(Onze
heures quinze minutes)
La Présidente (Mme
D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est
réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 101, Loi visant à
renforcer la lutte contre la maltraitance envers les aînés et toute autre
personne majeure en situation de vulnérabilité ainsi que la surveillance de la
qualité des services de santé et des services sociaux. Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente.
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme D'Amours) : Ce matin, nous entendrons les groupes
suivants : le Réseau de coopération des entreprises d'économie
sociale en aide à domicile et le Curateur public du Québec.
Donc,
je souhaite la bienvenue au Réseau de coopération des entreprises d'économie
sociale en aide à domicile. Je vous
demande de vous présenter, et vous avez un temps de 10 minutes pour nous
donner votre exposé. À vous la parole.
Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale
en aide à domicile (Réseau de coopération des EESAD)
M. Caron (J.
Benoit) : Merci, Mme la Présidente. Alors, mon nom est J. Benoît
Caron, je suis directeur général du Réseau
de coopération des EESAD et je suis accompagné ce matin de M. Quentin
Maridat qui est conseiller aux affaires publiques au Réseau également.
Alors, Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, le Réseau de coopération
des EESAD tient à vous remercier de l'opportunité que vous nous donnez de
pouvoir nous exprimer sur le projet de loi n° 101. En effet, le Réseau des
EESAD sont le prestataire le plus important de services de soutien à domicile
en dehors du réseau public. Elles sont aussi le seul réseau d'entreprises à
pouvoir fournir des services sur l'ensemble du territoire québécois. À ce
titre, les EESAD sont bien placées pour reconnaître et saluer toute initiative
gouvernementale qui prend au sérieux la question des maltraitances envers les
aînés ou toute autre personne en situation de vulnérabilité.
Qui sont les EESAD?
Il s'agit d'une centaine d'entreprises d'économie sociale en aide à domicile
réparties dans toutes les régions du Québec,
de Tête-à-la-Baleine aux Îles-de-la-Madeleine, Montréal, Québec, l'Abitibi, la
Gaspésie, on est partout. Elles sont
administrées de manière démocratique et sont exploitées à des fins non
lucratives. Elles emploient, au moment où on se parle, près de
9 000 préposés d'aide à domicile qui interviennent auprès de
110 000 usagers. Ces usagers sont très majoritairement des femmes,
dans 71 % des cas, tout comme d'ailleurs nos préposées, qui sont
principalement des femmes. 70 % des usagers vivent seules à domicile et,
en ce qui concerne les usagers de plus de 65 ans,
il faut noter que près de 60 % d'entre elles bénéficient de l'aide
gouvernementale dans le cadre du programme d'exonération financière pour
les services d'aide domestique et sont donc en situation de vulnérabilité
financière avec un revenu souvent inférieur à 21 000 $ par année pour
une personne seule.
Il est important de
brosser ce portrait car ce profil d'usager correspond justement au facteur de
risque identifié par le gouvernement du Québec dans son plan d'action
gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes
aînées 2017‑2022. C'est donc dire l'importance cruciale des EESAD et le
potentiel de cette armée de 9 000 paires d'yeux. On l'a dit, c'est
9 000 personnes qui, quotidiennement, se rendent chez ces
110 000 personnes.
Ces préposées peuvent
prévenir la maltraitance. Les EESAD accueillent donc favorablement la nouvelle
définition de prestataire de services de santé et de services sociaux prévue
dans la projet de loi ainsi que les responsabilités accrues qui leur
incomberaient désormais. Pour assurer pleinement ce rôle, les préposées d'aide
à domicile des EESAD ont néanmoins besoin d'être adéquatement outillées et
formées.
Dans
la cadre du projet de loi à l'étude, cette nécessité devient impérieuse dès
lorsque l'obligation de signalement des prestataires de santé et de
services sociaux est élargie et s'applique aux préposées d'aide à domicile. Une
telle formation doit être systématiquement
prise en charge d'une manière ou d'une autre par le réseau de la santé et des
services sociaux, car, à défaut, tous les coûts liés à cette formation
devraient être répercutés sur la facture des usagers. Les EESAD étant
exploitées à des fins non lucratives, elles opèrent dans un cadre budgétaire
contraint.
• (11 h 20) •
Il faut rendre hommage aux personnes impliquées
qui travaillent sur le terrain, et il existe déjà quelques belles initiatives entre les centres intégrés et
les EESAD. Mais is la volonté du projet de loi est de rendre
systématique la détection
et le suivi des plaintes, il n'est pas suffisant d'établir des politiques et de
nommer des personnes responsables. Il faut aussi que les personnes qui
interviennent sur le terrain soient systématiquement formées et outillées pour
utiliser adéquatement les politiques en question et connaître les intervenants
désignés. Il faut sortir de la logique du guichet. Les aînés n'ont pas vocation
à remplir des formulaires et à suivre des procédures administratives
insécurisantes et trop lourdes. Ils ont besoin d'humains.
Maltraitance est un gros mot, il fait peur, il
intimide. Il intimide souvent au point de renoncer à dénoncer. Il fait parfois
trop peur pour même s'en reconnaître victime, mais dans une relation de confiance,
avec une personne significative, on peut
s'ouvrir, se raconter et, à force de discussions, se reconnaître comme victime
de maltraitance. Ce lien de
confiance, c'est l'humanité, c'est l'immense valeur ajoutée que peuvent
apporter les préposées d'aide à domicile des EESAD si on leur en donne
les moyens.
Nous estimons
d'ailleurs que tous les usagers du soutien à domicile doivent bénéficier de la
même protection, et c'est pourquoi
notre mémoire aborde la question du chèque emploi-service. Afin de gagner du
temps, je ne vous ferai pas part de cette recommandation, mais on vous
encourage fortement à lire cette recommandation-là de notre mémoire.
C'est aussi la raison pour laquelle nous
proposons de nous inspirer de ce qui existe pour la protection de la jeunesse,
car si l'on veut prendre au sérieux la situation des aînés au Québec, il nous
semble que leur protection et la lutte contre les maltraitances ne peut pas
être une tâche connexe qui s'ajoute à la longue liste des responsabilités des P.D.G.
des centres intégrés. Il faut agir et non seulement réagir. Mais nous voulons
surtout profiter de cette tribune pour à nouveau vous interpeller sur le
nécessaire virage que le Québec doit opérer en matière de soutien à domicile.
Notre premier objectif comme société ne doit pas
être la gestion des situations de maltraitance, mais bien leur prévention. À
chaque fois qu'une plainte est déposée, il est déjà trop tard. Un lien familial
ou un lien avec un proche significatif est rompu. C'est la raison pour laquelle
il faut tout mettre en oeuvre en amont pour éviter de laisser la moindre brèche
qui puisse favoriser la survenue d'une situation de maltraitance. Malgré des investissements
majeurs dans les dernières années et les derniers mois, le soutien à domicile
n'est pas encore une réalité concrète pour l'immense majorité des aînés, des
personnes en perte d'autonomie ou ayant des limitations fonctionnelles.
Des dizaines de milliers d'aînés vivent isolés
et sont par le fait même vulnérables à la maltraitance. En soi, l'isolement
peut déjà être considéré comme une forme de maltraitance. J'insiste beaucoup,
l'isolement peut être une forme de maltraitance. Lors de la première vague de
la pandémie de COVID-19, les EESAD ont été forcés de suspendre les visites à
des milliers d'usagers. À leur retour, elles ont pu constater les dégâts causés
par ces longs mois d'isolement. Cette expérience doit servir de leçon
collective et doit faire prendre conscience de l'importance essentielle des
services de soutien à domicile accessibles à toutes et à tous.
En conclusion, le Québec se trouve actuellement
à la croisée des chemins en ce qui a trait aux services rendus aux aînés, aux
personnes en perte d'autonomie et celles ayant des limitations fonctionnelles.
Aujourd'hui, c'est ancré dans notre culture collective. Malheureusement, au
Québec, quand on est vieux, on déménage.
En tant que prestataires externes reconnus
depuis près de 25 ans par le gouvernement du Québec, les EESAD souhaitent
entamer, en collaboration avec le ministère, un vaste chantier sur
l'opérationnalisation du soutien à domicile portant sur l'accessibilité,
l'offre de services et la main-d'oeuvre. Alors que près de 80 % de la
population âgée de 65 ans et plus habitent dans leur maison ou dans leur
appartement, et que la proportion de cette tranche de population représentera
le quart de la population du Québec dans 10 ans, il est urgent d'entamer
une réflexion large et collaborative qui pourra culminer par l'adoption d'une
politique nationale sur le soutien à domicile permettant à chaque personne en
perte d'autonomie ou ayant des limitations fonctionnelles d'avoir vraiment et
réellement les ressources et la capacité financière afin de faire son propre
choix.
Chez moi pour la vie, c'est le souhait de
millions de Québécoises et de Québécois qui veulent vivre et vieillir chez eux.
Le réseau de coopération des EESAD et l'ensemble des entreprises d'économie
sociale en aide à domicile souhaitent s'inscrire comme partenaires et comme
leaders de cette réflexion et de ce virage afin que le privilège de rester à
domicile devienne un droit pour tous. Merci beaucoup de votre attention.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie, M. Caron, pour
votre exposé. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange,
notre première période d'échange d'une durée de 16 min 30 s. Mme
la ministre, la parole est à vous.
Mme Blais
(Prévost) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et bonne journée.
Bienvenue, messieurs. M. Caron,
j'ai beaucoup aimé votre présentation. Vous êtes des acteurs incontournables du
réseau de la santé et des services sociaux. Au bout de quatre ans, nous
aurons investi 1,8 milliard de dollars en aide pour le soutien à domicile,
le maintien à domicile. Tout le monde veut rester à domicile le plus longtemps
possible. Il faut trouver les meilleures solutions, non seulement au niveau des
soins et des services, mais aussi l'adaptation du domicile, au niveau du
transport, au niveau des centres de jour, etc. Mais on veut converger vers ça
puis on a besoin de travailler avec vous pour ça.
Dans notre loi, on parle beaucoup des CHSLD, des
RI, des RTF, des RPA. C'est vrai, vous avez amené la question du chèque emploi-service, puis il y a aussi tous vos préposés
qui oeuvrent à domicile. Donc, est-ce qu'on devrait les inclure davantage
par rapport à l'objectif qu'on se fixe au niveau des signalements obligatoires,
entre autres?
M. Caron (J. Benoit) :
Absolument. Je l'ai dit, c'est une armée. Vous avez, chez des dizaines de
milliers d'usagers, chez des milliers de personnes aînées... aujourd'hui, au
moment où on se parle, c'est des milliers de préposées qui sont à domicile.
Elles y sont — on
le sait, c'est principalement des femmes — elles y sont d'une façon
récurrente, c'est-à-dire de semaine en semaine. Il y a une relation qui s'établit,
et probablement que ces préposées-là sont des intervenantes qui sont privilégiées,
autant qu'on puisse le dire en pareil cas, pour observer. On ne leur
demande pas de devenir des experts en maltraitance. Je ne pense pas que ce soit
ça. Ce sont juste des personnes qui ont assez de jugement. Si, en plus, ils
avaient de la formation, si, en plus, ils avaient déjà un protocole, une
procédure qui est établie, on les
sensibiliserait. Ces 9 000 personnes-là peuvent voir des choses que
personne d'autre ne peut voir. Elles ne passent pas 10 minutes,
là... elles ne passent pas assez de temps, c'est une de nos revendications, on
voudrait que les aînés aient plus de services en plus de temps, bon, il y a
toute la question de l'argent qui rentre là-dedans, mais elles passent au moins
une heure ou deux chez Mme Tremblay. Elles le font fréquemment toutes les
semaines, à toutes les deux semaines. Alors, ils peuvent observer une
situation qui se détériore, un comportement inhabituel, une situation physique
qui n'est pas celle habituelle. Moi, je n'ai jamais compris pourquoi ces
9 000 personnes-là qui sont proches de ces gens-là, qui établissent
une relation de confiance, comme je le disais, tantôt, dans notre mémoire ou
dans mon intervention, pourquoi on ne les outille pas pour bien les utiliser.
Mme Blais (Prévost) : M. Caron,
on va agir dans le sens de vos recommandations. Ça m'apparaît tout à fait
logique, tout à fait normal. D'ailleurs, je veux vous remercier de travailler
avec la Fondation AGES. Vous le savez, on a des projets en gériatrie sociale,
et, avec le Dr Lemire, actuellement, vous êtes les yeux et les oreilles
sur le terrain concernant les difficultés
que pourraient avoir des personnes vulnérables. Alors, vous voyez combien vous
êtes des partenaires incontournables.
J'aimerais vous entendre sur un point, parce
que, quand j'avais déposé le projet de loi n° 399, le premier projet de
loi sur la maltraitance, dans ce projet de loi là, il y avait une personne dans
chaque établissement qui était responsable de l'application de la politique sur
la maltraitance, et vous parlez un peu de ça, vous dites que vous suggérez
que dans chaque CISSS et CIUSSS soit déléguée une personne comme responsable de
la prévention, de la lutte à la maltraitance. Je peux vous entendre un peu
là-dedans?
• (11 h 30) •
M. Caron (J. Benoit) : Bien,
absolument. Si on pense que c'est... On a fait quelques vérifications. Il y a
des endroits qu'il y a des initiatives qui peuvent s'approcher de ça.
Cependant, ça ne semble pas être systématique et dans tous les établissements.
L'envergure du dossier, l'envergure de l'importance de la maltraitance,
l'envergure de la population susceptible d'être victime de maltraitance exige,
sur un territoire aussi grand que le territoire d'un établissement, d'un CISSS
ou d'un CIUSSS, qu'il y ait une personne peut-être qui s'y... qui en soit
responsable, qui en soit un peu imputable, et qui puisse recevoir. Donc, oui,
on pense que ça ne peut être juste une personne à Québec. On pense que ça ne
peut pas être juste une ministre. On pense qu'il doit y avoir des personnes sur
le terrain dont c'est la responsabilité et, au quotidien, où ils ne se
consacrent qu'à ça.
Mme Blais (Prévost) : Et ces personnes-là
pourraient faire le lien avec le commissaire aux plaintes et à la qualité des
services des établissements...
M. Caron
(J. Benoit) : Ça
éviterait... Pardon, Mme la ministre. Ça éviterait une certaine confusion, peut-être. Il y aurait une ligne
directe : c'est cette personne-là qui est là, sur le terrain, pour chacun
des CISSS et des CIUSSS.
Mme Blais
(Prévost) : Une dernière question
avant de céder la parole à mes collègues. Votre recommandation n° 3, c'est développer une
action proactive de la protection des aînés en désignant les personnes
responsables sur le modèle des
articles 31 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Pouvez-vous
élaborer un peu plus là-dessus?
M. Caron (J. Benoit) :
Bien, je pense qu'on l'a un peu abordé, Mme la ministre, dans votre
question. Je pense qu'on peut s'inspirer de ce qui se fait. Bon, est-ce que ça
devrait être exactement pareil? Peut-être pas, mais on peut... On a un exemple
qui est concret, qui est en opération, qui a, quand même, je pense, des
résultats qui peuvent être considérés comme considérables et importants,
positifs. Donc, pourquoi ne pas s'inspirer de ça pour l'établissement, là, de
moyens qui vont nous permettre de donner suite à votre projet de loi, là, n° 101.
Mme Blais (Prévost) : Alors,
Mme la Présidente, merci beaucoup. Je cède la parole.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je vais céder la parole, maintenant, à la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Caron. Bonjour, M. Marineau.
J'irais avec deux questions. Ma première, on a vu une recommandation du
Conseil de la protection des malades qui nous suggérait de donner des sanctions aux personnes qui font la maltraitance.
Pour vos employés à vous, à domicile, comment voyez-vous, si on y va de
l'avant avec cette recommandation-là, comment voyez-vous le contact, le lien
qu'on pourrait faire pour que vos employés soient bien informés de ces
changements?
M. Caron (J. Benoit) :
Oui. Je ne me prononcerai pas, bien entendu, là, sur le projet de sanction. Je
pense que je n'ai pas l'habileté nécessaire pour le faire, là. Cependant, nos
préposés d'aide à domicile peuvent jouer un rôle, peuvent faire du repérage,
peuvent être des facilitateurs dans l'identification, je pense, de situations
qui peuvent s'approcher de la maltraitance
ou qui peuvent être... éventuellement, mener à la maltraitance. Alors, c'est
sûr qu'elles sont des yeux, elles ont du jugement. Ce sont généralement
des personnes... de bonnes personnes qui sont capables de repérer, de faire du
repérage. Une fois que ce repérage-là est fait, par contre, il ne faut pas leur
ajouter une responsabilité qui ne doit pas être la leur.
Alors, il y a toute une chaîne, là, qui devrait entrer. Et d'ailleurs, pour donner suite à la question de Mme la ministre, là,
effectivement, au niveau de
l'établissement du CISSS et du CIUSSS, je pense qu'il y a un rôle qui
est important à jouer là.
C'est sûr qu'il y a un relais qui doit être fait
entre la préposée, l'entreprise d'économie sociale en aide à domicile et
l'établissement régional qui est là, de façon à faire du repérage, faire de la
prévention, mais on ne veut pas non plus ajouter sur les épaules des préposées
un rôle qui ne leur conviendrait pas ou qui serait inapproprié, qu'elles
assument. Cependant, ce sont des yeux, des personnes avec du jugement qui
peuvent intervenir.
Je ne sais pas si tu voulais compléter, Quentin.
Non? Ça va.
Mme Picard : En ce moment — j'ajoute
à ma première question — en
ce moment, qu'est-ce qu'elles font, ces employées qui voient une maltraitance à
domicile, d'un aîné?
M. Caron (J. Benoit) :
Elles vont généralement en parler à leur supérieur, c'est-à-dire à la personne
qui affecte les services, l'agent à l'affectation ou à une direction au niveau
des ressources. Et naturellement, l'EESAD n'interviendra pas non plus. L'EESAD
va entrer en contact avec l'établissement et c'est l'établissement qui va
prendre le relais, mais, actuellement, ce n'est pas structuré. C'est des
situations exceptionnelles qui se produisent. Elles ont du jugement. C'est sûr
que si elles voient des choses qui... inhabituelles ou inappropriées, elles
vont en parler avec leur employeur, avec l'entreprise d'économie sociale, mais
il n'y a pas de protocole, il n'y a pas de processus, il n'y a pas... Moi, je
dis souvent des attentes sans entente créent des mésententes. Alors, ça, ce
n'est pas organisé. C'est ça qu'il faudrait organiser. C'est là où, quand je
parle de l'armée de 9 000 paires d'yeux, c'est là où on peut, un peu
comme on le disait tantôt... c'est déjà prêt, il faut juste l'organiser. Et on
ne parle pas d'une formation de centaines d'heures, là, on parle de
sensibilisation, d'information des préposées. Et tout ce qu'on leur demande,
c'est d'observer et d'informer leur employeur qui, lui, interviendra après avec
l'établissement.
Mme Picard : Je ne sais pas si
vous avez pris connaissance, dans le projet de loi, il y a aussi un article qui
ajoute un centre d'assistance et de référence. J'aimerais juste vous entendre,
savoir qu'est-ce que vous en pensez, si, selon vous, ça serait bien, sur le
terrain.
M. Caron (J. Benoit) : Mon
collègue pourra compléter. Mais la première chose que je vous dirais, je l'ai
dit dans mon mot, là, mettez-vous... il faut toujours penser que... puis je
pense à ma mère souvent, qui a 85 ans, et je me dis : Mon Dieu! Qu'il
ne faut pas que ça soit compliqué. Il faut que ce soit simple. On l'a dit
tantôt, il ne faut pas que ce soit administratif, il faut que ce soit humain.
Alors, aussitôt qu'on sort du domicile, aussitôt qu'on sort de ceux qui
fréquentent ce domicile-là et où il y a des démarches, des formulaires, c'est
inquiétant. On l'a dit, déjà, juste de dire «maltraitance», c'est déjà
insécurisant. Puis beaucoup... probablement beaucoup d'aînés ne veulent même
pas ça même si elles le vivent.
Alors, il faut que le processus soit humain, je
l'ai dit tantôt, et très, très simple. Je ne crois pas, en tout cas, je ne
connais pas nécessairement le projet puis l'organisation qui est décrite dans
le projet de loi, quelle forme ça pourrait prendre et comment ça pourrait
s'opérer. Je crains cependant que ce soit beaucoup trop administratif, beaucoup
trop complexe pour une personne qui a 88 ans, qui est seule, à faible
revenu, souvent peu scolarisée, qui n'est pas familière avec les moyens
technologiques, de faire toute cette démarche-là. Je pense que l'insécurité que
ça peut lui procurer va être un frein à faire un pas en avant.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Maridat (Quentin) : Juste un
mot pour ajouter qu'effectivement tout...
La Présidente (Mme D'Amours) :
M. Maridat, vous pouvez enlever votre masque, s'il vous plaît, pour qu'on
comprenne bien. Merci.
M. Maridat
(Quentin) : Excusez-moi.
L'habitude de le porter. Pour juste ajouter un complément, la fonction
de rassembler des données, la fonction
d'évaluer des politiques publiques, tout ça, par contre,
c'est évidemment essentiel.
Donc, si ce volet-là peut être assumé et développé, centralisé dans un seul organisme,
ça, c'est une excellente nouvelle parce que ça fera toujours progresser la science
et la pratique sur le terrain également.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Blais (Prévost) : Oui. Parce
que, tout à l'heure, M. Caron en a parlé très brièvement, de gériatrie sociale, et, bien, je veux vous entendre. Depuis
que vous êtes partenaire avec la Fondation AGES dans certains projets, je
pense que vous l'êtes dans trois, puis on va en développer trois autres, et
on aimerait couvrir l'ensemble du Québec, là... Parlez-moi de votre
satisfaction ou de vos insatisfactions. Dites-nous si c'est quelque chose qui a
apporté un plus.
M. Caron (J. Benoit) :
Moi, je vous dirais qu'on contribue à la gériatrie sociale depuis 1997. À mon
avis, les EESAD... Une EESAD, c'est créé dans un milieu, hein, c'est dans une communauté.
On l'a dit tantôt, ce sont des entreprises d'économie
sociale, ce sont des entreprises collectives. Elles ont été créées — j'en
ai fait plusieurs — elles
ont été créées par des citoyens, par des organisations
intéressées par les aînés, etc. Donc, c'est ce qui nous a menés à avoir une
centaine d'EESAD partout au Québec. Donc, c'est des entreprises, des organisations
qui sont ancrées dans leurs milieux. Quand on dit milieux, on doit voisins.
Quand on dit voisins, on dit environnement immédiat. On n'est pas toujours au
centre-ville de Montréal. On n'est pas toujours au centre-ville de Québec. On
est dans toutes les municipalités, hein? Il y a des préposés d'aide à domicile
dans toutes les municipalités du Québec. Il n'y a pas d'EESAD dans toutes les
municipalités, mais elles ont des préposés qui sont dans toutes les
municipalités.
Alors, sans être un expert de la gériatrie
sociale, je salue ce qui se fait actuellement, les projets qui sont en cours actuellement
et les investissements qui sont faits avec le Dr Lemire, avec la Fondation
AGES, parce que là on est en train de rendre réel ce qui existait un peu déjà
informellement. Parce que ce que je vous ai décrit dans le début de mon
intervention, c'est une forme d'observation, de gériatrie, si on veut, sociale,
c'est-à-dire d'impliquer la communauté dans une relation qui peut être
favorable à l'aîné. Donc, oui, la gériatrie sociale, j'espère qu'un jour elle
prendra une ampleur partout au Québec, qu'on n'aura pas que quelques projets.
Je pense qu'il faut poursuivre. Et, bien entendu, les EESAD, les préposés
d'aide à domicile, sont très bien placées pour jouer ce rôle-là, comme d'autres
organisations autour de l'aîné aussi. On parle des EESAD, mais il faut toujours
avoir en tête qu'il y a plusieurs organisations qui interviennent avec des
rôles différents. On prétend en avoir un privilégié, mais il y a d'autres
organisations qui oeuvrent aussi qui peuvent aussi contribuer à la gériatrie
sociale.
Alors, pour répondre à votre question,
Mme Blais, je salue cette initiative, j'espère qu'elle se multipliera dans
toutes les régions du Québec, dans toutes les entreprises d'économie sociale du
Québec, et je vous incite, s'il vous plaît, à poursuivre la démarche.
• (11 h 40) •
Mme Blais (Prévost) : Si vous aviez
un voeu par rapport à cette nouvelle mouture de la loi sur la maltraitance, une
loi qui veut aller plus loin, une loi qui veut plus de mordant, mais une loi
qui... un projet de loi qui va se raffiner avec les groupes qui viennent ici,
en commission parlementaire, ce serait quoi?
M. Caron (J. Benoit) : Bien, en
fait, d'avoir besoin d'un projet de loi, c'est déjà un signe qu'on n'a pas
réussi quelque chose à côté. Moi, je pense que, si on brise l'isolement, si on
fait en sorte que les aînés, au Québec, aient accès à la somme de services qui
est appropriée, qui devrait être la leur, on va, d'une façon extraordinaire, contribuer contre la maltraitance. Je l'ai dit
tantôt, à mon avis, à notre avis, l'isolement est une forme de
maltraitance, dès le départ, là. Et c'est un terreau fertile à la maltraitance,
quand la personne est isolée.
Alors, si on est capables, je vais être un peu
corporatif, là, mais, si on s'assurait qu'au Québec les aînés ont les services dont
ils ont besoin, et je suis désolé, Mme la ministre, là, j'affirme que ce n'est
pas le cas, avec tous les efforts qu'on a faits actuellement au Québec, on n'a
pas réussi encore, puis on espère, c'est pour ça qu'on demande un virage vers
le soutien à domicile, si on assurait à chaque aîné au Québec la somme de
services qui lui est requise en fonction de son état, en fonction de sa
condition, en fonction de sa perte d'autonomie progressive sur 10, 15 ou
20 ans, on n'aurait peut-être pas besoin du projet de loi ou, en tout cas,
pas aussi mordant qu'il peut être ou qu'il pourrait être. Donc, il faut briser
l'isolement, il faut assurer l'accès aux services.
Mme Blais (Prévost) : On a commencé
à...
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la ministre, il vous reste huit secondes.
Mme Blais
(Prévost) : Bien, en huit
secondes — puis Mme
la députée n'a pas eu la chance de parler — écoutez, je tiens à vous remercier
pour votre engagement envers les personnes vulnérables, hein, les personnes en situation
de handicap et les aînés. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Ceci met fin à notre première période d'échange. Nous allons nous
tourner vers l'opposition officielle pour la période d'échange d'une durée de
11 minutes. Mme la députée de Fabre, la parole est à vous.
Mme Sauvé : Bon matin, Mme la
Présidente. M. Caron, M. Maridat, un plaisir de vous revoir. Vous
savez que je connais très bien
l'action que vous menez, et dans votre réseau mais sur le terrain beaucoup,
pour bien connaître la coop de
soutien à domicile à Laval, qui fait un travail, qui est d'ailleurs
un projet pilote dans le projet de gériatrie sociale.
Il faut que je revienne absolument sur un des
premiers éléments, puis la ministre vient d'en reparler, l'isolement qui peut
mener à la maltraitance. Je le vois trop, comme députée. Dans mon rôle de
députée, on parle beaucoup des proches aidants qui jouent un rôle essentiel
auprès des aînés, mais on oublie trop souvent à quel point il y a tellement
d'aînés qui sont seuls au monde. Et ça, ça me déchire le coeur à chaque fois.
Vous avez... Quand vous travaillez avec vos 9 000 préposés qui allez
dans les maisons de ces aînés, de ces couples d'aînés, de ces familles où il y
a des aînés, vous êtes souvent le seul lien humain de ces gens-là. Et ça, c'est
un constat gros comme le monde, quand on prend l'ampleur de tout ça.
Alors, moi, je trouve
important que vous ameniez non seulement votre expertise, votre réflexion à
cette commission, mais vous nous ramenez aussi au fait très, très important
qu'au-delà des structures, des processus qui sont essentiels, puis la volonté
de toujours vouloir améliorer les choses aussi, mais vous êtes une première
ligne. Vous êtes une première ligne dans les maisons des gens et vous êtes
souvent les seules personnes qu'ils voient. Ça, là, c'est simple comme ça, mais
c'est gros comme ça. Et quand on parle d'humanité, quand on parle... L'aîné qui
est seul et qui voit un préposé venir régulièrement dans
sa maison, il y a un lien significatif de confiance qui s'établit. Et ça, ça
vaut bien des choses.
Alors, quand vous
amenez, puis on en a parlé hier avec l'AQDR, quand vous amenez le volet de
formation pour la prévention, moi, autrefois, je parlais. Quand je parlais
d'intervention, je disais toujours : On n'est pas les experts de tout,
mais il faut développer les antennes. Il faut faire en sorte qu'on développe
l'expertise de la première ligne pour comprendre qu'il y a quelque chose qui
est en train de se passer, qu'on doit observer puis qu'on doit dénoncer. Alors,
c'est un peu ça que vous amenez avec votre première recommandation dans votre
mémoire, est-ce que je me trompe, cette formation-là pour de la prévention pour
mieux détecter la maltraitance?
M. Caron (J.
Benoit) : Absolument. Alors, ce qu'on souhaite, c'est que...
Premièrement, on souhaite utiliser cette armée-là. On la met à votre disposition
de façon à ce que ce soit peut-être les premiers, en première ligne, là, à
faire du repérage, mais on ne veut pas non plus le faire n'importe comment.
Alors, si on veut vraiment investir au niveau de la maltraitance, on a des
actrices qui sont ces préposées-là qui peuvent jouer un rôle de premier plan,
qui ont ces contacts privilégiés là. Je vous
rappelle, là, ce n'est pas... c'est trop court, le contact hebdomadaire ou
mensuel, mais c'est quand même une heure,
c'est quand même deux heures. Il y a une discussion qui s'établit. On veut bien
outiller ces 9 000 préposées-là
pour qu'elles puissent devenir vraiment une armée, là, au service... pour
contrer la maltraitance.
Alors, oui, on doit
les former. Entendons-nous, on doit les informer, on doit les sensibiliser, on
doit les former et, une fois que ceci est dit, on doit aussi organiser,
c'est-à-dire avoir un protocole, avoir des protocoles qui établissent
clairement... auxquels on peut informer nos préposés : Bon, dans telle
situation, voilà le premier geste à poser. On ne leur demande pas de faire de
l'intervention, hein, ça, c'est très, très clair. On leur demande d'observer et
d'informer une instance, l'entreprise d'économie sociale qui entrera en contact
après. Mais il ne faut pas... oui, elles ont
du jugement, oui, elles font un travail extraordinaire, il faut les saluer, en
mai prochain, on le fera encore lors d'une journée nationale pour les
préposés d'aide à domicile, mais on doit surtout les outiller de façon à ce
qu'elles puissent être confortables avec ce rôle-là, hein, parce qu'il ne faut
pas leur imposer ce rôle-là sans leur donner les outils préalablement pour
qu'elles puissent le jouer, le réaliser correctement et au bénéfice du plus
grand nombre.
Mme Sauvé :
Vous avez nommé tantôt... parce que la question vous a été posée, comment ça se
passe lorsque vous avez... vous êtes
face à une situation de maltraitance, vous avez dit : Bien, il n'y a pas
de processus formel, on y va... vous êtes, évidemment, vous l'avez bien
nommé, puis merci de le faire, à la naissance des EESAD, au sein de la
communauté, c'est comme ça que ça se passe, une entreprise d'économie sociale.
Est-ce que vous ne souhaiteriez pas voir
dans ce projet de loi quelque chose de plus formel? La première ligne témoin de
maltraitance, il y a vous, il y a les organismes communautaires, et une
ligne de processus, en tout cas, recommandée, à tout le moins, pour savoir un
peu à qui on s'adresse. Ça peut être compliqué. Vous dites : C'est
compliqué pour les aînés, mais c'est compliqué aussi pour vous, les EESAD, sur
le terrain. Est-ce que vous ne souhaiteriez pas qu'on mette un peu de rigueur
autour d'un certain processus d'accompagnement vers une référence?
M. Caron (J.
Benoit) : Quentin, est-ce que tu veux y aller? Je vais laisser la
parole à mon collègue Maridat.
M. Maridat
(Quentin) : Effectivement, et c'est un peu le but aussi de notre
recommandation d'avoir une personne désignée au sein des établissements
régionaux, parce que justement elle pourrait... cette personne-là aurait aussi
la responsabilité d'assurer une ligne de commandement, d'assurer un lien
organisationnel, de s'assurer que, justement, tout est fait de A à Z pour que
les plaintes et les observations sur le terrain se traduisent par des actes, et
ce serait sa responsabilité à temps plein. Donc, effectivement, à ce niveau-là,
les deux recommandations marchent ensemble, d'outiller les préposés et,
ensuite, d'avoir du répondant et un seul répondant, quelque chose de simple, quelque
chose de facile à utiliser à la fois pour les aînés concernés, mais aussi pour
les préposées. Comme le disait M. Caron, les préposées ne sont pas...
n'ont pas vocation à faire ça non plus à temps plein, justement. Il faut aussi
que ce soit simple pour elles et pour les entreprises d'économie sociale. Donc,
c'est pour ça que, nous, notre recommandation est d'avoir vraiment un répondant
unique.
Mme Sauvé :
Il y a un répondant unique puis il y a une dynamique de territoire parce que
chaque région, vous le savez fort bien, vous êtes implanté dans toutes les municipalités
du Québec, moi, à Laval, j'ai des organismes qui
n'existent pas ailleurs au Québec, dans d'autres régions, les dynamiques des tables
régionales aussi, ça varie, même si le mandat est le même. Comment
est-ce qu'on peut s'assurer... parce que je trouve qu'il y a quelque chose à
bonifier au niveau de cette première ligne, oui, une personne responsable, mais
il y a aussi de tenir compte de la dynamique du territoire, connaître l'ensemble
des organismes. Est-ce que ça va être un CAAP qui va pouvoir prendre la suite,
un centre d'assistance? Comment va arriver là-dedans, dans toute cette aide-là,
le centre d'assistance qui est proposé? Comment tout ça va se travailler sur le
terrain, alors que, d'une région à l'autre, on ne sait pas... Ça fait qu'il
faut formaliser, mais, en même temps, les réalités sont différentes.
• (11 h 50) •
M. Caron (J.
Benoit) : Je pense qu'il faut formaliser, il faut adopter. Un autre problème
qu'on a, c'est qu'on a beaucoup d'intervenants, mais il n'y a pas de
concertation. Alors, moi, j'ai fait une rencontre, il y a quelque temps, il y a
maintenant près de deux ans, où on a mis autour de la table tous les
intervenants qui pouvaient intervenir au quotidien chez un aîné de façon à
évaluer et à savoir : Est-ce qu'on a une cartographie du rôle de chacun?
Est-ce que... à quel moment un termine, l'autre commence, hein, la popote roulante,
Les Petits Frères, les EESAD, et j'en oublie, le transport, etc.? Ça, ça
n'existe pas. Ça, ça peut très bien exister où il y a une concertation
régionale en tenant compte de la réalité de chacune des
régions. Ce n'est pas très exigeant d'asseoir 10 personnes représentant
10 organisations qui oeuvrent au quotidien auprès des aînés et de les
concerter. Ça nous permettrait aussi d'évaluer les trous de service, en fait,
les endroits, dans cette cartographie-là, où il y a absence d'une aide ou d'une
intervention qui serait nécessaire. Et puis je pense que ça s'inscrit dans la
dynamique complète du projet de loi, sinon ça ne peut pas être détaché, puis on
parle d'une personne dans l'établissement, c'est bien, mais il faut que les
acteurs locaux, les acteurs régionaux soient impliqués et jouent un rôle aussi
et prennent le relais, et qu'il y ait une chaîne, là, qui se complète. Ça,
c'est un élément. On parle de maltraitance, mais même au niveau du soutien à
domicile au Québec, actuellement, ce n'est pas organisé, c'est-à-dire que
chacun, rempli de bonne volonté, de bonne foi, tente de faire le maximum. Ça
donne un excellent résultat, mais qui n'est pas à la hauteur de la réalité, du
besoin qu'on a actuellement. Donc, concertation régionale et locale.
Mme Sauvé :
J'adore votre idée de la cartographie.
M. Caron (J.
Benoit) : Oui.
Mme Sauvé :
Vous me permettez que je retienne... J'adore cette idée-là pour être capable de
savoir qui fait quoi, où s'arrête le rôle... J'adore ça. Je vais terminer parce
que j'ai peu de temps. Il a été beaucoup question... La Commission des droits,
hier, est venue nous en parler, il y a cette sensibilité-là avec le projet de
loi entre l'obligation de dénoncer et l'autodétermination. Vous, vous voyez évidemment
beaucoup de personnes âgées autonomes, chez elles. C'est quoi, votre réflexion par
rapport à jusqu'où on permet à la personne ces situations de maltraitance? Jusqu'où
on trouve... Hier, on parlait d'équilibre nécessaire entre l'obligation de
dénoncer puis de dire : L'aîné est capable d'autodéterminer sa réalité.
M. Caron (J.
Benoit) : Ce n'est pas... À mon avis, ce n'est pas un sujet facile. On
l'a dit, tantôt, de simplement dire le mot «maltraitance», c'est inquiétant,
c'est... Je ne pense pas qu'un aîné, un père ou une mère, souhaite déclarer un
proche ou souhaite dénoncer un proche. Et c'est là où il y a un énorme
problème, je crois. C'est parce que même en faisant tout le travail qui est
fait, il y a des gens qui vont faire le choix de se taire. C'est pour ça que
dans notre approche, nous, on pense... — encore une fois, avec notre
9 000 — si
on brise l'isolement, si on favorise l'accès aux services, une présence de
services, des interventions, on va probablement faire suffisamment de
prévention où on va éliminer les occasions de maltraitance. Il faudra toujours
dénoncer. Il faudra encourager les gens peut-être à dire : Je n'accepte
pas cette situation. Dénoncer, c'est un gros mot, hein? Il y a quelquefois que
c'est peut-être un mot trop gros. C'est juste une situation inconfortable qui
n'est pas acceptable, qu'il faut... à laquelle il faut remédier. Mais, pour ça, il ne faut pas que la personne soit
isolée. Il faut qu'il y ait des ressources. Il faut qu'il y ait un système
qui permette de faire du repérage, oui, mais de faire des interventions. On ne
mettra pas en prison immédiatement... En tout cas, je ne veux pas
embarquer dans l'aspect, là, punitif, etc., mais je pense que l'objectif ne
doit pas être d'emprisonner des gens, là. Ça
ne doit pas être ça. Ça doit être d'éviter, de faire de la prévention et de
donner des outils, d'offrir des services, de faire en sorte que l'aidant
ne soit pas épuisé, de faire en sorte que l'aîné ne soit pas seul, isolé. Alors, c'est... il faut faire avant. Il ne
faut pas faire après. Il faut faire le moins possible après et le plus possible
avant.
La Présidente (Mme
D'Amours) : C'est ce qui met fin à nos périodes d'échange.
Mme Sauvé :
Toujours un plaisir. Merci.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Donc, MM. Caron et Maridat, nous vous remercions
infiniment pour l'apport que vous apportez à notre commission.
Et je suspends les
travaux quelques instants. Merci. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
11 h 55)
(Reprise à 12 h 04)
La Présidente (Mme
D'Amours) : Donc, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue
au Curateur public du Québec, M. Denis Marsolais, et il est accompagné de
Me Sophie Gravel qui est de la Direction générale des affaires juridiques.
Donc, je vous souhaite la bienvenue.
Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons
à une période d'échange avec les membres la commission.
Donc, pour le bien des communications, juste vous... mentionnez votre
nom pour commencer la discussion. Et je vous rappelle que la première période
d'échange est d'une durée de 16 min 30 s. Et je vais vous
laisser la parole pour vous, 10 minutes.
Curateur public
Une voix :
Puis le cinq? Non, ce n'est pas bon parce qu'on commence...
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
serai indulgente. Donc, à vous, M. Marsolais.
M. Marsolais
(Denis) : Alors, d'abord, merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la
ministre. Bonjour également à tous les membres de la commission. Vous vous en
doutez bien, que ça me fait très plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. On a un
besoin de se rencontrer un peu plus après 15 mois de presque d'isolement.
Alors, permettez-moi de vous présenter... c'est
déjà fait, mais quand même réitérer que je suis accompagné de Me
Sophie Gravel, qui est aux services juridiques, au curateur, depuis de
nombreuses années, et qui est responsable, notamment, du dossier de la
maltraitance.
Donc, je tiens à remercier les membres de la commission
de me permettre de m'exprimer sur ce sujet qui nous tient, vous comprendrez
aussi, particulièrement à coeur.
La mission du Curateur public est de veiller à
la protection des personnes les plus vulnérables de notre société. Vous
comprendrez que toute initiative visant à prévenir les abus, l'exploitation et
la maltraitance de ces personnes nous interpelle particulièrement. L'actualité
nous rappelle qu'il faut constamment resserrer notre vigilance et travailler
collectivement pour mettre un frein à ces gestes.
Avant d'aller plus loin, voici un bref portrait
de l'organisation du Curateur public. Alors, le Curateur compte plus de
800 employés. Nous sommes situés dans 11 villes au Québec. Notre rôle
est d'évidemment veiller à la protection des personnes en situation de
vulnérabilité, de sensibiliser la population à l'inaptitude, d'accompagner les
familles qui prennent charge d'un proche inapte et, en dernier recours, d'agir
comme représentant légal lorsqu'aucun proche ne peut le faire.
On estime qu'au Québec, plus de
175 000 adultes seraient inaptes. La très grande majorité d'entre eux
n'ont aucune mesure de protection juridique. Les quelque
33 000 adultes qui ont une mesure de protection juridique sont
majoritairement pris en charge par leur famille, soit 9 200 régimes
privés qui sont sous notre surveillance, et 11 400 mandats
homologués. Les autres, soit environ 13 000 personnes, sont sous la
responsabilité du Curateur public.
Par ailleurs, un des rôles du Curateur public
est de prendre en charge les signalements touchant des situations de
maltraitance, de négligence et d'abus qui concernent les personnes sous tutelle
ou curatelle dont le mandat de protection a été homologué ainsi que les
personnes dont l'inaptitude a été constatée par une évaluation médicale. On voit
que la loi se recoupe avec, là, l'évaluation médicale.
Au cours des cinq dernières années, près de
2 000 signalements ont été pris en charge par le Curateur public.
Dans plus de la moitié des cas, ces signalements portaient sur des abus
financiers ou de la mauvaise gestion financière. Nous disposons également d'un
service spécialisé en matière d'enquête touchant les abus à l'égard des personnes représentées. De plus, depuis 2017, nous
collaborons avec plusieurs ministères et organismes à l'application de la Loi visant à lutter contre la maltraitance
envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de
vulnérabilité. Et, depuis 2018, nous collaborons avec l'entente-cadre
nationale.
En janvier dernier, nous avons renforcé notre
collaboration avec la CDPDJ en matière d'enquête pour les personnes sous régime de protection, ainsi que
celles visées par une procédure d'ouverture de régime ou de modération
de mandat de protection. Nos interventions à l'égard des personnes sans régime
de protection et sans mandat de protection homologué seront également
facilitées. Cette entente-là de collaboration a été faite évidemment avec
l'AQAJ qui nous a autorisés à échanger des informations privées qui... pour
permettre une plus grande efficiente efficacité des dossiers qu'on a à traiter.
Alors, c'est possible d'échanger des informations confidentielles.
Notre intérêt à participer aux efforts visant à
contrer la maltraitance se traduit donc concrètement. C'est à ce point
important que nous avons fait de la prévention des abus et de la maltraitance
un des six principes directeurs de la loi visant à mieux protéger les personnes
en situation de vulnérabilité qui entrera en vigueur... qui a été adoptée en
juin 2020 à l'unanimité et qui rentrera en vigueur en juin prochain,
juin 2022. C'est la fameuse loi, p.l. n° 18.
Nous accueillons donc très favorablement le projet
de loi n° 101 et nous appuyons la démarche de la ministre
responsable des Aînés et des Proches aidants. Ce projet de loi contribuera
assurément à une lutte plus efficace contre la maltraitance envers les aînés et
les personnes vulnérables, notamment celles qui sont représentées par un proche
ou par le Curateur public.
• (12 h 10) •
Nous souhaitons profiter de notre passage devant
la commission pour proposer certaines améliorations et émettre une recommandation. Alors, notre recommandation touche le cadre
d'application de processus
d'intervention concertés. Nous croyons qu'il est nécessaire qu'une exception
soit prévue à l'obligation d'obtenir le consentement d'une personne sous
tutelle, sous curatelle ou dont le mandat de protection a été homologué lorsque
son représentant légal est visé par l'allégation de maltraitance.
Il est prévu qu'un commissaire local aux
plaintes et à la qualité des services ou un intervenant désigné obtienne le consentement
de la personne concernée par la plainte ou le signalement avant de pouvoir
traiter ou de pouvoir transférer le dossier à un autre intervenant pour
enclencher un processus d'intervention concerté. Dans ces cas, le consentement de la personne visée par la plainte ou
signalement devrait être donné par son tuteur, son curateur ou son
mandataire. Ceci pourrait avoir pour effet d'empêcher l'examen d'une plainte ou
d'un signalement si la personne visée par la maltraitance alléguée est le représentant
légal de la victime présumée. La personne visée par l'allégation pourrait en
effet refuser de consentir au déclenchement du processus.
Alors, vous
comprenez la situation, là, c'est vraiment le tuteur qui abuse, et il
faut qu'il donne le consentement d'enquêter sur lui. Alors, je pense
qu'il faut absolument prévoir une exception. Nous estimons qu'il faut prévoir,
dans ce cas, une exception au consentement, de façon à accroître la protection
des personnes représentées.
Par ailleurs, nous avons une préoccupation en ce
qui a trait à l'élargissement de l'obligation de signaler en cas de
maltraitance, à tout type de maltraitance, ainsi qu'à toute personne hébergée
en RI, RTF ou RPA. Cette obligation de signaler implique nécessairement de
passer outre le consentement de la personne concernée. Notre préoccupation
concerne les cas où cette obligation vise des personnes aptes. Il nous semble
difficile de justifier une telle
divulgation, même si nous comprenons que cette brèche à l'obtention du
consentement de la personne concernée puisse plus facilement se
justifier dans le cadre d'une maltraitance organisationnelle ou systémique dont
certaines victimes seraient un usager ou un groupe d'usagers d'un établissement.
Mais, à notre avis, cette disposition aurait pour effet de priver les personnes
visées de leur autonomie et de leur droit à l'autodétermination. Cela va, à
notre avis, à l'encontre de la mise en place de la loi n° 18,
que je vous parlais, qui a été adoptée, qui fait la promotion de présumer de la
capacité juridique de tous, de favoriser l'autonomie des personnes et de
respecter ses volontés et ses préférences.
On n'est plus là avec l'obligation, nonobstant... en faisant fi du
consentement. Je parle des personnes aptes.
De plus, nous estimons que le projet de loi n° 101 pourrait être bonifié afin d'être encore plus efficace pour
lutter contre la maltraitance financière et matérielle. Dans sa forme actuelle,
le projet de loi n'inclut pas les acteurs du milieu financier. La loi ne leur
permet pas de signaler un cas de maltraitance financière ou même d'autres types
de maltraitance qu'ils observent dans le cadre de leur travail auprès des
clients en situation de vulnérabilité, sauf s'ils ont consentement dans le
cadre des PIC.
La maltraitance financière et
matérielle est pourtant, vous l'avez vu dans nos statistiques, une forme d'abus
très courante, et nous croyons que le personnel des institutions financières
occupe une place privilégiée pour détecter plusieurs de ces situations.
Cependant, les actions des institutions financières sont limitées, notamment en
raison des règles qui régissent la
protection des renseignements personnels ainsi que celles encadrant le secret
professionnel pour les professionnels qui travaillent au sein de ces
institutions-là. Nous croyons qu'une réponse plus globale au problème de la
maltraitance financière et matérielle visant les personnes aînées et en
situation de vulnérabilité nécessiterait d'autres initiatives, notamment
législatives, touchant le secteur financier.
Une autre piste d'amélioration se
trouve dans le Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers
les personnes aînées. Ce plan pourrait être élargi afin de cibler toutes les
personnes aînées et en situation de vulnérabilité. Il pourrait également
comprendre davantage d'actions qui visent spécifiquement la maltraitance
financière et matérielle pour rechercher une cohérence entre la loi éventuelle
et le plan.
En conclusion, le Curateur public
croit que les amendements apportés au projet de loi n° 101 permettront de
mieux protéger les personnes aînées en situation de vulnérabilité. Nous
partageons la vision gouvernementale qui fait de la lutte aux abus et de la
maltraitance vraiment une priorité. L'avancée que permet le projet de loi
n° 101 survient alors que le Curateur public prépare activement, je vous
en ai parlé, l'entrée en vigueur de notre loi prévue en juin 2022. Cette loi
mise sur le respect des droits, des volontés et des préférences tout en
valorisant l'autonomie des personnes. Elle tient compte des préoccupations des
Québécois face aux risques d'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité. Elle contient des
mesures de prévention des abus et de la maltraitance, par exemple, la
nouvelle mesure d'assistance comporte plusieurs fuites de sécurité et le mandat
de protection a été davantage encadré pour protéger les mandants lors d'une
homologation de mandat.
Le projet de loi n° 101 fait
également écho aux orientations de notre plan stratégique 2021‑2026,
dont le dépôt est imminent à l'Assemblée nationale. Un de nos enjeux
stratégiques, puis c'est un de nos enjeux, mais, je pense, c'est l'enjeu de tous autour de la table, c'est de trouver le
juste équilibre entre l'autonomie et la protection, autrement dit, de
faire en sorte de bien gérer les risques pour protéger les personnes, mais sans
abdiquer la valorisation de leur autonomie.
C'est là qu'est l'enjeu, là. C'est là que je pense que c'est partagé par tout le monde autour de la table, c'est vraiment l'enjeu de juste équilibre. Je termine dans
30 secondes, Mme la Présidente. Dans ce contexte, l'amélioration des
mécanismes entourant la prévention des abus et de la maltraitance est évidemment
plus que bienvenue.
Mme la Présidente, chers membres de la commission,
je vous remercie de votre attention, et nous sommes maintenant prêts à répondre
à vos questions.
La Présidente (Mme D'Amours) : Me
Marsolais, merci infiniment. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange, et je vais céder la parole à Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être là, merci à vous deux. Je vous vois difficilement,
mais... Oui, je vais me tasser un petit peu. Et voilà. Alors, bonjour. Je le
sais, Me Marsolais, vous avez très, très à coeur l'autonomie. D'ailleurs, vous
en avez fait grande preuve lors des travaux sur la loi n° 18,
et j'en étais, donc je sais exactement où vous vous situez.
Vous avez parlé des personnes aptes et, évidemment,
de l'obligation de dénonciation, où on sent que vous avez un malaise. Mais
j'aimerais pousser un petit peu plus la réflexion, parce que, quand on parle de
personnes aptes, une personne apte, selon
moi, peut se retrouver en situation de vulnérabilité de par l'isolement ou de
par des situations très spécifiques en lien avec sa réalité, et il
pourrait se présenter des situations où cette personne-là vivrait de la
maltraitance et serait incapable de la dénoncer de par des relations qui
seraient malsaines. À ce moment-là, puis vous l'avez dit, on cherche toujours
un équilibre entre l'autonomie et la protection, pensez-vous que les bénéfices
versus les risques pourraient être évalués pour une divulgation sans consentement?
M. Marsolais (Denis) : Votre question
est fort pertinente, là, c'est vraiment... Et c'est pour ça que j'ai spécifié
que c'était l'enjeu vraiment du projet de loi, c'est de voir jusqu'où on peut
aller dans l'abdication des droits d'une personne pour la protéger davantage.
C'est un peu le jeu. Moi, je pense qu'on ne doit pas faire abstraction de la
capacité d'une personne. On ne doit pas faire abstraction de son jugement et de
sa capacité de décider elle-même, évidemment, si elle est apte de le faire. Il
y a toujours des zones grises, là, mais prenons les deux extrêmes du spectre,
là. La personne est apte. Ce n'est pas le fait qu'elle demeure dans un centre
d'hébergement qu'elle en fait une personne inapte, là. Il
y a des personnes inaptes qui sont sous juridiction dans les résidences, dans
les centres d'hébergement. Il y en a qui sont inaptes, mais qui n'ont pas de
régime de protection. Je vous l'ai dit qu'il y en avait 175 000, tantôt, puis il n'y en a que 30 000 quelques
mille qui ont un régime de protection. Mais il y a tous les autres, là.
Moi, je pense qu'à chaque principe... Moi, je
pense que le principe global est extraordinaire, de dire : Il y a une
obligation de dénoncer toute situation de maltraitance par tous les gens du
réseau de la santé et les professionnels qui sont régis par l'office des
professions, le Code des professions, pardon. Mais il ne faut pas mettre, je
pense, tout le monde dans le même bain, dans le même panier. Moi, je pense que
ça risque de frustrer un certain nombre de personnes
qui disent : Moi... C'est comme de dire à ces gens-là : Bien, on a
tellement peur que vous ne soyez pas capables de dénoncer qu'on ne vous
demande pas votre consentement. C'est gros, là.
Moi, si je demeurais, j'espère que ça va être le
plus tard possible, là, mais si je me retrouve dans un centre d'hébergement,
qui va être meilleur au fil des ans, là, que je me retrouve là puis qu'on
décide pour moi de déposer une plainte alors que je suis tout à fait apte de
décider si je veux ou je ne veux pas... Parce qu'il peut y avoir toutes sortes
de circonstances, que je décide de ne pas le faire : C'est mon fils, ça
n'a pas de maudit bon sens, mais c'est mon
fils quand même puis je ne veux pas qu'il soit sujet à une clause pénale ou à
une peine pénale ou avec... et aller... une peine criminelle. Ça m'appartient,
j'ai le privilège.
Quand on dit que, dans la loi, la loi n° 18,
on doit respecter les préférences, même d'une personne qui est devenue inapte
si elle a manifesté ses préférences avant son inaptitude, qu'on doit respecter
sa volonté... On ne peut pas adopter une loi un an avant, puis un an après, des
dispositions qui en formulent le contraire, là. Alors, c'est juste d'essayer de
trouver une cohérence. Je n'ai pas de solution magique, là. Je vous mets
juste... puis vous avez bien utilisé le mot malaise, j'ai un malaise à... je ne
trouve pas de réconfort dans cette loi-là, dans l'obligation, dans tous les
cas, de dénoncer sans le consentement de la personne visée.
Il y a peut-être des solutions. Je ne sais pas
si ça peut... ça devrait... ça va alourdir le processus. Mais l'objectif, c'est
quoi? C'est de protéger les bonnes personnes puis de protéger de la
maltraitance, mais, peut-être, une personne apte, avec tout le respect et la
dignité auxquels on doit avoir auprès de cette personne-là... peut-être que les
personnes aptes, la personne de réseau qui a l'obligation de dénoncer, dans ces
cas-là, peut-être qu'elle aurait aussi l'obligation de demander son
consentement, minimalement, minimalement.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Je vais
céder la parole maintenant à la ministre. Mme la ministre.
Mme Blais (Prévost) : On va trouver
un juste équilibre. On va travailler dans le sens de trouver un juste
équilibre. On est là pour ça, en consultation.
Me Marsolais, Me Gravel, ça me fait
plaisir de vous écouter, de vous recevoir en tant que membre de la commission.
Trois petites questions en rafale.
La première, c'est qu'il y a Marie Beaulieu de
la chaire de maltraitance envers les aînés qui est venue, puis qui voulait
qu'il y ait une évaluation psychosociale et non seulement une évaluation
médicale. Or, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxièmement, je considère qu'on ne parle pas
assez des personnes en situation de handicap. Depuis le début de ces
consultations, on parle beaucoup d'aînés, d'aînés, mais je n'ai pas
l'impression que le projet de loi, en quelque sorte, s'adresse aussi à ces
personnes-là.
Troisièmement, il y a des membres de la
commission qui souhaitent avoir un protecteur des aînés. Ça fait que je vous
laisse aller dans le sens que vous voulez, là, mais vous avez
trois questions.
M. Marsolais (Denis) : En ordre, je
ne suis pas d'accord avec Marie Beaulieu sur l'exigence d'obtenir un
certificat, en plus du certificat médical, d'un certificat psychosocial. La
meilleure preuve que je peux vous donner, c'est que nous, lorsque les gens ont
fait une dénonciation chez nous, pour une plainte... ou un signalement, plutôt,
bien, on exige qu'il y ait un rapport médical, mais on n'exige pas de rapport
psychosocial à ce stade-là. Moi, je pense que ça serait alourdir le processus
de faire en sorte d'aller en plus... le rapport psychosocial est là pour ouvrir
un régime de protection pour qu'il y ait un meilleur guide pour la greffière
pour la Cour supérieure d'établir le niveau de régime à établir par rapport à
une personne. Dans le cas de la maltraitance, on est ailleurs, là. Qu'il y ait
un rapport médical qui dise que la personne, elle est inapte ou elle a
certaines difficultés, pour ma part, en tout cas, je trouve ça tout à fait
suffisant, puis c'est en cohérence avec les dispositions de notre propre loi.
Tu peux peut-être rajouter quelque chose?
La Présidente (Mme D'Amours) :
Me Gravel.
Mme Gravel (Sophie) : Oui, merci.
Oui, en effet, dans la politique sur les signalements, c'est de la façon dont
on traite dès qu'il y a une évaluation médicale. L'entente qu'on a aussi, de
collaboration, avec la CDPDJ permet des échanges dans ces cas-ci. Eux,
lorsqu'ils dénotent une situation où la personne a besoin de protection, viennent
nous transmettre la demande. Nous, on peut faire le lien aussi avec le réseau
pour voir s'il y a lieu de poursuivre et de faire, justement, l'évaluation
psychosociale qui pourra éventuellement mener à un régime de protection. Et, à
l'inverse, lorsque nous, cette personne se présente chez nous, et on voit que
c'est un cas qui pourrait être de l'exploitation
au sens de l'article 48 de la
charte, on fait le lien également avec la commission. Et l'évaluation psychosociale, dans bien des cas, elle est bien
longue à obtenir. Et je pense que, dans des cas où une personne
est victime de maltraitance, est dans une situation
où elle est extrêmement vulnérable, bien, ça allongerait vraiment indûment les
délais avant de permettre aux gens d'agir.
Mme Blais (Prévost) : Une sous-question,
là, avant que vous répondiez, Me Marsolais, aux deux autres. Donc, le processus d'intervention concerné, c'est un bon processus,
parce que vous travaillez en étroite collaboration,
à la fois avec la CDPDJ, avec les commissaires aux plaintes, avec les
policiers, avec plusieurs intervenants, donc vous vous coordonnez.
M. Marsolais (Denis) : Ça me
brûle les lèvres. Oui, mais l'exemple qu'on vous a donné avec la CDPDJ, c'était voulu, là. C'était pour vous démontrer que
c'est possible d'échanger des informations, même si ces informations-là sont des renseignements personnels,
lorsqu'il y a un protocole d'entente de confidentialité, et tout. Je pense,
si on voulait bonifier davantage ce processus-là, c'est de peut-être
autoriser un mécanisme entre les parties, il y a deux parties minimalement, là,
pour qu'il y ait un échange plus fluide des informations nécessaires pour
arriver à un diagnostic plus rapide. Puis ça, la loi, je souligne l'effort, là,
qui a été disposé dans la loi, mais je pense qu'on aurait avantage — puis
demandez-moi pas comment, là — on aurait avantage à permettre cette
fluidité-là, à l'instar — puis
je ne veux pas nous citer comme exemple — à l'instar qu'on a fait, la CDPDJ
puis nous, puis ça se fait. On l'a fait. Puis ça a été approuvé par la
commission de... comment elle s'appelle, cette commission-là?
Mme Gravel (Sophie) :
Commission d'accès à l'information.
M. Marsolais (Denis) :
Commission d'accès à l'information. Ça, c'est mon âge qui fait ça.
Mme Blais (Prévost) :
...âgisme.
M. Marsolais (Denis) : Non,
non. Mais donc ça se fait. C'est juste pour vous dire que, oui, il y a moyen
d'améliorer ça puis qu'il y ait une plus grande fluidité, puis c'est peut-être
la seule suggestion je pourrais faire à ce niveau-là.
Mme Blais (Prévost) : Le temps
passe. Mes deux autres questions...
M. Marsolais (Denis) : Ah! je
pensais de m'en sauver.
Mme Blais (Prévost) : ...personnes
en situation de handicap et protecteur... Commencez par le protecteur des
aînés.
M. Marsolais (Denis) : Vous
savez, aujourd'hui, il y a le Protecteur du citoyen, Marie Rinfret, qui va être
très populaire auprès des journalistes, et que son rôle, c'est de protéger
l'ensemble des citoyens du Québec. Alors, on a parfois la mauvaise habitude de
multiplier les interfaces puis les personnes en se donnant l'impression que les
gens vont être mieux protégés. Ce n'est pas là où le bât blesse. Ce n'est pas là
qu'il faut mettre de l'énergie. Moi, je pense, c'est à la base, ce n'est pas en
haut, parce qu'en haut il faut toujours bien que l'information soit transmise
par des personnes qui sont sur le terrain. Et je pense que, s'il y a des
énergies puis s'il y a des sous à mettre, c'est plus là que d'investir dans un
protecteur des personnes âgées. Puis, en même temps, je trouve que, pour me
rapprocher dangereusement vers cette... de porter ce titre-là de personne âgée,
je trouve que je n'aimerais pas ça, moi, d'avoir un protecteur des personnes
âgées. Je n'ai pas besoin de ça, moi, dans la vie. Il y a un Protecteur du
citoyen qui est là pour tout le monde. Puis
ce qui me préoccupe, moi, c'est avoir du monde à la base sur le terrain, qui
ont les yeux ouverts puis qui sont... et qui sont mandatés pour
s'assurer que ces dispositions-là sont appliquées par leurs collègues. Ça, ça
serait important.
Votre deuxième question, c'était les personnes
handicapées.
Mme Blais (Prévost) : ...en
situation de handicap. Je préfère ce terme-là. Je le trouve plus positif.
M. Marsolais (Denis) : Oui. J'ai
fait exprès pour vous dire ça, pour que vous puissiez me reprendre.
Mme Blais
(Prévost) : Oui. Parce que
Patrick Fougeyrollas, là, qui a mis sur pied le processus de production du
handicap, qui fait le tour du monde, là, et... maintenant on a renversé un peu
le côté négatif de personne handicapée.
M. Marsolais (Denis) : Oui. Comme
les personnes en situation d'inhabilité. Avant on parlait des personnes
vulnérables, puis là on parle en situation de vulnérabilité. Christine Morin de
la Chaire Turmel y tient mordicus à cette expression-là, puis je suis d'accord.
Oui, je suis d'accord à ajouter des personnes en situation de handicap parce
que c'est juste cohérent davantage avec la charte. Parce que dans la charte on
parle de personnes en situation... Puis je ne sais pas si on parle de personnes
en situation de handicap, mais on parle des personnes handicapées. Alors, si on
veut avoir une certaine forme de cohérence gouvernementale dans nos lois, je
pense qu'on devrait rajouter... de rajouter ce... les personnes en situation de
handicap. Puis je suis entièrement d'accord avec la proposition que la COPHAN
nous a faite à ce niveau-là.
Mme Blais
(Prévost) : Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui voudrait poser une question?
Parfait.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je vais céder maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Je vous amènerais sur le même sujet, les personnes en situation de
handicap, particulièrement ceux qui sont... qui ont un trouble du spectre de
l'autisme, qui sont sans voix ou bien les personnes avec une déficience
intellectuelle profonde. Quand ils n'ont plus de proche près d'eux pour veiller
à leurs soins, vous entrez en ligne de
compte. Est-ce que vous croyez que ce projet de loi là peut être plus
sécurisant pour les parents qui vont peut-être être dans cette
situation-là? Et, si vous pensez qu'on pouvait faire plus, nous dire qu'est-ce
qu'on devrait faire.
• (12 h 30) •
M. Marsolais (Denis) : Bien, écoutez,
assurément, si vous me permettez, ce projet de loi là donne des outils
supplémentaires pour apaiser l'inquiétude des parents en cas d'abus et de
maltraitance. Je pense que ce qui est établi dans cette loi-là... Tu sais, l'obligation
de dénoncer une situation pour les gens du réseau puis les professionnels,
c'est gros, là. Il y a le secret professionnel qui est là-dedans. Puis si vous
voulez que je vous en parle, je vous donnerai mon opinion. Je n'y tiens pas,
mais si vous me le demandez, je vais vous le dire. Mais je pense que c'est un
pas de géant qui va être fait par cette loi-là, évidemment si elle est adoptée.
Je pense qu'il y a une forme d'unanimité, là. Il y a des... évidemment, il y a
des détails auxquels... il y a des... à peaufiner, là, mais globalement je
pense que les parents des personnes
auxquelles vous avez mentionnées devraient se réjouir ou, en tout cas — «devraient se réjouir», le mot est fort, là — devraient être rassurées que ces nouveaux
outils là vont faire en sorte de... je pense qu'il va toujours y en
avoir des abus, mais je suis convaincu qu'il va y en avoir beaucoup moins,
vraiment, vraiment.
Mme Picard : Merci. Est-ce qu'il me
reste le temps pour une petite question encore?
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
Mme Picard : Merci. Vous suggérez de
modifier le plan d'action pour lutter contre la maltraitance des aînés afin d'élargir à toute personne en situation de
vulnérabilité. Considérant que nous sommes à la rédaction de ce plan et
du risque d'édulcorer les actions dans trop de directions, est-ce qu'il serait
pertinent d'avoir un plan d'action séparé?
M. Marsolais (Denis) : Je vous
dirais, oui, pour la forme, là, mais je ne pourrais pas vous dire pourquoi.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...Me
Gravel.
Mme Gravel (Sophie) : Oui. Bien, écoutez,
j'ai participé à quelques ateliers, là, justement, à propos du plan, là, puis
de la conception de la nouvelle mouture. C'est vrai qu'il y a beaucoup
d'éléments dans ce plan-là. Peut-être qu'effectivement ça serait préférable de
les séparer, en autant, par contre, que ça ne nuise pas à la complémentarité
des activités puis des actions qui pourraient être posées par les différents
acteurs impliqués, je pense. Mais, écoutez, ça
fait un petit bout de temps que je l'ai vu, là, il faudrait que je le regarde,
mais je m'en rappelle qu'il y avait beaucoup de matériel, puis beaucoup d'idées, puis beaucoup de points qu'on
voulait aller cerner, là, pour le plan 2022‑2027, mais...
M. Marsolais (Denis) : Je pense
qu'il faut, dans toutes ces démarches-là, de ne pas perdre le crucifix dans la parade, je m'explique. Plus on multiplie, plus on
s'éloigne de l'objectif qu'on s'était fixé au point de départ. Je pense, notre objectif, c'est quoi, puis
la ministre l'a exprimé clairement, c'est de mettre la table pour permettre le
plus possible de dénoncer des mesures... des abus et de la maltraitance. Ça
fait que... alors, ce n'est pas en multipliant les choses qu'on va arriver plus
à nos fins. Je pense qu'il faut... La cohérence, dans tout ça, est bien
importante. Il y a plein de lois puis il y a plein de choses qui parlent des
abus et de la maltraitance. Bien, je pense qu'il faut, puis c'est ça, la difficulté, là, des légistes et des... il
faut essayer de faire le contraire de ce que je fais, ne pas prendre demi-heure
pour dire ce qui pourrait dit en
une heure, là... en une minute. Il faut vraiment essayer, dans la
loi... puis la loi fait la job là-dessus.
Honnêtement, là, je dois vous avouer que l'exercice qui a été fait, là, puis je
salue le travail de la sous-ministre, là, que le travail qui a été fait
est un travail qui était difficile à faire, puis l'aboutissement est très
heureux, je pense, pour tout le monde. Maintenant, comme toute chose
est sujette à amélioration, on est ici pour ça, sans aucune prétention
de notre part, là. Je vous dis ça pour... Je pense que cette loi-là a à être
bonifiée sur les sujets que je vous ai parlé, mais à la base, déjà, c'est une
loi qui fait déjà un grand pas, comparativement à la situation actuelle.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Nous allons passer à notre deuxième période d'échange d'une durée de
11 minutes, et je cède maintenant la parole à la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente.
Me Marsolais, Me Gravel, un plaisir de vous entendre et de vous lire
aussi.
Je vais commencer d'abord par un aspect peut-être
un peu plus technique, votre recommandation phare de votre mémoire. Et je
mettrais peut-être en lumière le fait que c'est là où on constate tout le
travail qu'on fait en commission parlementaire de pouvoir trouver un peu des
éléments d'exception, des précisions dans ce qui est mis sur la table, dans un projet
de loi. Alors, vous avez bien noté un fait exceptionnel qui mérite qu'on s'y
adresse parce que ça
peut causer préjudice, très honnêtement, là, et de façon importante, alors qu'on est tous
là pour essayer de faire mieux en contrant la maltraitance. Donc, merci
d'avoir souligné cet aspect-là qui peut sembler un peu technique, mais, en même temps, c'est une réalité vraiment
importante qu'il faut noter. Alors, merci pour cette recommandation-là.
Moi, je reviens, là, sur tout le fait que vous
n'êtes pas réconforté, que le malaise entre clairement la gestion du risque et
la préservation, la protection et l'autonomie des aînés... Est-ce qu'on ne
l'avait pas trouvé avec la loi, qui est la
loi actuelle, la loi qui est en cours, la loi n° 115
où, dans le fond, on y allait vraiment avec les personnes inaptes, parfait,
l'obligation, et les personnes qui sont aptes? Là, le projet de loi n° 101 va dans le sens de... on commence à toucher aux personnes qui sont aptes, et c'est là
où le malaise commence. Est-ce que j'ai raison d'avoir cette lecture-là?
M.
Marsolais (Denis) : Bien, on
est carrément... D'abord, je m'excuse, je pensais que... je n'avais pas
compris la députée de Fabre, ça fait que je pensais que c'était une madame qui nous parlait, puis avec le
masque... alors, je m'excuse.
Bien, c'est la difficulté de l'équilibre, là.
Moi, je pense que l'équilibre de la loi actuelle a ses grandes faiblesses, là,
mais, ceci étant, c'est déjà mieux, la loi qui est proposée, qui fait l'objet
de la commission, mais je pense que... Puis on évolue aussi avec... suite aux
discussions qu'on a eues dans les différentes lois des commissions parlementaires, on s'est vite aperçu, en commission du projet de loi n° 18, de l'importance des groupes communautaires, des ordres professionnels, de tous les
intervenants, l'importance de
respecter la dignité d'une personne, de respecter... Son autonomie,
c'est une chose, mais la dignité, c'est encore plus fort. Et là où le bât
blesse, c'est que, lorsqu'on met une règle qui est applicable à toutes les
situations, bien, on va se retrouver dans une situation que les personnes qui
sont complètement aptes... puis là les distinctions et les nuances, disons, il
y a 50 nuances de gris, là, dans l'aptitude, là, mais les gens qui sont
complètement aptes... Moi, si je me retrouvais, demain matin, puis qu'on fait
fi de mon consentement, non seulement on fait fi, mais on ne me le demande même
pas, pour ceux qui me connaissent, je serais debout sur la table, là. Mais
c'est la même chose que les...
Donc, il faut trouver, puis c'est ça,
l'équilibre. Il n'y a pas de recette. La seule... puis, écoutez, ce n'est pas
magique, là, il n'y a pas 56 solutions, mais je me dis : Dans ces
cas-là... Les gens qui sont inaptes, déclarés ou non déclarés, là,
officiellement, les gens du milieu les connaissent, ces gens-là, puis il n'y a
pas de souci, là. Puis, quand on fait face à une personne qui, manifestement,
même si elle n'est pas déclarée inapte par la loi, qu'elle n'est pas en mesure
de formuler un consentement ou un refus quelconque parce que sa situation
cognitive ne lui permet pas de le faire, ça,
c'est clair, il n'y en a pas, de souci, là, mais je pense que, dans les autres
cas, je serais porté, moi, à faire en sorte que les personnes sont
obligées de dénoncer, mais, concernant les gens inaptes, bien, il devrait avoir
l'obligation d'obtenir le consentement de la
personne qui est inapte. Parce que, sans ça, ça n'a aucun sens, dans la société
à laquelle on vit actuellement, de faire fi. Puis de le faire au
détriment ou en alléguant qu'on veut les protéger au maximum... Bon, c'est
l'équilibre, dans le fond.
Puis, encore une fois, toute forme d'équilibre
va être contestable, là, dépendant de quel côté on se trouve du balancier, mais
je pense qu'on aurait avantage à remettre un peu le balancier puis à regarder
la capacité d'une personne dans l'obligation de dénoncer. Au même titre que
lorsqu'un professionnel... je vous parle en dehors de... s'il y a une personne qui n'est pas dans un centre
d'hébergement, pas dans 21, là, dans le PIC, qui est lié par son secret professionnel puis qui voit, devant lui, son
client qu'il connaît depuis des années, je prends l'exemple d'un comptable
qui a lien de proximité avec son client, il fait ses rapports d'impôt depuis
20 ans, puis que, là, la dernière fois qu'il l'a vu, là, bien là, il
s'aperçoit que son client, il ne comprend pas, là, il est vraiment, là... il
n'est plus là, puis pire encore, il voit que son client est abusé de façon
éhontée par un des membres de sa famille, aujourd'hui, là, il ne peut pas
dénoncer. C'est quoi l'objectif de la loi? C'est de faire en sorte que les gens
qui sont susceptibles d'abus, de façon
abusive, que les gens qui sont autour puissent dénoncer. Alors, dans ce cas-là,
le secret professionnel le freine. J'ai un grand respect du secret
professionnel, je suis un notaire. Je sais l'importance que les professionnels
accordent... Puis il ne faut pas le diluer, là, c'est très important. Mais, en
même temps, il y a peut-être des situations, comme je viens de vous expliquer,
qui pourraient faire en sorte que le professionnel, sans avoir un devoir de le
faire, parce que, de toute façon, il peut dénoncer dans la PIC, il n'est pas
obligé de dénoncer un tiers, pourrait le faire, mais juste donner une ouverture
qu'il peut le faire, avec les dispositions et les règles que l'ordre
professionnel concerné de ce membre-là va adopter, pour donner des indications
à son membre, pour dire : Dans ce cas-là, tu pourrais peut-être, dans certaines circonstances, très spécifiques, sortir
de ton secret professionnel pour dénoncer, mais, encore là on gère les
exceptions. Puis de penser qu'un principe de base n'a jamais d'exception, c'est
impossible. Une règle de grammaire a toujours des exceptions même s'il y a un
principe général.
Alors, je pense qu'à l'inverse... Voyez-vous, je
dis des deux côtés de la bouche des choses différentes, mais pourquoi, quand il y a... pour avoir comme objectif
de maximiser l'objectif de la ministre de dénoncer le plus possible des abus
financiers et de la maltraitance, puis il faut mettre la table pour permettre
ça.
Alors, je
n'abdique pas sur l'importance du secret professionnel, au contraire, mais,
moi, je donnerais liberté... ou donnerais la possibilité aux ordres
concernés, s'ils le veulent, d'établir des balises qui permettraient à leurs
membres non pas de les obliger, mais de leur permettre, à leurs membres, de
disposer du secret professionnel dans des circonstances exceptionnelles.
Je vais vous donner un exemple, si, Mme la
Présidente, vous me donnez encore quelques minutes.
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
M. Marsolais (Denis) : Je sors
du contexte. On n'est pas dans le même contexte, mais, vous voyez, le projet de
loi n° 18, l'assistant. L'assistant, lorsqu'il se
présente devant un professionnel, un médecin, un avocat, un notaire, un autre professionnel,
il peut demander des informations auprès de ce professionnel-là au-delà du secret
professionnel, la loi le précise à 297 de la loi. Parce que la loi précise que
le professionnel doit présumer du consentement de la personne, de l'assisté. On
n'est pas dans... Ma comparaison est boiteuse. Vous allez comprendre où je veux
en venir. Bien, donc, le professionnel... si, par exemple, quelqu'un va voir
son notaire puis demande de l'information précise sur le testament de son
assisté, là, c'est sûr que les ordres professionnels vont dire : Bien non,
on ne peut pas ouvrir ça. Puis on comprend ça, il n'y a pas de souci, il n'y a
pas de souci, mais avec cette disposition-là, puis les ordres concernés vont
donner des directives à chacun de leurs membres, rien n'empêche ce professionnel-là
de communiquer avec l'assisté pour savoir s'il peut bien donner de
l'information — je
parle de quelqu'un qui est apte, là — communiquer l'information, puis, à ce
moment-là, si le professionnel donne l'information parce qu'il est
autorisé par leur ordre de le donner, bien,
il est protégé par cette disposition-là qui dit qu'il doit présumer du
«consentement de».
Alors, vous voyez que, dans toute loi, dépendant
des circonstances, on peut orchestrer des mécanismes qui respectent tout à fait le secret professionnel,
mais qui fait en sorte, au moins, qu'on donne possibilité aux
professionnels prévus par le Code des
professions, tous confondus, que, si les ordres veulent créer une brèche dans
des cas exceptionnels, que le professionnel concerné, qui a un lien de
proximité avec son client, de pouvoir le dénoncer. C'est un peu bête qu'un
professionnel ne peut pas le faire, parce que, je parlais tantôt du dossier financier,
un planificateur financier qui voit, c'est gros comme un autobus, là, qui voit
que son client se fait abuser, puis qu'il ne peut pas, il faut qu'il demande le
consentement de son client. Puis son client, bien, dans des cas particuliers,
son client, il n'est pas tout là. C'est embêtant, là.
Ça fait que, il ne faut pas avoir la prétention
de tout régler aussi, là, mais je pense qu'on a l'opportunité, actuellement,
par cette loi-là, extraordinaire, de voir les possibilités qu'elle pourrait
nous offrir puis de faire des choix. Puis c'est déjà beau ce qu'on fait, mais
je pense qu'on pourrait apporter certaines modifications qui pourraient faire
des brèches, des exceptions, puis une exception, ça le dit, là, c'est des cas
particuliers, pour atteindre le maximum, la cible et l'objectif qu'on veut
atteindre par cette loi. Je ne sais pas si je suis assez clair.
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
reste 30 secondes.
Mme Sauvé : Bien, écoutez, moi, je
vous écouterais encore et encore. Merci pour toutes ces réponses, parce qu'on
comprend aussi toutes les nuances, autant dans la levée du secret
professionnel... Moi, j'avais en tête, quand vous parliez de votre exemple, ce
que vous avez mis, l'entente avec la commission des droits.
M. Marsolais (Denis) : ...
Mme Sauvé : Ce n'est pas la même
chose? Ça fait que vous, vous avez nuancé ça.
M. Marsolais (Denis) : Parce
que, moi, ma personne, elle est apte. Un assisté peut nommer un assistant s'il
a certaines difficultés, mais on ne parle pas d'aptitude, d'inaptitude. C'est
pour ça j'ai dit, d'entrée de jeu, ce n'était pas la même chose. Dans le cas où
la brèche serait possible, dans mon esprit, c'est que son client, il n'est plus
là, là.
Mme Sauvé : Voilà, je
comprends.
M. Marsolais (Denis) : Il n'est
plus là, là.
Mme Sauvé : Je comprends. Bien,
merci. Merci beaucoup à vous deux.
M. Marsolais (Denis) : Ça me
fait plaisir.
Mme Sauvé : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. Donc, Me Marsolais et
Me Gravel, merci infiniment pour votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 14 h 05)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend
ses travaux.
Nous
poursuivrons... nous poursuivons, pardon, les auditions publiques dans le cadre
des consultations particulières
sur le projet de loi n° 101, la Loi visant à renforcer la lutte contre la
maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité ainsi que la
surveillance de la qualité des services de santé et des services sociaux.
Cet après-midi, nous entendrons le Réseau FADOQ,
le Regroupement provincial des comités des usagers et la Chaire de recherche
Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés.
Je souhaite la bienvenue
au Réseau FADOQ. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
Réseau FADOQ
M.
Prud'homme (Danis) : Mme la Présidente, je vous remercie, Mme la
ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Je me nomme Danis
Prud'homme, je suis directeur général du Réseau FADOQ. Je suis accompagné de
M. Philippe Poirier-Monette, conseiller en droit collectif, qui répondra
aux questions suite à l'allocution.
D'abord, j'aimerais remercier les membres de la
commission pour cette invitation à exprimer le point de vue du Réseau FADOQ sur
le projet de loi n° 101. Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes
de 50 ans et plus qui compte près de 550 000 membres. Dans
chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à
l'amélioration de la qualité de vie des aînés d'aujourd'hui et de demain.
Le projet de loi n° 101 aborde un problème
qu'il faut à tout prix éradiquer, la maltraitance envers les aînés et les
personnes en situation de vulnérabilité. Le dépôt de ce projet de loi est
évidemment bien accueilli par le Réseau FADOQ, puisque notre organisation
estime que la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés
nécessite des améliorations.
À ce sujet,
le projet de loi permet certains progrès : des mesures sont mises en place
afin d'assurer la confidentialité des plaignants, les victimes sont
placées au centre du processus de plainte et sont informées de ses tenants et
aboutissants, l'imputabilité dans le réseau de la santé est améliorée en
imposant l'identification d'un responsable de la mise en oeuvre de la politique
de lutte contre la maltraitance dans chacun des établissements. À ce titre, le
ministre de la Santé ainsi que la ministre responsable des Aînés seront
également redevables puisque ces derniers seront responsables d'approuver les
politiques de lutte contre la maltraitance qui leur seront soumises.
L'instauration d'un processus d'inspection et
d'enquête relativement à l'application de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés est
également bien accueillie. À ce sujet, il importe que suffisamment d'enquêteurs
soient déployés sur le territoire québécois afin d'assurer le respect de la
loi. Rappelons que le Québec compte près de 1 800 RPA, 313 CHSLD
publics, 59 CHSLD privés conventionnés, 40 CHSLD privés non
conventionnés et plus de 1 800 ressources intermédiaires.
Un autre ajout essentiel concerne la possibilité
pour le gouvernement du Québec de mettre sous tutelle les ressources
intermédiaires, les RPA, ainsi que les établissements privés qui ne sont pas
conventionnés lorsque des situations inadmissibles sont constatées.
Néanmoins, notre organisation estime que le
projet de loi n° 101 pourrait aller encore plus loin
sur certains aspects. Cette pièce législative ajoute des sanctions pénales
lorsqu'un cas de maltraitance n'est pas dénoncé, comme notre organisation le
souhaitait. Néanmoins, ces sanctions pénales sont réservées aux prestataires de
services de santé et aux professionnels au sens du Code des professions. Pour
le Réseau FADOQ, il est évident que ces sanctions pénales doivent concerner l'ensemble
du personnel oeuvrant directement ou indirectement auprès d'une clientèle aînée
ou vulnérable. Il peut s'agir de la personne travaillant au poste d'accueil
autant que le cuisinier ou encore le concierge d'un établissement. La
maltraitance est l'affaire de tous, et il importe que toute personne oeuvrant
auprès d'un aîné ou d'une personne vulnérable soit amenée à dénoncer les
situations inadmissibles.
Autre élément positif, le projet de loi étend
l'obligation de signaler le cas de maltraitance lorsque cela concerne un usager
qui est pris en charge par une ressource intermédiaire ou une ressource de type
familial et lorsqu'il s'agit d'un résident d'une RPA. Toutefois, pour notre
organisation, il est nécessaire que l'obligation de signaler un cas de maltraitance
s'applique également à toute personne recevant des services de santé, notamment
les personnes qui reçoivent des soins à domicile.
• (14 h 10) •
Le projet de loi n° 101 introduit d'autres
sanctions pénales relativement à des mesures de représailles portées envers les
victimes ou encore une personne qui formule une plainte, effectue un
signalement ou collabore à l'examen d'une plainte. Toutefois, ces mesures de
représailles sont circonscrites au déplacement d'un usager ou d'un résident, à
la rupture de son bail ou à la restriction des visites à l'usager ou au
résident. Il importe d'inclure notamment la réduction des soins et des services
à l'usager, le changement volontaire et soudain d'attitude de la part du
personnel ou de l'administration et la modification de la routine sans
justification valable.
D'autres sanctions pénales sont ajoutées
concernant l'entrave ou les tentatives d'entrave à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou d'un enquêteur, ce
qui est bien accueilli par notre organisation. Néanmoins, nous estimons important que le projet de loi n° 101
introduise des sanctions pénales pour les auteurs d'actes de maltraitance. De
telles sanctions permettront de punir les travailleurs fautifs qui n'oeuvrent
plus dans le domaine de la santé, de réprimander les gestes qui ne sont pas
encadrés par la Charte des droits et libertés ou encore l'Autorité des marchés
financiers et de châtier les actes qui se situent aux frontières de la
criminalité. D'ailleurs, il s'agissait d'une recommandation que notre
organisation avait formulée lors des consultations entourant le projet de loi
n° 52 adopté en novembre dernier.
Une autre recommandation non retenue que nous
avions formulée dans le cadre de ce précédent projet de loi touchait la
maltraitance organisationnelle. Pour une organisation, il est important qu'une
définition de la maltraitance organisationnelle soit ajoutée au projet de loi
n° 101.
Par ailleurs, il importe d'inclure une procédure
d'analyse et d'amélioration à l'égard des plaintes et signalements liés à cette
forme de maltraitance. La maltraitance organisationnelle ne consiste pas en des
gestes malveillants d'un travailleur posés directement à l'endroit d'un patient
en particulier. C'est plutôt le résultat d'un manque de
ressources humaines, de réformes successives et de sous-investissement dans le
domaine de la santé, notamment, qui fait en sorte que les... (panne de son)
La Présidente (Mme D'Amours) : Je ne
sais pas si vous m'entendez, M. Prud'homme. M. Prud'homme, si vous
m'entendez, vous devez attendre quelques instants parce qu'on a de la
difficulté avec le son.
Donc, j'ai mis... j'ai fait arrêter les travaux,
le temps, donc... On va reprendre aussitôt que ça sera réglé.
(Suspension de la séance à 14 h 12)
(Reprise à 14 h 44)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Alors, je cède maintenant la parole à M. Prud'homme
pour un temps restant de cinq minutes pour votre exposé.
M.
Prud'homme (Danis) : Merci, Mme la Présidente. Donc, comme je le mentionnais, pour notre
organisation, il est important qu'une définition de la maltraitance organisationnelle soit ajoutée au projet de loi n° 101.
Il importe d'inclure une procédure d'analyse
et d'amélioration à l'égard des plaintes et signalements pour cette forme de
maltraitance.
La maltraitance organisationnelle, ce n'est pas nécessairement
un geste... ce n'est pas un geste malveillant d'un travailleur posé directement,
mais plutôt un résultat d'un manque de ressources humaines, de réformes
successives et de sous-investissement dans le domaine de la santé qui fait en
sorte que les patients n'ont pas accès à des soins et services de qualité. En
2018, le Protecteur du citoyen écrivait que les conditions de vie, en CHSLD, s'apparentaient à de la maltraitance et consistaient à des pratiques organisationnelles contraires
à certaines dispositions incluses dans la Loi sur les services de santé
et les services sociaux.
Ce matin, le Protecteur du citoyen soulignait
avoir reçu plusieurs plaintes concernant les RPA pour des problèmes exacerbés
par la crise sanitaire. Dans son rapport, le Protecteur du citoyen évoque le
personnel insuffisant et en changement constant, les erreurs dans l'administration
de médicaments, la surveillance insuffisante des lieux, l'offre de service peu
adaptée à la clientèle. Le rapport fait également état de l'offre de service de
soutien à domicile qui demeure insuffisante par rapport aux besoins des
personnes visées. Pour notre organisation, il importe de mettre des mots sur un
phénomène qui est loin d'être marginal, et qui est malheureusement constaté année
après année. La maltraitance organisationnelle existe au Québec, et l'ensemble
des parties prenantes, le gouvernement du Québec au premier chef, doivent le
reconnaître et agir afin de l'endiguer à défaut de quoi ils en seront
complices.
J'aimerais remercier les membres de la
commission de nous avoir écoutés. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup, M. Prud'homme. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant
commencer la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre pour
11 minutes.
Mme Blais
(Prévost) : Merci beaucoup. Ça me fait plaisir de vous
accueillir, MM. Prud'homme et Poirier-Monette. Je tiens à
féliciter, premièrement, la FADOQ. Je l'ai déjà fait, mais je tiens à le
réitérer. Pendant la première vague de la pandémie, vous avez été
extraordinaires avec vos membres, à faire plus de 100 000 appels
téléphoniques auprès de personnes aînées vulnérables. Ça mérite d'être
souligné.
Concernant la maltraitance organisationnelle,
bien, on en a entendu parler énormément, là, depuis le début de nos
consultations. Une consultation, c'est toujours fait pour améliorer des projets
de loi. Alors, j'avais indiqué qu'on arriverait avec des amendements. Bien,
j'ose croire qu'on va pouvoir travailler dans ce sens-là.
Concernant les sanctions pénales autres, vous
dites qu'il faudrait qu'il y ait d'autres formes de sanctions pénales. On y
travaille également.
Vous parlez aussi des enquêteurs, bien, on est en
train de travailler, c'est même rendu au Trésor, pour avoir plus d'enquêteurs
pour faire en sorte que nous puissions vraiment... — des inspecteurs, des
enquêteurs — pouvoir
travailler davantage sur les milieux de vie
puis être en mesure de pouvoir circonscrire la maltraitance plus
rapidement.
Les soins à
domicile, aussi, M. Prud'homme, bien, on y travaille énormément, mais,
vous savez, les enveloppes n'étaient pas dédiées aux soins à domicile,
elles le sont maintenant. Donc, les P.D.G. des CISSS et des CIUSSS ne peuvent
plus dépenser l'argent pour autre chose que les soins à domicile.
Si vous aviez, M. Prud'homme, un élément
important dans cette nouvelle mouture d'un plan de lutte contre la maltraitance
envers les aînés et les personnes vulnérables, ce serait quoi?
La Présidente (Mme D'Amours) :
M. Prud'homme.
M. Prud'homme
(Danis) : En fait, je vais
laisser... je vais laisser M. Philippe Poirier-Monette vous
répondre.
Mme Blais (Prévost) : O.K.
M. Poirier-Monette
(Philippe) : Mais, dans notre mémoire, on a une douzaine de
recommandations, bon, notamment, quand on parle des dénonciations obligatoires, on trouverait ça intéressant que les dénonciations obligatoires soient également pour les soins qui sont reçus à domicile, notamment.
Ça, je dirais que c'est un point qui n'est pas abordé dans le projet de loi actuellement, dans l'actuelle mouture, puis, pour nous, ça
serait également un point important, et que l'obligation de dénoncer des actes de maltraitance soit aussi
incluse pour toute personne qui oeuvre auprès d'une clientèle aînée. Donc, si, disons, un cuisinier,
un concierge, une personne à l'entretien est témoin d'acte de
maltraitance dans un milieu de vie pour
aînés, bien, que cette personne-là également soit tenue de dénoncer, de signaler ce genre
d'acte.
Mme Blais
(Prévost) : Est-ce que vous trouvez intéressant le fait d'élargir tout
l'aspect de maltraitance en touchant les résidences privées pour aînés, les
ressources de type intermédiaire et les ressources de type familial?
M. Poirier-Monette
(Philippe) : On accueille très positivement ces mesures-là. D'ailleurs,
on le salue dans notre mémoire. C'était un manque à la précédente mouture de la
loi. Donc, à ce sujet-là, là, on est tout à fait dans la même visée, là.
Mme Blais
(Prévost) : Mais c'est quoi, la frontière? Parce qu'il y a une
fragilité, hein, on se l'est faire dire, entre autres, par le Curateur public
aujourd'hui, entre l'autodétermination, donc, des personnes autonomes en RPA et
parfois des personnes qui sont moins autonomes que se retrouvent dans nos
milieux de vie pour aînés. Donc, est-ce que, pour vous, faire en sorte
d'ajouter le consentement... si une personne qui est autonome, qu'elle donne
son consentement si elle est victime de maltraitance pour qu'on puisse agir?
M. Poirier-Monette
(Philippe) : Oui, tout à fait. D'ailleurs, j'ai vu Me Marsolais
en parler, en effet, on ne peut pas faire un signalement ou une plainte contre
la volonté de la personne, contre un aîné. Donc, évidemment, il faut peut-être
trouver une mesure, comment qu'on met ça en branle, est-ce que le signalement,
après ça, bien, ça signifie, tout de suite, rencontrer la personne qui est au
centre de l'enjeu, et puis vérifier, discuter de la situation, et vérifier s'il
y a un consentement pour continuer dans d'autres démarches. Donc, tout à fait.
• (14 h 50) •
Mme Blais
(Prévost) : Je vais maintenant, Mme la Présidente, laisser la parole,
le temps qu'il reste, à mes collègues.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Bien sûr. Merci beaucoup, Mme la
ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. On ne vous voit plus, mais vous
êtes avec nous dans la salle. J'aimerais... il y a une chose dans votre... il y
a un élément de votre mémoire qui m'a grandement surprise. Et puis j'aimerais
vous entendre à propos des caméras de surveillance. Vous semblez être
relativement catégorique, là, que vous êtes contre que les propriétaires ou les
gens mettent des caméras de surveillance dans les établissements. Par contre, ça m'a surprise que, quelquefois, j'imagine
que, lorsqu'un aîné se blesse, tombe ou a malaise quelconque dans sa
chambre, ça pourrait être intéressant d'avoir des caméras pour justement
veiller au bien des usagers. Donc,
j'aimerais vous entendre sur votre position qui est contre les caméras de
surveillance dans les établissements.
M. Poirier-Monette
(Philippe) : Oui, bien, merci pour la question. Je ne veux pas vous
contredire, mais je ne crois pas qu'on aborde l'enjeu des caméras de
surveillance dans le présent mémoire. Historiquement, la FADOQ a toujours été
en faveur, si un locataire, un résident le souhaitait, d'installer une caméra
dans son unité, là, parce que c'est son domicile, c'est chez lui. Donc,
historiquement, la FADOQ a toujours eu cette position-là.
Mme Picard :
Vous m'en voyez désolée, ce n'est pas l'information que j'avais vue. Donc,
parfait. Je n'avais pas d'autre question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Parfait. Nous revenons à Mme la ministre.
Mme Blais
(Prévost) : Oui, bien, peut-être une question, parce que vous parlez
de procédures d'analyse et d'amélioration en lien avec la maltraitance
organisationnelle. Est-ce que vous pourriez préciser votre idée? Vous parlez,
évidemment, du cadre du plan d'action pour contrer la maltraitance, là, le
troisième plan d'action. Alors, je vous écoute là-dessus.
M. Poirier-Monette
(Philippe) : Oui, bien, en effet, il y a plusieurs organismes publics,
parapublics qui analysent cette forme de maltraitance là. Donc, on peut parler
du Protecteur du citoyen, il y a les commissaires aux plaintes, le Commissaire à la
santé et au bien-être qui évoque beaucoup de situations s'apparentant à de la
maltraitance organisationnelle. Bon, à la suite de ça, il y a des rapports qui
sont émis et puis certaines recommandations. Puis malheureusement, trop souvent, il y a beaucoup de recommandations qui ne
sont pas suivies ou on ne va pas jusqu'au bout de la démarche. Donc, on
ne sait pas qu'est-ce que pourrait être cette procédure d'analyse là, mais ce
serait important que tout ce qui est émis dans ces rapports-là... et qu'on
arrive à suivre les recommandations, les mener à bien puis améliorer les
services aux citoyens. Après ça, est-ce que c'est des personnes déjà en place
qui peuvent contraindre le gouvernement d'agir? Je ne sais pas, mais chose
certaine, à ce sujet-là, le gouvernement doit être redevable. Il doit répondre,
en tout cas, à des constats qui sont émis par... déjà, qui sont émis par le
Protecteur du citoyen ou le Commissaire à la santé et au bien-être.
Mme Blais
(Prévost) : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Maintenant... je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, Mme la
Présidente. J'ai une petite question. Je lisais une de vos recommandations, que
«l'affichage obligatoire à la vue du public de la politique de la lutte contre
la maltraitance soit fait». Votre objectif au niveau de cet affichage-là,
est-ce que... J'aimerais vous entendre m'en parler, s'il vous plaît.
M. Poirier-Monette (Philippe) : Oui,
mais... Donc, dans le projet de loi, il est obligatoire d'afficher la politique
de la maltraitance. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que cet affichage-là inclue
également, disons, des points de contact rapide, là, avec lesquels les
personnes qui sont victimes d'actes de maltraitance peuvent communiquer. Donc,
c'est un peu une espèce de, je dirais, document de référence. Puis nous, on
évoquait également qu'en lien avec cet affichage-là, il pourrait être également
intéressant d'afficher les recours en tant que locataires, parce qu'on peut
vivre une situation, en tant que locataire, difficile, donc ça peut être
difficile de comprendre un peu les tenants et aboutissants
de la loi, quels sont nos droits. Donc, relativement, également, aux droits des
locataires, il serait intéressant d'avoir un carnet, un certain numéro
de référence en lien avec la défense des locataires pour qu'ils puissent se
retrouver là-dedans, là.
Mme Lachance : Bien, merci,
c'est très clair. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Donc, nous allons passer maintenant à
l'autre bloc d'échange avec l'opposition officielle pour une durée de
7 min 30 s. À vous la parole, Mme la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. M. Prud'homme, M. Poirier-Monette. À défaut de vous
voir, c'est toujours un plaisir de partager ces réflexions avec vous. Alors,
merci d'être présents pour cette commission et la qualité de votre mémoire.
Je suis très heureuse que vous ayez tantôt,
évidemment, et dans votre mémoire et dans votre présentation, parlé, comme plusieurs groupes l'ont mentionné,
parlé de la maltraitance organisationnelle, à quel point c'est important
de pouvoir l'inclure dans la définition de la loi n° 101.
Mais vous avez... l'angle que vous avez amené qui diffère un peu des autres,
c'est que vous avez fait entre autres le lien avec les propos de la Protectrice
du citoyen. Or, il y a eu beaucoup de rapports ou de rapports d'étape qui...
qu'on parle du coroner, il y a des rapports également qui ont été déposés et
qui sont en cours. Est-ce que vous... Comment vous pouvez définir, un peu, davantage,
au niveau de la maltraitance
organisationnelle, qu'est-ce qui sont les deux démonstrations, là, qui ont été
exacerbées avec la première vague et la pandémie, qui viennent qualifier encore davantage
l'importance d'avoir la maltraitance organisationnelle?
M. Poirier-Monette (Philippe) :
Bien, écoutez, la pandémie a accaparé presque à 100 % notre système de
santé, là. J'exagère probablement en disant 100 %, mais beaucoup de notre
force de travail était accaparée par la pandémie.
Donc, évidemment, ça s'est répercuté par des réductions de services. Bon, ça
peut être autant les résidents, les personnes
âgées ou vulnérables hébergées, mais on en faisait état également au début de
la... au lendemain de la première vague, mais il y a des gens dont les
soins et services à domicile ont été réduits. Donc, ça, c'est deux éléments,
là, qui ont été exacerbés par la pandémie. Puis évidemment, bien, la
réduction... la perte de personnel, là, les gens qui tombaient au combat, qui
étaient soit malades ou en épuisement, c'est sûr que ça a exacerbé la
situation. Puis ça se répercute sur le niveau de services aux citoyens.
Mme Sauvé : Vous avez parlé de ça.
Vous avez parlé aussi des sanctions pénales, et vous avez mis l'accent... je
veux aussi mentionner que ce n'est pas, comme vous l'avez dit, vous l'avez
rappelé, ça n'est pas la première fois que
vous demandiez l'inclusion de la définition de la maltraitance, vous l'avez
fait pour le projet de loi n° 52. Alors,
les sanctions pénales aussi, vous souhaitez... La ministre nous a dit
qu'elle... qu'il y aurait plusieurs amendements qui seraient déposés,
donc, on les lira avec beaucoup d'attention, mais les sanctions pénales doivent
directement aux auteurs de la maltraitance, aux acteurs de la maltraitance.
Alors, ça aussi, c'est un élément sur lequel vous remettez de l'importance.
Moi, je veux revenir sur un aspect. Puis je vois
dans votre mémoire, vous êtes en faveur, mais vous n'en avez pas parlé
beaucoup. Puis je veux vraiment adresser la question de façon importante. Le
centre d'assistance, il y a plusieurs acteurs sur le terrain, il y a la ligne
abus... Aide Abus Aînés, il y a le centre d'assistance qui est dans le projet
de loi, vous êtes en faveur. En même temps, je vous dirais, de façon très
honnête, plusieurs groupes nous ont parlé du
centre d'aide et d'assistance, mais avec des définitions un peu différentes
d'un mémoire à l'autre. Alors, moi, je voulais voir un peu votre
compréhension, je vais le dire comme ça, votre compréhension de ce que serait
le centre proposé dans le projet de loi, le centre d'assistance.
• (15 heures) •
M. Poirier-Monette (Philippe) : À
prime abord, ça nous apparaît être un peu un mélange entre les Centres
d'assistance et d'accompagnement aux plaintes, les CAAP, et, effectivement, la
ligne Aide Abus Aînés. Donc, de notre point de vue, ça doit autant référer les
gens vers les ressources adéquates, ça doit également les accompagner le plus
longtemps dans les procédures possibles. Au-delà de ça, peut-être, ce qui
pourrait être intéressant du centre sur la maltraitance,
c'est d'en faire aussi, je dirais, la mémoire grise, là, donc faire des
analyses, faire des recherches au niveau de la maltraitance, comment la
contrer, comment amener les gens à avoir des comportements adéquats. On parle également, nous, dans notre mémoire, bon, on
parle de maltraitance, mais on parle également de son pendant, qui est, pour nous, très important, qui est la
bientraitance, tu sais, comment on peut amener les gens à avoir des
comportements positifs et bienveillants envers les aînés. Donc, ça pourrait
être, à notre avis, une partie de son mandat.
Mme Sauvé : Est-ce que vous n'avez
pas peur d'un certain dédoublement? Parce que, tel que vous m'en parlez...
D'entrée de jeu, vous avez même dit : Il y a les CAAP qui existent, il y a
la ligne, il y a des chaires de recherche
aussi. Alors donc, est-ce que vous n'avez pas peur d'un certain dédoublement?
Ou, en tout cas, ça mériterait certainement une précision.
M. Poirier-Monette (Philippe) : En
effet, ça pourrait être... Écoutez, ça dépend de ce que les organismes
souhaitent faire, mais nous, on ne verrait pas ça d'un mauvais oeil que ce soit
les CAAP qui prennent ce mandat-là et puis que se greffe une aile spécialisée au
niveau de la maltraitance, là. Après ça, c'est les organismes qui décident de
prendre ou non le mandat.
Mme Sauvé : En terminant, je
voudrais vous poser une dernière question. Vous mettez l'accent, dans votre
mémoire, sur la diffusion d'information, expliquer les processus, que
l'information soit visible, les ressources en place
aussi. On est dans... On a des grands pas à faire dans ce sens-là, hein, parce
que ce n'est pas clair et simple pour les aînés de savoir quels sont les recours et de connaître non seulement les
ressources, mais la loi qui existe. Est-ce qu'on a un grand chemin à
faire là-dedans? Et est-ce que ça ne mériterait pas d'avoir un espace dans le
projet de loi actuel?
M. Poirier-Monette (Philippe) :
Bien, écoutez, nous, on fait du référencement quotidiennement. On voit,
effectivement, que les gens, bien souvent, ne savent pas à qui s'adresser, des
fois, s'adressent directement aux services policiers, puis ce n'est pas
nécessairement à eux qu'on doit en faire part. Donc, oui, il y a un bout de
chemin à faire à ce niveau-là. Il faut faire connaître les ressources. À notre
avis, les CAAP ne sont pas assez connus. La ligne Aide Abus Aînés n'est pas
assez connue. Nous, on fait notre bout de chemin là-dedans, on fait connaître
ces services-là puis on réfère les gens, mais, évidemment, il faudrait que ça
soit plus publicisé.
Mme Sauvé : Je sais que vous faites
votre grande part. Alors, merci beaucoup. Merci pour cet échange.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. M. Prud'homme, M. Poirier-Monette, nous vous remercions pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
d'accueillir les prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 04)
(Reprise à 15 h 08)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Regroupement provincial des
comités des usagers. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Après quoi, nous procéderons à la période d'échange entre les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)
M. Hamel (Pierre) :
Bonjour. Bonjour, Mme la Présidente. Membres de la commission, bonjour. Je suis
Pierre Hamel, alors, président du Regroupement provincial des comités d'usagers
depuis le mois de juin 2020 et membre du
Comité des usagers du Sud de Lanaudière. Je suis accompagné de M. Marc
Rochefort, conseiller stratégique, qui oeuvre depuis 10 ans au regroupement,
et responsable du dossier maltraitance et bientraitance.
Le RPCU est une personne morale à but non
lucratif, incorporé en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies
et enregistrée le 14 septembre 2004. Sa mission : défendre et
protéger les droits des usagers du réseau de la
santé et des services sociaux en soutenant les comités des usagers et des
résidents dans la réalisation de leur mission en exerçant un leadership
à l'égard de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des services de
santé et des services sociaux au Québec. Nos valeurs : le respect,
l'intégrité, la solidarité et l'engagement.
Le RPCU est le porte-parole de plus de
425 comités d'usagers et de résidents. Le RPCU ne défend pas seulement les
personnes aînées, mais aussi les jeunes adultes, les personnes atteintes de
trouble de l'autisme ou de déficience intellectuelle et de déficience physique
et de santé mentale. En plus, nous supportons un nombre croissant de proches
d'usagers de l'ensemble du réseau des services de santé et services sociaux.
Maintenant, je vais passer la parole à Marc Rochefort qui va vous
entretenir sur les recommandations en fonction du mémoire.
• (15 h 10) •
M.
Rochefort (Marc) : Merci,
M. Hamel. Alors, tout d'abord, je veux vous réitérer notre très grande
satisfaction au fait que le gouvernement veuille élargir la préoccupation à
l'ensemble des personnes vulnérables et non seulement aux
aînés. Nous reconnaissons et saluons plusieurs avancées intéressantes,
notamment l'inclusion de toute personne adulte vulnérable — nous
devrions également penser aux proches aidantes qui éprouvent parfois des
craintes à vouloir dénoncer — le renforcement des moyens et
dispositions concernant les cas de maltraitance en ressources intermédiaires et
en résidence privée pour aînés autonomes et semi-autonomes. Nous apprécions
particulièrement l'affirmation des
mécanismes de signalement et de leur suivi. En matière de suivi et de gestion
des mesures correctrices, nous nous réjouissons qu'ils puissent aller
jusqu'à l'administration provisoire de résidence non conventionnée, voir à la
révocation de permis. La meilleure protection des victimes, des dénonciateurs
face à de potentielles représailles, nous sommes toutefois d'avis qu'une telle
protection puisse être encore renforcée. Finalement, le renforcement des moyens
et pouvoirs d'inspection et d'enquête, lorsque les situations nous invitent en
ce sens.
Cela dit, permettez-moi de vous rappeler les
fonctions légales, oui, je dis bien légales que les bénévoles engagés
activement dans l'ensemble des comités de résidents et des comités des usagers
doivent répondre. Alors, la première fonction est de renseigner les usagers sur
leurs droits et leurs obligations, promouvoir l'amélioration de la qualité des
conditions de vie des usagers et évaluer le degré de satisfaction des usagers à
l'égard des services obtenus de
l'établissement, défendre les droits et les intérêts collectifs des usagers ou,
à la demande d'un usager, ses droits
et ses intérêts en tant qu'usager
auprès de l'établissement ou de toute autre autorité compétente,
accompagner et assister sur demande un usager dans toute démarche qu'il
entreprend y compris lorsqu'il désire porter une plainte, s'assurer le cas
échéant du bon fonctionnement de chacun des comités de résidents et veiller à
ce qu'ils disposent des ressources nécessaires à l'exercice de leurs fonctions,
et, enfin, évaluer le cas échéant de l'efficacité de la mesure mise en place en
application des dispositions de l'article 209.0.1 de la LSSSS. Pour les
comités de résidents, les trois premières fonctions que je viens de vous nommer
leur sont déléguées.
Cela dit, comme vous le voyez, nous devenons
l'instance reconnue dans la loi afin d'être le gardien des droits de l'ensemble
des usagers avant même leur naissance, et parfois même après leur décès. Il
faut se rappeler l'engagement du RPCU et d'un nombre impressionnant de comités
à la lutte contre la maltraitance depuis plusieurs années grâce au soutien,
entre autres, du Secrétariat aux aînés. Et je tiens à souligner qu'on appuie
grandement les quelques comités qui ont déjà fait parvenir des recommandations
eu égard au projet de loi en étude actuellement. Cette priorisation démontre
clairement notre intérêt, mais également notre volonté reconnue d'aborder aussi
cette bientraitance généralisée envers
l'ensemble des usagers, mais encore davantage envers les personnes les plus
vulnérables. Nous sommes en mode solution et devons aussi reconnaître les
nombreux gestes de bientraitance qui sont posés au quotidien au bénéfice de
l'ensemble des personnes qui bénéficient des soins et des services sociaux.
Notre mémoire, que vous avez assurément lu,
illustre sans équivoque nos attentes. Et je tiens à insister sur certaines recommandations
qui deviennent, à notre avis, des incontournables, principalement la 3 :
«Que les comités des usagers de résidence fassent partie du projet de loi
n° 101», puisque nous sommes déjà engagés dans l'assistance et l'accompagnement des usagers et des personnes
proches aidantes qui voudraient porter plainte en cas de maltraitance,
et sommes des acteurs incontournables dans chacun des établissements de santé
et de services sociaux du Québec. Et je fais un lien avec la recommandation 23,
la 24 et la 25 afin de rappeler aux gestionnaires leur responsabilité envers
les comités des usagers de résidents, et que le gouvernement fasse de même.
Et je profite de l'occasion pour souligner un fait
qui nous a été à maintes reprises souligné. À quel moment avons-nous entendu un
élu, principalement lors des points de presse, au cours du début... depuis le
début de la pandémie actuelle, souligner
publiquement l'apport considérable des personnes bénévoles impliquées dans les
différents comités. À aucun moment, on a
fait mention du travail considérable que ces personnes continuaient à rendre,
au quotidien, à l'ensemble des bénéficiaires, à l'ensemble des usagers
et des personnes proches aidantes.
J'attire votre attention également sur la recommandation 5 :
«Que, sur le plan national, le RPCU soit reconnu comme un partenaire incontournable dans la dispensation d'activités de
formation, d'information et de sensibilisation sur la maltraitance.»
La 10 : «Que l'éventuelle loi et les
règlements et stratégies inhérentes qui soutiendront sa mise-en-oeuvre
valorisent des actions concrètes d'implantation de nos recommandations — des 6
à 9 — non
seulement en CHSLD, mais aussi dans l'ensemble des différents milieux de vie où
l'on retrouve des personnes vulnérables.»
La recommandation 12 : «Que le projet
de loi n° 101 valorise clairement le respect des 12 droits des
usagers, qui sont déjà enchassés dans la loi, afin de notamment préciser que le
non-respect de l'un et/ou de l'autre de ces 12 droits doit être pris en
compte dans le traitement et le suivi, donc lors d'inspections et d'enquêtes de
toute dénonciation de maltraitance.»
La recommandation 13 : «Que, par
ricochet, le gouvernement s'engage, dans les modalités de l'application, à
promouvoir les 12 droits des usagers auprès de l'ensemble des personnes
associées à la prestation des soins et des services afin de développer une plus
grande vigilance.»
La 14 : «Que la vulgarisation et la
promotion active des 12 droits soient formellement intégrées lors de la
formation académique des futurs intervenants», que ça soit au niveau des écoles
secondaires, dans le cadre des programmes professionnels, que ça soit dans les
milieux collégiaux ou encore dans les universités et aussi dans les milieux
d'intervention en cours d'emploi.
La recommandation 17 : «Que la
terminologie sur la maltraitance envers les personnes aînées de 2017 ou dans
toute autre version bonifiée soit mise en valeur pour favoriser une meilleure
connaissance et aisance à dénoncer et à intervenir de toutes les personnes
précitées.»
Dans le cadre d'une consultation qu'on a menée
en 2019, sur la bientraitance, nous avons aussi questionné les quelque
140 comités des usagers, comités de résidents, qui y ont participé, sur
leurs connaissances et leur aisance à intervenir face à sept types de
maltraitance. Alors, vous avez un tableau entre les mains. Comme vous pouvez le
voir, à partir du moment où on aborde certaines questions
de maltraitance, et on a des exemples, si on s'arrête à la simple définition,
on voit des... Par contre, à partir du moment où on a fait de la
sensibilisation, où on a expliqué davantage,
on obtient un beaucoup plus grand pourcentage de bonne compréhension de types
de maltraitance que l'on retrouve au quotidien dans nos établissements.
La maltraitance organisationnelle est bon
exemple qui fut, à une multitude de reprises, soulevée dès le début de
l'actuelle pandémie.
En ce qui concerne l'envie de vouloir créer une
nouvelle structure...
La Présidente (Mme D'Amours) : M. Rochefort,
M. Rochefort...
M. Rochefort (Marc) : Oui?
La Présidente (Mme D'Amours) : ...je
suis désolée, le 10 minutes étant écoulé...
M. Rochefort (Marc) : Parfait.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Est-ce qu'il vous reste encore beaucoup de temps?
M. Rochefort (Marc) : Non.
Juste un dernier élément que je voulais vous partager.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Est-ce qu'on peut le prendre, avec
autorisation, sur le temps du gouvernement, pour qu'on puisse finir la
discussion avec M. Rochefort?
Une voix : ...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Alors, M. Rochefort, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.
M. Rochefort (Marc) : En ce qui
concerne l'envie de vouloir créer une nouvelle structure ou un nouveau centre
de référence, nous recommandons au gouvernement de ne pas créer un tel nouveau
centre d'assistance et de référence, mais
plutôt de renforcer et d'élargir le mandat, exemple, de la ligne Aide Abus
Aînés, et ce, notamment afin d'optimiser une accessibilité 24/7,
l'outiller pour mieux gérer des dénonciations sans conséquence pour les
victimes et/ou les dénonciateurs, et faire en sorte qu'elle devienne une ligne
«Abus Personnes Vulnérables». Merci.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup, M. Rochefort. Nous
allons débuter la période d'échange, et je cède la parole à Mme la
ministre.
• (15 h 20) •
Mme Blais (Prévost) : Écoutez,
Me Rochefort et Me Hamel, ça me fait plaisir de vous entendre. Votre
dernière recommandation vise dans le mille. Alors, éventuellement, on pourra en
parler lorsque nous ferons l'étude article
par article, mais je comprends très bien qu'on a une ligne Aide Abus Aînés,
que, dans ce projet de loi, on parle aussi des personnes vulnérables
qu'on ne nomme pas assez les personnes qui vivent en situation de handicap,
donc il faut, à un moment donné, les nommer ces personnes-là.
Je tiens aussi à vous offrir, si jamais vous
n'avez pas entendu de remerciements de la part des principales personnes qui
ont été en conférence de presse régulièrement pour parler de la pandémie dans
nos CHSLD, nos RPA, nos milieux de vie, je tiens à vous dire, au nom du
gouvernement du Québec, vous remercier pour tout ce que vous avez fait et tout
ce que vous continuez à faire pour justement faire respecter les 12 droits
des usagers. Alors, je le fais bien humblement et en toute conscience, parce
que je sais que vous avez fait un travail et vous faites un travail tout à fait
remarquable.
Si vous aviez un rôle, qu'est-ce que vous
souhaiteriez? Au niveau de votre rôle, comment vous le verriez renforcé? Par
rapport... On met en place une nouvelle loi. Est-ce que vous autres, vous aimeriez
avoir un rôle plus solide à l'intérieur de cette loi lorsqu'elle sera
appliquée?
M. Rochefort (Marc) : Bien, comme je
le soulignais, Mme la ministre, si vous permettez, nous, on a déjà plusieurs
années d'implication dans tout le dossier de la maltraitance versus la
bientraitance. On est en cours d'un projet, là, que le Secrétariat aux aînés
nous a accordé. Alors, plus on va faire de sensibilisation, d'information et de
formation sur le sujet de la maltraitance,
plus on risque d'atteindre des objectifs intéressants d'une meilleure appropriation et de façon
à ce que ça devienne un enjeu non seulement du Secrétariat des aînés, non seulement
de votre direction, mais de l'ensemble de la société.
Il y a une limite à ce qu'on tolère des situations
de maltraitance. Donc, c'est une invitation. Et on est sur le terrain à
l'ensemble des composantes, à l'ensemble des partenaires, de tous acabits, pour
faire en sorte de donner un visage différent à notre société à l'égard des personnes
les plus vulnérables.
Mme Blais (Prévost) : Écoutez, l'un
de mes souhaits, là, par rapport à votre rôle... C'est qu'on a plusieurs
comités, les comités n'ont pas tous la même force, le même degré de force, et
les gens, comme vous êtes des bénévoles, ne sont pas tous impliqués de la même
façon, ça fait qu'il faudrait travailler à faire en sorte que chaque comité soit extrêmement bien implanté et extrêmement solide
à l'intérieur des établissements pour que vous puissiez encore mieux jouer ce
rôle. J'imagine que vous êtes d'accord avec ça, là.
M. Rochefort (Marc) : Oui, je pense
que vous avez tout à fait raison, mais j'oserais vous dire que les comités qui
sont les plus actifs, qui jouent pleinement leur rôle, sont les comités où la
direction les reconnaît publiquement puis les directions d'établissements les
supportent. Les comités ont besoin d'être reconnus à juste titre, de la même
façon qu'on reconnaît l'apport important des conseils des infirmières et
infirmiers, des conseils des médecins, dentistes, pharmaciens et des conseils
multidisciplinaires. Alors, ce sont des comités d'établissement, et ils doivent
être reconnus à leur juste valeur. Les endroits où les comités sont plus
faibles, souvent, on va voir des directions les ignorer dans toute la démarche
d'amélioration continue des soins et des services sociaux.
Mme Blais (Prévost) : Bien, ça, je
pense que c'est notre rôle à nous de faire en sorte que les établissements vous
reconnaissent et travaillent avec vous main dans la main, et qu'on puisse
diffuser davantage les droits des... les 12 droits des usagers et qu'ils
soient respectés. Mme la Présidente, je vais céder la parole à une collègue.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Parfait. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être là. J'aimerais vous entendre. Vous avez parlé des
comités de résidents, puis j'aimerais vous entendre développer davantage sur
leur rôle et aussi sur la manière dont vous voyez la chaîne de communication par
leur intermédiaire.
M. Rochefort (Marc) : O.K. Donc,
dans chacune des installations d'hébergement de soins longue durée, la loi
prévoit l'instauration d'un comité de résidents ou un comité d'usagers dans le
cas des établissements privés, conventionnés
et privés. Et dans les us et coutumes, dans les orientations ministérielles, il
doit y avoir un gestionnaire d'attitré
pour faire le lien entre les travaux des comités de résidents, comités
d'usagers et les conseils d'administration et les directions d'établissement,
de façon à donner davantage de mordant aux recommandations. Et ça, toujours
dans un contexte d'amélioration continue. Alors, déjà, à ce niveau-là, je pense
que c'est un mécanisme qu'il faut bonifier.
Au cours des deux dernières années, on a été
témoins que dans plusieurs installations, il n'y avait pas de gestionnaire
d'attitré, donc comment peut-on faire le suivi des commentaires, des
propositions des comités de résidents si, de
toute façon, toute la discussion se fait en vase clos, puis il n'y a pas de
lien entre les travaux du comité des résidents et d'usagers jusqu'à la direction
générale ou à la direction SAPA à l'intérieur des CISSS et des CIUSSS. Donc,
déjà, c'est une étape à bonifier.
Mme Lachance : Merci, monsieur.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
redonne la parole à Mme la ministre.
Mme Blais
(Prévost) : Si vous me permettez, je vous prends à brûle-pourpoint, on
a embauché des gestionnaires, parce qu'on s'est rendu compte que
plusieurs établissements n'avaient pas... plusieurs CHSLD n'avaient pas de
gestionnaire sur place. Parfois, il y avait un gestionnaire pour une multitude
d'établissements. Je le sais, je faisais des visites
surprises dans les CHSLD, il n'y avait pas de gestionnaire, puis, quand je
quittais, le gestionnaire arrivait. Alors, ça, vous avez absolument
raison. Ça prend un gestionnaire, puis ça prend un patron dans l'établissement
pour qu'on puisse coordonner les travaux, les horaires, et tout ce qui vient
avec.
Écoutez, j'aime beaucoup ça. Au lieu de parler
véritablement de maltraitance organisationnelle, vous parlez d'un concept
extrêmement positif qui est le concept de la bientraitance organisationnelle.
Je vous écoute.
M. Rochefort (Marc) : Écoutez, à
chaque jour, il y a une multitude de gestes, d'actions concrètes qui sont posés
à l'endroit des personnes aînées, des personnes les plus vulnérables, peu
importe la mission clinique où on va retrouver ces personnes-là. Et ça, peu
souvent on en fait l'éloge, on prend ça pour de l'acquis, O.K. Et je pense que
l'ensemble des intervenants dans le réseau de la santé et services sociaux sont
adéquats et sont pleinement qualifiés pour poser ces gestes-là.
Maintenant on s'arrête souvent, et avec raison,
avec toute la question des gestes de maltraitance. Mais, ceci dit, il ne faut
pas fermer les yeux sur toutes les actions de bientraitance. Et plusieurs
comités d'usagers et comités de résidents,
O.K., font l'éloge couramment des gestes qui sont observés et qui apportent une
valeur ajoutée à l'ensemble des personnes usagères et de leurs proches
aidants.
Dans le contexte actuel, je peux vous dire que
plusieurs aînés en grande perte d'autonomie à domicile ont peur de l'arrivée éventuelle en CHSLD. Donc, comme
société, on aura un défi majeur et on sera là pour vous aider à le relever, donc toute la question de redorer l'image
des soins de longue durée dans nos installations, dans nos
établissements.
Alors là, on a tout un défi et le gouvernement
devra s'assurer d'investir les moyens qu'il faut pour procéder à cette
revalorisation de nos milieux de soins de longue durée.
Mme Blais (Prévost) : ...qu'on
a entendu le message, et même avant. On a une politique, la première politique
de soins, de services et d'hébergement pour les personnes qui sont dans les
établissements pour la longue durée. On a embauché les gestionnaires, des chefs
d'unité, des cliniciens en prévention, contrôle des infections, plus de préposées. On essaie de faire pousser les fleurs plus
rapidement au niveau des infirmières. Pas toujours facile. On en a de besoin
pour être en mesure de prendre soin des personnes.
Alors, je
cède maintenant... Je vous remercie. J'aime ça, ce concept-là, je le retiens.
Ma collègue de Fabre, elle retient
la cartographie, puis j'aime aussi, ce concept-là, bien moi, je retiens celui
de la bientraitance organisationnelle.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, merci beaucoup pour votre présence pour nos travaux. Vous
avez parlé tantôt... je pense que vous êtes un des premiers groupes qui nous
parlez des usagers qui ont une problématique de santé mentale. J'aimerais
savoir si vous pensez que ce projet de loi ci va assez loin pour eux dans le
contexte que vous vivez, que vous suivez avec vos usagers.
• (15 h 30) •
M. Rochefort
(Marc) : Bien, écoutez, je
me permettrais de vous dire que, depuis 50 ans au Québec, on a
amorcé une réflexion sur la
désinstitutionnalisation, et depuis les 35 dernières années, on a accentué
la désinstitutionnalisation des personnes qui étaient déjà en
institution avec une vocation santé mentale. Les ressources humaines et les
ressources professionnelles n'ont pas nécessairement suivi dans la communauté
où on retrouve aujourd'hui ces personnes, donc c'est important d'assumer une
vigilance pour les gens vulnérables que l'on retrouve dans la communauté, pour
lesquels les organismes communautaires, les partenaires, drôlement importants
dans toute cette prise en charge là communautaire,
ont un rôle à jouer. Cependant, lorsqu'il y arrive des situations de
maltraitance, il faut avoir les mêmes mécanismes
à la portée, des mécanismes accessibles, de façon à soutenir les personnes qui
ont davantage de difficulté et davantage peur aux représailles, O.K.,
pour exprimer leur insatisfaction et même déposer des plaintes.
Mme Picard : Et pouvez-vous me
parler un peu plus de la place des bénévoles aussi? Vous en avez glissé un
petit mot tantôt, mais j'aimerais vous entendre davantage sur le rôle des
bénévoles dans la maltraitance.
M. Rochefort (Marc) : Bien,
écoutez, les bénévoles qui sont impliqués dans nos comités, en plus d'être des
bénévoles qui sont aussi des contribuables, donc des payeurs d'impôts, des
payeurs de taxes et des actionnaires du réseau de la santé et des services
sociaux, donc les bénévoles sont à proximité des usagers vulnérables jour, soir
et parfois nuit en soin de fin de vie. Donc, ils sont là pour accueillir les
commentaires de tout ordre. Ils sont là pour prêter une assistance humaine,
hein, un geste humain à l'endroit des usagers vulnérables, mais aussi à l'endroit
des proches pour ne pas mettre de côté les proches. Les proches vivent aussi
une foule d'événements lors de leur passage dans
nos installations, dans nos milieux, il faut être attentifs. Donc, les
bénévoles sont là, oui, pour offrir une plus-value au quotidien des
personnes, mais aussi pour défendre leurs droits.
Donc, à l'intérieur de nos comités de résidents,
comités d'usagers, ce ne sont que des personnes bénévoles qui ont la capacité
d'être membres, qui ont le droit d'être membres, hein, la loi le spécifie.
Donc, à ce moment-là, il faut leur accorder
une oreille attentive et les supporter dans le cadre de leur action bénévole.
Un bénévole qui s'engage à accompagner et à défendre les droits est un
bénévole tout aussi important qu'un bénévole qui accorde de l'assistance lors
d'activités de loisirs au niveau des usagers. Donc, c'est à ce niveau-là que
l'on fait des représentations pour que les bénévoles, peu importe le type
d'investissement qu'ils offrent, aient la même reconnaissance.
Mme Picard : Et puis les
bénévoles qui sont dans les établissements, supposons les bénévoles qui sont
dans les hôpitaux, de ce que je connais, à Sainte-Justine, on a des bénévoles
qui viennent dans chaque chambre, qui viennent bercer les bébés, est-ce que
vous pensez que les bénévoles, dans les établissements, devraient aussi avoir
ce sentiment de surveillance là envers les usagers, de pouvoir porter plainte,
de pouvoir avoir une voix aussi dans le système de la maltraitance?
M. Rochefort (Marc) : Bien,
écoutez, je pense que les personnes bénévoles qui interviennent dans les
différents établissements de santé et de services sociaux doivent avoir un
gestionnaire responsable du bénévolat. Et, à partir du moment où ils sont
témoins de situations qui portent une attention, donc des situations
questionnables, on devrait leur permettre de
faire le lien avec le gestionnaire
responsable des ressources bénévoles. Et c'est ce gestionnaire-là qui
devrait, par la suite, associer les ressources nécessaires pour aller plus loin
dans l'analyse des situations de façon à ce qu'il y ait des modifications ou,
au moins, qu'il y ait une attention apportée aux situations signalées.
Mme Picard : Je terminerais avec une
dernière question, s'il me reste du temps, madame...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Allez-y, Mme la députée.
Mme Picard : On a parlé de la santé
mentale. Est-ce que vous avez aussi... est-ce que vous trouvez que le projet de
loi a assez de mordant pour les personnes en situation de handicap dans les
établissements?
M. Rochefort (Marc) : C'est sûr
qu'on pourrait aller plus loin. Ça va de soi. Présentement, tout le monde est
au courant qu'il y a plusieurs jeunes adultes qui sont en situation de handicap
qui se retrouvent dans des installations avec des missions complètement
différentes de ce qu'elles vivent. On a aussi plusieurs personnes atteintes de différentes réalités cliniques qui sont à domicile.
Présentement, il y a des parents qui tiennent des situations à bout de bras.
Donc, il faut aussi avoir l'assurance de rejoindre ces personnes-là. Et le défi
est plus grand quand les usagers, les personnes proches aidantes sont à
domicile. Donc, à partir du moment où on ouvre un dossier de soins ou de
services sociaux à l'endroit de ces bénéficiaires-là on devrait s'assurer que
ces personnes-là ont un lien avec les différentes instances qui ont la
responsabilité de proposer de l'accompagnement lorsque des insatisfactions sont
vécues, lorsque des plaintes doivent être
déposées. Il y a la Fédération des CAAP, avec des CAAP un peu partout. Il
y a les commissaires aux plaintes aussi.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Nous allons débuter la dernière période d'échange avec le groupe de
l'opposition officielle. Je donne maintenant la parole à Mme la députée de
Fabre.
Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Me Hamel, Rochefort, un plaisir de vous entendre. Quel mémoire
étoffé, vraiment. Vous allez me permettre de prendre ce premier début de mon
intervention pour faire votre promotion. Vous me donnez la permission?
M. Rochefort (Marc) : Absolument.
Mme Sauvé : Je vous connais très
bien sur le terrain, et je suis très touchée de voir l'implication des
bénévoles qui sont sur vos comités, parce que clairement, bien vous le savez tellement,
les bénévoles qui vont... qu'ils soient proches aidants, qu'ils soient
bénévoles dans les comités sans avoir l'occasion d'aller visiter des proches de façon régulièrement, mais il y a beaucoup,
beaucoup de vos bénévoles qui sont présents dans les
établissements régulièrement à visiter les
leurs, et ça crée un lien de confiance aussi pour les voisins de chambre et les
gens, l'institution, l'établissement
qui apprend à connaître ces bénévoles-là. Vous avez un impact extraordinaire et
vous voyez des choses.
Et je pense qu'avec tout ce qu'on a vécu durant
cette pandémie vous avez été des yeux et des oreilles très présents, pas
toujours... ce n'était pas toujours possible pour vous d'être sur place, mais
vous gardiez le lien avec vos proches et vous aviez des choses à dire.
Alors, quand on parle, là, du premier, premier
niveau, la première ligne humaine auprès des gens qui sont dans les établissements, je peux vous dire que
vous faites tout un travail extraordinaire, et je connais bien personnellement
des bénévoles dans vos comités, et je veux vraiment vous rendre hommage pour
tout le respect que j'ai envers la travail qu'ils font qui n'est pas souvent
reconnu effectivement. Alors, voilà mon petit moment de promotion, mais je
trouvais ça très important parce qu'effectivement vous êtes très souvent dans
l'ombre.
Comment ça s'est passé, effectivement, cette
première vague, cette deuxième vague, alors que vous étiez des bénévoles si
près de nos aînés? Comment ça s'est passé dans tout ce qui s'est vécu? Vous
avez été peut-être des premiers témoins de ce qui se passait dans les
établissements, alors j'aimerais ça que vous me livriez un petit peu ce que
vous avez entendu de vos différents comités, là, à travers le Québec.
• (15 h 40) •
M. Rochefort (Marc) : Bien, écoutez,
si vous me permettez, le premier commentaire que j'oserais faire, c'est que le
RPCU a dû intervenir à une multitude de reprises à la demande des comités de
résidents et comités d'usagers auprès des gestionnaires de leur établissement
parce que le réflexe de mettre en place des équipes tactiques COVID-19, dans le
cadre de la première vague, par les directions générales, oubliait d'inviter
les présidents de comités d'usagers et comités de résidents à ces rencontres-là
où une foule d'informations étaient fournies. Donc, il a fallu intervenir à une
multitude de reprises de façon à ce que les directeurs généraux n'oublient pas
les présidents de comités de résidents, comités d'usagers. Par contre, dans les
milieux où il y a eu plus de lenteur en ce sens, on a vu des bénévoles
dire : Bien, dans ce cas-là, on quitte parce qu'il n'y a rien à faire, on
n'est pas reconnus. Donc, il a fallu intervenir de façon à maintenir leur
flamme allumée.
Maintenant, vous savez, il faut aussi penser aux
personnes vulnérables qui sont à domicile. Donc, il faut outiller les comités
des usagers continus, ce qu'on appelle les comités d'usagers des anciens CSSS,
qui ont la responsabilité aussi de défendre les droits et les intérêts de
l'ensemble de la population qui est plus dans les milieux dits d'origine, O.K., donc à leur fournir du
support pour qu'ils puissent rejoindre. Donc, dans le cadre de toute la
première étape de la pandémie, ça a été tout un défi majeur, de façon à
conserver le lien, mais, malgré cette situation-là, ça a été possible dans plusieurs
secteurs, plusieurs régions.
Il y a
aussi les comités dans les hôpitaux
généraux, les hôpitaux non fusionnés, nos grands centres hospitaliers,
qui ont dû aussi développer différentes stratégies pour rejoindre les
clientèles hospitalisées et les clientèles qui, parfois, passaient du temps
important à l'urgence, compte tenu de la situation, compte tenu du délestage
aussi.
Donc, c'est des situations qui ont été vécues,
qui ont demandé à nos bénévoles de se retrousser les manches et de rapidement
être engagées dans un mode solution, et je tiens aussi à souligner puis à
rendre hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui ont continué leur
engagement.
Mme Sauvé : Écoutez, merci pour ce
témoignage. C'est ce que j'ai entendu aussi sur le terrain, clairement, et je
sais aussi que, faute de pouvoir être parfois entendus, certainement que vous
avez perdu des bénévoles qui se sont vus peut-être un peu découragés. Alors,
quand vous nommez dans votre mémoire qu'il faut reconnaître qu'il faut vous impliquer, vous qui jouez un rôle non
pas seulement de vigilance par rapport aux droits des personnes, mais
aussi un accompagnement, alors on part de loin, là. Il y a un grand travail qui
doit être fait dans la reconnaissance formelle en ce qui a trait à vos comités.
M. Rochefort
(Marc) : Oui, exactement. Je pense que c'est la base de toute action
sociétale en ce sens-là.
Mme Sauvé : Je veux vous entendre, parce
que vous avez terminé aussi avec ça, et je pense que vous êtes ceux qui avez, de
façon le plus affirmée, mis dans votre mémoire que, vous, vous n'en vouliez
pas, du centre d'assistance, et clairement dans votre recommandation 11.
Alors, je voulais voir avec vous, parce que vous dites : Ce qu'il faudrait, dans le fond, c'est élargir,
renforcer ce qui existe déjà, la ligne Aide Info... la ligne Aide Abus Aînés,
vous dites de la renforcer, donc plus d'accès, plus... inclure les personnes
vulnérables, mieux gérer et outiller, et tout ça. Dans le fond, est-ce que vous
souhaitez qu'il y ait plus de ressources? Comment vous voyez ça? Comment on
arrive à élargir le rôle de la façon dont vous le souhaitez?
M. Rochefort (Marc) : Bien, écoutez,
ce qui est important de se rappeler, c'est que notre proposition inclut une
bonification de ressources plus psychosociales, puisque, souvent, toute la
question des aînés va être davantage interpelée par les personnes qui sont plus
dans les domaines de soins, alors qu'à partir du moment où on extensionne
l'action auprès des personnes vulnérables, que ça soit les personnes
itinérantes, santé mentale, dépendantes, DI-TSA, et je pourrais continuer comme
ça, donc on voit que ça demande aussi des profils de compétence parfois plus
larges que juste un profil de compétence soin. Donc, c'est un élément
important.
D'autre part, oui, effectivement, à chaque fois
qu'on crée une nouvelle structure, il faut aussi faire la promotion de cette nouvelle structure-là. Or,
l'approche au RPCU, c'est dire : Consolidons les ressources, les
structures qu'on a, qui font déjà un travail impressionnant sur le terrain, qui
collaborent déjà en partenariat avec les organismes communautaires, avec les comités d'usagers, comités de résidents, et, à ce moment-là, bien, donnons-leur les ressources, tant humaines que
financières, pour qu'ils jouent pleinement... et qu'ils soient en mesure
d'extensionner, d'ouvrir le mandat qu'ils possèdent déjà.
Mme
Sauvé : Rapidement, il me
reste peu de temps, dans votre mandat, vous avez, bien sûr,
l'accompagnement, vous avez nommé les CAAP, qui font aussi de l'accompagnement,
puis c'est essentiel, quand on parle, là, d'aider les humains, les aînés qui vivent ces situations-là, il faut aller dans des
approches humanitaires. C'est quoi, les partenaires, vos principaux
partenaires, là, ou acteurs avec... Vous avez évidemment les commissaires aux
plaintes, vous avez nommé les CAAP. Comment
ça se passe? Il y a les PIC aussi, l'intervention concertée. Comment ça...
Quels sont vos partenaires naturels, le réflexe que vous avez, là? À
qui... avec qui vous travaillez le plus facilement sur le terrain?
M.
Rochefort (Marc) : O.K. Alors, sur le terrain, les comités d'usagers,
dépendamment des régions, dépendamment des réalités qui se déroulent,
vont davantage développer des liens avec des partenaires locaux, des
partenaires communautaires. Exemple, les territoires où on retrouve un plus
grand nombre de personnes itinérantes, j'ai vu à une multitude de reprises des
comités d'usagers créer des liens avec les organismes qui interviennent dans la
rue de façon à faire équipe auprès des mêmes
usagers concernés. Dans d'autres régions où on retrouve d'autres
réalités, que ça soit au niveau des programmes jeunesse, et je pense, entre
autres, à toute l'action qui se mène dans la région de la Gaspésie, on voit que
le comité des usagers tisse des liens importants avec des partenaires
communautaires. Et c'est comme ça à travers
le Québec. Donc, les comités d'usagers qui ont la responsabilité territoriale vont développer, de façon instinctive, des liens
avec les partenaires, dépendamment des réalités de chacune des régions, et
c'est comme ça aussi en Abitibi. Donc, c'est comme ça à l'intérieur du
territoire québécois.
Maintenant, sur le plan national, nous, au RPCU,
on a une foule de collaborations aussi qui se font avec les milieux universitaires, avec les organismes
nationaux avec toute la question des proches aidants, donc, les organismes
qui interviennent partout, les organismes de maintien à domicile, d'économie
sociale. Donc, on est vraiment, comme je le disais au début, en mode solution
et en mode de partenariat.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
vous remercie, c'est tout le temps que nous avions. Donc, M. Hamel,
M. Rochefort, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
d'accueillir nos prochains témoins.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à la Chaire de recherche
Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Chaire de recherche Antoine-Turmel sur
la protection juridique des aînés
Mme Morin (Christine) : Oui,
bonjour. Merci beaucoup. Mon nom est Christine Morin. Je suis professeure à la
Faculté de droit de l'Université Laval et j'ai été la première titulaire de la
Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection
juridique des aînés. Je suis accompagnée, sur une autre ligne, par Me Katherine
Champagne, qui est notaire et coordonnatrice de la Chaire Antoine-Turmel. On
vous remercie de nous avoir invitées aujourd'hui pour continuer à discuter la
question de la maltraitance envers les aînés. On aurait apprécié pouvoir vous
voir, avoir su, on se serait déplacées, mais on est contentes d'être là pour
pouvoir en parler avec vous. Donc, vous l'aurez compris, on est ici, toutes les
deux, à titre de juristes et de chercheures qui s'intéressent à la protection
des droits des aînés.
D'emblée, je vous mentionne qu'on accueille
favorablement le projet de loi n° 101 parce qu'on est convaincues qu'il
faut continuer de lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées et
qu'il faut aussi continuer d'améliorer les mesures en place pour assurer une
surveillance plus efficace de la qualité des services de santé et des services sociaux. Vous l'avez déjà
constaté avec notre mémoire, il est divisé en cinq grandes parties.
Donc, je vais ouvrir la discussion sur les trois premières, et Me Champagne va
faire la même chose pour les deux autres.
D'abord, sur la définition de la maltraitance,
on est en faveur des précisions qui ont été ajoutées pour donner des exemples de types de maltraitance. On en
parlait d'ailleurs déjà en 2017. On remarque, par contre une omission
qui nous apparaît importante et qu'on
s'explique difficilement, c'est celle de la maltraitance organisationnelle.
L'existence et la prévalence de la maltraitance... organisationnelle, pardon,
ne sont plus à démontrer. On en fait état dans la littérature scientifique et,
comme vous le savez, on en a beaucoup parlé dans les médias, particulièrement
depuis le début de la pandémie. La
maltraitance organisationnelle, par ailleurs, elle est déjà définie, notamment
par le gouvernement du Québec, que ce
soit dans le Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance ou encore
dans le guide de référence. Donc, autrement
dit, on croit que l'absence de référence à la maltraitance organisationnelle
nuit à sa prévention et à son repérage. Le fait de ne pas nommer la maltraitance organisationnelle peut aussi, à
notre avis, donner l'impression que le gouvernement nie son existence ou
encore qu'il la minimise. La définition de la maltraitance, donc, pour nous,
elle est déterminante parce qu'elle véhicule un message social qui est
fondamental.
Pour ce qui est du signalement obligatoire de la
maltraitance, on comprend que le projet de loi élargit sa portée. On est d'accord
quand il s'agit des personnes qui vivent dans des ressources intermédiaires ou
des ressources de type familial parce que ces personnes-là, généralement, sont
en situation de très grande vulnérabilité en raison des nombreux soins qu'ils
requièrent puis aussi en raison de la grande dépendance qu'ils ont par rapport
à ceux et celles qui leur fournissent des soins. Par contre, on a des
réticences par rapport au signalement obligatoire pour toutes les personnes qui
vivent dans des résidences pour aînés sans égard à leur aptitude. On croit qu'il
faut être prudent pour, premièrement, éviter de faire de l'âgisme et, deux,
bien, pour éviter de décider à la place d'une personne qui est apte, ce qui va à l'encontre des grandes orientations internationales en matière de droit à l'autodétermination pour tous,
mais ce qui va aussi à l'encontre ici même,
au Québec, de la réforme du Curateur
public qui est en cours et qui,
normalement, devrait entrer en vigueur en juin 2022.
Un mot, rapidement, sur les
processus d'intervention concertée, alias les fameux PIC. On croit qu'il faut
les développer, parce qu'on est convaincus
que la collaboration entre tous les acteurs concernés par la maltraitance, elle
est fondamentale si on veut adéquatement la prévenir, la repérer et intervenir.
On pense, cependant, qu'il faut mieux les expliquer,
les PIC, mieux les encadrer, ce que fait le projet de loi, et être capables de
les déployer de façon plus efficace.
Alors, là-dessus, je passe la
parole à Me Champagne.
• (16 heures) •
Mme Champagne (Katherine) :
Bonjour à toutes et à tous. Au point quatre de notre mémoire, il est question
du rôle et des responsabilités du commissaire local aux plaintes et à la
qualité des services ainsi que de la surveillance accrue des milieux de vie des
aînés.
Comme vous le savez, depuis l'entrée en vigueur
de la loi visant à lutter contre la maltraitance en 2017, le commissaire local
aux plaintes est appelé à occuper un rôle important dans la lutte contre la
maltraitance. Comme en 2017, nous croyons que le commissaire local aux plaintes
ne dispose pas de pouvoirs suffisants, notamment pour lutter contre la
maltraitance organisationnelle.
Concernant les milieux de vie des aînés, la
crise du coronavirus a mis en lumière des problèmes en lien avec certains d'entre eux. Plusieurs de ces problèmes
étaient connus et dénoncés depuis plusieurs années. Nous accueillons
donc favorablement les mesures proposées qui visent, entre autres, les
résidences privées pour aînés. Nous croyons toutefois que le législateur
devrait profiter du projet de loi n° 101 pour prévoir un meilleur contrôle
des baux en résidences privées pour aînés notamment par... l'entremise, pardon,
de l'accréditation des résidences. Les certificats de conformité devraient être
remis en fonction de la légalité des baux et des règles de fonctionnement des
résidences.
Une chercheure associée à la chaire
Antoine-Turmel, la Pre Marie Annik Grégoire, a étudié les baux de
plusieurs résidences privées pour aînés représentant plus de
19 000 unités de logement au Québec. Son étude révèle que l'ensemble
des baux analysés comportaient une ou plusieurs clauses abusives ou illégales.
Bien, qu'il y ait eu certains ajouts et modifications dans la législation et
dans la réglementation dans les dernières années, et depuis son étude, les dispositions normatives demeurent
insuffisantes pour protéger adéquatement les droits des personnes aînés
vivant en résidence privée. Dans la foulée du projet de loi n° 101, nous
croyons également qu'il est nécessaire de réitérer l'importance de continuer à lutter contre la maltraitance matérielle et
financière. À ce chapitre, l'encadrement adéquat des procurations mérite
une attention particulière. Plusieurs travaux de recherche le montrent, dans
certains cas, la procuration peut carrément se transformer en un permis de
voler. Dans bon nombre de procurations générales, le mandataire détient de
larges pouvoirs sur le patrimoine du mandant.
Outre une campagne d'information et de
sensibilisation pour informer les personnes aînées au sujet des risques associés aux procurations, il serait
opportun de prévoir une disposition législative qui précise que le
mandataire ne doit utiliser la procuration que si le mandant est apte de facto,
c'est-à-dire qu'il est toujours en mesure de surveiller la gestion du
mandataire, de lui demander des informations ou des comptes, et de révoquer le
mandat.
En
conclusion, la pandémie nous rappelle collectivement que beaucoup de travail
reste à faire dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées.
La bonification de la Loi contre la maltraitance est un pas supplémentaire dans
la bonne direction. Cependant, les lois actuelles ne suffisent pas à protéger
adéquatement les personnes majeures en situation de vulnérabilité. Pour
qu'elles soient efficientes, elles doivent être connues et comprises. Les
mesures prévues dans la loi actuelle visant à lutter contre la maltraitance ne
semblaient pas encore entièrement connues et
comprises par l'ensemble du personnel du réseau de la santé et des services
sociaux, notamment. Cela doit changer avec la... prochaine
loi, pardon.
Encore
une fois, nous vous remercions de nous avoir invités aujourd'hui et nous sommes
disponibles pour répondre à vos questions.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous
allons maintenant commencer la période d'échange. Et je cède la parole à Mme la
ministre.
Mme Blais (Prévost) : Alors, Me Champagne,
Me Morin, on va terminer cette commission avec vous.
Écoutez, votre mémoire est tellement étoffé, il y a tellement de documentation
là-dedans, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez fait. Ça va
nous servir pour plusieurs de nos travaux ultérieurement.
Écoutez,
on a entendu beaucoup parler de maltraitance organisationnelle. Le terme n'est
pas dans le projet de loi n° 101, il
n'était pas non plus dans la loi n° 115. On va... Une commission
parlementaire, c'est fait pour écouter. On aura un amendement. Je ne
peux pas le nommer là, on travaille là-dessus. On travaille aussi sur d'autres
amendements par rapport à des sanctions pénales, puis on aura d'autres
amendements par rapport à tout ce qui s'est dit durant notre consultation.
Vous
parlez d'autodétermination. On a, aujourd'hui, accueilli le Curateur public,
qui nous mettait en garde, parce qu'il disait que la ligne était très mince par
rapport à la dénonciation sans le consentement d'une personne qui ne serait pas
inapte, entre autres une personne autonome qui vit dans une RPA, et il nous
proposait... bien, il faudrait que ce soit avec le consentement de la personne.
Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
Mme
Morin (Christine) : Oui. Je vous remercie pour
votre question. Effectivement, on est d'accord avec le Curateur public à cet
égard-là. Parce que, pour moi, ne pas respecter le droit à l'autodétermination
des personnes, c'est une erreur parce que ce n'est pas parce qu'une personne
est âgée qu'elle n'est plus en mesure de prendre ses propres décisions. Donc,
si on ne veut pas infantiliser les personnes âgées, si on ne veut pas envoyer
un message âgiste, je pense qu'il faut, oui,
protéger les personnes âgées qui ont besoin de protection, mais, par ailleurs,
pour celles qui sont tout aussi aptes que vous et moi, et en passant,
c'est la majorité des personnes âgées, hein, qui sont encore autonomes, en forme, capable de décider par
elles-mêmes, donc, dans leurs
cas, je pense qu'il faut respecter leurs volontés, ce qui ne veut évidemment pas dire de ne pas les
aider en cas de besoin. Donc, en cas de besoin, il faut accompagner ces personnes-là, cheminer avec elles, mais ne pas
prendre les décisions à leur place parce que, si on le fait,
effectivement ça va contre la réforme du Curateur public et contre aussi les
grandes orientations à l'international sur ce sujet-là.
Mme Blais
(Prévost) : Je m'adresse à Me Morin, hein?
Mme Morin
(Christine) : Oui, absolument.
Mme Blais
(Prévost) : Oui, je reconnais la voix. Écoutez, le procureur, il nous
a aussi parlé de la levée du secret professionnel dans certains cas
spécifiques. Et, entre autres, on a reçu aussi l'ordre des comptables agréés
ici, et ces gens-là parlaient qu'ils étaient témoins, souvent, de maltraitance
financière et qu'ils ne pouvaient pas parler, planificateurs financiers...
Alors, pensez-vous qu'on devrait... que ces gens-là pourraient signaler si
jamais ils sentent qu'il y a vraiment une
extorsion qui est en train de se faire, là, et que... surtout si la personne
nous disait... la personne arrive au
bureau, on la connaît depuis très longtemps, et, à un moment donné, on se rend
compte que, cette personne-là, elle commence à perdre un peu de son
autonomie, d'un point de vue cognitif, et puis on sent que cette personne-là
est en train de se faire voler. Alors, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Morin (Christine) : Bien, tout d'abord, je vais continuer.
Christine Morin. Je dois dire que je considère que c'est une très
bonne nouvelle.
Je m'excuse, je
m'entends dans le téléphone. Est-ce que vous pourriez fermer le son? Merci.
Donc, je considère
que c'est une très bonne nouvelle que ce soient des professionnels comme
l'Ordre des comptables qui demandent une
ouverture par rapport au secret professionnel. Ça veut dire qu'ils se sentent interpellés
et qu'ils veulent avoir les moyens pour
agir. Donc, moi, je suis ouverte à un assouplissement du secret professionnel,
et, quand je dis moi, là, c'est les chercheurs à la chaire. Je vous renvoie,
d'ailleurs, sur ce sujet-là, aux travaux de nos collègues Raymonde Crête
et Marie-Hélène Dufour. On les avait présentés, à l'époque, pour le projet
de loi n° 115, et
ça allait dans le sens de l'assouplissement du secret professionnel pour qu'un
professionnel qui constate une situation où il y a effectivement de la
maltraitance se sente en mesure d'intervenir pour aider la personne.
Évidemment, la levée du secret professionnel sans l'autorisation du client est
toujours le dernier recours, la dernière possibilité, donc c'est... dans tous
les cas, il faut que le professionnel commence par demander l'autorisation de
la personne. Mais si la personne n'est pas en mesure de donner cette
autorisation-là à cause des circonstances qui font en sorte qu'elle n'est pas
apte à donner un consentement qui est libre et qui est éclairé, je pense qu'il
faut faire preuve d'une certaine souplesse et une certaine ouverture pour
atteindre l'objectif qui est, donc, de lutter contre la maltraitance.
Mme Blais (Prévost) : Je vais donner la parole à mes collègues,
mais peut-être souligner qu'on parle beaucoup d'aînés
dans ce projet de loi alors qu'il vise aussi les personnes en situation de vulnérabilité,
les personnes plus jeunes, les personnes
qu'on retrouve soit... qui vivent en situation de handicap, qu'on retrouve aussi dans nos
CHSLD avec des déficiences physiques,
intellectuelles, spectre de l'autisme, etc. Moi, je pense qu'on devrait davantage
en parler. Est-ce que vous m'appuyez dans cette idée-là?
• (16 h 10) •
Mme Morin
(Christine) : Oui, absolument. Je pense que c'est une bonne idée. Vous
comprendrez que la chaire Antoine-Turmel s'intéresse à la protection juridique
des personnes aînées, donc, c'est dans ce sens-là qu'on a orienté notre mémoire.
Mais, vous avez raison, on peut penser notamment à l'article 48 de la
charte québécoise qui protège à la fois
les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Donc, il y a beaucoup
de parallèles et de liens qui peuvent
être faits entre les deux clientèles, et, dans les deux cas, le même message de
respect des volontés, droit à l'autodétermination,
mais de protection dans les situations où la personne n'est pas en mesure de se protéger elle-même.
Mme Blais
(Prévost) : Merci.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bellechasse.
Mme
Lachance : Merci, Mme la Présidente. Me Champagne, Me Morin, merci
d'être là. Parmi les points que j'aurais aimé aborder avec vous, il est question
de la création d'un centre d'assistance et de référencement sur la maltraitance,
et vous aviez émis quelques réserves. J'aimerais vous entendre, s'il vous plaît,
développer davantage.
Mme Morin (Christine) : Oui. Alors, bien, je vais commencer. Peut-être
que Me Champagne pourra poursuivre, si elle veut. L'idée de centre de
référencement, on n'est pas du tout objectés à cela, on n'est pas contre
l'idée. Ce qu'on pense, c'est qu'il faut simplifier. Donc, en ce moment, on a déjà
une ligne Aide Abus Aînés. En quoi serait différent le centre ou en quoi serait
complémentaire le centre?
Nous, ce qu'on pense
qui est important, ce qu'on entend beaucoup autour de nous des différents intervenants,
c'est la recherche d'une solution simple ou d'un guichet unique. Donc, quand
quelqu'un constate une situation de maltraitance, veut faire un signalement,
savoir rapidement, simplement à qui s'adresser dans ces cas-là. Donc, que ce
soit un centre, une ligne ou autre chose, peu importe, il faut simplifier la
tâche à ceux qui constatent et qui veulent intervenir, qui veulent faire
quelque chose. Mais, par ailleurs, là, il faut faire attention, parce que plus
on multiplie les portes, plus ça peut être mélangeant pour les personnes. Mais,
à la fin, et c'est le message qu'on apprécie avec les PIC, c'est que toutes les
portes devraient être une bonne porte. Donc, autrement dit, peu importe à qui
on fait appel à la suite d'une situation de maltraitance, que ce soit la
commission des droits, le Curateur public ou un autre intervenant, il faut que
la personne soit reçue puis soit accompagnée, qu'on ne lui réponde pas :
Ah! bien, ça, c'est le mandat de tel autre intervenant. Donc, il faut
accompagner la personne dans sa démarche, selon nous.
Mme
Lachance : Donc, si je comprends bien, il faut que l'ensemble des
organisations soit capable de répondre. Néanmoins, il faut aussi penser à un
point de chute unique de manière à ce que ce soit efficace et rapide.
Mme Morin
(Christine) : Oui, et pour que tout le monde sache, qu'il y ait un
message. En ce moment, je pense que ligne Aide Abus Aînés le fait quand même
bien, on connaît de plus en plus son existence, donc on le sait qu'on peut
téléphoner à cet endroit-là. Donc, pour la visibilité, pour qu'on parle de la
problématique de la cause qui est un point positif, mais il ne faudrait pas que
ce soit le seul endroit où on peut signaler ou encore dénoncer.
Mme
Lachance : Merci.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, mesdames, pour votre apport à nos
travaux. Vous mentionnez que le signalement
obligatoire devrait viser seulement les personnes inaptes ou en situation de
vulnérabilité. Je me posais la question, sur le terrain, comment ça pourrait se
traduire, parce que, des fois, tout va vite, là, puis comment un intervenant ou
un professionnel de la santé pourrait dire : Bon, bien, cette personne-là,
selon moi, est en situation de vulnérabilité, donc son signalement serait obligatoire?
Avez-vous pensé à la mécanique de tout ça?
Mme Morin
(Christine) : Bien, en fait, sur le signalement obligatoire, en ce
moment, avec l'article 21, ce n'est que pour les personnes en CHSLD ou les
personnes qui ont été déclarées incapables, donc déclarées inaptes par un
tribunal. Donc, pour toutes les autres personnes, le signalement obligatoire
n'existe pas. Je le répète, ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour
les autres personnes. C'est simplement que l'employé du réseau de la santé et
des services sociaux ou le professionnel n'est pas tenu de le faire.
Donc, nous, le
signalement obligatoire tel qu'il existe en ce moment, on y était favorables
parce qu'il visait des clientèles, justement, qui étaient faciles à identifier,
donc des gens qui habitent en CHSLD en très grande situation de vulnérabilité
pour la plupart ou encore des gens qui ont déjà un régime de protection.
Pour toutes les
autres, bien, évidemment, s'il y a une situation de maltraitance, il faut les
aider. Mais de là à aller au signalement obligatoire, nous, on ne ferait pas ce
pas-là en raison, justement, du droit à l'autodétermination et du fait que
toute personne à la base, elle est présumée apte et capable.
Mme Picard :
D'accord. Il me reste encore du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
D'Amours) : Quatre minutes.
Mme Picard : Vous mentionnez que l'instauration des mesures
coercitives, comme les sanctions pénales de la loi, devrait être connue et comprise. Avez-vous des idées, comment, par
quel moyen les gens pourraient être informés?
Mme Champagne
(Katherine) : C'est Katherine Champagne qui parle. Bien, évidemment,
il y aurait toute la formation auprès du réseau de la santé au niveau...
lorsqu'on forme les préposées aux bénéficiaires, vraiment, tous les
professionnels du réseau de la santé. Ça, ça passe évidemment par ça. Donc,
évidemment, il y a la formation, c'est la première réponse qui me vient. Donc,
je ne sais pas si Me Morin peut... veut... ou compléter.
Mme Morin
(Christine) : Oui. Bien, en fait, je suis d'accord avec ce que vient
de dire Me Champagne. Le problème ou la
difficulté, selon nous en ce moment, c'est qu'on réalise qu'il y a encore
beaucoup de gens qui ignorent l'existence
de la loi. Donc, c'est difficile de leur reprocher de ne pas signaler s'ils ne
savent pas qu'ils ont l'obligation de le faire. On sait tous que nul
n'est censé ignorer la loi, mais concrètement, dans les faits, c'est difficile
de sanctionner de façon pénale quelqu'un pour ne pas avoir fait quelque chose
alors qu'elle n'est pas au courant, qu'elle n'a pas été informée, qu'elle n'a
pas été formée à ce sujet-là. Donc, Me Champagne le mentionnait, toutes
les préposées aux bénéficiaires, toutes les infirmières, tout le personnel
soignant du réseau de la santé et des services sociaux, les travailleurs
sociaux, donc, il faut s'assurer que ces gens-là connaissent la loi,
connaissent les dispositions de la loi si on veut espérer qu'elles vont
respecter effectivement la loi.
Mme Picard :
Merci.
La
Présidente (Mme D'Amours) :
Je donne maintenant la parole à Mme la ministre. Il vous reste
2 minutes.
Mme Blais
(Prévost) : Oui. Bien, je veux revenir sur le signalement obligatoire.
Vous étiez d'accord pour le signalement obligatoire dans les CHSLD puis... des
personnes qui étaient inaptes. Maintenant, on s'est rendu compte, évidemment, que, dans nos ressources intermédiaires,
dans nos ressources de type familial et même
dans plusieurs résidences privées pour personnes aînées, on a des
personnes qui sont également très en perte d'autonomie, des personnes qui ont
des déficits cognitifs. Alors, on a voulu élargir, puis on pense même, là, il y
a des personnes à domicile aussi qui reçoivent des soins, hein, une très grande
majorité de personnes vivent à domicile. On en place des projets de gériatrie sociale, justement pour être en mesure
d'aider les personnes les plus vulnérables, des personnes qui, parfois, n'ont même pas... ne reçoivent même pas
de soins des CLSC, des personnes qui vont à domicile pour apporter des
soins et des services.
Moi, je suis favorable,
parce que je l'ai mis dans le projet de loi, aux signalements, mais comme je
vous l'ai mentionné tout à l'heure, si on mettait, par exemple, avec le consentement de la personne, si la personne est
autonome, pour son autodétermination, là, vous seriez d'accord avec ça. Je veux
juste vraiment me faire une tête par rapport à ce que vous souhaitez le plus.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Mme Morin.
Mme Morin (Christine) : Si je vous ai bien entendue, donc, vous nous
dites que la personne, elle est d'accord dans votre exemple. Si la
personne donne effectivement son autorisation, à ce moment-là, oui, il faut
signaler et il faut l'accompagner. Là, où on n'est pas d'accord, c'est quand la
personne, elle est encore considérée apte, il faut l'aider, il faut
l'accompagner, ce n'est pas ça, mais il ne faut pas signaler, malgré elle, si
elle est toujours apte, donc si elle est toujours en mesure d'exercer ses
droits civils par elle-même. Si la personne est d'accord pour qu'on l'aide,
pour qu'on signale, à ce moment-là, on peut y aller, il n'y a aucun souci.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. C'est ce qui met fin à notre première période
d'échange. Nous poursuivons avec la deuxième période avec l'opposition
officielle. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Fabre.
• (16 h 20) •
Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Me Champagne, Me Morin,
effectivement, la ministre le mentionnait, c'est un mémoire de grande
qualité que vous nous présentez. On aurait nous aussi aimé vous voir, mais de
vous entendre et de vous lire, c'est... ça contribue vraiment beaucoup,
beaucoup à la réflexion.
Écoutez, les
discussions qu'on a jusqu'à maintenant, là, ça a été, tout au long des trois
jours... et on a parlé d'équilibre nécessaire, mais c'est très difficile. On a
parlé précédemment avec le curateur de la responsabilité que nous avons tous à
vouloir mieux protéger les aînés, entre gérer les risques et protéger leur
autonomie et leur autodétermination. On
parle... quand c'est... les personnes sont inaptes, c'est très clair. Vous
venez encore de le préciser avec vos
propos. Mais, en même temps, il y a l'évaluation de l'inaptitude qui a fait partie
des débats, puis c'est un élément quand même important, il est dans la
loi. Quand les CPA sont venus nous présenter leur mémoire, eux auraient
souhaité contribuer à l'évaluation de l'inaptitude. Vous en pensez quoi? Donc,
je voulais voir un peu avec vous. Parce que
la situation de l'aîné, l'individu, l'aîné, sa situation d'aptitude peut très,
très rapidement glisser vers l'inaptitude. Et donc je voulais voir un peu comment vous vous situez par rapport à ça
dans l'évaluation experte qui doit être faite.
Mme Morin
(Christine) : Oui. Alors, Christine Morin. Je n'ai pas entendu l'ordre
des comptables. Je serais surprise qu'ils veuillent déterminer l'aptitude ou
l'inaptitude de leurs clients. Probablement que la question qui se pose pour
eux, c'est quand ils ont un client qui veut faire des transactions, un client
qu'ils connaissent de longue date, et qu'ils réalisent que ce client-là n'est
peut-être plus en pleine possession de ses moyens, et qu'il est en train de se
faire avoir par une personne, par exemple, dans son entourage. Donc là, eux
sentent que cette personne-là a besoin d'aide, a besoin d'accompagnement parce
que, même s'il n'est toujours pas sous un régime de protection, dans les faits,
il semble ne plus être en mesure de consentir de façon libre et éclairée.
Donc, dans ces cas-là, vraisemblablement, la
première chose à faire, c'est essayer de voir avec le client si on ne peut pas
alerter un membre de la famille qui pourrait accompagner la personne en
question. Mais, si on se rend compte que le client ne veut pas qu'on parle de
sa situation, donc, oui, effectivement, à ce moment-là, il y a le secret professionnel. Et, tout à l'heure, on parlait de
permettre plus de souplesse avec le secret professionnel, parce qu'en ce
moment, pour y déroger, il faut vraiment un danger grave de violence, de
blessure grave, là, tant sur le plan physique ou psychologique, et les
comptables ont raison, c'est très difficile à appliquer dans le domaine
financier, ce critère-là. Donc, à moins de
situations très, très graves, ils sont tenus au secret professionnel, alors
qu'ils aimeraient probablement, dans un cas d'inaptitude, pouvoir
alerter quelqu'un.
Donc, est-ce qu'il faut ouvrir dans ces cas-là?
Bien, moi, je pense que, si eux-mêmes le réclament, je pense que ça pourrait être une bonne chose que de leur
fournir la possibilité de le faire, de modifier leur code de déontologie
en conséquence, et de les protéger surtout s'ils interviennent en faisant un
signalement, par exemple.
Mme
Sauvé : Merci beaucoup. Vous
venez d'aborder la question, on en a parlé plus tôt, le secret professionnel,
vous parlez d'assouplissement, d'allègement plutôt que de lever complètement le
secret professionnel. J'aimerais que vous
nuanciez un petit peu pour m'aider à comprendre davantage la distinction que
vous faites dans la nuance qui doit être apportée à ce débat-là.
Mme Morin (Christine) : Oui, en
fait, bien, c'est une question difficile, le secret professionnel, parce qu'il
appartient au client, hein, ce n'est pas pour protéger l'avocat, le notaire, le
comptable. Le secret professionnel, il appartient au client. Et c'est pour ça
qu'il faut, autant que faire se peut, le respecter, parce qu'on ne veut pas que
le client perde la relation de confiance avec le professionnel. Donc, permettre
les dérogations ou les levées de ce secret professionnel là, il faut vraiment y
réfléchir et il faut être très, très prudent, très, très vigilant. C'est
certain que si le client autorise son professionnel à lever le secret professionnel,
à ce moment-là, on n'en a plus de problème. Mais je vous dirais que dans toutes
les situations, ce serait l'idéal. C'est ce qu'il faut rechercher que le client
dise : Oui, je vous autorise à signaler. Oui, je vous autorise à
téléphoner à mon fils, à ma fille pour qu'ils me viennent en aide. Mais, dans les situations où la personne persiste
à dire : Non, mêlez-vous de mes affaires, bien, c'est là qu'on a le
critère actuel, qui est quand même assez
restrictif, et qu'il faut voir est-ce que le législateur est prêt à l'assouplir
dans les situations de maltraitance, et, si oui, bien, à partir de quel
niveau ou à quel degré, puisque, dans ces cas-là, on comprend qu'on va contre
le droit à l'autodétermination de la personne. Donc, nous, on pense que pour
aller contre la volonté de la personne, il faut qu'on ait l'impression que
cette volonté manifestée par la personne, là, ce n'est pas une réelle volonté
parce qu'elle n'est pas libre et qu'elle n'est pas éclairée.
Mme Sauvé : Ce que vous nommez, la
précision que vous apportez, est-ce qu'on doit l'inscrire dans la loi? Est-ce
qu'on a besoin de modifier la loi pour faire ça, apporter la nuance que vous
amenez?
Mme Morin (Christine) : Moi, je
crois que oui, parce qu'en ce moment l'interprétation qui est faite de risques de blessures physiques ou psychologiques
graves, c'est une interprétation restrictive. Donc, les professionnels
vont être très hésitants à lever leur secret professionnel à moins qu'il y ait
vraiment un danger grave et imminent.
Mme Sauvé : Il y a une réalité
que je veux partager avec vous, qui est un peu liée à ce que nos aînés ont vécu
durant la pandémie, particulièrement les premières vagues. Je parle des aînés
qui étaient aptes, qui étaient autonomes, à
la maison, et qui, en peu de temps, avec la solitude, avec le confinement, ont
perdu beaucoup d'autonomie, et
probablement qu'en peu de temps, dans un délai très court, ils sont devenus des
personnes inaptes.
Alors, dans la qualité de pouvoir dénoncer une situation
de maltraitance auprès de ces... Est-ce qu'on a le processus qui est assez
agile présentement pour être capable de suivre l'évolution de la situation de
l'aîné, de l'aptitude à l'inaptitude?
Mme Morin (Christine) : C'est
une excellente question. Je dirais que, dans les lois et avec la réforme du Curateur public en cours, on va dans le bon sens
pour mieux accompagner toutes les personnes, qu'elles soient aptes ou qu'elles soient inaptes. Par contre, on a encore
des défis, notamment pour obtenir une évaluation psychosociale. Donc, quelqu'un qui veut aider un proche, qui se rend
compte que son proche a perdu de l'aptitude, qu'il aimerait le faire
évaluer, par exemple pour ouvrir un régime
de protection ou encore faire homologuer un mandat de protection, en ce
moment, dans beaucoup d'endroits, les délais sont beaucoup trop longs pour
réussir à obtenir ces évaluations-là. Et, pendant tout ce processus, là, pendant la période où on doit aller
chercher l'évaluation médicale, l'évaluation psychosociale, bien, la personne,
elle est peu accompagnée, donc il faudrait
voir à mettre les ressources nécessaires en place pour que ce soit plus
efficace.
Donc, je le
répète, avec la réforme du Curateur public, ça va être un pas dans la bonne
direction, avec la nouvelle mesure
d'assistance qui va venir bonifier ce qu'on a en ce moment, mais sur le
terrain, là, il manque, là aussi, je dirais, de ressources
pour obtenir les fameuses évaluations médicales et psychosociales qui sont
nécessaires pour permettre l'ouverture d'un régime de protection ou encore
l'homologation d'un mandat de protection.
• (16 h 30) •
Mme Sauvé : Merci pour cette
réponse. Combien de temps il me reste? Mon Dieu! Une minute. J'aurais tellement
de questions à vous poser.
Alors, je vais y aller très, très rapidement. Un
autre débat, mais je ne veux pas en partir un parce que j'ai trop peu de temps.
On a parlé de guichets uniques, de solutions simplifiées, et, en même temps,
vous avez dit : Toutes les portes sont des bonnes portes, parce que
l'aîné, quand il fait confiance à quelqu'un, que ce soit un préposé, que ce
soit un bénévole du comité d'usagers, peu importe, la personne qui est devant
lui, en qui il fait confiance, c'est cette porte-là qui est la bonne. Alors,
entre la simplification par un lieu unique et toutes les portes qu'on doit
ouvrir, si elles sont les bonnes et qu'elles établissent un lien de confiance, qu'est-ce
qu'on choisit?
Mme Morin (Christine) : Moi, je
pense qu'on n'a pas à choisir, et que les deux sont complémentaires. Déjà, pour
une personne âgée, c'est très difficile de porter plainte, de révéler qu'elle
est victime de maltraitance. Donc, si elle s'ouvre, si elle parle de son problème
à quelqu'un, c'est important que cette personne-là fasse cheminer le dossier, que
ce soit auprès d'un autre intervenant ou à un centre, un guichet unique, peu
importe. Mais c'est pour ça que je mentionnais que toutes les portes
doivent être une bonne porte, sans venir nier le fait que d'avoir une structure
qui facilite la collaboration, la concertation... ce n'est pas, par ailleurs,
une mauvaise idée. Nous, on croit beaucoup au PIC, à la collaboration et à la
concertation des différents intervenants.
Mme Champagne (Katherine) : Puis, si
je peux ajouter...
Mémoires déposés
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. C'est ce qui met fin à nos périodes d'échange.
Avant de conclure les auditions, je procède au
dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions
publiques.
Me Morin, Me Champagne, je vous
remercie pour votre contribution à nos travaux.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 32)