(Onze heures trente-neuf minutes)
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Bonjour.
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 32, Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Dansereau (Verchères) est remplacée par Mme IsaBelle (Huntingdon); Mme Lachance (Bellechasse), par
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré); M. Lévesque (Chapleau), par M. Chassin
(Saint-Jérôme); Mme Picard (Soulanges), par M. Émond (Richelieu);
Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); Mme Labrie
(Sherbrooke), par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve); et
M. Bérubé (Matane-Matapédia), par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Merci,
M. le secrétaire. Étant donné que nous commençons nos travaux
9 min 45 s en retard, j'ai besoin de votre consentement pour
finir neuf minutes et quelques secondes plus tard. J'ai le consentement? Merci.
Auditions (suite)
Ce matin, nous entendrons le bureau de la
coopération... interuniversitaire, pardon. Je souhaite la bienvenue aux
représentants du Bureau de coopération interuniversitaire. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons
à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à
vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Bureau de coopération
interuniversitaire (BCI)
M. Cossette
(Pierre) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la
ministre. Donc, je vais laisser mes collègues se présenter d'abord.
Sophie.
Mme
D'Amours (Sophie) : Oui. Bonjour. Sophie D'Amours. Je suis rectrice de
l'Université Laval, professeure de génie industriel.
M. Cossette (Pierre) : Magda.
Mme Fusaro (Magda) : Magda
Fusaro, rectrice de l'Université du Québec à Montréal, professeure en
technologies de l'information.
M. Cossette (Pierre) : Valérie.
Mme Amiraux (Valérie) : Bonjour.
Valérie Amiraux, professeure de sociologie, vice-rectrice aux partenariats
communautaires et internationaux à l'Université de Montréal.
• (11 h 40) •
M. Cossette (Pierre) : Bonjour.
Donc, Pierre Cossette, recteur de l'Université de Sherbrooke et professeur en
médecine dans la Faculté de médecine et sciences de la santé.
Donc, merci beaucoup de l'opportunité qu'on a de
présenter nos observations sur le projet de loi n° 32. On vous a présenté,
on vous a amené déjà un mémoire sous forme de diapositives, si on peut
s'exprimer anciennement comme ça.
Juste pour rappeler qu'on représente
20 établissements universitaires qui sont fréquentés par
317 000 étudiants et qu'il y a environ 34 000 membres du
corps professoral qui y enseignent. Ces chiffres-là sont très importants, parce
que, quand on multiplie 317 000 fois 34 000, c'est beaucoup
d'interactions dans une année.
Si on va à la suivante, pour nous, je veux
réitérer que la liberté universitaire est fondamentale pour les universités. En
fait, déjà, on s'est engagés et on souhaite promouvoir, protéger et défendre la
liberté universitaire. Ça, c'est un acquis pour les directions d'établissement.
On souhaite faire ça.
La liberté universitaire, c'est une chose bien
particulière, parce qu'elle est exclusive aux activités de recherche, de
création et d'enseignement, de services à la collectivité, et elle est au coeur
de notre gouvernance académique. En fait, une université, un établissement
universitaire doit se soucier de la liberté universitaire. Et on a plusieurs
structures collégiales,
parce qu'une université, ça fonctionne comme ça. Aujourd'hui, vous avez devant
vous des chefs d'établissement ou une
vice-rectrice, mais, en réalité, une université est composée de départements,
de comités de programme, d'assemblées facultaires, d'assemblées
départementales, et c'est là que sont établis les contenus à enseigner pour une
discipline ou pour une autre. Et cette façon-là peut être très différente en
histoire, en ingénierie, en médecine ou en sociologie, parce que c'est
l'expertise de contenu qui décide ou qui détermine les choses pertinentes à
enseigner ou non, et effectivement, par contre, avec beaucoup de liberté aux
professeurs, dépendamment des normes qui nous encadrent.
Mais cette collégialité-là, elle est au coeur de
nos activités, et nous, on représente ça aujourd'hui. Et elle est déjà protégée
par une grande quantité... des stratégies d'action institutionnelles qui
peuvent dépendre d'une faculté à l'autre mais qui sont toujours autour des
mêmes principes et des mêmes définitions. Donc, quand on parle de liberté
universitaire, c'est la même, quand on parle de harcèlement ou d'intimidation,
c'est la même, quand on parle de protections, c'est les mêmes, des étudiants et
des étudiantes, mais les disciplines sont différentes, puis la façon de
l'appliquer peut être différente.
Et l'autre élément qui est très important, c'est
que la liberté universitaire, pour nous, mais ce n'est pas seulement nous,
c'est l'UNESCO qui le dit aussi, elle est... Il y a deux volets à ça. Elle doit
absolument avoir une liberté universitaire des professeurs aussi, mais elle
comprend l'autonomie des établissements dans l'enseignement supérieur.
L'autonomie, en termes de décisions académiques, c'est fondamental. Ça fait
partie de l'histoire longue des universités,
que ce soit au Québec ou ailleurs, de protéger nos milieux académiques des
ingérences externes. Ça ne veut pas dire qu'on est imperméables. On est
dans la société. Les débats, on y prend part. Mais c'est très important pour
nous.
Et c'est pour ça qu'à l'heure actuelle nous, on
s'oppose à l'adoption du projet de loi n° 32, parce que la question qu'on a, c'est : Est-ce qu'on sait déjà gérer
ça? Est-ce qu'on a déjà fait des actions? Est-ce qu'on est en action là-dedans?
Est-ce qu'on s'adapte à cette réalité-là de liberté universitaire? La réponse,
c'est oui, et on le fait depuis qu'on existe. Ce n'est pas juste depuis les
controverses actuelles. Au fil des époques, il y a toujours eu des enjeux de
liberté universitaire, il y en aura toujours, et on s'y est adaptés. Est-ce que
c'est parfait? Ce n'est jamais... Il n'y a jamais rien de parfait, mais les
mécanismes adaptatifs doivent pouvoir continuer à travailler. Et pourquoi on
s'y oppose? Bien, c'est par le principe
qu'on a besoin de défendre l'autonomie des établissements en matière
académique. Et je comprends qu'on est imputables, là, des contribuables.
Là, on parle de d'autre chose complètement, différemment. On parle de liberté
académique.
Et puis, bien, notamment, dans ce projet de loi
là, il y a un article 4 qui impose une unique stratégie aux
établissements, avec des politiques qui portent exclusivement sur la liberté
universitaire, alors qu'elle est au coeur de toute notre vie départementale, de
programmes et de facultés. Puis il y a aussi un article 6 qui confère des
pouvoirs discrétionnaires vraiment inédits à la ou au ministre, il ne faut pas
personnaliser, donc, parce que... Donc, pour nous, légiférer ainsi sur la
liberté universitaire, c'est paradoxal, mais ça menace la liberté
universitaire.
Si on revient spécifiquement aux articles dont
je vous parle, c'est sûr que, pour nous, l'adoption d'une politique portant
exclusivement sur la liberté universitaire et prévoyant la constitution et la
composition d'un conseil distinct devant examiner les plaintes, bien, pour
nous, c'est un problème important, parce que, je vous l'ai dit, là, on a déjà
des instances collégiales. Des comités de programme existent, des assemblées
départementales existent, des assemblées facultaires existent, et c'est là que
doivent se décider ce qui doit être enseigné ou non, comment on gère ce qui est
pertinent ou pas, est-ce que des professeurs et/ou des étudiants, des
enseignants ont dépassé certaines limites. Ça prend une compétence
disciplinaire. Donc, on a déjà ça. Et on a déjà, dans chaque université, des
protecteurs des étudiants, des ombudsmans, des bureaux du respect ou des variations
de ça.
Et les éléments de liberté universitaire et de
liberté académique sont au coeur de notre vie académique. Ce n'est pas un «side
issue», vous excusez l'anglicisme, mais c'est au coeur de ce qu'on sait faire
et ce qu'on doit faire. Et c'est surtout important d'apprendre à débattre d'une
façon éclairée, d'une façon ouverte, d'une façon raisonnée à l'intérieur des
instances. De créer un canal distinct aura potentiellement pour effet juste de
complexifier les choses, de donner une voie royale ou rapide à des gens qui
souhaitent simplement contester plutôt que de débattre et de le faire de façon
constructive. Et, s'il y a quelque chose, d'augmenter la judiciarisation ou
la... Puis je ne parle pas, justement, du système judiciaire. Dans nos
instances, on a déjà des comités disciplinaires ou autres. Nous, on souhaite
que les gens apprennent à débattre. Et c'est normal qu'ils débattent puis c'est
normal que, de temps à autre, il y ait des choses qui posent problème, parce
qu'on est aux frontières des disciplines, on avance les connaissances.
L'article 6, pour nous, est un énorme
problème. Donc, si jamais l'Assemblée nationale décide d'adopter le projet de
loi, puis on reconnaît tout à fait le droit de le faire, bien, l'article 6
doit simplement être retiré, tout simplement. Il n'y a pas d'autre chose à
faire que ça avec l'article 6.
Et, si on... Dans nos propositions, pour
l'article 4, si la loi devait être adoptée, il doit être vraiment diminué
et amputé de tout ce qui intègre... interfère avec la gestion académique des
départements, des instances qui fonctionnent déjà.
Donc, est-ce que... Nous, ce qu'on propose, bien, s'il y a un comité qui doit
parler strictement de liberté universitaire, bien, ce comité-là, il
doit, effectivement, être composé d'une façon représentative, avoir des règles
de fonctionnement, mais il doit simplement
voir : Est-ce que la politique que les universités ont adoptée, chacune,
dans leurs instances, est bien appliquée ou non? Il faut absolument
sortir de la dynamique où le «one-size-fits-all»… Et on
pense que c'est les mêmes mécanismes qui vont fonctionner à l'INRS, qui est un
établissement de deuxième, troisième cycle avec 600 étudiants, qu'à
l'Université de Montréal, avec ses dizaines de milliers d'étudiants, ou à
Laval, ou à l'UQAM, ou à Sherbrooke. Donc,
ça, on doit vraiment l'amender et en enlever des grandes portions pour être
certains, si c'est souhaité par l'Assemblée nationale, que chaque
établissement universitaire se dote d'une politique.
Mais, pourquoi la
politique devrait être distincte des politiques, on ne le comprend pas, et on
pense que le mot «exclusivement», dans la proposition actuelle, doit absolument
être enlevé. Parce que la liberté universitaire, ce n'est pas
un sujet qui doit être sorti, c'est un sujet qui est intégré dans notre vie
puis c'est intégré aussi dans nos politiques de respect, de prévention,
d'intimidation et de harcèlement. Ça ne doit absolument pas être sorti de ça.
Pour
l'article 1, on a une proposition d'amendement pour qu'on parle de liberté
universitaire plutôt que de liberté académique universitaire. On pense que,
dans tout le projet de loi, ça devrait être de cette façon-là.
Pour
l'article 3, très important, si on veut amener une définition, qu'elle
inclue l'autonomie des établissements universitaires et de dire qu'elle est
constitutive du plein exercice du droit à la liberté universitaire, parce qu'on
a seulement des clauses dans le préambule de la loi. Il n'y a pas de clause
dans les articles. Et puis, si jamais il y a une adoption et une légalisation à
outrance, c'est essentiel que l'autonomie des établissements soit traitée sur
le même pied d'égalité dans les articles amendés que la liberté d'enseigner,
d'apprendre, et autres. Donc, cet amendement-là, il est extrêmement important.
Et
puis finalement, pour tout ce qui est de la reddition de comptes,
l'article 7 devra être adapté aux modifications qu'on propose à
l'article 4, parce qu'il ne saurait y avoir un «one-size-fits-all»,
vous m'excuserez l'anglicisme, ça doit être... les mécanismes d'application
vont être différents d'une université à l'autre.
Et, pour nous, au
BCI, d'avoir des définitions et des principes communs, des chartes communes,
c'est important, mais d'avoir une
biodiversité, d'avoir des applications qui peuvent s'adapter au contexte de
chaque établissement et de chaque faculté, dans chaque établissement,
c'est extrêmement important. C'est parfois perçu comme un problème. Pour nous, c'est une richesse incroyable du Québec
d'avoir des établissements différents, d'avoir des cultures
d'établissement différentes, d'avoir des cultures départementales différentes,
et c'est au coeur d'une université de gérer la transmission et l'avancement des
savoirs.
Et, nous, je veux
revenir là-dessus, c'est important de réaliser que ce n'est pas qu'on est
contre le débat. Il va y avoir des débats. En fait, s'il n'y avait pas de
débat, c'est que les universités ne feraient pas leur boulot. Si on prend... Et
il ne doit pas y avoir de «safe space». Il ne doit pas y avoir de censure, ni
pour les étudiants ni pour les professeurs.
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : M. Cossette...
En terminant, M. Cossette. Il vous reste quelques secondes.
M. Cossette (Pierre) :
Oui. Bien, je pense que c'était ça. Pour nous, il n'y a pas de «safe
space». L'université est un endroit de débats, et on doit apprendre à débattre
sur des faits qui sont étroitement intégrés dans des savoirs disciplinaires.
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Merci
beaucoup. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la
période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour une durée de
16 min 30 s.
• (11 h 50) •
Mme McCann : Merci, Mme la Présidente. Alors, je tiens vraiment
à vous saluer, M. Cossette, Mme D'Amours, Mme Fusaro et Mme Amiraux. Merci de
votre présence. Merci également de votre mémoire, très clair, hein, très
concis, très clair, j'aime bien, et, donc, du temps que vous prenez pour venir
discuter avec nous.
Je vais faire juste
quelques précisions au départ parce que je m'aperçois, au cours des travaux,
puis c'est normal, qu'il y a... la
compréhension de certains articles… parce que tout n'est pas écrit dans la loi,
et, dans l'application, là, il faut apporter quelques bémols, là.
Par exemple, quand on
parle du conseil... Je vais commencer par la politique. On parle de la
politique. L'esprit de la loi, c'est, oui, qu'il y ait une politique unique,
hein, spécialement pour la liberté académique universitaire.
Par rapport au
conseil ou au comité, là, je sais qu'il y a des gens qui préféreraient «comité»,
moi, je vais vous dire, M. Cossette, et tous et toutes, qu'on valorise
beaucoup la collégialité, alors, dans les universités, dans notre vision. Et
c'est sûr que — on
l'a précisé hier — le
traitement de situations qui se passent, là, à l'université et qui touchent la
liberté universitaire va continuer de se faire dans les départements. En fait,
le conseil ou le comité sera un dernier recours. C'est l'esprit du rapport
Cloutier aussi. Alexandre Cloutier, hier, nous précisait le tout, et que le
conseil pourrait être jumelé, par exemple, à la question du harcèlement, là. Je
sais que, dans les universités, certaines universités, ça existe. Alors, on ne
veut pas que ce soit noyé, la question de la liberté universitaire, mais, un
conseil ou un comité qui s'occuperait de ces deux volets, je pense que ça
respecte quand même l'esprit de la loi aussi. Alors donc, deux précisions que
je veux vous apporter aujourd'hui.
C'est sûr que vous
arrivez comme… le dernier groupe. Et c'est bien parce qu'on a vraiment
rencontré plusieurs groupes, là, depuis le début, hier. Et, j'imagine, vous
avez peut-être suivi les travaux ou vous avez eu un rapport sur les travaux de
la commission, donc vous savez qu'il y a différents groupes.
On va parler des
instances syndicales. La CSQ, la FQPPU et la FNEEQ sont venus nous rencontrer,
et tous sont en faveur d'un projet de loi. Ils ont demandé des modifications,
évidemment, à différents articles, ça, je... tout à fait, mais tous sont en
faveur d'un projet de loi.
Alors, moi,
j'aimerais ça aborder avec vous… Comment se fait-il qu'il y a un tel écart
entre votre position et celle des instances qui représentent les professeurs,
les chargés de cours, etc.? Et je reviendrai aussi, en regard... bien,
peut-être que je devrais tout de suite y aller. Ils nous ont mis en lumière, et
le rapport Cloutier l'a fait, sur des événements, hein? Le rapport Cloutier a
fait la liste des événements qui se sont passés dans nos universités. Puis je
ne parle pas de l'Université d'Ottawa, là. On va parler des universités au
Québec pour le moment. Ils ont fait un sondage au niveau des professeurs
également et des étudiants. Il y a un pourcentage quand même assez important
qui se sont autocensurés. Alors, comment se fait-il, cet écart entre les… ça me
préoccupe, là, entre les professeurs, etc., les chargés de cours, tout ça, et
la position des recteurs, rectrices?
M. Cossette
(Pierre) : Bien, il y a trois éléments. Je vais en prendre un puis je
vais en laisser à mes collègues, là, parce que... Mais, peut-être juste sur
l'écart, on n'est pas surpris, parce que, dans le chantier de l'université du
futur, où il y avait beaucoup, beaucoup d'intervenants, tous les syndicats
voulaient une loi, puis tous les autres n'en voulaient pas, incluant les
étudiants, puis on l'avait exprimé déjà clairement. Parce que l'idée, pour
nous, ce n'est pas que ce n'est pas un enjeu, c'est : Qu'est-ce qui nous
équipe le mieux pour faire face à cette situation-là? Et, pour nous, on ne
voyait pas la valeur ajoutée d'une loi par rapport à d'autres éléments. À la
limite, c'est sûr que, si c'étaient juste les premiers articles, des éléments
de type charte, là, qui... ça peut être peut-être utile, mais, dès qu'on rentre
dans la mécanique, on a plus d'effets secondaires que d'effets primaires.
Je veux revenir, un
petit mot sur le sondage, parce que ce n'est pas un sondage, c'est une enquête,
c'est une recension qui a été faite, complète. J'ai bien entendu
M. Gingras hier. J'étais assez étonné de ses propos parce que le... On
peut... Le sondage auprès du corps professoral, le principal constat que nous,
on en fait, c'est qu'il y a... l'enquête, c'est qu'il y a 97 % des gens qui
ont été questionnés qui ont préféré ne pas répondre, qui n'ont pas répondu, qui
n'ont pas jugé la situation suffisamment grave ou importante pour prendre les
15 minutes que ça prenait pour y répondre. Je sais, c'est 15 minutes,
je l'ai fait moi-même.
Et je suis vraiment
extrêmement étonné de parler d'un échantillon comme ça parce que c'est très
différent d'un sondage. Un sondage, c'est un échantillon représentatif
déterminé d'une façon aléatoire. C'est comme ça qu'on fait les sondages. C'est
pour ça que 1 000 personnes peuvent représenter 7 millions dans
une population du Québec. Quand Léger
appelle pour avoir un sondage, il n'appelle pas 7 millions de personnes.
Il en appelle un millier, 1 500, puis là-dessus il y en a
1 200 qui répondent. Donc là, ici, là, il y a 97 % des enseignants au
Québec qui ont jugé, pour une raison ou pour une autre... En fait, personne ne
sait ce qu'ils pensent, les 97 %.
Mais nous, on... Et
je ne veux pas dire qu'on ne pense pas que ce n'est pas un enjeu, la liberté
universitaire, là. Si on ne pensait pas que c'est un enjeu, on n'adopterait pas
des politiques, Mme D'Amours, à Laval, n'aurait pas fait sa réflexion, à
l'Université de Montréal… pas fait ce qu'on a fait, à Sherbrooke, à l'UQAM. On
a tous été en action là-dessus. Mais de dire que 60 %... d'inférer, en
fait, à partir d'un échantillon non représentatif, puis c'est normal, là, qu'il
y ait une proportion d'hommes, de femmes, parce qu'il y a quand même
1 000 personnes qui ont répondu, qu'il y a 60 % des gens qui
s'autocensurent, nous, écoutez… M. Gingras a parlé d'autorité. Moi, c'est
sûr que, si, dans ma maîtrise en épidémiologie biostatistique, j'avais essayé
de faire une inférence, a posteriori, à partir d'un 3 % non représentatif,
j'aurais coulé mon examen, O.K., donc... Mais mon but ici n'est pas de nier que
c'est un enjeu de société important, c'est juste de partir de 60 %. Donc,
je m'arrêterais là là-dessus.
Mais la distance
entre nous et les syndicats peut s'expliquer par différentes raisons. Mais je
laisserai mes collègues, peut-être Sophie, commenter à cet effet-là.
Mme D'Amours
(Sophie) : Écoutez, bonjour, Mme McCann, Mme la ministre, merci
de l'opportunité. En fait, une chose qui est claire, là, c'est qu'on partage
totalement, hein, cette idée de protéger et valoriser la liberté universitaire.
C'est au coeur de notre vie, c'est notre quotidien. Ça, je pense que Pierre l'a
bien dit. Je le répète, parce qu'il ne faut pas trouver les écarts où il n'y en
a pas, là. Sur cette perspective-là, là, on est pleinement là.
Mais, dans l'exercice
de la valorisation, c'est sûr que la façon dont les termes utilisés dans la
loi… On nous demande de se préparer à des mécanismes d'enquête, de sanction,
des mécanismes supérieurs, des voies de passage latérales, et on travaille,
dans nos unités, en toute collégialité, ces questions-là depuis le début de
l'université. Et c'est dans les comités de programme, d'abord, chez nous, là,
où les questions sont soulevées. Est-ce qu'il y a un défi avec une
matière x? Est-ce qu'elle doit être enseignée? Dans quel cours elle doit
être enseignée? C'est les collègues, c'est les collègues, avec les étudiants,
puis les étudiants sont membres de ces comités de programme, qui vont débattre
et discuter de ces choses-là. Et, sur les dizaines de milliers de cours qu'on
donne à chaque année à l'Université Laval, là, juste une, là, vous pouvez
comprendre, je pense qu'on parle de 317 000 enseignants,
34 000... 34 000 enseignants, 317 000 étudiants, là,
vous mettez ça dans des dizaines et des dizaines de milliers de cours ensemble,
bien, somme toute, je pense qu'on y arrive assez bien à travers nos processus,
où on cherche les voies de passage.
Une fois, par contre,
que le problème est un problème qui appelle à des sanctions, on va parler
d'intimidation, de harcèlement, de manque à l'intégrité scientifique, là, on a
des processus, on a des comités de pairs. C'est les pairs qui font ces
évaluations pour traiter de cas qui ne peuvent pas se protéger d'un chapeau de
liberté universitaire. Dans nos institutions, là, on les comprend, ces cas-là,
on les définit puis on a un processus pour y arriver.
Donc, c'est sûr que,
quand on passe une loi, on ouvre tout un processus pour amener toute situation
en cour, pour porter un dossier directement vers la cour, le judiciariser, et
c'est ça qu'on veut éviter, parce qu'on l'évite puis on travaille à améliorer,
à discuter, à débattre, à renforcer, à faire en sorte que les formations
puissent être données. Puis on ne cherche pas à censurer puis on ne cherche pas
à limiter les voies. Au contraire, à chaque fois qu'il y a une situation qui
est plus difficile, on cherche à ouvrir le débat et on ne cherche certainement
pas à fermer le débat puis à s'engager dans le processus judiciaire.
• (12 heures) •
Mme McCann :
Je n'aime pas bien vous interrompre, mais on a tellement peu de temps. Je
ne sais pas si vous voulez ajouter vraiment un autre élément, mais je veux
m'assurer, évidemment, qu'on puisse vous poser toutes les questions, parce que
vous êtes des acteurs majeurs, là, dans le dossier. Alors, je vous pose la
question, là, si on peut... parce que j'aimerais vous poser une sous-question
sur le sujet, si vous me le permettez. En fait… Puis je veux reconnaître, vraiment, qu'il y a beaucoup de
travail qui se fait dans les universités. On le reconnaît tous, là. C'est peut-être
inégal d'une université à l'autre. Ça aussi, ça nous préoccupe. Puis je n'ai
pas personne en tête, là. Je sais que tout le monde
travaille fort. Mais peut-être qu'il y a certaines inégalités en termes du
dossier de la liberté académique universitaire dans toutes les
universités.
Ce qui nous a été apporté
aussi, puis, écoutez, peut-être qu'on voit juste la pointe de l'iceberg, parce
que je pense... Puis là ça touche votre université, M. Cossette. La CSQ,
hier, qui nous disait… qui avait fait une petite enquête, là, auprès des chargés de cours. Sur
400 chargés de cours qu'ils ont rejoints, il y en a 100 qui ont... qui lui
ont dit et… qui leur ont dit qu'ils
s'étaient autocensurés. Puis on a reçu un mémoire également des auxiliaires de
recherche de l'Université de Sherbrooke, qui réclament un projet de loi
et qui réclament un conseil ou un comité, une politique vraiment.
Et ce n'est pas particulier à votre université,
M. Cossette, je vous le dis tout de suite. C'est juste qu'on a eu
l'opportunité d'entendre, là, par rapport à ce qui touche l'Université de
Sherbrooke… À mon avis... Puis je peux vous dire, d'ailleurs, McGill, on a eu
vent, vous aussi, d'une recherche des étudiants en psychologie, qui disent que…
écoutez, c'est un problème, que les gens s'autocensurent. Vous n'avez probablement
pas vent de tout ce qui se passe, là, par rapport à l'autocensure, là, dans ce
que vous avez comme... comme mécanismes, mais je salue vos mécanismes.
D'ailleurs, ce que je viens de dire en début d'intervention, c'est que nous, on
croit qu'il faut qu'ils continuent, ces mécanismes-là, que le conseil ou le
comité serait un dernier recours.
Un autre aspect, c'est qu'on m'a rapporté qu'il
y a des chercheurs qui n'iront pas dans d'autres universités parce qu'ils
craignent faire des interventions, des présentations, des travaux. Ils
craignent de ne pas être protégés au niveau de la liberté académique
universitaire, parce que ce n'est pas uniforme partout. Alors, ce sont toutes
des préoccupations. Puis je veux vous dire, encore une fois, je réitère que je
reconnais l'énorme travail que vous faites dans le dossier. Mais je pense que
vous comprenez l'esprit dans lequel on amène un projet de loi, et je vous amène
ces dimensions-là, M. Cossette.
M. Cossette (Pierre) : Ça me fait
plaisir de vous répondre parce qu'il s'avère, par curiosité ou par coïncidence,
que le président de la CSQ et le président du SAREUS, les deux syndicats dont
vous faites partie, ils font partie de mon conseil universitaire et ont voté
dans… à l'unanimité pour notre nouvelle politique visant à prévenir, faire
cesser le harcèlement et la discrimination, et à promouvoir et à protéger la
liberté universitaire, et s'en sont déclarés pleinement satisfaits. Donc, mon
président du syndicat des auxiliaires de recherche s'était exprimé dans le cadre
du chantier sur la liberté du futur, puis on a eu l'occasion d'en parler
plusieurs fois, moi et lui, puis, à un moment donné, il a dit : Bien, à la
fin, savez-vous, tout ce que ça prend, c'est être sûrs de faire la promotion
pour que tout le monde sache bien qu'ils sont bien protégés de la censure. Il
était pleinement satisfait de ça.
Et, vous
savez, l'autocensure, ça dépend aussi comment on définit ça. Si on définit ça
comme quelqu'un y pense à deux fois avant d'utiliser l'exemple qu'il va
utiliser quand il va enseigner, avant d'utiliser, effectivement, tel mot ou tel autre mot parce qu'on a compris récemment que
tel mot ou tel autre mot ont des connotations particulièrement chargées,
plus que ce qu'on prenait avant, donc... Mais c'est ça, la gestion collégiale,
O.K., c'est comme ça que ça fonctionne.
Mais c'est
quand même intéressant, parce que, moi, ma petite politique, qui est nouvelle à
l'Université de Sherbrooke puisqu'on
l'a singularisée, elle a été adoptée à l'unanimité de mon conseil universitaire
et mon conseil d'administration, duquel sont membres les deux personnes
qui... dont vous me faites référence. Ça fait que c'est quand même une petite
coïncidence, parce qu'ils ont trouvé que c'était vraiment excellent pour eux,
et pour elles, et pour leurs membres.
Mais je vais laisser peut-être Magda parler,
parce qu'effectivement chaque université ne l'aborde pas de la même façon, puis l'UQAM l'a abordé d'une façon
totalement différente, et puis, je pense, ça correspond bien à leur
réalité.
Mme Fusaro
(Magda) : En substance... Bonjour à toutes et tous, et merci
de me donner cette possibilité. Chaque université est le... Je dirais,
le mantra qui va animer ma courte intervention est de dire : Chaque
université est différente, mais on chérit toutes, je crois, la liberté
universitaire de la même manière. Qu'elle soit inscrite dans des conventions de
travail, dans des règlements, dans des politiques, qu'elle soit inscrite dans
des codes d'éthique, à la limite, pourquoi pas? Vous avez posé une question que
je trouve intéressante. Comment ça se fait que les centrales syndicales veulent
le projet de loi, ou, à tout le moins, les représentants, et pourquoi les
directions universitaires semblent avoir une telle… une telle position? Comment
réduire ce fossé?
En substance, dans un cas, il y a l'autonomie, à
laquelle on souscrit et qui est fondamentale, de nos principes de gouvernance,
Mme la ministre et chers membres. C'est cette autonomie qu'on ne retrouve pas
dans le projet de loi tel que décrit et tel qu'écrit ou tel qu'amendé, parce
que j'entends, dans votre propos ce matin, qu'il y aura des amendements.
Voyez-vous, j'avais... Moi, je l'ai lu, annoté. Si je vous montre ma copie,
elle est barbouillée. Je ne voyais pas que c'était un dernier recours. En
aucune manière on ne peut comprendre, dans le projet de loi tel que libellé,
que c'est un dernier recours. Mais, si c'est un dernier recours, quels sont les
premiers recours?
Notre complexité organisationnelle est réelle.
Quand M. Cossette dit : L'UQAM ne le traite pas de la même manière… La
politique n° 16 contre les violences à caractère
sexuel est une des plus strictes du Québec. Celle de l'UQAM est la plus
stricte, à ma connaissance, en tout cas, elle est très, très sévère, et même
celle-là a mis en oeuvre un ensemble de moyens. Il y a une promotion à faire.
Il y a une défense à faire. Il y a une reconnaissance, sans jamais accepter, et
ça, moi, je le porte, ce discours-là, ni le principe d'intimidation — en
aucune manière les espaces universitaires ne doivent sombrer là-dedans — sans
censurer. Mais, Mme la ministre, les universités, et l'UQAM en est une qui a
une catégorie bien à part...
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Je
suis désolée, je dois vous interrompre, le temps étant écoulé pour le premier
bloc d'échange. Je dois céder maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys
pour une durée de 11 minutes. Désolée. Merci.
Mme David : Oui. Merci. Merci, Mme
la Présidente. Vous aurez l'occasion... Bonjour.
Mme Fusaro
(Magda) : Bonjour.
Mme
David : Collègues, vous
aurez l'occasion de peut-être rattraper les réponses que vous... des fois, on
donne des réponses qui ne sont pas… aux
questions, mais des choses que vous voulez placer. Alors, je vous donne un
petit truc.
Ma question va être le plus résumée possible. Si
on consacre l'autonomie universitaire, la page V, en chiffre romain, du
rapport Cloutier, auquel vous tenez mordicus, et je vous comprends, si on
module l'article 4, que vous… que vous modifiez considérablement, pour
n'en garder que l'essentiel, qui est plus sur la prévention, promotion, etc.,
tout comme vos grands amis du FQPPU — attention, vous dites qu'ils
veulent une loi, mais, attention, eux aussi sont exactement à la même place que
vous sur l'article 4 — si
on enlève le premier paragraphe de l'article 6, que vous honnissez, mais
vous êtes totalement en accord avec tout le monde là-dessus, l'ingérence de la
ministre, si vous... si on consacre la primauté de critiquer l'institution par
rapport au devoir de loyauté — là, peut-être que Sophie D'Amours va être
un peu plus inquiète, parce que le SPUL le réclame beaucoup, mais plusieurs
recteurs sont d'accord avec la primauté du droit de critiquer l'institution — si on
enlève le libellé «domaine d'activité», parce que ça aussi, ça ne fait pas
consensus, on en est où par rapport à votre accord ou votre désaccord? Là,
j'aide beaucoup la ministre en vous posant cette question-là, parce que je
pense qu'on enlève pas mal d'irritants.
M. Cossette (Pierre) : Bien, je vais
dire une première chose. Je vais laisser la parole à Sophie après, qui a été
interpelée. Nous, on le réitère, là, les principes généraux qui sont dans
l'article 1, 2, 3, qui méritent peut-être d'être un petit peu
retravaillés, on y souscrit, là. À la limite, si c'est une valeur de type
charte, là, donc, qui va un peu... ce n'est pas un problème. Nous, quand c'est
un problème... quand ça vient interférer avec la gestion académique de nos
départements, de nos programmes, de nos facultés, là, ça devient un problème.
Donc, si on fait tout ce que vous dites, Mme David, bien là, à ce moment-là,
premièrement, on enlève le potentiel d'effets secondaires de la loi, là,
grandement. Puis, à ce moment-là, on réitère publiquement... Et, dans un cadre
légal, à la limite, honnêtement, ce ne serait pas tant que ça un problème, là.
Mais le critiquer... Nous, on se critique
constamment, à l'université. Enfin, je ne sais pas qui a peur de la critique.
En tout cas, il ne faut pas être ni professeur d'université ni encore moins
vice-recteur, vice-rectrice ou recteur, là. Mais je vais laisser Sophie parler,
parce que, pour nous, critiquer son établissement, bien, c'est comme ça, la vie
universitaire, là. Mais vas-y, Sophie.
• (12 h 10) •
Mme David : Non, mais je ne veux pas
que Sophie, nécessairement, là, donne les détails de ça. Parce que je donnais
un exemple de syndicat, dans sa convention collective, qui n'a pas ça. Il y a
d'autres universités qui l'ont. Donc, je ne veux pas en faire un débat d'une
université contre une autre, mais c'est une demande qui est vraiment faite de
pouvoir inscrire cela et de prendre fait et cause aussi, pour un professeur ou
un étudiant, comme dans l'affaire Maillé, par exemple, que l'UQAM connaît bien,
qui est directement interpelée, et puis ça a causé des soucis. Alors, je ne
veux certainement pas mettre la rectrice de l'Université Laval dans l'embarras,
loin de moi la question, mais c'est pour dire qu'il n'y a pas la même chose
dans tout. Et c'est le but du rapport Cloutier, de dire : Attention, comme
ça n'existe pas partout, les mêmes droits protégés de la même façon, il y a
des... même, comme à McGill, des professeurs qui ne sont pas syndiqués. Donc,
tout est... Il y a un effort d'uniformiser la protection en ces domaines-là.
Alors, admettons que l'article 4 est mieux
balisé, et je comprends même que... Parce qu'hier on a bien compris, puis la
ministre a eu raison de le préciser encore ce matin, vous avez sûrement suivi
les travaux, le… Alexandre Cloutier l'a bien dit, ce qu'on appelle conseil,
mais que même le rapport de Cloutier parle d'un comité, ce serait le dernier recours.
Autrement dit, tous les processus en amont de ça, qu'on connaît très bien dans
les départements, dans les facultés, les directeurs de programme, les
vice-doyens aux études, etc., seraient suivis, et c'est seulement en cas de
litige absolu et, en fait, insoluble qu'on pourrait avoir une sorte de
médiation, rendu à une instance plus haute. Alors, ça module beaucoup, moi, je
trouve, cette question-là.
Et la ministre a rajouté ce matin, et je vous
pose, donc, la question, parce que je l'entends, c'est très nouveau de ce
matin, qu'on pourrait étudier la possibilité de jumeler ça avec le comité sur
le harcèlement, que vous avez probablement tous et toutes dans vos universités.
Ça, c'est nouveau de ce matin. Je trouve ça intéressant. Comment voyez-vous la
chose? Il y a trois… trois femmes qui lèvent la main, Dr Cossette.
M. Cossette
(Pierre) : Bien, je… Valérie m'avait interpelé en premier,
donc je vais lui laisser une petite chance, oui.
Mme Amiraux (Valérie) : Merci.
Merci, Mme la députée. Je voudrais juste revenir sur ce que vous avez signalé comme étant des possibilités de changement
dans la rédaction du projet de loi tel qu'il nous a été soumis. Tout ce que vous soulignez est, pour nous, évidemment,
miel à nos oreilles, mais j'insiste sur le fait que ce qui est essentiel,
c'est d'avoir une définition qui reprenne, dans son intégralité, tous les
éléments qui sont présents dans la recommandation n° 97
de l'UNESCO. Je pense que personne ne s'oppose à cette recommandation n° 97, et qu'elle va très loin dans l'autonomie, hein, qui
n'est pas... vous l'avez dit, qui n'est pas un détail. Ce n'est pas une
coquetterie. Donc, la placer dans les considérants, c'est extrêmement
problématique. Donc, si on ramasse tous ces enjeux définitionnels et qu'on les
construit d'une manière solide qui imbrique toute la complexité de la façon
dont se vit la liberté universitaire dans nos établissements, je pense que ce
sera satisfaisant.
Pour revenir à votre dernière question, dernière
remarque sur le conseil devenu comité, nous avons tous des... et ça a été dit,
des procédures et des façons de faire qui sont collégiales, qui sont ancrées
dans des situations. À mesure qu'une situation se développe, on reste au plus
près de cette situation. Et, quand, effectivement, toutes les étapes de son règlement n'ont pas donné satisfaction, on arrive à une
dernière instance. Donc, ma question serait : Cette dernière instance qui
est présentée dans les mots de Mme la ministre aujourd'hui, est-ce qu'elle
s'ajouterait ou est-ce qu'elle pourrait rejoindre des choses qui existent déjà?
Et je prends un exemple concret à l'Université
de Montréal. Une des… Un des résultats de la consultation de la mission du
recteur que j'ai présidée l'an passé, qui a produit l'énoncé de principes,
c'est que nous avons modifié le nom du Bureau d'intervention en matière de
harcèlement, qui est devenu le Bureau du respect de la personne. Ce Bureau du
respect de la personne est maintenant doté d'un sous-titre dans lequel sont déroulés
toute une série de secteurs et de comportements condamnables sur lesquels il
est appelé à intervenir. Là, nous avons une liberté, que nous chérissons, que
nous promouvons, et nous l'avons inscrite dans notre fonctionnement
institutionnel. Est-ce que cette instance ultime pourrait s'intégrer dans des
choses qui existent déjà dans les universités?
Mme David : Oui. C'était…
M. Cossette (Pierre) : Bien, je
laisserais peut-être Sophie répondre aussi. Excusez, Mme la députée, je vous ai
interrompue.
Mme D'Amours (Sophie) : Bien, moi,
je vais juste affirmer ce que Mme Amiraux vient de dire. Puis,
Mme David, j'ai devant moi la convention collective des professeurs de
l'Université Laval, et c'est écrit noir sur blanc qu'ils ont toute la liberté
de critiquer l'institution. Et la définition est un peu différente de celle que
la… que la ministre a déposée dans son projet de loi et elle rejoint la définition
de l'UNESCO. Alors, je ne sais pas où il y a une interprétation différente,
mais, cette idée que les professeurs peuvent critiquer l'institution, là, il
n'y a pas… il n'y a pas de défi pour les recteurs, là. Je pense que ça, c'est
assez clair. Ça se vit au quotidien. Vous le savez, vous avez été là, ça fait
partie des processus d'amélioration continue de nos organisations que
d'écouter, d'entendre nos membres et de travailler avec l'ensemble de la
communauté à faire en sorte que nos universités soient juste meilleures. Alors,
c'est juste ça, l'élément que j'ajouterais.
M. Cossette (Pierre) : Est-ce
qu'on a répondu à votre question, Mme la députée?
Mme David : Bien, écoutez, oui.
J'ai lu attentivement les 200 quelques pages de la mission à l'Université de
Montréal, et effectivement vous décentralisez beaucoup. Je pense que, dans
chaque faculté, il y a plus ou moins des processus qui sont autoportants sur la
question de la... qui traitent de la liberté universitaire, mais vous avez
aussi quelque chose de plus central qui est votre nouveau bureau, je dirais, et
qui pourrait peut-être ressembler... C'est pour ça que je vous posais la
question. Si la ministre nous suggère à nous, les élus, dans un amendement,
éventuellement, de faire une sorte de jumelage comme ça, ce n'est pas quelque
chose qui serait, donc, impossible pour vous.
M. Cossette
(Pierre) : Ah! au contraire, en fait, c'est ce que... Un des
mots les plus problématiques de l'article 4 proposé à l'heure
actuelle, c'est le mot «exclusivement», parce que, vous l'avez cité tantôt,
nous, à l'Université de Sherbrooke, si je prends l'exemple, c'est les mêmes
gens du bureau du respect pour les employés et de l'ombudsman des étudiantes et
étudiants qui vont gérer toutes les questions de harcèlement et de
discrimination. Parce que, pour nous, quand
on va trop loin dans un débat, quand on n'argumente plus sur des faits, quand
on attaque les personnes, quand… C'est ça, c'est comme ça que... Si ça
ne peut pas se régler au niveau départemental disciplinaire, c'est parce qu'on
tombe dans des niveaux personnels.
Bien, écoutez, du harcèlement, c'est du
harcèlement. C'est du harcèlement, qu'il soit en personne, par téléphone, par
cyberintimidation, c'est la même chose. Et on a déjà des instances pour régler
ça, puis on a déjà des comités pour régler ça, puis on a déjà des comités de
discipline, puis on sait déjà comment le faire avec nos employés et avec nos
étudiantes et étudiants. Et l'intégration de la liberté universitaire dans ces
instances-là, pour nous, bien, c'est ce
qu'on fait déjà, en réalité. Donc, le mot «exclusivement» de l'article 4
proposé est très problématique. L'ouverture qu'on a de la ministre, ce
matin, d'intégrer ça à d'autres politiques, en fait, d'intégrer ça à notre vie
académique, c'est ce qu'on fait déjà. En fait, pour nous, ça devient quelque
chose qui est faisable. Oui, Magda.
Mme Fusaro (Magda) : Vie
académique et structure organisationnelle, multiplier les canaux, on l'a
mentionné, va complexifier aussi pour les personnes étudiantes. On parle
beaucoup des personnes professeures, bien sûr, et c'est l'enjeu, mais aussi
pour les personnes étudiantes, puisqu'on n'oublie pas qu'il y a la liberté
d'enseigner et il y a aussi la liberté d'apprendre. Et nous avons aussi le
mandat de protéger l'ensemble des personnes qui étudient. Alors, le fait de
l'inscrire dans des politiques existantes et/ou dans des structures existantes
force la réflexion, la concrétise, mais la met dans des structures collégiales
déjà établies et validées au lieu de créer une énième structure.
Mme David : Si je peux me
permettre, d'une part, le rapport Cloutier va clairement dans une suggestion
qui a quelque chose d'assez exclusif pour qu'on puisse traiter de ça, même s'il
parle d'en dernier recours, quand il y a des litiges, comme dit Pierre
Cossette, qu'il y a des litiges qui sont insolvables... insolubles,
c'est-à-dire, au niveau des instances antérieures. D'une part, bien, ça doit
aller vers peut-être des gens qui se sont beaucoup penchés sur la liberté universitaire
puis, d'autre part, bien, ça peut mener, effectivement, à des sanctions. Je
sais que vous êtes contre le troisième alinéa, la FQPPU aussi. L'UEQ dit :
On ne veut pas de loi. Donc, finalement, les trois socles de… qui constituent
un milieu universitaire sont contre cette question-là.
Mais,
implicitement, vous le dites, que ça peut aller vers des sanctions. Le
harcèlement peut aller vers des sanctions. Le comité de discipline existe.
Alors, je ne pense pas que le rapport Cloutier est en train de dire que tout ça
doit arrêter de fonctionner, mais il parle... Là où moi, j'ai un malaise, c'est
comment proposer, au troisième alinéa de l'article 4, des mesures et des
sanctions. Même si c'est sous forme de recommandations, bien, ça peut défendre…
dépendre d'une infinité de cas de figure. Alors, je voulais vous entendre
là-dessus, parce qu'un jour il faut peut-être sanctionner des comportements
inacceptables.
M. Cossette
(Pierre) : Bien, c'est là où je veux en venir. Puis nous, on n'est pas
en désaccord avec tout le rapport Cloutier, hein? Ceci dit, on a… Quand tu lis
tout… pardon, quand on lit tout le rapport Cloutier, on n'arrive pas à trouver
aucune substance qui va documenter pourquoi ça prend une instance exclusive. Il
n'y a rien, dans ce qu'il a recensé, qui va... Donc, le lien entre ce qu'il a
recensé, qui est extrêmement intéressant, c'est une recension vraiment très,
très utile… Pourquoi ça prend une instance exclusive, il n'y a rien qui
documente ça.
Mais, vous le dites
déjà très bien, dans nos bureaux respect, dans nos ombudsmans des étudiants et
étudiantes, dans les différents éléments qu'on a, il y a des sanctions. Ça
existe. Évidemment, on n'aime pas aller là, mais, si un étudiant fait de
l'intimidation vers son professeur, vers une autre étudiante, vers… il y a tout
à fait des sanctions qui sont déjà prévues, là, et inversement. Puis ça, c'est
peut-être un des... Les syndicats nous demandent : Est-ce que vous allez
prendre fait et cause pour nous? Bien, la réponse est que nous, on va prendre
fait et cause pour la liberté universitaire. Alors, ça dépend. On va prendre
fait et cause pour les gens qui travaillent vers la liberté universitaire, vers
la recherche de la vérité, puis qui apprennent à débattre, et qui débattent
d'une façon ouverte. Donc, on ne peut pas dire à l'avance : On va prendre
pour un étudiant ou pour un professeur. On va défendre la liberté
universitaire. Et puis, bien, la plupart des incidents qu'on voit dans nos vies
universitaires, c'est souvent étudiant-étudiant ou collègue-collègue, hein? On
pense souvent à la dyade étudiant-professeur, mais, dans la réalité, dans une
université, là, les accrochages sont très souvent entre étudiants.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, M. Cossette. Je cède maintenant la parole
au député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 3 min 18 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Je salue mon alma mater,
l'UQAM, bien sûr. Hier, plusieurs syndicats, en particulier, nous ont parlé
d'un certain inconfort, un désarroi, même, de plusieurs professeurs ou
chercheurs qui se sentent délaissés par leur institution lorsqu'il y a une
poursuite, une poursuite-bâillon, qu'on pourrait même qualifier. J'aimerais, d'après…
vous entendre. Est-ce que… D'après vous, cette crainte-là, est-ce qu'elle est
fondée? Est-ce qu'elle est plus dans la perception?
Puis ensuite j'ai
posé la question à M. Cloutier, parce que la FQPPU propose d'en faire un
article de la loi. M. Cloutier était très en faveur. Je lui ai posé la
question : Que pensez-vous que vos collègues du BCI vont en dire demain?
Il a peut-être fait de la futurologie, mais il était convaincu que vous seriez
en accord avec cette suggestion-là. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Cossette
(Pierre) : Bien, deux choses, puis je laisserai Magda… Premièrement,
pour nous, on prend fait et cause, O.K., pour les professeurs régulièrement. On
fait ça plusieurs fois par année. Et, pour nous, là, cet élément-là qu'on se
fait dire toujours : On les défend mal, pour moi, je suis mystifié quand
j'entends ça. Parce que, si vous... Ce qui me dérange, moi, comme recteur
d'université, c'est le nombre de dollars et de temps que je dépense, dans mon
organisation, pour défendre des décisions de comités de programme, des
décisions d'exclusion, des… des choses... des décisions difficiles pour
lesquelles on est constamment attaqués, les établissements. Puis «constamment»,
ce n'est pas un très grand nombre de
personnes, mais il y en a toujours, toujours plusieurs en cours, et on prend
systématiquement fait et cause pour des instances qui ont fait leur travail
correctement ou pour les professeurs qui ont... Donc, cette idée-là qu'on ne
les défend pas, ça, pour moi, honnêtement, je ne comprends pas, parce qu'on le
fait déjà. Puis c'est d'ailleurs inclus dans la plupart des contrats de
travail, là, pour… là où on en a. Donc, ça, je ne le comprends pas, puis on
veut le réitérer.
À
la fin, par contre, on ne défend pas n'importe quoi. Donc, que ce soit un
étudiant ou un professeur, s'il y a une question de harcèlement ou d'intimidation, nous, on combat le
harcèlement, l'intimidation, peu importe dans quelle direction il se passe. C'est ce que je voulais dire en
terminant tantôt. Mais Magda voulait dire quelque chose. Je te laisse la
parole.
Mme Fusaro
(Magda) : En fait, il faut qu'ici on soit clairs sur les mots. S'il y
a, de la part d'un groupe d'étudiants, une volonté de modifier le contenu
pédagogique du professeur et qu'il y a, de la part du professeur,
l'autocensure, qui est celle qu'on décrit depuis maintenant presque une heure,
non, ça n'a pas lieu d'être. Et les universités, et je crois que toutes les
universités, toutes les directions universitaires se sont prononcées, bien sûr
qu'on défend la personne qui va enseigner. Comment on le fait? C'est dans le comment,
peut-être, qu'il y a peut-être des éléments différents d'une université à
l'autre. Pourquoi? Parce que nos mécanismes sont différents.
Mais moi, j'aimerais
attirer l'attention aujourd'hui sur le fait qu'il y a également des formes dans
la vie départementale, dans les comités de programme. C'est ce que la rectrice
de Laval, Sophie, essayait d'expliquer quand elle
parle de divergence d'opinions au sein même d'une discipline, et c'est là où...
et là je vais vous poser la question, et je vous la retourne, deux profs, deux chargés de cours qui ne sont pas
d'accord. C'est ce qu'on vit au quotidien, de 8 heures le matin
jusqu'à 23 heures le soir, dans les courriels, dans les réseaux sociaux et
dans l'ensemble. Et c'est là où ce…
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) : Merci
beaucoup…
Mme Fusaro
(Magda) : …où ça intervient.
La Présidente (Mme D'Amours, Mirabel) :
Je suis désolée. Merci. C'est tout le temps que nous avions. Je suis toujours
très malheureuse de vous couper la parole, parce que c'est toujours très
intéressant de vous écouter.
Mémoires déposés
Avant de conclure les auditions, je procède au
dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus
lors des auditions publiques.
Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux, chers invités.
La commission ayant accompli son mandat,
j'ajourne ses travaux sine die. Merci. Au revoir.
(Fin de la séance à 12 h 25)