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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 30 septembre 2020 - Vol. 45 N° 61

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Parents jusqu'au bout!

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Documents déposés

Autres intervenants

Mme Lucie Lecours, présidente

Mme Marguerite Blais

Mme Nancy Guillemette

Mme Claire Samson

Mme Suzanne Blais

Mme Jennifer Maccarone

Mme Monique Sauvé

M. Sol Zanetti

M. Harold LeBel

*          Mme Geneviève Dion, Parents jusqu'au bout!

*          Mme Anouk Lanouette Turgeon, idem

*          M. Mauril Gaudreault, CMQ

*          M. Jean-Bernard Trudeau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Picard (Soulanges) est remplacée par Mme Guillemette (Roberval); M. Barrette (La Pinière), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Y a-t-il des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Blais (Abitibi-Ouest) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Samson (Iberville); Mme Sauvé (Fabre), au nom de M. Kelley (Jacques-Cartier).

• (11 h 20) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, ce matin, nous entendrons les groupes suivants par visioconférence, c'est-à-dire Parents jusqu'au bout! ainsi que le Collège des médecins du Québec.

Je suis donc... je souhaite donc, pardon, la bienvenue aux représentants de Parents jusqu'au bout!, c'est-à-dire Mme Geneviève Dion et Mme Anouk Lanouette Turgeon. Je vous rappelle, mesdames, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

Auditions (suite)

Parents jusqu'au bout!

(Visioconférence)

Mme Dion (Geneviève) : Bonjour à tous. Mon nom est Geneviève Dion. Je suis maman de deux enfants, Naomie, huit ans, qui est lourdement handicapée, qui souffre d'une maladie génétique unique au monde. Elle a une trisomie partielle 14 et une monosomie partielle 9. Naomie a aussi un grand frère qui s'appelle William, qui a 12 ans. Vous savez, quand on met au monde un enfant qui est lourdement handicapé et qu'on a l'annonce du diagnostic, c'est comme un tsunami qui se passe dans notre vie, donc ça amène des impacts majeurs dans nos vies.

Le premier impact, pour ma part, ça a été une crise familiale. Il y a des impacts flagrants qui se sont fait ressentir pour le grand frère de Naomie, qui a développé des troubles du comportement très graves, qui a même nécessité un placement temporaire pendant deux ans dans une famille d'accueil pour que les comportements violents à mon endroit arrêtent. Donc, heureusement, il a réintégré ma maison, il va très bien, mais ça a amené des gros impacts pour son grand frère aussi.

Un autre impact familial s'en est suivi, d'une séparation. Comme beaucoup de couples viennent à se séparer quand ils ont un enfant gravement malade, malheureusement, je n'y ai pas échappé. Il y a un impact notable également au niveau du travail. Ça m'a amenée à vivre, malheureusement, une grande crise financière. Étant donné que je n'avais pas le choix d'être au chevet de ma petite, qui était suivie par une dizaine de spécialistes à Sainte-Justine, ça m'a amené beaucoup d'absences, de retards, de pertes salariales, d'arrêts de travail. Et puis si on n'avait pas eu la création du programme SEHNSE, malheureusement... bien, heureusement, ça m'a permis de ne pas faire faillite, alors ça m'a permis de me sortir la tête d'en dessous de l'eau, comme on dit. Il y a des impacts au niveau de la condition féminine, notables, parce qu'une grande majorité c'est les femmes qui écopent pour cette situation-là.

La conciliation travail et proche aidance est carrément chaotique. L'organisation personnelle qui est nécessaire quand on vit avec un enfant lourdement handicapé est excessivement lourde. Ça amène une charge mentale, si vous saviez, là, de niveau olympique. J'ai un agenda littéralement digne d'un premier ministre, des rendez-vous, des suivis, des formulaires à poster, à faxer, la liste est énorme, si vous saviez. Cette lourdeur-là, quotidienne, fait qu'on a, que j'ai, et que les autres parents comme moi... fait qu'on a besoin de répit. Je bénéficie des services du Phare Enfants et Familles. J'ai droit à 30 jours par année où je peux envoyer Naomie. Malheureusement, c'est insuffisant, mais c'est tout ce qui existe présentement pour m'aider, c'est ma seule bouée de sauvetage. Parce que les heures de chèque emploi-service que je bénéficie pour du répit à domicile, malheureusement, sont insuffisantes. Ce n'est pas normal, si vous saviez, de surveiller son enfant jour et nuit sur une caméra, même quand elle dort, en plus de la quantité de médicaments que je dois lui administrer. Elle est nourrie par gastrostomie, par un gavage plusieurs fois par jour, et elle consomme aussi de la nourriture spécialisée, que je dois moi-même préparer à la maison et lui donner d'une façon spéciale, d'une façon thérapeutique. Imaginez, je fais tout ça, puis ma fille a besoin d'énormément de soins, et je ne suis même pas encore reconnue comme proche aidante, selon la loi actuelle, parce qu'elle n'a pas 18 ans. Ça, c'est un gros problème, présentement. On s'efface littéralement pour prendre soin de quelqu'un.

Donc, en terminant, je vous demanderais de prendre en compte ceci pour votre futur projet de loi, c'est que, si vous envisagez une prestation unique, ce n'est pas bon pour nous, quand on a un enfant lourdement handicapé, parce que nous, on est à un autre niveau, c'est du 24 heures sur 24 et c'est à très long terme, sur plusieurs années. Puis, quand vous parlez aussi, dans le projet, de reconnaissance, sachez que... gardez en tête ceci, c'est que, quand on fait un marathon, on n'a pas besoin juste d'une tape dans le dos, on a besoin de plusieurs bouteilles d'eau pour continuer notre course. Je vous remercie et je vous laisse à mon amie et collègue, Anouk.

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Bonjour. Donc, changement de masque. Donc, Anouk Lanouette-Turgeon, j'ai deux enfants avec deux diagnostics différents : Éli, trisomie 21, neuf ans, et Lhassa, cinq ans pour toujours, puisqu'elle est décédée en novembre dernier, donc le 15 novembre 2019. Lhassa était atteinte d'une maladie génétique dégénérative orpheline, donc très rare aussi, quelques cas dans le monde.

Et, bon, je vais vous raconter une petite tranche de vie très personnelle, c'est pour un peu illustrer, dans le fond, ce qui devrait changer, ce qui ne devrait pas se produire dans le réseau public. Donc, j'ai pris soin de ma fille avec un grand bonheur pendant cinq ans, parce qu'elle faisait les plus beaux sourires de toute l'histoire de l'humanité, je tiens à le dire, mais c'est quand même des soins complexes quotidiens, des suivis médicaux, des hospitalisations répétées, de plus en plus longues, la peur constante du prochain virus aussi. Là, maintenant, c'est mondial, mais, je veux dire, nous, on a vécu sans arrêt dans cette peur-là pendant cinq ans parce que le prochain virus pouvait menacer sa vie. Et puis c'est ce qui a fini par l'emporter. Donc, c'est une hypervigilance de chaque instant.

Par contre, j'avais réussi, quand même, parce que je suis très combative, à obtenir toutes les ressources possibles, donc on avait des heures de chèque emploi-service, à la fin, on était rendus à 48 heures de chèques emploi-service par semaine pour qu'en fait quelqu'un puisse s'occuper de ma fille en collaboration avec moi. Et moi, ça m'a permis de garder un emploi à temps partiel, très partiel, mais, quand même, c'était nécessaire aussi, pour mon équilibre, de sortir de la maison de temps en temps.

Donc, ça questionne notre vie pendant cinq ans. Et, une fois qu'elle décède, le 15 novembre, tout à coup, le CLSC disparaît. Là, moi, j'ai été sa proche aidante principale pendant cinq ans, je reste la proche aidante de mon fils, qui a aussi une condition qui requiert des soins et un soutien dans ses activités quotidiennes, de tous les jours. Je tombe en arrêt de travail, congé indéterminé qui dure à ce jour, je suis jugée inapte à toute activité professionnelle par mon médecin, mais je devrais être censée de m'occuper de mon enfant parce que, là, bientôt, justement, ça va être la pandémie, le confinement, on est ensemble en permanence, mais le CLSC est disparu, la travailleuse sociale n'est plus en poste, et ça a pris des mois avant que je puisse parler à quelqu'un. Ma fille est décédée en novembre, le premier contact que j'ai eu avec le CLSC, ça a été le 20 février 2020. Et là je remplis des formulaires, je subis des évaluations, j'explique notre situation, je justifie que je suis en deuil, que je suis triste, que mon enfant me voit pleurer, que ça n'a pas de bon sens, que j'aimerais que quelqu'un puisse m'aider à m'en occuper. J'ai un conjoint, oui, mais qui est aussi dans une passe difficile. Bref, demande jugée irrecevable par le CLSC. On est rendus le 26 mai. Et donc les bras me tombent, alors, je n'en reviens pas.

Et je me rends compte, puisque, là, on doit réagir à un projet de loi en proche aidance, qu'on n'est absolument pas considérés comme proches aidants. Tout ce qui a été considéré, c'est la situation de mon enfant trisomique, qui est handicapé, oui, mais pas assez lourdement pour correspondre aux critères du chèque emploi-service, soi-disant, qui sont un peu flous, en passant.

Donc, j'ai décidé de récidiver, de continuer de revenir à la charge auprès du CLSC, fournir des lettres de médecins, d'organismes communautaires qui nous soutiennent dans la demande de répit, pour que, finalement, ils nous accordent quelques heures de répit pendant cinq semaines. Après ça, là, c'est fini. Ça, c'était... on a réussi à obtenir ça pour le mois d'août. Donc là, c'est terminé, retour au néant. Là, je suis juste, dans le fond, plus épuisée qu'avant. Je n'en reviens pas d'avoir eu à livrer... tu sais, à dépenser autant d'énergie pour aussi peu d'aide.

Donc, je ne suis pas seule dans cette situation-là. Je ne vous raconte pas tout ça pour que vous régliez mon cas personnel, ce n'est pas ça. C'est que ça illustre, dans le fond, des situations qui sont très répandues dans le... Il y a eu, pendant le confinement, pendant la pandémie, le Regroupement des aidants naturels du Québec qui a rassemblé des données et qui a abouti avec les statistiques suivantes, qui sont quand même effarantes, que jusqu'à 60 % des proches aidants estiment qu'ils ne seront plus capables de prendre soin de leurs proches encore très longtemps, jusqu'à 52 % souhaitent laisser les soins de leurs proches à quelqu'un d'autre. Dans le cas des parents qui sont proches aidants d'enfants, c'est 80 % qui n'ont reçu aucune aide financière pendant le confinement. On imagine que ce n'est pas beaucoup mieux en d'autres temps. Donc...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme Turgeon, je dois juste vous demander de conclure, malheureusement, le 10 minutes est terminé. Je vous laisse conclure.

Mme Lanouette Turgeon (Anouk)T : Oui. Donc, pour terminer, effectivement, moi, quand je lis le projet de loi, j'ai un malaise profond avec le degré d'abstraction de ce projet. C'est des belles phrases, mais on n'est pas dans le comment. Donc, «reconnaître l'apport considérable des proches aidants, favoriser la préservation de leur santé», on est loin, en ce moment, du but, et à quand des engagements concrets? Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Tout d'abord, je vais juste me permettre de vous souhaiter mes sincères condoléances, en mon nom, au nom des membres de la commission ici.

Alors, on en est maintenant rendus à la partie d'échange avec les membres de la commission. Nous allons commencer avec Mme la ministre, pour une période de 16 min 30 s.

• (11 h 30) •

Mme Blais (Prévost) : Mme Lanouette Turgeon, Mme Dion, écoutez, on est tous pas mal chamboulés, ici, là, pendant cette commission. Tout d'abord, j'aimerais, Mme Dion, vous offrir les salutations de la députée de Soulanges qui a fondé avec vous Parents jusqu'au bout! Elle n'est pas ici, par éthique, parce qu'elle ne voulait pas vous poser des questions, ce qui est tout à fait normal, et je la remercie.

Votre témoignage va faire probablement une grande différence. Vous le savez, vous vous posez des questions : Pourquoi une loi? C'est parce que, dans une loi, oui, c'est plus vague, c'est un cadre qui vient dire, là : Il va falloir que, quand on met en place des politiques... Hier, on disait : Il y a une politique Chez soi : le premier choix, mais, s'il n'y a pas d'argent qui va avec la politique, si la politique n'est pas renouvelée, si on ne s'occupe pas de la politique, s'il n'y a pas une loi pour faire avancer ces politiques, puis ces rapports-là, puis ces plans d'action là, bien, ça n'avancera pas. Ça fait qu'on veut changer les choses.

Quand vous me parlez du CHSLD qui ne veut pas vous donner des services, je considère que c'est inacceptable. C'est n'est pas compliqué, c'est inacceptable. Alors, moi, je veux vous entendre, là, qu'est-ce que vous aimeriez dans une politique, un plan d'action, qu'est-ce que vous aimeriez concrètement qu'un gouvernement... Parce que c'est ça qui se passe, là, c'est la première politique sur les proches aidants, la première loi sur les proches aidants, qu'est-ce que vous aimeriez qu'on fasse différemment pour appuyer des parents comme vous qui vont jusqu'au bout?

Mme Dion (Geneviève) : Bien, premièrement, comme j'ai mentionné, c'est que, nous, c'est à long terme, O.K., puis c'est 24 heures sur 24, donc on a une lourdeur. Donc, premièrement, cette lourdeur-là qu'on vit, quand on a un enfant lourdement handicapé, on souhaite que vous la reconnaissiez puis que ça soit... Si c'est via une prestation quelconque, ou une déduction, ou quoi que ce soit, il faut que ça soit quelque chose qui est juste, qui est en fonction de notre tâche, si je peux la nommer ainsi. Parce qu'en s'en occupant autant on apporte un bénéfice social notable à la société. On fait sauver beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent parce qu'on s'en occupe à la maison. Donc, en faisant ça, on évite des placements dans des hôpitaux ou dans des centres x, là, qui coûtent une fortune à l'État. Donc, gardez ça en tête, il faut que ça soit quelque chose qui soit équitable par rapport à la lourdeur que nous, on fait.

Pour les CLSC, bien entendu, c'est des enveloppes budgétaires qui varient d'une région à l'autre. Ça fait que ça, il y a une grande iniquité d'une région à l'autre. Il y a un gros roulement de personnel aussi dans les CLSC. Anouk est une preuve flagrante, il y a eu un arrêt de services, carrément, parce que la travailleuse sociale est tombée malade, il n'y a pas eu personne pour la remplacer. Ça fait que de passer par des organismes locaux, ou autres, là, ça pourrait être une idée à explorer, là, pour aider. Parce que le maillon faible, malheureusement, c'est souvent le CLSC.

Mme Blais (Prévost) : C'est la porte d'entrée. Le CLSC est la porte d'entrée, et, en plus, ça varie d'une région à l'autre, comme vous l'avez dit. C'est comme si la prescription ne suivait pas la personne, parfois, quand elle change de région, elle n'obtient pas toujours les mêmes services d'un endroit à l'autre. Et ça, c'est aberrant, il faut que ça change aussi, vous devez avoir les mêmes services tout le temps.

Les gens pensent souvent que, dans la loi, la politique, le plan d'action, on ne va parler que d'aînés. Non. Il faut que ce soit une politique qui touche tous les proches aidants et, en particulier, les parents. Ce n'est pas parce qu'on est parent qu'on n'est pas proche aidant quand on vit ce que vous vivez comme situation. Vous ne l'avez pas demandé. Ça a mis votre carrière en veilleuse, ça a touché votre vie familiale, ça a touché, pour vous, le comportement de votre enfant. Vous, vous êtes une personne, aussi, endeuillée et vous devez continuer à vous battre. Bien, il faut qu'à quelque part le gouvernement le voie, voie ce que vous faites et vous accompagne. C'est pour ça qu'on veut faire une politique, un plan d'action, un plan d'intervention aussi pour vous, là, qu'il s'appelle «dossier médical» ou «dossier...» autrement, mais un dossier qui va tenir compte de votre capacité d'être proche aidant. Il ne faut pas que vous soyez instrumentalisés là-dedans. Vous avez besoin d'avoir du répit, on considère que le répit, c'est fondamental. Il faut que vous soyez considérés parents et proches aidants 24 heures sur 24.

J'aimerais... Je pourrais épiloguer longtemps, là, je suis partie, là, dans mes émotions avec vous. Vous me touchez beaucoup puis vous en touchez d'autres, mais j'aimerais laisser mes collègues vous poser des questions, si vous le permettez. Merci beaucoup d'être là et de faire avancer la société par vos passages dans les médias et par votre passage ici aujourd'hui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, je me tourne du côté de la députée de Roberval qui m'a demandé la parole, on va avoir une autre intervenante après, pour... À votre groupe parlementaire, il reste 10 min 35 s.

Mme Guillemette : Parfait, merci. Bien, premièrement, merci, Mme Lanouette Turgeon et Mme Dion d'être présentes ici aujourd'hui. Pour nous, c'est très important parce que vous êtes de celles, avec vos familles, qui le vivent directement. On a eu beaucoup d'autres témoignages d'associations, de regroupements, mais vous, vous êtes directement impactées par la situation, et merci d'être ici pour nous le partager.

Je vous écoutais tout à l'heure dire qu'on devrait moduler l'aide financière selon la lourdeur. De quelle manière on pourrait faire en sorte de moduler l'aide financière? Je comprends qu'il y a des situations où c'est plus ou moins lourd, d'autres, c'est vraiment beaucoup plus lourd, mais comment nous, en tant que citoyens, là, on pourrait moduler cette aide-là pour qu'elle soit en lien avec ce que vous vivez vraiment?

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Je vais tenter une réponse, parce qu'à brûle-pourpoint, là, je n'ai pas une formule magique. Nous, ce à quoi on avait pensé, dans une de nos rondes de revendications, en fait, par rapport aux familles d'accueil, parce qu'on se comparait... Nous, dans le fond, en tant que famille naturelle, on n'a pas le même soutien financier qu'une famille d'accueil aurait, disons, pour s'occuper des enfants qui sont des cas lourds comme les nôtres. Puis il existe, avec la DPJ, une espèce de charte de six niveaux de lourdeur de cas selon la situation de l'enfant. Tu sais, honnêtement, c'est des degrés, des fois, il y a des problèmes psychiatriques, il y a toutes sortes de cas dont il faut tenir compte, des troubles de comportement graves, tout ça. Donc...

(Interruption)

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Je suis désolée, je pensais qu'on avait éteint tous nos appareils, et il y en a un qui sonne. Bon, donc ça, c'est par rapport à notre situation spécifique d'enfants handicapés avec différents degrés de lourdeur. Là, il y a un niveau de prestation intermédiaire qui a été établi avec le centre. Mais là, par rapport à l'ensemble des situations des proches aidants et des gens qui s'occupent de leurs conjoints, de leurs pères, de leurs mères, est-ce qu'on peut mesurer en termes d'heures de soins par semaine qui sont consenties? Moi, je considère que notre travail, c'est de dire : Il y a quelque chose qui ne marche pas. Votre travail, c'est de trouver comment on peut faire pour que la situation soit moins lourde pour nous. Parce qu'on a déjà assez de formulaires à remplir, je vais vous dire, honnêtement, les tâches administratives s'accumulent, donc là ce serait difficile pour moi de vous arriver avec une solution.

Mais la chose que je voudrais souligner aussi, c'est que, dans le fond, Mme Blais demandait : Qu'est-ce qu'il faut de concret? La première porte, justement, celle à laquelle on cogne puis qu'il n'y a pas de réponse, c'est le CLSC. Donc, il est là, le premier problème, d'après moi. On demande des services et on se fait répondre qu'on ne fitte pas dans telle case. Donc, le premier problème, pour moi, c'est : il faut changer la mentalité, il faut changer le paradigme, il faut changer quelque chose pour que l'écoute soit là puis que ça soit possible. Tu sais, ma travailleuse sociale, là, même si elle a la meilleure volonté, elle ne peut pas répondre à notre besoin, parce que je ne fitte pas, on ne fitte pas dans la case. Donc, il est là, le premier problème, selon moi. Je n'ai pas...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Mme la députée, je vois que la ministre veut reprendre la parole.

• (11 h 40) •

Mme Blais (Prévost) : Oui, juste pour préciser que c'est pour ça qu'on est là. Une loi va faire en sorte que ça va changer le paradigme. Ils n'auront pas le choix, ça va être dans une loi. La loi, c'est pour faire en sorte de mettre en place des actions, mais de les faire évoluer dans le temps aussi, parce que ça va évoluer, et de changer cette culture-là. Quand vous parlez... C'est vrai que c'est la porte d'entrée, le CLSC, mais en ayant un dossier, que le proche aidant soit reconnu... Quand on parle de reconnaissance, ce n'est pas une tape dans le dos, là. Qu'il soit reconnu au même titre que la personne qui est aidée, bien, fort probablement que ça va changer au niveau de l'approche. En tout cas, c'est ce qu'on souhaite, c'est ce qu'on veut, on veut qu'on tienne compte de la santé et du bien-être du proche aidant. Alors, je voulais juste vous le dire, que ça va inévitablement changer, peut-être pas le lendemain matin, là, mais il va falloir que cette culture-là bouge. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Je vois la députée d'Iberville qui veut prendre la parole. Il reste 5 min 50 s.

Mme Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que j'ai beaucoup d'empathie pour ce que vous vivez et j'ai beaucoup d'admiration pour votre courage, votre détermination et votre dévouement. Bravo à vous deux.

Dans votre document, vous souhaitez que les personnes proches aidantes se voient accorder un statut légal. Vous n'êtes pas les seules à y avoir fait allusion dans les différents mémoires, mais j'aimerais mieux comprendre les avantages que cela pourrait vous conférer ou les avantages que cela pourrait vous donner qu'il y ait un statut légal accordé aux proches aidantes.

Mme Dion (Geneviève) : Bien, à ma connaissance, là, en ne l'étant pas présentement, on n'est même pas admissibles au crédit d'impôt pour aidants. Et puis, en ayant le statut de proche aidant, comme la ministre a expliqué tantôt, ça va évoluer dans le temps puis ça va être des moyens qui vont perdurer. C'est un statut qu'on va aller chercher qui va nous aider.

Mme Samson : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la ministre? Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bonjour, mesdames. Alors, dans un premier temps, je veux vous féliciter. Je vous admire, je vous admire beaucoup de votre résilience. Souvent, vous travaillez... Vivre quotidiennement avec un enfant handicapé n'est pas de tout repos et souvent très inquiétant. Alors, une chose que vous souhaiteriez qu'on fasse pour améliorer la situation des parents, qu'est-ce que vous aimeriez? Quel serait votre plus grand souhait?

Mme Dion (Geneviève) : C'est très difficile de simplifier ça dans un souhait, si vous saviez. Au niveau... Est-ce que vous voulez savoir un souhait financier, un souhait pour la santé, un souhait familial? Ce serait quoi? Dans quelle catégorie?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Votre priorité numéro un que vous aimeriez qui soit changée serait quoi?

Mme Dion (Geneviève) : Vas-y. Pour moi, c'est trop compliqué, là, bien...

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Moi aussi, il y a beaucoup de choses qui me viennent, là, mais je dirais que, par rapport à un projet de loi en proche aidance, ce qui serait, disons, peut-être le plus central, ça serait d'arrimer les services qu'on donne à la personne aidée puis les services qu'on donne aux proches aidants, parce que, là, c'est comme... c'est deux personnes séparées, c'est deux dossiers séparés, c'est deux... puis il n'y a comme pas... Tu sais, si moi, je demande de l'aide en tant que proche aidante pour du répit, quand on évalue mon enfant, on ne me considère pas, moi, tu sais. Donc, il faut que... En arrimant au moins les besoins des deux, bien, ça serait un début.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Mme la ministre va terminer la ronde de cette première période d'échange, 2 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Écoutez, vous venez de toucher le point... un point fondamental. Il faut vraiment qu'il y ait une dyade, il faut vraiment qu'il y ait ce partenariat-là, il faut vraiment qu'on tienne compte de la personne proche aidante en même temps que la personne qui est aidée. Puis on est même allés plus loin, hein, quand on était en commission parlementaire, on parle de postaidance. Alors, quand on perd un enfant, ce n'est pas fini, la proche aidance, je pense qu'on continue de vivre cette situation-là. On a des deuils à faire, mais ça reste avec nous toujours. Alors, moi, ce partenariat-là m'apparaît essentiel. Si on veut réellement réussir au niveau du projet de loi, de la politique, du plan d'action, du comité des partenaires, ça nous prend des personnes aussi comme vous sur nos comités qu'on va mettre en place, des gens qui vivent, évidemment, l'expérience du terrain. Alors, je souhaite vraiment qu'avec vous on puisse réaliser des changements profonds dans notre société.

En terminant, vous parlez d'une création d'un fonds d'urgence pour les proches aidants. Alors, parlez-moi de ce fonds-là.

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Bien, en fait, moi, ce qui m'a donné... bien, en tout cas, ce qui nous a donné cette idée, c'est le fait qu'on semble être, quand même, encore à des années, vu que la machine est ce qu'elle est, là, on fait un cadre, on fait un projet de loi, après ça on fait une politique, après ça on fait un plan d'action. Bon. Je trouve qu'on est à plusieurs années d'avoir quelque chose de concret. Ça fait que je me disais : Non, c'est maintenant, là, tu sais, les gens sont en détresse là, tout de suite. Donc, il faut... (Panne de son) ...les aider... (Panne de son) ...à défaut d'attendre plusieurs années, est-ce qu'on peut mettre en place quelque chose rapidement? Je trouve que vous êtes un gouvernement parfois très dans l'action. Donc, go! Tu sais, là, là.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Bien, la politique est pas mal écrite. On veut la jumeler avec le projet de loi, là. On ne veut pas faire une politique qui n'a pas de concordance avec le projet de loi. On a un an pour déposer le rapport, mais, entre le dépôt du rapport, on a quand même des sommes d'argent dans le budget pour faire avancer les dossiers de proches aidants. Ça fait qu'on ne veut pas attendre 10 ans, là, pour faire les choses, on veut que ça se fasse rapidement, là. Moi, je suis pressée, hein? Rendu à mon âge, je suis très, très, très pressée, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Mme Blais (Prévost) : Alors, il faut que les choses avancent.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, mesdames. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle, et on m'indique que la députée de Westmount—Saint-Louis veut prendre la parole. Votre groupe parlementaire a 11 minutes.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. D'emblée, Mme Lanouette Turgeon, j'aimerais offrir mes sincères condoléances en personne, en vive voix, pour le décès de la soeur. Vous avez absolument raison, elle avait un sourire magnifique, et je suis toutes les interventions que vous faites pour amener la lumière sur sa condition orpheline. Alors, je vous félicite encore, même qu'elle n'est plus avec nous, puis elle est maintenant une étoile dans le ciel, que vous continuez vos démarches. C'est inspirant... (Panne de son) ...puis je joins ma voix aussi aux collègues qui ont dit que vous êtes inspirantes toutes les deux, parce que vous portez une bataille... vous menez une bataille pour plusieurs parents dans la province.

Alors, je sais que, Mme Dion, vous avez d'emblée dit que le rôle des proches aidants est essentiel. C'est vrai, mais je dirais que les proches aidants sont une aide essentielle à la société. Alors, ça, je pense que c'est la phrase plus importante pour moi, puis je sais que nous jouerons probablement tous un jour le rôle de proche aidant. Je suis proche aidante, comme vous le savez. On a déjà eu des discussions, mais ce qui me frappe vraiment dans vos recommandations, et j'ai aussi lu avec grand intérêt vos mémoires et le mémoire de L'Étoile de Pacho, que je regrette que Mme Richard n'ait pas été accepté de venir présenter en commission parlementaire avec vous, mais je sais que vous avez travaillé en collaboration, c'est la reconnaissance, vraiment, au niveau légal du proche aidant. Puis je sais que vous avez fait demander la question, mais je vous dirais que ça va être important qu'on rajoute la proche aidance au niveau légal pour éviter la discrimination aussi. C'est ça.

Vous avez fait demander la question : Pourquoi que c'est important? Mais je dirais, à moins que vous n'êtes pas d'accord avec moi, c'est important pour éviter la discrimination, il faut que ce soit écrit dans la charte des droits et libertés. Je pense que c'est important, le statut des proches aidants, pour éviter la discrimination systémique, que ça soit au niveau d'emploi, que ça soit au niveau d'accès aux subventions, de l'argent, pour que... Vous avez aussi mentionné, proches aidants, que nous n'avons pas accès à moins de 18 ans, quand nos enfants sont dans le secteur jeunesse.

Alors, ma question pour vous, c'est : Dans l'état actuel du projet de loi, pensez-vous qu'il y aura vraiment un changement? Parce que, dans mon estime, c'est une très bonne volonté de la part de la ministre, puis je la salue d'avoir émis quelque chose pour discussion, mais, dans le fond, il n'y a rien à l'intérieur du projet de loi qui va faire un changement légal. Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse?

• (11 h 50) •

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Bien, en fait, je suis parfaitement d'accord que ça devrait être intégré jusqu'à dans la charte, carrément, que ce soit au même titre que discrimination interdite sur l'orientation sexuelle, ou l'origine ethnique, ou quoi que ce soit, ça serait un changement tout à fait souhaitable. Après, il y a tout un changement de mentalité, après, à faire même chez les employeurs aussi, là, parce que c'est beau de dire que c'est interdit, mais après, sur le terrain, bon, c'est une autre histoire.

Le statut légal, en fait, je le voyais aussi d'une façon fiscale. C'est que, là, il faut trancher qui est proche aidant, qui ne l'est pas, parce que, sinon, tout le monde l'est puis personne ne l'est, tu sais. Quand on demande un soutien financier, bien, il faut avoir quelque part un... Justement, ce statut-là aurait... confirmerait qui est proche aidant, qui ne l'est pas. Encore là, à quel degré, à quel nombre d'heures de soutien par semaine commence la proche aidance? Je ne suis pas capable de répondre à cette question-là. Ça, c'est à vous.

Mais, bon, dans l'état actuel du projet de loi, il y a une autre chose que je voudrais mentionner, c'est qu'en fait je vois très peu d'obligations de résultat, ce qu'on appelle «clause d'impact», là, quelque part vers la fin, je ne sais plus à quel point. En fait, est-ce que, vraiment, les autres ministères, dont les actions, dont les mesures ont des conséquences sur les personnes proches aidantes, vont être tenus de respecter cette éventuelle loi puis de démontrer que leurs mesures ne vont pas, justement, porter atteinte ou faire en sorte qu'il y ait de la discrimination envers les personnes proches aidantes? Il y a... Ça ne semble pas être clair, que les autres ministères vont avoir... vont être imputables, disons... (Panne de son).

Mme Maccarone : Ça fait que, dans le fond, qu'est-ce qui va changer dans la vie d'une proche aidante, selon votre avis, si on adopte le projet de loi actuel aujourd'hui?

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Bien, en fait, moi, je n'ai pas la réponse à cette question, c'est justement pour ça que je manifeste mon impatience. Je suis contente de savoir que la politique est déjà en cours de construction, là, mais, moi, dans l'état actuel, le projet de loi... Moi, ça m'irrite, lire des choses comme ça qui ne sont que théoriques. J'ai été traductrice longtemps, puis j'en ai traduit beaucoup, du langage de fonctionnaire, là, puis je suis un petit peu allergique. Donc, je suis désolée de vous l'exprimer. Mais donc j'ai hâte, là, parce que moi, je ne vois pas qu'est-ce que ça va changer dans ma vie si, là, tout de suite, on l'adopte, le projet de loi. Ça va être plus tard, au moment de la politique, du plan d'action, que là, j'espère, il va y avoir des choses concrètes. Je reste sceptique d'ici là.

Mme Maccarone : Moi aussi, j'ai hâte à mettre du concret dans le projet de loi, ça fait qu'on est solidaires. Je pense, je vais juste poser deux questions rapides avant de passer la parole à ma collègue, mais je suis très intéressée à vous faire entendre qu'est-ce qu'il faut changer. Je sais que vous avez abordé un peu le niveau de CLSC et partenariat, quand on parle de la dyade pour les personnes proches aidantes. Alors, est-ce que vous pourriez élaborer juste un peu sur les mesures les plus importantes, s'il faut trancher, pour ces deux sujets?

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Deux sujets étant partenariat et?

Mme Maccarone : CLSC.

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Oui, CLSC. Bon, bien, en fait, ce qu'on a élaboré dans le mémoire, c'est en considérant... comme Geneviève le soulignait tantôt, que, souvent, le maillon faible, c'est le CLSC, c'est la travailleuse sociale, qui est supposée être l'intervenante pivot, mais souvent il y a le roulement. Il est tel qu'il faut tout le temps recommencer notre histoire, il faut tout le temps relancer la demande de services, puis ça devient vraiment pénible.

Donc, moi, ce que je... bien, ce qu'on avait imaginé, c'est un modèle de partenariat qui impliquerait organisme communautaire, équipe pivot du CLSC, pas une intervenante mais une équipe. Comme ça, s'il y en a une qui tombe, bien, au moins, il y en a une autre qui n'est pas loin, qui pourrait être ergo, qui pourrait être psychoéducatrice, qui pourrait être... Ce n'est pas obligé d'être toutes des TS, là, parce que, malheureusement, ils sont beaucoup en burn-out, ces gens-là, je suis désolée, je leur offre mes sympathies, bon, mais c'est vrai, le taux de roulement est ahurissant, là, chez les travailleuses sociales, travailleurs sociaux.

Donc, je parle d'un écosystème, j'aime bien ce mot, autour de la dyade, personne aidée et proche aidante, parce qu'il y a des modèles de partenariat qui existent, là, déjà, qui ont été formalisés plus du côté anglophone, d'après ce que j'ai trouvé, là, des trucs axés sur la personne, sur les besoins de la personne. Donc, c'est une équipe qui entoure la personne handicapée ou la personne malade, qui est formée de quelques membres de la famille, quelques membres de son réseau plus informel et les membres du réseau, justement, public.

Puis on ne peut pas ici décharger toute la responsabilité sur le réseau informel, comprenez-moi bien, mais que ce soit un travail d'équipe et que ce soit pour décharger... pour éviter l'épuisement de la personne proche aidante, parce que, souvent, c'est, justement... tout repose sur les épaules d'une seule personne qui n'a pas l'espace mental pour imaginer de s'organiser autrement pour avoir un meilleur soutien, parce qu'on est dans l'épuisement constant. Donc, moi, ça serait ça, mon... (Panne de son) ...en fait, que ma travailleuse sociale, par exemple, m'aide à construire, autour de mon enfant handicapé, celui qui me reste, un réseau d'aide puis de... pour l'aider à atteindre ses buts, cet enfant-là, dans toutes les sphères de sa vie, auxquelles moi, je ne fournis pas à mes tâches.

Mme Dion (Geneviève) : Si je peux me permettre, je vais ajouter un petit quelque chose pour vous donner un exemple concret d'à quel point que c'est lourd pour nous. À chaque année, ma travailleuse sociale me fait remplir un questionnaire obligatoire pour justifier pourquoi Naomi est encore handicapée. C'est une maladie génétique, elle ne guérira jamais. Je leur ai dit, à partir du jour un, et, à chaque année, je dois rejustifier pourquoi Naomi est encore handicapée, sinon ils me coupent mes heures. On en est là, là.

Mme Maccarone : ...c'est ridicule et inacceptable, là, il faudrait absolument changer ça. Alors, ceci... Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je vais... Pour 1 min 26 s, la parole est à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Mme Dion, Mme Lanouette Turgeon, merci pour votre témoignage. Et j'ai le goût de vous dire... au-delà de tous les mots que vous avez entendus puis notre sensibilité, j'ai vraiment le goût de vous dire qu'avec ce que vous venez de nous dire il faut que ça soit au centre du projet de loi. Et vous avez clairement nommé à quel point ce projet de loi n'apporte aucune action concrète qui vous donne de l'oxygène, qui vous donne du soutien de plus demain matin. Les délais sont grands, puis on est un peu à la même place que vous à se dire qu'on aimerait drôlement être devant une politique, alors qu'on serait déjà dans du plus concret.

Moi, ce que j'ai le goût de vous dire clairement, puis dites-moi simplement si j'ai la bonne lecture... On parle d'écosystème, mot que j'aime beaucoup. Dans le fond, là, ça prendrait vraiment, de façon très concrète, des intervenants qui se parlent, l'intervenant pivot, l'action communautaire, du répit qui est plus intense, parce que, clairement, 30 jours par année, ce n'est pas suffisant. Alors, on est en train de parler d'une intervention en approche globale autour de vous dans la simplification. C'est quelque chose de très humain, c'est un principe de partenariat. Or il n'y a rien qui existe dans le projet de loi. Moi, j'ai le goût de vous dire qu'il faut qu'on travaille là-dessus, vraiment dans la bonification du projet de loi, tout cet espace de partenariat très tricoté serré autour de vous, puis de se garder en tête votre témoignage pour s'assurer que tout ce qu'on mettra de plus dans ce projet de loi, bien, c'est du concret de plus pour vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée de Fabre. Je me tourne maintenant vers le deuxième groupe d'opposition, avec le député de Jean-Lesage, pour 2 min 45 s.

M. Zanetti : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation qui est très touchante et bouleversante. Vous avez parlé de la question du répit, qui est fondamentale. J'aimerais savoir... Je ne sais pas si vous avez pu identifier un endroit dans le projet de loi en particulier où on pourrait ajouter des éléments sur le répit ou, sinon, si vous pourriez nous décrire de quoi vous avez besoin. Qu'est-ce qui pourrait... Qu'est-ce qu'on pourrait ajouter dans... pour donner du répit?

Mme Dion (Geneviève) : Bien, écoutez, présentement, Le Phare, Enfants Familles est la seule maison de soins palliatifs pédiatriques au Québec. Non seulement ils offrent le volet soins palliatifs pédiatriques, mais ils ont le volet répit aussi. Ils ont seulement 12 lits. C'est la seule au Québec, et ils ont seulement 12 lits. Je pense que c'est grandement insuffisant. Des enfants lourdement handicapés, d'année en année, il y en a de plus en plus qui viennent au monde et qui survivent parce que la médecine est de plus en plus poussée.

Alors, le volet répit doit être considérablement mieux subventionné par l'État, en aidant Le Phare, entre autres, à peut-être faire un agrandissement, à ouvrir d'autres maisons comme Le Phare, Enfants Familles. Parce que nous, comme parents, ça ne nous coûte rien quand on l'envoie là-bas parce que Le Phare a des subventions du gouvernement et a des dons aussi, et leurs revenus viennent de ces deux sources-là essentiellement. Donc, ce n'est pas assez. On en manque. Et nous, ça ne nous coûte rien, quand on les envoie, comme je vous dis. Parce qu'il y en a probablement d'autres, endroits pour du répit, mais ce n'est pas nécessairement ces soins-là, et il y a souvent des frais qui sont... qui doivent être déboursés par les parents.

M. Zanetti : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vous avez encore 30 secondes, s'il y a un petit message.

M. Zanetti : Ah! bien, je vous remercie beaucoup, puis c'est... une chance que vous faites ce que vous faites et que vous êtes là pour tout le monde. Ça doit donner beaucoup de courage à tout le monde de savoir aujourd'hui que vous venez nous donner vos témoignages. Alors, on va en faire bon usage. Merci.

Une voix : Merci.

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Je me tourne maintenant du côté du député de Rimouski, pour une période de 2 min 45 s.

M. LeBel : Bonjour, mesdames. Moi aussi, c'est sûr que j'ai été touché par ce que vous avez dit, mais je peux comprendre, par exemple, plusieurs personnes doivent se dire qu'elles sont touchées par ce que vous dites, mais vous dites : C'est beau être touché, mais donnez-nous... faites des actions. Les belles paroles, c'est bien, mais on a besoin d'actions.

Vous dites que la loi... vous parlez d'un exercice diplomatique. Moi, je vous dis, je suis plutôt d'accord avec l'histoire de la loi, parce que c'est une loi-cadre qui va faire en sorte qu'il y aura des politiques sur cinq ans, les prochaines années. Ça fait que la loi qu'on fait là... c'est hyperimportant, ce qu'on fait. Je trouve ça un peu spécial, par exemple, que la ministre nous dit que la politique est déjà pas mal prête, avant même que la loi-cadre soit faite. C'est un peu particulier, mais on va travailler tout le monde ensemble.

Vous dites aussi qu'il y a déjà cette affaire, là, maintenant, même là, maintenant, avant que les politiques se mettent en place, puis un des gestes, là, c'est le fonds d'urgence. Moi, j'aime, je comprends le mot «urgence», ça veut dire que ce n'est pas un fonds que vous voulez voir trop, trop loin, c'est un fonds... parce qu'il y a des urgences maintenant, là, maintenant, puis je peux comprendre que, dans une période de pandémie, il y a plein de proches aidants qui ont des cas d'urgence. Comment vous le voyez, ce fonds-là? Il serait géré comment, et comment vous pensez qu'on pourrait le mettre en place rapidement? Et vous pensez à quelle sorte de fonds?

Mme Lanouette Turgeon (Anouk) : Honnêtement, je vais être obligée de vous renvoyer la question parce que j'admets que ça dépasse mes compétences d'y répondre. Moi, ce que... l'idée d'un fonds d'urgence, c'est par rapport au fait que, si je demande tout de suite, là, justement, de l'aide à mon CLSC, la réponse, c'est : Non, nos enveloppes sont vides, vous ne cadrez pas dans les critères. Donc là, il faudrait une enveloppe qui soit plus discrétionnaire, peut-être, je ne sais pas, qui soit hors balises. Parce que c'est ce que mon CLSC m'a dit, finalement, après des semaines de lutte et d'acharnement, ils ont fini par nous consentir quelques heures de répit en nous disant : On prend ça dans l'enveloppe du chèque emploi-servicesmême si votre enfant ne cadre pas dans les critères, c'est une entente hors balises. Bon, en tout cas, je n'ai pas trop compris. Donc, moi, c'est ça, ce que je trouve très difficile à vivre pour les proches aidants, c'est d'être constamment pris dans un système où, on dirait, il n'y a que des failles, on tombe... on ne cadre pas dans telle série de critères, donc on est refusé. Donc, c'est ça qui est épuisant, là.

Je verrais quelque chose de plus global, qui serait, disons, moins contraignant, puis où on peut répondre aux besoins des familles, tu sais. Nous, on peut parler pour nous. Le proche aidant qui s'occupe de son conjoint en perte d'autonomie a peut-être d'autres besoins. C'est sûr que le répit semble un besoin généralisé, mais il y en a pour qui ça va être plus un soutien vraiment financier qui va être requis. Donc, il faudrait pouvoir s'adapter, que ce soit à géométrie variable, là, s'adapter à la situation de la personne au lieu d'essayer de faire fitter la personne dans un système où, bien, elle ne fitte nulle part, finalement — excusez les anglicismes.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mesdames, merci beaucoup pour votre témoignage, merci pour votre exposé, votre contribution à la commission.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps d'installer le prochain groupe en visioconférence. Merci encore.

(Suspension de la séance à 12 h 03)

(Reprise à 12 h 05)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je souhaite la bienvenue aux gens du Collège des médecins, Dr Gaudreault ainsi que Dr Trudeau. Alors, bienvenue à cette séance. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour présenter les grandes lignes de votre mémoire. Nous procéderons par la suite à un échange avec les membres de la commission. Alors, pour l'heure, voici, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

(Visioconférence)

M. Gaudreault (Mauril) : Merci, Mme la Présidente. Bien, comme vous l'avez dit, je suis le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, et je suis accompagné du Dr Jean-Bernard Trudeau, qui est le directeur général adjoint mais aussi responsable chez nous des relations avec les ordres professionnels.

Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, le Collège des médecins du Québec vous remercie de lui permettre de vous présenter ses réflexions concernant le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives.

Permettez-nous, d'entrée de jeu, d'appuyer et de saluer les objectifs de reconnaissance et de soutien des personnes proches aidantes poursuivis par le projet de loi. Il était temps que le gouvernement du Québec reconnaisse formellement la contribution significative des personnes proches aidantes au bien-être et au soutien des personnes vulnérables et en perte d'autonomie de tous âges. Plus que jamais, les personnes proches aidantes ont non seulement besoin d'être reconnues et d'avoir des canaux de communication formels avec l'État pour exprimer leurs besoins mais elles ont besoin de services pour... (panne de son) ...et les personnes dont elles ont la charge, dont le nombre ira d'ailleurs en grandissant. Autrement dit, les proches aidants ont besoin d'aide, et le projet de loi est un pas dans la bonne direction.

Les personnes proches aidantes apportent une contribution significative aux personnes vulnérables en perte d'autonomie dans notre société. Principalement, elles offrent un soutien émotionnel, prodiguent des soins ou répondent à des besoins liés à la situation de la personne, par exemple, transport, rendez-vous avec des professionnels, repas, ménage, etc. Elles le font en complément des soins et services dispensés par le réseau public de santé et de services sociaux. Elles soutiennent la personne aidée de manière occasionnelle ou continue, à court ou à long terme, selon l'évolution de l'intensité de la situation. Elles jouent leur rôle soit à domicile ou au domicile de la personne âgée ou, encore, dans des lieux de résidence d'hébergement comme les CHSLD.

Offrant leur soutien volontairement, selon leur propre situation de vie et leurs capacités, les personnes proches aidantes peuvent à tout moment décider de le réduire ou de mettre fin à leur implication auprès de la personne aidée. Avec toutes ces responsabilités, les personnes proches aidantes se négligent souvent, cependant. Et pourtant elles ont, comme les personnes dont elles prennent soin, des besoins fondamentaux. Il faut les aider à ne pas s'oublier.

Si le collège reconnaît l'utilité de la mise en place de structures comme des comités et des observatoires qui assurent une vigie de la situation des personnes vulnérables et des proches aidants, nous pensons que ces structures ne devraient pas être le principal investissement de l'État pour les soutenir. Les investissements doivent se faire dans les soins et services à domicile, le soutien économique et l'offre de répit. Ils doivent aussi faciliter l'accès aux ressources d'hébergement en temps opportun pour les personnes qui présentent une incapacité. L'épuisement est probablement le principal problème des proches aidants, et, actuellement, le système de soins et de services possède des lacunes lorsqu'il s'agit de le prévenir ou de le soulager. L'amélioration des soins à domicile est donc, selon nous, l'élément le plus important.

• (12 h 10) •

Toutefois, bien sûr, nous remarquons que certaines décisions gouvernementales prises au fil des années ont malheureusement fait en sorte que de moins en moins de médecins se tournent vers cette pratique qui va à l'encontre des exigences de productivité établies par le gouvernement. Il suffit de penser à la Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. En vertu de cette loi, les médecins de famille doivent notamment assurer le suivi médical d'un nombre minimal de patients et se rendre disponibles auprès des personnes assurées en utilisant un système de prise de rendez-vous mis en place conformément à cette loi. À défaut pour un médecin de se conformer à ces obligations, la loi prévoit même la réduction de sa rémunération par la Régie de l'assurance maladie. Nous pensons donc que l'État doit trouver un juste équilibre entre des exigences de productivité, avec lesquelles nous sommes d'accord, mais aussi le désir de maintenir le plus longtemps possible à domicile les personnes vulnérables tout en maintenant la qualité des soins et des services offerts.

Par ailleurs, il est utile de rappeler que le collège a adopté, au cours des dernières années, plusieurs règlements d'autorisation, le but étant d'être plus flexible afin que d'autres professionnels — je fais référence ici aux infirmières praticiennes spécialisées, aux pharmaciens ou encore aux inhalothérapeutes... — afin qu'ils puissent exercer certaines activités réservées aux médecins et ainsi offrir des traitements et des soins plus facilement et plus rapidement. Vous aurez compris, notre première recommandation est donc d'insister davantage sur le développement et la consolidation des services et de soins à domicile plutôt que sur des structures.

Dans un deuxième temps, le collège aimerait souligner sa grande ouverture quant à une collaboration éventuelle avec le Regroupement des aidants naturels du Québec. Nous avons rencontré ses dirigeants dans le cadre de la vaste consultation publique menée par le collège au cours de l'année 2019 et nous croyons qu'il est essentiel de travailler étroitement avec eux afin de connaître les besoins réels des personnes proches aidantes.

Un des problèmes importants pour les personnes proches aidantes est la difficulté d'accès, par ailleurs, à des ressources d'hébergement pour les personnes présentant une incapacité. À l'heure actuelle, les listes d'attentes sont telles qu'elles représentent un fardeau additionnel pour les proches aidants qui ne bénéficient pas d'un soutien à domicile, comme nous le mentionnions dans notre première recommandation. Il faudrait donc, dès maintenant, faciliter l'accueil en hébergement afin de réduire les listes d'attentes. Bien sûr, la mise en place des maisons des aînés avec la possibilité d'y intégrer une participation complémentaire des personnes proches aidantes sera un pas dans la bonne direction.

Enfin, dans le cadre d'une éventuelle politique concernant les personnes proches aidantes, celles-ci devraient pouvoir être soutenues de façon appropriée par un meilleur accès au réseau de la santé et des services sociaux et en repoussant les limites de services et de soins offerts à domicile afin de répondre à leurs besoins spécifiques ainsi qu'à ceux des personnes qu'elles aident, notamment, ici, par des mesures économiques et des moyens d'obtenir du répit.

En conclusion, le collège approuve la reconnaissance des compétences des personnes proches aidantes et la mise en place par le projet de politique nationale de véritables partenariats de soins et de services au bénéfice des personnes qui présentent une incapacité et des personnes proches aidantes elles-mêmes. Il considère cependant que cette mesure n'aura de sens et ne sera effective que si elle s'accompagne d'abord et avant tout d'une meilleure offre de soins et de services publics aux personnes qui présentent une incapacité, aussi bien à domicile qu'en ressources d'hébergement, et d'un soutien privilégié aux proches qui les assistent.

Voilà, le Collège des médecins du Québec vous remercie de lui avoir permis de partager ses réflexions, et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Gaudreault, Dr Trudeau. Alors, nous entamons la période d'échange avec les membres de la commission. Je me tourne du côté de la ministre, pour une période de 16 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Dr Trudeau, Dr Gaudreault, on va terminer nos consultations particulières avec vous, avec le Collège des médecins, on a eu l'association canadienne médicale aussi. Vos réflexions sont importantes pour nous.

Tout d'abord, peut-être, pour mon collègue de Rimouski, mentionner qu'en premier lieu nous devions déposer une politique nationale des proches aidants, donc les consultations ont commencé le 11 décembre 2018. Donc, on était... on a recueilli beaucoup de matériel, mais, en cours de route, avec nos consultations, la loi s'est profilée à l'horizon pour enchâsser la politique, pour enchâsser un plan d'action. Et je tiens à vous dire que l'observatoire, ça ne sera pas une grosse structure, là, c'est avec les RUISSS, ce qui existe, donc avec un matériel existant, là, mais c'est pour faire en sorte que nous puissions faire avancer les actions, le plan d'action, tenir compte aussi de la santé et du bien-être du proche aidant, que tous les ministères, lorsqu'ils déposent des lois, des modifications réglementaires, tiennent compte des proches aidants si telle est l'orientation dans leurs lois et dans leurs changements de règlements.

Écoutez, vous avez un peu parlé, comme l'Association médicale canadienne, du fait que le maintien à domicile, le soutien à domicile, c'est la clé, hein, c'est la clé de tout, parce qu'il n'y a pas un gouvernement qui va être capable de soutenir annuellement la construction de 3 000 places d'hébergement, et les gens veulent rester à la maison le plus longtemps possible.

Vous avez parlé des médecins. C'est vrai qu'avec une certaine loi passée on a restreint en quelque sorte le fait que les médecins puissent se déplacer à domicile, et c'est tellement important que les médecins puissent aller à domicile, puissent aller aussi dans les CHSLD. Moi, je me souviens, quand j'étais plus jeune, mon médecin venait à domicile, et c'est comme ça qu'on peut garder les gens dans nos villes, dans nos villages le plus longtemps possible et que l'hébergement soit réellement pour les personnes qui sont en très, très lourde perte d'autonomie.

Avant de vous poser la question sur un plan d'accompagnement, je tiens aussi à vous féliciter pour votre souplesse en lien avec les infirmières praticiennes, en lien avec les inhalothérapeutes, en lien avec les pharmaciens. C'est une très belle collaboration et une belle ouverture qui va apporter beaucoup d'air, hein, de l'air, en tout cas, au réseau de la santé, qui est souvent écorché et malmené.

Ma collègue de Fabre parlait d'un plan d'accompagnement, parlait d'un dossier médical. On veut que le proche aidant, quand il... quand l'aidé voit le médecin, on veut que le proche aidant soit considéré aussi par le médecin. Le proche aidant n'a pas nécessairement un dossier médical, comme tel, mais un plan d'accompagnement pourrait faire en sorte que le médecin ou l'infirmière pivot, les gens qui s'occupent de la personne aidée, bien, pourraient prendre en considération la santé, le bien-être de la personne proche aidante. C'est un partenariat, ça devient une dyade. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien sûr. Vous savez, vous parliez, tout à l'heure, quand vous étiez plus jeune... Moi, pendant 40 ans, j'ai pratiqué la médecine de famille à Chicoutimi, notamment, toujours à Chicoutimi, puis j'ai fait beaucoup de visites à domicile, et j'ai eu le privilège aussi d'amener des résidents en médecine de famille avec moi pour faire de telles visites à domicile. Pour moi, les visites à domicile et le soin à domicile, quand je dis qu'il faut mettre l'accent beaucoup là-dessus, le collège se porte garant de collaborer avec vous, le gouvernement, avec les partenaires que sont aussi les fédérations et les autres ordres professionnels, les autres professionnels, pour faire en sorte... Et je l'ai dit souvent depuis deux ans, parce que je suis président depuis deux ans, que le collège ferait tout son possible pour collaborer à l'amélioration du réseau des services de santé au Québec, mais pas seul. On va faire ça ensemble, en équipe.

Et, en ce sens-là, je pense que le maintien à domicile des personnes qui le nécessitent, c'est une affaire d'équipe avec d'autres professionnels de la santé, mais, également, dans l'équipe, il doit y avoir le patient, évidemment, mais aussi le proche aidant, la personne proche aidante. Donc, à mon avis, il faut... il faudra revoir, plusieurs organismes ensemble, comment on pourrait mieux organiser les soins à domicile pour les personnes qui le nécessitent.

Mme Blais (Prévost) : Dr Gaudreault, je pense qu'il va y avoir un changement de culture à opérer, parce qu'on a eu des témoignages comme : Oh oui! On s'occupe de l'aidé, mais on ne s'occupe pas du proche aidant et le proche aidant était malade, ou on demande des services au CLSC, une personne proche aidante qui a un enfant lourdement handicapé, puis on ne peut pas vous offrir les services souhaités. Alors, je pense qu'il va y avoir beaucoup de travail, au niveau d'un changement de culture, pour vraiment considérer le proche aidant comme faisant partie d'un tout et que le proche aidant soit aussi informé quand le médecin prend des décisions par rapport à l'aidé, pour être en mesure de pouvoir suivre l'évolution de la personne aidée.

• (12 h 20) •

M. Gaudreault (Mauril) : Oui. C'est en ce sens-là. La collaboration doit être une collaboration de tous les niveaux, avec tous les partenaires, puis c'est important. Et nous, au collège, on a commencé, il y a quand même quelque temps, à impliquer ce qu'on appelle des patients partenaires à l'intérieur de nos comités statutaires et permanents, pour voir comment, ensemble, on pourrait participer de meilleure façon à l'amélioration du système.

Donc, à mon avis, les proches aidants doivent absolument être considérés comme des partenaires de l'équipe à part entière. Je ne sais pas si Jean-Bernard a quelque chose de plus à dire là-dessus.

M. Trudeau (Jean-Bernard) : Oui, bien, j'aimerais ça. Je trouve ça intéressant, ce que vous dites par rapport à l'accompagnement. Vous avez raison, on est dans du changement de paradigme, là, puis il y a des enjeux de formation puis de bien faire connaître le proche aidant, rendre visible l'invisible, là, comme on dit souvent, là. C'est que ces personnes-là, peut-être que les médecins puis les autres professionnels de la santé ne comprennent pas toujours bien leur rôle, puis je pense que des formations, là, pourraient être envisagées.

On travaille déjà des formations avec les universités, la formation interdisciplinaire, plusieurs professionnels. On implique de plus en plus les patients à l'intérieur de ces formations-là, et ça, ça change les paradigmes puis ça change les façons... ça aide beaucoup plus rapidement à faire évoluer les pratiques.

L'idée d'avoir un dossier commun puis d'arrêter de se rabattre derrière la confidentialité... Je pense qu'il faut enseigner à nos médecins, mais il faut enseigner à tous les professionnels. On peut maintenir la confidentialité, mais ça ne veut pas dire de couper la communication. On peut très bien communiquer, on peut très bien sensibiliser, on peut très bien démystifier sans nécessairement brimer la confidentialité. Ça fait qu'il faut arrêter d'avoir cette équation-là, qui est malsaine : c'est confidentiel, je ne peux pas vous communiquer. Ce n'est pas vrai. C'est confidentiel, mais on peut communiquer plein de choses qui vont aider puis qui vont permettre d'avoir les conditions gagnantes pour faire... pour avancer au niveau des soins à domicile.

Puis je veux juste vous dire qu'au cours des dernières années, au Collège des médecins, on a beaucoup de professionnels qui sont venus nous voir pour avoir notre appui pour plus d'autonomie à domicile, ne pas être obligés d'aller à domicile puis là de revenir au médecin, avoir, des fois, juste une signature ou une autorisation. On a fait des avancées, mais je pense que ces avancées-là, on n'a pas nécessairement réussi à bien les communiquer. Ça fait que, là, on a un défi de communication. On l'a fait avec les IPS, on l'a fait avec les pharmaciens, on l'a fait avec les diététistes, on l'a fait avec les inhalothérapeutes, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les travailleurs sociaux, les psychologues. C'est tous des gens qui, à un moment donné ou à un autre, peuvent aussi aller à domicile, mais ces gens-là, là, il faut qu'ils aient une intégration.Tantôt, vous parliez d'infirmières pivots. Ça pourrait être un professionnel pivot. La personne la plus significative, c'est la personne la plus significative pour la personne aidée puis la personne aidante, qui, peut-être, peut devenir le pivot, à ce moment-là, puis faire la différence.

Puis d'avoir un dossier commun pour que tout le monde voie la même information, l'information du médecin et des autres, pour éviter les duplications puis optimiser le travail à domicile, c'est certain, il faut aller vers ça, parce que, écoutez, imaginez la fragilité supplémentaire du réseau de la santé et des services sociaux si on n'avait pas de proches aidants. Ça serait épouvantable, tu sais, on ne veut même pas l'imaginer, mais il faut reconnaître à un moment donné que ces personnes-là, là, font la différence. Puis c'est de l'altruisme pur, ça fait que cet altruisme-là, il faut le reconnaître puis mettre les énergies à la bonne place. Puis ça, bien, il faut sensibiliser les gens puis les former dans ce sens-là.

Mme Blais (Prévost) : Dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Bon, j'imagine que vous êtes en faveur du projet de loi sur les proches aidants. On questionne beaucoup ici à savoir est-ce que c'est nécessaire d'avoir une loi. Moi, je pense qu'une loi va venir pérenniser, au-delà des gouvernements et dans le temps, le fait que le proche aidant sera reconnu, qu'il obtiendra des services, des soins, et qu'il va faire partie aussi de la vision que le réseau de la santé aura ou jettera sur le proche aidant. Donc, le proche aidant va devenir quelqu'un d'important dans l'accomplissement, dans l'accompagnement qu'on fera à la personne aidée. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que j'énonce?

M. Gaudreault (Mauril) : O.K., Ah! absolument. Puis, dans mon mot d'introduction, et, de même, dans le mémoire, on ne veut pas diminuer l'importance des structures, ce n'est pas ça, je veux dire, ça en prend, des structures, puis il faut qu'elles soient là, puis on est d'accord avec le projet de loi, totalement. Vous aurez compris que ce qu'on veut, c'est d'aller plus loin encore par rapport au maintien à domicile et par rapport au travail de collaboration qu'il va falloir faire ensemble pour que ça fonctionne adéquatement, mais, oui, tout à fait, on appuie le projet de loi à 100 %.

Mme Blais (Prévost) : Donc, de toute façon, il n'y a pas un gouvernement, quel que soit le gouvernement, qui ne peut plus ne pas se pencher sur les soins à domicile et faire en sorte que les gens puissent vivre à la maison le plus longtemps possible.

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.

Mme Blais (Prévost) : Ça, écoutez, je le dis, là, mais il me semble que c'est une vérité, là, qui nous apparaît comme ça. Alors, merci pour votre témoignage. Merci pour votre précieuse collaboration. Maintenant, je cède la parole à mes collègues s'il y a des collègues qui veulent poser des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je vois que la députée d'Abitibi-Ouest a quelques questions à poser. Il reste 5 min 11 s.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci pour votre présentation. Vous nous sensibilisez au fait qu'un autre problème vécu par les personnes proches aidantes est non-accessibilité au réseau de la santé et aux services sociaux. Vous spécifiez la difficulté à joindre un professionnel pouvant les aider dans l'accomplissement de leur... Pouvez-vous nous aider... bien, pouvez-vous nous donner des exemples concrets, s'il vous plaît?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, comme médecin qui est allé à domicile souvent dans sa vie, par rapport aux proches aidants de patients que je visitais, moi, je leur donnais mon numéro de téléphone puis je leur donnais une façon rapide de me joindre. Parce que le problème, c'est ça, c'est que, s'il n'y a personne avec laquelle elles peuvent communiquer, par rapport à la personne aidée mais par rapport à elles-mêmes aussi, parce que, souvent, ces personnes-là vont s'oublier... Et ça, c'est bien important, par rapport à prendre soin de la personne aidée et prendre soin de la personne aidante.

Et quand, tout à l'heure, on disait ou on spécifiait qu'elles doivent faire partie à part entière d'une équipe, à ce moment-là, dans l'équipe, il y a d'autres professionnels de la santé, et le proche aidant va pouvoir communiquer avec un des autres professionnels de façon facile. Parce que ça, c'est compliqué, là. C'est sûr que, quand le médecin va à domicile et que le proche aidant ou le patient en question n'a pas un accès privilégié soit au médecin de famille ou à l'infirmière, le but visé du maintien à domicile, nous ne l'atteindrons pas. Il faut faciliter la communication à cette personne-là.

La communication, là, c'est le gros défi qu'on a, nous, en 2020, toute notre société. Quand je suis allé présenter le mémoire du collège par rapport à favoriser les infirmières praticiennes spécialisées, qu'elles deviennent plus autonomes, je disais à ce moment-là aux membres de la commission : Je n'ai pas de problème du tout, le collège n'a pas de problème à faire en sorte que les infirmières praticiennes soient plus autonomes, mais si elles pratiquent en silo, le but que nous visons, nous ne l'atteindrons pas. Le défi, ça va être que ces deux professionnels-là, le médecin et l'infirmière praticienne, communiquent ensemble, comme le défi de l'équipe de maintien à domicile et d'une personne proche aidante. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je me tourne du côté de Mme la députée de Roberval, pour 2 min 28 s.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Gaudreault, Dr Trudeau. On a chez nous Jonquière-Médic — je crois que vous connaissez, Dr Gaudreault — qui est un très beau modèle, qu'on pourrait exporter un peu partout, de soutien à domicile et d'aide pour nos gens. On voit... Ce qu'on a entendu dans les derniers échanges, c'est que c'est souvent la porte d'entrée, au CLSC ou peu importe, c'est souvent là que ça se joue. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer l'accès au réseau, comme vous l'avez dit tout à l'heure, puis améliorer les services qu'on pourrait offrir aux proches aidants? Parce qu'on sait que, souvent, quand il y a un décès, après, le proche aidant, il n'existe plus, il est abandonné, puis, après, bien, on voit beaucoup de dépressions, de burn-out, de troubles qui deviennent des troubles physiques. Je sais que ma question est peut-être en plusieurs volets, là, mais comment faire pour aider ces gens-là dans le pendant puis dans l'après aussi?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, je peux me permettre un début de réponse, mais je le redis, là, le Collège des médecins du Québec n'a pas, là, de solution magique à ce problème-là, là, mais ce que je veux que vous compreniez bien — et j'aimerais ça être interpellé plus tard, par la suite, là — c'est l'offre de collaboration du collège afin de faire partie, avec d'autres partenaires, avec vous, etc., de discussions, comment on pourrait améliorer ensemble les choses par rapport à tout ce désir de maintien à domicile.

Oui, je connais très bien les gens de Jonquière-Médic, ayant pratiqué dans la ville à côté pendant 40 ans, là, mais c'est une belle réussite, d'ailleurs, que les médecins de famille ont pu faire dans votre territoire. Mais l'idée, vraiment, le collège, de collaboration avec tous les autres partenaires pour faire en sorte d'améliorer les soins.

• (12 h 30) •

M. Trudeau (Jean-Bernard) : Si je peux me permettre, rapidement, la notion de professionnel intégrateur, là, tu sais, on parlait d'infirmière pivot, mais, s'il y a un professionnel qui est capable d'être identifié pour une personne aidée, là, ça permet, justement, de dynamiser les interfaces, là, dans le réseau de la santé puis de permettre d'être comme sous un filet d'air, je dirais, où on peut circuler plus librement. Mais il n'y a rien qui empêcherait, si la personne décède...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

M. Trudeau (Jean-Bernard) : ...qu'il y ait une bascule qui se fait pour s'assurer que ce professionnel aidant là, ce professionnel intégrateur puisse prendre le relais.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, docteur. Merci beaucoup. Je suis désolée, hein? Je suis, comme on dit, la «time keeper», là, la gardienne du temps. Alors, je me tourne maintenant du côté de la députée de Fabre, qui bénéficie, pour son groupe parlementaire, de 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dr Gaudreault, Dr Trudeau, un plaisir de vous entendre. Écoutez, merci pour toute cette réflexion.

Et je veux un peu ramener... Parce que, tantôt, on a parlé de notre regard par rapport au projet de loi, je veux bien dire que, pour nous, ce qui est important, ce n'est pas de se dire est-ce que ça prenait un projet de loi ou pas, ce qui est important, c'est que le projet de loi puisse amener des actions concrètes et rapidement. Et, oui, nous sommes à trépigner d'impatience à voir la politique qui va amener des éléments concrets. Mais je vous entends bien quand vous faites l'analyse du projet de loi et que vous dites que, vous aussi, oui, c'est bien beau les structures, mais il faut qu'il y ait des actions concrètes qui soient mises de l'avant et particulièrement en soutien à domicile. Je vous dirais qu'à travers tous les débats qu'on a eus, et c'est une très bonne nouvelle, le soutien à domicile s'est invité dans l'agenda du débat. Et, dans le fond, ça nous démontre à quel point le plus grand répit qu'on peut offrir, entre autres aux proches aidants, c'est bien sûr, ça passe par le soutien à domicile, et il y a bien du travail à faire de ce côté-là, évidemment.

Moi, je retiens beaucoup, d'abord, bravo, cette collaboration avec le Regroupement des aidants naturels, je pense que c'est une belle nouvelle aussi, puis je retiens beaucoup votre désir de collaborer à toute cette notion d'interdisciplinarité, pour... autour... que ce soit le dossier médical ou un plan d'intervention et d'accompagnement. J'ai été heureuse aussi d'entendre qu'on peut maintenir la communication et maintenir la confidentialité.

Là, je vous amène tout de suite dans un espace de collaboration. J'ai besoin de vous entendre. Vous avez parlé qu'il faut, bien sûr, soutenir les proches aidants, mais il faut aussi prévenir leur situation d'épuisement, et tout ça. Et je pense que vous conviendrez avec moi que l'action communautaire, en termes de prévention, peut jouer un rôle avec l'ensemble des partenaires. Il n'y a rien dans le projet de loi qui définit vraiment tous les partenariats dont on a besoin autour du proche aidant. Comment vous voyez ça, par exemple, là, dans un plan d'intervention et d'accompagnement, le rôle d'intervenants non professionnels, qui ont une approche professionnelle mais qui sont des intervenants communautaires, qui font de la prévention puis tranquillement qui doivent se mettre en lien avec, bien sûr, des professionnels de la santé? Comment... C'est quoi, un peu, votre vision de ça?

M. Gaudreault (Mauril) : Je dirais, là, ici je vais faire un début de réponse puis je vais donner la parole à mon collègue, mais la première chose la plus importante pour moi, c'est de faire en sorte que les membres de l'équipe, là, soient conscients que les proches aidants s'oublient souvent, et de prévenir ça, de les soigner autant, finalement, que les personnes aidées. Parce que ça, pour avoir connu cela, j'imagine que, peut-être, vous aussi, moi, j'ai connu ça souvent, les proches aidants qui s'épuisent. C'est fantastique ce qu'elles peuvent faire, ces personnes-là, mais, à un moment donné, si elles s'oublient, ça ne peut pas être longtemps fantastique. Donc, pour que ça reste important, il faut qu'elles prennent soin d'elles aussi par rapport à cela.

Et, à mon avis, certains membres de l'équipe seraient plus... je dirais, veilleraient plus à ce que la personne aidante prenne soin d'elle. Si elle fait partie d'une équipe, on va s'en apercevoir à l'intérieur de l'équipe, si elle est partenaire vraiment à part entière de l'équipe, que, tout à coup, elle risque de s'essouffler et elle risque de faillir à la tâche. Donc, pour moi, c'est un membre de l'équipe qu'on peut... ça peut être un intervenant en action communautaire, comme vous le dites, ça peut être un psychologue, ça peut être n'importe quel membre de l'équipe, le médecin de famille aussi, la travailleuse sociale de l'équipe, tout le monde. Si on partage une vision puis si on discute ensemble de plan de traitement par rapport à la personne aidée, l'épuisement qu'elle va éventuellement vivre, la personne proche aidante, les gens vont s'en apercevoir, et ils vont être là pour l'aider.

M. Trudeau (Jean-Bernard) : Si je peux me permettre, vous vouliez voir si le rôle des organismes communautaires, quand vous parlez du communautaire... C'est ça? O.K. Bien, vous savez, pour moi... Moi, je viens du domaine de la santé mentale, avant d'avoir été au Collège des médecins, là, ça fait que j'ai vu la force aussi du réseau communautaire, des organismes communautaires. Pour moi, ce n'est pas incompatible, loin de là. Ils sont déjà reconnus, les organismes communautaires, je pense, dans la loi santé et services sociaux. C'est des joueurs aussi excessivement importants.

Ça, je pourrais dire la même chose que j'ai dite tout à l'heure par rapport aux proches aidants, sans les organismes communautaires, le réseau de la santé serait en difficulté encore plus grande actuellement. Écoutez, les organismes communautaires, on regarde les centres de crise, on regarde tout ce qu'ils ont apporté, là, au réseau québécois, là, c'est un filet important. Des fois, ils ne sont pas reconnus eux-mêmes à leur juste valeur, mais ça pourrait être une belle opportunité de synergie. Mais, pour moi, il n'y a vraiment aucune incompatibilité, au contraire, je pense qu'on travaille bien avec les organismes communautaires, on pourrait travailler mieux, et il n'y a pas d'incompatibilité à ce qu'il y ait une synergie puis une dynamique, là, qui puisse s'installer, là, avec les proches aidants, puis que des organismes communautaires puissent être en appui à eux, et vice versa, là, tu sais, pour l'échange d'information, là. Pour moi, il n'y a pas d'incompatibilité.

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste encore 5 min 30 s.

Mme Sauvé : Je vais poser une question, puis ensuite je vais céder la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait.

Mme Sauvé : Alors, merci pour votre réponse. Et ce que j'entends aussi, c'est que, dans votre désir de collaborer, il va falloir venir bien camper tout ce partenariat-là, toute cette zone d'approche globale, avec, évidemment, le rôle multidisciplinaire de chacun. Je pense que ça va être important de le bien camper dans le projet de loi. C'est ce que j'entends, puis votre désir de collaborer, alors je salue ça.

Il y a un aspect, honnêtement, puis vous êtes probablement les seuls, là, à ma mémoire, mais qui avez amené cette réalité-là qui est tout le temps le rôle du proche aidant qui se poursuit alors que l'aîné est en train d'attendre une place en établissement. Et ça, c'est un élément. C'est d'ailleurs une de vos recommandations, c'est la recommandation deux. Moi, je trouve ça important de vous entendre là-dessus, parce qu'effectivement il y a un espace-temps qui se prolonge, là, pour le proche aidant qui se retrouve dans l'insécurité de savoir à quel moment l'aîné va être en établissement. Alors, il faut effectivement être attentifs à ça, ça peut amener de l'insécurité, de l'anxiété, problématiques de santé mentale. Je veux vous entendre sur cet aspect-là de la réalité du proche aidant puis ce que vous suggérez.

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, le raccourcissement des listes d'attente, si je puis dire. L'attente, lorsque la personne aidée est dans un état qui nécessiterait un hébergement ailleurs qu'au domicile et que le proche aidant soutient la personne encore pendant des semaines et des mois de plus parce que la liste d'attente est ainsi faite, contribue à l'épuisement du proche aidant. Et, dans ce sens-là, c'est afin de faciliter la vie de la personne proche aidante, au cas où elle ne serait pas proche aidante juste pour une personne aidée. Donc, je pense que, là-dessus, il faut aussi mettre l'accent, et, là non plus, là, je n'ai pas de solution miracle à vous proposer, mais tous ensemble en faire une priorité, comment on pourrait alléger, comment on pourrait accélérer l'admission de ces personnes aidées en ressource d'hébergement lorsque cela est nécessaire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je me tourne maintenant du côté la députée de Westmount—Saint-Louis. Et il reste 3 min 10 s.

Mme Maccarone : Bon, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, chers docteurs, pour votre témoignage et pour le mémoire que vous avez déposé.

Moi, je vais ramener un peu la discussion par rapport aux personnes, les proches aidants qui s'occupent des personnes handicapées. Vous l'avez dit, c'est sûr, et je pense que ça mérite d'être répété, les proches aidants offrent une aide essentielle à la société, et c'est précieux, mais on se comprend que, pour ces familles-là, surtout ces parents qui s'occupent des enfants handicapés, lourdement handicapés, entre autres, mineurs, majeurs, ils sont proches aidants pour la vie.

Alors, à l'intérieur de ce que vous avez présenté, j'ai été, honnêtement, surprise de ne pas voir quelque chose qui était quand même identifié uniquement pour eux, parce que la réalité de leur vie est totalement différente de quelqu'un qui va s'occuper d'un proche aidant, qu'un parent qui devient plus âgé, par exemple, ou quelqu'un qui va devenir inapte à cause d'un accident ou autre. Est-ce que vous avez des recommandations ou des précisions que vous pourriez nous apporter par rapport à ces familles-là puis ces proches aidants, étant donné que c'est vraiment particulier, ce que ces familles vivent comme proches aidants?

• (12 h 40) •

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, le travail en équipe multidisciplinaire, je ne veux pas me répéter, là, mais c'est sûr que ça, c'est majeur, la personne aidée de même que le proche aidant, qui font partie à part entière de l'équipe, et la communication entre ces personnes-là, et, je le dis, en ressource d'hébergement de tout âge, hein, tu sais. Et j'honore, moi, plusieurs patients, plusieurs familles que j'ai pu voir et connaître au cours de ma pratique de médecin de famille. Mais un travail d'équipe, absolument nécessaire, on ne peut pas s'en sortir s'il n'y a pas ce travail d'équipe et la communication à l'intérieur de l'équipe.

M. Trudeau (Jean-Bernard) : Tantôt, on parlait des organismes communautaires. Si je peux me permettre, il y a des... tu sais, il y a là un espace, là, qui peut être aidant. C'est sûr que la réalité est différente parce que, là, le parent, là, sait que c'est pour la vie, là, qu'il va être avec la situation. Tantôt, on parlait d'une dimension peut-être différente, plus dans un espace vie où on est plus avec des personnes plus âgées, mais il y a déjà des organismes qui existent, là, par rapport au répit, par rapport à l'entraide, etc. Ça fait que c'est... Je pense qu'il faut regarder, s'asseoir ensemble puis vraiment être plus agiles, mais regarder, au fur et à mesure, les différents besoins. Là, on ramène encore l'idée, tu sais, d'une personne, un professionnel intégrateur, mais une personne qui peut mettre en action, là, différents organismes.

Personnellement, là, puis au niveau du collège, quand on interagit avec le milieu, ce qu'on réalise, des fois, même auprès de nos médecins de famille puis même auprès des autres professionnels, ils ne sont pas toujours connaissants de tout ce qui est existe dans le réseau. Puis il y a des situations paradoxales où on a l'impression que, des fois, des ressources sont sous-utilisées par non-connaissance. Ça fait que je pense qu'il faut faire un exercice aussi de bien rendre visible l'invisible, toutes les compétences qui existent au niveau des organismes communautaires, puis de créer de la synergie pour produire de l'agilité, pour s'ajuster au fur et à mesure aux besoins.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour vos réponses. Le temps imparti à l'opposition officielle est complété. Je me tourne maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition, avec une période de 2 min 45 s pour le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Alors, je voudrais revenir sur une portion de votre présentation où vous parliez de la question de l'information et la confidentialité pour dire, essentiellement, qu'il y a moyen, disons, tout en respectant la confidentialité, de faciliter l'échange d'information. J'ai deux questions. Tout d'abord, est-ce que vous pourriez développer un peu qu'est-ce que vous entendez par là? Où vous changeriez quelque chose dans les lois? Puis est-ce que ce serait dans le projet de loi n° 56 que vous verriez une bonne opportunité de le faire?

M. Gaudreault (Mauril) : J'en profite pour vous saluer, M. Zanetti, bonjour.

M. Zanetti : J'avais peu de temps, je suis allé vite, je m'excuse, mais allez-y.

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, écoutez, je pense que oui, la confidentialité, c'est important. Quand le Dr Trudeau parlait de ça tout à l'heure, c'est que, si un proche aidant fait partie de l'équipe à part entière comme partenaire, a accès au dossier commun des observations et plan de traitement proposé par la travailleuse sociale ou quelque autre professionnel dans l'équipe, c'est dans ce sens-là. Oui, il y a la confidentialité, mais comme partie prenante de la même équipe, avec un même dossier, par rapport à partager à la fois le plan de traitement et de suivi de la personne aidée, c'est dans ce sens-là.

M. Zanetti : ...

M. Gaudreault (Mauril) : On ne vous entend plus.

M. Zanetti : Ah! Est-ce que, là, vous m'entendez?

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, là, c'est correct.

M. Zanetti : Donc, selon vous, est-ce qu'il y aurait une place dans ce projet de loi là pour insérer un élément par rapport à ça?

M. Gaudreault (Mauril) : À mon avis, oui. Tu sais, il faut le faire. Ça fait que, dans ce projet de loi là, c'est à ma satisfaction, certainement, bien sûr, sans oublier aussi ce sur quoi on a appuyé également et que je pense qu'il faut appuyer encore plus, quand on parle d'offres de répit pour la personne, et quand on parle de soutien économique pour celle-ci aussi, quand elle s'oublie. C'est ça que je veux dire également.

M. Zanetti : Parfait. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste un petit 30 secondes pour un petit message.

M. Zanetti : Ah! bien, je vous remercie pour tout. Je vais tout de suite passer la parole... Ah! non, c'est terminé. Donc, merci pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci beaucoup...

M. Trudeau (Jean-Bernard) : Si je peux ajouter, je pense que c'est important de prendre du temps, puis nos codes de déontologie nous obligent aussi, les professionnels, à bien communiquer puis à prendre le temps de bien communiquer, même s'il y a des éléments qui sont sensibles ou confidentiels. Ça fait qu'on a un travail aussi à faire avec nos professionnels puis dans le cadre du travail d'équipe par rapport au partage d'information.

Documents déposés

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, avant de conclure les auditions, je dois procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors de ces auditions publiques, ceci étant dit et fait en même temps.

Je vous remercie, Dr Trudeau, Dr Gaudreault, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, la commission, ayant complété son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 45)

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