Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mercredi 11 mai 2022
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Vol. 46 N° 37
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 32, Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-neuf minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) : Bonjour.
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les citoyens ouverte. La commission est réunie
afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 32, loi sur la liberté académique
dans le milieu universitaire. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Dansereau (Verchères) est remplacée par Mme IsaBelle
(Huntingdon); Mme Lachance (Bellechasse) par Mme Foster
(Charlevoix-Côte-de-Beaupré); M. Lévesque (Chapleau) par M. Chassin
(Saint-Jérôme); Mme Picard (Soulanges) par M. Émond (Richelieu); Mme Maccarone
(Westmount-Saint-Louis) par Mme David (Marguerite-Bourgeoys); Mme Labrie
(Sherbrooke) par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Bérubé
(Matane-Matapédia) par Mme Perry-Mélançon (Gaspé.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
M. le secrétaire. Étant donné que nous commençons nos travaux neuf minutes 45 secondes
en retard, j'ai besoin de votre consentement pour finir neuf minutes et
quelques secondes plus tard. J'ai le consentement? Merci.
Ce matin, nous entendrons le Bureau de la
coopération inter... interuniversitaire, pardon. Je souhaite la bienvenue au
représentant du Bureau de coopération interuniversitaire. Je vous rappelle que
vous disposez de dix minutes pour votre exposé. Après quoi nous procéderons à
la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à
vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Cossette (Pierre) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre. Donc, je vais laisser mes
collègues se présenter d'abord. Sophie.
Mme D'Amours (Sophie) : Oui,
bonjour. Sophie D'Amours. Je suis rectrice de l'Université Laval, professeure
de génie industriel.
M. Cossette (Pierre) : Magda.
Mme Fusaro (Magda) : Magda
Fusaro, rectrice de l'Université du Québec à Montréal, professeure en
technologies de l'information.
M. Cossette (Pierre) : Valérie.
Mme Amiraux (Valérie) : Bonjour.
Valérie Amiraux, professeure de sociologie, vice-rectrice aux partenariats
communautaires et internationaux à l'Université de Montréal.
• (11 h 40) •
M. Cossette (Pierre) : Bonjour.
Donc, Pierre Cossette, recteur de l'Université de Sherbrooke et professeur en
médecine dans la Faculté de médecine et sciences de la santé. Donc, merci
beaucoup de l'opportunité qu'on a de présenter nos observations sur le projet
de loi n° 32. On vous a présenté, on vous a amené déjà un mémoire sous
forme de diapositives, si on peut s'exprimer anciennement, comme ça. Juste pour
rappeler qu'on représente 20 établissements universitaires qui sont
fréquentés par 317 000 étudiants et qui a environ 34 000 membres du
corps professoral qui enseignent. Ces chiffres-là sont très importants parce
que quand on multiplie 317 000 fois 34 000, c'est beaucoup d'interactions
dans une année.
Si on va à la suivante, pour nous, je veux
réitérer que la liberté universitaire est fondamentale pour les universités. En
fait, déjà, on s'est engagé et on souhaite promouvoir, protéger et défendre la
liberté universitaire. Ça, c'est un acquis pour les directions d'établissements.
On souhaite faire ça. La liberté universitaire, c'est une chose bien
particulière parce qu'elle est exclusive aux activités de recherche, de
création et d'enseignement de services à la collectivité, et elle est au cœur
de...
M. Cossette (Pierre) : ...Notre
gouvernance académique. En fait, une université... Un établissement
universitaire doit se soucier de la liberté universitaire. Et on a plusieurs
structures collégiales, parce qu'une université ça fonctionne comme ça...
Aujourd'hui, vous avez devant vous des chefs d'établissement ou une
vice-rectrice, mais, en réalité, une université est composée de départements,
de comités de programmes, d'assemblées facultaires, d'assemblées
départementales et c'est là que sont établis les contenus à enseigner pour une
discipline ou pour une autre. Et cette façon-là peut être très différente en
histoire, en ingénierie, en médecine ou en sociologie, parce que c'est
l'expertise de contenu qui décide ou qui détermine les choses pertinentes à
enseigner ou non, et effectivement, par contre, avec beaucoup de liberté aux
professeurs, dépendamment des normes qui nous encadrent.
Bien, cette collégialité-là, elle est au
cœur de nos activités, et nous, on représente ça aujourd'hui, et elle est déjà
protégée par une grande quantité... Et des stratégies d'actions
institutionnelles qui peuvent dépendre d'une faculté à l'autre, mais qui sont
toujours autour des mêmes principes et des mêmes définitions. Donc, quand on
parle de liberté universitaire, c'est la même, quand on parle de harcèlement ou
d'intimidation, c'est la même, quand on parle de protections, c'est les mêmes, des
étudiants et des étudiantes, mais les disciplines sont différentes puis la
façon de l'appliquer peut être différente.
Et l'autre élément qui est très important,
c'est que, la liberté universitaire, pour nous, mais ce n'est pas seulement
nous, c'est l'UNESCO qui le dit aussi, elle est... Il y a deux volets à
ça : elle doit absolument avoir une liberté universitaire des professeurs
aussi, mais elle comprend l'autonomie des établissements dans l'enseignement
supérieur. L'autonomie en termes de décisions académiques, c'est fondamental,
ça fait partie de l'histoire longue des universités, que ça soit au Québec ou
ailleurs, de protéger nos milieux académiques des ingérences externes. Ça ne
veut pas dire qu'on est imperméables, on est dans la société, les débats, on y
prend part, mais c'est très important pour nous.
Et c'est pour ça qu'à l'heure actuelle
nous, on s'oppose à l'adoption du projet de loi n° 32. Parce que la
question qu'on a, c'est : Est-ce qu'on sait déjà gérer ça? Est-ce qu'on a
déjà fait des actions? Est-ce qu'on est en action là-dedans? Est-ce qu'on
s'adapte à cette réalité-là, de liberté universitaire? La réponse, c'est oui.
Et on le fait depuis qu'on existe, ce n'est pas juste depuis les controverses
actuelles, au fil des époques, il y a toujours eu des enjeux de liberté
universitaire, il y en aura toujours et on s'y est adaptés. Est-ce que c'est
parfait? Ce n'est jamais... il n'y a jamais rien de parfait, mais les
mécanismes adaptatifs doivent pouvoir continuer à travailler.
Et pourquoi on s'y oppose? Bien, c'est par
le principe qu'on a besoin de défendre l'autonomie des établissements en
matière académique. Et je comprends qu'on est imputables, là, des
contribuables, là, on parle de d'autres choses complètement, différemment, on
parle de liberté académique.
Et puis, bien, notamment, dans ce projet
de loi là, il y a un article quatre qui impose une unique stratégie aux
établissements, avec des politiques qui portent exclusivement sur la liberté
universitaire alors qu'elle est au cœur de toute notre vie départementale de
programmes et de facultés. Puis il y a aussi un article 6 qui confère des
pouvoirs discrétionnaires vraiment inédits à la ou au ministre, il ne faut pas
personnaliser, donc, parce que... donc, pour nous, légiférer ainsi sur la
liberté universitaire, c'est paradoxal, mais ça menace la liberté
universitaire.
Si on revient spécifiquement aux articles
dont je vous parle, c'est sûr que, pour nous, l'adoption d'une politique
portant exclusivement sur la liberté universitaire et prévoyant la constitution
et la composition d'un conseil distinct devant examiner les plaintes, bien,
pour nous, c'est un problème important. Parce que, je vous l'ai dit, là, on a
déjà des instances collégiales : des comités de programmes existent, des
assemblées départementales existent, des assemblées facultaires existent et
c'est là que doivent se décider ce qui doit être enseigné ou non, comment on
gère ce qui est pertinent ou pas, est-ce que des professeurs et ou des
étudiants, des enseignants ont dépassé certaines limites, ça prend une
compétence... donc on a déjà ça. Et on a déjà, dans chaque université, des
protecteurs des étudiants, des ombudsmen, des bureaux, du respect ou des
variations de ça.
Et les éléments de liberté universitaire
et de liberté académique sont au cœur de notre vie académique, ce n'est pas un
«side issue», vous excusez l'anglicisme, mais c'est au cœur de ce qu'on sait
faire et ce qu'on doit faire. Et c'est surtout important d'apprendre à débattre
d'une façon éclairée, d'une façon ouverte, d'une façon raisonnée à l'intérieur
des instances. De créer un canal distinct aura, potentiellement, juste pour
effet juste de complexifier les choses, de donner une voie royale ou rapide à
des gens qui souhaitent simplement contester plutôt que de débattre et de le
faire de façon constructive. Et, s'il y a quelque chose, d'augmenter la
judiciarisation ou la... puis je ne parle pas, justement, du système
judiciaire, dans nos instances, on a déjà des comités disciplinaires ou autres,
nous, on souhaite que les gens apprennent à débattre et c'est normal qu'ils
débattent puis c'est normal que, de temps à autre, il y ait des choses qui
posent problème parce qu'on est aux frontières des disciplines, on avance les
connaissances.
L'article 6, pour nous, est un énorme
problème. Donc, si jamais l'Assemblée nationale décide d'adopter le projet de
loi, puis on reconnaît tout à fait le droit de le faire, bien, l'article six
doit simplement être retiré, tout simplement, Il n'y a pas d'autres choses à
faire que ça avec l'article six. Et si on... dans nos propositions pour
l'article quatre, si...
M. Cossette (Pierre) : ...la
loi devait être adoptée. Il doit être vraiment diminué et amputé de tout ce qui
interfère avec la gestion académique des départements, des instances qui
fonctionnent déjà. Donc, est-ce que... Nous, ce qu'on propose, bien, s'il y a
un comité qui doit parler strictement de liberté universitaire, bien, ce
comité-là, il doit effectivement être composé d'une façon représentative, avoir
des règles de fonctionnement, mais il doit simplement voir est-ce que la
politique que les universités ont adoptée chacune dans leurs instances est bien
appliquée ou non. Il faut absolument sortir de la dynamique où le «one size
fits all» et on pense que c'est les mêmes mécanismes qui vont fonctionner à
l'INRS, qui est un établissement deuxième, troisième cycles, avec 600
étudiants, qu'à l'Université de Montréal, avec ses dizaines de milliers
d'étudiants, ou à Laval ou à l'UQAM ou à Sherbrooke.
Donc, ça, on doit vraiment l'amender et en
enlever des grandes portions pour être certains, si c'est souhaité par
l'Assemblée nationale, que chaque établissement universitaire se dote d'une
politique. Mais pourquoi la politique devrait être distincte des politiques? On
ne le comprend pas et on pense que le mot «exclusivement», dans la proposition
actuelle, doit absolument être enlevé. Parce que la liberté universitaire, ce
n'est pas un sujet qui doit être sorti, c'est un sujet qui est intégré dans
notre vie puis c'est intégré aussi dans nos politiques de respect, de
prévention, d'intimidation et de harcèlement. Ça ne doit absolument pas être
sorti de ça.
Pour l'article 1, on a une proposition
d'amendement pour qu'on parle de liberté universitaire plutôt que de liberté
académique universitaire. On pense que, dans tout le projet de loi, ça devrait
être de cette façon-là.
Pour l'article 3, très important, si on
veut amener une définition, qu'elle inclue l'autonomie des établissements
universitaires et de dire qu'elle est constitutive de plein exercice du droit à
la liberté universitaire, parce qu'on a seulement des clauses dans le préambule
de la loi, il n'y a pas de clause dans les articles. Et puis, si jamais il y a
une adoption et une légalisation à outrance, c'est essentiel que l'autonomie
des établissements soit traitée sur le même pied d'égalité dans les articles
amendés que la liberté d'enseigner, d'apprendre et autres. Donc, cet
amendement-là, il est extrêmement important.
Et puis, finalement, pour tout ce qui est
de la reddition de comptes de l'article 7... devra être adapté aux
modifications qu'on propose à l'article 4. Parce qu'il ne saurait y avoir un
«one size fits all». Vous m'excuserez l'anglicisme. Ça doit être... ça doit...
Les mécanismes d'application vont être différents d'une université à l'autre.
Et, pour nous, au BCI d'avoir des définitions et des principes communs et des
chartes communes, c'est important, mais d'avoir une biodiversité, d'avoir des
applications qui peuvent s'adapter au contexte de chaque établissement et de
chaque faculté, dans chaque établissement, c'est extrêmement important. C'est
parfois perçu comme un problème. Pour nous, c'est une richesse incroyable du
Québec d'avoir des établissements différents, d'avoir des cultures d'établissement
différentes, d'avoir des cultures départementales différentes. Et c'est au cœur
d'une université de gérer la transmission et l'avancement des savoirs.
Et nous, je veux revenir là-dessus, c'est
important de réaliser que ce n'est pas qu'on est contre le débat. Il va y avoir
des débats. En fait, s'il n'y avait pas de débat, c'est que les universités ne
feraient pas leur boulot. Si on prend... Et il ne doit pas y avoir de «safe
space», il ne doit pas y avoir de censure ni pour les étudiants ni pour les professeurs.
La Présidente (Mme D'Amours) : Monsieur
Cossette... En terminant, monsieur Cossette, il vous reste quelques secondes.
M. Cossette (Pierre) : Oui,
bien, je pense que c'était ça. Pour nous, il n'y a pas de «safe space».
L'université est un endroit de débat, et on doit apprendre à débattre sur des
faits qui sont étroitement intégrés dans des savoirs disciplinaires.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous pour une durée de seize minutes 30
secondes.
• (11 h 50) •
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je tiens vraiment à vous saluer, monsieur Cossette, madame
D'Amours, madame Fusaro et madame Amiraux. Merci de votre présence. Merci
également de votre mémoire, très clair, hein, très concis, très clair, j'aime
bien, et donc du temps que vous prenez pour venir discuter avec nous.
Je vais faire juste quelques précisions au
départ parce que je m'aperçois, au cours des travaux, puis c'est normal, qu'il
y a... la compréhension de certains articles, parce que tout n'est pas écrit
dans la loi et dans l'application, là... il faut apporter quelques bémols, là.
Par exemple, quand on parle du conseil... Je vais commencer par la politique.
On parle de la politique, l'esprit de la loi, c'est, oui, qu'il y ait une
politique unique, hein, spécialement pour la liberté académique universitaire.
Par rapport au conseil ou au comité là, je sais qu'il y a des gens qui
préféreraient «comité», moi, je vais vous dire, Monsieur Cossette, et tous et
toutes...
Mme McCann : ...qu'on
valorise beaucoup la collégialité, alors, dans les universités, dans notre
vision. Et c'est sûr que, on l'a précisé hier, le traitement de situations qui
se passent, là, à l'université, qui touchent la liberté universitaire va
continuer de se faire dans les départements, en fait, le conseil ou le comité
sera un dernier recours, c'est l'esprit du rapport Cloutier aussi, Alexandre
Cloutier, hier, nous précisait le tout, et que le conseil pourrait être jumelé,
par exemple, à la question du harcèlement, là. Je sais que, dans les
universités, certaines universités, ça existe. Alors, on ne veut pas que ça
soit noyé, la question de la liberté universitaire, mais un conseil ou un
comité qui s'occuperait de ces deux volets, je pense que ça respecte quand même
l'esprit de la loi aussi.
Alors donc, deux précisions que je veux
vous apporter aujourd'hui. C'est sûr que vous arrivez, comme, le dernier
groupe, et c'est bien parce qu'on a vraiment rencontré plusieurs groupes, là,
depuis le début, hier. Et, j'imagine, vous avez peut-être suivi les travaux ou
vous avez eu un rapport sur les travaux de la commission, donc vous savez qu'il
y a différents groupes. On va parler des instances syndicales. La CSQ, la FQPPU
et la FNEQ sont venus nous rencontrer, et tous sont en faveur d'un projet de
loi. Ils ont demandé des modifications, évidemment, à différents articles, ça,
je... tout à fait. Mais tous sont en faveur d'un projet de loi.
Alors, moi, j'aimerais ça aborder avec
vous... comment se fait-il qu'il y a un tel écart entre votre position et celle
des instances qui représentent les professeurs, les chargés de cours, etc. Et
je reviendrai aussi, en regard... Bien, peut-être que je devrais tout de suite
y aller. Ils nous ont mis en lumière... et le rapport Cloutier l'a fait, sur
des événements, hein? Le rapport Cloutier a fait la liste des événements qui se
sont passés dans nos universités. Puis je ne parle pas de l'Université
d'Ottawa, là. On va parler des universités au Québec pour le moment. Ils ont
fait un sondage au niveau des professeurs, également, et des étudiants. Il y a
un pourcentage quand même assez important qui se sont autocensurés. Alors, comment
se fait-il, cet écart entre les... ça me préoccupe, là, entre les professeurs,
etc., et les chargés de cours, tout ça, et la position des recteurs, rectrices?
M. Cossette (Pierre) : Il
y a trois éléments. Je vais en prendre un puis je vais en laisser à mes
collègues, là, parce que... Mais, peut-être juste sur l'écart, on n'est pas
surpris. Parce que, dans le chantier de l'université du futur, où il y avait
beaucoup, beaucoup d'intervenants, tous les syndicats voulaient une loi, puis
tous les autres n'en voulaient pas, incluant les étudiants, puis on l'avait
exprimé déjà clairement. Parce que l'idée, pour nous, ce n'est pas que ce n'est
pas un enjeu, c'est : Qu'est-ce qui nous équipe le mieux pour faire face à
cette situation-là? Et, pour nous, on ne voyait pas la valeur ajoutée d'une loi
par rapport à d'autres éléments. À la limite, c'est sûr que, si c'étaient juste
les premiers articles des éléments de type charte, là, qui... ça peut être
peut-être utile, mais, dès qu'on rentre dans la mécanique, on a plus d'effets
secondaires que d'effets primaires.
Je veux revenir, un petit mot sur le
sondage, parce que ce n'est pas un sondage, c'est une enquête. C'est une
recension qui a été faite, complète. J'ai bien entendu M. Gingras hier.
J'étais assez étonné de ses propos parce que... On peut... Le sondage auprès du
corps professoral, le principal constat que nous, on en fait, c'est qu'il y
a... l'enquête, c'est qu'il y a 97 % des gens qui ont été questionnés qui
ont préféré ne pas répondre, qui n'ont pas répondu, qui n'ont pas jugé la
situation suffisamment grave ou importante pour prendre les 15 minutes que
ça prenait pour y répondre. Je sais, c'est 15 minutes, je l'ai fait
moi-même.
Et je suis vraiment extrêmement étonné de
parler d'un échantillon comme ça parce que c'est très différent d'un sondage.
Un sondage, c'est un échantillon représentatif déterminé d'une façon aléatoire.
C'est comme ça qu'on fait les sondages. C'est pour ça que
1 000 personnes peuvent représenter 7 millions dans une population
du Québec. Quand Léger appelle pour avoir un sondage, il n'appelle pas
7 millions de personnes, il y en a un millier, 1 500, puis là-dessus
il y en a 1 200 qui répondent. Donc là, ici, là, il y a 97 % des
enseignants au Québec qui ont jugé, pour une raison ou pour une autre
personne... En fait, personne ne sait ce qu'ils pensent, les 97 %. Mais
nous, on...
Et je ne veux pas dire qu'on ne pense pas
que ce n'est pas un enjeu, la liberté universitaire, là. Si on ne pensait pas
que c'est un enjeu, on n'adopterait pas des politiques, Mme D'Amours, à Laval,
n'aurait pas fait sa réflexion, à l'Université de Montréal... à Sherbrooke, à
l'UQAM, on a tous été en action là-dessus. Mais de dire que 60 %...
D'inférer, en fait, à partir d'un échantillon non représentatif... puis c'est
normal, là, qu'il y ait une proportion d'hommes, de femmes, parce qu'il y a
quand même 1 000 personnes qui ont répondu, qu'il y a 60 % des
gens qui...
M. Cossette (Pierre) : ...nous,
écoutez, M. Gingras a parlé d'autorité. Moi, c'est sûr que si, dans ma
maîtrise en épidémiologie biostatistique, j'avais essayé de faire une
inférence, a posteriori, à partir d'un 3 % non représentatif, j'aurais
coulé mon examen, O.K.? Donc... Mais mon but ici n'est pas de nier que c'est un
enjeu de société important. C'est juste de partir de 60 %. Donc, je
m'arrêterais là là-dessus, mais la distance entre nous et les syndicats peut
s'expliquer par différentes raisons. Mais je laisserai mes collègues,
peut-être, Sophie, commenter à cet effet-là.
Mme D'Amours (Sophie) : Écoutez,
bonjour, Mme McCann, Mme la ministre, merci de l'opportunité. En fait, une
chose qui est claire, là, c'est qu'on partage totalement, hein, cette idée de
protéger et valoriser la liberté universitaire. C'est au cœur de notre vie,
c'est notre quotidien. Ça, je pense que Pierre l'a bien dit, je le répète,
parce qu'il ne faut pas trouver les écarts où il n'y en a pas, là. Sur cette
perspective-là, là, on est pleinement... Mais dans l'exercice de la
valorisation, c'est sûr que la façon dont les termes utilisés dans la loi, on
nous demande de se préparer à des mécanismes d'enquête, de sanctions, des
mécanismes supérieurs, des voies de passage latérales, et on travaille, dans
nos unités, en toute collégialité ces questions-là depuis le début de l'université.
Et c'est dans les comités de programme, d'abord, chez nous, là, où les
questions sont soulevées. Est-ce qu'il y a un défi avec une matière x? Est-ce
qu'elle doit être enseignée? Dans quels cas elle doit être enseignée? C'est les
collègues, avec les étudiants, puis les étudiants sont membres de ces comités
de programme, qui vont débattre et discuter de ces choses-là.
Et sur les dizaines de milliers de cours
qu'on donne à chaque année à l'Université Laval, là, juste une, là. Vous pouvez
comprendre, je pense, qu'on parle de 317 000 enseignants, 34 000... 34 000
enseignants, 317 000 étudiants. Là, vous mettez ça dans des dizaines et des
dizaines de milliers de cours ensemble, bien, somme toute, je pense qu'on y
arrive assez bien à travers nos processus, où on cherche les voies de passage.
Une fois, par contre, que le problème est un problème qui appelle à des
sanctions, on va parler d'intimidation, de harcèlement, de manque à l'intégrité
scientifique, là, on a des processus, on a des comités de pairs, c'est les
pairs qui font ces évaluations, pour traiter de cas qui ne peuvent pas se
protéger d'un chapeau de liberté universitaire. Dans nos institutions, là, on
les comprend, ces cas-là, on les définit puis on a un processus pour y arriver.
Donc, c'est sûr que quand on passe une
loi, on ouvre tout un processus pour amener toute situation en cour, pour
porter un dossier directement vers la cour, le judiciariser. Et c'est ça qu'on
veut éviter parce qu'on l'évite puis on travaille à améliorer, à discuter, à
débattre, à renforcer, à faire en sorte que les formations puissent être
données. Puis on ne cherche pas à censurer puis on ne cherche pas à limiter les
voies. Au contraire, à chaque fois qu'il y a une situation qui est plus
difficile, on cherche à ouvrir le débat et on ne cherche certainement pas à
fermer le débat puis à s'engager dans le processus judiciaire.
• (12 heures) •
Mme McCann : Je n'aime
pas bien vous interrompre, mais on a tellement peu de temps. Je ne sais pas si
vous voulez ajouter vraiment un autre élément, mais je veux m'assurer,
évidemment, qu'on puisse vous poser toutes les questions parce que vous êtes
des acteurs majeurs, là, dans le dossier. Alors, je vous pose la question, là,
si on peut... parce que j'aimerais vous poser une sous-question sur le sujet,
si vous me le permettez. En fait, puis je veux reconnaître, vraiment, qu'il y a
beaucoup de travail qui se fait dans les universités. On le reconnaît tous, là.
C'est peut-être inégal d'une université à l'autre, ça aussi, ça nous préoccupe
puis, je n'ai pas personne en tête, là, je sais que tout le monde travaille
fort, mais peut-être qu'il y a certaines inégalités en termes du dossier de la
liberté académique universitaire dans toutes les universités.
Ce qui nous a été apporté aussi, puis
écoutez, peut-être qu'on voit juste la pointe de l'iceberg, parce que je
pense... puis là, ça touche votre université, M. Cossette, la CSQ, hier,
qui nous disait qui avait fait une petite enquête, là, auprès des chargés de
cours...
12 h (version non révisée)
Mme McCann : ...sur 400
chargés de cours qui ont rejoint, il y en a 100 qui ont... qui lui ont dit et
qui leur ont dit qu'ils s'étaient autocensurés. Puis en a reçu la mémoire
également des auxiliaires de recherche de l'Université de Sherbrooke qui
réclament un projet de loi et qui réclament un conseil ou un comité politique,
vraiment. Et ce n'est pas particulier à votre université, M. Cossette. je vous
le dis tout de suite, c'est juste qu'on a eu l'opportunité d'entendre, là, par
rapport à ce qui touche l'Université de Sherbrooke, à mon avis... Puis je peux
vous dire, d'ailleurs, McGill, on a eu vent aussi d'une recherche des étudiants
en psychologie qui disent que, écoutez, c'est un problème, que les gens s'autocensurent.
Vous n'avez probablement pas vent de tout ce qui se passe, là, par rapport à l'autocensure,
là, dans ce que vous avez comme... comme mécanisme, mais je salue vos
mécanismes. D'ailleurs, ce que je viens de dire à un début de l'intervention, c'est
que, nous, on croit qu'il faut qu'ils continuent, ces mécanismes-là, que le
conseil ou le comité serait un dernier recours.
Un autre aspect, c'est qu'on m'a rapporté
qu'il y a des chercheurs qui n'iront pas dans d'autres universités parce qu'ils
craignent faire des interventions de présentation des travaux, ils craignent de
ne pas être protégés au niveau de la liberté académique universitaire parce que
ce n'est pas uniforme partout. Alors, ce sont toutes des préoccupations. Puis,
je veux vous dire encore une fois, je réitère que je reconnais l'énorme travail
que vous faites dans le dossier. Mais je pense que vous comprenez l'esprit dans
lequel on amène un projet de loi. Et je vous amène ces dimensions-là, M.
Cossette.
M. Cossette (Pierre) : Ça me
fait plaisir de vous répondre parce qu'il s'avère, par curiosité ou par coïncidence,
que le président de la CSQ et le président du... ces deux syndicats dont vous
faites partie, font partie de mon conseil universitaire et ont voté à l'unanimité
pour notre nouvelle politique visant à prévenir, faire cesser le harcèlement et
la discrimination et à promouvoir et à protéger la liberté universitaire et s'en
sont déclarés pleinement satisfaits. Donc, mon président du Syndicat des
auxiliaires de recherche s'était exprimé dans le cadre du chantier sur la liberté
du futur. Puis on a eu l'occasion d'en parler plusieurs fois, moi et lui, puis
à un moment donné, il a dit : Bien, à la fin, savez-vous, tout ce que ça
prend, c'est être sûr de faire la promotion pour que tout le monde sache bien
qu'ils sont bien protégés de la censure. Il était pleinement satisfait de ça.
Et vous savez, l'autocensure, ça dépend
aussi comment on définit ça. Si on définit ça comme quelqu'un y pense à deux
fois avant d'utiliser l'exemple qu'il va utiliser quand il va enseigner avant d'utiliser
effectivement tel mot ou tel autre mot parce qu'on a compris récemment que tel
mot ou tel autre mot ont des connotations particulièrement chargées, plus que
ce qu'on prenait avant. Donc... Mais c'est ça, la gestion collégiale. O.K. C'est
comme ça que ça fonctionne. Mais c'est quand même intéressant parce que, moi,
ma petite politique qui est nouvelle à l'Université de Sherbrooke puisqu'on le
singulariser, elle a été adoptée à l'unanimité de mon conseil universitaire et
mon conseil d'administration, duquel sont membres les deux personnes qui...
dont vous me faites référence. C'est quand même une petite coïncidence parce qu'ils
ont trouvé que c'était vraiment excellent pour eux, et pour elles, et pour
leurs membres. Mais je vais laisser peut-être Magda parler parce qu'effectivement
chaque université ne l'aborde pas de la même façon, puis l'UQAM l'a abordé d'une
façon totalement différente. Et puis, je pense, ça correspond bien à la
réalité.
Mme Fusaro (Magda) : En
substance... Bonjour à toutes et tous, et merci de me donner cette possibilité.
Chaque université est le... Je dirais, le mantra qui va animer ma courte
intervention est de dire chaque université est différente, mais on chérit
toutes, je crois, la liberté universitaire de la même manière, qu'elle soit
inscrite dans des conventions de travail, dans des règlements, dans des
politiques, qu'elle soit inscrite dans des codes d'éthique. À la limite,
pourquoi pas? Vous avez posé une question que je trouve intéressante. Comment
ça se fait que les centrales syndicales veulent le projet de loi, ou à tout le
moins les représentants, et pourquoi les directions universitaires semblent
avoir une telle, une telle position? Comment réduire ce fossé?
En substance, dans un cas, il y a l'autonomie
à laquelle on souscrit et qui est fondamentale de nos principes de gouvernance,
Mme la ministre et chers membres, c'est cette autonomie qu'on ne retrouve pas
dans le projet de loi tel que décrit, et tel qu'écrit, ou tel qu'amendé parce
que j'entends dans votre propos, ce matin, qu'il y aura des amendements.
Voyez-vous, j'avais... Moi, je l'ai lu, annoté. Si je vous montre ma copie,
elle est barbouillée. Je ne voyais pas que c'est un dernier recours. En aucune
manière, on ne peut comprendre dans le projet de loi tel que libellé que c'est
un dernier recours. Mais si c'est un dernier recours, quels sont les premiers
recours? Notre complexité organisationnelle est réelle. Quand M. Cossette dit l'UQAM
ne le traite pas de la même manière, la politique no 16 contre les violences à
caractère sexuel est une des plus strictes du Québec. Celle de l'UQAM est la
plus stricte à ma connaissance. En tout cas elle est très, très sévère. Et même
celle-là a mis en œuvre un ensemble de moyens. Il y a une promotion à faire, il
y a une défense à faire, il y a une reconnaissance...
Mme Fusaro (Magda) : ...jamais
accepté... et ça, moi, je le porte, ce discours-là... ni le principe
d'intimidation. En aucune manière, les espaces universitaires ne doivent
sombrer là-dedans, sans censurer. Mais, Mme la ministre, les universités, et
l'UQAM en est une, qui a une catégorie bien à part...
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis désolée, je dois vous interrompre, le temps étant écoulé pour le premier
bloc d'échange. Je dois céder maintenant la parole à Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys pour une durée de 11 minutes. Désolée, merci.
Mme David : Bien, merci, Mme
la Présidente. Vous aurez l'occasion... bonjour, collègues... vous aurez l'occasion
de peut-être rattraper les réponses que vous... Des fois, on donne des réponses
qui ne sont pas aux questions, mais des choses que vous voulez placer. Alors,
je vous donne un petit truc.
Ma question va être le plus résumée
possible. Si on consacre l'autonomie universitaire, la page V, en chiffre
romain, du rapport Cloutier, auquel vous tenez mordicus, et je vous comprends,
si on module l'article 4, que vous modifiez considérablement pour n'en garder
que l'essentiel, qui est plus sur la prévention, promotion, etc., tout comme
vos grands amis du FQPPU... attention, vous dites qu'ils veulent une loi, mais
attention, et eux aussi sont exactement à la même place que vous sur l'article
4... si on enlève le premier paragraphe de l'article 6, que vous honnissez,
mais vous êtes totalement en accord avec tout le monde là-dessus, l'ingérence
de la ministre, si vous... si on consacre la primauté de critiquer une
institution par rapport au devoir de loyauté, là... peut-être que Sophie
D'Amours va être un peu plus inquiète, parce que le SPUL le réclame beaucoup,
mais plusieurs recteurs sont d'accord avec la primauté du droit de critiquer
l'institution... si on enlève le libellé «domaine d'activité», parce que, ça
aussi, ça ne fait pas consensus, on en est où par rapport à votre accord ou
votre désaccord, là? J'aide beaucoup la ministre en vous posant cette
question-là, parce que je pense qu'on enlève pas mal d'irritants.
M. Cossette (Pierre) : Je
vais dire une première chose. Je vais laisser la parole à Sophie, après, qui a
été interpellée. Nous, on le réitère, là, les principes généraux, qui sont dans
l'article 1, 2, 3, qui méritent peut-être d'être un petit peu retravaillés, on
y souscrit, là. À la limite, si c'est une valeur de type charte, là, donc qui
vont un peu... ce n'est pas un problème. Nous, quand c'est un problème... quand
ça vient interférer avec la gestion académique de nos départements, de nos
programmes, de nos facultés, là, ça devient un problème. Donc, si on fait tout
ce que vous dites, Mme David, bien là ce moment-là, premièrement, on enlève le
potentiel d'effets secondaires de la loi, là, grandement, puis à ce moment-là,
on réitère publiquement... Et dans un cadre légal, à la limite, honnêtement, ce
ne serait pas tant que ça un problème, là. Mais le critiquer... Nous, on se
critique constamment à l'université. Enfin, je ne sais pas qui a peur de la
critique. En tout cas, il ne faut pas être ni professeur d'université ni encore
moins vice-recteur, vice-rectrice ou recteur, là. Mais je vais laisser Sophie
parler. Parce que, pour nous, critiquer son établissement, bien, c'est comme
ça, la vie universitaire, là. Mais vas-y, Sophie.
• (12 h 10) •
Mme David : Je ne veux pas
que Sophie, nécessairement, là, donne les détails de ça, parce que je donnais
un exemple de syndicat, dans sa convention collective, qui n'a pas ça. Il y a
d'autres universités qui l'ont. Donc, je ne veux pas en faire un débat d'une
université contre une autre. Mais c'est une demande qui est vraiment faite de
pouvoir inscrire cela et de prendre fait et cause aussi pour un professeur ou
un étudiant, comme dans l'affaire Mayer, par exemple, que l'UQAM connaît bien,
qui est directement interpellé, et puis ça a causé des soucis. Alors, je ne
veux certainement pas mettre la rectrice de l'Université Laval dans l'embarras,
loin de moi la question. Mais c'est pour dire qu'il n'y a pas la même chose
dans tout. Et c'est le but du rapport Cloutier de dire : Attention, comme
ça n'existe pas partout, les mêmes droits protégés de la même façon. Il y a
des... même, comme à McGill, des professeurs qui ne sont pas syndiqués. Donc,
tout est... il y a un effort d'uniformiser la protection en ces domaines-là.
Alors, admettons que l'article 4 est mieux
balisé, et je comprends même que... Parce qu'hier on a bien compris, puis la
ministre a eu raison de le préciser encore ce matin... Vous avez sûrement suivi
les travaux. Alexandre Cloutier l'a bien dit, ce qu'on appelle «conseil»...
mais le rapport de Cloutier parle d'un comité... ce serait le dernier recours.
Autrement dit, tous les processus en amont de ça, qu'on connaît très bien dans
les départements, dans les facultés, les directeurs de programmes, les
vice-doyens aux études, etc., seraient suivis, et c'est seulement en cas de
litige absolu et, en fait, insoluble qu'on pourrait avoir une sorte de
médiation, rendus à une instance plus haute. Alors, ça module beaucoup, moi, je
trouve, cette question-là.
Et la ministre a rajouté ce matin... et je
vous pose donc la question, parce que je l'entends... c'est très nouveau de ce
matin...
Mme David : ...Qu'on
pourrait étudier la possibilité de jumeler ça avec le comité sur le harcèlement
que vous avez probablement tous et toutes dans vos universités. Ça, c'est
nouveau de ce matin, je trouve ça intéressant. Comment voyez-vous la chose? Il
y a trois femmes qui lèvent la main, Dr Cossette.
M. Cossette (Pierre) : Bien,
Valérie m'avait interpellé en premier, donc je vais lui laisser une petite
chance, oui.
Mme Amiraux (Valérie) : Merci.
Merci, Mme la députée. Je voudrais juste revenir sur ce que vous avez signalé
comme étant des possibilités de changement dans la rédaction du projet de loi
tel qu'il nous a été soumis. Tout ce que vous soulignez est pour nous,
évidemment, miel à nos oreilles, mais j'insiste sur le fait que ce qui est
essentiel, c'est d'avoir une définition qui reprenne dans son intégralité tous
les éléments qui sont présents dans la recommandation 97 de l'UNESCO. Je
pense que personne ne s'oppose à cette recommandation 97 et qu'elle va
très loin dans l'autonomie, hein, qui n'est pas... Vous l'avez dit, qui n'est
pas un détail, ce n'est pas une coquetterie, donc la placer dans les
considérants, c'est extrêmement problématique. Donc, si on ramasse tous ces
enjeux définitionnels et qu'on les construit d'une manière solide, qui imbrique
toute la complexité de la façon dont se vit la liberté universitaire dans nos
établissements, je pense que ce sera satisfaisant.
Pour revenir à votre dernière question...
Dernière remarque sur le conseil devenu comité, nous avons tous des... et ça a
été dit, des procédures et des façons de faire qui sont collégiales, qui sont
ancrées dans des situations. À mesure qu'une situation se développe, on reste
au plus près de cette situation, et quand, effectivement, toutes les étapes de
son règlement n'ont pas donné satisfaction, on arrive à une dernière instance.
Donc, ma question serait : cette dernière instance qui est présentée dans
les mots de Mme la ministre aujourd'hui, est-ce qu'elle s'ajouterait ou est-ce qu'elle
pourrait rejoindre des choses qui existent déjà?
Et je prends un exemple concret à
l'Université de Montréal. Un des résultats de la consultation de la mission du
recteur que j'ai présidée l'an passé, qui a produit l'énoncé de principes,
c'est que nous avons modifié le nom du Bureau d'intervention en matière de
harcèlement, qui est devenu le Bureau du respect de la personne. Ce bureau du
respect de la personne est maintenant doté d'un sous-titre dans lequel sont
déroulés toute une série de secteurs et de comportements condamnables sur
lesquels il est appelé à intervenir. Là, nous avons une liberté que nous
chérissons, que nous promouvons et nous l'avons inscrite dans notre
fonctionnement institutionnel. Est-ce que cette instance ultime pourrait s'intégrer
dans des choses qui existent déjà dans les universités?
Mme David : ...
M. Cossette (Pierre) : Bien,
je laisserais peut-être Sophie répondre aussi. Excusez, Mme la députée, je vous
ai interrompue.
Mme D'Amours (Sophie) : Bien,
moi, je vais juste affirmer ce que madame Amiraux vient de dire. Puis, Madame
David, j'ai devant moi la convention collective des professeurs de l'Université
Laval et c'est écrit noir sur blanc qu'ils ont toute la liberté de critiquer
l'institution. Et la définition est un peu différente de celle que la ministre
a déposée dans son projet de loi et elle rejoint la définition de l'UNESCO,
alors je ne sais pas où il y a une interprétation différente. Mais cette idée
que les professeurs peuvent critiquer l'institution, là, il n'y a pas de défi
pour les recteurs, là, je pense que ça, c'est assez clair, ça se vit au
quotidien, vous le savez, vous avez été là, ça fait partie des processus
d'amélioration continue de nos organisations que d'écouter, d'entendre nos
membres et de travailler avec l'ensemble de la communauté à faire en sorte que
nos universités soient juste meilleures. Alors, c'est juste l'élément que
j'ajouterais.
M. Cossette (Pierre) : Est-ce
qu'on a répondu à votre question, Mme la députée?
Mme David : Bien,
écoutez, oui, j'ai lu attentivement les 200 quelques pages de la mission à
l'Université de Montréal et, effectivement, vous décentralisez beaucoup. Je
pense que, dans chaque faculté, il y a plus ou moins des processus qui sont
autoportants sur la question de la... qui traitent de la liberté universitaire.
Mais vous avez aussi quelque chose de plus central, qui est votre nouveau
bureau, je dirais, et qui pourrait peut-être ressembler... C'est pour ça que je
vous posais la question, si la ministre nous suggère à nous, les élus, dans un
amendement, éventuellement, de faire une sorte de jumelage comme ça, ce n'est
pas quelque chose qui serait donc impossible pour vous?
M. Cossette (Pierre) : Ah,
au contraire, en fait, c'est ce que... Un des mots les plus problématiques de
l'article 4 proposé à l'heure actuelle, c'est le mot «exclusivement».
Parce que vous l'avez cité tantôt, nous, à l'Université de Sherbrooke, si je
prends l'exemple, c'est les mêmes gens du bureau du respect pour les employés
et de l'ombudsman des étudiantes et étudiants qui vont gérer toutes les
questions de harcèlement et de discrimination parce que, pour nous, quand on va
trop loin dans un débat, quand on n'argumente plus sur des faits, quand on
attaque les personnes, quand c'est comme ça, si... Si ça ne peut pas se régler
au niveau départemental disciplinaire, c'est parce qu'on tombe dans des niveaux
personnels. Mais, écoutez, du harcèlement, c'est du harcèlement, c'est du
harcèlement, qu'il soit en personne, par téléphone, par cyberintimidation,
c'est la même chose. Et on a déjà des instances pour régler ça, puis on a déjà
des comités pour régler ça, puis on a déjà des comités de discipline, puis on
sait déjà comment le faire avec nos...
M. Cossette (Pierre) : ...employés
et avec nos étudiantes et étudiants. Et l'intégration de la liberté
universitaire dans ces instances-là, pour nous, bien, c'est ce qu'on fait déjà
en réalité. Donc, le mot «exclusivement» de l'article 4 proposé est très
problématique. L'ouverture qu'on a de la ministre, ce matin, d'intégrer ça à
d'autres politiques, en fait, d'intégrer ça à notre vie académique, c'est ce
qu'on fait déjà, en fait, pour nous, ça devient quelque chose qui est faisable.
Oui, Magda.
Mme Fusaro (Magda) : Vie
académique et structure organisationnelle, multiplier les canaux, on l'a
mentionné, va complexifier aussi pour les personnes étudiantes. On parle
beaucoup des personnes professeurs bien sûr, et c'est l'enjeu, mais aussi pour
les personnes étudiantes, puisqu'on n'oublie pas qu'il y a la liberté
d'enseigner et il y a aussi la liberté d'apprendre, et nous avons aussi le
mandat de protéger l'ensemble des personnes qui étudient.
Alors, le fait de l'inscrire dans des
politiques existantes et/ou dans des structures existantes force la réflexion,
la concrétise, mais la met dans des structures collégiales déjà établies et
validées au lieu de créer une énième structure.
Mme David : Si je peux
me permettre, d'une part, le rapport Cloutier va clairement dans une suggestion
qui a quelque chose d'assez exclusif pour qu'on puisse traiter de ça, même s'il
parle d'en dernier recours, quand il y a des litiges, comme dit Pierre
Cossette, qu'il y a des litiges qui sont insolvables... insolubles,
c'est-à-dire au niveau des instances antérieures. D'une part, bien, ça doit
aller vers peut-être des gens qui se sont beaucoup penchés sur la liberté
universitaire, puis d'autre part, bien, ça peut mener effectivement à des
sanctions. Je sais que vous êtes contre le troisième alinéa, la FQPPU aussi,
L'UEQ dit : On ne veut pas de loi.
Donc, finalement, les trois socles qui
constituent un milieu universitaire sont contre cette question-là. Mais
implicitement vous le dites que ça peut aller vers des sanctions, le
harcèlement peut aller vers des sanctions. Le comité de discipline existe,
alors je ne pense pas que le rapport Cloutier est en train de dire que tout ça
doit arrêter de fonctionner, mais il... Là où, moi, j'ai un malaise, c'est
comment proposer, au troisième alinéa de l'article 4, des mesures et des
sanctions, même si c'est sous forme de recommandations, bien, ça peut dépendre
d'une infinité de cas de figure.
Alors, je voulais vous entendre là-dessus
parce qu'un jour il faut peut-être sanctionner des comportements inacceptables.
M. Cossette (Pierre) : Bien,
c'est là où je veux en venir. Puis, nous, on n'est pas en désaccord avec tout
le rapport Cloutier, hein?
Ceci dit, quand tu lis - pardon - quand on
lit tout le rapport Cloutier, on n'arrive pas à trouver aucune substance qui va
documenter pourquoi ça prend une instance exclusive. Il n'y a rien, dans ce
qu'il a recensé, qui va... Donc, le lien entre ce qu'il a recensé, qui est
extrêmement intéressant, c'est une recension vraiment très, très utile,
pourquoi ça prend une instance exclusive. Il n'y a rien qui documente ça.
Mais vous le dites déjà très bien, dans
nos bureaux... dans nos ombudsmans, des étudiants, étudiantes, dans les
différents éléments qu'on a, il y a des sanctions, ça existe. Évidemment, on
n'aime pas aller là, mais si un étudiant fait de l'intimidation vers son
professeur, vers une autre étudiante, bien, il y a tout à fait des sanctions
qui sont déjà prévues, là, et inversement... Puis, ça, c'est peut-être un
des... Les syndicats nous demandent : Est-ce que vous allez prendre fait
et cause pour nous? Bien, la réponse est que, nous, on va prendre fait et cause
pour la liberté universitaire. Alors, ça dépend, on va prendre fait et cause
pour les gens qui travaillent vers la liberté universitaire, vers la recherche
de la vérité puis qui apprennent à débattre et qui débattent d'une façon
ouverte.
Donc, on ne peut pas dire à l'avance on va
prendre pour un étudiant ou pour un professeur, on va défendre la liberté
universitaire. Et puis, bien, la plupart des incidents qu'on voit dans nos vies
universitaires, c'est souvent étudiant-étudiant ou collègue-collègue, hein? On
pense souvent à la dyade étudiant-professeur, mais dans la réalité, dans une
université, là, les accrochages sont très souvent entre étudiants.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup, monsieur Cossette. Je cède maintenant la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 3 min 18 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Je salue mon alma mater, l'UQAM bien sûr.
Hier, plusieurs syndicats en particulier
nous ont parlé d'un certain inconfort, un désarroi même de plusieurs
professeurs ou chercheurs qui se sentent délaissés par leur institution
lorsqu'il y a une poursuite, une poursuite bâillon qu'on pourrait même
qualifier. J'aimerais vous entendre. Est-ce que, d'après vous, cette
crainte-là, est-ce qu'elle est fondée? Est-ce qu'elle est plus dans la
perception?
Puis ensuite j'ai posé la question à
M. Cloutier parce que la FQPPU propose d'en faire un article de la loi,
M. Cloutier était très en faveur. Je lui ai posé la question : Que
pensez-vous que vos collègues du BCI vont en dire demain? Il a peut-être fait
de la futurologie, mais il était convaincu que vous seriez en accord avec cette
suggestion, là. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Cossette (Pierre) : Bien,
deux choses, puis je laisserai Magda...
M. Cossette (Pierre) : ...premièrement,
pour nous, on prend fait et cause, O.K., pour les professeurs, régulièrement.
On fait ça plusieurs fois par année. Et, pour nous, là, cet élément-là qu'on se
fait dire toujours : On les défend mal, pour moi, je suis mystifiée quand
j'entends ça, parce que... Ce qui me dérange, moi, comme recteur de
l'université, c'est le nombre de dollars et de temps que je dépense dans mon
organisation pour défendre des décisions de comités de programmes, des
décisions d'exclusion, des choses... des décisions difficiles pour lesquelles
on est constamment attaqués, les établissements. Puis, «constamment», ce n'est
pas un très grand nombre de personnes, mais il y en a toujours, toujours
plusieurs en cours, et on prend systématiquement fait et cause pour des
instances qui ont fait leur travail correctement ou pour les professeurs qui
ont...
Donc, cette idée-là qu'on ne les défend
pas, ça, pour moi, honnêtement, je ne comprends pas, parce qu'on le fait déjà.
Puis c'est d'ailleurs inclus dans la plupart des contrats de travail là où on
en a. Donc, ça, je ne le comprends pas, puis on veut le réitérer. À la fin, par
contre, on ne défend pas n'importe quoi. Donc, que ce soit un étudiant ou un
professeur, s'il y a une question de harcèlement ou d'intimidation, nous, on
combat le harcèlement, l'intimidation, peu importe dans quelle direction il se
passe. C'est ce que je voulais dire en terminant tantôt. Mais Magda voulait
dire quelque chose. Je te laisse la parole.
Mme Fusaro (Magda) : En fait,
il faut qu'ici on soit clair sur les mots. S'il y a, de la part d'un groupe
d'étudiants, une volonté de modifier le contenu pédagogique du professeur et
qu'il y a, de la part du professeur, l'autocensure qui est celle qu'on décrie
depuis maintenant presque 1 heure, non, ça n'a pas lieu d'être, et les
universités, et je crois que toutes les universités, toutes les directions
universitaires se sont prononcées, bien sûr qu'on défend la personne qui va
enseigner. Comment on le fait? C'est dans le comment, peut-être, qu'il y a
peut-être des éléments différents d'une université à d'autres. Pourquoi? Parce
que nos mécanismes sont différents. Mais moi, j'aimerais attirer l'attention,
aujourd'hui, sur le fait qu'il y a également des formes dans la vie
départementale, dans les comités de programme. C'est ce que la rectrice de
Laval, Sophie, essayait d'expliquer quand elle parle de divergences d'opinions
au sein même d'une discipline. Et c'est là où... Et là je vais vous poser la
question, je vous la retourne : deux profs, deux chargés de cours qui ne
sont pas d'accord. C'est ce qu'on vit au quotidien, de 8 heures le matin jusqu'à
23 heures le soir, dans les courriels, dans les réseaux sociaux et dans
l'ensemble. Et c'est là où ça intervient.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée. Merci. C'est tout le temps que nous savions. Je suis
toujours très malheureuse de vous couper la parole, parce que c'est toujours
très intéressant de vous écouter. Avant de conclure les auditions, je procède
au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions publiques. Je vous remercie pour votre contribution
à nos travaux, chers invités.
La commission ayant accompli son mandat,
j'ajourne ses travaux sine die. Merci. Au revoir.
(Fin de la séance à 12 h 25)