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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 1 avril 2021 - Vol. 45 N° 74

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission en établissement


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Table des matières

Auditions (suite)

Conseil de bande de la communauté innue de Pakuashipi

Protecteur du citoyen

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador (APNQL) et Commission de la
santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ)

Documents déposés

Intervenants

Mme Sylvie D'Amours, présidente

M. Ian Lafrenière

M. Gregory Kelley

Mme Manon Massé

M. Martin Ouellet

*          Mme Mary Mark, Conseil de bande de la communauté innue de Pakuashipi

*          Mme Judith Morency, idem

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          M. Ghislain Picard, APNQL

*          Mme Marjolaine Sioui, CSSSPNQL

*          Mme Viviane Michel, FAQ

*          Mme Rainbow Miller, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-cinq minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, ayant constaté, pardon, le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) remplace... est remplacé, pardon, par M. Lamothe (Ungava); Mme Samson (Iberville) est remplacée par Mme Guillemette (Roberval); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques); et Mme Perry Mélançon (Gaspé) est remplacée par M. Ouellet (René-Lévesque).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons par visioconférence les groupes suivants... Il n'y a pas de remarques préliminaires? Bon, on me dit qu'il n'y a pas de remarques préliminaires. Je suis attentivement la feuille qu'on m'a donnée. Je vais tourner la page.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de la communauté de Pakuashipi. Et je vais laisser la parole pour 10 minutes pour votre exposé, mesdames. Après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole, Mme Mark.

Conseil de bande de la communauté innue de Pakuashipi

Mme Mark (Mary) : O.K. Mon nom, c'est Mary Mark. Je suis native de Pakuashipi. Moi, j'occupe le poste de direction générale pour le Conseil des Innus de Pakuashipi. Ça fait que... Je fais partie aussi de la famille des enfants qui sont... les 12 enfants décédés ou disparus qui n'ont jamais revenu à Pakuashipi. Ça fait que moi, j'ai trois... j'ai deux soeurs puis un frère qui sont décédés ou disparus.

Moi, je vais parler pour... au nom des parents des familles qui ont perdu leurs enfants, qui ont... ou décédés. Ce qu'on voudrait, ce que voudraient les familles, c'est d'avoir une enquête approfondie, une transparence, une enquête qui soit publique.

Deuxièmement, on veut avoir un accompagnement, support pour cette famille-là pendant et après le processus de la démarche qu'ils vont faire. L'autre chose qu'on veut avoir aussi, c'est de faire impliquer un organisme autochtone, soit des médecins autochtones, Innus ou autres, des personnes, là...

Ce que... L'autre chose qu'on voudrait, c'est avoir des fonds pour faire un monument mémorial pour ces enfants-là qui sont décédés dans la même année. Dans cette année-là, je pense, il y en a 12, enfants qui sont décédés, qu'on n'a pas eu de nouvelles suite à ça. Et aussi, c'est d'avoir un support, un soutien moral puis aussi avoir des fonds pour qu'on puisse avoir... engager des professionnels de la santé, genre, comme, par exemple, des psychologues, des intervenants.

Et aussi, je voudrais mentionner pourquoi j'ai... pourquoi les parents veulent avoir une enquête approfondie. Parce que la dernière enquête de la commission qui a eu lieu, on a juste reçu des certificats de décès et des rapports médicaux du décès non détaillés. Ce qu'on veut, c'est... On a entendu du monde, des gens de Blanc-Sablon disant que ces enfants-là sont décédés à cause une erreur de médecine, un soluté qui aurait été contaminé, un sérum. Ça fait qu'on aimerait ça avoir une enquête plus... enquêter à l'hôpital qu'est-ce qui s'est passé vraiment. C'est quoi qui s'est passé? Pourquoi les enfants sont décédés? C'est quoi les causes, les raisons aussi? On voudrait tout avoir cette information-là.

• (11 h 30) •

Puis quand je dis «on veut que l'enquête soit publique», c'est d'avoir la transparence. On veut tout savoir, on veut voir durant l'enquête. Puis quand je dis un accompagnement pour un support, la demande des parents, des familles, il y a la barrière de langue aussi. Il y a le soutien moral aussi qu'ils vont avoir besoin.

Je vais quand même un peu parler... moi, je suis née dans les années 1968. J'ai vu la transition... qu'on a vécue dans une tente vers des maisons. J'ai été hospitalisée, à plusieurs reprises, dans un hôpital à Blanc-Sablon. Quand j'étais jeune, de un an jusqu'à quatre ans, j'ai vécu... j'ai été hospitalisée à l'hôpital à Harrington. J'ai resté combien de mois? Je ne m'en souviens pas. Tu sais, mes parents n'étaient pas là, ils n'étaient pas... n'étaient pas invités. J'ai resté à l'hôpital, à Blanc-Sablon, pendant des mois. Je me rappelle d'avoir parti à l'automne, commençait à voir la rivière qui était gelée. J'ai passé Noël là-bas. J'ai vu le père Noël là-bas. Après les fêtes, au printemps, je suis revenue chez moi. Je n'ai jamais eu d'appel de mes parents. J'ai quasiment perdu ma langue aussi puis je pense, ce temps-là, j'aurais aimé ça parler ma mère au téléphone. Il y avait déjà des téléphones dans ce temps-là.

Puis je comprends pourquoi qu'est-ce... tu sais, les enfants, ils ont vécu, pendant ce temps-là, des choses. Pas juste moi, il y en a d'autres, jeunes qui ont été hospitalisés. Que j'étais dans une pouponnière... On était beaucoup, on était quasiment, peut-être, sept ou 10 dans une pouponnière. On voyait... ma mère m'avait accompagnée puis elle m'a laissée parce qu'elle n'avait pas le droit de rester longtemps. Moi, j'ai resté plus longtemps. Mais mes petits amis autour qui étaient là : Ta mère, elle s'en va, là, elle s'en va en hélicoptère. C'est juste... c'est toujours... je sens que je veux partager avec vous.

Je donnerais aussi la parole à Judith.

Mme Morency (Judith) : Merci, Mary. Je vais me présenter, mon nom est Judith Morency. Je suis psychologue. Je connais la communauté de Pakuashipi depuis l'année 1996. J'ai passé, à ce moment-là, deux ans... à peu près deux ans. Après, je suis partie travailler dans d'autres nations, mais je suis revenue depuis 2005 à Pakuashipi. Donc là, ça fait 16 ans que je suis là.

Et je suis très, très honorée. Je veux saluer M. le ministre, messieurs dames les députés puis toutes les personnes qui nous écoutent, les aînés, les familles ou toutes les personnes qui sont touchées par cette situation-là. Je suis touchée moi aussi, parce que ça prend beaucoup de courage pour toucher ce dossier-là. Et ce dossier-là, ce matin, on en reparlait, c'est la pointe de l'iceberg, là. C'est la pointe de l'iceberg. On parle des enfants disparus, il y a des enfants qui sont disparus, ils ne sont pas revenus. Mais, dans la communauté, à Pakua... ailleurs aussi — excusez-moi, je suis touchée par l'émotion de ma collègue, ici, mon amie — il y a beaucoup d'enfants qui ont été séparés de leurs parents. Ils sont revenus, mais ils ont été affectés beaucoup aussi. C'est ça qui me touche maintenant quand Mary parle, c'est de ça qu'elle parle. C'est de ce qu'il y a en dessous de l'iceberg des enfants disparus qui est éveillé à chaque fois qu'on parle de ça en vrai avec les gens. Nous autres, c'est ça...

Donc, les gens ont besoin de savoir qu'est-ce qui s'est passé, ça, c'est très, très clair. Le premier critère... de savoir, d'avoir une enquête qui éclaire les circonstances, mais les causes. Il y a des situations qui ont laissé des doutes extrêmement puissants dans la tête des gens. Te faire dire que ton enfant de trois ans est décédé parce qu'il s'est étouffé en mangeant les aliments solides, c'est dur de faire un deuil après, de concéder que c'est peut-être quelque chose qui a du sens et de faire un deuil surtout si tu n'as pas pu récupérer ton enfant. Ces parents-là n'ont pas eu le corps de leurs enfants.

Je ne sais pas si vous avez une idée, une petite représentation d'à quoi ça ressemble, les cérémonies et la façon des Innus, Attikameks — peut-être je suis familière avec la nation innue — d'accompagner la personne dans le monde des esprits, comment le corps est important. Le corps est présent, le corps est dans la maison, le corps est touché, embrassé. Il y a une... C'est très, très naturel cette... et ça fait partie vraiment du processus par lequel les familles vont être capables d'avancer dans ce processus de deuil là qui est très, très dur. Toutes ces familles-là ont été privées du corps de leurs enfants. Même quand la mère était dans l'hôpital, il y a eu une situation... Bien là, son enfant... on lui dit : Ton enfant est mort, ton enfant est enterré. Elle n'est pas... Elle n'a pas vu le corps. Elle n'a pas... et on est dans les années 70. Moi, je me demande... si ça avait été un non-autochtone qui avait vécu ça, il l'aurait eu, le corps de leur enfant. Je n'en ai jamais entendu parler, d'histoires de non-autochtones qui ont perdu un enfant puis qui ont perdu le corps, là. Peu importe où, là, je n'ai jamais entendu ça.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Morency, les 10 minutes sont terminées. M. le ministre, vous avez 16 min 30 s pour les échanges. Mme Morency pourra compléter par vos échanges. Votre micro, M. le ministre.

M. Lafrenière : C'est la première fois de la journée. Kwei, à vous deux, mesdames. Avant de prendre la parole, j'aimerais vous laisser le bâton de la parole, Mme Morency. J'aimerais vous laisser continuer ce que vous avez expliqué. Avec le consentement de tous mes collègues, ici, autour de la table, j'aimerais vous donner de mon temps. Gardez le bâton de la parole, s'il vous plaît.

Mme Morency (Judith) : Merci beaucoup. J'apprécie. Donc, cet aspect-là est très, très, très important, le besoin d'avoir une enquête qui fait la lumière sur ces choses-là, non seulement sur le décès. Moi, je ne questionne pas sur les décès, mais je me questionne sur comment ça se fait que les corps disparaissent. Ça, c'est intolérable. Comment se fait-il que ces corps-là sont disparus, s'il y a des corps? Est-ce que c'est... Est-ce qu'on est dans un scénario où les enfants sont disparus et adoptés ailleurs? Il y a ces possibilités-là qui apparaissent dans la tête des parents. On ne sait pas. On ne sait pas ce qui s'est passé. Faire une enquête qui arrive à un moment donné, qui a un aboutissement, où on se fait dire : Voici, toutes les pierres ont été levées, nous avons regardé partout, la job est faite comme il faut, et voici ce qu'on peut vous dire. Ça, c'est une nécessité. Sans ça, c'est impossible d'avancer. Les parents, après 40 ans, pensent encore que l'enfant est peut-être encore vivant.

Mme Mark a eu une discussion hier avec une soeur d'une personne qui est disparue. En parlant du projet de loi n° 79, la personne a dit : Si jamais on retrouvait ma soeur... Bien, on va faire attention. Écoutez, ça, je vais peut-être encore pleurer, je vous préviens. Elle a dit, je me prépare à pleurer, je m'excuse : Si jamais on retrouve... Si jamais on la retrouve, on va la laisser choisir si elle veut rester ou aller... ou revenir chez nous. On pense comme ça quand on a un coeur. On pense comme ça quand on pense que notre soeur est encore peut-être vivante. C'est insupportable, ça. Voyez-vous, la souffrance et la grandeur dans la souffrance? Et c'est ça qu'il faut favoriser, tous ces mécanismes-là de guérison qui nécessitent la vérité, pour que cette grandeur-là puis cette résilience immense, là, puissent encore une fois se manifester.

Cette soeur-là disait : Si jamais on trouve ma soeur, que je pense qu'elle est peut-être encore vivante, bien, on va lui dire : Tu peux choisir qu'est-ce que tu vas faire, mais nous, on est là. Si tu veux rester dans ta vie, c'est correct. Donc, on a besoin de vérité.

Je m'excuse, je ne m'attendais vraiment pas à vibrer autant que ça.

Le point 1, vérité, information, clarté, ça, c'est important. Il y a un autre point qui est important, c'est la reconnaissance publique. Il faut qu'il y ait quelque chose de public à propos de ce qui va s'être passé là, de ce qui va s'être dit et de ce qui va être découvert là. Une reconnaissance pour que les gens puissent aussi, à ce même moment là, sentir qu'il y a un aboutissement et qu'il y a la possibilité là de tracer une ligne dans le sable où on va dire : Faisons maintenant nos cérémonies, faisons les cérémonies que nous n'avons pas pu faire. Il y a des familles qui ont perdu trois enfants, un après l'autre. Ce deuil-là n'est pas résolu... qu'il faut que tu en fasses un autre, et un autre. Il n'y a pas eu de cérémonie et il n'y a pas eu d'aboutissement.

• (11 h 40) •

Ça, c'est important. Cet aboutissement-là doit être nécessairement communautaire et collectif. Ça touche tout le monde, donc on a besoin d'avoir quelque chose qui est assez large, qui permet aux gens de s'attacher à ça pour mailler à ça leur processus individuel. Ça, c'est une autre chose qui est importante.

Dans l'accompagnement, ce n'est pas juste un accompagnement, je dirais, technique, de dire : O.K., voici, là, comment on procède pour aller chercher un document. Ça, ils les ont eus, les documents. Ils les ont eus, les documents, ce n'est pas suffisant. Ils ont besoin d'un accompagnement aussi. Voyez-vous ce qui émerge? Moi, je suis une aidante, là, je n'ai perdu personne dans ce monde-là. Voyez-vous qu'est-ce qui traverse... moi, là, ma personne... on est là-dedans puis on est dans des choses qui touchent tout le monde profondément.

Et dites-vous bien que, quand on parle des enfants qui sont partis, puis qui ont été hospitalisés, puis qui sont partis pendant des mois, Mme Mark parlait d'une pouponnière, ce n'étaient pas des enfants dans des berceaux, c'étaient des enfants qui étaient tous ensemble dans un genre de garderie pendant des mois. Les parents n'ont pas de nouvelles pendant ce temps-là, là, ils ne savent pas ce qui se passe. Tous les enjeux d'attachement dont on parle aujourd'hui largement, là, on est passés complètement à côté de la plaque, là. On est dans des enjeux où tout ce qui favorise des blessures d'attachement profondes s'est mis en place là-bas.

Donc, accompagnement pour la guérison, ça veut dire des mécanismes, des sous, des moyens, de l'aide de l'extérieur, du soutien culturel aussi, du soutien, des leviers. Donc, ça, c'est à réfléchir le comment puis c'est à ajuster, là, selon les besoins. Pakuashipi, ce n'est pas comme Manawan, ce n'est pas comme à Wemotaci. Ce n'est pas pareil. Ça fait qu'il faut avoir de la place pour ça avec de la place pour l'ajuster. Donc, ça, c'est important.

Commémoration, un monument, on discutait ce matin, peut-être, nous, on voudrait avoir quelque chose, un monument dans le cimetière au moins chez nous à Pakua, chez eux, à Pakua, pour qu'ils puissent prier, là, le corps de leurs enfants qui sont on ne sait pas où. À Blanc-Sablon? Mais il n'y a pas... il y a des personnes qui ne savent même pas où dans le cimetière. Ça se trouve à Blanc-Sablon. Mais on ne sait pas ce que les gens vont vouloir non plus. Est-ce qu'une madame va dire : Moi, je voudrais qu'on aille creuser là où on m'a dit que ma fille se trouve pour trouver de l'ADN? Peut-être une dame va dire : Moi, je veux ça, et peut-être pas l'autre. Ça, il va falloir qu'il y ait de la place pour ajuster selon jusqu'où les gens veulent aller dans le retour dans ces traumas-là.

Moi, j'ai été frappée, en 2015... Je vous ai dit tout à l'heure, ça fait depuis 2005 que je suis là, puis 1996 avant. C'est seulement en 2015 qu'on en a parlé de ça. Vous vous souvenez, les pensionnats indiens, hein, comment ça a fait? Tout à coup, là, on a tous sursauté, la société canadienne, pour dire : Mon Dieu, qu'est-ce qui s'est passé? On ne le savait pas. Mais moi, j'étais dans la communauté, puis on n'en parlait pas de ça. C'est le même phénomène, quelque chose qui est enfoui en dessous, une blessure qui a touché tout le monde, toutes les familles. Et c'est très, très petit, là. On parle de toutes les familles, là, on parle de ces familles-là, c'est tout le monde. Vous venez de ramasser toutes les générations, la génération immédiate et les enfants. Puis moi, je peux vous le dire, je suis psychologue, je suis clinicienne, je suis un docteur en psychologie, je suis spécialisée dans les traumas, les blessures intergénérationnelles, ce n'est pas juste un concept théorique, là. On les voit, c'est encore là, ça touche l'attachement, ça touche la sécurité du parent. Tous les enfants qui sont dans les familles et tous les enfants à venir sont nécessairement affectés par ça. Donc, on a... on travaille ces choses-là, et les répercussions sont vraiment à tous les niveaux.

Donc, il y a des besoins très, très importants au niveau de la guérison. La guérison, c'est très dur à faire quand on n'a pas la vérité. C'est le même processus, hein, c'est les mêmes étapes. C'est la vérité, la reconnaissance, la reconnaissance des torts, la réparation des torts pour éventuellement arriver à un mot que j'utilise, qui est la guérison, c'est une acceptation dans le deuil. C'est dur à mettre des mots sur quelque chose qui est... une blessure qui est si grande que ça.

Je vais m'arrêter là. Merci, M. le ministre, de m'avoir laissé la place, là, de déployer tout ça, incluant mon coeur et mon esprit, là. Merci.

M. Lafrenière : Merci à vous, Mme Morency. Mme Mark (S'exprime dans une langue autochtone), merci beaucoup de votre témoignage. Puis ça demande... vous l'avez dit, Mme Morency, ça demande beaucoup de courage, beaucoup, beaucoup de courage pour faire ce que vous faites aujourd'hui. Mais je dois vous avouer que ça nous aide énormément de vous entendre, parce qu'au final ce qu'on fait aujourd'hui, ce qu'on a fait mardi, c'est de vous entendre pour avoir la meilleure loi, la loi qui va pouvoir répondre à vos besoins. Et ça... Je veux vous remercier.

Et on ne fait pas de remarques préliminaires, aujourd'hui, mais je vais en faire une petite, remarque, en vous entendant aujourd'hui. On sait que tout a commencé à Pakuashipi, dans le sens que, vous l'avez dit tout à l'heure, avant 2015, on n'en parlait pas. Et je veux souligner le travail de Rémi Savard, d'Anne Panasuk, deux personnes qui nous ont mis notre réalité en plein visage, qui nous ont mis cette réalité-là que l'ensemble... j'étais pour dire «les Québécois», mais... l'ensemble des nations, à un certain moment, la connaissait, mais n'était pas prête à en parler, peut-être. Puis d'un autre côté, je pense que nous, on avait besoin de se faire mettre cette réalité-là en plein visage. Puis si on est assis aujourd'hui autour de cette table, si on parle du projet de loi n° 79, qui est la suite du projet de loi n° 31, là, qui avait été fait, bien, c'est justement qu'il y a des gens comme ça qui ont porté ça à notre attention, puis c'est important.

Alors, si vous êtes ici aujourd'hui, c'est justement suite à ça, puis c'est pour ça qu'on a tous ce devoir... vous avez parlé de devoir de mémoire, tantôt, vous avez parlé d'avoir un endroit qui était significatif pour se recueillir, puis ça, je vous ai bien entendues. J'ai bien entendu, c'est quelque chose auquel je crois. Je vous dirais que, dans ma carrière passée, j'ai supporté des familles qui avaient eu des pertes, qui avaient eu des enlèvements, des infanticides, et l'importance de pouvoir avoir un devoir... de pouvoir avoir cette mémoire-là, de pouvoir aller à un endroit pour se recueillir est là. Vous avez parlé d'exhumation aussi, à savoir, dans certains cas, est-ce que les familles vont vouloir une exhumation.

Et, dans le projet de loi, il est mentionné... mais je veux vous partager un petit peu plus large que le projet de loi, je veux vous partager ma vision, en quelque sorte, parce que je trouve ça important aujourd'hui. Ce qu'on veut mettre en place, c'est une direction de soutien aux familles. Vous avez parlé, dans vos mots... dans la roue de la guérison. Il y a plusieurs axes à ça, hein? Oui, il y a le soutien, vous avez parlé... soutien, ça peut être médecins, psychologues, des spécialistes, mais il y a tout l'aspect ritualité qui est tellement importante chez les Premières Nations, puis ça, j'en suis conscient. Puis en vous écoutant, en entendant aussi les groupes que j'ai entendus mardi, ça me fait réfléchir sur comment ça va prendre place, de quelle façon. J'ai une bonne idée, mais, vous savez, à tous les jours, on grandit, puis en vous entendant, en entendant vos témoignages, vous nous faites avancer là-dedans, dans cette réflexion-là de comment on va le faire.

Vous avez parlé des besoins, puis je vais arriver avec une question pour vous dans un instant, vous avez parlé des besoins des familles pour avoir une partie publique, une partie où ils vont être capables, où ils vont avoir cette capacité-là de témoigner devant les gens de ce qu'ils ont vécu. Et ça, je veux vous entendre, surtout avec votre rôle de psychologue, parce que, de la façon que je le voyais, je voyais un libre-choix pour les familles. Parce que j'ai entendu, puis je n'étais pas à l'ENFFADA, je n'étais pas à la commission Viens, puis j'ai entendu certaines personnes pour qui ce n'étaient peut-être pas toutes les familles qui voulaient le vivre de la même façon. Vous avez dit tantôt : Certaines familles vont vouloir des exhumations, d'autres pas. Et j'ai cherché une façon de mettre un mécanisme en place pour que les familles qui veulent aller public, qui veulent justement témoigner de ce qu'ils ont vécu... parce que, pour eux, c'est réparateur qu'ils puissent le faire, mais je ne voulais pas que ça soit un passage obligé pour toutes les familles de le vivre de la même façon. Pour certaines, il y a peut-être... Il faut s'ajuster. Moi, je ne crois pas au mur-à-mur. Vous avez dit tantôt que les besoins de Pakua ne sont peut-être pas les mêmes de Pikogan, ne sont peut-être pas les mêmes de Wilmot. Moi, je crois qu'il faut s'ajuster aux familles, puis on a parlé mardi dans nos remarques préliminaires... c'est à nous de s'ajuster aux familles, pas aux familles à s'ajuster à nous, et c'est un petit peu l'angle que je vois quand je parle d'une direction de soutien aux familles.

Ça m'amène à la question super importante pour vous. Je vous entends avec le regroupement de familles ou les gens que vous représentez... On a eu le groupe Awacak, qui est venu nous rencontrer aussi, et je veux savoir quels sont les liens entre les regroupements de familles. Est-ce qu'il y a des liens qui sont faits? Est-ce qu'on a fédéré ça? Est-ce qu'on a un regroupement qui représente la majorité des familles au Québec? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, parce que vous allez comprendre que, pour moi et pour nous, ça peut nous aider pour voir de quelle façon on va être capables d'amener un soutien, puis surtout d'impliquer les familles là-dedans, parce que c'est par et pour les familles qu'il faut le faire. On ne va pas le faire tout seuls.

• (11 h 50) •

Mme Morency (Judith) : Je peux laisser peut-être Mme Mark répondre à cette question-là.

Mme Mark (Mary) : Bien, je pense qu'il y a une autre... il y a une association qui a été montée dernièrement pour les familles Awacak, puis, je pense, ça, ça fait partie de toutes les nations Attikameks, Innues, Naskapies. Elles sont là-dedans aussi, puis, je pense, c'est une association pour qu'on se regroupe ensemble, tous les enfants qui sont disparus. Puis ça, je pense, ce serait important que nous, qu'on continue cette démarche-là, qu'on ne laisse pas fermer cette porte-là, qu'on aille chercher d'autre monde aussi, aller chercher d'autres moyens, qu'est-ce qu'on pourrait aider aux familles, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider nos parents, nos jeunes, nos familles puis tout ça.

M. Lafrenière : Alors, Mme Mark, comme vous êtes la mieux placée pour nous guider là-dedans, le Regroupement Awacak pourrait jouer un rôle quand on parlait de direction de soutien aux familles. Puis comme je vous disais, il faut s'ajuster, il faut que ça réponde aux besoins locaux puis besoins individuels aussi. Au final, c'est la cellule familiale qui va nous exprimer ses besoins. Mais de travailler avec un regroupement comme Awacak pour... vous seriez capable de vous reconnaître là-dedans?

Mme Mark (Mary) : Oui.

M. Lafrenière : Quand vous avez parlé tantôt de vérité... parce que c'est ce qu'on veut faire, hein? Le but de cette loi-là, c'est d'aller chercher la vérité. Et j'ai compris aussi, dans certains mémoires, c'est tous les questionnements à savoir est-ce qu'on va tout nous dire, puis ça, j'en suis vraiment conscient. Je veux vous le dire, là, j'en suis vraiment, vraiment conscient. Alors, j'imagine, c'est important d'avoir des gens qui sont significatifs et qui sont crédibles pour les Premières Nations pour jouer ce rôle-là.

Mme Mark (Mary) : Oui. Je pense, c'est d'impliquer aussi les gens qui sont spécialisés là-dedans au niveau santé ou scientifique, le côté scientifique de pouvoir faire l'enquête aussi vraiment plus large.

M. Lafrenière : Petit commentaire aussi, parce que je vous ai entendues, je veux vous dire ce qu'est le projet de loi, mais surtout ce que ce n'est pas. Ce n'est pas une boîte de référencement. Ce n'est pas un endroit où on va vous donner une adresse courriel, un numéro de téléphone en disant : Voici, faites vos démarches. Ce n'est pas ça du tout, du tout.

L'image que j'aimerais que vous ayez en tête, c'est : on va vous prendre, on va prendre des familles, on va les mettre dans la voie puis on va les entourer pour travailler avec eux et avec elles. Ils font partie du processus, mais la dernière chose qu'on veut, c'est de vous référencer en disant : Regardez, allez chercher l'information. C'est un processus qui ne sera pas simple, c'est vrai, mais on veut vraiment accompagner. Ça peut aller jusqu'à remplir les documents pour les familles.

Et, en prévention, un des travaux qui va revenir au ministre responsable, c'est de rencontrer les différents organismes, dont les congrégations religieuses, pour faire de la sensibilisation en disant : Regardez, ça s'en vient, là, vous allez devoir remettre les documents. Et tantôt, vous avez donné un bel exemple. Moi, de prendre un document médical puis de vous dire : Voici le résultat... Écoutez, là, je passe complètement à côté de ce qu'on veut. Ce qu'on veut, puis je veux vous rassurer...

Mme Mark (Mary) : ...c'est de savoir aussi pourquoi les corps n'ont pas été ramenés, pour quelles raisons qu'ils n'ont pas ramenés. On veut savoir cette information-là, parce que mon grand-père, il est décédé aussi à Blanc-Sablon, le corps, il n'a jamais été ramené.

M. Lafrenière : (S'exprime dans une langue autochtone)... à vous deux. Merci beaucoup de votre témoigne aujourd'hui, merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Merci, mesdames. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Mme Mark, merci beaucoup pour votre témoignage aujourd'hui. Je suis désolé qu'est-ce que vous avez vécu, et votre famille, et les membres de votre communauté. Mais aussi, Mme Morency, merci beaucoup pour votre présentation aujourd'hui.

C'est juste une question concernant un petit peu l'idée d'une enquête ou une commission sur la vérité. Je veux juste savoir comment vous voyez ça. Est-ce que c'est une enquête indépendante, basée un petit peu comme la commission Viens, ou est-ce que c'est peut-être plus une enquête faite par le Secrétariat aux affaires autochtones?

Mme Mark (Mary) : Moi, je pense, ce qu'on voudrait, nous autres, c'est une enquête plutôt neutre dans la démarche qu'il va y avoir, parce que, quand je regarde l'article, moi, ça ne me précise pas qui qui va faire cette enquête-là. On ne le sait pas, c'est vague, on dit : Le ministre a la responsabilité, mais je me dis, ça prend des gens plus neutres dans cette démarche-là, impliquer aussi des organisations autochtones aussi.

M. Kelley : Et je ne sais pas, Mme Morency, si vous avez quelque chose à ajouter.

Mme Morency (Judith) : Les familles ont besoin de savoir que, comme je disais, que toutes les pierres ont été soulevées pour voir. C'est le besoin de savoir puis... une vraie enquête complète a été faite et de pouvoir attacher ça dans le collectif. Se faire dire individuellement... on se fait rencontrer individuellement, puis ça s'est fait, là, parce qu'il y a eu des résultats qui ont été amenés.

Moi, j'ai assisté à des réunions comme ça, avec des personnes de Pakuashipi qui ont reçu un papier sur lequel c'est écrit : La fille est décédée, tel jour, telle heure, au crayon-bille, sur un papier. Ça aurait pu être écrit hier, on ne sait pas, c'est qui, qui l'a écrit. Ce n'est pas un document officiel, hein... que c'est tout ce qui a été retrouvé, et voilà, point, ça termine maintenant. Il n'y a rien là pour être capable de compléter quelque chose. Les familles ont besoin d'avoir un rapport d'enquête qui dit : Voici tout ce qui a été fait, voici... quelque chose qui atteste d'une démarche complète et qui l'a faite et comment ça, ils ont besoin de ça individuellement.

Et quand ces choses-là sont attachées collectivement... pour être capables de dire : Voici, nous avons fait le tour pour toutes les familles et voici ce qui s'est passé pour l'ensemble. Ça, c'est une chose qui est importante, surtout dans le contexte de Pakuashipi, où on n'est pas dans cette situation-là, au premier événement qui est attaché à de la colonisation ou... va appeler ça comme ça, et qui leur fait vivre quelque chose de collectif, mais qui touche individuellement. Là, je fais référence, pour les personnes qui sont au courant, à la déportation, au début des années 60, quand ils se sont fait ramasser, mettre sur un bateau, amenés jusqu'à La Romaine avec un arrêt à Harrington Harbour où ils ont dormi une nuit là. Pour nous, les Québécois, Harrington Harbour, c'est La grande séduction, on trouve ça rigolo. Quand on demande au Québécois moyen : Connais-tu Harrington Harbour?, le monde va dire : Oui, oui, c'est l'île dans le film La grande séduction. Mais savez-vous que, pour les Innus de Pakuashipi, Harrington Harbour, c'est une île qui est associée à un événement dramatique, qui est la déportation de tout le village dans un bateau, dans une cage, jusqu'à Unamen Shipu.

S'il y a un autre endroit au Québec où il y a une place pour un monument, j'en profite aujourd'hui, c'est à Harrington Harbour, un monument où on dit : Ici s'est passé quelque chose de tragique. Et il y a d'autres monuments à mettre, mais ça, là, on aura peut-être d'autres occasions d'en parler. Mais ça, ça en fait partie. Et cet événement-là, des enfants qui disparaissent à l'hôpital, ça vient s'attacher à ça, ça vient s'attacher au père Joveneau, qui est dans la communauté, qui commet des agressions, hein? Ça s'attache à tout ça. C'est des événements qui sont collectifs. C'est impossible de régler ces choses-là individuellement avec la famille X, la famille Y, puis que ça soit quelque chose qui soit suffisant pour passer à un état de guérison, ou d'apaisement, ou de faire taire des doutes, et une expérience qui se reproduit puis qui se répète à différents autres égards. C'est pour ça que ces familles-là ont eu tant de misère à revendiquer puis à... Quand tu es un Innu à Pakuashipi dans ces années-là, là, puis ton enfant est à l'hôpital à Blanc-Sablon, là, tu appelles une fois, tu appelles deux fois, tu demandes à quelqu'un d'autre d'appeler, bien, à un moment donné, tu arrêtes parce que c'est juste ça qu'on te demande de faire : Arrête de réagir, arrête de te battre, hein, arrête, chut, tais-toi, là.

Mais heureusement, on est ailleurs. Là, on est dans une commission qui s'intéresse à ça, on s'intéresse beaucoup collectivement à la sécurisation culturelle. Si on voyage aux antipodes de ça, on est dans la bonne direction, là. J'espère que j'ai répondu à votre question.

• (12 heures) •

M. Kelley : Non, non, vous avez répondu, et merci beaucoup à vous deux pour vraiment mettre sur la table l'idée d'une commémoration, comment on peut faire ça, parce que c'est important pour une société. Juste dehors de l'Assemblée nationale, il y a la Croix du Sacrifice qu'on trouve partout au Canada pour les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale, qu'on a ajoutée après ça. Et ces mêmes... ces choses comme ça sont importantes pour une société de ne jamais oublier. Et, je pense, dans ce cas ici, c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de Québécois qui savent qu'est-ce qui est arrivé avec les enfants disparus au Québec et, quand même, au Canada. Alors, merci de mettre ça sur la table, parce que je pense que ça, c'est quelque chose... Comme un gouvernement et comme des législateurs, on peut faire une bonne réflexion de faire un site de commémoration puis s'assurer que c'est fait en respect des différentes nations autochtones, peut-être partout sur le territoire aussi. Alors, merci beaucoup pour ça.

Et je veux juste poser une question encore. Je sais que mon temps file, mais on a eu un mémoire qui a été déposé par un des CIUSSS et les services pour la protection à la jeunesse Batshaw, anglophones. Mais ils ont présenté des suggestions pour l'accompagnement des familles, que j'ai trouvé un petit peu intéressantes, avec leurs expériences, parce que, quand même, l'Assemblée nationale a changé la loi pour tous les Québécois, d'avoir l'accès à le nom d'un enfant qui a été adopté, puis ils ont fait juste des suggestions.

Alors, juste encore des précisions. Quels services, selon vous, sont tellement importants pour faire ça en respect... et les cultures autochtones? Parce que nous avons des suggestions et des pratiques présentement utilisées pour les Québécois, mais je veux savoir l'importance de vraiment faire ça en respect des peuples autochtones du Québec, et c'est psychologique ou... quand même, juste tout le processus du début à la fin.

Mme Morency (Judith) : Je pense que je vais laisser Mary commencer là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Mark (Mary) : Tu parlais tantôt, la protection de la jeunesse, tu veux dire, les nouvelles lois qui vont être adoptées ou...

M. Kelley : Non, c'est juste, on a déjà adopté... en 2017, on a changé les lois du Québec pour donner le droit à tous les Québécois d'avoir plus l'accès à l'information concernant un enfant qui a été adopté, d'avoir l'information où ils sont maintenant, avec certaines réserves, si les personnes disent oui ou non. C'était un changement de nos lois, parce que ça n'a pas existé avant. Mais ça arrive quand tout ce processus est tellement... c'est difficile pour la famille et, des fois, aussi, pour la personne que quelqu'un cherche l'information.

Alors, la question, c'est juste : Comment on peut s'assurer qu'il y ait un bon accompagnement des personnes qui veulent chercher l'information sur quelqu'un qui est disparu, et, particulièrement, l'élément psychologique?

Mme Mark (Mary) : Moi, je pense que si, mettons... mettons que dans certains enfants qui sont disparus puis décédés, je pense que le parent a le droit d'avoir de l'information si l'enfant est encore vivant ou adopté par quelqu'un d'autre. Puis, je pense, la plupart des parents sont très ouverts, si les personnes sont retrouvées ou bien ils ne veulent pas revenir dans leur propre... familial. Leur père biologique ou la mère biologique, je pense, sont très ouverts à ça, à accepter. Mais il faudrait aussi, je pense, aider ces parents-là, puis qu'on ait l'information quand même si l'enfant est adopté. On aimerait ça savoir si l'enfant...

Moi, j'ai un ami... Suite à l'enquête d'Anne-Marie Panasuk, j'ai eu un courriel, sur Facebook, comme quoi, les enfants, ils ont été adoptés chez elle dans le coin de Baie-Trinité, dans ce coin-là, deux enfants qui ont été adoptés, qui sont nés dans les années 70, mais qui ne veulent pas revenir... il ne veut pas... ils ne veulent rien savoir de savoir qui sont leurs parents, qui sont leurs... Ça, quand j'ai eu ce message-là, ça... vraiment, je voulais savoir si... j'ai dit : Qu'est-ce qu'elle fait maintenant, cette personne-là? Elle me dit : Une qui vit à Montréal, puis l'autre vit dans son coin, pas loin de Baie-Trinité, je ne me rappelle plus le nom du... Forestville, quelque chose de même.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Donc, je vais maintenant céder la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Merci. Bonjour, mesdames. Merci d'être là, merci pour votre apport, vos témoignages et, surtout, je dirais, les mots que vous utilisez pour nous aider à comprendre qu'on ne peut pas manquer ce rendez-vous-là.

Ce que je comprends, Mme Mark, Mme Morency, de vos propos, c'est que les traumatismes — et vous avez parlé de ceux, particulièrement, à Pakuashipi, mais, de façon générale, pour les Premières Nations, les Inuits — les impacts du colonialisme, là, à travers les enfants, qui sont, avec les aînés, le trésor des communautés, on ne peut pas manquer notre coup. Moi, j'entends ce message-là. Et ce que j'ai entendu, c'est : Vous avez besoin de vérité. Je pense que, là-dessus, on s'entend, tout le monde ici, et qu'on va tout faire pour que ce soit le cas.

Mais vous avez dit quelque chose d'important, c'est le doute qui subsiste, puis ça n'a rien à voir avec le ministre actuel, j'en suis convaincue, c'est le doute qui subsiste que, si ce n'est pas indépendant du gouvernement du Québec ou indépendant du Secrétariat aux affaires autochtones, on va faire tout l'exercice, mais il va persister le doute. J'aimerais savoir si j'ai bien compris que, dans le fond, c'est... et ça n'a rien à voir avec le ministre, mais ce qu'on a besoin, c'est une enquête indépendante. Mme Mark, j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît.

Mme Mark (Mary) : Je pense que tout le monde mérite la neutralité et la transparence quand tu perds un enfant, que tu n'as pas toutes les informations. Puis, je pense, une enquête indépendante, ce serait idéal aussi, ce serait idéal aussi de nous faire partie dans cette démarche-là. Nos membres... Nous, comme membres, nous, comme autochtones, et nous, autres nations, ils ont des spécialités aussi.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. C'était chargé d'émotion et de vérité. Je partage votre douleur et j'espère que, peu importe comment les parlementaires arriveront, à la fin, lors de l'adoption de ce projet de loi, minimalement, il vous offrira des réponses.

J'aimerais peut-être avoir certaines précisions de votre part. Dans le processus actuel, il est proposé que les gens soient accompagnés et qu'on aurait une direction qui s'occuperait, effectivement, de vous accompagner, mais du côté d'un bureau à Québec. Est-ce que vous aimeriez... Pour guider, pour recevoir les familles, est-ce que vous aimeriez avoir une personne-ressource dans chaque communauté, par exemple, un travailleur social, idéalement, peut-être, un membre issu de votre nation, pour vous aider à cheminer à travers les prochaines démarches qu'ils ont à faire? Est-ce que ça, ce serait utile pour vous? Est-ce que ce serait nécessaire qu'on mette ça en place?

Mme Mark (Mary) : Oui, je pense que c'est un... quelque chose... c'est un besoin dans chaque communauté, pas juste uniquement Pakua, puis les autres communautés aussi. Je pense que c'est un grand besoin d'avoir un soutien moral auprès des intervenants, ou des psychologues, ou... tu sais, un lieu de rassemblement aussi, pour nous autres, d'avoir une maison, un lieu de rassemblement qui va faciliter, les parents, de se réunir aussi.

M. Ouellet : Donc, ce que vous nous dites, il ne faut pas que cette démarche soit faite seule. Cette démarche a un impact et aura un impact pour la famille touchée, la famille endeuillée et la communauté. Donc, ce que vous nous invitez à avoir, c'est qu'il y ait de l'accompagnement, mais qu'il y ait aussi un lieu pour permettre cette mise en commun, dans certains cas, pour améliorer les conditions du deuil qu'il y aura à faire, mais pour partager aussi, dans certains cas, peut-être, des histoires plus heureuses quant aux réponses que vous aurez obtenues. Donc, vous avez besoin de bâtir, dans les communautés, ce cercle d'amitié ou ce cercle d'échange qui vous permettrait d'avoir encore plus confiance dans les prochaines étapes à franchir. C'est bien ça?

• (12 h 10) •

Mme Mark (Mary) : Oui, c'est bien ça.

M. Ouellet : Merci, Mme la Présidente. Je pense que mon temps est écoulé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 14)

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Protecteur du citoyen. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange entre les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci. Mon nom est Marie Rinfret, je suis Protectrice du citoyen. Mme la Présidente de la Commission des relations avec les citoyens, M. le ministre, Mmes, MM. les députés de cette commission, je vous présente la personne qui m'accompagne, Mme Chloé Corneau, coordonnatrice aux enquêtes en administration publique et responsable de ce dossier. J'aimerais également souligner l'étroite collaboration dans ce dossier... Mme Natacha Tanguay, conseillère aux relations avec les Premières Nations et les Inuits au Protecteur du citoyen, qui n'est pas avec nous aujourd'hui.

Je remercie la Commission des relations avec les citoyens d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement. Je rappelle brièvement que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec, ou encore, d'une instance du réseau de la santé et des services sociaux. Il veille aussi à l'intégrité des services publics en traitant les divulgations qui s'y rapportent. Lorsqu'il le juge d'intérêt public, le Protecteur du citoyen propose des modifications à des projets de loi ou de règlement.

C'est à ce titre que je présente, aujourd'hui, à cette commission, mes commentaires et ma recommandation concernant le projet de loi n° 79. Du fait de notre mandat, nous accordons une attention particulière aux personnes susceptibles de vivre des situations de vulnérabilité ou d'inéquité. Alors qu'il est ici question d'événements douloureux touchant des personnes, et particulièrement des enfants et des familles issus des Premières Nations et Inuits, l'existence de telles situations vécues par ces communautés et ces familles ne peut être ignorée. Le rapport de la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès et celui de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, auquel il fait écho, en ont d'ailleurs fait état ces dernières années.

Soulignons d'abord que le projet de loi n° 79 reprend des amendements qui avaient été introduits au projet de loi n° 31, Loi modifiant principalement la Loi sur la pharmacie afin de favoriser l'accès à certains services, au moment de son étude détaillée. Ces amendements introduisaient de nouveaux articles autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission dans un établissement de santé et modifiaient, du même coup, le titre du projet de loi pour refléter cet ajout. En a résulté un projet de loi hybride, Loi modifiant principalement la Loi sur la pharmacie afin de favoriser l'accès à certains services et autorisant la communication de renseignements personnels concernant certains enfants autochtones disparus ou décédés à leur famille. L'ajout des articles 5.1 à 5.6 au projet de loi n° 31 visait à répondre à l'appel à la justice n° 20 du rapport complémentaire sur le Québec de l'ENFFADA, qui demandait au gouvernement du Québec de remettre aux familles autochtones toutes les informations dont il dispose concernant les enfants qui leur ont été enlevés suite à une admission dans un hôpital ou tout autre centre de santé au Québec.

Le 19 décembre 2019, je suis intervenue au sujet du projet de loi n° 31. J'ai alors salué la volonté du gouvernement du Québec ainsi que celle des députés de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale de se mettre rapidement en mouvement pour répondre à cet appel. Néanmoins, je regrettais que cette volonté de procéder rapidement ait eu pour conséquence de ne pas permettre aux Premières Nations et aux Inuits, et ainsi qu'à leurs représentants, représentantes, ou à toute autre instance, comme le Protecteur du citoyen, d'être entendus par les parlementaires sur ces propositions législatives de nature extrêmement sensible pour les familles concernées.

J'avais alors formulé six recommandations, qui se résument, essentiellement, en trois demandes. Premièrement, que les articles en cause soient retirés et qu'un projet de loi distinct soit présenté, après consultation des Premières Nations et des Inuits, pour répondre adéquatement à leurs besoins et à l'appel à la justice n° 20 du rapport complémentaire sur le Québec de l'ENFFADA. Deuxièmement, que le nouveau mécanisme d'accès aux renseignements personnels fasse preuve d'accessibilité, de transparence et d'imputabilité, en prévoyant notamment un recours en révision à la Commission d'accès à l'information, un régime d'examen des plaintes et une reddition de comptes annuelle. Troisièmement, que l'accès aux renseignements personnels pour les familles visées soit facilité par une campagne de communication au sujet du nouveau mécanisme d'accès et par un accompagnement des familles qui soit culturellement sécurisant.

Les amendements au projet de loi n° 31 ont été retirés au moment de l'adoption finale de ce dernier, le 17 mars 2020. J'accueille, aujourd'hui, favorablement le projet de loi n° 79, qui répond aux recommandations que j'ai formulées en 2019 ainsi qu'à l'appel à la justice n° 20 du rapport de l'ENFFADA. Rappelons qu'il est ici question de rendre accessibles des renseignements personnels, notamment détenus par les établissements de santé, concernant des enfants disparus ou décédés.

Le projet de loi n° 79 ayant pour objectif de permettre aux familles de faire la lumière sur les faits entourant ces disparitions, il est impératif que la solution qu'il propose tienne réellement compte de leurs besoins. À ce chapitre, je suis satisfaite que la contribution des représentants et des représentantes des communautés autochtones soit sollicitée à l'égard du projet de loi, qui aborde de façon spécifique une réalité dont elles seules peuvent prendre la pleine mesure. Cela leur donne la voix qui leur revient, au moment opportun, dans le cadre de ces travaux parlementaires.

• (12 h 20) •

Toutefois, je réitère l'objection émise lors de mon intervention sur le projet de loi n° 31 quant à l'imposition d'une limite de cinq ans au dépôt d'une demande de renseignements relatifs à un enfant autochtone disparu ou décédé. S'il est un domaine où le facteur temps doit être aboli, c'est bien dans ce contexte précis, où la souffrance s'étale dans le temps et fige souvent la capacité des familles endeuillées à entreprendre des démarches administratives.

Compte tenu de l'objectif visé par ce projet de loi, je soutiens que la possibilité d'avoir accès aux informations relatives à un enfant autochtone disparu ou décédé ne devrait pas être limitée dans le temps. Le mécanisme d'accès aux renseignements personnels proposé aux familles doit envoyer un message sans équivoque, qui affirme la volonté du gouvernement du Québec de participer activement au processus de réconciliation, et ce, de façon pérenne. J'en fais donc une recommandation. De plus, je tiens à souligner l'importance, dans ce dossier, d'encadrer ce mécanisme d'accès à l'information de mesures culturellement adaptées pour accompagner les familles concernées.

Les directives administratives qui permettront l'application de ce projet de loi n'ont pas encore été élaborées, et, à ce titre, nous demeurerons vigilants afin de nous assurer qu'elles facilitent l'accès à l'information afin de répondre aux besoins des familles visées. Conformément à notre mandat, nous pourrons traiter certaines plaintes relatives à une décision découlant de ce mécanisme. Dans tous les cas, les personnes insatisfaites des services rendus peuvent toujours se tourner vers nous, et nous saurons les diriger vers la bonne ressource, le cas échéant.

En conclusion, j'estime que le projet de loi n° 79 est un pas dans la bonne direction vers une plus grande ouverture aux besoins particuliers des personnes issues des Premières Nations et Inuits et de leurs communautés. L'on ne peut qu'espérer que ce projet de loi visant à amoindrir la douleur des familles touchées par la disparition d'un enfant soit une mesure parmi plusieurs autres à venir qui, sans pouvoir corriger les erreurs du passé, permettront à notre société de bâtir un futur plus inclusif et solidaire, fondé sur le respect, la confiance, la justice et l'équité. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Comme nous avons repris nos travaux avec quelques minutes de retard, je demande votre consentement afin de poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue. Est-ce que j'ai consentement?

M. Lafrenière : Consentement.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Rinfret, Mme Comeau, merci d'être avec nous aujourd'hui, étape très, très, très importante pour notre projet de loi, et je vous remercie pour les commentaires que vous venez de formuler. Ça va nous aider dans nos travaux.

J'ai une première question pour vous. Avant de passer à la direction de soutien aux familles, parce que c'est ce que vous faites au quotidien, quand vous recevez des demandes, vous êtes en première ligne en lien avec les familles, alors je vais vous demander de me partager votre expertise un petit peu. Mais, avant ça, pour le délai de cinq ans, j'aimerais vous entendre, parce que vous n'êtes pas la première personne à nous en parler, puis je suis très, très, très sensible à ça. Vous comprenez que, d'un côté, on déroge à certaines lois en vigueur, au niveau de la loi d'accès à l'information, même au niveau du Code civil, dans certains cas, quand on parle des adoptions, et on nous a demandé de circonscrire dans le temps, là, l'ouverture de cette brèche. Mais je comprends très bien le message, cependant, que vous me dites là, quand... Puis il y a certains groupes qui nous ont dit que, pour eux, là, ça leur mettait une pression. Je l'entends.

Je vous demanderais votre opinion là-dessus parce que... Puis le but, ce n'est pas de «bargainer» un temps, là, ce n'est pas ça que je veux savoir du tout. J'essaie de trouver une solution, bien honnêtement, qui me permet de répondre à des considérations qui sont très légales, qui sont loin des réalités des gens qui en ont vraiment besoin, de se faire aider puis d'être entendus, d'envoyer un message fort. Je comprends. Je comprends ce que vous me dites, là. Je me demande si vous avez réfléchi à cet enjeu-là, parce que, comme je vous le dis, on déroge à la loi d'accès, au Code civil et on nous demande... on nous dit qu'on ne peut pas laisser ça ouvert, là, sans prescription, sans délai quelconque. Mais il faut envoyer un message très clair aux familles aussi qu'ils ne sont pas... on ne les met pas, là, dans une machine qui va aller plus vite qu'eux. Ça, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : Je suis tout à fait consciente de l'importance, en certaines matières, d'encadrer l'exercice d'un droit comme celui de faire une demande d'information ou de renseignements, et, à cet égard-là, ça peut, effectivement, offrir une stabilité juridique. Maintenant, en matière de recherche de vérité à l'égard de familles dont les enfants sont disparus depuis... on a entendu, vous avez entendu des témoignages, là, on parle des années 1956, 1957, même avant, et où les familles commencent à peine à en parler. On apprend... Il y a une gêne qui est associée à cette souffrance d'avoir perdu un enfant.

Et le parallèle que je vais vous faire, M. le ministre, est celui-ci. Tout récemment, l'Assemblée nationale a aboli le délai de prescription, qui en était un de 30 ans, qui permettait aux victimes d'agression sexuelle ou aux femmes et enfants victimes de violence d'intenter un recours civil. Et, à la suite des expertises que vous avez eues, des échanges, et surtout, des messages des personnes qui vivent ces situations-là, où, vraiment, leur situation est extrêmement souffrante, on ne doit pas imposer un délai pour leur permettre d'obtenir la... Ici, on parle de vérité en matière d'agression sexuelle. C'est une réparation en matière civile. Bien sûr, il y aura des enjeux, à savoir si les documents existent, en raison de l'écoulement du temps, mais il ne faut pas que l'écoulement du temps devienne un refus d'obtenir les informations qui existeraient encore pour ces familles.

Un autre exemple que je vais vous donner, c'est celui des orphelins de Duplessis, où, au moment où le programme d'indemnisation a été adopté, en 2006, il prévoyait un délai, et ce délai a été prolongé, par décret, d'année en année, pour, finalement, le 15 décembre 2010, décréter que toute demande était admissible même si elle avait été reçue après décembre 2009, sans prévoir de date de fin. C'est donc dire que les orphelins de Duplessis peuvent encore, aujourd'hui, déposer des demandes en vertu du programme d'indemnisation.

Or, on est ici... Je fais un peu le parallèle avec ce que vivent les familles et, à cet égard-là, je ne vois pas en quoi un délai de cinq ans peut offrir une stabilité juridique à l'État dans sa recherche de documents pour permettre aux familles de faire leur deuil et d'obtenir les renseignements que tout organisme public ou congrégation religieuse pourrait encore avoir au moment où la demande sera formulée.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le ministre.

• (12 h 30) •

M. Lafrenière : Je vous entends bien. Je me permets d'apporter une petite précision, cependant. Comme vous avez mentionné, oui, le cinq ans, ce n'était pas une prescription pour faire en sorte qu'on voulait limiter les familles, vous comprenez, c'était un délai... c'est une période de temps qui était... qu'on pouvait poursuivre sur une base de données. Mais je comprends vraiment bien. Je vous le dis, là, depuis mardi, on entend les groupes, puis j'entends très, très bien ce que ça envoie comme message. Je voulais juste que vous compreniez bien aussi le pourquoi que ça a été mis comme ça. C'est vraiment un enjeu qui était plus d'ordre légal que d'ordre humain. Ça, je vous ai bien entendue.

Autre point aussi, tantôt, je vous disais que vous êtes en lien avec les gens de première ligne, avec les familles, et, bien que ce ne soit pas écrit dans le projet de loi, parce que c'est plus réglementaire puis administratif, il y a une direction de soutien aux familles qui va être créée, justement, pour épauler les familles. Puis je l'ai dit à tous les groupes, je vais vous le dire à vous aussi, je vais vous dire ce que ce ne sera pas. Ce ne sera pas du référencement. On n'est pas une boîte à référencement qui va dire aux gens : Voici l'adresse courriel, voici le numéro de téléphone et bonne chance. On veut soutenir les familles puis ça peut même aller jusqu'à remplir les documents avec et pour eux, vraiment, là, dans une perspective, là, d'une approche qui est culturellement sécurisante d'impliquer aussi les principes de la roue de la guérison avec des psychologues, des spécialistes.

Et aussi j'aimerais vous rassurer en vous disant que j'ai plusieurs spécialistes qui ont levé la main, que ce soit des médecins, des gens du monde... plutôt de la santé qui ont dit : On est prêts à vous aider. Parce qu'une fois qu'on va avoir les documents, il y a peut-être bien des données qu'on ne comprendra pas, qu'on ne sera pas capable de comprendre. Puis ce qu'on ne veut pas, c'est de remettre le document aux familles qui ne comprendront pas, qui ne seront pas capables de savoir qu'est-ce qui est arrivé. Vous avez parlé de recherche de la vérité, ce n'est pas juste de remettre un bout de papier, c'est de l'expliquer au mieux qu'on peut. Alors, je voulais vous rassurer, j'ai plusieurs personnes qui ont levé la main, qui ont offert leur aide pour nous aider là-dedans.

Mais j'ai entendu aussi des groupes de familles qui nous disent l'importance d'impliquer les familles dans tout ce processus. Moi, je crois beaucoup à l'approche hybride, c'est-à-dire d'impliquer et d'avoir les familles comme parties prenantes, de les avoir sur les sièges passagers avant, et non pas sur les sièges passagers, trois rangées en arrière, là. L'image, pour moi, elle est forte, mais je les vois au premier rang de faire partie de ce processus-là. Et je crois que de les impliquer, justement, soit... pour la promotion de ce que c'est, dans le fond, le projet de loi et d'expliquer aux gens comment ça fonctionne, donc une approche qui est culturellement sécurisante et tout, il y a quelque chose à faire.

Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette approche hybride d'avoir, oui, une direction de soutien aux familles, mais d'impliquer les familles ou des associations de familles elles-mêmes comme Awacak. J'aimerais vous entendre si vous avez des petits drapeaux ou des petits points à nous guider pour l'élaboration de notre projet.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez... puis, de fait, vous faites bien de souligner que les familles, on l'entend depuis le dépôt du rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, il y a... les personnes issues des Premières Nations et inuites ont besoin d'être entendues de la part des organismes publics qui doivent leur donner des services. Et, en ce sens, on doit être en mesure de faire une écoute active, empathique, c'est-à-dire d'entendre les besoins qu'elles ont et ensuite d'adapter notre façon de travailler en fonction des besoins qu'ils manifestent. Il n'y a pas une communauté qui est à la même place. Et les communautés vivent, ont vécu des situations distinctes, sont politiquement organisées de manière distincte également.

Et, en ce sens-là, il faut qu'elles soient... On parle de collaboration. Moi, j'aurais envie de vous parler d'association. Il faut qu'elles soient associées au processus de guérison pour être en mesure de répondre à leurs besoins. Et, en ce sens-là, vous me parliez qu'elles soient assises sur le banc du passager. Moi, j'aurais quasiment envie de vous demander d'essayer qu'elles soient au volant et que nous soyons sur le banc du passager pour leur donner... pour leur dire vers où passer afin qu'elles puissent nous dire qu'est-ce qu'elles ont besoin pour atteindre l'objectif qu'on vise.

Moi, c'est la façon dont je souhaite travailler avec les personnes issues des Premières Nations et Inuits. C'est vraiment d'être à leur écoute et de rendre, même au Protecteur du citoyen, de rendre mes services adaptés à leurs besoins, que ce soit sur le plan de la sécurité... on parle de culturellement sécurisante ou encore adaptées en fonction de l'endroit où ils logent, de leur histoire, des craintes. Même les mots, entre nous, des fois, n'ont pas le même sens. Donc, il faut vraiment, vraiment, là, être à leur écoute et nous adapter pour répondre à leurs besoins.

Parce que le projet de loi qui est en travail présentement, moi, je... Vraiment, j'étais très heureuse de voir le dépôt du projet de loi n° 79. Pour moi, quand je vous dis que c'est un premier pas, pour moi, on ouvre quelque chose, ici, là, qui va permettre vraiment d'établir un respect, une confiance en vue d'une guérison pour les familles endeuillées, oui, mais également pour les associations qui travaillent avec ces familles-là. Et, quand je parle d'association, il ne faut pas oublier les groupes qui travaillent avec les familles pour essayer d'obtenir l'information.

M. Lafrenière : Absolument. Merci. Bien, justement, quand je faisais référence à Awacak, c'est une organisation qui représente... une association qui représente les familles. Pas faire de sémantique, quand je disais qu'on était siège conducteur, eux, passagers, c'est parce qu'on voulait leur donner un service cinq étoiles. C'est tout. C'était ma seule analogie de conduite.

Et j'aime beaucoup le point aussi quand vous dites que c'est un premier pas parce qu'effectivement ce n'est pas... Ce n'est pas la fin de tout ça, hein? Oui, il faut aller chercher les bonnes informations. Tout à l'heure, il y a... Les précédents invités nous ont parlé aussi de l'importance de la commémoration. Et je pense qu'il y a plusieurs... Il y a une multitude de gestes à poser. Et, en ce sens, vous avez raison, et j'aimerais vous rassurer aussi en vous disant que lorsqu'on crée une direction des enquêtes... bien, lorsqu'on crée un groupe d'enquête, on crée une direction de soutien aux familles, ça n'empêche pas que, si on arrive avec quelque information que ce soit qui amène un doute quant à la cause, une cause criminelle, bien, on ne se gênera jamais, jamais, jamais de transférer ça à la Sûreté du Québec pour aller au fond des choses. Ça, c'est important.

Dernier point. Lorsqu'on parlait... parce que, vous savez, il y a un pouvoir d'enquête, puis ça, on l'a dit à tous les groupes, mais je pense que vous le comprenez très bien que ce n'est pas le ministre qui va aller faire l'enquête, c'est un pouvoir qu'il va transférer à quelqu'un. Mais il y a un pouvoir d'enquête, mais qu'on a combiné aussi avec le devoir de rencontrer l'ensemble des partenaires, qu'on pense au milieu de la santé, les congrégations religieuses, pour faire, je vous dirais, de la prévention, c'est-à-dire leur dire que ça s'en vient et qu'ils vont devoir remettre les documents. Comment vous voyez cette approche-là, vous? Parce que, écoutez, d'après moi, c'est votre quotidien aussi, là.

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Et ces organisations sont parties prenantes du succès de l'application du projet de loi n° 79, donc il faut qu'elles comprennent, en fait... Puis vous faites bien de rappeler ça, parce que, quand on intervient, nous, auprès d'une instance, que ce soit un organisme public, un ministère ou une instance du réseau de la santé et des services sociaux, là, le pire qui peut arriver, c'est que les gens se mettent sur la défensive, alors qu'ils font partie de la solution. Il faut voir l'objectif visé, à savoir rendre un service public. Ici, le projet de loi n° 79 se veut un projet de loi, une loi remédiatrice, réparatrice. En ce sens-là, selon moi, il faut que ce soit clair pour vous, les parlementaires, que la loi devra avoir une interprétation large, libérale, pour satisfaire le but qui est recherché, le but visé.

Et, en ce sens-là, d'associer les parties prenantes, de leur expliquer, bien, ça, ça fait partie des conditions gagnantes pour ne pas qu'elles se sentent sur la défensive et qu'effectivement elles ouvrent l'ensemble des renseignements, de leurs... j'ai envie de vous dire, qu'elles ouvrent leurs livres et qu'elles divulguent toute l'information qu'elles peuvent avoir, même si elle n'est pas écrite, parce que, souvent, on se bute à : bien, voici les documents, on vous transmet les documents, alors qu'il peut y avoir aussi une histoire derrière ces situations-là. Et il faut qu'il y ait suffisamment d'ouverture pour permettre, encore une fois, d'obtenir tous les renseignements, donc l'ensemble des faits entourant un enfant qui est disparu, qu'on le constate, qui est décédé, quelles sont les circonstances entourant ces enfants-là.

J'ai aussi entouré... j'ai aussi entendu beaucoup le mot «cause». Pour moi, il faut d'emblée, qu'on l'appelle «cause», qu'on l'appelle «circonstance», qu'on l'appelle «raison», n'importe quoi, à quelque part... Il y a un but qui est visé par cette loi-là, c'est une loi remédiatrice, elle répare des choses en vue d'une guérison pour des familles. Et, en ce sens-là, on doit l'interpréter de manière large, de manière libérale pour respecter cet objectif-là.

Et, oui, vous avez parfaitement raison, la tournée va être un élément important. Il faudra que toutes les organisations se mettent encore une fois en écoute active, en écoute empathique envers les demandes qui seront formulées pour livrer l'ensemble des informations qu'elles détiennent, qu'elles soient écrites ou orales.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci beaucoup. Merci, Mme Rinfret et Mme Corneau pour votre présentation aujourd'hui.

J'ai une question. Selon vous, est-ce que ce projet de loi va donner la vérité aux familles autochtones qui ont un membre de leur famille, un enfant qui est disparu?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, il peut y avoir différentes définitions, hein, du concept de vérité. Moi, je pense que ce qui est important, c'est que les familles obtiennent les documents, les informations, les renseignements que l'on détient, que les organisations détiennent pour qu'elles puissent faire leur guérison, qu'elles puissent faire leur deuil ou poser les gestes par la suite, si la personne disparue est toujours vivante. Et, en ce sens-là, bien, oui, c'est une forme de recherche de vérité pour permettre aux personnes de guérir et de passer à autre chose.

M. Kelley : Et dans votre expérience... En 2017, le gouvernement a passé le projet de loi n° 113. On a vu des histoires des orphelins au Québec et, quand même, des parents d'un orphelin qui, à un certain moment, a décidé : Je veux trouver le nom d'un enfant ou quand même trouver le nom de ma mère.

Dans votre expérience, est-ce que beaucoup de ces données, informations, des fois, n'étaient pas disponibles ou on n'était jamais capable de trouver l'information? Est-ce que ça arrive, des fois, que l'information était détruite à cause des lois qui étaient en place dans les années 60 et 70?

Mme Rinfret (Marie) : Bien sûr, bien sûr. Écoutez, c'est clairement une chose à laquelle on va être confronté, l'écoulement du temps. Et ça, c'est... Il faut que ce soit clair dans la gestion des attentes des personnes qui vont déposer les demandes.

Et c'est aussi pour ça que les établissements dans le réseau de la santé et des services sociaux de même que les congrégations religieuses... en fait, tout organisme qui va être visé par une demande manifeste suffisamment d'ouverture... en fait, toute l'ouverture nécessaire pour offrir aux personnes les renseignements qu'elles peuvent détenir, dont les documents, mais aussi les renseignements. Si les documents n'existent plus, pourquoi ces documents-là n'existent plus? Pour éviter de rester sur un sentiment de cachette, de... bien, c'est ça, de cachette, donc d'expliquer aux gens : Bien, écoutez, nous, selon notre plan de conservation, on a détruit des documents. On a vérifié, malheureusement, on ne l'a plus. Cependant, on a pu communiquer — parce que c'est sans doute des recherches qui pourront être faites — on a pu communiquer avec du personnel qui a pu être au courant du dossier. Malheureusement, les... On n'est pas en mesure d'aller plus loin, ou encore on peut vous dire telle chose, vous orienter vers telle autre chose.

Puis, à ce moment-là, bon, le personnel du Secrétariat aux affaires autochtones va sans doute être très utile pour soutenir les familles dans ces démarches-là. Et c'est en ce sens-là, moi, que j'étais très contente de voir non seulement un rôle de soutien dans les demandes, mais un rôle d'accompagnement des familles dans cette recherche d'informations et de renseignements.

Alors, en ce sens-là... puis ensuite, bien... un pouvoir du ministre, si les renseignements ne sont pas suffisants, il peut aller faire enquête. Donc, à cet égard-là, je pense qu'on a pas mal d'assurance qu'on va obtenir ce qu'on peut obtenir.

M. Kelley : Et sur la question d'enquête, si on fait le processus, le renseignement, l'information n'est pas là, est-ce que ça peut nuire à une poursuite civile contre le gouvernement du Québec ou quand même être utilisé dans la poursuite que l'Assemblée des Premières Nations a lancée envers le gouvernement fédéral?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, moi, pour moi, je me refuse à voir un lien. Les gens exerceront les recours qu'ils peuvent exercer s'il y a eu des erreurs. S'il y a une responsabilité civile qui doit être imputée à quelqu'un, et qu'on est encore dans le délai pour exercer ce recours-là, il appartient aux personnes de le faire. Et, en ce sens-là, je pense que ce qu'on doit permettre aux personnes ici, puis c'est la volonté qui est manifestée, c'est d'obtenir les renseignements pour que les personnes puissent faire leur deuil, puissent guérir d'une disparition ou d'un décès d'un enfant qui, à un moment x, a été confié à un organisme et n'est jamais revenu.

M. Kelley : Merci. Je ne sais pas, Mme la Présidente, combien de temps qu'il reste.

La Présidente (Mme D'Amours) : Cinq minutes, M. le député.

M. Kelley : Oui, parfait. La raison que j'ai posé la question, c'est comme... on a l'objectif d'être transparents puis on a des moyens qui sont là, puis je pense que c'est une bonne chose. Mais, comme je dis ici, si jamais on arrive à un moment où une famille décide de lancer une poursuite contre le gouvernement... mais je ne parle pas du ministre, mais on sait, des fois, le Procureur général du Québec ou du Canada vient dire : Bien, on a fait une enquête, et c'est public, c'est fait, puis il n'y a rien là. Et alors, ça, c'est la raison pourquoi je les pose, les questions. C'est juste que ça serait quand même, dans ce projet de loi... on ne mettra pas des barrières en place contre des poursuites pour les gens qui veulent chercher la vérité ou peut-être après prendre des poursuites... prendre le chemin de faire une poursuite. Alors, merci pour la réponse.

Une autre question : Selon vous, est-ce que vous pensez que c'est nécessaire de lancer peut-être une enquête indépendante pour encore avoir plus de vérité sur la situation qui est recommandée dans le rapport de l'ENFFADA?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est une bonne question. Évidemment, on est toujours ici sur une base, je dirais, en équilibre, hein? On est... puis je le disais d'entrée de jeu, à une question du ministre, il y a des gens qui vivent avec cette peine-là, avec la culpabilité d'avoir confié un enfant et de l'avoir perdu — excusez, excusez, excusez — donc, de confier... ça, c'est des enjeux de la technologie.

M. Kelley : Oui.

Mme Rinfret (Marie) : Excusez-moi. Donc, de confier un enfant et de l'avoir perdu. Donc, il y a beaucoup de culpabilité qui est ressentie à cet égard-là. On a une gêne de l'admettre. Et, ce faisant, est-ce qu'une enquête publique permettrait aux personnes de... ou que les personnes voudraient aller témoigner de leur histoire devant une enquête publique? Écoutez, honnêtement, je pense que je ne me sens pas l'autorité pour vous recommander quoi que ce soit.

Ce que je peux souhaiter cependant, c'est que l'ensemble des personnes, des familles qui ont vécu une telle situation et qui ont le courage, parce que ça demande beaucoup de courage, de faire une demande pour obtenir les renseignements souhaités, soient en mesure de le faire. Et, pour ça, je reviens avec toute la sensibilisation qu'il faudra faire, les outils de communication, les associations qu'on devra faire avec les organismes dans les communautés autochtones pour aller chercher la confiance des familles qui ont vécu ces situations-là pour qu'elles aient le courage de déposer une demande et ainsi obtenir les renseignements qu'elles peuvent obtenir en 2021 relativement à l'événement qu'elles ont vécu.

Ça va vraiment nécessiter... Puis c'est pour ça que moi, personnellement, s'il doit y avoir un délai, ce à quoi je m'objecte, d'où ma recommandation... mais je trouve tellement que cinq ans, c'est comme beaucoup trop court dans la mesure où la direction du soutien du secrétaire aux affaires autochtones va avoir beaucoup de choses à mettre en place pour être en mesure d'établir une relation de confiance dans chaque communauté pour que les familles visées puissent faire appel à elle pour obtenir le soutien et l'accompagnement nécessaire.

• (12 h 50) •

M. Kelley : Et vous n'avez aucune réserve que c'est... réserve sur le fait que c'est la SAA qui fait des enquêtes? Ce n'est pas nécessaire d'avoir un organisme qui est plus indépendant du gouvernement pour faire les enquêtes? Parce que ça va être le gouvernement qui enquête sur le gouvernement.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, je trouve votre question intéressante. Maintenant, moi, ce que j'ai trouvé intéressant, c'est l'imputabilité et la transparence, deux éléments que j'avais recommandés dans le cadre du projet de loi n° 31, que j'ai retrouvés dans le projet de loi n° 79. Donc, il y a une reddition de comptes qui est prévue. Bon.

Peut-être, est-ce que la reddition de comptes prévue au projet de loi n° 79 pourrait en être une à l'Assemblée nationale de la part du ministre plutôt que sur le site Internet. C'est une chose que je vous lance comme idée, mais, pour moi, la reddition de comptes qui est prévue au projet de loi n° 79...

La Présidente (Mme D'Amours) : En terminant.

Mme Rinfret (Marie) : ...oui, est suffisamment concluante pour, justement, assurer l'indépendance et l'impartialité des enquêteurs qui ont les pouvoirs de commissaire enquêteur.

M. Kelley : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.Vvous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Ça fait beaucoup de «si», mais on l'entend.

Écoutez, j'avais... bien, merci d'être là, à vous deux. J'avais des questions. J'ai bien compris, puis il y a Me Motard qui est venu nous dire, en début de semaine, que le droit à la vérité, c'est un droit qui est imprescriptible. Alors, moi, là, j'entends... puis j'entends que, même quand on l'a fait, notamment dans le cas des enfants Duplessis, des orphelins Duplessis, pardon, on est finalement arrivés à la conclusion de... Bon, ça fait que moi, là, je m'attends à ce qu'on fasse la même chose, mais, au départ, il faut que les familles savent qu'on les respecte dans leur processus, même si ça prend 15 ans. Alors, dans ce sens-là, j'entends que vous êtes d'accord sur l'abolition de cette restriction-là d'entrée de jeu puisqu'on l'a déjà fait sur d'autres situations qui ne touchent pas les autochtones, qui touchent tout le monde. Et, dans ce sens-là, je ne m'attends pas à moins pour les personnes des Premières Nations.

Ceci étant dit, il y a un enjeu qu'on a découvert, c'est... par exemple, le Secrétariat des affaires autochtones, au niveau du Canada, possède beaucoup d'informations. Les enfants de Pakuashipi sont peut-être à Terre-Neuve finalement. Ce n'est pas la DPJ du Québec, mais ils sont peut-être... Alors, ça, si vous pouvez prendre le temps, malheureusement, le peu qu'il reste pour nous dire comment qu'on fait ça dans un projet de loi au Québec pour dire aux autres : Aïe! nous, au Québec, on se met en processus de réconciliation puis de réparation.

La Présidente (Mme D'Amours) : En une minute, Mme Rinfret.

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Votre question est intéressante, et je vais y répondre par le fait que les enquêteurs ou les personnes... le ministre va déléguer ses pouvoirs de commissaire enquêteur à des personnes qui vont détenir ces pouvoirs de commissaire enquêteur. Et, à ce titre-là, il peut conclure des ententes, et non seulement... Mais, même à l'extérieur de l'entente, comme commissaire enquêteur, moi, je peux aller chercher n'importe quel document auprès du gouvernement fédéral, auprès de quelque tiers que ce soit pour obtenir les informations dont j'ai besoin dans le cadre de mon enquête. Pour moi, ça va être la même chose du côté du SAA, dans la mesure où les pouvoirs de commissaire enquêteur lui sont octroyés.

Mme Massé : Le «si» de tantôt. Je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Rinfret (Marie) : Votre micro, M. le député.

M. Ouellet : Donc, à mon tour de vous saluer. Merci, Mme la Présidente. Mme Rinfret, évidemment, on en a parlé à plusieurs reprises, pour ce qui est du délai, vous êtes très claire, pas une fois, mais deux fois, vous avez soulevé l'importance de ne pas mettre de délai. Mais si on essayait de trouver une position mitoyenne, là, le ministre nous explique en quoi le délai semble important pour la partie gouvernementale.... J'ai échangé avec d'autres groupes, de faire passer le cinq à 10 ans... Est-ce que vous auriez un minimum qui pourrait nous aider à faire un cheminement, ou vous nous dites : Cinq ans, c'est trop petit? Il ne devrait pas y en avoir? Mais, si on devait cheminer pour donner plus de temps, selon vous, quelle serait la fenêtre? 10, 15, 20, 25? J'aimerais ça vous entendre à ce sujet.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, les meilleures personnes pour vous donner un délai seraient les associations des Premières Nations et Inuits. De mon côté, je continue de penser et de croire que d'imposer un délai, ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable. Cette loi-là, elle doit... elle devrait être pérenne et, en ce sens-là, elle fait partie de notre histoire, et on doit avoir le courage de la maintenir, et de la maintenir vivante, et de permettre aux personnes qui sont en recherche de vérité, parce qu'ils viennent de découvrir qu'ils ont un petit frère ou une petite soeur de disparu... bien, qu'ils puissent obtenir le soutien de la part du Secrétariat des affaires autochtones, de l'accompagnement et, à la limite, le bras enquêteur pour aller chercher des documents.

M. Ouellet : Si je comprends bien, Mme Rinfret, suite à la question de ma collègue de Québec solidaire, dans le projet de loi en question, vous n'êtes pas limitée, vous allez pouvoir continuer à donner le support et donner effectivement les moyens à ceux et celles qui voudront faire affaire avec vous. Donc, il n'y a rien de limitatif dans le projet de loi. On n'a rien à changer pour vous donner toute l'ouverture et toutes les possibilités d'obliger.

La Présidente (Mme D'Amours) : En 40 secondes.

Mme Rinfret (Marie) : Quand je parlais du pouvoir de commissaire enquêteur, moi, de mon côté, j'ai les pouvoirs de commissaire enquêteur et je peux aller chercher les documents au fédéral de toute personne, au fond. C'est la même chose pour le SAA, le Secrétariat aux affaires autochtones, le ministre, qui va définir les pouvoirs de commissaire enquêteur, qui pourra les déléguer à quelqu'un de son équipe pour aller chercher tout document. Bien sûr, nous... moi, j'ai compétence sur le Secrétariat aux affaires autochtones, là. Donc, une personne qui ne serait pas satisfaite des services reçus auprès du Secrétariat des affaires autochtones pourra s'adresser à nous, puis, à ce moment-là, on verra, on s'assurera que le Secrétariat des affaires autochtones a fait son travail.

M. Ouellet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 13 h 59)

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.

La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques du projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador, conjointe avec la commission de la santé et des services sociaux des premières nations et du Labrador, et Femmes autochtones du Québec.

• (14 heures) •

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'APNQL et de la Commission de la santé, des services sociaux des premières nations du Québec et Labrador. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador (APNQL)
et Commission de la santé et des services sociaux des Premières
Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)

M. Picard (Ghislain) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et... Donc, mon nom est Ghislain Picard, je suis chef pour l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, et la personne qui m'accompagne aujourd'hui est Marjolaine Sioui, de la nation huronne-wendat, mais qui est aussi directrice générale pour la Commission de la santé et des services sociaux du Québec et du Labrador.

(S'exprime dans une langue autochtone) Donc, quelques mots en Innu, comme le veulent nos protocoles, surtout pour vous transmettre, au nom des chefs, nos salutations, mais également pour reconnaître que je vous parle aujourd'hui du territoire des Kanien'kehá :ka, à Kahnawake. Donc, c'est important également de reconnaître cet autre fait là.

Je vais essayer d'y aller quand même assez rapidement, là. Les informations que nous souhaitons vous partager sont quand même extrêmement importantes. Mais j'aimerais peut-être d'abord avoir l'autorisation de la présidence, là, pour peut-être observer une minute de silence à la mémoire des enfants qui ont été enlevés et/ou disparus. Je pense que c'est important vraiment qu'on puisse, là, concentrer un moment de réflexion, là, en leur mémoire, si c'est accepté par la présidence, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme D'Amours) : Bien sûr, c'est accepté, M. Picard.

M. Picard (Ghislain) : Merci.

• (14 h 01   14 h 02) •

M. Picard (Ghislain) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et je vais y aller, donc, avec la présentation de nos commentaires aujourd'hui.

L'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador souhaitent d'abord saluer ce moment, ce rendez-vous enfin venu, en soulignant le courage des familles, dont plusieurs représentants se sont exprimés devant vous jusqu'à maintenant, en reconnaissant la mémoire de nos frères et de nos soeurs qui continuent d'endeuiller nos coeurs par leur disparition ou leur décès et en remerciant particulièrement le ministre Lafrenière ainsi que ses collègues ministres présents, les députés et élus de tous les partis, les membres de la Commission des relations avec les citoyens de l'Assemblée nationale ainsi que sa présidente, Mme D'Amours, pour l'opportunité de présenter... dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 79.

Nous rappelons que l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a permis de révéler au grand jour le traitement subi par ces familles des Premières Nations souffrant de la disparition ou du décès de leurs enfants. L'APNQL et la CSSSPNQL ont aussi déposé conjointement un mémoire en soutien aux familles des Premières Nations ayant perdu leurs enfants à la suite d'une admission dans un établissement, un organisme ou une congrégation religieuse. Depuis le tout début, les démarches de l'APNQL sont guidées par les familles.

Même si je considère inconcevable que nos familles aient à se plier à un cadre qui leur est totalement étranger pour accéder à la justice dans la dignité, nous nous sommes engagés à les accompagner. Le gouvernement doit en faire autant, sinon faire preuve d'humanisme... surtout faire preuve d'humanisme et leur permettre d'obtenir des réponses auxquelles elles ont droit. Pour une fois, la loi doit s'adapter à notre réalité plutôt que le contraire. Il faut que vous, les élus, compreniez ce que vivent les familles. Le contexte humain est un incontournable. Le projet de loi n° 79 nous apparaît comme un premier pas pour la quête de vérité pour les familles.

Or, afin de se rapprocher d'un processus juste et digne, plusieurs modifications doivent y être apportées. Le coeur de notre mémoire consiste en un tableau répertoriant une série de recommandations présentées en parallèle aux dispositions du projet de loi concernées. Nos recommandations sont également appuyées de brefs commentaires.

Nos principales recommandations pourraient se résumer ainsi : d'abord, élargir l'objet et... (panne de son) loi afin de permettre aux familles de connaître non seulement les circonstances, mais également les causes des décès; limites temporelles : étendre la période de temps visée par le projet de loi et le délai de son application; également, préciser et clarifier les moyens utilisés pour soutenir, et assister, et guider les familles dans leurs recherches; garantir aux familles qu'une seule demande de communication de renseignements personnels puisse viser à la fois plusieurs établissements, organismes ou congrégations religieuses.

L'APNQL joint sa voix à celle de Mme Geneviève Motard, professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et directrice du CIERA, pour réitérer l'importance que l'objet du p.l. n° 79 doit être guidé par les normes internationales applicables en matière de respect, de promotion et de mise en oeuvre des droits de la personne. On parle ici de cas de disparition d'enfants. Actuellement, l'objet du p.l. n° 79 est de soutenir les familles dans leur recherche de renseignements.

Nous avons entendu également, mardi dernier, devant cette commission, Mme Françoise Ruperthouse, porte-parole du regroupement Awacak, mentionner vouloir connaître la vérité sur les disparitions et les décès d'enfants. Françoise elle-même a perdu une soeur et un frère. Sa famille les a retrouvés, mais elle a dit au sujet des renseignements reçus, et je cite, que c'est... je cite ici : «Ce n'est pas clair.» Fin de la citation. Elle a aussi ajouté, et je cite encore une fois : «Le p.l. n° 79 est un bon début, mais les familles autochtones méritent encore mieux. On s'attend à avoir un peu plus que ce que la loi nous donne.» Fin de la citation.

L'APNQL insiste pour que soit modifié l'objectif du projet de loi n° 79 de manière à ce qu'il permette la recherche effective de la vérité et l'exercice du droit à la vérité par les familles. Nous estimons que l'objectif du p.l. n° 79 devrait être d'abord la recherche de vérité afin de favoriser la guérison des individus, au sens où l'entendent les familles des communautés des Premières Nations au Québec, Labrador. Le gouvernement du Québec est soumis à une obligation de moyens, aussi la loi doit-elle refléter clairement le caractère impératif du devoir du ministre responsable ainsi que des établissements, des organisations et des congrégations religieuses visées de mettre en oeuvre tous les moyens dont ils disposent pour retracer les renseignements qui permettront aux familles de connaître enfin la vérité. L'exercice de ce droit à la vérité va de pair avec la définition du terme «circonstances», qui doit aussi signifier l'accès aux causes. Les familles ont le droit de comprendre comment et pourquoi leurs enfants ont disparu ou sont décédés. L'APNQL et la CSSSPNQL soutiennent dans leur mémoire qu'il faut permettre aux familles de connaître non seulement les circonstances, mais également les causes des disparitions ou des décès.

L'unité fondamentale d'une société, c'est la famille. L'État doit donc la protéger et en respecter ses membres. Or, les lois en place n'ont ni protégé nos enfants ni respecté les droits de leurs parents. Les institutions québécoises ont échoué dans leur mission, et le gouvernement doit réagir, permettant de faire la lumière sur les cas des enfants disparus ou décédés. C'est tellement minimal d'avoir accès à de telles informations, c'est en soi une évidence, et surtout un droit fondamental. On parle ici de principes issus du droit naturel, soit de faire en sorte que les parents puissent en tout temps s'occuper de leurs enfants, les protéger, les savoir en sécurité et de ne jamais se les faire enlever. Les parents n'étaient pas consentants. Il y a carrément eu une mauvaise volonté des autorités concernées.

L'APNQL et la CSSSPNQL soutiennent que les grands principes du droit international doivent inspirer le gouvernement du Québec à bousculer suffisamment les règles habituelles d'accès à l'information. Nous avons beaucoup de difficulté avec l'imposition des limites temporelles dans le projet de loi n° 79. Le délai de cinq ans et la période de 1950 au 31 décembre 1989 représentent deux entraves à l'exercice au droit des familles à la vérité. Ce n'est pas parce que le temps a passé qu'on doit appliquer des restrictions dans le temps. Imposer des limites temporelles, c'est aussi un moyen de ne jamais réparer les torts. La vérité ne doit pas être enlevée, elle aussi, et surtout pas sous le prétexte fallacieux du temps passé et de la prescription. Le but de la loi est de permettre de lever des obstacles et les barrières de toutes sortes pour accéder à l'information, et il faut aller le plus loin possible. Il y a eu un vol de vérité et un refus du droit des parents de connaître le sort de leurs enfants, et on doit leur permettre de revenir en arrière pour corriger cette atteinte à leurs droits.

L'État québécois doit reconnaître que les droits des Premières Nations ont été bafoués. Il ne faut pas ajouter des entraves...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

• (14 h 10) •

M. Picard (Ghislain) : ...temporelles aux moyens pour les familles de récupérer l'information qui leur revient.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Kwe», chef Picard, «kwe», Mme Sioui. Je crois que Mme Sioui n'a pas eu la chance de prendre la parole. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter. Je serais prêt, avec le consentement de mes collègues, à partager mon temps de parole avec Mme Sioui et M. Picard, si vous aviez un élément à partager avant la période de questions.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, ce n'était pas prévu comme ça. On avait convenu que je présentais l'entièreté des commentaires aujourd'hui. Évidemment, je n'avais pas terminé tout à l'heure...

M. Lafrenière : Allez-y, puisque je vous offre mon temps.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je l'apprécie beaucoup, M. le ministre.

Donc, pour poursuivre et conclure, nous joignons notre position à celle de la Protectrice du citoyen, qui recommande que la possibilité d'avoir accès aux informations relatives à un enfant autochtone disparu ou décédé ne devrait pas être limitée à cinq ans. Nous supportons la recommandation de la Protectrice du citoyen à l'effet de modifier le p.l. n° 79 par la suppression du paragraphe 1° de l'article 5 et de l'article 22. Nous recommandons également que soit élargie la période visée par les demandes de renseignements, que le p.l. n° 79 permette des demandes de communication de renseignements pour les admissions s'échelonnant de 1940 à aujourd'hui, et j'aurai des précisions à ajouter tout à l'heure là-dessus.

Donc, pour conclure, enfin, le projet de loi se voulant un moyen de faciliter l'accès à l'information, nous avons ajouté qu'il doit aller plus loin et qu'il doit en plus permettre aux familles de rechercher la vérité. À cette fin, les mesures concrètes pour accompagner et soutenir les familles doivent être clarifiées. Plusieurs de nos recommandations convergent vers la nécessité que soit facilitée la démarche de demande d'accès aux renseignements par les familles et que soit assurée une recherche exhaustive des renseignements par les établissements visés.

L'APNQL et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations Québec Labrador appuient aussi la recommandation de la Protectrice du citoyen quant à la nécessité de faire connaître rapidement aux familles des Premières Nations le nouveau mécanisme d'accès aux renseignements personnels ainsi que les mesures d'accompagnement disponibles de même que la mise en place de mesures culturellement adaptées afin d'assurer un accompagnement personnalisé aux familles. Enfin et en terminant, nous recommandons qu'une seule demande de communication de renseignements personnels puisse viser à la fois plusieurs établissements, organismes ou congrégations religieuses.

Donc, encore une fois, membres de la commission et Mme la Présidente, merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le ministre, votre temps est à 13 min 40 s.

M. Lafrenière : Merci, Mme la Présidente. Encore une fois, chef Picard, «tshinashkumitin», merci beaucoup. Merci pour votre présentation et merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui. C'est une période qui est très, très, très importante. Vous avez fait référence, tout à l'heure, à ce qui est arrivé dans le passé et ce besoin d'apporter des réponses... et on apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui. Ça va nous aider grandement dans nos travaux.

Premier élément que je voulais vous partager, il y a plusieurs points que vous avez soulevés qui font référence, justement, au soutien qui va être donné aux familles, et votre question est très, très, très pertinente. Et, vous savez, ça ne se trouve pas dans le projet de loi parce que c'est vraiment plus administratif, mais je veux vous rassurer en vous disant que c'est une direction de soutien aux familles qui va être créée, vraiment, avec l'embauche de spécialistes pour soutenir les familles là-dedans. Et je vais vous dire ce que ça ne sera pas. Ça ne sera pas une boîte de référence, ce n'est pas un endroit où on va dire aux gens : Voici l'adresse courriel. On veut vraiment soutenir les familles, et je dirais que depuis mardi on entend des groupes de familles qui sont venus nous rencontrer, et une chose qui est très, très claire, puis je pense que les membres de la commission ont tous entendu la même chose, il faut impliquer les familles dans ce processus, et c'est vraiment l'engagement qu'on a aujourd'hui. On va voir de quelle façon, mais il faut vraiment, vraiment impliquer les familles dans ce processus qui est tellement... c'est tellement important dans la route de la guérison. Alors, ça, on l'a bien compris.

Dans vos éléments, chef Picard, vous parlez de la période temporelle, puis ça aussi, on l'a entendu à plusieurs reprises, là. Pour le délai de cinq ans, bon, je me suis déjà expliqué là-dessus, que c'était un élément législatif, mais qu'on va vraiment, vraiment creuser, parce que je comprends très bien comment c'est reçu. Cependant, je vais vous amener une petite correction, parce qu'effectivement l'ancien projet de loi n° 31 prévoyait la période contenue entre 1950 et 1989, mais ce n'est plus le cas. Donc, il n'y a plus de date de départ. Oui, la date butoir qui a été inscrite, c'était 1989, mais on a entendu d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer aussi ,qui nous disaient à quel point ça pouvait envoyer un message aussi aux familles. Ça fait que, ça aussi, on l'a pris en note, puis, je veux dire, je l'ai bien noté, et, avec les équipes, on va voir quels sont les enjeux là-dessus. Mais je voulais vous dire que la date de départ qui avait déjà été inscrite, de 1950, ça a été enlevé, ça, depuis le projet de loi n° 31.

Moi, ma question bien technique que j'ai pour vous, autant la CSSSPNQL que l'APNQL... plusieurs groupes qui nous ont parlé aussi que certaines informations pourraient se retrouver dans des institutions québécoises, mais pourraient se retrouver aussi au fédéral. Ça, c'est un enjeu, et vous comprenez que notre pouvoir législatif au Québec vers le fédéral, c'est plus un pouvoir de vraiment faire des représentations. On ne peut pas aller dans l'obligation.

Mais j'ai une autre question pour vous pour ce qui est des conseils de bande, parce qu'il y a une famille qui me mentionnait que, des fois, pour ce qui est du nom, prénom, date de naissance... Et d'ailleurs, mardi, on recevait des gens, des Naskapis, qui nous disaient : Écoutez, même au niveau des noms de famille, on s'entend, hein, pendant un bout de temps, ce n'était pas nécessairement utilisé. Il faut commencer avec la bonne dénomination, il faut aller chercher l'information.

J'aimerais savoir de quelle façon vous pensez qu'on peut travailler avec les conseils de bande ou l'APNQL pour avoir cette information-là juste qui peut nous permettre, par la suite, de faire l'ensemble des démarches. Et d'ailleurs, en passant, les familles, ce n'est pas à eux de faire une multitude de démarches, ça va être vraiment à la direction du soutien aux familles de les supporter là-dedans, allant même jusqu'à remplir les papiers pour eux, chef Picard. Mais je veux savoir : conseils de bande, APNQL, est-ce qu'il y a de l'information qui peut être partagée pour justement nous aider dans ce processus-là?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je vous entends puis je vais certainement inviter ma collègue à poursuivre également.

Mes premières réactions, c'est qu'en fait c'était un peu notre inquiétude, là, par rapport à un processus administratif qui risque d'être beaucoup trop lourd et qu'il soit peut-être beaucoup moins accessible pour les familles. Et, je pense, ce que j'entends de votre part, M. le ministre, c'est que, bon, c'est clair que la participation et la présence des familles est un incontournable. Il faudra s'assurer comment le tout prend forme, hein, c'est important. Est-ce que les familles, par exemple, pourraient avoir une opportunité de désigner leur propre expert en la matière, par exemple, pour soutenir la démarche? Ça, c'est un aspect important que je trouve pertinent de vous relever, parce qu'il en va du succès de la démarche. Il en va aussi de processus qui sont souvent... Je veux dire, quand on met... quand on ajoute une lourdeur administrative à tout processus, surtout dans un cas comme celui qui nous intéresse aujourd'hui, là, ça veut dire qu'on reporte à plus tard, sur une longue période, la guérison qui est nécessaire, et ça, je pense que tous vos témoins jusqu'à maintenant y ont référé. Donc, il y a cet aspect-là.

Mais vous touchez à un autre aspect qui est extrêmement important aussi, c'est tout ce qui précède les dates qu'on connaît déjà, là, et je crois comprendre qu'il n'y aura pas... il n'y aura plus d'imposition temporelle par rapport à des cas qui pourraient remonter au début du XXe siècle, et peut-être même avant, qui sait.

Et la question au niveau du fédéral, c'est qu'effectivement il y a possibilité peut-être de faire de la recherche d'archives, par exemple, pour essayer de relater certains cas. Et je ne crois pas ici qu'il y aura de... certainement pas de notre part, de refus, là, de collaborer, si cette collaboration-là nous était requise, et, sans vouloir parler au nom des conseils de bande, parce qu'il y a une diversité, je verrais mal comment les conseils de bande pourraient également refuser de collaborer.

Marjolaine, peut-être que tu pourrais ajouter là-dessus.

• (14 h 20) •

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui, bonjour. Merci beaucoup. Bien, à ça, peut-être que j'ajouterais... parce qu'on remonte quand même dans le temps, et, à ce moment-là, ce n'étaient pas nécessairement des archives qui peuvent être au conseil de bande ou quoi que ce soit, ça peut-être aussi, bien sûr, avec les registres qu'on avait au niveau du fédéral. Donc, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur l'importance de pouvoir avoir une porte d'entrée pour avoir une vue d'ensemble au niveau des registres puis de voir de quelle façon, quand une demande est déposée, qu'on peut avoir justement ce lien-là pour empêcher, là, que la famille se promène d'une source à l'autre, mais qu'il y ait aussi un encadrement pour pouvoir bien les appuyer là-dessus.

La même chose aussi au niveau des archives. On souhaite aussi de préconiser qu'il puisse y avoir des ressources spécialisées, que ce soient des recherchistes. On sait aussi qu'avec... il y a des ressources qui peuvent être spécialisées pour guider, pour venir accompagner aussi au niveau des recherches historiques, donc avec aussi des archivistes. Donc, ce serait important d'avoir ces ressources-là, qui seraient mises pas nécessairement seulement dans l'unité que vous comptez mettre sur pied, mais aussi que ce soient des ressources qui soient mises aussi avec une sélection, là, qui seront faites avec les familles.

Il y a aussi un autre élément important quand on parle de registres. Oui, il y a des choses qui peuvent se retrouver soit à un conseil de bande, ou au gouvernement fédéral, et tout ça, mais on peut aller aussi plus loin, parce que les enfants qui sont disparus... qu'ils soient décédés ou disparus, peuvent avoir été aussi victimes d'avoir été adoptés dans des circonstances, donc... puis on sait très bien que les adoptions pouvaient se faire aussi à d'autres provinces, d'autres territoires, mais aussi aux États-Unis. Donc, vous pouvez comprendre la portée que ça peut avoir dans certains cas. Donc, c'est d'assurer, là, que tous ces volets-là soient bien cernés pour donner toute la latitude possible aux familles de retrouver leurs enfants.

M. Lafrenière : Merci. Puis d'ailleurs on entendait plus tôt aujourd'hui, vous les avez possiblement entendus, les gens du Protecteur du citoyen qui nous rassuraient aussi sur le pouvoir d'enquête, parce que les enquêteurs qui seront nommés auront le même pouvoir que ceux d'une commission d'enquête, donc, pour aller chercher cette information-là.

Moi, je voulais beaucoup vous entendre aussi sur la partie des conseils de bande et des archives que vous pouvez avoir de votre côté, et j'imagine qu'on va avoir votre collaboration pour écrire à l'ensemble des conseils de bande. Parce que, vous savez, on a parlé de deux pouvoirs importants. On a le pouvoir d'enquête, c'est vrai, et, avec nos différents invités aujourd'hui, dont la Protectrice du citoyen, on a parlé aussi de l'importance de faire de la sensibilisation à tous ceux qui peuvent détenir de l'information. Et je pense qu'on va avoir besoin de vous comme partenaires pour envoyer ce message-là — comme vous avez dit tantôt, chef Picard, bon, il y a une multitude de communautés différentes — mais de pouvoir écrire à l'ensemble des communautés pour leur demander l'adhésion à ce processus-là, qui est si important.

Et ça m'amène à l'autre question pour la CSSSPNQL. Je sais qu'il y avait une volonté, là, de créer un groupe de travail ou, en tout cas, un groupe quelconque pour supporter les familles, et une chose qui est très claire depuis qu'on a entendu les Naskapis, on a entendu différents groupes venir nous rencontrer, c'est l'importance d'avoir les familles avec nous. De quelle façon la CSSSPNQL peut travailler, justement, avec nous? Quel est le rôle de coordination et de support? Comment on peut faire pour travailler ensemble là-dedans? Parce que c'est sûr qu'on va avoir besoin de vous.

Mme Sioui (Marjolaine) : Écoutez, notre façon de travailler émane toujours de la volonté de nos leaders politiques, de nos chefs, mais aussi des communautés, donc des familles. Donc, le rôle qu'on aura sera celui qu'ils souhaiteront, là, qu'on puisse jouer. Bien sûr qu'on est une organisation qui appartient aux communautés, aux organismes. Donc, de ce côté-là, on jouera le rôle, bien sûr, qu'on a présentement avec le mandat qu'on a de rallier tout ça au niveau de... que ce soit de la défense des intérêts ou avec tout le travail qu'on fait normalement. Mais le lien, bien sûr, avec tous les réseaux qu'on a sera sûrement mis à profit, comme on les connaît présentement dans tous les réseaux, avec les intervenants, les directions et tout ça, mais, bien sûr, à préciser de notre côté avec notre leadership pour être sûrs, là, que ça puisse émaner, là, des recommandations qu'ils souhaiteront voir puis de quelle façon on pourra, justement, orienter les actions du gouvernement.

M. Lafrenière : Habituellement... Et, vous voyez, on parlait avec le groupe Awacak, justement, qui a été constitué en regroupement de familles, puis ils nous parlaient de l'importance aussi d'être présents sur le terrain pour faire la promotion, disons-le comme ça, là, la promotion de cet outil de support aux familles. J'imagine, encore là, que vous allez me dire que ça va dépendre du rôle qui va vous être attribué, mais, j'imagine, c'est un genre de rôle que vous pourriez faire en partenariat avec nous pour diffuser cette information-là, mais vers les communautés. Parce que tantôt, mon collègue... un de mes collègues posait la question en disant : Est-ce qu'on devrait tout centraliser ou on devrait être présents sur le terrain? Moi, je pense qu'il faut s'adapter aux familles et non pas demander aux familles à s'adapter à nous. Alors, ça demande d'être présent sur le terrain, et je sais que vous avez une bonne représentativité sur le terrain. Alors, j'imagine, c'est un rôle que vous pouvez jouer avec nous.

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien sûr, mais, en même temps, vous savez, ça demande toute une coordination. C'est pour ça que l'élément temps est si important, de ne pas avoir de limite à l'intérieur de ça. C'est des processus qui prennent du temps, qui demandent aussi... En cours de route, les familles vont faire des découvertes, vont recevoir de l'information, et ça prend des fois des petites pauses, hein, à travers tout ça. Donc, ce lien-là est hyperimportant, stratégie de communication, bien sûr.

Mais, en même temps, je reviens toujours à la base, c'est au rythme des familles, au rythme des personnes qui sont touchées de façon première, et de voir comment on peut justement... C'est un travail collectif, hein, en fait, donc... Puis c'est sûr que le rôle que le gouvernement a aussi, c'est de sensibiliser aussi davantage. On n'insistera jamais assez sur l'importance que vous avez, comme gouvernement, de sensibiliser vos institutions de santé, mais aussi de rappeler l'importance de cette sécurisation culturelle lorsqu'on va, justement, recevoir ces demandes-là, puis je pense que, dans une situation comme celle-ci aujourd'hui, le mot «sécurisation culturelle», qu'on voit un peu sur la bouche de tout le monde, n'aura jamais pris autant son importance.

M. Lafrenière : Absolument, vous avez raison, puis c'est justement le but de cette direction de soutien aux familles. Ce sera son travail à temps plein, et on aura besoin de partenaires comme vous, mais c'est vraiment de recevoir les familles, de les guider. Ça peut aller jusqu'à remplir les documents pour eux, pour elles, à leur rythme, comme vous l'avez bien mentionné.

Et j'aimerais aussi vous rassurer, parce que je trouvais ça fort intéressant... Depuis qu'on parle de ce projet de loi, il y a plusieurs personnes qui se sont montrées volontaires, que ce soient des médecins, des médecins retraités, des gens qui ont travaillé dans le réseau qui ont dit : On est prêts à prendre les documents et les adapter. Parce que c'est bien beau d'avoir un document, mais, si on ne comprend pas ce qui est écrit dessus... Vous l'avez dit, pour les familles, de se faire donner un petit bout de papier en disant : Regardez, voici la date de décès, ce n'est pas ça qui va les rassurer. Il faut vraiment donner le maximum de réponses à leurs questions, et c'est l'engagement qu'on prend. C'est pour ça qu'on veut créer cette direction famille.

Je vous ai bien entendus pour les délais. Je vous répète encore une fois que le délai, là, le premier délai qui avait été mis dans le p.l. n° 31 a été enlevé. On gardait le délai de... la date butoir 1989 et le cinq ans. On a entendu plusieurs groupes, et je ne fais pas la sourde oreille, là, c'est des informations que je trouve très, très pertinentes. On va y travailler.

Encore une fois, merci. Je pense, Mme la Présidente, je suis arrivé au bout de mon temps. Mais je voulais vous remercier tous les deux, là, et... Merci beaucoup d'avoir été là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. «Kwe», M. Picard, et «kwe», Mme Sioui, merci pour votre présentation. Et, M. Picard, merci beaucoup pour demander pour une minute de silence.

Ce matin, avec les Innus de Pakuashipi, on a parlé de l'importance de la commémoration des enfants disparus et comment on peut peut-être réfléchir sur comment, comme une société, on... peut-être on peut avoir un site ou un lieu avec... si c'est un monument ou quelque chose, mais je pense que c'est important qu'on prenne des minutes comme ça, de rappeler honnêtement notre histoire, notre triste histoire. Alors, merci pour ça.

Et je veux juste commencer avec une question qui est en lien un petit peu plus avec les ressources pour... ou, excusez-moi, en communauté. Présentement, pour les familles, est-ce que les ressources psychologiques sont disponibles pour aider ces familles-là? Parce que c'est tout un processus, et je sais que le ministre va avoir des ressources du SAA, mais ça va aussi prendre des ressources en ou dans la communauté, dans chaque communauté, pour aider des familles.

Si c'est une question psychologique ou quand même juste une question de traduction de langue, est-ce que vous pouvez juste dire comme vos attentes envers nous pour s'assurer qu'on livre vraiment toutes les ressources qui sont nécessaires pour chaque famille qui veut prendre ce processus, qui n'est vraiment pas facile?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je peux peut-être tenter une première partie de la réponse et... en revenant d'abord sur votre commentaire initial sur le besoin d'une commémoration et... Je suis tout à fait en accord avec ce que vous avancez et j'irais même plus loin. Je pense que, quelque part, là, ça va prendre des excuses appropriées. Et, pour moi, c'est un autre incontournable, là, dans ce dossier-ci, parce que la preuve est faite par les témoignages qui sont de plus en plus nombreux, là, et ça réfère au commentaire du ministre un peu plus tôt par rapport à l'aspect temps, parce qu'on a également des indices qui sont très récents, là, nous indiquant qu'on remonte déjà au début du siècle, du XXe, là, des cas de disparition. C'est des nombres quand même... des chiffres quand même assez appréciables, là. On ne parle pas d'un ou deux, trois cas, là, c'est beaucoup plus que ça. Donc, je pense que c'est important.

La question de l'accompagnement, et ça me permet peut-être d'ajouter aux commentaires du ministre Lafrenière un peu plus tôt, c'est... il faudra, de toute évidence, je veux dire, avoir la même définition de ce que ça implique, et, pour moi, c'est très clair que l'accompagnement au niveau psychosocial est un autre aspect, là, qu'il ne faudra pas négliger. Et ça a été démontré dans d'autres dossiers, en parlant des écoles et des pensionnats indiens, pour ne nommer... ne citer que cet exemple-là, que la période de guérison, là, peut s'échelonner non seulement sur plusieurs années, mais sur plusieurs générations, donc, et je pense que ça met en évidence, là, la gravité, finalement, des gestes qui ont pu être posés lorsqu'on enlève un enfant de sa famille. Je veux dire, c'est, pour moi, là... je nous vise tous et toutes comme parents aujourd'hui, puis c'est pour ça que je dis ça, je dis que c'est tout à fait inconcevable, là. Donc, je pense que cet aspect-là va peut-être rapidement mériter une attention particulière. Marjolaine?

• (14 h 30) •

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, c'est certain que le besoin des ressources, là, diverses est imminent dans ce cas-ci. Par contre, vous savez, chef Picard le mentionnait, on a vécu un peu à quoi ça ressemblait quand on a mobilisé tout un réseau pour, justement, accompagner les familles, que ce soit lors des écoles résidentielles, lors des différentes enquêtes publiques, et tout.

Et maintenant, on arrive avec l'accompagnement des familles. Tout d'abord, je dirais peut-être d'évaluer ce besoin-là auprès d'elles pour savoir exactement de quoi elles ont besoin. Quand on parle de ressources d'aide psychosociale, ça ne se limite pas à, non plus, seulement du psychosocial, mais aussi, des fois, par nos guérisseurs traditionnels, parce que c'est les pratiques que nous avons. Donc, c'est de demander, justement, à quels types de ressources elles vont vouloir se référer et auxquelles elles vont avoir confiance aussi.

Et présentement, c'est sûr qu'une inquiétude qui me vient en tête tout de suite, c'est le manque de ressources, présentement, justement, de disponibles. On voit déjà un surmenage, là, à cause de la pandémie présentement. On voit cette augmentation de besoins aussi d'avoir ces ressources pour nous aider. Donc, il faudra bien réfléchir, là, à voir comment on va pouvoir s'assurer de la disponibilité de ces ressources-là pour les familles puis de le faire, bien sûr, conjointement avec elles, là, pour bien identifier leurs besoins.

M. Kelley : Parfait, merci beaucoup. Je veux juste poser une question maintenant sur les renseignements qui existent ou n'existent pas. C'est une chose qu'on a entendue. Il y a un mémoire qui a été déposé par un CIUSSS qui dit, comme, on ne garde pas nécessairement tous les renseignements concernant les enfants qui ont été adoptés. Mais, bref, je veux juste... Si quelqu'un prend le processus, puis on arrive, à la fin, où il n'y a aucune conclusion parce qu'on n'a pas l'information, selon vous autres, est-ce que ça prend, peut-être, un autre type d'enquête, plus indépendante, publique, pour regarder la situation autour de la question de la vérité de ce... qu'est-ce qui a passé sur le territoire du Québec avec les enfants qui ont disparu dans les institutions québécoises?

M. Picard (Ghislain) : Bien, ce que je pourrais peut-être tenter comme réponse ici, puis ça me ramène un peu... pas pour lui jeter l'entièreté de l'odieux, mais la capacité d'enquête qui avait été évoquée un peu plus tôt par le ministre. Et je pense qu'il y a ici une situation qui est tout à fait possible. C'est ce que vous relevez. Et, pour moi, là, c'est peut-être le moment à essayer de saisir l'opportunité de la capacité d'enquête, hein? Et je crois que c'est beaucoup dévolu à vous, M. Lafrenière, comme ministre responsable, jusqu'où on va vraiment faire le test de cette capacité-là, jusqu'où on va aller. Parce que, de toute évidence, on va être confrontés, quand même, à la mémoire des personnes qui sont directement touchées, là, et ça aussi, à mes yeux, ça vaut quelque chose. On ne doit pas, absolument pas, rejeter du revers de la main, parce que ce n'est pas documenté, la mémoire des parents qui ont été directement... ou, dans certains cas, des grands-parents qui ont été directement impactés aussi.

M. Kelley : Merci. Et je ne sais pas, Mme Sioui, si vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, peut-être, la seule chose que j'ajouterais à ça, c'est sûr que ça faisait partie d'un des appels à la justice, là, du rapport d'enquête sur l'ENFFADA, du rapport du Québec. Donc, c'est certain.

Puis, vous savez, sur la question de savoir s'il y a une limite ou non, donc, on n'est pas capables de récupérer certaines informations, on part toujours du principe qu'il faut tout faire pour voir... donc ne pas laisser... ne pas baisser les bras à la première... au premier obstacle qu'on a lorsqu'on ne trouve pas quelque chose, mais de mettre tous les efforts nécessaires pour aller jusqu'au fond des choses. Puis éventuellement, bien, au moment où on trouve cette limite, si on n'a pas toutes les informations, c'est l'importance aussi d'arriver et de pouvoir fournir la raison, le pourquoi on a cette limite-là maintenant.

Donc, il faut essayer de jeter le plus de lumière possible sur les situations qu'on voit, parce que, peu importe qu'on arrive avec une enquête, ou tout autre suivi qu'on peut faire, ou quoi que ce soit, à quelque part, il n'y aura jamais une enquête, ou un processus, ou une information qui va venir réparer tout le tort qui a été fait ou le mal qu'une famille vit, a vécu ou qu'elle va vivre encore.

Puis, tu sais, je reviens avec... Présentement, on essaie de, justement, avancer pour toutes ces familles qui sont affectées sans savoir, en allant plus loin... de trouver, découvrir aussi qu'il y a d'autres familles, peut-être, qui sont affectées par ça. Et, jusqu'à maintenant, on a quand même 17 familles, là, des enfants qui sont maintenant... dont les parents sont décédés et qui n'auront jamais vu cette lumière se faire. Donc, de là l'importance, là, d'aller jusqu'au bout.

M. Kelley : Merci beaucoup. Maintenant, je veux juste poser une question, parce qu'encore ce matin on a eu un témoignage qui était vraiment touchant. On a parlé un petit peu de, si jamais une famille veut récupérer le corps d'un enfant, que c'est très important pour faire une vraie cérémonie.

Alors, juste, si vous pouvez juste expliquer un petit peu votre recommandation 23, et aussi comment le gouvernement peut, peut-être, donner des moyens aussi à des familles. C'est vraiment le gouvernement du Québec qui est responsable pour... excusez-moi pour dire ça, mais de payer pour ça. Ce n'est pas une question de facture, et je pense qu'au minimum, juste... parce que c'est sûr que c'est un processus qui coûte beaucoup d'argent. Alors, juste de peut-être élaborer un petit peu sur la recommandation 23.

La Présidente (Mme D'Amours) : En 50 secondes, s'il vous plaît.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, moi, je dirais tout simplement : Si ça peut contribuer à permettre aux familles de faire un deuil honorable, je dirais... Voilà la réponse, et je pense qu'on n'a pas à se poser la question à ce moment-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Merci. Bonjour à vous deux, «kwe». En fait, ce que vous êtes en train de dire, chef Picard, c'est que, si on fait l'exercice, on va le faire pour de vrai. C'est comme... C'est la première fois que le Québec, là, on a la chance, sur notre propre base, de clencher un processus. La Protectrice du citoyen disait qu'il faut que cette loi soit réparatrice, hein, qu'elle... Bon, tout le nécessaire deuil, toute la nécessaire vérité dont vous faites état, il faut que ça nous amène là, y compris de mettre les moyens si, toutefois, il faille aller jusqu'à l'exhumation.

Mais, ceci étant dit, quand vous dites «le droit à la vérité», qu'est-ce qui... parce que j'ai regardé rapidement vos recommandations, et vous ne nous suggérez pas de changer un paragraphe, ou d'inscrire quelque chose, ou de... Comment on fait ça? Parce qu'on sait que les relations de confiance entre le gouvernement du Québec et les Premières Nations, depuis des décennies, ce n'est pas facile. Ça fait que comment on peut faire ça dans un projet de loi?

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, je sais qu'il y a certainement des aspects, là, qui vont mériter des attentions particulières, mais les recommandations de l'ENFFADA 20 et 21 sont quand même très, très claires, là, sur ce qui doit être fait. Et ce que je me dis, c'est qu'il n'est pas impossible... il n'y a rien qui empêche le gouvernement du Québec, dans un projet de loi qui est le sien, de situer cette question-là dans le contexte de 79, par exemple, à l'intérieur d'un préambule, qui viendrait, en quelque sorte, encadrer un peu la démarche, et, pour moi, là, il n'y a rien d'impossible de ce côté-là. Et vous le dites très bien vous-même, là, c'est qu'on doit tout faire pour aller chercher la vérité, parce que c'est l'honneur des familles et, surtout, la mémoire des personnes qui sont disparues qui en dépendent ici.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

• (14 h 40) •

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Picard, Mme Sioui. C'est tout un rapport que vous nous demandez, et je pense qu'à la lumière des représentations que vous aviez faites à l'époque, lorsque le projet de loi n° 31 voulait vous donner des outils pour aller un peu plus loin...

Vous faites mention, avec vos recommandations, que c'était nécessaire qu'on ait une pièce législative qui couvre l'ensemble des particularités, et là vous arrivez avez plusieurs recommandations. Il y en a une, en particulier, que j'aimerais vous entendre, chef Picard, la 21. Vous recommandez que «le pouvoir d'enquête du ministre soit élargi aux dossiers où les renseignements transmis susceptibles de faire connaître les circonstances ayant entouré la disparition ou le décès d'un enfant s'avèrent incomplets ou présentent des irrégularités». J'aimerais vous entendre sur l'importance d'avoir cette modification-là de la pièce législative.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, ça revient un peu à ce que je tentais d'expliquer un peu plus tôt, puis, encore une fois, j'inviterais Marjolaine, sans doute, à compléter. C'est vraiment là que prend l'importance du pouvoir qui est accordé au ministre, jusqu'où ce pouvoir-là peut s'étendre. Et, pour moi, c'est vraiment le contexte qui doit le guider dans sa démarche, d'où l'importance, comme le relevait Mme Massé un peu plus tôt, là, de... Ce qui doit nous guider, là, c'est vraiment la quête, la quête ultime de vérité, là, hein, indépendamment des circonstances, et, pour moi, là, c'est vraiment une responsabilité qui appartient au ministre responsable.

Je le disais d'entrée de jeu, moi, je ne suis vraiment pas à l'aise de me présenter devant vous aujourd'hui pour... dans le contexte... je veux dire, dans le contexte d'un cadre législatif, hein, qui est discuté actuellement, parce que, écoutez, je me fais l'avocat du diable, je me fais l'avocat des familles, là, et... Tu sais, pourquoi nous mettre devant ces contraintes-là au départ, alors que moi, comme parent, comme grand-parent, je cherche uniquement à savoir ce qui est arrivé à mon enfant il y a, cinq, six, sept, peut-être, voire 80 décennies, là? Et c'est ça qui importe pour moi, et je pense que c'est ce qui doit également guider le ministre dans sa responsabilité.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Sioui, en 25 secondes.

Mme Sioui (Marjolaine) : Oui. Bien, écoutez, sans aller en précision à l'intérieur de ça, c'est qu'on sait très bien présentement que, même si on dirait : La loi s'applique, on va s'assurer que l'accès à l'information va se faire, ou quoi que ce soit, on a eu quand même plusieurs exemples où, des fois, le système administratif met, justement, des enjeux ou des embûches à travers ça.

Donc, ce qu'on veut, c'est de s'assurer que les canaux d'information vont être ouverts et qu'on ne se limitera pas à des enjeux administratifs pour empêcher d'avoir de l'information, là, qui va être donnée aux familles. Donc, c'est vraiment de pouvoir...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Sioui (Marjolaine) : D'accord.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Mme Sioui. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

(Reprise à 14 h 49)

La Présidente (Mme D'Amours) : Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de Femmes autochtones du Québec, Mme Viviane Michel et Mme Miller. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Femmes autochtones du Québec inc. (FAQ)

Mme Michel (Viviane) : «Kwe». (S'exprime dans une langue autochtone) Bonjour, tout le monde, je vous salue, et, évidemment, je remercie le Créateur, et je remercie aussi la nation mohawk de m'accueillir dans son vaste territoire non cédé. Femmes autochtones du Québec est une organisation représentant des femmes vivant en milieu urbain et femmes issues des 10 Premières Nations du Québec. En tant que présidente de Femmes autochtones du Québec, je suis élue par les représentantes et nos membres de ces nations, et donc je parle en leur nom.

La mission de Femmes autochtones du Québec consiste à défendre les droits humains des femmes autochtones et de leurs familles, à la fois sur le plan collectif et individuel, et à faire valoir les besoins et les priorités de ses membres auprès des divers paliers du gouvernement, de la société civile et des décideurs dans tous les domaines d'activité ayant un impact sur les droits des personnes autochtones.

• (14 h 50) •

Femmes autochtones du Québec a d'ailleurs été présente tout au long de l'enquête nationale sur les femmes autochtones et les filles autochtones disparues et assassinées, soit l'ENFFADA. FAQ a recommandé, devant cette enquête nationale, qu'il y ait une commission d'enquête spécifique pour les enfants autochtones disparus. Dans son rapport final complémentaire adressé au Québec, à la page 110, il s'agit de la section sur les enfants disparus. Malgré qu'il ait reçu certains documents, il pose des questions... il pose des questions, dans le rapport, qui n'ont pas encore été répondues. Dans ce contexte, ils font leur appel à la justice 21, qui demande au gouvernement, le gouvernement du Québec, de créer une commission d'enquête.

Le contexte des enfants autochtones disparus. Le phénomène des disparitions des enfants autochtones touche de nombreuses familles au Québec. Le nombre d'enfants ne peut être véritablement établi, bien que Awacak regroupe un nombre de ces familles, mais nous croyons qu'il pourrait y avoir aussi d'autres familles qui ont perdu un enfant qui n'auraient pas participé aux travaux de l'ENFFADA.

Il est important de se rappeler que les disparitions d'enfants autochtones prennent place dans un contexte historique particulier, soit le contexte colonial de la politique d'assimilation du Canada. Cette politique a entraîné la création des pensionnats indiens, reconnus, par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, comme un véritable génocide culturel. Il s'agissait, en réalité, de la volonté du Canada d'assimiler les enfants autochtones et de tuer l'Indien dans l'enfant. Il a été estimé que plus de 150 000 enfants autochtones ont été victimes de pensionnats. Certains y sont morts dans des circonstances douteuses ou d'épidémie. Les parents, souvent, n'étaient pas avisés du décès, ils étaient informés lorsqu'ils s'apercevaient que leur enfant n'était pas retourné à la maison pour l'été.

La politique d'intégration forcée du gouvernement canadien a également donné lieu à la rafle des années 60, avec l'adoption d'enfants autochtones par des familles allochtones, parfois même à l'étranger. Des disparitions d'enfants ont également eu lieu lors des épidémies. De nombreux enfants ont été hospitalisés jusqu'à récemment. Certains étaient envoyés par avion sans leurs parents.

Également, l'ENFFADA, dans son rapport concernant le Québec, à la page 110, considère que les informations en lien avec la disparition d'enfants autochtones devraient être analysées à la lumière du contexte de l'époque, entre 1930 et 1960. Ceux qui sont appelés, plus tard, les enfants de Duplessis étaient des enfants placés dans des hôpitaux psychiatriques ou d'autres institutions semblables sur la base d'un faux diagnostic. Par ailleurs, des recherches sur ce sujet ont démontré qu'il y avait des politiques fédérales, quant au financement, qui avantageaient le transfert des enfants des orphelinats aux hôpitaux psychiatriques. Ce contexte explique le doute... et de méfiance de la part des autochtones envers les institutions politiques et le gouvernement. Bien qu'il est possible que certains enfants soient réellement décédés d'une maladie, pour certains parents, le doute a toujours persisté.

Devant l'ENFFADA, des familles ont témoigné de leurs doutes lorsque l'enfant avait été déclaré mort, avait été envoyé à l'hôpital pour de l'eczéma ou pour du muguet sur la langue. Dans un autre témoignage, le bébé de deux mois parti à l'hôpital avait été déclaré décédé, mais, lorsque le cercueil est revenu, le bébé, à l'intérieur, était âgé d'environ 10 mois. Pour une autre famille, deux de leurs enfants étaient disparus de l'hôpital, et les parents avaient été avisés beaucoup plus tard que leurs enfants étaient décédés. Les parents n'avaient jamais cru à la mort de leurs enfants et ont demandé à leur fille de faire des recherches de ces enfants disparus. Elle a finalement retrouvé les deux enfants à l'Hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul — on parle ici de Mme Françoise Ruperthouse, là — un hôpital pour les déficients intellectuels. Son frère, selon les documents médicaux, est décédé, mais elle a retrouvé sa soeur, qui avait une déficience intellectuelle avancée, alors qu'elle était en santé avant son séjour de l'hôpital.

À la lumière des différents témoignages et études qui allèguent que des expériences médicales nutritionnelles auraient été faites sur des enfants autochtones dans les pensionnats indiens, certaines familles se demandent si c'est ce qui aurait pu arriver à leur enfant qui est disparu.

Au-delà de la quête individuelle d'information, les familles ont exprimé, devant l'ENFADDA, qu'ils veulent savoir pourquoi elles n'avaient pas été dûment informées du décès ou que l'enfant était mourant. Elles aimeraient savoir les raisons pour lesquelles le corps ne leur a pas été retourné, pourquoi l'enfant a été inhumé dans une fosse commune, alors que ces enfants n'étaient pas orphelins ou abandonnés.

Quelles étaient les directives, à cette époque, pour les enfants autochtones? Y avait-il des incitatifs financiers? Quelles étaient les politiques, en lien avec le consentement parental, de ces institutions? Pourquoi est-ce qu'aucun certificat de décès n'était rédigé? Pourquoi est-ce que les familles n'étaient pas avisées par cet hôpital? L'agent indien devait tenir les registres des Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Quelles étaient les directives des hôpitaux ou des agents indiens en ce qui concerne le décès d'un enfant autochtone? Toutes ces questions ne pourraient être répondues par l'obtention des dossiers médicaux ou sociaux spécifiques à un enfant. Il faut, selon nous, une enquête plus approfondie sur les causes historiques et systémiques du traitement des familles en lien avec la perte d'un de leurs enfants.

Le droit de connaître la vérité. Les disparitions des enfants autochtones constituent une violation grave des droits humains, dans un contexte où les proches et les familles des enfants ont droit à la vérité, tel que reconnu par le droit international. Il s'agit d'un droit à la fois individuel, puisqu'il permet d'assurer la sécurité et l'intégrité psychologique des familles, mais aussi un droit collectif, afin d'assurer la non-répétition des violations des droits humains et, ultimement, la réconciliation. Ce droit à la vérité est issu d'un droit international et des principes de droits humains, mais il s'applique au Québec, puisque, dans un état fédéral, celui-ci est lié par le droit international. La sécurité et la... psychologique de la famille sont également des droits protégés par la charte québécoise et la charte canadienne.

À cet égard, Femmes autochtones du Québec considère que le projet de loi n° 79 a un mandat trop restreint et que le phénomène de disparition des enfants autochtones nécessite la mise en place d'une commission d'enquête, qui permettrait de respecter le droit à la vérité en recherchant les causes et les raisons des disparitions et des décès des enfants autochtones. Cette commission devrait être constituée d'une équipe entière indépendante et en majorité autochtone. Pour des raisons de méfiance des peuples autochtones envers le gouvernement, nous avons un malaise que le pouvoir d'une commission d'enquête soit donné au ministère des Affaires autochtones, dans le projet de loi n° 79, qui, en fait, est une branche du gouvernement. FAQ considère également qu'aucune limite de temps ne devrait être imposée.

Commentaires sur le projet de loi n° 79. Selon nous, le projet de loi n° 79 est une mise en place d'une solution bureaucratique à une problématique de violation grave des droits humains. Bien que le ministre, en vertu du p.l. n° 79, va prêter assistance aux familles, cela a pour effet de remettre fardeau de recherche de vérité, encore, sur les épaules des familles.

Même si le projet de loi permet à des membres élargis de faire une demande d'accès, certaines familles pourront quand même se buter, encore une fois, à des refus de la part des organismes, car certaines dispositions de la loi sur l'accès permettent de refuser ce droit d'accès. Ils pourront réviser devant la Commission d'accès à l'information. Qui va payer les frais de représentation judiciaire encore? Toutes ces démarches et procédures, ça prend des années. Également, le pouvoir d'enquête n'intervient qu'à la fin du processus de recherche, ce qui force les familles à faire toute démarche bureaucratique avant cette intervention du ministre, qui est, par ailleurs, un pouvoir discrétionnaire, car, à l'article 13, il est écrit que «le ministre peut, après avoir considéré les démarches effectuées par la personne...»

Si le p.l. n° 79 venait à être adopté tout de même, FAQ souhaite apporter quelques derniers commentaires et ses propositions d'amendements relatifs au projet. Puisque ce projet de loi crée une exception à l'article 6, la famille élargie devrait pouvoir avoir accès aux mêmes documents que les ascendants et les titulaires de l'autorité parentale, à l'article 23 de la loi sur la santé et les services sociaux...

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie, Mme Michel. Nous devons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Kwe», Mme Michel. Écoutez, avec consentement, on peut tout faire dans cette commission. Avec le consentement de mes collègues des oppositions, j'aimerais vous laisser, encore une fois, le bâton de la parole pour terminer ce que vous aviez commencé à dire, parce que le plus important, c'est de vous entendre, aujourd'hui.

• (15 heures) •

Mme Michel (Viviane) : Merci. Ça va me prendre juste deux minutes. Merci beaucoup, j'apprécie.

Bon, même si le projet de loi permet à des membres de familles élargies de faire une demande d'accès, certaines familles pourront quand même se buter... Ça, je l'ai dit.

Également, bon, si le projet de loi n° 79 venait à être adopté tout de même, FAQ souhaite apporter quelques commentaires et propositions d'amendement relatives au projet. Puisque ce projet de loi crée une exception, à l'article 6, la famille élargie devrait pouvoir agir... accès aux mêmes documents que les ascendants et le titulaire de l'autorité parentale, selon l'article 23 de la loi sur la santé et services sociaux, ce qui signifie avoir accès au dossier médical complet pour permettre à la famille de se faire leur propre opinion quant aux informations qui s'y trouvent.

L'article 6 pourrait permettre l'accès au dossier de la mère dans le cas de disparition d'un nouveau-né, ce qui pourrait servir à élucider certaines circonstances du décès.

Également, et pour terminer, également, dans le cas d'un enfant disparu toujours vivant, il serait important d'ajouter la possibilité pour les familles d'expliquer leur version, car dans tout ce contexte historique, l'enfant aurait pu se faire donner des informations fausses.

Nous voulons remercier de l'attention que vous donnerez à nos commentaires dans cette consultation, et l'importance de la guérison et de la vérité pour les familles. Je pense que Femmes autochtones du Québec appuie vraiment la demande des familles. Tshinashkumitin.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. M. le ministre, il vous reste 14 min 30 s.

M. Lafrenière : Tshinashkumitin. Merci beaucoup, Mme Michel. Merci pour votre témoignage, pour vos... pour les informations que vous nous livrez. Vous êtes le dernier groupe qu'on rencontre, et je vous confirme que ce processus est extrêmement important. Lorsqu'on présente un projet de loi, on entend les personnes. On a entendu des familles, vous avez référé à Mme Ruperthouse qui est venue nous rencontrer, et chacun, on a un petit objet devant nous pour nous rappeler pourquoi on fait ce projet-là, parce que c'est avant tout pour les familles. C'est pour ça que je vous ai laissé la parole tantôt, parce que, pour moi, il n'y a rien de plus important que de vous entendre.

Et, dans un projet de loi, le but des consultations particulières, c'est justement d'entendre des recommandations pour amener la meilleure loi possible. Et, tout à l'heure, il y a un petit point que je veux regarder avec vous, vous avez dit : Si le projet de loi devait aller de l'avant... Vous avez fait des suggestions d'amendements et de modifications, et c'est pour ça qu'on est là, mais sinon, est-ce que votre suggestion, à la base, c'était de ne pas aller de l'avant du tout avec le projet de loi?

La Présidente (Mme D'Amours) : Votre micro, Mme Michel.

M. Lafrenière : Ça nous arrive tous deux fois au moins.

Mme Michel (Viviane) : Bon, je vais demander à Rainbow, pour l'aspect, justement, judiciaire, à répondre.

Mme Miller (Rainbow) : Oui. Bonjour, M. le ministre. Merci pour votre question et merci également d'avoir laissé Mme Michel avoir terminé sa représentation. Et j'ai regardé aussi la représentation de Mme Ruperthouse, le 30. J'ai vraiment apprécié votre intervention, c'était vraiment fait avec beaucoup de respect. Je vous remercie pour cette intervention-là.

Oui, effectivement, si vous avez lu notre mémoire, notre... en fait, c'est comme on a fait une suggestion et subsidiairement, nous, effectivement, dans le mémoire, ce qui est écrit, c'est que... ceci est la consultation, en fait, sur des démarches qui sont faites en lien avec l'article... l'appel à la justice 20, 21 de l'ENFFADA, et FAQ avait demandé une commission d'enquête dans son mémoire, et l'ENFFADA a aussi fait cette recommandation-là.

Donc, effectivement, nous, ce qu'on préférerait, ce ne serait pas un projet de loi comme qui est écrit ici parce que, en fait, tu sais, c'est... à l'article 13 on donne les pouvoirs de la commission d'enquête, mais ce n'est pas une commission d'enquête qui est mise sur pied comme les commissions d'enquête classiques ou même comme une commission de vérité ou de réconciliation qui a été faite, au Canada, pour les pensionnats.

Donc, effectivement, notre première recommandation, ça serait d'avoir une commission d'enquête plutôt que de faire une demande d'accès qui, selon nous, est un processus assez bureaucratique, assez lourd pour les familles, parce que, à l'article 13, c'est écrit que le ministre, après avoir vérifié les... toutes les démarches qui ont été faites, là, il peut enclencher le processus d'enquête. Donc, pour nous, s'il y avait une commission d'enquête qui était demandée, eh bien, la commission d'enquête aurait tous ses pouvoirs pour aller chercher tous les documents et faire vraiment une meilleure recherche selon nous. Parce que, des fois, des dossiers, là... moi, j'ai représenté beaucoup de personnes dans les dossiers de pensionnat, des fois, tu peux tout trouver sur un petit détail dans un vieux dossier. Donc, selon nous, ça serait cette manière que les familles pourraient, vraiment, obtenir de l'information.

Évidemment, aussi, une commission d'enquête, c'est public. On a tout le temps la question de l'intérêt public à savoir qu'est-ce qui s'est passé. Parce que, peut-être, dans certains cas, oui, c'était une question... un enfant est décédé d'une maladie. Mais là, à un moment donné, quand on voit dans... comme chez les Innus, je crois qu'il y avait huit enfants. Un moment donné, ça devient un pattern, puis les familles, les communautés, ils ont des doutes. Puis ils ont raison d'avoir des doutes, parce que, si on regarde tout l'historique au Canada, tout ce qui s'est fait, toutes ces pratiques coloniales là, et même dernièrement comme vous avez vu Mme Ruperthouse puis... et ça a été relaté dans le mémoire, elle se demandait même : Est-ce qu'il y a eu des expériences qui ont été faites? Parce que, de plus en plus, il y a des témoignages qui ressortent, des recherches dans les universités qui disent... ils ont trouvé de la documentation où on fait... où on dit qu'il y a eu des recherches médicales faites sur des enfants.

Donc, dans ce contexte-là, pour vraiment que les familles puissent retrouver toute l'information... et ça ne serait pas eux qui devraient faire toutes les démarches, c'est la commission avec ses pouvoirs d'enquête... irait chercher les documents, et, avec des audiences qui seraient publiques, la vérité pourrait ressortir.

Donc, effectivement, oui, ça, c'est notre première recommandation, mais on dit, subsidiairement : Si vous décidez, finalement, que non, ce n'est pas la voix que le gouvernement décide, bien, on a fait certaines... on a mis certains commentaires dans notre mémoire d'aujourd'hui, là, où il y aurait peut-être des ajouts à faire.

M. Lafrenière : Et où on est d'accord sur une chose, vous avez entièrement raison quand vous dites : Le fardeau ne doit pas être sur le dos des familles, puis c'est pour ça... puis ça, ça ne fait pas partie du projet de loi, parce que c'est administratif. C'est pour ça que ce n'est pas une direction de soutien aux familles, puis vous avez raison.

Puis, après avoir entendu Mme Ruperthouse puis avoir entendu d'autres victimes, il faut vraiment travailler avec les victimes. Mais c'est à nous à s'adapter aux victimes et non aux victimes à s'adapter à nous. Et c'est pour ça que je prends votre argument pour l'aspect public. Nous, on l'a analysé à l'inverse en se disant : C'est une possibilité, vous avez raison, mais ça ne devrait pas être une obligation. On ne devrait pas forcer les familles à passer par un processus public. Et dans la vision, puis j'entends votre vision, dans la vision des choses, on se disait : Ce serait peut-être plus aux familles de nous faire comprendre si c'est un processus, s'il y a une partie qu'ils veulent avoir publique ou non, parce qu'il y a peut-être certaines familles qui ne voudront pas passer par là.

Mais ça, je vous ai entendu là-dessus et je le comprends. Je veux aussi vous rassurer en vous disant que le but, l'intention derrière tout ça, c'est d'avoir vraiment une direction de soutien aux familles qui va être forte, qui va venir soutenir les familles, mais avec elles.

Puis justement, dans ce cadre-là, moi, j'aimerais savoir, parce que vous en avez parlé un petit peu, on parle de la guérison, comment supporter les familles, comment être avec eux. Moi, je pense que c'est un rôle qui devrait être partagé, c'est-à-dire de le faire avec et pour les familles, mais comment vous voyez ça, vous? C'est quoi, le genre d'accompagnement que vous avez été à même de donner? Parce que je sais que vous avez travaillé avec Awacak aussi. C'est quoi, l'accompagnement que vous avez donné ou que vous nous suggérez de donner pour ces familles-là?

Mme Michel (Viviane) : Écoutez, à Femmes autochtones du Québec, quand on prend le cas des femmes autochtones disparues et assassinées — je vous invite à aller voir notre site Web, évidemment, l'étude qu'on a faite — on voulait prouver que ces cas de disparition existaient au Québec. Donc, on a fait une étude et, dans l'étude, on se devait de s'asseoir avec les familles. Donc, on a fait des rassemblements de familles, O.K., pour leur donner un espace, évidemment, espace de guérison, espace aussi pour les outiller dans le système judiciaire, dans toutes les démarches qui devaient se faire. Et il y avait toutes sortes d'expériences. On avait des familles qui étaient de plus en plus avancées dans leurs recherches, dans leurs procédures. Donc, c'étaient des échanges aussi de capacités qu'ils pouvaient se donner.

Donc, ça a été... on l'a fait pendant trois ans, M. Lafrenière. On l'a fait pendant trois ans. Ça a été demandé à la demande des familles. Évidemment, c'est bel et bien écrit dans l'étude, minimum une fois par année, on devrait avoir ce rassemblement-là parce que ça nous fait du bien, ça nous outille, etc. Et bon, bien, la game politique est toujours dedans, c'est toujours... à un moment donné, on nous dit : Bon, bien, c'est assez, c'est assez, c'est assez, là, on n'a plus de financement.

Donc, pour la guérison des familles, il faut penser à long terme. Les traumatismes que ces gens-là portent, c'est des traumatismes quand même qui durent depuis longtemps et qui ont besoin de guérison. Une guérison, ce n'est pas avoir une session de guérison une fois. Et pour les avoir entendus, il y a différentes façons aussi d'aller chercher leur guérison. Les familles nous ont bel et bien dit : Ne marchez pas devant nous, ne marchez pas derrière nous, marchons côte à côte. O.K. Et on a toujours respecté ce que les familles nous ont dit.

Donc, voilà ce qu'on a fait pour les familles, mais il y a toujours la game politique dedans, où est-ce que, lorsqu'on veut faire bien les choses, ou qu'on fait bien les choses, puis qu'on atteint quand même des gains, bien, il y a le problème de finance à la fin, le financement.

• (15 h 10) •

M. Lafrenière : Merci. Et je vous entends quand vous dites : On doit le faire par et pour les familles, et c'est l'essence de ce projet de loi. Et je vous dirais que j'ai entendu des familles me dire aussi à quel point il y avait urgence d'agir. Puis vous le dites à la fin de votre document, à la page 20 : Il y a urgence d'agir.

Vous savez, il y a le p.l. n° 31 qui a été déposé. On a bien entendu ce que les familles nous ont dit. On l'a déplacé, on l'a ramené dans un projet de loi autoportant, le 79. Mais moi, a contrario, je me dis : De mettre fin à ce projet de loi et de rapporter plus tard à un autre outil, moi, j'aurais crainte. J'aurais crainte parce qu'il y a plusieurs familles qui me disent : Il y a des parents qui sont décédés sans avoir eu réponse.

Moi, je ne pense pas que le projet de loi n° 79 va donner toutes les réponses. Je vais être bien honnête avec vous, je pense que c'est un premier pas, puis il y a au moins deux groupes qui l'ont dit jusqu'à présent. C'est un premier pas, mais n'est pas une fin en soi. Il va y avoir d'autre travail à faire, j'en suis conscient. Mais moi, ce que je vous lance comme message, je me dis : L'autre danger, si on dit qu'on ne va pas de l'avant, on ne débute pas quelque chose, mais il y a des parents, malheureusement, qui vont nous quitter sans avoir trouvé cette réponse-là. Puis moi, comme père de deux jeunes filles de 11 ans, 13 ans, je ne peux même pas m'imaginer ça une seconde de ne pas savoir ce qui est arrivé à mon enfant, puis ça, je vous l'accorde absolument.

C'est pour ça que vos recommandations sont importantes. Ça va nous demander, comme commission, de se pencher sur vos recommandations de trouver le meilleur projet de loi, mais moi, je pense qu'encore une fois il faut aller de l'avant pour donner des réponses aux parents. Et je veux vous rassurer encore une fois, vous l'avez dit tantôt, ce n'est pas aux familles de faire la bureaucratie et tout, vous avez tellement raison.

Et quand on parle d'une direction de soutien aux familles, je vous l'ai dit, ça va aller jusqu'à remplir les documents avec et pour eux, avec et pour eux. C'est sûr qu'on va tout faire pour trouver cette information-là, et le pouvoir qui sera donné... parce que, souvent, on fait référence, dans le projet de loi, du pouvoir qui est donné au ministre, mais vous comprenez, c'est un pouvoir qui est délégué, là, et ces enquêteurs-là vont avoir le même pouvoir que des gens dans une commission d'enquête pour retourner toutes ces pierres pour trouver l'information pour répondre. Puis par la suite, si on voit que les réponses n'ont pas été obtenues, ou ça nous a guidés sur d'autres choses... parce que, tantôt, Mme Miller vous avez évoqué une piste aussi, hein, à savoir à ce que les enfants avaient pu être envoyés, qu'ils auraient pu être utilisés et tout. Il y a peut-être des choses qu'on va découvrir dans cette enquête-là qui va être faite et il y aura possibilité, après ça, de trouver un autre outil, une autre façon d'adresser ça. Mais moi, je vous dis, en tout respect avec votre position, je pense qu'il y a un gros, gros, gros danger de ne pas commencer à vouloir répondre aux familles sachant qu'il y a des proches qui peuvent quitter. C'était le petit point que je voulais partager avec vous, puis je veux vous entendre là-dessus.

Mme Michel (Viviane) : Bien, évidemment, les acteurs principaux, je dis toujours ça pour les femmes autochtones disparues, assassinées, les familles ont besoin de connaître la vérité, les familles ont besoin de réponses, donc ils ont besoin... l'inclusion est importante, évidemment, l'inclusion des familles. Et il y a tout le processus... O.K., une enquête va faire ressortir justement des faits, une enquête va faire ressortir des vérités. Et, en même temps, moi, j'ai lu, j'ai lu, et je n'ai pas arrêté de lire, j'ai écouté les gens qui ont passé aussi. Et je me suis dit aussi, il y a des gens qui nous ont montré des certificats médicaux, mais sans connaître vraiment qu'est-ce qui est écrit. Il y a des codes que des parents ne peuvent pas comprendre et il y a des codes que seul le secteur médical peut expliquer. Il y a tous ces défis qu'ils doivent rencontrer.

Et, en même temps, je me dis que, si on veut vraiment faire l'atteinte de la recommandation de l'ENFFADA, O.K... à la page 110, comme je l'ai dit, on demande une enquête, on appuie l'enquête, O.K., une commission d'enquête. Et on a appuyé... on vous a suggéré d'inclure, parce que la méfiance, elle est là, on vous suggère d'inclure aussi... On a l'expertise autochtone. On l'a vu avec la commission d'enquête ENFFADA, on l'a vu avec les autres commissions d'enquête aussi. Pour les familles, si vous voulez vraiment donner vérité aux familles, bien, je pense qu'on devrait faire les choses à la bonne façon.

M. Lafrenière : Vous avez raison. Cette réalité-là nous a été mise au visage, j'en parlais plus tôt aujourd'hui, seulement qu'en 2015... 2014, 2015, 2016. Pourtant, c'était une réalité qui existait. Les familles n'en avaient pas parlé parce que c'était trop dur. Et on se devait d'agir. On est rendus en 2021, on doit agir au nom de ces familles-là.

Certains nous ont parlé de commémoration. Je voulais juste vous dire que j'ai bien entendu aussi ce fait-là qui est vraiment important. Mon collègue en parlait plus tôt aujourd'hui, mon collègue de Jacques-Cartier, puis c'est vrai, il faut donner du sens à ce qui s'est passé puis il faut aider... il faut mettre tout en place le processus de guérison.

Je veux vous rassurer, vous avez parlé des documents médicaux, et moi, je vais vous dire ce que ça ne sera pas comme direction d'aide aux familles. Ce n'est pas un centre de référencement ou un centre qui va vous donner un papier que vous ne comprendrez pas. Et je vais vous rassurer en vous disant que j'ai plusieurs médecins retraités, j'ai des gens qui ont travaillé dans le milieu de la santé, j'ai des ex-policiers et des ex-avocats qui ont dit : On est prêts à donner un coup de main pour déchiffrer ce qui va être retrouvé. Parce qu'on veut donner, là... ce n'est pas une information. On veut donner la vérité, comme vous avez mentionné, donner la vérité, donner le maximum d'informations pour que les familles puissent commencer un processus de deuil.

Et je termine en vous disant que moi, je crois fermement que le projet de loi n° 79, c'est un premier pas, ce n'est pas la finalité. Il va sûrement y avoir d'autres choses à faire par la suite. Mais, au nom de ces familles qui attendent depuis beaucoup trop longtemps, on doit avancer, et moi, je pense qu'on doit le faire ensemble. Et vous avez raison, familles... que ça soit Awacak, que ça soit Femmes autochtones, nous sommes des joueurs qui doivent travailler ensemble pour supporter les familles dans une responsabilité partagée, responsabilité partagée pour que les gens en confiance... ils ont déjà un lien de confiance avec vous, et ça, je l'ai bien compris. Puis je vous remercie encore une fois d'avoir été avec nous aujourd'hui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Kwei, Mme Michel. Kwei, Mme Miller. Je veux juste commencer en... dire merci pour votre présentation, bien sûr. Mais j'ai trouvé bien intéressant, dans votre présentation mais aussi dans le mémoire, quand vous avez parlé... le concept en droit de la vérité. Est-ce que vous pouvez juste peut-être faire une suggestion? C'est où la meilleure place pour nous d'encadrer ça?

Et une autre chose que... Merci de répéter pour nous que ce n'est pas juste dans les ententes qui existent aux Nations unies avec le Canada, mais... des accords, mais aussi qu'il y a des choses qui existent dans notre propre charte ici, au Québec et au Canada.

Alors, c'est quoi votre suggestion? C'est quoi la meilleure façon d'incorporer ce droit-là dans ce projet de loi?

Mme Miller (Rainbow) : Viviane, est-ce que tu veux que je réponde? Oui.

Bon, bonjour, M. le député, M. Kelley. Si on dit la meilleure manière, bien, on peut regarder, le Canada a fait une commission de vérité et de réconciliation. Donc, selon nous, c'est un organisme qui a été mis sur pied et qui rencontrerait ces... qui respecte le droit, finalement, aux familles, bien, dans ce cas-ci, c'étaient les pensionnaires, de pouvoir avoir une place où c'était vraiment sécuritaire, c'était culturellement adapté, ils pouvaient aller donner leur témoignage. Et ils ont même créé une banque de données où tous les universitaires peuvent aller fouiller dans les archives. Donc, il y a tout ce côté-là de... historique, où on va se rappeler. Donc, je pense que cette partie-là, c'est important au niveau du droit à la vérité.

Effectivement, le droit international s'applique au Canada. C'est des droits qui sont reconnus partout dans le monde quand il y a une tragédie historique qui est arrivée. Donc, c'est pour ça que le droit à la vérité, c'est... ça va beaucoup plus que de savoir... d'avoir une information spécifique, par exemple, sur un dossier médical, mais c'est de pouvoir connaître tout le contexte. Et, dans ce cas-ci, étant donné que c'était des enfants autochtones, bien, évidemment, il y avait un contexte colonial. Et, quand on parle de la disparition des enfants, ça se peut que ça soit des enfants qui sont même morts d'une maladie, mais ça se peut aussi qu'il y ait eu d'autres choses en arrière. Donc, le droit à la vérité s'inscrit dans tout ce contexte-là.

M. Kelley : Parfait. Merci beaucoup. Et juste une autre question, parce que vous avez travaillé avec les pensionnats, avec... j'imagine, de faire le processus avec le gouvernement fédéral. Je connais une avocate qui a fait la même chose dans la rafale dans les années 60.

Est-ce que vous avez des suggestions pour les fonctionnaires qui vont travailler dans ce dossier-là? Parce que moi, j'ai entendu des fois où le gouvernement fédéral, certains fonctionnaires n'étaient pas hyperagréables, que le processus, les documents, est-ce qu'ils sont vraiment vrais? C'est juste, j'ai entendu ça. Alors, c'est juste un petit peu sur la formation des gens qui vont travailler ça. J'ai bien entendu le ministre qui a dit qu'il va s'assurer que les fonctionnaires sont bien conscients de tout ça. Mais, quand même, est-ce qu'il y a d'autres choses que vous pouvez juste suggérer à nous autres? Si on est capables de rentrer ça dans la loi, bien sûr, mais je sais que ce n'est pas toujours facile et évident avec le gouvernement fédéral.

• (15 h 20) •

Mme Miller (Rainbow) : Bien, évidemment, le gouvernement fédéral, ce sont des fonctionnaires. Il y en avait qui étaient extraordinaires. Je peux vous dire, j'ai travaillé avec des gens que, vraiment, ils comprenaient tout l'aspect de guérison, et d'autres, bien, ils appliquaient vraiment à la lettre. Et ça faisait des fois même des traumas chez mes clients, là. Il y avait des gens, comment qu'ils agissaient, c'était hypertraumatisant, parce que oui, à un moment donné, on appliquait... Bon, moi, j'ai travaillé au niveau des PEI. Ça veut dire les gens devaient faire une audience et expliquer en total tout ce qui leur était arrivé. Mais, dans ces cas-là, des fois, il y avait des cas où vraiment ils posaient des questions, c'était... il y avait vraiment un gros malaise, puis je devais prendre, après, mes clients à part.

Donc, je pense, des formations... puis pas juste deux heures, là, vraiment des formations très longues sur le colonialisme et comment ça a affecté les personnes. Puis aussi, tu sais, au niveau même de comment l'expression, le langage, c'est tellement différent de nous que... Nous, on peut avoir une perception en disant : Ah! bien, il évite la question parce qu'il regarde ailleurs, mais culturellement, ça peut être très, très différent.

Et, au niveau de la documentation, bien, nous, on recevait un paquet avec tout... sur tout l'historique de l'école, mais c'était vraiment problématique quand les pensionnaires devaient démontrer si, oui ou non, ils étaient allés à l'école, parce que des fois les documents avaient été... étaient perdus. On entendait des histoires. Il y a des archives qui avaient été mises même aux poubelles. Les gens, ils ont été les rechercher. Donc, puis là, bien, quand il essayait de dire : Bien oui, j'étais bien là, bien, des fois, il avait une réponse bureaucratique : Bien, tu n'es pas capable de le prouver, «too bad», là, tu sais.

 Ça fait que ça, c'est sûr que c'était vraiment très difficile pour les personnes, parce que c'était tout un trauma aussi. Le fait d'être enlevé de leur famille, c'était un trauma extraordinaire, puis là on est en train de leur dire : Bien, tu n'es même pas allé au pensionnat. Puis, tu sais, bien, moi, je le sais, je suis allée, là, je m'en rappelle très bien.

M. Kelley : Parfait, merci beaucoup.

Mme Miller (Rainbow) : Donc...

M. Kelley : Ah! excusez-moi, c'est... O.K. Juste une autre... je vais chercher mes questions maintenant. Le ministre a dit que ce projet de loi, c'est un premier pas vers la vérité, ça ne va pas donner la vérité à tout le monde.

Alors, la question que ça pose : C'est quoi le deuxième pas? Alors, je reviens un petit peu sur l'enquête publique indépendante. Pourquoi, selon vous autres, les pouvoirs qui sont donnés par... dans ce projet de loi, au ministre puis au gouvernement d'enquêter ne sont pas suffisants? Puis juste une autre chose, est-ce que vous avez un malaise que c'est le gouvernement qui enquête sur le gouvernement? Ça, c'est peut-être un problème, puis peut-être que c'est mieux de créer une institution, une façon qu'on sait plus indépendante des personnes qui font les enquêtes.

Mme Miller (Rainbow) : Viviane, est-ce que tu veux je réponde ou...

Mme Michel (Viviane) : Je vais répondre, Rainbow, merci.

Mme Miller (Rainbow) : O.K., c'est beau, oui.

Mme Michel (Viviane) : Moi, je pense qu'on devrait plutôt cibler une enquête indépendante publique. Respectons aussi le choix des familles, si elles veulent le rendre public ou plus intime. Je pense que... mais il faut vraiment que ça soit une enquête indépendante. Ça me rappelle tout ce qu'on a vécu auprès des femmes autochtones, les commissions d'enquête, le BEI, etc. C'est des policiers qui enquêtaient sur des policiers. Je n'ai pas le goût, moi, encore de revivre ce même processus encore.

Là, on parle des trucs qui se sont passés, les décisions qui ont été prises par l'État fédéral, O.K., envers les enfants autochtones, et là ce serait l'État qui enquêterait sur son propre État? Je pense que j'ai un malaise là-dessus. Il faudrait que ça, ça devienne une enquête vraiment indépendante.

M. Kelley : Et alors, juste, je vais poser une question peut-être sur un format potentiel. De faire quelque chose qui est comme une commission parlementaire à l'Assemblée nationale, gérée par des personnes qui viennent de l'extérieur, un petit peu comme la commission Laurent présentement, pour vous, quand même, ça, ce n'est pas une bonne option, c'est vraiment de faire quelque chose qui est indépendant. Et je sais que vous avez déjà souligné que la majorité des personnes qui siègent sur ce type de commission sont des personnes qui viennent... qui sont autochtones. Mais, quand même, ce format, peut-être, de faire quelque chose qui est plus avec les députés, ce n'est peut-être pas le meilleur véhicule?

Mme Michel (Viviane) : Bien, moi, connaissant... Moi-même, j'ai un horaire chargé, puis je pense que vous aussi, vous avez un horaire chargé. Est-ce que vous serez prêts à être assis là puis à... Les commissions d'enquête durent, quoi, un an ou deux ans. Est-ce que vous serez prêts à être assis là pendant des semaines et des semaines? C'est pourquoi nous, on avait une expertise juridique, parce qu'il y a tellement des trucs juridiques qui doivent être traduits.

Moi, je pense que l'appel doit être fait avec des expertises. On a des expertises juridiques autochtones, on a des juges autochtones un peu partout. On a toute cette expertise-là, qui est vraiment... qui serait vraiment prête. Je pense que... Est-ce qu'on peut nous faire confiance, comme les autres commissions d'enquête ont été faites? Les autres, la CVR, l'ENFFADA, la CURP ont été faites aussi avec une équipe autochtone. On a quand même accompli des choses avec succès, même si les recommandations n'ont pas trop fait l'affaire à Femmes autochtones du Québec.

Mais, dans un certain sens, je pense que ça prend vraiment une commission d'enquête indépendante, là, avec une expertise judiciaire, évidemment, parce que cette commission d'enquête va devoir avoir un certain pouvoir d'aller chercher des documents, d'aller récupérer des documents, faire des demandes. Et, si c'était Viviane Michel qui était assise là, je ne pense pas que j'aurais ce pouvoir-là, je n'aurais pas ce pouvoir d'aller exercer ces demandes-là. Donc, je pense que ça prend du sérieux à quelque part.

Mais, si vous voulez vraiment répondre aux besoins des familles, vous pouvez les soutenir d'une autre façon, vous pouvez les accompagner d'une autre façon pour que les familles gagnent la confiance aussi envers les élus. On a tellement été brisés dans la confiance que vous avez quand même un rôle à jouer à soutenir les familles et à les supporter.

M. Kelley : Merci. Et c'est tellement vrai et juste, parce que, quand même, dans la commission Viens, le rapport qui a été déposé, ce n'est pas juste les recommandations qui, pour moi, sont tellement importantes, mais toute l'histoire qui a été bien documentée puis présentée devant les Québécois. Ça, c'est très important aussi, parce que la vérité est là. Si jamais on veut avoir plus des cours en histoire autochtone au Québec dans les écoles secondaires, bien, c'est tout là. Il y a un bon programme, c'est l'histoire dans la commission Viens. Alors, je suis bien d'accord avec vous que c'est... des fois, c'est important pour nous, comme une société, de documenter qu'est-ce qui s'est passé.

Excusez-moi, Mme Miller, je ne sais pas si vous êtes juste au point de dire quelque chose.

La Présidente (Mme D'Amours) : Il reste 10 secondes.

M. Kelley : Ah! bien, merci beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Massé : Bonjour, mesdames. Kwei. Merci d'être là. Est-ce que je comprends que je dois me battre pour mettre la hache dans ce projet de loi là? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Miller (Rainbow) : Viviane, est-ce que tu veux que j'y aille ou...

Mme Michel (Viviane) : Bien, vas-y, je vais suivre après...

Mme Massé : On a deux minutes, oui.

Mme Miller (Rainbow) : En fait, pour répondre un petit peu, je n'ai pas pu répondre tantôt au ministre Lafrenière, c'est que, oui, ce projet de loi là peut continuer. Et, s'il y aurait une commission d'enquête, bien, oui, ça permettrait les familles d'aller chercher les documents peut-être rapidement. Je ne sais pas... parce que le processus d'accès, c'est long.

Par contre, ce qui me dérange dans ce processus-là, c'est qu'à l'article 13 on donne... 13, 14, 15, c'est là qu'on donne les pouvoirs de la loi sur les enquêtes. Donc, est-ce que ça veut dire qu'on considère que ces articles-là vont rencontrer la recommandation de faire une commission d'enquête? C'est là que c'est problématique.

Si on nous dit : On va faire ça en attendant et on va vous donner une commission d'enquête pour vraiment s'assurer qu'il y a tout le côté historique et que ça soit public, bien, dans ce cas-là, allez-y. C'est un projet de loi qui va permettre aux familles... Mais, si on dit : Non, on ne va pas vous donner de commission d'enquête, il y a... dans les articles, on donne ce pouvoir-là au ministre des Affaires autochtones, bien, c'est là que c'est problématique.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme Michel, pour 1 min 20 s.

Mme Massé : J'aurais peut-être une autre question, Viviane, si tu permets. C'est... Et si Awacak, qui est ce regroupement qui a regroupé les familles puis qui continue à regrouper les familles, était au coeur... était assis à côté du ministre au coeur de l'enlignement, de l'articulation de ce projet de loi là, est-ce que ça améliorerait la confiance de vos gens?

Mme Michel (Viviane) : Au départ, quand j'ai commencé, j'ai bel et bien dit que l'inclusion des familles est vraiment importante. Les familles... Si on n'inclut pas les familles, je pense qu'on ne pourrait pas bien les soutenir, nous. Pour avoir fait des rassemblements des familles, les familles ont toujours eu besoin d'être incluses parce que, des fois, on prend trop la place... publique, mettons, O.K.? Quand il y a des vigies, quand il y a des manifestations, on demande toujours aux gens : Invitez les familles. Ils sont là, ils ont besoin de parler, ils ont besoin de s'exprimer.

Ça fait que je pense que, oui, l'inclusion des familles est autant importante dans tout processus. Ils ont besoin d'entendre, ils ont besoin de mieux comprendre, ils ont besoin d'exprimer leur accord ou leur désaccord. Je pense qu'ils ont besoin de cet espace.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 2 min 45 s.

• (15 h 30) •

M. Ouellet : Merci beaucoup, mesdames, d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes effectivement le dernier groupe qu'on entend et vous êtes le groupe... sans qualifier de virulente, votre approche est quand même cinglante, quant au manque de profondeur dans certains cas ou au manque de moyens qu'on donne à ce projet de loi là pour faire la lumière sur toute la situation qui est passée. Je vous entends bien, j'ai entendu vos demandes, et cette demande d'avoir aussi une commission indépendante est venu d'autres groupes.

Ma question est la suivante. Si le gouvernement ne veut pas aller dans ce sens-là, malgré le fait que la pièce législative n'est pas totalement à la hauteur de vos attentes pour faire la lumière sur ce qui s'est passé, si on avait à mettre le doigt sur une seule chose qui, à votre avis, pourrait vous donner satisfaction dans ce projet de loi là, à quoi les parlementaires devraient s'attarder? Parce que je suis bien conscient, en vous entendant, qu'il y a plusieurs choses qui sont insatisfaisantes pour vous. C'est correct, vous l'exprimez très bien et vous l'exprimez avec émotion aussi.

Mais moi, comme parlementaire, j'aimerais mettre le doigt sur une, une chose, là. Une priorité qu'on devrait s'attaquer pour que Femmes autochtones soit plus confiante dans le processus et sans dire qu'elles y acquiescent à 100 % soit confortable avec minimalement le chemin qu'on est en train de parcourir, ça serait quoi?

Mme Michel (Viviane) : Je vais starter un peu, Rainbow, puis après tu rajouteras. Mais moi, j'ai juste le goût de vous dire : Écoutez, le gouvernement dépense des millions pour mettre des commissions d'enquête sur... on a eu trois commissions d'enquête, O.K., et il y a des recommandations, il y a des solutions qui sont déposées dans des commissions d'enquête. Et, dans la recommandation qu'on est en train de vous faire, d'avoir une commission d'enquête fait partie des recommandations de l'ENFFADA, O.K.?

Je pense que l'État, le gouvernement a quand même une responsabilité, tu sais, de faire la mise en oeuvre des recommandations. Donc, si elle est déjà écrite dans l'ENFFADA, je pense qu'en mémoire pour ces enfants, d'où on ne sait vraiment pas... je pense que vous avez une responsabilité de mettre sur pied une commission d'enquête pour les familles. C'est bel et bien écrit, c'est à la demande des familles, c'est à la demande des autres organisations, dont Femmes autochtones du Québec aussi, c'est à la demande du rapport du Québec, là, O.K., de l'ENFFADA, c'est bel et bien écrit en noir et blanc. Donc, la responsabilité, elle est là. Et je rajouterais Rainbow à ce sujet.

La Présidente (Mme D'Amours) : En cinq secondes, madame.

Mme Miller (Rainbow) : Bon, bien, je suis désolée. Voilà.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est moi qui est désolée. Je suis la gardienne du temps et je dois...

Documents déposés

Avant de conclure les auditions, je veux procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Et je vous remercie pour votre collaboration.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 13 avril 2021, à 9 heures, où elle se réunira pour une séance de travail. Merci.

(Fin de la séance à 15 h 33)

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