Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
jeudi 1 avril 2021
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Vol. 45 N° 74
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission en établissement
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Intervenants par tranches d'heure
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D'Amours, Sylvie
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Lafrenière, Ian
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Kelley, Gregory
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Kelley, Gregory
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D'Amours, Sylvie
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Massé, Manon
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Ouellet, Martin
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Lafrenière, Ian
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Lafrenière, Ian
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D'Amours, Sylvie
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Kelley, Gregory
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Massé, Manon
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Ouellet, Martin
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D'Amours, Sylvie
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Lafrenière, Ian
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Kelley, Gregory
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Kelley, Gregory
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D'Amours, Sylvie
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Massé, Manon
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Ouellet, Martin
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Lafrenière, Ian
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Lafrenière, Ian
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D'Amours, Sylvie
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Kelley, Gregory
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Massé, Manon
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Ouellet, Martin
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D'Amours, Sylvie
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Ouellet, Martin
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-cinq minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Alors, ayant constaté, pardon, le quorum, je déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de poursuivre les consultations particulières et aux auditions publiques
sur le projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication
de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou
décédés à la suite d'une admission en établissement.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) remplace... est remplacé, pardon,
par M. Lamothe (Ungava); Mme Samson (Iberville) est remplacée par Mme Guillemette
(Roberval); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Kelley
(Jacques-Cartier); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques); et Mme Perry Mélançon (Gaspé) est remplacée
par M. Ouellet (René-Lévesque).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous
entendrons par visioconférence les groupes suivants... Il n'y a pas de
remarques préliminaires? Bon, on me dit qu'il n'y a pas de remarques
préliminaires. Je suis attentivement la feuille qu'on m'a donnée. Je vais
tourner la page.
Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de la communauté de Pakuashipi. Et je vais laisser la parole pour
10 minutes pour votre exposé, mesdames. Après quoi, nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole, Mme Mark.
Conseil de bande de la communauté innue de
Pakuashipi
Mme Mark (Mary) : O.K.
Mon nom, c'est Mary Mark. Je suis native de Pakuashipi. Moi, j'occupe le poste
de direction générale pour le Conseil des Innus de Pakuashipi. Ça fait que...
Je fais partie aussi de la famille des enfants qui sont... les 12 enfants
décédés ou disparus qui n'ont jamais revenu à Pakuashipi. Ça fait que moi, j'ai
trois... j'ai deux soeurs puis un frère qui sont décédés ou disparus.
Moi, je vais parler pour... au nom des
parents des familles qui ont perdu leurs enfants, qui ont... ou <décédés...
Mme Mark (Mary) :
Ça
fait que
moi, j'ai trois... j'ai deux soeurs puis un frère qui sont
décédés ou disparus.
Moi, je vais parler pour... au nom des
parents des familles qui ont perdu leurs enfants, qui ont... ou >décédés.
Ce qu'on voudrait, ce que voudraient les familles, c'est d'avoir une enquête
approfondie, une transparence, une enquête qui soit publique.
Deuxièmement, on veut avoir un
accompagnement, support pour cette famille-là pendant et après le processus de
la démarche qu'ils vont faire. L'autre chose qu'on veut avoir aussi, c'est de
faire impliquer un organisme autochtone, soit des médecins autochtones, Innus
ou autres, des personnes, là...
Ce que... L'autre chose qu'on voudrait, c'est
avoir des fonds pour faire un monument mémorial pour ces enfants-là qui sont
décédés dans la même année. Dans cette année-là, je pense, il y en a 12, enfants
qui sont décédés, qu'on n'a pas eu de nouvelles suite à ça. Et aussi, c'est
d'avoir un support, un soutien moral puis aussi avoir des fonds pour qu'on
puisse avoir... engager des professionnels de la santé, genre, comme, par
exemple, des psychologues, des intervenants.
Et aussi, je voudrais mentionner pourquoi
j'ai... pourquoi les parents veulent avoir une enquête approfondie. Parce que
la dernière enquête de la commission qui a eu lieu, on a juste reçu des
certificats de décès et des rapports médicaux du décès non détaillés. Ce qu'on
veut, c'est... On a entendu du monde, des gens de Blanc-Sablon disant que ces
enfants-là sont décédés à cause une erreur de médecine, un soluté qui aurait
été contaminé, un sérum. Ça fait qu'on aimerait ça avoir une enquête plus...
enquêter à l'hôpital qu'est-ce qui s'est passé vraiment. C'est quoi qui s'est
passé? Pourquoi les enfants sont décédés? C'est quoi les causes, les raisons
aussi? On voudrait tout avoir cette information-là.
• (11 h 30) •
Puis quand je dis «on veut que l'enquête soit
publique», c'est d'avoir la <transparence. On veut tout savoir, on veut
voir durant l'enquête. Puis...
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Mark (Mary) : ...cette
information-là. Puis quand je dis, on veut que l'enquête soit publique, c'est d'avoir
la >transparence. On veut tout savoir, on veut voir durant l'enquête. Puis
quand je dis un accompagnement pour un support, la demande des parents, des
familles, il y a la barrière de langue aussi. Il y a le soutien moral aussi
qu'ils vont avoir besoin.
Je vais quand même un peu parler... moi,
je suis née dans les années 1968. J'ai vu la transition... qu'on a vécue
dans une tente vers des maisons. J'ai été hospitalisée, à plusieurs reprises,
dans un hôpital à Blanc-Sablon. Quand j'étais jeune, de un an jusqu'à quatre ans,
j'ai vécu... j'ai été hospitalisée à l'hôpital à Harrington. J'ai resté combien
de mois? Je ne m'en souviens pas. Tu sais, mes parents n'étaient pas là, ils n'étaient
pas... n'étaient pas invités. J'ai resté à l'hôpital, à Blanc-Sablon, pendant
des mois. Je me rappelle d'avoir parti à l'automne, commençait à voir la
rivière qui était gelée. J'ai passé Noël là-bas. J'ai vu le père Noël
là-bas. Après les fêtes, au printemps, je suis revenue chez moi. Je n'ai jamais
eu d'appel de mes parents. J'ai quasiment perdu ma langue aussi puis je pense,
ce temps-là, j'aurais aimé ça parler ma mère au téléphone. Il y avait déjà des
téléphones dans ce temps-là.
Puis je comprends pourquoi qu'est-ce... tu
sais, les enfants, ils ont vécu, pendant ce temps-là, des choses. Pas juste
moi, il y en a d'autres, jeunes qui ont été hospitalisés. Que j'étais dans une
pouponnière... On était beaucoup, on était quasiment, peut-être, sept ou 10
dans une pouponnière. On voyait... ma mère m'avait accompagnée puis elle m'a
laissée parce qu'elle n'avait pas le droit de rester longtemps. Moi, j'ai resté
plus longtemps. Mais mes petits amis autour qui étaient là : Ta mère, elle
s'en va, là, elle s'en va en hélicoptère. C'est juste... c'est toujours... je
sens que je veux partager avec vous.
Je donnerais aussi la parole à Judith.
Mme Morency (Judith) : Merci,
Mary. Je vais me présenter, mon nom est Judith Morency. Je suis psychologue. Je
connais la communauté de Pakuashipi depuis l'année 1996. J'ai passé, à ce
moment-là, deux ans... à peu près deux ans. Après, je suis partie
travailler dans d'autres nations, mais je suis revenue depuis 2005 à
Pakuashipi. Donc là, <ça fait...
Mme Morency (Judith) :
Je vais me présenter, mon nom est Judith Morency. Je suis psychologue. Je
connais la communauté de Pakuashipi depuis l'année 1996. J'ai passé, à ce
moment-là, deux ans... à peu près deux ans. Après, je suis partie
travailler dans d'autres nations, mais je suis revenue depuis 2005 à
Pakuashipi. Donc là, >ça fait 16 ans que je suis là.
Et je suis très, très honorée. Je veux
saluer M. le ministre, messieurs dames les députés puis toutes les personnes
qui nous écoutent, les aînés, les familles ou toutes les personnes qui sont
touchées par cette situation-là. Je suis touchée moi aussi, parce que ça prend beaucoup
de courage pour toucher ce dossier-là. Et ce dossier-là, ce matin, on en
reparlait, c'est la pointe de l'iceberg, là. C'est la pointe de l'iceberg. On
parle des enfants disparus, il y a des enfants qui sont disparus, ils ne sont
pas revenus. Mais, dans la communauté, à Pakua... ailleurs aussi — excusez-moi,
je suis touchée par l'émotion de ma collègue, ici, mon amie — il y a beaucoup
d'enfants qui ont été séparés de leurs parents. Ils sont revenus, mais ils ont
été affectés beaucoup aussi. C'est ça qui me touche maintenant quand Mary
parle, c'est de ça qu'elle parle. C'est de ce qu'il y a en dessous de l'iceberg
des enfants disparus qui est éveillé à chaque fois qu'on parle de ça en vrai
avec les gens. Nous autres, c'est ça...
Donc, les gens ont besoin de savoir
qu'est-ce qui s'est passé, ça, c'est très, très clair. Le premier critère... de
savoir, d'avoir une enquête qui éclaire les circonstances, mais les causes. Il
y a des situations qui ont laissé des doutes extrêmement puissants dans la tête
des gens. Te faire dire que ton enfant de trois ans est décédé parce qu'il
s'est étouffé en mangeant les aliments solides, c'est dur de faire un deuil
après, de concéder que c'est peut-être quelque chose qui a du sens et de faire
un deuil surtout si tu n'as pas pu récupérer ton enfant. Ces parents-là n'ont
pas eu le corps de leurs enfants.
Je ne sais pas si vous avez une idée, une
petite représentation d'à quoi ça ressemble, les cérémonies et la façon des
Innus, Attikameks — peut-être je suis familière avec la nation
innue — d'accompagner la personne dans le monde des esprits, comment
le corps est important. Le corps est présent, le corps est dans la maison, le
corps est touché, embrassé. Il y a une... C'est très, très naturel cette... et
ça fait partie vraiment du processus par lequel les familles vont être capables
d'avancer dans ce processus de deuil là qui est très, très dur. Toutes ces
familles-là ont été privées du corps de leurs enfants. Même quand la mère était
dans l'hôpital, il y a eu une situation... Bien là, son <enfant...
Mme Morency (Judith) :
...
par lequel les familles vont être capables d'avancer dans ce
processus de deuil là qui est très, très dur. Toutes ces familles-là ont été
privées du corps de leurs enfants. Même quand la mère était dans l'hôpital, il
y a eu une situation... Bien là, son >enfant... on lui dit : Ton
enfant est mort, ton enfant est enterré. Elle n'est pas... Elle n'a pas vu le
corps. Elle n'a pas... et on est dans les années 70. Moi, je me demande...
si ça avait été un non-autochtone qui avait vécu ça, il l'aurait eu, le corps
de leur enfant. Je n'en ai jamais entendu parler, d'histoires de
non-autochtones qui ont perdu un enfant puis qui ont perdu le corps, là. Peu
importe où, là, je n'ai jamais entendu ça.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Mme Morency, les 10 minutes sont terminées. M. le ministre, vous avez
16 min 30 s pour les échanges. Mme Morency pourra compléter
par vos échanges. Votre micro, M. le ministre.
M. Lafrenière : C'est la
première fois de la journée. Kwei, à vous deux, mesdames. Avant de prendre la
parole, j'aimerais vous laisser le bâton de la parole, Mme Morency. J'aimerais
vous laisser continuer ce que vous avez expliqué. Avec le consentement de tous
mes collègues, ici, autour de la table, j'aimerais vous donner de mon temps.
Gardez le bâton de la parole, s'il vous plaît.
Mme Morency (Judith) : Merci
beaucoup. J'apprécie. Donc, cet aspect-là est très, très, très important, le
besoin d'avoir une enquête qui fait la lumière sur ces choses-là, non seulement
sur le décès. Moi, je ne questionne pas sur les décès, mais je me questionne
sur comment ça se fait que les corps disparaissent. Ça, c'est intolérable.
Comment se fait-il que ces corps-là sont disparus, s'il y a des corps? Est-ce
que c'est... Est-ce qu'on est dans un scénario où les enfants sont disparus et adoptés
ailleurs? Il y a ces possibilités-là qui apparaissent dans la tête des parents.
On ne sait pas. On ne sait pas ce qui s'est passé. Faire une enquête qui arrive
à un moment donné, qui a un aboutissement, où on se fait dire : Voici, toutes
les pierres ont été levées, nous avons regardé partout, la job est faite comme
il faut, et voici ce qu'on peut vous dire. Ça, c'est une nécessité. Sans ça, c'est
impossible d'avancer. Les parents, après 40 ans, pensent encore que l'enfant
est peut-être encore vivant.
Mme Mark a eu une discussion hier
avec une soeur d'une personne qui est disparue. En parlant du projet de loi
n° 79, la personne a dit : Si jamais on retrouvait ma soeur... Bien,
on va faire attention. Écoutez, ça, je vais peut-être encore pleurer, je vous
préviens. Elle a dit, je me prépare à pleurer, je m'excuse : Si jamais on
retrouve... Si jamais on la retrouve, on va la laisser choisir si elle veut
rester ou aller... ou revenir chez nous. On pense comme ça quand on a un coeur.
On pense comme ça quand on pense que notre soeur est encore <peut-être...
Mme Morency (Judith) :
... on va la laisser choisir si elle veut rester ou aller... ou revenir chez
nous. On pense comme ça quand on a un coeur. On pense comme ça quand on pense
que notre soeur est encore >peut-être vivante. C'est insupportable, ça.
Voyez-vous, la souffrance et la grandeur dans la souffrance? Et c'est ça qu'il
faut favoriser, tous ces mécanismes-là de guérison qui nécessitent la vérité,
pour que cette grandeur-là puis cette résilience immense, là, puissent encore
une fois se manifester.
Cette soeur-là disait : Si jamais on
trouve ma soeur, que je pense qu'elle est peut-être encore vivante, bien, on va
lui dire : Tu peux choisir qu'est-ce que tu vas faire, mais nous, on est
là. Si tu veux rester dans ta vie, c'est correct. Donc, on a besoin de vérité.
Je m'excuse, je ne m'attendais vraiment pas
à vibrer autant que ça.
Le point 1, vérité, information, clarté,
ça, c'est important. Il y a un autre point qui est important, c'est la
reconnaissance publique. Il faut qu'il y ait quelque chose de public à propos
de ce qui va s'être passé là, de ce qui va s'être dit et de ce qui va être
découvert là. Une reconnaissance pour que les gens puissent aussi, à ce même moment
là, sentir qu'il y a un aboutissement et qu'il y a la possibilité là de tracer
une ligne dans le sable où on va dire : Faisons maintenant nos cérémonies,
faisons les cérémonies que nous n'avons pas pu faire. Il y a des familles qui
ont perdu trois enfants, un après l'autre. Ce deuil-là n'est pas résolu...
qu'il faut que tu en fasses un autre, et un autre. Il n'y a pas eu de cérémonie
et il n'y a pas eu d'aboutissement.
• (11 h 40) •
Ça, c'est important. Cet aboutissement-là
doit être nécessairement communautaire et collectif. Ça touche tout le monde,
donc on a besoin d'avoir quelque chose qui est assez large, qui permet aux gens
de s'attacher à ça pour mailler à ça leur processus individuel. Ça, c'est une
autre chose qui est importante.
Dans l'accompagnement, ce n'est pas juste
un accompagnement, je dirais, technique, de dire : O.K., voici, là,
comment on procède pour aller chercher un document. Ça, ils les ont eus, les
documents. Ils les ont eus, les documents, ce n'est pas suffisant. Ils ont besoin
d'un accompagnement aussi. Voyez-vous ce qui émerge? Moi, je suis une aidante,
là, je n'ai perdu personne dans ce monde-là. Voyez-vous qu'est-ce qui traverse...
moi, là, ma personne... on est là-dedans puis on est dans des choses qui
touchent tout le monde profondément.
Et dites-vous bien que, quand on parle des
enfants qui sont partis, puis qui ont été hospitalisés, puis qui sont partis
pendant des mois, Mme Mark parlait d'une pouponnière, ce n'étaient pas des
enfants dans des berceaux, c'étaient des enfants qui étaient tous ensemble dans
un genre de garderie pendant des mois. Les parents n'ont pas de nouvelles
pendant ce temps-là, là, ils ne savent pas ce qui se passe. Tous les enjeux
d'attachement dont on parle aujourd'hui largement, là, on est passés
complètement à côté de la plaque, là. On est dans des enjeux où tout ce qui
favorise des blessures <d'attachement...
Mme Morency (Judith) :
...dans un genre de garderie pendant des mois. Les parents n'ont pas de
nouvelles pendant ce temps-là, là, ils ne savent pas ce qui se passe. Tous les
enjeux d'attachement dont on parle aujourd'hui largement, là, on est passés
complètement à côté de la plaque, là. On est dans des enjeux où tout ce qui
favorise des blessures >d'attachement profondes s'est mis en place
là-bas.
Donc, accompagnement pour la guérison, ça
veut dire des mécanismes, des sous, des moyens, de l'aide de l'extérieur, du
soutien culturel aussi, du soutien, des leviers. Donc, ça, c'est à réfléchir le
comment puis c'est à ajuster, là, selon les besoins. Pakuashipi, ce n'est pas
comme Manawan, ce n'est pas comme à Wemotaci. Ce n'est pas pareil. Ça fait
qu'il faut avoir de la place pour ça avec de la place pour l'ajuster. Donc, ça,
c'est important.
Commémoration, un monument, on discutait
ce matin, peut-être, nous, on voudrait avoir quelque chose, un monument dans le
cimetière au moins chez nous à Pakua, chez eux, à Pakua, pour qu'ils puissent
prier, là, le corps de leurs enfants qui sont on ne sait pas où. À
Blanc-Sablon? Mais il n'y a pas... il y a des personnes qui ne savent même pas
où dans le cimetière. Ça se trouve à Blanc-Sablon. Mais on ne sait pas ce que
les gens vont vouloir non plus. Est-ce qu'une madame va dire : Moi, je
voudrais qu'on aille creuser là où on m'a dit que ma fille se trouve pour
trouver de l'ADN? Peut-être une dame va dire : Moi, je veux ça, et
peut-être pas l'autre. Ça, il va falloir qu'il y ait de la place pour ajuster
selon jusqu'où les gens veulent aller dans le retour dans ces traumas-là.
Moi, j'ai été frappée, en 2015... Je vous
ai dit tout à l'heure, ça fait depuis 2005 que je suis là, puis 1996 avant. C'est
seulement en 2015 qu'on en a parlé de ça. Vous vous souvenez, les pensionnats
indiens, hein, comment ça a fait? Tout à coup, là, on a tous sursauté, la société
canadienne, pour dire : Mon Dieu, qu'est-ce qui s'est passé? On ne le
savait pas. Mais moi, j'étais dans la communauté, puis on n'en parlait pas de
ça. C'est le même phénomène, quelque chose qui est enfoui en dessous, une
blessure qui a touché tout le monde, toutes les familles. Et c'est très, très
petit, là. On parle de toutes les familles, là, on parle de ces familles-là, c'est
tout le monde. Vous venez de ramasser toutes les générations, la génération immédiate
et les enfants. Puis moi, je peux vous le dire, je suis psychologue, je suis
clinicienne, je suis un docteur en psychologie, je suis spécialisée dans les
traumas, les blessures intergénérationnelles, ce n'est pas juste un concept
théorique, là. On les voit, c'est encore là, ça touche l'attachement, ça touche
la sécurité du parent. Tous les enfants qui sont dans les familles et tous les
enfants à venir sont nécessairement affectés par ça. Donc, on a... on travaille
ces choses-là, et les répercussions sont vraiment à tous les niveaux.
Donc, il y a des besoins très, très
importants au niveau de la guérison. La guérison, c'est très dur à faire quand
on n'a pas la vérité. C'est le même processus, hein, c'est les mêmes étapes. C'est la
vérité, la reconnaissance, la reconnaissance des torts, la réparation des torts
pour éventuellement arriver à un mot que j'utilise, qui est la guérison, c'est
une <acceptation...
Mme Morency (Judith) :
...
la guérison. La guérison, c'est très dur à faire quand on n'a pas la
vérité. C'est le même processus, hein, c'est les mêmes étapes. C'est la
vérité, la reconnaissance, la reconnaissance des torts, la réparation des torts
pour éventuellement arriver à un mot que j'utilise, qui est la guérison, c'est
une >acceptation dans le deuil. C'est dur à mettre des mots sur quelque
chose qui est... une blessure qui est si grande que ça.
Je vais m'arrêter là. Merci, M. le
ministre, de m'avoir laissé la place, là, de déployer tout ça, incluant mon
coeur et mon esprit, là. Merci.
M. Lafrenière : Merci à vous,
Mme Morency. Mme Mark (S'exprime dans une langue autochtone), merci beaucoup de
votre témoignage. Puis ça demande... vous l'avez dit, Mme Morency, ça demande beaucoup
de courage, beaucoup, beaucoup de courage pour faire ce que vous faites aujourd'hui.
Mais je dois vous avouer que ça nous aide énormément de vous entendre, parce
qu'au final ce qu'on fait aujourd'hui, ce qu'on a fait mardi, c'est de vous
entendre pour avoir la meilleure loi, la loi qui va pouvoir répondre à vos
besoins. Et ça... Je veux vous remercier.
Et on ne fait pas de remarques
préliminaires, aujourd'hui, mais je vais en faire une petite, remarque, en vous
entendant aujourd'hui. On sait que tout a commencé à Pakuashipi, dans le sens
que, vous l'avez dit tout à l'heure, avant 2015, on n'en parlait pas. Et je
veux souligner le travail de Rémi Savard, d'Anne Panasuk, deux personnes qui
nous ont mis notre réalité en plein visage, qui nous ont mis cette réalité-là
que l'ensemble... j'étais pour dire «les Québécois», mais... l'ensemble des
nations, à un certain moment, la connaissait, mais n'était pas prête à en
parler, peut-être. Puis d'un autre côté, je pense que nous, on avait besoin de
se faire mettre cette réalité-là en plein visage. Puis si on est assis aujourd'hui
autour de cette table, si on parle du projet de loi n° 79,
qui est la suite du projet de loi n° 31, là, qui avait été fait, bien, c'est justement
qu'il y a des gens comme ça qui ont porté ça à notre attention, puis c'est important.
Alors, si vous êtes ici aujourd'hui, c'est
justement suite à ça, puis c'est pour ça qu'on a tous ce devoir... vous avez
parlé de devoir de mémoire, tantôt, vous avez parlé d'avoir un endroit qui
était significatif pour se recueillir, puis ça, je vous ai bien entendues. J'ai
bien entendu, c'est quelque chose auquel je crois. Je vous dirais que, dans ma
carrière passée, j'ai supporté des familles qui avaient eu des pertes, qui avaient
eu des enlèvements, des infanticides, et l'importance de pouvoir avoir un
devoir... de pouvoir avoir cette mémoire-là, de pouvoir aller à un endroit pour
se recueillir est là. Vous avez parlé d'exhumation aussi, à savoir, dans
certains cas, est-ce que les familles vont vouloir une exhumation.
Et, dans le projet de loi, il est
mentionné... mais je veux vous partager un petit peu plus large que le projet
de loi, je veux vous partager ma vision, en quelque sorte, parce que je trouve
ça important aujourd'hui. Ce qu'on veut mettre en place, c'est une direction de
soutien aux familles. Vous avez parlé, dans vos mots... dans la roue de la
guérison. Il y a plusieurs axes à ça, hein? Oui, il y a le soutien, vous avez
parlé... soutien, ça peut être médecins, psychologues, des spécialistes, mais
il y a tout l'aspect ritualité qui est tellement importante chez les Premières
Nations, puis ça, j'en suis conscient. Puis en vous écoutant, en entendant
aussi les groupes que j'ai entendus mardi, ça me fait réfléchir sur comment ça
va prendre place, de quelle façon. J'ai une bonne idée, mais, vous savez, à
tous les jours, on grandit, puis en vous entendant, en entendant vos
témoignages, vous nous faites avancer là-dedans, dans cette réflexion-là de
comment on va le faire.
Vous avez parlé des besoins, puis je vais
arriver avec une question pour vous dans un instant, vous <avez parlé...
M. Lafrenière : ...
en
vous écoutant, en entendant aussi les groupes que j'ai entendus mardi, ça me
fait réfléchir sur comment ça va prendre place, de quelle façon. J'ai une bonne
idée, mais, vous savez, à tous les jours, on grandit, puis en vous entendant,
en entendant vos témoignages, vous nous faites avancer là-dedans, dans cette
réflexion-là de comment on va le faire.
Vous avez parlé des besoins, puis je
vais arriver avec une question pour vous dans un instant, vous >avez parlé
des besoins des familles pour avoir une partie publique, une partie où ils vont
être capables, où ils vont avoir cette capacité-là de témoigner devant les gens
de ce qu'ils ont vécu. Et ça, je veux vous entendre, surtout avec votre rôle de
psychologue, parce que, de la façon que je le voyais, je voyais un libre-choix
pour les familles. Parce que j'ai entendu, puis je n'étais pas à l'ENFFADA, je
n'étais pas à la commission Viens, puis j'ai entendu certaines personnes pour
qui ce n'étaient peut-être pas toutes les familles qui voulaient le vivre de la
même façon. Vous avez dit tantôt : Certaines familles vont vouloir des exhumations,
d'autres pas. Et j'ai cherché une façon de mettre un mécanisme en place pour
que les familles qui veulent aller public, qui veulent justement témoigner de
ce qu'ils ont vécu... parce que, pour eux, c'est réparateur qu'ils puissent le
faire, mais je ne voulais pas que ça soit un passage obligé pour toutes les
familles de le vivre de la même façon. Pour certaines, il y a peut-être... Il
faut s'ajuster. Moi, je ne crois pas au mur-à-mur. Vous avez dit tantôt que les
besoins de Pakua ne sont peut-être pas les mêmes de Pikogan, ne sont peut-être
pas les mêmes de Wilmot. Moi, je crois qu'il faut s'ajuster aux familles, puis
on a parlé mardi dans nos remarques préliminaires... c'est à nous de s'ajuster
aux familles, pas aux familles à s'ajuster à nous, et c'est un petit peu
l'angle que je vois quand je parle d'une direction de soutien aux familles.
Ça m'amène à la question super importante
pour vous. Je vous entends avec le regroupement de familles ou les gens que
vous représentez... On a eu le groupe Awacak, qui est venu nous rencontrer
aussi, et je veux savoir quels sont les liens entre les regroupements de
familles. Est-ce qu'il y a des liens qui sont faits? Est-ce qu'on a fédéré ça? Est-ce
qu'on a un regroupement qui représente la majorité des familles au Québec?
J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, parce que vous allez comprendre que,
pour moi et pour nous, ça peut nous aider pour voir de quelle façon on va être
capables d'amener un soutien, puis surtout d'impliquer les familles là-dedans, parce
que c'est par et pour les familles qu'il faut le faire. On ne va pas le faire
tout seuls.
• (11 h 50) •
Mme Morency (Judith) : Je
peux laisser peut-être Mme Mark répondre à cette question-là.
Mme Mark (Mary) : Bien, je
pense qu'il y a une autre... il y a une association qui a été montée dernièrement
pour les familles Awacak, puis, je pense, ça, ça fait partie de toutes les
nations Attikameks, Innues, Naskapies. Elles sont là-dedans aussi, puis, je
pense, c'est une association pour qu'on se regroupe ensemble, tous les enfants
qui sont disparus. Puis ça, je pense, ce serait important que nous, qu'on
continue cette démarche-là, qu'on ne laisse pas fermer cette porte-là, qu'on
aille chercher d'autre monde aussi, aller chercher d'autres moyens, qu'est-ce
qu'on pourrait aider aux familles, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider
nos parents, nos jeunes, nos familles puis tout ça.
M. Lafrenière : Alors, Mme Mark,
comme vous êtes la mieux placée pour nous guider là-dedans, le Regroupement
Awacak pourrait jouer <un rôle...
Mme Mark (Mary) :
...
aider aux familles, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider nos
parents, nos jeunes, nos familles puis tout ça.
M. Lafrenière : Alors, Mme
Mark, comme vous êtes la mieux placée pour nous guider là-dedans, le
Regroupement Awacak pourrait jouer >un rôle quand on parlait de
direction de soutien aux familles. Puis comme je vous disais, il faut
s'ajuster, il faut que ça réponde aux besoins locaux puis besoins individuels
aussi. Au final, c'est la cellule familiale qui va nous exprimer ses besoins.
Mais de travailler avec un regroupement comme Awacak pour... vous seriez
capable de vous reconnaître là-dedans?
Mme Mark (Mary) : Oui.
M. Lafrenière : Quand vous
avez parlé tantôt de vérité... parce que c'est ce qu'on veut faire, hein? Le
but de cette loi-là, c'est d'aller chercher la vérité. Et j'ai compris aussi,
dans certains mémoires, c'est tous les questionnements à savoir est-ce qu'on va
tout nous dire, puis ça, j'en suis vraiment conscient. Je veux vous le dire,
là, j'en suis vraiment, vraiment conscient. Alors, j'imagine, c'est important
d'avoir des gens qui sont significatifs et qui sont crédibles pour les Premières
Nations pour jouer ce rôle-là.
Mme Mark (Mary) : Oui. Je
pense, c'est d'impliquer aussi les gens qui sont spécialisés là-dedans au
niveau santé ou scientifique, le côté scientifique de pouvoir faire l'enquête
aussi vraiment plus large.
M. Lafrenière : Petit commentaire
aussi, parce que je vous ai entendues, je veux vous dire ce qu'est le projet de
loi, mais surtout ce que ce n'est pas. Ce n'est pas une boîte de référencement.
Ce n'est pas un endroit où on va vous donner une adresse courriel, un numéro de
téléphone en disant : Voici, faites vos démarches. Ce n'est pas ça du
tout, du tout.
L'image que j'aimerais que vous ayez en
tête, c'est : on va vous prendre, on va prendre des familles, on va les
mettre dans la voie puis on va les entourer pour travailler avec eux et avec
elles. Ils font partie du processus, mais la dernière chose qu'on veut, c'est
de vous référencer en disant : Regardez, allez chercher l'information.
C'est un processus qui ne sera pas simple, c'est vrai, mais on veut vraiment
accompagner. Ça peut aller jusqu'à remplir les documents pour les familles.
Et, en prévention, un des travaux qui va
revenir au ministre responsable, c'est de rencontrer les différents organismes,
dont les congrégations religieuses, pour faire de la sensibilisation en disant :
Regardez, ça s'en vient, là, vous allez devoir remettre les documents. Et
tantôt, vous avez donné un bel exemple. Moi, de prendre un document médical
puis de vous dire : Voici le résultat... Écoutez, là, je passe complètement
à côté de ce qu'on veut. Ce qu'on veut, puis je veux vous rassurer...
Mme Mark (Mary) : ...c'est de
savoir aussi pourquoi les corps n'ont pas été ramenés, pour quelles raisons
qu'ils n'ont pas ramenés. On veut savoir cette information-là, parce que mon
grand-père, il est décédé aussi à Blanc-Sablon, le corps, il n'a jamais été
ramené.
M. Lafrenière : (S'exprime
dans une langue autochtone)... à vous deux. Merci beaucoup de votre témoigne aujourd'hui,
merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci, M. le ministre. Merci, mesdames. Maintenant, je cède la parole au député
de Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.
M. Kelley
: Merci, Mme
la Présidente. Mme Mark, merci beaucoup pour votre témoignage aujourd'hui.
Je suis désolé qu'est-ce que vous avez vécu, et votre famille, et les membres
de votre communauté. Mais aussi, Mme Morency, merci beaucoup pour votre
présentation aujourd'hui.
C'est juste une question concernant un
petit peu l'idée d'une enquête ou une <commission...
M. Kelley
: Je suis
désolé
qu'est-ce que vous avez vécu, et votre famille, et les membres de
votre
communauté. Mais aussi, Mme Morency, merci beaucoup pour
votre présentation aujourd'hui.
C'est juste une question concernant un
petit peu l'idée d'une enquête ou une >commission sur la vérité. Je veux
juste savoir comment vous voyez ça. Est-ce que c'est une enquête
indépendante, basée un petit peu comme la commission Viens, ou est-ce que c'est
peut-être plus une enquête faite par le Secrétariat aux affaires autochtones?
Mme Mark (Mary) : Moi, je pense,
ce qu'on voudrait, nous autres, c'est une enquête plutôt neutre dans la
démarche qu'il va y avoir, parce que, quand je regarde l'article, moi, ça ne me
précise pas qui qui va faire cette enquête-là. On ne le sait pas, c'est vague,
on dit : Le ministre a la responsabilité, mais je me dis, ça prend des
gens plus neutres dans cette démarche-là, impliquer aussi des organisations autochtones
aussi.
M. Kelley
: Et je ne
sais pas, Mme Morency, si vous avez quelque chose à ajouter.
Mme Morency (Judith) : Les
familles ont besoin de savoir que, comme je disais, que toutes les pierres ont
été soulevées pour voir. C'est le besoin de savoir puis... une vraie enquête
complète a été faite et de pouvoir attacher ça dans le collectif. Se faire dire
individuellement... on se fait rencontrer individuellement, puis ça s'est fait,
là, parce qu'il y a eu des résultats qui ont été amenés.
Moi, j'ai assisté à des réunions comme ça,
avec des personnes de Pakuashipi qui ont reçu un papier sur lequel c'est écrit :
La fille est décédée, tel jour, telle heure, au crayon-bille, sur un papier. Ça
aurait pu être écrit hier, on ne sait pas, c'est qui, qui l'a écrit. Ce n'est
pas un document officiel, hein... que c'est tout ce qui a été retrouvé, et
voilà, point, ça termine maintenant. Il n'y a rien là pour être capable de
compléter quelque chose. Les familles ont besoin d'avoir un rapport d'enquête
qui dit : Voici tout ce qui a été fait, voici... quelque chose qui atteste
d'une démarche complète et qui l'a faite et comment ça, ils ont besoin de ça
individuellement.
Et quand ces choses-là sont attachées
collectivement... pour être capables de dire : Voici, nous avons fait le
tour pour toutes les familles et voici ce qui s'est passé pour l'ensemble. Ça,
c'est une chose qui est importante, surtout dans le contexte de Pakuashipi, où
on n'est pas dans cette situation-là, au premier événement qui est attaché à de
la colonisation ou... va appeler ça comme ça, et qui leur fait vivre quelque
chose de collectif, mais qui touche individuellement. Là, je fais référence,
pour les personnes qui sont au courant, à la déportation, au début des années
60, quand ils <se sont...
Mme Morency (Judith) :
...
cette situation-là, au premier événement qui est attaché à de la
colonisation ou... va appeler ça comme ça, et qui leur fait vivre quelque chose
de collectif, mais qui touche individuellement. Là, je fais référence, pour les
personnes qui sont au courant, à la déportation, au début des années 60, quand
ils >se sont fait ramasser, mettre sur un bateau, amenés jusqu'à La
Romaine avec un arrêt à Harrington Harbour où ils ont dormi une nuit là. Pour
nous, les Québécois, Harrington Harbour, c'est La grande séduction, on
trouve ça rigolo. Quand on demande au Québécois moyen : Connais-tu
Harrington Harbour?, le monde va dire : Oui, oui, c'est l'île dans le film
La grande séduction. Mais savez-vous que, pour les Innus de Pakuashipi, Harrington Harbour, c'est une île qui est associée à
un événement dramatique, qui est la déportation de tout le village dans un
bateau, dans une cage, jusqu'à Unamen Shipu.
S'il y a un autre endroit au Québec où il
y a une place pour un monument, j'en profite aujourd'hui, c'est à Harrington
Harbour, un monument où on dit : Ici s'est passé quelque chose de
tragique. Et il y a d'autres monuments à mettre, mais ça, là, on aura peut-être
d'autres occasions d'en parler. Mais ça, ça en fait partie. Et cet
événement-là, des enfants qui disparaissent à l'hôpital, ça vient s'attacher à
ça, ça vient s'attacher au père Joveneau, qui est dans la communauté, qui
commet des agressions, hein? Ça s'attache à tout ça. C'est des événements qui
sont collectifs. C'est impossible de régler ces choses-là individuellement avec
la famille X, la famille Y, puis que ça soit quelque chose qui soit suffisant
pour passer à un état de guérison, ou d'apaisement, ou de faire taire des
doutes, et une expérience qui se reproduit puis qui se répète à différents
autres égards. C'est pour ça que ces familles-là ont eu tant de misère à
revendiquer puis à... Quand tu es un Innu à Pakuashipi dans ces années-là, là,
puis ton enfant est à l'hôpital à Blanc-Sablon, là, tu appelles une fois, tu
appelles deux fois, tu demandes à quelqu'un d'autre d'appeler, bien, à un
moment donné, tu arrêtes parce que c'est juste ça qu'on te demande de faire :
Arrête de réagir, arrête de te battre, hein, arrête, chut, tais-toi, là.
Mais heureusement, on est ailleurs. Là, on
est dans une commission qui s'intéresse à ça, on s'intéresse beaucoup
collectivement à la sécurisation culturelle. Si on voyage aux antipodes de ça,
on est dans la bonne direction, là. J'espère que j'ai répondu à votre question.
• (12 heures) •
M. Kelley
: Non,
non, vous avez répondu, et merci beaucoup à vous deux pour vraiment mettre sur
la table l'idée d'une commémoration, comment on peut faire ça, parce que c'est
important pour une société. Juste dehors de l'Assemblée nationale, il y a la
Croix du Sacrifice qu'on trouve partout au Canada pour les soldats de la
Première et Deuxième Guerre mondiale, qu'on a ajoutée après ça. Et ces mêmes...
ces choses comme ça sont importantes pour une société de ne jamais oublier. Et,
je pense, dans ce cas ici, c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de Québécois qui
savent qu'est-ce qui est arrivé avec les enfants disparus au Québec et, quand
même, au <Canada. Alors, merci...
>
12 h (version révisée)
<17951
M.
Kelley
: ...la Première et
Deuxième Guerre mondiale,
puis on a ajouté après ça. Et ces mêmes... ces choses comme ça sont importantes
pour une société de ne jamais oublier. Et, je pense, dans ce cas, ici, c'est
vrai qu'il n'y a pas
beaucoup de
Québécois qui savent
qu'est-ce
qui est arrivé avec les enfants disparus au Québec et, quand même, au >Canada.
Alors, merci de mettre ça sur la table, parce que je pense que ça, c'est quelque
chose... Comme un gouvernement et comme des législateurs, on peut faire une
bonne réflexion de faire un site de commémoration puis s'assurer que c'est fait
en respect des différentes nations autochtones, peut-être partout sur le
territoire aussi. Alors, merci beaucoup pour ça.
Et je veux juste poser une question
encore. Je sais que mon temps file, mais on a eu un mémoire qui a été déposé
par un des CIUSSS et les services pour la protection à la jeunesse Batshaw,
anglophones. Mais ils ont présenté des suggestions pour l'accompagnement des
familles, que j'ai trouvé un petit peu intéressantes, avec leurs expériences, parce
que, quand même, l'Assemblée nationale a changé la loi pour tous les Québécois,
d'avoir l'accès à le nom d'un enfant qui a été adopté, puis ils ont fait juste
des suggestions.
Alors, juste encore des précisions. Quels
services, selon vous, sont tellement importants pour faire ça en respect... et
les cultures autochtones? Parce que nous avons des suggestions et des pratiques
présentement utilisées pour les Québécois, mais je veux savoir l'importance de
vraiment faire ça en respect des peuples autochtones du Québec, et c'est
psychologique ou... quand même, juste tout le processus du début à la fin.
Mme Morency (Judith) : Je
pense que je vais laisser Mary commencer là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Mark (Mary) : Tu parlais
tantôt, la protection de la jeunesse, tu veux dire, les nouvelles lois qui vont
être adoptées ou...
M. Kelley
: Non, c'est
juste, on a déjà adopté... en 2017, on a changé les lois du Québec pour donner
le droit à tous les Québécois d'avoir plus l'accès à l'information concernant
un enfant qui a été adopté, d'avoir l'information où ils sont maintenant, avec certaines
réserves, si les personnes disent oui ou non. C'était un changement de nos lois,
parce que ça n'a pas existé avant. Mais ça arrive quand tout ce processus est
tellement... c'est difficile pour la famille et, des fois, aussi, pour la
personne que quelqu'un cherche l'information.
Alors, la question, c'est juste :
Comment on peut s'assurer qu'il y ait un bon accompagnement des personnes qui
veulent chercher l'information sur quelqu'un qui est disparu, et, particulièrement,
l'élément psychologique?
Mme Mark (Mary) : Moi, je
pense que si, mettons... mettons que dans certains enfants qui sont disparus
puis décédés, je pense que le parent a le droit d'avoir de l'information si
l'enfant est encore vivant ou adopté par quelqu'un d'autre. Puis, je pense, la
plupart des parents sont très ouverts, si les personnes sont retrouvées ou bien
ils ne veulent pas revenir dans leur propre... familial. Leur <père...
Mme Mark (Mary) :
...vivant ou adopté par quelqu'un d'autre. Puis, je pense, la plupart des
parents sont très ouverts, si les personnes sont retrouvées ou bien ils ne
veulent pas revenir dans leur propre... familial. Leur >père biologique
ou la mère biologique, je pense, sont très ouverts à ça, à accepter. Mais il
faudrait aussi, je pense, aider ces parents-là, puis qu'on ait l'information quand
même si l'enfant est adopté. On aimerait ça savoir si l'enfant...
Moi, j'ai un ami... Suite à l'enquête
d'Anne-Marie Panasuk, j'ai eu un courriel, sur Facebook, comme quoi, les
enfants, ils ont été adoptés chez elle dans le coin de Baie-Trinité, dans ce
coin-là, deux enfants qui ont été adoptés, qui sont nés dans les
années 70, mais qui ne veulent pas revenir... il ne veut pas... ils ne veulent
rien savoir de savoir qui sont leurs parents, qui sont leurs... Ça, quand j'ai
eu ce message-là, ça... vraiment, je voulais savoir si... j'ai dit : Qu'est-ce
qu'elle fait maintenant, cette personne-là? Elle me dit : Une qui vit à
Montréal, puis l'autre vit dans son coin, pas loin de Baie-Trinité, je ne me
rappelle plus le nom du... Forestville, quelque chose de même.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci beaucoup. Donc, je vais maintenant céder la parole à la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques. Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Massé : Merci.
Bonjour, mesdames. Merci d'être là, merci pour votre apport, vos témoignages et,
surtout, je dirais, les mots que vous utilisez pour nous aider à comprendre qu'on
ne peut pas manquer ce rendez-vous-là.
Ce que je comprends, Mme Mark,
Mme Morency, de vos propos, c'est que les traumatismes — et vous
avez parlé de ceux, particulièrement, à Pakuashipi, mais, de façon générale,
pour les Premières Nations, les Inuits — les impacts du colonialisme,
là, à travers les enfants, qui sont, avec les aînés, le trésor des communautés,
on ne peut pas manquer notre coup. Moi, j'entends ce message-là. Et ce que j'ai
entendu, c'est : Vous avez besoin de vérité. Je pense que, là-dessus, on
s'entend, tout le monde ici, et qu'on va tout faire pour que ce soit le cas.
Mais vous avez dit quelque <chose...
Mme Massé :
Moi,
j'entends ce message-là. Et ce que j'ai entendu, c'est : Vous avez besoin
de vérité. Je pense que, là-dessus, on s'entend, tout le monde ici, et qu'on va
tout faire pour que ce soit le cas.
Mais vous avez dit quelque >chose
d'important, c'est le doute qui subsiste, puis ça n'a rien à voir avec le ministre
actuel, j'en suis convaincue, c'est le doute qui subsiste que, si ce n'est pas
indépendant du gouvernement du Québec ou indépendant du Secrétariat aux
affaires autochtones, on va faire tout l'exercice, mais il va persister le
doute. J'aimerais savoir si j'ai bien compris que, dans le fond, c'est... et ça
n'a rien à voir avec le ministre, mais ce qu'on a besoin, c'est une enquête
indépendante. Mme Mark, j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît.
Mme Mark (Mary) : Je pense
que tout le monde mérite la neutralité et la transparence quand tu perds un
enfant, que tu n'as pas toutes les informations. Puis, je pense, une enquête
indépendante, ce serait idéal aussi, ce serait idéal aussi de nous faire partie
dans cette démarche-là. Nos membres... Nous, comme membres, nous, comme
autochtones, et nous, autres nations, ils ont des spécialités aussi.
La Présidente (Mme D'Amours) :
...je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. C'était chargé
d'émotion et de vérité. Je partage votre douleur et j'espère que, peu importe
comment les parlementaires arriveront, à la fin, lors de l'adoption de ce projet
de loi, minimalement, il vous offrira des réponses.
J'aimerais peut-être avoir certaines
précisions de votre part. Dans le processus actuel, il est proposé que les gens
soient accompagnés et qu'on aurait une direction qui s'occuperait, effectivement,
de vous accompagner, mais du côté d'un bureau à Québec. Est-ce que vous
aimeriez... Pour guider, pour recevoir les familles, est-ce que vous aimeriez
avoir une personne-ressource dans chaque communauté, par exemple, un
travailleur social, idéalement, peut-être, un membre issu de votre nation, pour
vous aider à cheminer à travers les prochaines démarches qu'ils ont à faire? Est-ce
que ça, ce serait utile pour vous? Est-ce que ce serait nécessaire qu'on mette
ça en place?
Mme Mark (Mary) : Oui, je
pense que c'est un... quelque chose... c'est un besoin dans chaque communauté,
pas juste uniquement Pakua, puis les autres communautés aussi. Je pense que c'est
un grand besoin d'avoir un soutien <moral...
M. Ouellet :
...
qu'on mette ça en place?
Mme Mark (Mary) :
Oui, je pense que c'est un... quelque chose... c'est un besoin dans chaque
communauté, pas juste uniquement Pakua, puis les autres communautés aussi. Je
pense que c'est un grand besoin d'avoir un soutien >moral auprès des
intervenants, ou des psychologues, ou... tu sais, un lieu de rassemblement
aussi, pour nous autres, d'avoir une maison, un lieu de rassemblement qui va
faciliter, les parents, de se réunir aussi.
M. Ouellet : Donc, ce
que vous nous dites, il ne faut pas que cette démarche soit faite seule. Cette
démarche a un impact et aura un impact pour la famille touchée, la famille
endeuillée et la communauté. Donc, ce que vous nous invitez à avoir, c'est qu'il
y ait de l'accompagnement, mais qu'il y ait aussi un lieu pour permettre cette
mise en commun, dans certains cas, pour améliorer les conditions du deuil qu'il
y aura à faire, mais pour partager aussi, dans certains cas, peut-être, des
histoires plus heureuses quant aux réponses que vous aurez obtenues. Donc, vous
avez besoin de bâtir, dans les communautés, ce cercle d'amitié ou ce cercle
d'échange qui vous permettrait d'avoir encore plus confiance dans les
prochaines étapes à franchir. C'est bien ça?
• (12 h 10) •
Mme Mark (Mary) : Oui, c'est
bien ça.
M. Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Je pense que mon temps est écoulé.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Oui. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
>
(Reprise à 12 h 14)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Protecteur du citoyen.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi, nous procéderons à la période d'échange entre les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.
Protecteur du citoyen
Mme Rinfret (Marie) : Merci.
Mon nom est Marie Rinfret, je suis Protectrice du citoyen. Mme la Présidente de
la Commission des relations avec les citoyens, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés de cette commission, je vous présente la personne qui m'accompagne, Mme
Chloé Corneau, coordonnatrice aux enquêtes en administration publique et
responsable de ce dossier. J'aimerais également souligner l'étroite collaboration
dans ce dossier... Mme Natacha Tanguay, conseillère aux relations avec les Premières
Nations et les Inuits au Protecteur du citoyen, qui n'est pas avec nous aujourd'hui.
Je remercie la Commission des relations
avec les citoyens d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations
sur le projet de <loi...
Mme Rinfret (Marie) :
...Mme
Natacha Tanguay, conseillère aux relations avec les
Premières
Nations et les Inuits au
Protecteur du citoyen, qui n'est pas avec nous
aujourd'hui.
Je remercie la
Commission des
relations avec les citoyens d'avoir invité le
Protecteur du citoyen à
participer aux
consultations sur le
projet de >loi
n° 79, Loi autorisant la communication de renseignements
personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite
d'une admission en établissement. Je rappelle brièvement que le Protecteur
du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un
ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec, ou encore, d'une
instance du réseau de la santé et des services sociaux. Il veille aussi à
l'intégrité des services publics en traitant les divulgations qui s'y
rapportent. Lorsqu'il le juge d'intérêt public, le Protecteur du citoyen
propose des modifications à des projets de loi ou de règlement.
C'est à ce titre que je présente,
aujourd'hui, à cette commission, mes commentaires et ma recommandation
concernant le projet de loi n° 79. Du fait de notre mandat, nous accordons
une attention particulière aux personnes susceptibles de vivre des situations
de vulnérabilité ou d'inéquité. Alors qu'il est ici question d'événements
douloureux touchant des personnes, et particulièrement des enfants et des
familles issus des Premières Nations et Inuits, l'existence de telles
situations vécues par ces communautés et ces familles ne peut être ignorée. Le
rapport de la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et
certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès et
celui de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues
et assassinées, auquel il fait écho, en ont d'ailleurs fait état ces dernières
années.
Soulignons d'abord que le projet de loi
n° 79 reprend des amendements qui avaient été introduits au projet de loi
n° 31, Loi modifiant principalement la Loi sur la pharmacie afin de
favoriser l'accès à certains services, au moment de son étude détaillée. Ces
amendements introduisaient de nouveaux articles autorisant la communication de
renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou
décédés à la suite d'une admission dans un établissement de santé et
modifiaient, du même coup, le titre du projet de loi pour refléter cet ajout.
En a résulté un projet de loi hybride, Loi modifiant principalement la Loi sur
la pharmacie afin de favoriser l'accès à certains services et autorisant la
communication de renseignements personnels concernant certains enfants
autochtones disparus ou décédés à leur famille. L'ajout des articles 5.1 à
5.6 au projet de loi n° 31 visait à répondre à l'appel à la justice
n° 20 du rapport complémentaire sur le Québec de l'ENFFADA, qui demandait
au gouvernement du Québec de remettre aux familles autochtones toutes les
informations dont il dispose concernant les enfants qui leur ont été enlevés
suite à une admission dans un hôpital ou tout autre centre de santé au Québec.
Le 19 décembre <2019...
Mme Rinfret (Marie) :
...
sur le Québec de l'ENFFADA, qui demandait au gouvernement du Québec
de remettre aux familles autochtones toutes les informations dont il dispose
concernant les enfants qui leur ont été enlevés suite à une admission dans un
hôpital ou tout autre centre de santé au Québec.
Le 19 décembre >2019,
je suis intervenue au sujet du projet de loi n° 31. J'ai alors salué la
volonté du gouvernement du Québec ainsi que celle des députés de tous les
partis représentés à l'Assemblée nationale de se mettre rapidement en mouvement
pour répondre à cet appel. Néanmoins, je regrettais que cette volonté de
procéder rapidement ait eu pour conséquence de ne pas permettre aux Premières
Nations et aux Inuits, et ainsi qu'à leurs représentants, représentantes, ou à
toute autre instance, comme le Protecteur du citoyen, d'être entendus par les
parlementaires sur ces propositions législatives de nature extrêmement sensible
pour les familles concernées.
J'avais alors formulé six recommandations,
qui se résument, essentiellement, en trois demandes. Premièrement, que les
articles en cause soient retirés et qu'un projet de loi distinct soit présenté,
après consultation des Premières Nations et des Inuits, pour répondre
adéquatement à leurs besoins et à l'appel à la justice n° 20
du rapport complémentaire sur le Québec de l'ENFFADA. Deuxièmement, que le
nouveau mécanisme d'accès aux renseignements personnels fasse preuve
d'accessibilité, de transparence et d'imputabilité, en prévoyant notamment un
recours en révision à la Commission d'accès à l'information, un régime d'examen
des plaintes et une reddition de comptes annuelle. Troisièmement, que l'accès
aux renseignements personnels pour les familles visées soit facilité par une
campagne de communication au sujet du nouveau mécanisme d'accès et par un
accompagnement des familles qui soit culturellement sécurisant.
Les amendements au projet de loi n° 31
ont été retirés au moment de l'adoption finale de ce dernier, le
17 mars 2020. J'accueille, aujourd'hui, favorablement le projet de
loi n° 79, qui répond aux recommandations que j'ai formulées en 2019 ainsi
qu'à l'appel à la justice n° 20 du rapport de l'ENFFADA. Rappelons qu'il
est ici question de rendre accessibles des renseignements personnels, notamment
détenus par les établissements de santé, concernant des enfants disparus ou
décédés.
Le projet de loi n° 79 ayant pour
objectif de permettre aux familles de faire la lumière sur les faits entourant
ces disparitions, il est impératif que la solution qu'il propose tienne
réellement compte de leurs besoins. À ce chapitre, je suis satisfaite que la
contribution des représentants et des représentantes des communautés autochtones
soit sollicitée à l'égard du projet de loi, qui aborde de façon spécifique une
réalité dont elles seules peuvent prendre la pleine mesure. Cela leur donne la
voix qui leur revient, au moment opportun, dans le cadre de ces travaux
parlementaires.
• (12 h 20) •
Toutefois, je réitère l'objection émise
lors de mon intervention sur le projet de loi n° 31 quant à l'imposition
d'une limite de cinq ans au dépôt d'une demande de renseignements relatifs à un
enfant autochtone disparu ou décédé. S'il est un domaine où le facteur temps
doit être aboli, c'est bien dans ce contexte précis, <où la...
Mme Rinfret (Marie) :
...lors de mon intervention sur le
projet de loi n° 31 quant à
l'imposition d'une limite de cinq ans au dépôt d'une demande de renseignements
relatifs à un enfant
autochtone disparu ou décédé. S'il est un domaine
où le facteur temps doit être aboli, c'est bien dans ce contexte précis, >où
la souffrance s'étale dans le temps et fige souvent la capacité des familles
endeuillées à entreprendre des démarches administratives.
Compte tenu de l'objectif visé par ce
projet de loi, je soutiens que la possibilité d'avoir accès aux informations
relatives à un enfant autochtone disparu ou décédé ne devrait pas être limitée
dans le temps. Le mécanisme d'accès aux renseignements personnels proposé aux
familles doit envoyer un message sans équivoque, qui affirme la volonté du
gouvernement du Québec de participer activement au processus de réconciliation,
et ce, de façon pérenne. J'en fais donc une recommandation. De plus, je tiens à
souligner l'importance, dans ce dossier, d'encadrer ce mécanisme d'accès à
l'information de mesures culturellement adaptées pour accompagner les familles
concernées.
Les directives administratives qui
permettront l'application de ce projet de loi n'ont pas encore été élaborées,
et, à ce titre, nous demeurerons vigilants afin de nous assurer qu'elles
facilitent l'accès à l'information afin de répondre aux besoins des familles
visées. Conformément à notre mandat, nous pourrons traiter certaines plaintes
relatives à une décision découlant de ce mécanisme. Dans tous les cas, les
personnes insatisfaites des services rendus peuvent toujours se tourner vers
nous, et nous saurons les diriger vers la bonne ressource, le cas échéant.
En conclusion, j'estime que le projet de
loi n° 79 est un pas dans la bonne direction vers une plus grande
ouverture aux besoins particuliers des personnes issues des Premières Nations
et Inuits et de leurs communautés. L'on ne peut qu'espérer que ce projet de loi
visant à amoindrir la douleur des familles touchées par la disparition d'un
enfant soit une mesure parmi plusieurs autres à venir qui, sans pouvoir
corriger les erreurs du passé, permettront à notre société de bâtir un futur
plus inclusif et solidaire, fondé sur le respect, la confiance, la justice et
l'équité. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Comme nous avons repris nos travaux
avec quelques minutes de retard, je demande votre consentement afin de
poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue. Est-ce que j'ai consentement?
M. Lafrenière : Consentement.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Donc, nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le
ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Lafrenière : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mme Rinfret, Mme Comeau, merci d'être avec
nous aujourd'hui, étape très, très, très importante pour notre projet de loi, et
je vous remercie pour les commentaires que vous venez de formuler. Ça va nous
aider dans nos travaux.
J'ai une première question pour vous.
Avant de passer à la direction de soutien aux familles, parce que c'est ce que
vous faites au quotidien, quand vous recevez des demandes, vous êtes en
première ligne en lien avec les familles, alors je vais vous demander <de
me...
M. Lafrenière : ...
étape
très, très, très importante pour notre projet de loi, et je vous remercie pour
les commentaires que vous venez de formuler. Ça va nous aider dans nos travaux.
J'ai une première question pour vous.
Avant de passer à la direction de soutien aux familles, parce que c'est ce que
vous faites au quotidien, quand vous recevez des demandes, vous êtes en
première ligne en lien avec les familles, alors je vais vous demander >de
me partager votre expertise un petit peu. Mais, avant ça, pour le délai de cinq
ans, j'aimerais vous entendre, parce que vous n'êtes pas la première personne à
nous en parler, puis je suis très, très, très sensible à ça. Vous comprenez
que, d'un côté, on déroge à certaines lois en vigueur, au niveau de la loi
d'accès à l'information, même au niveau du Code civil, dans certains cas, quand
on parle des adoptions, et on nous a demandé de circonscrire dans le temps, là,
l'ouverture de cette brèche. Mais je comprends très bien le message, cependant,
que vous me dites là, quand... Puis il y a certains groupes qui nous ont dit
que, pour eux, là, ça leur mettait une pression. Je l'entends.
Je vous demanderais votre opinion
là-dessus parce que... Puis le but, ce n'est pas de «bargainer» un temps, là, ce
n'est pas ça que je veux savoir du tout. J'essaie de trouver une solution, bien
honnêtement, qui me permet de répondre à des considérations qui sont très
légales, qui sont loin des réalités des gens qui en ont vraiment besoin, de se
faire aider puis d'être entendus, d'envoyer un message fort. Je comprends. Je
comprends ce que vous me dites, là. Je me demande si vous avez réfléchi à cet
enjeu-là, parce que, comme je vous le dis, on déroge à la loi d'accès, au Code
civil et on nous demande... on nous dit qu'on ne peut pas laisser ça ouvert,
là, sans prescription, sans délai quelconque. Mais il faut envoyer un message
très clair aux familles aussi qu'ils ne sont pas... on ne les met pas, là, dans
une machine qui va aller plus vite qu'eux. Ça, j'aimerais vous entendre un peu
là-dessus.
Mme Rinfret (Marie) : Je suis
tout à fait consciente de l'importance, en certaines matières, d'encadrer
l'exercice d'un droit comme celui de faire une demande d'information ou de renseignements,
et, à cet égard-là, ça peut, effectivement, offrir une stabilité juridique. Maintenant,
en matière de recherche de vérité à l'égard de familles dont les enfants sont
disparus depuis... on a entendu, vous avez entendu des témoignages, là, on
parle des années 1956, 1957, même avant, et où les familles commencent à peine
à en parler. On apprend... Il y a une gêne qui est associée à cette souffrance
d'avoir perdu un enfant.
Et le parallèle que je vais vous faire, M.
le ministre, est celui-ci. Tout récemment, l'Assemblée nationale a aboli le
délai de prescription, qui en était un de 30 ans, qui permettait aux
victimes d'agression sexuelle ou aux femmes et enfants victimes de violence
d'intenter un recours civil. Et, à la suite des expertises que vous avez eues,
des échanges, et surtout, des messages des personnes qui vivent ces <situations...
Mme Rinfret (Marie) :
...aux femmes et enfants victimes de violence d'intenter un recours civil. Et,
à la suite des expertises que vous avez eues, des échanges, et surtout, des
messages des
personnes qui vivent ces >situations-là, où, vraiment,
leur situation est extrêmement souffrante, on ne doit pas imposer un délai pour
leur permettre d'obtenir la... Ici, on parle de vérité en matière d'agression
sexuelle. C'est une réparation en matière civile. Bien sûr, il y aura des
enjeux, à savoir si les documents existent, en raison de l'écoulement du temps,
mais il ne faut pas que l'écoulement du temps devienne un refus d'obtenir les
informations qui existeraient encore pour ces familles.
Un autre exemple que je vais vous donner,
c'est celui des orphelins de Duplessis, où, au moment où le programme
d'indemnisation a été adopté, en 2006, il prévoyait un délai, et ce délai a été
prolongé, par décret, d'année en année, pour, finalement, le 15 décembre 2010,
décréter que toute demande était admissible même si elle avait été reçue après
décembre 2009, sans prévoir de date de fin. C'est donc dire que les orphelins
de Duplessis peuvent encore, aujourd'hui, déposer des demandes en vertu du
programme d'indemnisation.
Or, on est ici... Je fais un peu le
parallèle avec ce que vivent les familles et, à cet égard-là, je ne vois pas en
quoi un délai de cinq ans peut offrir une stabilité juridique à l'État dans sa
recherche de documents pour permettre aux familles de faire leur deuil et
d'obtenir les renseignements que tout organisme public ou congrégation
religieuse pourrait encore avoir au moment où la demande sera formulée.
La Présidente (Mme D'Amours) :
M. le ministre.
M. Lafrenière : Je vous
entends bien. Je me permets d'apporter une petite précision, cependant. Comme
vous avez mentionné, oui, le cinq ans, ce n'était pas une prescription pour faire
en sorte qu'on voulait limiter les familles, vous comprenez, c'était un délai...
c'est une période de temps qui était... qu'on pouvait poursuivre sur une base de
données. Mais je comprends vraiment bien. Je vous le dis, là, depuis mardi, on
entend les groupes, puis j'entends très, très bien ce que ça envoie comme
message. Je voulais juste que vous compreniez bien aussi le pourquoi que ça a
été mis comme ça. C'est vraiment un enjeu qui était plus d'ordre légal que
d'ordre humain. Ça, je vous ai bien entendue.
• (12 h 30) •
Autre point aussi, tantôt, je vous disais
que vous êtes en lien avec les gens de première ligne, avec les familles, et,
bien que ce ne soit pas écrit dans le projet de loi, parce que c'est plus
réglementaire puis administratif, il y a une direction de soutien aux familles
qui va être créée, justement, pour épauler les familles. Puis je l'ai dit à
tous les groupes, je vais vous le dire à vous aussi, je vais vous dire ce que
ce ne sera pas. Ce ne sera pas du référencement. On n'est pas une boîte à
référencement qui va dire aux gens : <Voici l'adresse courriel...
>
12 h 30 (version révisée)
<17903
M.
Lafrenière : ...les gens de première ligne, avec les familles et, bien
que ça ne soit pas inclus dans le
projet de loi,
parce que c'est
plus
réglementaire puis
administratif, il y a une direction de
soutien aux familles qui va être créée justement pour épauler les familles.
Puis je l'ai dit à tous les groupes, puis je vais vous le dire à vous aussi, je
vais vous dire ce que ça ne sera pas, ça ne sera pas du référencement. On n'est
pas une boîte à référencement qui va dire aux gens : >Voici
l'adresse courriel, voici le numéro de téléphone et bonne chance. On veut
soutenir les familles puis ça peut même aller jusqu'à remplir les documents
avec et pour eux, vraiment, là, dans une perspective, là, d'une approche qui
est culturellement sécurisante d'impliquer aussi les principes de la roue de la
guérison avec des psychologues, des spécialistes.
Et aussi j'aimerais vous rassurer en vous
disant que j'ai plusieurs spécialistes qui ont levé la main, que ce soit des
médecins, des gens du monde... plutôt de la santé qui ont dit : On est
prêts à vous aider. Parce qu'une fois qu'on va avoir les documents, il y a
peut-être bien des données qu'on ne comprendra pas, qu'on ne sera pas capable
de comprendre. Puis ce qu'on ne veut pas, c'est de remettre le document aux
familles qui ne comprendront pas, qui ne seront pas capables de savoir
qu'est-ce qui est arrivé. Vous avez parlé de recherche de la vérité, ce n'est
pas juste de remettre un bout de papier, c'est de l'expliquer au mieux qu'on
peut. Alors, je voulais vous rassurer, j'ai plusieurs personnes qui ont levé la
main, qui ont offert leur aide pour nous aider là-dedans.
Mais j'ai entendu aussi des groupes de
familles qui nous disent l'importance d'impliquer les familles dans tout ce
processus. Moi, je crois beaucoup à l'approche hybride, c'est-à-dire
d'impliquer et d'avoir les familles comme parties prenantes, de les avoir sur
les sièges passagers avant, et non pas sur les sièges passagers, trois rangées
en arrière, là. L'image, pour moi, elle est forte, mais je les vois au premier
rang de faire partie de ce processus-là. Et je crois que de les impliquer,
justement, soit... pour la promotion de ce que c'est, dans le fond, le projet
de loi et d'expliquer aux gens comment ça fonctionne, donc une approche qui est
culturellement sécurisante et tout, il y a quelque chose à faire.
Mais j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur cette approche hybride d'avoir, oui, une direction de soutien aux familles,
mais d'impliquer les familles ou des associations de familles elles-mêmes comme
Awacak. J'aimerais vous entendre si vous avez des petits drapeaux ou des petits
points à nous guider pour l'élaboration de notre projet.
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez...
puis, de fait, vous faites bien de souligner que les familles, on l'entend
depuis le dépôt du rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles
autochtones disparues ou assassinées, il y a... les personnes issues des Premières
Nations et inuites ont besoin d'être entendues de la part des organismes
publics qui doivent leur donner des services. Et, en ce sens, on doit être en
mesure de faire une écoute active, empathique, c'est-à-dire d'entendre les
besoins qu'elles ont et ensuite d'adapter notre façon de travailler en fonction
des besoins qu'ils manifestent. Il n'y a pas une communauté qui est à la même
place. Et les communautés vivent, ont vécu des situations distinctes, sont
politiquement organisées de manière distincte <également...
Mme Rinfret (Marie) :
...
pas une communauté qui est à la même place. Et les communautés
vivent, ont vécu des situations distinctes, sont politiquement organisées de
manière distincte >également.
Et, en ce sens-là, il faut qu'elles
soient... On parle de collaboration. Moi, j'aurais envie de vous parler d'association.
Il faut qu'elles soient associées au processus de guérison pour être en mesure
de répondre à leurs besoins. Et, en ce sens-là, vous me parliez qu'elles soient
assises sur le banc du passager. Moi, j'aurais quasiment envie de vous demander
d'essayer qu'elles soient au volant et que nous soyons sur le banc du passager
pour leur donner... pour leur dire vers où passer afin qu'elles puissent nous
dire qu'est-ce qu'elles ont besoin pour atteindre l'objectif qu'on vise.
Moi, c'est la façon dont je souhaite
travailler avec les personnes issues des Premières Nations et Inuits. C'est vraiment
d'être à leur écoute et de rendre, même au Protecteur du citoyen, de rendre mes
services adaptés à leurs besoins, que ce soit sur le plan de la sécurité... on
parle de culturellement sécurisante ou encore adaptées en fonction de l'endroit
où ils logent, de leur histoire, des craintes. Même les mots, entre nous, des
fois, n'ont pas le même sens. Donc, il faut vraiment, vraiment, là, être à leur
écoute et nous adapter pour répondre à leurs besoins.
Parce que le projet de loi qui est en
travail présentement, moi, je... Vraiment, j'étais très heureuse de voir le
dépôt du projet de loi n° 79. Pour moi, quand je vous dis que c'est un
premier pas, pour moi, on ouvre quelque chose, ici, là, qui va permettre vraiment
d'établir un respect, une confiance en vue d'une guérison pour les familles
endeuillées, oui, mais également pour les associations qui travaillent avec ces
familles-là. Et, quand je parle d'association, il ne faut pas oublier les
groupes qui travaillent avec les familles pour essayer d'obtenir l'information.
M. Lafrenière : Absolument.
Merci. Bien, justement, quand je faisais référence à Awacak, c'est une organisation
qui représente... une association qui représente les familles. Pas faire de
sémantique, quand je disais qu'on était siège conducteur, eux, passagers, c'est
parce qu'on voulait leur donner un service cinq étoiles. C'est tout. C'était ma
seule analogie de conduite.
Et j'aime beaucoup le point aussi quand
vous dites que c'est un premier pas parce qu'effectivement ce n'est pas... Ce n'est
pas la fin de tout ça, hein? Oui, il faut aller chercher les bonnes
informations. Tout à l'heure, il y a... Les précédents invités nous ont parlé
aussi de l'importance de la commémoration. Et je pense qu'il y a plusieurs...
Il y a une multitude de gestes à poser. Et, en ce sens, vous avez raison, et j'aimerais
vous <rassurer...
M. Lafrenière :
Et j'aime
beaucoup le point aussi quand vous dites que c'est un premier pas parce
qu'effectivement ce n'est pas... Ce n'est pas la fin de tout ça, hein? Oui, il
faut aller chercher les bonnes informations. Tout à l'heure, il y a... Les
précédents invités nous ont parlé aussi de l'importance de la commémoration. Et
je pense qu'il y a plusieurs... Il y a une multitude de gestes à poser. Et, en
ce sens, vous avez raison, et j'aimerais vous >rassurer aussi en vous
disant que lorsqu'on crée une direction des enquêtes... bien, lorsqu'on crée un
groupe d'enquête, on crée une direction de soutien aux familles, ça n'empêche
pas que, si on arrive avec quelque information que ce soit qui amène un doute
quant à la cause, une cause criminelle, bien, on ne se gênera jamais, jamais, jamais
de transférer ça à la Sûreté du Québec pour aller au fond des choses. Ça, c'est
important.
Dernier point. Lorsqu'on parlait... parce
que, vous savez, il y a un pouvoir d'enquête, puis ça, on l'a dit à tous les
groupes, mais je pense que vous le comprenez très bien que ce n'est pas le ministre
qui va aller faire l'enquête, c'est un pouvoir qu'il va transférer à quelqu'un.
Mais il y a un pouvoir d'enquête, mais qu'on a combiné aussi avec le devoir de
rencontrer l'ensemble des partenaires, qu'on pense au milieu de la santé, les
congrégations religieuses, pour faire, je vous dirais, de la prévention, c'est-à-dire
leur dire que ça s'en vient et qu'ils vont devoir remettre les documents.
Comment vous voyez cette approche-là, vous? Parce que, écoutez, d'après moi, c'est
votre quotidien aussi, là.
Mme Rinfret (Marie) : Oui. Et
ces organisations sont parties prenantes du succès de l'application du projet
de loi n° 79, donc il faut qu'elles comprennent, en
fait... Puis vous faites bien de rappeler ça, parce que, quand on intervient,
nous, auprès d'une instance, que ce soit un organisme public, un ministère ou
une instance du réseau de la santé et des services sociaux, là, le pire qui
peut arriver, c'est que les gens se mettent sur la défensive, alors qu'ils font
partie de la solution. Il faut voir l'objectif visé, à savoir rendre un service
public. Ici, le projet de loi n° 79 se veut un projet
de loi, une loi remédiatrice, réparatrice. En ce sens-là, selon moi, il faut
que ce soit clair pour vous, les parlementaires, que la loi devra avoir une interprétation
large, libérale, pour satisfaire le but qui est recherché, le but visé.
Et, en ce sens-là, d'associer les parties
prenantes, de leur expliquer, bien, ça, ça fait partie des conditions gagnantes
pour ne pas qu'elles se sentent sur la défensive et qu'effectivement elles
ouvrent l'ensemble des renseignements, de leurs... j'ai envie de vous dire, qu'elles
ouvrent leurs livres et qu'elles divulguent toute l'information qu'elles peuvent
avoir, même si elle n'est pas écrite, parce que, souvent, on se bute à :
bien, voici les documents, on vous transmet les documents, alors qu'il peut y
avoir aussi une histoire derrière ces situations-là. Et il faut qu'il y ait suffisamment
d'ouverture pour permettre, encore une fois, d'obtenir tous les renseignements,
donc l'ensemble des faits entourant un enfant qui est disparu, qu'on le <constate...
Mme Rinfret (Marie) :
... qu'
il y ait
suffisamment d'ouverture pour permettre,
encore
une fois, d'obtenir tous les renseignements, donc l'ensemble des faits
entourant un enfant qui est disparu, qu'on le >constate, qui est décédé,
quelles sont les circonstances entourant ces enfants-là.
J'ai aussi entouré... j'ai aussi entendu beaucoup
le mot «cause». Pour moi, il faut d'emblée, qu'on l'appelle «cause», qu'on
l'appelle «circonstance», qu'on l'appelle «raison», n'importe quoi, à quelque
part... Il y a un but qui est visé par cette loi-là, c'est une loi
remédiatrice, elle répare des choses en vue d'une guérison pour des familles.
Et, en ce sens-là, on doit l'interpréter de manière large, de manière libérale
pour respecter cet objectif-là.
Et, oui, vous avez parfaitement raison, la
tournée va être un élément important. Il faudra que toutes les organisations se
mettent encore une fois en écoute active, en écoute empathique envers les
demandes qui seront formulées pour livrer l'ensemble des informations qu'elles
détiennent, qu'elles soient écrites ou orales.
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Jacques-Cartier.
Vous disposez de 11 minutes.
M. Kelley
: Merci
beaucoup. Merci, Mme Rinfret et Mme Corneau pour votre présentation aujourd'hui.
J'ai une question. Selon vous, est-ce que
ce projet de loi va donner la vérité aux familles autochtones qui ont un membre
de leur famille, un enfant qui est disparu?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
il peut y avoir différentes définitions, hein, du concept de vérité. Moi, je
pense que ce qui est important, c'est que les familles obtiennent les
documents, les informations, les renseignements que l'on détient, que les
organisations détiennent pour qu'elles puissent faire leur guérison, qu'elles
puissent faire leur deuil ou poser les gestes par la suite, si la personne
disparue est toujours vivante. Et, en ce sens-là, bien, oui, c'est une forme de
recherche de vérité pour permettre aux personnes de guérir et de passer à autre
chose.
M. Kelley
: Et dans
votre expérience... En 2017, le gouvernement a passé le projet de loi
n° 113. On a vu des histoires des orphelins au Québec et, quand même, des
parents d'un orphelin qui, à un certain moment, a décidé : Je veux trouver
le nom d'un enfant ou quand même trouver le nom de ma mère.
Dans votre expérience, est-ce que beaucoup
de ces données, informations, des fois, n'étaient pas disponibles ou on n'était
jamais capable de trouver l'information? Est-ce que ça arrive, des fois, que
l'information était détruite à cause des lois qui étaient en place dans les <années...
M. Kelley
: ...
trouver
le nom d'un enfant ou quand même trouver le nom de ma mère.
Dans votre expérience, est-ce que
beaucoup de ces données, informations, des fois, n'étaient pas disponibles ou
on n'était jamais capable de trouver l'information? Est-ce que ça arrive, des
fois, que l'information était détruite à cause des lois qui étaient en place
dans les >années 60 et 70?
Mme Rinfret (Marie) : Bien
sûr, bien sûr. Écoutez, c'est clairement une chose à laquelle on va être
confronté, l'écoulement du temps. Et ça, c'est... Il faut que ce soit clair
dans la gestion des attentes des personnes qui vont déposer les demandes.
Et c'est aussi pour ça que les
établissements dans le réseau de la santé et des services sociaux de même que
les congrégations religieuses... en fait, tout organisme qui va être visé par
une demande manifeste suffisamment d'ouverture... en fait, toute l'ouverture nécessaire
pour offrir aux personnes les renseignements qu'elles peuvent détenir, dont les
documents, mais aussi les renseignements. Si les documents n'existent plus, pourquoi
ces documents-là n'existent plus? Pour éviter de rester sur un sentiment de
cachette, de... bien, c'est ça, de cachette, donc d'expliquer aux gens :
Bien, écoutez, nous, selon notre plan de conservation, on a détruit des documents.
On a vérifié, malheureusement, on ne l'a plus. Cependant, on a pu communiquer — parce
que c'est sans doute des recherches qui pourront être faites — on a
pu communiquer avec du personnel qui a pu être au courant du dossier. Malheureusement,
les... On n'est pas en mesure d'aller plus loin, ou encore on peut vous dire
telle chose, vous orienter vers telle autre chose.
Puis, à ce moment-là, bon, le personnel du
Secrétariat aux affaires autochtones va sans doute être très utile pour
soutenir les familles dans ces démarches-là. Et c'est en ce sens-là, moi, que
j'étais très contente de voir non seulement un rôle de soutien dans les
demandes, mais un rôle d'accompagnement des familles dans cette recherche d'informations
et de renseignements.
Alors, en ce sens-là... puis ensuite,
bien... un pouvoir du ministre, si les renseignements ne sont pas suffisants,
il peut aller faire enquête. Donc, à cet égard-là, je pense qu'on a pas mal
d'assurance qu'on va obtenir ce qu'on peut obtenir.
M. Kelley
: Et sur
la question d'enquête, si on fait le processus, le renseignement, l'information
n'est pas là, est-ce que ça peut nuire à une poursuite civile contre le gouvernement
du Québec ou quand même être utilisé dans la poursuite que l'Assemblée des Premières
Nations a lancée envers le gouvernement fédéral?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, moi, pour moi, je me refuse à <voir...
M. Kelley
: ...
nuire à une poursuite civile contre le
gouvernement du Québec ou
quand
même être utilisé dans la poursuite que l'Assemblée des
Premières
Nations a lancée envers le gouvernement fédéral?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, moi, pour moi, je me refuse à >voir un lien. Les gens
exerceront les recours qu'ils peuvent exercer s'il y a eu des erreurs. S'il y a
une responsabilité civile qui doit être imputée à quelqu'un, et qu'on est
encore dans le délai pour exercer ce recours-là, il appartient aux personnes de
le faire. Et, en ce sens-là, je pense que ce qu'on doit permettre aux personnes
ici, puis c'est la volonté qui est manifestée, c'est d'obtenir les renseignements
pour que les personnes puissent faire leur deuil, puissent guérir d'une
disparition ou d'un décès d'un enfant qui, à un moment x, a été confié à un organisme
et n'est jamais revenu.
M. Kelley
: Merci.
Je ne sais pas, Mme la Présidente, combien de temps qu'il reste.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Cinq minutes, M. le député.
M. Kelley
: Oui, parfait.
La raison que j'ai posé la question, c'est comme... on a l'objectif d'être
transparents puis on a des moyens qui sont là, puis je pense que c'est une
bonne chose. Mais, comme je dis ici, si jamais on arrive à un moment où une
famille décide de lancer une poursuite contre le gouvernement... mais je ne
parle pas du ministre, mais on sait, des fois, le Procureur général du Québec
ou du Canada vient dire : Bien, on a fait une enquête, et c'est public, c'est
fait, puis il n'y a rien là. Et alors, ça, c'est la raison pourquoi je les
pose, les questions. C'est juste que ça serait quand même, dans ce projet de
loi... on ne mettra pas des barrières en place contre des poursuites pour les
gens qui veulent chercher la vérité ou peut-être après prendre des
poursuites... prendre le chemin de faire une poursuite. Alors, merci pour la
réponse.
Une autre question : Selon vous,
est-ce que vous pensez que c'est nécessaire de lancer peut-être une enquête
indépendante pour encore avoir plus de vérité sur la situation qui est
recommandée dans le rapport de l'ENFFADA?
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, c'est une bonne question. Évidemment, on est toujours ici sur une
base, je dirais, en équilibre, hein? On est... puis je le disais d'entrée de
jeu, à une question du ministre, il y a des gens qui vivent avec cette
peine-là, avec la culpabilité d'avoir confié un enfant et de l'avoir
perdu — excusez, excusez, excusez — donc, de confier... ça,
c'est des enjeux de la technologie.
M. Kelley
: Oui.
Mme Rinfret (Marie) :
Excusez-moi. Donc, de confier un enfant et de l'avoir perdu. Donc, il y a
beaucoup de culpabilité qui est ressentie à cet égard-là. On a une gêne de <l'admettre
et...
Mme Rinfret (Marie) :
...
ça, c'est des enjeux de la technologie.
M. Kelley
:
Oui.
Mme Rinfret (Marie) :
Excusez-moi. Donc, de confier un enfant et de l'avoir perdu. Donc, il y a
beaucoup de culpabilité qui est ressentie à cet égard-là. On a une gêne de >l'admettre.
Et, ce faisant, est-ce qu'une enquête publique permettrait aux personnes de...
ou que les personnes voudraient aller témoigner de leur histoire devant une
enquête publique? Écoutez, honnêtement, je pense que je ne me sens pas
l'autorité pour vous recommander quoi que ce soit.
Ce que je peux souhaiter cependant, c'est que
l'ensemble des personnes, des familles qui ont vécu une telle situation et qui
ont le courage, parce que ça demande beaucoup de courage, de faire une demande
pour obtenir les renseignements souhaités, soient en mesure de le faire. Et,
pour ça, je reviens avec toute la sensibilisation qu'il faudra faire, les
outils de communication, les associations qu'on devra faire avec les organismes
dans les communautés autochtones pour aller chercher la confiance des familles
qui ont vécu ces situations-là pour qu'elles aient le courage de déposer une
demande et ainsi obtenir les renseignements qu'elles peuvent obtenir en 2021
relativement à l'événement qu'elles ont vécu.
Ça va vraiment nécessiter... Puis c'est
pour ça que moi, personnellement, s'il doit y avoir un délai, ce à quoi je
m'objecte, d'où ma recommandation... mais je trouve tellement que cinq ans,
c'est comme beaucoup trop court dans la mesure où la direction du soutien du secrétaire
aux affaires autochtones va avoir beaucoup de choses à mettre en place pour
être en mesure d'établir une relation de confiance dans chaque communauté pour
que les familles visées puissent faire appel à elle pour obtenir le soutien et
l'accompagnement nécessaire.
• (12 h 50) •
M. Kelley
: Et vous
n'avez aucune réserve que c'est... réserve sur le fait que c'est la SAA qui
fait des enquêtes? Ce n'est pas nécessaire d'avoir un organisme qui est plus
indépendant du gouvernement pour faire les enquêtes? Parce que ça va être le
gouvernement qui enquête sur le gouvernement.
Mme Rinfret (Marie) :
Écoutez, je trouve votre question intéressante. Maintenant, moi, ce que j'ai
trouvé intéressant, c'est l'imputabilité et la transparence, deux éléments que
j'avais recommandés dans le cadre du projet de loi n° 31, que j'ai
retrouvés dans le projet de loi n° 79. Donc, il y a
une reddition de comptes qui est prévue. Bon.
Peut-être, est-ce que la reddition de
comptes prévue au projet de loi n° 79 pourrait en être
une à l'Assemblée nationale de la part du ministre plutôt que sur le site <Internet...
Mme Rinfret (Marie) :
...
du projet de loi n° 31, que j'ai retrouvés dans le projet de loi
n°
79. Donc, il y a une reddition de
comptes qui est prévue. Bon.
Peut-être, est-ce que la reddition de
comptes prévue au projet de loi
n°
79
pourrait en être une à l'Assemblée nationale de la part du ministre plutôt que
sur le site >Internet. C'est une chose que je vous lance comme idée, mais,
pour moi, la reddition de comptes qui est prévue au projet de loi n° 79...
La Présidente (Mme D'Amours) :
En terminant.
Mme Rinfret (Marie) : ...oui,
est suffisamment concluante pour, justement, assurer l'indépendance et
l'impartialité des enquêteurs qui ont les pouvoirs de commissaire enquêteur.
M. Kelley
: Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.Vvous
disposez de 2 min 45 s.
Mme Massé : Ça fait beaucoup
de «si», mais on l'entend.
Écoutez, j'avais... bien, merci d'être là,
à vous deux. J'avais des questions. J'ai bien compris, puis il y a
Me Motard qui est venu nous dire, en début de semaine, que le droit à la
vérité, c'est un droit qui est imprescriptible. Alors, moi, là, j'entends...
puis j'entends que, même quand on l'a fait, notamment dans le cas des enfants
Duplessis, des orphelins Duplessis, pardon, on est finalement arrivés à la
conclusion de... Bon, ça fait que moi, là, je m'attends à ce qu'on fasse la
même chose, mais, au départ, il faut que les familles savent qu'on les respecte
dans leur processus, même si ça prend 15 ans. Alors, dans ce sens-là,
j'entends que vous êtes d'accord sur l'abolition de cette restriction-là d'entrée
de jeu puisqu'on l'a déjà fait sur d'autres situations qui ne touchent pas les
autochtones, qui touchent tout le monde. Et, dans ce sens-là, je ne m'attends
pas à moins pour les personnes des Premières Nations.
Ceci étant dit, il y a un enjeu qu'on a
découvert, c'est... par exemple, le Secrétariat des affaires autochtones, au
niveau du Canada, possède beaucoup d'informations. Les enfants de Pakuashipi
sont peut-être à Terre-Neuve finalement. Ce n'est pas la DPJ du Québec, mais
ils sont peut-être... Alors, ça, si vous pouvez prendre le temps, malheureusement,
le peu qu'il reste pour nous dire comment qu'on fait ça dans un projet de loi
au Québec pour dire aux autres : Aïe! nous, au Québec, on se met en
processus de réconciliation puis de réparation.
La Présidente (Mme D'Amours) :
En une minute, Mme Rinfret.
Mme Rinfret (Marie) : Oui.
Votre question est intéressante, et je vais y répondre par le fait que les
enquêteurs ou les personnes... le ministre va déléguer ses pouvoirs de commissaire
enquêteur à des personnes qui vont détenir ces pouvoirs de commissaire
enquêteur. Et, à ce titre-là, il peut conclure des ententes, et non
seulement... Mais, même à l'extérieur de l'entente, comme commissaire
enquêteur, moi, je peux aller chercher n'importe quel document auprès du gouvernement
fédéral, auprès de quelque tiers que ce soit pour obtenir les informations dont
j'ai besoin dans le cadre de mon enquête. Pour moi, ça va être la même chose du
côté du SAA, dans la mesure où les pouvoirs de commissaire enquêteur lui sont
octroyés.
Mme Massé : Le «si» de tantôt.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci infiniment. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous
disposez de <2 min 45 s.
Mme Rinfret (Marie) :
Pour moi, ça va être la même chose du côté du SAA, dans la mesure où les
pouvoirs de commissaire enquêteur lui sont octroyés.
Mme Massé : Le «si» de
tantôt. Je vous remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci infiniment. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous
disposez de >2 min 45 s.
Mme Rinfret (Marie) : Votre
micro, M. le député.
M. Ouellet : Donc, à mon tour
de vous saluer. Merci, Mme la Présidente. Mme Rinfret, évidemment, on en a
parlé à plusieurs reprises, pour ce qui est du délai, vous êtes très claire,
pas une fois, mais deux fois, vous avez soulevé l'importance de ne pas mettre
de délai. Mais si on essayait de trouver une position mitoyenne, là, le ministre
nous explique en quoi le délai semble important pour la partie gouvernementale....
J'ai échangé avec d'autres groupes, de faire passer le cinq à 10 ans... Est-ce
que vous auriez un minimum qui pourrait nous aider à faire un cheminement, ou
vous nous dites : Cinq ans, c'est trop petit? Il ne devrait pas y en
avoir? Mais, si on devait cheminer pour donner plus de temps, selon vous,
quelle serait la fenêtre? 10, 15, 20, 25? J'aimerais ça vous entendre à ce
sujet.
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
les meilleures personnes pour vous donner un délai seraient les associations
des Premières Nations et Inuits. De mon côté, je continue de penser et de
croire que d'imposer un délai, ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable.
Cette loi-là, elle doit... elle devrait être pérenne et, en ce sens-là, elle
fait partie de notre histoire, et on doit avoir le courage de la maintenir, et
de la maintenir vivante, et de permettre aux personnes qui sont en recherche de
vérité, parce qu'ils viennent de découvrir qu'ils ont un petit frère ou une
petite soeur de disparu... bien, qu'ils puissent obtenir le soutien de la part
du Secrétariat des affaires autochtones, de l'accompagnement et, à la limite,
le bras enquêteur pour aller chercher des documents.
M. Ouellet : Si je comprends
bien, Mme Rinfret, suite à la question de ma collègue de Québec solidaire, dans
le projet de loi en question, vous n'êtes pas limitée, vous allez pouvoir
continuer à donner le support et donner effectivement les moyens à ceux et
celles qui voudront faire affaire avec vous. Donc, il n'y a rien de limitatif
dans le projet de loi. On n'a rien à changer pour vous donner toute l'ouverture
et toutes les possibilités d'obliger.
La Présidente (Mme D'Amours) :
En 40 secondes.
Mme Rinfret (Marie) : Quand
je parlais du pouvoir de commissaire enquêteur, moi, de mon côté, j'ai les
pouvoirs de commissaire enquêteur et je peux aller chercher les documents au
fédéral de toute personne, au fond. C'est la même chose pour le SAA, le
Secrétariat aux affaires autochtones, le ministre, qui va définir les pouvoirs
de commissaire enquêteur, qui pourra les déléguer à quelqu'un de son équipe
pour aller chercher tout document. Bien sûr, nous... moi, j'ai compétence sur
le Secrétariat aux affaires autochtones, là. Donc, une personne qui ne serait
pas satisfaite des services reçus auprès du Secrétariat des affaires
autochtones pourra s'adresser à nous, puis, à ce moment-là, on verra, on
s'assurera que le Secrétariat des affaires autochtones a fait son travail.
M. Ouellet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
Compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la <séance à
12 h 57)
Mme Rinfret (Marie) :
...
des affaires autochtones a fait son travail.
M. Ouellet :
Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Compte tenu de l'heure,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la >
séance à
12 h 57)
13 h 30 (version révisée)
(Reprise à 13 h 59)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Alors, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.
La commission est réunie virtuellement
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques du
projet de loi n° 79, Loi autorisant la communication de
renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou
décédés à la suite d'une admission en établissement.
Cet après-midi, nous entendrons les
groupes suivants : l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador,
conjointe avec la commission de la santé et des services sociaux des premières
nations et du Labrador, et Femmes autochtones du Québec.
• (14 heures) •
Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'APNQL et de la Commission de la santé, des services sociaux
des premières nations du Québec et Labrador. Je vous rappelle que vous disposez
de <10 minutes pour votre exposé, après...
>
14 h (version révisée)
<15399
La
Présidente (Mme D'Amours) : ...autochtones du Québec.
Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'APNQL et de la Commission de la santé, des services sociaux
des Premières Nations du Québec et Labrador. Je vous rappelle que vous disposez
de >10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé.
Assemblée des premières nations du Québec et du
Labrador (APNQL) et Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)
M. Picard (Ghislain) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente, et... Donc, mon nom est Ghislain Picard, je
suis chef pour l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, et la
personne qui m'accompagne aujourd'hui est Marjolaine Sioui, de la nation
huronne-wendat, mais qui est aussi directrice générale pour la Commission de la
santé et des services sociaux du Québec et du Labrador.
(S'exprime dans une langue autochtone)
Donc, quelques mots en Innu, comme le veulent nos protocoles, surtout pour vous
transmettre, au nom des chefs, nos salutations, mais également pour reconnaître
que je vous parle aujourd'hui du territoire des Kanien'kehá :ka, à
Kahnawake. Donc, c'est important également de reconnaître cet autre fait là.
Je vais essayer d'y aller quand même assez
rapidement, là. Les informations que nous souhaitons vous partager sont quand
même extrêmement importantes. Mais j'aimerais peut-être d'abord avoir
l'autorisation de la présidence, là, pour peut-être observer une minute de
silence à la mémoire des enfants qui ont été enlevés et/ou disparus. Je pense
que c'est important vraiment qu'on puisse, là, concentrer un moment de
réflexion, là, en leur mémoire, si c'est accepté par la présidence, s'il vous
plaît.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Bien sûr, c'est accepté, M. Picard.
M. Picard
(Ghislain) : Merci.
•
(14 h 01 — 14 h 02) •
M. Picard (Ghislain) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, et je vais y aller, donc, avec la présentation de
nos commentaires aujourd'hui.
L'Assemblée des Premières Nations
Québec-Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières
Nations du Québec et du Labrador souhaitent d'abord saluer ce moment, ce rendez-vous
enfin venu, en soulignant le courage des familles, dont plusieurs représentants
se sont exprimés devant vous jusqu'à maintenant, en reconnaissant la mémoire de
nos frères et de nos soeurs qui continuent d'endeuiller nos coeurs par leur
disparition ou leur décès et en remerciant particulièrement le
ministre Lafrenière ainsi que ses collègues ministres présents, les
députés et élus de tous les partis, les membres de la Commission des relations
avec les citoyens de l'Assemblée <nationale...
M. Picard (Ghislain) :...en reconnaissant la mémoire de nos frères et de nos soeurs
qui continuent d'endeuiller nos coeurs par leur disparition ou leur décès et en
remerciant
particulièrement le
ministre Lafrenière ainsi que
ses collègues ministres présents, les députés et élus de tous les partis, les
membres de la Commission des relations avec les citoyens de l'Assemblée >nationale
ainsi que sa présidente, Mme D'Amours, pour l'opportunité de présenter...
dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 79.
Nous rappelons que l'Enquête nationale sur
les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a permis de
révéler au grand jour le traitement subi par ces familles des Premières Nations
souffrant de la disparition ou du décès de leurs enfants. L'APNQL et la CSSSPNQL
ont aussi déposé conjointement un mémoire en soutien aux familles des Premières
Nations ayant perdu leurs enfants à la suite d'une admission dans un
établissement, un organisme ou une congrégation religieuse. Depuis le tout
début, les démarches de l'APNQL sont guidées par les familles.
Même si je considère inconcevable que nos
familles aient à se plier à un cadre qui leur est totalement étranger pour
accéder à la justice dans la dignité, nous nous sommes engagés à les
accompagner. Le gouvernement doit en faire autant, sinon faire preuve
d'humanisme... surtout faire preuve d'humanisme et leur permettre d'obtenir des
réponses auxquelles elles ont droit. Pour une fois, la loi doit s'adapter à
notre réalité plutôt que le contraire. Il faut que vous, les élus, compreniez
ce que vivent les familles. Le contexte humain est un incontournable. Le projet
de loi n° 79 nous apparaît comme un premier pas pour la quête de vérité
pour les familles.
Or, afin de se rapprocher d'un processus
juste et digne, plusieurs modifications doivent y être apportées. Le coeur de
notre mémoire consiste en un tableau répertoriant une série de recommandations
présentées en parallèle aux dispositions du projet de loi concernées. Nos
recommandations sont également appuyées de brefs commentaires.
Nos principales recommandations pourraient
se résumer ainsi : d'abord, élargir l'objet et... (panne de son) loi afin
de permettre aux familles de connaître non seulement les circonstances, mais
également les causes des décès; limites temporelles : étendre la période
de temps visée par le projet de loi et le délai de son application; également,
préciser et clarifier les moyens utilisés pour soutenir, et assister, et guider
les familles dans leurs recherches; garantir aux familles qu'une seule demande
de communication de renseignements personnels puisse viser à la fois plusieurs
établissements, organismes ou congrégations religieuses.
L'APNQL joint sa voix à celle de Mme Geneviève Motard,
professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et directrice
du CIERA, pour réitérer l'importance que l'objet du p.l. n° 79 doit être
guidé par les normes internationales applicables en matière de respect, de
promotion et de mise en oeuvre des droits de la personne. On parle ici de cas
de disparition d'enfants. <Actuellement...
M. Picard
(Ghislain) :
...et directrice du CIERA, pour réitérer
l'importance... que l'objet du p.l.
n° 79 doit
être guidé par les normes internationales applicables en matière de respect, de
promotion et de mise en oeuvre des droits de la personne. On parle ici de cas
de disparition d'enfants. >Actuellement, l'objet du p.l. n° 79
est de soutenir les familles dans leur recherche de renseignements.
Nous avons entendu également, mardi
dernier, devant cette commission, Mme Françoise Ruperthouse,
porte-parole du regroupement Awacak, mentionner vouloir connaître la vérité sur
les disparitions et les décès d'enfants. Françoise elle-même a perdu une soeur
et un frère. Sa famille les a retrouvés, mais elle a dit au sujet des
renseignements reçus, et je cite, que c'est... je cite ici : «Ce n'est pas
clair.» Fin de la citation. Elle a aussi ajouté, et je cite encore une fois :
«Le p.l. n° 79 est un bon début, mais les
familles autochtones méritent encore mieux. On s'attend à avoir un peu plus que
ce que la loi nous donne.» Fin de la citation.
L'APNQL insiste pour que soit modifié
l'objectif du projet de loi n° 79 de manière à ce qu'il permette la
recherche effective de la vérité et l'exercice du droit à la vérité par les
familles. Nous estimons que l'objectif du p.l. n° 79
devrait être d'abord la recherche de vérité afin de favoriser la guérison des
individus, au sens où l'entendent les familles des communautés des
Premières Nations au Québec, Labrador. Le gouvernement du Québec est
soumis à une obligation de moyens, aussi la loi doit-elle refléter clairement
le caractère impératif du devoir du ministre responsable ainsi que des
établissements, des organisations et des congrégations religieuses visées de
mettre en oeuvre tous les moyens dont ils disposent pour retracer les
renseignements qui permettront aux familles de connaître enfin la vérité.
L'exercice de ce droit à la vérité va de pair avec la définition du terme «circonstances»,
qui doit aussi signifier l'accès aux causes. Les familles ont le droit de
comprendre comment et pourquoi leurs enfants ont disparu ou sont décédés.
L'APNQL et la CSSSPNQL soutiennent dans leur mémoire qu'il faut permettre aux
familles de connaître non seulement les circonstances, mais également les
causes des disparitions ou des décès.
L'unité fondamentale d'une société, c'est
la famille. L'État doit donc la protéger et en respecter ses membres. Or, les
lois en place n'ont ni protégé nos enfants ni respecté les droits de leurs
parents. Les institutions québécoises ont échoué dans leur mission, et le
gouvernement doit réagir, permettant de faire la lumière sur les cas des
enfants disparus ou décédés. C'est tellement minimal d'avoir accès à de telles
informations, c'est en soi une évidence, et surtout un droit fondamental. On
parle ici de principes issus du droit naturel, soit de faire en sorte que les
parents puissent en tout temps s'occuper de leurs enfants, les protéger, les
savoir en sécurité et de ne jamais se les faire enlever. Les parents n'étaient
pas consentants. Il y a carrément eu une mauvaise volonté des autorités <concernées.
L'APNQL et...
M. Picard (Ghislain) :...soit de
faire en sorte que les parents puissent en
tout temps s'occuper de leurs enfants, les protéger, les savoir en sécurité et
de ne jamais se les faire enlever. Les parents n'étaient pas consentants.
Il
y a
carrément eu une mauvaise volonté des autorités >concernées.
L'APNQL et la CSSSPNQL soutiennent que les
grands principes du droit international doivent inspirer le gouvernement du Québec
à bousculer suffisamment les règles habituelles d'accès à l'information. Nous
avons beaucoup de difficulté avec l'imposition des limites temporelles dans le projet
de loi n° 79. Le délai de cinq ans et la période de 1950 au 31 décembre
1989 représentent deux entraves à l'exercice au droit des familles à la vérité.
Ce n'est pas parce que le temps a passé qu'on doit appliquer des restrictions
dans le temps. Imposer des limites temporelles, c'est aussi un moyen de ne
jamais réparer les torts. La vérité ne doit pas être enlevée, elle aussi, et
surtout pas sous le prétexte fallacieux du temps passé et de la prescription.
Le but de la loi est de permettre de lever des obstacles et les barrières de
toutes sortes pour accéder à l'information, et il faut aller le plus loin
possible. Il y a eu un vol de vérité et un refus du droit des parents de
connaître le sort de leurs enfants, et on doit leur permettre de revenir en
arrière pour corriger cette atteinte à leurs droits.
L'État québécois doit reconnaître que les
droits des Premières Nations ont été bafoués. Il ne faut pas ajouter des
entraves...
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci.
M. Picard (Ghislain) :...temporelles aux moyens pour les familles de récupérer l'information
qui leur revient.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Lafrenière : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. «Kwe», chef Picard, «kwe», Mme Sioui. Je crois que Mme Sioui
n'a pas eu la chance de prendre la parole. Je ne sais pas si vous avez quelque
chose à ajouter. Je serais prêt, avec le consentement de mes collègues, à
partager mon temps de parole avec Mme Sioui et M. Picard, si vous aviez un
élément à partager avant la période de questions.
M. Picard (Ghislain) :
Bien, écoutez, ce n'était pas prévu comme ça. On avait convenu que je présentais
l'entièreté des commentaires aujourd'hui. Évidemment, je n'avais pas terminé tout
à l'heure...
M. Lafrenière : Allez-y,
puisque je vous offre mon temps.
M. Picard (Ghislain) :
Bien, écoutez, je l'apprécie beaucoup, M. le ministre.
Donc, pour poursuivre et conclure, nous
joignons notre position à celle de la Protectrice du citoyen, qui recommande
que la possibilité d'avoir accès aux informations relatives à un enfant autochtone
disparu ou décédé ne devrait pas être limitée à cinq ans. Nous supportons la recommandation
de la Protectrice du citoyen à l'effet de modifier le p.l. n° 79
par la suppression du paragraphe 1° de l'article 5 et de l'article 22.
Nous recommandons également que soit élargie la période visée par les demandes
de renseignements, que le p.l. n° 79 permette des demandes
de communication de renseignements pour les admissions s'échelonnant de 1940 à
aujourd'hui, et j'aurai des précisions à ajouter tout à l'heure <là-dessus.
Donc...
M. Picard
(Ghislain) :
...que soit élargie la période visée par les
demandes de
renseignements, que le p.l.
n° 79
permette des demandes de
communication de
renseignements pour les
admissions s'échelonnant de 1940 à
aujourd'hui, et j'aurais des
précisions à ajouter
tout à l'heure >là-dessus.
Donc, pour conclure, enfin, le projet de
loi se voulant un moyen de faciliter l'accès à l'information, nous avons ajouté
qu'il doit aller plus loin et qu'il doit en plus permettre aux familles de
rechercher la vérité. À cette fin, les mesures concrètes pour accompagner et
soutenir les familles doivent être clarifiées. Plusieurs de nos recommandations
convergent vers la nécessité que soit facilitée la démarche de demande d'accès
aux renseignements par les familles et que soit assurée une recherche
exhaustive des renseignements par les établissements visés.
L'APNQL et la Commission de la santé et
des services sociaux des Premières Nations Québec Labrador appuient aussi la
recommandation de la Protectrice du citoyen quant à la nécessité de faire
connaître rapidement aux familles des Premières Nations le nouveau mécanisme d'accès
aux renseignements personnels ainsi que les mesures d'accompagnement
disponibles de même que la mise en place de mesures culturellement adaptées
afin d'assurer un accompagnement personnalisé aux familles. Enfin et en
terminant, nous recommandons qu'une seule demande de communication de
renseignements personnels puisse viser à la fois plusieurs établissements,
organismes ou congrégations religieuses.
Donc, encore une fois, membres de la
commission et Mme la Présidente, merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) :
M. le ministre, votre temps est à 13 min 40 s.
M. Lafrenière : Merci,
Mme la Présidente. Encore une fois, chef Picard, «tshinashkumitin», merci
beaucoup. Merci pour votre présentation et merci à vous deux d'être avec nous
aujourd'hui. C'est une période qui est très, très, très importante. Vous avez
fait référence, tout à l'heure, à ce qui est arrivé dans le passé et ce besoin
d'apporter des réponses... et on apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui. Ça
va nous aider grandement dans nos travaux.
Premier élément que je voulais vous
partager, il y a plusieurs points que vous avez soulevés qui font référence,
justement, au soutien qui va être donné aux familles, et votre question est
très, très, très pertinente. Et, vous savez, ça ne se trouve pas dans le projet
de loi parce que c'est vraiment plus administratif, mais je veux vous rassurer
en vous disant que c'est une direction de soutien aux familles qui va être
créée, vraiment, avec l'embauche de spécialistes pour soutenir les familles
là-dedans. Et je vais vous dire ce que ça ne sera pas. Ça ne sera pas une boîte
de référence, ce n'est pas un endroit où on va dire aux gens : Voici
l'adresse courriel. On veut vraiment soutenir les familles, et je dirais que
depuis mardi on entend des groupes de familles qui sont venus nous rencontrer,
et une chose qui est très, très claire, puis je pense que les membres de la
commission ont tous entendu la même chose, il faut impliquer les familles dans
ce processus, et c'est vraiment l'engagement qu'on a aujourd'hui. On va voir de
quelle façon, mais il faut vraiment, vraiment impliquer les familles dans ce
processus qui est tellement... c'est tellement important dans la route de la
guérison. Alors, ça, on l'a bien compris.
Dans vos éléments, chef Picard, vous
parlez de la période temporelle, puis ça aussi, on l'a entendu à plusieurs
reprises, là. Pour le délai de cinq ans, bon, je me suis déjà expliqué
là-dessus, que c'était un élément législatif, mais qu'on va vraiment, vraiment
creuser, parce que je comprends très bien comment c'est reçu. Cependant, je vais
vous amener une petite correction, parce qu'effectivement l'ancien projet de
loi n° 31 prévoyait la période contenue <entre 1950 et 1989, mais ce
n'est plus le cas. ...
M. Lafrenière : Pour le
délai de cinq ans, bon, je me suis
déjà expliqué
là-dessus, que c'était
un élément
législatif, mais qu'on va
vraiment,
vraiment
creuser,
parce que
je comprends
très bien comment c'est
reçu.
Cependant, je vais vous amener une petite correction,
parce
qu'effectivement l'ancien projet de loi
n°
31
prévoyait la période contenue >entre 1950 et 1989, mais ce n'est plus le
cas. Donc, il n'y a plus de date de départ. Oui, la date butoir qui a été
inscrite, c'était 1989, mais on a entendu d'autres groupes qui sont venus nous
rencontrer aussi ,qui nous disaient à quel point ça pouvait envoyer un message
aussi aux familles. Ça fait que, ça aussi, on l'a pris en note, puis, je veux
dire, je l'ai bien noté, et, avec les équipes, on va voir quels sont les enjeux
là-dessus. Mais je voulais vous dire que la date de départ qui avait déjà été
inscrite, de 1950, ça a été enlevé, ça, depuis le projet de loi n° 31.
Moi, ma question bien technique que j'ai
pour vous, autant la CSSSPNQL que l'APNQL... plusieurs groupes qui nous ont
parlé aussi que certaines informations pourraient se retrouver dans des
institutions québécoises, mais pourraient se retrouver aussi au fédéral. Ça, c'est
un enjeu, et vous comprenez que notre pouvoir législatif au Québec vers le
fédéral, c'est plus un pouvoir de vraiment faire des représentations. On ne
peut pas aller dans l'obligation.
Mais j'ai une autre question pour vous
pour ce qui est des conseils de bande, parce qu'il y a une famille qui me mentionnait
que, des fois, pour ce qui est du nom, prénom, date de naissance... Et
d'ailleurs, mardi, on recevait des gens, des Naskapis, qui nous disaient :
Écoutez, même au niveau des noms de famille, on s'entend, hein, pendant un bout
de temps, ce n'était pas nécessairement utilisé. Il faut commencer avec la
bonne dénomination, il faut aller chercher l'information.
J'aimerais savoir de quelle façon vous
pensez qu'on peut travailler avec les conseils de bande ou l'APNQL pour avoir
cette information-là juste qui peut nous permettre, par la suite, de faire
l'ensemble des démarches. Et d'ailleurs, en passant, les familles, ce n'est pas
à eux de faire une multitude de démarches, ça va être vraiment à la direction du
soutien aux familles de les supporter là-dedans, allant même jusqu'à remplir
les papiers pour eux, chef Picard. Mais je veux savoir : conseils de
bande, APNQL, est-ce qu'il y a de l'information qui peut être partagée pour
justement nous aider dans ce processus-là?
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez, je vous entends puis je vais certainement
inviter ma collègue à poursuivre également.
Mes premières réactions, c'est qu'en fait
c'était un peu notre inquiétude, là, par rapport à un processus administratif
qui risque d'être beaucoup trop lourd et qu'il soit peut-être beaucoup moins
accessible pour les familles. Et, je pense, ce que j'entends de votre part, M.
le ministre, c'est que, bon, c'est clair que la participation et la présence
des familles est un incontournable. Il faudra s'assurer comment le tout prend
forme, hein, c'est important. Est-ce que les familles, par exemple, pourraient
avoir une opportunité de désigner leur propre expert en la matière, par
exemple, pour soutenir la démarche? Ça, c'est un aspect important que je trouve
pertinent de vous relever, parce qu'il en va du succès de la démarche. Il en va
aussi de processus qui sont souvent... Je veux dire, quand on met... quand on
ajoute une lourdeur administrative à tout processus, surtout dans un cas comme
celui qui nous intéresse aujourd'hui, là, ça veut dire qu'on reporte à plus
tard, sur une longue période, la guérison qui est nécessaire, et ça, je pense
que tous vos témoins jusqu'à maintenant y ont référé. Donc, il y a cet
aspect-là.
Mais vous touchez à un autre aspect qui
est extrêmement important aussi, c'est tout ce qui précède les dates qu'on <connaît...
M. Picard (Ghislain) :
...qui nous intéresse
aujourd'hui, là, ça veut dire
qu'on reporte
à plus tard, sur une longue période, la guérison qui est
nécessaire, et
ça,
je pense que tous vos témoins
jusqu'à
maintenant y ont
référé. Donc, il y a cet aspect-là.
Mais vous touchez à un autre aspect qui
est
extrêmement
important aussi, c'est tout ce qui précède les
dates
qu'on >connaît déjà, là, et je crois comprendre qu'il n'y
aura pas... il n'y aura plus d'imposition temporelle par rapport à des cas qui
pourraient remonter au début du XXe siècle, et peut-être même avant, qui sait.
Et la question au niveau du fédéral, c'est
qu'effectivement il y a possibilité peut-être de faire de la recherche
d'archives, par exemple, pour essayer de relater certains cas. Et je ne crois
pas ici qu'il y aura de... certainement pas de notre part, de refus, là, de
collaborer, si cette collaboration-là nous était requise, et, sans vouloir
parler au nom des conseils de bande, parce qu'il y a une diversité, je verrais
mal comment les conseils de bande pourraient également refuser de collaborer.
Marjolaine, peut-être que tu pourrais
ajouter là-dessus.
Mme Sioui (Marjolaine) :
Oui, bonjour. Merci beaucoup. Bien, à ça, peut-être que j'ajouterais... parce
qu'on remonte quand même dans le temps, et, à ce moment-là, ce n'étaient pas
nécessairement des archives qui peuvent être au conseil de bande ou quoi que ce
soit, ça peut-être aussi, bien sûr, avec les registres qu'on avait au niveau du
fédéral. Donc, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur l'importance de pouvoir
avoir une porte d'entrée pour avoir une vue d'ensemble au niveau des registres
puis de voir de quelle façon, quand une demande est déposée, qu'on peut avoir
justement ce lien-là pour empêcher, là, que la famille se promène d'une source
à l'autre, mais qu'il y ait aussi un encadrement pour pouvoir bien les appuyer
là-dessus.
• (14 h 20) •
La même chose aussi au niveau des
archives. On souhaite aussi de préconiser qu'il puisse y avoir des ressources
spécialisées, que ce soient des recherchistes. On sait aussi qu'avec... il y a
des ressources qui peuvent être spécialisées pour guider, pour venir
accompagner aussi au niveau des recherches historiques, donc avec aussi des
archivistes. Donc, ce serait important d'avoir ces ressources-là, qui seraient
mises pas nécessairement seulement dans l'unité que vous comptez mettre sur
pied, mais aussi que ce soient des ressources qui soient mises aussi avec une
sélection, là, qui seront faites avec les familles.
Il y a aussi un autre élément important
quand on parle de registres. Oui, il y a des choses qui peuvent se retrouver
soit à un conseil de bande, ou au gouvernement fédéral, et tout ça, mais on
peut aller aussi plus loin, parce que les enfants qui sont disparus... qu'ils
soient décédés ou disparus, peuvent avoir été aussi victimes d'avoir été
adoptés dans des circonstances, donc... puis on sait très bien que les
adoptions pouvaient se faire aussi à d'autres provinces, d'autres territoires,
mais aussi aux États-Unis. Donc, vous pouvez comprendre la portée que ça peut
avoir dans certains cas. Donc, c'est d'assurer, là, que tous ces volets-là
soient bien <cernés...
Mme Sioui (Marjolaine) :
...adoptés dans des circonstances, donc... puis on sait
très
bien que les adoptions pouvaient se faire aussi à d'autres provinces, d'autres
territoires, mais aussi aux
États-Unis. Donc, vous pouvez comprendre la
portée que ça peut avoir dans certains cas. Donc, c'est d'assurer, là, que tous
ces volets-là soient bien >cernés pour donner toute la latitude possible
aux familles de retrouver leurs enfants.
M. Lafrenière : Merci. Puis d'ailleurs
on entendait plus tôt aujourd'hui, vous les avez possiblement entendus, les
gens du Protecteur du citoyen qui nous rassuraient aussi sur le pouvoir
d'enquête, parce que les enquêteurs qui seront nommés auront le même pouvoir
que ceux d'une commission d'enquête, donc, pour aller chercher cette information-là.
Moi, je voulais beaucoup vous entendre
aussi sur la partie des conseils de bande et des archives que vous pouvez avoir
de votre côté, et j'imagine qu'on va avoir votre collaboration pour écrire à
l'ensemble des conseils de bande. Parce que, vous savez, on a parlé de deux
pouvoirs importants. On a le pouvoir d'enquête, c'est vrai, et, avec nos
différents invités aujourd'hui, dont la Protectrice du citoyen, on a parlé
aussi de l'importance de faire de la sensibilisation à tous ceux qui peuvent
détenir de l'information. Et je pense qu'on va avoir besoin de vous comme
partenaires pour envoyer ce message-là — comme vous avez dit tantôt,
chef Picard, bon, il y a une multitude de communautés différentes — mais
de pouvoir écrire à l'ensemble des communautés pour leur demander l'adhésion à
ce processus-là, qui est si important.
Et ça m'amène à l'autre question pour la
CSSSPNQL. Je sais qu'il y avait une volonté, là, de créer un groupe de travail
ou, en tout cas, un groupe quelconque pour supporter les familles, et une chose
qui est très claire depuis qu'on a entendu les Naskapis, on a entendu
différents groupes venir nous rencontrer, c'est l'importance d'avoir les
familles avec nous. De quelle façon la CSSSPNQL peut travailler, justement,
avec nous? Quel est le rôle de coordination et de support? Comment on peut
faire pour travailler ensemble là-dedans? Parce que c'est sûr qu'on va avoir
besoin de vous.
Mme Sioui (Marjolaine) :
Écoutez, notre façon de travailler émane toujours de la volonté de nos leaders politiques,
de nos chefs, mais aussi des communautés, donc des familles. Donc, le rôle
qu'on aura sera celui qu'ils souhaiteront, là, qu'on puisse jouer. Bien sûr
qu'on est une organisation qui appartient aux communautés, aux organismes.
Donc, de ce côté-là, on jouera le rôle, bien sûr, qu'on a présentement avec le
mandat qu'on a de rallier tout ça au niveau de... que ce soit de la défense des
intérêts ou avec tout le travail qu'on fait normalement. Mais le lien, bien
sûr, avec tous les réseaux qu'on a sera sûrement mis à profit, comme on les
connaît présentement dans tous les réseaux, avec les intervenants, les
directions et tout ça, mais, bien sûr, à préciser de notre côté avec notre
leadership pour être sûrs, là, que ça puisse émaner, là, des recommandations
qu'ils souhaiteront voir puis de quelle façon on pourra, justement, orienter
les actions du gouvernement.
M. Lafrenière : Habituellement...
Et, vous voyez, on parlait avec le groupe Awacak, justement, qui a été
constitué en regroupement de familles, puis ils nous parlaient de l'importance
aussi d'être présents sur le terrain pour faire la promotion, disons-le comme
ça, là, la promotion de cet outil de support aux familles. J'imagine, encore
là, que vous allez me dire que ça va dépendre du rôle qui va vous être
attribué, mais, j'imagine, c'est un genre de rôle que vous pourriez faire en
partenariat avec nous pour diffuser cette information-là, mais vers les
communautés. Parce que tantôt, mon collègue... un de mes collègues posait la
question en disant : Est-ce qu'on devrait tout centraliser ou on devrait
être présents sur le terrain? Moi, je pense qu'il faut s'adapter aux familles
et non pas demander aux familles à s'adapter à nous. Alors, ça demande d'être <présents...
M. Lafrenière : ...rôle qui
va vous être attribué, mais, j'imagine, c'est un genre de rôle que vous
pourriez faire en
partenariat avec nous pour diffuser cette
information-là,
mais vers les communautés.
Parce que tantôt, mon
collègue... un
de mes collègues posait la question en disant : Est-ce qu'on devrait tout
centraliser ou on doit être présents sur le terrain? Moi, je pense qu'il faut
s'adapter aux familles et non pas demander aux familles à s'adapter à nous.
Alors, ça demande d'être>présent sur le terrain, et je sais que vous
avez une bonne représentativité sur le terrain. Alors, j'imagine, c'est un rôle
que vous pouvez jouer avec nous.
Mme Sioui (Marjolaine) :
Bien sûr, mais, en même temps, vous savez, ça demande toute une coordination. C'est
pour ça que l'élément temps est si important, de ne pas avoir de limite à
l'intérieur de ça. C'est des processus qui prennent du temps, qui demandent
aussi... En cours de route, les familles vont faire des découvertes, vont
recevoir de l'information, et ça prend des fois des petites pauses, hein, à
travers tout ça. Donc, ce lien-là est hyperimportant, stratégie de communication,
bien sûr.
Mais, en même temps, je reviens toujours à
la base, c'est au rythme des familles, au rythme des personnes qui sont
touchées de façon première, et de voir comment on peut justement... C'est un
travail collectif, hein, en fait, donc... Puis c'est sûr que le rôle que le gouvernement
a aussi, c'est de sensibiliser aussi davantage. On n'insistera jamais assez sur
l'importance que vous avez, comme gouvernement, de sensibiliser vos
institutions de santé, mais aussi de rappeler l'importance de cette
sécurisation culturelle lorsqu'on va, justement, recevoir ces demandes-là, puis
je pense que, dans une situation comme celle-ci aujourd'hui, le mot
«sécurisation culturelle», qu'on voit un peu sur la bouche de tout le monde,
n'aura jamais pris autant son importance.
M. Lafrenière : Absolument,
vous avez raison, puis c'est justement le but de cette direction de soutien aux
familles. Ce sera son travail à temps plein, et on aura besoin de partenaires
comme vous, mais c'est vraiment de recevoir les familles, de les guider. Ça
peut aller jusqu'à remplir les documents pour eux, pour elles, à leur rythme,
comme vous l'avez bien mentionné.
Et j'aimerais aussi vous rassurer, parce
que je trouvais ça fort intéressant... Depuis qu'on parle de ce projet de loi,
il y a plusieurs personnes qui se sont montrées volontaires, que ce soient des
médecins, des médecins retraités, des gens qui ont travaillé dans le réseau qui
ont dit : On est prêts à prendre les documents et les adapter. Parce que c'est
bien beau d'avoir un document, mais, si on ne comprend pas ce qui est écrit
dessus... Vous l'avez dit, pour les familles, de se faire donner un petit bout
de papier en disant : Regardez, voici la date de décès, ce n'est pas ça
qui va les rassurer. Il faut vraiment donner le maximum de réponses à leurs
questions, et c'est l'engagement qu'on prend. C'est pour ça qu'on veut créer
cette direction famille.
Je vous ai bien entendus pour les délais.
Je vous répète encore une fois que le délai, là, le premier délai qui avait été
mis dans le p.l. n° 31 a été enlevé. On gardait le
délai de... la date butoir 1989 et le cinq ans. On a entendu plusieurs groupes,
et je ne fais pas la sourde oreille, là, c'est des informations que je trouve
très, très pertinentes. On va y travailler.
Encore une fois, merci. Je pense, Mme la
Présidente, je suis arrivé au bout de mon temps. Mais je voulais vous remercier
tous les deux, là, et... Merci beaucoup d'avoir été là.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de
Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.
M. Kelley
: Merci, Mme
la Présidente. «Kwe», M. Picard, et «kwe», Mme Sioui, merci pour votre
présentation. Et, M. Picard, merci beaucoup pour demander pour une minute de <silence...
La Présidente (Mme D'Amours) :
...ministre.
Maintenant, je cède la parole au député de
Jacques-Cartier.
Vous disposez de 11 minutes.
M. Kelley
: Merci,
Mme
la Présidente. «Kwe», M. Picard, et «kwe», Mme Sioui. Merci pour votre
présentation.
Et, M. Picard, merci
beaucoup pour demander pour une minute de >silence.
Ce matin, avec les Innus de Pakuashipi, on
a parlé de l'importance de la commémoration des enfants disparus et comment on
peut peut-être réfléchir sur comment, comme une société, on... peut-être on
peut avoir un site ou un lieu avec... si c'est un monument ou quelque chose,
mais je pense que c'est important qu'on prenne des minutes comme ça, de
rappeler honnêtement notre histoire, notre triste histoire. Alors, merci pour
ça.
Et je veux juste commencer avec une
question qui est en lien un petit peu plus avec les ressources pour... ou,
excusez-moi, en communauté. Présentement, pour les familles, est-ce que les
ressources psychologiques sont disponibles pour aider ces familles-là? Parce
que c'est tout un processus, et je sais que le ministre va avoir des ressources
du SAA, mais ça va aussi prendre des ressources en ou dans la communauté, dans
chaque communauté, pour aider des familles.
Si c'est une question psychologique ou
quand même juste une question de traduction de langue, est-ce que vous pouvez
juste dire comme vos attentes envers nous pour s'assurer qu'on livre vraiment
toutes les ressources qui sont nécessaires pour chaque famille qui veut prendre
ce processus, qui n'est vraiment pas facile?
M. Picard (Ghislain) :
Bien, écoutez, je peux peut-être tenter une première partie de la réponse et...
en revenant d'abord sur votre commentaire initial sur le besoin d'une
commémoration et... Je suis tout à fait en accord avec ce que vous avancez et
j'irais même plus loin. Je pense que, quelque part, là, ça va prendre des
excuses appropriées. Et, pour moi, c'est un autre incontournable, là, dans ce
dossier-ci, parce que la preuve est faite par les témoignages qui sont de plus
en plus nombreux, là, et ça réfère au commentaire du ministre un peu plus tôt
par rapport à l'aspect temps, parce qu'on a également des indices qui sont très
récents, là, nous indiquant qu'on remonte déjà au début du siècle, du XXe, là,
des cas de disparition. C'est des nombres quand même... des chiffres quand même
assez appréciables, là. On ne parle pas d'un ou deux, trois cas, là, c'est
beaucoup plus que ça. Donc, je pense que c'est important.
• (14 h 30) •
La question de l'accompagnement, et ça me
permet peut-être d'ajouter aux commentaires du ministre Lafrenière un peu plus
tôt, c'est... il faudra, de toute évidence, je veux dire, avoir la même
définition de ce que ça implique, et, pour moi, c'est très clair que
l'accompagnement au niveau psychosocial est un autre aspect, là, qu'il ne
faudra pas négliger. Et ça a été démontré dans d'autres dossiers, en parlant
des écoles et des pensionnats indiens, pour ne nommer... ne citer que cet
exemple-là, que la période de guérison, là, peut s'échelonner non <seulement
sur plusieurs années, mais sur...
>
14 h 30 (version révisée)
<
M.
Picard (Ghislain) :
...psychosocial est un autre aspect, là,
qu'il ne faudra pas négliger, et ça a été démontré dans d'autres dossiers, en
parlant des écoles, des pensionnats indiens, pour ne citer que cet exemple-là,
que la période de guérison, là, peut s'échelonner non >seulement sur
plusieurs années, mais sur plusieurs générations, donc, et je pense que ça met
en évidence, là, la gravité, finalement, des gestes qui ont pu être posés
lorsqu'on enlève un enfant de sa famille. Je veux dire, c'est, pour moi, là...
je nous vise tous et toutes comme parents aujourd'hui, puis c'est pour ça que
je dis ça, je dis que c'est tout à fait inconcevable, là. Donc, je pense que
cet aspect-là va peut-être rapidement mériter une attention particulière.
Marjolaine?
Mme Sioui (Marjolaine) :
Bien, c'est certain que le besoin des ressources, là, diverses est imminent
dans ce cas-ci. Par contre, vous savez, chef Picard le mentionnait, on a vécu
un peu à quoi ça ressemblait quand on a mobilisé tout un réseau pour, justement,
accompagner les familles, que ce soit lors des écoles résidentielles, lors des
différentes enquêtes publiques, et tout.
Et maintenant, on arrive avec
l'accompagnement des familles. Tout d'abord, je dirais peut-être d'évaluer ce
besoin-là auprès d'elles pour savoir exactement de quoi elles ont besoin. Quand
on parle de ressources d'aide psychosociale, ça ne se limite pas à, non plus,
seulement du psychosocial, mais aussi, des fois, par nos guérisseurs
traditionnels, parce que c'est les pratiques que nous avons. Donc, c'est de
demander, justement, à quels types de ressources elles vont vouloir se référer
et auxquelles elles vont avoir confiance aussi.
Et présentement, c'est sûr qu'une
inquiétude qui me vient en tête tout de suite, c'est le manque de ressources,
présentement, justement, de disponibles. On voit déjà un surmenage, là, à cause
de la pandémie présentement. On voit cette augmentation de besoins aussi
d'avoir ces ressources pour nous aider. Donc, il faudra bien réfléchir, là, à
voir comment on va pouvoir s'assurer de la disponibilité de ces ressources-là
pour les familles puis de le faire, bien sûr, conjointement avec elles, là,
pour bien identifier leurs besoins.
M. Kelley
: Parfait, merci
beaucoup. Je veux juste poser une question maintenant sur les renseignements
qui existent ou n'existent pas. C'est une chose qu'on a entendue. Il y a un
mémoire qui a été déposé par un CIUSSS qui dit, comme, on ne garde pas nécessairement
tous les renseignements concernant les enfants qui ont été adoptés. Mais, bref,
je veux juste... Si quelqu'un prend le processus, puis on arrive, à la fin, où
il n'y a aucune conclusion parce qu'on n'a pas l'information, selon vous
autres, est-ce que ça prend, peut-être, un autre type d'enquête, plus
indépendante, publique, pour regarder la situation autour de la question de la
vérité de ce... qu'est-ce qui a passé sur le territoire du Québec avec les
enfants qui ont disparu dans les institutions <québécoises...
M. Kelley
: ...
selon
vous autres, est-ce que ça prend, peut-être, un autre type d'enquête, plus
indépendante, publique, pour regarder la situation autour de la question de la
vérité de ce... qu'est-ce qui a passé sur le territoire du Québec avec les
enfants qui ont disparu dans les institutions >québécoises?
M. Picard
(Ghislain) : Bien, ce que je pourrais peut-être tenter comme réponse
ici, puis ça me ramène un peu... pas pour lui jeter l'entièreté de l'odieux,
mais la capacité d'enquête qui avait été évoquée un peu plus tôt par le ministre.
Et je pense qu'il y a ici une situation qui est tout à fait possible. C'est ce
que vous relevez. Et, pour moi, là, c'est peut-être le moment à essayer de
saisir l'opportunité de la capacité d'enquête, hein? Et je crois que c'est beaucoup
dévolu à vous, M. Lafrenière, comme ministre responsable, jusqu'où on va
vraiment faire le test de cette capacité-là, jusqu'où on va aller. Parce que,
de toute évidence, on va être confrontés, quand même, à la mémoire des
personnes qui sont directement touchées, là, et ça aussi, à mes yeux, ça vaut
quelque chose. On ne doit pas, absolument pas, rejeter du revers de la main,
parce que ce n'est pas documenté, la mémoire des parents qui ont été
directement... ou, dans certains cas, des grands-parents qui ont été
directement impactés aussi.
M. Kelley
: Merci. Et
je ne sais pas, Mme Sioui, si vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Sioui (Marjolaine) :
Bien, peut-être, la seule chose que j'ajouterais à ça, c'est sûr que ça faisait
partie d'un des appels à la justice, là, du rapport d'enquête sur l'ENFFADA, du
rapport du Québec. Donc, c'est certain.
Puis, vous savez, sur la question de
savoir s'il y a une limite ou non, donc, on n'est pas capables de récupérer
certaines informations, on part toujours du principe qu'il faut tout faire pour
voir... donc ne pas laisser... ne pas baisser les bras à la première... au
premier obstacle qu'on a lorsqu'on ne trouve pas quelque chose, mais de mettre
tous les efforts nécessaires pour aller jusqu'au fond des choses. Puis
éventuellement, bien, au moment où on trouve cette limite, si on n'a pas toutes
les informations, c'est l'importance aussi d'arriver et de pouvoir fournir la
raison, le pourquoi on a cette limite-là maintenant.
Donc, il faut essayer de jeter le plus de
lumière possible sur les situations qu'on voit, parce que, peu importe qu'on
arrive avec une enquête, ou tout autre suivi qu'on peut faire, ou quoi que ce
soit, à quelque part, il n'y aura jamais une enquête, ou un processus, ou une
information qui va venir réparer tout le tort qui a été fait ou le mal qu'une
famille vit, a vécu ou qu'elle va vivre encore.
Puis, tu sais, je reviens avec...
Présentement, on essaie de, justement, avancer pour toutes ces familles qui
sont affectées sans savoir, en allant plus loin... de trouver, découvrir aussi
qu'il y a d'autres familles, peut-être, qui sont affectées par ça. Et, jusqu'à
maintenant, on a quand même 17 familles, là, des enfants qui sont
maintenant... dont les <parents...
Mme Sioui (Marjolaine) :
Présentement, on essaie de, justement, avancer pour
toutes ces familles qui sont affectées sans savoir, en allant plus loin... de
trouver, découvrir aussi qu'il y a d'autres familles, peut-être, qui sont affectées
par ça. Et, jusqu'à maintenant, on a quand même 17 familles, là, des
enfants qui sont maintenant... dont les >parents sont décédés et qui
n'auront jamais vu cette lumière se faire. Donc, de là l'importance, là,
d'aller jusqu'au bout.
M. Kelley
: Merci
beaucoup. Maintenant, je veux juste poser une question, parce qu'encore ce
matin on a eu un témoignage qui était vraiment touchant. On a parlé un petit
peu de, si jamais une famille veut récupérer le corps d'un enfant, que c'est
très important pour faire une vraie cérémonie.
Alors, juste, si vous pouvez juste
expliquer un petit peu votre recommandation 23, et aussi comment le
gouvernement peut, peut-être, donner des moyens aussi à des familles. C'est
vraiment le gouvernement du Québec qui est responsable pour... excusez-moi pour
dire ça, mais de payer pour ça. Ce n'est pas une question de facture, et je
pense qu'au minimum, juste... parce que c'est sûr que c'est un processus qui
coûte beaucoup d'argent. Alors, juste de peut-être élaborer un petit peu sur la
recommandation 23.
La Présidente (Mme D'Amours) :
En 50 secondes, s'il vous plaît.
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez, moi, je dirais tout simplement : Si
ça peut contribuer à permettre aux familles de faire un deuil honorable, je
dirais... Voilà la réponse, et je pense qu'on n'a pas à se poser la question à
ce moment-là.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Massé : Merci. Bonjour à
vous deux, «kwe». En fait, ce que vous êtes en train de dire, chef Picard,
c'est que, si on fait l'exercice, on va le faire pour de vrai. C'est comme... C'est
la première fois que le Québec, là, on a la chance, sur notre propre base, de
clencher un processus. La Protectrice du citoyen disait qu'il faut que cette
loi soit réparatrice, hein, qu'elle... Bon, tout le nécessaire deuil, toute la
nécessaire vérité dont vous faites état, il faut que ça nous amène là, y
compris de mettre les moyens si, toutefois, il faille aller jusqu'à
l'exhumation.
Mais, ceci étant dit, quand vous dites «le
droit à la vérité», qu'est-ce qui... parce que j'ai regardé rapidement vos
recommandations, et vous ne nous suggérez pas de changer un paragraphe, ou
d'inscrire quelque chose, ou de... Comment on fait ça? Parce qu'on sait que les
relations de confiance entre le gouvernement du Québec et les Premières
Nations, depuis des décennies, ce n'est pas facile. Ça fait que comment on peut
faire ça dans un projet de loi?
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez, je sais qu'il y a certainement des
aspects, là, qui vont mériter des attentions particulières, mais les <recommandations
de...
Mme Massé : ...
ce
n'est pas facile. Ça fait que comment on peut faire ça dans un projet de loi?
M.
Picard (Ghislain) :
Bien, écoutez, je sais qu'il y a
certainement des aspects, là, qui vont mériter des attentions particulières, mais
les >recommandations de l'ENFFADA 20 et 21 sont quand même très, très
claires, là, sur ce qui doit être fait. Et ce que je me dis, c'est qu'il n'est
pas impossible... il n'y a rien qui empêche le gouvernement du Québec, dans un
projet de loi qui est le sien, de situer cette question-là dans le contexte de
79, par exemple, à l'intérieur d'un préambule, qui viendrait, en quelque sorte,
encadrer un peu la démarche, et, pour moi, là, il n'y a rien d'impossible de ce
côté-là. Et vous le dites très bien vous-même, là, c'est qu'on doit tout faire
pour aller chercher la vérité, parce que c'est l'honneur des familles et,
surtout, la mémoire des personnes qui sont disparues qui en dépendent ici.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez
de 2 min 45 s.
• (14 h 40) •
M. Ouellet : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Picard,
Mme Sioui. C'est tout un rapport que vous nous demandez, et je pense qu'à
la lumière des représentations que vous aviez faites à l'époque, lorsque le
projet de loi n° 31 voulait vous donner des outils
pour aller un peu plus loin...
Vous faites mention, avec vos
recommandations, que c'était nécessaire qu'on ait une pièce législative qui
couvre l'ensemble des particularités, et là vous arrivez avez plusieurs recommandations.
Il y en a une, en particulier, que j'aimerais vous entendre, chef Picard,
la 21. Vous recommandez que «le pouvoir d'enquête du ministre soit élargi aux
dossiers où les renseignements transmis susceptibles de faire connaître les
circonstances ayant entouré la disparition ou le décès d'un enfant s'avèrent
incomplets ou présentent des irrégularités». J'aimerais vous entendre sur
l'importance d'avoir cette modification-là de la pièce législative.
M. Picard (Ghislain) :Bien, écoutez, ça revient un peu à ce que je tentais
d'expliquer un peu plus tôt, puis, encore une fois, j'inviterais Marjolaine,
sans doute, à compléter. C'est vraiment là que prend l'importance du pouvoir
qui est accordé au ministre, jusqu'où ce pouvoir-là peut s'étendre. Et, pour
moi, c'est vraiment le contexte qui doit le guider dans sa démarche, d'où
l'importance, comme le relevait Mme Massé un peu plus tôt, là, de... Ce
qui doit nous guider, là, c'est vraiment la quête, la quête ultime de vérité,
là, hein, indépendamment des circonstances, et, pour moi, là, c'est vraiment
une responsabilité qui appartient au ministre responsable.
Je le disais d'entrée de jeu, moi, je ne
suis vraiment pas à l'aise de me présenter devant vous aujourd'hui pour... dans
le contexte... je veux dire, dans le contexte d'un cadre législatif, hein, qui
est discuté actuellement, parce que, écoutez, je me fais l'avocat du diable, je
me fais l'avocat des familles, là, et... Tu sais, pourquoi nous mettre devant
ces <contraintes...
M. Picard (Ghislain) :
...devant vous aujourd'hui pour... dans le contexte... je veux dire, dans le
contexte d'un cadre législatif, hein, qui est discuté actuellement, parce que,
écoutez, je me fais l'avocat du diable, je me fais l'avocat des familles, là,
et... Tu sais, pourquoi nous mettre devant ces >contraintes-là au
départ, alors que moi, comme parent, comme grand-parent, je cherche uniquement
à savoir ce qui est arrivé à mon enfant il y a, cinq, six, sept, peut-être,
voire 80 décennies, là? Et c'est ça qui importe pour moi, et je pense que
c'est ce qui doit également guider le ministre dans sa responsabilité.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Mme Sioui, en 25 secondes.
Mme Sioui (Marjolaine) :
Oui. Bien, écoutez, sans aller en précision à l'intérieur de ça, c'est qu'on
sait très bien présentement que, même si on dirait : La loi s'applique, on
va s'assurer que l'accès à l'information va se faire, ou quoi que ce soit, on a
eu quand même plusieurs exemples où, des fois, le système administratif met,
justement, des enjeux ou des embûches à travers ça.
Donc, ce qu'on veut, c'est de s'assurer
que les canaux d'information vont être ouverts et qu'on ne se limitera pas à
des enjeux administratifs pour empêcher d'avoir de l'information, là, qui va
être donnée aux familles. Donc, c'est vraiment de pouvoir...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci.
Mme Sioui (Marjolaine) :
D'accord.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci, Mme Sioui. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 14 h 43)
>
(Reprise à 14 h 49)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de Femmes autochtones du Québec,
Mme Viviane Michel et Mme Miller. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, et, après quoi, nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé.
Femmes autochtones du Québec (FAQ)
Mme Michel (Viviane) : «Kwe».
(S'exprime dans une langue autochtone) Bonjour, tout le monde, je vous salue, et,
évidemment, je remercie le Créateur, et je remercie aussi la nation mohawk de
m'accueillir dans son vaste territoire non cédé. Femmes autochtones du Québec
est une organisation représentant des femmes vivant en milieu urbain et femmes
issues des 10 Premières Nations du Québec. En tant que présidente de
Femmes autochtones du Québec, je suis élue par les représentantes et nos
membres de ces nations, et donc je parle en leur nom.
La mission de Femmes autochtones du Québec
consiste à défendre les droits humains des femmes autochtones et de leurs
familles, à la fois sur le plan collectif et individuel, et à faire valoir les
besoins et les priorités de ses membres auprès des divers paliers du
gouvernement, de la société civile et des décideurs dans tous les domaines
d'activité ayant un impact sur les droits des personnes autochtones.
• (14 h 50) •
Femmes autochtones du Québec a d'ailleurs
été présente tout au long de l'enquête nationale sur les femmes autochtones et
les filles autochtones disparues et assassinées, soit l'ENFFADA. FAQ a
recommandé, devant cette enquête nationale, qu'il y ait une commission
d'enquête spécifique pour les enfants autochtones disparus. Dans son rapport
final complémentaire adressé au Québec, à la page 110, il s'agit de la
section sur les enfants disparus. Malgré qu'il ait reçu certains documents, il
pose des questions... il pose des questions, dans le rapport, qui n'ont pas
encore été répondues. Dans ce contexte, ils font leur appel à la justice 21,
qui demande au gouvernement, le gouvernement du Québec, de créer une commission
d'enquête.
Le contexte des enfants autochtones
disparus. Le phénomène des disparitions des enfants autochtones touche de
nombreuses familles au <Québec...
Mme Michel (Viviane) :
...
été répondues. Dans ce contexte, ils font leur appel à la justice 21,
qui demande au gouvernement, le gouvernement du Québec, de créer une commission
d'enquête.
Le contexte des enfants autochtones
disparus. Le phénomène des disparitions des enfants autochtones touche de
nombreuses familles au >Québec. Le nombre d'enfants ne peut être véritablement
établi, bien que Awacak regroupe un nombre de ces familles, mais nous croyons
qu'il pourrait y avoir aussi d'autres familles qui ont perdu un enfant qui
n'auraient pas participé aux travaux de l'ENFFADA.
Il est important de se rappeler que les
disparitions d'enfants autochtones prennent place dans un contexte historique
particulier, soit le contexte colonial de la politique d'assimilation du Canada.
Cette politique a entraîné la création des pensionnats indiens, reconnus, par
la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, comme un véritable
génocide culturel. Il s'agissait, en réalité, de la volonté du Canada
d'assimiler les enfants autochtones et de tuer l'Indien dans l'enfant. Il a été
estimé que plus de 150 000 enfants autochtones ont été victimes de
pensionnats. Certains y sont morts dans des circonstances douteuses ou
d'épidémie. Les parents, souvent, n'étaient pas avisés du décès, ils étaient
informés lorsqu'ils s'apercevaient que leur enfant n'était pas retourné à la
maison pour l'été.
La politique d'intégration forcée du
gouvernement canadien a également donné lieu à la rafle des années 60,
avec l'adoption d'enfants autochtones par des familles allochtones, parfois
même à l'étranger. Des disparitions d'enfants ont également eu lieu lors des
épidémies. De nombreux enfants ont été hospitalisés jusqu'à récemment. Certains
étaient envoyés par avion sans leurs parents.
Également, l'ENFFADA, dans son rapport
concernant le Québec, à la page 110, considère que les informations en
lien avec la disparition d'enfants autochtones devraient être analysées à la
lumière du contexte de l'époque, entre 1930 et 1960. Ceux qui sont appelés,
plus tard, les enfants de Duplessis étaient des enfants placés dans des
hôpitaux psychiatriques ou d'autres institutions semblables sur la base d'un
faux diagnostic. Par ailleurs, des recherches sur ce sujet ont démontré qu'il y
avait des politiques fédérales, quant au financement, qui avantageaient le
transfert des enfants des orphelinats aux hôpitaux psychiatriques. Ce contexte
explique le doute... et de méfiance de la part des autochtones envers les
institutions politiques et le gouvernement. Bien qu'il est possible que
certains enfants soient réellement décédés d'une maladie, pour certains
parents, le doute a toujours persisté.
Devant l'ENFFADA, des familles ont
témoigné de leurs doutes lorsque l'enfant avait été déclaré mort, avait été
envoyé à l'hôpital pour de l'eczéma ou pour du muguet sur la langue. Dans un
autre témoignage, le bébé de deux mois parti à l'hôpital avait été déclaré
décédé, mais, lorsque le cercueil est revenu, le bébé, à l'intérieur, était âgé
d'environ 10 mois. Pour une autre famille, deux de leurs enfants étaient
disparus de l'hôpital, et les parents avaient été avisés beaucoup plus tard que
leurs enfants étaient décédés. Les parents n'avaient jamais cru à la mort de
leurs enfants et <ont...
Mme Michel (Viviane) : ...
décédé,
mais, lorsque le cercueil est revenu, le bébé, à l'intérieur, était âgé
d'environ 10 mois. Pour une autre famille, deux de leurs enfants étaient
disparus de l'hôpital, et les parents avaient été avisés beaucoup plus tard que
leurs enfants étaient décédés. Les parents n'avaient jamais cru à la mort de
leurs enfants et >ont demandé à leur fille de faire des recherches de
ces enfants disparus. Elle a finalement retrouvé les deux enfants à l'Hôpital
Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul — on parle ici de Mme Françoise
Ruperthouse, là — un hôpital pour les déficients intellectuels. Son
frère, selon les documents médicaux, est décédé, mais elle a retrouvé sa sœur,
qui avait une déficience intellectuelle avancée, alors qu'elle était en santé
avant son séjour de l'hôpital.
À la lumière des différents témoignages et
études qui allèguent que des expériences médicales nutritionnelles auraient été
faites sur des enfants autochtones dans les pensionnats indiens, certaines
familles se demandent si c'est ce qui aurait pu arriver à leur enfant qui est
disparu.
Au-delà de la quête individuelle
d'information, les familles ont exprimé, devant l'ENFADDA, qu'ils veulent
savoir pourquoi elles n'avaient pas été dûment informées du décès ou que
l'enfant était mourant. Elles aimeraient savoir les raisons pour lesquelles le
corps ne leur a pas été retourné, pourquoi l'enfant a été inhumé dans une fosse
commune, alors que ces enfants n'étaient pas orphelins ou abandonnés.
Quelles étaient les directives, à cette
époque, pour les enfants autochtones? Y avait-il des incitatifs financiers?
Quelles étaient les politiques, en lien avec le consentement parental, de ces
institutions? Pourquoi est-ce qu'aucun certificat de décès n'était rédigé?
Pourquoi est-ce que les familles n'étaient pas avisées par cet hôpital? L'agent
indien devait tenir les registres des Indiens inscrits en vertu de la Loi sur
les Indiens. Quelles étaient les directives des hôpitaux ou des agents indiens
en ce qui concerne le décès d'un enfant autochtone? Toutes ces questions ne
pourraient être répondues par l'obtention des dossiers médicaux ou sociaux
spécifiques à un enfant. Il faut, selon nous, une enquête plus approfondie sur
les causes historiques et systémiques du traitement des familles en lien avec
la perte d'un de leurs enfants.
Le droit de connaître la vérité. Les
disparitions des enfants autochtones constituent une violation grave des droits
humains, dans un contexte où les proches et les familles des enfants ont droit
à la vérité, tel que reconnu par le droit international. Il s'agit d'un droit à
la fois individuel, puisqu'il permet d'assurer la sécurité et l'intégrité
psychologique des familles, mais aussi un droit collectif, afin d'assurer la
non-répétition des violations des droits humains et, ultimement, la
réconciliation. Ce droit à la vérité est issu d'un droit international et des
principes de droits humains, mais il s'applique au Québec, puisque, dans un
état fédéral, celui-ci est lié par le droit international. La sécurité et la...
psychologique de la famille sont également des droits protégés par la charte
québécoise et la charte canadienne.
À cet égard, Femmes autochtones du Québec
considère que le projet de loi n° 79 a un mandat trop restreint et que le
phénomène de disparition des enfants autochtones nécessite la mise en place
d'une commission d'enquête, qui permettrait de respecter le droit à la <vérité...
Mme Michel (Viviane) : ...des
droits protégés par la
charte québécoise et la charte canadienne.
À cet égard, Femmes autochtones du
Québec considère que le projet de loi n° 79 a un mandat trop restreint et
que le phénomène de disparition des enfants autochtones nécessite la mise en
place d'une commission d'enquête, qui permettrait de respecter le droit à la
>vérité en recherchant les causes et les raisons des disparitions et des
décès des enfants autochtones. Cette commission devrait être constituée d'une
équipe entière indépendante et en majorité autochtone. Pour des raisons de
méfiance des peuples autochtones envers le gouvernement, nous avons un malaise
que le pouvoir d'une commission d'enquête soit donné au ministère des Affaires
autochtones, dans le projet de loi n° 79, qui, en
fait, est une branche du gouvernement. FAQ considère également qu'aucune limite
de temps ne devrait être imposée.
Commentaires sur le projet de loi n° 79. Selon nous, le projet de loi n° 79
est une mise en place d'une solution bureaucratique à une problématique de
violation grave des droits humains. Bien que le ministre, en vertu du p.l. n° 79, va prêter assistance aux familles, cela a pour effet de
remettre fardeau de recherche de vérité, encore, sur les épaules des familles.
Même si le projet de loi
permet à des membres élargis de faire une demande d'accès, certaines familles
pourront quand même se buter, encore une fois, à des refus de la part des
organismes, car certaines dispositions de la loi sur l'accès permettent de
refuser ce droit d'accès. Ils pourront réviser devant la Commission
d'accès à l'information. Qui va payer les frais de représentation
judiciaire encore? Toutes ces démarches et procédures, ça prend des années. Également,
le pouvoir d'enquête n'intervient qu'à la fin du processus de recherche, ce qui
force les familles à faire toute démarche bureaucratique avant cette
intervention du ministre, qui est, par ailleurs, un pouvoir discrétionnaire,
car, à l'article 13, il est écrit que «le ministre peut, après avoir
considéré les démarches effectuées par la personne...»
Si le p.l. n° 79 venait
à être adopté tout de même, FAQ souhaite apporter quelques derniers
commentaires et ses propositions d'amendements relatifs au projet. Puisque ce
projet de loi crée une exception à l'article 6, la famille élargie devrait
pouvoir avoir accès aux mêmes documents que les ascendants et les titulaires de
l'autorité parentale, à l'article 23 de la loi sur la santé et les
services sociaux...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Je vous remercie, Mme Michel. Nous devons passer maintenant à la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Lafrenière :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Kwe», Mme Michel. Écoutez, avec
consentement, on peut tout faire dans cette commission. Avec le consentement de
mes collègues des oppositions, j'aimerais vous laisser, encore une fois, le bâton
de la parole pour terminer ce que vous aviez commencé à dire, parce que le plus
important, c'est de vous entendre, aujourd'hui.
• (15 heures) •
Mme Michel (Viviane) : Merci.
Ça va me prendre juste deux minutes. Merci beaucoup, j'apprécie.
Bon, même si le projet de loi permet à des
membres de familles élargies de faire une demande d'accès, certaines familles
pourront quand même se <buter... Ça, je l'ai dit...
>
15 h (version révisée)
<(Visioconférence)
M. Lafrenière : ...vous
laisser
encore une fois le bâton de la parole pour terminer ce que vous
aviez commencé à dire, parce que le plus important, c'est de vous entendre
aujourd'hui.
Mme Michel (Viviane) :
Merci. Ça va me prendre juste deux minutes.
Merci beaucoup, j'apprécie.
Bon, même si le
projet de loi permet à des membres de famille élargie de
faire une demande d'accès, certaines familles pourront quand même se >buter...
Ça, je l'ai dit.
Également, bon, si le projet de loi
n° 79 venait à être adopté tout de même, FAQ souhaite apporter quelques
commentaires et propositions d'amendement relatives au projet. Puisque ce
projet de loi crée une exception, à l'article 6, la famille élargie
devrait pouvoir agir... accès aux mêmes documents que les ascendants et le
titulaire de l'autorité parentale, selon l'article 23 de la loi sur la
santé et services sociaux, ce qui signifie avoir accès au dossier médical
complet pour permettre à la famille de se faire leur propre opinion quant aux
informations qui s'y trouvent.
L'article 6 pourrait permettre
l'accès au dossier de la mère dans le cas de disparition d'un nouveau-né, ce
qui pourrait servir à élucider certaines circonstances du décès.
Également, et pour terminer, également,
dans le cas d'un enfant disparu toujours vivant, il serait important d'ajouter
la possibilité pour les familles d'expliquer leur version, car dans tout ce
contexte historique, l'enfant aurait pu se faire donner des informations
fausses.
Nous voulons remercier de l'attention que
vous donnerez à nos commentaires dans cette consultation, et l'importance de la
guérison et de la vérité pour les familles. Je pense que Femmes autochtones du
Québec appuie vraiment la demande des familles. Tshinashkumitin.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. M. le ministre, il vous reste 14 min 30 s.
M. Lafrenière : Tshinashkumitin.
Merci beaucoup, Mme Michel. Merci pour votre témoignage, pour vos... pour
les informations que vous nous livrez. Vous êtes le dernier groupe qu'on
rencontre, et je vous confirme que ce processus est extrêmement important.
Lorsqu'on présente un projet de loi, on entend les personnes. On a entendu des
familles, vous avez référé à Mme Ruperthouse qui est venue nous
rencontrer, et chacun, on a un petit objet devant nous pour nous rappeler
pourquoi on fait ce projet-là, parce que c'est avant tout pour les familles. C'est
pour ça que je vous ai laissé la parole tantôt, parce que, pour moi, il n'y a
rien de plus important que de vous entendre.
Et, dans un projet de loi, le but des consultations
particulières, c'est justement d'entendre des recommandations pour amener la
meilleure loi possible. Et, tout à l'heure, il y a un petit point que je veux
regarder avec vous, vous avez dit : Si le projet de loi devait aller de
l'avant... Vous avez fait des suggestions d'amendements et de modifications, et
c'est pour ça qu'on est là, mais sinon, est-ce que votre suggestion, à la base,
c'était de ne pas aller de l'avant du tout avec le projet de loi?
La Présidente (Mme D'Amours) :
Votre micro, Mme Michel.
M. Lafrenière : Ça nous arrive
tous deux fois au moins.
Mme Michel (Viviane) : Bon, je
vais demander à Rainbow, pour l'aspect, justement, judiciaire, à répondre.
Mme Miller (Rainbow) : Oui.
Bonjour, M. le ministre. Merci pour votre question et merci également d'avoir
laissé Mme Michel avoir terminé sa représentation. Et j'ai regardé aussi
la représentation de Mme Ruperthouse, le 30. J'ai vraiment apprécié votre
intervention, c'était vraiment fait avec beaucoup de respect. Je vous <remercie
pour...
Mme Miller (Rainbow) :
Oui. Bonjour, M. le ministre. Merci pour votre question et merci également
d'avoir laissé Mme Michel avoir terminé sa représentation. Et j'ai regardé
aussi la représentation de Mme Ruperthouse, le 30. J'ai vraiment apprécié
votre intervention, c'était vraiment fait avec beaucoup de respect. Je vous
>remercie pour cette intervention-là.
Oui, effectivement, si vous avez lu notre
mémoire, notre... en fait, c'est comme on a fait une suggestion et
subsidiairement, nous, effectivement, dans le mémoire, ce qui est écrit, c'est
que... ceci est la consultation, en fait, sur des démarches qui sont faites en
lien avec l'article... l'appel à la justice 20, 21 de l'ENFFADA, et FAQ
avait demandé une commission d'enquête dans son mémoire, et l'ENFFADA a aussi
fait cette recommandation-là.
Donc, effectivement, nous, ce qu'on
préférerait, ce ne serait pas un projet de loi comme qui est écrit ici parce
que, en fait, tu sais, c'est... à l'article 13 on donne les pouvoirs de la
commission d'enquête, mais ce n'est pas une commission d'enquête qui est mise
sur pied comme les commissions d'enquête classiques ou même comme une
commission de vérité ou de réconciliation qui a été faite, au Canada, pour les
pensionnats.
Donc, effectivement, notre première
recommandation, ça serait d'avoir une commission d'enquête plutôt que de faire
une demande d'accès qui, selon nous, est un processus assez bureaucratique,
assez lourd pour les familles, parce que, à l'article 13, c'est écrit que
le ministre, après avoir vérifié les... toutes les démarches qui ont été faites,
là, il peut enclencher le processus d'enquête. Donc, pour nous, s'il y avait
une commission d'enquête qui était demandée, eh bien, la commission d'enquête
aurait tous ses pouvoirs pour aller chercher tous les documents et faire
vraiment une meilleure recherche selon nous. Parce que, des fois, des dossiers,
là... moi, j'ai représenté beaucoup de personnes dans les dossiers de
pensionnat, des fois, tu peux tout trouver sur un petit détail dans un vieux
dossier. Donc, selon nous, ça serait cette manière que les familles pourraient,
vraiment, obtenir de l'information.
Évidemment, aussi, une commission
d'enquête, c'est public. On a tout le temps la question de l'intérêt public à
savoir qu'est-ce qui s'est passé. Parce que, peut-être, dans certains cas, oui,
c'était une question... un enfant est décédé d'une maladie. Mais là, à un
moment donné, quand on voit dans... comme chez les Innus, je crois qu'il y
avait huit enfants. Un moment donné, ça devient un pattern, puis les
familles, les communautés, ils ont des doutes. Puis ils ont raison d'avoir des
doutes, parce que, si on regarde tout l'historique au Canada, tout ce qui s'est
fait, toutes ces pratiques coloniales là, et même dernièrement comme vous avez
vu Mme Ruperthouse puis... et ça a été relaté dans le mémoire, elle se
demandait même : Est-ce qu'il y a eu des expériences qui ont été faites?
Parce que, de plus en plus, il y a des témoignages qui ressortent, des
recherches dans les universités qui disent... ils ont trouvé de la
documentation où on fait... où on dit qu'il y a eu des recherches médicales
faites sur des enfants.
Donc, dans ce contexte-là, pour vraiment
que les familles puissent retrouver toute l'information... et ça ne serait pas
eux qui devraient faire toutes les démarches, c'est la commission avec ses
pouvoirs <d'enquête et...
Mme Miller (Rainbow) :
... trouvé de la documentation où on fait... où on dit qu'il y a eu des
recherches médicales faites sur des enfants.
Donc, dans ce contexte-là, pour
vraiment que les familles puissent retrouver toute l'information... et ça ne
serait pas eux qui devraient faire toutes les démarches, c'est la commission
avec ses pouvoirs >d'enquête... irait chercher les documents, et, avec
des audiences qui seraient publiques, la vérité pourrait ressortir.
Donc, effectivement, oui, ça, c'est notre
première recommandation, mais on dit, subsidiairement : Si vous décidez, finalement,
que non, ce n'est pas la voix que le gouvernement décide, bien, on a fait
certaines... on a mis certains commentaires dans notre mémoire d'aujourd'hui,
là, où il y aurait peut-être des ajouts à faire.
M. Lafrenière : Et où on est
d'accord sur une chose, vous avez entièrement raison quand vous dites : Le
fardeau ne doit pas être sur le dos des familles, puis c'est pour ça... puis
ça, ça ne fait pas partie du projet de loi, parce que c'est administratif. C'est
pour ça que ce n'est pas une direction de soutien aux familles, puis vous avez
raison.
Puis, après avoir entendu
Mme Ruperthouse puis avoir entendu d'autres victimes, il faut vraiment
travailler avec les victimes. Mais c'est à nous à s'adapter aux victimes et non
aux victimes à s'adapter à nous. Et c'est pour ça que je prends votre argument
pour l'aspect public. Nous, on l'a analysé à l'inverse en se disant : C'est
une possibilité, vous avez raison, mais ça ne devrait pas être une obligation.
On ne devrait pas forcer les familles à passer par un processus public. Et dans
la vision, puis j'entends votre vision, dans la vision des choses, on se disait :
Ce serait peut-être plus aux familles de nous faire comprendre si c'est un
processus, s'il y a une partie qu'ils veulent avoir publique ou non, parce
qu'il y a peut-être certaines familles qui ne voudront pas passer par là.
Mais ça, je vous ai entendu là-dessus et
je le comprends. Je veux aussi vous rassurer en vous disant que le but,
l'intention derrière tout ça, c'est d'avoir vraiment une direction de soutien
aux familles qui va être forte, qui va venir soutenir les familles, mais avec
elles.
Puis justement, dans ce cadre-là, moi,
j'aimerais savoir, parce que vous en avez parlé un petit peu, on parle de la
guérison, comment supporter les familles, comment être avec eux. Moi, je pense
que c'est un rôle qui devrait être partagé, c'est-à-dire de le faire avec et pour
les familles, mais comment vous voyez ça, vous? C'est quoi, le genre
d'accompagnement que vous avez été à même de donner? Parce que je sais que vous
avez travaillé avec Awacak aussi. C'est quoi, l'accompagnement que vous avez
donné ou que vous nous suggérez de donner pour ces familles-là?
Mme Michel (Viviane) :
Écoutez, à Femmes autochtones du Québec, quand on prend le cas des femmes
autochtones disparues et assassinées — je vous invite à aller voir
notre site Web, évidemment, l'étude qu'on a faite — on voulait
prouver que ces cas de disparition existaient au Québec. Donc, on a fait une
étude et, dans l'étude, on se devait de s'asseoir avec les familles. Donc, on a
fait des rassemblements de familles, O.K., pour leur donner un espace, évidemment,
espace de guérison, espace aussi pour les outiller dans le système judiciaire,
dans toutes les démarches qui devaient se faire. Et il y avait toutes sortes
d'expériences. On avait des familles qui étaient de plus en plus avancées dans
leurs recherches, dans leurs procédures. Donc, c'étaient des échanges aussi de
capacités qu'ils pouvaient se donner.
Donc, ça a été... on l'a fait pendant
trois ans, M. Lafrenière. On l'a fait pendant trois ans. Ça a été demandé
à la demande des familles. Évidemment, c'est bel et bien écrit dans l'étude,
minimum une fois par année, on devrait avoir ce rassemblement-là parce que ça
nous fait du bien, ça nous outille, etc. Et bon, bien, la game politique est
toujours dedans, c'est toujours... à un moment donné, on nous dit : Bon,
bien, c'est assez, <c'est assez...
Mme Michel (Viviane) :
...des familles. É
videmment, c'est bel et bien écrit dans l'étude,
minimum une fois par année, on devrait avoir ce rassemblement-là parce que ça
nous fait du bien, ça nous outille, etc. Et bon, bien, la game politique est
toujours dedans, c'est toujours... à un moment donné, on nous dit : Bon,
bien, c'est assez, >c'est assez, c'est assez, là, on n'a plus de financement.
Donc, pour la guérison des familles, il
faut penser à long terme. Les traumatismes que ces gens-là portent, c'est des
traumatismes quand même qui durent depuis longtemps et qui ont besoin de
guérison. Une guérison, ce n'est pas avoir une session de guérison une fois. Et
pour les avoir entendus, il y a différentes façons aussi d'aller chercher leur
guérison. Les familles nous ont bel et bien dit : Ne marchez pas devant
nous, ne marchez pas derrière nous, marchons côte à côte. O.K. Et on a toujours
respecté ce que les familles nous ont dit.
Donc, voilà ce qu'on a fait pour les
familles, mais il y a toujours la game politique dedans, où est-ce que,
lorsqu'on veut faire bien les choses, ou qu'on fait bien les choses, puis qu'on
atteint quand même des gains, bien, il y a le problème de finance à la fin, le
financement.
• (15 h 10) •
M. Lafrenière : Merci. Et
je vous entends quand vous dites : On doit le faire par et pour les
familles, et c'est l'essence de ce projet de loi. Et je vous dirais que j'ai
entendu des familles me dire aussi à quel point il y avait urgence d'agir. Puis
vous le dites à la fin de votre document, à la page 20 : Il y a
urgence d'agir.
Vous savez, il y a le p.l. n° 31 qui a été déposé. On a bien entendu ce que les
familles nous ont dit. On l'a déplacé, on l'a ramené dans un projet de loi
autoportant, le 79. Mais moi, a contrario, je me dis : De mettre fin à ce
projet de loi et de rapporter plus tard à un autre outil, moi, j'aurais
crainte. J'aurais crainte parce qu'il y a plusieurs familles qui me disent :
Il y a des parents qui sont décédés sans avoir eu réponse.
Moi, je ne pense pas que le projet de loi
n° 79 va donner toutes les réponses. Je vais être bien honnête avec vous,
je pense que c'est un premier pas, puis il y a au moins deux groupes qui l'ont
dit jusqu'à présent. C'est un premier pas, mais n'est pas une fin en soi. Il va
y avoir d'autre travail à faire, j'en suis conscient. Mais moi, ce que je vous
lance comme message, je me dis : L'autre danger, si on dit qu'on ne va pas
de l'avant, on ne débute pas quelque chose, mais il y a des parents,
malheureusement, qui vont nous quitter sans avoir trouvé cette réponse-là. Puis
moi, comme père de deux jeunes filles de 11 ans, 13 ans, je ne peux même
pas m'imaginer ça une seconde de ne pas savoir ce qui est arrivé à mon enfant,
puis ça, je vous l'accorde absolument.
C'est pour ça que vos recommandations sont
importantes. Ça va nous demander, comme commission, de se pencher sur vos recommandations
de trouver le meilleur projet de loi, mais moi, je pense qu'encore une fois il
faut aller de l'avant pour donner des réponses aux parents. Et je veux vous
rassurer encore une fois, vous l'avez dit tantôt, ce n'est pas aux familles de
faire la bureaucratie et tout, vous avez tellement raison.
Et quand on parle d'une direction de
soutien aux familles, je vous l'ai dit, ça va aller jusqu'à remplir les documents
avec et pour eux, avec et pour eux. C'est sûr qu'on va tout faire pour trouver
cette information-là, et le pouvoir qui sera donné... parce que, souvent, on
fait référence, dans le projet de loi, du pouvoir qui est donné au ministre,
mais vous comprenez, c'est un pouvoir qui est délégué, là, et ces enquêteurs-là
vont avoir le même pouvoir que des gens dans une commission d'enquête pour
retourner toutes ces pierres pour trouver l'information pour répondre. Puis par
la suite, si on voit que les réponses n'ont pas été obtenues, ou ça nous a
guidés sur d'autres choses... parce que, tantôt, Mme Miller vous avez
évoqué une piste aussi, hein, à savoir à ce que les enfants avaient pu être
envoyés, qu'ils auraient pu être utilisés et tout. Il y a peut-être des choses
qu'on va découvrir dans cette enquête-là qui va être faite et <il
y aura...
M. Lafrenière : ... pour
trouver
l'information pour répondre. Puis
par la suite, si on
voit que les réponses n'ont pas été obtenues, ou ça nous a guidés sur d'autres
choses...
parce que,
tantôt, Mme Miller vous avez évoqué une
piste aussi, hein, à savoir
à ce que les enfants avaient pu être
envoyés, qu'ils auraient pu être utilisés et tout. Il y a
peut-être des choses
qu'on va découvrir dans cette enquête-là qui va être faite et >il y aura
possibilité, après ça, de trouver un autre outil, une autre façon d'adresser
ça. Mais moi, je vous dis, en tout respect avec votre position, je pense qu'il
y a un gros, gros, gros danger de ne pas commencer à vouloir répondre aux
familles sachant qu'il y a des proches qui peuvent quitter. C'était le petit
point que je voulais partager avec vous, puis je veux vous entendre là-dessus.
Mme Michel (Viviane) : Bien, évidemment,
les acteurs principaux, je dis toujours ça pour les femmes autochtones
disparues, assassinées, les familles ont besoin de connaître la vérité, les
familles ont besoin de réponses, donc ils ont besoin... l'inclusion est
importante, évidemment, l'inclusion des familles. Et il y a tout le processus...
O.K., une enquête va faire ressortir justement des faits, une enquête va faire
ressortir des vérités. Et, en même temps, moi, j'ai lu, j'ai lu, et je n'ai pas
arrêté de lire, j'ai écouté les gens qui ont passé aussi. Et je me suis dit
aussi, il y a des gens qui nous ont montré des certificats médicaux, mais sans
connaître vraiment qu'est-ce qui est écrit. Il y a des codes que des parents ne
peuvent pas comprendre et il y a des codes que seul le secteur médical peut
expliquer. Il y a tous ces défis qu'ils doivent rencontrer.
Et, en même temps, je me dis que, si on
veut vraiment faire l'atteinte de la recommandation de l'ENFFADA, O.K... à la
page 110, comme je l'ai dit, on demande une enquête, on appuie l'enquête,
O.K., une commission d'enquête. Et on a appuyé... on vous a suggéré d'inclure,
parce que la méfiance, elle est là, on vous suggère d'inclure aussi... On a
l'expertise autochtone. On l'a vu avec la commission d'enquête ENFFADA, on l'a
vu avec les autres commissions d'enquête aussi. Pour les familles, si vous
voulez vraiment donner vérité aux familles, bien, je pense qu'on devrait faire
les choses à la bonne façon.
M. Lafrenière : Vous avez
raison. Cette réalité-là nous a été mise au visage, j'en parlais plus tôt
aujourd'hui, seulement qu'en 2015... 2014, 2015, 2016. Pourtant, c'était une
réalité qui existait. Les familles n'en avaient pas parlé parce que c'était
trop dur. Et on se devait d'agir. On est rendus en 2021, on doit agir au nom de
ces familles-là.
Certains nous ont parlé de commémoration.
Je voulais juste vous dire que j'ai bien entendu aussi ce fait-là qui est
vraiment important. Mon collègue en parlait plus tôt aujourd'hui, mon collègue
de Jacques-Cartier, puis c'est vrai, il faut donner du sens à ce qui s'est
passé puis il faut aider... il faut mettre tout en place le processus de
guérison.
Je veux vous rassurer, vous avez parlé des
documents médicaux, et moi, je vais vous dire ce que ça ne sera pas comme
direction d'aide aux familles. Ce n'est pas un centre de référencement ou un
centre qui va vous donner un papier que vous ne comprendrez pas. Et je vais
vous rassurer en vous disant que j'ai plusieurs médecins retraités, j'ai des
gens qui ont travaillé dans le milieu de la santé, j'ai des ex-policiers et des
ex-avocats qui ont dit : On est prêts à donner un coup de main pour
déchiffrer ce qui va être retrouvé. Parce qu'on veut donner, là... ce n'est pas
une information. On veut donner la vérité, comme vous avez mentionné, donner la
vérité, donner le maximum <d'informations pour...
M. Lafrenière :
...
qui va vous donner un papier que vous ne comprendrez pas. Et je vais vous
rassurer en vous disant que j'ai plusieurs médecins retraités, j'ai des gens
qui ont travaillé dans le milieu de la santé, j'ai des ex-policiers et des
ex-avocats qui ont dit : On est prêts à donner un coup de main pour
déchiffrer ce qui va être retrouvé. Parce qu'on veut donner, là... ce n'est pas
une information. On veut donner la vérité, comme vous avez mentionné, donner la
vérité, donner le maximum >d'informations pour que les familles puissent
commencer un processus de deuil.
Et je termine en vous disant que moi, je
crois fermement que le projet de loi n° 79, c'est un premier pas, ce n'est
pas la finalité. Il va sûrement y avoir d'autres choses à faire par la suite.
Mais, au nom de ces familles qui attendent depuis beaucoup trop longtemps, on
doit avancer, et moi, je pense qu'on doit le faire ensemble. Et vous avez
raison, familles... que ça soit Awacak, que ça soit Femmes autochtones, nous
sommes des joueurs qui doivent travailler ensemble pour supporter les familles
dans une responsabilité partagée, responsabilité partagée pour que les gens en
confiance... ils ont déjà un lien de confiance avec vous, et ça, je l'ai bien
compris. Puis je vous remercie encore une fois d'avoir été avec nous aujourd'hui.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole au député de
Jacques-Cartier. Vous disposez de 11 minutes.
M. Kelley
: Merci, Mme
la Présidente. Kwei, Mme Michel. Kwei, Mme Miller. Je veux juste
commencer en... dire merci pour votre présentation, bien sûr. Mais j'ai trouvé
bien intéressant, dans votre présentation mais aussi dans le mémoire, quand
vous avez parlé... le concept en droit de la vérité. Est-ce que vous pouvez
juste peut-être faire une suggestion? C'est où la meilleure place pour nous
d'encadrer ça?
Et une autre chose que... Merci de répéter
pour nous que ce n'est pas juste dans les ententes qui existent aux Nations
unies avec le Canada, mais... des accords, mais aussi qu'il y a des choses qui
existent dans notre propre charte ici, au Québec et au Canada.
Alors, c'est quoi votre suggestion? C'est
quoi la meilleure façon d'incorporer ce droit-là dans ce projet de loi?
Mme Miller (Rainbow) :
Viviane, est-ce que tu veux que je réponde? Oui.
Bon, bonjour, M. le député,
M. Kelley. Si on dit la meilleure manière, bien, on peut regarder, le
Canada a fait une commission de vérité et de réconciliation. Donc, selon nous,
c'est un organisme qui a été mis sur pied et qui rencontrerait ces... qui
respecte le droit, finalement, aux familles, bien, dans ce cas-ci, c'étaient
les pensionnaires, de pouvoir avoir une place où c'était vraiment sécuritaire,
c'était culturellement adapté, ils pouvaient aller donner leur témoignage. Et
ils ont même créé une banque de données où tous les universitaires peuvent
aller fouiller dans les archives. Donc, il y a tout ce côté-là de...
historique, où on va se rappeler. Donc, je pense que cette partie-là, c'est
important au niveau du droit à la vérité.
Effectivement, le droit international
s'applique au Canada. C'est des droits qui sont reconnus partout dans le monde
quand il y a une tragédie historique qui est arrivée. Donc, c'est pour ça que
le droit à la vérité, c'est... ça va beaucoup plus que de savoir... d'avoir une
<information...
Mme Miller (Rainbow) :
...
international s'applique au Canada. C'est des droits qui sont
reconnus partout dans le monde quand il y a une tragédie historique qui est
arrivée. Donc, c'est pour ça que le droit à la vérité, c'est... ça va beaucoup
plus que de savoir... d'avoir une >information spécifique, par exemple,
sur un dossier médical, mais c'est de pouvoir connaître tout le contexte. Et,
dans ce cas-ci, étant donné que c'était des enfants autochtones, bien, évidemment,
il y avait un contexte colonial. Et, quand on parle de la disparition des
enfants, ça se peut que ça soit des enfants qui sont même morts d'une maladie,
mais ça se peut aussi qu'il y ait eu d'autres choses en arrière. Donc, le droit
à la vérité s'inscrit dans tout ce contexte-là.
M. Kelley
: Parfait. Merci
beaucoup. Et juste une autre question, parce que vous avez travaillé avec les
pensionnats, avec... j'imagine, de faire le processus avec le gouvernement
fédéral. Je connais une avocate qui a fait la même chose dans la rafale dans
les années 60.
Est-ce que vous avez des suggestions pour
les fonctionnaires qui vont travailler dans ce dossier-là? Parce que moi, j'ai
entendu des fois où le gouvernement fédéral, certains fonctionnaires n'étaient
pas hyperagréables, que le processus, les documents, est-ce qu'ils sont
vraiment vrais? C'est juste, j'ai entendu ça. Alors, c'est juste un petit peu
sur la formation des gens qui vont travailler ça. J'ai bien entendu le ministre
qui a dit qu'il va s'assurer que les fonctionnaires sont bien conscients de
tout ça. Mais, quand même, est-ce qu'il y a d'autres choses que vous pouvez
juste suggérer à nous autres? Si on est capables de rentrer ça dans la loi,
bien sûr, mais je sais que ce n'est pas toujours facile et évident avec le
gouvernement fédéral.
Mme Miller (Rainbow) : Bien, évidemment,
le gouvernement fédéral, ce sont des fonctionnaires. Il y en avait qui étaient
extraordinaires. Je peux vous dire, j'ai travaillé avec des gens que, vraiment,
ils comprenaient tout l'aspect de guérison, et d'autres, bien, ils appliquaient
vraiment à la lettre. Et ça faisait des fois même des traumas chez mes clients,
là. Il y avait des gens, comment qu'ils agissaient, c'était hypertraumatisant, parce
que oui, à un moment donné, on appliquait... Bon, moi, j'ai travaillé au niveau
des PEI. Ça veut dire les gens devaient faire une audience et expliquer en
total tout ce qui leur était arrivé. Mais, dans ces cas-là, des fois, il y
avait des cas où vraiment ils posaient des questions, c'était... il y avait
vraiment un gros malaise, puis je devais prendre, après, mes clients à part.
• (15 h 20) •
Donc, je pense, des formations... puis pas
juste deux heures, là, vraiment des formations très longues sur le colonialisme
et comment ça a affecté les personnes. Puis aussi, tu sais, au niveau même de
comment l'expression, le langage, c'est tellement différent de nous que...
Nous, on peut avoir une perception en disant : Ah! bien, il évite la
question parce qu'il regarde ailleurs, mais culturellement, ça peut être très,
très différent.
Et, au niveau de la documentation, bien,
nous, on recevait un paquet avec tout... sur tout l'historique de l'école, mais
c'était vraiment problématique quand les pensionnaires devaient démontrer si,
oui ou non, ils étaient allés à l'école, parce que des fois les documents
avaient été... étaient perdus. On entendait des histoires. Il y a des archives
qui avaient été mises même aux poubelles. Les gens, <ils ont été...
Mme Miller (Rainbow) :
...
on recevait un paquet avec tout... sur tout l'historique de l'école,
mais c'était vraiment problématique quand les pensionnaires devaient démontrer
si, oui ou non, ils étaient allés à l'école, parce que des fois les documents
avaient été... étaient perdus. On entendait des histoires. Il y a des archives
qui avaient été mises même aux poubelles. Les gens, >ils ont été les
rechercher. Donc, puis là, bien, quand il essayait de dire : Bien oui,
j'étais bien là, bien, des fois, il avait une réponse bureaucratique :
Bien, tu n'es pas capable de le prouver, «too bad», là, tu sais.
Ça fait que ça, c'est sûr que c'était
vraiment très difficile pour les personnes, parce que c'était tout un trauma
aussi. Le fait d'être enlevé de leur famille, c'était un trauma extraordinaire,
puis là on est en train de leur dire : Bien, tu n'es même pas allé au
pensionnat. Puis, tu sais, bien, moi, je le sais, je suis allée, là, je m'en
rappelle très bien.
M. Kelley
: Parfait, merci
beaucoup.
Mme Miller (Rainbow) :
Donc...
M. Kelley
: Ah!
excusez-moi, c'est... O.K. Juste une autre... je vais chercher mes questions maintenant.
Le ministre a dit que ce projet de loi, c'est un premier pas vers la vérité, ça
ne va pas donner la vérité à tout le monde.
Alors, la question que ça pose : C'est
quoi le deuxième pas? Alors, je reviens un petit peu sur l'enquête publique
indépendante. Pourquoi, selon vous autres, les pouvoirs qui sont donnés par... dans
ce projet de loi, au ministre puis au gouvernement d'enquêter ne sont pas
suffisants? Puis juste une autre chose, est-ce que vous avez un malaise que c'est
le gouvernement qui enquête sur le gouvernement? Ça, c'est peut-être un
problème, puis peut-être que c'est mieux de créer une institution, une façon
qu'on sait plus indépendante des personnes qui font les enquêtes.
Mme Miller (Rainbow) :
Viviane, est-ce que tu veux je réponde ou...
Mme Michel (Viviane) : Je vais
répondre, Rainbow, merci.
Mme Miller (Rainbow) : O.K.,
c'est beau, oui.
Mme Michel (Viviane) : Moi, je
pense qu'on devrait plutôt cibler une enquête indépendante publique. Respectons
aussi le choix des familles, si elles veulent le rendre public ou plus intime. Je
pense que... mais il faut vraiment que ça soit une enquête indépendante. Ça me
rappelle tout ce qu'on a vécu auprès des femmes autochtones, les commissions d'enquête,
le BEI, etc. C'est des policiers qui enquêtaient sur des policiers. Je n'ai pas
le goût, moi, encore de revivre ce même processus encore.
Là, on parle des trucs qui se sont passés,
les décisions qui ont été prises par l'État fédéral, O.K., envers les enfants
autochtones, et là ce serait l'État qui enquêterait sur son propre État? Je
pense que j'ai un malaise là-dessus. Il faudrait que ça, ça devienne une enquête
vraiment indépendante.
M. Kelley
: Et alors,
juste, je vais poser une question peut-être sur un format potentiel. De faire quelque
chose qui est comme une commission parlementaire à l'Assemblée nationale, gérée
par des personnes qui viennent de l'extérieur, un petit peu comme la commission
Laurent présentement, pour vous, quand même, ça, ce n'est pas une bonne option,
c'est vraiment de faire quelque chose qui est indépendant. Et je sais que vous avez
déjà souligné que la majorité des personnes qui siègent sur ce type de
commission sont des personnes qui viennent... qui sont autochtones. Mais, quand
même, ce format, peut-être, de faire quelque chose qui est plus avec les
députés, ce n'est peut-être pas le meilleur véhicule?
Mme Michel (Viviane) : Bien,
moi, connaissant... <Moi-même, j'ai...
M. Kelley
: ...
qui
siègent sur ce type de commission sont des personnes qui viennent... qui sont
autochtones. Mais, quand même, ce format, peut-être, de faire quelque chose qui
est plus avec les députés, ce n'est peut-être pas le meilleur véhicule?
Mme Michel (Viviane) :
Bien, moi, connaissant... >Moi-même, j'ai un horaire chargé, puis je
pense que vous aussi, vous avez un horaire chargé. Est-ce que vous serez prêts
à être assis là puis à... Les commissions d'enquête durent, quoi, un an ou deux
ans. Est-ce que vous serez prêts à être assis là pendant des semaines et des
semaines? C'est pourquoi nous, on avait une expertise juridique, parce qu'il y
a tellement des trucs juridiques qui doivent être traduits.
Moi, je pense que l'appel doit être fait
avec des expertises. On a des expertises juridiques autochtones, on a des juges
autochtones un peu partout. On a toute cette expertise-là, qui est vraiment...
qui serait vraiment prête. Je pense que... Est-ce qu'on peut nous faire
confiance, comme les autres commissions d'enquête ont été faites? Les autres,
la CVR, l'ENFFADA, la CURP ont été faites aussi avec une équipe autochtone. On
a quand même accompli des choses avec succès, même si les recommandations n'ont
pas trop fait l'affaire à Femmes autochtones du Québec.
Mais, dans un certain sens, je pense que
ça prend vraiment une commission d'enquête indépendante, là, avec une expertise
judiciaire, évidemment, parce que cette commission d'enquête va devoir avoir un
certain pouvoir d'aller chercher des documents, d'aller récupérer des
documents, faire des demandes. Et, si c'était Viviane Michel qui était assise
là, je ne pense pas que j'aurais ce pouvoir-là, je n'aurais pas ce pouvoir
d'aller exercer ces demandes-là. Donc, je pense que ça prend du sérieux à
quelque part.
Mais, si vous voulez vraiment répondre aux
besoins des familles, vous pouvez les soutenir d'une autre façon, vous pouvez
les accompagner d'une autre façon pour que les familles gagnent la confiance
aussi envers les élus. On a tellement été brisés dans la confiance que vous
avez quand même un rôle à jouer à soutenir les familles et à les supporter.
M. Kelley
: Merci. Et
c'est tellement vrai et juste, parce que, quand même, dans la commission Viens,
le rapport qui a été déposé, ce n'est pas juste les recommandations qui, pour
moi, sont tellement importantes, mais toute l'histoire qui a été bien
documentée puis présentée devant les Québécois. Ça, c'est très important aussi,
parce que la vérité est là. Si jamais on veut avoir plus des cours en histoire
autochtone au Québec dans les écoles secondaires, bien, c'est tout là. Il y a
un bon programme, c'est l'histoire dans la commission Viens. Alors, je suis
bien d'accord avec vous que c'est... des fois, c'est important pour nous, comme
une société, de documenter qu'est-ce qui s'est passé.
Excusez-moi, Mme Miller, je ne sais pas si
vous êtes juste au point de dire quelque chose.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Il reste 10 secondes.
M. Kelley
: Ah! bien,
merci beaucoup pour votre présentation.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Massé : Bonjour, mesdames.
Kwei. Merci d'être là. Est-ce que je comprends que je dois me battre pour
mettre la <hache dans...
M. Kelley
: ...
présentation.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Massé : Bonjour,
mesdames. Kwei. Merci d'être là. Est-ce que je comprends que je dois me battre
pour mettre la >hache dans ce projet de loi là? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Miller (Rainbow) :
Viviane, est-ce que tu veux que j'y aille ou...
Mme Michel (Viviane) :
Bien, vas-y, je vais suivre après...
Mme Massé : On a deux
minutes, oui.
Mme Miller (Rainbow) :
En fait, pour répondre un petit peu, je n'ai pas pu répondre tantôt au ministre
Lafrenière, c'est que, oui, ce projet de loi là peut continuer. Et, s'il y
aurait une commission d'enquête, bien, oui, ça permettrait les familles d'aller
chercher les documents peut-être rapidement. Je ne sais pas... parce que le processus
d'accès, c'est long.
Par contre, ce qui me dérange dans ce processus-là,
c'est qu'à l'article 13 on donne... 13, 14, 15, c'est là qu'on donne les
pouvoirs de la loi sur les enquêtes. Donc, est-ce que ça veut dire qu'on
considère que ces articles-là vont rencontrer la recommandation de faire une commission
d'enquête? C'est là que c'est problématique.
Si on nous dit : On va faire ça en
attendant et on va vous donner une commission d'enquête pour vraiment s'assurer
qu'il y a tout le côté historique et que ça soit public, bien, dans ce cas-là,
allez-y. C'est un projet de loi qui va permettre aux familles... Mais, si on
dit : Non, on ne va pas vous donner de commission d'enquête, il y a...
dans les articles, on donne ce pouvoir-là au ministre des Affaires autochtones,
bien, c'est là que c'est problématique.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Mme Michel, pour 1 min 20 s.
Mme Massé : J'aurais peut-être
une autre question, Viviane, si tu permets. C'est... Et si Awacak, qui est ce regroupement
qui a regroupé les familles puis qui continue à regrouper les familles, était
au coeur... était assis à côté du ministre au coeur de l'enlignement, de
l'articulation de ce projet de loi là, est-ce que ça améliorerait la confiance
de vos gens?
Mme Michel (Viviane) : Au
départ, quand j'ai commencé, j'ai bel et bien dit que l'inclusion des familles
est vraiment importante. Les familles... Si on n'inclut pas les familles, je
pense qu'on ne pourrait pas bien les soutenir, nous. Pour avoir fait des
rassemblements des familles, les familles ont toujours eu besoin d'être
incluses parce que, des fois, on prend trop la place... publique, mettons, O.K.?
Quand il y a des vigies, quand il y a des manifestations, on demande toujours
aux gens : Invitez les familles. Ils sont là, ils ont besoin de parler,
ils ont besoin de s'exprimer.
Ça fait que je pense que, oui, l'inclusion
des familles est autant importante dans tout processus. Ils ont besoin
d'entendre, ils ont besoin de mieux comprendre, ils ont besoin d'exprimer leur
accord ou leur désaccord. Je pense qu'ils ont besoin de cet espace.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
Vous disposez de 2 min 45 s.
• (15 h 30) •
M. Ouellet :
<
Merci
beaucoup, mesdames, d'être...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Michel (Viviane) : ...d'entendre,
ils ont besoin de mieux comprendre, ils ont besoin d'exprimer leur accord ou
leur désaccord,
je pense qu'ils ont besoin de cet espace.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Ouellet :
>Merci
beaucoup, mesdames, d'être avec nous aujourd'hui. Vous êtes effectivement le
dernier groupe qu'on entend et vous êtes le groupe... sans qualifier de
virulente, votre approche est quand même cinglante, quant au manque de
profondeur dans certains cas ou au manque de moyens qu'on donne à ce projet de
loi là pour faire la lumière sur toute la situation qui est passée. Je vous
entends bien, j'ai entendu vos demandes, et cette demande d'avoir aussi une
commission indépendante est venu d'autres groupes.
Ma question est la suivante. Si le
gouvernement ne veut pas aller dans ce sens-là, malgré le fait que la pièce
législative n'est pas totalement à la hauteur de vos attentes pour faire la
lumière sur ce qui s'est passé, si on avait à mettre le doigt sur une seule
chose qui, à votre avis, pourrait vous donner satisfaction dans ce projet de
loi là, à quoi les parlementaires devraient s'attarder? Parce que je suis bien
conscient, en vous entendant, qu'il y a plusieurs choses qui sont
insatisfaisantes pour vous. C'est correct, vous l'exprimez très bien et vous
l'exprimez avec émotion aussi.
Mais moi, comme parlementaire, j'aimerais
mettre le doigt sur une, une chose, là. Une priorité qu'on devrait s'attaquer
pour que Femmes autochtones soit plus confiante dans le processus et sans dire
qu'elles y acquiescent à 100 % soit confortable avec minimalement le chemin
qu'on est en train de parcourir, ça serait quoi?
Mme Michel (Viviane) : Je vais
starter un peu, Rainbow, puis après tu rajouteras. Mais moi, j'ai juste le goût
de vous dire : Écoutez, le gouvernement dépense des millions pour mettre
des commissions d'enquête sur... on a eu trois commissions d'enquête, O.K., et
il y a des recommandations, il y a des solutions qui sont déposées dans des
commissions d'enquête. Et, dans la recommandation qu'on est en train de vous
faire, d'avoir une commission d'enquête fait partie des recommandations de
l'ENFFADA, O.K.?
Je pense que l'État, le gouvernement a
quand même une responsabilité, tu sais, de faire la mise en oeuvre des
recommandations. Donc, si elle est déjà écrite dans l'ENFFADA, je pense qu'en
mémoire pour ces enfants, d'où on ne sait vraiment pas... je pense que vous
avez une responsabilité de mettre sur pied une commission d'enquête pour les
familles. C'est bel et bien écrit, c'est à la demande des familles, c'est à la
demande des autres organisations, dont Femmes autochtones du Québec aussi,
c'est à la demande du rapport du Québec, là, O.K., de l'ENFFADA, c'est bel et
bien écrit en noir et blanc. Donc, la responsabilité, elle est là. Et je
rajouterais Rainbow à ce sujet.
La Présidente (Mme D'Amours) :
En cinq secondes, madame.
Mme Miller (Rainbow) : Bon,
bien, je suis désolée. Voilà.
La Présidente (Mme D'Amours) :
C'est moi qui est désolée. Je suis la gardienne du temps et je dois...
Documents déposés
Avant de conclure les auditions, je veux
procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors
des <auditions publiques...
La Présidente (Mme D'Amours) :
En cinq secondes, madame.
Mme Miller (Rainbow) :
Bon, bien, je suis désolée. Voilà.
La Présidente (Mme D'Amours) :
C'est moi qui est désolée. Je suis la gardienne du temps et je dois...
Avant de conclure les auditions, je
veux procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus
lors des >auditions publiques. Et je vous remercie pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux jusqu'au
mardi 13 avril 2021, à 9 heures, où elle se réunira pour une séance de
travail. Merci.
(Fin de la séance à 15 h 33)