s'assurer que l'opérationnalisation, en fait, se fasse le plus harmonieusement
possible, le plus doucement, pour que toutes les personnes atteintes de
maladies graves puissent recevoir les soins palliatifs, les soins de fin de
vie, l'aide médicale à mourir en respect de leurs besoins et de leur volonté.
Mme Prass : Merci. Vous avez
aussi mentionné l'aspect psychologique, que pour les personnes qui soit leur
demande est acceptée ou rejetée, leur famille, et cetera, devrait avoir accès à
un tel service. Pensez-vous que, justement... une fois qu'une demande de l'aide
médicale à mourir est déclenchée, la demande de remplir la demande pour futur,
est-ce que ça devrait être accompagné, justement, d'une évaluation ou d'un
soutien psychologique en cas de refus, en cas que ce soit accepté?
Mme Nguyen (Olivia) : Moi, je
pense que toute personne qui en a besoin devrait pouvoir bénéficier d'un
soutien psychologique, s'ils en ont besoin. Il y a des patients qui demandent
l'aide médicale à mourir qui sont très sereins et à l'aise et qui n'en ont pas
besoin...
Mme Nguyen (Olivia) : ...mais
il y a aussi des patients qui ne demandent pas l'aide médicale à mourir, qui
sont dans des détresses très importantes et qui n'ont pas ce soutien
psychologique là. Donc, j'aimerais que, pour toutes les personnes qui rentrent
dans la catégorie soins palliatifs, sont en fin de vie, un soutien
psychologique soit accessible et disponible.
Mme Prass : Également, on a
parlé un peu de la notion du refus tantôt. Pensez-vous que, justement, dans la
demande anticipée, par exemple, parce qu'on comprend que la personne fait la
demande quand ils sont aptes et qu'un refus lors... quand ils sont inaptes,
c'est difficile parce que justement la personne n'est plus apte. Donc, est-ce
qu'il y devrait avoir, justement, dans le formulaire de demande... pour qu'on
puisse préciser si je suis... une fois que j'arrive à l'étape inapte, qu'on
ignore le fait qu'un refus soit annoncé de la part de la personne?
La Présidente (Mme Massé) : En
1 min 30 s.
Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien,
en fait, comme j'ai mentionné tout à l'heure, je pense que, oui, Il va falloir
que ça soit quelque part sur le formulaire, mais je pense qu'il va falloir que
les modalités soient précisées, donc, tu sais, pour que le patient comprenne
que ce n'est pas juste s'il dit non, c'est s'il crie, s'il se débat, donc, puis
jusqu'où il est prêt à aller, est-ce que... De la contention, de la médication,
toutes ces choses-là, il va falloir qu'elles apparaissent au formulaire, oui, à
mon avis.
Mme Prass : Et, justement,
est-ce qu'il y a d'autres éléments particuliers que vous voudriez voir dans le
formulaire, que vous pensez qui devraient être précisés?
Mme Carrier (Marie-Christine) : Je
ne suis pas sûre que ça paraîtrait sur le formulaire, mais on en a discuté tout
à l'heure, là, la notion de souffrance anticipée versus souffrance
contemporaine. Je pense qu'il va falloir au minimum que ce soit abordé avec les
patients qui font ce genre de demande là, parce que ça ne sera pas facile
d'évaluer la souffrance, rendu là, la souffrance qui était perçue lorsque le
patient n'était pas malade versus maintenant. S'il est, par exemple, ce qu'on
appelle un dément heureux, il va falloir que tout ça soit minimalement consigné
quelque part. Est-ce que ça doit être sur le formage? Je ne sais pas.
Mme Prass : Merci, mesdames.
La Présidente (Mme Massé) : Merci.
Il vous reste des secondes vous... On passe, oui, il n'y a rien à faire avec 10
secondes, hein? Bien, je vais céder la parole à la députée de Sherbrooke, dans
ce cas-là, pour 3 min 18 s.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. À deux reprises, vous avez parlé de la détresse que vivent les
personnes qui reçoivent une réponse négative à leur demande d'aide médicale à
mourir. J'aimerais ça que vous nous éclairiez un petit peu sur ce qui se passe,
ce qui est prévu. Est-ce qu'il y en a, un protocole? Comment ça se passe,
l'annonce de la réponse à cette demande? Qu'est-ce qui est déployé autour de la
personne? Est-ce qu'il y a une réévaluation de ses soins palliatifs? Est-ce que
ça dépend du médecin traitant? J'aimerais comprendre ce qui est déployé autour
de la personne en cas de refus de l'aide médicale à mourir.
Mme Nguyen (Olivia) : Moi,
j'ai l'impression que ça va dépendre des équipes, des milieux et des régions.
Il y a des équipes qui ont un GIS, donc le Groupe interdisciplinaire de
soutien, qui est très soutenant. Souvent, l'annonce du refus est faite par un
des deux médecins qui évaluent la demande, donc le premier médecin, le deuxième
évaluateur, puis, après, ça va dépendre des médecins qui annoncent cette
mauvaise nouvelle là, avec tact et doigté et empathie, idéalement, puis après
le soutien qui vient dépend des possibilités dépendamment des régions. Donc,
voilà, ça dépend s'il y a un psychologue en place, s'il y a une travailleuse
sociale en place.
• (15 h 30) •
Mme Labrie : Donc, selon la
région de la personne qui se fait répondre négativement, c'est de ça que ça va
dépendre, finalement, si on a accès à un psychologue, si on a accès
éventuellement à des soins palliatifs. Ça va être très variable.
Mme Nguyen (Olivia) : Puis je
vous dirais que ce n'est pas juste pour les personnes qui demandent l'aide
médicale à mourir. Je pense que l'accès à un psychologue en soins palliatifs
est très variable. Pareil pour les travailleuses sociales. Il y a beaucoup de
milieux où ils sont staffés et un demi... à 50 % d'effectifs ou moins. Il
y a beaucoup de postes de psychologues qui sont vacants, pour le moment, donc
c'est une pénurie qui est partout dans le système comme ça.
Mme Labrie : Est-ce que vous
diriez que le libre-choix des patients pour leurs soins de fin de vie est
entravé par ça, selon le territoire où ils vivent en ce moment?
Mme Carrier (Marie-Christine) : Bien,
je pense qu'actuellement les patients, pour ce qui est de l'accès à l'aide
médicale à mourir, je pense que c'est relativement bien couvert. Et puis,
après, pour ce qui est du reste autour...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Carrier (Marie-Christine) : ...oui.
Honnêtement, il y a des endroits où avoir accès à des soins palliatifs ou à
tout autre autre soin de fin de vie, ce n'est pas garanti. Moi, je l'ai vécu
avec mon grand-père il n'y a pas si longtemps que ça, à pas 12 heures de
Montréal, là, à trois heures de Montréal. Donc, avoir accès à des soins
palliatifs de qualité, ce n'est pas garanti à tout le monde au Québec.
La Présidente (Mme Massé) : Il
vous reste 15 secondes.
Mme Labrie : Bien, je vous
remercie de votre réponse. Donc, ce que j'en comprends, c'est qu'il y a
effectivement des endroits pour lesquels ce choix-là, ce n'est pas les mêmes
options qu'ailleurs, là, donc ça oriente plus vers certaines décisions que d'autres.
La Présidente (Mme Massé) : Je
vous remercie. Nous allons passer la parole à la députée de
Laviolette-Saint-Maurice.
Mme Tardif : Bonjour,
mesdames. Bonjour, docteures. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier, au
nom de l'ensemble de la société québécoise, d'avoir choisi cette profession et
pour le merveilleux travail que vous faites. Je pense qu'on ne vous le dit pas
assez souvent, mais c'est remarquable, puis on veut que vous restiez dans ce
domaine-là aussi, on a besoin de vous.
J'ai bien écouté votre exposé, mais j'avoue
que je suis un peu perplexe par rapport à votre position et la position de vos
membres, devrais-je dire, là, par rapport à ce que vous pensez des
modifications que vont apporter ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir.
Vous avez proposé différents scénarios avant d'en arriver là, bien entendu,
vous avez soulevé les disparités des régions. Moi, je représente une région et
j'entends qu'il y a beaucoup de travail à faire avec la personne malade avant d'en
arriver à l'aide médicale à mourir. Parce que vous réussissez à en sauver, des
gens, et à leur redonner le goût de la vie et diminuer leurs souffrances, même
pour les personnes qui pensaient qu'elles étaient rendues là. Est-ce qu'il y a
des articles dans le projet de loi actuel avec lesquels vous êtes
inconfortables? Est-ce qu'il y a des articles de loi que vous nous proposeriez
d'ajouter?
Mme Nguyen (Olivia) : On a
parlé tantôt des maisons de soins palliatifs. Donc, moi je suggérerais de préciser
un petit peu les modalités par rapport aux maisons de soins palliatifs si on ne
veut pas que tous les patients qui ne veulent pas avoir leur aide médicale à
mourir à domicile se retrouvent en maison de soins palliatifs. Ça, c'est notre
opinion.
Il y a des bons coups, selon nous, dans le
projet de loi, on est très heureux : des IPS en renfort, le conseil, le
bulletin de décès par les infirmières. Dans notre sondage, 100 % des
membres étaient ravis, donc c'est parfait. On a parlé un petit peu des balises,
un peu, pour la personne qui est inapte, et de nos inquiétudes. Je pense que c'est
cela. Je pense que vous avez entendu plusieurs groupes déjà parler des autres
critères.
Mme Tardif : Est-ce que, de
votre côté, vous êtes confortable avec l'appellation «handicap neuromoteur»?
Mme Carrier (Marie-Christine) : Oui.
En fait, je vous dirais qu'on en a... ce n'est pas quelque chose qu'on a
beaucoup discuté, à la Société québécoise des médecins de soins palliatifs,
entre autres, parce que c'est une population qui, souvent, ne sera pas vue par
les médecins de soins palliatifs, mais plus par les équipes de gériatrie. On s'est
un peu moins penchés sur la question, je vous dirais, pis moi, je n'oserais
pas, là, prendre la parole au nom de la Société québécoise des médecins de
soins «pall» là-dessus parce que je pense qu'on aurait autant de réponses qu'on
a de membres.
Mme Tardif : O.K. Puis, par
rapport à...
La Présidente (Mme Massé) : Je
vous remercie. Votre temps écoulé.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Je
peux comprendre l'intérêt d'avoir d'autres questions, mais le temps est écoulé.
Dr Nguyên, Dr Carrier, merci de votre présentation, de votre participation à la
commission, et je vais suspendre quelques instants pour accueillir le prochain
groupe.
Mme Nguyen (Olivia) : Merci à
vous.
Mme Carrier (Marie-Christine) : Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 36)
(Reprise à 15 h 42)
La Présidente (Mme Massé) : Alors,
bonjour, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de l'Alliance
des maisons de soins palliatifs du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire
votre exposé et ensuite on fera un échange avec les parlementaires. La parole
est à vous.
Mme Langlois (Diane) : Alors,
merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre et Mmes les députées. Donc,
je suis Diane Langlois, directrice...
La Présidente (Mme Massé) : J'ai
peut-être juste oublié... je m'excuse, oublié une chose fondamentale, de vous
présenter.
Mme Langlois (Diane) : Oui.
Donc, Diane Langlois, directrice de la Maison Desjardins à Rivière-du-Loup, est
présidente de l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec. Ma collègue
Marie-Lyne Fortin, qui est directrice de la maison de soins palliatifs Au
Jardin de Mes Anges, à Alma, et également trésorière de l'Alliance des maisons
de soins palliatifs du Québec.
Donc, l'Alliance, on représente
actuellement 36 maisons sur 37 au Québec, de même que cinq projets de
maisons en cours de réalisation. Tout d'abord, rappelons la mission des maisons
de soins palliatifs, qui est d'offrir des soins palliatifs sans frais aux
personnes des régions où elles sont situées. Elles accomplissent cette mission
grâce à des équipes soignantes remarquables, de nombreux et généreux bénévoles,
de même qu'à l'implication... à l'importante contribution de donateurs. Donc,
le financement des maisons étant assumé à près de 50 % par des sources
privées et des activités de financement. L'alliance souhaite aujourd'hui
partager son avis sur l'article 9 du projet de loi n° 11.
Donc, depuis l'entrée en vigueur de la loi
concernant les soins de fin de vie, nul doute que la position des maisons a
beaucoup évolué par rapport à l'administration de l'aide médicale à mourir,
donc l'AMM. Aujourd'hui, sur les 34 maisons pour adultes membres de
l'alliance, il y en a quatre qui ne rendent pas disponible l'AMM en leurs murs
et il y a une maison qui est en période de réflexion et de consultation auprès
de ses équipes. Ces dernières font face à des... à différents enjeux, délais et
problématiques que l'on doit comprendre et respecter. Ce n'est pas une question
ici d'être pour ou contre l'AMM, c'est une question de bien-être
organisationnel, de rites et de réalités fragiles.
Parmi les enjeux rencontrés par ces
maisons, mentionnons la précarité financière. Donc, il y a certaines maisons
qui reçoivent actuellement des contributions qui leur sont importantes, sous
condition de ne pas permettre l'AMM en leurs murs. Il y a d'autres aussi qui
font face à un enjeu de culture et d'engagement. Donc, si les membres du
personnel et les bénévoles quittent en masse nos maisons parce qu'ils vivent un
conflit de valeurs, il sera alors impossible pour nous, les maisons, de
continuer de réaliser notre mission. Et j'aimerais, à ce stade-ci, céder la
parole à ma collègue Marie-Lyne qui va vous partagez son vécu à titre de maison
qui a récemment modifié sa position par rapport à l'AMM.
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Donc,
depuis sept ans, soit depuis 2015, le Jardin de Mes Anges s'est penché à
quelques reprises sur sa position par rapport à l'aide médicale à mourir. On a
rencontré quelques enjeux dans notre cheminement, notamment des positions
personnelles campées contre l'aide médicale à mourir, la menace du départ de
plusieurs membres du personnel et l'anticipation de perdre de généreux
donateurs. Les craintes et les enjeux de culture et d'engagement nous ont
forcés à mettre la vitesse de recul à quelques reprises. Devoir fermer des
lits, faire face à un manque de personnel, l'idée de ne plus réaliser notre
mission que pour offrir l'aide médicale à mourir aurait été absurde. Par
contre, avec les années, le personnel s'est dit peiné lors de transfert vers
des centres hospitaliers pour que des patients reçoivent l'aide médicale à
mourir. L'acceptation populaire a crû et ce soin s'est tranquillement installé
dans le continuum normalisé des soins palliatifs. Le bien-être organisationnel
au sens large a toujours été central dans le processus de réflexion. Ainsi, il
nous aura fallu sept ans avant de nous familiariser à l'idée de l'offrir chez
nous. Chaque transfert, chaque réflexion aura permis de faire croître notre
tolérance, notre intelligence envers l'aide médicale à mourir. Ainsi, c'est en
février 2023, sept ans plus tard, que le Jardin de Mes Anges se trouvait
désormais dans une position gagnante à tous les points de vue pour modifier son
statut. La réflexion a été facile, l'acceptation unanime. Ne croyez pas que la
sortie du projet de loi n° 11 a eu une incidence sur notre décision, parce
qu'avoir une saine réflexion sur l'aide médicale à mourir, c'est plus que de se
mesurer au temps du pendule d'une partie d'échecs. Si sept années ont été
nécessaires à notre cheminement, sachez...
Mme Fortin (Marie-Lyne) : ...qu'on
estime qu'il faudra deux années additionnelles pour offrir une aide médicale à
mourir, tel qu'on le souhaite, parce qu'offrir un soin intimiste, personnalisé,
empreint de toutes les petites étoiles qu'on sait y mettre autour de nos
services, ça demande du temps.
Mme Langlois (Diane) : Et je
poursuis en rappelant l'indépendance et l'autonomie des maisons par rapport à
leur processus d'admission. Ce n'est pas parce qu'une personne... ce n'est pas
parce qu'une maison permet l'aide médicale à mourir que toutes les personnes
qui reçoivent... recevoir ce soin y seront admises. Nos maisons abritent des
lits dédiés en soins palliatifs. Les CISSS et les CIUSSS de chacun de nos
territoires comptent sur nous pour prodiguer des soins palliatifs. L'alliance
et ses membres, on représente 329 lits dédiés en soins palliatifs, donc environ
30 % de l'offre au Québec. Si nos lits deviennent un lieu dédié à
l'administration de l'aide médicale à mourir, moi, j'aimerais savoir qui va
prendre en charge les personnes nécessitant des soins palliatifs.
Il est faux aussi de penser qu'une maison
qui ne rend pas disponible l'AMM en ses murs abandonne une personne à elle-même
en ambulance, dans un contexte de souffrance et de détresse pour éviter qu'elle
passe ses derniers moments dans une maison. L'administration de l'AMM est un
soin qui se planifie et se prépare. Par conséquent, l'équipe soignante
accompagne la personne malade et sa famille tout au long du processus de
planification et de préparation lié à l'administration de ce soin. L'heure du
départ, le moyen de transport, les personnes qui seront présentes et tout le
rituel entourant le transfert sont des éléments qui sont planifiés doucement,
adéquatement, de façon transparente et en respect de chacun.
Soulignons aussi que, tout au long de cet
accompagnement-là, la personne reçoit, et ce, de façon soutenue, des soins
personnalisés, de grande qualité, à la hauteur de notre réputation. En aucun
cas, il est question d'abandon et de laisser-aller. Et j'aimerais que
Marie-Lyne vous partage son vécu à titre de maison qui a eu à organiser à
l'occasion un transfert.
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Donc,
tel que Diane vous l'a confirmé, c'est inexact de prétendre que les patients
sont transférés dans des situations de douleur épouvantables. En fait, c'est
mal connaître nos milieux de prétendre qu'on laisserait aller nos patients sans
avoir fait tout ce qu'on peut pour eux. Même si les transferts sont
exceptionnels, le dernier datant de 2020, chez nous, nos équipes sont
suffisamment bien coordonnées pour que nous planifiions les moindres détails
d'un patient désireux d'obtenir l'aide médicale à mourir et de bien planifier
son transfert. La trajectoire est bien établie. Avant même de l'accueillir, le
patient et sa famille sont avisés que l'aide médicale n'est pas offerte en nos
murs, mais qu'au moment venu, nous planifierons son transfert vers le centre
hospitalier le plus près.
Une fois cette information comprise et
entendue, il sera le bienvenu Au jardin de mes anges. Pendant son séjour chez
nous, il recevra des soins comme tout autre patient, sera soulagé, accompagné,
recevra la visite de l'intervenante en soins spirituels, de la massothérapeute
et profitera des talents de nos cuisinières. Sa famille recevra également
l'écoute attentive de notre personnel et de nos bénévoles. À aucun moment, son
choix de recevoir l'aide médicale à mourir ne le pénalisera dans les soins et
services qu'il recevra. Les jours précédant son transfert, l'équipe veillera à
mettre en place les meilleures conditions possibles en vue de celui-ci. Parce
qu'il est si bien chez nous, nous tâcherons de le garder le plus longtemps
possible, de ne le transférer que quelques heures avant de recevoir l'aide
médicale à mourir. Accompagné jusqu'à l'ambulance par l'équipe soignante, il pourra
même quitter avec un dernier bon repas pour emporter.
Les patients, en situation de souffrance
et de douleurs intenses... alors, arrivés chez nous, nous les rencontrons. Le
manque d'accès aux soins à domicile est bien plus criant que de propager une analyse
erronée des quelques transferts vécus dans les maisons qui n'offrent pas l'AMM.
• (15 h 50) •
Mme Langlois (Diane) : La
position de certaines maisons de ne pas rendre disponible l'administration de
l'AMM en leurs murs représente, tout simplement, la limite actuelle pour ces
maisons quant à la gamme de soins qu'elles sont en mesure d'offrir. Au même
titre qu'il y a certains hôpitaux de région qui ont parfois une rupture de
service au niveau obstétrique. Donc, quand il y a une femme enceinte qui se
présente à l'urgence, il y a une équipe qui est disponible, qui est dédiée à
l'organisation du transfert, de façon à ce que cette femme-là puisse recevoir
son soin. Il n'y a personne qui remet en question la réalité de ces
hôpitaux-là, de même que la qualité de l'accompagnement puis des soins qui sont
prodigués.
Pour ces raisons, l'Alliance demande au
ministère de respecter la réalité de chacune des maisons, le rythme de
réflexion, de cheminement et d'adaptation, et de retirer l'article neuf du
projet de loi. La Loi concernant les soins de fin de vie stipule que toute
personne a le droit de recevoir des soins palliatifs de qualité et,
actuellement, au Québec, il y a de grands besoins à ce niveau-là. L'Alliance
tient à rappeler qu'il reste encore beaucoup à faire en matière d'accessibilité
en soins palliatifs. Le plan d'action 2025 présente des actions porteuses
d'espoir, et nous réitérons que la solution à une meilleure accessibilité, ça
ne réside pas dans le nombre de maisons qui permettent l'AMM, mais bien dans
l'éducation à la population, le repérage précoce et la formation.
Donc les maisons, elles sont des alliées
de taille par le partage et la connaissance... le partage des connaissances et
des compétences qu'elles ont pour l'amélioration des soins palliatifs offerts
au Québec...
Mme Langlois (Diane) : ...offrir
des soins palliatifs de qualité, c'est notre raison d'être, c'est ça qu'on fait
le mieux. C'est en prodiguant des soins palliatifs de grande qualité que nous
faisons une différence dans la vie des gens qui nous choisissent pour les
accompagner. Et l'alliance aimerait réitérer, en terminant, son entière
collaboration auprès du gouvernement du Québec et se réjouit de collaborer avec
tous les acteurs en soins palliatifs afin de bâtir une société qui répond à
l'ensemble des besoins en soins palliatifs de sa population, et ce, de façon
exceptionnelle.
La Présidente (Mme Massé) : Je
vous remercie beaucoup. Alors, on va entamer cette période de discussion avec
la ministre. Et vous avez toujours 16 min 30 s. C'est à votre tour.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. Mme Langlois, Mme Fortin, merci pour le mémoire et pour votre
présentation. J'ai... quand même juste informer aussi les membres de la
commission, j'ai eu l'occasion d'aller visiter la maison de soins palliatifs à
Rivière-du-Loup, et, effectivement, c'est un milieu qui est très bien conçu et
qui est très bien ancré dans sa communauté.
Alors, peut-être une petite question,
quand même, en lien avec le... Tantôt, ce que vous nous avez expliqué
concernant le parcours, vous nous avez donné un exemple d'une personne qui est
admise dans votre maison de soins palliatifs et qui... pour toutes sortes de
raisons, vous devez procéder à son transfert à l'hôpital pour recevoir l'aide
médicale à mourir. Moi, ce que j'aimerais comprendre, c'est : Quels sont
les motifs? Pourquoi la personne n'a pas continué... Là, je ne suis pas dans la
perspective de l'aide médicale à mourir, mais elle était dans un programme de
soins palliatifs, vous étiez dans une perspective de confort, de soulagement de
la douleur, de mettre en place des conditions favorables. Pourquoi cette
personne-là, finalement, décide de demander l'aide médicale à mourir? Est-ce
que c'est que le plan d'intervention ne fonctionne plus? Est-ce que...
J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qu'il fait que quelqu'un qui est
en soins palliatifs dans une maison de soins palliatifs et qui est si bien dans
un si bel environnement, avec toute la compétence des équipes, les attentions...
Qu'est-ce qu'il fait que la personne va finalement demander l'aide médicale à
mourir?
Mme Langlois (Diane) : Bien,
comme l'a mentionné le médecin tout à l'heure, c'est un choix, c'est un choix
personnel, alors il appartient à la personne de faire le choix de comment elle
souhaite mourir. Puis ce qu'on voit, c'est... les gens qui demandent de l'AMM
dans une maison de soins palliatifs, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas
bien soignées, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas bien accompagnées, c'est
juste un choix personnel, c'est ce qu'elles souhaitent. Marie-Lyne, est-ce que
tu as quelque chose à ajouter?
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Oui.
Puis, en fait, on ne diminue pas leur droit à recevoir des soins palliatifs
entre temps. C'est la raison pour laquelle elles peuvent quand même, ces
personnes-là, venir faire un séjour chez nous, mais tout en envisageant un
transfert pour recevoir l'aide médicale à mourir.
Mme Bélanger : Vous savez
certainement qu'une majorité de maisons de soins palliatifs, maintenant, au
Québec, offre l'aide médicale à mourir, c'est la très grande majorité. Et ce
que vous nous recommandez, c'est de retirer l'article 9 du projet de loi,
malgré le fait que la grande majorité des maisons, maintenant, offrent l'aide
médicale à mourir?
Mme Langlois (Diane) : Je
pense que c'est important de respecter la réalité de chaque maison, tu sais. On
est en train de parler d'accès à l'aide médicale à mourir, donc, tu sais, le
rapport annuel d'activités 2021-2022 de la commission rapporte qu'il y a 3663
personnes qui ont reçu l'AMM et il y a seulement 5 % de ces personnes qui
l'ont reçue dans une maison de soins palliatifs, même s'il y a une majorité de
maisons qui le permettent. Donc, si on contraignait ces quatre maisons-là qui
restent à administrer l'aide médicale à mourir, est-ce que ça va augmenter
considérablement l'accès à l'aide médicale à mourir? Je ne pense pas. Donc, il
y a des réalités qui appartiennent à ces maisons-là, et on se doit de les
respecter. Les maisons, elles demandent du temps pour évoluer, elles doivent
s'ajuster en respect de leur milieu. Je pense qu'on devrait le respecter.
Mme Bélanger : Dernièrement,
dans les médias, est sorti un article d'une maison de soins palliatifs qui
avait inscrit sur son site Web qu'il n'offrait pas l'aide médicale à mourir.
Et, bon, des citoyens avaient demandé, parce qu'ils ne pouvaient pas rester à
la maison, parce que leur maison n'était pas un lieu, je dirais, idéal, avaient
demandé pour aller dans cette maison de soins palliatifs pour obtenir l'aide
médicale à mourir. Puis là il y a eu une espèce de va-et-vient de dire :
Oui, c'était sur le site Web, non, on a retiré du site Web, on donne des
dépliants. Il y a eu une confusion par rapport à l'offre de services, ça a été
grandement médiatisé, là, je veux quand même le mentionner. Ne seriez-vous pas
plus en faveur d'amener un élément dans le projet de loi qui concerne le fait
de...
Mme Bélanger : ...dans le
fond, le rythme, la mission des maisons de soins palliatifs, au lieu de retirer
complètement l'article?
Mme Langlois (Diane) : Dans
le fond, ce que vous rapportez, la Maison Pallia-Vie, elle permet l'aide
médicale à mourir, donc c'est une maison qui le permet. Sauf que Pallia-Vie,
comme toutes les maisons de soins palliatifs, ils ont leurs critères
d'admission. Et là...
Mme Bélanger : Justement,
c'est ça.
Mme Langlois (Diane) : ...les
maisons, on ne peut pas devenir le lieu dédié pour l'administration de l'aide
médicale à mourir. Donc, tu sais, selon le rapport, encore, il y a 5,1 %
des décès au Québec qui sont liés à l'aide médicale à mourir, mais ça veut dire
qu'il reste une majorité de personnes qui meurent et qui nécessitent des soins
palliatifs, puis, les maisons, on a été fondées pour ça, c'est ça qu'on fait
dans la vie, donc. Et, actuellement, les 329 lits en soins palliatifs, ils sont
occupés, donc il n'y a pas de problème, actuellement, d'enjeu d'occupation des
lits. Au contraire, il y a plusieurs maisons qui ont des listes d'attente.
Donc, nos critères d'admission, ils sont hyperimportants, puis on ne veut pas
que les lits dédiés en soins palliatifs de chaque territoire deviennent des
lits dédiés pour l'administration de l'aide médicale à mourir. C'est important.
Mme Bélanger : ...pas ça du
tout, hein, je veux juste mentionner, là, ce n'était pas le sens de ma question
de dire que les lits doivent être dédiés pour l'aide médicale à mourir, là,
loin de là. Ce n'était pas ça. C'est juste, par rapport aux critères, que
chaque maison ait ses critères d'admission, alors qu'on a une politique
nationale sur les soins palliatifs puis qu'il y a un programme national, quand
même. Il faut quand même assurer une certaine cohérence dans l'ensemble du
Québec pour éviter, justement, certains... je dirais certains contextes, vous
l'avez mentionné tantôt, là, lorsque certaines personnes ont des valeurs, et
puis chacun a ses valeurs, dans la vie, là, mais quand ces valeurs-là font en
sorte qu'une personne ne pourra pas avoir accès à un service, il faut quand
même qu'on ait cette responsabilité-là. Puis vous savez qu'il y a une politique
nationale avec un programme national de soins palliatifs. Alors, sur les
critères d'admission, oui, que chaque maison soit personnalisée, mais il reste
que c'est quand même... ça s'inscrit dans un programme québécois, là.
Mme Langlois (Diane) : Oui,
tout à fait, mais ça revient à ce que le médecin tout à l'heure parlait, donc,
dans le fond, les maisons de soins «pall», nos critères d'admission, c'est être
en fin de vie, donc avoir un pronostic de deux ou de trois mois. Et une
personne qui voudrait recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui n'est pas en
fin de vie ou qui ne veut pas recevoir de soins palliatifs, bien, ça ne cadre
pas dans nos critères d'admission.
Mme Bélanger : D'accord.
Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Il
reste 9 min 30 s, j'ai la députée de Vimont et la députée de Roberval qui m'ont
demandé la parole, et de l'Abitibi-Ouest. Alors, Mme la députée de Vimont, vous
avez été la première.
Mme Schmaltz : Bon, bien,
merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. J'essaie de comprendre. Tantôt
vous avez mentionné que ça prend du temps pour évaluer d'administrer l'aide
médicale à mourir dans une maison de soins palliatifs, c'est même
mentionné : «...une question de bien-être organisationnel, de rythme, de
réalités fragiles». Qu'est-ce qui... c'est quoi, le frein? Qu'est-ce qui
empêche les maisons de soins palliatifs d'offrir l'AMM? Il y a un frein, je
suppose, il y a quelque chose qui empêche d'aller jusque-là, outre peut-être la
mission. Est-ce que c'est d'ordre administratif? Est-ce que c'est parce que
c'est les lieux qui ne s'y prêtent pas? C'est quoi, exactement?
Mme Langlois (Diane) : Toutes
ces réponses? C'est toutes ces réponses, parce que ça dépend de la réalité de
chaque maison. Il y en a que c'est un enjeu financier. Donc, demain matin, je
perds mon mécène, qui, lui, veut financer absolument les soins palliatifs, je
me retrouve... je ne serai pas capable de réaliser ma mission. Si je perds...
moi, chez nous, si je perds 10 bénévoles, je ne suis plus en mesure d'offrir
des soins. Nos maisons, elles reposent sur la communauté, sur la contribution
financière, sur le bénévolat. Donc, elles ont des réalités fragiles. Si je
perds, on a un contexte, on a des enjeux de recrutement, de personnel puis de
recrutement de bénévoles hyper importants. Donc, je pense que les maisons
doivent aller au rythme de leurs réalités. Les enjeux administratifs, les
enjeux financiers, les enjeux d'engagement, de bénévolat, de culture, c'est
toutes ces réponses.
Mme Schmaltz : Advenant le
cas que tout ça est comblé, à ce moment-là, le problème n'est plus là.
• (16 heures) •
Mme Langlois (Diane) : Absolument.
Puis, si on regarde, en 2015, deux maisons permettaient l'aide médicale à
mourir. On se retrouve aujourd'hui à 25 puis bientôt 29 parce qu'il y a quatre
maisons qui sont en transition. Donc, le temps fait son œuvre. Il faut
respecter ce rythme-là et ne pas contraindre ces maisons-là, parce qu'elles
évoluent de toute façon. Les maisons, là, on est par la communauté, pour la
communauté. Donc, on va s'ajuster aux besoins de nos communautés, mais on a
besoin de temps parfois pour le faire, en équilibre précaire avec nos enjeux.
La Présidente (Mme Massé) : Merci.
Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci. Il
nous reste...
La Présidente (Mme Massé) :7
min 30 s.
Mme Guillemette : Je vous
remercie beaucoup, Mme la Présidente. Merci, d'être avec nous. Merci des
services que vous offrez aux citoyens. Parce que, pour avoir vécu...
16 h (version non révisée)
Mme Guillemette : ...et les
soins d'une maison palliatifs avec un membre de ma famille. C'est le patient
qui est pris en charge, mais c'est toute la famille aussi qui est prise en
charge. Donc, merci beaucoup, puis vous passerez le message à vos équipes.
Une voix : Certainement.
Mme Guillemette : J'aimerais
savoir, si on donnait un sursis de 2 ans, 3 ans, vous avez dit que ça a pris
sept ans chez vous, est-ce qu'il y aura un nombre d'années, là, raisonnable qui
pourrait être intégré pour l'obligation? Et comment on pourrait faire pour bien
vous accompagner puis pour vous aider dans cette transition-là, concrètement,
là?
Mme Langlois (Diane) : Je
peux peut-être passer la parole à Marie-Lyne, elle qui l'a vécu cette
transition-là, donc qui est à même de témoigner.
Mme Fortin (Marie-Lyne) : En
fait, nous, on est surtout ici pour vous demander de retirer cet article de loi
là, mais, comme vous pouvez le voir, ça prend des années. Donc si vous deviez
absolument le laisser avec une option de plusieurs années, ça pourrait être l'idéal.
Par ailleurs, je tiens aussi à vous dire que l'Alliance a un comité de
surveillance de l'AMM. Donc, les maisons qui mettent en place l'aide médicale à
mourir, depuis quelques années, sont accompagnées par d'autres maisons qui ont
une expérience un peu plus grande, qui ont des procédures et politiques, en
fait, qui sont toutes adaptées, qui ont été révisées aussi selon le besoin.
Donc, vraiment, j'insiste pour dire que je crois que l'article neuf n'est pas
nécessaire. Par contre, au moins, quelques années sont nécessaires pour laisser
le temps à tout le monde, là, de s'y mettre.
Et je vais vous donner aussi comme
exemple, et c'est Diane qui m'en en parlait, de le faire en famille, en fait,
qui est une maison pédiatrique, mais qui accueille quand même des patients qui
étaient suivis chez eux un peu plus jeunes, mais qui, désormais, sont adultes.
Donc, eux, c'est un défi pour eux que de mettre en place une aide médicale à
mourir si, demain matin, cet article de loi là devait passer. Donc, en fait,
alors qu'ils ont l'habitude et qu'ils ont une jeune clientèle, ils devraient
donc ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir pour leur clientèle adulte qui
est connue chez eux.
Donc, je ne sais pas si vous êtes en
mesure de vous imaginer que c'est un peu une dichotomie, en fait, qui ne sont
pas nécessairement contre d'aller de l'avant, mais que ça peut prendre du temps
pour eux.
Mme Guillemette : Le faire en
famille, une clientèle adulte aussi.
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Jeunes
adultes.
Mme Langlois (Diane) : Oui, c'est
ça. Tout à fait. Ils ont une politique d'accueil des jeunes adultes,18-23 ans
en fin de vie, donc des jeunes adultes qui sont connus du...
Mme Guillemette : O.K. Merci.
Merci, de cet éclaircissement-là. Pour moi, je n'ai pas d'autre question. Ça
fait le tour. Puis ce que j'entends, j'entends bien que ce que vous ne voulez
surtout pas, puis même pour celles qui offrent présentement, volontairement, l'aide
médicale à mourir, c'est que ce soit tout envoyer chez vous. Et je tiens à vous
rassurer, ce n'est pas la volonté non plus. Rassurer vos maisons de soins, ça n'est
pas la volonté que tout ce qui se fait en aide médicale à mourir se fasse dans
les maisons de soins palliatifs, au contraire, on veut que ce soit fait le plus
possible en soutien à domicile, dans la résidence, pour que les gens se sentent
bien accompagnés à ce moment-là. Merci.
Mme Langlois (Diane) : On va
rassurer nos membres, mais il faudra aussi éduquer la population, parce que l'histoire,
tout à l'heure, le témoignage de la personne qui pensait pouvoir être admise...
à vie. Bien, c'est ça, dans le fond, c'est quand on ne comprend pas bien c'est
quoi, les soins palliatifs, quand on ne comprend pas bien, c'est quoi, une
maison de soins palliatifs, ou recevoir l'aide médicale à mourir, on peut être
frustré de ne pas pouvoir être admis dans une maison alors qu'on ne cadre pas
dans les règles, dans les critères d'admission. C'est la même chose quand on ne
peut pas être ami parce qu'il manque de place, il y a une frustration liée à
ça.
Mme Guillemette : Une petite
dernière question...
La Présidente (Mme Massé) : C'est
votre collègue de l'Abitibi-Ouest qui ne sera pas heureuse...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Massé) : Mais
allez-y, dit-elle.
Mme Guillemette : Merci,
merci, chère collègue. Je voudrais vous entendre un peu sur le tiers de
confiance parce que vous êtes beaucoup avec les familles. Comment vous voyez
ça, le tiers de confiance, la charge émotionnelle puis...
Mme Langlois (Diane) : Écoutez,
présentement, je ne pourrais pas vous répondre, parce que je ne pense pas que l'alliance
ait la compétence pour répondre sur ce sujet-là pour l'instant.
Mme Guillemette : O.K. Bien,
merci, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Massé) : Bien,
vous laissez deux minutes 45 à votre collègue d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : Merci, mesdames.
Merci d'être là. Vous savez que vous êtes un atout dans la société. Vous
accompagnez des patients en phase terminale, pour le grand voyage qui est sans
retour, et ça, avec des moyens exceptionnels parce que vous êtes un OBNL.
Alors, à ce que je comprends dans votre...
Mme Blais :...témoignage,
l'anxiété que vous avez face aux soins de fin de vie, c'est que vous avez
peut-être peur au niveau de votre financement. Vous en avez fait part tantôt.
Mme Langlois (Diane) : Il y a
des enjeux financiers, absolument, oui.
Mme Blais : Ça vous inquiète
énormément?
Mme Langlois (Diane) : Oui.
Il y a certaines maisons qui reçoivent actuellement des contributions qui leur
sont importantes sous condition de ne pas recevoir... de ne pas permettre
l'AMM. Donc, ça, c'est une réalité de certaines maisons, puis je pense que
c'est important de le prendre en considération.
Mme Blais : Et, lorsque vous
vous terminez votre mémoire en disant, et ce, de façon exceptionnelle», que
veut dire pour vous exceptionnelle?
Mme Langlois (Diane) : Marie-Lyne?
D'offrir l'AMM de façon exceptionnelle.
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Oui.
En fait, offrir l'AMM de manière exceptionnelle... Je dis toujours, moi :
On ne changera pas la fatalité des gens. Les patients qui arrivent chez nous,
en fait, vont vivre quelque chose pour lequel on a peu d'impact, mais on va
mettre ça dans un petit nuage de ouate, et c'est ce qu'on essaie de faire
également avec l'AMM. Donc, nos milieux, ce sont de petites communautés. On
veut mettre l'accompagnement conséquent auprès des familles, on veut se donner
le temps de bien faire les choses. Sur le soin clinique, vous serez d'accord
avec moi, on a peu d'impact, c'est réalisé par un médecin, mais tout ce qui est
autour, on va faire tout ce qu'on peut pour que ce soit à la perfection.
Mme Blais : Bien, merci. Si
vous aviez... à part de l'article 9, si vous aviez une autre remarque à
faire... être vigilant? Ça serait laquelle?
Mme Langlois (Diane) : Bien,
moi, là, le message que je veux vous reteniez aujourd'hui, c'est qu'on doit
continuer d'améliorer l'accès aux soins palliatifs au Québec. Donc, l'accès...
on en a parlé tout à l'heure, l'accès, ça n'est pas encore acquis pour tous au
Québec, et l'Alliance des maisons de soins palliatifs, on demeure un
collaborateur de premier plan. On souhaite collaborer avec le ministère pour
réaliser le plan d'action puis faire en sorte que les soins palliatifs, ils
soient connus, qu'on procède à un repérage précoce, qu'on éduque la population
et qu'on forme nos soignants.
Mme Blais : Bien, je vous
remercie au nom de la société. Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Merci
beaucoup. Nous allons passer, donc, à la députée de La Pinière, de l'opposition
officielle, pour 12 min 23 s. Vous en avez regagné.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci beaucoup, mesdames. Merci pour le travail que vous
faites et merci aussi d'avoir clarifié la question des transferts en ambulance,
parce que ça a été véhiculé dans les médias et c'était quelque chose d'assez
frappant, si je peux m'exprimer ainsi.
Vous avez mentionné dans votre mémoire
que vous avez... les membres de l'Alliance couvrent 329 lits et qu'ils offrent
à peu près 30 % des soins palliatifs. Les 70 % d'autres soins
palliatifs qui se donnent au Québec sont-ils offerts dans d'autres maisons qui
ne seraient pas membres de l'Alliance ou bien si c'est plutôt dans les hôpitaux
et d'autres...
Mme Langlois (Diane) : Les
soins palliatifs, on peut en faire partout. Donc, les 70 %, c'est à
domicile, dans les CHSLD, dans un hôpital, donc, les RPA...
Mme Caron : D'accord. Donc,
est-ce que vous regroupez... Est-ce que l'alliance regroupe toutes les maisons
de soins palliatifs qui existent au Québec?
Mme Langlois (Diane) : On
regroupe 36 maisons sur 37, actuellement, et cinq projets de maisons en cours
de réalisation.
Mme Caron : D'accord. Parfait.
Alors, c'est parce que je voulais voir si vous représentiez l'ensemble des
maisons de soins palliatifs. Alors, merci pour cette clarification-là. Vous
dites aussi dans votre mémoire que... en fait, vous tenez à rappeler qu'il
reste encore beaucoup à faire en matière d'accessibilité à des soins palliatifs
pour tous au Québec. Est-ce que vous pouvez nous donner peut-être des exemples
concrets de ce qu'il reste à faire pour les soins palliatifs, pour l'accès aux
soins palliatifs?
• (16 h 10) •
Mme Langlois (Diane) : Bien,
écoutez, on a parlé tout à l'heure que dépendamment des régions, les soins ne
sont pas les mêmes, l'accès n'est pas le même. Et Marie-Lyne vous a témoigné le
fait que nous, dans nos maisons, là, les conditions inhumaines de transfert,
c'est à l'arrivée qu'on les voit. Donc, il y a des patients aujourd'hui encore
au Québec qui vont mourir, qui ne sont pas inscrits en soins palliatifs, qui ne
reçoivent pas de soins et qui sont dans des conditions de grande détresse. Et
nous, on les accueille chez nous dans ces conditions-là, et ils vont mourir
dans les heures, dans les jours qui vont venir. Donc, juste le fait d'avoir des
équipes qui vont être capables de repérer la clientèle qui nécessite des soins
palliatifs... le repérage précoce, ça, là, c'est un pas immense au Québec, donc
d'être capable d'identifier cette clientèle-là puis de mettre en place des
équipes de soins palliatifs, de s'assurer que les gens vont être suivis,
accompagnés. On ne veut pas être accompagné dans les dernières heures, on veut
les accompagner depuis le pronostic sombre. C'est comme ça qu'on va améliorer
le filet de sécurité, qu'on va pouvoir mieux les accompagner à domicile puis
qu'on va s'assurer qu'on n'arrive pas en fin de vie avec des urgences.
Mme Caron : D'accord. Alors,
ça rejoint un petit peu...
Mme Caron : ...plus que les
précédentes personnes, les deux médecins en soins palliatifs nous disaient,
c'est-à-dire qu'elles prônaient pour des soins palliatifs précoces plutôt qu'à
un stade avancé où ça devient difficile de contrôler la souffrance, justement.
Est-ce que vous avez... Il y a la question
de... toute la question de financement. Est-ce que je... En fait, je comprends
deux choses, puis vous me corrigerez si je comprends mal. La difficulté que
vous avez avec l'article 9 du projet de loi 11, d'une part, est liée
au fait que vous avez du financement privé avec des conditions, la condition
étant qu'il ne faut pas que vous offriez l'aide médicale à mourir dans ces
maisons-là. Et, si j'ai bien compris, il y avait une autre crainte que
l'occupation de lits pour offrir l'aide médicale à mourir pouvait peut-être
restreindre le nombre de lits disponibles pour offrir des soins palliatifs.
Est-ce que j'ai bien compris ça?
Mme Langlois (Diane) : Oui,
tout à fait.
Mme Caron : Puis est-ce que
l'aide médicale à mourir est un soin qui prend autant de temps que le soin
palliatif, par exemple? Est-ce que le lit serait occupé pour quelques jours
comparativement à un soin palliatif où, là, la personne doit occuper... peut
occuper le lit pendant peut-être une semaine ou deux semaines?
Mme Langlois (Diane) : Bien,
dans le fond, nos maisons, les gens sont admis pour recevoir des soins
palliatifs, donc, deux mois, trois mois et moins. Donc, c'est sûr qu'on a la
chance de les accompagner sur cette période-là. Maintenant, les gens qui ne
veulent pas recevoir l'AMM à domicile, parfois, ont déjà leurs dates établies.
Donc, tout à l'heure, on proposait de faire des partenariats avec un hôtel,
avec une autre maison qu'une maison de soins palliatifs. Donc, tu sais,
j'imagine ces gens-là arriver le matin pour recevoir ce soin-là, parce qu'ils
auront été accompagnés tout le long de la maladie ou tout le long du processus
par des équipes de soins palliatifs à domicile.
Mme Caron : D'accord. Je vous
remercie. Je vais laisser la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Massé) : Et,
bien sûr, chère collègue, de D'Arcy-McGee, c'est à votre tour pour 7 min 28 s,
quand même.
Mme Prass : 7 min 28 s,
parfait. Alors, vous avez mentionné, tantôt et dans votre mémoire, que
certaines maisons reçoivent des contributions financières qui leur sont
importantes sous condition de ne pas permettre l'aide médicale à mourir entre
leurs murs. Si les maisons étaient financées à la hauteur de leurs besoins par
la part du gouvernement, ils n'auraient pas besoin de dépendre sur ces
contributions-là. Est-ce que vous pensez qu'elles seraient en mesure
d'administrer l'AMM qu'elles ne sont pas maintenant?
Mme Langlois (Diane) : Les
maisons ne veulent pas être financées en totalité par le gouvernement parce que
les maisons sont issues de la communauté. Donc, les maisons sont des organismes
à but non lucratif qui appartiennent à la communauté. Donc... Puis le fait
d'être financé par la communauté et d'avoir un engagement bénévole, ça donne
tout son sens aux maisons de soins palliatifs. Donc, on a besoin d'avoir un
équilibre entre la contribution qui provient du ministère puis l'engagement
puis la contribution du milieu. Parce que le milieu, là, c'est sa maison de
soins palliatifs, elle lui appartient, elle lui est chère, elle va la chérir,
elle est engagée dans sa cause. Donc, les maisons, moi, je pense qu'elles
doivent appartenir encore aux communautés. On ne souhaite pas que le
financement soit à 100 %.
Mme Prass : (Interruption)
Excusez-moi. Vous dites que... il y a des ressources insuffisantes, etc., en
soins palliatifs. C'est une question que j'ai posée à un groupe tantôt,
pensez-vous... Parce que la notion de souffrance est vraiment centrale à
l'administration de l'aide médicale à mourir ou le déclenchement du processus,
plutôt. Pensez-vous qu'il y aurait des cas où il n'y a pas assez de ressources
dans certaines maisons de soins palliatifs qui ferait en sorte que les
personnes n'auraient pas les services pour, justement, que la souffrance...
qu'ils n'atteignent pas le niveau de souffrance pour administrer l'aide
médicale à mourir? Alors, dans ce sens-là, pensez-vous que les maisons ont les
ressources et les moyens pour bien administrer... (interruption)
...excusez-moi, les médicaments, les différents services pour amoindrir les
souffrances le plus longtemps possible?
Mme Langlois (Diane) : Les
maisons, on est des experts en soulagement de la douleur, en accompagnement. On
est des experts en soins palliatifs. Moi, je ne doute pas que, dans les 36
maisons membres de l'Alliance, actuellement, les soins, ils sont excellents.
Puis les équipes soignantes, elles sont spécialisées. On a parlé de médecins
spécialisés. Donc, nos médecins sont spécialisés, nos équipes soignantes sont
spécialisées dans le soulagement de la douleur. On est capables d'accompagner,
on est capables d'anticiper, on est capables de prendre le temps. On a des
équipes bénévoles, également, qui développent un doigté exceptionnel avec cette
clientèle-là. Donc, actuellement, moi, je suis... je peux certifier que les
soins puis la qualité de l'accompagnement qui est offert dans les maisons de
soins palliatifs, elle est A un.
Mme Prass : Là, je vais vous
poser une question, vous ne l'avez pas mentionné, sur la notion du refus qui
est compris dans les demandes anticipées... bien, pour les demandes anticipées.
Donc, quand une personne fait leur demande anticipée, ils sont...
Mme Prass : ...faire, ils
remplissent leur formulaire, etc., mais si, une fois qu'ils sont rendus
inaptes, ils démontrent... ils font un refus, un refus physique, un refus
verbal, etc., pensez-vous que ça devrait être retenu dans le sens que la
personne a fait la demande quand ils étaient aptes, et une fois qu'ils sont
inaptes, est-ce qu'on devrait accepter le refus, à ce moment-là?
Mme Langlois (Diane) : Bien,
écoutez, on est des directeurs de maisons de soins palliatifs, cette
question-là, elle est très épineuse, puis, tu sais, je n'ai pas la compétence
pour répondre à ça. Marie-Lyne?
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Effectivement,
ce n'est peut-être pas tout à fait dans notre cour. Par ailleurs, ce n'est pas
nécessairement un enjeu pour les maisons de soins palliatifs, puis, étant donné
que ces gens-là n'ont souvent pas un pronostic vital engagé à court terme,
donc, peut-être est-ce que ça nous concernera moins.
Mme Prass : Également, vous
posez la question, puis, encore une fois, ça a été mentionné tantôt, puis
surtout pour les membres de votre personnel, est-ce qu'il devrait y avoir un
soutien psychologique qui accompagne ceux... pas seulement les personnes et les
familles, mais également le personnel qui travaille pour l'administration de
l'aide médicale à mourir?
Mme Langlois (Diane) : On a
déjà tout ce soutien-là. Donc, les maisons ont... les maisons qui permettent
l'aide médicale à mourir, on a organisé un soutien, donc, on a des programmes
de soutien personnel et professionnel. Donc, quand il y a une AMM qui est
administrée dans une maison, il y a une rencontre de débriefing, on a nos
équipes interdisciplinaires, donc, tu sais, à tous les jours ou presque, on
rencontre des enjeux où les gens ont besoin de ventiler, ont besoin d'en
parler; on fait des révisions de cas. Donc, c'est quelque chose qui... Notre
équipe interdisciplinaire est habituée de se soutenir, puis nous, les
gestionnaires des maisons, on est habitués d'aller chercher le soutien à
l'extérieur quand on en a besoin. Donc, ça existe déjà dans nos maisons.
Mme Prass : Parfait. Je vais
céder la parole à ma collègue de Westmount Saint-Louis.
La Présidente (Mme Massé) : Exactement.
Donc, la députée de Westmount Saint Louis va vous adresser quelques questions.
Il vous reste 2 min 50 s.
Mme Maccarone : Parfait.
Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Vous avez mentionné, on va... on
va revenir à l'article 9, vous avez fait mention que si jamais la loi est
adoptée dans sa forme actuelle, que vous souhaiterez avoir un écart avant
l'application de la loi prendra vigueur de deux ans, ça fait que s'il y aura un
amendement qui sera introduit dans cette loi, dans les dispositions
législatives, qu'après l'adoption de la loi, ce ne s'appliquera pas aux maisons
de soins palliatifs avant 24 mois, est-ce que ça, ça vous aiderait?
Mme Langlois (Diane) : Mais,
écoutez, ça a pris sept ans à la maison Jardin de Mes Anges. Donc,
24 mois, ça m'apparaît rapide.
Mme Maccarone : Ça fait que
24 mois, ce n'est pas assez. Mais c'est parce que vous avez dit deux ans,
si je ne me trompe pas, dans votre exposé?
Mme Fortin (Marie-Lyne) : Ah,
bien non. En fait, ce que j'ai dit, c'est qu'il va nous falloir encore deux ans
pour offrir l'AMM tel qu'on le souhaite. C'est possible d'y avoir accès dès
demain matin si un patient le demandait, mais offrir le soin avec les petites
étoiles telles qu'on veut, on se donne encore deux ans pour y arriver.
Mme Maccarone : O.K. Parce
que c'est juste une idée qu'on propose parce qu'on... je comprends, puis
j'entends ce que vous évoquez comme problématique, puis je pense qu'on est tous
des sympathisantes ici, on souhaite vous accompagner dans votre rôle qui est
essentiel au sein de la société, mais on comprend aussi qu'il y a un besoin
d'assurer des chances égales puis de respecter les droits de tous les citoyens
et citoyennes. Alors, de trouver un mi-chemin pour ceci. J'avais pensé que peut-être
ce serait un compromis, peut-être 24 mois, ce n'est pas assez. Si jamais
c'était quelque chose qui serait acceptable par tous les collègues, mesures
pour pallier les difficultés dont vous faites face, que pouvons-nous faire pour
vous aider? Si vous faites face d'une perte de bénévole et de financement,
est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire pour vous aider, entretemps?
Mme Langlois (Diane) : Bien,
écoutez, tu sais, on a des enjeux de personnel, on a des enjeux de bénévoles,
on a des enjeux financiers, mais, tout ça, c'est la réalité des maisons, puis,
tu sais, on devient des experts dans le jeu de serpents, échelles et dans le
funambule, là, tu sais, on marche toujours sur la ligne mince. Donc, tu sais,
on a une super collaboration actuellement avec l'équipe de soins palliatifs et
de fin de vie au ministère, on a des liens très forts qui sont tissés, donc je
souhaite que ça perdure, je souhaite que l'on continue de travailler ensemble.
Moi, je crois au plan d'action 2025, j'y crois fermement, donc je veux le
réaliser avec... avec... avec vous. Puis je pense que ça, ça va nous aider.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Le but,
c'est... je pense que c'est de vous épauler, de vous aider puis pas de dénigrer
ou changer votre processus.
Mme Langlois (Diane) : Absolument.
Mme Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke pour 4 min 8s.
Mme Labrie : Quatre minutes?
La Présidente (Mme Massé) : Quatre
minutes.
Mme Labrie : Merci. Écoutez,
quand vous avez dit que, dans certaines maisons, le financement était
conditionnel à ne pas offrir l'aide médicale à mourir, je dois vous dire que
moi, ça m'a dressé le poil sur les bras, ça m'a fait penser aux organismes
anti-choix en matière d'avortement. J'aimerais savoir est-ce que...
Mme Labrie : ...cette
condition-là, elle s'applique aussi... Est-ce que ça a une influence sur la
capacité de ces maisons-là de transmettre de l'information aux patients sur
l'aide médicale à mourir, de préparer une demande d'aide médicale à mourir?
Mme Langlois (Diane) : Non.
Les maisons, on travaille dans l'humain, O.K.? Donc, on est en équilibre
précaire avec... Puis, oui, il y a des gens qui financent, qui vont donner des
contributions financières, qui ont leurs propres valeurs, leurs propres
conditions. Il y a des gens aussi qui souhaitent financer les soins palliatifs
et non l'aide médicale à mourir. Donc, ça peut être une question de valeurs.
Mais les équipes soignantes, elles, là, elles font abstraction de leurs valeurs
personnelles. Quand on accompagne quelqu'un, on fait abstraction de nos valeurs
et on accompagne cette personne-là dans tout son être, dans toute sa famille.
Donc, les soignants sur le terrain, ils sont très loin de ces enjeux-là, ils
accompagnent la personne, puis il n'y a pas de barrière, il n'y a pas d'enjeu
avec l'aide médicale à mourir. La preuve, c'est que les maisons ont évolué au
cours des sept dernières années.
Mme Labrie : Donc,
l'information, elle est transmise, là...
Mme Langlois (Diane) : Certainement.
Mme Labrie : ...dans tous ses
détails.
Mme Langlois (Diane) : C'est
une loi, et les médecins ont l'obligation d'offrir les possibilités. Donc,
certainement que c'est offert.
Mme Labrie : O.K. Moi, quand
je lis l'article 9, que vous nous recommandez de retirer ou d'amender, je ne
vois pas là d'élément qui viendrait modifier les conditions d'admission que
vous avez. Ça vient dire que vous ne pouvez pas exclure l'aide médicale à
mourir des soins que vous offrez. Puis même quand on va à l'article 13, là, de
la loi actuelle... Dans le fond, la formulation ne viendrait pas du tout vous
imposer de changer les modalités d'admission. Est-ce que vous avez la même
compréhension que moi?
Mme Langlois (Diane) : Mais,
dans le fond, c'est qu'on a une crainte. Donc, il ne faut pas les changer, les
modalités, et, c'est ça, on a une crainte. Donc, un peu comme ce qui a été
nommé tout à l'heure, il faut le définir ensemble. On ne doit... Les maisons ne
doivent pas devenir des lieux dédiés pour l'AMM. Puis il faut que la population
le comprenne aussi. On a fait beaucoup d'éducation par rapport à l'AMM, un peu
moins par rapport aux soins pal. Donc, tu sais, il nous reste encore beaucoup à
faire par rapport à ça. Puis il faut que les gens comprennent, parfois, qu'ils
ne pourront pas être admis dans une maison pour recevoir l'AMM. Donc, c'est une
crainte.
Mme Labrie : J'entends cette
crainte-là que vous formulez, donc... Mais, pour moi, ça relève plus de
l'information transmise aux citoyens, cette éducation populaire là qui est à
faire, parce que, tel que formulé, l'article ne vous demande pas d'admettre
n'importe qui qui demande l'aide médicale à mourir.
Mme Langlois (Diane) : Tout à
fait. Tout à fait.
Mme Labrie : Donc, vous
pourriez garder vos conditions d'être en fin de vie.
Mme Langlois (Diane) : Il le
faut.
Mme Labrie : L'autre question
que je veux vous poser... Bon, vous avez cette crainte-là que ça devienne, je
vais dire, envahissant, là, dans l'offre de services. Ce n'était pas votre mot,
là, c'est le mien. Mais vous nous avez aussi dit qu'il y a très peu de gens qui
ont reçu l'aide médicale à mourir, malgré qu'il y a un grand nombre de maisons
qui l'offrent. Donc, je ne sais pas comment interpréter cette crainte-là, dans
la mesure où, même si c'est offert depuis longtemps dans plusieurs maisons, ce
n'est pas... ça n'a pas eu cet effet-là de vous nuire dans l'offre de soins
palliatifs ou d'occuper démesurément des lits, à moins que je me trompe.
Corrigez-moi.
Mme Langlois (Diane) : Bien,
dans le fond, c'est ça, parce que présentement, on est indépendants au niveau
du processus d'admission. Puis les maisons, on s'assure d'admettre les
personnes qui nécessitent les soins qu'on est capables de prodiguer, qu'on est
en mesure de prodiguer. Donc, les maisons qui ne permettent pas l'aide médicale
à mourir, bien, ils s'assurent d'admettre des gens qui ont choisi les soins
palliatifs puis pour lesquels elles vont répondre à leurs besoins, puis on veut
que ça continue comme ça. Donc, présentement, effectivement, il n'y a pas eu
d'enjeu, ce n'est pas un enjeu présentement, mais notre crainte, c'est que ça
pourrait le devenir.
Mme Labrie : Mais...
La Présidente (Mme Massé) : Ça...
Il vous reste 18 secondes...
Mme Labrie : Bien, dans les
maisons qui le permettent, est-ce que ça a créé un enjeu?
Mme Langlois (Diane) : Mais
ça crée un enjeu parce que, quand il y a quelqu'un qui ne veut pas mourir à
domicile puis qui connaît les maisons de soins palliatifs, il voudrait mourir
dans les maisons de soins palliatifs. Mais moi, je ne peux pas admettre un
patient un matin x pour lui donner l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Massé) : Ça
fait le tour du temps disponible. Bien, je vous remercie vraiment de votre contribution
aux travaux de la commission.
Alors, j'avise que la commission ajourne
ses travaux jusqu'au mardi 28 mars 2023 à 10 h, où on poursuivra notre mandat.
Merci, tout le monde.
Mme Langlois (Diane) : Merci.
La Présidente (Mme Massé) : Bonne
journée.
(Fin de la séance à 16 h 25)