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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 29 septembre 2020 - Vol. 45 N° 60

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec (CTRCAQ)

Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale en aide à domicile (Réseau de
coopération des EESAD)

Association médicale canadienne (AMC)

Association québécoise des centres communautaires pour aînés (AQCCA)

Mme Sophie Éthier

Mme Danielle Chalifoux

Protecteur du citoyen

Autres intervenants

Mme Lucie Lecours, présidente

Mme Marguerite Blais

Mme Marilyne Picard

Mme Suzanne Blais

Mme Monique Sauvé

M. David Birnbaum

M. Sol Zanetti

M. Samuel Poulin

M. Harold LeBel

*          Mme Nicole Bolduc-DuBois, CTRCAQ

*          M. Bertrand Gignac, idem

*          M. J. Benoit Caron, Réseau de coopération des EESAD

*          M. Abdo Shabah, AMC

*          M. André Guérard, AQCCA

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          Mme Pauline Cummings, bureau du Protecteur du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je vous demande, à toutes les personnes ici, dans la salle, de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes en modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Barrette (La Pinière) est remplacé par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des droits de vote par procuration, Mme la secrétaire?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Blais (Abitibi-Ouest) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Dansereau (Verchères); Mme Sauvé (Fabre), au nom de M. Kelley (Jacques-Cartier).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons donc les groupes suivants : la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec ainsi que le Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale en aide à domicile.

Donc, nous en sommes rendus à la bienvenue à notre premier groupe, qui sont les représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec, c'est-à-dire M. Bertrand Gignac et Mme Nicole Bolduc-DuBois. Je vous rappelle, madame, monsieur, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre intervention.

Conférence des tables régionales de concertation
des aînés du Québec (CTRCAQ)

(Visioconférence)

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Bonjour. Je suis Nicole Bolduc-DuBois, de la Table régionale de concertation des aînés du Québec du Saguenay—Lac-Saint-Jean, je suis présidente, et je suis aussi la présidente de la Conférence des tables régionales. M. Gignac.

M. Gignac (Bertrand) : Oui, bonjour. Moi, je suis Bertrand Gignac. Alors, moi, je suis directeur général de la conférence. Merci pour l'invitation.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Voilà. La Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec s'est fait un devoir de répondre à l'invitation de déposer un mémoire dans le cadre du projet de loi n° 56. Le présent document expose différentes questions constructives en vue d'une reconnaissance optimale des proches aidants, des personnes aînées et des organisations nécessaires à l'atteinte des objectifs du projet de loi. Il vise également à réitérer la collaboration de la conférence dans la démarche.

Je vais vous parler un peu de la conférence. La conférence était autrefois soutenue par le Conseil des aînés du Québec. Elle est issue des tables régionales de concertation des aînés du Québec. On compte 18 tables régionales de concertation des aînés, réparties dans l'ensemble des régions administratives du Québec, incluant le Nunavik.

Les principaux mandats de ces tables sont de se concerter relativement aux enjeux qui touchent particulièrement les aînés sur le plan régional, d'animer le milieu des aînés afin de les aider à jouer leur rôle de citoyens à part entière et d'acteurs dynamiques dans le développement de leurs régions ainsi que de transmettre l'information.

La mission de la conférence est de regrouper, soutenir et mobiliser les tables régionales de concertation des aînés et les représenter auprès des diverses instances relativement aux grands enjeux qui touchent les personnes aînées du Québec. On a cinq mandats : le premier mandat, contribuer à la prise de décisions sur le plan national en ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie des aînés en représentant les tables auprès des différentes instances nationales, notamment celles sous la responsabilité de la ministre, présentement Mme Blais; soutenir les TRCA dans le développement d'activités de concertation; agir comme relayeur d'information et interlocuteur principal auprès des tables; transmettre à la ministre des avis susceptibles de notamment favoriser le vieillissement actif des aînés; et, le dernier mandat, valoriser la contribution des aînés et leur apport à la société québécoise, de même que susciter la participation de la population et la promotion des aspects positifs du vieillissement.

Pour le projet de loi n° 56, notre position, la sélection... la conférence se réjouit de ce projet de loi. La conférence considère que la reconnaissance des proches aidants est primordiale depuis longtemps dans la sphère des démarches visant le mieux-être des aînés. Plusieurs éléments envisagés dans le projet de loi rejoignent les préoccupations de la conférence et de ses membres, notamment le plan d'action quinquennal qui favorise le soutien des personnes proches aidantes, la mise sur pied d'un comité de suivi de l'action gouvernementale pour le soutien aux personnes proches aidantes, le Comité de partenaires concernés par le soutien aux personnes proches aidantes, et l'Observatoire québécois de la proche aidance.

Bien que la conférence salue l'institution de ces différentes entités, nous croyons pertinent de vous souligner l'importance de l'implication citoyenne dans la démarche, tant dans sa quantité que sa qualité. Qui sélectionnera les représentants proches aidants et les représentants non gouvernementaux? Sur la base de quels critères? Quelles organisations seront interpelées dans la création de ces entités et quel poids sera accordé à leur apport?

Nous croyons fermement que le vécu terrain des proches aidants volontaires et des organismes non gouvernementaux est indispensable à la réussite de la démarche, au soutien et à la reconnaissance des proches aidants.

La semaine nationale et les visites d'inspection. Par ailleurs, nous accueillons avec joie l'idée d'une semaine nationale des proches aidants ainsi que l'octroi au ministre de la Santé et des Services sociaux d'un pouvoir d'inspection des résidences privées pour aînés et des autres ressources offrant de l'hébergement pour des clientèles vulnérables déterminées par règlement. À cet effet, la conférence tient à mentionner qu'elle possède une expertise dans ce domaine, puisque nous travaillons déjà de façon étroite avec le ministère de la Santé et des Services sociaux par l'embauche et l'encadrement d'accompagnateurs lors de la visite d'inspection dans les CHSLD. Ainsi, nous offrons notre entière collaboration dans les démarches...

(Panne de son)

M. Gignac (Bertrand) : Voilà. Alors, c'est à mon tour. Donc, rebonjour, tout le monde.

J'attire votre attention sur l'élément, là, où on parle de la reconnaissance et la concertation des proches aidants, des personnes aidées et des organismes non gouvernementaux. Alors, il est nommé l'importance de reconnaître l'expérience et le savoir des proches aidants et des personnes aidées ainsi que l'importance de la concertation pour la réponse aux besoins. À ce sujet, la conférence tient à faire valoir également la nécessité de l'implication constante des organismes non gouvernementaux et de l'ensemble des travailleurs, travailleuses qui oeuvrent sur le terrain afin d'atteindre ces objectifs.

Par ailleurs, il est écrit, au point 12, page 8 : «Afin de susciter la mobilisation collective, le plan d'action peut prévoir la conclusion d'ententes entre les ministres concernés et les partenaires nationaux, régionaux et locaux de même que des mécanismes de coordination et de suivi périodique des actions réalisées dans le cadre de ces ententes.» Alors, afin d'atteindre les objectifs de la loi, le questionnement que nous avons, c'est : Comment peut-on garantir la participation active des proches aidants et des personnes aidées dans le processus d'application de la loi? Pour nous, le terme «peut prévoir» leur implication nous semble très faible.

Aussi, à la page 8 du chapitre IV, on définit les responsabilités des organismes gouvernementaux. Bien qu'il soit nommé, au point 19 de la page 9, que deux organismes non gouvernementaux soient désignés afin de faire partie du Comité des partenaires, en aucun temps on ne retrouve une description de leurs responsabilités et de leur implication. La Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec souligne que les organismes non gouvernementaux, ceux qui sont le moteur de la dynamique sociale, de la participation citoyenne et qui contribuent à l'appropriation du pouvoir des individus et des collectivités constituent des incontournables dans l'atteinte des objectifs de la loi. Les organismes non gouvernementaux sont un des rouages importants du soutien aux proches aidants et aux personnes aidées. Alors, nous avons une question, qui est : Pourrait-on identifier de façon claire leur implication dans le processus? Il en est de même pour la responsabilité et le rôle des proches aidants au sein du Comité des partenaires. Les proches aidants devraient d'ailleurs être plus nombreux à siéger sur les comités, selon nous.

• (10 h 10) •

Le point suivant, donc le principe de gouvernance, au point 19, à la page 9, on mentionne que le comité des partenaires doit être composé d'au moins huit personnes. On dit «au moins», mais, au numéro 4, il est question de droit de vote. Alors, ne serait-il pas préférable de spécifier, là, que le comité devrait être composé d'un nombre impair de participants afin d'éviter l'impasse lors de votes?

Pour ce qui est des avis, la section II, «Fonctions et pouvoirs», point 24, il est nommé que «le comité a pour fonctions : [...]de donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci soumet en matière de proche aidance». Alors, pourquoi le comité ne pourrait-il pas donner son avis lorsqu'il le juge nécessaire plutôt que lorsque le ministre en fait la demande seulement?

Il est question aussi... Nos membres considèrent, là, que...Il existe un programme de prestations de proches aidants au fédéral. Pourquoi ne pas inclure, dans l'actuel projet de loi, un programme de compensation financière ou un crédit d'impôt au niveau provincial?

Ensuite de ça, on a le point élection versus nomination. Nous croyons qu'il serait pertinent que les personnes siégeant au comité soient élues par les organisations dont ils sont membres plutôt que des nominations gouvernementales. La voix citoyenne n'en serait que mieux portée, selon nous.

Aussi, concernant la reconnaissance de l'apport des proches aidants, il est nommé, dans le projet de loi, que la reconnaissance de l'apport des proches aidants est essentielle. Mis à part la semaine nationale et la nomination gouvernementale de deux personnes en vue de siéger au comité, n'y aurait-il pas lieu de mieux définir ou détailler l'apport des proches aidants?

Finalement, le respect des capacités du proche aidant. Donc, dans le but de respecter les capacités du proche aidant, ne serait-il pas pertinent de nommer un mécanisme où un intervenant du réseau pourrait prendre la relève du proche aidant au besoin?

Alors, voilà, je tiens à nommer que ces questionnements-là ont été soulevés par nos membres que sont les tables régionales, qui, eux, ont fait appel aux organismes terrain. Donc, on a étendu le plus possible le questionnement à la grandeur du Québec, et ce document-là qu'on vous a remis reflète, là, les questionnements des gens, mais il faut retenir qu'on accueille très, très... favorablement, pardon, le projet de loi. Alors, Mme Bolduc.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, voilà. Excusez-moi, j'avais oublié d'ouvrir mon micro.

En conclusion, bien qu'il n'y ait pas de détails quant au déploiement d'actions concrètes dans le projet de loi, nous supposons que les comités à mettre en place verront à établir ou à recommander des actions visant l'atteinte d'objectifs précis tels le support aux organismes de proches aidants, le financement adéquat, l'établissement d'engagements visant à limiter l'épuisement et l'appauvrissement, identifier les moyens de reconnaissance des proches aidants et s'assurer d'une représentativité des travailleurs terrain. La conférence...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame...

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : J'ai fini, deux secondes.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Mme Bolduc.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, O.K, mais je voulais vous rappeler qu'en tant que partenaires du mieux-être des aînés, nous réitérons notre entière collaboration dans le déploiement du processus de mise en place du projet de loi. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, nous en sommes maintenant à la période d'échange, vous allez pouvoir, justement, échanger avec les membres de la commission. Nous allons débuter cette période d'échange avec Mme la ministre pour une période de 11 min 30 s... je m'excuse, 16 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Mme Bolduc-Dubois, M. Gignac, très, très, très heureuse de vous accueillir. Tous les collègues sont très heureux de vous accueillir aujourd'hui. J'ai toujours mentionné que les tables étaient les yeux et les oreilles de la personne qui était ministre des Aînés, et là c'est des Proches aidants. Votre mémoire est très éclairant.

Je dois immédiatement vous dire que, quand vous dites : Le terme «peut prévoir» de l'article 12 semble faible, bien, on va dire «doit», hein, c'est moins faible que «peut». Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui.

Mme Blais (Prévost) : Puis, autre chose, vous parlez, entre autres, de membres impairs plutôt que de membres pairs parce que, quand on vient pour voter, c'est plus difficile. Vous avez tout à fait raison par rapport à ça. Alors, je pense que ce ne sera pas très complexe.

Est-ce que le Comité des partenaires pourrait donner un avis plutôt que d'attendre que le ministre demande un avis au comité? Bien, je pense que c'est logique, là, le comité pourrait demander un avis.

Vous parlez des prestations financières avec le fédéral, ça, c'est peut-être un peu plus compliqué. Mais, dans l'alinéa 4° de l'article 4, on dit : «Reconnaître l'expérience des personnes proches aidantes...» Non, je me trompe, là, avec... «Reconnaître l'expérience des personnes proches aidantes et leurs savoirs, de même que ceux [des personnes aidées], et les considérer dans le cadre d'une approche basée sur le partenariat.» C'était beaucoup plus par rapport à reconnaître l'expérience des proches aidants.

Vous avez parlé d'élection des membres et non de nomination. Oui, je pense qu'on peut faire des élections des membres plutôt que de faire des nominations. Je pense que ça vous inquiétait.

Concernant le rapport, bien, ça va être adopté, le rapport, on a l'obligation de déposer un plan d'action 12 mois plus tard. Alors, ça, c'est déjà dans la loi, là, on cette obligation-là. J'aimerais vous entendre, avant de poser... avant de céder la parole à mes collègues, les raisons pour lesquelles vous préférez l'élection des membres plutôt que la nomination, et comment vous voyez ça.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Je vais laisser M. Gignac répondre, s'il vous plaît, O.K.?

M. Gignac (Bertrand) : Oui, parfait.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Vous étiez prêt.

M. Gignac (Bertrand) : Un peu comme nous, on le vit, à la conférence, c'est que, lorsqu'on va consulter nos membres, quand on va les impliquer en sous-comités, quand on... c'est un sentiment d'appartenance qui se développe, c'est une participation citoyenne qui est très précieuse, parce que les aînés, à notre avis, de cette façon-là, se sentent impliqués et voient à leurs affaires, comme on dit. Puis on trouvait ça davantage pertinent parce qu'on pense que ce sont les gens sur le terrain qui savent mieux qui, de leurs membres, pourrait être le mieux placé pour faire partie de... Ça ne veut pas dire que la nomination ne serait pas bonne, mais on pense que le fait d'impliquer dans un processus d'élection les membres, les gens sur le terrain, ça va davantage profiter à la démarche. C'est plus dans ce sens-là.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Je voulais aussi... Je voudrais ajouter quelque chose. Je voudrais ajouter... c'est que c'est possible, aussi, d'avoir un certain profil des gens que vous avez besoin. En fournissant un profil aux organismes, un certain profil de base, peut-être qu'à ce moment-là ce serait plus facile pour les organismes ou les personnes qui vont en élection de postuler sur des postes.

Mme Blais (Prévost) : Vous n'êtes pas les seuls, hein, à pouvoir parler, justement, de la composition des comités, que ce soit de l'observatoire, que ce soit du Comité des partenaires. Le but, c'est d'inclure, évidemment, les proches aidants. Dans l'observatoire, il y a un proche aidant de prévu, mais il y en a qui ont demandé plus de proches aidants. Alors, on n'est pas du tout, du tout fermés à l'idée des compositions des groupes, mais on trouvait que c'était important d'avoir, d'une part, un observatoire, entre guillemets, plus scientifique, et d'avoir aussi un comité des partenaires et que ces gens-là puissent échanger entre eux et faire avancer les dossiers, et je crois qu'on vise le même but par rapport à ça. En quoi vous trouvez que le projet de loi sur les proches aidants n° 56 va changer la vie des proches aidants?

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Moi, je pense que c'est attendu depuis très longtemps. Les proches aidants ont vraiment besoin d'être reconnus. Les proches aidants sont des gens un peu ignorés, quand on met l'accent sur... C'est normal, aussi, que l'aidé soit au centre, mais le proche aidant, sa vie, souvent, est complètement changée, complètement débordée, et il ne sait plus à quelle porte frapper. Alors, je pense que ce projet de loi là est à point, et il est nécessaire, et le plus tôt possible.

Mme Blais (Prévost) : Et je pense aussi, Mme la présidente de la Conférence des tables et présidente de la table de votre région, que, toute la question de la prestation financière, là, on pourrait la rendre plus claire aussi dans le projet de loi, je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord avec plusieurs de vos points que vous énoncez ce matin.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : C'est certain que... comme disait M. Gignac tout à l'heure, c'est qu'on a fait une consultation à travers nos membres, à travers toutes nos tables, et c'est ce qui ressort, et l'inquiétude, les besoins se sont fait sentir. Et la période qu'on traverse, qu'on a traversée et continue de traverser est encore plus criante. Ça a été vraiment une nécessité. Les proches aidants sont vraiment, vraiment très, très sollicités par le manque... (panne de son) ...des responsables, mais... des CISSS, mais la situation est telle que les proches aidants, là, sont vraiment, vraiment débordés.

Mme Blais (Prévost) : ...aussi, avec ce projet de loi, qu'on cesse d'instrumentaliser le proche aidant.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, c'est ça.

• (10 h 20) •

Mme Blais (Prévost) : Parce que, souvent, le proche aidant s'est senti instrumentalisé dans le réseau de la santé et des services sociaux, alors que le proche aidant a le droit aussi d'avoir son propre plan, appelons-le comme on veut, d'intervention, qu'on soit en mesure de pouvoir le suivre au même titre qu'on suit la personne aidée, quand le proche aidant n'est plus capable d'être un proche aidant, bien, d'être en mesure de le dire et qu'on puisse le soutenir par d'autres mesures, par d'autres personnes, là, qui peuvent aider la personne aidée. Et ça, c'est essentiel, c'est un peu aussi le but du projet de loi.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, parce qu'en plus, en plus, le proche aidant a besoin... veut, et ce n'est pas la volonté qui manque pour le proche aidant, souvent c'est que c'est l'incapacité de le faire. Et, comme... vous parlez de l'instrumentalisation du proche aidant, c'est souvent... ce qui est arrivé, et je l'ai vécu, moi, personnellement, c'est de penser que le proche aidant peut remplacer une ressource professionnelle, parce que c'est 24 heures sur 24, que le proche aidant va être proche aidant, alors c'est le manque... Souvent, je pense que... en faisant un dossier du proche aidant, je pense que ce que... on pourrait appeler ça comme ça, un dossier du proche aidant, au même titre que le dossier de l'aidé, à ce moment-là, on va pouvoir établir le profil, les capacités de faire le travail qu'on lui demande. Souvent, ce n'est pas la volonté qui manque. La plupart du temps, ce n'est pas la volonté, c'est la capacité de le faire, et ça, on... Des fois, le proche aidant connaît ses limites, mais, si les responsables, les professionnels...

(Panne de son)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Est-ce que vous avez terminé votre réponse? On vous a juste manquée un petit peu, Mme Bolduc.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Ah! vous m'avez manquée?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Quelques secondes.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Ah oui? Ah bien, je finissais en disant que, souvent, quand le professionnel ne connaît pas les limites du proche aidant, c'est là qu'on voit des situations extrêmes et du dérapage.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je vois que... On m'indique que la députée de Soulanges voudrait prendre la parole, et, pour l'aile parlementaire, il reste 7 min 23 s.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Gignac et Mme Bolduc-DuBois. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.

Vous suggérez des mesures pour contrer l'appauvrissement des personnes proches aidantes. Est-ce que vous pouvez nous parler plus concrètement des besoins des proches aidants au niveau financier?

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Bien, je pense que chaque proche aidant est un cas unique, parce que vous avez le proche aidant qui, souvent, est un proche aidant aussi aîné que l'aidé, et aussi on a aussi le proche aidant, si on fait ça plus large, que c'est l'enfant ou le petit-enfant de l'aidé. Alors, à ce moment-là, les besoins financiers changent, c'est différent, comme besoin financier, parce que, si la personne est encore dans le milieu de travail, évidemment qu'il y a un manque à gagner, souvent, parce qu'elle est obligée de s'absenter. À ce moment-là, les mesures... Puis tandis que, si vous pensez d'un aidé qui... mettons, deux personnes aînées et qu'il y en a un qui a des besoins, à ce moment-là, vous avez... ce n'est peut-être pas un manque tellement financier comme un manque de ressources, là, c'est peut-être moins des ressources financières que des ressources professionnelles, des ressources d'aide, plus d'heures à la maison, plus d'heures...

On voit beaucoup de beaux programmes, il existe de très beaux programmes, mais souvent on va demander à la proche aidante de s'absenter, ou de quoi que ce soit, mais des fois ce n'est pas tellement ça, c'est comme je vous dis, c'est plus du recours, c'est plus d'avoir quelqu'un près d'eux, d'avoir beaucoup de soutien. C'est comme une... unique. C'est là l'importance d'avoir un dossier pour le proche aidant, comme on parlait tantôt, de vraiment mettre le proche aidant sur le même pied que l'aidé.

Mme Picard : Merci. J'avais peut-être une dernière question, Mme la Présidente. Vous semblez être en accord avec la définition de la personne proche aidante. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus? Il y a des groupes qui nous ont signifié que le mot «significatif» serait peut-être à enlever. Est-ce que vous avez votre opinion au sujet du mot «significatif»?

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Pour moi... M. Gignac, est-ce que, dans nos... Je ne me souviens pas, dans les commentaires, que ça nous soit sorti. Est-ce que ça a sorti, ce... Il me semble que non. Il me semble que non.

M. Gignac (Bertrand) : Non, pas du tout, les gens sont très à l'aise avec ça. Ce que ça signifie depuis longtemps, pour les gens, c'est très clair. Et là, même moi, je pourrais vous parler, au-delà de... je pourrais vous parler de mon ancienne vie en santé mentale pendant une trentaine d'années, c'était très significatif, cette appellation-là.

Et puis je me permettrais de revenir sur l'autre... Quand on parle d'appauvrissement, on sait que... Moi, en santé mentale — c'est sûrement la même chose au niveau des aînés, là — on avait fait une étude où on se rendait compte que le proche aidant consacrait 35 heures, en moyenne, par semaine pour aider la personne, et puis, inévitablement, on parle de perte d'emploi, on parle de chômage, on parle de... Donc, au niveau financier, c'est sûr qu'il y a des impacts. Ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes moyens. Et, souvent, la personne aidée elle-même est en situation financière précaire, et ça va être la personne proche aidante qui va pallier à ça. C'est des choses qu'on ne voit pas, mais qui existent très souvent, donc, voilà.

Mais, pour revenir à cette question-là, «proche aidant», pour nous, pour l'ensemble des tables, tout le monde était favorable à cette appellation-là. Il n'y a aucun problème.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La députée d'Abitibi-Ouest m'indique qu'elle veut prendre la parole. Il reste 3 min 40 s.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Bolduc-DuBois ainsi que M. Gignac. Alors, je voudrais remercier le travail exceptionnel des proches aidants. On sait que, lorsqu'on accompagne une personne malade, ça peut être plusieurs années. Lorsque ces personnes-là décèdent, est-ce que vous avez un suivi pour accompagner la proche aidante? Parce que, pour elle, souvent, c'est un deuil, et souvent, ce qu'on me fait part, c'est que ces gens-là sont isolés par la suite. Ils n'ont pas grand ressources. Avez-vous des soutiens au niveau régional, un peu partout, au niveau du Québec?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme DuBois-Bolduc, d'accord.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, d'accord. Je pense qu'il en existe, il existe des ressources. La plupart... Si on parle d'alzheimer, il existe des beaux programmes, mais la difficulté, c'est de faire connaître à l'aidé... à l'aidant, c'est-à-dire, au proche aidant les ressources qu'il peut avoir, et souvent ces ressources-là, bien, c'est comme je vous disais tantôt, ne correspondent pas toujours aux besoins du proche aidant. C'est là l'importance de savoir, de connaître ses besoins de base. Il n'a peut-être pas besoin de répit, d'aller magasiner une demi-journée par semaine, il a peut-être bien plus besoin d'avoir quelqu'un près de lui quand il s'occupe de son aidé pour le soutenir, pour l'encourager, pour avoir une présence. Je pense que l'isolement du proche aidant est souvent remarqué et je pense que c'est un des problèmes, c'est qu'il se sent isolé, il se sent seul devant la personne à qui il doit donner des soins, souvent. Et c'est ça qu'on lui fait, on lui montre, on lui fait une certaine formation de base, mais, quand il se retrouve tout seul la nuit ou le soir, où il n'a plus de ressources, là, c'est difficile.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

M. Gignac (Bertrand) : Si je peux me permettre, juste ajouter, en deux phrases, je suis à compléter la compilation d'enjeux qui ont été soulevés dans les différentes régions du Québec. Il y a des ressources, mais ce qui est nommé, un peu partout au Québec, c'est que les gens ne connaissent pas suffisamment les ressources, d'où l'importance du travail des tables régionales d'informer les gens de la communauté, les citoyens que des ressources existent. Ça, il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. Voilà.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Est-ce qu'il y a une différence entre les enjeux régionaux et les enjeux urbains?

M. Gignac (Bertrand) : Oui.

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui, beaucoup de différences, beaucoup de différences. Oui, parce que, moi, dans ma région, si je parle de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a un côté urbain et un côté rural, et les besoins sont vraiment différents. Si on parle seulement au point de vue transport, si vous avez un proche aidant qui demeure en milieu rural et vous avez le proche aidant qui demeure en milieu urbain, si vous parlez de transport, vous parlez de deux choses complètement à l'opposé.

M. Gignac (Bertrand) : Et j'ajouterai, moi, qu'au niveau du transport c'est un enjeu majeur pour une très grande majorité des tables régionales, donc des régions. En milieu urbain, au niveau du transport, on se questionne beaucoup au niveau de la sécurité, alors que, dans les milieux ruraux, on va plutôt parler de distance pour avoir accès à des services. Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais il y a des préoccupations énormes dans toutes les régions au niveau du transport, effectivement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Gignac. Nous en sommes maintenant rendus à la période qui est consacrée à l'opposition officielle. La députée de Fabre va prendre la parole pour une période de 11 minutes.

• (10 h 30) •

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Gignac, Mme Bolduc-DuBois, c'est un plaisir de vous entendre. Merci pour tout le travail que vous faites.

J'ai relevé, bien sûr, plusieurs de vos commentaires et vos propositions qui sont dans votre mémoire, mais, d'entrée de jeu, je voudrais revenir un peu sur une question que la ministre vous a adressée plus tôt, quand elle vous a demandé qu'est-ce que ça changerait, le projet de loi. Je veux aller plus loin, parce que j'aimerais vraiment vous entendre, puis vous êtes sur le terrain, vous le nommez dans votre mémoire, vous êtes en lien, évidemment, avec les tables, avec vos tables, et le vécu terrain, c'est primordial, et, dans plusieurs de vos commentaires, c'est de resouligner ça, de ramener ça, de clarifier les rôles pour faire en sorte que le vécu terrain soit clairement au rendez-vous. Alors, toujours en respect de ce vécu terrain, le projet de loi, s'il est adopté demain matin, qu'est-ce que ça change dans le quotidien pour les proches aidants en termes de services et en termes, vraiment, aussi, de réponse aux besoins? Alors, l'aide qui est apportée, qu'est-ce que ça change, concrètement, là, dans le quotidien d'un proche aidant?

M. Gignac (Bertrand) : Bien, pour moi, le fait qu'il y ait des comités qui vont se pencher sur la situation des proches aidants, inévitablement, ça va déboucher sur une meilleure appréciation, un meilleur soutien, un meilleur support. Donc, le projet de loi, ce qu'on décèle, nous, c'est que c'est le début d'une démarche qui va apporter beaucoup plus aux proches aidants, tant dans le support que dans la reconnaissance. Donc, je me souviens de gens que j'ai entendu dire... quand moi, j'ai oeuvré en santé mentale, où on disait : On n'existe plus, on n'existe plus. Et, quand on regarde dans le projet de loi, entre autres, qu'il y aura une semaine nationale des proches aidants, c'est une très belle reconnaissance, et soyez certains que ça va apporter aux proches aidants, cette reconnaissance-là. J'en suis convaincu, moi.

Mme Sauvé : Je repose encore un peu la question parce que vous dites : Le comité va se préoccuper, mais en même temps le comité va avoir des recommandations, et tout ça. Dans l'action rapide, là... puis après ça je vais vous poser des questions sur les besoins. Vous avez nommé, tantôt, que vous êtes en train de compiler des enjeux. Moi, je veux revenir vraiment sur, concrètement, là, rapidement, qu'est-ce que ça va changer dans la vie des proches aidants. Quels services et aides de plus ils vont avoir?

Puis j'entends bien votre commentaire sur la semaine nationale qui est incluse dans le projet de loi. En même temps, on se rappellera que cette semaine existe depuis 2003. Donc, dans le fond, de l'inscrire au projet de loi, c'est de confirmer quelque chose qui existe déjà.

Alors, je veux vous entendre vraiment sur les aides et services, concrètement, que ça va permettre d'offrir aux proches aidants demain matin.

M. Gignac (Bertrand) : Bien, à partir du moment où on identifie, par exemple, je donne un exemple, le besoin... puis il y a quelqu'un qui le mentionnait tout à l'heure, le besoin d'accès à des services pour les proches aidants, à partir du moment où on identifie qu'il faut accompagner les proches aidants pour mieux cibler les services disponibles, etc., c'est évident qu'avec un projet de loi comme celui-là on va mettre l'emphase là-dessus. Donc, on va mieux accompagner ne serait-ce que dans l'information et autres, là.

On parle de support. On l'a nommé, nous, dans notre... on parle de support lorsque les proches aidants sont débordés, on parle d'une façon de supporter par le réseau. On le voit, pour nous, inévitablement, dans cette démarche-là, cette préoccupation-là. Et je pense que, très rapidement, on peut... Il y a des organisations, comme la conférence et bien d'autres que vous avez rencontrées, qui ont déposé un mémoire, vous allez voir, qui sont déjà prêts, eux, à supporter les proches aidants. Il y a des projets qui sont en attente, j'en suis convaincu, là, pour améliorer le support aux proches aidants. Donc, on vient confirmer cette volonté-là de support, et il restera à appliquer rapidement, comme vous le dites, le soutien financier et ce qui va avec. Voilà.

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 6 min 31 s.

Mme Sauvé : Alors, je vais faire rapidement pour laisser la parole, ensuite, à mon collègue. Je voulais vous poser une dernière question. Évidemment, vous êtes en lien avec vos tables et vous avez dit, je le répète, que vous compilez les enjeux. Qu'est-ce qui a été soulevé, là, particulièrement, en lien avec ce qui s'est passé durant la première vague? Parce que vous avez parlé, tantôt, que le défi, c'est de connaître les ressources, et j'en suis, et je suis tellement d'accord, il faut toujours travailler à ça, de mieux... tout faire pour faire connaître les ressources, mais en même temps c'est quelque chose qui est toujours là puis sur lequel on doit travailler de façon continue. Mais il y a eu une première vague, on est dans une deuxième vague, vous êtes en communication virtuelle, j'imagine, avec les gens de vos tables. Alors, qu'est-ce que vos tables vous ont dit comme enjeu principal depuis plusieurs mois?

M. Gignac (Bertrand) : Alors, moi, d'abord, dans un premier temps, je vous invite à aller lire le document que nous avons produit, qui est sur notre site Internet, là, concernant les enjeux soulevés liés à la crise sanitaire.

Quand on parle de proches aidants, si on s'attarde aux proches aidants, c'est de ça dont il est question ce matin, les proches aidants, très souvent, ce sont des aînés. Ce sont aussi... Ceux qui sont dans les organismes d'aide, ce sont souvent... les bénévoles, ce sont des aînés. Dans l'actuelle pandémie, ce qu'on a vécu lors de la première vague, c'est les aînés ont été confinés. Donc, les organisations qui offraient des ressources d'aide se sont retrouvées sans bénévoles, avec des bénévoles qui eux-mêmes avaient besoin d'aide. Donc, il y a eu un vide énorme à ce niveau-là.

Et, si on s'attarde aux proches aidants, bien, on sait que les proches aidants, à un moment donné de cette crise-là, ne pouvaient pas aller porter... ou aller faire des visites aux gens qu'ils aidaient. Alors, ça, ça a été épouvantable. Donc, c'est ce qui est ressorti. Alors, un défi qu'on aurait peut-être, c'est de voir comment on ne pourrait pas inciter des gens plus jeunes à s'impliquer comme bénévoles pour apporter de l'aide, bon.

Mais ce qui était soulevé, là, dans les régions, on s'est retrouvés avec comme ce qu'on pourrait appeler peut-être un vide de services, là, étant donné qu'on a un problème du fait que ce sont surtout les aînés qui sont des proches aidants. Voilà.

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. M. Gignac, merci. Maintenant, je pense que la parole... le député de D'Arcy-McGee voudrait prendre la parole. Il reste 3 min 50 s.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Bolduc-DuBois et M. Gignac, pour votre présentation ainsi que pour le travail que vous faites chaque jour. Dans un premier temps, vous avez remarqué et noté dans votre mémoire à plusieurs reprises que l'implication de citoyens est primordiale, évidemment, et que ça peut être bonifié, et que le principe est présent, mais, en termes de comment ça peut se manifester, vous auriez aimé voir plus de précisions.

Je vous invite à offrir quelques suggestions là-dessus. Vous représentez, c'est ça, les tables partout au Québec. Vous connaissez le monde sur le terrain, et leurs atouts, ainsi que leurs difficultés. Comment, de façon structurante, le projet de loi pourrait être bonifié pour laisser plus de place, pour assurer plus de place pour les experts?

M. Gignac (Bertrand) : Bien, oui, quand vous parlez... vous parlez des gens de terrain, donc les citoyens, oui, on peut les voir comme des experts aussi, au même titre que les chercheurs qui apportent une autre expertise, hein? Il y a toutes sortes de formes d'expertise. On nommait que c'était, oui, deux personnes, et Mme la ministre l'a soulevé tout à l'heure, il y a d'autres groupes aussi qui pensent qu'il devrait peut-être y avoir plus que deux proches aidants sur le comité. Donc, peut-être que ce serait à voir pour qu'il y ait davantage de proches aidants. On parle d'une élection parmi les groupes pour choisir une personne qui va représenter plutôt qu'une nomination.

Aussi, je pense que c'est important de trouver une façon dans ce qui va être déployé pour impliquer les gens, laisser la place à ce que les gens puissent nommer ce qui se vit, les correctifs à apporter. Et la conférence est un très bon moyen pour ça, puisque nous, on est en contact avec les groupes d'aînés dans chacune des régions du Québec. Mme la ministre, encore une fois, l'a dit, on est les yeux et les oreilles, donc c'est notre rôle. Alors, il faut ne pas oublier la participation des aînés, pas seulement ceux qui sont impliqués dans les organisations, mais les citoyens un peu partout. Et puis, voilà, moi, je pense que c'est de cette façon-là qu'on peut l'articuler. Je n'ai pas autre chose. Je ne sais pas si, Mme Bolduc, vous avez quelque chose à rajouter, là.

• (10 h 40) •

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Je m'excuse. Bien, je pense que je suis d'accord avec M. Gignac. Mais, comme je vous disais tantôt, c'est qu'il existe quand même des projets, de très, très beaux projets. Il faudrait continuer de soutenir ces projets-là, continuer de vérifier à la pérennité de ces projets-là. Parce que, souvent, il y a des organismes qui travaillent d'arrache-pied pour mettre sur pied des beaux projets, et il y a une limite dans leur façon d'agir, dans le temps pour agir, et souvent ça tombe entre deux chaises après. Les aînés, ils se sont habitués à recevoir... les aînés, ou l'aidant, ou le proche aidant s'est habité à recevoir certains services, et le soutien tombe parce que la subvention n'est plus là. Il faudrait peut-être prévoir la pérennité de certains projets, de prévoir que ces gens-là puissent continuer à donner les mêmes services qu'ils donnaient.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 15 secondes.

M. Birnbaum : Bon, 15 secondes, c'est assez de temps juste pour vous remercier et pour vous inviter à continuer d'être vigilants et vigilantes et impliqués dans le processus d'adoption de ce projet de loi qui va suivre. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Nous en sommes maintenant au deuxième groupe d'opposition, avec le député de Jean-Lesage, qui bénéficie de 2 min 45 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. C'est très apprécié.

J'ai une question à vous poser concernant la façon de soutenir financièrement les personnes proches aidantes. Quelle serait, selon vous, la meilleure façon de les soutenir? Est-ce que les actuels crédits d'impôt sont une bonne façon? Est-ce qu'il y aurait des façons plus simples? Est-ce que, par exemple, l'idée d'un revenu de base accessible aux personnes proches aidantes serait une avenue plus simple et meilleure? Quel est votre point de vue par rapport au meilleur moyen de soutenir financièrement les personnes proches aidantes?

M. Gignac (Bertrand) : Bien, ce qui a été soulevé par nos membres, c'est en lien avec le crédit d'impôt. Donc, peut-être qu'il y aurait d'autres avenues à explorer. Je dois vous dire que, là-dessus, il y a un de nos membres qui nous disait : Écoutez, on n'est pas des experts au niveau financier. Ça nous prendrait plus de temps pour réfléchir parce qu'on n'a pas eu beaucoup de temps, toute la démarche, là, le processus pour consulter notre monde, puis que les réponses reviennent, et qu'on compile. Donc, quelqu'un me disait : Oui, crédit d'impôt, je suis d'accord avec toi. Il parlait... il s'adressait à une personne d'une autre région puis il dit : Bien, si on avait eu plus de temps, il faudrait fouiller ça davantage, là.

Donc, vous parlez de revenu de base. Pourquoi pas? Il y a quelque chose à explorer à ce niveau-là. Et on a bon espoir que le comité mis en place avec la participation citoyenne nécessaire vont en venir à trouver des avenues intéressantes. Mais on aurait souhaité avoir plus de temps. Mais je ne peux pas vous donner plus d'éléments que ça, mais on ciblait vraiment le crédit d'impôt, là.

M. Zanetti : Quelles sont les principales difficultés financières dont vous avez écho, là, comme organisation, habituellement? Est-ce que c'est quelque chose qui revient souvent comme commentaire ou comme problème véhiculé?

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Vous allez voir ce problème-là surtout chez les gens qui sont encore en emploi parce qu'ils sont souvent obligés de laisser leur emploi, ils sont obligés de trouver des gardiennes pour... souvent, si ce n'est pas eux qui laissent leur emploi, il faut trouver quelqu'un pour soutenir le proche aidant, pour remplacer le proche aidant s'il est malade lui-même. Alors, ça, c'est assez difficile, de ce côté-là. Et le proche aidant lui-même a besoin de reconnaissance. Je pense que la proche aidance, c'est vraiment la reconnaissance.

Puis le proche aidant, aussi, a besoin de... souvent que, le proche aidant lui-même, ça lui prend du temps à demander de l'aide parce qu'il ne se rend pas compte qu'il est un proche aidant, et peut-être qu'il pourrait avoir des ressources, mais il ne s'en rend pas compte. D'où là l'information, d'où là l'importance des tables régionales pour transmettre l'information, d'où là l'importance de savoir qu'est-ce que c'est, quand est-ce qu'on est un proche aidant. C'est de continuer par des campagnes publicitaires. La Semaine nationale des proches aidants va aider beaucoup, beaucoup de personnes à se reconnaître...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme Bolduc-DuBois...

Mme Bolduc-DuBois (Nicole) : Oui?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...merci beaucoup. Écoutez, c'est tout le temps qu'on avait. M. Gignac, Mme Bolduc-DuBois, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. J'allais vous dire : Bon retour, mais je vois que vous respectez les règles et vous êtes à la maison. Alors, merci encore une fois.

Nous allons suspendre quelques secondes pour laisser le prochain groupe s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 47)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je souhaite maintenant la bienvenue au Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale et d'aide à domicile. Bonjour, M. Caron. Je vous...

M. Caron (J. Benoit) : Bonjour.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Caron, c'est bien ça?

M. Caron (J. Benoit) : Exact.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je vous rappelle que vous avez une période de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi qu'à y aller avec votre exposé. Merci.

Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale
en aide à domicile (Réseau de coopération des EESAD)

(Visioconférence)

M. Caron (J. Benoit) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Benoit Caron, je suis directeur général du Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale en aide à domicile.

Alors, Mme la ministre, Mme Blais, Mmes les députées, MM. les députés, mesdames et messieurs, le Réseau des entreprises d'économie sociale en aide à domicile tient à vous remercier de l'opportunité que vous nous donnez de pouvoir venir nous exprimer sur le projet de loi n° 56. Le Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale en aide à domicile a pris connaissance et accueille favorablement le projet de loi n° 56.

Tout d'abord, nous saluons la volonté du gouvernement du Québec de planifier et de proposer des actions visant à faire connaître la contribution des personnes proches aidantes, à la faire reconnaître et à les soutenir dans leur rôle. Le projet de loi n° 56, dès l'article 1, précise sa volonté de soutenir les personnes proches aidantes. Je le répéterai à quelques reprises — c'est d'ailleurs ce qui sera en toile de fond de mon intervention — c'est en aidant les aidés que l'on aide les aidants. Alors, le Québec soit s'assurer que celles et ceux qui ont besoin d'aide puissent en avoir et que la satisfaction de ces besoins n'incombe pas seulement aux membres de la famille ou à l'entourage de la personne en perte d'autonomie.

Les EESAD ont développé une expertise et une connaissance sur le sujet en oeuvrant en service aux personnes les plus vulnérables depuis maintenant plus de 25 ans. Rappelons que toute une gamme de services peut être déployée par le biais de près de 9 000 préposés à domicile oeuvrant dans des entreprises d'économie sociale en aide à domicile. D'ailleurs, le répit fait partie des services pouvant être offerts par les entreprises, et ceci, bien entendu, afin d'alléger la charge des personnes proches aidantes au Québec.

• (10 h 50) •

Le Réseau de coopération des entreprises d'économie sociale déposera, dans quelques jours, un mémoire de réflexion sur le soutien à domicile ayant pour thème Chez moi pour la vie. Ce mémoire de réflexion souhaite la valorisation nationale du soutien à domicile par la création d'un vaste chantier sur l'opérationnalisation du soutien à domicile au Québec de façon à répondre concrètement à l'accroissement des besoins des Québécoises et des Québécois dans un contexte de vieillissement de la population. Ce chantier devrait inévitablement culminer, nous l'espérons, par l'adoption d'un politique nationale sur le soutien à domicile. Ce faisant, ce sont, oui, les personnes en perte d'autonomie ou ayant des limitations fonctionnelles qui en profiteront, mais aussi et surtout leurs personnes proches aidantes.

Notre audition aujourd'hui, dans le cadre des travaux portant sur le projet de loi n° 56, sera inévitablement inspirée du contenu de notre mémoire Chez moi pour la vie. Notre intervention d'aujourd'hui et la référence que nous ferons à notre mémoire Chez moi pour la vie ne souhaitent pas, d'aucune façon, faire d'ombre à la démarche propre relative au projet de loi n° 56, mais plutôt faire valoir, encore une fois, qu'en aidant les aidés on aide les aidants.

Notre intervention se veut pragmatique avec une vision globale. Nous croyons indispensable la contribution des partenaires à la réalisation de l'objet du projet de loi n° 56. Rappelons que les entreprises d'économie sociale en aide à domicile originent de la volonté des citoyens, dont les personnes proches aidantes, et des communautés à doter le Québec d'un réseau d'entreprises d'économie sociale en aide à domicile, tout ça pour soutenir les personnes proches aidantes.

La proposition de développer un réseau d'entreprises d'économie sociale en aide à domicile a été avancée lors du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996. Dès 1997, le gouvernement du Québec a mis en place un programme qui s'appelle le Programme d'exonération financière pour les services d'aide domestique afin d'encourager les personnes à se prévaloir des services chez les entreprises d'économie sociale de leur milieu. Ce programme permet, je vous le rappelle, de financer une partie des services d'activité de la vie domestique. Les EESAD ont ainsi été accréditées par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Au cours des dernières années, le réseau des EESAD, les EESAD sont allés de l'avant dans le développement de services d'assistance personnelle. Il s'agit d'un tournant majeur pour le développement des activités de ces entreprises. Elles ont été identifiées comme partenaires prioritaires dans l'offre de services d'assistance personnelle. Dans les faits, outre le réseau de la santé, nous prétendons être le réseau de prestataires de services à domicile le plus important au Québec. Regroupées grâce au réseau et issues d'une volonté citoyenne, je le rappelle, les entreprises d'économie sociale en aide à domicile sont présentes dans les 17 régions administratives du Québec. Ce sont 100 entreprises administrées par et pour leurs usagers, dont plusieurs personnes proches aidantes, qui sont exploitées à des fins non lucratives, qui offrent 7 millions d'heures de service à 100 000 personnes. La clientèle est composée à raison de 71 % de femmes, 79 % ont plus de 65 ans, et plus de 70 % vivent seules et sont à faibles revenus. Alors, les EESAD emploient, comme je le mentionnais un peu plus tôt, 8 700 préposés qui possèdent les compétences et l'expertise requise afin d'assurer un soutien et des services à domicile de qualité aux citoyens qui en ont besoin.

Mentionnons que, devant assumer une portion du coût des services d'aide domestique, notamment, l'usager devra souvent renoncer à utiliser une partie des services pour plutôt faire appel à ses proches, faute de moyens. Le rôle que peut exercer le soutien à domicile pour les personnes en perte d'autonomie et pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles est majeur dans le quotidien et la charge qui incombe aux personnes proches aidantes.

Actuellement, l'ensemble des services à domicile rendus par les EESAD ne sont pas admissibles au PEFSAD, au programme dont on est porteurs. Avec le vieillissement de la population, les besoins des usagers ont évolué, et il est nécessaire de revoir le panier de services du PEFSAD afin d'y inclure notamment les services de répit ainsi que les services d'assistance personnelle. Ce dossier constitue une priorité pour les EESAD, car l'augmentation des besoins, combinée à l'alourdissement des profils des usagers, rend urgente l'évolution du panier de services du PEFSAD afin de favoriser notamment un réel continuum de services. Le contexte de rareté de main-d'oeuvre contribue aussi à cette urgence afin de maximiser les ressources humaines disponibles et alléger, encore une fois, le poids sur les épaules des personnes proches aidantes.

Nous sommes d'avis que le Québec est mûr pour un changement de paradigme, qui doit s'orchestrer par une démarche costaude et sérieuse, en collaboration avec le gouvernement, et qui devra impérativement culminer vers un virage en soutien à domicile, un véritable virage en soutien à domicile qui permettra aux usagers qui vivent chez eux sans... de ne pas ajouter à la responsabilité des proches aidantes en matière de certains services. C'est par la volonté des partenaires en soutien à domicile et du gouvernement que le Québec sera capable d'effectuer réellement le virage souhaité. Le projet de loi n° 56 est pour nous un important levier pour concrétiser un partenariat indispensable.

Au Québec, et ce, depuis des années, notre société a développé le réflexe culturel d'opter d'emblée pour l'hébergement plutôt que de recourir aux services d'aide à domicile lors de l'apparition d'une perte d'autonomie. Nous sommes d'avis que cette tendance devrait être inversée afin que les personnes en perte d'autonomie ou ayant des limitations fonctionnelles puissent connaître l'ensemble des options qui peuvent leur être offertes et avoir ainsi la réelle possibilité de choisir de vivre et de vieillir chez elles, sans pour autant être un poids supplémentaire pour les personnes proches aidantes. La société québécoise gagnerait à mieux communiquer les alternatives possibles afin de pallier à une perte d'autonomie, à mieux soutenir l'ensemble des EESAD dans leurs activités et dans le rayonnement de leurs services et à poursuivre le développement du soutien à domicile en favorisant l'accessibilité des services à l'ensemble de la population.

Chaque individu devrait avoir la possibilité de choisir de rester dans sa maison ou dans son appartement et ne devrait pas avoir recours à l'hébergement uniquement par manque de connaissance des services disponibles, par peur d'être isolé et seul ou par manque de moyens financiers, en ne voulant pas être un poids pour son entourage. Le soutien à domicile dans les pays où ils ont mis en place des mesures de financement adéquates et équivalentes à celles en hébergement... bien, les gens chez eux ont choisi de rester à la maison.

Nous avons la responsabilité sociale de consolider, de développer et de promouvoir les services d'aide à domicile offerts à la population. C'est dans cet esprit que les EESAD du Québec souhaitent entreprendre une démarche plus large sur le soutien à domicile avec le gouvernement dans le but d'inverser le paradigme actuel favorisant le recours à l'hébergement. Donner à chaque personne en perte d'autonomie ou ayant des limitations fonctionnelles le choix de vivre et de vieillir chez elles, dans leur domicile, c'est l'esprit qui guide les démarches entourant Chez moi pour la vie afin de promouvoir le soutien à domicile au Québec et afin de proposer au gouvernement de prendre un réel virage vers cette alternative, qui est incontestablement la meilleure option pour des millions de Québécois et de Québécoises. Cela aura un effet... significatif, pardon, pour les personnes proches aidantes de tout le Québec.

Dans un contexte où les besoins de la population sont grandissants, caractérisé par un vieillissement de la population qui n'a pas atteint encore son sommet, qui viendra dans les prochaines années, l'accessibilité et l'offre de soins aux personnes constituent un enjeu de taille pour le Québec. Et je vous rappelle qu'en aidant les aidés, nous aidons les aidants.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Caron, pour votre exposé.

Alors, nous en sommes maintenant rendus à la période d'échange avec les membres de la commission, et nous allons débuter avec Mme la ministre pour une période de 16 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : M. Caron, le fait de vous écouter, c'était extrêmement inspirant. Je partage votre vision des choses, la façon de voir dans une globalité.

Et souvent on pose la question, ici, dans cette commission parlementaire : Qu'est-ce que ça va changer, le fait qu'on adopte une loi sur les proches aidants? Bien, nous serons dans l'action concrète, on va aller plus loin, on ne pourra pas reculer. Et, nonobstant le gouvernement en place, le fait d'avoir une loi, bien, il y aura une politique, il y aura un plan d'action, il y aura un dossier pour le proche aidant. On va devoir tenir compte, dans le rapport, à tous les cinq ans, de la santé et du bien-être du proche aidant. Donc, parallèlement à ça, on vient tenir compte aussi de la santé de la personne aidée parce que ça forme une dyade.

Vieillir et vivre ensemble — Chez soi, dans sa communauté, au Québec, en 2012... quand vous parlez, vous, de Chez moi pour la vie, ça me fait penser à ça. Je suis d'accord avec vous, on ne peut pas seulement travailler en silo, on ne peut pas faire une loi des proches aidants et ne pas avoir en tête qu'il faut développer le plus possible tous les services pour à la fois les personnes aidées puis les proches aidants, mais aussi les personnes qui vieillissent qui veulent rester dans leur ville, dans leur village le plus longtemps possible. L'hébergement, là, ça devrait être le dernier, dernier, dernier recours. Mais en même temps on est obligés d'héberger certaines personnes — vous le savez, M. Caron, on est rendus que, dans nos CHSLD, c'est plus de 80 % des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur — quand, à un moment donné, on ne peut plus les garder à la maison.

Alors, je souscris tout à fait, et on est en train de travailler, entre autres avec la députée de Soulanges, sur un beau projet de maintien à domicile, et le ministre de la Santé et des Services sociaux est orienté vers ça aussi.

Mais là je voudrais vous entendre parler du panier de services au niveau du répit puis de l'assistance personnelle. Qu'est-ce que vous voulez comme répit à l'intérieur de ça, puisque nous disposons aussi de fonds pour être capables de financer du répit? Qu'est-ce que vous voulez de plus qui pourrait aider les personnes que vous soutenez à la maison?

• (11 heures) •

M. Caron (J. Benoit) : Bien, je vous dirais que, dans un premier temps, de consommer les services ou d'avoir accès aux services en général, que ce soit les services des EESAD ou en général en matière de soutien à domicile pour les personnes en perte d'autonomie ou pour les proches aidants, ce n'est pas toujours simple. On multiplie les intervenants, ça, c'est un reproche qu'on peut se faire. Nous, on travaille... les entreprises d'économie sociale, c'est une volonté gouvernementale, c'est une volonté citoyenne, c'est une volonté des communautés qui se sont dotées, je le disais tantôt, de 100 entreprises au Québec. Ces entreprises-là sont déjà très actives — c'est 100 000 usagers chez qui on va — elles sont déjà très actives en matière de services d'aide domestique. Alors, c'est ce qui permettra à une personne de vivre dans son environnement et de vivre en salubrité avec tout ce que ça lui prend.

Mais, rapidement, dans la perte d'autonomie...

Mme Blais (Prévost) : ...de femmes, hein, 73 % de femmes.

M. Caron (J. Benoit) : Exactement. En fait, on a une forte majorité, plus de 70 % des usagers, qui sont des femmes vivant seules, à faibles revenus.

Mais, rapidement, dans une perte d'autonomie, ce que je trouve qu'il nous manque, au Québec, là, c'est qu'on parle de perte d'autonomie, mais c'est comme si c'était statique, si c'était stable, une perte d'autonomie. Une perte d'autonomie, ce n'est pas stable, c'est progressif. Alors, quand on identifie un état de perte d'autonomie, elle va croître, cette perte d'autonomie là. Et, si la personne a besoin, dans un premier temps, de services d'aide domestique pour vivre dans son environnement, elle aura rapidement besoin de services d'assistance personnelle pour des besoins intimes, pour prendre son bain, etc., et elle aura besoin aussi... ses aidants naturels auront besoin de répit. Là, très souvent, actuellement, au Québec, on devra faire appel à trois fournisseurs, alors que nous, on le fait déjà, alors que les 100 entreprises, les presque 9 000 préposés se rendent chez ces 100 000 usagers là, et la plupart — on en a maintenant des milliers qui sont formés en services d'assistance personnelle — peuvent très bien faire de l'aide domestique, des services d'assistance personnelle et offrir également du répit. Mais actuellement, pour ce faire, même si on le fait dans plusieurs cas, bien, c'est à l'intérieur de différents programmes. Alors, pourquoi ne pas mettre tous ces trois services-là — aide à la vie domestique, service d'assistance personnelle et également répit — à l'intérieur du programme d'exonération financière? De cette façon-là, on aurait un fournisseur, une préposée qui se rend... au lieu d'avoir trois personnes qui interviennent, souvent, on aurait une seule personne, et on évite la multiplication des intervenants, on évite la complexité administrative, on simplifie la gestion de tout ça par les proches aidants, et c'est plus agréable aussi pour l'usager.

Mme Blais (Prévost) : Excellente suggestion.

M. Caron (J. Benoit) : Donc, dans un premier temps, ce qu'on souhaiterait, c'est d'avoir un programme... — pardon? — d'avoir un programme... je m'excuse, d'avoir un programme, mais pour les trois services.

Mme Blais (Prévost) : C'est une excellente suggestion. Et je crois, Mme la Présidente, que nous pourrions passer la parole à un de mes collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Caron. Merci, Mme la ministre. Je pense que la députée de Soulanges veut prendre la parole, et il reste 11 min 10 s.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup d'être ici, M. Caron. J'avais une question... En fait, je partage aussi, là, comme Mme la ministre, la vision que les soins à domicile, c'est vraiment un incontournable, là, surtout dans cette pandémie. J'aimerais savoir, parce que vous parlez de changement de culture, de paradigme, comment pensez-vous que le gouvernement... Comment pensez-vous qu'on pourrait actualiser... Comment on pourrait... Comment ça pourrait se traduire, là, en concret?

M. Caron (J. Benoit) : À mon avis, puis c'est mon humble avis, mais mon avis est partagé par beaucoup de personnes qui travaillent avec moi, là, que ce soient des représentants des entreprises... c'est en communiquant. Actuellement, on parle beaucoup, beaucoup de soutien à domicile, au Québec, on en parle depuis des années. Cependant, dans les faits, je ne peux pas prétendre ou je ne peux pas affirmer qu'il y a eu une amélioration révolutionnaire en matière de soutien... (panne de son) ...on en parle beaucoup, mais, dans les faits, il s'en fait très peu.

Donc, il y a une culture, actuellement, quand on est vieux, on s'en va en hébergement. On ne se pose pas tellement la question, l'environnement de la personne ne se pose pas trop la question non plus. Quand on est vieux, ce qui est mieux, c'est de s'en aller en hébergement. Très souvent, aussi, c'est attribuable à la capacité de s'offrir des services, de se payer des services. Actuellement, le Programme d'exonération financière, qui existe, notamment pour les services d'aide domestique, va soutenir une portion de la facture, mais pas la totalité de la facture.

Quand la personne aînée est à faibles revenus, a sa pension, son supplément au revenu et qu'elle a besoin de deux heures par semaine, c'est possible de rester chez elle, c'est possible, il y a nos entreprises, il y a d'autres organismes qui offrent des services. Mais, dès que la perte d'autonomie s'accroît, dès qu'il y a un besoin supplémentaire, notamment en matière d'aide à la vie domestique, et qu'on a besoin de quatre heures, de six heures, de huit heures, de 10 heures, parce qu'on parle, là, de préparation de repas, de faire des courses, l'entretien ménager, les personnes vont avoir des problèmes d'incontinence, bien, rapidement, même la portion qui est assumée par l'usager est trop importante pour l'usager qui est à faibles revenus, donc on va opter, tout simplement, beaucoup plus facilement, pour l'hébergement.

Il y a une culture aussi, je le disais tantôt, quand on est vieux, on s'en va en hébergement, alors qu'il faudrait dire : Quand on est vieux, on peut rester chez nous, on peut rester chez soi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je crois qu'il y a Mme la ministre... Je vous remercie, Mme la députée. Mme la ministre veut reprendre la parole. Il reste encore 8 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Oui, c'est... on parle de maintien à domicile, je pense qu'il faut le voir aussi pour les personnes en situation de handicap, de déficience intellectuelle.

M. Caron (J. Benoit) : Absolument, oui, oui.

Mme Blais (Prévost) : Parce qu'on n'en parle pas assez, hein? On parle souvent de maintien à domicile, c'est associé aux personnes aînées. Pourtant, nombre de personnes qui vivent une situation de handicap préféreraient vivre à la maison plutôt que de vivre dans un CHSLD, veulent avoir des services, veulent vivre dans leur environnement, sortir, être actifs, vivre dans la collectivité. Il y en a qui travaillent, il y en a qui écrivent, les gens... Ce n'est pas parce que tu as un handicap que tu ne peux pas fonctionner.

Je veux vous entendre parler là-dessus, sur le soutien que vous apportez. Puis, je suis d'accord avec vous, c'est un changement de culture qu'on doit faire, renverser la vapeur et dire : Il faut absolument, dorénavant... Et, pour ce, ce n'est pas seulement avec le soutien des CLSC, et tout ça, mais c'est aussi les organismes communautaires, les municipalités, je crois que c'est l'ensemble... le transport. Il faut changer un peu notre façon d'aborder le maintien à domicile. Mais je veux vous entendre parler par rapport aux personnes en situation de handicap qui ont parfois des proches aidants, parfois c'est le voisin aussi, l'ami qui est le proche aidant.

M. Caron (J. Benoit) : Absolument. Alors, bien, naturellement, quand on parle... Puis, dans mes propos, je fais bien attention pour parler de personnes en perte d'autonomie, d'aînés, bien entendu, mais également de personnes ayant des limitations fonctionnelles. Je pense que nos propos s'adressent aussi bien à l'un qu'à l'autre. Il faut faire un virage, on l'a dit, on le répète, là, pour que l'option première pour un citoyen, pour une personne, ça soit d'avoir des services qui lui permettent de rester chez eux.

Cependant, c'est n'est pas vrai, Mme Blais, que quelqu'un qui a besoin, actuellement, va avoir tous les services dont il a besoin. De multitudes d'exemples : le Programme d'exonération financière, l'aide financière n'est pas suffisante pour les usagers; la main-d'oeuvre, on n'a pas parlé de la main-d'oeuvre, ça, c'est un... tu sais, c'est... On n'aura jamais assez de 45 minutes pour dire ce qu'il y aurait à dire, mais, quand on parle de soutien à domicile au Québec, quand on parle d'accès aux services, c'est vraiment, vraiment un tout assez complexe.

Je vous donne l'exemple de la main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre, il y en a, au Québec, on est capables d'en avoir, mais il faut la payer, il faut avoir des conditions de travail qui soient convenables. Je ne parle pas d'avoir d'excellentes conditions de travail, mais il faut avoir au moins des conditions de travail convenables. Alors, que ce soit pour des personnes ayant des limitations fonctionnelles ou que ce soit pour des personnes en perte d'autonomie, des aînés, ils doivent avoir accès à des ressources. Pour avoir accès à des ressources, il faut qu'on puisse les embaucher, il faut qu'on puisse les avoir au service des entreprises ou, autrement, au niveau des organismes. Et, pour ça, il faut reconnaître l'importance du travail qu'elles font — ce sont principalement des femmes, là aussi — l'importance du travail qu'elles font et leur donner des conditions de travail convenables.

Mais je vais vous donner l'exemple des EESAD. Les EESAD sont des entreprises exploitées à des fins non lucratives. Donc, leur objectif, ce n'est pas de faire de l'argent, on ne marchandise pas, ici, les services ni les soins, l'objectif, c'est de donner des services. Elles ont besoin de préposés pour aller donner des services et elles doivent, ces EESAD là, payer les préposés. Pour payer les préposés, elles doivent vendre leurs services.

Quand la personne aînée ou la personne ayant des limitations fonctionnelles achète le service, elle doit en payer une partie. Il y en a une partie qui passe dans le Programme d'exonération financière, il y en a une autre portion qui passe dans le crédit d'impôt pour les personnes de 70 ans et plus, mais il y a une partie qu'elle doit assumer. C'est quelques dollars, mais, quand ces quelques dollars là se multiplient en fonction du nombre d'heures, ça devient rapidement impossible, premièrement, pour la personne, et ça devient impossible pour l'entreprise de donner de meilleures conditions de travail pour avoir de la main-d'oeuvre, parce que sinon c'est Mme Tremblay qui va payer plus cher, et elle n'est déjà plus capable de payer.

Le programme stagne depuis des années. Depuis des années, le Programme d'exonération financière stagne au niveau du nombre d'usagers pour une multitude de raisons, alors que, normalement, il devrait y avoir une croissance exponentielle au niveau des usagers, que ce soient des personnes aînées ou que ce soient des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

• (11 h 10) •

Mme Blais (Prévost) : L'argent, c'est le nerf de la guerre, finalement. C'est ce que vous êtes en train de dire, là, M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : On a beau, Mme Blais, tourner ça... J'y suis depuis très longtemps. On a beau tourner ça dans tous les sens, observer ça sous tous les angles, le problème, c'est l'argent. C'est le seul problème. Et vous en parlez beaucoup, en politique, souvent on annonce des millions, et des millions, et des millions. Dans les faits, demandez à Mme Tremblay si elle a vu une grosse différence.

Mme Blais (Prévost) : J'aimerais peut-être vous entendre parler de la première vague de la pandémie de la COVID-19...

M. Caron (J. Benoit) : Voulez-vous vraiment?

Mme Blais (Prévost) : ...et de vos préposés aux... vos professionnels qui sont allés apporter des soins. Comment vous avez vécu ça, là, M. Caron?

M. Caron (J. Benoit) : On a vécu ça intensivement, très, très intensivement. Vous n'auriez peut-être pas dû me poser la question, Mme Blais, parce que vous n'aimerez peut-être pas ce que je vais entendre... ce que vous allez entendre. Alors, on a vécu ça très difficilement. Pour les EESAD, ça a été une catastrophe. Notre... On a été dans l'improvisation constamment. On a... Je me souviendrai toujours, Mme Blais — puis je me permets de le partager, on est entre nous, là, vous et moi — on nous a demandé de retirer des milliers de préposées parce qu'elles n'offraient pas de ce qu'on qualifiait de services essentiels, et le lendemain M. Legault demandait des bénévoles. C'était plutôt paradoxal, comme démarche.

Alors, on va chez des gens qui ont 87, 90 ans. On y va depuis des années pour les aider à rester chez eux. Ils sont vieux, c'est le principal... le problème qu'ils ont, ils sont vieux, et, du jour au lendemain, on a arrêté de leur donner des services pendant des semaines. On a mis à pied... je pense, c'est 4 500 préposées qui étaient prêtes à continuer à travailler au moment où on les a mises à pied, et on a isolé des milliers de personnes aînées ayant des limitations fonctionnelles, qui vivaient seules, très souvent, et qui ont été isolées pendant des semaines et des semaines.

Alors, je vous supplie, dans la deuxième vague, qu'on n'interrompe pas les services qui sont offerts par les EESAD, parce que la majorité des gens chez qui on va sont des personnes aînées ou des personnes ayant des limitations fonctionnelles qui... Même s'ils n'ont pas un profil d'extrême vulnérabilité, l'accès aux services demeure primordial pour eux dans leur quotidien. Alors, on a vécu la première vague difficilement. On espère que la deuxième vague sera vécue avec moins d'improvisation et beaucoup plus de compréhension.

Mme Blais (Prévost) : Vous savez, quand on faisait face à un virus inconnu, hein, je pense que tout le monde... c'est à travers le monde aussi, on a vu ce qui s'est passé en Italie, en Espagne, en France. Alors, je crois qu'on a appris beaucoup de choses de cette première vague là. Il faut avoir beaucoup d'humilité par rapport à tout ce qui s'est passé, alors... Oui, vous voulez parler, M. Caron? Allez-y.

M. Caron (J. Benoit) : Une remarque, là, Mme Blais — merci beaucoup de me le permettre — qui est très importante, au Québec, 80 % des aînés... notamment, on parlait des personnes ayant des limitations fonctionnelles, mais il y a les aînés... et 80 % des aînés, Mme Blais, ils ne vivent pas en CHSLD, ils vivent chez eux, et 70 % d'entre eux sont seuls, souvent. Alors, un reproche que je nous ferais, au Québec, on a complètement oublié ces 80 % d'aînés vivant à domicile. Durant la première vague, on les a complètement oubliés.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Puis, c'est vrai, on parle souvent des personnes hébergées, mais ça représente 2,8 % de la population. Le reste des gens, il y en a 8 %, je pense, dans les résidences privées pour aînés, puis les autres personnes sont à domicile. Et c'est pour ça qu'il faut développer tout le réseau du soutien à domicile le plus possible, parce que, de toute façon, quel que soit le gouvernement, on ne pourra jamais construire, développer 3 000 places par année, c'est une impossibilité, là, de faire ça. Donc, il faut véritablement prendre soin au niveau de l'hébergement, ce qui a été difficile au cours des dernières années, là, des décennies, mais aussi s'occuper, vraiment en amont, des soins et des services à domicile.

Je ne sais pas combien de temps qu'il reste.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 15 secondes.

Mme Blais (Prévost) : Bon, bien, écoutez, en 15 secondes, M. Caron, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous faites, votre travail, depuis des années, d'aller à domicile pour apporter des soins et des services à nos personnes les plus vulnérables. Merci pour votre témoignage.

M. Caron (J. Benoit) : C'est les préposés, Mme Blais, qu'il faut remercier.

Mme Blais (Prévost) : Je les remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Caron. Merci, Mme la ministre. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. La parole est maintenant à la députée de Fabre pour une période de 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Caron, c'est un plaisir de vous revoir. Écoutez, je veux, évidemment, revenir sur les derniers propos que vous avez amenés, ce que vous avez vécu durant la pandémie, parce que, bien sûr, dans votre présentation, vous avez parlé du souhait d'élargir votre offre de services. En même temps, je pense qu'on est assez d'accord que ça débute par la reconnaissance de votre travail. Alors, je veux vous dire merci, à tous vos préposés qui ont fait un travail immense. Puis je pense que la reconnaissance, bien, clairement, dans la gestion de la crise, ça passait par une simple chose, une simple action, de vous mettre sur la liste des services essentiels. Alors, c'est ce qui n'a pas été fait. Ce n'était pas très compliqué, ça n'a pas été fait et ça fait en sorte que... Puis je sais tous les efforts que vous avez eu à faire pour remobiliser des troupes, qui étaient vos préposés et qui... finalement, vous avez dû... ils étaient sur l'assurance-emploi, donc vous avez été obligés de les remobiliser. Puis, dès que vous l'avez fait, à force de maints efforts, vous avez prêté main-forte à nos aînés en CHSLD. Alors, je veux vous remercier pour tout ça et pour votre résilience.

Et, au-delà de ça, bien, aujourd'hui, vous êtes en train de nous dire : Parce qu'on est sur le terrain, parce qu'on continue à l'être, on souhaite vraiment vous dire à quel point les besoins évoluent, que la perte d'autonomie des personnes qui sont aidées par les proches aidants, vous les voyez, ça évolue, puis ce n'est pas une ligne droite, ce n'est pas une ligne droite dans tous les cas. C'est ça que vous êtes en train de venir nous dire aujourd'hui. Alors, moi, j'apprécie non seulement votre résilience, mais aussi votre volonté de vous coller toujours et encore aux besoins que vous voyez sur le terrain.

Moi, il y a un aspect très, très important, puis je pense que, en tout cas, vous êtes là à l'amener avec l'expertise que vous avez, l'importance d'avoir une même personne le plus longtemps possible pour être auprès d'un aîné qui est aidé par son proche aidant qui est à la maison. Vous avez parlé de ça dans le contexte où vous voulez élargir votre mandat à l'assistance personnelle, entre autres, et le répit. C'est important, hein, ça parce que, dans un contexte de pénurie, et tout ça, si on peut au moins former, élargir le mandat pour une même personne, qui débute peut-être avec l'aide alimentaire ou être à la maison, puis finalement, bien, le besoin, il évolue, puis c'est toujours la même personne, votre même préposée bien formée qui est là, c'est important, hein, dans les besoins que vous voyez sur le terrain, M. Caron?

M. Caron (J. Benoit) : Absolument. Je me permettrais, Mme Sauvé, tout de suite de préciser que je ne suis que le porte-parole. L'appréciation puis l'admiration qu'on doit avoir, c'est envers les préposés, les presque 9 000 préposés qui oeuvrent dans les EESAD, et c'est aussi à travers les 100 gestionnaires et les gens qui ont traversé cette première vague là d'une façon remarquable. Alors, moi, je leur lève mon chapeau, parce que moi, j'ai le beau rôle, je discute avec vous, alors qu'eux sont sur le terrain et doivent composer avec leur quotidien.

L'importance, d'abord, de limiter, de minimiser le nombre d'intervenants, c'est évident. Je ne connais pas grand personnes, beaucoup de monde de 85 ans... qui, premièrement, ont une résistance, là, à recevoir des services, ça ne se fait pas naturellement, hein? Une personne qui va avoir besoin de services progressivement, mais son premier service ou ses premiers services, normalement, ça ne s'accepte pas facilement. Généralement, les aînés ou les personnes ayant des limitations fonctionnelles vont souhaiter, dans un premier temps, avoir recours à l'aide de leurs proches aidants, à l'aide des personnes proches aidantes, sans nécessairement tout de suite considérer le poids que ça signifie pour les personnes proches aidantes. Alors, déjà, il y a un phénomène de réserve, là, à s'ouvrir vers la consommation de ces services-là.

On commence par l'aide domestique, rapidement on glisse un peu vers les services d'assistance personnelle, on prend son bain, ensuite, bien, on a le répit, là, qui va venir, là, un peu par la suite. Puis il s'établit — puis ça, c'est... je l'ai observé fréquemment — un lien entre l'usager et entre la préposée, il s'établit un lien de confiance, une certaine intimité, une discussion, un échange, etc., qui va faire en sorte que, progressivement, dans la consommation des services, si on tend vers les services d'assistance personnelle ou on tend vers les services de répit, souvent les services de répit vont être à un moment où la personne qui a des problèmes cognitifs, a un peu moins de capacités, etc., mais que ce soit le même visage, que ce soit la même personne, il y a un lien de confiance. On envoie, chez notre mère, chez notre père, quelqu'un qui n'est pas nous, on va apprendre à connaître cette personne-là, on ne veut pas qu'il y ait une multiplication des personnes.

Il y a aussi toute la question de la main-d'oeuvre. Pourquoi envoyer trois personnes, alors qu'une seule personne peut faire le travail? Nous, on a des milliers de préposés, maintenant, qui sont formés en services d'assistance personnelle, disposés, aussi, et formés pour donner du répit, et on se rend déjà chez ces gens-là pour offrir des services d'aide domestique. C'est juste le gros bon sens, c'est juste le gros bon sens. C'est une maximisation des ressources, c'est des économies qu'on fait et c'est surtout le bien-être de la personne qui reçoit les services.

• (11 h 20) •

Mme Sauvé : Je vais continuer un peu sur cette lancée très... l'approche est très humaine auprès de nos aînés puis les services que vous offrez. On vient de parler de la stabilité, le plus possible, auprès de la... donc un même préposé auprès de l'aîné à la maison. Vous avez, d'entrée de jeu... puis je me ramène au projet de loi n° 56, quand on parle de... quand on aide les personnes aînées, on aide aussi les proches aidants sur le terrain, là, parce que vous êtes clairement un répit essentiel. On parle beaucoup de programmes de répit. Vous, vous êtes sur le terrain, dans le répit, à donner un peu d'oxygène aux proches aidants. Alors, est-ce que vous retrouvez, dans le projet de loi n° 56, une reconnaissance par rapport, effectivement, à l'action des partenaires qui peuvent offrir du répit aux proches aidants?

M. Caron (J. Benoit) : Je pense que c'est peut-être dans le plan d'action, dans ce qui découlera du projet de loi n° 56 qu'on sera capables d'apprécier et de voir plus concrètement ce que ça impliquera. Bon, on est en 2020, le projet de loi n° 56 arrive... (panne de son) ...des personnes proches aidantes au Québec, on en a depuis des décennies. Nos parents ont été des personnes proches aidantes, elles n'avaient pas ses... ces parents-là n'avaient peut-être pas les mêmes responsabilités professionnelles ou familiales que tout ce monde-là a aujourd'hui. Alors, est-ce que le projet de loi n° 56 va contribuer à changer les choses? Je l'espère. À mon avis, c'est un premier pas. Ça s'inscrit très bien dans ce que nous, on préconise. Le mémoire dont je vous parlais un peu plus tôt, qu'on va déposer dans les prochains jours, ayant pour thème, là, Chez moi pour la vie, ça s'inscrit bien là-dedans.

Mais c'est une volonté gouvernementale, c'est une volonté sociétale majeure qu'on doit avoir, au Québec, pour faire en sorte que ce ne soit pas un privilège de rester chez eux, chez nous, que ce soit un droit. Donc, le projet de loi n° 56, la reconnaissance qu'il apporte aux personnes proches aidantes va contribuer à ça. Moi, j'ai toujours dénoncé un peu ce qu'on mettait sur les épaules des personnes proches aidantes. Il est facile de reconnaître le rôle qu'elles jouent, mais il ne faut pas se déresponsabiliser en augmentant le poids sur les épaules des personnes proches aidantes. J'ai l'air très corporatif, quand je parle des EESAD, quand je parle des services que les entreprises d'économie sociale vont offrir, mais ce n'est pas du corporatif, c'est du gros bon sens. Si nous, on ne le fait pas, c'est vous et moi qui allons devoir le faire, comme personne proche aidante.

Donc, on espère que le projet de loi n° 56 va être un levier significatif dans le virage qu'on doit entreprendre au Québec, dans le meilleur intérêt des personnes en perte d'autonomie, des personnes ayant des limitations fonctionnelles, mais dans le meilleur intérêt de tous les Québécois et Québécoises. Parce qu'on ne nous apprend pas, à 15, 20 ans ou 25 ans, qu'un jour on sera proche aidant, ça nous arrive subitement, à un moment donné, dans la trentaine ou dans la quarantaine où, du jour au lendemain, on se retrouve personne proche aidante. Alors, si, au moins, on peut compter sur des services disponibles, des services accessibles, c'est là où on peut jouer un rôle majeur au niveau des personnes proches aidantes. Et, comme je vous le disais tantôt, en aidant les aidés, on aide les aidants.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. Caron. Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 2 min 11 s.

Mme Sauvé : Je vais laisser à mon collègue. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, le député de D'Arcy-McGee va prendre la parole pour 2 min 10 s.

M. Birnbaum : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Caron, pour votre exposé et votre implication. Je crois qu'on est déchirés, en quelque part, de reconstater que vos partenaires étaient mis, à quelque part, à l'écart durant ces mois tellement, tellement difficiles, et il ne faut pas que ça réarrive.

Le changement de paradigme que vous proposez, je crois que c'est de plus en plus appuyé par la société, et ça s'impose de plus en plus devant le triste bilan des derniers mois. Je vous invite de nous expliquer concrètement comment on a une piste vers cette réalisation. Vous avez dit que ça s'inscrit, mais concrètement, le projet de loi devant nous, comment ça va renforcer ce genre de virage très fondamental dont vous parlez?

M. Caron (J. Benoit) : Bien, je crois que le projet n° 56 reconnaît les personnes proches aidantes, reconnaît cette réalité-là au Québec. Naturellement, pour les organismes, les regroupements, les intervenants en matière de proche aidance, je pense qu'ils doivent saluer ce projet de loi là, mais en même temps ils doivent absolument revendiquer des services, revendiquer des capacités financières, parce que, même si on dit aux proches aidants qu'ils jouent un rôle important, puis tout ça, il ne faut pas que le projet de loi n° 56 soit une occasion d'alourdir le poids que les personnes proches aidantes ont déjà sur leurs épaules. Il faut, au contraire, que ce soit une fenêtre ouverte sur le virage dont on parlait tantôt et sur une conscientisation... mais sur un grand chantier de construction pour dire : Au Québec, les personnes qui en ont besoin peuvent rester chez eux, et ça ne devient pas un poids pour les personnes de leur environnement, de leur entourage. Mais, pour ça, ça prend de l'argent, on en parlait tantôt, il faut que les services soient accessibles, il faut que la main-d'oeuvre soit là. Et c'est un cercle vicieux, tout ça, on pourrait en parler longtemps.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Caron. Merci beaucoup. Écoutez, c'est le lot des temps de parole. Nous en sommes... Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous en sommes maintenant au député de Jean-Lesage pour une période de 2 min 45 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation, et j'ai accroché en particulier sur un segment de l'échange que vous avez eu, où vous disiez : Le nerf de la guerre, c'est l'argent, en fait, là, c'est votre propos, puis on peut avoir le meilleur projet de loi possible, si, après, il n'y a pas d'argent, ça pose problème, etc. Si jamais, là, on arrivait à un moment donné où le gouvernement disait : Les Québécoises et Québécois n'ont pas la capacité de payer pour mettre de l'argent là où il faut, qu'est-ce que vous répondriez? Seriez-vous d'accord?

M. Caron (J. Benoit) : Bien non, je ne serais pas d'accord, parce qu'il faut avoir une vision à moyen ou long terme. Le soutien à domicile, le maintien à domicile, de permettre à des gens de rester chez eux, oui, on peut voir ça comme une dépense, mais c'est un investissement. Aller vivre en CHSLD, c'est approximativement 95 000 $ par année. Avant qu'on atteigne 95 000 $ en services à domicile, c'est totalement impossible, là. On l'a déjà compté, ce n'est pas possible. Alors, sur le moment, à très, très court terme, c'est peut-être une dépense, mais, comme société, comme Québec et surtout comme Québec qui aura à se relever de la pandémie, des deux vagues qu'on connaît maintenant, là, bien, c'est un investissement, c'est un investissement.

Puis il faut penser au bien-être des personnes, aussi. Qui veut aller vivre ailleurs? Tu sais, dans notre environnement, quand on parle à une personne aînée ou avec des limitations fonctionnelles, on l'a vu dans les médias récemment encore, les gens veulent vivre chez eux. Et ça a une... le fait de délocaliser ces personnes-là, ça a des conséquences multiples qui vont coûter de l'argent aussi, tu sais, ça, sans compter les frais d'hébergement ou les coûts d'hébergement. Une personne qui a constitué un patrimoine... et là les gens qui sont en... qui offrent des services de résidence ne seront pas heureux de m'entendre, ça coûte beaucoup plus cher, donc elle consomme son patrimoine, elle consomme l'héritage de ses enfants — donc on parle, encore là, d'argent — alors que, si cette personne-là voyait la capacité de payer des services, elle resterait chez elle, et, comme société ou comme citoyens, il y aurait des économies qui seraient significatives. Alors, le fait de ne pas investir, c'est une très, très mauvaise décision, si on le faisait.

M. Zanetti : Bien, je vous remercie beaucoup, vous êtes très convaincant. Je suis très certainement convaincu, et puis ça va nourrir notre argumentaire, si jamais il devenait nécessaire, mais on ne sait jamais. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, M. Caron, pour votre contribution aux travaux.

Alors, la commission va suspendre jusqu'à midi, où elle se réunira en séance de travail. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 15 h  17 )

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : l'Association médicale canadienne, l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés ainsi que Mme Sophie Éthier, professeure titulaire de l'École de travail social et de criminologie de l'Université Laval et chercheuse au Centre d'excellence sur le vieillissement de Québec et l'Institut sur le vieillissement et la participation sociale des aînés.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association médicale canadienne. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi qu'à commencer votre exposé. Bienvenue... micro, docteur... Dr Shabah, juste ouvrir votre micro.

Association médicale canadienne (AMC)

(Visioconférence)

M. Shabah (Abdo) : Merci infiniment.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Voilà.

M. Shabah (Abdo) : Bonjour, Mme la Présidente, membres de la commission, je suis Dr Abdo Shabah, porte-parole francophone et membre du conseil d'administration de l'Association médicale canadienne, l'AMC, au Québec.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais prendre un instant de souligner le travail colossal effectué par toutes les travailleuses et tous les travailleurs du réseau de la santé ainsi que par toutes les personnes qui les entourent depuis le début de la pandémie, en mars dernier. Plusieurs de mes collègues étaient à mes côtés dans la zone rouge d'un CHSLD ou dans une salle d'urgence d'un centre hospitalier. De nombreux infirmières et infirmiers, médecins, préposés aux bénéficiaires et de même que de proches aidants ont traversé une période très difficile tant sur le plan physique qu'émotif. Nous, en tant que professionnels de la santé, et vous, en tant que législateurs, devons mettre tout en oeuvre pour que la seconde vague de la pandémie soit moins funeste que la première.

L'AMC milite depuis plusieurs années pour l'amélioration des soins et le bien-être des aînés. À notre avis, lorsque nous serons en mesure de donner à nos aînés les bons soins au bon moment et au bon endroit, cela ne fera qu'optimiser le rendement de notre système de santé, qui a été rudement, malheureusement, mis à l'épreuve depuis le début de la pandémie.

Depuis 2013, nous réclamons une stratégie pour coordonner les soins aux aînés. Nous avons aussi fait des interventions auprès des Nations unies pour la création d'une convention internationale sur les droits de la personne aînée. Nous avons également mené plusieurs projets de recherche partout au pays pour mieux soutenir les aînés.

• (15 h 20) •

À nos yeux, le soutien aux aînés et le soutien aux proches aidants sont indissociables parce que les proches aidants sont devenus une partie intégrante du système de soins de santé ici, au Québec, et ailleurs dans le monde. Qui oserait aujourd'hui imaginer les conséquences de l'absence des proches aidants dans un système peinant à répondre à la demande? Les aînés pourraient alors subir des attentes de service encore plus longues pour le maintien à domicile ou pour des examens dans le réseau de la santé. Loin de moi d'être alarmiste, mais un réseau sans proches aidants serait un réseau voué à l'échec. C'est pourquoi nous saluons publiquement la volonté du gouvernement du Québec de reconnaître dans sa législation le rôle essentiel des proches aidants. En fait, le Québec figurerait comme précurseur en devenant la deuxième province canadienne, après le Manitoba, à octroyer le statut légal à ces personnes essentielles.

Les proches aidants sont la colonne vertébrale de notre système de santé. La déclaration que nous faisons aujourd'hui devant vous n'est pas prononcée à la légère lorsqu'on jette un coup d'oeil au portrait démographique des proches aidants des aînés au Québec. En fait, les recherches indiquent qu'en 2016, 2,2 millions de Québécoises et de Québécois posaient un geste en tant que proches aidants auprès d'un aîné. Parmi ceux-ci, 330 000 Québécoises et Québécois agissaient plus de 10 heures par semaine comme proches aidants auprès de la personne aînée.

Avec le vieillissement de la population vient aussi le vieillissement des proches aidants. Par conséquent, lorsqu'on étudiera à nouveau la situation dans les années à venir, il ne faudrait pas se surprendre de constater une augmentation considérable des heures de travail non rémunérées pour les proches aidants. Le Québec n'est pas la seule province dans cette situation. En effet, l'université de l'Alberta a déterminé que, dans sa province, l'aide aux bénéficiaires de soins de longue durée était fournie par des proches aidants dans une proportion de 80 %.

Compte tenu du nombre des proches aidants et de leur rapport à la société québécoise et au système de santé, nous sommes d'avis qu'il importe de mieux les appuyer et de mieux les encadrer, d'abord sur le plan financier. Les aînés et leurs proches aidants constituent un segment important et croissant de la population. Ce groupe fait face à d'importantes dépenses personnelles pour les soins à domicile et les soins de longue durée prodigués à leurs proches. Le Conference Board du Canada estime que les dépenses privées aux soins aux aînés augmenteront de 150 % plus rapidement que le revenu disponible des ménages au cours de la période de 2019 à 2035. Dans ce contexte de dépenses accrues pour les proches aidants combinées aux prévisions d'années difficiles sur le plan économique, nous recommandons vivement la mise en place d'une allocation pour épauler les proches aidants à faire face à l'augmentation des dépenses de soins à domicile, à l'exemple de l'allocation familiale du Québec. Je tiens aussi à souligner aux membres de la commission que la Nouvelle-Écosse et le Royaume-Uni donnent des allocations aux proches aidants sur leur territoire, des exemples qui pourraient être fort utiles pour l'implantation d'un tel programme ici, au Québec.

L'AMC appuie la volonté de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants de faire en sorte qu'il y ait davantage de maintien à domicile. Les proches aidants sont susceptibles de développer des problèmes liés à la santé, comme le stress, l'anxiété et l'épuisement. Nous estimons que les proches aidants ont besoin d'une gamme complète de services de soutien pour prévenir ou atténuer les risques pour leur santé et les aider à y faire face. Même si l'AMC a salué les mesures annoncées dans le dernier budget du Québec portant sur le crédit d'impôt remboursable, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 56 devrait prévoir également des mesures concrètes pour offrir du répit aux proches aidants.

Le gouvernement du Québec devrait envisager quelques mesures, dont les suivantes : une bonification du crédit d'impôt pour répit aux proches aidants, une augmentation des ressources pour le répit aux proches aidants, une augmentation des ressources pour le répit aux proches aidants comme les centres de répit et de l'aide psychologique, le déploiement à l'échelle provinciale de maisons de répit pour proches aidants, une augmentation de services de soutien à domicile pour les aînés et les proches aidants. Enfin, nous suggérons au gouvernement du Québec de se pencher sur la formation des proches aidants afin que ces derniers soient davantage outillés et en mesure de mieux appuyer les aînés. Cela pourrait se concrétiser par l'élaboration d'un module de formation en ligne, par exemple, spécifique aux proches aidants. Le module pourrait entre autres les informer sur les ressources mises à leur disposition.

Je m'en voudrais de passer sous silence un des points qui est une priorité pour l'AMC lorsqu'on parle de meilleur accès aux soins pour les aînés, mais aussi pour toute la population du Québec. Depuis le début de la pandémie, les soins virtuels ont augmenté de manière fulgurante et ont permis aux professionnels de la santé d'offrir plus rapidement des soins de premiers recours, permettant aux patients, y compris aux aînés, de demeurer à la maison. Nous croyons que les soins virtuels peuvent permettre l'allègement d'une partie du fardeau qui incombe aux proches aidants. Ainsi, un aîné pourrait être accompagné virtuellement par son proche aidant à son rendez-vous de télémédecine sans que personne n'ait à se déplacer physiquement. La télémédecine est une solution gagnante pour tous, autant pour le patient, l'aîné, son proche aidant, ainsi que pour les professionnels de la santé.

En février dernier, l'AMC, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et Le Collège des médecins de famille du Canada ont élaboré un cadre de virtualisation des soins de santé du Canada précisant les normes, lois et politiques nationales à adopter impérativement. Plusieurs recommandations ont découlé du rapport du groupe de travail sur les soins virtuels, telles que les suivantes : le maintien de la grille tarifaire pour les soins virtuels mis en place pendant la pandémie de COVID-19, la certification du système de permis d'exercice pour pouvoir offrir des soins virtuels dans tout le pays, l'intégration des soins virtuels dans la formation des médecins ainsi que la création de normes nationales pour l'accès aux renseignements de santé sur les patients.

La télémédecine fait partie de nouveaux outils, aujourd'hui, qui peuvent être mis à contribution pour améliorer l'accès aux soins pour les aînés ainsi que pour toutes les tranches de la population... (panne de son) ...de la solution. Il y a aujourd'hui une conjoncture favorable qui permettrait d'accélérer la mise en place de solutions touchant les aînés ainsi que les proches aidants. Des pays comme le Danemark ont réussi ce que j'appellerai le virage vieillissement chez soi ainsi des politiques progressistes comme l'augmentation des investissements pour les soins communautaires pour le soutien des aînés à domicile, la mise en place de visites à domicile préventives annuelles pour les 75 ans et plus. Avec ces mesures-là, le Danemark a pu maintenir ses aînés dans leurs milieux de vie, et le résultat est spectaculaire, parce que, dans ce pays scandinave, on a décrété un moratoire sur la construction de nouveaux foyers de soins de longue durée, et ce moratoire est en place depuis voilà plus de 20 ans. La grande majorité des investissements du gouvernement danois pour subvenir aux besoins des aînés est acheminée vers les soins à domicile aujourd'hui. Un exemple intéressant encore qui pourrait, avec la volonté politique et économique, voir le jour au Québec.

En conclusion, nous réitérons aux membres de cette commission que plus nous attendons, plus nous approchons du point de rupture. Notre système de soins de santé est malheureusement vétuste et inefficace, et la formule actuelle de prestation de soins et de services pour nos aînés et leurs proches aidants ne fonctionne plus. Notre système doit être repensé pour arriver au XXe siècle, et c'est pourquoi il faut agir maintenant pour nos proches aidants, nos aînés et pour toute la population québécoise. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Shabah. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec les membres de la commission. Nous allons commencer avec la ministre pour une période de 16 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Merci, Mme la Présidente. M. Vail, Dr Shabah, très, très, très heureuse de vous recevoir. Un organisme qui a été fondé en 1867 dans la ville de Québec, alors vous avez du vécu, de l'expérience, et votre mémoire est percutant.

Tout d'abord, vous parlez d'«un réseau sans proches aidants serait un réseau voué à l'échec». Et je sais que vous êtes favorables, sinon vous le direz, mais vous êtes favorables à la loi n° 56. Vous mentionnez, entre autres, que ça nous prend une révision de l'offre des soins de longue durée. Je tiens à vous mentionner qu'à l'automne nous allons déposer la première politique d'hébergement et de soins de longue durée, parce que les personnes qui sont hébergées actuellement, ce ne sont plus les personnes qui l'étaient il y a 10 ans, 15 ans, là, ce sont vraiment, vous le savez, là, des personnes en très lourde perte, en général, vivant avec des troubles neurocognitifs majeurs.

Vous parlez de maisons de répit, on est en train d'en développer. Vous parlez de la modification du crédit d'impôt, on a fait un pas, là, jusqu'à 2 500 $. Mais, moi, ce que je voudrais vous... entendre de vous, parce que vous êtes médecin... Vous savez, avec la politique, avec la loi, le plan d'action, on veut véritablement que le proche aidant ne soit pas instrumentalisé. On veut qu'il puisse avoir un dossier médical, ou appelons-le un dossier de suivi, au même titre que la personne qui est aidée. En tant que médecin, comment vous vous sentez, là-dedans, là, si on dit : Le proche aidant, là, vous devez aussi, l'accompagner au même titre que la personne qui est aidée?

• (15 h 30) •

M. Shabah (Abdo) : ...question... En fait, pour le volet du dossier médical et le plan d'intervention auprès du proche aidant, nous considérons qu'il faut qu'ils soient mentionnés dans le projet de loi. Le proche aidant devrait être reconnu comme un usager du réseau. Nous pensons que c'est là... c'est très important qu'il s'y retrouve. Rappelons-nous que l'université d'Alberta a déterminé qu'en Alberta l'aide aux bénéficiaires de soins de longue durée était fournie par les proches aidants dans une proportion de 80 %. Donc, ce sont vraiment les proches aidants qui sont des piliers pour la prestation de soins pour ces aînés-là, et leur place devrait être reconnue dans le projet de loi.

Mme Blais (Prévost) : Oui, elle l'est, d'ailleurs, Dr Shabah. À l'article 8, là, on parle de «personnes proches aidantes à titre d'usagers, en tenant compte de leurs savoirs, de leurs volontés et de leur capacité d'engagement et en favorisant une approche basée sur le partenariat». Alors, je ne sais pas si ça vous apparaît assez clair, sinon on va le mettre un peu plus clair, mais il faut absolument que ça apparaisse dans le projet de loi parce que je trouve que c'est une clé importante. On le sait, il y a des médecins qui aiment vraiment travailler avec les proches aidants, il y en a d'autres, ça ne fait pas partie de leur culture, et cette culture-là doit être changée, là, inévitablement.

En plus, vous parlez beaucoup d'aînés, mais il y a aussi... puis j'aimerais vous entendre là-dessus avant de céder la parole à mes collègues, on parle d'aînés, mais il y a aussi tous ces parents qui ont des enfants ayant des limitations fonctionnelles ou situations de handicap, qu'ils soient jeunes ou des enfants qui sont devenus des adultes, et les parents sont vieillissants, ils sont inquiets par rapport à ces enfants-là, qui sont devenus des adultes qu'ils doivent accompagner. C'est quoi, votre vision, à l'Association médicale canadienne, par rapport à ça, pour les proches aidants?

M. Shabah (Abdo) : En fait, je suis très heureux que vous ayez... que vous rameniez à la définition un peu plus large, parce qu'en fait nous ciblons les personnes âgées de 65 ans et plus parce qu'elles constituent le groupe démographique le plus important et nécessitent le plus de soins médicaux, par conséquent, de soutien financier. Par contre, nous sommes d'avis que toute personne ayant des déficiences ou des problèmes de santé devrait pouvoir bénéficier de soins et de services à domicile complets et devrait être considérée dans le projet de loi. Donc, cet élargissement au niveau de la définition est important pour refléter ce qu'on voit sur le terrain, en fait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Shabah. Je vois le député de Beauce-Sud qui voudrait prendre la parole, et je vous indique qu'il reste 12 min 2 s.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, docteur, très content de vous savoir avec nous. Vous amenez des points fort intéressants. Et, quand j'écoutais votre exposé, vous nous rappelez tout le chemin parcouru, hein, pour le rôle des proches aidants — et je pense que la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants le témoignait dans ses questions, là — tout le chemin qu'on a parcouru. À l'époque, on parlait des aidants naturels, et Mme la ministre nous a dit : Non, non, il n'y a rien de naturel, ce sont des proches aidants, ils méritent d'être reconnus comme des personnes à part entière dans la société. Donc, je pense que ça démontre bien, depuis une dizaine d'années, tout le chemin qui a été parcouru grâce, entre autres, à des actions politiques et, on peut le dire, particulièrement depuis les deux dernières années.

Et ça m'amène... et vous avez effleuré la question, tout à l'heure, concernant les allocations qui pourraient être données aux proches aidants. Évidemment, le rôle de proche aidant amène des dépenses qui peuvent être supplémentaires, donc je veux vous entendre là-dessus. Évidemment, on n'est pas sans savoir non plus que certaines personnes vont s'absenter, aussi, de certaines journées de travail, mais, sur la question générale, là, financière, avec l'expérience que vous avez, avec les connaissances que vous avez, avec les échanges que vous avez avec les proches aidants, comment vous voyez le tout?

M. Shabah (Abdo) : Bien, en fait, merci pour la question. Quand on parle d'allocation, il s'agirait d'une allocation qui permettrait aux aînés ou de leurs proches aidants de couvrir certaines dépenses privées pour des soins de santé et des soins à domicile. Cette allocation pourrait cibler les personnes de 65 ans ou plus, dans une définition plus large, tel qu'on vient d'en parler, mais constituerait... En fait, les 65 ans et plus sont le groupe démographique le plus important, mais ces allocations amèneraient un meilleur soutien, aideraient pour réduire la détresse au niveau des proches aidants. On pourrait parler de bonification des crédits d'impôt. Nous, on propose une allocation directe pour les personnes proches aidantes.

Et on peut parler de l'expérience internationale. Tel que je l'ai mentionné, la Nouvelle-Écosse a mis en place un programme offrant une allocation de 400 $ par mois, par exemple, pour les proches aidants, pour les adultes à faibles revenus et ayant un niveau d'incapacité ou de déficience élevé. Au Royaume-Uni, c'est une allocation similaire de 114 $ par semaine pour les proches aidants qui fournissent de l'assistance pendant 35 heures et plus par semaine, qui ne reçoivent pas de revenus d'emploi supérieurs à un certain niveau. Donc, dans ces allocations-là, c'est un soutien financier qui amènerait à réduire ce fardeau et cette détresse que peuvent vivre les proches aidants lorsqu'ils prennent soin de leurs aînés ou des personnes qui sont dans le besoin.

M. Poulin : Je suis de cette école de pensée où, lorsqu'on donne de l'argent aux gens, il faut leur laisser une liberté parce que c'est elle et lui... ou, en tout cas, du moins, les personnes qui reçoivent de l'argent sont les mieux à même de connaître les dépenses qu'elles doivent faire, les priorités qu'il y a. Parce qu'on sait qu'aider quelqu'un avec une maladie physique ou une maladie qui est davantage l'alzheimer, ça ne peut pas être les mêmes dépenses, ce n'est pas la même situation, ce n'est pas la même chose, que ce soit de la façon dont on souhaite adapter la résidence dans laquelle on vit ou encore les médicaments qui doivent être reliés à tout ça.

Est-ce que vous, vous pensez... Vous me parlez d'un exemple à l'international que je ne connais pas, mais est-ce que vous, vous pensez que, si jamais des sommes financières étaient données auprès des proches aidants, on devrait avoir une série de conditions pour ces dépenses-là ou encore qu'on pourrait arriver avec un montant, et ces gens-là pourraient donc le dépenser selon... quand je dis «dépenser», j'aime mieux dire «investir», parce que des fois c'est plus un investissement qu'une dépense, mais pourraient en dispenser, je vais le dire de cette façon-là, de la façon dont ils souhaitent et de leur situation à eux?

M. Shabah (Abdo) : Définitivement que chaque situation peut être unique, et donner des conditions au niveau des dépenses pourrait réduire les possibilités d'amener vraiment des soins personnalisés auprès des personnes qui sont dans le besoin. Donc, je dirais qu'il y a un équilibre à atteindre entre une certaine liberté et certaines conditions à remplir pour pouvoir accéder à ce soutien-là. Donc, c'est un équilibre entre les deux, mais il faut voir ça comme étant un élément parmi une stratégie plus globale qui comprendrait d'autres stratégies, notamment un soutien auprès des proches aidants. On a parlé, comme j'ai mentionné, des ressources pour le répit au niveau des proches aidants, du soutien psychologique, les services de soins à domicile, c'est très adapté pour soutenir les proches aidants ainsi que les personnes dans le besoin et, en fait, l'installation de technologies, des services de soins virtuels et des formations qui seraient adaptées. Donc, c'est vraiment une gamme de stratégies combinées qui permettraient d'accéder aux objectifs qu'on viserait pour des... dans une stratégie des aînés en santé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Dr Shabah. La ministre m'indique qu'elle voudrait reprendre la parole.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Moi, je rêve du jour où les médecins vont retourner grandement à domicile pour aller visiter les gens. Ce n'est pas... À mon époque, quand j'étais plus jeune, le médecin venait à domicile.

Comment on fait pour ne pas instrumentaliser le proche aidant? Moi, je me suis dit, avec le dossier... un dossier pour le proche aidant, on pourra mettre une frontière entre ce que le proche aidant peut faire et là où les soins et les services au niveau du réseau de la santé arrivent, mais comment on fait, d'après vous, là, pour faire en sorte que... C'est une frontière qui est mince, comment on fait pour la respecter le plus possible?

M. Shabah (Abdo) : En fait, je pense qu'à travers la stratégie actuelle, au niveau de la définition, à travers ce projet de loi, que je salue, on est en train de mettre les balises, en fait, la fondation de cette responsabilisation qu'on pourrait avoir au niveau des proches aidants. Je pense que, les gens, quand ils essaient... quand ils prennent le rôle de proche aidant, ce n'est pas un rôle, généralement, qui est volontaire, ça arrive souvent par besoin, et, de ce côté-là, les accompagner au mieux, on va permettre aux personnes qui sont dans ce besoin-là d'être encore beaucoup plus proches au niveau des objectifs qu'on voudrait atteindre. Là, j'ai parlé au niveau de la formation, j'ai parlé au niveau d'un soutien financier, le moindrement qu'ils ont besoin de répit, de mettre les ressources en place et de réadapter le réseau de la santé avec les soins à domicile pour les soutenir, ça créerait un environnement et des milieux favorables pour le soutien... je vais parler au niveau des aînés, mais la définition peut être plus large. Et ce qu'il faut se dire, c'est que ce n'est pas l'absence de maladie qu'on va viser, mais beaucoup plus un état de bien-être de ces gens-là, puis à travers la création de cet environnement où les Québécoises et Québécois peuvent s'épanouir en vieillissant.

• (15 h 40) •

Mme Blais (Prévost) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je vois que le député de Beauce-Sud a encore quelques questions à vous poser. Allez-y.

M. Poulin : Absolument, parce que j'écoutais la réponse que vous formuliez à la ministre puis je trouvais ça fort intéressant. Ça fait combien d'années que vous êtes docteur, monsieur?

M. Shabah (Abdo) : 15 ans.

M. Poulin : 15 ans. Vous avez côtoyé, bon, évidemment, avec votre expertise, des proches aidants. Et, depuis le début des consultations particulières, ça revient régulièrement : À quoi ça sert, une loi? À quoi ça va servir, d'avoir une loi? Puis on a un plan d'action, pourquoi on fait une loi?, etc. Puis je crois fondamentalement qu'on a besoin d'une loi, aussi, pour le message que ça peut envoyer à la communauté... je dis «à la communauté médicale», mais à l'ensemble des gens qui travaillent dans notre réseau de la santé de dire que, lorsqu'un proche aidant entre, par exemple, dans un CHSLD ou dans un hôpital, puisse être reconnu comme étant un acteur clé de l'aide qu'il peut apporter. Dans le fond, on a le même objectif, qui est de pouvoir aider le patient, la patiente, aider la personne que nous aimons et qu'on peut collaborer ensemble.

Est-ce que vous observez, depuis, donc, les dernières années, une meilleure collaboration entre la communauté médicale et les proches aidants? Et est-ce que vous pensez que la création de cette loi-là, qui... on souhaite un appui unanime des partis, ici, à l'Assemblée nationale, puisse faire en sorte qu'on puisse encore mieux crédibiliser le rôle des proches aidants auprès de la communauté médicale et des gens qui travaillent dans le réseau de la santé?

M. Shabah (Abdo) : Merci pour la question. Je vous dirais que, durant dans les dernières années, la flotte de proches aidants est extrêmement importante. On la voit de plus en plus à travers les licences d'intervention, puis je vais parler d'expériences personnelles, que ce soit à la salle d'urgence ou lorsque les patients sont hospitalisés et, plus récemment, au niveau des CHSLD, lorsque j'étais sur les unités COVID, les proches aidants avaient... c'est là où on s'est rendu compte de leur place majeure, en fait, parce que c'est des gens qui, bon, parfois, venaient visiter à tous les jours ou appelaient à tous les jours les personnes qui étaient là. Et, au niveau de ces gens-là, avec la pandémie, on s'est rendu compte que le manque de contact va avoir un impact majeur au niveau de la santé, au niveau des aînés, surtout lorsqu'on... Moi, sur le terrain, je prenais mon iPad et je faisais... à travers la télémédecine, on pouvait donner des nouvelles aux proches aidants et on pouvait le faire à tous les jours, et là on voyait l'impact que ça pouvait avoir non seulement au niveau du proche aidant, qui était rassuré qu'on en prenait soin, mais également au niveau du patient que, lui, de son côté, se reconnaissait un peu à travers la personne qui venait le visiter, parfois à tous les jours. Donc, leur place était assez... en fait, leur place est importante, dans le système, au niveau des proches aidants, mais ça a paru encore plus lors de la pandémie, de ce qu'on a pu vivre sur le terrain.

M. Poulin : ...loi, Mme la Présidente, pourrait aider à encore plus crédibiliser le rôle des proches aidants dans la communauté médicale, mais au sein de notre réseau de la santé, n'est-ce pas?

M. Shabah (Abdo) : Définitivement.

M. Poulin : D'accord. Est-ce qu'il nous reste un peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 1 min 15 s.

M. Poulin : 1 min 15 s. Est-ce que vous croyez également que... parce que je vous parle de la relation de proche aidant et, évidemment, le réseau de la santé, parce qu'on est toujours à la recherche de formations, d'outils, de comment on peut comprendre le rôle de l'un ou de l'autre. Vous, est-ce qu'avec l'expérience que vous avez vous avez ciblé, par exemple, des organismes communautaires ou est-ce que vous avez ciblé des meilleures façons qu'on puisse mieux accompagner, former les proches aidants? Et je parle, ici, au niveau de l'expertise, entre autres. Très souvent, lorsque le proche aidant va rencontrer le médecin, il est capable de pouvoir lui donner des outils, des trucs pour prendre soin de l'aidé. Mais est-ce que vous, vous avez ciblé une meilleure façon de mieux les former, de mieux les accompagner, de leur donner des meilleurs outils?

M. Shabah (Abdo) : En fait, je vais vous parler de l'expérience de l'AMC. Nous, on croit que des organismes communautaires, exemple, comme L'Appui, sensibilisent la population à la réalité des proches aidants. Leur rôle est précieux, en fait. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous sommes actuellement en discussion avec L'Appui pour convenir d'une collaboration. Donc, nous, on y croit fortement, au niveau de la place de ces organismes communautaires et de l'impact qu'ils peuvent amener pour sensibiliser l'ensemble de la population, que ce soient les entreprises, les employeurs, l'ensemble de la population sur la place que devraient avoir les proches aidants.

M. Poulin : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député. Merci, Dr Shabah. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle, avec la députée de Fabre, qui dispose de 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Dr Shabah, M. Vail, un plaisir de vous revoir. Écoutez, d'abord, dans un premier temps, je veux prendre quelques instants pour remercier les nombreux membres de votre association, les membres de la profession médicale, qui non seulement ont été essentiels à travers cette crise que nous avons vécue et que nous vivons toujours... Alors, je voulais prendre quelques instants pour que vous puissiez transmettre le message, à quel point leur contribution est essentielle.

Vous avez parlé, tantôt, de façon très éloquente, de l'importance des proches aidants auprès des aînés, à quel point la différence, elle est là, dans le rôle qui est le leur, et de le reconnaître. En même temps, on le sait tous, durant la pandémie, il y a eu ces circonstances qui ont fait que les proches aidants n'ont pas pu avoir accès pendant un bon moment auprès de leurs proches. Alors, évidemment, vous qui avez été sur la première ligne et très témoin de tout ce qui s'est passé, évidemment, ce manque de contact très humain des proches aidants envers les aînés, ça a certainement marqué leur réalité. Et, lorsqu'ils ont retrouvé la possibilité d'avoir accès enfin à leurs proches, évidemment, il y a eu les constats, il y a eu la situation de donner tout ce qu'ils avaient à pouvoir aider humainement leurs proches.

Bien sûr, ça laisse des marques sur la santé psychologique des proches aidants. Vous l'avez souligné dans votre mémoire, à quel point vous recommandez l'aide psychologique, entre autres, qui soit au rendez-vous pour soutenir les proches aidants en tout temps. Je pense que vous avez raison. Mais, de façon très accentuée, avec ce que vous avez vu et vécu et ce que vous avez connu de la situation des proches aidants tout au long de la première vague, comment est-ce qu'on peut concrètement, concrètement, avec ce projet de loi, faire des ajouts pour s'assurer qu'on a un soutien d'aide psychologique à nos proches aidants?

M. Shabah (Abdo) : En fait, merci pour la question. Je vous dirais, d'expérience, étant donné le manque de personnel qui était dans le réseau de la santé, l'interdiction de visite au niveau des proches aidants dans les établissements a malheureusement diminué l'accès et la qualité des soins à certaines personnes. Je pense que nous devons faire en sorte que les proches aidants puissent continuer à visiter les personnes aidées, et, pour réduire les risques sur leur santé, il est essentiel de leur donner, bon, une formation en prévention des infections, de l'équipement de protection individuelle complet.

Et ce qu'on a noté aussi, c'est l'impact. Quand on parle de proches aidants, il faut aussi... pas juste dans les CHSLD, il faut regarder pour l'impact au niveau des soins à domicile, et il y a quand même eu, malheureusement, une diminution de leurs services pendant la crise qui a contribué à la dégradation de la santé des personnes qui étaient aidées. Donc, il faudrait, pour les prochaines... je dirais, pour les prochaines semaines et les prochains mois, il faudrait s'assurer qu'il n'y aura pas de diminution des services, parce que ça pourrait accélérer leur institutionnalisation dans les établissements de soins de longue durée, par exemple.

Donc, le soin... d'un autre côté, le soin à domicile représente un... (panne de son) ...qui est privilégié pour les aînés, pour avoir un vieillissement actif et demeurer... (panne de son) ...et les proches aidants sont importants dans ces deux cas-là. Et, comme vous l'avez souligné, les proches aidants sont... toute la population est déjà épuisée par la pandémie, mais les proches aidants sont victimes encore davantage d'épuisement, de fatigue et de stress en lien avec ce qui se passe, là.

Mme Sauvé : Vous avez nommé, évidemment, puis vous faites bien de le dire... d'ailleurs, on avait, plus tôt aujourd'hui, le réseau des EESAD, donc, qui sont en aide à domicile et qui, effectivement, n'ont pas pu donner les services en soutien à domicile pour les raisons que l'on connaît. Donc, je veux vous ramener un petit peu au soutien à domicile, parce que vous amenez un angle intéressant. Évidemment, le soutien à domicile, c'est aussi le répit aux proches aidants, parce que, quand on est en train d'offrir ces services-là... Or, il y a des trous de services majeurs, présentement, dans la capacité à fournir les services, souvent, au-delà de 20 heures de soutien à domicile par semaine. En termes de coût, en termes de prestation de services disponibles, ce n'est pas évident. Alors, je veux vous entendre un peu. Comment on y arrive, concrètement, quand vous recommandez l'augmentation des services de soutien à domicile pour les aînés et les proches aidants? Parce qu'il y a clairement, là, un trou de services qui est difficile à pouvoir combler, présentement. Alors, comment on y arrive et comment on peut inscrire ça dans un projet de loi tel que celui-ci?

• (15 h 50) •

M. Shabah (Abdo) : En fait, tout d'abord, je voudrais juste souligner que l'initiative au niveau de la maison des aînés est une excellente initiative qui est en mesure de répondre aux besoins actuels et futurs de la population. Je pense que c'est inévitable, puis je vais prendre l'exemple du Danemark pour pouvoir illustrer un peu ma réponse. La mise en place des visites à domicile préventives annuelles pour tous les aînés de 75 ans ou plus, à travers cette initiative-là, le Danemark a pu maintenir ses aînés dans leurs milieux de vie, et le résultat, comme je l'ai souligné en introduction, a amené un gel de la construction de nouveaux foyers de soins de longue durée, et ça, c'est depuis plus de 20 ans.

Donc, je pense que d'investir davantage dans les soins à domicile, d'investir dans l'initiative de la maison des aînés en parallèle permettrait d'amener beaucoup plus de ressources à un système qui en a grandement besoin, et, éventuellement, un investissement plus accru au niveau des soins à domicile amènerait, on va dire, une approche beaucoup plus adaptée pour un vieillissement dans la communauté. Et je pense que ça serait... ce qu'on peut amener aujourd'hui comme initiatives en termes de soutien aux proches aidants, dans les deux cas, c'est quelque chose qui serait très gagnant, donc.

Mme Sauvé : Merci beaucoup pour votre réponse. Je reviens... ça va être un commentaire, puis je vais faire suivre une question. Vous avez parlé du modèle du Danemark. En même temps, ils ont pris un virage essentiel au niveau du soutien à domicile, mais ils ont quand même un moratoire sur la construction de lieux d'hébergement à échelle humaine depuis plus d'une décennie.

Je voulais revenir sur la formation, parce que vous l'avez inscrit dans votre mémoire, puis je fais le lien par rapport à la réalité très, très concrète des proches aidants, qui se retrouvent à vouloir aider leurs proches, mais, en même temps, la situation de la perte d'autonomie, elle évolue. Pour chacune des situations, il y a une réalité de perte d'autonomie qui est bien distincte. Est-ce que vos besoins de former les proches aidants, c'est en lien avec... de donner la capacité et les outils d'aide aux proches aidants pour être capables de bien suivre, justement, l'évolution de la situation de santé de leurs proches? Est-ce que c'est ça, l'objectif? Sinon, je voudrais vous entendre un peu plus sur le type de formation qui pourrait être envisagée.

M. Shabah (Abdo) : Merci pour la question, et, oui, c'est exactement l'objectif, c'est d'avoir une formation adaptée pour des soins qui seraient encore plus personnalisés. Je pense que, tel que vous l'avez souligné, il y a une évolution au niveau du contexte et de la situation de la personne qui est en vieillissement, et le proche aidant doit s'adapter, tel que cela le requiert, et la formation devrait être adaptée pour offrir ces soins qui seraient encore plus personnalisés. Donc, de mettre en place cette formation et d'accompagner les proches aidants à travers cette formation-là est un élément important pour les aînés.

Mme Sauvé : ...beaucoup. Je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee pour une période de trois minutes.

M. Birnbaum : Ah bon, il reste quand même un petit peu de temps. Bonjour, messieurs. Merci pour votre exposé fort intéressant et éclairant. J'ai tendance à comprendre, comme on a entendu d'autres, qu'il y a un virage énorme qui s'impose. Vous parlez d'un système qui n'est pas à la taille de la crise actuelle qu'on est en train de vivre ni à l'évolution de notre société, bon, quoi, le vieillissement de la population, la possibilité pour plus de monde de rester à la maison pour plus longtemps, et tout ça. Donc, ce projet de loi ne risque que d'être un morceau dans un casse-tête assez compliqué et complexifié si on est pour s'adresser à cette situation ensemble. Quand même, c'est un... Vous avez fait allusion à une liste de choses qui sont nécessaires pour accompagner les proches aidants davantage, pour assurer que le rôle est protégé au sein du système et respecté de façon claire par les établissements, les institutions qui aident nos gens en difficulté. Pouvez-vous, il ne me reste pas grand temps, mais parler d'un, ou deux, ou quelques exemples plus concrets où le projet de loi pourrait être davantage aidant, au moins sur cette piste continuelle? Vous avez parlé de plusieurs gestes à faire. Y a-t-il des façons de bonifier le projet devant nous pour en aller plus loin?

M. Shabah (Abdo) : Merci pour la question. Je vais être bref, je pense que d'investir au niveau de tout ce qui est des soins virtuels est une avenue extrêmement importante pour les soins aux aînés. Les soins à domicile devraient être favorisés, valorisés. Et, vraiment, le soutien aux proches aidants à la fois au niveau financier, à la fois au niveau de la formation, à la fois au niveau de la reconnaissance sont tous les éléments qui font partie des composantes d'une stratégie qui serait plus intégrée, qui amènerait des soins qui seraient beaucoup plus uniformes, avec des objectifs qui sont beaucoup plus ambitieux, pour aider, en fait, à la fois les aînés et les proches aidants. Donc, je pense que d'encapsuler tous ces éléments-là dans un projet de loi intégré aiderait énormément à créer des environnements et des milieux favorables pour nos aînés.

M. Birnbaum : Merci. C'est bon.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Shabah. Merci beaucoup, M. le député. Je me tourne maintenant du côté du député de Rimouski, qui dispose d'une période de 2 min 45 s.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Moi, je crois à ce projet de loi là, mais c'est un projet de loi-cadre, beaucoup de... On verra le fruit de tout ça avec les plans d'action qui vont suivre. Ça fait que c'est un projet de loi qu'il faut comme bien installer, mais, les plans d'action qui vont suivre, on verra s'ils vont être bons ou pas, puis ça va dépendre. Ça fait que, pour moi, c'est comme ça je le vois. C'est un lancement, puis je crois que les prochains plans d'action devraient être bons, j'espère beaucoup, mais on collaborera.

Dans votre mémoire, vous dites «que le gouvernement fédéral crée une prestation pour les soins aux aînés qui constituerait une façon plus facile, équitable et efficace d'aider autant les proches aidants que des bénéficiaires de soins». Vous voyez le gouvernement fédéral là-dedans. Comment vous voyez ça? Comment... Parce que ça serait probablement dans un projet plan d'action. Est-ce que vous verriez, je ne sais pas, une entente fédérale-provinciale sur le soutien aux proches aidants ou... J'essaie de voir comment vous voyez vraiment le fédéral jouer dans ce qu'on est en train de discuter.

M. Shabah (Abdo) : En fait, je ne veux surtout pas m'immiscer dans les relations fédérales-provinciales...

M. LeBel : Vous l'avez fait un peu.

M. Shabah (Abdo) : ...et les questions constitutionnelles, mais je voulais juste... Soyez assuré que l'AMC appuiera toute mesure visant à bonifier le support financier aux proches aidants. Donc, c'est vraiment l'esprit, un peu, de notre intervention, de notre commentaire. Et je pense qu'il y a des discussions qui vont avoir lieu, et, de ces discussions-là, tant que c'est au service des proches aidants, nous, l'AMC, on en sera en appui.

M. LeBel : ...ce que vous dites, d'autres l'ont amené, là, on voudrait comme mieux coordonner le soutien aux proches aidants pendant la proche aidance... puis là j'ai appris un nouveau mot, l'autre jour, la «postaidance». Il faudra s'assurer... et on aurait intérêt... autant ce qui est donné du fédéral par le régime de l'assurance-emploi, on aurait intérêt à faire quelque chose qui soit mieux coordonné. Moi, je trouve que votre position est intéressante si, en bout de ligne, c'est par une politique très claire qu'il appartient à Québec de gérer ce soutien aux proches aidants.

Plus tard dans votre mémoire, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, vous parlez de maisons de répit. C'est parce que j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose, là. Quand vous parlez de maisons de répit pour les proches aidants, de quoi vous parlez, exactement?

M. Shabah (Abdo) : En fait, peut-être que vous le savez, les proches aidants peuvent subir énormément de stress et de détresse. L'épuisement ainsi que la perte de revenus peuvent contribuer à la détresse psychologique des proches aidants. Ces derniers peuvent également se sentir dépassés par la charge de travail et l'évolution de la maladie, et ils assument déjà de nombreuses responsabilités, notamment financières, alors les maisons de répit seraient... viendraient en aide. Ça peut être certains centres... c'est des ressources, en fait, qui auraient une offre élargie de soins et de services au niveau des proches aidants, et ça peut être aussi à la fois au niveau soins à domicile, donc des soins reliés à l'épuisement, à la fatigue, au stress, traitement de blessures.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Shabah, c'est tout le temps dont nous disposions. Alors, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre le temps de quelques instants, le temps d'installer la prochaine visioconférence. Encore une fois, merci.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 01)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Nous reprenons les travaux. Alors, nous en sommes maintenant à l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés, à qui je souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé.

Association québécoise des centres communautaires
pour aînés (AQCCA)

(Visioconférence)

M. Guérard (André) : Merci, Mme la Présidente. Merci à la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants et aux membres de la commission de nous permettre d'émettre nos opinions sur le projet de loi n° 56, qui nous semble très important. J'aurais une pensée particulière, en cette période très difficile, pour toutes les personnes décédées, malheureusement, de la pandémie et, bien sûr, toutes les personnes endeuillées, particulièrement, bien sûr, les proches aidants.

Je soulignerais d'entrée de jeu que je tiens à souligner tout le travail qui s'est fait dans le milieu communautaire, dans les centres communautaires pour aînés, qui se sont revirés très, très rapidement — bien, comme on dit, se retourner sur un dix cents — pour faire en sorte de rejoindre les aînés plus vulnérables à domicile en transformant leur façon de faire. Et, comme c'est la Semaine québécoise des centres communautaires pour aînés, bien, je leur offre toute mon admiration, je dirais.

Donc, je suis André Guérard, directeur général de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés, une association qui accompagne 60 centres membres dans 14 régions au Québec, dont les objectifs principaux — vous me permettrez de faire référence à mes notes, quand même, de temps à autre — sont de favoriser la participation sociale des aînés, d'aider à maintenir l'autonomie physique et intellectuelle des aînés, de stimuler l'entraide sous diverses formes, de faciliter le maintien et le développement du pouvoir d'agir et la participation des aînés à l'amélioration de leurs conditions de vie et de susciter le développement de projets communs et novateurs.

En exemple, je citerais un projet auquel tous les groupes, ou presque, ont adhéré, mais il y a maintenant une réalisation à la grandeur du Québec grâce à un programme qui sont les initiatives de travail de milieu auprès des aînés vulnérables. Uniquement par cette façon de faire, on rejoint, dans les centres communautaires pour aînés, oui, les aînés en situation de vulnérabilité, mais de nombreux proches aidants qui côtoient aussi... et participent aux activités des centres et reçoivent des services, que l'on parle des services en alimentation, en accompagnement pour rendez-vous médicaux, différentes formes, aussi, d'ateliers et de conférences, de cours, tout ça... qui font en sorte que la personne peut maintenir son pouvoir d'agir et, en même temps, développer des nouvelles aptitudes, je dirais, parce que ça se développe à tout âge et jusqu'à 100, 102 ans et plus, j'oserais dire.

On est conscients de la diversité qui existe au sein de la famille des proches aidants — proches aidantes, je dirais, surtout, puisque c'est essentiellement, je dirais, féminin, souvent, la situation des proches aidants — mais c'est sûr que notre expertise est en lien directement avec les aînés dans tout ce que l'on aura nommé ou qu'on nommera au cours de cette présentation.

Par leurs services et activités, les CCA rejoignent un grand nombre de personnes proches aidantes et constatent que, bien souvent, ces dernières ne se reconnaissent pas dans ce rôle. Nous espérons que le projet de loi — et la politique qui en découlera — permettra au plus grand nombre de mettre en valeur le travail qu'elles accomplissent et que les mesures mises en place freineront l'appauvrissement, l'épuisement et l'isolement de toutes ces personnes.

Peut-être, en point de départ, souligner l'importance d'un soutien financier équitable envers l'ensemble des personnes proches aidantes. Les différentes situations vécues par ces personnes méritent grandement qu'on s'attarde à ce fléau que représente l'appauvrissement de celles et ceux qui soutiennent les personnes plus vulnérables de notre société. Il en va de même pour les organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes vulnérables et aux personnes proches aidantes. Et il serait important d'apporter des modifications aux différents modes de financement en augmentant les sommes allouées à la mission globale des organismes et ainsi éviter de toujours avoir recours au financement par projets, qui n'assure que très peu souvent la pérennité des solutions développées par les groupes agissant directement sur le terrain et qui, en plus, provoque énormément de gestion administrative.

Nous croyons que le projet de loi n° 56 sera indispensable dans les années qui viennent en fonction, notamment, du vieillissement accéléré de la population, mais il faut s'assurer de mettre rapidement l'emphase sur le développement et l'augmentation des soins et services à domicile afin d'améliorer immédiatement la réponse aux besoins des aînés en santé et services sociaux. Ainsi, le gouvernement confirmerait d'ores et déjà la reconnaissance et le soutien aux personnes proches aidantes, puisqu'elles n'auraient plus à s'inquiéter de l'absence de soins et de services pour les personnes qu'elles assistent.

Si vous avez eu le temps de prendre connaissance de notre document, qui, soit dit en passant, n'a pas la forme conventionnelle d'un mémoire... mais c'est certain qu'on a un peu accroché sur des termes comme «significatif», mais il y a d'autres points, là, sur lesquels nous désirons porter votre attention. En particulier, je dirais qu'il serait bien que le projet de loi... qu'à l'intérieur du projet de loi il y ait quand même un certain délai de fixé pour s'assurer, justement, que toute cette politique... toute la politique et tous les plans d'action seront mis en place dans un délai que je qualifierais de raisonnable, compte tenu que je crois qu'il y a quand même urgence d'agir au niveau, justement, de l'aide aux proches aidants.

Je peux peut-être laisser la parole, si ça convient. Sinon, je pourrais avancer dans les recommandations que l'on faisait, mais les gens pourraient tout de suite me poser des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Si c'est votre souhait. Vous avez quand même encore 4 min 35 s, c'est... je vous laisse...

M. Guérard (André) : Ah! bien, écoutez, je vais les prendre. Je ne voyais pas le temps que j'avais.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y, allez-y. Je vous ferai signe dans les 30 dernières secondes.

M. Guérard (André) : Pas de problème. Donc, si on va dans les avis et recommandations, si on va au deuxième considérant de la page 5 de la loi, nous avions noté que... je vais lire le considérant : «Considérant que les responsabilités inhérentes au rôle des personnes proches aidantes peuvent entraîner des répercussions significatives sur leur qualité de vie.» Nous, on ajoutait, à ce considérant-là, «des répercussions significatives, à court, moyen et long terme». On sait très bien que, du jour au lendemain, on peut devenir proche aidant, mais que l'impact... que la personne que l'on assiste guérisse ou, bon, malheureusement, décède, il reste que les impacts à long terme pour le proche aidant sont quand même importants, souvent psychologiquement et peut-être financièrement aussi. Mais je crois qu'il faudrait peut-être, à quelque part dans le temps, faire en sorte qu'on soutienne les proches aidants plus longtemps que dans la période de proche aidance, je dirais.

Au chapitre I, justement, je soulignais que ce serait intéressant qu'il y ait un échéancier de déterminé pour, justement, adopter la politique nationale et les plans d'action qui en découleront.

Toujours au chapitre I, à l'article 2, on accrochait, comme plusieurs personnes, je crois, sur le mot «significatif», et je me permettrais, là, de lire la recommandation : «Il serait préférable de retirer le mot "significatif" du projet de loi afin d'éviter toute ambiguïté et tout jugement quant aux rôles assumés par les personnes proches aidantes. Les différentes situations de vie des aidantes et aidants peuvent évoluer et faire en sorte que la personne significative identifiée au départ ne puisse plus assumer ce rôle de manière permanente pour des raisons tout à fait personnelles ou circonstancielles. Notons également que plusieurs personnes peuvent être très significatives pour la personne aidée, et il pourrait s'avérer complexe pour cette dernière de qualifier les membres de son entourage pour lui offrir l'aide dont elle a besoin.»

Parce que, pour nous, je vous dirais, au départ, la proche aidance, c'est quand même le rôle d'une équipe. L'aidé fait partie de l'équipe, le réseau fait partie de l'équipe et, bien sûr, la personne proche aidante. Alors, on pense que tous ces gens-là doivent être un peu dans la même... je vais utiliser un terme actuel mais pas péjoratif du tout, dans la même bulle. Et il faut, autant au niveau des services de santé, que soit considérée autant la personne aidée que la personne proche aidante, mais dans une dynamique, justement, de valorisation des rôles, mais aussi de compréhension par la personne aidée et la personne aidante.

Au chapitre II... Oui?

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y.

M. Guérard (André) : O.K. Au chapitre II...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste 1 min 30 s.

M. Guérard (André) : D'accord. Au chapitre II, article 3, on parlait beaucoup aussi de consultation des personnes proches aidantes. Nous, on apprécierait, justement, dans cette même dynamique que j'expliquais, que des personnes aidées fassent partie des comités, autant de l'observatoire que du Comité de partenaires. On pense que c'est important d'avoir l'avis, justement, des personnes aidées, compte tenu que ce sont quand même elles qui vivent avec la maladie, la situation, mais je crois que les personnes aidées ont une sensibilité envers leurs proches aidants, peut-être pas toujours, mais, justement, ça pourrait faciliter cette sensibilité, et d'inclure des personnes aidées par quelque moyen, là, que ce soit, ça pourrait être, je crois, enrichissant pour ce projet de loi là. Je crois que je pourrais m'arrêter ici.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Ça va, il n'y a pas de problème. Alors, on va tout de suite débuter la période de questions, M. Guérard, avec une période de 16 min 30 s qui est accordée à la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Blais (Prévost) : Merci, Mme la Présidente. M. Guérard, je vous souhaite un bon anniversaire, et c'est vrai, c'est la semaine qui reconnaît l'action des groupes communautaires pour les aînés. Je sais que vous êtes très, très préoccupé par la qualité de vie des aînés puis que le projet des ITMAV est un projet que vous avez à coeur, que vous aviez à coeur, que vous avez encore, qui fait maintenant partie d'un programme du Conseil du trésor. Ça a pris un peu de temps, mais maintenant il a été accepté officiellement. On a augmenté le salaire, alors les ITMAV sont avec nous pour longtemps. On en a de besoin parce que c'est vraiment des personnes... ce sont des intervenants de milieu qui vont vraiment vers les personnes les plus isolées. Je vous remercie.

Vous êtes très favorable au projet de loi n° 56. Vous dites que c'est une adoption qui est essentielle, on va assurer la reconnaissance. Vous parlez des soins et des services à domicile, comme plusieurs groupes, comme nous aussi. On pense que c'est fondamental. Juste pour donner une perspective, là, depuis 2018‑2019, c'est 480 millions récurrents qui s'ajoutent au 1,7 milliard, presque, de dollars annuellement, plus le Programme d'exonération financière pour les services d'aide domestique, c'est presque 98 millions. Donc, on voit que les investissements se font de plus en plus pour que les gens restent à domicile le plus longtemps possible, et ça va de pair aussi avec les proches aidants, hein, parce que ce sont les proches aidants, bien souvent, qui viennent donner des soins aux personnes à domicile.

Vous parlez de retirer le terme «significatif», je vais vous dire que vous n'êtes pas le seul, il y en a d'autres, aussi, qui nous ont demandé de le retirer. Vous parlez aussi d'un échéancier pour déposer le rapport. C'est à l'article 42, on a un an pour déposer le plan d'action, puis évidemment la politique doit être déposée bien avant. On a fait de nombreuses consultations, il nous en reste une dans le réseau de la santé, et toutes les consultations ont été faites. Alors, oui, on a consulté énormément.

J'aimerais vous entendre parler, avant de céder la parole à mes collègues, sur toute cette notion de proche aidant... de postaidance. Parce que, c'est vrai, on veut prendre soin des proches aidants, mais, quand la personne... admettons que la personne décède, le proche aidant, il se retrouve seul. Qui va l'appeler? Qui va s'occuper de lui ou d'elle? Qui va s'occuper de sa détresse psychologique, de son deuil, de cette personne-là qui va être endeuillée d'avoir perdu quelqu'un, quand on voit qu'un proche aidant peut passer des années avec une personne aidée? Je veux vous entendre parler de notion de postaidance.

M. Guérard (André) : Écoutez, je pourrais aller d'une réponse très, très simple et vous dire que, dans les centres communautaires pour aînés en particulier, c'est certain qu'on continue d'accompagner les gens qui sont en lien parce que, souvent, ce sont ces aînés que l'on rejoint. Donc, ces gens demeurent en lien, quand même, avec l'organisation, avec, on en parlait, des travailleurs de milieu, mais avec aussi toute personne, tout bénévole dans les différents groupes communautaires. Je ne crois pas que le lien se soit dissout aussitôt qu'une personne aidée soit décédée. C'est ce qu'on souhaite enfin qu'il se réalise.

Je vous parlerai, par contre, peut-être plus d'expérience personnelle, puis là c'est toujours un peu gênant, mais ayant vécu moi-même... comme je le disais tout à l'heure, on devient proche aidant du jour au lendemain sans le savoir, mais, pour avoir vécu une situation de ce genre, je peux vous dire que... bon, mon conjoint, qui a eu un cancer il y a trois ans, maintenant rétabli, il y a encore des suivis, et tout ça, mais je peux vous dire que moi, en tant que proche aidant, je n'ai pas arrêté d'être proche aidant, même si, actuellement, il ne requiert pas de soins, O.K.? Je suis proche aidant, je suis devenu proche aidant au mois d'août 2017 et je crois que je vais le rester jusqu'à la fin de mes jours ou des siens. Cet état d'esprit là a besoin, je crois, d'accompagnement. Moi, bon, je suis en lien avec les ressources, et tout ça, mais il reste que je crois que plusieurs proches aidants vont se retrouver dans cette situation où on ne naît pas proche aidant, on le devient, souvent, tout à coup et on le demeure. Les inquiétudes demeurent quand même, même si la situation est rétablie.

Et, dans le cas des personnes qui seraient endeuillées, eux aussi, je crois, vivent avec tout ce, comment je dirais... je n'aime pas utiliser des termes qui semblent lourds de sens, mais toute cette histoire, on vit avec, on demeure avec, et je crois qu'à ce niveau-là, psychologiquement, les aidants, les proches aidants ont besoin d'un accompagnement à plus long terme que dans la période de proche aidance. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre...

Mme Blais (Prévost) : Ah! vous avez totalement raison, je vous comprends tellement quand vous dites ça. Alors, je tiens à vous remercier, parce que je sens que mes collègues meurent d'envie de vous poser des questions, M. Guérard. Merci pour ce que vous faites, hein, encore une fois.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je vois que la députée de Soulanges veut prendre la parole, et je vous indique qu'il reste 11 min 8 s.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Guérard. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui.

Je vois que les proches aidants, quand ils deviennent proches aidants, en fait, souvent, ça peut être drastiquement, mais ça peut être aussi graduellement. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup trop... bien, peut-être pas beaucoup trop, mais il y a beaucoup d'information autour d'eux, et souvent ils se retrouvent vraiment perdus à travers toute cette information-là, que ce soit au niveau communautaire, que ce soit au niveau des ressources gouvernementales et tout. Vous avez parlé de formations, dans votre mémoire. J'aimerais savoir... dites-m'en plus sur quel genre de formations puis quel genre d'outils on pourrait prendre pour former les proches aidants sans qu'ils aient nécessairement une pression, là, dans les résidences familiales au niveau des soins à domicile.

M. Guérard (André) : Oui, c'est toujours complexe au niveau de la formation, et, comme on l'indiquait dans notre mémoire, il faut que la formation ait un objectif non pas de faire en sorte que les proches aidants deviennent des professionnels de santé et services sociaux — il faut s'éloigner, et on le nomme à deux places dans notre mémoire — mais justement pour un peu les accompagner. Et souvent on se retrouve dans une situation avec des intervenants, justement, en santé et services sociaux, on rencontre physiothérapeutes, ergothérapeutes, médecins, infirmières, intervenantes pivots et on reçoit l'information... (panne de son) ...d'un bloc avec des beaux petits documents. Mais c'est très utile, sauf qu'on est déjà dans une situation où la vie nous semble plus complexe, et toute cette information-là est très lourde à gérer, à digérer, si je pourrais dire. Alors, je crois que, là, il y a une simplification à faire au niveau de l'information qui est offerte aux proches aidants, peut-être une centralisation. Encore là, il faut faire attention parce que, d'une région à l'autre, les services peuvent être différents, que ce soit par les CISSS, les CIUSSS ou les groupes tout simplement sur le terrain. Il faut arriver à réinventer un peu la roue sur la diffusion de l'information, mais, au-delà de ça, je pense qu'il y a un besoin important de personnalisation de ce type d'intervention là et de formation là.

Et là je ne dis pas... Écoutez, pour moi, les travailleurs en santé et services sociaux font des miracles, font tout ce qu'ils peuvent. Il y a peut-être moyen de réorganiser un peu toute cette avenue-là pour faciliter le départ, je dirais, pour les proches aidants, justement, dans tout cet univers qui est très, très, très complexe. On parlait de finances, tout à l'heure, ça aussi, ça devient, à un moment donné, très complexe, quand on parle de crédit d'impôt, avec lesquels nous avons une certaine réserve parce que les crédits d'impôt ne répondent pas nécessairement aux besoins actuels, pressants des personnes, mais là aussi il faut une simplification de l'information.

Au niveau de la formation, c'est peut-être celle que je vous disais, il faut qu'il y ait un accompagnement un peu plus personnalisé pour les proches aidants, faire en sorte qu'ils comprennent bien leur rôle, l'impact que ça aura sur leur vie et tout autant sur la qualité de vie de la personne aidée. Mais il faut, justement, qu'on prenne conscience de ce que c'est, ce n'est pas toujours simple, puis ça peut être très, très, très agréable, hein, il ne faut pas faire peur au monde, mais il faut que les gens comprennent bien ce que ça représente.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. Guérard. Mme la ministre m'indique qu'elle a encore quelques questions à vous poser. Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Non, ce n'est pas vraiment une question, Mme la Présidente, c'est juste pour vous informer, M. Guérard, parce que c'est vrai que l'administration, c'est lourd et qu'il y en a, de la paperasse, bien souvent. Et, dans les travaux qui sont en cours pour la politique nationale, il y a toute la question, dans l'axe 2, de la simplification des démarches administratives gouvernementales pour les personnes proches aidantes par Services Québec, ça fait qu'on veut réduire ça. Parce que, vous avez raison, quand on est proche aidant, là, on est bouleversé, alors, si c'est compliqué en plus, bien là, à un moment donné, on ne va pas chercher non plus les services. Il faut que ce soit simple, quand c'est le temps d'aller chercher les services. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Est-ce que j'ai d'autres intervenants? J'ai le député de Beauce-Sud, qui lui reste 6 min 32 s.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous salue, M. Guérard, merci pour votre exposé. Vous nous avez ouvert une porte de votre vie personnelle, tout à l'heure, puis je vais entrer, mais de façon très délicate. Vous avez dit que vous êtes devenu proche aidant du jour au lendemain, et il y a une difficulté de se reconnaître dans ce rôle-là de proche aidant, à un moment ou à un autre. Dans votre entourage, comment c'était vécu? Parce que je sais que, dans le rôle des centres communautaires pour aînés, on se doit d'informer les gens de ce qu'une personne vit et que ça pourrait nous arriver, nous aussi. Et moi, j'ai eu des proches qui sont devenus des proches aidants, puis des fois il faut les écouter, il faut les aiguiller, il faut leur donner du répit, il faut trouver une façon d'être à leur écoute aussi. Alors, est-ce que vous pensez qu'autour de vous il y avait une compréhension de ce que c'était, un proche aidant?

M. Guérard (André) : Sans trop vous donner de détails sur ma vie personnelle, je vous dirais que je suis quand même natif de Québec, donc ma famille est à Québec. Mon conjoint et moi, on vit à Montréal depuis de nombreuses années, donc c'est sûr que la problématique familiale se posait moins s'il y avait... (panne de son) ...problématique, et je crois que non. J'ai eu de l'offre de mes soeurs de venir nous aider aussi. Du milieu du travail, c'était, écoutez, d'une qualité exceptionnelle, je crois que toute l'équipe comprenait très bien la situation qui se vivait, et m'accompagnait, et m'offrait de l'aide.

Où c'était plus complexe, plus complexe, je vous dirais que c'était peut-être moi, où, quand on rentre dans cette roue, rendez-vous médicaux et accompagnement, soins, en particulier, à la personne, c'est qu'on ne trouve même plus le temps de prendre le téléphone pour demander de l'aide, alors il faut qu'elle soit rapidement disponible, il faut qu'on le connaisse un peu au départ et il faut informer la population de ces possibilités. Parce que j'ai eu des offres, il y a des gens qui m'ont offert de l'aide, il n'y avait aucun problème, j'aurais pu en avoir autant que j'en voulais, mais il y a aussi tout cet aspect de proximité avec la personne. On a un peu de la difficulté à laisser entrer, je dirais, plein de gens dans notre environnement, de s'adapter, parce que ça demande... à chaque nouvelle personne, il y a une adaptation qui doit se faire.

Donc, tout ça fait en sorte que le proche aidant... en plus, on ne se reconnaît pas proche aidant, je vous dirais. On est dans un engrenage, si je pourrais dire, puis ce n'est pas péjoratif, mais qui fait en sorte que, woups! la vie s'en va par là, et on suit un peu. Alors, je crois que c'est dans ce sens-là où la formation ou la sensibilisation à la population est importante. Il faut prévoir, justement, là, un peu que, peut-être, un jour, on sera proche aidant.

M. Poulin : Bien, c'est vrai, ce que vous dites. Moi, je me souviens, ma mère, je lui disais : Pourquoi quelqu'un ne s'occupe pas de papa? Puis elle me disait : Le temps que je lui explique, l'énergie que je vais prendre à lui expliquer, je suis mieux de le faire moi-même. Alors, la notion de répit devient encore plus difficile dans ces moments-là.

Et parce que vous êtes un organisme important qui offrez... qui êtes présent un peu partout au Québec, c'est justement là où on se doit d'offrir des ressources un peu partout et de sensibiliser la population à un proche aidant dans notre famille puis comment on peut l'aider et l'accompagner.

Vous avez dit très clairement, d'entrée de jeu, que vous étiez en faveur de la loi qui est présentée par la ministre des Aînés et responsable des Proches aidants. Est-ce que vous pensez que ça va permettre d'encore plus légitimer auprès de la population ou, du moins, de rendre très légitime auprès de la population le rôle de proche aidant, y compris dans notre entourage, auprès de nos familles, auprès de nos amis, si une loi est adoptée, d'autant plus si elle est unanime à l'Assemblée nationale?

M. Guérard (André) : Moi, je crois que oui. Je vous dirais que ce n'est peut-être pas la loi en tant que telle qui va faire que la population va être sensibilisée suffisamment, les proches aidants, tout ça, ça va être les actions qui vont être posées par la suite. Comment on amène tout ça auprès de la population? Je crois qu'on est capables de faire des campagnes de sensibilisation importantes, mais il faut aussi que, encore une fois, toute l'information soit simple. Moi, pour moi, ça ne peut être qu'un plus, justement, de faire prendre conscience à la population en général mais aussi aux intervenants en santé et services sociaux et dans, j'oserais dire, tout le ministère, justement, du besoin d'accompagnement des proches aidants, de la compréhension du rôle et de tout ce que ça peut représenter parfois de négatif mais parfois positif, hein? Il y a quand même de très beaux vécus en tant que proche aidant.

Donc, oui, pour moi, on est à un moment où c'est essentiel, compte tenu, comme on disait, du vieillissement de la population. Il faut valoriser ce rôle-là, mais il faut accompagner beaucoup, beaucoup les proches aidants, toujours en dynamique, je vous dirais, d'équipe, autant la personne aidée, que les proches aidants, que les groupes communautaires, intervenants en santé et services sociaux, c'est un tout. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Poulin : Oui, oui, non, très, très bien. Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...

M. Poulin : Une minute. Vous m'amenez sur la trajectoire qu'un proche aidant peut avoir, vous dites : Ça forme un tout, le réseau de la santé et les organismes communautaires. On a parlé, tout à l'heure, des maisons de répit qui sont très importantes. La loi permettrait aussi de rendre plus claire cette trajectoire-là des services qui peuvent être offerts pour un proche aidant. Alors, diriez-vous, un, qu'actuellement la trajectoire peut être encore plus claire? Et certainement que l'arrivée d'une loi va rendre encore plus claire la trajectoire pour nos proches aidants au Québec, à travers, évidemment, on le comprend, un plan d'action qui va être bonifié de différentes mesures, mais on va se permettre d'inscrire dans une loi un certain schéma de valeur qui est important pour les proches aidants, là.

M. Guérard (André) : Oui, tout à fait, je pense que la loi participera justement à établir... à préciser une certaine trajectoire, à éclaircir un peu le chemin, j'oserais dire, mais effectivement je crois que, comme je disais, ça peut être différent d'une région à l'autre, tout ça, et il faut qu'il y ait un certain... je fais attention au modèle de trajectoire, et d'accompagnement, et de services, mais, pour moi, ça ne peut que favoriser ce type de développement.

M. Poulin : Merci, M. Guérard.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Merci beaucoup, M. Guérard. Nous en sommes maintenant arrivés au temps imparti à l'opposition officielle. Mme la députée de Fabre, vous avez 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Bonjour, M. Guérard, un plaisir de vous revoir. Alors, écoutez, d'entrée de jeu, je veux vous souhaiter une très bonne semaine des centres communautaires pour aînés. Vous avez bien fait de nommer... il faut renommer à quel point les centres communautaires pour aînés ont joué un rôle fondamental auprès des aînés et des proches aidants durant la pandémie.

D'ailleurs, je vais me permettre un petit élan lavalois, là, de quelques secondes et vous dire que j'ai été en grande discussion avec l'organisme CATAL, récemment, entre autres, et, vraiment, là, le travail qu'ils ont fait à se réinventer, à faire en sorte que, dans cette agilité qu'on connaît bien de l'action communautaire, ils ont été capables d'adapter les activités de façon virtuelle, de rester en lien avec les aînés... Alors, bravo à vous et très bonne semaine nationale. Alors, c'était mon petit mot d'entrée.

Je veux vous dire aussi à quel point, tout en se ramenant un peu à la situation exceptionnelle de la pandémie, vous êtes en lien avec les différents centres communautaires, et dans toutes les régions du Québec, et clairement ils ont développé beaucoup de nouvelles pratiques, et tout ça, ils ont été dans l'innovation, ils ont trouvé des nouvelles façons de faire. Et je me demandais si, au-delà, alors qu'on a un projet de loi sur la table... Qu'est-ce qui a été différent? Qu'est-ce qui a émergé comme bonnes pratiques, comme nouvelles façons de rester en lien avec les aînés et les proches aidants? Qu'est-ce qui émerge un peu de ces initiatives-là de vos centres communautaires qui mériterait qu'on puisse l'inclure ou, à tout le moins, pouvoir y laisser une place dans le projet de loi n° 56?

• (16 h 30) •

M. Guérard (André) : Pour moi, c'est toute la proximité qu'il y a avec les gens. L'intervention, oui, parfois, s'est déroulée de façon virtuelle, beaucoup de liaisons téléphoniques. Au-delà de ça, il y a eu la livraison, quand même, de services à domicile, on parle de livraison de repas, tout ça a été réaménagé. Je crois que ça a fait prendre conscience aux groupes à quel point, justement, ils avaient un rôle essentiel dans la communauté.

Et, malgré toute cette dynamique très particulière, les équipes se sont, je dirais, resserrées. Il y a eu une action un peu partout. Bon, ce n'est pas égal partout, partout, mais il y a eu quand même une action, je dirais, de solidarité dans les groupes mêmes, à l'intérieur des équipes, pour supporter les bénévoles, pour supporter les travailleurs, pour supporter les directions qui en avaient lourd sur les épaules et pour arriver à réinventer la roue. Alors, parfois, il y avait peut-être des gens qui étaient un petit peu découragés de la situation, mais, woups! il y avait un membre de l'équipe qui, lui, reprenait le flambeau.

Mais c'est surtout... moi, ce que j'ai admiré, c'est toute cette sensibilité à rejoindre les aînés, je dirais, coûte que coûte, même si parfois il y a même des aînés qui ont trouvé ça un petit peu lourd, mais au moins on était en contact avec ces personnes-là et on pouvait peut-être traduire un peu l'information, justement, qui était diffusée, qu'on comprend qu'elle était adaptée au jour le jour, mais de clarification, ce rôle-là était important.

Mme Sauvé : Quand vous parlez de ça, cette agilité, cette solidarité entre les organismes et peut-être même des nouveaux partenariats qui ont émergé, j'en suis convaincue, quand je regarde ce qui se passe sur le terrain, dans mon comté puis à Laval, c'est clair qu'il y a des nouveaux partenariats, des gens qui ont appris à travailler ensemble dans cette première vague.

Est-ce que vous n'avez pas le souci, parce que vous l'avez nommé dans votre mémoire, qu'on aille vraiment beaucoup plus loin dans la notion du partenariat, qu'on puisse traduire cette agilité qui va suivre un peu les besoins des proches aidants? Parce que, là, on n'a pas... clairement, on a besoin de préciser des choses par rapport au partenariat, mais vous savez, vous comme moi, que le partenariat communautaire autour des aînés, des proches aidants, ce n'est pas quelque chose qui s'improvise du jour au lendemain, c'est quelque chose qui se construit, qui se coconstruit. Alors, ça pourrait ressembler à quoi, là, des conditions gagnantes, là, pour un partenariat qui est bien inscrit dans le projet de loi?

M. Guérard (André) : Je vais revenir à quelque chose de très habituel pour les groupes communautaires et... Vous savez, dans la tourmente qu'on a eue, mais au cours des ans aussi, le souci de bien faire les choses et aussi de répondre le plus adéquatement possible aux besoins de la population font en sorte que les groupes vont souvent chercher du financement par projets, et on entre là-dedans, puis ça provoque une gestion administrative assez intense, on entre là-dedans, puis, à un moment donné, bien, le partenariat, sans le mettre de côté, il est moins valorisé. Et, moi, la solution à ça, c'est justement de permettre aux groupes d'avoir... Quand je parlais de financement à la mission globale, c'est dans la même optique, c'est de permettre, justement, cette liberté d'action plutôt que de développer constamment des projets et de faire en sorte que les gens aient plus de difficultés à développer des partenariats. En même temps, je vous dirais qu'actuellement, effectivement, il s'en est développé de superbes, de très, très belles, expériences, mais justement les gens n'étaient pas en développement de projets, on était dans une réponse urgente, et tout ça a fait que, forcément, les gens se sont ralliés, peut-être pas partout.

Mais moi, je pense qu'il faut, évidemment, augmenter — et je suis du communautaire — augmenter le financement des groupes communautaires, mais un peu laisser de côté tout ce qui est financement par projets pour faire en sorte que, justement, on puisse accompagner un peu mieux le partenariat, la concertation et ces choses-là, et faire en sorte que les gens y trouvent leur compte. Mais, vous savez, le partenariat, comme vous le disiez, ça ne se fait pas en criant ciseaux, il faut avoir quand même du temps, il faut pouvoir expliquer ce qu'on veut faire, tout le monde ensemble, et avoir un objectif commun. Il faut laisser le temps aux gens, voire, de développer cet objectif commun.

Mme Sauvé : Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 4 min 24 s.

Mme Sauvé : Parfait. Vous avez raison, vous parlez du financement, financement à la mission, financement des projets... par projets, puis évidemment ce n'est pas l'idéal, mais ce qui est pire que pire, c'est qu'il y a des initiatives et des projets qui peuvent émerger, puis finalement il n'y a pas de pérennité, et ça, c'est très dommage. Donc, est-ce qu'il y a quelque chose, aussi, qui pourrait être inscrit dans la reconnaissance d'un partenariat, une certaine pérennité sur les bonnes pratiques? Je pense, entre autres... je ne peux pas m'empêcher de penser aux projets pilotes de gériatrie sociale, qui sont dans trois régions du Québec — il y en a un, donc, à Laval — mais en même temps, bien, la pérennité, les bonnes pratiques se développent, et puis on n'est pas assurés de la pérennité. Alors, est-ce que c'est un élément, aussi, qui mériterait d'être assez fondateur dans le projet de loi?

M. Guérard (André) : Oui, tout à fait, je pense qu'il faut axer, justement, vers la pérennité et faire en sorte... Parce que, vous savez, de nombreux groupes ont développé différents projets, différents programmes, et, quand le financement n'est plus là, bien, on laisse tomber. Alors, au même titre, si on est trois partenaires ensemble qui tentons de développer... je vais dire n'importe quoi, mais un service de... mon Dieu, d'accompagnement en transport, je vais dire, je prends celui-là comme exemple, et que c'est un projet de deux ans, trois ans, bien, au bout du trois ans, quand il n'y a plus de financement, on défait le partenariat qui s'était installé parce que, justement, il n'a plus la possibilité... on n'a plus la possibilité de continuer cette expertise-là, à moins qu'elle ne coûte rien, mais aujourd'hui on s'entend tous qu'il n'y a pas grand-chose qui ne coûte rien.

Alors, forcément, si on veut maintenir les partenariats, pour moi, l'idéal, c'est du financement à long terme et non pas du financement par projets qui font en sorte qu'on crée des partenariats, mais en même temps, quand on arrive au bout, bien, forcément, on les laisse tomber, on va vers un autre type de projet avec un autre type de partenariat, on recommence la roue constamment, et c'est souvent ce que les groupes communautaires déplorent, de refaire la roue à tous les deux ans ou trois ans. Alors, ça, pour moi, c'est très, très important si on veut développer un partenariat et des communautés, justement, en collaboration, en partenariat, et qui développent des projets communs, et qui rejoignent la population.

Mme Sauvé : ...cette réalité-là de l'action communautaire. Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 1 min 50 s.

Mme Sauvé : Alors, je vais terminer avec un commentaire. Je vais vous remercier, M. Guérard, parce que, dans toute la définition du «proche aidant significatif», vous ramenez ça... puis là c'est vraiment, encore là, l'intervention communautaire, parce que la proche aidance, c'est de la relation d'aide, donc on est dans une forme d'intervention, alors vous, vous tournez ça de l'autre côté puis vous regardez... puis vous n'êtes pas le premier le groupe à nous le dire, non pas de qualifier le proche aidant comme être significatif, on sait qu'il l'est, mais vous ramenez sur l'impact significatif, sur la qualité de vie, puis je veux vous remercier parce que vous amenez la notion de durée. Et, quand vous amenez la notion de moyen terme et long terme, avec votre témoignage touchant et personnel que vous avez également amené, bien, vous amenez aussi la réalité des proches aidants auprès de personnes handicapées, qui se retrouvent proches aidants, bien souvent, dans une grande partie de la vie des enfants qu'ils aident. Alors, merci à vous, merci beaucoup.

M. Guérard (André) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Mme la députée de Fabre. Je me tourne maintenant vers le deuxième groupe d'opposition, et je reconnais le député de Jean-Lesage, et vous avez, M. le député, 2 min 45 s.

M. Zanetti : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Guérard, pour votre présentation. Vous faites mention, dans le mémoire, de l'importance d'avoir un soutien financier équitable envers l'ensemble des personnes proches aidantes, je ne pourrais pas être plus d'accord avec vous. Ce que je voudrais vous poser comme question, c'est : Quelle serait la forme idéale que devrait prendre ce soutien financier là? Est-ce que les actuels crédits d'impôt, par exemple, c'est la meilleure façon de donner un soutien financier, autant dans la façon de faire, la bureaucratie, disons, qui entoure ça, que du point de vue, mettons, des montants, là? Alors, je ne sais pas si vous, vous avez, mettons... Êtes-vous satisfait de la formule actuelle des crédits d'impôt ou est-ce que vous pensez qu'on devrait fonctionner autrement?

• (16 h 40) •

M. Guérard (André) : Je n'ai pas de solution miracle à tout ça, je pense qu'il va falloir le réfléchir tout le monde ensemble, justement. Je vous dirais que j'ai toujours eu beaucoup de réserves, bon, moi, mais les membres de l'association également, sur tout l'aspect crédits d'impôt. Vous savez, on travaille avec des populations, parfois, qui n'ont pas de grands moyens, qui paient peu d'impôt et qui, donc, n'ont pas accès à ces crédits d'impôt là ou... qui ne leur donnent pas grand-chose de plus.

Puis je profiterai de l'occasion, justement, pour ramener ça un peu à ce que moi, j'ai vécu. Vous savez, moi, je... avec mon conjoint, on devait voyager, pendant trois mois, pratiquement, se rendre du quartier Ahuntsic, à Montréal, au centre-ville de Montréal, au CHUM. Et, quand une personne est en radiothérapie et chimiothérapie, on s'entend qu'on n'a pas le goût de prendre le transport en commun de par... justement, éviter que le système immunitaire soit plus affecté. Alors, on prenait un taxi, O.K., deux fois par jour, 40 $ pour aller, 40 $ pour revenir. Et, quand on est arrivés à la fin de l'année pour aller voir si on n'avait pas droit à un crédit d'impôt, bien là, la limite... pas la limite, mais il fallait qu'on soit en dehors de 40 kilomètres pour y avoir droit. Or, on n'était pas en dehors du 40 kilomètres. Sauf que, si vous calculez ça, facilement, 80 $ par jour pendant trois mois, vous allez avoir une bonne idée du montant. Ces argents-là, moi, je ne me plains pas, là, on les avait, il n'y avait aucun problème de ce côté-là, sauf qu'il y a bien des gens qui ne l'ont pas, et, pour moi, c'est de l'aide directe, à ce moment-là, et relativement rapide qu'il faut offrir aux gens plus qu'un crédit d'impôt, quand je parlais d'être équitable, auquel tout le monde n'a peut-être pas droit.

Alors, il y a une formule, là, à adapter au niveau de tout ce que coûte, aussi, à un moment donné... On le sait, là, il y a toujours des trucs à acheter, là. On a beau avoir un service de santé qui couvre une grande partie des médicaments et des services, il y a toujours des petits trucs, là, à un moment donné, qu'il faut combler. Et, pour des gens, je vous dirais, à faibles revenus, ça peut être vraiment, vraiment, vraiment très difficile. Alors, quand on parle que les aînés, parfois, choisissent entre, par exemple, un bon repas, ou une activité, ou des médicaments, bien, quand on rentre dans le rôle de proche aidant, on se retrouve dans la même situation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Guérard.

M. Guérard (André) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Guérard, pour votre réponse. Je me tourne maintenant du côté de la troisième opposition. Je reconnais le député de Rimouski. 2 min 45 s, M. le député.

M. LeBel : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Deux petites secondes sur le financement par missions, là, je suis tellement d'accord avec ce que vous dites. Souvent, les groupes communautaires, puis on le voit, actuellement, avec... parce que le gouvernement a besoin des groupes communautaires, ça fait que les groupes communautaires deviennent un peu des contractuels du gouvernement, des services externes du gouvernement, et, s'il n'y a pas un bon financement à la mission, bien, ils perdent leur originalité, ils perdent un peu l'aspect démocratique des groupes communautaires. Ça fait que, là-dessus, je... l'importance d'un financement à la mission qui laisse de la place aux groupes communautaires puis à ses membres de définir un peu leur avenir, moi, je trouve que c'est hyperimportant.

Je veux revenir, deux mots, sur le «significatif». Déjà, actuellement, dans les directives qui sont envoyées au niveau de la COVID, quand on parle de proches aidants, on parle de proches aidants significatifs, c'est déjà là dans le vocabulaire. On dit que c'est des proches aidants qui donnent un soutien significatif puis on précise c'est quoi, «significatif», là : «Le soutien est considéré significatif s'il est offert de façon régulière, pour répondre à des besoins ou de contribuer à l'intégrité ou au bien-être d'un proche.» Bien, j'ai l'impression que c'est là, le «significatif», là, c'est pour ça que ça se ramasse là. On veut savoir est-ce que c'est vraiment un proche aidant qui offre des services ou c'est la famille. Ça fait que, pour ça, est-ce que vous trouvez important que le mot «significatif» reste là ou vous dites que non? La majorité disent que non, mais est-ce que vous comprenez un peu l'objectif du gouvernement? Est-ce qu'on peut trouver une solution en enlevant le mot «significatif»?

M. Guérard (André) : Bien, comme on le nommait, je trouve que le mot «significatif» fait en sorte qu'on n'est pas en mode d'une dynamique... je vais dire, d'une dynamique familiale, là, elle peut être aussi avec des amis, et tout ça. Mais de cibler une personne significative et de faire en sorte que ce soit elle qui assume un peu la majorité du rôle de proche aidant, bien, je trouve qu'on se restreint dans la possibilité, justement, d'inclure d'autres participants, famille, amis, d'autres gens.

Je me disais, tout à l'heure, vous savez, peut-être qu'il y a des aidés qui n'ont pas de personne significative. Alors, jusqu'où on va à l'intérieur de ça? Ça aussi, il faut le réfléchir. Ça peut être un intervenant dans un groupe communautaire qui devient significatif, mais il ne sera pas là à 35 heures-semaine. Et, la même chose, on peut avoir deux individus dans une famille qui sont aussi significatifs pour la personne aidée. Alors, il faut tenir compte de ça. Alors, de préciser sur une personne significative, je trouve ça assez difficile, je trouve ça assez difficile.

M. LeBel : Mais, si on veut trouver des façons d'aider cette personne-là, ce proche aidant là, on ne peut pas dire... Il ne peut pas y avoir cinq ou six proches aidants. Comment... Si on veut développer des programmes pour soutenir le proche aidant, est-ce qu'on ne peut pas...

M. Guérard (André) : Oui, mais... Et pourquoi on ne pourrait pas... Je m'excuse, j'ai de l'air de vous retourner la question, mais pourquoi il ne pourrait pas y avoir cinq ou six personnes proches aidantes, justement, pour assister une personne et faire en sorte que ce rôle-là soit parfois moins lourd pour une personne?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur cette question, nous allons... nous avons terminé. Merci beaucoup, M. le député. Merci, M. Guérard. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps d'installer le prochain témoin. Encore merci, M. Guérard.

M. Guérard (André) : Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise à 16 h 49)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La commission reprend ses travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Sophie Éthier. Je vous rappelle, Mme Éthier, que vous avez 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé.

Mme Sophie Éthier

(Visioconférence)

Mme Éthier (Sophie) : Bonjour à tous et à toutes. Merci pour l'invitation à venir commenter le projet de loi n° 56. Je suis professeure titulaire à l'École de travail social et de criminologie de l'Université Laval et chercheure dans le domaine de la proche aidance depuis plusieurs années. Je dirige actuellement un projet de recherche-action sur la maltraitance envers les proches aidants.

Je me sens privilégiée de cette opportunité qui m'a été donnée de m'adresser à vous comme chercheure, sachant que seulement deux chercheurs font partie de la liste des auditions sur 18 participants, donc j'ai décidé de partager ce privilège-là avec des collègues chercheurs. Donc, je suis aussi cofondatrice d'un regroupement scientifique en proche aidance, le RESPAI, qui est composé de 69 chercheurs qui travaillent en partie ou uniquement sur la proche aidance, donc je me fais également leur porte-parole aujourd'hui. Par ailleurs, je suis présidente du Carrefour des proches aidants de Québec.

En 1992, j'étais intervenante auprès des proches aidants puis j'ai assisté au premier colloque du regroupement des aidants et aidantes naturel-le-s de Montréal. Savez-vous comment s'intitulait ce colloque? Ça s'appelait Sortir de l'ombre. Donc, en 1992, on voulait faire reconnaître le rôle de proche aidant. 28 ans plus tard, en 2020, on est actuellement en train de discuter d'un projet de loi qui vise justement la reconnaissance de ce rôle-là. C'est donc dire que je suis très heureuse que ce moment-là soit enfin arrivé.

 (16 h 50)

Ceci dit, nous accueillons très favorablement le projet de loi n° 56. Le contexte de pandémie de la COVID-19 et la première période de confinement a fait ressortir le rôle fondamental des personnes proches aidantes au sein de la société. Je ne m'étendrai pas là-dessus, je pense que d'autres l'ont fait avant moi. J'ajouterais juste que, si le contexte, là, d'état d'urgence sanitaire est en soi dramatique, il aura à tout le moins permis de confirmer la pertinence de ce projet de loi. La pandémie puis le projet de loi constituent pour moi une excellente opportunité d'amorcer un changement d'envergure essentiel au Québec. Vous avez parlé, Mme la ministre, d'un changement de culture; pour moi, c'est un réel changement de société vers une plus grande solidarité intergénérationnelle et une plus grande solidarité sociale dont il est question.

Donc, globalement, nous sommes en faveur du projet de loi, qui aura des répercussions positives. Je présume que vous me demanderez lesquelles plus concrètement plus tard, donc j'y reviendrai. Je vais m'attarder ici, dans le temps dont je dispose, uniquement à nos six principales recommandations. Elles sont abordées dans l'ordre des chapitres du projet de loi et non pas en ordre d'importance qu'on leur accorde.

Notre recommandation 1, c'est de préciser la définition de proche aidant. Vous en avez abondamment parlé avec tous mes prédécesseurs la semaine dernière et aujourd'hui, mais, comme les chercheurs aiment bien les définitions, bien, on ne peut pas ne pas ajouter notre grain de sel. La définition actuelle mentionne la fréquence du soutien, sa nature, précise le lien entre la personne proche aidante et l'aidé et les caractéristiques de l'aidé avec des exemples de soutien. C'est déjà une belle amélioration avec la définition qu'on avait de 2003 de la politique Chez soi : le premier choix, où, rappelons-le, est apparue la première définition de proche aidant. On propose d'ajouter des exemples de proches aidants dans cette définition-là, comme c'est le cas avec les exemples de soutien. C'est certain que tous ne se retrouveront pas nécessairement dans les exemples, mais ça ouvre la voie à la reconnaissance de plusieurs autres.

Concernant le fameux terme «significatif», qui vient aussi de la définition de 2003, dont plusieurs ont parlé avant moi, on comprend bien l'idée derrière «significatif», qui est d'exclure de la définition les obligations normales auprès de nos proches. Sauf qu'on a vu, pendant le retour des proches aidants en CHSLD, lorsque le premier ministre François Legault a interpelé les proches aidants, là, à revenir, il a d'abord utilisé le terme «les aidants expérimentés», ensuite «les aidants significatifs» et ensuite il a dit «les proches aidants qui avaient l'habitude d'y aller». Donc, on voit que ce n'est pas simple, de définir c'est quoi, un proche aidant.

La semaine dernière, je vous donne un petit exemple, une proche aidante, là, membre du Carrefour des proches aidants de Québec, vient d'héberger son conjoint, donc elle a voulu aller lui rendre visite, et l'infirmière lui a dit : Vous ne pouvez pas y aller, c'est juste les aidants naturels qui ont le droit. Donc, c'est un peu décourageant. Comment voulez-vous que les proches aidants se démêlent, là, dans tout ça? Donc, nous proposons de supprimer, comme tout le monde, le terme «significatif», mais de mieux définir «proche aidant». La définition qu'on propose dans le mémoire est largement inspirée de celle que vous a proposée le RANQ, le Regroupement des aidants naturels du Québec, avec certains ajouts de notre part. Donc, on pense qu'il faut donner des exemples de proche aidant, mieux définir le soutien puis en donner aussi quelques exemples.

Notre deuxième recommandation, c'est de faire de la bientraitance des proches aidants le principe supérieur qui chapeaute tous les autres autres principes. Le projet de loi prévoit six principes directeurs. Ils sont tous conformes aux demandes des proches aidants puis des chercheurs, notamment soulevées lors de la consultation le 11 décembre, là, 2018, donc on ne peut que saluer ces principes. Quand je lis les principes, je peux faire le lien avec mon projet de recherche, là, financé par le ministère de la Famille... des Aînés qui vise à promouvoir la bientraitance envers les proches aidants, dans lequel on a développé une définition de la maltraitance envers les proches aidants. Donc, les principes directeurs du projet de loi, s'ils sont appliqués tels quels, vont venir contrer la maltraitance. Dans ce contexte, notre deuxième recommandation, qui est de faire de la bientraitance des proches aidants le principe supérieur, pourrait chapeauter, en fait, tous les autres principes, parce qu'il nous semble que c'est dans ce sens-là que s'en va le projet de loi. La bientraitance concerne tout le monde, parce qu'on a identifié, dans notre projet, que la maltraitance provient des institutions, de l'entourage, de l'aidé et des aidants eux-mêmes.

Notre troisième recommandation, faire du partenariat avec les personnes proches aidantes un principe transversal à l'ensemble des principes directeurs de la politique nationale, donc le quatrième principe du projet de loi qui reconnaît l'expérience et les savoirs des proches aidants et aidés en les considérant dans le cadre d'une approche partenariale. Ça fait que ce principe directeur est donc essentiel dans le cadre d'une telle politique, mais il reste, évidemment, à l'opérationnaliser dans la pratique. Les concepts de partenaire, de partenariat, d'approche partenariale sont abondamment utilisés, là, dans le réseau de la santé, mais ils sont peu appliqués réellement, ils sont peu définis, et ensuite, alors qu'ils constituent... en fait, ce partenariat constitue la pierre angulaire, la réussite et la mise en oeuvre, là, d'une telle politique. On propose donc que le partenariat soit transversal à tous les principes.

Notre quatrième recommandation, c'est de reconnaître la nécessité d'évaluer les besoins des proches aidants, des besoins, évidemment, qui sont diversifiés, variables du début de la proche aidance à la période postaidance. Dans deux des principes directeurs de la politique, en fait, vous faites mention, là, des besoins, donc au principe... au troisième principe et au sixième principe, mais il n'est pas fait mention, dans le projet de loi, de la nécessité de mettre en place des mécanismes pour évaluer ces besoins-là, des mécanismes qui seraient, bien sûr, validés scientifiquement. Tout le monde le sait, ce sont actuellement les besoins des aidés qui sont évalués, et on évalue la capacité des personnes proches aidantes à répondre aux besoins du proche aidé, mais on n'évalue pas les besoins des proches aidants. Je pense que vous avez déjà prévu mettre ça quelque part dans la politique, là, ou le plan d'action, parce que c'est beaucoup ressorti, là, dans les consultations, mais on recommande que ça soit un septième principe directeur du projet de loi.

Notre cinquième recommandation est de diffuser largement des ateliers qu'on appelle La bientraitance envers les personnes proches aidantes : une responsabilité partagée. Donc, on fait cette recommandation-là en lien avec l'orientation 7 du projet de loi, qui prévoit de répondre au besoin d'information et de formation des personnes proches aidantes et des différents acteurs concernés. C'est une orientation majeure, l'information et la formation, mais il y a deux enjeux importants là-dedans qu'on doit soulever. Le premier enjeu concerne la formation des professionnels. On constate, de façon générale, que les professionnels n'ont pas les connaissances suffisantes en ce qui concerne la réalité des proches aidants ni sur la façon de les accompagner. Le second enjeu, c'est que l'orientation ainsi formulée dans le projet de loi pourrait laisser entendre, là, que la formation s'applique aussi aux personnes proches aidantes. Donc, on est préoccupés par la question de la professionnalisation des personnes proches aidantes. Les proches aidants ne doivent pas être vus comme des professionnels de remplacement qui ont besoin d'être formés. En conséquence, on recommande la diffusion des ateliers, dont je répète le titre, La bientraitance envers les personnes proches aidantes : une responsabilité partagée, qu'on a développés dans le cadre, là, du même projet de recherche-action dont j'ai parlé plus tôt, financé par le ministère de la Famille, qui vise à prévenir la maltraitance envers les personnes proches aidantes. Ces ateliers se font, là, à l'aide d'une affiche puis d'un guide d'animation dans le but de former les professionnels et de sensibiliser les proches aidants pour prévenir la maltraitance dont ils pourraient être l'objet.

La dernière recommandation concerne l'observatoire. On pense que les chercheurs doivent avoir un poids plus lourd dans cet observatoire, considérant sa mission. On croit aussi qu'il faut assurer une représentation régionale des chercheurs et une représentation de la diversité des expertises de ces chercheurs en proche aidance. On pense que ce travail ne peut pas se faire non plus en trois ans, donc on recommande d'augmenter à six le nombre de chercheurs au sein de l'Observatoire québécois sur la proche aidance afin de représenter le plus de régions et d'expertises possible en lien avec la diversité des situations de proches aidants et d'octroyer des mandats de cinq ans à tous les membres de l'observatoire, renouvelables une fois, donc maximum deux ans.

Je termine sur deux petits points. Donc, l'observatoire doit s'appuyer sur des assises théoriques et des résultats validés, sinon on risque, là, de mettre de l'avant des interventions dont on ne connaît pas les effets réels, comme c'est le cas, par exemple, avec les maisons Gilles-Carle. On n'a rien contre les maisons Gilles-Carle, c'est juste qu'en ce moment elles n'ont jamais été évaluées, et on est en train de les étendre un peu partout au Québec.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Éthier. Le temps est écoulé, mais on va quand même ouvrir la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais débuter en laissant la parole à Mme la ministre pour une période de 16 min 30 s.

• (17 heures) •

Mme Blais (Prévost) : Tellement de questions, mais je vais laisser aussi mes collègues vous en poser. Pre Éthier, très, très, très contente que vous soyez là. Vous m'inspirez depuis la première fois où vous m'avez parlé de maltraitance envers les proches aidants, de bientraitance. La fille que je suis, qui a mis en place le plan d'action pour contrer la maltraitance, de voir maintenant qu'on est rendus avec une terminologie qui parle de bientraitance... Et la maltraitance envers les proches aidants, bien sûr, je vais vouloir que vous m'en parliez. Je veux seulement vous dire que, dans l'article 43, on mentionne que «le premier plan d'action gouvernemental doit prévoir des mesures et des actions qui concernent l'évaluation des besoins, la planification et la prestation des services offerts aux personnes proches aidantes par les établissements concernés du réseau de la santé et des services sociaux».

Vous parlez aussi du terme «significatif». Vous n'êtes pas la seule. Je tiens à rassurer mon collègue, aussi, de Rimouski, dans la dernière directive qui est partie hier aux P.D.G. des établissements, des CISSS et des CIUSSS, on a enlevé le terme «significatif», parce qu'on voyait que ça mêlait un peu, alors on l'a enlevé. Alors, ça veut dire qu'on est sur la bonne voie par rapport au projet de loi.

Vous avez dit : Vous allez certainement nous poser la question à savoir en quoi le projet de loi va changer la vie des gens, je veux vous entendre parler de ça. Aussi, vous n'êtes pas d'accord avec un statut légal. Un peu plus tard, nous aurons des personnes qui vont nous parler du statut juridique. Je veux vous entendre parler de ça aussi et comment on pourrait mieux intégrer toute la notion de bientraitance, parce qu'elle m'apparaît fondamentale à l'intérieur... que ce soit de la politique, du plan d'action, mais il faut que la bientraitance prenne de la place à l'intérieur de ça. Et aussi vous n'êtes pas la seule à nous parler de six chercheurs, alors on a besoin de six chercheurs sur l'observatoire, j'ai bien compris, et c'est avec un beau sourire que je vous dis qu'on est en train d'analyser ça, ça chemine rapidement. Merci, hein, pour votre travail, c'est important. Je vous écoute. On vous écoute.

Mme Éthier (Sophie) : D'accord. Donc, j'ai noté les trois questions, j'espère avoir le temps de répondre aux trois questions. (Interruption) Il y a comme un petit retour de son, là... O.K.

Donc, par rapport à qu'est-ce que le projet de loi va... Vous m'entendez bien? Ça a comme changé, dans mon oreille. O.K.

Par rapport à comment la loi va changer le quotidien, dans le fond, des proches aidants, permettez-moi de vous lire un petit extrait d'un verbatim d'une entrevue de recherche que j'ai... dans le cadre du projet, là, sur la bientraitance. Donc, je vous lis ça, et vous allez comprendre qu'est-ce que... où je m'en vais avec ça.

Donc, voici, la proche aidante nous dit ceci : «J'étais vraiment paralysée, dans l'impossibilité de me mouvoir, même dans mon lit. Et, quand j'ai demandé de l'aide au CLSC, croyez-le ou non, on m'a fait comme réponse : Mais vous, vous êtes l'aidante, on ne peut pas vous aider! Il faudrait que j'ouvre un autre dossier. Il est venu une intervenante à la maison pour aider mon mari. [...]je suis dans le lit, elle ne m'a pas aidée, ne m'a pas donné à manger. Ça faisait deux jours que je n'avais pas mangé. Elle m'a dit : Appelez au Jean Coutu, faites-vous venir quelque chose à manger. Je ne pouvais même pas me lever pour aller téléphoner!»

Donc, je pense que la loi pourrait changer ça, parce qu'on se comprend que ça n'a pas de bon sens, là, une situation comme celle-là, où une intervenante qui est sur les lieux pour aider l'aidé n'a pas pu intervenir ou n'a pas voulu intervenir pour venir en aide à cette proche aidante. Donc, ça, c'est des situations qui ne doivent plus jamais arriver. Donc, je pense que la loi va d'abord placer les choses pour que ces choses-là n'arrivent plus. C'est sûr que, demain matin, ça ne changera rien pour cette dame-là ou pour un proche aidant, mais on va avoir, avec la loi, en fait, des leviers qui vont nous permettre de faire changer les choses, qui vont nous permettre d'avoir une meilleure reconnaissance, là, bon, gouvernementale et interministérielle, là, de la situation des proches aidants et qui vont nous permettre, là, d'avoir des formations, et etc., tout ce qui s'ensuit, là, pour éviter ce type de problème là.

Deuxième question que vous aviez par rapport au statut légal, en fait, on n'a pas dit qu'on n'était pas d'accord avec un statut légal, mais ce qu'on dit, c'est que, c'est... quand même, ça comporte un certain risque parce que, de donner une reconnaissance officielle au proche aidant, ça fait en sorte de leur donner aussi des responsabilités officielles, et c'est là que ça peut être complexe pour certaines personnes, et c'est là qu'il va falloir trouver une façon pour que cette reconnaissance-là ne devienne pas une obligation, là, absolument irrévocable, là, et que les gens ne pourront plus se sortir de ça, et qu'on ne va pas créer deux types de proches aidants, donc les proches aidants qui sont reconnus et qui bénéficient, en conséquence, davantage de services, d'argent, et des proches aidants non reconnus parce qu'ils ne veulent pas se faire reconnaître à cause des implications et qui, eux, ne bénéficieraient pas de ces avantages-là. Donc, c'est juste ça, en fait, il faut faire attention à ça. Je n'ai pas de solution à ça, je ne sais pas c'est quoi, la réponse, mais j'ai soulevé ça en conclusion parce que ça m'apparaît important, là, à ne pas... à tenir compte, en fait, dans la réflexion.

Troisième question... Ça va?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...

Mme Éthier (Sophie) : Donc, troisième question, vous nous parlez de la bientraitance, donc, comment on pourrait inclure la bientraitance de façon plus large. Bien, en fait, en en faisant le principe directeur qui chapeaute l'ensemble des principes, moi, je pense que, déjà là, on va d'emblée, dès le départ, dans la loi, mettre la bientraitance à l'endroit où elle devrait être, parce que je pense que vous avez derrière la tête cette idée de bientraitance des proches aidants quand vous voulez faire une loi qui va venir soutenir puis reconnaître leur rôle. Je pense que c'est ça qu'on veut dire, c'est la bientraitance des proches aidants, donc je pense qu'il faut lui donner une place d'emblée, là, au départ, donc un principe qui va venir chapeauter l'ensemble des principes.

Et ensuite, bien, dans les formations, comme je le proposais avec nos ateliers, donc, dans la formation des intervenants, des professionnels, dans l'information qu'on va véhiculer aux proches aidants, donc, parler de ça, de la bientraitance, et de les former dans cette perspective de bientraitance, et non pas de maltraitance. Parce que, quand on voit le côté négatif, des fois, c'est un peu plus rébarbatif, mais en parlant de : On va vous former à être bientraitants avec les proches aidants, je pense que ça passe mieux que de dire : On va vous former à ne pas être maltraitants envers eux. Donc, je pense qu'il y aurait possibilité, là, d'inclure la bientraitance à plusieurs endroits, de différentes façons.

Mme Blais (Prévost) : Bien, merci beaucoup, beaucoup. Je cède la parole à mes collègues, qui sont certainement... ont l'appétit pour vous poser des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je reconnais la députée de Soulanges, et je lui indique qu'il reste 9 min 21 s.

Mme Picard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Éthier, ça me fait vraiment un grand plaisir d'être avec vous aujourd'hui. Merci pour votre présence. J'aimerais savoir, selon vos recherches, quels sont les besoins, les grands besoins des personnes proches aidantes.

Mme Éthier (Sophie) : Bon, ça, c'est toujours une grande question. Je sais que vous l'avez posée aussi à d'autres personnes avant moi. Il y a des études, évidemment, qui mettent en relief les besoins des proches aidants, donc on sait que les proches aidants ont beaucoup... bon, évidemment, dépendant d'où proviennent les recherches, aussi, là, bien, il y a un besoin d'information qui est là, il y a un besoin de soutien psychosocial, il y a un besoin financier, il y a un besoin de répit. Donc, ça, c'est comme les quatre principaux besoins, là, qui ressortent dans à peu près toutes les études, et des besoins, je dirais, qui sont communs à tous les proches aidants, à peu près, peu importe, là, qui est la personne aidée, quel est le lien, et tout ça. Mais il y a, à côté de ça... c'est, bien sûr, des besoins qui sont spécifiques, là, selon la situation. Quand on est un proche aidant de 12 ans qui prend soin de sa maman qui a une maladie mentale, les besoins sont différents de si on est une dame de 88 ans qui prend soin de son conjoint atteint de la maladie d'Alzheimer qui en a 93. Donc, les besoins ne sont pas les mêmes versus une maman qui travaille, donc, qui doit concilier travail, famille, proche aidance à d'autres besoins également.

Alors, les besoins vont varier aussi selon le type, là, de proche aidant qu'on est, selon la maladie, ou la problématique, ou l'enjeu, là, autour de la personne aidée. Donc, c'est sûr que ces besoins-là vont varier, et c'est important, justement, de ne pas rester attardé à ces quatre besoins-là qui sont communs, que j'ai nommés tantôt, parce que, oui, ce sont les besoins communs, mais en même temps il faut vérifier que les gens ont aussi des besoins, là, plus spécifiques, là, auxquels il faut répondre également, là.

Mme Picard : On sait qu'il y a certaines personnes qui sont proches aidantes de plusieurs personnes. Donc, souvent, ils ont un enfant qui est malade, avec un parent qui est malade, ou peu importe. Comment les entreprises, comment le milieu de l'éducation pourraient mieux les soutenir, particulièrement ceux-là qui ont une double proche aidance, mais aussi les autres, là, bien sûr? Avez-vous des idées?

• (17 h 10) •

Mme Éthier (Sophie) : Bien, évidemment, bon, il y en a qui travaillent un peu plus dans ce domaine-là que moi, mais évidemment toutes les politiques d'emploi, les normes du travail, les conventions collectives, donc, tous ces éléments-là peuvent aider les gens qui doivent travailler et, en même temps, s'occuper de proches aidants.

Il y a également... je pense au système d'éducation, aussi, qui devrait être de plus en plus sensibilisé, parce qu'il y a des gens qui ont essayé de faire des études pour des jeunes proches aidants, et ils appelaient dans les écoles pour demander, bon : Je voudrais pouvoir avoir accès à vos élèves pour faire une recherche sur les jeunes proches aidants, puis le directeur d'école répondait : Bien, on n'a pas de jeunes proches aidants ici, tu sais. Donc, ce n'est pas connu, les gens ne le savent pas.

Donc, déjà, la première chose, c'est de la sensibilisation. Il faut vraiment qu'on comprenne c'est quoi, un proche aidant, ils sont où, les proches aidants. Puis il y en a dans tous les milieux, et donc il y en a à l'école primaire, il y en a à l'école secondaire, il y en a à l'université, au cégep, il y en a... dans tous les milieux de travail, il y a des proches aidants, et ça, cette information-là, il faut qu'elle circule. Il faut qu'on comprenne, là, vraiment, il faut que la société comprenne, là, que, tu sais, on le sait, il y a une personne sur quatre qui est proche aidante au Québec, là, donc une personne sur quatre, ça se retrouve dans tous les milieux, là, et c'est clair qu'il faut... Il n'y a pas une façon de répondre à cette question-là, dans le sens qu'il faudrait agir à plusieurs niveaux en même temps, mais tout va partir de la sensibilisation et de la compréhension que les proches aidants sont partout.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Éthier. Je vois la ministre qui désire reprendre la parole.

Mme Blais (Prévost) : Oui, parce que j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous savez, il n'y a pas si longtemps, Pre Éthier, un parent qui avait un enfant en situation de handicap, c'était un parent. Ce n'était pas un proche aidant, c'était un parent. Ça, c'est récent, là. On est en train de faire basculer une notion, là. On est en train de dire aussi : Le parent qui a un enfant en situation de handicap, il est aussi un proche aidant. Et comment vous percevez ce changement, là, ce changement de paradigme qui va faire partie de l'évolution de la culture, des changements au niveau de la reconnaissance des proches aidants?

Mme Éthier (Sophie) : Bien, en fait, on le voit de façon encore plus marquée, comme vous dites, pour les parents d'enfants malades ou ayant, là, des difficultés, cette difficulté à se reconnaître comme proche aidant, mais ça se voit aussi chez les conjoints, là. Les conjoints nous disent également : Tu sais, moi, je ne suis pas le proche aidant, je suis sa conjointe, je suis sa femme, je suis son mari. Donc, on le voit aussi chez les conjoints.

J'ai un petit retour de son, là, je ne sais pas si... Vous, vous m'entendez bien? O.K.

Et on le voit également chez les enfants qui s'occupent de leurs parents âgés. Donc, il y a beaucoup des proches aidants qui ont de la difficulté à se reconnaître comme proches aidants parce que, d'abord, le rôle social auprès de cette personne-là, le rôle familial est mis de l'avant.

Et moi, je pense qu'on a... puis en santé mentale, en soins palliatifs, avec les aînés, avec les enfants, on a tous des façons différentes, dans les politiques, de nommer ces personnes-là, hein? Parfois, on dit c'est des proches, des fois c'est des familles, des fois c'est des proches aidants, des fois c'est des parents. Il y a toujours des termes différents. Mais je pense qu'on aurait intérêt à regrouper tous ces gens-là ensemble et de s'entendre. Bon, le terme «proche aidant» ne plaît pas nécessairement à tout le monde, mais je pense que, là, on est rendus à un point où il faut arrêter de se chicaner sur le terme et il faut agir, là, on est rendus là, et je pense qu'on a intérêt à se mettre derrière ce terme-là tous ensemble, y compris les parents d'enfants malades, handicapés, etc., à se reconnaître comme proches aidants. Et ça ne leur enlève rien, à leur rôle de parent, ça n'enlève rien du tout, ça ajoute, hein? Comme Laurent l'a dit à plusieurs reprises, le rôle de proche aidant, c'est une tâche qui s'ajoute à un rôle qu'on a déjà, donc ça n'enlève absolument rien au rôle de parent. Donc, ils ne perdent rien, en fait, à s'identifier comme proche aidant, ces parents-là, et, au contraire, s'il y a une politique, s'il y a un plan d'action, s'il y a des services qui leur sont offerts, bien, ils auront intérêt, justement, à se reconnaître dans ce titre-là ou dans ce terme-là, là. Je pense que c'est un changement, oui, c'est un changement de paradigme, mais on est rendus là, je pense, et je pense qu'il faut le faire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Je vais retourner la parole à Mme la députée de Soulanges. Il reste 2 min 35 s.

Mme Picard : C'est sûr que vous êtes venue me chercher un petit peu, là, parce que, je vais vous faire une mise en contexte, là, j'ai une petite fille qui est lourdement handicapée. Et puis, quand vous avez parlé, tantôt, de la formation, qu'il ne faudrait pas qu'elle vise à professionnaliser le proche aidant, je me rappelle très bien d'une fois où ma fille, elle avait une nouvelle opération, elle avait un gavage, puis, si on voulait retourner à la maison, il fallait absolument qu'on apprenne comment enlever le bouton de son estomac. Alors là, je trouvais ça épouvantable, de voir ça, puis je me disais : Ça n'a pas de bon sens que je vais faire ça chez moi toute seule.

Donc, c'est sûr que, quand on a la formation directement à l'hôpital, je crois sincèrement qu'on devrait avoir aussi un soutien, là, à la maison pour nous aider à travers ces soins-là, qui sont exceptionnels. Au niveau pédiatrique, là, je sais qu'on a beaucoup d'aide avec les équipes médicales, mais ça fait partie, justement, de l'aide qu'on peut apporter aux proches aidants, de les soutenir dans leurs actes qu'ils font qui sont vraiment très spécifiques. Pouvez-vous... parce que je comprends que vous avez dit qu'il ne faudrait pas que la personne aidante se retrouve à être obligée, à avoir un sentiment d'être coincée dans cette situation-là, pouvez-vous élaborer un petit peu, là? Comment on pourrait s'assurer qu'il y a un meilleur suivi?

Mme Éthier (Sophie) : Donc, effectivement, dans les cas particuliers, et pas que les enfants, mais, dans les cas particuliers où il y a des soins médicaux à faire avec la personne aidée, c'est sûr que, là, les proches aidants reçoivent une formation sur comment faire ces soins-là. Ce qu'on veut dire, en fait, c'est qu'il ne faut pas que les infirmières, les infirmiers, les médecins se déresponsabilisent ou se désengagent d'une tâche qui leur revient sur le dos des proches aidants, en fait. Donc, c'est sûr qu'ils peuvent former les proches aidants à faire cette tâche-là, mais ils doivent être là, ils doivent contrôler, si on veut, ils doivent être capables, parce que c'est eux, les responsables, au final.

Si vous faites mal le soin en question, O.K., puis il arrive quelque chose à votre enfant, par exemple, est-ce que vous serez responsable, légalement? Est-ce que vous serez responsable au plan civil, au plan criminel parce que vous faites une mauvaise manipulation puis que vous tuez votre fille, par exemple? Qui va être responsable? Est-ce que c'est l'infirmière qui vous a formée? Bien, elle va dire : Bien, je lui avais dit comment faire, puis elle ne l'a pas fait comme il faut, tu sais. Le proche aidant ne peut pas avoir cette responsabilité-là. On peut lui transférer la responsabilité de l'acte, mais en même temps le contrôle de ça doit demeurer dans les mains des professionnels et la responsabilité finale doit demeurer. Si le professionnel est certain que le proche aidant...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme Éthier, je dois vous arrêter, malheureusement, cette portion de temps s'étant écoulée. Je me tourne du côté de l'opposition officielle, avec la députée de Fabre, et, Mme la députée, vous avez 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Pre Éthier, c'est un plaisir de vous entendre, et merci pour tout le travail, la réflexion que vous avez menée, la qualité de votre mémoire. J'ai plusieurs questions, évidemment. Je veux d'abord revenir sur toute la notion de redéfinir la définition, si on veut, et de préciser, vraiment. Et, encore là, vous allez dans le sens de ce que plusieurs groupes ont dit, mais évidemment l'expertise que vous avez au niveau de la recherche vient confirmer l'importance de mettre l'accent sur une définition précise qui tient compte de toutes les réalités des proches aidants, mais aussi de l'impact sur la vie des personnes aidées.

Écoutez, il y a une question qu'on n'a pas vraiment, peut-être, posée jusqu'à maintenant, puis je veux vous la poser. Évidemment, vous avez défini de façon très, très précise, puis vous avez inclus, même, l'aspect de la proche aidance sur le plan financier... On n'a pas vraiment abordé la question de l'intensité, alors, avec toute la large et la très précise, en même temps, définition, parce que vous englobez tout puis vous le précisez pour chaque aspect. Donc, c'est fondamental et c'est très pertinent. Mais je vais vous donner l'exemple... quand on parle, par exemple, des intentions du proche aidant, qui visent notamment le rétablissement, le maintien, l'amélioration de la qualité de la vie à domicile, et tout ça, on peut, évidemment, être dans cette proche aidance là, très précise, mais en même temps est-ce que la notion d'intensité ne doit pas aussi faire partie de la définition? Quelqu'un peut avoir toutes ces intentions et cette réalité-là, mais en même temps la vraie réponse aux besoins, elle peut être très fréquente, elle peut l'être moins, puis quelqu'un qui n'est pas présent très souvent, bien, est-ce qu'il se qualifie quand même, même si les intentions sont au rendez-vous? Alors, je voulais vous entendre là-dessus, sur la notion d'intensité liée à la définition de la proche aidance.

Mme Éthier (Sophie) : Oui, merci, c'est une bonne question. Je suis en train de refouiller pour essayer de revoir la définition, qu'est-ce qu'on a fait avec ça, est-ce qu'on a mis l'intensité. Parce qu'effectivement l'intensité, bon, c'est relatif, hein, premièrement, puis c'est subjectif. On peut être proche aidant de façon très intense, mais à très, très, très court terme. Donc, ça, ça peut être perçu, là, comme de l'intensité. Mais aussi l'intensité peut être parce que ça dure longtemps, donc c'est intense parce que c'est long, même si ça peut être, objectivement, des soins ou de l'aide qui puissent être assez simples, si on veut, mais c'est sur le long terme, et l'intensité vient du long terme et non pas de la difficulté, là. Donc, intensité peut aller dans les deux sens. Effectivement... je pense qu'effectivement c'est sûr que le problème d'une définition, hein, si on veut que ça soit... il faut la finir, à un moment donné, hein, parce qu'il y a bien des... il y a beaucoup d'éléments qu'on peut mettre dans une définition. Notre définition est déjà très longue. Clairement, on pourrait ajouter un aspect d'intensité, je suis d'accord avec vous. C'est sûr que, là, il y a des choix à faire, à un moment donné, sur ce qu'on doit inclure dans cette définition-là si on veut, c'est ça, parler de toutes, toutes, toutes les situations à partir d'une seule définition, là, mais, effectivement, l'intensité, c'est quand même un élément intéressant et important, là, je suis d'accord avec vous.

• (17 h 20) •

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Alors, je comprends que vous allez y réfléchir de votre côté, puis on aura l'occasion, peut-être, de s'en reparler, avec plaisir.

Moi, j'avais besoin d'une clarification, vraiment, par rapport à toute la notion de la recommandation que vous faites, la quatrième recommandation : «Reconnaître la nécessité d'évaluer les besoins des proches aidants, lesquels [seront] diversifiés...» Et là vous faites appel... dans votre explication, dans votre mémoire, vous parlez d'un plan d'accompagnement des personnes proches aidantes — et je sais que la ministre a souligné... parce que ça avait fait l'objet des discussions du forum il y a bien longtemps, avant, donc, l'élaboration — et d'une politique qui s'en vient, et du projet de loi, mais... la notion du dossier médical. Alors, moi, je veux bien vous entendre puis bien comprendre, parce que, pour moi, un plan d'accompagnement, ce n'est pas la même chose qu'un dossier médical. Ou, en tout cas, est-ce qu'un inclut l'autre? J'ai besoin de vous entendre là-dessus parce que, pour moi, il y a une approche très globale d'intervention si on veut vraiment soutenir le proche aidant.

Mme Éthier (Sophie) : Oui, donc, merci pour la question, bien, ça me permet, justement, de préciser ça. C'est qu'en fait on parle, depuis le début — plusieurs personnes en ont parlé, donc — que ça prendrait un dossier pour le proche aidant. Par contre, le dossier, comme on l'entend souvent, est un dossier médical, justement, et, dans la mesure où le proche aidant n'est pas nécessairement malade et qu'il n'est pas, lui, l'usager premier, en fait, dans le dossier du proche, de l'aidé, en fait, c'est dans ce sens-là qu'on proposait peut-être que le dossier, en fait, du proche aidant, le fameux dossier médical puisse s'appeler, en fait, un dossier d'accompagnement. Donc, c'est le dossier... c'est un plan d'accompagnement qui permet aux intervenants d'accompagner le proche aidant dans son rôle, en fait, de proche aidé... avec le proche aidé, mais ça n'empêche pas, également, que le proche aidant peut avoir également un dossier médical, dans la mesure où lui-même a des besoins médicaux qui nécessitent des services à domicile pour lui-même. Mais, dans la mesure où il a des... on doit faire un suivi avec ce proche aidant là pour soutenir la personne aidée, donc, ça peut être un plan d'accompagnement du proche aidant qui pourrait être inclus dans le dossier médical de l'aidé, mais ça n'empêche pas que l'aidant puisse avoir, lui aussi, son dossier médical pour ses propres besoins médicaux à lui, là, donc c'est dans ce sens-là.

C'est le terme «dossier médical» associé au proche aidant qui m'a titillée un peu, là, parce que les proches aidants ne sont pas forcément malades, mais ils ont besoin d'être soutenus dans leur accompagnement, là, de leur aidé. Donc, dans ce sens-là, ce plan-là permettrait, justement, de travailler en partenariat, là, aidant-aidé puis réseau de la santé, à l'intérieur de ce plan-là.

Mme Sauvé : Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...

Mme Sauvé : Merci pour votre réponse. En même temps, plus on en discute, plus un n'exclut pas l'autre, mais en même temps ça me semble assez essentiel, puis il n'y a rien dans le projet de loi qui précise ça comme vous le faites.

Il y aura aussi... parce que, clairement, ça mérite une clarification, si on dit «un plan d'accompagnement», puis j'en suis, mais c'est plusieurs professionnels qui risquent de contribuer à ce plan d'accompagnement là, puis là il y a tout, évidemment, l'aspect de la confidentialité des informations, des renseignements personnels liés aux aspects de l'intervention autour du proche aidant. Donc, il y a quelque chose de très sensible, où je pense que ça mérite vraiment d'avoir une portée précisée au projet de loi.

En terminant, je veux vous entendre un petit peu davantage sur la forme que pourrait prendre une définition du partenariat pour être plus précis, comme précis... comme principe précis dans le projet de loi. Vous parlez que c'est un principe transversal, le partenariat, il mérite d'être plus défini. Alors, donnez-moi quelques exemples de précisions qui devraient y être apportées.

Mme Éthier (Sophie) : Bien, en fait, je ne suis pas la meilleure personne pour répondre à cette question-là. Il y a des chercheurs, là, dans mon équipe, qui ont signé avec moi ce rapport-là, qui travaillent, précisément, là, sur cette question de partenariat proche aidant. Donc, je pense, entre autres, à Marjolaine Landry, qui pourrait vous répondre beaucoup plus que moi.

En fait, l'idée, c'est que le... on a beaucoup parlé du partenariat avec les proches aidants, mais en fait on ne le vit pas, dans la pratique, hein? Le partenariat est, finalement, dans la pratique, perçu comme : on va chercher l'aide des proches aidants quand on en a besoin et on exclut les proches aidants quand on n'a plus besoin d'eux, donc, tu sais, le partenariat, il n'est pas tout à fait un partenariat. Donc, c'est sûr qu'il faut vraiment que ça soit fait ensemble, il faut qu'on... le partenariat doit tenir compte des besoins des gens, doit tenir compte de leurs capacités, doit tenir compte de leur intérêt, aussi, leur volonté d'assumer le rôle, et il y a des choses qui... C'est possible que le proche aidant ne puisse pas aller jusque-là ou refuse, par exemple, de faire telle chose, et tout ça doit être bien intégré, là, dans un plan de partenariat, et qu'on puisse vraiment s'entendre sur qui fait quoi, comment et quelles responsabilités, quels rôles on donne aux autres et que ce soit bien inscrit, là, dans les plans d'intervention...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...deux minutes.

Mme Sauvé : Parfait. Bien, je trouve ça très, très intéressant, Pre Éthier, la notion d'un plan de partenariat, je trouve ça très intéressant, parce que vous êtes la première à nous le nommer comme ça, puis en même temps je trouve qu'un plan de partenariat, bien là, on vient préciser vraiment les rôles, les fonctions, les mandats de chacun puis la reconnaissance qui vient avec ça. Il y a eu des regroupements d'organismes communautaires, il y a eu différents intervenants qui sont venus, puis on sait le rôle clé qu'ils jouent à être en soutien aux proches aidants. Donc, merci de cette notion-là, mais je pense que vous serez d'accord avec moi que ça mériterait de pouvoir être inclus dans le projet de loi avec la définition précise sur les rôles et mandats de chacun.

Mme Éthier (Sophie) : Oui, tout à fait.

Mme Sauvé : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, je me tourne du côté du député de Jean-Lesage, et vous bénéficiez de 2 min 45 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Pre Éthier, pour cette présentation. Comme je constate que vous avez écouté beaucoup d'autres audiences publiques, vous ne serez pas surprise par ma question. Je m'intéresse vraiment à la question de la forme idéale que pourrait avoir un soutien financier suffisant, juste et bon pour les personnes proches aidantes. Il y a beaucoup de critiques qui sont émises à l'égard des crédits d'impôt. Est-ce que vous partagez ces critiques, d'une part, et aussi qu'est-ce que vous pensez, par exemple, d'une forme de soutien financier qui pourrait prendre la forme, par exemple, d'allocations ou encore de revenu de base, ou existe-t-il un paradigme encore meilleur que celui-là, à votre avis?

Mme Éthier (Sophie) : C'est une grande question. En fait, d'abord, les crédits d'impôt, ça a été démontré, là, par les études que ça concerne très peu de gens, donc il y a très peu de gens qui les connaissent, premièrement, il y a très peu de gens qui y ont accès parce qu'ils sont très restrictifs, et ceux qui les connaissent et qui y ont accès ont très peu d'argent de ça, donc ça ne change rien, en fait, dans leur situation. Donc, ce n'est pas la... la réponse n'est pas dans les crédits d'impôt, certainement.

Sinon, des allocations financières, donc... dans mon mémoire, en fait, je propose un certain nombre d'éléments. C'est sûr que ça, c'est très discutable. On est à l'étape, en fait, où il faudrait aller étudier, en fait, ce qui se fait. Ça se fait ailleurs, en fait. La Nouvelle-Écosse a une allocation, là, qu'elle offre aux proches aidants, de 400 $ par mois. Donc, il faut répondre à certains critères, là, pour y accéder, évidemment. On a, au niveau... au plan fédéral, on a aussi une allocation pour les vétérans, donc les proches aidants d'anciens combattants ont accès à une allocation de 1 000 $ par mois non imposable. Donc, il y a déjà des allocations qui existent.

Maintenant, il faudrait regarder ça ensemble, tu sais, les regarder tous ensemble pour voir qu'est-ce que ça donne, qu'est-ce que... comment ça fonctionne, voir qu'est-ce qui se passe ailleurs. Et il y a... C'est sûr qu'il faut prévoir quelque chose, parce qu'on constate, puis les études le démontrent, comment les proches aidants s'appauvrissent dans le contexte, là, de la proche aidance. Donc, il faut trouver une solution à ça, et je pense qu'une certaine forme quelconque d'allocation serait une solution, mais je ne sais pas laquelle, je ne sais pas si celles qu'on a, actuellement, en Nouvelle-Écosse et au fédéral seraient la bonne solution.

Comment évaluer tout ça sans pénaliser des gens? On ne veut pas non plus que des gens à faibles revenus quittent leur emploi pour devenir proches aidants parce que ça serait plus payant d'être proches aidants parce qu'on aurait des allocations. Donc, il y a toutes sortes d'enjeux comme ça, donc, qu'il faudrait regarder, là, avant de prendre une décision, là, finale sur ça, mais, clairement, il faut aider les proches aidants, là, à cesser de s'appauvrir, là, ça, c'est sûr.

M. Zanetti : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Pre Éthier, c'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie à nouveau, en mon nom et au nom des membres de la commission, pour votre contribution à nos travaux.

Alors, je suspends la commission jusqu'à 19 h 30 ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 19 h 30)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je vais demander à toutes les personnes de s'asseoir et, bien évidemment, d'éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives.

Ce soir, nous allons entendre les organismes suivants : d'abord, non pas un organisme, mais une personne, Mme Danielle Chalifoux, qui est directrice de l'Institut de planification des soins du Québec, ainsi que le Protecteur du citoyen.

Je souhaite donc la bienvenue à Mme Danielle Chalifoux. Je vous rappelle, Mme Chalifoux, que vous allez disposer de 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous procéderons aux périodes d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

Ouvrez votre micro, le micro. Non, je ne vous entends pas. Je ne vous entends pas.

Mme Danielle Chalifoux

(Visioconférence)

Mme Chalifoux (Danielle) : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Ah, woups! Allez-y. Non, on ne vous entend pas.

Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce que, comme ça, vous m'entendez?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, comme ça, on vous entend. Parfait, c'est bon, oui.

Mme Chalifoux (Danielle) : Mais moi, je ne vous entends pas.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Ah! là, vous ne m'entendez pas. Ça ne va pas très bien.

Mme Chalifoux (Danielle) : C'est à mon tour de ne pas vous entendre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On va suspendre quelques instants, puis il y a quelqu'un qui va vous appeler.

(Suspension de la séance à 19 h 32)

(Reprise à 19 h 37)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bon, est-ce que vous m'entendez?

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui, je vous entends bien.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Nous vous entendons également. Espérons que ça va fonctionner tout le long.

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui, espérons, oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, restez devant moi, on recommence dans quelques secondes.

Mme Chalifoux (Danielle) : D'accord.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, nous reprenons les travaux après cette petite pause. Mme Chalifoux, vous en étiez rendue à débuter votre présentation. On vous écoute.

(19 h 40)

Mme Chalifoux (Danielle) : Alors, bien, écoutez, merci de nous avoir invités à présenter notre position concernant ce projet de loi très important. Notre exposé oral s'inspire de notre mémoire, que nous avons cru bon de compléter par quelques exemples concrets. Alors, nous désirons en remercier particulièrement la Société SLA du Québec, qui nous a permis de tenir des groupes de discussion lors desquels nous avons pu mesurer la détresse, le besoin de soutien, tant physique, psychologique qu'économique, des personnes proches aidantes.

Avant de plonger directement dans le vif du sujet, nous aimerions souligner que, si les expériences vécues pendant la pandémie nous ont enseigné quelque chose, c'est que garder ces personnes proches malades et/ou en perte d'autonomie à domicile est de loin préférable à leur institutionnalisation. Alors, à cet égard, les personnes proches aidantes sont les chevilles ouvrières des soins à domicile. Et, comme certains l'ont dit, on est maintenant passés d'un État-providence aux proches aidants-providence. Donc, si elles tombent aussi au combat, les personnes proches aidantes, avec la pénurie aiguë de personnel, il n'y aura plus personne pour assurer les soins à domicile. C'est donc pourquoi, selon nous, il y a péril en la demeure et donc urgence d'adopter et de mettre en vigueur le p.l. n° 56.

D'ailleurs, ce projet de loi est une initiative louable, et plusieurs ont reconnu qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, mais le passé nous enseigne, et la Protectrice du citoyen le constatait récemment, il y a un écart entre les principes et orientations, par exemple, de la politique ministérielle Chez soi : le premier choix et ce qui se passe réellement sur le terrain. Cet écart non seulement persiste, mais il s'accroît. En conséquence, selon nous, il faut prendre tous les moyens pour que les principes élaborés et les structures créées dans le p.l. n° 56 ne subissent pas le même sort.

À cet égard, certains auraient souhaité une loi plus ambitieuse, qui a plus de dents, comme on dit dans une expression familière. Pour notre part, nous aurions souhaité, en fait, que la politique soit inscrite dans la loi elle-même et non déléguée à des autorités administratives qui bénéficient, certes, d'une grande marge de manoeuvre, mais dont les moyens sont limités et ne sont pas contraignants.

Voici quelques observations relatives à certaines modifications que nous proposons. Premièrement, je vous réfère à l'article 2 du p.l. n° 56 quant au statut des personnes proches aidantes et la question de la professionnalisation. On constate que le deuxième paragraphe de l'article 2 du p.l. n° 56 spécifie que «le soutien est offert à titre non professionnel». Nous soumettons respectueusement que les mots «non professionnel» insérés dans la définition des personnes proches aidantes portent à interprétation, pourraient éventuellement leur causer préjudice et sont aussi incompatibles avec l'article 39.6 du Code des professions. En effet, l'article 39.6 du Code des professions, qui est en vigueur depuis de nombreuses années, stipule que «malgré toute disposition inconciliable, un parent, une personne qui assume la garde d'un enfant ou un aidant naturel peut exercer des activités professionnelles réservées à un membre d'un ordre». Donc, les personnes proches aidantes accomplissent des activités professionnelles, et elles sont nombreuses à le faire, et, le plus souvent, en remplacement des services à domicile que devrait fournir le système de santé.

Par exemple, un de nos collaborateurs de la première heure, que j'appellerai Paul, a dû quitter son emploi pour prendre soin de sa conjointe qui est atteinte de la SLA. À cet égard, il dispensait des soins correspondant aux AVQ, activités de la vie quotidienne, dont celle de l'obligation de... sa conjointe avait besoin d'un lève-personne, donc il fallait qu'il actionne ce lève-personne-là régulièrement, à tous les jours, et, en plus, lui prodiguer des soins infirmiers complexes comme l'alimentation par gavage, des soins de trachéotomie, sans compter la surveillance reliée aux difficultés respiratoires de sa conjointe et la dispensation de plusieurs médicaments, qui étaient souvent prescrits au besoin, par voie d'injection ou donnés au moyen de papillons. Ayant moi-même fait des études en soins infirmiers et pratiqué notamment en soins palliatifs, je peux vous garantir que ce sont non seulement des soins professionnels, mais qu'ils sont complexes, certains, même pour une infirmière. Alors, dans cette optique, nous croyons qu'il est discriminatoire de les qualifier de non professionnels au seul motif que c'est une personne proche aidante qui les dispense. La distinction est même, à la rigueur, assez offensante, comme si les soins prodigués par des personnes proches aidantes pourraient être de moins bonne qualité ou de seconde catégorie. Les mots «non professionnel» du premier paragraphe de l'article 2, selon nous, devraient donc être retranchés.

Autre problème d'interprétation, toujours à l'article 2 du p.l. n° 56, qui mentionne que les soins prodigués par les personnes proches aidantes se font «dans un cadre informel». Nous avons peine à donner une signification exacte à ces termes, mais il se pourrait qu'ils soient interprétés comme interdisant aux personnes proches aidantes leur droit à la libre association dans un véhicule formel qui leur permettrait de négocier éventuellement des conditions d'exercice de leurs activités. Or, si c'était le cas, cela contreviendrait aux chartes, tant canadienne que québécoise, et à la jurisprudence de la Cour suprême. Nous soumettons donc que cette expression est ambiguë, à la rigueur inutile, et devrait donc être également retranchée.

Enfin, toujours à l'article 2, dans la nomenclature des tâches des personnes proches aidantes, on a oublié qu'elles ne font pas qu'organiser les soins mais qu'elles les dispensent. C'est pourquoi la nomenclature devrait prévoir aussi la dispensation des soins.

En conclusion, le paragraphe 2 de l'article 2 du p.l. n° 56, selon nous, devrait se lire comme suit : «Le soutien est offert par les personnes proches aidantes sans égard à l'âge, au milieu de vie ou à la nature de l'incapacité des membres de l'entourage[...]. Il peut prendre diverses formes, par exemple le transport, l'aide aux soins personnels et aux travaux domestiques, le soutien émotionnel ou l'organisation et la dispensation des soins.»

Deuxièmement, l'article 39.6, dont j'ai parlé tout à l'heure, du Code des professions, mentionne que les personnes proches aidantes dispensent des services professionnels, oui, mais sans rémunération. Alors, je pose la question, est-il acceptable, de nos jours, que la loi prévoie encore de faire travailler quelqu'un sans lui offrir quelque sorte de rémunération, alors que, pour le même travail, une personne reconnue comme, entre guillemets, professionnelle, elle, est rémunérée? Juridiquement, c'est une belle illustration de discrimination systémique. À cet égard, nous recommandons que la mention «sans rémunération» de l'article 39.6 du Code des professions soit retranchée.

Notre troisième et dernier point concerne l'opportunité d'une approche fondée sur les droits. Les personnes proches aidantes ont droit à la dignité, à l'égalité de traitement, à la non-discrimination, y compris celle d'origine systémique. Un exemple est le cas de Carole. Carole est le seul soutien financier de la famille, qui comporte deux jeunes enfants. Son conjoint souffre de la maladie de la SLA, et son état se détériore, et vient le moment où Carole ne peut plus concilier son travail avec ses rôles de parent et de personne proche aidante. Alors, son conjoint est devenu non autonome, et l'aide du CLSC est gravement insuffisante, Carole doit donc quitter son emploi et, après avoir épuisé quelques ressources financières, elle demande au CLSC de pouvoir bénéficier du programme chèque emploi-service, dont certains d'entre vous doivent, j'imagine, avoir connaissance. Ce programme lui permettrait de pouvoir s'occuper de son conjoint et au moins survivre financièrement. Cette demande lui est refusée parce qu'elle est un membre de la famille et qu'elle habite sous le même toit que son conjoint. Épuisée et déprimée, Carole, ne voyant aucune solution, décide de se séparer de son conjoint. Celui-ci se retrouve donc seul, le CLSC insiste pour qu'il soit institutionnalisé, solution à laquelle il a dû se résoudre, malgré que cela était son pire cauchemar. C'est un exemple d'une pratique qui devrait cesser. Elle est d'ailleurs interdite par la Charte des droits au motif de l'état civil, il y a de la jurisprudence là-dessus.

À cet égard, je voudrais ici rendre hommage à l'organisation Parents jusqu'au bout! et particulièrement à Mme Marilyne Picard, qui a su mener un dossier qui s'apparente au sort des personnes comme Carole quand il s'agit de familles proches aidantes, de personnes... d'enfants, pardon, lourdement handicapés et d'une juste compensation pour leurs services. Alors, resterait maintenant à appliquer cette même logique aux autres catégories de personnes proches aidantes dans des situations similaires.

Alors, nous croyons donc que c'est le pouvoir législatif et non le pouvoir exécutif qui devrait créer, dans le p.l. n° 56, des droits formels à l'intention des personnes proches aidantes, créer des obligations au gouvernement quant à leur mise en oeuvre, que le p.l. n° 56 prévoie aussi que les personnes en poste soient imputables et qu'il prévoie des recours et des sanctions. Cette approche axée sur la reconnaissance formelle des droits des personnes proches aidantes et la possibilité pour elles de les faire valoir serait un outil de valorisation et d'autonomisation de ces personnes.

Nous soumettons aussi qu'il serait approprié que des droits spécifiques à l'égard des personnes proches aidantes lui soient reconnus dans le p.l. n° 56 : droit de consentir ou de refuser d'être proche aidant, droit au répit...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme Chalifoux?

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois...

Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce que vous me donnez... Il me reste une minute.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste une minute? Si la ministre accepte... que ce soit pris sur votre temps. Il y a consentement, ça va? Allez-y, allez-y.

Mme Chalifoux (Danielle) : Ah! bien, vous êtes bien gentils. Merci infiniment. Alors donc, les droits dont je viens de faire une petite nomenclature, là, pourraient être reconnnus avec comme modèle ou comme exemple la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui ont, si vous voulez, instauré une charte des droits des usagers. Eh bien, on pourrait avoir ce même genre d'instrument, qui s'est avéré très précieux pour les usagers, qui concerne les personnes proches aidantes et qui pourrait être inséré dans le p.l. n° 56. Selon nous, ce serait une façon de donner plus de force et d'impact au projet de loi.

Alors, Mmes, MM. les députés, vous êtes... (panne de son) ...et, en ce sens, vous... (panne de son) ...les pleins pouvoirs pour faire en sorte que le p.l. n° 56 ne soit pas qu'un guide créateur de structures, mais qu'il soit générateur de droits et obligations qui engage véritablement le gouvernement. Je m'excuse d'avoir pris un peu trop de temps. Et voilà, je suis prête à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Chalifoux, merci pour votre exposé. Alors, nous allons rapidement passer, donc, à la période d'échange avec les membres de la commission, et la ministre va prendre la parole. Nous avons 15 minutes pour la ministre.

• (19 h 50) •

Mme Blais (Prévost) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Me Chalifoux, merci beaucoup pour cet éclairage, qui est tout à fait différent des autres éclairages que nous avons vus jusqu'à maintenant. On voit que vous êtes une avocate, une personne dans le droit, les droits, les obligations, etc.

Je voudrais vous rassurer par rapport au chèque emploi-service, on a commencé à le modifier, surtout à cause de notre députée de Soulanges, celle dont vous avez parlé tout à l'heure. Je ne peux pas prononcer son nom, mais elle va vous poser des questions. Maintenant, les parents qui ont des enfants en situation de handicap peuvent s'en prévaloir, et on est en train aussi de regarder comment les proches aidants pourraient aussi pouvoir en bénéficier, alors...

Mais parce que je veux laisser mes collègues vous poser des questions... J'ai vu, à quelque part, le commissaire aux plaintes, et vous savez qu'on a un projet de loi sur le commissaire aux plaintes, le projet de loi n° 52, et vous dites, à quelque part dans votre mémoire, que... vous parlez, évidemment, des droits des usagers puis vous dites : «C'est pourquoi leur insertion dans le p.l. n° 56 nous semble appropriée, tout comme il nous semble important aussi de leur adjoindre la possibilité de formuler des plaintes auprès du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, afin qu'il leur soit possible d'assurer l'exercice de ces droits qui leur sont spécifiques, comme d'ailleurs c'est le cas pour d'autres lois en matière de maltraitance et de soins de fin de vie.» Je veux vous entendre là-dessus.

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, écoutez, c'est un peu... ce que j'ai un peu escamoté à la... il me manquait du temps, alors je vous remercie de me donner l'occasion d'élaborer là-dessus... Effectivement, je trouve que la façon dont la Loi sur les services de santé et les services sociaux a été structurée, c'est-à-dire elle comporte, elle aussi, des orientations, des principes directeurs... que le p.l. n° 56, mais... ce qu'on a appelé la Charte des droits... qui concerne plutôt les soins que les services et qui, d'une certaine façon, a été un outil tellement précieux de défense des droits des... a donné l'occasion à des comités d'usagers de naître un peu... et de recours au commissaire aux plaintes et à la qualité des services a fait que les personnes ont pu exprimer, exercer des droits dans ce sens-là, et je pense que c'était une avancée très importante en matière de santé.

Maintenant, en matière de services, en matière de proche aidance, malheureusement, ce n'est pas complet parce qu'il y a plein de droits qui devraient être reconnus aux proches aidants, comme le droit au répit, comme le droit de consentir ou de refuser de devenir proche aidant, le droit au partenariat avec les autres membres, les autres intervenants en santé. En tout cas, il y a plusieurs droits, je n'ai pas besoin de vous faire la nomenclature, vous les connaissez mieux que moi. Alors, si ces droits-là pouvaient être, de la même façon, inclus dans le projet de loi n° 56, et avec un recours possible au commissaire aux plaintes et à la qualité des services en cas, disons, de non-respect de ces droits-là, ça donnerait une possibilité aux proches aidants d'agir directement. Ça leur donnerait une occasion, un, non seulement de faire valoir leurs droits, mais, en même temps, de favoriser leur autonomisation.

Parce que, respectueusement, je trouve aussi que, dans le projet de loi n° 56 et en général, on parle beaucoup au nom des proches aidants. On a des... je m'excuse de le dire de cette façon-là, mais il n'y a pas d'autre mot qui me vient, mais des fois on a comme une attitude un peu condescendante, «nos proches aidants», «les proches aidants». Moi, j'aimerais que les proches aidants exercent eux-mêmes leurs droits, je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire, que les personnes proches aidantes puissent s'autonomiser par rapport à... avaient effectivement ce recours au commissaire aux plaintes en vertu de droits spécifiques qui leur sont donnés dans le p.l. n° 56, je pense que ça serait une avancée importante.

Mme Blais (Prévost) : Me Chalifoux, seulement pour vous dire, et ce sera, après ça, ma dernière question... Me Chalifoux, pour en venir à la définition qu'on a eue dans le projet de loi, on a fait de multiples consultations auprès des personnes proches aidantes, des personnes aidées, des organismes auprès des proches aidants, ça a commencé le 11 décembre. Après ça, on a même eu un comité de proches aidants. Donc, ce que vous retrouvez là et les axes de la politique qui sont là, ça émerge des proches aidants eux-mêmes, qui nous ont parlé... il nous reste une dernière consultation dans le réseau de la santé, mais qui émerge, je vous dirais, là, d'une quantité incroyable de consultations faites pour ça. Ça fait que je voulais juste vous le dire.

Et je veux vous poser cette question-là. Votre vision, votre présentation par rapport à la loi serait très différente de celle qu'on propose, qui irait vraiment dans les droits et les devoirs, les devoirs, les droits, les obligations, aussi, des proches aidants. Est-ce qu'on pourrait, j'imagine, adopter la loi n° 56 avec certains amendements et travailler là-dessus avec un statut légal? Parce que vous proposez même d'ouvrir la Charte des droits et libertés de la personne, donc ça va loin, ça demande beaucoup de travail. Donc, en ayant une loi-cadre, une politique, un plan d'action, une obligation de déposer un rapport, ça nous permet aussi de faire évoluer dans le temps tout ce qui se passe par rapport à la proche aidance. On est quand même à un certain balbutiement, là, on commence, par une loi, à vouloir les reconnaître. Qu'est-ce que vous en pensez, de ma proposition?

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, ce que j'en pense, c'est que ce n'est pas incompatible. Je pense qu'il y a moyen, simplement en ajoutant, si vous voulez, une nomenclature de droit dans le p.l. n° 56, de faire les deux en même temps. Comme disait, je ne sais pas trop, là, quelqu'un que je connaissais bien, on peut mâcher de la gomme puis marcher en même temps. Alors, c'est un peu ça que je voulais dire, c'est que, selon nous, ça donnerait un peu plus de mordant à la loi, si vous voulez, ça permettrait non seulement de... politique qui va... avec des rapports, avec... qui vont être... Compte tenu du fait que c'est très urgent que les proches aidants aient un meilleur statut, parce qu'elles sont en train, vraiment, là, de mourir à la tâche, et ce qui s'en vient, ce n'est pas beau, ce n'est pas joli, il faudrait qu'il y ait comme quelque chose, me semble-t-il, déjà, maintenant, dans la loi, qui les protège en plus de... Je ne pense pas que ce soit incompatible, Mme Blais, moi, il me semble qu'on pourrait faire...

Mme Blais (Prévost) : Merci, Me Chalifoux.

Mme Chalifoux (Danielle) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je reconnais la députée de Soulanges. Alors, je vous indique qu'il reste 7 min 40 s à votre groupe parlementaire.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Chalifoux.

Mme Chalifoux (Danielle) : Bonjour.

Mme Picard : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je note surtout le volet urgence, que vous avez mentionné à quelques reprises dans votre intervention. Je crois aussi, là, que ça devrait être vraiment très urgent, là, parce que les gens l'attendent énormément dans le milieu.

Je n'ai aucune idée si vous avez pris connaissance du projet de loi n° 18, qui est devenu une loi sur le curateur, qui donne un rôle d'assistant. Est-ce que vous y voyez un parallèle à faire entre le rôle d'assistant et le rôle de proche aidant? Est-ce qu'on pourrait les mettre ensemble? Est-ce qu'il y aurait moyen de les amalgamer?

Mme Chalifoux (Danielle) : Écoutez, je ne suis pas très, très familière avec ces modifications sur la Loi sur le curateur public. Je sais qu'il y a... une nouvelle... dans la catégorie, là, des personnes... Alors, cette personne qui aide, là, aide, selon la... de prendre des décisions, de soutenir la personne dans la planification de ses soins, dans l'organisation, si vous voulez, de son budget, des choses comme ça. C'est... (panne de son) ...une question de soins. Moi, le proche aidant, ça se peut que ça fasse partie de son travail aussi, mais c'est surtout la personne qui est proche aidante... s'occupe surtout de la personne qui est, bon, en perte d'autonomie importante au niveau physique, dispense des soins, organise tout ça, puis ça fait partie, si vous voulez, de l'aide qu'il peut... la personne proche aidante peut donner, mais je vois mal comment on pourrait vraiment, disons, fondre les deux en même temps. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question. Pour vous, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Picard : ...je sais que c'est quand même spécifique comme question, là, ça demandait peut-être une meilleure... une connaissance aussi, beaucoup, là, du p.l. n° 18, donc on pourrait peut-être s'en reparler, là, si vous voulez.

J'ai aussi vu que vous avez une vision du droit des accommodements raisonnables. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus sur les accommodements raisonnables?

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui, bien, voyez-vous, ça, c'est toute la question qui est prisée par le fait que, dans la Charte des droits et libertés, les motifs de discrimination, c'est important, parce qu'on ne peut pas... à la commission, on ne peut pas faire valoir un droit si on n'a pas un motif de discrimination évoqué. Or, malheureusement, la Cour d'appel a décidé que ni l'état civil, ni la condition médicale, ni le fait d'être handicapé, etc., ne pouvait préserver ou protéger les proches aidants de discrimination. Donc, il faudrait quasiment augmenter un petit peu la protection des proches aidants en incluant dans les motifs de discrimination la situation de famille. Ce ne serait pas un précédent parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne l'a fait déjà depuis plusieurs années, et ça permet justement aux proches aidants de pouvoir bénéficier des accommodements raisonnables, quand ils travaillent, de pouvoir bénéficier du service qu'offre la Commission des droits de la personne sur les accommodements raisonnables. Ce serait un gros pas en avant parce que ça permettrait, si vous voulez, une base solide pour pouvoir revendiquer auprès des employeurs, justement, ces accommodements raisonnables que, dans le moment, ils sont obligés de donner aux personnes proches aidantes.

Mme Picard : Merci beaucoup.

Mme Chalifoux (Danielle) : Ça fait plaisir.

• (20 heures) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant le député de Beauce-Sud, et il reste 3 min 40 s à votre temps.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Me Chalifoux, très intéressant de vous entendre. Je lisais avec beaucoup d'intérêt votre parcours. Vous êtes membre du Barreau depuis 1985. On dit que vous vous êtes consacrée, donc, on le sait, à la défense des droits des usagers du système de santé, des personnes âgées et de l'atteinte de déficits fonctionnels, physiques ou psychologiques des personnes proches aidantes ainsi que de la planification des soins. Vous avez donc un portrait fort intéressant de comment fonctionne notre réseau de la santé à travers le Québec, en plus d'avoir été membre du conseil d'administration de l'Hôpital Pierre-Boucher, qui n'est quand même pas un hôpital banal au Québec, en plus d'être impliquée avec les maisons Gilles-Carle, aussi, de Boucherville, qui... je sais, notre ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, avec ma collègue la députée de Montarville, a travaillé très fort. Alors, vous avez donc une belle vue d'ensemble.

Cette loi-là est une première, évidemment, et on souhaite envoyer un signal fort à l'ensemble du réseau de la santé sur l'importance des proches aidants. Avec l'expertise que vous avez, est-ce que vous pensez que le fait de l'enchâsser dans une loi va crédibiliser, donc, le rôle des proches aidants auprès, par exemple, de conseils d'administration dans lesquels vous avez été membre, auprès du milieu hospitalier, et, avec le regard juridique que vous avez, bien, que ça ne peut être que du positif, en fait?

Mme Chalifoux (Danielle) : Mon Dieu! C'est difficile de prévoir l'avenir, de voir comment ça va évoluer. Ça va évoluer aussi dépendamment comment est-ce que les structures qui vont être mises en place vont agir, est-ce que ça va être long avant d'avoir des résultats ou pas. Je dirais que, mon expérience personnelle sur les mémoires, les politiques du gouvernement sont souvent... là, je veux être bien respectueuse envers tout le monde, ici, là, mais sont souvent, aussi, des documents qui, dans la vie de tous les jours et... (panne de son) ...n'a pas nécessairement... donc il y a un écart entre les deux. Puis je pense que, dans les soins à domicile, ça a déjà été constaté, et moi, personnellement, j'ai aussi... j'ai été infirmière, c'étaient des soins palliatifs, j'avais pris connaissance des politiques en soins... (panne de son) ...et tout ça qui, normalement, devrait être mis en place, mais malheureusement il y a encore énormément à faire.

C'est pour ça qu'en tant que juriste j'ai plus confiance en une loi, qui déploie, si vous voulez, des principes et qui a des moyens pour contraindre l'exercice de ces droits-là, qu'une politique exécutive qui, malheureusement... on ne sait pas exactement qu'est-ce que ça va donner. On espère que ça va bien donner. C'est sûr que ça va nécessairement... le rôle des proches aidants... disons, parmi la population... (panne de son) ...plus important, c'est sûr, mais est-ce que ça va vraiment avoir des incidences directes sur les proches aidants? Bien, ça, c'est encore à...

M. Poulin : Absolument, comme l'ensemble des politiques. Puis, si nous, on est en politique, et je suis convaincu que c'est la même chose pour la ministre, c'est parce qu'on a été déçus, par moments, de choses qui ne se sont pas faites, qui ne sont pas livrées. Et c'est pour ça qu'on arrive avec une loi, en disant... comme vous le dites, qui pourrait donc permettre de mieux encadrer ce qu'on souhaite faire et de mieux le faire également, là.

Mme Chalifoux (Danielle) : Exactement. Moi, c'est ce que je pense qu'on devrait... que vous devriez faire, là, en toute humilité et en tout respect, parce que c'est vous autres, le pouvoir législatif, c'est... vous l'avez. Si vous l'exercez avec... de façon judicieuse, bien, tu sais, c'est au bénéfice de tous les citoyens du Québec.

M. Poulin : Merci, Me Chalifoux. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Merci, Me Chalifoux. Nous sommes maintenant rendus à la période de temps qui est consacrée à l'opposition officielle avec un temps de 11 minutes, maître.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente... J'ai perdu la voix. Merci beaucoup, Me Chalifoux. Écoutez, votre présentation, tellement intéressante. Il y a un éclairage, effectivement, comme le nommait la ministre, un éclairage un peu nouveau sur tout ce projet de loi. Évidemment, votre expertise, votre expérience nous amène sur une zone excessivement sensible, puis qui devrait être fondamentale dans ce projet de loi, qui est l'expression des droits des proches aidants avant tout.

Je veux vous dire que j'ai beaucoup apprécié aussi... avant d'y aller sur des questions plus précises, je veux vous dire que j'ai beaucoup apprécié que vous nous livriez des témoignages des quotidiens réels de ce que vivent les proches aidants avec leur réalité de vie. Parce qu'il faut se le dire, là, on est là, autour d'une table, puis on est en train de vouloir tous vouloir bonifier ce projet de loi, mais il faut se ramener à l'essence même, le proche aidant, sa réalité et comment ça se passe dans son quotidien. Vous avez d'ailleurs eu des commentaires là-dessus, de dire : Il faut absolument qu'on se questionne sur la vie de tous les jours. Alors, vous avez amené beaucoup de propositions excessivement pertinentes. Vous dites que ce projet de loi mériterait d'avoir davantage de dents, que la politique devrait être inscrite dans le projet de loi. Si, demain matin, on avait à adopter ce projet de loi, quel est l'élément clé, à travers toutes les propositions que vous amenez, qui ferait en sorte qu'on serait en train de changer la vie des proches aidants au quotidien?

Mme Chalifoux (Danielle) : Merci de cette question, parce que j'apprécie beaucoup le fait que je puisse m'exprimer là-dessus, parce que, personnellement, si on devait ne retenir qu'une chose, qu'une recommandation de notre mémoire, ce serait de créer, dans le p.l. n° 56, une nomenclature de droits, comme c'est fait pour les droits des usagers dans... (panne de son) ...et services sociaux. La Loi des services de santé et des services sociaux contient, comme le p.l. n° 56, des orientations, des principes directeurs, et le chapitre qui suit ces principes et ces orientations concerne les droits des usagers. Alors, moi, j'insérerais, dans le p.l. n° 56, les droits des proches aidants, donc, qui sont bien connus, puis que, là... ce n'est pas nécessaire d'en faire la nomenclature, mais des droits spécifiques, là, comme le droit au répit, comme le droit à la formation ou à l'information, ces droits-là, et que ces droits-là soient insérés dans le projet, comme on l'a fait pour la Loi sur les services de santé et services sociaux, et qu'on y ajoute la juridiction du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, comme ça, la personne qui se voit, disons, dans une position où elle n'a pas eu la formation qu'elle aurait dû avoir pour faire un soin quelconque ou un traitement pourrait porter plainte ou la personne qui ne se voit pas reconnaître comme partenaire et dont on ne tient pas compte de l'opinion par rapport à ce que l'aidé a besoin, et puis... Parce que, vous savez, la personne proche aidante, c'est elle qui vit à tous les jours, 24 heures par jour avec l'aidé, en général, alors elle sait quels sont ses besoins puis comment il réagit à toutes sortes de choses. Alors, je pense que pouvoir officiellement faire une plainte au commissaire aux plaintes qui, éventuellement, peut aller jusqu'au Protecteur du citoyen serait une avancée assez extraordinaire. Moi, je serais vraiment très satisfaite et très contente si ça, c'était inclus dans le projet de loi.

Mme Sauvé : Merci beaucoup pour votre réponse. Donc, vous parlez, évidemment, de cette nomenclature, le droit à l'information, le droit au répit, le droit aux recours, également. Et là je vais vous lancer un peu une piste de réflexion qu'on a déjà abordée avec d'autres partenaires qui sont venus faire leur présentation. Vous avez parlé du statut légal, et tantôt la collègue a parlé... a fait un parallèle avec la loi n° 18 sur le curateur. Est-ce que ce serait une idée à envisager de pouvoir créer un registre pour les proches aidants, dans le sens où ce registre permettrait, entre autres, d'informer sur les droits, d'informer sur les recours, d'informer sur l'aide, le répit, les ressources qui existent? Alors, est-ce que c'est une idée qui pourrait faire sens dans l'appropriation, pour le proche aidant, de tous ces droits et de l'information à laquelle il a droit?

Mme Chalifoux (Danielle) : Ah mon Dieu! Mme la députée, je m'excuse, là, je ne sais pas quelle est votre circonscription, là, je ne l'ai juste pas apprise par coeur, mais... (panne de son) ...nous avons d'ailleurs... quand on a parlé, là, de... (panne de son) ...d'association, par ailleurs, pour éventuellement regrouper les proches aidants pour qu'ils puissent négocier certaines choses avec le gouvernement. D'ailleurs, à cet égard-là, je pense qu'on pourrait peut-être fouiller un peu plus cet aspect-là pour certaines associations... mais de faire un regroupement, à même une base de données solide, qui inscrirait des proches aidants qui le sont comme tels, ça ne serait pas une mauvaise chose, je pense que ça serait même très bien, ça serait très bien reçu, et qui pourrait... Je ne sais pas si je peux vous poser la question, mais est-ce que ça serait un registre qui serait... (panne de son) ...par le gouvernement?

• (20 h 10) •

Mme Sauvé : Oui.

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui. Alors, ça serait... moi, je serais favorable à ça, oui.

Mme Sauvé : Je vais continuer avec une autre question. Toujours, évidemment, on souhaite être pragmatiques, parce que le but, c'est, évidemment, de changer la vie et le soutien aux proches aidants. Il a été question beaucoup de dossier médical, et tantôt on a eu l'occasion, aussi, d'y ajouter un élément, peut-être un plan d'intervention et d'accompagnement individualisé pour soutenir le proche aidant. Je fais appel à vous, dans votre expertise, parce que vous avez parlé beaucoup du Code des professions, alors, je voulais un peu tendre la perche et voir si c'est une alternative envisageable, parce qu'évidemment il y a la sensibilité des informations personnelles et confidentielles liées aux différents ordres professionnels qui pourraient contribuer à soutenir le proche aidant, que ce soit dans le dossier médical ou dans un plan d'accompagnement. Est-ce que c'est une avenue qui est réaliste, selon vous, dans la protection des renseignements puis dans le respect des ordres professionnels?

Mme Chalifoux (Danielle) : J'aborderais la question, si vous permettez, dans le sens de qu'est-ce que c'est, le secret professionnel dans une optique de partage. Comme, quand on est dans un système... disons, vous êtes à l'hôpital, vous êtes dans une maison de soins quelconque, le secret professionnel se partage entre les gens qui ont besoin de savoir certaines choses par rapport à un patient. D'autre part, par exemple, un ambulancier, qui, normalement, a à transporter un patient d'un endroit à l'autre, n'a pas l'obligation de... un, l'obligation de... (panne de son) ...et, à cet effet-là, doit connaître certaines choses du dossier médical. Il ne doit pas le connaître au complet, il le connaît dans la mesure où c'est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. C'est ce qu'on appelle la théorie du partage du secret professionnel. Et, si le proche aidant, dans l'exercice de ses fonctions, doit connaître certaines choses qui sont dans le dossier médical pour pouvoir donner des soins et services appropriés, il devrait être capable de partager cet aspect-là. Ça ne veut pas dire qu'il serait nécessaire de tout partager, parce que, même, admettons que ce soit un conjoint ou que ce soit un enfant, ça ne veut pas dire que, nécessairement, toutes les informations contenues dans le dossier seraient accessibles au proche aidant, ce seraient les informations qui sont nécessaires, essentielles à l'exercice de ses fonctions comme personne proche aidante.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Me Chalifoux, merci. Je vais... S'il reste du temps, je...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste encore, pour le député de D'Arcy-McGee, 2 min 20 s.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Me Chalifoux... (panne de son) ...très intéressant. Vous proposez un régime beaucoup plus déclaratif, vous parlez des droits et des obligations, et à juste titre, c'est très intéressant. Évidemment, il y a des choses concrètes qui en découleraient, et, j'imagine, fait correctement, des protections pour les proches aidants... et les aider, et des obligations, en quelque part, pour les établissements qui les accueillent et pour d'autres instances.

Maintenant, si on est pour parler d'un tel régime beaucoup plus imputable, déclaratif, et tout ça, il faudrait vraiment s'entendre sur la définition. Vous savez qu'on a eu plusieurs, plusieurs discussions là-dessus. Comment vous vous situez là-dessus? Comment on décide qui est assujetti à ce régime-là? Qu'est-ce que vous feriez avec la définition telle que proposée dans le projet de loi devant nous?

Mme Chalifoux (Danielle) : La définition telle que proposée, selon nous... On l'a déjà regardé, cet aspect-là, elle nous satisfait, sauf pour la question de ce qu'on appelle, entre guillemets, la professionnalisation. C'est qu'on ne voudrait pas que les proches aidants... Vous savez, les proches aidants étaient autrefois appelés des aidants naturels. Tout ce qui se faisait en ce sens-là était en général fait par la mère ou la conjointe à la maison, dans la sphère totalement privée. Alors, on est partis de ça pour ensuite professionnaliser de plus en plus. Le Code des professions a permis que le proche aidant puisse faire n'importe quel soin qui, normalement, est dévolu à un ordre professionnel, donc il a le droit de le faire, il fait des soins professionnels, et c'est une évolution normale, étant donné qu'on n'est plus dans le domaine de la mère à la maison qui fait tout puis qui est... et des aidants naturels. On est dans une autre forme de proche aidance, ce qui fait que les personnes qui sont proches aidantes, aujourd'hui, sont nécessairement des personnes qui travaillent, donc ce sont des personnes qui soit vont être obligées de quitter leur emploi, de travailler à temps partiel ou d'avoir des conditions particulières que, présentement, l'employeur n'est pas obligé de lui donner, et donc il y a des pertes de revenus, il y a des pertes...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Chalifoux, c'est tout le temps...

Mme Chalifoux (Danielle) : Ah! je m'excuse. C'est terminé? O.K. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En fait, c'est terminé pour cette portion, là, de temps. Je me tourne maintenant du côté du député de Rimouski, qui bénéficie d'une période de 2 min 45 s.

M. LeBel : Bonsoir.

Mme Chalifoux (Danielle) : Bonsoir.

M. LeBel : J'ai apprécié les situations réelles que vous avez amenées tantôt. Je vais vous en rajouter. Une personne malade qui a besoin de soins, qui a l'aide sociale, la solidarité sociale, veut demeurer avec sa conjointe pour qu'elle prenne soin de lui, mais, s'ils demeurent ensemble, il perd tous ses revenus parce qu'à l'aide sociale tu n'as pas le droit d'avoir... tu es reconnu vivre maritalement, mais tu n'as pas le droit. J'ai vu des cas... une dame, deux personnes à l'aide sociale qui veulent s'aider, qui ont décidé... une qui était très malade, puis le monsieur, il dit : Je vais t'aider. Ils ne sont pas ensemble, ils ont décidé de demeurer ensemble pour s'aider, bien, ils ont été coupés, à l'aide sociale, parce qu'ils sont reconnus vivre maritalement. C'est des situations malheureuses, mais qu'il faut se battre à chaque fois avec le ministre. D'une façon exceptionnelle, là, il a un pouvoir discrétionnaire cas par cas, mais c'est des cas qui existent, puis j'espère que ça pourra... que ce projet de loi pourra peut-être corriger des choses.

Moi, le mot... quand vous parlez de discrimination systématique envers les femmes, moi, je trouvais ça... c'est très gros, il faut prendre ça au sérieux. Qu'est-ce qu'on peut faire, comme législateurs, là, quand on va étudier le projet de loi? Quand je vois «discrimination systématique envers les femmes», je dis : Qu'est-ce qu'on peut se donner comme guide pour répondre à ça, là? C'est un avertissement que vous nous donnez.

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui, effectivement. Je donnais l'exemple du chèque emploi-service parce que c'est un exemple patent, ça, de discrimination qui est inscrite, si vous voulez, dans les pratiques gouvernementales officielles. Mme Blais vient de dire qu'ils sont en train de réviser cette politique, je suis très contente de l'apprendre, parce qu'effectivement c'en est un, exemple, ça. Le chèque emploi-service est donné à des personnes qui ne font pas partie de la famille, et que la famille, si vous voulez, c'est... (panne de son) ...de crédits d'heures soins qui est donnée pour soins à domicile. Malheureusement, soit le conjoint, ou un enfant, ou, en tout cas, la personne qui voudrait donner ces soins-là mais qui est de la famille était exclu de ce programme-là. Ça, c'est vraiment un cas typique... c'est un cas, disons, flagrant de discrimination parce que basé sur l'état civil. C'est parce que vous êtes le conjoint, c'est parce que vous êtes un parent, que vous ne pouvez pas l'avoir, mais c'est...

M. LeBel : Je n'ai pas beaucoup de temps. Je n'ai pas beaucoup de temps. Juste rajouter...

Mme Chalifoux (Danielle) : ...

M. LeBel : Non, non, mais je m'excuse, je n'ai pas beaucoup de temps. Mais est-ce que, dans la discrimination systémique, il y a aussi le fait que, souvent, c'est les femmes qui sont proches aidantes, et les femmes, pendant qu'elles font la proche aidance, bien, elles ne préparent pas leur avenir, elles paient longtemps ce moment-là parce qu'après elles n'ont pas cotisé, elles n'ont pas ci, ils n'ont pas ça? On appelle la postaidance. Moi, je pense que ça fait partie aussi... C'est beaucoup les femmes qui ont ça, ça fait partie d'une discrimination systémique.

Mme Chalifoux (Danielle) : Absolument.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Très rapidement, très rapidement. Très, très, très rapidement.

Mme Chalifoux (Danielle) : Dans notre mémoire, là, on a abordé cette question.

M. LeBel : Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Mme Chalifoux, pour votre apport aux travaux de la commission.

Alors, je suspends à peine quelques instants, le temps d'installer le prochain groupe en visioconférence. Merci, Mme Chalifoux... maître.

(Suspension de la séance à 20 h 19)

(Reprise à 20 h 21)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Protecteur du citoyen. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc, à ce point-ci, à vous présenter et à débuter votre exposé.

Protecteur du citoyen

(Visioconférence)

Mme Rinfret (Marie) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me présente, Marie Rinfret, Protectrice du citoyen. Je suis accompagnée, ce soir, de Mme Pauline Cummings, qui est coordonnatrice aux enquêtes en santé et services sociaux.

Bonjour, madame... bien, bonjour... bonsoir, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés membres de cette commission. Je vous remercie d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi n° 56, Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes et modifiant diverses dispositions législatives.

Je rappelle que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services publics d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec ou encore d'une instance du réseau de la santé et des services sociaux. Il veille aussi à l'intégrité des services publics en traitant les divulgations qui s'y rapportent. Lorsqu'il le juge opportun et d'intérêt public, le Protecteur du citoyen propose des modifications à des projets de loi ou de règlement. C'est à ce titre que je vous présente aujourd'hui le présent mémoire concernant le projet de loi n° 56.

Nos constats s'appuient principalement sur les plaintes que nous avons reçues de personnes proches aidantes ou de personnes auprès desquelles elles interviennent. On parle ici de personnes en perte d'autonomie, malades ou vivant avec un handicap. D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen accueille favorablement le projet de loi n° 56. La volonté de valoriser et de soutenir la contribution des personnes proches aidantes rejoint nos priorités. Je porte à votre attention le fait que le projet de loi a pour objet de guider le gouvernement dans la planification et la réalisation d'actions.

Cependant, j'observe qu'il concerne principalement la mise en place de structures et de mécanismes, alors que des personnes proches aidantes ont besoin de gestes concrets pour apporter des solutions efficaces et immédiates aux difficultés qu'elles vivent. Je m'explique. Faisons un bref retour dans le temps. En 2003, le ministère de la Santé et des Services sociaux a rendu publique Chez soi : le premier choix — La politique de soutien à domicile. Cette politique, toujours en vigueur après 17 ans, s'appuie sur le principe suivant, et je cite : «Dans le respect du choix des individus, le domicile sera toujours envisagé comme la première option, au début de l'intervention ainsi qu'à toutes les étapes.» Depuis 2003, l'application de la politique, qui n'a jamais été mise à jour, s'est écartée de cet engagement. Dans le cadre de nos interventions, on a, par exemple, constaté de nouveaux critères d'exclusion des services de soutien à domicile, des délais de plus en plus longs pour y avoir accès et une diminution de leur intensité. Ces obstacles mènent à l'épuisement de personnes proches aidantes avec les impacts prévisibles pour les personnes aidées. La situation a également entraîné des séjours prolongés à l'hôpital de personnes qui auraient été en mesure de retourner à la maison si elles avaient pu compter sur le soutien à domicile nécessaire.

En 2012, le Protecteur du citoyen a publié un rapport d'enquête dont le titre était Chez soi : toujours le premier choix? Notre rapport posait ainsi une question qui en suggérait la réponse. Ainsi, près de 10 ans après la publication de la politique gouvernementale, il apparaissait évident que, pour trop de gens, le choix de demeurer chez soi n'était plus une option. Pour bon nombre de personnes proches aidantes, le poids était trop lourd.

En 2018‑2019, le Protecteur du citoyen a souligné, dans son rapport annuel, que la politique ministérielle continuait de s'éloigner de la cible du chez-soi comme premier choix. Plus récemment, dans notre dernier rapport annuel, le Protecteur du citoyen s'est penché sur la question en recommandant notamment de mettre fin aux disparités régionales concernant l'attribution des heures de service. Et l'actuelle crise sanitaire de la COVID-19 met en évidence chaque jour l'urgence d'agir pour assurer la qualité de vie des personnes qui comptent sur leurs proches pour une aide indispensable.

Le projet de loi n° 56 se veut une reconnaissance des responsabilités et des besoins des personnes proches aidantes. C'est un pas dans la bonne direction, mais il doit comporter des mesures d'aides plus directes et immédiates. Le projet de loi vise l'adoption d'une politique nationale pour les personnes proches aidantes fondée sur des principes directeurs. Ces principes visent, entre autres, à reconnaître l'apport des personnes proches aidantes, à préserver leur santé et leur bien-être, à respecter leur volonté, à les impliquer davantage dans les choix collectifs et à prendre en compte la diversité des scénarios aidants-aidés. Pour donner un effet immédiat et concret à la politique nationale, je recommande l'ajout d'un principe directeur visant à assurer le soutien approprié aux personnes proches aidantes dans l'accomplissement de leurs tâches au quotidien. De plus, le projet de loi n° 56 propose que la politique nationale s'articule autour de quatre axes, ceux-ci portant sur la reconnaissance des personnes proches aidantes, en même temps que la mobilisation des autres acteurs concernés, l'accroissement des connaissances dans ce domaine, le développement des services de santé et des services sociaux destinés aux personnes proches aidantes et l'instauration d'environnements soutenant leur participation sociale. Toujours pour assortir la politique de retombées directes, je recommande d'y ajouter un cinquième axe visant spécifiquement le développement ou l'amélioration des programmes de soutien matériel et financier à l'intention des personnes proches aidantes.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la création d'un comité de suivi de l'action gouvernementale pour le soutien aux personnes proches aidantes et d'un comité de partenaires concernés par le soutien aux personnes proches aidantes. Toujours dans l'optique de passer à l'action rapidement, le Protecteur du citoyen met en garde contre toute lourdeur bureaucratique qui freinerait les initiatives concrètes. Il importe donc d'éviter tout retard dû à la constitution et à la mise en marche de ces comités.

Par ailleurs, afin que la composition du Comité de partenaires concernés par le soutien aux personnes proches aidantes soit représentative, il devrait compter au moins une personne issue de la proche aidance auprès de personnes des quatre catégories suivantes : personnes handicapées, personnes âgées, personnes avec un problème de santé physique et personnes avec un problème de santé mentale. Ce comité devrait aussi comporter au moins un ou une représentante des Premières Nations et Innus.

Le projet de loi prévoit aussi la création d'un observatoire québécois de la proche aidance. Aussi intéressante qu'elle puisse être, cette nouvelle structure risque de faire double emploi avec des ressources déjà existantes, notamment au ministère de la Santé et des Services sociaux. Selon nous, l'observatoire gagnerait à se greffer à une structure déjà existante, telle que le Commissaire à la santé et au bien-être.

Enfin, le Protecteur du citoyen est favorable à ce qu'un nouveau pouvoir d'inspection des résidences privées pour aînés et autres ressources d'hébergement pour clientèles vulnérables, déjà à la disposition des CISSS et des CIUSSS, soit octroyé au ministre de la Santé et des Services sociaux. Cela constitue en effet une protection additionnelle au profit des droits des personnes qui vivent dans ces ressources.

Pour conclure, s'il n'y avait qu'un message à retenir, ce serait celui-ci : Il est urgent de soutenir les personnes proches aidantes quotidiennement, humainement et dès maintenant. Le projet de loi met la table pour un tel soutien, pour autant qu'il permette une prise de décision rapide, adaptée et efficace. Je vous remercie.

• (20 h 30) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé, Mme Rinfret. Nous allons donc débuter la période d'échange avec les membres de la commission, et je me tourne du côté de la ministre. Mme la ministre, vous bénéficiez d'un temps de 16 min 30 s.

Mme Blais (Prévost) : Merci, Mme la Présidente. Mme le protecteur, Mme Rinfret, écoutez, c'est toujours un... c'est plus qu'un plaisir. Quand vous parlez, on a un devoir d'écoute, on a un devoir de dire comment on peut améliorer les choses avec ce que vous dites. Vous êtes indépendante, et cette indépendance-là confère encore plus une crédibilité.

Quand vous parlez, entre autres, de faire des ajouts par rapport... justement, d'ajouter le septième principe directeur, d'«assurer le support approprié aux personnes proches aidantes dans l'accomplissement de leurs tâches au quotidien» et «le développement ou la bonification de programmes de soutien matériel et financier à l'intention des personnes proches aidantes», c'est difficile de ne pas souscrire à ça. C'est pour ça qu'on fait des commissions parlementaires, comment faire en sorte de bonifier les idées que nous avons eues.

Vous savez, on devait déposer une politique, c'était ça, le but, une politique et un plan d'action, et, en cours de route, avec toutes les consultations que nous avons faites, et même avec les Premières Nations et les Inuits pendant trois jours, bien, il y a plusieurs personnes qui nous parlaient d'une loi, et ça fourmillait aussi à l'intérieur de moi, et c'est comme ça que ça arrive.

La politique, il y a beaucoup d'éléments de prêts dans cette politique-là, mais on veut, évidemment, l'arrimer avec la loi. Et la loi, finalement... Vous parliez de la politique de 2003, Chez soi : le premier choix, mais je me dis qu'avec une loi, Mme Rinfret, ça fait en sorte qu'il y a une politique et, nonobstant les gouvernements, il y a l'obligation de maintenir vivante une loi... une politique et de maintenir vivant un plan d'action, d'en faire un rapport à tous les cinq ans, de tenir compte de la santé et du bien-être des proches aidants et de faire évoluer les mesures financières et les autres mesures au niveau de la santé des personnes. Alors, c'est la raison pour laquelle je me dis : C'est porteur; c'est porteur pour le présent, c'est porteur pour le futur. Alors, j'aimerais que vous puissiez commenter ce que je viens de vous dire.

Puis j'aimerais peut-être ajouter, en terminant, que l'observatoire, ce n'est pas vraiment une nouvelle structure. L'observatoire sera, entre autres, entre autres, composé des quatre RUISSS. Donc, ça... On va travailler à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux pour faire en sorte que cet observatoire puisse avoir un regard avec les quatre RUISSS, plus des proches aidants, plus des organismes communautaires, plus des personnes qui vont se joindre à cet observatoire-là, mais ce n'est pas comme si on loue un local, on recommence à zéro. Ça fait que j'aimerais vous entendre là-dessus, maître... Mme Rinfret... Me Rinfret, c'est bien ça.

Mme Rinfret (Marie) : Madame... Oui, est-ce que j'ai la parole?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Tout à fait, tout à fait. Allez-y, on vous écoute.

Mme Rinfret (Marie) : Mme la ministre, écoutez, c'est exactement pour cela qu'on appuie, qu'on accueille positivement le projet de loi n° 56. C'est pour ça également qu'on parle d'un pas dans la bonne direction. Quand je propose d'ajouter un principe directeur, d'ajouter un axe, c'est pour faire en sorte que, vraiment, on soit dans le concret, qu'on agisse en support et qu'on s'attarde aux besoins quotidiens des personnes proches aidantes dans l'élaboration de la politique nationale, dans les plans d'action et dans le suivi de ceux-ci et de leur mise en oeuvre. C'est dans cette philosophie-là qu'on s'inscrit.

Vous le voyez à travers de mon mémoire, il y a, depuis 2003, un glissement sur les services qui sont offerts aux personnes qui sont dans... se retrouvent dans des situations de vulnérabilité en raison d'un handicap, en raison de leur âge, pour toutes sortes de raisons, qui doivent... qui devraient bénéficier de soutien à domicile et qui, en raison de disparités régionales, en raison de coupures de services, n'y ont pas accès. Et c'est vrai aussi pour les proches aidants, qui devraient pouvoir obtenir des services de soutien. Donc, en ce sens-là, le projet de loi...

Vous parliez d'établir une politique, d'encadrer législativement une politique nationale, vous parliez également de la réviser à tous les cinq ans, d'avoir un plan d'action qui en découle. La participation des ministères, des organismes qui doivent graviter autour d'une telle politique, c'est extrêmement important, on le sait. Que chaque ministre responsable en fasse rapport auprès de la ministre ou du ministre responsable, ça aussi, c'est extrêmement important, de sorte que les outils sont là. Le message que je vous passe ce soir, c'est : N'attendons pas que ces outils-là soient tous en place pour agir de manière concrète et offrir le support maintenant aux personnes proches aidantes et aux personnes qui ont besoin de ces proches aidants.

Il y a aussi, je vous dirais, un aspect qui m'importe énormément, c'est la représentativité au sein du Comité des partenaires. Ça, pour nous, c'est important que soient représentées, au sein de ce comité, les quatre catégories de personne qui gravitent autour de la proche aidance et qu'il y ait également une personne, au moins une personne, qui représente les Premières Nations et Inuits, qui vivent des réalités qui sont différentes des nôtres et qui doivent participer à l'élaboration de ces outils qui vont servir au soutien des proches aidants.

Mme Blais (Prévost) : Me Rinfret, j'en prends acte avec un A majuscule. Et, c'est vrai, on les a consultés pendant trois jours, ils étaient de la première consultation, c'est extrêmement important.

Et, vous voyez, c'est amalgamé, hein, la proche aidance avec le soutien à domicile. Je crois que n'importe quel gouvernement, actuellement, au Québec, ne peut pas faire fi de faire en sorte que les personnes puissent rester à domicile le plus longtemps possible. On ne peut plus faire en sorte de seulement développer des places d'hébergement, il faut que les gens puissent vieillir dans leur ville, dans leur village, dans leur milieu, que les personnes avec des limitations fonctionnelles soient en mesure de pouvoir vivre à la maison, et je crois que ce projet de loi là, de reconnaître les proches aidants, vient encore... vient ouvrir une porte et dire : Voilà, les proches aidants vont pouvoir exercer leur solidarité familiale, ou amicale, ou appelons ça comme on veut. Mais en même temps ça va prendre plus de soutien à domicile pour être en mesure de le faire, d'autant plus que le Québec est une société des plus vieillissante à travers le monde. On n'a pas le choix, on n'a pas le choix de passer à côté de ça. Ce n'est pas une question que je vous pose, là, c'est presque, comme on dit en anglais, «a statement», mais je vais laisser mes collègues prendre la parole.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci beaucoup, Mme la ministre. Je vois la députée de Soulanges qui veut utiliser son temps de parole. Il reste, à votre groupe parlementaire, 7 min 22 s.

• (20 h 40) •

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Rinfret. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui, ce soir. J'ai surtout noté que vous avez utilisé souvent le mot «urgent», «rapidement». On l'a vu avec la pandémie actuelle, où les proches aidants ont eu un soutien significatif auprès des personnes aînées.

En fait, je voulais revenir un peu sur la composition du Comité des partenaires. Vous avez ciblé quatre catégories, et puis il y a une d'elles, en fait... Bien, premièrement, j'ai «la santé physique», j'imagine que vous voulez parler de quelqu'un avec une maladie chronique. Et puis j'aimerais vous entendre aussi sur les proches aidants de santé mentale. On en entend peu parler, et c'est très dommage. Mais j'aimerais savoir si vous avez relevé, vous et votre équipe, des situations, si vous pouvez nous en parler un petit peu davantage, sur les projets en santé mentale.

Mme Rinfret (Marie) : Oui, à propos de la santé physique, oui, les maladies chroniques, mais aussi des personnes qui ont subi une opération puis qui retournent à la maison pour leur convalescence.

Et, pour ce qui est du volet santé mentale, pour vous donner des exemples peut-être plus concrets, en fait, très concrets, si vous me le permettez, je donnerais la parole à Mme Cummings, qui m'accompagne.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y. Allez-y, Mme Cummings.

Mme Cummings (Pauline) : D'accord. En fait, les problématiques qu'on a retrouvées au niveau de la santé mentale à l'intérieur des plaintes qu'on reçoit, au Protecteur du citoyen, ça concerne beaucoup les personnes qui ont une problématique de santé mentale et qui peinent à se maintenir à domicile soit pour faire... par exemple, entretenir leur propre personne ou encore entretenir leur maison. Et souvent ce qu'on a remarqué dans nos plaintes, c'est que ces personnes-là ne sont souvent pas prises en charge par les services de soutien à domicile parce que, physiquement, ils seraient capables de répondre à leurs besoins, mais c'est psychologiquement qu'ils n'y arrivent pas. Et souvent les proches aidants de ces personnes-là se retrouvent complètement démunis parce qu'ils crient à l'aide et ont de la difficulté à faire reconnaître les besoins de leurs proches, et, à ce moment-là, bien, forcément, c'est souvent les proches aidants qui doivent compenser pour le manque de services, le manque de soutien à ces personnes-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme Cummings. Je reconnais le député de Beauce-Sud, et le temps restant pour votre groupe parlementaire est de 4 min 36 s.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Rinfret, Mme Cummings. Merci pour les travaux que vous avez accomplis pour votre mémoire, mais également pour les travaux que vous nous avez présentés la semaine dernière à l'Assemblée nationale du Québec. Je sais que c'est énormément de travail, énormément d'efforts, mais on doit aussi avoir un oeil qui est vigilant et qui est toujours vigilant au nom de nos aînés et de nos proches aidants, et moi, je le répète à tout le monde.

Puis j'étais en train de regarder des commentaires, sur Facebook, de certains citoyens — puis là j'en parle avec un élan du coeur — qui semblent n'être pas conscients de l'importance, dans cette pandémie-là, de prendre soin de nos aînés au Québec, à quel point c'est important, à quel point c'est fondamental, puis qu'on a tous une part de responsabilité, et ça passe, évidemment, par les hôpitaux et les CHSLD, mais dans la vie de tous les jours, en suivant les consignes. Alors, c'était ma petite parenthèse, mais je pense que, comme Protecteur du citoyen — puis je sais que vous recevez de nombreux appels et de nombreux courriels — n'hésitez pas à rappeler aux gens les consignes de la Santé publique, je pense que c'est fondamental.

Je veux vous entendre parler de la trajectoire pour les proches aidants, parce que, on le disait tout à l'heure, dans les interventions précédentes, se reconnaître comme proche aidant, ça peut être un défi important, surtout dans la quarantaine, dans la cinquantaine, où la maladie peut apparaître de façon prématurée, et là on se dit : Je m'en vais où? Je vais cogner à quelle porte? Est-ce que je m'en vais cogner au CLSC parce que j'ai déjà une évaluation? Est-ce que... On pense déjà au soutien à domicile, à la demande de soutien à domicile, et c'est eux qui vont nous dire si on est un proche aidant. Est-ce qu'on se tourne... Puis, grâce au leadership de la ministre des Aînés et des Proches aidants, on est en train d'ouvrir des maisons de répit puis on est capables de travailler avec les maisons de répit à se faire reconnaître et à s'accepter comme proches aidants. Pour vous, quel est le meilleur endroit, quelle est la meilleure porte pour les proches aidants, dans l'évaluation que vous en faites, présentement?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Écoutez, pour nous, la meilleure porte, ce serait vraiment le CLSC, c'est l'endroit où on prend en charge, à toutes fins utiles, là, les besoins de la personne aidée et, conséquemment, du proche aidant.

M. Poulin : Est-ce qu'une fois que vous... que cette personne-là est prise en charge, donc, par le CLSC, est-ce que la trajectoire est suffisamment claire? Évidemment que ça dépend de la situation de la personne qui est aidée, de la situation de sa maladie — l'alzheimer et un problème physique n'est pas nécessairement le même besoin — mais est-ce que, selon vous, c'est assez clair? Est-ce que le soutien est assez constant ou suffisant?

Mme Rinfret (Marie) : Bien, si vous me le permettez, Mme la Présidente, je laisserais la parole à Mme Cummings pour qu'elle puisse être en mesure, vraiment, de répondre très précisément à la question posée.

M. Poulin : Tout à fait.

Mme Cummings (Pauline) : M. le député, alors, voilà, il n'y a pas de trajectoire précise en ce qui concerne le proche aidant. Il y a certaines trajectoires de déjà établies par ce qu'on appelle les groupes clientèles, les programmes services, et souvent c'est là que le bât blesse parce qu'il faut soit rentrer dans une certaine case pour avoir accès à différents services, alors... Il y a un retour de son.

M. Poulin : On vous entend.

Mme Cummings (Pauline) : O.K., O.K. Ça va. Donc, ce que je disais, c'est que, souvent, la difficulté de la trajectoire, c'est, un, de tomber sur sur la... La porte d'entrée, ça reste toujours le CLSC, et c'est là que la personne doit s'adresser en premier lieu pour obtenir les services. Évidemment, bon, si c'est une personne âgée, elle tombe dans une certaine trajectoire, si c'est une personne handicapée, c'est une autre trajectoire, si c'est un enfant, si c'est un adulte, etc. Effectivement, il y a plusieurs trajectoires au niveau des programmes services, et c'est souvent là... et, dépendamment des programmes services, ils sont de plus... ils sont... ils peuvent être différemment pourvus, je dirais, en termes de services. On sait qu'il y a certaines catégories de problématiques qui sont peut-être un petit peu mieux... dont la trajectoire est un peu mieux définie, d'autres où c'est un petit peu plus compliqué, mais ce qui concerne la personne proche aidante, elle doit s'adresser d'abord et avant tout à son CLSC.

Ce que nous, on souhaiterait voir et qu'on demande depuis plusieurs années, c'est peut-être un allègement, là, des critères de façon à ce que les services soient offerts selon les besoins et non nécessairement selon un diagnostic précis ou une petite case particulière dans laquelle la personne doit rentrer pour accéder aux différents services.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Cummings.

M. Poulin : Je prends note, certainement. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle avec la députée de Fabre. Votre temps est de 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Rinfret, Mme Cummings, c'est un plaisir de vous entendre. Je vous dirais que c'est essentiel de vous entendre, bien honnêtement. Vous amenez... en cette fin de soirée, vous amenez l'éclairage qu'il nous faut pour poursuivre nos travaux parce que vous nous ramenez à l'essentiel, vous nous ramenez à ce que vivent les proches aidants. Et vous faites très bien de nous dire à quel point c'est important qu'il y ait ce principe directeur qui soit ajouté. C'est important de remettre au coeur du projet de loi l'action directe, rapide qui doit être déployée de façon urgente et aussi faire en sorte que nous ne nous retrouvons pas devant des structures qui vont se mettre en place puis qui vont reporter le déploiement d'actions très concrètes. Alors, merci pour ce rappel du message si important.

On est tous dans la vertu de vouloir augmenter le soutien à domicile et de vouloir y travailler, mais j'ai le goût d'y aller très concrètement, parce que je sais que vous êtes dans cet horizon-là. J'aimerais vraiment adresser chacune des questions, chacun des points d'aide directe et d'aide financière que vous nommez comme essentiels. Vous êtes témoin... vous êtes un témoin privilégié de ce que les proches aidants et les aînés ont à vous dire dans les plaintes que vous recevez et dans le portrait que vous avez. Alors, si vous me le permettez, j'aimerais y aller point par point et vous entendre de façon plus précise. À quoi ça pourrait ressembler, une augmentation, une amélioration, de façon très concrète, si on mettait ça dans votre principe directeur, dans ce projet de loi?

Alors, allons-y avec un premier point, les services offerts. Alors donc, présentement, qu'est-ce que vous recevez comme information? Qu'est-ce que les proches aidants, les aînés vous disent? Est-ce que les services offerts... Puis on comprend bien que le soutien à domicile n'est pas suffisant, mais est-ce que vous avez d'autres détails à nous donner pour penser vraiment à rehausser les services qui sont présents pour eux?

• (20 h 50) •

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour répondre de manière plus... bien, le plus concrètement possible, là, je vous dirais, actuellement, on est avec une politique de 2003. L'offre de services... et on l'a demandé depuis plusieurs années, d'actualiser l'offre de services de la politique de soutien à domicile, de la faire connaître, cette offre de services là, tant auprès des établissements, donc des CISSS et des CIUSSS, qu'auprès des personnes qui peuvent en bénéficier.

On demande également, cette année... on recommande également, cette année, au ministère de la Santé et des Services sociaux d'explorer, de voir avec chacun des établissements la disparité régionale des services qui sont offerts sur tout le territoire québécois et de faire en sorte, également, de mesurer l'écart entre les services qui sont offerts en vertu... en application de la politique par rapport aux coûts d'un hébergement en CHSLD, qu'on évalue à peu près à 65 000 $, là, c'était dans l'étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux il y a de cela deux ans. Donc, déjà, avec ça, là, on serait capables de voir jusqu'où on peut aller, de faire connaître l'offre de services pour faire en sorte d'harmoniser, sur tout le territoire du Québec, de rendre accessibles, sur tout le territoire du Québec, des services de soutien à domicile et également les ressources d'hébergement adaptées pour des personnes qui vivent des situations particulières.

Et là je pense aux personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle et trouble du spectre de l'autisme, des personnes qui se retrouvent avec un trouble grave de comportement, qui souvent n'ont aucune ressource d'hébergement proche de leur domicile, dans leur région, on les place — puis j'utilise le mot «placer» entre guillemets — en attendant, dans des ressources intermédiaires. On se retrouve avec du pairage de personnes dont les profils sont incompatibles, et ça, ce que ça fait sur les proches aidants, ça met une pression incroyable. D'abord, un, les gens sont obligés, quand ils veulent aller visiter leur aidé, leur personne aidée... ça peut être très loin, ça peut prendre... le transport peut être extrêmement difficile. Également, la personne aidée peut très bien, six mois plus tard, bien, se faire retirer de la ressource parce que son cas était trop lourd pour cette ressource, elle retourne à domicile, donc on a un épuisement, également, des proches aidants.

Donc, ce sont là des exemples qui sont très concrets, des situations que l'on décrit dans notre dernier rapport annuel d'activité qui sont très concrètes et qui commandent des gestes immédiats pour corriger la situation et offrir aux personnes... tant aux personnes aidées, je dirais, le service auquel ils ont droit, mais également aux personnes aidées, le répit auxquelles elles ont droit, de pouvoir être convaincues que leur personne aidée est à la bonne place, obtient les services auxquels elle a droit, avoir le répit pour lui permettre, à elle ou lui, de pouvoir, bien, ma foi, retourner auprès de la personne et continuer à la soutenir.

Mme Sauvé : Mme Rinfret, merci pour cet éclairage. On parle toujours de services offerts, je voulais juste amener, peut-être, un petit point d'information. Vous avez parlé, tantôt, de 65 000 $ par place en hébergement. Selon les données du ministère, on est maintenant à 92 238 $ par place. Je voulais vous ramener un peu avec la situation que vous avez, bien sûr, nommée, exprimée, ce que vous avez vu, ce que les gens vous ont dit par rapport à la situation de la première vague. Est-ce que... dans les services offerts pour nos proches aidants à travers le Québec, est-ce qu'on ne doit pas prévoir un soutien psychologique, une offre de services nouvelle qui permet de soutenir davantage les proches aidants à ce niveau-là?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, on a justement un cas qui est présenté dans notre rapport annuel d'activité où, justement, une personne proche aidante demandait, auprès de son CLSC, du soutien en psychologie, et le soutien lui a été refusé d'emblée par le CLSC, puisque l'infirmière pivot lui indiquait que seulement les personnes aidées peuvent profiter des services de la politique du soutien à domicile. Et, ma foi, heureusement, la personne proche aidante a fait appel à nous, et nous sommes intervenus auprès de l'établissement, les rappels ont été effectués, et la personne a obtenu le service auquel elle avait droit. Donc, tous les services de soutien psychologique sont déjà offerts. Et c'est pour ça que je vous disais, au départ, de faire connaître les services qui sont offerts par cette politique-là, tant auprès des personnes aidées que pour les personnes qui aident ces personnes-là, ce serait, déjà là, un très grand pas pour leur permettre de connaître tous les services dont ils peuvent profiter pour avoir le répit dont ils ont besoin et pouvoir continuer à supporter les personnes qu'elles aident.

Mme Sauvé : Combien de temps me reste-t-il?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste encore deux minutes.

Mme Sauvé : Alors, je vais terminer avec une question rapide. Vous avez... On a parlé, tantôt, du soutien à domicile, le besoin qui est de plus en plus grand. Est-ce que vous entendez qu'il y a effectivement des trous de services, la continuité, aussi, de services entre une légère perte d'autonomie, par exemple, et puis, vraiment, des problèmes qui nécessitent des soins de santé? Est-ce que vous entendez ces parcours-là, qui nomment très clairement à quel point il faut régler les deux aspects, les trous de services et aussi la continuité de services tout au long du parcours de perte d'autonomie de l'aîné et du proche aidant qui l'accompagne?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Vous parlez de coupures de services, oui, bien sûr, on en a aussi des exemples, de coupures d'aide pour aller faire l'épicerie, par exemple, pour une personne qui en avait absolument besoin et dont, justement, le travailleur social recommandait auprès du CLSC de poursuivre ce service-là. Ça a été coupé, la personne a fait appel à nous, le service a été maintenu à la suite de notre intervention. Donc, coupures de services, mais aussi diminution de l'intensité des heures accordées, ça aussi, c'est quelque chose qu'on voit beaucoup, je vous dirais, que ce soit pour répartir l'allocation des ressources humaines ou financières au plus grand nombre de personnes, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui nécessitent des services d'aide à domicile. L'enveloppe budgétaire n'est pas nécessairement plus grande, et les ressources humaines pour offrir ce service-là ne sont pas nécessairement toutes au rendez-vous. Donc, on redistribue cette offre-là, et donc il y a une diminution dans l'intensité, et, à ce moment-là, bien, qui écope de cela? Bien, ce sont les proches aidants.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Rinfret. Nous sommes maintenant rendus au troisième groupe d'opposition, et je reconnais le député de Rimouski. M. le député, vous avez 2 min 45 s.

M. LeBel : Merci. Ça va bien finir la journée. Bonsoir, tout le monde. J'ai écouté votre rapport, Mme la protectrice, puis je comprends, avec les éléments que vous avez sortis la semaine passée... je comprends qu'aujourd'hui vous être un peu inquiète de voir, par rapport à l'imputabilité... de voir plusieurs comités qui sont mis en place, beaucoup de choses autour de la quincaillerie puis peut-être un peu moins dans l'action.

Il y a un comité consultatif, un comité des partenaires, l'observatoire, qui vont faire des rapports au ministre, un ministre qui va se donner un plan sur cinq ans, mais qui va faire un rapport annuel sur Internet. Est-ce que vous pensez qu'on ne pourrait peut-être pas resserrer ça? Est-ce que les comités, tant qu'à les avoir, pourraient rendre publics leurs rapports, que la population voie, que les chercheurs puissent avoir accès à ces données-là? Est-ce que le rapport annuel du ministre ne pourrait pas être déposé à l'Assemblée nationale, qui serait plus... se rendrait plus imputable? Est-ce que vous pensez qu'il y a des choses comme ça qui pourraient être faites dans le projet de loi?

Mme Rinfret (Marie) : Certainement. Moi, je pense que c'est une question de reddition de comptes, de transparence. Je pense que chaque... bon, chaque comité est imputable, a sa fonction, a son rôle et ses responsabilités. Maintenant, c'est à voir, est-ce que ce doit être la ou le ministre qui dépose son rapport à l'Assemblée nationale ou encore, en même temps qu'elle dépose son rapport à l'Assemblée nationale, déposer en annexe les rapports des comités? Écoutez, tout peut être possible, là. C'est vraiment une question de transparence et, comme vous dites si bien, d'imputabilité.

Mais je vous redis, et vous l'avez soulevé d'emblée, au-delà de la mise en place des comités et de l'observatoire, le cas échéant, pour l'élaboration d'une politique nationale, il faut mettre en place par des gestes concrets et tenir compte très concrètement des besoins des personnes proches aidantes.

M. LeBel : O.K. J'avais lu, dans le projet de loi, que c'étaient des rapports Internet, mais la ministre me fait signe qu'il y aura un dépôt à l'Assemblée nationale. On regardera ça comme il faut. Ça serait dans le bon sens des choses. Merci. Merci, madame.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Merci beaucoup, Mme Rinfret, merci, Mme Cummings, c'était un plaisir de vous recevoir. Merci de l'apport que vous apportez à nos travaux.

Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 30 septembre, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 21  h 01 )

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